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Jean DURIN, stéréolinguiste
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fichier Scène du Puits
LA « SCÈNE DU PUITS » DE LASCAUX
La scène du puits sans le rhinocéros
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En 2022 est parue la troisième édition revue et augmentée du livre de Jean-Loïc Le
Quellec « L’homme de Lascaux et l’énigme du Puits ». Dans ce petit livre Jean-Loïc Le Quellec (désormais :
JLLQ) passe en revue de façon presque exhaustive les différentes interprétations qui ont été données, depuis la
découverte de Lascaux en 1940, de la fameuse « Scène du Puits ». Nous disons « presque exhaustive », car l’une
au moins avait été oubliée ou volontairement ignorée, celle que nous avions donnée en 2003 dans le numéro 52
du Bulletin annuel de la SERPE (Société d’études et de recherches préhistoriques des Eyzies) au sein d’un essai
intitulé « Les pierres-figures V. Figuration naturelle, figuration dérivée, figuration libre, figuration appliquée ».
Cet essai développait, comme son titre l’indique, à l’intérieur d’une série consacrée au sujet tabou des pierresfigures, l’idée qu’il existait dans la nature des pierres, des branches, des racines qui pouvaient figurer assez bien,
par un heureux effet du hasard, des animaux ou parties d’animaux que les animaux eux-mêmes ne savent pas
distinguer, mais que les hommes préhistoriques pouvaient remarquer, ramasser et recueillir, comme en témoigne
le fameux galet de Makapansgat, manuport découvert dans une grotte à cinq kilomètres de l’endroit où, selon
toute vraisemblance, il avait été ramassé. Cette figuration naturelle évoquant un visage avec deux orbites
profondément creusées et une bouche assez semblable a été datée, en tant que manuport, de trois millions
d’années. Michel Lorblanchet, dans son livre La naissance de l’art, en donne deux bonnes photographies, recto
et verso, faites par Geoff Blundell, de l’université de Witwaterstrand, Johannesburg, page 137 (voir ci-dessous),
avec un commentaire assez mince page 103.
Le galet de jaspilite de Makapansgat
Nous avons nous-même donné du célèbre galet un commentaire beaucoup plus long et plus risqué sur
lequel nous ne reviendrons pas ici (DURIN 2003). A notre avis, ce galet plus ou moins anthropomorphe de
Makapansgat nous épargne, malgré son caractère unique, le soin de prouver que les Australanthropes de
l’époque savaient remarquer et même conserver certaines pierres suggestives. Boucher de Perthes, trouvant dans
les immenses carrières d’Abbeville beaucoup de « pierres-figures », avait tenté de promouvoir celles-ci dans le
milieu des préhistoriens de l’époque, mais il s’était heurté à un barrage féroce, et le tabou, ou l’interdit, qui a
frappé ces figurations subsiste, intact, jusqu’à nos jours. Un des derniers exemples est donné par Catherine
Schwab, responsable des collections du Paléolithique et du Mésolithique au Musée d’archéologie nationale de
Saint-Germain-en-Laye, qui écrit dans un ouvrage très récent (2023) intitulé Préhistoire. Nouvelles frontières,
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pages 386-387 : « En 1860, cela fait déjà près de vingt ans que Boucher de Perthes essaie en vain de donner ses
collections de bifaces et de « pierres-figures » préhistoriques aux musées nationaux – les pierres-figures,
considérées comme des sculptures figuratives par leur inventeur, sont en réalité de simples outils de silex taillé,
voire des cailloux érodés par la nature.» (GENESTE et alii, pp. 386-387). Rappelons que c’est à Saint-Germainen-Laye que sont conservés les restes les plus importants des collections de Boucher de Perthes, d’autres vestiges
se retrouvant dispersés dans le monde entier, par exemple dans le musée de sculpture Nasher sculpture center
de Dallas, Texas. Catherine Schwab écrit : « La première moitié de la salle 1 est dédiée aux « dépôts
quaternaires », avec les séries données par Boucher de Perthes, qui sont présentées dans quatre vitrines et
accompagnées de deux coupes stratigraphiques, peintes à l’huile sur toile » (p. 388).
Pourtant, nous sommes allé contre ce tabou et avons développé, en particulier dans huit essais parus
dans le Bulletin annuel de la Société d’études et de recherches préhistoriques des Eyzies, l’idée que les
Néandertaliens avaient produit un nombre incalculable de ces figurations surtout zoomorphes et
anthropomorphes durant les centaines de milliers d’années de leur existence et sur tous les immenses territoires
qu’ils avaient occupés. C’étaient de merveilleux « artistes animaliers », et nous considérons, contre l’avis de
tous les préhistoriens professionnels que nous connaissons, que la grotte Chauvet est le couronnement de cette
attention portée, dans un but figuratif, au monde animal. Sapiens, à la même époque, concrétisait dans l’ivoire
(l’Homme à tête de Lion, Déa, avec son anneau de suspension remplaçant la tête et son expressionisme assez
monstrueux, la Vénus de Lespugue, etc.) des activités mentales et techniques toutes différentes.
A propos de la Scène du Puits, nous disions en 2003, en gros, qu’elle avait été dessinée par un des
derniers Néandertaliens et qu’elle représentait, comme allégoriquement, le dernier des Néandertaliens et le
dernier des Bisons. Le graphisme des pieds et celui du sexe de l’Homme, si semblables et si peu naturalistes,
nous permettaient de suggérer qu’il ne s’agissait pas de la figuration de vrais pieds et d’un vrai sexe, mais au
contraire celle de leur absence. Donc, on aurait là un homme châtré, privé de ses génitoires, et amputé des deux
pieds. En outre, cet homme n’aurait pas « une tête d’oiseau » – ce qui est indiqué, c’est qu’il aurait plutôt été
scalpé : le trait qui part à droite de sa tête est parallèle aux traits du sexe et des pieds et voudrait indiquer une
mutilation semblable, même si son graphisme est, d’une façon assez compréhensible, différent. Les doigts
manquants redoublent cette indication de mutilations possibles.
2003, c’est déjà bien loin. Si nous revenons à Lascaux, c’est justement parce que la parution de
l’opuscule de JLLQ nous y incite, mais aussi parce que nous pouvons apporter des considérations nouvelles par
rapport à ce que contenait notre premier commentaire.
Il est bien acquis maintenant que le Rhinocéros de cette « scène » est un élément étranger à ce qui
figure à sa droite. Est-ce par intuition que nous ne lui avions donné en 2003 aucun commentaire ? Cette fois-ci
nous pourrons nous attarder sur lui, et avancer l’hypothèse qu’il est l’expression d’une cruelle dérision vis-à-vis
de l’Homme dessiné plus ou moins longtemps avant lui.
En 2003, nous écrivions donc déjà que le graphisme du sexe de ce dernier était le même que celui des
pieds, ce qui amenait presque obligatoirement à l’idée qu’il ne s’agissait nullement d’une représentation plus ou
moins naturaliste d’un sexe et de deux pieds. Ce qui était signifié ici, à notre avis, c’était l’amputation de ces
trois organes. Et ce n’était pas trop forcer le trait que de considérer que « l’Homme à tête d’oiseau » était en
réalité un homme dont on avait prélevé le scalp. Bien sûr, il n’était pas question, pour l’auteur, de figurer cette
dernière mutilation avec la sorte de « virgule » très gestuelle utilisée pour les trois autres, mais les traits placés
juste au-dessus de l’œil semblent bien en être, en beaucoup plus petit, un équivalent. Ils sont faits, d’ailleurs,
dans la même direction. Pas question, donc, d’un « Homme à tête d’oiseau » !
L’arme située près de ses « pieds » et plus ou moins parallèle à ses jambes ressemble plutôt à une
sagaie qu’à un propulseur, surtout si on la compare à la lance qui a transpercé le Bison en pénétrant par l’anus, ce
qui a peut-être, là aussi, une connotation de cruauté.
Serait-ce une flèche empennée ? Ludovic. Slimak pourrait y croire…
Le « poteau (ou piquet) sommé d’un oiseau », comme il est parfois appelé, a-t-il vraiment une
barbelure à sa base ? On ne la voit pas bien sur certaines images (page 9, 53 et 57 de JLLQ, par exemple). S’il y
a barbelure, on ne peut guère assimiler l’objet à un propulseur, puisque les décorations de propulseurs faites avec
des figurations d’oiseau ou de faon (comme le fameux « faon aux oiseaux » du Mas d’Azil, mais est-ce vraiment
là un propulseur – on peut lui attribuer d’autres usages !) sont faites sur la partie du propulseur que le chasseur
tient dans son poing, et non à l’autre bout ! N’est-il pas possible que cette « barbelure » de la Scène n’ait existé
que dans l’imagination d’un releveur de traces pensant voir là un propulseur ?
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On peut donc avancer d’autres hypothèses, en ayant à l’esprit que les ennemis des Néandertaliens
étaient des Sapiens munis d’un armement (arcs et propulseurs, en accord avec Ludovic Slimak) aussi
sophistiqué, toutes proportions gardées, que les mitrailleuses des colonisateurs de l’Afrique face à des sagaies et
des boucliers en cuir. Il paraît bien que les armes des Néandertaliens étaient plutôt des armes d’hast, c’est-à-dire
non pas lancées, mais tenues à deux mains ou, éventuellement, lancées non pas à bras cassé, mais à bras tendu
– voir, en ce qui concerne ces deux « gestes », notre article « Archéologie du geste de 'trancher’ », Bulletin de la
SERPE n° 67 paru en 2018, pages 7-16.
D’autre part, l’oiseau figuré sur le « piquet » paraît bien massif pour une simple décoration. Quelle
autre hypothèse avancer ?
Il nous est revenu en mémoire, sans que nous puissions en retrouver la source, le récit par un
navigateur du XVIIIe siècle (ou du début du XIXe ?) d’un combat entre deux aborigènes d’Océanie dont l’un
assena un coup horizontal si violent contre la tête de l’autre avec son casse-tête que la calotte crânienne avec le
cerveau se détacha de la tête et vola à quelque distance, et qu’il ne resta que le plancher du cerveau et les deux
yeux intacts, comme deux boules rondes brillantes au bord d’une assiette plate…
Cet oiseau si massif serait-il donc la partie contondante d’un casse-tête ? Et la « tête d’oiseau » de
l’Homme serait-elle une tête sans calotte crânienne et sans cerveau ?
On peut toujours tristement rêver…
Les entrailles du Bison, quant à elles, n’ont pas non plus de caractère naturaliste, leur figuration est
aussi métaphorique et hyperbolique que celle des pieds et du sexe. La mort ainsi représentée n’est pas la mort
d’un bison, elle est la mort de toute son espèce, son extinction, comme l’homme dessiné à sa gauche est le
dernier de son espèce, le dernier Néandertalien ! C’est le message qu’a voulu laisser, selon nous, celui qui, au
fond du Puits, peignit ou dessina ces deux figures. Ainsi décryptée, la « scène » se charge d’une intensité
dramatique qui doit toucher le regardeur encore plus que la vision des hommes percés de sagaies du Pech Merle
et de Cougnac.
Curieusement, ces derniers ont été très peu commentés par les préhistoriens. On pourrait presque
parler à leur sujet d’une sorte de « tache aveugle ». Il nous souvient à ce propos d’une visite collective de la
grotte de Cougnac sous la conduite de Michel Lorblanchet, l’auteur du livre La naissance de l’Art. Genèse de
l’art préhistorique. C’était le 16 avril 2015. Notre groupe s’était arrêté longuement devant les Mégacéros et
avait profité d’un abondant commentaire de notre guide. Celui-ci nous avait indiqué, par exemple, que les traits
du dessin avaient révélé des dates différentes indiquant qu’ils avaient été repassés, peut-être à des endroits où ils
avaient été un peu effacés par le temps ou par d’autres facteurs. Visiblement, les pigments utilisés (charbon)
avaient permis ces datations.
Cougnac
Après les Mégacéros le groupe aurait dû profiter d’un même commentaire pour l’Homme percé de
sagaies qui vient juste à la suite sur la paroi de la grotte. Mais Michel Lorblanchet n’avait visiblement pas
l’intention de s’arrêter devant ce dessin, et il a fallu que le groupe, quand même intrigué, lui pose des questions
pour qu’il réponde qu’on ne pouvait rien dire à ce propos vu qu’il s’agissait d’un pigment minéral, non datable,
et qu’on n’avait pas de commentaire à faire. Et le groupe a donc poursuivi la visite avec, pour nous-même et
pour d’autres, un certain sentiment de frustration.
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Qui sont les auteurs des dessins d’Hommes percés de sagaies ? Des Néandertaliens ? Des Sapiens ? Et
qui sont ces Hommes eux-mêmes ? Des Néandertaliens ? Des Sapiens ? D’emblée nous dirons qu’il s’agit pour
nous de Néandertaliens ayant représenté des Néandertaliens, et que l’Homme du Puits est aussi un
Néandertalien représenté par un Néandertalien.
Aussitôt surgissent des questions concernant la date de la disparition des derniers Néandertaliens et
celle de l’apparition en Europe des premiers Sapiens, et il faut bien dire que sur ce terrain règne la plus grande
confusion, même parmi les préhistoriens professionnels. Pour les Néandertaliens, on va de 45 000 ou 40 000 ans
à 28 000 ans, ou même 25 000. Les livres publiés par Ludovic Slimak sont de ce point de vue de la première
importance, même s’ils ont suscité la critique de nombreux sceptiques parmi lesquels nous refusons de nous
ranger.
Mais venons-en à notre Rhinocéros. On n’a pu le dater vraiment, vu la nature du pigment utilisé. Dans
notre interprétation, il aurait été dessiné après (et peut-être assez longtemps après) les autres figurations, et par
un Sapiens, un de ces Sapiens dont Ludovic Slimak et la grotte Mandrin nous permettent de nous faire une idée.
Si les Hommes percés de sagaies gênent tant les préhistoriens, c’est qu’ils rendent assez plausible
l’hypothèse que les Néandertaliens ont été chassés comme du gibier par les nouveaux arrivants. Vilains débuts
pour notre espèce !
Et en plus, cette victime emblématique de la Scène du Puits n’aurait été, pour l’auteur du Rhinocéros,
qu’un objet de mépris et de dérision ! En effet, les crottes que lâche l’animal, au lieu de tomber plus ou moins
verticalement sous la queue, comme ce devrait être le cas, sont clairement dirigées vers le gisant, partant presque
à l’horizontale, avec même une inflexion qui pointe encore plus précisément vers ce dernier.
Malheur aux vaincus !
Le Quellec 2023, page 105
Photo du fac-similé de Lascaux 4 par Pierre Moret
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Voilà notre interprétation du rôle du Rhinocéros.
Avant d’aller plus loin, posons la question de cette dénomination : la Scène du Puits. Maintenant
qu’il est avéré que le Rhinocéros n’a pas le même auteur que les figures situées à sa droite, le mot de « scène »
devient suspect s’il inclut cet animal. C’est comme si un gardien du Louvre avait placé à gauche de la Liberté
guidant le peuple de Delacroix (1830) sa trottinette électrique. Le risque d’un contresens chronologique est
évident. Nous essaierons de l’éviter en disant que le Rhinocéros est l’œuvre d’un Sapiens qui, conscient du sens
que nous venons de donner à l’Homme martyrisé et au Bison frappé à mort, a formalisé son mépris et son
sentiment de victoire sous la forme de ce brutal animal qui, littéralement, « conchie » ses victimes (à lui,
Sapiens). Pour nous qui avons tous les atouts en main, l’ensemble des trois sujets fait « scène », puisque nous
écrivons ici à son propos tout un petit scénario. Mais pour l’auteur du Rhinocéros ? Et pour celui de l’Homme et
du Bison ?
Le mot de « scène » lui-même mérite également un nouveau commentaire. Dans un autre de nos
articles/essais, nous avons émis des hypothèses sur le langage des Néandertaliens qui nous ont amené à penser
que ces derniers n’avaient pas eu accès au langage à double articulation caractéristique de toutes les ethnies
vivant actuellement (pour combien de temps encore ?) sur la Planète. Notre modélisation de l’univers langagier
sous la forme de quatre sphères concentriques, nous l’appelons la stéréolinguistique. Les lecteurs qui veulent en
prendre connaissance peuvent consulter beaucoup de nos articles sur le site américain academia.edu ou dans des
publications comme la Revue des études slaves ou le Bulletin annuel de la SERPE (Société d’études et de
recherches préhistoriques des Eyzies).
Tout énoncé parlé du langage commun (telle phrase dite en un lieu L à un instant t par un individu X)
doit être apprécié en fonction de sa proximité au corps propre (au soma) de son auteur. Par exemple, la phrase
d’un chercheur parlant à la tribune d’un congrès de ses résultats (phrase liée) est plus éloignée de son corps
propre que le mot qu’il lâche (phrase boulée) en chutant lourdement au moment où il quitte la tribune. Nous
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avons représenté la distance au corps propre sous la forme d’un diagramme. Les sphères y figurant représentent
la distance de tout énoncé au corps propre de son auteur. La sphère 0 (zéro), la plus proche du corps propre, peut
être considérée comme encore infra-linguistique si l’on admet que le langage humain suppose l’alignement
syntagmatique d’éléments pris à différents paradigmes. Par exemple, au niveau du mot (monème) isolé, le nom
lilas est le résultat de l’alignement syntagmatique des phonèmes /l/, /i/, /l/, /a/ pris dans le paradigme des
consonnes (b, c d, f, m, l, etc.) ou dans celui des voyelles (a, e, i, etc.). Autre alignement possible : lolo, Lili,
Lola, etc. « Ainsi, avec un nombre réduit de phonèmes (une quarantaine au maximum), une langue peut former
un nombre indéfini de monèmes » (ECO 1988, page 105).
. On appelle première articulation l’articulation (ou désarticulation) d’un énoncé en ses différents
mots ou monèmes : la / branche / bougea / doucement. ou Les / feuilles / tombaient / sur /l /’herbe / rase. On
appelle deuxième articulation l’articulation (ou désarticulation) d’un mot, par exemple bougea, en ses
différents phonèmes : bougea = /b/ /u/ /ž/ /a/.
Les énoncés de la sphère zéro (les phrases boulées) sont non compositionnels, d’un seul bloc, en
dehors aussi bien de la première articulation que de la seconde, malgré leur apparente compositionnalité :
« Bravo !!! », « Tu parles !!! », « A d’autres !!! », « Tu peux toujours courir !!! ». On peut d’ailleurs les
remplacer tout simplement par un geste, une mimique, une expression du visage.
C’est à partir de la sphère 1 que les deux articulations sont légitimement applicables. Les énoncés de
la sphère zéro, on peut les considérer comme de simples « étiquettes d’émotion » (DURIN 2010 et 2011). Les
énoncés de la sphère 3 (les phrases liées), au contraire, n’engagent le corps propre qu’au minimum : « L’air est
fait essentiellement d’azote et d’oxygène ».
Les phrases jetées de la sphère 1 et les phrases clivées de la sphère 2 occupent une position
intermédiaire. Pour que soit apparu le langage à double articulation, il a fallu que le rôle du cortex prenne le
dessus par rapport au corps propre, qu’une certaine « distance » soit créée (voir René THOM à ce propos). Autre
condition pour qu’apparaisse le langage à double articulation : le phénomène capital de la dénomination, c’està-dire de l’attribution d’un nom (en français, le bison, la grotte, le soleil, etc.) à un nombre suffisant d’entités
pour qu’une certaine masse critique soit atteinte. En lui-même, le phénomène de la dénomination a quelque
chose d’inouï, de miraculeux, et les Néandertaliens ont pu vivre sans l’avoir inventé/imaginé, en communiquant
entre eux avec toute sorte d’autres moyens que le langage à double articulation. Mais les Sapiens également,
pendant des centaines de milliers d’années, selon le regretté professeur Roger Saban, anatomiste en chef du
Musée de l’Homme, qui datait suite à des recherches trop peu connues l’apparition du langage humain tel que
nous le connaissons d’environ 30 000 à 40 000 ans seulement en arrière).
Le caractère inouï, miraculeux du phénomène de la dénomination apparaît bien à travers le cas célèbre
d’Hellen Keller. Nous reproduisons ici ce que nous en avions écrit en 2002 :
Helen Keller enfant vivait au sein de sa famille un véritable enfer du fait qu’elle n’avait
accès aux différentes propriétés de son environnement que par l’odorat et par le toucher sans aucun
secours du langage. Ses parents la confièrent à Ann Sullivan, une jeune femme formée à l’éducation
des aveugles par le professeur Michael Anagnos, de Boston. Ann apprit d’abord à Helen à reproduire
en ASL (Langage Américain des Signes) les lettres et les mots qu’elle lui frappait dans la paume de la
main avec un alphabet qui tenait à la fois du Morse (Helen étant aveugle) et de l’ASL (pour l’initier
déjà d’une certaine façon à ce langage des doigts, des mains et des bras). L’enfant faisait ces exercices
de répétition très habilement, mais sans y voir autre chose qu’un jeu, car elle ignorait ce qu’était
fonctionnellement une lettre et n’associait rien à telle ou telle lettre, à telle ou telle suite de lettres. En
outre, elle n’avait en fait aucun discours intérieur articulé : pur soma, flots d’hormones... Le « jeu des
mots » n’était qu’un jeu. Helen était fière d’agiter ses doigts très vite, comme le lui montrait
l’Etrangère, en faisant toute sorte de mouvements variés. Cette dépense d’énergie était déjà pour elle,
mais d’une façon confuse, une façon de s’exprimer (HICKOK 1988, pp. 41-42). Il n’y avait là ni plus,
ni moins de dialogue qu’entre un chien et son maître quand le chien « demande » inlassablement au
maître de relancer la balle et la lui rapporte aussi infatigablement. Le « jeu des mots » se prolongea
ainsi jusqu’au jour où Ann Sullivan parvint à faire comprendre à Helen que la tasse était associée à la
suite de lettres qui donnait ce mot (en anglais), et que l’eau, de même, était associée à une autre suite
de lettres. Une véritable fièvre de savoir s’empara aussitôt de l’enfant, qui voulut connaître le nom de
toutes les personnes et de toutes les choses qui lui étaient familières ou qu’elle découvrait par ellemême ou grâce à son professeur (voir aussi, à ce sujet, SACKS 1990, pp. 83-85). Le langage était
venu à elle, ou, dans une certaine mesure, revenu à elle, car jusqu’à l’âge de deux ans elle s’était
développée comme tout autre enfant. Ce premier contact avec le langage (avant deux ans) avait-il était
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brutalement effacé par sa maladie ? Où s’était-il peu à peu anéanti faute d’exercice ? L’histoire ne le
dit pas ; du moins, nous n’en savons rien. En tout cas, Helen Keller montra bien qu’elle avait conservé
tous les territoires cérébraux et toutes les capacités cognitives nécessaires à la pensée discursive et à
son externalisation sous forme d’écrit. (DURIN 2003, p. 99-100)
Donc, les Néandertaliens aussi bien que les Sapiens ont pu vivre des centaines de milliers d’années en
communiquant, à l’intérieur de chacune des deux populations, autrement qu’avec un langage à double
articulation, c’est-à-dire avec des gestes, mimiques, regards, « phrases boulées » vues comme des « étiquettes
d’émotions » dans notre théorie stéréolinguistique. Stendhal écrit à propos des regards comme moyen de
communication : Les gens timides qui ont connu l’amour savent que l’on peut suivre une conversation tout
entière sans d’autres secours que celui des yeux. Il y a même des nuances de sentiment, et non de pensée, qu’eux
seuls peuvent rendre : peut-être cela n’est-il vrai qu’en Italie (STENDHAL 1964, p. 50). Nous avons de plus en
plus l’impression que se sont développées, avec plus ou moins de contacts entre elles, une espèce trapue, bâtie en
force, adaptée à la flore et à la faune des climats tempérés, et une espèce africaine longiligne, rapide, adaptée aux
conditions des climats tropicaux, les littoraux méditerranéens pouvant mettre en contact les deux espèces d’une
façon plus ou moins conflictuelle avec un avantage pour la seconde espèce. Au Moyen-Orient la coexistence a
été longtemps possible, avec des métissages confirmés par la paléogénétique et dont Marylène Patou-Mathis
disait récemment à quel point elle en avait été frappée.
Posséder le langage à double articulation permet de raconter des histoires, de décrire des scènes…
Sans ce langage, on ne peut pas raconter d’histoires, on ne peut même pas, semble-t-il, les dessiner en en
rassemblant les différents éléments (cf. le cortège nuptial ci-dessous). La phrase boulée de notre typologie
stéréolinguistique ne permet pas à elle seule d’avoir un discours intérieur suivi ; elle ne rend pas non plus
possible ce que Ricoeur appelle l’identité narrative. Et cette impossibilité globale d’intégrer simultanément un
ensemble d’éléments pouvant constituer à eux tous un tableau cohérent, une scène, s’appelle dans le vocabulaire
des psychologues et psychiatres simultanagnosie. La simultanagnosie a son correspondant syntaxique : pas de
syntaxe, même pas de « parasyntaxie », des bribes d’émotion, « à l’autiste », c’est-à-dire, selon notre typologie
stéréolinguistique, seulement des « phrases boulées » – voir notre essai « Hypothèses sur le langage des
Néandertaliens », Bulletin n° 54 de la Société d’études et de recherches préhistoriques des Eyzies, pp. 91-124.
La pathologie appelée simultanagnosie semble donner des indications à ce sujet ; voir Laurent COHEN 2004 à son propos : « Ces patients ne peuvent pas saisir visuellement une scène dans son ensemble, ils ne
peuvent pas appréhender plusieurs objets simultanément. Si vous présentez à un tel patient une double page de
magazine, avec la photo du cortège nuptial de quelque princesse, il laissera son regard errer au hasard, et vous
dira qu’il voit une roue, un visage de femme, une fenêtre, des bottes, un collier, un toit, etc. Chaque fois que son
regard tombera sur un objet, il reconnaîtra cet objet sans mal, mais sans lui conférer aucune position déterminée dans l’espace. Aussitôt son regard détaché d’un objet, il ne pourra donc pas le retrouver [absence de véritable scénarisation ? - JD], si ce n’est par hasard, si son attention errante tombe dessus. Il ne pourra pas dire
lequel de deux objets est au-dessus, au-dessous, à droite ou à gauche d’un autre. Faute de localiser les objets les
uns par rapport aux autres, il ne comprendra pas le sens d’ensemble de la scène à laquelle il assiste ». (COHEN
2004, p. 88)
Nous reproduisons ici un passage de notre deuxième essai sur les pierres figures paru dans le Bulletin
de la SERPE n° 50 en 2001 :
Nous avons cité dans notre premier article le cas de l’enfant sauvage Victor de l’Aveyron. Au nombre
des prégnons catégoriels qui le frappaient fortement et déclenchaient son hyper-vigilance, il y avait le
bruit d’une noix que l’on casse. Mais un coup de pistolet tiré derrière son dos ne lui faisait aucun effet,
il ne se retournait même pas. Le docteur Itard, qui s’occupa de lui après Pinel, écrivait : « Procédant
d’abord par l’exposition des fonctions sensoriales du jeune sauvage, le citoyen Pinel nous présenta
ses sens réduits à un tel état d’inertie que cet infortuné se trouvait, sous ce rapport, bien inférieur à
quelques-uns de nos animaux domestiques ; ses yeux sans fixité, sans expression, errant vaguement
d’un objet à l’autre sans jamais s’arrêter à aucun, si peu instruits, d’ailleurs, et si peu exercés par le
toucher, qu’ils ne distinguaient point un objet en relief d’avec un corps en peinture ; l’organe de
l’ouïe insensible aux bruits les plus forts comme à la musique la plus touchante ; celui de la voix
réduit à un état complet de mutité et ne laissant échapper qu’un son guttural et uniforme ; l’odorat si
peu cultivé qu’il recevait avec la même indifférence l’odeur des parfums et l’exhalaison fétide des
ordures dont sa couche était pleine ; enfin, l’organe du toucher restreint aux fonctions mécaniques de
la préhension des corps » (MALSON 1983, p. 134).
Loin de nous l’idée, bien sûr, de comparer à Victor nos merveilleux Néandertaliens dont Ludovic
Slimak fait avec raison partout l’éloge !
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On appelle donc « simultanagnosie » (un concept à retenir absolument !) cette absence d’accès aux
figurations à éléments multiples reliés entre eux par une « histoire » (une « narration » ou un « scénario »), cette
absence d’accès à ce qu’on peut appeler une histoire ou une scène ; tous les préhistoriens notent que l’une des
rares « scènes » de la préhistoire la plus reculée est la Scène du Puits de Lascaux. Et si ce ne pouvait pas être
une « scène » ?
Nous allons jusqu’à penser que l’appellation de « scène » pour le cas que nous étudions (Homme +
Bison, le Rhinocéros étant à part, et à traiter différemment) peut constituer un véritable contresens. Le psychiatre
Oliver Sacks écrit à propos des figurations dessinées par des autistes : L’abstrait, le catégoriel, n’ont pas
d’intérêt pour une personne autiste – tandis que le concret, le particulier (nous dirions plutôt « le singulier,
l’unique » – JD) seront tout pour elle. Que ce soit une question de capacité ou de disposition, c’est en tout cas
frappant. N’ayant guère d’aptitude à généraliser, les autistes donnent l’impression de composer leur tableau du
monde uniquement avec des détails. Ils ne vivent pas dans un univers, mais dans ce que William James a appelé
un ‘multivers’ constitué d’innombrables particularités (nous dirions plutôt « singularités » - JD), à la fois
précises et passionnément intenses. C’est un mode de pensée tout à fait opposé à la généralisation scientifique,
mais non moins « réel », bien que sa réalité soit radicalement différente. Borges a imaginé un esprit de ce genre
dans l’histoire de ‘Funes ou la mémoire’, (lequel Funes ressemble beaucoup au ‘mnémoniste’ de Lourija)
(SACKS 1990, p. 291). Dans nos essais sur les pierres-figures, nous avons souvent parlé des rapprochements
possibles entre la psychologie des Néandertaliens et celle des autistes, surtout des autistes de type Asperger.
On peut voir dans la simultanagnosie une clé possible pour comprendre l’absence souvent signalée de
véritables « scènes » sur les figurations pariétales anciennes. A propos de Chauvet, des commentateurs parlent de
Lionnes/Lions à la poursuite de Bisons, c’est-à-dire qu’ils imaginent de cette façon une sorte de grande
« scène », mais il faut vraiment beaucoup solliciter les figurations pour imaginer une telle scénarisation dramatique. Comme nous tenons que Chauvet est néandertalienne, nous préférons y voir plutôt une juxtaposition de
deux ensembles, celui des Lionnes/Lions et celui des Bisons.
Il est donc exclu, à nos yeux, que le trio Rhinocéros-Homme-Bison fasse scène dans la simultanéité
exigée puisque le Rhinocéros a été dessiné après coup. Mais que penser du duo Homme-Bison ? Parmi les multiples interprétations de ces deux figurations, certaines suggèrent que le Bison chargeait l’homme, qui s’est défendu en le tuant de sa lance. Ou, plus baroque, que l’homme est un chamane, etc. etc., et l’on imagine toute
sorte d’histoires qui devraient faire scène. Pour nous, au contraire, chaque élément doit être pris pour lui-même,
l’un figurant l’extinction des Néandertaliens, l’autre l’extinction des Bisons. Il n’y a pas « storytelling », il y a,
par simultanagnosie, pure juxtaposition de deux figures, presque de deux allégories.
Peut-on être intelligent sans disposer du langage à double articulation ? La réussite écologique et
technologique des Néandertaliens occupant d’immenses territoires, s’adaptant à toute sorte de climats et de
changements climatiques, créant de merveilleux outils, prouve que oui. Dans une interview au Monde (19 janvier 2022), L. Slimak déclare : A chaque fois que je me trouve face à un objet néandertalien, j’ai l’impression
d’être dans une partie d’échecs. En tant que tailleur–expérimentateur, je me demande : « Où est-ce qu’il va
encore ? Qu’est-ce qu’il a voulu faire ? ». Chaque objet est une pièce unique, une réflexion en soi. Il y a certes
des traditions, des savoir-faire, des transmissions, mais on a quand même l’impression que Néandertal est en
dialectique avec la matière, avec le silex qu’il est en train de tailler. Il va jouer avec sa texture, sa couleur, son
cortex, et produit ses formes et ses objets en fonction des réalités matérielles qu’il a devant lui. Alors que Sapiens, quelle que soit la matière première, quel que soit le silex, va produire le même comportement de manière
normée et imposer à la matière sa façon de voir le monde » .
Il est pour nous assez incroyable de voir qu’à côté de ces compliments adressés aux Néandertaliens,
Ludovic Slimak n’arrive même pas à imaginer qu’ils aient pu produire autre chose que des outils (nombreux) et
des armes (assez rares). Sans doute n’a-t-il jamais lu les centaines de pages que, depuis des années et des années,
nous consacrons à la défense des pierres-figures. Pourtant, en 2009, dans l’essai que nous avons consacré à la
grotte Chauvet, on trouve un passage qui consone parfaitement avec le paragraphe de L. Slimak précédemment
cité. Nous reproduisons ce passage in extenso :
Quels autres arguments pourrions-nous encore donner en faveur de l’existence à
d’innombrables exemplaires des pierres-figures, et en faveur de leur attribution uniquement aux
Néandertaliens ? La nouvelle (tentative de) preuve que nous apporterons maintenant apparaîtra sans
doute bien inattendue !
On peut voir au Musée national de préhistoire des Eyzies, entre autre, les moulages de deux
sols d’occupation : l’atelier de taille châtelperronien de Canaule II, fouilles J. Guichard, et l’atelier de
taille aurignacien de Champarel III, Bergerac, fouilles J.-P. Chadelle.
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La comparaison des deux ateliers n’a pas à être très approfondie pour que saute aux yeux
l’extraordinaire diversité des silex du premier, et la morne uniformité (deux sortes de silex seulement,
un beige et un noir) du second. En outre, les silex de toute couleur du premier présentent des irrégularités de détail, plus sombres ou plus claires, qui suggèrent très souvent des particularités anatomiques,
des oreilles, des museaux, et en particulier des yeux (Boucher de Perthes attachait une importance
toute spéciale aux « yeux » de ses pierres-figures). On n’est pas en présence des merveilleux jaspes de
Fontmaure, mais pour la diversité on n’en est pas loin. Ce que recherchaient les producteurs de
l’atelier de Canaule II, ce n’était visiblement pas un silex à lamelles d’une qualité éprouvée et reconnue, un silex sans inclusions, sans traîtrise (cas de Champarel III), mais au contraire un matériau bigarré porteur de résonances iconiques immédiatement mises à profit. On nous dira : « Mais où sont les
pierres-figures de cet atelier ? ». Nous en avons repéré quelques-unes sur ce moulage en couleurs naturelles, simplement en le regardant avec beaucoup d’attention, mais, bien sûr, un moulage est un
moulage, et ce qu’il faudrait, c’est pouvoir aller à Canaule II et avoir accès aux fouilles et aux collections, chose impossible pour nous pour trente-six raisons. (DURIN 2009, p. 117)
La dernière phrase mérite explication. En 2008, nous ne pensions pas qu’on nous permettrait l’accès
aux collections Guichard vu que nos publications dans le domaine de la préhistoire ne semblaient intéresser
personne et que, même, elles rencontraient une assez évidente hostilité. De fait, alors que nous avions été assez
longtemps le responsable et rédacteur du Bulletin annuel de la Société d’études et de recherches préhistoriques des Eyzies, on nous a prié d’aller voir ailleurs avec cette formule : « On en a marre, de tes cailloux ! ».
Nous avons obtempéré sans résistance, mais le Bulletin de l’année suivante fut un catalogue de fautes de toute
sorte.
Donc, les collections Guichard nous paraissaient inaccessibles, et pourtant l’aimable directeur (à
l’époque) du Musée national de préhistoire, Jean-Jacques Cleyet-Merle, nous ouvrit pour deux journées les réserves richissimes de son institution. Et nous avons pu prendre des dizaines de photos des objets en silex de
Canaule II gisant dans des dizaines de « portoirs » en attendant qu’un chercheur ou une chercheuse ait le temps
de s’en occuper. Mais les réserves du Musée, ce sont, semble-t-il, six millions d’objets !...
Parmi les nombreuses photos que nous avons prises des pièces de Canaule II, nous n’en montrerons
ici que deux ou trois.
D’abord, cette Bisonne (profil gauche) au mufle délicatement dessiné par les irrégularités du silex.
Elle se retourne vers la droite. C’est un véritable travail de joaillier qui pourrait servir d’illustration au texte de
Ludovic Slimak : « Chaque objet est une pièce unique, une réflexion en soi » ». Et par rapport au célèbre
Bison se léchant le dos (La Madeleine), c’en est en quelque sorte le pendant par anticipation, le Yin par rapport
au Yang, même si notre Bisonne date, d’après les indications de Jean Guichard, de 45 000 ans, ce qui n’est pas
le cas du Bison.
La Bisonne de Canaule II, profil gauche
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Autre pierre-figure découverte dans un des « portoirs ». Profil humain gauche.
Profil droit d’animal indéterminé.
Mais revenons aux questions de linguistique. On peut s’appuyer aussi, pour dire qu’on peut se passer
du langage à double articulation, sur l’exemple de la talentueuse autiste américaine Temple Grandin, qui raisonnait parfaitement sans recours aux possibilités de ce langage et qui a écrit un livre, Penser en images, que nous
avons cité plusieurs fois dans nos essais sur les pierres-figures. Mais nous avons aussi démontré, croyons-nous,
dans notre essai « Faites entrer le CHAOS », que les concepts, c’est-à-dire les entitèmes ayant reçu une dénomination, vivaient dans l’encéphale humain comme leurs référents dans « l’univers vivant réel » (formule de
Patrick TORT) grâce aux cent milliards de neurones et au nombre incalculable de synapses les reliant entre eux
(un seul neurone peut être en relation avec d’autres neurones par plus de dix mille synapses !), sans parler des
astrocytes et de la glie dont on a découvert peu à peu le rôle décisif et où chaque astrocyte peut avoir 120 000
synapses.
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Il n’est pas nécessaire (et de cela nous n’avions pas pris vraiment conscience dans les essais précédemment cités) que les entitèmes aient reçu une dénomination pour qu’ils vivent (quel autre mot employer ?)
dans l’encéphale humain comme leurs référents dans l’univers vivant réel. Et ce sont l’épistémophilie (voir
Mélanie Klein surtout), c’est-à-dire l’envie instinctive et passionnée de savoir, et la praxis, c’est-à-dire l’action
appliquée sur le milieu en vue de sa modification, qui permettent de comprendre que ce qui aurait pu n’être
qu’un reflet plus ou moins passif du monde soit devenu une façon de « rejouer » celui-ci intérieurement, jusque
dans ses moindres détails.
Notre approche de la prise de l’homme sur le monde va infiniment plus loin que l’approche par les affordances ou opportunités d’action (James Jerome Gibson) ou par l’enaction et montre que les tentatives
d’Igor Meltchouk dans le domaine purement descriptif, sans approche neurologique, reviennent à une simple
taxinomie, faute d’une conception suffisamment dynamique et incarnée du concept (ou entitème) vu comme
une assemblée intégrée de propriétèmes (cf. la figure 5 de l’essai «Du saillon à l’entité », page 116 du Bulletin n°
50 de la SERPE - 2001,et le glossaire qui suit, inspiré surtout de René THOM et de Patrick TORT).
Pour que la lectrice ou le lecteur comprenne bien notre théorie du concept, nous proposons le glossaire suivant.
GLOSSAIRE
SAILLANCE : qualité de toute discontinuité perçue comme se détachant sur un fond quelconque ;
dans certains cas ce fond peut s’appeler espace substrat ; les linguistes appellent souvent à tort saillance ce qui
n’est qu’une mise en relief, dans un texte, par exemple ; ils emploient aussi le terme concurrent d’emphase. Mais
surtout ils ignorent la notion capitale de PRÉGNANCE, que nous devons à René Thom. La saillance est une
qualité, non un objet. L’objet lui-même (cette discontinuité) sera appelé par nous un SAILLON.
PRÉGNANCE : qualité de toute discontinuité se détachant sur un fond quelconque et pourvue d’un
sens pour tel ou tel organisme vivant, quelle que soit sa taille. On définit le SENS comme ce qui a une importance vitale pour l’organisme considéré, ce qui assure la perpétuation de son espèce. Une cerise dans l’arbre est
dotée à la fois de saillance et de prégnance pour le merle qui la regarde.
On doit considérer qu’un saillon non doté de prégnance n’existe tout simplement pas pour l’organisme
considéré ; cf. le coup de pistolet tiré derrière Victor de l’Aveyron et qui ne le fait même pas se retourner. Un
saillon doté de prégnance sera appelé un PRÉGNON.
ENTITÉ : une entité (das Ding) est constituée, selon Hegel, d’un support pour des propriétés, des
propriétés portés par ce support, et de l’ensemble support + propriétés. Le support est obligatoirement concret, donc fini, limité du point de vue du temps et de l’espace ; c’est ce qu’on appelle sa finitude.
APPAREIL SENSORIEL : c’est un appareil dont est équipé tout organisme vivant et qui réagit au
milieu ambiant. Il réagit à des propriétés, non à des entités. L’odorat, par exemple, est un détecteur de molécules.
PRÉGNON + RÉACTON : par définition, un prégnon entraîne une réaction que nous appellerons
réacton ; avec le sufixe –on, nous indiquons qu’il s’agit là de phénomènes concrets, actuels, à un instant donné
en un lieu donné et au sein d’une entité donnée. Avec le suffixe –ème, nous indiquons, au contraire, qu’il s’agit
de la façon dont ces phénomènes sont engrammés dans l’appareil sensoriel, qu’on peut appeler sensori-moteur,
d’un organisme concret. Si l’on sort du concret et que l’on parle de l’espèce, on aura affaire à un PRÉGNÈME
et à un RÉACTÈME. On peut dire aussi : PRÉGNON + RÉACTON = en acte ; PRÉGNÈME + RÉACTÈME =
en puissance.
Prégnon et prégnème concernent le trajet afférent (du dehors vers l’intérieur) ; réacton et réactème
concernent le trajet efférent (de l’intérieur vers l’extérieur.cf. Jakob von UExküll).
Un prégnème n’existe pas sans réactème, et ils sont en quelque sorte verrouillés
l’un sur l’autre ; on a là le théorème le plus important de la théorie, car c’est lui qui explique que
l’organisme considéré peut « rejouer » intérieurement toutes les relations existant POUR LUI dans l’univers
vivant réel.
PROPRIÉTÈME : nous appellerons ainsi l’ensemble PRÉGNÈME + RÉACTÈME
ENTITÈME : si nous appelons ENTITON une entité concrète, par exemple une grenouille concrète
dans notre main à tel ou tel instant de notre vie et de la sienne, nous dirons de la grenouille en puissance telle
qu’elle s’est constituée dans notre encéphale que c’est un ENTITÈME, l’entitème ‘GRENOUILLE’.
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(Ce diagramme est ancien et demande des modifications suggérées par le Glossaire)
L’entitème GRENOUILLE est fait de l’intégration de tous les propriétèmes qui le concernent. Avec
l’invention du langage à double articulation, le NOM donné à l’entitème GRENOUILLE devient l’un de ses
nombreux propriétèmes. On peut alors, si l’on veut, rebaptiser l’entitème au moyen du mot CONCEPT, tout en
gardant en vue que le concept de GRENOUILLE existe parfaitement avant sa dénomination, par exemple, pour
nous, chez un Néandertalien. Nous avons dû créer le néologisme ENTITÈME parce qu’il n’existait pas de nom
pour désigner LE CONCEPT AVANT SA DÉNOMINATION.
Un entitème, c’est ce que Peirce considère comme la seule véritable icône : une ICÔNE NEURONALE, pourvue de toutes les propriétés de son modèle et capable, donc, de s’enrichir à tout moment d’une nouvelle propriété / d’un nouveau propriétème en fonction de l’expérience du sujet (voir Eco 1988 pp. 222-223,
citant Peirce « …L’icône est une image mentale… Les icônes mentales sont les images visuelles à quoi le signe
renvoie… etc.).
On est loin, là, de la pauvre formule de Saussure « signifié / signifiant » ! L’entitème est un signifié
qui peut parfaitement exister sans signifiant, sans monème.
RAPPORT ENTRE ENTITON/ENTITÈME ET CONSCIENCE
Grâce aux cent milliards de neurones de notre encéphale et au nombre incalculable de synapses qui les
relient entre eux (chaque neurone est relié par environ 10 000 synapses aux autres neurones – ANSERMET ET
MAGISTRETTI 2011, p. 33), un entitème bien constitué, faisceau intégré de propriétèmes (le « panier » de
Janet, l’« intégron » de Monod) va pouvoir fonctionner, dans ses rapports avec les autres entitèmes, comme son
référent dans l’univers vivant réel fonctionne avec les entités réelles. Pour désigner cela, on n’a pas besoin
du mot « inconscient », notion assez filandreuse ! Notre monde intérieur mérite un autre nom, qui reste à trouver. Peut-être « modèle neuronal de l’univers vivant réel » ou «univers neuronal ». Mais cela peut s’appliquer
aussi aux organismes sans système neuronal, par exemple aux phagocytes décrits par Patrick Tort et à qui il
attribue une conscience après avoir soigneusement défini, avec Faustino Colón (chercheur espagnol, 1909-1999)
qu’il cite souvent, ce qu’est la conscience à ce stade ancien de l’évolution.
Nous citons la thèse n° 1 de son livre Qu’est-ce que le matérialisme ? paru en 2016 :
« Le comportement d’un phagocyte qui prélève son nutriment dans son milieu trophique, puis règle
son second captage en fonction de l’écart ressenti entre ce qu’il attendait du premier mouvement et ce qu’il en
a effectivement reçu, est l’illustration simple de l’existence d’une conscience cellulaire, à la seule condition que
l’on redéfinisse la conscience, ainsi que le fit Darwin pour certaines de ses manifestations humaines « du point
de vue de l’histoire naturelle ».
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On conviendra donc de nommer conscience le fait, pour un être vivant, d’appréhender d’une manière
unitaire un différentiel sensible dans le rapport de sa propre unité biologique à son environnement – cette appréhension unitaire étant elle-même suivie d’un réglage comportemental également unitaire, et ajusté à
l’information ainsi obtenue.(TORT 2016, p. 46)
Dans la thèse n° 2, Patrick Tort précise : La conscience est, d’une manière éminente et permanente,
régulation adaptative d’échanges pour le compte de sa propre unité, ce qui définit par ailleurs, dans l’univers
biologique, l’activité de tout métabolisme. (ibidem)
Dans un livre étonnant, L’univers bactériel, Lynn Margulis et Dorion Sagan avaient déjà indiqué à
quel moment de l’évolution (l’époque archéenne) l’acquisition de la mobilité (au moyen des flagelles) avait
rendu possible l’apparition d’une réaction vive aux différentes caractéristiques de l’environnement (Umwelt),
c’est-à-dire, tout simplement, l’apparition du comportement : Ayant besoin de lumière, les microbes capables
de se déplacer pour maximiser leur exposition au soleil détenaient un avantage sur les autres. Le comportement
naquit (souligné par nous – JD). Même dans ces temps très anciens, une combinaison de mouvements et de sensations chimiques très simples a été développée pour détecter les aliments et éviter les poisons (MARGULIS et
SAGAN 2002, p. 79). Nous ne résistons pas au plaisir de citer la page suivante : Ces bactéries rapides avaient le
même avantage que les hommes qui possèdent une voiture. Accéder plus facilement à des lieux plus nombreux
signifie disposer d’un plus grand choix d’opportunités. De même qu’un homme n’est pas obligé d’apprendre un
nouveau métier s’il peut se rendre en voiture à un endroit où lui est proposé d’exercer le sien, les microbes qui
se déplaçaient rapidement n’avaient pas besoin de mettre au point de nouveaux métabolismes. Ils nageaient
simplement vers les lieux où abondaient leurs aliments préférés et conservaient ainsi leur bon vieux métabolisme
(ibidem, p. 80).
Pour le phagocyte, une bribe de corps solide flottant dans son milieu liquide est un prégnon si elle est
capable de lui fournir de la nourriture (nutriment) ; sinon, elle n’existe pas et il s’en détourne pour chercher plus
loin un autre prégnon. Voilà ce qui permet à Patrick Tort de parler d’une conscience cellulaire. Il faut lire entièrement la thèse n° 2 de Patrick Tort dans le livre indiqué.
S’il existe bien une conscience cellulaire, on ne doutera évidemment pas du fait qu’il existe une conscience néandertalienne, avec ou sans langage à double articulation !
En ce qui concerne l’apparition de celui-ci, nous rappelions dans notre étude de 2001 « Du saillon à
l’entité » l’importance (méconnue jusqu’à aujourd’hui) des travaux pratiquement jamais cités du regretté professeur Roger SABAN, anatomiste du Musée de l’Homme :
Le professeur Saban place très tard la naissance d’un langage assez performant (donc dispendieux en énergie et exigeant/provoquant l’apparition de nouvelles circonvolutions et d’une nouvelle vascularisation/irrigation) pour qu’on puisse « lire » son existence sur les moulages endocraniens
: «La lignée archaïque d’Homo erectus qui se termine par les Néandertaliens et les Parasapiens ne
possède aucun quadrillage vasculaire dans les aires propres au centre du langage, laissant dans ces
formes une priorité à la dextérité manuelle. Par contre, la lignée évolutive montrera, à partir des
Présapiens, un accroissement sensible du quadrillage vasculaire, tant dans l’aire de Broca que
dans l’aire de Wernicke, tandis que s’instaure un quadrillage pariétal au niveau des aires
d’association auditive et visuelle, principalement chez Omo II et l’Homme de Brocken Hill, il y a
près de 100 000 ans. Les progrès de la complication anastomotique du quadrillage vasculaire vers
la région sylvienne ne deviennent effectifs qu’à partir des Sapiens, il y a 30 à 40 000 ans, en même
temps que se développera le réseau méningé antérieur pour assurer une véritable couverture frontale » (SABAN 1993, page 224).
Dans le Bulletin n° 38 de la Société d’études et de recherches préhistoriques des Eyzies, R.
Saban était encore plus précis quant aux dates : « Les progrès de la complication anastomotique du
quadrillage vasculaire vers les parties inférieures en rapport avec le sillon latéral n’apparaissent
qu’à partir des Sapiens, il y a moins de 30 000 ans. Mais il faudra attendre que le quadrillage déborde sur la région temporale pour qu’il traduise une vascularisation sous-jacente développée du
territoire de l’artère sylvienne, à partir des Ibéro-Maurusiens (Mechta, Taforalt) il y a 12 000 ans,
et surtout des Néolithiques, 6 000 ans plus tard » (SABAN 1989, page 60).
Nous espérons avoir montré que la montée en puissance du cerveau humain ne signifiait pas
qu’on parlait « presque comme aujourd’hui » il y a un million d’années ou cinq cent mille ans. La reconnaissance immédiate des formes/entités présentes dans l’habitus du Néandertalien et du Sapiens, la reconnaissance
immédiate des propriétés de ces entités, ont nécessité incomparablement plus de temps pour se mettre en place
qu’il n’en a fallu ensuite pour « simplement » attribuer une dénomination à ces entités et à leurs accidents.
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Concernant les Néandertaliens, les ouvrages de Ludovic Slimak , « Néandertal nu » et « Le dernier
Néandertalien » sont sans aucun doute les plus importants qu’on ait vu paraître ces dernières années.
Ces ouvrages, nous les avons lus, relus, annotés presque à chaque page. Nous en avons retenu, entre
autres choses, qu’on trouvait encore des Néandertaliens à Gibraltar il y a 28 000 ans, voire 25 000. Dans bien
d’autres endroits ils avaient disparu beaucoup plus tôt, il y a peut-être 40 000 ans, mais les choses sont loin
d’être claires. Chauvet est datée de 37 000 ans, et nos recherches personnelles nous ont amené à l’attribuer aux
Néandertaliens parce que nous considérons ceux-ci comme de merveilleux animaliers, pratiquant comme font les
Inuits de nos jours ou il y a peu une activité quotidienne de figuration de la faune qui les entourait. C’est ce que
Boucher de Perthes appelait les pierres-figures. Ludovic Slimak indique qu’en ce qui concerne les armes, les
gisements néandertaliens en sont au contraire très peu fournis, à la différence des gisements Sapiens. C’est une
différence majeure, et qui pourrait expliquer beaucoup de choses pour ce qui est de ce qu’il appelle des « éthologies», la néandertalienne et celle de Sapiens.
Comment se fait-il que le mot double « pierre-figure » ne se rencontre pas une seule fois (semble-t-il)
dans les deux ouvrages de L. Slimak ? Il est certain que c’est un thème tabou chez les préhistoriens, tabou tellement incrusté que personne n’ose le braver. Pourtant, cet interdit conduit à un véritable aveuglement. Les
pierres-figures se rencontrent littéralement à chaque pas pour qui garde l’œil ouvert. Nous en avons recueilli des
centaines sans faire aucune fouille, simplement en inspectant les sols, et par exemple les trottoirs en réfection des
quartiers de Paris, l’esplanade des Invalides ou les terrasses du parc royal de Saint-Cloud. Une fois le postulat
admis du goût quasi obsessionnel des Néandertaliens pour la figuration à partir des suggestions des matériaux
qu’ils manipulaient (silex, quartz, quartzite, poudingues, etc.), on imagine, en tenant compte des immenses espaces occupés pendant des centaines de milliers d’années, que ces figurations suscitées par les « résonances
iconiques » dont Margaret Conkey a parlé la première de si heureuse façon existent en nombre incalculable.
Nous leur avons consacré, entre autre, huit essais dans le Bulletin annuel de la SERPE (Société d’études et de
recherches préhistoriques des Eyzies).
Quand L. Slimak s’extasie devant la créativité des Néandertaliens, il reste dans l’ancienne ornière : il
n’imagine pas ses « amis » fabriquant autre chose que des outils, et ne parle que de leurs « artisanats » (au pluriel, ce qui est assez bizarre) ; mais cette polarisation sur les outils, on la voit remonter à une époque très ancienne, presque au début de la « vraie » préhistoire, avec le livre de François Bordes Typologie du Paléolithique
ancien et moyen, qui ne parle effectivement que d’outils et qui est devenu un peu la Bible des fouilleurs. Ce qui
ne correspond pas à cette typologie est rejeté, ou classé dans les « divers », perdant ainsi tout intérêt.
Dans une interview au Monde (19 janvier 2022), L. Slimak déclare : A chaque fois que je me trouve
face à un objet néandertalien, j’ai l’impression d’être dans une partie d’échecs. En tant que tailleur–
expérimentateur, je me demande : « Où est-ce qu’il va encore ? Qu’est-ce qu’il a voulu faire ? ». Chaque objet
est une pièce unique, une réflexion en soi. Il y a certes des traditions, des savoir-faire, des transmissions, mais
on a quand même l’impression que Néandertal est en dialectique avec la matière, avec le silex qu’il est en train
de tailler. Il va jouer avec sa texture, sa couleur, son cortex, et produit ses formes et ses objets en fonction des
réalités matérielles qu’il a devant lui. Alors que Sapiens, quelle que soit la matière première, quel que soit le
silex, va produire le même comportement de manière normée et imposer à la matière sa façon de voir le
monde ».
Il semble que, pour les préhistoriens, presque rien n’existe en dehors du silex, alors que nous avons
donné de nombreux exemples de pierres-figures étonnamment réalistes obtenues à partir de poudingues (DURIN
2012 et 2015).
L’attitude du Néandertalien devant le matériau qu’il examine et retouche en fonction de cet examen ne
concerne-t-elle vraiment que la production d’outils ? On croit rêver ! Si c’est pourtant bien cela, l’« éthologie »
de la « créature » n’est pas très éloignée de celle de Sapiens. Sauf que pour Sapiens, les outils sont plutôt remplacés, selon Ludovic Slimac, par des armes, qui feraient de lui plutôt un tueur, alors que « nos » pierres-figures
feraient du Néandertalien un observateur, un contemplateur, un rêveur et un artiste.
A la fin de l’interview du Monde, on lit : « Il est troublant de voir que les populations qui avaient la
plus grande créativité, la plus grande liberté d’être, ont disparu, tandis que celles qui étaient les plus normées,
les plus standardisées – et forcément les plus efficaces – se sont imposées ». Il s’agit là juste d’un constat. Mais
quand il s‘agit de l’origine de l’art, L Slimak avance une théorie curieuse : « Chez Sapiens les sociétés sont tellement normées, sclérosées, que quelque chose doit sortir et déborde. On a cette explosion de l’art, de la parure,
de la différenciation. Qu’on ne voit pas chez Néandertal. C’est comme si, avec cette créativité hors du commun
qu’il manifeste dans son quotidien et chacune de ses activités, Néandertal n’avait pas besoin de cette explosion
de l’ego ». Notre approche de la question des pierres-figures, ancrées dans le passé le plus lointain, résout cette
contradiction : les Néandertaliens, loin de ne créer que des outils souvent d’une grande beauté, créaient aussi, à
partir de « résonances iconiques » qu’ils repéraient d’un œil infaillible, de confondantes figurations animales
mais aussi, beaucoup plus rarement, anthropomorphes, ou inspirées du végétal (Boucher de Perthes parle de
feuilles d’arbres, et nous montrons dans DURIN 2003 une feuille de noisetier figurée en silex).
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Voici une rare figuration de tête, trouvée en Périgord simplement par terre, sur un sentier en forêt
(Ludovic Slimak remarquera le trou, naturel ou non, pour l’œil !).
CONCLUSION
Ce que nous avons dit de la simultanagnosie (par exemple) montre que les préhistoriens doivent intégrer dans leurs recherches la question de l’origine du langage à double articulation, car l’existence ou non de
celui-ci chez les Préhistoriques entraîne des conséquences décisives. Rien sur ce sujet chez Ludovic Slimak.
Beaucoup de choses chez le regretté Roger Saban, dont nous avons reproduit les conclusions, solidement fondées
sur l’anatomie et plus précisément sur l’étude des réseaux méningés repérables sur les moulages endocrâniens.
Roger Saban parlait de la dextérité manuelle lisible sur les moulages endocrâniens des Néandertaliens
et des Parasapiens. N’y a-t-il pas là une rencontre avec la virtuosité et l’inventivité des tailleurs néandertaliens
que L. Slimak souligne à de nombreuses reprises ? Et comment peut-on penser qu’il ne s’agissait là que de la
production d’outils ?
On en revient à ce que disait Boucher de Perthes en son temps : Est-il à croire que les hommes qui
pouvaient faire ces haches n’ont jamais voulu faire que cela ? Où est donc le peuple sauvage qui n’ait pas
ébauché de figures ? Quel est même celui de nos enfants qui ne l’a pas fait dans ses jeux ?
Quant aux figures, on n’y a pas cru, et les conversions que j’ai faites sur ce point ont été rares. Je
m’en suis peu préoccupé, ce n’était que chose remise ; on finit toujours par croire ce qui est vrai. Un peu de
patience, et arrive le jour où on ouvre les yeux, et tout le monde y voit clair.
LITTÉRATURE CONSULTÉE
ANDRIEUX Ph., HADJOUIS Dj. et DAMBRICOURT-MALASSÉ A. (éd.) 2000 L’identité humaine en
question. Nouvelles problématiques et nouvelles technologies en Paléontologie humaine et en Paléoanthropologie biologique. Paris : Ed. Artcom’, 468 p.
ANSERMET Fr. et MAGISTRETTI P. 2011 A chacun son cerveau. Plasticité neuronale et inconscient.
Paris : Editions Odile Jacob, 264 pages
ASPERGER H. 1998 Les psychopathes autistiques pendant l’enfance. Traduit de l’allemand par E. Wagner,
N. Rivollier et D. L’Hôpital avec la collaboration de P. Noël. Préface de Jacques Constant. Le PlessisRobinson : Institut Synthélabo pour le progrès de la connaissance, collection Les empêcheurs de penser en rond, 148 pages
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BAFFIER D. 1999 Les derniers Néandertaliens. Le Châtelperronien. Paris : la maison des roches, éditeur,
coll. Histoire de la France préhistorique, 123 p.
BISMUTH T. et alii 1998 L’Homme de la Chapelle-aux-Saints. Limoges : Ed. Culture et patrimoine en Limousin, ISBN : 2-9111-17-1, 81 pages
BLIEK L.-P. 1990 « Etude de l’évolution du genre Homo par le calvarium à l’aide de l’analyse factorielle ».
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