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Les capteurs en instrumentation

La connaissance scientifique s'est développée par un double effort : © Dunod. La photocopie non autorisée est un délit. XIII XIV © Dunod. La photocopie non autorisée est un délit.

AVANT-PROPOS La connaissance scientifique s’est développée par un double effort : – d’une part, la réflexion sur les mécanismes c’est-à-dire sur la nature des interactions entre grandeurs physiques liées aux phénomènes ; cette réflexion se concrétise grâce à l’outil mathématique par les lois de la physique, relations abstraites entre grandeurs physiques ; © Dunod. La photocopie non autorisée est un délit. – d’autre part, l’expérimentation qui repose sur la mesure des grandeurs physiques et qui, en leur associant une valeur numérique permet de définir quantitativement les propriétés des objets, de vérifier numériquement les lois physiques ou d’en établir empiriquement la forme. Alors que la science cherche à saisir puis à exprimer mathématiquement dans des théories cohérentes les lois régissant les rapports des grandeurs physiques, la technique utilise ces lois et les propriétés de la matière pour créer de toute pièce des dispositifs ou des matériaux nouveaux qui permettent à l’homme d’accroître ses moyens d’action afin de mieux assurer sa subsistance, de faciliter ses échanges et de réduire sa peine. Si, dans un premier temps, la technique fut un recueil de procédés empiriques, fruits de l’observation, de tâtonnements aléatoires ou d’essais successifs, la connaissance des lois de la nature a permis à la technique de rationaliser sa démarche et de devenir une science de la réalisation. La mesure y joue dès lors un rôle capital. La construction d’une machine ou la mise au point de matériaux nouveaux exigent de donner à leurs éléments constitutifs des caractéristiques que la mesure permet d’ajuster aux valeurs appropriées. Le fonctionnement d’une machine ou d’un appareillage doit être contrôlé afin que soient assurées la qualité des fabrications et la sécurité des hommes et des installations : or, contrôler c’est d’abord vérifier par la mesure qu’un certain nombre de grandeurs physiques ont les valeurs assignées. Dans les laboratoires de recherche scientifique comme dans les installations industrielles l’une des tâches principales du chercheur comme du technicien est donc d’effectuer les mesures des grandeurs physiques variées qui déterminent leurs expériences ou conditionnent le déroulement correct de leurs fabrications. Afin d’être menée à bien, l’opération de mesure nécessite généralement que l’information qu’elle délivre soit transmise à distance du point où elle est saisie, protégée contre l’altération par des phénomènes parasites, amplifiée, avant d’être exploitée de diverses manières : affichée, enregistrée, traitée par calculateur. L’électronique offre à cet égard des moyens divers et puissants : pour en tirer le meilleur parti et qu’en bénéficient les mesures de tous types de grandeurs physiques, comme leur traiteXIII ment et leur exploitation, il est très souhaitable de transposer immédiatement sous la forme d’un signal électrique chacune des grandeurs physiques intéressantes. C’est le rôle du capteur que d’assurer cette duplication de l’information en la transférant, au point même où se fait la mesure, de la grandeur physique (non électrique) qui lui est propre, sur une grandeur électrique : courant, tension, charge ou impédance. Cet ouvrage se propose de décrire, pour les grandeurs physiques les plus couramment mesurées dans les laboratoires et les installations industrielles les divers types de capteurs utilisables. Un capteur est d’abord le résultat de l’exploitation ingénieuse d’une loi physique : c’est pourquoi une place importante est donnée dans ce livre aux principes physiques qui sont à leur base. C’est d’eux en effet que découlent les propriétés spécifiques de chaque type de capteur : performances, domaine d’application et règles de bonne utilisation. Il en est de même des caractéristiques électriques du capteur qui imposent à l’utilisateur le choix de circuits électriques associés parfaitement adaptés afin que le signal délivré soit obtenu et puisse être traité dans les meilleures conditions. Principes physiques, propriétés spécifiques, montages électriques associés sont les trois aspects principaux sous lesquels sera étudié chaque type de capteur. « On devrait toujours en commençant un livre se demander en son âme et conscience si la rédaction vous en apparaît comme indispensable » écrivait Lecomte du Noüy au début de L’Homme devant la Science. Cette interrogation était sans cesse présente à notre esprit. Si cet ouvrage aide l’expérimentateur confronté à l’infinie diversité des problèmes de mesure à choisir rationnellement le capteur et à l’utiliser judicieusement nous aurons fait œuvre, non peut-être indispensable, mais du moins utile. Remerciements A. Deguin, maître-assistant, A. Dolce, chef de travaux à l’université de Lyon 1, ont contribué par leurs critiques et leurs conseils à la bonne réalisation de cet ouvrage. Les secrétaires, en particulier Madame B. Chanut, ont, avec patience et compétence, dactylographié les versions souvent successives de ce texte. XIV 1 • PRINCIPES FONDAMENTAUX 1.1 Définitions et caractéristiques générales La grandeur physique objet de la mesure : déplacement, température, pression, etc. est désignée comme le mesurande et représentée par m ; l’ensemble des opérations expérimentales qui concourent à la connaissance de la valeur numérique du mesurande constitue son mesurage. Lorsque le mesurage utilise des moyens électroniques de traitement du signal, il est nécessaire de produire à partir du mesurande une grandeur électrique qui en soit une représentation aussi exacte que possible : ceci signifie que la grandeur électrique et ses variations apportent toute l’information nécessaire à la connaissance du mesurande. Le capteur est le dispositif qui soumis à l’action d’un mesurande non électrique présente une caractéristique de nature électrique (charge, tension, courant ou impédance) désignée par s et qui est fonction du mesurande : s = F (m) © Dunod. La photocopie non autorisée est un délit. s est la grandeur de sortie ou réponse du capteur, m est la grandeur d’entrée ou excitation. La mesure de s doit permettre de connaître la valeur de m ( figure 1.1). La relation s = F (m) résulte dans sa forme théorique des lois physiques qui régissent Figure 1.1 – Exemple d’évolution d’un mesurande m et de la réponse s correspondante du capteur. 1 1 • Principes fondamentaux 1.1. Définitions et caractéristiques générales le fonctionnement du capteur et dans son expression numérique de sa construction (géométrie, dimensions), des matériaux qui le constituent et éventuellement de son environnement et de son mode d’emploi (température, alimentation). Pour tout capteur la relation s = F (m) sous sa forme numériquement exploitable est explicitée par étalonnage : pour un ensemble de valeurs de m connues avec précision, on mesure les valeurs correspondantes de s ce qui permet de tracer la courbe d’étalonnage ( figure 1.2a) ; cette dernière, à toute valeur mesurée de s, permet d’associer la valeur de m qui la détermine ( figure 1.2b). Figure 1.2 – Courbe d’étalonnage d’un capteur : a) son établissement, à partir de valeurs connues du mesurande m ; b) son exploitation, à partir des valeurs mesurées de la réponse s du capteur. Pour des raisons de facilité d’exploitation on s’efforce de réaliser le capteur, ou du moins de l’utiliser, en sorte qu’il établisse une relation linéaire entre les variations Δs de la grandeur de sortie et celles Δm de la grandeur d’entrée : Δs = S · Δm S est la sensibilité du capteur. Un des problèmes importants dans la conception et l’utilisation d’un capteur est la constance de sa sensibilité S qui doit dépendre aussi peu que possible : – de la valeur de m (linéarité) et de sa fréquence de variation (bande passante) ; – du temps (vieillissement) ; – de l’action d’autres grandeurs physiques de son environnement qui ne sont pas l’objet de la mesure et que l’on désigne comme grandeurs d’influence. En tant qu’élément de circuit électrique, le capteur se présente, vu de sa sortie : – soit comme un générateur, s étant une charge, une tension ou un courant et il s’agit alors d’un capteur actif ; – soit comme une impédance, s étant alors une résistance, une inductance ou une capacité : le capteur est alors dit passif. Cette distinction entre capteurs actifs et passifs basée sur leur schéma électrique équivalent traduit en réalité une différence fondamentale dans la nature même des phénomènes physiques mis en jeu. Le signal électrique est la partie variable du courant ou de la tension qui porte l’information liée au mesurande : amplitude et fréquence du signal doivent être liées 2 1 • Principes fondamentaux 1.2. Capteurs actifs sans ambiguïté à l’amplitude et à la fréquence du mesurande. Un capteur actif qui est une source, délivre immédiatement un signal électrique ; il n’en est pas de même d’un capteur passif dont les variations d’impédance ne sont mesurables que par les modifications du courant ou de la tension qu’elles entraînent dans un circuit par ailleurs alimenté par une source extérieure. Le circuit électrique nécessairement associé à un capteur passif constitue son conditionneur et c’est l’ensemble du capteur et du conditionneur qui est la source du signal électrique. 1.2 Capteurs actifs Fonctionnant en générateur, un capteur actif est généralement fondé dans son principe sur un effet physique qui assure la conversion en énergie électrique de la forme d’énergie propre au mesurande : énergie thermique, mécanique ou de rayonnement. Les plus importants parmi ces effets sont regroupés tableau 1.1 ; dans la suite du paragraphe, on en donne une description sommaire destinée à éclairer leur mode d’application. Tableau 1.1 – Capteurs actifs : principes physiques de base. Mesurande Effet utilisé Grandeur de sortie Température Thermoélectricité Tension Pyroélectricité Charge Photoémission Courant Flux de rayonnement optique Effet photovoltaïque Tension Effet photoélectromagnétique Tension Piézoélectricité Charge Vitesse Induction électromagnétique Tension Position (aimant) Effet Hall Tension Force Pression © Dunod. La photocopie non autorisée est un délit. Accélération Effet thermoélectrique Un circuit formé de deux conducteurs de nature chimique différente dont les jonctions sont à des températures T1 et T2 est le siège d’une force électromotrice e(T1 , T2 ). Application : détermination à partir de la mesure de e d’une température inconnue T1 lorsque T2 (0 ◦ C par exemple) est connue ( figure 1.3a). Effet pyroélectrique Certains cristaux dits pyroélectriques, le sulfate de triglycine par exemple, ont une polarisation électrique spontanée qui dépend de leur température ; ils portent en 3 1 • Principes fondamentaux 1.2. Capteurs actifs surface des charges électriques proportionnelles à cette polarisation et de signes contraires sur les faces opposées. Application : un flux de rayonnement lumineux absorbé par un cristal pyroélectrique élève sa température ce qui entraîne une modification de sa polarisation qui est mesurable par la variation de tension aux bornes d’un condensateur associé ( figure 1.3b). Effet piézoélectrique L’application d’une force et plus généralement d’une contrainte mécanique à certains matériaux dits piézoélectriques, le quartz par exemple, entraîne une déformation qui suscite l’apparition de charges électriques égales et de signes contraires sur les faces opposées. Application : mesure de forces ou de grandeurs s’y ramenant (pression, accélération) à partir de la tension que provoquent aux bornes d’un condensateur associé à l’élément piézoélectrique les variations de sa charge ( figure 1.3c). Effet d’induction électromagnétique Lorsqu’un conducteur se déplace dans un champ d’induction fixe, il est le siège d’une f.é.m. proportionnelle au flux coupé par unité de temps, donc à sa vitesse de déplacement. De même, lorsqu’un circuit fermé est soumis à un flux d’induction variable du fait de son déplacement ou de celui de la source de l’induction (aimant par exemple), la f.é.m. dont il est le siège est égale (et de signe contraire) à la vitesse de variation du flux d’induction. Application : la mesure de la f.é.m. d’induction permet de connaître la vitesse du déplacement qui est à son origine ( figure 1.3d ). Effets photoélectriques On en distingue plusieurs, qui diffèrent par leurs manifestations mais qui ont pour origine commune la libération de charges électriques dans la matière sous l’influence d’un rayonnement lumineux ou plus généralement électromagnétique, dont la longueur d’onde est inférieure à une valeur seuil, caractéristique du matériau. Effet photoémissif Les électrons libérés sont émis hors de la cible éclairée et forment un courant collecté par application d’un champ électrique. Effet photovoltaïque Des électrons et des trous sont libérés au voisinage d’une jonction de semiconducteurs P et N illuminée ; leur déplacement dans le champ électrique de la jonction modifie la tension à ses bornes. 4 1 • Principes fondamentaux 1.3. Capteurs passifs Effet photoélectromagnétique L’application d’un champ magnétique perpendiculaire au rayonnement provoque dans le matériau éclairé l’apparition d’une tension électrique dans la direction normale au champ et au rayonnement. Applications. Les effets photoélectriques qui permettent d’obtenir courant ou tension fonction de l’éclairement d’une cible sont à la base de méthodes de mesure des grandeurs photométriques d’une part, et ils assurent d’autre part, la transposition en signal électrique des informations dont la lumière peut être le véhicule ( figure 1.3e). Effet Hall Un matériau, généralement semi-conducteur et sous forme de plaquette, est parcouru par un courant I et soumis à une induction B faisant un angle θ avec le courant. Il apparaît, dans une direction perpendiculaire à l’induction et au courant une tension vH qui a pour expression : vH = KH · I · B · sin θ où KH dépend du matériau et des dimensions de la plaquette. Application : un aimant lié à l’objet dont on veut connaître la position détermine les valeurs de B et θ au niveau de la plaquette : la tension vH , qui par ce biais est fonction de la position de l’objet en assure donc une traduction électrique ( figure 1.3f ). Remarque : les capteurs basés sur l’effet Hall peuvent être classés parmi les capteurs actifs puisque l’information est liée à une f.é.m. ; ce ne sont cependant pas des convertisseurs d’énergie car c’est la source du courant I et non le mesurande qui délivre l’énergie liée au signal. © Dunod. La photocopie non autorisée est un délit. 1.3 Capteurs passifs Il s’agit d’impédances dont l’un des paramètres déterminants est sensible au mesurande. Dans l’expression littérale d’une impédance sont présents des termes liés : – d’une part à sa géométrie et à ses dimensions ; – d’autre part aux propriétés électriques des matériaux : résistivité ρ, perméabilité magnétique µ, constante diélectrique ε. La variation d’impédance peut donc être due à l’action du mesurande : – soit sur les caractéristiques géométriques ou dimensionnelles ; – soit sur les propriétés électriques des matériaux ; – soit plus rarement sur les deux simultanément. Les paramètres géométriques ou dimensionnels de l’impédance peuvent varier si le capteur comporte soit un élément mobile, soit un élément déformable. Dans le premier cas, à chaque position de l’élément mobile correspond une valeur de l’impédance et la mesure de celle-ci permet de connaître la position ; c’est le principe d’un grand nombre de capteurs de position ou de déplacement : potentiomètre, inductance à noyau mobile, condensateur à armature mobile. 5 1 • Principes fondamentaux 1.3. Capteurs passifs Figure 1.3 – Exemples d’application d’effets physiques à la réalisation de capteurs actifs : (a) thermoélectricité, (b) pyroélectricité, (c) piézoélectricité, (d) induction électromagnétique, (e) photoélectricité, (f) effet Hall. Dans le second cas, la déformation résulte de forces – ou de grandeurs s’y ramenant (pression, accélération) – appliquées soit directement soit indirectement au capteur : armature d’un condensateur soumise à une pression différentielle, jauge d’extensométrie liée rigidement à une structure soumise à contrainte. La modification d’impédance qu’entraîne la déformation du capteur est liée aux efforts auxquels celui-ci ou la structure intermédiaire se trouve soumis et elle en assure une traduction électrique. Les propriétés électriques des matériaux, selon la nature de ces derniers, peuvent être sensibles à des grandeurs physiques variées : température, éclairement, pression, humidité... Si l’une seule de ces grandeurs est susceptible d’évolution, toutes les autres étant maintenues constantes il s’établit une correspondance univoque entre la valeur de cette grandeur et celle de l’impédance du capteur. La courbe d’étalonnage traduit cette correspondance et permet, à partir de la mesure de l’impédance de déduire la valeur de la grandeur physique agissante qui est le mesurande. Le tableau 1.2 donne un aperçu des divers mesurandes susceptibles de modifier les propriétés électriques de matériaux employés pour la réalisation de capteurs passifs ; on y remarque, en particulier, la place importante des capteurs résistifs. 6 1 • Principes fondamentaux 1.4. Corps d’épreuve. Capteurs composites Tableau 1.2 – Capteurs passifs : principes physiques et matériaux. Mesurande Caractéristique électrique sensible Types de matériaux utilisés Température Résistivité Métaux : platine, nickel, cuivre. Semi-conducteurs. Très basse température Constante diélectrique Verres. Flux de rayonnement optique Résistivité Semi-conducteurs. Déformation Position (aimant) Humidité © Dunod. La photocopie non autorisée est un délit. Niveau Résistivité Alliages de nickel, silicium dopé. Perméabilité magnétique Alliages ferromagnétiques. Résistivité Matériaux magnéto-résistants : bismuth, antimoniure d’indium. Résistivité Chlorure de lithium. Constante diélectrique Alumine ; polymères. Constante diélectrique Liquides isolants. L’impédance d’un capteur passif et ses variations ne sont mesurables qu’en intégrant le capteur dans un circuit électrique, par ailleurs alimenté et qui est son conditionneur. Les types de conditionneurs le plus généralement utilisés sont : – le montage potentiométrique : association en série d’une source, du capteur et d’une impédance qui peut être ou non de même type ; – le pont d’impédances dont l’équilibre permet la détermination de l’impédance du capteur ou dont le déséquilibre est une mesure de la variation de cette impédance ; – le circuit oscillant qui contient l’impédance du capteur et qui est partie d’un oscillateur dont il fixe la fréquence ; – l’amplificateur opérationnel dont l’impédance du capteur est l’un des éléments déterminants de son gain. Le choix d’un conditionneur est une étape importante dans la réalisation d’un ensemble de mesure. C’est, en effet, l’association capteur-conditionneur qui détermine le signal électrique ; de la constitution du conditionneur dépendent un certain nombre de performances de l’ensemble de mesure : sensibilité, linéarité, insensibilité à certaines grandeurs d’influence. L’étude approfondie des conditionneurs est l’objet du chapitre 3. 1.4 Corps d’épreuve. Capteurs composites Pour des raisons de coût ou de facilité d’exploitation, on peut être amené à utiliser un capteur, non pas sensible au mesurande mais à l’un de ses effets. Le corps d’épreuve est le dispositif qui, soumis au mesurande étudié en assure une première traduction en une autre grandeur physique non-électrique, le mesurande secondaire, qu’un capteur adéquat traduit alors en grandeur électrique ( figure 1.4 ). L’en7 1 • Principes fondamentaux 1.4. Corps d’épreuve. Capteurs composites semble formé par le corps d’épreuve et un capteur actif ou passif constitue un capteur composite. Figure 1.4 – Structure d’un capteur composite. Les corps d’épreuve sont très utilisés pour la mesure de grandeurs mécaniques : celles-ci imposent au corps d’épreuve des déformations ou des déplacements auxquels un capteur approprié est sensible. Ainsi, par exemple, une traction F exercée sur une barre (longueur L, section A, module d’Young Y ) entraîne une déformation ΔL /L qui est mesurable par la variation ΔR /R de la résistance d’une jauge collée sur la barre ; connaissant : – d’une part, l’équation du corps d’épreuve qui lie la traction, mesurande primaire, à la déformation, mesurande secondaire : ΔL 1 F = · L Y A – et d’autre part l’équation du capteur liant sa grandeur d’entrée, ici la déformation, à sa réponse électrique ΔR /R soit : ΔR ΔL =K · R L K étant le facteur de jauge, on en déduit la relation entre traction et variation de résistance : ΔR K F = · . R Y A De même, une pression est mesurable au moyen d’une membrane, corps d’épreuve, dont la déformation est traduite électriquement par une jauge de contrainte. La membrane d’un microphone électrodynamique est un corps d’épreuve car c’est de son mouvement, conséquence de la pression acoustique à laquelle elle est soumise, que résulte le signal électrique. Dans un accéléromètre, la masse sismique est le corps d’épreuve qui convertit l’accélération, mesurande primaire, en une force d’inertie, mesurande secondaire auquel est sensible un capteur piézoélectrique. La relation qu’établit le corps d’épreuve entre les mesurandes primaire et secondaire est très souvent linéaire : c’est le cas en particulier pour les déplacements et déformations résultant de contraintes mécaniques, à condition que ne soit pas dépassée la limite d’élasticité du corps d’épreuve. Les performances de l’association corps d’épreuve-capteur doivent être déterminées par un étalonnage global de l’ensemble qu’ils constituent afin qu’il soit tenu compte des modifications éventuelles que leur montage et leur liaison apportent à leurs caractéristiques individuelles « à vide ». 8 1 • Principes fondamentaux 1.5. Grandeurs d’influence © Dunod. La photocopie non autorisée est un délit. 1.5 Grandeurs d’influence Le capteur, de par ses conditions d’emploi, peut se trouver soumis non seulement au mesurande mais à d’autres grandeurs physiques dont les variations sont susceptibles d’entraîner un changement de la grandeur électrique de sortie qu’il n’est pas possible de distinguer de l’action du mesurande. Ces grandeurs physiques « parasites » auxquelles la réponse du capteur peut être sensible sont les grandeurs d’influence. Ainsi, par exemple : – la température est grandeur d’influence pour un capteur optique comme la résistance photoconductrice ; – il en est de même pour le champ magnétique vis-à-vis d’un capteur thermométrique comme la résistance de germanium. Les principales grandeurs d’influence sont : – la température, qui modifie les caractéristiques électriques, mécaniques et dimensionnelles des composants du capteur ; – la pression, l’accélération et les vibrations susceptibles de créer dans certains éléments constitutifs du capteur des déformations et des contraintes qui altèrent la réponse ; – l’humidité à laquelle certaines propriétés électriques comme la constante diélectrique ou la résistivité peuvent être sensibles et qui risque de dégrader l’isolation électrique entre composants du capteur ou entre le capteur et son environnement ; – les champs magnétiques variables ou statiques ; les premiers créent des f.é.m. d’induction qui se superposent au signal utile, les seconds peuvent modifier une propriété électrique, comme la résistivité lorsque le capteur utilise un matériau magnétorésistant ; – la tension d’alimentation – amplitude et fréquence – lorsque, comme pour le transformateur différentiel, la grandeur électrique de sortie en dépend de par le principe même du capteur. Si l’on désigne par g1 , g2 ... les grandeurs d’influence, la relation entre grandeur électrique de sortie s et mesurande m, qui dans le cas idéal serait : s = F (m) devient : s = F (m, g1 , g2 ...) Afin de pouvoir déduire de la mesure de s la valeur de m, il est donc nécessaire : – soit de réduire l’importance des grandeurs d’influence au niveau du capteur en le protégeant par un isolement adéquat : supports antivibratoires, blindages magnétiques ; – soit de stabiliser les grandeurs d’influence à des valeurs parfaitement connues et d’étalonner le capteur dans ces conditions de fonctionnement : enceinte thermostatée ou à hygroscopie contrôlée, sources d’alimentation régulées ; 9 1 • Principes fondamentaux 1.6. La chaîne de mesure – soit enfin d’utiliser des montages qui permettent de compenser l’influence des grandeurs parasites : pont de Wheatstone avec un capteur identique placé dans une branche adjacente au capteur de mesure (§ 3.3.1.3). 1.6 La chaîne de mesure La chaîne de mesure est constituée de l’ensemble des dispositifs, y compris le capteur, rendant possible, dans les meilleures conditions, la détermination précise de la valeur du mesurande. À l’entrée de la chaîne, le capteur soumis à l’action du mesurande permet, directement s’il est actif ou par le moyen de son conditionneur s’il est passif, d’injecter dans la chaîne le signal électrique, support de l’information liée au mesurande. À la sortie de la chaîne, le signal électrique qu’elle a traité est converti sous une forme qui rend possible la lecture directe de la valeur cherchée du mesurande : – déviation d’un appareil à cadre mobile ; – enregistrement analogique graphique ou oscillographique ; – affichage ou impression d’un nombre. C’est l’étalonnage de la chaîne de mesure dans son ensemble qui permet d’attribuer à chaque indication en sortie la valeur correspondante du mesurande agissant à l’entrée. Sous sa forme la plus simple la chaîne de mesure peut se réduire au capteur, et à son conditionneur éventuel, associé à un appareil de lecture : – thermocouple et voltmètre ; – jauge de contrainte placée dans un pont de Wheatstone, avec pour instrument de lecture un galvanomètre ou un voltmètre. Cependant les conditions pratiques de mesure telles qu’elles sont imposées par l’environnement d’une part et par les performances exigées pour une exploitation satisfaisante du signal d’autre part amènent à introduire dans la chaîne des blocs fonctionnels destinés à optimiser l’acquisition et le traitement du signal : – circuit de linéarisation du signal délivré par le capteur ; – amplificateur d’instrumentation ou d’isolement destiné à réduire les tensions parasites de mode commun ; – multiplexeur, amplificateur d’instrumentation programmable, échantillonneur bloqueur, convertisseur analogique – numérique lorsque l’information doit être traitée par calculateur ( figure 1.5a) ; – convertisseur tension-courant ou tension-fréquence lorsque le signal doit être transmis à distance par câble ( figure 1.5b) ; – modulateur de fréquence dans le cas de télémesure par voie hertzienne. Certains de ces dispositifs sont l’objet d’une étude approfondie au chapitre 4. 10 © Dunod. La photocopie non autorisée est un délit. 1 • Principes fondamentaux 1.6. La chaîne de mesure Figure 1.5 – Exemples de constitution de chaînes de mesure : a) chaîne contrôlée par microprocesseur, b) chaîne avec conversion tension-fréquence des signaux permettant leur transmission bifilaire. Il y a lieu d’insister ici sur les fonctions multiples et importantes qui sont dévolues au calculateur associé à la chaîne de mesure et qui peuvent être regroupées sous deux rubriques : – gestion de l’acquisition d’une part ; – traitements du signal requis par la précision et par la nature de l’information cherchée d’autre part. Le calculateur est le chef d’orchestre de la chaîne d’acquisition ; il délivre les séquences de signaux de commande activant de façon ordonnée les divers dispositifs concourant à l’obtention de la valeur du mesurande particulier dont la connaissance à un instant donné est nécessaire au déroulement de l’application : – sélection d’une voie d’entrée par envoi d’adresse au multiplexeur ; 11 1 • Principes fondamentaux 1.7. Capteurs intégrés – fixation du gain de l’amplificateur programmable ; – échantillonnage puis blocage du signal ; – déclenchement de la conversion analogique-numérique ; – lecture de la donnée numérique à réception du signal de fin de conversion délivré par le convertisseur analogique-numérique. En aval de la chaîne d’acquisition, le calculateur gère les périphériques classiques d’entrée-sortie : – clavier permettant l’introduction, pour prise en compte par la chaîne, d’ordres et de modifications de paramètres de mesure ; – mémoire de masse pour l’archivage des mesures ; – affichage du résultat de la mesure en cours. La possibilité offerte par les calculateurs d’effectuer des opérations mathématiques sur le signal numérisé est exploitée à deux fins : corriger le signal reçu d’une part, analyser le signal corrigé d’autre part. Les traitements numériques correctifs sont destinés à compenser certaines imperfections de la chaîne de mesure : – correction des dérives de zéro et de sensibilité, causées par les grandeurs d’influence, température en particulier ; – correction de la non-linéarité des capteurs afin d’obtenir une donnée proportionnelle au mesurande (§ 4.2.3). Il y a lieu de noter que ces corrections peuvent aussi être effectuées par voie analogique mais au prix, souvent, d’un matériel spécifique supplémentaire (§ 4.2.1 et 4.2.2). Les traitements numériques analytiques permettent d’extraire, à partir des données, les informations particulières dont la connaissance est nécessaire pour l’exploitation qui doit être faite : – traitement statistique ; – filtrage numérique ; – analyse spectrale... 1.7 Capteurs intégrés Un capteur intégré est un composant réalisé par les techniques de la Microélectronique et qui regroupe sur un substrat de silicium commun le capteur proprement dit, le corps d’épreuve éventuel, des circuits électroniques de conditionnement du signal ( figure 1.6 ). L’intégration apporte de multiples avantages : miniaturisation, diminution des coûts par la fabrication en grande série, accroissement de la fiabilité par suppression de nombreuses connexions soudées, interchangeabilité améliorée, meilleure protection vis-à-vis des parasites, le signal étant conditionné à sa source. 12 1 • Principes fondamentaux 1.7. Capteurs intégrés © Dunod. La photocopie non autorisée est un délit. Figure 1.6 – Structure générale d’un capteur intégré. L’utilisation du silicium impose cependant une limitation de la plage d’emploi de – 50 ◦ C à 150 ◦ C environ. Le capteur proprement dit met généralement à profit la sensibilité du silicium à diverses grandeurs physiques ; cette sensibilité, par ailleurs déjà souvent exploitée pour la réalisation de capteurs isolés, peut être mise en œuvre sous forme de capteurs résistifs, capacitifs ou au moyen de diodes et de transistors. Exemples de capteurs à base de silicium : – résistances thermométriques (§ 6.3.7) ; jauges extensométriques (§ 8.6) ; photocapacités (§ 5.12.2.2) ; plaquettes à effet Hall (§ 7.6.3) ; photodiodes (§ 5.7) et phototransistors (§ 5.9) ; diodes de détection nucléaire (§ 16.4) ; transistors thermométriques (§ 6.5) ; ISFET (§ 18.2.5) ; GASFET (§ 19.8). Le capteur peut aussi être réalisé en déposant sur le substrat de silicium un film mince d’un matériau plus approprié que le silicium au mesurande considéré mais compatible avec le processus technologique de fabrication des circuits intégrés : ZnO piézoélectrique, InSb magnétorésistant, polymères hygroscopiques (§ 17.5.2.1), couple thermoélectrique Bi/Sb. Lorsque le capteur doit être un capteur composite, le corps d’épreuve est réalisé à partir du substrat de silicium support de l’ensemble du capteur intégré. L’emploi de corps d’épreuve en silicium est justifié par les propriétés mécaniques excellentes du cristal : domaine élastique étendu, module d’Young comparable à celui de l’acier et limite de fatigue très élevée. La fabrication des corps d’épreuve est rendue possible grâce aux techniques de micro-usinage chimique. Le silicium est attaquable par divers produits chimiques, en particulier : – le mélange éthylène diamine, pyrocatechol et eau (EDP) ; – la solution potasse (KOH) – eau. La zone à attaquer est délimitée par une ouverture faite dans une couche superficielle de SiO2 qui n’est pas attaquée. La vitesse d’attaque dépend des directions cristallographiques : pour EDP et KOH, elle est respectivement 35 et 400 fois supérieure dans la direction 100 que dans la direction 111. La vitesse d’attaque dépend aussi du dopage : elle est considérablement réduite par un fort dopage de bore ce qui permet d’arrêter l’attaque au niveau voulu. Les figures 1.7a et 1.7b représentent la procédure de réalisation d’une poutre et d’un diaphragme par attaque chimique. Dans ces deux cas, la déformation du corps d’épreuve sous l’action du mesurande (accélération pour la poutre, pression pour le diaphragme) peut être convertie en signal électrique au moyen d’un pont de jauges piézorésistives implantées dans 13 1 • Principes fondamentaux 1.7. Capteurs intégrés des zones adéquates (§ 13.5.1.4) ou au moyen d’un dépôt de ZnO piézoélectrique subissant une contrainte sous l’action de la déformation du corps d’épreuve ( figure 1.8). Figure 1.7 – Phases successives de la réalisation de corps d’épreuve par attaque chimique anisotropique : a) poutre (accéléromètre) ; b) diaphragme (capteur de pression). Figure 1.8 – Accéléromètre intégré (d’après Chen et al. – référence en Bibliographie). Les circuits électroniques associés au capteur sont réalisés selon les techniques classiques de fabrication des circuits intégrés : ils comportent selon les cas : des circuits de compensation thermique, de linéarisation, d’amplification, de transmission par conversion tension-fréquence, ou tension-courant, des registres de type DTC – Dispositif à Transfert de Charges – (§ 5.12.2) pour le stockage et le transfert des informations. 14 1 • Principes fondamentaux 1.8. Capteurs intelligents La réalisation des capteurs intégrés pose, dans certains cas, des problèmes spécifiques délicats dus à la proximité du capteur et de l’électronique associée : – les circuits électroniques doivent être découplés vis-à-vis des contraintes exercées sur le capteur par un mesurande de type mécanique ; – l’encapsulage doit permettre le contact du capteur avec un milieu extérieur souvent hostile (mesures de pH, de composition gazeuse, de débit) tout en protégeant efficacement les composants électroniques. 1.8 Capteurs intelligents On désigne par capteur intelligent l’ensemble de mesure d’une grandeur physique constitué de deux parties ( figure 1.9a) : – une chaîne de mesure pilotée par microprocesseur ; © Dunod. La photocopie non autorisée est un délit. – une interface de communication bidirectionnelle. Figure 1.9 – Capteur intelligent : a) structure générale ; b) liaison par bus d’un ensemble de capteurs intelligents à un calculateur central. La chaîne de mesure comporte : – le capteur principal spécifique du mesurande étudié, et identifiable par un code stocké en PROM (Programmable Read Only Memory : mémoire programmable à lecture seule) ; – les capteurs secondaires propres aux grandeurs d’influence susceptibles d’affecter la réponse du capteur principal ; 15 1 • Principes fondamentaux 1.8. Capteurs intelligents – les dispositifs classiques permettant l’obtention sous forme numérique de la grandeur de sortie de chaque capteur : conditionneur, multiplexeur, amplificateur, échantillonneur-bloqueur, convertisseur analogique-numérique ; – un microprocesseur affecté aux tâches suivantes : gestion de l’acquisition, correction de l’effet des grandeurs d’influence au moyen des paramètres stockés en PROM et des données fournies par les capteurs secondaires, linéarisation, diagnostic des capteurs. L’interface de communication bidirectionnelle assure la liaison du capteur à un calculateur central via un bus partagé entre plusieurs capteurs intelligents ( figure 1.9b). Les messages porteurs du code du capteur concerné transitent par l’interface : – soit dans le sens calculateur vers capteur : configuration, autoétalonnage... – soit dans le sens capteur vers calculateur : résultats de mesure, état de la chaîne (étendue de mesure, dépassements de gamme du mesurande ou d’une grandeur d’influence...). Le capteur intelligent offre des avantages spécifiques : configurabilité à distance ; crédibilité accrue des mesures et aide à la maintenance grâce aux informations d’état fournies ; répartition des tâches, déchargeant le calculateur central. Bibliographie Ouvrages Considine D.M., Process/Industrial Instruments and Controls Handbook, McGrawHill, New York, 1993. Elwenspoek M., Wiegrrink R., Mechanical Microsensors, Springer, Berlin, 2002. Fraden J., Handbook of modern sensors : physics, designs and applications, Springer, Berlin, 1996. Haudend D., Microcapteurs et Microsystèmes intégrés, Hermès, Paris, 2000. Middelhoek S., Audet S.A., Silicon Sensors, Academic Press, Londres, 1991. Robert M., Marchandiaux M.,Porte M., Capteurs intelligents et méthodologie d’évaluation, Hermès, Paris, 1993. Sze S. et al., Semiconductor Sensors, John Wiley & Sons, New York, 1994. Périodiques et publications diverses Chen et al., « Integrated silicon microbeam Pi FET accelerometer », IEEE Trans., ED 29, 1982, p. 27. Favennec J.M., « Smart Sensors in industry », J. Phys. E. : Sci. Instrum., 20, 1987, p. 1087. Fluitman J., « Microsystems technology : objectives », Sensors and Actuators A, 56, 1996, p. 151. Guckel H., « Surface micromachined physical sensors », Sensors and Materials, 4, 1993, p. 251. Petersen K.E., « Silicon as a mechanical material », IEEE Proc., 79, 1982, p. 420. 16