Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
Théorie des relations internationales (C)
Concepts
Introduction
Anarchie : « Absence d’autorité ou de gouvernement » (du grec absence de chef). Un des
concepts fondamentaux des RI, évolution des courants se sont articulé autour des
discussions de ce concept.
• Les réalistes : voient l’anarchie comme une caractéristique du système international
déterminée par l’interaction des Etats souverains entre eux, car en cherchant la
maximisation de leur puissance ou de leur sécurité et en poursuivant l’intérêt
national, ils sont amenés à adopter un comportement reproduisant l’anarchie du
système.
• Les néo-réalistes : voient l’anarchie comme une structure déterminant l’ordre
international et les relations entre Etats. Le système international ≠ système national
car absence de d’autorité gouvernementale, mais attention ≠ absence d’ordre. Ex.
l’équilibre des puissances assure un minimum de stabilité. Waltz explique que
l’anarchie permet d’expliquer le comportement des Etats dans le système
international. C’est une structure pré-existante aux Etats et est conçue comme
l’absence de gouvernement au sens wébérien (= absence d’instance ayant le
monopole de la violence légitime. Ce qui implique la compétition entre Etats égaux.
(voir dilemme de la sécurité). De ce système anarchique résulte une politique
mondiale ou on ne peut compter que sur soi-même.
• Les institutionnalistes libéraux : vision anarchique du système international. Ils voient
l’anarchie comme contrainte à la volonté qu’ont les Etats de coopérer entre eux. Ils
ajoutent que les institutions internationales peuvent faciliter la coopération en
réduisant l’incertitude face au comportement des autres.
• Les constructivistes : pour eux l’anarchie est un construit et non pas une
caractéristique du système international. « L’anarchie existe dans la mesure ou les
Etats pensent qu’elle existe » (Wendt), tout dépend de l’interprétation qui est donnée
de l’anarchie et de a vision qu’ont les Etats de leur position et de leurs intentions. Elle
n’a pas de sens en dehors de celui que les Etats lui attribuent.
Etat : « La mondialisation dépossède pour une bonne part l'Etat de sont pouvoir
d'objectivation de la réalité sociale mondiale. Il n'est plus le réducteur d'incertitudes qu'il était
autrefois » Laïdi. Définition classique de Weber: Institution détenant le monopole légitime de
l'usage de la force.
Etat : structure institutionnelle assurant la perpétuation d'un ensemble social et qui possède
pour ce faire des moyens exceptionnels, notamment en ce qui concerne l'usage de la force.
Considéré pendant longtemps comme l'acteur principal des RI car peut recourir à la force
pour imposer en dernière instance sa volonté.
Étant à la base des rapports internationaux, les caractéristiques de l'état sont souvent
perçues comme la clé d'une compréhension des RI.
Grands débats: gravitent autour du problème du rôle de l'état, de la rationalité qui l'anime et
des intérêts qu'il poursuit.
Vision des différents courants :
• Réalistes : Objectif principal de l'état: survie de la collectivité qu'il représente. Menace
que constituent les autres états → contraint tout état à privilégier la question de la
puissance et de la sécurité. Quête de la sécurité: subordonne toute les
considérations sociales à son impératif. État suit une rationalité purement
instrumentale afin d'assurer sa défense: étant donné les risques pour sa survie, il doit
prendre des décisions sur un mode froidement calculateur libre de toute
considération sociale. Seul objectif qui peut réussir, durer: maximisation de la
puissance. Cette réflexion sur l'état (avec le passage au néoréalisme) l'a vidé de
toutes caractéristiques substantives afin de le rendre plus scientifique. Ce glissement
Concepts
1
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
vers la rationalité instrumentale permet de desocialiser l'état et d'affirmer que son
comportement au niveau des RI n'est pas lié à la façon dont l'état est construit
socialement (ce qui se passe dans l'état au niveau culturel ou institutionnel) n'est pas
une composante de l'analyse des RI) → analyse systémique: possibilité de mettre en
place des déterminants de la po internationale universels. Critiques(1960): visent à
resocialiser l'état. Contestation de la notion de rationalité instrumentale: repenser les
modes décisionnels de l'état et montrer comment la rationalité de l'état est formée par
des structures bureaucratiques et institutionnelles.
• Constructivistes : Importance des rapports intersubjectifs dans la constitution des
dynamiques interétatiques. (≠idée d'une rationalité désincarnée) → Problématisation
du sens que les états attribuent aux comportements des autres acteurs. Accent mis
sur la construction des structures intersubjectives à partir desquelles sont
interprétées les actions des autres états → forment des anticipations par rapport au
comportement des autres états, leurs actions prennent donc un sens pour les autres
états. Constructivistes rejettent l'idée selon laquelle les décisions étatiques sont
fondées sur de purs rapports de force. Les moyens dont dispose un état ne signifient
rien pour les autres états en dehors de l'attente de ces derniers quant à l'usage de
cette force. Sens attribué au contexte dans lequel s'inscrit l'état contribue à structurer
la rationalité étatique. (comme chez le post-modernes).
• 1980 : Remise en cause de la conception réaliste de l'état. Relativisation de la place
de l'état dans les RI → importance des acteurs non-étatiques. Contestation de la
prémisse réaliste selon laquelle l'état agit au nom de la collectivité dont il est issu →
en fait, l'état représente des intérêts qui sont plus spécifiques que communs à
l'ensemble d'une collectivité.
• Approches néogramsciennes : Soulignent le caractère de classe qui sous-tend les
politiques de l'état (Cox, 1987) et s'intéressent au rôle de l'hégémonie qui permet
justement de travestir des intérêts particuliers sous forme d'intérêts communs. L'état
ne peut pas être étudié en faisant abstraction de la complexité de sa société civile et
des institutions que le constituent.
• Approches féministes : Dénoncent la conception du monde qualifiée de masculine
profile derrière sa raison d'état. Celle-ci privilégie le détachement et le caractère
instrumental et glorifie les rapports de force et la domination.
• Approches post-modernes : L'état comme construit discursif qui vise à renforcer des
structures de pouvoir existant. L'état dépend d'un discours propre à donner une
cohérence à son action. Rationalité (dans son lien avec le contexte comme chez les
structuralistes): discipline qui agit à l'intérieur de l'état. La raison d'état vise donc à
renforcer les bases d'un contrôle qu'exercent les institutions de l'état sur une
population, contrôle qui a pour but de nier une diversité qui dérange. Discours sur les
ennemis de la nation à l'extérieur de celle-ci devient un instrument justifiant des
politiques de répression à l'intérieur de l'état contre des individus qui ne se
conforment pas à des comportements acceptables. La force du discours qui fonde
l'état vient dans sa capacité à dramatiser l'altérité, soit ce qui apparaît comme
différent de la normalité instituée par le discours même de la sécurité.
• Sociologie historique et comparative : Inversion du lien entre état et sécurité. La
guerre est au coeur de tout processus de construction de l'état moderne (Tilly). Selon
Tilly → guerre fut exploitée par les officiels de l'état comme un moyen de coercition et
de cooptation d'autorités politiques rivales. En un mot comme en cent: l'homogénéité
des structures étatiques que les réalistes observent n'est qu'un produit historique et
ne peut être généralisé sous la forme d'un modèle ahistorique des RI.
Ces différentes approches critiques ont posé les bases d'une réflexion qui aborde les
préférences et la rationalité des états comme évoluant dans le temps.
Mauvaise réception dans les courants plus traditionnels. Waltz et Mearsheimer notamment,
qui ne voient pas en quoi ces approchent contribuent au développement d'un programme de
recherche scientifique en théorie des RI → problème de la cohérence de l'objet de RI.
Concepts
2
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
Comment parler des RI si l'état, qui fut autrefois le support théorique de la discipline
permettant de se concentrer sur les rapports entre états, devient lui-même un objet d'étude?
Ordre international : En relations internationales, « ordre » signifie « entente implicite entre
tous les acteurs internationaux autour de règles et de principes régissant leurs relations et
des objectifs qu’ils devraient poursuivre ».
Depuis le 17e, mise en place d’un ordre international fondé sur la reconnaissance d’un
système anarchique ou prévaut la souveraineté des Etats et régit par le droit international
(difficile à faire respecter) => système de Westphalie.
Nombreux débats sur la nature de l’ordre international et son avenir :
• Les réalistes et néo-réalistes : voient l’ordre international de Westphalie comme un
trait permanent du système international, régit par des pratiques telles que l’équilibre
des puissances.
• Les libéraux et néo-libéraux : voient la coopération comme une des caractéristiques
des plus évidentes de l’ordre international qui peut donc évoluer.
• Les théories critiques ou marxisantes : voient l’ordre actuel comme un système
injuste qu’il faut réformer ou transformer.
Paradigme : Concept que l’on doit à Kuhn opposé au paradigme épistémologique cartésien
en sociologie des sciences, sciences sociales et études littéraires. Kuhn le définit comme
« non pas ces entités représentatives elles-mêmes mais la manière dont celui qui est
éduqué dans la discipline apprend à les reconnaître, les isoler, les distinguer ». // Bourdieu et
son terme d’habitus.
Kuhn identifie 3 moments clés au sein de la pratique scientifique :
• La période de science normale : un premier paradigme s’articule autour de lois
théorique, un vocabulaire conceptuel et un savoir-faire particulier sur la façon dont
doit être menée la recherche scientifique au sein d’une communauté de chercheurs.
Émergence de problèmes et problématiques qui devront être abordé pour faire
progresser la science. Caractère intersubjectif et institutionnel de la pratique
scientifique.
• L’entrée en crise d’un paradigme : entrée en crise quand une communauté de
chercheurs n’arrivent plus à résoudre les problèmes que le paradigme engendre. Les
chercheurs viseront à ce que la théorie reste précise, sans contradictions internes et
d’une grande portée. Mais pas de solutions, donc transition vers un nouveau
paradigme.
• La révolution scientifique : Après la substitution d’un paradigme à un autre, se produit
un changement dans la conception de la manière pertinente de poser les problèmes,
changement radical de point de vue et de manière de faire.
Critiques :
• Certains pensent qu’aucune rupture épistémologique ou différence entre approches
rivales de s’apparente à ce que Kuhn définit comme un paradigme. Problème dans
l’application de sa thèse dans les RI : il n’y a aucun moyen d’évaluer si un paradigme
est supérieur à un autre. De plus, aucun concept du premier paradigme ne doit se
retrouver dans le suivant ou un autre. Donc rien ne peut comparer des paradigmes
rivaux. Une approche plus souple permet l’utilisation de certains concepts, ce qui
rapproche le paradigme d’une approche ou mouvance théorique.
• Certains refusent de caractériser le behaviorisme, le néo-réalisme ou l’idéalisme
comme des paradigmes et les transitions entre eux des révolutions scientifiques. Car
les transitions chronologiques entre les approches sont poreuses et que la
communauté de chercheurs n’a jamais basculer entièrement d’un courant à l’autre. Il
est aussi difficile d’identifier une époque ou le vocabulaire d’un cadre théorique était
entièrement différent du cadre rival.
• Jusqu’au début des années 90, l’exercice de la critique (débat entre approches
rivales) était utilisé presque uniquement par Popper, ce qui a mené à des dialogues
sourds sur le féminisme par ex. L’exercice de la critique est ce qui fait qu’un cadre
Concepts
3
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
théorique vit davantage d’arguments que de dogmes. L’avenir des RI est lié à ce que
cet exercice ne soit pas limité sous prétexte que rien n’est comparable.
Sociologie historique : Mouvance théorique entre 3 champs : la politique comparée, les RI
et l’histoire. Objets d’étude : phénomènes et processus sociaux sur plusieurs siècles. Ex.
interaction entre la guerre et la formation de l’Etat (Tilly), le nationalisme, les révolutions
(Skopcol).
Skopcol et Somers regroupent ces objets traditionnels en 3 groupes : les dynamiques
sociétales, les époques de transformations culturelles et les structures sociales. Alors que
Katznelson identifie l’action collective, le changement structurel et les pratiques historiques.
• La sociologie contemporaine émerge avec la publication de Moore Social Origins of
Dictatorship and Democracy (1966), à ce moment-là, les principales théories
(behaviorisme et individualisme méthodologique) ne prenaient pas l’histoire en
compte car empêchait les généralisations. La sociologie historique contribua à
montrer que les limites de certains modèles théoriques étaient dues à une sousestimation des spécificités historiques. Ex. le développement des Etats, les alliances
entre forces sociales sont difficiles à saisir en faisant abstraction de l’histoire. « la
révolution et la lutte des classes ne sont pas traitées indépendamment du temps et
de l’espace ». Conception « marxisante » de l’Etat.
• Skocpol et Mann se sont détachés de cette conception et s’inscrivent dans la tradition
wébérienne : l’Etat, plutôt que d’être problématisé comme un simple lieu
d’affrontement entre classes sociales, est conçu comme un organe administratif et
coercitif autonome à l’égard des déterminants socio-économiques. Postulation de
l’autonomie des différentes sphères du social (politique, économique, culturelle,
militaire) entre elles, analyse des interactions complexes dans l’histoire et ont tenté
de dépasser une sociologie historique centrée sur les dynamiques intrasociétales. Ils
ont souligné l’importance de a dynamique de compétition dans laquelle les Etats sont
imbriqués, donc intérêt pour les différentes formes institutionnelles adoptées par
l’Etat pour voir l’avantage que confèrent certaines formes d’organisation du pouvoir
politique à la fin de ce processus de compétition. Conception réaliste.
• La sociologie historique a été beaucoup influencée par l’Ecole des Annales, qui a
montré l’importance de l’analyse des fondements économiques et sociaux des
dynamiques et processus de transformations historiques eux-mêmes, mis en relief la
géographie de ces macrostructures, les fondements matériels des structures de
pouvoir et l’approche pluridisciplinaire et comparative. La plupart de ces analyses
étaient limitées à l’Europe, mais Braudel adopta une échelle mondiale, avec le
concept d’économie-monde (qui a influencé la théorie du système monde de
Wallerstein), idée d’une géographie différentielle par laquelle se déploie la dynamique
structurelle du capitalisme.
• Polanyi, un des pionniers du courant institutionnaliste (The great transformation,
1944), est aussi un des précurseurs de la sociologie historique. Il ne voyait pas la
frontière entre les différentes sciences comme incontournable et il considérait
l’analyse historique comme un matériel empirique pouvant servir à illustrer certains
aspects (domaine à part des sciences sociales).
• Tilly, approche téléologique et volontariste du changement social. Caractère aléatoire
et hasardeux du processus de formation de l’Etat (produit secondaire des efforts des
gouvernants pour acquérir les moyens de la guerre). Tous les pays n’ont pas pris le
même chemin pour arriver à l’Etat national, forme d’Etat dominante en Europe : les
conditions structurelles différentes, les variations de la concentration du capital et de
la contrainte, se sont manifestés par le développement de stratégies distinctes qui
ont abouti à la formation de différents types d’Etat.
• Forme de sociologie historique qui propose un renouvellement du marxisme.
Soutiennent qu’en postulant (au lieu d’en retracer l’origine) l’autonomie des
différentes sphères sociales du pouvoir comme point de départ, la sociologie
historique d’inspiration wébérienne risque de passer à côté d’un processus
Concepts
4
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
historiquement spécifique : L’autonomie du politique serait un phénomène spécifique
des sociétés capitalistes. Donc nécessité de mettre en relief la spécificité de chacune
des formations sociales.
Système international : Un système est composé d’unités en interaction. Un changement
dans une unité = changement dans le système. Le système international réfère au système
d’Etats : « ensemble constitué par des unités politiques qui maintiennent entre elles des
relations régulières et sont toutes susceptibles d’être impliquées dans une guerre générale »
(Aron). Il y a donc interactions entre les Etats et le comportement de chacun est un facteur
nécessaire dans le calcul des autres. Le système international ≠ systèmes nationaux car il
est anarchique (≠ hiérarchique) = absence d’un gouvernement central pouvant imposer une
régulation des comportements des unités du système.
Conséquences de l’anarchie (divergences dans les théories) :
• Les réalistes et néo-réalistes : cette anarchie entraîne une méfiance mutuelle entre
les Etats = on ne peut compter que sur soi-même.
• Les institutionnalistes libéraux : L’anarchie peut être encadrée par des institutions
internationales qui favorisent la coopération dans le système international.
• L’école anglaise : existence d’une société internationale régie par des institutions
(diplomatie, équilibre des puissances) qui atténuent les conséquences de l’anarchie.
• Les constructivistes : Anarchie = construit social, les Etats sont fortement déterminés
par la structure normative et institutionnelle du système international.
Caractéristiques du système international :
• Pour les réalistes, la caractéristique première d’un système international est la
configuration du rapport des forces (uni-, bi- ou multipolaire). Son analyse porterait
sur ses limites, le nombre d’acteurs (étatiques), la répartition des forces entre eux,
leurs situations géographiques et la participation politico-militaire (Aron). Ils se
différencient aussi par la nature des régimes qui en font partie :
o Système homogène : les Etats partagent un ensemble de valeurs politiques.
Favorise la stabilité, la prévisibilité et la limitation de la violence du système.
o Système hétérogène : Etats ont des valeurs contradictoires. Plus favorable à
l’occurrence de guerres.
• Autres approches : L’école anglaise : existence de moyens de communication entre
les Etats suffit à en faire des membres du système international. Théorie marxiste :
effet structurant des rapports d’exploitation économique entre classes dominantes et
dominées dans le système international. Constructivistes : structure composée de
normes et des institutions internationales. Certaines approches incluront aussi des
acteurs non étatiques (ex. ONG, organisations internationales) et différents domaines
d’interaction (ex. politique, militaire, culturel).
Théorie : La discipline des RI a longtemps été dominée par une seule approche théorique :
le réalisme. Aujourd’hui, émergence de diverses théories critiques qui remettent en cause
l’épistémologie, l’ontologie et la méthodologie des approches dites positivistes des années
80.
Une théorie permet d’établir des rapports entre phénomènes étudiés en vue de mieux
comprendre ou de mieux expliquer le sens de ces relations. « La théorie rend le monde plus
intelligent et oriente les recherches sur le plan ontologique ». Attention ≠ modèle, ce dernier
propose surtout une représentation descriptive et simplifiée de la réalité ou des rapports
entre les différentes parties constituantes d’un phénomène, il n’offre ni explication, ni
interprétation de ces rapports. Actuellement, période de grande réflexion sur l’identité de la
théorie en RI.
• Pour certains, la théorie commence par une observation des faits, la démonstration
d’un rapport entre cause et effet pour arriver à une explication qui pourrait être
appliquée à des situations identiques ou semblables. → théorie explicative
(hypothèses pour expliquer un phénomène, vérification fondé sur l’observation de
faits concrets et de propositions de relations causales = base d’une explication
Concepts
5
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
plausible, qui sera remplacée par d’autres explications grâce à l’apport de nouveaux
éléments), but : découverte de généralisations, voire de véritables lois. « Les lois sont
des ‘faits d’observation’, les théories sont des ‘processus spéculatifs introduits pour
les expliquer’ » (Waltz et les néoréalistes), mais les sciences sociales ont jamais pu
établir de telles lois et les généralisations sont rares en RI.
• Pour d’autres, il faut procéder à un questionnement sur les conceptions préalables
(les préjugés, les expériences antérieures et les croyances) que chaque chercheur
porte en lui et qui influent sur sa perception de la réalité. → théorie constitutive (elle
vise à comprendre ou interpréter, ≠ explicative) des RI. Elle relativise une observation
« objective » du monde social. Division des approches théoriques entre
fondationnalistes et antifondationnalistes. Une théorie fondationnaliste considère qu’il
existe une base indiscutable sur laquelle on peut fonder une interprétation ou une
explication des choses, les anti rejettent cette idée. Ex. le marxisme se repose sur la
notion de l’omniprésence de la lutte des classes pour expliquer la réalité sociales
économique et politique = approche fondationnaliste. VS les post-modernistes
partent de l’idée qu’il n’y a aucune grande théorie qui expliquerait le monde et qui
permettraient de démontrer la supériorité d’une théorie face à une autre.
• Objectifs de l’approche théorique utilisée : distinction de Cox entre :
o Les théories qui cherchent à résoudre des problèmes dans le système
international en vue d’en assurer un meilleur fonctionnement. Elles prennent
« le monde tel qu’elles le trouvent, avec les rapports sociaux et de pouvoir
existants et les institutions comme le cadre donné pour l’action ». elles
penchent pour le statu quo. Se prétendent objectives mais ne le sont pas.
o Les théories qui proposent une critique des fondements même du système.
Comprendre comment on en est arrivé là et transformer ou concevoir le
système autrement. Se veulent réformistes, révolutionnaires.
→ Cette distinction simplifie les différences entre approches et sert à souligner la
téléologie des RI. Toutes les approches théoriques de cette discipline portent en elles
une idée implicite ou explicite des finalités souhaitables des RI, que ce soit l’équilibre
du système international chez les néoréalistes ou l’insistance sur le devoir
d’émancipation de la théorie critique.
• 3ème courant des RI qui diffère des approches explicatives et constitutives (=
analytiques), celui-ci met l’accent sur l’éthique des relations entre acteurs
internationaux. → théorie normative. Origine dans l’idéalisme de l’entre-deux-guerres.
Les préoccupations morales des réalistes classiques reposaient sur l’idée de la
pratique de la responsabilité des grandes puissances en relations entre Etats. Les
partisans des approches normatives s’intéressnent à la moralité de l’utilisation de la
force en RI, les droits de l’Homme, les limites de l’exercice de la souveraineté, etc.
Le pluralisme dans la conception de la théorie des RI depuis les années 80 témoigne de la
vitalité de cette discipline mais aussi du fait qu’elle a pris sa place parmi les autres sciences
sociales.
Système de Westphalie : Vu comme l’archétype du système international moderne car il
donnait les paramètres généraux guidant les relations interétatiques. Référence à
Westphalie liée au Traité de Münster et d’Osnabrück signés en 1648 par le roi de France et
la Reine de Suède avec le Saint-Empire Germanique. But : mise en place d’une paix durable
en Europe (déchirée depuis le 17e par des conflits religieux et la Guerre de 30 ans, 16181648). L’emploi du système de Westphalie découle de l’interprétation des implications
qu’auraient eu plus tard ces traités de paix dans la structuration des relations interétatiques :
1. Reconnaissance de souveraineté de l’Etat et du principe de non-intervention
2. Territorialisation des relations interétatiques.
3. Reconnaissance de l’égalité formelle des acteurs du système international.
4. Codification des rapports internationaux par l’introduction du droit international.
5. Sécularisation de la diplomatie.
Concepts
6
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
6. Établissement de l’équilibre des puissances comme principe régulateur du système
international.
Les réalistes (interprétation dominante): Sous l’ère féodale, les rapports internationaux
reposaient sur une chaîne hiérarchique de droit et de privilèges régulant les relations entre
les dynasties monarchiques et le Saint-Empire Romain et la papauté (représentants
universels de la chrétienté et donc avait un droit de regard dans les affaires internes des
dynasties européennes). La paix de Westphalie aurait permis d’éliminer cette hiérarchie en
instituant le principe de relations de pouvoir horizontales entre acteurs jouissant de droits et
de statuts égaux. La logique de la raison d’Etat aurait remplacé le rôle « irrationnel » des
motifs religieux dans la conduite des affaires de l’Etat. Association de la modernité du
système à l’émergence de la reconnaissance mutuelle de la souveraineté des Etats.
Critiques au sujet de l’interprétation et de la signification de la paix de Westphalie dans la
création du système international contemporain :
• L’école anglaise : conteste l’idée que la Paix de Westphalie représente un moment
de rupture. Interprétation différente du moment ou le système a été mis en place :
15e, Concile de Constance (1414-1418). → la Paix de Westphalie représente plutôt
un moment culminant dans le vaste processus historique qui a mené à la mise en
place du cadre juridique du système international contemporain.
• Les constructivistes soutiennent qu’elle serait le produit d’un long processus de
transformation sociale ayant affecté l’identité des Etats : La révolution commerciale
du 11e aurait mis en place un mouvement de transformation sociale qui aurait
participé à la restructuration et réorganisation de l’espace politique des Etats. Cette
révolution aurait mené au développement du système moderne de propriété reposant
sur le principe romain de propriété absolue, qui aurait permis la réorganisation du
pouvoir politique à l’intérieur d’un espace public exclusif et distinct de la sphère
privée. Elle aurait aussi participé à la centralisation et territorialisation du pouvoir
d’Etat. Donc le processus de différenciation du pouvoir politique et de territorialisation
du pouvoir d’Etat représenterait la caractéristique principale du système international
puisqu’il serait constitutif de la différenciation entre espace national et international.
• Les néoréalistes : (Krasner) le principe de souveraineté n’est pas immuable car
rapport de pouvoir donc changeant. Les institutions liées à la souveraineté de l’Etat
(capacité d’une forme centralisée d’autorité politique à exercer un pouvoir absolu à
l’intérieur de frontières déterminées) existaient déjà avant Westphalie. Cette dernière
n’aurait fait que codifier des pratiques et institutions déjà existantes.
L’absence d’une réflexion sur le concept de souveraineté en termes historiques a posé des
limites quant à la capacité du champ des RI à saisir les transformations de ce concept dans
l’espace et dans le temps.
• Les marxistes : soutiennent que ce n’est qu’en reproblématisant la souveraineté de
l’Etat comme la résultante de relations sociale qu’on pourra saisir la spécificité des
dynamiques sociales que cette forme institutionnelle a exprimé dans l’espace et dans
le temps. Ce n’est qu’à partir d’une problématisation des formes spécifiques revêtues
par le pouvoir social dans l’espace et dans le temps que le champ des RI pourra
saisir la spécificité des impératifs structurels, de la rationalité et des stratégies
d’action afin de répondre à ces impératifs et des dynamiques de pouvoir des
différents systèmes internationaux.
• Matérialisme historique : idée que la forme du pouvoir social prédominante en Europe
au 17e demeure capitaliste. La manière dont la classe dominante s’appropriait les
surplus des producteurs reposait sur l’utilisation de moyens extra-économiques
(coercition, privilèges juridiques, taxation) plutôt que sur des moyens purement
économiques. L’Etat était le lieu privilégié par l’aristocratie pour maintenir son pouvoir
social et cette dynamique d’accumulation politique qui était la stratégie de
reproduction sociale dominante. Nécessité pour les RI de reproblématiser
historiquement et socialement les systèmes internationaux.
Les débats actuels autour du système de Westphalie sont influencés par la reconnaissance
du fait que la mondialisation pose un défi considérable au principe de souveraineté. Le
Concepts
7
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
système va t’il persisté dans un contexte ou le rôle et le prérogatives de l’Etat
« westphalien » sont de plus en plus remis en question.
Réalisme classique
Équilibre des puissances : Concept ancien des relations internationales (Thucydide). Il est
évoqué pour parler d’équilibre régional, mais à la suite de la SGM et de l’avènement de la
Guerre froide, on parle de puissances sur le plan global. Ce concept fait référence à la
répartition des capacités entre deux ou plusieurs Etat ou groupes d’Etats. Il est associé à
l’approche réaliste. La vision de ce concept est fondamentalement différente entre le
réalisme classique et le néolibéralisme.
• Réalisme classique : équilibre des puissances perçu comme un objectif de la
politique étrangère. → normatif
• Néoréalisme : Waltz (1979) : la structure du système international tend elle-même
vers un équilibre naturel et stable, surtout dans un situation de bipolarité. → descriptif
Il existe plusieurs interprétations de ce concept :
• Morgenthau (père du réalisme américain, 1962) propose quatre façons différentes de
concevoir l’équilibre des puissances :
o Comme une politique visant à répartir la puissance de manière plus ou moins
égale.
o Comme une description d’un certain état de fait en relations internationales.
o Comme une description d’une politique visant à établir un certain état de fait
en relations internationales.
o Comme toute répartition de la puissance dans les relations internationales.
La critique principale que l’on peut faire à ce concept, c’est qu’il peut être utilisé dans
plusieurs circonstances différentes. Tous ceux qui s’en servent tendent à le faire
concorder avec leur propre vision des relations internationales.
• B. Haas (1953) décrit huit interprétation différentes de ce qui peut signifier le terme
équilibre ; répartition de la puissance ; équilibre ; hégémonie ; stabilité et paix ;
instabilité et guerre ; politique de puissance (realpolitik) ; loi universelle de l’histoire ;
système ou guide.
Ce concept tend à confondre le normatif et le descriptif. Ici, au-delà de la description de cet
équilibre, on peut voir le débat normatif entre les réalistes et les libéraux :
• Réalistes et néoréalistes : qu'il s'agisse d'un objectif ou un état de fait, l'équilibre des
puissances est perçu comme une véritable institution, qui assure la paix, l'ordre
régional ou global et est donc valorisé implicitement pour cette raison.
• Libéraux et néolibéraux : La poursuite de l'équilibre des puissances )ou les tentatives
de le maintenir) est une source fondamentale d'instabilité dans les RI et ultimement
de guerre → cela doit inciter à des stratégies de rechange, telles que la sécurité
collective ou la coopération à travers les institutions internationales.
En plus de la confusion qui entoure le terme d’équilibre, il existe beaucoup de débats autour
de la définition de puissance, en plus des difficultés lorsqu’on tente de l’évaluer (puissance
militaire ? économique ? importance du soft power ?)
Aron (réaliste) propose tout simplement de remplacer le concept d’équilibre des puissances
par celui d’équilibre des forces car les forces sont plus mesurables que les puissances. Et
d’ajouter : si les forces sont équilibrées, les puissances le sont aussi approximativement.
Intérêt national : Concept fait partie intégrante des discours politiques concernant l'état.
C'est parce que l'objectif défini par les décideurs est l'intérêt national qu'il leur est possible
d'obtenir l'appui nécessaire à la réalisation de cet objectif. So said H.Kissinger: « Si vous
demandez aux Américains de mourir, il faut que vous puissiez l'expliquer dans les termes de
l'intérêt national ». Intérêt national: identifie les objectifs qui définissent la politique étrangère
et outil qui génère la légitimité -- > c'est donc un concept fondamental lorsqu'il s'agit
d'expliquer l'action de l'état (et donc les politiques internationales).
Concepts
8
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
Concept associé à l'école réaliste: Implique une analyse rationnelle des moyens de la
puissance (économiques, technologiques, politiques ou militaires). La quête de ces moyens
est réalisée dans le but d'assurer le maintien de la nation et de la souveraineté de celle-ci.
Morgenthau: a proposé un guide de politique étrangère qui se résume en deux mots: «intérêt
national » qu'il définit comme étant « un art qui consiste à rassembler les différents éléments
de la puissance nationale dans le but d'en tirer le maximum ». Selon lui, l'intérêt national est
« une puissance parmi d'autres puissances » → ne peut être assuré qu'en prenant en
considération le caractère national, en maintenant le moral national et en tenant compte des
buts et des moyens de l'état. Ces interprétations, qui renvoient à l'hypothèse selons la quelle
les individus d'un territoire partagent des caractéristiques ethniques (→ liens émotifs au
territoire et aux récits nationaux), nous permettent de comprendre la vision naturaliste de la
nation sous-entendue par le réalisme classique et de mettre en évidence l'épistémologie
rationaliste sur laquelle ce concept se fonde. Aron souligne l'aspect idéologique inhérent à
ce concept (« intérêt national n'est pas une politique mais une attitude »). Waltz modifie
l'interprétation classique → l'intérêt national se définit avant tout par le fait que l'état veille à
assurer sa survie et non pas à augmenter sa puissance. Distribution inégale des capacités
dans le système international et la compétition qui en découle déterminent les objectifs des
états (leurs comportements ne peuvent pas être expliqués en référence aux intentions et
motivations des états).
Institutionnalistes libéraux: états agissent nécessairement dans leur intérêt, cet intérêt
national varie donc d'un état à l'autre → excès et luttes dans les relations → structures
internationales de contrôle doivent être mises en place à fin de garantir la coopération, la
réciprocité et le partage des bénéfices. Institutions permettent donc aux états des moyens
d'action nécessaires à l'atteinte de leurs buts.
Joseph Frankel (1970): l'intérêt national est défini à partir des objectifs, décidés par les
décideurs ou l'opinion publique, étant définis comme les aspirations de la nation. Intérêt
national comme mythe nécessaire car donne un sens à la nation.
Constructivistes: Poussent plus loin aspects contextuels et contingents de l'intérêt national.
Importance de sa dimension identitaire → origine des intérêts et conditions dans lesquelles
ils se transforment → processus d'interaction continu entre les agents et les structures du
système (A. Wendt, 1992), lien avec un ensemble de significations propres à l'existence de
l'état-nation. (≠ Approches réalistes, néoréalistes et institutionnaliste néolibérales: les
identités et les intérêts sont des phénomènes donnés). Pour les constructivistes, les identités
sont à la base des intérêts → intérêt national est socialement constitué, c'est l'ensemble des
objectifs historiquement contingents et spécifiques que les décideurs d'un état prétendent
poursuivre.
Théories critiques: ne cherchent pas à définir le concept, mais à questionner les conditions
d'émergence du discours portant sur l'intérêt national et à mettre en évidence les intérêts
défendus par ceux qui les formulent. Utilisation de ce concept sert à entretenir des
sentiments nationalistes et ne peut que perpétuer l'existence de RI inégales à travers
desquelles se perpétue la domination de certaines collectivités (ou individus) sur d'autres.
Bien que c'est avant tout un concept représentant une somme de calculs rationnels
(individuel ou collectif selon les théories) au sein d'un état → utilisé et présenté par les
décideurs de manière moralement acceptable pour la communauté internationale. Capacité
des états à le formuler de manière autonome → de plus en plus restreinte par les institutions
internationales et par le transnationalisme. Un intérêt qui peut paraître vital pour un état à un
moment donné peut être critiqué et modifié par les alliances et les organisations
multilatérales voire l'opinion publique → capacité des acteurs d'expliquer rationnellement
leurs décisions et de se référer à l'intérêt de la nation est réduite car les territoires nationaux
et le concept d'état sont remis en question.
Politique étrangère : « Partie de l’activité étatique qui est tournée vers l’extérieur » (Merle).
Activité par laquelle les Etats agissent, réagissent et interagissent dans le système
Concepts
9
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
international. Une action de politique étrangère peut donc être initiée par un Etat ou se poser
en réaction à l’initiative d’un autre Etat, d’une organisation internationale, etc.
On divise traditionnellement les thèmes de la politique étrangère en 2 catégories :
• Les thèmes de la high politics : sécurité et défense (éléments considérés comme les
fondements de l’intérêt national). Action exceptionnelle de l’Etat.
• La low politics : sujets de la routine diplomatique et ne touche aucune question
remettant en cause l’existence de la nation.
Distinction de plus en plus critiquée de par l’importance grandissante de l’économie dans la
conduite de la politique étrangère des Etats, alors qu’elle avait toujours été vue comme low
politics. Distinction moins pertinente donc que par le passé. La politique étrangère tend donc
à être appréhendé de façon sectorielle sans hiérarchisation des enjeux.
Elle est formulée dans un double contexte : interne et externe, elle ne peut donc pas être
dissocié du champ des politiques publiques d’un Etat. Selon les approches, elle cherchera à
expliquer les actions de l’Etat, ses motivations, objectifs, le processus de prise de décision
ou les résultats d’actions, ceci par la psychologie des décideurs, la culture politique
nationale, les capacités matérielles de l’Etat, etc.
• L’analyse réaliste de la politique étrangère repose sur la notion d’intérêt national (les
Etats sont des acteurs rationnels qui cherchent avant tout la préservation de leur
indépendance, de la souveraineté nationale, la sécurité, le bien-être économique,
etc.), la formulation de cette politique sera donc un processus par lequel l’intérêt
national sera définit en un nombre d’objectifs spécifiques, une stratégie sera élaborée
pour les atteindre, à travers des actions. => calcul rationnel prenant en compte les
buts et les moyens de l’Etat = base de la formulation de la politique étrangère. Dans
cette analyse, le processus de décision interne (rôle des individus) n’est pas pris en
compte.
• Le modèle bureaucratique (Allison, 1971) vise à expliquer les décisions de politique
étrangère en mettant l’accent sur le jeu des acteurs bureaucratiques touchés par le
processus de décision. → L’appartenance bureaucratique ou organisationnelle des
individus (normes, routines, intérêts particuliers, culture, etc.) détermine en partie la
position qu’ils adopteront vis-à-vis de l’enjeu qui les préoccupe. La notion d’intérêt
national n’est pas le résultat d’un processus de décision rationnel mais de
marchandages.
L’analyse de la politique étrangère se rapproche de l’analyse des politiques publiques. La
remise en question de la distinction interne/externe et le rejet de la rationalité de l’Etat en
tant qu’acteur unitaire s’accompagne d’une plus grande prise en compte des facteurs
internes dans l’analyse de la politique étrangère. Élargissement des champs d’intérêt (ex.
politique étrangère environnementale ou économique).
Puissance : Concept controversé (notamment distinction en puissance et pouvoir ou
dénombrement des facteurs de puissance).
Réalisme :
• Concept associé à cette école de pensée.
• Pilier analytique des réalistes → les états cherchent la puissance dans leurs relations
avec les autres états. Politique internationale vue comme une lutte pour la quête de
la puissance. Quête logique → unités politiques évoluent dans un environnement
anarchique à l'intérieur duquel elles doivent survivre et prospérer → moyen pour y
arriver: accumuler de la puissance. Rapports de force dominent les relations entre
états.
• Aron (1984): puissance → « capacité d'une unité politique d'imposer sa volonté aux
autres unités ».
• Calcul simple: ce qu'un état peut faire en RI est fonction de la puissance qu'il
possède.
Néoréalisme :
• Waltz: réajuste la définition de la puissance en mettant l'accent sur 3 éléments
Concepts
10
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
pertinents:
o Système international comme structure anarchique.
o Dans cette structure, pas de différenciation structurelle entre les unités qui y
coexistent. Toutes cherchent minimalement la sécurité afin d'assure leur
survie.
o Seule différence entre les unités de la structure se perçoit à travers la
distribution de la puissance.
• La puissance est relative à la position de l'unité dans le système international → « la
première préoccupation des états n'est pas de maximiser leur puissance (≠pensée
réaliste) mais plutôt de maintenir leur position relative dans le système ». Structure
impose des contraintes aux unités → cela explique leurs comportements et
détermine les résultats. Changement de comportement s'explique non pas par
l'augmentation ou la diminution de leur puissance absolue mais par les contraintes
inhérentes à la structure du système international.
• Structure récompense les comportements qui reproduisent le système et sanctionne
les autres. Quête de la puissance relative (principale différence par rapport aux
réalistes) est récompensée → rend la coopération difficile.
• Critique de cette définition: trop de concentration sur l'exclusion mutuelle interne et
externe propre aux états dans leurs RI (c’est-à-dire que l'état est un acteur cohérent
et unifié qui agit dans un système composé d'états cohérents et unifiés). Conception
→ impact direct sur les conceptualisations de la puissance → délaisse les apports
importants qu'offrent le dualisme interne et externe et l'interdépendance grandissante
des rapports entre états.
Nye et Keohane :
• Puissance définie de 2 manières:
o Habilité avec laquelle un acteur entraîne d'autres acteurs à faire ce qu'ils
n'auraient pas fait autrement → relation d'interdépendance asymétrique entre
2 acteurs est source de puissance et la nature de cette puissance provient du
contrôle de l'acteur de moins dépendant sur les ressources.
o Contrôle sur les résultats → relation asymétrique entre 2 acteurs comme
source de puissance. Puissance de nature potentielle → change
potentiellement les résultats lors de la négociation politique.
• Proposent deux dimensions de la puissance:
o sensibilité → coûts immédiats encourus par l'effet d'une action extérieure
o vulnérabilité → coûts d'ajustement associés à un changement de politique afin
d'abaisser le niveau de sensibilité.
Buzan : Nouvelle typologie → scinde le concept en 4 conceptions:
• puissance attributive → capacité des unités d'effectuer des tâches spécifiques selon
les attributs respectifs qu'elles possèdent (≠ somme nulle).
• puissance relationnelle → distribution de la puissance parmi les unités d'un système.
(à somme nulle) → aspect relatif de la puissance.
• puissance de contrôle → capacité d'un acteur de modifier le comportement d'un autre
acteur (perçue comme un résultat). Ici, rejoint Aron et Waltz.
ces 3 formes de puissance se concentrent sur la capacité de l'acteur (ou unité
politique ou état).
• puissance structurelle → concept de puissance expliqué par Waltz. Puissance se
situe dans la nature du système.
→ la puissance structurelle est imposée aux acteurs indépendamment de leur volonté
car elle est induite par le système ou la structure internationale.
Nye : Distinction entre deux types de puissance:
• But de ces deux puissance: Modifier le comportement ou de restreindre la volonté
des autres acteurs.
• Moyens pour y parvenir:
Concepts
11
Théorie des relations internationales (C)
o
o
Jari Correvon
Soft power → utilisation de moyens militaires et économiques → puissance
tangible et brute.
Hard power → utilisation de l'influence politique et culturelle → l'acteur doit
« être capable de proposer un agenda, de structurer une situation de telle
sorte que les autres pays fassent des choix ou définissent des intérêts qui
s'accordent avec les siens propres » → utilisation moins coûteuse en terme
de ressource ainsi que de légitimité car met en jeu des ressources intangibles
de puissance telles que la culture, les idées et les institutions. Moins coercitif
que la puissance traditionnelle.
Souveraineté : Lien avec la question du fondement de l'autorité et du pouvoir politique. Une
des caractéristiques institutionnelles attribuées à l'Etat souverain. Influence de Weber :
souveraineté est la capacité de l'autorité politique à exercer le monopole de la violence
légitime à l'intérieur de frontières clairement définies → institutionnalisation de relations
d'autorité formellement hiérarchisées. Cette notion implique la capacité d'une communauté
politique à façonner de manière autonome le caractère propre de ces relations d'autorité (et
des institutions qui y sont liées) → indépendance constitutionnelle de l'état.
Organisation et institutionnalisation des relations d'autorité → souveraineté interne
(≠externe). Distinction analytique car souveraineté interne repose sur des conventions qui
visent à régir les rapports entre les états en garantissant les conditions d'existence de cette
institution. Indépendance constitutionnelle de l'état → corollaire au niveau externe:
reconnaissance du principe de non-intervention et de l'égalité formelle des états.
Distinction interne-externe permet de mettre en avant l'importance de la reconnaissance
mutuelle de la souveraineté des états dans la conduite des RI. Ex: un état qui possède la les
attributs de la souveraineté interne d'un état mais qui n'est pas reconnu par la communauté
internationale sera exclu du statut d'acteur (inverse aussi possible).
Du point de vue théorique, ce concept est un objet de débats dans la discipline :
• Réalisme et néoréalisme :
o Question de la souveraineté est abordée en relation étroite avec la
problématique de l'anarchie. Absence de Léviathan mondial → établit les
conditions d'existence des états en tant qu'acteurs souverains.
o État d'insécurité latent créé par l'anarchie présuppose la capacité des états à
agir de manière autonome afin de développer les stratégies nécessaires afin
de garantir leur survie.
o Souveraineté = capacités matérielles des états qui leur permettent d'agir de
façon autonome tout en étant la condition même de leur existence.
o Ici, pas vraiment de distinction entre état et souveraineté → conception de
l'état présuppose la capacité à confronter la menace de façon autonome.
o Waltz: souveraineté → attribut intrinsèque plutôt que institution sociale.
(L'égoïsme de l'état, le dilemme de la sécurité et la maximisation de la
puissance → réalités universelles au sein d'un système anarchique peu
importe le type d'acteurs en question ou les institutions développées.).
o Ici: interne-externe + anarchie → souveraineté
• Poststructuralisme :
o Remise en question de la conception traditionnelle de ce concept.
o Mise en avant du caractère a-historique et a-social des fondements
théoriques de la discipline et démontre comment les pratiques discursives des
théories dominantes (pratiques d'exclusion qui réduisent les voies alternatives
à un statut marginal) participent à la reproduction des structures de
domination en les représentant comme des réalités universelles
o Critique des catégories ontologiques de la discipline (état ou souveraineté).
o Mise en relief du fait que les discours sur la souveraineté contribuent à
naturaliser et à universaliser des pratiques d'exclusion et de marginalisation
de l'Autre.
Concepts
12
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
Discours qui mettent l'accent sur la segmentation de l'espace politique et
renforcent la conception limitée de l'identité, la citoyenneté et la sécurité
« nationale » -→ contribuent à générer et légitimer un climat favorable à
l'exercice de la violence de l'état.
Néomarxisme :
o Souveraineté en tant que relation sociale historiquement constituée.
o Spécificité des formes de souveraineté mises en relief à partir des relations
sociales de propriété et du mode d'extraction des surplus qui leur sont
associées.
o
•
Néoréalisme
Bandwagoning : Il indique un comportement où un Etat ou un groupe d’Etats s’allie avec un
Etat ou un groupe d’Etats plus puissant pour assurer sa (leur) sécurité. Selon Schweller, les
Etats satisfaits du statu quo auront tendance à pratiquer l’équilibrage, tandis que les Etats
insatisfaits, qui sont plus inspirés par le gain que par la recherche de la sécurité, tendront à
pratiquer le bandwagoning en s’alliant avec un Etat révisionniste montant (Italie fasciste,
Allemagne nazie). Mais dans les cas où les Etats qui pratiquent le bandwagoning sont aussi
en faveur du statu quo, cela peut renforcer la stabilité du système plutôt que de le troubler.
Mais quelle que soit la forme que prendra le bandwagoning, il serait toujours motivé par
l’appât du gain.
Polarité : Concept emprunté à l’électricité pour désigner le nombre de « pôles » ou de
centres de puissance dans le système international. D’après les néoréalistes, une structure
bipolaire offre la meilleure garantie de stabilité, puisqu’elle crée un équilibre qui réduit au
maximum les incertitudes. La multipolarité serait, par contre, celle qui serait la plus sensible
au déséquilibre et donc à l’instabilité et à l’insécurité générale. Enfin, l’unipolarité serait aussi
assez instable, parce que la puissance dominante ferait l’objet de rivalités constantes, qui
mèneraient éventuellement à son remplacement par un ou plusieurs centres de puissances.
Internationalisme libéral
Coopération : Il s'agit d'une notion appartenant avant tout aux approches (néo-)libérales en
théories des RI. Contrairement aux approches réalistes qui voient dans les relations une
perspective conflictuelles, les (néo-)libéraux y voient des relations pouvant être fondées sur
la coopération. Pour Keohane, la coopération "a lieu quand les politiques effectivement
poursuivies par un gouvernement sont considérées par ses partenaires comme un moyen de
faciliter la réalisation de leurs propres objectifs, comme résultat d'un processus de
coordination entre politiques" négociation, facilité par la mise en place de régimes
internationaux.
Idéalisme :
Idéalisme (ou internationalisme libéral)
Auteurs
•
Kant → avènement d'une confédération d'états sur la scène internationale
(valeurs cosmopolites et rationalisme des lumières)
Contexte
historique
•
Attention, ne pas oublier que l'idéalisme sert à désigner aujourd’hui
quelque chose qui était à l'époque un bassin de positions convergentes.
Suite de la PGM. C'est à ce moment que le champ des RI commence à
devenir autonome face aux champs de la théorie politique, de l'histoire
militaire et du droit international.
Internationalisme libéral fait référence à la doctrine politique universelle et
cosmopolitique de la tradition libérale (≠libéralisme économique). Terme
•
•
Concepts
13
Théorie des relations internationales (C)
•
•
Postulats
•
•
•
•
Tendances
Thèses
positions
Jari Correvon
utopisme peut être utilisé de façon péjorative.
Idéalisme: version théorique de l'enthousiasme suscité par la création de
la SdN + nouvelle ère d'interdépendance à la suite de la PGM.
Ère d'optimisme est a été caractéristique de l'entre 2 guerres avant de se
faire surclasser par les réalistes après la PGM.
Croyance en la possibilité et nécessité d'un recours à la raison pour régler
les conflits.
Selon Kant: importance de la raison, possibilité des êtres humains
d'apprendre de leurs erreurs → états se réuniront en une confédération
au sein de laquelle les conflits seront résolus par des voies pacifiques.
Idéalisme ≠ libéralisme économique car ne croit pas que seule l'extension
des marchés, des échanges et du commerce suffira à engendrer une paix
durable.
Cherche à multiplier les niveaux d'organisation politique à des niveaux
supérieurs que celui de l'état-nation.
Théorie caractérisée par des approches plus diffuses, bien que les préceptes
de bases fassent l'unanimité :
1. libéralisme politique → moyen d'établir des institutions (politiques,
juridiques, internationales, policières)
2. Libéralisme économique → vertus réconciliatrices du commerce et de
l'interdépendance économique, sans remettre en ? la nécessité
d'encadrer
l'économique
au
sein
d'institutions
politiques
internationales (Keynes).
3. Conception pluraliste de l'état qui s'oppose aux conceptions juridiques
dominantes.
et •
•
•
Conception téléologiques de l'histoire
(dimension civilisatrice → justification de l'impérialisme UK car a contribué
à l'établissement d'une civilisation commune basée sur la paix).
Conception philosophique de l'histoire.
[Conception pluraliste de l'état (≠souveraine)
→ état comme entité autonome et souveraine sur la scène internationale
n'est pas adéquat pour décrire la période à la suite de la révolution
industrielle et d'interdépendance accrue. Cette vision pluraliste s'oppose
aux conceptions juridiques de l'état. ]
États ont un intérêt commun à s'engager dans une politique internationale
de sécurité collective → capacité de l'être humain de mettre en place
grâce à ses facultés morales et cognitives des organisations
internationales capables d'éviter les désastres occasionnés par la guerre.
Position basée sur ce constat: ni l'équilibre des puissance, ni le laisserfaire n'avaient empêcher la 1ère GM. Les alliances, la course aux
armements et la diplomatie opaque ont plongé l'EU dans la guerre.
Nécessité de développer de nouveaux outils.
1919-1939: le
Porte sur une question traditionnelle de la philosophie politique
débat
entre
idéalisme
et
Relation entre raison et pouvoir
réalisme
2 questions:
1. Lequel du pouvoir ou de la raison serait en mesure de domestiquer
l'autre en dernière instance? (Morgenthau)
2. Relation entre la raison et le pouvoir sous l'angle de leur
interdépendance?
Réalistes
Concepts
Idéalistes
14
Théorie des relations internationales (C)
•
•
•
Carr, Morgenthau
•
Conception pessimiste de la
nature humaine gouvernée par
son avidité pour le pouvoir. •
Pensent que la raison n'est pas
suffisante pour surmonter les
vices auxquels est enclin l'être
humain et pour résorber les
conflits entre états.
Carr pense que c'est erroné, car
les états n'ont pas tous le même
intérêt de s'engager dans une telle
démarche car ne va pas dissiper
les relations de puissance sur •
l'échiquier international mais va
avoir tendance à renforcer le statu
quo.
Jari Correvon
Woolf, Zimmern et Angell (mit
Buffy)
Ne nient pas l'importance du
penchant
des
hommes
(et
d'Ophélie) pour le pouvoir, ni pour
certains la nature pessimiste de
l'être humain
→ leur ambition n'est pas de
surmonter
ces
pulsions
destructrices, mais de les diriger
vers
des
formes
moins
destructives de conflits.
États ont un intérêt commun à
s'engager dans une démarche
visant à développer une politique
de sécurité collective.
Attention, il y avait plein de débats internes à l'époque et on ne peut pas les
réduire à l'opposition idéalistes-réalistes.
Ces analyses invitent donc à la prudence autant lorsqu'on aborde l'idéalisme
que le premier grand débat du champ de la théorie des RI.
Conclusion
Aujourd’hui, plusieurs approches se disent inspirées par l'idéalisme et Kant
(Notamment la théorie de la gouvernance ainsi que la théorie de la
coopération d'Alexander Wendt)
Interdépendance complexe : Concept datant des années 70, proposé par Kehoane et Nye
dans le débat sur les limites du réalisme : ils rejettent l’idée que les relations entre acteurs
internationaux doivent forcément être conflictuelles.
Contestations
o Rejet des Etats comme les seuls acteurs effectifs du système international. Ils
soulignent l’émergence de forces transnationales (ex. entreprises
multinationales) et leur importance grandissante. Il faut tenir compte des
canaux de communication qui lient les acteurs entre eux et donc créent leur
interdépendance.
o Rejet de la distinction entre les affaires de la high politics (diplomatie, sécurité,
défense) et de la low politics (les autres domaines).
o Affirmation qu’à l’époque de « l’interdépendance complexe », la force militaire
était de moins en moins acceptable comme instrument de diplomatie.
Libéralisme : Les théories libérales sont individualistes et font appelé à la conscience de
l'individu, en supposant que les individus sont rationnels et cherchent le bien être matériel et
idéal. Le libéralisme correspondrait à "un système d'idéaux, de méthodes et de politiques qui
ont pour objectifs commun de procurer une plus grande liberté à l'individu". Ainsi il soutient
une moindre intervention étatique et une émancipation de la liberté (indépendance de la
sphère privée).
Les relations entre Etats et sociétés et les intérêts qui en découlent sont plus significatif que
la puissance et les capacités des entités politiques (Etats).
Il y a trois principales variantes au libéralisme. Elles ne sont pas mutuellement exclusives et
peuvent se compléter.
Libéralisme républicain (lien entre paix et démocratie) : Idée que les démocraties ne se font
pas la guerre. Ce libéralisme propose une forme de monde unifié et pacifié au travers du
libre échange et des institutions. L'argument est que l'Etat démocratique amène la paix au
Concepts
15
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
niveau international. Les Etats non démocratiques sont en état d'agression avec leur peuple
et leur politique étrangère devient suspecte pour les Etats démocratiques. (Controversé)
Libéralisme commercial (lien entre paix et commerce) : Prône la liberté sur le marché et
l'utilisation de l'Etat en support à cette fin. L'argument est que les couts de la guerre
décourage les Etats à la faire, et que la coopération entre ces derniers (consensus) permet
d'optimiser la poursuite du gain et l'accroissement des richesses. La paix au sein des
sociétés est possible grâce aux mécanismes auto-régulateur du marché ("chacun va au bien
commun croyant aller à ses intérêts particuliers).
Libéralisme sociologique (référence à l'intégration et au transnationalisme) : La démocratie
et le libre-échange permet d'"(…)assurer le développement de l'individu, la tolérance
culturelle, la paix sociale et la prospérité". l'idée est de gérer l'anarchie du système
international grâce à la confiance inter-étatique et à la mise en place d'institutions favorisant
la coopération.
Certains libéraux pensent que c'est les intérêts découlant de la relation Etats-société qui ont
le plus d'impact sur le système international (et non les institutions internationales).
Enfin, "par la priorité qu'ils donnent à l'Etat démocratique et à la quête d'égalité et de justice
sociale, le libéralisme républicain et sociologique en viennent tous les deux à expliquer que
les relations transnationales sont souhaitables et qu'elles conduisent à la stabilité des
sociétés.
Sécurité collective : La notion de sécurité collective est une notion controversée, qui
s'explique probablement par la double nature de cette notion, pratique (domaine pratique de
la diplomatie international, en tant que projet politique mondial) et théorique (ensemble
d'énoncés abstraits concernant la sécurité internationale). On peut distinguer ces deux
notions, bien que la théorie ne puisse jamais être complètement séparé de la pratique.
• Pratique : Les 14 points de Wilson visaient à mettre en place un système universel de
sécurité collective. L'idée était que "les Etats s'engagent collectivement à faire passer
l'intérêt commun avant l'intérêt national". Une double responsabilité engage les Etats
membre du système: ne pas faire usage de la force de manière unilatéral, et
participer aux actions concertés contre les agressions. Voir SDN et ONU.
• Théorique : Claude considère la sécurité collective comme "mi-parcours entre les
extrêmes de l'anarchie internationale et du gouvernement mondial". Cette sécurité ne
mene pas à la garantie de la paix, mais "l'anarchie est intolérable et (…) le
gouvernement mondial irréalisable". Cela offre donc une approche rationnelle de la
sécurité internationale. Cette sécurité s'appuie sur un principe de dissuasion,
puisqu'un usage injustifié de la force par un Etat se verra réprimandé par les autres
Etats. Pour cela, il faut des conditions.
o Subjectives : respect par tous les Etats des valeurs pacifique, loyauté,
défense du statu quo, confiance en l'impartialité et l'efficacité du système de
sécurité.
o Objectives : diffusion de la puissance mondiale, le système doit englober la
plupart des Etats, du moins toutes les grandes puissances, désarmement
partiel.
Finalement, Claude constate que "le monde est très loins de satisfaire les conditions
essentielles à l'opération d'un système de sécurité collective".
Beaucoup de critiques ont été faites. Pour certains, la vrai question est de savoir si le
système de sécurité est un système fiable (et non si c'est un système parfait). Pour eux,
cette idée de sécurité couvre un spectre de forme institutionnalisé d'équilibre des
puissances. Pour d'autres, la théorie des jeux permet d'expliquer de quelle manière la
sécurité collective peut être assuré par des Etats égoïstes. Les critiques réalistes
considèrent que "les Etats les plus puissants du système créent et façonnent les institutions
de telle manière qu'ils puissent maintenir, si ce n'est accroître, leur part de la puissance
mondiale".
Concepts
16
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
Néolibéralisme
Choix rationnel : Il ne faut pas confondre la théorie du choix rationnel en RI et la théorie des
jeux. La théorie du choix rationnel repose sur les postulats suivants :
Les individus sont les acteurs centraux des RI. Les phénomènes sociaux et politiques
internationaux sont le résultat du choix rationnel de certains individus qui maximisent
leur utilité.
L'action rationnelle de ces individus consiste à maximiser leur utilité. L'individu choisit
toujours l'option qui à ses yeux sert le mieux ses objectifs. (Dans ce sens cette
théorie ne donne pas d'information sur ce qui est maximisé et comment).
Le choix des acteurs est ordonné et est transitif.
Chaque individu maximise son utilité espérée, la décision est prise dans une situation
d'incertitude.
La théorie du choix rationnel a surtout été utilisée dans la dissuasion nucléaire.
La théorie du choix rationnel a comme critique qu'il lui manque quelque chose pour expliquer
comment et pourquoi les acteurs définissent leur situation et leurs préférences. La théorie du
choix rationnel a attiré son attention sur la structure et sur la forme du raisonnement, au
détriment de son contenu et de son apport empirique. D'autre par en RI, l'unité d'analyse
pertinente n'est pas forcément les individus.
Gains relatifs/absolus : Le débat entre gains relatifs et gains absolus entre dans le débat
entre néoréalisme et néolibéralisme. Pour les néoréalistes les Etats se préoccupent des
gains relatifs, qu'ils font ou pas par rapport à d'autres Etats. Donc les RI sont vues dans un
esprit de concurrence, donc la coopération est difficile. Pour les néolibéraux, les Etats se
satisfont de gains absolus dans leurs relations avec les autres Etats, donc la coopération
n'est pas aussi dure que ce que le disent les néoréalistes.
Institutions internationales : On entend ici institutions internationales comme des acteurs
non-étatique de la scène internationale. Les réalistes les considères comme négligeable
surtout en terme de sécurité. Les néolibéraux défendent leur importance en tant qu'influence
sur les Etats. Les constructivistes
disent eux qu'elles participent à la constitution
intersubjective des identités et des intérêts. (pour eux institutions internationales = système
de gouvernance).
Pour les réalistes ce n'est que le reflet de la distribution moniale de la puissance, les
institutions internationales ne sont modelées qu'en fonction de l'intérêt national des grandes
puissances. Elles sont une forme de « coopération décentralisée sans mécanisme de
contrôle efficace, à laquelle des Etats souverains ont volontairement adhéré ».Donc elles ont
une faibles influence sur les Etats.
Pour les néolibéraux, elles jouent un rôle déterminants dans le systèmes international. Elles
sont un « ensemble stable et cohérent de règles formelles et informelles régissant les
comportements, déterminants les activités et modelant les attentes des Etats ».
Pour les constructivistes le concept d'institutions réfère à un ensemble de pratiques sociales.
« Un modèle stable mais flexibles de règles et de pratiques représentant les intentions des
agents ». Règles = standards comportementaux, pratiques sont formées par l'ensemble des
réactions à ces règles. La coconstitution des agents et des institutions qui forme une
organisation sociale qui peut être institutionnalisée. (Onuf) Pour Wendt c'est « un ensemble
ou une “structure“ relativement stable d'identités et d'intérêts habituellement codifiés sius
formes de règles et de normes formelles ». La force coercitive des institutions est due
seulement à la socialisation des acteurs. Les institutions englobent pour lui ce qui est
coopératif comme ce qui conflictuel. L'anarchie du système international est une construction
des Etats les plus importants.
Interdépendance complexe : Concept proposé par Keohane et Nye (réalistes) qui rejette
l’idée que les relations internationales entre acteurs internationaux doivent forcément être
conflictuels. Premièrement, ils contestent la notion que les Etats constituaient les seuls
Concepts
17
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
acteurs effectifs du système international. Ils ont attiré l’attention sur l’émergence des forces
transnationales, dont les firmes multinationales, et sur leur importance grandissante dans le
système. Il s’agit dès lors de tenir compte des divers canaux de communication liant les
différents acteurs entre eux et qui créeraient des rapports d’interdépendance.
Deuxièmement, ils rejetaient la distinction fondamentale chez les réalistes entre les affaires
relevant de la high politics, c’est-à-dire la diplomatie, la sécurité et la défense, et celles qui
ne concernaient que la low politics, soit tous les autres domaines. Enfin, ils affirmaient que, à
l’époque de l’interdépendance complexe, la force militaire était de moins en moins un
instrument acceptable de la diplomatie.
Régime international : C'est une forme particulière d'institution internationale, « un
ensemble de principes, de normes, de règles et de procédures de décision autour desquels
les attentes des acteurs convergent dans un domaine donné ». On se trouve dans un régime
quand les acteurs ne prennent pas de décisions de manière autonomes, mais en prenant en
compte les réactions possibles et le comportement des autres acteurs.
La théorie des régimes aborde les RI selon l'approche de la coopération, en allant au-delà
de celle de la stabilité hégémonique. Elle inscrite dans le courant néolibéral qui postule la
création d'institution internationale en raison d'une répartition asymétrique de l'information
entre agents. Les institutions sont un moyen de réduire les coûts d'échange, puis par la suite
ont un effet structurant sur les acteurs, effets qui tendent à modifié le comportement des
acteurs, ainsi que le fonctionnement du régime.
Pour les réalistes, la coopération n'est possible qu'en présence d'un hégémon qui impose et
supporte les coûts. Les libéraux, les régimes favorisent la coopération car :
• Permet d'accroître le volume des échanges car pousse à la coopération.
• Augmente le volume des informations qui permet aux acteurs de définir leurs intérêts
et politiques, meilleures connaissances des autres acteurs.
• Réduit les coûts des transactions.
Ou pour d'autres libéraux, permet de donner des solutions au problème de
l'interdépendance.Les acteurs non-étatiques peuvent également jouer un rôle important dans
un régime afin de faire reconnaître certains problèmes.Un régime peut être caractérisé par
sa portée, sa solidité, sa stabilité, sa robustesse et son efficacité. Deux critiques : flou
définissant le concept de régime (Strange) ; vision statique des régimes.
Soft power : Concept proposé par Nye afin d'expliquer la transformation de la puissance en
RI. C'est une réponse au thèse qui parle du déclin de la puissance américaines. Lui disait
que la puissance américaines n'était pas en déclin, mais simplement qu'il fallait redéfinir ce
qu'est la puissance. Le soft power prendrait de plus en plus de place face au hard power qui
est la puissance de la contrainte (power traditionnel).
Le soft power est une sorte de puissance moins fongible, moins coercitive et moins tangible
bien que les objectifs sont les mêmes (modifier le comportement ou restreindre la volonté
des autres acteurs).
• Fongibilité de la puissance : capacité de transférer la puissance d'un objet à un autre.
• Le soft power agit moins de manière coercitive, dans le sens où dans le système
international interdépendant, il joue plus sur la coopération afin d'agir sur les autres
acteurs.
• Moins tangible car il est moins coûteux en terme de ressources de jouer par le biais
de la culture que de mettre en branle le système militaire, et aussi en terme de
légitimité.
Le soft power ne nie pas pour autant l'importance de la puissance plus traditionnelle basée
sur l'appareil militaire. Il peut être appliqué facilement à des acteurs non-étatiques, ce qui
n'est pas le cas du hard power.
Concepts
18
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
Marxisme et structuralisme
Capitalism : Le capitalisme est un système économique et social dans lequel les relations
sociales sont basées sur l’échange de biens. Il se caractérise aussi par la propriété privée, le
contrôle des moyens de production. L’ensemble de la production est orienté vers le profit au
sein d’un processus de production dont le travail est fourni par des ouvriers ne possédant
pas de part dans le capital. Nous pouvons résumer quelques caractéristiques globales de ce
système en disant que le capitalisme passe par une volonté d’expansion constante, une
compétition systématique et une tendance à générer des contradictions. L’accumulation de
capital serait vitale à la viabilité du capitalisme, de même que la croissance constante de
l’investissement. Ces éléments peuvent faire basculer le système dans des crises.
Au niveau international, la croissance économique est sans doute une des priorités les plus
mises en avant par la plupart des pays. Historiquement, on dira que le colonialisme et
l’impérialisme sont des preuves de la volonté constante d’expansion d’un capitalisme
désirant trouver de nouveaux débouchés pour ces produits et surtout des matériaux à
moindres coûts. Un autre aspect primordial au capitalisme est cette recherche de maximiser
le bien être économique individuel et collectif et ce au travers d’une sévère concurrence qui
peut se manifester sur le marché du travail, dans le marché de l’emploi ou encore du
logement. Les spécialistes considèrent trois niveaux de compétition (ou concurrence) : au
niveau national (entre entreprises pour maximiser leurs profits), au niveau international
(entre des Etats-nations en compétitions pour attirer et maintenir les marchés de
l’investissement dans leur quête de croissance économique), ou encore la compétition entre
entreprises multinationales. Le capitalisme se manifeste dans la société par la priorité
donnée à la production de commodités, la circulation et l’échange.
Dans le cadre des relations internationales, notons encore que la domination croissante de
l’économique sur le politique, ainsi que celle du marché sur l’état, engendre des problèmes
pour le contrôle démocratique sur l’économie à un niveau tant national qu’international. Cela
signifie que la société civile globale et l’état deviennent des acteurs subordonnés dans le
processus de mondialisation.
Capitalism and class power : Les relations sociales capitalistes génèrent l’apparition de
forces sociales asymétriques distribuées selon chaque classe. Si une classe possède
l’ensemble des moyens de productions, l’autre se doit de vendre ce qu’elle possèdent, c’està-dire sa force de travail, afin de survivre grâce à la production et au salaire reçu. Les
capitalistes exercent deux sortes de pouvoir social : comme employeurs (dans leur contrôle
de la transformation de la force de travail) et comme investisseurs (car les décisions qu’ils
prennent sont amenés à prendre et elles détermineront l’allocation sociale du travail et des
ressources). Cette force importante a comme effet de prioritariser les intérêts des
investisseurs, capables de tenir en otage une société entière, voir un pays entier. Ces
puissances sociales de capital sont souvent idéologiquement mystifiés et démocratiquement
non redevables à leur population. De fait ces forces de classes ne sont pas incontestables
par principes et encore moins dans les faits. Ainsi leurs reproductions est toujours
problématique et doit être sécurisé politiquement selon les différents contextes nationaux. Le
capitalisme et les relations qu’il structure au sein de la société organisent des parts
importantes de la vie sociale, générant, au niveau transnational, des phénomènes de
résistance dont les études devraient plus s’intéresser.
Economie-monde : Issu de l’analyse néo-marxiste des relations internationales (notamment
au travers de E. Wallerstein), le concept d’économie-monde est une forme particulière que
peut prendre le concept de système-monde. Ce dernier se rapporterait à un fragment de
l’univers englobant, sur une zone géographique spécifique, plusieurs entités politiques,
économiques et culturelles reliées entre elles par une autosuffisance économique et
matérielle fondée sur une division du travail et des échanges privilégiés. L’Économie-monde
consiste quant à elle en une des formes concrètes que peut prendre le système-monde et
consiste non pas en un système politique unique, mais une multiplicité de centres de
Concepts
19
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
puissances en compétition les uns avec les autres. Dans un tel système, le mécanisme de
transfert des ressources est assuré par l’intermédiaire du marché. Capitaliste, cette
Économie-monde se caractérise par une double structure : horizontale (multiplicité de centre
de puissances en compétition) et verticale (zones reliées entre elles par des relations
d’échange inégal). On distingue un centre, où sont localisé la production et les forces de
travail, capital le plus important, et une périphérie, dont le surplus va entretenir le centre.
Pour notre analyse des RI, disons que la cœxistence entre une économie unitaire capitaliste
hiérarchisée et un système interétatique pluraliste anarchique est une condition
fondamentale au bon fonctionnement de l’économie-monde. La rivalité existe, mais celle-ci
est confrontée à la puissance hégémonique du centre, qui propose, voire impose les normes
et institutions qui vont réguler l’ensemble du système. Toutefois, cette puissance
hégémonique n’est pas capable de transformer l’économie-monde en empire-monde.
Marxism : Le marxisme semble, au travers du matérialisme historique notamment,
beaucoup à dire sur la production sociale de politiques globales, ainsi que sur l’évolution
historique des structures et pratiques qui ont relié le politique et l’économique, et ce à un
niveau tant national qu’international. Le matérialisme historique considère que l’Etat et le
système de relations internationales sont empreintes de et produite par un système de
relations qui englobe entre autre l’organisation sociale de la production. Pour les marxistes,
la politique n’est pas confinée dans la sphère publique et formelle, mais pénètre dans la
sphère économique. Il ne s’agira dès lors pas de reconstruire la politique globale sur la base
d’un réductionnisme économique mais plutôt d’argumenter que la lutte politique est un
aspect essentiel des processus par lequel les structures sociales sont reproduites, et que la
séparation du politique de la vie économique consiste en une fausse dichotomie qui met le
voile sur son potentiel politique. Ainsi, depuis que les capitalistes ne considèrent plus de
lien entre l’économique et les aspects politiques de la vie sociale, l’état devient généralement
dépendant des activités économiques du capitalisme afin de générer des revenus et de la
croissance sur son territoire, ceci dans un but de légitimer son pouvoir et l’ordre social dans
sa globalité. Le capitalisme génèrera dans ce sens de l’impérialisme, impliquant l’usage de
puissance coercitive comme moyen de créer et maintenir les conditions pour la production
capitaliste, l’échange et l’investissement, et ce à une échelle internationale. Or, dès lors que
les conditions d’accumulations internationales ont étés sécurisés, le capitalisme peut
fonctionner sans recours à l’exploitation coercitive. L’autre revers de la médaille se situe,
dans la nécessité d’accumulation, au niveau de la mondialisation, soutenus politiquement
par des projets de réorganisation de la force capitaliste via des régimes tels que le
consensus de Washington et autres. Selon de nombreux auteurs, le capitalisme
contemporain va probablement générer une intensification de la contradiction entre
l’expansionnisme économique et les formes d’autorité politiques définies territorialement, et
dont dépend le capitalisme pour la stabilité sociale et la reproduction du modèle politique.
Système-monde : La théorie du système monde adopte une méthodologie holistique.
Wallerstein reproche aux marxistes de tenter de comprendre dans un cadre national une
dynamique qu’il aborde à l’échelle globale. Elle conçoit le système-monde comme la seule
unité de comparaison valable en sciences sociales. Ces principaux auteurs se méfient des
Etats-nations comme unité d’analyse et se basent plutôt sur le système social. Ce dernier
serait structuré par une division du travail qui s’organise sous la forme d’une domination dont
est victime une zone périphérique par une zone centrale, qui s’approprierait le surplus des
états. La relation centre périphérie serait complétée par une zone semi périphérique, qui
donnerait une certaine mobilité à la dynamique de domination.
La théorie du système-monde cherche à montrer comment les déplacements du centre de
l’économie-monde européenne correspondent aux déplacements du centre du pouvoir
politique au sein du système-monde moderne.
Concepts
20
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
Néormarxisme et matérialisme historique transnational
Hégémonie : Bien que le concept d’hégémonie ait beaucoup évolué depuis son utilisation
par les révolutionnaires que furent Lénine et Trotsky, l’idée centrale qu’il représente demeure
la même, soit l’existence au sein du système international de diverses formes de pouvoir et
d’influence exercées par des groupes sociaux dominants sur d’autres groupes
subordonnées. En RI, on parle d’hégémonie mondiale. Les théories gramsciennes ou néomarxistes démontrent que l’hégémonie fait référence à une forme de puissance qui ne relève
pas que de dominance pure et simple ; elle signifie également l’exercice d’un leadership
intellectuel et moral qui prétend représenter l’intérêt universel et qui s’étend au système
interétatique. Pour Cox, l’hégémonie dépasse le système d’Etats. L’ordre hégémonique
découle de la propagation d’une culture commune par des classes sociales dominantes et se
maintient grâce aux moyens de production et aux relations complexes qui se nouent entre
les classes sociales des différents pays.
Le concept a été repris par différents courant. Les théories réalistes, pour lesquelles un Etat
hégémonique évoluant dans un système anarchique exerce son influence et impose sa force
principalement par ses capacités matérielles et par sa prépondérance en termes de
ressources militaires et économiques, reconnaissent également que les aspects
idéologiques et normatifs des formes de pouvoir permettent aux Etats dominants de rendre
leur autorité moralement acceptable, donc plus facile à exercer.
Bien qu’il existe de nombreuses variantes concurrentes de la définition de l’hégémonie, le
concept possède néanmoins une valeur explicative importante puisqu’il permet d’illustrer les
liens entre économie et politique et de réduire les écarts entre les politiques internes et les
politiques internationales. La diffusion de normes et de valeurs associées au départ à
certains groupes sociaux d’une nation particulière à des structures internes d’autres nations
ou à des structures supranationales est en effet le moment clé de l’évolution et de la
distribution de la puissance au niveau global.
Concepts néo-marxistes :
• Bloc historique : coalition d’Etats, de forces sociales, de classes et d’organisations
transnationales qui articulent, orientent et bénéficient de la hiérarchisation des
structures de pouvoirs au sein d’un ordre mondial.
• Classe : principale catégorie d’analyse de la théorie marxiste.
• Force sociale : au sein des structures historiques, les forces sociales sont les agents
principaux chez qui réside la possibilité de transformer l’ordre mondial.
• Forme d’anarchie : forme particulière que prennent les relations géopolitiques dans
des systèmes inter-unités politiques non-hiérarchisés.
• Guerre de position : la lutte idéologique doit être menée par une guerre de position,
c’est-à-dire une lutte visant à prendre le contrôle des institutions médiatrices et
productrices de normes sociales et culturelles. Lutte pour l’hégémonie idéologique.
• Hégémonie : elle implique que l’aspect coercitif du pouvoir recule et que son aspect
consensuel devient plus proéminent. Ainsi, l’hégémonie de certaines classes
requièrent un succès prolongé dans sa capacité à persuader d’autres classes et
groupes de la société civile d’accepter son leadership ainsi que ses valeurs clés.
• Intérêt social : il découle de l’agencement institutionnel des relations sociales de
propriété.
• Modèle base/superstructure : modèle épistémologique associé à une variante
économiste ou structuraliste du marxisme qui voit dans l’idéologie, la culture et les
institutions politiques, la superstructure, ou le reflet, des contradictions sociales
engendrées par le développement des forces productives (de la base matérielle).
• Nouveau constitutionnalisme : régime normatif global qui définit les paramètres de
déploiement du néolibéralisme disciplinaire. Il s’articule autour des notions de
confiance des investisseurs, d’efficacité des marchés et se présente comme la seule
alternative en matière de gouvernance globale.
Concepts
21
Théorie des relations internationales (C)
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Jari Correvon
Processus de marchandisation : processus par lequel la nature, y compris l’être
humain et l’ensemble de leurs relations sociales, sont transformés en marchandises
et intégrés à la structure du marché.
Régime de propriété : les institutions politiques établissent des régimes sociaux de
propriété, ceux-ci fournissent des règles et des normes, ainsi que des forces et des
sanctions pour la reproduction des relations sociales de classes historiquement
spécifiques.
Régime normatif : ensemble de normes consensuelles au sein des institutions
dominantes d’un ordre mondial donné.
Réification : procédé par lequel un processus, une entité ou une propriété du monde
social est transformé en chose naturelle. En réifiant un processus du monde social,
on le détache de ses conditions d’émergence sociohistorique particulières et on lui
accorde une essence transhistorique.
Relations sociales de production : elles consistent en trois dimension : 1) la structure
du pouvoir sociale, 2) la complémentarité des rôles requis dans la plupart des
processus de production, 3) la distribution des retombées de la production.
Relations sociales de propriété : ce sont les relations entre les producteurs directs,
entre les membres de la classe exploitante et entre les exploiteurs et les producteurs,
qui spécifient et déterminent l’accès des acteurs économiques individuels (ou des
familles) aux moyens de production et au produit économique.
Société civile : elle en soi un champ des relations de pouvoir : les forces de la société
civile sont reliées, en appui ou par opposition, aux pouvoirs de l’Etat et du marché.
Structure politique de la société civile : ensemble des institutions qui contribuent créer
certains comportements et certaines dispositions allant dans le sens de l’ordre social
hégémonique.
Structures d’accumulation : la hiérarchie établie entre des types de relations sociales
de production. L’extraction de surplus s’étend des niveaux de production
subordonnés et faibles vers les plus forts et plus dominants.
Structure de pouvoir social : la première de trois dimensions constitutives des
relations sociales de production. La structure du pouvoir social ou le contexte social
de production détermine quels types de choses sont produites et comment elles sont
produites.
Structures historiques : La configuration historique particulière. Un agencement entre
une forme d’Etats, des relations sociales de production et un ordre mondial. De
dernier chapeaute et hiérarchise des relations de pouvoir reposant sur un ensemble
de structures d’accumulation.
Téléologisme : mode de pensée qui attribue aux processus historiques une certaine
linéarité, une direction et un point d’aboutissement prédéterminé.
Théories critiques et post-structuralistes
Deconstruction : Il s’agit d’un terme technique utilisé dans les approches poststructuralistes, et consiste en une méthode d’analyse des politiques internationales. Mis en
exergue par Jacques Derrida, la discussion sur la déconstruction consiste en une critique de
la possibilité de définir objectivement la réalité, ainsi qu’en une analyse des effets de la
création de concepts, censés décrire entre autres ce qui se passe dans les relations
internationales. Dans ce sens, l’auteur critique le « logocentrisme » ou le mode de pensée
occidental qui se caractérise par la production de dichotomies utilisées constamment
(homme/femme, mémoire/oubli, etc…). Ces dichotomies seraient plus qu’une opposition
entre deux termes mais créerait une hiérarchie entre un terme vu comme primaire et estimé
plus important que le second. Toutefois, Derrida affirme que le terme prioritaire ne peut pas
opérer sans son ombre. Si ces d’eux-mêmes sur le champ.
La force de cette explication résiderait dans la méthode que proposerait Derrida afin d’utiliser
la déconstruction pas tant comme une méthode mais plutôt comme un moyen d’intervenir
Concepts
22
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
dans le champ des RI. Pour ce faire, il distingue deux phases importantes : l’inversion des
dichotomies (en étant bien conscient qu’une simple inversion de leur hiérarchie voire leur
remplacement ne changerait pas la structure en place), puis un processus de déplacement
(qui désorganise la hiérarchie précédente et élargit le domaine d’aborder ces objets). Une
déconstruction peut aussi servir à examiner ce qui est dit dans un écrit ou dans un acte de
langage, afin de considérer ce qui a été exclu de l’explication pour le faire réapparaître en
démontrant à quel point une argumentation peut-être basée sur ces choses mêmes qu’elle
tend à exclure.
Pour conclure, disons qu’une telle approche n’est pas une option mais serait inévitable, et
qu’elle consiste à attirer l’attention sur la logique du raisonnement logocentrique dont les
fondations sont instables et demandent un usage politique plus approprié, de par la
hiérarchie des concepts et leur interdépendance parfois ignorée.
Genealogy : les poststructuralistes utilisent ce terme en référence celui de Michel Foucault
qui l’a lui-même emprunté à Nietzsche. Pourtant, ce terme est utilisé communément pour se
référer à l’historique d’un concept ou une pratique sociale.
Foucault met l’accent sur la nature problématique de l’historicisation des idées. Pour lui,
l’histoire est toujours « une histoire du présent », qui contient inévitablement une perspective
du moment de son écriture, et qui voit le passé selon l’angle du présent. Son travail
démontre que les conceptions des différentes époques sont radicalement différentes les
unes des autres (rationalité change, les thèmes acceptables, les manières de penser etc.)
Ex. l’Homme (=l’être humain) n’a pas toujours été considéré comme un objet d’étude. La
généalogie tente de retracer les différences et les discontinuités entre les époques.
Ce qui peut être considéré comme rationnel, ou les critères nécessaires pour rendre qqch
vrai dépend du régime de vérité dominant. Ce terme (régime de vérité) rend compte des
mécanismes et conventions qui confirment que la connaissance est étroitement liée au
système de pouvoir. Foucault défend qu’il n’est pas possible de distinguer la vérité du
pouvoir : le système de pouvoir est nécessaire pour produire la vérité, et cette dernière
produit les effets de pouvoir → ce qui est vrai à une période dépend des mécanismes en
place qui valident une méthode, des personnes ou institutions particulières capables de
produire la vérité.
Ex. dans le monde contemporain, la vérité est centrée sur les formes de discours
scientifiques et les institutions qui les produisent.
Par conséquent, la généalogie nécessite un recherche historique détaillée et vaste :
examiner les écrits et pratiques considérées comme moins importantes selon la perspective
du présent, dégager les pensées qui n’auraient pas cette position dans le présent, établir la
fonctionnalité des pratiques sociales en tant que relation de pouvoir et production de
subjectivité.
Ce genre de travail donne la possibilité d’intervenir dans le régime de vérité contemporain,
car cette méthode conduit à redécouvrir l’histoire des luttes et des conflits cachés par les
recherches qui cherchent les causes et les effets. Ceci implique la résurrection du local,
marginal ou « connaissance dominée » disqualifiée par le régime de vérité actuel. Les
généalogies sont antisciences.
C’est une entreprise problématique car elle s’oppose aux formes de pouvoir qui vont avec
certaines formes de connaissances (scientifiques). De plus, aussitôt que les fragments
généalogiques ressortent, elles sont recolonisée par les discours scientifiques dominants,
étant ainsi incorporée aux pouvoirs/connaissance qui les rejetaient auparavant. Le danger
est de construire des fragments de connaissance dominée qui fait partie d’un système
unitaire alternatif qui ait les mêmes conséquences répressives.
Language and discourse : La reconnaissance de l’importance de la langue, du discours et
des interprétations est un point commun des approches poststructuralistes. Foucault s’est
intéressé à ce qui « est dit » dans les différentes époques et a exploré le liens entre ce qui
« est dit » et les pratiques sociales y étant associées. Il en conclut que les différentes
Concepts
23
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
époques sont caractérisées par différentes façons de concevoir le monde et qu’il y a une
discontinuité entre ces différentes conceptions.
Foucault a aussi voulu montrer la continuité entre le discours et les pratiques sociales. Pour
lui, le discours n’est pas confiné à la forme écrite, mais s’étend aux différents systèmes
symboliques et à toutes les pratiques sociales. Une des contributions principales à l’analyse
politique a été de montrer la façon dont la connaissance est liée à la subjectivité qu’elle
produit. Exemple : le développement du Tiers-monde qui n’a pas atteint ses objectifs
continue néanmoins car il donne la possibilité de définir certains pays comme en
développement et légitime l’intervention.
Post-positivisme : Réalisme, internationalisme libéral, néo-marxisme, transnationalisme,
néoréalisme et néolibéralisme partagent tous la même conception, dite positive, ou
positiviste, de la recherche scientifique, en ce qu’ils sont d’accord pour postuler l’unité de la
démarche scientifique en sciences sociales et en sciences naturelles, la distinction entre les
faits et les valeurs, l’existence de régularités causales au sein du monde social, et la
possibilité de vérifier empiriquement la validité des données de ces régularités. A partir des
années 1980, ce consensus est remis en cause. À l’origine de ce scepticisme se trouvent les
adeptes du post-positivisme que sont essentiellement les théoriciens critiques influencés par
Gramsci et l’Ecole de Francfort, les post-modernistes et les féministes. Rcusant les postulats
positivistes que sont les distinctions faits-valeurs, théorie-pratique, sujet-objet, les postpositivistes se caractérisent par quatre orientations générales : épistémologiquement, ils
critiquent les tentatives de formuler des énoncés objectifs et empiriquement vérifiables sur le
monde naturel et social ; méthodologiquement, ils privilégient les stratégies interprétatives au
détriment des approches empirico-inductives ou hypothético-déductives ; ontologiquement,
ils soulignent la construction sociales des identité set des intérêts des acteurs à l’encontre
des conceptions rationalistes de la nature et des actions humaines ; normativement, ils en
appellent au développement de théories explicitement désireuses de dévoiler et de
dissoudre les structures de domination existantes qu’ils accusent les théories positivistes de
contribuer à reproduire.
Théories explicatives et théories constitutives. Le point de départ des post-positivistes est
leur refus de séparer le sujet et l’objet de recherche, le chercheur qui étudie la réalité sociale
et les faits qui composent cette réalité étudiée. Et ce pour deux raisons :
La théorie n’est pas indépendante de la réalité qu’elle étudie. Il faut tenir compte du
contexte de découverte.
La réalité n’existe pas indépendamment de la théorie qu’elle étudie, tant elle est
affectée par le langage qui la nomme, les concepts qui la définissent, les modèles qui
se proposent d’en donner une représentation idéal-typique. Pour les post-positivistes,
une théorie est non pas une réaction cognitive à la réalité, mais une partie intégrante
de la construction de celle-ci, contribuant à faire d’elle ce qu’elle est.
D’après les post-positivistes, cette faculté constitutive de la réalité inhérente à toute théorie
est indépendante du chercheur, de sa conscience, ou de sa bonne ou mauvaise fois ; il peut
lui-même croire sincèrement dans le caractère objectif de ses recherches, mais celles-ci n’en
sont pas moins constitutives de réalité.
Réflexivisme : Concept important des théories critiques et post-positivistes dans les RI,
alors associé à l'émergence du troisième débat en RI (lorsque le champ de la théorie des RI
entreprit sa redéfinition). Lors de ce débat, chaque paradigme (NL, NR, NM, etc.) a
largement campé sur ses positions. Face à cette impasse, certains points de vue
considérèrent que le débat devait se poursuivre à un autre niveau, celui des présupposés
normatifs des théories rivales. C'est dans un tel contexte que le concept de réflexivisme
devint central.
Le réflexivisme constitue une sorte de réaction d'insatisfaction avec les niveaux d'analyses
proposées par les modèles épistémologiques des années 80. Il s'intéresse aux présupposés
normatifs d'une théorie et à la vision du monde qu'elle véhicule et tend à (re)produire.
Concepts
24
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
Neufeld développe deux thèses sur propriété des positions métathéorique en TRI (c'est à
dire la réflexivité).
1. Sur le plan conceptuel ou celui de l'exercice de la pratique scientifique, le réflexivisme
remet en question la division étanche entre théorie et pratique.
2. Il faut s'engager dans un dialogue rationnel à propos du mérite respectif de
différentes approches.
Le réflexivisme n'est donc pas une approche théorique, mais une disposition à s'engager
dans un débat ouvert et rationnel à propos des enjeux normatifs et métathéoriques inhérents
au processus de théorisation.
Neufeld proposa trois critères que devrait remplir une approche dite réflexive.
1. Prise en compte des prémisses sur lesquelles repose la construction d'une théorie.
→ nécessité de porter attention et divulguer les présuppositions trop souvent non
mentionnées sur lesquelles sont érigées les édifices théoriques.
2. Reconnaissance du contenu politico normatif des paradigmes et de la tradition de
science normale qu'ils génèrent. (impossibilité de séparer jugement de fait et
jugement de valeur pour les réflexivistes, ≠positivistes).
3. Nécessité de dépasser l'anxiété cartésienne (impossibilité d'avoir des jugements
raisonnés en l'absence d'un langage observationnel neutre).
Pour lui, l'incommensurabilité des paradigmes ne les rend pas incomparables. Ils doivent
l'être selon leur contenu politico-normatif (tout autant significatif pour comparer les
paradigmes rivaux que leur valeur explicative).
Pour Lapide, le troisième débat aura eut au moins deux effets, la fin à un consensus
positiviste et anhistorique en TRI, et favorise l'émergence de plusieurs approches post
positivistes encouragées par l'influence de nouvelles philosophie des sciences.
La sensibilité accrue des réflexivistes pour les enjeux métathéoriques rencontrés par les
chercheurs a un impact significatif sur la façon dont la relation entre la recherche et la
politique doit être abordée en RI.
Reflexivity : Signifie se référer à soi-même, agir sur soi-même et se refléter. Utilisé dans le
domaine de la science → En mathématiques, caractère d'une relation réflexive (qui met
chaque élément d'un ensemble en rapport avec lui-même). Sens et connotations de ce
concept sont variés et contestés selon le contexte de l'usage. Ici, on met l'accent sur son
utilisation dans les RI → ici, lié à la problématisation de l'observateur en relation avec
l'observé, c'est-à-dire avec les propres activités référentielles de recherches. Ce genre de
réflexivité est de plus en plus central et évalué positivement. Cependant, puisqu'il y a
plusieurs raisons pour estimer la réflexivité, la signification pratique et théorique de ce
concept n'est pas fixée.3 raisons de l'augmentation de la fonction de réflexivité en RI :
Domaine est devenu plus ouvert à des nouvelles approches théoriques au cours de
la décennie passée → c'est exprimé par le tournant épistémologique ou «
réflexiviste » pris par les chercheurs qui étudient le genre, le constructivisme ou le
post-structuralisme.
→ ce qui est commun à toutes ces approches : la reconnaissance explicite de la
relation complexe entre la théorie et la pratique, le sujet et l'objet d'analyse. (est ce
que l'observateur peut vraiment traduire la signification de l'objet observé à travers
son contexte et son langage? Est ce que la traduction de systèmes de sens est
possible? Question du fait d'être incorporé du chercheur → impact de son choix de ce
qu'il observe ou pas).
Valeur de la réflexivité dans son rôle dans l'évaluation de la manière dont
l'observation affecte l'observateur. Les significations des systèmes des observateurs
peut avoir des effets à travers leur impact sur les politiques et les institutions qui
structurent le monde social. Les observations de l'observateur peuvent avoir des
impacts sur les observés en informant et réordonnant les catégories basiques et les
significations des systèmes.
→ effet du feedback de l'observation → problématique contestée.
Concepts
25
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
Réflexivité essentielle pour des raisons politiques et éthiques. La conscience de
l'importance de l'observation pour l'observé → cas intéressant pour l'évaluation de
l'impact des activités scientifiques sur le monde social. Lien temporel et lié à la
centralité de connaissance et des observateurs dans les sphères influentes
(influential accounts?) du monde social contemporain.
→ rôle central des experts dans notre monde.
Pas de consensus sur le sens de la réflexivité mais sur son importance dans le reflet de la
diversité des approches de la réflexivité.
Subjectivity : Il est possible de regrouper certaines idées ou concepts qui sont partagés par
les « post-structuralistes ».
→ Notion de « sujet décentré » (decentred subject), se détache de la vision cartésienne du
sujet pleinement présent mais doutant qui disait « je pense donc je suis ».
Le premier mouvement hors du sujet cartésien a été à travers ce qui pourrait être
appelé un sujet sociologique => le sujet est formé par l’environnement social et
économique. C’est-à-dire, le sujet n’arrive pas au monde pleinement « formé », mais
il est développé par la socialisation. C’est dans ce contexte que les débats nature VS
nourriture et liberté VS déterminisme se sont crées. Combien du soi-même (self) est
un produit social et combien est inhérent (génétiquement ou spirituellement) ?
Le 2ème mouvement (sujet post-structurel) implique l’abandonnement de toute notion
de subjectivité préexistante. Le « sujet » et le « monde » ne sont pas des entités
distinctes mais produites en tant que « monde » et « sujet » à travers des pratiques
sociales, culturelles et politiques. Aucun préexiste à l’autre, le sujet n’est donc pas né
dans un monde.
Ces déclarations sont souvent mal comprises et vues comme déniant l’existence d’une
réalité matérielle. Il faut noter la différence entre les concepts du sujet et la subjectivité. La
pensée post-structuralistes voit le sujet comme fragmenté, ou comme porteur potentiel d’une
diversité d’identités ou de possibles « positions » (voir constructivisme).
Différentes manières de penser ont contribué au passage du sujet cartésien à travers un
sujet sociologique à un sujet post-moderne :
Freud : les individus ne contrôlent pas leurs pensées (= Descartes). Une grande
place de la pensée (rêves, blagues) prend place dans l’inconscient. Dans cet endroit,
les pensées sont structurées différemment. Dans cette approche, les pensées
conscientes sont vues comme moins importantes.
De Saussure : a montré que le langage n’était pas simplement la communication
transparente d’idées préexistantes. La dénomination des objets dans le monde est
arbitraire et le processus de nommer transforme l’objet nommé en quelque chose de
séparer du continuum des « choses dans le monde ». Mais les objets ne sont pas
présentés comme distincts, prêts à être nommés. => Les différentes langues ne
nomment pas seulement les objets différemment mais elles ont aussi différents sets
d’objets qui permettent au speaker de « voir » => Les gens ne parlent pas des
langages, les langages font parler les gens. Ce qui est dit dépend de la spécificité du
langage et de comment sa manière de voir le monde permet de le dire ou le penser.
Donc penser, est une activité sociale inhérente dépendante du langage.
Variantes constructivistes
Débat structure/agent : le débat entre agence et structure pose la question de l’autonomie
de l’agent par rapport aux structures internationales qui l’entourent. En RI, on se propose
souvent d’évaluer la capacité des principaux agents (Etat par ex.) à affecter par leurs
décisions la forme des institutions sociales, ou l’effet des structures (le système international
pour les néoréalistes, le capitalisme pour les marxistes) à contraindre l’action des agents. Le
libéralisme met l’accent sur l’agent en tentant d’expliquer la réalité en fonction de leurs buts
et intérêts.
Concepts
26
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
Les constructivistes ont voulu contester les deux visions traditionnelles des RI avec trois
correctifs :
1. élargissement du concept de structure
2. caractéristiques de l’agent
3. notion de co-constitution entre agents et structures (=l’un n’existe pas sans l’autre et
les deux se conditionnent mutuellement).
Postulat des constructivistes : les structures du système international sont des constructions
sociales reflétant les pratiques des agents (≠limité à la polarité ou la répartition de la
puissance). Trois éléments clés :
a. compréhension partagées (intersubjectives) sont basées sur le contexte
sociohistorique. Leur formation sont au cœur du processus de constitution des
agents et des relations.
b. les ressources matérielles sont relatives aux autres sujets qui nous entourent. Elles
prennent sens dans la manière dont les agents en font usage vis-à-vis des autres.
c. les pratiques sont le principal médiateur entre l’agent et la structure.
Ensemble, ces compréhensions partagées de ce que signifient ces ressources matérielles
(armes par ex) s’offrent comme instruments nécessaire à l’action des agents. La structure
existe par les pratiques des agents et la compréhension qu’ils ont des événements (Wendt).
L’agent est composé de trois caractéristiques (Wendt) :
a. il est en mesure de fournir une explication au comportement qu’il adopte.
b. il est en mesure de s’adapter à une situation et de modifier son comportement en
conséquence.
c. il est en mesure de prendre des décisions.
Une part importante de la représentation des constructivistes ont de réalité repose sur les
agents car leurs actions fondent leur environnement social les pratiques des agents sont
primordiales dans l’interprétation des structures. D’autre part, le contexte spatial et temporel
dans lequel l’agent se trouve influence la façon dont se manifesteront les différentes
significations où se formera ou se modifiera l’identité de cet agent.
Selon le concept de co-constitution, montre que les agents ont une certaine autonomie
d’action, mais qui est conditionnée (≠déterminée) par les structures du système
international.les structures participent à la constituions des intérêts et des identités des
agents.
L’objet d’étude à privilégier serait de savoir « comment l’action est structurée dans un
contexte quotidien et comment les caractéristiques de l’action sont structurées par
l’accomplissement de celle-ci » (Thompson).
Wendt fait apparaitre la question : ou se situe la limite entre les décisions ou les actions
provenant du libre arbitre et celles provenant de la structure ?
Fondationnalisme/antifondationnalisme : Questionner la nature de la connaissance, de la
connaissance scientifique par surcroît, impose de s’intéresser à ses fondements, donc au
fondationnalisme et à l’antifondationnalisme. Le fondationnalisme veut que toute philosophie,
donc toute connaissance, soit élaborée en reposant sur des fondations sûres. Une croyance
fondationnaliste est ainsi autojustificative ; elle se suffit à elle-même et ne nécessite aucune
autre croyance pour établir sa justification. En contrepartie, une position antifondationnaliste
considérera inutile et même dangereux que la théorie cherche un point d’origine à partir
duquel procéder.
La tradition postpositiviste insiste sur la construction sociale de la réalité et critique les
positivistes pour leur position réflexive stipulant que les résultats des travaux scientifiques
décrivent la réalité matérielle de façon objective.
Croyant à la méthode scientifique et à l’atteinte de la vérité par la seule méthode scientifique,
les écoles théoriques positivistes (principalement le néoréalisme, le réalisme classique,
l’institutionnalisme néolibéral et le constructiviste conventionnel) adhèrent à une
épistémologie fondationnaliste.
Concepts
27
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
Identité : En général, la problématique de l’identité s’articule autour de la question « qui
sommes-nous ? » et trouve sa réponse à la fois dans un sentiment de ressemblance avec
les autres membres du groupe et d’une certaine permanence dans le temps.
L’identité en relations internationales soulève plusieurs problèmes auxquels se frottent de
nombreux chercheurs depuis quinze ans : l’identité nationale et son rapport à la différence,
les liens entre identité et intérêts nationaux, l’identité et la sécurité, etc. C’est essentiellement
avec l’émergence du constructivisme dans la discipline que l’identité sera mise à l’ordre du
jour. Les constructivistes affirment que les intérêts découlent des identités (et non pas d’un
processus de choix rationnels) et affirment que ces identités ne sont pas des variables
endogènes (données). De la même manière, les postmodernes considèrent que l’identité
n’est pas donnée d’avance et qu’il faut interroger sa mise en place. Mais ils vont plus loin.
Pour qu’il y ait une politique étrangère, il faut d’abord déterminer ce qui est étranger et, en ce
sens, l’identité est constitutive des relations internationales. En tant que disciplines, elles
sont perçues comme un discours d’autorité savante qui contribue à reproduire l’identité par
la peur de l’étranger.
Intersubjectivité : Notion clé du constructivisme. Elle signifie le fait que des valeurs, normes
soit partagées par les membres d’un groupe, d’une société ou d’un Etat. Dans les RI, ces
normes ne compte que si elles sont intersubjectives.
Approches féministes et post-coloniales
Decolonization : Définition :
• Fin des empires coloniaux formels européens.
• Transfert de l'autorité (mais pas nécessairement du pouvoir) des colons aux
colonisés.
• Création d'un Etat souverain à partir d'une ancienne colonie.
En 1945, environ un tiers de la population mondiale ne vivait pas dans des territoires
autonomes, surtout en Afrique et en Asie. Le processus de décolonisation a commencé
après la 2GM, avec la signature de la nouvelle charte des Nations Unies qui stipulait le droit
d'autodétermination pour toutes les colonies.
Plusieurs explications concernant ce processus historique :
• Dans un contexte de relations colonial-impérial :
o Le nationalisme est responsable dans le démantèlement des empires
coloniaux.
o La décolonisation est le produit de la politique et de la planification impériales.
• Dans un contexte de changements dans le système international : La Grande
Dépression de fin 20's et 30's a semé le chaos. Elle a amené à la croissance du
protectionnisme et à la rivalité impériale. Les économies coloniales ont été plus
fortement touchées, de part leurs statuts sous-développés et dépendants. Cela a été
reproché au colonialisme et il a perdu sa légitimité. La 2GM a transformé les attitudes
et les attentes des 2 côtés de la division coloniale (changement de politique
économique coloniale).
La décolonisation est le produit de plusieurs facteurs : interaction de la situation
internationale qui prévalait, des politiques des pouvoirs coloniaux, de la nature et de la force
des mouvements nationalistes et des idéologies et des visions du monde post-colonial
promues par les super-puissances. Le pouvoir politique a été remis aux élites
occidentalisées, pour maintenir les structures et les réseaux coloniaux. Résultat :
changement minimal dans la politique économique de ces anciennes colonies. Quand
l'indépendance politique formelle a été achevée, les anciens colons ont gardé des liens
étroits avec leurs anciennes colonies en matière de commerce et de politique étrangère.
Dans d'autres cas, la décolonisation a été rapide pour garantir le succès du développement
des anciennes colonies.Plus de 80 pays ont été crée par la décolonisation. Cependant, plus
de 2 millions de personnes vivent encore sous un règlement colonial ou étranger, avec 16
Concepts
28
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
territoires non autonomes.Le processus de décolonisation a eu des effets sur les Etats postcoloniaux, en particulier sur leurs trajectoires de développement économique et politique.
Beaucoup d'entre eux font partie du Tiers-Monde.
Gender : Le genre est un système de relations de pouvoir régissant les interactions entre les
hommes et les femmes et qui privilège souvent les hommes.
Les analyses de genre critiquent principalement l'absence ou la sous-représentation des
femmes dans la prise de décision politique internationale et dans l'étude des relations
internationales. Les analyses de genre en RI sont une extension plus large des critiques
féministes. Lien entre les analyses de genre et les critiques féministes : focalisation sur les
femmes comme des actrices politiques et historiques. Elles se basent sur les expériences de
vie des femmes et ont une conception normative que « les femmes sont un groupe social
défavorisé, sous-représenté, sous-reconnu et que cela doit évoluer vers une meilleure
égalité ». En RI, pas de texte féministe de base mais une question : Où sont les femmes?
Question posée dans le livre de C. Enloe's (Bananas, Beaches and Bases). Critiques
récurrentes déjà présentes dans ce livre :
• Critique des théories classiques des RI, qui mettent les femmes de côté.
• Vision globale, qui affirme que le genre est présent dans les politiques
internationales.
• Situation des femmes comme agents dans les RI.
Au coeur de la littérature féministe dans les RI : critique de la tradition classique (réaliste).
Mais aussi critique de l'internationalisme libéral et des formulations socialistes.
Théorie critique de principes de base :
• L'universalisation des hommes comme les « acteurs rationnels » essentiels.
• L'idée d'Etat-unitaire qui cache la division des classes, des races et le genre.
• L'épistémologie moderne/masculine qui sous-tend à la tradition classique et qui
soutient les hiérarchies de la science, le pouvoir et les privilèges matériels.
Ces critiques sont post-structuralistes.
Les études de genre dans les RI ont été affecté par l'activisme féministe. Cela a permis de
créer une vraie discipline de genre. Dans les RI, le sous-champ féministe est un des plus
florissant de la discipline dans le milieu des 90's. L'internationalisation de l'activisme
féministe est symbolisé par la décennie des Nations Unies pour la femme et des
conférences mondiales sur la femme. Cela a amené à remettre en cause la notion de
« femme » comme une catégorie unitaire et globale, en mettant l'attention sur quelques
points :
• Les divisions de culture et de classe parmi les femmes.
• Le rôle de la femme dans l'oppression féminine (ex. : femmes qui emploient des
bonnes).
• La relation du féminisme avec d'autres critiques émancipatrices (anti-impérialisme).
• La possibilité pour les femmes et les hommes de travailler vers les mêmes objectifs.
Début des 70's : critique « women and development » (WAD) dans les études de
développement et l'organisation internationale. Question de la place des femmes (et de leur
insertion) dans le développement, notamment dans les pays sous-développés. Devient
ensuite la critique de genre et du développement (GAD) dans les 90's. (cf. women and
development).
90's : intérêt des critiques de genre aux études de sécurité. Rejet des formulations
traditionnelles de l'Etat centré et attention sur l'insécurité de genre qui affecte les femmes,
même dans les Etats-nations « sûrs ». Attention aussi sur la condition des femmes en temps
de guerre (viols, génocides) et sur l'impact des processus de démocratisation sur les
relations de genre.
L'essentialisme du genre a été définitivement supplanté par une démarcation stricte entre le
sexe biologique et la construction sociale du genre. Donc les femmes ne sont pas
nécessairement prédisposée à la paix et les hommes à la violence. C'est plutôt la culture qui
consacre aux hommes et aux femmes des comportements selon la vision stéréotypée du
masculin et du féminin. Aujourd'hui, le sexe et le genre sont perçus comme des
Concepts
29
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
composantes mutuelles. Les études de genre dans les RI sont plutôt sceptiques ou hostiles
au sujet des hommes et du masculin. L'attention sur les hommes est encore limitée.
Intersectionnalité : Il est nécessaire d'analyser les catégories identitaires indépendantes du
genre, de la race et de la classe ensemble. La plupart du temps en RI (et en science
politique), l'analyse ne s'intéresse qu'à une de ces composantes.
La notion d'identité en RI est souvent comprise comme unitaire et homogène, elle tend à
ignorer d'autres identités vécues par les acteurs et les différences et clivages existant au
sein des groupes.
Le concept d'intersectionalité est donc une alternative aux politiques identitaires, dans
lesquelles le rapport identitaire est singulier et non pluriel. Cela permet de voir les différences
entre les groupes et à l'intérieur de ceux-ci.
bell hooks (féministe afro-américaine) critique le féminisme (européen et/ou nord-américain),
qui ne s'intéresse pas à la question de la race. Selon elle, des multiples oppressions
supportent et maintiennent le patriarcat.
La naissance du concept d'intersectionalité est attribuée à Kimberlé Crenshaw. Elle utilise ce
concept la première fois en 1989 pour analyser la discrimination dont sont victimes les
femmes noires américaines sur le marché du travail. Le terme d'intersectionalité montre la
façon dont la race, le genre et la classe forment des systèmes d'oppression qui doivent être
pris en compte simultanément dans l'analyse.
Crenshaw identifie 2 types d'intersectionalité :
• Structurelle : croisement des diverses inégalités structurelles dans le vécu des
individus.
• Politique : entrecroisement de ces inégalités structurelles dans l'élaboration de
stratégies d'ordre politique pour y répondre.
Intersectionalité : outil conceptuel (expériences de vie) et outil pratique politique (libération
des femmes).
Ensuite, la définition est devenu plus large : outil analytique permettant d'étudier comment
diverses identités s'entrecroisent (normalement : genre, race et classe) et comment cette
intersection résulte en des expériences uniques d'oppression ou de privilège. Concept
épistémologiquement ancré dans l'expérience vécue des individus.
AM Hancock identifie 6 postulats communs aux recherches intersectionelles :
• Plusieurs catégories identitaires
• Relations qui les unissent (pas même rôle dans toutes les situations)
• Catégories pas statiques (interactions dynamiques)
• Catégories pas unitaires (diversité à l'intérieur des catégories)
• Nécessité de plusieurs niveaux d'analyse
• Les aspects théoriques et empiriques doivent être considérés dans la recherche
Cependant, l'intersectionalité n'est pas une addition des plusieurs identités dans un individu
qui amène à un résultat sur une « échelle d'oppression ». Le but est de comprendre
comment ces identités s'entremêlent. Il faut considérer plusieurs identités simultanément, les
catégories ne sont pas fixes, ni unitaires.
Il n'y a pas de consensus méthodologique malgré l'accord sur la convergence de divers
systèmes d'oppression que représente ce concept. Tension entre une compréhension de
l'intersectionnalité comme un concept reflétant la réalité de groupes précis ou comme un
paradigme de recherche empirique et normatif sans contenu spécifique.
Identity / difference : Il n'y pas d'identité sans différence et pas de politique mondiale sans
identité, pas de personnes, pas d'Etats, pas de système international. La question pour les
RI est la relation entre eux : comment les représentations de l'identité et de la différence
prennent du sens et se manifestent dans la politique mondiale et la vie sociale. Ce thème est
très suivi en RI, avec des sous-champs tels que les études de critique de la sécurité, inspiré
par les théories critiques, féministes, post-colonialistes et post-structuralistes. L'identité n'est
pas politiquement ou ontologiquement donnée, elle est socialement construite à travers le
langage et donc se montre dans les relations sociales et les structures de pouvoir. Cela a
Concepts
30
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
cassé la distinction clé dans les RI entre le national et l'international, en montrant comment
les luttes nationales sur l'identité se joue dans la politique internationale, en faisant des 2
une dynamique politique et culturelle.
La question de l'identité / de la différence dans les RI a été montré de 2 façons liées :
• Interrogation sur la discipline comme une critique de la stratégie dichotomique qui
structurent ses acquis intellectuels (privilège des faits sur les valeurs, de l'ordre sur
l'anarchie, du masculin sur le féminin, ...).
• Analyses pratiques qui examinent et questionnent comment les constructions
linguistiques de l'identité et de la différence ont constitué la politique mondiale,
comment elles encadrent et limitent la politique et entre en conflit.
La question de l'identité / de la différence a remis en question les notions de souveraineté et
d'Etat-nation, de l'hypothèse que l'Etat est l'espace fondamental de la communauté politique
et le lieu privilégié de l'allégeance, de la sécurité et de l'identité. Les RI ont naturalisé l'Etatnation et son modèle d'identité par la paix de Westphalie et ont étouffé la question de
comment les identités sont formées.
L'image de l'Etat souverain donnée par les RI est celle de l'Etat comme une volonté
générale, elle cache la violence inhérente à la fondation de la souveraineté. Ce sujet
politique moderne est construit en opposition avec l'autre. Cela ancre une image puissante
d'identité souveraine perpétuellement sous la menace. Les féministes ont aussi démontré
des images de l'Etat-nation genré, en analysant l'Etat comme un protecteur patriarcal pour
ses citoyens, utilisant des instruments de coercition et de force.
Des constructions rigides de l'identité ont aussi amené à des conflits (ex. : Israel et
Palestine, 2 Corée). Dans les génocides, les conflits sont basés sur l'identité et amènent à
l'anéantissement de l'autre. Des structures de l'identité peuvent prendre des formes
politiques.
La globalisation a sapé les revendications de l'autonomie absolue et de la centralisation des
Etats. Cela a été compensé par la résurgence de discours violents et xénophobes de la
souveraineté et de l'identité. Il est nécessaire de critiquer et de repenser les constructions de
l'identité qui sous-tendent à l'Etat-nation et donc au système international.
Il y a des convergences avec les efforts pour promouvoir la diplomatie préventive et la
résolution des conflits, et des affinités politiques avec les discours libéraux des RI sur la
société cosmopolite et internationale. On peut espérer que peut-être les RI pourront créer un
espace global dans lequel ces nombreuses identités et différences se rencontreront dans un
esprit de préoccupation commune, d'échange politique et de possibilité éthique.
Women and development : Ce concept permet de comprendre le rôle des femmes dans le
développement international et de promouvoir leur participation dans la politique et la
société. Il fait référence à un modèle particulier de développement, qui vient du féminisme
néo-marxiste (fin 70's). Ce concept fait partie du discours sur le développement des 70's,
mais reste focaliser sur les expériences et les besoins des femmes dans les pays en voie de
développement. Il y a maintenant un large accord sur le fait que les femmes doivent jouer et
jouent un rôle important dans le développement.
Dans les sociétés pré-coloniales, non-européennes, les femmes avaient un statut
relativement élevé. L'arrivée de l'impérialisme européen et l'institutionnalisation de ses
valeurs ont diminué ce statut. Pour les colons, la sphère public est un domaine masculin et la
sphère privée est la place propre aux femmes. Les femmes ont perdu beaucoup de leur
pouvoir socio-économique et ont été marginalisée en tant qu'acteurs politiques.
A la fin de l'ère coloniale et avec l'apparition de la Guerre froide, l'attention s'est porté sur les
conditions politiques, économiques et sociales des anciennes colonies. Des programmes de
développement ont été mis en place, mais peu d'entre eux ont accordé une attention
particulière aux femmes. Cela a commencé à changer dans les 70's, où « women and
development » a été mis sur l'agenda international. Les programmes de développement
étant destinés à faciliter la modernisation, les femmes n'en bénéficiaient pas.
Il y a eu plusieurs approches sur la question des femmes et du développement. Elles se
distinguent surtout par leur perspectives théoriques :
Concepts
31
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
Women in development (WID)
Début 70's, basée sur le féminisme libéral et sur la théorie de la modernisation. Le
but est de mieux intégrer les femmes dans les programmes de développement et les
systèmes économiques, sans changer les structures sociales existantes. Egalité des
opportunités et participation des femmes dans des domaines comme l'éducation et
l'emploi.
• Woman and development (WAD)
• Fin 70's, basée sur les perspectives féminisme néo-marxiste. Elle critique de la
théorie de la modernisation et de l'approche WID. Attention sur le rôle des femmes
dans la société, déterminé par des structures sociales inégales. La WAD représente
une amélioration de la WID.
• Gender and development (GAD)
• 80's, basée sur les féminismes socialiste et postmoderniste. Cette approche se
focalise sur les rôles de genre socialement construits et leurs implications. Elle rejette
la dichotomie publique/privée, conteste les structures sociales patriarcales et cherche
à faciliter l'autonomisation des femmes. Moins populaire à cause de sa critique et de
son orientation, même si potentiellement plus efficace.
Distinction des approches par leur orientation théorique :
• Libéralisme : stratégies capitalistes ou processus de modernisation.
• Structuralisme : stratégies socialistes ou focalisation sur les relations de dépendance.
Distinction des approches par leurs prescriptions politiques :
• Besoins pratiques du genre. Défini par la position sociale genrée des femmes. Pas
de menace des structures patriarcales.
• Besoins stratégiques du genre. Contestation du statut quo et recherche de l'érosion
des structures sociales patriarcales.
Approche « autonomisation » : similaire à GAD, elle combine un mélange de libéralisme et
de socialisme avec un accent adressé aux besoins stratégiques des femmes.
Depuis 90's : les conceptions des femmes et du développement sont devenus de plus en
plus holistique et sont mieux intégrées à la réflexion sur le développement. Des indicateurs
créés par le programme de développement des Nations Unies mesurent les inégalités de
genre. Ils ont été créés pour déterminer l'efficacité des programmes de développement.
Depuis 70's, une focalisation sur les besoins et les expériences particulières des femmes a
fait beaucoup pour améliorer l'efficacité des programmes de développement internationaux.
Depuis 90's, le concept de « femmes et développement » a amené à inclure le genre et ses
implications pour le développement.
•
•
Guerre et paix
Droit de la guerre : Ce sont les règles censées limiter les abus de la guerre. Cela comprend
quatre notions :
• Le droit international humanitaire (DIH): ce droit a deux objectifs spécifiques : la
protection des personnes et la restriction des moyens et des méthodes de guerre. Ce
droit comporte quatre principes de base : les attaques militaires ne doivent pas viser
les civils ; les armes causant des dommages excessifs ou ne permettant pas de faire
la distinction entre les combattants et les civils sont interdites ; les civils, les
combattants blessés et les prisonniers doivent être protégés, bien traités et soignés ;
le personnel et les installation sanitaires, civils ou militaires, doivent être protégés et
recevoir l’aide nécessaire à l’exercice de leurs fonctionnement sur le terrain. Le DIH
découle de trois types de droit :
o Le droit de Genève qui est l’ensemble des règles de droit qui définissent le
droit des victimes des conflits armés. Les conventions de Genève sont
entrées en vigueur en 1950 et ont été ratifiées par 189 Etats jusqu’à
maintenant.
Concepts
32
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
Le droit de La Haye comprend les règles de droit qui régissent la conduite de
hostilités et comprend plusieurs conventions tentant de limiter les effets de la
guerre dans le domaine des armes biologiques, des armes chimiques, des
mines antipersonnel.
o Le droit de New York vise à sanctionner les Etats et les personnes qui
transgressent le DIH. Il s’agit donc des mesures d’application des droits de
Genève et de La Haye. Les tribunaux pénaux internationaux pour l’exYougoslavie et le Rwanda ont découlé du droit de New York.
• Le droit à la neutralité : Il a été codifié lors de la Deuxième conférence de la paix de
1907. Il s’agit essentiellement de la non-participation d’un Etat à un conflit armée
entre d’autres Etats, qui implique de rester à l’écart du conflit et de demeurer
impartial tout au long de la guerre. Les systèmes de sécurité collective ainsi que la
diminution des conflits interétatiques depuis la fin de la deuxième guerre mondiale
ont diminué de beaucoup l’importance du droit de la neutralité, mais il demeure inscrit
en droit international.
• Les crimes de guerre : Les nations unies définissent les crimes de guerre comme des
« atrocités ou délits commis sur des personnes et des bien en violation des lois et
usages de la guerre, y compris l’assassinat, les mauvais traitements ou la
déportation, pour des travaux forcés ou pour tout autre but, des populations civiles
dans les territoires occupés, l’assassinat ou les mauvais traitements des prisonniers
de guerre ou des personnes en mer, l’exécution des otages, le pillage des biens
publics ou privés, la destruction sans motif des villes et des villages ou la dévastation
que ne justifie pas la nécessité militaire ». Les crimes de guerres comprennent
également toutes les infractions aux Conventions de Genève, aux Conventions de La
Haye et aux autres traités internationaux.
• Les crimes contre l’humanité : Les nations unies les définissent ainsi : « Atrocités et
délits, y compris mais sans être limités à l’assassinat, à l’extermination, à la mise en
esclavage, à la déportation, et tout autre actes inhumains commis contre toute
population civile avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs
politiques, raciaux ou religieux, qu’ils aient constitué ou non une violation du droit
interne des pays où ils ont été perpétrés ».
Le droit de la guerre est donc un amalgame complexe de mesures préventives, de mesures
prescriptives et de sanctions pour soit éviter la guerre soit, si c’est impossible, en limiter le
plus possible les effets néfastes, à la fois pour les êtres humains et pour l’environnement.
o
Guerre : C’est un concept central de la théorie des RI, mais il ne fait l’objet d’aucune
définition consensuelle. Nous survolerons ici trois dimensions de cette notion.
La définition classique de la guerre : La définition qui a fait le plus école est celle de
Clausewitz : « Un acte de violence (Gewalt) destiné à contraindre l’adversaire à exécuter
notre volonté ». Un définition qu’il complétait par la maxime selon laquelle la guerre doit être
considéré comme « la continuation des relations politiques, par l’appoint d’autres moyens ».
Il compare la guerre à un duel dans le cadre duquel une violence organisée est utilisée pour
déterminer le vainqueur et où des combattants ont en commun le fait d’être en danger de
mort. Les belligérants participant à un tel duel ne sont cependant pas toujours des Etats. La
conception de Clausewitz indique clairement l’idée d’une hiérarchie partant de la politique,
comme lieu de l’organisation des finalités de l’action, à la guerre, comme un des moyens de
poursuivre ces finalités. De la politique à la guerre, il envisage plutôt un long continuum,
qu’un fossé ou une rupture. Mais il y a également une dimension sociologique importante à
cette conception : la guerre s’inscrit également dans un contexte politique, culturel et social
qui influence la mise en œuvre des pratiques, de la stratégie, de la tactique et de la culture
stratégique. Chez les théoriciens marxistes, comme Lénine et Mao, l’interprétation de
Clausewitz est évidemment appliquée au contexte de la lutte des classes. Ici, la guerre est
vue comme la poursuite de l’exercice ultime, non pas de l’intérêt général dans le cadre de
l’Etat absolutiste éclairé, mais de la guerre des classes. Certains théoriciens postmodernes
ou poststructuralistes se sont également réapproprié les travaux de Clausewitz. Dans le but
Concepts
33
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
de rendre compte de l’organisation du pouvoir dans les sociétés libérales, Michel Foucault
inverse la maxime de Clausewitz en soutenant que le pouvoir est l’exercice d’un rapport de
force à travers lequel le politique vient poursuivre la guerre par d’autres moyens.
L’évolution sociohistorique de la guerre comme pratique sociale : Le contexte du
développement de l’Etat fiscal, de la professionnalisation des armées, des révolutions
anglaise et française, du développement de la puissance de feu, a contribué à transformer la
conduite de la guerre. Bien après la signature des traités de Westphalie (1648), la
souveraineté en Europe demeurait parcellisée. Le contexte social poussait les souverains à
entreprendre des guerres privées en vue d’accumuler du territoire. C’est dans l’Europe
absolutiste qu’émergèrent les conceptions de la territorialité associées généralement à la
modernité des RI. A plusieurs égards cependant, l’Europe absolutiste demeurait
prémoderne. Les guerres du succession et les aventures nuptiales de la noblesse
métamorphosaient régulièrement la carte de l’Europe. Avec la guerre de Sécession
américaine et surtout la Première Guerre mondiale, il apparut clairement que la guerre serait
désormais relayée par l’industrie et les rouages d’un Etat bureaucratique de plus en plus
développé. Elle mobilisera désormais la société dans son ensemble. La succession des
différents ordres globaux fut ponctuée par la transformation des finalités politiques de la
guerre. Ainsi, le XXe siècle fut ponctué notamment par l’importance des guerres
révolutionnaires, ainsi que des guerres de libération nationale. Ces guerres prirent
généralement des formes non conventionnelles : l’insurrection, la guérilla, le terrorisme et la
guerre civile.
Le traitement de la guerre par les traditions réalistes et libérales de l’étude des RI : La
tradition réaliste est la plus encline à problématiser la guerre comme un phénomène
essentiellement transhistorique et dont les causes auraient somme toute peu changé depuis
la Grèce antique. Pour la théorie néoréaliste de Kenneth Waltz, il serait vain de vouloir
mettre fin à la guerre une fois pour toutes. Les conditions menant à l’établissement d’une
paix durable résideraient plutôt, soit dans la capacité de deux belligérants de se neutraliser
réciproquement par une force de frappe dissuasive, soit dans la capacité d’une puissance
hégémonique de rassembler des effectifs militaires en mesure de surpasser une alliance de
l’ensemble de ses rivaux les plus sérieux.
Contrairement au réalisme, la tradition libérale défend l’idée que la guerre pourrait
éventuellement être limitée, ou enrayée. Ainsi les partisans du libéralisme économique ont
souvent évoqué le rôle pacificateur du commerce. La tradition cosmopolite, s’inspirant du
projet de paix perpétuel de Kant, soutient qu’une paix internationale pourrait émerger par
l’intermédiaire d’une confédération d’Etats.
Opérations de paix : Les opérations de paix mises sur pied par les nations unies à la fin de
la Deuxième guerre mondiale sont utilisées si la diplomatie préventive n’a pas fonctionnée
pour résoudre le conflit. Les opérations de paix regroupent quatre types particuliers de
missions, qui visent la paix et la sécurité internationales.
Les missions de maintien de la paix (peacekeeping) : Les casques bleus servent de force
d’interposition non armée entre les belligérants. Divers critères doivent être remplis. Il doit
exister une réelle menace à la paix et à la sécurité internationale. Ensuite, un accord de
cessez-le-feu doit avoir été signé par les parties en conflit. Finalement l’ONU doit avoir une
assurance raisonnable quant à la sécurité de son personnel et des chances de succès de la
mission. Les tâches des Casques bleus peuvent se regrouper en quatre catégories : des
tâches d’observation, des tâches d’interposition, des tâches policières et des tâches
humanitaires. Cependant ces missions sont coûteuses et incertaines, puisqu’elles reposent
sur le consentement des parties et sur leur engagement à trouver des solutions durables.
Les missions de rétablissement de la paix (peacemaking) : ce type d’opérations vise le
rapprochement des parties en conflit par la diplomatie, la négociation et autres moyens
pacifiques. Les opérations militaires comprennent les démonstrations de force, les
déploiements préventifs et le maintien de la sécurité. Les missions de rétablissement de la
paix interviennent avec le consentement des parties pendant ou après le conflit.
Concepts
34
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
Contrairement aux missions de maintien de la paix, il n’est pas nécessaire qu’un accord de
cessez-le-feu ait été signé.
Les missions d’imposition de la paix (peace enforcement) : Il s’agit de tenter de résoudre un
conflit par la menace de l’utilisation de la force ou son utilisation effective, et ce, sans le
consentement des parties impliquées.
Les missions de consolidation de la paix (peace-building) : Il s’agit d’une alternative entre les
moyens coopératifs et les moyens coercitifs. Dès la fin du conflit, le personnel d’une mission
de consolidation de la paix aura pour tâches d’aider à la reconstruction des infrastructures
civiles et des institutions, à la reconstruction de l’économie, à la restauration de l’autorité
civile, au rétablissement du commerce et des systèmes d’éducation et de santé, à la
supervision des élections, de la démobilisation et de la démilitarisation. Dans ce but
découlent trois objectifs majeurs : la transition sécuritaire, la transition démocratique et la
transition économique.
Bien que contestées en raison de leur coût, des dizaines d’années nécessaires à leur bon
déroulement et de leur objectifs politiques et économiques souvent flous et intéressés, les
opérations de paix sont parfois la seule façon de mettre fin à un conflit et, ainsi, de protéger
des populations menacées.
Paix : Le terme de paix est polysémique, il faut donc un minimum de délimitation. La
définition qui s’est majoritairement imposée est une définition négative : absence de guerre.
A l’origine du succès de cette définition , il y a une explication d’ordre méthodologique : A
l’image des autres sciences sociales, les RI tendent à être victimes du « piège quantitatif »,
qui consiste à croire qu’un fait social est d’autant plus important qu’il est susceptible d’être
quantifié. Or, autant la guerre est un fait susceptible d’être quantifié, autant la paix est un
« non évènement ». Les causes de la paix sont dès lors beaucoup moins étudiées que les
causes de la guerre. Ceci est particulièrement vrai pour l’approche réaliste de la paix.
Affirmant que les RI se déroulent à l’ombre de la guerre, les réalistes déduisent logiquement
qu’il ne saurait y avoir de paix que suite à l’avènement d’un gouvernement mondial. Mais
c’est une prescription utopique pour eux. Seules sont envisageables dans la pratique des
trêves temporaires au sein d’un seul et même état de guerre. Les approches néo-réalistes
tempèrent en revanche en rompant avec l’idée de la paix comme simple état de guerre latent
et en l’abordant en tant qu’état en soi.
On peut remarquer que contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les projets de paix
qui ont jalonné l’histoire des idées. En revanche certaines notions reconnaissent à la paix
une existence indépendante :
• L’obsolescence de la guerre développée par John Mueller, affirme qu’à l’image du
duel et de l’esclavage, la guerre est une institution sociale qui a fait son temps. La
guerre est apparue comme rationnellement improductive. Faute d’être pratiquée, elle
finit par devenir « impensable » et donc « obsolescente ».
• Remontant à Montesquieu, la théorie du doux commerce fait, elle, découler la paix de
l’interdépendance économique : parce que les échanges économiques permettent à
une société d’atteindre le bien-être à un moindre coût que le recours à la force, la
paix s’étend au fur et à mesure qu’augmentent les échanges économiques.
• La notion d’attente pacifique réciproque inspirée par Kant attribue la paix à la
confiance mutuelle que parviennent à instaurer entre elles des sociétés
démocratiques dans leurs relations réciproques.
Paix démocratique : Kant et la paix perpétuelle : Les principales thèses de la théorie de la
paix démocratique (TPD) sont présentes chez Kant, dans son « Projet de paix perpétuelle ».
Chez Kant, ce n’est pas le caractère démocratique des régimes qui explique leur propension
à ne pas se livrer la guerre. C’est plutôt leur républicanisme (séparation des pouvoirs
exécutifs et législatifs en entités distinctes et équilibrées). Kant développe les trois piliers de
la paix perpétuelle : Premièrement, dans tout Etat, la constitution civile doit être républicaine.
La séparation des pouvoirs législatif et exécutif est capitale, puisqu’un leader politique ne
pourra déclarer la guerre sans l’assentiment du législatif, qui lui représente les citoyens (qui
Concepts
35
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
assument le coût social désastreux des entreprises belliqueuses). Deuxièmement, le droit
des gens doit être fondé sur un fédéralisme d’Etats libres. Il ne s’agit pas d’un Etat civil entre
les nations qui succéderait à l’état de nature, mais bien plutôt d’une alliance de principe.
Troisièmement, le droit cosmopolite doit se restreindre aux conditions de l’hospitalité
universelle. Kant suggère que les visiteurs comme les hôtes se comportent de façon
hospitalière.
L’idéalisme : Il représente un autre moment dans cette théorie. A la suite de la première
guerre mondiale, la fondation de la Société des Nations reproduisit, en quelque sorte, le
fédéralisme d’Etats libres kantien et sa croyance que la résolution des conflits devait être
menée selon les principes de la raison, plutôt que ceux de la force. Cela partait du constat
que l’interdépendance de plus en plus importante entre les Etats rendait caduque la
conception d’un système d’Etats isolés.
La théorie de la paix démocratique contemporaine : La TPD, telle qu’elle se développe
depuis les années 1970, repose sur un constat empirique fort : l’absence de guerre entre
deux démocraties libérales. La thèse principale est que deux Etats démocratiques en conflit
opteront pour un processus de résolution de différend axé sur la négociation et le compromis
plutôt que sur l’intervention militaire ou la menace de celle-ci. Cette thèse est étayée par
deux séries d’arguments. La première utilise des arguments structurels /institutionnels qui
postulent que deux démocraties ne se font pas la guerre en raison des contraintes
institutionnelles imposées aux processus de décision politique dans les démocraties, ces
contraintes limitant l’usage de la force dans la résolution de conflits internationaux. La
deuxième série d’argument place l’accent sur les facteurs culturels /normatifs : puisque la
résolution de conflit au sein d’une société démocratique procède de façon légale ou par
négociation en vue d’un compromis, les Etats démocratiques, entre eux, auront tendance à
reproduire ce type de processus. La TDP se distingue d’autres courants libéraux en théories
des RI en ne proposant pas systématiquement la formation d’institutions inter ou
supranationales en vue d’éradiquer les conflits. Dans l’ensemble, la théorie de la paix
démocratique doit beaucoup à l’économie néoclassique et aux théories du choix rationnel.
Critique néoréaliste : Elle a été systématisée par Christophe Layne qui montre la faiblesse
des deux variantes de la TPD. Pour invalider les arguments institutionnels, il reprend le point
que si les contraintes institutionnelles empêchaient les démocraties d’user de la force, ces
contraintes s’appliqueraient dans tous les cas, et non seulement lorsqu’une autre démocratie
est la contrepartie du conflit. Contre les arguments culturels, Layne utilise quatre études de
cas où il montre qu’en situation de conflit, dans les démocraties comme dans n’importe quel
Etat, les opinions publiques sont souvent pro-guerre, les démocraties se menacent entre
elles d’utiliser la force et elles négocient souvent de mauvaise foi.
Au-delà du débat : les études critiques et la théorie de la paix démocratique : L’une des
critiques les plus pertinentes de la TPD est venue de Tarak Barkawi et Mark Laffey. Autre
critiques majeures sont mises en avant : Premièrement, l’ontologie qui sous-tend la TPD ne
diffère guère de l’ontologie néoréaliste, en ce sens, ils dénoncent le caractère stato-centré
de la théorie, au détriment de l’analyse d’autres acteurs et forces sociales au sens du monde
international. Deuxièmement, les auteurs critiquent la définition de la guerre de la TPD.
Selon eux, cette définition est trop étroite (conflit armé entre deux Etats souverain) et occulte
une panoplie de manifestation de violence qui ne correspond pas à cette définition.
Troisièmement, ils critiquent la définition de la démocratie, et rappellent que la démocratie
libérale n’est qu’une forme de démocratie parmi tant d’autres. Finalement, ils critiquent
l’occidentalo-centrisme implicite de la TPD. C’est-à-dire que s’il y a une zone de paix libérale
(Occident), il y a aussi une zone de guerre non libérale (Sud global).
Le sociologue Michael Mann a également formulé une critique de la TPD. Pour lui, elle
occulte le fait que certaines démocraties soient à la source des ethnocides et génocides
modernes.
Concepts
36
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
La sécurité
Ecole de Copenhague : Référence à un programme de recherche sur la sécurité développé
par un groupe d'auteurs membres de l'Institut de recherche sur la paix de Copenhague
(COPRI). Les travaux s'articulent autour des thèses de B Buzan et O Waever.
La COPRI (1985-2002) avait une orientation pluridisciplinaire, ce qui la distingue des écoles
néoréalistes et néolibérales Us. Elle s'inspire davantage de l'Ecole anglaise. Deux objets
principaux dans ses recherches : la résolution des conflits et les effets de la guerre sur les
populations civiles.
Une de ses contributions fondamentales aux théories de la sécurité est de conserver une
perspective sociologique sur différents aspects de la guerre. La guerre n'est donc pas
considérée comme un phénomène naturel ou transhistorique mais comme une phénomène
sociologique. On peut donc isoler ses composantes et ainsi élaborer des formes de
résolutions pacifiques des conflits.
Cette école a la volonté d'enrichir la conception de la sécurité qui est souvent réduite en
termes militaires (cf. Réalistes et néoréalistes). Elle s'intéresse aux dimensions politique,
sociétale, environnementale et économique de la sécurité. Cela amène à l'apparition de
nouveaux objets : immigration, religion, ...
Le concept de sécurité sociétale de Waever est à prendre dans le contexte de mondialisation
et de l'élargissement de l'Europe. Ces processus amènent des enjeux qui dépassent le
cadre national. Pour Waever, il est donc nécessaire de théoriser la sécurité sous des traits
culturels, démographiques et identitaires pour la reproduction de la société. Il inclut la culture
et l'identité dans les études de sécurité, il se démarque du néoréalisme.
Dans la perspective de Buzan, Waever et de Wilde, il faut remettre en question la conception
traditionnelle de la sécurité et les pratique sociales et institutionnelles de la sécurisation.
Intérêt à la sécurité comme une pratique discursive performative, elle n'a donc rien de
naturel. Elle s'inscrit dans des discours et des pratiques institutionnelles.
Ce programme de recherche s'inspire des développement de la théorie du langage ordinaire,
par la changement de registre. Les approches traditionnelles de la sécurité cherchent à
définir la sécurité en soi, comme un objet. Les théoriciens constructivistes de l'Ecole de
Copenhague ouvrent un domaine de recherche sur la façon dont la sécurité est définie par
des experts qui se trouvent dans un contexte institutionnel déterminé. En définissant la
sécurité, ils agissent sur le monde.
L'étude des dynamiques, désignée par les concepts de sécurisation et désécurisation par
Waever, devient une composante centrale des travaux inspirés de cette école.
• Sécurisation : l'ensemble des pratiques discursives dont l'énonciation sécurise un
enjeu ou un objet de la politique intérieure (l'immigration) ou extérieure (le terrorisme)
des Etats. Dès qu'un enjeu est « sécurisé », il fait partie du domaine des
gestionnaires de la sécurité et plus de l'exercice démocratique légalement institué.
• Désécurisation : prise de conscience éthique et réflexive des risques que font peser
les processus discursifs de sécurisation sur l'exercice démocratique.
L'Ecole de Copenhague met l'accent sur le caractère socialement construit de la sécurité et
de la menace. C'est donc une approche constructiviste. Elle a permis d'élever le niveau de
réflexivité des approches traditionnelles de la sécurité. Cependant, la façon d'appréhender la
sécurité sociétale n'est pas si différente que celle du néoréalisme. La conception de la
société comme un tout doté d'intentions et de caractéristiques essentielles est
problématique, elle s'expose au risque de reproduire la conception moniste de l'Etat de la
théorie néoréaliste en l'appliquant à la société. De plus, ce concept ne rend pas compte des
dynamiques de formations identitaires.
La recherche de l'Ecole de Copenhague aboutit sur 2 voies (porteuses et contradictoires) :
• Ouverture sur une conception réflexive de la sécurité. Celle-ci est perçue comme une
pratique sociale construite de façon intersubjective, dont les stratégies discursives
doivent être révélées par l'analyse. (cf. poststructuralistes)
• Elargissement des conceptions de la sécurité à des domaines absents en RI.
L'Ecole de Copenhague, en cherchant à sécuriser ces nouveaux objets, sécurise peut-être
Concepts
37
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
plus qu'elle ne désécurise. Exemple avec l'immigration : sécurisation comme une menace de
la société ou pas.
Dilemme de la sécurité : Pour l'approche réaliste, le « dilemme de sécurité » est une
conséquence de l'anarchie. Dans l'analyse, ce concept reprend la notion d'Etat de nature de
Hobbes et la transpose au système international : les Etats ne peuvent compter que sur euxmêmes pour assurer leur survie. Selon les réalistes et les néoréalistes, les Etats sont dotés
d'une rationalité qui leur permet d'établir une bonne adéquation entre la fin recherchée (la
survie) et les moyens utilisés (acquisition de capacité militaire, équilibre des puissances,
alliances).
Selon JH Herz, le dilemme de sécurité posé par l'anarchie apparaît parce que toutes les
tentatives d'un Etat pour accroitre sa sécurité peuvent être jugées par les autres Etats
comme un accroissement de leur propre insécurité. Ce concept repose sur un paradoxe : en
augmentant sa sécurité, un Etat diminue celle des autres, qui pourrait à leur tour augmenter
leur sécurité et diminuer celle de cet Etat. Cette surenchère amène à penser les RI comme
un jeu à somme nulle, dans lequel les Etats sont pris dans un cercle vicieux.
Dans la perspective réaliste, ce dilemme est insurmontable. Même si aucun Etat n'a
d'intentions agressives, l'insécurité domine. De plus, même si ses intentions sont connues,
elles peuvent changer dans le temps. Il y a tout de même un intérêt à coopérer selon Jervis,
lorsque les coûts et incertitudes de la guerre sont plus élevés que ceux de la coopération.
Buzan : concept de « power-security dilemma ». Il repose sur la distinction entre puissance
et sécurité.
Selon K Booth (perspective critique de la sécurité) le dilemme de sécurité n'est pas une
fatalité systémique du système international. Il reflète les pratiques d'agents qui véhiculent
cette vision du monde et qui assurent la reproduction de l'insécurité de tous. Des pratiques
sociales différentes, reposant sur des compréhensions intersubjectives, pourraient favoriser
la coopération plutôt que la compétition.
Selon PG Cerny, la mondialisation a contribué à l'émergence d'un nouveau dilemme de la
sécurité, en diminuant la légitimité et l'autorité de l'Etat. L'érosion des capacités de l'Etatnation ou la fragmentation des identités vont amener à un système international néomédiéval caractérisé par un « désordre durable » qu'aucune politique d'équilibre des
puissances ne pourra atténuer.
Prolifération et non-prolifération : Ce terme renvoie à la dissémination :
• Des armes de destruction massive (surtout nucléaires mais aussi bactériologiques et
chimiques).
• De leurs vecteurs aériens et balistiques.
• Des moyens de contrôle, de commandement et de communications de ces armes.
• De la diffusion des savoirs et des techniques nécessaires à leur production et à leur
mise en oeuvre.
Ces concepts sont présents depuis la fin de la Guerre froide. Dans les débats, ils ont
supplanté les enjeux relatifs au désarmement et à la maîtrise des armements (arms control).
La prolifération est devenu un enjeu international, car de plus en plus de pays se sont doté
d'armes nucléaires (1er : Usa 1945). Certains pays disent en disposer et d'autres ont
renoncé (liste voir le concept page 436).
Les problèmes que pose cette dissémination :
• Vaste quantité de matériel.
• Conditions de stockage parfois précaires (en Russie notamment).
• Réseaux de prolifération privés (Pakistan).
• Accès à des matériaux radioactifs des pays ou de groupes pas en mesure
auparavant.
La lutte contre la prolifération est légitimée par l'ONU et est un objectif prioritaire dans la
politique extérieure des USA.
Enjeux politiques et stratégiques de la prolifération amènent à des désaccords. Polémique
entre PM Gallois et R. Aron.
Concepts
38
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
Le terme de « prolifération » est ambigu : confusion entre une augmentation quantitative
rapide et l'acquisition pour la première fois de ces armes pour un Etat. Mais le fait qu'un Etat
se dote d'armes nucléaires (prolifération horizontale) n'amène pas forcément à une énorme
augmentation. Les Usa et la Russie ont à eux 2 le plus d'armements. Connotation trompeuse
et négative : prolifération = multiplication rapide par reproduction. Par sa comparaison avec
la démographie, elle amène à des stéréotypes relatifs aux pays du « sud ».
Avec cette connotation, la prolifération serait déstabilisatrice et moralement condamnable,
elle nécessiterait donc une politique de non-prolifération. Cette politique est sanctionnée par
le droit international et l'ONU.
Le régime international de non-prolifération a été instauré dans les 50's. Accords
internationaux entre les Etats dotés d'armements nucléaires et les autres, notamment le
traité de non-prolifération nucléaire (TNP), mais pas ratifié par tous les pays. L'agence
internationale de l'énergie atomique (AIAE) joue un rôle majeur dans l'application du régime
de non-prolifération.
Dans les RI, aucun consensus sur le caractère nécessairement déstabilisateur ou dangereux
de la prolifération. Les pessimistes dénoncent les risques des lacunes dans les systèmes de
commandement et de contrôle des armes nucléaires. Les optimistes estiment que les
conséquences de la prolifération sont diversifiées, selon les motivations des Etats qui s'en
dotent (sécurité, ambitions et pressions de lobbys, prestige et statut sur la scène
internationale).
Mais, les Etats qui auraient pu se doter de ces armes ont renoncé ou ont limité leur effort,
trois explications :
• La sécurité du pays ne nécessite pas ces armes.
• Le régime politique de ce pays a changé.
• Les préférences des acteurs sont transformées par des incitations des grandes
puissances et/ou des normes internationales.
Selon PM Gallois et K Waltz plus tard, les armes nucléaires exercent une contrainte sur
l'action des Etats, notamment sur leur propension à employer la force armée. De plus, elles
clarifient les rapports de force, diminuent le risque de mauvaise perception, incitent à une
extrême prudence et rendent superflue l'acquisition de territoire par un Etat pour renforcer sa
sécurité. Comme une guerre nucléaire détruirait TOUT, la prudence diplomatico-stratégiques
semble renforcée. La probabilité d'un conflit entre Etats détenteurs semblent faible. La lente
dissémination de ces armes peut favoriser la sécurité (temps « d'apprentissage »). Le
contrôle exercé par les dirigeants politiques sur les organisations militaires est également un
facteur important. Le contexte régional peut affecter les dynamiques de la dissuasion
nucléaire. La prolifération et la non-prolifération sont des aspects centraux de la politique
internationale, comme le prouve les situations avec l'Iran et avec la Corée du Nord
actuellement.
Sécurité : On constate trois débats paradigmatiques liés à la notion de sécurité : les
approches traditionnelles dont l’objet est la sécurité nationale des Etats et les menaces qui
peuvent remettre en question la souveraineté et l’intégrité des territoires étatiques, les
approches qui tendent à inclure des nouvelles formes de menace ayant émergé dans
différents secteurs de la vie sociale, et enfin des positions visant à reconceptualiser l’objet en
mettant l’accent sur la sécurité des individus plutôt que sur l’Etat ainsi que sur la
reconnaissance de la nature construite des menaces. Dans la première conception centrée
sur la préservation de l’Etat, on estime que la survie de l’Etat passe par le maintien d’une
puissance militaire qui dissuade les autres Etats de l’agresser. Pour les néo-réalistes, le
danger d’escalade de la violence des suites de la lutte pour l’armement nécessite une
conduite prudente (realpolitik). Le second point de vue conteste le primat donné aux
questions militaro-politiques en souligne l’inclusion de menaces de natures économiques,
environnementales dont les études du premier type ne font pas usage. Il s’agit aussi pour
eux de savoir pourquoi un problème devient un enjeu de sécurité, en prenant en compte le
fait que le processus de sécurisation relève de dynamiques intersubjectives. Au travers ce
décloisonnement de la conceptualisation de la sécurité nationale, on parvient à mettre la
Concepts
39
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
main notamment sur des menaces internes et externes prévalant dans certaines régions où
de par l’instabilité politique locale, l’Etat est incapable de gérer de multiples menaces
transnationales, étant lui-même une menace pour sa population. Enfin, les études critiques
de la sécurité mettent l’accent sur le fait que les menaces et les réponses à ces dernières
sont construites plutôt que naturelles et déterminées par des conditions matérielles
objectives (voir sécurisation). En mettant la focale sur l’importance des positions stratégiques
des spécialistes de la sécurité interrogeant ainsi les processus sociopolitiques et les rapports
de pouvoir qui sous-tendent la production de ces discours dominant. Par ce moyen, ce type
d’études parvinrent à sortir les préoccupations de sécurité hors du cadre limitatif de
l’anarchie et montre à quel point l’Etat peut être considéré comme une des sources
principales de l’insécurité.
Sécurisation : Dire et écrire un enjeu de sécurité n’est jamais un acte innocent ou neutre,
mais il peut s’agir d’une stratégie politique des fins multiples. Lorsqu’un objet semble
constituer un enjeu de sécurité, les élites peuvent avoir recours au processus de sécurisation
afin de construire une réalité sociale devenant objet de sécurité. Dans ce contexte, la
sécurité est un concept flou qui ne reflète pas seulement à une réalité externe et objective
mais bien à une définition subjective d’un objet qui, posé comme menace vient à être perçu
comme menace par l’audience ciblée, et ce au travers notamment de performatifs et d’actes
de langage ou encore d’images qui permettent la circulation rhétorique des actes de sécurité
et celles des représentations visuelles.
Par ce concept, on sort peu à peu des études de sécurité orientées uniquement sur la
défense et la stratégie, pour se concentrer sur les frontières artificielles entre les études de la
sécurité et les secteurs politiques, économiques et autres, en montrant notamment l’aspect
socialement construit et non objectif des menaces à la sécurité. On se demande notamment
pourquoi certains enjeux sociaux sont sécurisés et politisés. Il s’agit donc d’une approche
réflexive de la sécurité, face à l’approche instrumentale traditionnelle, qui se penche sur le
couple sécurité-insécurité en examinant son processus de construction et de transformation,
de manière à permettre une certaine conscientisation sociale pouvant générer des actions
positives.
Sécurité humaine : La sécurité humaine remet en cause plusieurs principes de l’ordre
westphalien, la défense de la souveraineté étatique et la non-ingérence dans les affaires
intérieures, en accordant plus de poids à la sécurité des individus sur ceux des Etats. Les
différents courrant théoriques de ce genre d’études constatent que la frontière étatique ne
constitue pas un frein à la protection effective des populations vulnérables. Un tel
phénomène peut notamment émerger lorsqu’un Etat est légalement reconnu sans avoir la
moindre légitimité aux yeux des populations dans les territoires dont ils revendiquent
l’autorité. On peut définir dès lors la sécurité humaine l’absence de menace constante à
l’encontre des droit et la sécurité des personnes, voire de leur vie. Dans ce sens, le PNUD
propose sept éléments sécuritaires distincts : économique, alimentaire, sanitaire,
environnemental, personnelle, communautaire et politique. La sécurité humaine part du
principe de l’interdépendance entre la violence, le développement et la gouvernance, et
suppose la construction d’un nouvel ordre mondial dans lequel les individus s’inscrivent au
cœur des préoccupations de politiques internationale. Il s’agirait donc de faire une approche
globale prenant en compte à la fois la sécurité internationale, la sécurité étatique et celle des
individus. Comme moyen d’action, on cherche à rendre possible l’intervention de la
communauté internationale plus rapide et efficace, ainsi que de renforcer l’action et la
responsabilité des différents acteurs étatiques et non étatiques. De cette réflexion est
notamment né la CIISE (commission internationale de l’intervention et de la souveraineté
des Etats) dont l’objectif de surveiller les états et de relever la responsabilité internationale
quant aux exactions commises en leur sein qui peut déboucher sur des sanctions, voire une
intervention conditionnées à certains principes humanistes. Les principales critiques de la
sécurité humaines mettent en exergue l’ampleur de la tâche à accomplir et l’utopisme
apparent dont il puisse être le reflet. Aussi, on reproche au PNUD de donner une définition
Concepts
40
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
de ce concept si large qu’elle ne veuille rien dire du tout. Enfin, certain soulèvent la difficile
réconciliation entre la sécurité humaine et l’exercice de la souveraineté et de non-ingérence
(en prenant le cas de la Chine ou de la Russie par exemple. Pour certains, la sécurité
humaine constitue la réponse imparfaite d’une partie de la communauté internationale à des
enjeux contemporains nouveaux, nécessitant des solutions nouvelles.
La stratégie
Armes de destruction massives : Un objet létal créé pour tuer une bonne quantité de
personnes en une seule utilisation ; il ne discrimine pas entre civils et militaires. Objectif :
toucher le plus grand nombre de monde et occasionner des dégâts matériels importants et
durables. L’ADM peut être de composant chimique, bactériologique, ou nucléaire. Celui qui
utilise donc un tel engin doit s’attendre à une riposte aussi violente de la part de son
adversaire, si néanmoins celui-ci a survécu afin de délivrer de telles représailles. Mais
malgré leur potentiel destructeur, les ADM sont tout de même moins mortels que les armes
conventionnelles. L’environnement sécuritaire a changé depuis la fin de la putain de Guerre
Froide ; on est passé du premier âge nucléaire à un second dans lequel les USA et autres
puissances nucléaires font face aux défis posés par les Rogue States (ayant ou voulant avoir
des ADM) et les groupes non étatiques (terroristes soupçonnés aussi de vouloir en avoir).
Durant les ’90 ce second âge continue à être régulé avec les outils et habitudes hérités de la
Guerre froide, Washington et Moscow signent des accords et des traités (voir concept
dissuasion avec les notions de ABM) afin de réduire l’arsenal stratégique des deux pays
(Strategic Amrs Reduction Treaty - START), ou de limiter le nombre d’ogive opérationnelles
(SALT – voir aussi Dissuasion) l’assise du dialogue entre superpuissances. Jusqu’à la
dénonciation du traité ABM par l’administration G.W.Bush et sa décision de déployer le
bouclier anti-missile, l’enjeu des ADM donnait une impression d’être au second plan des
stratégies de défense, laissant ainsi la place à la tentative de régulation des affaires
internationales par le biais d’armes conventionnelles.
La dénonciation de ce traité a marqué un sérieux tournant dans ce dossier. Pour les
stratèges américains, les ADM continuent à être attrayantes aux yeux des États aux
ambitions régionales déclarées (ex : Irak, Iran, Corée du Nord, Syrie). Face à cette situation,
les pays les mieux munis en nucléaire (ex : GB, US, Russie, Chine, France, etc.) ont
réadapté leur doctrines et leurs équipements, ainsi ils remettent la logique de la dissuasion
au goût du jour. Du coup, un des principes du premier âge nucléaire est réaffirmé : le
meilleur moyen de prévenir et de riposter à une attaque par le biais des ADM est encore
d’utiliser d’autre ADM, servant toujours à dissuader ou punir l’adversaire. Elles sont utilisées
si recours à tout autre système de défense est quelque peu défaillant ou si un des acteurs
est incapable de rivaliser avec son ennemis. Les ADM représentent aujourd’hui, pour
nombre d’États, un moyen privilégié de rétablir un équilibre stratégique avec les USA et leurs
alliés dont la supériorité au niveau d’armements conventionnels est certifiée. On ne peut pas
savoir si les différentes ADM se valent sur un plan stratégique, mais sur un court terme, leurs
effets sont certes différents ; donc la réponse apportée par un État, suite à une attaque
bactériologique sera différente de celle atomique, etc.
Cependant, on s’entend à dire que les armes chimiques ou biologiques sont plus
séduisantes pour les acteurs n’ayant pas les mêmes moyens que ceux de grandes
puissances militaires, car elles sont peu coûteuses à développer, efficaces et difficiles à
contrer ou détecter, elles peuvent aussi avoir un impact psychologique plus grand que celui
des atomiques. Les ADM chimiques ont aussi montré leur efficacité sur un champ de
bataille, lorsque celles-ci sont utilisées sur les troupes armées (ex : GM1 et guerre Iran-Irak).
La prolifération et les risques liés aux ADM sont une préoccupation dans les Relations
internationales depuis la bombe A de Hiroshima et Nagasaki de nombreux traités ont été
adopté avec un succès relatif (ex pour les ADM atomiques : le traité de non prolifération
nucléaire ’70 – le but en été de prévenir la prolifération des armes nucléaires et d’encourager
la coopération pour un usage civil de cette énergie ; le traité d’interdiction complète des
Concepts
41
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
essais nucléaires. Pour les autres types de ADM : la Convention sur les armes chimiques
adoptée en ’92 ; la Convention sur les armes biologiques en vigueur depuis ’75), à ces
traités, il faut ajouter ceux qui touchent également les vecteurs servant au transport de ces
armes ainsi que les équipement permettant de les contrer, car crainte par rapport à
l’accessibilité accrue à la technologie des missiles (ex : en ’87, le Régime de contrôle de la
technologie des missiles RCTM limiter les possibilités pour un pays d’accéder à cette
technologie ou à développer de nouveaux vecteurs), pour ce faire, il faut effectuer des
contrôles et renforcer les modalités de surveillance des exportations des pays membres du
régimes sur la base de liste commune. Les dispositifs de défense antimissile sont une
catégorie d’armes particulières, car ils concernent les armes conventionnelles et les ADM,
qui essayent protéger le territoire contre les missiles porteurs de bombes sales.
Le traité ABM occupe très souvent la scène médiatique. Signé et entré en vigueur en ’72, il
empêchait que 2 pays entreprennent la construction d’un système national de défense
antimissile balistique stratégique, et limitait le développement et déploiement des missiles de
défense. Son principe était de réduire gentiment les capacités de défense antimissiles des 2
grandes puissances (si jamais voir aussi dissuasion). Il est certain que le monde actuel est
sous la menace de la prolifération du nucléaire et de la technologie de missile. Même si les
États de « l’axe du mal »1 ne peuvent pas attaquer les USA (car n’ont pas de missiles
intercontinentaux), ils peuvent menacer les États alliés d’Europe, d’Asie et du Moyen-Orient,
ou encore frapper les troupes américaines déployée dans le monde.
La perspective de réguler le monde par les simples armes conventionnelles a disparu face
au déterminisme de quelques acteurs de se procurer des ADM, à cette illusion s’ajoute un
phénomène très important, bien que moins connu : les influx budgétaires du début des ’00
aux USA ont créé les conditions permettant un avancement des programmes de
modernisation de ces armements, dont l’évolution vers des usages tactiques (les Bunker
Busters). Nous sommes dans une nouvelle génération d’armes nucléaires. De ce fait, les
ADM semblent s’inscrire, pour longtemps et fermement, dans le contexte stratégique du
XXIème siècle.
Défense : Renvoie aux activités de l’État visant à protéger le territoire national contre une
agression extérieure. Mais cette définition est très court et ne recouvre pas tout ce qui doit
être mis là-dessous. La défense est aussi très souvent utilisées comme un synonyme de
sécurité, ce qui est faux, car les deux notions sont interreliées mais réfèrent à des
dimensions différentes. La Sécurité étant plus générale englobant les dimensions
économique ; l’environnement et l’identité. Quant à la Défense, elle est un des aspects de la
Sécurité, cependant central et est au cœur des politiques de Sécurité Nationale. La Défense
ne se limite pas qu’aux aspects militaires ; elle contient également des ramifications aux
plans socioéconomiques et politiques.
Aspects Théoriques De La Défense : Théoriquement parlant, ce concept est lié au courant
Réaliste en relations internationales. La défense est tournée vers l’extérieur, elle prend ses
assises entre les affaires internes de l’État et la politique internationale. Dans un contexte
d’Anarchie (donc incertitude et éventuelle attaque extérieure), l’État doit assurer la survie, la
préservation de son territoire et de sa Souveraineté. Donc la Défense doit assurer la sécurité
nationalepréserver l’État contre les attaques extérieures afin de garantir la survie de l’État
dans un environnement international ; du coup pour les Réalistes, ce concept est du
domaine de la haute politique [high Politics]. Dans ce cadre théorique, la survie de l’État
dépend de sa capacité à maintenir une puissance militaire suffisante pour dissuader les
autres de l’agresser. Par conséquent, la Défense correspond à un instrument militaire – reflet
de la Puissance de l’État – de dissuasion et de protection [du territoire national] ; elle
correspond également à un instrument de la Puissance étatique – autre concept réaliste.
La Défense renvoie à la notion de Menace. Cette dernière est inévitablement liée à la triade
westphalienne (au lien entre État-nation, territoire et souveraineté). La mission de la Défense
est de contrer toute menace susceptible d’ébranler l’intégrité territoriale d’un pays ainsi que
1
Axis of Evil – les principaux figurants sont : Iran, Lybie, Corée du Nord, Syrie.
Concepts
42
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
ses prérogatives nationales et internationales – protection des institutions étatiques, des
acteurs de la Société Civile sur le territoire comme à l’étranger. Souvent les menaces
extérieures étaient de nature étatique et militaire, cela n’empêche que la Défense peut
également s’exercer contre des groupes non étatiques (ex : lutte au terrorisme) ou encore à
l’intérieur jouant ainsi un rôle de maintien de l’ordre interne (ex : mission dévolue à la garde
nationale aux USA ou à la gendarmerie de France)qu’on appela alors « Défense civile ou
passive ». Le concept de Défense est assujetti à l’environnement extérieur. Et pour être
pleinement comprise, la Défense doit être mise en lien avec : 1) le cadre de la Politique
Étrangère (à laquelle, elle n’est pas inféodée théoriquement), et 2) le contexte politique
intérieur (lui ayant permis de prendre forme)pour ces raisons, les analystes de la Défense
recourt plus fréquemment aux cadres pluralistes (bureaucratique, politiques publiques, etc.)
– appartenant plus aux théories de la politique étrangère et de l’État qu’à la théorie des
relations internationales – (comme a été fait par Graham Allison, pour analyser l’action de
Défense du gouvernement américain lors de la crise de Cuba en ’62, il a recouru à une
analyse bureaucratique).
La Défense nationale s’occupe également de : 1) forces armées du pays ; 2) élaboration des
politique de défense ; 3) constitution d’alliances ; 4) maintien des capacités d’autodéfense ;
5) intervention à l’extérieur du territoire ; et aussi 6) maintien d’une supériorité technologique.
Une Défense Au Cas Par Cas : Les études sur la Défense sont empiriques et prescriptives.
La plupart du temps ce sont des études de cas nationales cherchant à ressortir les
orientations préconisées par un État en matière de Défense. But : 1) repérer ce qui paraît
être les principales faiblesses des mécanismes de protection du pays ; 2) être en mesure de
proposer des mesures des aménagements susceptibles de rectifier la situation. Les
recherches les plus sérieuses prennent en considération les facteurs pour comprendre et
expliquer la Défense de l’État : 1) situation géographique ; 2) position relative dans le
Système International ; 3) alliances contractées ; 4) Capacités (militaire, économique,
technologique) ; 5) doctrine d’emploi des forces ; 6) stratégie nationale de sécurité ; 7)
relations civils-militaires. Mais cette liste de facteurs est modifiée selon les auteurs ou selon
les États étudiés néanmoins, en général, les chercheurs s’intéressent à ce qu’il y a entre
« la fin et les moyens » (= analyse des liens existants entre la politique de défense, les
décisions mises en œuvre2 et le contexte international). Il ne faut pas limiter le champ
d’étude aux documents publiés par les instances responsables de la formulation de cette
politique, bien au contraire, toutes sortes de considération et d’intérêt disparates interfèrent
dans le processus d’élaboration d’une politique de défense qui pourrait être difficilement
applicable correctement dans son intégralité (ex : parfois la Stratégie militaire, normalement
découlant de la politique de défense, est déposée avant cette dernière – cas de la Revue
quadriennale de défense ’01 – du secrétaire à la Défense de Bush, Donald Rumsfeld –
critiquée car publiée avant le document qui devait en précéder la formulation).
La Défense nationale est un domaine d’étude complexe étant donné que la formulation des
politique jusqu’à leur implémentation n’est pas issue d’un processus linéaire et qu’elle ne
correspond pas toujours aux objectifs initiaux. De plus, les termes associés à cet univers
(doctrine, stratégie, politique de défense) ne sont pas souvent clairement définis et sont
utilisés de manière interchangeable par les analystes et les décideurs (ex : les Américain
parlent de « grande stratégie » lorsque les Anglais parlent de « Defense policy », or ces
deux concepts, certes chevauchés, ne renvoient pas toujours à la même réalité pour chaque
étude d’État)vigilance requise quant à la lecture et l’utilisation de telles notions.
Un Concept En Mutation : Ces dernières années, il y a eu plusieurs mutations de
l’environnement international, ce qui amène à un décloisonnement des activités de défense
et de sécurité étatiques. La disparation de l’Union Soviétique a amené les acteurs politiques
et militaire du milieu de la défense à identifier de nouvelles menaces (ex : terrorisme,
criminalité transfrontalière, immigration) ici les origines ne sont plus forcément étatiques, le
danger ne provient plus nécessairement d’un État, et n’est plus forcément militaire. Cela
nous amène à reconsidérer les postulats sur lesquels s’est initialement fondé le concept de
2
Ex : organisation des armées ; niveau de préparation ; systèmes d’armement commandés, etc.
Concepts
43
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
Défense. De plus, la désintégration des frontières (à cause des accords commerciaux)
rendent la distinction entre interne et externe difficilement faisable. L’émergence et
l’approfondissement de l’Atlantique d’ententes régionales de sécurité (ex : PESD, NORAD),
dont le contenu va au-delà de la simple défense collective consacrée par l’OTAN, limitent ou
modifient l’exercice de la souveraineté en imposant négociation et compromis en matière de
sécurité, donc de survie de l’État. Tout ceci rend flou la distinction entre sécurité interne et
tout ce qui interpelle la défense, notamment l’instrument militaire.
D’autres phénomènes surgissent et font évoluer le concept. Ex : l’apport croissant de
l’entreprise privée3 dans les conflits qui remet en cause le monopole public de la violence
légitime ; la Guerre Préventive ; la Guerre Contre Le Terrorisme. L’impact de ces
phénomènes est encore à déterminer. Mais on peut se demander si le concept de Défense
ne serait pas remplacé par celui de Sécurité réformée, car mieux adapté à la réalité post
9/11.
Dissuasion : Une sorte de menace de punition, de représailles inspirant la crainte
persuadant, à son tour, un acteur de ne pas agresser un autre. La dissuasion échoue
lorsque l’agression a lieu malgré le potentiel destructeur du protagoniste attaqué (ou celui de
ses alliés). Par exemple, si un État estime les gains espérés à la suite d’une offensive sur un
tiers sont faible par rapport aux risques encourus (étant donné des capacités de représailles
de l’adversaire), la dissuasion fonctionne. La dissuasion se fonde sur un calcul
coûts/bénéfices, donc la rationalité en est un principe essentiel. Pour Kahn la dissuasion est
utilisable de trois manières pour un État :
• Pour éviter directe sur son territoire ;
• Pour menacer de représailles massives une attaque à l’endroit de pays alliés ;
• Pour amener un État à renoncer à une action considérée comme provocation par une
escalade de moyens menant à des représailles massives souvent appelé riposte
graduée, est le type de dissuasion le plus difficile à assurer (ex : les USA, bien que
superpuissance militaire, n’ont pas réussi à dissuader la Libye, l’Irak, le Viêt-Nam ou
Cuba à renoncer à s’en prendre à leurs intérêts. L’Union Soviétique non plus n’a pas
réussi à imposer son autorité à l’Afghanistan).
Sous certains aspects, la Guerre Froide a vu des nains défier des géants ; ce qui conduit à
une critique de la dissuasion et quant à cette rationalité supposée la soutenir. Cependant, la
dissuasion demeure un concept stratégique-clé permettant d’influencer les décisions et les
actions des acteurs du Système International. Elle était en tête de l’ordre du jour des
grandes puissances pendant la Guerre Froide avec la nucléarisation de l’arsenal des USA et
de l’Union Soviétique et l’accession de certains acteurs (ex : GB, France, Chine, Inde,
Pakistan) à la bombe atomique (arme de destruction la plus puissante de la planète). La
littérature s’est développée autour de cette notion ; surtout les USA qui ont teinté le choix
politique ainsi que les débats théoriques s’y rapportant, car première puissance nucléaire et
mondiale. L’objet principal de ces analyses est de trouver un moyen d’assurer la dissuasion
entre superpuissances, aussi entre pays dotés de capacités certes moindres mais de même
position de détruire la planète ou de causés des dommages considérables. Le but était que
l’arme nucléaire ne soit utilisée contre aucune cible ; pour ce faire, il aurait fallu maintenir
l’idée qu’une agression nucléaire aurait des conséquences tellement néfastes qu’elle n’aurait
permis aucun gain pour qui que ce soit. L’arme nucléaire doit avoir un rôle totalement passif.
Après Hiroshima et Nagasaki, les stratèges de Washington essayaient de comprendre dans
quelle mesure l’arme nucléaire changeait la nature de la guerre ; et comment cette arme
pouvait soutenir des objectifs de politique étrangère du pays. Pour Brodie, le potentiel
destructeur de ces armes les rendait inaptes à servir les projets des gouvernements en ce
qui concerne la politique extérieure. Les stratèges américains ont analysé les conséquences
de l’arme atomique. Étant donné la capacité de toutes les superpuissances de se doter de
ces armes, la dissuasion nucléaire était au cœur des discussions entre les USA et l’Union
Soviétique. Dans ce contexte de la Guerre Froide, la défense de l’Europe occidentale par
3
P.ex. L’action des « corporations militaires privées », nouvelle forme de mercenariat, en Irak.
Concepts
44
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
des moyens classiques auraient coûté trop cher (car supériorité numérique des troupes du
pacte de Varsovie), donc la solution fut de déployer un arsenal nucléaire à l’Ouest du rideau
de Fer naissance de l’idée du « parapluie nucléaire ».
La guerre de Corée a aussi joué un rôle dans l’évolution du contexte stratégique global.
L’administration Eisenhower (’53-’61) a laissé entendre qu’elle serait capable d’user de
l’arme atomique contre le Corée du Nord et aussi contre la Chine afin d’en finir avec les
combats ; peu de temps après cette déclaration, les protagonistes du conflit ont signé un
armistice, sans démontrer que la menace de l’arme nucléaire y soit pour quelque chose. Le
président a ensuite formalisé sa position quant à l’usage de cette arme à travers la doctrine
Dulles, prévoyant ainsi une riposte totale, massive et sans sanctuaire à une agression contre
les USA et leurs alliés. Dans cette optique, les armes atomiques n’étaient plus considérées
comme solution de dernier recours, mais bien une solution dès que les USA la jugeaient
utile. Avec l’arrivée de Kennedy au pouvoir, et la doctrine McNamara dite « réponse
flexible », les choses ont changé. Cette nouvelle orientation laissait une marge de
manœuvre aux décideurs privilégiant une riposte graduelle (des armes conventionnelles aux
armes nucléaires tactiques) elles redeviennent dès lors une solution de dernier recours.
La doctrine McNamara est une mise en forme des idées de Kahn et Kissinger défendant
l’idée de dissuasion sans forcément que les 2 supergrands recourent la guerre nucléaire
totale. La « réponse flexible » a permis des traités tels que : ABM (Anti-Ballistic Missile) ;
SALT (Strategic Arms Limitation Talks) soient signés dans les ’70. Grâce à ces traités,
Moscow et Washington s’entendaient 1)pour maintenir un niveau de vulnérabilité face aux
attaques adverses en limitant la mise en place de mécanismes de défense contre des
frappes nucléaires (ABM), et 2)pour limiter leur arsenal atomique afin de ne pas mettre en
cause la destruction mutuelle assurée (MAD – Mutual Assured Destruction). De ce fait la
dissuasion fonctionnait selon ce principe : un acteur devait penser que toute agression ne
peut se traduire que par la destruction de tous ; il n’y a rien à espérer de l’offensive contre
l’adversaire.
La décision de l’administration Reagan de poursuivre le projet Strategic Defense Initiative
(SDI – connu sous le nom de Guerre des Étoiles) a marqué un changement dans la manière
de concevoir la dissuasion, car la SDI avait pour but de mettre le territoire américain à l’abri
des attaques par missile intercontinental, ce qui allait contre les fondements de la MAD. Les
détracteurs de la Guerre de Étoiles y voyaient un facteur déstabilisateur de l’équilibre
stratégiqueun élément de nature à semer le doute dans l’esprit des dirigeantes soviétiques
quant à leur capacité de dissuader les US de les attaquer. Ils disaient aussi que les US, se
sentant trop à l’abri seraient plus facilement tenté d’user de l’arme nucléaire en premier lieu.
Bien que moins prééminente dans les politiques de défense depuis la chute de l’Union
Soviétique en ’91, la notion de dissuasion continue à occuper une place importante. Les
théories et les politiques gouvernementales continuent à réaffirmer les principes de cette
notion, même s’il n’y pas d’ennemi clairement défini (hormis les États suspectés de vouloir
de doter des armes de destruction massive les Rogue States – États Voyous).
Durant la décennie post-Guerre Froide et post- 9/11, on s’était aperçu que l’arme nucléaire
ne suffisait plus à garantir la dissuasion. Ces dernières années, on a vu de plus en plus de
pays voulant se procurer les ADM4 (nucléaire, chimique, biologique, etc.) et les moyens de
les projeter (technologie des missiles). Tous ces éléments remettent en doute la rationalité
fondatrice du principe de dissuasion (ex : un terroriste ne penserait pas à priori si les risques
encourus vaillent la peine en comparaison avec les gains à retirer de son acte).
La dissuasion est également un processus psychologique et discursif. Il faut un peu que les
acteurs « s’entendent » pour se dissuader. Raymond Aron : l’être humain est capable de
causer « rationnellement » sa propre perte (et surtout de l’accepter) s’il a la certitude
d’emporter son ennemi avec lui. La dissuasion repose sur le postulat que les gouvernements
partagent une conception similaire de ce qui est un moyen raisonnable d’atteindre ses
objectifs en politique étrangère. La dissuasion est plus qu’un rapport coût/bénéfice, elle est
4
Armes de destruction massive – en anglais WMD weapons of Mass Destruction.
Concepts
45
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
une norme intersubjective (notion prisée par le constructivisme) – code que les protagonistes
doivent reconnaître comme valide afin que la dissuasion opère efficacement.
Le raisonnement circulaire autour duquel fonctionnait la dissuasion, durant la Guerre Froide
(chaque chef est rationnellement dissuadé d’agir par crainte des représailles, et seuls des
gens rationnels accèdent à la fonction de hauts dirigeants) est remis en cause. Cette
contestation est plus remarquable dans les ’90. De récents travaux effectués suite à
l’ouverture des archives soviétiques ont permis de voir que les processus décisionnels des
pays en ce qui concernait la question nucléaire avaient laissé une place considérable aux
facteurs idéologiques au détriment d’éléments rationnels et pragmatiques créés par
l’Occident.
Les décisions américaines quant au déploiement de leur bouclier anti-missile, avec la guerre
d’Irak et de l’Afghanistan, soulèvent des questionnements quant au visage de la dissuasion
et à la manière de l’assurer. La dissuasion semble être impossible à atteindre à court terme.
La suprématie des US n’a pas suffit à faire renoncer à certains acteurs à s’attaquer aux
intérêts des Américains et à ceux de leurs alliés. Quoi qu’il en soit, la situation actuelle incite
à revoir profondément de concept de dissuasion.
Guérilla : « Tout type de mouvement d’insurrection armée qui se mobilise contre le pouvoir
officiel en place », « l’arme des faibles ». Les stratégies de guérilla s’appuient sur la surprise,
la harcèlement, l’intimidation et le terrorisme. Il existe plus de 400 « groupes armés non
étatiques » actifs, répartis dans 90 pays.
Le terme guérilla signifie « petite guerre » et apparaît pendant la guerre d’Espagne (18081813) quand des mouvements civils de l’armée irrégulière espagnole luttaient contre les
troupes de Napoléon. Peut être désigné par les termes « résistance », « rébellion »,
« révolution », etc.
Distinction entre guérilla :
• « Traditionnelle » : premières guérillas patriotiques menées par une force militaire
limitée dans le but de restaurer une situation ou un ordre passé.
• « Révolutionnaire » : sert un objectif stratégique à long terme : s’emparer du pouvoir.
• « Moderne » : guérillas nées depuis 1945, fin de colonisation et montée du
nationalisme dans le Tiers-Monde. La croisade américaine contre « L’axe du Mal » a
transformé plusieurs guérillas politiques actives en organisations criminelles
identifiées actuellement comme « terroristes ».
Caractéristiques :
• Confrontées aux forces armées régulières du gouvernement en place = relation du
faible au fort.
• Requièrent l’appui populaire pour survivre et croître.
• Elles utilisent des stratégies militaires irrégulières basées sur la mobilité et la
surprise.
• Elles se déroulent généralement en territoire ennemi, parfois à partir de sanctuaire à
l’étranger.
• Hiérarchie semblable à celle des armées traditionnelles
• Fondées par un individu charismatique ou un noyau militaire mobilisant les troupes.
Les premières guérillas datent de 5'600 ans5. Dans les guérillas modernes notoires, on
trouve celle de Lawrence d’Arabie, qui a dirigé un mouvement de combattants irréguliers
pour lutter contre l’occupation de la Turquie lors de la 1GM. Plus tard, la guérilla
révolutionnaire communiste conduite par Mao Tse Tung, qui influença d’autres mouvements
comme celui de Ho Chi Minh au Vietnam ou de Che Guevara et Fidel Castro.
Phases du mouvement de guérilla :
• La subversion : première phase, marquée par un mobilisation populaire contre les
politiques en place. Phase non-violente, le mouvement tente d’obtenir le soutien de la
population.
5
Quand l’empereur chinois Huang de la dynastie Han a utilisé la guérilla pour repousser l’armée de Tsi Yao de la
dynastie Miao (HYPER IMPORTANT).
Concepts
46
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
L’insurrection : actes de violence civile et organisation militaire mieux structurée pour
contrer le pouvoir. L’option militaire visant une manœuvre anti-insurrectionnelle en
est un effet direct : combattre « la guérilla par la guérilla » -> mouvements
paramilitaires ou escadrons de la mort. Les mouvements anti-insurectionnels se
distingue des unités militaires régulières par leurs propres organisations
hiérarchiques et se mobilisent sur des convictions idéologiques spécifiques, leurs
échecs sont expliqués par la faiblesse de l’appui de la population et par le caractère
anarchique du recrutement (les adhérents n’ont pas toujours les qualifications ni les
motivations idéologiques suffisantes).
Les guérillas ne visent pas forcément la prise du pouvoir, mais peuvent produire une guerre
révolutionnaire. Elles sont coûteuses et clandestines, le financement prend vite la priorité sur
l’euphorie dogmatique.
Les guérillas d’origine politique sont les plus fréquentes : leur objectif est la prise du pouvoir.
après la Guerre froide et la fin des financements des grandes puissances, elles ont trouvés
d’autres sources : les FARC (Colombie) ont recours aux enlèvements et à un impôt sur la
production de la cocaïne. Le GIA (Groupe Islamiste Armé, ancienne armée islamique du
salut, Algérie) par des activités criminelles qui sont devenues essentielles à leurs activités
politiques et même leur identité. D’autres veulent seulement protéger l’espace traditionnel de
leurs clans ou ethnies, sans objectif national affirmé, ex. les technicals somaliens. Certains
sont d’essence uniquement criminelle malgré une base sociale (ex. pirates en mer de Chine
du Sud, mafias ethniques de Russie).
•
Pensée stratégique : Source (2000 ans): penseurs civils et militaires qui traitent de la
guerre, de sa conduite et ses effets (Sun Tsu, Machiavel, Clausewitz). Comporte
traditionnellement 3 domaines d’étude distincts qui correspondent aux différentes
dimensions de l’action militaire : terrestre, navale et aérienne + (depuis le 20e) les guerres
non conventionnelles (guérilla, terrorisme, arme nucléaire).
→ Etude des principes qui permettraient d’assurer la victoire à ceux qui les appliquent.
Pour les guerres terrestres :
• Offensive (Napoléon, Clausewitz, théoriciens de la Blitzkrieg) : guerre doit être
menée de manière agressive en recherchant la bataille décisive pour abattre l’ennemi
d’un coup. Importance aux aspects matériel et logistique, qui conditionnent la victoire.
• Défensive (Sun Tzu, Liddell Hart) : accent sur les façons de vaincre à moindre coût.
Recours à des stratégies indirectes et aux ruses pour contourner les défenses de
l’ennemi et le frapper là ou il est le plus faible. Gagner la guerre sans livrer bataille.
Pour les guerres maritimes (Mahan) : but : acquisition de la puissance maritime. La
puissance navale sert à assurer la sécurité maritime du pays mais aussi à promouvoir ses
intérêts politiques et économiques au niveau mondial. Actuellement, avec la disparition des
grandes flottes militaires, la pensée stratégique s’est tournée vers les opérations amphibie et
la projection de la force militaire de la mer vers la terre.
Puissance aérienne (Douhet) : objet le plus récent de la pensée stratégique. Avantage
considérable si maîtrise de l’espace aérien. Permet de frapper directement une société
ennemie, détruisant ses infrastructures économico-militaires et démoralisant sa population.
Concept de bombardement stratégique (2GM) mais a pris toute sa signification à l’époque de
la dissuasion nucléaire, cette pensée à garder son attrait pour les penseurs de la révolution
militaire dans les affaires militaires : l’aviation permet l’obtention d’une victoire rapide grâce à
l’usage combiné des armes guidées et des techniques de la guerre électronique.
Guerres non conventionnelles : notion ancienne, comprend les opérations de guérillas, les
raids, les embuscades. Renouveau avec les guerres révolutionnaires (Mao Tse Tung, Vo
Nguyen Giap et Che Guevara).
Au cours de la Guerre froide, la pensée stratégique beaucoup de refléxions sur la possibilité
de l’utilisation de l’arme nucléaire dominée par des penseurs, des théoriciens civils, des
universitaires (=> think tanks). Ex. RAND Corporation. Accent des ces études sur la notion
de dissuasion (donc façon d’éviter le recours à cet armement de destruction massive des 5
grandes puissances nucléaires de l’époque). D’autres réfléchissaient à « l’impensable », la
Concepts
47
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
possibilité d’une guerre nucléaire et la nécessité d’élaborer une véritable stratégie qui
permettrait de survivre, sinon de sortir gagnant, si une telle situation devait se produire.
Avec la fin de la Guerre froide, et donc la disparition du risque de conflit nucléaire, la pensée
stratégique s’est tournée vers les questions de désarmement, de prévention ou de limitation
de la prolifération nucléaire et d’autres
Révolution dans les affaires militaires : Un des concepts les plus tendance dans la
littérature universitaire et gouvernementales consacrée au sujet des la défense pour ces
dernières années, et ceci est dû au fait que plusieurs analystes pensaient qu’on allait
assister à une révolution dans les affaires de la guerre (comment la faire, etc.) causée par
les nouvelles technologies militaires et l’impact qu’elles auraient sur les doctrines de combat
et les champs de bataille.
Le terme RAM est apparu de plus en plus souvent depuis la guerre du Golf (’91), grâce
notamment à une grande exposition médiatique de l’efficacité de l’arsenal militaire américain
à la pointe de la technologie (ex : observation satellite ; avions furtifs ; frappes chirurgicale,
missiles antimissiles, etc.), nous avons là une mutation qualitative dans la manière de
conduire la guerre. Pour Alvin et Heidi Toffler (’94), l’histoire militaire connaît là sa troisième
révolution majeure (la 1ère : Rév ayant permis le passage du néolithique aux guerres
agraires ; la 2ème : Rév conduisant ensuite aux guerres industrielles).
L’Idée derrière la RAM : les avancées réalisées dans le domaine des « technologies de
l’information » et du réseautage – lorsqu’appliquée au théâtre des opérations – conduiraient
à l’atteinte d’une supériorité informationnelle qui réduirait considérablement le « Brouillard de
la guerre » (notion clausewitzienne l’incertitude inhérente à la conduite d’un conflit armé).
Par exemple, avoir des renseignements sur le nombre de soldats des adversaires et sur leur
position exacte permet aux commandants d’agir rapidement et décisivement, donc de
s’assurer la victoire. La RAM s’accompagne d’une redéfinition des objectifs de planification
militaire poursuivis par les États. Pour Washington, ces objectifs sont de 3 ordres :
1. S’assurer de disposer de la supériorité en information (but difficile à atteindre malgré
les apparences, car il implique l’utilisation de divers outils de collecte de données
dans toutes les dimensions de l’activité militaire – satellite, le drone de surveillance,
les réseaux de capteurs disséminés dans les zones de conflits, les soldats). Ces
informations étant ensuite transmisses via un réseau, comme internet, auquel tous
les acteurs du théâtre d’opération sont branchés et ayant accès en temps réel
nommé la guerre réseau-centrée. Ce réseau permet aussi de communiquer, il y a
donc circulation de l’information entre commandement et peloton et vice-versa.
2. Les priorités sont : les effets de synergie entre tous les corps armés (armée, marine,
aviation), ou « l’interarmisation ». la RAM incorpore dans le « système des
systèmes » (un tout intégré) toutes les composantes devant jouer un rôle lors d’une
opération (ex : des navires de guerre, des avions de détection aéroportés AWACS,
des transports de troupes qui doivent s’harmoniser afin de remplir leur mission). Dans
cette optique, il est essentiel de rechercher une grande compatibilité entre les
équipements afin que la RAM se réalise et aille dans le sens d’une plus grande
intégration du champ de bataille.
3. Derrière la RAM il y a le projet d’un mode de combat sans contact direct avec
l’ennemi. La vogue de la décennie post-Guerre Froide s’appuie sur la prémisse que
les équipements issus de la RAM (ciblage, précision, etc.) permettraient d’atteindre et
de figer d’adversaire sans s’exposer à son feu. Mais ceci est mis à mal à cause des
guerres du Kosovo, d’Irak et d’Afghanistan (ex : lors du retrait des troupes serbes,
Belgrade disposait encore de l’essentiel des ses chars blindés alors que l’OTAN
croyait qu’ils étaient quasi tous détruits). cette difficulté de mettre en place cette idée
est démontrée dans un contexte insurrectionnel de récolte d’information
technologiquement (ex : Irak, Afghanistan). Néanmoins, les responsables
persévèrent dans cette voie, notamment via la robotisation d’appareils militaires (ex :
le téléguidage des instruments de guerre).
Concepts
48
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
Ces objectifs ont eu des conséquences sur les stratégies et les doctrines d’utilisation des
forces armées. La RAM signifiait une transformation en profondeur des manières de faire
dans différents domaines de la Défense les systèmes d’armes sont à concevoir
différemment ; incorporer les éléments des réseaux et de systèmes de communications
requis ; repenser les relations entre les corps armés en fonction de leur capacité d’interagir ;
réviser la formation du personnel.
L’enjeu Des Coûts : Des arguments économiques ont aussi favorisé la RAM, étant donné
que ce concept a pris de l’importance dans la période post-Guerre Froide caractérisée par
des réductions budgétaires de défense des États. D’abord, on pensait que toutes ces
technologies préciseraient la force des frappes et réduiraient donc les quantités requises. En
plus, des technologies ciblées étaient déjà sur le marché commercial, il fallait juste les
adapter aux besoins de la défense, car on pensait que cela coûterait moins cher que de les
développer. Ensuite l’interarmisation était envisagée pour générer des économies en
achetant un seul système (ex : radio) ou une seule plateforme (ex : avion) pour tous les
corps armés. Mais chaque corps voulait son propre équipement ce qui générait des
querelles et des coûts énormes aux USA. Dans les ’90, à cause des coûts exorbitants
générés par le développement du chasseur de nouvelle génération de Lockheed-Martin (le
fameux F-22), l’administration américaine impose à la Navy ainsi qu’à Air Force un modèle
commun : le Joint Strike Fighter. Le but : réduire les coûts des appareils à forte densité
technologique en haussant les séries produites et par conséquent les économies d’échelle.
La RAM devait permettre d’arrimer les performances du secteur de la défense sur celles du
secteur civil ce qu’on appelle « révolution dans la manière de faire des affaires ». La
structure administrative devait progresser dans la même logique que les technologies
d’information et le traitement de données, donc rendre plus agile, rapide et flexible les
armées ; donc dégraisser les organisations civiles soutenant la défense ; adopter des modes
de gestions copiés des pratiques du secteur privé (ex : gestion axée sur la performance) ;
privatiser plusieurs services réalisés jadis par des fonctionnaires de la défense ou des
militaires.
L’enjeu De La Menace : La RAM signifie aussi une nouvelle interprétation de la menace
(Marcelli, ’97). En plaçant la supériorité technologique des équipements conventionnels au
centre des doctrines et stratégie, la RAM propulse une course aux armements nouveaux.
Chaque technologie de « l’autre » est potentiellement dangereuse et donc incite l’autre à en
avoir une plus performante afin de garder une supériorité en termes de technologie (ex : la
Chine s’est prémunie des systèmes tueurs de satellites afin de contrer le bouclier antimissile
américain).
Après vingt ans de son apparition dans la littérature et les programmes de défense, la RAM
n’a pas réalisée toutes ses promesses (ex : les difficultés, rencontrées par les USA et leurs
alliés, dans leur guerre contre le terrorisme, en témoignent). Nonobstant ce, le concept RAM
eut de l’emprise sur les décideurs dans le domaine de la défense, afin de modifier les
équipements militaires et la façon de concevoir les conflits. Ce concept a façonné les
grandes lignes ayant orientées l’évolution du champ de bataille, au moins, de la 1ère moitié
du XXIème siècle
Intégration et régionalisme
Intégration : Concept apparenté à la notion de « interdépendance », il souffre des mêmes
problèmes d’ambigüité. L’intégration est : a) une explication d’un processus dans les
relations internationales ; et b) une prescription pour résoudre les conflits mondiaux et
régionaux. L’exemple d’une intégration régionale réussie est L’Union européenne (une
référence pour les zones de libre-échange faibles et l’union douanière). Dans la littérature,
on accentué le fait que l’intégration est un processus volontaire, bien que l’intégration
coercitive soit encore largement opérationnelle. On divise l’intégration en trois types, chacun
défini en termes des buts qu’il vise :
Concepts
49
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
Premièrement, l’intégration des territoires jadis séparés en un seul État ; création d’une
identité nationale et de loyauté unique et commune. Ce type est responsable de la création
de certains États-Nations modernes (ex : UK ; US ; Indonésie, Malaisie, and so on). La
tendance des quatres dernières décennies était plutôt celle de la désintégration des entités
nationales existantes (ex : la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie).
Deuxièmement, l’intégration régionale dont le but est : une plus grande coopération entre les
États de la région (ex : l’UE; l’ASEAN; l’ECO; l’OTAN). L’accent est mis ici sur la mise en
commun la souveraineté (la souveraineté combinée) ; et l’efficacité résultante de la
coopération au sujet des préoccupations, telles que la « sécurité » ; « la politique
économique » ou le « développement ». Pour des observateurs, cette intégration aura pour
résultat la création de Super-États régionaux. Pour d’autres, le but est plutôt la création
d’entités politiques séparées, qui ne soit ni des Super-États ni une conglomération d’États.
Ce qui est souvent ignoré par la littérature est le succès des petits accords bi- voire
trilatéraux (ex : l’union douanière entre le UK et l’Irlande ; l’union douanière trilatérale du
BENELUX) ces accords ont eu lieu malgré l’histoire hostile partagée par ces
protagonistes. Dans une certaine mesure, la trilatérale NAFTA a plus en commun avec les
unions douanières qu’avec l’UE ou l’ASEAN.
Troisièmement, renvoie à l’intégration dans les normes mondiales dominantes : sociales,
économiques, culturelles et politiques ; et qui se chevauche avec les concepts associés à la
Globalisation. Cette intégration renvoie aussi à l’Occidentalisation, depuis que l’intégration
dans la société internationale signifie l’acceptation : 1) d’un régime commercial sponsorisé
par l’Occident ; 2) une organisation occidentale des gouvernements ; 3) une législation des
Droits de l’Homme occidentale. Ce type ne requière aucun structure organisationnelle, ses
aspect sont promus par des organisations telles que OMC, la BM, et le FMI.
Le concept d’intégration ne peut pas être débattu sans se référencer à son opposé : la
Désintégration, pour cela il y a deux raisons : 1) la désintégration définie le but ultime de, et
donc la campagne idéologique pour, l’intégration (ex : la peur de la désintégration politique et
économique a impulsé l’intégration européenne dans les ’30). 2) L’intégration peut aussi être
un agent de désintégration. Ce danger est ignoré par ceux qui s’opposent au Fédéralisme
régional, qui regroupe des États en une région au détriment des liens avec les entités en
dehors de la région (ex : les liens plus proches entre la GB avec le reste de l’Europe a causé
des problèmes pour ses liens économiques étroits avec la Nouvelle-Zélande).
L’intégration peut donc être une force particulièrement destructive qui ébranle les autres
formes d’intégration. Pour cette raison, les avocats du Fonctionnalisme insistent plus sur le
développement des liens transnationaux et la provision du « Welfare » que sur l’intégration,
comme référence pour le succès de leur forme fonctionnelle alternative du gouvernement.
Régionalisme : Cette notion doit se comprendre dans un contexte de multiplication
d’accords économiques régionaux et multilatéraux. Donc réfère à la problématique de
l’intégration économique. Il faut distinguer le terme « régionalisation » : une tendance
empirique d’intensification localisée régionalement des flux économiques, culturels,
financiers, etc. de la notion de « régionalisme » renvoyant à la tendance politique de réguler
ou de tirer profit de ces flux. Dans les analyses d’économie politique, ce concept réfère à
deux réalités : 1) une dimension infranationale (ex : coopération entre deux régions d’un État
ou plusieurs États) ; 2) une dimension internationale ou interétatique (coopération entre
plusieurs États d’une même région, souvent sur du même continent. Ex : l’Amérique du Nord
à travers l’ALENA). Le régionalisme s’oppose à la notion de multilatéralisme, car il renvoie à
la coopération régionale et non globale. Les analyses faites sur le régionalisme (approches
néoréaliste et institutionnaliste néolibérale) se concentrent sur la région en termes d’espace
international ; en revanche, les théories critiques essayent de comprendre le dynamisme
existant entre la région et la sous-région nationale. La littérature du régionalisme
interétatique – notamment les travaux de Jacob Viner – distingue quatre formes progressives
du concept :
• La zone de libre-échange élimination des barrières commerciales mais chaque État
membre maintient sa propre politique commerciale ;
Concepts
50
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
L’union douanière idem mais impliquant une politique commune aux partenaires
face aux non membre ; donc mise en place d’un tarif extérieur commun TEC ;
• Le marché commun réfère à une union douanière ou libre circulation des facteurs
de production – travail, capital – entre les membres ;
• L’union économique constitue la forme la plus avancée du régionalisme ;
s’organise autour des mêmes principes que le marché commun mais est soumise à
un contrôle supranational (= une institution supranationale garantissant
l’harmonisation des politiques économiques)
Les analyses néoréalistes opposent régionalisme et multilatéralisme, car ils voient les
processus de régionalisation comme une formation de blocs commerciaux antagonistes.
Mais le développement récent de ces processus d’intégration économique continentale et les
négociations multilatérales à l’OMC indique que la réalité est plus complexe que ce que les
néoréalistes envisageaient. Si on considère que les États poursuivent leurs stratégies sur les
fronts multilatéral et régional, un consensus pourrait se dégager sur « le régionalisme
ouvert » : où l’arrangement institutionnel régional vise d’étendre le libre-échange (ex :
comme dans l’ALENA ; ZLEA ; ASEAN) mais pas l’intégration politique (par une institution
supranationale comme dans le cas de l’UE ou Mercosur) ; où l’on assisterait à une
reconfiguration d’espaces et de stratégies diverses (ex : Canada, on se réfère à son
adhésion à une zone de libre-échange – ALENA –, à sa ratification d’accords bilatéraux Chili et Costa Rica –, à sa participation aux discussions et négociations à portée continentale
– ZLEA, APEC – et multilatérales – OMC).
La mondialisation s’inscrit dans une dynamique concurrentielle des firmes transnationales
poussée, de transnationalisation des réseaux de production, de libéralisation des marchés
financiers, d’émergence de nouvelles formes de communication. Donc, elle s’est
accompagnée d’une mobilité du capital ; reconfiguration des forces sociales, transformation
du rôle et des moyens d’action de l’État. Donc la problématique autour du régionalisme s’est
modifiée par l’ouverture des marchés et l’importance des firmes transnationales, par
conséquent, on repose la question du rôle de l’État (déjà modifié avec la montée de la droite
néoconservatrice en matière de régionalisme dans les ‘80). Il n’est plus question de parler
d’interventionnisme bien que l’État ait un rôle important dans la création et maintien
« d’avantage compétitifs », notamment en ce qui concerne la recherche et le développement
et l’innovation technologique. Pour certains auteurs, l’État devrait élaborer une « politique
commerciale stratégique » visant à appuyer les « champions nationaux » afin d’en
promouvoir la compétitivité dans le marché mondial dominé par les oligopoles. Ce discours
justifie les subventions et les incitatifs visant à attirer les investissements des entreprises
transnationales. De ce fait, la conséquence de la mondialisation est d’obliger l’État à
concurrencer d’autres États en ce qui concerne la création ainsi que la promotion d’un
environnement propice aux intérêts des firmes transnationales.
Les discussions sur le régionalisme et l’intégration économique se caractérisent par des
analyses voulant identifier les objectifs et les intérêts derrière les stratégies que les États
essayent de promouvoir. À partir de là, certains auteurs distinguent l’intégration régionale
stimulée par : 1) des impératifs économiques ; ou 2) des impératifs politiques. Dans certains
travaux, les intérêts des organisations – partis politiques, syndicats, etc. – sont pris en
considération. Pour les néoréalistes, l’intégration régionale résulte de la poursuite par les
États d’intérêts économiques et politiques ; donc un accent est mis sur les notions de
pouvoir, intérêts politiques nationaux, relations interétatiques. Pour les institutionnalistes
néolibéraux, l’intégration économique régionale est abordée en mettant l’accent sur la
capacité des institutions internationales (issues des accords commerciaux régionaux) à
stimuler la coopération entre États en essayant de résoudre et réguler les éventuels litiges
de la montée de l’interdépendance. En relations internationales, les débats sur le
régionalisme sont limités, donc les analyses se sont fortement appuyées sur des travaux
effectuées en sciences économiques et sociales ; l’analyse stratégique sectorielle ; la
sociologie des entreprises; dans la théorie des firmes (ex : paradigme éclectique de
Dunning) et ; la nouvelle théorie du commerce international (ex : thèses de Krugman). Ces
deux dernières, furent les plus fécondes. La première: analyse les structures internes des
•
Concepts
51
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
firmes, leur manière d’influencer l’organisation et la composition de la production de
marchandises à l’échelle nationale et internationale, aussi le dynamisme des flux
d’investissements directs de l’étranger.La deuxième : essaye de comprendre les effets
causés par le caractère imparfait des marchés dû aux contrôles et aux économies d’échelle.
Éclectique. Pour résumer, toutes ces théories démontrent l’importance de structure du
marché mondial, marquée par la compétition oligopolistique limitant les possibilités des
stratégies étatiques. Les approches critiques, se distinguent des autres car ne développent
pas leurs analyses en termes d’intérêts nationaux abstraits, mais cherchent à identifier les
intérêts spécifiques. Les idées des instances étatiques pour justifier leurs politiques
économiques sont l’objet d’analyses plus détaillées et critiquées en se référant aux
conséquences sur les diverses forces sociales qu’ont les processus de régionalisation. La
géographie critique est une perspective originale pour étudier l’intégration régionale en
dehors d’un champ économique, de plus, elle implique plus que des phénomènes
strictement économiques (ex : travaux faits sur les politiques et droites sociaux ; sur les
dimensions culturelles et identitaires du régionalisme), son objectif : théoriser la relation
entre l’espace, le temps et l’environnement afin de comprendre les dynamiques sociales qui
sous-entendent les différentes stratégies des acteurs impliqués dans les processus de
régionalisation.
Toutes ces approches, postulent que la question du régionalisme est absolument à lier avec
les processus de restructuration de la production économique. Pour Soja ’89, la question
régionale est à comprendre à même le caractère géographiquement inégal du
développement capitaliste entre États, régions, branches d’industries et firmes, causé par la
quête de surprofits. Beaucoup d’autres abordent le régionalisme sous une approche critique
de l’espace, ex : Lefebvre, Harvey. Pour ce dernier, il faut analyser le régionalisme en
termes concrets, portant ainsi l’attention sur différents groupes sociaux constituant de
l’espace régional. L’analyse du régionalisme doit permettre de saisir la configuration de
l’espace régional comme étant produit de lutte et compromis sociaux.
Multilatéralisme et gouvernance
Coopération : Il s'agit d'une notion appartenant avant tout aux approches (néo-)libérales en
théories des RI. Contrairement aux approches réalistes qui voient dans les relations une
perspective conflictuelles, les (néo-)libéraux y voient des relations pouvant être fondées sur
la coopération. Pour Keohane, la coopération "a lieu quand les politiques effectivement
poursuivies par un gouvernement sont considérées par ses partenaires comme un moyen de
faciliter la réalisation de leurs propres objectifs, comme résultat d'un processus de
coordination entre politiques" négociation, facilité par la mise en place de régimes
internationaux.
Multilatéralisme : Il s'agit de la mise en place collective de règles par un ensemble d'Etats
régissant leurs relations (≠bilatéralisme ou unilatéralisme). Ce concept a inspiré la création
du FMI et du système des Nations unies. Depuis le XXème siècle, les accords et ententes
internationales multilatérales connaissent un essor exceptionnel. Cependant, il n'est pas
seulement un mode d'organisation internationale. Il est censé garantir un minimum de
prévisibilité dans les rapports internationaux. Cela signifie également la condamnation de
l'unilatéralisme, l'idée que le bilatéralisme est dangereux et que le multilatéral constitue le
seul moyen de créer un ordre international.
Organisation internationale : "Les organisations internationales sont des instruments de la
diplomatie qui servent à clarifier les enjeux, à faciliter l'échange de connaissances sur ce qui
est en jeu, à développer des compréhensions communes et à encourager la bonne entente"
(lieu de coopération internationale).
Concepts
52
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
Une OIG est (en distinction avec l'institution internationale) constituée d'au moins deux Etats
souverains, alors membres de l'organisation selon leur volonté propre. L'OIG doit poursuivre
l'intérêt commun de ses membres, et doit disposer d'une structure formelle durable.
On attribue généralement cinq fonctions aux OIG:
1. Contribuent à légitimer les comportements grâce à la prise de décision collective
2. Contrôle, qui peut aller de pressions morales aux sanctions économiques ou
militaires.
3. Lieu d'échange d'information, et contribue à la définition de problèmes collectifs.
4. Milieu de socialisation pour les élites comme pour les Etats (création de normes, etc.)
5. Fonction normative. Elles contribuent "à la définition et à l'institutionnalisation de
normes, de règles et de principes qui vont ensuite servir de guides aux Etats afin
d'ajuster leur politique étrangères" ou nationale.
Les différentes approches en RI n'ont pas la même vision de la nature des OIG.
1. Réalistes. L'OIG ne serait qu'une création des Etats, sujette aux volontés de ceux-ci.
(≠ facteur de stabilité, puisque maintenue par l'équilibre des puissances).
2. Institutionnalistes. Les OIG peuvent permettre une plus grande stabilité et une
meilleure coopération.
3. Constructivistes. L'OIG serait un acteur en soi du système international (autonome
des Etats qui en sont membres), disposant d'une volonté propre (lieu de socialisation
des Etats)
Gouvernance : La gouvernance peut se définir comme l’ensemble des mécanismes de
gestion d’un système social en vue d’assurer des objectifs communs. Le concept de
gouvernance possède deux acceptations courantes : la première fait référence à la
gouvernance globale et la seconde à la gouvernance à l’intérieur des Etats. Dans un premier
temps, la gouvernance serait un mode de résolution des problèmes d’action collective se
définissant comme étant la capacité de coordonner des activités interdépendantes et/ou de
réaliser le changement sans l’autorité légale de l’ordonner. Dans un second temps, la notion
de gouvernance réfère à « bonne gouvernance » qui, selon la Banque mondiale et les
différentes agences d’aide au développement qui en font la promotion, signifie
essentiellement la saine gestion des affaires publiques.
Bien qu’elle recoupe l’activité des Etats, la gouvernance s’étend de façon beaucoup plus
vaste à toute forme d’action collective visant l’atteinte de buts précis et nécessitant l’édiction
de règles ainsi que la poursuite de politiques particulières. Elle peut se comprendre comme
l’établissement et l’opérationnalisation d’un ensemble de règles de conduite qui définissent
les pratiques, assignent des rôles et guident les interactions afin de traiter les problèmes
collectifs.
Le concept de gouvernance suggère qu’une multitude d’institutions, gouvernementales ou
non, participent à la formation et au maintien de l’ordre international.
Régulation : La notion de régulation en RI renvoie à un ensemble de mécanismes capable
de garantir un minimum d'ordre et de prévisibilité dans les RI selon des principes d'équilibres
définis collectivement.
En science politique, au niveau national, la notion de régulation renvoie à la fonction
régulatrice de l'Etat, visant à corriger les déficiences du marché et à produire du bien
commun (santé publique, environnement, sécurité, etc.). Il s'agit donc de protéger certaines
activités sociales pour améliorer l'efficacité du marché. (Etat régulateur).
Au niveau international, il s'agit de préserver le libre fonctionnement du marché tout en
garantissant la fourniture des "biens publics mondiaux", nécessaires à la stabilité mondiale.
Ainsi, elle vise à reconsidérer la toile formé par les OIG, afin de mettre en place des
nouvelles formes de gestion collectives, plus souple, moins dépendantes, etc. Ce type
d'instance tend à se multiplier depuis un certain temps (BC européenne, Forum de stabilité
financière, etc.).
Concepts
53
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
Une autre approche est celle développé dans la sociologie française, à savoir la construction
des règles dans un jeu social coopératif. Cette approche distingue deux types de régulations
concurrentes et coexistentes:
1. Régulation de contrôle: émanent des dirigeants, tentent de maintenir la situation, au
travers de règles et de sanctions.
2. Régulation autonome: de part les acteurs subordonnés, tentant de modifier ou
contourner ces règles.
Les règles du jeu sont le produit de ces deux régulations, ce qui donne naissance à la
"régulation conjointe". Cette approche est adaptée aux processus internationaux, rejoignant
les théories constructivistes soulignant que les règles ne sont pas posées de manière
permanente.
Une autre approche de la régulation, développé par des économistes français, considère
celle-ci comme "la manière dont un rapport social se reproduit malgré son caractère
conflictuel, contradictoire."
La problématique pour les régulationnistes met l'accent sur la nécessité de l'agencement de
l'activité d'une quantité d'acteurs pour la régulation de l'ordre politico-économique mondial,
dans un contexte ou les recompositions vont plus vite que les innovations institutionnelles,
qu'il s'agisse de mouvements de capitaux, des investissements ou du commerce extérieur.
Ces différentes approches sont réunies par le constat d'une crise de la régulation,
caractérisée par la destruction ou l'inefficacité des anciennes institutions et par la recherche
d'instances de substitution.
Organisation non gouvernementale (ONG) : Cette catégorie d'acteur rassemble toutes les
organisations à but non lucratif qui ne sont pas des organismes étatiques. Elle peut être
différencié selon plusieurs critère (géographique, domaine d'activité, etc.), et incluse les
organisations sportives, professionnelles, etc. (fer de lance de la société civile).
Les ONG voient leur influence augmenter en RI (influence de gouvernements, réunions
internationales, etc.) mais jouent aussi le rôle d'organe de consultation pour les politiques et
projets, notamment au sein de l'ONU.
Les ONG, ne possédant pas de personnalité juridique internationale ne peuvent être
membres d'organisations internationales. Cependant, elle sont souvent en relations avec de
grandes OIG (BM, OMC, UE, etc.). Bien que leur rôle soit principalement consultatif ou
associatif, leur position en temps que représentant de la société civile leur permet de
proposer un point de vue alternatif. La reconnaissance de leur expertise dans différents
domaines est aujourd'hui partagé par la plupart des Etats, expertise dont ne peut plus se
passé certaines entreprise lors de la mise en œuvre de projets.
Même si elles se définissent comme non gouvernementales, les ONG ne peuvent que
difficilement se détacher du contexte politique étatique dans lequel se trouve leur siège
(subventions étatiques, pose des limites à l'action des ONG). Elles dépendent également de
nombreux financements privés.
Il peut être intéressant de se questionner sur le rôle des ONG. Sont elles des "instruments
du projet néolibéral ou des bases solidaires des alternatives populaires"?
Beaucoup prennent la place de l'Etat dans certains domaines, collaborent avec des
multinationales, servent d'organes consultatifs et renforcent ainsi l'ordre mondial établi.
D'autres adoptent des approches alternatives et dénoncent l'ordre mondial établi. Ce
positionnement des ONG doit être pris en compte en RI, afin de déterminer la ligne directrice
choisie, bien que certaine exceptions à cette lignent peuvent être prise, afin de se plier aux
conditionnement du financement.
Sensées représenter la société civile (porte-parole de la population), leur représentativité doit
parfois être remis en cause, de par la poursuite de certains intérêts très spécifiques. Ces
ONG ont inévitablement une incidence sur l'ordre politique.
Concepts
54
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
Economie politique internationale
Authority : L’autorité est une sorte de pouvoir, mais elle est fondamentalement différente
d’une simple force coercitive. Raz dit que l’autorité politique est le droit d’établir des lois et
des règles, de juger et de punir ceux qui ne se conforment pas à certains standards. En
d’autres termes, c’est le droit de commander. L’autorité ajoute à la puissance le concept de
droit ou la légitimité - pour ceux qui sont au pouvoir, il représente le droit d'émettre des
décrets contraignants, et pour ceux qui doivent s’y soumettre, elle représente une obligation
d'obéir.
Pour les paradigmes dominants des relations internationales du XXe siècle, le concept
d’autorité n’a pas de place dans les affaires internationales. Pour les réalistes, l’autorité
existe seulement à l’intérieur des Etats-Nations. Selon eux, le trait distinctif du gouvernement
national, c'est qu'il crée un système d’autorité hiérarchique dans lequel il est généralement
admis que certains sont à des postes de commandement et les autres dans des positions de
subordination. De telles hiérarchies n’existent pas dans les affaires internationales. Pour
Waltz, dans un système international anarchique, il n’y a pas d’institutions d’autorité qui
peuvent se développer.
Cependant, le principe selon lequel le système international serait une zone sans autorité est
mis sous pression par deux directions. La première provient du fait que, pour la plupart des
théoriciens, l’absence d’autorité relève plus d’une hypothèse que d’un fait empirique. La
deuxième émane de chercheurs plus empiriques qui, s’intéressant aux problèmes du monde
réel, ont découvert des preuves que des acteurs internationaux influents ont pu marier
pouvoir et légitimité. Par exemple, pour l’économie politique internationale, les firmes
multinationales font preuve d’une grande capacité à élaborer des règles leur confèrent des
pouvoirs ne dépendant pas des Etats. Cela implique qu’elles sont devenues des institutions
de l’autorité politique internationale. Des traces d’autorité peuvent aussi être trouvé dans des
organisations internationales gouvernementales comme les Nations Unies.
Plus fondamentalement, s’il y a des preuves évidentes d’une autorité politique dans des
institutions non-étatiques sur la scène internationale, il est nécessaire de réviser la
compréhension basique d’un système international mû par l’anarchie. Un système
anarchique est un système dans lequel il n’y a pas d’institutions d’autorité.
Système de Bretton Woods : Le système de Bretton Woods est issu d’une série d’accords
multilatéraux sur les relations économiques internationales. Ces accords furent signés en
1944 par 44 Etats qui s’entendirent sur l’instauration d’un système monétaire international
reposant sur la convertibilité des devises et la stabilité des taux de change. De façon plus
générale, le système de Bretton Woods est le système monétaire international qui, se son
établissement en 1944 à sa désintégration à partir de 1971, institua des formes de régulation
économique à l’échelle internationale. Après sa désintégration, des turbulences monétaires
se firent sentir dans l’économie mondiale (comme la spéculation par des agents privés sur
les taux de change des devises nationales).
Pour les réalistes, la stabilité et la bonne marche passagères du système de financement
international établi à Bretton Woods est le résultat exclusif de l’hégémonie des Etats-Unis
dans le contexte spécifique de l’après-guerre. Après la guerre, ils étaient la seule économie
industrielle majeure qui n’ait pas été lourdement détruite, et disposaient des trois quarts des
réserves monétaires en or (ce qui assurait leur capacité d’assurer la convertibilité de leur
monnaie en or).
Cependant, d’autres chercheurs chercheront à comprendre le système de Bretton Woods
comme la résultante d’une conjonction beaucoup plus complexe de facteurs sociaux,
économiques et politiques dans une période spécifique. Ceux-ci défendent la thèse selon
laquelle le système de Bretton Woods a contribué à un encadrement de l’économique par le
social et le politique. Ainsi, la restriction des mouvements de capitaux et une fixation des
taux de change auraient contribué à protéger les économies nationales des pressions
émanant des marchés mondiaux. Ce système a été miné au cours des trente dernières
années par la montée de l’idéologie néolibérale et par la résurgence des forces du marché,
Concepts
55
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
notamment sous la forme de la fameuse mondialisation de la finance. La création des
marchés financiers transnationaux, non soumis aux régulations étatiques, aurait en effet
contribué à la désintégration du système de Bretton Woods en minant le fonctionnement des
contrôles de change et la capacité des Etats nationaux à réguler leurs devises respectives.
Contrairement à certaines idées, ce système ne compromit en rien les rapports sociaux
capitalistes qui sous-tendent le pouvoir social du marché et de la finance privée. Le régime
libéral d’après-guerre contribua plutôt à l’universalisation des impératifs de marché et,
progressivement, à une intensification de la compétition sur les marchés internationaux.
Fordisme/postfordisme : Le fordisme désigne le système de production de masse
américain notamment mis en place à la Ford Motor Compagny. Ce système de production
développe les principes tayloristes de divisions technique et sociale du travail. Dans ce
cadre, des managers opèrent, puis encadrent une destruction des métiers et une
reconstruction du procès de travail par le biais d’étude visant à limiter les coûts et le temps
de production par la maximisation de l’efficacité des mouvements. Les tâches à effectuer
sont réduites à des actions uniques, simples, répétitives et pouvant être attribuées à une
main d’œuvre peu ou non qualifiée.
Le fordisme dépasse le taylorisme sur deux points. Premièrement, la rationalisation du travail
est d’abord couplée à une production de masse de biens de consommation durables et
standardisés qui est facilitée par la mécanisation et la perfection de la chaîne de montage
mobile. La hausse du nombre d’unités produites réduisant les coûts de production, des
économies d’échelle sont obtenues. Il permet aussi des économies d’agglomération en
concentrant les étapes de la production dans un complexe industriel et en situant celui-ci
près de ses ressources et de ses marchés, ce qui réduit les coûts de production et de
distribution. Deuxièmement, l’innovation fordiste consiste en la hausse des salaires versés
aux ouvriers. La hausse du pouvoir d’achat de la classe ouvrière assure simultanément un
débouché de la production de masse en favorisant le développement de la consommation de
masse.
Dans les années 1970, le fordisme connaît une crise généralisée : stagflation, chute de la
rentabilité du capital, ralentissement des gains de productivité du travail et saturation des
marchés de biens durables. Cette crise relève notamment de l’épuisement des possibilités
techniques de rationalisation du travail, de la contestation de la discipline fordiste au sein des
entreprises et des coûts croissants de l’automatisation de la production qui ne sont plus
couverts par leurs gains de productivité. L’ouverture internationale de cette période instaure
une compétition sans harmonisation des salaires qui défavorise les centres de production
fordistes. S’y ajoutent la déstabilisation du système monétaire international, et les nouveaux
instruments financiers échappant à l’emprise des banques centrales qui entravent la
régulation fiscale et monétaire au cœur du compromis fordiste. C’est dans ce contexte
qu’émerge le concept de postfordisme. Il est utilisé pour désigner une organisation de la
production présentée comme une flexibilisation du système fordiste. À la concentration
fordiste des travailleurs de toutes origines en une masse commune, succède plutôt un petit
noyau de travailleurs spécialisés dont la sécurité d’emploi et certains privilèges demeurent
garantis là où la majorité des travailleurs tombent dans des conditions de travail précaires,
appelés ou non à travailler selon les besoins changeants du système de production en
mutation. Ce retour de la polarisation du travail entre un noyau central qualifié et une
périphérie peu ou pas qualifiée prend place dans une production dispersée
internationalement, mais fortement intégrée par le biais des nouvelles technologies de
communications.
Pour ce qui est du mode de régulation, la crise du fordisme donne lieu a un repositionnement
du compromis entre le capital, l’Etat et le travail où ce dernier est généralement perdant,
tandis que le deuxième tend à se retirer.
Mercantilisme : Dans un sens large, le mercantilisme décrit à la fois l’utilisation de moyens
économiques pour augmenter la puissance politique nationale, de même que l’utilisation de
la puissance politique pour augmenter les richesses économiques de la nation au détriment
Concepts
56
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
des autres. Pour Hecksher, la protection de l’industrie nationale, les prohibitions, les
monopoles, les réglementations monétaires sont les moyens d’une politique d’unification et
de puissance. L’Etat met donc toute sa puissance pour soutenir le commerce afin
d’augmenter davantage sa richesse.
Aujourd’hui, le mercantilisme continue à désigner les interventions de l’Etat sur les marchés
mondiaux pour favoriser l’économie nationale au détriment d’autrui.
Les marchés ne sont pas des réalités abstraites, ils s’inscrivent dans les pratiques sociales
déterminées par des règles et des cadres juridiques. Puisque l’Etat-providence fait
maintenant place à un Etat compétitif qui cherche à favoriser ses firmes nationales sur les
marchés mondiaux, les pratiques mercantilistes contemporaines, au-delà du nationalisme
économique traditionnel, se manifestent d’abord dans les conflits quant à la construction des
cadres juridiques et des règles sociales qui sous-tendront les « libres » marchés mondiaux.
Mercantilisme et libéralisme ne sont alors plus opposés (comme on l’a souvent cru) mais
bien complémentaires.
Firmes multinationales : On peut considérer comme multinationale toute firme développant
une activité commerciale, industrielle, technologique, financière ou tertiaire au-delà des
frontières de son pays d’origine, quelles que soient la taille et la nationalité de ses actifs
physiques et financiers et de ses effectifs employés.
L’expansion des firmes multinationales est une manifestation caractéristique de la
mondialisation. Elles sont surtout présentes dans les secteurs du pétrole, de l’automobile, de
la chimie, de l’électronique et de l’agro-alimentaire. La part des services et en très forte
augmentation du fait de la libéralisation du secteur financier et de l’ouverture progressive des
secteurs du transport aérien et des télécommunications.
Les capitaux détenus dans un pays étrangers sont des « investissements directs
étrangers ». Ils impliquent une relation à long terme, reflétant ainsi un intérêt durable d’une
entité résidente d’un pays d’origine (l’investisseur direct) sur une entité résidente (l’entreprise
investie) d’un autre pays. Depuis quelques années, on assiste à de « nouvelles formes
d’investissements internationaux » avec des coopérations poussées entre firmes sous forme
de prises de participation réciproque, de filiales communes, d’accords de licence, de
franchise, etc. Ces nouvelles formes d’investissement immobilisent peu de capital et ont
tendance à se substituer aux investissements directs étrangers, notamment dans les pays
du Sud. Elles permettent aux firmes multinationales de contrôler des sociétés étrangères
sans apport de capital et d’être moins vulnérables aux politiques éventuellement restrictives,
voire hostiles, de l’Etat d’accueil.
Au fur et à mesure que les multinationales élargissent leurs activités et diversifient leur
implantation géographique, leur structure organisationnelle se complexifie et se transforme
en un réseau de relations multilatérales entre filiales et maison mère. Les relations
hiérarchiques, maison-mère/filiales, sont remplacées par des relations verticales de
coopération entre les différentes unités. Plus la firme est globale, plus elle définit une
stratégie locale et régionale à l’intérieur de sa stratégie mondiale. Cette globalisation se
traduit par la mise en place d’une division des tâches entre les différents sites de production
dans une région donnée, dans le cadre d’une gestion continentale de plus en plus intégrée.
A tout cela s’ajoute le phénomène croissant d’alliance entre les firmes multinationales.
L’ « économie géographique » se modifie à une vitesse accélérée sans que ni les
organisations syndicales ni les autorités publiques soient à même de maîtriser le processus.
Dans les pays du Nord, les vagues successives de fusions et acquisitions transnationales
ont fait passer un nombre grandissant d’entreprises locales sous le contrôle de capitaux
étrangers. Des décisions sont prises dans lesquelles les formes traditionnelles de
discussions employés/employeurs ne fonctionnent plus. Les solidarités anciennes tournent à
vide. Les délocalisations font craindre des licenciements et un chômage accru.
Depuis les années 1980, dans un contexte de libéralisation économique et financière, les
restrictions aux investissements internationaux se sont assouplies partout et facilitent les
processus décrits ci-dessus.
Concepts
57
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
La mondialisation
Frontière : La notion de frontière, élément de base du système wesphalien, est associée à
la démarcation géographique et politique entre Etats. Elle est remise en cause par la
mondialisation (plus grande mobilité des populations, intégration régionale, désintégration de
certains Etats (URSS, Yougoslavie)) et la fragilité des frontières dans certains pays
d’Afrique.
Dans la littérature des RI, elle est remise en cause par les théories critiques, surtout
concernant la frontière entre le système international et la politique interne, et la distinction
entre sécurité internationale et sécurité intérieure (Bigo). De plus, ceci remet en cause le lien
entre frontière et identité nationale (normalement définie par les frontières entre Etats,
sociétés) frontière et sociétés comme synonyme d’inclusion et exclusions.
Migration internationale : On parle d’immigration lorsqu’un individu traverse une frontière
reconnue au niveau international. Types de migrations internationale : migration dans le but
de s’installer définitivement dans le pays d’accueil, temporairement pour travailler ou étudier,
statut de réfugiés (personnes persécutées dans leurs pays d’origine) ou encore les
clandestins.
L’étude des migrations internationales s’appuie sur des théories qui privilégient les individus
en tant qu’acteur rationnel (approches individualistes). On s’intéresse alors à qui émigre,
pourquoi et comment, et des questions relatives à l’intégration en se concentrant sur les
pays d’immigration traditionnel (USA, Canada, Nouvelle-Zélande).
Dès les années 80, apparaît la théorie des systèmes de migrations internationales qui
permet de comprendre les dynamiques derrière les flux migratoires. Cette approche, holiste,
étudie les transferts financiers aux pays d’origine, des réseaux informels et les politiques des
pays d’origine et de destinations qui ont un impact sur ces flux.
Les questions de migrations sont récentes en RI. Pour les réalistes et les néoréalistes, la
souveraineté rend les Etats capables de contrôler qui peut entrer dans son territoire
migration = d’ordre interne.
Une des questions a trait au rôle de l’Etat dans le contexte d’un système international
interdépendant : les migrations posent-elles un défi à la souveraineté ?L’Etat est-il l’acteur
principal dans les RI ?
• Pour Badie, le caractère individuel des migrations est ce qui rend ces dernières
déstabilisantes pour les Etats et le système international. Pour lui, l’individu et les
réseaux qui l’entourent sont indépendants du système international.
• Zolberg propose une approche plus historique : le phénomène migratoire n’a pas
changé mais le contexte politique, économique, démographique, culturel et social a
changé. Il met l’accent sur les structures et sur la façon dont les politiques étatiques
ont joué un rôle déterminant dans la formation de flux migratoire l’Etat=acteur
central.
- Hollifield se demande, dans une perspective d’économie politique internationale,
pourquoi les démocraties libérales occidentales n’arrivent pas à contrôler leur
immigration. Pour préserver l’Etat, il faut des politiques restrictives. Ceci se heurte à
la logique de libéralisme dans les démocraties occidentales. « Paradoxe du
libéralisme » : l’accroissement des échanges commerciaux entre pays augmente le
besoin de main-d’œuvre plus mobile + libéralisme politique met l’accent sur les droits
des individus ; ces deux facteurs contribuent à affaiblir la capacité des Etats à
contrôler leur immigration. Retrait de l’Etat (comme Badie).
Malgré leur différente interprétations du rôle de l’Etat et de sa place en RI, ces auteurs
s’accordent pour dire que dans un monde toujours plus interdépendant (économiquement),
une meilleure gestion de la migration est possible si les Etats coopèrent et abandonnent un
peu de leur souveraineté à des régimes internationaux.
Mondialisation : Il est utilisé pour désigner une variété de processus de transformation dans
l’économie mondiale. Ces transformations sont considérées comme participant à la transition
Concepts
58
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
de sociétés nationales à une société mondiale et d’une économie internationale à une
économie globale. Les diverses variantes convergent sur le fait que cette transformation de
l’espace social a des implications pour le rôle et les fonctions de l’Etat l’érosion de la
frontière entre international/national devrait être pris en compte par les RI, encore centrés
sur l’Etat.
Différentes variantes de la thèse de la mondialisation :
• Variante fondée sur le fait que les processus économiques et sociaux à l’échelle
globale ont miné la capacité des Etats nationaux de gouverner ou de réguler leurs
sociétés et leurs économies respectives. Ex. développement de technologie qui
compressent l’espace-temps. Ainsi l’autorité effective appartient aux OI et
transnationales ou des organisations privées (≠ instances étatiques) Etat se trouve
de moins en moins en mesure de remplir ses fonctions passées.
• Cette variante voit l’impuissance de l’Etat comme une conséquence du pouvoir
croissant des marchés et met l’accent sur l’émergence de forme transnationale
d’autorité publique la mondialisation a miné le pouvoir de l’Etat et a mené à
l’émergence de nouveaux cadres de régulation et de gouvernances dans le nouvel
ordre mondial. trois positions :
a. Néoréalistes : ils nient un processus ressemblant à la formation d’un Etat
global capable de modifier la logique anarchique des rapports interétatiques.
Vu qu’ils identifient aucun cadre de gouvernance global, la souveraineté
demeure pour eux le principe organisateur des rapports internationaux les
défenseurs d’une approche statocentrique pour l’étude des RI (Krasner,
Strange).
b. Institutionnalistes néolibéraux et libéraux : ils cherchent à démontrer qu’un
accroissement des formes de coopération peut relativiser les conséquences
de l’anarchie dans le système international, grâce notamment à la création
d’institution de gouvernance globale. le problème fondamental concerne la
formation d’un projet politique transnational capable de stabiliser le système
mondial à travers la gestion des formes d’interdépendances créées par les
transactions sociales et économiques.
c. Pour
d’autres
auteurs,
la
mondialisation
se
caractérise
par
l’internationalisation des Etats (≠ érosion du pouvoir de l’Etat). Cette
internationalisation de la production et la formation d’une société civile globale
mène à la réorganisation des dimensions internes et externes du complexe
Etat/société civile (≠ système de gouvernance qui remplace l’Etat) au fur et à
mesure que l’Etat ajuste son économie interne en fonction des exigences
d’une économie mondiale, dicté par une classe transnationale de cadres
organisés à travers des réseaux multilatéraux (G8, FMI, BM, OCDE).
Certains points des théories sur la mondialisation ont été critiquée, notamment l’idée de la
transformation contemporaine d’une économie internationale à une éconimie globale, les
tendances vers l’homogénéité culturelles contrée par des processus de particularisation
identitaires. Ces objections ne remettent pas nécessairement la thèse de la mondialisation, à
savoir les tendances sociale, politique et économique doivent miner la souveraineté de l’Etat.
La mondialisation n’implique pas une phase terminale de la souveraineté mais sa
renégociation : pour certains auteurs, les Etats sont toujours aussi puissants mais ils doivent
réformer leurs pratiques pour maintenir leur capacité d’influencer le développement
socioéconomique interne. D’autres analyse, notamment marxiste ou de la sociologie
historique, plaident pour une analyse historique de l’évolution des Etats et des marchés.
Ainsi, l’idée de la mondialisation comme un processus à travers lequel les capitaux
limiteraient ou dépasseraient l’Etat est trompeuse puisqu’elle repose sur une surestimation
de la capacité passé des Etats à contrôler le capital. Cependant des analyses insistent sur le
fait que la société de marché capitaliste implique de toute façon des inégalités et de
l’insécurité socio-économique que l’Etat ne peut pas éradiquer tant que les populations sont
dépendantes du marché pour accéder aux moyens de subsistance (Polany). Les marxistes
Concepts
59
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
que la croissance économique durant le boom d’après-guerre a rendu possible les politiques
nationales d’intervention keynesienne, dont le succès a permis aux politiciens de déclarer
avoir approvisionné le capitalisme.
Il faut montrer que les débats sur la mondialisation qui parlent d’un déclin de l’Etat, à savoir
l’expansion de l’emprise des impératifs de marché capitaliste. Cette universalisation du
capitalisme à l’échelle globale implique un processus violent de profonde transformation
sociale qui soumettent les populations aux impératifs de l’accumulation du capital.
On devrait toujours garder en vue ces considérations sur la genèse de la mondialisation
capitaliste, car la mondialisation ne peut être réduite à la création d’un monde plus unifié et
homogène puisque les politiques ont maintenu ou renforcé les inégalités socio-économiques,
les hiérarchies, et les divisions sociales. De plus, le système fragmenté de gouvernance
globale participe d’une dépolitisation de la formation des politiques économiques qui
soustrait celle-ci au contrôle parlementaire. Enfin, un consensus croissant sur le fait que la
compétition économique à l’échelle mondiale et la mobilité des capitaux imposent
d’importantes contraintes sur les politiques nationales.
L’impact politique et socio-économique de la mondialisation est d’autant plus débattu que les
politiques divergent. Pour les partisans de la mondialisation, les problèmes qui y sont
associés ne sont pas inhérents aux rapports capitalistes eux-mêmes.
Competition state : Pour rendre un Etat plus efficace (au sens néolibéral), il faut qu’il
intègre le marché international. Le défi pour les Etats dans un discours néolibéral est de
jongler simultanément avec 4 sortes de politiques :
1. Transformer l’interventionnisme macroéconomique en un interventionnisme
microéconomique reflété par la dérégulation et la politique industrielle.
2. Changer le centre d’intérêt de l’interventionnisme qui vise le développement et à la
maintenance d’activités économiques basiques pour garder que le minimum
d’autosuffisance économique pour se concentrer sur des réponses flexibles aux
conditions concurrentielles dans un marché international qui évolue rapidement et de
manière diversifiée.
3. Mettre l’accent sur le contrôle de l’inflation et le monétarisme néolibéral comme
standard de la gestion et intervention étatique.
4. Transformer le centre d’intérêt des partis et du gouvernement qui ne doit plus se
porter sur la maximisation de la protection sociale mais promouvoir la libre entreprise,
l’innovation et le profit dans les secteurs publics et privés.
Grâce au modèle de l’Etat compétitif, les pays disposent de différentes politiques nationales
avec lesquelles travailler. Le défi pour l’Etat est d’acquérir le plus en faisant le moins
(mouvement « New Public Management » = majeure manifestation de la compétitivité
étatique). La compétition étatique évolue avec la transformation du rôle des politiques de
l’Etat et la multiplication des réponses spécifiques au changement, qui dépend de la capacité
des Etats à promouvoir les différentes sortes de développement économique.
Le développement
Aide au développement : L'aide publique au développement est constituée par l'ensemble
des dons et des prêts accordés à des conditions favorables par les pays développés et les
institutions multilatérales aux pays en développement. En général, le pays qui donne le fait à
condition que le pays recevant se fournisse en biens et services auprès d'entreprises et
d'organismes du pays donneur. (→ critiqué en raison du caractère égoïste et contre-productif
car les pays en développement sont obligés de prendre ce qu'on leur propose et non ce dont
ils on besoin).
Le niveau de l'aide publique au développement et son efficacité ont toujours été l'objet de
débats considérables, Bauer l'a qualifiée de « dangereuse », « un encouragement pour les
incompétents, les imprévoyants et les malhonnêtes » qui renforce les inégalités locales.
Dans le sens où l'argent de l'aide public serait reçu par des dirigeants corrompus et
Concepts
60
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
malhonnêtes qui s'en servent à des fins personnelles, de préservation du pouvoir, etc. De
plus s'y ajoute la volonté des pays donateurs que les pays recevant se plie à l'ultralibéralisme. A l'opposé les plus radicaux des théoriciens de la dépendance dénonce l'aide
publique en disant que cela enfonce les pays en développement dans le sousdéveloppement et pérennise les relations centre/périphérie. Les ONG du développement
s'insurgent elles contre la forme et non le principe. En effet, l'aide publique serait trop
« liée », trop « stratégique », trop orientée par les intérêts des pays roches, gaspillée et peu
efficace.
Durant les années 90, l'APD a chuté de 29%, cette décennie est qualifiée de décennie
perdue du développement. Les buts fixés n'ont jamais été atteints. L'ONU et la BM affirment
qu'il faudrait le double de l'aide public de l'an 2000 (57 mia) pour atteindre les objectifs fixés.
De plus, beaucoup de gens disent que les pays en développement ont besoin d'aide à long
terme et non d'aide à court ou moyen terme.
Dette : Jusque dans les années 1970, les besoin de ressources extérieures des pays en
développement étaient assurés principalement par les Etats développés. Mais dès les
années 1970, les capitaux privés ont été une ressource croissante en raison de l'abondance
des capitaux à disposition, et a donc remplacé l'aide publique au développement. Et c'est car
ces capitaux sont plus onéreux que les pays en développement se sont endettés, et une
économie d'endettement international s'est mise en place, mais aussi des financement à
taux fixes garantis par les Etats de l'OCDE.
Ces crédits à conditions non libérales se sont concentrés notamment sur le Brésil, Mexique,
Algérie, Venezuela, Argentine et Corée du Sud qui sont de gros débiteurs et qui concentrent
à eux seuls les deux tiers de la dette des PED (pays en développement).
Toutefois pour les pays qui ne sont pas encore en développement, leur dette extérieure est
assurée, non pas par des capitaux privés, mais par des organisations financières
internationales.
Dès les années 80, les services de la dette ont atteints des sommets exorbitants. C'est-àdire que le Sud versait plus d'argent au Nord que le Nord n'en prêtait au Sud. En 1982, le
Mexique est le premier pays à déclarer qu'il n'est plus solvable, d'autres le suivront. Afin
d'alléger cette dette les pays du Nord on mis via l'OCDE et d'autre institutions, des prêts afin
de rembourser les intérêts, puis la dette, contre des conditions de restructuration des pays
en développement et “sous-développés“ afin que ceux-ci puissent remboursés. Ces
conditions s'apparentent à des conditions néo-libérales, privatisation, diminution de l'appareil
d'Etat, etc. Toutefois, malgré ces mesures le fardeaux de la dette ne s'allégeait pas et en
1996, une résolution est votée par le G7 offrant la possibilité à ces pays de pouvoir une
réduction de leur dette allant jusqu'à 90%, mais peu des 46 pays étant considérés comme
« pays pauvres très endettés » ont finalement pu accédé à cette opportunité. L'annulation de
la dette est maintenant le grand défit des années 2000.
Pour les pays en développement fortement endetté, aucun cadre de gestion de leur crise
d'endettement n' été mis en place. Même si dans les années 90, 79 pays ont bénéficié de
réduction de leur dette. Ce qui n'a pas empêché diverses crises financières (crise mexicaine,
asiatique, etc.) à répétition, crises qui ont de grandes répercutions sur la population de ces
pays.
Développement : Il s’agit d’un objet d’étude récent qui a été traité comme un acquis des
pays industriels pour servir de modèle aux pays « sous-développés ».
La définition du terme développement reste controversée; il y a tout un pan des théories
dites spécialisées où le terme est défini en fonction de critères économiques, alors que
depuis les années 60, l’ONU a intégré des facteurs sociaux et politiques (équité sociale,
amélioration des standards d’existence). Malgré ces apports, nombreux sont ceux qui
pensent que l’aide internationale au développement des cinquante dernières années n’a pas
empêché la pauvreté ni la privatisation – marquant ainsi l’échec du développement tel qu’il a
été entendu jusqu’à aujourd’hui.
Concepts
61
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
L’idée du développement moderne vient de l’idée de progrès. Dans son sens contemporain,
la notion n’émerge qu’après la seconde Guerre Mondiale. D’ailleurs la doctrine Truman de
1947 montrait qu’une nouvelle ère commençait où les pays industrialisés donneraient une
aide technique et financière aux Etats nouvellement indépendants.
Différentes approches et auteurs se sont intéressés au développement :
• Rostow (1960) montre que les sociétés sous-développées et développées occupent
simplement différents stades de croissance basée sur un parcours unique de
développement. Il s’appuie donc sur un modèle occidental de la modernisation qui
voit que tout développement est inévitable et possible.
• Les théories de la dépendance puis celle du système-monde se sont construites
contre la théorie de la modernisation. Ces théories critiques issues du marxisme ont
montré que le sous-développement est une création historique issue du capitalisme.
• Une autre approche de Cardozo et Faletto (1969), plus mesurée, se fonde sur la
notion de « développement dépendant », qui montre qu’un développement est
possible dans les sociétés dites périphériques.
Wallerstein (1979) et Amin (1970) permettent aux théories d’intégrer le domaine de
l’économie politique internationale. Ils expliquent le développement du système monde
capitaliste sur la base d’une théorie de l’échange inégal. Leur théorie vont être critiquées,
notamment pas Brenner (1977), qui voit une lacune dans leur travaux : celle de ne pas
identifier l’origine du succès économique des pays du centre. Les théoriciens de la
dépendance voient l’appât du profit et l’exploitation des pays périphériques comme moteur
du développement, or cela se base sur une structure spécifique de la société, une structure
de classe, qu’ils n’identifient jamais, contrairement à Marx.
Ces divergences théoriques contribuèrent à une impasse dans la pratique du
développement, notamment avec la crise de la dette des années 1980.
Les approches récentes mettent l’accent sur la diversité des expériences du développement,
pour dépasser les théories déterministes. Les poststructuralistes parlent de
postdéveloppement en relativisant les pratiques de conceptualisation du développement.
Les féministes font la différence entre les catégories de travailleurs, ce qui permet de
présenter les femmes du Tiers Monde comme agents plutôt que comme victimes du
développement. Cela permet aussi de comprendre comment des formes d’oppression
s’inscrivent dans la division internationale du travail.
D’autres approches suggèrent le rapprochement entre développement et mondialisation sur
la base d’une synthèse des différents courants critiques de l’économie politique. Cela promet
un intérêt plus soutenu pour l’analyse du développement au sein des RI.
Nord-Sud : Apparition du terme en 1964 lors de la première Conférence des Nations unies
pour le commerce et le développement (CNUCED) qui avait pour but de concurrencer le
GATT. But : établissement d’un ordre économique mondial plus juste et plus respectueux
vis-à-vis des pays non-industrialisés, (car les pays riches dominaient économiquement).
Dans les discussions on distingue trois groupes :
• Les pays occidentaux
• Les États socialistes d’Europe orientale
• Le groupe des « 77 » (ensemble des pays en voie de développement ayant les
mêmes revendications)
Il en ressort deux oppositions :
• Le nord : « nouveaux exploiteurs » (ambiguïté sur la composition en termes de pays
concernés, en général le G7)
• Le sud : « nouveaux prolétaires », (groupe des 77, aujourd’hui au nombre de 120).
« Sud » et « 77 » sont des synonymes pour parler des pays faisant bloc face aux pays
industrialisés dans les relations internationales.La formule « sud » tend à remplacer celle de
« Tiers-Monde » mais elle est tout autant une construction imaginaire.
De 1964 à 1981 les pays du Sud ont tenté l’obtention d’un Nouvel Ordre Économique
International (NOEI) orienté vers le développement ayant pour but traitement préférentiel
envers les pays du Sud. Numériquement majoritaires dans les institutions internationales, les
Concepts
62
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
pays du sud avaient pour seule arme de faire bloc contre les pays riches. Cela déboucha sur
quelques succès (accords…) et entretenu l’illusion d’un dialogue « Nord-Sud ».
A partir des années 80 les pays du sud trop touchés par la dette et la crise perdirent le peu
de poids qu’ils avaient. Les clivages entre pays reprirent donc de plus belle, même au sein
des pays industrialisés puisqu’ils ne s’approprièrent pas de la même manière les ressources
du Sud. De plus, les intérêts du sud se diversifièrent mettant définitivement fin à la cohésion
du bloc.
Encore aujourd’hui le groupe des « 77 » est particulièrement affaibli par ses divergences
internes, ce point faible est particulièrement exploité par le nord, mais il a été surpris, en
2004 lorsqu’une coalition des 23 pays les plus importants du sud s’imposèrent unanimement
dans des négociations de l’OMC (sur l’agriculture). D’ailleurs si l’unité de ce « G20 » se
maintient et s’impose dans d’avantages de répertoires de la gouvernance mondiale il y aurait
une nouvelle forme d’affirmation du Sud sur la scène internationale.
(Autre thématique ; le terrorisme représente une nouvelle menace issue du Sud, ce qui le
connote négativement, source de dangers, cela complexifie le dialogue car le Nord se sent
sûr et de bon droit au nom de la sécurité).
Tiers-Monde : Wight (1977) en donne une définition : « un Tiers Monde apparaît lorsqu’un
système de puissance dual, bipolaire est modifié par la présence d’un groupe de petits Etats
faibles qui partagent un certain sens de l’intérêt commun contre l’ascendant des deux
grandes puissances ». Il fait remonter ce concept à 1773 au sens de tiers parti – que
d’Argenson explique au travers de petites puissances n’étant pas rattachées aux grandes
maisons d’Autriche ou de Bourbon.
Dans le monde contemporain, ce concept se réfère aux pays en développement de l’Afrique,
de l’Asie et de l’Amérique latine – qui ne sont pas alignés sur l’un des grands blocs durant la
Guerre froide. Pourtant, le concept de Tiers Monde depuis la fin de la Guerre Froide est
moins utilisé est laisse davantage place au concept de « pays en développement ».
L’utilisation et la définition de la conception moderne est le plus souvent attribuée à Alfred
Sauvy qui l’aurait créé en 1952 en comparaison au tiers-état français pour décrire les pays
sous-développés. Mais son acte de naissance politique se retrouve lors de la conférence de
Bandung en 1955. Les pays présents encouragèrent le Tiers Monde dans la prise en main
de son destin. De là découlera d’ailleurs l’afroasiatisme et le mouvement des non-alignés,
c’est-à-dire le rejet de la bipolarité et de l’alignement sur l’un des deux blocs – que Frantz
Fanon va défendre. L’idéologie du tiers-mondisme pense qu’une troisième voie autre que
celle prise par l’URSS est possible dans et pas le Tiers Monde, en effet, dans ces pays
règne un potentiel de révolte qui est dû à la misère et à l’humiliation dont sont victimes les
peuples.
Mao Tse Toung avait lui une autre vision que celle de Fanon et privilégiait une alliance des
pays du Tiers Monde avec les puissances intermédiaires afin de renverser les blocs. Sa
théorie des trois mondes n’était pas la division commune (pays capitalistes, pays
communistes, Tiers Monde non alignés) mais la première était composée des deux
superpuissances, la deuxième des puissances intermédiaires et la troisième des pays en
développement.
Plusieurs critiques ont été faites au concept, notamment dans les années 70 par les
marxistes qui voyaient le monde partagé en deux et non en trois.
Une autre critique portée par de nombreux auteurs, dont Régis Debray, voient le Tiers
Monde comme un concept européo-centriste et aliénant. Cette critique postule qu’il n’y a pas
d’utilité politique à parler d’une référence unique puisque les pays du Tiers Monde ne
forment pas un bloc unifié.
Enfin, l’évolution du système international semble avoir rendu caduc la division du monde en
trois groupes – laissant davantage l’usage à des concepts comme « pays en
développement » la prédominance. Pourtant, à ce genre de concept peuvent être formulées
les mêmes critiques que celles qui sont émises à l’encontre du Tiers Monde.
Concepts
63
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
Le développement (in)soutenable
Développement durable : Il est important de relever qu’à ce sujet les inégalités sont
grandes entre le Nord et le Sud. [Dans les années 70 on parlait « d’écodéveloppement »,
c’est le début du dialogue environnemental à l’échelle internationale, mais trop drastique le
concept ne fait pas l’unanimité, il est notamment contesté par les pays industrialisés. Le mot
ne s’imposa pas dans l’agenda international.]
Définition commune : « Le développement durable répond aux besoins du présent sans
compromettre la capacité des générations futures à répondre à leur propre besoins ». (ONU,
1987). L’économique, l’environnemental et le social forment donc « les trois piliers » du
développement durable auxquels s’ajoute la responsabilité d’éviter les phénomènes
d’épuisement ou de dégradation irréversible d’un ensemble de ressources naturelles et
environnementales (qu’il faut utiliser de manière à maintenir la biodiversité) par égard pour
les générations à venir. Le succès de ce concept grandi sans cesse et cela pour la simple
raison qu’il prétend pouvoir concilier l’inconciliable (la croissance et le respect des
écosystèmes). La définition reste cependant très ambiguë, qu’entend-on par « besoin » ? De
même que le « développement » et les trois piliers peuvent être interprétés de différentes
manières et selon les priorités de chacun6 . Il est donc difficile de réellement l’appliquer, mais
cela n’a pas empêché le concept d’entrer dans les normes et d’être utilisé par les institutions
mais parfois de manière contradictoire. Pourtant la force du concept de durabilité est
justement qu’il allie les sphères environnementales, économiques et sociales.
Le principal enjeu faisant débat est la croissance de l’économie (certains plaident pour une
durabilité du capital). Normalement il n’y a pas d’opposition à la croissance économique,
mais elle doit être faite en utilisant correctement les ressources c'est-à-dire sous un angle de
rentabilité environnementale et non économique.
Le concept, par sa popularité et sa démocratisation, perd en consistance « contestataire » tel
qu’il l’était au départ. De plus en plus d’acteurs se l’approprient, comme par ex. les grandes
entreprises qui ont un ‘service de développement durable’ et sont parfois accusées
d’ « écoblanchiment » par les ONGs dans le sens où elles camoufleraient ainsi leur
emprunte écologique. Même si le DD est considéré comme la nouvelle norme éthique on
constate que c’est la dimension économique des trois piliers qui prend le dessus
actuellement.
Environnement : C’est l’« ensemble des milieux naturels ou artificialisés dans lesquels
l’homme s’est installé, qu’il exploite et qu’il aménage, ainsi que l’ensemble des milieux non
anthropisés 7 nécessaires à sa survie. » Il est insaisissable et sollicite toutes les disciplines
scientifiques.
L’environnement peut être représenté sous trois pôles (distincts) :
• La nature : biodiversité, eau, forêt, etc.
• Les relations de l’homme avec ce qui l’entoure : démographie, santé, transports, etc.
• Les relations avec la technique : énergie, déchets, pollution, manipulation génétique,
etc.
Depuis les années 70 ces thèmes sont entrés sur l’agenda international et considérés
comme des questions politiques mondiales. Les traités multilatéraux à l’égard de
l’environnement se multiplient, les plus connu actuellement étant l’Agenda 21 développé à
Rio en 1992 et le traité de Kyoto.
Globalement ces accords insistent sur la responsabilité (commune) de tous les pays puisque
le risque environnemental global ne connaît pas de frontières.
L’intérêt dans les RI : dans la thématique de l’environnement il y a une érosion de la
souveraineté, on parle de bien publics mondiaux, il y a une interdépendance complexe
6
Les USA par exemple pensent que la croissance économique et la technologie sont les réponses appropriées
au réchauffement climatique.
7
Non anthropisé signifie que les milieux n’ont pas été modifiés par l’homme ou n’ont pas subi les conséquences
d’activités humaines inadéquates pour la natures (qui débouchent par ex sur la pollution et érosion des sols…)
Concepts
64
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
(nouveaux aspects de sécurité notamment) et les ONGs ont un grand rôle à jouer surtout
qu’il n’y a à l’heure actuelle pas d’ « organisation mondiale de l’environnement ».
Sécurité environnementale : C’est dans les années 1970 que la prise en compte des
problèmes environnementaux se fait, mais ce n’est que vingt en plus tard qu’un lien se crée
entre sécurité et environnement, ceci étant lié à la période qui suit la Guerre Froide. Les
questions non militaires et non étatiques sont intégrées par les experts de la sécurité pour
mieux comprendre leurs impacts au sein des RI. Pourtant, le concept reste flou et très délicat
à définir au vu de la complexité des problèmes liés à l’environnement, même si les
problèmes d’énergies, les problèmes démographiques, les guerres civiles, sont quelquesuns des exemples à partir desquels peut déjà être définie une question de sécurité
environnementale.
Les concepts d’environnement et de sécurité, pris de manière séparée, sont tous deux
victimes du contexte d’analyse – ainsi ils ne sont pas les mêmes dans une analyse venant
d’Occident ou d’Orient.
Les théories réalistes et néoréalistes abordent la sécurité environnementale de deux
manières différentes :
• La première approche conçoit la sécurité environnementale en privilégiant la rareté
des ressources dans un Etat et les désordres et instabilité que celui-ci peut éprouver
à cause de ce type de problème.
o Cette théorie se base sur la logique malthusienne : plus la population
mondiale augmente, plus les ressources essentielles à la vie d’un être humain
deviennent rares. Cette théorie a été critiquée pour ne pas tenir compte des
avancées technologiques permettant l’augmentation de la production et de
l’agriculture par exemple.
o Thomas Homer-Dixon (1994) propose le concept de pénurie
environnementale qui s’adresse aux ressources renouvelables. À partir de là,
il montre la réduction de l’accès à ces ressources au détriment d’un groupe
social par rapport à un autre. Cela aurait trois sources principales : la
dégradation des milieux naturels, l’accroissement de la population et de la
demande, et la distribution inégale des ressources. Ainsi, un conflit violent
peut survenir dans le cas de pénurie environnementale, même si ce ne sont
pas les seules causes. Au travers de cette première vision, on voit qu’un Etat
déjà fragile renforce ses faiblesses s’il est sujet à des problèmes liés à la
sécurité environnementale.
• La deuxième approche perçoit la problématique d’accessibilité aux ressources par
rapport à la sécurité environnementale sur le plan géopolitique d’une part et dans une
perspective de stabilité internationale d’autre part.
o Ceux qui privilégient cette approche mettent l’accent sur le rapport entre
l’environnement et la rareté des ressources renouvelables et non
renouvelables et la violence interétatique. Ce qui compte ici c’est la
distribution matérielle qui se fait entre les états et non pas au sein des états.
o Les théories libérales privilégient l’idée de coopération et sont pour la mise en
place d’un régime de sécurité environnementale, mais c’est quelque chose
qui n’existe pas encore aujourd’hui et qui reste très controversé notamment à
cause des deux concepts très distincts réunis sous la dénomination de
sécurité environnementale. Enfin, les intérêts économiques restent
prépondérants et primes sur les considérations environnementales.
La sécurité environnementale pourrait également comporter deux projets distincts, l’un
politique - essentiellement gouvernemental et intergouvernemental, l’autre scientifique
principalement au niveau des sciences naturelles. Cela montre bien que la principale
difficulté de la sécurité environnementale est la multiplicité des acteurs, des régions et des
types de problèmes concernés.
Les études critiques de sécurité environnementale permettent de révéler les limites de
l’approche réaliste. Selon Dalby (1977) sécuriser la modernité est l’antithèse à la protection
Concepts
65
Théorie des relations internationales (C)
Jari Correvon
environnementale. Ainsi, il voit que les forces armées sont des institutions rattachées à la
sécurité nationale, souvent exemptée de réglementation environnementale, de même que le
maintien de la sécurité au Nord revient à conserver la main mise sur les ressources de
l’ensemble du globe. Enfin, il montre que l’idée de fonder la sécurité sur la modernisation et
la promotion de la croissance économique amène à des destructions environnementales.
Barnett (2001), au travers de la Green Theory, cherche le sens de la sécurité
environnementale. Il critique ce qui existe au niveau de ce concept et il considère les
questions de sécurité environnementale comme un problème social, d’un point de vue de
l’insécurité environnementale – du sentiment de vulnérabilité face à la dégradation de
l’environnement. Il propose que le concept soit encadré par un autre concept, celui de
sécurité humaine. Enfon, la notion de sécurité environnementale étant récente et
extrêmement débattue, le travail pour arriver à un concept plus précis reste à faire.
Concepts
66