Sémiotique des plans en architecture
Manar Hammad, Yves Loicq, Eric Provoost, Michel Vernin
To cite this version:
Manar Hammad, Yves Loicq, Eric Provoost, Michel Vernin. Sémiotique des plans en architecture :
considérés comme un moyen de représentation de l’espace (tome II). [Rapport de recherche] 0039/76,
Groupe 107; Secrétariat d’état à la Culture / Secrétariat de la recherche architecturale (SRA). 1976.
hal-03086248
HAL Id: hal-03086248
https://hal.science/hal-03086248
Submitted on 22 Dec 2020
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3030000162405
ECOLE D ’A RCHITECTURE DE
VERSAILLES
sémiotique
des plans
en architeiture,
considérés comme un moyen
de
représent at ion
de I' espace
gi&
(ff?0
groupe 107
1 0 T6
Cet ouvrage est le compte-rendu final d'une recherche
effectuée par le GROUPE 107 pour le Comité de la
Recherche et du Développement en Architecture
(Contrat n° 75 73 001 00 202 75 01)
Publications du GROUPE 107
Structures mentales de l'espace, Paris, 1972, UP6,
Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts - mémoire
de fin d'étude.
Sémiotique de l'Espace,
Etude exploratoire financée par la D.G.R.S.T.,
Paris, Novembre 1973.
Sémiotique des Plans en Architecture,
édité par le GROUPE 107, Paris, 1974.
Compte-rendu des discussions du Colloque "Sémiotique
de l'espace", Institut de l'Environnement, mai 1972,
in Notes Méthodologiques en Architecture et en Urba
nisme N° 3/4, mai 1974, Institut de l'Environnement,
Paris.
Sémiotique et Simulation, a paraître en 1976 dans
"Simulation et Architecture", Unité Pédagogique N° 6,
Paris
Sémiotique de l'espace et sémiotique de l'Architecture,
à paraître en 1976 dans "Actes du Premier Congrès
de l'Association Internationale de Sémiotique, Milan
1974", éd. Mouton, La Haye.
Analyse Sémiotique du Plan d'Architecte, à paraître
en 1976 dans "Actes du Premier Congrès de 1 'Associa
tion Internationale de Sémiotique, Milan 1974",
éd. Mouton, La Haye.
GROUPE 107
66, rue René Boulanger
2, rue d'Arcueil
75010 PARIS
75014 PARIS
Equipe ayant travaillé à cette étude :
Manar HAMMAD
- Architecte D.P.L.G.
Docteur de Troisième Cycle
Yves LOICQ
Eric PR0V00ST
Michel VERNIN
- Architecte D.P.L.G.
- Architecte D.P.L.G.
- Architecte D.P.L.G.
Consultant :Claude LELONG
TABLE DES MATIERES
P
§
PREFACE
7
19
PREMIERE PARTIE :
DU P LAN D'ARCHITECTE COMME LANGAGE
35
DEUXIEME PARTIE :
ANALYSE D E L 'EXPRESSION
39
2.1
Axiologies
43
2.2
Axiologie
de
l'étude
de
l'expression
algébrique
55
2.3
Axiologie
géométrique
73
2.4
Axiologie
de
97
2.5
Axiologie
des
la
manifestation
lois
graphique
d'appartenance
TROISIEME PARTIE :
ANALYSE DU CONTENU
113
117
3.1
Accès
125
3.2
Exemple
au
129
3.3
Catégories
137
3.4
Catégorie
de
l'espace
155
3.5
Catégorie
du
faire
163
3.6
Catégorie
des
173
3.7
Mise
en
contenu
contenu
de
lecture
du
contenu
relations
relation
des
avec
catégories
les
catégories
du
de
1'expression
QUATRIEME PARTIE :
REFLEXIONS A PROPOS DE CETTE ETUDE
187
189
4.1
Niveaux
191
4.2
Etude
195
4.3
Lexicalisation
199
4.4
Résultats
203
de
du
notre
discours
contenu
et
BIBLIOGRAPHIE
projets
PREFACE
Il est courant de lire,au début d'un rapport de
recherche , un avertissement signalant au lecteur
que ce qui suivra n'est que provisoire, jalon dans
un cheminement long et lent, et qu'il s'agit d'hypo
thèses qui seront remises en cause dans le futur.
Même si nous voulions nous démarquer par rapport
à un tel début, il nous serait difficile d'échapper
à une évaluation qui rend relatifs tous les résultats.
D'ailleurs, il serait bien présomptueux de prétendre
atteindre des résultats définitifs qui interdisent
tout avancement ultérieur.
Dans le cas précis de ce travail le contrat de recher
che spécifie que seules seront couvertes trois parmi les
huit étapes du programme global. Ainsi, en relation
avec les limites temporelles de la recherche, se trou
vent tracées les limites du contenu que nous aurons à
exposer.
Le lecteur trouvera donc des résultats à la fois
partiels, dans le sens où ils ne correspondent pas
aux buts ultimes que nous nous sommes fixés, et
complets, dans le sens où ils satisfont les exigences
de notre démarche systématique.
Notre réflexion sur les expressions graphiques en
architecture a démarré il y a plus de quatre ans.Nous
avons essayé de la développer selon des schémas qui
8
répondent à nos propres exigences et non pas à celles
d'autrui : dans les travaux qui nous étaient proposés,
il y avait des "manques", des "trous", des "absences
de réponse" à des questions que nous nous posions.
C'est pourquoi nous avons tenté une autre approche
présentée dans cette préface.Le rappport lui-même
propose des éléments de réponse.
Nous nous sommes efforcés de faire un exposé clair,
logique, s'il n'est pas toujours énoncé de façon
simple. Il nous a fallu construire des concepts,redé
finir des notions, dresser des oppositions: tout cela
passe par une terminologie qui ne doit pas être un
obstacle, dans la mesure ou elle est définie.
Pour des raisons de clarté, nous avons renoncé
à reproduire notre démarche telle qu'elle a été
pendant le travail, et nous avons adopté un ordre
qui devait faciliter la saisie et l'évaluation de nos
résultats. Le lecteur en jugera.
Mais qui est notre lecteur? Nous supposons que, s'il
n'est pas architecte, il est intéressé par les ques
tions de l'architecture. S'il ne cherche que cela,
il sera déçu. En premier lieu parce que nous parlons
des plans et non pas d'architecture. En second lieu
parce que nous
discutons
plus de la méthode d'étude
de plans que des plans eux-mêmes. Nous reviendrons sur
les raisons de ces deux choix,
précisons tout de sui
te deux choses :
- L'étude des plans débouche dans une phase ultérieure
sur l'étude de l'architecture. Cependant il faut défi
nir avec beaucoup de soins les limites de cette étude
médiatisée qui remplace un objet (l'architecture) par
un autre objet (les plans) . Nous essaierons de voir
quelles sont ces limites.
\
9
- Tout résultat qui se veut scientifique s'évalue en
fonction de la méthode qui l'établit. La réflexion
sur la méthode fait donc partie intégrante de notre
travail.
Pourquoi choisir les plans en architecture ? L'une
des raisons qui nous les font choisir, c'est leur rô
le dans la production de l'espace architectural. Les
plans apparaissent comme un instrument, dépendant
d'une méthode de travail et de certains rapports de
production. Une étude socio-économique nous appren
drait beaucoup sur cet aspect des choses, mais elle
nous ferait dévier de nos objectifs et ne répondrait
pas à nos questions. Par contre, elle nous amènerait
à poser la question suivante : est-ce que les plans
sont nécessaires dans la production du bâtiment et
des autres espaces qui nous environnent ? Il est pos
sible de construire sans plans, et les sociétés à
"histoire lente" nous le montrent. On peut aussi
construire en utilisant uniquement des maquettes,
l'expérience de Jean Prouvé le démontre. Il y a des
essais de conception à l'aide d'ordinateurs, avec ou
sans sorties graphiques,en mode conversationnel ou
selon des procédures plus rigides. Ces différentes
observations pourraient nous amener
à conclure : les
plans sont appelés à disparaître à brève échéance, et
ce n'est pas la peine de les étudier. Nous n'avons
pas fait d'étude socio-économique pour répondre de
façon certaine à cette affirmation hypothétique. Ce
que nous pouvons constater, c'est que les plans sont
en usage dans les agences d'architecture et les bu
reaux d'études techniques, q u 'ils font partie des piè
ces contractuelles et qu'ils priment juridiquement
les pièces écrites qui les accompagnent, qu'ils ser-
10
vent de support aux décisions relatives à l'espace
(concours, plans d'occupation des sols..)- Porteurs
des indications relatives au découpage de l'espace,
et réunissant les données qui permettent de coordon
ner les différentes interventions, les plans appa
raissent actuellement dans un rôle privilégié relalivement à la production de l'espace. Ce seul fait
suffirait à en justifier l'étude.
Mais ce n'est pas tout. Les plans jouent un rôle prin
cipal dans la production de savoir à propos de l'espa
ce. J. SUMMERSON (1) remarque que la réflexion théorique
à propos de l'architecture ne s'est faite, en Occident,
qu'à partir du moment où les plans ont pu être repro
duits et communiqués de façon commode : leur circula
tion semble avoir été une condition nécessaire à l'é
closion d'un savoir théorique. Ce sont les plans qui
restent le support de l'enseignement dans les écoles
d'architecture, même si ces dernières introduisent
d'autres moyens didactiques. Enfin, ils n'ont pas en
core été remplacés dans l'étude de l'architecture an
cienne ou contemporaine. Dans tous ces cas, ils jouent
un rôle de succédané, ils comblent partiellement le
manque créé par l'éloignement dans l'espace et dans le
temps des lieux à étudier. En cela, ils jouent le mê
me rôle que les mots et s'apparentent au langage.
D'où l'hypothèse, que nous serons amenés à démontrer,
que les plans fonctionnent comme un langage, et qu'on
peut les qualifier de "langage artificiel". Une re
marque historique s'impose : la mise au point du lan
gage des plans est quasi contemporaine de celle de
1 'écriture ; on en trouve une preuve en Mésopotamie
(1) in "The langage of Architecture", MIT Press.
11
" de deux lentilles (tablettes) scolaires... ramassées"
à KISH , on peut conclure qu'on enseignait dans les
écoles non seulement l'écriture, mais qu'on y donnait
une formation ou tout au moins une initiation archi
tecturale "(1). Cependant , les plans ne sont pas les
seuls dessins utilisés dans la production de l'ar
chitecture ou dans celle de la production de savoir sur
l'architecture. Les raisons que nous avons développées
ci-dessus s'appliquent tout aussi bien à l'ensemble des
représentations architecturales. Les plans ne forment
qu'une catégorie parmi les représentations graphiques
en général. Pourquoi alors se restreindre aux plans ?
Pour des raisons méthodologiques: il est plus simple
de s'attaquer à un objet limité, plutôt que d'essa
yer d'embrasser d'un seul coup un objet immense. D'ail
-leurs, la catégorie des plans se révèle déjà très
grande. Elle se situe entre deux pôles (le très sim
ple et le très complexe) et se présente alors comme
un objet de complexité moyenne, adapté à une première
approche. Précisons tout de suite que les plans ne sont
pour nous qu'une étape, et que nous voulons rendre
compte de toutes les représentations graphiques.
Que "dit" le plan ? Ou en d'autres termes, que nous
apprend t-il ? Nous verrons dans la suite de l'étude
qu'il décrit des lieux, des activités, et des rela
tions entre ces différents termes. La description
s'effectue à l'aide de qualités sélectionnées par le
plan et en fonction desquelles il se développe : cha
que plan a une (sinon plusieurs, mais en nombre limité) pertinence(s) d'analyse.
(1) André PARROT, in Syria XLV, 1968, P. 157
Kish est une capitale mésopotamienne d'époque
présargonique (antérieure à 2600 av. J. C.)
i
12
Le plan se présente donc comme un discours descriptif
et sa description ne se restreint pas aux seuls élé
ments qu'il contient : de façon plus ou moins expli
cite, il les oppose à des éléments proposés ailleurs,
dans d'autres plans. On pourra nous objecter que ce
n'est pas le plan qui oppose les éléments mais le
lecteur. Nous répondrons que le lecteur ne peut effec
tuer ces comparaisons inter-textuelles ou intra-textuelles que si le plan lui offre des éléments struc
turés susceptibles de porter les oppositions compara
tives .
Cependant, s'il renvoit à un autre document par rapport
auquel il apparaît comme un commentaire, le plan ne sem
ble pas pouvoir jouer un rôle analytique (métalinguistique) complet : tous les plans que nous avons eu l'oc
casion d'observer ont recours à des inscriptions en
"langue naturelle" (c'est-à-dire le langage verbal ha
bituel). Cette insuffisance est à mettre au compte de
l'opposition entre langage restreint et langage passepartout décrite par HJELMSLEV (1). La langue naturelle
dans laquelle tout contenu peut se traduire, est appe
lée passe-partout. Par contre, les langages artificiels
sont restreints car ils ne peuvent tout transcrire ou
traduire. Sur un plan, l'écriture de la langue passepartout vient combler les vides du langage restreint
et sur-déterminer ses éléments.
L'aperçu que nous venons de donner ci-dessus s'appuie
sur les résultats de l'étude qui suivra. Nous verrons
que l'un des buts du plan est de décrire l'archi
tecture. Mais si la "lecture" d'un plan nous apprend
quelque chose sur l'espace et l'architecture, est-ce
qu'elle diffère d'une saisie non sémiotique du conte
nu d'un meme plan ? La lecture ne change pas quant au
(1) La structure fondamentale du langage Ed. Minuit 1968
13
fond : Le plan parle du même espace, quelle que soit
la manière dont on le questionne. Par contre, il y a
un changement de finesse : La lecture sémiotique est
plus fouillée, plus structurée ; elle permet de met
tre en évidence des choses qui passeraient inaper
çues lors d'une lecture non systématique. Sans qu'il
y ait renouvellement du contenu, il y a re-structuration de ce dernier. Citons à titre d'exemple, l'appa
rition dans l'analyse sémiotique de la catégorie du
"faire" pour le contenu, l'investissement du trait
pour exprimer les relations, et de façon plus géné
rale, l'utilisation de l'opposition superposable/
non superposable pour articuler les espaces sur
l'axe du' temps ou selon la troisième dimension.
Dans notre recherche "sémiotique de l'espace", nous
soutenons 1 'hypothèse que 1 'espace architectural
fonctionne comme un langage. Par suite, le plan appa
raît comme un métalangage descriptif, et sa descrip
tion nous renseigne sur l'éspace architectural. Mais
indépendamment de l'intérêt que nous portons à l ’es
pace et à sa description, nous nous intéresserons ici
aux mécanismes de la description. Nous séparerons
ce qui est dit, de la manière dont il est dit, (par
manière, il ne faut pas entendre une stylistique,
mais une grammaire). Nous chercherons la syntaxe
et les articulations du sens, privilégiant ce qui est
fait dans l'acte descriptif, par rapport au contenu
de la description. Ce choix se justifie de plusieurs
manières : Le fait que nous lisions les plans ne doit
pas nous faire oublier que nous ne savons pas com
ment ils sont lus. Comme architectes, nous avons
appris à les lire, par une pratique, sans avoir posé
de questions sur le fonctionnement. Ainsi, nous é-
14
tions dans la situation de quelqu'un qui sait parler
une langue sans jamais l'avoir étudiée : il l'utili
se pour ses besoins, et elle lui est transparente,
en ce sens qu'il ne la voit pas et que sa pratique
ne la lui rend pas sensible. Dans la position que
nous adoptons ici, nous rendons à cette langue son
épaisseur ; nous nous intéressons à elle et non pas
à ce qu'elle permet de dire. Ce nouvel intérêt pro
duit un savoir, et cela seul suffirait à le justi
fier. Mais il y a d'autres raisons, d'ordre prati
que : une étude du moyen de communication permet de
mieux comprendre et de mieux évaluer ce qui est vé
hiculé. A partir de ces deux améliorations, on peut
postuler la possibilité d'un "mieux élaborer", dans
la mesure où les plans sont impliqués dans la con
ception de l ’espace. D'ailleurs, dans la mesure où
le nombre d'intervenants dans la conception ne cesse
de croître, de même que dans les procédures de déci
sion, il devient essentiel de contrôler l'informa
tion qui circule et de s'assurer de sa bonne cir
culation : tout malentendu sur le contenu des do
cuments qui véhiculent l'information se répercute
nécessairement sur la qualité du produit final.
Ainsi vue, la clarification des mécanismes de la
significarion apparaît comme une exigence de ratio
nalisation. Enfin, si ces différentes raisons n'en
visagent que le côté "lecture" du plan, il est pos
sible de tirer d'une analyse linguistique des règles
pour "l'écriture" des plans, c'est-à-dire leur éta
blissement. Un tel développement de nos travaux
aurait des applications pédagogiques intéressantes.
Bien que nous ne l'envisageons pas dans un avenir
immédiat, nous le signalons parmi les raisons qui
justifient une analyse des mécanismes de la signi
fication dans les plans. Pour clore ce sujet, disons
15
enfin que l ’explicitation des mécanismes de la signi
fication, dans le cas des plans tracés dans les agen
ces d'architecture, peut servir de clef pour clarifier
les conditions de lecture des plans tracés par les
sorties graphiques des ordinateurs lorsque ces der
niers sont sollicités dans la conception architec
turale. En effet, cette phase de lecture est parti
culièrement critique puisque le concepteur est amené
à interpréter puis à évaluer les propositions graphi
ques de la machine, et que rien n'a été fait sur ce
sujet : tout l'effort porte sur ce que fait la machi
ne, et non pas sur l'activité de son usager.
Notre proj-et, tel qu'il est présenté, n'est pas par
ticulièrement original. Il y a déjà des chercheurs
qui se sont intéressés au dessin et qui ont analysé
la manière avec laquelle il s 'exprime. Quelques uns
se sont même intéressés au dessin en architecture.
Certaines de leurs études se réclament de l ’analyse
historique ou esthétique ; d'autres sont issues des
problématiques de la reconnaissance des formes ou de
la cartographie ; d'autres enfin se réclament des ma
thématiques et tentent de préciser dans quelle mesure
le plan se ramène à une projection et quelles en sont
les conventions. Toutes ces études sont insatisfai
santes. En premier lieu, parce qu'elles adoptent le
point de vue de celui qui inscrit. Il s'en suit que
le scripteur lit ce qu'il a voulu inscrire. La ques
tion de savoir si quelqu'un d'autre lit autre chose,
de plus ou de moins, n'est pas posée. En secont lieu,
elles sont toutes axées sur l'aspect instrumental des
plans : elles supposent que les plans servent à cons
truire ou se contentent de décrire en espace existant.
Dans les deux cas, le lien avec la réalité du monde
16
est présupposé. C 'est pourquoi ces travaux rencon
trent quelque difficulté à rendre compte des dessins
relatifs à des projets jamais construits, à des dessins
utopiques qui n'ont même pas formulé le projet de se
faire réaliser. Or il y a un moyen de sortir de cet
te situation : il suffit d'utiliser les concepts
linguistiques de signifiant, signifié, et référent.
Le signifiant correspond à l'élément graphique du
plan. Le signifié peut correspondre à l'espace dé
crit par le plan, indépendamment de son existence
réelle. Le référent serait dans ce cas l'espace
construit, s'il existe. Au cas contraire, il n'y a
pas de référent. Dans les deux cas, le référent
n'appartient pas au monde de la langue où se si
tuent le signifiant et le signifié.
L'emprunt que nous venons de faire à la linguistique
est élémentaire, mais il est fructueux. Pour que la
méthode d'analyse mise au point par les linguistes à
propos de leur objet d'étude puisse s'appliquer au
nôtre, il faudrait vérifier qu'il y a une ressem
blance structurelle minimale : peut-on dire, d'une
façon qui ne soit pas métaphorique, que les plans
en architecture constituent un langage ? Nous démon
trerons qu'on peut répondre par l'affirmative. Mais
cela ne suffit pas. En effet, notre question pré
supposé des préalables méthodologiques et épisté
mologiques : le critère que nous posons pour attri
buer le statut de langage est un critère structu
ral , et nous voulons appliquer à ce langage une
méthode qui est elle aussi structurale. Ce choix,
pour un travail analytique qui s'appuie sur les
relations entre les termes de l'étude, est issu de
nos exigences et de nos questions vis à vis de
l'espace. Il suppose que comprendre, c'est mettre
en structure, et que expliquer , c'est pouvoir com
parer et confronter. Dans ce cadre là, notre recours
17
à la sémiotique n'est pas dicté par une mode, mais
il est issu de notre propre problématique. Notre ma
nière de questionner les plans nous aurait amenés à
réinventer la sémiotique. Il se trouve que nous pou
vons profiter des travaux antérieurs dans ce domai
ne. Nous y choisirons ceux qui sont les plus proches
de nos présupposés ; il s'agit des travaux de
Louis HJELMSLEV.
Ceci nous amène au coeur du sujet.
21
Qu'est-ce qu'un langage ? Le ROBERT le définit ainsi :
"Tout système de signes permettant de servir de com
munication entre les individus, de rendre intelligi
ble un ensemble complexe". Si on se tient à cette
définition, les plans constituent assurément un langage.
Il est clair par contre que cette définition est beau
coup trop large, et que si elle est satisfaisante
pour un dictionnaire, elle ne saurait l'être pour
une recherche. Il nous faut une autre définition, et
qui soit sémiotique, puisqu'il s'agit d'appliquer une
méthodologie sémiotique.
Il y a peu de définitions du langage : en général,
les linguistes étudient un objet qu'il savent être
une langue., et ils ne se posent pas la question de
sa définition. Seuls les travaux qui se veulent dé
ductifs proposent une définition. Nous avons choisi
celle que donne HJELMSLEV dans "La structure fonda
mentale du langage" (1). Ce choix se justifie prin
cipalement par la coïncidence de nos options épis
témologiques avec celles de HJELMSLEV : souci de
généralité des résultats, démarche déductive, rigueur
des enchaînements. Ces mêmes raisons font que la
théorie de HJELMSLEV, ainsi que la méthode qu'il
préconise, sont applicables à l'architecture ellemême ou à tout autre système signifiant. Elles per
mettent de distinguer un langage d'un système qui
n'est pas un langage, et dressent un typologie :
langages symbologiques, langages restreints, langa
ges passe-partout...
Pour pouvoir appliquer la procédure analytique choi
sie, il faut commencer par démontrer que l'objet de
l'analyse est un langage. C'est ce que nous allons
faire.
(D êd. de Minuit, 1968
22
La structure fondamentale du langage se résume en cinq
points. Tout système qui satisfait aux cinq conditions
est un langage, au sens de HJELMSLEV.
1. Tout langage comprend deux choses : une expression
et quelque chose qui est exprimé (désigné par le ter
me "contenu"). C'est une structure à deux faces, ou
deux niveaux, qui se présupposent réciproquement.
2. Tout langage connaît deux axes : le système et le
procès.
Ce qui est immédiatement observable, c'est le procès;
dans notre cas, ce seront des plans particuliers. L'a
nalyse du procès permet d'atteindre le système, qui
est une construction structurale.
3. Les catégories de l'expression et du contenu d'un
langage commutent entre elles : une relation entre
deux unités d'une même face du langage, qui est liée
à une relation entre deux unités de l'autre face de
ce langage, est appelée commutation. Le birapport
ainsi défini peut se ramener pratiquement à l'obser
vation suivante : une modification des termes de
l'expression entraîne une modification correspon
dante au niveau du contenu.
4. Il existe des relations bien définies entre les
unités linguistiques. Ces relations, (implication,
présupposition, combinaison,...), sont décrites en
termes logico-mathématiques.
5. Les deux niveaux de l'expression et du contenu
d'un langage ne sont pas en conformité structurale.
Si les deux niveaux s'articulent selon le même sché
ma (et sont donc conformes), on parlera de langage
symbolique et non pas de langage ; c'est le cas de
No
Lc
3.1
23
nq
l'algèbre et des mathématiques en général.
Nous allons voir que les plans satisfont à ces cinq
conditions.
La première semble être la plus simple à vérifier :
aux dessins du plan, on peut faire correspondre des
espaces décrits. Sur le
dessin ci-contre, on peut
lire la disposition des bâ
timents de l'Ecole du Cerf,
à côté d'une maternelle, de
terrains de sports, etc.
Cette lecture pose cependant
un problème : quel statut
doit-on donner à ce qui vient d'être lu ? S'agit-il
d'objets du monde naturel ou bien d'espaces signifiés
qui relèvent du langage des plans ?
En général, les lecteurs du plan croient devoir rap
porter les éléments graphiques au référent, ou en
d'autres termes, au réel. Cette interprétation "naïve"
conduit à des non-sens, et nous allons montrer ci-dessous qu'il faut la rejeter et adopter l'opposition
linguistique entre expression et contenu.
Les plans d'exécution appartiennent à la classe plus
étendue des discours techniques qui visent une cer
taine maîtrise du monde naturel, dit "réel". Sans
rentrer dans la discussion de cette réalité, il est
possible d'en faire une analyse linguistique: Estce que le signifié du discours technique coïncide
avec le référent ? Et pour prendre un exemple, le
"culbuteur" d'un manuel de mécanique automobile estil l'objet manipulable par le mécanicien ou bien at-il des propriétés qu'il doit au seul discours ?
24
Le manuel ne cite que quelques propriétés du culbuteur,
ces propriétés étant jugées essentielles ou représen
tatives de l'objet. Si l'objet est défini par un en
semble de qualités, le signifié textuel (du manuel de
mécanique) est un sous-ensemble de la définition com
plète, puisqu'il ne reprend qu'un certain nombre de
qualités. Un discours scientifique sur l'objet aurait
pour but d'établir une liste exhaustive de ces quali
tés ou, si on doit se satisfaire d'une liste limitée,
de donner les qualités premières qui présupposent les
classes des qualités suivantes.
Le référent est extérieur à la définition du domaine
linguistique. Donc, en toute rigueur, la comparaison
n'est pas faisable dans l'univers du langage étudié,
mais à l'extérieur de ce langage.
Si le référent est défini par un ensemble de quali
tés, c'est à l'intérieur d'un discours descriptif.
Par conséquent, comparer un référent défini par un
»
ensemble de qualités, à un signifié défini lui aussi
par un ensemble de qualités, revient à comparer
deux
discours descriptifs, et non pas un discours (le lan
gage) avec un non discours (le réel).
Avant de faire cette comparaison, il faut répondre à
une question préalable : qu'est-ce que le référent ?
Qu'est-ce qui en fait partie ? Il est de tradition que
les objets en fassent partie, mais que peut-on dire
des relations et des actions ?
Prenons l'énoncé "le piston est dans le cylindre" et
supposons que nous soyons effectivement en présence
d'un moteur à explosion. Au terme "piston", il est
possible de faire correspondre un objet réel, de même
qu'au mot "cylindre". Qu'en est-il du terme "dans" ?
A quel référent renvoit-il ? Il renvoit à une relation
comme les mots "sur", "entre", "contre",... Les rela-
25
tions font-elles partie du référent ou bien sont-elles
des constructions mentales élaborées pour décrire le
référent ?
Ce n'est pas tout. Toute description attribue des
qualités. Quel est le référent d'une qualité ? Quel
est le référent des déplacements, et en général, des
transformations ?
On voit ainsi augmenter la population des signifiants
auxquels on ne peut attribuer un référent, mais un
signifié. De plus, s'il semble qu'on puisse attribuer
un référent à l'énoncé déictique "ce piston", quel
référent peut-on attribuer à l'énoncé "tous les pis
tons" ? Et si l'on a pu nourrir l'illusion qu'il est
possible d'attribuer un référent à un "nom commun",
on voit disparaître cette possibilité.
La liaison entre un signifiant et un référent n'est
donc qu'exceptionnelle. Le cas général, toujours vé
rifié, c'est la liaison entre deux objets linguisti
ques : le signifiant et le signifié, en d'autres ter
mes, une unité de l'expression et une unité du conte
nu.
Pour des raisons de clarté, nous avons appuyé notre
démonstration sur un exemple pris dans la langue na
turelle. Il est possible de la refaire à propos de la
portion de plan relative à l'Ecole du Buffle : y at-il un objet du monde naturel qu'on puisse identi
fier avec les plans ? Au moment où les plans sont
conçus, il n'y a certainement pas d'objet possédant
les qualités décrites. Un tel obiet existera peutêtre, mais au moment de la lecture des ulans, il y a
un "espace signifié" qui est exprimé. Si les plans
ne sont jamais exécutés, il n'y aura pas de référent.
26
De toute évidence, seul l ’espace signifié est attaché
à l'expression du plan, et leur couple constitue la
base du langage des plans. L ’espace signifié ne peut
être perçu s ’il n'est pas exprimé par les "dessins".
Il les présuppose. Réciproquement, les dessins du
plan expriment toujours un espace signifié. Ils le
présupposent. Ainsi, entre l'expression et le contenu
il y a prêsupposition réciproque.
Si de plus nous considérons maintenant le signifiant
comme un ensemble de qualités et que nous le compa
rons au signifié et au référent, nous pourrons
qualifier le degré de ressemblance. C'est à une telle
comparaison du signifiant et du référent que s'appli
quent les qualifications de "signe iconique" ou de
"analogon" utilisées en sémiotique visuelle : "le si
gne est dit iconique s ’il ressemble à son référent".
Or, nous venons de voir qu'on ne peut parler de réfé
rent qu'en très peu de cas, alors que l'usage des
termes "signes iconiques" et "analogon" est beaucoup
plus large. Force est donc de conclure que bon nom
bre de sémioticiens amalgament signifié et référent
(comme le fit d'ailleurs SAUSSURE dans sa démonstra
tion de 1 ’arbitrarité du signe), et que la ressem
blance impliquée par la pratique réelle des termes
"signes iconiques" et "analogon" n ’est pas entre le
signifiant et le référent, mais entre le signifiant
et le signifié. Il ne sert à rien d'objecter qu'ils
ne peuvent se ressembler car l'un est matériel et
l'autre conceptuel : la matérialité et la conceptua
lité ne sont que des qualités qui les opposent (et
non des natures) alors qu'ils ont en commun un cer
tain nombre d'autres qualités. Nous verrons, dans le
cas des éléments signifiants non superposables, que
les qualités communes au signifiant et au signifié
27
sont des qualités spatiales relatives aussi bien aux
parties de l'élément qu'à ses combinaisons. Dans le
cas des éléments superposables, seules les qualités
spatiales relatives aux combinaisons sont communes au
signifiant et au signifié.
La deuxième condition se résume par l'opposition
SYSTEME / PROCES
Dans son acceptation la plus large, cette opposition
n'est pas proprement linguistique : elle provient de
l'épistémologie scientifique générale qui suppose une
régularité sous l'aspect contingent des faits obser
vables. Le procès, c'est le texte proposé à l'analyse,
et le système correspond à la langue à partir de la
quelle sont produits tous les textes. En ce qui con
cerne les plans, cette hypothèse est sous-jacente à
toute étude qui cherche à ne pas rester dans le cadre
du document d'analyse, visant des résultats d'ordre
plus général. Il n'est pas possible de montrer en peu
de place qu'on peut construire un système à partir des
plans proposés à notre observation, et en toute ri
gueur une telle vérification ne peut se faire qu'à la
fin d'une analyse sémiotique. On peut cependant don
ner une démonstration par l'absurde : s'il n'existait
pas un système sous-jacent à tous les plans, ces plans
seraient incompréhensibles, et chacun d'eux nécessi
terait un apprentissage spécial. Comme tel n'est pas
le cas, l'hypothèse de non-existence du système doit
être fausse.
La troisième condition est celle de la commutation.
Définie formellement comme un birapport entre des uni
tés de l'expression et des unités de contenu, elle
peut être présentée plus simplement de la façon sui
vante : un changement au niveau de l'expression en
traîne un changement au niveau du contenu.
28
Considérons le dessin cicontre, représentant une
place inscrite entre qua
tre bâtiments. Si on la
replace dans le contexte
du document original (plan
14 C de Grigny La Grande
Borne), on peut dire
qu'elle est gazonnée. Il
est possible de la décrire
comme une place sensible
ment rectangulaire, rela
tivement grande, avec quatre ouvertures, contenant
un objet-monument linéaire matérialisant la direc
tion Sud-Nord et dénommé "LE MERIDIEN DE GRIGNY".
Effectuons la transformation suivante : plaçons,
dans le dessin précédent, l'ensemble des éléments
qui représentent un groupe de bâtiments du quartier
des ENCLOS (cf plan 14 C). Ceci modifie complètement
la lecture du dessin : il ne s'agit plus d'une gran
de place, mais d'un groupe de bâtiments entourant
une petite place, tout en ménageant quelques espaces
libres entre les grands blocs ondulés et les petits
immeubles. Une voie de circulation automobile vient
faire une boucle sur la place, et ne serait-ce qu'en
cet endroit,- on peut affirmer qu'il n'y a pas de ga
zon. Il n ’y a plus de matérialisation du méridien
local, ce qui annule la motivation de la dénomination
du quartier.
On voit donc que la commutation est possible. L'exem
ple ci-dessus porte sur des unités complexes, mais il
est facile de voir qu'on peut en effectuer sur des
unités plus réduites.
29
La quatrième condition est celle de l'existence de re
lations bien définies entre les unités linguistiques.
Pour HJELMSLEV, il s'agit de relations logiques d'im
plication, présupposition, etc. Nous avons relevé un
grand nombre de telles relations dans notre travail
"Sémiotique des Plans en Architecture" (1).
Ces relations sont définies d'après les occurences
dans le procès, et les commutations qu'on peut opérer.
Nous allons donner un exemple.
Le rond tracé en trait fin
représente un arbre. Ce rond
est occurrent dans divers
contextes : il contient quel
ques fois un carré tracé en
trait fin, d'autres fois un
carré poché noir, etc...
Comme le carré poché et le carré non poché ne sont ja
mais occurrents isolés, nous dirons qu'ils présupposent
le rond. Par contre, si le rond ne présuppose ni l'un
ni l'autre, il présuppose la classe des éléments qui
en occupent le centre (et cela peut être aussi bien
un point qu'un carré barré en diagonale, etc.) Sur le
plan du contenu, cette classe représente le traitement
du sol autour du tronc de l'arbre : bac, trou bétonné,
gazon. ..
Nous voyons ainsi qu'à la relation géométrique de l'in
clusion se superpose une relation de présupposition
simple dans un sens ou dans l'autre, selon les catégo
ries d'éléments considérés. Ces relations servent à
décrire le système et à décrire les syntaxes, comme on
peut le voir dans S. P. A.
(1) publié en 1974. Etant donné que nous aurons souvent
à citer cet ouvrage, nous le désignerons par les lettres
S- P. A. suivies du numéro de page ou de paragraphe.
30
La cinquième condition est celle de la non-confor
mité des niveaux de l'expression et du contenu. Elle
sert à distinguer un langage d'un langage symbolique,
dont la description exhaustive n'exige pas la sépara
tion en deux niveaux de l'expression et du contenu.
En effet, si les deux niveaux sont conformes (ou iso
morphes), la description de l'un suffit pour nous
faire tout connaître de l'autre. C'est le cas, en
particulier, de l'algèbre et de la géométrie : leurs
niveaux de l'expression et du contenu y sont isomor
phes, et il n'est pas utile de les distinguer.
Par contre, un langage, même restreint, possède deux
niveaux non-isomorphes.
Un isomorphisme se définit en fonction de certaines
relations. Soit I un isomorphisme entre deux ensem
bles A et B.
A tout élément X de A correspond par I un élément Y de
B (dans notre cas, I serait la relation de sémiose).
De plus, si on définit une relation R dans A telle
que :
X1.R.X2
alors on doit avoir dans B une relation Q telle que :
Y1.Q.Y2
Pour montrer qu'il n'y a pas isomorphisme, il suffit
de donner un seul contre-exemple. Soit la portion de
plan suivante :
31
Niveau de l'expressicn : La région XI est simultané
ment contiguë (en contact) avec les régions X2 et X3.
Niveau du contenu : Le bâtiment Y1 est simultanément
en contact avec la voie Y2 et l'espace vert Y3.
Des deux transcriptions ci-dessus, on conclut qu'il y
a conservation des correspondances entre éléments avec
les relations spatiales. Il y a donc isomorphisme spa
tial .
Cependant, le niveau du contenu ne se restreint pas
à un aspect spatial. Comme nous le verrons plus en
détail dans la troisième partie (analyse du contenu),
tout espace présuppose un faire. Ainsi, le bâtiment
présuppose le faire "habiter". La voie présuppose le
faire "circuler", l'espace vert présuppose le faire
"se promener". Signalons ici qu'il ne faut pas con
fondre "faire" et "fonction", et laissons la discus
sion de cette distinction à l'analyse du contenu et
à celle de notre discours descriptif. Cette précision
étant donnée, regardons les relations entre les trois
faire
précités.
Il n'y a pas de sens à dire que le faire "habiter"
est simultanément en contact avec le faire "circuler"
et le faire "se promener". Une telle relation spa
tiale est hors de mise pour le concept de "faire", et
il faut supposer d'autres relations. Dans le cas de
notre exemple, les trois faire impliqués s'organi
sent selon l'axe sémantique public/privé.
voie
jardin
logement
public--------------------------------- privé
circuler
se promener
habiter
Chacun des trois espaces peut à son tour être réor-
32
ganisé le long de l'axe public/privé.
Cette mise en relation n'est pas isomorphe avec la mi
se en relation par contact spatial. Ce seul contreexemple suffirait pour prouver que nous n'avons pas
affaire à un langage symbolique niait à un langage.
Soit l'élément de l'expression ci-contre
Il signifie : en cet endroit, il y a un
arbre . Or un arbre n'est jamais circulaire, et il serait aberrant de supposer que tous
les arbres de GRIGNY (d'où est tiré cet exemple)
sont circulaires et de diamètre constant : la forme
d'un arbre varie selon son essence et selon son âge.
Dans ce cas, il n'y a même pas isomorphisme spatial.
Ce même raisonnement peut être tenu pour tous les élé
ments superposables (voir la définition § 2.5) : la
propriété essentielle de leur sémiose est de ne pas
être en isomorphisme spatial. Par contre, les élé
ments superposables peuvent connaître en certains cas
des isomorphismes de caractère ordinal ou algébrique.
Le trait illustre bien ce cas : l'ordre des épaisseurs
du trait sert à exprimer le degré de pénétrabilité de
l'espace cerné (voir analyse du contenu).
Cet exemple n'est pas unique, et La Graphique de
BERTIN se consacre presque entièrement à l'étude de
tels isomorphismes.
On peut opposer l'isomorphisme géométrique et les iso
morphismes ordinal et algébrique, et à partir de cette
opposition construire un carré sémiotique :
X
isomorphisme
spatial
isomorphisme
ordinal ou algébrique
non isomorphisme
non isomorphisme
ordinal ou algébrique
spatial
33
La colonne de gauche correspond à des éléments nonsuperposables (ex : éléments signifiant les bâtiments,
la voierie,...) ; celle de droite correspond aux
traits et aux pointes (voir § 2.4). Les cartes de
l'I. G. N., dans leur expression planimétrique, se
placent sur la ligne du haut : elles représentent des
régions dont l'expression et le contenu sont spatia
lement isomorphes, de même que leurs mesures (ex :
superficie) sont ordonnables et en isomorphisme algé
brique.
Par contre, des éléments tels que le cercle signifiant
"arbre" ne connaissent ni un isomorphisme spatial, ni
un isomorphisme algébrique.
Les différents éléments du plan se distribuent entre
les lignes et les colonnes du carré ci-dessus. Comme
il suffit de l'existence d'éléments occupant la li
gne inférieure pour que le système ne soit pas un
langage symbolique, et que cette condition est sa
tisfaite, nous pouvons dire que les plans en archi
tecture sont un langage selon la définition de
HJELMSLEV.
Ayant démontré que nous avons affaire à un langage,
nous justifions pleinement l'introduction de la mé
thode sémiotique : nous ne faisons pas une comparai
son, mais nous travaillons sur la base d'une identi
té structurale. Nous aborderons séparément l'analyse
de l'expression et celle du contenu, essayant de les
rendre aussi indépendantes l'une de l'autre que pos
sible. Nous ne prétendons pas que les deux niveaux
soient indépendants, mais la clarté de l'exposé a
tout à gagner d'une telle séparation, aussi artifi
cielle qu'elle soit.
Il se peut que l'exposé puisse paraître parfois dog
matique et théorique. Cela serait dû à deux facteurs :
34
1 - Nous avons essayé de présenter des résultats re
latifs au système du langage des plans, et non pas à
propos de procès particuliers. De tels résultats sont
nécessairement abstraits et théoriques.
2 - La méthode d'analyse que nous détaillons ci-après
est le résultat d'un faire analytique : nous analy
sons des plans particuliers depuis quatre ans, et
ce sont ces analyses qui nous permettent d'affirmer
l'exactitude et l'efficacité de la méthode. Une
grande partie de ces analyses est rapportée dans no
tre publication intitulée "Sémiotique des Plans en
Architecture". C'est pourquoi nous y ferons des ren
vois fréquents.
Précisons enfin que l'étude du système d'un langage
n'a de sens que par rapport à une communauté cultu
relle qui l'utilise. Notre travail s'est situé à l'in
térieur de la production des architectes français. Au
stade actuel de notre recherche, nous ne pouvons ni
affirmer ni nier la pertinence des frontières de la
"langue naturelle" en ce qui concerne le langage des
plans. Il y a une étude comparative à faire, mais
elle devra s'appuyer sur une théorie du langage des
plans, même si une telle théorie a été élaborée à
partir d'un cas particulier.
37
Dans sa recherche des unités et des relations entre
unités, la sémiotique a une démarche algébrique : les
unités sont discrètes et s'opposent les unes aux au
tres comme autant d'entités séparées. La manière dont
elles s'organisent pour former le langage relève de
la combinatoire (une partie de l'algèbre). Or, l'objet
de notre' étude présente une certaine continuité : il
porte des lignes, tracées sur une surface. Pour que
cet objet continu puisse s'articuler en un système
sémiotique, il faut qu'il puisse être découpé en uni
tés discrètes. Nous avons vu (cf S. P. A. §§ 8, 9 et
10) qu'un tel découpage peut être produit de façon
systématique et que les unités obtenues peuvent for
mer des syntaxes (cf syntaxes formelles, S. P. A.§§
11, 12, 13, 14, 15, 16 et syntaxes sémantiques S. P. A.
§ 17). Nous verrons ci-après un exposé de la méthode
de découpage, ainsi qu'une analyse des raisons qui
nous le font adopter. Ce sera l'objet des paragra
phes 2.2 et 2.3. Le classement des unités obtenues
permet de dépasser le caractère individuel de chacune
d'elles et de définir des classes d'unités qui relè
vent du système alors que les unités reconnues sur
un document relèvent du procès.
A l'intérieur du système, il est possible de distin
guer un niveau profond et un niveau de surface : les
unités définies au niveau profond peuvent se mani
fester de plusieurs manières au niveau superficiel.
Ce dernier est celui de la manifestation graphique
(cf § 2.4), alors que le niveau profond est celui de
l'algèbre et de la topologie (§§ 2.2 et 2.3).
bnfin, l'analyse des relations d'appartenance d'un
point à une ou plusieurs régions, permet de séparer
les unités et leur manifestation en deux ensembles
(nommés respectivement superposable et non-superpo
sable, cf § 2.5). L'application à un document donné
38
de ces quatre pertinences d'analyse, que nous appe
lons "axiologies de l'étude", produit les résultats
consignés dans notre publication "Sémiotique des
Plans en Architecture". Bien que notre recherche
ait avancé depuis, et que notre manière de voir les
choses ait évolué, ce document est toujours à l'ar
rière-plan de notre réflexion, et sa lecture est in
dispensable à la bonne compréhension de ce qui sui
vra.
2.1 AXIOLOGIES DE L'ETUDE DE L'EXPRESSION
L’expression (cf. SPA (1) Deuxième partie) est analysée
selon quatre axiologies indépendantes :
- l'axiologie algébrique (nous la désignerons par A),
selon laquelle tout objet s'analyse en parties, et se
combine avec d'autres objets pour former des objets
plus importants. On retrouve ici la problématique de
HJELMSLEV.
- l'axiologie géométrique (nous la désignerons par G)
qui définit l'élément minimal au niveau topologique,
lui attribue d'autres qualités au niveau projectif, le
qualifie encore au niveau métrique. Ces trois niveaux
correspondant à trois géométries définies par leurs
invariants et les transformations qu'elles admettent,
sont logiquement dépendants : le niveau métrique im
plique le niveau projectif qui implique le niveau topologiquc.
- l'axiologie de la manifestation graphique (nous la
désignerons par M) : tout élément conçu et analysé se
lon les deux axiologies précédentes, ne peut exister
qu'à travers une manifestation graphique qui peut re
vêtir deux aspects :
• la continuité
• la discrétisation
Dans les manifestations continues, il faut distinguer
deux cas :
• La ligne est définie comme une variation brutale
de densité sur le support?
(1) SPA : Sémiotique des Plans en Architecture
40
(opposition de deux couleurs,
du noir et du blanc), auquel
cas tout trait apparaît comme
une région.
. La ligne est équivalente au
trait (cf SPA § 8.1). Dans
les manifestations disconti
nues, il faut ranger les li
gnes interrompues, les ha
chures, le grain (cf. BERTIN
b6).
- l'axiologie logique des lois d'appartenance (nous
la désignerons par L) : l'analyse que nous avons
déjà faite (SPA §§9.9 et 9.10) nous a montré la coexis
tence, au sein du même corpus, de deux groupes d'élé
ments signifiants, distingués selon une loi logique :
. Pour les éléments non-superposables, un point pris à
l'intérieur du contour d'un
élément A appartient à A et ne
peut appartenir à un autre élé
ment ;
. pour les éléments superposa
bles, un tel point appartient
simultanément à A et à un au
tre élément qu'on peut préci
ser selon les occurrences.
Nous disons que ces quatre axiologies sont indépendan
tes en ce sens qu'elles peuvent se combiner l'une à
l'autre et que aucune ne peut se ramener à une combi
naison des trois autres. Cependant, nous pouvons noter
les liens qui les unissent :
En premier lieu examinons les relations de présupposi
tion, s'il y en a.
41
A ne présuppose ni G, ni M, ni L. C'est donc une axiologie principale, celle de HJELMSLEV et de BERTIN.
G. Si la topologie ne présuppose pas l'algèbre, les au
tres géométries introduisent des invariants algébri
ques. Ainsi, G présuppose A. Elle ne présuppose pas
M dans l'absolu car elle peut se manifester autrement
que dans les deux dimensions du plan : soit dans l'es
pace, soit sous forme algébrique. Cependant, dans le
cas (qui est le nôtre) où le corpus analysé est bidi
mensionnel, la géométrie présuppose une manifestation
qui la propose à nos sens.
M, la manisfestation graphique présuppose les géométries
qu'elle manifeste . Donc M présuppose G qui présuppo
se A, donc M présuppose A. On le voit facilement quand
il s'agit de mesurer l'épaisseur d'un trait : il y a
mesure, donc quantité et algèbre.
M présuppose les lois d'appartenance comme cela sera
mis en évidence par l'analyse.
L présuppose M qui a servi à établir les lois (SPA
§§ 9.6 à 9.9) et par conséquent, sans même chercher
a voir les relations directes avec A et G, on peut
dire que L les présuppose par transitivité. Cependant,
la taxinomie connaît des lois de classification et
d'appartenance indépendantes de la géométrie. En ré
sumé, nous avons le schéma suivant :
°u la flèche <—
indique la présupposition simple et
la double flèche «— >indique la présupposition réci
proque.
Si nous extrayons les structures topologiques de l'axiologie géométrique, et que nous les notons T, nous
aurons le schéma :
42
En second lieu, examinons les combinaisons de ces axiologies. A priori, il y aurait six combinaisons deux à
deux (AG. AM. AL. GM. GL. ML), quatre combinaisons
trois à trois (AGM. AGL. AML. GML), et une combinai
son des quatre. Les relations de présupposition faus
sent ces cas théoriques, transformant AG et GM en AGM,
lequel cas se ramène, on le verra, à AGML avec une
seule loi d'appartenance qui passe au second plan du
fait de sa constance. De même AL, GL, ML, AGL, GML,
se ramènent à AGML. Enfin, AM et AML sont des struc
tures algébriques manifestées de façon non géomé
trique (contes, relations de parenté,...) ce qui les
fait sortir du cadre de notre travail.
En résumé, les quatre axiologies s'avèrent nécessai
res pour l'étude de tout corpus graphique.
Pour terminer, rappelons que ces axiologies se rappor
tent au niveau de l'expression. Si elles ne s'appli
quent pas toutes au niveau du
contenu, (en particu
lier celle de la manifestation graphique), nous ver
rons qu'elles s'articulent sans exception avec le
contenu, mais que cette articulation varie d'une axiologie à l'autre, entraînant la distinction de plu
sieurs codes qui fonctionnent simultanément dans le
plan.
43
2.2 AXIOLOGIE ALGEBRIQUE
C’est 1'axiologie la plus générale parmi celles que
nous utilisons. Elle se retrouve dans la démarche scien
tifique comme dans celle de la "pensée sauvage". Nous
allons essayer de l'analyser en fonction de ce que
nous en appliquons dans notre travail.
Toute chose soumise à un examen scientifique est
un objet de savoir, aussi bien qu'une chose matériel
le qu'une chose immatérielle (ex : concepts) ,
qu'elle ait existé (ne serait-ce que dans l'es
prit de quelqu'un) ou non. Toute chose sur la
quelle s'exerce notre entendement est ainsi trans
formée en objet de savoir. Ci-dessous, nous dirons
plus simplement "objet", par économie.
L'objet sera examiné dans une perspective combinatoi
re, mais de deux points de vue différents qu'on pour
rait désigner, en les oppasant, par "intérieur" et
"extérieur". Nous pouvons essayer de résumer chacun
de ces points de vue en une phrase que nous analyse
rons après.
2.21 point de vue "intérieur" :
Tout objet est analysable en composantes dont il est
un résultat combinatoire.
2.22 point de vue "extérieur" :
Tout objet se combine avec d'autres objets pour don
ner un objet composé.
44
La première affirmation (2.21) correspond à l'un des
principes de la méthode de DESCARTES : pour étudier
une question, il est possible de la diviser, d'en étu
dier les parties, et de recomposer le tout par une
synthèse.
Il est évident que la même affirmation s'applique aux
parties prises elles-mêmes en tant qu'objets. Si au
cune restriction n'est apportée, la chaîne ne s'arrê
te pas et devrait continuer indéfiniment. Nous savons
que certaines démarches procèdent ainsi, alors que
d'autres posent un point limite.
Ainsi, HJELMSLEV propose de partir d'une langue et de
poursuivre la division jusqu'aux figures, qui sont les
composantes (des signes) auxquelles s'arrêtera la di
vision.
La deuxième affirmation (2.22) ne fait qu'étendre à
l'objet lui-même la propriété combinatoire que
DESCARTES reconnaissait aux parties. Là non plus, il
n'y a aucune raison d'arrêter la chaîne logique, sauf
si les propriétés mêmes des éléments assemblés, ou le
résultat de l'assemblage s'y oppose. Ainsi, la physi
que reconnaît une borne supérieure de la combinatoire
de même qu'elle reconnaît, ne serait-ce que provisoire
ment, une borne inférieure.
Pour tout objet différent des bornes supérieure et in
férieure (si elles existent dans l'univers considéré),
les deux affirmations combinatoires sont posées comme
vraies. Si nous décidons d'attribuer un rang (degré)
à chaque objet ainsi analysable, et que ce rang soit
dénommé n, cet objet sera mis en relation avec le de
gré (n-1) de ses composantes par le point de vue
"intérieur" et avec le degré (n+1) de ses composés par
le point de vue "extérieur".
45
Au cas où l'affirmation (2.21) ne reçoit aucune limi
tation, on dira que l'ensemble des objets analysés est
continu. Formellement, cela se traduit par le fait que
les parties seront aussi petites qu'on voudra. Ce fait
d'être aussi petit qu'on voudra ne comporte aucune
idée de mesure, et pour s'en assurer, il suffit d'énon
cer le résultat ainsi : "il est possible de trouver,,
pour toute partie, des parties qui y sont contenues
sans être confondues avec elle". Cette propriété
est topologique, elle caractérise le contenu mathé
matique. Nous touchons ici l'un des liens entre les
structures algébriques et les structures topologi
ques .
Au cas où l'affirmation (2.21) reçoit une limitation,
c'est-à-dire que les découpages successifs connaissent
une borne inférieure, on dira que l'ensemble des objets
analysés est discret. La borne inférieure aura le rang
zéro, les autres objets recevront un rang dépendant de
leur complexité combinatoire.
La linguistique a choisi un système discret pour étu
dier les langues naturelles. C'est par ce système com
binatoire que différents auteurs expliquent la riches
se et l'économie du langage. Quelques uns y voient
meme sa spécificité. De ce qui précède, il apparaît
clairement que ce système n'est pas spécifique du lan
gage, et que la combinatoire et la discontinuité (on
ne dit pas "discrétion" !) se retrouvent dans nombre de
structures scientifiques et relèvent du cadre algébri
que. Ce qui est spécifique du langage, c'est la divi
sion en deux niveaux (expression et contenu) et leur
corrélation. Nous ne pouvons qu'être en accord total
avec HJELMSLEV sur ce point.
Quant au système continu, s'il a posé des problèmes
aux philosophes antiques (paradoxe d'Achille et de la
tortue, du coureur et de la flèche), il est bien ana
lysé par les mathématiques et fonde les structures to
pologiques. Nous y aurons recours pour l ’étude des
plans en architecture, et nous nous retrouverons donc
avec un système linguistique qui traite du continu.
Nous verrons qu'il n'y a là rien d'insurmontable.
Si nous partons du corpus entier, en appliquant la
méthode analytique de HJELMSLEV au niveau de l'ex
pression seul, il nous faut une méthode de décou
page. Cette méthode, nous l'avons esquissée au pa
ragraphe 2.1 en exposant les axiologies de l'étu
de. Le produit de ce découpage serait qualifiable
de "scientifique" par opposition à un découpage
"sémiotique" (1). Non point que le découpage sémiotique
ne soit point scientifique : il l'est certainement
si l'application est rigoureuse, mais il se distingue
des autres découpages scientifiques en ce qu'il tient
compte de la bi-planarité du langage. Il est possible
de produire un grand nombre de découpages scientifi
ques d'un seul et unique objet. Si cet objet est un
langage, l'un de ces découpages sera plus pertinent
que les autres : celui qui tiendra compte de l'Ex
pression et du Contenu en faisant jouer la commutation.
Puisqu'il s'agit de deux découpages (scientifique et sé
miotique) d'un même objet, il est légitime de poser la
question suivante : sont-ils comparables ? En termes
mathématiques, un découpage est une partition, et deux
partitions sont comparables si toute classe de l'une
peut s'écrire comme une réunion de classes de l'autre.
Dans ce cas, la deuxième est dite plus fine que la pre
mière. Si cette condition ne peut être remplie ni pour
(1) Nous reprenons cette opposition à A.J. GREIMAS
47
l'une ni pour l'autre, on dit que les deux parti
tions ne sont pas comparables entre elles. Rela
tivement aux découpages sémiotique et scientifique,
on peut affirmer avec certitude qu'il existe au moins
une partition scientifique plus fine que le décou
page sémiotique :
- Tout découpage est fait selon des règles dépendant
d'un point de vue donné. En changeant de point de vue
et en conservant la rigueur d'application des règles,
il est possible de définir plusieurs découpages
scientifiques, dont quelques uns moins fins que le
découpage scientifique, et d'autres non comparables.
- Le découpage sémiotique est un type donné de dé
coupage scientifique, possédant en outre la carac
téristique de s'arrêter conventionnellement à des
unités (qu'il appelle minimales) correspondant à un
contenu. Il suffirait de découper ces dites unités
selon un critère formel quelconque pour obtenir un
découpage scientifique plus fin. Il existe donc
toujours un découpage scientifique plus fin qu'un
découpage sémiotique.
Toute partition, quelle que soit sa finesse, s'occu
pe de ranger les unités qü'elle produit : il s'agit
de savoir lesquelles sont identiques (ou semblables)
et lesquelles ne le sont pas. Ceci n'est ni plus ni
moins qu'une opération taxinomique s'appuyant sur les
relations qu'entretiennent les unités entre elles.
Deux objets (unités) quelconques peuvent être compa
rés (certains diront opposés) en définissant entre
eux une relation qui s'exprime par un couple conjonc
tion-disjonction. La conjonction est l'ensemble des
qualités communes, ce qui en fait des objets sem
blables. La disjonction est l'ensemble des qualités
qui appartiennent à l'une sans appartenir à l'autre
48
(et inversement), ce qui permet de les différencier.
Ces deux notions supposent que les objets à comparer
sont définis comme des ensembles (de composants, de
qualités, de relations,... peu importe : il s'agit
d'ensembles, peut-être hétérogènes).
La classiffication peut être analysée en une série
d'opérations mettant en relation les unités deux à
deux, et cela quel que soit le nombre total des uni
tés. Ces relations sont dites alors binaires et peu
vent être elles-mêmes caractérisées par leurs pro
priétés formelles. Deux types de relations binaires
sont nécessaires pour la classification : les rela
tions d'équivalence et les relations d'ordre.
Une relation R est dit d'équivalence si elle est :
- symétrique (nous avons simultanément A.R.B. et
B. R. A . , c'est-à-dire que l'objet A est à B ce que
B est à A),
- réflexive (on pourra dire A.R.A. A titre d'exemple,
on peut citer la relation d'égalité : A=A)
- transitive (si A.R.B. et B.R.C., alors A.R.C.
exemples : A=B et B=C, alors A=C).
Une relation d'équivalence permet de réunir en une
même classe tous les objets entretenant entre eux
la dite relation.
Ces classes (d'équivalence) sont rangées et orga
nisées par des relations d'ordre. Une relation bi
naire est dit d'ordre si elle est:
- transitive (voir définition ci-dessus)
- antisymétrique (si A.R.B., c'est-à-dire : si A est
en relation R avec
B, alors B n'est pas en relation
R avec A. Exemple : si A est contenu dans B, alors B
n'est pas contenu dans A).
Une relation d'ordre est dite réflexive si, en plus
de la transitivité et de l'antisymétrie, elle offre
la réflexivité (A est en relation R avec A. Exemple :
A est "plus petit ou égal à" A).
49
Dans le cas général, une relation ne peut être qua
lifiée ni comme relation d'équivalence, ni comme re
lation d'ordre, alors qu'elle peut toujours être ana
lysée en termes de conjonction et de disjonction. La
raison en est dans le fait que ces dernières se trans
crivent en termes de réflexivité et de symétrie, mais
n'impliquent rien quant à la transitivité. La transi
tivité apparaît donc comme une qualité fondamentale
des relations permettant d'operer une classification.
Il est à noter que la commutation est une relation
d'équivalence produisant des classes d'équivalence que
la linguistique appelle paradigmes. Un syntagme est
une suite ordonnée d'éléments impliquant chacun un pa
radigme. L'opposition système/procès qui sous-tend le
couple paradigme/syntagme (cf. HJELMSLEV) repose donc,
en dernière analyse., sur les relations transitives
d'ordre et d'équivalence. L'intérêt de ces relations
est tel qu'on cherche toujours à les mettre en évi
dence par une définition adéquate des objets étudiés.
La méthode traditionnelle d'étude des objets se can
tonnait au découpage de l'objet en parties, et essa
yait de le recomposer. Il s'agissait en fait de l'ex
ploration de la relation entre le degré (n) de l'objet
et le degré (n-1) des parties. On suppose ainsi que
l'objet est entièrement déterminé par la combinatoire
de ses parties (Exemple
: en chimie, une molécule est
analysée en éléments simples, un élément simple en no
yau atomique et nuage électronique.)
Plus récemment, on a essayé de définir les objets uni
quement par l'étude de la relation des degrés (n) de
l'objet et (n+1) de ses combinaisons. C'est ce qu'on a
appelé la définition de l'objet par ses relations, ou
par le réseau de ses relations.
On suppose ainsi que l'objet est entièrement détermi
né par la combinatoire dans laquelle il n'est qu'un
50
élément (Exemple : en géométrie, le point est intersec
tion de deux droites, la droite est l'intersection de
deux plans,...)
En fait, s ’il est exact que certains objets sont dé
terminés principalement par leurs parties, il n'en
reste pas moins qu’ils tirent certaines de leurs pro
priétés de leurs combinaisons. Et réciproquement.
De plus, il est des objets dont les propriétés com
binatoires proviennent de leurs parties (Exemple :
les propriétés d'assemblage des bâtiments en portion
de couronne de Grigny (SPA §§ 1.3 et suivants) pro
viennent des murs aveugles droits et des façades per
cées courbes qui en forment les faces).
Ainsi une définition relationnelle des objets ne sau
rait se cantonner à un niveau hiérarchique fixé à l'a
vance (n-1, n, n+1).
La comparaison des objets les uns aux autres conduit
à leur attribuer des qualités. Cette mise en rela
tion étant analysable en conjonction/disjonction, on
en déduit qu'une relation est analysable en termes de
présence ou d'absence de qualités. Si l'objet est descriptible par un ensemble de qualités, la relation
s'appuie alors sur une partie de cet ensemble. De
plus la relation possède ses propres qualités (Ex :
réflexivité, transitivité, symétrie...) qui se pla
cent à un niveau hiérarchiquement supérieur.
On peut donc constater que les objets (la substance),
et les relations entre objets (la forme) sont descriptibles en tant qu'ensembles de qualités. Cette consta
tation empirique de la méthodologie est en accord
avec une position épistémologique fondamentale : toute
question à propos de la nature d'un objet ne peut re
cevoir de réponse. Il n'y a donc aucun sens a la po
ser. Tout ce qu'on peut dire d'un objet sert à le
qualifier.
51
Il ne revient pas au même de dire, "un objet est un
ensemble de qualités", ou "un objet est défini par
un ensemble de qualités". La première proposition
affirme quelque chose relativement à la nature de
l'objet, la deuxième ne fait qu'énoncer une qualité
de plus. C'est cette dernière que nous retiendrons.
Les qualités d'un objet peuvent être nombreuses.
Comme elles sont dépendantes
à la fois du point de
vue et de la mise en relation, on peut même envisa
ger que ces qualités soient en nombre infini. Ce
pendant, il n'est pas certain que toutes ces quali
tés soient intéressantes, ni que leur prise en comp
te donne quelque chose de très différent de ce qu'on
pourrait obtenir en se restreignant à la manipula
tion de quelques qualités, qu'on dira "significa
tives", c'est-à-dire commodes et rentables. Cela
revient à remplacer la suite infinie des qualités
par un nombre fini.
Si
tout objet de connaissance est définissable
comme un ensemble de qualités, nous n'avons pas en
core dit ce qu'est une qualité.
On peut dire qu'une
qualité est la différence minimale entre un ou plu
sieurs objets. Avec un tel énoncé, nous utilisons en
fait la notion de relation pour définir la notion de
qualité. Or, nous disions qu'un ensemble de qualités
nous servirait à définir un objet. Il s'avère par
conséquent que la définition est inversible : on
peut remplacer qualité par objet et réciproquement.
c 'est un cas typique de dualité entre deux notions
dont l'une ne peut être première pour l'autre. Elles
présupposent réciproquement.
52
Il importe de préciser qu'il n'y a pas ici de "cer
d e vicieux" : il y a deux termes qui sont simulta
nément premiers, l'un se définissant en relation
avec l'autre, comparables en cela au couple signifiant/signifié ou au couple expression/contenu.
Identité : Un objet est défini par un ensemble de
qualités. Deux objets définis par les memes ensem
bles de qualités sont indiscernables. En d'autres
termes, deux objets ne peuvent être distingués l'un
de l'autre s'ils entretienne! les mêmes relations
avec le reste de l'univers d'étude.
L'identité d'un objet est donc doublement dépendan
te :
de l'univers qui lui sert de reference.
- du point de vue : on peut en effet réduire le
nombre de qualités pertinentes pour la définition
d'un ensemble d'objets. Ainsi, on peut, en modi
fiant la définition, rendre répétitifs des objets
qui, d'un autre point de vue sont distingués. A
titre d'exemple, pour un statisticien, tous les
français
peuvent être identiques d'un certain
point de vue : il dira il y a 56 millions [ou plus
ou moins) de français. Peu lui importe que M. Dupont
soit plus riche ou plus vieux que M. Durand. Il s'oc
cupe
simplement de la nationalité. Il y a donc une
seule qualité (la nationalité) retenue pour exami
ner l'univers des hommes habitant un pays.
Ressemblance : La ressemblance de deux objets est dé
crite par l'intersection des deux ensembles de quali
tés correspondants. La ressemblance est une relation
réflexive (A ressemble à A), symétrique [si A ressem
à B, alors B ressemble à A) mais non transitive
dans le cas
général :
53
Ex : Mme Durand ressemble à son fils Pierre.
Pierre ressemble à son père.
On ne peut en déduire que M. et Mme Durand se res
semblent : ils peuvent ressembler chacun à leur fils,
sans se ressembler entre eux.
La ressemblance devient transitive si on précise le
sous-e'nsemble de qualités qui décrit la ressemblan
ce :
Ex : A et B se ressemblent car ils sont de grande
taille.
B et C se ressemblent car ils sont de grande taille.
On peut en déduire que A et C se ressemblent car ils
sont de grande taille.
Si le point de vue se restreint aux qualités commu
nes et qu’il ne s ’intéresse pas aux qualités qui per
mettent de différencier deux (ou n) objets, la res
semblance atteint un degré maximal : l’identité.
"Définir les qualités communes" et "cerner la ressem
blance" sont deux opérations équivalentes, dont les
objets sont définis par des qualités. Ainsi, toute
comparaison est possible, et l ’affirmation "ce sont
des objets non comparables" devient relative : il
faudrait plutôt dire "ce sont des objets non com
parables de tel point de vue, selon telle pertinen
ce".
A titre d ’exemple, on pourra comparer une unité de
l’expression à une unité du contenu : la première fait
partie d ’une manifestation matérielle donnée, la se
conde est de l ’ordre du concept. Leur comparaison
n ’a de sens que par le fait q u ’elles sont toutes les
deux exprimées en termes d ’ensemble de qualités, par
mi lesquelles on trouvera :
- Unité appartenant au niveau du contenu d ’un langage,
54
- Unité appartenant au niveau de l'expression d'un
langage,
à titre de qualités et non à titre de nature.
De même on pourra comparer une unité de l'expression
à un objet du monde naturel auquel elle pourrait
être liée par une relation (ex : désignation : ceci
est un texte). Cette procédure donnerait un sens à
la comparaison d'un "signe" avec son "référent".
Nous retrouverons cette problématique à propos des
sémioses de la géométrie : l'espace signifiant res
semble à l'espace signifié et à l'espace du référent.
Cette ressemblance s'analysera avec les concepts ex
posés ci-dessus.
2.3 AXIOLOGIE GEOMETRIQUE
C'est 1'axiologie spécifique de l'étendue, introdui
te dans -l'étude pour une raison double : l'expres
sion des plans relève de l'étendue, de même que le
sens véhiculé relève de l'étendue.
Nous avons fait l'hypothèse que l'architecture est
un langage, et que les plans sont un métalangage
relatifs à l'architecture. Entre le métalangage et
son langage objet, il y a une relation logique de
présupposition (cf. SPA §4.3). Cependant, selon la
pertinence géométrique, il y a une autre mise en
relation possible entre l'expression du langage de
l'architecture et celle du langage des plans : une
mise en relation géométrique. L'expression du langa
ge de l'architecture s'inscrit dans un espace à trois
dimensions (nous préciserons plus loin cette notion
de dimension), celle du langage des plans s'inscrit
dans un espace à deux dimensions. Si chaque espace
s'organise en système fermé, il n'en reste pas moins
qu'une partie des lois de l'un régit les éléments de
l'autre : il y a ressemblance structurale.
Cette ressemblance sera analysée selon les règles ex
posées dans 1'axiologie algébrique. Nous nous en ser
virons pour expliciter les sémioses géométriques.
Nous verrons ainsi s'établir une relation projective
entre la forme de l'expression des plans et la forme de
l'expression de "la sémiotique architecturale" (1).
Cette relation pourra alors être généralisée et posée
(1) Une sémiotique : un langage.
56
comme transformation allant d'une forme à l'autre,
mettant en relation les éléments constitutifs de cha
cune d'elles.
Si une telle transformation doit être posée comme une
sémiose particulière et réinsérée dans l'économie gene
rale de l'étude, sa définition reste une question de
géométrie, ou de géométries, comme nous allons le voir.
Désignons par "CORPS" tout objet de l'espace "naturel”
(celui de la vie quotidienne). Un corps segmente l ’es
pace en au moins deux parties :
- Si le corps est "plein",
on peut distinguer ce qui
est intérieur aux bornes et
ce qui leur est extérieur.
L ’intérieur serait relati
vement impénétrable, à une
échelle pertinente donnée :
celle de l'expérience courante du monde naturel.
L ’extérieur laisse à d'autres corps la possibilité
d'être contigus à celui qui nous occupe.
Remarquons au passage que l'opposition intérieur/extérieur est relative à la mesure des espaces : les bor
nes segmentent l'espace en deux parties, qui, d'un
point de vue neutre, sont tout aussi équivalentes que
les deux moitiés d'un gâteau.
En topologie (où on fait abstraction de la mesure),
l ’opposition Intérieur/Extérieur perd son sens.
- Si le corps est creux, il
a des bornes qui ne sont pas
d'un seul tenant (une sur
face est d'un seul tenant si
on peut aller de tout point
de la surface à tout autre
point de la même surface
sans quitter la dite surface) et il segmente l'espace
57
en au moins trois parties :
-Celle qu'il occupe entre ses bornes,
-Celle qui est extérieure aux bornes,
-Celles qui sont intérieures aux bornes.
Quand nous parlerons des objets, nous commencerons
par parler de leurs limites (ou bornes). Ce sont leurs
premières qualités spatiales, et ces qualités leur
sont nécessairement attachées : un corps ne peut exis
ter s'il n'existe dans l'espace. Au cas où un objet
n'existe pas dans l'espace, il sera uniquement un
objet de pensée, un objet de savoir, relevant de l'i
maginaire.
La première phase d'une description de l'espace est
l'étude de la segmentation de cet espace par des bor
nes (limites, bords ou frontières).
Dans l'espace à deux dimensions des plans en archi
tecture, tout objet manifesté à nos sens par une dif
férence de couleur ou de valeur va être analysé spa
tialement. L'espace à deux dimensions sera donc seg
menté par des lignes qui bordent des régions, les
lignes elles-mêmes étant bordées par des points
(cf. SPA §6.2). Toutes ces lignes et ces régions se
ront relevées, décrites : a priori nous ne savons pas
lesquelles sont pertinentes dans le fonctionnement
linguistique des plans, et lesquelles ne sont pas per
tinentes. Nous commençons par opérer un découpage
scientifique, qui nous servira de référence à laquelle
nous rapporterons le découpage sémiotique (qui se dé
finit ici, par opposition, comme une structure d'usa
ge) obtenu par l'épreuve de commutation après accès
au contenu. Ainsi, la distinction forme/fond héritée
de la gestalt-théorie est abolie, puisqu'elle provient
d'une projection apriorique d'un contenu sur 1'ex
pression.
58
Selon cette opposition, la forme est ce qui porte
le sens, et le fond en est dénué. Or, nous verrons
que, ne serait-ce que pour les plans en architecture,
il n'y a pas de fond dénué de sens, ce qui justifiera
à postériori l'attitude systématique adoptée dans
cette partie de l'étude. L'analyse de l'expression
fera l'inventaire de toutes les régions, sans leur
attribuer de valeur sémantique.
Ce choix est lourd de conséquences. C'est ce qui per
met l'introduction de la relation de superposition
(cf. SPA §9.7) qui divise le corpus graphique en
deux classes : celle des régions superposables et
celle des régions non-superposables. Cette distinc
tion sera développée dans l'axiologie des lois d'ap
partenance (ci-dessous § 2.5).
Avant de continuer notre propos relatif aux parti
tions et au découpage, faisons un retour en arrière,
rendu nécessaire par l'usage que nous voulons faire
de qualités "spatiales", et que nous n'avons pas en
core explicitées. Jusqu'à présent, nous nous sommes
adressés à l'intuition du lecteur et à sa connais
sance personnelle de l'espace.
Nous allons tenter une approche plus rigoureuse.
L'espace n'est pas uniquement visuel (ce que les ar
chitectes ont tendance à affirmer). Il n'est pas
uniquement moteur non plus (nous avons parlé de 1 im
pénétrabilité des objets pleins). L'espace est une
construction faite à partir de nos sensations mises
en relation pour structurer un continuum que nous
avons appelé étendue (cf.§ 3.4).
La première caractéristique formelle d ’un espace est
son nombre de dimensions : elle en conditionne les
opérateurs (points, lignes, plans,... ), les rela
tions, et les principaux théorèmes. Nous avons dit
ci-dessus que le monde naturel s'inscrit dans un es
pace à trois dimensions et que le plan n'en possède
que deux. Que veut-on dire par là ? On nous a souvent
habitués à envisager les dimensions comme faisant
partie d'un système de coordonnées cartésiennes (or
thogonales et rapportées à des unités de mesure).
Cette image est simpliste, et en tout état de cause,
les coordonnées ne sont pas simplement juxtaposées
les unes aux autres : elles sont liées par des rela
tions structurelles. En voici une présentation clai
re :
"Je fonderai la détermination du nombre des dimen
sions sur la notion de coupure. Envisageons d'abord
une courbe fermée, c'està-dire un continu à une di
mension ; si sur cette cour
be nous marquons deux points
quelconques par lesquels
nous nous interdirons de passer, la courbe se trouve
ra découpée en deux parties, et il deviendra impos
sible de passer de l'une à l'autre en restant sur la
courbe et sans passer par les points interdits.
Soit au contraire une sur
face fermée, constituant
un continu à deux dimensions
nous pourrons marquer sur
cette surface un, deux, un
nombre quelconque de points interdits ; la surface
ne sera pas pour cela décomposée en deux parties, il
restera possible d'aller d'un point à l'autre de cette
surface sans rencontrer d'obstacle, parce qu'on pour
ra toujours tourner autour des points interdits.
Mais si nous traçons sur la surface une ou plusieurs
courbes fermées et si nous les considérons comme des
coupures que nous nous interdirons de franchir, la
60
surface pourra se trouver
découpée en plusieurs par
ties.
"Venons maintenant au cas
de l'espace ; on ne peut le
décomposer en plusieurs par
ties, ni en interdisant de
passer par certains points,
ni en interdisant de franchir certaines lignes ; on
pourrait toujours tourner ces obstacles. Il faudra
interdire de franchir certaines surfaces, c'est-àdire certaines coupures à deux dimensions ; et c'est
pour cela que nous disons que l’espace a trois dimen
sions".
H. POINCARE
Ou, d'une façon plus condensée : les lignes, qu'on
peut diviser par des coupures qui ne sont pas des con
tinus, sont des continus à une dimension ; les surfa
ces qu'on peut diviser par des coupures continues à
une dimension, sont des continus à deux dimensions ;
et l'espace qu'on peut diviser par des coupures con
tinues à deux dimensions, est un continu à trois di
mensions.
Le raisonnement qu'on vient de tenir est un raison
nement topologique. La topologie est la géométrie qui
a pour groupe principal le groupe des homéomorphies.
Une homéomorphie est une transformation T entre les
points de l'espace et satisfaisant aux conditions sui
vantes :
1. Elle est biunivoque sans
• _____ •
•
*
exception, c'est-à-dire
qu'elle fait correspondre à
__________ !..
tout point un point et inver
sement.
61
2. Elle fait correspondre aux
points d'une courbe, les
points d'une courbe.
3. A deux couples de points
M, N, et P, Q, se séparant
sur une courbe, elle fait
correspondre deux couples de
points M', N' et P', Q' se
séparant sur la courbe homo
logue.
Il découle de ces conditions qu'une homêomorphie est
une transformation continue (on dit dans certains cas,
une déformation continue). Dire que la topologie admet
pour groupe principal le groupe des homéomorphies re
vient à dire que dans cette discipline sont équivalen
tes toutes les figures qui se déduisent l'une de l'autre
par transformation continue. Ainsi, un cercle est équi
valent à une ellipse ou à
toute autre courbe fermée,
mais il n'est pas équivalent
à un segment de droite parce
que ce dernier n'est pas fer
mé .
Ce dernier énoncé manifeste une règle de la topologie :
les continus d'un même nombre de dimensions (ici, le
cercle et le segment sont des continus à une dimension)
sont classés par la considération des coupures (il faut
deux points pour couper le cercle en deux parties, il
suffit d'un point pour en faire autant avec le segment).
Les coupures jouent en fait un rôle fondamental en to
pologie et permettent de lier cette dernière aux struc
tures algébriques : toute classification (ou taxinomie,
que nous avons vue être le résultat de l'application
d'une relation d'équivalence sur un ensemble, avec
éventuellement l'intervention d'une relation d'ordre)
peut être considérée comme la segmentation d'un espace
à n dimensions par un ensemble de coupures, les "volu
mes" ainsi séparés correspondant aux diverses classes
de la taxinomie.
Découper signifie alors attribuer une identité à cha
que "volume", cette identité étant fonction d'un en
semble de qualités. A la dualité objets/qualités que
nous connaissions dans l'axiologie algébrique corres
pond la dualité volumes/coupures dans l'espace.
Nous avons vu que la dimension d'un espace est fonc
tion de la dimension des coupures minimales qui per
mettent de le séparer en deux parties.
Rappelons que pour séparer une région en deux, il ne
suffit pas d'avoir des coupures ponctuelles :
il est nécessaire que la
coupure soit au moins une
ligne à une dimension. Par
conséquent, on pourra envi
sager des coupures de deux dimensions dans un plan
(ce sera à son tour une région). De manière plus gé
nérale, un espace à n dimensions peut connaître des
coupures à n dimensions. Nous retrouvons ce que nous
présentions de façon intuitive p. 56 : il y a des
corps qui traversent notre espace quotidien en le seg
mentant en deux parties dont l'une, impénétrable, est
dite "l'intérieur", l'extérieur étant pénétrable ; et
d'autres corps qui segmentent l'espace en plus de deux
parties, l'exemple type étant celui des boîtes, les
maisons n'étant que des boîtes dont l'intérieur est
cloisonné en d'autres boîtes...
63
Ces diverses coupures se retrouvent dans les deux di
mensions du plan d'architecte, avec l'introduction au
niveau du contenu d'un facteur supplémentaire : la pénétrabilité pour le corps humain tout entier. Un corps
impénétrable est un objet, un corps pénétrable est un
lieu.
Revenons à la topologie.
Tous les théorèmes de la topologie restent vrais si'
les objets dont ils traitent subissent une déformation
continue. Par contre, les déformations non-continues
sont interdites : elles introduisent dans l'espace des
perturbations rendant faux les dits théorèmes. Ce 'est
n'est pas tout :
"On peut (... ) déformer le plan de façon à obtenir
une droite, pourvu que cette déformation ne soit pas
continue. Cela serait impossible au contraire avec
une déformation continue. Ainsi la question du nombre
des dimensions est intimement liée à la notion de con
tinuité et elle n'aurait aucun sens pour celui qui vou
drait faire abstraction de cette notion".
H. POINCARE
Or, toutes nos géométries font appel à la dimensionnalité, ce qui implique la continuité des transforma
tions par rapport auxquelles elles se définissent.
Nous venons de le voir, la topologie se place au ni
veau le plus élémentaire (au sens fort et non péjora
tif de ce terme) de la géométrie. Elle permet d'iden
tifier et de caractériser tout continu ou portion
structurée de l'étendue, à plus forte raison les es
paces eux-mêmes.
Les premières manifestations de l'existence d'un élé
ment de l'expression sont d'ordre topologique. A ces
qualités viennent s'ajouter d'autres qualités qui,
relevant de la mesure, marquent l'introduction des
64
structures algébriques. Avant d'arriver à ces géomé
tries projective et métrique, notons que les relations
topologiques entre éléments nous ont permis de propo
ser la seule grammaire bidimensionnelle élaborée a ce
jour (cf. SPA §12), laquelle grammaire devrait débou
cher sur un classement morphologique des plans en
architecture.
65
La géométrie projective introduit la ligne droite
dans l'espace de la topologie. Le fait pour une ligne
d'être droite n'est pas purement qualitatif : on
ne
peut s'assurer qu'une ligne est droite sans faire des
mesures. Cependant, comparée à la géométrie métrique,
la géométrie projective apparaît comme qualitative.
Si nous dressons un axe allant du qualitatif (topolo
gie) au quantitatif (la métrique), la géométrie pro
jective se situe quelque part entre les deux.
Qualitatif
Topologie
Quantitatif
Projective
Métrique
Dans un espace à trois dimensions, la géométrie pro
jective connaît trois figures (le point, la ligne, le
plan) et six "formes" (1) fondamentales qui se corres
pondent dans les opérations projectives (la projec
tion et la section). Dans les deux dimensions du plan
de l'architecte, seules subsistent :
la ponctuelle, ou ensemble des points d'une droite,
le faisceau de rayons, ensemble des droites passant
Par un point et situées dans le plan,
fl) Le mot "forme" est malheureux dans ce contexte,
mais il est consacré par l'usage des géomètres
66
- le plan, ensemble des points et des droites qui y
sont contenus.
Deux "formes" sont dites "perspectives" quand l ’une
est projection ou section de 1 autre.
Outre l'investissement sémantique que connaît l'op
position droite/courbe, la géométrie projective con
naît depuis DESARGUES et PASCAL une interprétation
très courante : elle représente l'espace visuel.
A ce titre, elle a intéressé les peintres et les ar
chitectes, pour lesquels elle a eu la réputation
d'être "la représentation vraie" de l ’espace. La pro
jection photographique obéissant aux memes lois est
venue renforcer cette attitude, faisant croire à un
"espace objectif".
Nous ne souscrivons pas à ces interprétations, d au
tant plus que la peinture et le dessin connaissent
des représentations affines de l ’espace tridimension
nel [une affinité conserve le parallélisme des droites
sans conserver la valeur des angles). Ce n'est pas
tout. L'espace projectif et l'espace affine se cor
respondent de façon assez étroite, et si le premier
correspond à l'espace visuel de l'expérience quoti
dienne, le second correspondrait à l'espace visuel
d'un observateur placé à l'infini.
L ’introduction de la notion de distance transforme la
géométrie affine en géométrie métrique dont le groupe
fondamental est le groupe des déplacements (transla
tion, rotation) : elle étudie les propriétés des fi
gures qui sont invariantes pour les opérations du
groupe des déplacements. Dans l'espace à trois dimen
sions, cette géométrie correspond aux mouvements des
corps solides, c'est-à-dire une idéalisation de notre
67
expérience motrice de l'espace pour rendre compte des
changements de position des objets par rapport au
corps humain, et inversement. On pourrait dire que si
la géométrie projective est l'étude de l'espace vi
suel, la géométrie métrique est l'étude de l'espace
moteur.
Ce n'est pas tout. Rien ne distingue une longueur
observée directement de la moitié de cette longueur
doublée par le microscope : le tout est homogène à
la partie, et cela parce que nous avons affaire à
deux continus, où le nombre des termes (les points)
est infini. Cette opposition nous servira à illustrer
deux propos :
- La métrique définie (la mesure de la distance) peut
être interne à chaque continu étudié, considéré alors
comme un espace autonome. Nous reconnaissons ici "le
point de vue interne" dont
I--------- 1 I------ 1 I—
I O O D O »
J 1— 1
nous parlions dans l'axiologie algébrique, ce pour
quoi nous parlerons ici de "métrique interne" ou de
"métrique locale".
La métrique peut être définie simultanément sur plu
sieurs éléments, auquel cas nous parlerons de "métri
que globale".
L'opposition entre une géométrie locale et une géomémétrie globale est plus générale que le cas particu
lier sur lequel nous l'avons montré ici : nous l'avons
utilisée dans notre classification arborescente des
éléments minimaux (cf. SPA §9). Elle est aussi mani-
68
festée par les syntaxes du corpus (dans la partie denommée MEDINA, quatre trames orthogonales peuvent etre
localement relevées ; elles sont décalées entre elles
et n'offrent aucune transition possible de l'une à
l'autre).
Si le plan proposé à notre analyse possède une
échel
le", s'il porte des mesures de distance et d'angle,
nous dirons qu'il possède des qualités métriques, ana
lysables par les outils des géométries métrique et
euclidienne.
La présence des qualités métriques implique la pré
sence des qualités projectives, qui sont liées à la
droite (alignements de points, concavité, convexité,
cf. SPA §6.3). La présence de qualités projectives
implique la présence de qualités topologiques, rela
tives aux contiguïtés, connexités, segmentations,
etc... (cf. SPA §6.2).
En partant du document, nous appliquerons un découpa
ge qui se déroulera simultanément sur deux axiologies
- algébrique, puisqu’il s'agit d'une procédure combi
natoire ,
- géométrique, puisque l'objet a découper possède deux
dimensions, ainsi que les "accidents qu il porre
Le découpage part des unités les plus grandes (dans
notre cas, un plan d'urbanisme par exemple) et les
divise en unités de plus en plus petites, en prenant
garde à ne retenir que des unités dotées de sens.
La commutation joue un rôle fondamental dans cette
phase : elle permet de distinguer les unités qui sont
expressions de signes, de celles qui ne le sont pas.
Parmi les unités qui sont des expressions de signes,
nous distinguerons les plus petites, et que nous dé
signerons par "unités élémentaires" ou quelquefois
par "éléments". En voici quelques exemples :
69
o o•oQ
Du point de vue géométrique, ces éléments peuvent être
classés selon leurs propriétés métriques, projectives,
ou topologiques. Une telle classification peut être re
présentée par un schéma arborescent, et au sommet de
cet arbre, nous trouvons l'organisation topologique
suivante :
élément
Si les éléments ainsi définis sont en nombre limité,
ce qui satisfait les exigences méthodologiques d'une
approche sémiotique, il y en a encore un nombre con
sidérable (plus de cent sur un seul document), et il
n'y a aucune raison pour qu'il n'y en ait pas plus sur
d'autres plans.Par contre, le schéma ci-dessus montre
à l'évidence que les éléments sont analysés de façon
implicite, à l'aide de composants
plus petits et qui
n'ont pas été reconnus comme expressions de signes
car ils ne correspondent pas à des unités de contenu.
Ces composants sont la région, la ligne, et le point.
Issus de l'analyse topologique, ils ont ici le statut
70
de "figures" telles que les définit HJELMLEV : les
figures sont des grandeurs qui résultent du découpa
ge et qui concourent à former des expressions de signe
Dans le cas du plan, il n'y a que trois figures dont
les combinaisons fournissent toutes les expressions
de signes. Ces différents cas peuvent s'écrire :
E = (R, L, P)
où E note l'élément ou l'expression de signe
R note les régions
L note les lignes
P note les points.
Remarquons que les figures sont en définition rela
tionnelle :
Une région est bordée par
des lignes,
Une ligne est bordée par
des points,
Un point n'a pas de bords.
Les différents éléments, qui n'ont pas le même nombre
de figures, peuvent être décrits à l'aide de qualités
relevant du niveau topologique, projectif, ou métri
que. Nous verrons par la suite que les qualités dé
gagées ainsi au niveau de l'expression sont quelques
fois "transmises" au niveau du contenu (c'est le cas
pour les éléments non superposables), et que d'autres
fois elles ne le sont pas (c'est le cas de certains
éléments superposables, dits "conventionnels"). Le
fait que les qualités spatiales d'un élément de l'ex
pression soient aussi des qualités spatiales d'un élé
ment du contenu (à condition que l'élément de l'ex
pression soit non superposable) justifie l'introduc
tion des différentes géométries dans une étude sémio-
71
tique préoccupée par la saisie de la signification.
Il n'en reste pas moins que l'usage de ces outils
d'analyse se justifierait simplement par l'analyse
systématique de l'expression, ce qui est une partie
intégrale de l'étude sémiotique.
■
■'
■
2.4 AXIOLOGIE DE LA MANIFESTATION GRAPHIQUE
Tout objet, pour s'offrir à nos sens, doit posséder
une matière qui manifeste ses qualités (spatiales,
combinatoires, etc... ). Nous avons déjà dit que cette
matérialité doit être considérée comme une qualité
parmi d'autres. Cependant, dans l'ensemble des quali
tés, elle joue un rôle particulier : elle est présup
posée par l'appartenance des objets de notre étude au
niveau de l'expression.
Nous avons fait appel aux différentes géométries pour
décrire un objet dans l'espace. Si l'espace considéré
reste une construction mentale, une telle description
suffit. Si l'objet doit en plus avoir la qualité ma
térielle, il faut que ses parties reçoivent une qua
lité matérielle, et qu'elles offrent alors à nos sens
des configurations ayant à la fois des qualités géo
métriques et des qualités matérielles.
Quand plusieurs formes matérielles sont susceptibles
de nous offrir les mêmes qualités et relations que
nous attribuons à l'objet de notre réflexion, il est
de tradition de désigner par "manifestations" de
telles réalisations matérielles correspondant à la
"structure profonde" constituée par les qualités et
et les relations. L'opposition profondeur/surface ne
doit pas être confondue avec celle de système/procès.
En effet, profondeur et surface se situent au niveau
du système et se retrouvent dans l'analyse de tout
procès, puisque celle-ci doit atteindre le système.
L'intérêt de la distinction profondeur/surface est
double :
74
- elle permet de séparer dans le système, deux niveaux
d'abstraction différents.
- le passage du niveau profond (et plus abstrait) au
niveau de surface se fait par une transformation qu'on
peut caractériser (continue ou discontinue). Simulta
nément sur le plan du contenu, il y a qualification
supplémentaire des éléments. Nous verrons cela par la
suite.
Les plans en architecture sont habituellement traces
sur un support relativement mince par rapport à ses
deux autres dimensions (longueur, largeur). Ce support
est quelques fois opaque, d'autres fois^transparent,
ce qui ne change rien aux qualités des éléments gra
phiques qui sont tracés dessus à l ’aide de graphite,
d'encres diverses, de pellicules rapportées, etc...
Ces différents tracés apportent, par rapport au pa
pier soit des changements de couleur, soit des chan
gements de valeur. Les deux phénomènes peuvent se ra
mener aux modalités de réflexion de la lumière sur le
support : une modification qualitative de la lumière
s'appelle couleur, une modification quantitative
s'appelle valeur (une même couleur peut aussi appa
raître avec diverses valeurs).
Les modifications qualitatives et quantitatives peu
vent revêtir deux aspects : progressif (ce qui leur
donne un certain caractère de continuité) ou brutal
(ce qui donne des divisions discrètes).
Les plans en architecture
pja
se manifestent, en grande
majorité, à l'aide de varia
tions brutales de valeur ou
de couleur. Les variations
progressives actuellement
pratiquées peuvent se ramener à des variations bruta
les relatives à des éléments
75
plus petits (Ex : grain de certaines trames de gris).
Le cas, possible mais rare dans notre cas, des varia
tions continues irréductibles à des éléments discrets
plus petits, sera non analysé ici. Notre corpus res
treint ne connaît que des variations brutales, ce qui
donne un caractère discret à la matière de l'expres
sion.
Ces variations manifestent les trois "figures"
(point, ligne, région) dont les combinaisons donnent
les divers éléments.
Le point peut être manifesté par :
a - une petite région, dont le bord est constitué
par le changement brutal de
•
• •
valeur entre l'encre et le
blanc du papier,
b - un point sans dimension.
L'analyse montre que les
deux interprétations sont
faites par les dessinateurs,
les architectes, et les autres usagers des plans.
Par contre, il n'est pas possible de tirer une règle
générale qui, s'appuyant sur des caractéristiques
dimensionnelles, départagerait les taches lues comme
points des taches lues comme petites régions.
Nous reviendrons par la suite sur cette question.
Pour faciliter les raisonnements et les renvois,
adoptons la convention suivante :
■ le mot "point" sera réservé au niveau profond. Ce
niveau est celui des géométries, et il est normal
d'y conserver un terme consacré par un long usage.
' la région de petites dimensions manifestant
le point selon la définition
(a) sera dite une "pointe".
76
- la manifestation sans dimensions du point sera dite
La ligne, telle qu’elle est définie par les différen
tes géométries, est unidimensionnelle : c'est une pu
re longueur, sans largeur ni épaisseur.
Comme le point graphique, la ligne est manifestée par :
a - un trait, c'est-à-dire une région dont les deux
bords, rapprochés, sont cons
titués par le changement bru
tal de valeur entre l'encre
et le blanc du papier,
b - un bord unidimensionnel, frontière entre une
région marquée (encre) et une
région non marquée.
Nous adopterons la terminologie suivante :
- le mot "ligne" est réservé aux structures profondes,
pour les mêmes raisons que le mot point.
- la manifestation de type (a) sera dite "trait .
- la manifestation de type (b) sera dite 'bord .
Dans nos travaux antérieurs, et en particulier dans
Sémiotique des Plans en Architecture, cette d i s t i n
c t i o n est faite (cf. SPA §8.1)
'mais nous n'en tirions pas
toutes les conséquences :
;nous proposions l'identifi
cation du "trait" avec la
"ligne", et nous n'examinions pas le cas des "bords .
Nous verrons ci-dessous le parti qu'on peut en tirer.
77
Quand la définition (b) est mise en oeuvre pour
manifester une structure
profonde, l'objet à mettre
en relief (dans le proces
sus de lecture) est poché
à plat de noir ou de cou
leur. Une habitude assez
forte veut que ce soit la
matière pleine, impénétra
ble, qui soit traitée ain
si, mais le cas inverse
est aussi bien attesté.
Si l'analyse du corpus de SPA était refaite en appl
quant cette définition, nous verrions apparaître
une segmentation différente du plan, correspon
dant à une partition plus fine. L'ensemble des syn
taxes s'en trouverait modifié.
On pourrait ainsi réécrire totalement l'étude de
SPA, bien que cela entraîne une plus grande dépense
faudrait individualiser la région du trait pour
ensuite l'éliminer. Nous retrouvons l'argument d'é
conomie qui nous a fait opter pour la définition
(a) et identifier le trait avec la ligne. Il n'en
reste
pas moins qu'il est des cas où l'hypothèse
(a) s'avère totalement inefficace, et où il faut
recourir à la définition (b), c'est-à-dire qu'il
faudra poser tout bord comme ligne.
78
Remarque :
Si nous nous proposions de décrire un plan où la dé
finition (b) qui fonctionne seule (et c'est l'analy
se de la sémiose et du contenu qui permet de
l'affirmer), nous pouvons construire un métalangage
descriptif verbal et dessiné où tout le corpus serait
transcrit dans l'hypothèse (a), c ’est-à-dire en tra
çant un trait pour chaque bord et en traitant les
régions pochées d'une manière adéquate (couleur,
valeurs de gris,...)
On démontre ainsi qu'on peut passer d'un système
construit selon la définition (b) à un système cons
truit selon la définition (a), et inversement. Nous
en déduirons qu'aucun des deux systèmes n'est hié
rarchiquement supérieur à l'autre. Ce sont deux ty
pes de manifestation des mêmes structures profondes.
Nous verrons par la suite que chacun de ces modes de
manifestation appartient à un code, ces deux codes
coexistant dans le langage graphique.
Nous définissons le code par :
- Un ensemble de l'expression
- Un ensemble du contenu
- Une relation de sémiose précisant les modes de pas
sage entre l'expression et le contenu. Ainsi formu
lée, la définition du code est proche de celle du
langage. La différence porte sur la relation de semiose, qui est ici plus restrictive que la relation
de présupposition réciproque exigée par HJELMSLEV.
Par conséquent, nos codes peuvent être les sousensembles d'un langage, et un langage donné pourra
79
se décomposer en plusieurs codes.
La définition (a), identifiant dès le départ le
trait avec la ligne, repose sur une comparaison mé
trique entre
l'épaisseur du trait et, d'une part
sa longueur, d'autre part
l'étendue des régions a-
voisinantes. Si, dans ces deux comparaisons, l'épais
seur du trait apparaît comme négligeable, il est identifié avec la ligne.
Formellement, on peut classer les traits d'épaisseur
uniforme selon deux relations :
soient A et B deux traits :
"A est aussi épais que B" est une relation symétri
que, réflexive, et transitive, c'est donc une re
lation d'équivalence regroupant dans la même classe
tous les traits de même épaisseur.
"A est plus épais que B" est une relation antisymé
trique, non réflexive, et
transitive. C'est donc une
relation d'ordre, qui clas
se selon un ordre strict
les classes obtenues par la
relation d'équivalence cidessus. Cet ordre peut être
mis en relation avec un en
semble sémantique ordonné
lui aussi par une relation antisymétrique et transi
tive (voir un exemple partiel dans SPA §17.54).
bans cette mise en relation, la borne supérieure de
l'ordre sémantique correspond au trait le plus épais,
et corrélativement, la borne inférieure avec le trait
le plus fin.
Une remarque s'impose cependant : tout ordre dépend
de la relation qui l'établit, et la corrélation de
deux ordres peut se faire de deux façons différentes.
Pr^r.jns un exemple : supposons qu'on veuille noter
80
les différentes hauteurs de murs d'enceinte en mo
difiant l'épaisseur des traits qui les représentent.
Si la relation est "X est plus haut que Y", on fera
correspondre le trait le plus épais au mur le plus
haut. Si la relation est "X est plus bas que Y", on
fera correspondre le trait le plus épais au mur le
le plus bas. Les deux systèmes fonctionnent parfai
tement et le choix est arbitraire.
Ce qui est important ici, c'est le fait que le trait
peut supporter une structure, et que cette dernière
peut être mise en relation avec le contenu : les
différences du niveau de l'expression autorisent
l'articulation du contenu.
La région, telle qu'elle est définie en topologie,
est un continu à deux dimensions, bordé par une ou
plusieurs lignes.
Graphiquement, nous retrouvons la région comme une
partie du plan limitée par des manifestations de li
gnes, et les modalités que peut revêtir la région
proviennent en fait des modalités de ses frontières
définies par des traits (définition (a)) ou par des
bords (définition (b)).
Il n'y aurait donc pas grand chose à ajouter si la
région ne se trouvait quelques fois qualifiée par un
ensemble d'éléments (points, lignes, régions) qui s'y
trouvent inclus et s'y réfèrent à un niveau syntaxi
que, hiérarchiquement supérieur. Nous y reviendrons.
81
Les deux définitions (a) et (b) du point correspon
dent aux définitions (a) et (b) de la ligne, et
nous l'avons déjà vu, sont à la base de deux codes
différents de la manifestation graphique. Ces deux
codes peuvent se traduire l'un dans l’autre. Il res
te à savoir quelles sont leurs conditions d'utilisa
tion.
Une première question se pose, celle de l'homogénéi
té. Un document est-il éta
bli uniquement à partir
d'un seul code (et en fonc
tion de quoi se ferait
alors le choix ?) ou bien
les deux codes peuvent-ils
coexister sur le même do
cument ? Le corpus origine
de SPA (réf. "T 14 B" de
Grigny La Grande Borne,
voir dépliant joint) est tracé uniquement en code
(a). Par contre, les procédures d'agrandissement
(p)
0
du corpus nous permettent
de citer le plan "A 71 a"
où les deux codes sont si
X
multanément utilisés. En
fin le code (a) est utilisé
pour établir la figure.
Il semble que l'homogénéité
T
■•*1
|ne soit pas un souci majeur
H des dessinateurs-locuteurs,
et que la plus grande partie des documents établis
utilise simultanément les deux codes, comme elle uti
lise simultanément les codes superposables et nonsuperposables (cf § 2.5).
si les facteurs du choix sont nombreux, on peut les
ranger en deux catégories principales : économie et
lisibilité. Nous avons montré (§2.3) que la première
82
phase d'une description de l'espace consistait à en
préciser la segmentation [ou partition). Ainsi, les
lignes et les points jouant les rôles de limites
doivent être notés. Comme les nombres des régions,
lignes et points entretiennent des relations cons
tantes sur une surface convexe (loi d'EULER ou de
DESCARTES), l'économie ne peut provenir d'un simple
décompte topologique. Elle proviendrait surtout de
la mesure (longueur des lignes, surface des régions)
liée aux outils du dessin (crayons et assimilés qui
tracent et délimitent, pinceaux et assimilés qui
étalent et remplissent). Les outils aigus qui tra
cent sont adaptés à inscrire des lignes-traits (dé
finition (a)). Les outils larges qui remplissent
sont adaptés à l'inscription de régions entre les
quelles apparaissent des lignes-bords (définition
(b)). Que l'économie de l'inscription puisse amener
à un choix (global ou local) entre les codes est in
dubitable. Cependant, la lisibilité est une donnée
tout aussi importante : le fait de traiter les ré
gions géométriques en régions graphiques privilégie
la lecture des régions par rapport aux lignes, ce
qui sémantiquement serait privilégier la matérialité
de l'objet opposée à ses limites et à ses accidents
(plis, arêtes,...).
Le fait de tracer des traits à la place des lignes
privilégie la lecture des lignes par rapport aux ré
gions, ce qui sémantiquement serait privilégier les
limites et les accidents de l'objet par rapport à sa
matérialité.
Ainsi, si on admet que le traitement graphique d'un
élément géométrique (point, ligne, ou région) met ce
dernier en relief, le ''manifeste" mieux que l'élément
dual dans cette opposition, chacun des deux codes est
adapté à la manifestation d'une certaine classe de
83
qualités qu'il rend ainsi plus "lisibles".
Le changement de code en fonction de l'échelle du des
sin apparaîtra ici comme résultant du croisement des
deux exigences d'économie et de lisibilité :
Si les dimensions d'un objet à une échelle donnée font
que ses limites selon le code (a) devraient être tra
cées trop près l'une de l'autre, il est :
- plus économique de remplir la surface de la région
concernée de façon à ce que le contour extérieur cor
responde aux limites'.
- plus lisible de présenter un poché uniforme qui as
sure une mise en relief d'un élément qui, étant par
ticulièrement petit, risque d'échapper à l'attention
du lecteur. Par la même occasion, on évite le problè
me du tracé de deux traits rapprochés, ce qui conduit
parfois à majorer les dimensions réelles de l'objet
représenté (cas du réseau routier sur les cartes I.G.N.
1/25 000, 1/50 000, etc... et particulièrement des
cartes Michelin). Les contraintes de lisibilité et de
technique (instruments de traçage et supports) de la
manifestation graphique imposent une limite au "aussi
petit qu'on voudra" du continu mathématique. Encore
faut-il préciser quelle sorte de limite.
Nous avons vu que, si la manifestation graphique des
régions ne posait aucun problème particulier, celle des
lignes et des points plaçait devant un choix entre
deux solutions contraires (et non contradictoires).
Les problèmes proviennent de ce que le point géomé•
trique sans dimensions (aussi
•
petit qu'on voudra) n'a la
Possibilité de se manifester séparément qu'avec une
ePaisseur discrète qui ne peut être aussi petite qu'on
voudra : il doit être vu et doit se distinguer de ce
qui l'entoure (par opposition de valeur ou de couleur).
84
De même la manifestation (a) de la ligne comme trait
lui attribue une épaisseur,
ce qui lui confère un carac
tère discret. Par conséquent,
si le trait conserve la qualité de continuité selon sa
grande dimension (qui est celle de la ligne) il est
discret selon la deuxième dimension (qui est celle de
l'épaisseur). Enfin, si la région graphique offre deux
dimensions continues, sa segmentation en parties
aus
si petites qu'on voudra" posera des problèmes au voi
sinage des lignes et des points définis dans le code
(a), c'est-à-dire au voisinage des traits et des poin
tes. Cette difficulté ne pourra être levée qu'en at
tribuant aux traits et aux points du code (a) un sta
tut d'éléments superposables (cf. §2.5), ce qui res
titue aux régions leur caractère topologique unifor
mément continu en tout point, propriété qu'elles pos
sèdent sans problèmes dans le code (b).
Expliquons-nous : la définition de l'opposition super
posable/non-superposable a été faite dans les para
graphes 9.6 à 9.10 de Sémiotique des Plans en Archi
tecture. Elle sera reprise plus en détail dans le
paragraphe 2.5 ci-après. Cependant, pour la poursuite
de notre analyse de la manifestation graphique, nous
devons faire une incursion dans les logiques d'appar
tenance. Rappelons brièvement la définition
Non-superposable :
superposable
si pe A alors p ^ B
p £ A et p £ B
p'€A et p'£C
85
En d'autres termes, nous dirons que
:
un élément est non-superposable quand tout point
appartenant à la région du dit élément ne peut appar
tenir à aucun autre élément.
un élément est superposable quand tout point appar
tenant à la région du dit élément appartient simul
tanément à un autre élément.
Rappelons enfin que la propriété de superposabilité
(nous désignerons par ce terme les deux possibilités
d'être superposable ou non-superposable) était attri
buée à l'élément tout entier E = (R, L, P) mais
qu'elle est définie à partir de la région de ce der
nier.
Nous allons voir que l'étude de la manifes
tation graphique entraîne une modification de cette
définition.
Soit une région A dont la frontière est manifestée
par un trait. Nous avons vu qu'une région présuppose
O
l
les lignes qui la bordent,
et les points remarquables
de ces lignes. Dans le cas
simple qui nous occupe, il
n'y a qu'une ligne fermée sans points remarquables,
et elle est manifestée par un trait que nous appel
lerons g.
Nous pouvons donc écrire :
E = A,
g,
0
Or la limite de A est une ligne, qu'il ne faut pas
confondre avec le trait g. Prenons le cas où cette
ligne se confond avec le contour extérieur du trait g.
Pour tout point p apparte
nant à A et non situé sur g,
il n'y a aucune ambiguïté.
Par contre, si le point p est
86
pris dans l'épaisseur du trait
g, il y a un problème :
- le point p appartient au
trait g, puisqu'il y est
inscrit.
- le point p appartient aussi à la région A, puisque
la limite de cette dernière se confond avec le con
tour extérieur du trait g.
Il y aura problème et ambiguïté tant qu'on persistera
à considérer le trait comme une ligne. Par contre, si
on pose le trait comme une région, nous avons affaire
à un point p appartenant simultanément à deux régions
A et g. Il n'y a plus de problème, et nous sommes dans
un cas de superposition. Comme la ligne frontière de
A peut se manifester comme bord ou comme trait, ce
n'est pas le statut de A qui change mais celui de la
manifestation de sa frontière. Par conséquent, c'est
la région g qui sera dite superposable, et non pas
la région A (cela sans préjudice pour la superposabilité de la région A en fonction de sa mise en relation
avec d'autres régions dans un autre contexte, mais
dans le cas simple de notre exemple, A est non-superposable).
Au cas où la limite de la région A se serait située
sur le contour intérieur du
trait g, la même démonstration
peut être faite avec la région
B extérieure à A.
De même, au cas où la limite est située quelque part à
l'intérieur du trait ; la démonstration peut se répé
ter à partir de A et de B.
Enfin, moyennant quelques retouches mineures, la même
démonstration vaut pour les pointes (taches de peti
tes dimensions manifestant un point) inscrites dans
une région A.
87
En conclusion, TRAITS et POINTES apparaissent comme
des REGIONS SUPERPOSABLES. Pour les analyser ainsi,
il faut prendre en compte leurs bords. Par consé
quent, le corpus doit être analysé comme s'il était
entièrement manifesté selon la définition (b) qui pri
vilégie les bords, et à partir d'une telle analyse,
on cherchera quelles sont les régions correspondant
à des traits, et quelles sont celles qui doivent être
lues comme régions. Les résultats d'une telle démar
che seront reportés dans l'inventaire des éléments
minimaux et inscrits dans la notation ensembliste.
Nous avions adopté la convention d'écriture suivante :
E = R, L, P
Appliquons-la à la notation d'éléments superposables
et non-superposables, dans chacune des manifesta
tions :
Elément
non-superposable, manifestation (a)
E = (R, T, Pe)
égions,
de traits, et de
pointes.
Or nous venons de voir que les traits et les pointes
sont superposables. Si nous disons que l'élément est
non-superposable, c'est que la propriété lui est at
tribuée par la région, et il faudra désormais l'in
diquer. D'où l'indice n pour non-superposable.
E = (Rn, T, Pe)
Elément non-superposable, manifestation (b)
88
Eléments superposables, manifestation (a) E
(R, T, Pe)
Nous voyons que si la région
^oo
oooo
ooo
n'était pas différenciée par
un indice, cette écriture se
confondrait avec celle de
l'élément non-superposable,
manifestation (a). D'où la nouvelle écriture .
E = (Rs, T, Pe)
Elément superposable, manifestation (b) :
E = (Rs, B, Pu)
Cette dernière formule peut
paraître paradoxale': il s’a1agit d ’un élément superposable
dont les frontières sont des
Ilignes-bords qui peuvent pa
raître non-superposables,
étant donné qu’un bord unidemensionnel ne peut contrac
ter une propriété attachée jusqu'à présent aux régions.
Cependant, cette formule reçoit une interprétation
consistante puisqu'elle traduit le cas du trait et de
la pointe :
T = (Rs, B, Pu)
Pe = (Rs, B, Pu)
Ce qui nous conduit à attribuer aux bords du trait et
de la pointe le statut d'éléments superposables : il
suffit pour s'en convaincre
de placer le point p de la
démonstration de la page 86
sur le bord du trait qui ne
coïncide pas avec la limite
de la région A. Il en sera
de même pour les punts remarquables du trait et de la
pointe.
Par conséquent, nous sommes amenés à modifier les dé
finitions faites dans SPA §9.6 à 9.10, et à qualifier
89
de superposables ou de non-superposables les FIGURES
(c'est-à-dire point, ligne, région) qui, par combinai
son, donnent les éléments. Les éléments eux-mêmes ne
seront plus dits superposables ou non-superposables.
De cette façon, nous évitons l'ambiguïté d ’appella
tion de l'élément
E = (Rn, T, Pe)
dont la région seule est non-superposable alors que
la frontière et les points remarquables sont mani
festés superposables.
D'un point de vue opérationnel, on constate rapide
ment que la distinction du statut des régions est
suffisante, d'autant plus que le trait et la pointe
sont maintenant analysés comme régions au niveau de
la manifestation. Par conséquent, pour une analyse de
la manifestation sous la problématique de la superposabilité, il suffira d'inventorier les régions et
d'en déterminer le statut (cf.§ 2.5).
Le développement qui précède sur les lois d'apparte
nance et la manifestation avait pour point de départ
des considérations sur la continuité et la disconti
nuité des éléments manifestés (cf. P. 84 )
Nous avons vu que la pointe possède un caractère dis
cret marqué, que le trait est à la fois continu et
discret, selon le point de vue, et que la région est
continue.
Un autre type de discrétisation apparaît dans la ma
nifestation des plans et des cartes utilisés en ar
chitecture. Elle concerne à la fois les points, les
lignes (ce sont les traits interrompus et les ins
criptions en langue naturelle), et les régions (le
grain, les hachures, les semis symboliques).
90
Dans les deux cas, une première analyse géométrique
de la manifestation graphique ne fournit ni ligne ni
région uniques, mais un certain nombre d'éléments
indépendants qui ne se ressemblent pas nécessaire
ment. On peut classer ces éléments par les qualités
qu'ils ont en commun, et essayer de voir si les clas
ses qui en résultent ne sont pas ordonnées. Cette
double opération (correspondant à deux types de re
lations : les relations d'équivalence et les rela
tions d'ordre) produit des syntaxes à une dimension
(linéaire, d'où les lignes interrompues) ou à deux
dimensions (d'où les régions couvertes de hachures,
semis, etc...).
Ainsi, lignes interrompues et régions couvertes d'un
semis
ne sont pas des données premières de l'analy
se. Il semble cependant que ce soient des données
premières de la lecture, et c'est ainsi que les trai
te BERTIN
. Nous sommes là devant un cas où la
partition scientifique qui nous sert de référence
est plus fine que la partition sémiotique tirée de
l'usage. Pour reconstituer la deuxième à partir de
la première, il nous faut passer par une syntaxe
qui en rend compte. Si la topologie peut reconstituer
les lignes interrompues par une opération dite de
lissage, les semis et
les hachures exigent une syn
taxe projective (s'ils sont réguliers) ou métrique
(statistique , pour les semis irréguliers). Une fois
cette syntaxe définie, les lignes et les régions
obtenues doivent participer à la segmentation défi
nie antérieurement en première analyse, d'où une
nouvelle partition du corpus de départ.
Tel est le point de vue de la lecture. D'un autre
point de vue, celui de l'inscription, la question
change totalement de physionomie : un trait interrom
pu est un trait dont on a effacé des parties , les
91
vides entre les traits appartiennent donc à la ligne.
Un semis de points ou de hachures est un traitement
graphique appliqué à une région déjà délimitée, et les
points ou les traits sont des accessoires de ce trai
tement. Deux remarques s'imposent :
- la démarche de l'inscription coïncide avec celle de
la lecture intuitive. Cette coïncidence ne doit pas
être prise comme une donnée première, mais il serait
utile de se demander dans quelle mesure la pratique
de l'inscription n'a pas imposé des règles de lecture.
- la symétrie des structures formelles de l'inscrip
tion et de la lecture est un phénomène général. Ainsi,
une personne désirant expédier une lettre à une con
naissance commencera par inscrire M. Dupont, puis
numéro Tant de la rue Untel, suivi de ville X, dépar
tement Y, pays Z. Les organismes de distribution du
courrier commenceront par expédier au pays Z qui en
voie au département Y qui trie vers la ville X où un
facteur va dans la rue Untel au numéro Tant livrer à
M. Dupont sa lettre. La symétrie est parfaite.
La recherche de syntaxe et la problématique lecture/
inscription relèvent d'une approche de l'expression
en tant que phénomène uni, sans épaisseur. Or, nous
avons été amenés à la scinder en deux niveaux : la
surface et la profondeur. Si nous acceptons de voir
Les semis, les hachures, et autres ensembles discon
tinus comme la manifestation d'une structure pro
fonde, il faudra réviser nos conceptions antérieures
sur deux points :
" les deux procédures de manifestation (a et b) que
nous avons étudiées respectent la continuité dans une
Large mesure : la manifestation (b) est strictement
continue, la manifestation (a) fait correspondre une
région à une région, et à une ligne fait correspondre
un trait qui, par certains côtés, est linéaire. Cepen
92
dant, nous avons vu que le trait est en fait une ré
gion. Le passage d'une ligne à un trait (région) chan
ge le nombre de dimensions, et ne peut par conséquent
être considéré comme une transformation continue.
De même, la manifestation d'un point sans dimension
par une région à deux dimensions est une transforma
tion discontinue. Cependant, ces deux discontinuités
passaient pratiquement inaperçues, couvertes par deux
facteurs :
1) à une figure profonde d'un seul tenant correspond
une manifestation d'un seul tenant,
2) les caractéristiques métriques de ces manifesta
tions (la pointe est très petite, le trait est mince
par rapport à sa longueur).
La nouvelle procédure de manifestation à laquelle nous
allons faire appel va apparaître bien plus discontinue
si une telle expression peut avoir un sens. En effet,
nous dirons que les trois figures (points, lignes,
régions) peuvent se manifester chacune par une série
de taches isolées discrètes, fractionnées en plusieurs
tenants.
A la figure unique correspondra une multiplicité de
régions organisées de façon telle qu'elles puissent
apparaître comme la manifestation de la dite figure
située au niveau des structures profondes. La locution
"organisées de façon telle que... " n'est qu'une
manière de désigner les syntaxes dont nous parlions
en page 90 , et qui se trouvent ici situées au niveau
profond. Par extension, on serait en droit de se de
mander si toute structure syntaxique ne doit pas aus
si être située en profondeur, en particulier les syn
93
taxes géométriques. Nous donnerons ici un exemple
d'application : une syntaxe géométrique prenant en
compte des éléménts de l'expression considère ces der
niers comme des objets ponctuels. La syntaxe est en
fait une organisation de points, lesquels points sont
les REPRESENTANTS des éléments en question. Il est
clair que la structure et les représentants relèvent
des structures profondes, car les points organisés
peuvent être manifestés par un grand nombre d'éléments
possibles.
- Le deuxième point à réviser (nous serions tentés de
dire "dogme") est celui de la toute puissance de la
topologie dans l'étude de l'expression : la topologie
dissèque et disperse les semis et les hachures, leur
reconstitution est laborieuse, elle passe même par les
autres géométries pour reconstituer des régions qu'il
faudra recycler au niveau topologique. Une telle pro
cédure est possible. L'insertion des syntaxes au ni
veau des structures profondes est un argument en fa
veur de cette procédure. Il n'en reste pas moins que
ce chemin est long, et que le passage par le contenu
et l'épreuve de commutation est un raccourci appréciaL'exemple ci-contre, schématisant gros
sièrement un "dessin par les hachures",
illustre la difficulté d'identifier une
région unique là cù nous reconnaissons
facilement une amphore.
Il n'en reste pas
moins que pour recevoir une description
complète, les différentes figures discrè-
94
tes de la manifestation doivent être reconnues et iden
tifiées par les différentes géométries (topologie, pro
jective, et métrique).
En somme, il nous semble avantageux d'admettre un troi
sième mode de la manifestation, que nous appellerons
le mode (c). Les différentes figures de cette manifes
tation sont superposables, comme il est facile de le
vérifier par le biais sémantique : les régions, traits
et pointes en question n'ont aucune signification spa
tiale attachée à leur implantation.
La manifestation (c) se rattache alors à la manifes
tation (a) qui, nous l'avons vu en page 84 fait appel
à une procédure discontinue. D'où une nouvelle opposi
tion entre les catégories du superposable et du nonsuperposable, les procédures de manifestation qui font
appel à la superposition sont discontinues alors que
la procédure de manifestation continue est spécifique
du non-superposable.
Avant de terminer, faisons une remarque qui se ratta
che au §2.1 : notre analyse de la manifestation graphi
que s'est appuyée sur notre instrumentation géométri
que. Cette pratique peut s'analyser de deux façons :
- Les systèmes algébriques et géométriques constituent
le niveau profond du langage des plans en architecture,
et la manifestation graphique en constitue le niveau
de surface, avec diverses modalités.. Dans ce cas, le
niveau de surface se laisse décrire avec les mêmes
concepts que le niveau profond.
- Les systèmes algébriques et géométriques constituent
une structure scientifique de référence à laquelle
nous rapportons la manifestation graphique comme nous
lui rapportons le système sémiotique des plans. La
manifestation graphique occupant le même statut que le
système sémiotique entier,apparaît alors comme chargée
de contenu, ce qui concorde avec la suite de notre ana
lyse.
95
Dans les deux cas, la manifestation graphique présup
pose les systèmes algébriques et géométriques, et la
présupposition inverse n'est vraie que dans la premiè
re mise en relation (profondeur/surface).
2.5 AXIOLOGIE DES LOIS D'APPARTENANCE
Dans les paragraphes 9.6 à 9.10 de Sémiotique des Plans
en Architecture, nous définissons formellement deux
groupes d'éléments de l'expression tout en les dési
gnant par les appellations "éléments superposables"
et "éléments non superposables".
Au paragraphe 2.4 ci-dessus, nous avons démontré qu'il
convenait de déplacer la définition, et de qualifier
les FIGURES plutôt que les ELEMENTS.
Rappelons la définition formelle :
non-superposable
Si p e A alors p ^ B
superposable
p£.A
et p £ B
p'G A
et p'É C
Rappelons aussi que l'appellation "superposable" est
métonymique :
La figure superposable est quelquefois occurrente en
intersection avec une autre figure (la superposition
des régions est construite formellement à partir de
l'intersection des contours), alors que d'autres fois,
elle est occurrente sans intersection.
c'est donc la capacité (la possibilité) de la figure
de se trouver en superposition qui la caractérise et
Sert à la définir. Par conséquent, la loi d'apparte
98
nance non exclusive s'étendra à toute occurrence de la
figure superposable, que son contour soit ou ne soit
pas en intersection avec un autre contour. C'est cette
extension qui est à la base de la séparation du corpus
en deux parties : l'ensemble des figures superposables
et l'ensemble des figures non-superposables.
Tel est le cadre initial différenciant ce que nous
avons appelé deux "lois d'appartenance". En quoi ces
lois sont-elles fondamentales et qu'est-ce qui justi
fie le rôle d'axiologie que nous leur faisons jouer ?
L'appartenance d'un point à une région relève de la
topologie. Cependant, en topologie, un point ne peut
appartenir à plusieurs régions en même temps : chaque
région est individualisée, et toutes les régions ont
le même statut ; elles ne peuvent pas se recouvrir les
unes les autres. Ainsi, on ne peut pas reconnaître
topologiquement dans B une
intersection des régions A
et C ; les trois régions A,
B, et C sont équivalentes.
L'introduction de la notion d'intersection fait appel
à une notion projective étrangère à la topologie
(cf. SPA §7.5) et encore faut-il préciser que l'inter
section ne concerne alors que les lignes fermées fron
tières des régions A et B. C'est uniquement parce que
nous rattachons une région à un contour que nous pou
vons introduire la notion de superposition; il est
vrai que le couplage d'une ligne fermée avec une régi"
on se justifie dans la mesure où toute ligne fermée dé
coupe le plan en deux régions dont l'une, n'ayant au
cun point à l'infini, est facilement repérable.
La notion de superposition n'est donc pas première
mais seconde, en ce sens qu'elle est construite. Le
fait qu'elle puisse s'exprimer formellement, et que la
99
construction elle-même soit formelle, ne doivent pas
nous faire oublier que cette notion véhicule du con
tenu. Ce contenu n'est peut-être pas celui que nous
attachons à l'opération de recouvrement que nous pou
vons réaliser dans le monde naturel, mais il en procè
de. Disons, par commodité, que la superposition serait
une espèce d'abstraction du recouvrement. Nous voyons
alors que nous sortons de la topologie du plan et que
nous envisageons deux plans superposés et dont les
figures se recoupent. C'est pourquoi nous proposons
la séparation des deux corpus (cf. SPA §9.12) pour
restituer cet état initial de deux plans, à l'inté
rieur de chacun desquels la topologie pourrait rejouer
au précepte de HJELMSLEV selon lequel il faut diviser
le corpus en un nombre minimal de parties à chaque
stade : ici, l'expression est divisée en deux expres
sions, l'une superposable et l'autre non-superposable.
l'appartenance d'un point à une région est un équiva
lent commode pour l'appartenance d'un élément à un en
semble, ce qui fait qu'on trouve souvent dans les ou
vrages de présentation de la théorie des ensembles des
schémas qui ont une allure topologique et qui semblent
manifester des logiques d'appartenance. Ainsi, on peut
trouver :
100
ce qui s'énonce : p appartient à A, et A est inclus
dans B, donc p appartient à B ou, pour un autre cas
de figure :
ce qui s'énonce : p appartient à A, et p appartient à
B, donc p appartient à l'intersection de A et B.
Ce qui pourrait faire croire que les lois d'apparte
nance relèvent de la topologie, et que de plus, la
topologie ne connaît pas une seule loi d'appartenance
mais plusieurs. Cette interprétation est fausse, et
nous allons le montrer : ce dont il est question dans
les formules ci-dessus, ce n'est pas l'appartenance
d'un point à un espace, mais celle d'un élément à un
ensemble. Il ne s'agit pas de topologie mais de théo
rie des ensembles. En deuxième lieu, les figures qui
sont tracées ne rendent pas compte d'une relation
topologique mais représentent visuellemnt des rela
tions algébriques. Il s'agit de représentation au
même titre qu'un plan d'architecture peut être pris,
d'un certain point de vue, pour une représentation de
l'architecture. Cette représentation attribue à cha
cune des régions A et B déterminées par des contours
fermés sensiblement circulaires une identité propre
qui n'est pas détruite par "l'intersection" ou "l'in
terpénétration" des dits contours. La portion du plan
où A et B se superposent porte non pas une région,
mais deux régions. En cet endroit, le plan se dédou
ble.
Il est peu commode de dédoubler le plan localement
surtout lorsque le cas se présente un grand nombre de
fois. Il est plus simple de poser deux plans, et de
distribuer les figures dans l'un ou dans l'autre.
101
Comme toutes les figures ne jouent pas le même rôle,
et qu'on constate une dissymétrie des occurrences, les
unes sont dites superposables et les autres non-super
posables. Par voie de conséquence, les deux plans
obtenus ne jouent pas un rôle symétrique. Nous y re
viendrons .
Résumons-nous:les lois d'appartenance marquent une
intrusion du sens (en faible quantité) et ne relèvent
pas simplement de la topologie. De plus, les deux lois
que nous avons sont contraires, ce qui interdit de ma
nipuler simultanément des figures relevant des deux
lois. Enfin, rien ne limite le nombre de ces lois à
deux, et nous pourrions en avoir plusieurs, bien que
ce ne soit pas le cas dans notre corpus. Ces diverses
raisons nous amènent à séparer l'étude des lois d'ap
partenance de l'axiologie géométrique et de l'axiologie algébrique. Nous verrons que cette séparation se
justifie a posteriori par les différentes relations
entre l'expression et le contenu qu'entretiennent les
éléments superposables ou non-superposables.
L'établissement formel du statut superposable d'une
figure est une procédure longue. De plus, elle exige
au moins une occurrence de la superposition de la dite
figure dans le corpus, ce qui présente quelques in
convénients : l'agrandissement du corpus peut amener
a considérer comme superposables des figures classées
comme non-superposables dans le corpus précédent. Une
Procédure plus rapide et indépendante des occurrences
serait doublement intéressante.
Si l'établissement d'un tel raccourci formel s'avère
difficile au niveau de l'expression, il est plus faci
le au niveau du contenu. Il suffit pour cela de mettre
en oeuvre l'axiome suivant : "l'appartenance d'un
P0m t à une région est aussi bien une propriété de
102
l'expression qu'une propriété du contenu". Cet axiome
se justifie par l'analyse que nous faisions, au début
de ce paragraphe, de la notion d'appartenance d'un
point à une région, de l'identité de la région, et de
l'intrusion du sens dans la définition des lois d'ap
partenance. Nous retrouverons cette question quand
nous parlerons des séraioses géométriques.
Connaissant les différents éléments et leur contenu
respectif, on peut établir rapidement l'appartenance
d'un point à une ou plusieurs figures.
Soit par exemple le cas des lettres de l'alphabet,
transcrivant la langue naturelle. L ’inscription "sai
s i e d'eau" offre une suite
® 3
de traits. Les lettres A et
IL.
c-> a
D forment chacune une bou
cle à laquelle est associée
f la région qu'elle délimite.
T Un point pris dans la bou
cle du A appartient à la région associée à A. Comme
le A ne segmente pas l'espace de la salle d'eau dési
gnée, le même point appartient toujours à la salle
d'eau. Tout point de la région de A ayant cette dou
ble appartenance, on peut dire que la région considé
rée est superposable, même si elle n'est traversée
par aucune ligne du corpus.
Par raison d'économie, nous utiliserons le raccourci
sémantique plus souvent que la procédure formelle.
Cette dernière sera quand même la règle à laquelle
nous nous rapporterons en cas de litige.
Le fonctionnement sémantique de la définition raccour
cit de même la démonstration d'un autre point fonda
mental :
il est possible qu'un document graphique
103
manifeste plusieurs superpositions successives.
Formellement, cela s'exprimerait par : p£)A
et p£)C et pÇ) D. ..
et p£)B
C'est le cas en particulier des épures de géométrie
descriptive et du dessin de machines, et en général
de toute représentation plane d'un espace tridimen
sionnel où coexistent plusieurs plans. Cette superpo
sition est quand même limitée pour certaines variétés
de figures : les lettres de l'alphabet ne peuvent se
superposer impunément les unes aux autres, le message
deviendrait vite illisible. En ce qui concerne le cor
pus que nous nous sommes donnés, seules deux lois
d'appartenance nous sont apparues pertinentes.
La relation "obéir à la même loi d'appartenance" est
une relation d'équivalence : elle est réflexive, sy
métrique, et transitive. Le quotient du corpus par
cette relation nous fournit deux classes d'équivalen
ce qui, du point de vue géométrique, se présentent
comme deux partitions planes : ce sont les deux plans
dédoublés que nous retrouvons par un biais algébrique
et que nous avions séparés dans"Sémiotique des Plans
en Architecture"(§9.10)
Pour chacune des deux partitions, le plan comme conti
nuum est totalement segmenté, ce qui veut dire qu'il
n'y a pas de "fond" par rapport auquel on définirait
une "forme". Les éléments sont définis par les figures
(points, lignes, régions) et tout élément peut être
mis en relief par une opération de sélection qui lui
fait jouer le rôle de "forme" par rapport au reste
104
qui est "fond". Tout élément peut jouer indifférem
ment le rôle de forme ou de fond. Il n'y a pas d'élé
ments qui soient signifiants alors que d'autres ne le
sont pas : tous les éléments sont
signifiants, selon
des sémioses quelquefois différentes.
S'il y a un "pavage signifiant" pour chacun des deux
ensembles superposable et non-superposable , on peut
dire que les lois d'appartenance attribuent à ce der
nier un caractère "opaque" opposé à la "transparence"
du superposable : tout se passe en effet comme si l'on
voyait les éléments non-superposables à travers les
éléments superposables. Cette transparence fait que
l'ensemble des éléments non-superposables joue le
rôle de fond (segmenté) pour l'ensemble des éléments
superposables, ce qui entraîne une sémiose particu
lière (voir analyse du contenu).
De ce qui précède, on déduit que la taxinomie des
figures selon les lois d'appartenance doit précéder
toute tentative syntaxique : les syntaxes sont cons
truites dans chaque ensemble puis on cherchera à
mettre les deux ensembles en rapport (globalement et
localement).
Cette exigence formelle provient du fait que la syn
taxe prend en compte des éléments géométriquement
définis, ce qui aboutit à une méta-géométrie
dont
les éléments doivent être homogènes pour permettre
une interprétation consistante. Et cette homogénéité
est celle des lois d'appartenance.
Un autre argument provient de la mise en relation
avec le contenu : la sémiose attribue à la partition
non-superposable le statut d'argument que viennent
qualifier les différentes géométries et les éléments
105
superposables.
Ainsi, les syntaxes du non-superposable qualifient le
non-superposable de même que le font les syntaxes du
superposable. En particulier, l ’implantation (qui est
une syntaxe analysable selon nos divers outils géomé
triques) des éléments superposables qualifie les
points d'implantation (spécifie ce qui s'y trouve) et
les régions d'implantation (en spécifiant les rela
tions des points qualifiés). Nous en reparlerons cidessous .
L'implantation n'est pas une qualité réservée au su
perposable : tout ensemble d'éléments peut recevoir
cette qualité géométrique particulière. Elle peut
être ponctuelle pour une région (ex : point repré
sentant les bâtiments dans une syntaxe géométrique)
ou pour une ligne (ex :symbole des sommets montagneux
pour certaines cartes) ou
//
Z 95
sjgnt
pour un ensemble d'éléments
S/8f Mtu,
y-' (ex : lettres inscrivant le
^ nom d'un monument). Elle
peut être linéaire pour un ensemble de points, de
traits ou de régions (lignes interrompues, alignement)
ou régionale (hachures, semis de points). Cette im
plantation est rapportée au non-superposable et cons
titue une part des relations formelles des deux ensem
bles.
Sur le plan du contenu, l'ensemble des éléments super
posables apparaît comme métalinguistique par rapport
a l'ensemble non-superposable. On peut le démontrer
de la façon suivante : les ensembles superposable et
non superposable se séparent à un niveau logique, ce
lui des lois d'appartenance contraires. Cette différence impose, nous l'avons vu, la construction de
deux syntaxes différentes, chacune étant propre à l'un
106
des ensembles. Chacun de ces ensembles de l'expres
sion possède donc une syntaxe et une correspondance
particulière avec le niveau du contenu , cette compo
sition est celle que nous avons donnée du code. Cha
cun des ensembles superposable et non-superposable
s'articule donc en au moins un code. Or, le superposa
ble présuppose le non-superposable par rapport auquel
il se définit comme superposable. Cette présupposition
apparaît alors comme une présupposition entre codes,
c'est donc une relation métalinguistique. Rappelons
qu'il ne faut pas confondre une relation métalinguis
tique globale entre codes avec une relation locale qui
ferait apparaître toute figure superposable comme
métalinguistique par rapport à une figure non-super
posable.
La présupposition simple entre les classes superposable/non-superposable donne à cette dernière un carac
tère plus fondamental, qui correspond d'ailleurs à
la sémiose qui lui est attachée en particulier (dé
crire aussi fidèlement que possible la segmentation
de l'espace représenté).
C'est l'ensemble non-superposable qui a été plus par
ticulièrement étudié dans S.P.A.
(§§ 12, 13, 17).
Il correspond à peu près à ce que l'Institut Géogra
phique National appelle la planimètrie d'une carte ou
à ce que J. BERTIN appelle les deux dimensions Ox et
Oy du plan (alors que les autres inscriptions provien
draient d'une dimension Oz rabattue) ou enfin à ce
que Ph. BOUDON appelle les signes iconiques opposés
aux signes codés. A ces trois définitions issues d'une
pratique de 1'inscription nous avons préféré une défi'
nition formelle qui ne doit rien à une perception in
tuitive de ce qui est représenté. Ce choix nous permet
de contrôler notre analyse et de définir avec précision
les sémioses qui nous donneront accès au contenu : l’un
107
des principaux avantages de cette définition est de
prendre un départ formel (matériellement contrôlable)
qui débouche sur le contenu, dont le domaine est plus
flou et moins aisément manipulable.
Alors que "Sémiotique des Plans en Architecture" lais
se de côté l'ensemble superposable, nous allons lui
consacrer ici beaucoup d'efforts puisque, comme nous
le verrons, il a un rôle important dans la recherche
du contenu.
Les éléments superposables peuvent être rangés par des
critères ne prenant en compte que l'expression. Ce
rangement s'avère peu intéressant. L'intérêt se con
centre plutôt ici sur des codes constitués indépendam
ment des plans en architecture et au sujet desquels il
est possible de trouver des textes méta-linguistiques.
Citons en particulier :
- L'écriture alphabétique de la langue naturelle, à
laquelle on pourrait rattacher les abréviations.
- L'inscription des chiffres et des nombres.
- Les "signes conventionnels" de l'I.G.N., indiquant
la matière, le type d'occupation de l'espace, la fonc
tion. ..
• L'orographie ou représentation du relief, est rattachable aux signes conventionnels, mais l'I.G.N. la
distingue à juste titre car elle décrit conventionnel
lement un corps (qui est le sol) d'un point de vue qui
relève typiquement de la segmentation de l'espace,
laquelle segmentation est habituellement décrite par
des éléments non-superposables.
Le quadrillage LAMBERT des cartographes et topogra
phes qui, s'il ressemble aux trames des syntaxes, joue
un rôle très différent.
Chacun de ces codes doit être étudié en tant que sys
tème ayant une structure interne, pour être mis ensui
te en relation avec le corpus non-superposable. Enfin,
108
il faudra chercher ses liens avec d'autres codes su
perposables.
Il est possible de distinguer deux sortes de figures
superposables, celles dont la structure profonde coïn
cide avec une figure du nonsuperposable (c'est le cas
des traits manifestant la
frontière d'une région nonsuperposable). , et celles
dont la structure profonde
se rapporte à une figure non
superposable qui ne leur est
pas identique (ex : cercles dénotant les arbres, semis
de traits dénotant l'eau,...). La comparaison dont il
est question se passe au niveau profond, entre deux
figures. Dans les deux cas, nous disons qu'une figure
se rapporte à une autre figure. Nous noterons cela
Fs = f (Fn) exprimant comme une fonction ce rapport
entre la figure superposable et la figure non-superposable. Dans le premier cas, la fonction est l'identité
d 'où
(1) Profondeur
(Fs = Fn)
ou Pr
(Fs = Fn)
Dans le deuxième cas, la fonction est la différence,
d 'où
(2) Profondeur
(Fs
? Fn)
ou Pr
(Fs ? Fn)
Les figures superposables du premier cas sont celles
de la manifestation pure : elles ne modifient en rien
l'espace non-superposable auquel elles s'appliquent.
La figure typique en est le trait : il manifeste la
limite mutuelle de deux régions non-superposables et
s'inscrit entre elles. Nous avons donc la chaîne mani-
109
festêe
Surface
(Rn . Rs . R'n)
qui s'écrit aussi
S (Rn . T . R'n)
Or, au niveau profond, ce qu'il y a entre Rn et R'n
est une ligne qui appartient simultanément à l'une
et à l'autre, ou, comme une telle ligne est une cou
pure, n'appartient ni à l'une ni à l'autre. On devrait
donc écrire
Pr (Rn . -L . R'n)
Si la manifestation s'était réalisée dans la défini
tion (b), la ligne L se serait traduite par un bord
qui, étant une variation brutale de valeur, ne peut
être modulé. Par contre, la manifestation de la li
gne par un trait permet de moduler ce dernier puis
qu'il possède une épaisseur qui en fait une région.
Cette modulation pourra être investie de contenu, et
le trait apparaîtra alors comme le moyen graphique
permettant de qualifier le passage entre deux régions
du superposable. Si d'autre part l'une des régions
(soit Rn) dénote un contenu donné, et que le trait en
dénote un aussi, cela permet d'attribuer un contenu à
la deuxième région R'n mise en relation. Ce mécanisme
est un déchiffrement par la géométrie et la manifes
tation.
Les figures superposables du deuxième cas
Pu (Fs f Fn) sont nombreuses et plus variées.
A titre d'exemple, les figures
C
--- ►
Possèdent des structures profondes diverses, mais
les deux premières se rapportent à des points du
110
non-superposable, la troisième se rapporte à une di
rection. Ces figures dénotent soit des corps dans
l'espace signifié, soit des figures non matérielles
du dit espace, en aucun cas elles ne qualifient la
transition entre deux espaces.
Les deux cas que nous venons de voir peuvent être
anlysés d'un autre point de vue mais par une méthode
semblable : nous allons voir que ces deux types de
figures superposables entretiennent le même type de
relation entre
(1) leur région de manifestation, notée
S (Rs)
et
(2) la figure profonde du non-superposable à laquelle
ils renvoient, et que nous noterons
P (Fn)
On constate en effet que les deux figures que nous
posons comme termes de la comparaison sont toujours
différentes.
ex
S (Rs) + P (R'n)
Cas des drapeaux inscrits
dans les frontières d'une
carte géographique. C'est
aussi le cas des semis et
des hachures.
S (Rs) f P (Ln)
Tous les traits, y compris
les traits interrompus.
111
S (Rs) ^ P (Pn)
Toutes les pointes, y compris les groupes de tâches
à implantation ponctuelle.
Dans les trois cas ci-dessus, nous trouvons réunis
dans la' même relation de différence avec les régions
manifestées, les codes de manifestation (a) et (c),
c'est-à-dire ceux qui correspondent à la procédure
discontinue de manifestation. Si nous désignons par
"figures superposables manifestées" les termes de
gauche des trois équations ci-dessus, et par "repré
sentants" les termes correspondants de droite dans
les mêmes équations, nous pouvons dire que les fi
gures superposables manifestées sont toujours diffé
rentes de leurs représentants. Sous le terme repré
sentant, nous trouvons les trois variétés d'implan
tation définies par BERTIN
et que nous avons
évoquées en page 92
Nous pourrons opposer cette règle à celle qui ap
paraît lorsque nous comparons les figures homologues
tirées des figures non-superposables.
Dans ce dernier cas, nous avons toujours
S (Rn) = p (Rn)
Soit en d'autres termes : les figures non-superposa
bles manifestées sont toujours identiques à leurs
représentants.
L'opposition de ces deux règles peut servir de cri
tère secondaire pour la reconnaissance des figures
superposables. Nous disons secondaire car elle ne
112
fait que traduire sur le plan formel ce qu'on peut
tirer d'une identification sémantique des figures
en effet, le représentant n'est identifié que par
le contenu.
L'étude de l'expression que nous venons de faire
tient compte du contenu. Néanmoins, elle ne met pas
en place des concepts qui soient à même de ranger
les éléments du niveau du contenu et d'y établir des
catégories. Ces opérations sont necessaires à 1 ana
lyse sémiotique, et nous allons essayer de les réali
ser. La partie qui débute ici rend compte d'une pre
mière division du contenu en catégories générales
(l'espace, le faire, les relations) qui se définis
sent les unes par rapport aux autres. Leur lien avec
les catégories de l'expression n'est qu'esquissé. Par
conséquent, il est trop tôt encore pour proposer une
syntaxe qui prenne en compte simultanément les deux
niveaux de l'expression et du contenu.
L'étude du contenu semble, par certains côtés, moins
élaborée que celle de l'expression. Il y a à cela
deux raisons :
- Les éléments de l'expression sont directement ac
cessibles à nos sens, ils sont aisément reproducti
bles et se prêtent bien à l'observation ainsi qu'à
l'analyse. A l'opposé, les éléments du contenu ne
sont pas directement accessibles à l'observation,
d'où la difficulté de leur étude.
■ Nous avons commencé l'étude de l'expression en
supposant que nous ignorions le contenu. Cette hy
pothèse d'ignorance temporaire nous a permis de
mettre au point une méthode rigoureuse d'analyse de
l'expression . Simultanément, par la mise entre
116
parenthèses du contenu, elle retardait l'étude de
celui-ci. En dernier ressort, la différence d'élabo
ration des analyses des deux niveaux provient de la
différence de temps investi dans l'une ou dans l'autre.
Rappelons ici deux remarques que nous avons faites au
début de ce rapport :
- Il ne faut pas confondre analyse du niveau du con
tenu, avec une analyse de contenu. Dans le premier
cas, qui nous occupe, il s'agit de définir une partie
de la structure d'un système sémiotique, alors que
dans le second il s'agit d'articuler ce qui est ex
primé par un procès particulier. Il est vrai que pour
définir le système il faut passer par un procès, mais
les résultats se placent à des niveaux d'abstraction
et de généralité différents .
- La recherche d'une définition du système vise, par
mi d'autres buts, à rendre possibles une meilleure
compréhension et une meilleure évaluation des con
tenus des procès productibles à partir du système.
Elle ne doit pas, pour cela, porter des jugements
sur les contenus des procès qu'elle est appelée à
considérer au cours de sa démarche.
3.1
L'ACCES AU CONTENU
Nous parlerons ici, à titre méthodologique et pour
fonder la connaissance du contenu dont nous ferons
état dans la suite de l'étude, de la procédure qui
nous a permis de contrôler le passage d'un ensemble
de l'expresion donné (notre corpus) au contenu cor
respondant. Ce qui est exprimé, étant supposé inconnu,
ne peut être atteint qu'à travers une source que nous
pourrions désigner par "informateur". Au paragraphe 17
de S.P.A.-, cet informateur était un architecte pra
ticien. Dans les phases préparatoires de ce rapport,
nous avons fait jouer le même rôle à des documents
écrits. Quelquefois, nous faisons appel à notre
connaissance du monde naturel, défini alors comme
contexte du discours dessiné et non pas comme réfé
rent (cf §3.6). Enfin, les relations relevées dans
l'expression d'un procès, mises en rapport avec un
domaine du sens, structurent ce dernier et articulent
un contenu. Nous avons donc recours à quatre variétés
d'informateurs» parmi lesquelles celle des documents
écrits occupe une place particulière. En effet, ces
derniers appartiennent à la classe des expressions
graphiques et se trouvent soit sur les plans, soit
accompagnant les plans, soit en liaison avec ces
derniers grâce à des embrayeurs (au sens où les dé
finit R. BARTHES : opérateurs permettant de passer
d un systèmè à un autre). Dans le cas des plans en
architecture, les noms de lieux et les noms des maîires d'oeuvre et maîtres d'ouvrage sont des embrayeurs
entre les plans et le monde naturel d'une part, entre
ies plans et différents discours tenus sur le monde
118
naturel d'autre part).
Examinons de plus près le cas des "écritures" portées
sur un plan. Elles relèvent du système de la langue
naturelle. D'autre part, nous avons montré que les
plans forment un langage. Il s'agirait donc de deux
langages en coprésence, mis "l'un à côté de l'autre".
Diverses hypothèses peuvent surgir relativement aux
relations qu'entretiennent ces deux langages.
La première, et la plus simple, est celle de la trans
cription. Cela voudrait dire que nous disposerions
réellemnt d'une "pierre de ROSETTE" juxtaposant deux
textes identiques quant au fond mais inscrits de deux
façons différentes. Deux observations nous amènent à
abandonner cette hypothèse :
I - La quantité d'inscription en langue naturelle est
très variable selon les plans. Il est courant de voir
des plans très voisins par le dessin et très diffé
rents par les textes. Cette variation quantitative
des inscriptions de l'un des langages par rapport à
l'autre permet de douter du fait qu'il y ait trans
cription.
2 - 1 1 apparaît très rapidement que les inscriptions
en langue naturelle ne forment pas un discours suivi.
Elles s'articulent rarement en phrases, et ces phrases
ne sont jamais liées les unes aux autres. Il ne s'agit
donc pas d'un discours, ou si l'on veut, d'un texte
continu.
II faut alors former une autre hypothèse que la trans
cription, et l'appuyer sur les relations entretenues
par les unités de l'écriture et les unités graphiques.
Il est facile de constater que la relation métalinguistique existe en plusieurs endroits. A titre d'ex
emple, la dénomination d'un plan (ici Grigny), portée
119
en grosses lettres dans un
coin, équivaut à l'énoncé :
GRI GN Y
3685 LOGE M t N TS
LA GRANDE BORNE
"ceci est Grigny". Cet
énoncé appartient à la
classe des prédications
équationnelles analysées
par R. JAKOBSON (cf. Essais
de Linguistique Générale,
Ch. 2) et identifiées comme typiquement métalinguistiques. Toute écriture toponymique fonctionne selon le
même schéma. Nous verrons aussi qu'il y a une rela
tion prédicationnelle allant du dessin vers l'ins
cription et enrichissant le schéma métalinguistique
simple (§§3.3 et 3.7).
Le déchiffrement ne s'appuie donc pas sur deux en
sembles qui se transcrivent mutuellement, mais sur
deux ensembles dont une partie de l'un (au moins)
est métalinguistique par rapport à l'autre. D'autre
part, il ressort des observations 1 et 2 ci-dessus,
qu'il n'y a pas d'inscriptions se rapportant à toutes
les unités graphiques ou à tous les groupes d'unités.
La correspondance entre les deux ensembles est donc
partielle. Par conséquent, les inscriptions en lan
gue naturelle ne pourront nous renseigner que sur
une partie des divers documents dessinés, réunis pour
l'étude. Deux cas peuvent se présenter :
- Les diverses parties déchiffrables se recoupent
mutuellement d'un document à l'autre, formant un
recouvrement complet des différentes parties d'un
Plan. Il devient alors possible de tout déchiffrer.
- Les diverses parties déchiffrables se recoupent
partiellement sans former un recouvrement complet
du plan. Dans ce cas on peut essayer de construire
Un niveau de contenu, à partir des éléments déchif
frés et à l'aide de nouveaux documents dessinés et
meme non dessinés relatifs soit au dessin d'archi
120
tecture en général, soit au domaine du contenu dé
chiffré. Ce cas est en fait le nôtre : n'ayant pas
obtenu un recouvrement total du domaine escompté
(accessible grâce à des "informateurs vivants"),
nous avons fait appel à des textes de caractères
scientifique, technique et littéraire... et qui se
rapportent d ’une manière ou d'une autre aux
plans étudiés. En partant "d'îlots" déchiffrés, dont
les éléments d'expression correspondent à un contenu
précis, il y a une compréhension grossière du "texte
dessiné". La confrontation de ces éléments entre eux,
la comparaison des inscriptions en langue naturelle
(et que nous désignons par le terme "écritures" uti
lisé en cartographie), et surtout l'étude de la re
lation entre les écritures et le dessin permettent
de déduire un certain nombre de renseignements sur
le contenu. A partir d'un certain degré de construc
tion de ce dernier, il n'est plus nécessaire de
recourir aux méta-textes : la production du sens
peut devenir autonome, le "sentiment linguistique"
est reconstitué à partir d ’un nombre fini de docu
ments. Les plans fonctionnent alors comme un langage
connu du lecteur.
Le schéma d'identification du contenu, tel que nous
l ’avons présenté ci-dessus, s'appuie sur les écritures
inscrites sur le plan parmi les éléments dessinés.
Or, le plan porte souvent des écritures inscrites
en dehors des traits du dessin, ce dehors étant
marqué par une ligne fermée (cadre) entourant soit
le dessin, soit les écritures. Ces groupes d'écitures,
qui concourent à la lecture, sont désignés par les
termes "cartouche" et "légende", et s ’inscrivent le
plus souvent près des bords de la feuille portant le
plan. Alors que le cartouche identifie la globalité
du document, la légende identifie les éléments per
tinents du plan en ce qu'ils ont de neuf par
121
rapport aux autres plans.
Une légende est un tableau à deux colonnes (le car
touche n'a qu'une colonne, contenant une information
par ligne), dont le nombre de lignes dépend de deux
facteurs :
- Le corpus commenté,
- Le savoir supposé du lecteur.
Si le lecteur est totalement ignorant, il faut lui
expliquer tous les éléments du corpus, c'est-à-dire
leur donner un équivalent connu. De plus,il serait
logique de lui donner des indications relatives à
la syntaxe des éléments, leur combinatoire, les rè
gles permettant de les interpréter. Mais toutes ces
questions sortent du cadre traditionnel de la légen
de, et se trouvent rejetées dans divers manuels
rédigés à l'intention du dessinateur et non du lec
teur. Le lecteur devra donc faire deux opérations :
- se reporter aux ouvrages en question,
- transposer la problématique de l'inscription
(qui y est exposée) en un problématique de lecture
(décryptage).
Ainsi, les légendes s'appuient sur des axiomes im
plicites, plus complexes que la simple relation
d'équivalence instituée entre le "signe" et sa
"signification” (nous utilisons sciemment la termi
nologie naïve, du fait de ses présupposés implicites)
inscrits chacun dans une colonne. En particulier,
toutes les légendes relatives aux "limites" supposent
qu'on peut doublement définir une zone par ses limi
tes : une définition géométrique, une identification
fonctionnelle. Nous verrons cela en détail au para
graphe 3.3. De plus, les légendes négligent les
relations entre les éléments signifiants, et n'opèrent
Pas d'embrayages inter-textuels : elles renvoient de
la langue naturelle aux éléments de l'expression,
et inversement.
122
Ainsi, il n'est pas de légende complète. D'ailleurs,
une légende exhaustive ne peut exister car elle serait
trop longue. Si elle existait, elle supposerait que
les lecteurs éventuels ne savent pas lire et que les
plans ne fonctionnent pas comme un langage. Et inver
sement, le caractère incomplet des légendes par le
savoir qu'il présuppose chez le lecteur, prouve que
les plans forment un langage.
Traditionnellement en France, la légende dispose dans
la colonne de gauche les éléments inconnus et dans
la colonne de droite leurs équivalents. Notons
cependant que la liste des "signes conventionnels"
du cadastre et de l'IGN, établie à l'intention des
dessinateurs, adopte l'ordre inverse. L'inversion
est due au fait que cette liste n'est plus une lé
gende à proprement parler : elle est inscrite sur
une feuille indépendante du document graphique luimême, et sert au dessinateur qui établit la carte.
En fin de compte, la carte est livrée à l'usager sans
sans légende, ce qui aboutit à la conclusion para
doxale suivante : le lecteur est supposé connaître
les équivalences, le dessinateur est supposé les
ignorer. Nous avons là une trace manifeste d'un
faire (cf. §§3.3 et 3.5) qui est celui de l'établis
sement de la carte I.G.N. et du cadastre.
L'utilisation conjointe de la légende et des indi
cations métalinguistiques inscrites à côté des
éléments de l'expression graphique permet des re
coupements qui sont très précieux pour vérifier la
cohérence de l'interprétation et mieux asseoir la
définition des unités du contenu. En dernière analyse,
c'est ce but qui est poursuivi par la procédure de
déchiffrement que nous venons de décrire brièvement.
123
Nous avons appliqué la méthode ci-dessus à des cas
précis, et elle s'est révélée parfaitement opérante
La suite de l'étude supposera donc le contenu par
faitement connu. Nous saurons ce qui signifie tout
élément ou combinaison d'éléments.
3.2
EXEMPLE DE LECTURE LOCALE
Nous prendrons notre exemple dans le quartier du
LABYRINTHE dé GRIGNY LA GRANDE BORNE. Ce sera le
sous-quartier du MENISQUE constitué par quatre
groupes de bâtiments autour de la PLACE DU MENISQUE.
Chacun des quatre groupes est constitué de deux
unités de type 1 (cf. plan G 12), assemblées par
l'un de leurs côtés droits, et formant par conséquent
une portion de couronne ayant comme angle au centre
2ÏÏ/5. Les quatre groupes s'organisent en une couron
ne circulaire rompue en quatre endroits, selon
deux directions orthogonales correspondant sensi
blement à NORD-SUD et EST-OUEST. Les quatre perce
ments ainsi produits sont égaux, et correspondent
à un angle au centre de 1T/10 chacun. Quatre chemins
viennent de l'extérieur du sous-quartier et débouchent
sur la place par les quatre percements cités, s'ar
rêtant à une boucle de la chaussée carrossable in
terdite aux véhicules automobiles (sauf pompiers,
ambulances, et déménageurs). La dite boucle est
aussi circulaire, de largeur constante, bordée d'une
rangée d'arbres à l'extérieur; elle entoure un es
pace libre circulaire occupé par
"un bassin pour
patauger (qui) domine une cuvette de sol pavé qui ne
sert à rien, qu'à sy asseoir au hasard" (cf. Qu'estee qu'une ville, E. AILLAUD). La boucle de voie
carrossable est reliée par une bretelle à la RUE DE
LA SERPENTE. Entre la chaussée et les bâtiments, on
rencontre successivement un anneau réservé aux
Piétons et des jardinières, longues bandes plantées
de fleurs, évitant le contact direct des façades
126
avec le sol cimenté. Un lampadaire est planté devant
chaque bâtiment, sensiblement sur l'axe de ce dernier.
Les bâtiments ont tous cinq étages de haut (quatre
étages sur rez-de-chaussée) et s'opposent ainsi à
ceux de la rue voisine, qui n'en possèdent que trois.
Les dimensions de tous les éléments cites (sauf les
lampadaires et les arbres) peuvent être lues sur le
plan. De plus, nous connaissons la composition in
terne de chaque bâtiment (par le plan G 12) . au
rez-de-chaussée, il y a un appartement de deux pièces
et un appartement de trois pièces, à chaque étage il
y a un appartement de quatre pièces et un appartement
de cinq pièces. Ces divers logements sont découpés
d'une façon qui nous est accessible par les plans
de détail.
Cette lecture sommaire n'est pas la seule possible,
en ce sens que nous aurions pu commencer par parler
de la voierie, de la place, et finir par les bâti
ments, ou adopter un ordre différent. Cependant,
toutes les lectures de ce type que nous pourrions
faire doivent obéir à plusieurs impératifs auxquels
satisfait celle que nous avons faite ci-dessus. Ces
impératifs sont les suivants :
1- inventaire et identification des éléments signi
fiants ,
2- description de chacun des éléments,
3- mise en relation des éléments appartenant à une
même classe,
4- mise en relation des éléments appartenant à des
classes différentes et mise en relation des classes.
Les deux derniers points (3 et 4) sont réductibles
aux premiers, en ce sens qu'ils reprennent le meme
programme à propos d'unites composées de plusieurs
éléments. Les impératifs de base sont donc les points
127
1 et 2 , et ils sont recyclés à chaque niveau
d'organisation du plan (les degrés n de l'axiologie
algébrique, §2.2). Nous allons les examiner plus en
détail.
3.3
CATEGORIES DU CONTENU
Tous les éléménts signifiants que nous avons identi
fiés dans notre lecture (§3.2) obéissent à la défi
nition de l'élément minimal que nous donnons au
paragraphe 8.2 de Sémiotique des Plans en Architec
ture, et que nous avons reprise dans la Deuxième
Partie de cette étude.
E = (R, L, P)
Un élément est donc, en premier lieu, un opérateur
dont l'existence est définie au niveau topologique :
si on analyse le contenu en sujet et prédicat, ou en
d'autres termes en "ce dont on parle" et "ce qu'on
dit", on s'aperçoit que tout le contenu relatif à
un élément se ramène à une chaîne de prédicats ayant
une origine unique : l'élément défini au niveau
topologique. Une telle chaîne peut s'exprimer en
logique des prédicats par une série (PI, P2... Pn)
de prédicats attachés à une variable E
que serait
l'élément. Seule la variable n'est pas un prédicat :
elle correspond à un "être", à un corps dont on
affirme l'existence. Si à la limite on peut la dé
composer en deux termes, un prédicat "il existe"
et un sujet "quelque chose", pour "il existe quel
que chose", ce quelque chose est indécomposable.
En dernier ressort, ce quelque chose signifié ne
peut se manifester que par une région analysable
comme pointe, trait, ou région, c'est-à-dire comme
la manifestation d'un point, d'une ligne, ou d'une
région.
130
L'existence d'un élément de l'expression est spa
tiale.
De plus, comme nous avons commencé par situer le lieu
de notre analyse, la chaîne prédicative affirme "il
existe ici".
Le "ici" déictique est un prédicat dêcomposable en
d'autres prédicats de caractère géométrique (spatial),
selon un système de référence topologique, projectif,
métrique. En somme, le "ici" désigne l'implantation
(cf.§§ 2.3 et 2.4) que nous avons analysée comme une
figure géométrique du niveau profond.
Dans la chaîne prédicative (nous dirons désormais la
chaîne, par économie), les prédicats sont rangés : en
effet, toute qualité géométrique est ordonnable par
rapport aux autres qualités géométriques, et cela par
la relation de présupposition qui lie les géométries
entre elles (cf. § 2.3). La chaîne est donc linéarisable.
Reprenons un exemple : l'élément bâtiment.
C'est une région unique, au
contour simple. E = (1, 1, 0)
La distinction de deux seg
ments droits opposés à deux
segments courbes relève de la géométrie projective et
qualifie le contour de l'élément, et par ricochet,
qualifie la région. La mesure de la longueur du seg
ment droit et des rayons de courbure des segments cour
bes relève de la métrique, et qualifie le contour. La
mesure de l'angle au centre du secteur de couronne qua
lifie simultanément le contour et la région dont il
définit la superficie.
La manifestation graphique du contour par un trait de
0,8 mm d'épaisseur qualifie le passage de l'extérieur
vers l'intérieur de la région, et qualifie par là la
131
région elle-même. L'écriture 3 C/n précise que l'é
lément, identifié grâce à la légende possède trois
niveaux. L'écriture(T)précise que c'est un bâtiment
de type 1, ayant au rez-de-chaussée un logement de
deux pièces et un logement de trois pièces, et en
étage un logement de quatre pièces et un logement
de cinq pièces dont les plans de
détail portent les
références 33 et 36, 32 et 36, 31 (cf G12). Ces plans
qualifient la région de l'élément (rappelons que
cette région dite "intérieure au contour" est iden
tifiée par la dimension au niveau métrique, par la
relation du point à l'infini au niveau projectif, et
par convention au niveau topologique).
Cette chaîne de prédicats retrouve la progression du
processus de génération des éléments minimaux
(SPA, § 9), qu'elle prolonge par l'introduction des
écritures et de la légende. Ecriture, légende et
traitement graphique apparaissent alors comme der
niers maillons prédicatifs, présupposant les qua
lités spatiales déterminées par la géométrie. Cet
ordre, de même que la relation de présupposition,
sont conformes aux relations globales dont nous avons
montré l'existence entre l'ensemble des dessins et
l'ensemble des écritures d'un côté, et entre l'en
semble des plans et les légendes d'un autre côté.
Dans cette chaîne, nous pouvons relever deux caté
gories de qualités : - des qualités spatiales,
- des qualités attachées à
l'usage qui est fait d'un espace
Relèvent de la catégorie spatiale les régions, les
segments droits, la portion de couronne, l'angle au
centre, la circularité, les directions, l'orthogo
nalité...
(nous devrions dire, pour que ce soient
des qualités : la régionalité, la rectitude, etc.
132
Ce serait trop lourd). Ces qualités rendent compte
du découpage de l'espace et des relations des figures
ainsi déterminées. Elles définissent un univers de
contenu, une catégorie fondamentale, qui est celle de
1'ESPACE.
Relèvent de la catégorie de l'usage les implications
des identifications opérées : la lecture d'une
"route" ou d'une "voie" à partir d'un élément de
l'expression implique une mise en relation de cet
élément du contenu avec un faire circuler attribué
à l'usager de l'espace signifié. De même, un appar
tement implique un faire habiter, une place, un faire
jouer, etc. Les enchaînements de ce type, associant
automatiquement un faire à un espace par la recon
naissance de ce dernier, se ramènent à des défini
tions des objets par l'usage qui en est fait, alors
que la lecture spatiale définit les objets par leur
forme. Nous regrouperons les qualités et définitions
de ce type dans la catégorie du FAIRE, attribuant à
cette dernière un statut comparable à celui de la
catégorie de 1 'ESPACE.
Remarque : nous adoptons le mot "faire" ici pour
rappeler, à titre de référence, notre recherche sur
l'architecture comme système sémiotique, et que nous
avons publiée sous le titre "Sémiotique de l'espace"
(DGRST, 1973). Par rapport à l'architecture comme
langage, les plans apparaissent comme un métalangage
descriptif.
Entre les deux catégories de l'espace et du "faire"
on peut définir des relations logiques : le faire
présuppose l'espace, en dehors duquel il ne peut se
133
dérouler. Par contre, l'espace ne présuppose pas tou
jours le faire : ce dernier présuppose un espace du
mouvement. Or, l'espace se divise, d'un point de vue
déductif, en deux classes : l'espace du mouvement et
l'espace du non-mouvement. Si ce dernier est investi
par le faire, le premier est investi par la matière,
qui devrait apparaître dès lors comme une catégorie
du contenu au même titre que le faire. Ainsi, c'est
l'ensemble des catégories du FAIRE et de la MATIERE
qui est présupposé par 1 'ESPACE.
Le peu de place occupée dans notre lecture du § 3.2,
par la catégorie de la matière est dû au type de plan
que nous'avons là : il s'agit d'un plan de masse. Si
nous avions pris un plan de détails, la matière occu
perait une place prépondérante. D'ailleurs, si on se
reporte à la portion de plan du §3.2, on s'aperçoit
rapidement que la catégorie de la matière est pré
sente, en particulier dans la forme et les limites
des chemins qui arrivent sur la place : Les lignes
qui les séparent de la région annulaire
entourant la
boucle de voierie indiquent le changement de matière
entre les deux régions en contact.
Notons que la matière retrouve la classe des objets
pris en compte par notre sémiotique de l'espace, ce
ûui confirme les deux recherches en même temps.
Considérons maintenant les lignes qui sont frontières
entre deux régions, et les traits qui les manifestent,
dans le cas particulier de la PLACE DU MENISQUE.
On peut dire qu'il y a deux épaisseurs de traits dif
férentes : le trait fort est celui qui marque les limites extérieures des bâtiments. Le trait fin sert
pour le reste : la voierie, les arbres, le bassin,
^es jardinières, et les murs mitoyens des bâtiments.
154
Le trait est donc modulé, mais de façon discrète : il
y a un gros et un fin. Entre ces deux traits s'ins
taure une relation hiérarchique au niveau de l'ex
pression : l'un est plus fort que l'autre, ou plus
épais. De ce fait, il devient plus visible et met en
relief les lignes qu'il manifeste. Cette mise en re
lief est transmise au contenu : ce sont les sépara
tions entre l'intérieur des séquences de bâtiments
et l'extérieur de ces dernières qui sont importantes
au niveau du contenu.
Ce qui est rendu important, c'est la frontière entre
deux espaces, et cela par opposition à d'autres fron
tières qui ne sont pas importantes. Ces dernières
reçoivent toutes le même traitement graphique qui les
met à égalité. Cette opposition est systématique. Or,
qu'est-ce qui est marqué ici ? C'est la frontière en
tre les espaces intérieurs et les espaces extérieurs,
entre le privé et le public, entre l'intime et le
non-intime.
Il ne faut pas voir dans ce trait la représentation
d'un mur plein, car dans ce cas, il aurait fallu mar
quer les percements (portes et fenêtres) du dit mur.
Ce qui est signifié, ce n'est pas un objet, c'est la
différence entre deux espaces. Ce qui est qualifié,
c'est la différence. La différence entre l'intérieur
et l'extérieur des bâtiments est plus importante que
la différence entre la voie de circulation et la
cour pavée, ou entre la voie et les jardinières. Le
trait qualifie la différence des espaces alors que
le bord ne le peut pas : le bord, avec son absence
de modulation possible, ne peut que manifester une
existence sans lui adjoindre un prédicat, ce que le
trait peut réaliser.
Cette qualification de la différence peut être pré
cisée : puisqu'il s'agit d 'intérieur/vs/extérieur et
135
de privé/vs/public, il s'agit aussi de non-pénétrable/vs/pénétrable : ou de l'axe "plus ou moins pénétrable". En effet, ce qui est public, c'est ce qui
est accessible à toute personne, et ce qui est pri
vé, c'est ce qui est réservé à quelques uns.
Ainsi, le plan énonce des relations dans la catégorie
du fairé, et s'appuie pour cela sur la manifestation
graphique. Ces relations ne sont pas d'ordre spatial
(ex : inclusion, contiguïté) ni présupposées
par les
unités de faire mises en relation. Elles sont posées
par l'énonciateur du plan et à ce titre peuvent nous
servir de point de départ à l'étude de l'énonciation.
Ce n'est pas ce dernier aspect qui nous intéressera :
nous nous' arrêterons ici sur l'existence de relations
de contenu qui ne sont pas classables dans les caté
gories de l'espace, du faire, ou de la matière. Il y
a donc une quatrième catégorie à poser : celle des
relations, parmi lesquelles les relations d'ordre
jouent un rôle considérable. En particulier, l'or
ganisation des relations d'ordre sur l'axe de la
ahronologie permec d'inscrire de façon explicite le
temps dans le plan, alors qu'il est présupposé par
la catégorie de l'espace et du faire.
Nous venons de dégager quatre catégories du contenu.
Les présuppositions qui les lient
Relations
ière^---- Relations
et la place qu'elles occupent dans la chaîne prédi
cative font qu'on peut leur attribuer un rôle syn
taxique. Nous laisserons cette question à une ana
lyse ultérieure, et nous allons examiner chacune
des
'
les catégories seule, comme nous l'avons fait pour
les axiologies de l'e
l'expression.
r
,
'
■
3.4 LA CATEGORIE DE L'ESPACE
Les plans d'architecte parlent de l'étendue avec
1 'étendue.
Nous utilisons l'opposition étendue/espace dans le
même sens que GREIMAS :
"Si tant est que toute connaissance du monde commen
ce par la projection du discontinu sur le continu,
on peut peut-être reprendre provisoirement la vieille
opposition de : étendue/vs/espace.
Pour dire que l'étendue prise dans sa continuité et
dans sa plénitude, remplie d'objets naturels et ar
tificiels, présente pour nous par tous les canaux
sensoriels, peut être considérée comme la substance
qui, une fois informée et transformée par l'homme
devient espace, c'est-à-dire la forme, susceptible,
du fait de ses articulations, de servir en vue de la
signification." (In Sémiotique Topologique Actes du Colloque Sémiotique de l'Espace, I.E. 1972).
Nous disons bien que les plans parlent de l'étendue
et non pas qu' ils la représentent. En effet, ils la
découpent, la qualifient, la décrivent. Ils y pro
duisent ce que nous appelons l'espace, et qui est
investi alors par le faire, la matière, et leurs
relations. La première opération, présupposée par
tout le reste, est celle du découpage de l'espace.
c 'est elle qui pose une forme sur la substance qu'est
1 étendue, et en fait un support du contenu. Nous
avons vu aussi que la problématique était voisine
pour l'expression, dont la substance est une étendue
a deux dimensions, structurée par le dessin qui y
définit un ou plusieurs espaces. L'espace signifié
est donc exprimé par un espace signifiant, d'où pro-
138
vient notre recours aux géométries pour pouvoir en ren
dre compte.
D'autre part, nous avons vu (§ 3.3) que l'existence
d'un élément du contenu passe nécessairement par une
affirmation spatiale, au niveau de la région, de la
figure, ou du point. De plus, nous avons récusé l'oppo
sition forme/fond : il n'y a pas des éléments qui si
gnifient et qui s'opposent à une masse amorphe , la
structure articule le continuum tout entier et les fi
gures s'y combinent en éléments. Il en résulte un pa
vage de l'espace : il est entièrement rempli, et sans
omission. Cette affirmation est vraie aussi bien pour
l'espace signifiant (niveau de l'expression) que pour
l'espace signifié (niveau du contenu), la seule diffé
rence "spatiale" entre les deux étant que le premier
est à deux dimensions alors que le second en possède
trois.
Il y a deux manières d'envisager un tel pavage :
1 - en considérant les "pavés”, qui dans le cas de
l'expression sont des régions.
2 - en considérant les "frontières" entre les "pavés",
et ce sont les "coupures".
La première manière insiste sur l'existence des élé
ments, et ils apparaissent comme la projection d'une
taxinomie sur l'ensemble des points de l'espace.
La seconde insiste sur les frontières et les limites.
Ces deux manières duales doivent être situées au ni
veau des structures profondes, aussi bien pour le ni
veau de l'expression que pour celui du contenu. Elles
ne doivent pas être confondues avec la manifestation,
qui est graphique pour l'espace signifiant, et qui
englobe le "faire" et la matière pour l'espace
signifié.
139
Nous avons vu à propos de l'espace signifiant que le
découpage d'un objet, en éléments plus petits pour dé
finir une combinatoire, est une opération algébrique
appliquée à l'étendue. Or, cette opération peut être
réalisée aussi bien par des figures inscrites dans
l'étendue (point, ligne, région) que par un discours
différent, verbal ou écrit. Ainsi, il est prévisible
que nous puissions produire, sur un même espace si
gnifié, deux découpages différents :
- celui produit par les éléments graphiques de l'ex
pression : c'est le découpage dessiné ;
- celui produit par les écritures de l'expression :
c'est le découpage écrit.
Ces deux découpages s'appliquent au même objet (1),
et il est intéressant dès lors de les comparer. La
comparaison se fera en remarquant qu'un découpage est
une partition, et nous retiendrons la définition ma
thématique de la comparabilité : deux partitions sont
comparables si toute partie de l'une peut s'écrire
comme une réunion de parties de l'autre, ou inverse
ment.
A titre d'exemple, la partition dessinée, déterminée
et décrite par les diverses géométries (cf S.P.A. § 6),
nous servira de référence à laquelle nous rapporterons
les partitions écrites : nous prendrons ces dernières
dans un ordre progressif, en partant de l'espace en
tier d'un plan donné (celui de GRIGNY LA GRANDE BORNE,
plan 14 A).
Première partition du document :
Crigny/vs/hors Grigny
La séparation est doublement marquée :
sur le plan du contenu des écritures : tout ce qui
(1) Cette identification résulte de la lecture des
ecritures : elles désignent des parties de l'espace
signifig par le dessin.
140
est hors Grigny est désigne par "propriété de..." ou
"Etat par Ministère de la Justice" ou "Etat par Minis
tère des travaux publics". Quant à Grigny même, elle
est désignée par le cartouche...
-sur le plan de l'expression : les inscriptions
"propriété de..." ou "Etat par Ministère de ...." sont
faites en écriture manuelle, trait fin. Toutes les
inscriptions relatives à Grigny même sont faites mé
caniquement, soit à l'aide de pochoirs, soit par trans
fert (Letraset...). Ainsi l'opposition Grigny/hors Gri
gny
est signifiée par l'opposition
écriture mécanique/écriture manuelle.
Sur la partition graphique du 14 A, cette partition
écrite correspond sensiblement à la définition du cor
pus adoptée au paragraphe 5.1 de "Sémiotique des Plans
en Architecture" : il suffit d'en enlever le cartouche
et un rectangle mince entre le bord inférieur de la
feuille et la voie à grande circulation qui lui est
parallèle.
Deuxième partition de Grigny :
Division en quartiers. Grigny se divise en sept quar
tiers désignée par : le Labyrinthe, le Méridien, la
Ville Haute, les Tiroirs (ou les Enclos), la Peuple-
141
raie, les Radars, la Ville Basse (ou Médina). Cette
deuxième partition de Grigny compte 8 classes : 7
quartiers + 1 hors Grigny (cf. ci-dessus).
Sur la partition graphique du plan 14 A, cette deu
xième partition écrite est difficile à référencier :
en effet, rien n'indique les frontières des quartiers.
D'où une question, qu'il aurait fallu poser aupara
vant : est-ce que les 7 quartiers remplissent entiè
rement Grigny ?
En termes mathématiques, nous dirions : est-ce que
les sept classes réalisent un pavage de la région
connue sous le nom "Grigny" dans la première partition
écrite ? Rien ne permet de répondre à partir du plan
lui-même : ni le dessin, ni l'écriture. C'est là qu'on
peut faire appel à la plaquette "Qu'est-ce qu'une
ville" où E. AILLAUD décrit sa ville de Grigny.
Les 7 quartiers sont décrits sous le chapitre "Urba
nisme", en dehors duquel AILLAUD pose un système
général de circulation formé d'une voie périphérique
qui "longe des zones non aedificandi et sur ces zones
sont situés : les parcs à voitures... des terrains de
sport... les équipements scolaires. A cette voie pé
riphérique accèdent d'étroites dessertes... qui permet
tent à l'intérieur de la ville les circulations de
service mais aucun stationnement..."
•Ainsi, la deuxième partition de Grigny n'est pas celle
qu'on lisait tout à l'heure dans les inscriptions du
plan 14 A, puisque les 7 quartiers ne recouvrent pas
entièrement l'une des deux classes de la première
Partition.
D où : deuxième partition corrigée s'inscrivant dans
La classe "Grigny" de la première :
intérieur de la ville"/vs/" système général de cir
ulation ",
"n fait, ces appellations dues à E. AILLAUD sont
142
inadéquates : le système général de circulation
comprend la majorité des "bâtiments d'intérêt public
(terminologie IGN, ou en d'autres termes, les équi
pements socio-culturels). Les quelques équipements
qui sont cités par le plan (Eglise, crèche... ) ne
sont pas cités par AILLAUD "dans" la description de
sa ville. Ils sont donc implicitement rejetés. D'où
une nouvelle formulation de l'opposition :
ville de 1'architecte/vs/ëquipements socio-culturels
AILLAUD instaure dans le périmètre fourni par le
maître d'ouvrage, une nouvelle partition intérieur/
extérieur.
Soit en récapitulant les deux partitions :
x
Grigny du
promoteur
OPHLM
Grigny de
l'architecte
hors Grigny
Ensemble
des équipements
socio-culturels
et des garages
Propriétés
privées
propriétés
de l'Etat
il est facile de constater que l'opposition ville de
1'architecte/équipements socio-culturels n'est pas
un simple jeu verbal : elle se concrétise dans la
recherche formelle graphiquement inscrite sur le
plan : tous les emplacements prévus pour les équi
pements sont laissés en blanc, vierges de toute ins
cription autre que l'écriture qui les désigne. Seul
un trait fin marque des frontières nettes, faciles
à relever. Cette deuxième partition est donc gra
phiquement marquée.
143
Troisième partition :
Il s'agit de la division de la ville de l'architecte
en 7 quartiers et de l'ensemble des équipements et
garages en installations différenciées.
Equipements et garages sont nettement cernés et ne
posent aucun problème d'identification sur la parti
tion graphique. Par contre, les quartiers n'ont au
cun contour permettant d'attribuer à un nom de quar
tier une région ou un ensemble de régions de la
partition graphique.
Il s'agit donc d'une partition graphique floue, sans
limites marquées, alors que la partition écrite est
nette.
Nous avons essayé dans "Sémiotique des Plans en
Architecture" (§§ 14, 15, 16, 17) de donner une as
sise formelle à une définition systématique et mi
nimale des quartiers, fondée en partie sur les des
criptions utilisées par AILLAUD. Ces tentatives
peuvent être classées, du point de vue qui nous
occupe ici, comme la recherche
d'une partition
graphique en fonction d'une partition écrite donnée,
et cela par une procédure syntaxique.
Nous obtenons alors une partition du plan en quar
tiers formels, ainsi que nous obtenons une grande
région vide de constructions, que nous avions ap
pelée la zone centrale (SPA § 14) et qui n'est pas
citée par AILLAUD au même niveau que les quartiers.
Il en parle en passant, quand il parle du quartier
du labyrinthe et qu'il en oppose les "espaces in
térieurs" à "un espace extérieur".
Nous retrouvons là, au niveau de la troisième par
tition, une autre distinction intérieur/extérieur,
enchâssée dans les deux précédentes signalées à
propos des deux premières partitions.
H
D'où le schéma complété :
hors Grigny
Grigny du
promoteur
Grigny de
1'architecte
Grigny des
quartiers
espace ext.
de la zone
centrale
équipements
écoles
sports
propriétés
privées
propriétés
de l'Etat
garages
parkings
Quatrième partition :
Certains quartiers (le labyrinthe, le méridien) se
divisent en sous-quartiers nommés (la demi-lune, le
ménisque...)* D'autre part, les équipements se divi
sent (sur le plan 14 C) en écoles nommées (école du
145
buffle, école de l'autruche... ). S'il est facile de
reconnaître sur le plan les écritures relatives à ces
éléments, il est plus difficile de savoir quelles
sont les limites de la partition graphique correspon
dante .
Prenons le cas des écoles. L'école du buffle et l'é
cole de l'autruche s'inscrivent, avec leurs dépendan
ces, à l'intérieur du périmètre désigné par ECOLES A
sur le plan 14 A. Il est aisé d'identifier les bâti
ments de l'une et l'autre école par les relations de
superposition et de voisinage définies précédemment.
Mais il subsiste, à l'intérieur du même périmètre, le
Réfectoire, le Logement des Professeurs, une Maternel
le non nommée, et un terrain vide non départagé et
qui appartient donc globalement aux écoles et à la
maternelle. Là encore, la partition fait apparaître
un intérieur et un extérieur. Plus, elle met en évi
dence un fait qui aurait dû être relevé : ce qui appa
raît comme extérieur est en quelque sorte une dépen
dance de ce qui est intérieur. Si le mot dépendance
est peu adéquat, on peut chercher à mieux cerner la
notion : l'extérieur unique appartient en commun
à la multiplicité des éléments classés "intérieur",
semble être une nécessité dans ce système, dans la
mesure ou aucun élément résultant de la partition
écrite ne peut apparaître sans cet extérieur.
Si on prend le problème dans l'ordre inverse, 1'ex
térieur apparaît comme supplément à toute syntaxe
i 'éléments : la syntaxe n'est pas purement additive.
Elle donne quelque chose de plus, un extra.
Quant aux suus-quartiers, ils portent les noms des
Piaces qui apparaîtraient par division à la cinquième partition. On en déduit que chaque place annexe
une portion (jusqu'à présent indéterminée) du quar
tier et le met sous sa dépendance.
146
Cinquième partition :
Les places et les rues apparaissent comme des sousensembles des sous-quartiers.
Les équipements socio-culturels ne se divisent plus.
Il y a deux définitions des places et des rues, mises
en jeu dans ce plan :
La première définition prend
en charge, avec la rue, les
bâtiments riverains. Cette
définition correspond à la
locution "j'habite telle rue",
par laquelle la langue parlée
annexe les bâtiments à la voierie.
Nous avons pu constater que la voierie n'a reçu un nom
que lorsqu'il fallait numéroter les bâtiments, ce qui
démontre l'adéquation de cette définition, à propos de
GRIGNY.
La segmentation graphique des sous-quartiers en rues
pourrait être précisée si on possédait une bonne défi
nition graphique des sous-quartiers, ce qui n'est pas
le cas. Il n'en reste pas moins que la netteté de la
partition écrite et les configurations possibles des
sous-quartiers permettent de prévoir l'apparition d'un
reste, extérieur aux rues et places et intérieur aux
sous-quartiers.
Une deuxième définition est celle des Ponts et Chaussées,
pour qui la rue est une voie de circulation, excluant
les immeubles riverains. C'est cette définition qui est
assumée par les topographes et cartographes, et nous la
retrouvons dans la manière d'inscrire les noms des rues
sur les plans : des noms de rues sont inscrits en sui
vant le contour de la rue sans que l'écriture se su
perpose aux traits marquant les bords de la voierie, ce
qui entraîne une déformation. Cependant, cette définition
ne donne pas toutes les limites de la région que nous serions fondes
147
à appeler "rue" : la rue est une voie publique inté
rieure à la ville, bordée sur deux côtés par des zo
nes où la circulation est interdite par des construc
tions, plantations, cours d'eau,... Que se passe-t-il
sur les autres côtés ? Combien y-at-il d'autres cô
tés ? Dans le cas théorique le plus simple, il reste
deux côtés, non matérialisés, au-delà desquels on
trouve en général deux carrefours. La rue simple est
donc un quadrilatère (courbe ou droit) allongé, pos
sédant deux limites matérielles le long de ses plus
longs côtés, et deux limites immatérielles.
En France, la rue porte un nom, et les carrefours
n'en portent pas. Le cas des routes et chemins est
formellement comparable : ce sont des section dis
crètes d'une voierie continue. Les bords de la voierie sont matériels. Les coupures instituant des par
ties discrètes sont virtuelles.
Cette situation se retrouve parfaitement dans le plan
et'sur les cartes : la voierie est un continuum
(nommé Tore n° 1 dans le paragraphe 12 de "Sémioti
que des Plans en Architecture") qui est segmenté par
les inscriptions qu'il porte : rues, places, allées,
impasses, cours , ...
Ici, la "partition écrite" est plus fine que la par
tition graphique : l'écriture discrétise, divise le
tore unique de la voierie.
Si on extrait la rue deuxième définition de l'ensem
ble graphique représentant la rue première définition,
i l nous reste deux classes principales d'éléments :
les bâtiments et les espaces libres entourant le
r oobi l i er urbain. Encore une fois la partition fait
aPparaître un intérieur et un extérieur. Au bout de
la chaîne des enchâssements, l'élément le plus inté
rieur est le bâtiment. C'est l'unité de base d'où
148
part la combinatoire mise en oeuvre par E. AILLAUD.
Représentation arborescente de l'enchâssement des
partitions
Remarquer l'enchâssement type :
X
Intérieur
Extérieur
Une seule fois, la règle est transgressée, par un
enchâssement dans un élément extérieur, cette dis
torsion étant due à l'introduction du plan 14 C dans
le système homogène constitué par le triplet (14 A,
plaquette, analyse formelle). Divers indices, dont la
date d'établissement (1973) et l'allègement de la
149
toponymie tendant à démontrer que le plan 14 C est
uniquement destiné à montrer l'insertion des équipe
ments dans le reste de l'opération.
Une remarque pour terminer : si la partition écrite
produit toujours des classes discrètes et bien sépa
rées, la partition graphique correspondante est ra
rement exprimée graphiquement, surtout en milieu ur
bain ; il est souvent très difficile de séparer deux
communes continguës en s'appuyant uniquement sur des
critères formels de la partition fine qui lui sert
de support. La délimitation des lignes de séparation
se fait par appel aux textes administratifs.
Un autre découpage du même espace signifié est offert
par le "Planning de livraison" du plan T 14 B : l'es
pace global de GRIGNY est divisé en "Zones" qui sont
livrées à dates fixes. A l'intérieur de chaque zone,
il y a des indications qui
dénombrent le contenu de la
livraison : tant de deux
pièces, tant de trois piè
ces, tant de magasins...
Un calcul rapide, exploi
tant les renseignements du
Plan G 12 sur la composition de chaque bâtiment, per
met de vérifier que les chiffres alignés correspon
dent exactement aux bâtiments situés à l'intérieur
de la zone considérée. Ce calcul prend en compte les
aPpartements, les magasins, les loges de concierges,
et les passages à travers les bâtiments.
Or, une zone ne contient pas que des bâtiments : il
Y a des éléments décrivant des voies carrossables,
des chemins piétonniers, des plantations, des jeux,
des places aménagées... Il y a aussi des équipements
socio-culturels prévus. Tous ces éléments ne sont pas
150
énumérés par les listes de livraison par zone. On
peut en déduire que ce qui n'est pas affirmé est im
plicitement nié, et que le planning de livraison ne
concerne que des immeubles d'habitation à l'exclusion
de tout autre équipement.
Une telle interprétation est confirmée par ce que
nous savons de la pratique de la construction : on
commence par construire le logement, qu'on livre, et
le reste est fait avec un peu de retard. D'ailleurs,
ce ne sont pas les mêmes équipes qui construisent des
bâtiments, qui asphaltent des rues, ou qui plantent
des arbres
et des gazons. Si cette hypothèse est
vraie, les zones ne concernent que les bâtiments
qu'elles contiennent. Dans ce cas, elles ont une dé
finition de type ensembliste, et la position spatia
le des limites est indicative partout où il n'y a
pas de bâtiments d'habitation. Si elles sont mani
festées par un trait au niveau de l'expression, il ne
leur correspond aucune manifestation faisant appel à
la matière au niveau du contenu. Par conséquent, elles
font appel à une manifestation liée à un "faire", qui
est celui de la construction. Mais qui est le sujet
de ce faire ? Qui construit ?
Notre connaissance du monde naturel, et en particulier
du monde de la construction immobilière, nous fait
dire qu'à chaque zone correspond une "équipe" de
chantier (sans préciser l'importance numérique de
cette équipe). Inversement, on peut dire aussi qu'à
chaque équipe est attribuée une zone dont elle a la
charge, qu'elle doit construire et livrer à la date
contractuelle. En d'autres termes, la zone est une
région où s'exerce une certaine compétence territo
riale liée à un actant collectif "équipe de chantier"Conséquemment, les limites d'une zone apparaissent
comme les limites d'un "faire", ou plus précisément,
comme celles d'une compétence territoriale compara
151
ble à celle d'une administration civile (département)
ou militaire (territoire national). Ces limites de
compétence ne sont pas matérielles. Notons que ce
sont les seules limites virtuelles de l'espace si
gnifié qui soient marquées sur le plan, et ce sont
celles du faire "construire". Toutes les autre limi
tes de l'espace signifiant, dont les limites signi
fiées sont relatives au "faire" des habitants, sont
des limites matérielles. La sémiotique de l'espace
(cf. notre recherche DGRST) pose l'existence de li
mites virtuelles pour le découpage
de l'expression
spatiale. La non-existence de telles limites sur les
plans montre deux faits :
- l'importance accordée au faire "construire" par les
auteurs des plans ;
- la théorie fonctionnaliste sous-jacente, puisque
seuls les objets sont représentés, et les usagers
oubliés, même s'ils sont présupposés. Ce sont les
objets qui jouent un rôle, une fonction.
Le trait qui manifeste la limite entre zones possède
3 mm d'épaisseur. C'est la plus forte épaisseur de
trait dénotant une segmentation de l'espace (il y a
des traits de 5 mm manifestant l'inscription T 14,
et des traits de 6 mm manifestant les "Grands Chif
fres" numérotant les zones). Ce trait, ayant le sta
tut de région superposable, qualifie la ligne qu'il
manifeste. Par son épaisseur exceptionnelle, il la
place en haut de l'échelle hiérarchique des traits.
Il affirme simultanément deux choses :
l'importance de la distinction et de la séparation
des zones ;
la nécessité
de lire cette séparation en premier.
Les destinataires du plan de livraison et installa
tion de chantier étant le maître d'ouvrage et les
152
équipes techniques constructrices, il fallait que
ces lecteurs saisissent rapidement l'importance de
la segmentation en zones. Cette importance est éva
luée en fonction du "faire" des destinataires, et cela
est exprimé
aussi par l'organisation des zones les
unes en fonction des autres, et en fonction de l'es
pace global de GRIGNY :
Les traits qui séparent les zones sont jointifs
(à une exception près) et forment un arbre (au sens
de la théorie des graphes). Ce fait est surprenant.
En effet, une zone est une région, et comme elle est
finie, elle doit avoir un bord. Or, un arbre a jus
tement la propriété de ne jamais segmenter le plan
en régions. S'il y a des régions effectivement dé
limitées, cela ne peut se faire qu'à l'aide de bords
qui n'appartiennent pas à l'arbre. Il suffit de se
reporter au plan T 14 B pour s'apercevoir que ces
bords manquants sont manifestés par deux éléments
graphiques :
- la "Rue de la Grande Borne" qui fait le tour d'une
grande partie de l'opération et se referme par une
route ;
- la limite extérieure du corpus (telle qu'elle est
définie dans S.P.A. § 5.3) autour du quartier de la
Ville Basse ou Médina.
On peut donner de cette
situation une représenta
tion schématique (ci-contre) où
- le trait fort restitue
l'organisation de l'arbre
tracé en trait fort sur
le plan ;
- le trait fin représente
la limite extérieure du
corpus,
1 S3
- le trait interrompu représente la route qui en
toure la plus grande partie de GRIGNY
(remarquons au passage qu'il s'agit du bord exté
rieur du Tore N° 1, cf. S.P.A. § 12).
Remarquons tout de suite que ce découpage permet
d'accéder directement de la route à chacune des
dix-huit zones sans en traverser une autre. Ce fait
assure une indépendance des zones de chantier visà-vis de questions d'approvisionnement en matériaux,
et d'accès à la fin des travaux. C'est ce qui jus
tifie en particulier le couloir desservant la zone
3 et passant entre les zones 6 et 9. Ces raisons
relèvent du faire "construire”.
Les différents exemples que nous venons de voir nous
ont permis de poser la question de la manifestation
des limites dans l'espace signifiant et dans l'es
pace signifié. La question peut se résumer en quatre
termes qui s'articulent selon un schéma carré :
limites marquées
dans l'expression
(manifestation graphique)
limites marquées
dans le contenu
(manifestation matérielle)
t
IX ,
i
V
'
>
limites non marquées
dans le contenu
♦---- -X
f
limites non marquées
dans l'expression
Les différents éléments des plans se distribuent
sur les lignes et colonnes de ce carré :
Les éléments non-superposables correspondent à la
ligne supérieure.
Les éléments superposables
(sauf ceux qui corres
pondent aux constructions provisoires, cf § 3.6)
correspondent à la colonne de gauche ; nous y re
trouvons les limites de "faire", en particulier les
154
limites entre zones de livraison.
La colonne de gauche correspond aux limites virtuel
les de rues et de quartiers, qui sont non marquées
graphiquement mais se lisent grâce aux écritures ou
à des documents annexes.
La ligne inférieure correspond à ce qui est en de
hors du système des plans, nié et non-existant.
3.5 CATEGORIE DU FAIRE
Nous avons dit (§ 3.3) que le "faire" présuppose
l'espace, puiqu'il ne peut y avoir un "faire" sans
un espace qui le contienne. Mais il y a une présuppo
sition inverse aussi : on ne peut avoir une percep
tion de l'espace sans y accomplir, y voir, ou y ima
giner un "faire". Accomplir ou voir un "faire" im
pliquent que ce dernier existe, et la présupposition
est satisfaite. Imaginer un "faire" implique que ce
dernier n'existe pas mais qu'il est latent.
Il s'agit du "faire" de l'usager, tel que nous
l’avons défini pour une sémiotique de l'architecture.
Nous verrons qu'il y a d'autres classes de "faire".
Donnons ici un exemple.
Les cartes IGN représentent
la "planimétrie", qui est
une segmentation de l'espa
ce en corps ; puis les ré
gions de la partition sont
qualifiées graphiquement
par un traitement des limi
tes (traits) et des surfa
ces. En particulier, les
régions représentant les
habitations sont hachurées
par des traits parallèles, et celles indiquant des
"bâtiments d'intérêt public" reçoivent des hachures
croisées qui les rendent plus visibles ; de plus,
ces dernières sont toujours identifiées par une écri
ture qui précise la fonction du bâtiment en question.
Un relevé de ces écritures montre qu'il s'agit d'é
coles, de mairies, de châteaux, de garages... Ces
édifices ne sont pas seulement d'intérêt public, ils
sont aussi
d'un certain usage public, ce qui impli-
156
que qu'ils sont accessibles, qu'on y peut rentrer.
Entre la voie publique et l'appartement, il y a diver
ses catégories de lieux (d'espaces) qu'on peut quali
fier de plus ou moins publics, de plus ou moins pénétrables.
Privé
___________________ _______________ public
chambre à., salon., palier., magasins., rues
coucher
Un pavillon d'habitation est orienté, l'axe public/
privé coïncidant avec l'axe rue/jardin, et nous avons
vu que AILLAUD a repris cet axe pour les logements
de GRIGNY. La problématique du public et du privé est
pertinente dans l'analyse du contenu. Nous allons la
reprendre sur l'axe du plus ou moins accessible,
plus ou moins pénétrable. Dans cette optique, le
trait fort, manifestant la frontière qui sépare les
bâtiments du reste de GRIGNY signifie impénétrabilité.
Pour les plans 14 A, T 14 B, 14 C, et G 12, les bâ
timents sont impénétrables. Ils sont opaques, durs,
comme le caillou qu'on tiendrait à la main.
Cette interprétation est confirmée par la manière dont
est traité le passage à travers les bâtiments : nous
savons par des plans de détail qu'on peut traverser
tous les bâtiments car ils ont deux entrées, l'une
côté rue, et l'autre côté jardin. Ces deux entrées
communiquant par un couloir qui dessert l'escalier.
Cependant, cette possibi
lité de passage est niée
par les plans cités cidessus, qui n'en font pas
état, et représentent par contre des "passages
publics" par une configuration spéciale (que nous
avons appelée relation de pénétration, S.P.A. , §9.8).
Ces passages publics se présentent comme des tunnels
157
qui traversent le bâtiment sans donnner sur une cage
d'escalier ni se confondre avec une entrée d'immeuble.
Ces derniers éléments apparaissent donc comme privés,
et le public s'arrête aux murs, qu'ils soient percés
ou non.
Le fait d'entrer dans un espace est donc signifiant.
Signifiant comme un faire en soi (il s'agit du dépla
cement), mais aussi signifiant par rapport au faire
particulier qui est présupposé par tout espace, et
qui sert à définir cet espace. Nous avons vu que les
éléments du plan recevaient tout des qualités fonc
tionnelles au niveau du contenu, et ces qualités re
lèvent du faire : un lieu se définit par ce qui s'y
passe.
Dans ce cas, passer d'un lieu à un autre, c'est
passer d'un faire à un autre. S'il s'agit d'un même
faire dans les différents espaces, la distinction
du passage n'est pas pertinente, et c'est cette si
tuation qui est offerte par les traits fins des
plans 14 A, 14 C, T 14 B, G 12 : à l'extérieur des
bâtiments, le
déplacement est autorisé. On peut
passer librement d'une région publique à une autre
région publique, ce pourquoi la frontière n'est pas
modulée (sur-marquée). Si pourtant cette frontière
est marquée, c'est parce qu'il correspond à ces ré
gions des subdivisions du faire : circuler, se pro
mener, jouer,...
A ce propos, la voierie nous renvoie au faire spatial
par excellence : le déplacement. L'épistémologie des
mathématiques montre que la notion d'espace est fon
dée sur celle du déplacement. Certaines expériences
de laboratoire montrent que la perception de 1 'es
pace n'est possible que si l'organisme expérimente
158
lui-même les déplacements. La géométrie métrique
elle-même est celle du groupe des déplacements.
Ainsi, tout espace, qu'il relève de l'expression ou
qu'il relève du contenu, présuppose le déplacement
(des hommes dans l'espace signifié, d'un point mobi
le dans l'espace du signifiant). Par conséquent, tout
espace présuppose un faire, ne serait-ce que le fai
re du déplacement. Nous pouvons relever aussi d'au
tres faire impliqués par l'expression, et qui per
mettent de définir d'autres domaines du sens que
celui de l'usager de l'architecture : il y a un fai
re "tracer" du dessinateur, un faire "lire" du lec
teur des plans, un faire "construire" des entrepri
ses qui fabriquent un référent aussi proche que pos
sible de l'espace signifié...
Cette liste n'est pas limitative. Elle s'étend en
effet à tous les acteurs sociaux qui utilisent les
plans dans la chaîne de production et de consomma
tion de l'architecture. On peut y compter les urba
nistes, les architectes, les dessinateurs, les bu
reaux d'études techniques, les autorités administra
tives, les entreprises de construction, les promo
teurs, les responsables commerciaux, les usagers, ...
Une liste plus complète, et plus structurée, ferait
appel à une étude sociologique analysant les rapports
de production, la division du travail, et les procé
dures de décision.
Situés dans une chaîne de production, les plans appa
raîtraient comme un instrument de travail dont on
pourrait retracer l'histoire, l'évolution, et les
stades d'élaboration. Une telle étude échappe au
cadre que nous nous sommes fixés pour cette étude,
qui a pour premier but de montrer le statut lin
guistique des plans et d'en détailler les mécanismes
internes. Leur insertion dans les rapports sociaux
159
relève d !une analyse des mécanismes externes. Si nous
nous restreignons à ce point de vue, c'est dans un
but heuristique : il serait illusoire de vouloir tout
saisir en même temps. L'analyse des structures inter
nes est suffisamment complexe pour y consacrer la to
talité de cette recherche. Dans une phase future,
nous nous intéresserons à l'usage qui est fait de
l'instrument que nous sommes en train d'étudier.
En termes sémiotiques, nous nous inscrivons dans une
étude de la signification et non dans une étude de
la communication. Dans la mesure du possible, nous
ne parlons que de ce qui est inscrit dans les plans,
de façon explicite ou implicite (présupposée). Nous
concentrons notre effort sur les mécanismes de la
signification, ne nous occupant qu'accessoirement du
message particulier des plans du corpus.
Ainsi, nous ne retien
drons du faire "dessiner"
que les traces laissées
sur le plan et qui ne ren
voient à rien d'autre que
le dessin. Il y a peu de
traces répondant à cette
exigence. Nous en pren
drons comme représentant
les petites croix allon
gées placées au centre de
rotation des segments
courbes de la voierie. Ces
croix servent au travail
du dessinateur, comme sup
port à son "faire". Elles
permettent de positionner
le compas qui trace les segments courbes. Ce sont
160
les traces d ’un traçage, et elles présupposent le
faire "dessiner". Elles sont nettement visibles sur
les plans au 1/500°, moins visibles sur les plans
au 1/1000°. Ces deux séries de plans sont obtenues
l'une de l'autre par réduction photographique, ce
fait pouvant être déduit de l'identité exacte des
tracés et de leurs défauts minimes.
La mise en relation des traces du faire "dessiner"
(ou "inscrire", ou "tracer"), avec l'ensemble du
message dessiné, est une opération métalinguistique
(1), En effet, les traces du faire présupposent le
résultat du faire. De plus, elles peuvent servir à
l'articuler en structure géométrique par la précision
qu'elles apportent relativement aux alignements de
points, aux figures formées par les centres de ro
tation, et autres configurations relevant d'une
syntaxe formelle de 1'expression, algébrique et topo
logique , puisqu'elle se place au niveau des struc
tures géométriques.
Enfin, si les traces présupposent le dessiné, ce
dernier ne peut être inscrit sans que le faire
"dessiner" ne laisse de traces. Les traces sont donc
présupposées, à leur tour, et la présupposition est
mutuelle. Cependant, il est d'usage d'effacer les
traces et le résultat seul est présenté à la lecture,
c'est pourquoi il est rare de trouver une analyse du
système sémiotique des traces.
Pour terminer, rappelons que c'est à partir de la ca
tégorie du faire qu'on peut démontrer la non-confor
mité des niveaux de l'expression et du contenu, ce
(1) qui est logiquement postérieure à l'étude du lan
gage tel que nous le présentons à partir du faire de
1 'usager.
161
qui permet d'attribuer le statut de langage au sys
tème des plans. La catégorie du faire est donc fonda
mentale, et son étude doit être développé.
Ceci se
fera en liaison avec la sémiotique de l'architecture.
r
3.6 CATEGORIE DES RELATIONS
Nous avons vu (§ 3.3) que le plan exprime des rela
tions entre les espaces et les faire. L'existence
de relations entre les termes est une chose ordi
naire dans une étude structurale et ne devrait pas
constituer une catégorie. Ce qui justifie le statut
que nous leur attribuons ici, c'est le fait qu'elles
soient explicitées graphiquement : en dehors des re
lations spatiales directement relevables à l'obser
vation de l'expression, et des relations logiques
et temporelles entre les unités du faire, le plan
note (exprime, marque) des relations qui relèvent
de champs spécifiques du contenu. L'articulation de
la manifestation graphique superposable présuppose
ces champs et les articule à leur tour : il y a con
formité entre les niveaux de l'expression et du con
tenu.
La définition que nous donnons ci-dessus de la caté
gorie des relations, l'identifie à ce que Jacques
BERTIN appelle LA GRAPHIQUE. A l'aide d'éléments
graphiques (qui se révèlent être tous superposables)
la graphique note des relations entre des unités de
contenu quelconques, identifiées par une inscription
en langue naturelle. Comme le montre les analyses
de BERTIN, la conformité des deux niveaux est né
cessaire à une bonne compréhension du dessin. Si le
système des plans ne comprenait que cette catégorie'
des relations, il ne serait donc pas un langage au
sens de HJELMSLEV. Nous avons vu que la catégorie du
faire rompait la conformité, mais ce qu'on peut re
marquer ici, c'est que la catégorie des relations,
malgré la conformité de niveaux qu'elle implique, in
troduit une non-conformité spatiale. Ainsi, un systè
164
me où il n'y aurait que les catégories de l'espace et
des relations serait reconnu comme langage car il con
naîtrait des conformités partielles qui introduisent
des non-conformités l ’une par rapport à l ’autre.Ce
décalage coïncide avec des coupures que nous avons
connues au niveau de l'expression : l'articulation de
la catégorie de l'espace est conforme à l'expression
de celle-ci quand les éléments sont non-superposables,
alors que la catégorie des relations est conforme à
l ’articulation d'éléments superposables. De plus, les
éléments superposables qui expriment des relations
appartiennent tous au code (a) de la manifestation
graphique (niveau de surface), alors que 1 'expresssion
de la catégorie de l'espace conforme se fait au ni
veau profond.
Le lecteur pourra se reporter aux exemples des para
graphes 3.2, 3.3, 3.4 et 3.5 où les unités du faire
sont mises en relation par le graphisme : limites de
compétence pour les zones de chantier, degré de pénétrabilité des espaces en contact (routes, espaces
verts, bâtiments). Nous donnerons ci-dessous deux
exemples qui manifestent des relations d'ordre : une
relation d'inclusion spatiale, et une relation d'or
dre temporel.
Reprenons l'exemple du découpage spatial de GRIGNY
en quartiers, sous-quartiers, ... Nous avons vu (§ 3.4)
qu'il est signifié par des écritures dont la mise en
relation, au niveau du contenu, produit cinq parti
tions enchâssées qu’on peut représenter par un arbre
(cf. p. 137). Ce découpage, que nous avons obtenu en
considérant uniquement le contenu, est signifié par
les caractères graphiques des écritures.
165
Les lignes d'écriture apparaissent comme des lignes
interrompues mixtes dont les éléments se répartissent
dans 52 classes différentes correspondant aux 26
lettres de 1 'alphabet sous les deux formes majuscu
les et minuscules. Ces classes peuvent se définir par
des tracés linéaires référentiels recevant des mani
festations graphiques diverses qui n'altèrent pas
leur schéma fondamental, ce qui permet de reconnaître
les multiples formes manuscrites ou mécaniques
qu’elles peuvent revêtir sur les plans.
Une analyse complète des caractères de l ’alphabet
ferait appel à plus de vingt descripteurs regroupés
en couples d'oppositions : majuscules/minuscules ;
manuelle/mécanique ; trait
J\
Q A
JV I f ^
d'épaisseur uniforme/trait
présentant pleins et déliés;
X YZ
xyz
trait gras/trait maigre ;
grande hauteur/petite
llïl V
•■lr™
hauteur ; droites/italiques;
étroites/dilatêes. .. aux-
quels il faut ajouter les étiquettes attribuées à
chaque "style" : bâton, univers, caravelle, olive,
grotesque...
La majeure partie de ces descripteurs peut donner
lieu à des relations d'ordre qui permettraient,à
chacune, de ranger les écritures selon un ordre strict.
Cependant, la combinaison de ces relations ne permet
pas de construire un ordre total puisque ce serait
dans un espace à plusieurs dimensions. La seule possi
bilité de construire un ordre dans un tel espace se
rait de privilégier certaines relations par rapport
à d'autres, ce qui revient à dire qu'il faudrait ren
dre pertinents quelques-uns des descripteurs seule
ment. Il s ’avère que c'est la solution adoptée à la
166
fois par les plans en architecture et par les cartes
I. G. N.
Pour les plans, sont distinctives les oppositions :
exécution manuelle/mécani-
M ONTS
MONTS
ROUEN
COLM AR
que,
trait maigre/gras
M ONTAGNE
LA RÉOLE
trait d'épaisseur cons-
Montagne
M urat
tante/trait d'épaisseur
Montagne
Noyarey
Montagne
St- Jean
variable.
Un seul descripteur joue
un rôle hiérarchique à
l'intérieur des classes distinguées par les autres
descripteurs : il s'agit de la hauteur des lettres,
à laquelle se subordonne l'opposition majuscule/
minuscule.
La première partition signifie 1 'opposition
GRIGNY/vs/hors GRIGNY
à l'aide de l'opposition :
écriture mécanique/vs/écriture manuelle
La deuxième partition signifie 1 'opposition
GRIGNY de 1 ’architecte/vs/Equipements socio-culturels
par écritures 9,5 mm de haut/vs/écritures 4,5 mm de
haut, ou par écritures 9,5 mm de haut/vs/abréviations 13 mm.
La troisième partition ne fait que séparer les deux
oppositions de l'expression utilisées dans la deuxiè
me.
La quatrième partition signifie l'opposition
sous-quartiers/vs/écoles, sports,
par l ’opposition 4,5 mm/vs/3 mm
et l'opposition espaces intérieurs/vs/espaces exté
rieurs (annexes),
167
par l'opposition majuscules/vs/minuscules 3 mm.
La cinquième partition signifie 1 'opposition
rues/vs/bâtiments
par l ’opposition 2,5 mm/vs/1,5 mm.
Ainsi, à chaque niveau de découpage, la partition
est doublement signifiée : par le contenu des écri
tures, par le graphisme des écritures.
Cette redondance sert d'aide-mémoire : les partitions
du contenu sont implicites sur le plan et ne peuvent
s'expliciter qu'en fonction d ’un texte commentateur,
qui sert de clef pour le déchiffrement. Par consé
quent, l'inscription graphique des relations rempla
ce le texte commentateur et exprime, par les ca
ractères graphiques des écritures, la hiérarchie de
l'enchâssement des partitions. On peut d'ailleurs
le vérifier en dressant un arbre montrant 1 'organi
sation des écritures :
0
■9,5
m a j . et
1,5
2,5
2 mm
manuelle
19
3mm
mm
4,5/13
mm
m a j . ab.
mm
mécanique
min.
0
mm
3 mm
3 mm
168
Contrairement à la transcription habituelle de la
langue naturelle, où l'écriture cherche à être trans
parente, à être là pour cette autre chose qu’ est le
contenu de la chaîne sonore représentée, la trans
cription sur les documents graphiques se charge d'une
qualité graphique support de sens : elle signifie un
système hiérarchique. Les oppositions utilisées appel
lent quelques remarques :
1 - Seule l'opposition écriture mécanique/vs/écriture
manuelle a un rôle distinctif. Les autres oppositions
jouent un rôle hiérarchique.
2 - La hiérarchie des hauteurs n'est absolue qu'en
remontant 1 arbre de bas en haut (ou d'une branche
vers le tronc). Dans le sens contraire, il y a des
choix et non pas un ordre strict construit sur la
différence de hauteur.
3 - L'apparition des minuscules ne se fait que dans
le bas de 1 'échelle des hauteurs : 1' opposition majuscule/minuscules est subordonnée à la hiérarchie
des hauteurs.
4 - Ce ne sont pas les hauteurs absolues des lettres
qui sont signifiantes, mais c'est le rapport des hau
teurs, ainsi qu'on peut le constater en changeant de
plan : le même découpage est signifié par des lettres
de hauteurs différentes mais conservant les mêmes
rapports et définissant le même arbre hiérarchique.
Les relations du signifié sont exprimées par des
relations du signifiant.
Prenons le deuxième exemple : il articule des diffé
rences de l'expression pour signifier des différences
169
dans le temps.
Si le temps est impliqué par le faire, et donc par
tous les éléments du plan, il est dénoté de façon plus
immédiate par deux classes d'éléments de l'expression :
les éléments sur-marqués et les éléments sous-marqués.
Précisons tout de suite que sur-marqué et sous-marqué
présupposent la catégorie du normalement marqué. Cette
catégorie est celle de la majorité des éléments,qu'on
peut retrouver dans le fond de plan.
Eléments linéaires :
j Sont sur-marqués les traits
séparant les zones de li
vraison du chantier. Ces
traits n'ont de sens que
par rapport à la durée du
faire "construire".
jjjzn Sont sous-marqués les traits
la réalisation est différée,
et les traits fins délimi
tant les zones d'implanta---- - •
•tion d'équipements collec
tifs dont la conception est différée.
Eléments régionaux :
Sont surmarquées, les régions
■j des installations provisoi'{ res, qui reçoivent deux va- I
.1
leurs de gris qui les distinguent entre elles en mê
me temps qu'elles les dé-
170
marquent des autres régions.
Sont sousmarquées, les ré
gions destinées aux équi
pements collectifs et dont
l'absence de segmentation
se lit comme une absence
de marque.
On peut dresser l'axe de la sur-marque à la sousmarque et noter les éléments de contenu correspon
dants :
sur-marqué
marque
sous-marqué
lié au chantier
le projet lui-même
les projets du
éléments
définitif
projet
à concevoir ou
provisoires
à réaliser
Ce schéma met en évidence un fait remarquable :
le sur-marqué est lié à l'activité des entreprises ;
le sous-marqué est lié à ce que le déchiffrement
avait identifié comme non inclus dans le "Grigny
de l'Architecte" bien qu'il soit inclus dans le
"Grigny du Promoteur" ;
Seul le normalement marqué correspond au "Grigny
de l'architecte". Comme le temps s'exprime par le
sur-marqué et le sous-marqué, le normalement mar
qué n'exprime pas le temps. Il est en dehors du
temps. "L'oeuvre" de l'architecte apparaît alors
exprimée comme atemporelle, définitive.
171
Le temps est principalement articulé par des éléments
superposables de l'expression, qu'il s'agisse de
traits ou d'écritures. Nous pourrions multiplier les
analyses et montrer les diverses modalités revêtues
par l'expression des relations. Cela risquerait de
nous entraîner trop loin.
3.7 MISE EN RELATION DES CATEGORIES DE L ’EXPRESSION
AVEC DES CATEGORIES DU CONTENU.
Les exemples que nous avons donnés mettent nécessai
rement en relation les catégories de l'expression
avec celles du contenu. Ce que nous tenterons ici,
c'est une clarification de ces relations pour amor
cer une approche syntaxique.
3.71 Identification et sémiose par les écritures
Nous avons utilisé à plusieurs reprises les écritu
res pour découper l'espace signifié et pour inter
préter l ’espace signifiant. Entre l'écriture et l'ex
pression de signe à laquelle elle se rapporte, il y
a une relation de désignation et de transposition.
Une écriture placée dans
le voisinage immédiat d'une
expression de signe se rap
porte à cette dernière. Les
modalités spatiales de ce
rapport relèvent de l'étuQe de l'expression, ce pourquoi nous n'en parlerons
pas ici. Précisons toutefois que nous en avons fait
une étude complète, et nous nous intéresserons à la
relation de sémiose qui, à travers l'écriture, per
met d'attribuer un contenu à une unité de l'expres
sion.
Si X est l'unité de l ’expression et Y l'unité de
contenu indiquée par une écriture, la désignation
Peut se transcrire par : "X représente Y",
Quand Y est un nom de lieu (ex : GRIGNY), cette dé
signation opère une identification qui s ’analyse en
deux niveaux :
174
- Il y a individuation spatiale, renvoyant à l'éspace signifié et y isolant une entité dénommée, éti
quetée, dont on pourra parler et mettre en relation
avec un référent (s’il existe).
- La dénomination est une opération plus complexe que
la simple identification qui isole un objet parmi
d'autres : elle lui attribue un représentant aussi
unique que lui, le nom, qui sera doté d'un rôle au
tonome au niveau du discours, et qui pourra servir
d'embrayeur avec d'autres textes.
Quand Y est un nom commun (ex : crèche) , il y a une
identification moins poussée : l'unité de l'expres
sion est mise en relation avec une unité de contenu
qui est une classe définissable par un ensemble de
qualités. L'attribution à une classe existe aussi
dans le cas de désignation par un nom propre, mais
elle est moins explicite : le fait d'individuer
l'objet est si fort qu'il oblitère un autre fait
logiquement antérieur, celui de la spécification de
la classe dans laquelle il y a individuation.
D'autre part, l'énoncé "X représente Y" est une
prédication équationnelle qui met en équivalence
le signifiant graphique avec un signifié définissa
ble dans la langue naturelle. Ce n'est pas tout. Un
tel énoncé est métalinguistique par rapport au plan :
attaché à l'écriture, il prend en charge le signi
fiant et le signifié de la portion de plan désignée,
vérifiant le schéma de la hiérarchie métalinguisti
que formulé par R. BARTHES d'après HJELMSLEV :
175
Sé
Sa
Sé
Sa
investi de la façon suivante :
énoncé implicite
écriture
expression
contenu de
de signe
signe
graphique
Enfin, nous avons vu (§ 3.6) que la manifestation
graphique des écritures est porteuse d'un contenu re
lationnel. Ce contenu s ’articule sur le signe graphi
que et apparaît alors comme connotatif puisqu'il vé
rifie le schéma de la connotation formulé par BARTHES
d'après HJELMSLEV :
Sé
Sa
Sé
Sa
investi ici de la façon suivante :
/Grigny/
Ceci est
Grigny
Grigny
Ceci est la
commune de Grigny
(1) L'usage des termes /signifiant/ et /signifié/,
notés /Sa/ et /Sé/, est plus commode que la terminolo
gie hjelmslévienne/expression de signe/et/contenu de
signe/. Cependant, nous visons à chaque fois les con
cepts hjelmsiéviens.
176
- le signifiant de 1 ’êcriture/Grigny/ renvoie à
- un signifié transcrit par "Ceci est Grigny"
- Le couple signifiant/signifié de l'écriture est qua
lifié par la manifestation graphique de cette derniè
re (GRIGNY) :
sur une carte IGN au 1/5000 °, une hauteur de 6 mm
pour des lettres minuscules indique que le lieu-dit
désigné est une commune.
Nous lirons alors : "Ceci est la commune de Grigny".
Cependant, la relation entre les écritures et les
éléments graphiques ne se limite pas à ce seul schéma
qui va de 1 'écriture vers le dessin : il y a une re
lation en sens inverse, qui va du dessin vers l'écri
ture, par la chaîne prédicative telle que nous l'a
vons montrée au paragraphe 3.2.
3.72 Chaîne prédicative circulaire.
Au paragraphe 3.2, l'élément qui affirme l'existence
d'une expression de signe et initialise la chaîne
prédicative est une figure topologique. La chaîne
se transcrit donc par "la région (ou la ligne, ou le
point) X de l'espace signifié qui a les qualités géo
métriques Q1, Q2, ... est une église (ou un mur, un
lampadaire...)"
Mais la désignation par une écriture produit une autre
lecture, qui se transcrit par :
"L’église (ou, plus généralement, le lieu Y) a les
qualités géométriques de la région X".
Dans la première lecture, la désignation par l ’écri
ture apparaît comme une qualité qui vient s ’ajouter
à la chaîne des qualités géométriques.
177
Dans la deuxième lecture, les qualités géométriques
viennent s ’ajouter à un terme initial qui est l'ob
jet identifié par l'écriture.
On pourrait être tenté de choisir entre ces deux
lectures, et chercher des raisons pour un tel choix.
Une telle attitude présuppose qu'une chaîne prédica
tive est linéaire, et qu'elle possède un terme ini
tial et un terme final. Or, la réunion des deux lec
tures ci-dessus produit une chaîne prédicative circu
laire sans terme initial, et où toute qualité se
trouve insérée entre deux autres. Nous ne voyons
pas pourquoi un tel modèle devrait être rejeté au
profit d'un modèle linéaire, surtout que nous avons
des raisons de le garder : il correspond bien à la
lecture qui est faite dans les plans. Nous le con
serverons donc. De plus, nous émettrons l'hypothèse
qu'il caractérise le fonctionnement des documents
graphiques.
3.73 Modalisation de l'énoncé.
Considérons la chaîne prédicative comme un énoncé
dont la transcription est : "L'objet signifié Y
possède les qualités Q 1 , Q2, ..." Il est implicitement
modalisé par l'énonciateur du plan entier :
Un plan établi comme un relevé de lieux existants
suppose la modalité du savoir : "sachez que les lieux
sont ainsi". Un plan qui est un projet, et qui est
fourni aux entreprises pour exécution suppose la mo
dalité du vouloir : "je veux que les lieux soient
ainsi". Il est possible de remplacer le "je veux" par
Un "nous voulons" où "nous" vaut pour l'architecte,
178
le promoteur, les autorités qui délivrent le permis
de construire, ... c'est-à-dire l'actant collectif qui
décide.
Un plan qui est un projet, et qui est présenté au
maître de l'ouvrage (ou aux autorités pour demande
d'autorisation) suppose les modalités du vouloir et
du pouvoir :
"nous voudrions que les lieux soient ainsi".
Les modalités du savoir, du pouvoir, et du vouloir
interviennent pour tout énoncé et s'articulent dif
féremment selon les portions du plan : ces dernières
n'ont pas toujours le même degré de définition, et
appellent ainsi d'autres plans ou d'autres projets
(ex : sur les plans de Grigny, il y a des régions
qui marquent l'emprise d ’un projet futur d'école,
de crèche, etc.) Néanmoins , la description des élé
ments de contenu relevant de la catégorie de l'es
pace n'est pas affectée par ces modalités .
3.74 A propos d'isomorphismes dans le langage des
plans.
La chaîne prédicative pose, nous venons de le voir,
une série de qualités qu'elle organise. L'élément
se définit donc par un ensemble ordonné de qualités,
conformément aux exigences de l'axiologie algébri
que (§ 2.2). C'est cette définition qui va nous per
mettre de comparer le contenu de signe ainsi trans
crit à l'expression de signe qui le signifie. Or, la
lecture part de l'expression de signe qu'elle décrit.
La comparaison des deux ensembles de qualités peut
donc s'exprimer en termes de conjonction (qualités de
l'expression "transmises" au contenu) et de disjonc
tion (qualités de l'expression non transmises au con-
179
Dans
la
deux
classes
-
ceux
lecture
qui
du
d ' e x p r e s s i o n s
signifient
"jardinière"...
les
et
et
propriétés
ceux
qui
qui
ne
triques
p a r a g r a p h e
de
qui
"arbre",
de
rappelle
avons
faite
fin
fondes
ou
et
la
qui
du
ci-dessus,
"voie"...
qui
de
bles.
sont
des
générale
figures
des
les
règle
penser
à
la
les
mêmes
(1)
au
:
signifiant
les
dites
figures
opposant
en
permet
à
deux
du
que
de
nous
"place",
celles
s u p e r p o s a
expressions
tirer
la
de
règle
spatiales
il
d i
les
que
sont
toutes
et
d ' a p
p r o
que
alors
des
nous
superposables
ce
des
"transmises"
n'en
catégo r ies
faite
est
p o s s é d a n t
que
de
pas
figures
c a r t ographie
et
grandeur
spatiales
contenu
en
grandeur"
vraie
d ' u n 's i g n i f i a n t
qualités
(lois
"bâtiment",
p ropriétés
sont
que
de
superposables.
vraie
La
2.5
" l a mpadaire"
figures,
d i s t i n c t i o n
niveau
...
g é o m é
structures
r e m arquer
l'inve n t a i r e
symbolique".
cription
;
celle
éléments
pouvons
classes
" r e p r é s e n t a t i o n
tion
les
revenant
n o n - s u p e r p o s a b l e s
pour
Cette
de
suivante
c o ntenu
même
fortement
des
En
"arbre",
deux
totalement
propriétés
n o n - s u p e r p o s a b l e s ,
L ' e x a m e n
signes
nous
signes
signifient
(1)
profonde
p a r a g r a p h e
superf i c i e l l e s
expressions
"voie",
"lampadaire",
leurs
compa r a i t
n o n - s u p e r p o s a b l e s .
sions
au
à
"place",
:
implantation.
o p p o s i t i o n
et
relever
signes
structure
Cette
partenance)
peut
transm e t t e nt
leur
t r a nsmettent
leur
de
on
"bâtiment",
s ignifient
que
3.2,
le
entre
" r e p r é s e n t a
n'est
-
fait
à
que
l ' i n s
l'échelle
signifié
-
auquel
180
il
se
rapporte,
conserve
des
plantation
Cette
vons
de
des
analyse
la
représentation
qualités
qu'elle
mise
permet
et
en
spatiales
attribue
parallèle
valider
notre
résultats
déductive
de
au
est
du
signifié
très
sur
que
intéressante.
puisque
cartographie
fondée
ne
l'im
signifiant.
approche
la
symbolique
des
nous
en
Elle
retrou
partant
considérations
d'une
théo
riques .
L'opposition
plus
s u p e r p o s a b 1 e / n o n - s u p e r p o s a b 1e
générale
que
bol iquey'parce
propres
des
ne
y
à
qu'elle
l ' expression
articulations
permettent
le
et
problème
qu'elle
sémantiques
du
pas
les
approches
"transmission"
des
qualités
manière
de
parler
"transmission"
termes
la
en
règle
les
des
permet
plan
relations
d'atteindre
d'architecte
traditionnelles.
espaces
signes
tial
avec
leur
sont
propre
L'isomorphisme,
que
les
que
Nous
faite,
par
il
ici
sont
en
2.5
à
en
:
expressions
isomorphisme
Les
expressions
isomorphisme
les
conséquent,
des
expression.
des
espaces
de
spatial
spa
signes
partiel
expression.
qu'il
soit
et
celle
total
facile
est
de
partiel,
ne
con
La
manifestation
du
ne
sont
voir
contenu
Une
fois
que
directement
détaillée.
ou
profondes.
l'isomorphisme.
est
paragraphe
matique
ainsi
propre
à
entre
se
réécrit
qu'une
la
Par
correspondant
structures
l'expression
cernées
leur
:
relations.
ci-dessus
correspondant
n'est
spatial
correspondance
n o n - s u p e r p o s a b 1 es
total
cerne
la
leurs
signifiés
superposables
avec
assure
énoncée
spatiales
d'isomorphisme
conservant
signifiés
de
pose
apparaît
g r a n d e u r /Sym
reviendrons .
La
de
1 'o p p o s i t i o n / v r a i e
cette
notre
liée
pas
précision
analyse
avec
la
con
du
pr o b l é
181
3.75
Du
contenu
posable
Si
les
et
férentes
dénotent
ce
te,
implicite,
ce
propos
lèvent
du
toutes
par
que
le
superposable
marquer
que
déduites
à
question.
la
un
relais
à
pressions
Nous
voyons
fiant
ment
:
la
avons
ductible
Si
une
nous
voie
gions
de
dont
de
les
façon
précise
fa
la
syntaxe
autres,
voie,
s'agira
et
de
Nous
:
si
que
un
Notons
légende)
se
re
demander
apportée
Il
suffit
répondre
précisés
par
de
re
peuvent
négativement
fonctionne
nouvel
qu'elle
par
comme
des
d'un
plan
un
ex
sont
est
les
qu'il
les
bâtiments
bâtiments
y
a
une
sont
série
dans
de
d'habitations,
ré
une
qu'il
s'agif
contenus
segmenter
critères
accolés
sont
exemple
de
peut
de
un
dé
une
d'autres
en
Nous
comme
classe
série
dimensions
une
identifié
affirmer
qu'on
fonction
é l é
comme
donner
comprises
une
un
contenu.
devant
pouvons
signi
fonctionnel
élément
d'attente
en
un
allons
passer
nous
est
fonctionne
contenu
Nous
élément
qu'elle
correspond
un
champ
et
exp l i c i
fonctionnelles
disons
"Bâtiments"
un
aux
ici
dimensions
Possibles,
fonctionnelles,
pas
syntaxe
d i f
superposables.
syntaxe.
donnée,
n'est
contenus
circulation
bâtiments.
plus
de
parce
sur
la
non-
toutes
légende
pourrait
pour
la
de
surajoutée.
(dont
qu'on
syntaxe
laquelle
la
d'une
et
signifié),
qualités
qualités
ci-dessus
voyons
fourchette
la
syntaxe.
de
au
n o n - s u p e r p o s a b l e .
signes
à
des
écriture
et
apparaître
parlé
signifiant
Cependant,
signifiant
expression
au
partir
de
du
fonctionnelle
de
super
spatiales
non-1ransmis sion
écritures
certaines
etre
sémioses
ou
d'une
les
qualité
du
superposables
deux
deux
superposable
toute
catégories
l'intermédiaire
ou
si
les
éléments
connaissent
que
à
des
spatiales
soit
par
n o n - s u p e r p o s a b 1 e .
(transmission
qualités
elles
du
catégories
superposables
les
exprimé
les
chaque
de
uns
côté
réduites,
etc...
de
de
il
:
Ce
dont
il
s'agit
intégral
par
apporter
la
ne
faisons
sent
contextes
Cette
a,
des
la
non
pas
de
catégories
des
du
du
déchiffrement
contextes
de
que
contenu.
contenu,
permet
du
d'un
l'appoint
l ' o btention
reconn a î t re
qui
et
cerner,
le
de
peut
Nous
présuppo
choix
plus
des
en
contenu
correspondant
à
un
l'absence
d'indications
suf
déchiffré.
se
Or,
fait
en
quelles
l ' e x p l o i t a t i o n
en
n'est
mais
catégorie
lecture
fisantes.
deux
à
syntaxiques
près,
élément
y
que
ce
syntaxe,
syntaxe
certaines
plus
vu,
la
ici,
fait,
par
qu'on
ces
peut
rapport
possib i l i t é s
écritures,
sont
à
dernières
faire
un
fond
d ' e x p l i c i t a t i o n
l'autre
est
des
celle
de
:
?
avons
écritures.
plan
l'une
du
Nous
Il
donné,
est
celle
traitement
gra
phique.
Nous
allons
en
exemple,
pris
PLACE
DU
MENISQUE.
comme
fond
tition
de
dénotant
nombre
de
on
peut
choisit
un
niveaux
:
y
lire
5C/52
autre
mode
de
il
place
densités
selon
est
donc
v é h i c u l é
pas
tout.
1 ' écriture
pace
Il
y
est
au
a
de
un
même
en
le
façons
plus
que
Le
de
de
Le
du
le
même
à
d'occasions.
Le
en
plan
14
nombre
A
de
différentes
ce
graphique
ci-dessus,
et
ces
plan
contenu
différentes.
général
traitement
b e a u c oup
exemple
gris
d'étages.
deux
fait
par
inscrit
sur
exemple.
de
la
bâtiments.
r e p r é s e n t a t i o n
trames
nombre
remplace
signifiant
tenons
le
des
par
Prenons
éléments
niveaux
abréviation
:
la
plan
les
des
bâtiments
12
dans
un
no n - s u p e r p o s a b l e
considérons
G
donner
Si
Ce
propos
de
n'est
:
l'es
nous
nous
1 ' i n s c r i p t i o n Cl
183
dénote
que
permet
de
le
b â t iment
tition
intérieure
ne
pas
Un
autre
exemple
de
bains
peut
sin
d'une
on
peut
de
la
t ions
peut
être
être
:
est
le
un
de
graphiques,
et
les
y
point
vue,
les
deux
procédés
selon
les
deux
s i g n i fications
ce
mot
:
le
préciser,
Tant
que
l'élément
gner
plusieurs
grande
une
termin o l o g i e
minuer
Le
b 1e
le
que
la
partie
de
Ch.
BERTIN,
opposées
"on
peut
le
même
propos
des
deux
le
que
sens.
peut
son
est
du
peut
son
notre
ce
du
en
é
d i
du
s u p e r p o
n o n — s u p e r p o s a —
du
v é h ic u l é e
s u p e r p o s a
par
le
n o n — s u p e r p o s a b 1 e ,
la
chaîne
gros,
le
de
troisième
au
c o n j o i n t e m e n t
fond,
à
p r é d i
l'ouvrage
à
propos
des
n o n — s u p e r p o s a
superposable).
sont,
L
compréhension.
p o s s i bilité
de
utiliser
viennent
c o m p t e - r e n d u
(en
d é s i
extension
pour
c a t égorie
réalise
cette
avoir
d ’évoluer.
il
i nguistique
v a r i ables
que
message".
11
à
plan
la
la
d'éléments
contenu
du
sont
de
m é
dans
de
penser
qui
graphique,
augmenter
sens
du
aux
(s o u s - e n s e m b 1 e
distincts
et
entre v o y a i t
ble)
certain
l 'empêcher
logique
statut
METZ,
dimensions
un
traditionnelle.
mais
deux
surtout
de
la
é q u i
est
arrêtent
contenu,
bien,
indica
petite,
c o n j o n c t i o n
cative.
de
une
les
D
spécifié,
ou
c o m p r é h e n s i o n
le
le
superposable,
et
pas
éléments
p r é c isent
Une
aussi
traitement
des
r e n f o r c e
ble.
sa
l ' e x t e n s i o n
fait
sable
et
ou
et
n'est
catégories
est
criture,
f onctionnelles.
d e s
limites
donc
équiv a l ence
salle
le
...
et
aux
Arrêter
une
des
a
et
p a r
par
l'inté r ieur
relative
de
qualités
:
bidet,
Il
1,
la
1.
plan
écritures
cette
type
même
type
un
un
bains".
entre
du
sur
à
de
plan
ailleurs
lavabo,
écrire
"salle
possible
pris
signifiée
baignoire,
salle
sur
c a r a c t é r i s t i q u e
simplement
valence
considéré
dessiner
dimension
Il
écrit
deux
l'oeuvre
codes
dans
:
184
Nous
souscrivons
nous
avons
tion
étaient
l'autre.
d'une
se
entièrement
montré
avons
relation
aussi
au
(écritures,
ces
le
se
trouve
quement,
mer
la
puisque
chaîne
ter,
à
des
ne
titre
signifiant
les
nous
de
contenus
et
exprimés
superposables
permet
Expression}
vu
que
pas
d'exemple,
par
nous
les
par
en
dans
récipro
transfor
éléments
Un
le
su
pouvons
de
ci
signes
inventaire
expressions
dresser
qu'elle
cyclique.
expressions
les
;
et
Nous
"lampadaire".
de
à
catégories
peut
les
rôle.
ques
n o n - s u p e r p o s a b 1e
qu'on
tous
en
voyons
linéaire
ce
et
s'agissait
graphique)
le
vue,
rapport
qu'il
certaines
par
de
de
codes
superposable,
avons
suite
jouent
"arbre"
de
traitement
le
deux
l'un
mais
véhiculé
prédicative
tout
perposables
codes,
par
point
aussi
niveau
contenu
précisé
Précisons
que
précisé
entre
d'unités
cas,
2.5)
ce
m é t a 1inguistiques
Nous
vérifie
(§
à
de
schéma
signes
suivant
:
Contenu
matière
dans
qui
un
est
plan
différent
signifié
par
de
celui
l'expression
non-superposable
dans
.de
un
temps
différent
l'usager
tracer
superposable
terme
unique
: n o m propre,
nomenclature
identification
classe
non
: nom
commun
spatial
qualification : expression
trait,
les
de
relations
grains,
la
par
valeur
le
185
sur
lequel
on
voit
que
perposables
à
gnifiés
expressions
alors
un
des
que
celles
espace
qui
différent
expressions
différence
de
sur
la
à
de
signes
propos
que
dans
ce
cette
dernière
de
qui
sur
BERTIN
appelle
et
être
aussi
re t rouve
donc
les
du
l'espace.
bien
les
cette
temps,
Notons
tous
troisième
par
que
d imension
de
pouvant
si
expriment
signifié
r e g roupe
la
les
spatial
est
la
d i m e n s i o n
su
n o n - superposables,
c o n t e n u
n o n - s u p e r p o s a b les,
soit
signes
q ualifient
signes
un
celui
Jacques
qu'il
spatial
de
ont
troisième
tenus
expres s i o ns
non
s'articule
soit
ce
c o ntenu
les
ces
c o n
dimension,
spatiale
que
n o n - s p a t i a l e .
Notre
analyse
et
de
la
en
les
3.76
cartographie,
intégrant
Chaîne
Reprenons
la
des
Les
éléments
de
de
isomorphisme
figures
total
Par
et
le
du
total
système
superposables
entre
les
système
perposable
l ' i s o m o r p h i s m e
partiel.
alliant
donc
le
un
n'y
langage
qui
de
elles
et
p a r
à
leur
avait
que
écart
s u p e r p o s able
de
serait
attaché,
l ' e x p r ession
statut
en
symbolique.
est
un
des
sont
l ' i s om o r p h i s m e
introduisent
n i v e a u x
possède
à
correspondent
S'il
un
partiel
formité
loin
générale.
lesquelles
serait
figures
Un
de
spatial
avec
ou
plus
BERTIN
isomor p h i smes
n o n - s u p e r p o s a b l e s ,
l'isom o r p h i s m e
tenu.
et
de
contenu.
c o ntenu
signe
poussant
théorie
p ro b l é m a t i q u e
catégories
expressions
les
une
p r é d i c a t i v e
tir
des
dans
en
résultats
de
et
au
du
les
c o n
c o n
non-su-
langage.
Les éléments de contenu relatifs au faire et à la
matière sont en non-isomorphisme, nous l'avons déjà
vu. C'est sur le faire que s'est appuyée notre dé
186
m o n s t r a t i o n
tie
et
c'est
d u c tion
Les
en
de
de
n o n - i s o m o r p h i s m e
ainsi
la
éléments
que
m é thode
de
i s o morphisme
nous
avons
la
première
justifié
par
l'i n t r o
sémiotique.
contenu
non
dans
relatifs
spatial
avec
aux
relations
des
éléments
sont
de
1 ' exprès s i o n .
Ces
ne
Par
trois
catégories
p r é d i c a t i v e
conséquent,
partagée
en
d'autres
qui
est
vraie
une
n'en
que
non-s u p e r p o s a b l e )
te
par
la
présentes
transc r i vant
chaîne
segments
quel
sont
chaîne.
soit
le
toute
expression
prédicative
r e levant
relèvent
de
une
dans
se
de
Cette
statut
l ' e x p ression
signe.
trouve
d ' i s o morphismes
pas.
chaî
et
(superposable
de
en
affirmation
signe
ou
transcri
4.1 NIVEAUX DE NOTRE DISCOURS
La théorie de la hiérarchie linguistique, élaborée
par L. HJELMSLEV et reprise par GREIMAS nous four
nit un cadre d'analyse pour notre propre discours
analytique. Le langage des plans étant le discours
objet de notre analyse, notre propre discours est
donc métalinguistique par rapport à ce langage-objet.
Ce métalangage d ’analyse est réglé par un niveau
méthodologique qu’il présuppose. Les discours métho
dologiques auxquels nous avons recours sont princi
palement ceux de HJELMSLEV, GREIMAS, et POINCARE.
Ces discours présupposent à leur tour un niveau épis
témologique sur lequel ils appuient leurs termes
non-définis ou non-démontrés.
Dans le discours que nous tenons dans cette étude,
on peut reconnaître ces différents niveaux. Celui
du langage-objet se retrouve sous deux formes : une
forme graphique, faite d ’illustrations qui ne font
que reproduire des parties du discours étudié, et
une forme verbale, écrite en langue naturelle, et
qui n ’est que la transcription du discours graphi
que ; en particulier, c ’est le cas du déchiffrement
opéré pour les besoins de l ’étude. Le niveau méta
linguistique est celui de nos analyses, mises en
structure, commentaires, etc... On peut le quali
fier de niveau cognitif puisqu' il produit un savoir
à propos des plans en architecture. Le niveau mé
thodologique se retrouve dans les citations directes
ou indirectes que nous faisons, emprunts conceptuels
qui nous servent d ’arrière-plan et permettent de
référencier nos travaux. Ce niveau est principalement
un niveau référentiel. Il faut ajouter à ce niveau
notre auto-référence : nous faisons appel à des ré-
190
sultats que nous avons déjà établis dans nos recher
ches antérieures ("Sémiotique de l'Espace", et "Sémio
tique des Plans en Architecture"). Le niveau épisté
mologique est peu marqué dans notre discours.
Ce qui domine, quantitativement, dans notre discours,
ce sont les niveaux du métalangage et du langage
objet. Notre métalangage est essentiellement des
criptif : nous ne nous sommes pas donnés pour tâche
de porter des jugements sur le langage objet. Ce qui
nous intéresse, ce n'est pas ce qu'il dit mais com
ment il le dit. Un comment qui n'est pas celui de la
stylistique mais celui des mécanismes. Sans prêter
attention au contenu du discours, nous nous efforçons
d'atteindre les articulations de ce discours, sa
grammaire, ses catégories fondamentales. Or, pour
mener à bien ce programme, et de façon convaincante,
il fallait montrer l'élaboration des structures, à
partir du matériau lui-même. D'où la présence du dis
cours-objet à l'intérieur de notre étude, et sa pré
sence sous deux formes : - une reproduction partielle
- une transcription verbale,
puisqu'il faut en parler.
Pour communiquer avec notre lecteur, qui n'est pas
censé connaître le langage-objet de notre étude, nous
utilisons la langue naturelle qui véhicule simulta
nément notre description et des segments de trans
cription. La transcription est réglée par un niveau
métalinguistique implicite et qui ne s'avoue pas.
C'est le cas de toute traduction. Dans notre cas,
la régulation est effectuée de manière explicite
quand il s'agit de déchiffrement ; elle est implicite
dès que nous supposons que nous savons lire sans fai*
re l'effort d'un déchiffrement systématique.
4.2 ETUDE DU CONTENU
Une analyse de contenu révèle toujours des options
implicites qui, dans le cas de l'architecture, sont
d'ordre économique, idéologique, plastique,
... ou
identifiables aussi par un terme complexe : fonction
naliste. Ces différents contenus apparaîtront à notre
lecture, et dans la mesure où nous opérons une trans
cription, seront reproduits dans notre texte. Cela
ne veut pas dire que nous les reprenons à notre comp
te. L'absence d'un désaveu systématique de notre part,
de même que l'absence d'évaluation, ne signifient pas
une démission ou une position politique à leur égard.
Simplement, nous nous intéressons plus aux structu
res du langage qu'à ce qu'il véhicule. Nous nous
sommes fixés une priorité : celle de montrer les
mécanismes d'un langage pour en permettre une analy
se plus fine et une compréhension plus détaillée.
Avec un tel outil, il sera possible de faire des
analyses en vue de porter des jugements évaluatifs.
Du fait de la transcription opérée dans le déchif
frement, nous retrouvons dans notre etude un dis
cours architectural, dans la mesure où les plans de
Grigny parlent d'architecture, et un discours ur
banistique, dans la mesure où ces mêmes plans sont
des plans-masse et que l'opération concerne un nom
bre important de logements. De plus, il s'avère que
ces deux discours ont des résonnances fonctionnalis
tes. On peut penser que ce dernier aspect des choses
est dû au fait qu'il s'agit d'un programme H.L.M.
assez réglementé, et qu'une bonne part des solutions
est imposée. De plus, l'option que nous avons prise
de vouloir déchiffrer le plan provoque un grossisse
ment de la lecture fonctionnaliste : en effet,
192
l'identification d'un objet quelconque passe par son
insertion dans un réseau plus large où il "sert" à
quelque chose. La vision mécaniste continue à condi
tionner la définition de tout objet, et nous en avons
une illustration éloquente dans la lexicologie : les
dictionnaires définissent les objets plus par leur
"utilité" que par les conditions de leur production
ou le système de leurs relations. En résumé, il se
peut que l'urbanisme de Grigny soit moins fonction
naliste qu'il ne le paraisse à travers les segments
transcrits que nous utilisons dans notre étude.
Superposés à ce discours "fonctionnaliste", nous pou
vons reconnaître deux discours esthétiques qui pré
supposent le premier :
-un discours esthétique de l'espace signifié,
- un discours esthétique du graphisme dessiné.
Dans une analyse linguistique stricte, nous devons
fondre ces deux discours en un seul, puisque l'un
se rapporte au niveau du contenu et l'autre au ni
veau de 1'éxpression. Le décalage terminologique pro
vient du sens que nous attribuons au mot "esthétique".
Ce sens est issu d'une pratique de l'architecture,
où la qualité "beau" est attachée aux propriétés
formelles, d'où la possibilité de l'attacher soit à
l'expression soit au contenu. Si on se replace dans
une définition plus conforme à l'usage littéraire,
le discours esthétique apparaît dans une certaine
adéquation de l'expression au contenu. En d'autres
termes, le discours esthétique s'efforce d'être mo
tivé, et de dénoter un contenu grâce aux qualités
formelles de l'expression (1). En cela, il est proche
(lj cf. Essais de Sémiotique poétique. Sous la direction de
A. J. GREIMAS, ed. Larousse 1972
193
de l'esthétique fonctionnaliste.
Il est possible de lire le discours objet selon d ’au
tres points de vue, d'autres pertinences, pour en
dégager un contenu différent. On peut en parler selon
la problématique de :
- découpage de l'espace et articulation de ce décou
page.
- faire présupposé par les espaces segmentés.
- fonctions : une vision finaliste du faire précé
dent, avec l'oblitération de l'usager.
- l'instrumentation : le plan comme outil dans la
chaîne de production.
- la description : le plan est un métalangage des
criptif du monde naturel articulé lui-même en lan
gage.
- la plastique de l'objet construit, ou la plastique
de l'objet graphique tel qu'il est dessiné (rappelons
ici l'usage esthétique des plans qu'avait imposé l'an
cienne Ecole des Beaux Arts).
- les traces du dessin ou les traces de la conception.
Toutes ces problématiques constituent des domaines
du contenu, dans le champs d'attente du sens, aux
quels correspondent des éléments de l'expression re
pérables et structurables.
La multiplicité de ces champs ne doit pas nous éton
ner : rien, à priori, ne permet de restreindre les
contenus exprimables par un plan. Le plan ne change
pas avec le point de vue selon lequel on le question
ne. Il s'agit plutôt d'une accumulation de signifi
cations liées aux contextes dans lesquels on peut
placer le plan, et en fonction desquels il révèle
une partie de son contenu. Il en est de même pour le
discours en langue naturelle.
.
■
■
ii
4.3
LEXICALISATION
La transcription est une traduction, et elle s ’appuie
sur la propriété fondamentale des langues naturelles
celle de pouvoir traduire tous les autres langages.
Au cours d ’une telle opération, il arrive que des
unités du langage du plan puissent être traduites
par un lexème unique de la langue naturelle. Dans
ce cas, on peut dire que ces unités se trouvent
"lexicalisées". Cette coïncidence des unités de
deux langages différents est l'expression de la
congruence locale des découpages qu'ils opèrent
à leurs niveaux respectifs, de l ’expression et du
contenu.
La lexicalisation doit être manipulée avec
précau
tions, les études sur la traduction des langues
montrant la rareté de la correspondance exacte entre
les lexèmes de deux langues naturelles. Si ce fait
est déjà rare pour deux langages proches, puisque
verbaux, il doit être encore plus rare entre un lan
gage dessiné et une langue naturelle.
En particulier, qu'une unité graphique soit lexica
lisée ou qu'elle ne le soit pas ne préjuge en rien
de son statut linguistique dans le langage des plans.
En tout état de cause, son contenu peut être para
phrasé et transcrit. Par contre, la transcription
inscrite par le dessinateur du plan est signifiante
par ses oublis et par ses insistances. Un élément
graphique transcrit en langue naturelle est affirmé,
marqué, en même temps que son contenu se trouve
196
sur-déterminé, fixé, alors q u ’un élément graphique de
la même catégorie mais non transcrit se trouve impli
citement nié, renvoyé à l'arrière plan.
Lexèmes et paraphrases transcrivent des unités de
contenu sans transcrire la totalité du discours gra
phique. Un essai de mise en structure du champs du
contenu, basé uniquement sur de telles unités, n'ap
porte qu'un point de vue strictement linguistique.
Ce serait même une restriction lexicologique de la
linguistique : les lexèmes traduisent un découpage
que la langue effectue sur les deux niveaux conjoints
de l'expression et du contenu. Les travaux linguis
tiques ont déjà établi que ce découpage dépend des
cultures et des communautés linguistiques, et qu'en
tout état de cause il ne recouvre pas le découpage
que ces mêmes communautés appliquent au monde natu
rel. Si de plus nous considérons les plans comme
un langage descriptif du monde naturel, et que ce
langage établit son découpage propre, nous nous
trouvons devant trois systèmes :
a - le découpage du monde naturel,
b - le découpage de la langue naturelle,
c - le découpage du langage des plans.
Les systèmes b et c se donnent pour but de décrire le
système a en le redécoupant à leur propre manière.
A priori, il n'y a aucune raison pour laquelle ces
trois découpages seraient comparables (au sens mathé
matique du terme) et leurs congruences devraient être
rares. C'est ce que confirme notre étude : il y a très
peu d'éléments graphiques qui soient lexicalisables.
En particulier, la majeure partie des lexèmes (bâti
ment, rue, jardin,... ) désignent des éléments gra
phiques à région unique. Très peu d'assemblages
d'éléments reçoivent un lexème (ex : quartier, par
197
king), alors qu'on peut les transcrire plus facile
ment à l'aide d'un syntagme (ex : aire de jeu, espace
vert, centre commercial). Ces deux types de trans
cription concernent des éléments ; les relations sont
aussi transcriptibles (ex : contiguïté, inclusion)
mais il ne faut pas les placer au même niveau :
elles appartiennent à notre métalangage descriptif.
Les limites du lexique (nous désignons ainsi, par
abus de langage, l ’ensemble des lexèmes transcrivant
des unités graphiques) sont dues à plusieurs facteurs
parmi lesquels la catégorie de plan étudié occupe
une grande place. En effet, les plans qui nous ont
servi de corpus sont des plans de masse, à mi-chemin
entre les plans de bâtiments et les plans d'urbanisme.
Le domaine du contenu qu'ils impliquent est donc
limité, et cela se répercute sur les lexèmes de trans
cription.
De plus, l'auteur de ces plans a probablement une
influence sur le lexique, puisqu’il agit sur les
unités graphiques qui sont ultérieurement lexicalisées.
Enfin, le corpus littéraire que nous avons utilisé
pour mener notre déchiffrement nous replace à l'inté
rieur d'un cadre culturel déterminé sur les niveaux
historique, sociologique, technique... ce qui limite
le lexique de la transcription.
On ne peut cependant pas prendre argument des limites
du lexique pour analyser le caractère "restreint"
du langage des plans. En effet, HJELMSLEV oppose les
langages restreints aux langages passe-partout que
sont les langues naturelles et qu'il dénomme ainsi
parce qu'ils permettent de tout transcrire. A l'opposé,
les langages restreints ne peuvent transcrire tout
langage et leur restriction s'exprime plutôt au ni
veau du contenu qu'au niveau de l'expression : les
198
langages restreints ne peuvent véhiculer qu'un cer
tain nombre de messages ; les catégories du contenu
y sont en nombre limité, ainsi que les unités à l'in
térieur de chaque catégorie. Dans la terminologie que
nous avons proposée, on peut parler d'une restriction
du "champ d'attente
du sens!'
4.4
RESULTATS ET PROJETS
L'attention spéciale accordée à toute l'expression,
avant que ne viennent dominer les problèmes de con
tenu, a permis de dégager ce résultat nouveau par
rapport aux analyses précédentes : il n'y a pas une
forme inscrite sur un fond, toute figure rentre dans
un élément signifiant. Nous avons pu voir que les
plans connaissent un code "transparent", qui s ’ins
crit par dessus un fond, et il s'agissait du code
superposable. C'est ce qui nous pousse à dire que
la problématique forme/fond est issue de l ’examen
de l'écriture (qui est un code superposable parti
culier), et que sa généralisation est abusive,
surtout en ce qui concerne les plans en architecture.
La considération d ’une "forme" est une opération de
mise en relief de certains éléments, accompagnée de
l'oblitération partielle des autres éléments, ce
qui en fait une opération logique particulière,
limitée, effectuée dans un but heuristique.
D ’autre part, l'analyse de la manifestation graphi
que des plans de notre corpus nous a permis de dif
férencier un espace du mouvement autorisé, et un
espace du mouvement interdit (et qui de ce fait est
impénétrable). Or les plans que nous avons étudiés
en détail sont des "PLANS DE MASSE". Nous pouvons
dès lors formuler l'hypothèse suivante : les plans
de masse se caractérisent par le fait qu'ils posent
les bâtiments comme impénétrables, et q u ’ils s ’in
téressent à 1 ’organisatiqn de l ’espace extérieur
aux bâtiments, précisant du même coup les relations
entre les bâtiments.
200
Cette opération est paradoxale, puisque ce sont
justement les bâtiments qui sont habitables et pour
lesquels on aménage le reste. Le plan de masse opère
donc un renversement sémantique, circonscrit dans le
temps, pour mieux définir l'environnement
des bâti
ments. Cette procédure fait partie d'un faire parti
culier, celui de l'urbanisme.
L ’hypothèse que nous venons d'émettre se propose de
caractériser un certain type de plans.
Il s'agit
donc d'une hypothèse taxinomique sur l'ensemble des
plans. Or une telle taxinomie ne peut se faire qu'à
partir d'une étude morphologique des plans, ce que
nous n ’avons pas tenté de faire : nous nous sommes
occupés de la micro-structure des plans, celle qui
définit les unités minimales et leurs combinatoires.
L'étude morphologique devrait suivre. Disons cepen
dant que, parmi les résultats que nous avons obtenus
il nous semble que nous disposons déjà de l'outil
qui nous ouvrira la porte de la morphologie des
plans : il s ’agit de la syntaxe topologique
(cf. SPA § 12) dont la généralité et la puissance
laissent prévoir une grande richesse d'exploitation.
Il faudrait appliquer la méthode topologique à un
grand nombre de plans pour essayer d ’en dégager
les variants, les invariants, et les transformations
particulières. C'est à ce moment-là seulement que
nous pourrons dresser une typologie des plans et pré
tendre fixer les limites de notre corpus : en effet,
notre objet d'étude, défini graphiquement jusqu’à
présent, devra recevoir une définition structurale
qui en précise les éléments et le groupe de trans
formations. Un corpus est un ensemble à l'intérieur
duquel se referme la structure : tout transformé
d ’un élément de l'ensemble est un élément de l'ensem*
ble.
201
Dès lors, on peut poser la question des unités
pertinentes pour lesquelles poser les transformations.
Nous pourrions ne considérer que des unités du conte
nu. Il nous semble cependant qu'il faut considérer
aussi les sémioses (nous avons vu le parti qu’on peut
tirer du carré relatif aux sémioses) et les unités
de l'expression. On pourrait reprendre à ce propos
ce que nous disions au début de cette étude : les
plans parlent de l'étendue avec l'étendue. Or, si
nous avons vu que l'espace du monde naturel a trois
dimensions, on pourrait se poser la question des di
mensions de tout discours spatial sur l'architecture.
Comme il est impossible de tenir un discours spatial
à quatre dimensions, tout discours à propos de l'es
pace aura trois, deux, ou une dimension. Un discours
tridimensionnel (ex : maquette) sortant du cadre des
documents dessinés en architecture, il nous reste les
discours à deux et une dimension.
Nous n'avons fait qu'examiner des discours à deux
dimensions. Or nous connaissons des discours unidi
mensionnels à propos d'architecture : il s'agit des
réseaux, graphes, et algorithmes d'aide à la concep
tion qui sont élaborés depuis quelques années à
propos d'architecture. Ces discours, même s'ils sont
inscrits sur des feuilles à deux dimensions sont
unidimensionnels, et il faudrait que nous les ana
lysions pour deux raisons :
- ils font partie des documents dessinés en architec
ture ,
- ils sont présupposés par les discours bidimension
nels que nous analysons.
Par conséquent, même si l'expression ne peut suffire
à définir un langage, elle entraîne un agrandissement
du corpus. Rappelons que nous n'avons encore analysé
ni coupes ,ni perspectives... Notre étude ici n'est
qu'un épannelage, un débroussaillage qui permet
202
d'installer une méthode et des résultats partiels.
Nous espérons pouvoir la continuer.
Avril 1976
BIBLIOGRAPHIE
Le lecteur trouvera une bibliographie systématique
dans notre publication "Sémiotique des Plans en
Architecture". Etablie en 1974, elle est assez com
plète. Nous citons ci-dessous les ouvrages fondamen
taux dont nous nous servons, et quelques nouvelles
parutions.
(1) AILLAUD, Emile. Qu'est-ce qu'une ville, in
Cahiers de l'IAURP, Paris, Déc. 1968.
(2) ALEXANDROFF, Paul.
Elementary Concepts of
Topology, N.Y. Dover, 1961.
(3) BARBUT et MONJARDET.
Ordre et classification,
Paris, Hachette, 1970.
(4) BARTHES, Roland.
Seuil, 1967.
(5) BENZECRI, J.P.
Le système de la mode, Paris,
La taxinomie, Paris, Dunod,1973.
(6) BERTIN, Jacques.
Sémiologie graphique, Paris,
Gauthier-Villars, 1967.
(7) BOUDON, Philippe.
La figuration graphique en
architecture, fascicule 3a : sémiologie des
figures et syntaxe des formes. DGRST, Paris 1974.
204
(8) COUET et DUBUISSON.
Cours de dessin topographique
Paris, Eyrolles, 1967.
(9) DEVY [A) et GASSIOT-TALABOT CG),
La Grande
Borne à Grigny, Ville d'Emile Aillaud, Paris,
Hachette, 1972.
(10) GREIMAS, A.J.
Du Sens, Paris, Seuil, 1970.
(11) GREIMAS, A.J.
Pour une sémiotique topologique,
in Compte rendu du colloque sémiotique de l'espace,
Paris, Institut de l'Environnement, 1972
(12) GROUPE 107.
Sémiotique de l'Espace, Paris,
DGRST, 1974.
(13) GUILBAUD, G.Th.
Les discours d'espace et leurs
formes mathématiques, 14ème journée d'étude de
1'APSLE, avril 1972.
(14) HAUMONT, N. et A.
L'habitat pavillonaire,
Paris, CRU, 1966.
(15) HJELMSLEV, Louis.
Le Langage, Paris,
éd. de Minuit, 1966.
(16) HJELMSLEV, Louis.
Prolégomènes à une théorie
du Langage, Paris, éd. de Minuit, 1971.
(17) JAKOBSON, Roman.
Essais de Linguistique
Générale, Paris, éd. de Minuit, 1963.
(18) METZ, Christian.
Réflexions sur la "Sémiologie
graphique" de Jacques BERTIN, in Annales,
n° 3, 1971, pp. 741-770.
205
(19) MOULIN, Raymonde .
Les Architectes, métamor
phoses d'une profession libérale, Recherche DGRST
éd. Caïman Levy, Paris, 1973.
(20) POINCARE, Henri.
La Science et l'Hypothèse, Paris,
Flammarion, 1902-1968
(21) POINCARE, Henri.
La Valeur de la Science, Paris,
Flammarion, 1905-1970.
(22) POINCARE, Henri.
Dernières Pensées, Paris,
Flammarion, 1912.
(23) SAUSSURE, Ferdinand de.
Cours de Linguistique
Générale, Paris, Payot, 1949-1966
Achevé d'imprimer
sur les presses de Copédith
7 rue des Ardennes, 75019 Paris.
Dépôt légal n° 53 92 - 2è trim. 1976
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