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Le cinéma et le printemps

2014

Il y a des saisons plus propices aux tournages que d’autres, surtout lorsqu’il s’agit de documentaires et que l’on ne met pas en scène les personnes filmées ; on leur demande de se mettre en scène elles-mêmes, de poursuivre leurs activités comme elles l’ont toujours fait, sauf qu’elles sont suivies par un cameraman et qu’elles prennent conscience de chaque geste et de chaque mouvement qu’elles faisaient de manière anodine auparavant. Le printemps se prête à ce genre d’ouverture, je dirais mêm..

Le cinéma et le printemps Il existe des saisons plus propices que d'autres aux tournages, surtout lorsqu'il s'agit de documentaires et que l'on ne met pas en scène les personnes filmées ; on leur demande de se mettre en scène elles-mêmes, de poursuivre leurs activités comme elles l’ont toujours fait, sauf qu’elles sont suivies par un cameraman et qu’elles prennent conscience de chaque geste et de chaque mouvement qu’elles faisaient de manière anodine auparavant. Le printemps se prête à ce genre d’ouverture, je dirais même le début du printemps, lorsque les journées commencent à s’allonger, que la qualité de la lumière change et que les gens commencent à se « dévêtir », à prendre conscience de leur corps après avoir été emmitouflés durant l’hiver. C’est une période où l’on a généralement envie de « s’exhiber », de s’ouvrir, d’attirer le regard. C’est aussi le moment où je me repositionne et j’aborde les personnes pour leur demander de les filmer. Mais une fois que les habitudes du printemps s’instaurent, que les gens s’habituent à la lumière, à la chaleur, que les corps se réinstallent dans cette dynamique de dé-couverte, la sensation de fraîcheur n’est plus pareille. Cette dernière est aussi partagée par le cinéaste, qui à son tour, a envie d’aller vers l’autre, de l’observer et le découvrir à travers la caméra. Une espèce de sensualité du regard s’instaure et la caméra joue le rôle de médiateur entre le regard du cinéaste et le regard de la personne filmée. Le printemps a débuté, j’ai demandé ce matin à une dame de la filmer et elle a dit oui, je vais lui laisser quelques jours avant de la relancer afin qu’elle ne se sente bousculée, car le printemps introduit aussi un sentiment de nonchalance qui doit être respecté à tous les stades de l’enquête. Entre-temps, je prépare mon matériel… Pascale Féghali (24 mars 2014)