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Recherches amérindiennes au Québec
La Nation huronne-wendat et l’archéologie au Québec
The Huron-Wendat Nation and Archaeology in Quebec
La Nación Huron-Wendat y la arqueología en Quebec
Jean-François Richard, Louis Lesage et Michel Plourde
L’archéologie autochtone : des approches communautaires et
collaboratives
Volume 48, numéro 3, 2018
URI : https://id.erudit.org/iderudit/1062136ar
DOI : https://doi.org/10.7202/1062136ar
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Éditeur(s)
Recherches amérindiennes au Québec
ISSN
0318-4137 (imprimé)
1923-5151 (numérique)
Résumé de l'article
Depuis plusieurs années, le Bureau du Nionwentsïo de la Nation
huronne-wendat réalise des recherches dans les archives et dans la tradition
orale concernant la présence historique des Hurons-Wendat sur leur territoire
ancestral. Les résultats de ces travaux sont notamment utilisés afin de protéger
les lieux patrimoniaux et d’identifier les zones de potentiel archéologique
requises par les processus d’harmonisation forestière et les consultations
provinciales et fédérales. La Nation huronne-wendat s’implique de plus en plus
dans l’archéologie au Québec, tout comme en Ontario. Récemment,
l’archéologie a été mise en oeuvre afin de supporter le projet d’aire protégée
des Hurons-Wendat dans la région de Ya’nienhonhndeh (lac à Moïse), dans la
Réserve faunique des Laurentides. En 2016 et 2017, des écoles d’été en
archéologie ont eu lieu dans cette région en collaboration avec l’Université
Laval et ont mené à des découvertes significatives. L’usage de l’archéologie par
la Nation huronne-wendat soulève par ailleurs des questions éthiques
importantes, en particulier en ce qui concerne les politiques développées par le
ministère de la Culture et des Communications du Québec et la propriété des
artéfacts découverts.
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Citer cet article
Richard, J.-F., Lesage, L. & Plourde, M. (2018). La Nation huronne-wendat et
l’archéologie au Québec. Recherches amérindiennes au Québec, 48(3), 91–104.
https://doi.org/10.7202/1062136ar
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La Nation huronne-wendat
et l’archéologie au Québec
Jean-François
Richard*,
Louis Lesage*
et
Michel
Plourde**
* Bureau du
Nionwentsïo de
la Nation
huronnewendat
Vol. XLVIII, NO 3, 2018
** Archéologie,
Département
des sciences
historiques de
l’Université
Laval
L
E S CONNAISSANCES DE LA COMMU -
à l’égard de la
Nation huronne-wendat sont indéniablement liées à la discipline de
l’archéologie. Les nombreuses fouilles
exécutées depuis plusieurs décennies
sur des sites archéologiques huronswendat en Ontario ont effectivement
généré un corpus considérable de
données qui permettent de mieux
comprendre la culture matérielle et
les coutumes de cette société. Un
mouvement s’opère actuellement quant
à l’usage de l’archéologie par et pour
les Hurons-Wendat, mouvement nommément appelé « la recherche collaborative »1. Bien que des étapes
importantes aient été franchies, les
Hurons-Wendat souhaitent s’engager
davantage dans une relation de collaboration avec les professionnels de
cette discipline dans le cadre de projets à dimension communautaire pouvant produire des retombées positives
directes à leur endroit. Cependant, les
défis sont nombreux et cette recherche
collaborative nécessitera, à coup sûr,
de la détermination et un esprit
d’ouverture, à la fois de la part des
archéologues et de la Nation huronnewendat (Hawkins et Lesage 2018).
Ce texte présente l’état de la situation quant à l’archéologie et à la Nation
huronne-wendat au Québec. Dans un
premier temps, il est brièvement question du Nionwentsïo, le territoire coutumier principal des Hurons-Wendat,
ainsi que des démarches qui sont réalisées, depuis plusieurs années, afin
NAUTÉ SCIENTIFIQUE
d’assurer la protection des lieux faisant partie de leur patrimoine.
L’implication actuelle de la Nation
huronne-wendat dans l’archéologie
au Québec est ensuite discutée en soulignant le contraste significatif avec les
pratiques ayant cours dans la province
de l’Ontario. Il est par la suite question
du projet d’aire protégée de la Nation
huronne-wendat dans la région de
Ya’nienhonhndeh (lac à Moïse) et des
écoles d’été d’archéologie qui ont eu
lieu en 2016 et en 2017 en collaboration avec l’Université Laval. Le texte
aborde, en conclusion, des questions
éthiques fondamentales qui sont soulevées par l’usage de l’archéologie par
la Nation huronne-wendat.
LE NIONWENTSÏO
Depuis plusieurs années, la Nation
huronne-wendat réalise des recherches dans les archives et la tradition
orale concernant sa présence territoriale. Ces recherches historiques et
anthropologiques concernent à la fois
la fréquentation historique du territoire et la présence contemporaine
des Hurons-Wendat en ces lieux.
L’existence d’un territoire traditionnel
de la Nation huronne-wendat dans les
limites de l’actuelle province de
l’Ontario a été soulignée par plusieurs
chercheurs œuvrant dans le champ
des études autochtones. Des ouvrages
classiques, tel The Children of Aataentsic,
A History of the Huron People to 1660,
de l’anthropologue Bruce Trigger (1987
[1976]), abondent en ce sens. La
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dernier. Les Hurons-Wendat se rendaient en effet au-delà du Nionwentsïo
pour la pratique de diverses coutumes, dont celles impliquant le prélèvement de ressources.
La fréquentation historique et préhistorique du territoire par la Nation
huronne-wendat doit être replacée
dans le contexte du débat scientifique
et politique entourant la prétendue
disparition des « Iroquoiens du SaintLaurent ». Il faut rappeler que, pour
plusieurs archéologues, ces Iroquoiens
présents dans la vallée du SaintLaurent et son estuaire au moment
de l’arrivée du navigateur européen
Jacques Cartier, dans les années 1530,
auraient formé un peuple distinct (Birch
2015 ; Chapdelaine 2004 ; Pendergast
1985, 1993 ; Tremblay 2006 ; Warrick
2008). Ce peuple aurait quitté la
Carte 1
vallée du Saint-Laurent avant l’arrivée
Le Nionwentsïo*
* Territoire sur lequel la Nation huronne-wendat affirme ses droits protégés par le Traité Huronde Samuel de Champlain au début du
Britannique de 1760.
XVIIe siècle. Pour les membres de la
(R. c. Sioui, Cour suprême du Canada, 1990)
Nation huronne-wendat, comme pour
(Sous toutes réserves des droits et intérêts de la Nation huronne-wendat)
les Mohawks d’ailleurs, ces Iroquoiens
représentent leurs ancêtres directs et
fréquentation huronne-wendat historique du territoire
ils en sont les héritiers légitimes. C’est d’ailleurs ce qui resdans le Québec d’aujourd’hui est beaucoup moins connue
sort de la tradition orale huronne-wendat2, que ce soit au
du public, bien qu’elle soit fortement documentée (Richard
XVIIIe siècle, au XIXe siècle et même jusqu’à aujourd’hui.
2012, 2016, 2018).
En effet, la tradition orale des Hurons-Wendat situe
Ce territoire, localisé principalement au Québec, est
leurs origines dans la région de l’actuelle ville de Québec, où
appelé par les Hurons-Wendat le Nionwentsïo, terme qui
les premiers membres de la nation émergèrent d’une
signifie « notre magnifique territoire » dans leur propre
caverne dans le flanc d’une montagne. L’anthropologue
langue (carte 1). Par analogie, il s’agit de l’équivalent du
Marius Barbeau (1915 : 296-300), au début du XXe siècle, a
Nitassinan des Innus de la Côte-Nord et du Nitaskinan des
mis en évidence le témoignage du chef Oriwahento qui
Atikamekw de la Haute-Mauricie. Le Nionwentsïo s’étend
situait l’origine de son peuple dans le territoire à l’est, près du
de la rivière Saint-Maurice, près de Trois-Rivières, jusqu’à la
fleuve Saint-Laurent. À ce sujet, le texte de Richard (2018)
rivière Saguenay, près de Baie-Sainte-Catherine. Il se prorécemment publié dans la revue scientifique Ontario
longe au nord jusque dans les terres à proximité du lac
Archaeology, ce numéro spécial traduit en français et édité
Saint-Jean et s’étend également sur la rive sud du fleuve
aux Presses de l’Université Laval (Lesage et al., dir. 2018),
Saint-Laurent.
met en exergue les principales empreintes des « Iroquoiens
du Saint-Laurent » dans la tradition orale des HuronsLe Nionwentsïo est le territoire principal fréquenté par
Wendat. Il est notamment question des témoignages de
la Nation huronne-wendat au moment de la conclusion du
l’Allemand Friedrich Valentin Melsheimer, de même que
Traité huron-britannique de 1760, autrefois appelé traité
du Grand Chef huron-wendat Nicolas Vincent Tsawenhohi
Murray, qui fut unanimement reconnu comme étant tou(1769-1844), daté de 1824, et du Grand Chef huronjours valide par les neufs juges de la Cour suprême du
wendat François-Xavier Picard Tahourenche (1810-1883),
Canada dans l’arrêt Sioui (1990). La délimitation est fondée
recueilli dans la seconde moitié du XIXe siècle. D’autres
sur les récits oraux et la tradition orale des Hurons-Wendat
parallèles significatifs, en particulier sur le plan de l’ancienainsi que sur des recherches exhaustives dans les archives et
neté de ces récits, sont également établis avec la tradition
sur de multiples sources documentaires. Le Nionwentsïo
orale des « Wyandots ». Le récit de l’émergence des Huronscorrespond au territoire principal fréquenté pour la praWendat d’une caverne renvoie par ailleurs directement au
tique de la chasse, de la pêche et du piégeage des animaux à
mythe huron-wendat de la création, Yäa’taenhtsihk, la
fourrure ainsi que la récolte de végétaux sauvages. Les prafemme venue du ciel (voir notamment Picard-Sioui 2016).
tiques de commerce de la Nation huronne-wendat, tout
Les archéologues sont maintenant confrontés à un quescomme les activités diplomatiques, s’effectuaient dans ce
tionnement croissant de la part des autochtones qui se
territoire et elles s’étendaient aussi à l’extérieur de ce
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considèrent comme les descendants de ces « Iroquoiens du
Saint-Laurent ». Quels sont les fondements des distinctions
entre peuples qui sont mises en œuvre par les tenants de la
thèse de la disparition ? À cet égard, le symposium conjoint
de la Ontario Archaeological Society et de la Eastern States
Archaeological Association, tenu en 2015 à Midland, en
Ontario, constitue un point tournant dans la réflexion collective. En cette occasion, ce sont les représentants de la
Nation huronne-wendat qui adressèrent préalablement
des questions de recherche précises aux archéologues, linguistes, historiens et anthropologues quant aux liens entre
les Hurons-Wendat et les « Iroquoiens du Saint-Laurent ».
Il n’est donc plus possible d’évacuer de l’analyse le point de
vue des autochtones, en l’occurrence celui des HuronsWendat tout comme celui des Mohawks, quant à leurs origines et à leur propre ethnicité. Aussi des archéologues en
viennent-ils progressivement à reconnaître des liens entre
les Hurons-Wendat et lesdits Iroquoiens du Saint-Laurent, à
partir de la moitié du XVe siècle, des liens d’ailleurs évoqués
par la tradition orale de la Nation huronne-wendat et dont
les référents remonteraient notamment au XVIe siècle (Gupta
et Lesage 2016 ; Lesage et al., dir. 2018 ; Richard 2018).
LES
DÉMARCHES DES HURONS-WENDAT
POUR LA PROTECTION DES LIEUX PATRIMONIAUX
Le Bureau du Nionwentsïo a été créé en 2008 afin
d’assumer pleinement les complexes aspects contemporains de la protection territoriale responsable de la Nation
huronne-wendat. Cette entité administrative procède annuellement au traitement de plusieurs centaines de consultations adressées à la Nation huronne-wendat par les
gouvernements fédéral et provinciaux, conformément à la
jurisprudence qui fut principalement établie dans les arrêts
Haïda (2004) et Taku River (2004). L’harmonisation forestière, le développement économique territorial, l’occupation territoriale, le soutien aux démarches politiques et
juridiques ainsi que la représentation des Hurons-Wendat
dans des organismes régionaux et nationaux font aussi intégralement partie des champs d’action privilégiés du Bureau
du Nionwentsïo. Ce dernier est composé d’une équipe
multidisciplinaire parmi laquelle figurent des ingénieurs et
des techniciens forestiers, des biologistes, des techniciens
de la faune, des anthropologues et des historiens, des assistants de recherche et des intervieweurs. La majorité de ces
ressources sont elles-mêmes huronnes-wendat. La recherche
réalisée au Bureau du Nionwentsïo concerne notamment
les sciences forestières et l’aménagement écosystémique, les
espèces en péril et les connaissances écologiques des
Hurons-Wendat. La fréquentation préhistorique, historique
et contemporaine du Nionwentsïo, les études d’impacts
sociaux et les évaluations environnementales font également
partie des activités de recherche et d’analyse du Bureau.
La protection des lieux patrimoniaux de la Nation
huronne-wendat constitue aussi une des missions essentielles du Bureau du Nionwentsïo. En ce qui concerne le
territoire forestier, ces démarches de protection sont liées à
deux processus spécifiques, soit l’harmonisation forestière
et les consultations fédérales et provinciales, principalement dans le contexte du développement du territoire. Les
récits et la tradition orale des Hurons-Wendat, de même que
les recherches dans les archives et les sources documentaires, constituent des intrants de première importance dans
l’identification des lieux patrimoniaux. Ces derniers
incluent d’anciens sites de campements, des sentiers de
portage et axes de circulation au sein du territoire ainsi que
des lieux d’exercice des coutumes de chasse, de pêche, de
piégeage et de récolte des végétaux. Les zones caractérisées
par un potentiel archéologique, identifiées à la suite d’un
processus d’analyse à l’interne, à partir notamment des
témoignages des aînés hurons-wendat et de nombreux
documents d’archives, sont également assujetties à des
mesures de protection face aux interventions forestières et
aux différents projets de développement, qu’ils soient de
petite, moyenne ou grande envergure. Ces zones de potentiel archéologique sont considérées comme des lieux comportant une dimension patrimoniale pour la Nation
huronne-wendat. En effet, la possibilité que des vestiges liés
au passé de leurs ancêtres soient toujours présents confère à
ces zones, aux yeux des Hurons-Wendat, une importance
culturelle significative, d’autant plus que ces lieux sont
généralement encore occupés par les membres de la Nation
huronne-wendat aujourd’hui.
L’IMPLICATION DES HURONS-WENDAT
DANS L’ARCHÉOLOGIE AU QUÉBEC
LA
HURONS-WENDAT
Les Hurons-Wendat ne s’opposent pas aux travaux
archéologiques sur leurs sites culturels et patrimoniaux.
Essentiellement, ils ont besoin de s’assurer que les résultats
attendus seront novateurs et aideront à mieux comprendre
les habitudes de vie de leurs ancêtres. Dans la perspective de
la Nation huronne-wendat, la recherche collaborative est
une expression moderne de la situation gagnant-gagnant
des alliances qui ont toujours caractérisé ce peuple de commerçants. Pour les Hurons-Wendat d’aujourd’hui, leurs
ancêtres doivent être fiers de laisser certains travaux archéologiques se réaliser sur des sites choisis afin d’essayer de
comprendre leur passé. Ils sont sans doute encore plus fiers
de voir que leurs descendants participent à ces découvertes.
En termes métaphoriques, c’est un fort bon exemple de
polissage de tous les maillons de la chaîne d’alliance.
L’essence d’une telle recherche collaborative représente
aussi des opportunités contemporaines importantes pour
une Première Nation comme la Nation huronne-wendat qui
est moderne, ouverte, curieuse et qui désire en savoir toujours plus sur son passé. La recherche collaborative offre
également pour elle l’occasion de faire partie du monde de
la recherche et d’œuvrer avec des scientifiques de haut
niveau afin d’influencer les axes de recherche, d’échanger
des idées, de poser des questions, de soumettre des hypothèses, de discuter des résultats, d’évaluer et de réviser les
ébauches de publications, d’agir en tant que co-auteurs, etc.
La recherche collaborative pour les Hurons-Wendat représente bien plus que de simples remerciements dans la partie
réservée à cet effet dans une publication. L’élaboration de
projets archéologiques et la recherche sur les sites
RECHERCHE COLLABORATIVE SELON LES
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hurons-wendat sont désormais effectuées en étroite collaboration avec la Nation huronne-wendat.
LE
CONTRASTE DES POLITIQUES D’ARCHÉOLOGIE
ENTRE L’ONTARIO ET LE QUÉBEC
L’Ontario dénombre plus de 32 000 sites archéologiques, soit des lieux où se trouvent des artéfacts ou autres
preuves tangibles d’un usage humain passé ou d’une activité
humaine passée qui ont une valeur, un caractère ou un
intérêt sur le plan du patrimoine culturel (MTCS 2015 : 17).
Environ 80 % de la totalité de ces sites sont des sites autochtones et représentent des villages, des maisons longues, des
camps de chasse, des sites de portage, des cimetières ou des
ossuaires. Aussi, environ 2500 projets archéologiques sont
réalisés en moyenne annuellement en Ontario, y compris
les consultations en archéologie pour le développement et la
recherche (ibid.). Entre 800 et 1000 nouveaux sites archéologiques sont signalés chaque année (ibid.). Avec plus de
850 sites archéologiques identifiés comme étant huronswendat en Ontario, ce patrimoine représente probablement
le nombre le plus élevé de sites archéologiques reliés à une
Première Nation au Canada.
Avec un tel potentiel archéologique, il n’est donc pas
étonnant que l’on observe en Ontario différentes approches
d’archéologie collaborative avec les groupes autochtones et
que celles-ci connaissent un certain essor depuis quelques
années. Ce mouvement est motivé notamment par la Loi sur
le patrimoine de l’Ontario et renforcé par une récente série de
lignes directrices (Participation des collectivités autochtones en archéologie) produites par le ministère du Tourisme,
Culture et Sport (MTCS 2011). Ces documents demandent
aux archéologues licenciés par la province de l’Ontario de
s’engager auprès des communautés autochtones dans
toutes les étapes d’un projet dans le but de répondre aux
intérêts des communautés concernées. Ainsi, les normes de
conformité archéologiques en Ontario requièrent des excavations aux étapes de sondages afin d’évaluer la valeur
archéologique d’un site. Plus précisément, les lignes directrices exigent des promoteurs (gouvernements, compagnies
privées, développeurs, etc.) d’engager des assistants de
fouilles des communautés autochtones régionales ou démontrant leur intérêt à participer aux fouilles de stade 3 et 4.
Cette pratique va toutefois à l’encontre de la volonté des
communautés autochtones qui, elles, souhaitent d’abord
une perturbation minimale des sites ancestraux puis, dans
le cas où des fouilles sont nécessaires, de participer à tous les
stades d’un projet (1 à 4). Bien que des promoteurs engagent
des assistants de fouilles autochtones aux stades 1 et 2,
d’autres refusent une telle mesure peut-être jugée trop coûteuse, et aucune conséquence n’est envisagée par le gouvernement. En effet, depuis les dernières années, les
communautés autochtones favorisent plutôt des pratiques
d’archéologie durables qui, d’une part, évitent les fouilles
d’un site et, d’autre part, favorisent la révision des collections
existantes (Ferris et Welch 2014 : 231-233).
L’expérience concrète indique que ces pratiques ontariennes contrastent avec celles qui ont actuellement cours
au Québec. Force est de constater que ces dernières peinent
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à inclure la participation autochtone dans tout le processus
d’archéologie collaborative. À titre d’exemple, le tableau 1
présente les principales différences observables entre la Loi
sur le patrimoine culturel (L.R.Q. 2012) et la Loi sur le patrimoine de l’Ontario (L.R.O. 1990) en regard de l’archéologie,
de la participation autochtone et des directives à l’endroit
des archéologues.
Bien que des représentants de la Nation huronnewendat aient été actifs ponctuellement sur des sites de
fouilles archéologiques en Ontario dans les années 1970, et
de manière plus intensive depuis presque une décennie,
leur présence est très récente au Québec. En fait, leur première participation officielle ne date que de 2016, lorsqu’un
assistant de fouilles huron-wendat a été dépêché dans le
secteur au pied de la côte de Sillery, près du boulevard
Champlain, à Québec. Une surveillance archéologique a dû
y être réalisée en vue de la reconstruction de cet axe routier.
Dans les années 1960, un site de sépulture avait été découvert justement à proximité (Vallée 1985). La présence de cet
assistant ne s’est pas faite sans pression de la part du Conseil
de la Nation huronne-wendat auprès des autorités du
ministère de la Culture et des Communications du Québec.
Depuis, et à la demande du Conseil de la Nation huronnewendat, des assistants hurons-wendat ont été dépêchés sur
des sites de fouilles à la base de plein air de Sainte-Foy et à
L’Ancienne-Lorette.
ARCHÉOLOGIE AUTOCHTONE : L’EXEMPLE
DES HURONS-WENDAT EN ONTARIO
Avant la fin des années 1990, les Hurons-Wendat
n’ont pas été consultés en regard de fouilles archéologiques sur leurs sites ancestraux. Des fouilles d’ossuaires
hurons-wendat dans le comté de Simcoe sont documentées
dès les années 1850, lesquelles étaient dirigées par des
jésuites (Jones 1908). Des fouilles non autorisées des sites
hurons-wendat ont commencé plus sérieusement dans les
années 1940 et 1950 par Kenneth Kidd et Wilfrid Jury.
Celles-ci ciblaient les ossuaires du XVIIe siècle ainsi que les
villages et la mission jésuite de Sainte-Marie (Trigger 2001 : 5).
Dans les décennies qui ont suivi, des fouilles et des récoltes
de surface systématique de villages hurons-wendat datant
des périodes précontact et contact ont été ciblées comme
sujets de recherche spécifiques et sites d’études pour des
universités. Plus d’un siècle de travail sur le terrain sur des
dizaines de sites hurons-wendat dans le sud de l’Ontario a
permis d’excaver un nombre considérable d’artéfacts et de
restes humains (Williamson 2014).
La Nation huronne-wendat considère l’archéologie
comme une source importante d’informations en regard de
l’utilisation de ses terres ancestrales et des droits reliés au
territoire et aux ressources (Sioui 1999). Malgré la distance
physique qui existe entre leur village de Wendake et leurs
terres ancestrales en Ontario, les Hurons-Wendat ont commencé à exercer une « influence » considérable sur les
archéologues qui travaillent sur leurs sites ancestraux, et ce,
dans le cadre d’une relation habituellement constructive.
Les Hurons-Wendat se sont toujours intéressés à leur
patrimoine archéologique en Ontario. Aucun document,
Tableau 1
Principales différences entre la Loi sur le patrimoine culturel (L.R.Q. 2012) et la Loi sur le patrimoine de l’Ontario
(L.R.O. 1990) en regard des fouilles et découvertes archéologiques, de l’identification du patrimoine culturel,
de la citation des biens patrimoniaux et des normes et directives à l’intention des archéologues
SUJET
LOI
Fouilles et découvertes
archéologiques
Art. 68 : un permis de recherche archéologique doit être
préalablement obtenu auprès du Ministre.
Art. 70 : le permis est valide pour une durée d’un an à
compter de sa délivrance.
Art. 73 : le titulaire d’un permis doit faire un rapport
annuel au Ministre, qui sera transmis à une communauté
autochtone lorsque celle-ci est susceptible d’être
concernée par les résultats de la recherche archéologique.
Art. 48(1) : une demande de licence doit être faite au Ministre, au préalable.
Art. 48(4) : une telle licence est valide indéfiniment, sauf dans les cas où une
durée est précisée.
Identification du
patrimoine culturel
et citation de biens
patrimoniaux
Art. 121, 127 : une communauté autochtone peut
identifier des éléments du patrimoine culturel qui se
trouvent sur sa terre de réserve et leur attribuer des
statuts (patrimoine immatériel, personnages, événements
et lieux historiques). Elle peut également citer un bien
patrimonial, situé sur son territoire, dont la connaissance,
la protection, la mise en valeur ou la transmission
présente un intérêt public.
Art. 29 : une communauté autochtone peut désigner un bien situé sur son
territoire comme ayant une valeur ou un caractère sur le plan du patrimoine
culturel si les deux conditions de cet article sont remplies.
Normes et directives
à l’intention des
archéologues
Consultation de la communauté autochtone potentiellement concernée préalablement à la délivrance d’un
permis archéologique. (Note : le territoire sur lequel la
consultation est réalisée est unilatéralement évalué par
le Gouvernement du Québec.)
Les archéologues-conseils titulaires d’une licence doivent s’engager avec les
communautés autochtones dès le début du projet en favorisant leur participation au processus archéologique. Ce processus tient compte de l’intérêt
des communautés autochtones pour l’évaluation archéologique, la protection
des sites archéologiques autochtones et la destination des artéfacts et
vestiges ancestraux.
Participation autochtone
Au stade 1, afin de trouver des sources d’information dans les communautés autochtones locales. Suggestion seulement.
Au stade 1, lorsque les archéologues-conseils évaluent le potentiel archéologique et entendent recommander d’exempter d’une évaluation plus
approfondie les zones qui répondent aux critères d’un faible potentiel
archéologique, afin de s’assurer qu’il n’y ait pas d’éléments du patrimoine
culturel autochtone qui n’auraient pas été pris en compte.
Au stade 2, lorsqu’ils évaluent un bien et déterminent les sites
archéologiques nécessitant des travaux archéologiques du stade 3.
Au stade 3, lorsqu’ils formulent des recommandations concernant les
fouilles ou la préservation des sites archéologiques autochtones ayant une
valeur ou un caractère sur le plan du patrimoine culturel autres que les types
décrits dans les normes, afin d’examiner les recommandations avec la ou les
communautés autochtones intéressées.
SUR LE PATRIMOINE CULTUREL DU
QUÉBEC
traité préconfédéré ou historique ne stipule que les HuronsWendat ont cédé, abandonné ou rejeté leurs droits et intérêts en Ontario. D’ailleurs, dans les années 1970, un groupe
d’une vingtaine de jeunes hurons-wendat ont participé à
des travaux archéologiques dans la région de Pickering en
Ontario. En 1999, un premier réenterrement d’ancêtres
hurons-wendat se tenait à Ossossane, dans la région de
Midland en Ontario (Picard-Sioui 2000 ; Kapches 2010),
puis un deuxième en 2013 dans la région de Vaughan
(Pfeiffer et Lesage 2014). Ces réenterrements, les plus
importants en Amérique du Nord, représentent, d’un point
de vue administratif, l’aboutissement de plusieurs années de
discussions, planifications et négociations entre la Nation
huronne-wendat et les dépositaires des ossements. D’un
point de vue spirituel et coutumier, ces ré-enterrements
constituent la consécration spirituelle d’une sensation inédite du travail accompli et d’un fort sentiment de réparation
d’erreurs passées.
Au cours des trois dernières décennies, les HuronsWendat ont exigé et obtenu un plus grand contrôle sur leur
patrimoine archéologique en Ontario, en particulier pour
LOI
SUR LE PATRIMOINE DE L’ONTARIO
les sites de sépultures. Les Hurons-Wendat démontrent
ainsi leur plus profond respect pour les restes de leurs
ancêtres. Les fouilles archéologiques peuvent malheureusement perturber les ancêtres enterrés dans des ossuaires ou
de manière fortuite dans les villages. Plus particulièrement,
lors de fouilles de villages hurons-wendat, ces découvertes
peuvent involontairement survenir et revêtir un intérêt
immense pour la Nation huronne-wendat.
Afin de se positionner davantage en regard de son patrimoine archéologique en Ontario, le Conseil de la Nation
huronne-wendat a voté en 2015 une résolution, intitulée
Position de la Nation huronne-wendat relative au patrimoine
archéologique et culturel sur ses terres ancestrales en Ontario,
qui stipule notamment :
U que la Nation huronne-wendat privilégie toujours la
protection de ses sites archéologiques et culturels en
Ontario, notamment en proscrivant toute destruction
des sites, peu importe la nature d’un projet ou autres
intérêts publics et privés en jeu ;
U de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer
le respect et la protection des sites culturels et
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Carte 2
Les dernières forêts intactes au Québec et le projet d’aire protégée
polyvalente Ya’nienhonhndeh
archéologiques hurons-wendat, incluant les sites de
sépulture des ancêtres hurons-wendat […]
La position des Hurons-Wendat vise essentiellement à
ce que les sites ancestraux soient protégés et conservés,
et qu’ils ne soient perturbés que dans des cas exceptionnels – et pour des raisons valables et avec leur consentement. Les Hurons-Wendat se réservent également le droit à
l’utilisation et l’interprétation de leur patrimoine archéologique. Ils démontrent une grande sensibilité pour la préservation in situ et la protection de ce patrimoine.
Au-delà de cette vision protectionniste du patrimoine, la
dernière décennie a pourtant permis des recherches et des
consultations réalisées en Ontario par des archéologues qui
ont su relever le défi de travailler en collaboration avec les
populations autochtones. Par exemple, dans l’esprit autochtone d’alliance durable, l’Université Wilfrid Laurier et
l’Université Laurentienne demandent annuellement à la
Nation huronne-wendat la permission de pouvoir réaliser
des fouilles du site Ahatsistari (Université Wilfrid Laurier)
et des sites Ellery et Thompson Walker (Université
Laurentienne) pour leurs chantiers-écoles respectifs. Ces
derniers ont aussi pour mission de former la prochaine
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R E C H E R C H E S A M É R I N D I E N N E S A U Q U É B E C , X LV I I I , N O 3 , 2 0 1 8
génération d’archéologues en regard de l’éthique à adopter
envers les groupes autochtones concernés. De plus, ces sites
exposent les étudiants à des techniques analytiques minimalement invasives (Glencross et al. 2017). Ces nouvelles
pratiques viennent renforcer le travail collaboratif en développant des méthodes alternatives qui réduisent au minimum
la destruction du patrimoine autochtone, respectent davantage les droits des peuples autochtones et, finalement, préparent la prochaine génération d’archéologues à mieux
collaborer et à comprendre leurs enjeux.
Malgré les nombreuses participations à des fouilles, les
rapatriements d’ossements, les résolutions pour la protection du patrimoine archéologique et la participation à des
projets de recherches collaboratifs, la propriété autochtone
du patrimoine archéologique demeure malheureusement,
pour des raisons législatives réelles, une réalité inassouvie.
Tel que le soulève Asch (2009), qu’est-ce qui serait plus
raisonnable que le désir de s’assurer que vous êtes le conservateur de votre propre patrimoine culturel ? Et qu’est-ce qui
serait le moins raisonnable que de conserver le patrimoine
culturel d’un autre peuple, toujours significatif pour lui,
dans vos mains ? Ces questions légitimes correspondent aux
attentes des Premières Nations du Canada. Celles-ci ne
contrôlent pas l’intégralité de leur patrimoine malgré la
reconnaissance mondiale de ce droit dans la Déclaration des
Nations unies sur les droits des peuples autochtones,
adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en 2007
(Nations unies 2007). À cet égard, tel que souligné par
Atalay (2008), le colonialisme a dépossédé les autochtones
de leur capacité à gérer et également enseigner leur propre
héritage culturel et patrimonial. Selon certains auteurs, le
patrimoine archéologique autochtone serait possiblement
mieux protégé si les politiques et les lois gouvernementales
en matière d’aménagement du territoire ontarien étaient
renforcées de façon à exiger le consentement libre, préalable
et éclairé des communautés autochtones avant la suppression des sites et des vestiges d’importance sur les territoires
ancestraux (Warrick 2017).
LE
DE
PROJET D’AIRE PROTÉGÉE DANS LA RÉGION
YA’NIENHONHNDEH (LAC À MOÏSE)
La région des lacs à Moïse et Batiscan, localisée dans la
Réserve faunique des Laurentides, à environ 75 km à vol
d’oiseau au nord-ouest de Wendake, a été fortement fréquentée
par la Nation huronne-wendat, et ce, depuis des temps fort
anciens (Richard 2012, 2016). En langue huronne-wendat, le
lac à Moïse est appelé « Ya’nienhonhndeh », ce qui signifie
« là où l’on cueille les plantes médicinales ». Le lac Batiscan
est pour sa part désigné par le toponyme Ekiontarowänha’,
signifiant « le grand lac » (Lukaniec 2012 : 5, 14).
Chapeauté par le Bureau du Nionwentsïo, le projet
d’aire protégée a été lancé par la Nation huronne-wendat
en 2010 dans le contexte des démarches de protection des
lieux patrimoniaux en réaction à des interventions forestières d’envergure projetées. L’idée d’une aire protégée, dans
cette portion du Nionwentsïo, émane d’une constatation
d’une importance cruciale : c’est la seule région du territoire
coutumier de la Nation huronnewendat qui n’a, à toutes fins pratiques,
jamais été touchée par des coupes
forestières. En fait, il s’agit du dernier
grand massif de forêt intacte, au sud
du 52e parallèle, pratiquement exempt
de toute perturbation anthropique,
tel qu’indiqué sur la carte 2. La délimitation préliminaire de l’aire protégée englobe une région de 711 km2,
où plus de 50 sites patrimoniaux
hurons-wendat ont été recensés, dont
des sites de campement d’autrefois et
d’anciens sentiers de portage toujours
visibles aujourd’hui.
Le concept novateur d’aire protégée polyvalente est un outil de
conservation qui a la particularité
d’offrir différentes formes d’utilisation
durable du territoire en assurant la
protection et le maintien de la biodiPhoto 1
versité. Cette forme d’aire protégée
De gauche à droite : Stéphane Sioui, Marie-Anne Paradis, Martin Tremblay et Loue Biron, été 2016
(Photo Michel Plourde)
vise l’atteinte de cibles écologiques en
soutenant l’apport économique nécessaire aux communautés qui vivent des
LES ÉCOLES D’ÉTÉ EN ARCHÉOLOGIE EN COLLABORATION
ressources naturelles. Ce concept repose sur l’élaboration
AVEC L’UNIVERSITÉ LAVAL
d’actions mutuellement bénéfiques à la biodiversité et à la
UNE ENTENTE HISTORIQUE
société pour un véritable développement durable du territoire (Comité de coordination APP 2016).
Le 20 décembre 2013, l’Université Laval et la Nation
huronne-wendat signaient une entente-cadre renouvelable
En ce qui a trait aux caractéristiques écologiques du
de cinq ans pour officialiser les relations qui unissent les
territoire, il importe de mentionner que 28 % des peudeux communautés et accroître l’échange de connaissances.
plements forestiers sont âgés de 70 ans ou plus, tandis
Dans ce contexte, l’Université Laval répondait directement
qu’approximativement 40 % peuvent être considérés
au souhait de la Nation huronne-wendat de participer aux
comme étant une forêt intacte. Certains secteurs comrecherches qui les concernent en faisant part de leurs préocprennent des arbres de plus de 300 ans. La présence d’escupations, de leurs propres perspectives en matière de
pèces animales menacées et vulnérables est attestée, dont
recherche et de leurs traditions. Comme l’archéologie figul’omble chevalier, le faucon pèlerin, l’aigle royal et égalerait au sommet de la liste des domaines de coopération, des
ment le caribou forestier. Il est par ailleurs possible que
démarches ont été entreprises pour mettre sur pied un prod’autres espèces menacées s’y trouvent, en particulier diffégramme de recherches sur le terrain visant à consolider les
rentes plantes. Puisque le territoire concerné est à proximité
efforts de protection des sites patrimoniaux, des sites
du Parc national de la Jacques-Cartier et de la Réserve de
d’intérêt et des zones à haut potentiel archéologique huronbiodiversité projetée du Triton, la création de l’aire protégée
wendat. Une école d’été en archéologie a alors été créée sous
polyvalente Ya’nienhonhndeh représente un amalgame
l’égide de la formation continue (ARL-U001) et celle-ci s’est
potentiel de conservation de plus de 1800 km2. La Nation
tenue pendant six jours en août 2016 et pendant sept jours
huronne-wendat considère qu’elle a la responsabilité de
en juillet 2017, accueillant sept étudiants issus du départeprotéger, en collaboration avec les intervenants allochtones,
ment des Sciences historiques de l’Université Laval et de la
un patrimoine forestier et culturel si unique pour les
Nation huronne-wendat (photo 1).
générations futures.
Bien que le territoire visé par le projet d’aire protégée
soit maintenant davantage connu grâce aux démarches de
protection des lieux et à plusieurs inspections réalisées sur
le terrain, il reste encore beaucoup à faire en matière
d’acquisition de connaissances, à la fois sur le plan des
caractéristiques écologiques et celui du patrimoine culturel
huron-wendat. À ce sujet, la collaboration grandissante
entre la Nation huronne-wendat et l’Université Laval a
permis de bonifier la connaissance du territoire grâce à la
discipline de l’archéologie.
DES SECTEURS D’INTÉRÊT PATRIMONIAL ET ARCHÉOLOGIQUE
Les secteurs ciblés furent ceux du lac à Moïse
(Ya’nienhonhndeh) et du lac Batiscan (Ekiontarowänha’)
[carte 3]. Il s’agit de superficies exceptionnellement couvertes d’une forêt vierge, ce qui constitue une composante
de première importance sur le plan du potentiel archéologique, mais surtout en regard de l’intégrité patrimoniale et
écologique de cette portion du Nionwentsïo. La synthèse
des données ethnohistoriques disponibles à l’égard de la
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R E C H E R C H E S A M É R I N D I E N N E S A U Q U É B E C , X LV I I I , N O 3 , 2 0 1 8
Tableau 2
Lieux d’intérêt hurons-wendat visités à l’occasion de l’École d’été en
archéologie, éditions 2016-2017
NOM SPÉCIFIQUE
(ET Nº SUR LA FIGURE)
DESCRIPTION
Sentier lac à Moïse – lac
des Passes (1)
Lieu d’exercice des activités coutumières ; axe de circulation ; sentier – portage.
Le sentier unissant le lac des Passes et le lac à Moïse, à la tête de ce plan
d’eau, est un ancien axe de circulation clairement décrit par les HuronsWendat dans la documentation historique. Le sentier permettait la circulation entre ces lacs majeurs via une chaîne de neuf plus petits plans d’eau,
soit les lacs Reed’s, Laviolette, Petit Laviolette, Dulude, Lavallée, Verdoyant,
Lafond, Wilkin et Lefebvre. Les cartes anciennes indiquent que ce sentier
huron-wendat original a été utilisé par le Triton Fish and Game Club dans la
première moitié du XXe siècle.
Confluent rivière à
Moïse – rivière aux
Éclairs (2)
Lieu d’exercice des activités coutumières ; site de campement ancien ;
toponyme huron-wendat : Teönontoyenhndeh, bassin de la rivière Batiscan.
Le confluent des rivières à Moïse et aux Éclairs, notamment en raison de sa
situation géographique stratégique à la jonction de ces deux anciens axes
de circulation hurons-wendat, est considéré comme un lieu d’intérêt de la
plus haute importance. Des inventaires archéologiques effectués en 2001
ont d’ailleurs permis la localisation d’un site archéologique officiel, reconnu
et enregistré au Québec, soit le site CiEx-1, où des artéfacts du XIXe siècle
ont été mis au jour. Le site n’a cependant pas fait l’objet d’une fouille
archéologique approfondie.
Lac Lacroix (3)
Site de campement ancien ; lieu d’exercice des activités coutumières. Situé
approximativement à mi-chemin entre le lac à Moïse et le lac des Passes,
dans l’ancien axe de circulation huron-wendat, le lac Lacroix ressort de la
documentation historique, des récits des aînés et de la tradition orale
huronne-wendat comme étant à la fois un lieu d’exercice des activités
coutumières et un site de campement ancien. Il s’agissait autrefois d’un
lieu fort productif pour la chasse à l’orignal. Le site de campement a
souvent été nommé « la cabane des Loups ».
d’information géographique (SIG) du
Bureau du Nionwentsïo. Des visites
sur le terrain avaient été réalisées lors
de l’été 2012 par l’équipe du Bureau
du Nionwentsïo dans le secteur à
l’étude. Au total, vingt-huit lieux d’intérêt hurons-wendat furent inspectés
sur le terrain. Ces travaux ont permis
de mieux identifier et de préciser spatialement les superficies réelles couvertes par les lieux d’intérêt, d’établir
leur degré actuel de perturbation
anthropique et d’évaluer leur potentiel
patrimonial. Les éléments pouvant être
géoréférencés, par exemple les anciens
sentiers hurons-wendat toujours perceptibles aujourd’hui, ont été relevés
systématiquement. Des photographies
ont été prises afin de documenter
visuellement les éléments pertinents
(Bureau du Nionwentsïo 2013).
LA
MÉTHODOLOGIE
Les zones retenues firent l’objet
d’une inspection visuelle afin de
déterminer quels espaces étaient les
Rivière Croche (4)
Lieu d’exercice des activités coutumières ; axe de circulation ; toponyme
plus susceptibles de révéler un site
huron-wendat : Teönontoyenhndeh, bassin de la rivière Batiscan. La rivière
Croche est clairement représentée sur le plan Vincent, et ce, jusqu’au lac
archéologique, à savoir une topogradu même nom, ce qui indique la connaissance et la fréquentation ancienne
phie relativement plane, soit où la
du lieu par les Hurons-Wendat. La documentation historique réfère plus
pente n’excédait pas 10 %, un draiprécisément à la présence d’activités de piégeage des Hurons-Wendat le
long des berges de l’ensemble du cours d’eau. La rivière Croche n’est pas
nage adéquat et une surface peu ou
navigable mais elle est considérée comme un axe de circulation et un lieu
modérément accidentée et se trouvant
significatif quant à l’exercice des activités coutumières.
en dehors de l’emprise des crues prinLac Batiscan (5)
Ce lieu se situe à l’extrémité sud-est du lac Batiscan ; toponyme huronwendat du lac Batiscan : Ekiontarowänha. Ce plan d’eau ressort de la traditanières. Sur de telles surfaces étaient
tion orale huronne-wendat, des archives et de la documentation historique
ensuite pratiqués des sondages mesucomme étant un lieu de la première importance quant à la fréquentation
du territoire par la Nation huronne-wendat.
rant 50 cm de côté et espacés de 5 m,
10 m ou 15 m, selon les caractéris(Tiré de : Bureau du Nionwentsïo 2013)
tiques de l’espace et la dimension des
zones à couvrir. Chaque sondage a été
localisé à l’aide d’un GPS. Le couvert
végétal au sol, en l’occurrence une
zone d’étude a constitué un intrant de première importance
sphaigne
dont
l’épaisseur
pouvait atteindre 40 cm, était
afin d’identifier et de préciser le potentiel archéologique
découpé
à
l’aide
d’une
pelle
carrée aiguisée, puis déplacé à
huron-wendat de ce territoire. Outre les données ethnol’extérieur
du
sondage
pour
être
examiné minutieusement.
historiques, l’analyse a tenu compte de l’hydrographie, de la
La
matrice
végétale
noire
rencontrée
à la base de la sphaigne
géomorphologie, de la faune et de la flore ainsi que des
(Ah)
était
ensuite
fouillée
à
la
truelle,
puis le premier horizon
indices liés aux perturbations anthropiques. L’analyse cartominéral,
une
couche
grise
(Ae)
dont
l’épaisseur
pouvait varier
graphique ainsi que celle des photographies aériennes disentre
5
cm
et
20
cm.
Une
fois
cette
étape
réalisée,
les preponibles pour la zone d’intervention ont été fort utiles à cet
miers
10
cm
de
la
couche
orangée
ou
brunâtre
(Bh
ou Bf)
égard. Les sources utilisées sont principalement le système
étaient fouillés, à moins de rencontrer une assise de pierres
d’information géographique (SIG) de la Nation huronneou la roche-mère. En l’absence d’artéfacts, la fouille des sols
wendat ainsi que les fichiers de photographies aériennes
conservés à la Bibliothèque de l’Université Laval (Bureau du
était interrompue. Lorsque des artéfacts ou des écofacts
Nionwentsïo 2013).
étaient découverts, un tamis à mailles de un quart de pouce
était utilisé afin de vérifier systématiquement le contenu des
Les tâches liées à l’analyse et à l’identification du potensols. Des sondages en croix étaient réalisés en périphérie du
tiel archéologique ont permis de circonscrire des secteurs
premier sondage positif, soit une première séquence à 5 m,
précis présentant une valeur plus intéressante. Ces informaet si ces derniers s’avéraient négatifs, d’autres sondages en
tions ont été intégrées à la base de données informatisée des
croix (distancés de 2,5 m du sondage positif) étaient
lieux d’intérêt hurons-wendat, de même qu’au système
98
R E C H E R C H E S A M É R I N D I E N N E S A U Q U É B E C , X LV I I I , N O 3 , 2 0 1 8
réalisés. Le premier sondage positif a été agrandi jusqu’à un
maximum de 1 m x 1 m.
LES
RÉSULTATS
Les inventaires archéologiques menés en 2016 et 2017
se sont déroulés dans cinq secteurs d’intérêt (carte 3), soit
une chaîne formée par les lacs Lafond, Verdoyant, Lavallée
et Dulude, le secteur de la confluence des rivières à Moïse et
aux Éclairs où deux sites historiques (CiEx-1 et CiEx-2)
avaient été découverts quinze ans plus tôt (Chrétien 2001),
le lac Lacroix, le secteur de l’embouchure de la rivière
Croche et l’émissaire du lac Batiscan.
Le secteur 1 consiste en une chaîne de quatre lacs
(Lafond, Verdoyant, Lavallée et Dulude) formant un croissant de près de 2 km. L’objectif des recherches était de
retracer d’anciens sentiers de portage et de vérifier la présence de sites archéologiques vis-à-vis des extrémités des
axes de portage potentiels. En premier lieu, une inspection
visuelle de la rive ouest de l’émissaire du lac Lafond a permis
de retracer en partie un corridor signalé par des percées
visuelles dans le couvert forestier et un tassement du sol sur
une largeur variant entre 20 cm et 30 cm. Deux sections du
sentier, mesurant respectivement (du sud vers le nord)
300 m et 75 m, ont été retracées. Le trajet emprunte les premières surfaces relativement bien drainées et accessibles à
l’ouest de l’émissaire du lac Verdoyant. Le sentier, dont la
longueur totale est estimée à 720 m, accuse une trajectoire
assez directe entre les lacs Lafond et Verdoyant. Par la suite,
des sondages ont été pratiqués le long de la rive sud-ouest
du lac Lafond, vis-à-vis l’extrémité nord du sentier, mais
tous se sont avérés négatifs.
Un autre sentier de portage a vraisemblablement été
retracé du côté est de l’émissaire du lac Lafond. Celui-ci
emprunte les premières surfaces planes localisées au-dessus
d’une zone marécageuse, dans ses deux-tiers nord, sur
environ 100 m. Il se fond par la suite dans un sentier de VTT
dans son tiers sud. Le sentier de VTT a donc suivi une
ligne plus droite et traverse ainsi une zone humide dans le
deux-tiers nord.
Le secteur 2 touche la confluence des rivières à Moïse et
aux Éclairs, à l’ouest du lac Batiscan. Ce plan d’eau longiligne est orienté dans un axe nord-ouest–sud-est et mesure
un peu plus de 8 km. Le niveau de ce vaste plan d’eau n’a pas
été rehaussé artificiellement par un barrage ou une digue.
Alimenté par des petits tributaires, celui-ci se déverse vers
l’ouest. Les eaux du secteur sont calmes et facilement
navigables. La rivière aux Éclairs se déverse dans la Batiscan
qui rejoint le fleuve Saint-Laurent, à une centaine de kilomètres vers le sud-sud-ouest. La rivière à Moïse donne
accès, vers le nord, à une multitude de lacs et de rivières qui
rejoignent le bassin hydrographique du lac Saint-Jean par la
rivière Métabetchouane.
Une inspection visuelle sommaire des lieux a été complétée par quelques sondages pratiqués sur certaines surfaces
planes afin de retracer des restes de cabanes huronneswendat. Des sondages ont été réalisés à l’emplacement
même du site CiEx-1 découvert, en 2001 (Chrétien 2001),
à l’aide d’un détecteur de métal. Des objets en métal extraits
Carte 3
Localisation générale des secteurs d’inventaire archéologique
de la sphaigne et remis en place une fois examinés avaient
permis de reconnaître une occupation datée de la fin du
XIXe siècle révélée par
[...] entre autres des clous rectangulaires de grand format, des
pièces de poêle à bois, une poignée de théière ouvragée en fer et du
verre fondu. Ces divers indices, et surtout le poêle à bois, permettent d’interpréter ces vestiges comme les restes d’un campement de la fin du XIXe siècle. La fonction de ce campement n’est pas
établie sur la base du matériel découvert, mais il pourrait s’agir d’un
camp de chasse et de pêche (ibid.: 19).
Nos sondages (photo 2) ont révélé des éléments de
même nature, à savoir des objets de métal, tels des clous
découpés et tréfilés, une lame de couteau recourbée à la
manière d’un couteau croche amérindien, des fragments de
poêle en fonte et de l’écorce de bouleau (photo 3). À
quelques mètres des lieux une structure de bois (env.
1,20 m x 1,80 m) effondrée et couverte de mousse a été
sommairement dégagée. Les dimensions particulièrement
réduites de la structure effondrée correspondraient aux
petites habitations utilisées par les Hurons-Wendat à cette
époque. Dans ce cas-ci, il pourrait s’agir de l’une des cabanes
du Huron-Wendat Daniel Gros-Louis (1856-1939) qui,
selon les récits des aînés, était localisée à cet endroit. Dans la
périphérie immédiate, quatre dépressions carrées (longueur
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Photo 2
Évaluation sur le site CiEx-1
(Photo Michel Plourde)
des côtés atteignant 80 cm) ont été observées et un sondage
de 50 cm de côté pratiqué au centre de chacune d’elles ont
révélé du canevas de coton, du jute, des clous tréfilés et
découpés, des écrous, de l’écorce de bouleau noircie et une
attache de métal imprimée d’un motif. Il pourrait s’agir de
caches pour conserver de la nourriture et/ou entreposer
du matériel.
Le secteur a également été utilisé lors de la période préhistorique, comme en témoignent deux éclats de pierre
taillée en quartzite blanchâtre extraits de la couche minérale. Tous ces éléments mis ensemble se répartissent sur une
superficie approximative de 400 m2.
Un autre site paléohistorique (CiEx-3) a été découvert
sur un replat surplombant la rivière aux Éclairs, vis-à-vis
d’une petite pointe, à 230 m à l’est-sud-est du site CiEx-1, et
celui-ci se résume à un seul sondage positif comportant trois
éclats de quartz et des traces de combustion, laissant présager une halte occupée entre 6000 à 450 ans AA. Beaucoup
de travail reste donc à faire pour comprendre et dater ces
différentes manifestations.
Le secteur 3 se situe à la hauteur du lac Lacroix. Les
assises en rondins en état de décomposition avancée d’une
ancienne cabane ont été découvertes sur la rive ouest du lac.
D’après les récits des aînés hurons-wendat, cette structure
correspond fort probablement à une cabane occupée par des
Hurons-Wendat à tout le moins au cours des années 1920. Elle
a été réutilisée par des chasseurs allochtones dans la seconde
moitié du XXe siècle, comme en témoignent des éléments
architecturaux plus récents (cadres de porte, verre de vitre,
bâche de plastique) installés sur celle-ci ainsi que la nature
des déchets observés tout autour.
Le secteur 4 est celui de la rive gauche de la rivière
Croche qui a été parcourue à pied sur près de 1 km, et ce,
jusqu’aux premières chutes, un obstacle imposant un portage. À cet endroit, des sondages ont été pratiqués sur les
rares espaces favorables à l’installation d’un campement ou
d’une halte, mais tous se sont avérés négatifs. Il en fut de
même d’un échantillonnage réduit de la terrasse sablonneuse localisée à l’embouchure de la rivière Croche. Quant
100
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Photo 3
Lame de couteau recourbée, clou découpé et fragment d’écorce
de bouleau
(Photo Michel Plourde)
au secteur 5, il touche la rive nord-est du lac Batiscan visà-vis son émissaire. Le lieu visité n’offrait que des surfaces
basses et mal drainées. Les zones plus favorables à une
occupation devraient se trouver plus loin en amont de
l’émissaire, vers le sud-est, là où se trouvent les premières
surfaces sablonneuses bien drainées.
Les déplacements de l’équipe sur les plans d’eau ont
donné lieu à une découverte spectaculaire, à savoir un site
rupestre3 visible sur une paroi rocheuse légèrement inclinée.
Sur cette paroi ont été observés des tracés digitaux peints à
l’ocre rouge qui s’étendent sur environ 14 m de long par un
maximum de 2 m de hauteur, immédiatement au-dessus du
niveau de l’eau. Il est envisageable qu’ils aient été produits à
partir d’une embarcation ou à partir de la surface gelée du
plan d’eau. Un relevé photographique à haute définition a été
réalisé, le 30 mars 2017. Guidés par le Huron-Wendat MarcAndré Savard, Guy Deschenes, photographe, ainsi que
l’archéologue Michel Plourde, se sont rendus sur les lieux à
partir de l’entrée de la ZEC Batiscan-Neilson. M. Deschenes a
capté trois panoramas différents, à des distances différentes
de la paroi, en utilisant une caméra montée sur un robot
(GIGAPAN). Ces panoramas peuvent compter jusqu’à cinq
cents photos se chevauchant suffisamment pour former une
image pouvant atteindre 8 gigapixels.
Le tableau est composé de trois panneaux. Celui qui est
situé à l’extrême droite comporte le plus grand nombre de
motifs, et ceux-ci sont composés de formes anthropomorphes, de lignes verticales ou légèrement obliques, et d’un
dessin rappelant un arc et une flèche. Les lichens à cet
endroit semblent avoir été enlevés en partie, car l’espace
dégagé représente un rectangle de forme assez régulière. Ce
panneau offre la surface la plus lisse et la plus pâle. Quatre
longues fissures horizontales et six fissures verticales le traversent. Les motifs observés vers le centre de la paroi
montrent une figure anthropomorphe et des lignes verticales surmontant deux parallélogrammes unis au centre
desquels un point a été dessiné. Le dessin réalisé vers
l’extrême gauche montre des figures anthropomorphes et ce
qui semble être des rayons de soleil surmontés de deux
Photo 5
Panneau central
(Photo Guy Deschenes | Traitement DStretch : Dagmara Zadwaska)
Photo 4
Panneau extrémité droite
(Photo : Guy Deschenes | Traitement DStretch : Dagmara Zadwaska)
parallélogrammes reliés par un trait. Par ailleurs, il fut
observé, vis-à-vis de l’extrémité droite de la paroi, une
ouverture derrière celle-ci, soit un espace très étroit (moins
de 40 cm de large) et assez haut pour y laisser entrer une
personne (maximum de 2 m). Sa profondeur est d’environ
2,5 m et aucun sondage n’y a été réalisé. Un premier traitement préliminaire des motifs à l’aide du logiciel D-Stretch
(photos 4 à 6) permet de rehausser les motifs observables et
d’en révéler de nouveaux.
Les recherches archéologiques menées dans le Nionwentsïo, en 2016 et 2017, ont permis en quelques jours de
confirmer le potentiel archéologique élevé des secteurs
touchés. La gamme des manifestations autochtones est
variée et comprend des sections de sentiers de portage, des
sites de campements préhistoriques, un site rupestre vraisemblablement préhistorique et des composantes de la
période historique.
LES QUESTIONS ÉTHIQUES SOULEVÉES PAR L’USAGE DE
L’ARCHÉOLOGIE PAR LA NATION HURONNE-WENDAT
En plus d’obtenir des résultats aidant à mieux comprendre les habitudes de vie de ses ancêtres, la Nation
huronne-wendat reconnaît que l’archéologie constitue toujours aujourd’hui une discipline utile qui peut représenter un
tremplin pour la protection de son patrimoine de même que
la reconnaissance de ses droits territoriaux. Cependant,
l’usage actuel de l’archéologie par la Nation huronne-wendat,
bien qu’il soit justifié et nécessaire, soulève un certain nombre
de questions éthiques fondamentales qui sont également
pertinentes pour d’autres collectivités autochtones.
D’abord, pour la Nation huronne-wendat, la demande
de permis de recherche archéologique auprès des autorités québécoises constitue, dans une large mesure, une
Photo 6
Panneau extrémité gauche
(Photo Guy Deschenes | Traitement DStretch : Dagmara Zadwaska)
aberration. Cela équivaut en quelque sorte à demander à un
gouvernement étranger une « permission », dont le corollaire est une interdiction, pour tenter de retrouver les traces
de leurs propres ancêtres, incluant des objets qui leur
appartenaient. La légitimité du gouvernement du Québec,
dans un tel processus, est fortement mise en question. En
d’autres mots, au-delà de la dimension pragmatique de la
chose, il subsiste le danger que la demande de permis de
recherche archéologique soit interprétée comme une reconnaissance, de la part des Hurons-Wendat, du pouvoir et de
la légitimité du gouvernement du Québec sur leurs propres
actions en cette matière.
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Actuellement, à l’exception d’interventions réalisées sur
des terres de réserve, un détenteur autochtone de permis
de recherches archéologiques a l’obligation formelle de
remettre un rapport au gouvernement québécois afin de
rendre compte des résultats obtenus. Or, ce ne sont pas
nécessairement les autochtones qui contrôlent la rédaction
du rapport et l’interprétation des données mais plutôt
l’archéologue qui a officiellement été mandaté par ces derniers. Le respect des aspirations des autochtones repose
ainsi essentiellement sur la qualité de la relation qu’ils entretiennent avec le ou les archéologues avec qui ils font affaire.
Une autre dimension significative sur le plan éthique
réside dans le caractère public des résultats des recherches
archéologiques réalisées par la Nation huronne-wendat.
Les rapports de recherche doivent actuellement être
rendus publics, excluant de rares exceptions. Est-ce que le
grand public devrait effectivement avoir d’emblée le droit
de savoir ce qui a été trouvé ? La question est plus incisive
dans le cas, par exemple, d’investigations archéologiques
menées dans une sépulture autochtone et sur des restes
humains. Il est alors possible que certains résultats
devraient davantage appartenir de manière privée à la ou
aux Premières Nations concernées. Le cas de la localisation
exacte du site rupestre découvert lors de l’école d’été
d’archéologie en 2016 est lui aussi éloquent concernant la
nécessité de la confidentialité de certaines recherches
archéologiques. La Nation huronne-wendat exige que le
lieu demeure confidentiel, et ce, afin de prévenir le vandalisme et la destruction, comme ce fut le cas partiellement
pour le site rupestre du Rocher-à-l’Oiseau (CaGh-2), le
long de la rivière Outaouais (Arsenault 2008 : 45).
La propriété réelle des artéfacts demeure également une
question éthique de taille pour la Nation huronne-wendat,
à l’instar de tous les autochtones qui désirent procéder à
des interventions archéologiques en vertu de permis de
recherche octroyés par le gouvernement du Québec. Par
exemple, en principe, sur les « terres de la Couronne », les
artéfacts découverts deviennent la propriété du Québec,
et une convention de prêt et d’entreposage doit être conclue
si des autochtones entendent conserver lesdits objets.
Cela renvoie par ailleurs à la question fort actuelle du rapatriement des objets de nature autochtone qui sont actuellement conservés dans diverses institutions muséales dans
le monde.
De surcroît, en conjonction avec les questions énoncées
précédemment, il est clair que l’archéologie et les résultats
qu’elle peut générer peuvent être judiciarisés et ainsi constituer
des intrants majeurs dans d’éventuels litiges territoriaux devant
les tribunaux entre les autochtones et les gouvernements provinciaux et fédéral. Cet état de fait peut potentiellement placer
les archéologues qui travaillent avec les autochtones dans une
position à tout le moins inconfortable.
Ces constatations illustrent la nécessité d’un archéologue, idéalement membre de la Nation huronne-wendat,
dont la pratique professionnelle serait régie par les règles
émises par la Nation huronne-wendat, incluant des permis
de recherche. C’est d’ailleurs la voie qui est privilégiée par
certaines collectivités autochtones, dont les Cris de
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Waskaganish et les Inuits du Nunavut. Dans le contexte
actuel, force est de constater qu’un archéologue qui se
conformerait à des règles huronnes-wendat, en contravention avec les règles du gouvernement québécois, pourrait
voir largement diminuer ses possibilités d’emploi et de participation à différents projets. Ces quelques observations
démontrent que la recherche archéologique en milieux
autochtones est indissociable des questions de pouvoir et de
légitimité relativement au territoire.
Bien que des avancées majeures aient été réalisées à cet
égard au cours des dernières années – pensons à la
Déclaration des Nations unies sur les peuples autochtones et
la Commission de vérité et réconciliation qui aspirent à un
meilleur rapprochement avec les Premières Nations –, les
archéologues d’aujourd’hui et de demain gagneront à être
davantage sensibilisés quant aux questions éthiques de premier plan suscitées par l’exercice de leur métier en contextes
de pouvoirs et de légitimités autochtones. Heureusement,
des évènements, tel le symposium à Midland en 2015,
pavent la voie pour une redéfinition de la relation entre
l’archéologie, la Nation huronne-wendat et d’autres collectivités autochtones. Il est souhaitable qu’une collaboration
davantage étroite et mutuellement respectueuse entre les
archéologues et les autochtones concrétise la nécessaire
réconciliation avec les premiers occupants du pays.
La Nation huronne-wendat est certainement engagée, à
ce jour, dans une archéologie qui est véritablement collaborative. Nul doute qu’une étape majeure a d’ores et déjà été
franchie dans le processus de décolonisation de la production des savoirs portant sur cette société. Ce qui est requis
par les Hurons-Wendat, cependant, est la mise en œuvre
d’une archéologie autochtone, telle que définie par George
P. Nicholas dans l’ouvrage collectif intitulé Being and becoming Indigenous archaeologists :
Au sens le plus large du terme, l’archéologie autochtone peut être
définie comme l’une (ou plusieurs) des entités suivantes : (1) la
participation active ou la consultation des peuples autochtones en
archéologie ; (2) une déclaration politique concernant les questions
d’autonomie gouvernementale, de souveraineté, de droits territoriaux, d’identité et de patrimoine des peuples autochtones ; (3)
une entreprise postcoloniale conçue pour décoloniser la discipline ;
(4) une manifestation d’épistémologies autochtones ; (5) une base
pour des modèles alternatifs de gestion ou d’intendance du patrimoine culturel ; (6) le produit des choix et des actions faits par
chaque archéologue ; (7) un moyen d’autonomisation et de revitalisation culturelle ou de résistance politique ; et (8) une extension,
une évaluation, une critique ou une application de la théorie
archéologique actuelle. (Nicholas 2010 : 11, notre trad.)
Plus précisément, dans un avenir rapproché, les HuronsWendat pratiqueront une « archéologie huronne-wendat »,
c’est-à-dire une archéologie exécutée par et pour les HuronsWendat, dans le respect de leur propre vision du monde et
de leurs valeurs les plus profondes. Or, cela ne signifie pas
que les archéologues non autochtones seront exclus, bien
au contraire. En pratique, il est espéré que le déploiement
de cette nouvelle archéologie huronne-wendat, grâce au
dialogue interculturel et scientifique qui demeure nécessaire, comme le soulignent Allen et Phillips (2010), générera ultimement une meilleure connaissance de la Nation
huronne-wendat.
Notes
1. Voir notamment à ce sujet Colwell-Chanthaphonh et Ferguson
2008. Pour un aperçu des projets de collaboration en archéologie avec les autochtones à travers le monde, voir l’ouvrage
collectif dirigé par Bruchac, Hart et Wobst (2010).
2. La présence de ces « Iroquoiens du Saint-Laurent » en « Huronie »
a pu être appuyée par des preuves variées, tel qu’indiqué dans le
numéro spécial de la revue Ontario Archaeology sous la direction
de Gupta et Lesage (2016). Les textes regroupés dans ce numéro
ont été traduits en français et édités aux Presses de l’Université
Laval en 2018 (voir Lesage et al., dir., 2018). Parmi ceux-ci, la
contribution de l’archéologue Jennifer Birch (2018) met en évidence le processus d’agrégation ayant mené à la formation des
nations iroquoiennes et le contexte dans lequel les « Iroquoiens
du Saint-Laurent » ont été intégrés dans le monde huronwendat. L’étude de Dermarkar et al. (2018) présente une analyse
des variations dans la céramique pour montrer les liens sociaux
forts entre les « Iroquoiens du Saint-Laurent » et les HuronsWendat et l’Haudenosaunee. Les textes des archéologues
Ronald Williamson (2018) et Peter Ramsden (2018) analysent
plus précisément la culture matérielle liée aux « Iroquoiens du
Saint-Laurent » et qui est présente sur des sites hurons-wendat,
en tenant compte de considérations spatiales. L’archéologue
Garry Warrick et Louis Lesage (2018) réfèrent aussi à l’intégration effective d’un grand nombre d’Iroquoiens du Saint-Laurent
parmi les Hurons-Wendat.
3. En raison des cas de vandalisme répertoriés sur certains sites
rupestres canadiens, la localisation de ce site ne peut être divulguée ici. Toutefois, certaines informations pourront être transmises aux chercheurs sur demande.
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