Home
Collection « Horizons anglophones »
Direction collégiale
Comité scientifique
Jean-Michel Ganteau, Fiona McMahon, Judith Misrahi-Barak,
Anne-Marie Motard, Christine Reynier
La collection « Horizons anglophones » publie des recueils et des
monographies en anglais et en français dans les domaines des littératures, arts,
cultures et sociétés des pays anglophones. Elle se décline en quatre séries :
— PoCoPages, anciennement Carnets du Cerpac, a pour vocation d’étudier les
littératures, arts et cultures dans la sphère des études postcoloniales.
— Politiques et Sociétés vise à observer les évolutions récentes des sociétés
contemporaines dans une perspective pluridisciplinaire et comparative.
— Present Perfect, créée en 2005, publie des volumes qui ouvrent des perspectives originales sur la littérature et les arts britanniques du xixe siècle
jusqu’à nos jours.
— Profils américains a publié entre 1991 et 2010 vingt-deux volumes dont chacun était consacré à un écrivain américain. Souhaitant ne plus se limiter à la
critique littéraire, elle s’ouvre dorénavant aux autres domaines de la culture
américaine (arts, cinéma, musique, etc.).
Cette collection, dirigée par des membres d’EMMA (équipe « Études
montpelliéraines du monde anglophone »), a pour ambition de réunir des
contributions de spécialistes du monde entier et de favoriser le dialogue dans
ces domaines de recherche.
Collection « Horizons anglophones »
Série PoCoPages
Home
Les sens d’une maison
Édité par
Justine Feyereisen, Rosanna Gangemi,
Arvi Sepp & Dag Houdmont
2023
Presses universitaires de la Méditerranée
Série PoCoPages
General Editor/Responsable de la série : Judith Misrahi-Barak
After turning a few pages, Les Carnets du Cerpac has become PoCoPages, edited by Judith
Misrahi-Barak. Though the term Poco may stir up in the reader’s mind images of some American
country rock band, or again various possession rituals associated with Africa or the Caribbean,
the reference here however is to the abbreviation of postcolonial. The term in its diversity is meant
to reflect the interest of PoCoPages for postcolonial, diasporic cultures and literatures, steeped
in métissage and crossed borders.
Quelques pages ayant été tournées, Les Carnets du Cerpac sont devenus PoCoPages,
édité par Judith Misrahi-Barak. Le terme Poco fera peut-être penser à un groupe de rock
country américain, ou à divers rituels de possession associés à l’Afrique et à la Caraïbe.
C’est pourtant à l’abréviation de postcolonial que référence est faite ici. Le terme,
dans sa diversité, reflètera l’intérêt de PoCoPages pour les cultures et les littératures
postcoloniales, diasporiques, trempées de métissage et de frontières traversées.
International Advisory Board/Comité de lecture international
Prof Bernard Alazet, Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3, France ; Prof Markus Arnold,
University of Cape Town, South Africa ; Dr Annelies Augustyns, Universiteit Antwerpen, Belgium ;
Prof Cristiano Bedin, Istanbul University, Turkey ; Prof Daniela Bombara, Università degli Studi
di Messina, Italia ; Prof Mateusz Chmurski, Sorbonne Université, France ; Prof Anne Cousseau,
Université de Lorraine, France ; Dr Annemarie Estor, independent researcher ; Dr Justine
Feyereisen, Universiteit Gent, Belgium ; Dr Eloïse Forestier, Universiteit Gent, Belgium ; Rosanna
Gangemi, Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3, France ; Prof Ronald Geerts, Vrije Universiteit
Brussel, Belgium ; Prof Giuseppe Grilli, Università Roma Tre, Italia ; Prof Sabine Hillen, Vrije
Universiteit Brussel, Belgium ; Prof Philippe Humblé, Vrije Universiteit Brussel, Belgium ; Prof
Françoise Lionnet, Harvard University, USA ; Prof Atinati Mamatsashvili, Ilia State University,
Tbilissi, Georgia ; Dr Mathias Meert, Vrije Universiteit Brussel, Belgium ; Prof Natalia Paprocka,
Uniwersytet Wrocławski, Poland ; Prof Arvi Sepp, Vrije Universiteit Brussel, Belgium ; Dr Karolina
Svobodova, Université libre de Bruxelles, Belgium ; Prof Bernard Urbani, Université d’Avignon,
France ; Dr Hannah Van Hove, Vrije Universiteit Brussel, Belgium.
Cet ouvrage a bénéficié du soutien de l’université Paul-Valéry Montpellier 3, du centre
de recherche Philixte de l’Université libre de Bruxelles et de la Vrije Universiteit Brussel.
Illustration de couverture : Denis Courard, Bab el Dahab, vue 2 (2018).
Mots-clés : home, habitation, espace domestique, maison, migration, littérature et arts.
Keywords: Home, Dwelling, House, Domestic Space, House, Migration, Literature and Arts.
Tous droits réservés, PULM, 2023.
ISBN 978-2-36781-497-1
REMERCIEMENTS
Créé sous l’impulsion de Dag Houdmont et de Rosanna Gangemi,
le cycle de séminaires interuniversitaires Home a bénéficié du
soutien académique de Dorota Walczak-Delanois et du centre de
recherche Philixte (Études philologiques, littéraires et textuelles)
de l’Université libre de Bruxelles. À leurs côtés, Justine Feyereisen,
Arvi Sepp et Matthieu Sergier ont œuvré à la bonne organisation de
quatre éditions dans trois institutions bruxelloises (Université libre
de Bruxelles, Université Saint-Louis, Vrije Universiteit Brussel et
le centre culturel Muntpunt), accueillant à bras ouverts plus d’une
quarantaine de chercheuses et chercheurs en littérature et philosophie
de l’art contemporains d’aires linguistiques extrêmement variées
(anglais, allemand, français, italien, néerlandais, polonais), dont les
échanges fructueux ont largement inspiré ce volume. Qu’iels soient
tou·te·s chaleureusement remercié·es. Notre gratitude, enfin, à Judith
Misrahi-Barak, directrice de la collection « PoCoPages » des Presses
universitaires de la Méditerranée, pour avoir donné en toute confiance
un home sweet home à notre réflexion.
SOMMAIRE
Justine Feyereisen, Rosanna Gangemi, Arvi Sepp
Home. Les sens d’une maison ........................................................... 11
Homeland
Nicolas Rault
L’habitation à l’épreuve du monde ................................................... 31
Cristina Álvares
No Home. Le devenir-ghetto du monde
dans Tropique de la violence de Nathacha Appanah ......................... 57
Home Away From Home
Charikleia Magdalini Kefalidou
Paradise Lost, Paradise Regained? William Saroyan’s
and David Kherdian’s Portrayals of the United States
as a New Home(Land) ........................................................................ 79
Anna Federici
Les maisons de la migration : les écrivaines italiennes
de la migration balkanique .............................................................. 107
Dorota Walczak-Delanois
Les (im)possibles maisons poétiques de Marian Pankowski ...... 121
Back Home
Valentina Pancaldi
La troisième langue ou le chemin de retour au foyer familial .... 145
Karolina Svobodova
Le lieu culturel comme maison. Quand le familier
l’emporte sur l’artistique .................................................................. 163
Hyein Lee
« Chez moi ailleurs » : Chantal Akerman
et ses documentaires ......................................................................... 179
10
Women for a Sub-Verted Home
Émilie Piat
Du cauchemar au spectacle : réappropriation parodique
de l’espace domestique dans la poésie féminine
britannique contemporaine .............................................................. 197
Paola Del Zoppo
Heimlich and Silent as the Grave. The Last Dwelling
as the Only Possible Home in Margarete Böhme’s
Tagebuch einer Verlorenen .................................................................... 213
Isabelle Doneux-Daussaint
Duras : La maison ou le symbole absolu ....................................... 237
Riccardo Venturi
Postface. Le dehors comme demeure ............................................. 253
Résumés .............................................................................................. 261
Bio-Bibliographies ............................................................................. 267
PoCoPages, 2023, 11-28.
HOME.
LES SENS D’UNE MAISON
Justine Feyereisen, Rosanna Gangemi, Arvi Sepp
We make a home for each other, my grandfather
and I. Do you know what I mean by a home ? I don’t
mean a regular home. I mean I don’t mean what
other people mean when they speak of a home,
because I don’t regard a home as a… well, as a place,
a building… a house… of woods, bricks, stone. I
think of a home as being a thing that two people
have between them in which each can… well, nest–
rest–live in, emotionally speaking…
Tennessee Williams, Acte III, The Night of the Iguane
(2009, p. 122)
Cet ouvrage est le réceptacle d’une réflexion critique et collective
au long cours qui trouve son origine dans le cycle de séminaires
interuniversitaires, Home, initié à Bruxelles en 2018, autour des
facettes polysémiques et des frontières poreuses de la notion de home
dans les littératures et les arts contemporains.
Home provient du vieil anglais où il se décline en substantif pour
désigner le domicile, la maison, le pays natal, la patrie, le point de
départ, ou en adverbe pour indiquer la direction, l’emplacement d’un
lieu que l’on qualifie de chez-soi. Il correspond à l’allemand Heim
et au néerlandais heem. En français, le terme fait aussi référence à
l’établissement où l’on accueille certaines catégories de personnes,
souvent placées à la marge de la société, des enfants en difficulté, des
mineurs délinquants, des personnes âgées, etc. Multidimensionnelle,
12
Justine Feyereisen, Rosanna Gangemi, Arvi Sepp
la définition pose la question de savoir si home correspond à un
lieu, un espace, un sentiment — au singulier ou au pluriel —, à des
pratiques ou à des états d’être au monde, ainsi qu’à ses habitants, à
leur vie concrète et symbolique, à leur mémoire et à leurs rapports de
classe, de genre, de génération et de race. Et nous la poserons à partir
de la littérature et des arts afin d’en comprendre le rôle dans cette
appréhension d’une spatialité domestique.
Le premier cycle « Home : Heaven and Hell. La persistance
lumineuse des ténèbres » s’ouvrait sur la relation du sujet aux lieux
d’origine, car home est avant tout « where one starts from » (T.S. Eliot,
Four Quartets, East Coker). Home, donc, dans le sens de logis primitif,
de chez-soi primordial, en termes d’espace psychique et physique
à la fois. Lieu intime fondateur, garant de l’identité, port de départ
ou d’attache, home est le berceau nourrissant et le nid étouffant, le
refuge et le huis clos, l’ancrage et la fuite. Le deuxième cycle « Home
Away From Home » poussait cette fois l’enquête du côté de la
(re) construction d’un imaginaire domestique après l’errance, l’exil
ou la migration. Ce volume, bilingue français-anglais, recueille,
croise et remet en dialogue une sélection d’interventions desquelles
émerge un paradoxe. Qu’il soit limon nourrissant les racines,
solution de repli, assignation à résidence, prison mentale, cocon,
lieu de spectacle ou de l’intime, home, par sa grande proximité
dans notre quotidien, nous rend son appréhension ardue. D’autant
plus qu’il est l’espace par excellence où se révèlent des enjeux
culturels, politiques, sociaux et de genre auxquels s’entremêlent des
sentiments et des rapports d’appartenance, d’intimité et de sécurité
venant éclairer les logiques contrastées entre la maison, inviolable et
privée, et le pouvoir extérieur.
Si, depuis les années 1980, l’espace domestique et les pratiques
qui y ont cours bénéficient de la part des sciences humaines d’une
attention constante, un regain d’intérêt a été insufflé suite à la crise
sanitaire mondiale de 2019 et au développement de nouvelles
technologies, qui relancent les sempiternelles interrogations sur
le « bonheur 1 » à domicile. La quête de se sentir chez soi est une
aspiration humaine universelle et, en même temps, un processus
lié à un endroit et à des conditions socio-économiques spécifiques.
La tension qui existe entre l’universalité et la particularité devient
1. Emanuele Coccia, Philosophie de la maison. L’Espace domestique et le bonheur, trad.
de Léo Texier, Paris, Payot & Rivages, 2021.
Home. Les sens d’une maison
13
d’autant plus forte lorsque le foyer est créé dans des conditions de
déplacement, qu’il soit forcé ou choisi, momentané ou permanent,
le résultat d’évolutions environnementales, climatiques, sociétales,
politiques ou économiques 2. Home en tant que foyer va au-delà de la
signification d’un logis contre les intempéries. Il s’agit plutôt d’une
condition humaine, comme le souligne Céline Bonicco-Donato en
se référant à Martin Heidegger 3 : « Dans la revendication d’un toit
pour tous s’exprime autre chose que le simple besoin de protection
physique, comme en témoignent par la négative les nombreux refus
de sans-abris d’être hébergés en foyer 4. » Dès lors, comment et
pourquoi faire maison ?
Faire maison
En partant des recherches sur l’art et la littérature transnationaux,
nous avons souhaité repousser les catégories existantes en nous
orientant vers la philosophie, les études culturelles et les sciences
sociales. Nous comprenons ainsi le terme de Heimat, par exemple,
comme un sentiment d’appartenance, un affect complexe de la
spatialité engendré par l’interconnexion entre plusieurs lieux 5.
Ce faisant, nous rompons avec la conception de Heimat comme
un lieu précis, concrètement ancré dans un espace spécifique.
Dans cette perspective, Heimat devient un lieu nuancé, plastique
et dynamique : un concept toujours lié au pouvoir et à la mémoire
2. Luce Beeckmans, Ashika Singh et Alessandra Gola, « Introduction : Rethinking
the Intersection of Home and Displacement from a Spatial Perspective », dans
Beeckmans Luce, Singh Ashika, Gola Alessandra et Heynen Hilde (dir.), Making
Home(s) in Displacement. Critical Reflections on a Spatial Practice, Leuven, Leuven
University Press, 2022, p. 11-42.
3. Martin Heidegger, « Bâtir habiter penser » [Bauen wohnen denken, 1951], Essais
et conférences, Trad. d’André Préau, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1958, p. 170-193.
4. Céline Bonicco-Donato, Heidegger et la question de l’habiter. Une philosophie de
l’architecture, Marseille, Éditions Parenthèses, 2019, p. 7.
5. Dans Heimat als Utopie, Bernhard Schlink met l’accent sur la mélancolie de la
perte comme expérience fondamentale du sentiment d’appartenance : « La patrie
[Heimat] est une utopie. Elle est vécue le plus intensément lorsque l’on est parti et
qu’elle nous manque ; le véritable sentiment de patrie [Heimatgefühl] est le mal du
pays [Heimweh]. Mais même quand on n’est pas parti, le sentiment d’appartenance
[Heimatgefühl] se nourrit de ce qui manque, de ce qui n’est plus » (Heimat als Utopie,
Frankfurt am M., Suhrkamp, 2000, p. 32).
14
Justine Feyereisen, Rosanna Gangemi, Arvi Sepp
par les implications de sa construction discursive 6. Défini par des
composantes historiques, spatiales, culturelles, relationnelles et
autobiographiques, Heimat replace la question de l’habitation en
tant qu’intériorité vécue et ressentie dans la perspective d’un monde
commun. En référence au philosophe Eugen Fink, Hans Rainer Sepp
et Cathrin Nielsen montrent que le concept d’« habiter » désigne
la situation existentielle de l’être humain dans le monde, le séjour
de l’humain sur la terre 7. Si l’habitation reflète le comportement de
l’humain vis-à-vis de lui-même, elle comprend donc aussi le rapport
au monde, d’autant plus que le comportement de soi n’est possible
que par rapport au monde.
Habiter, ce n’est pas être figé en un lieu, insiste l’écrivaine et
philosophe ivoirienne Tanella Boni, « c’est être libre de se déplacer,
de faire usage de son droit de circuler 8 ». En l’occurrence, pour
l’intellectuel exilé, l’habiter existentiel se situe dans l’itinérance même
qui, selon Edward Saïd, définit en retour sa manière de percevoir
le monde : « Exile for the intellectual […] is restlessness, movement,
constantly being unsettled, and unsettling others. You cannot go
back to some earlier and perhaps more stable condition of being
at home; and, alas, you can never fully arrive, be at one with your
new home or situation 9 ». Refuser aux êtres humains en situation
migratoire le droit de s’installer hors de chez eux n’est rien d’autre
que nier leur humaine condition. Et, dans certains cas, rejouer la
partition coloniale qui distinguait en l’Occident une zone de l’être et,
dans les pays colonisés, une zone du non-être. La question n’est plus
6. Anne Fuchs, « Gendered Heimat Discourse and the Poetics of the ‘extended
gaze’ in Wilhelm Genazino’s Mittelmäßiges Heimweh », German Life and Letters,
vol. 64, no 1, 2011, p. 145. Après la seconde guerre mondiale, dans le contexte
allemand, comme le note Celia Applegate dans A Nation of Provincials, le terme de
Heimat « symbolisait la communauté politique et sociale qui avait pu être sauvée des
décombres de l’époque nazie », C. Applegate, A Nation of Provincials. The German Idea
of Heimat, Berkeley, Los Angeles, Oxford, University of California Press, 1990, p. 242.
7. Hans Rainer Sepp et Cathrin Nielsen, « Einleitung », dans Hans Rainer Sepp
et Cathrin Nielsen, Wohnen als Weltverhältnis. Eugen Fink über den Menschen und die
Physis, Freiburg/München, Verlag Karl Alber, 2019, p. 11.
8. Tanella Boni, Habiter selon Tanella Boni, Paris, Museo Éditions, coll. « Paradisier »,
p. 119.
9. Edward W. Saïd, Representations of the Intellectuals: the Reith Lectures, New York,
Pantheon Press, 1994, p. 53. Saïd, dans Culture and Imperialism, met en évidence
que l’intellectuel exilé est une « political figure between domains, between forms,
between homes, and between languages » (London, Vintage, 1994, p. 333).
Home. Les sens d’une maison
15
de savoir comment franchir la frontière, mais comment l’habiter 10, ou
pour le dire avec les mots du philosophe Dénètem Touam Bona face à
la Jungle de Calais, « comment en faire à nouveau une ligne de faille
d’où puisse jaillir le magma de l’humanité à venir 11 ».
A fortiori, pour les personnes déplacées, la rupture, souvent
abrupte, avec leurs vies passées, le manque de reconnaissance
de leurs droits fondamentaux et de leurs besoins émotionnels, la
difficulté d’obtenir un statut légal, sans compter leur accès limité
aux ressources et aux services, ont suspendu ou interrompu toute
possibilité de s’établir. Afin de comprendre ce que « faire maison »
(homemaking) recouvre en situation d’exil, Cathrine Brun et Anita
Fabos proposent la trichotomie suivante : elles distinguent le home
(avec minuscule) en tant que pratiques domestiques quotidiennes
du Home (avec majuscule), signifiant les valeurs, les mémoires et les
affects liés au domicile perdu ; et du HOME (en lettres capitales),
désignant les façons par lesquelles les inégalités et indignités
globales conditionnent quelque sens nouveau que le foyer et son
cadre institutionnel puissent englober 12. Sous l’aspect du HOME, les
exilés défient le système qui les a placés à la marge Ils pointent aussi
l’importance des réseaux de soutien et l’enracinement affectif dans le
processus de l’habiter 13. Plutôt que d’envisager les territoires de home
représentés dans les contributions de ce volume comme des espaces
délimités, on peut les imaginer comme des moments articulés au sein
d’une trame relationnelle. Cela permet d’appréhender la porosité des
murs qui séparent le dedans du dehors comme le souligne Jean-Marc
Besse : « on habite aussi les seuils, les rues, les villes, les paysages.
On habite aussi dehors et dans une suite incessante de passages, de
10. Voir Léonora Miano, Habiter la frontière, Paris, L’Arche Éditeur, 2012.
11. Dénètem Touam Bona, « Heroic land. Spectrographie de la “Frontière” »,
Chimères, vol. 90, no 3, 2016, p. 164 ; éd. augmentée l’auteur dans Fugitive, Where Are
You Running?, trad. de Laura Hengehold, Cambridge, Polity Press, 2022, p. 63-74.
12. Cathrine Brun et Anita Fabos, « Making homes in limbo ? A conceptual
framework », Refuge, vol. 31, no 1, 2015, p. 5-17. Cette trichotomie est exploitée par
Robin Cohen et Nicholas Van Hear dans Refugia, New York/Oxford, Routledge,
2020, p. 29.
13. « For those in exile, the most profound challenge has been to create a home
without, at least initially, the support networks and emotional rootedness we assume
at least idealistically, come with the very word home. » (Asher D. Biemann, Richard I.
Cohen et Sarah E. Wobick-Segev, « Introduction », dans Asher D. Biemann, Richard I.
Cohen et Sarah E. Wobick-Segev (dir.). Spiritual Homelands. The Cultural Experience of
Exile, Place and Displacement among Jews and Others, Berlin/Boston, de Gruyter, 2020,
p. 5).
16
Justine Feyereisen, Rosanna Gangemi, Arvi Sepp
l’intérieur vers l’extérieur et de l’extérieur vers l’intérieur 14. » À ce stade
de la nuit (2014), Maylis de Kerangal réfléchit, seule au cœur du cocon
domestique, à la décision toute collective qu’est l’hospitalité alors
que vient de faire naufrage au large de l’île de Lampedusa un bateau
de migrants africains ayant fait trois cent cinquante disparus. Depuis
l’antre du foyer, cet abri précisément dénié aux humains sur les routes
de l’errance (comme en témoigne le saccage répété des camps par les
pouvoirs publics), se déploie de la part de l’écrivaine française une
disponibilité relationnelle. Il est vrai que, dans la perspective du home
comme du Home, l’intériorité demeure souveraine, et les femmes se
voient attribuées le devoir tant de prodiguer un refuge élémentaire
à leur famille et de lui transmettre, restituer, reconstituer la mémoire
de leur existence révolue, que d’accueillir « l’étranger qui vient 15 » en
parfaite hôtesse de maison.
Au foyer
Bien plus qu’un refuge, un lieu de réconfort et un espace de
préservation de l’intimité, la maison est un microcosme du monde
social, un espace physique et symbolique où les différents marqueurs
sociaux — genre, génération, race et classe sociale — s’articulent 16. Ce
volume tient compte des rapports sociaux et de pouvoir qui prennent
place dans l’habitat, en s’intéressant au rapport entre imaginaire
domestique, formes esthétiques, production culturelle et styles de
vie associés aux modes d’habiter.
Dès le début du xxe siècle, le champ de l’anthropologie s’est
intéressé au rapport étroit entre l’aspect morphologique de la maison
et la structure complexe du groupe qu’elle abrite, tel Marcel Mauss
observant la vie sociale des esquimaux et les variations de leur
habitation en fonction des cycles saisonniers 17. Claude Lévi-Strauss a
développé une notion de maison à partir de l’idée de transmission de
biens matériels et immatériels, la maison étant tout à la fois définie
comme personne morale, détentrice d’un espace de résidence, et
14. Jean-Marc Besse, Habiter : un monde à mon image, Paris, Flammarion, 2013, p. 9.
15. Michel Agier, L’Étranger qui vient. Repenser l’hospitalité, Paris, Seuil, 2018.
16. À ce propos : Camila Gui Rosatti, Heloisa Pontes et Vincent Jacques, Habiter :
maison et espace social. Brésil(s). Sciences humaines et sociales, no 18, 2020, https://journals.
openedition.org/bresils/7576. DOI : 10.4000/bresils.7576.
17. Marcel Mauss, « Essai sur les variations saisonnières des sociétés eskimos »
[1906], Sociologie et Anthropologie, Paris, Presses universitaires de France, 1968,
p. 389-475.
Home. Les sens d’une maison
17
principe d’organisation sociale et de traditions : « L’immatériel
comprend également des noms, qui sont des propriétés de maisons,
des légendes, le droit exclusif de célébrer certaines danses ou rituels 18. »
Pierre Bourdieu, dans l’hommage collectif à ce dernier 19, a analysé
l’imaginaire de la maison kabyle et les pratiques qui y sont inscrites
en mettant l’accent sur la matérialisation des rapports de genre : la
partie haute des maisons de Kabyles est associée à la luminosité, au
sec, au sacré, au public et au masculin tandis que la partie basse est
associée à la fécondité, au sommeil, à la mort, à l’humidité, à l’intime
et au féminin.
Dans Une chambre à soi (1929), Virginia Woolf encourage les femmes
à occuper une pièce qu’elles puissent fermer à clé, pour créer sans être
dérangées par la vie domestique. L’analyse d’Anne McClintock sur la
formation de la classe moyenne anglaise au xixe siècle montre que le
culte de la domesticity 20 a soutenu ce groupe social et ses principales
valeurs (« thrift, order, accumulation, classification, quantification and
regulation 21 »), celles-là mêmes qui ont perduré au siècle suivant. À
l’intérieur de la maison, lieu de production des personnes et des
corps, l’impératif est donné aux femmes (qui sont souvent aussi
mères) d’ordonner les objets, de discipliner les horaires, de ranger les
meubles et les objets de décoration, de nettoyer de façon obsessionnelle.
Ces tâches ménagères mobilisent toute l’activité des femmes liée à
la rationalisation de l’invisibilité du travail domestique. Dans les
années 1960-1970, les mouvements féministes de la seconde vague
— en Europe comme aux États-Unis — se sont structurés autour de la
politisation de l’espace domestique. Outre le droit à l’avortement, les
débats questionnent la place du travail domestique au sein du mode de
production capitaliste. Ils permettent d’établir, comme l’analyse Lise
18. Claude Lévi-Strauss, « La notion de maison. Entretien avec Claude LéviStrauss par Pierre Lamaison », Terrain. Anthropologie & sciences humaines, no 9, 1987,
p. 34-39 ; Id., La Voie des masques, édition augmentée, Paris, Plon, 1979.
19. Pierre Bourdieu, « La maison kabyle ou le monde renversé », dans Jean
Pouillon et Pierre Maranda (dir.), Échanges et communication. Mélanges offerts à
Claude Lévi-Strauss, II, Paris/La Haye, Mouton, 1970, p. 739-758.
20. Le mot domesticity, en anglais, désigne l’ensemble de la vie domestique,
l’organisation du foyer, la répartition des tâches ménagères et la production
d’affections dans la famille. Il a un sens plus large qu’en français, plutôt lié au groupe
des personnes qui servent dans une maison.
21. Anne McClintock, Imperial Leather. Race, Gender, and Sexuality in the Colonial
Contest, New York, Routledge, 1995, p. 168.
18
Justine Feyereisen, Rosanna Gangemi, Arvi Sepp
Vogel, « la nature matérielle du travail domestique non rémunéré des
femmes dans le foyer familial 22 » et de le lier avec le travail productif.
La critique de la domination sociale s’est enrichie d’une critique
de la domination raciale. « Domination, domestication and love are
deeply entangled. Home is where dependencies within and among
species reach their most stifling 23 », écrit l’autrice de The Mushroom
at the End of the World (2015). Les liens entre maison, domesticité et
expérience de classe, décrits par McClintock, sont approfondis dans
les travaux d’Anna Tsing, qui observe le système de l’agriculture
intensive et la domestication des femmes, elles-mêmes investies
du rôle de préservation des hiérarchies sociales et raciales au sein
de la plantation : « In the plantation zones, with their unsettled
mixtures of native and foreign, free, bound, and enslaved […], white
women became responsible for maintaining the boundaries–of
homes, families, species, and the white race 24. » Est-ce un hasard si,
dans le champ de la littérature, c’est une femme, Marguerite Duras,
qui a décrit les relations entre les races dans un espace colonisé à
travers la relation amoureuse de L’Amant (1984) ? Dans ce récit,
la transgression y est simultanément raciale et sexuelle, et met au
jour la fragilité des « petits Blancs », contestés dans leur pouvoir
sexuel par la liaison entre la jeune fille blanche et son amant chinois.
Forte d’une expérience de trente ans de terrain à Java, l’historienne
Ann Laura Stoler montre comment les femmes ont intériorisé et
propagé les valeurs de la classe moyenne et leurs idéaux familiaux
à l’aide de nouveaux arrangements domestiques matérialisés dans
leurs foyers 25.
Ces travaux montrent comment les relations affectives et l’intimité
dans l’espace domestique relient colonie et métropole, sous la
dynamique implacable des régimes impériaux. Dans la lignée de
22. Lise Vogel, Le Marxisme et l’oppression des femmes. Vers une théorie unitaire, Préf.
d’Aurore Koechlin, Trad. de Yohann Douet, Paul Guerpillon, Vincent Heimendinger
et Aurore Koechlin, Paris, Éditions sociales, coll. « Les éclairées », 2022, p. 63 ;
Lise Vogel, « Domestic Labour Revisited », Science and Society, vol. 64, no 2, 2000,
p. 151-170.
23. Anna Tsing, « Unruly Edges: Mushrooms as Companion Species »,
Environmental Humanities, no 1, 2012, p. 141.
24. Ibid., p. 149.
25. Ann Laura Stoler, Carnal Knowledge and Imperial Power : Race and the Intimate
in Colonial Rule, Berkeley, Los Angeles/London, University of California Press, 2002.
(éd. française, La Chair de l’empire. Savoir intimes et pouvoirs radicaux en régime colonial,
Paris, La Découverte, 2013).
Home. Les sens d’une maison
19
l’Histoire de la sexualité de Michel Foucault, ils éclairent les normes
de la politique du colonialisme à propos des questions de genre,
de classe, de race et de sexe, autant que la littérature et l’art en
exposent l’irisation. Que l’on songe aux Femmes d’Alger dans leur
appartement (1980) d’Assia Djebar, qui se libèrent de l’enfermement
des hommes et du harem, « la porte en est grande ouverte 26 ». Ou
à Sethe, ancienne esclave, qui se reclut dans la maison hantée par
l’enfant sacrifié, l’enfant sauvé de l’humiliation que subissent
les Noirs américains colonisés. Quand l’endroit devient l’envers,
Beloved (1987) de Toni Morrison fait de la maison possédée une
« personne qui pleurait, soupirait, tremblait et piquait des crises ».
Centre de l’affect, l’habitation est la personne même qui l’habite, dit
Gaston Bachelard citant Jules Michelet, « sa forme et son effort le plus
immédiat, […] sa souffrance 27 ».
Maison langagière
Confronter les diverses définitions existantes de home permet de
développer des approches heuristiques qui s’opposent aux idées
et aux visions uniformisantes d’espaces culturels homogènes, de
littératures nationales monolingues et de conceptions harmonieuses
de l’identité. Nous abordons ainsi la question de la transculturalité
dans une double perspective : en analysant les dynamiques et la
perméabilité des littératures et autres médias étudiés d’une part
et, de l’autre, leurs nombreux échanges avec d’autres cultures et
d’autres langues. Dans ce contexte, la langue devient un moment
littéraire essentiel d’identification et elle joue, de ce fait, un rôle
majeur. La littérature, en tant que médium linguistique évident, relève
incontestablement d’une communauté linguistique identifiée, mais sa
spécificité esthétique — sa littérarité — s’oppose à son appropriation
par les discours normatifs sur l’identité, précisément en raison de
cette différence 28. De nombreux auteurs contemporains, à l’instar
26. Assia Djebar, « Postface », Femmes dans leur appartement, Paris, Éditions des
femmes, [1980] 1995, p. 162.
27. Jules Michelet, L’Oiseau, 4e édition, 1858, p. 208 et suiv., cité par Gaston
Bachelard, Poétique de l’espace, Paris, Presses universitaires de France, coll.
« Quadrige », [1957] 2012, p. 100.
28. Cf. Anke Gilleir, « Einsprachigkeit und Mehrsprachigkeit in der Literatur :
einige historische Beispiele », Germanistische Mitteilungen, vol. 42, no 2, 2016, p. 5.
20
Justine Feyereisen, Rosanna Gangemi, Arvi Sepp
de Herta Müller, ont démontré l’absurdité et le caractère illusoire
de l’assimilation à la langue maternelle 29. Dans Heimat ist das, was
gesprochen wird, Müller affirme que notre « propre » langue est, par
principe, émaillée d’éléments étrangers : « Une langue maternelle
ne pâtit en rien du fait que ses contingences deviennent visibles à
côté d’autres langues. Au contraire, exposer sa propre langue aux
yeux des autres conduit à une relation authentique, à un amour sans
réserve 30. » Le traitement des différences linguistiques en littérature
conduit souvent à la fois à déconstruire l’idéologie linguistique d’un
État-nation et à souligner les franchissements des barrières culturelles
et linguistiques opérés par un texte.
Une lettre de Klaus Mann à Herbert Schlüter, datée du 18 février
1949, écrite depuis son exil américain, illustre ce point. Il s’agit d’une
lettre dans laquelle Mann souligne comment le bilinguisme angloallemand a secoué son idée que la « langue maternelle » constituerait
un foyer spirituel tout au long de sa vie. « À cette époque, j’avais une
langue dans laquelle je pouvais m’exprimer agilement ; maintenant
je titube en deux langues. En anglais, je ne vais probablement
jamais me sentir tout à fait chez moi [zuhause], comme je l’étais en
allemand — mais probablement je ne le suis plus 31 ». En référence
à Émile Benveniste et à son Vocabulaire des institutions indoeuropéennes (1969), Paul Ricœur remarque que les termes hospes
(hôte) et hostis (étranger) sont étymologiquement connexes 32. La
scène primitive de toute hospitalité peut être considérée comme
consistante de deux étrangers qui se rencontrent et qui, pour évaluer
s’ils viennent en ami ou en ennemi, sont obligés de se raconter. Cela
entraîne inévitablement la traduction comme exigence éthique pure
et simple. Ainsi Ricœur peut, quelle que soit la tâche passionnante
du traducteur comme traduttore traditore, dire que la particularité
de la traduction se situe dans l’« hospitalité langagière 33 ». Dans
29. Pour plus d’informations sur les fondements éthico-politiques de la littérature
multilingue, voir Arvi Sepp, « Ethik der Mehrsprachigkeit », dans Till Dembeck et
Rolf Parr (éd.), Literature and Multilingualism. Ein Handbuch, Tübingen, Narr Francke
Attempto Verlag, 2017, p. 56-57.
30. Herta Müller, Heimat ist das, was gesprochen wird. Rede an die Abiturienten des
Jahrgangs 2001, Blieskastel, Goldstein, 2001, p. 21.
31. Id., Heimat ist das, was gesprochen wird. Rede an die Abiturienten des Jahrgangs
2001, Blieskastel, Goldstein, 2001, p. 21.
32. Paul Ricœur, Sur la traduction, Paris, Bayard, 2004, p. 19-20.
33. Id., « Le paradigme de la traduction », Le Juste, tome 2, Paris, Éditions Esprit,
2001, p. 136.
21
Home. Les sens d’une maison
ce contexte, l’hospitalité linguistique de la traduction — et plus
largement la littérature multilingue — doit être comprise comme
un acte éthique : le mot de l’autre est « habité », ainsi comme la
parole de l’autre est reçue « chez soi 34 ». La traduction dévoile un
espace symbole entre construction et déconstruction identitaires qui
s’applique également à la littérature contemporaine.
L’accentuation de la réflexivité linguistique dans la littérature
s’accompagne souvent d’une insistance sur la polysémie
fondamentale des énoncés linguistiques. Cette accentuation revêt
aussi une dimension sociopolitique dans la mesure où elle peut
constituer la preuve de la nature multidirectionnelle de la pensée et,
partant, de la diversité des formes de coexistence humaine. Au-delà
du « paradigme monolingue » national, décrit par Yasemin Yildiz au
sujet de la littérature germano-turque dans Beyond the Mother Tongue,
c’est bien la condition « post-monolingue » qui détermine l’évolution
de la littérature actuelle 35. Ce paradigme « post-monolingue » se
caractérise par un transfert culturel démultiplié, qui se distingue
par la circulation d’objets culturels à la fois entre et à l’intérieur des
différentes cultures. La médiation par des acteurs impliqués dans des
réseaux, qu’il s’agisse de cercles ou d’États-nations, est primordiale
dans ce processus de transfert puisque ce sont ces mêmes acteurs qui
opèrent la sélection de ces objets culturels.
Pour beaucoup de nations, la littérature constitue un moyen
primordial d’élaboration et de développement de l’identité
culturelle 36. Cependant, elle est aussi le lieu où se joue
l’interdépendance culturelle et qui s’engage dans la déconstruction
critique des constructions identitaires collectives. La littérature peut
« construire une identité culturelle, mais elle construit aussi les
rencontres avec d’autres cultures tout en étant capable de remettre
en question les imaginaires de l’homogénéité que sont le peuple
(Volk), la nation (Nation) et la langue (Sprache) ».
❃
Loin de nous l’idée de nous prêter à un exercice réducteur visant
à unifier les contradictions, réconcilier les divergences, polir les
34. Voir François Ost, Traduire. Défense et illustration du multilinguisme, Paris,
Fayard, 2009, p. 259 et suiv.
35. Yasemin Yildiz, Beyond the Mother Tongue. The Postmonolingual Condition,
New York, Fordham University Press, 2012.
36. Sur l’histoire des « identités nationales » nous renvoyons à Anne-Marie
Thiesse, La Création des identités nationales. Europe, xviiie-xxe siècles, Paris, Seuil, 1999.
22
Justine Feyereisen, Rosanna Gangemi, Arvi Sepp
aspérités qui surgissent des différentes disciplines convoquées pour
ce volume. C’est au contraire de la diversité et de la richesse des
approches que nous souhaitons contribuer à la définition, toujours
en évolution, de home afin d’en faciliter la discussion et la diffusion
entre les champs à travers les possibilités de mise en perspective que
la littérature et l’art de ces dernières décennies nous offrent.
Les onze articles de ce volume sont organisés autour de quatre
sections, suivies d’une postface de Riccardo Venturi. La première
partie « Homeland » interroge le rapport de l’habitation au monde.
Nicolas Rault ouvre la porte à la question de l’habitabilité du monde
au lendemain de la seconde guerre mondiale, mettant en résonance
Martin Heidegger, Hannah Arendt et Emmanuel Levinas, tous trois
héritiers d’une certaine tradition phénoménologique qui prend
sa source chez Husserl. L’analyse comparée permet d’interroger le
sens de l’existence humaine depuis la pensée de l’habitation dans
sa tension entre insécurité, enfermement, enracinement et monde
commun. L’inhabitabilité du monde, c’est aussi celle à laquelle se
confrontent les exilés, y compris ceux de leur propre terre. Dans sa
lecture de Tropique de la violence (2016) de l’écrivaine mauricienne
Nathacha Appanah, Cristina Álvares montre comment la maison
maternelle procure soin et réparation alors que la jeunesse comorienne
sans-papiers s’affronte dans les bidonvilles de Mayotte, où le pouvoir
néocolonial rend illégaux les habitants de l’archipel.
La deuxième section, « Home Away from Home » interroge les
expériences autobiographiques de l’exil vers les lieux adoptés, rebâtis
ou à jamais recherchés. Observant la nostalgie de communautés
arméniennes en quête d’un nouvel Eden aux États-Unis, Charikleia
Magdalini Kefalidou documente les œuvres de William Saroyan et
de David Kherdian, où le home s’exprime en termes de métaphores
bibliques et de récits nationaux provenant du vieux pays. La
construction identitaire du « je » de l’écrivaine migrante évolue à
l’image des maisons où elle dépose ses valises, explique Anna Federici
à partir des récits personnels de quatre romancières italiennes de la
migration balkanique. La « chambre-ventre » devient la confidente,
témoin du traumatisme post-migratoire que la femme métabolise tel
un enfant à naître. C’est dans ses neuf volumes de poésie en langue
polonaise ou française que Marian Pankowski, réfugié à Bruxelles,
recrée l’image de la maison familiale, celle de sa jeunesse idéalisée
et perdue, balayée par la seconde guerre mondiale et les camps de
Home. Les sens d’une maison
23
concentration. Plus que simple réminiscence, la maison de Pankowski
a des murs polymorphes, réels ou rêvés, mais toujours poétiques.
Les auteurices et artistes convoqué·e·s dans la troisième partie
« Back Home » sont parvenu·e·s à retrouver le chemin d’un nouveau
foyer. Comme l’investigue Valentina Pancaldi, il est des écrivain·e·s
translingues, Vassilis Alexakis, Deborah Feldman, Joseph Conrad
et Jhumpa Lahiri, qui recourent à une troisième langue comme
procédé de réparation vis-à-vis de la patrie et lieu de réconciliation
avec la langue maternelle. C’est dans un espace partagé d’activités
d’art, de production et de sociabilité, le Cirque divers, haut lieu
de la vie culturelle et festive liégeoise, que Karolina Svobodova
débusque un abri familier pour ses usagers. Son article permet de
soulever les questions que pose au monde de l’art l’existence d’un
lieu culturel dont l’importance est d’ordre affectif et social davantage
qu’artistique. Cet esprit de réinvention constant s’incarne dans les
documentaires de Chantal Akerman selon Hyein Lee. Écumant le
monde la caméra à la main, la réalisatrice belge trouve sa vérité dans
« chez moi ailleurs ».
Les femmes occupent une grande place dans ce volume, et la
dernière section leur est entièrement consacrée : « Women for a SubVerted Home. » Plutôt que d’accepter l’assignation à résidence à
laquelle la société les contraint, les femmes de l’ère contemporaine
transforment en profondeur leur rapport à l’espace domestique.
La poésie féminine britannique, d’Anne Stevenson à Grace
Nichols, qu’étudie Émilie Piat revisite sur un mode parodique les
représentations paradoxales de la cage dorée, subvertissant cet univers
claustrophobique en performance. Avec Diary of a Lost Girl (1905) de
Margarete Böhme, Paola Del Zoppo rend compte de la valeur du home
pour les jeunes filles des rues que sont les lieux liminaux. Ce faisant,
elle met en lumière le potentiel d’un courant littéraire longtemps resté
dans l’angle mort de la critique, celui d’œuvres de fiction sociales
allemandes écrites par des femmes à la fin du xixe siècle. Parce que,
nous l’avons vu tout au long de ce volume, home joue finalement un
rôle performatif, générateur d’écriture ou de production artistique,
nous avons voulu conclure avec l’article d’Isabelle Doneux-Daussaint
sur Marguerite Duras. Véritable territoire d’expression, la maison a
un pouvoir d’action sur l’être qui l’habite et sur le monde où elle est
ancrée, ouvrant à l’infini les espaces possibles, et les rencontres qui
les peuplent.
24
Justine Feyereisen, Rosanna Gangemi, Arvi Sepp
Références
Agier Michel, L’Étranger qui vient. Repenser l’hospitalité, Paris, Seuil,
2018.
Applegate Celia, A Nation of Provincials. The German Idea of Heimat,
Berkeley/Los Angeles/Oxford, University of California Press, 1990.
Bachelard Gaston, Poétique de l’espace, Paris, Presses universitaires de
France, coll. « Quadrige », [1957] 2012.
Beeckmans Luce, Singh Ashika et Gola Alessandra, « Introduction :
Rethinking the Intersection of Home and Displacement from
a Spatial Perspective », dans Beeckmans Luce, Singh Ashika,
Gola Alessandra et Heynen Hilde (dir.), Making Home(s) in
Displacement. Critical Reflections on a Spatial Practice, Leuven,
Leuven University Press, 2022, p. 11-42.
Besse Jean-Marc, Habiter : un monde à mon image, Paris, Flammarion,
2013.
Biemann Asher D., Cohen Richard I. et Wobick-Segev Sarah E.,
« Introduction », dans Biemann Asher D., Cohen Richard I. et
Wobick-Segev Sarah E. (dir.). Spiritual Homelands. The Cultural
Experience of Exile, Place and Displacement among Jews and Others,
Berlin/Boston, de Gruyter, 2020, p. 1-8.
Boni Tanella, Habiter selon Tanella Boni, Paris, Museo Éditions, coll.
« Paradisier », 2018.
Bonicco-Donato Céline, Heidegger et la question de l’habiter. Une
philosophie de l’architecture, Marseille, Éditions Parenthèses, 2019.
Bourdieu Pierre, « La maison kabyle ou le monde renversé », dans
Pouillon Jean et Maranda Pierre (dir.), Échanges et communication.
Mélanges offerts à Claude Lévi-Strauss, II, Paris/La Haye, Mouton,
1970, p. 739-758.
Brun Cathrine et Fabos Anita, « Making homes in limbo? A conceptual
framework », Refuge, vol. 31, no 1, 2015, p. 5-17.
Coccia Emanuele, Philosophie de la maison. L’Espace domestique et le
bonheur, trad. de Léo Texier, Paris, Payot & Rivages, 2021.
Cohen Robin et Van Hear Nicholas, Refugia, New York/Oxford,
Routledge, 2020.
Home. Les sens d’une maison
25
Fuchs Anne, « Gendered Heimat Discourse and the Poetics of the
‘extended gaze’ in Wilhelm Genazino’s Mittelmäßiges Heimweh »,
German Life and Letters, vol. 64, no 1, 2011, p. 145-155.
Gilleir Anke, « Einsprachigkeit und Mehrsprachigkeit in der
Literatur: einige historische Beispiele », Germanistische
Mitteilungen, vol. 42, no 2, 2016, p. 5-7.
Goetz Benoît, Théorie des maisons : l’habitation, la surprise, Paris,
Verdier, 2011.
Gui Rosatti Camila, Pontes Heloisa et Jacques Vincent, Habiter :
maison et espace social. Brésil(s). Sciences humaines et sociales,
no 18, 2020, https://journals.openedition.org/bresils/7576. DOI : 10.4000/
bresils.7576.
Heidegger Martin, « Bâtir habiter penser » [1951], Essais et conférences,
trad. d’André Préau, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1958,
p. 170-193.
Hofmann Michael et Patrut Iulia-Karin, Einführung in die interkulturelle Literatur, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft,
2015.
Lévi-Strauss Claude, « La notion de maison. Entretien avec Claude
Lévi-Strauss par Pierre Lamaison », Terrain. Anthropologie &
sciences humaines, no 9, 1987, p. 34-39 ; Id., La Voie des masques,
édition augmentée, Paris, Plon, 1979.
Mauss Marcel, « Essai sur les variations saisonnières des sociétés
eskimos » [1906], Sociologie et Anthropologie, Paris, Presses
universitaires de France, 1968, p. 389-475.
Mann Klaus, Briefe und Antworten 1922–1949, éd. M. Gregor-Dellin,
Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 1991.
McClintock Anne, Imperial Leather. Race, Gender, and Sexuality in the
Colonial Contest, New York, Routledge, 1995.
Miano Léonora, Habiter la frontière, Paris, L’Arche Éditeur, 2012.
Müller Herta, Heimat ist das, was gesprochen wird. Rede an die
Abiturienten des Jahrgangs 2001, Blieskastel, Goldstein, 2001.
Ost François, Traduire. Défense et illustration du multilinguisme, Paris,
Fayard, 2009.
26
Justine Feyereisen, Rosanna Gangemi, Arvi Sepp
Ricœur Paul, « Le paradigme de la traduction », Le Juste, tome 2,
Paris, Éditions Esprit, 2001, p. 120-140.
Ricœur Paul, Sur la traduction, Paris, Bayard, 2004.
Roux Simone, La Maison dans l’histoire, Paris, Albin Michel, 1976.
Saïd Edward W., Culture and Imperialism, London, Vintage, 1994.
Saïd Edward W., Representations of the Intellectuals: the Reith Lectures,
New York, Pantheon Press, 1994.
Sepp Arvi, « Ethik der Mehrsprachigkeit », dans Dembeck Till et Parr
Rolf (éd.), Literatur und Mehrsprachigkeit. Ein Handbuch, Tübingen,
Narr Francke Attempto Verlag, 2017, p. 53-66.
Sepp Hans Rainer et Nielsen Cathrin, « Einleitung », dans Sepp
Hans Rainer et Nielsen Cathrin, Wohnen als Weltverhältnis. Eugen
Fink über den Menschen und die Physis, Freiburg/München, Verlag
Karl Alber, 2019, p. 1-14.
Sepp Hans Rainer, « Exzentrisch wohnen: Anmerkungen zu Finks
Bestimmung des Menschen als eines Verhältnisses », dans Sepp
Hans Rainer et Nielsen Cathrin, Wohnen als Weltverhältnis. Eugen
Fink über den Menschen und die Physis, Freiburg/München, Verlag
Karl Alber, 2019, p. 142-161.
Schlink Bernhard, Heimat als Utopie, Frankfurt am M., Suhrkamp,
2000.
Simons Baya et O’Flaherty Mark C., « Home and away : four new
art books explore the meaning of home », Financial Times, mis en
ligne le 22 juillet 2022, consulté le 29 juin 2023, https://www.ft.com/
content/8fd4ecb9-cf13-4596-8dff-a1fed1fad8e3.
Stoler Ann Laura, Carnal Knowledge and Imperial Power: Race and
the Intimate in Colonial Rule, Berkeley, Los Angeles & London,
University of California Press, 2002.
Thiesse Anne-Marie, La Création des identités nationales. Europe, xviiiexxe siècles, Paris, Seuil, 1999.
Touam Bona Dénètem, Fugitive, Where Are You Running ?, trad. de
Laura Hengehold, Cambridge, Polity Press, 2022.
Tsing Anna, « Unruly Edges : Mushrooms as Companion Species »,
Environmental Humanities, vol. 1, 2012, p. 141-154.
Home. Les sens d’une maison
27
Vogel Lise, « Domestic Labour Revisited », Science and Society, vol. 64,
no 2, 2000, p. 151-170.
Vogel Lise, Le Marxisme et l’oppression des femmes. Vers une théorie
unitaire, préf. d’Aurore Koechlin, trad. de Yohann Douet, Paul
Guerpillon, Vincent Heimendinger et Aurore Koechlin, Paris,
Éditions sociales, coll. « Les éclairées », 2022.
Yildiz Yasemin, Beyond the Mother Tongue. The Postmonolingual
Condition, New York, Fordham University Press, 2012.
PoCoPages, 2023, 261-266.
RÉSUMÉS
Cristina Álvares
No Home. Le devenir-ghetto du monde dans Tropique de la violence de Nathacha
Appanah
Alors que les migrations clandestines contemporaines ont mis en évidence
l’équivalence de ne pas avoir de chez soi (homeland et home) et ne pas avoir
de place dans le monde, cet article étudie la liquidation de la maison (un
lieu à soi) dans Tropique de la violence de Nathacha Appanah, roman qui
focalise la condition des mineurs isolés issus de l’immigration comorienne
à Mayotte. Chez Appanah, la maison « qui ne tient pas » est indissociable
de la fragilité sociale, politique et ontologique des protagonistes — des
personnages à qui rien n’appartient — et apparait en corrélation avec des
espaces de confinement de populations « indésirables » comme le camp et
ses dérivés (prison, internat, ghetto). L’article examine la forme particulière
de la corrélation entre la maison et le ghetto dans Tropique de la violence et
soutient que Kawéni, le plus grand bidonville de France, espace d’abandon
et de désolation, où sont jetés les clandestins, et notamment les mineurs
seuls et déprotégés, constitue un dispositif de liquidation de la maison. À
travers l’histoire de Moïse et des autres garçons qui « vivent » au ghetto
sans y habiter, le roman fait de Kawéni un exemple brûlant du « devenirinhabitable » du monde. Quatre penseurs guident notre approche :
Bachelard et Sloterdijk pour une théorie de la sphère materno-domestique
comme condition de possibilité de la vie humaine ; Agamben et Mbembe
pour une théorie du camp comme lieu de la vie nue, décharge où sont jetés
les vies déclarées illégales, abandonnées par la loi.
Paola Del Zoppo
Heimlich and Silent as the Grave. The Last Dwelling as the Only Possible Home in
Margarete Böhme’s Tagebuch einer Verlorenen
The essay examines the image of the tomb as liminal home in Diary of a Lost
Girl by Margarete Böhme (Tagebuch einer Verlorenen, 1905). The book can be
seen as expression of a sort of current comprehending German work and
262
Résumés
social fiction by women from the end of the 19th century, where the figures
of working girls or of women starving in the streets in a shelter for poor
people build the core imagery. Domestic settings show in these novels a
tendency to the status of a ‘Placard’, an iconic representation of women’s
living conditions. In Diary of a Lost Girl the dwelling can be recognized in its
absence, delineated by the void contouring of desire a longing for a space to
develop oneself, and its identification with the tomb reveals the deep social
critique. Using different approaches, the essay also wants to evidence that
these texts by women have been missing ‘ideal readers’, readers who can
encompass or at least consider every potential meaning of the texts (so Iser)
for the whole 20th century, both in the critical sphere and in the Academy of
German Studies Scholars. Many of these novels, having been mass-culture
books, have either been ignored by conventional criticism after WWII or
subject to ‘voyeuristic’ reading. These ideal readers can and should be found
if, first, literary scholars recognize and locate within themselves the power
and empowering potential of these novels for literary studies.
Isabelle Doneux-Daussaint
La maison ou le symbole absolu
Duras, comme le dit Vircondelet, connaît « la souffrance de l’exil », de
l’Indochine à la France, de la France à l’Indochine et de l’Indochine à la
France. Elle fait partie de ces gens pour qui « la maison », le home — concept
intraduisible en français, sauf peut-être par le terme de foyer, mais qui
enlève la matérialité au concept — revêt une importance toute particulière
qui dépasse la notion de simple motif d’une œuvre, ou celle d’un simple
lieu romanesque, cinématographique ou scénique. La maison, réelle ou
fictionnelle, est tout d’abord abondamment commentée par la romancière
elle-même dans ce que Genette (1987) nomme l’épitexte, ensuite elle figure
une forme de symbole absolu de la femme et de son être dans l’univers
littéraire de l’écrivaine. Dans son univers romanesque, cette maison prend
place à côté d’autres lieux où elle participe étroitement à la signifiance
de l’œuvre, mais c’est plus particulièrement dans l’univers théâtral et
cinématographique qu’elle devient un véritable actant et qu’elle joue un
rôle plus purement pragmatique de générateur d’écriture. Après avoir
balayé la signification de ce lieu pour Duras-personne réelle, cet article
envisagera ce lieu dans une optique pragmatico-narrative au travers de sa
transposition dans les univers romanesque, théâtral et cinématographique,
mais elle envisagera surtout « l’épitexte public », composé des œuvres plus
théoriques et des différentes interviews de Duras pour en arriver au concept
de territoire auteur/lecteur appelé « Durassie ». Un passage de la Durasie
(Roy, 1984) à la Durassie.
Résumés
263
Anna Federici
Les maisons de la migration : les écrivaines italiennes de la migration balkanique
La maison et ses espaces sont un thème récurrent dans les romans italiens
des écrivaines issues de la migration balkanique, en particulier chez Elvira
Mujčić (Bosnie-Herzégovine), Vesna Stanić (Croatie), Jasmina Tesanović
(Serbie) et Ornela Vorpsi (Albanie). Les maisons les plus représentées
dans ce corpus sont au nombre de trois : la maison natale, et notamment
l’espace protégé et clos du jardin, lue en s’appuyant sur les études « topoanalytiques » de Gaston Bachelard ; la première maison habitée une fois
atteinte la terre d’accueil, lieu de métabolisme des traumatismes qui ont
précédé la migration, où souvent le genre autobiographique se déploie ; la
« maison définitive » et les objets qui la remplissent, indicateurs d’un désir
d’encrage, à l’intérieur de laquelle la femme désormais « adulte » va trouver
une place idéale pour s’épanouir en tant qu’écrivaine. Les trois demeures
forment alors un triptyque qui va de pair avec la construction identitaire du
« je » de l’écrivaine migrante, en parcourant et en habitant à nouveau ces
maisons qui l’ont amenée dans le lieu et dans le temps présent.
Charikleia Magdalini Kefalidou
Paradise Lost, Paradise Regained? William Saroyan’s and David Kherdian’s
Portrayals of the United States as a New Home(Land)
This article explores the relationship between immigration and space
in 20th and 21st century North American literature. We focus on the
representations of feelings, views, and practices of home(land) in the work
of William Saroyan (1908-1981) and David Kherdian (b. 1931), both of
which contain strong autobiographical elements and echo the Armenian
immigrant experience in the US during the first half of the 20th century. The
detailed accounts of the respective Armenian communities, which differ
greatly in demographic and geographic terms, reveal varying approaches
to the concept of ‘home(land)’. Their narratives mirror the process of
deterritorialization and reterritorialization associated with immigration,
namely the immigrants’ trauma of separation from their homeland, their
dreams and expectations about the host country, and finally, their efforts
to adapt and rebuild their lives in different places, either chosen for their
resemblance to the homeland or adapted in order to recreate home away
from home. The representations discussed in this article are abundant with
biblical and mythological metaphors that narrativize the nostalgic quest
for a substitute for the lost Edenic homeland. Some examples of Saroyan’s
narratives pertaining to the soil and to funerary practices reflect strategies
aiming to bind the displaced community to the host country. In contrast,
Kherdian’s narratives also explore the feeling of homelessness experienced
by genocide survivors, whose trauma of violence and displacement
remained unhealed.
264
Résumés
Hyein Lee
« Chez moi ailleurs » : Chantal Akerman et ses documentaires
Cet article interroge l’enjeu poético-éthique du retour au chez-soi dans
les trois documentaires de Chantal Akerman, D’Est (1993), Sud (1999)
et De l’autre côté (2002). Dès les années 1990, le documentaire prend une
ampleur certaine dans la démarche cinématographique de la réalisatrice.
Accompagnée d’une équipe réduite, caméra à la main, Akerman part au
loin. Ce qui est curieux est que plus elle part vers un pays lointain et filme
l’autre, plus elle se rapproche de son foyer et de sa mère. De l’Europe de l’Est
au Mexique passant par le sud des États-Unis, derrière les visages filmés et
les histoires des inconnu·e·s se croisent les ombres de la mémoire familiale
de la cinéaste : l’exil, Auschwitz, la grand-mère, la peur des autres, etc.
Afin de mieux comprendre un tel chevauchement autobiographique, cet
article met en perspective le privilège du glissement fictionnel dans le
langage cinématographique akermanien. En montrant que le chez-soi que
la cinéaste regagne à travers son périple chez les autres est moins une simple
reproduction du foyer maternel que la réinvention constante de ce qu’elle
appelle « un chez moi ailleurs », cette étude vise à nuancer le cheminement
autobiographique des documentaires d’Akerman.
Valentina Pancaldi
La troisième langue ou le chemin de retour au foyer familial
Vassilis Alexakis, Deborah Feldman, Joseph Conrad et Jhumpa Lahiri, outre
le fait d’être des auteur·ice·s translingues à la manière de Kellman (2000),
partagent un autre trait : celui d’avoir écrit dans une troisième langue
délibérément choisie et apprise à l’âge adulte. Le translinguisme de ces
écrivain·e·s constitue le terrain d’investigation de mon article, dont l’objectif
est celui de questionner les raisons du recours à la troisième langue, sans
pourtant oublier le rôle joué par la langue seconde dans la triade qui se
crée dans leur parcours littéraire et biographique. Si pour ces auteur·ice·s
l’adoption d’une langue seconde littéraire peut signifier un nouveau foyer,
une coupure avec le natal et une trahison envers la source maternelle des
mots, comment le choix d’une troisième langue se pose-t-il ? En dialoguant
avec la notion du « matricide » symbolique de Kristeva (1998), j’avancerai
l’hypothèse que la troisième langue se veut non seulement une « langue
charnière » et un procédé de réparation d’un soi fragmenté, mais peut
aussi fonctionner comme un lieu de réconciliation avec la langue mère ainsi
qu’une tentative de retour au foyer familial.
Résumés
265
Émilie Piat
Du cauchemar au spectacle : réappropriation parodique de l’espace domestique
dans la poésie féminine britannique contemporaine
La maison occupe une position ambiguë dans la poésie britannique. Souvent
représentée comme un havre de paix, la maison est le lieu où la femme
— l’« Ange domestique » célébré au xixe siècle par Coventry Patmore —
occupe une position centrale. Pour les femmes poètes, la maison est plutôt
une cage dorée, tout à tour espace fécond et abîme d’aliénation. Ce lieu
éminemment féminin cristallise la tension d’une existence partagée entre
contraintes domestiques et aspirations artistiques. Les femmes qui écrivent
au xxe et au xxie siècle exploitent d’ailleurs volontiers cette opposition.
Plutôt que de chercher à échapper à cette « assignation à résidence »,
elles choisissent d’y ancrer leur écriture et se réapproprient ce lieu sur un
mode parodique. Poussant jusqu’à l’absurde la représentation paradoxale
d’un « chez soi » où se mêlent noirceur et grotesque, ces femmes poètes
transforment la vision cauchemardesque d’un univers aussi clos qu’étouffant
en véritable performance.
Nicolas Rault
L’habitation à l’épreuve du monde
Trois philosophes se sont saisis de la question de l’habitation au lendemain
de la seconde guerre mondiale, dans sa tension entre intériorité et
extériorité : Martin Heidegger, Hannah Arendt et Emmanuel Levinas. Ils en
proposent des représentations très différentes : habitation comme modalité
de l’enracinement (Bodenständigkeit), comme édification d’un monde
proprement humain ou encore lieu de la constitution de la subjectivité
rendue possible par la rencontre de l’extériorité de l’Autre. Pourtant,
chacun pense l’habitation comme une modalité du rapport de l’homme au
monde. La phénoménologie husserlienne semble dès lors être leur source
commune. En effet, l’entreprise d’Edmund Husserl se comprend comme
une prétention à la connaissance du monde en tant que monde, supposant
nécessairement une subjectivité se tenant dans un lieu. L’intériorité de la
conscience et l’extériorité du monde se conditionnent ainsi réciproquement.
L’habitation peut dès lors renvoyer au lieu de la pensée dans le monde. Il
semble ainsi que Heidegger, Arendt et Levinas opèrent un dépassement de
la pensée husserlienne de l’habitation qui se cristallise dans la notion de
Heimat, la polarisant dans le sens d’un enracinement ontologique ou d’un
monde commun institué par l’intersubjectivité ou l’altérité. Autrement dit,
la similitude de ces trois pensées de l’habitation repose sur un héritage de
Husserl et leurs divergences traduisent l’apport d’éléments originaux. Ces
discussions autour de la question de l’habitation ouvrent la possibilité d’un
266
Résumés
monde qui serait à la fois un chez-soi et se vivrait sur le mode de l’ouverture,
comme exil ou comme évasion.
Karolina Svobodova
Le lieu culturel comme maison. Quand le familier l’emporte sur l’artistique
Dans la continuité des lieux intermédiaires qui ont émergé dans les
années 1980, les tiers-lieux culturels contemporains poursuivent l’ambition
de conjuguer dans un espace partagé d’activités d’art, de production et de
sociabilité. Il s’agit de créer des lieux alternatifs au foyer et au travail, une
maison hors de la maison propice aux échanges entre ceux qui, sinon, ne
se rencontreraient pas, comme l’écrivait Ray Oldenburg dans son fameux
ouvrage The Great Good Place, et de rapprocher, ce faisant, l’art de la vie
quotidienne. Une littérature abondante souligne les difficultés d’un tel
alliage et, en particulier, l’appropriation de ces derniers par des usagers non
engagés dans le monde de l’art. Cet article propose une étude de cas du
cirque divers, un haut lieu de la vie culturelle et festive liégeoise (Belgique),
qui offre l’opportunité d’observer une structure artistique devenue abri
familier pour ses usagers. Comme en témoignent les anciens habitués, c’est
le lieu et son ambiance qui, davantage que la programmation, attiraient les
visiteurs. L’exemple du cirque divers permet ainsi de soulever les questions
que pose au monde de l’art l’existence d’un lieu culturel dont l’importance
est d’ordre relationnel et social davantage qu’artistique.
Dorota Walczak-Delanois
Les (im)possibles maisons poétiques de Marian Pankowski
Marian Pankowski (1919-2011), né à Sanok dans les Carpates polonaises
et mort à Bruxelles, met la figure poétique de la maison au centre de son
écriture et dans la totalité de son œuvre en prose, théâtrale et lyrique. De ses
neufs volumes de poésie en langue polonaise ou française ressurgit l’image
de la maison familiale, celle de sa jeunesse idéalisée et perdue. La perte
est causée par la seconde guerre mondiale et l’emprisonnement successif
de l’auteur dans quatre camps de concentration. Libéré, se trouvant loin
de sa terre natale, il construira sa nouvelle maison à Bruxelles. En tenant
compte de la riche biographie de Marian Pankowski et de l’attachement
du poète aux mots, je propose de distinguer et de nommer différentes
typologies de la « maison » dans son œuvre : 1) La maison poétisée, 2) La
maison adoptée, 3) La maison de la poésie, 4) La maison des poètes. Ainsi,
les maisons réelles, symboliques, littéraires, dans un espace architectural
ou topographique concret, mais aussi celles existant dans la langue ou dans
l’imaginaire prennent corps sous nos yeux de lecteur attentif.
PoCoPages, 2023, 267-273.
BIO-BIBLIOGRAPHIES
Cristina Álvares est titulaire d’un doctorat en littérature française
avec une thèse sur le regard dans le roman courtois en 1180-1250.
Elle est professeure associée au Département d’Études romanes
de l’université du Minho (Braga, Portugal), où elle enseigne les
littératures d’expression française. Elle est chercheuse au Centro
de Estudos humanísticos (cehum) au sein de l’équipe « Identités
et intermédialités », où elle coordonne le projet « Liminalités
Homme/Animal/Machine ». Elle est l’autrice, la co-autrice ou
la coéditrice de quinze ouvrages et a publié un grand nombre
d’articles portant sur la littérature médiévale, la littérature
contemporaine et la bande dessinée franco-belge. Sur Nathacha
Appanah, elle a notamment publié : « La vie nue des petites
filles. À la lisière du monde masculin dans Tropique de la violence
de Nathacha Appanah » (Çédille, 21, 2022) ; « Le devenir-chien
de Moïse. Abandon, spectralité et littérature dans Tropique
de la violence de Nathacha Appanah » (Thélème, 37.1, 75-83) ;
« L’impossibilité d’une île. Maison, mère et migration dans
Tropique de la violence de Nathacha Appanah » (C. Robalo Cordeiro
et M. Quaghebeur (éd.), Oser la langue, Peter Lang, 2022).
Paola Del Zoppo teaches German Literature at Tuscia University.
She has written essays on detective fiction, literary translation
and German contemporary poets and prose authors. Her
monography on the reception history of Goethe’s Faust in Italy
through its translations (Faust in Italia) has been published
268
Bio-bibliographies
in 2009, a longer essay on Hilde Domin’s poetry and liminal
approaches to literature (Un dialogo alla fine del mondo) in 2022. She
also co-edited a book on women writers in exile in 19th century
(Tra due rive, 2020, with R. Gangemi) and a volume on Sophokles
Antigone’s literary and philosophical reception in German and
English Literature (Sulle tracce di Antigone, 2018, with G. Lozzi).
She translates literature from German and English (G. Lewis, R.
Padgett, Poschmann, Seiler, Lewitscharoff a.o.). She is currently
editing a series of ten fiction novels by German women writers
at Le Lettere and working on the fictional writings by Lou Salomé
and Leonhard Frank.
Isabelle Doneux-Daussaint est maître-assistante et chargée de cours
à la Haute École Robert Schuman (Virton, Belgique). Linguiste
et spécialiste de l’œuvre durassienne, elle est l’autrice d’une
thèse de doctorat en sciences du langage à l’université Lumière
Lyon 2, intitulée Le dialogue romanesque chez Marguerite Duras,
essai de pragmatique narrative, ainsi que de nombreux articles,
notamment parus dans la Revue de sémantique et pragmatique. Ses
dernières publications sont « Marguerite Duras, là où nourriture
et boisson se font être ou non être » (B. Verdier et A. Parizot (éd.),
Du sens à l’expérience, gastronomie au prisme de leurs terminologies,
Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018) et « L’Émotion
durassienne. Une arme de destruction massive » (J. Feyereisen
(éd.), Revue belge de philologie et d’histoire. Movere : Littérature,
corporéité et mouvement, 98.3, 2020).
Anna Federici est enseignante de langue italienne à Marseille. En
2016, elle a soutenu une thèse en littérature et en linguistique
italiennes, intitulée Écrivaines italiennes de la migration balkanique,
auprès de l’université de Toulouse II Jean-Jaurès, en cotutelle
avec l’université de Rome Sapienza. Récemment, elle a publié
« Ce que la littérature féminine de la migration albanaise fait
à la littérature italienne », Agone, 63-64), « L’esilio di Jasmina
Tešanović » (Paola Del Zoppo et Rosanna (dir.), Tra due rive »,
Aracne Edizioni, 2020) et « Elvira Mujčić e la narrazione in
italiano del trauma del genocidio di Srebrenica’ dans Senza
Traumi? » (Maria Pia De Paulis et Ada Tosatti (dir.), Senza Traumi,
Cesati Editore, 2021).
Bio-bibliographies
269
Justine Feyereisen est chercheuse en littérature, fwo Senior Postdoc
Fellow, à l’université de Gand. Elle travaille sur les utopies
concrètes que proposent les littératures de l’espace transatlantique
face aux crises actuelles de l’asile. Ses recherches portent sur les
littératures en langue française des xx-xxie siècles, les littératures
postcoloniales, la philosophie politique, les études de l’espace et
du corps, l’herméneutique textuelle, l’écopoétique. J. Feyereisen
a obtenu un doctorat en Langues, Lettres et Traductologie de
l’Université libre de Bruxelles et de l’université Grenoble Alpes.
Elle a occupé des postes de recherche à l’University of California,
Berkeley (Fulbright), à l’université d’Oxford (Wiener-Anspach,
Wolfson College jrf) et à la Maison française d’Oxford. Elle est
notamment l’autrice de Sens : J.M.G. Le Clézio. Essai de sensopoétique
(Classiques Garnier, à paraître) et l’éditrice de Movere. Littérature,
corporéité et mouvement (2020). Elle est présidente de l’Association
des lecteurs de Le Clézio, secrétaire de l’Association des Amis de
la MFO et rédactrice adjointe des Cahiers J.-M.G. Le Clézio.
Rosanna Gangemi entrecroise les champs des arts visuels, de
l’esthétique contemporaine, de la théorie de l’image, de l’histoire
des idées et de la littérature de la seconde moitié du xixe-xxe siècle.
Elle a étudié les Sciences de la communication, le Patrimoine
culturel et la Philosophie de l’art. Elle achève un double doctorat
en Philosophie de l’image et Études germaniques. Dans ce cadre,
elle a reçu la Bourse de recherche Lore Hergershausen. Elle a
co-dirigé la revue internationale d’art contemporain DROME
magazine (2004-2015). Elle a enseigné la Théorie des images, l’Art
vidéo et les Arts visuels à l’université Paris-Est Marne-la-Vallée
et la Méthodologie disciplinaire en histoire de l’art contemporain
à l’université de Lille. Elle collabore régulièrement en tant que
conférencière avec l’Iselp de Bruxelles. Sa bibliographie est riche
de nombreux articles, chapitres d’ouvrages et codirection de
volumes collectifs. Elle a écrit, entre autres, sur le philosophe
Günther Anders en tant que théoricien de l’art et auteur de fiction,
sur l’écrivaine Marlen Haushofer, sur l’artiste verbo-visuelle Ketty
La Rocca et sur le cinéma des frères Dardenne. Elle a contribué
à l’un des premiers manuels sur le genre en Italie : Mutamento
sociale, diritti, parità di genere (2004, Prix Amelia Rosselli de la
ville de Rome). Elle a écrit sur Margaret Mead et Judith Butler
pour le volume La traversée culturelle du genre (2018) et a coédité
270
Bio-bibliographies
avec P. Del Zoppo Tra due rive. Autrici del Novecento europeo sul
confino e sull’esilio (2020), à la suite du colloque éponyme qu’elle a
organisé à l’université de Messine. Elle travaille sur la traduction
en français de deux recueils d’Alda Merini. Elle est membre du
comité scientifique de la collection « Histoires italiennes » de la
maison d’édition Le Manuscrit.
Dag Houdmont a étudié les langues et les littératures germaniques
(anglais-néerlandais) à l’université de Gand. Après avoir travaillé
dans le monde du théâtre et de la presse, il a enseigné à Bruxelles,
Lille, Namur, Louvain-la-Neuve. Depuis 2011, il est assistant
en littérature néerlandaise à l’Université libre de Bruxelles. Il
s’intéresse surtout au théâtre contemporain, au genre de la
nouvelle, à l’imagologie et aux récits de voyage. Il prépare une
thèse de doctorat sur l’identité chez Tom Lanoye, auteur belge
néerlandophone.
Charikleia Magdalini Kefalidou is Temporary Lecturer in
Translation and Applied Foreign Languages at UPEC (Université
Paris-Est Créteil). Her research focuses on the representations of
trauma, exile and marginality in literature and graphic novels.
Kefalidou received her PhD in Comparative Literature from
Sorbonne University where she studied as a Calouste Gulbenkian
Foundation scholar. Her thesis explored the representations
of trauma, exile, and identity in 20th and 21st century literary
works produced by displaced Armenian authors in France and
the United States. Kefalidou has held positions as a Temporary
Teaching and Research Assistant (ATER) at the University of
Strasbourg and at the University of Tours but also as a Temporary
Lecturer at the University of Caen in Normandy. She is currently
writing a book about 20th and 21st century Armenian-American
and French-Armenian literature.
Hyein Lee est traductrice et doctorante à l’université Paris 8
Vincennes-Saint-Denis. Dans ses recherches doctorales, elle
tente d’examiner l’écriture autobiographique d’Annie Ernaux,
d’Hélène Cixous et de Chantal Akerman à travers la conception
d’écriture de deuil, s’intéressant en particulier au rapport
mère-fille.
Bio-bibliographies
271
Valentina Pancaldi est doctorante en littérature comparée à
l’université de Montréal (Canada), en cotutelle avec l’université
Sorbonne nouvelle — Paris 3 (France). Ses recherches portent
sur la littérature de la diaspora et les écritures migrantes, le
récit de filiation et le récit du deuil. Elle s’intéresse également au
translinguisme et à la relation entre littérature et psychanalyse. Sa
thèse doctorale a pour objet la transmission intergénérationnelle
du deuil migratoire et la négociation de l’héritage migratoire
familial dans les œuvres des écrivains de deuxième génération.
Elle a publié des travaux au sujet de la diaspora, des études
postcoloniales et de la littérature italienne.
Émilie Piat, agrégée d’anglais, est l’auteure d’une thèse sur l’humour
dans la poésie féminine britannique contemporaine, soutenue
en avril 2016, à l’université Sorbonne nouvelle – Paris 3. Elle a
publié une traduction inédite de poèmes de Carol Ann Duffy,
et consacre ses travaux de recherche à la poésie anglophone
féminine, ainsi qu’à la question de l’humour. Elle occupe
actuellement un poste d’enseignante en langues vivantes à
l’Université Libre de Bruxelles (ULB). Ses dernières publications
sont « Rime vs. Rythme. Traduire les limericks » (S. Aloushkova
et L. Beghin (éd.), Déverbaliser-reverbaliser : la traduction comme
acte de violence ou comme manipulation du sens ?, Presses de
l’université Saint-Louis, 2020) et « De la parodie au jeu de mots :
l’utilisation subversive des stéréotypes féminins chez Carol Ann
Duffy et Grace Nichols » (Traits-d’Union, 2018).
Nicolas Rault est doctorant en études politiques et en philosophie à
l’École des Hautes études en sciences sociales (EHESS), rattaché
au Centre d’Études politiques et sociologiques Raymond-Aron
(CESPRA) à Paris. Depuis la rentrée 2022, il enseigne en qualité
d’ATER à la Faculté de droit et de science politique de l’université
de Rennes 1. Dirigé par Pierre Bouretz, son travail de thèse porte
sur le républicanisme français et la pensée judéo-allemande et la
façon dont ces deux traditions développement au tournant du
xxe siècle une conception de l’expérience reposant sur la relation
interne de la tradition et de la transcendance. Il a été bénéficiaire
de la bourse Emeric Deutsch de la Fondation pour la Mémoire
de la Shoah.
272
Bio-bibliographies
Arvi Sepp est professeur à la Vrije Universiteit Brussel et à l’université
d’Anvers, spécialiste de l’analyse historico-culturelle des liens
entre littérature et idéologie dans les minorités religieuses et
linguistiques ainsi que dans les sous-cultures artistiques. Ses
travaux portent sur la littérature judéo-allemande du xxe siècle
dans le contexte de l’Holocauste et de la réception de la pensée
juive. Ses domaines de recherche comprennent également
l’engagement politique et éthique, le transnationalisme et le
multilinguisme dans les textes littéraires écrits dans le contexte
de la migration et de l’exil.
Karolina Svobodova est docteure en arts du spectacle et techniques
de diffusion et de communication de l’Université Libre de
Bruxelles. Elle est l’autrice d’une thèse intitulée Des lieux
intermédiaires dans un pays en chantier. Nouvelles réponses spatiales
aux défis culturels, artistiques et urbains dans la Belgique des
années 1970-1980. Ses recherches mêlent géographie culturelle,
histoire et études théâtrales et sont notamment publiées dans des
revues de théâtre (Études théâtrales, Théâtre/Public, Alternatives
théâtrales, Critical Stages) et de géographie (« Se faire une place :
le cirque Divers en Roture », Géographie et cultures ; « Les théâtres
à ciel ouvert de Ouagadougou », EchoGéo). Elle est également
l’une des rédactrices en chef et fondatrices du médium culturel
La Pointe, conçu afin de rapprocher chercheurs, artistes et publics
sur les questions et enjeux des pratiques artistiques. Elle mène
actuellement un postdoctorat sur le monde théâtral au Burkina
Faso.
Dorota Walczak-Delanois est professeure et responsable de la Chaire
d’études polonaises à l’Université Libre de Bruxelles. Elle a publié
de nombreux ouvrages sur la poésie et les études comparatives,
ainsi que sur l’avant-garde, notamment des monographies :
Inne oblicze awangardy. O poezji Jana Brzękowskiego, Jalu Kurka i
Adama Ważyka (2001), Niedoczytani-nierozpoznani. O meandrach
poezji polskiej xx i xxi wieku (2016), et édition bilingue Poetyckie
podwojenie. Marian Pankowski polski poeta języka francuskiego.
Dédoublement poétique. Marian Pankowski poète polonais de langue
française (2020). Rédactrice en chef de la revue Slavica Bruxellensia
(2008-2016). Elle travaille sur la poésie polonaise et belge des
xxe et xxie siècles dans un large contexte comparatif, culturel et
Bio-bibliographies
273
historique. Elle s’intéresse à la question de la traduction d’une
œuvre poétique, à l’expérimentation, au féminisme, à l’avantgarde et à la relation entre la poésie et les arts visuels. Ses
domaines de recherche sont l’histoire de la littérature, études
comparatives, traduction (notamment intersémiotique). Elle est
poétesse et peintre.
« Horizons anglophones »
Série PoCoPages
Responsable de la série
Judith Misrahi-Barak
Titres déjà parus dans la même série
(anciennement Carnets du Cerpac)
Ending Slavery. The Antislavery Struggle in perspective, Lawrence Aje, Claudine
Raynaud, 2022.
Borders and Ecotones in the Indian Ocean. Eds. Markus Arnold, Corinne
Duboin, Judith Misrahi-Barak, 2020.
À la rencontre de la différence. Traces diasporiques et espaces de créolisation. Eds.
Robin Cohen & Olivia Sheringham, 2020.
Re-imagining the Guyanas. Eds. Lawrence Aje, Thomas Lacroix & Judith
Misrahi-Barak, 2019.
From Surviving to Living. Voice, Trauma and Witness in Rwandan Women’s
Writing. Catherine Gilbert, 2018.
Translating the Postcolonial in Multilingual Contexts. Eds. Srilata Ravi & Judith
Misrahi-Barak, 2017.
Diasporas, Cultures of Mobilities, « Race ». 3. African Americans and the Black
Diaspora. Eds. Corinne Duboin & Claudine Raynaud, 2016.
Diasporas, Cultures of Mobilities, « Race ». 2. Diaspora, Memory and Intimacy.
Eds. Sarah Barbour, David Howard, Thomas Lacroix & Judith
Misrahi-Barak, 2015.
Aliénation et réinvention dans l’œuvre de Jamaica Kincaid. Nadia Yassine-Diab,
2014.
Diasporas, Cultures of Mobilities, « Race ». 1. Diasporas and Cultures of
Migrations. Eds. Judith Misrahi-Barak et Claudine Raynaud, 2014.
Another Life. Une Autre vie. Eds. Mélanie Joseph-Vilain et Judith MisrahiBarak, 2013.
India and the Diasporic Imagination. L’Inde et l’imagination diasporique. Eds. Rita
Christian et Judith Misrahi-Barak, 2011.
Postcolonial Ghosts. With poems by Gerry Turcotte. Les Fantômes postcoloniaux.
Avec des poèmes de Gerry Turcotte. Eds. Mélanie Joseph-Vilain et Judith
Misrahi-Barak, 2009.
Healing South African Wounds. Guérir les blessures de l’Afrique du Sud. Eds.
Gilles Teulié et Mélanie Joseph-Vilain, 2009.
Revisiting Slave Narratives II. Les Avatars contemporains des récits d’esclaves II.
Ed. Judith Misrahi-Barak, 2007.
Sciences & Races. Ed. Gilles Teulié, 2007.
Transport(s) in the British Empire and the Commonwealth. Transport(s) dans
l’Empire britannique et le Commonwealth. Eds. Michèle Lurdos et Judith
Misrahi-Barak, 2007.
Religious Writings & War. Les Discours religieux et la guerre. Ed. Gilles Teulié,
2006.
Revisiting Slave Narratives. Les Avatars contemporains des récits d’esclaves. Ed.
Judith Misrahi-Barak, 2005.
V. S. Naipaul : a World in Tension. Une Œuvre sous tension. Ed. Judith MisrahiBarak, 2004.
Cet ouvrage a été mis en pages par
les Presses universitaires de la Méditerranée
(Université Paul-Valéry Montpellier 3)
Route de Mende
34199 Montpellier Cedex 5
[email protected]
www.PULM.fr
Dépôt légal : novembre 2023