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Perspectives en communication (02)

2015, Communiquer. Revue de communication sociale et publique

Perspectives en communication (02)

Entre agendas de recherche et mises en pratique L'existence de la communication en tant que champ distinct avec une identité claire reste très discutée (Craig, 2009a;Sfez, 2001). Même la notion d'interdisciplinarité, qui est au fondement de notre domaine/discipline, est évolutive (Sfez, 2001), et les tentatives de cartographie sont rarement reprises (Craig, 2009b). Nous pourrions même ajouter que les chercheurs et chercheuses en communication sont encore naturellement amenés à partager leurs objets avec d'autres disciplines (Bouillon, Bourdin et Loneux, 2007;Carayol et Gramaccia, 2006;Proulx, 2012;Sfez, 1992). Si nous pouvons donc nous demander si nous sommes à même d'imposer nos propres objets, nous pouvons quand même avoir la certitude que nous apportons en fait une perspective différente sur des objets établis. La communication est un préixe lexible qui à la fois oriente le regard du chercheur et rélexivement prend la forme la plus adéquate pour offrir une nouvelle capacité heuristique. Est-ce pour cela que nous avons encore besoin de nous déinir et de regarder le chemin parcouru et celui qui nous rejoint pour être capable de nous (ré)orienter ?

Ghislain Thibault et Dominique Trudel reprennent l'idée que nous avons du mal à partager une histoire qui nous réunirait. Ils nous rappellent que les chercheurs des premiers programmes ont plutôt eu tendance à développer une recherche en communication à partir de leurs disciplines d'origine. Cela n'est pas sans compliquer l'élaboration d'une histoire qui inissait par être subordonnée à celle d'un autre champ, voire arrêtée (dans le cas des études empiriques des médias de masse) au proit de la production « d'une longue série de recherches a-historiques » (p. 6). Ils signalent toutefois deux projets qui viennent contrarier cette tendance : le développement d'une nouvelle histoire (Park et Pooley, 2008;Pooley, 2008) S'il a choisi de s'attarder sur la période qui s'étale entre 1983 et 1989, c'est qu'il la considère comme une époque dynamique pour les questions « épistémo-politiques » et cruciale pour la maturité de la discipline au Québec. Ses analyses l'amènent à identiier deux thèmes majeurs dans la littérature de l'époque : la place du contrôle étatique sur la recherche en communication au Québec et l'importance du contexte culturel dans la spéciicité de la production scientiique locale. La question de l'identité, canadienne ou québécoise, apparaît essentielle. Il est d'ailleurs fascinant de constater le poids plus important de la langue par rapport à la géographie, les chercheurs anglophones québécois se rattachant davantage à la scène nationale.

Normand Landry et Joëlle Basque s'intéressent à l'éducation aux médias, qu'ils nous présentent à la fois comme objet et comme champ d'études en effervescence. Ils cherchent à mettre en avant la pensée critique qui y est, pour eux, très présente, ainsi que la notion de littératie médiatique. Celle-ci renvoie à des compétences et des savoirs qui permettent de prendre de la distance et d'analyser des textes médiatiques. Pourtant, ce qui constitue l'ensemble de ces compétences reste encore en débat pour des raisons pédagogiques, politiques et sociales. C'est, selon les auteurs, une période de transition dont les enjeux se situent autant dans l'application pédagogique des recherches que dans le développement théorique, tous deux affectés par des transformations technologiques et sociales extrêmement rapides.

Christian Agbobli nous montre l'évolution de la production des théories communicationnelles confrontées aux mutations du siècle. Il nous explique que la communication internationale, après avoir établi à partir de la Seconde Guerre mondiale une tradition tournée vers des problématiques de développement, se trouve aujourd'hui éclatée entre plusieurs objets (couverture médiatique, technologies de l'information et de la communication, diversité culturelle, etc.) rapportés à différentes zones géographiques. Cette richesse en vient, en même temps, à mettre en cause l'unité. Agbobli propose alors trois axes de travail pour tenter d'y remédier, avant de suggérer que la recherche qui en découle devrait, elle aussi, être actionnable tout en restant à distance « de toute contingence économique ou politique et de toute considération idéologique » (p. 81). Stéphanie Yates défend la rélexion théorique développée en relations publiques en la liant aux mouvements de gouvernance participative, en particulier autour de l'approche dialogique développée par James Grünig et de la théorie de la fully fucntionning society de Robert Heath. Les relations publiques exercent alors une fonction conciliatrice visant une meilleure compréhension des points de vue des parties prenantes. Loin de l'image sombre et manipulatrice que l'on colle aux relations publiques, la perspective défendue par Yates contribue à des relations harmonieuses et démocratiques entre les acteurs de la société. Ce processus sert non seulement à développer les approches des sciences humaines et sociales, qui pensent de manière élargie ce que peuvent être les « acteurs sociaux » -c'est-à-dire en ne les cantonnant pas aux seuls êtres humains ou organisationnels -, mais en les pensant de manière plus originale, comme « le résultat de processus sociaux coextensifs de [leur] constitution » (p. 137). À travers l'analyse d'un documentaire, il s'appuie sur la place des émotions pour faire ressortir cette dimension processuelle, non plus de l'action, mais des individus agissants.

Richard

Les auteurs constatent ici la diversité, nous serions même tentés de dire l'hétérogénéité, du domaine des communications et s'interrogent sur les moyens de l'uniier. Mais la portée de leurs recherches amène, en même temps, à s'interroger sur le réalisme de ce voeu. Cette rélexion autour de notre inter-discipline a encore de beaux jours devant elle.