Enfants, graines de délinquants ?

Enfants, graines de délinquants ? Laurent Le Vaguerèse Dans La lettre de l'enfance et de l'adolescence 2008/4 (n° 74), 74) pages 87 à 88 Éditions Érès © Érès | Téléchargé le 16/05/2024 sur www.cairn.info (IP: 18.204.76.124) Article disponible en ligne à l’adresse https://www.cairn.info/revue-lettre-de-l-enfance-et-de-l-adolescence-2008-4-page-87.htm Découvrir le sommaire de ce numéro, suivre la revue par email, s’abonner... Flashez ce QR Code pour accéder à la page de ce numéro sur Cairn.info. Distribution électronique Cairn.info pour Érès. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. © Érès | Téléchargé le 16/05/2024 sur www.cairn.info (IP: 18.204.76.124) ISSN 2101-6046 ISBN 9782749209418 DOI 10.3917/lett.074.0087 Points de vue, opinions Enfants, graines de délinquants 1 ? © Érès | Téléchargé le 16/05/2024 sur www.cairn.info (IP: 18.204.76.124) En 2006, le projet de loi sur la prévention de la délinquance a suscité un véritable tollé. Grâce à l’action déterminée de quelques-uns et le lancement de la pétition « Pas de zéro de conduite pour les enfants de moins de trois ans 2 » un frein a pu être mis provisoirement à un processus dangereux. Il serait cependant illusoire de penser que le projet a pour autant été enterré. Basé sur un rapport publié par le très respectable Inserm, il prévoit notamment le dépistage des troubles des conduites dès l’âge de 3 ans ! Le film diffusé sur France 5 revient donc sur cette affaire et la théorie qu’elle sous-tend. Si le film ne fournit pas d’éléments nouveaux à ce débat, il l’éclaire de façon intéressante et surtout ajoute un support supplémentaire permettant un accès collectif. Il sera donc utile pour animer des débats que l’on espère nombreux. Le raisonnement fondamentalement mis en cause est celui-ci : il existerait une continuité entre des éléments présents à la naissance d’un enfant, son comportement en groupe dès son plus jeune âge, son fonctionnement perturbé dans le primaire et la délinquance à l’âge adulte. Les adultes qui élèvent cet enfant seraient rapidement dépassés ainsi que les enseignants et plus tard les structures de la société. Celle-ci se trouve donc en fin de chaîne conduite à faire face à un problème qui, pour être correctement traité, doit l’être dès le plus jeune âge. Dans ces conditions, la société est légitime dans sa demande d’intervention d’encadrement des enfants et des familles. La liberté de chacun doit s’effacer devant les impératifs sociaux. L’État doit donc, dès la naissance, pouvoir se substituer aux familles supposées défaillantes, encadrer l’enfant dès son plus jeune âge, dépister grâce à des tests adaptés (test Dominique en particulier) ceux qui sortent des courbes statistiques et orienter leur éducation vers une forme de dressage, seul à même de leur permettre une intégration sociale minimum ne perturbant pas le fonctionnement général de la société. Laurent Le Vaguerèse, psychanalyste, Paris. 1. Documentaire réalisé par Marina Julienne et Christophe Muel, diffusé sur France 5, le 4 novembre 2008. 2. Voir également les deux ouvrages publiés par les éditions érès : Pas de zéro de conduite pour les enfants de moins de trois ans et Enfants turbulents : L’enfer est-il pavé de bonne prévention ? © Érès | Téléchargé le 16/05/2024 sur www.cairn.info (IP: 18.204.76.124) Laurent Le Vaguerèse 88 L’enfant et le religieux - la lettre de l’enfance et de l’adolescence n° 74 © Érès | Téléchargé le 16/05/2024 sur www.cairn.info (IP: 18.204.76.124) Philippe Meirieu n’a pas de mal à rattacher cette théorie à celle qui prévalait au XIXe siècle. Les pauvres sont dangereux. L’alcoolisme y fait des ravages. C’est dans les classes pauvres que se recrutent les délinquants. Il faut donc les surveiller davantage et limiter leur liberté au strict minimum. Le supposé continuum entre les conditions de la naissance et la délinquance fait fi de la personnalité de chacun, de la complexité inhérente à chaque problématique et du caractère aliénant de la prédiction ainsi accolée à une famille, à un individu qui, stigmatisé de la sorte, aura tendance de plus à se conformer, à devenir, poussé par le regard des autres, ce que chacun attend de fait qu’il devienne. Les traitements proposés, que ce soit une camisole chimique type Ritaline dont les études montrent qu’ils n’ont qu’un effet à court terme et aucun effet à long terme, ou le retour à ce qu’il faut bien appeler des maisons de correction, nous ramènent un siècle en arrière dans une régression inouïe de la pensée. Certes cela nous permet de supposer une solution simple à un problème complexe. Certes en confondant prévention et dépistage on fait semblant de résoudre les problèmes. Mais la politique de l’autruche ne peut avoir qu’un temps même si sa mise en place forcément provisoire peut avoir des effets dévastateurs sur notre fonctionnement démocratique. Le film se compose essentiellement des témoignages de pédiatres, de psychanalystes, de parents et d’enseignants, notamment : Pierre Suesser (médecin PMI), Sylviane Giampino (psychanalyste) que l’on suit au cours d’une supervision d’une équipe de puéricultrices, Bernard Golse (pédopsychiatre) qui souligne la diversité des approches proposées dans son service. On voyage également au Québec et l’on prend connaissance des moyens mis en œuvre pour dépister et « rééduquer » les enfants turbulents. On n’hésitera donc pas à diffuser ce film et à en faire le support des débats nécessaires au maintien de ce qu’il faut bien nommer une défense des acquis minimaux de notre vivre-ensemble. © Érès | Téléchargé le 16/05/2024 sur www.cairn.info (IP: 18.204.76.124) Dans un nombre important de cas, comme les États-Unis nous en montrent l’exemple, un traitement médicamenteux à base de Ritaline doit être très rapidement institué. Les tenants de cette théorie sont connus. Ils sont principalement au Québec et en France dans les cercles défenseurs des théories comportementalistes, principalement à la faculté de médecine de Tours ainsi qu’à l’hôpital Robert Debré à Paris.