Les Pages du laa, No 30
Le mur et ses ornements
Bossages, tables, encadrements et autres enrichissements
dans l’architecture française à l’âge classique
Tome I — Texte
Catherine Titeux
Novembre 2018
Les numéros 30, 31 et 32 des Pages du laa contiennent respectivement les Tomes I, II
et III de la thèse présentée par Catherine Titeux pour l’obtention du titre de docteur
de l’Université Paris-Sorbonne en Histoire de l’art et archéologie et, spécialement, en
Histoire de l’architecture, le 13 décembre 2010, devant un jury composé de : Krista
De Jonge (Professeur, Catholic University of Leuven, présidente) ; Claude Mignot
(Professeur, Paris-Sorbonne Paris IV, directeur de thèse) ; Jean Stillemans (Professeur,
Université catholique de Louvain, rapporteur) ; Jean Guillaume (Professeur émérite,
Paris-Sorbonne Paris IV) ; Thierry Verdier (Maître de conférences, HDR, Université
Montpellier III).
Comité de rédaction :
Marc Belderbos
Cécile Chanvillard
Pierre Cloquette
Renaud Pleitinx (édit.)
Jean Stillemans
Diffusion :
laboratoire analyse architecture
Faculté d’architecture, d’ingénierie architecturale, d’urbanisme
Place du Levant 1 boîte L5.05.02
1348 Louvain-la-Neuve
Belgique
https://uclouvain.be/fr/instituts-recherche/lab/laa
© Les Pages du laa, 2018
ISSN : 2593-2411
Le mur et ses ornements
Bossages, tables, encadrements et autres enrichissements
dans l’architecture française à l’âge classique
Tome I — Texte
Catherine Titeux
PRÉFACE
Publiée ici dans sa version originale et intégrale, à quelques corrections et précisions apportées
par l’auteur près, la thèse de Catherine Titeux, Le mur et ses ornements, supplée à l’absence
d’enquête systématique sur l’articulation des murs dans l’architecture française savante entre les
XVe et XVIIIe siècles. L’objectif est crucial quand on sait que la question du mur, depuis au moins
la Renaissance italienne, embarrasse les théoriciens et les praticiens de l’architecture. Il suffit,
pour s’en convaincre, de se référer aux propos compliqués et aporétiques d’Alberti à l’égard du
mur ou, plus tard, aux anathèmes explicites de Laugier.
La clef qui fait hypothèse en l’occurrence est que les ornements et leur organisation soutiennent
et déterminent la disposition des murs. Devient alors décisif pour la compréhension de la
« muralité », le thème à la fois théorique et concret de l’ornement lequel, depuis la Renaissance
italienne, est également engagé dans un parcours problématique qui culminera au début du XXe
siècle avec la formule d’Adolf Loos : « L’ornement est un crime ». Alberti l’avait nourrie en
interprétant l’ornement comme supplément, tout en reconnaissant la colonne comme son
occurrence la plus excellente.
La condition nécessaire au dépliement de la thèse de Catherine Titeux tient en la constitution
d’un imposant corpus (Tome 2), où les édifices sont classés par régions et périodes, où chacun
est renseigné selon sa matérialité et ses modalités ornementales et présenté par une iconographie
adéquate.
Le propos principal (Tome 1) est divisé en trois sections qui s’enchaînent logiquement. La
première s’attache à décrire les divers modes de manifestations du mur pratiqués ; la deuxième
récolte les ornements, parmi lesquels la table prend une place importante, pour les décrire et
analyser ; la troisième étudie les articulations des murs, saisies dans leurs globalités et selon les
parties qui les composent. Chacune des sections est conduite avec une rigueur égale qui mobilise
intensivement le corpus pour asseoir des analyses où les garanties empiriques nourrissent des
interprétations menées avec agilité et sobriété.
Des annexes (Tome 3) complètent le dispositif en rassemblant, outre le tableau analytique du
corpus, les matériels qui permettent de situer les ouvrages parmi les enjeux de la Renaissance et
de l’âge classique.
Catherine Titeux atteint pleinement ses objectifs. D’abord, le corpus rassemble et organise ce
qui ne l’était pas. Ensuite, la thèse énonce les propriétés d’une architectonique pour établir sa
cohérence tout en faisant la part entre l’indépendance et les emprunts. Enfin, la question de la
présentation du mur par ses ornements bénéficie d’un apport nouveau et fécond. Le propos est
tenu avec une attaque attentive qui ne se départit pas des ouvrages étudiés ; les jeux et les enjeux
formels sont décrits et saisis avec finesse ; les conclusions sont tirées avec fermeté. L’ensemble
est servi par une écriture efficace, concise et précise.
*
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Préface
Au-delà de ses objets d’études directs, la thèse de Catherine Titeux prend place dans un débat
plus large qui concerne l’histoire longue de l’architecture occidentale.
Il est avéré que l’architectonique française dispose, aux siècles étudiés ici, d’une large autonomie
par rapport aux inventions pratiquées en territoires d’Italie. Catherine Titeux le rappelle pour le
confirmer avec de nombreux faits dont elle mène l’analyse. En particulier, les ordres classiques,
avec leurs appareils, ne sont pas massivement incorporés dans la composition des élévations et,
quand ils le sont, c’est avec cet essai de les intégrer dans un système plus large où les ordonnances
françaises demeurent partie prenante. Cependant…, les ordres italiens ne sont-ils pas
représentés indirectement en France par un motif ornemental qui fut mis en avant en Italie :
celui de la table ?
L’épanouissement de la table en France doit beaucoup, comme Catherine Titeux l’indique, à
l’œuvre de Serlio dont on sait l’impact quant au transport de références italiennes au-delà des
Alpes. Or, dans l’œuvre de Serlio, le recours à la table est très régulièrement lié à la mise en
ordres classiques d’une élévation. Les tables y prennent alors place dans les espaces laissés
« vides » entre les membres principaux (voir en particulier les Livres IV et VII de Serlio).
Cette discussion mérite d’être reprise plus en amont. La coexistence des ordres (et en particulier
de son élément maître : la colonne) et du mur au sein d’une même élévation, pose une difficulté
aux architectes renaissants. Alberti en déploie les symptômes théoriques les plus explicites dans
le De Re Aedificatoria. Parmi d’autres propos et pour faire bref, Alberti propose d’élever le mur à
la hauteur de la colonne − la colonnade est décrite comme un cas de mur excellent –, mais aussi
il entend le considérer comme une « fausse ouverture » placée entre deux pilastres. La thèse en
fait état chaque fois qu’il est nécessaire.
Le mur nu, simplement étendu, demeure étranger, indifférent, à la mise en forme des membres
architectoniques et il semble que cela ne soit pas supportable pour les architectes renaissants.
De multiples procédés sont appliqués pour tenter de réduire la difficulté. Serlio est prolixe en
ce domaine : des formes architectoniques secondaires peuvent être appelées à la rescousse
(comme des jours circulaires ou carrés), mais aussi bien ces tables qui dérobent le vide du mur
pour donner place à un support en attente d’images ou de signes. Dans ce dernier cas, le nu du
mur est remplacé par le nu de la table, ce qui n’est pas une métamorphose anodine.
La table, en Italie, semble appelée à suppléer l’insuffisance des ordres pour absorber les étendues
nues des murs ; la table, une fois transportée dans l’ordonnance du mur en France, ne remplitelle pas la même fonction ? Les tables n’apportent-elles pas la méfiance du mur nu qui s’est
construite à partir des ordres ?
Ensuite, si la table laisse le mur à nu, c’est bien dans une sorte de suspension, d’attente d’une
image ou d’un signe dont on sait qu’ils ne viendront sans doute jamais. À défaut d’une solution
architectonique, l’architecte convoque un élément tiers, placé sous la responsabilité d’un
« autre », commanditaire ou artiste : page ou toile blanche, sous l’espèce apparente d’un pan de
taille bien dressé ou d’un plein de briques posées uniformément. La table est un ornement
minimal dont la forme est vide, délivrant une attente indéfinie.
6
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Préface
Enfin, si l’ordonnancement en France se fait d’abord sans les ordres, il partage avec eux une
formation des éléments et une articulation de l’ensemble qui procède selon la logique gravitaire.
Les éléments placés en partie bas ne peuvent s’échanger avec ceux qui règnent dans les parties
élevées. L’appui et le couvrement d’une baie, par exemple, sont formés spécifiquement. Les
ornements se multiplient et se nuancent à mesure d’une progression vers les parties supérieures.
La table, pour sa part, en l’attente qui est la sienne d’images ou de signes, instaure une égalité
entre le haut et le bas ; elle est indifférente à cette hiérarchie et s’absente d’une consécution
gravitaire à laquelle se soumet pourtant l’ensemble de l’édifice et ses parties importantes. Ses
proportions peuvent bien soutenir une orientation générale de la composition, qu’elle soit
verticale ou horizontale, mais au cœur de son étendue, les directions se neutralisent, à la manière
d’un bruit blanc qui neutralise les aspérités d’une ambiance sonore.
La table, alors, serait-elle seulement une pièce significative dans l’ensemble des ornements, en
France, à l’âge classique ? Mais aussi, au-delà, ne peut-elle être portée comme un élément critique
au sein d’une longue discussion que l’histoire entretient avec elle-même ? Une pièce dans un
débat ancien et nouveau où le mur et l’ornement s’évitent et se cherchent ?
Jean Stillemans
7
À mes professeurs
Jean Guillaume
& Claude Mignot
AVANT-PROPOS
Cette recherche ne pouvait se mener sans quelques intimes motivations. C’est en
raison de nos préoccupations d’architecte que la question de la fonction du mur dans
l’architecture s’est imposée comme une évidence. Nous avions découvert avec
émerveillement, au cours de notre formation, et en regardant les monuments du XXe
siècle, que l’architecture pouvait tirer sa signification sensible de l’élément le plus
impalpable et le plus immatériel, l’espace. Au cours du dernier siècle, l’espace a conquis
une sorte d’existence propre, indépendante des qualités intrinsèques de ses limites
matérielles ; plus celles-ci devenaient abstraites, plus elles lui donnaient forme et
consistance : les modulations de la lumière, les jeux de larges ouvertures faisant dialoguer
intérieur et extérieur, la simple perception de dimensions, de proportions ou de jeux
d’échelles suffisant à lui donner corps. À l’idée de mur, à laquelle sont attachées pesanteur
et massivité, se substituait celle de « paroi » sans substance, pure surface dégagée de toute
soumission à la pesanteur, qui permettait à l’espace de se déployer librement. Cette vision
magnifique, mais très particulière de certains courants de l’esthétique moderniste1, a cédé
devant une vision moins désincarnée où les « parois » qui donnent forme à l’espace
interagissent avec lui. D’une part, l’espace peut tirer ses qualités des effets des matériaux
— couleurs révélées par la lumière, reliefs dessinés par les ombres et textures qui
sollicitent le sens du toucher2 —, d’autre part, le mur lui-même peut être espace de
représentation et se donner à lire comme un tableau3.
Nos interrogations nous ont amenée à faire un retour en arrière, jusqu’à la
Renaissance. De là vint notre intérêt pour l’histoire de l’architecture. Nous avons senti
très tôt que l’emploi d’une langue commune, celle du classicisme, n’avait pas empêché
1 Plus exactement, du courant identifié par Henry-Russel Hitchcock et Philip Johnson dans leur ouvrage The
International style : Architecture since 1922 (1re éd. New York, 1932) Selon eux, l’un des principes de ce style est l’effet
de volume définit par des surfaces destiné à remplacer « l’effet de masse, de solidité statique qui était jusqu’à présent
la qualité première de l’architecture » et son corollaire est l’emploi de matériaux lisses, continus et unis. (HenryRussel HITCHCOCK, Philip JOHNSON, Le style international, Claude Massu, éd., Marseille, Parenthèses, 2001, IV p. 43
& V. p. 49)
2 Tous les architectes des « mouvements modernes » du vingtième siècle dont Charles JENKS a montré la pluralité
utilisent les propriétés des matériaux. Wright exploitait les qualités ornementales de la construction par blocs, Le
Corbusier, dès 1930, emploie un mur de moellons au Pavillon suisse et, en 1935, construit une villa aux Mathes
entièrement en moellons. Mies Van der Rohe utilise les qualités du marbre et de l’onyx poli au pavillon de Barcelone
et emploie la brique dans de nombreuses réalisations. L’emploi du matériau brut caractérise plus particulièrement
le mouvement que Reyner BANHAM a appelé brutalisme. D’autres ont mis le matériau au principe de leur
architecture comme Louis Kahn la brique.
3 Dans leur fameux essai « Transparency : literal and phenomenal » (The Yale Architectural Journal, n° 8, 1963, pp. 45-
54), Colin ROWE et Robert SLUTSKY ont comparé la peinture cubiste aux façades de Le Corbusier qui mettent en
œuvre le principe de « transparence phénoménale » décrit comme la perception simultanée de plusieurs dimensions
de l’espace sur un même plan. Cet ordre spatial qui renverse la vision perspective classique, qualifié par les auteurs
de fluctuant et d’ambigu, a été, selon nous, mis en application à la fondation Cartier de Jean Nouvel.
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Avant-propos
que des univers architecturaux se distinguent d’une époque à l’autre, d’un « milieu »
artistique à l’autre, d’un architecte à l’autre, en grande partie grâce à la manière de donner
forme au mur. Sans ces premiers essais d’interprétation, auxquels nous avait préparés
notre formation d’architecte4, sans la lecture attentive du traité de Léon-Battista Alberti
et notre étude consacrée à l’esthétique du mur dans sa théorie5, nous n’aurions pas eu
l’idée de ce thème, dont nous apercevions l’enjeu grâce aux lectures stimulantes des essais
de Rudolph Wittkower et d’Hubert Damisch6.
Support d’ornements ou forme expressive en lui-même, le mur n’est jamais neutre.
Pourtant, il a peu retenu l’attention des historiens de l’architecture, en tout cas n’a-t-il
pas fait l’objet d’une étude de grande ampleur. Des voies ont cependant été ouvertes.
André Chastel a rappelé à propos de Palladio qu’il fallait s’intéresser à l’épiderme des
édifices et à la « fonction expressive et donc poétique » du mur7. Jean-Marie Pérouse de
Montclos a consacré un chapitre de son Architecture à la française au « Mur et à l’élévation »8
et des motifs liés au mur ont été depuis longtemps identifiés comme le bossage9. Depuis
nos premières études, toutes les parties de mur qui pourraient rester nues entre les
principaux éléments du décor retiennent notre attention. Ces « lieux » du mur sont
susceptibles de recevoir une ornementation spécifique et, s’ils sont laissés nus, ils peuvent
y prendre une qualité et une valeur particulières. Ces espaces ont déjà été identifiés par
Wolfram Prinz et Ronald G. Kecks qui les nomment Wandfelden — littéralement, champs
du mur10. Henri Zerner nous confortait également dans notre entreprise en évoquant le
principe d’alternance entre mur nu et mur orné qui caractérise l’architecture
flamboyante11. Lorsque nous avons exprimé à Jean Guillaume notre souhait de travailler
sur le mur, il a attiré notre attention sur des ornements qui, s’ils semblaient parfois
discrets, avaient certainement une fonction importante et dont l’analyse pouvait être
révélatrice de certaines spécificités françaises. Le motif de la table s’est avéré assez riche
pour y consacrer notre maîtrise sous la direction de Jean Guillaume, et notre DEA dirigé
4 Notre mémoire de diplôme, De la Matière à l’Espace : esquisse d’une étude sur la paroi. Principes architecturaux du projet, (EA
Paris-Belleville) interrogeait la fonction de la paroi comme surface de projection selon deux modalités : plan opaque
sur lequel se projette le dessin d’une architecture, plan transparent sur lequel les trois dimensions de l’espace se
réduisent aux deux dimensions de la surface.
5 Catherine TITEUX, Muralité ou disegno, le mur dans la théorie de Leon Battista Alberti, mémoire de DEA sous la direction
de Jean Castex et Henri Bresler, Ecole d’architecture de Paris-Bellevile – Université de Paris VIII, 1993.
6 WITTKOWER, 1973 ; DAMISCH, 1979.
7 CHASTEL « Le “nu” de Palladio », Bulletino del Centro internazionale di studi d’architettura Andrea Palladio, n° 22, 1980,
pp. 33-46. Nous remercions Jean Guillaume de nous avoir signalé cet article.
8 PÉROUSE DE MONTCLOS, 1982, pp. 52-59.
9 MIGNOT, 1978, pp. 15-23. Le bossage a fait par ailleurs l’objet de travaux de maîtrise : DRIGEARD, 1994.
10 PRINZ, KECKS, Berlin, 1985, pp. 213 à 236.
11 ZERNER, 2002, pp. 32.
10
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Avant-propos
par Claude Mignot et suivi avec attention par Jean Guillaume12. Cette recherche se
propose de mettre au jour d’autres formes, aussi singulières, et nous remercions Claude
Mignot de nous avoir guidée dans cette entreprise.
L’ordre du mur
Le propre des études morphologiques est de construire leur objet : il se découvre à
mesure que celle-ci progresse en même temps que son histoire se fabrique. Nous ne
pouvions partir que d’un faisceau de questions et tenter de définir une problématique,
fondée tout d’abord sur quelques intuitions qui nous ont permis de mieux cerner le
double objet de notre recherche, le mur et ses ornements.
Qu’il soit un puissant massif de soutènement, une muraille de ville, une élégante
façade ou un simple mur de clôture, chacune de ces situations évoque une certaine idée
de la « muralité ». Nous entendons par ce néologisme, la capacité du mur à exprimer des
valeurs, des qualités qui lui sont propres. Si l’on dit « simple mur », on a aussitôt à l’esprit
l’image d’un mur aveugle, à l’appareil sommaire ou revêtu d’un enduit uniforme, de ton
neutre. Le mur peut laisser voir plus ou moins de la manière dont il est construit s’il est
revêtu d’un enduit ou si les joints de l’appareil sont invisibles. Les murailles cyclopéennes
— blocs énormes assemblés à joints vifs — impressionnent par la performance
technique qu’elles laissent deviner, mais de fins refends creusés dans un enduit créent
une vibration délicate. Si un mur a telle épaisseur, s’il est construit de blocs plus ou moins
massifs, plus ou moins légers, rien n’apparaît si ce n’est une certaine manière de traiter
sa surface. Donner forme expressive au mur c’est donc donner forme à son parement,
seule partie visible du mur. L’épiderme du mur est le seul élément qui s’offre le plus
immédiatement à nos sens. Lors d’une vision rapprochée, à une échelle proche du détail,
dans une sphère où tous les sens peuvent être sollicités, les yeux « touchent » la beauté
ou la sensualité du matériau. Enfin, le mur comme les espaces sont qualifiés par la
lumière ; sur la matière, les ombres révèlent les reliefs et la lumière les couleurs des
matériaux qui rehaussent les formes.
Par quels effets, par quels éléments, les valeurs proprement tectoniques du mur sontelles exprimées à l’Âge classique ? Les mêmes effets peuvent-ils être rendus avec des
matériaux différents ? Peut-on tirer une expression d’un degré d’achèvement ou
12 Catherine TITEUX, L’ornementation du mur. Les tables dans l’architecture française de la Renaissance. Mémoire de maîtrise
sous la direction de Jean Guillaume. Université de Paris IV – Sorbonne. Institut d’Art et d’Archéologie, oct. 1999.
L’ornementation du mur. Les tables dans l’architecture française du XVIIe siècle. Mémoire de DEA sous la direction de Claude
Mignot. Université de Paris IV – Sorbonne. Institut d’Art et d’Archéologie, oct. 2002. Ces études ont été suivies
d’un article et d’une conférence : « Transformations et usages d’un motif : la table en panneau », dans Histoire de
l’art. Architecture des temps modernes, n° 54, juin 2004. « Le décor du mur au XVIIe siècle en France : tables, cadres et
repos ». École doctorale VI – Histoire de l’Art et archéologie – Université de Paris IV – Sorbonne. Journée d’étude
du 19 mars 2005.
11
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Avant-propos
d’inachèvement ? Dans la période que nous étudions, les matériaux employés pour la
construction du mur sont en nombre limité : pierre, brique, bois, plâtre et chaux, les
modes d’expression le sont-ils tout autant ?
L’ordre de l’ornement
En ayant posé l’existence de la « muralité », il nous fallait explorer d’autres figures du
mur. Les ornements du mur sont singuliers, car ils jouent sur deux registres ; ils semblent
tantôt posés sur le parement, tantôt faire corps avec lui : ornements « inhérents » au mur
lorsqu’ils sont de même nature que lui et qu’ils l’animent par des jeux de reliefs, de lignes
et de surfaces, ornements « adhérents » lorsqu’ils semblent juxtaposés au mur comme
une parure. Toute une gamme expressive peut alors s’offrir à notre observation, depuis
les ornements porteurs d’une signification symbolique jusqu’aux éléments qui jouent un
rôle organique, intrinsèque, pour reprendre l’idée de Frank Lloyd Wright. Ces derniers
appartiennent au domaine de l’expression formelle et ont pour fonction de signifier une
structure architecturale : ils sont l’objet même du dessin de l’architecte. Cependant, ces
formes qui paraissent indispensables à l’expression architecturale n’ont aucune nécessité
du point de vue de la stabilité, elles appartiennent bien à l’ordre de l’ornement. Comment
pourrions-nous les nommer ? Ornements architectoniques, si l’on convient que le terme
peut être pris dans ses deux sens — art de la construction et faculté de structurer —
ornements structurels ou encore « tectoniques » pour se référer à la terminologie des
historiens allemands13 ?
L’ornement a fait l’objet d’études fondamentales dans la deuxième moitié du XIXe
siècle14. Aujourd’hui, un travail sur l’ornement, ainsi que la réflexion qui doit
nécessairement l’accompagner, pourraient paraître désuets aux yeux de nos
contemporains, tout au plus réservé aux spécialistes. Ils ne prennent leur sens que s’ils
sont mis en perspective dans le débat actuel.
Après la « table rase » de l’architecture moderniste, les études en histoire et la
production architecturales ont bénéficié du changement qui s’est opéré dans les esprits
à partir des années 1970. Les nouvelles préoccupations concernant le bâti ancien ont
sans doute naturellement amené à mieux considérer les formes de l’architecture. Le
renouveau de l’intérêt pour l’ornement a marqué la recherche des vingt dernières années.
À la suite des ordres, d’autres ornements font désormais l’objet de recherches dans
13 Le terme Tektonik a eu, depuis Gottfried SEMPER chez qui il désigne explicitement une structure à ossature, une
certaine fortune. Francisé en « tectonique » il apparaît jusque dans des études récentes : CHUPIN, SIMONNET, 2005 ;
l’architecte et théoricien Roland Matthu explique bien l’origine et la signification du concept chez Karl Bötticher
et Semper, MATTHU, 2006, p. 59. Voir également Georg Germann, Aux origines du patrimoine bâti, Infolio éditions,
Gollion, 2009, I-4 Tectonique pp. 87-116.
14 Par Gottfried SEMPER, 2007, cf en particulier pp. 235-247, Aloïs RIEGL, 1992.
12
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Avant-propos
lesquelles l’analyse du détail tient un grand rôle, comme l’a souligné Jean Guillaume15.
De nouvelles problématiques émergent, qui prennent en compte toutes les formes
d’ornementation comme l’ont indiqué plusieurs historiens comme Pierre Gros, Henri
Zerner16. Claude Mignot, en s’attachant au bossage, a montré que toutes les formes
décoratives, en apparence mineures, méritaient d’être étudiées.
L’ornement connaît aujourd’hui une sorte de retour dans la production
architecturale17. Ni les célèbres écrits de Loos ni ceux de Le Corbusier n’ont empêché
les multiples résurgences du goût pour l’ornement qui, sans doute, nous permettent de
mieux comprendre les ressorts profonds qui unissent une société à son univers visuel.
D’ailleurs, ni Loos ni Le Corbusier ne rejetaient totalement l’ornement, leurs diatribes
ne visant que les productions de leurs contemporains18. Encore faut-il s’entendre sur le
sens de l’ornement. Aucun architecte moderne ne reniait la possibilité de donner une
expression à la matière, de l’utiliser de manière sculpturale, d’articuler la forme
architecturale par des éléments qui ne répondaient plus à leur stricte nécessité
constructive ; ces éléments, même les plus strictement « fonctionnels » visuellement et
les plus sobres possible, n’en restaient pas moins des ornements. Ainsi, en architecture,
une des premières fonctions de l’ornement est de donner une expression à la forme par
le traitement de la matière. On sait ce que la tradition classique doit à la rhétorique, aux
formes expressives du discours. C’est par là que les modernes rejoignent le classicisme.
Loos et Le Corbusier admiraient les classiques. Wright les détestait et détestait encore
plus la Renaissance ; cependant, formé par un créateur d’ornements, il en usait
abondamment dans son architecture, depuis les motifs qu’il faisait mouler jusqu’aux
textures de ses bétons. L’ornement garde malgré tout, encore aujourd’hui, après un siècle
de querelles dogmatiques dans le monde des architectes et des théoriciens de
l’architecture, un sens quasi péjoratif. Aussi cette étude voudrait-elle, en filigrane,
contribuer à la réhabilitation de l’ornement, non de certaines formes ornementales
devenues désuètes, mais de ce qu’il peut signifier pour nous aujourd’hui. Et, du même
coup, réhabiliter l’histoire comme une nécessité réflexive et opératoire dans le processus
du projet, sans toutefois tomber dans le piège de l’historicisme.
Poser qu’il y a mur orné suppose qu’il puisse y avoir mur non orné. Mais comment
identifier l’absence d’ornementation ? Ce n’est peut-être qu’une question de point de vue
15 GUILLAUME, « Retour aux ordres », dans L’emploi des ordres…, 1992, pp. 7-8.
16 GROS, 1996, p. 21 ; ZERNER, 2002, pp. 27-49.
17 Arnaud DESCOMBES, Cécile THIEULIN, « Mapping, textures et ornement », AMC, n° 160, 2006, pp. 57-63.
18 Comme Henri VAN DE VELDE qui prônait une rénovation de l’art ornemental. Cette rénovation se voulait plus
radicale que celle de John Ruskin et William Morris, dont Van de Velde faisait ses précurseurs comme il l’écrit dans
Déblaiement de l’art (1895) et dans La triple offense à la beauté (1917-18).
13
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Avant-propos
et de position dogmatique. Les tenants de la « simplicité », d’une architecture « pure »,
diront que l’ornement est superflu. Les autres, pour qui l’ornement est inhérent à toute
forme d’expression architecturale, diront qu’il est nécessaire, qu’il existe de l’ornement
même dans les formes les plus minimalistes.
Le débat n’avait pas lieu d’être aux époques qui nous occupent ici. Le sous-titre de
notre thèse, qui énumère des formes très particulières d’ornements, et le terme
« enrichissement », qui les regroupe, replacent d’emblée le sujet à l’époque classique.
L’enrichissement avait, au XVIe siècle et au XVIIe siècle, un sens positif qui échappe à
nos contemporains ; sa disparition progressive du vocabulaire est peut-être à mettre en
parallèle avec l’infléchissement et le déplacement du sens de l’ornement et de la valeur
qu’on lui attribuait. Jacques-François Blondel, dans la préface de son Cours, dit clairement
que l’architecture consiste en trois choses, la première étant l’art d’orner :
« Nous avons commencé par traiter de la décoration, avant de parler des deux autres parties
de l’Architecture qui regardent la distribution et la construction. Parce qu’il nous a paru
nécessaire de parler de la science de l’art avant de passer à la pratique. En effet, l’architecte
ne peut exceller dans l’ordonnance de la décoration, que par le secours de la théorie, qui
suppose la connaissance des Belles-Lettres, des Mathématiques et du Dessin : connaissances
sans lesquelles il ne peut parvenir au raisonnement, aux proportions et au goût de l’art. »19
C’est avec notre sensibilité que nous regardons les époques passées, nous ne pouvons
y échapper, mais nous attendons d’une telle entreprise qu’elle nous surprenne. Nous
sommes curieuse de découvrir ce que nous avons peut-être oublié, mais qui travaille
encore notre époque, sous des formes travesties, sans que nous le sachions. Et pour y
parvenir, il faut l’aide de l’histoire.
19 BLONDEL, 1771, Tome I, Préface, pp. XVII-XVIII.
14
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Avant-propos
Remerciements
Mes remerciements les plus vifs vont à Jean Stillemans qui m’avait déjà ouvert Les pages du
laa et me fait à présent le plaisir d’y publier ma thèse en m’honorant d’une magnifique
préface.
Toute ma gratitude va à l’équipe du laa et particulièrement à Renaud Pleitinx qui s’est chargé
de l’édition.
La présente publication n’aurait pu voir le jour sans les encouragements de mon jury. Je
remercie Krista de Jonge dont les travaux m’ont poussé tout naturellement à lui proposer
d’être dans mon jury. Je la remercie également pour ses marques d’intérêt au cours de nos
rencontres. Je remercie Thierry Verdier qui m’a indiqué de nouvelles perspectives de
recherches.
Tout au long du travail, mes professeurs et les séminaires du Centre André Chastel m’ont
soutenue. Je rends hommage à l’exigence de rigueur de Jean Guillaume, à ses cours
lumineux, à son talent de pédagogue et surtout à sa science des formes de l’architecture ; je
le remercie également de m’avoir régulièrement montré de nouveaux exemples, en
particulier lors des recherches sur Androuet Du Cerceau, auxquelles il m’a invité à
participer, et qui ont été une nouvelle occasion de bénéficier de son érudition.
Je remercie Claude Mignot pour ses corrections scrupuleuses et ses conseils d’écriture, pour
les références qu’il m’a indiquées. J’ai pu grâce à lui présenter les prémisses de mon travail
lors d’une journée doctorale ; le témoignage d’intérêt de la part de Gilles Sauron, d’Alain
Mérot et les discussions qui ont suivi m’ont grandement stimulée.
Je n’oublie pas les amis doctorants, les chercheurs et enseignants. Je remercie Monique
Châtenet qui m’a indiqué Thouars. Françoise Boudon, qui m’a signalé Gignac et les
observations de Duban sur Blois, mais surtout, pour son amitié et les discussions
stimulantes au cours de trois années de travail sur Androuet Du Cerceau. Pascal Liévaux,
avec qui j’ai eu de fructueux échanges. Françoise Hamon, et ses éloges lors de la publication
de mon article sur la table en panneau ainsi que ceux de Marie-Félicie Perez-Pivot. Flaminia
Bardati pour ses mots d’encouragement. Erwann Le Franc qui m’a communiqué des
photographies d’exemples bretons. Catherine Limousin pour sa sollicitude sympathique et
chaleureuse. Enfin, j’ai pu approfondir ma culture visuelle et collecter d’indispensables
photographies qui ont servi de base à mon travail grâce aux voyages d’études du centre
André Chastel et grâce à ceux de Laurent Lecomte.
Je remercie les amis historiens, architectes et enseignants. Marie-Rose Tricot qui a souvent
stimulé ma réflexion et pour son amitié. Caroline Varlet qui m’a aidée par ses conseils avisés.
Emmanuelle Loizeau, avec qui les échanges amicaux n’ont pas cessés depuis sa recherche
sur l’hôtel de Vendôme, et pour ses précieuses indications sur les Métézeau. Roland Matthu
pour nos échanges sur la notion de tectonique.
Je remercie tendrement Pierre Van Assche qui m’a accompagné dans mes dernières
collectes et a fait, grâce à son œil infaillible d’architecte, de magnifiques photographies, pour
l’univers calme et studieux qu’il m’a offert et sans lequel ce travail n’aurait pu éclore.
Je remercie enfin mes parents. Ma mère, qui m’a transmis depuis l’enfance une part de sa
culture, le goût de l’observation, de l’étude de l’architecture et de sa jouissance passionnée.
Mon père, qui a guidé ma main dans mes premiers exercices d’architecture et à qui je dois
le bonheur, parfois, de pouvoir exprimer mes idées par le dessin.
15
INTRODUCTION
Notre recherche se propose d’étudier la genèse et l’évolution d’un système
ornemental sur la longue période à laquelle la notion d’« Âge classique » est
traditionnellement attachée. Peut-on identifier un système classique, quelles sont les
spécificités françaises de ce système et quelle place a l’ornementation du mur dans ce
système, telles sont les questions auxquelles nous tentons de répondre.
Entre l’expression de la « tectonique » de la paroi et son embellissement, toute une
gamme expressive peut se déployer. Notre thèse tente de montrer que les ornements du
mur, même les plus discrets, jouent un rôle dans le décor architectural et qu’ils sont, dans
la composition de la façade, aussi importants que les éléments qui la structurent.
L’objectif principal de notre recherche est en effet de comprendre et d’interpréter la
fonction et la signification des formes expressives du mur et de ses ornements
spécifiques dans l’organisme architectural. Leur histoire est liée à l’apparition des
ornements classiques, nous nous sommes donc interrogés sur leur place dans l’ensemble
du système des ornements, et vis-à-vis des principaux, les ordres20.
Le cadre historique : l’âge classique
L’« Âge classique » n’est pas une période dont tous les historiens auraient
unanimement défini le commencement et la fin. En effet, la recherche redessine
perpétuellement les contours historiques des phénomènes dès qu’elle cherche à en saisir
les prémisses et les aboutissements ; ainsi Erwin Panofsky a-t-il remis en question la
notion même de Renaissance en faisant remonter ses origines en Italie très en amont du
XVe siècle21. De plus, les périodisations sont mouvantes selon les points de vue et les
objets d’étude. Tel que John Summerson l’a défini, le classicisme est, au sens strict,
l’emploi de formes issues de l’antiquité gréco-romaine, sorte de pendant
« archéologique » à la philologie des humanistes, dont il donne des exemples depuis la
Renaissance jusqu’au XXe siècle22 ! L’époque qui nous occupe n’est pas que cela, car
persistent en France des manières de construire qui ne doivent rien à l’Antiquité et à
l’Italie de la Renaissance, la monumentale étude de Louis Hautecœur l’a bien montré23 ;
20 L’ordre entendu comme système régulateur et style de l’édifice. L’ordre est en effet non seulement un système
de proportions, mais un système de classement en genres et caractères comme l’a montré Erik FORSSMANN dans
Saüle und Ornament, Stokholm, Almquist and Wiksell, 1955 et dans Dorisch, Ionisch, Korinthisch, Studien über den Gebrauch
der Saülenordnungen in der Architektur des 16-18 Jahrunderts, Stockholm, Almquist and Wiksell, 1961.
21 Erwin PANOFSKY, La Renaissance et ses avant-courriers dans l’art d’Occident, Paris, Flammarion, 1993. (Renaissance and
Renascenses in Western Art, Stockholm, 1960.)
22 John SUMMERSON, Le langage classique de l’architecture, Paris, 1991.
23 HAUTECŒUR, Louis, Histoire de l’architecture classique en France, 4 t., 7 vol., Paris, Picard, 1948-1966.
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Introduction
l’on a aussi parlé d’« âge baroque » ou d’« esprit baroque » à son propos24. Néanmoins,
le classicisme est dans la société d’Ancien Régime en France un esprit qui se cristallise
dans les lettres et les arts sous le règne de Louis XIV et devient l’instrument d’un système
politique et idéologique.
De l’intégration des ornements « à l’antique » à l’épanouissement des formes
« rocaille », la part majeure de la production architecturale savante française que JacquesFrançois Blondel commente, s’est constituée en plusieurs étapes formant autant de
témoins par lesquels une certaine idée de l’architecture s’est à la fois transmise et
transformée. Blondel a clairement énuméré ces étapes dans son traité, représentées par
les « grands noms » de l’histoire de l’architecture. Un même fil relierait ainsi le XVIe siècle
au XVIIIe siècle, Pierre Lescot et les héritiers de Jules Hardouin-Mansart25. À l’intérieur
de ce grand cycle, les historiens ont établi des césures sur lesquelles nous pouvions nous
appuyer. Les années 1540 marquent le début de la « seconde Renaissance », ou
Renaissance classique, avec l’emploi de formes directement issues de l’Antiquité ou de
ce qui est pris pour telles, soit parce que les maîtres d’œuvre les ont vues et étudiées en
Italie, soit parce qu’ils compulsent les livres et gravures qui circulent de plus en plus.
L’unité stylistique de la période 1580–1630/40 à laquelle on associe l’architecture dite
« brique et pierre » a été maintes fois relevée26. Durant la régence de Marie de Médicis,
l’ornement profus est à la mode, mais, dès les années 1620, se manifeste un style à la fois
« plus sévère » et plus savant dans l’emploi de l’ornement classique27 ; et c’est l’esprit
même du classicisme français qui triomphe après les années 1640 alors que la mode du
brique et pierre s’éteint. Le règne personnel de Louis XIV marque l’établissement d’une
esthétique de l’économie formelle avec une inflexion dans les années 1680 : la génération
des « créateurs » du classicisme a disparu, Versailles s’achève ; l’époque de Madame de
Maintenon et de Marie de Bourgogne coïncide avec la mainmise de Jules HardouinMansart et de son agence sur toutes les grandes commandes.
24 Anne-Laure ANGOULVENT, L’esprit baroque, Paris, PUF, 1994.
25 Cette conception a d’ailleurs été relayée par l’historiographie, par Louis Hautecœur et par Antony Blunt.
26 Claude MIGNOT, « L’articulation des façades dans l’architecture française » dans J. LAFOND et A. STEGMANN
(éd.), L’automne de la Renaissance, 1580-1630, 1981, pp. 343-356. Catherine GRODECKI, « Courances », dans J.M.
PÉROUSE DE MONTCLOS (dir.) Guide du patrimoine d’Ile-de-France, Paris 1992, p. 199. Voir aussi Josiane SARTRE,
1981, Catherine GRODECKI, « La construction du château de Wideville », dans Bulletin Monumental, 1978, pp. 135175 et ses articles sur les châteaux de la Grange-le-Roi, Neuville, Fleury-en-Bière, Wideville, op. cit.
27 BABELON, 1991, p. 155.
17
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Introduction
Le système du mur
Ce type de recherche tient une place particulière dans l’histoire de l’art. Le matériel
étudié et la méthode mise en œuvre le distinguent de l’étude de cas d’espèce, propre à la
monographie d’édifice28. S’il se range du côté des études transversales, une somme
d’études de cas rendrait improbable la synthèse et risquerait de passer à côté soit de
l’essentiel, soit du particulier remarquable. Lorsqu’on se propose d’étudier un système, il
faut en mesurer la nature et l’étendue dans le temps et l’espace. On peut étudier la totalité
du répertoire et ses applications dans une période déterminée, comme l’a fait Évelyne
Thomas pour son « système ornemental de la Première Renaissance française »29. On
peut étudier les variantes d’un motif architectural, comme l’a fait Krista de Jonge pour
la travée alternée30. Le système que nous nous proposons d’étudier est d’une autre nature.
Comme l’a affirmé Jean Guillaume à propos de la sculpture décorative, les ornements
sont subordonnés aux formes architecturales qui définissent des champs31. Ainsi, un
« système » peut se concevoir à partir de l’élément orné : le chapiteau est un « système
d’ornements » dans lequel structure et motifs sont logiquement liés32 ; l’ordre est en soi
également un système d’ornements. Cette manière de poser le problème a des
implications particulières lorsque l’on s’attache au mur.
Le décor est toujours lié à la part matérielle de l’architecture, le plein, ainsi en est-il
des ordres mêmes, ce qui est un paradoxe puisqu’ils sont censés représenter une
colonnade. Rudolf Wittkower a montré que le « principal problème de la Renaissance est
d’adapter la colonnade au mur33 ». Leon-Battista Alberti s’est voué à cette tâche, son De
re aedficatoria est en grande partie une esthétique du mur. Les études sur les emplois des
ordres à la Renaissance ont bien montré qu’ils s’adaptent au système architectural plus
qu’ils ne le commandent.
Le chapiteau ou le fronton sont des formes architectoniques fixes impliquant une
série déterminée de schémas ornementaux ; sur le mur, les possibilités décoratives sont
quasi infinies ; cependant, les moyens de les définir sont limités. Les formes qui s’y
appliquent se conforment aux propriétés de la surface, en premier lieu, l’étendue. On
28 Bien que l’objet doit être replacé dans un large contexte, tant synchroniquement que diachroniquement, comme
l’explique Marie-Rose Tricaud, « Une méthode de restitution architecturale : l’étude du Château d’Assier », Histoire
de l’art, Architecture des temps modernes, n° 54, p. 33.
29 THOMAS, 1998.
30 DE JONGE, 1988, 1992.
31 GUILLAUME, 1980, pp. 207-216.
32 C’est ce qu’a bien montré Claire MOUCHEBOEUF-GUIORGADZE, dans son article, « Les chapiteaux de
Chambord, recherches sur la stylistique ornementale de la Première Renaissance » dans la Revue de l’Art, n° 124,
1999/2, p. 33-42 (compte rendu de la thèse, Le décor sculpté de Chambord, dirigée par Geneviève Bresc et Jean
Guillaume, soutenue à l’École du Louvre en 1995)
33 Rudolf WITTKOWER, Architectural Principles in the Age of Humanism, New York, 1973.
18
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Introduction
peut citer nombre de décors pariétaux qui se conforment à ce principe, tels ceux qui
imitent ou transposent un décor textile (Avignon, Palais des Papes, chambre du Pape, la
façade du palais des doges à Venise). La surface murale n’est pas cependant pas une
étendue infinie : toute forme rencontre des limites, celles du mur lui-même tel qu’il
apparaît sur ce qui l’environne à l’échelle de l’édifice, celles des ouvertures, et enfin celles
des champs définis par les membres structurants du décor ou de la structure constructive
apparente.
Les formes du décor architectural mural forment système avec le mur et ne peuvent
s’analyser en dehors de leur relation à leur support. Notre recherche ne pouvait ainsi se
focaliser sur le seul répertoire de motifs ni isoler une forme dont nous analyserions les
modalités décoratives34. Poser le mur comme structure déterminante du décor et forme
décorative sans finement comprendre ses principes constitutifs pouvait rendre l’analyse
du décor inopérante. De même, partir d’un motif sans analyser les formes élémentaires
dont il est constitué ni ses principes génératifs pouvait se révéler tout aussi inefficace. Il
fallait donc établir le cadre théorique adéquat permettant de produire les règles d’analyse
propres à l’objet d’étude. Propriétés formelles et structurelles et du mur, propriétés du
matériau sont déterminantes pour l’étude des formes décoratives du mur et de ses
ornements spécifiques, elles doivent servir de base à l’histoire des formes. C’est donc à
partir de l’étude du mur que la recherche s’est initiée.
Le principe structural du mur
Le mur engendre des formes et produit son système ornemental en fonction de
quelques principes intrinsèques. Du point de vue de la géométrie, il a une forme
déterminée : il se dresse dans un plan vertical35 ; il est continu par opposition à une
structure verticale discontinue comme la colonnade36. La forme élémentaire du mur est
un pan défini par des surfaces et des arêtes. Tout pan*37 de mur s’élève du sol ou d’un
niveau pris comme « sol » jusqu’à sa rencontre avec un élément horizontal ou avec le
vide (Planche I, page suivante).
34 En effet, le mur et ses ornements forment un système qui ne se présente pas seulement comme un ensemble
formé d’objets (ornements identifiables), de classes d’objets (types d’ornements), mais comme un système de
relations.
35 Notons qu’un mur n’est pas nécessairement plan : la droite génératrice d’une des faces du mur peut se déplacer
selon une directrice courbe ; elle peut être inclinée, c’est le cas d’un mur présentant un fruit ; son cas limite est la
surface gauche.
36 Ginouvès et Martin définissent la colonnade comme un support discontinu. GINOUVÈS et MARTIN, 1985, T. II 2
p. 243. C’est cette proximité structurale entre mur et colonnade qui est au cœur de la démonstration albertienne.
37 Les termes portant un astérisque* dans le texte et les notes renvoient au petit lexique figurant en annexe (Tome
III-II).
19
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Introduction
Planche I : le pan et le ressaut
20
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Introduction
Le mur doit avoir une certaine étendue : si la largeur de la face d’un pan est
équivalente à son épaisseur, le mur se réduit à une pile de plan carré. (Planche I, fig. 1).
Un pan peut être limité horizontalement par un surplomb, une corniche, des corps de
moulures horizontaux ; il peut être limité verticalement par des ressauts* et des retraits*
qui se définissent par rapport à un nu* de référence (Planche 1, fig. 2 et 3). Un pan
saillant sur toute la hauteur d’une élévation limité par deux ressauts est un avant-corps,
même si celui-ci est en très faible relief38 (Planche 1, fig. 4).
Du point de vue de la construction, les nécessités de la stabilité impliquent une
organisation de la matière selon un axe vertical qui, potentiellement, oriente les formes,
en premier lieu les ouvertures, mais aussi les éléments du décor. Pour être stable, le mur
a une certaine épaisseur39. Alors que la massivité peut être l’un des caractères du mur,
l’épaisseur ne peut être perçue que par l’intermédiaire de percements ou de creux dans
le mur. Les ouvertures sont des brèches permettant de voir, en quelque sorte, la coupe
du mur.
En tant qu’élément d’architecture, le mur sépare les espaces et les définit tout en les
mettant en relation par le jeu des ouvertures. L’architecte a, grâce aux baies, un moyen
supplémentaire de donner forme à son mur, en ornant les ébrasements, les tableaux, les
soffites, en considérant leur ligne de jonction avec la façade, en choisissant d’exprimer
le vif du mur ou, au contraire, de l’articuler par une mouluration. Le traitement de la baie
implique que l’architecte considère des paramètres de perception sensiblement différents
de ceux impliqués par le seul assemblage de lignes et de surfaces sur le plan du mur et le
traitement du parement. Dès que s’installe un creux dans le mur, une anfractuosité créant
un espace dans l’épaisseur du mur, la vision de biais est sollicitée40. Ainsi la niche n’est
pas un ornement de la surface murale, elle s’oppose à elle comme l’espace au mur et, si
elle est bien considérée comme un ornement à l’Âge classique, elle est une forme
d’ouverture. Nous ne considérerons donc la niche, comme les ouvertures, qu’en tant
qu’éléments avec lesquels les ornements jouent dans une ordonnance. D’autres formes
employées à surface du mur évoquent le vide, elles nous intéresseront tout
particulièrement.
38 Les limites de l’élévation se définissent de manière comparable à celles d’un pan de mur. Elles sont formées par
des arêtes verticales aux angles de l’édifice ou à la rencontre avec le mur d’un édifice voisin ; horizontalement, elles
sont définies par le sol et la bordure supérieure de l’élévation, à la rencontre avec la couverture ou avec le ciel. À
l’intérieur d’un édifice, les limites des murs et des cloisons sont formées par leur intersection avec les parois
adjacentes, sol et plafonds.
39 Un mur peut être constitué de deux parois distantes l’une de l’autre, il est alors creux. On peut définir deux cas
limites : il existe une distance au-delà de laquelle l’on perçoit un volume, plein ou creux. Un mur de soutènement
ne présente qu’un parement.
40 C’est pourquoi l’on trouve dans les livres de Sebastiano Serlio et de Du Cerceau des élévations représentées en
projection géométrale avec des baies en perspective.
21
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Introduction
Verticalité liée à l’étendue et « fonction de limite » sont les principes structurants du
décor mural : ils recouvrent tous les cas et engendrent toutes les formes. Ces principes
élémentaires sont les invariants qui organisent le décor et qui permettent de mesurer les
écarts, les libertés prises par rapport à la contrainte du mur lui-même. Le parement,
surface limite du mur, en est le seul élément visible. Sur le parement, toute la gamme
décorative consiste à combiner surfaces, tracés, orientation du décor, relief, mais aussi,
plus localement, traitement du matériau.
Du mur à l’ordonnance du mur : les trois temps du mémoire
Formes ornementales et structure murale étant interdépendantes et évoluant en
même temps, il faudrait faire simultanément l’histoire des formes expressives du mur et
du décor. Mais avant d’étudier la combinatoire qui structure le système, il faut en
connaître le lexique. La méthode que nous appliquons à l’étude est générative41 : nous
procédons des plus petites structures possible pour aller vers un système plus large. Il
s’agit donc d’identifier les plus petites unités ornementales ou expressives puis leur mode
d’association, en appliquant une méthode comparable à la grammaire, en procédant des
« éléments » vers la « syntaxe », de la forme et de la matière même du mur jusqu’aux
formes les plus abstraites, des parties du décor à la composition de la façade entière. Ce
mode opératoire explique les trois temps du mémoire : l’étude des formes expressives
du mur en lui-même, le répertoire des ornements du mur, et enfin leur rôle dans
l’ordonnance.
La première partie de notre Tome I, intitulée « Esthétique du mur nu », est consacrée
à l’étude des effets du matériau qui font partie des qualités surajoutées, proprement
ornementales du mur. Leon Battista Alberti reconnaissait l’importance du choix des
matériaux et de leur façonnage :
« À l’Esprit appartiennent, le choix, la distribution la disposition, et toute chose de même
nature qui donne de la dignité à l’ouvrage. À la Main, l’accumulation, l’addition, la
diminution, la taille, le polissage, et ce qui rend l’ouvrage délicat. Les qualités dérivant de la
Nature sont le poids, la légèreté, la consistance, la pureté, la durabilité qui rendent l’œuvre
magnifique »42.
Le parement peut avoir en lui-même une valeur décorative et chaque manière de
construire induit des formes expressives propres sur le mur. Si un ouvrage est fait avec
41 Nous utilisons ce mot dans un sens proche de celui défini par les linguistes, en particulier Chomsky. Il implique
que nous supposons l’existence de structures de base ou universelles, à partir desquelles se déploie le langage
architectural. Ces structures ne sont pas définies dans le temps, mais nous nous attacherons, bien évidemment, à
repérer les moments où certaines de ces structures ont été privilégiées.
42 Leon Battistta ALBERTI, L’art d’édifier, traduction présentation et notes de Pierre Caye et Françoise Choay, Paris,
Seuil, 2004, p. 285 (Leon Battista Alberti, De re aedificatoria, Geoffroy Tory éd., Paris, Bertold Rembolt, 1512 [2e éd.]
Livre VI, chap. 4.)
22
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Introduction
une pierre « froide », on devine déjà dans quel univers expressif on se situe, dans quelle
tonalité la partition va se jouer. Un mur de schiste ou de granit ne pourra jamais exprimer
la même chose qu’un mur de pierre calcaire. Les propriétés optiques des matériaux, leur
texture naturelle ou retravaillée sont des moyens expressifs propres au mur, mais il en
existe d’autres. Le mur peut se creuser ou prendre du relief, jouer sur le nu. La massivité
peut s’exprimer par une certaine manière de mettre en œuvre le matériau et de lui
appliquer un traitement de finition : qu’apparaît-il des matériaux, de leur disposition, et
que révèlent ou au contraire masquent les matériaux de finition ? Nous nous intéressons
particulièrement aux appareils et aux traitements de finition qui permettent de magnifier
la matière ou de lui donner une nouvelle texture : pierres et briques apparentes qui se
prêtent à des jeux d’appareil, bossages qui exaltent ou simulent un appareil, enduits et
badigeons qui unifient et enluminent la surface murale, sont les formes expressives du
mur à l’Âge classique.
Pour étudier toutes les formes expressives du mur, il faut prendre en considération
tous les aspects de la structure murale. Les effets de massivité, ou de légèreté étant liés
aux matériaux et à leur mise en œuvre, il est nécessaire de s’intéresser à la technique de
construction. Nous avons ainsi reporté en annexe une petite étude consacrée aux
matériaux et aux techniques à l’Âge classique (Tome III-I). On y trouvera en particulier
la description des appareils et des différentes tailles de finition mentionnées dans le
texte43. Nous avons également établi un lexique des termes techniques et des termes
relatifs aux différents éléments du décor dont nous faisons usage dans le texte (Tome
III-II. Petit lexique).
La seconde partie de notre Tome I, intitulée « Ornements du mur », se propose de
faire l’histoire du répertoire décoratif mural. Nous avons identifié un répertoire
spécifique : des formes qui laissent le mur plus ou moins visible, qui s’y adaptent plus ou
moins, mais qui sont indissociables de leur support et rentrent en dialogue avec lui. Ce
répertoire est constitué d’ornements qui possèdent leurs règles de développement
propres, d’autres comme certaines surfaces décoratives sont une des modalités du mur,
comme le bossage est une des modalités de l’appareil. Notre analyse pouvait assez
fermement de fonder sur les résultats de nos précédentes études sur la table. Comme il
s’agissait alors d’étudier le motif décoratif déployé en formes typiques extrêmement
variées, il fallait identifier la forme en découvrant ses principes formels, puis examiner
ses variantes au travers du plus grand nombre possible d’exemples, expliquer quels
43 Cette petite étude est un résumé de nos connaissances et de divers éléments trouvés dans les sources imprimées,
traités d’architecture et ouvrages traitant des techniques de construction. Il s’agit donc de données bien connues
des archéologues et spécialistes de l’histoire des techniques. Nous nous y référons dans notre partie concernant
l’étude des parements.
23
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Introduction
phénomènes étaient à l’origine de sa naissance puis de sa diversification au cours du
temps, enfin en montrer les emplois.
Le répertoire des ornements du mur n’est pas seulement constitué de motifs dont
on peut étudier les variantes et leur succession dans l’histoire — c’est le cas des
ornements non spécifiques du mur comme le mascaron. Toutes les formes ornementales
attachées à la surface murale ne peuvent se comprendre hors du fond sur lequel elles se
détachent. Soit elles se déploient librement en se conformant aux seules propriétés de la
surface murale, soit elles jouent avec les autres éléments du décor. Nous avons ainsi
établi une taxinomie qui dépend de ces relations au mur et aux champs que les formes
occupent entre les ouvertures et entre les éléments structurants du décor — pilastres et
entablements, chaînes et corps de moulures horizontaux ou de tout autre élément qui
constitue l’armature du décor.
La manière dont le répertoire des formes s’est constitué et transformé, les variations
successives de leurs emplois expliquent en grande partie leur signification. Vitruve ne
disait-il pas que les ornements ont un sens lié à leur histoire ? Nous nous sommes ainsi
particulièrement attachée à étudier genèse de l’ornement : nous avons recherché les
motifs sources, des modèles précis. Chaque type d’ornement s’inscrit également dans
une généalogie : les motifs du répertoire all antica subissent de multiples variations
formelles au cours du XVIe siècle et au XVIIe siècle ; certaines formes abstraites sont
issues de ce répertoire tandis que d’autres, telles les tables en panneaux, ou certaines
formes d’encadrement du mur dont l’usage se répend dans le dernier tiers du XVIe siècle
ne sont pas issus au répertoire classique au sens strict. Les ornements du mur se
répartissent ainsi en deux groupes distincts qui n’ont ni la même fonction ni la même
histoire. Le premier fait son apparition au XVIe siècle en France, le second dépend de
modes de structuration de la façade dont on peut établir la genèse à partir de la fin du
XVe siècle. L’un appartiennent au registre décoratif, l’autre au registre de la modénature,
sans pour autant qu’il y ait de frontière nette entre les deux puisqu’il existe des formes
intermédiaires. L’invention ornementale se situe justement là ou l’on devine des
contaminations, compte tenu de l’influence des livres de modèles qui circulent et de
l’élargissement de l’horizon culturel en direction de l’Italie et des Pays-Bas.
Si l’on considère tout ce qui peut apparaître sur le mur, l’étude devrait nécessairement
inclure toutes les formes de la sculpture ornementale. Mais le propre de la sculpture est
sa capacité à avoir une vie propre, à prendre son autonomie par rapport à son cadre
architectural. Les formes du répertoire de la sculpture telles que bustes, statues,
mascarons n’entrent donc pas dans le cadre de notre recherche. Les ornements et les
formes expressives que nous étudions sont strictement ceux du mur ; nous avons donc
exclu les ornements des couvrements, plafonds et voûtes et ceux des toitures. Nous nous
24
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Introduction
attachons plus particulièrement aux façades ; nous incluons néanmoins les murs
intérieurs, qui utilisent le même répertoire et les mêmes techniques, ainsi nous avons
écarté tout type de décor mobilier, le décor peint ainsi que le décor textile. Les structures
architecturales comme les retables, les tombeaux pariétaux ou en forme d’édicules, les
cheminées et les lambris ne seront pas étudiés en eux-mêmes, mais auront une place dans
la mesure où ils peuvent présenter des points de convergence avec les techniques murales
de décor en maçonnerie.
La troisième partie de notre Tome I, intitulée « Ordonnances du mur », examine le
rôle de l’ornement du mur dans la composition et l’ordonnance des façades en France.
Ce rôle ne semble pas faire de doute pour les théoriciens classiques qui considèrent que
les ornements participent de cette « partie de l’architecture » qu’ils nomment
« décoration ». Il faut donc non seulement examiner les effets des ornements sur le mur,
mais aussi leur fonction dans l’organisme architectural. Les ornements du mur forment
tous avec les différentes manières d’organiser le décor des structures signifiantes qui
évoluent en fonction d’emplois dont nous allons restituer la chronologie en dégageant
les compositions typiques.
L’ornementation du mur produit des effets différents selon les modes de
structuration de la façade. Ceux-ci se définissent à deux niveaux : construction
impliquant un certain arrangement de la matière, et forme déterminée par l’organisation
des pleins et des vides dans l’élévation : nous en examinons les modalités telles qu’elles
se définissant à partir du XVe siècle en France.
Les ornements sont employés sur des parties de mur qui pourraient rester nues,
l’emploi de formes auxiliaires résulte donc d’un choix délibéré. Certains ornements n’ont
qu’un rôle décoratif visant à l’« enrichissement », d’autres manifestent les intervalles,
viennent appuyer des rythmes, se concentrent à des points focaux de la façade tels les
portes ou les baies en accentuant ce trait si français de la travée de fenêtres. D’autres
encore participent de la structure de la façade, voire l’organisent ou créent l’ordonnance
en l’absence de tout autre élément structurant comme les ordres. Les premiers sont
interchangeables et n’influent pas ou peu sur la composition de la façade ; par exemple,
certaines formes de tables, comme les tables-inscriptions, sortes de petits cartels, ont été
employées sur le mur, mais aussi dans les frises et sur des pilastres au XVIe siècle. Les
autres au contraire sont plus spécialement liés au mur, en sont une forme expressive,
jouent avec les formes architecturales et sont des éléments de la composition, qu’il
s’agisse de motifs architecturaux comme ceux qui entourent les portes ou les avant-corps
ou de la façade entière. Ces formes ornementales structurantes appartiennent à l’histoire
du décor architectural. Elles ont même fonction que les éléments que les théoriciens du
25
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Introduction
XVIIe et du XVIIIe siècle appellent membres. Nous consacrons un développement à
cette notion dans la théorie architecturale dans notre Tome III (annexe III).
L’ornement à l’Âge classique, et dans le contexte particulier de la France, avait
certainement un sens oublié aujourd’hui. En évitant d’étudier l’historicité de la notion et
ses contradictions inhérentes, nous risquions d’amputer notre entreprise de toute
possibilité heuristique. Comment ne pas risquer de passer à côté des habitudes mentales
et des pratiques propres à une époque ? Comment saisir au plus près son esprit, encore
inconnu pour nous et sans doute fort éloigné de nos préoccupations contemporaines ?
Ces questions impliquaient d’étudier les notions mêmes d’ornement et de décor, et de
les examiner dans leurs acceptions anciennes et contemporaines. En marge de notre
recherche, nous avons relevé les définitions des traités ainsi que celles des dictionnaires :
une petite étude terminologique figure en annexe. (Tome III-II, Le sens des mots décor
et ornement dans la langue française) Il importait aussi de comprendre ce que signifiaient
les formes du décor pour les hommes de l’Âge classique. Convaincue que la signification
n’est pas toute entière contenue dans le bâti, il nous paraissait nécessaire d’examiner les
sources qui peuvent informer, expliciter les formes. Nous avons donc cherché à savoir
si les ornements que nous nous proposons d’étudier faisaient consciemment partie du
vocabulaire des architectes. Les traités d’architecture nous semblaient être les sources les
plus pertinentes. La lecture d’Augustin-Charles D’Aviler et de Jacques François Blondel
s’est avérée la plus fructueuse. Nous avons découvert que ces théoriciens donnaient un
nom à certains ornements que nous nous proposons d’étudier en ayant idée une précise
de leur fonction, en particulier ceux dont la fonction architectonique est explicite.
Comme nous avons, au fil de nos lectures, rassemblé une matière qui débordait
largement la simple terminologie, nous avons transcrit des extraits de leurs traités et
avons éprouvé le besoin d’en faire un commentaire ; extraits regroupés par thème et
commentaires figurent en annexe (Tome III-III L’ornement dans la théorie). On
retrouvera également dans le Tome III, des extraits des livres de Serlio, de Philibert De
l’Orme, et de Jacques Androuet du Cerceau ainsi que les planches correspondantes. Ces
dernières, constituant un corpus conséquent, ont fait l’objet d’un inventaire critique et
ont été regroupées et organisées par thème.
Un vaste corpus
Si le cœur de notre recherche est la période comprise entre la fin du règne de François
(1547) et la fin du règne de Louis XIV (1715), les limites chronologiques de notre
corpus sont beaucoup plus étendues. Comme il fallait montrer les sources de certains
motifs ou de manières de construire, notre catalogue comporte des exemples médiévaux.
Dans les grandes villes, à Paris, Toulouse, Montpellier, Lyon, en Normandie et en
1er
26
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Introduction
Provence, nous avons recueilli beaucoup d’exemples datant de la deuxième moitié du
XVIIIe siècle : nos derniers édifices sont contemporains de la publication du Cours
d’architecture de Jacques-François Blondel. De plus, nos enquêtes nous ont permis de
constater qu’il faudrait poursuivre l’étude bien au-delà.
Ce n’est qu’après avoir établi le corpus le plus vaste possible et réuni le plus possible
d’exemples dont la datation est attestée, que nous avons pu établir des séries et de
possibles généalogies. Plus de 450 édifices répartis sur tout le territoire français ont été
étudiés et réunis dans le catalogue qui constitue le Tome II de notre recherche. Un travail
préalable a permis d’organiser ce corpus : tous les édifices ont été classés
chronologiquement et les données essentielles consignées dans un tableau analytique. En
regroupant de manière synthétique les informations indispensables à l’analyse
morphologique, ce tableau, préfigurant une base de données, a été l’outil indispensable
de notre recherche : il nous a permis de repérer les occurrences des ornements, d’affiner
la périodisation et de repérer les évolutions stylistiques. Pour nos analyses, nous avons
eu recours à l’une des méthodes classiques de l’histoire de l’art, la comparaison et utilisé
les auxiliaires habituels de la recherche en histoire44. Elles s’appuient en premier lieu sur
un exercice d’observation d’après le matériel iconographique recueilli. Pour étudier les
détails de l’ornementation, nous nous en sommes particulièrement remis aux édifices
encore debout : le document primaire est donc souvent le monument lui-même.
Conscients des limites de cette méthode, si l’on ne s’inquiète des restaurations ou
altérations qu’a pu subir l’édifice, nous avons procédé aux vérifications élémentaires
auprès des services de l’Inventaire et dans le plus possible de publications scientifiques45.
Dans le catalogue du Tome II figurent des édifices que nous avons pu photographier et
des édifices disparus que nous pouvions étudier grâce à la gravure. Chaque édifice fait
l’objet d’une notice historique et bibliographique, illustrée de photographies d’ensemble
et de détails, de gravures et dessins anciens46.
Bien que toute périodisation soit arbitraire, les grands repères historiques nous ont
aidés à structurer la masse de notre corpus. Les édifices sont classés par périodes et sont
répertoriés région par région. Ce parti pris de présentation géographique et
44 Les recherches d’archives n’ont donc pas été effectuées systématiquement, sauf lorsque nous voulions contrôler
la validité d’une hypothèse, ou des questions de datation.
45 Celles qui n’ont pas trait directement à notre sujet ne figurent pas dans la bibliographie. Les monographies
d’architectes qui ont appuyé notre réflexion y sont seules indiquées.
46 Nous avons inséré les illustrations indispensables à notre démonstration dans le texte du Tome I ; les édifices
dont le nom est souligné ont fait l’objet d’une notice. Les renvois au catalogue sont indiqués par la mention [ill. n°
de l’illustration]. À la fin de ce Tome I, un répertoire alphabétique et un répertoire par périodes renvoient aux
notices du catalogue. Y figurent les principales indications permettant de retrouver l’édifice : la région, la partie
d’édifice concernée, et les dates de construction. Un index est également placé à la fin de chaque volume du
catalogue, et au début de chaque région.
27
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Introduction
chronologique résulte de plusieurs considérations. Certains édifices offrant plusieurs
exemples types d’ornementation, nous ne pouvions effectuer des regroupements
typologiques sans qu’on retrouve le même édifice dans plusieurs catégories. Le phasage,
opérant pour l’analyse comparative, présente en outre un avantage : il permet de mieux
repérer les éléments précurseurs, les permanences et la synchronicité de courants parfois
divergents et ainsi de replacer dans la chronologie des édifices dont les dates sont
incertaines. La présentation par régions correspond à l’organisation et à la mission de
l’Inventaire et à ses bases de données. Par ailleurs, les régions actuelles recouvrent grosso
modo les anciennes provinces françaises et celles qui ont été rattachées au royaume de
France dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, tels le Roussillon, la Franche-Comté,
les Flandres françaises (Artois et Cambrésis), l’Alsace. Cette présentation du corpus
permet de croiser chronologie et territoires, et d’avoir un aperçu de la répartition
géographique et historique de l’ornement du mur.
Les attendus de la recherche sur le plan historique
Les formes ornementales du mur ont valeur de symptôme au sein du « système
logique de l’architecture » : notre recherche confirme certaines grandes articulations
historiques, les grandes continuités, mais aussi la diversité de la période. Peut-on affirmer
à la suite de Focillon qu’il existe une ou des temporalités propres à la « vie des formes » ?
Chaque objet, chaque phénomène, suscite sa propre chronologie, a une dynamique
propre qui échappe à toute chronologie préétablie.
Dès que l’on considère la généalogie des formes, la perspective historique s’élargit et
s’approfondit. S’il est essentiel de comprendre la manière dont les Français réceptionnent
les formes importées d’Italie, intègrent celles de l’Antiquité au XVIe siècle, il ne faut pas
perdre de vue que dès la deuxième moitié du XVe siècle, certaines formules ornementales
anticipent, ou du moins préparent celles élaborées à partir de la seconde moitié du XVIe
siècle. Par ailleurs, de la fin du XVIIe siècle jusqu’à la Régence, on observe des retours
vers des formes du premier tiers du XVIIe siècle et dont le XIXe siècle se souviendra. Le
XIXe siècle puisera également largement dans le répertoire de la Renaissance et du XVe
siècle.
L’étude du mur échappe ainsi à de trop rigides ou artificielles périodisations. La
question de l’origine des formes s’est toujours imposée ; en effet, certaines ordonnances
de la deuxième moitié du XVIe siècle et du XVIIe siècle semblent être parfois nées de
formes endogènes, liées à la permanence des modes de structuration de la façade et des
manières de construire. Leur longévité est peut-être le signe de la vivacité de
l’architecture française qui avait déjà dès la deuxième moitié du XVe siècle atteint un
28
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Introduction
stade de maturité sans lequel la venue d’un nouveau répertoire et de nouvelles formes
expressives n’auraient pu « faire prise » en France.
Il s’agit donc d’inscrire une évolution dans la « longue durée », mais aussi d’en saisir
les singularités : les formes comme le langage ont leurs « lieux communs », leurs usages,
mais il existe des moments dans l’histoire où de nouveaux motifs et de nouveaux effets
surviennent, des combinaisons imprévues, de nouveaux emplois, une forme apparentée
à un motif source, mais employée de manière totalement originale de sorte que sa
fonction change fondamentalement. Ces sortes de disruptions sont peut-être les points
d’inflexion essentiels de l’histoire des formes : l’invention, même la plus singulière est
l’âme d’une époque, ou d’un point de vue plus mécaniste, le moteur.
Cette recherche devait déboucher sur un essai d’interprétation. Du strict point de
vue de l’histoire de l’art, on pourrait se contenter de retracer des évolutions stylistiques :
telle forme apparaît, disparaît, resurgit et s’éteint, telle autre se transforme, évolue au sens
presque biologique. Mais un simple inventaire des formes en usage à telle ou telle période
pourrait s’avérer quelque peu stérile s’il n’était replacé dans le tissu de l’histoire. La
signification des formes architecturales ne dépend pas que de la stricte analyse
morphologique, il faut aussi en vérifier l’historicité, dans le contexte large d’une
civilisation ou des mentalités. L’évolution du répertoire ornemental et de la syntaxe
murale ne dépend pas de sortes de lois universelles de développement indépendamment
de l’histoire du goût. Il faut tenir compte des facteurs culturels qui motivent les choix
artistiques, du niveau technique de la construction, de l’évolution des pratiques et des
savoir-faire. Les habitudes, les conditions socio-économiques, ont parfois plus de poids
par rapport aux capacités techniques réelles d’une époque. Nous espérons saisir ainsi une
part du style par lequel l’esprit comme la société d’une époque se représente.
29
ESTHÉTIQUE DU MUR
Le mur ne dévoile de lui-même que son parement, sa « surface limite », sa peau.
L’aspect de l’épiderme mural joue donc un rôle primordial dans la qualité de
l’architecture. Le mur offre de multiples possibilités expressives grâce à la variété des
matériaux et aux différentes manières de traiter la surface murale afin de lui donner un
caractère. Claude Perrault en reconnaît l’importance en plaçant « la richesse de la
matière » et « la justesse et la propreté de l’exécution » parmi les « beautés positives » de
l’architecture, qualités inhérentes et universelles comme le sont les accords dans la
musique47.
Les qualités esthétiques des parements dépendent de la manière dont on tire parti
des qualités intrinsèques du matériau, de la mise en œuvre — appareil et joints — et des
traces plus ou moins visibles de l’outil qui l’a façonné. La fine connaissance du matériau,
les techniques de mise en œuvre et de finition sont le propre de l’art du maçon, de
l’appareilleur, du tailleur de pierre, mais l’architecte anticipe leurs effets et en joue
consciemment. Les tailles de finition, les jeux d’appareils parmi lesquels il faut compter
le bossage, les revêtements à l’enduit, les badigeons qui colorent et relèvent la texture
murale, sont les formes expressives propres de la muralité à l’Âge classique. C’est cette
gamme décorative que nous nous proposons d’examiner.
Chaque matériau possède des caractéristiques physiques et optiques particulières. Il
existe une grande variété de pierres, de nuances de coloris de briques et de pigments
pour les enduits. Seule une approche archéologique et scientifique, identifiant
précisément les matériaux employés et les techniques de mise en œuvre, permet
d’apprécier toutes les nuances de traitement. Nous avons réuni quelques données
indispensables concernant les matériaux et techniques à l’Âge classique : elles figurent
dans notre Tome III, Annexe I, « Matériaux et techniques à l’Âge classique », mais
l’inventaire exhaustif des matériaux et des techniques en usage dans la construction et
l’ornementation du mur au XVIe siècle et au XVIIe siècle n’est pas le but de notre
recherche48. Nous nous sommes plutôt demandé quelle était la place de la matière dans
le système que nous cherchons à révéler, dans quelle mesure les cultures constructives et
47 « J’appelle des beautés fondées sur des raisons convaincantes, celles par lesquelles les ouvrages doivent plaire à
tout le monde, parce qu’il est aisé d’en connaître le mérite et la valeur, telles que sont la richesse de la matière, la
grandeur et la magnificence de l’édifice, la justesse et la propreté de l’exécution, et la symétrie qui signifie en français
l’espèce de proportion qui produit une beauté évidente et remarquable. » Claude Perrault, Ordonnance des cinq espèces
de colonnes, 1683, Préface, in Françoise FICHET, La théorie architecturale à l’Âge classique, Liège-Bruxelles, Mardaga, 1979,
p. 241.
48 Nous avons néanmoins relevé systématiquement les matériaux employés et les techniques de finition pour
chaque édifice de notre corpus.
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
les conditions techniques liées au matériau déterminent les formes expressives du mur49.
Ainsi, lorsqu’on se préoccupe de savoir comment se tisse l’histoire des formes et
expressions architecturales, il faut examiner comment la culture architecturale s’appuie
sur les cultures constructives et les fait évoluer ; ces dernières dépendent inévitablement
du niveau technologique d’une époque, des capacités techniques des maîtres d’œuvre et
bien évidemment de la sensibilité collective, autrement dit du goût, ou de la sensibilité
individuelle du concepteur. Les techniques, issues d’un savoir-faire hérité du Moyen Âge,
évoluent peu à l’Âge classique, mais les changements notables concernent l’usage de ces
techniques. Quels sont les effets des bouleversements de la Renaissance, quelle était la
part laissée au maître d’œuvre chargé du chantier et à l’ouvrier ? Sans prétendre résoudre
ces questions, nous pensons néanmoins qu’elles ne sont pas à négliger.
49 Michael Baxandall a démontré qu’à la Renaissance, l’habileté technique et le talent pour résoudre des difficultés
pouvaient être appréciés, comme pouvait l’être le prix des matériaux employés. Michel BAXANDALL, L’œil du
Quattrocento, Paris, Gallimard, 1985.
31
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
LE PAREMENT EN PIERRE DE TAILLE
La pierre tient une place majeure dans la culture architecturale française50. Son
abondance dans presque toutes les régions est une raison nécessaire mais accidentelle,
un lien plus profond rattache la France à ce matériau. N’est-ce pas par lui que les
architectes de la Renaissance ont pu s’identifier à ceux de l’Antiquité ? Vitruve leur
fournissait un argument en expliquant l’origine de l’architecture par le passage de la
construction en bois à la construction en pierre. La maçonnerie en moellon et ciment,
l’opus caementicium, dont Vitruve loue la solidité tout en reconnaissant qu’elle « ne fait pas
de beaux parements », n’est guère imitée en France, ni la maçonnerie de briques revêtue
d’un placage de pierre. Par contre Vitruve décrit plusieurs types d’appareil en liaison (opus
incertum), dont un appareil en pierre de taille simple en profondeur et à parpaings et
boutisses, qui ont pu intéresser les Français51.
La pierre de taille est, à la Renaissance comme au Moyen Âge, le matériau privilégié
de l’architecture savante. Sa diversité est pour Philibert De l’Orme la clef de la supériorité
française, comme le proclame ce passage du Premier tome :
« Je crois certainement qu’il ne se trouvera royaume ne pays, quel qui soit, mieux meublé et
garni de diversité de pierres pour bâtiments, que cestui-ci. De sorte que la nature y a si bien
pourvu qu’il me semble qu’on ne saurait trouver nation qui ait plus beau moyen de bâtir
que les Français. »52
Les chapitres que De l’Orme consacre à la pierre et à la stéréotomie confirment qu’il
existe bien, en France, une esthétique du matériau attachée à un savoir technique. Si la
construction du mur ne fait pas l’objet d’épures aussi brillantes que celles des voûtes
complexes, la mise en œuvre des pierres et la taille du parement exigent un savoir-faire
50 Comme l’a relevé Jean-Marie Pérouse de Montclos : « La France tiendrait une position médiane entre le Nord
“par la forme des toits” et le Sud “par la nature du matériau de gros œuvre” ». Car il est évident que les Français
(et encore aujourd’hui) identifient leur architecture avec la pierre ». Jean-Marie PÉROUSE DE MONTCLOS, 1982,
pp. 52-59.
51 Cette maçonnerie à « la manière des Grecs » se fait « sans qu’il y ait de garni au-dedans » et comporte des pierres
qui se posent « couchées » et des « pierres qui de deux en deux vont d’un parement à l’autre ». VITRUVE, trad.
PERRAULT, 1684, rééd. Liège, 1988, II, 8, p. 44.
52 DE L’ORME, 1567, Livre I, chap. 15, f. 27 v.
32
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
élaboré. Au XVIIIe siècle encore, on loue la perfection de l’appareil en pierre de taille,
dont les Français font même leur spécialité53.
L’aspect du parement des maçonneries en pierre de taille dépend des types
d’appareils et des tailles de finition. Les appareils sont caractérisés par la forme et la taille
des blocs, par l’épaisseur et la profondeur des joints. À l’Âge classique, les parements en
pierre de taille sont le plus souvent en moyen appareil54 ; au XVIe siècle comme au XVIIe
siècle, les dimensions des blocs ne sont pas standardisées : on le voit très bien sur les
parements du château de Maisons (1641–1646) [T. II, ill. 603–622] ; la qualité des
parements dressés dépend alors de la qualité de la mise en œuvre et des opérations de
parachèvement — jointoiement et tailles.
Les tailles de finitions nous intéressent plus particulièrement ; elles permettent
d’obtenir sur les parements dressés des textures plus ou moins fines et lisses. Plus l’effet
recherché est la planéité et l’unité de la surface, plus on cherche à faire disparaître les
joints, et éventuellement les irrégularités de l’appareil. Au contraire, la mise en évidence
de l’appareil est exploitée avec le bossage.
L’esthétique du mur nu
Le parement dressé
Que lègue le Moyen Âge à la Renaissance ? Les parements des tours et des murailles
de Loches sont un exemple de mur en moyen appareil parfaitement uni [T. II, ill. 184].
Les effets plastiques des murailles de Chevreuse [T. 2, ill. 428–430] et la tectonique
puissante de la face de Châteaudun qui domine la vallée ne sont pas fortuits. Les
parements uniformes de ces hautes murailles, définissant des volumes aux arêtes nettes,
ne peuvent être obtenus que par un appareil parfaitement dressé. Rien n’interrompt la
continuité du parement si ce n’est, parfois, un larmier. Au XIVe siècle et au XVe siècle,
la présence d’un décor ne fait pas disparaître le mur, bien au contraire. Sur les corps de
logis, le parement nu met particulièrement en valeur les éléments sur lesquels se
concentrent le décor, fenêtres et portes, et ceux qui couronnent la façade, lucarnes,
53 Toussaint Loyer dans un passage cité par Jean-Marie Pérouse de Montclos : « La précision dans l’appareil en
pierre de taille a toujours mérité qu’on en fasse l’étude la plus recherchée. C’est pourquoy les plus excellents artistes
n’ont rien négligé sur cette partie et quand ils n’ont pu par eux-mêmes y donner tous les soins nécessaires, ils ont
fait choix d’un appareilleur intelligent… Nous avons dans les ouvrages de Perrault et dans tous ceux de nos
architectes les plus célèbres des marques de cette attention et de cette perfection de travail qui caractérise notre
nation plus qu’aucune autre » Toussaint Loyer est un disciple de Soufflot ; le passage est tiré de son Discours de
réception à l’Académie de Lyon sur le goût en architecture, Lyon, Bibliothèque de l’Académie, ms 194 (Jean-Marie
PÉROUSE DE MONTCLOS, dans L’architecture à la française, 1982, p. 52)
54 Les assises du moyen appareil ont une hauteur qui varie entre 20 et 35 cm ; les longueurs sont beaucoup plus
variables, entre 25 à 50 cm. Pour plus de précisions sur les différents types d’appareils et leur histoire, on peut se
reporter à l’Annexe I, « Matériaux et techniques à l’Âge classique, La pierre, Les appareils ».
33
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
parapets ajourés et pinacles. On imagine très bien ces effets d’après les Très riches heures
du duc de Berry.
La même esthétique prévaut à la fin du XVe siècle, comme à Amboise, et au début
du XVIe siècle. L’organisation plus régulière des percements en travées verticales,
apparue vers la fin du XVe siècle, ne change pas fondamentalement les manières de
traiter les parties courantes du mur ; la finesse de la mouluration des encadrements de
baie contraste avec la nudité uniforme de la surface murale qui met en valeur les accents
décoratifs de la façade, tours d’escalier et couronnements, que le mur soit continu entre
les travées de fenêtres comme à Josselin (1490), à la Motte-Glain (1495), à MortierCrolles (1496–1499) et sans doute sur le logis du Verger (1497–1499) ou qu’il soit divisé
par des larmiers comme à Meillant (ap. 1481– avant 1510), à Chaumont (ailes sud et est,
1498–1511).
Le quadrillage de la première Renaissance exalte la beauté du parement. Les fonds
unis et lisses mettent en valeur la modénature qui n’est jamais en très fort relief et les
plus fins ornements comme on peut le voir sur les trumeaux de la cour d’honneur de
Gaillon (1502–1510) [T. II, ill. 374–379]. L’esthétique du mur nu est particulièrement
liée à certains modes de structuration du décor au XVIe siècle, où l’impression de
cohésion et d’unité est le principal effet recherché. Ainsi à Nantouillet (ap. 1517–1521)
[T. II, ill. 440–441] à Écouen (v. 1538–v. 1545) [T. II, ill. 433–435], l’ordonnance à
contreforts plats* dégage de vastes pans de mur nus. L’adoption de la modénature
classique ne change pas cette conception. Dans la cour d’Ancy-le-Franc (1544–1546),
grâce à la blancheur de la pierre, au parement parfaitement lisse et uni, à la finesse des
joints, la modénature peut jouer sur d’infimes reliefs [T. II, ill. 70–78]. La plus grande
unité est obtenue avec un appareil régulier à joints vifs ; le pont-galerie de Fère-enTardenois (ap. 1552–av. 1562) en est un exemple remarquable [T. II, ill. 1120–1124].
34
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Ancy-le-Franc, Sebastiano Serlio (1544–1546), détail du parement de la cour
Fère-en-Tardenois, Jean Bullant (après 1552– avant 1562), détail du parement.
De la solidité apparente à l’effacement de la technique
Les qualités esthétiques de la « muraille » nue ont toujours été prisées : François 1er,
devant le théâtre antique d’Arles, admire le « plus beau mur de France ». Un siècle plus
35
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
tard, Sauval loue ces qualités pour les façades extérieures du Louvre dont la beauté tient
principalement à la solidité et la durabilité du mur :
« Chacun admire la grande dureté & l’éclat de toutes les pierres qui ont été employées pour
ce superbe édifice ; les joints en sont si imperceptibles aux yeux des plus clair-voyans, qu’on
ne sauroit se lasser d’admirer la curiosité de l’Architecte, & la patience des ouvriers ; en
effet, toutes sont si bien cimentées qu’il semble que ce grand bâtiment ne soit qu’une seule
pierre, surtout le pavillon du Roi ; qui de plus pendant près d’un siècle s’est conservé de
haut en bas sans fraction, & même paroît encore aujourd’hui aussi uni, & aussi luisant que
s’il étoit de marbre ; & s’il en faut croire tous les Maîtres, il durera plus que le monde »55.
Le grand mérite de Lescot est et d’avoir su donner aux dehors du Louvre cette
apparence de massivité, qui rappelle la forteresse ; à ceux qui trouvent que les murs du
pavillon du Roi forment une masse « trop nue et trop grossière », « qu’ils ne promettent
rien de toutes ces beautés dont on est surpris en entrant », Sauval oppose ceux qui
trouvent, au contraire, que « cette belle surprise est toute royale et pleine d’esprit. Leur
solidité les ravit & étonne tout ensemble et même leur représente assés bien la grandeur
& la gravité de nos Rois ».
L’unité du mur, et l’impression de solidité qui en découle, implique que le parement
soit parfaitement dressé et ravalé*56 et, surtout, une grande cohésion de l’appareil.
L’appareil le plus solide et le plus durable est l’appareil à joints vifs, maintes fois loué par
les architectes et les théoriciens. Philibert De l’Orme, dans l’Instruction, se vante « d’avoir
porté en France la façon de bien bastir, osté les façons barbares et grandes
commissures »57. Dans la Règle, Le Muet apprécie l’assemblage sans mortier des blocs
d’une porte58. François Blondel indique bien que cette pratique renoue avec celle des
Anciens :
« Enquoy nous pouvons remarquer une de leur pratique, qui n’est point à négliger, qui est
qu’ils ne tailloient leurs pierres que fort grossièrement a leurs paremens de dehors, se
contentant de les tailler sur leur licts, par ou ils les posoient l’une sur l’autre, & où ils les
faisoient convenir dans la dernière justesse, ne se servant point de cales pour les dresser, ni
pour les ficher comme nous faisons parmy nous ; Et lorsqu’elles estoient posées toutes
ensemble, ils les dressoient sur leurs parements de face, & poussoient les moulures les plus
délicates & les ornements tout à la fois, comme on dit, sur le tas, lesquels n’auroient jamais
pû se rencontrer justes comme ils sont, s’il avaient été taillés chacun à part ; évitant par ce
moyen le péril ou l’on est tous les jours d’écorner & de gâter les moulures »59.
55 SAUVAL, 1727, p. 42.
56 Voir le Petit Lexique en Annexe II.
57 Instruction de Monsieur d’Ivry…, Bibliothèque nationale, publié dans Blunt, 1963, p. 147.
58 « Ceste porte est d’œuvre rustique, & sont si bien composées ensemble les pierres d’icelle, qu’encor qu’il n’y eut
ni chaux ni autre mixtion, si sont elles suffisantes de régir tout édifice pour grand qu’il soit » Règle de Vignolle, le
Muet, 1632, XXXII, p. 74.
59 F. BLONDEL, Cours, Seconde partie, II, 6, 1683, p. 29. La retranscription complète du passage se trouve dans
notre Annexe I, Les matériaux, La Pierre, les tailles de finition.
36
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Claude Perrault dans un commentaire à sa traduction de Vitruve recommande la
même technique pour les murs :
« Et c’est une aussi une grande beauté à un bâtiment que de paroistre n’être fait que d’une
pierre, les joints étant imperceptibles ainsi qu’ils sont à cause de leur petitesse, mais
principalement par la précaution qu’on apporte de laisser un demi pouce de velu aux pierres,
qu’on retaille en ravalant, & par ce moyen on évite les écornements qui se font
ordinairement aux carnes des pierres en les taillants & les posant »60.
Le mur n’acquiert sa beauté que par la qualité du parachèvement qui met en valeur
« la beauté de l’appareil », comme le dit Augustin-Charles d’Aviler dans son Cours :
« La propreté du Ragrément fait valoir la beauté de l’Apareil ; c’est pourquoi on marchande
aux Tailleurs de pierre le Ragrément des Façades et des Voûtes, les Refends, les bossages et
les Cannelures des Colonnes & Pilastres. »61
Le goût pour le mur parfaitement uni traverse toute la période classique. Les parties
nues de mur qui mettent en valeur les éléments du décor font l’objet d’autant de soin
que la taille de la modénature et des ornements. La technique du joint vif n’est pourtant
pas la pratique courante62. Les appareils de la Renaissance et du XVIIe siècle sont souvent
à joint maigres ou moyen, c’est pourquoi l’on a recours à diverses techniques de finitions
qui permettent d’égaliser et d’unifier le parement. La taille de finition joue donc un grand
rôle63. Celle-ci se fait en deux étapes, comme l’explique d’Aviler dans son Cours ; la
première opération, qu’il nomme ragrément, consiste « à retondre les bosses et les
balèvres » et la deuxième à « tailler les Ornements à la place des bossages qu’on a laissez
[…] »64. D’Aviler donne une idée précise des opérations de finition des parements aux
articles « Ragréer » et « Ravaler » de son Dictionnaire :
« Ragréer. C’est après qu’un bâtiment est fait, repasser le marteau & le fer aux parements de
ses murs, pour les rendre unis & ôter les balèvres ».
« Ravaler. C’est faire un enduit sur un mur de moilons, & y observer des champs, des
naissances, & des tables de plâtre ou de crépi. C’est aussi repasser avec la laye ou la ripe,
une façade de pierre. Ce qui s’appelle aussi Faire un ravalement, parce qu’on commence cette
façon par le haut et qu’on finit par en bas, en Ravalant. »65
La taille au ravalement permet de passer l’outil sur une large surface de manière à ce
que ses traces soient continues d’un bloc sur l’autre et, comme elles passent au travers
60 VITRUVE, Les dix livres.., trad. Perrault, 1684, Livre II, chapitre VIII, Des espèces de maçonnerie, p. 44.
61 D’AVILER, Cours, 1691, p. 337. Cf. retranscription en Annexe VI.
62 L’appareil à joint vif est plus couteux, car il nécessite des pierres franches de grand format, qui peuvent se polir
pour que les lits de pose soient parfaitement dressés. Il est aussi assez délicat à mettre en œuvre. Claude Perrault,
décrit la technique : on abrase les pierres l’une sur l’autre jusqu’à ce qu’elles s’ajustent parfaitement. Vitruve, ibid., p.
44. Ensuite il faut veiller à ce que la pierre soit doucement posée à plat pour ne pas écorner les arêtes (voir
retranscription en Annexe I, Matériaux et techniques, La Pierre, L’appareil en pierre de taille).
63 Voir Annexe I, Matériaux et techniques, La finition des parements.
64 D’AVILER, Cours, 1691, p. 337.
65 D’AVILER, Dictionnaire, 1755, p. 316 et p. 317.
37
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
des joints, ceux-ci deviennent presque invisibles66. De ce fait, l’on a moins à se
préoccuper de la position des joints et de la régularité des formats.
Au cours du XVIIe siècle, la taille de finition inclut un nombre croissant
d’opérations, en utilisant des outils qui permettent des tailles de plus en plus fines. Les
outils mentionnés par d’Aviler sont employées pendant toute l’époque classique. Le
marteau taillant et la laye permettent de dresser la pierre en arasant les aspérités, et les
joints sont passés au fer67. La ripe donne une surface unie avec des rayures très fines ;
elle permet, en croisant les passes et en les multipliant d’obtenir une surface de plus en
plus lisse68. Parfois même on appliquait un léger badigeon ou un lait de chaux pour
unifier les différences de ton. À la fin du XVIIe siècle, sur les parements et les moulures,
les fines traces laissées par la ripe sont parfois effacées au racloir et avec de la poudre de
grès69. Au XVIIIe siècle, s’affirme le goût pour le parement parfaitement lisse, où la trace
de tout outil disparaît. Cette taille met d’ailleurs en relief les plus fines modénatures
comme à l’hôtel Lamouroux (1723) à Montpellier [T. II, ill. 1014–1015]
66 La taille au ravalement ou sur-le-tas est une taille effectuée directement sur la façade. Voir les descriptions et
l’historique des techniques de taille de finition en Annexe I, Matériaux et techniques, La Pierre, La finition des
parements : le ravalement.
67 Le marteau taillant, est un outil en forme de hache à deux taillants droits, la laye, que Jean-Claude Bessac appelle
bretture, est un marteau taillant dont un tranchant deux tranchants sont dentelés. (Cf. Vocabulaire, 1972, p. 51 et
Bessac, 1993, pp. 39, 61). Le fer est un outil qui permet d’égaliser le jointoiement de finition (Cf. Château de Loches,
notice de l’Inventaire, base Mérimée : les murs du donjon sont « parementés en moyen appareil de tuffeau avec des
joints larges, tirés au fer plat »)
68 La ripe est une sorte de ciseau recourbé à dents fines. Vocabulaire, 1972, pp. 45-46 ; BESSAC, 1993, pp. 130, 197.
Voir Annexe I, Les matériaux, La Pierre, les tailles de finition.
69 HAUTECŒUR, 1948, T. II-1, p. 5.
38
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Montpellier, hôtel Lamouroux (1723).
Sans un parement parfaitement dressé et lissé, n’aurait pu être conçue cette
architecture tout en retenue, où des jeux de nus et de fins ressauts suffisent à créer une
ordonnance. C’est ce goût qui ne cessera de progresser et qui culminera dans les
années 1830, où l’on imitera la pierre lisse avec du badigeon immaculé. Plus tard, la
tendance s’inverse. Voici comment Viollet-le-Duc juge la pratique du lissage de pierre :
« Cette opération amollit les tailles, leur enlève cette pellicule grenue et chaude qui accroche
si heureusement les rayons du soleil. Les moulures, les tapisseries, prennent un aspect
uniforme, froid, mou, qui donne à un édifice de pierre l’apparence d’une construction
recouverte d’enduit »70.
70 VIOLLET-LE-DUC, Dictionnaire, rééd. 1997, tome IX, p. 7.
39
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Le parement texturé
On a parfois recherché à créer sur le parement des contrastes de texture qui
permettent de mettre en évidence les ordres et les ornements. Sur les façades extérieures
d’Ancy-le-Franc, les joints de l’appareil, très légèrement refendus, coïncident
parfaitement avec ceux des pilastres, conférant ainsi une « forte cohérence à l’appareil »71,
mais les éléments de l’ordre sont lisses et se différencient nettement du parement
légèrement piqué72. Les mêmes effets de contraste sont employés à Tanlay (1559), où la
texture du parement sert à mettre en lumière l’ordonnance de pilastres : sur le revers du
châtelet d’entrée, le parement est, comme à Ancy, piqué. Sur la façade d’entrée, le
parement piqué contraste au contraire avec les bossages profondément fouillés du
soubassement [T. II, ill. 70–78].
Dans les années 1560, quelques édifices emploient des tailles trouées et vermiculées,
permettant de forts contrastes, comme au Pailly (1563) où les parements des façades sur
cour sont troués et les joints de l’appareil refendus [T. II, ill. 329–334] 73. Le contraste est
plus accentué au pavillon de Joigny (entre 1570 et 1580)74 [T. II, ill. 105–107]. Le XVIIe
siècle n’emploie plus ces parements texturés, qui qualifient également au XVIe siècle les
bossages.
71 Comme l’a relevé S. FROMMEL, 2002, pp. 141-142.
72 La taille piquée ou pointée, présente de petits impacts de forme ronde ou oblongue. Pour la description des
techniques et des types de taille, on peut se référer à l’Annexe I, « Matériaux et techniques, La pierre, Les tailles de
finition ».
73 La taille piquée est effectuée avec le pic ou à la pointe, alors que la taille trouée plus profonde est effectuée au
trépan.
74 Voir en Annexe I, « Matériaux et techniques, La pierre, Les tailles de finition ».
40
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Le Pailly, Nicolas Ribonnier (1563–1570 ou 1573),
détail du parement de l’aile ouest sur cour.
Joigny, détail du parement du pavillon construit dans les années 1570.
41
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
LE BOSSAGE
Le bossage existe dans l’architecture médiévale française — les exemples sont
nombreux. Cependant, les formes employées à partir des années 1540 appartiennent à
un répertoire nouveau dont il faut expliquer la formation. L’Italie de la haute Renaissance
invente des formules décoratives que les Français exploitent, et Serlio importe ces formes
en dessinant une riche gamme de motifs dans son Libro Quarto75.
Pour Serlio, le bossage est un ornement qui donne un caractère à un édifice et qui
détermine son genre au même titre que l’ordre. Les théoriciens classiques relaient cette
conception. D’Aviler écrit dans son Cours :
Les ordres d’architecture ne sont pas toujours les seuls ornements qui décorent les Façades,
on se sert aussi de certaines saillies qu’on nomme généralement Bossages […], mais il est
necessaire de les adapter si à propos qu’elles conviennent au caractère de l’Edifice ; c’est
pourquoi il y en a de Rustiques et d’autres qui le sont moins76.
Sans faire une étude exhaustive des antécédents français et italiens, nous rappellerons
les quelques formes typiques du répertoire préexistant pour mieux mettre en relief les
formes que retiennent les Français, l’usage qu’ils en font et ce qu’ils inventent pour
différents emplois. Bien qu’il existe quelques exemples d’emploi ponctuels, le bossage
est principalement en chaîne, sur les pilastres et sur le mur. Les formes sont similaires
quel que soient leur emploi, mais, disposé en appareil qu’il accentue ou simule, le bossage
est une manière de traiter la surface murale, une forme expressive du mur dont on
exploitera les puissants effets. Certaines tailles décoratives et certains types d’appareils
spécifiques sont les indices d’une conception particulière du mur et des qualités de sa
surface. La taille ornementale de la pierre est en effet un des domaines privilégiés de
l’invention en France, particulièrement au XVIe siècle. Les Français manifestent un goût
plus modéré pour le bossage dont ils emploient des formes atténuées. Néanmoins,
« Quoi que les bossages ne soient pas un des plus réguliers ornements de l’Architecture »
comme l’écrit d’Aviler, on les emploie en France pendant toute la période classique77.
Mais avant de faire l’histoire de cet ornement en France, il faut définir le bossage et ses
formes types.
75 Regole generali di Architetura sopra le cinque maniere degli edifici, cioe, Thoscano, Dorico, Ionico, Corinthio et Composito. Con
gli esempi dell’Antiquiità…, Venise, Venise Francesco Marcolini, 1537 ; 1éd. fr., Anvers, Pieter Coeke van Aelst, 1542.
(Livre IV)
76 Augustin Charles D’AVILER, Cours d’architecture, 1691, p. 326.
77 Des études ont déjà été consacrées au bossage, mais il n’y a pas de travaux d’ensemble sur la période classique
en France. Claude MIGNOT, « Le bossage à la Renaissance. Syntaxe et iconographie », dans Formes, Bulletin de
l’APAHAU, 2, 1978, pp. 15-23. Séverine Drigeard, Le bossage en Île-de-France et en Bourgogne 1540-1630, Mémoire de
maîtrise sous la direction de Jean Guillaume, Université de Paris-IV Sorbonne, 1994.
42
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Les types de bossages
Le bossage est la saillie d’un bloc sur le mur auquel on donne un profil, — c’est-àdire la forme des sections horizontale et verticales de la saillie —, un relief plus ou moins
accentué et une texture. L’appareil à bossage quant à lui est caractérisé par la forme des
blocs mais aussi par celle des joints : leur espacement joue alors un rôle important que la
forme du bloc. Nous le verrons plus loin.
Toutes les formes de bossage en pierre sont obtenues à partir de la saillie ou « bosse »
laissée sur le pan de tête d’un bloc lors de la taille de dégrossissage. Le bossage d’aspect
brut, par définition informe, obtenu à la fin de cette première phase ne s’inscrit dans
aucune géométrie définissable. Son irrégularité peut être encore accentuée par une taille
à gros éclats, dite taille éclatée. La taille bossagée donne à la face du bloc une forme plus
ou moins bombée, mais encore irrégulière.
Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné, 1854-1868, T. II, ill. 1, p. 216.
Selon la forme de la bosse, on ménage ou non une ciselure périphérique. Elle n’est
pas nécessaire pour les profils courbes ou prismatiques. Ces bossages, caractérisés par
un effet de proéminence important forment un groupe particulier dans la typologie. Le
bossage bombé est obtenu en ravalant la saillie du bossage brut pour obtenir un galbe
régulier semi-circulaire ou en segment de cercle. Le bossage en boule s’obtient en taillant
la bosse en demi-sphère. La pointe de diamant, qui peut être à base carrée ou
rectangulaire, est de forme pyramidale.
Bossage en boule
Bossage en pointe de diamant à base carrée
Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné, 1854–1868, T. II, ill. 1 p. 216.
43
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Augustin-Charles d’Aviler sur une planche de son Cours d’architecture (1691), qui
regroupe dix types de bossages et leurs variantes, représente la pointe de diamant à base
rectangulaire (fig. A). Le bossage à grand chanfrein, en forme de prisme tronqué dérive
de la pointe de diamant (fig. A, mi-partie sous la pointe de diamant)
fig. A
A.-C. d’Aviler, Cours d’architecture, 1691, planche 97, p. 327.
Les autres types sont des bossages plans dont la face est parallèle au mur. La forme
de base est le bossage en table au ressaut* perpendiculaire au mur dont Viollet-le-Duc
donne une illustration dans son dictionnaire. À part la pointe-de-diamant et le grand
chanfrein, toutes les formes de bossages représentées par d’Aviler sur sa planche sont
des variantes du bossage en table dont il donne une variante peu saillante, lisse et à arêtes
vives (fig. B). Le bossage quarderonné est un bossage en table dont le ressaut est adouci
en quart de rond (fig. C).
fig. B
Bossage en table
A.-C. d’Aviler, Cours d’architecture, 1691,
Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné, 1854–1868, T. II, ill. 1 p. 216. Planche 97, p. 363.
fig. C
A.-C. d’Aviler, Cours d’architecture, 1691, planche 97, p. 327.
Le ressaut du bossage en table peut être mouluré : le chanfrein, moulure plate* biaise,
définit le type du bossage à chanfrein (fig. D). Le ressaut peut être mouluré d’un cavet,
44
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
d’un quart de rond (entre listels, pour le distinguer du bossage adouci) d’une doucine ou
d’un talon (fig. E). Le bossage en table peut être fouillé (fig. F) pour laisser en réserve
une moulure d’encadrement ou présenter un double ressaut (fig. F, sous le bossage
fouillé).
fig. D
fig. E
fig. F
A.-C. d’Aviler, Cours d’architecture, 1691, planche 97, p. 327.
Tous les bossages peuvent recevoir une taille de finition, de la plus grossière à la plus
fine, permettant d’obtenir des formes régulières et lisses. Les tailles piquées forment des
petits impacts ronds ou oblongs plus ou moins profonds (fig. C & D), les tailles smillées
et brochées forment des sillons et des stries plus ou moins fins et espacés. Les tailles
trouées sont effectuées au trépan. Les tailles rustiquées, formant des stries espacées et
profondes, sont particulières aux formes bombées et planes au ressaut adouci78. Les
tailles de finitions les plus fines, qui n’altèrent pas le volume et n’émoussent pas les arêtes,
conviennent aux formes nettes du bossage en pointe de diamant et de certains bossages
en table.
78 La taille rustiquée, qui présente également des stries est obtenue avec le rustique, instrument à dents très aiguës,
elle n’est qu’une taille parmi d’autres tailles, dites rustiques, obtenues avec la broche ou le pic. Pour la description
des tailles, voir en Annexe I, « Matériaux et techniques, la pierre, techniques de taille : les tailles de finition ».
45
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Les types d’appareils à bossages
Lorsque les bossages sont assemblés pour former des appareils, ils se définissent les
uns par rapport aux autres grâce à leur forme propre s’ils sont saillants, grâce à un joint
creux s’ils sont plans. Le jeu sur la forme, la dimension et la profondeur des espaces qui
séparent les éléments est un des principaux moyens expressifs de l’appareil à bossages.
L’espacement des bossages permet de jouer sur l’effet de morcellement de la paroi et sur
l’intensité des contrastes entre ombre et lumière. Les formes très saillantes, à taille éclatée
et bossagée, le bossage bombé, le bossage en boule, la pointe de diamant et ses variantes,
peuvent être jointifs. Les bossages en table sont séparés par un canal. Lorsque les
bossages à chanfrein sont accolés, leur joint est un canal en V, l’anglet.
Bossage à anglet, Oiron, pavillon d’entrée (vers 1620).
On distingue également plusieurs types d’appareils selon la position des joints
montants et des joints horizontaux. L’appareil plein-sur-joint est formé de bossages
disposés de manière à ce que les joints montants soient au milieu du bossage inférieur et
supérieur.
46
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Appareil de bossages à chanfrein
plein-sur-joint,
Avignon, hôtel des Monnaies (1619).
Appareil de bossages en table adoucis allongés.
plein-sur-joint,
Lyon, maison Dugas (1re moitié du XVIIe siècle).
L’appareil un-sur-deux est formé d’assises alternées de bossages différents ou
d’assises de bossage et d’assises sans bossages. Le nombre des assises de même forme
peut varier, comme dans l’appareil un-sur-trois.
Bossages un-sur-deux : bossages continus troués et pointes de diamant,
bossages continus piqués et assises sans bossage,
Écouen, douves à l’est du château (v. 1546 – av 1565).
L’appareil à bossages continu est formé de bossages bombés, adoucis ou en table,
joints sur une même assise sans être jamais interrompus par des joints montants visibles.
47
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Bossage adouci continu,
Oiron, pavillon d’entrée (vers 1620).
Bossage à chanfrein continu,
Vaumoret, corps de logis,
(1er quart du XVIIe siècle).
Certains bossages en table sont obtenus au ravalement en creusant un canal après la
mise en œuvre des blocs : sur les parements préalablement dressés, soit les joints entre
blocs sont refendus en mettant en évidence l’appareil du mur, soit les joints sont simulés
par des refends entaillés sur le parement sans tenir compte des joints réels de l’appareil
(les bossages en table du palais Rucellai ont été effectués ainsi). Lorsque le canal est étroit
et profond, il crée sur le mur une ligne d’ombre nette. Parfois ne sont creusés que des
refends horizontaux créant des bossages en table continus. Au XVIIe siècle et au XVIIIe
siècle, le refend continu est soit un canal, soit un anglet.
Refends continus, Paris, Hôtel de Sandreville (1767).
48
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Les antécédents médiévaux
La forme la plus primitive du bossage observée dans l’architecture antique et
médiévale est un « bossage d’économie ». Seuls les lits de pose sont dressés et la tête reste
dans son état brut de carrière ; des ciselures sont ménagées autour de la pierre pour
faciliter la pose79. C’est ce que décrit Viollet-le-Duc dans son Dictionnaire raisonné :
« Dans les constructions de pierre de taille que l’on veut élever rapidement, en n’employant
que la main d’œuvre rigoureusement nécessaire pour permettre de poser les assises sans
perte de temps, on s’est quelquefois contenté de tailler les lits, les joints et les arêtes des
pierres, sans se préoccuper de parementer les surfaces comprises entre ces arêtes »80.
Ce « bossage d’économie » n’est pas encore un bossage décoratif, pour qu’il le
devienne, il faut lui donner forme, ou l’utiliser de manière intentionnelle81. Dans
l’architecture militaire médiévale, la saillie brute du bloc a pu être volontairement
conservée, certes pour des raisons d’économie, mais essentiellement à des fins
symboliques. Dès le règne de Philippe-Auguste, on donne forme à ces bossages ; au
XIIIe siècle, les exemples de bossages bombés et dégagés par une large ciselure comme
ceux de la tour Carbonnière à Aigues-Mortes sont nombreux82.
Impressionner, voire épouvanter l’assaillant au moyen de signes explicites, telle est
la fonction expressive du décor militaire, aussi efficace que la solidité et la hauteur des
murailles. Les bossages bruts qui couvrent les parements d’une tour du XIVe siècle au
château d’Époisses [T. II, ill. 60–61], les bossages en boule de la porte Saint-Jean à
Montreuil-Bellay [T. II, ill. 1087–1088], ou encore les bossages troués de la tour de la
Vigie au château ducal d’Uzès n’ont d’autre raison d’être83
79 Jean-Claude BESSAC, « L’archéologie de la pierre de taille », dans La construction, 2004, p. 8 et fig. 2, p.10.
80 VIOLLET-LE-DUC, Dictionnaire raisonné, rééd., 1997, p. 216.
81 Félibien nomme bossage la pierre d’attente sur le parement destinée à être taillée : « Lorsqu’en bâtissant on laisse
les pierres non taillées pour y faire quelque ouvrage, on nomme cela des Bossages. Il y a aussi une manière de
joindre en Bossage les pierres dans les grands bâtiments comme on en voit dans le palais du Luxembourg. Vitr l. 4
c. 4 parle de cette manière de bâtir. » FÉLIBIEN, 1676, p. 487.
82 Jean MESQUI, Le parement à bossages dans la fortification et le génie civil en France au Moyen-âge, 1987.
83 Nous n’avons pas trouvé d’autres exemples de taille trouée antérieurs au XVIe siècle. On peut donc supposer
qu’elle a été effectuée lors de la réunion de la tour au château par Antoine de Crussol en 1565, mais rien ne permet
de l’affirmer. Charles-Laurent SALCH, Dictionnaire des châteaux et des fortifications du moyen âge en France, Strasbourg,
1987.
49
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Parement à bossage troué, château ducal d’Uzès,
tour de la Vigie, XIIIe siècle, englobée dans le château en 1565.
Il faut signaler l’emploi simultané, rare, mais précoce en France, de bossages en boule
et en pointe de diamant. Au château de la Tour Daniel à Coubon (premier tiers du XVIe
siècle – avant 1515), ils alternent un-sur-deux sur la quasi-totalité de façade de la tour
d’escalier. La pointe de diamant forme une petite pyramide de base carrée, très aigüe et
s’apparenterait, selon Jean-Pierre Babelon, « aux effets recherchés d’abord dans
l’Espagne du XVe siècle (château de Manzanarès el Real et palais de l’Infantado à
Guadalajara par Juan Gas, couvent San Marcos à Leon, casa de las Conchas à
Salamanque), plus tard en Italie (palais dei Diamanti par Rossetti à Ferrare), beaucoup
plus tard en France (Maison diamantée à Marseille, vers 1600). C’est donc ici une sorte
d’unicum français où se fait jour un caractère affirmé du gothique méditerranéen. »84. Ce
passage ne concerne que le bossage en pointe de diamant, mais il est associé au bossage
en boule dans le même esprit : tous deux sont extrêmement saillants et individualisés par
une très large ciselure sur chaque bloc. Si le bossage en pointe de diamant a sans doute
84 BABELON, 1989, p. 99.
50
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
une origine hispanique85, le bossage en boule existe bien dans le répertoire français
médiéval, nous l’avons vu avec l’exemple de Montreuil-Bellay.
Le bossage de la Renaissance italienne
Longtemps réservé à l’architecture militaire, le bossage trouve au XIVe siècle en
Toscane un nouvel usage, les parements des palais publics86. Au Bargello à Florence, les
niveaux sont différenciés par le format des pierres et leur taille : grands blocs lisses au
rez-de-chaussée et blocs plus petits aux étages. À la Seigneurie, des arcs brisés formés de
grands claveaux allongés et extradossés se différencient du reste du parement à bossages
bruts par une taille plus lisse.
Au XVe siècle, un répertoire plus cohérent se constitue. Quand le bossage passe des
palais publics aux palais privés, il offre un moyen d’articuler la façade et ses éléments :
on l’emploie pour marquer les angles, différencier les niveaux, souligner les
encadrements de baie, en jouant sur les saillies, les appareils et les tailles. Le motif
« savant » du bossage se présente sous forme d’une gamme dans laquelle on peut
dénombrer quelques formes types.
La première forme de la gamme est une transposition quasi littérale du bossage brut,
comme les énormes blocs aux reliefs exagérés au rez-de-chaussée du palais Médicis
(1444) ou du palais Pitti (1458) [T. II, ill. 1219 et 1221]. La hiérarchie des étages est
marquée par une décroissance des saillies, très franche au palais Médicis : appareil
régulier à refends au piano nobile et parement lisse au dernier niveau ; au palais PazziQuaratesi [T. II, ill. 1220] seul le rez-de-chaussée est garni de bossages d’aspect brut.
L’appareil à bossages permet à Florence de jouer sur un autre registre, plus
métaphorique : les formes les plus rudes et les plus mouvementées évoquent la violence
des luttes politiques du passé florentin, mais elles cohabitent avec des formes plus
amènes, en une sorte d’allégorie de la Force alliée à la Tempérance.
Au palais Rucellai (1446) [T. II, ill. 1222], Alberti propose une formule totalement
différente : un appareil à refends est associé à une ordonnance de pilastres lisses ; mais
l’appareil de bossages n’est pas un simple repoussoir ; en effet, les bossages et les fûts
des pilastres sont au même nu, ils manifestant ainsi leur appartenance à la structure du
mur ; par ailleurs le rez-de-chaussée présente une alternance d’assises étroites et allongées
et d’assises de grand format alors qu’aux étages l’appareil est formé d’assises étroites plus
85 Il en existe de nombreux exemples en Espagne et au Portugal. Nous avons pu en observer à Lisbonne sur des
vestiges de maison épargnées par le tremblement de terre de 1754.
86 Le bossage « sophistiqué » se développe, à Florence, à partir des exemples médiévaux et non antiques. Claude
MIGNOT, « Le bossage à la Renaissance. Syntaxe et iconographie », dans Formes, Bulletin de l’APAHAU, 2, 1978,
p. 15.
51
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
régulières, légère variation qui permet au mur d’être un des éléments de l’ordonnance.
Le refend ne permet en effet que des variations sur les formats et le rythme des assises
comme on peut l’observer également au palais Antinori (1461–1469) [T. II, ill. 1217] qui
ne comporte pas de pilastres : le rez-de-chaussée est marqué par un appareil de bossages
rectangulaires très régulier alors qu’aux étages des formats allongés alternent avec des
formats carrés sur une même assise.
Vers la fin du XVe siècle, les grands palais florentins en restent à la formule
traditionnelle de la superposition de bossages, comme les bossages bombés du palais
Strozzi (1489) dont le relief s’atténue d’étage en étage [T. II, ill. 1224]. Partout se déploie
l’arc à grands claveaux extradossés nettement découpé dans le mur87 ; mais, au palais
Gondi (1490–1494), pour la première fois, les claveaux des arcs sont reliés aux assises
horizontales grâce à l’emploi d’un extrados en escalier, l’ensemble du parement formant
ainsi une unité cohérente [T. II, ill. 1218].
Ailleurs on emploie d’autres formes tels la pointe de diamant et le bossage en table
espacés par un très large canal comme à la Ca’ del Duca à Venise (Bartolomeo Buon,
1456–1461)88 [T. II, ill. 1269]. L’expression est ici totalement différente, moins liée à
l’expression de la structure du mur qu’à Florence89 ou plus tard à Rome : les facettes,
l’individualisation de chaque motif, la texture légèrement piquée du bossage plat
contrastant sur le canal lisse sont faits pour jouer avec la lumière, comme les bossages
en table espacés de San Michele in Isola (Mauro Codussi, 1469–v. 1478)90.
Le bossage classique à Rome
Dans les œuvres des architectes qui travaillent à Rome à la fin du XVe siècle et dans
les trente premières années du XVIe siècle plusieurs nouveaux traits sont à relever : les
formes et la taille des bossages, leurs assemblages et le dessin des appareils qui tous
concourent à exprimer la cohésion et l’unité structurelle du mur.
Deux formes sont principalement employées : le bossage en table quarderonné et le
refend. Les textures renforcent l’impression de robustesse, mais sans altérer les formes :
au palais Caprini, d’après la gravure de Lafreri, le parement des bossages à chanfrein est
87 Le motif de l’arc brisé extradossé, est récurrent à Florence, il apparaît au XIIIe siècle sur les maisons-tours.
88 ZUCCONI Guido, Venezia, Guida all’architettura, Verona, Arsenale Editrice, p. 49 ; MC ANDREW John, l’architettura
a Venezia del primo Rinascimento, Venezia, 1983, p. 28 et suiv.
89 CERIANA, Matteo, « Agli inizi della decorazione archittetonica all’antica a Venezia », 1455-1470, dans L’invention
de la Renaissance. La réception des formes « à l’antique » au début de la Renaissance, études réunies par J. Guillaume, actes du
colloque tenu à Tours du 1er au 4 juin 1994, Paris, Picard, 2003, pp. 109-110.
90 ZUCCONI Guido, op. cit., p. 49 ; MC ANDREW John, op. cit., Venezia, 1983, p. 231 et suiv.
52
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
piqué91 [T. II, ill. 1252]; au palais Jacopo da Brescia (1514–1516) [T. II, ill. 1256], au
palais Maccarani (1520–1521), les bossages en table en quart de rond ont une texture
grenue et sont parfois striés de sillons parallèles92 [T. II, ill. 1261–1263].
Les assemblages expriment fortement les jointures des blocs, soit par un mince
refend comme au palais de la Chancellerie, au palais Massimo, au palais Alberini, soit par
la jonction de bossages quarderonnés saillants alternant avec des assises moins hautes de
bossages bombés, qui semblent soumis à la compression, comme au palais Jacopo da
Brescia [T. II, ill. 1256]. Les appareils expriment la cohésion structurelle du mur. Au
palais de la Chancellerie (1489–1495) la totalité de la façade est couverte d’un appareil à
refend dont les assises se réduisent légèrement de niveau en niveau ; cette fine gradation
s’achève au dernier niveau par un refend continu. Au palais Massimo (1534) [T. II, ill.
1264] l’unité de la surface murale qui s’étend sans divisions au-dessus du rez-de-chaussée
est exprimée par l’emploi d’un appareil rectangulaire régulier93. Au rez-de-chaussée du
palais Maccarani (1520–1521) ou au palais Alberini (1512–1515) sur l’ensemble de la
façade au palais Massimo (1534), l’appareil plein-sur-joint accuse les lignes de structure
de la façade : les blocs sont disposés symétriquement de part et d’autre de l’axe du
trumeau. Au palais Jacopo da Brescia, les bossages continus quarderonnés et l’alternance
d’assises larges et étroites démultiplie les lignes horizontales des lits. Le bossage continu
est également employé au palais Vidoni-Caffarelli (1524) et au palais Regis.
Les architectes qui s’intéressent à l’expression de la logique structurelle du mur,
comme Giuliano da San Gallo, trouvent des solutions en observant les parements des
monuments antiques : Giuliano utilise au palais Gondi l’arc à extrados en escalier, détail
qui se trouve dans un de ses dessins du codex Barberini. À Rome, l’appareil des arcs et
des plates-bandes est toujours lié aux assises du mur grâce à cette disposition des
claveaux en escalier comme aux palais Caprini et Jacopo da Brescia, ou grâce à des
crossettes comme au palais Alberini. Les plates-bandes du palais Maccarani, formées de
blocs immenses, semblent inspirées de certains appareils antiques de dimensions presque
91 Si rien de très précis ne peut être dit quant au détail d’après la gravure de Lafreri, le dessin de l’appareil est par
contre très visible, en particulier la disposition des claveaux en escalier
92 Les mêmes types sont employés en chaînes d’angle comme au palais Pandolfini à Florence, au palais Farnèse et
Baldassini, où les bossages sont bombés au rez-de-chaussée et, à l’étage, en table à quart de rond à l’étage après le
palais Pandolfini, le bossage bombé, est employé au XVIe siècle à Florence, comme au palais Uggucioni (v. 1550)
[voir illustrations dans le volume III, Annexes.]
93 Les parements du palais Lancellotti de Torres sont traités de même manière, tandis que les bossages rustiques
forment les chaînes d’angle du rez-de-chaussée et entourent le portail.
53
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
cyclopéennes, comme ceux que Serlio relève sur le mur extérieur du théâtre de Pola (Il
terzo Libro [Livre III], fol. 72 r.)94.
Certains édifices antiques ont pu inspirer les architectes romains, tels ceux que Serlio
représente au livre III : l’amphithéâtre de Pola (fol. 86 r.), dont la façade est divisée en
plusieurs registres horizontaux de bossages en table, le palais de Montecavallo (fol. 87 r.)
et la basilique du Forum Transitorium (fol. 89 r.) qui présentent un appareil régulier de
bossages en table plein-sur-joint, et où l’on voit la manière romaine de lier les claveaux
de l’arc à l’appareil.
L’amphithéâtre de Pola,
Serlio, Livre III, 1540, fol 86 r.
Le palais de Montecavallo,
Serlio, Livre III, fol. 87 r.
Basilique du Forum Transitorium,
Serlio, Livre III, fol. 87 r.
La gamme de Serlio
Serlio est le premier à représenter différents motifs de bossages sur une planche du
Livre IV, à la fin de la section consacrée à l’ordre toscan, sous lequel il subsume l’ordre
rustique (fol. 138 v.)95. Les bossages sont classés du plus grossier au plus raffiné ; les trois
premiers bossages de sa gamme sont dessinés d’après les formes adoptées à Rome : le
94 Les trois énormes blocs couvrant les arcs du théâtre de Pola ont visiblement intéressé Serlio qui reprend le motif
sur la porte du folio 133 r. Sebastiano SERLIO, Il terzo libro…, Venise, Francesco Marcolini, 1540, (Les Antiquités
[Livre III]), Jules Romain joue également sur des dimensions et des dispositions curieuses puisque sur les façades
latérales du palais Maccarani, les trois énormes claveaux des baies au contraire de la façade avant, coupent l’appareil,
motif « maniériste » que Serlio reproduira de nombreuses fois sur ses portes.
95 Sebastiano SERLIO, Regole generali di Architetura…., Venise, Francesco Marcolini, 1537 (Quarto libro ou Les
Antiquités) [Livre IV]).
54
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
premier, décrit comme étant « fait de blocs de pierres taillées grossièrement » est un
bossage quarderonné rustiqué, le second est un bossage quarderonné à taille plus lisse,
le troisième, peut-être une invention personnelle, est un bossage à arêtes diagonales. Les
trois autres variantes sont dérivées de la pointe de diamant : un bossage rectangulaire en
pointe de diamant, un bossage à grand chanfrein, et une forme plus élaborée, un bossage
à grand chanfrein orné d’un plus petit bossage à facettes. Dans cette dernière variante,
des bossages à base carrée alternent avec des bossages à base rectangulaire et la largeur
plus importante des joints isole les motifs comme s’il s’agissait de cabochons. Serlio fait
grand cas de la pointe de diamant, pourtant celle-ci n’appartient pas à la gamme romaine
et elle ne figure sur aucun des modèles du livre IV. Le palais des Diamants de Ferrare
est un exemple célèbre, mais relativement rare en Italie et il n’y a pas d’exemple antique.
55
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Serlio, Livre IV, d’après l’édition de Venise, 1584, fol. 138 v.
Serlio donne peu d’exemples d’emploi de bossages employés sur de grandes surfaces,
hormis les édifices antiques ; La basilique du frontispice du Livre V est ornée de bossages
plans et les piles s’ornent de bossages bombés en segment de cercle : Serlio avait
remarqué la forme sur les piles et les arcs de l’amphithéâtre de Vérone (Livre III fol. 84r.) ;
une porte du Livre VII (fol 95) en est également recouverte96. Il a par contre largement
représenté les formes de la gamme romaine sur les portes du Quarto libro : des bossages
plans au ressaut en quart de rond figurent sur la première porte toscane qui en est
96 On pourra se reporter au recueil des planches de Serlio dans notre Tome III, Annexe III, L’ornement du mur
dans les Livres de Sebastiano Serlio.
56
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
entièrement recouverte et sur la porte rustique qui suit (Livre IV, fol. 132 v. et fol 133r) ;
sur la porte dorique et la porte ionique (fol. 148r. et fol 164v.). L’influence de ces modèles
sur l’architecture du premier tiers du XVIe siècle, particulièrement dans le Midi de la
France est notable.
Le bossage en France au XVIe siècle
Au moment où Rome a achevé de créer sa propre gamme, et où Serlio institue dans
son traité le bossage comme ornement majeur du genre rustique, les Français
réinterprètent le bossage en table et le bossage en table quarderonné en inventant de
nouvelles manières de traiter leur surface.
Les tailles
Tailles rustiques
Les tailles employées par Pierre Lescot et Nicolas Bachelier sont particulières. Les
bossages du portail de l’hôtel de Ligneris, sont finement piqués de petits trous réguliers
et serrés qui, bien que profondément creusés, n’altèrent ni la forme régulière du bossage
ni ses contours97 [T. II, ill. 491–494]. À Saint-Jory, les bossages plans présentent une
grande variété de tailles : vermiculée, à nodules de forme ronde ou carrée creusés au
milieu d’un trou, à craquelures ressemblant curieusement à une peau d’éléphant, toutes
exécutées de manière assez grasse [T. II, ill. 1051–1052].
Hôtel de Ligneris, vers 1547 – vers 1550,
portail d’entrée
Saint-Jory, (1545-1547), soubassement du frontispice d’entrée.
97 C’est encore une taille trouée que Lescot emploie à Vallery (v. 1555-56). Sur les façades extérieures du corps de
logis et du pavillon, Lescot dispose des chaînes de bossages, bombés dans le soubassement, plans au ressaut adouci
à l’entour des fenêtres. Ils sont tous régulièrement criblés de trous groupés en polylobes tréflés.
57
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Ces tailles ne sont pas employées à Rome où l’on préfère des effets plus vigoureux.
Seul Jules Romain a recherché des contrastes entre bossages lisses et bossages finement
texturés au palais du Té, dont les dessins d’Ippolito Andreasi effectués en 1567 peuvent
seuls donner une idée puisque les parements en stuc du palais ont été refaits au XVIIIe
siècle98.
La taille vermiculée est une variante de la taille trouée : les trous fins et profonds sont
effectués avec un outil maniable, gouge ou trépan, et peuvent se prolonger aisément par
des petits diverticules. Serlio a, dès 1544, employé un bossage à taille piquée-vermiculée
sur le portail de Fontaine-Chaalis (1544)99. Les deux gravures de Du Cerceau du pavillon
du Roi au Louvre (1551) ne permettent pas d’affirmer si cette taille a été employée pour
les chaînes d’angles, mais le type du bossage vermiculé se trouve sur les façades vers le
quai de la Petite Galerie [T. II, ill. 505–507] et de la grande Galerie du Louvre (ap. 1595)
[T. II, ill. 679–682]100.
Le bossage vermiculé est employé à la Tour d’Aigues (1550–1579) [T. II, ill. 1174–
1186] de manière encore plus spectaculaire. Les bossages bombés, disposés en chaînes
harpées aux angles, imitent les dispositions du Louvre, mais sont d’une longueur
exceptionnelle. Chaque niveau se distingue par une taille différente : bossages bombés
lisses très allongés sur le mur d’escarpe, bossages vermiculés dans le soubassement,
bossage étoilé dans les étages, autre exemple de taille curieuse. Les vestiges de l’hôtel de
La Force sont un bel exemple de taille vermiculée101. Cette taille est employée dans le
premier tiers du XVIIe siècle, comme on peut le voir sur un portail, rue Barbette à Paris
et Pierre Bullet l’emploie à la porte Saint-Martin (1674).
98 Bertrand JESTAZ, L’art de la Renaissance, Paris, Éditions Mazenod, 1984, p. 527.
99 Le château de Roussillon, construit de 1543 à 1548, qui est également attribué à Serlio comporte des bossages
de ce type. S. FROMMEL, 2000, pp. 311-319.
100 Les bossages vermiculés sont encore employés au XVIIIe siècle à la prison de la Petite Force (1785-1790).
101 L’hôtel d’Henri-Jacques Nompart de Caumont, duc de La Force, achevé en 1559, est transformé en 1780 en
prison.
58
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Bossages vermiculés, La Tour-d’Aigues, 1550–1566,
détail de l’angle du pavillon sud-ouest (à gauche de l’entrée)
Bossages vermiculés,
vestiges de l’hôtel de La Force à Paris, 1559.
Bossages vermiculés,
portail du n° 15 rue Barbette.
Bien qu’on ne puisse déterminer avec certitude la source de ces tailles, elles ont toutes
un point commun : les semis de points et les sinuosités précisément incisées à la surface
de la pierre relèvent plus de l’art de l’intaille que du pic du carrier. Ces tailles aux effets
très graphiques donnent de loin une texture qui noircit la pierre ; de près, elles intriguent.
Tailles lisses
Les tailles plus régulières révèlent les structures les plus fines des pierres et leur
couleur. On va donc jouer d’autres effets, grâce aux tailles lisses, particulièrement
adaptées à la finesse et la blancheur de la pierre calcaire. Des bossages lisses sont
également employés à la Tour d’Aigues, sur la façade du donjon, rénovée entre 1566 et
1579 ; le soubassement s’orne de trois registres de bossages : des bossages en table au
59
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
ressaut adouci dans le niveau sous appui, des bossages en table à double ressaut dans les
deux niveaux inférieurs [figure ci-dessous et T. II, ill. 1174–1186].
Bossages en tables quarderonnés à double ressaut,
soubassement du donjon de la Tour d’Aigues, 1566–1579.
La pointe de diamant
La pointe de diamant est une forme peu employée au XVIe siècle ; elle n’apparaît
qu’en chaîne d’angle au Louvre, au dernier niveau du pavillon du roi : des bossages
rectangulaires en pointe de diamant alternent avec des bossages en table à chanfrein ;
ainsi, les motifs les plus raffinés de la gamme rustique de Serlio permettent de créer une
gradation décorative ; les écoinçons sont ornés d’une grande pointe de diamant : le motif
n’a ici plus rien à voir avec le bossage, toujours lié à l’expression d’un appareil [T. II, ill.
504].
Nous n’avons pas trouvé en France d’autres exemples d’emploi sur la surface murale
de pointe de diamant à base carrée, c’est-à-dire la forme « primitive » de la pointe de
diamant, que la Maison diamantée à Marseille (vers 1600) [T. II, ill. 1191–1192]. On l’a
rapprochée du palais des diamants de Ferrare, non seulement à cause de la forme du
motif, mais aussi parce que ceux-ci recouvrent entièrement la façade.
La France exploite peu sur la surface murale les effets d’alternance d’éléments
cubiques et rectangulaires, propres au bossage en pointe de diamant ou à grand
chanfrein. Ces formes vont connaître un succès bref, dans le premier tiers du XVIIe
siècle ; mais elles sont exclusivement utilisées sur les portails, où l’on recherche des effets
spectaculaires grâce à l’emploi de formes très saillantes. Les exemples provinciaux sont
nombreux, dans le Midi de la France et dans la vallée du Rhône, à Montpellier, à
60
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Avignon, à Lyon, dont nous donnons quelques illustrations102. Les formes à pointes de
diamant ne sont jamais employées en appareils pour lesquels on préfère les variantes à
base rectangulaire et à chanfrein, assemblés plein-sur-joint, comme au rez-de-chaussée
de l’hôtel des Monnaies à Avignon (1619) [T. II, ill. 1188–1190], c’est-à-dire les formes
les plus raffinées du répertoire rustique de Serlio.
L’appareil en bossage
Si, entre 1540 et 1560, le bossage est principalement employé en chaînes d’angle,
comme à Saint-Maur, au Louvre, à Vallery, il existe deux exemples d’emploi sur le mur
qui rendent compte des appareils employés en France au milieu du XVIe siècle.
Appareils rustiques
À l’hôtel de Ligneris (entre 1547 et 1553), Pierre Lescot dessine, au rez-de-chaussée
de la façade d’entrée, une grande composition à bossages autour de la porte et des deux
baies latérales [fig. ci-dessus et T. II, ill. 491–494]. L’appareil régulier plein-sur-joint, où
alternent assises hautes et étroites, les claveaux de l’arc en escalier liés aux assises qui
imitent les appareils romains, la découpe nette de l’appareil autour des baies, le niveau
en mezzanine au-dessus d’un bandeau lisse qui rappellent les dispositions du palais
Maccarani, d’une part [fig. ci-dessous et T. II, ill. 1260–1261], l’emploi du fronton sans
base prolongé par une corniche, comme sur la maison de Jules Romain à Mantoue,
d’autre part, laissent penser que l’œuvre de ce dernier a particulièrement servi de modèle
à Lescot [T. II, ill. 1243]. Le bossage plan quarderonné est également une forme
romaine, mais en plus faible relief, si bien que les lignes de joints sont beaucoup plus
fines. Le dessin de l’appareil est particulièrement soigné : l’extrados de l’arc forme un arc
légèrement brisé grâce à la diminution progressive des claveaux.
102 À Montpellier : portail de l’hôtel de Solas (1645), de l’hôtel de Gayon (1660), le portail extérieur de Notre-
Dame-Garaison dans le Midi Toulousain par l’architecte Falga (1649). Citons encore le portail de l’hôtel de ville de
La Rochelle, extraordinaire composition qui illustre l’article « Bossage » du Vocabulaire de l’Inventaire. Vocabulaire,
1972, vol 2, IX-40.
61
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Portail d’entrée de l’hôtel de Ligneris,
Pierre Lescot, vers 1547–vers 1550.
Rez-de-chaussée du palais Maccarani,
Jules Romain (1520–1521).
Le seul autre exemple contemporain d’emploi du bossage sur la surface murale est
une œuvre provinciale : le château de Saint-Jory dans le Midi toulousain [T. II, ill. 1051–
1052]. Nicolas Bachelier ajoute, en 1547, un frontispice d’entrée sur un soubassement à
bossages qui, selon le contrat de 1545, devait paraître « plus naturel qu’artificiel » 103.
L’effet recherché est en effet celui des assises formées de blocs de longueurs variables et
de gros claveaux qui se déploient autour de l’arc central.
Saint-Jory, Nicolas Bachelier, (1545–1547), aile sud, soubassement de l’avant-corps.
103 BABELON, 1989, p. 380.
62
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
L’appareil en bossage n’est employé sur de grandes surfaces murales qu’à partir de
1560. Toutefois, les emplois restent limités aux soubassements. Verneuil est le premier
jalon d’une période riche, mais relativement courte, une vingtaine d’années, durant
laquelle s’élabore un certain nombre de solutions qui auront un avenir au XVIIe siècle.
Les architectes disposent alors d’un répertoire établi, qu’ils exploitent et enrichissent.
Appareils réguliers en tables
Sur les façades du premier projet pour Verneuil, gravé par Jacques Androuet Du
Cerceau dans les Plus excellents bâtiments de France (1576)104, des bossages garnissent le
soubassement et le mur d’escarpe [T. II, ill. 1125–1128]. Sur le soubassement, une forme
sophistiquée de la gamme rustique est employée, le bossage à chanfrein et, sur le mur
d’escarpe, un bossage élégant au doux arrondi exprimé par une ombre sur son dessin,
sans aucun effet de texture ; Du Cerceau semble avoir apprécié les formes très lisses :
l’on peut encore voir aujourd’hui, dans les substructures du château ruiné, des éléments
ornés de bossages bombés lisses. L’individualisation des bossages par un large espace,
encore plus sensible sur le soubassement, a pour effet de morceler la surface murale et,
au centre des soubassements, le bossage se transforme en motif ornemental — un petit
disque entouré de bossages aux angles coupés ; Du Cerceau joue plus sur la forme du
bossage qu’il ne cherche à exprimer la force de l’appareil. Le jeu se poursuit d’ailleurs sur
les chaînes d’angles où les harpes se découpent de façon très prononcée : cette manière
n’était pas celle du pavillon du Roi au Louvre, qui exprimait plus de solidité avec ses
larges pans de mur unis et ses chaînes à l’aspect rugueux.
L’emploi du bossage en table dont on accentue la séparation par un chanfrein ou un
large joint permet de jouer sur des effets d’ombre et de lumière fortement contrastés,
comme le fait Jules Romain au palais du Té [fig. ci-dessous et T. II, ill. 1244–1247].
Primatice a sans doute contribué à importer en France une nouvelle manière de traiter
le bossage puisqu’il emploie des bossages en table à Fontainebleau dans les nouvelles
constructions de la cour de la Fontaine, où l’influence du palais du Té est très sensible.
Des bossages en table lisses, très réguliers, à chanfreins et à larges joints, garnissent le
soubassement et les larges pilastres de l’aile des Reines Mères (1565) [T. II, ill. 469–471].
Les mêmes types de bossages sont employés sur l’aile de la Belle Cheminée (1568), sur
les premières assises des pilastres et dans les entrecolonnements en soubassement
[T. II, ill. 472–479]. L’espacement des bossages permet de jouer sur l’effet de
morcellement de la paroi et sur l’intensité des contrastes entre ombre et lumière qui
animent les parements d’une vibration si particulière, effets qui devaient être déjà ceux
104 En réalité la deuxième version d’un projet probablement conçu dès 1559 et modifié en 1560 lorsque
Boulainvilliers ouvre son chantier.
63
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
de Verneuil [T. II, ill. 1125–1135]. On pense à une influence vénitienne, et à des
analogies avec le miroitement de l’eau, comme à la Ca’ del Duca à Venise (1456–61,
Bartolomeo Buon) [T. II, ill. 1269], où les bossages en table dans le soubassement et les
pointes de diamant au premier niveau sont très individualisés et, surtout, à San Michele
in Isola (1469–1478, Mauro Codussi).
Mantoue, palais du Té, J. Romain (1525 –v. 1530).
Fontainebleau, aile de la Belle Cheminée, Primatice (1568).
À Fervaques en Normandie (1596–1602), les bossages en table au nu du mur, séparés
par un très large joint au mortier animent toute la façade d’entrée ; l’effet est différent, il
joue sur le contraste de matériaux [T. II, ill. 46] et ressemble aux bossages du palais de
Montecavallo tels que les représente Serlio dans son troisième livre (fol 89 r.).
Serlio, Livre III, 1540, fol. 89 r.
Bossages de Fervaques, 1596–1602.
64
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Le bossage « bourguignon »
Quelques édifices construits en Bourgogne et en Franche-Comté forment un groupe
particulier. Le rez-de-chaussée du pavillon d’entrée du Pailly (1563–1570 ou 1573) est
recouvert de bossages plans criblés de trous profonds [T. II, ill. 329–334]. Les mêmes
bossages recouvrent les murs des ailes sur cour. Le soubassement de la façade antérieure
du châtelet de Tanlay (1568– v.1578) est recouvert de bossages continus et, au premier
niveau, les fenêtres s’entourent de bossages qui forment un vaste encadrement carré. Sur
les deux niveaux, les bossages bombés sont profondément fouillés de motifs divers, à
nodules, à rinceaux enchevêtrés parfois habités d’un mufle de lion, d’un coquillage, garnis
d’une rosace, à larges trous dans lesquels repose une sorte d’ove [fig. ci-dessous et
T. II, ill. 114–117]. Les tailles à « nodule » des chaînes d’angle des pavillons s’apparentent
à celles de Saint-Jory.
Châtelet d’entrée de Tanlay (1568 – vers 1578), détails de la façade d’entrée et du pavillon droit.
D’autres édifices se distinguent par leur emploi du bossage sur la totalité de la façade,
ou la quasi-totalité. Des bossages en table sont employés à Sully-le-Château (1570 – fin
XVIe ou début XVIIe), sur la façade ouest où ils garnissent également les deux premiers
niveaux [T. II, ill. 108–112]. Le châtelet d’entrée de Loges (à Morlet, 1584), en est
également couvert [T. II, ill. 132] ; à l’hôtel de Ville de Besançon, la façade extérieure
élevée par Richard Maire (1565–1573) présente deux niveaux de bossages en table au
ressaut adouci et à taille légèrement brochée [T. II, ill. 363–365].
65
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Le bossage plan continu
La grande nouveauté de l’aile de la Belle Cheminée à Fontainebleau (1568) est
l’emploi d’un bossage continu sur les murs des deux rampes. Tels qu’on peut les voir
actuellement, les bossages sont totalement jointifs de manière à former des refends
continus [T. II, ill. 472–479]. Du Cerceau, sur sa gravure des Plus excellents bâtiments de
France a exagéré la séparation des lignes de bossages, sans bien rendre compte du principe
du refend continu formé de bossages en table, séparés par un canal ou un anglet, de
manière à ce que les lignes de joints paraissent creusées dans le plan du mur.
Le refend continu était apparu à Rome à la fin du XVe siècle et a été employé au
dernier niveau du palais de la Chancellerie, mais les architectes de la génération de
Raphaël préfèrent le bossage continu puissamment articulé par des bossages
quarderonnés et rustiqués, comme au palais Jacopo da Brescia [T. II, ill. 1256]. Il sera
employé plus tard, par Vignole, au palais Farnèse à Caprarola (1559), sur les premiers
niveaux sur cour et les façades extérieures. Primatice à Fontainebleau importe ce bossage
en France, mais il n’est pas développé au XVIe siècle. Par contre, il aura une
extraordinaire fortune par la suite.
Fontainebleau, aile de la Belle Cheminée (1568), détail du rez-de-chaussée et détail de la gravure de Jacques
Androuet Du Cerceau dans Les plus excellents bâtiments de France, 1579.
66
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Le bossage alterné un-sur deux et un-sur-trois
Le bossage alterné permet d’autres effets105. L’idée d’utiliser des saillies continues qui
alternent avec des parties planes est une invention de Philibert De l’Orme et de Lescot 106.
Aux Tuileries (1564–1572), quatre bandes équidistantes ornent tous les trumeaux des
façades sur cour et, sur jardin, les murs aveugles sous arcades et les piles, ainsi que les
murs et le fond des niches des travées qui accostent les deux portails d’entrée, sur leurs
deux faces107 [fig. ci-dessous. et T. II, ill. 509–513]. Ces bandes, qui correspondant aux
bagues des colonnes et des pilastres, semblent être la traduction sur le mur de
l’organisation de la colonne. De l’Orme s’est expliqué sur la signification des bagues dans
le Premier tome : ce sont des « ornements et moulures » destinés à cacher « les
commissures » des pierres, c’est-à-dire un moyen de faire paraître les colonnes
« entièrement d’une pièce » quand on ne peut disposer de pierres en délit ou de
monolithes comme peut en fournir le marbre108. Ce n’est donc pas exactement l’effet
recherché par le bossage qui met au contraire en évidence l’assemblage des éléments en
accusant leur joint. Le motif de la bague des colonnes est donc transposé sur le mur pour
former des assises un-sur-trois — les bagues sont en effet assez espacées, de sorte que
le mur paraisse, comme la colonne, construit d’un bloc.
Les Tuileries, façades sur jardins, d’après les Plus excellents bâtiments de France de J. Androuet Du Cerceau, 1579.
105 « Les bossages sont dit un-sur-deux ou un-sur-trois quand, sur un même parement, il y a alternance d’assises
ou d’éléments à bossages et d’assises ou d’éléments sans bossage, ou alternance de bossages de dessin différent. »
Vocabulaire…, 1972, p. 62.
106 Lescot dessine des bossages alternés brique et pierre pour le portail d’entrée de l’avant-cour de Fleury-en-Bière.
Par ailleurs, une porte à l’une des entrées du parc, présente quatre assises de bossages bombés alternant avec une
assise plane ; nous n’avons pas pu la dater, mais le dessin en est très Serlien (fronton et claveaux coupant
l’entablement semblables à la porte du fol. 134 r. du Libro Quarto)
107 De l’Orme s’intéresse particulièrement aux effets d’alternances de saillies et de parties planes sur le mur : à Anet
le mur est strié horizontalement de bandes.
108 DE L’ORME, 1567, VII, 13, fol 218v°-219r°.
67
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Les Tuileries, façades sur cour, d’après les Plus excellents bâtiments de France de J. Androuet Du Cerceau, 1579.
Le bossage un-sur-deux est employé à la Petite Galerie du Louvre (1566–1567) : sur
le mur alternent bossages en table et assises lisses, sur les pilastres, bossages en table et
marbre noir [T. II, ill. 505–507]109. La forme du bossage, à triple ressaut et un quart de
rond est une variation sur le motif employé par Lescot pour les bandes et les tables
allongées qui ornent le mur dans la cour du Louvre110 [T. II, ill. 497–502].
Sur deux portes du Premier tome de l’Architecture (1567), De l’Orme dessine un bossage
un-sur-deux dans la même intention de lier la colonne à l’appareil du mur. La porte
toscane du fol. 241 r. est à rapprocher de la porte toscane du Quarto libro, de Serlio
(Livre IV, fol. 134r)111. De l’Orme reprend le motif du bossage un-sur-deux des colonnes,
mais utilise un bossage plan et lisse et l’étend à l’ensemble du mur ; il n’emploie pas la
forme rustique de Serlio, mais cherche plutôt les contrastes de texture et de matériaux :
le parement piqué des assises en retrait, à ciselure périmétrique, absent du modèle serlien,
sert de faire-valoir aux bossages lisses mis au premier plan. C’est le cas aussi sur la porte
dorique du fol. 239 v., où les bossages plans et lisses alternent avec des lits de briques.
Les modèles de Serlio ont peut-être eu quelque influence sur la création par De l’Orme
109 La Petite Galerie pourrait être de De l’Orme, actif sur le chantier des Tuileries dès 1566 (PÉROUSE DE
MONTCLOS, 2000, p. 223.). L’état du XVIe siècle correspond aux sept arcades centrales du rez-de-chaussée actuel.
110 Nous étudions le motif par ailleurs au chapitre sur les tables. Nous avons un temps pensé que ce motif allongé,
qui divise le mur en trois registres, était à l’origine de l’idée de De l’Orme.
111 À part le couronnement la composition est également assez similaire, avec les claveaux centraux passant sur
l’architrave et la frise, à la différence près que De l’Orme emploie une corniche architravée et que la clé est pendante.
Le bossage à ciselure périmétrique et parement piqué, employé par Jules Romain au palais du Té à Mantoue,
n’apparaît pas dans le Livre IV de Serlio, mais est présent sur trois planches du Libro estraordinario (fol. 11r, 11 v. et
16r)
68
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
de son fameux « ordre français », mais c’est bien en partant de la structure de la colonne
et du mur qu’il invente cette forme de bossage112.
Serlio, Livre IV, 1537, fol. 134 r.
239 v.
De l’Orme, 1567, VIII-7, fol. 241r.
De l’Orme, 1567, VIII-6, fol.
Les variantes du bossage alterné un-sur-deux ou à assises de bossages plus espacées
sont nombreuses à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle. Métézeau reproduit
l’ornementation de la Petite Galerie sur la façade sur le quai construite de 1595 à 1604
[T. II, ill. 505–507]. Assises lisses et assises texturées alternent à la Grande Galerie du
Louvre où l’on emploie le bossage vermiculé ainsi que des motifs fouillés sur le parement
du bossage (1595–1603) [T. II, ill. 679–682].
Les modèles parisiens se diffusent en province dès les années 1570. Des bossages
continus un-sur-deux garnissent le rez-de-chaussée du pavillon central de la Moussaye
en Bretagne (1572–1583). Au château de Torigni en Normandie (fin des années 1580–
v. 1612) [T. II, ill. 50], colonnes, niches et mur sont unifiés par des assises très resserrées
de grès rouge piquées, alternant avec des assises de pierre blanche. L’influence des
Tuileries est particulièrement sensible sur la façade du bras nord de la cathédrale
d’Évreux (1620), où des assises très espacées de bandes fouillées de postes et d’entrelacs
alternent sur le mur lisse [T. II, ill. 417–418].
112 Le dessin du fol. 239 v. prouve que De l’Orme s’est intéressé à la construction antique : l’alternance d’assises
de brique et de pierre (opus mixtum) est en effet fréquente (il en existe de beaux exemples dans les ruines d’Ostie).
D’autres exemples antiques ont pu inspirer De l’Orme pour la colonne baguée. Philibert DE L’ORME, Le Premier
Tome de l’Architecture, À Paris, chez Frederic Morel, 1567. Comme l’indique Anthony Blunt, le motif de la colonne
à bande existe dans l’antiquité, en Grèce ; l’exemple le plus précoce se trouve à Delphes ; la forme s’est transmise
à Rome : à Sainte Praxède, il y a des colonnes du type de Delphes (un remploi ?) très semblables à celles que De
l’Orme dessine pour la chapelle de Villers-Cotterêts. BLUNT, 1958, p. 120.
69
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Évreux, Cathédrale Notre-Dame (1620), façade du bras nord, tour de gauche, détail du rez-de-chaussée.
L’aimable bossage du XVIIe siècle
Il n’est pas dans la sensibilité française d’exprimer la tectonique murale de manière
brutale, il faut que la construction du mur soit la plus discrète possible, qu’elle se fasse
oublier en quelque sorte — effets bien contraires à l’impression terrible que doivent
donner certaines formes d’appareils rustiques, et qui expliquent le succès des formes
planes et sans grand relief, comme le bossage en table, au ressaut chanfreiné ou adouci
par un quart de rond. Au XVIIe siècle, on privilégie sur le mur les effets linéaires du
bossage continu et du refend.
L’ordonnance de bossages
Au Luxembourg (1615–1630) [T. II, ill. 686–689], le jeu des bossages couvrant la
totalité des murs et l’ensemble des corps de bâtiments est nouveau : pilastres, colonnes
et mur sont unis par le même motif, comme De l’Orme l’avait déjà fait aux Tuileries.
Salomon de Brosse invente bien son ordonnance d’après celle du palais Pitti qui devait
servir de modèle, selon la volonté de Marie de Médicis, mais il n’utilise pas les puissants
bossages cubiques et bombés du palais florentin, mais des bossages en table au ressaut
adouci et des refends. De plus, le palais Pitti n’a que deux niveaux, il fallait trouver une
superposition à trois niveaux. Serlio donne, au Livre III (fol. 84 r.) un détail de l’élévation
de l’amphithéâtre de Vérone, à trois niveaux d’arcades où il y effectivement une
ordonnance à superposition de bossages, en quart-de-rond sur les deux premiers niveaux
70
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
et, au troisième, des bossages en tables113. Du Cerceau avait dessiné des bossages bombés
continus sur les trois projets pour la basse-cour de Charleval, gravés dans les Plus
Excellents bâtiments de France, mais uniquement sur les pilastres et les colonnes. Le bossage
un-sur-deux a été utilisé dans une composition monumentale : l’immense cul de four de
la porte des Offices à Fontainebleau (1609–1610), à un seul niveau d’ordonnance
colossale [T. II, ill. 592]. Aucun de ces exemples n’a pu vraiment servir de modèle.
Au Luxembourg, les bossages sont disposés en une gradation raffinée, due à un subtil
jeu de saillies et de formes adoucies s’atténuant de niveau en niveau : bossages adoucis
sur les pilastres se détachant sur des refends au rez-de-chaussée, bossages adoucis unsur-deux sur les pilastres de détachant sur des bossages continus adoucis un-sur-deux au
premier niveau et refends sur les pilastres et le mur au dernier niveau. La continuité du
mur, sa cohésion qui était le propre du parement lisse est ici encore magnifiée. Si les
bossages garnissent bien la totalité du rez-de-chaussée, au premier niveau, ils forment un
encadrement laissant place aux fenêtres dont les chambranles se détachent sur le mur
nu en arrière-plan ; au dernier niveau, deux étroits ressauts de bossages forment dosseret
sur un côté des pilastres, dégageant un pan de mur nu dans lequel s’ouvre la fenêtre ; la
forme nette des bossages produit un effet de découpe pour laisser voir le parement
délicatement ravalé et les éléments de décor sculptés, comme protégés derrière leur
gangue de bossage ; le motif de l’encadrement à bossages provient du palais Pitti, mais
l’effet est tout différent en raison du plus faible relief du bossage. Salomon de Brosse
semble être le premier à jouer d’effets de retraits dans le parement, qui semblent révéler
plusieurs plans dans le mur, jeu qu’il reproduira grâce à d’autres formes, nous le verrons,
et que François Mansart exploitera.
Le Luxembourg semble bien l’édifice qui, pour l’emploi des bossages, étonne le plus
au XVIIe siècle. Félibien ne mentionne que lui comme exemple d’appareil à bossages
continus : « Il y a aussi une manière de joindre en Bossage les pierres dans les grands
bâtimens comme on voit dans le Palais du Luxembourg. Vitr. I. 4. c. 4., parle de cette
manière de bâtir. »114. Il existe en effet peu d’ordonnances comparables, sauf le projet du
même Salomon de Brosse pour les façades extérieures du château de Coulommiers, dont
la construction commence peu avant le Luxembourg (en 1613). Certains détails du
Luxembourg y apparaissent comme les encadrements à bossages dans les travées de
fenêtres, mais les gravures de Jean Marot et d’Israël Silvestre ne permettent pas de
distinguer la forme des bossages [T. II, ill. 572–573].
113 Voir illustration en Annexe III (Tome III), L’ornement du mur dans les Livres de Sebastiano Serlio.
114 FÉLIBIEN, 1676, p. 498.
71
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Élévation de la façade d’entrée de Coulommiers (1613 – vers 1655), détail d’après Jean Marot, v. 1670
Dans la première moitié du XVIIe siècle, l’appareil à bossages continu et le refend
deviennent le moyen de souligner les registres horizontaux. Les exemples de bossages
employés sur la totalité de la façade sont peu nombreux. La façade antérieure du Palais
Cardinal, construit par Lemercier (1633–1644)115, est entièrement couverte de refends
continus, sans ordonnance de pilastres [T. II, ill. 647–648]. D’après une gravure de
Pérelle, les baies sans chambranles s’ouvrent dans le parement à bossages et sont
surmontées d’un linteau en plate-bande à refends liés aux refends horizontaux ; le double
trait marquant les refends du rez-de-chaussée et le trait simple de l’étage semblent
indiquer une légère gradation entre les deux niveaux. Cheverny (v. 1625 ? – av. 1648) est
un autre exemple célèbre de façade sans ordonnance de colonnes, entièrement
recouverte de refends (seule la façade antérieure est garnie de bossages et seuls les deux
premiers niveaux sont du XVIIe siècle) [T. II, ill. 301–305].
Sur d’autres édifices, les emplois sont plus partiels. Les bossages continus soulignent
les soubassements, garnissent les rez-de-chaussée où ils forment socle à une ordonnance,
ou se limitent à quelques éléments de façade comme les portails et les avant-corps.
Salomon de Brosse, Jacques Lemercier et Pierre Le Muet développent la formule du
socle. Salomon de Brosse emploie un bossage continu à anglet piqué au parlement de
Rennes (1618) au rez-de-chaussée des façades extérieures [T. II, ill. 176–179] ; sur les
piédroits encadrant la porte, des bossages bombés et en table, également piqués,
alternent un-sur-deux et sont séparés par un large joint.
115 GADY, 2005, p. 294.
72
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Rennes, Parlement de Bretagne, Salomon de Brosse (1618), soubassement à bossages continus en grès
contrastant avec l’étage à ordonnance de pilastres.
Dans la première édition de la Manière de bien bâtir de Pierre Le Muet (1623), le
bossage n’apparaît qu’à partir des modèles de la neuvième place, en encadrement de baie
et sur quelques assises en soubassement. Mais, sur l’élévation de la treizième place, Le
Muet illustre pour la première fois l’emploi du refend continu : il garnit tout le rez-dechaussée formant soubassement.
Pierre Le Muet, Masnière de bien bastir, 1623, maison de la treizième place.
73
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
La formule du niveau à refends continus formant socle à l’ordonnance est celle de la
cour de l’Hôtel de Liancourt (1635–1642)116 [T. II, ill. 672, 677]. Au château de Pont-enChampagne, (1638–av.1641) les soubassements sont garnis de refends tandis qu’à l’étage
ils forment des encadrements sur les trumeaux [T. II, ill. 343–349].
Pont-en-Champagne (1638–1641). Détail de l’élévation du côté de l’entrée,
Le Muet, augmentation à la Manière de bien bâtir, 1657.
Le refend sert parfois à distinguer les clôtures formées d’un corps de galerie à l’entrée
des cours, comme au Luxembourg : à Richelieu, (1631–v. 1644) [T. II, ill. 312], à Thouars
(1635–1665) [T. II, ill. 1170], à Pont-en-Champagne (1638–1641) sur les arcaddes qui
ferment la cour [T. II, ill. 344]. On introduit parfois de petites variantes dans la forme
des bossages comme à la maison Dugas à Lyon (1re moitié du XVIIe siècle) : un bossage
plan quarderonné est employé sous l’imposte des arcades et des refends au-dessus (ill.
ci-dessous).
116 GADY, 2005, p. 331.
74
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Maison Dugas à Lyon (première moitié du XVIIe siècle).
On retrouve le refend dans des emplois plus restreints comme les avant-corps de
l’Hôtel de Guénégaud (1651–1653) [T. II, ill. 806–808]. On emploie parfois la forme du
bossage continu au ressaut en quart de rond, plus « rustique », sur des bâtiments
secondaires ; bossages bombés et bossages quarderonnés garnissent les deux pavillons à
dôme et le portail menant à l’avant-cour du château de Pont-en-Champagne [T. II, ill.
343], des bossages continus quarderonnés couvrent les parements de l’orangerie du
château de Richelieu, qui subsiste encore dans le parc (1631–v. 1644) [T. II, ill. 315–316].
Le bossage bombé absolument lisse survit dans le répertoire grâce à l’emploi sur les murs
d’escarpe des fossés comme à Richelieu117 ; les fossés du Louvre en sont tous garnis.
Le mur refendu
Dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, les refends se substituent totalement aux
autres formes sur les façades. En même temps, cette forme discrète ouvre la voie à
d’autres emplois. Louis Le Vau garnit de refends continus la totalité des façades du
Raincy (1643) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 851–853]. La façade sur jardin, dont Jean Marot
dessine l’élévation, présente deux ordonnances différentes, l’une sans pilastres sur le
117 GADY, 2005, p. 264.
75
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
corps central et le pavillon ovale, l’autre à ordonnance de pilastres ioniques sur les
pavillons latéraux. Ces parties auraient pu paraître disparates si elles n’étaient unifiées par
l’absolue continuité des lignes horizontales passant d’un corps sur l’autre ; le mur, où les
baies sont percées à vif, sans chambranle, n’est plus ici qu’un faire valoir des jeux de
volumes et des ornements — frises, doubles corps de moulures, bustes sur piédouches ;
c’est, en quelque sorte, un retour à la nudité et la continuité de la surface murale. La
gravure de Marot exprime bien l’effet de grisé obtenu par ce fin lignage, mettant en
lumière, par contraste, les quelques accents des piédestaux, des registres des
entablements et des parties lisses au bas des trumeaux.
Château du Raincy, Louis Le Vau (1643) façade sur jardin, d’après Jean Marot, v. 1670.
L’ordonnance du Raincy est quasi reproduite à Vaux-le-Vicomte (1656–1657) [fig.
ci-dessous et T. II, ill. 869–872], mais avec quelques enrichissements : les fenêtres
comportent un chambranle qui, au rez-de-chaussée, englobe le dessus-de-baie orné d’un
bas-relief. Le Vau emploie également les refends sur les murs à Vincennes sur le logis du
Roi (1654) [fig. p. suivante et T. II, ill. 884–885] et le logis de la Reine (1658) [T. II, ill.
886–888], à l’extérieur avec des tables et dans la cour avec une ordonnance colossale de
pilastres.
76
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Château de Vaux-le-Vicomte, Louis Le Vau (1656–1657), façade vers le jardin.
Vincennes, façade extérieure du logis du Roi, Louis Le Vau (1654).
Enfin, à Versailles, la façade de l’Enveloppe (1669) sur jardin présente un premier
niveau de baies sous arcades sans autre décor que l’insistance des lignes de refends que
Jules Hardouin-Mansart reproduira, dans un effet de prolongation à l’infini, sur les ailes.
Parfois l’on emploie le bossage sur une partie de l’édifice, par exemple autour d’un
portail, comme à l’hôtel d’Avaux (1644–1647) [T. II, ill. 797–799] ou à l’hôtel Amelot de
Bisseuil à Paris (1657-1660) [T. II, ill. 781–793]. Le bossage peut servit à différencier des
corps de bâtiment et indiquer leur usage, auquel une ordonnance plus « rustique »
convient mieux, ainsi, les murs des pavillons des Grandes et des Petites Écuries de
77
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Versailles sont garnis de refends (1679–1682) [T. II, ill. 877–878]. Á partir des
années 1660, sur les corps de logis, les refends ne sont plus employés qu’en rez-dechaussée, en soubassement et sur des pilastres. Il n’y a plus de harpes aux angles des
édifices et l’on utilise le bossage aligné verticalement pour former des ressauts continus
qui permettent de faire alterner parties nues et refends. Au XVIIIe siècle on emploie les
refends alignés pour marquer les angles et les faibles saillies des avant-corps, comme à
Champlâtreux (1751-1757) [T. II, ill. 934], pour marquer les ressauts et les pans coupés
d’un pavillon comme à Champs (1703–1707) [T. II, ill. 903], à l’hôtel Peyrenc de Moras
(Biron) (1727–1732) [T. II, ill. 943] ou encore à Jossigny (1730-1740) [T. II, ill. 937].
Le retrait des formes les plus rustiques du répertoire français, dès le XVIe siècle et
l’abandon du bossage brut alors qu’il abonde dans l’architecture militaire médiévale, est
significatif, non d’un reniement de l’histoire nationale, mais d’une mise à distance de
l’Italie. La pointe de diamant a un sort similaire. Ses formes hérissées appartiennent peutêtre trop à l’imagerie chevaleresque du gothique finissant, qui ne convenait pas aux
réformateurs des années 1540, du moins consciemment. Avec l’élimination des formes
les plus frustes de bossage, la réduction à quelques éléments de la façade, se dessine la
ligne classique de l’emploi du bossage en France.
Les trois formes de bossages continus, bombés, quarderonnés, et la forme
dominante, le refend, ne sortiront plus jamais du répertoire jusqu’au XIXe siècle : un bel
exemple d’emploi de bossage bombé est le Pont Alexandre III à Paris. Le refend, qui
devient un des topiques de l’architecture française au XVIIIe siècle, jusqu’au poncif, est
une autre manière de mettre en valeur la beauté du parement et de son ravalement en y
incisant des lignes régulières qui marquent finement les assises sans altérer la continuité
de la surface murale. Quant au bossage rustique français, représenté par les tailles trouées
ou vermiculées, il n’est plus utilisé sur les étages des façades au XVIIe siècle, on les
réserve, comme le dit Augustin-Charles d’Aviler dans son Cours « aux murs des fossez et
des soubassements des Édifices, & aux grottes des fontaines »118.
118 D’AVILER, 1691, p. 326. Voir en Annexe VI la retranscription du chapitre sur les bossages.
78
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
LE PAREMENT DE BRIQUE
La brique a été employée nue au XVIe siècle et au XVIIe siècle. Dans les maçonneries
à chaînes et remplissages, les contrastes de matériaux et les jeux d’appareils forment
parfois le seul décor : la brique apparente peut être « utilisée de manière avantageuse »,
comme le dit d’Aviler, pour former des panneaux décoratifs dans la façade119.
La brique n’appelle pas de techniques de finition particulières, sauf pour la manière
de traiter les joints, qui peuvent être plus ou moins épais, plus ou moins creusés ou
beurrés. La brique est donc utilisée pour ses qualités propres telles qu’elles apparaissent
à la sortie du four120. Jeux d’appareils et jeux de briques polychromes permettent une
infinité d’effets décoratifs.
Lorsqu’on la badigeonne, ce n’est pas pour la masquer, mais pour la protéger, en fait
essentiellement pour protéger les joints, ou accentuer sa coloration ; les joints étaient
parfois marqués. Nous examinerons cette question dans le chapitre consacré aux enduits
et badigeons.
Jeux d’appareils
Les appareils qui jouent uniquement sur la disposition des briques de manière à
former des dessins sont relativement peu nombreux. Au XVe siècle et dans les deux
siècles qui suivent, les appareils à boutisses* et panneresses* sont principalement
employés121.
L’appareil plein-sur-joint consiste en assises de panneresses, les joints étant situés au
milieu de chaque brique ; cet appareil régulier est employé en remplissages entre chaînes
de pierre pendant tout le XVIIe siècle, à l’hôtel d’Alméras [T. II, ill. 635–637], à Courson,
[T. II, ill. 762–767] à Versailles dans la cour de marbre [T. II, ill. 722, 873-875], sur les
Ailes des ministres [T. II, ill. 882]. L’appareil alterné simple, consiste à alterner une assise
de panneresses et une assise de boutisses, une boutisse étant disposée dans l’axe de
chaque panneresse de manière à former une croix. Outre leur qualité structurelle, les
appareils à boutisses et panneresses confèrent au parement une animation que l’appareil
plein-sur-joint n’offre pas. L’appareil doublement alterné consiste à alterner boutisses et
119 D’AVILER, 1691, p. 337.
120 Pour plus de précisions sur la fabrication de la brique et son histoire on pourra se reporter à notre Annexe I,
Les matériaux du mur, La brique (Tome III).
121 La boutisse est un élément dont les plus longs pans sont à l’intérieur du mur, la panneresse, un élément dont le
plus long pan apparaît en parement. Pour la définition des termes de construction, voir le Petit lexique en Annexe II
(Tome III).
79
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
panneresses sur le même lit et d’un lit sur l’autre. Quant à l’appareil de boutisses, il ne
semble pas utilisé au-delà du XVe siècle.
L’appareil en épi est formé d’éléments à tête rectangulaire posés sur l’angle de façon
à ce que les joints obliques soient d’une assise sur l’autre alternativement dans un sens et
dans l’autre : à la différence de l’appareil en arête de poisson, l’appareil en épi n’a pas de
lit, mais un joint en zigzag122. Il est connu en Italie, du Moyen Âge à la Renaissance123. Il
est employé au Moyen Âge pour les hourdis des maisons à pan de bois. Josiane Sartre
donne les exemples des maisons de la place Plumereau à Tours, de Bergerac en Périgord,
de Châtillon-sur-Chalaronne dans l’Ain, le donjon du manoir de Grandchamps en
Normandie, où les maçons ont été particulièrement inventifs.
L’appareil en épi est employé au XVIe siècle : à l’hôtel de Scipion Sardini à Paris
(1565) (13 rue Scipion, Paris 5e), au château des Mesnuls où « toute la richesse de la
décoration s’y exprime par ce seul appareillage de la brique aux trumeaux des ouvertures
de l’étage »124. Hautecœur signale Montreuil en Champagne et l’hôtel de Mauroy à Troyes
(v. 1560) ; la maison Bossuet à Seurre (Côte-d’Or) où la brique est « appareillée en dents
de scie dans la corniche » ; il précise à juste titre que cet appareil est utilisé le long des
rampants des pignons, et sur les souches de cheminées comme au bâtiment des Loges à
Blois (aile François 1er)125.
Jeux de briques polychromes
Dans la deuxième moitié du XVe siècle et au XVIe, les exemples d’appareils
décoratifs polychromes sont nombreux. La totalité du parement peut présenter des
boutisses et des panneresses de couleurs différentes : à Gien, (1494–v. 1500) des
boutisses de couleur claire alternent avec des panneresses sombres [T. II, ill. 200].
D’autres combinaisons permettent de faire apparaître des motifs. Le losange consiste
à jouer sur le contraste de couleurs — briques claires et foncées ou briques vernissées
— et sur la disposition des briques de manière à dessiner un quadrillage. Il est très
fréquent dans la deuxième moitié du XVe siècle et dans le premier tiers du XVIe siècle.
Sa mise en œuvre « nécessite toute l’habileté technique des maçons qui ont composé
avec une aussi parfaite régularité des façades entières », selon Josiane Sartre.126 Nous
122 Vocabulaire, 1972, p. 49.
123 Appareil en épi des culs-de-four des arcades du chevet des Santi Maria e Donato à Murano, début 12e ; le
pavement Renaissance du Palazzo Vecchio est appareillé en épi. SARTRE, 1980 p. 78.
124 SARTRE, 1980, p. 36
125 HAUTECŒUR, I-1, 1963, p. 43 et note 4, p. 44.
126 Josiane Sartre donne en exemple le château de Dornes et le mur de clôture d’un manoir normand. SARTRE ,
1980, p. 32-34.
80
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
reprenons son inventaire. Le losange le plus simple est formé par cinq assises de briques
claires entourées de briques sombres formant des diagonales. Sur la façade extérieure de
l’aile Louis XII à Blois [T. II, ill. 187–188], au château du Moulin à Lassay-sur-Croisne
(1480–1502) [T. II, ill. 202] une boutisse, une panneresse, trois boutisses, une panneresse
et une boutisse forment un losange cerné de briques vernissées sombres en boutisses. À
l’hôtel Cujas à Bourges (achevé en 1515), toutes les briques du losange sont en boutisses ;
à l’étage, le motif, plus grand, s’enrichit d’un petit losange central formé de quatre briques
vernissées en boutisse [T. II, ill. 208–209]. Ces grands motifs peuvent être composés de
7 à 11 assises, en boutisses et panneresses alternées (7 assises à Beaucamps-le-Jeune, à
Victot, de 9 ou 11 assises au châtelet d’entrée de Saint-Agil, au Coudray-Montbault). Les
losanges sont employés au château de Jallanges en Touraine (après 1502–av. 1517)
[T. II, ill. 212–213] ; au château de La Palice en Bourbonnais (avant 1525)127; en
Bourgogne, au château de Fleurigny, sur les façades de la cour (à partir de 1530) [T. II, ill.
62–63]128.
Les motifs les plus complexes présentent plusieurs losanges inscrits les uns dans les
autres et les diagonales peuvent être formées de deux rangs de briques sombres (donjon
de Blancafort) ; sur le châtelet d’entrée de La Bussière, les losanges sont formés de quinze
assises de briques claires, encadrées par une double diagonale de briques en boutisse
sombres, et sont ornés en leur centre d’un second losange. Le logis du château de Gien
(1494) [T. II, ill. 197–200] présente une grande diversité de losanges : cinq losanges
sombres et clairs sont inscrits les uns dans les autres au rez-de-chaussée du corps de logis
et niveau de la fausse galerie de l’aile sur cour ; à l’étage, le motif plus simple et plus
resserré est formé de diagonales de briques claires sur fond sombre ; neuf très grands
losanges mis en abîme ornent l’étage inférieur de la tourelle sur trompe129.
D’autres motifs sont des variations sur le losange : triangles à l’étage supérieur d’une
tour-poivirère de Gien [T. II, ill. 199]. Le chevron est, en quelque sorte, un demilosange : à Gien, un chevron est disposé verticalement en dessous d’une fenêtre de la
tour d’angle et il forme un unique « V » inscrit dans un cercle dans l’étage en
encorbellement de la tour d’escalier [T. II, ill. 199]. Le château d’Herbault (vers 1521) est
couvert d’un appareil losangé et un niveau d’une tour de motifs en chevrons130 ; le
château de la Cour-en-Chapeau dans l’Allier présente également ces motifs. Gien offre
127 Jallanges à Vernou-sur-Brenne, Indre-et-Loire, BABELON, 1989, p. 744 ; SARTRE, 1981, p. 91. Château de La
Palice à Lapalisse, Allier, BABELON, 1989, p. 744.
128 On peut encore citer le château de la Morinière à Mur de Sologne (Loir-et-Cher) ; les châteaux de Chamerolles,
Montliard, Courcelles-le-Roi à Courcelles (Loiret), la chapelle du château de Pagny (Côte-d’Or), les châteaux
d’Anisy et Marchais (Aisne) HAUTECŒUR, 1963, I-1, p. 43.
129 Le logis du château de Gien est construit en 1494 par Anne de Beaujeu. SARTRE, 1980, p. 93.
130 Herbault à Neuvy (Loir-et-Cher). BABELON, 1989, p. 237.
81
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
bien d’autres exemples de motifs appareillés : carrés mis en abîme, losanges isolés, cercle
(étage en encorbellement de la tour d’escalier octogonale), étoile à six branches sur un
trumeau de l’étage du logis à droite de la tour, et autres « signes » qui ont fait l’objet de
tentatives d’interprétation131.
Ces motifs sont utilisés dans le siècle qui suit. Ils sont particulièrement abondants à
la fin du XVIe siècle et dans le premier tiers du XVIIe siècle. Chambray en Normandie
(v. 1580– v. 1600) est un exemple d’emploi d’appareil alternés et à losange [T. 2, fig. cidessous et T. II, ill. 406–407]. On retrouve le losange à l’ancien collège des Jésuites de
Moulins (1603) [T. II, ill. 35–36] et, dans la même ville, à l’ancien couvent des Carmes et
sur une maison du XVIIe siècle, 2, place de l’Ancien-Palais [T. II, ill. 37].
Chambray (v. 1580 – v. 1600), tours d’angle du logis.
131 Josiane Sartre signale aussi le cœur (château du Fayel, XVIIe), connu en Flandre belge (Oidonk, Rumbeke
XVIe), la croix et les entrelacs (ibid. p. 34). Elle précise que la région de la Loire, en Normandie (Martinville) et la
Thiérache ont fait l’objet d’un inventaire qui a porté sur 146 édifices civils militaires et religieux ; sur 783 motifs
répertoriés, le cœur est le plus populaire (209), puis les entrelacs (113), les croix grecques (53), et des signes divers
qualifiés de « composites » et « particuliers » : J.P. Meuret, « Signes en brique vitrifiées sur les constructions de la
Thiérache (XVIe, XVIIe et XVIIe siècles). Contribution à l’histoire de l’architecture en brique de Thiérache », in
La Thiérache, 1873-1973, Société archéologique de Vervins et de la Thiérache, 1973, p. 123-159.
82
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
L’APPAREIL MIXTE
Brique et chaînes de pierre
L’association de la brique et de la pierre à des fins décoratives apparaîtrait en France
au XVe siècle132. La maçonnerie de briques, tout d’abord employée dans l’architecture
militaire, est renforcée d’éléments de pierre aux points les plus fragiles de la construction.
Très vite, l’opposition de la blancheur de la brique et du rouge de la pierre est employée
en vue d’un effet décoratif : une tour de brique à Maintenon, une tour d’enceinte de
Nantouillet présentent des chaînes horizontales portant des cordons-larmiers entre
étages ; d’étroites baies s’encadrent de pierres liées par des harpes à l’appareil du mur133.
On retrouve les mêmes motifs dans les régions où la brique abonde comme en
Flandre134 ; ils sont employés également dans des constructions en moellons et pierre,
comme au château de Forges à Concremier (Indre). Par la suite, on ne cessera de jouer
sur le contraste entre le rouge de la brique et la blancheur de la pierre, sur les découpes
des chaînes harpées qui bordent les panneaux de mur et soulignent les ordonnances.
Nantouillet, tour d’angle de la façade d’entrée (XVe siècle)
132 À la forteresse de Rambures (Somme, vers 1450-1470), selon Josiane Sartre. SARTRE, 1980, pp. 81-84.
133 La tour de Maintenon (Eure-et-Loir) et de l’enceinte de Nantouillet, sont difficilement datables, mais sûrement
antérieures aux travaux du XVIe siècle. L’absence d’archères prouve cependant qu’elles ont postérieures à
Rambures. Sartre, 1980, pp. 84-86.
134 Par exemple le château de Beersel (XIVe siècle, en partie reconstruit à la du fin XVe siècle).
83
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Damiers
Vitruve parle d’une maçonnerie composée de poutres de bois traversant le mur et
alternant avec des pierres, employée pour les murailles de ville. L’appareil a été illustré
par Perrault : il forme, en parement, un damier135. Des images d’appareil en damier de
pierre et de briques se retrouvent dans les traités jusqu’au XIXe siècle136.
L’appareil en damier est particulièrement fréquent à la fin du XVe siècle et au début
du XVIe siècle en Normandie, en Île-de-France et sur la Loire : au château d’O dans
l’Orne, sur le châtelet d’entrée et le corps de logis sud attenant (fin XVe–1505)
[T. II, ill. 41]137. Au château du Plessis-Rideau (vers 1515 ?) le châtelet d’entrée et le corps
de logis sont entièrement revêtus d’un appareil en damier, qui se décale en diagonale sur
la haute tour d’escalier, et zèbre la façade d’un immense zigzag138 [T. II, ill. 244–245].
Dans le Vexin, au château d’Arthies (fin XVe s.), le mur d’enceinte et le pigeonnier
s’ornent d’un damier régulier de grandes dimensions, formé d’énormes blocs et de carrés
de sept assises de briques alternés139.
La mode survit dans la deuxième moitié du XVIe siècle et au XVIIe siècle surtout en
Normandie, particulièrement riche en jeux d’appareil : à Chambray (v. 1580– v. 1600),
un mur de clôture s’enrichit d’une triple alterance de motifs (fig. ci-dessous), à SaintGermain-de-Livet (années 1680), les parements présentent un appareil en échiquier de
briques rouges et vertes vernissées et de pierres ; on retrouve ces appareils dans mains
endroits du Calvados140.
135 PERRAULT, Vitruve, Les dix livres.., 1684, Livre I, chapitre V, Des fondements des murs et des tours, p. 20.
136 RONDELET, Traité théorique et pratique de l’art de bâtir, 1830, t. II, pl. XII, fig. 3.
137 Hautecœur signale encore en Normandie, des maisons rue de la Madeleine, rue de Notre-Dame du Canon à
Verneuil-sur-Avre dans l’Eure ; le colombier de Boos du château de Sainte-Marguerite-sur-Mer (Seine-Mar.) ; le
manoir du Bars à Cambremer, le manoir du désert à Honfleur (Calvados). HAUTECŒUR I-1, 1963, pp. 42-43 et
note 3.
138 Château du Plessis-Rideau ou des Réaux à Chouzé-sur Loire, Babelon, 1989, notice p. 136 : « ce goût du décor
coloré est alors relativement exceptionnel en pays de Loire et n’y durera guère, tandis qu’il se maintient plus
longtemps en Normandie, en pays d’Auge notamment, ainsi qu’en Île-de-France et en Picardie. SARTRE, 1980,
pp. 37, 38, 94-95.
139 Château d’Arthies, Val d’Oise. BABELON, 1989, p. 85 ; HAUTECOEUR I-1, 1963, p. 43, note 4 ; SARTRE, 1980,
p. 37.
140 La façade Saint-Germain-de-Livet, est datée de 1584 et la cour de 1588, SARTRE, 1980, p. 96. BABELON, 1989,
p. 671. Citons encore l’emploi de damiers à Hermival-les-Vaux, au manoir de Beuvillers à Crèvecœur-en-Auge.
84
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
Chambray (v. 1580 – v. 1600), mur de clôture de l’avant-cour.
Le damier est employé lors de la reconstruction du château de La Maisonfort en
Berry, pour habiller le donjon et une aile attenante lors des travaux de 1586, puis de 1595
à 1610, le corps de logis et la seconde aile reçurent le même décor141. Vélors à Beaumonten-Veron, en Touraine, est un autre exemple, cité par Louis Hautecœur et par Josiane
Sartre qui relèvent l’irrégularité de l’appareil, de même qu’à Criqueville-en-Auge (v. 1580)
où les damiers sont plus grands et où les briques ne sont pas exactement placées pleinsur-joint, ce qui crée de petits décalages142.
Assises alternées
L’opus mixtum, formé d’un petit appareil à chaînes horizontales de briques, qui
apparaît à Rome vers la fin du 1er siècle, a été considéré par Josiane Sartre comme une
origine de l’appareil à assises alternées brique et pierre143. Le château d’Angers est un
exemple célèbre d’appareil en lits alternés ; les murs d’enceinte et les tours sont composés
d’assises de schiste noir ceinturé de grès blanc [T. II, ill. 1086]. Le château (XVe siècle)
141 Maisonfort (La) à Genouilly dans le Cher. Babelon, 1989, p. 786-787 ; SARTRE, 1980, p. 37.
142 Vélors à Beaumont-en-Véron. HAUTECŒUR, I-2, 1965, pp. 390-391 ; SARTRE, 1980, p. 37. Criqueville-en-Auge,
millésime de 1583 sur une cheminée. BABELON, 1989, p. 669 ; SARTRE, 1980, p. 37.
143 SARTRE, 1980, p. 77 et note 3.
85
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
et les murailles de Dieppe élevées sous Henri II (2e moitié du XVIe s) présentent des
assises de silex et de grès. Les exemples d’appareil formé d’alternances de divers
matériaux abondent à la fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle : lits de granit et de
schiste alternent sur les courtines et les tours de l’enceinte du château des Ducs de
Bretagne à Nantes (1466–1480) [T. II, ill. 1093–1094]. La tour orthogonale dite « d’Anne
de Bretagne » au château de Montfort l’Amaury, dont elle est l’unique vestige, présente
des parements en assises alternées de briques et de pierre. À la fin du XVe siècle, tuffeau
et briques alternent en assises régulières sur le châtelet d’entrée, la chapelle et les tourelles
de Mortier-Crolles en Anjou (1496–1499) [T. II, ill. 1090]. Le château d’Ételan en
Normandie est un exemple d’utilisation de l’appareil alterné brique et pierre sur toutes
les façades du logis reconstruit à partir de 1494144. L’appareil alterné est employé au début
du XVIe siècle : pierre et brique pour la façade sur rue de hôtel d’Alluye à Blois [T. II, ill.
205–206] ; pierre et moellon recouvert de crépi au rez-de-chaussée du château d’Ainayle-Vieil (logis construit en 1510) [T. II, ill. 204].
On peut multiplier les combinaisons et les variations : briques, silex blancs et noir
forment des dessins variés au sein d’un appareil alterné de briques et de pierres au
château d’Auffay-la-Mallet (fin XVe siècle) ; au manoir d’Ango (1532–1534), le damier
est décalé sur la diagonale et alterne de niveau en niveau avec divers appareils
polychromes, losangés et en échiquier ; le château de Maillebois (début du XVIe siècle),
présente plusieurs variétés d’appareils polychromes de brique et de damiers brique et
pierre. Briques et pierres forment des lignes sinueuses, proches de la chaîne harpée, sur
un corps de bâtiment du château de l’Islette (vers 1526)145. Le château d’Alincourt à
Parnes (vers 1526) utilise les deux types d’appareils, damiers brique et pierre et assises
alternées146. Des damiers, des lits alternés et un appareil de brique losangé sont employés
à Victot (travaux achevés en 1574)147. Le château du Bec-Crespin à Saint-Martin-du-Bec
en Normandie (1er tiers du XVIIe siècle), est un exemple curieux d’appareil polychrome
[T. II, ill. 408–412]
Si l’alternance brique et pierre n’apparaît que ponctuellement dans la cour de l’hôtel
d’Assezat (1555–1562) [T. II, ill. 1060–1068], elle est un thème omniprésent au château
144 Château d’Ételan à Saint-Maurice-d’Ételan (Seine-Maritime). HAUTECŒUR, 1963, T. I-1, p. 42-43.
145 Auffay-la-Mallet à Oherville (Seine-Maritime). BABELON, 1989, p. 734 ; manoir d’Ango à Varangeville, (Seine-
Maritime), ibid., p. 312 ; Maillebois (Eure-et-Loir), ibid., p. 79 ; château de l’Islette à Cheillé, (Indre-et-Loire), ibid.,
p. 225 ; HAUTECŒUR, I-1, 1963, pp. 42-43 et note 3.
146 Château d’Alincourt à Parnes, Val-d’Oise. BABELON, 1989, p. 85 ; SARTRE, 1980 p. 39. Hautecœur donne
encore pour les damiers, le manoir de Fontenil (Orne), le château de Châtigny à Fondette près de Tours, le château
de Chaligny (Saône et-Loire) ; en Champagne l’hôtel de Chapelaines à Troyes (vers 1527). HAUTECŒUR, I-1, 1963,
p. 43 et note 4.
147 Victot à Victot-Pontfol, Calvados. Babelon, 1989, p. 728 ; HAUTECŒUR, I-2, 1965, pp. 390-391 ; SARTRE, 1980,
pp. 37, 95.
86
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
de Laréole (1579–1583), sur les murs comme sur les cheminées [T. II, ill. 1070–1072].
L’alternance est employée sur la totalité du mur au XVIIe siècle dans plusieurs édifices
toulousains et de sa région proche : dans la cour du Capitole (1602–1606) où les lits de
briques passent au travers des fûts des pilastres cannelés, des archivoltes et des
chambranles [fig. ci-dessous et T. II, ill. 1079–1081].
Toulouse, le Capitole (1602–1606), détail d’une façade latérale sur cour.
L’appareil mixte en assises alternées de brique et de pierre permet des effets similaires
au bossage un-sur-deux : à Caumont, sur l’aile de la galerie (après 1658), au rez-dechaussée, les lits de pierre forment des bossages en table continus [T. II, ill. 1082]. On
retrouve les mêmes bossages alternant avec des lits de brique à Notre-Dame-deGaraison (1re moitié du XVIIe siècle) dans les Hautes-Pyrénées [T. II, ill. 1073–1076].
L’appareil mixte alterné est encore utilisé dans d’autres provinces : sur les deux
façades construites par François Le Vau dans la cour du château de Saint-Fargeau (1654–
1657), sur les trumeaux du rez-de-chaussée et sur les piles des fausses arcades de l’étage
[T. II, ill. 141]. Il est réservé aux communs à Buigny-Saint-Maclou et au Château de
Bernâtre à Bernaville en Picardie148.
148 Les deux châteaux sont signalés par Josiane Sartre, qui indique que les communs de Bernâtre sont
particulièrement beaux avec leur longue façade à bandes horizontales de brique et de pierre, coupée par une porte
monumentale surmontée d’un fronton triangulaire. SARTRE, 1980, p. 39.
87
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
ENDUITS ET BADIGEONS
Utilisés depuis le Moyen Âge à des fins décoratives, enduits et badigeons ont aussi
pour fonction de protéger les parements149 ; ce sont des matériaux de parachèvement,
qui adhèrent au mur, derrière lesquels la structure murale reste plus ou moins visible150.
Le badigeon est un lait de chaux ou une pâte semi-liquide qui ne masque pas la texture
murale. Sur les parements de pierre ou de brique, il est employé pour sa fonction
unificatrice et colorante. C’est bien ce qu’explique d’Aviler : les maçons se servent du
badigeon « pour distinguer les naissances d’avec les panneaux sur les enduits &
ravalemens. Les Sculpteurs s’en servent aussi pour cacher les défauts des pierres
coquillieres remplis avec du plâtre, & les faire paroître d’une même couleur. Badigeonner,
c’est colorer avec du Badigeon »151. L’enduit est, au contraire, un revêtement qui
recouvre complètement le matériau de gros œuvre152. L’enduit, ou crépi, comme on le
nomme au XVIIe siècle, recouvre, semble-t-il, les constructions en matériaux médiocres
qu’il est nécessaire de protéger ; il n’est pas utilisé pour ses qualités esthétiques propres,
il a pour fonction, essentiellement, d’imiter la construction en pierre de taille à moindre
coût.
Le blocage de moellon, utilisé en remplissages dans les structures mixtes à chaînes
de pierre ou de brique n’est pas destiné à rester apparent153. Il y a cependant des
exceptions, lorsque le matériau est plus durable, comme le schiste : à Mortier-Crolles
(1496–1499) il contraste avec les travées de fenêtres en tuffeau blanc, à Serrant (1546)
avec une armature de tuffeau. À Balleroy les remplissages de schiste rouge entre chaînes
de pierre étaient apparents [T. II, ill. 51–52]. À Canisy, le schiste était également apparent
[T. II, ill. 45]. L’appareil « en rocaille » formé de cailloux ou de silex sera utilisé à des fins
décoratives à partir du XVIe siècle. Les blocages de silex de Meudon forment des sortes
de panneaux rustiques [T. II, ill. 482], comme au nymphée construit au XVIIIe siècle à
Chamarande par Contant d’Ivry. On peut néanmoins soutenir que dans les structures
149 Daniel PRIGENT, Christian SAPIN, « La construction en pierre au Moyen Âge », dans La Construction, 2004,
pp. 140-141. SAPIN (dir.), Enduits et mortiers, archéologie médiévale et moderne, Centre de recherche archéologiques du
CNRS, dossier de documentation archéologique, n° 15, Paris, 1991.
150 Des précisions sur leur fabrication et l’histoire de ces matériaux sont données en Annexe I, « Matériaux et
techniques, Mortiers, enduits et badigeons ».
151 D’AVILER, Explication, 1720, p. 45 et Dictionnaire, 1755, p. 44.
152 Les autres formes de revêtements n’ont pas leur place dans cette étude. Fréquent en Italie, le revêtement en
plaques de pierres, ou plaquis, a peu de place dans les cultures constructives françaises. Le décor mural de Madrid
(1528) est une exception ; il est trop singulier pour avoir été imité ; seul le pavillon de Porcelaine à Versailles pourrait
y faire penser. Utilisée en revêtement, la brique apparente est non portante, c’est le cas dans la structure en « châssis
revêtu », typique du nord de la France (HAUTECŒUR, 1967, T. I-32, p 634).
153 SARTRE, 1980, p. 40.
88
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
mixtes* à chaînes de pierre et moellons ou à chaînes de brique et moellon, les
remplissages de moellon sont systématiquement enduits. C’est le parti choisi pour les
constructions de François 1er à Fontainebleau (1528) [T. II, ill. 436–439] : les murs de
l’avant-cour sont en moellons recouverts de crépi, comme ceux de la porte Dorée
[T. II, ill. 438]. Mais l’usage de l’enduit se rencontre également sur remplissages de
brique : Josiane Sartre a retrouvé des badigeons anciens au château de La Mormaire à
Grosrouvre (1617) [T. II, ill. 632–633]154. Dans ce cas, sa fonction protectrice est, sans
conteste, moins importante que sa fonction unificatrice. Le respect de la « vérité du
matériau » est donc bien éloigné des préoccupations esthétiques du XVIIe siècle.
Il est parfois difficile de se faire une idée juste de l’aspect de l’épiderme originel, en
particulier de sa couleur, étant donné la fragilité de ces revêtements. Josiane Sartre a
souligné que « peu de crépis sont parvenus intacts jusqu’à nous ». Elle a particulièrement
examiné les enduits du château de Neuville (av. 1559–ap.1582) [T. II, ill. 483–490] dont
le « mauvais état, par endroit […] suffit à prouver son ancienneté et son authenticité. »155
Il semble aussi que, dans certaines régions, la palette de couleur était parfois très vive.
Les restaurations récentes dans le centre de Lille tentent de faire revivre cette riche
polychromie, en particulier sur la maison de Gilles le Boé (1636) et sur maints « rangs de
maisons » construits dans le dernier tiers du XVIIe siècle et au début du XVIIIe dans le
centre ancien et les quartiers neufs de la toute nouvelle province française156. L’on en est
réduit à poser un faisceau de questions. Si la présence de traces permet d’affirmer que
l’édifice à été enduit, quelle est la date de la plus ancienne couche ? Si l’on a la certitude
qu’une façade était enduite ou badigeonnée, et qu’elle a été par la suite décapée, il est
parfois impossible de retrouver le dessein originel. Quels étaient les éléments structuraux
que l’on souhaitait mettre en valeur ou au contraire masquer ? Si le concepteur prévoyait
un enduit, que cherchait-il à imiter ? Sans certitudes, il reste donc encore une fois de plus
à consulter les traités pour se faire une idée des usages du XVIIe siècle. Selon d’Aviler, la
maçonnerie de briques peut rester apparente lorsqu’elle forme les panneaux d’une
structure à chaînes de pierre ou lorsque qu’elle forme l’armature apparente de la
maçonnerie ; lorsque les remplissages sont en moellons, ils doivent être recouverts de
crépi. L’usage du crépi nécessite un art et une technique particuliers qui se laissent
deviner à la lecture du passage où il en est question : le crépi ne peut recouvrir de grandes
surfaces sans être interrompu par les membres de la structure — les « corps », ou par des
joints — les « naissances badigeonnées » qui séparent les panneaux de crépi (que d’Aviler
154 SARTRE, 1981, p. 40.
155 Ibid., p. 40.
156 Conquise par Louis XIV en 1667.
89
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
appelle tables)157. De plus, les murs de moellons peuvent « recevoir des saillies comme
bandeaux, cours de plinthe, apuis séparez ou continus et quadres bien proportionnés et
profilez avec la propreté dont les maçons travaillent le plâtre à Paris ; & les stucateurs le
stuc en Italie ; et les panneaux entre ces naissances ou saillies peuvent aussi estre
briquetez ; ce qui rend l’aspect des Façades simples fort agréable. » Ainsi, non seulement
le crépi souligne une structure de pierre apparente, mais peut former à la surface du mur
un second système de divisions en panneaux. Il ne faut pas s’abuser sur le terme
briqueter : il signifie imiter la brique avec l’enduit. C’est ce qu’explique d’Aviler dans son
Dictionnaire. « BRIQUETER. C’est contrefaire la brique sur le plâtre, avec une
impression de couleur d’ocre rouge, & y marquer les joints avec un crochet. On Briquete
aussi en faisant un enduit de plâtre, mêlé avec de l’ocre rouge, & (pendant qu’il est frais
employé) en traçant les joints profondément, qu’on remplit avec du plâtre au [sac]. On
peut encore passer une couleur rouge sur la brique même, & refaire les joints avec du
plâtre »158. Le faux appareil est, depuis le Moyen Âge, une pratique courante. On trouve
même des exemples d’enduits imitant la brique recouvrant… un appareil de brique. C’est
ce que les restaurateurs de Chamarande (1654) ont voulu restituer, alors que les panneaux
avaient été, jusqu’à lors, recouvert d’un crépi, comme le montre une photographie
ancienne159. Mais les restaurateurs de Chamarande n’ont pas repassé les joints au
badigeon de couleur différente, alors que la pratique semble vivace jusqu’au XVIIIe
siècle.
Dans toutes les régions, l’emploi du badigeon était pratique courante, ce qui n’exclut
absolument pas que l’on choisisse de laisser les matériaux apparents, c’était le cas pour
la brique dans le Midi toulousain, comme l’ont démontré Bruno Tollon et Georges
Costa160. Les appareils décoratif en brique, si nombreux à la fin du XVe siècle et au début
du XVIe siècle, employés encore au XVIIe siècle, les jeux d’appareil mixte brique et pierre
étaient, à l’évidence, destinés à rester apparents. La question de l’emploi systématique du
badigeon reste un problème dans d’autres régions de brique comme l’Artois, la Picardie,
et les Anciens Pays-Bas. Les œuvres picturales anciennes montrent bien la diversité des
matériaux employés, et il est difficile de conclure sur l’emploi systématique du badigeon.
Dans certains cas, l’absence d’entretien, les restaurations « invasives » qui ont décapé les
monuments, les ont souvent fait disparaître, empêchant toute analyse stratigraphique et,
157 D’AVILER, Cours, 1691, p. 336-337 ; voir la retranscription en Annexe VI des extraits du Cours d’architecture, Les
types de maçonnerie, l’enduit et le crépi.
158 D’AVILER, 1755, p. 72.
159 Ernest DE GANAY, Châteaux et manoirs d’Île-de-France, vol V. Paris, Vincent et Fréal, 1939, pl. 72.
160 Bruno TOLLON, « L’emploi de la brique, l’originalité toulousaine », dans Les chantiers de la Renaissance, p. 88. Le
fait avait déjà été relevé par Hautecœur. HAUTECŒUR, 1948, T. II-1, pp. 3-4.
90
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Esthétique du mur
en l’absence de documents d’archives, rien ne permet d’affirmer leur emploi161. Les
mêmes questions se posent pour la pierre. Le badigeon était-il systématiquement
employé sur les parements en pierre de taille, comme moyen d’unifier la surface ? Les
parements de basalte de la ville d’Agde n’étaient certainement pas enduits en raison de
la solidité de la pierre, et de l’effet peu heureux qu’aurait produit l’enduit associé à cette
pierre sombre, rude, mais belle (hôtel de ville d’Agde, 1651) [T. II, ill. 981–982]. Les
éléments de modénature et de sculpture ornementale en pierre, quant à eux, peuvent
rester bruts ou recevoir un simple badigeon.
Deux problèmes se posent au chercheur : comment, sur des façades aujourd’hui
dénudées, déterminer avec certitude l’emploi d’enduit ou de badigeon, d’une part, et
comment restituer le plus fidèlement possible l’épiderme des édifices et leur couleur,
d’autre part. Les professionnels de la restauration des édifices anciens se sont emparés
de cette question. En l’absence de certitudes, les partis de restauration ne peuvent qu’être
fondés sur un certain arbitraire, que seuls des critères stylistiques peuvent tenter
d’orienter pour le mieux, quand ne rentrent pas en jeu des à priori esthétiques qu’il est
parfois difficile de contrer, tant du côté des partisans du « tout enduit » que de ceux qui
prêchent la vérité de la structure. Bien que cette question dépasse le cadre de cette étude,
elle impose une certaine la vigilance de la part de l’historien, car certains partis pris de
restauration, non clairement affichés, peuvent troubler la lecture des monuments du
passé, et conduire à des contresens162.
161 Une récente étude stratigraphique sur un corps de bâtiment d’un couvent d’Ursulines, construit au début du
XVIIIe siècle dans le Brabant-Wallon, a révélé des couches de badigeon anciennes sur le remplissage de brique ;
leur grand nombre (10) fait supposer qu’il y en a eu dès l’origine. Sur un corps de bâtiment plus ancien, en brique
à chaînages discontinus de pierre, décapé, car il était badigeonné en blanc au XIXe siècle, on en est réduit à des
conjectures.
162 La maison de l’Arbre de Jessé à Joigny, au moment où Hautecœur écrit son premier volume de l’Histoire de
l’architecture classique, a des hourdis apparents (HAUTECOEUR, La formation de l’idéal classique, La Renaissance des
humanistes [1535-1540 à 1589] I-2, 1943). Hautecœur les cite comme un exemple d’appareil décoratif ; ceux-ci ont
été recouverts récemment par un enduit. Quel état cette restauration restitue ?
91
ORNEMENTS DU MUR
En dehors des éléments structurants comme les ordres, les chaînes, les encadrements
de baie, certaines formes décoratives prennent place sur le mur, qu’elles laissent plus ou
moins visible. Les « enrichissements » du mur, que les architectes de l’Âge classique ont
employé avec plus ou moins de parcimonie, pourraient sembler anodins s’ils n’étaient
des auxiliaires indispensables du décor des façades. En effet, ils contribuent à donner au
bâtiment ce qu’on appelle, au XVIIe siècle, son « caractère ». Dans l’architecture
classique, l’ordre joue le rôle principal, mais, en l’absence d’ordre, d’autres ornements
prennent le relai : la modénature, et les ornements du mur. Un système cohérent se met
en place dès l’introduction des ornements classiques en France ; néanmoins, l’ornement
du mur, beaucoup moins codifié que l’ordre, fait l’objet de nombreuses inventions. Nous
allons observer comment le répertoire des ornements du mur s’est formé au XVIe siècle
puis s’est déployé. Mais, pour étudier ce système, il faut tout d’abord identifier les formes.
Une catégorie spécifique
Les ornements qui apparaissent en parement entre les ouvertures — trumeau* et
plein-de-travée*163, et entre les éléments structurant du décor, appartiennent à une
catégorie spécifique : tous affectent la surface murale.
Est ainsi exclue de la catégorie la niche qui creuse le mur et possède bien des traits
de la baie164. Pour Léon Battista Alberti, elle est une des formes de l’ouverture — apertio
— qui est, comme le mur — paries — auquel elle s’oppose, l’un des six éléments premiers
et « nécessaires » de l’architecture165. Au XVIe siècle en Italie, la niche porte souvent tous
les attributs de la baie : quand elle n’est pas creusée à vif dans le mur, elle possède un
encadrement similaire au chambranle et elle s’insère parfois dans de petites structures
édiculaires. De plan semi-circulaire ou rectangulaire, elle ménage dans l’épaisseur du mur
un espace qui peut servir d’habitacle à une statue : elle est, comme la baie, le lieu du corps
réel ou imagé. Bien que la niche ne soit pas un ornement de surface, nous la
considérerons néanmoins, au chapitre suivant, en tant qu’élément d’une composition
ornementale comme, par ailleurs, la fenêtre.
163 Cf. Tome III, Annexes, Petit lexique.
164 Dans le vocabulaire de l’Inventaire, la niche fait partie des baies : « par sa place et sa position la niche peut être
assimilée à une variété de baies » Vocabulaire…, 1972, p. 100.
165 « Il existe certaines quasi-ouvertures qui imitent les portes et les fenêtres par leur position et leur forme ;
cependant, elles ne traversent pas l’épaisseur du mur, mais y creusent des sortes de niches et offrent ainsi aux statues
et aux tableaux un emplacement commode et un cadre décent. » Leon Battista ALBERTI, De re aedificatoria, Livre I,
trad. Pierre Caye et Françoise Choay, Paris, 2004, I-12, pp. 89-90.
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
D’autres ornements sont à exclure, ainsi en est-il de certains éléments de
modénature. L’encadrement de la baie est un ornement de l’ouverture et non du mur, et
même s’il fait saillie sur son nu, comme le chambranle, il articule le parement et le tableau
de la baie.
Enfin, les ornements qui simulent une fonction structurelle ou organisent le décor
appartiennent à la catégorie des membres, tels que le XVIIe siècle les a définis. Ce sont
des formes typifiées, très spécialisées : un cordon, une corniche, une chaîne de bossage,
un pilastre ne peuvent pas trop varier à moins de changer de nature : si un pilastre perd
son chapiteau et sa base et s’élargit considérablement, il devient un ressaut*166.
Principes morphologiques
Les ornements du mur se conforment à la morphologie, élémentaire, du mur, plus
exactement à son seul élément visible, théoriquement sans épaisseur, le parement : ils ne
jouent que sur des effets de lignes et de surface. Tous peuvent sembler très proches étant
donné la simplicité de leur principe, mais ils ont la propriété de varier considérablement
de dimensions, de tracés, de relief. L’Âge classique a inventé une grande variété de motifs
et a multiplié les effets : jeux de nus en saillie ou en retrait, jeux de cadres et
d’encadrements167.
Des propriétés particulières que nous avons peu à peu découvertes nous ont permis
de regrouper les formes par famille et d’établir une typologie. Ces propriétés dépendent
d’une part de leur relation au mur et d’autre part de leur relation au champ qu’elles
occupent.
Certaines surfaces décoratives prennent les qualités du mur même, mais elles
appartiennent à un registre expressif particulier : contrairement au bossage, elles ne
révèlent de la muralité que son épiderme. Une surface décorative qui forme corps avec
le parement peut presque se confondre avec lui si elle est de même matériau, elle peut
166 Voir Tome III, Annexes, Petit lexqie et Tome I, Introduction, Le principe structural du mur.
167 Hautecœur, qui avait bien remarqué la richesse de ce répertoire, citait sans les distinguer les formes employées
dans la période particulièrement féconde du premier tiers du XVIIe siècle : « Sur les trumeaux et aussi entre les
bandeaux qui séparent les étages se détachent des tables dont les formes sont diverses : elles dessinent très souvent
un simple rectangle, dont les angles sont rentrants, sont ornées de crossettes, dont les côtés sont liés au chaînage
par des horizontales ; elles reçoivent sur leurs bords des adjonctions semi-circulaires ; elles sont elles-mêmes
circulaires ; pour suivre le mouvement des arcades, elles deviennent des trapèzes dont la partie inférieure se
prolonge en un demi-cercle. Les tableaux peuvent être plats ; ils peuvent se relever en leur centre, constituer des
pointes de diamant, contenir un autre rectangle, un champ de brique, être cernés par un cordon de pierre moulurée
ou ornée, par un bandeau de pierre dont les parties horizontales sont appareillées en claveaux. Parfois ces tableaux
ne sont pas semblables sur toute l’étendue du bâtiment. Au rez-de-chaussée ils sont faits de briques qui opposent
leur couleur à la blancheur de la pierre et, à l’étage, de pierre qui s’enlèvent sur un fond de brique. Bien des
combinaisons sont possibles ». HAUTECŒUR, 1967, T I-3-2, p. 764.
93
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
changer de tracé, avoir un relief plus ou moins prononcé qui accentue son contour. Enfin
une mouluration peut être la bordure d’une surface sans aucun effet de relief.
Les ornements du mur interagissent avec leur environnement. Un ornement
ponctuel crée un champ d’attraction, marque un centre géométrique ; au contraire, une
forme étendue vient à la rencontre des autres éléments du décor ou les limites d’un pans*
de mur.
Chacune de ces propriétés détermine des classes d’objets ayant leurs lois de variation
propres : certaines formes sont totalement isolées comme la table et le cadre, d’autres
sont liées aux éléments structurants du décor comme le ressaut et l’encadrement ;
d’autres encore forment système avec leur cadre architectural, c’est le cas de la table en
panneau. Cette typologie détermine les différentes parties de ce chapitre consacré à
l’étude du répertoire.
Un riche répertoire déterminé par l’histoire
Théoriquement, à l’intérieur de chaque classe les formes peuvent, théoriquement se
différencier à l’infini, néanmoins les motifs constituant le répertoire caractéristique d’une
époque peuvent être dénombrés. Quand les motifs reçoivent un nom et qu’on les analyse
dans les traités d’architecture, ils deviennent alors les « lieux » ou topiques de la langue
architecturale en usage dans un lieu et un temps donnés.
Il ne s’agit donc pas de faire l’inventaire complet de toutes les variantes, de toutes les
formes particulières ou singulières, mais de distinguer les formes récurrentes, auxquelles
la société et les artistes attribuent une valeur ; elles sont des indices d’une culture
partagée.
Tous les motifs ne sont pas employés simultanément, mais selon des phases
stylistiques au cours desquelles certaines formes apparaissent, tandis que d’autres sont
abandonnées. Quand le motif apparaît-il ? Peut-on saisir sa genèse, suivre sa généalogie ?
Comment s’impose-t-il ? En somme, nous allons considérer quels sont les déterminants
historiques du répertoire.
94
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
LA TABLE
La table est un ornement qui pourrait rester inaperçu tant ses effets peuvent être
discrets qu’elle semble parfois se confondre avec le mur ou disparaître dans le
foisonnement du décor. La variété des formes de tables, leur abondance sur certains
édifices, la persistance de leur emploi jusqu’au XIXe siècle sont les indices d’un répertoire
moins insignifiant qu’il ne paraît.
La table apparaît dans les traités et les dictionnaires du XVIe siècle et du XVIIe siècle
et a encore sa place dans le Cours d’architecture de Jacques François Blondel, mais elle n’a
fait l’objet d’aucune codification168. Les premières occurrences du terme se trouvent dans
le Premier tome de l’architecture de De l’Orme : la table fait partie des « enrichissements »
dont l’architecte garnit ses édifices, mais il ne la définit pas. De l’Orme emploie
l’expression « table d’attente » pour désigner des tables destinées à recevoir soit une
incrustation soit une inscription : elles ne portent aucun autre décor, au contraire des
« basses-tailles de figure » qui sont des bas-reliefs169. Félibien écrit : « TABLE d’attente,
ou compartiment quarré ; c’est ce qui se pose d’ordinaire sur des portes ou dans des
frises pour mettre des Inscriptions, Armes, Devises, & c. Vitruve appelle Abacus, une
table d’attente. Livre VII, chap. 4. »170. Félibien suit Perrault qui, dans sa traduction de
Vitruve, avait interprété ainsi le terme Abacus ; voici ce qu’il dit dans son commentaire :
« On appelle tables d’attentes les Panneaux carrez, ronds, ovales ou d’autre Figure qui
s’élèvent avec une légère saillie sur les murs, parce qu’ils attendent que l’on y fasse
quelque peinture ou quelque inscription ». Mais il s’agit d’une extrapolation, car le
passage de Vitruve concerne la manière de faire des décors intérieurs au moyen d’enduit
en y dessinant des panneaux dont seul l’entre-deux est orné : ces formes abstraites
semblent faire partie d’une autre catégorie de motifs171. D’Aviler, dans son Dictionnaire
168 BLONDEL, 1771, I, p. 319-320. Voir Annexe VI.
169 L’entrée du château d’Anet est faite « de pierre de Vernon, enrichie de marbres, porphyres, serpentins, et de
bronze, signamment sur les portes, et aux tables d’attente […] Aux côtés par le dessus des petites portes, sont
terrasses enrichies à l’entour de tables d’attente, étant de marbre noir avec leurs entrelacs, au lieu de balustres
qu’on a accoutumé de mettre aux terrasses pour servir d’appuis. Vous voyez par le dessus de la grande porte au
plus haut, un ornement tout fait de belle pierre blanche de Vernon, et de marbre noir aux tables d’attente. » Audessus de la porte du logis de Saint-Maur se trouve également « une table d’attente en marbre » portant une
inscription. DE L’ORME, 1567, Livre VIII, chap. XII, fol 246 et chap. XIV fol. 250.
170 FÉLIBIEN, 1676, pp. 745-746.
171 Perrault commente le passage suivant « Les manières particulières de polir les enduits & de les orner, doivent
être différentes selon les lieux & les raisons que l’on a de les rendre plus somptueux et plus magnifiques. Car dans
les salles à manger pendant l’hyver, il n’est pas à propos de faire des enduits de cette composition, ny des peintures
de grande importance, ny de la Sculpture de festons & de couronnes taillées avec beaucoup de délicatesse ; parce
que la fumée du feu & la suye des lumières qui y doivent estre presque incessamment allumées gastent tout. On
peut seulement faire au-dessus des lambris qui sont à hauteur d’appuy, quelques Tables d’attente avec un mélange
d’ancre que l’on polit, & diversifier les entre-deux par des triangles de Sil & de Minium. VITRUVE, PERRAULT trad.,
1988, VII-4, p. 240.
95
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
d’architecture tente de définir la table en rappelant l’étymologie du mot : « TABLE, Nom
qu’on donne, dans la décoration d’Architecture, à une partie unie, simple, de diverses
figures & ordinairement quarré-longue. Ce mot provient de Tabula, planche »172.
Le Vocabulaire de l’architecture de l’Inventaire définit sa morphologie : « Surface en
parement limitée par un petit ressaut, table saillante, par un petit retrait, table rentrante,
ou par un petit canal, table affleurée : la table affleurée est au même nu que le reste du
parement. La table fouillée est une table saillante à l’intérieur de laquelle est inscrite une
table rentrante ».173 On peut déduire de cette définition un principe commun (Planche II,
fig. 1). La table est une surface engendrée par une différence de nus* : la table saillante
excède un nu de référence (a) la table rentrante s’y enfonce en y formant un creux (b).
La table étant une surface en parement, elle est en tous points parallèle au nu de
référence : son profil horizontal (a, b) est identique à son profil vertical (a’, b’). Deux
profils découlent de ces types de base : la table fouillée est engendrée par un creux dans
la table saillante et a le profil inverse de la table affleurée, qui fait saillie sur le fond de
table rentrante (Planche II, fig. 2). Deux propriétés définissent des variantes de ces
types : la capacité à s’étendre dans les deux directions de la surface murale, et les
variations de tracé.
Planche II. Le principe morphologique de la table
172 D’AVILER, 1693, p. 338.
173 La suite de la définition donne des exemples particuliers : « La table d’attente est une table qui doit porter un
décor sculpté, une inscription, etc. La fausse-table est un registre dessiné sur le mur ou sur un enduit par des effets
de matériau ou à la peinture. La table à crossettes présente à ses angles une crossette ou un ressaut décoratif. »
Vocabulaire…, 1972, p. 52.
96
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Le paradigme de la table : les flexions de la forme
La série d’entrées figurant à la suite de la première définition de d’Aviler renseigne
plus sur les usages de son temps qu’elle ne donne une idée de l’ensemble du répertoire174.
En effet, la table rentrante (qu’il appelle table fouillée) est, pour d’Aviler, un ornement
de piédestal ; pourtant, la table rentrante, certes rare en France, est connue depuis le
XVIe siècle ; deux tables portent des ornements très particuliers, comme la table à
crossettes et la table couronnée ; la table d’attente, qui est une pierre destinée à être
sculptée, et la table de crépi, qui ressemble au panneau de Vitruve, semblent ne pas
appartenir à la même catégorie. Les exemples donnés par le Vocabulaire de l’Inventaire
— table d’attente, fausse-table, table à crossettes — ne reprennent qu’en partie la
taxinomie du Dictionnaire de d’Aviler : la table couronnée n’est pas mentionnée alors
qu’elle est une des formes récurrentes du répertoire classique. Même si la terminologie
est plus précise, le Vocabulaire ne rend compte ni de la totalité du répertoire ni de ses
règles de formation. Il faut donc définir les modes d’engendrement des formes et le
processus qui organisent la typologie, incluant non seulement les formes mères et leurs
variantes, mais aussi, potentiellement, toutes les formes intermédiaires, sans omission
possible.
Si l’on prend comme modèle théorique la table de pierre sur parement de pierre, on
peut classer les tables selon leurs techniques de taille. Bien que les tables puissent être
fabriquées à partir d’autres matériaux et avec d’autres techniques de mise en œuvre, le
résultat est le même du point de vue formel. Avec des matériaux comme la brique, les
variantes sont simplement plus limitées, sauf à imiter les fines sculptures de la taille de
pierre par moulage.
Si l’on considère que les différentes variantes procèdent d’enlèvements successifs de
matière, elles se classent en deux séries distinctes, l’une obtenue à partir d’une saillie sur
le mur, l’autre, théoriquement, en creusant le parement. Ainsi, la table saillante se place
en début de la première série et la table rentrante à la fin de la seconde, comme l’illustre
la planche III (page suivante, fig. 1 à 3 et fig. 4 à 6). Toutes les variantes de tables sont
des formes intermédiaires entre les pôles de chaque série.
174 « TABLE À CROSSETTES. Table cantonnée par des crossettes ou oreillons. Il y a de ces tables à plusieurs palais
d’Italie. TABLE COURONNÉE. Table couverte d’une corniche, et dans laquelle on taille un bas-relief ou l’on incruste
une tranche de marbre noir pour une inscription. TABLE D’ATTENTE. Bossage qui sert dans les façades, pour y
graver une inscription, & pour y tailler de la sculpture. TABLE DE CRÉPI. Panneau de crépi, entouré de naissances
badigeonnées, dans les murs de face les plus simples ; et de piédroits, montans, ou pilastres & bordures de pierre,
dans les plus riches. TABLE EN SAILLIE. Table qui excède le nud du parement d’un mur, d’un piédestal, ou de toute
autre partie qu’elle décore. TABLE FOUILLÉE. Table renfoncée dans le dé d’un piédestal, & ordinairement entourée
d’une moulure en manière de ravalement. TABLE RUSTIQUE. Table qui est piquée & dont le parement semble brut.
Il y a de ces tables aux grottes et aux bâtiments rustiques. » D’AVILER, 1693, p. 338-339.
97
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Planche III. Le paradigme de la table.
98
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Dans la première série, les pierres laissées en attente sont épannelées, puis ravalées
parallèlement au parement. Le type de base est la table saillante au ressaut à angle droit
et arête vive, de forme quadrangulaire (planche III, fig. 1).
Table saillante au ressaut à arêtes vives, Joigny (1569), soubassement du corps de logis sur cour.
Les variantes suivantes sont obtenues au moyen de la taille en réserve. La seconde
variante de la série, la table saillante à table affleurée, est obtenue en creusant un canal
sur la table (planche III, fig. 2). Plus le canal est situé vers le bord de la table plus il y a
effet d’encadrement.
Table saillante à table affleurée, hôtel de Vogüé à Dijon (1614 – vers 1618),
portique d’entrée, détail d’une porte latérale.
La dernière variante de la série des tables saillantes, la table saillante fouillée, s’obtient
en évidant la table ; plus la partie en réserve est étroite, plus il y a effet de cadre175
(planche III, fig. 3).
Table fouillée, Écouen, avant-corps nord, Jean Bullant (v. 1552–1553)
175 Le terme « fouillé » n’indique donc pas la technique de taille, mais le résultat obtenu. Bien que, théoriquement,
toutes les tables puissent être fouillées et que l’on puisse fouiller les tables de différentes manières, par commodité,
nous désignons par ce terme toutes les tables saillantes à table rentrante.
99
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
La première forme de la seconde série est la table affleurée : un canal est creusé sur
le parement de manière à laisser en réserve une surface au même nu que le parement
même (planche III, fig. 4). Si une large gorge est creusée dans le mur, une table semble
alors faire saillie sur le fond d’une table rentrante (planche III, fig. 5). Nous n’avons pas
trouvé d’occurrence de cette forme sur le mur ; l’effet est cependant celui des tables
affleurées ornant le bas des trumeaux de la Cour de Marbre à Versailles (1631–1634).
Table affleurée,
Table rentrante à table affleurée,
portail latéral de l’église Saint-Germain-des-Prés à Paris (v.1630).
Versailles, cour de Marbre (1631–1634).
Enfin, lorsque toute la matière est enlevée, on obtient une table rentrante176. La
forme type de la table rentrante est une surface lisse, en retrait dans le parement et limitée
par un ressaut à arêtes vives (planche III, fig. 6). Elle est ainsi, dans le classement
typologique, le symétrique de la table saillante à arêtes vives et son exact opposé.
Table rentrante, aile de la Belle Cheminée à Fontainebleau (1568).
176 D’Aviler, dans son Dictionnaire, emploie un autre terme pour désigner une surface en creux : le ravalement.
100
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
L’effet de table et les formes limites
Ce processus en quelque sorte « naturel » d’engendrement détermine de manière
assez prévisible les variantes et laisse entrevoir de multiples possibilités expressives ; en
effet, la grande variabilité de cet ornement peut engendrer un grand nombre formes.
La table, peut être employée à toutes les échelles et sur tous les supports. Elle peut
apparaître sur un parement à bossages, sur un élément de décor comme l’entablement
du portail de l’église de Nantouillet (vers 1550) ; au dessus de l’entablement, la
compositon des sculptures du typan s’organise autour d’une autre table [T. II, ill. 536] ;
une table peut être placée sur une frise comme à l’hôtel de Vogüé à Dijon (1614–
vers 1618) [T. II, ill. 126], remplacer une mutule comme à l’hôtel Lamoignon (v. 1584–
v. 1612) [T. II, ill. 661–664]177 ; elle peut encore orner une voûte, un soffite, l’intrados
d’un arc, le tableau d’une baie. Les techniques de taille et les formes obtenues peuvent
être similaires au bossage, comme le bossage en table et le bossage au ressaut adouci en
quart de rond. Elle peut encore ressembler à d’autres ornements comme le ressaut ou le
cadre de moulures et s’enrichir d’ornements très divers : la table peut être le support d’un
bas-relief.
La taille relative du motif par rapport au champ qu’elle orne, ses dimensions propres
ne sont pas des critères définissant des types différents. Par contre, ils sont déterminants
de certains effets de la table. Il reste donc à préciser les conditions nécessaires et
suffisantes pour qu’il y ait « effet de table » quelle que soit la situation, les dimensions178,
les proportions, l’orientation, les tracés, les matériaux employés. Effet de surface, jeu de
nus, effet de limite sont les propriétés permanentes et communes à tous les types de
table ; l’interdépendance de ces effets détermine les formes limites de la catégorie179.
L’effet de surface
La loi de conformité au mur implique que la table soit une surface réglée. Quel que
soit le matériau, semblable ou différent du mur, et son traitement, lisse ou texturé, la
surface ne présente ni aspérités ni reliefs qui l’altèrent. La table est une surface nue et
vide. Si elle s’orne, le nu de la surface doit rester suffisamment visible : les ornements
sont placés sur les bords, autour de la surface, ou restent des éléments ponctuels.
177 Le motif et l’ordre colossal ont été visiblement inspirés par la gravure de Serlio représentant les ruines du temple
de Mars Ultor (basilique du forum transitorium, Libro terzo, 1540, fol. 89 r.). Voir illustration dans le tome des Annexes.
178 La dimension est donnée par une quantité en valeur absolue, la taille est la dimension relative à l’espace occupé
ou à d’autres éléments auxquels on compare le motif elle est donnée par un rapport.
179 Dans toute classification, chaque classe dépend de la définition de ses limites et des possibilités de variations à
l’intérieur de ces limites ; bien que souvent arbitraires, elles sont indispensables à l’analyse.
101
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Ornementation développée autour de la table,
Louvre, tribune des Cariatides (1547–1549).
Surface nue et ornements ponctuels.
Oiron, pavillon du Roi (1620).
Les tables qui s’entourent d’une abondance d’ornements, comme celles de la salle
des Cariatides du Louvre (1547–1549). [fig. ci-dessus], celles qui apparaissent dans un
champ orné, comme la table entourée de cuirs d’une cheminée de Ferrières (v. 1566)
[T. II, ill. 1048] ou encore celles qui sont encadrées d’une riche mouluration comme la
table d’une cheminée de Saint-Jory (v. 1545–1547) [T. II, ill. 1058], sont autant de cas où
« l’effet de vide » est d’autant plus prégnant que les ornements sont rejetés en dehors de
la table.
Lorsque l’ornementation tend à faire disparaître la surface de la table, celle-ci devient
le support neutre d’un décor, sert de fond à la sculpture ; elle se distingue ainsi du basrelief. Bien que le champ dans lequel s’inscrit le bas-relief puisse être similaire à la table,
les effets du bas-relief sont en totale opposition avec ceux de la forme que nous
cherchons à identifier ; en particulier, ils ne permettent pas les jeux de nus propres à la
surface plane de la table (fig. ci-dessous).
102
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Bas-relief encadré,
Uzès, Duché (1565–1572), cour
Bas-relief encadré sur un décor de cuirs,
Marsillargues, aile basse (1576).
L’effet de limite
Quelle que soit l’intensité de son relief et même si elle apparaît sur un parement lisse
et de même matériau qu’elle, la table est toujours fortement individualisée : sa limite
forme une figure fermée qui isole un champ et la sépare de son environnement. Son
contour peut être une ligne très fine : un simple ressaut suffit à faire apparaître une table.
Les tables fouillées sont caractérisées par un « effet de cadre ». L’effet de surface
dépend alors du rapport de dimensions entre la largeur de la mouluration et la surface
réservée. Si la mouluration est très développée, l’effet de surface diminue.
Plus les dimensions de la table augmentent, plus la mouluration de l’encadrement et
son ornementation sont développées, plus elles servent, par contraste, l’effet de surface
lisse et vide.
La table peut s’étendre considérablement à la surface du mur à condition de rester
séparée des autres ornements ; en effet, elle n’est pas un élément en liaison comme le
pilastre ou les bossages qui se définissent les uns par rapport aux autres pour figurer un
appareil. Si elle se superpose ou est accolée à un autre élément, toutes ses limites doivent
rester visibles. Elle se distingue ainsi du ressaut* (planche IV, page suivante).
103
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Planche IV. Tables et ressauts
Les surfaces limitées par deux ressauts ou deux retraits parallèles que, par
synecdoque, nous nommons ressauts ou retraits ne sont pas des tables puisqu’elles n’ont
que deux côtés apparents (planche IV, fig. 1 et fig. 2). Les deux formes sont cependant
proches et il suffit qu’un des côtés horizontaux du ressaut soit détaché pour qu’une table
apparaisse : elle forme alors une demi-table « suspendue » (planche IV, fig. 3). Si quatre
côtés sont visibles la surface est une table (planche IV, fig. 4)
Plus les dimensions de la table augmentent plus elles jouent avec les autres éléments
du décor. Les formes particulières de la grande table, de la table en panneau, et du ressaut
sont des motifs que nous étudierons à part en raison des effets qui leur sont propres.
104
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Le jeu des nus
La table appartient au parement, « surface limite » du mur qui n’a théoriquement pas
d’épaisseur : les écarts de nus doivent donc être minimes. Lorsque la table est du même
matériau que le mur, elle se distingue par son ombre portée ; plus le ressaut ou le retrait
est faible, plus la table semble constitutive du parement.
La table s’étend dans les deux directions de la surface murale, elle y « adhère » en
quelque sorte et reste en tous points parallèle au mur : si le mur est plan, elle doit rester
plane, si le mur est courbe, elle doit être courbe ; ainsi, sur la chapelle d’Anet, des tables
épousent l’arrondi de l’abside.
Table épousant la courbure du mur, château d’Anet, abside de la chapelle, Philibert De l’Orme (1549–1551).
La table est nécessairement engendrée par un jeu de nu : sans relief, il n’y pas effet
de table. Ainsi, les surfaces décoratives qui ne se distinguent du parement que par des
tracés et des changements de matériaux appartiennent à un autre type d’ornementation,
l’incrustation. L’incrustation et la marqueterie sont des techniques propres aux
revêtements minces de pierre, fréquents en Italie ; au Baptistère et à San Miniato à
Florence, le décor de panneaux dessinés par une bande de marbre pourrait faire penser
à certaines formes de table ; les niveaux inférieurs de Santa Maria Novella sont également
ornés de panneaux et, dans la même église, la chapelle décorée par Giuliano da San Gallo
où ils se rapprochent de la table puisqu’ils forment des reliefs dans le mur. Jean Bullant
a employé la technique de l’intarsia à Fère-en-Tardenois (ap. 1552 – av. 1562) : sur le
premier niveau de la galerie, des panneaux de schiste sont incrustés dans les ressauts du
premier étage du pont-galerie, sans aucun effet de relief, mais c’est un exemple rare en
France [T. II, ill. 1119–1123]. La table obtenue avec de l’enduit peut imiter les effets de
105
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
la table de pierre ; mais une surface faite d’une très fine couche d’enduit ou d’un badigeon
est une fausse-table puisque l’effet de relief est quasi nul180.
Lorsqu’une table est en fort retrait par rapport au nu du mur, l’effet de creux
domine ; la forme limite de la table rentrante est alors la niche à fond plat. La forme
limite de la table saillante, lorsque la saillie est très proéminente, est la table d’attente
formée par des pierres simplement épannelées181
Table d’attente et pierres d’attente,
escalier de l’aile de Gaston d’Orléans du château de Blois, François Mansart (1635–1638)
La modulation de la limite
La forme du ressaut ou du retrait caractérise le mode d’articulation de la table au mur
en accentuant ou, au contraire, en atténuant son relief. Selon le profil de la mouluration,
il y a plus ou moins « effet de cadre ». À un même tracé peuvent correspondre plusieurs
profils, dont les effets peuvent être très différents comme le montre la planche V, page
suivante. Deux « manières » se distinguent. Dans un premier groupe, les jeux de surface
et de nus dominent : la table est un moyen de structurer le parement, son mode
d’articulation est la modulation. Dans un second groupe, l’effet de limite domine : la
table dont le contour est accentué par une mouluration capte le regard sur une sorte de
« lieu » autonome où le vide de la surface est d’autant plus sensible que la bordure est
riche : son mode d’articulation au mur est la juxtaposition.
180 Selon le Vocabulaire de l’Inventaire, « La fausse-table est un registre dessiné sur le mur ou sur un enduit par des
effets de matériau ou à la peinture... » Vocabulaire…, 1972, p. 52.
181 La table d’attente pourrait avoir été utilisée comme motif décoratif dans certains exemples de décors rustiques
comme à l’hôtel Fieubet, sur la façade refaite au XIXe siècle.
106
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Planche V. La modulation de la limite.
Sur la première ligne figurent des tables saillantes (profils a à c), sur la seconde, des tables fouillées (d à e) ; sur la
troisième, des tables rentrantes (g à h et i ») et des tables affleurées (i et i »). Sur la dernière des tables saillantes à
table rentrante (j, k,) des tables saillantes dans un cadre (l et l’), des tables rentrantes creusée d’une table (m) et à
table affleurée (n) et une superposition de tables saillantes (profil o).
107
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Lorsque la table saillante est du même matériau que le parement, et qu’elle est en très
faible relief, ses limites sont des traits de lumière et d’ombre. Un ressaut adouci amollit
la forme, atténue la saillie, alors que l’arête vive la renforce (planche V, profil a, a’).
Une mouluration accolée au ressaut module le relief (profils b, b’) Les profils qui
estompent l’ombre portée de la table sur le mur, comme la doucine ou le cavet, atténuent
l’effet de saillie ; plus cette mouluration se développe sur le nu du mur, plus elle lie la
table à celui-ci (planche V, profil b’’).
Table au ressaut en doucine et table à cavet, Chantilly, façade latérale du Petit Château Jean Bullant (1557–1559).
La multiplication des ressauts à arêtes vives des tables saillantes (profils c, c’) et des
tables rentrantes met en évidence plusieurs nus (planche V, profils h, h’). Le jeu des
ressauts peut se transformer en un effet de superposition de tables (profil m, n, o).
Les tables affleurées, limitées par une moulure creuse, sont constitutives du
parement et ne se distingue que par un trait d’ombre (planche V, profils i, i’). Le contour
de la table peut être accentué si la table est fouillée (profil i’). Au contraire, si le canal est
incrusté, l’effet de table s’annule, au profit du seul effet de surface.
La table rentrante ne module le parement que lorsqu’elle est en faible retrait (planche
V, profil g). Si la table est profondément enfoncée dans le mur, elle tend à devenir une
niche à fond plat (profil j).
Le retrait des tables rentrantes peut être mouluré (planche V, profils h, h’, h’’). On
trouve des exemples de ces motifs en Italie, comme à Santa Caterina ai Funari à Rome,
mais nous n’avons pas trouvé d’occurrences de la « table rentrante fouillée ».
L’effet de cadre
L’effet de juxtaposition est le propre des tables fouillées dont l’encadrement, en
saillie sur le nu de la table porte une ombre sur sa surface : le ressaut est accentué, mais
l’effet de cadre domine (profils d, e, e’). Cet effet peut être surdéterminé par l’emploi
d’une incrustation (profils d’, e’), comme à Écouen avec l’emploi d’un marbre sombre
qui accentue l’effet de creux et d’ombre.
108
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Table fouillée à incrustation de marbre, Écouen, avant-corps nord sur cour, Jean Bullant (v. 1552–1553)
Si la surface de la table est de dimensions très réduites par rapport à la mouluration,
c’est-à-dire que le rapport de son plus petit côté à la largeur du cadre n’excède pas 1/3,
l’attention se porte sur le cadre plutôt que sur la surface. Au contraire, plus les
dimensions de la table augmentent, et plus la mouluration d’encadrement et son
ornementation sont développées, plus elles servent, par contraste, l’effet de surface lisse
et vide.
Un canal creusé vers le bord d’une table saillante fait apparaître un encadrement
affleuré (profil f, f’) ; l’effet de juxtaposition peut être accentué par la mouluration et
l’emploi de matériaux différents. Lorsque le canal s’élargit en gorge, il fait apparaître un
fond sur lequel la table fait saillie (profils l, l’).
Table saillante à encadrement affleuré, Anet, chapelle funéraire, Claude de Foucques (1565).
Une table peut-être théoriquement fouillée jusqu’au nu du mur, de manière à ne
laisser en saillie que la mouluration : en l’absence de nus en relief, cette forme n’est plus
une table (profil e’’) ; s’il n’y aucune différence de matériau, la mouluration entoure le
mur lui-même : le cadre, forme limite de la table fouillée est un motif aux propriétés
particulières, où dominent les jeux de délinéation. Le cadre peut à son tour contenir une
table. La mouluration doit alors être nettement séparée de la table ; dans l’exemple cidessous (Oiron), la table limitée par son propre ressaut est inscrite dans un cadre
indépendant et le cadre mouluré met en valeur la forme simple de la table saillante à
arêtes vives.
109
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Table inscrite dans un cadre, Oiron, pavillon d’angle de l’aile droite (1660–1670)
Contrairement à la table, le cadre peut s’étendre à la surface du mur et être lié aux
autres éléments du décor sans perdre ses propriétés. Pour distinguer cette dernière forme
du cadre isolé nous l’appelons encadrement. Comme les cadres et les encadrements du
mur possèdent leur système de développement propre, nous les étudierons dans un
chapitre séparé.
Le répertoire classique
De nombreuses possibilités expressives de la table sont exploitées par les architectes
de la Renaissance et du XVIIe : effet de limite des encadrements ; effet de surface vide
et nue, jeux sur les tracés, jeux sur l’aspect de la surface grâce aux matériaux ou aux
textures obtenues par des tailles décoratives. Pour rendre compte de ce riche répertoire,
il nous a paru indispensable d’analyser la morphologie de ces motifs. Nous allons
maintenant examiner la manière dont le répertoire classique s’est formé et développé au
cours des XVIe et XVIIe siècles.
En France, les tables saillantes et leurs dérivées, représentent le groupe le plus
nombreux. Cette prédominance s’explique par l’histoire. Ornement inconnu dans
l’architecture gothique, la table est importée en France dès le début du XVIe siècle en
même temps que tous les autres ornements all’antica venus d’Italie.
Dans un registre strictement « décoratif », la table est un moyen de structurer le
parement, d’enrichir le décor, mais cette fonction peut ne pas être dominante ; tantôt
forme abstraite, tantôt ornement « parlant », sa sémantique particulière ne dépend pas
des seules intentions formelles. La double nature de la table est inscrite dans l’histoire de
son nom : le terme évoque un objet plan, et son étymologie le tableau et l’écriteau. Les
dictionnaires de Félibien et de D’Aviler l’indiquent bien. Félibien, qui ne cite que la
110
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
« table d’attente », est attentif à la fonction symbolique de la table : celle-ci se place audessus des portes pour porter des inscriptions, des devises, des emblèmes182. D’Aviler,
sensible à la variété des formes, rappelle que le mot table provient de Tabula, la planche.
Mais il a aussi a aussi donné tabella, signifiant petit tableau et tablette à écrire et tabella
votiva, tableau votif ou ex-voto. Dans l’Antiquité, la tablette était la planchette de bois
enduite de cire que l’on gravait avec un stylet. La pratique de l’inscription sur les
monuments se faisait de deux manières, soit le mur lui-même était gravé, soit des tables
de bronze ou de marbre gravées d’une inscription étaient fixées sur le monument. À
partir de l’époque impériale, ces tables ont été imitées dans la pierre, en particulier sur
les arcs de triomphe ou les monuments funéraires en se prêtant aux variations
ornementales propres à la sculpture : certaines tables présentent des inscriptions gravées
dans un tableau de pierre entouré d’un cadre sculpté, d’autres s’enrichissent
d’accessoires, tels les anses et les couronnements. L’inscription monumentale est sous
ces formes transmise dans le répertoire ornemental de la Renaissance, en Italie comme
en France. À Gaillon (1502–1510) [T. II, ill. 375–377], dans la cour d’honneur, des cartels
en forme de tables fouillées ornent les trumeaux et la frise du portique d’entrée183 ; à
Ussé, au portail de la chapelle (ap. 1523–av.1538), des cartels s’intercalent entre des
médaillons et des losanges [T. II, ill. 247].
Gaillon (1502–1510), cartel et médaillon d’un des trumeaux de la cour d’honneur.
À partir des années 1540, dans le contexte de la rénovation du vocabulaire
ornemental, tous les grands édifices des dernières années du règne de François 1er et
pendant le règne de Henri II se couvrent de tables. Leur abondance est liée à deux
phénomènes : d’une part, la diffusion des Regole generali di architettura et du Libro terzo
182 FÉLIBIEN, 1676, pp. 745-746.
183 Le cartel ou cartouche désigne une petite table portant une inscription. Les cartels de Gaillon sont d’ailleurs
désignés dans un marché de 1508 par le terme « écriteau ». Sur les trumeaux, ils sont placés en dessous de grands
cadres ronds qui contenaient des médaillons importés d’Italie (BABELON, 1989, p. 92).
111
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
(Livres IV et Livre III) de Sebastiano Serlio qui contiennent de nombreux exemples de
tables tant antiques, que « modernes »184 ; d’autre part, la connaissance plus précise de
l’architecture de l’Antiquité que certains architectes français, comme De l’Orme et
Bullant, acquièrent lors de séjours à Rome qui les mettent également en contact direct
avec les dernières innovations de leurs contemporains italiens.
De la citation à l’allusion, le répertoire classique s’élabore à partir de motifs
soigneusement sélectionnés dans le répertoire antique. Celui-ci s’enrichit très vite par
mutations, hybridations, par adjonction de nouveaux ornements, ou emprunts de formes
étrangères. Tel tracé dérive d’une forme d’encadrement, tel autre d’une forme très
particulière de table « à l’antique », parfois domine le jeu formel sur le tracé, la matière,
la polychromie ou la mouluration. Simultanément, des formes abstraites apparaissent. La
majorité des formes sur lesquelles le XVIIe siècle va jouer sont inventées dans la
deuxième moitié du XVIe siècle, mais elles ne sont pas exploitées de manière égale :
certaines sont des motifs récurrents, d’autres plus curieuses ont un succès bref, d’autres
s’éteignent progressivement.
Les tables « à l’antique »
Le profil de la mouluration d’encadrement et certains accessoires comme les anses
et les couronnements caractérisent, au XVIe siècle, le groupe particulier des tables à
l’antique. Certaines sont imitées des tables des arcs de triomphe, dont Serlio dessine le
détail sur les planches du Terzo libro185. Elles apparaissent au milieu du XVIe siècle sur les
frontispices d’entrée du Louvre, d’Anet et d’Écouen et, en dehors de l’Île-de-France,
dans un château du Midi-Toulousain, Saint-Jory.
La mouluration d’encadrement
Le premier élément qui caractérise la table à l’antique est la mouluration
d’encadrement. Les tables des arcs de triomphe du Livre III de Serlio présentent une
mouluration plus ou moins développée, parfois enrichie d’ornements ; l’encadrement
table de l’arc de Bénévent est formé d’un quart-de-rond et d’un filet (Livre III, 105 v.),
celui de la table d’imposte de l’arc de Titus (Livre III, 100 r.) est formé d’une double
mouluration composée de quarts de rond et de réglets ; celui de la table de l’arc des
Argentiers au Vélabre, s’encadre d’un rang de perles et d’un quart de rond orné de
184 Les Regole generali di architettura ou Quarto Libro (et de Il terzo libro sont publiés à Venise, respectivement en 1537
et 1540 (Livre IV et Livre III dans notre texte). Nous avons utilisé le fac-similé de la première édition complète
publiée à Venise en 1584 : S. SERLIO, Tutte l’Opere d’Architettura, Bologne, Arnaldo Forni, 1978. Les gravures
extraites du traité de Serlio figurent dans notre Annexe « L’ornement du mur dans les Livres de Sebastiano Serlio ».
185 Neuf arcs sur les dix figurants au Livre III sont ornés de tables ; seul l’arc de Pola n’en comporte pas. Tous les
arcs du Livre III sont reproduits dans notre Annexe intitulée « L’ornement du mur dans les Livres de Sebastiano
Serlio, Livres III, IV, V, VII et Libro estraordinario, d’après l’édition de Venise, 1584 ».
112
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
feuillages (Livre III, fol. 101 r) et les encadrements de l’arc d’Ancône sont encore plus
développés (Livre III, 108 r.).
Table de l’arc de Bénévent, Serlio, Livre III, 105 v.
Table de l’arc de Titus, Serlio, Livre III, 100 r.
Table de l’arc d’Ancône Serlio, Livre III, 108 r.
Table de l’arc des Argentiers au Vélabre,
Serlio, Livre III, fol. 101 r.
Toutes les tables situées dans les avant-corps du Louvre (1546–1549) sont des tables
fouillées, très individualisées par leur encadrement, qui les fait ainsi ressembler à des
tableaux fixés sur le mur, telles celles de la travée centrale, encadrées d’un talon orné de
fleurons et d’un réglet [T. II, ill. 495–500]
Les variations sur les profils d’encadrements sont nombreuses et permettent à
l’ornementation de s’y développer. À Anet (1549–1552) les tables les plus richement
encadrées sont employées au rez-de-chaussée du pavillon d’entrée. La table située audessus du portail central porte un double encadrement formé de deux moulures séparées
par une gorge ornée d’incrustations de marbre, la première formée d’un réglet, la seconde
ornée d’oves et de perles [T. II, ill. 271–273]. Sur les portiques nord et sud de la cour
d’Écouen, les tables présentent des encadrements aux profils développés qui accusent la
saillie de la table sur le mur. Sur le portique nord (1552–1553), les tables sont toutes
fouillées ; le rez-de-chaussée est garni des tables les plus simples : au centre, une table
s’encadre d’un réglet et de petits filets ; dans les encadrements latéraux, l’encadrement
plus épais est formé d’un quart de rond et d’une bande ; à l’étage, les encadrements sont
enrichis de rais-de-cœurs. Sur l’avant-corps sud, les tables fouillées sont situées entre les
113
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
deux étages ; leur mouluration est ornée de rais-de-cœurs où alternent des motifs de
feuillages et de rosettes [T. II, ill. 447–451].
Écouen, Jean Bullant (vers 1550 – vers 1552), tables de l’avant-corps nord et de l’avant-corps sud.
Les tables situées sur les piédestaux des niches du portique sud d’Écouen s’encadrent
d’un quart de rond orné de rais-de-cœurs, taillé sur le ressaut ; la table de marbre
s’encadre elle-même d’un réglet si bien qu’elle paraît entourée d’une triple mouluration
dont la dernière est formée par le fond sur lequel elle se détache [T. II, ill. 452–455].
D’autres édifices portent la marque du classicisme, comme Saint-Jory (1545–1547)
[T. II, ill. 1055, 1057], contemporain du Louvre : la mouluration très développée de la
table saillante qui orne le portail d’entrée ressemble à celle de l’arc d’Ancône (Serlio,
Livre III, 108 r.).
Écouen, portique sud, Jean Bullant (1556–1557) encadrement accolé au ressaut.
Saint-Jory, Nicolas Bachelier (1545–1547), portail postérieur, table recouvrant partiellement l’entablement à
double encadrement
Les encadrements à l’antique sont également employés en dehors des frontispices
d’entrée : sur la façade extérieure de l’aile nord d’Écouen (v. 1550–v. 1552), les tables
fouillées situées entre les fenêtres sont ornées d’oves au rez-de-chaussée et de rais-decœurs au second [T. II, ill. 445–446]. Le Petit Château de Chantilly (1557–1559) présente
114
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
une grande variété d’encadrements. Sur la façade antérieure, dans les entrecolonnements
centraux, la table du registre supérieur est encadrée d’un quart de rond orné d’oves. Les
tables posées sur l’entablement comportent un encadrement affleuré dont la gorge s’orne
de godrons et de rais-de-cœurs. Entre les fenêtres, des fleurons ornent la gorge d’une
table affleurée. [T. II, ill. 1109–1114]. D’autres encadrements se développent autour de
la table : sous les niches des entrecolonnements, une table saillante porte une autre table
dont le ressaut, taillé en quart de rond est orné d’un rang de perles et de rais-de-cœurs.
Sous les niches de la façade latérale, les tables s’entourent d’une doucine et, entre les
fenêtres, une table semble sortir progressivement du mur grâce à un large cavet.
Chantilly, Petit Château, Jean Bullant (1557–1559),
table recouvrant partiellement l’entablement à gorge ornée de godrons et rais-de-cœurs.
Chantilly, Petit Château, Jean Bullant (1557–1559), tables superposées sous les niches des entrecolonnements.
De l’Orme orne le côté des superstructures du châtelet d’entrée d’Anet (1548–1552)
d’une grande table dans un cadre de moulures à godrons (fig. ci-dessous). Il reprendra
ce type d’encadrement développé aux Tuileries (1564–1570). D’après les dessins et les
gravures des Plus excellents Bâtiments de France de Jacques Androuet Du Cerceau, les
grandes tables qui ornent les édicules de couronnement des façades sur jardin et sur cour
115
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
s’entourent d’un encadrement composé de deux larges moulures ; sur la moulure
extérieure apparaissent distinctement des oves186 [T. II, ill. 509–513]
Anet, Philibert De l’Orme (1549–1552), table du massif de couronnement du châtelet d’entrée.
Sur la Grande Galerie du Louvre (1595–1603), des encadrements à l’antique se
développent autour de tables de grandes dimensions jusqu’à devenir redondants. Au
second niveau, des ressauts situés au droit des pilastres jumelés portent de grandes tables
saillantes à l’encadrement double ; le premier est une bordure de glyphes taillée sur le
pourtour de la table, le second est un demi-rond orné de feuilles d’eau séparé de la table
par une gorge [T. II, ill. 679–682]. La mouluration, épaisse et chargée d’ornements, met
en valeur la surface nue de la table qui semble, par contraste, capter la lumière. Ces
encadrements complexes, très riches, qui signent des programmes prestigieux sont peu
imités.
Grande galerie du Louvre (1595–1603), table du dernier niveau
186 Ces grandes tables apparaissent également sur les gravures d’Israël Sylvestre.
116
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Des encadrements plus simples sont aussi employés au XVIe siècle, comme les
encadrements affleurés. À Joigny (1569) [T. II, ill. 100–103], à l’hôtel Lamoignon (1584)
[T. II, ill. 661–664] on les emploie dans les frises.
Table saillante à encadrement affleuré
Joigny (1569), détail de la frise du rez-de-chaussée
Table à encadrement affleuré à large bande et
large gorge, hôtel Lamoignon à Paris (1584),
façade sur cour.
À Joigny sous des fenêtres du pavillon d’angle (après 1572–vers 1580), des tables
s’encadrent de motifs taillés en méplat [T. II, ill. 106–107]. Le même type d’encadrement
est employé à Sainte-Élisabeth (1628/1640) avec un motif plus classique de glyphes
[T. II, ill. 893].
Encadrements affleurés à bande de motifs en méplat,
Joigny, façade vers la ville du pavillon d’angle,
(après 1572 – vers 1580)
Table à bordure de glyphes sous une niche latérale
Église Sainte-Élisabeth à Paris (1628).
Au XVIIe siècle, le profil de la mouluration se simplifie et l’usage de l’ornementation
à l’antique se raréfie. Sur un projet attribué à Le Mercier pour la façade de SainteGeneviève-du-Mont (1625) [T. II, ill. 741], les entrecolonnements sont garnis de grandes
tables encadrées d’un simple réglet. À Saint-Gervais-Saint-Protais (1615–1621) le corps
des tables couronnées situées dans les travées latérales, au-dessus des portes, est très
faiblement fouillé de manière à faire apparaître une large bande d’encadrement [T. II, ill.
735]. L’encadrement affleuré est fréquent. On peut le voir à Brissac (1606), au dernier
niveau du pavillon [T. II, ill. 1104], sur une porte donnant dans le portique d’entrée de
l’hôtel de Vogüe à Dijon (1614– vers 1618) [T. II, ill. 124]. Cette forme d’encadrement
simplifié est employée pendant tout le XVIIe siècle : au palais des États de Dijon, sur les
pavillons qui font face à la place royale (1681–1689), le cadre est formé de larges platesbandes [T. II, ill. 153–154]. L’encadrement affleuré est employé pour de grands motifs :
117
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
à Vincennes, sur la façade extérieure du logis du roi (1654–1658), le canal profond creusé
vers le bord de la table la détache fortement du fond de bossages [T. II, ill. 884–885].
La table à l’antique développée
La table à l’antique peut être enrichie d’ornements annexes disposés au-dessus de la
table ou qui l’accostent. Les anses et le couronnement caractérisent deux formes de table
à l’antique qui apparaissent dans le répertoire au XVIe siècle.
Le couronnement
Le motif de la table surmontée d’un segment de corniche est si singulier qu’il désigne,
dans les dictionnaires, un type particulier, la « table couronnée ». Elle n’est pas tellement
fréquente sur les arcs de triomphes antiques, mais c’est précisément cette forme rare qui
intéresse les architectes français. Serlio dessine dans son Libro terzo le détail des tables
couronnées de l’arc d’Ancône et de celui des Gavi à Vérone (Livre III, fol. 109 r° et fol.
113 r.).
Table couronnée de l’arc d’Ancône.
Serlio, Livre III, fol 109 r (détail)
Table couronnée de l’arc des Gavi à Vérone
Serlio, Livre III, fol 113 r
Le motif semble connu avant la diffusion des livres de Serlio. Une des premières
occurrences, à notre connaissance, est le portail d’entrée du château de Nantouillet (v.
1520) dont le décor de pilastres forme une sorte de composition en arc de triomphe ; le
fût fouillé des pilastres est orné de tables couronnées portant en amortissement un ruban
tenu par un mufle de lion187 [T. II, ill. 442].
187 Jean GUILLAUME, notice sur le château de Nantouillet, Guide du patrimoine Île-de-France, 1992, p. 475.
118
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Nantouillet, portail d’entrée (v. 1520), tables couronnées ornant les pilastres.
Au Louvre, la table employée dans les petits entrecolonnements des motifs
triomphaux est, comme sur l’arc des Gavi ou d’Ancône, couronnée d’une corniche
classique, à cimaise en quart de rond et larmier [fig. ci-dessous et T. II, ill. 495–500]. Les
tables sont en outre enrichies d’une plaque de marbre et leur couronnement porte deux
rameaux de lauriers entrecroisés, surmontés des monogrammes d’Henri II et de
Catherine de Médicis. Les tables du Louvre, chargées d’incrustations, aux encadrements
raffinés, enrichies d’accessoires, ont presque une allure plus antique que leurs modèles :
la signification triomphale de la façade est ainsi manifestée dans le plus petit détail
ornemental.
Le Louvre, aile Renaissance, Pierre Lescot (1546–1549), avant-corps gauche,
table couronnée de l’entrecolonnement.
Toutes les entrées triomphales contemporaines du Louvre s’ornent de tables
couronnées. Sur le portique d’entrée d’Écouen, (v. 1546) [T. II, ill. 443] les tables
couronnées du premier niveau portent un motif en accolade en amortissement, selon le
schéma du Louvre. Le frontispice d’Anet (1548–1549) [T. II, ill. 259–263] présente, au
second niveau, des tables couronnées au-dessus des niches.
119
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
La table couronnée « à l’antique » est abondamment employée pendant les vingt
années qui suivent les premières occurrences. Au château de Vallery (ap. 1548– av.1562)
une table couronnée présente un encadrement affleuré et une gorge ornée de godrons
[T. II, ill. 92]. Sur les deux avant-corps d’Écouen, les proportions des motifs s’adaptent
à leur cadre architectural et jouent avec les éléments de la composition. Sur l’avant-corps
nord (v. 1550–v. 1552), la table couronnée du second niveau est carrée et s’inscrit dans
tout l’entrecolonnement si bien que le motif tend à dominer la travée [T. II, ill. 447, 449].
Sur l’avant-corps sud (v. 1556–1557), la table couronnée, très longue, est placée juste audessus de l’encadrement de la niche de sorte qu’elle semble être son couronnement
[T. II, ill. 452–454] ; sur la travée centrale, la moulure sous le larmier ressaute pour
former le couronnement de la table [T. II, ill. 455].
Au moment de la plus grande fréquence d’emploi des tables « a l’antique » en France,
dans la dizaine d’années qui suit le Louvre, les Italiens semblent ignorer la table
couronnée. Le motif ne semble pas apparaître pas avant les années 1560 : Michel Ange
dessine une table couronnée sur une étude pour la porte centrale de la Porta Pia. Les
façades du Gesù, de Saint-Louis-des-Français, de Sainte-Marie-du-Montserrat
comportent des tables couronnées, mais nous n’avons pas trouvé d’autres exemples au
XVIe siècle. Le XVIe siècle français, dans sa phase la plus classique, se réfère donc
directement aux sources antiques. Ensuite, c’est le Louvre qu’on imite sur les nouveaux
portails d’église comme à Saint-Germain-l’Auxerrois (1570) [T. II, ill. 539] et à SaintNicolas-des-Champs (1574–1586) à Paris [T. II, ill. 540], et dans d’autres églises de la
région parisienne comme à l’église d’Othis (1555–1573) [T. II, ill. 537]. Le motif a, entretemps, déjà évolué. Dès les années 1550, les tables couronnées sont fréquemment
employées en dehors des avant-corps, mais les formes se simplifient : table lisse incrustée
d’une plaque de pierre grise, couronnée d’un larmier très simple, à Fère-en-Tardenois
(1552–av. 1562) [T. II, ill. 1121], tables lisses au Château-neuf de Saint-Germain-en-Laye
(1557–1559) [T. II, ill. 515], à Tanlay (1568–v. 1578) où le couronnement est formé
d’une bande couronnée d’un quart-de-rond [T. II, ill. 118–119].
La table couronnée à crossettes droites
Loin de disparaître, la table couronnée perdure pendant tout le XVIIe siècle, mais
sous de nouvelles formes. Les occurrences de la table couronnée à crossettes sont si
nombreuses au XVIIe siècle qu’elles suffisent à définir un motif très particulier. Les tables
conservent leur portion de corniche, principal attribut de la table triomphale et le corps
de la table porte deux petites excroissances à sa base. Ces petites crossettes droites
deviennent au XVIIe siècle la caractéristique constante de la table couronnée,
transformée ainsi en un nouveau type qui se substitue aux motifs classiques du XVIe
siècle. La crossette est aussi employée pour d’autres motifs que nous étudierons plus
120
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
loin, car ils relèvent du jeu de tracés. La table couronnée à crossettes est née en Italie :
les tables couronnées portent des crossettes au Gesù, comme celles de Saint-Louis-desFrançais (1589), de Sainte-Marie-du-Montserrat (Francesco da Capriani, fin du XVIe
siècle).
Table couronnée à crossettes, second niveau de la façade du Gesù, Giacomo della Porta (1575).
En France, seule la base s’orne de crossettes et elle est souvent enrichie de gouttes.
Le motif, qui provient des pilastres tronqués de Michel-Ange, tels ceux qu’il dessine pour
les couronnements de niches et de baies au chevet de Saint-Pierre, est connu en France
très tôt puisqu’il est employé dans la galerie de François 1er à Fontainebleau : à l’extrémité
de la galerie, une table porte des gouttes à sa base. La table, située au-dessus du linteau
d’une porte et supportant un fronton, évoque ainsi un entablement dorique.
Table ornée de gouttes, galerie de François 1er à Fontainebleau.
La table à crossettes droites pendantes et à gouttes apparaît en France dès le début
du XVIIe siècle. À Brissac (1606) une très grande table de ce type orne le dernier niveau
du pavillon, au-dessus de la baie axiale ; son couronnement est formé par un ressaut de
la moulure inférieure de la corniche [fig. ci-dessous et T. II, ill. 1105]
Brissac (1606), dernier niveau du pavillon.
121
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
L’église Saint-Gervais-Saint-Protais (1615–1621) et le château de Maisons (1641–
1646) marquent un tournant important dans l’histoire de l’ornementation : l’ornement
prend le caractère de l’ordre188. Une table couronnée d’une cimaise à talon et larmier est
employée au premier niveau dorique de l’ordonnance de Saint-Gervais-Saint-Protais ; les
gouttes sont identiques à celles de l’entablement dorique [T. II, ill. 735–736].
Église Saint-Gervais-Saint-Protais, Salomon de Brosse (1615–1621), détail du premier niveau.
À Maisons [T. II, ill. 605–606], sur l’avant-corps antérieur, au second niveau d’ordre
ionique, les deux tables couronnées, enrichies d’une table rentrante, selon le type de
Saint-Gervais, mais à base rectiligne, sont couronnées d’un larmier à denticules, et les
crossettes sont ornées de bourgeons floraux à la place des gouttes. Sur l’avant-corps
postérieur, au second niveau ionique et au troisième corinthien, les tables sont
lisses, mais portent, comme à l’avant, des gouttes en forme de bourgeon ; enfin, les
souches de cheminée portent également des tables, elles sont lisses et sans gouttes.
Château de Maisons, François Mansart (1641–1646), second niveau de l’avant-corps antérieur.
188 Cette conception n’est pas tout à fait nouvelle, puisque Serlio, sur les planches de détail des arcs du Terzo libro,
met en regard ornements de l’ordre et tables, indiquant ainsi qu’il doivent s’harmoniser. Soit la mouluration
d’encadrement reprend le profil d’une cimaise (arc de Bénévent fol. 105 r.), d’une corniche (tables couronnées des
arcs d’Ancône fol. 109 r., et des Gavi, fol 113 r.).
122
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
La table couronnée à crossettes remplace les tables all’antica pendant tout le XVIIe
siècle sur les façades d’églises comme aux Invalides (1676–1691) et tout le XVIIIe siècle
comme à Notre-Dame-des-Tables à Montpellier (1724) [T. II, ill. 1036], à l’église NotreDame-des-Pommiers à Beaucaire (1734–1744) [T. II, ill. 1034–1035], dans les motifs
triomphaux, comme au palais ducal de Dijon (v. 1680) [T. II, ill. 153–154], sur les arcs
de triomphe comme au Peyrou à Montpellier (1691) [T. II, ill. 998] et même sur des
fontaines.
Montpellier, Notre-Dame des-Tables (1724)
Beaucaire, église Notre-Dame-des-Pommiers,
J.B. Franque, G. Rollin (1734–1744)
Fontaines de la porte Saint-Denis, de la Charité et des Petits Pères Noirs, gravure de Pérelle (INHA)
123
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
On joue sur le couronnement : la table peut être liée à un corps de moulures qui
ressaute pour former son couronnement. Le XVIIe siècle a particulièrement usé de ces
interpénétrions de formes ; le couronnement de la grande table de Brissac est formé par
la moulure située en dessous du larmier [T. II, ill. 1105–1106] ; à l’hôtel de Vogüé à
Dijon, le dessus des portes latérales du portique d’entrée s’orne de tables dont le
couronnement est formé par le quart de rond orné d’oves situé sous le larmier [T. II, ill.
126].
Dans la seconde cour de l’hôtel Amelot de Bisseuil (1657–1660), une table
couronnée à crossettes droites orne le dessus d’une niche de la cour principale et, sur
son couronnement qui ressaute dans le bandeau, prend appui le socle de la niche du
second niveau, en formant un motif double [fig. ci-dessous et T. II, ill. 773–786].
Au palais abbatial de Saint-Denis (1699), des tables à crossettes pendantes ornent le
dessus des arcades et leur couronnement forme ressaut dans le bandeau inférieur du
double corps de moulures [T. II, ill. 828–829].
Seconde cour de l’hôtel Amelot de Bisseuil (1657–1660),
détail d’après un dessin de Pierre Cottard, vers 1670.
Le motif perdure grâce à d’autres emplois. La table à crossettes peut être accolée à
la mouluration d’appui d’une niche dans les motifs triomphaux. Au troisième niveau de
la tour gauche de la façade d’Évreux (v. 1620) [T. II, ill. 417–418] et à l’église Saint-Pierre
à Nevers (1612) des tables à crossettes sont placées sous les appuis des niches [T. II, ill.
134–135]. On les emploie aussi sous des appuis de fenêtres, comme on peut le voir sous
les fenêtres à rue de l’hôtel de ville d’Albi (fig. ci-dessous). À Aix, l’allège d’une fenêtre
du couvent des Andrettes s’orne d’une table à crossettes et à gouttes suspendues à la
124
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
moulure d’appui (fig. ci-dessous). Ces formes ne disparaitront jamais du répertoire
jusqu’à la fin du XIXe siècle, et légèrement au-delà à puisqu’on en trouve encore sur des
maisons du début du 20e siècle.
Tables sous appui à crossettes droites,
siècle)
maison, 14, rue de l’hôtel de ville à Albi (17e siècle)
Aix, Couvent des Andrettes (1er quart du XVIIIe
L’amortissement en forme de fronton
Sur un de ses modèles du Quarto libro, Serlio couronne une grande table saillante d’un
petit motif formé d’une table à deux côtés curvilignes accostée de deux doubles volutes.
Serlio emploie un motif similaire au-dessus des fenêtres d’Ancy-le-Franc (1544–1546)
[T. II, ill. 72], où il prend nettement la forme d’un petit fronton à ailerons. Lescot à
Vallery (1548 – av. 1562) [T. II, ill. 87–89], et Bullant à Fère-en-Tardenois (ap. 1552 –
av. 1562) [T. II, ill. 1121] imitent le motif, enrichi à Vallery de rinceaux comme à Ancy189
.
Tables à ailerons,
S. Serlio, Livre IV, fol. 153 v.
Ancy-le-Franc, S. Serlio (1544–1546).
189 Les mêmes motifs sont parfois utilisés en amortissement, au sommet des façades comme sur l’aile de la Belle
cheminée à Fontainebleau.
125
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Vallery, Pierre Lescot (1548),
façade sur cour de la galerie.
Fère-en-Tardenois, J. Bullant (v. 1552),
façade de la galerie.
D’autres formes de frontons sont employées. Sous la tribune de la grande salle du
Louvre, de part et d’autre de la porte centrale, les deux tables de marbre noir sont
surmontées d’un fronton courbe brisé, orné d’un putto, tandis que deux chutes de fruits
accrochées à deux petits enroulements latéraux sont retenues sous la table par un masque
[fig. ci-desssous]. Cette riche ornementation provient de la première école de
Fontainebleau. On retrouve le motif du fronton courbe brisé sur les grands motifs de
l’hôtel-de-ville de Marseille (pavillon sur le port, 3e quart du XVIIe siècle) [fig. ci-desssous
et T. II, ill. 1196–1997].
Le Louvre, tribune des Cariatides,
Lescot, Goujon (1547–1550)
Hôtel de ville de Marseille, pavillon sur le port
Gaspard Puget (3e quart du XVIIe siècle)
Autres motifs en couronnement
D’autres ornements peuvent enrichir les couronnements : au portail de Nantouillet
(v. 1520) les motifs entrecroisés situés au-dessus de la petite corniche sont formés de
rinceaux. Au Louvre, le couronnement des tables triomphales est surmonté de deux
rameaux entrecroisés. À Berny (1623–1627) [T. II, ill. 555], François Mansart reprend le
motif sans le couronnement : au premier niveau du pavillon intermédiaire, deux rameaux
de laurier entrecroisés sont posés au-dessus des grandes tables, en manière de
couronnement. Les deux tiges et la souplesse du feuillage donnent l’impression qu’il
126
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
s’agit de « vraies » branches déposées comme des offrandes : le caractère vivant du détail
sculpté est tout à fait particulier à Mansart190.
Château de Berny, François Mansart (1623–1627), détail du pavillon intermédiaire.
Les anses
La table à anses est issue de la tabula ansata antique : celle-ci est formée d’une plaque
et de deux éléments de fixation placés latéralement, de forme triangulaire ou semicirculaire.
Tabula ansata, Ostie, entrée des Horrea Epagathiana
La tabula ansata réapparaît en France dès le début du XVIe siècle. Sur la gravure
d’Androuet Du Cerceau représentant la fontaine de la cour d’honneur de Gaillon, une
forme très proche du motif antique figure sur la margelle : deux amours ailés tiennent
une tablette à anses triangulaires. Un chapiteau de Chambord est orné d’une tabula ansata.
La tabula ansata apparaît également dans les traités d’architecture au XVIe siècle. Philibert
De l’Orme reproduit, dans le Premier Tome de l’Architecture (livre V, fol. 147), le piédestal
d’ordre dorique de Cesariano sur lequel figure une table à quatre anses191. Serlio emploie
des tables à anses triangulaires pour orner ses portes du Libro estraordinario.
190 De ce château ruiné, il ne reste plus qu’un pavillon. La construction qui masque en partie le rez-de-chaussée
sur le cliché est, bien sûr, une adjonction.
191 Yves Pauwels « Cesariano et Philibert de L’Orme : le “piédestal dorique” du Premier tome de l’architecture », Revue
de l’art, n° 91, pp. 39-49.
127
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
On retrouve des formes dérivées de l’anse dans les décors : anses arrondies sur les
petites tables du portail de Saint-Jory, sur l’intrados de l’arc (1545–1547) ; sur les longues
tables de la hotte de cheminée de la salle, la première recoupant la corniche interrompue,
la seconde ornant la frise supérieure [T. II, ill. 1058]. Un peu plus tard, à Ferrières, une
longue table à anses triangulaires incurvées orne la hotte de la cheminée de la salle (ap.
1566) [T. II, ill. 1048].
La tabula ansata est peu employée sur les façades dans sa forme originelle. Au XVIe
siècle une autre forme dérivée est constituée d’un corps rectangulaire accosté de deux
demi-disques de forme circulaire. Le motif apparaît pour la première fois au Louvre [fig.
ci-dessous et T. II, ill. 497–500]. Une table à anses semi-circulaires apparaît sur un des
modèles publiés dans le premier Livre d’architecture de Jacques Androuet Du
Cerceau (planche V) où elle est employée en dessus-de-porte [fig. ci-dessous].
Le Louvre, aile Lescot (1546–1549), table à anse de l’avant-corps gauche.
Jacques Androuet Du Cerceau, Livre d’architecture, 1559, planche V.
Le motif se fait parfois discret À Anet, au revers du châtelet d’entrée (1548–1552),
sur le parapet, une table dans un encadrement à cuirs en méplat est accostée de deux très
petites anses semi-circulaires. À la Tour d’Aigues (1550–1579), sur la façade extérieurede
l’aile est, les dessus-de-porte sont ornés de tables de pierre accostées de demi-disques ;
128
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
le motif est très semblable à celui du Louvre, mais le corps de la table et les demi-disques
sont dessiné par un double ressaut en faible relief[T. II, ill. 1174–1186]
Anet, (1548–1552) table au revers du châtelet d’entrée
La Tour d’Aigues (1550–1579) table sur l’aile est.
Au XVIIe siècle, l’encadrement se simplifie et l’incrustation de marbre disparaît. Une
table à anses semi-circulaires, proche du modèle du Louvre, apparaît dans l’album de
Jacques Gentilhâtre : sur un dessin d’une travée de fenêtres, elle orne le plein de travée.
Le XVIIe siècle invente un autre usage de la table à anses : le motif, employé sur grandes
surfaces est agrandi en opérant une rotation de 90°. Les murs d’entrée du château de
Chilly-Mazarin (1627–1630) [T. II, ill. 563–564] et de Courances (1622–1630) [T. II, ill.
581–582] sont ornés de grandes tables à anses verticales ; la table centrale, formant le
corps du motif, est encore, à Chilly, une surface indépendante des deux demi-disques,
comme c’était le cas dans sa forme originelle au Louvre, mais elle ne semble comporter
aucun encadrement. Á Courances, le corps de la table et les demi-disques seront unifiés
de manière à former une seule table au tracé complexe : cette ultime variation aura une
fortune considérable ; elle relève du jeu des tracés qui sera étudié plus loin.
Chilly-Mazarin (Clément Métezeau, Jacques Lemercier 1627–1630), détail du mur de clôture de l’avant-cour,
d’après une gravure de Pérelle, vers 1680.
129
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Tables en triptyque
Au premier niveau du pavillon d’entrée d’Anet, au-dessus des arcs latéraux, sont
placées des tables accostées de petites tables rectangulaires et le motif est couronné [fig.
ci-dessous et T. II, ill. 271–273]. Sur la façade d’entrée, elles portent une incrustation,
alors qu’au revers elles sont simplement fouillées [T. II, ill. 276]. Le motif est aussi
employé dans le soubassement à bossages du pavillon d’entrée du Pailly, au-dessus de la
porte centrale [T. II, ill. 329].
Anet, Philibert De l’Orme (1549–1552), travée gauche du châtelet d’entrée.
Le motif semble être inspiré par la table qui recouvre partiellement l’entablement de
l’arc des Argentiers au Vélabre (livre III, fol. 100 et 101). C’est la planche de détail de
Serlio qui a inspiré les architectes, car, sur le fol. 100, les deux tables semblent
superposées.
Arc des Argentiers, Serlio, Livre III, détail du fol. 100.
Table de l’arc des Argentiers, Serlio, Livre III, détail du fol. 101.
130
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Enrichissements extérieurs
Sur les avant-corps du Louvre (1546–1549) au premier niveau, la table de marbre
clair ornant la frise est accostée de deux petits rameaux de laurier [T. II, ill. 496–500],
motif imité sur l’avant-corps sud de la cour d’Ecouen (v. 1556-1557) [T. II, ill. 454].
Le Louvre, aile Renaissance (Pierre Lescot, 1546–1549), détail de l’avant-corps gauche.
Volutes et rinceaux
D’autres ornements peuvent se développer sur les côtés de la table : des
enroulements et des rinceaux qui se développent en motifs symétriques : volutes
affrontées et rinceaux à doubles volutes affrontées. Ces accessoires, bien qu’ils
proviennent du répertoire ornemental antique, sont des inventions, l’un d’après le motif
de la volute ionique, l’autre d’après le rinceau formé d’une tige en S. Au Louvre, une
table rectangulaire, accostée de deux volutes affrontées garnit les dessus de toutes les
fenêtres du premier étage [T. II, ill. 497–504]. À Écouen, sur l’avant-corps nord (v.
1550–v. 1552) le motif, très proche de celui du Louvre, fait écho aux deux chapiteaux
ioniques entre lesquels il est placé [T. II, ill. 456]. Serlio n’a vraisemblablement pas pu
servir de modèle puisqu’il n’y a pas d’exemple du motif à volutes affrontées dans son
Livre IV et que le motif apparu au Louvre est antérieur à la publication du Libro
Estraordinario dans lequel Serlio dessine une variante à deux enroulements très stylisés
(fol. 22. v.).
Tables à deux volutes affrontées au Louvre (second niveau) et à Écouen, second niveau de l’avant-corps nord.
Par contre, le motif du rinceau formé de deux tiges à enroulements disposés en
accolade a été dessiné par Serlio sur une porte du Livre IV (fol. 150r) [fig. ci-dessous].
131
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Sur le portail de Saint-André à Saint-André-des-Vergers (1549), le motif, végétalisé, est
employé sur les quatre côtés des tables [fig. ci-dessous et T. II, ill. 336–338].
Doubles volutes affrontées, Tables à rinceaux en accolade, Saint-André à Saint-André-des-Vergers (1549).
Serlio, Livre IV, fol. 150r.
Casques, mufles, palmettes et rubans
Dans la deuxième moitié du XVIe siècle, d’autres ornements sont disposés au
sommet et à la base des tables de grandes dimensions. Soit ils sont tangents à la table,
soit ils chevauchent sa bordure. Verneuil est le premier exemple : sur les pavillons du
premier projet, des casques sont posés au sommet de la table et des mufles de lion
brochent sur la bordure inférieure [fig. ci-dessous et T. II, ill. 1127–1129]. Au second
niveau, des gerbes végétales en candélabre émergent des échancrures qui découpent le
bord de la table.
Verneuil, premier projets tables des trumeaux d’après les Plus excellents bâtiments de France de Jacques Androuet Du
Cerceau (1576)
Une série d’édifices du premier premier tiers du XVIIe siècle semble s’inspirer
directement de Verneuil. À l’hôtel de Chalon-Luxembourg (1623–1625) [T. II, ill. 649–
650], les tables du second niveau sur cour et sur jardin, s’ornent aussi de rinceaux et de
fleurons. À Oiron, des cartouches, des mufles, sont disposés en agrafe au sommet et à
la base de toutes les tables ornant le pavillon du Roi (v. 1620) qui présente toujours sur
132
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
sa face avant des bossages d’attente pour y sculpter le même type d’ornements [T. II, ill.
1158, 1160–1162] ; des ornements en agrafe avaient été également prévus pour les tables
saillantes du pavillon au bout de l’aile droite (1660-1670), comme l’indiquent les pierres
d’attentes [T. II, ill. 1160, 1163].
Les tables ornant les façades de la cour de l’Hôtel d’Hozier (à partir de 1623)
[T. II, ill. 660], dans lesquelles s’inscrit une grande table affleurée, comportent des
enroulements à leur base et au sommet d’où s’échappent des gerbes de feuillages selon
un schéma très similaire aux tables du premier Verneuil. D’ailleurs, la table affleurée
inscrite semble transposer le jeu de superposition de tables de Verneuil, mais avec un
enroulement de cuir.
Hôtel d’Hozier (à partir de 1623)
Enrichissements intérieurs
La table, en son principe, est une surface nue qui était dans l’Antiquité destinée à
recevoir une inscription. À la Renaissance, on y trouve parfois des inscriptions, mais le
plus souvent la table est laissée nue. Cependant, pour enrichir la table on emploie d’autres
ornements : soit on incruste une plaque de marbre dans la table fouillée, soit on sculpte
des ornements sur sa surface.
Toutes les tables du Premier Tome, que De l’Orme nomme « tables d’attente » sont
des tables à l’antique portant soit des inscriptions soit une incrustation de marbre
précieux. De l’Orme les décrit : dans la cour de Saint-Maur au-dessus de la porte, « Le
lieu que vous voyez marqué C, est une table d’attente en marbre », où il y a une
133
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
inscription (VIII, 15, fol. 250r.) ; la porte d’Anet est « enrichie de marbres, porphyres,
serpentins, et de bronze, signamment sur les portes, et aux tables d’attente » et « Aux
côtés par le dessus des petites portes, sont terrasses enrichies à l’entour de tables
d’attente, étant de marbre noir avec leurs entrelacs, au lieu de balustres qu’on a
accoutumé de mettre aux terrasses pour servir d’appuis. Vous voyez par le dessus de la
grande porte au plus haut, un ornement tout fait de belle pierre blanche de Vernon, et
de marbre noir aux tables d’attente ». (VIII, 12, fol. 249 r.)
Inscriptions et emblèmes
La fonction originelle de la table, sur les monuments honorifiques ou
commémoratifs comme les arcs de triomphe et les mausolées antiques, est clairement
réactivée par des inscriptions modernes — chiffres et devises. Les tables portant une
inscription sont ainsi placées au-dessus des entrées comme à Anet [T. II, ill. 272], ou audessus d’une niche à Écouen [T. II, ill. 448]. Dans la chapelle d’Anet, les tables situées
au-dessus des niches portent le nom du saint qu’elles désignent ; sans encadrement, elles
semblent évoquer les anciens phylactères, plus que les inscriptions antiques.
Sur le portique nord de la cour d’Écouen, les tables recoupant les entablements dans
les travées latérales portent des emblèmes : les trois croissants enlacés et les chiffres
royaux à gauche à droite, l’arc en ciel de Caterine de Médicis entourés de ses chiffres
[T. II, ill. 447–451], une autre, sur un ressaut latéral [T. II, ill. 451] porte un arc et des
flèches ; les chiffres royaux se retrouvent sur une table ornant l’allège d’une croisée sur
la façade nord [T. II, ill. 446]. La table située dans l’attique de la porte Chapelle à
Compiègne porte, en son milieu, les armes des Montmorency192.
Incrustations
Presque toutes les tables « à l’antique » du Louvre [T. II, ill. 497–500], d’Anet
[T. II, ill. 259-261, 272–274] et d’Écouen [T. II, ill. 447, 448, 452–455], sont garnies
d’une plaque de marbre qui donne au motif un caractère précieux. La variété des couleurs
et des textures est très grande : au Louvre [T. II, ill. 495–504], marbre noir pour les tables
centrales des avant-corps, marbres veinés, brèches roses et bleutées pour les
entrecolonnements, brèches roses pour les dessus de fenêtres [T. II, ill. 495–504] ; à
Anet, marbres roses veinés pour les disques, marbres d’un noir profond pour les tables
des dessus-de-portes et niches, marbres plus clairs dans les superstructures.
L’incrustation a pour fonction certes d’enrichir la table, mais elle renforce l’effet de
vide. Dans les entrecolonnements de la Fontaine des Innocents, la surface polie du
192 Après 1551 et avant 1557 ; BLUNT, 1958, p. 85 ; PÉROUSE DE MONTCLOS, Philibert De l’Orme. Architecte du roi
(1514-1570), Paris, Mengès, 2000, p. 291.
134
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
marbre, où le regard se perd comme dans une eau morte, s’oppose à l’animation des
éléments sculptés qui l’environnent.
Fontaine des Innocents à Paris.
Dans le premier tiers XVIIe du siècle, on trouve encore des tables fouillées avec une
incrustation de marbre comme au portail de l’hôtel de Vogüé à Dijon (1614) [T. II, ill.
124], à Sainte-Élisabeth (1628) [T. II, ill. 893–894] à Paris. Aux Carmes Déchaussés
(1613–1620) [T. II, ill. 729–731], l’incrustation est imitée par un badigeon gris. Par la
suite, l’usage de l’incrustation de marbre est totalement abandonné et la surface des tables
reste nue.
Ornements ponctuels
Quelques ornements ponctuels peuvent venir orner la table tout en laissant la surface
nue de la table suffisamment visible. Dans l’attique du Pavillon du Roi au Louvre, un
motif en pointe de diamant orne la surface de la table, mais l’effet de table tend à
disparaître193 [T. II, ill. 503–504]. Des ornements ponctuels peuvent occuper le centre
de la surface ou ses bords. Certains imitent des éléments de fixation. À Anet, sur les dés
du parapet du châtelet d’entrée, les deux premières tables en partant du centre,
composées de deux tables superposées, semblent maintenues par des griffes ; la table
suivante semble fixée par quatre clous [T. II, ill. 274].
193 Le motif aura du succès au XIXe siècle : une pointe de diamant orne une table à anses à la caserne des Petits-
Pères, rue de la Banque à Paris et une table saillante sur la façade d’un immeuble, également rue de la Banque.
135
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Les tables fouillées sont les plus aptes à servir de cadre à un motif central. À Écouen,
sur le portique d’entrée, les deux tables à crossettes ornant les amortissements du dernier
niveau portent des mascarons en leur centre : une tête de Mercure à droite et une tête de
lion à gauche [T. II, ill. 443]. Le mascaron a été employé au château de Sully (après 1570)
[T. II, ill. 113], sur les tables ornant la frise de la façade méridionale.
Au XVIIe siècle, les tables sont ornées de motifs plus développés. Dans le premier
tiers du siècle, certains ornements sont issus de l’art compliqué de la seconde école de
Fontainebleau : dans la Galerie des Cerfs de Fontainebleau (1600) des niches ovales
s’inscrivent de manière assez contradictoire au centre des grandes tables de brique
[T. II, ill. 587]. Le motif est repris à Oiron [T. II, ill. 1158–1162], sur le pavillon du Roi.
On reprend des thèmes « à l’antique » qui n’avaient jusqu’à lors pas été employés
pour des tables. Sur l’aile de Gaston d’Orléans à Blois (1635–1638) les tables couronnées
des abouts des pavillons et de la façade sur la terrasse sont ornées de draperies [T. II, ill.
287].
Blois, pavillon gauche de aile de de Gaston d’Orléans, François Mansart (1635–1638), table à crossettes
couronnée.
À Maisons (1641–1646) des médaillons et des guirlandes ornent les tables rentrantes
de l’avant-corps central, côté cour, et toutes les tables couronnées sont ornées de
guirlandes de fruits ou de draperies. Ces ornements sont traités de manière presque
réaliste : les draperies retenues par des patères et un anneau central semblent animées
d’un léger mouvement ; de même, les fleurons à la place des gouttes, semblent être sur
le point d’éclore [T. II, ill. 605–610]. Ces éléments figuratifs évoquent quelque rite de
commémoration, dévoilement — draperie — ou offrande — fruits et fleurs —, apposés
à la table dont la surface vide représente l’inscription effacée ou oubliée ; ils réactualisent
ainsi l’antique fonction de la table. Ici, la fonction métaphorique de l’ornement est
essentielle et naît de l’association d’un élément simulant le vivant à un élément inerte, la
table de pierre.
136
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Le motif de la draperie se retrouve à Courson où l’ornement est mis en relief par la
table grise qui lui sert de support [T. II, ill. 764, 767].
La table, à Versailles, sert aussi de support à l’ornement sculpté : Le Vau met à la
mode le buste sur piédouche qu’on retrouvera très fréquemment au XVIIIe. Les tables
de la cour de marbre sont ornées de bustes sur piédouches et de trophées au dernier
niveau de l’avant-corps central [T. II, ill. 722]. Des bustes ornent les tables du château
d’Issy (1681) [T. II, ill. 910]. On retrouve le motif sur de nombreux hôtels parisiens du
premier tiers du XVIIIe siècle, tel l’hôtel du Maine (fig. ci-dessous).
Hôtel du Maine, Elevation de la façade de l’hotel du Maine du côté du jardin, gravure de Mariette, 1727.
Le jeu des nus
Tables saillantes
Vers la fin des années 1540 apparaissent dans le répertoire des tables saillantes au
ressaut à arêtes vives ou légèrement mouluré ; ces formes simples permettent d’exploiter
une propriété intrinsèque de la table, l’effet de surface nue. Celui-ci ne dépend pas des
dimensions propres de la table, mais de son rapport avec le champ qu’elle orne, aussi,
ses emplois sont très variés. Certaines gravures de Serlio incitent sans doute les Français
à employer cette forme dépouillée. En effet, Serlio dessine des tables nues, parfois
soulignées d’une discrète mouluration sur plusieurs de ses exemples antiques, ou dans
des compositions triomphales de son invention194.
194 Voir en particulier, le Panthéon et le temple de Tivoli (Livre III fol. 64 r.), les tables d’attique de l’arc d’Ancône
(Livre III, fol. 108 r.) et au Livre IV, les portes triomphales des fol. 135 v. ; 149 r., 150 r., les ordonnances alternées
des fol. 165 v. ; 175 v. ; 179 v. ; 180v ; au Livre V le fol. 218 r. et enfin dans le Libro estraordinario, les fol 20 r., au
Livre VII, les fol. 81 r. ; 85 r. ; 87 r. ; 107 r. ; 111 r. (Reproduits dans notre Annexe III « L’ornement du mur dans
les Livres de Sebastiano Serlio »).
137
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Les trois tables saillantes qui ornent les entrecolonnements du frontispice d’entrée
de Saint-Jory [T. II, ill. 1051–1053] sont visiblement inspirées de l’élévation intérieure du
Panthéon gravée par Serlio (Livre III, fol. 54 v.)195.
Saint-Jory (1545–1547),
frontispice d’entrée,
détail de l’entrecolonnement.
Serlio, Livre III, fol. 54 v.,
second niveau de l’élévation intérieure du Panthéon
Au Petit château de Chantilly, Bullant mêle tables couronnées et tables saillantes dans
les entrecolonnements du châtelet d’entrée. Les tables saillantes semblent être des formes
simplifiées des tables triomphales quelles côtoient, mais elles ont tendance à occuper
tout le champ disponible et ont essentiellement pour fonction de former contrepoint
aux motifs ornés [fig. ci-dessous et T. II, ill. 1112–1114]. Le frontispice de la cour, au
revers du châtelet, n’est quant à lui orné que de tables saillantes. Sur le corps de logis,
des tables saillantes sont employées dans le niveau correspondant au surcroît de l’étage
sous comble, où elles évoquant les métopes d’une frise [fig. ci-dessous et T. II, ill. 1115–
1116].
195 Les travaux de Saint-Jory, commencés en 1545 ont été suspendus en 1547, il est donc possible qu’il ne s’agisse
que de tables d’attentes, mais si tel n’est pas le cas il s’agit de la première occurrence de table saillante à arêtes vives.
BABELON, 1989, p. 380.
138
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Chantilly, Petit château, Jean Bullant (1557–1559), façade antérieure d’après Androuet Du Cerceau (1579) et état
actuel.
Chantilly, Petit château, Jean Bullant (1557–1559), façades sur cour du châtelet et du corps de logis, d’après Du
Cerceau (1579) et état actuel.
On aurait donc à faire à deux répertoires distincts dont les créateurs de la Renaissance
jouent de manière consciente. De ce fait, les tables saillantes dont la fonction est
essentiellement syntaxique (liaison entre ornements, articulation de surfaces et de
volumes), ne sont pas ornées et, quand elles comportent une mouluration, c’est avant
tout pour en accuser le contour ou au contraire pour lier la table au parement ; on
emploie alors des profils plus simples, tels que quarts-de-rond, doucines et chanfreins.
Aussi, on emploie des tables saillantes pour articuler les volumes dont elles mettent en
évidence les arêtes, comme le fait De l’Orme à Anet sur les socles des sarcophages du
châtelet d’entrée, sur les dés des parapets, les souches de cheminées, ou encore les
allèges196 [T. II, ill. 265, 267–269].
196 Les tables des allèges sont actuellement nues, mais sur la gravure du Premier tome montrant le cabinet sur trompe
(fol. 89), la table est grisée, ce qui indique sans doute l’intention d’employer du marbre (ou un badigeon l’imitant).
139
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Anet, Philibert De l’Orme (1548–1552), socles et parapet du pavillon d’entrée.
Anet, Philibert De l’Orme (1548–1552), tables sur allège, fenêtres et tourelle d’angle de l’aile ouest.
Les exemples de tables saillantes employées sur l’allège sont nombreux dans le
premier Livre de Jacques Androuet Du Cerceau. Nous verrons dans notre troisième
partie le rôle important que jouent ces ornements discrets dans l’ordonnance de la travée
de fenêtres et, par conséquent, dans celle de la façade entière197.
197 Voir en particulier le premier chapitre de notre troisième partie, intitulé Le décor du mur dans la travée de
fenêtres.
140
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
L’usage de ces formes simples sur les piédestaux et sur les parapets se perpétue
pendant tout l’Âge classique. Le château de Maisons (parapets et dés [T. II, ill. 615–617]),
la façade de l’église Gervais-Saint-Protais (tables saillantes sur les piédestaux et entre les
piédestaux au premier niveau et tables rentrantes au second niveau [T. II, ill. 734–736])
sont deux exemples typiques de ces emplois au XVIIe siècle, parmi tant d’autres.
La modulation du ressaut
Dans les superstructures du châtelet d’entrée d’Anet (1552), toutes les tables sont
formées d’une plaque de marbre enchâssée dans une moulure qui s’affine vers les niveaux
supérieurs en fonction de la diminution de la saillie : un quart de rond entre deux filets
au-dessus des travées latérales, une baguette sur les deux « bastions » qui cantonnent le
corps central et dans les frises [T. II, ill. 271–274].
Tables saillantes des niveaux supérieurs du pavillon d’entrée d’Anet, Philibert De l’Orme (1552).
Le chanfrein, grâce à son ombre propre, accentue le relief. A Saint-Jory, le contraste
est renforcé par l’emploi de brique (fig. ci-dessous). Certaines formes semblent imiter le
141
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
bossage comme les tables chanfreinées qui ornent la frise de Torigni (1580–vers 1612)
[T. II, ill. 50]. Il y a quelques exemples d’emploi de table chanfreinée dans les vingt
dernières années du XVIe siècle, comme dans la cour de l’ancien hôtel de ville de
Besançon (1585) [T. II, ill. 367].
Table saillante à chanfrein,
ébrasement de la porte sur cour du château de Saint-Jory, Nicolas Bachelier (1545–1547).
Dans le premier tiers du XVIIe siècle, la table chanfreinée est utilisée pour ses effets
décoratifs qu’accentue l’emploi de marbre. La forme est employée pour la table de
marbre qui timbre le portail de l’hôtel de Vogüe à Dijon (1614) et pour la cheminée de
la salle [T. II, ill. 124, 129]. Á Notre-Dame de Garaison (début du XVIIe siècle, les
pilatasres du portail extérieur sont faits de tables et de bossages à grand chanfrein alternés
et marbre rouge et vert [T. II, ill. 1077].
Les mêmes effets sont obtenus grâce à la multiplication des ressauts. Á la Petite
Galerie du Louvre (1566–1567), les tables qui ornent les pilastres jouent avec les bossages
qu’elles côtoient [T. II, ill. 507]. Pour les tables de plus grandes dimensions le double
ressaut permet de jouer sur des effets de superposition de tables, comme à Joigny (1569)
où, sur les pleins-de-travées, une table semble posée sur l’autre [T. II, ill. 100–102].
Le ressaut adouci en quart de rond est employé en Italie comme au palais Lancellotti
de Torres, en dessous d’une fenêtre du rez-de-chaussée [T. II, ill. 1257–1259] ; mais nous
n’avons pas trouvé d’exemples de cette forme qui, en France, semble réservée au
bossage. En France, on emploie le quart de rond entre deux filets au XVIIe siècle : la
moulure relie la table au mur tout soulignant la limite de la table de deux fines lignes.
C’est l’effet recherché pour les tables ornant les allèges de la chapelle du Collège des
Quatre Nations [T. II, ill. 834–835]. À l’hôtel Nigot à Auxerre [T. II, ill. 138–140], une
table carrée comporte le même ressaut mouluré.
142
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Tables affleurées
La table affleurée, obtenue en creusant un canal dans le parement, est une forme qui
met en valeur le nu du mur. Au XVIe siècle, le canal s’orne parfois, comme au Petit
château de Chantilly où des tables affleurées des dessus de baies présentent une gorge
assez large ornée de feuilles d’eau [T. II, ill. 1111] ; mais forme la plus fréquente est le
canal étroit et nu. Elle peut orner des piédestaux comme à Maillé (1570) [T. II, ill. 169],
au second niveau du pavillon d’angle. Les tables affleurées sont aussi employées dans la
travée de fenêtre : sur le plein-de-travée comme à l’hôtel Lamoignon [T. II, ill. 661–664],
sur le ressaut de l’allège comme à l’hôtel d’Effiat [T. II, ill. 658] sur le dessus de fenêtre
comme à l’hôtel d’Alméras [T. II, ill. 635] où elles sont brochées par une clef saillante.
Les formes affleurées sont également employées pour des tables de plus grandes
dimensions. Au rez-de-chaussée de la maison de De l’Orme, rue de la Cerisaie (fol.
255 r.), deux grandes tables semblent être affleurées étant donné le cerne noir qui les
entoure. Ces motifs discrets, simples d’exécution, permettant de moduler l’ordonnance,
seront plus fréquent au XVIIe siècle. François Mansart les emploie entre les contreforts
du tambour de la chapelle de la Visitation (1632–1634) [T. II, ill. 745-746] ; au château
de Maisons (1641–1646), au troisième niveau de l’avant-corps postérieur, entre les
pilastres dans le vestibule du [T. II, ill. 618–619] et sur les souches de cheminées
[T. II, ill. 613].
De l’Orme, Le Premier tome, 1567, fol. 255 r.
Tables rentrantes
La table rentrante, très utilisée en Italie, est un motif beaucoup moins fréquent en
France. À notre connaissance, un seul architecte français emploie le motif au XVIe siècle,
143
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Lescot à Vallery et à Fleury-en-Bière et deux Italiens qui travaillent en France, Serlio à
Ancy-le-Franc et Primatice à Fontainebleau. Ancy-le-Franc (1544–1546) [T. II, ill. 70–
72] est, autant qu’on sache, le premier exemple en France : le premier niveau de la cour
est orné de tables rentrantes carrées comme celles que Jules Romain emploie au palais
du Té à Mantoue sur les façades extérieures et dans la cour 1244–1245]. Les architectes
italiens jouent sur l’effet de creux et la découpe nette de la table qui paraît ainsi creusée
« à vif » dans le parement comme au palais Vidoni-Caffarelli (1515 ou 1524) [T. II, ill.
1268]198. Serlio joue d’ailleurs sur cet effet puisque la niche située en dessous de la table
est une niche à fond plat, de même profondeur que la table.
À Vallery (1548–av. 1562) sur les façades de la cour, la grande table doublement
cintrée du rez-de-chaussée et les tables rectangulaires imitent la table carrée et la table
cintrée d’Ancy-le-Franc ; le motif du plein-de-travée est également une table rentrante
[T. II, ill. 88 ,92]. Tous ces motifs sont en très léger retrait dans le mur, et la fine baguette
qui encadre les petites tables adoucit encore leur profil. Sur la galerie, la table rentrante
ornant les ressauts surmontant les pilastres jumelés dans les écoinçons des arcs est
enrichie d’une baguette ornée de feuilles d’eau [T. II, ill. 93]..
On trouve encore une table rentrante, très profonde au revers du pavillon d’entrée
de l’avant-cour de Fleury-en-Bière (v. 1555) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 462]. Sur l’aile de
la Belle cheminée à Fontainebleau (1568), on voit des tables rentrantes dans le frontispice
central et, sur les pavillons, en dessous de la niche où elle s’oppose aux bossages qui
l’environnent [fig. ci-dessous et T. II, ill. 472–479]. La parenté de ces tables avec celles
du palais du Té à Mantoue est très évidente : même manière de découper la table dans le
vif du mur comme sur les façades extérieures du palais, même manière d’opposer les
tables avec les parements couverts de bossages comme dans la cour [T. II, ill. 1244–
1245].
198 Dans l’hypothèse où les incrustations qui garnissent les tables et les niches d’Ancy ne sont pas d’origine. Les
incrustations des tables et des niches à fond plat situées en dessous ont été déposées puis reposées lors de la
restauration de la cour entreprise en 2001. Nous avons pu alors observer sur place que les tables et les niches à
fond plat s’enfoncent dans le mur d’une dizaine de centimètres. Selon Sabine Frommel, les incrustations d’Ancyle-Franc sont « les seuls éléments qu’on ne peut attribuer à Serlio immédiatement » ; on ne peut donc rien conclure
quant aux effets recherchés par Serlio. FROMMEL, 2002 p. 162.
144
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Fleury-en-Bière (P. Lescot, v. 1555),
revers du pavillon d’entrée.
Fontainebleau, aile de la Belle Cheminée (Primatice, 1568),
pavillon latéral.
Au XVIIe siècle, l’emploi de la simple table rentrante sur les piédestaux est très
fréquent, ce qui explique que D’Aviler ne mentionne que cet usage dans son
dictionnaire199.
Des tables rentrantes de grandes dimensions sont parfois employées pour encadrer
un motif sculpté. À Maisons, les grandes tables rentrantes du dernier niveau de l’avantcorps central sur cour sont bordées d’un quart de rond, et portent un médaillon [T. II, ill.
605] ; à Vaux-le-Vicomte [T. II, ill. 872] au deuxième niveau de l’avant-corps central sur
cour, une table rentrante lisse, ornée d’une couronne, apparaît sur le large trumeau
central à refends [T. II, ill. 872].
La table rentrante est aussi le support de bas-reliefs : à Maisons [T. II, ill. 605], à
Vaux-le-Vicomte [T. II, ill. 869–872], à Courson [T. II, ill. 762–767] ils sont placés dans
les doubles corps de moulures ou au-dessus d’une baie. Le bas relief est un motif distinct
de la table lisse ; en effet pour qu’il y ait table, il faut deux conditions : qu’elle soit plane
et que sa surface porte des ornements ponctuels se détachant sur un fond lisse. Comme
il s’agit d’un motif spécifique, nous l’étudions plus loin.
199 TABLE FOUILLÉE. Table renfoncée dans le dé d’un piédestal, & ordinairement entourée d’une moulure en
manière de ravalement. D’Aviler, Dictionnaire 1693, p. 338-339. Le ravalement est « dans les pilastres et corps de
maçonnerie ou de menuiserie, un petit renfoncement simple, ou bordé d’une baguette ou d’un talon. » (Ibid., p. 317).
145
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Les tracés
Le tracé des tables peut varier considérablement, mais une table qui s’étire
excessivement en longueur, de manière à former une fasce, un bandeau, sort de la
catégorie puisque l’effet de linéarité prime sur celui de surface. Par contre, les contours
peuvent former des saillies ou des retraits sur les côtés et les angles de la table. C’est le
cas de la table à crossettes, seul tracé particulier cité par d’Aviler dans son Dictionnaire200.
Les grandes tables, disposées sur les trumeaux, se prêtent particulièrement à de
multiples variations de tracés, que les contrastes de matériaux accentuent. Elles
apparaissent surtout à partir des années 1560 et seront particulièrement exploitées dans
la première moitié du siècle du XVIIe siècle.
La table cintrée
La table au tracé cintré, c’est-à-dire dont l’un ou deux des petits côtés s’arrondit en
arc de cercle, est une forme dérivée de la niche. Une première forme dérivée, la niche à
fond plat, dont le retrait est important dans le mur, ne doit pas se confondre avec la
table. Alberti en donne la raison dans le De re aedificatoria : la niche est une catégorie
d’ouverture : c’est une fausse-ouverture qui sert à alléger le mur201. D’autres formes
dérivées ont été employées en Italie : niche suggérée par une moulure, comme à la
chapelle des Pazzi202, fausse-niche comme à San Sebastiano ou à Rimini203.
Toutes les tables rentrantes ou les cadres de moulures cintrés expriment la
profondeur, par analogie avec la niche. Serlio en joue dans la cour d’Ançy-le-Franc : les
« fausses-niches » du rez-de chaussée, de même retrait que les tables rentrantes carrées
qui les surmontent, répondent aux « vraies » niches à coquille de l’étage [T. II, ill. 70–72].
Lorsque les Français emploient le motif, ils lui donnent une tout autre expression.
Les petits motifs en forme de niche que Serlio dessine au Livre IV (fol. 150 r, 180 v) et
200 Également seule citée par cité par le Vocabulaire de l’Inventaire.
201 « Il y a une certaine forme d’ouverture, qui en forme et proportion imite les portes ou les fenêtres, et qui ne
pénètre pas toute l’épaisseur du mur, comme les niches qui offrent d’excellents emplacements pour des statues ou
des peintures. » (L. B. Alberti, De re aedificatoria, Livre I, chapitre 12, « Des ouvertures ») La définition de la niche
est précisée au Livre VI, consacré aux ornements : « Une ouverture implique généralement un vide, mais parfois
derrière ce vide nous faisons passer un mur qui forme une sorte de fausse-ouverture, qui n’est pas perméable, mais
fermée ; pour cette raison nous la nommons fausse-ouverture. Cette sorte d’ornement, comme ceux qui servaient
vraiment à renforcer le mur et à réduire les dépenses, avait été inventé d’abord par les charpentiers puis imité par
les maçons, qui ainsi donnaient de la beauté à leurs bâtiments. » Ibid., Livre VI, chapitre 12, « Les ornements des
ouvertures ».
202 Les niches suggérées par un tracé employé sur des façades à revêtement de marbre polychrome ont leur l’origine
dans le vocabulaire de la proto-renaissance italienne comme à San Miniato à Florence.
203 Dans les arcades latérales du motif triomphal de la façade, Alberti avait prévu de vraies niches, mais la
disposition des piles de l’édifice existant ne permettait pas de les mettre en œuvre ; des niches à fond plat ont été
envisagées par Agostino Di Duccio alors en charge du chantier, pour finalement se réduire à des fausses niches
suggérées par une mouluration encadrant une table en très léger relief comme on peut les voir actuellement. Robert
Tavernor, On Alberti and the Art of Building, New-haven-Londres, Yale University Press, 1998, p. 63.
146
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
de manière générale toutes les formes qu’il exprime par un simple tracé et qu’il n’ombre
pas ne sont pas lues comme des niches ou des tables rentrantes. Lescot emploie une
table rentrante à la place de la niche à Vallery, mais lui donne un tracé doublement cintré
[T. II, ill. 88] ; la forme, qui évoque peu la niche puisqu’elle n’a pas de base horizontale,
a une autre origine : Serlio dessine de multiples fois au Libro estraordinario des motifs
doublement cintrés, totalement décoratifs, employés verticalement ou
horizontalement204.
Des tables saillantes au tracé cintré, sont employées en France au XVIe siècle : à
Tanlay, sur le revers du châtelet d’entrée (1568–v. 1578) où elles apparaissent deux fois
dans l’entrecolonnement colossal [T. II, ill. 118–120] ; table cintrée affleurée à Maillé (v.
1570) [T. II, ill. 169], sur le pavillon d’angle ; table cintrée enrichie d’un encadrement
affleuré orné de larges tresses au deuxième niveau du pavillon d’entrée du Pailly (ap.
1563–1570/1573) [T. II, ill. 329–332]. Le motif est parfois inscrit dans un édicule
comme à Sully-le-Château (ap. 1570–fin XVIe) [T. II, ill. 108–110]. Hugues Sambin
emploie les deux tracés, cintré et doublement cintré, à l’hôtel de ville de Besançon (1582–
1585, actuel Palais de Justice) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 366–368]
Hôtel de ville de Besançon, Hugues Sambin (1582–1585), façade sur cour.
Tracés dérivés de l’anse
Le tracé en hémicycle
204 Serlio, Libro estraordinario, fol. 4 v., 6 v., 7 v., 9 v. et 20 v.
147
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Les tables dont deux côtés opposés comportent une saillie en demi-cercle sont des
formes proches de la table doublement cintrée, telle qu’elle apparaît à Vallery. Nous
employons le terme d’hémicycle pour caractériser ce contour distinct de la table cintrée ;
en effet, le diamètre du demi-cercle, plus petit que le côté sur lequel il se présente,
ménagent ainsi un épaulement 205. Cette petite différence indique une autre origine. C’est
un tracé dérivé de l’anse hémicirculaire telle qu’elle apparaît au Louvre, mais deux
caractéristiques importantes distinguent le motif de la forme « à l’antique » : le motif se
présente toujours sous la forme d’une seule surface unie, c’est-à-dire que le corps de la
table rectangulaire n’est pas séparé de l’anse par une moulure, surtout, il change d’échelle
et peut changer d’orientation206.
La forme, orientée verticalement est employée pour des encadrements, comme on
peut le voir dans la galerie de François 1er à Fontainebleau. Les tables à hémicycles
employées au XVIe siècle et au XVIIe siècle proviennent ainsi d’une double assimilation :
le cadre destiné à recevoir une peinture ou un bas-relief, et la table à anses.
Galerie François 1er à Fontainebleau, décor de Rosso Fiorentino (1535-1537)
Jacques Androuet Du Cerceau, dans son premier Livre d’architecture, publié en 1559,
est le premier à dessiner une grande table à hémicycle sur une façade : sur le modèle III,
des grands motifs lisses dont les côtés s’arrondissent sur l’axe vertical sont ornés en leur
centre d’une incrustation en forme de losange. L’incrustation n’aura pas de suite, par
205 Par analogie les constructions hémicirculaires. Une abside de plan hémicirculaire est une abside en hémicycle.
206 Ceci n’exclut pas qu’une véritable tabula ansata, puisse se présenter verticalement, comme on peut le voir sur
une fresque de Ghirlandajo à Santa Maria Novella ; l’intention n’est pas ici esthétique, mais de représenter une
circonstance du quotidien : la table est fixée au mur par une seule anse parce qu’on ne dispose pas d’assez de place.
Des anses semi-circulaires apposées aux côtés horizontaux apparaissent également sur des cartouches de la galerie
de François 1er à Fontainebleau. Il est singulier que cette disposition ait eu tant de succès en France jusque dans
l’architecture néo-renaissance du XIXe siècle, nous avons relevé un exemple à Paris. Au XIXe siècle, les architectes
pensaient sans doute qu’il leur fallait choisir les ornements les plus curieux parce qu’ils leur paraissaient être les
signes de l’originalité du style français.
148
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
contre le tracé sera abondamment employé au XVIIe siècle, toujours pour des motifs de
grandes dimensions.
Androuet Du Cerceau, 1559, planche III.
Une des premières occurrence au XVIIe siècle se trouve à Selles-sur-Cher (1604–
1612), sur le mur de l’entrée et les soubassements des pavillons où des tables de brique
comportant un petit hémicycle affleurent sur le mur de moellon [T. II, ill. 318] ; la forme
semble ainsi plus directement inspirée de l’anse que du grand hémicycle ; il n’y a pas de
relief, mais l’effet de surface et le contraste de matériaux sont suffisants pour qu’il y ait
effet de table. Des tables à hémycles ornement les murs d’entrée et de Courances (1622–
1630) [T. II, ill. 581–582]. On retrouve le motif sur des parements de pierre et sur les
corps de bâtiments : sur les trumeaux de l’hôtel Bautru de Serrant (1634-1637) [T. II, ill.
638-640] sur les trumeaux de l’hôtel Échevins de Bourges (1624) [T. II, ill. 290-291]
Les variantes sont obtenues en jouant sur les matériaux, sur le traitement du ressaut
— à arêtes vives ou mouluré —, sur des effets de superposition de tables et sur les
dimensions. Les deux extrémités cintrées s’ornent parfois d’enroulements qui se relèvent
en cuirs comme à l’hôtel d’Hozier (à partir de 1623) [T. II, ill. 660] et encore à l’église de
la Nativité-de-la-Vierge au Mesnil-Aubry (deuxième niveau de la façade, XVIIe s.)
[T. II, ill. 533],
Le motif peut être employé de manière ponctuelle, mais il peut aussi s’adapter au
champ qu’il orne comme les piédestaux de l’entrée de l’escalier de Bellegarde, au palais
des Ducs de Dijon (vers 1620) [T. II, ill. 123], ornés de tables rentrantes à hémicycles
ainsi que les pilastres. La forme se rencontre parfois dans des emplois curieux : à Beaune,
sur le portail de l’hôtel de Saulx (premier tiers du XVIIe siècle) [T. II, ill. 122], une série
de petites tables à hémicycles superposées ornent les piédroits, à la manière de bossages,
alors que le linteau porte deux tables aux extrémités découpées en arc de cercle.
149
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
À Versailles, le motif abonde. Dans la cour de Marbre (1623 à 1634 et 1669–1671)
les tables à hémicycles qui servent de support à des bustes sont épaisses, moulurées d’un
quart de rond207 [T. II, ill. 722–723]. On les retrouve sur le corps de raccordement entre
la cour de Marbre et la Cour royale (après 1674) [T. II, ill. 872–873]. Sur les ailes des
Ministres, Jules Hardouin-Mansart emploie une forme plus simple, moins saillante et
sans mouluration208. Le contour à arêtes vives se découpe fortement sur le fond de brique
rouge. Les mêmes motifs sont employés à Courson (1639) [T. II, ill. 762–767] et lors de
sa reconstruction après 1667.
Versailles, tables à hémicycle de la Cour de marbre (1631–1634) ; les bustes sont ajoutés en 1669–1671.
La présence de ce motif à Versailles, conservé et reproduit lors des campagnes de
construction successives, explique certainement sa persistance pendant tout le XVIIe
siècle et au-delà. Sur les trumeaux, le motif peut s’agrandir comme à l’hôtel de La Rozière
(1646) [fig. ci-dessous et t. II, ill. 822] où des tables à hémicycle, en faible relief sur le
parement de pierre sont un moyen d’animer la façade par un jeu de lignes courbes.
Les exemples en province sont nombreux, citons l’hôtel Nigot à Auxerre (1672)
[T. II, ill. 138–140], où des tables à hémicycles très étroites sont disposées sur les
trumeaux et au XVIIIe siècle, l’hôtel d’Ecquevilly à Paris (ap. 1733) [T. II, ill. 944] le
pavillon du Butard près de Vaucresson [T. II, ill. 938], l’hôtel Lamouroux à Montpellier
(1721) [T. II, ill. 1014–1015].
207 Tous les trumeaux du château de Louis XVIII, bâti de 1623 à 1634 étaient ornés de tables à hémicycles ; le
décor la cour n’est pas modifié lors des travaux de Le Vau, entrepris de (1669-1671), qui se contente de l’enrichir
en disposant des bustes à l’antique sur les tables (la cour reçoit alors le nom de cour de Marbre en raison de son
dallage). Les tables à hémicycle sont visibles sur une gravure d’Israël Silvestre (1664) et sur une vue de Pierre Patel
(vers 1668).
François d’Orbay reproduit l’ordonnance de la cour sur les ailes de raccordement (après 1674) et Jules HardouinMansart conserve les tables lorsqu’il remanie la cour de marbre en 1678.
208 Jules Hardouin-Mansart reproduit le décor des pavillons de Le Vau lorsqu’il construit les Ailes des Ministres.
150
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Hôtel de La Rozière (1646).
Tables à anses quadrangulaires
Un motif de table présente sur les petits côtés des excroissances carrées ou
rectangulaires. Ainsi, sur les façades extérieures des pavillons de Selles-sur-Cher [T. II, ill.
317–320], des tables de pierre à saillies carrées ornent les trumeaux de brique ; au second
niveau de la façade sur cour de l’hôtel d’Alméras [T. II, ill. 635–636], une table à saillies
rectangulaires a été taillée de manière à ce qu’elle semble porter une autre table à
hémicycles, l’effet de superposition jouant ici sur les deux formes d’anses.
Tables à crossettes
D’autres motifs présentent des saillies sur l’angle, dans le prolongement de leur long
côté. Cette forme ressemble aux crossettes des encadrements de baie, de niches et de
tables rentrantes employées en Italie au XVIe siècle209. Peruzzi au palais Massimo
emploie des encadrements à quatre crossettes développées sur l’axe horizontal pour les
fenêtres de la mezzanine du dernier niveau (fig. ci-dessous). Michel-Ange dessine des
cadres de ce type pour des niches à fond plat au chevet de Saint-Pierre, et pour une table
rentrante sur la Porta Pia (fig. ci-dessous).
209 Le chambranle à crossettes, employé dans l’Antiquité, réapparaît dans l’architecture de la Haute Renaissance
italienne : un petit ressaut du chambranle forme une excroissance, comme la queue d’un linteau dépassant du
piédroit. Le motif a donné lieu à de multiples variations en Italie. On l’emploie aussi bien pour des chambranles
que pour des encadrements formant un cadre complet autour de la baie. Michel-Ange a beaucoup joué avec le
motif : dans le vestibule de la Bibliothèque Laurentienne il dessine des crossettes pour des encadrements : les
crossettes sont placées en haut du motif de manière à former un U, un encadrement de baie possède deux crossettes
en haut, normalement placées, et deux autres orientées vers le bas [ill 1232.].
151
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Les Italiens, comme les Français, ont l’idée d’employer des crossettes pour des tables
saillantes : ils l’emploient pour des tables couronnées, comme nous l’avons vu pour la
table couronnée du Gesù (1575) : les tables portent deux petites crossettes en haut et, en
bas, elles semblent pendre de la table.
Palais Massimo, Peruzzi (1534).
Chevet de Saint-Pierre (1547-64) et Porta Pia (1561-65), Michel Ange,
cadres à quatre crossettes
Une table à deux crossettes très agrandies apparaît à Écouen, sous des appuis de
fenêtres de la façade extérieure nord, où elles prennent la forme d’un T. [fig. ci-dessous
er T. II, ill. 445–446] forme qui dérive visiblement des jeux d’encadrement de Michel
Ange, précisément des niches en tabernacle placées au dessus des portes de la Chapelle
Médicis à Florence : la niche comporte un épaulement qui vient reposer sur la portion
de corniche du fronton coupé de l’édicule qui l’encadre [T. II, ill. 1234]210. Á Écouen, les
crossettes droites reposent sur le motif typiquement michelangelesque du pilastre
tronqué.
Écouen, façade nord, table à crossettes,
J. Bullant (v. 1552–1553)
La table à quatre crossettes parallèles est employée au XVIe siècle pour des motifs
de grandes dimensions. C’est le cas à Verneuil, sur les trumeaux du premier étage, où de
grandes tables verticales à crossettes se superposent à une table en panneau. Le petit
retrait formé par les crossettes est meublé par un ornement sculpté [fig. ci-dessous et
T. II, ill. 1127–1129]. Le motif est imité au début du XVIIe siècle. À l’hôtel d’Alméras
(1611), les trumeaux des deux niveaux de la façade sur cour s’ornent de grandes tables
210 Voir également J. S. Ackerman, L’architecture de Michel Ange, Paris, Éditions Macula, 1991, p. 75.
152
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
en panneau à crossettes auxquelles se superpose une autre table à crossettes au premier
niveau et une table à anses rectangulaires au second. Au premier niveau, la crossette est
piquée d’une boule, imitant ainsi un système de fixation. Le double corps de moulure
porte également des tables de pierre à crossettes situées au droit de leurs homologues.
[fig. ci-dessous et T. II, ill. 635–637].
Verneuil, premier projet,
J. Androuet Du Cerceau (1560-1575)
table à crossettes
Hôtel d’Alméras (1611),
trumeaux du rez-de-chaussée et du premier étage sur cour
Sur la façade sur jardin de l’hôtel de Châlon-Luxembourg (1623–1625) [T. II, ill.
649–640], les trumeaux de briques du premier niveau sont ornés de tables de pierre
appliquées sur des tables rectangulaires à crossettes. Sur le modèle de l’hôtel d’Alméras,
les crossettes sont piquées d’un clou et, comme à l’hôtel d’Alméras, des tables à crossettes
sont disposées sans le double corps de moulures.
Citons un autre emploi : sur une hotte de cheminée d’Outrelaize (1584) [T. II, ill. 48–
49], le motif, qui apparaît horizontalement, est encadré d’un épais encadrement et est
enrichi de marbre noir.
153
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Outrelaize, cheminée (1584)
Le tracé à crossettes doubles (à deux ressauts sur l’angle) n’est pas employé en
France ; le motif semble réservé au XVIe siècle aux cadres décoratifs et aux encadrements
comme nous le verrons plus loin. (De l’Orme emploie un cadre à crossette pour la
première fois à Saint-Maur). h Nous avons trouvé un exemple de tracé à quatre crossettes
doubles en Italie — Santa Caterina dei Funari à Rome (1564), où des tables à crossettes
affleurent dans un encadrement rectangulaire (également un oculus s’inscrit dans un
encadrement à quatre crossettes doubles. Le motif romain est passé en France
puisqu’une immense table d’attente à crossettes timbre la façade de l’église des
Visitandines à Forcalquier211 [T. II, ill. 1193].
Santa Caterina dei Funari, Guidetto Guidetti (1564).
211 D’autres éléments sur la façade sont inachevés.
154
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Le motif donne lieu à d’autres variations au XVIIe siècle. L’encadrement à crossettes
de l’hôtel de Vogüé à Dijon (1614) est une variante proche des modèles italiens : le motif
est formé d’un cadre dont le ressaut interne est enrichi d’une moulure à tresses et
rosettes et dans lequel s’inscrit une table de marbre ; le cadre porte quatre crossettes
droites dans la partie supérieure et à deux ressauts sur l’angle dans la partie inférieure
[fig. ci-dessous et T. II, ill. 124].
Table sur le portail de l’Hôtel de Vogüé à Dijon (1614).
Tracés concaves
Certaines tables présentent des découpes concaves sur les côtés ou aux angles de la
table. La découpe en demi-cercle sur le petit côté de la table semble être le négatif de la
table à hémicycle. La forme apparaît sur le premier projet pour Verneuil [T. II, ill. 1125–
1131] : deux minces tables à découpes concaves ornent le revers des pavillons du côté
de l’entrée. Entre les découpes, s’inscrit un disque : le motif évoque les disques inscrits
employés sur les pilastres ou des champs étroits durant la première Renaissance212.
Le motif de la table à échancrures concaves n’est pas, à notre connaissance, employé
au XVIe siècle, par contre, il est fréquent au XVIIe siècle. Les encadrements découpés, à
la mouluration un peu épaisse, parfois démultipliés et mis en abîme, sont typiques des
décors intérieurs issus de la seconde École de Fontainebleau à la fin du XVIe siècle et au
début du XVIIe siècle, comme on peut le voir à la chapelle de la Trinité et dans les
appartements réaménagés par Henri IV et Louis XIII dans ce château [T. II, ill. 590].
212 DAGNIAS-THOMAS, 1998, p. 179.
155
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Fontainebleau, décor intérieur de la Chapelle de la Trinité (1608 – après 1613), second niveau.
Les tables aux tracés convexes ou concaves sont souvent employées sur une même
façade : elles procèdent bien du même jeu formel. Ces tables sont employées pendant
tout le XVIIe siècle. De grandes tables à découpes concaves inscrites dans un cadre
ornent les trumeaux du Pavillon du Roi à Oiron (années 1620) [T. II, ill. 1158–1162]. On
retrouve le motif, sans encadrement, à Courson (1639 et 1667) [T. II, ill. 762–767], sur
l’aile des Ministres à Versailles (1682–1683) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 882]. Le tracé
concave sera petit à petit abandonné, seul le motif à hémicycle survivra.
Versailles, trumeaux du pavillon à l’extrémité de l’Aile des Ministres (1679–1683)
Un autre tracé aura une grande fortune : la table à angles concaves. Les premières
formes qui apparaissent au XVIe siècle sont des minces tables rectangulaires placées sous
les appuis des fenêtres ou des niches et dont les deux angles inférieurs présentent une
échancrure en segment de cercle. Le motif apparaît sur une des élévations du Louvre des
Plus excellents bâtiments de France (1576) d’Androuet Du Cerceau213. Sous les appuis des
baies du rez-de-chaussée, une longue table est inscrite entre deux consoles en forme de
pilastres tronqués [fig. ci-dessous et T. II, ill. 496]. Sur la façade extérieure nord
213 Il s’agit de la planche de détail représentant l’ordonnance du rez-de-chaussée intitulée « L’ordre de l’architecture
du premier étage du costé des salles dans la court du Louvre ». Sur l’élévation générale, le motif n’est pas dessiné,
et aujourd’hui aucune croisée ne comporte d’ornementation sous appui, ni au rez-de-chaussée ni aux étages.
156
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
d’Écouen, des tables à angles rentrants, sans consoles, garnissent les pleins-de-travée,
entre les fenêtres du deuxième et du troisième étage ; la table est fouillée et les
échancrures sont garnies d’une rosace [T. II, ill. 445].
La table à deux angles rentrants inscrite entre consoles est fréquente au XVIe siècle ;
à la Tour d’Aigues, au rez-de-chaussée des pavillons (1550–1558) [T. II, ill. 1174–1186]
la table soulignée d’une mouluration et les consoles plates et cannelées sont identiques à
celles du dessin de Du Cerceau pour le Louvre (fig. ci-dessous) 214
Louvre, fenêtre du rez-de-chaussée,
détail d’après J. A. Du Cerceau, 1576,
tables sous appui à angles incurvés entre consoles
La Tour d’Aigues, pavillon sud-ouest (1550-1558)
fenêtre du rez-de-chaussée.
Le motif se retrouve sur le ressaut des pleins-de-travées à Tourlaville (1562–1563)
[fig. ci-dessous et T. II, ill. 42], avec une petite échancrure supplémentaire entre des
consoles en forme de pilastres légèrement renflés ; une table échancrée entre consoles
plates est employé au Pailly (1563–1570 ou 1573) en dessous d’une table au rez-dechaussée de l’aile ouest sur cour [fig. ci-dessous et T. II, ill. 329–334]
Le Pailly (1563–1570 ou 1573),
Tourlaville (1562–1563), table sous appui.
table sous appui, rez-de-chaussée de l’aile ouest.
214 Le pavillon sud ouest est à gauche de la façade d’entrée est construit lors d’une première campagne de travaux
entre 1550 et 1558, le second, identique, lors d’une seconde entre 1566 et 1579. Les motifs employés sous les baies
sont donc antérieurs au dessin de Du Cerceau. Par contre, on peut imaginer qu’il se soit inspiré d’un projet
(Babelon, 1989, p. 545-548).
157
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
La table à quatre angles concaves n’est pas employée au XVIe siècle, par contre elle
l’est en abondance au XVIIe siècle, et se rencontre sur des édifices prestigieux comme
sur des bâtiments plus ordinaires. La table, saillante et parfois affleurée, est employée
dans plusieurs types de champs : dans des doubles corps de moulures comme sur le
Pavillon du Roi de Oiron [T. II, ill. 1162], sur les trumeaux comme le montre la façade
d’une maison du premier tiers du XVIIe, rue Saint-Roch à Paris [T. II, ill. 713]. Le motif,
extrêmement fréquent dans la première moitié du XVIIIe siècle, est une forme
« adoucie » de table en panneau [fig. ci-dessous]215.
Uzès, maison au n° 7 rue de la Pélisserie, étages (première moitié du XVIIIe siècle).
On l’emploie aussi dans une ordonnance de pilastres comme à l’hôtel des Trésoriers
de France à Montpellier (1676–1680) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 996-997] ; à NotreDame-des-Tables à Montpellier (1724) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 1036] le motif semble,
plus qu’à l’hôtel des Trésoriers de France, épouser la forme du trumeau sur lequel
empiètent les bases et les chapiteaux.
215 Nous avons illustré quelques exemples dans le tome II : à Bordeaux : maison rue des Argentiers [T. II, ill.
1022] ; à Beaucaire, l’hôtel de Clausonnette [T. II, ill. 1004–1005] ; à Montpellier : hôtels Baschy de Cayla [T. II, ill.
1008], Lamouroux [T. II, ill. 1014], maison place Chabaneau [T. II, ill. 1022] ; à Uzès : maisons rue Jacques d’Uzès
[T. II, ill. 1029], rue de laRépublique [T. II, ill. 1033].
158
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Hôtel des Trésoriers de France à Montpellier (1676–1680)
Notre-Dame-des-Tables à Montpellier (1724)
Le tracé inverse de la crossette, c’est-à-dire lorsque le coin est découpé de manière à
former un angle rentrant droit, semble réservé aux encadrements plutôt qu’aux tables :
deux dessins de cheminées, l’un tiré du Livre d’architecture de Barbet et l’autre de l’Album
Derand, présentent des encadrements de ce type. Les petites tables qui ornent les
parapets au droit des colonnes du châtelet d’entrée d’Anet semblent être les seuls
exemples au XVIe siècle de table à angles rentrants droits [T. II, ill. 274].
Tracés dérivés des volutes et des rinceaux
Sur le soubassement de la façade d’entrée de Saint-Maur (1541) [T. II, ill. 521] De
l’Orme utilise une table échancrée sur ses deux côtés latéraux ; le motif prend une
curieuse allure de « bobine », — forme que prend un encadrement de médaillon dans un
décor de grotesques de la Loge de Raphaël au Vatican. Lescot l’utilise au château de
Vallery (1548– av.1552) pour la table rentrante située dans le double corps de moulures
séparant les deux niveaux de la cour, sous les niches du second niveau [T. II, ill. 92]. Ce
tracé, également employé par Serlio pour une table du Libro estraordinario (fol. 22 v.),
semble issu des enroulements à deux volutes affrontées comme ceux employés au
Louvre ou à Écouen, déjà signalés plus haut : c’est bien l’accessoire décoratif qui a évolué
en tracé.
L’accolade est un tracé issu des rinceaux affrontés, comme au palais Massimo où les
encadrements fenêtres de la mezzanine s’incurvent en accolade rentrante au sommet et
à la base, saillante sur les petits côtés [fig. ci-dessous et T. II, ill. 1264]. Les tables qui
ornent le socle du monument au cœur de François 1er à Saint-Denis portent un
encadrement en méplat fort semblable à ce motif. À Anet, sur le parapet du pavillon
159
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
d’entrée, des tables comportent des découpes complexes, formées d’accolades et de
petites crossettes alternées [T. II, ill. 277].
Palais Massimo (Peruzzi, 1534) mezzanine, encadrement à accolades.
Sur le premier projet de Verneuil, des accolades découpent les petits côtés des tables
du second niveau : elles sont, avec leurs bouquets de feuillage, les variantes féminines
des motifs martiaux de l’étage à crossettes droites, casques et mufles de lions. Elles
répondent à l’ordonnance corinthienne du corps d’entrée où des niches ornées de statues
de nymphes sont accompagnées de petites tables à découpe en accolade et à deux petites
volutes affrontées [fig. ci-dessous et T. II, ill. 1127–1129] ; le même petit motif apparaît
à Charleval [T. II, ill. 383–387], pour les tables situées au-dessus des niches d’une façade
de la basse-cour.
Verneuil, premier projet, tables à accolades du rez-de-chaussée des pavillons et du mur d’entrée.
Entre crossettes, le motif donne lieu à de nombreuses variations : avec des découpes
très accentuées à Champlitte (entre 1570 et 1577) [T. II, ill. 371] sous les appuis de
fenêtres du premier niveau, à Montceaux (1597–1622) [T. II, ill. 628] sous les niches du
pavillon de l’entrée [T. II, ill. 626–631]. D’autres accolades se relèvent pour former des
volutes comme à Saint-Gervais-Saint-Protais (1615–1621) [T. II, ill. 735].
160
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Église Saint-Gervais-Saint-Protais, Salomon de Brosse (1615–1621), table à crossettes.
Tables incurvées et tables triangulaires
La table, lorsqu’elle orne un trumeau ou une allège, présente naturellement une
forme carrée ou rectangulaire comme le champ dans lequel elle s’inscrit. Dans les
frontons, comme dans les écoinçons, la table prend d’autres formes. Serlio donne un
exemple de table incurvée au Livre IV : au-dessus de l’arc central d’une porte
corinthienne, deux tables situées de part et d’autre d’une clef épousent la forme de l’arc.
Il emploie encore la forme au Livre VI (Avery, planche XXV). La forme apparaît sur
tympan de la porte du pavillon de l’Officialité à Auxerre qui lui est attribué (v. 1550)
[T. II, ill. 79-80].
Les pointes des tympans entre le rampant et la corniche inférieure des frontons
offrent des champs triangulaires très aigus qui ne peuvent contenir qu’une table de même
forme. Le motif apparaît au XVIe siècle : dans l’avant-cour de Fleury-en-Bière (v. 1555),
les frontons sont ornés de tables triangulaires incurvées [T. II, ill. 460].
Au XVIIe siècle, l’usage de la table saillante à la place de la sculpture pour meubler
un tympan ou un écoinçon est un procédé courant. À Beaumesnil (1633–1640) les côtés
de la table triangulaire ornant les ressauts latéraux du fronton brisé s’incurvent selon la
courbure du rampant [T. II, ill. 397]. Les dessins pour la façade du collège des Jésuites à
Blois (1624) [T. II, ill. 321] pour l’église de collège de Vienne (1re moitié du XVIIe s.)
[T. II, ill. 1216] sont des exemples de l’emploi de tables triangulaires dans les pointes du
fronton. Dans ce champ difficile à meubler d’autres formes ont été employées, ainsi qu’à
Vizille (1611–1624), un bossage triangulaire [T. II, ill. 1213]
Sur les ailerons formant amortissement entre deux étages, on trouve deux types de
tables. À la Porte du Baptistère de Fontainebleau (1601–1606), le compartiment inférieur
est orné d’une table rectangulaire [T. II, ill. 588–589] comme sur un projet attribué à
161
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Lemercier pour la façade de Sainte-Geneviève à Paris (1625) [T. II, ill. 741]. Au Noviciat
des Jésuites (1628–1642) [T. II, ill. 732], comme sur le projet anonyme pour SainteGeneviève (1625) [T. II, ill. 739], et jusqu’au XVIIIe siècle, comme à Notre-Dame des
Victoires (1737–1740) la table occupe tout le champ de l’aileron [T. II, ill. 952]
Dans les tympans des arcs et dans les écoinçons, prennent place des formes
triangulaires incurvées. Au collège des Quatre Nations (1662–1674) [T. II, ill. 831–836],
deux tables triangulaires incurvées accostent un oculus dans le tympan des arcs
[T. II, ill.]. Sur la porte royale de Chambord (1681–1685) des tables triangulaires
incurvées prennent place dans l’écoinçon de l’arc [T. II, ill. 323].
Lorsque le champ situé au-dessus de la baie est plus haut, une grande table peut s’y
inscrire, en épousant le tracé de l’arc : on en trouve un exemple à l’église Sainte-Élisabeth
à Paris (ap. 1640), au-dessus d’une niche [T. II, ill. 894]. Ces formes qui permettent de
rehausser le mur avec simplicité seront employées au XVIIIe siècle, comme à l’Oratoire
du Louvre (1740–1748) [T. II, ill. 955]. À l’orangerie de Coubert (v. 172 ou v.1740), la
surface comprise entre les arcades et le couronnement n’est pas divisée par des membres
verticaux si bien qu’une grande surface en table occupe tout ce champ ; entre les arcs, à
la place de l’écoinçon la surface forme une pointe agrémentée d’un petit hémicycle [fig.
ci-dessous et T. II, ill. 935].
Château de Coubert (vers 1720 ou vers 1740), l’orangerie.
162
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Le jeu des couleurs et des textures
L’effet de table isolée est accentué par l’emploi de matériaux dont la couleur et la
texture contrastent sur le parement du mur. Les contrastes de couleur, liés à l’emploi
d’incrustations de marbres colorés sont transposés en employant d’autres matériaux.
L’incrustation est imitée par des enduits de couleur, comme à Vallery (1548–av. 1562)
[T. II, ill. 88, 92] puis les effets de polychromie sont obtenus par des alternances de
matériaux dans l’appareil du mur lui-même. Dans la pierre, les effets de texture sont
obtenus grâce aux tailles ornementales.
Effets de polychromie : brique, pierre et enduit
Les contrastes entre la brique et la pierre, entre la brique et l’enduit ont été employés
depuis le XVIe siècle, comme à Saint-Jory (1545–1547) où des tables de brique à
chanfrein ornent l’embrasure d’une porte [T. II, ill. 1056–1057] ; mais l’emploi de tables
de brique contrastant sur la pierre ou sur l’enduit, de tables de pierre sur parement de
brique est propre à l’architecture dite « brique et pierre » qui se développe dans la
deuxième moitié du siècle. Le contraste de couleurs trouvera sa formule la plus simple
avec l’emploi de la brique comme à Fleury-en-Bière (v. 1555) où une table de brique
apparaît sur le parement enduit [T. II, ill. 461] ; c’est aussi le cas à Neuville (av. 1559 –
ap. 1582) [T. II, ill. 487–488] au Château de la Mormaire (1617) à Grosrouvre [T. II, ill.
632–633].
Dans l’architectur à chaîne de pierre et remplissage de brique, les effets de contraste
sont inversés : à Verneuil (1560) les tables de pierre ont peut-être été employées sur un
parement de brique ; c’était certainement le cas sur le corps central vers le jardin du
second projet comme l’indique le grisé des gravures de Jacques Androuet du Cerceau.
[T. II, ill. 1127–1129 et 1132–1134]. À Beaumesnil (1633–1640), qui s’en inspire, le
contraste entre la table de pierre et le fond de brique, accompagné d’un relief important
individualise la table fortement [fig. ci-dessous et T. II, ill. 396–404]. À Courson
[T. II, ill. 762–767], le contraste pierre sur brique, met en valeur les découpes des tracés.
163
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Beaumesnil (1633–1640) façade sur les jardins, détail d’un trumeau
Les effets de contraste entre la brique formant le fond et la table de pierre sont repris
sous leur forme inverse avec des tables de brique sur fond de pierre ou d’enduit, pour
distinguer des parties de bâtiment, comme à Hôtel d’Alméras [T. II, ill. 635–637], à
Selles-sur-Cher [T. II, ill. 317–318].
Si les exemples sont plus nombreux entre 1580 et 1630, les effets de polychromie
continueront à être prisés tout au long du XVIIe siècle, comme en témoigne la cour de
marbre à Versailles et ses prolongements par Louis XIV [T. II, ill. 722, 873] et, dans
certaines régions, sans solution de continuité jusqu’au XIXe siècle.
Effets de textures
La table rustique
D’autres contrastes sont obtenus grâce aux tailles rustiques (tailles irrégulières,
piquetées ou ou trouées). Serlio emploie la table rustique pour les portes appartenant à
ce genre au Livre III : sur le couronnement de la porte du fol. 129 r, au-dessus des baies
latérales des portes des fol. 130 r et fol. 135 v. Dans le Libro estraordinario, une porte
toscane comporte une multitude de petites tables rustiques à taille presque frustre,
comme celle des bossages qu’elles côtoient (fol. 3 v), des tables rustiques ornent les
piédestaux des colonnes sur les fol. 4 r, 4 v, 5 v et 15 v, et même les pilastres au fol. 11 r.
164
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
En France, on oppose table rustique sur parement lisse et table lisse sur parement
rustiqué. Ces effets semblent avoir été en vogue à partir de la fin du règne d’Henri II. Au
Pailly (1560–v. 1570), au rez de chaussée de l’avant corps sur cour et dans les frontispoce
d’une lucarne, sont piquetées de trous de trépans. Á l’inverse, des tables lisses contrastent
sur le parement piqueté dans le soubassement et, sur le pavillon d’entrée, une table
fouillée contraste sur le parement à bossages piquetés [T. II, ill. 329– 334]. L’expression
semble être celle de l’architecte, Nicolas Ribonnier, auquel on attribue la construction du
châtelet d’entrée de Tanlay (1568–v. 1578) où, au revers, les tables lisses se détachent sur
un parement piqueté [T. II, ill. 119–120]. On retrouve les mêmes effets dans la région
proche : sur le pavillon de Joigny construit dans les années 1570, des tables lisses
contrastent sur le mur piqueté de petits trous des façades sud et est [T. II, ill. 105–107]
Sur la façade sud du logis, refaite au début du XVIIe, le contraste est inversé puisque les
éléments principaux du décor, chaînes de bossages et tables piquetées, apparaissent sur
le mur lisse [T. II, ill. 130].
Ces jeux de contrastes de textures, presque « picturaux », qu’on retrouve encore à
Azay-le-Ferron (pavillon de Breteuil, 1638) [T. II, ill. 286] seront peu employés par la
suite sur les façades.
Si la table rustique reste dans le répertoire, on en fait un usage limité à l’architecture
des jardins, comme l’écrit d’Aviler : « Table rustique. Table qui est piquée et dont le
parement semble brut. Il y a de ces tables aux grottes et aux bâtiments rustiques. » Avaitil à l’esprit les grottes de Thétis à Versailles, celles de Marly ou même de Rueil (1608) ?
Les gravures montrent bien l’emploi de tables texturées, mais sans qu’on puisse
distinguer le détail de la taille. La table de pierre, qui semble pourtant être un support
privilégié de tailles ornementales, ne donnera pas lieu à de grandes variations au XVIIe
siècle, à part une forme particulière, la table à congélations, employée sur la fontaine
Médicis au jardin du Luxembourg et que nous avons cru distinguer sur une gravure de
Le Pautre représentant la façade de la grotte de Thétis. D’autres variantes de tables
rustiques sont obtenues avec des matériaux bruts comme le silex : à Meudon, des tables
de silex ornent les murs de soutènement des terrasses, les murs du nymphée et de
l’orangerie [T. II, ill. 480–482].
165
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Le jeu sur l’étendue : de la grande table à la table en panneau
La taille relative du motif par rapport au champ qu’elle orne, ses dimensions propres
ne sont pas des critères définissant des types différents ; par contre, ils sont déterminants
de certains effets de la table. Lorsque les tables sont des ornements ponctuels, elles
s’insèrent dans le décor, le complètent sans en modifier la structure générale. Dès que
les formes ne sont plus employées dans des champs étroits, elles peuvent s’étendre
librement dans les deux dimensions de la surface murale, comme Philibert De l’Orme le
fait à Anet sur les trois absides de la chapelle [T. II, ill. 270].
La table de grandes dimensions ne constitue pas un type distinct des petites tables
saillantes, mais elle appartient à un registre expressif particulier : plus les dimensions de
la table augmentent plus l’effet de surface lisse et vide domine et plus elle s’étend sur le
mur, plus elle met en valeur le nu du mur et la beauté du parement, effet d’autant plus
prégnant que la table est du même matériau et qu’elle est à arêtes vives.
Dans le Premier Tome de l’architecture, De l’Orme dessine ainsi des grandes tables sur la
façade de sa « maison à ordre corinthien géant » (VIII, 17, fol. 252 v) et des grandes
tables affleurées au premier niveau sa maison (VIII, 17, fol. 255 r) ; Jean Bullant et
Jacques Androuet Du Cerceau emploient de grandes tables sur les trumeaux, mais ce
nouvel usage de la table semble déjà induit par Sebastiano Serlio. Dans le Libro quarto,
celui-ci dessine à plusieurs reprises de grandes surfaces décoratives sur les trumeaux
(Livre IV, fol. 153 r [fig. ci-dessous], 156 r), sur une mezzanine (Livre IV, fol. 166 v [fig.
ci-dessous]), un attique (Livre IV, fol. 174 v) sur un frontispice de couronnement
(Livre IV, fol 155 r)216. Sur le folio 153 r, de grandes surfaces s’étendent de chambranle
à chambranle, sur toute la hauteur des baies. Ces « espaces » explicitement destinés à
recevoir des peintures ne sont pas des tables217. Mais c’est ainsi que les Français les
interprètent, comme tous les autres ornements que Serlio exprime par des surfaces
blanches et vides218.
216 Il y un exemple de grande table au Livre V (fol. 218r.) Ils sont particulièrement nombreux au Livre VII : fol. 15
r., 23 r., 25 r., 27 r., 33 r., 45 r., 49 r., 53 r., 187 r. et 221 r. (Voir Tome III, « L’ornement du mur dans les Livres de
Sebastiano Serlio ») Nous avons également relevé plusieurs exemples au Livre VI (non reproduits)
217 « i spatii fra le finestre, che restano bianchi, son riservati per le pitture ad arbitrio dell’Architetto, & a volonta
del padrone della casa ». (Serlio, Livre IV, fol 152v)
218 Les Italiens emploient d’ailleurs peu la table saillante. Il y cependant quelques exemples au XVIe siècle. Sur le
portique de la terrasse haute du Belvédère au Vatican (1559-1563), Pirro Ligorrio emploie des grandes tables
enchâssées dans des tables rentrantes sur l’attique.
166
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Serlio, Livre IV, fol. 153 r.
Serlio, Livre IV, fol. 166 v.
Fère-en-Tardenois est, à notre connaissance, le plus ancien exemple bâti d’emploi de
grandes tables sur le trumeau [fig. ci-dessous et T. II, ill. 1120–1123]. Jean Bullant s’est
visiblement inspiré de la façade d’ordre dorique du Livre IV de Serlio (fol. 153 r.) ; un
détail l’indique : les tables portent un petit amortissement très similaire à ceux du piano
nobile du modèle de Serlio [fig. ci-dessous]. Dans la pierre, la table apparaît grâce à des
traits de lumière et d’ombre. Les tables de Fère ne sont néanmoins pas des formes tout
à fait abstraites puisque leur petit amortissement, qui fait pendant à la table couronnée
surmontant la niche centrale, les « triomphalise ».
Château de Fère-en-Tardenois,
Serlio, Livre IV, fol. 153 r. détail
(J. Bullant, ap. 1552, av. 1562), grandes tables au second niveau du pont-galerie.
167
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Ce qui pourrait passer pour des détails sans importance dans l’œuvre dessinée et
gravée de Serlio, n’échappe pas à l’œil de l’ornemaniste qu’est Jacques Androuet Du
Cerceau : tous ses Livres d’architecture abondent en tables saillantes de grandes
dimensions219. Dès le premier Livre, auquel Du Cerceau travaille au milieu des années
1550, plusieurs modèles comportent de grands motifs sur les trumeaux : une grande table
à hémicycles sur le modèle III et des tables rectangulaires sur les modèles IV et XXV220.
Les exemples de tables de grandes dimensions employées sur les trumeaux sont
nombreux au XVIIe siècle et au XVIIIe siècle ; nous aurons l’occasion d’y revenir dans
notre troisième partie, car elles jouent un rôle structurant majeur dans les ordonnances.
Jacques Androuet Du Cerceau, 1559, détail de la planche XXV.
La table en panneau : l’encadrement « négatif »
Dans un panneau de mur circonscrit par des pilastres et des corps de moulures
horizontaux ou tout autre élément de modénature, une table peut s’étendre de manière
à ne laisser paraître autour d’elle qu’une étroite bande ou un canal. La « table en
panneau » — forme de table saillante aux propriétés singulières — est un motif en soi.
Avant d’examiner les différentes formes de table en panneau, il nous faut définir ce
qu’est la figure particulière du panneau. Le panneau est une partie de mur circonscrite
par des éléments verticaux et horizontaux. Nous appelons panneaux ces espaces limités
sur le mur par analogie avec le vocabulaire de la menuiserie : le panneau est la surface
219 Nous avons reproduit touts les modèles des premiers Livre d’architecture (1559) et du second (1582) qui
comportent des tables dans notre analyse des « Ordonnances de Jacques Androuet Du Cerceau » dans notre Tome
III, partie III.
220 Les dessins préparatoires du recueil Mansfeld sont datables de ces années-là, comme nous l’a précisé Jean
Guillaume. Selon Jean-Pierre Babelon, Chantilly, est construit entre 1557 et 1559 et la construction de Fère s’est
probablement échelonnée entre 1557 et la fin de 1559, date d’un marché de couverture (Babelon, 1989, p. 446).
Selon Jean Guillaume, que nous remercions pour ces indications, Fère est datable au plus tôt de 1552 et est achevé
avant 1562.
168
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
formée d’une ou de plusieurs planches assemblées, maintenue dans un cadre formé par
des pièces de bois. C’est le terme qu’emploie D’Aviler pour les remplissages dans son
Cours : « La maçonnerie de brique apparente, se fait de deux manières, ou en construisant
ses piédroits & saillies de pierre & ses panneaux de briques ; ou ses saillies de brique &
les panneaux de moellon couverts d’un crépi. »221. Le terme désigne la même chose au
XVIIIe siècle222 ; il en est ainsi des « panneaux de moellons couverts de crépi »
apparaissant entre des saillies de briques chez J.-F. Blondel223.
Le mur circonscrit par les membres du décor a, en France, un statut particulier. S’il
est le produit d’une manière de construire il est aussi une forme ornementale. Dans les
constructions mixtes* brique et pierre, ou brique et enduit, l’armature forme un cadre
dans lequel s’insère une maçonnerie plus légère : remplissage de brique dans les murs à
chaînes de pierre, remplissage de moellon enduit dans les murs à chaînes de brique,
hourdis dans les colombages du pan-de-bois224. L’effet decoratif tient alors au contraste
de matériaux et à la forme des éléments qui le limitent verticalement — chaînes ou
jambes, et horizontalement — cordons-larmiers. Dans la pierre de taille, l’équivalent
décoratif, formel, du remplissage d’une structure à ossature est le pan de mur limité en
parement par une membrure ornementale : pilastres, ou bandes verticales, larmiers ou
corps de moulures horizontales.
La forme strucurale du panneau est donc une figure fermée definie par des élements
linéaires qui en constituent l’armature visuelle. Il est indifférent que cette armature soit
constituée par des moulures ou par une ordonnance de pilastres (Planche VI, fig ; 1 et 2
p. suivante). La seule condition est que cette armature soit liée au mur : la colonne,
lorsqu’elle est détachée de la paroi, ne divise pas le mur sauf lorsqu’un pilastre lui
correspond. Les éléments qui encadrent le panneau font saillie sur le nu du mur (Planche
VI, p. suivante fig. 1, 2a, 2 c). Ces éléments peuvent ne pas faire saillie sur le mur, dès
lors le panneau n’apparaît que par une différence de matériaux (Planche VI, fig. 2b).
Lorsqu’un panneau est en léger renfoncement par rapport au nu du mur, les éléments
qui le limitent masquent les différences de nus (Planche VI, fig. 2c).
221 D’Aviler, Cours, 1691, p. 337. Voir la retranscription du chapitre sur les compartiments en Annexe VI. Ibid,
Dictionnaire, 1693, 1720.
222 Le panneau a encore d’autres acceptions proches au XVIIe siècle. Le panneau de borne désigne les verres
assemblés au plomb et maintenus dans un châssis par des plombs, selon la technique du vitrail. On a longtemps
préféré le terme de panneau, plutôt que pan pour désigner la surface plane d’une pierre (de D’Aviler à Viollet-leDuc).
223 J.-Fr. Blondel, Cours d’architecture, 1771, tome I, p. 9.
224 Le hourdis désigne le petit pan de maçonnerie formant le remplissage entre les pièces de charpente.
169
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Planche VI. Le panneau.
170
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
D’Aviler a identifié plusieurs manières d’orner ce panneau : « Panneau de
maçonnerie. C’est entre les pièces d’un pan de bois ou d’une cloison, la maçonnerie
enduite d’après les poteaux. C’est aussi dans les ravalements des murs de maçonnerie,
toute table qui est entre des naissances, plates-bandes et cadres. »225 D’Aviler confond le
mur, les tables et les encadrements qui l’ornent, mais cette confusion s’explique. Le
panneau tient sa qualité décorative de sa matière même, mais aussi de la manière dont
sont traités ses bords : comme tout champ fermé, le panneau engendre une
ornementation définie par l’effet de cadre. La table en panneau est une surface qui
s’étend dans ce champ de manière à en épouser exactement le contour : elle a ainsi la
propriété de faire apparaître des moulures creuses : l’espace continu et de largeur
constante qui entoure la table est solidaire de la surface qu’elle engendre ; il est en quelque
sorte l’équivalent, en négatif, de l’encadrement226. Jacques-François Blondel a bien défini
la fonction de cet espace, c’est un « repos » qui articule les membres :
« des repos et des intervalles [sont] nécessaires pour séparer les divers membres
d’architecture et les faire valoir les uns par rapport aux autres, sans être obligé de recourir à
la prodigalité des moulures et des ornements. On peut dire que les champs sont en
architecture, ce que sont dans la lecture les divers repos qu’on est obligé de garder,
relativement aux points et autres signes de la ponctuation » 227.
Les moulures creuses ménagées sur le pourtour du panneau ont aussi une fonction
pratique : dans la pierre de taille, elles permettent de ravaler le parement sans
endommager les ornements. Sur les murs enduits, elles permettent de faire un raccord
propre entre l’enduit et les saillies des jambes. C’est ce qu’explique d’Aviler228. Mais ce
qui pourrait passer pour une simple technique de maçon est utilisé en vue d’un effet
décoratif. Dans la pierre de taille, il suffit de creuser un canal sur la surface du mur.
Lorsque ce canal est étroit, il est une sorte de joint creux qui limite la table d’un trait
d’ombre. C’est la technique employée sur les parements de l’hôtel Lamouroux-Fourques
à Montpellier [fig. ci-dessous et T. II, ill. 1016–1018]. Au contraire, plus le canal s’élargit,
plus la table semble isolée sur le mur.
225 D’Aviler, Dictionnaire, 1693, p. 264.
226 Il existe en menuiserie une forme similaire, le « panneau à plate-bande » : c’est dans un châssis un panneau dont
le pourtour est démaigri en plate-bande pour venir s’encastrer dans une rainure d’embrèvement ; l’expression qui
est encore aujourd’hui employée par les menuisiers désigne ainsi l’ensemble formé par la table en saillie et la platebande en retrait. A l’inverse, un panneau mince peut être entouré d’un cadre plus épais, formant une mouluration
d’encadrement.
227 J.-Fr. Blondel, Cours d’architecture, 1771, tome I, chapitre III, p. 320-321. Voir transcription en Annexe VI : Les
champs.
228 « Les murs de moilons peuvent être proprement recouverts de tables de crépis ou d’enduit de mortier ou de
plâtre renfermez par des corps ou par des naissances badigeonnées » D’Aviler, Cours, 1691, Les compartiments,
p. 337. Le ménagement de ces naissances se pratique lors du ravalament c’est-à-dire de la finition, comme d’Aviler
l’explique aussi dans son Dictionnaire : « Ravaler. C’est faire un enduit sur un mur de moilons, & y observer des
champs, des naissances, & des tables de plâtre ou de crépi. D’Aviler, Dictionnaire, 1755, p. 316.
171
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Tables en panneau affleurées, Montpellier, hôtel Lamouroux–Fourques (1721)
Dans ce jeu de reliefs et de contre-reliefs, plusieurs lectures sont possibles puisque
la position du nu de référence est indéterminée : soit la table en panneau semble faire
saillie sur un fond, soit le mur-même semble encadré par une moulure creuse (fig. 1,
planche VII, p. suivante). Théoriquement, la table en panneau pourrait être fouillée
jusqu’au nu du mur ; (fig. 2, planche VII). La mouluration saillante redouble
l’encadrement et annule l’effet de table si l’on ne perçoit pas de différences de nus: la
forme est alors un cadre. Enfin si le cadre est accolé à la membrure, il n’y a plus effet de
table mais encadrement du panneau. Il ne peut y avoir de table en panneau rentrante ;
soit le panneau fait retrait soit il s’entoure d’une moulure laissée en réserve et l’on ne
peut considérer que la table fait retrait par rapport à ce nu : la mouluration fait saillie sur
le nu du panneau en encadrant le mur lui-même. Le cadre, séparé des membres qui
circonscrivent le panneau et l’encadrement qui leur est joint sont deux formes limites de
la table en panneau ; ils appartiennent à une autre catégorie d’ornements que nous
étudierons plus loin. Tous ces effets sont exploités dans les ordonnances françaises,
comme nous le verrons dans notre dernière partie. Nous examinons ci-après les formes
les plus remarquables employées en France et l’origine de ces motifs.
172
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Planche VII. La table en panneau affleurée et la table en panneau fouillée
173
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
La table en panneau existe dans le répertoire italien du XVIe siècle. Dans la cour de
la Villa Imperiale à Pesaro (Girolamo Genga, 1521–1540) les piles et les écoinçons du
rez-de-chaussée sont soulignés par une plate-bande et une autre bande en retrait limitant
une table saillante229. Le motif est dessiné à plusieurs reprises par Serlio, qui a
certainement contribué à sa large diffusion en France230.
Serlio, Livre IV, fol 156 r. Serlio, Livre IV, fol. 155 r.
Sur l’élévation du Livre IV, fol. 156 r, les deux niveaux sur soubassement sont divisés
en deux registres par un bandeau correspondant à la traverse de la serlienne centrale ; le
plein séparant les fenêtres latérales est ainsi divisé en deux compartiments superposés,
chacun orné d’une table en panneau entourée sur la gravure d’un cerne noir231 ; la forme
229 Bandes et plates-bandes forment ainsi une sorte d’ordonnance abstraite sous l’étage orné d’un ordre de pilastres
ioniques.
230 Les deux exemples du livre IV sont des maisons vénitiennes, le motif existe au XVIe siècle (palais Tiepolo a
Sant’Aponal G. degli Grigi, v. 1560), Sansovino emploie un grand cadre à San Zulian, Palladio une grande table à
San Giorgio Maggiore et des grands cadres à San Francesco della Vigna. Au XVIIe siècle, les exemples de grandes
tables et de tables en panneau, parfois très individualisées par une forte saillie et une mouluration, abondent ; dans
l’œuvre de Baldassare Longhena : palais Giustinian-Lolin (1623-1625), Flangini à San Geremia (1660-1680), Scuola
di San Nicolo (1678-1680) ; sur la synagogue du Ghetto Vecchio (1683-1700), Scuola del SS. Crocefisso, et sur
d’autres palais contemporains : Battaglia, Contarini dal Zaffo, Capello Malipiero à San Samuele. Voir les illustrations
du tome II: Italie, Venise, Palais du XVIIe siècle.
231 L’ornementation du fol 156 r. semble être une transposition en relief de la façade de l’aile est du Palais des
Doges, sur le Rio ; quant aux dessus de fenêtres ornés d’un grand motif circulaire ressemblent fort à ceux de la
Zecca à Rome, où il n’y a pas de tables.
174
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
est également employée sur le fol. 155, dans le frontispice de couronnement ; on la
retrouve au Livre VI et au livre VII232.
La table en panneau apparaît en France au Petit Château de Chantilly (fig. ci-dessous
et T. II, ill. 1557–1559) au revers du châtelet d’entrée et sur la façade extérieure du corps
de logis, comme le montrent les façades actuelles et les gravures de Du Cerceau [T. II, ill.
1115–1118]. Sur la gravure représentant le revers du châtelet d’entrée, des tables en
panneaux sont dessinées sur la partie gauche, aveugle, de la façade et dans le
soubassement ; sur la façade actuelle, percée d’une fenêtre à la place du pilastre central,
une table en très faible relief a été retaillée sur le panneau de droite, mais il n’y en a pas
sur le panneau de gauche. Bien que la façade extérieure du corps de logis ait été remaniée
au XIXe siècle, des tables ont été retaillées sur les trumeaux ; entre les lucarnes elles sont
vraisemblablement d’origine. Sur les gravures, la saillie de la table est indiquée par deux
traits d’ombre, mais Du Cerceau accentue l’effet d’encadrement négatif par le grisé qui
forme un cerne continu autour de la table233.
Petit Château de Chantilly, Jean Bullant (1557–1559), revers du châtelet d’entrée et façade extérieure du corps de
logis, détails d’après J. A. Du Cerceau, 1579.
Les exemples restent peu nombreux entre 1550 et 1560. Seul Jacques Androuet Du
Cerceau emploie le motif en abondance. Sur les deux projets de Verneuil, gravés par
232Serlio dessine une ordonnance proche de la Villa Imperiale dans son Livre VI (planche XXV du manuscrit,
Avery Library of Columbia University, dans Serlio, On Domestic Architecture, 1978) et sur la planche LXVI des tables
en panneaux s’inscrivent entre chambranles et corps de moulures horizontaux ; deux planches du Livre VII
comportent des tables en panneau (fol. 23 r. et 53 r.). Ces planches sont reproduites dans notre Annexe III,
« L’ornement du mur dans les Livres de Sebastiano Serlio »
233 Du Cerceau rehausse parfois les formes d’un cerne noir ou d’un grisé, comme sur l’élévation de l’aile de la belle
Cheminée à Fontainebleau, entre les pilastres abstraits du rez-de-chaussée, alors le dessin de François d’Orbay
(1675) n’en montre pas, conformément à la façade actuelle.
175
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Androuet Du Cerceau dans Les plus excellents bâtiments de France, et qu’il semble raisonnable
de lui attribuer, des tables en panneau ornent tous les trumeaux234.
Verneuil II, façade d’entrée, d’après les Plus excellents bâtiments de France
de Jacques Androuet Du Cerceau (1576).
Sur le premier projet, elles s’inscrivent entre les chaînes d’angle et les chambranles
au premier et au second niveau. Ces tables s’enrichissent d’une seconde table verticale
dont le sommet et la base sont garnis de motifs décoratifs : le jeu ici est double sur le
mur, la première table anime le parement, alors que la seconde est « décorative » ; l’une
est support, l’autre est le motif en applique qui l’enrichit. Sur le dernier niveau en retrait,
les tables sont nues [T. II, ill. 1127–1128].
Sur le second projet, tous les trumeaux sont garnis de grandes surfaces lisses dénuées
d’ornements qui s’inscrivent parfaitement dans tout l’espace disponible entre les corps
de moulures horizontaux, les encadrements de fenêtres et les chaînes d’angle. Alors que
les grandes tables du premier projet sont très individualisées par leurs ornements, les
tables du second projet sont, au contraire, abstraites ; leur effet décoratif tient à l’une des
propriétés de la table saillante, l’effet de surface : le vide et la nudité de la table capte le
regard et le jeu de relief et de contre-relief fait surgir de l’ombre les surfaces qui prennent
la pleine lumière [T. II, ill. 1132–1135].
234 Du Cerceau travaille pour Verneuil à la fin des années 1550, et élabore un premier projet dont on a qu’un
plan (au Vatican) ; le projet que nous désignons par Verneuil I, gravé par Du Cerceau dans Les Plus excellents
bastiments de France serait une deuxième version, effectuée à la demande de Boulainvilliers. Mis à part l’élévation de
la galerie qui était construite lorsque le duc de Nemours achète le château, trois gravures des Plus excellents bâtiments
de France correspondent au projet réalisé pour le duc de Nemours à partir de 1575 (Verneuil II). Cf. Coope, 1972,
pp. 26-27. Les travaux de Verneuil ont été commencés en 1559 selon Jean Guillaume, ou à l’été 1560 selon
Françoise Boudon. Le point sur la question a été fait par Françoise Boudon et Claude Mignot dans Jacques Androuet
Du Cerceau. Les dessins des plus excellents bâtiments de France, Paris, Picard, 2010, pp. 106-114.
176
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Verneuil II, détail de la façade sur jardin, d’après les Plus excellents bâtiments de France
de Jacques Androuet Du Cerceau (1576).
Le XVIIe siècle exploite les effets, propres à la table en panneau. Dans la pierre de
taille, la table en panneau met en valeur la qualité d’un parement, souligne les lignes de
composition de la façade, et anime le mur d’effets de « feuilleté » : en jouant sur les nus,
la table en panneau permet de révéler différents plans du mur.
La forme est particulièrement fréquente dans le premier tiers du XVIIe siècle. Elle a
intéressé le petit-fils de Du Cerceau, Salomon de Brosse, puisqu’on trouve un dessin de
l’élévation de Verneuil dans l’album de Charles Du Ry, son collaborateur235 [T. II, ill.
1135]. Salomon de Brosse emploie des tables en panneau à Blérancourt (1612), sur le
portail de l’avant-cour, entre chaînes d’angle et baies et sur les façades du corps de logis
comme en témoigne une gravure d’Israël Silvestre236 [T. II, ill. 1136, 1144].
Lorsque les tables s’inscrivent dans des compartiments réguliers, le canal qui les
entoure semble encadrer le mur ; de la sorte il articule le mur et les membres du décor.
L’effet de surface et de continuité du mur est pleinement réalisé à Tanlay (1642–1649)
[T. II, ill. 146–152] grâce au faible relief de la modénature et des tables. La table en
panneau peut être séparée de son cadre par un très mince canal comme à La Rallière
(1630–1640) [fig. p. suivante et T. II, ill. 307–311] où la table affleure avec les moulures
plates des chambranles et des bandeaux horizontaux, en soulignant discrètement le
compartimentage de la façade. Au contraire, sur les façades des Grandes Écuries de
Versailles, le motif est plus individualisé par la très large plate-bande qui l’entoure [fig. p.
suivante T. II, ill. 879–881].
235 Album RF 5946, fol. 14 r., Louvre, Cabinet des dessins. Le dessin est reproduit dans notre tome II.
236 Démoli à la Révolution. Il ne reste en place que les pavillons d’angle de la cour et le portail.
177
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
La Rallière (1630–1640), façade antérieure, détail du premier étage, photographie de Jean Guillaume.
Versailles, Grandes écuries, Jules Hardouin-Mansart (1679–1682), détail de la façade sur cour de l’aile gauche.
178
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Dans l’enduit, la bande ménagée sur le pourtour du panneau peut faire apparaître
une table, si celui-ci est épais237. Les surfaces crépies qui ne se distinguent que par un
contraste de texture sont des fausses-tables puisqu’elles sont en très faible relief ou ne
présentent aucun relief238. Ces panneaux crépis sont employés dans l’architecture de
brique et moellon enduit ou de pierre et moellon enduit pendant tout le XVIIe siècle :
Dampierre [T. II, ill. 903–908] est, à la fin du siècle, un exemple de l’emploi de cet effet
décoratif extrêmement simple. Le mur du portail d’entrée de l’hôtel de Rohan à Paris, en
est un autre. Quasiment tout le vocabulaire du mur du classicisme français y est
représenté : fausse-tables, encadrements, bossages à refends et table.
Paris, hôtel de Rohan, Alexis Delamair, 1705-1708, mur d’entrée.
237 Dans sa définition de la table de crépi, d’Aviler confond encore le panneau, et les tables : « TABLE DE CRÉPI .
Panneau de crépi entouré de naissances badigeonnées, dans les murs de face les plus simples ; et de piédroits,
montans, ou pilastres & bordures de pierre, dans les plus riches », Ibid., 1693, p. 338-339.
238 Le terme registre est employé dans le dictionnaire de l’Inventaire pour désigner la fausse-table ou table de
crépi, mais ne nous semble pas assez spécifique de cette forme particulière : « La fausse-table est un registre
dessiné sur un mur ou sur un enduit par des effets de matériaux ou à la peinture ». J.-M. Pérouse de Montclos
(dir.), Vocabulaire, 1972, p. 52.
179
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
LES NUS DU MUR
Sur le parement, des petits ressauts ou des petits retraits peuvent faire apparaître des
surfaces en saillie ou en creux. Ces surfaces, que par synecdoque nous nommons ressauts
ou retraits sont partiellement limitées par des éléments du décor : avant-corps, moulures
ou pilastres. Ces formes, distinctes de la table, puisqu’elles ne sont pas des surfaces
autonomes ont pour principale fonction d’articuler différents plans du mur ou de lier
des éléments du décor. Si leurs effets décoratifs sont proches de la table en raison de leur
faible relief, ils sont plus limités ; ils ne se prêtent ni aux jeux de tracés ni aux jeux
d’encadrement propres à la table. Ils jouent essentiellement sur des différences de nus.
Ressauts et retraits
Une arête visible et au plus trois suffisent à définir un ressaut ou un retrait. Ils
peuvent avoir la hauteur d’un étage, d’un trumeau, et peuvent être placés dans les doubles
corps de moulures horizontaux entre les niveaux de la façade. Le ressaut décoratif se
distingue ainsi de l’avant-corps, pan de mur qui monte de fond sur toute la hauteur d’une
élévation ; comme nous l’avons vu, il s’agit d’une avancée du mur et non d’une surface
en parement (voir notre Introduction, Principe structutral du mur, Planche 1, fig. 1) ;
ainsi, l’avant-corps s’accompagne généralement d’un ressaut de l’entablement ou des
corps de moulures séparant les niveaux ou formant couronnement* [Planche 1 fig. 2]
alors que le ressaut décoratif, en faible relief, peut ne pas s’accompagner d’un ressaut des
corps de moulures qui le limitent.
Ressaut ou retraits qui apparaissent entre des corps de moulures ou dans dans un
panneau encadré par des moulures ou par des pilatres et des larmiers sont des formes
proches de la table. Il faut donc déterminer leurs formes limites illustrées sur les
planches VIII et IX pages suivantes.
Entre deux corps de moulures (planche VIII, fig. 1) ou dans un panneau
(planche VIII, fig. 1), une surface en saillie peut être limitée par un ou deux ressauts. Si
elle excède le nu des éléments qui limitent le panneau, quatre arêtes sont visibles,
définissant ainsi une table (planche VIII, fig. 3). De même, il y a effet de table si le
panneau entier fait saillie par rapport au nu des éléments qui encadrent ce panneau
(planche VIII, fig. 4) ; il s’agit d’une forme particulière de table en panneau ; elle définit
un nu par rapport auquel les membres du décor font retrait. Enfin, il y également effet
de table, lorsque trois côtés du ressaut sont visibles : il forme alors une demi-table en
panneau (Planche VIII, fig. 5).
180
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Planche VIII. Ressauts et effets de table.
181
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Le retrait, forme inverse du ressaut décoratif, est toujours défini dans le nu du mur
par un et au plus trois ressauts apparents (planche IX, fig. 1) Un pan limité par trois
ressauts doit être bordé par un membre: c’est son cas limite, car le retrait ne peut pas être
isolé, sinon il forme table rentrante.
Dans un panneau, la surface en retrait peut être limitée par deux bandes verticales
mais lorsque ces bandes sont très étroites elles semblent saillir sur un fond (planche IX,
fig. 2) ces bandes sont alors des formes proches du dosseret.
Un panneau peut faire retrait par rapport au nu de la façade (planche IX, fig. 3) mais
il faut que les différences de nus soient très importantes pour qu’on lise un panneau
rentrant, il devient alors une fausse ouverture, sorte de grande niche à fond plat.
Planche IX. Le retrait.
182
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Jeux de ressauts
Sur les trumeaux, tables et ressauts, ont parfois été employés sur un même édifice
l’apparition de ces formes est d’ailleurs simultanée dans l’histoire. La différence entre
tables et ressauts est apparemment minime et l’on joue de cette proximité formelle.
Quelques exemples le prouvent. Dans la cour du château de Vallery (1548–1569), un
ressaut fait saillie à tous les registres de la façade, sans ressaut des corps de moulures ;
encadré de chaînes, comme la travée de fenêtres, il est le support des ornements en table
[fig. ci-dessous et T. II, ill. 88, 92–90]. Cependant, en très faible relief, comme un
panneau léger plaqué sur le mur, il ressemble beaucoup aux grandes tables ; d’ailleurs,
Androuet Du Cerceau a confondu les deux formes : sur la gravure représentant la cour
de Vallery dans les Plus excellents bâtiments de France, il transforme le ressaut en une grande
table.
Vallery, Pierre Lescot (1548–1569) aile gauche, rez-de-chaussée sur cour,
détail de l’aile gauche d’après Jacques Androuet Du Cerceau, 1576 : le ressaut est transformé en table.
À Fère-en-Tardenois (1552–av. 1562) un ressaut garnit le centre des trumeaux, sur
la galerie haute et se prolonge en dessous sur la galerie basse. Ces deux ressauts mis en
liaison sont le support d’ornements ; en haut, le ressaut de même épaisseur que les deux
grandes tables qui l’accostent, se creuse d’une niche et est orné de tables ; en dessous, le
ressaut est garni d’une inscrutation de schiste [T. II, ill. 1120–1124].
Sur d’autres édifices, le ressaut est pleinement utilisé pour sa fonction d’articulation
du mur. Ainsi, à l’hôtel de Ligneris (Carnavalet) au rez-de-chaussée de l’aile droite sur
sur cour, les arcades s’ouvrent dans un ressaut placé entre l’imposte et le larmier (fig. cidessous). La même ordonnance est reprise sur l’aile gauche et un autre ressaut, creusé
183
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
d’une table est placé entre la moulure d’appui de la fenêtre et la bande qui limite le niveau
des soupiraux.
Paris, hôtel de Ligneris, rez-de-chaussées de l’aile gauche de l’aile droite sur cour, Pierre Lescot, 1548-1560 (les
étages sont plus tardifs)
Le mur, dans l’architecture de François Mansart, s’anime de mouvements exprimés
par des jeux de ressauts, parfois de très grandes dimensions. À Blois (1635–1638) au
dernier niveau de l’escalier, Mansart emploie des ressauts qui forment deux avancées
successives [fig. ci-dessous].
Blois, aile de Gaston d’Orléans, François Mansart (1635–1638), deuxième niveau de l’escalier.
Mansart reprend le motif à Maisons (1641–1646), dans les travées centrales de
l’escalier, et joue sur un effet presque dynamique : le mur semble avancer entre les deux
pilastres grâce au premier plan porté légèrement en avant du nu des pilastres [fig ; cidessous et T. II, ill. 621]. Le mur semble ainsi une surface malléable qui forme des plissés
184
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
entre les éléments structurants. À Blois, les frontons courbes brisés qui couronnent les
ressauts centraux rappellent les ornements triomphaux ; les putti qui dansent à Blois et
qui s’assoient sur la corniche à Maisons donnent à ce décor une allure de théâtre où les
pans de mur sont les portants qui s’apprêtent à s’ouvrir sur un des tableaux d’une pièce.
Maisons, François Mansart (1641–1646), deuxième niveau de l’escalier.
Le ressaut peut être employé pour d’autres effets. Placé sur les trumeaux, le ressaut
correspond aux éléments forts de la façade sur lequels on place les membres structurants.
Il peut alors indiquer visuellement une continuité verticale, tout en ne rompant pas la
continuité horizontale du mur. C’est le cas à Versailles sur les trumeaux des Grandes
Écuries (1679–1682), où les ressauts placés au droit des piles des arcades et leurs refends
expriment ces continuités [fig. ci-dessous et T. II, ill. 878]. Les ressauts se détachent des
montants du chambranle et font saillie entre le larmier et une moulure passant en haut
du trumeau ; au-dessus, sous la corniche, ressaute une partie lisse. Ici, le ressaut permet
également de magnifier le nu de la façade : les trumeaux n’apparaissent plus en creux,
mais sont portés au même nu que la modénature.
185
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Versailles, Grandes Écuries, Jules Hardouin-Mansart (1679–1682), ressaut à refends.
La continuité murale peut être exprimée entre les éléments de l’ordre comme à
Notre-Dame des Victoires, (1737–1740) où les ressauts situés entre les pilastres du
premier niveau de la façade ont même saillie et même largeur que les tables qui leur
correspondent au second niveau. [T. II, ill. 952–954]
Sur les allèges, les ressauts placés entre les moulures d’appui et les larmiers, lient les
encadrements des baies. Le ressaut de l’allège apparaît à la Renaissance en Italie. Au palais
Farnèse, à la Farnésine, les ressauts sont couronnés par un corps de moulure en forte
saillie ou qui ressaute fortement dans un double corps de moulures comme à la
Chancellerie. En France, leur expression est toute différente : le ressaut est le plus
souvent une légère saillie du parement comme à Vallery (1548–1569) [T. II, ill. 88, 92,
94]. On emploie parfois des formes encore plus superficielles au XVIIe siècle, comme à
Tanlay (1642–1649) [T. II, ill. 147–150]. Parfois, les corps de moulures ne ressautent pas,
ce qui ôte au ressaut tout aspect structurel.
Le ressaut d’allège est considéré en France comme une surface décorative qu’on peut
orner, comme à Joigny (1569) où les ressauts ont même relief que les tables qui les ornent
[fig. ci-dessous et T. II, ill. 100–102, 104]. On va jouer avec la forme même du ressaut
en le transformant en demi-table ou en le remplaçant par une table. Nous allons étudier
toutes ces manières de traiter le plein de travée dans notre troisième partie (TI, 3.
Ordonnances du mur, 1. Le décor du mur dans la travée de fenêtres).
186
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Joigny (1569), soubassement de la façade sur cour, ressauts ornés de tables,
Des ressauts peuvent également s’intercaler verticalement entre les éléments de
l’ordre. Une des premières ocurrences de cet emploi se trouve à Vallery où des ressauts
surmontent les pilastres jumelés de la galerie en garnissant les écoinçons des arcades
[T. II, ill. 85, 87-89]. Les ressauts surmontant une ordonnance peuvent avoir la hauteur
d’un étage comme a Verneuil sur le corps de galerie de la cour. [T. II, ill. 1130]. Nous
verrons dans la deuxième partie, lorsque ces ressauts s’ornent, ils deviennent au XVIIe
siècle l’un des moyens de remplacer une ordonnance de colonnes ou de pilastres ou de
créer un nouveau type d’ordres superposés.
Le panneau en table saillante
Il y a en France à la fin du XVIe siècle des exemples de panneaux de remplissage qui
font saillie par rapport à leur cadre. À Troissereux (fin XVIe s.) [T. II, ill. 1145–1148], à
Chambray (v. 1580–v. 1600) [T. II, ill. 406–407] la modénature et les corps de moulures
horizontaux apparaissent en creux. Sur une aile qu’ils ont construite au château de
Maintenon (1684) Jules Hardouin-Mansart et Robert de Cotte ont employé des panneaux
de brique saillants sur les trumeaux et dans le double corps de moulures, mais pas sur les
allèges.
La demi-table suspendue
Le motif de la grande demi-table accolée à une mouluration apparaît à Écouen,
[T. II, ill. 444] sur une souche de cheminée de l’aile nord. Sans mouluration
d’encadrement, la table semble ainsi être suspendue à la bande qui la couronne [planche
VIII fig. 5]. Une demi-table apparaît dans les entrecolonnements du revers du chatelet
d’entrée de Tanlay où elle fait pendant à la demi-table de l’allège (1568–v.1578)
[T. II, ill. 119–120]
187
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Écouen, Jean Bullant (vers 1550 – vers 1552), souche de cheminée de l’aile nord
La forme est employée au XVIIe siècle. Dans l’escalier de Blois (1635–1638), une
demi-table saillante affleure dans un encadrement très développé si bien qu’elle semble
saillir du fond d’une niche [fig. ci-dessous et T. II, ill. 288].
Dans l’escalier de Maisons (1641–1646), François Mansart suspend une demi-table
à une moulure, elle-même couronnée d’une corniche, le motif ressemble ainsi à une sorte
d’immense table couronnée.
Blois, François Mansart (1635–1638)
escalier de l’aile Gaston d’Orléans
Maisons, escalier, François Mansart (1641–1646)
188
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
À Oiron [T. II, ill. 1157–1163], sur la façade du pavillon construit à la fin du XVIIe
siècle, l’on peut voir des ressauts interrompus dans leur partie inférieure, comme à l’hôtel
d’Alméras (1611) [T. II, ill. 635–637] où l’effet de table a été renforcé par l’emploi de la
brique qui contraste avec la pierre.
Demi-table suspendue, Oiron, pavillon du XVIIe siècle.
Salomon de Brosse joue avec la forme. À Blérancourt (1612–1655), sur les pavillons
qui encadrent le portail d’entrée de la cour d’honneur, un ressaut s’étend sur l’ensemble
de la façade : plus aucune division n’est marquée, à part un retrait dans le prolongement
des consoles qui soutiennent les frontons des fenêtres, sous le bandeau du
couronnement et vers les chaînes d’angles. Il s’agit là d’une invention sans égale, le
comble de la nudité et le comble de l’encadrement puisqu’elle redouble les limites de la
façade et contourne les chambranles qui semblent « nichés » dans la surface [fig. cidessus et T. II, ill. 1139–1140].
189
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Blérancourt, Salomon de Brosse (1612), pavillon d’entrée droit.
Le motif de la demi-table est employé au XVIe siècle sous les appuis des fenêtres ;
dépourvu de mouluration d’encadrement, il se distingue des tables accolées à l’appui,
telles les tables à angles rentrants curvilignes que nous avons examinées plus haut. Ces
ornements du parement en très faible relief sont une autre traduction des ressauts de
l’allège ; ils sont issus des ressauts très superficiels employés en France.
La forme apparaît à Tanlay (1568–v. 1578) au revers du châtelet d’entrée et à Joigny
(à partir de 1569). À Tanlay, sur le plein de travée, un des côtés du ressaut de l’allège
semble s’être détaché pour former une demi-table suspendue à la moulure d’appui
[T. II, ill. 119–120]. Cette demi-table s’aligne avec celle de l’entrecolonnement.
À Joigny, sous les fenêtres du premier niveau, un côté du ressaut est accolé à la
mouluration d’appui et l’autre séparé du chambranle inférieur par un très mince espace ;
pour accuser l’effet de table, une autre table lui est superposée [T. II, ill. 100–104 et p.
suiv.].
190
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Demi-table portant une table saillante, Joigny (1569–), façade sur cour.
La demi-table verticale
Lorsqu’une table est accolée à un élément vertical en saillie et qu’elle est limitée par
trois côtés, il semble être une table à demi visible. L’invention semble être de François
Mansart qui emploie le motif fréquemment. La première fois à Coulommiers : sur les
deux pavillons d’entrée, deux demi-tables accostent le chambranle de la fenêtre d’un côté
et de l’autre elles accostent un grand ressaut central239 [T. II, ill. 575–580]. Dans l’escalier
de l’aile de Gaston d’Orléans à Blois (1635–1638), de part et d’autre des niches creusées
dans le grand retrait que nous avons décrit plus haut, deux demi-tables meublent les
piédroits formant alettes entre l’ébrasement et un ressaut[T. II, ill. 288]. À l’hôtel
Carnavalet (1660–1661), des demi-tables accostent les avant-corps latéraux de la façade
sur rue au premier et au second niveau [fig. ci-dessous et T. II, ill. 800–805]. À l’étage, la
demi-table est placée sur le ressaut qui accoste l’avant-corps. Elle répond à la table qui
orne les entrecolonnements de l’avant-corps et au retrait dans l’arrière corps devant
lequel est placée une statue. Ces motifs en faible relief, placés sur des plans différents
sont destinés à mettre en évidence les nus du mur qui semblent ainsi passer les uns
derrière les autres et accompagner le mouvement d’avancée de l’avant-corps. L’ensemble
de la composition crée l’illusion d’une profondeur au dessus du portail de Lescot qui
semble ainsi projeté en avant plan.
239 François Mansart, assisté par Charles Du Ry travaille à Coulommiers à partir de 1631. Les dessins de ces deux
pavillons se trouvent dans l’album Du Ry. Album RF 4946, Cabinet des dessins du Louvre, fol. 27 r. et 28 r.
191
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Hôtel Carnavalet (F. Mansart, 1660–1661), avant-corps droit.
La demi-table est également employée par le Muet à Tanlay où deux demi-tables
accostent le second niveau de l’avant-corps de la façade sur jardin, et deux demi-tables
affleurées le chambranle de la porte240 [fig. ci-dessous et T. II, ill. 149–152].
La demi-table reste employée au XVIIIe siècle : à l’hôtel de Soubise sur les pavillons
d’entrée [T. II, ill. 926] ; sur la façade d’une maison du milieu du XVIIIe siècle, rue
Vivienne à Paris dont les jeux de partie et de contre-partie en demi-table qui accoste les
avant-corps et la table rentrante qui orne ce dernier rappelle Mansart [T. II, ill. 947] ; à
Coubert, sur les vestiges de la façade de l’orangerie de part et d’autre de pilastres en
chaines continues T. II, ill. 935] ; au Palais Rohan à Strasbourg (1727) [T. II, ill. 5]
240 Un exemple italien a pu inspirer les architectes français. Au second niveau du palais Canossa à Vérone (153037) Sanmicheli emploie des encadrements et leur superpose une ordonnance colossale si bien que de chaque côté
des pilastres, un demi-encadrement paraît.
192
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Tanlay, (Le Muet, 1642–1649), façade vers les jardins, portail central.
Jeux de retraits
Le retrait permet des jeux entre la structure décorative et le mur que Primatice
exploite à Fontainebleau. L’aile de la Belle Cheminée à Fontainebleau [T. II, ill. 478],
présente plusieurs formes de retraits. Au rez de chaussée une niche s’ouvre dans un
retrait du mur en faisant appraraître de larges ressauts. Ceux-ci, qui correspondent aux
pilastres de l’étage forment donc au rez-de chaussée une ordonnance abstraite, mais
qu’on lit dans un second temps en comparant les deux niveaux, tant les différences de
nus sont faibles. A l’étage une niche, surmontée d’ une table, s’ouvre dans un retrait de
même largeur, mais celui-ci est la forme résultant de l’encadrement du panneau par la
large bande formant dosseret d’un des deux pilastres.
Mansart utilise le motif du retrait au château de Berny à Fresnes (1623–1627)
[T. II, ill. 555] : sur le pavillon, la niche du second niveau apparaît dans un retrait dont la
limite inférieure est la corniche qui sépare les deux niveaux de la façade. La surface en
retrait forme une sorte de découpe, ou d’échancrure dans le parement, laissant apparaître
l’ornement ainsi dévoilé ; la forme est déclinée au rez-de-chaussée sous la forme de la
table affleurée, employée dans la même logique d’effets de mouvements opposés sur le
mur.
Sur l’about d’un pavillon de l’aile de Gaston d’Orléans à Blois (1635–1638) [T. II, ill.
287–288] Mansart fait également apparaître une niche dans un retrait. Le dessus de la
niche est orné d’un ressaut porté en avant, et orné d’une table couronnée. Le retrait du
193
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
premier niveau répond au ressaut du second orné d’une table. L’ornement et les jeux de
nus servent ici à indiquer des mouvements et contre-mouvement dans l’épaisseur du
mur, en symbolisant les forces qui l’animent Ces forces sont également manifestées par
la couronne entourée d’armes qui se niche entre la corniche de la table et l’entablement,
tandis que la table, comme suspendue porte une draperie retenue par trois anneaux. Ces
ornements symbolisent la gloire du prince, et la puissance imposant l’ordre à un monde
en équilibre instable qu’exprime la composition architecturale.
Blois, escalier de l’aile de Gaston d’Orléans François Mansart (1635–1638), pavillon gauche
Sur les parois de la cage d’escalier, les niches s’ouvrent dans un retrait du parement,
les demi-tables qui ornent les piédroits mettent ainsi en évidence le nu du mur dans
lequel s’ouvre la niche. Le mur correspondant au nu du premier plan, laissé lisse et sans
ornementation, semble ainsi avoir été évidé pour révéler une architecture cachée à
l’intérieur de lui-même comme, pour Michel-Ange le bloc de pierre contenait en
194
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
puissance la sculpture qui allait naître d’elle-même sous son ciseau. Les tables d’attente
du dessus de la niche et des écoinçons, la table saillante ornant la face du piédestal de la
statue formant le dessous de niche s’avancent au-delà nu du mur extérieur. Tous ces
éléments formant alternativement ressaut et retrait semblent s’animer de mouvements
d’avant en arrière.
Blois, escalier de l’aile de Gaston d’Orléans François Mansart (1635–1638), niche dans un retrait.
195
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
CADRES ET ENCADREMENTS
Le cadre est un motif constitué de moulures qui seules font saillie sur le mur. Si cette
mouluration n’est constituée que d’éléments minces — filets, baguettes ou petits corps
de moulures, ou que le motif est très grand, il se distingue de la table en raison de
l’absence totale de jeux de nus. S’il n’y a aucune différence de matériaux, le motif est
caractérisé par le seul « effet de cadre » : plus le motif est grand, plus il semble être posé
sur la surface murale pour présenter le mur lui-même comme un tableau. Son effet
décoratif est lié à l’aspect du parement qu’il isole et au jeu graphique de la mouluration.
L’effet décoratif du cadre lui-même peut dominer s’il est sculpté de motifs ou s’il se
développe sur le mur.
L’effet de cadre
Les tables fouillées jusqu’au nu du mur et qui ne comportent pas d’incrustation sont
des cadres puisque seule une mouluration fait saillie sur le mur ; c’est le cas à Gaillon
(1502–1510) où le sculpteur s’est attaché à donner forme au cadre en l’ornant de fleurons
et de rinceaux241. Mais la petite taille du motif ne permet pas de bien le distinguer de la
table [fig. ci-dessous et T. II, ill. 374–377].
Gaillon (1502–1510), trumeaux de la cour d’honneur.
Certains motifs employés dans les années 1550 ne sont formés que d’une
mouluration, tels ceux de l’avant-corps nord d’Écouen (v. 1552–1553) [T. II, ill. 448–
449], mais, comme à Gaillon, il est difficile de distinguer l’absence de jeu de nu. À la
Tour-d’Aigues (1571–1579), deux cadres remplacent les ornements triomphaux sur le
frontispice d’entrée, un au premier niveau, un autre au second, à la mouluration plus fine
[fig. ci-dessous et T. II, ill. 1174–1175, 1180–1181]. À Villelaure (1579–1586) [T. II, ill.
1187], un cadre carré est situé au bas de la travée et une table saillante en haut. Ces formes
abstraites, qui tendent à occuper tout le champ qu’elles ornent, n’évoquent la table
241 D’un point de vue technique, l’encadrement ne procède pas de la table puisqu’il suffit de laisser des bandes en
attente.
196
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
triomphale antique que parce qu’elles sont placées dans des compositions qui ont l’allure
de véritables arcs de triomphe.
La Tour-d’Aigues (1571–1579), portail, détails du premier et du second niveau
On joue au XVIIe siècle sur les formes dérivées de l’anse. Sur l’entrée de l’escalier de
Bellegarde du palais des Ducs de Dijon (vers 1620), le motif de couronnement est orné
d’un cadre polylobé [T. II, ill. 123]. Des cadres polylobés sont employés sur les trumeaux
Bussy-Rabutin (1604–1649) [fig. ci-dessous]. Faut-il y voir une influence flamande ? En
effet au XVIIe siècle en Flandre on semble privilégier des motifs linéaires aux contours
découpés, comme sur la façade de l’ancien Mont de Piété à Bergues.
Bussy-Rabutin (1604–1649), façade sur cour.
197
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Le grand cadre
Dès le début du XVIe siècle, on emploie en France de grands encadrements. À
Bury (1511–1515) [T. II, ill. 226], le dernier niveau du pavillon de l’escalier est orné de
grands encadrements en forme de losange destinés à présenter un motif sculpté242. Le
motif est employé sur l’aile de François Ier à Blois (1515–1524), sur les trumeaux et est
décliné sous forme de cercles et de demi-cercles dans les trumeaux les plus étroits243
[T. II, ill. 221–222]. Ces encadrements sont des agrandissements de formes employées
très fréquemment sur les frises, les pilastres et les écoinçons durant la Première
Renaissance244. De grands cadres circulaires ont été employés sur les trumeaux de la
galerie d’Ulysse à Fontainebleau (1528–v. 1531), comme on peut le voir sur une gravure
des Plus excellents bâtiments de France [T. II, ill. 437]. À l’extrême fin du siècle, des cadres
circulaires en brique sont employés à la Grange-le-Roi (1582–1606) [T. II, ill. 596], sur
les ressauts situés au-dessus des pilastres jumelés de la façade. Ces grands motifs sont
probablement un souvenir de Fontainebleau non loin.
Le cadre peut servir à mettre en valeur un motif. À Écouen, les armoiries des
Montmorency sont présentées dans un très grand encadrement sur le portique sud (v.
1556–1557) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 452–454].
242 Ces encadrements sont bien visibles sur les dessins préparatoires et sur la planche gravée du recueil des Plus
excellents bastiment de France. Les armoiries sont sur les trumeaux du corps de logis, un niveau en dessous sans
encadrement.
243 Le motif a été imité à Blois même, tel qu’on peut le voir sur la façade d’une maison du centre de la ville.
244 Ces ornements, le disque et le losange formés d’un cadre mouluré ont été étudiés par Éveline Dagnias Thomas
dans sa thèse, Le système ornemental de la première renaissance. Le champ de ces ornements peut être laissé nu ou servir
de cadre à un décor. Dagnias-Thomas, 1998, p. 179.
198
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Écouen, avant-corps sud, Jean Bullant (v. 1556–1557), détail de l’entrecolonnement
Le bandeau qui limite le registre supérieur de l’entrecolonnement se retourne pour
former un encadrement dont le ressaut interne s’orne d’oves et d’un rang de perles ; sur
le mur, l’écu et les deux épées et, en dessous, deux rameaux de laurier dont les extrémités
sortent du cadre, accusent l’effet de profondeur. Ici, ce n’est pas l’effet de table qui
compte, mais la présentation du motif sur un fond neutre. Bullant emploie le même
motif à l’entrée de la galerie de Fère-en-Tardenois [T. II, ill. 1124].
Lorsque des cadres ne sont plus employés dans les entrecolonnements, et qu’ils
s’agrandissent, ils produisent d’autres effets. À Fleury-en-Bière, sur le pavillon d’entrée
de l’avant-cour (vers 1555), de larges bandeaux formés d’assises de briques et de pierres
alternées encadrent le mur au-dessus des niches, sans aucun effet de table [fig. ci-dessous
et T. II, ill. 461]. Le motif évoque une sorte de fausse-fenêtre ou de niche, comme
l’indiquent d’ailleurs les deux petites crossettes de la bordure d’encadrement et la
mouluration basse en forme d’appui. Une source de ce motif pourrait être le fol. 137 r
du Quarto libro de Serlio : d’une part il s’agit d’une composition d’ordre rustique destinée
à orner un mur dans un jardin, comme l’écrit Serlio ; d’autre part, de la même manière
qu’à Fleury-en-Bière, une niche y est liée à une niche à fond plat par trois claveaux et une
pierre d’appui245 [fig. ci-dessous].
Serlio, Livre IV, 1537, fol. 137 r.
Fleury-en-Bière, Pierre Lescot (v. 1555),
245 La table doublement cintrée qui orne le dessous de niche est un motif Serlien, comme nous l’avons montré
plus haut.
199
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
portail de l’avant-cour.
Il y a des exemples en Italie d’encadrements qui sont visiblement destinés à imiter
des niches (cour du palais Lante à Rome). Le cadre est donc, par excellence, la forme qui
donne l’illusion de creux dans le mur ou d’une ouverture sur un espace imaginaire. En
Italie, on emploie parfois des grands cadres laissés vides ou peints à fresque, comme à
Sant’Agostino à Rome. Au palais Spada, les grands tableaux de l’attique imitent ceux du
palais Branconio dell’Aquila de Raphaël [T. II, ill. 1251].
On a employé ces formes en France, parfois avec de riches encadrements. À
Champlitte (entre 1570 et 1577), au second niveau de la façade sur cour, des grands
cadres sont disposés de part et d’autre des colonnes adossées au centre des trumeaux.
Ces cadres sont formés d’un large corps de moulures composées qui isolent le parement
totalement lisse du décor sculpté en bas-relief [fig. ci-dessous et T. II, ill. 371].
Champlitte (entre 1570 et 1577), corps de logis sur cour.
La mouluration, parfois richement décorée d’ornements à l’antique, et l’abondance
de l’ornement hors du cadre, dérive des décors bellifontains. Sur la loggia de la Maison
Blanche de Gaillon (1566) dont Jacques Androuet Du Cerceau donne un dessin pour les
Plus excellents bâtiments de France, les grands encadrements surmontant les dix satyres du
premier niveau d’arcades s’ornent de cuirs et étaient sans doute destinés, comme à la
galerie François 1er à Fontainebleau, à recevoir des peintures [T. II, ill. 389] ; l’attique de
la façade principale, quant à lui, comporte des encadrements ornés de tresses et de
rosettes aux angles [T. II, ill. 388].
Le grand cadre peut également être employé sans ornement. Ainsi, à Charleval,
(1570–1577) sur la hotte d’une cheminée du pavillon subsistant, l’effet décoratif du grand
encadrement provient du contraste entre la pierre très blanche et la paroi de brique
200
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
[T. II, ill. 387]. L’exemple le plus spectaculaire de l’utilisation à l’extérieur d’un grand
cadre vide à crossettes est la façade de la galerie du château de Chenonceau (1578) [fig.
ci-dessous et T. II, ill. 283–284]. Deux immenses cadres imbriqués l’un dans l’autre
s’insèrent entre les fenêtres, le premier, carré, laissant apparaître un champ
profondément fouillé, et le second portant aux quatre angles de grandes crossettes
doubles très saillantes246.
Grand cadre à crossettes, Chenonceau, galerie sur le Cher, détail de la façade de Jean Bullant (1578).
D’autres formes de cadres sont issues de modèles bellifontains, les mêmes qui ont
engendré les tracés convexes et concaves des tables. Le cadre à crossettes ou à angles
rentrants est employé pour les encadrements de tableau, comme on peut le voir sur des
dessins de cheminée (coll. Lesoufaché).
Au XVIIe siècle, de grands cadres sont employés sur les trumeaux : Le Muet emploie
des grands cadres à angles rentrants au château de Pont-en-Champagne (vers 1630–
av. 1647) [T. II, ill. 344–347] et François Mansart des grands cadres sur le mur d’entrée
et l’avant corps central sur cour de l’hôtel de la Vrillière (1635–1636), si l’on peut
interpéter ainsi les gravures de Jean Marot [T. II, ill. 367–369]
La table inscrite dans un cadre
Parfois on combine le cadre et la table. Cette formule décorative permet de mettre
en valeur la table saillante : celle-ci est nettement séparée de son encadrement par une
très large gorge. Deux possibilités se présentent, soit le cadre suit le tracé de la table, soit
il se développe librement autour de la table. Le motif apparaît dans le Premier Tome de
246 La formule syncopée formée par le chevauchement des frontons des fenêtres sur les grands cadres des trumeaux
dérive de la Sala Regia du Vatican, comme l’a montré Jean Guillaume dans Connaissance des Arts, n° 37, 1993, p. 37.
201
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
l’Architecture de Philibert De l’Orme (1567). Sur la façade sur cour de Saint-Maur, De
l’Orme dessine dans la partie inférieure des trumeaux une longue table rectangulaire
logée dans un cadre à quatre crossettes doubles, nettement séparé du corps rectangulaire
de la table [fig. ci-desous et T. II, ill. 520–521]. Le motif donne lieu à quelques variantes
au XVIe siècle : à Notre-Dame de Villeneuve-sur-Yonne (1re moitié du XVIe s.) [T. II, ill.
69] la clôture d’une chapelle du bas-côté droit est ornée d’une table rectangulaire inscrite
dans un encadrement à redans.
Table inscrite dans un encadrement à crossettes, façade sur cour du château de Saint-Maur, De l’Orme, Premier
Tome, 1567, VIII, fol. 250 v.
Le type du cadre séparé de la table, avec ou sans crossettes, est employé pour des
grandes tables au XVIIe siècle. À Oiron [T. II, ill. 1160–1162], sur le pavillon du Roi
(années 1620), les tables saillantes des second et troisième niveaux sont situées dans un
cadre formé d’un quart de rond, au second, ils s’enrichissent de crossettes et au troisième
ils suivent le contour concave de la table. Au château de Vizille dans l’Isère (1611–1624),
un cadre à crossettes, dont le champ est incrusté de marbre, orne la portion d’attique
formant amortissement au-dessus du fronton brisé [T. II, ill. 1213–1215]. Un exemple
spectaculaire de grande table inscrite dans un cadre se trouve sur la façade de l’hpotel de
ville d’Avignon (1619) [T. II, ill. 1188]
La crossette disparaît dans la deuxième moitié du XVIIe siècle et l’on emploie une
mouluration plus simple comme, à Oiron, sur le pavillon construit à partir de 1680 à
l’extrémité de l’aile droite [T. II, ill. 1163].
Sur la façade de l’église du Saint-Esprit à Aix-en-Provence (1705–1716), au-dessus
de la porte, un grand encadrement formé de simples bandes entoure une table saillante
et le motif, qui épouse le cintre de la porte, s’étend dans tout le champ compris entre
pilastres, porte et entablement [fig. ci-dessous et T. II, ill. 1210–1211].
À l’hôtel Boyer d’Éguilles à Aix-en-Provence (1672–1675), un épais cadre à angles
rentrants curvilignes encadre une surface rustiquée entourée de guillochis à peine incisés
dans le mur [fig. ci-dessous et T. II, ill. 1195].
202
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Église du Saint-Esprit à Aix-en-Provence,
(Laurent Vallon, 1705–1716) détail de la façade.
Hôtel Boyer d’Éguilles à Aix-en-Provence
(1672–1675), façade sur cour.
L’encadrement du trumeau
Certaines formes de cadres sont les bordures décoratives d’un panneau de mur qu’ils
enrichissent. Contrairement au cadre qui est une forme autonome, l’encadrement est
accolé à la structure qui entoure le panneau. Il est donc à la fois un élément d’articulation
entre le mur et les membres principaux du décor, et ornement du mur qu’il met en valeur.
L’encadrement du panneau définit par des corps de moulures est lié aux modes de
structuration de la façade française et constitue un chapitre important de l’histoire des
ordonnances que nous examinerons dans notre seconde partie. La forme est le produit
de leur évolution : nous en donnons ici le principe avant d’en expliquer l’origine et
d’indiquer les principales formes employées au XVIe et au XVIIe siècle.
Lorsqu’un panneau de mur fait retrait par rapport à une moulure continue qui le
borde (planche X, fig. 1) ou par rapport à une bande large (Planche X, fig. 5) le panneau
est encadré. Plus le champ est exigu et plus la bande qui l’entoure fait apparaître une
table rentrante. Le bandeau, plat et large, isole une figure centrée : l’effet de table
rentrante est très sensible, si l’on considère que la bande est le résidu du mur par rapport
auquel la table fait retrait. L’on peut considérer également que l’encadrement ressaute
sur le mur, cela dépend de la position du nu de référence par rapport auquel toutes les
surfaces décoratives, comme les ornements structurants du décor, se définissent. En
effet, les formes provenant de jeux de ressauts et de retraits dans le mur permettent
toujours deux lectures, car ressauts et retraits se définissent l’un par rapport à l’autre ; il
s’agit ainsi de la forme limite entre l’encadrement et la table rentrante (planche X fig. 2).
Lorsque des moulures minces entourent la totalité d’un panneau, l’on ne peut considérer
que le parement fait retrait par rapport à ces éléments, ceux-ci font saillie sur le panneau
et le bordent ; l’effet de table disparaît au profit d’un effet d’encadrement (planche X,
fig. 1).
203
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
fig. 1
fig. 2
Planche X L’encadrement.
Genèse du motif
L’encadrement du trumeau apparaît à Bury et, peu après, à Amboise et à Blois, sous
deux formes : soit le panneau est bordé sur trois côtés par une moulure, soit celle-ci
forme cadre complet.
À Bury (1511–1515), sur la façade sur jardin du corps de logis, une fine mouluration
souligne sur trois côtés le quadrillage formé par le croisement de la mouluration247. Des
encadrements complets se retrouvent sur les deux derniers niveaux du pavillon de
l’escalier sur cour, où ils entourent des cadres losangés et des reliefs248 [T. II, ill. 226–
227]. L’encadrement partiel des trumeaux se retrouve à Veuil (1520–30) [T. II, ill. 250–
250], sur la façade sud de la Rochefoucauld (1520–28) [T. II, ill. 1151–1152].
Les deux formules, — l’encadrement partiel et l’encadrement complet, se retrouvent
à Blois dans une ordonnance de pilastres. Sur l’aile de François 1er (1515–1524), tous les
trumeaux et le pourtour des fenêtres sont encadrés sur trois côtés : un quart de rond
247 Selon la restitution proposée par Jean Guillaume, la façade sur le jardin comporte une ordonnance de moulures
croisées, doublée d’encadrements ; cette restitution repose, d’une part sur le dessin de Jacques Androuet Du
Cerceau conservé au British Museum qui, contrairement à la gravure des Plus excellents bastiments de France ne
comporte pas de pilastres et, d’autre part sur le fait que les autres élévations extérieures ne comportaient qu’une
ordonnance de moulures. Un vestige de mouluration, toujours en place sur une tour de Bury, permet d’étudier les
profils horizontaux et verticaux du quadrillage : deux cordons se croisent et se doublent d’une mouluration qui
encadre chaque compartiment. (Cette restitution figure dans notre catalogue [Tome II], nous l’avons dessinée en
dans le cadre de la préparation de l’exposition Jacques Androuet Du Cerceau, février-mai 2010, Cité de
l’architecture, Centre André Chastel, Groupe de recherche Androuet Du Cerceau, sous la direction de Jean
Guillaume, Programme financé par la fondation Getty)
248 Cette mouluration est visible aussi bien sur le dessin de Du Cerceau conservé au British Museum que sur la
gravure des Plus excellents bastiments de France.
204
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
orné de rosettes monte le long des pilastres et se retourne sous l’architrave. Sur deux des
trumeaux du dernier niveau, cet encadrement est doublé par un second encadrement
complet. Celui-ci, bien que lié au premier en le redoublant, s’en distingue nettement par
son absence d’ornementation — un demi-rond entre filets ; dans l’un s’incrit un grand
cadre losangé comme par un jeu de mise en abîme, dans l’autre des disques [fig. cidessous et T. II, ill. 221–222]. Deux autres types d’encadrements apparaissent dans les
doubles corps de moulures ; au premier étage, chaque compartiment est encadré sur
quatre côtés d’une bande enrichie d’un quart de rond, de même largeur que les piédroits
des fenêtres ; la bande, très large et au même nu que le reste du parement, entoure un
petit panneau de mur en retrait. Au deuxième étage, l’encadrement est moins homogène ;
les courts pilastres abstraits et le quart-de-rond qui les accostent pénètrent la mouluration
du larmier ; il y a néanmoins effet d’encadrement grâce au croisement des moulures qui
s’interpénètrent à la manière de la mouluration de la fin du gothique : la formule est
comparable aux pleins-de-travées de l’aile Louis XII [T. II, ill. 191].
Blois, détail des trumeaux de la façade de l’aile François 1er (1515–1524).
L’encadrement du mur lié aux membres qui articulent le décor est une invention
italienne. Lorsque Bramante, au chevet de Santa Maria presso San Satiro, introduit un
dosseret qui se retourne horizontalement sous l’architrave, il forme un encadrement,
205
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
mais celui-ci articule mur et membres, dont il partage les deux natures, sans aucun effet
ornemental. L’encadrement est fréquent en Italie. Bramante l’emploie dans la cour haute
du Belvédère et Raphaël au second niveau de la villa Madame (1517–1519), dans le
second registre des entrecolonnements colossaux et en dessus de baies. Si l’aile de
François 1er de Blois utilise une forme proche en raison de la continuité de la moulure
sur trois côtés, elle est interprétée dans un sens tout différent. L’étroitesse de la
mouluration et le fait qu’elle soit ornée est incompatible avec l’expression de la cohésion
entre mur et pilastre, dont la fonction structurelle apparente est elle-même nulle en raison
de ses proportions249.
Le chevet de Santa Maria delle Grazie à Milan semble être plus conforme à l’idée de
compartimentage et à l’ornementation employée à Bury et à Blois. Au dernier niveau du
massif situé sous le tambour, les panneaux entre lésènes sont encadrés d’une mouluration
et sont ornés de grands cadres dans lesquels s’inscrit un disque ; dans le registre
correspondant au dernier niveau des absides, les intervalles entre lésènes sont divisés par
un pilastre en candélabre et le registre inférieur est divisé en petits panneaux ; comme les
lésènes sont elles-mêmes formées d’une mouluration, il résulte de la démultiplication des
lignes un effet de morcellement de la surface murale par des éléments de petite échelle
qui donnent encore plus de monumentalité au puissant complexe absidal.
Bien qu’ils appartiennent à des cultures constructives étrangères à la France, où
l’appareil visible est structurel, le système traditionnel en plaquis de marbre et sa
transposition renaissante en Italie ont pu fournir l’idée de l’encadrement du trumeau. À
Florence, le soubassement du campanile comportait déjà une ornementation en
panneaux légèrement renfoncés et encadrés de moulures, extrêmement individualisés par
la présence d’un motif central, losange ou hexagone accueillant un motif sculpté. Sur la
cathédrale, les parties aveugles de la façade du XIVe siècle sont entièrement couvertes de
petits panneaux disposés en registres horizontaux, où encadrements et motifs sont mis
en abîme selon le même principe que le campanile. À la Renaissance, on emploie le même
type de revêtement dans toute l’Italie du Nord, à Venise et à Florence. Les encadrements
qui doublent l’armature de pilastres ne sont pas alors formés d’une mouluration, mais de
bandes de marbres colorés au même nu que le reste du panneau ; l’ordonnance de
pilastres, peu compatible avec les effets de morcellement de la paroi, l’exige. À Santa
Maria Novella à Florence, à Santa Maria dei Carceri à Prato, à la scuola di San Giovanni
Evangelista ou à Santa Maria dei Miracoli à Venise, il n’y a pas de mouluration
d’encadrement, mais un effet d’encadrement totalement indépendant des membres
249 Pour Wolfram Prinz et Ronald Kecks, dans leur analyse des « principes formels de la façade du château », le
rapport entre le mur et sa membrure architectonique est une « négation de l’unité tectonique ». PRINZ, KECKS,
1985, p. 233. Nous pensons que cette conception résulte d’intentions esthétiques d’un autre ordre et non d’une
« incompréhension » du système des ordres.
206
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
structurants du décor. D’autres types d’ornementation employés en Italie ont pu inspirer
le motif de l’encadrement complet employé à Blois dans les doubles corps de moulures.
Les panneaux ornés de bas-reliefs tels ceux employés sur le soubassement de la
Chartreuse de Pavie, qui apparaissant aussi dans des doubles corps de moulures entre
niveaux comme au palazzo Vescovile à Vicence, sont comparables aux panneaux de
l’escalier de Blois et à ceux de la façade des Loges, qu’évoquent, sans leur ornementation,
les encadrements des pleins de travées et de dessous de trumeau.
Bonnivet et Chambord annoncent d’autres développements de l’encadrement. À
Bonnivet (1516–1525), les trumeaux et les compartiments du double corps de moulures
sont encadrés d’une plate-bande, mais celle-ci s’enrichit d’une seconde mouluration ; la
forme de l’encadrement évolue : son profil classique ne s’orne plus250 [T. II, ill. 1150].
Ces encadrements peuvent se comparer à ceux adoptés à Chambord peu après251
[T. II, ill. 234–236]. Les compartiments du double corps de moulures et des trumeaux
sont encadrés d’une large bande, elle-même soulignée par une mouluration – un quart
de rond sur l’aile est, une doucine sur le donjon252. La bande de Bonnivet et de
Chambord, plus large, paraît se rapprocher de la forme plus structurelle de
« l’encadrement-dosseret », sur lequel le pilastre fait saillie. Cette manière d’articuler les
membres au mur est toute différente de celle de Blois qui interprète l’encadrement issu
du dosseret comme une mouluration sans aucune fonction tectonique. Cependant, la
moulure qui la double et adoucit la forme contredit cette fonction et efface en quelque
sorte le rapport structurel entre mur et pilastre. Les encadrements de Bonnivet et de
Chambord sont bien les variantes décoratives des encadrements italiens. Le mur, de la
sorte, devient lui-même surface décorative puisqu’il s’encadre comme un tableau.
Dans la deuxième moitié du XVIe siècle, les encadrements du trumeau vont prendre
un peu de corps et leur ornementation va disparaître. C’est comme cela que Jacques
Androuet Du Cerceau lit les encadrements de Blois : le cordon est remplacé par une
bande qui fait le tour complet du trumeau et il transforme le grand losange en table.
250 Selon la restitution de Jean Guillaume, dessinée par Jean Blécon. Sur les trumeaux la plate-bande basse est un
peu plus large et forme ainsi une sorte de plinthe, solution qui n’est pas reprise à Chambord. Jean Guillaume
suppose que la mouluration d’encadrement est une doucine, comme sur le mur de clôture nord. Ibid., p. 41
251 Jean Guillaume a démontré les rapports entre les deux édifices, c’est pourquoi nous nous permettons d’établir
la comparaison concernant ces détails architecturaux. Jean GUILLAUME, Le château de Bonnivet. Entre Blois et
Chambord : le chaînon manquant de la première Renaissance, Paris Picard, 2006.
252 Ces encadrements sont bien visibles si l’on examine les étages de face.
207
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Blois, aile de François 1er (1515–1524) détail de la façade à droite de l’escalier état actuel et détail de la gravure de
Jacques Androuet Du Cerceau dans Les plus excellents Bastiments de France, 1579.
Formes d’encadrements classiques
Les deux formes d’encadrement à moulure mince et à plate-bande plus large sont
employées en France durant le XVIe siècle et le XVIIe si-cle aussi bien sur les trumeaux
que dans de plus petits champs. On emploie l’encadrement aussi bien dans des
ordonnances à pilastres et corps de moulures horizontaux, que dans des panneaux
entourés d’une mouluration homogène, où il double l’effet d’encadrement propre à ce
type de décor.
L’encadrement réapparaît dans la seconde moitié du XVIe siècle à Lanquais (fin des
années 1550 ou vers 1570) où il prend une corporéité que n’avait pas la mouluration du
début du siècle [T. II, ill. 8–10]. Sur la façade extérieure, les trumeaux de l’étage attique
du pavillon s’encadrent d’une bande. Dans le double corps intermédiaire, entre les
ressauts sous appuis des fenêtres de l’attique, la forme est très proche des encadrements
des doubles corps de moulures de Blois ou de Chambord, mais sans la mouluration qui
les soulignait. Enfin les trumeaux sont encadrés d’une bande ornée de bossages un-surdeux, sur trois côtés dans les deux niveaux courants, sur quatre dans le soubassement.
La façade sur cour comporte quant à elle des encadrements simples faits de bandes plus
minces plus discètes. L’ornement n’enrichit pas ici le mur pour laisser place à celui des
baies et des niches.
Le jeu sur la forme de l’encadrement qui fait apparaître soit un panneau encadré, soit
une table rentrante est exploité au XVIIe siècle. Nous signalons ici les formes typiques
que le XVIIe siècle emploie, car nous aurons l’occasion d’y revenir dans notre analyse
des ordonnances. Au château de Bévilliers-Breteuil (années 1580) [T. II, ill. 556–562],
une étroite plate-bande de pierre forme un encadrement continu autour des trumeaux.
Ces cadres qui accusent le contraste entre la brique et le remplissage soulignent le
compartimentage de la façade. Le type du panneau de crépi à plate-bande de pierre
208
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
saillante sur le nu du mur se trouve sur les façades de l’hôtel Tubeuf à Paris (1648–1655)
[T. II, ill. 845–848]
Château de Bévilliers-Breteuil (années 1580), détail de la façade sur cour.
Dans l’architecture brique et pierre ou pierre et moellon enduit, les harpes des
chaînes que l’on accuse parfois avec des bossages expriment fortement le lien structurel
entre membre et remplissage. Au contraire, l’encadrement qui découpe d’un trait net le
remplissage atténue ce lien. Il existe un cas où l’on joue sur les deux formes, chaîne et
encadrement. Au château de Pont-en-Champagne (1638–av. 1641) [fig. ci-dessous et
T. II, ill. 344–349], Le Muet emploie une forme d’encadrement assez rare : les trumeaux
sont encadrés d’une bande de bossages qui individualise fortement les trumeaux.
Pont-en-Champagne (1638–1641), détail de la façade sur cour du corps de logis, d’après Le Muet, Augmentations à
la manière de bien bastir, 1647.
En haut et en bas du trumeau, les bossages sont clavés en plate-bande. Les refends
qui convergent vers le centre du panneau créent un effet de perspective : la surface de la
brique évoque une sorte de profondeur indéterminée, renforcée par l’effet de mise en
209
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
abîme du grand cadre qui redouble l’encadrement. Le motif du bossage clavé n’est pas
nouveau, par contre son emploi en encadrement du trumeau est inédit. En Italie,
l’encadrement continu formé de bossages est employé autour des ouvertures comme le
fait Ammanati au palais Pitti – motif qu’imite Salomon de Brosse au second niveau du
Luxembourg. Le Muet, dans sa publication de la Règle de Vignole en 1632, dessine neuf
modèles de portes à encadrements clavés, peut-être de son invention253. Parmi celles-ci,
deux portes présentent des bossages à refend qui forment autour du chambranle un
motif similaire à l’encadrement de Pont-en-Champagne (pl. XLIII p. 87 ; pl. XLV p. 93 ;
pl. XLVIII, p. 97)254 [fig. ci-dessous].
pl. XLIII, p. 87,
pl. XLV, p. 95,
Pierre Le Muet, Regles des cinq ordres d’architecture de Vignolle, 1632.
Nous avons trouvé un exemple au XVIIIe siècle d’emploi de l’encadrement de
trumeau à bossages : l’hôtel Du Breuil à Langres (aile en fond de cour construite entre
1748 et 1770) le motif y est spectaculaire puisqu’il forme encadrement colossal
embrassant deux travées de baies dont le dessus s’orne d’un immense feston. [T. II, ill.
361–362]
L’encadrement est employé à la fin du XVIe siècle et pendant tout le XVIIe siècle sur
les façades à parement mixtes. Sur les ailes des ministres (1678–1683) et sur les façades
des grandes Écuries de Versailles (1679–1682), Jules Hardouin-Mansart encadre d’une
bande de pierre des panneaux de brique [T. II, ill. 882 et 881].
253 Il s’agit de la série de neuf portes non légendées de l’édition de 1632. Claude MIGNOT, Présentation des Regles
des cinq ordres d’architecture de Vignolle, par le Muet, 1632, base Architectura, Frédérique LEMERLE et Yves PAUWELS
(dir.), Tours, CESR.
254 Le mince chambranle se détachant sur le refend se retrouvera à Vaux-le-Vicomte ; la table liée au claveau
pendant, quant à elle, est employée à l’hôtel Duret de Chevry.
210
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Encadrements sur l’aile des Ministres et sur la façade extérieure des grandes Écuries à Versailles
(Jules Hardouin-Mansart 1679–1683 et 1679–1682).
Dans les parements de pierre l’encadrement est employé pour d’autres effets. À
Maisons (1641–1646) les tables affleurées du vestibule semblent apparaître dans un
encadrement du panneau compris entre les pilastres et la mouluration horizontale (fig.
ci-dessous et T. II, ill. 618-619].
Maisons (François Mansart) 1641–1646, vestibule, détail d’un entrecolonnement.
Sur les façades, des formes d’encadrements partiels sont également employées. À
Tanlay [T. II, ill. 142–152], sur la façade postérieure construite par Le Muet, de minces
ressauts bordent les chambranles des fenêtres en articulant mur et chambranle ; ils
forment ainsi encadrement avec la moulure à fasces qui limite le trumeau dans sa partie
211
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
supérieure. De même que la table, l’encadrement se retrouve sur les allèges, comme à
Thouars [fig. ci-dessous et T. II, ill. 1172–1173]
Thouars, Le Muet (1638–1645), détail de la façade sur cour.
212
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
AUTRES MOTIFS
Disques et médaillons
À partir des années 1540, le disque, formé d’une mouluration circulaire, n’est plus
guère employé. Par contre, on développe la forme du disque plat, sans ornementation
interne. À Anet, au dernier niveau du châtelet d’entrée, des disques de marbre alternent
avec des tables [T. II, ill. 272–276] ; à Joigny, sur la façade latérale du pavillon d’angle
(construit dans les années 1570), un disque de pierre lisse isolé apparaît sur le parement
piqueté, au-dessus des fenêtres du premier niveau [T. II, ill. 105]. Le disque plat est
employé au XVIIe siècle dans une situation précise : il n’apparaît que sur les écoinçons
des arcades. La forme est nue et lisse, sans ornements. Les disques de la Cour Royale et
de l’aile du Midi de Versailles [T. II, ill. 875–876], des Grandes Écuries (1679–1682)
[T. II, ill. 877, 879–880] de l’orangerie de Meudon (1656–1657) [T. II, ill. 481–482],
présentent tous les caractères de la table saillante lisse aux arêtes vives. Le motif est repris
pour les arcades latérales de la façade d’entrée du château d’Issy-les-Moulineaux (1681)
[T. II, ill. 910–911] où il évoque le disque de la première Renaissance puisqu’il est fouillé.
Une autre forme, ovalisée, apparaît au Louvre, au second niveau des avant-corps, à
la place des tables couronnées du rez-de-chaussée ; comme elles, le motif est encadré et
incrusté d’une plaque de marbre [T. II, ill. 497–498, 500]. La lourde chute de fruits qui
le couronne provient du répertoire italien importé en France lors de la décoration de la
galerie de François Ier à Fontainebleau : des chutes de fruits ont été employées pour la
niche ovale portant le buste de François 1er au bout de la galerie et pour des
encadrements ovales dans la chambre de la duchesse d’Étampes. Le motif du Louvre est
imité, avec ses accessoires, au portail de Saint-Nicolas-des-Champs (1574–1586) sous
forme d’un disque entouré de chutes d’ornements très développées [T. II, ill. 540]. Le
motif ovale de l’aile Lescot au Louvre aura une certaine postérité au XVIIe siècle et au
XVIIIe siècle : il est cité littéralement, avec ses guirlandes, par Perrault sur l’aile de la
Colonnade (1668) [T. II, ill. 829–830]. Gabriel reprendra le motif sur les pavillons d’angle
des bâtiments élevés sur la place Louis XV.
Dans les années 1560, l’on joue sur le caractère hybride du motif. En particulier, on
se plaît à emprunter au bossage ses tailles rustiques. L’idée d’alterner ces formes et
d’autres tracés cintrés et doublement cintrés dans les entrecolonnements semble
provenir de Serlio : des disques alternent avec des tables carrées et doublement cintrées
dans les entrecolonnements d’une porte du Libro estraordinario (fol. 20 v.)255. Des tables
255 Ces formes sont également employées dans les frises comme à Couiza (après 1550) [ill.].
213
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
ovales entre tables rectangulaires rustiquées sont employées dans les entrecolonnements
du frontispice de la cour du Pailly (1563) [T. II, ill. 334].
Des motifs plus singuliers sont parfois employés : Michel-Ange utilise à la Porta Pia
une patène entourée d’une serviette, le bassin de sacrifice et la serviette étant les attributs
sacerdotaux du pape ; par ailleurs, la patène est un motif employé sur les métopes ; le
motif de la Porta Pia est imité au Val-de-Grâce (1645–1669) [T. II, ill. 896–897].
Le cartouche
Le cartouche est un encadrement extrêmement développé sur le mur, dérivé des
formes compliquées apparues en France à la galerie de François 1er à Fontainebleau
décorée par Rosso à Fontainebleau256. Le cartouche à « cuirs », sorte de vélin ou de
parchemin figuré dans la pierre, aux bords découpés et incurvés apparaît dans le décor
architectural dès les années 1530257 et, dans les années 1540, il est employé sur le mur. À
Laval (1540) [T. II, ill. 1102–1103], d’imposants motifs formés de cartouches à cuirs
superposés, entourés de figures, de lourdes guirlandes ou de termes ornent les centres
des trumeaux.
Employé à toutes les échelles, sur des éléments de décor comme sur les trumeaux258,
c’est un ornement qui n’entretient aucune relation structurelle avec le mur, une forme
traitée pour elle-même, comme un morceau de sculpture indépendant de la composition
de la façade. La vogue du cartouche autour des années 1550 a été favorisée par la
diffusion de livres d’ornements qui ont pu servir de recueils de modèles pour
l’architecture, tels ceux de Jacques Androuet Du Cerceau.
256 A. Chastel, « Fontainebleau, formes et symboles », introduction au catalogue de l’exposition, L’école de
Fontainebleau, Paris, Grand Palais, 1972, R.M.N. Paris, 1991, p. 32 : dans le premier décor de Fontainebleau apparaît
« pour la première fois avec décision, le motif abstrait est découpé en formes géométrisées, mais dotées d’une sorte
de ressort qui les incurve, le fameux “cuir”. Les ornemanistes généraliseront le découpage des cartouches. Les
recueils gravés ont joué leur rôle en combinant deux systèmes : les grotesques et le décor à cuirs mêlés de figures,
de putti et de figures gainées, de guirlandes et de chutes de fruits. Les arabesques d’Androuet Du Cerceau, les suites
de médaillons ou de cartouches par Delaune, les exercices de Pellegrin, de Jean Cousin répondent au besoin de
modèles ».
257 Le cartouche est, selon D’Aviler, un « Ornement de sculpture, de pierre, de marbre, de bois, de plâtre, etc. en
manière de table avec enroulements, dans lequel on met des armoiries, une inscription, ou des bas-reliefs pour la
décoration extérieure et intérieure des églises. Ce mot vient de l’Italien, Cartoccio, qui signifie la même chose. On
appelle petits cartouches ou cartels, ceux qui servent à la décoration des frises ou panneaux de menuiserie et
généralement ceux qu’on emploie dans les bordures des tableaux, aux couronnements des dessus de cheminées et
aux pilastres. »
258 À Joinville (1533-1546), des tables entourées de cuirs ornent des pilastres sur la façade est [ill. 327-328]. À
Mesnières (ap. 1544, v. 1545), des cartouches ornent les piédestaux des colonnes qui encadrent les lucarnes [ill.
395].
214
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
À Bournazel, au-dessus des niches de l’aile est sur cour (v. 1550–1555), des petits
cartouches occupent la position de la table couronnée [T. II, ill. 1045–1047]. Des motifs
plus grands sont employés sur les trumeaux, où l’ornement peut se développer.
Parfois la partie centrale est une table. À Laval (1540) [T. II, ill. 1102–1103] certains
cartouches, au centre de la façade, sont timbrés d’une grande table rectangulaire. Sur une
cheminée du Bas-Chareil (1552 – vers 1560) [T. II, ill. 31–32], un grand motif à cuirs
présente en son centre une sorte de table à crossettes droites dont les contours se
découpent et s’incurvent. À Surgères (1576) [T. II, ill. 1155–1156] l’attique du portail
d’entrée s’orne d’une table rectangulaire en saillie sur un encadrement à cuirs. Selon la
même formule, des bas-reliefs des trumeaux de l’aile renaissance de Marsillargues (v.
1576) [T. II, ill. 960, 962] s’inscrivent dans un encadrement à cuirs259.
Le cartouche à cuirs et ses formes dérivées est fort prisé dans le premier tiers du
XVIIe siècle : de grands motifs à multiples découpes et enroulements apparaissent dans
le soubassement de l’hôtel de Mercœur à Paris (1625–1627) [T. II, ill. 691] ; une table
apparaît dans un cartouche à enroulements et à cuirs au second niveau de l’église SaintPaul-Saint-Louis à Paris [T. II, ill. 738]. Pierre du Colombier a fort bien défini l’esprit de
ces ornements : « L’ornement Louis XIII est, de préférence, centré : il se propage autour
d’un motif d’intérêt. Fort souvent, ce motif est constitué par un cartouche, figure fermée
à contours courbes, symétrique de part et d’autre d’un axe vertical et plutôt équilibrée
que symétrique suivant cet axe. La partie centrale du cartouche, qui paraît faite pour
porter des armoiries, des initiales, est en réalité souvent aveugle. »260 Voilà bien des points
communs avec la table, mais les deux formes sont opposées ; la surface plane de la table
se définit par la linéarité du contour angulaire sur le mur accusant un relief net, alors que
le cartouche contamine la surface du mur selon un principe proliférant contraire à l’effet
de limite franche de la table261.
L’édicule
Les niches à fond plat inscrites dans un édicule à colonnes et fronton du Panthéon,
dont Serlio donne le détail au Livre III (fol. 55 r.), ont pu donner lieu à quelques
259 Un exemple typique d’encadrement de table à cuirs se trouve sur un immeuble du XIXe siècle, rue Réaumur.
260 DU COLOMBIER, 1941, p. 13.
261 Nous nous intéressons ici qu’aux principes formels du motif et à ses emplois sur les façades, nécessairement
plus limité et moins riches que ces occurrences dans la peinture et dans la sculpture ornementale des décors
intérieurs. Le cartouche comportant des éléments figuratifs, où le cuir ou les formes auriculaires peuvent
s’interpréter symboliquement, mériterait d’autres développements. Pour une analyse appronfondie du motif et de
ses significations, nous renvoyons aux travaux de Caroline Heering.
215
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
interprétations ornementales ; celles-ci n’apparaissent pas avant le dernier tiers du XVIe
siècle. À Sully-le-Château (après 1570–fin XVIe ou début XVIIe), le second niveau de la
façade ouest comporte des tables cintrées inscrites dans un édicule formé de deux
montants supportant un entablement, et s’élevant sur une moulure formant appui,
supporté par deux consoles plates accostant une table262. La façade méridionale, quant à
elle, s’orne de « vraies » niches à fond plat inscrites dans le même type d’encadrement,
mais à simple table affleurée sous appui [T. II, ill. 108–113]. On retrouve deux
compostions de structure similaire sur le pavillon d’entrée du Pailly (ap. 1563–1570 ou
1573) : dans les travées latérales du dernier niveau, une table cintrée bordée de tresses
forme le corps d’un petit édicule à entablement élevé sur une moulure formant appui,
supporté par deux consoles plates entre lesquelles s’insère un disque ; au premier niveau,
une table rectangulaire inscrite dans un cadre est surmontée d’une corniche et d’un
amortissement à ailerons tandis qu’un lourd motif sculpté d’un cul-de-lampe et d’un
mufle de lion semble suspendu à la moulure d’appui [T. II, ill. 329]. À Maillé [T. II, ill.
169], une forme très simplifiée de l’édicule orne les entrecolonnements du pavillon de
1570 : une table cintrée affleure dans un encadrement à bandes et consoles plates. Enfin,
à Marsillargues, sur l’aile de 1576 [T. II, ill. 960, 962], des cartouches prennent place dans
un encadrement à pilastres et fronton. Le motif, qui semble avoir eu un certain succès
pendant une trentaine d’années, disparaît au XVIIe siècle.
Niche du Panthéon, d’après Serlio, Livre III, fol. 55 r.
Le bas-relief
Le panneau à bas-relief n’est évoqué dans cette étude qu’en raison de la proximité
de la forme avec la table et le cadre. Si le bas relief est sculpté dans une table rentrante,
262 En forme de « lambrequins » selon l’expression de Sauvageot. Il s’agit en effet, en place des consoles, de deux
bandes terminées par un gland, imitant ainsi une passementerie. SAUVAGEOT, 1867-1870, I, p. 352
216
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
ou s’il est encadré, il se distingue ainsi du bas-relief « libre » qui se déploie sur un pan de
mur, ou qui s’insère dans un champ vertical telles les figures allégoriques des
entrecolonnements de la Fontaine des Innocents, des trumeaux de l’hôtel Carnavalet
(1660–1661) et de l’hôtel de Sully (1625–1630).
Le bas-relief et son cadre peuvent être sculptés sur une plaque de pierre enchâssée
dans le mur, sur une table d’attente ainsi qu’à l’hôtel de Carnavalet sur le portail d’entrée
[T. II, ill. 800–802], ou directement sur le mur ainsi qu’au Château de Saint-Cloud (1660–
1700) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 859–861, 863].
Château de Saint-Cloud, Le Pautre, J. Hardouin-Mansart (1660–1700), bas-relief de la cour.
Lorsque des panneaux à bas-relief sont employés dans le décor monumental, l’effet
de table, et à fortiori celui de surface lisse et vide est tout à fait secondaire au regard de
la sculpture qui domine et de l’intention qui a motivé son emploi : l’imitation des reliefs
qui semblent avoir ainsi été arrachés aux monuments antiques et enchâssés dans les
façades, dont la forme rectangulaire et la taille réduite évoquent principalement les basreliefs des sarcophages antiques où des métopes, ou encore les bas-reliefs des arcs de
triomphe, comme les bas-reliefs encadrés de l’attique de la Fontaine des Innocents. Dans
la cour du palais des ducs Uzès (1565–1572), des panneaux à bas-reliefs, à figures ou
scènes allégoriques, entourés d’ornements sculptés garnissent tous les trumeaux.
L’espace du cadre est totalement occupé par la sculpture [T. II, ill. 963–965]. Le panneau,
légèrement rentrant, a les mêmes dimensions que la fenêtre et reproduit son
encadrement et son couronnement à fronton. L’effet de saturation ornementale de la
surface est encore plus sensible sur les bas-reliefs des frises de l’aile renaissance de
Marsillargues (v. 1576) et plus encore sur les trumeaux où les bas-reliefs encadrés
inscrivent dans un cartouche à cuirs ou s’entourent d’ornements qui comblent toue la
surface disponible [T. II, ill. 960–962].
217
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
Le motif de la table rentrante à bas-relief apparaît au XVIe siècle en Italie. Jules
Romain l’emploie dans le vestibule du palais du Té, Palladio au Palais Valmarana à
Vicence. Le motif est introduit en France au XVIe siècle. De l’Orme l’utilise sur arc de
l’entrée de Henri II à Paris sur deux monuments funéraires, le tombeau de François
premier et l’urne au cœur de François 1er.
Dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, le motif connaît alors une vogue sans
précédent, liée à la politique culturelle de Sublet de Noyers et poursuivie sous la
surintendance de Colbert Il, comme l’a montré Alexandre Cojannot263 ; citons des
exemples que son article n’a pas mentionnés, la grotte du château de Rueil, [T. II, ill.
721], qui comporte à tous les niveaux et sur toutes les surfaces disponibles des bas-reliefs,
et plus tard dans le siècle, Marly, où les dessus-de-portes et de fenêtres, les piédestaux,
les dés de la balustrade sont ornés de bas-reliefs et, enfin, les bas-reliefs de Saint-Cloud
(1660–1700) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 859–861, 863].
Le bas-relief prend place au XVIIe siècle presque exclusivement dans une table
rentrante. Des bas-reliefs ont été disposés au XVIIe siècle dans les tables rentrantes des
travées latérales du portail de l’hôtel Carnavalet [T. II, ill. 800–802].
Château de Saint-Cloud, Le Pautre, J. Hardouin-Mansart (1670–1680), bas-relief du corps de logis principal.
L’emploi du bas-relief se poursuit au XVIIIe siècle, toujours dans des tables
rentrantes. À la Fontaine de Grenelle, les reliefs qui ornent le dessous des niches
s’opposent aux tables qui ornent l’attique. Jacques-François Blondel, ne sachant où
traiter le bas-relief dans son Cours d’architecture (1771–1777), en parle comme d’un
ornement des frises, à l’exclusion de tout autre champ plat comme les entre-deux des
doubles corps de moulures qui doivent être « ordinairement lisses » ; il précise cependant
qu’il peut orner également les dés des piédestaux et des balustrades. Les architectes des
Lumières en font pourtant grand usage : Boullée, Ledoux et Lequeu emploient en même
263 L’histoire de la réapparition du bas-relief à l’antique au XVIIe siècle a fait l’objet d’un article très complet :
Alexandre COJANNOT, « Le bas-relief à l’antique dans l’architecture parisienne du XVIIe siècle » : du Louvre de
François Sublet de Noyer à celui de Jean-Baptiste Colbert » dans Studiolo. Revue d’histoire de l’art de l’Académie de France
à Rome, I, 2002, pp. 20-40.
218
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ornements du mur
temps, et sur les mêmes édifices, le bas-relief et la table rentrante. Cette dernière était
quasiment absente du répertoire en France ; sa réapparition dans la deuxième moitié du
XVIIIe siècle, dans le cadre d’une réappropriation du vocabulaire antique, s’explique par
le lien symbolique qui se noue alors avec le bas-relief, comparable à celui que la table « à
l’antique » entretenait avec l’inscription.
219
ORDONNANCES DU MUR
Nous avons précédemment décrit les ornements en eux-mêmes, leurs formes et leurs
effets propres sur le mur, nous allons observer maintenant leur fonction dans le décor
de la façade. Certains ornements n’ont qu’un rôle d’accompagnement, en meublant un
champ, en animant un pan de mur ; lorsqu’ils sont utilisés de manière ponctuelle ou
lorsqu’ils ont une très forte existence individuelle par ce qu’ils figurent ou évoquent,
comme certains cartouches, ils enrichissent, voire surchargent le décor sans grandes
conséquences sur l’ordonnance, si ce n’est précisément cet effet d’enrichissement et de
saturation ornementale. D’autres ornements peuvent, au contraire, jouer un rôle
important dans la composition de la façade. Le mur peut s’effacer devant les éléments
structurants du décor auquel il sert de fond neutre ou bien, au contraire, participer de
l’ordonnance. Nous allons observer par quels éléments le mur assume cette fonction
dans le système de la façade française tel qu’il se dessine à partir de la fin du XVe siècle,
d’une part, et les conséquences de l’apparition des ordres au milieu du XVIe siècle et de
l’adoption du nouveau répertoire classique, d’autre part.
Avec l’emploi des ordres, la surface murale est divisée verticalement par des pilastres,
et horizontalement par des corps de moulures, et le mur sert de fond à ce décor qui
assigne aux ornements une place définie. Mais l’ordonnance de la façade dans la syntaxe
classique n’est pas forcément liée à l’emploi des ordres de colonnes : réservés à quelques
édifices prestigieux, aux façades d’églises, ou employés ponctuellement pour valoriser un
corps principal ou le centre d’une façade, ils sont exceptionnels au regard de l’ensemble
de la production, même savante. En l’absence de pilastres et de colonnes, la façade reste
un arrangement de vides et de pleins qui peut être surdéterminé par d’autres éléments
chargés de signifier un ordre absent ou d’ordonnancer les façades.
Il faut donc partir des différents modes de structuration du décor. L’ordonnance de
la façade dépend en premier lieu de la disposition des baies : elle est, à un premier niveau
d’organisation, définie par l’alternance plus ou moins réglée des pleins et des vides. Une
baie isolée définit par elle-même des champs dans son environnement immédiat : dessus
de fenêtre ou de porte, dessous de baie sur le mur-sous-appui264 et côtés de la baie le
long des piédroits, sont des champs dont la forme est relativement indéterminée
puisqu’ils ne sont limités que par un côté de l’embrasure. Si les ouvertures sont petites,
distantes l’une de l’autre, disposées de manière aléatoire, elles sont des « accidents » qui
ne perturbent pas l’effet d’unité et d’homogénéité de la surface murale ; la façade ou le
pan de mur dans lequel elles s’inscrivent est une entité, une seule et même surface percée
264 Le mur-sous-appui est un pan de mur compris entre le sol et l’appui.
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
de place en place sans que des subdivisions apparaissent ; les formes du décor peuvent
s’y déployer librement265.
La superposition des ouvertures d’étage en étage est le cadre fondamental de la
façade classique et elle induit inéluctablement une trame orthogonale. Si les baies sont
strictement alignées horizontalement et verticalement, les lignes virtuelles passant au
droit de leurs embrasures définissent des champs rectangulaires : le trumeau*266 entre
deux baies au même niveau, le plein-de-travée*267 entre deux baies superposées [planche
XI fig. 1] ; le champ situé au-dessous du trumeau et entre les pleins de travée n’a quant
à lui pas de nom spécifique268 [planche XI fig. 2]. L’espacement et la hauteur des baies
orientent ces champs : le trumeau est un champ plus ou moins étroit induisant l’emploi
d’ornements ou de compositions qui se développent selon un axe vertical ou horizontal
si les baies sont très espacées. Les jeux de surface et d’étendue sont d’autant plus
sensibles si le trumeau a une largeur égale à sa hauteur.
L’ordonnance de la façade dépend, à un second niveau d’organisation, du nombre
de baies et de leur répartition : leur fréquence règle le rythme de l’ordonnance. Dans la
composition d’ensemble, le groupement et l’équilibre des ouvertures détermine la
distribution des ornements. L’ornement peut amplifier le rythme de l’ordonnance en la
ponctuant ; il peut aussi organiser le rythme de l’ordonnance et l’enrichir de sousstructures rythmiques. Enfin, la façade est une composition finie, dont les limites sont
plus ou moins marquées : l’ornement du mur peut souligner les couronnements, le
soubassement et il peut jouer avec les angles.
265 C’est à la fois le système vernaculaire médiéval et méditerranéen que, d’une certaine manière, le mouvement
moderne explore en réinventant une autre forme de façade libre, comme à la chapelle de Ronchamp de Le
Corbusier.
266 Le trumeau n’apparaît qu’entre deux baies alignées horizontalement et suffisamment rapprochées. Voir le Petit
lexique en Annexe II.
267 Le plein-de-travée* est, entre deux fenêtres superposées, le pan de mur compris entre le couvrement de la baie
de la fenêtre inférieure et l’appui de la fenêtre supérieure. Il ne doit pas se confondre avec le mur-sous-appui* et
l’allège*.
268 Le trumeau est, au sens strict, le pan de mur limité en parement par les arêtes verticales des embrasures de deux
baies. Si l’on considère que l’allège fait partie de la baie lorsque celle-ci en forme le remplage, le trumeau a la hauteur
de la fenêtre et de l’allège ; mais si l’allège de la baie n’est pas matérialisée en parement, le trumeau est situé entre
les deux fenêtres.
221
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Planche XI. Le mur et l’ouverture.
222
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Les types d’ordonnances
L’alignement des ouvertures engendre des lignes virtuelles définisant trumeaux et
pleins-de-travée. L’ordonnance du mur dépend de la manière dont ces champs sont
individualisés : les lignes théoriques passant au droit des embrasures n’apparaissent que
si elles sont matérialisées par la modénature.
Le parti décoratif peut s’appuyer sur le système constructif, et chaque manière de
construire implique une expression du mur particulière269. Dans les structures à parement
portant*270, le circuit de transmission des charges oriente les formes : les lignes de forces
du mur sont induites par la nécessaire continuité de la matière jusqu’aux fondations et
par les transferts de charges qu’implique tout percement. Dans les maçonneries
d’appareils* de pierre ou de brique*, le mur n’est pas totalement homogène, mais
comporte des chaînes horizontales et parfois des renforts verticaux, surtout lorsque le
mur est à double parement. Dans les maçonneries mixtes*, brique et pierre, pierre ou
brique et moellon enduit, les chaînes de raidissement sont reliées par les chaînes
horizontales271. Les ordonnances naissent en grande partie de la manière dont on
exprime cette architectonique. On peut utiliser des éléments fonctionnels comme les
larmiers, faire saillir des jambes* ; dans la construction mixte, les chaînes, par nature
différentes du remplissage peuvent être accentuées : les chaînes verticales placées le long
des piédroits des baies peuvent porter des bossages, les chaînes horizontales des larmiers
plus ou moins saillants. La structure constructive peut être plus ou moins accentuée et
appuyée par les ornements ou, au contraire, les ornements peuvent tendre à l’effacer.
On peut imaginer toutes les combinaisons possibles entre divisions horizontales et
verticales, passant au droit des baies et entre les baies ; on distingue ainsi trois grands
groupes d’ordonnances. Nous les avons représentées schématiquement au moyen de la
forme élémentaire de la bande sur des couples de deux fenêtres superposées sur les
planches XII à XVII, pages suivantes.
Le point de départ de notre combinatoire est l’ordonnance à baies isolées ; aucun
élément ne divise le mur ni horizontalement ni verticalement ; soit les fenêtres s’ouvrent
269 Pour l’histoire des matériaux et techniques de construction à l’Âge classique, voir Annexe I.
270 Voir le Petit lexique en Annexe II.
271 Les murs à parements mixtes sont formés d’une maçonnerie portante raidie par des chaînes. Le matériau le plus
résistant constitue l’armature du mur et le matériau le moins résistant le remplissage : la pierre est toujours
l’armature dans les murs en brique et pierre, en moellon et pierre, la brique est l’armature dans les murs en moellon
et brique. Dans ce système de construction, l’ensemble de la maçonnerie en parement est portant*, ce qui le
distingue des structures à ossature* comme le pan de bois. On a abusivement employé le terme « brique et pierre »
pour désigner trois types d’ouvrages différents employés au XVIe et au XIIe siècle : à chaînes de pierre et
remplissage de brique, à chaînes de brique et remplissage de moellon enduit et à chaînes de pierre et remplissage
de moellon.
223
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
à vif dans le mur [planche XII, fig. 1] soit elles sont encadrées d’une mouluration
[planche XII, fig. 2].
Lorsque les fenêtres sont jointes à un seul corps de moulures horizontal passant soit
en haut, soit en bas du plein-de-travée la façade se structure par niveaux superposés. En
position basse, le corps de moulures passe au niveau de la ligne du plancher en étant
tangent soit au linteau [planche XII, fig. 3] soit au soffite en régnant avec la traverse
supérieure du chambranle [planche XII, fig. 4]. En position haute, le corps de moulures
règne avec les appuis [planche XIII, fig. 5]
Dans un deuxième groupe, l’ordonnance du trumeau est strictement commandée
par la fenêtre [planches XIII à XIV]. Lorsque les fenêtres sont jointes à deux corps de
moulures limitant un champ horizontal continu dans lequel plein-de-travée et dessous
de trumeau sont indistincts, la façade se structure en registres horizontaux. Le niveau de
fenêtres est limité par une mouluration régnant avec les appuis et une mouluration
tangente au linteau [planche XIII, fig. 6] ou régnant avec celui-ci [planche XIII, fig. 7].
Si la mouluration est parfaitement homogène et continue, elle limite sur le trumeau un
panneau dont l’encadrement est identique à celui de la fenêtre [planche XIII, fig. 8].
Lorsque les fenêtres sont liées par les lignes de structure ou par des moulures passant
aux droits des arêtes verticales de l’ébrasement ou les accostant, la façade se structure
par travées de fenêtres indépendantes. Les lignes définissant la travée de fenêtres limitent
sur le plein-de-travée un petit compartiment et, entre travées de fenêtres, le mur est
continu ; si les travées sont rapprochées, on peut lire une alternance de travées de
fenêtres* et de pans de mur verticaux [planche XIV, fig. 9].
Lorsque la travée de fenêtre est recoupée par un seul corps de moulures horizontal
celui-ci divise le plein entre travées en deux compartiments superposés dans lesquels
trumeau et dessous de trumeau sont indistincts [planche XIV, fig. 10].
Enfin, pour clore cette première série d’ordonnances, toutes les lignes passant au
droit des ébrasements sont matérialisées. Deux corps de moulures recoupent la travée,
l’un situé au niveau du plancher et l’autre au niveau de l’appui. Dans ce système le
trumeau et le plein de travée sont stricto sensu délimités en matérialisant le dessous de
trumeau, la façade est alors intégralement divisée en compartiments [planche XIV,
fig. 11]. Si la modénature est parfaitement homogène, il n’y a pas de différence structurale
entre un plein-de-travée, un trumeau, un dessous de trumeau ; quelle que soit la position
de ces parties de mur, il s’agit d’une même forme [planche XIV fig. 12 et planche XV,
fig. 13].
224
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Planche XII.
225
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Planche XIII.
226
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Planche XIV.
227
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Planche XV.
228
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Dans une seconde série d’ordonnances [planches XVI et XVII p. suivantes], les
lignes de structure ou la modénature ne correspondent pas avec les arêtes des baies.
Dans un premier mode, la façade se structure par niveaux séparés par des cordons
ou des corps de moulures matérialisant la ligne de plancher ; le corps de moulure peut
être simple [planche XVI fig. 14], ou être double matérialisant une frise continue
[planche XVI, fig. 15].
Dans un second mode, les éléments structurants verticaux sont indépendants de la
baie. Au milieu du trumeau, des membres matérialisent une travée au centre de laquelle
s’inscrit la baie et définissent des champs de part et d’autre des chambranles ; c’est le cas
de certaines ordonnances à jambes* apparentes dans les structures mixtes, à contreforts
plats* dans les maçonneries d’appareil et dans les structures mixtes, et à ordre de
colonnes ou de pilastres [planche XVI, fig. 16]
L’ordonnance indépendante de la baie peut se combiner avec l’ordonnance propre
du mur commandée par l’ouverture. Mais en France, ordre et ordonnance du mur
commandée par la fenêtre s’associent, c’est le cas au Louvre, premier grand exemple
français de l’emploi des ordres.
On pourrait imaginer toutes les associations possibles avec les ordonnances de la
première série. Nous avons représenté les principales. Le corps de moulures horizontales
peut être lié aux fenêtres [planche XVI fig. 17] ; il peut s’accompagner d’une modénature
qui souligne les appuis, [planche XVII, fig. 18] ou les linteaux [planche XVII, fig. 19] ;
enfin, les niveaux de fenêtres peuvent être marqués [planche XVII, fig. 20].
Tous ces types d’ordonnances ont été employés, mais ce qui est valable du point de
vue génératif ne l’est pas forcément chronologiquement ; par ailleurs, la position et le
nombre des membres qui structurent l’ordonnance résultent d’un choix délibéré,
certaines ordonnances sont employées simultanément, d’autres sont récurrentes, d’autres
disparaissent. Afin d’étudier le rôle de l’ornement dans la composition et l’ordonnance
des façades, il faut dégager les types d’ordonnances privilégiés en France. Nous avons
donc repéré leurs occurrences dans le temps et les ornements qui leur sont associés sur
le mur.
229
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Planche XVI.
230
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Planche XVII.
231
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
L’accentuation des lignes verticales est un des traits permanents de l’architecture
française, maintes fois relevé. Dès le XVe siècle et durant tout l’Âge classique, ces lignes
se concentrent sur la travée de fenêtres. Composition traitée pour elle-même, en
particulier grâce à l’emploi d’ornements sur le mur, elle tend ainsi à former une structure
autonome qui devient un élément dominant de l’ordonnance, particulièrement affirmé
quand les façades ne comportent pas d’ordre. La travée de fenêtres peut être considérée
comme l’un des topiques de l’architecture française et elle est le cadre de multiples
inventions ornementales qui méritent un examen particulier : nous lui consacrons un
premier chapitre.
L’habitude qui, en France depuis le XVe siècle, consiste à lier l’organisation du mur,
tant constructive qu’ornementale, à la travée de fenêtres engendre des ordonnances
caractéristiques : la travées de fenêtres est recoupée par un ou plusieurs corps de
moulures en formant une grille qui quadrille le mur et le divise en compartiments. Cette
figure du compartiment est en elle-même ornementale et détermine plusieurs types
d’ordonnance, à chaînes et remplissages ou à compartiments définis par une modénature.
Les diverses formes du quadrillage et leurs inflexions à l’Âge classique font l’objet du
second chapitre. Nous consacrons à la suite deux développements aux ordonnances sans
ordres qui n’appartiennent pas à ce système : les ordonnances à recgistres superposés et
les ordonnances à baies isolées.
La fonction des ornements du mur sera ensuite examinée dans le chapitre intitulé
« Enrichissement et régulation de l’ordonnnance par l’ornement ». De même qu’on peut
souligner ou non les travées et les niveaux de fenêtres, on peut choisir d’orner le mur ou
non. L’ornement qualifie les intervalles entre les baies et entre les éléments structurants
du décor. Entre les baies, le mur peut être en lui-même une figure ornementale et il peut
avoir, grâce aux ornements, son ordonnance propre : tables en panneau et encadrements
mettent en évidence l’organisation du mur. Ils peuvent aussi souligner l’ordonnance ou
même la régler. Les ornements du mur, bien que moins codifiés que les ordres et plus
librement employés, ont ainsi parfois une fonction comparable à celle de l’ordre. Les
ornements peuvent s’organiser en compositions ornementales verticales ou horizontales.
Ils peuvent souligner la continuité du plein entre les travées de fenêtres, s’organiser en
registres horizontaux, former des pendants ou des suites répétitives. Ils peuvent
accentuer le compartimentage de la façade lorsque lignes verticales et horizontales se
croisent.
Ces ordonnances apparaissent au même moment que l’introduction des ordres et
leurs phases d’évolution sont parallèles. Ordonnances avec ordre et ordonnance sans
ordre suivent-elles des voies de développement propres et divergentes ? L’ordre, c’est-àdire le système architectonique formé de la colonne et de l’entablement qui définit des
232
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
travées indépendantes des baies instaure certes un autre système d’ordonnance que la
grille liée à la baie. Mais le problème auquel ont été confrontés tous les architectes de la
Renaissance est d’associer l’ordre au mur percé de baies, donc à l’ordonnance propre du
mur. La France propose des solutions spécifiques que nous étudions dans le chapitre
intitulé « Ordres et ordonnance du mur ». Celles-ci tiennent compte des habitudes
constructives et visuelles, des manières de faire qui lui sont propres ; les ordonnances
françaises sont en effet très différentes des ordonnances italiennes : en France, l’ordre et
l’ordonnance du mur commandée par la fenêtre horizontalement et l’articulation
verticale de la travée se combinent.
Nous étudierons un motif architectural qui a eu une fortune particulière en France :
la travée alternée triomphale, qui apparaît dans les années 1540, créée à partir de la
structure et de l’ornementation de l’arc de triomphe antique. Ce motif donne lieu à de
nombreuses variations sur les avant-corps et sur les façades d’églises, sur les portails. Ces
compositions triomphales à un niveau ou à ordres superposés sont le lieu privilégié du
répertoire « à l’antique ». Les compositions ornementales du petit entrecolonnement
constituent une thématique spécifique dont l’emploi peut s’observer dans la « longue
durée ». D’autres formules ornementales sont inventées ; elles se diversifient à mesure
qu’elles sont employées dans des compositions plus étendues telles les ordonnances
colossales. On les emploie sur d’autres parties de la façade avec ou sans ordres pour
former des ordonnances. Dans les ordonnances sans ordre de colonnes ou de pilastres,
cette ornementation se transforme et elle joue un rôle nouveau : de nouvelles formules
rythmiques sont inventées.
Enfin nous verrons que l’ornementation peut avoir même fonction que l’ordre et
peut même le remplacer. Avec les ordres, les façades ne peuvent plus se concevoir hors
du principe hiérarchique qui leur est inhérent. Non seulement l’élévation, mais l’édifice
entier devient une unité organisée par des rapports du tout aux parties qui règlent les
relations entre le principal et le secondaire, l’avant et l’arrière, idée qui rompt
définitivement avec la composition par juxtaposition qui caractérise la plupart des
édifices du début du XVIe siècle. Cette hiérarchie n’est pas seulement visible dans
l’organisation des volumes, elle s’écrit aussi sur le mur : il y a donc des manières d’orner
le mur qui accompagnent ou indiquent cette hiérarchie : nous verrons que même en
absence d’ordre la façade peut être soumise à son principe.
233
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
LE DÉCOR DU MUR DANS LA TRAVÉE DE FENÊTRES
La continuité de la travée de fenêtres est un des traits récurrents de l’architecture
française. Les usages concernant l’éclairement des pièces et les procédés de construction
y prédisposent. La grande hauteur de l’ouverture par rapport à celle de l’étage permet
d’inscrire la baie et son cadre dans presque toute la hauteur entre les corps de moulures
horizontaux qui marquent les étages272. Dans la deuxième moitié du XVe siècle, les
proportions des baies s’allongent et se stabilisent au XVIe siècle autour du rapport 1/2,
sans que cela ne soit une norme absolue ; la recherche de la plus grande ouverture
possible entre plancher et plafond, dont Philibert De l’Orme donne l’explication dans
son Premier tome de l’architecture273, réduit la hauteur du plein-de-travée, favorisant ainsi la
liaison visuelle des baies superposées.
La matérialisation de la travée a, quant à elle, une raison constructive. Lorsque le mur
sous-appui en maçonnerie ne se distingue pas structurellement du reste du mur, il n’y a
aucune raison de lier verticalement les fenêtres : les charges sont dévoyées dans la masse
du mur qui fait voûte au-dessus de la baie ou sont portées par un arc de décharge audessus du linteau. Mais le procédé le plus courant en France est différent : on monte les
piédroits de la baie à partir du niveau du plancher puis on ferme le bas de l’embrasure
par un remplage, l’allège*274. La baie peut ainsi s’ouvrir sur presque toute la hauteur
d’étage et, comme son cadre structurel va de plancher à plancher, la travée apparente
peut être continue sur toute la hauteur de l’élévation.
Le plein-de-travée peut être matérialisé en parement par un jambage mouluré ou
chaîné dans les constructions mixtes ou peut recevoir un traitement propre ; il est le
champ privilégié du décor de la travée. Lorsque le cordon-larmier matérialisant la ligne
de plancher se trouve au-dessus du linteau ou de la plate-bande couvrant la baie, il divise
le plein-de-travée en deux champs, l’allège et un petit champ horizontal au-dessus de la
baie qui peut également recevoir un décor.
272 Cordons-larmier, bandeaux ou entablements placés approximativement au niveau des planchers ou du seuil des
fenêtres dessinent des niveaux apparents, distincts des étages proprement dits dont les hauteurs sont mesurées de
plancher à plancher à l’intérieur de l’édifice.
273 « Quant à la hauteur, j’ai toujours connu par expérience que pour rendre un logis fort plaisant, la hauteur des
fenêtres croisées doit être en arrière-voussure fort près des planchers, ou solives, comme d’un demi-pied, ou
environ ; autrement si le derrière des fenêtres demeure beaucoup plus bas que les solives, comme de deux pieds,
de trois, de six, ou plus, ainsi qu’il se voit au château du Verger, et à assez d’autres lieux, cela rend les salles
mélancoliques. Pour ce est il qu’on doit tenir lesdites fenêtres les plus hautes que faire se peut, si l’on veut que les
lieux soient plaisants ». DE L’ORME, 1567, VIII-14, fol. 249r ; et 249 v.
274 L’allège, pan de mur léger n’a pas de rôle porteur ; il se distingue du mur sous-appui* de même épaisseur que
le reste du mur.
234
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
La tendance à unir les fenêtres en une composition continue est un trait
spécifiquement français dont on peut situer l’origine dans la seconde moitié du XVe
siècle. Le décor se concentre tout d’abord sur l’encadrement des fenêtres, alors que les
murs sont nus. À la fin du XVe siècle, la travée de fenêtres peut être matérialisée par des
colonnettes comme à Meillant, sur la tour du Lion, où les plein-de-travées se couvrent
d’un réseau d’ornements. La mouluration d’encadrement de la fenêtre peut se prolonger
sur l’allège qui peut rester nue comme sur la façade d’entrée de l’aile Louis XII à Blois 275.
Le cordon qui marque la ligne de plancher peut être tangent à l’encadrement de la baie
qui englobe le linteau comme sur l’aile de Longueville à Châteaudun où le décor de
petites arcatures du dessus de baie contribue à créer la continuité de la travée (fig. cidessous).
Meillant. Tour du Lion,
(après 1483 – avant 1510).
Blois, aile louis XII,
(1498–1502/1503).
Châteaudun, aile de Longueville,
(1508 – avant 1518).
Les pilastres dont on accoste les baies dès le début du XVIe siècle, comme on peut
le voir sur le châtelet d’entrée de Gaillon (1502–1510) ne bouleversent pas
fondamentalement cette structure276 [T. II, ill. 379]. Sur le plein-de-travée, d’étroits
ressauts, sorte de pilastres sans chapiteaux ou de piédestaux étroits, s’interposent entre
les pilastres et assurent ainsi la continuité de la travée. Ces petits ressauts limitent sur le
plein-de-travée un champ décoratif qui peut s’orner d’un disque comme à Bury,
s’encadrer sur l’aile de François 1er à Blois, ou rester nu à Azay-le-Rideau.
275 L’hôtel Jacques Cœur à Bourges anticipe ces formules, mais n’a pas été imité immédiatement.
276 La façade sur cour de l’aile est sur cour fait figure d’exception puisqu’une frise continue s’intercale entre le
niveau de fenêtres et les arcades du rez-de-chaussée, seulement divisée par les petits pilatres qui corrrespondent à
ceux des milieux de trumeau de l’étage [T. II, ill. 375–377].
235
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Bury (1511–1515)
travée du logis à l’est de la cour
restitution J. Guillaume, C. Titeux.
Blois, aile de François 1er,
(1515–1524),
travée à droite de l’escalier
Azay-le-Rideau (1518–1527),
travée de la façade sur jardin
de l’aile sud.
La travée est parfois une composition ornementale totalement indépendante comme
à Montsoreau. Sur la tourelle d’escalier, le décor du plein-de-travée se détache sur le nu
du mur et occupe tout le champ de manière à former avec l’ornementation des pilastres
une continuité décorative. Au Lude, le cordon inférieur du double corps de moulures est
placé plus haut, sur la ligne de plancher, permettant de multiplier les registres
ornementaux puisque deux champs sont matérialisés, l’un correspondant au-dessus de
baie, l’autre à l’allège.
Montsoreau (vers 1515),
tourelle d’escalier
Le Lude (1520–1530),
façade d’entrée
236
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Dans les années 1540, les pilastres accostant les fenêtres disparaissent et l’adoption
des entablements qui séparent les niveaux rompt le système vertical de la travée. À Ancyle-Franc et au Louvre, les encadrements de baie classiques apparaissent avec leurs
chambranles saillants et parfois des couronnements qui transforment la fenêtre en un
élément plastique autonome. C’est particulièrement évident sur le pavillon du Roi au
Louvre, dans la cour d’Ancy-le-Franc où, au rez-de-chaussée, la baie est totalement
isolée277. Néanmoins, la liaison des fenêtres va s’exprimer autrement. Dans la cour du
Louvre, la grande hauteur des baies dans le niveau apparent, les pilastres qui divisent la
façade en travées resserrées, les ornements placés dans l’axe des baies, sont autant
d’éléments qui marquent la verticalité de la travée de fenêtres.
Ancy-le-Franc, S. Serlio (1544–1546),
travée de la cour
Le Louvre P. Lescot (1546–1549),
travées du pavillon du Roi et de la cour,
d’après Jacques Androuet Du Cerceau, 1576.
Saint-Maur est exemplaire de la manière dont on adapte les ornements classiques à
la disposition de la baie française [T. II, ill. 520–521]. Sur la cour et sur le projet pour la
façade d’entrée, les allèges sont matérialisées par un décor de tables entre consoles ; sur
la cour, le petit pilastre placé sous le meneau rappelle la petite colonnette centrale des
allèges de la fin du XVe siècle et du début du XVIe siècle, comme sur l’aile Louis XII à
Blois278 ; la mince table placée sous l’allège qui semble ainsi brocher le soubassement
277 Sur la gravure du Livre IV de Serlio (fol. 174 v°), qui se rapproche le plus de l’élévation d’Ancy, les entablements
ressautent au-dessus de la petite travée de pilastres, en mettant en retrait le pan vertical dans lequel s’ouvrent les
baies. Cet effet de découpe verticale est totalement absent à Ancy.
278 Toutes les tables d’allèges de Saint-Maur ont des contours découpés qui accentuent l’effet d’allègement du
remplage, considéré comme une partie de la baie.
237
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
étire encore la baie en hauteur ; enfin, les frises et les frontons qui couronnent les baies,
ont pour fonction les « caler » dans le niveau279.
Saint-Maur (1541), façade sur cour et projet pour la façade d’entrée, détails d’après De l’Orme, 1567,
fol. 250 v. et fol. 251 v.
Ces dispositions n’ont pas cours en Italie où chambranles, colonnettes et frontons
donnent à la fenêtre l’allure d’une petite structure architecturale en forme d’« édicule ».
Sous l’appui, le mur est le plus souvent nu, ou simplement encadré d’une plate-bande
comme au dernier niveau du palais Farnèse entre les petits piédestaux qui font ressaut
dans le double corps de moulures ; une table rentrante apparaît sous les baies du dernier
niveau du palais Vidoni-Caffarelli mais sans conséquence sur la composition de la baie
[T. II, ill. 1268]280.
En France, au départ de la travée, le motif de la table entre consoles donne lieu à de
nombreuses variations ornementales, comme nous l’avons vu dans notre précédente
partie. Entre deux baies superposées, d’autres éléments assurent la continuité de la travée
de fenêtre. En Italie, lorsque l’allège forme saillie, celle-ci ressaute au-dessus du corps de
moulure qui marque la ligne de plancher ; les baies sont toujours nettement séparées
étant donné la grande hauteur des étages. En France, l’ensemble du plein-de-travée peut
faire ressaut entre les baies et servir ainsi d’élément de liaison. Par ailleurs, à l’Âge
classique, les piédroits des baies sont exprimés en façade par des chaînes ou des jambages
que l’on souligne par une mouluration. Enfin, l’ornement placé sur le mur entre les baies
peut aussi jouer un rôle de liaison. La liaison par le ressaut de l’allège, par la prolongation
279 Sur les pavillons de l’aile d’entrée, le fronton déborde légèrement sur l’architrave — disposition que De l’Orme
avait déjà utilisée sur des fenêtres de l’hôtel Bullioud à Lyon. Cette interpénétration relative des formes, qui
pourraient être interprétée comme un trait maniériste, n’est pas chez De l’Orme une fin en soi, mais est utilisée en
vue de l’effet d’étirement de la fenêtre.
280 Les tables rentrantes entre consoles sont plus fréquentes dans la deuxième moitié du siècle comme au Palais
Larderel (1580) ; au palais Grifoni à Florence (1557) et au Casino Mediceo (1574) à Florence ; on trouve parfois
une table saillante comme au palais Lancellotti de Torres à Rome.
238
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
de l’encadrement structurel ou décoratif de la baie et par des ornements employés seuls
sur le plein-de-travée sont les trois principaux modes de structuration de la travée à l’Âge
classique.
La liaison des fenêtres par le ressaut de l’allège
Dans le premier mode, les fenêtres sont encadrées d’un chambranle ; le plein-detravée ressaute entre le haut du chambranle et l’appui de la fenêtre supérieure. Le ressaut
forme un champ décoratif limité dans sa partie supérieure par la moulure d’appui de la
fenêtre et dans sa partie inférieure par une mouluration placée sur le chambranle ou audessus en couronnement de la baie.
Jacques Androuet Du Cerceau dessine plusieurs ordonnances à travées de fenêtres
liées par un ressaut dans le premier et le troisième Livre d’architecture (1559 et 1582)281. La
travée de fenêtres se règle sur l’ordonnance de la façade, divisée par des corps de
moulures horizontaux : le ressaut peut être recoupé par un seul corps ou par un double
corps de moulures. Dans les ordonnances à un seul corps de moulure, celui-ci passe soit
au niveau de l’appui soit au bas de l’allège282. Sur les deux modèles présentés ci-dessous
(premier Livre d’architecture modèles I et VII), la travée, dont la verticalité est accusée par
le ressaut, est le motif majeur de l’ordonnance, d’autant plus lorsque la travée s’élance
d’un seul jet sur toute la hauteur de l’élévation, comme sur le modèle I.
Planche I
Planche VII
d’après Jacques Androuet Du Cerceau, premier Livre d’architecture, 1559.
281 Pour l’analyse des ordonnances du premier Livre d’architecture (1559) et du troisième Livre d’architecture (1582), on
pourra se reporter à notre Tome III, partie III, au chapitre intitulé « Les ordonnances de Jacques Androuet Du
Cerceau ».
282 Cinq modèles du premier Livre d’architecture présentent ce type d’ordonnance : modèles I, VII et VIII, XXX,
XLI. Voir dans le Tome III « Les ordonnances Jacques Androuet Du Cerceau », « Le premier Livre d’architecture,
« Ordonnances du second mode ».
239
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Au troisième Livre d’architecture, Du Cerceau ne reprend que la formule du corps de
moulure régnant avec le bas de l’allège qui donne à la travée un effet de mouvement
ascensionnel (troisième Livre d’architecture, modèles IV, V et XXVI283).
Planche IV
Planche V
Planche XXVI
d’après Jacques Androuet Du Cerceau, troisième Livre d’architecture, 1582.
Avec l’emploi d’un double corps de moulures, un bandeau règne avec l’appui de la
fenêtre et un autre avec la ligne de plancher ; l’effet de verticalité est atténué, mais le
motif en saillie de la travée s’impose toujours visuellement284. Plusieurs formules se
présentent selon la position de la moulure inférieure. L’enchaînement des motifs peut
être tout simple : le chambranle ou le linteau est tangent à la saillie de l’allège supérieure
(troisième Livre d’architecture, modèles XIV, XXII). Il peut être plus complexe : sur le
modèle X du premier Livre, une frise s’interpose entre le chambranle et un larmier qui
divise le ressaut en deux registres, disposition qui coïncide avec l’entablement abrégé à
bande, frise et larmier formant le membre inférieur du double corps de moulures.
283 Voir Tome III « Les ordonnances de Jacques Androuet Du Cerceau », « Le troisième Livre d’architecture,
« Ordonnances du second mode, seconde série »
284 Les ordonnances à double corps de moulures et à travées de fenêtre liées par un ressaut sont au nombre de
cinq dans le premier Livre d’architecture (modèles IV, XI, XXIII, XXV, et XXXI), et au nombre de quatre dans le
troisième Livre (planches, VIII, XIV, XXII, XXV, XXXIVb) Voir Tome III, « Les ordonnances de Jacques
Androuet Du Cerceau », « Le premier Livre d’architecture » et Le troisième Livre d’architecture, « Ordonnances du
second mode » et « Ordonnances du troisième mode »
240
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Planche XIV
Planche XXI
d’après Jacques Androuet Du Cerceau,
troisième Livre d’architecture, 1582.
Planche X
d’après Jacques Androuet Du Cerceau,
premier Livre d’architecture, 1559.
Toutes ces formules sont employées dans la seconde moitié du XVIe siècle. Les
ressauts sont soit laissés nu, soit s’ornent de tables, comme le fait Du Cerceau sur les
modèles IV et XXI du troisième Livre illustrés ci-dessus285. Du Cerceau n’emploie la table
qu’à un niveau, soit au départ de la travée soit à l’étage noble, d’autres architectes
ponctuent les travées de fenêtres de tables et d’autres motifs.
Les motifs peuvent varier de niveau en niveau comme à Saint-Maur, sur le pavillon
de Bullant (après 1575) où les ressauts relient les fenêtres deux à deux sur les quatre
niveaux de la façade : table entre console entre le rez-de-chaussée et le premier étage,
double corps de moulures placé au-dessus du chambranle de manière à dégager une frise
en dessus de baie entre le premier et le deuxième étage, et enfin table rentrante entre le
troisième et le quatrième [T. II, ill. 525].
A l’hôtel Lamoignon (1584), une table affleurée orne le premier étage, elle s’enrichit
de petits motifs formant des croix sur le second étage [T. II, ill. 661–666]
285 Voir Annexe IV, ibid., « Le troisième livre d’architecture », « Ordonnances du troisième mode, seconde série »
travées de fenêtres à ressauts lisses (planches VIII, XIV, XXXIVb), travées de fenêtre à ressauts ornés d’une table
(planches IVb, XXII, XXV)
241
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Saint-Maur,
pavillons de Bullant (après 1575)
d’après J. A. Du Cerceau, 1579.
Hôtel Lamoignon, 1584,
travée de fenêtres du logis.
D’autres motifs sont employés sur le ressaut au XVIe siècle, telles les demi-tables
sous appui dont nous avons étudié les variations ornementales. Au Boucard (1560), les
fenêtres très espacées l’une de l’autre sont reliées par un très grand ressaut, la mince table
sous l’appui correspond au large bandeau qui sépare les niveaux ; au lieu de s’étendre sur
toute la surface, elle rappelle les tables entre consoles : celles-ci sont dessinées par une
baguette de part et d’autre de la table [T. II, ill. 281]. À Tourlaville (1562) une table à
angles concaves prend place entre deux consoles en haut du ressaut.
Le Boucard (1560),
travée de l’aile nord.
Tourlaville (1562–1563),
travées du logis.
242
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
À Wideville, les deux niveaux de l’élévation sont séparés par un larmier et une frise
lisse formant entablement abrégé, et le deuxième niveau est couronné par une frise lisse
plus large qui court sous la corniche. Sur les deux niveaux, la frise ressaute au-dessus de
la baie en lui formant ainsi un couronnement, comme sur modèle X du premier Livre
d’architecture de Du Cerceau. Mais, à Wideville, construit en brique et pierre, les travées
sont soulignées par des chaînes harpées et les baies s’encadrent d’un chambranle au lieu
des pilastres du modèle X ; les travées ne sont recoupées que par un seul corps de
moulures formant une sorte d’entablement abrégé si bien que la travée paraît plus
verticale ; sur le ressaut du rez-de-chaussée, une table, unique point orné de la travée, fait
contrepoint à la lucarne.
J. A. Du Cerceau, 1559, planche X.
Wideville (1580–1584), détail d’une travée de la façade
d’entrée et de la façade postérieure.
L’emploi de ces types d’ordonnances se poursuit dans la première moitié du XVIIe
siècle. Pierre Le Muet dans sa Manière de bastir dessine différentes solutions proches de
celles de Du Cerceau. Les travées recoupées par un corps de moulures du modèle de la
3e place, 1re distribution sont identiques à celles que Du Cerceau dessine dans son
troisième Livre pour le modèle IV ou le modèle V, de même que sont identiques au
modèle XIV les travées recoupées par un double corps de moulures de la 1re place et de
la 3e place, 2de distribution286.
286 Pour un examen comparatif de toutes les travées de fenêtres dessinées par Pierre Le Muet, on pourra se reporter
à notre Annexe V, « Les ordonnances de Pierre Le Muet dans La Manière de Bien bastir », « Les travées de fenêtres »
les onze ordonnances à travées de fenêtre liées par un ressaut sont les suivantes : 1re place, 3e place, 1re distribution
et 2de distribution, 5e place, 8e place, 3e distribution, 9e place, 3e, 4e et 5e distribution, 11e place (façade sur rue), 12e
et 13e place.
243
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
3e place, 1re distribution 1re place
3e place, 2e distribution,
d’après Pierre Le Muet, Maniere de bastir pour toutes sortes de personnes..., 1623 et 1647.
Des ordonnances très simples, similaires à celle de la 3e place de Le Muet, sont
employées dans l’architecture mixte, comme sur les façades en pierre et moellons enduits
du Mesnil-Voisin (1633–1639) ; la travée se réduit parfois à des bandes formant
encadrement des baies et à des ressauts au même nu recoupés par des bandeaux très
légèrement saillants. Un peu plus tard, à Chamarande (1654) on emploie les mêmes
travées qui se détachent sur le trumeau de brique.
Le Mesnil-Voisin (1633–1639),
travée du corps de logis.
Chamarande (1654),
travée de la façade sur jardin.
Le Muet dessine quelques petites variantes qui ont cours dans l’architecture du
premier tiers du XVIIe siècle. Sur les modèles de la 5e place et de la 10e place, les
chambranles portent des crossettes et le dessus de baie, qui ressaute sous le larmier, se
lit comme un amortissement de la baie. On retrouve ces dispositions à l’hôtel de
Bellegarde [T. II, ill. 642] et à l’hôtel Bautru de Serrant où le dessus de baie s’orne d’un
mascaron [T. II, ill. 639–641].
244
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
5e place
10e place
d’après Pierre Le Muet,
Maniere de bastir pour toutes sortes de personnes...,
1623 et 1647.
Hôtel de Bellegarde,
puis Séguier,
Jacques II A. Du Cerceau,
(1612 et 1617)
Hôtel Bautru de Serrant
Louis Le Vau (1634–1637),
Jean Androuet Du Cerceau,
travée de la cour
Sur les travées de la 9e place, Le Muet joue sur la position des corps de moulures
recoupant la travée et les souligne de chaînes : sur les travées de la 3e distribution, un seul
bandeau règne avec l’appui ; le petit ressaut surmontant la traverse du chambranle forme
frise sous une portion de corniche en couronnement à la baie. Sur les travées de la 4e
distribution, le petit ressaut est situé sous le larmier.
9e place, rue
9e place, cour
9e place, rue
3e distribution
3e distribution
4e distribution
d’après Pierre Le Muet, Maniere de bastir pour toutes sortes de personnes..., 1623 et 1647.
9e place, cour,
4e distribution,
L’emploi de chaînes de bossages renforce la continuité de la travée et les ressauts
sont ornés de tables rentrantes, comme Lemercier le fait à Thouars où le bossage très
étendu sur le mur domine la composition [T. II, ill. 1172–1173] ; l’encadrement ornant
le plein-de-travée forme avec les trois longs claveaux passant dans la brisure de la
245
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
corniche un motif en T. On retrouve cette liaison des motifs chez Le Muet qui dessine
un claveau passant sous une table sur une porte de son édition de Vignole287.
Thouars, Lemercier (1638–1645),
travée de la cour, état actuel
Vignole, Règles…, Le Muet, 1632. p. 93
La bande qui ressaute au-dessus de la baie peut faire partie d’un registre horizontal
dessinant une frise au-dessous de la corniche, selon la formule inaugurée par Jacques
Androuet Du Cerceau sur le modèle X du premier Livre d’architecture. Sur les travées de
la 13e place de Le Muet, au rez-de-chaussée, le petit ressaut qui forme amortissement à
la baie règne avec l’étroit registre horizontal que dessinent les tables des trumeaux.
13e place, d’après Pierre Le Muet, Maniere de bastir pour toutes sortes de personnes..., 1623 et 1647.
287 Cette porte fait partie d’une série de neuf planches, probablement de l’invention de Le Muet. Cf Claude
MIGNOT, présentation du « petit Vignole Français de le Muet, édition de 1632, dans Architectura, 2004.
246
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Ce registre peut être dessiné par une moulure comme à l’hôtel d’Aumont, à l’hôtel
de Miramion et à l’hôtel de Bretonvilliers : les dessus des baies ressautent dans ce registre
et sont garnis de draperies ou de masques et de rinceaux ; au-dessus de la corniche, les
ressauts de l’allège sont ornés de tables.
Hôtel d’Aumont,
François Mansart ?,
(av. 1648 [1630 ?]–1650),
travées de la cour, d’après Jean Marot
et état actuel
Hôtel de Miramion,
François Mansart ?,
(v. 1635–1636)
travée sur le jardin.
Hôtel de Bretonvilliers,
Jean Androuet Du Cerceau (1637–1643),
travées de la cour, d’après Jean Marot
Hôtel de Miramion (vers 1635–1636)
façade sur jardin, détail d’une baie à rez-de-chaussée
247
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
La formule du ressaut formant frise au-dessus de la baie et régnant avec la frise des
trumeaux est reprise par Le Muet à Tanlay [T. II, ill. 142–152], au-dessus des baies du
rez-de-chaussée ; la frise est lisse, par contre les ressauts de l’allège sont tous garnis de
tables.
Château de Tanlay, Pierre Le Muet (1642–1649),
travées de la façade sur jardin, d’après Le Muet, 1647, et état actuel.
L’ornementation développée sur le ressaut de l’allège, comme le petit ressaut disposé
au-dessus du chambranle, constitue une sorte d’extension de la baie sur le mur, mais,
dissociée du chambranle, elle est distincte de l’encadrement propre de la baie. Il y a
pourtant quelques exceptions. À Chantilly sur la façade antérieure du châtelet d’entrée
(1557–1559), le chambranle de la fenêtre du rez-de-chaussée englobe le ressaut du pleinde-travée ; celui-est orné d’une table affleurée288 [T. II, ill. 1110–1111]. Le Muet dans sa
Maniere de bastir emploie un encadrement similaire pour l’élévation de son modèle de la
12e place.
288 Le motif de l’encadrement formant ressaut sur le dessus de baie est une formule vénitienne, que Bullant utilise
par ailleurs : les niches de l’avant-corps sud d’Écouen sont encadrées par un ressaut et, comme à Chantilly, la partie
supérieure du ressaut est ornée d’une table [ill.]. Au premier niveau, le ressaut sous appui qui déborde latéralement
des limites de la travée est singulier et n’est pas, à notre connaissance un motif repris par la suite.
248
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Chantilly, Petit Château, J. Bullant (1557 – 1559),
travée de fenêtres de la façade antérieure.
Pierre Le Muet, Maniere de bastir pour
toutes sortes de personnes..., 12e place, 1623 et 1647.
Cette forme d’encadrement de la baie est adoptée à l’hôtel d’Alméras et à l’hôtel de
Chalon-Luxembourg en étant toutefois limitée au dessus-de-baie, entre le bandeau
passant la ligne de plancher et l’ébrasement de la fenêtre. Sur les deux niveaux, le
chambranle englobe le dessus-de-baie. Au rez-de-chaussée, une plate-bande de bossage
se superpose au chambranle et au dessus-de-baie. Au deuxième étage, le dessus-de-baie
s’orne d’une table comme sur l’élévation de la 12e place de Le Muet ; cette table est garnie
d’une clef à l’hôtel d’Alméras [T. II, ill. 635], et d’un mascaron à l’hôtel de ChâlonLuxembourg [T. II, ill. 649–650]. Quant aux allèges, on ne peut connaître leur
ornementation étant donné qu’elles ont été abaissées et remplacées par un garde-corps.
Hôtel d’Alméras, Louis Métezeau (1611),
travée de la cour.
Hôtel de Chalon-Luxembourg J ; Thiriot ? (1623–1625),
travée de la cour.
249
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
La liaison des fenêtres par l’encadrement de la baie
Le deuxième mode de liaison de la travée est la version classique d’une formule qui
existait déjà : la liaison est assurée par des membres disposés de part et d’autre du pleinde-travée qui reste au même nu que le reste du parement. Trois solutions se présentent :
les fenêtres peuvent être liées par les chaînes harpées formant piédroits des baies, par
des bandes ou par la prolongation des montants du chambranle sur le mur. Entre la
mouluration d’appui et le corps de moulures marquant la ligne de plancher, ou dans
l’entre-deux d’un double corps de moulure, apparaît un petit panneau de mur dont on
tire un parti décoratif.
Dans les parements mixtes, les chaînes qui montent de fond encadrent l’ensemble
formé par la baie et son remplage. À Fleurigny (1535), les travées des corps de logis sont
liées par des chaînes harpées, sur la chapelle par des bandes [T. II, ill. 62–63].
Fleurigny (1535) travée sur cour aile gauche et chapelle
Les deux formes sont employées au XVIe siècle. Sur un dessin d’Androuet Du
Cerceau représentant la façade d’entrée du second projet de De l’Orme pour Saint-Maur,
les chambranles à bossages sont liés par des bandes disposées dans le double corps de
moulures et sur le dessus de la fenêtre inférieure [T. II, ill. 522].
Second projet de De l’Orme pour Saint-Maur (1563–1570),
détail de la gravure de Du Cerceau (British Museum)
250
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Sur les corps de logis de Fleury-en-Bière [T. II, ill. 459], les fenêtres sont encadrées
de chambranles et les chaînes aux harpes régulières soulignent de manière continue la
travée. Par contre, l’allège en pierre ne se distingue pas des chaînes au même nu.
Fleury-en-Bière (1553), travée de l’aile droite sur cour.
Entre bandes ou entre chaînes dont les harpes sont tournées vers les trumeaux, le
remplage forme un tableau de maçonnerie au contour régulier : il est un élément
décoratif par ce simple effet conjugué à celui du contraste de matériaux ; les platesbandes qui le soulignent et les tables sont, au XVIe siècle et au XVIIe siècle, la traduction
classique des décors de remplage de la fin du XVe siècle et de la première Renaissance.
Jacques Androuet Du Cerceau dessine un motif de table d’allège dans son premier Livre
d’architecture, sur le modèle XVIIb : au rez-de-chaussée, l’allège accostée de chaînes est
ornée d’une table carrée.
Jacques Androuet Du Cerceau, premier Livre d’architecture, 1559, planche XVIIb.
Un motif similaire est employé à Neuville (années 1570 – av 1582) entre bandes. Sur
la chapelle, les chambranles se prolongent par deux bandes dans le plein-de travée qui
251
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
s’orne également d’une grande table carrée, ici en brique) [T. II, ill. 487–488]. Sur les
pavillons côté jardin, l’allège est ornée d’une table de brique entre bandes et chaînes de
brique289 [T. II, ill. 484–485]. Dans l’architecture brique et pierre, on tire parti du
contraste entre la pierre blanche et le rouge de la brique. À Neuville quatre matériaux
sont employés, la brique la pierre calcaire, le grès, l’enduit, ce qui permet de multiplier
les contrastes. Le décor se concentre sur les travées de fenêtres et ses variations
ornementales marquent la superposition des niveaux et des registres. Sur la chapelle,
l’encadrement de la baie est formé de portions de chambranle de pierre à fasces alternant
un-sur-deux avec des lits de brique ; le chambranle semble ainsi recoupé par des dés de
brique, dans un curieux effet de « mélange », rappelant les encadrements de fenêtres de
Vallery et la manière de Serlio dans le Libro estraordinario. Au sommet de la travée, entre
les bandeaux formant frise de couronnement, une table de pierre sur fond de brique
entre deux courtes bandes achève la composition.
Neuville (années 1570 – avant 1582), chapelle, corps de logis sur cour et sur jardin, pavillon droite sur jardin
Sur les corps de logis et sur les pavillons, les travées se prolongent dans le
soubassement par des chaînes de grès encadrant des soupiraux. Au premier niveau, les
chambranles sont en briques avec un bloc de pierre aux angles et au milieu des
montants290 soulignés par les chaînes harpées de brique ; dans la frise de couronnement,
289 Le pavillon droit sur jardin est le seul corps de bâtiment dont les fenêtres n’ont pas été abaissées.
290 Certainement au niveau d’une traverse disparue.
252
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
le dessus de la baie s’orne de la même manière que les travées de la chapelle et lie la
travée à la lucarne. Côté jardin, la frise de couronnement est ornée de tables de briques
et sur les pavillons, les deux niveaux de fenêtres sont liés par un ressaut en pierre orné
d’une table.
La liaison par les chaînes
Les effets de contrastes entre la travée et le mur sont particulièrement exploités dans
le premier tiers du XVIIe siècle. Les effets d’alternances de lits de brique et de pierre sur
les chaînes, rappelant ceux de Neuville, sont employés à Nandy (à partir de 1545) comme
plus tard sur les communs de Chamarande (1654).
Nandy (à partir de 1595).
Chamarande (1654), cour des communs.
Les chaînes peuvent être construites tout en brique et contraster avec le mur enduit.
Au château de La Mormaire à Grosrouvre [T. II, ill. 632–633], les chaînes montent de
fond et encadrent les baies sans chambranles comme au château d’Abondant ; sur ces
deux exemples, l’unité de la travée tient à l’emploi du même matériau. Les tables de
brique dans les plein-de-travées entre doubles corps de moulures horizontaux, dans les
doubles corps formant frise en couronnement de la façade formés par des bandes de
brique rappellent Neuville291.
291 Il y a d’autres exemples de travées à chaînes de brique ou à chaînes de brique et pierre comme au pavillon de
Béquancourt à Dampierre (fin du XVIe siècle-début XVIIe), le plein-de-travée est un panneau de brique orné d’un
cadre de brique au premier niveau et d’une table de brique au second [ill. 584].
253
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Abondant (début du XVIIe siècle).
La Mormaire à Grosrouvre (1617).
À Selles-sur-Cher, [T. II, ill. 317–320], le contraste entre la pierre très blanche de la
travée et le mur de brique est vif, d’autant plus qu’elle est l’élément le plus orné de la
façade : elle est soulignée par les chaînes harpées, enrichie de chambranles à crossettes,
de frontons, et le plein-de-travée s’orne d’une table de brique encadrée d’une bande de
pierre.
Selles-sur-Cher (1604–1612), pavillon de Béthune, travées des façades sur cour.
L’emploi de la pierre permet de jouer sur le motif du bossage qui contraste avec les
matériaux du mur et du plein-de-travée auquel on donne la forme d’un petit tableau : à
Balleroy, l’encadrement de la baie est formé de chaînes harpées de bossages en table ; le
plein-de-travée forme un petit tableau de schiste encadré d’une bande de calcaire blanc
[T. II, ill. 51–52]. À Rosny l’encadrement en bossages s’enrichit d’un chambranle ; le
plein-de-travée s’orne d’un encadrement à plate-bande de même largeur que la
254
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
mouluration du chambranle. Le remplage peut ressauter entre les piédroits en prenant la
forme d’une demi-table. Le motif apparaît au château de Fresnes à Ecquevilly, comme
le montre une gravure d’Israël Silvestre. Il est employé au bas de la travée à Balleroy. Le
motif en saillie d’Ecquevilly ressemble à une table couronnée par la mouluration d’appui.
Rosny (1595 ou 1598–99),
travée de la façade postérieure.
Balleroy (1631 – ?), façade antérieure.
Fresnes à Ecquevilly,
Baptiste Androuet
Du Cerceau (1578–1580).
À l’hôtel Duret de Chevry, à chaînes de pierre et remplissages de brique, sur rue, les
allèges du rez-de-chaussée sont en pierre et des demi-tables saillantes les garnissent ;
même ordonnance sur la cour où la travée s’enrichit d’un détail : au rez-de-chaussée, la
clef passante de la plate bande clavée de la fenêtre est jointe à l’encadrement de la table
fouillée du plein-de-travée. Le bossage peut aussi être le seul ornement de la travée,
comme le montre le dessin d’une travée de l’hôtel Zamet dont le linteau appareillé en
escalier broche sur le plein-de-travée.
255
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Hôtel Duret de Chevry, Jean Thiriot (1635 – après 1641).
Travée de l’hôtel Zamet,
dessin de Jacques Gentilhâtre, RIBA, Londres.
Les mêmes formules sont employées dans la pierre de taille. À Oiron [T. II, ill. 1157–
1163], sur le pavillon du Roi, des bossages sont placés entre le rez-de-chaussée et le
premier étage et des consoles entre le premier et le second. Le rez-de-chaussée est orné
d’une demi-table sous appui et les doubles corps de moulures d’une table ornée d’un
motif central au premier étage, de reliefs à rameaux de laurier croisés, de rinceaux au
second. Sous le double corps de moulures, le dessus de baie s’orne d’une plate bande à
claveaux très développés à la manière de Le Muet.
Oiron (1620–1630),
travée du Pavillon du Roi, travées du corps central
256
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Dans l’architecture pierre et moellon enduit on ne joue plus sur des effets de
contraste d’appareil et de couleurs, mais sur des effets d’appareil et de textures. À Joigny,
sur la façade du logis qui regarde la ville, les chaînes en bossages en table, comme les
tables qui garnissent le mur sous appui sont régulièrement piquées de petits trous
[T. II, ill. 130]. La disposition des bossages et des tables est très semblable à Azay-leFerron sur le pavillon ajouté en 1638 [T. II, ill. 286]. À Saint-Loup-sur-Thouet, le pleinde-travée entre double corps de moulures ne porte aucun ornement [T. II, ill. 11641666].
Joigny (1600–1613),
façade du logis.
Azay-le-Ferron (1638),
pavillon de Breteuil.
Saint-Loup-sur-Thouet (vers 1630–1640),
travées de la façade antérieure.
Liaison par la prolongation du chambranle sur l’allège
Lorsque les baies sont encadrées de chambranles et qu’aucune chaîne ne vient
souligner la travée, les baies sont isolées. De plus, dans les ordonnances les plus
classiques, le corps de moulures prend la forme d’un entablement qui accuse les lignes
horizontales. La recherche d’un équilibre entre divisions horizontales et lignes verticales
incite les architectes à trouver des solutions pour restituer à la travée de fenêtre une
relative unité. La prolongation des montants du chambranle sur le mur jusqu’au corps
de moulures est l’une d’entre-elles.
Mansart emploie la forme pour la première fois à Berny. Le chambranle prend alors
appui directement sur la corniche et un ressaut, détaché du chambranle, garnit l’allège.
Le même motif est employé au bas des deux niches latérales. La continuité de la travée
est également assurée par l’enchaînement des motifs : au rez-de-chaussée, les claveaux
qui brochent le chambranle et la bande formant frise sous la corniche, qui ressaute pour
257
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
former le couronnement de la fenêtre, à l’étage, le fronton passant sur la frise sous la
corniche qui ressaute légèrement.
Berny, François Mansart, (1623–1627), travée d’un pavillon d’après Israël Silvestre et état actuel du pavillon
intermédiaire gauche subsistant.
Le motif du ressaut de l’allège ou de la demi-table sous-appui était connu au XVIe
siècle, mais, comme nous l’avons vu plus haut, il était employé entre chaînes, et jamais
entre les montants d’un chambranle classique. Il est employé à plusieurs reprises au
XVIIe siècle. Jean Marot dessine ce détail pour les croisées du rez-de-chaussée de l’hôtel
d’Aumont et pour toutes les croisées de la façade d’entrée de l’hôtel Bautru de Serrant,
après sa transformation pour Colbert.
Hôtel d’Aumont,
(François Mansart ?
avant 1648 [1630 ?]–1650)
travée de la cour, d’après Jean Marot.
Hôtel Bautru de Serrant, Louis Le Vau, (1634–1637),
travée de la façade sur rue, modifiée par Pierre Bréau
en 1665, d’après Jean Marot.
258
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
On emploie parfois des formules très simples dans l’architecture à chaînes de pierre
ou de brique et remplissages de moellon crépi. À Bâville, les chambranles sont formés
de simples bandes de pierre qui se prolongent sur le plein-de-travée et encadrent un petit
tableau de crépi. Des variations a minima permettent de différentier les niveaux. Sur les
pavillons d’entrée du Mesnil-Voisin, le plein-de-travée ressaute au rez-de-chaussée,
s’orne d’une demi-table sous appui à l’étage, selon la formule de Berny, et d’une table
saillante dans le double-corps de couronnement.
Bâville (1625), pavillon d’angle.
Le Mesnil-Voisin à Bourray-sur-Juine (1633–1639),
travée du pavillon d’entrée
Toute la richesse ornementale peut tenir alors au raffinement du détail. Au château
de Bévilliers-Breteuil [T. II, ill. 556–562], toutes les façades portent une ordonnance à
travées verticales de fenêtres à bandes de brique formant chambranles s’élançant de
manière plus continue, car elles ne sont recoupées que par un larmier ; celui-ci est formé
de trois assises de briques situées à hauteur de l’appui de la fenêtre du second niveau. Le
plein-de-travée s’orne d’une table de brique superposée à une table de pierre ; le motif
semble relié à la plate-bande de la baie inférieure par une clef qui le broche et, dans le
larmier, un appui de pierre blanche lui forme une sorte de couronnement.
La Grange-le-Roi [T. II, ill. 596] est un cas un peu particulier : les travées de fenêtres
se déploient librement du sol à la corniche, entre des pilastres colossaux, sans jamais être
recoupées par un élément horizontal.
259
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Bévilliers-Breteuil (après 1580–1596 ou vers 1600), travée de la façade d’entrée et détail
La Grange-le-Roi (1582–1601), travées du pavillon.
La liaison des fenêtres par l’ornementation du plein-de-travée
Lorsque la liaison n’est assurée ni par l’encadrement de la baie ni par le ressaut de
l’allège, une autre solution est trouvée : un ornement disposé sur le plein-de-travée. Une
grande variété de motifs est employée au XVIe siècle. Certains sont issus des motifs
triomphaux du Louvre et d’Écouen. Sur les avant-corps du Louvre, la porte, l’oculus et
260
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
la fenêtre du premier étage s’ouvrent dans un pan de mur continu, grâce à l’interruption
de l’entablement ; cependant, Lescot introduit une légère différence entre l’avant-corps
central et les avant-corps latéraux : sur ces derniers, la corniche se prolonge sur le mur,
alors que sur l’avant-corps central, la rupture de l’entablement est complète si bien que
la verticalité de la travée est plus accusée. Au niveau de la frise, une table à anses est
placée sur le plein-de-travée tandis qu’au second registre une table vient couvrir
l’architrave et la frise de l’entablement [T. II, ill. 495–504]. À Écouen, Jean Bullant
emploie également une table sur le mur entre les fenêtres de l’avant-corps nord ; elle
masque la frise, couvre partiellement l’architrave et coupe la corniche [T. II, ill. 447, 450].
Le Louvre, P. Lescot (1545–1547)
travées centrales des avant-corps gauche et central.
Écouen, J. Bullant
(vers 1552–1553),
avant-corps nord, travée centrale.
Sur les façades extérieures de la Tour d’Aigues, des tables à anses sont disposées
entre la traverse du chambranle et une mince table sous appui entre consoles plates. Sur
les façades des pavillons vers la cour, des cadres sont placés sur le plein-de-travée. La
formule de la table est employée sous sa forme la plus simple à la Grange-le-Roi, où sur
le corps central, une table de brique s’interpose entre les lucarnes passantes et les
fenêtres.
261
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
La Tour d’Aigues (1566–1579),
façade extérieure de l’aile est, pavillon sud-est sur cour
La Grange-le-Roi (1582–1601),
travée du corps central
On emploie aussi d’autres motifs. Sur les façades sur cour et sur jardin de sa maison
figurant dans le Premier Tome de l’architecture (fol. 255 v° et 254 v), De l’Orme place des
tables sur les allèges des lucarnes passantes qui interrompent les corniches portées par
des consoles. Sur la cour, des claveaux à bossages ornent le dessus de fenêtre.
De l’Orme, Premier Tome, 1567, travées de fenêtres sur cour (fol. 255 v) et sur jardin (fol. 254 v.)
Avec le ressaut du plein-de-travée, la continuité de la travée est totale, mais parfois
l’on structure le ressaut autrement. En France, les ressauts ont souvent peu de relief,
contrairement aux ressauts italiens qui donnent l’impression de soutenir l’encadrement
des fenêtres. Les Français jouent avec la forme. À Écouen sur la façade extérieure de
l’aile nord, entre les deux premiers niveaux de fenêtres, le ressaut est fouillé pour former
262
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
une table à angles rentrants et une demi-table à crossettes droites orne l’allège de la
lucarne passante [T. II, ill. 445].
Néanmoins la demi-table joue un rôle structurant. À Joigny (1569), la grande demitable, à peine disjointe du chambranle de la baie inférieure occupe le plein-de-travée ; la
table située au-dessus la fenêtre et la table du soubassement achèvent d’unifier la travée
[T. II, ill. 100–102]. À Tanlay (1568–v. 1578), les demi-tables situées sous les fenêtres
dans la travée colossale ont exactement la même fonction [T. II, ill. 118, 119–120].
Dans les travées recoupées par un ou deux corps de moulures, les tables assurent
visuellement la liaison. À La Moussaye (1572–1583) [fig. ci-dessous], les deux niveaux de
la façade d’entrée sont séparés par une corniche très saillante, passant légèrement en
dessous de l’appui ; une table située sur le dessus de la fenêtre du premier niveau, recoupe
la frise au-dessous de la corniche.
Écouen (1552–1553),
façade nord.
Joigny (1570–1580),
corps de logis sur cour
Tanlay (1568 – vers1578),
revers du châtelet d’entrée
La Moussaye (1572–1583),
façade d’entrée.
Lorsqu’un double corps de moulures horizontales marque fortement l’ordonnance,
l’utilisation de tables de dimensions variées permet de lier la travée sans interrompre les
lignes horizontales. Jacques Androuet Du Cerceau dessine le motif sur un modèle du
troisième Livre d’architecture : un petit ressaut, qu’on peut lire comme une table, s’interpose
entre les double corps de moulures. La formule est employée à l’hôtel Hesselin [T. II, ill.
810–812] : des tables de pierre garnissent systématiquement l’entre-deux des doubles
corps de moulures horizontaux sur les deux corps de bâtiments latéraux sur rue ; sur le
corps central, les travées sont séparées par des pilastres à refends qui les individualisent
bien et une seule plus petite table, d’un matériau différent orne le plein-de-travée entre
263
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
le premier et le second niveau de fenêtres. À Oiron [T. II, ill. 1163], sur le pavillon de
l’extrémité de l’aile droite datant de la fin du XVIIe siècle, une table prend place dans le
double corps de moulures.
Jacques Androuet Du Cerceau, 1582, planche XII,
détail d’une travée la latérale et de la travée centrale.
Hôtel Hesselin, Louis Le Vau (1641–1642),
façade sur rue, travée du corps central
et travées du corps latéral droit.
Oiron, pavillon de l’aile droite (1680–1700).
Il faut citer le cas exceptionnel d’Amboile, où un cordon-larmier s’incurve ou se plie
au-dessus de la baie, à l’extrados des claveaux, pour former une sorte de fronton sans
264
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
base292. Une table sous-appui entre consoles plates s’interpose entre les deux cordons
larmiers.
Amboile (à partir de 1578).
L’enchaînement des motifs
D’autres éléments peuvent assurer visuellement la liaison des fenêtres. C’est le cas
du fronton. Au château de Vallery, les deux niveaux des façades extérieures comme celles
de la cour sont nettement séparés par un double corps de moulures dont l’entre-deux est
en pierre de taille ; les chaînes de bossages harpés, soulignent la travée, mais
s’interrompent au niveau du double corps. Le ressaut très léger ne peut assurer à lui seul
la continuité de la travée, mais les frontons qui couronnent les baies du rez-de-chaussée
lient les deux registres de la travée en brochant l’allège de la baie du premier étage
[T. II, ill. 84–86, 88–90, 92–94].
292 Rare en France, le motif du cordon-larmier lié à la mouluration de couronnement de la baie, appelé arcure, est
par contre fréquent à partir du XVIIe siècle dans le sud les anciens Pays-Bas ; il est employé à Lille en abondance
d’où il se diffuse en Hainaut.
265
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Vallery, P. Lescot (1548-av.1552), détail des travées des façades extérieures et des façades sur cour.
Dans sa Manière de bâtir, publiée en 1623, Le Muet décline toutes sortes de variantes
de la formule inaugurée à Vallery. Mais les frontons, ou leurs substituts, viennent
seulement confirmer un effet de travée bien constitué par l’enchaînement des
chambranles et des ressauts, renforcé même, dans la treizième place, par des chaînes
harpées.
8e place, 3e distribution, 8e place, 3e distribution,
9e place, 5e distribution,
travée sur rue
travée sur cour
travée sur cour,
d’après Pierre Le Muet, Maniere de bastir pour toutes sortes de personnes..., 1623 et 1647.
11e place,
travée sur cour,
On observe le même effet de redondance à l’hôtel de Sully renforcé encore par la
sculpture des frises et des tympans des frontons. Au château de Pont-en-Champagne,
proche du modèle de Vallery, la chaîne se retourne pour encadrer les trumeaux [T. II, ill.
344–349].
266
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Hôtel de Sully (1625–1630).
travée de l’aile droite sur cour
Pont-en-Champagne ([Pont-sur-Seine], Le Muet (1638–1641).
travées des pavillons vers l’entrée et travées de la cour.
La formule est exploitée de manière spectaculaire à Beaumesnil où les bossages très
saillants qui brochent les chambranles, les frontons chargés d’ornements dominent la
composition. On retrouve le motif du fronton passant dans un autre château normand,
Cany.
Beaumesnil, (1633–1640), travées de la façade antérieure
et de la façade postérieure
Cany (1640–1646, restauré vers 1830)
travée de la façade antérieure
Parfois la liaison est assurée par des clefs brochant les chambranles et les cordons.
À Verneuil, au premier niveau, les deux voussoirs de la fenêtre cintrée sont liés au corps
de moulures horizontal et le mascaron de la clef occupe la frise. Le motif est souvent
267
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
employé dans les compositions à encadrements de chaînes de bossages. Ainsi, à Bailleul,
un double corps sépare les niveaux et plusieurs claveaux brochent sur la frise.
Verneuil I (vers 1559–1560),
d’après les Plus excellents bâtiments de France
de Jacques Androuet Du Cerceau (1576)
Bailleul (vers 1560 ou règne de Charles IX),
À Canisy, où la travée n’est recoupée que par un mince cordon, les claveaux à
crossettes occupent tout le plein de travée. Dans sa Manière de bastir, Le Muet dessine des
formules proches, où les claveaux disposés en plate-bande sont tangents à un bandeau
plus large [T. II, ill. 45].
Canisy (après 1580), 9e place, côté rue
9e place, côté cour
travée du logis.
2e distribution
2e distribution
d’après Pierre Le Muet, Maniere de bastir pour toutes sortes de personnes...,
1623 et 1647.
268
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
À Torigni [T. II, ill. 50] l’effet de verticalité de la travée est quasi absent en raison de
l’insistance des horizontales du bossage un-sur-deux des murs et de la liaison des
bossages aux claveaux ; seule la clef de pierre blanche, distincte des bossages de grès
rouge, liée au bandeau à la manière d’une console, marque l’axe de la travée qui se termine
par l’éventail des trois longs claveaux de la fenêtre de l’étage. De même, au Palais
Cardinal, en liant le motif aux bossages en refend du mur, Lemercier souligne moins la
travée que la puissance du mur.
Torigni (fin des années 1580 – vers 1612)
Palais Cardinal, Jacques Lemercier,
(1633–1644), anti-cour (1638–1639).
Dans le cas où un niveau de fenêtres surmonte un niveau d’arcade ou un rez-dechaussée percé de fenêtres plus étroites, c’est à dire, quand il y a rupture d’ordonnance,
un enchaînement de motifs permet d’assurer visuellement la liaison
À Anet, sur les façades extérieures de l’appartement du Roi, dont De l’Orme dessine
une travée dans son Premier tome, la fenêtre du rez-de-chaussée, plus étroite et sans
chambranle, semble s’encastrer entre les deux consoles qui pendent de l’allège du premier
étage ; le bandeau qui ressaute sur le ressaut de l’allège et les deux consoles semblent
ainsi former le motif de couronnement de la fenêtre du rez-de-chaussée. Sur la façade
sur cour du corps de logis, les deux fenêtres ont même largeur, mais la console remplace,
en quelque sorte, le chambranle absent [T. II, ill. 269].
Une solution voisine d’Anet est employée dans la cour de l’hôtel d’Effiat (avant
1634–1636) [T. II, ill. 658] : au-dessus du rez-de-chaussée à arcades, le ressaut de l’allège
du premier niveau, orné d’une table affleurée, est lié visuellement à la baie inférieure par
la clef saillante de l’arc accolée au ressaut, par les consoles et les rinceaux qui l’accostent.
269
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Anet, corps de logis gauche, fenêtre de l’appartement du Roi,
travée de fenêtre sur cour d’après De l’Orme 1567, IV-1, fol. 89 r.
Hôtel d’Effiat,
Clément Métezeau (avant 1634 et 1636),
travée de fenêtres sur cour.
Au Pailly, les motifs se juxtaposent sur l’axe des baies : la clef saillante de l’arc liée au
cordon larmier, la table rentrante dans le ressaut de l’allège. À Outrelaize, le motif de la
table de brique entre chaînes marque le centre de la travée au-dessus de la clef centrale
de l’arc, liant ainsi visuellement les deux registres séparés par un bandeau plat.
Le Pailly, aile nord
(1563–1570 ou 1573)
Outrelaize
(1604–1613)
Hôtel d’Hozier
(à partir de 1623).
À Vayres [T. II, ill. 15], l’absence de corps de moulures permet de lier la table sous
appui au claveau et à Lasserre (1595), les tables entre consoles sont presque tangentes à
270
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
la clef de l’arc du rez-de-chaussée, dont le couronnement ressaute dans le bandeau
[T. II, ill. 11, 13]
Vayres (après 1583–1589)
Lasserre (1595) corps de logis sur cour
À l’hôtel Amelot de Bisseuil (1657–1660) [T. II, ill. 783–786], le rez-de-chaussée des
façades sur cour est orné de refends et est nettement séparé de l’étage par un corps de
moulure ; l’axe de la travée se ponctue de motifs : un mascaron sur la clef de la baie du
rez-de-chaussée, des voussoirs en éventail qui indiquent la direction de l’allège de l’étage,
simplement garnie d’une table rentrante293, puis un mascaron sur la traverse du
chambranle, et enfin, une table saillante dans le double corps de moulures supérieur.
Hôtel Amelot de Bisseuil, Pierre Cottard (1657–1660),
travées de la cour.
293 Sur un dessin de Pierre Cottard, l’allège est formée d’un ressaut orné d’une table saillante au lieu de la table
rentrante de l’état actuel [ill. 784].
271
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Bien que le décor se réduise au XVIIe siècle, la travée est toujours mise en valeur.
On orne les linteaux et les clefs de mascarons et, au XVIIIe siècle, aussi de cartouches.
À partir des années 1640, les fenêtres tendent à s’abaisser et l’allège réduite ne porte plus
de décor ; une balustrade peut alors servir d’appui, comme à l’hôtel Hesselin (1641–
1642) [T. II, ill. 810–812], au Raincy (1657–1660) [T. II, ill. 852], à Choisy-le-Roi (1678–
1686) [T. II, ill. 758]. Il existe un prototype de balustrade au XVIe siècle, sur un pavillon
d’Azay-le-Ferron (1572) où une allège ajourée de balustres orne les allèges du second
niveau tandis que le premier s’orne de tables fouillées au premier. Le motif n’a pas eu de
postérité au XVIe siècle294.
Azay-le-Ferron, détail du pavillon du XVIe siècle (1572)
Le bas-relief employé en dessus-de-baie apparaît à Vaux-le-Vicomte (1656–1657)
[T. II, ill. 869–872]. On emploie toujours la table au XVIIe siècle, comme le fait Le Vau
sur une travée de la chapelle du Collège des Quatre Nations (1670–1674) [T. II, ill. 834].
On emploie également la simple table rentrante qui sera l’un des motifs récurrents de
l’architecture des Lumières et du néoclassicisme du début du XIXe siècle.
294 Avec les encadrements à crossettes des fenêtres, le chambranle interrompu du premier niveau et le dessin très
ferme de la modénature qui tend à individualiser les motifs, les trois premiers niveaux de la façade prennent ici une
allure presque italienne, quasi « michelangelesque ».
272
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Collège des Quatre Nations, Louis Le Vau (1670–1674)
travée latérale ouest de la chapelle.
Il existe de nombreuses ordonnances du XVIIe siècle dont les fenêtres ne
comportent aucun décor, comme à l’hôtel de Guénégaud (1651–1653) [T. II, ill. 809].
Néanmoins, les fenêtres agrandies, où disparaît le croisillon de pierre, sont les éléments
majeurs du rythme de la façade que peuvent venir appuyer les ordonnances du mur,
comme nous le verrons au chapitre suivant.
273
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
LE SYSTÈME DU QUADRILLAGE
Lorsque les membres verticaux et horizontaux se croisent sur la totalité de la façade
en passant le long des travées de fenêtres et horizontalement entre les niveaux, ils
forment un quadrillage dans lequel alternent trumeaux et fenêtres. Sur le plein, ils limitent
un panneau de mur qui peut être une figure plus ou moins régulière et symétrique, plus
ou moins orientée selon la nature des membres qui le bordent — chaînes, pilastres ou
moulures. Ce panneau peut en lui-même être un motif ornemental et peut jouer un rôle
dans l’ordonnance.
Les ordonnances à travées de fenêtres recoupées par des corps de moulures
horizontaux constituent le groupe le plus nombreux et le plus fréquent en France à l’Âge
classique. Les Livres d’architecture de Jacques Androuet Du Cerceau, publiés en 1559 et
1582, réédités en 1611 et 1623 et la Manière de bastir de Le Muet, publiée en 1623 et encore
rééditée en 1680, rendent bien compte de la permanence du système qui persiste bien
au-delà du milieu du XVIIe siècle. Nous leur consacrons une étude particulière en annexe
(Tome III-III. Les ordonnances de Jacques Androuet Du Cerceau). Il faut tout d’abord
expliquer la genèse de ce système qui naît au XVe siècle en France.
Les conditions de départ
Au milieu du XVe siècle, alors que sur la plupart des édifices civils les murs sont nus,
tout au plus divisés par un cordon horizontal, une nouvelle manière d’organiser le décor
apparaît à l’hôtel Jacques Cœur de Bourges295 (ap. 1443-av. 1451) [fig. ci-dessous et
T. II, ill. 192–195]. Les façades du corps de logis montrent comment s’engendre le
système du quadrillage : de fins « contreforts » prismatiques terminés par un pinacle
montent de fond le long des ébrasements pour venir pénetrer, au dernier étage, le
cordon-larmier régnant avec le bas de l’allège et interrompre une moulure passant au
niveau de l’appui. Ce double corps de moulures horizontales orné de croisillons forme
au bas du trumeau un faux parapet au bas d’arcatures aveugles, donnant ainsi l’illusion
d’une coursière296.
295 Nous reprenons l’analyse de Jean GUILLAUME « Le temps des expériences. La réception des formes « à l’antique » dans
les premières années de la Renaissance Française, dans L’invention de la Renaissance, 2003, p. 145.
296 L’importance de ces champs dans la structure décorative de la façade de la Première Renaissance française a
été relevée par E. Dagnas-Thomas dans sa thèse, dans les chapitres concernant le trumeau et l’allège. « Le trumeau.
Le cadre » et « Les champs décoratifs plats. L’allège, le prolongement latéral du champ décoratif de l’allège »
DAGNAS-THOMAS, 1998, p. 39 et p. 15-22.
274
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Sur les corps de galerie, le système est un peu différent, les petits contreforts
décoratifs situés au milieu des trumeaux étroits correspondent à l’axe des piles des
arcades du rez-de-chaussée.
Bourges, cour de l’hôtel Jacques Cœur (ap. 1443-av. 1451), travées du corps de logis à gauche et à droite de
l’escalier.
Bourges, hôtel Jacques Cœur (ap. 1443-av. 1451), corps de galerie sur cour.
275
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Dans toutes ces situations, le fin réseau de moulures croisées a pour effet, d’une part,
de régulariser la façade en corrigeant les espacement inégaux des fenêtres et, d’autre part,
de dessiner sur le mur des champs qui s’offrent au décor. Leur ornementation est
commandée par la fenêtre : sur les allèges, elle semble prolonger les jours de la baie
comme les réseaux de remplage des baies gothiques qu’à partir du XIVe siècle on
reproduit sur les murs297.
Le quadrillage de la première Renaissance française
L’hôtel Jacques Cœur de Bourges reste un cas unique pendant près d’un demi-siècle.
Dans la deuxième moitié du XVe siècle le mur reste nu, parfois un cordon passe sur la
ligne de plancher ; puis, dans les années 1480, la travée réapparaît et, à la fin du siècle, le
quadrillage. Plusieurs types d’ordonnances à quadrillage coexistent entre 1480 et 1515.
Celles-ci constituent les conditions de départ de toutes les ordonnances françaises.
La façade sur cour de l’aile Louis XII à Blois (1498–1502) [T. II, ill. 186–191] est le
premier exemple, après l’hôtel Jacques Cœur, de quadrillage intégral. Comme sur les
corps de galerie de Bourges, l’ordonnance est commandée par le rythme régulier des
arcades298. Au premier étage, elle est scandée par des jambes saillantes qui accostent les
fenêtres séparées par des trumeaux. À cette structure, qui pourrait se suffire à elle-même,
se superpose un fin réseau de moulures : des colonnettes adossées aux jambes montent
des piles, croisent le cordon-larmier puis une seconde moulure régnant avec les appuis.
Cette grille décorative, placée en avant-plan et qui double sans la masquer la structure à
chaîne et remplissages de brique, dont on ne cherche pas à corriger l’irrégularité, ne peut
que répondre à de nouvelles intentions esthétiques. Comme à Bourges, la prolongation
de la mouluration d’appui sur le mur délimite un nouveau champ dont le traitement
décoratif est quasi identique à celui de l’allège299. L’extension latérale de l’ornementation
de l’allège sur le mur entraîne, du même coup, la reproduction sur le trumeau du cadre
de moulures dans lequel s’inscrit la fenêtre ; grâce au compartimentage de la façade, une
sorte de correspondance entre lieu de l’ouverture et lieu du trumeau est ainsi établie,
297 Cette ornementation est ainsi un moyen de s’approprier les attributs décoratifs de l’architecture religieuse, sans
risquer de paraître inconvenant puisqu’il s’agit d’une ornementation abstraite, sans signification particulière hors de
son contexte originel. Des ornements similaires ont été utilisés sur les grands édifices du règne de Charles V, comme
Saumur. Au XVe siècle le réseau de croisillon est un motif fréquent qu’on retrouve sur des linteaux.
298 Sauf au-dessus de la travée de l’entrée, plus large. Mais cette différence de largeur est presque insensible,
comme « absorbée » dans l’ordonnance régulière des arcades.
299 À Blois, l’allège est divisée par une petite colonnette située dans le prolongement du meneau et l’appui est
souligné par un décor de petites arcatures qui se prolonge sur le trumeau.
276
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
soulignée par l’identité matérielle et ornementale entre allège et bas du trumeau300. Le
quadrillage divise intégralement la façade en compartiments comparables dans lesquels
le mur n’est pas un fond neutre : à Blois, la brique et la pierre forment une joyeuse
polychromie qui claque comme sur les quartiers d’un blason. Désormais, les parties
ornées ne se concentrent plus seulement sur les portes, les tours et les loggias d’escalier
ou les travées de fenêtre en formant des accents sans lien ; la façade est articulée en une
composition rythmique, puisqu’on y lit des intervalles, des enchaînements et des
superpositions de registres.
Aile Louis XII à Blois (1498–1502), détail de la façade sur cour, état actuel.
La logique du compartimentage n’a ainsi rien de factice ou de superflu. On peut
néanmoins s’interroger sur l’origine de l’idée. À Bourges, les moulures plaquées sur le
mur n’ont aucune raison structurelle ; toutefois, elles simulent une sorte d’armature
rappelant la fine ossature de l’architecture en pan de bois. Les transpositions ont pu
s’effectuer dans les deux sens : nous avons trouvé, à Toulouse, un exemple de pan de
bois, datant de 1504, dont les poteaux et les traverses forment un quadrillage régulier ;
tous les éléments de bois sont sculptés de moulures qui les affinent encore et dont les
profils sont, à l’évidence, classiques. Mais le fin quadrillage à colonnettes, les légers
300 Les assises de pierre au bas du trumeau n’ont aucune raison structurelle. Elles limitent toutefois la dimension
du remplissage de brique qui a une plus faible résistance ; mais la façade antérieure ne présente pas cette structure,
si elles ne sont pas indispensables sur la façade postérieure ; leur emploi se justifie donc par une intention
strictement « décorative »
277
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
décors de remplages aveugles semblent bien plutôt s’inspirer des expériences de
l’architecture flamboyante contemporaine, réalisées par les mêmes maîtres maçons301.
La structure décorative mise en place dans le Blois de Louis XII connaît une nouvelle
étape dans des édifices construits en pierre de taille, à Blois même et dans les édifices
majeurs de la décennie 1510–1520 des bords de la Loire et de leur aire d’influence
proche : tous adoptent une ordonnance de pilastres superposés. Il fallait pour cela un
contact avec l’Italie de la Haute Renaissance et un autre intermédiaire, Gaillon. Sur le
pavillon d’entrée de Gaillon (1508), les pilastres se sont substitués aux petits pilastres
prismatiques en se superposant le long de la travée de fenêtres : ils encadrent la baie et
des petits pilastres montent sur le plein de travée recoupé par un cordon, et deux autres
petits pilastres encadrent l’allège [fig. ci-dessous et T. II, ill. 379].
Gaillon, pavillon d’entrée (1508)
Dans la cour de Bury (v. 1511–1515) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 224–233] dont les
élévations sont connues par les dessins et les gravures des Plus excellents bâtiments de France
de Jacques Androuet Du Cerceau, les pilastres disposés au milieu des trumeaux et de
part et d’autre de la travée de fenêtres, scandent régulièrement la façade ; dans le double
corps de moulures régnant avec les allèges, des petits ressauts leur forment piédestaux.
En Italie, dans des ordonnances comparables, d’une part le décor ne se structure pas de
la même manière autour des ouvertures et, d’autre part, le rapport de la structure
301 Le plus connu est Colin Biart qui travaille à Blois, au Verger, aux cathédrales de Bourges et de Rouen. La
question du transfert et des « survivances » du gothique à la Renaissance sont au cœur de recherches récentes. Cf.
Le gothique de la Renaissance, IVe rencontres d’architecture européenne, Centre André Chastel, 12-16 juin 2007.
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Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
ornementale au mur et, par conséquent, l’esthétique du mur lui-même est totalement
différente302. Au palais de la Chancellerie à Rome, les pilastres n’accostent pas les fenêtres
qui restent indépendantes de l’ordonnance et le double corps de moulures est fortement
articulé par les ressauts des allèges et par les piédestaux des pilastres ; à Bury, au contraire,
le double corps de moulures est divisé par les petits ressauts en compartiments
identiques. De plus, les pilastres de la Chancellerie s’opposent nettement au parement à
bossages exprimant ainsi le rapport entre le membre fort et la partie faible du mur ; à
Bury, au contraire, le décor de pilastres, assez grêles, semble se poser sur le nu du mur
parfaitement continu et homogène.
Bury (v. 1511–1515) détail de la façade sur cour du corps de logis principal,
dessin C. Titeux, restitution sous la direction de Jean Guillaume.
Sur la façade sur jardin, le quadrillage est formé non par des pilastres, mais par des
moulures croisées303 ; les grands panneaux de trumeau et les petits panneaux du double
corps de moulures sont délimités par une mouluration identique qui a pour effet de
compartimenter le mur. Cette façade sans ordre s’accorde ainsi aux sévères façades
extérieures du château. Mais le quadrillage à moulures n’est pas une formule
« archaïque ». La façade sur cour et son revers sont deux modalités de la même idée
302 D’après Martine Garzinska il existait peut-être des exemples proches de Bury. Une maquette offerte à
Charles VIII par G. della Rovere, due à G. da Sangallo aurait présenté le type d’ordonnance de Bury et que Giuliano
da San Gallo venait d’essayer ce parti à Savone, ce qui est confirmé par Vasari. Martine GARZINSKA, Information
d’histoire de l’art, n° 2, avril 1965, p. 84, qui se réfère à G. Marchini, Giuliano da Sangallo, Firenze, 1942 et G. K.
Loukomski, Les San Gallo, 1934.
303 D’après la restitution déjà mentionnée dans notre première partie, dans le chapitre intitulé « L’encadrement ».
279
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
d’ordonnance et leur opposition manifeste la nouvelle organisation des espaces sur un
axe de hiérarchisation.
La substitution des pilastres à la mouluration gothique ne modifie pas le système du
quadrillage qui s’organise toujours à partir de la structure de la travée de fenêtres,
marquée à Bury par un disque dans le double corps de moulures304. Mais elle a deux
conséquences majeures : d’une part, une certaine régularisation de la façade, d’autre part
une hiérarchisation des niveaux. Les fenêtres régulièrement espacées et les travées de
pilastres d’égale largeur ont forcément commandé la conception de la distribution. Les
chapiteaux des pilastres, d’après ce qu’on peut en juger d’après les gravures des Plus
excellents bâtiments de France et les dessins préparatoires de Jacques Androuet Du Cerceau,
sont identiques à chaque niveau. Il n’y a donc pas de superposition d’ordres au sens
classique, seuls le double corps intermédiaire et le double corps qui couronne la façade,
souligné de petites arcatures, marquent une gradation que la disposition des ornements
sur le mur soutient : au rez-de-chaussée les trumeaux sont nus, au premier étage ils
s’ornent d’écus et, sur le pavillon central, plus haut de deux étages, les trumeaux sont
ornés d’encadrements dans lesquels s’inscrivent des losanges et, au dernier niveau, des
bas-reliefs. Le quadrillage à pilastres est adopté sur l’aile de François 1er à Blois, à
Chambord, et à Bonnivet, mais les percements sont disposés en fonction de la
distribution interne, et les pilastres qui les suivent ne peuvent masquer l’irrégularité des
percements. L’effet de régularité est donc obtenu par d’autres moyens.
Sur l’aile de François 1er à Blois (1515–1524), la surface murale est divisée par des
pilastres accostant les fenêtres et, comme à Bury, des petits ressauts sont situés au droit
des pilastres dans les doubles corps horizontaux [T. II, ill. 218–222]. Tous les
compartiments de la façade sont encadrés par une mouluration et s’accompagnent d’une
ornementation qui s’enrichit graduellement vers les niveaux supérieurs. La salamandre
qui timbre les trumeaux des deux derniers niveaux s’inscrit, au dernier niveau, dans un
jeu d’encadrements ; au premier étage, les piédroits et les linteaux des fenêtres sont nus
et, au second, ils sont décorés de chutes d’ornements et de rinceaux. Les encadrements
du trumeau, extrêmement linéaires, sont, nous l’avons vu, d’une tout autre nature que
ceux qui dérivent du dosseret, comme en Italie où ils paraissent toujours être des renforts
du mur : le pilastre s’adosse au dosseret alors que les encadrements de Blois sont accolés
au pilastre. L’encadrement, clairement décoratif, articule l’armature de la même manière
que la mouluration gothique qui, en multipliant les nervures et les colonnettes,
décompose le support et renforce son autonomie. Cela implique une qualité du mur
particulière, encore proche de l’esthétique gothique. Dans l’élévation des églises
304 Ils n’apparaissent pas sur les dessins préparatoires des Plus excellents bastiments de France de Jacques Androuet Du
Cerceau, mais figurent sur les gravures.
280
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
gothiques, le mur est évidé entre les supports et, s’il ne le peut pas, il simule la légèreté
par des arcatures et, à la fin du gothique, par des réseaux de remplages. La mouluration
d’encadrement a une double fonction : d’une part elle accuse la linéarité de la grille
décorative en produisant un effet de « cloisonné » qui donne une certaine homogénéité
à la façade ; d’autre part, elle forme cadre dans lequel le mur devient une figure
ornementale : les trumeaux du dernier niveau de l’aile de François 1er Blois sont
explicitement des tableaux destinés à porter les emblèmes du roi. Les registres
horizontaux des doubles corps de moulures se distinguent par l’emploi d’un
encadrement plus épais. Ainsi, l’emploi de la mouluration d’encadrement n’est pas qu’un
simple enrichissement, elle est un moyen de différencier et donc de hiérarchiser les
registres305.
Aile de François 1er à Blois (1515–1524), détail de la façade à droite de l’escalier.
À Bonnivet (1516/1517–1525) [T. II, ill. 1150] et à Chambord (1519–1539) [T. II, ill.
234–237], le principe du quadrillage à pilastres reste le même. La façade sud de Bonnivet
est articulée par une ordonnance de pilastres accostant les travées de fenêtres recoupées
par un double corps de moulures divisé par les petits ressauts disposés sous les pilastres.
L’ordonnance de Chambord est comparable, puisque les pilastres ne se séparent pas de
la travée de fenêtres ; sur les plus larges pans de mur est disposé un pilastre intermédiaire,
305 Pour le détail des motifs d’encadrement et leur origine Cf. dans notre Seconde partie, le chapitre consacré à
« L’encadrement ».
281
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
de manière à former des compartiments à peu près égaux : tous, s’encadrent de la même
mouluration, y compris sur le pourtour des fenêtres ; dans le registre des doubles corps
de moulures, les encadrements, plus larges, forment une suite répétitive de petits
panneaux rentrants306. Cependant, le rapport du mur à la structure du décor change.
Dans le double corps de moulures et sur les trumeaux, les encadrements entourent des
surfaces vides à chaque niveau. Chaque compartiment est entouré d’un double
encadrement : le premier, formé de bandes, sur lequel ressaute le pilastre se double d’une
mouluration307. Les profils d’encadrement s’épurent. Sur le donjon, le profil souple du
talon lie la structure au mur au rez-de-chaussée et, aux étages, un quart de rond adoucit
le ressaut de l’encadrement : la mouluration entoure chaque panneau d’une ombre légère
qui, par contraste, s’illumine. L’effet est d’autant plus réussi qu’il est minimaliste.
L’encadrement n’est plus une parure du mur, il exhibe la seule beauté de l’épiderme
mural : l’ornement se tient à la limite de son retrait total. La réduction du vocabulaire, le
seul jeu des larges à-plats de mur et des lignes qui les limitent préfigurent certaines
solutions classiques.
Chambord et Bonnivet annoncent la synthèse entre quadrillage « gothique » et
ordonnance classique qui aura lieu ultérieurement en instaurant un subtil équilibre entre
une nouvelle forme ornementale du mur nu et les membres qui structurent l’ordonnance.
Un aperçu des ordonnances de la fin du XVe siècle et du début du XVIe permet de
dégager quelques constantes qui perdureront à l’Âge classique308. Ces constantes tiennent
essentiellement à la manière dont la travée de fenêtres s’inscrit dans les niveaux apparents
définis par des corps de moulures horizontaux. Les planches XVII, XVIII et XIX (pages
suivantes) illustrent les six grands modes d’ordonnances employées entre les années 1480
et 1515309.
Planche XVII
306 Sur le donjon, commencé en 1519, comme sur le logis du Roi à l’est de la cour, commencé en 1526. L’aile ouest,
construite à partir de 1546, reproduit l’ordonnance de l’aile est, avec le même jeu d’encadrements.
307 Comme le montre la restitution de Jean Guillaume, déjà mentionnée dans la partie précédente détaillant la
forme des encadrements de la première Renaissance.
308 Le système a été bien analysé (HOFFMAN, 1980 ; PRINZ et KECKS, 1985) Jean GUILLAUME a fait un dernier
point dans son article, « Le temps des expériences. La réception des formes “à l’antique” dans les premières années
de la Renaissance Française » dans L’invention de la Renaissance, 2003, pp. 143-176, en particulier, dans le chapitre
intitulé « Le décor des façades, le système de la façade française », pp. 145-151.
309 Nous les avons représentées schématiquement à partir d’un groupe de quatre baies superposées deux à deux,
identique pour chaque type d’ordonnance.
282
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Les murs sont nus sur le logis du château de Nantes (1480–1506), à Mortier-Crolles
(1496–1499) (fig. 1).
Un cordon passant au niveau de la ligne de plancher peut marquer les niveaux (fig. 2)
comme sur l’aile de Dunois à Châteaudun (1459–1468 ou 1500), comme à Chaumont
(1498–1511).
L’encadrement des fenêtres peut être tangent au cordon (fig. 3) comme au Verger,
(1497–1499, avant-cour) comme à Gien (1494 – vers 1500)310.
Une mouluration peut régner avec les appuis comme à Argy (après 1509), à Talcy
(après 1517) (fig. 4).
Planche XVIII
Un double corps de moulure peut passer sur les pleins de travées comme à l’hôtel
Cujas à Bourges (autour de 1515) (fig. 5)
Á partir des années 1480, la travée de fenêtres est privilégiée. Parfois, aucun corps
de moulures ne divise la façade et seule la travée de fenêtre est accostée de moulures
(fig. 6) comme à Boumois (vers 1515)311.
La travée peut être recoupée par un cordon situé au niveau de la ligne de plancher
(fig. 7) comme à la Motte Glain, (1495), à Meillant312 (ap. 1481–avant 1510), sur l’aile de
Longueville à Châteaudun (1508–av.1518) et comme à Blois sur la façade antérieure de
l’aile Louis XII (1498–1502 ou 1503).
Deux corps de moulures peuvent recouper la travée (fig. 8) comme à Blois sur la
façade postérieure de l’aile Louis XII (1498–1502/1503).
Planche XIX
De même, des cordons croisent la travée à Bury (fig. 9), sur la façade vers le jardin
(v. 1511–1515).
Enfin la travée peut être accostée de pilastres (fig. 10) comme à Bury, sur la façade
sur cour (v. 1511–1515) comme à Blois (fig. 11) sur l’aile de François 1er (1515–1524) ou
à Bonnivet (1516/1517–1525) et à Chambord (1519–1539) (fig. 12).
310 Parfois, le cordon-larmier se retourne le long des jambages de la baie, pour former une sorte de grand motif à
redans comme sur certaines fenêtres de Chaumont : la moulure « à frettes » est employée au XVe siècle et durant
toute la première moitié du XVIe siècle, à Chenonceau (1513), à Salon, à Nevers (1530).
311 La mouluration peut ne relier que deux fenêtres comme à Josselin, la fenêtre de l’étage et la lucarne
passante 1490-1505 [ill.]
312 Façade du logis distribué par la tour du dite du Lion sur les deux travées à gauche de la tour.
283
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Planche XVII.
284
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Planche XVIII.
285
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Planche XIX.
286
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Les édifices contemporains de Bury, Bonnivet et Chambord, et dans la quinzaine
d’années qui suit (1525–1535/1540), développent la formule du quadrillage à pilastres,
avec ou sans encadrement.
Azay-le-Rideau (1518) [T. II, ill. 214–227], la cour de Saint-Aignan (av 1525),
présentent un quadrillage régulier, sans encadrement comme dans la cour de Bury.
Parfois, l’accent décoratif est mis sur la seule travée de fenêtres, nous l’avons vu ; le pleinde-travée, se couvre d’un décor sculpté « à l’antique » comme à Chenonceau (1515–1522)
[T. II, ill. 240–243], au Lude (1520–1530) [T. II, ill. 1098–1099]. Le trumeau s’orne
parfois de motifs ponctuels, des médaillons comme à Assier (1525–1535), au Lude
(1520–1530) où les pilastres accostant les fenêtres dégagent de très larges pans de mur
qu’on tente de meubler ; des motifs plus complexes sont employés comme les niches à
Montal (1523)
En Provence, l’édifice le plus novateur de la décennie 1530–1540, Lourmarin
(campagne de 1537–1542), présente une ordonnance à travées de fenêtres accostées de
pilastres, avec un seul larmier régnant avec l’appui.
Villandry (1532) et Villegongis (1530–1540) [T. II, ill. 252–255] la façade vers la ville
de La Rochefoucauld (1520–1528) [T. II, ill. 1152] présentent une ordonnance proche
de Chambord. À Villandry, la moulure située en dessous du larmier prend la forme d’une
véritable architrave à fasces au second niveau, et se retourne le long des pilastres ; une
fine moulure formée d’un quart-de-rond entre réglets encadre totalement les pleins-detravées et le bas du trumeau. À Villegongis, les panneaux de mur en moellons sont
couverts d’enduit et sont encadrés d’une bande et d’une doucine, sauf dans le double
corps de moulures bordé d’une mouluration plus fine. À Villesavin (av. 1536–v. 1537)
[T. II, ill. 256–257], l’encadrement est à peine esquissé sur les trois cotés du trumeau
alors qu’il se dessine fermement autour de la baie.
Le quadrillage abstrait employé sur la façade postérieure du logis de Bury est, à notre
connaissance, employé sur deux édifices une dizaine d’années plus tard. La façade sud
de La Rochefoucauld (1520–1528) [T. II, ill. 1151] présente une ordonnance à
quadrillage abstrait soulignée par une mouluration continue. Toutes les façades
extérieures de Veuil (1520–1530) [T. II, ill. 250] également, tandis que dans la cour, qui
porte une ordonnance de pilastres, l’encadrement est systématiquement employé dans
chaque compartiment comme dans les écoinçons des arcades. Ce type de quadrillage est
schématisé sur la planche XIX (fig. 9)
Les ordonnances classiques à travées de fenêtres recoupées par des cordons
horizontaux qui apparaîtront à partir du milieu du XVIe siècle sont toutes redevables de
ce sytème, dans la pierre comme dans l’architecture brique et pierre, qui a tellement
287
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
marqué l’architecture française de la fin du XVIe siècle et du XVIIe siècle qu’elle a été
identifiée aux règnes de Henri IV et de Louis XIII. Il faut en examiner la genèse.
Le mur chaîné
Dans l’architecture à parement de brique chaîné de pierre, le jeu décoratif consiste à
animer le mur des découpes dentelées des harpes et, parfois, de dessins d’appareil. Dans
la deuxième moitié du XVe siècle, les exemples sont nombreux dans la région de la Loire,
en Picardie et en Normandie ; les chaînes aux angles soulignent les décrochements et la
verticalité des masses comme au Clos-Lucé près d’Amboise (1471–ap. 1490), au Moulin
à Lassay-sur-Croisne (v. 1480–av. 1506) [T. II, ill. 202]. D’autres édifices développent la
formule, mais en marquant les niveaux par un cordon-larmier, telle la maison dite de
Tristan à Tours (av. 1495) [T. II, ill. 203] ; à Martainville (Seine-Maritime, 1485) les
chaînes horizontales courent le long des larmiers en formant de curieux motifs un sur
deux évoquant, en couronnement, des merlons et des créneaux313.
Les chaînes découpent parfois avec insistance la façade comme à Jallanges, (ap.
1502–av. 1517) où elles montent de fond le long des piédroits des baies superposées et
aux angles des corps de bâtiments314 (fig. ci-dessous et T. II, ill. 212–213).
Jallanges à Vernou-sur-Brenne (après 1502 – avant 1517), façade sur cour
313 D’autres édifices cités par Louis Hautecœur sont des exemples d’ordonnances à cordon larmier : le château de
Bonaventure à Huismes (Indre-et-Loire), et hors de la région de la Loire, le Plessis-Brion (Oise) ; le château de
Montifray à Beaumont-la-Ronce (Indre-et-Loire) présente des travées de fenêtres liées par des chaînes sur une
façade et des baies isolées sur l’autre. Cf. HAUTECŒUR, 1963, T. I-1, p. 43-44 et notes 2 et 3.
314 La reconstruction de Jallanges est entreprise entre 1502 et 1517 ; peu remanié, ce château donne une idée du
décor adopté à Plessis-lez-Tours ou à Luynes, tous deux très restaurés au XIXe siècle. Plessis-lez-Tours, est une
reconstruction du manoir des Montils, acquis par Louis XI en 1463, mais les travaux n’ont été entrepris qu’après
1474, et ont été poursuivis sous Charles VIII et Louis XII ; le logis de Luynes, généralement daté de 1465, pourrait
être plus tardif. SARTRE, 1980, pp. 90-92.
288
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Chaînes de pierre et appareil de brique sont au même nu, seuls sont saillants les
cordons qui séparent les niveaux et la sculpture ornementale des couronnements et des
portes ; mais les contrastes de matériaux sont si intenses que les chaînes dominent le
décor. Lorsque le motif souligne l’ordonnance verticale de la façade, l’espacement n’est
pas régularisé : il s’agit bien de mettre en valeur la structure, plus qu’un rythme.
Vers 1520–1530, les chaînes tendent à former des harpes plus régulières et les jambes
à scander régulièrement les façades au milieu des trumeaux les plus larges ou bien au
droit des piles des arcades, comme à la Verrerie, sur le logis de 1520 [[T. II, ill. 248]. Au
château de Fleurigny en Bourgogne, au-dessus d’un soubassement en pierre continu, les
chaînes régulières des piédroits des fenêtres, dont l’embrasure prend toute la hauteur du
niveau, se prolongent sur l’allège ; un large trumeau est divisé par une chaîne médiane
[fig. ci-dessous et T. II, ill. 62–63] ; les mêmes traits se retrouvent à l’ancien évêché de
Noyon, au château de Saint-Amand-en-Puysaye (vers 1530)315.
Fleurigny (1530–)
La chaîne classique
Les ordonnances classiques à chaînes régulières naissent dans les années 1550. Si
l’effet décoratif tient toujours aux découpes des chaînes harpées, très sensible en raison
315 Hautecœur cite encore le château de Candé (Indre-et-Loire) ?, le Puy-du-Fou aux Epesses (Vendée), construit
en brique et granit ?, HAUTECŒUR, 1963, T. I-1, p. 42 et 43, notes 2 et 3.
289
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
du contraste de matériaux, les dimensions des trumeaux se régularisent ; par ailleurs, les
chaînes deviennent bossage à l’antique. La modénature change : le cordon-larmier est
remplacé par un bandeau ou une cimaise, les encadrements de fenêtres à voussures et
colonnettes par des chambranles.
Les corps de logis de Fleury-en-Bière (1552–1555) [T. II, ill. 469–452] présentent
une structure très simple de chaînes de pierre et remplissages de brique sur la cour et de
chaînes de brique et remplissages de moellons sur le jardin. Les chaînes aux harpes
régulières marquent fortement l’alternance des travées de fenêtres et des pans de brique ;
mais le point capital est que l’ordonnance du trumeau se règle sur les divisions
horizontales de la travée de fenêtres : le bandeau séparant les niveaux règne avec la
portion de corniche couronnant la fenêtre du rez-de-chaussée et, à chaque niveau, de
minces bandes situées dans le prolongement de la traverse de la croisée au rez-dechaussée (disparue) et dans le prolongement de l’appui à l’étage forment un décor plus
léger. L’ordonnance est ainsi clairement hiérarchisée : la travée de fenêtres en est
l’élément majeur, elle détermine l’effet général de scansion verticale, et commande
l’ordonnance des trumeaux.
Fleury-en-Bière, Pierre Lescot (1552–1555), aile droite sur cour.
La mise en valeur de la nudité du mur par les bossages est un effet apprécié des
Français, le bossage est donc principalement employé aux angles et à l’entour des
fenêtres plutôt que sur de grandes surfaces murales. Le motif de la chaîne harpée existe
depuis longtemps dans l’architecture française, mais les Français s’intéressent tout
d’abord à l’usage du bossage en chaînes d’angle, qui marquent fortement les limites de la
façade et articulent l’angle, comme l’on fait à Rome les architectes du début du XVIe
290
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
siècle316. Sur le projet pour la façade d’entrée de Saint-Maur, [T. II, ill. 520–521] que De
l’Orme publie dans son Premier tome, les bossages ne sont employés que sur les fûts des
pilastres d’angles317. Mais Saint-Maur reste une proposition isolée318, on préfère la chaîne
harpée en bossage que Lescot emploie pour la première fois au Louvre, sur les façades
extérieures du pavillon du roi (1551–1556) [T. II, ill. 504] et, peu après à Vallery (1548–
av. 1562), second grand exemple de l’architecture brique et pierre au XVIe siècle et dont
Pierre Lescot est également l’architecte [T. II, ill. 84–91].
Jacques Androuet Du Cerceau, Vallery, Les deux faces du dehors avec le pavillon fait de neuf, dans Les plus excellents
bâtiments de France, 1576.
316 Comme les chaînes harpées du palais Farnèse (1515-1546) [T. II, ill. 1250], du palais Pandolfini [T. II, ill. 1237],
palais « romain » construit à Florence (1520). Les architectes romains explorent d’autres solutions telle la chaîne
alignée qui forme à l’angle une sorte de grand pilastre à bossage comme au palais Baldassini (v. 1514-1415) [T. II, ill.
1250].
317 Serlio avait montré des exemples d’emploi du bossage sur le fût au Livre IV où le motif apparaît trois fois ; sur
la porte toscane du fol 134 r., avec des bossages très frustres sur la porte dorique du fol. 148 r, avec des bossages
plans qui semblent légèrement piqués sur la porte d’ordre ionique au fol. 164 v.
318 Néanmoins, il faut relever la gamme riche et sophistiquée employée par l’architecte ; elle se déploie de niveau
en niveau, en commençant par le motif le plus vigoureux en soubassement ; la gravure ne permet pas de décrire
précisément la taille, mais l’on peut supposer que la forme légèrement irrégulière indique l’emploi d’une taille
bossagée ; le piédestal dans le niveau sous appui est garni de bossages, peut-être bombés ou plans à ressaut adouci
en quart de rond ; les pilastres corinthiens de l’étage carré sont ornés de bossages bombés jointifs ; enfin, dans
l’attique, des bossages en table un-sur-deux alternent avec des bossages cubiques, forme accentuée du bossage en
table. La variété et la recherche des motifs donnent à Saint-Maur une préciosité que n’ont pas les palais de Rome. Le
premier édifice de la décennie qui fonde le classicisme français, en démontrant la capacité à s’approprier la totalité
du vocabulaire, non sans une certaine virtuosité, semble ainsi avoir ici plus valeur de manifeste que de modèle pour
l’emploi du bossage.
291
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Vallery, Pierre Lescot (1548 – avant 1562), façade extérieure du pavillon, état actuel.
Les deux niveaux de Vallery sont séparés par un large double bandeau de pierre lisse
régnant avec les allèges, mais celui-ci se compose avec l’ordonnance verticale des travées
de fenêtres, certes discrètement reliées par le ressaut de l’allège en très faible relief, mais
puissamment soulignées par les bossages. Ceux-ci très saillants sur les façades extérieures
se prolongeant dans le soubassement ; ils sont accolés au chambranle à l’étage, et le
brochent un-sur-deux au premier niveau : les chaînes en continuité le long du
chambranle et harpées vers le mur, forment transition entre le chambranle de pierre et
le trumeau de brique ; l’ordre du mur s’impose, d’où la modénature délicate semble
s’extraire. L’ordonnance se lit comme une alternance de travées de fenêtres et de
panneaux superposés où les harpes dessinent sur la brique une figure symétrique. L’effet
décoratif du panneau de brique accosté de chaînes de bossages est également très
sensible sur la cour qui, à part la galerie, porte la même ordonnance que les façades
extérieures, mais déclinée sur un mode plus aimable grâce à l’emploi de bossages en
tables.
292
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Vallery, Pierre Lescot (1548 – avant 1562), façades sur cour.
Dans la deuxième moitié du XVIe siècle, sur nombre de « demeures aux champs »
dont Jacques Androuet Du Cerceau donne les modèles dans ses deux Livres d’architecture,
puis sur les maisons de ville et sur les corps de logis des hôtels, il n’y a pas d’autre jeu
décoratif sur le mur que celui des chaînes en bossage qui encadrent des trumeaux,
qu’appuient les effets de polychromie, et parfois des dessins d’appareil.
Chaînes et doubles corps de moulures horizontaux
L’ordonnance à double corps formant un registre continu comme à Vallery ou à
entablement abrégé comme à Wideville (1580–1584) [T. II, ill. 724–727] est peu
employée : le quadrillage se présente principalement sous deux formes : soit les chaînes
se prolongent seules dans le plein-de-travée qui ne ressaute pas et ne se distingue pas du
reste du mur, soit elles accostent un plein-de-travée en pierre, alors que le traitement du
dessous de trumeau est identique au trumeau. Ces deux types de quadrillage abondent
jusque vers les années 1640–1645.
La première formule produit des effets proches du tissage. Rosny (1595 ou 1598–
99) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 716–719] est l’expression la plus stricte de ce système.
Dans le registre du double corps se succèdent panneaux bordés de harpes tournées vers
l’intérieur et panneaux rectangulaires du plein-de-travée. Ce simple rythme répond à
l’alternance des travées de fenêtre et de « travées pleines » où petits et grands panneaux
sont séparés par des bandes. L’égalisation de la modénature, puisque le cordon larmier
n’a ni plus de saille ni un profil différent que le bandeau régnant avec les appuis,
uniformise la façade.
293
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Rosny (1595 ou 1598–1599), détail de la façade antérieure, état avant restauration.
Cette formule est reproduite sans grandes variations dans la première moitié du
XVIIe siècle319. Le château de Tilloloy en Picardie (1645) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 1149]
présente un quadrillage complet de chaînes et doubles bandeaux de pierre très similaire
à l’ordonnance de Rosny320.
Tilloloy (1645), façade d’entrée, état actuel.
Dans les ordonnances à travées de fenêtres liées par un plein-de-travée en pierre, on
n’adopte pas le type des corps de logis de Fleury-en-Bière, où l’allège est dans le plan du
mur, mais le ressaut comme sur les façades de la place ducale à Charleville (1612–1628)
[fig. ci-dessous et T. II, ill. 340–341] La verticalité des lignes est alors accusée par la
319 Louis Hautecœur cite les châteaux de la Haye d’Esquernes (1676) à Loos-les-Lille (Nord), de Cuison, à Cuison-
Monteloup (S.-et-O), vers 1640-45, de Montcoy (Saône-et-Loire). HAUTECŒUR, 1948, T. II-1, pp 3-4 et note, p. 4.
320 Communs construits en 1670, restaurés fin XIXe ; bombardé pendant la guerre et reconstruit à l’identique.
294
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
double liaison de la travée, par le ressaut, d’une part, et par les chaînes qui se prolongent
sur le plein-de-travée, d’autre part.
Place ducale de Charleville (1612–1628).
Les ordonnances à chaînes de pierre et remplissages de brique sont imitées dès le
XVIe siècle avec de la brique et des remplissages de moellon enduit. On ne peut plus
jouer sur la saillie du bossage, par contre on en reproduit la découpe harpée. Parfois, on
imite le bossage un-sur-deux en faisant alterner lits de brique et blocs de pierre. Sur ces
façades, où le contraste de couleur est inversé, une table de brique sur le plein-de-travée
apporte un accent coloré supplémentaire. Dans les doubles corps de moulures alternent
tables et panneaux crépis, alors que la similitude de traitement entre le haut et le bas du
trumeau reste la règle.
À Neuville (années 1570–av. 1582), seuls les pleins-de-travées sont ornés de tables
selon le type apparu à Fleury-en-Bière sur le portail de l’avant-cour (vers 1555) [T. II, ill.
469–452] ; la travée de fenêtres se prolonge dans le registre supérieur formant frise par
un petit ressaut orné d’une table rentrante portant une table de pierre. L’alternance
horizontale des motifs se conjugue ainsi avec l’alternance verticale de la travée de fenêtres
[T. II, ill. 483–489].
295
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Neuville, Façades postérieures de la chapelle et du corps de logis, état actuel.
Neuville (années 1570 – av. 1582), façade antérieure de l’aile droite, état actuel.
À Amboile (ap. 1578), les angles des pavillons sont marqués de bossages un-surdeux, les murs sont crépis (la façade actuelle présente des fausses-tables) ; des bandes de
brique forment le chambranle des fenêtres et se prolongent dans le plein de travée, orné
d’une table de pierre au même nu que les chambranles alors que dans les dessous de
trumeaux le mur est lisse.
296
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Amboile (après 1578), façade antérieure, restitution de L. Sauvageot d’après un dessin ancien,
dans Encyclopédie d’architecture, 1875.
À Nandy (ap. 1595), aux travées ornées de chaînes un-sur-deux, le double corps de
moulures séparant les deux niveaux de l’avant-corps central forme une frise continue où
alternent les tables de crépi des allèges et les tables de crépi à plate bande qui, entre les
harpes, prennent la forme d’un T. [fig. ci-dessous et T. II, ill. 634–635]
Nandy (à partir de 1595), détail de la façade antérieure.
Dans un groupe d’édifices de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle, tous
situés en Île-de-France, l’ornementation se réduit au minimum : les chaînes de brique
remplacent totalement la mouluration classique des chambranles et il y très peu
d’ornements en pierre, tout au plus en chaînes d’angle. Le modeste pavillon de
297
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Becquancourt à Dampierre (fin XVIe ou début XVIIe) est tout en brique et crépi
[T. II, ill. 584]. À Grosbois (1597–1599), également en brique et crépi, le corps central
présente une variation intéressante : au dernier niveau du corps central, une sorte
d’ordonnance attique est formée par la prolongation des chaînes au-dessus des fenêtres,
encadrant de grands panneaux ; ces motifs rappellent les grands cadres du pavillon
d’entrée de Fleury-en-Bière321 [T. II, ill. 597–600].
Grosbois (1597–1599), façade antérieure, d’après Israël Silvestre et détail de l’état actuel.
L’ordonnance du château de La Mormaire (1617) à Grosrouvre imite celle de
Neuville, tout proche, et lui emprunte son décor de tables : les pleins-de-travées sont
garnis d’une table de brique et la façade est couronnée par un étroit double bandeau orné
de minces tables situées au-dessus des fenêtres [T. II, ill. 632–633]. Construit un peu plus
tard, le château de Pontchartrain (1633–1662) présente une ordonnance semblable
[T. II, ill. 714–715].
La Mormaire à Grosrouvre (1617), détail du corps central.
321 Les façades de Grosbois ont été très transformées au XVIIe siècle, en particulier, les fenêtres ont été abaissées
et, au rez-de-chaussée, transformées en portes-fenêtres. Une gravure d’Israël Sylvestre permet néanmoins de
restituer la structure décorative : deux bandeaux régnaient au niveau des appuis et des linteaux ; on voit bien que
les derniers niveaux sont plus hauts et au centre, aveugles dans leur partie supérieure.
298
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Le système à chaînes et remplissages est si prégnant en France qu’il est imité dans
l’architecture en pierre de taille et dans l’architecture en pierre et moellon322. Le moment
de ce passage coïncide avec la publication de la Manière de bastir de Pierre le Muet, dans
laquelle huit modèles présentent une ordonnance à travée de fenêtres et chaînes en
bossages ; celui de la 9e place, 5e distribution, est à double corps, avec une petite variante
notable : au troisième étage, le corps de moulures passant au niveau de l’appui prend
nettement la forme d’une corniche323. Nous avons étudié au chapitre précédent les
nombreuses variantes de ce type de travées, dont celles de l’hôtel de Sully à Paris (1625–
1630) [T. II, ill. 698–705] qui devait être initialement construit en brique et chaînes de
pierre324.
Dans la pierre de taille, les chaînes, comme l’ensemble de la modénature, ne sont
jamais en forte saillie. Le principal effet recherché sur le mur est l’animation des harpes
dont on varie les longueurs. À Thouars, les bossages s’allongent et, vers l’extrémité de la
façade, les chaînes de la dernière travée sont liées à la chaîne d’angle [T. II, ill. 1170–
1173].
Thouars, Le Muet (1638–1645), détail de la façade sur cour.
322 La thèse de la transposition de la structure de la structure à chaînes et remplissages dans la pierre de taille a été
soutenue par Louis Hautecœur. Hautecœur, 1966, p. 758.
323 Les autres modèles à bossages sont des ordonnances à un corps de moulures horizontales. Voir Tome III, Les
ordonnances de Pierre Le Muet dans la Maniere de bastir pour toutes sortes de personnes…, 1623 et 1647.
324L’utilisation de la brique, prévue dans un premier marché est décommandée en 1625. Babelon, 1991, p. 155.
Nous retrouverons l’hôtel de Sully plus loin, car, d’une part, il s’agit d’une ordonnance à trois corps de moulures,
et d’autre part, il présente sur le mur une ornementation d’un autre type.
299
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
La construction à chaînes de pierre et moellon enduit imite la pierre de taille. À
Cheverny, sur la façade arrière, on joue également sur la longueur des bossages qui sont
une variation sur les refends du pavillon central et de la façade avant [fig. ci-dessous et
T. II, ill. 301–305]. À Azay-le-Ferron (1638) où les bossages couvrent presque
totalement les étroits trumeaux, la seule partie de mur libre, au-dessus de la porte, est
occupée par une table à hémicycles verticale [fig. ci-dessous et T. II, ill. 278].
Cheverny (vers 1625 ? – avant 1648), façade postérieure.
Azay-le-Ferron, pavillon de Breteuil (1638).
Quelques édifices en pierre et moellon crépi du XVIIe siècle se rattachent encore à
l’architecture des vingt dernières années du XVIe siècle et aux modèles du troisième Livre
de Du Cerceau. Au château de Saint-Loup-sur-Thouet (vers 1630–1640 ?) [fig. cidessous et T. II, ill. 1164–1169], les travées s’achèvent par un fronton courbe, motif
300
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
fréquent chez Du Cerceau ; les trumeaux crépis sont nus comme les pleins de travées.
Ces ordonnances seront petit à petit abandonnées dans la pierre de taille au profit des
ordonnances à chambranles.
Saint-Loup-sur-Thouet (vers 1630–1640 ?), détail de la façade antérieure
Chaînes recoupées par un seul corps de moulures horizontales
Les ordonnances à travées de fenêtre recoupées par un seul cordon réapparaissent
au début du XVIIe siècle dans l’architecture brique et pierre. Le bandeau divise le mur
en deux compartiments identiques, de même hauteur que la fenêtre et son remplage. La
scansion verticale des travées de fenêtres domine ; rapprochées, elles produisent un effet
de découpes verticales. À l’ancien collège des Jésuites de Moulins, les chaînes de bossages
contrastent sur un mur de brique à décor de losanges [T. II, ill. 35–36].
Ancien collège des Jésuites de Moulins (1603–1656), façades sur cour.
301
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Les ordonnances à un seul corps sont celles que privilégie Pierre le Muet dans sa
Manière325. Elles apparaissent dès le début du XVIIe siècle dans l’architecture pierre et
moellon, comme on peut le voir avec l’exemple de Joigny [T. II, ill. 130], dont la façade
sud (vers la ville) est construite à partir de 1600326. On y retrouve les effets de texture
remarqués dans ce type de structure mixte puisque les chaînes de bossages en table
piquetés, et des tables sur le plein de travée, également piquetées, contrastent sur le mur
nu.
Joigny, façade vers la ville (1600–1613).
Balleroy (v. 1631) présente une ordonnance de panneaux de schiste brun entre
chaînes de bossages en table et bandeaux de pierre blanche. Le découpage vertical de la
façade, en raison de l’étroitesse des trumeaux, est tempéré par l’horizontale du double
corps de moulures qui couronne le corps central et se prolonge sur les pavillons entre le
deuxième niveau et l’étage attique ; la continuité du registre supérieur est exprimée par
une alternance de motifs semblables : aux petits panneaux rectangulaires des pleins-detravées répondent les petits panneaux découpés par les chaînes au sommet des trumeaux
[fig. ci-dessous et T. II, ill. 51–52]. L’ordonnance de Canisy (1588–v. 1610) [T. II, ill. 45]
où le schiste apparent est également employé en remplissage, est proche de Balleroy.
325 Comme nous l’avons vu plus haut, sept des huit ordonnances à chaînes en bossage sont à un seul corps.
326 BABELON, 1989, pp. 546.
302
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Balleroy (1631 ? ou à partir de 1626 ?), détail de la façade antérieure.
À partir de la deuxième moitié du XVIIe siècle, l’ordonnance à un seul bandeau
semble supplanter l’ordonnance à double corps. On en trouve des exemples en
Normandie, comme Galleville (1678 ou v. 1685) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 425–426],
Plus rarement le bandeau se situe dans le prolongement de la moulure d’appui de la baie
comme à Champ-de-Bataille (1653–1665) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 420–424] sur l’aile
droite où les façades, à remplissages de brique entre chambranles à chaînes harpées, ne
sont divisées horizontalement que par un seul bandeau.
Galleville à Doudeville (1678 ou v. 1685),
façade d’entrée.
Champ-de-Bataille (1653-1665),
détail de l’aile gauche sur cour.
On retrouve ces ordonnances simples jusqu’à la fin du XVIIe siècle comme sur l’aile
de la galerie Guermantes en Île-de-France [fig. ci-dessous et T. II, ill. 602, 909], où le
rythme égal de l’alternance des travées pleines et des travées de fenêtre, l’équilibre de
leurs proportions atteint la solennité de l’ordre.
303
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Guermantes, aile de la galerie (après 1698).
Le compartiment classique
Dans les ordonnances à chambranles liés aux corps de moulures horizontaux, plus
la modénature qui borde le panneau de mur est continue et homogène et plus elle divise
la façade en compartiments analogues. Dans le dernier tiers du XVIe siècle apparaissent
des ordonnances à travées de fenêtres dont les chambranles sont formés de moulures
plates, croisant des larmiers et des cordons également réduits à un simple bandeau en
légère saillie. La modénature continue qui quadrille le mur entoure ainsi des panneaux
parfaitement réguliers : l’ordonnance s’équilibre et s’unifie grâce à ce réseau de moulures
croisées et, lorsque l’on emploie un double corps, l’effet de « grille » est accentué.
Sur deux modèles du troisième Livre de Du Cerceau, les bandeaux recoupant la travée
de fenêtres délimitent des compartiments aux contours nets : l’alternance des pleins et
des vides, de l’ombre et de la lumière dans chacune des « cases » de la façade produit un
effet décoratif par lui-même (planches VIII, XXXIVb)
Jacques Androuet Du Cerceau, troisième Livre, 1582, planche VIII.
304
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Jacques Androuet Du Cerceau, troisième Livre, 1582, planche XXXIVb.
Le système d’ordonnance a minima de Du Cerceau se radicalise chez Le Muet qui
dessine dans sa Manière de bastir plusieurs ordonnances formées d’un strict quadrillage de
travées liées par un ressaut, recoupées par deux bandeaux horizontaux (1re place, 3e place
1re et 2e distribution) ou par un bandeau (3e place 1re distribution). Seules les travées de
fenêtre s’enrichissent parfois d’un fronton ou de clefs passantes, mais le mur reste nu.
(8e place 3e distribution, 9e place 5e distribution)
3e place,
2e distribution
3e place,
1re distribution,
8e place 3e distribution,
d’après Le Muet, Manière de bastir, 1647.
Le Muet est le promoteur de ces partis d’ordonnances un peu sévères employés dans
l’architecture mixte à partir des années 1620. Dans les ordonnances les plus dépouillées,
305
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
on n’emploie aucun ornement sur le mur et, comme le ressaut n’est jamais très saillant,
l’ensemble de la modénature est totalement uniforme, au même nu et en très léger relief
sur le mur. On accuse l’élancement des travées par l’emploi d’un seul corps de moulures
horizontal, comme à Courances (1622–1630) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 581–583] ou au
Mesnil-Voisin (1633–1639) [fig. ci-dessous T. II, ill. 623–625].
Courances (1622–1630),
façade sur cour, détail.
Le Mesnil-Voisin à Bouray-sur-Juine (1633–1639),
détail de la façade d’entrée.
L’emploi des ordonnances à bandes de pierre de brique et moellon crépi persiste audelà des années 1640. Dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, le crépi permet de
différencier les communs et les murs de clôture des bâtiments maîtres comme à Vauxle-Vicomte (1656–1657)
Néanmoins, Dampierre, construit en moellon enduit et chaines de brique (1682–
1685) témoigne encore tardivement de l’attachement au style sévère de la fin du XVIe
siècle et du premier tiers du XVIIe siècle [fig. ci-dessous et T. II, ill. 903–908]. Malgré la
simplicité des moyens, son ordonnance est riche. Sur les corps de logis, Jules HardouinMansart joue sur une alternance de travées différentes : les unes sont liées par deux
petites bandes situées dans le prolongement des chambranles et terminées par un fronton
et les autres sont sans frontons et sans liaison dans le plein-de-travée. L’alternance de
brèves et de longues dans le double corps de moulures et l’alternance ternaire des
panneaux crépis et des fenêtres, souligne fortement l’horizontalité des volumes.
306
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Dampierre (1682–1685), façade latérale.
307
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Les liaisons horizontales
Nous avons vu, dans notre étude sur l’ornementation de la travée de fenêtre au
chapitre précédent, que l’adoption du chambranle classique implique souvent l’emploi
d’un ressaut de l’allège ou d’une ornementation qui l’évoque. Comme ces éléments ont
pour fonction de lier les fenêtres dans la travée et comme le chambranle fait saillie sur le
nu du mur, les lignes verticales ont toujours tendance à dominer l’ordonnance. Plusieurs
moyens sont employés pour recréer un équilibre entre horizontales et verticales : le
premier est l’accentuation ou la multiplication des lignes horizontales, le second est
l’emploi d’ornements qui accentuent le compartimentage de la façade, comme nous le
verrons plus loin.
Pour accentuer les horizontales, on peut multiplier les moulurations horizontales
hors du double cordon classique situé au niveau des planchers et des appuis de fenêtres
ou employer des larmiers à la fois plus saillants et plus développés en hauteur, qui
forment des entablements abrégés ou abstraits.
Les formules de Philibert De l’Orme
Les œuvres de De l’Orme tiennent une place particulière tant elles démontrent sa
maîtrise des effets visuels et du vocabulaire maniériste qu’il met au service d’une
composition essentiellement rythmique. Le projet pour le Château Neuf de SaintGermain (1557–1559), dont Jacques Androuet Du Cerceau dessine l’élévation, permet
de s’en faire une idée [fig. ci-dessous T. II, ill. 515–516]. Les trumeaux, larges sur les
pavillons, étroits panneaux de brique dans le corps central327 sont individualisés par leur
encadrement, mais les liaisons horizontales sont assurées par une mouluration
correspondant aux divisions de la fenêtre — appui, linteau et traverse328 —, et par un
entablement abrégé couronnant l’ensemble. L’ornementation, se concentre dans les
registres supérieurs : voussoirs passants des fenêtres329, et, sur les pavillons, tables
couronnées et ressauts évoquant des tables couronnées dans l’entablement. Les tables,
superposées sur l’axe du trumeau, ont pour fonction de corriger l’asymétrie entre chaîne
d’angle et chambranle ; répétées sur les trumeaux, elles soulignent la continuité du
registre supérieur.
327 Les hachures sur la gravure semblent indiquer une différence de matériaux. Ce trait et d’autres thèmes comme
les chaînes aux angles, les claveaux en éventail rapprochent Saint-Maur de Vallery en cours de construction au
même moment. Les deux édifices se distinguent cependant par leur ampleur — le Château Neuf n’a qu’un niveau
—, et par la modénature des trumeaux puisque les fenêtres ne sont pas soulignées par des chaînes.
328 La gravure d’Androuet Du Cerceau n’indique pas les croisillons de la fenêtre, mais la position aux deux tiers
correspond à la position habituelle de la traverse.
329 Les voussoirs passant sur l’entablement, les ressauts de ce dernier, et le couronnement des lucarnes sont les
prinicpaux traits maniéristes du château auquel il faudrait ajouter le plan polylobé de la cour.
308
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Projet pour le Château Neuf de Saint-Germain, Philibert De l’Orme (1557–1559), d’après Jacques Androuet Du
Cerceau, 1576.
Sur les corps de logis d’Anet (1548–1549) apparaît une forme particulière
d’encadrement du trumeau où baie et trumeau sont encore plus articulés. À l’étage, les
baies s’ouvrent dans un ressaut continu formant allège dans le double corps de moulures
et passant derrière leur fronton. Pour lier horizontalement baies et trumeau, De l’Orme
multiplie les moulures horizontales [fig. ci-dessous et T. II, ill. 258, 265–269].
Anet, corps de logis gauche (1547–1552), détail de la façade sur cour.
Cabinet de l’appartement du roi d’après De l’Orme, 1567, Livre IV, chap. 1, fol. 89 r.
309
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Un bandeau relie les bases des frontons des baies qui brochent le registre de
couronnement de la façade. Un autre bandeau, situé au niveau du linteau de la fenêtre,
limite le trumeau dans sa partie supérieure ; ce bandeau, au lieu de buter sur le
chambranle, ressaute sur celui-ci pour venir s’unir à la bande horizontale passant sur le
linteau ; Comme une arête du montant du chambranle est dégagée, l’encadrement du
trumeau semble avoir glissé sur le montant du chambranle. Chambranle et encadrement
du trumeau partageant une moulure commune, ne se perçoivent pas comme des entités
autonomes juxtaposées mais, au contraire semblent se chevaucher330. Les discrètes
crossettes qui apparaissent aux angles supérieurs de la baie isolent ainsi l’angle du
chambranle : celui-ci peut dès lors se lire comme un petit ressaut lié à l’encadrement du
trumeau en provoquant un effet de profondeur.
Le ressaut de la mouluration sur le chambranle était reproduit avec les deux bandes
d’égales largeurs qui étaient situées au niveau des traverses, aujourd’hui bûchées 331.
Lescot au Louvre (1546–1549) a de même divisé le trumeau trois registres mais de
manière totalement différente puisqu’il emploie un motif plus décoratif, en forme de
table allongée et moulurée332 [T. II, ill.495, 501–502]. À Anet les bandes horizontales ont
une autre fonction, elles forment avec les traverses et les bande verticales une sorte de
maille qui lie l’ensemble du niveau en accompagnant ses légers mouvements d’avancée
et de recul.
La formule d’Anet aura une fortune au XVIIe siècle. Le jeu des ressauts articulant
trumeau et chambranle se retrouvent à l’hôtel de Miramion à Paris (v. 1635–1636) [fig.
ci-dessous et T. II, ill. 788–796], dont les trumeaux sont nus ; ils sont enrichis de tables
en panneau à l’hôtel d’Aumont (1649-1650) [T. II, ill. 692–694]. Dans ces deux hôtels,
où l’on a pu reconnaître la main de François Mansart, le bandeau supérieur qui limite le
trumeau présente des fasces et est couronné d’une baguette, liée au chambranle,
également à fasces.
330 Une solution légèrement différente est dessinée sur la gravure du Premier tome représentant le cabinet sur
trompe : le bandeau qui limite la surface murale en partie supérieure ne ressaute pas, mais est situé au même nu
que le chambranle ; par conséquent, la grille décorative paraît en avant-plan. Cependant on distingue bien des
crossetttes à la rencontre de la bande horizontale et de la bande verticale qui orne de le chambranle
331 Ces bandes peuvent avoir été buchées lors des transformations du XVIIIe siècle. Il n’y en a pas de traces visibles
actuellement sur les parements de l’aile subsistante. Néanmoins elles figurent sur la gravure du Premier tome de
l’architecture [T. 2 ill. 269], sur les dessins d’Androuet Du Cerceau, sur le dessin anonyme conservé au Louvre [T. 2,
ill. 258] et sur le revers de l’aile droite dans l’édition posthume du Premier tome (Il s’agit de l’amorce des ailes
dessinées de part et d’autre du chevet de la chapelle dans L’architecture de Philibert De l’orme, Paris, Regnaud II
Chaudière, 1626, Livre VIII, chap. XVIII, fol. 262 r. (voir L’ornement dans le Premier tome de l’architecture de Philibert
De l’Orme dans notre Tome III). Par ailleurs, des bandes apparaissent bien de part et d’autre de la baie du
frontispice conservé à l’École des Beaux-arts [T. 2, ill. 260].
332 Nous traiterons de l’ornementation du Louvre dans le chapitre suivant, car celle-ci se combine avec une
ordonnance de pilastres.
310
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Hôtel d’Aumont, François Mansart ? Michel Villedo (1649-1650), avant-corps sur cour.
À Tanlay en Bourgogne (1642–1649), Le Muet dessine pour la façade une
modénature identique aux hôtels parisiens [T. II, ill. 148–151].
À l’hôtel Salé (1656–1659 [fig. ci-dessous et T. II, ill. 837–843] seule une baguette
ressaute sur l’encadrement de la baie ; le jeu de modénature y est moins riche, mais la
volonté de lier encadrement de la baie et encadrement du trumeau bien présent.
Hôtel Salé, J. Boullier de Bourges (1656 – 1659), détail du corps de logis en fond de cour.
La formule du bandeau prolongeant sur le trumeau la traverse de la baie est plus
sommairemet exploitée au Château de Troissereux (fin XVIe–règne de Henri IV) [fig ;
ci-dessous et T. II, ill. 1145–1148]. Les compartiments sont formés d’un réseau de
bandes lisses séparant des panneaux de brique en légère saillie et les chambranles peu
saillants font apparaître en négatif le quadrillage de la façade ; le registre du double corps
311
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
de moulures de moulures est orné d’une série de tables de pierre se détachant sur un
fond de brique. Ici, le morcellement de la surface domine, malgré l’insistance des
horizontales.
Troissereux (fin XVIe), aile droite, façades sur cour.
Entablements abrégés
Entre les niveaux d’une élévation, l’entablement inséré sous le registre des allèges
permet d’introduire un des éléments caractéristique de l’ordre de colonnes. Celui-ci
prend le plus souvent la forme abrégée, composée d’un bandeau à la place de l’architrave,
et d’un larmier. C’est la solution adoptée par Jacques Androuet Du Cerceau pour
plusieurs ordonnances du premier Livre d’architecture (1559) (modèles (X et XXXI, T. III,
Les ordonnances de Jacques Androuet Du Cerceau). Sur le corps central du modèle X
[fig. ci-dessous] les travées sont reliées par un cordon larmier et une bande soulignée
d’une moulure ; une moulure passe également au niveau des appuis, mais pas sur les
tourelles pour accuser leur verticalité.
312
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Jacques Androuet Du Cerceau, 1559, planche X.
Chilly-Mazarin (1627–1630) est au début du XVIIe siècle un exemple d’emploi de
ces entablements abrégés [fig. ci-dessous et T. II, ill. 563–566] Les façades sur cour se
distiguent des façades sur jardin par la présence de pilastres mais les entablements
abrégés entre niveaux et sous la corniche, les corps de moulure régnant avec les allèges
sont des lignes continues qui ceignent l’ensemble et l’unifient.
Chilly-Mazarin, Clément Métezeau, Jacques Lemercier (1627–1630),
façades sur jardin d’après I. Silvestre, v. 1650
façades sur cour d’après Pérelle, v. 1680.
Sur d’autres modèles du premier Livre d’architecture de Du Cerceau, seul l’entablement
assure la liaison, sous des allèges très minces ; soit l’entablement est continu — c’est la
majorité des cas, soit il ressaute sur le ressaut de l’allège (modèles XXX et XXXIX).
Cette dernière solution est celle que Du Cerceau emploie pour ses deux projets de
Verneuil [T. II, ill.1127–1129 et 1132–1135] (sauf dans la cour, ill. 1130). On la retrouve
à Wideville (1580–1584) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 724–727] où le corps de moulures
horizontal, composé d’une frise lisse et d’un larmier, marque plus fermement la
superposition des niveaux. La composition de Wideville s’équilibre grâce à la disposition
des volumes soulignés par la grande horizontale de la corniche. La composition est
fortement rythmée : les chaînes marquent les angles du pavillon central et d’un léger
313
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
avant-corps de part et d’autre de ce pavillon ; l’espacement des chaînes, large sur les
arrière-corps, se resserre vers le centre pour marquer ces avancées successives333.
Wideville (1580–1584), façade postérieure.
Ordonnances à triples corps de moulures horizontales
Dans l’architecture brique et pierre, le double corps de moulure et l’entablement
abrégé peuvent être exprimés autrement en laissant le fond de brique visible. Sur le
pavillon du Roi, place Royale à Paris (1605–1612) [fig. ci-dessous], deux bandeaux
passent sur le plein-de-travée, tandis que le trumeau est divisé en deux registres par la
bande régnant avec les appuis de fenêtres (abaissées au XVIIIe siècle). La multiplication
des bandes a pour effet d’accentuer le quadrillage et le découpage en panneaux fortement
individualisés, sans rompre la continuité verticale de la travée de fenêtres où se concentre
l’ornementation : chaines de bossages, clefs passantes, petits pilastres de liaison en
continuité avec les chambranles.
Cette formule devient une sorte de poncif, on la trouve dans plusieurs modèles de la
Manière de bastir de Pierre Le Muet (1623), tel le modèle de la treizième place inspiré par
le modèle XXI du troisième Livre d’architecture (1582) de Du Cerceau. C’est aussi celle de
333 Les rapports entre le plan du modèle XXII du troisième Livre d’architecture (1582) de Du Cerceau et ce château
ont été ont été démontrés par Catherine Grodecki, mais les façades en diffèrent. Catherine GRODECKI, « La
construction du château de Wideville et sa place dans l’architecture française du dernier quart du XVIe siècle »,
Bulletin Monumental, 1978, pp. 135-175. L’ornementation des façades est empruntée à d’autres modèles : les bossages
des lucarnes en forme d’oculus, que Du Cerceau utilise à Verneuil, les niches qui ornent la travée aveugle sur les
arrière-corps de la façade d’entrée.
314
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
L’hôtel de Sully (1624–25) [T. II, ill. 698–702], de Miromesnil (1er tiers du XVIIe siècle)
[fig. ci-dessous et T. II, ill. 413–414].
Place des Vosges, pavillon du Roi, façade vers la rue de Birague (1605–1612)
Miromesnil (1er tiers du XVIIe siècle), détail du revers.
315
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
ORDONNANCES À REGISTRES SUPERPOSÉS
Les ordonnances à niveau de fenêtres séparées par un double corps limitant un
registre horizontal continu sont plus rares que les ordonnances à travées de fenêtres.
Lorsque les travées sont espacées, le double corps de moulures forme un registre
horizontal interrompant plus nettement la trame orthogonale de la façade en formant
une sorte de frise.
Dans le premier tiers du XVIe siècle, ces champs horizontaux sont ornés selon les
formules inaugurées dans les frises entre doubles corps de moulures surmontant les
galeries de Gaillon (1502–1510) [T. II, ill. 374–377] ou de Moulins (1495–1500) [T. II, ill.
27]. Sur le logis est de la cour du palais archiépiscopal de Sens (1519–1525), sur les ailes
renaissance de la cour de Bussy en Bourgogne (vers 1520), la frise est divisée par des
ressauts situés au droit des piles des arcades ; entre ces ressauts se développe un décor
de rinceaux ; à Sarcus en Picardie (1520–1523) les doubles corps de moulures sont ornés
de panneaux ornés de médaillons ou d’une salamandre, séparés par de petits pilastres. À
l’hôtel Cujas à Bourges (vers 1515) [T. II, ill. 208–209], sur la cour, la mouluration
d’appui des fenêtres de l’étage de se prolonge sur le mur et forme avec le cordon
correspondant à la ligne de plancher un très large champ horizontal, mais qui n’est pas
divisé, sauf au-dessus des deux arcades de la galerie, sans se prolonger à l’étage, car la
fenêtre est percée dans l’axe de la pile centrale. Les façades extérieures du château de
l’Islette à Cheillé (Centre) (1526–1530) [T. II, ill. 239] présentent une ordonnance à
double corps formant un registre continu sans aucune division et sans ornement.
Jacques Androuet Du Cerceau a donné quelques exemples de ces ordonnances dans
son troisième Livre d’architecture (1582), comme sur le modèle XII. Parfois il insère une
table dans le double corps moulures, au niveau de l’allège, de manière à assurer la liaison
verticale des baies ; mais comme il ne s’agit pas d’un ressaut complet du plein-de-travée,
la continuité du registre horizontal est assurée, comme sur le modèle XVII.
Jacques Androuet Du Cerceau, troisième Livre d’architecture, 1582, planche XII
316
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Jacques Androuet Du Cerceau, troisième Livre d’architecture, 1582, planche XVII.
Châteauneuf-sur-Cher (1580) reprend la formule du modèle XVII de Du Cerceau,
mais sans les chaînes qui accostent les chambranles : sur l’allège le ressaut situé dans le
corps de moulures est en faible saillie et, de plus, le corps de moulures inférieur n’est pas
orné comme sur le modèle XVII d’une plate-bande de bossages.
Châteauneuf-sur-Cher (1580) façade de l’aile droite sur cour.
L’ordonnance à double corps de moulures continu est illustrée à plusieurs reprises
par Pierre Le Muet334. On la trouve dans la cour des Offices à Fontainebleau (1609–
1610) dont les façades sont composées de deux niveaux séparés par double corps
continu, sans ornements [T. II, ill. 591–592].
Vers les années 1640, les ordonnances ont tendance à être plus fortement marquées
par les divisions horizontales des corps de moulures horizontaux. On emploie toujours
334 Modèles de la 2e place ; 3e place, 3e distribution ; 6e place, 1re distribution ; 7e place. Voir Tome III, les
Ordonnances de Pierre Le Muet dans Maniere de bastir pour toutes sortes de personnes..., 1623 et 1647.
317
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
la forme du double corps dans lequel le plein-de-travée est traité de manière à ne pas
interrompre la continuité du registre.
Sur le corps latéral de la façade sur rue de l’hôtel Hesselin (1641–1642), ainsi que sur
la façade de l’hôtel Sainctot (1639–1642), symétrique du premier, les allèges ne font pas
saillies et sont garnies d’une table ; au troisième niveau, leur répétition dans le double
corps souligne l’horizontalité de l’étage attique dans une composition fortement articulée
en trois corps de bâtiments [fig. ci-dessous et T. II, ill. 810–812]. François Mansart
dessine une ordonnance à deux niveaux séparés par un registre orné de tables à l’hôtel
de Jars (1648) sur les pavillons situés à l’extrémité des ailes [T. II, ill. 813–814], à l’hôtel
de La Bazinière (1653–1658) sur les ailes et sur la façade du corps de logis vers le jardin
[T. II, ill. 820 et 821]. Ces façades, presque dénuées d’ornements répondent à de
nouvelles normes esthétiques qui apparaissent dans les années 1640 : le retrait de
l’ornement du mur et le retour des ordonnances à baies isolées.
Hôtels Hesselin et Sainctot, 24–26, quai de Béthune, Louis Le Vau (1641–1642 et 1639–1642) façade sur rue.
318
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
ORDONNANCES À BAIES ISOLÉES
Le mur continu des ordonnances italianisantes
L’emploi d’ordonnances à baies isolées au milieu du XVIe siècle comme à Ancy, ou
qui prennent appui sur un corps de moulures horizontal comme au grand Ferrare, ou
encore sur les façades extérieures du Louvre, n’est pas une résurgence des formules du
XVe siècle, mais provient des ordonnances italiennes.
Pour l’hôtel du Grand Ferrare à Fontainebleau (1542–av. 1547), qui ne comporte
qu’un niveau, Serlio dessine une ordonnance simple de fenêtres à chambranle prenant
appui sur un bouble corps de moulures horizontal335 ; autour de la fenêtre, le mur est nu
ou, plutôt, il n’est pas articulé. Au Louvre, sur les façades extérieures des corps de logis
et du Pavillon du Roi (1546–1556), l’irrégularité des percements est à peine sensible. Le
mur est également nu autour des chambranles, ou quasiment. Sur le pavillon du Roi, les
trois baies sont disposées très régulièrement de part et d’autre de l’axe de symétrie ;
l’étage noble se différencie à peine des autres par la présence d’un discret bandeau reliant
les bases des frontons qui couronnent les trois baies [T. II, ill. 503–504].
La continuité de la surface murale autour du chambranle et du couronnement, sans
qu’aucun élément ne marque les travées, donne aux façades du Louvre cette allure
tellement romaine qui les distingue de tous les autres édifices de la période, à commencer
par Vallery qui se rapproche pourtant du Louvre à plus d’un titre. Du Cerceau en dessine
quelques exemples de ces ordonnances dans ses Livres d’architecture (1559 et 1582), mais
elles restent peu nombreuses jusque dans les années 1640.
Si Le Muet donne des exemples d’ordonnances où la fenêtre s’ouvre à vif dans le
mur ou s’encadre d’une simple plate-bande, c’est pour illustrer la manière simple qu’il
convient d’adopter sur les plus modestes maisons, et qu’on peut réaliser à peu de frais.
Par contre, l’emploi des cadres autour des baies, ou même l’absence de chambranle dans
les ordonnances plus monumentales des grands hôtels parisiens à partir des années 1640,
répond à une volonté esthétique : les architectes choisissent de ne pas orner le mur.
Les fenêtres des corps latéraux sur rue de l’hôtel Hesselin (1641–1642) s’encadrent
de chambranles qui se détachent des doubles corps horizontaux ; les fenêtres s’ouvrent
à vif dans le mur sur la façade de l’hôtel de droite qui lui est symétrique ; dans la cour,
Louis Le Vau élève sur un rez-de-chaussée à arcades un niveau de fenêtres absolument
sans décor [fig. ci-dessou et T. II, ill. 819–811].
335 Sesto Libro, fol. XII (ms Columbia Univertity, Avery Library) dans éd. fac-similé, New York, The Architectural
History Foundation, 1978.
319
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Hôtel Hesselin, Louis Le Vau (1641–1642), façade de l’aile gauche sur cour.
François Mansart est le premier à dessiner pour les corps principaux des hôtels, des
élévations caractérisées par leur grande sobriété, premiers exemples du « style sévère »
qui, comme le dit Claude Mignot « triomphe dans les décennies suivantes »336.
L’ordonnance ne tient alors qu’à l’équilibre des pleins et des vides : le mur est nu comme
sur la façade sur jardin de l’hôtel de Jars, où seule la frise de couronnement se ponctue
de tables rentrantes. Les accents ornementaux sont reportés sur les deux pavillons à
portiques de colonnes qui encadrent le corps central [fig. ci-dessous et T. II, ill. 816–
816]. L’emploi d’un vocabulaire plus sobre répond également à la colonté de différencier
les fades sur cour et sur jardin. Celle de la cour de l’hôtel de Jars sont ornées de tables.
À l’hôtel Guénégaud la composition de la cour est clairement focalisée sur l’avantcorps central du logis souligné de ressauts à refends. Les trois façades qui entourent la
cour de présentent une ordonnance sobre à deux niveaux de baie isolées séparés par un ;
la hiérarchie des étages est exprimée par la simple bande qui lie, au premier étage, la
traverse des chambranles [fig. ci-dessous et T. II, ill. 806–809].
336 Claude MIGNOT, dans PÉROUSE DE MONTCLOS, 1994. p. 225.
320
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Hôtel de Jars, François Mansart (1648), façade sur jardin.
Hôtel de Guénégaud des Brosses (François Mansart, 1651–1653).
321
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
L'ORDONNANCE DE L'ORNEMENT
Dans toutes les ordonnances que nous avons précédemment identifiées, plusieurs
manières d’orner le panneau de mur accompagnent, amplifient, soutiennent ou même
structurent les ordonnances : les tables, les cadres de moulures, les tables en panneau et
les encadrements. Tous ces ornements ont un rôle dans l’ordonnance337. Les uns, posés
sur la surface du mur qu’ils laissent plus ou moins visible, enrichissent la composition,
les autres mettent en évidence la structure de la façade en soulignant les bords des
panneaux de mur par une moulure creuse — la table en panneau ou par une moulure
pleine — l’encadrement. Les tables qui ont une fonction ordonnatrice, sont de grande
taille ; la hiérarchie verticale de la façade est alors marquée par des variations de contour
ou des enrichissements. Ces tables décoratives trouvent leur place dans toutes les
ordonnances, mais les tables en panneau et les encadrements sont les ornements
privilégiés des ordonnances à compartiment. Nous retraçons ici l’histoire de ces
ordonnances depuis leur apparition au XVIe siècle.
Ordonnances à grandes tables et à tables en panneau au XVIe
siècle
Les ordonnances à travées également espacées ne sont pas la règle en France, car les
Français ne se soucient pas de disposer les jours pour masquer les distributions
asymétriques. La grande table et la table en panneau sont employées pour leur fonction
régulatrice dès leurs premières occurrences. L’idée d’employer de grandes tables sur les
trumeaux avait été introduite en France par Serlio qui les emploie dans deux ordonnances
de son Livre IV (fol. 153 r. et fol. 156 r)338. Les premiers exemples apparaissent en France
dans les années 1550. Trois modèles du Livre d’architecture (1559) de Jacques Androuet
Du Cerceau comportent des grandes tables sur les trumeaux339. Jean Bullant emploie de
grandes tables sur la galerie du château de Fère-en-Tardenois et des tables en panneau
au petit château de Chantilly.
Au revers du logis du Petit château de Chantilly (1557–1559), dont l’ordonnance
originelle est connue par une gravure des Plus excellents bâtiments de France de Jacques
Androuet Du Cerceau, deux des baies du premier étage ne sont pas situées sous les
337 Nous avons étudié les variantes formelles de ces motifs dans notre précédente partie, au chapitre consacré aux
grandes tables saillantes et aux tables en panneau.
338 Sur les autres exemples, leur emploi est plus limité. Sebastiano SERLIO, Regole generali d’archittettura…, Venise
1537.
339 Le premier Livre d’architecture est publié en 1559.
322
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
lucarnes, lesquelles sont en revanche régulièrement espacées340 [T. II, ill. 1117–1118]. Au
lieu de créer, au premier registre, une ordonnance uniforme réglée sur le rythme des
lucarnes, Bullant dispose deux grandes tables en panneau sur les trumeaux les plus vastes
qui font symétrie de part et d’autre de la table carrée axiale ; la façade se structure en
deux registres indépendants qui semblent coulisser l’un sur l’autre, mais qu’unifie le motif
des tables d’échelles différentes.
Chantilly, Petit Château, façade extérieure du corps de logis, d’après les Plus Excellents bâtiments de France de
Jacques Androuet Du Cerceau, 1579.
Les ordonnances de Jacques Androuet Du Cerceau
Les ordonnances à travées de fenêtres coupées par des corps de moulures
horizontaux ont donné lieu à un nombre considérable de variantes dans les Livres
d’architecture de Jacques Androuet Du Cerceau. Nous avons établi une typologie des
modèles du premier Livre d’architecture (1559) et du troisième Livre d’architecture (1582),
reproduits dans notre Tome III, annexe III, « Les ordonnances de Jacques Androuet Du
Cerceau »341. Nous avons ainsi pu distinguer trois grands modes d’organisation du décor
définis par la position et le nombre des corps de moulures horizontaux et par les
dispositions des fenêtres et de leurs encadrements : le quadrillage à un ou deux corps de
moulures, les ordonnances « à fenêtres isolées » et les ordonnances à registres
horizontaux, à un ou deux corps de moulures342. Nous ne considérerons ici que les
ordonnances dont les ornements ont une fonction régulatrice manifeste, soit les
ordonnances à grandes tables ou à tables en panneau employées sur les trumeaux.
340 La régularisation de la façade date des travaux de transformation du XIXe siècle : de nouveaux percements ont
été effectués au droit des lucarnes et deux baies ont été bouchées.
341 Le premier et le troisième Livre sont consacrés aux habitations, le second à des éléments, cheminées, lucarnes
portes et fenêtres. Les cinquante modèles du premier Livre étant assez répétitifs nous avons reproduit les
ordonnances types, par contre les trente-huit modèles du second sont tous reproduits dans notre Tome III.
342 La synthèse sur la composition des façades a été faite par Claude Mignot dans Françoise BOUDON, Claude
MIGNOT, Jacques Androuet Du Cerceau, les dessins des Plus excellents bâtiments de France, Paris, Picard, 2010.
323
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Ordonnances du premier Livre d’architecture
La plupart des ordonnances du premier Livre ne sont pas ou peu ornées, mais,
parfois, un ornement répété sur les trumeaux crée un rythme, comme les tables à
hémicycles verticales de la planche III, ou bien l’ordonnance est ponctuée par des
diposées sur les allèges (Planche XVIIb, XLIVb) ou sur les linteaux (Planche VI) 343.
Le modèle de la planche XXV est le seul où alternent fenêtres et trumeaux ornés
d’une grande table rectangulaire. Mais ces tables ne sont pas encore des tables en panneau
puisqu’elles restent relativement isolées sur le trumeau qu’elles semblent simplement
meubler parce que celui-ci paraît trop large ou trop nu.
Jacques Androuet Du Cerceau, Livre d’architecture, 1559, planche XXV.
Ordonnances du troisième Livre d’architecture
Dans son Livre d’architecture pour maisons « aux champs » (1582) Androuet Du
Cerceau multiplie les exemples d’ordonnance à grandes tables. Toutes ces variantes
ornementales ont une fonction dans l’ordonnance, en l’équilibrant, en créant des
rythmes. Certaines ont un caractère architectonique que n’avaient pas les modèles du
premier Livre. Cette inflexion intervient après la publication des deux volumes des Plus
excellents bâtiments de France (1576-1579) dans lesquels Androuet Du Cerceau dessine
plusieurs bâtiments à ordonnances de tables, dont ses propres projets pour Verneuil que
nous examinerons plus loin.
343 Sur les dix modèles ornés de tables du premier Livre (III, IV, V, VI, XVII, XX, XXV, XXX, XXXVIII, XLIV)
trois comportent des tables sur les trumeaux : le modèle III, à table à hémicycle, le modèle IV où des tables
rectangulaires alternent avec des niches sur la travée pleine, dans une ordonnance dérivée des motifs triomphaux
que nous étudierons au chapitre suivant, et, sur le modèle XXV. Sur les autres modèles, les tables ornent les pleinsde-travée ou ponctuent des murs d’entrée. Voir notre analyse de l’ensemble des ordonnances de Du Cerceau dans
notre Tome III.
324
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Sur les petits modèles Xb, et XIIIb, les grandes tables restent isolées et produisent
encore un effet proche du modèle XXV du premier Livre.
Jacques Androuet Du Cerceau, 1582, détail de la planche Xb
détail de la planche XIIIb.
Par contre, sur le modèle XXVI, les grandes tables répétées quatre fois entre travées
de fenêtres sur deux niveaux instaurent un rythme : les tables superposées alternent avec
les travées de fenêtres liées par un ressaut.
Jacques Androuet Du Cerceau, 1582, planche XXVI.
Sur le modèle IVb, les tables en panneau qui s’étirent sur les trumeaux, forment une
structure décorative horizontale qui double la structure linéaire des bandeaux et de la
corniche : l’effet est assez proche de l’ordonnance du corps de logis du Petit Château de
Chantilly dont Androuet Du Cerceau avait dessiné l’élévation dans les Plus excellents
bâtiments de France (1579) [T. II, ill. 1117-1118].
325
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Jacques Androuet Du Cerceau, 1582, planche IVb.
Sur le modèle XXII, les tables sont disposées sur les trumeaux et sur les ressauts des
pleins de travée : les grandes tables de trumeau et les petites tables du plein de travée
forment un quinconce qui engendre sur l’ensemble de la façade un effet de damier.
Jacques Androuet Du Cerceau, 1582, planche XXII.
326
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Jacques Androuet Du Cerceau, 1582, planche XXV.
Le modèle XXV décline le thème du damier sous forme de jeux d’appareil. Les tables
à appareil en damier des trumeaux forment une structure décorative très présente en
raison de la plate bande blanche qui les encadre. L’alternance opère dans tous les sens :
verticalement entre tables à damier et tables ornées de reliefs qui texturent la surface,
horizontalement entre ces dernières et les tables lisses de l’allège, entre ouvertures et
panneaux et, sur la diagonale, entre tables à damiers et tables lisses : ces alternances sont
proches du croisement de la chaîne et de la trame de certains tissus344.
Verneuil
C’est à Verneuil, auquel du Jacques Androuet Du Cerceau donne une place de choix
dans Les plus excellents bâtiments de France (1576) que l’architecte a l’occasion de faire preuve
de sa maîtrise de la composition ; Verneuil est le champ d’expérimentation d’un nouveau
système ornemental que Du Cerceau met au point en deux projets, comme deux
manifestes d’une même idée d’ordonnance, l’un plus riche, l’autre plus sobre.
Les élévations extérieures des pavillons du premier projet de Verneuil et
probablement celles de la façade sur jardin représentée sur la vue à vol d’oiseau [fig. cidessous et T. II, ill. 1125-1129], présentent une ordonnance comparable, en certains
points, à celle de Vallery, également dessinées par Androuet du Cerceau [T. II, ill. 84-86
344 Ces motifs, dans le langage des tisserands, sont appelés motifs à « carreaux et damiers ».
327
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
et 90-91] : les chaînes d’angle des pavillons, les hautes fenêtres couronnées d’un fronton
et peut-être l’utilisation de la brique et de la pierre rapprochent les deux édifices345. Mais,
à la différence de Vallery, les niveaux sont séparés par un corps de moulures formant un
entablement abrégé — un larmier et une bande lisse —, passant sous le ressaut d’appui
des fenêtres, au lieu du large double bandeau de Vallery ; les fenêtres ne sont pas bordées
de bossages et ne sont pas liées par un ressaut ; elles sont néanmoins inscrites dans tout
le niveau défini par les corps de moulures, grâce à leur encadrement et au petit ressaut
sous appui joint au corps de moulures inférieur ; elles définissent ainsi sur le mur un
panneau limité d’un côté par l’encadrement de la baie et de l’autre par les chaînes d’angle.
Mais ce trumeau n’est pas une surface neutre : il est systématiquement orné de tables.
Verneuil, premier projet, façade d’entrée, d’après les Plus Excellents bâtiments de France de Jacques Androuet Du
Cerceau, 1576.
L’enrichissement et l’effet de saturation du décor sont manifestement recherchés :
bossages, couronnement des fenêtres et tables laissent bien peu de surface nue visible.
Cependant, les tables auxquelles se superpose une seconde table enrichie d’ornements,
plus qu’en aucun des modèles des deux Livres d’architecture, jouent un rôle dans la
composition. Les grandes surfaces qui servent de support à la seconde table ornée ont
des dimensions comparables à celle des baies ; elles matérialisent sur le plein une sorte
de travée parallèle à la travée d’ouverture qui se poursuit jusqu’au dernier niveau en
retrait, orné de simples tables lisses. Les deux trumeaux, dont l’axe est marqué par les
ornements situés à la base et au sommet des secondes tables, forment avec la travée
centrale un rythme ternaire. Les ornements des tables qui se différencient de niveau en
345 Rosalys Coope affirme que la brique et pierre ont été employés à Verneuil, dans « History and architecture of
the château of Verneuil-sur-Oise », Gazette des Beaux-Arts, 1962, I, 291-318. Mais la seule indication d’un possible
jeu de matériaux est le dessin de la façade postérieure du second projet sur lequel Du Cerceau rend par un grisé le
fond sur lequel se détachent les tables des arrière-corps, sans qu’aucun autre document ne le corrobore.
328
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
niveau, comme la forme des baies, successivement cintrées en segment de cercle et
rectangulaires avec fronton, rectangulaires avec oculus, distingue chaque registre.
Les façades du second projet de Verneuil, dont Du Cerceau donne deux vues
perspectives, présentent, comme dans le premier projet, des niveaux séparés par des
corps de moulures formant entablement abrégé [fig. ci-dessous et T. II, ill. 1132–1135].
Les linteaux sont tangents aux corps de moulures horizontaux si bien que les baies
définissent à tous les niveaux des compartiments rectangulaires dans lesquels s’inscrivent
les tables en panneau. Nous avons vu que la table en panneau joue sur les mêmes effets
que l’encadrement puisqu’elle crée un cadre en creux autour du trumeau. Grâce à cette
simple délinéation, le carroyage de la façade est beaucoup plus sensible que dans le
premier projet. Il n’y a plus de « blanc » entre l’ornement et le membre ou l’élément fort
de l’ordonnance, mais un continuum entre panneaux et travées.
Verneuil, second projet, façade d’entrée, d’après les Plus excellents bâtiments de France, 1576.
Sur les pavillons, à deux travées de fenêtres, la superposition des tables sur le trumeau
central et dans les calages latéraux accentuent la verticalité de l’ordonnance, très marquée
puisque le troisième niveau n’est plus en retrait. Sur le corps central de la façade sur
jardins au centre, elles ont la largeur de la baie et sur les côtés elles diminuent d’un tiers :
l’instauration de rapports proportionnels est une des fonctions de l’ordre.
329
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Verneuil, deuxième projet, dessin d’un pavillon d’angle, album RF 5946, fol. 14 r, Louvre, Cabinet des dessins.
Sur la façade arrière, tous les trumeaux du corps de logis central sont également ornés
de tables qui se détachent sur un fond sombre, probablement en briques346. Ce simple
jeu chromatique et l’emploi de frontons plus simples suffisent à créer une discrète
hiérarchie entre corps de bâtiments, alors que l’emploi systématique de la table donne à
l’ensemble son unité.
346 À moins que le grisé dénote simplement le creux.
330
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Verneuil, second projet, façade sur jardin, d’après les Plus excellents bâtiments de France, 1576.
L’effet luministe propre à la table gagne d’autres éléments du décor : bossages en
table des soubassements et des chaînes d’angle, clefs passantes des frontons ; la
multiplication de ces ornements sans fort relief, mais de tailles différentes fait miroiter la
surface murale. L’opposition franche entre ces surfaces blanches qui captent la lumière
et le noir des fenêtres, permet de recréer sous une forme toute nouvelle ces jeux de
correspondances entre plein et vide, déjà présents dans l’architecture de la première
Renaissance.
Premier exemple d’emploi systématique de la table en panneau, Verneuil reste un cas
isolé dans le dernier tiers du siècle. Seuls quelques exemples d’emploi partiel peuvent être
cités : dans l’ultime projet pour Saint-Maur (Jean Bullant, 1575)347, les trumeaux du
dernier niveau des pavillons d’angles s’ornent de grandes tables entre les chambranles
[T. II, ill. 525]. À la Moussaye (1572–1583) [T. II, ill. 166–167], de grandes tables ornent
l’étage attique sur la cour.
Verneuil est le phare du système ornemental mis en place par Androuet Du Cerceau,
tant il en réalise la synthèse des idées que l’architecte explore dans ses livres. Et c’est
Verneuil qui aura le plus d’influence sur la période de « formation » du classicisme
français du XVIIe siècle.
347 Le projet est représenté par Du Cerceau dans le second volume des Plus excellents bâtiments de France (1579)
331
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Enrichissements et effets d’ordonnance superposée au XVIIe
siècle
Le système ornemental mis en place à Verneuil détermine deux directions
développement : d’une part, une voie abstraite avec l’emploi des tables en panneau,
d’autre part, une voie décorative avec l’emploi de formes plus ornées. D’un côté domine
la fonction structurante de la surface et de la modénature, de l’autre « l’enrichissement ».
Ces deux voies ne constituent pas deux tendances stylistiques fondamentalement
opposées dans la mesure où l’enrichissement ne bouleverse pas la structure de
l’ordonnance, mais influe plutôt sur le caractère de la façade. Les deux ordonnances à
grandes tables décoratives et à table en panneau, dont les deux projets de Verneuil sont
les prototypes, représentent deux variantes de la façade « à travée de fenêtres » qui
domine la première moitié du XVIIe siècle, l’une empruntant la voie d’un classicisme
« orné », l’autre plus épurée exprimant la seule structure architectonique.
Dans les vingt dernières années du XVIe siècle de grands motifs apparaissent sur les
trumeaux. Au palais abbatial de Saint-Germain-des-Prés348, où les pleins de travées sont
traités en tables, les trumeaux du premier étage sont nus, mais ceux de l’attique sont
ornés de trois tables superposées qui semblent être une variation des chaînes de bossages
en table qui les encadrent349.
Palais abbatial de Saint-Germain-des-Prés à Paris (1586), façade sur l’ancienne cour d’honneur (rue de l’Abbaye)
détail du premier étage et de l’attique.
348 Le palais abbatial de St-Germain-des-Prés est le type de construction à chaînes de pierre formant des travées
régulières. Les deux niveaux brique et pierre s’élèvent sur un rez-de-chaussée à arcades de pierre. Cette ordonnance
est celle de la cour du palais du financier Scipion Sardini, construit à Paris en 1565. Cf. Babelon, 1991, p. 80.
349 Ce motif ternaire est issu de l’ornementation du second niveau du Panthéon, telle que Serlio l’a représentée
(Livre III, fol. 54 v°) ; il apparaît en France pour la première fois dans une ordonnance triomphale, à Saint-Jory,
comme nous le verrons plus loin.
332
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Un motif ternaire est également employé sur les façades des maisons de la place
Dauphine ; mais, au lieu de tables lisses et planes, l’on y emploie une forme curieuse de
table en pointe de diamant, autre variation sur le bossage350. Le motif, superposé sur les
trumeaux, crée sur la travée pleine un rythme alterné et se répète sur tous les trumeaux.
Place Dauphine (1607–1610), avec un décor de Le Brun pour l’entrée de Louis XIV à Paris, gravure de Jean
Marot, vers 1670.
Place Dauphine (1607–1610), n° 15, façade sur la place.
350 Ces motifs ornaient également les façades sur le quai, ils sont également sur une gravure de la Topographie
Françoise de Claude Chastillon. Cf. Jean-Pierre Babelon, Demeures parisiennes sous Henri IV et Louis XIII, 1991, pp. 2829.
333
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Dès le début du XVIIe siècle, on emploie en abondance des tables aux tracés
complexes : tables à crossettes ou à anses ainsi que tous les tracés qui en dérivent. Les
tracés en hémicycle, les plus nombreux, sont manifestement inspirés par le modèle III
du premier Livre d’architecture d’Androuet Du Cerceau [fig. ci-dessous]351 ; les tables à
crossettes droites, parfois enrichies d’ornements, les jeux de ressauts dérivent du premier
projet de Verneuil.
Jacques Androuet Du Cerceau, 1559, planche III.
Ces motifs peuvent être employés isolés comme sur le modèle III352 ou se
superposer en une composition verticale. Les registres peuvent être hiérarchisés par des
motifs variés. Entre les doubles corps de moulures, les petites tables rectangulaires
renforcent les lignes de structure horizontales de la façade, mais la scansion verticale
domine l’ordonnance générale, dont le rythme s’apparente à la syncope musicale.
Cette ornementation des trumeaux s’applique indifféremment dans les ordonnances
à chambranle et dans les ordonnances à chaînes ; elle trouve cependant ses expressions
les plus fortes dans l’architecture brique et pierre.
À Selles-sur-Cher (1604–1612) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 317–320] des tables de
brique à anses arrondies ornent le rez-de-chaussée des pavillons et des tables de pierre à
anses rectangulaires le premier étage. De petites tables rectangulaires s’interposent entre
le double corps de moulures, en brique au premier niveau, en pierre au second, ponctuant
ainsi les registres horizontaux ; mais elles forment aussi avec les grandes tables de
trumeau un motif vertical créant avec la travée de fenêtres un rythme ternaire.
351 Il s’agit de la première occurrence du tracé en hémicycle, comme nous l’avons vu dans notre précédente partie.
352 Sur le modèle de Du Cerceau, l’effet de ponctuation de l’ordonnance est accentué par l’emploi d’une
incrustation au centre de la table
334
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Selles-sur-Cher (1604–1612), façade d’entrée, le pavillon carré, et le pavillon de Béthune.
À l’hôtel d’Alméras [fig. ci-dessous et T. II, ill. 635–637], les trumeaux sont ornés de
motifs très élaborés : tables à crossettes droites au rez-de-chaussée, tables à anses à
l’étage, tables à crossettes entre le double corps de moulures. Ces tables qui semblent
pouvoir s’encastrer les uns dans les autres forment un enchaînement vertical en
contrepoint à la travée de fenêtres. La même succession de motifs se retrouve à l’hôtel
de Chalon-Luxembourg [fig. ci-dessous et T. II, ill. 649–650], mais les tables des
trumeaux sont superposées à des tables en panneau qui accusent le compartimentage de
la façade.
Hôtel d’Alméras, Louis Métezeau (1611), façade sur cour.
335
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Hôtel de Chalon-Luxembourg, Jean Thiriot ? (1623–1625), façade sur le jardin.
On retrouve les formes hémicirculaires sur le premier château de Versailles (16311634) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 722–723]. Toutes les façades du château en étaient
couvertes. Le schéma ornemental du trumeau est celui des édifices du début du XVIIe
siècle : une composition verticale alternée, une petite table horizontale dans le plein de
travée et deux tables à anses sur les trumeaux. L’effet de scansion de ces ornements à la
saille prononcée a été accentué par les bustes placés sur toutes les tables lors des travaux
de Le Vau en 1669–1671.
Versailles, cour de marbre (1631–1634), modifiée en 1669–1671 par Louis Le Vau et en 1678 par Jules HarlouinMansart.
336
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Des formes plus complexes sont employées à Oiron [fig. ci-dessous et T. II, ill.
1157–1163], sur le pavillon du Roi (années 1620). L’ordonnance à doubles corps de
moulures horizontaux mais sans ressaut du plein de travée, les fenêtres encadrées de
bossages rappellent certaines ordonnances du premier Livre d’Architecture d’Androuet Du
Cerceau353. Les petites tables employées dans l’entre-deux du double corps de moulures
soulignent, entre les fenêtres et entre les trumeaux, l’agencement vertical des travées.
Oiron, détail de la façade latérale du Pavillon du roi (années 1620).
Lorsqu’un seul corps de moulures sépare les niveaux, les tables renforcent la
verticalité de l’ordonnance. À Bâville (1625) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 548–550], les
trumeaux du rez-de-chaussée sont ornés de sobres tables rectangulaires, ceux de l’étage
de table à anses plus élégantes, transcription abstraite de la gamme des ordres. Une
ordonnance très similaire est employée à l’hôtel Bautru de Serrant (1634–1637) [fig. cidessous et T. II, ill. 638–640], avec le même contraste entre un motif rectangulaire au
rez-de-chaussée et une table plus élégante à l’étage.
353 Voir en Annexe IV, « Les ordonnances de Jacques Androuet Du Cerceau, le premier livre d’architecture, 1559,
Ordonnances du second mode » : modèles V, IX et XVIIb.
337
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Bâville à Saint-Chéron, corps de logis (1625).
Hôtel Bautru de Serrant, Louis Le Vau (1634–1637).
D’autres variations ornementales permettent de différentier les niveaux et de
hiérarchiser l’ordonnance. Les cinq pavillons de Berny (1623) [fig. ci-dessous et T. II, ill.
551–555], présentent une ordonnance à deux niveaux et trois niveaux séparés par une
corniche et une frise lisse formant entablement abrégé. L’ornementation qui se
différencie de niveau en niveau répond au principe de superposition des ordres, comme
l’annonce l’ordre de colonnes qui encadre l’entrée et orne le rez-de-chaussée des ailes de
raccordement. D’après la gravure d’Israël Sylvestre, sur le pavillon central, de grandes
tables ornent le premier et le second étage, une chute d’ornements venant enrichir le
premier ; sur le pavillon intermédiaire, de grandes tables ornent le rez-de-chaussée et des
niches l’étage, enfin, sur les pavillons extrêmes, des grandes tables garnissent les deux
niveaux.
Berny à Fresnes, François Mansart (1623–1627), détail de la gravure d’Israël Silvestre, milieu du XVIIe siècle.
338
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
On retrouve une semblable gradation ornementale à l’hôtel de Bretonvilliers (1637–
1643) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 643–646]. Sur la cour, les trumeaux du rez-de-chaussée
sont nus et à l’étage ils sont ornés d’une table dont les petits côtés sont incurvés et ornés
d’un motif en agrafe. Vers les jardins, les trumeaux du rez-de-chaussée sont garnis d’une
table rectangulaire et l’étage de la même table que la façade avant ; les deux tables
forment un motif parallèle aux travées de fenêtres. L’ornement situé à la base de la table
de l’étage broche sur le corps de moulures alors que dans les travées, c’est la frise audessus des fenêtres qui est ornée de guirlandes, discrète liaison diagonale des deux motifs
verticaux.
Hôtel de Bretonvilliers, Jean Androuet Du Cerceau (1637–1643),
ordonnance sur cour, d’après Jean Marot.
Hôtel de Bretonvilliers Jean Androuet Du Cerceau (1637–1643), ordonnance sur jardin, d’après Jean Marot.
339
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, on emploie des formes plus simples,
parfois rehaussées d’un encadrement affleuré, comme dans la cour de l’hôtel d’Hozier (à
partir de 1623) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 659–660]. À l’ordonnance sévère de la cour
répond l’ordonnance raffinée du jardin où le motif est décliné sous forme d’une table à
anses enrichie354.
Hôtel d’Hozier, Jean Thiriot (à partir de 1623),
façade sur cour
façade sur jardin.
À Vincennes, sur la façade extérieure du logis du Roi (1654–1658) [fig. ci-dessous et
T. II, ill. 884–885], les grandes tables permettent de souligner la continuité de la travée
de fenêtres en s’opposant aux lignes horizontales du mur à refend sur lequel elles
semblent posées. Comme elles ont quasiment la même hauteur que la fenêtre, dont les
allèges commencent à s’abaisser, elles produisent un effet de scansion verticale
comparable à celui de l’ordre. Comme il s’agit d’une façade extérieure, orientée vers les
douves, elle répond, en mode mineur, à la grande ordonnance colossale de la cour, tout
s’accordant au caractère militaire des façades extérieures du château de Charles V.
L’emploi d’une ordonnance de table peut permettre de distinguer les arrière-corps et
les avant-corps. Sur la façade donnant vers les terrasses du Château Neuf de Meudon
(1705–1711) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 912–915], les tables qui s’étirent sur deux niveaux
sur les arrière-corps semblent jouer le rôle d’une ordonnance colossale. Cet effet se
354 La description détaillée des motifs employés aux hôtels d’Alméras, de Chalon-Luxembourg et d’Hozier se
trouve dans notre précédente partie.
340
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
retrouve au XVIIIe siècle sur la façade de l’hôtel de Brancas, rue de Tournon à Paris
(1710) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 916].
Vincennes, logis du Roi, Louis Le Vau (1654–1658), ordonnance de la façade extérieure vers les douves.
Meudon, le Château Neuf, Jules Hardouin-Mansart (1705–1711), détail de la gravure de J. Rigaud, vers 1730.
341
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Hôtel de Brancas, Pierre Bullet (1710), façade sur rue.
Ordonnances à tables en panneau et encadrements au XVIIe
siècle
Les ordonnances à tables en panneau, imitées du second projet de Verneuil
réapparaissent dans les années 1620, dans l’architecture brique et pierre comme dans la
pierre de taille.
La travée de tables
Dans le modèle de la treizième place de Manière de bastir, l’élévation la plus riche et la
dernière du traité, Pierre le Muet reprend la composition générale du modèle XXI du
troisième Livre d’architecture de Jacques Androuet Du Cerceau (1582) [fig. ci-dessous] : un
corps d’un niveau et de trois travées entre deux pavillons de deux niveaux, un
entablement au dessus du premier niveau, le tout élevé sur un soubassement et coiffé de
hautes toitures. L’espacement des travées et leur nombre sur les pavillons diffère et Le
Muet remplace les pilastres jumelés de son modèle par des tables lisses qui s’opposent
au soubassement à refends. Tous les trumeaux, d’inégale largeur, sont occupés par des
tables en panneaux. Au premier étage, elles s’inscrivent entre les fenêtres rectangulaires
et, au deuxième étage des pavillons, entre les baies cintrées en segment de cercle en
dessinant deux registres qui soulignent l’horizontale de l’entablement. Les tables
permettent de percevoir les rapports proportionnels des trumeaux : toutes les largeurs
des tables sont des multiples des tables les plus étroites situées aux extrémités des
342
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
pavillons et du corps central ; au centre des pavillons, les tables ont deux fois leur largeur
et de part et d’autre de l’entrée, trois fois, si bien que l’on peut noter le rythme de
l’ordonnance ainsi355 :
1a1
pavillon
1a3b3a1
corps central
1a1
pavillon
Pierre le Muet, 1623, élévation de la treizième place.
Jacques Androuet Du Cerceau, 1582, planche XXI.
355 Il ne s’agit que d’un effet, car les mesures prises sur le dessin ne sont pas dans un rapport aussi exact.
343
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Les façades sur cour de l’hôtel Sully (1625–1630) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 698–
706], comportent une ordonnance à travées de fenêtres soulignées de chaînes rectilignes
si bien qu’elles définissent avec les corps de moulures des compartiments réguliers dans
lesquels s’inscrivent des tables en panneaux356. Les travées sont recoupées par un triple
corps de bandeaux horizontaux : sous le double corps de moulures, court une frise
régnant avec le petit ressaut formant le dessus de fenêtre357. Le plein entre les travées de
fenêtres est ainsi divisé en quatre registres ; seule la frise vide s’oppose au-dessus de
fenêtres très orné. Les chaînes qui montent de fond, le resserrement des travées, accusent
l’effet de verticalité de l’ordonnance, équilibré toutefois par le triple corps de moulures.
Les tables accentuent le compartimentage de la façade tout en contribuant à son
enrichissement puisque presque aucune surface de mur n’est laissée vide358.
Hôtel de Sully, Jean 1er Androuet Du Cerceau (1625–1630).
356 L’hôtel de Sully devait être initialement construit en brique et pierre : le choix de la pierre est décidé en dès
1625 un an après l’achat. Cf. BABELON, 1991, p. 155.
357 Voir chapitre au précédent « Les liaisons horizontales ».
358 Dans l’architecture à chaînes de pierre harpées comme à l’hôtel de Mayenne (façade sur cour), l’effet de
compartimentage est moins évident. Cf. BABELON, 1991, ill. p. 154.
344
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
L’ordonnance de Beaumesnil en Normandie (1633–1640) [fig. ci-dessous et T. II, ill.
396–404] s’inspire également du second projet de Verneuil. Les niveaux sont séparés par
un entablement et, au niveau des appuis, une moulure court sur le mur. Les tables des
trumeaux alternent dans la travée pleine avec les petites tables du double corps de
moulures ; ces tables, très proéminentes, jouxtent les gros bossages qui brochent des
chambranles : la charge ornementale de la façade est ici à son comble. Malgré l’effet
d’éparpillement, tous les ornements s’arrangent en rythmes verticaux : bossages un-surdeux des chambranles, alternance de longues et de brèves sur les trumeaux.
Beaumesnil (1633–1640), façade sur jardin.
Verneuil, second projet, façade sur jardin, d’après les Plus excellents bâtiments de France, 1576.
345
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Beaumesnil (1633–1640) façade d’entrée.
Beaumesnil (1633–1640), détail de la façade sur jardin.
346
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
L’ordonnance du château de Cany (1640–1646) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 419–
419b] est très proche de Beaumesnil, ainsi que l’effet de morcellement de la surface
murale. Les fenêtres ne sont pas entourées de bossages, mais de chambranles plats placés
sur un ressaut ; par contre l’ordonnance des trumeaux est celle de Beaumesnil.
Cany (1640–1646), détail de la façade antérieure.
Effets d’ordonnances à registres horizontaux
Les ordonnances à baies isolées n’excluent pas l’emploi d’ornements sur le mur, mais
pour des effets différents de ceux observées dans les ordonnances à quadrillage. Serlio
et Du Cerceau en donnent des exemples : les grandes tables disposées sur les trumeaux
semblent alors lier le niveau de fenêtres.
Sur un modèle de Serlio (Livre IV, fol. 153), les grandes surfaces nues et blanches
s’opposent au noir profond des baies, comme deux formes du vide : l’analogie entre
ouverture et fausse-ouverture, suggérée au centre de la façade, est explicite aux
extrémités puisque sur la table est dessinée une niche ; baies et niches sont sur le dessin
deux tableaux en puissance — les tables étant comme l’explique Serlio des « espaces »
destinés à recevoir des peintures ; proportionnelles aux baies, elles donnent la mesure
des intervalles en instaurant un grand rythme « legato ».
347
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Serlio, Livre IV, fol. 153 r°
Sur le modèle XXXVIb du troisième Livre d’architecture de Du Cerceau, les fenêtres
du second niveau sont indépendantes des corps de moulures horizontaux et de grandes
tables s’étendent de chambranle à chambranle, en marquant le niveau des fenêtres : alors
qu’un bandeau relie les traverses de chambranles au premier niveau, au second les tables
de même hauteur que la baie semblent remplacer la mouluration absente359. L’alternance
insistante des baies à fronton et des tables instaure un jeu de registres horizontaux.
359 Sur d’autres ordonnances à fenêtres isolées, Du Cerceau n’emploie la table qu’en dessus de fenêtres ou de
portes comme il l’avait déjà fait au premier Livre (planches III, XXIX).
348
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Jacques Androuet Du Cerceau, troisième Livre d’architecture, 1582, planche XXXVIb
Nous n’avons pas trouvé d’autres exemples au XVIe siècle, ni dans la première moitié
du XVIIe siècle. À Clagny (1676–1683) les arrière-corps du logis central déployés de part
et d’autre d’un pavillon à dôme et frontispice sont percés de fenêtres espacées par des
trumeaux de même largeur ; l’alternance régulière des tables et des baies forme à chaque
niveau un registre continu entre les fortes divisions horizontales de la façade contrastant,
grâce aux grandes surfaces nues des tables, avec les ordonnances à pilastres du corps
central et des pavillons [fig.].
Clagny (1676–1683), façade sur jardin, d’après Jean Rigaud, Les Plus Belles vues…, vers 1730.
349
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
La travée encadrée
Dans les ordonnances à chambranles liés au corps de moulures horizontaux, on place
soit une table en panneau soit un encadrement. Le renouveau de l’encadrement du
trumeau au XVIIe siècle est lié à l’emploi de ces nouvelles formes de quadrillage,
préfigurées par quelques expériences de la deuxième moitié du XVIe siècle.
À Lanquais, (fin des années 50 ou 1570) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 8–10] tous les
trumeaux sont encadrés d’une bande, ornée de bossage au rez-de-chaussée, de bossages
un-sur deux sur les deux niveaux courants, lisse au dernier niveau du pavillon.
Lanquais, (fin des années 50 ou 1570), façade sur cour, détail du troisième niveau
Lanquais (fin des années 50 ou 1570), façade extérieure du corps de logis et du pavillon.
350
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Lanquais, (fin des années 50 ou 1570), façade sur cour, détail de l’attique du pavillon d’angle
L’encadrement du trumeau, nous l’avons vu dans le second chapitre, est une
invention italienne. L’ordonnance de Lanquais peut se rapprocher plus précisément des
formules élaborées par les architectes italiens dans le premier tiers du XVIe siècle. Elle
est ainsi très proche de celle du palais Pandolfini à Florence (Raphaël, 1516–1520) [fig.
ci-dessous et T. II, ill. 1237–1238]. Le niveau de fenêtres lié par des encadrements peut
y être lu comme une alternance de fausses niches et de baies360 ; l’analogie entre baie et
niche est d’ailleurs plus évidente au palais Bartolini-Salimbeni (Baccio d’Agnolo, 1518)
où encadrements et et niche se superposent sur deux niveaux [T. II, ill. 1225].
Palais Pandolfini, Raphaël, (1516–1520), détail du second niveau.
360 La formule du palais Pandolfini est reprise à Rome au XVIe siècle et au XVIIe siècle, par exemple dans la cour
du palais Lante.
351
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Les cadres de Lanquais sont de nature différente des prototypes italiens. Sur les
niveaux courants, les montants du cadre reposent sur un petit ressaut accolé au ressaut
de l’allège, couronné par la moulure d’appui, qui forme une sorte de petit piédestal : il
s’agit bien d’une variation sur le motif du dosseret. Ils s’apparentent en cela aux cadresdosserets du palais Maccarani (Jules Romain, 1520–1521) [fig. ci-dessous et T. II, ill.
1260-1261]. Néanmoins, l’encadrement du trumeau forme avec le mur une figure
ornementale comparable à la baie de sorte que l’ordonnance peut être lue comme une
alternance de baies ouvertes et fermées.
Palais Maccarani, Jules Romain (1520–1521), détail de l’étage attique.
L’ordonnance abstraite du dernier étage du pavillon de Lanquais rappelle également
celle des attiques du Palais Maccarani et du palais Vidoni Caffarelli (Raphaël 1515)
[T. II, ill. 1268]. Dans les palais romains, deux ressauts au droit des pilastres ou des
colonnes jumelées des niveaux inférieurs sont liés à une bande horizontale À Lanquais,
il n’y a pas de pilastres abstraits mais, à la place une mouluration grêle, plus proche de
celle des quadrillages de la Première Renaissance française que des robustes articulations
du mur italiennes ; à Rome, le mur semble se creuser, à Lanquais, au contraire, la fine
mouluration semble se superposer au mur. Par contre, la large bande d’encadrement
évoque bien les encadrements romains. Le motif est repris dans le registre des double
corps de moulures qui couronne le corps de logis et se prolonge sur le pavillon en
dessous de l’attique. La formule était apparue à Blois ou à Chambord de manière à ce
que l’agencement du mur coïncide avec celui de la travée de fenêtres sans que l’un
paraisse dominer l’autre.
Lanquais semble être le premier exemple au XVIe siècle d’ordonnance à
encadrements « classiques ». A partir des années 1580, les effets de l’encadrement seront
développés : effets d’emboitement avec la baie qui le jouxte, effet de cadre qui suggère
352
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
sur le plein une sorte de profondeur, effet de cadre-dosseret comme sur la nouvelle
façade de la galerie François Ier à Fontainebleau (1594) [T. II, ill. 585–586] où les
panneaux entre pilastres sont encadrés par une moulure carrée jointe aux moulures
horizontales et aux pilastres. Une ordonnance à encadrements « romains » est employée
au château de Caumont, sur l’aile droite de la cour (après 1658). À l’encadrement du
trumeau répond, dans le double corps de moulures, une table saillante [fig. ci-dessous et
T. II, ill. 1082].
Château de Caumont, aile droite au sud de la cour (après 1658).
Ordonnances à compartiments
L’encadrement et sa contrepartie, la table en panneau, sont les ornements privilégiés
des ordonnances à compartiments réguliers formés de chambranles plats liés aux
bandeaux horizontaux. On utilise parfois l’encadrement et la table en panneau dans la
même ordonnance. Ces ornements discrets qui jouent sur les limites du panneau mettent
en évidence l’ossature structurelle et accusent le compartimentage de la façade. Selon le
jeu des nus, le quadrillage apparaît en positif ou en négatif. De nombreuses variations
sont possibles : effets de table rentrante, jeux de cadres, surfaces au même nu se
distinguant par une différence de matériaux ou de texture. La mouluration pleine ou
creuse qui forme cadre à une surface vide permet de mettre parfaitement en
correspondance espace de la baie et espace du mur. Ce système décoratif renoue ainsi
avec certains effets du quadrillage de la Première Renaissance.
Dans les ordonnances à double corps de moulures, les registres horizontaux des
allèges, ponctués de tables, équilibrent la verticale des travées. L’encadrement et l’effet
d’encadrement de la table en panneau compartimentent la façade et permettent de
composer les verticales et les horizontales dans des effets de tissage proches de ceux que
353
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
nous avons observés sur certaines ordonnances du troisième Livre de Du Cerceau. De
légères variations de traitement permettent de différencier les registres et de créer une
hiérarchie ornementale dans l’élévation et entre corps de bâtiments.
Une ordonnance proche des ordonnances des modèles IVb, XXII de Du Cerceau
est employée à l’hôtel de Bellegarde (ap. 1634.) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 642]
L’ordonnance verticale de la travée de fenêtres, soulignée par la verticalité du trumeau
où alternent panneaux de brique et mur lisse croise le registre des allèges ponctué par les
tables. Une formule similaire est employée avec des chaînes à l’hôtel Duret de Chevry
(ap. 1635–ap. 1641) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 653–654] où, dans les doubles corps de
moulures, alternent panneaux de briques encadrés et tables de pierre ; les chaînes de
bossages qui croisent la chaîne des trumeaux et la trame du registre les allèges accentuent
l’effet de tissage361. Dans les deux cas, le rez-de-chaussée se distingue : par l’emploi d’une
table entre consoles au départ de la travée à l’hôtel de Bellegarde et par l’absence de
liaison horizontale des allèges à l’hôtel Duret de Chevry.
Hôtel de Bellegarde,
Hôtel Duret de Chevry,
(Jean Androuet Du Cerceau (à partir de 1634).
(Jean Thiriot, 1635 – après 1641).
Détail des corps sur rue et des murs d’entrée, d’après Jean Marot
Lorsqu’il n’y a pas de ressaut du plein de travée, la façade se tisse d’un réseau de
moulures où l’alternance verticale des panneaux encadrés sur les trumeaux croise la suite
de panneaux identiques du registre des allèges. Dans les ordonnances à double corps de
moulures horizontaux, l’effet de quadrillage et la répétition de motifs semblables dans
les doubles corps et sur les trumeaux crée un maillage régulier et homogène.
À Guermantes (1620–vers 1631) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 601–602], l’effet de
tissage est accusé par les panneaux de brique encadrés d’une large bande de pierre. À la
scansion verticale des trumeaux répond le rythme staccato du registre des allèges. Dans
361 L’état actuel, résultat des restaurations de Labrouste présente une ordonnance sensiblement différente que celle
que nous montre la gravure de Jean Marot : le premier étage a été divisé en deux niveaux et les trumeaux ne portent
pas d’encadrements (voir ill.)
354
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
les ordonnances à un seul corps de moulures, la verticalité des travées domine
l’ordonnance.
Guermantes (1620 – vers 1631) détail de la façade sur le jardin.
Au château de Bévilliers-Breteuil (années 1580) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 556–562],
les fausses tables de crépi des trumeaux forment un motif vertical qui souligne la
continuité de la travée. Ces fausse-tables jouent un rôle dans la composition générale du
château, dont les masses se distribuent symétriquement de part et d’autre d’un axe
central. Du côté de l’entrée, les trumeaux sont plus larges sur les premiers pavillons situés
au premier plan et de plus en plus étroits vers le fond de la cour, les tables de crépi qui
soulignent les dimensions des trumeaux accentuent l’effet de récession perspective.
Château de Bévilliers-Breteuil (années 1580), façade sur cour du corps de logis central sur cour.
355
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Les jeux d’encadrements sont développés dans les ordonnances simples des corps
d’entrée des hôtels et sur les murs de clôture. Les ordonnances à bandes sont parfois
enrichies d’un cadre ou d’une table. À l’hôtel d’Avaux (1630– av1649), l’ordonnance de
la façade sur rue est formée d’encadrements en plate-bande liés aux chambranles des
fenêtres : l’unification de la modénature est totale. Ces encadrements dessinent le
panneau en léger creux, souligné sur la façade actuelle d’un mince filet ; au-dessus de la
fenêtre cintrée, l’encadrement est curviligne [fig. ci-dessous et T. II, ill. 797–799].
Hôtel d’Avaux ou de Saint-Aignan, Pierre Le Muet, (1644–1647).
façade sur rue d’après Le Muet (1647)
façade sur rue, état actuel.
L’ordonnance sur rue de l’hôtel Amelot de Bisseuil [fig. ci-dessous et T. II, ill. 773–
786], à un seul corps de moulures horizontal est quasi celle de l’hôtel d’Avaux, mais elle
est augmentée d’un attique ; les corps latéraux sont plus longs et deux pavillons en très
légère saillie encadrent le portail. Le quadrillage du mur est aussi légèrement différent :
de larges plates bandes dessinent sur le mur soit des encadrements sur les trumeaux soit
des tables rentrantes. Toute l’ordonnance joue de ce jeu de parties et de contre-parties :
entre deux chaînes de refends alignés, la travée de fenêtres est marquée par un retrait au
rez-de-chaussée, par un ressaut à l’étage et par un ressaut orné d’une table saillante dans
l’attique ; sur le corps latéral, au rez-de-chaussée alternent tables encadrements des
trumeaux et tables rentrantes dans les petits champs des dessus de fenêtres ; au second,
les trumeaux sont entourés de plate bande avec, sur le plus grand trumeau, une table
saillante ; enfin, une succession de tables rentrantes orne l’attique.
356
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Hôtel Amelot de Bisseuil, Pierre Cottard (1657–1660), façade sur rue.
Dans les ordonnances à chaînes harpées, l’encadrement a pour effet de régulariser le
panneau, c’est leur fonction sur le mur d’entrée de l’hôtel Bautru de Serrant (1634–
1637) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 638].
Hôtel Bautru de Serrant, Louis Le Vau (1634–1637).
Au château de Champ-de-Bataille (1653–1665) le rythme régulier des panneaux du
mur de clôture dans lequel s’ouvre un portail monumental, s’oppose à l’allure militaire
des pavillons [fig. ci-dessous et T. II, ill. 424]. D’épais cadres garnissent tous les murs
extérieurs.
Champ-de-Bataille (1653–1665), façade extérieure de la galerie en fond de cour.
357
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Champ-de-Bataille (1653–1665), revers du mur d’entrée.
Ces ornements sont employés dans des ordonnances plus régulières. L’hôtel
particulier signale sur la rue le statut du propriétaire : la composition symétrique
s’organise autour du portail monumental, et se cale entre deux pavillons. Le décor
correspond néanmoins au caractère de l’ordre rustique qu’il convient de donner à cette
façade. À l’Hôtel de La Vrillière (1635–1636) un grand cadre, légèrement détaché des
membres individualise chaque panneau [fig. ci-dessous et T. II, ill. 667–669]. Le simple
encadrement à plate-bande est le plus fréquent dans la seconde moitié du XVIIe siècle
comme à l’hôtel Tubeuf [fig. ci-dessous et T. II, ill. 845–848].
Hôtel de La Vrillière, François Mansart (1635–1650), d’après jean Marot, v. 1670.
Hôtel Tubeuf, Pierre Le Muet (1648 ou 1649, 1653–1655), façade sur rue d’après Jean Marot, v. 1670 et détail de
la plate-bande d’encadrement.
358
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
À l’hôtel de la Bazinière (1653–1658), les encadrements égalements formés d’une
plate bande, entourent des panneaux, probablement crépis, comme l’indique le grisé de
la gravure de Marot362. L’ordonnance de panneaux séparés par de chaîne de refends
continus se déploie sur le mur à partir du centre et se poursuit au rez-de-chaussée des
pavillons dont l’étage s’orne s’une ordonnance de pilastres.
Hôtel de La Bazinière, François Mansart (1653–1658).
En 1665, l’hôtel Bautru de Serrant, acquis par Colbert, est modifié par Pierre Bréau,
qui ajoute un étage aux ailes et au mur d’entrée en simplifiant l’ordonnance [fig. cidessous et T. II, ill. 629–842]. La division du mur par des chaînes continues à refend et
l’emploi d’encadrements sont fort semblables aux élévations des hôtels de la Bazinière,
mais dans le corps central ils s’enrichissent de cadres.
362 Bien qu’on ne puisse dire si celui-ci est saillant ou rentrant par rapport à son cadre il y a bien effet d’encadrement
Comme nous l’avons vu dans notre étude des motifs, les panneaux entourés d’une plate bande en relief ou en
retrait, produisent tous deux un effet d’encadrement. L’encadrement en saillie sur le mur et le panneau en saillie
détaché de son cadre par un espace, type particulier de table en panneau procèdent du même principe : soit on
creuse un canal autour du panneau qui produit un effet d’encadrement en creux, soit l’encadrement entoure le mur.
359
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Hôtel Bautru de Serrant (1665), façade sur rue d’après Jean Marot.
Ces formules sont répétées à satiété sur les murs de clôture dans la seconde moitié
du XVIIe siècle. On les retrouve dans toutes les provinces jusqu’au XVIIIe siècle. On va
néanmoins jouer du motif comme à l’hôtel de Puivert à Toulouse (milieu du XVIIIe
siècle). Les encadrements les tables et les demi-tables sur le portail et les murs de clôture
s’y déploient selon un jeu de parties et comparties que la brique met en valeur. Ils
permettent également de jouer avec une sorte d’illusion perspective en accusant le
renfoncement du portail.
Hôtel de Puivert à Toulouse (milieu du XVIIIe siècle), détail du mur d’entrée.
360
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
La travée encadrée enrichie
Au château de Pont-en-Champagne363, un cadre de bossages entoure les panneaux
de brique enrichis de grands cadres de pierre qui semblent flotter sur la surface de la
brique [fig. ci-dessous et T. II, ill. 342–349]. Les encadrements, identiques sur les deux
niveaux, semblent reliés entre eux par la plate-bande de la baie ; comme le plein de travée
est souligné de bossages, on lit une sorte de grille ornementale qui double le croisement
des travées et du double bandeau [T. II, ill. 344–349].
Pont-en-Champagne (1638–1641), détail de la façade sur cour du corps de logis, d’après Le Muet, Augmentations à
la manière de bien bastir, 1647.
Le jeu des encadrements peut se conjuguer avec l’ornementation en table. À
Versailles, sur les ailes des Ministres (1679–1683), Jules Hardouin-Mansart reproduit
l’ordonnance que le Vau avait dessinée pour les quatre pavillons de l’avant-cour en 1669–
1671. Au dessus du rez-de-chaussée à arcades et refends, les trumeaux de brique,
encadrés d’une large plate-bande de pierre, sont ornés de tables de pierre convexes à
l’étage noble et de tables à hémicycle au second étage [fig. ci-dessous et T. II, ill. 882].
363 Publié dans les Augmentations à la manière de bien bastir en 1647.
361
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Détail de la gravure d’I. Silvestre
Versailles, l’aile des Ministres façade du pavillon (1679–1683)
Cette ornementation est la version simplifiée de celle de la cour de marbre364, mais
en y ajoutant un encadrement qui accentue l’effet d’emboitement des motifs, effet
presque dynamique où les formes semblent pouvoir sortir de leur cadre pour venir se
rencontrer. L’ensemble des cours de Versailles est rythmé par ce jeu dansant des tables,
qui s’enrichissent progressivement pour aller vers la plus solennelle et statique cour de
marbre. La répétition de la formule décorative depuis le château de Louis XIII explique
certainement la vogue de ces motifs.
À Courson [fig. ci-dessous et T. II, ill. 762–767], l’ordonnance adoptée pour les
travaux de reconstruction entrepris vers 1676–1678 par les Lamoignon s’apparente avec
celle de Bâville, premier château des Lamoignon365. À Courson, l’ordonnance se raffine :
tous les trumeaux sont encadrés et ornés d’une table à côtés concaves au rez-de-chaussée
et convexe à l’étage ; dans le double bandeau alternent cadres de pierre entourant un
petit panneau de brique dans la travée de fenêtres et panneaux de pierre ornés d’une
draperie au droit des fenêtres ; la travée ornementale s’achève par un panneau de brique
orné d’une petite table horizontale. L’ordonnance du rez-de-chaussée se prolonge sur les
deux ailes qui encadrent la cour.
364 Bertrand Jestaz écrit que le Vau avait construit ces pavillons en brique et moellon dans le goût des faces et des
dépendances du château vers la ville. Bertrand JESTAZ, Jules Hardouin-Mansart, 2008, T I, p. 175.
365 Le domaine de Courson est donné par le roi aux Lamoignon en 1667. Cf Hélène FUSTIER dans PÉROUSE DE
MONTCLOS, 1992, pp. 201-203. Vers 1670, date des derniers remaniements de Courson au XVIIe siècle, ce type
de décor est passé de mode. Josiane Sartre ne semble pas relever l’anachronisme apparent. Pourtant le corps de
logis a été élargi et l’on a donc construit une nouvelle façade sur cour, le décor des autres façades aura pu être alors
imité. L’aspect traditionnel des constructions entreprises par Guillaume de Lamoignon à cette date tardive pourrait
s’expliquer, d’une part, en raison de la conservation des autres façades dont le décor pourrait dater du premier
remaniement de 1639 — le second ayant été entrepris entre 1655 et 1665 —, d’autre part, en raison des analogies
que Courson présente avec Bâville appartenant aux Lamoignon qui y rajoutent au même moment deux ailes dans
le style du château de 1635. Josiane SARTRE, 1980, p. 64, et p. 120.
362
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Courson (vers 1676–1678), façades sur cour.
Courson (vers 1676–1678), détail des ailes.
À Chamarande (1654) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 748–756], les trumeaux sont ornés
de grandes tables de briques apparaissant dans un encadrement de pierre. La façade
n’étant divisée que par un simple bandeau horizontal, la continuité de la travée décorative
constituée de grandes tables crée un effet d’ordonnance colossale ; sur l’avant-corps
central et sur les arrière-corps, des petites tables prolongent la travée décorative dans la
frise de couronnement : cette dernière disposition semble nouvelle, car, à la fin XVIe
siècle, la table occupant le double corps de moulures est située au-dessus de la travée de
fenêtres et non au-dessus du trumeau. L’alternance des travées verticales de fenêtres et
des trumeaux de brique n’est équilibrée que par les volumes et, notamment, par le long
corps central de neuf travées.
Chamarande (1654) façade sur les jardins.
363
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
L’accord du mur et de l’ouverture
Le système très simple du quadrillage à bandes et bandeaux, tout d’abord développé
dans les structures mixtes, est transposé dans des façades en pierre de taille. Les formules
sont similaires mais la taille de la pierre permet d’autres effets : le système du
compartiment est transposé en un jeu de modénature où les légers ressauts des tables
créent de subtils jeux de nus, en faisant apparaître des lignes grâce au seul jeu des profils.
Avec ce type de décor, les possibilités expressives du parement nu sont totalement
exploitées. Quelques édifices sont exemplaires de cette voie abstraite, débarrassée de tout
effet pittoresque.
Sur les façades sur jardin de l’hôtel de Liancourt (petit et grand jardin, 1635–1642) Le
Mercier dispose des tables alternativement sur les trumeaux et les allèges des baies. Le
jeu des tables en panneaux vient accentuer le « simple jeu de bandeaux et de chambranles
plats autour des baies »366 et permet de distinguer le corps central des pavillons sans
ornements sur le trumeau367 [fig. ci-dessous et T. II, ill. 671–677]. La cour de l’hôtel de
Jars (1648) présente un effet de damier proche de celui de l’hôtel de Liancourt [fig. cidessous et T. II, ill. 813–816]. Mansart distingue la façade principale de celle des ailes
grâce à une toute petite variante : en ajoutant une table dans le registre du double corps
de moulures, comme le fait Lemercier sur le petit jardin de l’hôtel de Liancourt [T. II, ill.
671, 674, 676].
Hôtel de Liancourt (ancien hôtel de Bouillon, réaménagements par S. de Brosse en 1612–1613), Lemercier
(1635–1642), détail de la façade sur le jardin, d’après Jean Marot.
366 GADY, 2005, p. 334
367 Deux gravures d’Israël Silvestre pourraient représenter un état antérieur aux travaux de Lemercier, mais
postérieur aux travaux Salomon de Brosse en 1612-1613. Aucun autre document ne permet d’avoir une idée de
l’ordonnance adoptée par l’architecte. (cf GADY, ibid, pp. 331-332 et COOPE, 1972, pp. 241-244). Néanmoins, la
date des travaux de Lemercier font de l’hôtel de Liancourt un des premiers exemples de ce parti d’ordonnance au
XVIIe siècle.
364
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Hôtel de Jars, François Mansart (1648) façade du corps de logis et façade latérale sur cour.
À La Rallière (avant 1669) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 307–311] l’armature décorative
est constituée par un quadrillage de chambranles plats et de bandeaux de même largeur,
qui définissent nettement chaque compartiment ; seul un mince canal désolidarise le
panneau de la membrure : l’encadrement est exprimé par la ligne d’ombre séparant la
table des membres qui délimitent le panneau. L’effet d’allègement et d’abstraction est
alors à son comble. Le léger épaississement de la mouluration des chambranles marqué
par un petit ressaut des crossettes, la très légère saillie des bandeaux horizontaux sont les
seuls jeux de nus, à peine perceptibles, l’effet général est le jeu des surfaces à fleur de
parement unifiant totalement la façade, que met en valeur l’appareil parfaitement dressé.
La Rallière à Preuilly-sur-Claise (1630–1640, avant 1649),
photographie de Jean Guillaume.
365
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Trois édifices développent un autre type de superposition dans la travée : l’hôtel
d’Aumont, (av. 1648 [1630 ?]–1650), l’hôtel de Miramion (v. 1635–1636) tous deux
attribué à François Mansart368 et le château de Tanlay de Pierre Le Muet (1642–1647) ;
tous trois reprennent la formule de l’encadrement de la baie liée à la l’encadrement du
trumeau d’Anet que nous avons étudiée plus haut mais la déploient sur deux niveaux.
Sur toutes les façades des deux hôtels parisiens et sur la façade sur jardin de Tanlay, la
fenêtre et son allège s’ouvrent dans un ressaut sur lequel est posé un chambranle à deux
petites fasces et une baguette, formant crossette en haut de la baie ; le trumeau est limité
dans sa partie supérieure par la même mouluration qui ressaute sur le ressaut et rejoint
le chambranle, sur ses côtés par l’étroite partie visible du ressaut. Tous les trumeaux,
ainsi délicatement bordés, sont parfois laissés nus pour marquer l’un des niveaux de
l’ordonnance ou s’ornent de tables sur un niveau ou sur les deux. La modénature et les
tables ont pour effet de multiplier les lignes verticales et horizontales. L’ordonnance
s’équilibre grâce à à un larmier et à la multiplication des registres horizontaux : registre
des allèges ornées de tables et registre formant frise sous la corniche. Les tables en
panneau, les tables sur les ressauts des allèges, le rapport entre la baie et les encadrements
qui les jouxtent participent de ce même jeu de correspondance que nous avions observé
à Verneuil.
Dans la cour de l’hôtel d’Aumont [fig. ci-dessous et T. II, ill. 788–796], les tables en
panneau des deux niveaux forment avec la table du soubassement une composition
verticale. Seule l’ornementation de la frise au-dessus des fenêtres caractérise les
niveaux de l’ordonnance : une draperie retenue par une clef au rez-de-chaussée, un
feston retenu par un mascaron à l’étage.
Sur le jardin les tables des pavillons correspondent aux ressauts à refends du rez-dechaussée tandis que l’arrière-corps est dépourvu de tables. Les frises sont ornées de
draperies sur les deux niveaux et une chute d’ornements sur les trumeaux369. Ainsi, la
même thématique ornementale est déclinée en de fines variations pour caractériser les
parties de l’édifice.
368 Alexandre Gady, « Les hôtels d’Aumont et de Miramion, œuvres de François Mansart ? » dans Les cahiers de
Maisons, n° 27-28, déc. 1999, pp. 106-112.
369 Retenue par un mufle de lion d’après ce qu’on peut distinguer sur la gravure.
366
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Hôtel d’Aumont, François Mansart ? (avant 1648 [1630 ?]–1650) ; François Mansart, Michel Villedo (1649–1650),
détail du corps de logis en fond de cour, d’après Marot et état actuel.
Hôtel d’Aumont, façade sur jardin, détail d’après Jean Marot et état actuel (partie est construite en 1703, pastiche
de la façade primitive)
On retrouve à l’hôtel de Miramion [fig. ci-dessous et T. II, ill. 692–694] presque tous
les traits stylistiques de l’hôtel d’Aumont : linteaux ornés de draperie, travée de fenêtre
marquée par un faible ressaut. Par contre, sur cour et sur jardin, il n’y a pas de tables : le
simple jeu des encadrements suffit à l’ordonnance du trumeau. Les seules variations sont
dans les frises et dans l’emploi sur jardin de chaînes d’angles et de ressauts à refends
continus.
367
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Hôtel de Miramion (vers 1635–1636), façade sur jardin.
Le Muet reprend la formule à Tanlay sur le seul niveau du rez-de-chaussée [fig. cidessous et T. II, ill. 142–152. En effet, à l’étage, la mouluration supérieure du trumeau
s’arrête sur le chambranle, placé nettement plus haut et tangent à la corniche370. Dans le
petit champ situé entre la mouluration les chambranles et la corniche, Le Muet a placé
trois consoles. Les tables représentées sur la gravure de Le Muet sont absentes sur la
façade actuelle, par contre elles existent bien à l’étage. Les frises sont absolument dénuées
d’ornements, seuls les consoles et les mascarons des baies à l’étage indiquent une
hiérarchie, ainsi que l’étrange décalage où s’insèrent les consoles, et peut-être l’absence
de table au premier niveau qu’on aurait décidé de ne pas exécuter pour mieux marquer
la progression ornementale vers le haut. Toute l’ordonnance est réalisée avec aussi peu
de moyens qu’il est possible. Tous les menus détails de la modénature sont encore
visibles sur la façade actuelle, mais les tables du second niveau, en très faible relief, sont
encore plus insensiblement dessinées que sur la gravure, elles produisent une sorte de
vibration de la surface murale que l’œil, par accommodations successives apprend à
déchiffrer tant elles sont presque imperceptibles. L’effet de continuité et d’homogénéité
de la surface murale, grâce aux encadrements et aux tables qui l’articulent finement, est
pleinement réalisé.
370 Tanlay, dont toutes les façades subsistent est gravé dans la seconde édition de la Manière de bien bastir (1647) La
façade sur cour, comporte une ordonnance de pilastres très resserrés, sans aucune ornementation sur le mur sauf
sur les allèges.
368
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Tanlay, Pierre Le Muet (1642–1649),
détail de la façade sur jardin, état actuel et d’après Le Muet, Augmentations, 1647.
Ces trois édifices sont représentatifs du style sans grands effets, mais néanmoins
riche du milieu du XVIIe siècle. Leurs formules sont affinées ou imitées comme à l’hôtel
Salé (1656–1659) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 837–844] où l’encadrement du trumeau lié
au chambranle règle toute l’ordonnance, du corps principal, avec des tables, aux ailes
basses de la cour, sans tables.
Hôtel Salé, Jean Boullier de Bourges (1656–1659), aile droite sur cour.
369
ORDRES ET ORDONNANCES DU MUR
L’emploi des ordres, à partir des années 1540, entraîne une nouvelle manière
d’ordonnancer les façades en rupture radicale avec le système du quadrillage de la
première Renaissance : pilastres et entablements forment une structure indépendante des
percements de sorte que la travée de fenêtres n’apparaît plus comme l’élément
structurant majeur de la façade. L’articulation des membres au mur change également.
Dès les premiers emplois à Joinville (1533-1546), à Saint-Maur (1541) à Ancy-le-Franc
(construit à partir de 1544), les pilastres s’extraient du mur à vif. Cela ne signifie pas pour
autant qu’on cherche donner à l’ordre une expression plus structurelle. En raison de ses
proportions, l’ordre n’a pas les qualités tectoniques que leur donnent les Italiens de la
Haute Renaissance ; on n’emploie pas non plus le dosseret qui donne, en Italie
l’impression que le membre s’extrait du mur. Sur le mur, le décor se réduit ; parfois, une
discrète ornementation permet de composer ordre et ordonnance du mur commandée
par la baie, et d’unifier différentes parties de la composition comme nous allons le voir
à Saint-Maur et surtout au Louvre371.
Dans la cour de Saint-Maur (1541) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 520–521], des pilastres
jumelés sont situés de part et d’autre du trumeau ; le bas du trumeau est orné d’une
longue table à crossettes qui ne touche pas les membres structurants de manière à laisser
le mur visible, clairement articulé par les pilastres ; elle est de la sorte un enrichissement
qui n’altère pas la continuité de la surface murale. Cette table prend place dans le champ
limité par un mince bandeau régnant avec les moulures d’appui des baies, et marque ainsi
le registre qui court au-dessus du soubassement et où se concentre toute l’ornementation
du mur372. Ce registre, limité par un réglet régnant avec les appuis et se prolongeant entre
les pilastres jumelés forme l’ordonnance propre du mur, réglée sur la structure de la baie
et indépendante de l’ordre.
L’autre registre orné de la façade est l’attique formé par le parapet cachant la toiture ;
celui-ci porte un décor de tableaux peints à fresque qui s’insèrent entre les petits pilastres
attiques ; ces tableaux, bordés d’un encadrement, qui déclinent sur un mode plus léger
l’ornementation à table de marbre du frontispice, forment ainsi un registre ornemental
parallèle à celui des allèges.
371 Jean Guillaume a mis en évidence ces caractères « a-tectoniques » de l’ordre en France à la Renaissance. Jean
GUILLAUME, 1992, pp. 193-218.
372 Nous avons vu au chapitre précédent que, conformément à la tradition française, les allèges de Saint-Maur sont
ornées.
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Saint-Maur (1541), façade sur cour d’après Le premier tome de l’architecture de Philibert De l’Orme, fol. 250 v.
Saint-Maur (1541), projet de façade d’entrée
d’après Le premier tome de l’architecture de Philibert De l’Orme, fol. 251 r.
Du côté de l’entrée, les pilastres situés au milieu du trumeau et les grandes fenêtres
laissent peu de place au décor du mur. L’ornementation se concentre également sur les
registres inférieurs et supérieurs de la façade ; des tables prennent place dans le
soubassement du corps central et sur les piédestaux des pilastres ; sur les ailes qui se
terminent en pavillon, l’attique est orné de motifs peints à fresque, décoration légère
ressemblant à une sorte de cloisonné géométrique.
Sur la façade d’entrée comme sur la façade sur cour, la composition de la façade
résulte autant des effets des ornements et de leur enchaînement que des lignes
structurantes du décor. L’ornement a alors une double fonction, donner de l’éclat, mais
aussi enrichir la composition par un réseau de formes qui s’apparient entre elles.
371
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
La coordination de l’ordre et du mur
Au Louvre (1546–1549), l’unité de l’ordonnance est créée par l’emploi de l’ordre sur
l’ensemble de la façade [fig. ci-dessous et T. II, ill. 495–502]. Cependant, les trois avantcorps qui la scandent forment des accents verticaux qui contrarient le principe de
superposition des ordres en niveaux nettement séparés, d’autant plus que la verticalité
des avant-corps est accentuée par la rupture des entablements au-dessus du rez-dechaussée et par la brisure de la base des frontons qui les couronnent373. D’autres éléments
distinguent les avant-corps : leur rythme ternaire opposé au rythme simple des arrièrecorps, les colonnes adossées au lieu des pilastres, la concentration ornementale avec,
dans la travée centrale, la table à anses dans la rupture de l’entablement, la table posée
sur l’entablement, les niches et les tables dans les entrecolonnements latéraux.
La face du Corps du logis des salles du Louvre du costé de la court, gravure de Jacques Androuet Du Cerceau dans les Plus
excellents bâtiments de France, 1576.
373 Ainsi, les ouvertures se superposent sur un pan de mur presque continu dans la travée centrale. La verticalité
est de plus accentuée par la table recouvrant l’entablement de l’étage et par l’agencement des ornements dans les
entrecolonnements latéraux. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette ornementation spécifique lorsque nous
étudierons la forme particulière du motif triomphal au chapitre suivant.
372
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
L’équilibre entre horizontales et verticales est cependant réalisé grâce à la continuité
du registre des piédestaux régnant avec les allèges et grâce à l’ornement du mur. Dans
les niveaux de fenêtres, une discrète, mais néanmoins efficace ornementation souligne
les horizontales. Au premier étage des arrière-corps, les petites tables horizontales,
disposées de part et d’autre des pilastres et qui divisent le mur en trois registres, lient le
niveau de fenêtres : une ligne de tables est située dans le prolongement de la traverse
supérieure et une seconde, un peu plus bas que la traverse médiane ; deux autres lignes
de tables soulignent les limites hautes et basses du trumeau : une ligne à la base des
frontons et une autre au-dessus de la plinthe qui relie les chambranles. Outre la liaison
des fenêtres, ordonnance de pilastres et de colonnes et ordonnance du mur se
coordonnent : à la base du pilastre correspond la ligne de tables disposée le long de la
plinthe et à l’astragale une baguette formant le couronnement des tables reliant les
frontons et les chapiteaux ; cette ligne matérialise sur le mur un registre, de même hauteur
que le chapiteau, qui court sous l’entablement374.
Le Louvre, façade sur cour de l’aile Renaissance, Pierre Lescot (1546–1549), détail du premier étage.
Ces alignements de tables et de mouluration se prolongent sur les avant-corps, sur
leurs ressauts latéraux et sur leurs faces où ils aboutissent à la fenêtre. Sur le côté de
374 De l’Orme, sur la façade sur cour de Saint-Maur, avait également prolongé la mouluration supérieure de
l’encadrement de fenêtres sur le mur par une baguette située au niveau de l’astragale ; cette prolongation était
toutefois limitée à l’entrecolonnement des pilastres jumelés.
373
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
l’avant corps ces lignes d’ornements accompagnent le mouvement du mur qui semble se
plier pour former l’avant-corps (fig. ci-dessous). Ce détail a son importance, il prouve à
quel point Lescot avait le souci de la cohérence de la composition.
Le Louvre, façade sur cour de l’aile Renaissance, Pierre Lescot (1546–1549), premier étage, détail de l’angle entre
l’arrière-corps et le ressaut de l’avant-corps.
Sur la face de l’avant-corps [fig. ci-dessous], dans les entrecolonnements latéraux, la
table disposée au-dessus de la niche correspond à la traverse supérieure des fenêtres ;
dans la partie supérieure de l’entrecolonnement, un bandeau correspond à la ligne de
table liant les bases des frontons couronnant les fenêtres et limitant le registre
correspondant aux chapiteaux375. Un lien semblable est réalisé au rez-de-chaussée. À ce
niveau, une seule ligne de tables lie tout le rez-de-chaussée ; elle est située au niveau des
impostes des fausses arcades376.
375 La liaison de la base des frontons n’est pas une idée nouvelle ; Raphaël emploie un bandeau au palais Pandolfini ;
le motif est imité plus tard par Dosio au palais Larderel et par Baccio d’Agnolo au palais Bartolini Salimbeni. Les
architectes qui voudront donner une allure plus « romaine » à leurs façades ne diviseront plus ainsi la surface murale.
Codussi au palais Zorzi à Venise relie les corniches de couronnement des baies, mais dans toutes ses autres œuvres
le motif est abandonné. La combinaison d’une ordonnance de pilastre à une mouluration qui lie les baies est
employée sur la façade de Notre-Dame de Lorette à Rome (Antonio da San Gallo, vers 1507) : une moulure lie
l’imposte de l’arc central et la base du fronton de la porte qui y est inscrite ; cette moulure se prolonge sur les
travées latérales en les divisant en deux niveaux que les pilastres ont l’air d’embrasser à la manière d’un ordre
colossal ; au niveau inférieur s’insère une niche : c’est, à une autre échelle, l’ordonnance des avant-corps du Louvre.
376 Dans l’avant-corps central, la porte est plus haute que dans les avant-corps latéraux et la corniche de son
couronnement recouvre partiellement non pas une table, mais un bandeau. Jacques Androuet Du Cerceau sur
l’élévation générale et sur la planche de détail des Plus excellents bâtiments de France (1576) n’a pas dessiné des tables,
à ce niveau, mais des bandeaux lisses.
374
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Le Louvre, façade sur cour de l’aile Renaissance, Pierre Lescot (1546–1549), entrecolonnements des avant-coprs
de l’étage et du rez-de-chaussée.
Cette forme de table inédite, un peu inclassable, peut être sujette à de multiples
interprétations. Ces saillies rectangulaires plates et allongées à double ressaut lié au mur
par un petit cavet sont bien des tables, mais leur disposition en deux lignes parallèles
pourrait évoquer des assises de bossages en table bien qu’elles soient fort espacées ; on
aurait ainsi une préfiguration des effets d’alternances entre parties planes et lisses et
saillies horizontales du bossage un-sur-deux ou un-sur-trois que De l’Orme invente un
peu plus tard. Bien que ces tables allongées évoquent des bossages continus, très
logiquement placés à des points forts d’articulation du mur — sur des lignes possibles
de chaînages horizontaux à l’étage et au niveau des impostes des arcs au rez-de-chaussée,
elles n’expriment aucune fonction structurelle377 ; ces motifs raffinés, individualisés par
la mouluration de leur ressaut, mais peu saillants, qui semblent ainsi posés à la surface
du mur, ont même statut que tous les autres menus ornements du mur. Tous s’articulent
en une claire énonciation qui ne relève pas d’une nécessité organique, mais d’un art du
discours rigoureux. À l’échelle des plus petites divisions de la façade, ils s’agencent
verticalement dans les entrecolonnements et horizontalement dans les niveaux de
fenêtres en formant un réseau en contrepoint à l’ordre ; ils répondent au principe de
hiérarchie que commandent l’ordre et la superposition des étages et appuient les rythmes
de la façade, aussi bien les grands accents alternés des avant-corps que l’égale procession
des baies des arrière-corps. Dans le continuum décoratif de la façade, les tables
horizontales, placées sur tous les plans, dont elles semblent marquer les mouvements de
recul et d’avancée successifs, manifestent la continuité du mur, dont la cohérence
structurelle est exprimée par la seule qualité matérielle de son parement, le bel appareil
377 Nous avons discuté de ce motif dans notre première partie, dans le chapitre consacré au bossage. Nous en
soulignons à nouveau l’ambigüité puisque la même forme « en table » est employée pour un bossage, une moulure
d’imposte, un bandeau qui sépare deux registres. Du Cerceau a d’ailleurs dessiné des bandes lisses à la place des
tables au rez-de-chaussée sur l’élévation générale et sur le détail du rez-de-chaussée du Louvre figurant dans les
Plus excellents bâtiments de France.
375
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
homogène et lisse. On peut ainsi lire dans la façade du Louvre trois niveaux d’unité, ou
de cohérence, qui se composent : l’ordre, le plus immédiatement perceptible et le plus
en avant-plan de la façade, les ornements du mur et le mur en lui-même.
À Anet, l’avant-corps central (1548) à ordre de colonnes superposées semble un
motif plaqué sur la façade du corps en fond de cour [T. II, ill. 258–263]. Néanmoins, le
portique à colonnes jumelées du rez-de-chaussée lie l’avant-corps aux arrière-corps.
L’ornementation du mur complète cette liaison à l’étage. Sur les arrière-corps, des bandes
placées au niveau des traverses des croisillons divisent, comme au Louvre, le trumeau en
trois registres ; une autre bande lie la partie haute du chambranle378. Cette mouluration
se prolonge sur l’avant-corps : d’une part l’encadrement du mur, d’autre part, les bandes
qui divisent le mur, visibles de part et d’autre de la fenêtre centrale [fig. ci-dessou]. Dans
l’entrecolonnement, la moulure qui épouse l’arrondi de la niche correspond à l’une des
bandes du trumeau. L’arrière-corps se coordonne ainsi à l’avant-corps grâce à
l’ordonnance du mur, intégralement commandée par la fenêtre379.
Anet, avant-corps du corps de logis en fond de cour (nord), Philibert De L’Orme (1548), détail de
l’entrecolonnement droit (Paris, École des Beaux-Arts). Coupe sur l’avant corps et départ de l’aile est, restitution
C. Titeux sous la direction de Jean Guillaume.
378 Cette bande forme avec la moulure verticale qui ressaute sur le chambranle un encadrement continu du trumeau.
Comme nous l’avons vu au chapitre précédent, il s’agit d’une forme d’encadrement du trumeau particulière,
puisqu’il ressaute sur l’encadrement de fenêtre de sorte que trumeau et fenêtre partagent une moulure commune.
379 On peut ainsi restituer avec certitude l’ornementation de l’aile aujourd’hui détruite et dont seul l’avant-corps,
conservé dans la cour de l’école des Beaux-Arts à Paris, subsiste.
376
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
D’autres motifs sont employés au XVIe siècle pour lier ordonnance du mur à l’ordre
de colonnes. Aux Tuileries (1564), De l’Orme transforme le motif de la bande en une
forme de bossage un-sur-deux380 [fig. ci-dessous et T. II, ill. 509–514]. Ce bossage, qui
est une variante sur le mur de la bague des colonnes, coordonne ordre, mur et ouvertures.
L’ordonnance des Tuileries est complexe. Les façades sur cour et sur jardin comportent
deux niveaux. Sur le jardin, l’ordonnance du premier niveau se compose d’une alternance
de fenêtres séparées par de larges trumeaux, sauf vers le centre où les baies sont couplées
deux à deux de part et d’autre du portail. L’ordonnance de pilastres, placés à équidistance,
définit des travées régulières où s’inscrivent alternativement baies et niches auxquelles
répondent, dans le niveau sous comble, lucarnes et tables inscrites dans un édicule à
fronton. Baies et niches ont même forme et dimensions, leurs encadrements sont
identiques, et s’inscrivent de la même manière dans la travée qu’elles occupent presque
entièrement, de sorte que la niche est, sur le plein, la réplique factice de l’ouverture.
Cependant, le bossage que De l’Orme emploie sur toutes les parties pleines annule
quelque peu la profondeur suggérée par la fausse-ouverture. Les bagues des colonnes,
les tables des pilastres et les quatre bandes qui garnissent le mur de part et d’autre des
pilastres, le fond des niches et les entrecolonnements du portail central, toutes situées
aux mêmes niveaux, strient la façade de part en part et manifestent avec insistance l’ordre
du mur. Rappelons que, selon De l’Orme, les bagues sont des ornements destinés à
cacher les joints des tambours : le bossage est donc sur le mur un moyen purement
ornemental d’unifier mur et ordre : ordonnance de la colonne et ordonnance du mur se
coordonnent selon la même logique d’appareil ; la colonne, ou sa projection sur le mur,
le pilastre, est une autre modalité du mur et non pas une partie forte du mur opposée à
une partie faible.
Les Tuileries (1564), détail de la façade sur jardin,
détail de la façade sur cour,
d’après le dessin de Jacques Androuet Du Cerceau conservé au British Museum.
380 Comme nous l’avons expliqué dans notre première partie.
377
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Les ordonnances à colonnes ou pilastres également espacés, situés au milieu du
trumeau, sont peu nombreuses France au XVIe siècle et encore plus au XVIIe siècle.
Employées surtout dans le sud de la France, en Bourgogne et en Franche-Comté au
XVIe siècle, elles ne donnent pas lieu à d’importants développements de l’ornementation
du mur ; sur l’aile nord de Bournazel (1545) [T. II, ill. 1045–1047], au palais Granvelle
de Besançon, à l’hôtel de ville de Gray, au château de Châtres à Champcevrais (1575–
1625) [T. II, ill. 121], le mur est nu381. Par ailleurs, pour que les ornements puissent
prendre place, il faut que les baies soient suffisamment espacées. Citons les deux seuls
exemples d’emploi d’une ornementation sur le mur que nous avons trouvé, l’un datant
du XVIe siècle, l’autre du début du XVIIe siècle : Champlitte en Franche-Comté (entre
1570 et 1577) [T. II, ill. 371] où les trumeaux du second niveau de la façade sur cour sont
ornés de deux grands cadres disposés de part et d’autre de la colonne et peut-être
Blérancourt, si l’on en croit la gravure d’Israël Silvestre [T. II, ill. 1143-1144] ; sur les
pavillons latéraux, le trumeau central est divisé par un pilastre et, de part et d’autre,
prennent place deux étroites tables.
Ordonnances à travées triomphales
De nombreuses ordonnances, articulées ou non par les ordres, présentent une
structure rythmique binaire ou ternaire : suite de travées larges et étroites créant un
rythme binaire, travée percée d’une grande baie entre deux plus étroites créant un rythme
ternaire382. Toutes sont caractérisées par une ornementation spécifique, étroitement
rattachée à la thématique triomphale. La fortune de cette thématique est considérable en
France. Revisitée pendant tout l’Âge classique, elle s’enrichit et d’autres ornements qui
se substituent aux ornements triomphaux. Nous allons tout d’abord en expliquer la
genèse puis les emplois et les transformations.
Modèles italiens
Les motifs triomphaux qui apparaissent en France dans les années 1540 pour orner
les entrées sont des compositions qui rappellent la structure tripartite de l’arc de
381 Le palais Granvelle présente la même ordonnance que son homonyme à Bruxelles, construit par le même
commanditaire. Châtre est un exemple d’ordonnance régulière à pilastres de briques et encadrements de fenêtres
en brique ; la seule partie ornée est le tympan du fronton central où une mouluration de brique dessine une sorte
de cartouche.
382 Krista De Jonge a donné le nom de « travée alternée » à toute « composition symétrique articulée avec des
ordres, dont la partie centrale est une baie couverte d’un arc et dont les parties latérales ont un caractère différent ».
(Krista De Jonge « La travée alternée lombardo-vénitienne » dans L’emploi des ordres à la Renaissance, 1992, p. 169).
Nous reprenons sa terminologie : l’alternance caractérise les compositions de forme a b a comme les suites de
travées de forme a b a b a. Nous réserverons le terme travée alternée aux compositions ternaires à ordres de
colonnes. Un motif alterné peut être formé d’un groupement de trois baies.
378
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
triomphe. Le motif est importé en France par Serlio qui dessine de nombreuses
compositions alternées dans ses livres ; leur ornementation s’inspire de l’ordonnance
alternée que Bramante invente d’après les arcs de triomphe pour la cour haute du
Belvédère à Rome [fig. ci-dessous et T. II, ill. 1266–1267]. Une arche et des piles ornées
de pilastres portant un entablement forment la structure de base de l’ordonnance383 ; les
pilastres définissent sur la pile de l’arc une travée pleine étroite, divisée en deux registres
par une mouluration située au niveau de l’imposte de l’arc384 ; si l’on se fie au dessin du
codex Coner [fig. ci-dessous], dans le registre inférieur prend place une niche et dans le
registre supérieur une table rentrante.
Cour haute du Belvédère, détails du rez-de-chaussée de l’aile nord et de la galerie orientale, état actuel.
La formule décorative du petit entrecolonnement du codex Coner est celle que Serlio
dessine dans son Terzo Libro (fol. 117 v.)385. La table et la niche accostées de pilastres
forment un motif vertical qui alterne avec les grandes arcades ; chaque élément souligne
la structure de l’ordonnance : la table carrée dans le compartiment carré du registre
383 L’expression « travée rythmique », employée pour désigner la structure rythmique a b a de l’ordonnance de
Bramante est inadéquate. D’une part, comme l’a relevé Bertrand Jestaz, le rythme ne peut se rapporter à une seule
travée, mais à une suite de travées (Bertrand Jestaz, L’art de la Renaissance, notice sur le Belvédère, Paris 1984, p. 546)
d’autre part si l’on isole la structure formée par l’arc porté par les piles ornées de pilastres elle est une forme de
travée alternée, où l’ordre crée un rythme ternaire.
384 L’arc associé à un ordre n’est pas une nouveauté puisque Alberti l’emploie à Rimini puis à Saint-André de
Mantoue et la niche est le motif majeur des ordonnances alternées d’Alberti. Par ailleurs, comme l’a montré Krista
de Jonge, le motif de la « travée alternée » apparaît dès la deuxième moitié du XVe siècle en Italie. Krista de Jonge,
ibid. Par contre, le motif carré disposé dans le registre supérieur est une invention de Bramante et l’agencement des
éléments pour former une composition simple et claire est nouveau.
385 Serlio a cependant omis de figurer les deux tables qui ornent le registre inférieur de l’entrecolonnement au
niveau des piédestaux.
379
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
supérieur et la niche dont la forme cintrée répond à celle de l’arc386. Ces éléments sont
encore visibles sur l’aile nord de la cour haute du Belvédère387.
Vue de la cour haute du Belvédère, détail,
Élévation de la cour haute du Belvédère, détail,
Codex Coner, v. 1520, Londres, Sir John Soane’s Museum Serlio, Livre III, 1540, fol. 117 v.
La table carrée surmontant la niche apparaît dans toutes les compositions alternées
all’antica de Serlio du Terzo libro et du Quarto libro : sur un temple à Tivoli, dont il
« restitue » le décor (Livre III, fol. 64 v.) ; sur une porte dorique (Livre IV, fol. 149 r.) [fig.
ci-dessous] ; au rez-de-chaussée la façade sur cour de la villa Madame, de part et d’autre
de la loggia centrale (Livre III, fol. 121 v.).
La table rentrante carrée surmontant la niche est un motif que Jules Romain emploie
aussi au palais du Té [fig. ci-dessous et T. II, ill. 1244–1245]. Le motif apparaît dans
d’autres ordonnances alternées de Serlio : sur une façade de palais d’ordre ionique (IV,
fol. 165 v.) ; sur une façade d’église d’ordre corinthien (IV, fol. 175 v.) ; sur une autre, le
motif est inversé, la table prend place sous la niche388.
386 Bramante ne cherche pas à imiter un arc particulier, mais recompose un arc all’antica à partir de divers éléments
antiques. La niche n’est pas un motif spécifique des arcs de triomphe. Sur la série d’arcs antiques représentés par
Serlio dans son Terzo Libro, seul l’arc des Gavi comporte des niches (Livre III, fol. 112 r, 113r.). Ces niches
rectangulaires à fond plat, avec un encadrement en forme de petit édicule à colonnes sont sans comparaison
possible avec les niches cintrées de plan semi-circulaire de Bramante (Sur l’arc actuel qui est une reconstruction, les
niches sont à fond plat mais sans l’encadrement dessiné par Serlio). Par ailleurs, le motif carré est une invention de
Bramante.
387 La table du Codex Coner diffère quelque peu de ce que l’on peut voir actuellement : un encadrement formé de
plates-bandes en saillie sur le mur qui fait effet de table rentrante (s’il s’agissait d’une table, elle serait, comme la
niche, creusée dans le mur). Sur l’aile droite, il n’y a pas ne niches, mais deux encadrements. Seuls les premiers
niveaux de l’aile Nord et l’aile Est, qui ne devaient comporter qu’un rez-de-chaussée, étaient construits à la mort
de Bramante. Sur la vue de Dosio on distingue des motifs plus petits qui évoquent bien la table. L’état actuel
pourrait être le résultat des restaurations du 18e et du 19e siècle. Mais l’encadrement n’est pas étranger au vocabulaire
de Bramante (et de Raphaël qui les emploie à la villa Madame). Ni James Ackerman, ni Christof Frommel ne
donnent de précisions sur ces détails. (James S. Ackerman, The Cortile del Belvedere, Vatican City, 1954, Christof
Luidpold Frommel)
388 Le motif apparaît également dans les ordonnances du Livre VII (fol. 49, de part et d’autre d’une porte, fol. 63,
87, fol. 107, 115, au fol. 121 sous forme de deux ouvertures, l’une cintrée, l’autre carrée.
380
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Les compositions rustiques du Livre IV de Serlio reprennent la formule de la travée
de Bramante en remplaçant la niche par une baie ou une porte, en particulier celle du fol.
130 v.389 [fig. ci-dessous].
Temple à Tivoli, Serlio, Terzo libro, 1540, fol. 64 r.
Porte dorique, Serlio, Libro quarto, 1537, fol. 149 r.
Rome, Vatican,
cour haute, aile nord
Serlio, Libro quarto, 1537, fol. 130 r.
Mantoue Palais du Té,
travée de la cour
La travée de Bramante apparaît pour la première fois en France au château d’Ancyle-Franc (1544–1546), construit par Serlio en Bourgogne [fig. ci-dessous et T. II, ill. 70–
73. Serlio reprend la formule de la niche et de la table carrée pour orner le petit
entrecolonnement de son ordonnance alternée, mais il transforme la niche de plan semicirculaire de Bramante en une niche à fond plat et emploie dans le registre supérieur une
table rentrante de même profondeur que la niche.
389 L’élévation du fol. 130 v. ne comporte pas de pilastres ; l’alternance est crée par des portes, surmontées d’une
table et une arche centrale ; sur le fol. 135 v., la table est placée au-dessus de l’ordre sur le mur qui le surmonte.
381
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Ancy-le-Franc, détail du rez-de-chaussée de l’aile sud sur cour.
Motifs triomphaux au XVIe siècle
La niche surmontée de la table dans le petit entrecolonnement devient le motif
typique des compositions tripartites des avant-corps et des pavillons d’entrée français,
mais s’adapte à d’autres motifs tels les portes.
Sur l’avant-corps central du Louvre, Lescot élabore la formule du motif triomphal à
ordres superposés imitée par la suite en France, tant dans ses particularités de
composition que dans le choix du répertoire ornemental [fig. ci-dessous et T. II, ill. 495–
502]. Au rez-de-chaussée, Lescot emploie un répertoire ornemental dont la signification
triomphale est explicite. Dans le petit entrecolonnement, Lescot emprunte directement
aux arcs de triomphe leurs tables caractéristiques. La table couronnée est imitée des arcs
d’Ancône ou des Gavi à Vérone, qu’il dote d’une fonction héraldique, puisqu’elle porte
en ornements extérieurs deux insignes, l’un du pouvoir — les deux rameaux de lauriers,
allusion à l’imperium des empereurs romains, l’autre de la royauté, le chiffre de Henri II
surmonté d’une couronne ; au-dessus, dans un petit registre correspondant aux
chapiteaux, figurent les deux chiffres enlacés du roi et de la reine.
382
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Avant-corps central du Louvre, d’après La face du Corps du logis des salles du Louvre du costé de la court, gravure de
Jacques Androuet Du Cerceau dans les Plus excellents bâtiments de France, 1576, et état actuel.
La table horizontale située au niveau des impostes des arcs imite aussi un modèle
antique, l’arc de Titus390. Mais l’idée de la disposer dans le prolongement de l’imposte
provient de Serlio qui au livre III « régularise » les arcs de Titus (fol. 99v) et de Bénévent
(fol. 100v.) [fig. ci-dessous] : il réduit la hauteur des tables des entrecolonnements et les
aligne avec l’imposte de l’arc : le détail est exactement celui des entrecolonnements du
Louvre.
390 Les détails des trois arcs qui ont inspiré Lescot sont représentés par Serlio au Terzo libro : l’arc d’Ancône, Livre III,
fol. 108 r° et 109 r° ; l’arc des Gavi à Vérone [Livre III, fol. 112 r. et 113 r.] et l’arc de Titus [Livre III, fol. 99 r. et
100 r.] En ce qui concerne ce dernier, nous avons déjà signalé que Lescot imite le dessin de Serlio et non l’original ;
en effet Serlio amincit la table et la place au niveau de l’imposte de l’arc.
383
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Arc de Titus, entrecolonnement
Arc de Titus, Serlio, Livre III, 1540, 99 v., arc de Bénévent, Livre III, 105 v.
C’est ce motif que Lescot dispose sur les trumeaux des arrière-corps, mais, dans le
motif triomphal, il s’intercale entre la niche et la table couronnée de manière à former
une suite ornementale verticale. Cette suite commence avec la table placée sous la niche
qui forme une sorte de piédestal à la statue, et se poursuit par la table placée sur
l’entablement dans l’axe de la petite travée ; cette table fait la liaison avec la suite
ornementale de l’étage qui se compose à nouveau d’une niche, d’une table horizontale
placée au niveau des traverses des fenêtres, d’une table en médaillon, d’une autre table
horizontale et enfin de deux cornes d’abondance et du croissant de Henri II.
Dans la travée centrale, Lescot s’inspire d’un motif rare, du moins singulier ; au
deuxième niveau une table recouvre partiellement l’entablement, comme sur l’arc des
Argentiers au Vélabre également dessiné par Serlio au Livre III (fol 100 v.) [fig. cidessous]. À cette table, qui conclut la composition de la travée d’ouvertures, répond la
table à anses placée dans la rupture de l’entablement au rez-de-chaussée.
Les ornements disposés entre les baies mettent en valeur la travée de fenêtres, nous
l’avons vu, ils ont aussi une fonction dans la composition de l’avant-corps ; l’alternance
verticale des ornements et des ouvertures crée un effet d’enchaînement comparable à
celui des petites travées. Ces effets parallèles et conjugués des ornements qui s’agencent
en séquences décoratives accompagnent le mouvement vertical de l’ordonnance ; au
grand rythme alterné de l’avant-corps répond le rythme vertical des ornements sur le
mur.
384
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
L’arc des Argentiers au Vélabre,
Serlio, Livre III, 1540, fol. 100 v.
Le Louvre, détail de l’avant-corps central
La formule triomphale du Louvre est immédiatement imitée sur les grands chantiers
à l’initiative du roi et de ses proches. Les avant-corps du Louvre, d’Anet, et d’Écouen
forment un groupe homogène tant par la composition que par le choix du répertoire.
On y retrouve les mêmes jeux de ressauts et de rupture des entablements, et l’agencement
vertical des ornements qui soulignent la verticalité de l’ordonnance. Les citations quasi
littérales de motifs antiques et de dispositions rares ou recherchées, la qualité de la
sculpture qui recrée, sans le reproduire, le geste du sculpteur antique, manifestent à
l’évidence la volonté d’affirmer la supériorité française tant sur le plan politique
qu’artistique. Ces compositions sont ainsi les lieux privilégiés de la réappropriation du
vocabulaire ornemental de l’Antiquité dont Serlio est un des promoteurs en France, en
particulier grâce aux exemples d’arcs de son Livre III. Le choix de ces motifs s’explique
également par une conception de la composition et de la fonction de l’ornement
différente de celle de l’Italie391. Au Belvédère, au palais du Té et à Ancy, les tables
rentrantes (ou peut-être des encadrements au Belvédère, comme nous l’avons vu)
manifestent le creux dans la travée et, ainsi, l’espace de l’entrecolonnement. Au Louvre,
391 La thématique triomphale a eu une certaine fortune en Italie à partir du dernier tiers du XVIe siècle. Elle
apparaît sur les façades d’églises. Mais l’effet des ornements y est encore différent. Dans l’œuvre de Giacomo della
Porta, Carlo Maderno, Domenico Fontana, l’entrecolonnement est presque totalement occupé par des
« morceaux » de sculpture, les tables sont imposantes, les niches sont grandes, amplifiées par de riches
encadrements.
385
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
à Anet, à Écouen les tables et tous les autres ornements semblent au contraire superposés
au mur.
La table couronnée surmontant la niche est la formule emblématique de la
thématique triomphale, mais on ne l’emploie pas à chaque niveau. Sur le frontispice
d’entrée d’Écouen (v. 1545) les tables couronnées surmontées de deux petites volutes
affrontées sont disposées au rez-de-chaussée ; les deux niveaux supérieurs sont ornés de
niches sans tables [fig. ci-dessous et T. II, ill. 443]. Sur le frontispice du logis d’Anet
(1548), l’ornementation triomphale est située au second niveau : une table couronnée
surmonte une niche dont le dessous, comme au Louvre, s’orne d’une table saillante. Au
rez-de-chaussée l’entrecolonnement est vide et, au dernier niveau, il s’orne de deux tables
à anses verticales portant une figure en bas-relief. Les deux longues tables posées sur
l’entablement du rez-de-chaussée et du dernier niveau sont placées aux deux termes de
la travée centrale que couronne une table attique [fig. ci-dessous et T. II, ill. 258–263].
Frontispice d’entrée d’Écouen (v. 1545).
Avant-corps central sur cour d’Anet (1548).
386
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Dans la cour d’Écouen, l’avant-corps nord (v. 1552–1553) est un motif alterné
dédoublé pour masquer le décentrement de l’escalier par rapport à l’axe de la façade ; un
ressaut axial sépare deux travées d’ouvertures accostées de deux petites travées à ordres
superposés ; tables et niches alternent sur les deux niveaux de l’ordonnance, dans les
petits entrecolonnements et sur le ressaut central ; entre les fenêtres, une table posée sur
la frise recoupe l’entablement [fig. ci-dessous et T. II, ill. 447]. Les motifs dessinés par
Bullant, bien qu’ils possèdent tous les accessoires classiques, sont plus abstraits, les tables
sont carrées et plus grandes de manière à occuper l’espace de l’entrecolonnement. Ces
traits se retrouveront à Chantilly comme nous le verrons plus loin.
L’avant-corps qui lui correspond, à l’extérieur de la même aile, est un motif triomphal
élevé sur un niveau d’arcades à rez-de-chaussée ; le premier étage et le second sont deux
loggias superposées à trois baies cintrées : une grande au centre et deux plus basses dans
les entrecolonnements si bien que l’ornementation triomphale n’y est pas très
développée, faute de place sur le mur. Il y a néanmoins, dans les travées latérales, une
table au dernier niveau dans le registre supérieur dessiné par l’imposte de l’arc central,
qui rappelle le thème classique de la niche surmontée de la table et, au niveau inférieur,
une grande niche ovale qui rappelle les médaillons ovales du Louvre [fig. ci-dessous et
T. II, ill. 456].
Avant-corps nord de la cour d’Écouen et avant-corps extérieur nord, Jean Bullant (v. 1552–1553)
Les avant-corps du Louvre servent de modèles pour les compositions triomphales
qui encadrent les portes d’entrée. La porte corinthienne du Premier tome de l’architecture de
387
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Philibert De l’Orme est un exemple de motif triomphal classique par l’emploi des
ornements et de l’appareil ornemental triomphal « à l’antique »392 [fig. ci-dessous]. On y
retrouve le motif typique de la thématique triomphale, la niche surmontée de la table, et
d’autres traits empruntés au Louvre : un registre ornemental correspondant aux
chapiteaux, ici orné de tables, soulignant fortement l’horizontale de l’entablement ; la
table qui le recoupe, au-dessus de l’arc central, évoque la disposition de l’arc de triomphe
du Vélabre. Le petit entrecolonnement, divisé en deux niveaux égaux donne à la
composition une allure presque colossale.
Porte corinthienne (porte de l’hôtel des Tournelles),
De l’Orme, Premier tome, 1567, Livre VIII, chap. 13, fol. 246 r.
La gravure de De l’Orme a, à l’évidence, servi de modèle pour le portail sud de SaintNicolas-des-Champs à Paris (1574–1586) moyennant quelques simplifications : un
fronton droit au lieu du fronton brisé à enroulements et la suppression des trophées et
statues393 ; la frise de rinceaux, les victoires dans les écoinçons sont très semblables, de
même que la disposition des ornements : la liaison de la table centrale à la clef de l’arc,
l’entrecolonnement divisé en deux niveaux ; les médaillons à guirlandes pendantes
392 DE L’ORME, 1567, Livre VIII, chap. 11, fol. 246 r. Il s’agit de la porte ayant servi de décor lors d’une joute à
l’hôtel des Tournelles construite en 1559. Cf PÉROUSE DE MONTCLOS, 2000, p. 191. BLUNT, 1958, p. 85.
393 Le rapprochement a été fait par Anthony Blunt, 1958, p. 85.
388
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
ornant le registre sous l’entablement sont, quant à eux imités, du Louvre [fig. ci-dessous
et T. II, ill. 540].
Le portail de Saint-Germain-l’Auxerrois (1570) est aussi une composition à ordre de
pilastre corinthien, mais l’entrecolonnement est plus resserré et une tête d’angelot occupe
le niveau supérieur ; il n’y a pas de registre orné sous l’entablement qu’une grande table
horizontale recouvre partiellement et dont les angles inférieurs reposent sur l’extrémité
des abaques des chapiteaux, comme au second niveau des avant-corps du Louvre [fig.
ci-dessous et T. II, ill. 539].
Saint-Saint-Nicolas-des-Champs,
portail sud (1574–1586)
Saint-Germain-l’Auxerrois, portail du chevet (1570)
Variations ornementales dans les motifs triomphaux au XVIe siècle
Les variantes ornementales du petit entrecolonnement de la travée alternée au XVIe
siècle concernent la forme des motifs et leur agencement dans la travée. La niche est
toujours le motif majeur, mais l’on joue avec d’autres formes qui l’évoquent et l’on
emploie d’autres types de tables.
Après Serlio, seul Primatice emploie des tables rentrantes dans la travée triomphale.
L’ordonnance du frontispice central de l’aile de la Belle cheminée à Fontainebleau (1568)
est proche, en effet, du modèle d’Ancy-le-Franc avec ses tables rentrantes carrées au
second niveau, au-dessus des niches de l’avant-corps central394 [fig. ci-dessous et T. II, ill.
394 Androuet Du Cerceau ne représente pas de table au premier niveau de l’entrecolonnement du pavillon droit. Il
dessine cependant une table saillante sur le pavillon gauche. François d’Orbay, sur un dessin de 1676, représente
des tables rentrantes sur les deux niveaux des pavillons.
389
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
70–78]. Dans les entrecolonnements des pavillons d’angle, une table rentrante garnit le
dessous de la niche au rez-de-chaussée et l’étage ne comporte qu’une niche, sans table.
Fontainebleau, frontispice central de l’aile de la Belle cheminée (1568) et travée latérale du pavillon droite.
Fontainebleau, élévation de l’aile de la Belle cheminée, d’après un dessin de François d’Orbay, 1676.
Sur d’autres édifices, on emploie des formes plus allusives. À Maillé (vers 1570) au
second niveau du pavillon d’angle (v. 1570), une table cintrée est surmontée d’une table
affleurée [T. II, ill. 165]. Sur le portail d’entrée de la Tour d’Aigues (1571) composition
« à l’antique » formée deux arcs de triomphe superposés, l’un à piles, l’autre à trois arches,
puissamment articulée par les pilastres colossaux, les colonnes adossées et les
entablements, les tables sont remplacées par des cadres, discrets ornements qui mettent
en valeur la masse du mur [T. II, ill. 1174–1186]. C’est aussi le cas à Villelaure (1579–
1586) [T. II, ill. 1187].
390
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Alternances à motifs ternaires
Des tables analogues ou identiques sont parfois disposées en dessous et au-dessus
de la niche. Sur le dessin du codex Coner représentant la travée de Bramante pour la
cour du Belvédère, une table prend place au-dessous de la niche, dans le soubassement.
Serlio a donné plusieurs exemples de dispositions semblables dans ses Terzo libro et Quarto
libro. Sur la façade d’un temple à Tivoli (Livre III, fol. 64 r.), sur un retable (Livre IV, fol.
150 r.), les tables, identiques au-dessus et en dessous de la niche, forment un motif
ternaire, alterné verticalement. Serlio donne d’autres exemples de ce motif dans son Libro
estraordinario (fol. 15 v. et fol 18 v°)
Serlio, Livre II, fol. 64r
Serlio, Livre IV, fol. 150 r.
Serlio, Libro estraordinario, fol. 18 v.
Aux Tuileries (1564), sur le portail vers les jardins, De l’Orme dispose deux tables
couronnées, l’une sous la niche, dont la mouluration d’appui est profilée comme la
portion de corniche qui couronne la table supérieure [fig. ci-dessous et T. II, ill. 511]. La
table sous appui et la table couronnée, toutes deux ornées d’une autre table encadrée
créent un effet de résonnance.
391
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Les Tuileries (1564), portail vers les jardins
d’après un dessin de Jacques Androuet Du Cerceau (British Museum)
Sur le portique d’entrée de Villelaure (1579), au second niveau, une table saillante
carrée dénuée d’ornements orne le dessus de la niche et une table fouillée de mêmes
dimensions est disposée en dessous [T. II, ill. 1187].
Nicolas Bachelier emploie à Saint-Jory (1545–1547) des tables dans une composition
encore inusitée en France [fig. ci-dessous et T. II, ill. 105-1053]. Au second niveau du
frontispice d’entrée, dans les entrecolonnements, trois tables forment une composition
ternaire organisée autour d’un axe de symétrie horizontal : une table rectangulaire entre
deux tables plus petites. Ce triplet de tables rectangulaires, qui occupe la travée, décline
à l’échelle du plus petit compartiment de la façade la composition ternaire triomphale du
frontispice. Il s’inspire du Panthéon, tel que le montre un dessin de Raphaël conservé
aux Offices [fig. ci-dessous]395. Ce détail est aussi dessiné par Serlio, dans son Livre III
(fol. 154 v.), mais, si le schéma est identique, les tables paraissent plus grandes, car le
nombre de travées est inférieur [fig. ci-dessous]396.
395 Selon le contrat du 17 mai 1545, mentionné par Jean-Pierre Babelon, les colonnes du frontispice de Saint-Jory
devaient s’inspirer de « l’église de la Rotonde à Rome » ; il est logique que l’ornementation des entrecolonnements
ait aussi inspiré l’architecte. Par contre, l’on ne peut donc considérer qu’il s’agit d’un premier exemple d’emploi de
la table saillante, car les travaux ont été suspendus en 1547 ; on peut donc supposer que certains ornements n’étaient
pas été achevés à ce moment. BABELON, 1981, p. 381.
396 Serlio a manifestement voulu régulariser l’ordonnance en alignant les travées de l’étage avec le portique à trois
travées du rez-de-chaussée. Le motif qui orne le mur en arrière du portique, formé d’une niche rectangulaire entre
deux tables rappelle d’ailleurs l’ornementation du second niveau.
392
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Saint-Jory (1545–1547), Intérieur du Panthéon, détail d’après un dessin de Raphaël, v. 1506–1507.
détail du frontispice d’entrée
Florence, Cabinet des dessins et des Estampes, 164Ar, Cat n° 29.
Élévation intérieure du Panthéon, Serlio, Livre III, 1540, fol. 54 v.
393
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Dans le Libro estraordinario et dans le Settimo libro, Serlio propose des alternances de
tables cintrées ou doublement cintrées et de tables quadrangulaires qui inspirent les
Français dans la deuxième moitié du XVIe siècle. Au Pailly, (1560–1570/73) le deuxième
niveau du frontispice de l’escalier sur cour s’orne de niches surmontées d’une table
couronnée, mais le rez-de-chaussée est orné d’une table ovale entre deux tables
rectangulaires — motif proche des alternances de tables ovales, rondes et rectangulaires
figurant sur une planche du Libro estraordinario (fol 20 r.)397. On retrouve d’ailleurs ces
ornements dans le motif alterné à fronton situé au dernier niveau de l’aile est [T. II, ill.
329–334].
La composition triomphale du pavillon d’entrée (1560–1570/73) est quant à elle, un
peu inclassable. L’ornementation triomphale est considérablement transposée, les motifs
sont très complexes ainsi que l’organisation de la travée [fig. ci-dessous et T. II, ill. 329].
Sur un haut soubassement à bossage s’élèvent deux niveaux d’ordres de colonnes
jumelées, derrière lesquelles apparaît le bossage un-sur-deux du mur ; dans les travées
latérales encadrées par les couples de colonnes, le mur est garni d’un unique motif de
grande taille, à l’ornementation très développée dominée par un grand motif.
Le Pailly (1560–1570/73) deuxième et troisième niveaux du pavillon d’entrée
397 Serlio joue fréquemment sur l’alternance de tracés : il dessine un triplet à niches sur une planche du Libro
estraordinario [fol 15 v.] ; le Livre VII comporte aussi d’autres exemples de triplets : à niche [Livre VII, fol. 53 r.], à
table doublement cintrée [Livre VII, fol. 81 r.], à tables cintrées [Livre VII, fol. 63 r.; fol. 111 r.] et des alternances
de tables rondes et rectangulaires [Livre VII, fol. 107 r.]
394
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Le thème triomphal de la niche et de la table est déployé sur les deux niveaux et
inversé : au premier étage, une table rectangulaire et au second une table cintrée toutes
deux inscrites dans un encadrement évoquant celui d’une niche et surmontées d’une
petite table. L’abondance de l’ornementation autour des tables, les contrastes de formes
et de texture, les motifs qui « saturent » le décor sont caractéristiques du style de l’ancien
domaine bourguignon.
Les compositions ternaires avec ou sans niches sont des motifs typiques et récurrents
de la thématique triomphale. L’ornementation de grandes tables abstraites, sans niche,
telle qu’elle apparaît à Saint-Jory est à notre connaissance un exemple unique au XVIe
siècle. Par contre, le motif est largement employé au XVIIe siècle, comme nous le verrons
ci-après.
La travée triomphale colossale et semi-colossale
Le schéma décoratif issu des arcs de triomphe antiques se transforme nécessairement
lorsqu’il se déploie dans une ordonnance qui embrasse deux niveaux entiers —
l’ordonnance est dite colossale —, ou un niveau et demi — l’ordonnance est semicolossale. Les deux motifs apparaissent dans les années 1555 dans l’œuvre de Jean
Bullant, à Écouen et à Chantilly.
L’avant-corps de la cour d’Ecouen, plaqué au centre de l’aile sud en 1556–1557, est
un motif triomphal colossal398. L’entrecolonnement est discrètement séparé en deux
registres par un bandeau [fig. ci-dessous et T. II, ill. 452] ; dans le premier registre, la
table couronnée est encore associée à la niche, mais dans une situation un peu
particulière, car elle est disposée dans la partie supérieure du ressaut formant
encadrement de la niche, un peu à la manière des encadrements de baies de la
Chancellerie à Rome. Sur le fol. 121 du Livre III représentant la façade sur cour de la villa
Madame, Serlio dessine une niche avec le même type d’encadrement. La baie inscrite
dans un ressaut est un motif vénitien, et l’on trouve des exemples de sa forme classique
au XVIe siècle à Venise. À Écouen, le ressaut est très développé en hauteur : il occupe
toute la hauteur du premier registre de l’entrecolonnement et se joint au bandeau qui le
divise. Cet effet d’étalement des motifs est également sensible dans la partie haute de
l’entrecolonnement orné du grand cadre occupé en son centre par l’écu des
Montmorency. La bordure du cadre, formée par une assez large bande, est jointe au
bandeau limitant une frise dans laquelle s’inscrit une table rectangulaire. La liaison des
motifs à la structure ornementale, leur expansion à la surface du mur est toute nouvelle.
398 Il s’agit du premier exemple d’ordonnance colossale avec le projet de Philibert De l’Orme pour l’aile entre le
pavillon du vestibule et le pavillon des poêles pour l’avant-cour de Fontainebleau [1558]. PÉROUSE DE MONTCLOS,
2000, p. 298 ; GÉBELIN, 1927, p. 101.
395
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Dans la double travée d’ouvertures centrale, une table est posée sur la frise ornée
située sous l’appui continu des deux baies, allusion au motif de la table masquant
partiellement l’entablement de l’arc de triomphe du Vélabre, mais que Bullant transforme
en une sorte de fausse citation en employant dans la frise une ornementation à l’antique
de son invention ; cette frise s’aligne avec les tables qui couronnent les encadrements des
niches latérales en créant un registre ornemental horizontal. Cependant, dans la travée
centrale comme dans les travées latérales l’enchaînement vertical des motifs domine.
Écouen, frontispice sud de la cour, Jean Bullant (1556–1557).
Écouen est imité à la Tour d’Aigues : les portes des deux ailes (1566–1579) en vis-àvis s’entourent de quatre colonnes adossées portant un entablement qui semble, comme
à Écouen, être un morceau de colonnade de temple plaqué sur la façade, sans lien avec
l’ordonnance de celle-ci. Les motifs ont disparu, mais l’on distingue très bien leur
ornementation sur une gravure de Jacques Rigaud : une niche s’ouvrant dans un ressaut
orné d’une table dans la partie inférieure de l’entrecolonnement, une table fouillée
rectangulaire et un grand encadrement rectangulaire portant l’écu garnissant la partie
supérieure [T. II, ill. 1174–86].
396
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
La façade d’entrée du petit château de Chantilly est construite par Bullant à partir de
1557, juste après l’édification du second frontispice d’Écouen399 [fig. ci-dessous et
T. II, ill. 1109–1114]. L’ordonnance semi-colossale se compose de trois motifs alternés :
un avant-corps au centre à ordre de colonnes et deux travées latérales de même largeur
terminées par une travée de pilastres ; l’avant-corps central se distingue des arrière-corps
par un motif de couronnement différent : l’entablement s’interrompt et une arche
recouvre la travée centrale ; ce motif a une source antique, l’arc de triomphe d’Orange,
que Bullant connaît, mais il ne retient pas le répertoire décoratif de cet arc couvert de
reliefs représentant des trophées400. Il reprend la thématique triomphale qu’il enrichit :
les entrecolonnements sont saturés d’ornements.
Chantilly, Petit château Jean Bullant (1557), façade antérieure du châtelet.
La table la plus ornée de la travée triomphale est située sous l’appui de la niche : elle
est encadrée d’une mouluration « à l’antique » et est couronnée par la moulure d’appui
de la niche ; en dessous et au-dessus de la niche prennent place des tables saillantes au
ressaut à arêtes vives, sans ornements ; c’est la première occurrence de ce type de table
dans un motif alterné, si l’on excepte Saint-Jory. Tous ces motifs, très rapprochés les uns
399 La construction se serait déroulée de 1557 à la fin de 1559 ; nous avons retenu ces dates avancées par, Babelon,
1989 p. 446 ; Gébelin, auquel Blunt [1957] se réfère, [p. 77 note 11] l’avait située vers 1560. D. Thomson, dans la
notice sur Écouen dans son édition des Plus excellents bâtiments de France de Jacques Androuet Du Cerceau, 1988,
p. 244 situe la construction au tout début des années 1560.
400 Ce motif est, à Orange, non pas situé sur la façade principale, mais sur la façade latérale. Bullant qui a du voir
l’arc d’Orange sur son trajet lorsqu’il se rendait à Rome.
397
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
des autres, parfois liés comme la table qui, dans la partie haute de l’entrecolonnement,
vient toucher l’entablement, forment une chaîne ininterrompue où alternent parties
calmes et ornées — surfaces qui semblent émaner du mur, mettent en évidence le
parement de pierre, et tables qui en sont des parures et le masquent ; sur les deux travées
extrêmes, cette chaîne se poursuit sur l’entablement où une table fouillée recouvre
partiellement la frise. Sur l’avant-corps central, la chaîne se prolonge dans le couronnent
où l’écu des Montmorency placé entre les deux petits pilastres d’une sorte d’étroit attique
conclut la composition ornementale de la travée.
Le frontispice d’entrée de la galerie de Fère-en-Tardenois (après 1552 – avant 1562)
correspond aux deux étages de la galerie [T. II, ill. 1120–24]. Bullant y emploie également
le motif de l’arc d’Orange, le fronton interrompu par un arc et une ordonnance de
colonnes adossées. Deux imposants motifs occupent les entrecolonnements latéraux,
plus larges qu’à Chantilly : une niche dans un encadrement et un grand cadre portant les
armes des Montmorency, comme à Écouen ; la travée ornementale s’achève par une
table posée sur l’entablement.
La façade de la basse-cour de Charleval, dont Jacques Androuet Du Cerceau donne
une élévation, présente une ordonnance colossale formée d’un couple de pilastres
colossaux flanquant deux travées d’ouvertures séparées par un trumeau central. Un
frontispice formé d’un attique et d’un fronton courbe couronne les deux travées
centrales. Le trumeau central, dans lequel s’ouvre une porte au rez-de-chaussée, est
articulé par un ressaut se détachant sur le mur de brique (si l’on peut interpréter le grisé
de la gravure ainsi). Ce ressaut est creusé d’une niche surmontée d’une table401 ; le motif
typique de la travée triomphale se trouve ainsi au centre de la composition, dépourvue
de pilastres, alors que dans les entrecolonnements latéraux, la thématique est déclinée
plus librement sous forme d’une statue sans niche, surmontée d’une table, et de
guirlandes : la composition forme ainsi une alternance double inversée (a’ b a b a’).
L’ornementation accompagne les effets de mouvement conjugués de la composition :
mouvement ascendant des fenêtres qui pénètrent les entablements, du trumeau central
qui se prolonge dans l’attique qui couronne les deux travées d’ouvertures centrales,
mouvement descendant du fronton courbe, souligné par la chute de fruits et les putti
assis sur les travées latérales.
401 Le motif est fouillé et encadré de bandes : le dessin indique qu’il s’agit d’un cadre plutôt que d’une table,
décoration plus légère qui correspond à l’esprit de l’ornement sculpté dans toutes les parties de la façade : les figures
y sont très animées, « vivantes » comme l’a bien écrit Jean GUILLAUME dans Jacques Androuet Du Cerceau, 2010.
398
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Charleval, frontispice central de la basse cour, d’après Jacques Androuet Du Cerceau, 1579.
Montceaux dont la reconstruction est entreprise à partir de 1596, représente l’ultime
variation du thème de l’ordonnance triomphale colossale avec emploi d’une
ornementation à l’antique [T. II, ill. 626–631]. Le pavillon d’entrée est orné par Salomon
de Brosse en 1608 d’un ordre colossal qui rappelle l’avant-corps sud de Bullant à Écouen.
Les ornements triomphaux y sont employés dans des situations assez particulières ; dans
les entrecolonnements latéraux, deux tables apparaissent dans la partie inférieure de la
travée en dessous des niches excessivement étirées : une table fouillée, à l’encadrement
très saillant est située sous la niche dont le dessous s’orne d’une table accostée de
lambrequins ; le motif est répété sur les trumeaux des façades latérales du pavillon. Sur
les avant-corps des ailes sur cour, les entrecolonnements latéraux sont percés
d’ouvertures, et une table fouillée placée en agrafe sur le chambranle des baies du premier
niveau est un rappel du thème triomphal.
Au XVIe siècle on emploie un répertoire à la connotation triomphale marquée ; il
existe néanmoins des exemples d’emploi de motifs plus abstraits — trois à notre
connaissance dont deux sont des ordonnances colossales. La « maison à ordre corinthien
géant » figurant dans le Premier tome de l’architecture de Philibert De l’Orme présente une
ordonnance de trois travées d’ouvertures, ornée d’un ordre de pilastres embrassant deux
étages (1567, VIII, 16, fol. 252 v.) [fig. ci-dessous]. Les trumeaux entre travées de fenêtre
et loggia superposées au centre, ornés de tables et encadrés de pilastres, le ressaut de
l’entablement qui suggère un léger avant-corps constituent une composition ternaire à la
399
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
connotation triomphale évidente. Anthony Blunt a souligné la proximité de la
composition avec le frontispice sur cour de l’aile nord d’Écouen, mais les ornements
sont totalement différents402. De l’Orme n’emploie plus les motifs triomphaux dans les
travées pleines, mais des grands motifs formés d’une table centrale entre deux tables
rectangulaires ; ce motif en triplet alterné s’inspire du Panthéon, tel que Serlio le dessine
au Livre III (fol 54 v.).
Maison à ordre corinthien géant,
De l’Orme, 1567, fol. 252 v.
Détail du second niveau du Panthéon,
d’après Serlio, Livre III, fol. 54 v.
L’élément le plus nouveau est la mise en rapport de cette ornementation avec les
fenêtres. En effet, ce motif triple qui s’inscrit dans toute la hauteur et la largeur de la
travée pleine, matérialise trois registres qui correspondent à la structure de la baie : un
bas de trumeau correspond au mur-sous-appui, lui-même orné d’une table ; la grande
table claire, au centre, est de même hauteur que les jours inférieurs de la croisée et la
dernière table est située au niveau du jour supérieur. Les tables plus sombres du bas de
trumeau, du mur sous appui et de la loggia centrale sont ainsi alignées et les motifs
alternent sur toute la hauteur de la travée pleine comme les tables et les baies dans la
travée de fenêtres. La fonction ordonnatrice de ces ornements est bien différente du
simple enrichissement. De l’Orme distingue bien ces deux fonctions de l’ornement dans
son commentaire : « Au côté des fenêtres croisées entre les piliers, vous pouvez faire des
compartiments et ornements tels que vous les voyez en la prochaine figure »403. Le jeu
402 BLUNT, 1958, pp. 59-60.
403 DE L’ORME, Le Premier tome de l’Architecture, 1567, VIII, 16, fol. 252 r.
400
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
de correspondance entre les ornements, leur mise continuité, le jeu des rapports entre
pleins et des vides joue ici un rôle majeur, nouveau, dans la composition de la façade.
À Tanlay, le revers du châtelet d’entrée (1568 – v. 1578) comporte une ordonnance
colossale sur deux niveaux comparable à celle de la maison à ordre géant de De l’Orme.
Deux travées alternées en léger avant-corps encadrent les trois travées d’ouvertures
centrales. Les deux travées pleines des avant-corps, séparées en deux niveaux sont ornées
de tables saillantes ainsi que, les plein-de-travées et le dessus des fenêtres de l’étage dans
toues les travées d’ouvertures. Ces tables affirment les grandes divisions verticales de la
façade et soulignent les niveaux de fenêtres : tables des trumeaux, tables sous-appui et
tables en dessus de baies s’alignent strictement pour composer des registres horizontaux.
[fig. ci-dessous et T. II, ill. 114–120].
Tanlay, revers du châtelet d’entrée (1568 – v. 1578).
Le jeu des surfaces lisses et nues, à fleur de parement, et des lignes domine
l’ordonnance ; le seul élément animé de la façade est le grand cartouche à cuir au-dessus
du porche. Le tracé des tables et leurs accessoires discrets rappellent la thématique
triomphale : dans les travées pleines, la table du trumeau est cintrée et est surmontée
d’une table saillante dont le couronnement est formé par un ressaut du bandeau séparant
les deux niveaux, comme la demi-table sous appui de la travée de fenêtres. Ce simple
décor, qui convient à une façade secondaire, rigoureusement composé, contraste
fortement avec la somptuosité de la façade avant et ses tumultueux bossages. Le châtelet
d’entrée de Tanlay est ainsi une sorte d’arc de Janus, dont l’emblématique militaire de
parade d’un côté s’oppose à une austère emblématique triomphale de l’autre.
401
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Emplois atypiques de l’ornementation triomphale au XVIe siècle
Nous allons maintenant examiner d’autres exemples d’ordonnances de caractère
triomphal, singuliers ou inclassables : la composition du châtelet d’entrée d’Anet, qui est
un unicum, et d’autres emplois dans des compositions destinées à « habiller » un édifice
existant
Anet, pavillon d’entrée Philibet De l’Orme (1549–1552).
Le motif triomphal formant la partie centrale du châtelet d’entrée d’Anet s’écarte du
modèle de Bramante dans la mesure où l’arche centrale dépasse l’entablement de l’ordre
qu’elle interrompt au niveau de son imposte ; dans les entrecolonnements latéraux
s’ouvrent des portes inscrites dans un arc pour former une sorte d’arc de triomphe à
trois arches [fig. ci-dessus et T. II, ill. 258, 271–277]. Par ailleurs, le motif est surmonté
d’une composition pyramidale, formée d’un corps central à plusieurs niveaux, accosté de
corps en forme de bastions arrondis. On retrouve néanmoins tous les motifs de la
thématique triomphale, ou du moins des dispositions analogues : au-dessus de la porte
centrale, la table placée dans la rupture de l’entablement rappelle l’arc du Vélabre ; dans
les petites travées latérales les tables en triptyque placées au-dessus de l’ouverture cintrée
déclinent le thème de la niche et de la table tout en évoquant également le motif du
402
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Vélabre. Dans les superstructures, les tables des parapets et des bastions rappellent, en
mode mineur, la thématique ; le motif de couronnement est lui-même une petite
composition alternée à consoles et à niches latérales posée sur un soubassement où
alternent selon le même rythme tables rectangulaires et tables ovales.
L’ordonnance triomphale est employée pour des compositions de petite échelle,
comme le fait Philandrier au sommet de la façade de la cathédrale de Rodez, exemple
précoce d’emploi d’une ordonnance triomphale. Des motifs triomphaux sont dons une
disposition similaire placés en couronnement des travées latérales de l’église de Magnyen-Vexin (entre 1540 et 1560) [T. II, ill. 531–532].
Si la travée alternée issue de l’arc de triomphe est un thème laïc, l’ornementation
triomphale est particulièrement adaptée à l’architecture religieuse : les niches où peuvent
figurer des statues de saints, les tables qui primitivement étaient associées à des
monuments sacrés, trouvent leur nouvelle vocation. La thématique triomphale est ainsi
tout naturellement appropriée aux édifices funéraires ou aux tombeaux : sur le tombeau
de François 1er à Saint-Denis (1548), en forme d’arc de triomphe à trois arches, les
arcades latérales sont surmontées d’une grande table carrée couronnée.
Dans la deuxième moitié du XVIe siècle, de nombreux portails d’églises d’Île-deFrance reçoivent un nouveau décor. Les ordonnances triomphales s’adaptent aisément
à ces petites compositions. Mais celles-ci ne sont que des décors rapportés, le motif
triomphal ne forme pas encore l’ordonnance de la façade entière. La façade de SaintCôme-et-Saint-Damien de Luzarches (1548–1551), reçoit deux niveaux de colonnes
jumelées qui accostent, au rez-de-chaussée, un porche voûté ; l’ornementation
triomphale est reportée sur les contreforts des bas-côtés [T. II, ill. 529–530]. À SaintGervais-Saint-Protais à Saint-Gervais (1549–1550) deux niveaux d’ordonnance
encadrent le vaste portail central et les entrecolonnements sont garnis de niches [T. II, ill.
541]. Saint-Pierre de Génainville (milieu du XVIe siècle), comporte deux nefs et deux
portails qui reçoivent chacun un décor triomphal développé sur deux niveaux ; seul le
motif de gauche comporte des tables au second niveau de l’ordonnance : une table
cintrée surmontée d’une table saillante ; une grande table saillante garnit le l’attique
portant un fronton formant le couronnement de la composition [T. II, ill. 527].
L’adaptation du motif triomphal aux dispositions de l’édifice existant explique la
dissociation du décor sculpté et de son cadre architectural comme à l’église Saint-Fiacre
de Livilliers (1560) où le portail s’ouvre dans un porche trop étroit pour recevoir une
ordonnance alternée ; l’arche centrale est encadrée de deux colonnes portant un
entablement, et l’ornementation triomphale garnit les piédroits : de grandes niches à
encadrement en forme d’édicule surmontées de cadres rectangulaires [T. II, ill. 527]. À
l’église de la Nativité de la Vierge à Othis (1555–1573), le porche s’encadre de deux
403
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
colonnes et d’un fronton ; l’entablement se prolonge sur le mur pour séparer les deux
premiers niveaux de la façade. L’ornementation triomphale est reportée sur le mur de
part et d’autre du porche et de la rose du second niveau : une niche et une table au rezde-chaussée, deux niches sur un haut piédestal au-dessus [T. II, ill. 537].
Il existe au XVIe siècle quelques exemples de compositions plus amples sur les
façades d’église. Le motif triomphal à deux niveaux d’ordonnance déployé autour du
double portail de Saint-André-les Vergers de Troyes (1549) a les dimensions d’une façade
d’église ; l’ornementation triomphale y est présente sous les formes décoratives que nous
avons déjà étudiées, telles les tables entourées de cuirs et les encadrements à accolades
[T. II, ill. 336-338].
Deux exemples annoncent les développements ultérieurs. Le premier niveau de la
tour-clocher de l’église du Mesnil-Aubry (1582) est orné d’une ordonnance alternée à
ordre de pilastres [T. II, ill. 533–535]. Cette composition, d’ordre dorique, sera aisément
complétée par deux niveaux d’ordonnance au XVIIIe siècle ; les entrecolonnements
latéraux comprennent, au registre inférieur, une niche dont le dessous s’orne d’une table
encadrée et, au registre supérieur, une table lisse et un grand cadre orné rappelant les
formes employées à Écouen, tout proche404. La façade de la chapelle funéraire d’Anet
(1565) présente une ordonnance à quatre pilastres corinthiens surmontée d’un attique ;
les entrecolonnements latéraux sont ornés d’une niche et, dans l’attique, une table est
située au droit de chaque travée.
Fortune de l’ornementation triomphale au XVIIe siècle
Dans le premier tiers du siècle XVIIe, la thématique triomphale est très vivace ; on
l’emploie sur les avant-corps à ordres superposés et sur les façades d’église. Le décor des
motifs alternés du XVIIe siècle se répartit en deux catégories, l’une employant des motifs
ponctuels, l’autre des tables en panneaux.
Travées alternées à niches et à tables
À la première catégorie appartiennent les variations sur la thématique triomphale
nées au milieu du XVIe siècle. La table couronnée associée à la niche reste le motif
spécifique de l’ornementation triomphale ; on imite les tables couronnées du Louvre ou
bien on emploie la nouvelle forme de la table triomphale, la table couronnée à crossettes
404 Selon le type la de façade à trois ordres superposés. L’ornementation à grandes tables des deux niveaux
supérieurs est caractéristique de l’époque comme nous le verrons plus loin.
404
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
droites pendantes. L’ordre classique de la table surmontant la niche est presque toujours
observé dans le petit entrecolonnement405.
Sur le frontispice de Brissac (1606) la table à crossettes pendantes située sur le mur
au dernier niveau au-dessus de la baie cintrée rappelle la table disposée dans la rupture
de l’entablement du Louvre [T. II, ill. 1104–1106].
Les formules ornementales élaborées au milieu du XVIe siècle sont parfois adoptées
presque sans altérations. À Coulommiers (1613), sur les projets de façades sur cour
conçues par Salomon de Brosse, gravés par Israël Silvestre et Jean Marot, les deux
premiers niveaux des avant-corps s’ornent de niches surmontées de tables [fig. cidessous et T. II, ill. 567–580]. À Chilly-Mazarin (1628), les motifs s’organisent dans le
petit entrecolonnement de l’avant-corps central selon le même ordre, sauf au rez-dechaussée où la table est empoyée en dessous de niche [fig. ci-dessous et T. II, ill. 563–
566].
Coulommiers (1613),
projet de Salomon de Brosse pour les façades sur cour,
d’après Jean Marot, v. 1659.
Chilly-Mazarin (1628) d’après Israël Silvestre
Lorsque la formule de la superposition des ordres appliquée à la façade d’église est
mise au point au début du XVIIe siècle, le motif de la travée alternée et de
l’ornementation qui lui est associée donne lieu à de multiples variations. À Saint-Gervais405 Parfois cependant on utilise la niche seule comme l’avait fait Primatice pour le portique en arc de triomphe
placé dans l’avant-cour de Fontainebleau, qui a au début du XVIIe siècle servi de base à la porte du Baptistère. Des
niches sont employées sur les deux niveaux du motif alterné au centre de la galerie des Cerfs à Fontainebleau [1600].
405
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Saint-Protais (1615–1621) comme à Saint-Paul-Saint-Louis (1629–1634), la travée
centrale est ornée d’un ordre de colonnes jumelées et l’ornementation triomphale est
reportée sur les travées latérales. À Saint-Gervais-Saint-Protais, Salomon de Brosse
emploie le nouveau type de la table couronnée à crossettes au-dessus des portails
latéraux, et une simple table rentrante au-dessus de la niche du second niveau ; les
registres régnant avec les piédestaux répondent à la gradation ornementale de la façade :
ils sont garnis de tables saillantes au premier niveau et de tables rentrantes au second,
ornées d’une draperie au droit de la travée triomphale [fig. ci-dessous et T. II, ill. 734–
736].
Élévation de Saint-Gervais-Saint-Protais
(1615–1621), d’après J. F. Blondel
Saint-Paul-Saint-Louis (1629–1634).
À Saint-Paul-Saint-Louis [fig. ci-dessus et T. II, ill. 738], les portails latéraux sont
surmontés de grands encadrements à mouluration épaisse ; au second niveau, le dessous
de la niche est orné d’un cartouche à enroulements. Seuls les dés des colonnes aux
premier et second niveaux sont ornés de simples tables saillantes. Ces ornements riches
répondent à l’esthétique maniériste propre à Derand dont le projet proposé pour la
façade de Sainte-Geneviève-du-Mont est exemplaire (1625) [T. II, ill. 740].
Citons encore Saint-Étienne-du-Mont (1606–1622) [T. II, ill. 737], où des tables
portent des bas-reliefs, Saint-Pierre à Nevers (1612), employant des tables à crossettes
droites en dessous de niches [T. II, ill. 134-135], et la chapelle des Visitandines de
406
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Forcalquier (1630) où des tables rectangulaires surmontent la niche dans
l’entrecolonnement du premier niveau [T. II, ill. 1193].
La thématique triomphale, issue du Louvre et de ses épigones est encore vivace au
milieu du XVIIe siècle, comme au Val-de-Grâce (1645–1662) où les entrecolonnements
du rez-de-chaussée sont ornés de niches et de tables, et à l’étage de niches et d’une patène
et de serviettes pendantes rappelant le second niveau des avant-corps du Louvre
[T. II, ill. 895–896].
Vers 1625–1630, certains architectes emploient des formes plus épurées. Sur un
projet pour la façade de l’église Sainte-Geneviève-du-Mont, attribué à Jacques Lemercier
(vers 1625), les tables et les niches dans les travées latérales du motif central de l’étage
rappellent explicitement le thème triomphal ; mais les tables sobrement encadrées dans
le registre supérieur et les surfaces saillantes sous la niche soulignent les divisions
horizontales de la composition qui se prolongent sur les ailerons eux-mêmes ornés de
discrètes tables en panneau [fig. ci-dessous et T. II, ill. 741]
Sainte-Geneviève-du-Mont,
projet de façade (1625)
Frontispice de l’église de la Sorbonne (1634–1642)
d’après Jean Marot, vers 1670.
Sur la façade de l’église de la Sorbonne, même si le décor est plus riche, il est distribué
dans une composition très rigoureuse. Les ornements sont destinés à soutenir les lignes
de la composition : au rez-de-chaussée, les appuis des niches et des fenêtres latérales
dont le dessous s’orne d’une table sont strictement alignés. Dans les entrecolonnements
de l’étage, Lemercier emploie des tables carrées qui soulignent clairement le registre
supérieur dessiné par une mouluration [fig. ci-dessus et T. II, ill. 742-743].
407
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Motifs triomphaux à tables en panneaux
Les gravures du projet de Coulommiers, par Marot, montrent que le dernier niveau
du frontispice était orné d’une grande table à la place de l’ornementation triomphale. Sur
un projet d’avant-corps figurant dans l’album du Cabinet des dessins du Louvre, deux
tables encadrées garnissent les petites travées de l’attique ; le dessin montre également
qu’une étroite table garnit l’entrecolonnement du premier niveau406 [T. II, ill. 567–573].
Coulommiers (1613), attique orné de grandes tables détail de l’attique,
projet de Salomon de Brosse pour les façades sur cour, d’après Jean Marot, vers 1670.
On emploie ce motif sur l’un des niveaux de l’ordonnance ou pour en distinguer une
partie. Sur la façade du Noviciat des Jésuites à Paris (1628–1642), le motif central, sur les
deux niveaux est une composition triomphale, dont les petits entrecolonnements
s’ornent de tables rectangulaires et de niches, disposées en triplet au rez-de-chaussée ; à
ce niveau, l’ordonnance s’augmente d’une travée, ornée de simples tables saillantes
disposées en trois registres correspondant à la division de la travée triomphale adjacente
[fig. ci-dessous et T. II, ill. 732].
Les tables en panneau ont une fonction dans la composition : les formes épurées,
l’absence de jeux de nus prononcés accentue la linéarité de l’ornementation qui ainsi
souligne les lignes de force de la composition et ses grandes divisions. En s’inscrivant
dans tout l’espace de la travée ou du registre qu’elles ornent, elles mettent en valeur
l’étendue entre les membres en montrant ses proportions : elles sont ainsi une
composante essentielle du rythme de la façade. Les mêmes formes épurées sont
employées sur la façade actuelle des Jésuites de Blois [fig. ci-dessous].
406 Le dessin pourrait être de Charles Du Ry. Hélène DEROTTELEUR, Un château de France disparu, le château-neuf de
Coulommiers, diplôme d’études supérieures sous la direction d’André Chastel, 1959.
408
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Noviciat des Jésuites à Paris (1628–1642), d’après Jean Marot, vers 1670.
Blois, chapelle des Jésuites,
premier projet pour l’église
par Étienne Martellange (1624)
Blois. Chapelle des Jésuites,
(travaux repris par le frère Turmel à partir de 1634
achevés après 1654)
409
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Les tables ont aussi pour fonction de hiérarchiser l’ordonnance : du centre vers les
extrémités à Paris, les niveaux à Blois. Elles peuvent aussi permettre de différencier une
façade principale d’une façade secondaire. La façade sur cour de l’église de la Sorbonne
est un motif alterné, dont le rez-de-chaussée est formé par un portique : sur le mur, trois
tables en panneaux forment avec les colonnes en avant-plan une sorte de motif triomphal
rappelant en mode mineur l’ordonnance sur rue [T. II, ill. 744].
François Mansart a parfaitement utilisé les deux fonctions ordonnatrices de cet
ornement. Les frontispices de Maisons (1641–1646), côté cour et côté jardin, portent
une ordonnance alternée à trois niveaux d’ordres superposés ; le rez-de-chaussée ne
comporte pas de tables, étant donné le redoublement de l’ordre sur le ressaut central ;
seuls les deux niveaux supérieurs portent une ornementation triomphale.
Côté cour, au second niveau, des tables couronnées à crossettes droites garnissent la
partie supérieure des entrecolonnements, mais la niche a disparu. Le dernier niveau est
garni d’une table couronnée à crossettes et le niveau supérieur est orné d’une grande
table rentrante portant des médaillons entourés d’une couronne à l’effigie du
commanditaire et de sa femme. Par convenance, l’ornementation triomphale est peu
ostentatoire, étant donné la présence de ces deux portraits [T. II, ill. 603–606].
Sur le frontispice côté jardin, les entrecolonnements sont garnis d’un grand ressaut
dont la partie supérieure porte une la table couronnée et, au dernier niveau, la table
couronnée surmonte une grande table affleurée [fig. ci-après et T. II, ill. 607–610].
Maisons, François Mansart (1641–1646), avant-corps antérieur, détail des deux derniers niveaux.
410
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Maisons, François Mansart (1641–1646), avant-corps postérieur, détail des deux derniers niveaux.
À l’hôtel Carnavalet (1660–1661), Mansart emploie également la table pour sa
fonction structurante. Les avant-corps latéraux sont des compositions alternées ornées
de tables et de demi-tables [fig. ci-dessous et T. II, ill. 800–805]. Les tables sont situées
dans les entrecolonnements latéraux et des demi-tables sont accolées au ressaut de part
et d’autre du motif alterné et sont situées sur un ressaut intermédiaire.
Tables et demi-tables mettent en évidence les différents plans de la façade. Dans les
entrecolonnements, la table qui se découpe sur le mur renforce l’effet de stabilité et de
verticalité de la travée ; sur le ressaut intermédiaire, la demi-table donne l’illusion que le
mur « passe » derrière l’ordonnance de pilastres ; le même effet se retrouve au rez-dechaussée où la table semble coulisser derrière le ressaut à refends qui lui-même semble
passer derrière le ressaut lisse dans lequel s’ouvre la fenêtre. Grâce au jeu des plans qui
se masquent partiellement les uns les autres, la façade semble se structurer par avancées
successives du mur, mues par un principe quasi organique d’engendrement.
411
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Hôtel Carnavalet, François Mansart (1660–1661), avant-corps droit de la façade sur rue.
Les exemples d’emploi de la table abstraite dans les motifs alternés sont nombreux
à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle. Dans certaines compositions
triomphales, les grandes tables saillantes se substituent totalement aux ornements « à
l’antique ». Jules Hardouin-Mansart orne d’une grande table saillante les
entrecolonnements de la Porte royale de Chambord (1681-1685) : celle-ci s’inscrit
parfaitement dans la travée accostée de pilastres [T. II, ill. 323]. Des grandes tables
occupant toute la hauteur de l’entrecolonnement sont employées à Notre-Dame de
Versailles (1684) [T. II, ill. 898], à Notre-Dame-des-Victoires à Paris (achevée en 1714)
[T. II, ill. 952–954], et au XVIIIe siècle, à l’église du Saint-Esprit à Aix (1705-1710)
[T. II, ill. 1210-1212] et à la chapelle du séminaire d’Auxerre (1706-1709) [T. II, ill. 160]
Dans les avant-corps du château d’Issy-les-Moulineaux (1681) [T. II, ill. 910–911] et
de Champs-sur-Marne (1703-1707) [T. II, ill. 899-901], la table est un enrichissement
discret, mais suffisant pour distinguer le motif triomphal des arrière-corps, et les bustes,
auxquels elles servent de fond, explicitent la fonction symbolique de la composition.
412
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
La travée pseudo-triomphale
Le Vau inaugure à Vaux-le-Vicomte (1656–1657) une nouvelle forme
d’ornementation, que l’on peut qualifier de pseudo-triomphale : sur les avant-corps à
trois travées d’égale largeur, il place au-dessus des fenêtres du second niveau un basrelief [fig. ci-dessous et T. II, ill. 869–872]. L’emploi du bas-relief en dessus de baie ou
de porte n’est pas nouveau puisqu’il existe des prototypes italiens, tels le palais Valmarana
à Vicence ; par ailleurs la « triomphalisation » de l’ouverture est un thème qui existe dans
le répertoire français : sur les absides de la chapelle d’Anet (1549–1551) ; De l’Orme
dispose deux grandes tables au-dessus et en dessous de la grande fenêtre cintrée ;
l’ouverture joue le rôle de la niche et la disposition des tables rappelle l’ornementation
typique des motifs triomphaux [T. II, ill. 270]. Lescot introduit le motif pour le portail
de l’hôtet Carnavalet et dans ce cas-ci, la situation de la table au-dessus des ouvertures
d’un motif ternaire, évoque bien le thème triomphal [T. II, ill. 800-802] ; d’ailleurs, au
XVIIe siècle on retrouve le bas-relief dans des composition en arc de triomphe comme
la grotte du château de Rueil [T. II, ill. 721] et le motif est le nouveau thème ornemental
des arcs de triomphe édifiés à Paris pour Louis XIV.
Sur les avant-corps, au lieu de bas-relief on peut employer une table nue, saillante ou
rentrante. D’après la gravure d’Israël Sylvestre représentant le château Vieux de Meudon
du côté de l’entrée, le pavillon central, reconstruit par Le Vau en 1656–1657, comporte
trois travées de larges ouvertures séparées par des pilastres ; au rez-de-chaussée, dans les
travées latérales, les dessus des baies comportent des tables et l’attique couronnant la
composition est orné de trois tables saillantes [fig. ci-desssous et T. II, ill. 769-770].
Vaux-le-Vicomte (1656–1657), façade sur les jardins, Meudon, Château Vieux (1656–1657), pavillon central,
d’après Jean Marot.
d’après Pérelle.
Lorsque Jules Hardouin-Mansart rhabille les façades de Saint-Cloud (vers 1700) il
emploie les mêmes motifs avec des bas-reliefs. Les frontispices au centre des façades sur
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Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
cour et à l’extrémité des ailes se distinguent par l’emploi de colonnes adossées ou de
légères avancées ; les travées, égales, sont toutes percées de baies surmontées au second
niveau d’un bas-relief [T. II, ill. 854-856].
Les ordonnances alternées
La thématique triomphale trouve un nouvel usage lorsqu’elle est déployée sur
l’ensemble de la façade. À partir du modèle de Bramante et de l’introduction des
exemples italiens en France par l’intermédiaire de Serlio, les solutions françaises
s’élaborent.
Alternances du XVIe siècle
Le château Ancy-le-Franc, dont Serlio a la commande en 1541, est le premier
exemple en France d’ordonnance alternée407. Le décor de la cour est directement inspiré
par la suite de travées de la cour haute du Belvédère, nous l’avons vu408. Mais
l’ordonnance de Serlio présente quelques différences [fig. ci-dessous et T. II, ill. 70–72].
Élévation de palais d’ordre corinthien,
Serlio, Livre IV, 1537, fol. 174 v.
Ancy-le-Franc, S. Serlio,
cour, détail de la façade sud.
Sur les deux niveaux de l’élévation, les pilastres courts qui s’élèvent sur un piédestal
unique en faible saillie forment un motif qui semble plaqué sur le mur ; la superposition
407 L’ordonnance du château du Grand Jardin à Joinville (Haute-Marne), n’est pas à proprement parler une
ordonnance à travées alternées, car les entablements sont interrompus. Néanmoins, l’emploi de la niche, la présence
des petites tables triomphales, curieusement posées sur les pilastres (et non dans l’entrecolonnement) prouvent que
les modèles italiens étaient connus. L’ordonnance de Saint-Maur est quant à elle à pilastres jumelés.
408 À l’étage, de plus faible hauteur, Serlio emploie une seule niche à coquille, autre motif emprunté à Bramante
[au Tempietto].
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Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
de ce motif sur les deux niveaux de l’élévation et l’agencement vertical des ornements du
mur introduisent une verticale opposée aux horizontales des entablements
On retrouve ces caractères sur l’élévation de palais à ordres corinthiens superposés
du Quarto Libro (Livre IV, fol. 174), où l’effet de verticalité est accentué par le grisé du
mur sur lequel les motifs du trumeau se détachent fortement. De plus, les entablements
qui ressautent au-dessus des pilastres accentuent la continuité de la travée ornementale
[fig. ci-dessus].
Cet effet de découpage vertical est accentué au château de Joigny (1569) construit
non loin, manifestement inspiré par Ancy et par le modèle du Quarto Libro. La niche du
rez-de-chaussée ressemble au motif formé par les pilastres et le fronton qui les couronne
au second niveau du modèle serlien. Par contre, l’entrecolonnement de l’étage est nu.
Les entablements sont totalement interrompus et la verticalité de l’ordonnance est
accentuée par la liaison des motifs dans la travée de fenêtres [fig. ci-dessous et T. II, ill.
100–104]
Joigny (1569) travées de la façade sur cour
Sur les façades articulées par des avant-corps à motifs triomphaux, l’unité de
l’ordonnance est créée par l’emploi d’une alternance sur les arrière-corps et par des
ornements dérivés de la même thématique. Sur le mur d’entrée du premier projet de
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Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Verneuil (1560-1575) Du Cerceau emploie une ordonnance de colonnes jumelées qui lie
la composition triomphale du pavillon d’entrée au mur. Son ornementation triomphale
est reprodute sur le mur : une niche entre deux tables qui auraient semblé flotter dans
un trop vaste espace si elles n’étaient réunies sur une grande table [fig. ci-dessous et
T. II, ill. 1127].
Verneuil (1559/1560–1575), pavillon et mur d’entrée,
d’après Les Plus excellents bâtiment de France de Jacques Androuet Du Cerceau, 1576.
La formule décorative qui consiste à rassembler les ornements triomphaux sur une
table ou un ressaut est reprise par Du Cerceau à Charleval (v. 1570/1572) [fig. ci-dessous
et T. II, ill. 383–387]. Sur le projet pour la façade de la cour gravé dans les Plus excellents
bâtiments de France, les travées d’ouvertures sont séparées par des trumeaux ornés de
pilastres colossaux définissant une travée pleine continue articulée par un grand ressaut
montant de fond, comme au centre de l’avant-corps ; au bas de la travée s’ouvre une
niche couronnée d’un fronton et, au-dessus, prennent place les motifs triomphaux : une
niche cintrée et un cadre dont la base s’incurve en accolade, variation élégante de la table
triomphale. L’emploi de l’ordonnance colossale permet de multiplier les effets de
découpe verticale. Les entablements, comme sur le frontispice central, sont interrompus
pour laisser passer les couronnements des fenêtres : le motif majeur de l’ordonnance est
l’alternance de la travée de grandes ouvertures et des petites niches, appuyée par la
disposition en ligne brisée que forme la succession horizontale des motifs : hautes
fenêtres et petites niches, grandes arches et niches cintrées.
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Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Charleval, élévation de la cour à droite de l’avant-corps d’après Les Plus excellents bâtiment de France de Jacques
Androuet Du Cerceau (1579).
Ces variations rythmiques sophistiquées sont imitées à la fin du XVIe siècle. La
tendance est à l’abondance de l’ornementation. À Vayres (ap. 1583–1589) [fig. ci-dessous
et T.II, ill. 15], la façade du corps de logis neuf sur la cour présente le même type
d’alternance entre hautes arcades et petites portes que la façade sur cour de Charleval et,
comme à Charleval, l’ornementation triomphale se développe au-dessus des plus petites
ouvertures.
Vayres (après 1583–1589), façade sur cour.
La travée colossale est formée par plusieurs éléments superposés divisant la travée
en sections ; ces registres ornementaux sont accostés successivement de consoles, de
pilastres et de pilastres en gaines ; une niche à fond plat et une table orne le registre
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Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
supérieur correspondant au deuxième niveau de la façade, une table saillante orne un des
registres intermédiaires en dessous des niches de l’étage et une lourde guirlande le registre
situé au-dessus de l’imposte.
D’autres solutions sont développées vers la fin des années 1560 : un motif unique
garnit l’entrecolonnement en créant l’alternance. Le motif peut être formé d’une niche
ou d’une table cintrée qui l’évoque, inscrite dans une petite structure architecturale,
comme nous l’avons vu à Joigny. Dans ce cas, le motif est un ornement à l’échelle de la
travée qu’il occupe presque entièrement. Quelques éléments rappellent parfois la
thématique triomphale. À Sully-le-Château (1570), les trumeaux de la façade sur cour, au
premier étage, sont ornés d’une niche à fond plat dont le dessous, régnant avec les allèges
des fenêtres, est orné d’une table : le schéma classique de la table surmontant la niche est
rappelé sous une forme inversée [T. II, ill. 108–113]. À Marsillargues (1576), un édicule
garni d’un bas-relief occupe les trumeaux [T. II, ill. 960–962], enfin à Montbras (1598–
1610) une niche inscrite dans un édicule à fronton garnit les vastes trumeaux dégagés par
l’ordre accostant les fenêtres.
Alternances du XVIIe siècle
Au XVIIe siècle on observe un retour vers les modèles classiques du XVIe siècle,
nous l’avons vu avec les compositions alternées des avant-corps et des façades d’églises.
L’ordonnance alternée sert alors à unifier l’ensemble de la façade, dans laquelle les avantcorps, qui se distinguent certes par un couronnement différent, forment des accents
décoratifs à peine plus marqués que les arrière-corps, comme le fait Salomon de Brosse
à Coulommiers et François Mansart à Maisons.
À Coulommiers (1613), l’ensemble de l’ordonnance est animé de niches et de tables
au second niveau ; au rez-de-chaussée, on distingue des bustes sur piédouche sur la
gravure de Silvestre [fig. ci-dessous et T. II, ill. 567–572]. À Maisons (1641–1646),
l’ensemble de la façade est scandé par une ordonnance alternée : sur les trumeaux des
arrière-corps et des pavillons, les entrecolonnements sont ornés d’une niche surmontée
d’une table : la citation de l’ornementation triomphale y est plus littérale que dans le
frontispice central qui ne comporte pas de niches. La répétition du thème triomphal dans
les petites travées crée, à un second niveau, l’unité de la façade. Les travées triomphales
sommées de niches forment dans la composition générale des accents verticaux qui
répondent à l’accent vertical des frontispices centraux, en marquant le centre de chaque
corps de bâtiment — ailes de part et d’autre du pavillon central et pavillons latéraux, et
elles soulignent la gradation des masses [fig. ci-dessous et T. II, ill. 603–610].
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Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Coulommiers (1613), projet de Salomon de Brosse pour les façades sur cour, d’après I. Silvestre.
Maisons, François Mansart (1641–1646), façade vers les jardins, état actuel.
Survivance du thème triomphal dans les ordonnances après 1650
Cette manière de déployer l’ornementation triomphale sur l’ensemble de la façade va
être imitée pendant tout le XVIIe siècle. Mais après à partir du milieu du XVIIe siècle, on
n’emploie plus l’ordonnance alternée sur les arrière-corps. Néanmoins on n’abandonne
pas tout à fait les effets de scansion et de rythme et l’on emploie toujours des ornements
qui « triomphalisent » la façade.
Sur le projet gravé par Marot pour Vaux-le-Vicomte (1656–1657) [T. II, ill. 869–
872], les arrière-corps sont scandés par des tables rentrantes placées au-dessus des
fenêtres ; celles-ci rappellent le thème pseudo-triomphal de l’avant-corps : la fenêtre dont
le dessus s’orne d’un bas-relief. Sur les façades actuelles, les bas-reliefs sont situés au rez-
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Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
de-chaussée, et scandent la répétition régulière des travées jusqu’aux extrémités des
pavillons d’angle409.
On retrouve le motif de la travée à dessus de fenêtre orné d’une table à l’hôtel de
l’Aigle à Paris (1660) dans l’ordonnance de la façade sur jardin : les tables des arrièrecorps répondent aux bas-reliefs de l’avant-corps central [T. II, ill. 817].
À Saint-Cloud (1660– v. 1700), les fenêtres du corps principal sur cour sont toutes
garnies de bas-reliefs ; les ailes en sont dépourvues, mais, de part et d’autre de l’avantcorps central, des niches garnissent les trumeaux, discret rappel de la thématique
triomphale ; et à l’extérieur les dessus de fenêtres sont garnis de tables saillantes [fig. cidessous et T. II, ill. 854-863].
Saint-Cloud (1660– v. 1700), façades sur cour d’après Pellelle, v. 1680.
Les ordonnances répétitives, étirées parfois jusqu’à l’infini, comme celles qui se
déploient du côté des jardins à Versailles, sont la marque de cette seconde moitié du
siècle [T. II, ill. 854-863].
Perrault, sur la Colonnade du Louvre (1668) répète l’ornementation des motifs
alternés des avant-corps sous le portique : de grands médaillons imités des tables ovales
du Louvre ornent le mur au droit des entrecolonnements ; au bas de la travée triomphale,
les portes-fenêtres sont placées à la place des niches [T. II, ill. 829–830].
409 À Meudon, lorsque Le Vau rajoute le nouveau pavillon central à l’ancien corps de logis, il n’en remanie pas les
façades, sauf les ailes, dont il habille seulement le rez-de-chaussée d’un nouveau décor. De ce fait l’ordonnance de
l’avant-corps n’est pas, contrairement à Vaux-le-Vicomte, déclinée sur les arrière-corps.
420
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
L’ORNEMENTATION DU MUR REMPLACE L’ORDRE
Un des emplois les plus originaux qu’imagine le XVIe siècle est la substitution d’une
ordonnance de pilastres par une table ou par un ressaut ; le motif peut s’intercaler entre
deux niveaux de l’ordonnance, soit se substituer à un niveau ordre colonne ou de
pilastres, soit former la totalité de l’ordonnance. Une autre substitution conçue au XVIe
siècle consiste à employer seule sur le mur, sans colonnes ni pilastres, l’ornementation
triomphale des entrecolonnements. Un nouveau genre de superposition des ordres et de
nouvelles alternances est ainsi inventé.
Le ressaut-pilastre
Pour expliquer l’origine de l’idée, nous avons recherché quelques antécédents au
XVIe qui semblent annoncer les usages du XVIIe. Au XVIe siècle on emploie des
ressauts pour établir dans les écoinçons des arcades ornées de pilastres lorsque ceux-ci
s’arrêtent au niveau de l’imposte. Serlio dessine par trois fois le motif : au Livre IV, fol.
152 r. et au Livre VII, fol. 99 r. et 109 r., au-dessus des pilastres ou des colonnes qui
supportent une arcade, un motif rectangulaire orne l’écoinçon. Le motif provient de la
façade extérieure sud du Palais du Té à Mantoue : au-dessus des colonnes adossées aux
trumeaux un encadrement garnit l’écoinçon.
Serlio, Livre IV, fol. 152 r.
Serlio, Livre VII, fol. 99 r.
421
Serlio, Livre VII, fol. 109 r.
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Façade nord du palais du Té à Mantoue, dessin d’Ippolito Andreasi, 1667.
Le motif est employé par Lescot à Vallery (1548 – avant 1562). L’ordonnance du
corps de galerie est très comparable au modèle du folio 152 de Serlio. Les piles soutenant
les arcades de la galerie sont ornées de pilastres jumelés, portant un entablement abrégé
confondu avec l’imposte de l’arc ; au-dessus, dans l’écoinçon, un ressaut orné d’une table
rentrante se superpose aux pilastres [fig. ci-dessous et T. II, ill. 91–93].
Vallery (1548 – avant 1562). Détail du corps de galerie sur cour.
Il y a d’autres emplois du ressaut orné dans la seconde moitié du XVIe siècle. La
façade sur cour de la galerie du premier projet pour Verneuil (v. 1559/1560) comporte,
au second niveau, un ressaut orné d’une niche et d’une table, superposé aux colonnes
jumelées du premier niveau [fig. ci-dessous et T. II, ill. 1125–31] ; le ressaut remplace
ainsi les pilastres grâce à l’ornementation qui évoque l’ornementation de
l’entrecolonnement triomphal.
422
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Verneuil (v. 1559/1560) détail de la façade du corps de galerie, d’après les Plus excellents bâtiments de France de
Jacques Androuet Du Cerceau (1576)
Le ressaut peut remplacer l’ordre dans un attique ou un niveau d’entresol. La façade
de Grande Galerie du Louvre (1595–1600) comporte une ordonnance alternée de
pilastres au rez-de-chaussée et au dernier niveau ; le niveau intermédiaire en entresol ne
porte pas d’ordonnance de pilastres, mais un ressaut orné de grandes tables situés
exactement au droit des pilastres [fig. ci-dessous et T. II, ill. 679–682].
Palais du Louvre à Paris, Grande galerie (1595–1603, partie est intra-muros)
423
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Sur un des projets, daté de 1625, pour la façade de Sainte-Geneviève-du-Mont, au
premier niveau, le motif central est orné d’un ordre de colonnes doriques jumelées et, au
second, l’ordre a été remplacé par une grande table faisant saillie sur le ressaut situé au
droit des colonnes [fig. ci-dessous et T. II, ill. 739]. Le même schéma de composition
des travées latérales se retrouve à la chapelle des Ursulines à Bourges [fig. ci-dessous]
mais inversé : les tables sont situées sur les ressauts latéraux du premier niveau alors que
le second est garni de pilastres ioniques jumelés.
Église Sainte-Geneviève-du-Mont à Paris
Projet pour la façade (1625)
Chapelle des Ursulines à Bourges (1699–1700)
On retrouve ces ordonnances sur les avant-corps au XVIIIe siècle : au château
d’Asnières (1750) deux tables rentrantes ornent, au rez-de-chaussée, les ressauts qui
soutiennent l’ordre de l’étage.
D’autres emplois de la table remplacent le pilastre comme les tables dont on orne les
piles des arcades. D’après le dessin de Du Cerceau conservé à la Bibliothèque Vaticane,
De l’Orme a employé une table sur les piles du corps de galerie du château de SaintLéger. Au palais abbatial de St-Germain-des-Prés, les piles en pierre du rez-de-chaussée
sont ornées d’une table.
Le motif est employé pendant tout le XVIIe siècle et au-delà : on le trouve dans
l’hémicycle de la cour des Offices à Fontainebleau (1609–1610) [T. II, ill. 591] dans la
cour de l’Hôtel de La Vrillière (1635–1636), sur les façades sur cour des Grandes écuries
de Versailles (1679–1692) [T. II, ill. 879], au château du Val (1674–1676) [T. II, ill. 867868] ; sur les arrière-corps du château d’Issy (1681) [T. II, ill. 910–911], dans la cour du
424
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Grand Trianon à Versailles (1687–1688) [T. II, ill. 930], à la place des pilastres des avantcorps, sur l’orangerie de Coubert (1720 ou vers 1740) [T. II, ill. 935].
Certains pilastres attiques employés au XVIe siècle en France prennent la forme de
la table. Ceux-ci sont quelque peu différents des pilastres abstraits employés en Italie qui
sont formés d’un ressaut, lié à un bandeau comme au palais Maccarani, au palais Lante.
Les petits pilastres attiques de la cour du Louvre présentent un fût formé d’une table
fouillée portant une table affleurée et d’une sorte de chapiteau formé par un ressaut de
la frise de feuilles d’acanthe qui court sous la corniche [T. II, ill. 498, 500]. Des pilastres
attiques à tables affleurées, sans chapiteau, sont employés au château de la Moussaye en
Bretagne (1572–1583) [T. II, ill. 166–167]
À l’hôtel Lambert (vers 1640–1644) Le Vau emploie des pilastres en table dans
l’attique de la galerie ; ceux-ci, dénués de chapiteaux sont fouillés et ornés d’une table
affleurée, comme au Louvre ; Le Vau reprend le motif à Vincennes, sur les façades sur
cour des pavillons du Roi et de la Reine410. Dans l’attique, de très larges ressauts ornés
d’une table saillante sont disposés au droit des pilastres [T. II, ill. 886–887].
On élève également un niveau d’ordonnance à table au-dessus d’un soubassement.
Dans la cour de l’hôtel Lambert, Le Vau dispose des longues tables fouillées sur les
étroits trumeaux des deux niveaux élevés sur un rez-de-chaussée à bossages ; les tables,
situées à chaque niveau en dessous des entablements qu’elles paraissent soutenir,
semblent bien remplacer une ordonnance de pilastres.
À l’hôtel de Soubise (1705–1708) [T. II, ill. 923–927] sur les arrière-corps du logis,
des tables saillantes sont situées au second niveau, dans l’axe des colonnes adossées aux
trumeaux à refends du rez-de-chaussée.
À Jossigny (vers 1730–1740) sur l’avant-corps central et sur les pavillons latéraux,
des tables saillantes sont placées au second niveau sur un ressaut au droit des ressauts à
refends du rez-de-chaussée [T. II, ill. 937] Ces enrichissements discrets, et parfois à peine
visibles comme à l’hôtel de Soubise, sont cependant suffisants pour structurer la travée.
Citons encore l’avant-corps sud de la Motte-Tilly (1755) où les pilastres sont disposés
sur un ressaut superposé au ressaut à refends du rez-de-chaussée [T. II, ill. 359–360], le
château de Montgeoffroy (vers 1775) où, au second niveau de l’avant-corps central vers
le jardin, deux grandes tables semblent remplacer à la fois l’ordre et l’ornementation
triomphale de l’entrecolonnement [T. II, ill. 1107].
410 L’ordonnance à pilastres colossaux embrassant deux niveaux surmontés d’un étage attique est semblable à celle
de la galerie de l’hôtel Lambert.
425
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Alternances sans ordre
L’ornementation triomphale comprend un nombre limité de motifs associés en
quelques formules fixes, sortes de syntagmes ornementaux disponibles pour d’autres
emplois. On a ainsi au XVIe siècle l’idée de l’employer seule sur le mur, sans ordres.
Comme cette ornementation n’est plus employée dans l’entrecolonnement étroit de la
travée alternée, les motifs se transforment et d’autres formes se substituent à la niche et
à la table. On emploie des ressauts, ou des tables comme support de compositions
ornementales, parfois ornés, parfois sans aucun ornement. Pierre Lescot, Philibert De
l’Orme, Jean Bullant et Jacques Androuet Du Cerceau, dans son premier Livre
d’architecture (1559) inventent ainsi de nouvelles alternances. On les emploie dans des
motifs alternés centrés sur une travée d’ouverture ou un groupe de travées pour former
des motifs alternés. Le motif de l’alternance peut former les ordonnances des pavillons,
et des compositions entourant les portails. Sur les trumeaux, cette ornementation crée
de nouveaux types d’alternances.
Motifs triomphaux sans ordres
Dans les motifs alternés sans ordres de colonnes ou de pilastres, la présence d’une
niche ou d’une fausse niche, d’une table suffisent à identifier clairement le thème
triomphal. À Fleury-en-Bière (1551–1558), Lescot invente une nouvelle formule du
motif triomphal [fig. ci-dessous et T. II, ill. 469–452].
Fleury-en-Bière (1551–1558) Face antérieure et face postérieure du pavillon d’entrée de l’avant-cour.
426
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Le pavillon d’entrée de l’avant-cour est percé d’une arche centrale ; sur sa face
antérieure, l’arche est accostée d’une niche rectangulaire au rez-de-chaussée à laquelle se
superpose une niche cintrée surmontée d’un grand cadre ; l’ensemble forme un motif
continu qui rappelle l’ornementation typique de la travée triomphale. Cette travée
ornementale disposée en pendant de part et d’autre de l’arche restitue le rythme alterné
des motifs triomphaux. Sur le revers du pavillon le principe est le même : une niche au
rez-de-chaussée et une table rentrante dans le double corps de moulures sont placés dans
l’axe de l’oculus de l’étage.
Sur le modèle IV du premier Livre d’architecture de Jacques Androuet Du Cerceau,
chaque niveau des pavillons est garni d’un seul grand ornement qui tend visiblement à
s’adapter aux dimensions du trumeau : des tables saillantes carrées sont placées dans le
soubassement, des niches à l’étage et, dans l’attique du pavillon central, une grande table
rectangulaire. L’alternance verticale typique de la travée triomphale est déployée toute la
hauteur de l’élévation ; les tables et les niches de même largeur forment ainsi de part et
d’autre de la travée d’ouverture centrale une grande composition alternée, d’allure
presque colossale.
Jacques Androuet Du Cerceau, premier Livre d’architecture (1559), planche IV
À propos de l’élévation de la façade sur rue de sa maison de la rue de la Cerisaie,
publiée dans le Premier tome de l’architecture (VIII, chap. XVII, fol. 255 r.), De l’Orme
explique ce qu’il veut faire : « je vous montrerai cy-après comme vous pouvez orner vos
maisons sans aucune contrainte d’y mette colomnes & piliers, pour ceux qui veulent faire
mediocre & petite dépense »411. Il s’agit de retirer les colonnes et de trouver une
ornementation qui puisse évoquer l’ordre. Il choisit donc une ornementation identifiable
411 DE L’ORME, 1567, fol. 252 r.
427
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
qu’il dispose dans un retrait de part et d’autre d’un avant corps percé d’une travée
d’ouvertures : des tables et des niches à l’étage qui « triomphalisent » la composition et,
au rez-de-chaussée, une table affleurée ; les ornements hiérarchisent l’ordonnance : la
grande table s’accorde aux murs nus et aux colonnes toscanes du portail, les niches de
l’étage aux chaînes de bossages « enrichissent » le mur.
Motif alterné à grandes tables affleurées et niches De l’Orme, 1567, fol. 255r.
La composition alternée du pavillon central vers les jardins du second projet pour
Verneuil est similaire. Du Cerceau a inversé les ornements : en bas se trouve la niche et
à l’étage la table. Ce pavillon est, dans l’ordonnance générale du château, le pendant plus
sobre du pavillon à colonnes et ornements triomphaux formant l’entrée d’honneur. [fig.
ci-dessous et T. II, ill. 724–727]
Verneuil, second projet, avant-corps vers le jardin, d’après les Plus excellents bâtiments de France (1576)
428
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
L’anti-travée alternée
Sur le premier frontispice d’entrée élevé au nord de la cour d’Écouen en 1552–1553,
Bullant emploie pour la première fois l’ornementation triomphale sur un élément
dépourvu de colonnes, le ressaut axial orné de tables et de niches [T. II, ill. 447]. Le fait
pourrait paraître anodin s’il n’avait pas plusieurs implications importantes. D’une part les
motifs changent ; bien qu’ils restent typiques de la thématique, ils ne ressemblent plus
aux motifs menus du Louvre : les tables s’agrandissent, perdent leurs accessoires,
s’étalent sur la largeur du ressaut ; elles ont tendance à occuper tout le champ disponible
et les niches sont plus grandes. D’autre part, l’alternance s’enrichit d’une autre formule ;
en effet, entre les deux travées de fenêtres, l’ornementation du trumeau forme l’axe d’une
composition inverse du schéma triomphal, que nous appelons anti-travée alternée.
Dans la cour de Vallery (1555), les plus larges trumeaux sont occupés par un ressaut
continu recoupé par les corps de moulures horizontaux, réplique sur le mur de la
structure de la travée de fenêtres : sur la hauteur de la baie, le ressaut est accosté de
chaînes de bossage ; dans le double corps de moulure, il est identique aux allèges des
fenêtres, avec la même mouluration formant l’appui de la niche qui le creuse au second
niveau [fig. ci-dessous et T. II, ill. 85, 89–90].
J. A. Du Cerceau, 1576, élévation de la cour de Vallery.
Travée alternée triomphale de Vallery, façade sur cour.
Au rez-de-chaussée, le ressaut s’orne d’un motif « en triplet » : une table doublement
cintrée entre deux tables rentrantes412 ; dans le double corps de moulure d’une table à
contours incurvés ; à l’étage, la niche est surmontée d’une table couronnée, couple
ornemental qui « signe » la travée triomphale ; l’ornementation du trumeau est ainsi la
412 Le motif en triplet à table doublement cintrée est dessiné par deux fois par Serlio, dans le Libro estraordinario, fol
20 r. et dans le Livre VII, fol. 81 r.
429
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
traduction « rustique » de la petite travée des avant-corps du Louvre, dont on ne garde
que l’ornementation intérieure. L’effet de gradation ornementale et de hiérarchie entre
les niveaux de l’ordonnance est donné par l’ornement : les tables les plus sobres sont
situées au rez-de-chaussée, les plus ornées à l’étage ; la table du ressaut intermédiaire a
pour fonction de lier les deux niveaux d’ornements qui forment une chaîne
ininterrompue sur toute la hauteur de la façade. Le ressaut a une fonction importante : il
redonne l’échelle de l’ordre et rassemble les ornements ; il est l’élément structurant du
décor puisqu’il remplace l’ordre et restitue le rythme de l’alternance.
Selon une formule proche de Vallery, à Wideville (1580–1584) un trumeau est orné
de niches creusées dans un ressaut de pierre souligné par des harpes [fig. ci-dessous et
T. II, ill. 724–727].
Wideville (1580–1584) Détail de la façade postérieure.
Le motif de l’anti travée alternée est employé pour former des ordonnances au XVIe
siècle et dans le premier tiers du XVIIe siècle. À Fère-en-Tardenois (après 1552 – av.
1562) l’ornementation de grandes tables s’inspire, nous l’avons vu, d’une gravure de
Serlio, une maison d’ordre dorique du Quarto libro (Livre IV, fol. 153 r.) [fig. ci-dessous] ;
Jean Bullant emploie néanmoins les motifs dans une ordonnance différente. Sur
l’ordonnance de Serlio, une seule table orne les trumeaux ; à Fère, les trumeaux sont
ornés d’un motif triple : un ressaut au centre du trumeau et, de part et d’autre, deux
tables. Le ressaut, orné d’une niche surmontée d’une table couronnée remplace, comme
dans la cour de Vallery, la petite travée triomphale413. Ces trois motifs alternés forment
un motif triomphal inversé où la niche prend la place de l’ouverture centrale. D’ailleurs,
cette petite travée triomphale ressemble à la travée d’ouverture : une plinthe et un congé
413 Le motif ressemble à la fausse-niche située entre la dernière fenêtre et le pilastre d’angle du modèle de Serlio ;
celle-ci surmontée de la table presque carrée qui orne l’étage en mezzanine rappelle la thématique triomphale.
430
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
orné d’une table de pierre sombre forment la base du ressaut comme de l’encadrement
de la fenêtre ; le ressaut se poursuit au niveau inférieur sous la niche et sous la fenêtre
avec la même ornementation. [fig. ci-dessous et T. II, ill. 1119–1123].
Serlio, Livre IV, fol. 153 r.
Fère-en-Tardenois, Jean Bullant (après 1552 – av. 1562),
détail de l’ordonnance du pont-galerie.
Le décalage des percements entre l’étage de la galerie haute et celui de la galerie basse
introduit des rythmes complexes. Le rythme b a b du motif triomphal inversé se conjugue
avec l’alternance des baies pour former une double alternance A b a b A. Au niveau
inférieur, des ouvertures carrées sont disposées au droit des tables : fenêtres et niches
sont disposées en quinconce et, à cette ligne brisée, répond la silhouette découpée sur le
ciel par les hautes fenêtres qui traversent la corniche. L’ordonnance s’enrichit encore
d’une discrète polychromie, opposant le calcaire et les incrustations de schiste employées
en touches qui ponctuent l’ordonnance : couronnement des tables, bases des ressauts,
panneaux et motifs d’écoinçons.
Jacques Androuet Du Cerceau emploie à plusieurs reprises la formule de l’alternance
inversée. Dans certaines de ses compositions, les motifs sont placés directement sur le
mur, sans intermédiaire d’un ressaut. Sur l’un des projets pour la façade extérieure de la
basse-cour de Charleval, publié dans les Plus excellents bâtiments de France (1579), une
ordonnance à colonnes jumelées colossales délimite une travée double à ouvertures
superposées séparées par un trumeau axial [fig. ci-dessous et T. II, ill. 383–387] ; au
premier niveau, le trumeau est orné d’une grande table rentrante, elle-même ornée d’une
table doublement cintrée et échancrée, l’étage étant occupé par une niche ; cette luxueuse
ordonnance, entièrement tapissée de bossages, produit un effet de saturation
ornementale, jamais vue en France, et qui semble être vouée à rester un projet de papier,
tant le dessinateur cherche visiblement à montrer sa virtuosité.
431
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Charleval. Projet pour une façade extérieure de la basse cour, 1570/1572,
d’après Les plus excellents bastiments de France de Jacques Androuet Du Cerceau (1579)
Le premier tiers du XVIIe siècle se plaît à ces jeux de rythmes et emploie un riche
vocabulaire ornemental. Sur l’aile de la galerie de l’hôtel des Échevins à Bourges (1624),
le motif alterné du trumeau, à grandes tables à anses est centré sur une niche comme à
Fère-en-Tardenois [fig. ci-dessous et T. II, ill. 289–291].
Bourges, hôtel des Échevins (1624), aile de la galerie.
Les compositions ornementales les plus somptueuses sont destinées aux pavillons
ou aux avant-corps. Plusieurs édifices du début du XVIIe siècle présentent des motifs à
anti-travée alternée, avec une ornementation qui dénote l’influence de Du Cerceau. À
Selles-sur-Cher (1604–1612), les façades sur cour se distinguent de celles des façades
432
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
extérieures par une ornementation plus riche et une ordonnance différente : les travées
de fenêtres liées par des ressauts se prolongent dans le couronnement et découpent la
façade en bandes verticales [fig. ci-dessous et T. II, ill. 317–320]. Le centre des trumeaux
est occupé par un ressaut creusé d’une niche à l’étage et d’un curieux motif formé d’une
grande table couronnée d’un fronton surmontant une baie au rez-de-chaussée. Les sauts
d’échelle entre petites portes et grandes baies, la profusion ornementale ne sont pas sans
rappeler les effets de Charleval ; l’alternance travée, ressaut, travée rappelle quant à elle
Vallery.
Selles-sur-Cher, 1604–1612. Pavillon de Béthune et pavillon carré
À Charleville, le pavillon central du petit côté de la place Ducale (1612–1628) est une
composition à anti-travée alternée : le trumeau central est orné sur deux niveaux de
niches ovales et le dernier niveau sous fronton d’une table chanfreinée. Ce dernier motif
est décliné sur les lucarnes à deux baies sous fronton qui alternent avec les œils-de-bœuf
sur tout le pourtour de la place sous forme d’un encadrement à hémicycles timbré d’une
table [fig. ci-dessous et T. II, ill. 340–320].
433
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Charleville, place Ducale (1612–1628), pavillon central du petit côté de la place.
Le rôle structurant de la travée triomphale n’a pas toujours été bien compris. Sur la
façade du palais de justice de Besançon, élevé par Hugues Sambin (corps central, entre
1582–1585414) [T. II, ill. 366–368], l’ordonnance est régie par les fenêtres aux
encadrements très développés, qui auraient pu suffire. Néanmoins, Hugues Sambin
utilise le triplet à table cintrées de Serlio (Livre VII, fol. 53 r., fol. 63 r. ; fol. 111 r.) sous
forme d’une table cintrée à chanfrein, entre deux tables rectangulaires saillantes, au
ressaut également chanfreiné. Le motif est disposé de part et d’autre des ouvertures, sur
les étroits trumeaux, non pour créer une alternance, mais pour enrichir le décor et jouer
avec les bossages qui entourent la porte et avec la table doublement cintrée des dessus
de fenêtre, eux-mêmes en table et à ressaut chanfreiné. Les mêmes combinaisons de
motifs sont utilisées à Dijon sur la maison Milsand, pour garnir les étroits trumeaux de
l’étage [T. II, ill. 97–98].
Alternances à grandes tables
Les pavillons qui n’ont qu’une ou deux travées d’ouvertures peuvent former des
motifs alternés à la connotation triomphale plus ou moins explicite. La hiérarchie des
façades articulées par des pavillons ne s’exprime pas seulement par les masses, mais aussi
par l’ornement, à l’instar de l’ordre qui orne une façade principale, alors que
l’ornementation se réduit progressivement des façades latérales ou adjacentes aux
façades des bâtiments de service. Les tables peuvent se différencier d’un pavillon à l’autre
et de niveau en niveau, selon qu’on souhaite mettre l’accent sur tel ou tel élément.
414 Richard Maire avait préparé les plans du palais de justice de Besançon ; il est évincé par un nouveau conseil qui
fait appel à Sambin. HAUTECŒUR, I-2, 1963, p. 417.
434
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
À Berny (1623), la composition est formée de cinq pavillons : un au centre relié par
une aile à deux pavillons plus bas. Chez Mansart, l’ornement reste subordonné à la
composition, fortement hiérarchisée de part et d’autre du haut pavillon central, il
accompagne cette hiérarchie sans la créer. L’alternance est le principe qui règle le tout et
les parties, du jeu des masses aux élévations de chaque pavillon [fig. ci-dessous et T. II, ill.
551–555].
Berny (1623), détail de la gravure d’Israël Silvestre, milieu du XVIIe s.
Berny à Fresnes, François Mansart, 1623–1627, pavillon d’angle.
435
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Sur le pavillon d’angle intermédiaire, la niche de l’étage superposée à la table au rezde-chaussée reprend la formule typique de la thématique triomphale. Comme on peut le
voir sur le vestige du pavillon droit, les deux rameaux de laurier posés au sommet de la
table sont des accessoires discrets qui indiquent clairement la signification du motif [fig.
ci-dessus]. Par ailleurs, le mur entier participe de l’ordonnance grâce à un jeu complexe
de nus qui matérialisent les différents plans de la façade : le premier est matérialisé par
les chaînes, le second correspond au nu dans lequel se découpent les tables affleurées et
le retrait dans lequel s’inscrit la niche du second niveau ; le troisième nu correspond au
fond du retrait et de la large gorge creusée de part et d’autre de la fenêtre centrale dans
lequel se nichent les consoles portant le fronton de couronnement. Sur chaque pavillon,
les tables disposées sur les trumeaux forment avec la travée d’ouverture centrale, un
motif alterné.
Alternances abstraites
Dans certaines alternances, l’ornementation du mur se réduit au seul emploi de
grandes tables ou de demi-tables sans ornements ou avec une ornementation très réduite.
Les pavillons du second projet de Verneuil sont les prototypes des compositions
alternées à grandes tables abstraites sans aucune ornementation. Le pavillon a deux
travées si bien que la composition est axée sur un plein. Les grandes tables de mêmes
dimensions que les baies forment avec les deux travées de fenêtres une composition
alternée, inverse de celle des pavillons du premier projet.
Verneuil II, détail de la façade sur jardin d’après les Plus excellents bâtiments de France de Jacques Androuet Du
Cerceau, 1576.
436
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Au XVIIe siècle on emploie les deux variantes du motif alterné : alternance centrée
sur une travée d’ouverture, anti-travée alternée centrée sur un trumeau.
Pierre Le Muet imite l’ordonnance alternée à grandes tables de Verneuil sur le
modèle de sa treizième place dans sa Manière de bastir (1623). Sur les pavillons, comme à
Verneuil, un trumeau orné d’une table en panneau est au centre de la composition et une
table plus étroite s’insère entre les chambranles et les chaînes qui calent la composition.
Lorsqu’on n’emploie pas d’ordonnance de pilastres sur les avant-corps dans lesquels
on place les entrées d’honneur, seule l’ornementation du mur, parfois un fronton,
peuvent rappeler l’ordonnance triomphale.
Á Tanlay (1642–1647) Le Muet emploie des demi-tables sur le pavillon central de la
façade sur jardin, de part et d’autre de la baie du premier étage et vers les angles. Au
centre, la table est coupée par le ressaut à refends de l’avant-corps, sur les angles du
pavillon par les chaines de bossages. Le motif est d’ailleurs répété de part et d’autre de la
porte centrale de la façade vers le jardin [fig. ci-dessous et T. II, ill. 146, 148-152]415.
Tanlay (1642–1647), motif alterné du pavillon central, dans Pierre Le Muet, Augmentations à la manière de bien bastir,
1647.
415 Ces motifs ne sont pas dessinés sur la gravure des Augmentations de Le muet, par contre ils apparaissent bien
sur le bâtiment actuel.
437
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Tanlay, Pierre Le Muet (1642-1647) portail vers le jardin
On emploie aussi des tables abstraites pour de petites compositions alternées comme
les pavillons isolés. Mansart, qui travaille à Coulommiers en 1631, emploie des grandes
tables saillantes sur les petits pavillons d’entrée. Il emploie aussi des demi-tables de part
et d’autre de la fenêtre ; sur les façades aveugles, des demi-tables accostent un grand
ressaut creusé d’une grande table portant un cartouche.
Coulommiers, dessin de Mansart pour la façade ouest du pavillon d’entrée gauche, album RF 5946, fol. 28 v., fol.
27 r. fol. 28 r, Louvre, cabinet des dessins.
438
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Sur le portail du château de Richelieu (1631 – vers 1644), sur une porte de la ville
[T. II, ill. 316b], les tables doublement cintrées semblent remplacer l’ornementation
triomphale.
Dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, ces compositions expriment, au moyen
d’un langage épuré, l’essence du motif triomphal classique tel qu’il est apparu au milieu
XVIe siècle. Par ailleurs, les tables qui forment avec l’ouverture un motif alterné sont des
éléments essentiels du rythme de l’ordonnance. Pour répondre à la gradation
ornementale de l’élévation soit on ne les dispose pas à chaque niveau soit d’autres
éléments différencient les niveaux : des ressauts ornés de refends, les profils de la
modénature. L’ornementation du mur se réduit. On emploie alors des motifs alternés
pour marquer les axes ou les éléments majeurs de la composition.
Le plus souvent l’ordonnance se déploie à partir d’un avant-corps central, comme à
l’hôtel Salé (1656–1659) : des tables saillantes forment un motif alterné au centre de la
façade et des demi-tables sont placées de part et d’autre du ressaut de l’avant-corps en
liant celui-ci à l’arrière-corps. L’ornementation en tables des arrière-corps, identique à
celle de l’avant-corps, crée l’unité de l’ordonnance, comme le ferait une ordonnance de
pilastres [fig. ci-dessous].
Hôtel Salé, J. Boullier de Bourges (1656–1659), corps de logis en fond de cour,
premier et dernier étages du corps central.
Les tables permettent de distinguer une façade avant de son revers, une façade sur
cour d’une façade sur jardin. Le revers du corps d’entrée de l’hôtel Carnavalet (1660–
1661) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 800–805] est orné d’un motif alterné alors que la façade
sur rue s’orne de pilastres. À Chamarande (1654) [fig. ci-dessous et T. II, ill. 748–756]
439
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
l’entrée vers les jardins s’orne d’une composition alternée à grandes tables d’allure
presque colossale alors que le pavillon d’entrée côté cour est en pierre de taille.
Hôtel Carnavalet, François Mansart, (1660–1661), revers du corps sur rue.
Chamarande (1654), façade sur jardin, avant-corps central.
440
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
À Choisy-le-Roi (1678–1686) les deux frontispices situés aux extrémités des ailes
portent une ordonnance alternée inversée. Les tables verticales superposées produisent
un effet scansion verticale proche de l’ordre. L’étroit trumeau central orné d’une table
réunit les deux travées de fenêtres en une double travée accostée de trumeaux plus larges
ornés d’une table. Ces frontispices étant les seuls du château, l’ensemble s’organise non
à partir du centre marqué par un élément dominant, mais converge vers l’axe de la cour
en renversant la hiérarchie traditionnelle des compositions classiques [fig. ci-dessous].
Choisy-le-Roi (1678–1686) d’après Israël Silvestre.
Au Grand Trianon à Versailles (1687–1688), sur les pavillons des ailes, de grandes
tables saillantes prennent la place de l’ornementation triomphale [fig. ci-dessous et
T. II, ill. 931].
Le Grand Trianon, aile dite Trianon-sous-Bois, à l’extrémité de la galerie, d’après J. Mariette (1727)
Les recueils de Jean Marot (1670) et de Mariette (1727) abondent en motifs de ce
type. Le Saint-sépulchre en Champagne et le château de Bouflers illustrent l’emploi de
tables dans les avant-corps.
441
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Élévation du château du St Sepulchre du costé du parterre, en Champagne appartenant à Monsier Hesselin, dans Jean
Marot L’architecture francaise, 1650-1679.
Élévation du château de Bouflers du côté de la cour, dans Jean Mariette, L’architecture française, 1727.
Sur une maison du milieu du XVIIIe siècle, rue Vivienne à Paris [fig. ci-dessous et
T. II, ill. 947], les demi-tables placées de part et d’autre des ouvertures forment des
petites compositions alternées qui marquent le centre de la façade. La travée d’ouverture
est flanquée de deux ressauts et les demi-tables indiquent que le mur en retrait passe
derrière le ressaut qui semble s’écarter comme un rideau pour laisser apparaître la travée
de fenêtres, effet accentué par l’emploi d’une table rentrante au second niveau qui forme
une sorte de fenêtre dans laquelle on s’attend, presque, à voir apparaître la table.
442
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Maison au n° 8 rue Vivienne, façade sur rue.
Citons encore pour les façades d’églises, un exemple en province : le palais abbatial
de la Trinité de Fécamp, où des tables rectangulaires ornent, à l’étage, les ressauts latéraux
de l’avant-corps central.
Ordonnances pseudo triomphales
Nous avons vu que la table située au-dessus de la baie rappelle le motif triomphal
formé de l’association de la niche et de la table. Au palais abbatial de Saint-Denis (1699
– vers 1720), des tables à crossettes droites sont placées au-dessus des arcs des avantcorps et sont répétées sur l’arcade des arrière-corps. Le couronnement de la table, formé
par un ressaut du corps de moulures auquel elle est liée, les crossettes, qui sont, au XVIIe
siècle, typiques de la table triomphale, suffisent à identifier le thème [fig. ci-dessus et
T. II, ill. 828–829].
443
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
Saint-Denis (1699 – vers 1720) palais abbatial, détail d’une façade, d’après Jean Mariette, gravure publiée dans
L’Architecture française, 1727.
La forme la plus atténuée du thème est la table nue, sans aucune connotation
triomphale employée en dessus de baie pour enrichir des ordonnances les plus simples.
Au pavillon de l’Aurore à Sceaux (1673 – avant 1683), le dessus des portes-fenêtres
s’orne d’une table rentrante lisse ; les travées encadrées de refends alternent avec des
travées sans refends ; sur le corps central, l’entrée couronnée d’un fronton et les deux
travées latérales composent une petite ordonnance alternée [fig. ci-dessus].
Sceaux, pavillon de l’Aurore (1673 – avant 1683) d’après Jean Mariette, dans L’Architecture française, 1727.
Le XVIIIe siècle aimera ces compositions sobres, où la thématique triomphale
s’exprime de manière voilée. Au pavillon de chasse de la Muette à Saint-Germain-enLaye, construit par Gabriel entre 1765 et 1775, le corps percé d’une baie cintrée et les
baies plus petites surmontées d’une table rentrante dans les pans coupés latéraux forment
un motif alterné.
444
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Ordonnances du mur
La Muette, dessin de Jacques-Ange Gabriel, 1774, Archives Nationales
445
CONCLUSION
Toutes les formes que nous avons étudiées ont été aperçues par les historiens, mais
peu étudiées. L’historiographie s’est focalisée sur les ordres, qui fondent le classicisme,
sans accorder beaucoup d’importance aux ornements mineurs. Louis Hautecœur avait
bien remarqué ces formes chantournées, fort prisées au début du XVIIe siècle, parce
qu’elles frappent peut-être plus que les subtiles variations de nus qui sont pourtant un
des éléments du décor à l’Âge classique, comme les formes expressives du mur lui-même.
Nous avons commencé notre étude par là, pour déployer ensuite le répertoire des formes
spécifiques de la surface murale et de la « muralité » à l’Âge classique.
Le mur à la Renaissance n’est pas un fond neutre et inerte sur lequel viennent
s’apposer les ornements ; il est partie de l’architecture et sa partie majeure. Le traité de
Leon Battista Alberti est exemplaire de cette conception. Pour les architectes classiques,
le mur est toujours un des éléments de l’ordonnance, même s’il est nu. Il est, par sa
cohésion et sa solidité, comparable à la colonne, et c’est par le biais de ce paragone que le
mur acquiert sa dignité. De ce fait, le mur est placé sous l’autorité de l’ordre dans les
traités du XVIIe siècle. Pour François Blondel, le mur devient magnifique s’il est
couronné d’un entablement et si les proportions des portes et des fenêtres répondent à
celles de l’ordre qu’il évoque, — le toscan ou le dorique s’il est « simple, solide et massif »,
les « ordres fins » s’il est délicat. Par ce moyen « le nud d’une façade ne laisseroit pas de
paroistre avec beaucoup de grâce sous ce grand ornement ; Et l’ouvrage se trouvant
agréablement terminé, presenteroit aux yeux cette grandeur majestueuse que la Symetrie
peut produire par elle-même ». Le mur doit alors être alors aussi « nud et uni dans doute
sa hauteur »416.
Pendant tout l’Âge classique en France, l’esthétique du mur nu est liée à l’emploi
d’un matériau privilégié, la pierre. La beauté des parements tient en premier lieu à la
qualité de l’appareil. La fine texture de la pierre calcaire permet des tailles extrêmement
précises, les plus aptes à révéler sa luminosité. Les Français font grand cas du mur
parfaitement uni et « poli » et de l’appareil à joints vif. Aussi, le bossage est-il employé
avec une relative parcimonie. Les Français n’apprécient pas les effets des rudes bossages
italiens et, au XVIe siècle, s’ils s’inspirent des formes employées à Rome, ils les
adoucissent ; sur les façades, ils privilégient les formes planes et réservent les formes
bombées aux escarpes des fossés. Ils inventent d’autres tailles qui texturent la surface :
bossages piqués, troués, vermiculés abondent dans la deuxième moitié du XVIe siècle et
416 F. BLONDEL, 1683, Seconde partie, III, 5, pp. 73-74. François Blondel explicite le dessin de Vignole
représentant une ordonnance sans colonnes à corniche composite VIGNOLE, trad. LE MUET, 1631, pp. 63.
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Conclusion
au début du XVIIe siècle ; par ailleurs, ils aiment les alternances entre parties nues et
parties ornées : Philibert De l’Orme invente le bossage un-sur-deux, qui devient un motif
récurrent de l’architecture française. Au XVIIe siècle, le refend supplante toutes les autres
formes : ce bossage qui joue sur de légères variations de largeurs de joints et semble faire
vibrer la surface murale est employé sur les soubassements, rarement sur des corps
entiers de bâtiments.
Au milieu du XVIIIe siècle, Laugier sonne le glas de l’architecture de mur où les
ornements, et le principal d’entre eux, la colonne, lui étaient associés en le laissant, en
quelque sorte, parler : « C’est le nud du mur qui fait toutes les charges surabondantes ;
c’est aussi le nud du mur qui ôte à l’Architecture toute sa grâce. Moins il en paroîtra, plus
l’ouvrage sera beau ; & s’il n’en paroît rien du tout, l’ouvrage sera parfait »417. Les parties
nues disposées entre les membres du décor peuvent, en effet, appeler l’ornement et la
surcharge qu’il critique car, à part l’architecture militaire, rare est l’architecture qui
n’accueille aucun décor.
*
Dans le répertoire des ornements d’architecture, nous avons identifié des ornements
spécifiques de la surface murale ; leur inventaire révèle une gamme riche à laquelle nous
avons consacré notre deuxième partie. Ces formes ont des propriétés particulières. La
table peut s’étendre sur la surface du mur sur lequel elle crée des jeux de légers reliefs :
planéité, nudité sont les qualités du mur même. Le cadre isole une surface nue sur le mur
et forme une sorte de tableau vide. En fonction de leur situation, ces ornements créent
des effets différents : soit ils sont des ornements ponctuels, soit ils viennent à la
rencontre des autres éléments du décor ; ils sont alors des éléments de modénature qui
permettent d’articuler membres et mur.
Les tables « à l’antique » constituent dans ce haut moment de la Renaissance classique
qu’est la décennie 1545–1555 un répertoire à la symbolique riche. La mouluration
d’encadrement et certains accessoires caractéristiques forment un ensemble de signes qui
se réfèrent explicitement à l’antique fonction de l’inscription. Le souci de l’imitation de
modèles précis répond alors à une double intention : se poser comme les initiateurs d’un
classicisme plus aigu, convenir au programme triomphal de la façade ; il se manifeste
dans le détail de la sculpture. Le répertoire inventé à partir des profils antiques et des
ornements issus du même répertoire par les architectes français férus de l’Antiquité
comme Lescot, Goujon et Bullant, ne cesse d’être cité ou revisité pendant tout l’Âge
classique. L’encadrement, qui isole le motif, permet aussi de multiples jeux d’articulation
avec le mur, mais il accentue son caractère précieux et évoque toujours son origine
antique ; les couronnements, les anses, sont les attributs des tables triomphales qui
417 LAUGIER, Essai sur l’architecture, 1753, p. 58.
447
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Conclusion
ornent les nouveaux arcs de triomphe de la monarchie et des grands du royaume. Au
XVIIe siècle, Salomon de Brosse et François Mansart utilisent les accessoires du motif le
plus typique de l’ornementation triomphale, la table couronnée, pour l’accorder à l’ordre.
C’est une inflexion importante dans l’histoire du décor puisque désormais tous les
ornements forment un système cohérent : les ordres, la modénature et les ornements du
mur concourent à donner à l’édifice comme à ses différentes parties leur caractère.
Le XVIIe siècle sélectionne dans le répertoire du XVIe certains motifs pour obtenir
de nouvelles variantes en jouant essentiellement sur deux éléments : la limite et la
surface, — variations sur la limite en jouant sur les tracés et la mouluration du ressaut,
variations sur la surface en jouant sur les dimensions et l’aspect de la surface grâce à des
jeux de matériaux et de textures. Dans le premier tiers du XVIIe siècle, sculpteurs,
ornemanistes, ébénistes et menuisiers emploient le même répertoire formel, comme on
peut le voir sur quelques portes d’hôtels parisiens du premier tiers du XVIIe siècle aux
panneaux chargés d’encadrements épais, enrichis de pointes de diamant, de cabochons…
Dans les jardins, les bordures de buis des parterres à broderies, apparues au Luxembourg,
présentent le même type de découpes que les tables à anses ou à crossettes
alternativement rentrantes et saillantes. Ces types de tables très ornés ne seront guère
employés au-delà des années 1630. Par contre, on joue pendant tout le XVIIe siècle avec
les courbes et contre-courbes issues des différentes formes de la tabula ansata antique,
avec les bords et les coins incurvés : les occurrences de ces formes sont nombreuses au
XVIIe siècle et plus encore au XVIIIe siècle. Ces formes souples que prise la Régence
sont alors imitées jusqu’au poncif, à Paris et en province. L’éclectisme du XIXe siècle en
fait grand usage : tables all’antica sur les immeubles néo-renaissance, tables arrondies sur
les immeubles néo-Régence.
Les Français inventent d’autres formes. Dès les années 1550 apparaissent des tables
« abstraites », dont on se plaît parfois à faire varier les tracés. Certaines tables saillantes
semblent être des formes simplifiées des tables à l’antique, d’autres ne semblent pas
issues du même répertoire. La table en panneau et l’encadrement semblent nés d’une
sorte de génération spontanée ou, plutôt, du crayon de l’architecte qui cherche à appuyer
les lignes de force de son dessin. Les répertoires se croisent parfois, comme chez Bullant
qui dote les grandes tables de Fère d’attributs triomphaux et comme le fera encore
Mansart à Berny.
Les tables saillantes et affleurées qui s’agrandissent et se déploient dans les deux
dimensions de la surface murale exaltent la beauté d’un parement. Ces grandes surfaces
vides sont pour ainsi dire, le « degré zéro » de l’ornementation du mur, produit d’un art
de la stéréotomie consommé, où la performance technique se fait oublier pour ne laisser
voir qu’une surface lisse et nue, un léger ressaut et des traits d’ombre. Constitutives du
448
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Conclusion
parement, elles sont une des modalités du mur même, comme peut l’être le bossage, mais
dans un registre totalement opposé à toute idée de rusticité et de robustesse. Les jeux de
plans, les variations sur le nu du mur sont la marque de l’architecte le plus inventif en la
matière, François Mansart. Celui-ci exploite toutes les possibilités de la table, du ressaut,
du retrait et de la demi-table.
Le cadre et l’encadrement du mur posent leurs problèmes spécifiques. Le cadre,
moins fréquent dans le répertoire ne permet aucun des jeux de nus propres à la table, —
il ne permet que des jeux de lignes et de tracé ; le motif, qui imite tout d’abord la table
« à l’antique » s’agrandit, laisse entrevoir d’autres possibilités ornementales ; il isole une
surface : l’effet de limite est le propre de l’encadrement qui, lorsqu’il est vide, semble
montrer le mur lui-même comme un tableau. L’encadrement joint aux membres a les
mêmes propriétés, mais il s’apparente à la modénature qui articule le décor de la façade.
Cette forme apparaît tôt dans le répertoire, avant l’emploi des ornements « à l’antique » :
à Blois, le trumeau s’ourle d’une moulure, puis on emploie des profils classiques ou de
simples bandes qui apparentent la forme aux effets de stracciato de la Renaissance
italienne ; cependant, quand Bramante emploie un encadrement, c’est pour mieux lier les
membres au mur, les parties fortes et parties faibles, verticalement et horizontalement.
En France, ce rapport est effacé.
*
Tous ces effets sont exploités pour créer un décor sur le mur dont nous avons
expliqué le rôle dans notre troisième partie. Tables en panneau et encadrements sont nés
d’une certaine manière de structurer le décor, puisqu’ils sont liés à la membrure qui limite
un panneau : ces formes ne peuvent se comprendre en dehors du cadre formé par les
membres du décor. Nous avons consacré la majeure partie de ce chapitre aux
ordonnances classiques sans ordre de colonnes. En effet, il fallait tenir compte en
premier lieu des spécificités des ordonnances françaises. La travée de fenêtres est, en
France, la structure fondamentale de la façade. Elle est une composition traitée en soi,
et le lieu privilégié de l’invention ornementale. Sur le mur, l’ornement à pour fonction
d’enrichir la travée, mais aussi de la lier : nous avons ainsi examiné les multiples variations
de la travée française.
Les ordonnances semblent elles-mêmes commandées par les dispositions de la
travée de fenêtres ; ainsi, des corps de moulures sont placés en haut ou en bas du plein
de travée, au niveau de la ligne de plancher ou bien tangents à l’encadrement de la baie,
parfois les deux moulures forment un registre horizontal. Ces moulures qui croisent la
travée de fenêtres forment sur le mur un quadrillage qui compartimente le mur. Ces
ordonnances si caractéristiques de la première Renaissance française sont employées
jusqu’à la fin du XVIIe siècle. Les ordonnances à chaînes et panneaux de brique
449
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Conclusion
constituent une première transposition du quadrillage de la première Renaissance. La
verticalité de la travée y est accentuée par l’emploi de chaînes, et parfois de ressauts, qui
lient la travée. Les chaînes de bossages qui strient les façades et leurs jeux de harpes sont
si prégnants en France qu’ils sont imités dans la pierre de taille.
Lorsqu’il n’y a pas de chaînes, la modénature définit sur le mur des compartiments
réguliers. Dans ce système, toutes les parties de mur sont structuralement similaires ;
lorsqu’il n’y a pas de ressaut de l’allège ou que celui-ci est très faible relief, la façade
devient une structure plane, où tous les éléments sont liés les uns aux autres comme la
chaîne et la trame d’un tissu. Ce système, où la travée de fenêtres reste néanmoins
l’élément dominant de l’ordonnance, s’oppose totalement au principe de division en
niveaux et registres superposés des ordonnances classiques, telles que les Français les
voient en Italie. Les Français n’abandonnent pas leurs manières de faire, ils combinent
les deux systèmes, en introduisant des corps de moulures qui multiplient les horizontales,
et en employant des ornements sur le mur. La fenêtre se lie horizontalement plus
fermement à la modénature horizontale du trumeau : les architectes trouvent des
solutions subtiles, comme la liaison des crossettes de la baie à la mouluration du trumeau.
Avec les encadrements qui se chevauchent, inventés par Philibert De l’Orme, la
modénature qui encadre la baie semble encadrer aussi le trumeau. Ces jeux de
modénature qui allègent le mur et le transforment en surface décorative restera une des
constantes de l’architecture française jusque dans l’époque contemporaine418.
Les formules décoratives employées dès le début du XVIIe siècle sur les trumeaux
sont issues des deux projets de Jacques Androuet Du Cerceau pour le château de
Verneuil et des modèles de ses Livres d’architecture : on emploie de grandes tables ou des
tables en panneau qui alternent avec les ouvertures pour souligner les registres
horizontaux de la façade. La superposition des tables sur les trumeaux crée des effets
proches de l’ordre. L’architecture dite « brique et pierre » fait grand usage des formes à
anses et incurvées pour créer dans la travée pleine des motifs verticaux qui scandent les
ordonnances et croisent le pointillé des petites tables répétées dans les registres des
doubles corps de moulures : les cours du château de Versailles sont exemplaires de ces
rythmes parfois insistants.
Dans les ordonnances plus classiques, au sens strict, on distingue les niveaux et les
différents corps de bâtiments par l’emploi d’ornements différents : de légères variations
de contour, un ornement placé en agrafe sur les tables, permettent de créer un effet de
superposition comparable à celui de l’ordre, comme à Berny. L’ornementation se décline
aussi du moins riche au plus riche au fur et à mesure que l’on progresse des avant-cours
418 Nous pensons en particulier à l’œuvre de Jean Dubuisson, qui a particulièrement exploité les effets de tissage,
qui à l’époque classique sont particuliers aux ordonnances à quadrillage.
450
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Conclusion
aux cours d’honneur et aux jardins : au château de Pont-en-Champagne, le motif du
cadre à crossettes rentrantes est décliné sur toutes les façades, y compris sur les murs de
clôture. L’ornement du mur devient ainsi l’élément unificateur de l’ensemble de
l’ordonnance, clairement hiérarchisée.
Nous avons consacré notre dernier développement à l’emploi des ornements dans
les façades à ordres de colonnes ou de pilastres. Le répertoire des petites tables et des
tables à l’antique trouve un emploi privilégié dans les motifs triomphaux disposés autour
des portes ou sur les avant-corps et dans les compositions alternées ; les ornements à
l’antique ne sont ainsi jamais sortis du répertoire puisque les compositions triomphales
et les ordonnances qu’elles engendrent sont un des thèmes récurrents de l’architecture
classique. Les motifs abstraits y prennent place également, mais le trait le plus
remarquable est que les Français ont l’idée de les employer à la place des colonnes sur
un ou plusieurs niveaux en créant ainsi un autre genre d’ordonnance superposée ; ou
bien encore ils retirent complètement les colonnes pour ne garder que l’ornementation
triomphale.
*
Nous avons ainsi déployé toute la gamme des ornements du mur et avons découvert
qu’il s’agissait d’un répertoire cohérant. Dans notre analyse, nous avons renversé le
système classique en traitant en dernier des ordonnances à ordres. Ceci pour deux
raisons. La première est que les ordonnances classiques ne sont pas forcément liées à
l’emploi des ordres. Depuis le XVIe siècle, les architectes se sont préoccupés de donner
aux façades la dignité des ordonnances à ordres de colonnes, « principal ornement de
l’architecture », grâce aux qualités de la composition, d’une part, et grâce à un autre
répertoire d’ornements, d’autre part. Ce répertoire est employé aussi bien sur les grands
édifices que dans l’architecture plus ordinaire qui, grâce à lui, prend les qualités des
grandes ordonnances : la modénature sobre et le répertoire le plus simple des tables, des
encadrements et des tables affleurés, parfois accompagnés du discret refend, donnent
cet air de calme grandeur à toutes les villes et quartiers neufs du royaume de France à la
fin du XVIIe siècle et au XVIIIe siècle. La deuxième raison est que les ornements du mur
ont leur propre rhétorique, bien qu’ils puissent parfois s’accorder avec l’ordre.
L’ordre représente la partie vive de l’édifice, parce qu’il est la représentation d’un
système architectonique : Vitruve explique que l’ordre est la pétrification d’un système
de construction en bois et la colonne un analogon du corps humain ; il confère à l’édifice
son caractère et sa dignité : les différents ordres représentent les genres et la diversité
humaine et symbolisent un cosmos, un ordre du monde. Tous les ornements appliqués
aux ordres sont issus du vivant : oves, dards, bucranes, végétaux. François Mansart
semble avoir médité sur cette fonction antique de l’ornement, du moins en a-t-il eu
451
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Conclusion
l’intuition lorsqu’il introduit un élément vivant sur ses tables à l’antique : à Maisons, les
gouttes sont des bourgeons floraux, sur une grande table à Berny il place deux rameaux
de laurier qui se ploient, comme s’ils étaient déjà un peu fanés.
Certains ornements du mur ont une autre origine, dont Vitruve ne parle pas : les
tableaux ou écriteaux que l’on plaçait sur les monuments funéraires et sur les arcs de
triomphes ; pétrifiés à leur tour, leurs encadrements s’enjolivent parfois d’ornements
issus du répertoire des ordres, mais, dans l’Antiquité, ce sont le plus souvent de simples
cadres ou des tables rentrantes comme sur les attiques. Ces ornements sont des tableaux
accrochés au mur et qu’on grave d’une inscription pour commémorer ou glorifier : ils
représentent ce qui en l’homme est langage, récit par lequel l’homme s’inscrit dans
l’histoire.
Par ailleurs, d’autres ornements semblent sortir du cercle de la mimêsis, au sens
restreint d’imitation de l’antique. Les architectes ont exploité les propriétés formelles de
formes plus abstraites, celles de la surface vide et de l’ornement « encadrant ». L’effet de
cadre pose les mêmes problèmes aux peintres. Les tables et les cadres sont en effet
comparables au tableau qui ouvre un espace sur le mur — à la Renaissance en Italie, on
les ornait de peintures —, mais sur le mur, ces formes dialoguent avec leur support. Les
cadres qui soulignent les divisions du mur sont enjolivement — parergon de la surface
murale — qui acquiert ainsi, même dans sa plus grande nudité, statut d’ornement en
devenant objet de délectation esthétique ; les tables qui semblent émaner du mur et
s’étendent tellement à sa surface qu’elles viennent à la rencontre des membres
structurants du décor qualifient la surface murale elle-même ; ces ornements qui isolent
et manifestent le mur sont, en quelque sorte, à son service ; par des jeux de nus et de
lignes, ils accompagnent ou créent les lignes de composition du décor ; ils participent
ainsi de la modénature de la façade, — c’est pourquoi Jacques-François Blondel classait
les tables dans les membres d’architecture. Ces formes qui s’inscrivent dans l’armature
du décor en dialoguant avec elle et qui semblent nées de la manière d’articuler le mur
sont, par excellence, liées aux ordonnances françaises.
452
SOURCES
Livres d’architecture, recueils de dessins et de gravures
Recueils du XVIe siècle
ANDROUET DU CERCEAU, Jacques:
- Livre d’architecture de Iaques Androuet Du Cerceau, Contenant les plans et dessins de cinquante
bastiments tous différents : pour instruire ceux qui desirent bastir, soit de petit, moyen, ou grand estat....
Paris, Benoist Prevost, 1559 (base Architectura, prés. par Françoise Boudon, Tours,
CESR, 2004.)
- Second livre d’architecture, par Iaques Androuet Du Cerceau. Contenant plusieurs et diverses ordonances
de Cheminées, Lucarnes, Portes, Fonteines,... Avec les desseins de dix Sepultures toutes differentes. Paris,
André Wechel, 1561 (base Architectura, prés. par Yves Pauwels, Tours, CESR, 2004.)
- Le premier [et second] volume des plus excellents Bastiments de France. Auquel sont designez les plans
de quinze Bastiments, & de leur contenu ensemble les elevations & singularitez d’un chacun. Par Jacques
Androuet, Du Cerceau, architecte. Paris, 1576 & 1579, rééd. et prés. par David Thomson, Paris,
Sand & Conti, 1988. (éd. numérisées : Paris, Bibliothèque numérique de l’INHA, 2005 ;
base Architectura, prés. par Yves Pauwels, Tours, CESR, 2006.)
- Livre d’architecture de Iaques Androuet Du Cerceau, auquel sont contenues diverses ordonnances de plants
et élévations de bastiments pour Seigneurs, Gentilshommes, & autres qui voudront bastir aux champs...,
Paris, 1582. (éd. numérisée, prés. par Françoise Boudon, Base Architectura, Tours, CESR,
2004.)
Recueils du XVIIe siècle
CHASTILLON, Claude, Topographie Françoise ou representations de plusieurs Villes, Bourgs, Chasteaux,
Plans, Forteresses, Vestiges d’antiquité, Maisons modernes et autres du Royaume de France.... Paris,
Louis Boissevin, 1655 (3e éd.), [1re éd. par Jean Boisseau, en 1641, 2e éd. 1648] (Paris,
Bibliothèque numérique de l’INHA, 2005).
DESGODETS, Antoine, Les édifices antiques de Rome dessinés et mesurés très exactement, fac-similé de
l’éd. de Jean-Baptiste Coignard, imprimeur du Roi, Paris, 1682, Préface de Pierre Gros,
Introduction et notices d’Hélène Rousteau-Chambon, Paris, Picard, INHA, 2008.
GENTILHÂTRE, Jacques [album des dessins conservés au R.I.B.A., Londres] Catalogue of the
drawings, collection of the Royal Institute of British architects. Jacques Gentilhâtre, Rosalys Coope éd.,
Farnborough, Gregg International, 1972.
MAROT, Jean:
- Recueil des Plans Profils et Elevations Des plusieurs Palais Chasteaux Eglises Sepultures Grotes et
Hostels. /Bâtis dans Paris, et aux environs, avec beaucoup de magnificence, par les meilleurs Architectes
du royaume, desseignez, mesurés, et gravez par Jean Marot Architecte Parisien, s. l., s. n., s. d. [recueil
dit le « Petit Marot » Paris, avant 1659] (Paris, Bibliothèque numérique de l’INHA, 2004).
- Petit œuvre d’architecture de Jean Marot, Architecte et Graveur, ou Recueil des plans, elevations et coupes
de divers anciens edifices de Paris, et de la sepulture des Valois a Saint Denis. Paris, chez CharlesAntoine Jombert, 1764.
- L’architecture française, Paris, Jean Marot, s. d. [recueil dit le « Grand Marot », planches
publiées séparément entre 1650 et 1679]
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Sources
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une signée Le Pautre]
- Veües des plus beaux bâtiments de France, Paris, N. Langlois, v. 1680. [suite signée Pérelle]
- Les places, portes, fontaines, églises et maisons de Paris, Paris, Nicolas Langlois. [suite signée
Pérelle]
- Recueil des plus beaux édifices et frontispices des églises de Paris, Paris, Nicolas Langlois, 1680 ?
[suite signée Le Pautre]
- Diverses vues d’églises, hôpitaux, hôtels de Paris, Paris, N. Langlois, s. d. [suite signée Adam
Pérelle]
- Veües des belles maisons des environs de Paris, Paris, Nicolas Langlois, 1680 ? [suite signée Adam
& Gabriel Pérelle]
- Veües des plus beaux endroits de Versailles. [suite signée Gabriel Pérelle]
- Veües des belles maisons de France. [suite signée G. et A. Pérelle]
- Diverses veües de Chantilly... [suite signée Pérelle]
- [Diverses vues de châteaux de France (Liancourt, Villacerf, Richelieu), suite signée Pérelle]
- Veües de Rome et des environs [suite signée Gabriel Pérelle]
[Autres recueils]
- Belles Maisons de France (titre au dos de la reliure), Paris, N. Langlois, s. d.
- Veües des plus beaux bâtiments de France, [titre de la première série, gravures de Gabriel, Adam
et Nicolas Pérelle] Paris, Chez N. Langlois [v. 1680 ?]
DU RY, Charles, Album de dessins de Salomon de Brosse, RF 5946, 2, Musée du Louvre,
département des arts graphiques.
SILVESTRE, Israël:
- Livre contenant les vues et perspectives de la chapelle et maison de Sorbonne, ensemble de plusieurs autres
belles maisons bâties en divers endroits du Royaume, 1649.
- Vues des châteaux de France et de quelques vues de Rome et autres lieux, 1649.
Recueils du XVIIIe siècle
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hotels et maisons particulieres de Paris, et des chasteaux et maisons de campagne ou de plaisance des
environs et de plusieurs autres endroits de France, bâtis nouvellement par les plus habils architectes et leves
et mesures exactement sur les lieux […] (2e éd.) 1727, rééd. par Louis Hautecœur, Paris,
Bruxelles, G. Van Oest, 1927-1929, 3 vol.
RIGAUD, Jacques, Recueil choisi des plus belles vues des palais, châteaux et maisons royales de Paris et des
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1740]
BLONDEL, Jacques-François, Architecture françoise, ou recueil des plans, élévations, coupes et profils des
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Antoine Jombert, 1752 (vol. I et II), 1754 (vol. III), 1756 (vol. IV) (réed. Jean-Marie
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454
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Sources
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rééd. fac-similé de l’éd. de 1803, notices par J. Mayor & L. Derobert, Paris, Librairie d’Art
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- Libro extraordinario… trenta porta di opera Rustica misti con diversi ordini : & venti di opera
delicata…, 1ère ed., Lyon, Jean de Tournes, 1551
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Traités du XVIIe siècle
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- Cours d’Architecture Enseigné dans l’Académie Royale d’Architecture. Première partie ou sont expliquez
les termes, l’Origine et les Principes d’Architecture & les pratiques des cinq Ordres suivant la doctrine de
Vitruve & de ses principaux Sectateurs…, Paris, Lambert Roulland, 1675.
Cours d’Architecture, Seconde et Troisième parties, A Paris, chez l’Auteur. Et Nicolas Langlois,
1683. [vol. 1]
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[vol. 2]
BOSSE, Abraham, Traité des manières de dessiner les Ordres de l’Architecture Antique en toutes leurs
parties. Avec plusieurs belles Particularitez... Comme, La Naturelle Entresuite des gros et menüs membres
de leurs Degrez ou Escaliers. Puis, Le Moyen darrester par Dessein et Modelle en Petit, les parties d’un
Edifice... Et enfin, La Pratique de trouver la place geometrale des jours ombres et ombrages sur les Corps
Geometraux, Paris, Claude Jombert, sd. (1664 ?)
BULLET, Pierre, L’architecture pratique, qui comprend le détail du Toisé, & du Devis des ouvrages de
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1973), rééd. et présentation par Thierry Verdier, Montpellier, Publications Montpellier 3,
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CATHERINOT, Nicolas, Traité de la peinture suivi de Traité de l’architecture, Bourges, 1688 (rééd. facsimilé, Genève, Minkoff Reprint, 1973.)
D’AVILER, Augustin-Charles :
- Cours d’Architecture, qui comprend les ordres de Vignole. Avec les Commentaires, les figures et
Descriptions de ses plus beaux Bâtiments, & de ceux de Michel-Ange, plusieurs nouveaux dessins,
Ornemens et Préceptes concernant la Distribution, la Décoration, la Matière & la Construction des
456
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Sources
Édifices, la Maçonnerie…, Paris, Nicolas Langlois, 1691, rééd. et présentation par Thierry
Verdier, Montpellier, Publications Montpellier 3, Éditions de l’Espérou, 2002.
- Planches d’architecture, rééd. et présentation par Thierry Verdier, Montpellier, Publications
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- Maniere de bien bastir pour toutes sortes de personnes... augmentée et enrichie en cette seconde edition de
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- Architecture moderne ou l’Art de bien bâtir pour toutes sortes de personnes, Paris, Charles Antoine
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- L’Art de bâtir les maisons de campagne : où l’on traite de leur distribution, de leur construction, & de
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LAUGIER, Marc-Antoine, Essais et observations sur l’architecture, Paris, 1753, rééd. et introduction
par Geert Bekaert, Bruxelles-Liège, Mardaga, 1979.
PATTE, Pierre :
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- Mémoires sur les objets les plus importants de l’architecture [...], Paris, Rozet, 1769.
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- Mémento. Résumé de vingt-deux leçons sur les grandes étapes de la civilisation gréco-latine et de l’histoire
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- Vers une architecture, nouvelle édition revue et augmentée, (1re ed. Paris, Crès et Cie, 1923) Paris,
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LOOS, Adolf, Paroles dans le vide. Chroniques écrites à l’occasion de l’Exposition viennoise du Jubilé (1898)
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MEISS, Pierre von, De la forme au lieu. Une introduction à l’étude de l’architecture (1ère éd. 1986) 2e éd.
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BIBLIOGRAPHIE
Les ouvrages figurant dans la bibliographie ci-dessous sont ceux qui ont été consultés lors de
la rédaction de notre texte ; n’y figurent pas les monographies d’architectes ou d’édifices
mentionnés dans les notices de notre corpus (Tome II), sauf quand ceux-ci présentent un
intérêt pour notre étude, en particulier quand elles comportent un chapitre sur l’ornement. De
même, nous avons indiqué les articles des ouvrages collectifs ayant trait directement au sujet.
Certains ouvrages qui peuvent paraître obsolètes ont été consultés pour leur iconographie ;
dans ce cas, nous l’avons précisé entre crochets. D’autres mentions entre crochets sont des
compléments d’information.
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l’emploi des matériaux, l’outillage qui sert à leur mise en œuvre, l’utilisation de ces matériaux dans la
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DIDEROT, Denis, D’ALEMBERT, Jean LE ROND dit, Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences,
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quant à la partie mathématique, par M. D’Alembert, 17 vol. (textes) et 11 vol. (planches), Paris,
chez Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand, 1751-1772.
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472
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Bibliographie
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ZEVI, Bruno, Apprendre à voir l’architecture (1959), trad. Lucien Trichaud, Paris, Éditions de
Minuit, 1989.
473
PRÉSENTATION DU CORPUS
Organisation du catalogue
Les édifices du corpus sont présentés par région et, dans chaque région, par période. La
première période présente des édifices médiévaux ; tous sont des exemples d’appareil. La
deuxième période couvre la seconde moitié du XVe siècle. La troisième période commence avec
l’introduction des premiers ornements « à l’antique » en France et se termine à la fin des
années 1530. La quatrième période, de 1540 à 1580, correspond à la phase classique de la
Renaissance. La cinquième période qui s’étend des années 1580 à la fin des années 1630 recouvre
la phase de la Renaissance finissante et les premières expériences des fondateurs du classicisme.
La sixième période, de 1640 à 1680, correspond à la phase d’épanouissement du classicisme. La
septième période, de 1680 à 1720, est marquée par l’activité de Jules Hardouin-Mansart et de son
agence qui impose sa marque au classicisme français. Une dernière période s’étend jusqu’au début
du néoclassicisme vers les années 1750. Le Répertoire alphabétique et Répertoire par périodes
figurant ci-après permettent de retrouver l’édifice dans le catalogue du tome II-Corpus.
Les notices
Dans deuxième Tome, présentant l'ensemble des édifices étudiés, et quelques autres,
notamment dans les grandes villes de province qui présentaient une forme ou un emploi
remaquable de l'ornement du mur. Chaque édifice fait l’objet d’une notice mentionnant les dates
de construction, le commanditaire et le maître de l’œuvre s’ils sont connus. Les indications
topographiques et toponymiques reprennent celles de l’Inventaire du Patrimoine artistique.
L’édifice est identifié par son nom d’usage ; la commune est indiquée quand elle diffère du nom
de l’édifice. Lorsque l’édifice n’a pas de nom, la commune est indiquée, suivie du type d’édifice,
par exemple : Blois, maison.
Les dates peuvent ne concerner que le corps de bâtiment ou la partie d’édifice étudiée ; nous
indiquons les dates de début et de fin de construction ; lorsque seule une date est connue et qu’il
s’agit d’une date d’achèvement des travaux nous tenons compte de celle-ci pour le
positionnement chronologique de l’édifice; dans les autres cas c’est la date de début de
construction qui détermine l’appartenance à telle ou telle phase. Les illustrations présentent une
vue générale et une ou plusieurs vues de détail des motifs ou ordonnances étudiées. La plupart
des photographies ont été prises par nous-mêmes, lorsque ce n’est pas le cas, la source est
indiquée.
RÉPERTOIRE ALPHABÉTIQUE DES ÉDIFICES
Édifices civils
A
Abondant (Centre, Eure-et-Loir), château, premier tiers du XVIIe siècle.
Agde (Languedoc-Roussillon, Hérault)
Hôtel de ville, 1651.
Portail, 5 rue Honoré Muratet, milieu du XVIIe siècle ?
Aigle (L’) (Basse-Normandie, Orne), château et communs, vers 1690.
Ainay-le-Vieil (Centre, Cher), château, logis, vers 1510.
Aix-en-Provence (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Bouches-du-Rhône)
Hôtel Boyer d’Eguilles, 1672–1675.
Hôtel de Caumont, 1715–1742.
Amboise (Centre, Indre-et-Loire), château, Logis de Charles XVIII, à partir de 1491.
Amboile à Ormesson-sur-Marne (Île-de-France, Val-de-Marne), château, à partir de 1578.
Ancy-le-Franc (Bourgogne, Yonne), château, 1544–1546.
Anet (Centre, Eure-et-Loir), château, 1548–1552 ; corps de logis en fond de cour, 1548 ; aile droite, chapelle,
1549-1551 (et aile gauche ?) ; pavillon d’entrée achevé en 1552.
Angers (Pays-de-la-Loire, Maine-et-Loire), château, mur et tours d’enceinte, 1230-1240.
Asnières-sur-Seine (Île-de-France, Hauts-de-Seine), château, 1750.
Auray (Bretagne, Morbihan), maison du Parlement, 1re moitié du XVIIe siècle
Auxerre (Bourgogne, Yonne), hôtel Nigot 1672.
Auxerre (Bourgogne, Yonne), ancien palais épiscopal, pavillon de l’Officialité, fin des années 1540–1551.
Avignon (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Vaucluse), Hôtel des Monnaies, 1619.
Azay-le-Rideau (Centre, Indre-et-Loire), château, 1518–1527.
Azay-le-Ferron (Centre, Indre), château, pavillon, 1572.
Azay-le-Ferron, (Centre, Indre), château, pavillon de Breteuil, 1638 remanié au début du XVIIIe siècle.
B
Balleroy (Basse-Normandie, Calvados), château, 1631 – ?
Pavillon de Bagatelle au Bois de Boulogne (Île-de-France, Paris), 1777.
Bailleul à Angerville-Bailleul (Haute-Normandie, Seine-Maritime), château, vers 1560.
Bâville à Saint-Chéron (Île-de-France, Essonne), château, corps de logis, 1625.
Beaucaire (Languedoc-Roussillon, Hérault),
Hôtel Fermineau, 2e moitié du XVIe siècle.
Hôtel de Clausonnette, vers 1745.
Hôtel de Margailler, 1675–1680.
Hôtel de Ville, 1679–1683.
Beaumesnil (Haute-Normandie, Eure), château, 1633–1640.
Beaune (Bourgogne, Côte-d’Or), hôtel de Saulx, portail, premier tiers du XVIIe siècle.
Berny à Fresnes (Île-de-France, Val-de-Marne), château, 1623–1627.
Besançon (Franche-Comté, Doubs), deux portails de maisons, premier tiers du XVIIe siècle.
Bevilliers-Breteuil à Choisel, (Île-de-France, Yvelines), château, après 1580–1596 ou vers 1600.
Bas-Chareil (Le) à Chareil-Cintrat (Auvergne, Allier), château, 1552 – vers 1560. Cheminées
Besançon (Franche-Comté, Doubs)
Hôtel du Bouteiller, 1582.
Hôtel de Chevannay, 1582.
Hôtel de ville, façade sur rue, 1569–1573, façade sur cour, 1582–1585.
Blérancourt (Picardie, Aisne), château, 1612–1655.
Blois (Centre, Loir-et-Cher), château.
Aile de François 1er, 1515–1524.
Aile de Louis XII, 1498–1502 ou 1503.
Aile de Gaston d’Orléans, 1635–1638.
Blois (Centre, Loir-et-Cher)
Hôtel d’Alluye, 1508.
Maison, n° 12 rue de la Porte Chartraine, premier tiers du XVIe siècle ?
Bonnivet à Vendeuvre-du-Poitou (Poitou-Charentes, Vienne), château, 1516 ou 1517–1525.
Bonnemare à Radepont (Haute-Normandie, Eure), château, années 1590.
Boucard Le Noyer (Centre, Cher), château, aile nord, 1560.
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Répertoire alphabétique des édifices
Bourges (Centre, Cher), Hôtel des Échevins, 1624.
Bourges (Centre, Cher)
Hôtel Jacques Cœur, après 1443 – avant 1451 (non achevé).
Hôtel Cujas, autour de 1515.
Bournazel (Midi-Pyrénées, Aveyron), château, aile nord, 1442/1543–1545 ; aile est, vers 1550–1555.
Brissac (Pays-de-la-Loire, Maine-et-Loire), château, 1607.
Bury-en-Blésois, à Molineuf (Centre, Loir-et-Cher), 1511–1515.
C
Canisy (Basse-Normandie, Manche), château, logis et aile en retour, après 1580 ; pavillon de l’escalier, 1588 –
vers 1610
Cany à Cany-Barville (Haute-Normandie, Seine-Maritime), château, 1640–1646, restauré vers 1830.
Caumont à Cazeau-Savès (Midi-Pyrénées, Gers), château.
Ailes Nord et est, 1521-1535.
Aile droite, après 1658.
Challeau à Villecerf (Île-de-France, Seine-et-Marne), château, avant 1539 ? – vers 1545.
Chamarande (Île-de-France, Essonne), château, 1654.
Chambord (Centre, Loir-et-Cher), château.
Ailes Nord et nord-est, vers 1538/1539 – vers 1544 ;
Ailes Ouest et nord-ouest vers 1540 – vers 1550 (inachevées)
Donjon, 1519–1539
Porte royale, 1681–1685.
Chambray à Gouville (Haute-Normandie, Eure), château, logis, vers 1580 – vers 1600.
Champlitte (Franche-Comté, Haute-Saône), château, corps de logis sur cour, entre 1570 et 1577.
Champ-de-Bataille à Sainte Opportune-du-Bosc (Haute-Normandie, Eure), château, 1653–1665.
Champlâtreux à Épinay-Champlâtreux (Île-de-France, Val-d’Oise), château, 1735–1757.
Champs-sur-Marne (Île-de-France, Seine-et-Marne), château, 1703–1707.
Chantilly (Picardie, Oise) Le Petit Château, 1557–1559.
Choisy-le-Roi (Île-de-France, Val-de-Marne), château, 1678–1686.
Charleval (Haute-Normandie, Eure), château, 1570–1574 (inachevé)
Charleville (Champagne-Ardenne, Marne) Place Ducale, 1612–1628.
Châteaubriant (Pays-de-la-Loire, Loire-Atlantique), château, 1537–1543.
Châteaudun (Centre, Eure-et-Loir), château.
Aile de Dunois, vers 1459–1468 ou 1500.
Château, aile de Longueville (v. 1470 – v. 1500 étages du soubassement) 1508 – avant 1518.
Châteauneuf-sur-Cher (Centre, Cher), château, châtelet et logis, 1580.
Châtres à Champcevrais (Bourgogne, Yonne), château, fin du XVIe siècle – début du XVIIe siècle.
Chavigny à Lerné (Centre, Indre-et-Loire), château, 1637–1646.
Cheillé, château de l’Islette (Centre, Indre-et-Loire), vers 1526 – vers 1531.
Chenonceau (Centre, Indre-et-Loire), château, galeries sur le Cher, 1576 – après 1578.
Abbaye de Chaalis à Fontaine Chaalis (Picardie, Oise), autour de 1546–1547.
Chevreuse (Île-de-France, Yvelines), château, donjon, fin du XIe siècle, début du XIIe siècle, châtelet d’entrée,
deuxième moitié du XIVe siècle.
Chenonceau (Centre, Indre-et-Loire), vers 1514–1522.
Cheverny (Centre, Loir-et-Cher), château, v. 1625 ? – avant 1648.
Chilly-Mazarin (Île-de-France, Essonne), château, 1627–1630.
Clagny à Versailles (Île-de-France, Yvelines), château, 1676-1683.
Coubert (Île-de-France, Seine-et-Marne), château, orangerie, vers 1720 ou vers 1740.
Coubon (Auvergne, Haute-Loire), château de la Tour-Daniel. Tour d’escalier. Début du XVIe siècle.
Couiza, (Languedoc-Roussillon, Aude), château, années 1540.
Coulommiers (Île-de-France, Seine-et-Marne), château, 1613 – vers 1655.
Courances (Île-de-France, Essonne), château, 1622–1630.
Courson à Courson-Monteloup (Île-de-France, Essonne), château, 1639–1655, reconstruction après 1667 – vers
1676-1678.
D
Dampierre (Île-de-France, Yvelines), château, 1682–1685.
Dampierre (Île-de-France, Yvelines) Pavillon de Becquencourt, fin du XVIe siècle ou début du XVIIe siècle,
avant 1626.
Dijon. (Bourgogne, Côte-d’Or)
Palais ducal, cour de Bar, entrée de l’escalier de Bellegarde, vers 1620.
Palais des États, 1681–1689.
476
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Répertoire alphabétique des édifices
Hôtel Fyot de Mimeure, entre 1560 et 1562.
Hôtel Legouz de Gerland, après 1690.
Maison Maillard dite Milsand., façade sur rue, avant 1561. Cour, Portique de Hugues Sambin, 1565.
Hôtel de Vogüé, 1614 – vers 1618
E
Eaubonne (Île-de-France, Val-d’Oise), château, 1766-1767.
Écouen (Île-de-France, Val d’Oise), château,
Ailes Sud et Ouest, vers 1538 – vers 1545.
Étage, avant-corps et portique de l’aile d’entrée à l’est (et décor de la chapelle), vers 1546.
Aile Nord, vers 1550 – vers 1552.
Façade extérieure de l’aile nord et portique nord sur cour, 1552–1553 ?
Portique sud sur cour, 1556–1557 ?
Effiat (Auvergne, Puy-de-Dôme), château, 1630–1634.
Époisses (Bourgogne, Côte-d’Or), château, tour dite de Condé, XIIIe siècle, tour octogonale, XIVe siècle.
Épinay à Champeaux (Bretagne, Ille-et-Vilaine), château, vers 1570 – après 1575.
F
Fages à Saint-Cyprien, (Aquitaine, Dordogne), château, avant 1567 ou années 1570.
Fécamp (Haute-Normandie, Seine-Maritime), palais abbatial de la Trinité, première moitié du XVIIIe siècle.
Fère-en-Tardenois (Picardie, Aisne), château, après 1552 – avant 1562
Ferrières (Midi-Pyrénées, Tarn), château, cheminée, après 1566.
Fervaques (Basse-Normandie, Calvados), château, 1596–1602.
Fleurigny à Thorigny-sur-Oreuse (Bourgogne, Yonne), château, reconstruction à partir de 1530.
Fleury-en-Bière (Île-de-France, Seine-et-Marne), château, 1551–1558, aile droite sur cour, 1553 ; avant-cour,
vers 1555 ?
Fontainebleau (Île-de-France, Seine-et-Marne)
Château
Arc de triomphe de la cour du Cheval blanc, 1565
Avant-cour, Cour ovale, Porte Dorée, 1528 – vers 1531.
Porte du Baptistère. 1601–1606.
Galerie des Cerfs. 1600.
Cour de la Fontaine. Aile des Reines mères, 1565.
Aile de la Belle Cheminée, 1568.
Façade Sud de la Galerie de François Ier, 1594.
Grotte des Pins, vers 1543.
Chapelle de la Trinité. Décor intérieur, 1608 – après 1613.
Cour des Offices. 1609–1610.
Escalier en fer à cheval. Jean Androuet Du Cerceau, 1632–1634.
Hôtel du Grand Ferrare, 1542–1546.
Fresnes à Ecquevilly (Île-de-France, Yvelines), château, 1578–1580.
Fresnes à Fresnes-sur-Marne (Île-de-France, Seine-et-Marne), château, 1644-1646.
G
Gaillon (Haute-Normandie, Eure), château, 1502–1510.
Le Lydieu ou Maison Blanche, 1566.
Gien (Centre, Loiret), château, 1494 – vers 1500.
Graves, à Villefranche-de-Rouergue (Midi-Pyrénées, Aveyron), château, années 1550.
Grange-le-Roi (La) à Grisy-Suisnes (Île-de-France, Seine-et-Marne), château, 1582–1606.
Grosbois à Boissy-Saint-Léger (Île-de-France, Val-de-Marne), château, 1597–1616.
Guermantes (Île-de-France, Seine-et-Marne), château, corps de logis et communs, 1620 – vers 1631 ; pavillons
bas, vers 1638.
Guermantes (Île-de-France, Seine-et-Marne), château, aile de la galerie, après 1698.
Galleville à Doudeville (Haute-Normandie, Seine-Maritime), 1678 ou vers 1685.
H
Haut-Barr (Le) à Saverne (Alsace, Bas-Rhin), château, 1583, portail.
Hautefort (Aquitaine, Dordogne) vers 1630 – après 1644–1670.
Hombourg à Hombourg-Budanges (Lorraine, Moselle) Château neuf, 1566–1574.
I
Issy à Issy-les-Moulineaux (Île-de-France, Hauts-de-Seine), château, 1681.
477
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Répertoire alphabétique des édifices
J
Jallanges à Vernou-sur-Brenne (Centre, Indre-et-Loire) après 1502 – avant 1517.
Joigny (Bourgogne, Yonne)
Château, façade postérieure du corps de logis, 1600–1613.
Maison rue Grenet. Porche daté de 1609.
Joinville (Champagne-Ardenne, Haute-Marne), château du Grand-Jardin, 1540-1546.
Joigny (Bourgogne, Yonne), château,
Corps de logis sur cour, à partir de 1569.
Pavillon d’angle, après 1572 – vers 1580 ?
Jossigny (Île-de-France, Seine-et-Marne), château, vers 1730–1740.
Pavillon du Butard à La Celle-Saint-Cloud (Île-de-France, Yvelines) 1750–1751.
K
Keroüartz à Lannilis (Bretagne, Finistère), château, entre 1585 et 1602.
L
Lanquais (Aquitaine, Dordogne), château, fin des années 1550 ou vers 1570.
Laréole (Midi-Pyrénées, Haute-Garonne), château, 1579–1583.
Lauzun (Aquitaine, Lot-et-Garonne), château, portail, 1576.
Langres (Champagne-Ardenne, Haute-Marne) hôtel Valtier de Choiseul dit Du Breuil-de-Saint-Germain,
entre 1748 et 1770.
Lasserre (Aquitaine, Lot-et-Garonne), château, 1593–1596.
Laval (Pays-de-La-Loire, Mayenne), château neuf, aile de la galerie, 1540.
Loches (Centre, Indre-et-Loire), château, tours à bec du mur d’enceinte sud, XIIIe siècle.
Loges à Morlet (Bourgogne, Saône-et-Loire), château, châtelet, 1584.
Louveciennes (Île-de-France, Yvelines) pavillon de La Du Barry. 1771.
Lude (Le) (Pays-de-la-Loire, Sarthe), château, 1520–1530.
La Motte-Tilly (Champagne-Ardenne, Aube), château, 1755.
M
Maillé à Plounévez-Lochrist (Bretagne, Finistère), château, vers 1570.
Maintenon (Centre, Eure-et-Loir) château, aile de Jules Hardouin-Mansart et Robert de Cotte, 1684.
Maisons-Laffitte (Île-de-France, Yvelines), château, 1641 (ou vers 1633–1646.
Maisonfort (La) à Genouilly, (Centre, Cher), château, à partir de 1586 ou 1595-1610.
Marais (Le) Le Val-Saint-Germain (Île-de-France, Essonne), château, 1772–1779.
Marseille, (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Bouches-du-Rhône)
Maison diamantée, vers 1600.
Hôtel de ville, 1668–1677
Marsillargues (Languedoc, Hérault), château, aile sur cour, vers 1576.
Meillant (Centre, Cher), château, tour du Lion, après 1483 – avant 1510
Mesnières à Mesnières-en-Bray (Haute-Normandie, Seine-Maritime), château, vers 1540 – après 1550.
Mesnil-Voisin (Le) à Bourray-sur-Juine (Île-de-France, Essonne), château, 1633-1639
Meudon (Île-de-France, Hauts-de-Seine), château
Grotte, nymphée et orangerie. 1552–1560.
Le château Neuf, 1705–1711.
Pavillon central du Château Vieux, 1656–1657.
Miromesnil à Tourville-sur-Arques (Haute-Normandie, Seine-Maritime), château, 1590 – vers 1640.
Monléon-Magnoac (Midi-Pyrénées, Hautes-Pyrénées) Couvent de Notre-Dame Garaison, début du XVIIe
siècle.
Montbras (Lorraine, Meuse) Château neuf, à partir de 1598, inachevé en 1610.
Montceaux à Montceau-lès-Meaux (Île-de-France, Seine-et-Marne), château, 1597–1622.
Montgeoffroy à Mazé (Pays-de-la-Loire, Maine-et-Loire), château, Nicolas Barré, Vers 1775.
Montpellier (Languedoc-Roussillon, Hérault)
Amphithéâtre d’anatomie Saint-Cosme, 1752–1757.
Arc de triomphe du Peyrou, 1691.
Hôtel de Grilhe, 1 rue du Cannau, vers 1600-1608.
Hôtel de Saporta, 6 rue de-la-Vieille. Portail, après 1613.
Hôtel Baschi de Cayla, 1 rue Embouque-d’Or, milieu du XVIIe siècle.
Hôtel Baudon de Mauny, 1 rue de la Carbonerie, 1777.
Hôtel de Bocaud puis de Bosc, 10 rue de La Valfère. 1670 et 1707
Hôtel de Gayon, 3 rue de La Vieille. Portail, vers 1660.
Hôtel de Ginestous ou d’Hortolès, 15 rue du Trésorier-de-la-Bourse vers 1671.
Hôtel Girard, 2 rue Salle-L’Évêque, (à l’arrière de la maison Jean de Gayraud, fin du XVIe siècle)
Hôtel de Griffy, 26 rue de l’Aiguillerie, 1744–1758.
478
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Répertoire alphabétique des édifices
Hôtel Lamouroux, 15 Grand-Rue-Jean-Moulin, 1721.
Hôtel Lamouroux puis de Fourques, 25 Grand-rue-Jean-Moulin, 1725
Hôtel Marguerit, 12 rue Eugène-Lisbonne, 1720.
Hôtel Massia de Sallèle, 3 rue du Cannau, 1678.
Hôtel Roux, 2 place Pétrarque, vers 1758.
Hôtel de Solas, 1 rue Fournarié. Portail., 1645 (d’après un modèle de 1619).
Hôtel des Trésoriers de France, 7 rue Jacques-Cœur, 1676–1680.
Hôtel de Vigne, 5 rue Salle-L’Évêque, 1696.
Hôtel-Dieu Saint-Éloi, 31 rue de l’Université, 1750.
Maison Jean de Gayraud, 2 rue Salle-L’Évêque, après 1597.
Maison, 2 place Chabaneau, milieu du XVIIIe siècle ?
Maison, 15 rue du Palais, milieu du XVIIIe siècle ?
Montreuil-Bellay (Pays-de-la-Loire, Maine-et-Loire), porte de ville dite porte Saint-Jean, XVe siècle–début du
XVIe siècle.
Montsoreau (Pays de la Loire, Maine et Loire), château, tour d’escalier, vers 1515.
Mormaire (La) à Grosrouvre (Île-de-France, Yvelines), château, 1617.
Motte-Glain (La) à la Chapelle-Glain (Pays-de-la-Loire, Loire Atlantique), château, 1495 – vers 1497.
Mortier-Crolles à Saint-Quentin-des-Anges (Pays-de-la-Loire, Mayenne), château, 1496–1499.
Moulin (Le) à Lassay-sur-Croisne (Centre, Loir-et-Cher), château, vers 1480 – avant 1506.
Moulins (Auvergne, Allier), Palais ducal, pavillon et chapelle, 1495–1497 ; galerie, 1498.
Moussaye (La) à Plénée-Jugon, (Bretagne, Côtes-d’Armor), château, 1572–1583.
Moulins (Auvergne, Allier).
Ancien Collège des Jésuites, 1603-1656.
Couvent des Visitandines, 1648–1655
Maison, n° 2 place de l’Ancien-Palais. XVIIe siècle ?
N
Nandy (Île-de-France, Seine-et-Marne), château, à partir de 1595.
Nantes (Pays-de-la-Loire, Loire-Atlantique), château des ducs de Bretagne, enceinte, 1466-1480. Logis, 14801506.
Nantouillet (Île-de-France, Seine-et-Marne) après 1517–1521.
Neuville à Gambais (Île-de-France, Yvelines), château, avant 1559 – après 1582.
O
O à Mortrée (Basse-Normandie, Orne), château, fin XVe–1505.
Oiron (Poitou-Charentes, Deux-Sèvres), château
Aile gauche : (galerie basse, 1516–1517) ; galerie de l’étage, vers 1540 – vers 1546.
Pavillon du roi, années 1620.
Galerie ouest et pavillon 1660–1670, pavillon achevé en 1700
Outrelaize à Gouvix (Basse-Normandie, Calvados), château, corps de galerie, 1600 ou 1604 – 1613
P
Pailly (Le) (Champagne-Ardenne, Haute-Marne), château, à partir de 1563–1570 ou 1573.
Paris (Île-de-France)
Collège des Quatre Nations, 21 quai de Conti, 1662–1674.
Fontaine de la Croix-du-Trahoir, rue Saint-Honoré, 1775.
Hôtel d’Alméras, 30 rue des Francs-Bourgeois, 1611.
Hôtel Amelot de Bisseuil, 47 rue V-du-Temple, 1657–1660.
Hôtel d’Aumont, 7 rue de Jouy, avant 1648–1649-1650.
Hôtel d’Avaux ou de Saint-Aignan, 71 à 73 rue du Temple, (1643 ?) 1644–1647.
Hôtel Bautru de Serrant, 6 rue des Petits-Champs. 1634-1637.
Hôtel de Bellegarde puis Séguier, 45-51 rue Jean-Jacques Rousseau, 1612 – après 1635.
Hôtel Biron, ancien hôtel Peyrenc de Moras, 77 rue de Varenne, 1727-1732.
Hôtel de Brancas, 6 rue de Tournon (Paris 6e), 1710.
Hôtel de Bretonvilliers, 2-12 quai de Béthune, 1637-1643.
Hôtel de Coulanges, 35 rue des Francs-Bourgeois, 4e quart du XVIIe siècle, début XVIIIe.
Hôtel Carnavalet, 23 rue de Sévigné, 1660–1661.
Hôtel de Chalon-Luxembourg, 26 rue Geoffroy-Lasnier, 1623-1625.
Hôtel Coquet puis Catelan, 18 rue Vivienne, 1639–1642.
Hôtel de Duret de Chevry, 8 rue des Petits-Champs, 1635 – après 1641.
Hôtel d’Ecquevilly, 60, rue de Turenne, après 1733.
Hôtel d’Effiat, 26-28 rue Vieille-du-Temple, avant 1634 et 1636
Hôtel de Guénégaud des Brosses, 60 rue des Archives, 1651-1653.
479
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Répertoire alphabétique des édifices
Hôtel Hesselin et hôtel Sainctot 24-26, quai de Béthune, 1641–1642
Hôtel d’Hozier, 110 rue Vieille-du-Temple, à partir de 1623.
Hôtel de Jars, 69 rue de Richelieu, 1648.
Hôtel Lambert, 2 rue Saint-Louis-en-l’Île et n° 1 quai d’Anjou, vers 1640–1644.
Hôtel Lamoignon, v. 1584 – v.1612.
Hôtel de L’Aigle, 16 rue Saint-Guillaume, 1660.
Hôtel de La Bazinière, 15-17 quai Malaquais, 1653–1658.
Hôtel de La Rozière Petit hôtel Fieubet dit, 10 rue des Lions, 1646.
Hôtel de La Vrillière, 1-3 rue de la Vrillière, 1635-1650.
Hôtel Lamoignon ou ancien hôtel d’Angoulême, 24 rue Pavée. Portail, 1718.
Hôtel Le Pelletier de Saint-Fargeau, 29, rue de Sévigné, 1686-1690.
Hôtel de Liancourt, 16 rue de Seine, 1635-1642.
Hôtel de Ligneris (Carnavalet). Portail, vers 1547 – vers 1550.
Hôtel de Lionne, rue des Petits Champs, 1662–1665.
Hôtel de Mayenne, 21 rue Saint-Antoine, 1606 – après 1611.
Hôtel de Mercœur puis Vendôme, 256-258 rue Neuve-Saint-Honoré, 1625–1627.
Hôtel de Miramion, 47 quai de la Tournelle, vers 1635-1636.
Hôtel des Monnaies, 11 quai de Conti, 1767–1775.
Hôtel Salé (Aubert de Fontenay dit) l, 5 rue de Thorigny, 1656–1659.
Hôtel de Soubise, 1705–1708.
Hôtel de Sully, 62 rue Saint-Antoine, 1625–1630.
Hôtel Tubeuf (ou Colbert de Torcy) 16 rue Vivienne, 1648 ou 1649–1653-1655.
Hôtels place des Vosges (de la place Royale1605-1612
Hôtel de Chaulnes (9 place des Vosges)
Grand hôtel de Rohan (13 place des Vosges)
Maison rue des Boucheries (dessins d’élévations pour la reconstruction, avant 1630 ?)
Maisons de la place Dauphine. 1607-1610.
Maison, 115 rue Saint-Antoine, avant 1630 ?
Maison, 29, rue Saint-Roch. Avant 1630 ?
Maison, rue Montmartre, (dessins d’élévations pour la construction, avant 1630 ?)
Maison, n° 8 rue Vivienne, façade sur rue, 1736-1739 ?
Palais Cardinal, 1633-1644.
Palais du Louvre.
Façade orientale dite de la Colonnade, 1668.
Grande Galerie. Partie Est, 1595-1603.
Aile Lescot 1546–1549.
Pavillon royal, 1551–1556.
Petite Galerie. 1566–1567. (Étage construit en 1594–1595)
Pavillon du Salon carré. 1595-1604.
Palais du Luxembourg, 1615-1630.
Palais des Tuileries, rez-de-chaussée du pavillon central et ailes, 1564–1570. Pavillon Bullant, 1570–1572.
Palais abbatial de Saint-Germain-des-Prés, 1586.
Plessis-Rideau (Le) ou château des Réaux, (Centre, Indre-et-Loire) vers 1515 ?
Pont-en-Champagne (Champagne-Ardenne, Aube), 1638 – avant 1641.
Pontchartrain à Jouars-Pontchartrain (Île-de-France, Yvelines), château, 1633–1662.
Preuilly-sur-Claise (Centre, Indre-et-Loire), château de La Rallière, 1630–1640, avant 1649.
R
Raincy (Le) (Île-de-France, Seine-Saint-Denis), château, 1643.
Rochefoucauld (La) (Poitou-Charentes, Charente) 1520–1528.
Redon, hôtel Carmois (Bretagne, Ille-et-Vilaine) première moitié du XVIIe siècle (règne de Louis XIII)
Rennes (Bretagne, Ille-et-Vilaine)
Parlement de Bretagne, 1618–1655/1726.
Maisons 5 et 11, place du Champ-Jacquet. XVIIe siècle ?
Rueil à Reuil-Malmaison (Île-de-France, Hauts-de-Seine), château, 1636–1642. La Grotte, 1608.
Richelieu (Centre, Indre-et-Loire), château, 1631 – vers 1644.
Rosny (Île-de-France, Yvelines), château, à partir de 1595 ou en 1598-1599 – vers 1610.
S
Saint-Cloud (Île-de-France, Hauts-de-Seine), château, 1660 – vers 1700.
Saint-Denis (Île-de-France, Seine-Saint-Denis) palais abbatial, 1699 – vers 1720.
Saint-Fargeau (Bourgogne Yonne), château, façades sur cour, 1654–1657.
480
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Répertoire alphabétique des édifices
Saint-Germain-en-Laye (Île-de-France, Yvelines)
Château neuf, 1557–1559. Château de La Muette, 1542-1549.
Pavillon de chasse, entre 1765 et 1775.
Saint-Jory (Midi-Pyrénées, Haute-Garonne), château, aile sud, 1545–1547.
Saint-Loup-sur-Thouet (Poitou-Charentes, Deux-Sèvres), château, vers 1630–1640 ?
Saint-Léger (Île-de-France, Yvelines), château, 1548–1559
Saint-Martin du-Bec (Haute-Normandie, Seine-Maritime), château du Bec-Crespin, 1er tiers du XVIIe siècle.
Saint-Maur (Île-de-France, Val-de-Marne), château, 1541 – après 1575.
Sceaux (Île-de-France, Hauts-de-Seine) pavillon de l’Aurore, 1673 – avant 1683.
Sens (Bourgogne, Yonne) Palais archiépiscopal.
Aile Sud, 1519-1525.
Aile Est, 1545-1550.
Sully-le-Château (Bourgogne, Saône-et-Loire), château, après 1570 – fin XVIe ou début XVIIe.
Surgères (Poitou-Charentes, Charente-Maritime), château, portail, 1576.
Selles-sur-Cher (Centre, Loir-et-Cher), château, 1604–1612.
Sucy-en-Brie (Île-de-France, Val de Marne). Château, 1660-1661.
T
Taillis (Duclair, Haute-Normandie, Seine-Maritime) fin du XVIe siècle – milieu du XVIIe siècle.
Tanlay (Bourgogne, Yonne), château,
Châtelet d’entrée, 1568 – vers 1578.
Corps de logis et arc d’entrée de la cour d’honneur, 1642–1649.
Thouars (Poitou-Charentes, Deux-Sèvres), château, 1636/37–1645.
Tilloloy (Picardie, Oise) 1645.
Torigni, à Torigni-sur-Vire (Basse-Normandie, Manche), château, fin des années 1580 – vers 1612.
Toulouse (Midi-Pyrénées, Haute-Garonne)
Hôtel d’Assézat, 1555-1562, Nicolas Bachelier ?, Dominique Bachelier à partir de 1557.
Capitole, cour, 1602–1606.
Hôtel de Puivert ou Puyvert, 8 et 8bis rue Bouquières, milieu du XVIIe siècle.
Tour-d’Aigues (La) (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Vaucluse), château, 1550–1579.
Tourlaville (Basse-Normandie, Manche), château, 1562–1563.
Tours (Centre, Loir-et-Cher), maison dite de Tristan, fin du XVe siècle.
Troissereux (Picardie, Oise), château, fin XVIe s. (règne de Henri IV)
U
Ussé à Rigny Ussé (Centre, Indre-et-Loire) chapelle du château, après 1523, consacrée en 1538.
Uzès (Languedoc-Roussillon, Gard)
Hôtel de Chambon de la Tour, 18 rue du Docteur-Blanchard. 1re moitié du XVIIe siècle.
Hôtel de Joubert et d’Avéjan, 12 rue de la République, seconde moitié du XVIe siècle, portail, 1re moitié
du XVIIe siècle.
Hôtel de la Rochette, 26, place aux Herbes, 1re moitié du XVIIIe siècle ?
Hôtel Rossel d’Aigaliers, 2, place aux Herbes, XVIIe siècle, façade au début du XVIIIe siècle ?
Maison, 3, rue Jacques d’Uzès, première moitié du XVIIIe siècle ?
Maison, n° 3, rue Paul-Foussat, portail. 1re moitié du XVIIe siècle ?
Maison, n° 3, rue de la Pélisserie, 1re moitié du XVIIe siècle ?
Maison, n° 4, rue de la Pélisserie, 1re moitié du XVIIe siècle ?
Maison, n° 7, rue de la Pélisserie, façade refaite dans la première moitié du XVIIIe siècle.
Maison, rue de la République, première moitié du XVIIIe siècle ?
Maison, n° 1, rue Saint-Étienne, portail, 1re moitié du XVIIe siècle ?
Palais Ducal dit le Duché, aile sur la cour d’honneur, 1565–1572.
V
Val (Le) à Saint-Germain-en-Laye (Île-de-France, Yvelines) c, 1674–1676.
Vallery (Bourgogne, Yonne) Château, Pierre Lescot, 1548 – avant 1562.
Vandeuvre (Basse-Normandie, Calvados) Château, 1750–1752.
Vaux-le-Vicomte (Maincy et Moisenay, Île-de-France, Seine-et-Marne), château, 1656–1657.
Vayres (Aquitaine, Gironde). Château, après 1583–1589.
Versailles (Île-de-France, Yvelines)
Château.
Aile du Midi, 1678–1682.
Ailes des ministres, (1678) 1682–1683.
Corps de raccordement entre la cour de Marbre et la cour Royale, après 1674.
Cour de marbre, 1631–1634.
481
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Répertoire alphabétique des édifices
Grandes écuries, 1679–1682.
Pavillon de la Lanterne, 1760-1777 /1787.
Petit Trianon, 1760–1764.
Trianon de porcelaine, 1670.
Grand Trianon, 1687–1688
Vincennes (Île-de-France, Val-de-Marne), château,
Logis du Roi (1610-1617) 1654–1658.
Logis de la Reine, 1658.
Verger (Le) (Pays-de-la-Loire, Maine-et-Loire), château, 1497–1499.
Verneuil (Picardie, Oise), château, premier projet (Verneuil I) 1559/1560–1575.
Second projet (Verneuil II) vers 1576.
Verrerie (La) à Oizon (Centre, Cher), château, vers 1520–1525.
Veuil (Centre, Indre), château, 1520–1530.
Victo à Victot-Pontfol (Basse-Normandie, Calvados), château, 2e moitié du XVIe siècle (1570).
Villacerf (Champagne, Aube), château du Saint-Sépulcre, après 1653.
Villegongis (Centre, Indre), château, après 1531-1538.
Villelaure (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Vaucluse), château, 1579–1586.
Villesavin (Centre, Loir-et-Cher), château, après 1527 – vers 1537.
Vizille (Rhône-Alpes, Isère), château de Lesdiguières, 1611–1624.
Villarceaux à Chaussy (Île-de-France, Val-d’Oise), château, 1755–1759.
W
Wideville à Crespières et Davron (Île-de-France, Yvelines), château, 1580–1584.
Églises
Aix-en-Provence (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Bouches-du-Rhône)
Chapelle du couvent des Andrettes, 1702.
Chapelle des Oblats, Th. Venier, 1695–1701.
Église du Saint-Esprit, Laurent Vallon, 1705–1716.
Auxerre. Saint-Pierre-en-la-Vallée (Bourgogne, Yonne), façade, premier tiers du XVIIe siècle.
Aubervilliers (Île-de-France, Seine-Saint-Denis) Église Notre-Dame-des-Vertus, façade, 1628.
Auxerre (Bourgogne, Yonne)
Chapelle du Séminaire, façade, 1706–1709.
Chapelle des Visitandines. 1714.
Berville (Île-de-France, Val-d’Oise) Église Saint-Denis. Portail, 1552.
Besançon (Franche-Comté, Doubs) Église Saint-Pierre, années 1770 ?
Blois (Centre, Loir-et-Cher). Église des Jésuites.
Dessin d’Etienne Martellange pour la façade, 1624.
Façade du frère Turmel, (état actuel) 1634 – après 1654.
Bourges (Centre, Loir-et-Cher) Chapelle des Ursulines, 1699 – 1700.
Chaumont (Champagne-Ardenne, Haute-Marne). Chapelle du collège des Jésuites, vers 1630 – 1640
Cruzy-le-Châtel (Bourgogne, Yonne) Église Saint-Barthélémy, 1765–1774.
Évreux (Haute-Normandie, Eure) Cathédrale Notre-Dame, façade du bras nord, tour gauche, 1620.
Fresnes à Fresnes-sur-Marne (Île-de-France, Seine-et-Marne). Chapelle, 1644–1666.
Forcalquier (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Alpes de-Haute-Provence) Chapelle des Visitandines, vers 1630.
Génainville (Île-de-France, Val-d’Oise), Église Saint-Pierre, façade, milieu du XVIe siècle.
Gignac (Languedoc-Roussillon) Église Notre-Dame-de-Grâce ; 1re moitié du XVIIe siècle.
L’Isle-sur-la-Sorgue (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Vaucluse). Collégiale Notre-Dame-des-Anges, 1647-1672
Livilliers (Île-de-France, Val-d’Oise) Église Saint-Fiacre. Porche, 1560. Sculpture, 1574.
Luzarches (Île-de-France, Val-d’Oise). Église Saint-Côme-et-Saint-Damien, façade, 1548–1551.
Fécamp (Haute-Normandie, Seine-Maritime) Église de la Trinité, façade, 1748.
Beaucaire (Languedoc-Roussillon, Hérault) Notre-dame-des-Pommiers, 1732–1742.
Magny-en-Vexin (Île-de-France, Val-d’Oise) Église Notre-Dame, années 1540–1560. Couronnements
extérieurs des chapelles latérales.
Marseille (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Bouches-du-Rhône) Église Saint-Théodore, façade, première moitié
du XVIIe siècle.
Mesnil-Aubry (Le) (Île-de-France, Val-d’Oise) Église de la Nativité-de-la-Vierge, façade, 1582.
Montpellier (Languedoc-Roussillon, Hérault) Église Notre-Dame-des-Tables.
Moulins (Auvergne, Allier). Chapelle des Visitandines, 1648–1655.
Nantouillet (Île-de-France, Seine-et-Marne). Église Saint-Denis. Portail, vers 1550.
Nevers (Bourgogne, Nièvre). Saint-Pierre, 1612.
482
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Répertoire alphabétique des édifices
Chapelle de la Visitation, 1638, façade, 1641.
Nogent-sur-Seine (Champagne-Ardenne, Aube) Église Saint-Laurent, portail sud, 1560.
Othis (Île-de-France, Seine-et-Marne) église de la Nativité-de-la-Vierge, 1555–1573, façade.
Paris (Île-de-France)
Carmes déchaussés, couvent des, église Saint-Joseph. 1613–1620.
Notre-Dame-des-Victoires (1629–1740), façade, 1737–1740.
Noviciat des Jésuites, 1628–1642.
Oratoire, église de l’ (1621), façade, 1740–1748.
Saint-Etienne-du-Mont, jubé, 1530–1545.
Sainte-Élisabeth, 1628, façade, après 1640 ?
Saint-Étienne-du-Mont, façade, 1606–1622.
Sainte-Geneviève-du-Mont, projets pour la façade, 1625.
Saint-Germain-l’Auxerrois, portail du chevet, 1570.
Saint-Germain-des-Prés, portail du bras sud du transept, vers 1630.
Saint-Gervais-Saint-Protais, 1615–1621.
Saint-Nicolas-des-Champs, portail sud, 1574–1586.
Saint-Paul-Saint-Louis, 1629–1634.
Sorbonne, église de la, 1634–1642.
Visitation, chapelle de la, 1632–1634.
Val-de-Grâce, 1645–1669.
Rueil (Île-de-France, Hauts-de-Seine) Saint-Pierre-et-Saint-Paul, 1635.
Saint-Gervais (Île-de-France, Val-d’Oise) Saint-Gervais-Saint-Protais, façade, 1549–1550.
Saint-André-les-Vergers (Champagne-Ardenne, Aube) église Saint-André, double portail, 1549.
Troyes (Champagne-Ardenne, Aube). Église Saint-Nicolas, portail, 1551-1554.
Villeneuve-sur-Yonne (Bourgogne, Yonne) Église Notre-Dame de l’Assomption. Clôture des chapelles,
première moitié du XVIe siècle
Vienne (Rhône-Alpes, Isère). Projet pour l’Église du collège, première moitié du XVIIe siècle.
Versailles (Île-de-France, Yvelines) Église Notre-Dame, 1684.
Strasbourg (Alsace, Haut-Rhin), palais Rohan, 1727.
Uzès (Languedoc-Roussillon, Gard) église Saint-Étienne, 1763–1775.
483
RÉPERTOIRE DES ÉDIFICES PAR PÉRIODES
Édifices médiévaux 12e–14e ; 15e siècle, antérieurs à 1450
Angers (Pays-de-la-Loire, Maine-et-Loire), château, mur et tours d’enceinte, 1230–1240.
Chevreuse (Île-de-France, Yvelines), château. Donjon, fin du XIe siècle, début du XIIe siècle. Châtelet d’entrée,
deuxième moitié du XIVe siècle.
Époisses (Bourgogne, Côte-d’Or), château, tour dite de Condé, XIIIe siècle, tour octogonale, XIVe siècle.
Loches (Centre, Indre-et-Loire), château, tours à bec du mur d’enceinte sud, XIIIe siècle.
Montreuil-Bellay (Pays-de-la-Loire, Maine-et-Loire), porte de ville dite porte Saint-Jean, XVe siècle–début du
XVIe siècle.
Édifices civils 1450–1500
Amboise (Centre, Indre-et-Loire), château, Logis de Charles XVIII, à partir de 1491.
Blois (Centre, Loir-et-Cher), château, aile de Louis XII, 1498–1502 ou 1503.
Bourges (Centre, Cher) hôtel Jacques Cœur, après 1443 – avant 1451 (non achevé).
Châteaudun (Centre, Eure-et-Loir), château, aile de Dunois, vers 1459–1468 ou 1500.
Gien (Centre, Loiret), château, 1494 – vers 1500.
La Motte-Glain à la Chapelle-Glain (Pays-de-la-Loire, Loire Atlantique), 1495 – vers 1497.
Meillant (Centre, Cher), château, tour du Lion, après 1483 – avant 1510
Mortier-Crolles à Saint-Quentin-des-Anges (Pays-de-la-Loire, Mayenne) 1496–1499.
Moulins (Auvergne, Allier), Palais ducal, pavillon et chapelle, 1495–1497 ; galerie, 1498.
Moulin (Le) à Lassay-sur-Croisne (Centre, Loir-et-Cher) vers 1480 – avant 1506.
Nantes (Pays-de-la-Loire, Loire-Atlantique), château des ducs de Bretagne, enceinte, 1466–1480. Logis,
1480–1506.
O à Mortrée (Basse-Normandie, Orne), château, fin XVe–1505.
Tours (Centre, Loir-et-Cher), maison dite de Tristan, fin du XVe siècle.
Le Verger (Pays-de-la-Loire, Maine-et-Loire), château, 1497–1499.
Édifices civils 1500–1540
Ainay-le-Vieil (Centre, Cher), château, logis, vers 1510.
Azay-le-Rideau (Centre, Indre-et-Loire), château, 1518–1527.
Blois (Centre, Loir-et-Cher)
Hôtel d’Alluye, 1508.
Château, aile de François 1er, 1515–1524.
Maison, n° 12 rue de la Porte Chartraine, premier tiers du XVIe siècle ?
Bourges (Centre, Cher) Hôtel Cujas, autour de 1515.
Bonnivet à Vendeuvre-du-Poitou (Poitou-Charentes, Vienne), château, 1516 ou 1517–1525.
Bury-en-Blésois, à Molineuf (Centre, Loir-et-Cher) 1511–1515.
Caumont à Cazeau-Savès (Midi-Pyrénées, Gers), château, ailes nord et est, 1521–1535.
Challeau à Villecerf (Île-de-France, Seine-et-Marne), château, avant 1539 ? – vers 1545.
Chambord (Centre, Loir-et-Cher), château, donjon, 1519–1539 ; ailes nord et nord-est, vers 1538/1539 – vers
1544 ; ailes ouest et nord-ouest vers 1540 – vers 1550 (inachevées).
Châteaudun (Centre, Eure-et-Loir), château, aile de Longueville (v. 1470 – v. 1500 étages du soubassement)
1508 – avant 1518.
Châteaubriant (Pays-de-la-Loire, Loire-Atlantique), château, 1537–1543.
Cheillé, château de l’Islette (Centre, Indre-et-Loire), vers 1526 – vers 1531.
Chenonceau (Centre, Indre-et-Loire) vers 1514–1522.
Coubon (Auvergne, Haute-Loire), château de la Tour-Daniel. Tour d’escalier. Début du XVIe siècle.
Écouen (Île-de-France, Val d’Oise), château, ailes sud et ouest, vers 1538 – vers 1545.
Fleurigny à Thorigny-sur-Oreuse (Bourgogne, Yonne), château, reconstruction à partir de 1530.
Fontainebleau (Île-de-France, Seine-et-Marne), château, avant-cour, Cour ovale, Porte Dorée, 1528 – vers 1531.
Gaillon (Haute-Normandie, Eure), château, 1502–1510.
Jallanges à Vernou-sur-Brenne (Centre, Indre-et-Loire) après 1502 – avant 1517
Le Lude (Pays-de-la-Loire, Sarthe) 1520–1530.
Montsoreau (Pays de la Loire, Maine et Loire), Tour d’escalier, vers 1515.
Nantouillet (Île-de-France, Seine-et-Marne) après 1517–1521.
Plessis-Rideau (Le) (ou château des Réaux) (Centre, Indre-et-Loire), vers 1515 ?
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Répertoire des édifices par périodes
Rochefoucauld (La) (Poitou-Charentes, Charente), 1520–1528.
Sens (Bourgogne, Yonne) Palais archiépiscopal, aile sud, 1519–1525.
Ussé à Rigny Ussé (Centre, Indre-et-Loire), chapelle du château, après 1523, consacrée en 1538.
La Verrerie à Oizon (Centre, Cher), château, vers 1520–1525.
Veuil (Centre, Indre), château, 1520–1530.
Villegongis (Centre, Indre), château, après 1531–1538.
Villesavin (Centre, Loir-et-Cher), château, après 1527 – vers 1537.
Édifices civils 1540–1580
Ancy-le-Franc (Bourgogne, Yonne), château, 1544–1546.
Anet (Centre, Eure-et-Loir), château, 1548–1552. Corps de logis en fond de cour, 1548. Aile droite, chapelle,
1549–1551 (et aile gauche ?) Pavillon d’entrée achevé en 1552.
Azay-le-Ferron (Centre, Indre), château, pavillon, 1572.
Auxerre (Bourgogne, Yonne) Ancien palais épiscopal, pavillon de l’Officialité, fin des années 1540–1551.
Bailleul à Angerville-Bailleul (Haute-Normandie, Seine-Maritime), château, vers 1560.
Bas-Chareil (Le) à Chareil-Cintrat (Auvergne, Allier), château, 1552 – vers 1560. Cheminées
Beaucaire (Languedoc-Roussillon, Hérault) Hôtel Fermineau, 2e moitié du XVIe siècle.
Besançon (Franche-Comté, Doubs)
Hôtel de ville, façade sur rue, 1569–1573, façade sur cour, 1582–1585.
Hôtel de Chevannay, 1582.
Hôtel Du Bouteiller, 1582.
Boucard Le Noyer (Centre, Cher), château, aile nord, 1560.
Bournazel (Midi-Pyrénées, Aveyron), château, aile nord, 1442/1543–1545 ; aile est, vers 1550–1555.
Champlitte (Franche-Comté, Haute-Saône), château, corps de logis sur cour, entre 1570 et 1577.
Charleval (Haute-Normandie, Eure), château, 1570–1574 (inachevé)
Chenonceau (Centre, Indre-et-Loire), château, Galeries sur le Cher 1576 – après 1578.
Abbaye de Chaalis à Fontaine Chaalis (Picardie, Oise), autour de 1546–1547.
Chantilly (Picardie, Oise) Le Petit Château, 1557–1559.
Couiza, (Languedoc-Roussillon, Aude), château, années 1540.
Dijon. (Bourgogne, Côte-d’Or)
Hôtel Fyot de Mimeure, entre 1560 et 1562.
Maison Maillard dite Milsand, façade sur rue, avant 1561, cour, portique de Hugues Sambin, 1565.
Épinay à Champeaux (Bretagne, Ille-et-Vilaine), château, vers 1570 – après 1575.
Écouen (Île-de-France, Val d’Oise), château. 1546–1557.
Étage, avant-corps et portique de l’aile d’entrée à l’est (et décor de la chapelle), vers 1546.
Aile Nord, vers 1550 – vers 1552.
Façade extérieure de l’aile nord et portique nord sur cour, 1552–1553 ?
Portique sud sur cour, 1556–1557 ?
Fages à Saint-Cyprien, (Aquitaine, Dordogne), château, avant 1567 ou années 1570.
Fère-en-Tardenois (Picardie, Aisne), château, après 1552 – avant 1562.
Ferrières (Midi-Pyrénées, Tarn), château, Cheminée, après 1566.
Fleury-en-Bière (Île-de-France, Seine-et-Marne), château, 1551–1558. Aile droite sur cour, 1553. Avant-cour,
vers 1555 ?
Fontainebleau (Île-de-France, Seine-et-Marne) Hôtel du Grand Ferrare, 1542–1546.
Fontainebleau (Île-de-France, Seine-et-Marne), château,
Grotte des Pins, vers 1543.
Arc de triomphe de la cour du Cheval blanc, 1565
Cour de la Fontaine. Aile des Reines mères, 1565. Aile de la Belle Cheminée, 1568.
Gaillon (Haute-Normandie, Eure), château, Le Lydieu ou Maison Blanche, 1566.
Graves, à Villefranche-de-Rouergue (Midi-Pyrénées, Aveyron), château, années 1550.
Hombourg à Hombourg-Budanges (Lorraine, Moselle), château neuf, 1566–1574.
Joinville (Champagne-Ardenne, Haute-Marne), château du Grand-Jardin, 1540-1546.
Joigny (Bourgogne, Yonne), château, Corps de logis sur cour, à partir de 1569.
Pavillon d’angle, après 1572 – vers 1580 ?
Lanquais (Aquitaine, Dordogne), château, fin des années 1550 ou vers 1570.
Lauzun (Aquitaine, Lot-et-Garonne), château, portail, 1576.
Laval (Pays-de-La-Loire, Mayenne), château neuf, aile de la galerie, 1540.
Maillé à Plounévez-Lochrist (Bretagne, Finistère), château, vers 1570.
Marsillargues (Languedoc, Hérault), château, aile sur cour, vers 1576.
Mesnières à Mesnières-en-Bray (Haute-Normandie, Seine-Maritime), château, vers 1540 – après 1550.
485
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Répertoire des édifices par périodes
Meudon (Île-de-France, Hauts-de-Seine), château, Grotte, nymphée et orangerie. 1552–1560.
Moussaye (La) à Plénée-Jugon, (Bretagne, Côtes-d’Armor), château, 1572–1583.
Le Pailly (Champagne-Ardenne, Haute-Marne), château, à partir de 1563–1570 ou 1573.
Neuville à Gambais (Île-de-France, Yvelines), château, avant 1559 – après 1582.
Paris (Île-de-France)
Hôtel de Ligneris (ou Carnavalet). Portail, vers 1547 – vers 1550.
Palais du Louvre. Aile Ouest (aile Lescot) 1546–1549.
Pavillon royal, 1551–1556.
Petite Galerie. 1566–1567. (Étage construit en 1594–1595)
Palais des Tuileries. Rez-de-chaussée du pavillon central et ailes, 1564–1570. Pavillon Bullant, 1570–1572.
Oiron (Poitou-Charentes, Deux-Sèvres), château, aile gauche : (galerie basse, 1516–1517) ; galerie de l’étage, vers
1540 – vers 1546.
Saint-Germain-en-Laye (Île-de-France, Yvelines)
Château neuf, 1557–1559.
Château de La Muette, 1542–1549.
Saint-Jory (Midi-Pyrénées, Haute-Garonne), château, aile sud, 1545–1547.
Saint-Léger (Île-de-France, Yvelines), château, 1548–1559
Saint-Maur (Île-de-France, Val-de-Marne), château, 1541 – après 1575.
Aile en fond de cour, 1541–1544.
Projet de façade d’entrée, d’après le Premier Tome de l’Architecture de Philibert De l’Orme (1567).
Projet de Philibert De l’Orme pour Catherine de Médicis, à partir de 1563.
Projet de Jean Bullant pour Catherine de Médicis, après 1575.
Sens (Bourgogne, Yonne) Palais archiépiscopal. Aile est, 1545–1550.
Sully-le-Château (Bourgogne, Saône-et-Loire), château, après 1570 – fin XVIe ou début XVIIe.
Surgères (Poitou-Charentes, Charente-Maritime), château, portail, 1576.
Tanlay (Bourgogne, Yonne) Châtelet d’entrée, 1568 – vers 1578.
Toulouse (Midi-Pyrénées, Haute-Garonne)
Hôtel d’Assézat, 1555-1562, Nicolas Bachelier ?, Dominique Bachelier à partir de 1557.
Tour-d’Aigues (La) (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Vaucluse), château, 1550–1579.
Tourlaville (Basse-Normandie, Manche), château, 1562–1563.
Uzès (Languedoc-Roussillon, Gard)
Le Duché, aile sur la cour d’honneur, 1565–1572.
Hôtel de Joubert et d’Avéjan, 12 rue de la République. Seconde moitié du XVIe siècle.
Vallery (Bourgogne, Yonne), château, Pierre Lescot, 1548 – avant 1562.
Verneuil (Picardie, Oise), château, premier projet (Verneuil I) 1559/1560–1575.
Second projet (Verneuil II) vers 1576.
Victo à Victot-Pontfol (Basse-Normandie, Calvados), château, deuxième moitié du XVIe siècle (1570).
Villelaure (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Vaucluse), château, 1579–1586.
Églises 1540–1580
Berville (Île-de-France, Val-d’Oise) Église Saint-Denis. Portail, 1552.
Génainville (Île-de-France, Val-d’Oise), Église Saint-Pierre, façade, milieu du XVIe siècle.
Livilliers (Île-de-France, Val-d’Oise) Église Saint-Fiacre. Porche, 1560. Sculpture, 1574.
Luzarches (Île-de-France, Val-d’Oise). Église Saint-Côme-et-Saint-Damien, façade, 1548–1551.
Magny-en-Vexin (Île-de-France, Val-d’Oise) Église Notre-Dame, années 1540–1560. Couronnements
extérieurs des chapelles latérales.
Mesnil-Aubry (Le) (Île-de-France, Val-d’Oise) Église de la Nativité-de-la-Vierge, façade, 1582.
Nantouillet (Île-de-France, Seine-et-Marne). Église Saint-Denis. Portail, vers 1550.
Nogent-sur-Seine (Champagne-Ardenne, Aube) Église Saint-Laurent, portail sud, 1560.
Othis (Île-de-France, Seine-et-Marne) Église de la Nativité-de-la-Vierge, 1555–1573, façade.
Paris (Île-de-France)
Saint-Etienne-du-Mont. Jubé, 1530–1545.
Saint-Germain-l’Auxerrois. Portail du chevet, 1570.
Saint-Nicolas-des-Champs. Portail Sud, 1574–1586.
Saint-Gervais (Île-de-France, Val-d’Oise) Saint-Gervais-Saint-Protais, façade, 1549–1550.
Saint-André-les-Vergers (Champagne-Ardenne, Aube) église Saint-André, double portail, 1549.
Troyes (Champagne-Ardenne, Aube). Église Saint-Nicolas, portail, 1551–1554.
Villeneuve-sur-Yonne (Bourgogne, Yonne) Église Notre-Dame de l’Assomption. Clôture des chapelles,
première moitié du XVIe siècle.
486
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Répertoire des édifices par périodes
Édifices civils 1580–1640
Amboile à Ormesson-sur-Marne (Île-de-France, Val-de-Marne) Château, à partir de 1578.
Abondant (Centre, Eure-et-Loir) Château, premier tiers du XVIIe siècle.
Azay-le-Ferron, (Centre, Indre) Château, pavillon de Breteuil, 1638 remanié au début du XVIIIe siècle.
Avignon, Hôtel des Monnaies (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Vaucluse), 1619.
Auray (Bretagne, Morbihan), maison du Parlement, 1re moitié du XVIIe siècle
Balleroy (Basse-Normandie, Calvados), château, 1631 – ?
Bâville à Saint-Chéron (Île-de-France, Essonne), château, corps de logis, 1625.
Beaumesnil (Haute-Normandie, Eure), château, 1633–1640.
Beaune (Bourgogne, Côte-d’Or) Hôtel de Saulx, portail, premier tiers du XVIIe siècle.
Berny à Fresnes (Île-de-France, Val-de-Marne), château, 1623–1627.
Besançon (Franche-Comté, Doubs) portails de deux maisons, premier tiers du XVIIe siècle.
Bevilliers-Breteuil à Choisel, (Île-de-France, Yvelines), château, après 1580–1596 ou vers 1600.
Blérancourt (Picardie, Aisne), château, 1612–1655.
Blois (Centre, Loir-et-Cher), château, Aile Gaston d’Orléans, 1635–1638.
Bourges (Centre, Cher) Hôtel des Échevins, 1624.
Bonnemare à Radepont (Haute-Normandie, Eure), château, années 1590.
Brissac (Pays-de-la-Loire, Maine-et-Loire), château, 1607.
Canisy (Basse-Normandie, Manche), château, logis et aile en retour, après 1580, pavillon de l’escalier, 1588 – vers
1610
Chambray à Gouville (Haute-Normandie, Eure), château, logis, vers 1580 – vers 1600.
Charleville (Champagne-Ardenne, Marne) Place Ducale, 1612–1628.
Châteauneuf-sur-Cher (Centre, Cher), château, châtelet et logis, 1580.
Châtres à Champcevrais (Bourgogne, Yonne), château, fin du XVIe siècle–début du XVIIe siècle.
Chavigny à Lerné (Centre, Indre-et-Loire), château, 1637–1646.
Cheverny (Centre, Loir-et-Cher), château, v. 1625 ? – avant 1648.
Chilly-Mazarin (Île-de-France, Essonne), château, 1627–1630.
Coulommiers (Île-de-France, Seine-et-Marne), château, 1613 – vers 1655.
Courances (Île-de-France, Essonne), château, 1622–1630.
Dampierre (Île-de-France, Yvelines), pavillon de Becquencourt, fin du XVIe siècle ou début du XVIIe siècle,
avant 1626.
Dijon (Bourgogne, Côte-d’Or)
Palais ducal, cour de Bar, entrée de l’escalier de Bellegarde, vers 1620.
Hôtel de Vogüé, 1614 – vers 1618
Effiat (Auvergne, Puy-de-Dôme), château, 1630–1634.
Fervaques (Basse-Normandie, Calvados), château, 1596–1602.
Fontainebleau (Île-de-France, Seine-et-Marne), château
Cour de la Fontaine, façade sud de la Galerie de François Ier, 1594.
Galerie des Cerfs, 1600.
Porte du Baptistère, 1601–1606.
Chapelle de la Trinité ; décor intérieur, 1608 – après 1613.
Cour des Offices, 1609–1610.
Escalier en fer à cheval, Jean Androuet Du Cerceau, 1632–1634.
Fresnes à Ecquevilly (Île-de-France, Yvelines) 1578–1580.
Grange-le-Roi (La) à Grisy-Suisnes (Île-de-France, Seine-et-Marne), château, 1582–1606.
Grosbois à Boissy-Saint-Léger (Île-de-France, Val-de-Marne), château, 1597–1616.
Guermantes (Île-de-France, Seine-et-Marne), château, corps de logis et communs, 1620 – vers 1631 ; pavillons
bas, vers 1638.
Haut-Barr (Le) à Saverne (Alsace, Bas-Rhin), château, 1583, portail.
Hautefort (Aquitaine, Dordogne), vers 1630 – après 1644–1670.
Joigny (Bourgogne, Yonne), château, façade postérieure du corps de logis, 1600–1613.
Maison rue Grenet, porche daté de 1609.
Keroüartz à Lannilis (Bretagne, Finistère), château, entre 1585 et 1602.
Laréole (Midi-Pyrénées, Haute-Garonne), château, 1579–1583.
Lasserre (Aquitaine, Lot-et-Garonne), château, 1593–1596.
Loges à Morlet (Bourgogne, Saône-et-Loire), château, châtelet, 1584.
Maisonfort (La) à Genouilly, (Centre, Cher), château, à partir de 1586 ou 1595-1610.
Maisons-Laffitte (Île-de-France, Yvelines) François Mansart, 1641 (ou vers 1633)–1646.
Marseille, (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Bouches-du-Rhône) Maison diamantée, vers 1600.
Mesnil-Voisin (Le) à Bourray-sur-Juine (Île-de-France, Essonne), château, 1633-1639
Miromesnil à Tourville-sur-Arques (Haute-Normandie, Seine-Maritime), château, 1590 – vers 1640.
487
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Répertoire des édifices par périodes
Monléon-Magnoac (Midi-Pyrénées, Hautes-Pyrénées), couvent de Notre-Dame Garaison, début du XVIIe
siècle.
Montbras (Lorraine, Meuse), château neuf, à partir de 1598, inachevé en 1610.
Montceaux à Montceau-lès-Meaux (Île-de-France, Seine-et-Marne), château, 1597–1622.
Montpellier (Languedoc-Roussillon, Hérault)
Maison Jean de Gayraud, 2 rue Salle-L’Évêque, après 1597.
Hôtel de Grilhe, 1 rue du Cannau, vers 1600-1608.
Hôtel de Saporta, 6 rue de-la-Vieille, portail, après 1613.
Mormaire (La) à Grosrouvre (Île-de-France, Yvelines), château, 1617.
Moulins (Auvergne, Allier).
Ancien Collège des Jésuites. 1603-1656.
Couvent des Visitandines, 1648–1655
Maison, n° 2 place de l’Ancien-Palais.
Nandy (Île-de-France, Seine-et-Marne), château, à partir de 1595.
Oiron (Poitou-Charentes, Deux-Sèvres), château, pavillon du roi, années 1620.
Outrelaize à Gouvix (Basse-Normandie, Calvados), château, corps de galerie, 1600 ou 1604–1613
Paris (Île-de-France)
Hôtel d’Alméras, 30 rue des Francs-Bourgeois, 1611.
Hôtel Bautru de Serrant, 6 rue des Petits-Champs. 1634-1637.
Hôtel de Bellegarde puis Séguier, 45-51 rue Jean-Jacques Rousseau, 1612 – après 1635.
Hôtel de Bretonvilliers, 2-12 quai de Béthune, 1637-1643.
Hôtel de Chalon-Luxembourg, 26 rue Geoffroy-Lasnier, 1623-1625.
Hôtel Coquet puis Catelan, 18 rue Vivienne, 1639–1642.
Hôtel de Duret de Chevry, 8 rue des Petits-Champs, 1635 – après 1641.
Hôtel d’Effiat, 26-28 rue Vieille-du-Temple, avant 1634 et 1636
Hôtel d’Hozier, 110 rue Vieille-du-Temple, à partir de 1623.
Hôtel Lamoignon, entre 1584 et 1585–1589 ; après 1611-1612.
Hôtel de La Vrillière, 1-3 rue de la Vrillière, 1635-1650.
Hôtel de Liancourt, 16 rue de Seine, 1635-1642.
Hôtel de Mayenne, 21 rue Saint-Antoine, 1606 – après 1611.
Hôtel de Mercœur puis Vendôme, 256-258 rue Neuve-Saint-Honoré, 1625–1627.
Hôtel de Miramion, 47 quai de la Tournelle, vers 1635-1636.
Hôtel de Sully, 62 rue Saint-Antoine, 1625–1630.
Hôtels de la place Royale (place des Vosges) 1605-1612
Hôtel de Chaulnes (9 place des Vosges)
Grand hôtel de Rohan (13 place des Vosges)
Maisons
Élévations pour la reconstruction d’une maison rue des Boucheries à Paris avant 1630 ?
Maisons de la place Dauphine. 1607-1610.
Maison, 115 rue Saint-Antoine, avant 1630 ?
Maison d’une travée, 29, rue Saint-Roch. Avant 1630 ?
Élévation pour la construction d’une maison neuve rue Montmartre, avant 1630 ?
Palais abbatial de Saint-Germain-des-Prés, 1586.
Palais Cardinal, 1633-1644.
Palais du Louvre, pavillon du Salon carré, 1595-1604.
Grande Galerie, partie est, 1595-1603.
Palais du Luxembourg, 1615-1630.
Pont-en-Champagne (Champagne-Ardenne, Aube) Le Muet, 1638 – avant 1641.
Pontchartrain à Jouars-Pontchartrain (Île-de-France, Yvelines), château, 1633–1662.
Preuilly-sur-Claise (Centre, Indre-et-Loire), château de La Rallière, 1630–1640, avant 1649.
Redon, hôtel Carmois (Bretagne, Ille-et-Vilaine) première moitié du XVIIe siècle (règne de Louis XIII)
Rennes (Bretagne, Ille-et-Vilaine) Parlement de Bretagne. 1618–1655/1726.
Maisons 5 et 11, place du Champ-Jacquet.
Richelieu (Centre, Indre-et-Loire), château, 1631 – vers 1644.
Rosny (Île-de-France, Yvelines), château, à partir de 1595 ou en 1598-1599 – vers 1610.
Rueil à Reuil-Malmaison (Île-de-France, Hauts-de-Seine), château, 1636–1642, la Grotte, 1608.
Saint-Loup-sur-Thouet (Poitou-Charentes, Deux-Sèvres), château, vers 1630–1640 ?
Saint-Martin du-Bec (Haute-Normandie, Seine-Maritime), château du Bec-Crespin, premier tiers du XVIIe
siècle.
Selles-sur-Cher (Centre, Loir-et-Cher), château, 1604–1612.
Taillis (Duclair, Haute-Normandie, Seine-Maritime) fin du XVIe siècle–milieu du XVIIe siècle.
488
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Répertoire des édifices par périodes
Tanlay (Bourgogne, Yonne), château, 1642–1649.
Thouars (Poitou-Charentes, Deux-Sèvres), château, 1636/37–1645.
Tilloloy (Picardie, Oise), château, 1645.
Torigni, à Torigni-sur-Vire (Basse-Normandie, Manche), château, fin des années 1580 – vers 1612. Aile droite
sur cour.
Troissereux (Picardie, Oise), château, fin XVIe (règne de Henri IV)
Toulouse (Midi-Pyrénées, Haute-Garonne) Capitole, cour, 1602–1606.
Uzès (Languedoc-Roussillon, Gard)
Hôtel de Chambon de la Tour, 18 rue du Docteur-Blanchard. 1re moitié du XVIIe siècle ?
Hôtel de Joubert et d’Avéjan, 12 rue de la République. Portail, 1re moitié du XVIIe siècle.
Maison, n° 1, rue Saint-Étienne. Portail. 1re moitié du XVIIe siècle ?
Maison, n° 3, rue Paul-Foussat. Portail. 1re moitié du XVIIe siècle ?
Maison, n° 3, rue de la Pélisserie. 1re moitié du XVIIe siècle ?
Maison, n° 4, rue de la Pélisserie. 1re moitié du XVIIe siècle ?
Vayres (Aquitaine, Gironde), château, après 1583–1589.
Versailles (Île-de-France, Yvelines), château. Cour de marbre. 1631–1634.
Vizille (Rhône-Alpes, Isère), château de Lesdiguières, 1611–1624.
Wideville à Crespières et Davron (Île-de-France, Yvelines), château, 1580–1584.
Églises 1580–1640
Auxerre. Saint-Pierre-en-la-Vallée (Bourgogne, Yonne), façade, premier tiers du XVIIe siècle.
Aubervilliers (Île-de-France, Seine-Saint-Denis), église Notre-Dame-des-Vertus, façade, 1628.
Blois (Centre, Loir-et-Cher). Église des Jésuites.
Dessin d’Etienne Martellange pour la façade, 1624.
Façade du frère Turmel, (état actuel) 1634 – après 1654.
Chaumont (Champagne-Ardenne, Haute-Marne). Chapelle du collège des Jésuites, vers 1630–1640.
Évreux (Haute-Normandie, Eure) Cathédrale Notre-Dame, façade du bras nord, tour gauche, 1620.
Forcalquier (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Alpes de-Haute-Provence) Chapelle des Visitandines, vers 1630.
Gignac (Languedoc-Roussillon) Église Notre-Dame-de-Grâce, 1re moitié du XVIIe siècle.
Marseille (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Bouches-du-Rhône), église Saint-Théodore, façade, première moitié
du XVIIe siècle.
Nevers (Bourgogne, Nièvre). Saint-Pierre, 1612.
Chapelle de la Visitation, 1638, façade, 1641.
Paris (Île-de-France)
Couvent des Carmes déchaussés, église Saint-Joseph. 1613–1620.
Noviciat des Jésuites, 1628–1642.
Saint-Germain-des-Prés, portail du bras sud du transept, vers 1630.
Saint-Gervais-Saint-Protais, 1615–1621.
Saint-Étienne-du-Mont, façade, 1606–1622.
Saint-Paul-Saint-Louis, 1629–1634
Sainte-Geneviève-du-Mont, projets pour la façade, 1625.
Église de la Sorbonne, 1634–1642.
Chapelle de la Visitation, 1632–1634.
Rueil (Île-de-France, Hauts-de-Seine) Saint-Pierre-et-Saint-Paul, 1635.
Vienne (Rhône-Alpes, Isère), projet pour l’église du Collège, première moitié du XVIIe siècle.
Édifices civils 1640-1680
Aix-en-Provence (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Bouches-du-Rhône), hôtel Boyer d’Eguilles. 1672–1675.
Agde (Languedoc-Roussillon, Hérault)
Hôtel de ville, 1651.
Portail, 5 rue Honoré Muratet, milieu du XVIIe siècle ?
Auxerre, Hôtel Nigot (Bourgogne, Yonne) 1672.
Beaucaire (Languedoc-Roussillon, Hérault)
Hôtel de Ville, 1679–1683.
Hôtel de Margailler, 1675–1680.
Cany à Cany-Barville (Haute-Normandie, Seine-Maritime), château, 1640–1646, restauré vers 1830.
Caumont à Cazeau-Savès (Midi-Pyrénées, Gers), château, aile droite, après 1658.
Chamarande (Île-de-France, Essonne), château, 1654.
Champ-de-Bataille à Sainte Opportune-du-Bosc (Haute-Normandie, Eure), château, 1653–1665.
Choisy-le-Roi (Île-de-France, Val-de-Marne), château, 1678–1686.
489
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Répertoire des édifices par périodes
Clagny à Versailles (Île-de-France, Yvelines), château, 1676-1683.
Courson à Courson-Monteloup (Île-de-France, Essonne), château, (1639–1655) reconstruction après 1667 – vers
1676-1678.
Fresnes à Fresnes-sur-Marne (Île-de-France, Seine-et-Marne), château, 1644-1646.
Galleville à Doudeville (Haute-Normandie, Seine-Maritime), 1678 ou vers 1685.
Marseille (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Bouches-du-Rhône), hôtel de ville, 1668–1677
Meudon (Île-de-France, Hauts-de-Seine), pavillon central du Château Vieux, 1656–1657.
Montpellier (Languedoc-Roussillon, Hérault)
Hôtel de Gayon, 3 rue de La Vieille, portail, vers 1660.
Hôtel de Ginestous ou d’Hortolès, 15 rue du Trésorier-de-la-Bourse vers 1671.
Hôtel Massia de Sallèle, 3 rue du Cannau, 1678.
Hôtel de Solas, 1 rue Fournarié, portail, 1645 (d’après un modèle de 1619).
Hôtel des Trésoriers de France, 7 rue Jacques-Cœur, 1676–1680.
Oiron (Poitou-Charentes, Deux-Sèvres), château, galerie ouest et pavillon 1660–1670, pavillon achevé en 1700
(voir 1580-1640)
Paris (Île-de-France)
Collège des Quatre Nations, 21 quai de Conti, 1662–1674.
Hôtel Amelot de Bisseuil, ou des Ambassadeurs de Hollande, 47 rue Vieille-du-Temple, 1657–1660.
Hôtel d’Aumont, 7 rue de Jouy, avant 1648–1649-1650.
Hôtel d’Avaux ou de Saint-Aignan, 71 à 73 rue du Temple, (1643 ?) 1644–1647.
Hôtel Carnavalet, 23 rue de Sévigné, 1660–1661.
Hôtel de Guénégaud des Brosses, 60 rue des Archives, 1651-1653.
Hôtel Hesselin et hôtel Sainctot 24-26, quai de Béthune, 1641–1642
Hôtel de Jars, 69 rue de Richelieu, 1648.
Hôtel de L’Aigle, 16 rue Saint-Guillaume, 1660.
Hôtel de La Bazinière, 15-17 quai Malaquais, 1653–1658.
Petit hôtel Fieubet dit hôtel de La Rozière, 10 rue des Lions, 1646.
Hôtel Lambert., 2 rue Saint-Louis-en-l’Île et n° 1 quai d’Anjou, vers 1640–1644.
Hôtel de Lionne, rue des Petits Champs, 1662–1665.
Hôtel Aubert de Fontenay dit hôtel Salé, 5 rue de Thorigny, 1656–1659.
Hôtel Tubeuf (ou Colbert de Torcy) 16 rue Vivienne, 1648 ou 1649 ; 1653–1655.
Palais du Louvre, façade orientale dite de la Colonnade, 1668.
Le Raincy (Île-de-France, Seine-Saint-Denis), château, 1643.
Saint-Fargeau (Bourgogne Yonne), château, façades sur cour, 1654–1657.
Villacerf (Champagne, Aube), château du Saint-Sépulcre, après 1653.
Saint-Cloud (Île-de-France, Hauts-de-Seine), château, 1660 – vers 1700.
Sceaux (Île-de-France, Hauts-de-Seine) pavillon de l’Aurore. 1673– avant 1683.
Sucy-en-Brie (Île-de-France, Val de Marne), château, 1660-1661.
Le Val à Saint-Germain-en-Laye (Île-de-France, Yvelines), château, 1674–1676.
Vaux-le-Vicomte (Maincy et Moisenay, Île-de-France, Seine-et-Marne), château, 1656 -1657.
Versailles (Île-de-France, Yvelines), château.
Aile du Midi, 1678–1682.
Corps de raccordement entre la cour de Marbre et la cour Royale, après 1674.
Grandes écuries, 1679–1682.
Ailes des ministres, (1678) 1682–1683.
Trianon de porcelaine, Louis le Vau, 1670.
Vincennes (Île-de-France, Val-de-Marne), château.
Logis du Roi (1610-1617) 1654–1658.
Logis de la Reine, 1658.
Églises 1640-1680
L’Isle-sur-la-Sorgue (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Vaucluse). Collégiale Notre-Dame-des-Anges, 1647-1672
Fresnes à Fresnes-sur-Marne (Île-de-France, Seine-et-Marne), chapelle du château, 1644–1666.
Paris
Sainte-Élisabeth (1628), façade, après 1640 ?
Val-de-Grâce, 1645–1669.
Versailles (Île-de-France, Yvelines) église Notre-Dame, 1684.
Moulins (Auvergne, Allier), chapelle des Visitandines, 1648–1655.
490
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Répertoire des édifices par périodes
Édifices civils 1680-1720
Aigle (L’) (Basse-Normandie, Orne), château et communs, vers 1690.
Aix-en-Provence (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Bouches-du-Rhône) Hôtel de Caumont, 1715–1742.
Champs-sur-Marne (Île-de-France, Seine-et-Marne), château, 1703–1707.
Chambord (Centre, Loir-et-Cher), château, Porte royale. 1681–1685.
Dampierre (Île-de-France, Yvelines), château, 1682–1685.
Dijon (Bourgogne, Côte-d’Or)
Hôtel Legouz de Gerland, après 1690.
Palais des États, 1681–1689.
Fécamp (Haute-Normandie, Seine-Maritime) Palais abbatial de la Trinité, première moitié du XVIIIe siècle.
Guermantes (Île-de-France, Seine-et-Marne), château, aile de la galerie, après 1698.
Issy à Issy-les-Moulineaux (Île-de-France, Hauts-de-Seine), château, 1681.
Meudon (Île-de-France, Hauts-de-Seine), le Château Neuf, 1705–1711.
Maintenon (Centre, Eure-et-Loir), aile de Jules Hardouin-Mansart et Robert de Cotte, 1684.
Montpellier (Languedoc-Roussillon, Hérault)
Arc de triomphe du Peyrou, Charles-Augustin d’Aviler sur les dessins de François d’Orbay, 1691.
Hôtel de Bocaud puis de Bosc, 10 rue de La Valfère, 1670 et 1707
Hôtel Girard, 2 rue Salle-L’Évêque (à l’arrière de la maison Jean de Gayraud, fin du XVIe siècle) premier
tiers du XVIIIe siècle ?
Hôtel de Vigne, 5 rue Salle-L’Évêque, d’après des projets de Charles-Augustin d’Aviler datés de 1696.
Paris (Île-de-France)
Hôtel de Brancas, 6 rue de Tournon (Paris 6e), 1710.
Hôtel de Coulanges, 35 rue des Francs-Bourgeois, 4e quart du XVIIe siècle, début du XVIIIe.
Hôtel Le Pelletier de Saint-Fargeau, 29, rue de Sévigné, 1686-1690.
Hôtel de Soubise, 1705–1708.
Saint-Cloud (Île-de-France, Hauts-de-Seine), château, façades rhabillées en 1700 : voir période 1640–1680.
Saint-Denis (Île-de-France, Seine-Saint-Denis) Palais abbatial, 1699 – vers 1720.
Toulouse (Midi-Pyrénées, Haute-Garonne) Hôtel de Puivert ou Puyvert, 8 et 8bis rue Bouquières, milieu du
XVIIe siècle.
Uzès (Languedoc-Roussillon, Gard)
Hôtel Rossel d’Aigaliers, 2, place aux Herbes, XVIIe siècle, façade au début du XVIIIe siècle ?
Versailles (Île-de-France, Yvelines), château.
Grand Trianon, 1687–1688.
Églises 1680-1720
Aix-en-Provence (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Bouches-du-Rhône)
Chapelle du couvent des Andrettes, 1702.
Chapelle des Oblats, 1695–1701.
Église du Saint-Esprit, 1705–1716.
Auxerre (Bourgogne, Yonne)
Chapelle du Séminaire, façade, 1706–1709.
Chapelle des Visitandines. 1714.
Bourges, (Centre, Loir-et-Cher) Chapelle des Ursulines, 1699 – 1700.
Édifices civils après 1720
Asnières-sur-Seine (Île-de-France, Hauts-de-Seine), château, 1750.
Pavillon de Bagatelle au Bois de Boulogne (Île-de-France, Paris) 1777.
Beaucaire (Languedoc-Roussillon, Hérault) Hôtel de Clausonnette, vers 1745.
Champlâtreux à Épinay-Champlâtreux (Île-de-France, Val-d’Oise), château, 1735–1757.
Coubert (Île-de-France, Seine-et-Marne), château, Orangerie, vers 1720 ou vers 1740.
Eaubonne (Île-de-France, Val-d’Oise), château, 1766-1767.
Jossigny (Île-de-France, Seine-et-Marne), château, vers 1730–1740.
Pavillon du Butard à La Celle-Saint-Cloud (Île-de-France, Yvelines) 1750–1751.
Langres (Champagne-Ardenne, Haute-Marne) Hôtel Valtier de Choiseul dit Du Breuil-de-Saint-Germain,
entre 1748 et 1770.
Louveciennes (Île-de-France, Yvelines) Pavillon de La Du Barry. 1771.
La Motte-Tilly (Champagne-Ardenne, Aube), château, 1755.
Le Marais, Le Val-Saint-Germain (Île-de-France, Essonne), château, 1772–1779.
Pavillon de chasse de La Muette à Saint-Germain-en-Laye (Île-de-France, Yvelines) entre 1765 et 1775.
491
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Répertoire des édifices par périodes
Montgeoffroy à Mazé (Pays-de-la-Loire, Maine-et-Loire), château, Vers 1775.
Montpellier (Languedoc-Roussillon, Hérault)
Hôtel Baschi de Cayla, 1 rue Embouque-d’Or, milieu du XVIIe siècle.
Hôtel Baudon de Mauny, 1 rue de la Carbonerie, 1777.
Hôtel de Griffy, 26 rue de l’Aiguillerie, 1744–1758.
Hôtel Lamouroux, 15 Grand-Rue-Jean-Moulin, 1721.
Hôtel Lamouroux puis de Fourques, 25 Grand-rue-Jean-Moulin, 1725
Hôtel Marguerit, 12 rue Eugène-Lisbonne, 1720.
Hôtel Roux, 2 place Pétrarque, vers 1758.
Hôtel-Dieu Saint-Éloi, 31 rue de l’Université, 1750.
Le Saint-Cosme, amphithéâtre d’anatomie, 1752-1757.
Maison, 2 place Chabaneau, milieu du XVIIIe siècle ?
Maison, 15 rue du Palais, milieu du XVIIIe siècle ?
Paris (Île-de-France)
Fontaine de la Croix-du-Trahoir, rue Saint-Honoré, 1775.
Hôtel Biron, 77 rue de Varenne, 1727-1732.
Hôtel d’Ecquevilly, 60, rue de Turenne, après 1733.
Hôtel des Monnaies, 11 quai de Conti, 1767–1775.
Maison, n° 8 rue Vivienne, façade sur rue, 1736-1739 ?
Uzès (Languedoc-Roussillon, Gard)
Hôtel de la Rochette, 26, place aux Herbes, 1re moitié du XVIIIe siècle ?
Maison, 3, rue Jacques d’Uzès, première moitié du XVIIIe siècle ?
Maison, n° 7, rue de la Pélisserie, façade refaite dans la première moitié du XVIIIe siècle.
Maison, rue de la République, première moitié du XVIIIe siècle ?
Vandeuvre (Basse–Normandie, Calvados), château, 1750–1752.
Versailles (Île-de-France, Yvelines),
Le Petit Trianon, 1760–1764.
Le Pavillon de la Lanterne, 1760-1777 /1787.
Villarceaux à Chaussy (Île-de-France, Val-d’Oise), château, 1755–1759.
Églises après 1720
Besançon (Franche-Comté, Doubs), église Saint-Pierre, années 1770 ?
Cruzy-le-Châtel (Bourgogne, Yonne), église Saint-Barthélémy, 1765–1774.
Fécamp (Haute-Normandie, Seine-Maritime), église de la Trinité, façade, 1748.
Beaucaire (Languedoc-Roussillon, Hérault), église Notre-dame-des-Pommiers, 1732–1742.
Montpellier (Languedoc-Roussillon, Hérault), église Notre-Dame-des-Tables, 1724–1748.
Strasbourg (Alsace, Haut-Rhin) Palais Rohan, 1727.
Uzès (Languedoc-Roussillon, Gard), église Saint-Étienne, 1763–1775.
Paris
Église Notre-Dame-des-Victoires (1629–1740), façade, 1737–1740.
Église de l’Oratoire (1621), façade, 1740–1748.
492
TABLE DES MATIÈRES
PRÉFACE .........................................................................................................................5
AVANT-PROPOS .............................................................................................................9
L’ordre du mur ...........................................................................................................................................................................................11
L’ordre de l’ornement ...............................................................................................................................................................................12
Remerciements ...........................................................................................................................................................................................15
INTRODUCTION ......................................................................................................... 16
Le cadre historique : l’âge classique........................................................................................................................................................16
Le système du mur.....................................................................................................................................................................................18
Le principe structural du mur ............................................................................................................................................................19
Du mur à l’ordonnance du mur : les trois temps du mémoire .........................................................................................................22
Un vaste corpus..........................................................................................................................................................................................26
Les attendus de la recherche sur le plan historique.............................................................................................................................28
ESTHÉTIQUE DU MUR .............................................................................................. 30
LE PAREMENT EN PIERRE DE TAILLE .................................................................................................. 32
L’esthétique du mur nu ..................................................................................................................................... 33
Le parement dressé....................................................................................................................................................................................33
De la solidité apparente à l’effacement de la technique ...............................................................................................................35
Le parement texturé ..................................................................................................................................................................................40
LE BOSSAGE ........................................................................................................................................................ 42
Les types de bossages................................................................................................................................................................................43
Les types d’appareils à bossages..............................................................................................................................................................46
Les antécédents médiévaux .............................................................................................................................. 49
Le bossage de la Renaissance italienne ........................................................................................................... 51
Le bossage classique à Rome ...................................................................................................................................................................52
La gamme de Serlio ...................................................................................................................................................................................54
Le bossage en France au XVIe siècle .............................................................................................................. 57
Les tailles .....................................................................................................................................................................................................57
Tailles rustiques ....................................................................................................................................................................................57
Tailles lisses ...........................................................................................................................................................................................59
La pointe de diamant...........................................................................................................................................................................60
L’appareil en bossage ................................................................................................................................................................................61
Appareils rustiques...............................................................................................................................................................................61
Appareils réguliers en tables ..............................................................................................................................................................63
Le bossage « bourguignon » ...............................................................................................................................................................65
Le bossage plan continu .....................................................................................................................................................................66
Le bossage alterné un-sur deux et un-sur-trois ..............................................................................................................................67
L’aimable bossage du XVIIe siècle .................................................................................................................. 70
L’ordonnance de bossages .................................................................................................................................................................70
Le mur refendu.....................................................................................................................................................................................75
LE PAREMENT DE BRIQUE .......................................................................................................................... 79
Jeux d’appareils...........................................................................................................................................................................................79
Jeux de briques polychromes...................................................................................................................................................................80
L’APPAREIL MIXTE........................................................................................................................................... 83
Brique et chaînes de pierre .......................................................................................................................................................................83
Damiers........................................................................................................................................................................................................84
Assises alternées .........................................................................................................................................................................................85
ENDUITS ET BADIGEONS ............................................................................................................................ 88
ORNEMENTS DU MUR............................................................................................... 92
Une catégorie spécifique...........................................................................................................................................................................92
Principes morphologiques........................................................................................................................................................................93
Un riche répertoire déterminé par l’histoire .........................................................................................................................................94
LA TABLE .............................................................................................................................................................. 95
Le paradigme de la table : les flexions de la forme ....................................................................................... 97
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Table des matières
L’effet de table et les formes limites ................................................................................................................................................... 101
L’effet de surface............................................................................................................................................................................... 101
L’effet de limite ................................................................................................................................................................................. 103
Le jeu des nus .................................................................................................................................................................................... 105
La modulation de la limite............................................................................................................................................................... 106
L’effet de cadre .................................................................................................................................................................................. 108
Le répertoire classique..................................................................................................................................... 110
Les tables « à l’antique » ......................................................................................................................................................................... 112
La mouluration d’encadrement ...................................................................................................................................................... 112
La table à l’antique développée ............................................................................................................................................................ 118
Le couronnement.............................................................................................................................................................................. 118
La table couronnée à crossettes droites ........................................................................................................................................ 120
L’amortissement en forme de fronton.......................................................................................................................................... 125
Autres motifs en couronnement .................................................................................................................................................... 126
Les anses ............................................................................................................................................................................................. 127
Tables en triptyque ........................................................................................................................................................................... 130
Enrichissements extérieurs.............................................................................................................................................................. 131
Volutes et rinceaux.......................................................................................................................................................................... 131
Casques, mufles, palmettes et rubans................................................................................................................................................ 132
Enrichissements intérieurs .............................................................................................................................................................. 133
Inscriptions et emblèmes ................................................................................................................................................................... 134
Incrustations .................................................................................................................................................................................... 134
Ornements ponctuels......................................................................................................................................................................... 135
Le jeu des nus .......................................................................................................................................................................................... 137
Tables saillantes ................................................................................................................................................................................. 137
La modulation du ressaut ................................................................................................................................................................ 141
Tables affleurées................................................................................................................................................................................ 143
Tables rentrantes ............................................................................................................................................................................... 143
Les tracés .................................................................................................................................................................................................. 146
La table cintrée .................................................................................................................................................................................. 146
Tracés dérivés de l’anse.................................................................................................................................................................... 147
Le tracé en hémicycle ........................................................................................................................................................................ 147
Tables à anses quadrangulaires........................................................................................................................................................ 151
Tables à crossettes ............................................................................................................................................................................ 151
Tracés concaves................................................................................................................................................................................. 155
Tracés dérivés des volutes et des rinceaux................................................................................................................................... 159
Tables incurvées et tables triangulaires ......................................................................................................................................... 161
Le jeu des couleurs et des textures ...................................................................................................................................................... 163
Effets de polychromie : brique, pierre et enduit ......................................................................................................................... 163
Effets de textures .............................................................................................................................................................................. 164
La table rustique ............................................................................................................................................................................. 164
Le jeu sur l’étendue : de la grande table à la table en panneau.................................................................. 166
La table en panneau : l’encadrement « négatif »................................................................................................................................ 168
LES NUS DU MUR ............................................................................................................................................ 180
Ressauts et retraits............................................................................................................................................ 180
Jeux de ressauts ....................................................................................................................................................................................... 183
Le panneau en table saillante ................................................................................................................................................................ 187
La demi-table suspendue ....................................................................................................................................................................... 187
La demi-table verticale ........................................................................................................................................................................... 191
Jeux de retraits ......................................................................................................................................................................................... 193
CADRES ET ENCADREMENTS .................................................................................................................. 196
L’effet de cadre ................................................................................................................................................. 196
Le grand cadre .................................................................................................................................................. 198
La table inscrite dans un cadre ............................................................................................................................................................. 201
L’encadrement du trumeau............................................................................................................................. 203
Genèse du motif...................................................................................................................................................................................... 204
Formes d’encadrements classiques...................................................................................................................................................... 208
AUTRES MOTIFS .............................................................................................................................................. 213
Disques et médaillons...................................................................................................................................... 213
Le cartouche ..................................................................................................................................................... 214
L’édicule............................................................................................................................................................. 215
Le bas-relief....................................................................................................................................................... 216
494
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Table des matières
ORDONNANCES DU MUR ....................................................................................... 220
Les types d’ordonnances ....................................................................................................................................................................... 223
LE DÉCOR DU MUR DANS LA TRAVÉE DE FENÊTRES ................................................................ 234
La liaison des fenêtres par le ressaut de l’allège........................................................................................... 239
La liaison des fenêtres par l’encadrement de la baie................................................................................... 250
La liaison par les chaînes ....................................................................................................................................................................... 253
Liaison par la prolongation du chambranle sur l’allège ................................................................................................................... 257
La liaison des fenêtres par l’ornementation du plein-de-travée ................................................................260
L’enchaînement des motifs ................................................................................................................................................................... 265
LE SYSTÈME DU QUADRILLAGE............................................................................................................. 274
Les conditions de départ ................................................................................................................................. 274
Le quadrillage de la première Renaissance française........................................................................................................................ 276
Le mur chaîné .......................................................................................................................................................................................... 288
La chaîne classique........................................................................................................................................... 289
Chaînes et doubles corps de moulures horizontaux .................................................................................................................. 293
Chaînes recoupées par un seul corps de moulures horizontales ............................................................................................. 301
Le compartiment classique ............................................................................................................................. 304
Les liaisons horizontales ................................................................................................................................. 308
Les formules de Philibert De l’Orme............................................................................................................................................ 308
Entablements abrégés ...................................................................................................................................................................... 312
Ordonnances à triples corps de moulures horizontales ............................................................................................................ 314
ORDONNANCES À REGISTRES SUPERPOSÉS.................................................................................... 316
ORDONNANCES À BAIES ISOLÉES ........................................................................................................ 319
Le mur continu des ordonnances italianisantes .......................................................................................... 319
L'ORDONNANCE DE L'ORNEMENT ...................................................................................................... 322
Ordonnances à grandes tables et à tables en panneau au XVIe siècle ..................................................... 322
Les ordonnances de Jacques Androuet Du Cerceau ....................................................................................................................... 323
Ordonnances du premier Livre d’architecture ............................................................................................................................ 324
Ordonnances du troisième Livre d’architecture ......................................................................................................................... 324
Verneuil............................................................................................................................................................................................... 327
Enrichissements et effets d’ordonnance superposée au XVIIe siècle...................................................... 332
Ordonnances à tables en panneau et encadrements au XVIIe siècle ....................................................... 342
La travée de tables .................................................................................................................................................................................. 342
Effets d’ordonnances à registres horizontaux................................................................................................................................... 347
La travée encadrée .................................................................................................................................................................................. 350
Ordonnances à compartiments ...................................................................................................................................................... 353
La travée encadrée enrichie ............................................................................................................................................................. 361
L’accord du mur et de l’ouverture ................................................................................................................................................. 364
ORDRES ET ORDONNANCES DU MUR.................................................................................................370
La coordination de l’ordre et du mur............................................................................................................ 372
Ordonnances à travées triomphales .............................................................................................................. 378
Modèles italiens ....................................................................................................................................................................................... 378
Motifs triomphaux au XVIe siècle ...................................................................................................................................................... 382
Variations ornementales dans les motifs triomphaux au XVIe siècle ..................................................................................... 389
Alternances à motifs ternaires .......................................................................................................................................................... 391
La travée triomphale colossale et semi-colossale................................................................................................................................. 395
Emplois atypiques de l’ornementation triomphale au XVIe siècle .................................................................................................... 402
Fortune de l’ornementation triomphale au XVIIe siècle................................................................................................................. 404
Travées alternées à niches et à tables ............................................................................................................................................ 404
Motifs triomphaux à tables en panneaux ..................................................................................................................................... 408
La travée pseudo-triomphale .......................................................................................................................................................... 413
Les ordonnances alternées .................................................................................................................................................................... 414
Alternances du XVIe siècle ............................................................................................................................................................. 414
Alternances du XVIIe siècle ........................................................................................................................................................... 418
Survivance du thème triomphal dans les ordonnances après 1650 .............................................................................................. 419
L’ORNEMENTATION DU MUR REMPLACE L’ORDRE .................................................................... 421
Le ressaut-pilastre ............................................................................................................................................ 421
Alternances sans ordre .................................................................................................................................... 426
Motifs triomphaux sans ordres ............................................................................................................................................................ 426
L’anti-travée alternée ........................................................................................................................................................................ 429
Alternances à grandes tables ........................................................................................................................................................... 434
495
Le mur et ses ornements — Tome I : Texte — Table des matières
Alternances abstraites....................................................................................................................................................................... 436
Ordonnances pseudo triomphales................................................................................................................................................. 443
CONCLUSION ............................................................................................................. 446
SOURCES...................................................................................................................... 453
Livres d’architecture, recueils de dessins et de gravures ............................................................................ 453
Recueils du XVIe siècle .................................................................................................................................................................... 453
Recueils du XVIIe siècle .................................................................................................................................................................. 453
Recueils du XVIIIe siècle................................................................................................................................................................. 454
Recueils du XIXe siècle .................................................................................................................................................................... 455
Traités d’architecture ....................................................................................................................................... 455
Traités du XVIe siècle ...................................................................................................................................................................... 455
Traités du XVIIe siècle .................................................................................................................................................................... 456
Traités du XVIIIe siècle ................................................................................................................................................................... 458
Traités du XIXe siècle ...................................................................................................................................................................... 458
Traités du XXe siècle ........................................................................................................................................................................ 459
Autres sources ................................................................................................................................................................................... 460
BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................ 461
Dictionnaires, méthodes d’analyse ...................................................................................................................................................... 461
Études ....................................................................................................................................................................................................... 462
PRÉSENTATION DU CORPUS................................................................................. 474
Organisation du catalogue .............................................................................................................................. 474
Les notices......................................................................................................................................................... 474
RÉPERTOIRE ALPHABÉTIQUE DES ÉDIFICES ................................................. 475
Édifices civils ..................................................................................................................................................................................... 475
Églises ................................................................................................................................................................................................. 482
RÉPERTOIRE DES ÉDIFICES PAR PÉRIODES .................................................... 484
Édifices médiévaux 12e–14e ; 15e siècle, antérieurs à 1450 ....................................................................................................... 484
Édifices civils 1450–1500 ................................................................................................................................................................ 484
Édifices civils 1500–1540 ................................................................................................................................................................ 484
Édifices civils 1540–1580 ................................................................................................................................................................ 485
Églises 1540–1580 ........................................................................................................................................................................ 486
Édifices civils 1580–1640 ................................................................................................................................................................ 487
Églises 1580–1640 ........................................................................................................................................................................ 489
Édifices civils 1640-1680 ................................................................................................................................................................. 489
Églises 1640-1680 ......................................................................................................................................................................... 490
Édifices civils 1680-1720 ................................................................................................................................................................. 491
Églises 1680-1720 ......................................................................................................................................................................... 491
Édifices civils après 1720................................................................................................................................................................. 491
Églises après 1720 .......................................................................................................................................................................... 492
TABLE DES MATIÈRES............................................................................................. 493
496
Le mur et ses ornements : Bossages, tables, encadrements et autres enrichissements
dans l’architecture française à l’âge classique
Le sujet de cette thèse est le mur en tant qu’élément du « décor », tel que l’Âge classique l’entend. Pour
les architectes et les théoriciens du XVIe et du XVIIe siècle, le mur contribue à la beauté de l’édifice.
Différentes techniques de finition permettent de l’embellir : appareils en pierre de taille dressés et ravalés,
bossages, briques polychromes, enduits qui unifient et enluminent les parements. Qu’il soit nu ou orné, le
mur n’est jamais neutre.
Les architectes disposent sur le mur des motifs qui « enrichissent » les ordonnances, mais les surfaces
décoratives qui qualifient les intervalles entre les principaux éléments du décor, ouvertures ou éléments de
l’ordre, et les encadrements qui montrent le mur comme un tableau structurent les ordonnances, avec ou
sans ordres. Ces ornements qui jouent un rôle aussi important sur le plan symbolique que syntaxique ont
ainsi leur place dans le système classique des ornements dans lequel les ordres tiennent le premier rôle. Les
ornements du mur peuvent prendre les caractères de l’ordre, mais ont aussi leur propre rhétorique ; d’une
part ils ont les qualités du mur même, d’autre part ils n’ont pas la même origine : les premiers ornements
classiques imitent les inscriptions des monuments funéraires ou honorifiques de l’Antiquité. Une des
particularités de la façade française est l’insistance sur les lignes verticales de la travée de fenêtres qui est
en soi une composition ornementale. Les architectes coordonnent deux systèmes opposés : l’horizontalité
qu’imposent la superposition des ordres et la verticalité de la travée de fenêtres. Ils utilisent alors deux
moyens : le renforcement des moulurations horizontales et l’ornement du mur.
Cette thèse confirme certaines observations sur la façade française : l’effet a-tectonique des ornements,
même si ceux-ci structurent la composition. Au principe classique de l’unité de l’organisme architectural,
dans lequel rien ne peut être ajouté ou retranché, les architectes français apportent leur réponse : tous les
éléments sont des ornements ainsi que le mur lui-même, qui se montre ou se voile de légers ornements.
The Wall and its Ornaments: Bossages, Tables, Frames and other Enrichments in French Architecture at the Classic Age
The subject of this thesis is the wall as element of the "decor", such as the classic age understands it. For the architects and the theorists of the XVIth and
of the XVIIth century, the wall contributes to the beauty of the building. Various techniques of finish allow to embellish it: dressed stone, perfectly raised,
bossages, bricks, coat which unify and illuminate facings. Naked or decorated, the wall is never neutral.
The architects put on the wall motives which "enrich" the composition, but the ornamental surfaces which qualify the intervals between the main elements of the
decor, openings or elements of the order, and the frames which show the wall as a picture structure the composition, with or without orders. These ornaments
which play a role as important on the symbolic plan as on syntactic one have their place in the classic system of the ornaments in which the orders hold the
leading part. The ornaments of the wall can take the characters of the order but also have their own rhetoric; on one hand they have the qualities of the wall,
on the other hand they don’t have the same origin: the first classic ornaments imitate the inscriptions of funeral or honorary monuments of the Antiquity.
One of the peculiarities of the French facades is the insistence on the vertical lines of the bay of windows which is in itself a decorative composition. The
architects coordinate two opposite systems: the horizontality which imposes the superimposition of the orders and the verticality of the bay of windows. They
use then two means: the intensification of the horizontal moulding and the ornament of the wall.
This thesis confirms certain observations on the French facade: the a-tectonic effect of the ornaments, even if this they structure the composition. To the
classic principle of unity of the architectural body in which nothing can be added or substracted, the French architects bring their answer: all the elements are
ornaments as well as the wall itself, which shows or hides with light ornaments.
https://uclouvain.be/fr/instituts-recherche/lab/laa
© Les Pages du laa, 2018
ISSN : 2593-2411