Journées d’études « Féminismes, natures, dominations » Katia Genel (CHSPM, Paris I Panthéon-Sorbonne) Lucie Wezel (IREPH, Paris Nanterre) Jean-Baptiste Vuillerod (Sophiapol, Paris Nanterre) L’enjeu de ces deux journées est de problématiser et d’articuler de différentes manières le féminisme, la nature et la domination. On sait que l’une des grandes avancées du féminisme dit « poststructuraliste » ou « postmoderne » a été de montrer le lien entre la naturalisation de la féminité et les systèmes de domination. Attribuer une « nature » aux femmes, c’est figer les rôles et les fonctions, c’est cloisonner et subordonner, empêchant ainsi de nouvelles formes de subjectivations féminines de voir le jour dans nos sociétés phallocratiques. Pour autant, il existe d’autres manières de lier la nature et la domination dans une perspective féministe. D’une part, le féminisme matérialiste a montré comment la domination capitaliste avait exigé une appropriation violente d’une certaine naturalité sexuée et reproductrice des corps féminins, contraignant la sexualité des femmes et leur assignant pour tâche la reproduction générationnelle de la force de travail. D’autre part, des mouvements comme l’écoféminisme ont fait le choix d’un renversement du stigmate et ont revalorisé la nature des femmes à des fins militantes. Ce sont ces différentes articulations que nous voudrions explorer. L’hypothèse qui guidera ces journées d’études est celle exprimée par Adorno et Horkheimer dans la Dialectique de la raison : la raison, qui se voulait l’instrument privilégiée de l’émancipation des hommes, s’est non seulement retournée en instrument de domination de la nature, et notamment de leur propre naturalité, mais a aussi naturalisé cette domination en la parant d’un voile idéologique qui la rend nécessaire, désirable ou invisible. Nous souhaiterions élargir cette réflexion sur la domination de la nature aux questions féministes, ce que d’ailleurs la Théorie critique de l’École de Francfort avait esquissé en interrogeant dès ses débuts la question du matriarcat. Il s’agira également de voir comment d’autres traditions de pensée critique, prise au sens large, peuvent contribuer à approfondir cette problématique francfortoise. Trois approches complémentaires seront explorées : 1° une approche théorique, qui montre comment certaines théories féministes actuelles investissent les catégories de nature et de domination (féminisme matérialiste, écoféminisme...) ; 2° une approche dialogique, qui propose une confrontation du féminisme et de certains courants de la pensée critique contemporaine (relectures féministes de la Théorie critique, d’Arendt, de Foucault...) ; 3° une approche généalogique, qui remonte à la manière dont certains auteurs du passé ont pu lier la question des femmes, de la nature et de la domination de sorte à inspirer encore aujourd’hui les différents courants du féminisme (Hegel, Engels, Bachofen...).