Chronique des activités archéologiques de
l’École française de Rome
Balkans | 2018
Bunje (Novo Selo, Croatie), campagnes 2017-2018
Emmanuel Botte, Audrey Bertrand, Kristina Jelinčić, Nicolas Leys et
Antoine Boisson
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/cefr/2419
ISSN : 2282-5703
Éditeur
École française de Rome
Référence électronique
Emmanuel Botte, Audrey Bertrand, Kristina Jelinčić, Nicolas Leys et Antoine Boisson, « Bunje (Novo
Selo, Croatie), campagnes 2017-2018 », Chronique des activités archéologiques de l’École française de
Rome [En ligne], Balkans, mis en ligne le 23 janvier 2019, consulté le 24 janvier 2019. URL : http://
journals.openedition.org/cefr/2419
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© École française de Rome
Bunje (Novo Selo, Croatie), campagnes 2017-2018
Bunje (Novo Selo, Croatie),
campagnes 2017-2018
Emmanuel Botte, Audrey Bertrand, Kristina Jelinčić, Nicolas Leys et
Antoine Boisson
NOTE DE L'AUTEUR
Avec la collaboration de Léo Cagnard (université Montpellier 3) ; Jere Drpić (Musée de
Varaždin) ; David Ilić (université de Zagreb) ; Ivana Ožanić (Institut archéologique de
Zagreb) ; Alexia Rozak
Introduction
1
Le chantier de Bunje sur l’île de Brač constitue la première étape d’un programme
portant sur les villae de l’Adriatique orientale, conduit par E. Botte (centre CNRS),
A. Bertrand (université Paris-Est Marne-la-Vallée) et K. Jelinčić (Institut Archéologique de
Zagreb) et intitulé « Recherches sur l’exploitation économique de la Dalmatie à l’époque
romaine (IIe s. av. J.-C. – IIe s. apr. J.-C.) ». L’intention des auteurs de ce projet est de
mesurer, à travers des opérations de fouilles et de prospections, l’impact économique de
la présence romaine en Dalmatie.
2
La première campagne menée en 2015 sur le site de Bunje (commune de Novo Selo) sur
l’île de Brač était destinée à obtenir une vision d’ensemble de l’ampleur du site et de l’état
de préservation de ses vestiges. Il en était ressorti un site assez étendu (les vestiges
couvrant un espace de près de 15000 m2, et la villa couvrant à l’intérieur de celui-ci près
de 2500 m2) et dont les structures sont dans l’ensemble assez bien conservées, ce qui
confirme les observations effectuées lors d’un premier rapport mené par K. Jelinčić en
20121. Le site est inscrit au registre des monuments culturels sous le numéro 486, et
protégé en tant que tel auprès de la Surintendance de Split par décision du
26 septembre 1979 (sous le numéro 17/41-1979).
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Les opérations menées sur ce site s’inscrivent dans une recherche plus large visant à
clarifier les mécanismes et la chronologie de l’occupation du territoire de la Dalmatie
centrale en amont et en aval de la conquête romaine à la fin de la période tardorépublicaine. Au sein de cette problématique, les fouilles de la villa de Bunje nous
permettront de déterminer le cadre historique et environnemental qui accueille cette
structure, ainsi que l’organisation de sa production (fig. 1).
Fig. 1 – Carte de situation de l’île de Brač et de la commune de Novo Selo.
© Googlemaps.
4
En 2016, la campagne nous avait permis de faire des avancées significatives dans la
compréhension du plan de la villa, en faisant apparaître la partie résidentielle (pars
urbana) et la partie productive (pars rustica) de part et d’autre part d’une grande cour
centrale. Nous avions notamment mis au jour les thermes de la villa dans la partie sudouest, tandis que dans la partie productive les premiers espaces dédiés à la production
d’huile d’olive avaient été appréhendés. Durant cette campagne, nous avions également
pu découvrir les limites occidentale et méridionale de la villa.
5
La campagne d’avril 2017 était destinée à mettre au jour l’ensemble de la partie
résidentielle de la villa, notamment dans sa partie septentrionale, tout en cherchant les
traces possibles des premiers états de la villa. Nos vœux n’ont été que partiellement
exaucés car si nous avons pu effectivement découvrir le plan de la pars urbana au nord des
thermes, son état de conservation très dégradé n’a livré pratiquement aucune
stratigraphie, nous privant alors d’un phasage historique de l’occupation de cette partie
du site. Néanmoins, la poursuite des dégagements à l’est des thermes, en direction de la
cour centrale, nous a apporté des résultats plus satisfaisants. Ils nous ont notamment
permis d’intercepter des niveaux d’occupation passant sous les murs de la villa telle
qu’elle est actuellement visible, et comportant du mobilier qui nous a permis de
confirmer qu’il existait bien une première installation datable de la seconde moitié du I er
siècle de notre ère, sans doute de l’époque flavienne.
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Déroulement et objectifs des campagnes
d’octobre 2017 et avril 2018
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Les campagnes de fouilles se sont respectivement tenues du 9 au 20 octobre 2017, et du
16 avril au 3 mai 2018, sous la direction d’E. Botte, A. Bertrand et K. Jelinčić Vučković.
L’équipe de fouille était constituée d’A. Boisson, L. Cagnard (université Montpellier 3),
J. Drpić (Musée de Varaždin), D. Ilić (université Zagreb), N. Leys (université Paris 4),
I. Ožanić (Institut archéologique de Zagreb) et A. Rozak.
7
Les campagnes ont été financées par l’École française de Rome, le ministère de l’Europe et
des Affaires étrangères, le Centre Camille Jullian, le ministère de la Culture de Croatie et
la municipalité de Selca. Les mobiliers en cours d’étude et ceux considérés comme
importants pour la datation et l’histoire du site ont été consignés à l’Institut
archéologique de Zagreb. L’étude archéozoologique est réalisée par Siniša Radović
(Académie des sciences et des arts à Zagreb) ; l’étude anthracologique par Christophe
Vaschalde (université Montpellier 3) ; l’étude paléobotanique par Margaux Tillier
(université Montpellier 3) ; l’étude micro-morphologique des sols par Cristiano Nicosia
(université de Padoue) ; l’étude du verre par Bartul Siljeg (Institut archéologique de
Zagreb) ; les études anthropologiques par Mario Novak (Institut d’anthropologie de
Zagreb) ; les études numismatiques par Anja Bertol (université de Zagreb) ; les analyses
chimiques par Nicolas Garnier (Laboratoire Nicolas Garnier). N. Leys, responsable de la
photogrammétrie sur le site, a fait une modélisation 3D du site et des principaux blocs de
pierre. Les relevés topographiques et les plans ont été réalisés par K. Jelinčić Vučković.
L’étude du mobilier céramique a été réalisée par E. Botte et les dessins par A. Boisson.
8
Les objectifs de ces missions étaient concentrés respectivement sur la fin de la partie
résidentielle de la villa (octobre 2017) et sur sa partie productive (avril-mai 2018). Nous
souhaitions en effet découvrir la suite de l’organisation des espaces découverts en 2016
par rapport au reste de la pars urbana, en dégageant notamment l’ensemble du secteur 5
et observer son articulation avec le secteur 6 situé de l’autre côté de la cour centrale.
Ainsi il était envisagé de relier ces deux secteurs pour en comprendre la disposition par
rapport à la cour centrale, mais également d’ouvrir un sondage au sud du grand mur
méridional de la villa (MR 6009) pour comprendre l’articulation entre cette dernière
d’une part et le grand sarcophage et l’espace dans lequel il était installé d’autre part.
9
Du côté de la pars rustica (secteurs 6 et 8), les objectifs étaient à la fois de comprendre son
organisation mais également d’être en mesure d’identifier les productions réalisées et de
pouvoir commencer à les replacer dans le phasage général de la villa.
10
Une grande partie du travail de ces campagnes a consisté à démanteler les murs
modernes à l’aide d’une pelle mécanique mise à disposition par la mairie de Selca. En
effet, le site ayant fait l’objet de cultures agricoles depuis près d’un siècle, les différentes
générations ont constitué sur le site de grands amas de pierres (gomila) pouvant atteindre
près de 2 m de hauteur, et qui gênaient considérablement la lecture du site dans son
ensemble. Bien entendu une grande partie de ces amas de pierres et du mobilier
archéologique qui s’y trouve correspond au démantèlement des structures
archéologiques de la villa antique. De ce fait, le démontage de ces structures est réalisé
systématiquement en présence de plusieurs membres de l’équipe, le mobilier conservé et
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les pierres travaillées mises de côté en vue de la restauration du site et de sa présentation
au public lorsque les fouilles seront achevées (fig. 2‑3).
Fig. 2 – Vue du site par drone au début de la campagne.
Cl. E. Botte.
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Fig. 3 – Plan de la villa avec les secteurs fouillés (situation avant la fouille).
K. Jelinčić.
Résultats
Secteur 3
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Le secteur 3, situé au sud du grand mur de limite méridionale de la villa (MR 6009), n’avait
pas encore fait l’objet d’une exploration poussée. Nous l’avions créé en 2015 car s’y trouve
un sarcophage, largement pillé et exposé aux intempéries depuis près d’un siècle, que sa
typologie permet de dater du Ve siècle de notre ère2. Il appartient à la catégorie des
sarcophages que l’on trouve en grande quantité sur le site de Salona, et dont on sait
désormais qu’ils provenaient en grande partie des carrières de l’île de Brac. Nous avons
décidé cette année d’effectuer un sondage autour de cette structure pour déterminer son
implantation par rapport à la villa romaine (fig. 4).
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Fig. 4 – Indication des principales unités stratigraphiques du Secteur 3.
Cl. E. Botte et K. Jelinčić.
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Le sarcophage était pris dans une épaisse végétation dans laquelle était surtout visible
l’acrotère de l’angle nord-ouest du couvercle, portant un monogramme chrétien (fig. 5).
Dans cette végétation nous avons pu mettre au jour un fragment du couvercle du
sarcophage (situé au sud de la cuve) portant une croix gravée sur la face sud mais dans un
mauvais état de conservation. On observe un exemple identique sur l’acrotère du
sarcophage découvert à Trišćenik, au sud-est de Dračevica3. Bulić écrit en 1914 qu’il y
avait un autre acrotère portant un monogramme chrétien qui aurait été transporté au
Musée archéologique de Split (no 439, CAT D), mais celui-ci est aujourd’hui introuvable4.
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Fig. 5 – Monogramme chrétien sur l’acrotère nord-est du couvercle du sarcophage 3002.
Cl. E. Botte.
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Le sondage réalisé autour du sarcophage nous permet de proposer un phasage général du
secteur 3. Il apparaît ainsi qu’il existait un espace contemporain de la villa romaine des II e
-IIIe siècles de notre ère, mais pour lequel nous ne disposons pas d’éléments suffisants
pour en déterminer la fonction. Situé à l’extérieur de la villa, rien n’empêche de
considérer qu’il ait pu s’agir de dépendances, ou d’un espace qui aurait déjà eu une
vocation funéraire. On peut dater de cette période les murs MR 3009 et 3014. Il existait à
cette période une ouverture dans le mur MR 3014, qui sera plus tard bouchée par le mur
MR 3015.
14
C’est dans cet espace qu’est installée la cuve du sarcophage 3003. Sans doute pour éviter
un affaissement du terrain en raison de son poids, un niveau de grands blocs de calcaire a
été disposé comme lit de pose pour recevoir la cuve (US 3019) (fig. 6). L’ensemble de la
pièce est alors doté d’un sol en béton (SL 3017) reposant sur le ressaut de fondation des
murs MR 3009 et 3014 et venant au contact des blocs du lit de pose 3019 et de la cuve du
sarcophage 3003 (fig. 7).
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Fig. 6 – Vue depuis le sud-ouest des blocs (US 3019) du lit de pose de la cuve du sarcophage 3003.
Cl. E. Botte.
Fig. 7 – Vue depuis l’est du sol SL 3017 dans la pièce où se trouvait le sarcophage.
Cl. K. Jelinčić.
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À une période que l’on ne peut fixer au plus tôt qu’au cours du Ve siècle, mais après
l’installation du sarcophage, le bouchage MR 3015 est construit au nord du mur MR 3014,
indiquant que l’accès à cet espace s’effectuait par une autre ouverture. Les murs MR 3010
et 3011 sont alors construits à l’angle nord-est du mur MR 3009. Il est en tout cas clair que
cet espace est toujours fréquenté, car un enduit de bonne qualité est appliqué sur
l’ensemble des murs cités, créant ainsi un ensemble homogène. C’est dans ces niveaux
contemporains de réaménagements que nous avons mis au jour un contorniate à l’effigie
de Trajan, médaillon commémoratif frappé dans un atelier privé au IVe ou V e siècle5 (
fig. 8‑9).
Fig. 8 – Avers du contorniate à l’effigie de Trajan.
Cl. E. Botte.
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Fig. 9 – Revers du contorniate à l’effigie de Trajan.
Cl. E. Botte.
Secteur 5
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Les opérations dans le secteur 5 étaient ciblées sur deux zones. D’une part, nous
souhaitions identifier la structure apparaissant à l’ouest du mur des thermes MR 5003 ;
d’autre part nous souhaitions observer la nature des vestiges à l’est des thermes, afin de
comprendre l’articulation avec la cour centrale et par conséquent la pars rustica de la
villa.
17
Contre le parement ouest du mur MR 5003 était visible depuis les premiers relevés du site
effectués en 2015 un enduit en béton de tuileau dont la destination n’était pas assurée.
Nous avons donc ouvert un sondage depuis l’angle sud-ouest de la villa (angle des murs
MR 5001 et 5003) jusqu’au parement externe de l’abside ABS 5011. Il en est sorti une
seconde abside des thermes, mais dans un état de conservation assez déplorable (
fig. 10‑11). On peut néanmoins établir que l’on y accédait par une marche dans l’angle
nord-est dont l’arrachement est encore visible, et que ce bassin, comme l’ensemble des
bassins recevant des liquides, que ce soit pour le stockage (citernes), le loisir (bassins des
thermes) ou la production (bassins de récolte de l’huile et du vin, fouloirs), était équipé
d’un sol en mosaïque. La raison de ce mauvais état de conservation est due au fait que ce
bassin a été perforé durant l’Antiquité tardive par l’installation d’une tombe en
inhumation. Cette sépulture ne contenait pas, ou plus car elle était très endommagée, de
mobilier datant, hormis une boucle de ceinture. L’étude anthropologique de Mario Novak
a révélé que la sépulture contenait en fait 4 individus, puisque l’étude a mis en évidence
qu’il y avait 4 fragments de cuisse droite et 4 os pelviens droits. Leur étude a démontré
que dans la sépulture se trouvaient 4 enfants, l’un âgé de 6 mois, deux d’environ 1 an et
demi à 2 ans, et un dernier de 3 à 4 ans (fig. 12‑13).
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Fig. 10 – Vue de l’abside ABS 5074 du secteur des thermes (secteur 5).
Cl. E. Botte.
Fig. 11 – Vue depuis l’ouest de l’abside ABS 5074 du secteur des thermes (secteur 5).
Cl. E. Botte.
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Fig. 12 – Vue du premier squelette (SQ 5096) de la sépulture SP 5084 du secteur des thermes
(secteur 5).
Cl. E. Botte.
Fig. 13 – Vue du second squelette (SQ 5106) de la sépulture SP 5084 du secteur des thermes
(secteur 5).
Cl. E. Botte.
18
Les autres travaux menés dans le secteur 5 concernaient la partie située à l’est des
thermes dégagés en 2016. Les opérations ont surtout consisté à enlever à l’aide d’une
pelle mécanique l’énorme amas de pierres qui atteignait près de deux mètres de hauteur
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par endroits. Il en est sorti un grand espace de 10,6 m sur 6,8 m, doté d’un pilier central (
fig. 14), avec une porte bouchée sur son côté nord. Le dégagement de ce secteur nous a
également permis de découvrir un décroché dans lequel se trouve un passage également
bouché (US 5057), qui doit constituer l’entrée dans l’espace thermal (fig. 15).
Fig. 14 – Vue de la pièce à pilier située à l’est des thermes.
Cl. E. Botte.
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Fig. 15 – Vue depuis l’ouest du passage bouché (US 5057) donnant accès à l’espace thermal.
Cl. E. Botte.
19
Dans la pièce équipée d’un pilier central, la fouille commencée en octobre 2017 et
poursuivie en avril 2018 a permis de révéler des niveaux archéologiques passant sous les
murs de la villa telle qu’elle est actuellement visible, et sous ces niveaux se trouvaient des
murs plus anciens (fig. 16). C’est une donnée très importante pour l’histoire du site car
jusqu’à présent, même si du mobilier ancien apparaissait de manière résiduelle, nous
n’étions pas en mesure de projeter la nature de cette occupation antérieure. Grâce aux
murs qui ont été découverts, et au mobilier qui les recouvrait, nous sommes désormais en
mesure de proposer l’existence d’une première installation, bien plus modeste dans ses
dimensions, sans doute construite durant l’époque flavienne. Le mobilier découvert dans
les niveaux recouvrant ces murs arasés est datable des premières décennies du II e siècle
de notre ère, notamment plusieurs types de sigillée africaine, ce qui nous permet de dater
un grand remaniement et agrandissement du site dans le second tiers du II e siècle de
notre ère.
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Fig. 16 – Vue des murs de la première phase d’occupation apparus dans la salle à pilier.
Cl. E. Botte.
Secteur 6
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Les opérations dans le secteur 6 ont été brièvement entamées en octobre 2017 tandis
qu’elles ont occupé une partie de l’équipe durant toute la campagne d’avril-mai 2018. En
octobre 2017, les dégagements à la pelle mécanique des niveaux superficiels de pierres
avaient permis d’apercevoir que le mur nord de la pièce à pilier continue vers l’ouest et
donne sur une grande ouverture. Il faut donc en déduire que la cour centrale ne séparait
pas complètement la pars urbana de la pars rustica mais que la villa était sans doute
aménagée selon un plan en U. Ainsi sur tout le flanc sud de la villa se trouvaient d’ouest
en est les thermes, puis un grand espace comportant le moulin destiné à écraser les olives
avant de les emmener au pressoir. Nous chercherons à le vérifier durant les campagnes
de 2019, mais il est probable que ce grand espace ait été destiné à recevoir les olives une
fois récoltées et dans l’attente que leur processus de transformation ne débute.
21
En avril-mai 2018, nous avons consacré une partie de la campagne à ce secteur, qui nous a
permis de grandement progresser sur la compréhension de l’organisation de la pars
rustica. Cet espace, comme le secteur 8, se trouvant lui aussi sous de grands tas de pierres
comme les secteurs de la partie résidentielle de la villa, nous n’espérions pas obtenir
beaucoup de données puisque dans ce dernier la stratigraphie était quasi inexistante. Il
s’avère que dans cette partie de la villa, les pierres ont été jetées directement sur les
structures antiques, sans que celles-ci aient été trop fortement récupérées ou détruites
avant. Nous avons ainsi pu découvrir un grand fouloir à vin dans un état de conservation
plutôt satisfaisant (fig. 17).
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Fig. 17 – Vue de l’espace du fouloir dans le secteur 6.
Cl. E. Botte.
22
Le fouloir est un grand espace mosaïqué de 3,80 m sur 3,30 m, qui était équipé en son
centre d’une canalisation en calcaire qui menait le jus du foulage au pied dans un espace
situé à l’ouest qui sera exploré durant la campagne d’octobre 2018. La partie nord du
fouloir est très bien conservée tandis que sa partie sud a presque totalement disparu.
Dans la partie nord, deux supports de poteaux en bois sont encore préservés (fig. 18), ce
qui n’est pas sans rappeler les images de foulage qui nous sont parvenues sur décors de
mosaïque.
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Fig. 18 – Vue depuis l’est du fouloir et de sa canalisation.
Cl. K. Jelinčić.
23
L’autre élément important dans ce secteur est qu’il apparaît en coupe qu’un bassin en
béton de tuileau se trouve sous le fouloir, et qu’il était lui aussi équipé sur son côté sud de
supports de poteau, ce qui nous incite à considérer qu’il s’agit d’un fouloir d’une première
phase de la villa (fig. 19). Nous sommes ainsi tentés de considérer que le vin a constitué la
première denrée produite sur le site, avant l’huile d’olive. Cela n’est pas surprenant pour
plusieurs raisons : la première est que l’obtention d’un rendement avec la vigne est
beaucoup plus rapide qu’avec l’olivier, de quelques années pour la première à au moins
une décennie pour le second ; la seconde raison est qu’il s’agit d’un schéma que l’on peut
observer en plusieurs points de la Méditerranée antique, notamment en Gaule et dans la
péninsule Ibérique, où les premiers Romains venus s’installer dans de nouveaux
territoires débutent par la vigne pour obtenir relativement rapidement une production
fournissant un surplus vendable, tandis que les oliviers sont plantés dans la foulée mais
sans que l’on puisse en attendre un rendement avant au moins une dizaine à une
quinzaine d’années.
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Fig. 19 – Vue depuis l’ouest du fouloir en béton de tuileau antérieur au fouloir mosaïqué installé
dans une seconde phase.
Cl. K. Jelinčić.
Secteur 8
24
Situé au nord du secteur 6 et contre la paroi sud des citernes, le secteur 8 a également
livré des vestiges dans un état de conservation que nous ne soupçonnions pas. Tout
d’abord à l’angle sud-ouest de la citerne occidentale (CT 10011) est apparu un bassin très
endommagé en béton de tuileau, dont nous supposons qu’il a servi à recevoir l’eau des
citernes. Dans les niveaux qui comblaient cette structure, nous avons mis au jour un basrelief représentant un phallus (fig. 20), ce qui n’est pas rare sur les sites de production :
citons par exemple deux blocs au décor similaire découverts sur le grand site de
production d’huile d’olive et d’amphores Dressel 6B de Loron en Istrie.
Fig. 20 – Bloc avec phallus en bas-relief découvert dans la pars rustica de la villa.
Cl. E. Botte.
Chronique des activités archéologiques de l’École française de Rome , Balkans
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25
Au sud de ce bassin sont apparus les premières marches d’un escalier qui devait mener
aux citernes. Seules trois marches sont conservées, mais leur emplacement ne nous incite
pas à envisager d’autre hypothèse à l’heure actuelle.
26
Plus à l’est, directement contre la paroi méridionale de la citerne CT 10002, nous avons
découvert un pressoir (PR 8048) dans un état de conservation remarquable (fig. 21). Il
apparaît clairement qu’il s’agit d’une dernière phase d’utilisation de cette structure car
nous avons pu observer en coupe des montants en pierre d’un treuil de pressoir d’une
phase antérieure (fig. 22). On peut donc voir d’est en ouest le bloc des arbores (fig. 23) qui
recevait les jumelles encadrant le prelum, le mouton du pressoir ; vient ensuite la maie (
area) sur laquelle on peut très clairement observer les traces de regulae, les montants d’un
coffre en bois dans lequel était jetée la pâte d’olives pour être pressée, système que l’on
trouve sur d’autres sites de Dalmatie, notamment à Salone. Cette pratique en coffre de
bois remplace ce qu’on trouve plus fréquemment, voire systématiquement, dans les
autres provinces, à savoir les scourtins en sparterie qui étaient remplis de pâte d’olives et
disposés sur la maie. À l’extrémité occidentale du complexe se trouve le bloc des stipites,
qui soutenait les poteaux encadrant le mécanisme d’abaissement du levier du pressoir. Ce
dernier état doit être relativement tardif car le bloc utilisé pour les stipites semble être le
remploi d’un bloc d’arbores. Et les blocs que l’on voit dans la coupe appartiennent très
clairement à des montants en calcaire encadrant un treuil permettant d’actionner le
levier à l’aide de câbles. Ce système est attesté sur plusieurs sites d’Istrie et de Dalmatie,
notamment à Salone dans des phases qui ne sont pas antérieures au Ve siècle de notre ère.
Cependant, rien n’empêche de penser que ce mécanisme ait été employé en Dalmatie
auparavant.
Fig. 21 – Vue depuis le sud-ouest de l’ensemble du complexe du pressoir découvert en avril 2018.
Cl. E. Botte.
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Fig. 22 – Vue depuis l’ouest, au centre de l’image, des montants du treuil d’un pressoir d’une phase
antérieure apparaissant en coupe.
Cl. E. Botte.
Fig. 23 – Vue de détail du pressoir et du bassin de récolte situé en contrebas.
Cl. E. Botte.
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En contrebas du pressoir se trouvait un bassin (BS 8045) qui recevait le jus de la presse
par le biais d’un canal aménagé directement dans le bloc de la maie et dans un grand bloc
de calcaire (fig. 24). Cette canalisation (CN 8067) traversait le mur MR 8008.
Fig. 24 – Vue depuis le sud du remplissage du bassin BS 8045, récoltant le vin ou l’huile provenant
du pressoir installé au-dessus.
Cl. E. Botte.
28
Dans l’état actuel de la documentation, nous ne sommes pas en mesure de trancher
clairement entre la production de vin ou d’huile dans ce pressoir. Néanmoins, d’après les
autres exemples attestés en Dalmatie, nous sommes tentés de l’attribuer à la production
d’huile d’olive. Nous avons pratiqué une série de prélèvements sur le bloc de la maie
(8052), dans la canalisation CN 8067 et sur le sol en béton de tuileau du bassin BS 8045 que
nous avons confiés à Nicolas Garnier pour que des analyses chimiques d’identification des
marqueurs de résidus soient pratiquées dans son laboratoire.
Secteur 9
29
Durant la campagne d’octobre 2017, nous avons souhaité trouver la limite septentrionale
du secteur 9, qui est concrétisée par le mur MR 9027 contre lequel vient s’appuyer le
grand mur du portique donnant sur la cour centrale (fig. 25). Bien que dans un mauvais
état de conservation, notre intention était premièrement d’observer dans son intégralité
le mur du portique, et ensuite de déterminer si cette limite constituait également celle de
la partie résidentielle de la villa, ce qui semble bien être le cas. Il faudra désormais
observer durant la campagne d’octobre 2018 si ce mur se prolonge vers l’est pour clôturer
la cour centrale.
Chronique des activités archéologiques de l’École française de Rome , Balkans
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Bunje (Novo Selo, Croatie), campagnes 2017-2018
Fig. 25 – Vue depuis le sud du mur MR 9027 fermant l’espace résidentiel et sans doute la villa
dans sa partie septentrionale.
Cl. E. Botte.
Mobilier
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Comme à chaque campagne, le mobilier est lavé, étudié et les éléments représentatifs
dessinés avant la fin du chantier (fig. 26-29). Les mobiliers en verre, en métal, et le
mobilier céramique le plus représentatif est transporté à Zagreb, tandis que le reste du
matériel est entreposé dans des locaux mis à disposition par la mairie de Selca. Le profil
chronologique offert par le mobilier découvert durant ces deux campagnes n’est pas
différent des campagnes précédentes c’est-à-dire qu’il illustre les principales phases
d’occupation des IIe-IIIe siècles puis du Ve siècle. La nouveauté réside dans le fait que pour
la première fois nous avons trouvé les niveaux de la première phase d’occupation du site,
datée de la fin du Ier siècle de notre ère.
Chronique des activités archéologiques de l’École française de Rome , Balkans
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Bunje (Novo Selo, Croatie), campagnes 2017-2018
Fig. 26 – Mobilier céramique découvert durant la campagne d’octobre 2017.
DAO A. Boisson.
Fig. 27 – Mobilier céramique du secteur 3 découvert durant la campagne d’avril 2018.
DAO A. Boisson.
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Bunje (Novo Selo, Croatie), campagnes 2017-2018
Fig. 28 – Mobilier céramique du secteur 5 découvert durant la campagne d’avril 2018.
DAO A. Boisson.
Fig. 29 – Mobilier céramique des secteurs 6 et 8 découvert durant la campagne d’avril 2018.
DAO A. Boisson.
Chronique des activités archéologiques de l’École française de Rome , Balkans
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Bunje (Novo Selo, Croatie), campagnes 2017-2018
Synthèse et programme des prochaines campagnes
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Au terme de la campagne d’avril 2018, nos connaissances sur la villa romaine de Bunje et
sur ses installations ont fortement progressé (fig. 30-31). D’après les structures que nous
avons dégagées et étudiées, et le mobilier qui leur était associé, il en ressort que le site est
d’abord caractérisé par une petite installation, que l’on pourrait peut-être qualifier de
ferme, construite durant l’époque flavienne. Dès les débuts de l’occupation, on y produit
du vin, sans doute dans des quantités modestes mais qui doivent permettre un peu de
vente de surplus. Bien que ce ne soit pas démontrable en l’état actuel de la
documentation, il est probable que des oliviers aient été plantés dès la première phase
d’occupation du site, mais leur rendement n’étant pas visible avant une quinzaine
d’années, c'est la seconde génération qui a dû en voir le plein rendement.
Fig. 30 – Plan d’ensemble des vestiges de la villa romaine de Bunje à la fin de la campagne d’avrilmai 2018.
K. Jelinčić.
Chronique des activités archéologiques de l’École française de Rome , Balkans
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Bunje (Novo Selo, Croatie), campagnes 2017-2018
Fig. 31 – Vue d’ensemble de la villa romaine de Bunje à la fin de la campagne d’avril-mai 2018.
Cl. E. Botte.
32
Dans une phase que l’on peut dater du deuxième tiers du IIe siècle de notre ère, donc deux
générations après la première installation, un grand remaniement du site est opéré. On
assiste alors au passage d’une ferme à une grande villa de production. Ce phénomène est
observable aussi bien dans la pars urbana que dans la pars rustica. Dans cette dernière, la
surface des fouloirs est doublée, et des équipements de production d’huile d’olive sont
ajoutés, ce qui illustre une augmentation de la capacité de production du domaine. Du
côté de la pars urbana de la villa, des thermes sont aménagés dans la partie méridionale et
un espace sans doute réservé exclusivement à la fonction résidentielle est aménagé au
nord des thermes.
33
D’après le mobilier découvert depuis le début des fouilles sur ce site, il semble que la villa
soit abandonnée – et nous ne savons dire aujourd’hui si l’abandon est partiel ou total à
cette période – durant le IIIe siècle, pour voir une réoccupation intense du site à partir du
Ve siècle de notre ère, avec une communauté aux croyances religieuses différentes
comme l’attestent les sarcophages portant des monogrammes chrétiens découverts au
nord et au sud de la villa.
34
Les objectifs des prochaines campagnes visent à combler certaines lacunes que nous
devons comprendre avant de pouvoir aborder la publication de cette villa. Nous allons
notamment terminer l’exploration du secteur 8 dans la pars rustica, pour déterminer s’il
existait un chai destiné à la vinification et au stockage du vin. Nous allons également
pratiquer un sondage dans la partie septentrionale de la villa, pour déterminer si des
bâtiments existaient et si la cour était complètement fermée de ce côté ou s’il existait une
ouverture permettant notamment d’accéder au bassin de rétention d’eau situé sur le flanc
de la colline qui domine le site.
Chronique des activités archéologiques de l’École française de Rome , Balkans
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Bunje (Novo Selo, Croatie), campagnes 2017-2018
BIBLIOGRAPHIE
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archéologiques de l’École française de Rome [en ligne], Balkans, mis en ligne le 10 mars 2016. URL :
http://cefr.revues.org/1519 ; DOI : 10.4000/cefr.1519
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1986 (Revue archéologique de Narbonnaise, Supplément 15).
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2004.
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Zagrebu, Zagreb, 2005.
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Vrsalović 1960 = D. Vrsalović, Spomenici otoka Brača, dans Brački zbornik, 4, 1960, p. 33-161.
NOTES
1. Jelinčić 2012.
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Bunje (Novo Selo, Croatie), campagnes 2017-2018
2. Fisković 1981.
3. Vrsalović 1960, p. 62 ; Jelinčić 2005, p. 83.
4. Bulić 1914.
5. Nous remercions L. Callegarin (Casa de Velázquez) pour son aide dans l’identification de cet
objet. On peut lire sur l’avers TRAIANUS AVG-COS IIII PP ; visage regardant vers la droite, une
branche de palmier incisée devant lui. Au revers : GLORIA RO-[MANORVM] ; représentation d’un
trophée avec un captif assis sur le côté gauche.
INDEX
Mots-clés : Dalmatie, villa romaine, Antiquité, production
institutions Avec le soutien financier de l’École française de Rome, du ministère de l’Europe et
des Affaires étrangères, de l’Institut archéologique de Zagreb, du Centre Camille Jullian, de
l’université Paris-Est Marne et de la mairie de Selca.
AUTEURS
EMMANUEL BOTTE
Aix Marseille Univ, CNRS, CCJ, Aix-en-Provence, France
AUDREY BERTRAND
Université Paris Est Marne-la-Vallée
KRISTINA JELINČIĆ
Institut archéologique de Zagreb
NICOLAS LEYS
Sorbonne Université
ANTOINE BOISSON
Université Paul Valéry III, Montpellier
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