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Les fractales: un regard nouveau sur la complexité

2012

In M. Quidu (in press, ed.), Les sciences du sport en mouvement. Innovations et traditions théoriques en STAPS.

In M. Quidu (in press, ed.), Les sciences du sport en mouvement. Innovations et traditions théoriques en STAPS. Nancy : Presses Universitaires de Nancy. Les fractales : un regard nouveau sur la complexité Didier Delignières et Kjerstin Torre EA 2991 Movement_to_Health, Université Montpellier 1 Les travaux que nous menons à Montpellier sur les fluctuations fractales ne représentent certes pas un courant massif dans le paysage des STAPS. Nous ne voulons ici qu’évoquer une histoire locale, le développement dans le cadre des Sciences du Mouvement Humain d’une ligne de recherche originale, tissant des liens avec d’autres domaines de recherche, s’enrichissant du travail de collègues d’autres disciplines mais contribuant en retour au développement méthodologique et théorique d’une problématique partagée. 1. Définition des fractales Les premières références au concept de fractale sont issues des travaux de Mandelbrot (1967). Il s’agit à l’origine d’une approche essentiellement géométrique. Mandelbrot pointe les limites de la géométrie euclidienne pour rendre compte de la complexité des objets naturels : « Les nuages ne sont pas des sphères, les montagnes ne sont pas des cônes, les lignes de côte ne sont pas des cercles, et une écorce n’est pas lisse, de même que les éclairs ne sont pas des lignes droites. » (Mandelbrot, 1995). Les objets fractals possèdent la particularité d’être infiniment complexes. C’est-à-dire que quelle que soit l’échelle d’observation à laquelle on les observe (en zoomant sur une partie donnée), ils possèdent la même structure complexe que l’objet global. C’est ce que l’on appelle la propriété d’auto-similarité. Mandelbrot démontre que les paysages, les végétaux, les organismes vivant possèdent une telle structure fractale, et les objets fractals sont susceptibles de constituer des modèles adéquats pour en rendre compte. L’exploitation de cette géométrie fractale, dans le domaine de la simulation ou de la modélisation scientifique des phénomènes, a connu des développements importants dans les trente dernières années. Mandelbrot a initié un autre développement de ce concept, dans le domaine de l’analyse des fluctuations temporelles. Lorsque l’on mesure de manière répétée les performances produites par un système complexe, on observe une certaine variabilité : bien que le système produise une performance moyenne à peu près stable, la réponse demeure fluctuante. Longtemps les scientifiques ont ignoré ces fluctuations, les considérant comme des perturbations aléatoires, sans signification, que l’on pouvait négliger, éliminer statistiquement pour concentrer l’analyse sur les tendances moyennes. Mandelbrot démontre que ces fluctuations ne peuvent être considérées comme aléatoires. Elle possèdent au contraire une structure temporelle typique, notamment caractérisée par un phénomène dit de corrélation à long terme: Ce concept assez complexe suggère que la valeur actuelle dans une série n’est pas uniquement liée à la valeur précédente, mais conserve la mémoire d’un grand nombre de valeurs précédentes (on parle aussi de processus à longue mémoire). En d’autres termes, la valeur actuelle semble concentrer toute l’histoire antérieure de la série. On retrouve dans ces séries un phénomène similaire à celui caractérisant les objets fractals : quelle que soit l’échelle temporelle suivant laquelle on observe la série (par exemple le jour, l’heure, la minute, ou la seconde), elle possède une structure statistique similaire. Ce type tout à fait particulier de variabilité est dénommé fluctuation fractale. De telles fluctuations ont été découvertes dans des systèmes très divers : le rythme cardiaque, les variations du pas lors de la marche, les crues des grand fleuves, les tremblements de terre, etc. Il existe de nombreuses méthodes pour mettre en évidence la nature fractale des fluctuations. Une des plus connues est l’analyse spectrale, qui consiste à décomposer le signal original en une série de composantes sinusoïdales. On représente pratiquement le résultat de cette décomposition par un graphe portant en abscisse la fréquence des composantes, et en ordonnée leur amplitude. Ce graphe est appelé spectre de puissance. Ce type d’analyse est généralement utilisé pour montrer qu’un signal possède des fréquences dominantes : dans ce cas lorsque l’on représente le spectre de puissance, on voit apparaître des pics significatifs, preuve que le signal possède une certaine périodicité aux fréquences correspondantes. La figure 1 représente le spectre de puissance d’une série fractale. On le voit, il n’existe ici aucun pic significatif. On observe ici une relation proportionnelle entre fréquence et puissance, preuve qu’aucune des composantes sinusoïdales ne domine le signal. On peut remarquer que le graphe est présenté en coordonnées bi-logarithmiques. Ceci indique que la véritable relation entre fréquence et puissance est une relation de type puissance. Ce graphe indique qu’un signal fractal peut être décomposé en un ensemble continu de composantes sinusoïdales, dont la puissance est distribuée de manière relativement homogène. On remarque cependant que la puissance tend à diminuer régulièrement lorsque la fréquence s’élève (de gauche à droite sur le graphique). Un indice important prélevé sur ces graphes est la pente de la droite sur laquelle les points s’alignent. Cette pente permet d’estimer la valeur d’un exposant fractal, qui indique l’intensité des corrélations à long-terme dans le signal. Figure 1 : Le spectre de puissance (ici représenté en coordonnées bi-logarithmiques) rend compte de la contribution relative de chaque composante sinusoïdale au signal brut. Dans le cas d’une série fractale, le spectre de puissance présente une pente linéaire en coordonnées bi-logarithmiques. Cette pente est représentée par le segment pointillé. Pour comprendre ce graphique, on peut considérer que chaque composante sinusoïdale représente un élément constitutif du système global. Les points les plus à gauche, correspondant aux fréquences les plus basses, renvoient à des sous-systèmes générant des évolutions lentes dans le signal. Les points les plus à droite, correspondant aux fréquences les plus élevées, renvoient à des perturbations à très court terme. L’analyse spectrale permet de visualiser la contribution de tous les éléments qui composent le système. Ce graphe suggère que l’ensemble des éléments contribuent de manière équilibrée au fonctionnement global, en respectant une invariance d’échelle que l’on peut résumer ainsi : les événements les plus rares affectent davantage le système que les événements les plus fréquents. Ce qu’il faut avant tout retenir ici, c’est qu’aucun des éléments composant le système ne peut être considéré comme occupant une place privilégiée, une sorte de leadership sur le fonctionnement global. La série est le produit d’une collaboration, d’une coopération entre les multiples sous-systèmes. On considère ainsi que les fluctuations fractales sont la signature de systèmes présentant une coordination optimale entre les multiples composants, sous-systèmes et sous-fonctions qui les constituent (Kello, Beltz, Holden, & Van Orden, 2007). Systèmes fractals et fluctuations fractales sont évidemment liés. On considère qu’un système possédant une structure fractale produit naturellement, lorsqu’on l’observe de manière prolongée, des séries présentant des fluctuations fractales. La variabilité fractale sert en quelque sorte de révélateur de la complexité du système, et de sa structure fractale. 2. Historique de nos travaux de recherche Comme on le voit les fluctuations fractales constituent une thématique transversale, susceptible de s’appliquer à de nombreux objets de recherche et d’y ouvrir une fenêtre d’observation originale. Le premier objet de recherche qui nous a intéressé dans cette optique a été l’estime de soi, dans le cadre de la thèse de Marina Fortes (Fortes, 2003). Lorsque nous avons initié ce travail l’estime de soi était considéré comme un trait de personnalité, une disposition stable et permanente. Certains auteurs ont commencé dans les années 90 à s’intéresser à la variabilité de l’estime de soi, mais en s’intéressant plus à l’amplitude de cette variabilité qu’à sa dynamique, c’est-à-dire à sa structure temporelle (voir par exemple Kernis, 1993). L’originalité de notre approche a été de procéder à la collecte de séries temporelles, c’est-à-dire de mesures répétées de l’estime de soi, de manière quotidienne ou bi-quotidienne, sur des durées assez longues. Ces travaux ont clairement montré que l’estime de soi présentait de fluctuations dans le temps, mais que ces fluctuations n’étaient pas aléatoires. Dans le cadre d’une étude assez exceptionnelle (une année et demi de mesures bi-quotidiennes), nous avons pu démontrer la nature fractale de ces séries d’estime de soi (Delignières, Fortes & Ninot, 2004). La figure 2 représente un exemple de série temporelle collectée lors de ce travail. Nos résultats ont montré que les fluctuations de l’estime de soi résultaient d’une construction dynamique quotidienne, absorbant les événements de vie mais tenant compte de toute l’histoire antérieure du sujet. Chaque sujet possède un exposant fractal spécifique, caractérisant la nature de sa dynamique et notamment la résistance de son estime de soi aux perturbations liées aux événements de vie. Enfin ces résultats ont montré que l’estime de soi était le produit macroscopique d’un système complexe coordonnant de multiples composants en interaction. 9 Global Self-Esteem 8 7 6 5 4 0 200 400 600 800 1000 Observations Figure 2 : Evolution bi-quotidienne de l’estime de soi, sur une durée de 512 jours. L’estime de soi était évaluée sur une échelle visuelle analogique, sur une étendue de 0 à 10 (Delignières, Fortes & Ninot, 2004). Une seconde étape dans ce projet de recherche a été dédiée à l’étude de processus de contrôle temporel. Comment des individus parviennent-ils à produire des comportements rythmiques, stables, sur une certaine durée ? Cette question a de longue date intéressé la psychologie expérimentale, notamment au travers de la tâche classique de tapping consistant à réaliser des tapes régulièrement espacées de l’index sur une table. Un des modèles les plus connus pour rendre compte de ce type d’activité suggère l’existence d’une « horloge cognitive », déterminant des intervalles de temps réguliers et déclenchant les tapes successives (Wing & Kristofferson, 1973). Les intervalles de temps produits en tapping ne sont cependant pas réguliers et présentent un certain niveau de fluctuation. Dès les années 90, un certain nombre de travaux ont suggéré la nature fractale de ces fluctuations (voir notamment Gilden, Thornton & Mallon, 1995). Nous avons pu définitivement établir ce résultat, grâce à la mise au point de méthodes d’analyse plus sophistiquées (Delignières, Lemoine & Torre, 2004 ; Lemoine, Torre & Delignières, 2006). Nous nous sommes également intéressés à un autre type de mouvement rythmique : les oscillations de l’avant-bras. Ici aussi nous avons mis en évidence la nature fractale des fluctuations dans les séries de périodes obtenues. Ce qui est fondamental ici c’est que la tâche de tapping et la tâche d’oscillation sont représentatives de deux classes bien dissociée de tâches rythmiques : le tapping est considéré comme étant géré selon un mode de timing événementiel (event-based timing), alors que les oscillations de l’avant-bras sont considérées comme relevant d’un mode de timing émergent (emergent timing). Si le timing événementiel repose sur l’implication d’une horloge interne, prescrivant au système effecteur des ordres périodiques de réponse, la régularité des réponses dans le cadre du timing émergent serait obtenue grâce aux caractéristiques dynamiques de l’effecteur, considéré comme oscillateur auto-entretenu. Nous avons pu mettre en évidence des signature caractéristique des ces deux modes de timing, notamment au travers de l’analyse spectrale des fluctuations (Delignières, Lemoine et Torre, 2004 ; voir figure 3). -3.5 -3.5 -1.19 -0.95 -4 -4 -4.5 -0.23 -4.5 log(power) log(power) 0.30 -5 -5 -5.5 -5.5 -6 -6 -6.5 -6.5 -3 -2.5 -2 -1.5 log(frequency) -1 -0.5 0 -3 -2.5 -2 -1.5 -1 -0.5 0 log(frequency) Figure 3 : Spectres de puissance obtenus pour les séries d’intervalles temporels produits dans la tâche de tapping (à gauche) et dans la la tâche d’oscillation de l’avant-bras (à droite). Les deux tâches expérimentales présentent en basse fréquence la signature caractéristique des fluctuations fractales (une pente négative proche de -1). Par contre elles se distinguent dans les hautes fréquences par une pente positive pour le tapping et une pente négative pour les oscillations. Ces pentes en haute fréquence permettent d’identifier la nature du processu de timing exploité pour réaliser la tâche, événementiel dans le premier cas, émergent dans le second. Il n’en demeure pas moins que dans les deux cas, on a mis en évidence la nature fractale des fluctuations produites (révélée par la présence d’une pente négative proche de -1 dans les spectres de puissance, voir figure 3). Ceci suggère que les systèmes responsables de la production des intervalles temporels, c’est-à-dire l’horloge cognitive dans le cadre de la tâche de tapping, et le système effecteur dans le cadre de la tâche d’oscillation de l’avant-bras, doivent être l’un et l’autre considérés comme des système fractals à forte complexité. Nous avons eu à ce niveau une intéressante controverse avec certains collègues étrangers, à propos des origines de ces fluctuations fractales (Delignières, Torre, Gilden & Kello, 2008 ; Diniz et al., 2010). Ces collègues considèrent que ces fluctuations sont la signature naturelle de tout système complexe, et révèlent la coordination entre de multiples sous-systèmes et fonctions agissant à de multiples échelles temporelles (Ihlen & Vereijken, 2010; Kello, Beltz, Holden, & Van Orden, 2007 ; Van Orden, Holden & Turvey, 2003). En d’autres termes, tout système complexe produirait naturellement, au niveau macroscopique, ce type de fluctuations. Nos propres travaux nous amenaient plutôt vers l’hypothèse d’une certaine localisation des sources de fractalité (par exemple au niveau de l’horloge interne pour la gestion événementielle du timing). Bien sûr, il ne peut s’agir d’une localisation centrée sur une composante isolée dans le système. Nous sommes d’accord avec nos collègues sur l’idée que seuls des systèmes complexes peuvent générer ce type de fluctuations. Notre hypothèse considère que dans l’accomplissement d’une tâche donnée, certains sous-systèmes, responsables de fonctions essentielles à l’accomplissement de la tâche, constitueraient la source de ces fluctuations fractales. Ces sous-systèmes ne doivent pas être considérés comme possédant une localisation structurelle précise dans le système global. Nos résultats suggère plutôt une « localisation fonctionnelle », suggérant que le sous-système en question puisse être en fait largement distribué dans le système global. Ainsi l’horloge cognitive dont nous avons parlé plus haut, responsable de la production des intervalles temporels dans le timing événementiel, ne doit pas être considérée comme une unité isolée, mais comme un réseau complexe, distribué en de multiple niveaux dans le système nerveux central (même si l’on sait que certains centres, notamment le cervelet, jouent un rôle essentiel dans cette horloge interne ; voir notamment Spencer, Zelaznik, Diedrichsen & Ivry, 2003). Afin de valider cette hypothèse, nous avons réalisé un certain nombre de travaux dans des protocoles de synchronisation (le sujet réalise une tâche rythmique en se synchronisant à un métronome). Nous avons ainsi pu montrer que dans une tâche de tapping, l’horloge interne qui prescrivait les intervalles dans les conditions libres était toujours à l’œuvre dans la condition synchronisée. Les fluctuations produites dans ce cas pouvaient être modélisées comme la combinaison additive des fluctuations fractales de cette horloge et des mécanismes de correction de l’erreur au métronome (Torre & Delignières, 2008b ; Delignières, Torre & Lemoine, 2009). Nous avons proposé à cet égard l’idée d’une « localisation statistique » des sources de fractalité (Diniz et al., 2010). D’autres travaux ont confirmé de type de résultats dans des tâches d’oscillation (Torre, Balasubramaniam, & Delignières, 2010), mais aussi dans des tâches plus complexes comme la marche (Delignières & Torre, 2009). Un autre axe de travail a constitué à étudier les corrélations sérielles dans des tâches de coordination bimanuelle : coordination de deux index dans une tâche de tapping simultané, ou coordination des deux avant-bras dans une tâche d’oscillation simultanée. Ces travaux ont montré que la coordination ne modifiait pas la nature événementielle ou émergente des processus de timing : la tâche de tapping simultané est gérée sur un mode événementiel, et la tâche d’oscillation simultanée sur un mode émergent (Torre & Delignières, 2008a). Par ailleurs, nous avons montré que dans les deux cas les séries de phases relatives, rendant compte de la coordination des deux effecteurs, présentaient également des corrélations fractales (Torre, Delignières & Lemoine, 2007 ; Torre & Delignières, 2008a). Ces résultats nous ont amené à questionner les modèles communément utilisés pour rendre compte des coordinations bimanuelles. Par exemple le modèle proposé par Haken, Kelso et Bunz (1985) pour rendre compte de la coordination de deux effecteurs, semble incapable de générer le type de fluctuations observées expérimentalement. Nous avons proposé un amendement de ce modèle permettant de produire des fluctuations fractales dans la coordination (Torre & Delignières, 2008a). Nos derniers travaux ont porté d’une manière plus fondamentale sur les rapports entre fractalité et stabilité. Généralement on considère la fractalité comme un gage de stabilité, et d’adaptabilité face aux perturbations de l’environnement. Un système fractal serait notamment doté de propriétés de redondance, qui lui permettrait de trouver des solutions alternatives face à des événements imprévus. Nous avons cependant mis en évidence certains résultats qui nous amènent à relativiser quelque peu ces hypothèses. Nous avons tout d’abord montré dans une tâche de coordination bimanuelle que plus les sujets présentaient de fortes corrélations fractales, plus la coordination tendait à se déstabiliser précocement lorsque l’on accroissait la fréquence d’oscillation (Torre, 2010). Ce résultat inattendu suggère que la relation entre fractalité et stabilité n’est pas aussi directe (voir aussi Torre & Balasubramaniam, 2010). Enfin nous avons récemment initié une autre ligne de recherche portant sur les coordinations interpersonnelles. On considère souvent que la coordination de deux systèmes reste un phénomène superficiel, se limitant à la synchronisation d’événements saillants du mouvement. Récemment certains auteurs ont émis des hypothèses intéressantes liant complexité et coordination. Dubois (2003) a ainsi opposé un modèle dit d’anticipation faible, renvoyant au fait qu’un système se coordonne à un autre en corrigeant au coup par coup les erreurs de synchronisation, à un modèle d’anticipation forte suggérant que les systèmes se coordonnent en adoptant des structures statistiques similaires. West, Geneston et Grigolini (2008) ont proposé une hypothèse proche, dite d’appariement des complexités (complexity matching). Cette hypothèse suggère que des systèmes complexes se coordonnent par une sorte de dialogue au cours duquel ils échangent leurs propriétés organisationnelles et tendent à harmoniser leurs complexités. Nous avons ainsi pu montrer que deux sujets réalisant de manière coordonnée une tâche d’oscillation de pendules tendaient à adopter des comportements fractals rigoureusement identiques (Marmelat, 2010). Ce résultat offre des perspectives tout à fait intéressantes, notamment dans le domaine de la réhabilitation : si un système déficient, présentant une altération de sa fractalité, est amené à agir en se coordonnant avec un système sain, on peut supposer que cette coordination puisse déboucher sur une restauration de la complexité du système déficient. 3. Un regard nouveau sur la complexité Comme on a pu le voir, nos travaux on ouvert une fenêtre d’observation originale sur un certain nombre d’objets de recherche, et ont permis de questionner les modèles et théories classiquement utilisés pour en rendre compte. Il s’agit peut-être du message le plus important que l’on peut tirer de cette démarche. Les paradigmes de recherche, on le sait, charrient des manières de concevoir les objets de recherche, des manières de les observer, des hypothèses types quant à leur fonctionnement (Kuhn, 1962). Changer de point de vue, de niveau d’observation, peut révéler les limites d’un paradigme, et les a priori sur lesquels il s’est constitué. Dans le cas présent, notre approche a interrogé un postulat basique des approches expérimentales supposant que les fluctuations constituaient une sorte de « pollution secondaire », sans intérêt scientifique majeur pour la compréhension des systèmes les ayant produites. Nous avons montré au contraire que leur prise en considération permettait d’enrichir la connaissance de ces systèmes et de leurs propriétés organisationnelles. Plus largement, les travaux sur les fractales ont permis de faire évoluer les fondements théoriques du concept de complexité. Souvent la complexité est comprise comme résultant de la présence au sein d’un système de multiples éléments. La complexité suppose avant tout un certain niveau d’organisation dans le système. L’absence d’organisation dans un système le fait dériver vers le désordre. Un système peut être infiniment compliqué, mais perdre par manque d’organisation ses propriétés de complexité. A l’inverse, un système trop ordonné tend à devenir simple, quand bien même il serait constitué d’une multitude d’éléments constitutifs. Les fluctuations fractales révèlent cet équilibre optimal entre ordre et désordre, entre « le cristal et la fumée » pour reprendre les termes d’Atlan (1986). Ces hypothèses ont évidement une résonance particulière dans le domaine de la santé. Goldberger et al. (2002) montre ainsi que si le rythme cardiaque présente des fluctuations fractales chez les sujets en bonne santé, certaines pathologies comme l’arythmie révèlent une perte d’organisation du système, et d’autres comme les infarctus du myocarde une simplification révélée par un comportement trop prédictible. Dans le premier cas on observe une dérive vers le désordre, et dans le second vers l’ordre. On a pu aussi montré que si les fluctuations de la durée du pas lors de la marche présentait des fluctuations fractales chez des sujets jeunes et en bonne santé, on observait une altération de cette fractalité chez des sujets âgés ou chez des patients atteints de maladies neurodégénératives (Hausdorff et al., 1997). Cette altération est comprise comme une perte de complexité des systèmes. Cette observation rejoint les hypothèses de Lipitz, liant vieillissement et perte de complexité. Ces rapports entre complexité et fractalité nous ont permis récemment de renouveler l’approche du concept de compétence. Depuis quelques années nous avons développé ce concept dans le domaine de l’Education Physique (Delignières & Garsault, 2004). Nous avons défini la compétence comme un ensemble de ressources permettant au sujet de maîtriser des situations complexes. Par situation complexe, nous entendons des situations mal délimités, évolutives, ne possédant pas de solution univoque. A l’instar d’Edgar Morin, nous pensons que cette complexité caractérise l’ensemble des situations auxquels sont confrontés les individus dans la vie réelle (voir par exemple Morin & Le Moigne, 1999). C’est pourquoi dans le cadre scolaire la construction de compétences est essentielle, si l’on veut que les apprentissages ne restent pas un exercice artificiel mais présentent des possibilités de réinvestissement en dehors de l’Ecole et tout au long de la vie. Dans un ouvrage récent nous avons développé l’idée selon laquelle la compétence, pour faire face à la complexité des situations, devait-elle même posséder une structure complexe et donc des propriétés fractales (Delignières, 2009). Ces hypothèses demeurent évidemment exploratoires, mais permettent d’ouvrir de nouvelles pistes pour la conception des apprentissages scolaires et l’organisation du système éducatif. 4. Des obstacles épistémologiques L’intérêt d’une démarche scientifique est également révélé par les résistances qu’elle suscite. Souvent la recherche ne fait que conforter les hypothèses et travaux antérieurs, assurant développement progressif et sans surprise de la production scientifique. Ce fonctionnement « normal » de la science est essentiel pour permettre aux chercheurs d’affiner leurs démarches et de pousser le plus loin possible leurs hypothèses (Kuhn, 1962). Cependant il peut entraîner parfois le développement de cadres de pensée trop rigides, freinant l’évolution théorique, et opposant une certaine résistance à l’émergence d’idées nouvelles. Récemment un reviewer qui expertisait un de nos articles sur le timing nous a fait une remarque lourde de sens. Nous avions démontré que les séries d’intervalles produites en tapping ne pouvaient être considérées comme une série régulière, simplement perturbée par des fluctuations aléatoires. Ce reviewer nous a opposé l’objection suivante : « Pourquoi modéliser une horloge qui ne donne pas l’heure exacte ? ». On se situe ici face à un obstacle épistémologique central : généralement on a tendance à penser les systèmes comme déterministes : c’est-à-dire qu’il produisent des résultats prévisibles, ou du moins qui devraient pouvoir être prévisibles dans l’absolu. Et l’un des enjeux majeurs de la science est de se doter des moyens d’assurer cette prévisibilité. Les fluctuations que l’on observe dans un comportement donné ne sont alors considérées que comme des perturbations aléatoires et sans signification. C’est le sens de la remarque du reviewer : si l’on parle d’une horloge, celle-ci est évidemment une horloge qui donne l’heure juste, et qui fournit des intervalles de temps réguliers. Si les intervalles présentent des irrégularités, cela ne peut être dû qu’à des perturbations extérieures. Les travaux sur les fractales présentent une autre approche du vivant : les systèmes naturels sont essentiellement variables et fluctuants. Mais on conçoit que cette nouvelle approche est éminemment inconfortable pour les tenants d’approches plus classiques. Notre approche bouleverse aussi la prise en compte des aspects temporels. L’idée centrale est qu’un système ne peut être compris que dans son histoire. L’analyse d’un état momentané du système, fût-elle minutieusement menée, ne peut fournir qu’un instantané peu informatif. Les analyses dynamiques permettent d’inscrire le système dans sa propre évolution, ou plutôt renforcent l’idée qu’un système n’est rien d’autre que sa propre évolution temporelle. 5. Des enrichissements disciplinaires Nous ne sommes évidemment pas les seuls, dans la communauté scientifique, à nous intéresser à ces fluctuations fractales. Néanmoins notre approche, centrée sur le mouvement humain, a pu enrichir certains aspects de ce domaine très spécifique. Au niveau méthodologique, nos recherches sur le mouvement humain nous ont obligés sans doute plus que d’autres chercheurs à progresser au niveau méthodologique pour nous permettre d’analyser des séries temporelles les plus courtes possibles. Il faut se rendre compte que toutes nos expérimentations reposent sur l’observation d’un comportement répété sur une longue durée. Lorsque nous avons initié ces travaux, beaucoup affirmait que des séries de plusieurs milliers de données étaient nécessaires pour obtenir des résultats fiables. Obtenir plusieurs milliers de données à raison d’une ou deux observations par seconde (ce qui est le cas pour la majeure partie des tâches que nous avons utilisé), cela voulait dire observer des sujets pendant des durées de plusieurs heures. Quant on sait que le système doit rester en état stable durant la durée de l’observation, on conçoit que des phénomènes de fatigue, de lassitude, de fluctuation de la concentration pouvaient rendre ce type de projet inenvisageable. Nous avons donc travaillé à l’amélioration des méthodes et la la construction de méthodes alternatives, susceptibles de donner des résultats satisfaisant pour des séries plus courtes (Delignières et al., 2006, Lemoine & Delignières, 2009 ; Torre & Delignières, 2007). A un niveau plus théorique, ces travaux nous ont amené à adopter des positionnements originaux dans le cadre de l’opposition entre approches nomothétiques ou idiosyncrasiques. Les approches nomothétiques renvoient à l’analyse des comportements moyens de groupes, considérés représentatifs d’une population parente. Le comportement moyen du groupe est considéré représenter le comportement d’un sujet épistémique, un type idéal duquel on aurait éliminé toutes les sources de perturbation non contrôlées. Les approches idiosyncrasiques reposent à l’inverse sur une étude approfondie de cas particuliers. Traditionnellement les méthodes expérimentales quantitatives, basée sur les plans expérimentaux et les analyses de variance s’inscrivent dans la première approche, et les méthodes qualitatives cliniques dans la seconde. Nos travaux s’inscrivent dans une tierce perspective, que l’on pourrait qualifier d’idiosyncrasie quantitative. Si nos analyses mettent en évidence des comportements moyens relativement reproductibles, l’expression de ces comportements est éminemment individuelle, et souvent la seule manière d’en rendre compte est l’analyse au cas par cas. Nous avions dans des travaux plus anciens sur l’apprentissage montré par exemple que si dans l’apprentissage d’une tâche complexe tous les sujets présentaient une évolution similaire du comportement au fil des sessions de pratique, un moyennage trop systématique risquait de masquer des différences inter-individuelles lourdes de signification (Nourrit, Delignières, Caillou, Deschamps & Lauriot, 2003). De même, lors de nos travaux sur l’estime de soi, nous avons montré qu’au-delà des similitudes chaque sujet exprimait une dynamique particulière, porteuse d’informations essentielles sur sa personnalité et ses capacités d’adaptation (Fortes, Delignières & Ninot, 2004). Plus récemment, nous avons montré dans un travail sur le timing que dans une tâche aussi simple que le tapping, certains sujets pouvaient contrôler le timing sur un mode événementiel (ce qui constituait le comportement moyen théoriquement attendu), alors que d’autres recourrait à un mode émergent. Nos travaux ont également permis de mettre l’accent sur un problème théorique rarement évoqué auparavant : d’une manière générale les analyses fractales portent sur des séries temporelles, c’est-à-dire des séries d’observations réalisées à intervalles réguliers. Nos travaux ont au contraire porté sur des séries événementielles, c’est-à-dire des séries d’observations effectuées lors des réalisations successives d’une tâche (Delignières, Torre & Lemoine, 2005). Nous avons clairement montré que c’est à ce niveau événementiel qu’il était pertinent de recueillir les données pour mettre en évidence la nature fractale des systèmes (Torre, Delignières & Lemoine, 2007a). Enfin sur un registre théorique plus large, nos travaux nous sont amenés à des repositionnements assez fondamentaux. Nous avons évoqué précédemment la distinction entre timing événementiel et timing émergent. On aura remarqué que le premier mode de timing se situe dans une perspective résolument cognitiviste, supposant une prescription centrale de la réponse, alors que le second mode de timing renvoie plutôt à une perspective dynamique, déléguant à la dynamique des effecteurs la gestion de la périodicité. Ce n’est pas le moindre mérite de ces travaux d’avoir suggéré que les approches cognitivistes et dynamiques, généralement considérées comme deux approches irréductibles du contrôle moteur, pouvaient représenter deux facettes complémentaires et alternatives du contrôle moteur. Conclusion Cette rapide présentation de nos travaux récents manque évidemment du recul qui serait nécessaire pour une analyse épistémologique assurée. Nous pourrons dans quelques années faire un bilan plus clair de l’intérêt de ces travaux et de l’impact qu’ils auront pu avoir dans les champs scientifiques qu’ils traversent. Nous voudrions conclure sur deux remarques qui touchent à des ressentis plus subjectifs. Le premier concerne notre positionnement par rapport aux autres chercheurs. Ces travaux nous ont permis de développer des échanges fructueux avec de nombreux collègues, issus comme nous des sciences du mouvement humain (par exemple Ramesh Balasubramaniam ou Howard Zelaznik), mais aussi d’approches plus fondamentales en psychologie cognitive (Guy Madison, Eric-Jan Wagenmakers, Christopher Kello, David Gilden, ou Bruno Repp). Nous n’avons aucunement l’impression, comme d’aucuns ont pu le prédire voici quelques années, de subir une quelconque vassalisation au cours de ces échanges. Notre démarche est issue de problématiques liées au mouvement humain, nous empruntons des méthodes et des théories à d’autres champs mais nous les enrichissons en retour. C’est d’égal à égal que nous assumons collaborations et controverses, critiques et expertises. Enfin on aura compris qu’une telle démarche est coûteuse. Si nous avons pu acquérir une relative maîtrise de cette problématique, nous permettant d’être reconnus par nos pairs comme des interlocuteurs respectables, c’est au terme d’une dizaine d’années consacrées à l’approfondissement théorique et méthodologique du sujet, et à un considérable investissement expérimental. Nous ne pouvons que conforter ici les conclusions d’Ericsson sur les délais requis pour accéder à la maîtrise d’un domaine donné, sportif, artistique ou scientifique dans le cas présent (Ericsson, Krampe & Tesch-Römer, 1993). Références Atlan, H. (1986). Entre le cristal et la fumée. Paris : Seuil. Delignières, D. & Garsault, C. (2004). Libres propos sur l’Education Physique. Paris : Editions Revue EPS Delignières, D. Torre, K. & Lemoine, L. (2009). Long-range correlation in synchronization and syncopation tapping: a linear phase correction model. PLoS ONE 4, 11, e7822. doi:10.1371/journal.pone.0007822. Delignières, D.(2009). Complexité et compétences. 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