Pour citer cet article :
Paturel Dominique (2009) « Parité et diversité », 5 èmes Rencontres internationales de la
Diversité, Corte. [en ligne] https://inra.academia.edu/DominiquePATUREL/Sant%C3%A9-autravail
12 pages
5ème Rencontres internationales de la Diversité
Corte septembre 2009
Parité et Diversité
Résumé :
Si aux Etats-Unis, il existe depuis une vingtaine d’années un courant de recherche sur
l’intérêt de la diversité en entreprise, cette approche est plus récente en France. Le
« business case » est une approche managériale basée sur des raisons économiques et n’est
pas prévu par un cadre législatif ou sur un argumentaire en termes de justice. La notion de
diversité se confronte à l’approche basée sur l’égalité, propre à l’histoire culturelle et
politique de la France. Cette vision de l’égalité s’oppose fortement à un argumentaire
économique sur la contribution des femmes à la performance de l’entreprise. D’autre part,
une partie des approches de la diversité par rapport aux femmes est également construite
sur la valorisation de qualités dites « féminines » qui renvoient en contrechamp à des
qualités masculines.
Nous nous intéresserons au courant de 1) la Parité puis celui de 2) la Diversité pour en
comprendre les enjeux RH à l’œuvre aujourd’hui dans les entreprises en France.
Mots-clés :
Parité, égalité, genre, gestion de la diversité
1
Introduction
Si aux Etats-Unis, il existe depuis une vingtaine d’années un courant de recherche sur
l’intérêt de la diversité en entreprise, cette approche est plus récente en France. Le
« business case » est une approche managériale basée sur des raisons économiques et n’est
pas prévu par un cadre législatif ou sur un argumentaire en termes de justice. La notion de
diversité se confronte à l’approche basée sur l’égalité, propre à l’histoire culturelle et
politique de la France. Cette vision de l’égalité s’oppose fortement à un argumentaire
économique sur la contribution des femmes à la performance de l’entreprise ; en effet, ce
type de démarche perçue comme utilitariste amènerait inévitablement le fait de justifier la
présence des femmes dans l’entreprise ou d’expliquer la nécessité de féminiser certains
métiers uniquement sur cet argumentaire. Cela serait en contradiction avec l’approche
universelle en terme d’égalité propre à la culture française et du respect des dispositions
législatives existantes pour prévenir la discrimination entre les sexes.
D’autre part, une partie des approches de la diversité par rapport aux femmes est également
construite sur la valorisation de qualités dites « féminines » qui renvoient en contrechamp à
des qualités masculines. Les qualités féminines et masculines enferment les femmes et les
hommes dans des qualités qui seraient liées au sexe biologique ; les hommes ne pourraient
pas avoir de ces qualités dites féminines et inversement. Le risque est alors de renforcer des
stéréotypes contreproductifs, structurant un peu plus les inégalités.
Nous nous intéresserons au courant de 1) la Parité puis celui de 2) la Diversité pour en
comprendre les enjeux RH à l’œuvre aujourd’hui dans les entreprises en France.
1. / La Parité
Si le principe d’égalité issu de la Révolution française est au cœur du système juridique
français, il a cette particularité d’avoir institué l’inégalité des femmes au nom de la
« nature » ; parallèlement l’ordre social fondé sur le pouvoir des hommes sur les femmes
instaure une séparation entre la sphère privée et la sphère publique. Le discours biologique
et médical (Perrot, 1995), très prégnant, assigne les femmes à leur place « naturelle » : celle
d’épouse et de mère.
La parité conçue comme une égalité des chances entre les hommes et les femmes s’inscrit
dans une longue tradition de lutte contre les discriminations et de recherche d’une
application concrète des droits. Cependant c’est sous la poussée du droit communautaire
que la parité prend sa place dans la loi française.
S’intéresser à la parité, c’est s’intéresser à l’histoire des femmes en relation avec les
hommes, leurs conditions de vie contextualisées à différentes périodes et l’évolution de leur
place comparée à celle des hommes. Ainsi, il apparaît que ce n’est pas un progrès linéaire et
inéluctable mais bien une histoire ancrée dans des pratiques sociales concrètes. On est loin
de la référence à « l’individu abstrait » et universel des Droits de l’Homme.
1.1. / D’une logique de protection et d’inégalité
Le droit français ne reconnaît que l’individu universel (et donc isolé) comme appartenant au
peuple et comme citoyen. La loi cherche à réduire les inégalités en réaction à cette approche
de l’individu abstrait. Cependant, l’Etat Providence ne s’attelle pas à la tâche de la même
façon pour les hommes et les femmes. L’attention s’est d’abord portée sur des aspects
particuliers des relations du travail : « la vision normative du droit du travail, au nom de la
2
protection des faibles, a conduit à traiter les femmes comme une catégorie sociale distincte
assimilée aux enfants auxquels certaines tâches ou fonctions sont interdites. » (Fouquet,
2000, p33).
Les premières lois en 1841 et 1874 sont des lois de protection des enfants et des jeunes. En
1892, des travaux sont interdits aux femmes, notamment le travail de nuit dans l’industrie.
Les conditions de travail, particulièrement difficiles en ce début d’industrialisation, le sont
aussi pour les hommes. D’autre pays d’Europe du nord, à la même époque, privilégient
l’égalité entre les hommes et les femmes et n’interviennent pas avec des législations
particulières. Les pays d’Europe du Sud dont la France, ont recours à ces appareillages
législatifs ou adoptent des conventions internationales réglementant le travail des femmes
(loi du 2 novembre 1892 ainsi que celle de 1941)1. Ces différentes lois s’inscrivent dans une
logique de protection ; il s’agit de lois qui visent à limiter les horaires, protéger la grossesse
et la maternité, règlementer de nombreux métiers.
Cette protection va de pair avec le statut inégalitaire des femmes prévu par le Code civil de
1804 où celle-ci est considérée comme une mineure juridique. La place naturelle de la
femme est dans la famille dont le chef est le mari ; elle ne peut rien faire sans son accord. Il
faut attendre 1907 pour que celle-ci, si elle travaille, puisse légalement disposer de son
salaire.
Au début du 20ème siècle, les associations et mouvements féministes regroupés dans le
Centre National des Femmes Françaises et l’Union française pour le suffrage des femmes
finissent par obtenir la satisfaction d’un certain nombre de revendications : modification du
Code civil, droit à l’instruction et au travail. En 1844, est accordé l’autorisation de divorce, en
1880 des lois sur l’accès à la scolarité permettent aux filles de recevoir de l’instruction.
Cependant, si l’enseignement primaire s’ouvre, il n’en est pas de même pour l’enseignement
secondaire et encore moins de l’enseignement supérieur.
La réglementation du travail salarié des femmes s’inscrit dans le prolongement de leur
fonction maternelle et la même logique de protection s’affirme dans la sphère du travail.
La première guerre mondiale de 1914-1918 stoppe net les mobilisations féministes. Les
femmes sont alors mobilisées dans les usines d’armements (38,2% en 1911, 46% en 1918).
Un certain nombre de lois les protègent dans ces ateliers, dans une vision nataliste. En 1917,
un décret crée la profession des surintendantes d’usines dont la mission essentielle est celle
de protéger les femmes et les jeunes. Ces surintendantes sont aussi les premières femmes
cadres salariées.
L’arrivée des femmes sur le marché est une façon pour le patronat qui intègre la
rationalisation industrielle, de remettre en question les corporations ouvrières masculines,
bien organisées dans leurs revendications. L’organisation de l’atelier va être redéfini,
croisant à la fois une division du travail basée sur les ouvriers professionnels en référence à
des savoirs faire et une division sexuée où les femmes vont intégrer certains de ces savoir
faire masculins. D’autre part, le travail à la chaîne transforme la nature même du travail et la
1
Article L. 123-1 du Code du travail : « Les femmes ne peuvent être employées à aucun travail de nuit dans les
usines, manufactures, mines et carrières, chantiers, ateliers et leurs dépendances de quelque nature que ce
soit, publics et privés, laïque ou religieux, même lorsque ces établissements ont un caractère d’enseignement
professionnel ou de bienfaisance dans les services publics et ministériels, les établissements des professions
libérales, des sociétés civiles, des syndicats professionnels et des associations de quelque nature que ce soit. ».
Ces lois seront abrogées par le droit communautaire un siècle plus tard.
3
polyvalence des anciens ouvriers professionnels ne correspond plus aux nouvelles exigences
de la production. Les femmes sont affectées aux tâches répétitives et fragmentées. Les chefs
d’entreprises associent ces tâches aux qualités de travail typiquement féminin : l’agilité, la
dextérité et la patience (Lee Downs, 2002, p124). Ces qualités professionnelles pour les
directions et encadrement sont le prolongement de ce qu’ils imaginent des qualités
féminines dans la sphère domestique ; il y a une sorte de transfert de représentation des
qualités inhérentes à la nature des femmes comme mère et comme épouse dans la sphère
du travail : « il leur semblait que seules des femmes qui avaient acquis d’autres qualifications,
comme les travaux de couture délicats, avant de travailler dans la métallurgie, étaient à
même d’apprendre des opérations minutieuses comme le tournage, l’ajustage et le
perçage. » (ibid, p 146) Par conséquent, la substitution des emplois exercés par les hommes
par les femmes ne se fait pas par la formation mais dans l’amélioration technique de
l’atelier. La modernisation de l’outil de travail et les investissements nécessaires à la
rationalisation vont se faire également par le biais de justifications liées à la présence d’une
main d’œuvre féminine. Ainsi l’organisation à la fois hiérarchique (verticale) et sexuée est
préservée.
Une gestion de la main d’œuvre par le biais de la protection sociale des femmes s’organise
et les françaises ne sont pas renvoyées dans leur foyer de la même façon que les anglaises.
A la fin de cette première guerre, l’industrie française dispose d’une grande quantité de ces
« ménagères-ouvrières » ayant acquis des savoirs faire reconnus.
Les revendications d’égalités politiques portées par les mouvements suffragistes à la fin de la
Première Guerre n’aboutiront pas alors que les anglaises, les allemandes et les américaines
voient leurs droits de citoyenne se mettrent en place. La politique nataliste renforce des
propositions répressives comme la loi du 31 juillet 1920 qui interdit la vente de contraceptifs
et la diffusion d’information à ce sujet.
La gestion de la main d’œuvre est caractérisée par le traitement différentiel des sexes et par
une séparation entre les métiers masculins et féminins.
1.2. / A une logique égalitaire
Il faudra attendre la constitution de 1946 pour que la loi garantisse aux femmes des droits
égaux à ceux des hommes.
L’Union Européenne dans le cadre du Traité de Rome (1957) a consacré l’égalité de
rémunération pour un travail égal entre les femmes et les hommes. Une série de directives a
été adoptée à partir de 1975 pour préciser et développer ce principe fondamental du droit
communautaire : la notion de travail égal a été précisée comme « travail de valeur égale ».
L’égalité de traitement dans l’accès à l’emploi, la formation et la promotion professionnelles
et les conditions de travail visant à éliminer toute discrimination, tant directe qu’indirecte
dans le monde du travail sont ainsi affirmées dans cette directive européenne2.
La loi du 22 décembre 1972 anticipe sur cette directive européenne de 1975. Cependant les
entreprises et les partenaires sociaux ne se saisissent par vraiment de ce sujet. Face à la
persistance des discriminations, certaines sanctions sont définies pour garantir l’égalité. La
loi du 11 juillet 1975 interdit à l’employeur de prendre en considération l’état de grossesse
d’une femme en cas d’embauche et de mutation et sanctionne toute prise en considération
2
Directive 79/117 du 10 février 1975
4
du sexe ou de la situation de famille en matière d’offre d’emploi, d’embauche ou de
licenciement.
Jusqu’à la veille des années 80, c’est davantage dans les rapports privés plutôt que
professionnels qu’il y a une nette évolution ; certes le travail des femmes est en plein
croissance et elles acquièrent plus d’autonomie. La loi Neuwirth de 1967 améliorée en 1975
autorise la contraception, la loi Veil définitivement adoptée en novembre 1979 libéralise
l’avortement et sera pris en charge par la Sécurité sociale en 1982. Le Code civil est
également modifié et fait de la femme mariée l’égale de son époux. Son autonomie
s’affirme : pleine capacité civile (1965), partage de l’autorité parentale (1970), divorce par
consentement mutuel, gestion commune du patrimoine familial (1985).
La loi Roudy du 13 juillet 1983, dans le prolongement de celle de 1972, améliore le dispositif
juridique en matière d’égalité des rémunérations. Cette loi a un double objectif (Bender,
Pigeyre, 2004) :
– renforcement du principe de l’égalité des droits (mesures « passives » de non
discrimination salariale par exemple) ;
– promotion de l’égalité par des « mesures actives ».
Cette loi instaure le rapport de situation comparée des conditions d’emploi et de formation
des hommes et des femmes par le biais d’une analyse chiffrée, la négociation de plan
d’égalité professionnelle pour favoriser l’embauche, la formation, la promotion ou les
conditions de travail des femmes. Une aide de l’Etat est prévue pour soutenir ces mesures.
L’égalité professionnelle est loin d’avoir été au centre des négociations sur ces 20 dernières
années, que ce soit au niveau interprofessionnel (un accord a été signé en novembre 1989
mais sans aucun impact) ; au niveau des branches (quelques accords ont été signés lors de la
refonte de conventions collectives) ; enfin, au niveau des entreprises, seule une trentaine de
plans d’égalité professionnelle ont été signées. Quant aux rapports sur la situation comparée
des hommes et des femmes, moins de la moitié des entreprises (43%) l’a instruit, alors que
c’est une mesure obligatoire. De plus, la plupart de ces plans n’offre aucune analyse des
écarts constatés et sont perçus comme une lourdeur administrative supplémentaire. Le bilan
est maigre et l’objectif de la loi Génisson de mai 2001 est de renforcer cette orientation.
Même si il y a une évolution sur la réflexion en matière d’inégalité et de discrimination, « [...]
la tentation demeure grande chez les acteurs sociaux (entreprises, syndicats) de rejeter la
responsabilité des situations observées sur le poids de l’histoire, sur la « nature », sur la
« société » ou sur l’état du marché du travail, ou encore sur les femmes elles-mêmes, plutôt
que de relier les situations observées à des pratiques organisationnelles susceptibles d’être
corrigées. » (Laufer, 2005, p240).
L’Union Européenne continue d’inciter l’égalité professionnelle, en en faisant une de ses
constantes recommandations. La plateforme adoptée lors de la quatrième Conférence
mondiale des Nations-Unies sur les femmes à Pékin (1995) insiste sur le fait que « les
gouvernements et les autres acteurs doivent favoriser une politique active et visible en vue
d'intégrer une démarche soucieuse de l'égalité entre les sexes (mainstreaming a gender
perspective) dans toutes les politiques et dans tous les programmes en analysant,
notamment, le cas échéant, les conséquences qui en résultent avant toute prise de
décisions. » Le Conseil de l’Europe définit le mainstreaming3 comme « la (ré)organisation,
3
La traduction française est l’approche intégrée de l’égalité
5
l'amélioration, l'évolution et l'évaluation des processus de prise de décision, aux fins
d'incorporer la perspective de l'égalité entre les femmes et les hommes dans tous les
domaines et à tous les niveaux, par les acteurs généralement impliqués dans la mise en place
des politiques" (Conseil de l'Europe, 1998). Cette approche intégrée de l’égalité engage une
vision où la préoccupation de l’égalité est présente en permanence, en amont et au moment
où s’élabore une politique. Ainsi, ce ne sont plus des actions prévues pour corriger soit ce
qui n’a pas été pris en compte au moment de la négociation soit des inégalités antérieures.
Cette dynamique nécessite d’impliquer tous les acteurs qui ont un rôle décisionnel dans
l’élaboration de telles actions et politiques : entreprises, partenaires sociaux et publics.
Le traité d’Amsterdam (1997) a introduit explicitement l’égalité des chances entre femmes
et hommes dans les missions poursuivies par la Commission européenne. L’introduction de
l’égalité des chances transforme la situation en mettant à jour une ambiguïté qui laisse la
question au milieu du gué : compris par certains comme une solution aux inégalités en
« alignant tout le monde » sur la même ligne de départ, elle est interprétée par d’autres
comme une façon de substituer les chances aux droits et renforce les inégalités sociales.
« L'égalité des chances est une formule incitative qui consiste, certes, à rappeler aux acteurs
politiques, sociaux, professionnels les règles de droit fondamentales : le principe de l'égalité
des individus en droits, l'interdiction des discriminations, les bases régulières des distinctions
(les vertus et les talents, la compétence, l'expérience) ; mais dans le même temps, elle est une
forme de prescription qui appartient aux thèmes de l'idéologie libérale car elle permet la
mise en valeur des thèses de la compétitivité, de la rivalité et de la concurrence. Elle est une
recommandation persuasive qui développe le recours à la responsabilisation comprise
comme une mobilisation des individus pour que, disposant de leur libre arbitre et maîtres de
leur devenir, ils soient désormais les seuls responsables de leurs parcours ». (Koubi, 2002)
Cependant les années 1990 ont vu l’émergence d’une approche alternative pour traiter de
l’égalité en entreprise : la diversité. Elle induit une problématique managériale nouvelle et
met l’accent sur l’équité en prenant en compte les individus dans leurs différences ; ces
différences sont mises en avant comme étant de possible moyens de performance
économique pour l’entreprise.
2. / Politique de gestion de la diversité
Comme l’évoque J.M. Peretti (2006), cinq raisons sont généralement évoquées pour justifier
le développement de politique de diversité :
-La pénurie de talents conduit à élargir les viviers de recrutement et à s’ouvrir à de nouveaux
profils aux caractéristiques plus variés,
-Le besoin de proximité avec des clients eux-mêmes de plus en plus divers nécessite de
recruter des salariés qui leur ressemblent,
-La diversité des équipes peut se révéler source d’innovation et de créativité.
-La réponse aux attentes des parties prenantes exige une entreprise socialement
responsable en matière de diversité.
-Les normes internationales imposent des exigences croissantes en matière de diversité ».
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-Un sixième pilier nous semble être la subjectivation des compétences et son corollaire
l’individualisation de la gestion des trajectoires professionnelles. Du coup, la gestion doit se
personnaliser et prendre en compte non pas simplement la différence mais bien la diversité
des situations et des trajectoires.
Les atouts de la diversité dans ses principales sources que sont le sexe, l’age, le handicap,
l’origine ethnique et l’orientation sexuelle nécessitent un management adapté. Le dirigeant
d’entreprise a de nombreuses raisons de s’engager dans une politique volontariste de
gestion de la diversité. Même si la conviction que la diversité est source réelle de richesse,
est sans contexte la raison la plus stimulante, force est de reconnaître que de nombreux
dirigeants ont structuré des organisations diversifiées par manque de ressources humaines
conformes au modèle « classique ».
Réussir la diversité, ne se résume pas à mettre en œuvre un répertoire de bonne pratique de
non discrimination, à signer une charte, à instaurer des quotas ou à élaborer des tableaux de
bord avec des indicateurs d’égalités, mais il est nécessaire de faire évoluer les
représentations et les comportements qui font obstacle à une gestion de la diversité, source
de performance durable. Contrairement à l’approche en termes d’égalité, l’approche par la
diversité se veut résolument individuelle : elle propose de partir de l’individu, de ce qu’il
apporte à l’entreprise, de ses spécificités. Le champ de la diversité recouvre alors des
catégories aussi différentes que hommes/femmes, jeunes/vieux, handicapés mais aussi des
catégories plus liés aux changements à l’œuvre dans l’entreprise : mobiles/non-mobiles,
ayant des charges familiales ou pas, habitant proche ou loin, dans des quartiers défavorisés,
croyants/non-croyant, temps plein/temps partiels.
La diversité se fonde à la fois sur des attributs non choisis par les personnes (genre, âge,
origine, handicap etc..) mais aussi sur des variabilités interpersonnelles, corollaire de la
gestion individualisée basée sur la mobilisation de la subjectivité.
Il y a tout de même en arrière plan, un modèle qui reste le point de comparaison, à savoir
que la diversité se nomme comme telle par rapport à un modèle dominant viril. La virilité est
bien en effet un idéal masculin particulier qui renvoie à un jugement moral fixant la
supériorité sur le féminin. Ce modèle se réfère à une approche biologique et cette vision
naturalisante se répand dans l’ensemble des sphères sociales. Les sociétés occidentales
définissent le masculin « avant tout par ce qu’il n’est pas. Pour aller vite, le masculin n’est
pas le féminin et lui est supérieur. Enfin, cet ensemble de comparaisons aboutissant à une
dichotomisation ou à une bipolarisation des identités, s’effectue sur la base du seul critère
distinctif du sexe biologique. » (Falcoz, 2004, p 46)
2.1. / La GRH et la Diversité
La fonction RH se retrouve à être le pivot des politiques de diversité et d’être innovante
dans les actions.
Une des premières difficultés réside dans la conception même de l’approche et le discours
déployé par l’entreprise : soit un discours sur l’égalité professionnelle qui positionne les
capacités des hommes et femmes sur le même plan, sans discrimination, soit un discours
basé sur la différence et qui va renvoyer à la notion de diversité.
La deuxième difficulté concerne les pratiques qui en découlent. Les pratiques peuvent être
dites universelles quand elles s’adressent à l’ensemble des salariés, sans viser un groupe
particulier. Elles sont catégorielles quand elles sont à destination d’une population
spécifique et s’inscrivent dans une approche de discrimination positive. Selon les termes de
Konrad et Linnehan (1995), repris par French (2001), on peut opposer les pratiques qui sont
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« identity-blind »(IB) ou pratiques universelles et les pratiques « identity-conscious » ( IC) ou
pratiques catégorielles. Les pratiques « identy-blind » entendues comme pratiques aveugles
ne sont pas neutres contrairement à ce qu’elles peuvent laisser croire : elles s’adressent bien
à des catégories ayant les ressors sociaux adéquats.
Le tableau suivant en reprend les caractéristiques :
Pratiques catégorielles
Pratiques universelles
– Politique officielle d’égalité des chances et – Suivi du turnover des groupes minoritaires
– Identification de personnes à potentiel
de
parmi ces
lutte contre le harcèlement
groupes
– Descriptions de postes écrites
– Suivi de leur accès aux postes qui
– Plan de succession managériale
conduisent
– Programme de hauts potentiels
– Conseil et développement des carrières aux postes d’encadrement
– Service spécifique en charge de l’égalité
pour
des
tous
– Programme de développement des cadres chances
– Objectifs de représentation des groupes
et
minoritaires dans le recrutement et les
mentoring
promotions, information de l’encadrement
– Formation des cadres à l’évaluation
– Flexibilité des horaires, temps partiels pour sur ces
objectifs et prise en compte dans sa
le
performance
management
– Formations et programmes de mentoring
– Aides diverses aux salariés, dont aide à la
spécifiques aux groupes minoritaires
garde des enfants, congé parental
– Recrutement non dirigé vers certains – Encouragement de réseaux internes de ces
groupes,
groupes
effectué selon des règles non discriminantes – Séminaires sur l’encadrement d’une main
d’oeuvre diverse / multiculturelle
– Recrutement dans des écoles ou journaux
spécifiques selon les groupes
Source : tableau cité par Bender, Pigeyre, 2004, p 64
Les évaluations faites de ces deux types de pratiques montrent que les femmes sont
beaucoup plus présentes dans les programmes construits sur des pratiques catégorielles.
C’est également le cas d’autres minorités. Les pratiques universelles sont sans effet.
(Fondation européenne, 2002).
La diversité ne va pas de soi : la tendance naturelle est plutôt à la reproduction de ce qu’on
connaît, à la cooptation de celui qui ressemble et à la sortie de celui qui n’est pas conforme.
Le management de la diversité ouvert sur une vision plus universelle mais ancrée dans une
pratique plus concrètement portée vers les personnes produit des résultats plus efficient.
Cette dynamique intègre les catégories visées par ces politiques de la diversité, sans focaliser
sur eux, tout en gardant l’attention à ce qui permet de faire évoluer leur insertion.
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2.2 / Le management de la Diversité : faire vivre la diversité des salariés
Si la figure du manager est plus adaptée à prendre en compte la diversité des salariés, il n’en
reste pas moins que ce type de management s’intéressant aux personnes demande d’être
attentif à plusieurs niveaux en même temps : construire une démarche de coopération et
élaborer des compétences collectives et si nécessaire inscrire la démarche dans un travail en
réseau.
2.2.1 / Démarche de coopération
La coopération est une dynamique qui permet à chacun de prendre place en valorisant ses
compétences. Cependant la construction d’une telle démarche passe par des qualités de
communication et de relation. Il s’agira :
- d’observer les différents acteurs et les capacités d’appropriation du projet
- de confronter les réactions face aux exigences de la démarche et des uns et des autres
- de chercher la cohésion du groupe à partir de ces observations et confrontations
- de trouver les solutions ou les arrangements qui permettent de mettre en œuvre le projet
avec la mise en visibilité des compétences de chacun.
Le manager doit alors développer une acuité d’observation où il puisse à la fois enregistrer
les échanges mais également les « implicites » qui sont souvent utiles à la construction des
compromis.
Les situations de conflits sont des indicateurs précieux qu’il ne s’agit pas de négliger. Les
gérer c'est-à-dire les rendre visibles peut se traiter en utilisant diverses interventions :
- la médiation comme moyen de créer du compromis, ne laissant pas tout à fait de perdant
ou de gagnant.
- l’arbitrage soit en trouvant une solution acceptable, soit à l’inverse inacceptable pour les
parties en conflit et leur demandant de trouver une solution acceptable rapidement.
- contrôler le conflit en revoyant par exemple les distributions d’activité afin d’éviter
certaines interactions ou bien en éliminant ceux qui entraînent ce conflit : le message en
direction des autres est alors fort : les limites sont posées et ne peuvent être transgressées.
- accepter le conflit à condition que les conséquences ne soient pas nocives pour l’ensemble
du groupe et le gérer comme recours créatif ; ceci oblige à le gérer en le ramenant au centre
à certain moment ou à le laisser aux marges. Cette acceptation rend ce conflit présent même
si il est inactif à certain moment.
2.2.2. / Compétences collectives
Pour que ce groupe avance avec ces éléments aussi divers, l’élaboration de compétences
collectives est vitale.
- la première de ces compétences est la mise en œuvre d’une mémoire collective à la fois
des évènements mais aussi des processus.
- la création d’un langage commun qui s’appuiera sur la confrontation des représentations
individuelles. L’analyse des problèmes est ne bonne façon de créer ce langage et donc cette
culture commune source de cohésion.
Ainsi se construit une narration collective où chacun se situe à travers son implication
subjective et ses savoirs. Cette construction collective narrative est une des garanties les
plus intéressantes dans la façon dont des histoires singulières peuvent s’articuler dans le
sentiment de Faire Ensemble (Paturel, 2007)
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2.2.3. / Le réseau
Chaque membre peut ainsi amener l’éclairage de sa propre expertise, inséré dans des
réseaux reflétant la diversité des appartenances de ses membres. Chacun est alors porteur
de multiples possibles qu’il peut (ou pas) mettre à disposition du groupe.
La créativité viendra aussi de ses marginaux séquents, souvent incarnés par ces personnes
souvent perçues comme « différentes ». Le management réclame une intelligence
d’ouverture d’esprit pour pouvoir capter ces potentiels.
La démarche en elle-même produit et s’appuie sur la réflexivité des acteurs et du
management. L’articulation de ces trois éléments (démarche de coopération, compétences
collectives et réseau) donne un management de la diversité participant à la fois de la diversité
des salariés mais aussi du respect des dispositifs sur les discriminations.
Conclusion
La question de l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est donc partie
prenante des évolutions de la société et il serait naïf de la considérer comme réglable soit
par des dispositifs législatifs, soit par les politiques de la diversité des entreprises ; et ce
d’autant plus, que les jeux sociaux et culturels sont imaginatifs dans leur déplacement.
Kergoat explique dans un article que les femmes des pays du Nord ont pu faire avancer leur
rapport avec leurs compagnons, notamment en externalisant les problèmes de la sphère
domestique (travaux ménagers, prise en charge des enfants, etc.). Pour ce faire, elles
utilisent d’autres femmes en situation de précarité, françaises ou immigrées. Cette demande
a provoqué une arrivée des femmes migrantes, arrivant avec l’immense espoir de trouver un
emploi. La plupart d’entre elles sont des femmes qualifiées qui vont entrer en concurrence
avec les femmes précaires locales, qui elles, sont souvent moins qualifiées ou diplômées :
« [...] l’externalisation du travail domestique a une fonction d’apaisement des tensions dans
les couples bourgeois des pays du Nord [...] et permet également une plus grande flexibilité
des femmes envers la demande d’implication des entreprises. » (2005, p100). On assiste à un
jeu qui a pour objet la « pacification des relations sociales dans le couple » mais qui masque
la réalité des rapports de genre qui finalement ne change pas vraiment : il s’agit bien de
réaffirmer le principe de séparation (il y a des travaux d’hommes et des travaux de femmes)
et le principe de hiérarchie (un travail d’homme vaut plus qu’un travail de femme).
Aujourd’hui la plupart des études sur la parité montre que ce sont les pratiques catégorielles
qui ont permis le plus d’avancée dans l’insertion et l’intégration des femmes. Cependant, ces
pratiques catégorielles si elles permettent à un moment donné d’intégrer des populations
ciblées dans une démarche d’actions volontaristes, elles ne garantissent pas l’évolution des
situations des femmes : bien souvent la logique de résultat dans la durée n’est pas au
rendez-vous (le plafond de verre). En effet, garantir la parité, c’est aussi faire en sorte que le
déroulement et l’évolution des carrières fassent aussi partie des préoccupations
managériales. Le principe d’égalité reprend alors tout son sens. Il semble bien que la
réponse se trouve à l’articulation des ces deux approches : principe universel de l’égalité des
chances et principe du particulier des politiques de diversité.
Or recruter et intégrer des personnes différentes dans des organisations complexes
demandent des compétences partagées par l’ensemble des parties prenantes : RH,
management et équipes concernées. Il n’y a pour l’instant, pas encore suffisamment
10
d’expériences pour envisager une logique de promotion de l’égalité des chances ; on est
encore dans une logique de traitement de situations individuelles et à vision curative.
Cependant, travailler dans une dynamique RH sur la question de la parité, c’est en même
temps, de façon réflexive, construire des compétences pour l’ensemble des catégories visées
par ces actions : les minorités visibles, les handicapés, l’orientation sexuelle etc. Concevoir
l’approche uniquement à partir d’une catégorie ampute la dimension de la diversité dans
une vision plus globale de l’ensemble des salariés et du rapport social de l’entreprise à son
environnement et ce, dans une démarche de responsabilité sociale de l’entreprise.
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