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L' Etat Brésilien (Revue Nouvelle, 1973)

1972, L’Etat Brésilien

013. “L’Etat Brésilien”, Bruxelas, novembro 1972, 12 p. Artigo sobre a evolução política brasileira e sobre a natureza autoritária do regime de 1964. Publicado: La Revue Nouvelle (Bruxelles, 29e année, Tome LVIII, numéro 11, spécial “Amériques Latines, Novembre 1973, p. 426-432). Relação de Trabalhos Publicados n. 001.

L’Etat Brésilien Pedro Rodriguez La Revue Nouvelle (Bruxelles, 29e année, Tome LVIII, numéro 11, spécial Amériques Latines, Novembre 1973, p. 426-432). A différentes occasions, on a employé l’expression “gouvernement fasciste” pour caractériser l’actuel Etat brésilien. Si le mot « fascisme » désigne un système politique totalitaire dans lequel toute la vie sociale est subordonnée à l’Etat, Etat qui dispose du monopole de l’utilisation de la force et s’appuie sur un appareil répressif basé sur la terreur, alors l’actuel gouvernement brésilien mérite cette appellation. Toutefois, si nous analysons la nature profonde de la structure politico-sociale brésilienne, nous arriverons à établir autant de divergences que de ressemblances, aux niveaux politique et économique, entre, d’une part, le gouvernement militaire brésilien et les institutions qui lui sont propres, et, d’autre part, les formes modernes de totalitarisme, plus connues sous la dénomination de fascisme.1 Cette détermination concrète de la structure socio-politique brésilienne, ne peut s’expliquer par la seule analyse de l’idéologie du pouvoir militaire en place, bien que les formes courantes de totalitarisme relèvent essentiellement de l’idéologie. – Il faut considérer les fondements socio-économiques qui expliquent l’apparition et la consolidation de ce type spécifique de structuration de pouvoir. En examinant ainsi les fondements structurels de la crise brésilienne actuelle, apparaîtra mieux le sens profond du coup d’Etat militaire de 1964 et sera mieux définie la nature du pouvoir qui s’est consolidé depuis lors et qui exerce aujourd’hui sa domination sur 100 millions de Brésiliens. 1. Les fondements structurels de la crise brésilienne La révolution brésilienne de 1930 ouvre une nouvelle phase dans l’histoire du pays: l’Etat oligarchique, dont la structure sociale repose toute entière sur la grande propriété agraire vivant de l’exportation, est en voie de liquidation, tandis que se forme petit à petit un Etat démocratique appuyé principalement sur les messes urbaines et sur 1 Le totalitarisme moderne peut être identifié non seulement aux systèmes socio-politiques organisés et constitués en forme d’Etat dans l’Europe de l’entre-deux-guerres, mais aussi aux mouvements politico-doctrinaires qui, où qu’ils soient, conjuguent le traditionalisme (ou conservatisme) anti-démocratique avec l’autoritarisme populiste qui répond au vœu de la classe moyenne (par exemple, le poujadisme). les secteurs sociaux liés à l’industrialisation. La vieille aristocratie foncière, qui détenait les rênes du pouvoir local dans le cadre d’une économie semi-coloniale, ne parvenait plus à contrôler la classe moyenne urbaine, qui se développait rapidement. Le coup de grâce lui fut donné par la crise du commerce extérieur. En effet, des énormes stocks de café résultant de la surproduction ne purent être écoulés, ce qui entraîna une lourde charge pour l’économie nationale. Cependant, l’irruption des classes moyennes sur la scène politique ne leur conféra pas pour autant l’exercice du pouvoir : elles ne bénéficiaient pas des conditions sociales et économiques susceptibles de les rendre autonomes face aux intérêts de la grande propriété foncière qui demeurait encore la catégorie économique et sociale déterminante. Mais si elles ne purent mettre en cause de façon radicale le cadre institutionnel, les classes moyennes réussirent au moins à définir leurs relations avec celui-ci. Cette redéfinition des rôles politiques allait être déterminée, en grande partie, par la nouvelle orientation suivie par l’économie brésilienne, orientation que l’on est convenu d’appeler « processus de substitution des importations » (c’est-à-dire, développement du capitalisme national en vue de se défaire de la dépendance externe). Au Brésil, cependant, le processus d’industrialisation est largement bloqué par les structures traditionnelles, principalement en ce qui concerne la possibilité de créer un marché intérieur et de maintenir la capacité d’importer. C’est précisément cette condition de marginalité et de dépendance économiques du processus d’industrialisation par rapport à la structure agraire traditionnelle qui va déterminer le caractère du nouveau pouvoir ainsi que l’ossature du nouvel Etat. Les forces sociales qui provoquèrent la révolution, dans des conditions de crise générale du système, arrivent à soustraire le contrôle des décisions politiques aux intérêts caféiers, mais ne peuvent nier que le café reste encore le fondement de l’économie nationale. Dans l’impossibilité de détenir à eux seuls le pouvoir politique, les classes moyens sont obligées de s’engager dans des solutions de compromis avec les secteurs agraires traditionnels. Cette situation de compromis est visible à plusieurs titres dans le développement de la révolution de 1930. Un équilibre s’établit entre l’oligarchie foncière et la bourgeoisie industrielle naissante, équilibre caractéristique da la période de la dictature Vargas (1930–45), et qui se poursuit durant les deux décennies suivantes. La politique « réaliste » consistait à faire supporter à l’ensemble de la population les préjudices de l’économie caféière. Toutefois, cette même politique, dans la mesure où elle s’éloignait de la politique traditionnelle de valorisation exclusive du café, créait les conditions de l’industrialisation du pays, au moins dans le secteur des industries liées à la consommation populaire. Le type d’Etat qui se constitue dans cette conjoncture ne trouve ses bases légitimes ni dans les classes moyennes – parce qu’elles ne possèdent nulle autonomie politique face aux intérêts traditionnels en général – ni dans les secteurs oligarchiques – parce qu’ils furent évincés du pouvoir politique par la crise économique, ni dans les secteurs moins liés à l’exportation, c’est-à-dire les industriels en ascension – parce qu’ils n’avaient pas le contrôle des centres de décision économique. L’Etat brésilien aura plutôt comme fondement les masses populaires urbaines, manœuvrées avec une suprême habilité par les leaders populistes dont la figure la plus représentative sera le président Vargas, chef du gouvernement pendant toute la période de démocratie autoritaire. A la fin de la période Vargas, en 1945, l’ancien équilibre de classes, qui servait de base à une alliance douteuse entre l’aristocratie foncière et la bourgeoisie industrielle, sera maintenu, voire consacré. Cette alliance, pleine d’ambiguïtés, était l’expression même du type de développement capitaliste qui commençait à gagner le Brésil. Les industries naissantes se concentraient dans les espaces urbains et n’affectaient guère les relations d’appropriation et de domination en vigueur à la campagne. Le prolétariat urbain, qui avait reçu toutes faites des mains de l’Etat sa législation « travailliste » et ses organisations syndicales, ne s’éloignait que lentement des « aspirations générales » affichées par la société bourgeoise. L’après-guerre au Brésil est significatif en tant qu’époque de transition vers une économie industrielle, transition qui se fait au début, et pour une courte période, sur une base nationale. Le symbole institutionnel de cette période c’est la politique de masse, instrument d’organisation politique et de soutien de ce nouveau style de pouvoir qu’est la démocratie populiste. Sur le terrain économique, la démocratie populiste correspond à une stratégie de développement nationaliste, ce qui présuppose l’existence d’un capitalisme national autonome.2 2 La politique de développement économique, au Brésil, présente, au cours des deux décades de l’après-guerre, des oscillations entre deux tendances opposées, qui s’enchevêtrent ou s’excluent périodiquement suivant la nature du pouvoir en place. A l’un des pôles, se situe le modèle national ou autonome et à l’autre, le modèle associé ou intégré, c’est-a-dire dépendant du capital monopoliste international. Le « choix » entre les diverses stratégies de développement Toutefois, bien que le processus d’industrialisation se soit intensifié dans la deuxième moitié des années cinquante, le secteur clé de l’économie restait toujours la production agricole, et en premier lieu le café. L’insuffisance relative du secteur moderne de l’économie explique à la fois le maintien de la politique de compromis qui, depuis 1930, caractérise la structure du pouvoir, et l’impossibilité pour la bourgeoisie industrielle de se constituer en classe hégémonique et de donner ainsi naissance à un Etat proprement bourgeois. 2. Les raisons du coup d’Etat militaire Quoi qu’il en soit, l’apparition de la prédominance relative du secteur industriel va correspondre à une véritable révolution dans le système brésilien. Le gouvernement Kubitschek (1956-60) a représenté une ambitieuse tentative de doter le pays d’une ossature industrielle suffisamment forte pour soutenir un développement autonome. Il a été en même temps une astucieuse combinaison de politique de masses inspirée du modèle nationaliste et de compromis avec le capital étranger. Mais, en raison même du pacte établi entre les groupes dominants, le modèle de développement proposé par Kubitschek a consisté essentiellement en une croissance déséquilibrée des forces productives. Au déséquilibre « historique » entre les secteurs urbain et rural, au déséquilibre latent entre le Centre-sud et le reste du pays, s’ajoute désormais le déséquilibre entre le complexe industriel moderne et le complexe agrorural archaïque.3 Ainsi, le processus d’industrialisation n’incorpore pas au développement national les secteurs et régions marginaux ; tout au contraire, il aggrave plus encore la différentiation sectorielle. Pour que s’effectue le processus de développement capitaliste autonome au Brésil, il aurait été nécessaire de reformuler radicalement des liens structuraux internes et externes, c’est-à-dire de provoquer la rupture politico-économique avec, d’une part, la société traditionnelle et, d’autre part, le système international dominant. Cette rupture, timidement commencée sous les gouvernements populistes, n’arrive cependant à se économique dépend, comme du reste la détermination de toute politique gouvernementale, du rapport de forces entre les classes se disputant le pouvoir politique dans la société. 3 A l’intérieur même du secteur industriel se produit une disparité typique : d’un coté les unités préétablies, apparues au cours du processus de substitution des importations, des industries traditionnelles produisant surtout des articles et biens de consommation non-durables, et ne comportant qu’une basse technologie ; d’un autre coté, les nouvelles unités, en provenance de l’étranger, véritables monopoles produisant des biens d’équipement avec une technologie hautement élaborée. concrétiser : la pénétration massive des intérêts étrangers dans l’industrie brésilienne, pendant la période Kubitschek, a ouvert la voie à l’imposition du modèle de développement « associé et dépendant ». Le mécanisme économique qui a fait passer de la politique de substitution des importations à la politique d’association avec le capital étranger peut être expliqué, en grande partie, par la détérioration des termes de l’échange, en même temps que par la nécessité d’accéder à une industrialisation d’un haut niveau technique, rendant possible une production compétitive sur le plan international. Cette seconde raison va imposer l’association de plus en plus intime avec les oligopoles multinationaux qui contrôlent la production et l’utilisation de la technologie. Par ailleurs, les rapports de production propres au complexe agro-rural, ainsi que les relations entre les classes habitant les campagnes, demeurent peu affectés par le processus d’industrialisation en cours dans le pays. Les années 1961 à 1964 connaissent une crise aiguë du système ; le processus de démocratisation de l’Etat fondé sur le populisme est à bout de souffle. L’économie nationale, après une longue période d’expansion, présente des signes évidents de détérioration. L’inflation, qui fonctionnait auparavant comme technique d’épargne forcée favorisant la concentration du capital, n’empêche pas la reproduction capitaliste de s’acheminer vers son point de stagnation. La crise, qui résulte du déséquilibre structural brésilien représente, en même temps, l’étranglement de la démocratie populiste. En d’autres termes, la politique de masse ne s’accorde aux exigences des nouveaux rapports capitalistes de production. Le populisme qui avait atteint sa pleine dimension avec les gouvernements Quadros et Goulart, portait en lui les conditions de sa propre destruction. En tant que politique d’alliance entre classes – notamment entre la bourgeoisie industrielle et le prolétariat urbain – il était une union de contraires. Le processus de liquidation de cette forme politique va commencer avec la période Kubitschek, quand les intérêts monopolistes internationaux pénètrent massivement sur le marché brésilien, en même temps qu’apparaissent les premiers éléments idéologiques du modèle « associé » de développement. La crise conjoncturelle du début des années ’60 complète la scène sur laquelle se présenteront les classes sociales en lutte pour le pouvoir. La croissance et le renforcement de la bourgeoisie et la consolidation de sa domination de classe, semblent être l’aboutissement le plus évident de l’industrialisation brésilienne des années ’50. L’alliance consacrée entre le latifundium exportateur et la bourgeoisie industrielle, au début de l’expansion capitaliste, ne s’avère plus désormais vitale pour cette dernière. Des lors l’alliance entre les deux classes ne sera plus qu’une alliance tactique, la bourgeoisie n’étant pas assurée des conséquences d’une réforme agraire, même dans les limites de ses intérêts de classe. D’ailleurs, une des alternatives possibles à la reforme agraire bourgeoise était la capitalisation du latifundium, processus déjà en cours au début des années ’60. Le prolétariat industriel, de son coté, commençait de plus en plus à participer politique au processus de développement national. Se libérant progressivement des formes paternalistes d’organisation et luttant pour briser le monopole traditionnel de la représentativité politique, le prolétariat brésilien, chiffré à plus de deux millions en 1960, s’acheminait rapidement vers une complète autonomie d’action. En l’espace de quelques années, son appui enthousiaste à la théorie du développement, telle que l’idéologie bourgeoise la présente, va se transformer en une opposition radicale aux modalités par lesquelles se faisait ce développement. L’affrontement des classes devenait de plus en plus inéluctable. La politique de masse et le nationalisme gauchisant, tels comme ils furent pratiqués dans les gouvernements Quadros et Goulart, commençaient à mettre en danger les prétentions hégémoniques de la classe dominante. Le jeu avec les masses, préconisé et réalisé par un secteur de la bourgeoisie elle même, n’était plus prudent pour la classe dominante. La situation s’aggravait encore du fait que la pratique de la politique de masse s’étendait rapidement à la société agraire. Dans les villes, la classe moyenne, apeurée par le fantôme de la prolétarisation, dont l’arrivée s’annonçait avec la crise conjoncturelle, constituait la masse de manœuvre dans les manifestations contre le communisme et la corruption ; elle penchait de plus en plus pour des solutions autoritaires. La majorité des secteurs bourgeois (agraire, industriel, commercial et financier) nationaux et étrangers comprit très vite que l’heure de réaliser sa mission historique était arrivée : face à la crise de la démocratie populiste s’est ainsi imposé comme solution, la « dictature de la bourgeoisie ». La « victoire de la violence sans phrases sur la violence de la phrase », que représente le coup militaire, est en même temps la fin du mythe de l’Etat démocratique de tout le peuple. 3. Le Pouvoir Militaire Les exigences du développement capitaliste au Brésil, ainsi que l’emprise indiscutable d’une classe particulière sur toutes les autres, imposaient la redéfinition radicale des fonctions de l’Etat, en tant qu’agent de liaison entre la structure économique et la structure du pouvoir. Autrement dit, les relations de domination, altérées et mises en question, devaient s’harmoniser avec les exigences propres au développement des relations d’appropriation. C’est en cela qui réside le sens profond du coup d’Etat militaire de 1964. Tels qu’ils ont été exprimés par les militaires eux mêmes, les objectifs du coup d’Etat peuvent être ainsi résumés : écarter le risque de la prise du pouvoir par la gauche, c’est-à-dire prévenir la « perte de la démocratie » ; contrôler les conséquences négatives de l’inflation et garantir le fonctionnement des mécanismes économiques en régime de libre entreprise ; réintégrer le Brésil dans le système capitaliste mondial, ou come disait le maréchal-président Castello Branco « maintenir la fidélité culturelle et politique au système démocratique occidental » ; enfin, restaurer l’intégrité et l’efficacité des pouvoirs politique et économique, partiellement dissociés par la démocratie populiste. La bourgeoise brésilienne, ou sa fraction monopoliste, fut obligée, pour pouvoir conserver le status quo et assurer les conditions de stabilité sociale qui permettent la reproduction du capital, de fournir aux militaires les mécanismes de contrôle du pouvoir politique. Les forces armées, toujours prêtes à « épurer » le système institutionnel, s’approprient, comme corporation, toute la machine d’Etat. La militarisation de l’appareil étatique et de toute la vie politique qui s’ensuit est la conséquence de la recrudescence des tensions et contradictions entre les groupes sociaux qui disputent le pouvoir. La structure actuelle du pouvoir, au Brésil, combine la dictature de la bourgeoise et de développement accéléré du capitalisme monopoliste de périphérie. Selon ce nouveau « modèle politique », le pouvoir civil et le pouvoir militaire s’enchevêtrent l’un dans l’autre : l’armée détient la responsabilité exclusive de la défense du système institutionnel et s’assure en même temps la tâche d’infuser, par les moyens qui lui sont propres, l’idéologie dominante au sein de la « société civile ». Les conceptions du pouvoir militaire sont visibles dans les principes de géopolitique énoncés par l’Ecole Supérieure de Guerre, l’organe qui, en dernière instance, élabore l’« idéologie » des leaders militaires. Selon un des dogmes sacrés de cette Ecole, la sécurité nationale et le développement économiques sont intimement liés. C’est au nom de la « sécurité nationale » interne qui la torture fut promue à la catégorie d’accoucheuse du nouvel ordre bourgeois, comme c’est au nom du développement économique que les salaires réels des travailleurs furent réduits à le strict minimum, avec pour conséquence la paupérisation absolue d’une grande partie du prolétariat. La dictature de la bourgeoisie se développe et se consolide ainsi au nom d’une conception arbitraire de stabilité sociale et de sécurité interne. Les idéologues militaires brésiliens postulent encore que le capital et la technologie étrangers sont indispensables et essentiels pour le développement du Brésil, dans une époque d’interpénétration croissante des économies nationales. La conséquence pratique de ce principe a été l’augmentation de l’importance relative et absolue des grandes entreprises et corporations multinationales dans l’ensemble de l’économie du pays. Il n’y a pas eu simplement une dénationalisation des entreprises nationales, mais une véritable « internationalisation » de l’économie brésilienne. Cette thèse de l’interpénétration de l’économie mondiale correspond à la doctrine de l’« interdépendance » dans la sphère politique, doctrine qui signifie essentiellement la réintégration du Brésil dans le système capitaliste mondial, selon les déterminations de la stratégie basée sur la géopolitique, selon les déterminations de la stratégie basée sur la géopolitique, dont le fondement est l’hégémonie des Etats-Unis. Telle qu’elle est conçue par les militaires au pouvoir, la doctrine de l’interdépendance dénote un attachement à des principes complétement dépassés, datant de la première phase de la guerre froide : « dans le présent contexte d’une confrontation du pouvoir bipolaire, avec divorce radical des positions idéologiques entre les deux centres du pouvoir, la préservation de l’indépendance suppose un certain degré d’interdépendance, soit dans le camp militaire, soit dans l’économique, soit dans le politique ».4 La militarisation croissante de l’appareil d’Etat, assurant ainsi l’hégémonie de la fraction monopoliste de la bourgeoise industrielle, se destine essentiellement à garantir et à faciliter la reproduction élargie du capital. La liquidation de la « démocratie libérale ou classique », ouvertement prêchée par les militaires brésiliens, est justifiée au nom de la création d’un « nouveau modèle de démocratie », qui ne peut être autre que la démocratie sous contrôle des colonels. Ce nouveau modèle, selon la conception de quelques idéologues de l’Ecole supérieure de guerre, pourrait signifier une forme modifiée de l’Etat corporatif. Pedro Rodriguez 4 Discours prononcé par le maréchal Castello Branco le 1er août 1964.