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La question du relativisme linguistique

2007

Emmanuel Desveaux et Michel de Fornel, directeurs d’etudes Langues, cultures et arts, la question du relativisme Le seminaire s’est ouvert par une reflexion sur le relativisme linguistique. La question de la coherence cognitive entre culture et grammaire a ete discutee a partir de l’article recent de Daniel Everett, « Cultural Constraints on grammar and cognition in Piraha » et des controverses qu’il a suscitees. La lecture critique de cet article a permis d’elucider les decisions conceptuell...

Annuaire de l’EHESS Comptes rendus des cours et conférences 2005 Annuaire 2003-2004 La question du relativisme linguistique Emmanuel Désveaux et Michel de Fornel Édition électronique URL : https://journals.openedition.org/annuaire-ehess/16969 ISSN : 2431-8698 Éditeur EHESS - École des hautes études en sciences sociales Édition imprimée Date de publication : 1 janvier 2005 Pagination : 432-433 ISSN : 0398-2025 Référence électronique Emmanuel Désveaux et Michel de Fornel, « La question du relativisme linguistique », Annuaire de l’EHESS [En ligne], | 2005, mis en ligne le 15 mars 2015, consulté le 20 mai 2021. URL : http:// journals.openedition.org/annuaire-ehess/16969 Ce document a été généré automatiquement le 20 mai 2021. EHESS La question du relativisme linguistique La question du relativisme linguistique Emmanuel Désveaux et Michel de Fornel Emmanuel Désveaux et Michel de Fornel, directeurs d’études 1 DANS son travail sur les langues amérindiennes, Sapir s’est engagé en parallèle dans deux démarches qui, à son époque déjà, ne pouvaient qu’apparaître comme contradictoires. La première consistait à établir une classification des langues qui soit fondée sur une hypothèse génétique, et la seconde à promouvoir l’idée d’une adéquation profonde entre langue et culture. La contradiction provient du fait que les cartes linguistiques et culturelles ne correspondent pas entre elles. L’anthropologie américaine n’a toujours pas trouvé de solution à cette contradiction. Bien qu’ils ne l’aient jamais dénoncée comme telle, les linguistes américains semblent en avoir pris progressivement la mesure (les anthropologues de leur côté s’en sont littéralement désintéressés, se contentant de déclarer tantôt que Sapir et Whorf ont raison, tantôt qu’ils ont tort). Le résultat est pour le moins paradoxal : on aboutit à une remise en cause des macro-stocks imaginés par Sapir, donc au fond de la possibilité d’employer la méthode comparative de la linguistique historique, sans pour autant que soit avancé ni méthode d’ensemble cohérente afin de la remplacer, ni aucune nouvelle perspective. 2 Cela étant, très peu de commentateurs ont remarqué que Sapir ne se contente pas d’appliquer avec la dernière vigueur la méthode comparative de la linguistique historique. Comme s’il se rendait compte des limites imposées par les données nordaméricaines à son emploi rigoureux, il s’engage parallèlement dans une autre démarche. Celle-ci passe par un approfondissement des relations entre les divers systèmes grammaticaux généraux des langues. Le chapitre « Types of linguistic structures » de son célèbre livre Language témoigne de cet effort. Allant plus loin que Boas, Sapir élabore une typologie complexe sur la base des concepts grammaticaux qu’il avait cherché au préalable à redéfinir. Pour inaboutie ou insuffisante que soit cette tentative, il faut en mesurer la nouveauté : pour la première fois, une typologie des systèmes grammaticaux qui tient compte de ce qui fait l’innere Form des langues est Annuaire de l’EHESS | 2005 1 La question du relativisme linguistique élaborée sur une base sémantique. Cette typologie joue un rôle de premier plan dans la définition des macro-stocks de sa classification, puisque chacun d’entre eux subsume un ensemble de caractéristiques grammaticales précises. Même s’il semble affirmer le contraire, Sapir s’écarte ainsi radicalement de la méthode comparative en linguistique puisque cette dernière pose comme principe que l’établissement des parentés ne peut s’appuyer sur la comparaison des structures ou des procédés grammaticaux généraux et qu’elle doit s’attacher aux détails des formes. 3 En bref, Sapir n’a su échapper à l’aporie dont il énonçait les termes avec une rare lucidité : comment une étude comparative des structures grammaticales sur une base sémantique serait-elle possible si, en vertu du relativisme linguistique, chacune de ses langues renvoie à un univers conceptuel bien différencié ? On l’a vu, aucune solution n’a émergé dans le cadre du culturalisme américain. En revanche, nous sommes convaincus que faire appel au structuralisme de Lévi-Strauss, inspiré de l’École de Prague et son profond sémantisme, permet d’imaginer une solution, celle de l’hypothèse de la transformationalité des langues américaines. Cela étant, c’est inspiré par Sapir que nous avons identifié la syntaxe comme le lieu crucial où doit se démontrer cette transformationalité. Nous avons commencé à développer devant les étudiants plusieurs exemples de cette transformationalité, notamment entre des langues sioux et algonquines. La position intermédiaire de l’Iroquois a aussi été envisagée dans ce contexte. INDEX Thèmes : Anthropologie sociale‚ ethnographie et ethnologie Annuaire de l’EHESS | 2005 2