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Erhard Mettler et ses balances (1945-1980)

2023

The successful introduction in 1947 of a novel type of scale in the chemists laboratory, the one-pan substitution balance, was a revolution. They were developed and built by Erhard Mettler in collaboration with Hans Meier. They dominated the market for analysis balances, until they were replaced, from about 1975, by electronic models.

Erhard Mettler et ses balances (1945-1980) Jean-François LOUDE [email protected] Erhard Mettler (1917–2000) 1947 : Balance de substitution No 1 (200A4N) SFHC, Rennes, 23-24 novembre 2023 Erhard METTLER : enfance, jeunesse et formation (1917-1945) 20.IV. 1917 : Naissance à St-Gall, dans une riche famille (grande villa, voiture, etc.) Père distant, actif dans l’industrie textile. Enfance privilégiée, mais éducation stricte. Mauvais écolier, mais créatif et bricoleur. 12 – 16 ans : période heureuse dans un internat à la campagne qui suit les principes de « l’Éducation nouvelle ». Internat de Glarisegg (lac de Constance) Formation de mécanicien de précision à Winterthur, service militaire, devient lieutenant. 1941 – 1944 : mécanicien de précision chez Wild Heerbrugg SA, se forme en optique. Brève formation commerciale. 1945 : Eri vit à Zurich avec son frère ainé Hans, étudiant en architecture. Il désire devenir indépendant, avoir sa propre entreprise. Conseil de son frère : « Fais quelque chose pour la chimie, ils ont de l’argent ». Son meilleur ami est privat-docent de chimie à l’EPF-Zurich. Il a donc l’occasion de visiter les labos de chimie, où il voit toutes sortes d’instruments, notamment des balances, qui lui paraissent démodées – et qui sont les instruments les plus coûteux. 2 La balance du laboratoire de chimie en 1945 2 plateaux Fléau symétrique, 3 paliers Plage de pesée typique 200 g Résolution / précision 0,1 g à 0,01 g Jeu de poids (boîte, rarement incorporé) N’a pas beaucoup évolué depuis l’introduction du fléau court par Bunge, autour de 1870 Sources d’erreurs : – inégalité des 2 bras du fléau – charge variable du fléau Élimination des erreurs de pesée : 1. Méthode de substitution (Borda, Biot) 2. Méthode par permutation (Gauss) Nombreuses manipulations Une pesée de précision est une épreuve de patience ! 3 1945 – 1947 : vers la première balance Mettler Début de la collaboration avec Johann (Hans) MEIER (1914 – 2004), mécanicien-constructeur de grand talent. Que construire ? Echanges d’idées : la balance joue un rôle central dans les labos de chimie. C’est un objet coûteux, complexe, relevant de la mécanique de précision. Une balance à 2 plateaux ? Non, il faut innover ! Une balance de substitution ! Où ont-ils trouvé l’idée ? Littérature ? Le principe était connu. Depuis 1833 (Bochkoltz), de nombreux prototypes de balances de substitution avaient été construits, la plupart sans succès commercial. 4 Balances de substitution : 2 exemples Balance de Bochkoltz : – dessin de 1833 (rapport de T. Olivier) – balance de l’Université de Lyon 1 Pièce unique, identifiée en 2015 ( ! ) La plus ancienne balance de substitution conservée. Balance hydrostatique de G. Westphal (dès 1870), mécanicien à Celle (près de Hanovre) : détermination de la densité des liquides, plus légers ou plus lourds que l’eau. Grand succès ! 5 1947 – 1957 : Balances A puis B (dès 1950) Balance A4200N (fin 1946) vue en coupe : – 3 jeux de poids incorporés (total 200 g) – fléau symétrique – 2 couteaux S1 et S2 et leurs coussinets en saphir synthétique – lecture optique de l’inclinaison résiduelle par projection de la micro-échelle M Balance B5 : 1 poids de 100 g et 3 décades de poids : – 0 à 90 g –0à9g – 0 à 0,9 g – lecture optique 0 à 115 mg (fléau asymétrique) Lors d’une mesure d’une masse X, le fléau est soulagé d’une masse correspondante, en soulevant une partie des poids mobiles —> charge du fléau constante 6 1947 – 1957 : débuts de la firme « E. Mettler, Präzisionsapparate, Küsnacht » (Zurich) 1ère balance prête en janvier 1947. Début de la production en série. Il faut les vendre ! Les grandes maisons chimiques bâloises préfèrent acheter auprès de constructeurs connus. Mettler va lui-même présenter sa balance aux chefs, eux-mêmes chimistes, de petites et moyennes entreprises, et les leur laisse à l’essai pour deux semaines. Succès ! Peu à peu les grandes entreprises se laissent convaincre. 34 balances vendues en 1947, mais les stocks s’accumulent. La faillite menace. Heureusement les ventes reprennent : 200 balances en 1948, avec déjà 24 employés. Ouverture de représentations à l’étranger : Pays-Bas (déc. 1948), Belgique, Luxembourg. 1949 : Fisher Scientific, aux USA, vend les balances METTLER sous le nom de GRAM-ATIC. 1950 : représentation en Allemagne par Colora. Les fabricants des balances traditionnelles, notamment allemands, peinent d’abord à se relever des destructions de la guerre. Ils s’aperçoivent tardivement du succès des balances de substitution de Mettler. Ils essaient – en vain – de les dénigrer, et finissent par les imiter. Milieu des années 1950 : 90 % de la production est exportée dans 75 pays, avec 50 représentations à l’étranger. 7 Extension des gammes de mesure Micro-analyse M5 (1950 – 1977) Balances à plateau supérieur : charge de plus de 100 g à quelques kg Type K dès 1954, puis type P (1963 – 1980): Énorme succès commercial ! – charge max. 20 g – précision de la lecture optique ± 0,002 mg Marché de niche ! Balance P 162N – charge max. 160 g – précision ± 3 mg 8 1957 : Acquisition du fabricant SPOERHASE à Giessen (RFA) : => accès facilité au marché européen (Communauté Européenne) 1957 – 1982 : Balances série H Jeu de poids annulaires : invention brevetée de Johann Meier (CH 349808, 1960) 5 poids 1 g, 2 g, 3 g, 6 g, 10 g 4 poids 10 g, 20 g, 40 g, 80 g => plage de pesée limitée à 160 g Intérieur balance H54AR – fléau asymétrique – jeux de poids annulaires 9 1957 – 1982 : Balances séries H H6 digCap 160 g (1964 – 1968) H10 (1957 – 1973) H54 AR (1967 – 1982) Boutons de commande et lecture dans le socle, enfin ! 1962 : chiffre d’affaires composé de « A usages multiples » Boîtier plastique Spoerhase – Mettler ? – 48,4 % balances à plateau supérieur (types K et P) – 41,6 % de balances analytiques (types B et H) 10 1961 : une curiosité sans lendemain : la balance S6 (très rare) Charge max. 80 g. Lecture optique 100 mg ± 0,005 mg Ce devait être la Super balance. Mesures perturbées par : – charges électrostatiques (plastique); – courants de convection (air). Ces défauts auraient pu être facilement corrigés. Le projet, auquel Meier a refusé de participer, est abandonné. 11 Dès 1963 : développement de balances « électroniques » Mettler voit que l’avenir appartient aux « balances électroniques », à compensation électromagnétique de la force de la pesanteur. Strictement, ce sont des dynamomètres. 1ère balance avec des composants électroniques : H20 E de 1969 Charge max. 160 g. Peut être suspendue sous la balance. Pour la mesure et l’enregistrement de variations de poids en fonction du temps, avec 3 gammes de lecture du déséquilibre par un système magnétique : ± 20 mg (précision ± 0,02 mg), ± 200 mg (± 0,1 mg), ± 2 g (± 1mg). 12 L’entreprise de 1959 à 1980 1959 : acquisition du fabricant d’optique Dr. RÜST (CH) 1967 : coup de tonnerre ! Erhard Mettler se sépare de Hans Meier 1968 : Erhard Mettler reçoit le titre de docteur honoris causa de l’EPF-Zurich Dès 1970 : participation puis absorption du fabricant de balances MICROWA (CH) 1971 : acquisition de la fabrique de balances SAUTER KG (RFA) À partir de 1976, la plus grande partie des balances purement mécaniques est remplacée par une gamme de balances électroniques 1980 2200 employés, dont 1100 en Suisse Chiffre d’affaires d’environ 300 millions de francs Le Dr Erhard Mettler vend son paquet d’actions à CIBA-GEIGY (Bâle) Il distribue la somme de 20 millions de francs à ses employés en Suisse Ce n’est pas la fin de l’entreprise ! 13 De 1980 à aujourd’hui : poursuite de l’expansion 1982 – 1983 : production des dernières balances mécaniques 1985 : Erhard Mettler se retire du conseil d’administration 1989 – 1991 : fusion avec les sociétés américaines concurrentes TOLEDO SCALE, puis OHAUS 1992 : fondation de la société METTLER TOLEDO, avec siège à Greifensee (canton Zurich) 1997 : cotation en bourse (N.Y.) 2000 : décès du Dr h. c. Erhard Mettler 2020 : METTLER TOLEDO emploie 16 500 personnes dans le monde, avec un chiffre d’affaires proche de 3 milliards de dollars ***************************************************** Remerciements Domi Bernard, sans l’invitation duquel je n’aurais probablement pas terminé l’inventaire de nos balances Mettler. Françoise Khantine-Langlois, qui m’a gracieusement permis d’utiliser la photo de la balance Bochkoltz de Lyon. Ritzo Holtman, qui m’a envoyé une abondante documentation sur nos balances Mettler, et d’autres. 14 Bibliographie (par ordre alphabétique) AERNI, P. und NUFER, B.: 0,0000001 Gramm : Mettler-Toledo – von Balkenwaagen zu hochchauflösenden elektronischen Waagen In Ingenieure bauen die Schweiz - Technikgeschichte aus erster Hand, Bd. 2, S. 258-266 (Franz Betschon, Stefan Betschon, Willy Schlachter (Herausgeber), Verlag Neuer Zürcher Zeitung, 2014) ALLGEIER, Thomas : The Bochkoltz Substitution Balance, or: Was Mettler First? (Equilibrium, 2016/2, pp. 4261-4267) BIÉTRY, Dr. L.: Warum Substitutionswägung? (Chimia 11, 1957, S. 92-96) BIÉTRY, Dr. L. : Lexique du pesage (Mettler Greifensee, 1982) FUETER, Eduard R.: Erhard Mettler. Gewagt – Gewogen – Gewonnen (Schweizer PIONIERE der Wirtschaft und Technik, Bd. 103, Zürich, 2015) JENEMANN, Hans R.: Zur Geschichte der Entstehung der Substitutionswägung zur genauen Massenbestimmung (Borda’sche Wägung) (Fresenius Z. Anal. Chem. 291, 1978, S. 1-9) JENEMANN, Hans R.: Die Waage des Chemikers (DECHEMA, 1979) JENEMANN, Hans R.: Paul Bunge and the Introduction of the Short-Beam Analytical Balance. (Bulletin of the Scientific Instrument Society, No. 6, 1985, p. 8) JENEMANN, Hans R.: Die frühe Geschichte der Mettler-Waage (Scripta Mercaturae Verlag, 1992) JENEMANN, Hans R.: Die Waage des Chemikers/The Chemist’s Balance (DECHEMA, 1997) KHANTINE-LANGLOIS, Françoise : 120 ans avant celle de Mettler, la balance de Bochkoltz (L‘Actualité chimique, No 429, Mai 2018, pp. 50-52) OLIVIER, Théodore : Rapport sur la balance de substitution de M. Bockholtz [sic] (Bulletin de la Société d’Encouragement 32, 1833, pp. 148-150 et pl. 563) WESTPHAL, G.: Ueber Wagen zur Bestimmung des specifischen Gewicht von Flüssigkeiten (Zeitschrift für Analytische Chemie, 9. Jahrgang, 1870, S. 233-236 und Taf. 3) Crédits iconographiques : Sauf mention contraire, toutes les balances photographiées font partie de la collection d’instruments scientifiques UNIL/EPFL: https://www.epfl.ch/campus/art-culture/museum-exhibitions/fr/collection-dinstruments-scientifiques/ Photos de l’auteur, reproduction autorisée. p. 1, gauche Mettler Toledo Inc., CC BY-SA 3.0. <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0>, via Wikimedia Commons p. 1, droite ©Mettler Instrumente AG, Greifensee (Photo L. Holsboer). De Jenemann, Die Waage des Chemikers (1979) S. 74-75 p. 2 Landeserziehungsheim Schloss Glarisegg-Inlandflüge-LBS MH03-0236. ETH-BIB-Steckborn, Photo Walter Mittelholzer p. 4 Adapté de Dr. L. Biétry, Lexique du pesage, fig. 8 et fig. 13 p. 5, droite Photo : ©Michel Cuny, Lyon p. 6, gauche Mettler-Prospekt ”Analysenwaagen”, 1952. Adapté de Hans R. Jenemann, Die Waage des Chemikers (1997), S. 64, Abb. 52 15