REVUE THOMISTE
LES RESSOURCES
DE LA RAISON PRATIQUE
Utrum beatitudo sit operatio intellectus practici (1).
La question des ressources de la raison pratique est le complément nécessaire de la question des ressources de la volonté.
Un coup d'oeil d'ensemble sur la doctrine de Scôt relative à la
possession de Dieu va nous en convaincre. Scot pose en principe
l'autonomie absolue de la Volonté. Par volonté, il ne faut pas
entendre ici la volonté humaine, le libre arbitre. Les appétits naturels, les forces du cosmos ne souffrent pas davantage l'intrusion
d'une activité étrangère. Elles passent de la puissance à l'acte par
le simple exercice de leur virtualité interne. S'il y a accord entre
les déterminations du vouloir et les déterminations d'une cause,
À par exemple les puissances de l'âme exécutent les actions d'abord représentées dans l'intelligence, c'est en vertu d'une « sympathie » fondée sur l'enracinement commun dans la môme
essence et sur la subordination idéale des facultés dans l'ordre
formel, non dans l'ordre de causalité. De même le concentusde l'univers s'opère en vertu d'une harmonie préétablie, qui, tout en
prenant pour modèle la hiérarchie formelle des fins établie par la
volonté divine, respecte le libre jeu des activités internes. La
seule différence à noter dans la théorie libertiste de Scot, comme en
toute autre, entre la volonté naturelle et la volonté humaine concerne le déterminisme des motifs objectifs qui vient s'ajouter,
chez les êtres doués d'intelligence, à l'action des causes
(l)-I» II"", q. III, a.
S.
HEVUE THOMISTE.
8° ANNÉE.
25.
378
REVUE THOMISTE
efficientes. Scot résout cette question spéciale en affirmant le
pouvoir absolu delà volonté rationnelle à se choisir des fins, en
niant toute influence nécessitante du côté de l'objet à quelque
degré du vouloir que ce soit, même au degré suprême, môme
lorsqu'il s'agit de notre objet dernier, que cet objet dernier se
présente sous la forme générale du bien ou sous la forme spéciale
de Dieu, dans la vision béatiJique comme dans la vie présente. La
raison de ceci est évidente : la liberté est de l'essence même de la
volonté et quel être pourrait mentir à son essence (1) ?
Cependant, la présence à la volonté de motifs perçus par l'intelligence est un fait que Scot n'entend nullement nier. Et, quoi
qu'on ait prétendu, nous n'avons jamais prêté au docteur subtil
une semblable opinion. Nous avons sans cloute déclaré, dans la
discussion de sa thèse, qu'admettre le primat de la volonté c'était,
en fin de compte, se passer de l'intelligence pour diriger l'ensemble du vouloir, puisque c'était placer à la source même de
l'agir un acte inconscient, sans lumière, lequel devait fatalement
rendre inconscient et sans lumière les séries de vouloir subordonnées; mais, dans Yexjiosition de la doctrine de Scot, nous
avons toujours eu soin de noter le rôle de l'intelligence avec la
caractéristique propre qu'il affecte dans ce système, et que l'on
nous permettra de rappeler (2).
La caractéristique du rôle de l'intelligence dans Je système
psychologique de Scot est celle-ci : l'intelligence à tous les degrés, sauf le cas de la connaissance abstraite, n'est que l'instrument du vouloir (3). Et cela est parfaitement compréhensible. Si
le vouloir est par définition le tout premier ressort de l'activité
humaine, la nature des diverses opérations qui intègrent cette
activité doit être déterminée par rapport à ce principe premier et
absolu. Forcément, toutes les notions psychologiques doivent être
déduites de lui, s'organiser en vue de lui. C'est à cette déduction
sans ménagements que l'on reconnaît un système solide. Et celui
de Scot, nous devons lui rendre cette justice, est ici des plus
conséquents avec soi-même.
Les directions innées du vouloir, représentées par ses aptitudes,
(1) Cf. Les exigences objectives de l'action. (Rev. Thom., VI,
p. 134 et 280.)
(2) Cf. Les exigences du vouloir. (Rev. Thom., VII,
pp. 453-46.)
(3)
In Sentent., lib. IV, d. 49-94.
LES RESSOUliCES DE LA RAISON PRATIQUE
379
sos désirs, ses besoins et en dernière analyse par son ciioix déterminant, priment donc, chez Scot, toute détermination qui tendrait
à s'opposer à elles. L'intelligence dans un tel système ne saurait
être, quoi que l'on pense de son activité propre, que la dirigée de
la volonté, l'instrument de son choix, la pourvoyeuse si l'on veut
de ses besoins et de ses désirs. Scot est parfaitement logique
lorsqu'il refuse à l'intelligence, à l'encontre de saint Thomas, la
direction de la volonté. Elle n'est qu'une puissance secondaire,
une sorte de promotion, comme l'on dit, de la volonté. Elle n'opère qu'au bénéfice de la cause principale, laquelle doit retirer
tous les fruits de cette activité subordonnée.
Nous entrevoyonsici le raccordement promis entre les ressources
de la volonté et de la raison pratique. Si les ressources de la volonté
sont telles que le veut Scot, il est évident que la valeur de notre
connaissance n'est qu'une valeur d'utilité. La fonction propre de
la raison n'est pas de fournir des vérités absolument vraies, de
nous instruire des essences : nous n'avons droit à la vérité que
dans la mesure où la vérité intéresse la pratique, c'est-à-dire notre
action. Scot donne la plus large extension au mot pratique Pour
lui, est d'ordre pratique tout vrai qui a une aptitude, même
éloignée, à devenir objet de volonté, qu'il s'agisse de la volonté
qui aime, désire et jouit ou de la volonté qui agit. Or tout être
réel, toute existence comme Fondit, n'en est-elle pas là? puisque
toute existence a une qualité, une bonté, et donc offre prise à la
volonté qui, par son libre choix, peut constituer sa fin dans celle
bonté. Tout réel est ainsi objet (le raison pratique; tout réel
échappe, par le fait même de la construction de notre dynamisme
réel interne, à la raison spéculative. On réservera à celle-ci d'atteindre les abstractions, tes principes analytiques et logiques,
parce que cette sorte de vérité n'intéresse pas l'action. Un domaine scientifique pourra ainsi se constituer dans l'idéal et servir
de régulateur suprême des coordinations intellectuelles. Mais
celte connaissance abstraite ne conquiert son exactitude qu'aux
dépens de la réalité de son objet. Aussitôt qu'elle applique les
principes au réel, la science devient tributaire des initiatives du
vouloir qui seul commande la connaissance du réel, seul est pratique. La science du concret n'est jamais qu'approchée. Ses déterminations objectives sont en définitive imprégnées de volon-
380
REVUE THOMISTE
tarisme. L'intelligence, quand elle s'applique au réel, voit moins
qu'elle ne choisit. Nos affirmations sont dans leur fond oeuvre de
volonté et de liberté (1).
A cette question, par exemple: le dogme du Dieu trine et un
(lequel passe ordinairement pour le type de la vérité spéculative)
est-il un objet de raison spéculative ou. pratique? Scot répond
sans hésiter : je dis que celte vérité est de l'ordre pratique. En
effet, la foi dmehrétien, et par suite toute sa conduise, découlera
de ce dogme compris comme il doit l'être. D'où cette conséquence
que la théologie est une science essentiellement pratique et que
l'on a bien tort de la diviser en théologie dogmatique et en théologie morale. Toute la théologie est morale, puisqu'elle n'entend
traiter que de réalité, et que toute réalité intéresse aussitôt la volonté, c'est-à-dire les moeurs du sujet qui l'éludie (2).
Cette conclusion conduit immédiatement à une explication
toute simple de l'erreur. On se trompe lorsque l'on demande à la
raison ce qu'elle n'est pas faite pour donner, lorsque l'on fait d'un
objet qui ne nous est donné que comme règle de notre agir une
vérité absolue, une loi de l'être. On se trompe même en abordant
la recherche de la vérité comme elle doit l'être, c'est-à-dire en
vue d'un but pratique, lorsqu'on n'a pas eu soin de purifier sa
volonté des passions, des habitudes mauvaises. Tout le dogmatisme moral est en germe dans le volontarisme de Scot.
Ou plutôt, il est patent, avoué. L'oeuvre de Scot est une généralisation, une philosophie des doctrines théologiques augustiniennes. Saint Thomas, en introduisant la métaphysique d'Aristote dans la théologie de Pierre Lombard, tout entière organisée,
comme le montre sa première distinction, en vue du jouir et de
l'utilité, uti et frui, avait limité l'influence du désir par la connaissance scientifique. Ce qui suffisait pour déterminer l'âme d'un
saint Augustin dans ses démarches personnelles, d'ailleurs sous
l'influence efficace de l'esprit d'intelligence, ne lui parut pas suffisant pour organiser la synthèse impersonnelle du dogme chrétien
et de la philosophie. Il fit prendre le pas sur la considération des
fins, trop étroite à son gré, à la considération plus universelle, plus
(1) SCOTUS,
In Prolog. Sent, quoest. quartâ, passim, proecipue § Ad qussstionem igitur resp.
qd. cum aetuê voluuiatis sit verissime...
(2) Ibidem.
381
LES KESSOURCES DE L.A RAISON PRATIQUE
impersonnelle des essences, des choses en elles-mêmes, pour
autant qu'elles peuvent être connues. Chez lui, du reste, la considération des fins reste à sa place : elle commando toute la II pars,
la morale do la Somme, mais elle n'envahit pas le dogme : môme
dans la morale elle subit l'influence de la connaissancespéculative,
car c'était, le principe du saint Docteur que la raison pratique est
une extension de la raison spéculative (1). On saisit la portée de
cette réforme.
Scot voulut réformer cette réforme. Le fils du séraphique
François ne s'empara de la doctrine intellectualiste d'Aristotc que
pour la mettre au service de la doctrine volontariste augustinionne.
Saint Thomas avait laissé subsister tout entier l'édifice de la morale
surnaturelle avec ses instincts subjectifs, grâce, vertus théologiques
et morales infuses, dons du Saint-Esprit, lesquels, issus de Dieu, la
première intelligence,ramenaient finalement les déterminations morales surnaturelles à un intellectualisme divin. Il s'était contenté de
marquer avec vigueur, dans cet ordre de choses, l'influence objective, parallèle à celle qui règne dans la morale naturelle qu'il instituait. Scot refuse de distinguer nettement le naturel du surnaturel.
C'est dans la nature même qu'il trouve le point d'insertion du surnaturel. C'est un mémo Dieu qui inspire la nature et le surnaturel,
et c'est par une même méthode, faite principalement d'influences
subjectives et subsidiairement seulement d'influences objectives,
qu'il règle le développement des deux ordres qui pour lui ne font
qu'un (2). L'amour qui dirigeait le coeur de saint Augustin, et par
son coeur son intelligence, et par son intelligence toute sa conduite,
devient la pièce maîtresse de l'organisation du monde, nature et
surnature. Dans cette systématisation, l'univers apparaît, si l'on
ose dire, comme un saint Augustin agrandi. Au sommet il y a un
Dieu qui aime et veut, et à la présence de cette volonté toutes les
énergies créées se mettent à l'unisson, en voulant et en aimant, ici
dans l'inconscience, là avec conscience, ici naturellement, là en
vue de la possession efficace de l'objet dernier.
Laquelle de ces deux doctrines doit avoir notre préférence? Nous
ne l'avons pas caché dans notre précédent article, encore que
quelques-unsnous ayant mal lu aient vu, nous a-t-on dit, dans ce qui
1
(1) n Inlclloclus speculativus exlensione fit practictis. »
(2) Prologi Sent, qua'slio prima.
382
REVUE THOMISTE
n'était que respect et admiration pour une grande doctrine rivale
de la nôtre, des concessions faites aux adversaires de saint Thomas.
Nous remercions du moins le R. P. Laberthonnière de ne pas s'y
être trompé (1). Il nous reste maintenant à aborder la partie complémentaire de notre thèse. Voyons donc ce que sont les ressources
de la raison pratique en matière d'entrée en possession de notre
objet dernier.
Et puisque le scotisme contemporain prétend av >ir trouvé à
l'appui de ses dires vmjait nouveau dans « la banqueroute de la
science », examinons d'abord ce qu'il en est de cette prétention.
1
SCIKNO: PAUFAri'i-: I:T RAISON PRATIOIT:
La science parfaite n'existe pas : il n'y a que noire science; mais
qu'est-ce qu'une science qui n'est pas parfaite, c'est-à-dire exacte?
Ce n'est pas une pure illusion, puisque, tout imparfaite qu'elle est,
elle nous guide efficacement pour l'action. Ce ne peut donc être
qu'une science pratique, suffisamment approchée pour que l'action
ait un rendement utile. »
Ce raisonnement, je l'ai rencontré, nous l'avons rencontré partout. Il n'est pas de Scot. Scot déduit de son principe d'autonomie
l'imperfection de la science (2). Il ne la pose pas eu principe; s'il
l'a entrevue comme confirmation de la thèse volontariste, c'a été
sous la forme accessible au vulgaire du début de la Critique de la
Raison pure. Les banqueroutes des systèmes philosophiques et des
sciences ne sont pas d'aujourd'hui. II y a du reste une grande analogie de point de départ entre Scot et Kant. Tous deux ont voulu
établir noire contact avec le réel sur le fondement de la pratique.
La reconnaissance de la contingence des systèmes scientifiques
est un fait récent et cependant la littérature philosophique et
savante concernant cette quasi découverte est des plus consi«
Pour le dogmatisme moral, p. 10.
(2) Scol est donc, vis-à-vis de la tiièse de l'imperfection de la science, dans la même
position que M. Blondcl, selon l'un de ses récents apologistes. « Ii l'a devinée plutôt
([ue prouvée. » En réalité, l'un et l'autre l'ont déduite du principe de l'autonomie absolue
de la volonté. Nos savants volontaristes, au contraire, remontent de l'imperfection de la
science prouvée par la critique à l'autonomie du vouloir, qui sert comme de clef de
voûte à leur système.
(1)
LES RESSOURCES DE LA RAISON PRATIQUE
383
dérablcs. Tout le monde connaît en France les beaux et convaincants travaux de MM. Poincaré, Boutroux, Duhem. Il n'est plus
permis de soutenir avec M. Berllwlot qu'il n'y a plus de mystère
pour la science. Ces célèbres aphorismos dont on a rebattu nos
oreilles il y a quelque vingt ans ne se trouvent plus que sur les
lèvres de quelques instituteurs primaires embrigadés par la politique. La science parfaite, rêve de Descartes, qui crut l'avoir réalisée, a passé par tarit de transformations et demeure de l'avis de
tous exposée à tant do transformations qu'on s'est demandé si la
cause de ces banqueroutes interminables n'était pas l'idée même
que l'on se faisait de la science. On a revisé avec soin ses expériences, ses postulais, ses hypothèses les plus accréditées et l'on
s'est trouvé partout on présence de demi-vérités, de mélanges indéchiffrables d'un fond ignoré avec des linéaments de réel. Inutile
d'entrer dans les détails : pendule de Foucauld, conservation de
l'énergie, hypothèses sur la lumière, atomisme, mécanique, fondements même de la géométrie et de l'arithmétique, tout a été
plus ou moins convaincu de contingence et d'irréalité partielle. Le
fait scientifique n'est rien moins qu'un décalque du réel. Il en est,
dit-on, l'expression symbolique, c'est-à-dire la description à l'aide
d'éléments de pensée qui n'ont avec la réalité qu'un rapport d'analogie. II en est de même de la loi. Soit A et B les deux termes
qu'une loi met en présence. La vraie formule de la loi consiste à
dire que A est à B ce que X réalité inconnue est à Y autre réalité
inconnue. Los deux inconnues et leur rapport sont atteints par la
science dans la mesure où A et B les concernent. Quelle est cette
mesure? C'est toute la question.
On la tranche, dans l'opinion libertistc, par des déclarations
comme celles que je vais rapporter et que j'emprunte, en les
résumant, à une suite de conférences d'un jeune savant de mérite
et auquel sa jeunesse même ajoute ce mérite spécial de dire crûment ce que d'autres enveloppent de formules souvent indéchiffrables. « La banqueroute de la science est vraie si on la considère
comme connaissance ; elle n'est pas vraie si la science est action. »
(20 mars 1900.) « 11 y a dans la science quelque chose de vrai ; il y
a des bribes de réalité. C'est la philosophie qui nous donnera, plus
que la science pratique, la connaissance, la vie intérieure, l'àme
profonde du réel. La science fournit à cette recherche son meilleur
1
384
REVUE THOMISTE
aliment. La science nous définit comme actif et la matière comme
possibilité d'être agie. L'esprit actif, la matière virtualité d'action,
telles sont les deux données dont la critique des sciences met la
philosophie en possession. » « La science exerce un double arbitraire : la perception extérieure offre du complexe, du qualitatif,
la science le remplace par du simple, du quantitatif; — nos instruments de mesure très imparfaits hésitent-ils entre deux indications,
la science choisit l'une d'elles par un pur décret de volonté. Pourquoi cet arbitraire ? C'est que la science a pour but non la connaisdévoiler les
de
la
l'homme
nature,
l'action
de
mais
non
sur
sance,
choses,mais de les découper, de les empaqueter pour faciliter notre
action. La science réussit, c'est donc qu'il y a du réel en elle. Ce
réel n'est pas objet de science, mais de philosophie. » (28 mars.)
les déformations
philosophie
de
la
problème
premier
Le
concerne
«
produites par l'action du savant. En dehors de nous tout se tient :
lui,
de
dehors
agit
n'existe
L'atome
isolé
occupe
fait
en
pas.
un
tout l'univers par sa force. 11 n'y a pas de corps distincts. (Bergson).
La science, ayant morcelé, quantifié, le savant veut faire correspondre à une température sensation une température nombre : il la
définit par une propriété concomitante du corps chaud, par exemple la variation du volume. Le choix de ce phénomène est arbitraire... Nous disons que la terre tourne parce que cette hypothèse
est plus simple que l'ancienne... Le savant se sentant libre pour
agir veut, par contre, trouver dans les choses l'inertie, laquelle n'est
pas démontrée... La science n'est faite que de déformations du
réel, instituées par un décret de la volonté. » (28 mars.) « Le
deuxième problème de la philosophie est de retrouver la part de
réel qui se trouve dans la science. Pour les dogmatistes la science
atteint le réel, c'est-à-dire quelque chose d'absolu. Les lois et les
faits existent objectivement. Réellement la terre tourne, l'énergie
se conserve. Cette attitude est insoutenable. Pour les sceptiques,
la science a fait faillite, car elle se présente comme un intellectualisme et elle n'est pas vraie à ce point de vue. Cette attitude a
raison contre la précédente, mais elle repose sur un postulat faux :
l'intellectualisme de la science. Reste une troisième attitude, celle
qui considère la science comme une déformation, par l'action,
d'éléments d'ordre psychologique. L'action dont il est question
n'est pas seulement l'action industrielle, mais aussi l'effort de
LES RESSOURCES DIS LA RAISON PRATIQUE
385
l'esprit pour prendre une possession plus pleine de la nature. Le
déterminisme de la nature, par exemple, nous permet de substituer
des énergies naturelles ànotre propre activité, ànos muscles, par un
travail d'intelligence, ce qui est très commode. Le déterminisme
psychologique suppose le morcclage des motifs d'action et l'homogénéité du temps : deux créations de la volonté. Eh réalité, notre
volonté profonde n'est pas déterminée par les motifs. Chaque acte
nous apparaît comme l'avortement de tendances très chères. Les
motifs ne sont qu'un moyen, une ruse, qu'emploie le vouloir pour
s'égaler au vouloir.Céder au motif dit le plus fort, c'est s'assujettir
librement à une règle pratique pour créer une issue à son vouloir
profond ; ce n'est pas être déterminé par lui. Ainsi la réalité latente
sous les doctrines scientifiques les plus avérées, c'est le désir intime
de notre volonté, c'est l'acte libre qui cherche à le réaliser. Nous
touchons à la loi morale et religieuse. Donnez-nous de meilleure
morale et nous vous ferons de la science plus vraie. » (16 mai.)
Nous sommes maintenant en possession des principales thèses
de la théorie philosophique, qui, s'appuyant sur la toute récente
critique des sciences, ramène l'intellectualisme prétendu des
savants à une oeuvre de raison pratique. Il s'agit de prendre position
en face d'elle.
Disons d'abord, pour alléger le débat, que nous n'admettons en
matière scientifique ni le dogmatisme absolu obtenu par voie de
décalque intégral de la réalité concrète, ni le scepticisme des partisans de la faillite de la science. La critique des sciences démontre
avec évidence la fausseté de ces deux points de vue. Et nous partageons l'opinion de ceux qui déclarent caduque et dangereuse une
apologétique religieuse fondée sur ces opinions.
La question est celle-ci : De la destruction de l'idée de science
adéquatement exacte, ou science parfaite, suit-il que toute science
soit nécessairement oeuvre de raison pratique? Nous sommes ici sur
le terrain purement philosophique, de l'aveu même de notre auteur. C'est à la philosophie qu'il appartient d'interpréter les résultats de la critique des sciences.
Et d'abord, notons que ce n'est pas la critique des sciences qui
nous définit comme acl'f et la matière comme agie. Ceci est déjà
de l'explication, de l'interprétation, et, comme tel, appartient à la
philosophie.
380
REVUE THOMISTE
Or, celte prétendue donnée demande à être examinée de très
près, car, du sens qu'on lui donnera, dépend la proposition fondamentale de la théorie présente, à savoir qu'agir c'est déformer.
Recueillons cet aveu que l'action dont il s'agit n'est pas proprement l'action industrielle, car l'on pourrait faire quelques concessions à cette sorte d'action. Les sciences appliquées n'ont jamais
eu la prétention d'être des sciences parfaites, mais seulement
utiles. La concession que nous offrons n'entame donc p ts le fond
•de la question posée. Jl s'agit de la science purement spéculative,
la physique mathématique, par exemple. Vis-à-vis de celle-ci,
nous ne trouvons d'autre agir que l'acte de l'esprit qui cherche à
prendre une possession plus pleine de la nature. Cette possession
peut sans doute être ordonnée à des utilités ultérieures, ou procéder de désirs internes antérieurs, mais, par définition, elle ne
peut être que la possession qui résulte d'un acte de l'esprit. Nous
soulignons le mot acte, afin que l'on ne nous accuse pas de trancher subrepticement la question. C'est comme action que nous
considérons l'oeuvre de l'esprit. Nous ne savons pas encore si c'est
une oeuvre intellectualiste; nous nous refusons seulement à considérer les actes antécédents, de désir par exemple, ou les utilités
conséquentes contenues dans ces actes comme intégrant formellement l'acte de l'esprit. Ce sont des moteurs extrinsèques, très
puissants sans doute, mais qui ne sauraient rien changer à ce
que l'acte de l'esprit est en lui-même.
Qu'est-ce donc que l'acte de l'esprit ?
C'est, de l'aveu de tous et du nôtre, un acte d'abstraction. Dans la
Réalité, quelle que soit la nature de celle-ci, il saisit certains éléments et leur reconnaît, une portée objective par ses affirmations,
« Donc il découpe, donc il morcelé, donc il déforme », nous diton aussitôt. C'est ici que je ne comprends plus. Pour découper,
pour morceler, pour déformer, il faudrait que la réalité fût une,
qu'elle eût une forme autre que celle que l'esprit lui reconnaît.
Mais je demande par quelle voie on s'est assuré qu'il en est ainsi.
Il est vrai qu'on l'affirme. Il est vrai que l'on nous donne de nombreux exemples tendant à manifester cette unité primitive, et,
chose plus curieuse, cette forme ontologique originelle de la matière. Mais je demande toujours par quelle voie on s'est renseigné
sur cette ontologie antérieure au travail intellectuel. Pourquoi
LES HKSSOrHCES DE LA RAISON PRATIQUE
387
affirmer l'uni 16 plutôt que la multiplicité dos formes, pourquoi
telle forme plutôt que telle autre? Cependant, nous dit-on, il y a
certainement déformation. Je crains que celte déformation ne soit,
elle aussi, un pur décret de la volonté.
Ma crainte augmente lorsque je parcours les exemples parlésquels on établit J'état primitif du connaissable avant la connaissance. Voici M. Bergson, entre autres, qui prétend qu'il n'y a pas
de corps distincts. Je demande où il l'a pris. Est-ce une déduction
d'une théorie quelconque? Ce n'est plus alors une donnée immédiate. Et si c'est une donnée immédiate, quel sixième ou septième
sens a pu la lui fournir? J'avoue, pour ma part, que celle sensation je ne l'éprouve pas, et que cette mécanique du Tout homogène que l'on prétend plaquer sur ma sensation vivante en acte
des touts discrets lui produit exactement l'etfet que son auteur,
mieux inspiré dans son livre du Rire, attribue à ces sortes de placages : c'est du comique tout simplement. L'auteur en appellera
aux sensations des enfants en bas âge, mais sait-il ce qui se passe
chez eux? Créent-ils des différenciations ou les reconnaissent-ils
seulement? CM lo sa? On argue du continu et l'on énonce gravement qu'entre le verre et l'air qui l'entoure, il y a un corps qui
passe des propriétés de l'air et à celle du verre, qui n'est déjà plus
air, mais n'est pas encore verre. Oui, sans doute, et naturellement
il y aura encore entre ce corps intermédiaire et le verre un nouveau corps plus verre et moins air que le précédent, et il y aura
encore... « Nous voici au rouet », dirait le vieux Montaigne. Si fait,
nous aboutissons, mais à quoi? à de l'air encore discernable du
verre, et cependant si proche du verre, qu'il n'y a plus d'intermédiaire possible, Pourquoi, demanderai-je, nous arrêter en si beau
chemin? S'ils sont discernables, ne sont-ils pas distincts? Et dès
lors, n'aurait-on pu aussi bien concevoir directement le verre et
l'air unis par leurs extrémités dans la catégorie de quantité (1),
encore que distincts dans celle de qualité? Ne fait-on pas ici exactement ce que l'on reproche aux autres, ne confond-on pas deux
données immédiates, et dont la perception primitive ordonnait de
respecter la distinction?
Nous touchons ici à la confusion foncière de la théorie. De ce que
la critique des sciences, très légitimement, aboutit à l'introduc(1) « Continua sunt quorum extrema sunt unum.
»
388
.
REVUE THOMISTE
tion de la considération des qualités dans les théories scientifiques (1), nos philosophes concluent que c'est nous qui « teignons
de nos qualités », c'est encore Montaigne qui parle ainsi, les objets
ou plutôt l'unique objet, le noumène homogène. Mais il est évident
que le fait acquis de la science a deux issues, que la qualité désormais indispensable à la science ne sort pas nécessairement du
sujet, qu'elle peut venir de l'objet, et que les résultats certains de
la science sont en eux-mêmes indifférents à ces deux théories.
Même une théorie intellectualiste qui tiendrait compte de leurs
desiderata et data ferait bien l'affaire des savanis, grâce à l'affinité qu'elle aurait avec leur conception ordinaire des choses. Bref,
l'analyse de l'acte de l'esprit s'impose et n'est en aucune façon
tranchée, si toutefois elle est orientée par les progrès récents. La
science, parce qu'elle est abstraite, n'est pas nécessairement déformée. On abstrait légitimement ce qui a une réalité à part dans
l'être. La question demeure tout entière.
Qu'est-ce que l'abstraction? Ne serait-ce pas la distinction par
l'esprit de réels distingués dans les choses et des relations réelles
qui les unissent en des touts hétérogènes? En les rassemblant dans
une intuition synthétique, l'acte de l'esprit déforme-t-il nécessairement ces réels et leurs relations? Pourquoi toule son activité ne
se bornerait-elle pas à reconstruire consciencieusement, à l'intérieur, un édifice intellectuel dont les pierres vivantes, les données
sensibles immédiates, seraient coordonnées selon les relations
qu'elles portent en elles et qui sont les expressions vivantes,
encore que transportées dans un sujet différent mais adapté, des
réalités extérieures et de leurs relations ? Et, dès lors, l'éditice
entier, le concept, pour le nommer, ne pourrait-il pas être justement considéré comme la reconstitution, sinon intégrale, du moins
dans la Revue des Questions scientifiques (octobre 1896), l'article magistral par
lequel M. Duhem conclut la série d'éludés publiées sur ce sujet par lui dans la Revue
des Deux Jfondes, 1" mai 1894, 15 juin, lu juillet, 13 août 1895. L'auteur, bien loin de se
rangera l'opinion volontariste, demande à la doctrine d'Aristote, commentée par saint
Thomas, la philosophie qui couronnera les résultats de la critique scientifique. On peut
penser que cette attitude est la cause qui l'a obligé à publier dans la Revue des Questions
scientifiques l'épilogue pressenti (-13 août 1895, p. 368) de la série inaugurée dans la
Revue des Deux Mondes. Tant que M. Duhem a détruit, M. Brunetière et son comité lui
ont laissé toute liberté (oh combien !). Il travaillait à la banqueroute et, qui mieux est,
la justifiait scientifiquement. Mais le voilà qui réédifie, et, scandale inattendu, voit
dans la scolastique la théorie philosophique qui répond aux exigences de !a critique
scientifique. Alors...
(1) Voir,
LES HESSOl.'P.CES HE LA HAISO.V PRATIQUE
389
caractéristique^ du tout réel extérieur auquel l'abstraction en a pris
les éléments? Ainsi serait sauvegardé l'incomplet de la connaissance, car l'abstraction, fruit du travail des sons et de l'esprit, ne
contient pas nécessairement tout le réel, et l'on peut, parexemple,
penser qu'un sixième sens enrichirait nos informations de données
nouvelles, lesquelles font cependant déjà corps avec la réalité;
mais, en même temps, serait expliquée la part de correspondance
avec la réalité que la science avoue, la constance partielledes lois et
des expériences scientifiques quela philosophie volontariste néglige
d'expliquer. On ne peut, en effet, rendre compte de cette constance par le désir ou les visées du savant. D'où vient, qu'en dépit
de ses désirs, on ne peut satisfaire un enfant qui demande la lune
alors que l'on peut satisfaire un savant qui a besoin de la loi de
Mariolte ? En fait, ce désir était-il moins vif et le décret moins
impérieux? Et d'où vient que la comète de Biela n'a pas
reparu à son poste, alors que le soleil l'ait tous les jours bonne
ligure au sien? Le désir explique bien la mise en branle de
l'esprit du savant, et morne son orientation (sur des indices donnés
parla connaissance, notons-le Lien), vers certains résultats plutôt
que vers d'autres. Mais, à lui tout seul, il ne peut faire naître telle
loi dans telle partie de la physique, si elle n'y est pas.
Il faut, à la loi scientifique comme à la vérité d'expérience, un
point d'atlache dans la réalité. II y a donc une correspondance
entre les uns et l'autre. Le savant ne possède pas, dans sa formule,
ia réalité plénière ; mais ce qu'il en possède en estime image assez
caractéristique pour qu'il puisse affirmer, avec certitude, qu'un
réel objectif constant fait face à ces lois constantes. Ce n'est pas là
une déformation ; c'est une intuition incomplète obtenue par abstraction. Elle ne représente pas adéquatement le fond de l'être en
vue et nous nous en rendons parfaitement compte. Elle le représente cependant d'unemanièreassez significative pour qu'on puisse
le reconnaître immanquablement. Si elle prétendait embrasser,
dans sa formule, l'être concret total, c'est alors et alors seulement
qu'elle le déformerait. Et c'est sans doute en ceci que consiste le
vice de la science cartésienne et de ses dérivées, les sciences
dogmatisantes. Mais elle ne le prétend pas. Entre l'idée d'une
science parfaite et l'idée d'une science déformatrice de la réalité,
elle introduit l'idée d'une science incomplète de par la nécessité
390
REVUE THOMISTE
même de l'instrument d'abstraction qui serf, à l'édifier, mais cependant vraie dans la mesure où l'esprit opère sur dos données immédiates en contact avec la réalité. Ce n'est pas clans Jes à priori du
désir et du décret de la volonté, lesquels ne sauraient aboutir qu'à
un subjectivisme scientifique, en déformant le réel, qu'on trouve
la cause de l'imperfection de la science. Cette cause est tout simplement l'imperfection de la connaissance intuitive abstraclive;
cette cause relève bien, si l'on veut, de l'acte du savant, mais non
pas de son acte volontaire. C'est son acte intellectuel qui renferme
à la fois la force qui le rend capable de saisir la vérité et la faiblesse qui rend cette vérité nécessairement incomplète. Quand
l'intuition du savant, se reporte vers la réalité plénière, il ne la
rencontre pas, son regard se perd : il sait cependant qu'elle est là ;
il sait qu'il y a là une essence dont il possède des traits déterminants. Le rayon n'est pas la circonférence, encore moins le cercle.
Cependant, l'arpenteur géomètre qui possède la mesure du rayon
du terrain qu'il veut circonscrire, s'estime à bon droit, posséder la
mesure de sa circonférence et sa surface. Ainsi, sauf toutes les
réserves que réclame chaque cas spécial, notre savant. Moins que
la réalité, plus qu'un signe ou un symbole, il possède dans sa
loi la formule caractéristique, tirée du réel et qui va au réel, avec
laquelle il définit le réel. Définir n'est pas posséder adéquatement.
L'intellectualisme bien entendu, a-t-il jamais demandé antre
chose à la science que la définition du réel ? Le moyen de démonstration accepté de toute la tradition savante est-il la chose en soi ?
n'est-il pas seulement sa définition? Et la définition suffit, puisqu'elle assure la rigueur et la constance des déductions.
Ainsi, nous déplaçons l'axe des explications des résultats de la
critique des sciences. Nous devons la chercher autre, part que dans
la liberté. C'est dans l'analyse môme de l'acte de connaissance
qu'elle se trouve. Du même coup la thèse triomphante du volontarisme, qui se présentait comme le prolongement forcé de la pins
récente science, manque de fondement. La destruction de l'idéal
de la science parfaite n'aboutit pas à l'avènement de la raison
pratique dans l'ordre scientifique. Le fait nouveau sur lequel
on prétendait étayer la théorie volontariste vient se caser de luimême dans les cadres de la doctrine de l'intuition abstractive
d'Aristote et de saint Thomas.
LES RESSOURCES DE LA RAISON PRATIQUE
391
Parlons clair. Ce n'est pas aux derniers progrès de la critique
scientifique que s'origine la théorie que nous venons d'étudier;
elle est, en réalité, une dépendance des doctrines immanentistes
qui attribuent ci priori à un effort venu de l'intérieur les déterminations de la connaissance et de l'action. C'est donc vis-à-vis de
ces doctrines qu'il convient maintenant de reporter le débat ouvert
au sujet des ressources de la raison pratique. Les doctrines- immanentistes sont-elles fondées à attribuer à la raison pratique les
ressources presque absolues qu'elles lui concèdent ? Telle est la
question.
II
IMMANENCE ET
RAISON PRATIQUE
On entend par doctrines immanentistes les théories qui font
dériver les déterminations affectant un sujet de la seule activité
interne de ce sujet.
Dans les théories ontologiques explicatives de l'univers, l'immanontisme est représenté par les monismes de toute espèce, idéalistes ou matérialistes. Spinoza, Hegel, Hartmann, Schopenhauer,
Spencer, ILeckel, Fouillée, admettent au principe de toutes choses
un déterminant absolu, substance, idée, germe, volonté, matière
amorphe, monère, idée force, d'où, par voie de développement
interne, sortent toutes les déterminations des êtres. Notons que
le théisme lui-même est primitivement un immanentisme, en ce
sens du moins que les choses extérieures à Dieu sont, dans ce
système, une émanation, par voie de causalité, de l'action interne
de Dieu. C'est par rapport à nous que le théisme est transcendant.
Il ne l'est pas du côté de Dieu.
Transporté dans l'ordre de la connaissance, l'immanentisme se
trouve partiellement dans toutes les doctrines qui admettent
Finnéité des idées, de Descartes aux psychologues spirilualistes
actuels. C'est dans la Critiquede la Raison pure que l'immanentisme
épisiémologique atteint sa formule l'igoureuse, absolue. Le noumône kantien est amorphe. Ce sont les formes internes de la sensibilité, les catégories du jugement, les idées de la raison qui le
fragmentent en diverses connaissances. Chez les hypercritiques
issus de Kant, il n'y a plus même de déterminé : les connaissances
392
KEVUE THOMISTE
sont de purs termes de l'activité déterminante du sujet. M. Bergson
a-t-il rompu avec le principe de l'immanontisme absolu? Nous en
doutons fort. Quoi qu'il eu soit d'ailleurs de l'objectivité initiale
des images élémentaires au milieu desquelles nous vivons plongés,
il est constant que, d'après cet auteur, les données immédiates
perdent de leur réalité presque aussitôt qu'elles sont acquises, par
le fait du travail de l'esprit, agissant en vertu des besoins du sujet.
On peut donc dire que, dans ce système, la primauté appartient à
l'activité déterminante du sujet pour toutes nos connaissances concrètes ; les données immédiates, produits bruts de la sensation,
n'étant que de pures notions passives, analogues au noumène de
Kant, différentes seulement par le morcellement apparent, dans
lequel elles nous sont données, et qui cache du reste l'unité foncière
de la réalité. A simplement parler, c'est le sujet qui par son activité est encore ici le déterminant.
En morale, nous rencontrons d'abord Scot, avec sa théorie de
l'autonomie de la volonté et de la spécification libre des actes de
volonté par les objets, avec sa confusion, déjà mentionnée, du réel
et du bon, qui le fait ranger sous un certain point de vue parmi les
immanentistes de la connaissance. Mais c'est Kant, ici encore, qui
le premier formule rigoureusement l'immanentismcEn effet, cette
activité de la raison pure qui, à l'entendre, se développe dansl'ordre
de la connaissance en plaquant sur le noumène des formes internes,
peuts'exercer sans égardaunoumène. Quelledéterminationpourrait
l'en empêcher, alors qu'elle est le suprême déterminant? Elle est
donc libre, et son objet est désormais le pur devoir correspondant à
son pur pouvoir. Mais ce pur devoir abstrait de tout objet représenté
dans la connaissance. Gomme tel, il s'impose à la liberté, dont il
constitue le terme nécessairement corrélatif. La loi morale
est trouvée : elle consiste à égaler le pouvoir libre au devoir pur.
Elle consiste dans l'action faite selon la conscience, dans la bonne
volonté. Cette loi est extraite tout entière de l'immanence de la
raison pure. Ou mieux, elle constitue le fond même de la raison
pure avec la liberté qui lui est corrélative. Par des décrets de cette
liberté, et pour que le fonctionnement de la liberté réalisant la
loi morale ne tombe pas dans le vide, la croyance instituera des
postulats régulateurs à l'aide des idées de raison, l'idée de Dieu,
par exemple, ou même elle se servira des déterminations idéales
LES RESSOURCES DE LA RAISON PRATIQUE
393
produites par les catégories et les formes de la sensibilité, pour
instituer des préceptes matériels, sans leur conférer, bien entendu,
une valeur transcendantale. Mais, en définitive, tout, devoir, postulats, préceptes matériels, n'a qu'une valeur de règle d'action, c'està-dire la valeur que déterminent les exigences de la raison pure,
devenue raison pratique en agissant purement, en vertu de ses
seules innéités, comme déterminant absolu.
Dans les doctrines religieuses touchant le surnaturel, nous rencontrons le naturalisme, qui rattache le surnaturel à des exigences
naturelles. C'est ce que font certains apologistes maladroits et
inconscients de la nature du surnaturel. Les doctrines dites américanistes, en ce qui concerne Fefiicacité surnaturelle reconnue
aux vertus naturelles, sont un chapitre de cette sorte de théologie
dont leur ancêtre Pelage, un Anglais lui aussi, a écrit le traité
complet au v° siècle. Avec un sens incomparablement plus théologique, et qui le met à l'abri du soupçon d'hérésie, nous trouvons
ici encore Scot et sa doctrine de l'appétit inné au surnaturel
déposé dans la nature, appétit qui ne saurait sans la grâce se développer efficacement et prétend jouer le même rôle que la puissance
obédientielle des thomistes, c'est-à-dire servir de point d'insertion
dans la nature au surnaturel. Il n'échappe pas au reproche qu'on
lui fait d'être ordonné positivement, directement au surnaturel, au
lieu d'être ordonné comme la puissance passive obédientielle à
l'action du Dieu qui effectue le surnaturel. Si, comme il est inefficace de soi, on ne peut le taxer d'hérésie, il n'en est pas moins
vrai qu'il se rattache aux doctrines qui font sortir le surnaturel
des activités immanentes du sujet.
Nous avons cru nécessaire cet exposé d'ensemble pour mieux
faire ressortir le schème commun des doctrines de l'immanence et
mieux faire comprendre ce qu'il y a d'essentiel dans l'immanentisme en fait de connaissance, qui doit seul nous occuper maintenant. L'immanentisme consiste à considérer un sujet comme
tirant de son propre fond, par une activité autonome, toutes les
déterminations d'être, de connaissance, de moralité, de surnaturel,
c'est-ù-dire toutes les formes, toutes les idées, toutes les vertus,
toutes les participations de la divinité qui peuvent l'affecter.
Dans le système de Kant, on a pu s'en apercevoir, la valeur de
REVUE THOMISTE. — 8° ANNÉE. — 2G.
394
REVUE THOMISTE
C'est
immanence.
de
directe
raison
son
la Raison pratique est en
des
objets
les
comme
considère
pratique
parce que la Raison
maintient
qu'elle
les
des
choses
règles d'action et non comme
Raison
de
la
l'action
relative
à
réalité,
toute
dans la réalité. Cette
objets comme
des
valeur
La
elle.
conférée
lui
par
est
pratique,
Les
démontré.
l'a
Raison
la
de
pure
critique
la
choses est nulle;
déterminations de la connaissance ne valent que par les décrets
système
imaginer
peut
On
un
pratique.
ne
de la Raison pure
d'immanence plus rigoureusement clos.
volontaristes qui condes
Scot
et
de
épistémologique
Le système
de
Kant
du
système
en
diffère
psychologues
demeurer
à
sentent
lieu
d'être
pratique,
Raison
la
au
fond
de
le
qui
est
ce que la liberté,
objectif, est
savoir
destruction
du
de
la
Kant,
chez
déduite, comme
directeréalité
savoir,
de
une
objet
comme
ce
affirmée comme un
On trouve cepenpsychologique.
conscience
la
ment perçue par
à
qui
renferme
raisonnement
l'avons
un
vu,
dant chez Scot, nous
volonté est
la
Si
kantienne.
déduction
la
embryonnaire
toute
l'état
dans
alors
répéter
aime
à
penseur,
objets,
ce
les
déterminée par
d'action
plus
n'y
il
nécessité
et
la
de
a
le
notre agir c'est règne
la
l'individu
est
Mais
possible.
morale
de
individuelle ni, partant,
chrétienne
religion
la
nécessaire
morale
est
;
la
réalité
et
grande
quelque
n'y
à
il
Donc
réclamer.
pas,
la
a
raison
s'unit à la
pour
Mais si les
choses.
des
venant
déterminisme
soit,
de
degré que ce
la
qu'elles
sont
tout
par
dans
ce
pouvaient
être
connues
choses
raison spéculative, ce déterminisme s'imposerait. Donc il n'y a
donc les objets de connaissance,
spéculative,
connaissance
de
pas
l'esprit
de
création
abstraites,
connaissances
des
à part le groupe
ils
plus curieuse qu'utile, ne sont connus que dans la mesure où
I'ÊTRE qui est l'objet
le
RON
et
c'est
donc
sujet,
non
le
intéressent
Réel
du
est
connaissance
toute
donc
connaissance,
réel de notre
pratique.
les
aurions
répéter
à
kantienne,
en
déduction
nous
la
Contre
généralisant les observations que nous avons faites dans le premier paragraphe de cette étude. La destruction du savoir en
général peut s'expliquer, comme la destruction du savoir scientifique, par deux voies : celle de Kant qui passe directement d'un
extrême à l'autre, de la négation de la science parfaite à la négation de la valeur objective de toute science ou métaphysique ; celle
LES RESSOURCES DE
LA.
RAISON PRATIQUE
395
qui, conformément aux data d'Aristole, affirme entre les deux
extrêmes la science vraie, mais imparfaite, la métaphysique
réaliste, mais obtenue par abstraction et intuition. Ce serait tout
un traite de la connaissance scientifique qu'il faudrait ici justifier.
Ce n'est pas le lieu. La doctrine aristotélicienne de la connaissance est connue. Il nous suffira d'en mentionner pour le moment
la place dans la réfutation de Kant. Nous constaterons seulement
que, si la position kantienne est possible, j'entends comme explication du problème posé, celle d'Aristote, au même point de vue,
ne l'est pas moins.
Reste la question, commune aux kantiens et aux simples volontaristes, de la cohérence intérieure d'un système qui origine toutes
nos connaissances du réel, les abstractions exceptées, à des
décrets du vouloir. Examinons-la dans son principe, dans son
motif principal, dans son énoncé fondamental, à savoir que l'être
est immédiatement objet de volonté.
Son principe est l'existence de la liberté absolue. C'est là,
dirons-nous, une pure hypothèse. On prétend la transformer en
thèse en la déclarant fait de conscience, llien de moins solide. A
vrai dire, j'ai le sentiment que je puis lever le bras ou ne pas le
lever. Mais rien ne prouve que ce pouvoir est un absolu. Ma
conscience ne me dit pas s'il manque d'antécédents, soit du côté
des motifs, soit du côté des habitudes ou des innéilés du sujet. Il
me semble, au contraire, que ma résolution quelle qu'elle soit
i'originera toujours à un motif antérieur avec lequel elle apparaît
comme liée. J'ai mille preuves que ma liberté a été en maintes
circonstances déterminée par des immutations corporelles, à la
suite par exemple de changements de température. Je découvre, à
la réflexion, les motifs qui m'ont fait agir et dont je ne soupçonnais
pas l'existence au moment que j'agissais. La liberté est un fait de
conscience, soit; l'autonomie absolue de la liberté est un fait de
conscience, nullement. C'est là une conception spéciale de la
liberté, une interprétation théorique du fait de conscience, qui
trouve en face d'elle d'autres conceptions et interprétations plus
ou moins relatives, et doit faire sa preuve contre elles. La conscience ne saurait trancher la question.
Mais alors, objecte-t-on, c'est le déterminisme. Oui et non,
'
396
REVUE THOMISTE
répondrons-nous. Tout comme dans votre thèse c'est l'indétcrminisme. Vous n'admettez pas l'indéterminisme absolu, vous n'admettez pas par exemple que la conscience erronée égale la conscience vraie, vous n'admettez pas que la démonstration philosophique soit comme le coup de dés où pour un point Martin perdit
volontaires, par des lois du
innéités
des
limitez
Vous
àne.
par
son
besoin et du vouloir, la liberté de nos démarches. Vous ordonnez
la purification de ce vouloir par la vie morale par exemple. Je ne
de quel
ni
conséquents,
si
êtes
nom
demande
au
vous
pas
vous
principe vous déclarez illusoire telle virtualité, celle du vice par
exemple, et maîtresse de vérité telle autre, celle par exemple de
la vie selon l'Evangile. Je remarque que, pour ne pas aboutir à un
sensualisme immoral, à un dilettantisme effréné, vous posez à l'action de la liberté des limites internes, arbitraires ou justifiées, peu
importe. Voilà ce que j'appelle un indéterminisme relatif et non
absolu, une autonomie qui ne l'est guère. Pouvez-vous trouver
mauvais que nous admettions un déterminisme relatif, que nous
admettions par exemple la liberté dans le choix des moyens tout
de la volonté qui choisit
antérieure
détermination
la
exigeant
en
(1), dans un sujet
montré
l'avons
si,
Et
fin?
nous
comme
par une
qui veut, les moyens forment comme une chaîne de nécessités, se
ralliant de fait les uns aux autres jusqu'à une fin qui leur sert de
point d'appui, et qui est à tout le moins le bien désirable par le sujet,
liberté se concilie ici
la
voit
fondamental,
qui
que
ne
moteur
son
d'assentiment étant hypothétique
nécessité
nécessité,
toute
la
avec
et non absolue, et se formulant ainsi : si tu veux cela (la lin),
choisis ceci (le moyen)? Et voilà ce que j'appelle un déterminisme
relatif. Les moyens sont son domaine; les tins lui échappent en tant
objets de
pourront
être
être
et
elles
ont
d'ailleurs
telles,
pu
car
que
choix par rapport à d'autres fins auxquelles leur nature ou tout au
moins l'initiative du sujet les rattachent (finis operis et finis operantis) ; en tout cas, la fin dernière des actions humaines est soustraite à ces démarches électives. Ici, connaître équivaut à vouloir.
C'est volontairement, mais ce n'est pas librement que l'on désire
la volonté le règne de
dans
inaugure
bonheur
du
L'idée
bien.
son
la nature et de la nécessité, limité tout aussitôt par la relation ina(1) Cf. Les exigences objectives de l'action. (Rev. Thom., VI, p. 12îi.)
LES RESSOURCES DE LA RAISON PRATIQUE
397
déquate qu'ont tous les autres biens à ce bien parfait et perfectif
de notre être.
Mais, nous dit-on, si la science établit la hiérarchie des nécessités, comme le prétend votre intellectualisme spéculatif, c'en est
fait du choix libre de ces biens secondaires, de ces moyens, comme
vous dites, car, par la science, ils apparaissent nécessairement
déduits les uns des autres et finalement d'un principe premier. Où
l'esprit ne peut que suivre la filière des nécessités scientifiques,
comment la volonté, selon vous spécifiée par l'esprit, se déroberait-elle? Il faut qu'elle marche à la remorque de l'esprit. Et vous
voilà vous-même à la remorque des prétendus savants qui soutiennent l'efficacité absolue de la science pour moraliser.
Nous n'affirmons pas davantage l'influence absolue de la science
sur la volonté, répondrons-nous, que vous n'affirmez l'efficacité
absolue de la morale pour rendre savant ou philosophe.
Voici par exemple un philosophe volontariste qui traite d'orgueilleuse attitude le subjectivisme et fait de l'acte qui consiste à
reconnaître le réel objectif un acte de vertu, docilité, prière de
l'attention, purification des données illusoires, etc. Il ne pense pas
sans doute que la vertu seule aura ce pouvoir; il estime simplement qu'un esprit agissant au service d'une volonté ainsi préparée
accomplira l'acte normal qui correspond aux vrais besoins, aux
lois réelles du sujet. La vertu écarte ces obstacles et permet aux
vraies tendances d'aller à leur but. Mais, encore une fois, qui
jugera qu'une tendance est vraie et qu'une donnée est illusoire ?
L'action des décrets delà volonté est ici impuissante. On ne décrète
pas sans raison qu'une tendance est vraie, qu'une donnée est illusoire. Il y a donc une raison de cette vérité et de cette illusion. Il
y a donc un « instrument judicatoire » de la bonté de nos tendances internes dont l'acte est antérieur à la volonté. Quel est ce
critérium ? Je le demande aux auteurs de ce système. Pour moi, je
ne vois que la différenciation, au sein du vouloir tel qu'ils le
conçoivent, du bon et du vrai, du vouloir et de l'esprit, delà fin et
de l'être. Le volontariste qui tire du sujet toute vérité est obligé
de supposer dans le sujet un principe distinct de la volonté et qui
lui sert de norme. Car la bonne volonté n'est pas toute volonté,
mais seulement celle qu; regarde un bien vrai. Ainsi, subrepticement, on place en tête de l'action du vouloir un déterminisme
398
HEVUE TUOMISTE
intellectualiste aussi tranché que le nôtre, quoique subjectif, des
raisons logiques de bonté dont l'influence prime les décrets d'une
volonté marchant infailliblement à la véritable science et à la vraie
philosophie.
Scot avait bien vu cette objection et il l'avait tranchée par une
affirmation sans preuve : l'être et le bien ne sont qu'un, disait-il ;
et ce n'est que par la raison, au servicede la volonté cherchant son
bien, que nous connaissonsl'êlreréel ; ce n'est que parla raison pratique. A cela un intellectualisme absolu (I) pourrait répondre: l'être
et le vrai ne sont qu'un ; c'est donc parla raison, abstraction faite
de tout acte d'affirmation, que nous connaissons l'être réel, c'est-àdire par la raison logique.
Selon la réalité, l'être est antérieur à la considération de la bonté
et de la vérité qui lui sont intimes. Il dit ce qu'il est de par luimême sans relation à la volonté et à l'intelligence. Que cette double
relation s'éveille, aussitôt surgit la question: Laquelle plus que
l'autre nous livre l'être?
Une chose certaine, c'est que l'être qui se présente comme
fin d'activité est objet de connaissance, tandis que l'être présenté à
la connaissance n'est pas nécessairement fin de vouloir. Par
exemple, les choses naturelles, objet de la physique, ne sont en
aucune façon l'objet du vouloir de l'homme. Dire que nous sommes
très intéressés à les connaître, soit pour parfaire notre connaissance,
soit pour des utilités ultérieures, c'est dire que la perfection de
notre connaissance ou ces utilités ultérieures intéressent notre
vouloir, non que la réalité naturelle est elle-même objet direct et
immédiat du vouloir. C'est dire que ces réalités, au même titre
que d'autres, sont capables de mettre en exercice l'une des activités soumises à notre volonté, non qu'elles déterminent et règlent
directement notre volonté. Au contraire, affirmer cette réalité,
dire qu'elle est ceci ou cela, spécifie directement la connaissance
qui est tout entière à dire : cela est, cela n'est pas, entendant
signifier par là qu'il en est de la réalité affirmée comme de l'esprit
qui affirme, qu'il y a adéquation dans les limites de l'affirmation
entre l'esprit et l'être.
L'être, pour regarder directementla volonté, doit donc être considéré comme bonté, comme fin, et ces considérations ne convien(1) Celui de M.
Weber ou de M. Remacle, par exemple.
399
LES RESSOURCES DE LA RAISON PRATIQUE
nent qu'à certains êtres, lesquelles intéressent par là les virtualités
internes de la volonté qu'ils concernent. Ces considérations sont
postérieures à l'être en tant que tel.
Pour regarder directement l'intelligence, au contraire, l'être n'a
qu'à lui devenir présent. L'intelligence pourra ne pas le connaître dans tout ce qu'il est. Cela tiendra à l'imperfection du sujet qui
connaît. Mais la notion de l'intelligence étant d'affirmer l'être là
où il est, et de dire la nature de l'être ainsi exprimée, ne renferme
en soi aucun principe de limitation vis-à-vis de l'être. Elle le dit
et l'affirme simplement, tandis que la volonté le dit et l'affirme
en tant que bon, ce qui n'est plus la considération de l'être en tant
qu'être.
Par sa structure même, l'intelligence se déclare faculté de l'être.
La bonté elle-même, pour autant qu'elle est une bonté véritable,
est objet direct de connaissance. Car la vérité de la bonté c'est
d'être bonne en réalité, et c'est à l'intelligence d'affirmer cette réalité. Ainsi la volonté devient tributaire de l'intelligence qui la
dirige en lui livrant les vrais biens, et qui, grâce à son universelle
et absolue aptitude d'adaptation à l'être, la conduitjusqu'à l'amour
d'un bien universeldominant les virtualités changeantes du vouloir,
et c'est ainsi que l'intelligence détermine en elle cet appétit
sans limite, que les volontaristes peuvent bien constater, mais
qu'ils ne sauraient expliquer, parce que ce n'est pas un décret du
vouloir qui l'établit, mais bien l'aperception de l'universalité du
réel, appétit qui ne s'arrête qu'à Dieu (1).
Avant donc que d'être l'objet du vouloir, Dieu comme être,
comme Dieu, est objet de l'intelligence. Dieu n'est pas objet
direct de raison pratique, de la raison qui dit : cela est bon,
cela ne l'est pas, selon le verdict antérieur de la raison spéculative.
Il est immédiatement l'objet de la raison qui affii'me l'être ou le nie
d'après ses propres renseignements et le verdict de sa propre structure, faite pour réagir par l'affirmation ou la négation en présence
des réalités. II est immédiatement l'objet de la raison spéculative.
(A suivre.)
(1) Cf. Les exigences objectives de l'action.
Fr. A.
GARDEIL,
O.P.