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De « la matière » du visible et des arts

2008, Protée

Article « De "la matière" du visible et des arts » Marie Renoue Protée, vol. 36, n° 3, 2008, p. 99-109. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/019638ar DOI: 10.7202/019638ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.html Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : [email protected] Document téléchargé le 9 novembre 2014 05:53 DE «LA MATIÈRE» DU VISIBLE ET DES ARTS MARIE RENOUE Rencontrer la matière, c’est manifestement ce que l’on est dans l’univers discursif de l’art qui nous intéresse ? Quelles amené à faire dès que l’on s’intéresse au visible. Et la matière définitions et quels points de vue la sémiotique, en tant que s’imposerait d’autant plus aux regards des spectateurs que l’on discipline traitant d’univers de signification, a-t-elle proposés serait attentif à l’art contemporain, soulignent F. de Méredieu pour aborder la matière ? Il serait vain de rechercher un point dans son Histoire immatérielle et matérielle de l’art moderne de vue autonome et unique. Comme les autres disciplines, (2004) et le matériologue F. Dagognet traitant de l’exaltation de la sémiotique a modifié son approche, plus structuraliste et la matière pour elle-même dans le XXe siècle de Tàpies, Dubuffet, formaliste dans les années 1970, plus cognitive et sensible Mathieu, Soulages ou Hantaï, tandis que les Anciens l’auraient dans les années 1980. Si le Dictionnaire de Greimas et Courtés tenue pour un simple support à effacer au bénéfice de la forme évoque en effet la conception hjelmslévienne de la matière ou de l’idée (Dagognet, 1989 : 106). (1979 : 223, 368), les écrits plus récents de Greimas, Bastide, Cependant, si l’on rencontre la matière sous divers aspects Fontanille ou Parret montrent une diversité de points de vue : et suivant différentes modalités dans l’histoire de l’art, la défini- la matière devenue espace de potentialités signifiantes – plutôt tion qu’on en donne implicitement ou explicitement n’est pas que présupposé abstrait du métalangage descriptif –, horizon sans poser quelques problèmes, même si l’on tente de limiter visible et sensible en relation directe avec le corps du sujet son point de vue à un domaine d’expression. F. de Méredieu sémiotique. Le discours des sémioticiens rejoint ainsi les préoc- évoque ainsi le renouvellement de la notion scientifique de cupations et orientations phénoménologiques de plasticiens ou matière, le décalage du monde des artistes où se juxtaposeraient de chercheurs qui, comme A. Joséphine, évoquent un rapport et se mélangeraient des savoirs venus d’époques et d’horizons avec la matière « pouvant aller jusqu’à l’intime » et la considè- différents, ainsi que les enjeux axiologiques de la valorisation rent « non comme un état de fait […], mais comme un état de de la matière dans un univers épistémologique et religieux qui chose à faire » (1997 : 34) ou qui, comme M. Collot, traitent ne lui était guère favorable (2004 : 35). Insistant également de la « matière-émotion » en termes d’intensité et de rythme, sur l’ébranlement de l’axiologie judéo-chrétienne par la mise « d’appel du sens » (1997 : 264, 296 et suiv.). en valeur de la matière, F. Dagognet analyse les approches C’est de cette sémiotisation potentielle de la matière que divergentes de Hegel, Sartre ou Bachelard, les nouveaux ma- nous proposons de traiter. Et ce projet invite non seulement tériaux aux qualités opposées 1, la « métasubstance moderne » à préciser notre objet, à retenir de la vaste méthodologie sé- convertible et morphoproductrice qui dérouterait notre savoir miotique ce qui pourrait s’avérer rentable pour sémiotiser des expérientiel de la matière (1989 : 180-209). matières d’art, mais aussi à dessiner une position théorique Compte tenu de la diversité et de la complexité de ces héritière d’une tradition sémiotique et capable d’intégrer la définitions, est-il possible de proposer une sémiotique de la diversité des angles d’approches évoqués plus haut. Si, comme matière ? Comment l’orienter, quels objets sémiotiques viser nous l’avons souligné ailleurs (Renoue, 2001), il y a une con- 99 PROTÉE • volume 36 numéro 3 vergence profonde entre la thèse phénoménologique et les physiciens soulignent l’importance de l’échelle d’observation et fondements théoriques de la sémiotique, si cette philosophie a d’interaction des phénomènes, la relation entre faits observés et par ailleurs influencé les discours tenus sur les objets qui nous fait d’observation5 – parfois avec une propension à l’irrationnel intéressent, il conviendra d’affirmer la spécificité d’une approche d’après G. G. Granger (1990 : 227-240) –, tandis que M. Collot, sémiotique en sémiotisant le phénoménologique. Précisons se référant à des « philosophes de la matière sensible » 6 et à encore que les objets choisis pour mener cette réflexion – les Sémiotique des passions, affirme la correspondance affective du vitraux de Pierre Soulages, les Sculptures et dessins en crin de sujet au monde, la relation constitutive entre le sens et le sensible Pierrette Bloch et les Light Pieces de James Turrell – ont été sé- et retient comme objets d’analyse le rythme et l’intensité – à lectionnés pour la diversité des angles de vue qu’ils semblent partir desquels C. Zilberberg a élaboré une sémiotique tensive inviter à parcourir, mais que des traits communs infléchiront féconde pour l’analyse du visible et du sensible. leurs modalités d’appréhension. En effet, ressortissant tous du Au sein de cette complexité, où s’est donc situé le discours domaine de l’art contemporain, ils présentent également une sémiotique sur la matière ? Il semble acquis que les premiers propension à jouer de la ténuité de la matière, de sa banalité auteurs de référence de la sémiotique greimassienne, F. de Saus- ou de son indétermination. Et cet intérêt pour le ténu motive sure et L. Hjelmslev, après avoir défini la matière comme une le type de vision que nous privilégierons, à savoir une vision masse ou un continuum amorphe, l’ont écartée de l’analyse 7. rapprochée, qui scrute les détails, la texture, plutôt que celle qui, Comment la postérité sémiotique a-t-elle assumé ce rejet ? Dans de loin, embrasserait les ensembles, les volumes et les masses. le Dictionnaire de Greimas et Courtés, la matière apparaît peu, L’attention présupposée ici cherche donc à voir de manière sinon en référence à Hjelmslev comme « le matériau premier encore plus fine et à décrire ce qui se joue dans l’apparence grâce auquel une sémiotique, en tant que forme immanente, se subtile et changeante de la matière. trouve manifestée » (1979 : 223) ou, dans l’article « substance », comme « “support” de signification, pour servir de substance 1.฀Quid฀des฀matières฀et฀de฀la฀sémiotique Quid ? sémiotique » (ibid. : 368). Présentant la forme comme seule ana- Quelle matière sémiotiser dans le domaine artistique, lysable, donc comme unique objet du champ de la sémiotique, suivant le point de vue phénoménologique et perceptif que J. Courtés écarte encore, en 1991, la matière, celle-ci « n’étant nous avons esquissé dans notre introduction ? Oublier que que présupposée par l’existence des formes » (1991 : 24-25). ce terme garde les traces de conceptualisations antérieures Cependant, A. Hénault précise que, si Hjelmslev a retenu « la peut paraître peu rigoureux ; même la définition courante de substance (la convocation du sens) et la forme (l’activité catégo- la matière – « substance qui constitue les corps, qui est l’objet risante) » comme objets d’études potentielles, « aujourd’hui il est d’intuition dans l’espace et qui possède une masse mécanique » difficile de faire l’économie de la perception globalisante du “me- (Petit Robert) – laisse émerger des traces de théories passées et ning” », sens-matière (1992 : 71-72). Deux types de sémiotique la préférence du dictionnaire de langue pour une conception peuvent être convoqués pour répondre à cette carence. D’une moderne et cartésienne face à celle plus dynamique d’Aristote 2. part, une sémiotique du continu est développée par Greimas et Il semble, néanmoins, nécessaire de restreindre l’investigation. Fontanille (1992) qui, dans le cadre épistémologique ouvert par Ainsi, même si F. de Méredieu évoque une confusion des savoirs la phénoménologie, s’appuient sur la conception dynamique du et la définition corpusculaire et ondulatoire de la physique devenir et de la protensivité pour « mettre en scène » l’émergence contemporaine, elle privilégie dans ses études une approche de proto-sujets et de proto-objets sémiotiques et pour analyser formaliste 3 et matiériste 4 qui motive sa distinction entre le ma- les passions et la perception. J. Fontanille et C. Zilberberg (1998) tériel et l’immatériel (2004 : 27). Retenons donc seulement une poursuivront l’étude des émotions et de l’événement, en analy- double perspective dynamique et subjective qui apparaît dans sant les valeurs en termes de valences d’intensité et d’extensité, nombre d’études contemporaines – et que nous retrouverons de tempo et de rythme – de quoi façonner une lecture dynamique en sémiotique. Ainsi F. Dagognet met-il l’accent sur les états et énergétique de la matière. D’autre part, en invitant à considérer mésomorphes et changeants de la matière ; J. Petitot, limitant les choses elles-mêmes, la sémiotique de l’objet a participé au la portée d’une opposition entre phénoménologie des formes et retour de la matière concrète. physique de la matière, traite d’auto-organisation ou morpho- Cette sémiotique de l’objet 8, Greimas l’évoque en 1983 en genèse (dans Constantini et Darrault-Harris, 1996 : 169). Les précisant que les problèmes de l’approbation et de la construc- volume 36 numéro 3 • PROTÉE 100 tion des objets semblent, à première vue, se situer à deux niveaux les dimensions phénoménologique, formelle et sensible – aux- distincts : celui de la perception et celui de la transformation du quelles nous limitons pour l’heure nos études de la matière monde (1983 : 13). Deux études parues en 1987 ressortissent de des objets d’art. C’est seulement en tant que la matière peut ce programme bipolaire. L’une répond à la question « comment constituer en art un objet de valeur en soi ou encore l’instance penser la matière ni scientifiquement, ni philosophiquement, perceptible et sensible d’une sémiose que nous examinerons mais telle qu’elle est là […] sous la forme du monde du sens les œuvres retenues. commun, devant nous », énoncée par Greimas ; il s’agit du Trai2.฀Approcher฀la฀matière฀du฀visible tement de la matière de F. Bastide (1987 : 5). La sémioticienne y considère la matière comme un corps plastique structurelle- Prenant comme point de départ et support de notre analyse ment transformable, une matière-matériau définissable en tant des objets visibles plutôt que des discours sur ces objets, nous que manières d’être 9 modulables par l’action déstructurante et postulons que les angles d’approche sont orientés par les objets restructurante de sujets opérateurs et observateurs attentifs. Par eux-mêmes et par ce que nous en savons 11. Nous considérons en ailleurs, dans son étude de L’Éloge de l’ombre de Tanizaki parue effet les objets comme « un appel de sens », suivant l’expression dans De l’imperfection (1987), Greimas distingue une autre de M. Collot, ou plus précisément comme un appel de sens démarche à partir de celle évoquée auparavant en spécifiant potentialisés et convocables par ces objets-là. Il ne s’agit donc leurs objets sémiotiques : pas de dire « n’importe quoi » sur un aspect des œuvres en cours 1. la matière de l’objet en soi, de l’objet du monde qui est là, de sémiotisation ni de présenter le discours tenu sur l’objet visé rayonnant d’énergie et qui ne touche le sujet qu’accidentellement et comme le seul qui puisse l’être. La question préliminaire est 2. l’objet de la perception, présent pour le sujet et éventuellement donc celle-ci : quels discours sur la matière les objets permet- saisissable par lui. (Greimas, 1987 : 50) tent-ils de déployer ? Quels points de vue peuvent-ils plus ou moins favoriser ? Avec les vitraux de Pierre Soulages, ce sont les Les matières dessinées par ces discours sur la perception capacités factitives que nous retiendrons, de même que les états et sur la transformation sont distinctes. Ou il s’agit, avec Grei- variables et réactifs d’un matériau composite, doté de qualités mas, d’une matière sensible, d’un événement esthésique en en partie émergentes et de propriétés translucides complexes. tant qu’effet de présence énergétique et fugace pour un sujet Les Sculptures et dessins en crin de Pierrette Bloch nous amène- « ému » et non modalisateur ; ou il s’agit d’une matière-matériau ront à examiner les tensions sous-jacentes à la forme dessinée transformable et utilisable pour la réalisation d’objets de valeur ou sculptée par la matière-matériau. Enfin, les Light Pieces de – d’où les références répétées à la célèbre analyse de « La soupe James Turrell, espaces homogènes, opaques et denses de lumière au pistou » de Greimas (1979). Entre événement esthétique et colorée, nous permettront de considérer le caractère paradoxal scrutation de modes d’être ou d’apparaître, entre la matière et multimodal d’une lumière-matière sans forme affectant le indéterminée de l’événement et une matière-matériau formel- corps d’un sujet sensible touché et touchant. lement variable et descriptible, on oscille apparemment entre des conceptions différentes : l’une, plus énergétique, semble 1) Des propriétés et de l’action de la matière : ressortir du « divers du phénomène » kantien comme sensation les vitraux de Pierre Soulages pure ou encore de la description de l’expérience esthésique Les vitraux de Pierre Soulages sont composés de verres ori- merleau-pontienne 10 ; l’autre serait plus proche d’une matière ginaux ; ils ont été mis au point après de nombreuses recherches substantielle moderne et physique. Cette oscillation évoque et tentatives pour obtenir une qualité de lumière particulière. ce que J. Petitot écrit au sujet de « L’homme à la coquille » de C’est en tant que filtres et transmetteurs de lumière qu’ils se- Valéry : « la pensée de l’apparaître morphologique oscille entre ront donc abordés. La sémiotique que nous présenterons est recherche d’un principe organisateur et évaluation esthétique » par conséquent une mise en scène narrative et tensive où les (dans Constantini et Darrault-Harris, 1996 : 161). propriétés du verre seront regardées comme des modalisateurs Où situer nos approches de la matière par rapport à ces deux informant la lumière solaire. courants ? Plutôt que de proposer une troisième voie, c’est une L’angle de vue adopté est évidemment motivé par la fonc- tentative d’englober ces points de vue que nous proposons dans tion, généralement assignée aux vitraux, de transmettre et de une sémiotique de la matière capable de se déployer suivant transmuter la lumière solaire en la filtrant et en la contrôlant ; il 101 PROTÉE • volume 36 numéro 3 l’est également par le projet précis de l’artiste. Reprenant une matériau au traitement de la lumière, des corrélations peuvent entrevue de Traverses, F. de Méredieu cite les propos de Pierre être posées à partir des observations précédentes lues comme Soulages : autant d’indices des opérations en jeu : soit le « lisse » détermi- J’ai souhaité une translucidité qui ne soit pas produite par un état de nant la brillance et la réflexion de la lumière ; le « granuleux » la surface du verre comme dans le dépoli, ni ayant l’aspect laiteux permettant une luminosité douce et témoignant de la transmis- de l’opale ou du plaqué opale, mais provenant de la masse même sion de la lumière. Entre les deux, il y a l’épaisseur (5 à 9 mm) du verre, celle-ci devenant alors émettrice de clarté ; [afin d’obtenir du verre composite. ce résultat, il opte finalement pour] un composite fait d’une masse Pour décrire la composition du verre, nous pouvons repren- cellulaire de verre, la translucidité provenant de la dévitrification dre les paroles de leur créateur. Il s’agit d’opérations complexes des grains à l’interface des cellules. (Méredieu, 2004 : 144) allant de la fabrication d’un premier verre – dont la teneur en métaux a été réduite pour éviter la teinte verdâtre des verres La translucidité est l’objet de toute l’attention de l’artiste, ordinaires –, un verre ensuite concassé et dont les morceaux sont mais elle implique la non-transparence de la dévitrification. répartis dans des moules pour être soumis à une température Translucides et non transparents, les vitraux ne laissent en effet précise qui, les rendant « gélatineux », leur permet d’adhérer les rien voir de l’extérieur ou de l’intérieur de l’édifice, ils laissent uns aux autres ; la température maintenue puis baissée assure seulement passer une lumière. La non-transparence est le pre- une dévitrification et une cristallisation à l’interface des mor- mier indice visuel de la présence d’un corps proche ou distant ceaux rassemblés. Si l’on veut, à la manière de F. Bastide (1987), contre lequel bute le regard, et à ce titre elle intéresse les études dégager les opérations élémentaires principales, on pourrait de la matière. C’est vraisemblablement la raison pour laquelle noter entre les deux états du verre obtenus successivement : 1. F. de Méredieu ouvre son dictionnaire par un chapitre consacré le passage du simple au composé – un premier verre homogène à l’opacité et à la transparence (2004 : 55-154). L’historienne obtenu après tri des éléments colorants et un verre final composé y distingue les niveaux suivants : 1. la transparence pure ; 2. la de morceaux en partie dévitrifiés – ; 2. un retour au compact par translucidité qui laisse filtrer la lumière et gomme les figures adhésion des morceaux ramollis ; et 3. une nouvelle structuration extérieures ; 3. l’opalescence qui « laisserait subsister que la seule du verre stratifié en profondeur. Les deux responsables de cette aura de la lumière, et comme son tremblement » ; 4. l’opacité transformation sont l’outil qui casse et surtout la chaleur intense, qui ne laisse rien voir à travers elle (1994 : 21). Si cette échelle stable et durable qui provoque le ramollissement nécessaire à mêle passages de la lumière et du regard 12, elle présente néan- l’agglomération 14 des morceaux distincts et qui favorise une moins l’avantage de marquer les relations de contrariété entre transmutation du verre partiellement dévitrifié et, ainsi, l’hété- les termes qui nous intéressent – par exemple, la translucidité rogénéité du matériau verrier initialement homogène. présuppose unilatéralement la non-transparence. L’hétérogénéité apparente du verre aggloméré peut être Quelles sont les qualités ou propriétés qui assurent cette perçue comme la trace du concassage et l’actualisation par translucidité non transparente ? Dévitrifié, le verre a perdu sa la chaleur de modes d’être verrier différents : les changements transparence ; non coloré, il n’influe pas sur la translucidité en partiels d’apparence et de propriétés, sous l’effet du feu, d’un modifiant le spectre coloré de la lumière naturelle et, corrélati- matériau homogène et uni. Du point de vue de la transmission habituels 13. de la lumière, cette hétérogénéité complexifie singulièrement Ce sont ainsi la masse du verre, sa texture et sa composition les choses, et ce, d’autant plus que les interfaces dévitrifiées qui seront les modalisateurs de la lumière recherchée par des morceaux de verre agglomérés sont plus réfléchissantes. Soulages. La transmission sera donc modulée suivant la texture et la vement, son intensité – comme il en va des vitraux De la texture, il faut également noter la bivalence. Sur la composition du verre. Ainsi, il est possible d’imaginer que la face extérieure, le verre est lisse et brillant, semblable à une lumière, non réfléchie à la surface extérieure du verre, pourrait pellicule réfléchissante et pellucide qui laisserait apparaître l’être en partie dans la masse épaisse du verre cristallin qui la par transparence le verre composé sous la surface. À l’intérieur, diffracterait, la détournerait lors de son passage, avant de la nul effet de stratification de la profondeur ne s’observe : le laisser sortir (voir figure 1). verre apparaît légèrement granuleux et irrégulier – un peu à la Il va sans dire que cette rétention de la lumière dans le verre manière des pierres de calcaire mitoyennes. De la qualité du semble à même de combler les projets de Soulages : freiner la volume 36 numéro 3 • PROTÉE 102 2) De la densité morphodynamique des crins de Bloch Modalisations du passage de la lumière par et dans le verre : réflexion, absorption et transmission partielles Si les vitraux de Soulages ont offert une occasion pour considérer divers états potentiels de la matière, des modes d’être aux propriétés opposées (la transmission-réflexion du verre en partie dévitrifié) et émergentes, les objets de crin de Pierrette Bloch nous permettront de considérer plus attentivement les relations entre forme et matière. Une citation permet de situer Transmission de la lumière de l’extérieur vers l’intérieur passage { le point de vue de l’artiste dès 1976 : ne pas pouvoir-entrer (réflexion) ne pas pouvoir-sortir (absorption) pouvoir-passer (transmission) Pas de point, pas de nœud savant. Rien de ce qui relève d’une virtuosité artisanale, d’un savoir-faire séculaire. Tout cela est loin de Figure 1 mon propos. Cordages, ganses, ficelles sont là pour leur fluidité, leur poids, leur souplesse ou leur fermeté, pour toutes les possibilités transmission pour donner l’impression que la lumière provient formelles qu’elles contiennent en puissance. (Bloch, 1998 : 1) de la masse même du verre, que celle-ci devient émettrice de clarté. La technique principale aura été de répartir des lieux La question que nous poserons est donc la suivante : quelle d’impénétrabilité plus ou plus importante au passage de la relation entre la forme et la matière les objets de crin de Pier- lumière, et ainsi de la diffracter et de la désintensifier – d’où rette Bloch invitent-ils à voir et qu’en est-il de ces « possibilités l’obtention d’une lumière diffuse et non éclatante dans l’espace formelles » que le matériau contiendrait en puissance ? de l’abbatiale. Nous retrouvons là la sémiotique polémique de Produits depuis 1982 15, les objets dont il s’agit sont présen- la résistance, de la confrontation entre sujets aux dynamiques tés sur les étiquettes des expositions comme des « Sculptures opposées, à laquelle l’analyse des textes nous a habitués depuis de crin » ou des « Dessins de crin ». Ce qui peut étonner dès longtemps. l’abord, c’est le « jeu » entre les dénominations génériques et Si le mode d’apparaître de la lumière résulte des opérations les œuvres – ce dont témoignent le terme pièces et les points en jeu, il témoigne non seulement de l’incapacité de celle-ci à d’interrogation attenants aux mots « sculptures » et « dessins » résister aux obstacles matériels, mais aussi de la ténacité de sa dans le synopsis d’un film sur Pierrette Bloch 16. Fines, faites dynamique et de sa capacité à se frayer un chemin en se dé- de crins noués et enroulés autour d’un fil de pêche fixé contre composant – une diffraction qui provoque sa désintensification, le mur entre deux pitons, les « Sculptures de crin » sont ténues. et donc son amenuisement. La tridimensionnalité de l’objet sculptural est donc réduite au Il convient pour finir de noter la transformation du verre lui- minimum, et la présentation des sculptures fixées à 7 cm du mur même : non seulement de sa luminosité afférente à l’absorption accentue cette impression. Autre objet d’étonnement : à interval- de lumière, mais aussi – et la chose est plus surprenante – de sa les irréguliers, le crin échappé des boucles et des nœuds tombe, coloration. En effet, si le verre présente à l’extérieur les reflets souple et mobile, au moindre courant d’air. Enfin, la banalité du incertains du paysage environnant, il prend à l’intérieur des tein- matériau sans grande valeur marchande rattache ces objets à la tes variées qui rappellent l’extérieur – les vitraux bleus donnent production contemporaine refusant les matériaux nobles. Dans sur le ciel, les roses sur un mur de grès. Ces teintes et ces reflets les « Dessins de crin », les fils de crin bouclés et tombant, fixes évoluent avec le temps, apparaissant et s’intensifiant quand la et mobiles, ont changé de valeurs ; non plus banals et ténus, ils lumière extérieure est importante et indirecte, s’estompant sous sont originaux, puisqu’ils remplacent, sur des tableaux de bois l’effet d’une lumière trop intense ou insuffisante. Tout se passe blanc, les traits immobiles d’encre, de crayon ou de craie. comme si, transformateur de lumière, le verre était à son tour Comment décrire plus précisément ces objets ? Le critère transformé par celle qu’il transforme. L’être coloré des vitraux de quantitatif est apparu d’emblée évident. Même si les lignes des Soulages apparaît ainsi comme une qualité émergente modalisée sculptures peuvent s’étendre sur plusieurs mètres, les formes par ses propriétés complexes de transmission-réflexion et par sont minces. Il y a peu de matière à voir et cette ténuité force l’intensité de la lumière elle-même – en termes sémiotiques, à la concentration. Les premières sculptures visibles jouent, l’action du verre engendre, sous certaines conditions d’être de de ce point de vue, le rôle de calibreur perceptif et posent l’objet qu’il transforme, son être coloré. une norme moyenne au-delà de laquelle excès et insuffisance 103 PROTÉE • volume 36 numéro 3 ont leur place. Dans cette échelle perceptive, le nombre de Tension฀du฀crin fils participe à la variation formelle des sculptures dont les fils tonique tension du crin enroulé (cohésion et forme) uniques s’enroulent en vrilles, alors que les fils multiples font un enchevêtrement confus ou forment des boucles. Relativement dé-tension du crin tombant (dispersion et matériau) homogène, en fait, chaque objet présente un rythme régulier + atone et subtil parfois ébranlé par un changement imprévisible. Si les courbe concentré œuvres de crin peuvent donner lieu à une lecture du rythme né de la transformation syntagmatique des formes et de leur ondulation dispersé Forme฀du฀crin฀ Figure 2 mobilité, c’est surtout la torsion du matériau qui retiendra notre attention. Ni pliés ni brisés, les crins forment des courbes plus pour toutes les possibilités formelles qu’elles contiennent en ou moins concentrées et tendues autour du fil de pêche ou sur puissance ». Cette propriété « intentionnelle » du crin, nous la surface des tableaux, et ces tensions diverses témoignent de l’avons exprimée en termes de densité. Qu’en est-il au juste la densité du crin. Plus précisément, il appert que cette densité de cette densité ? Cité avec des acceptions différentes en sémiotique 17 ou dans du matériau est manifestée par la forme donnée, parce que cette les dictionnaires de langue, le terme densité semble à la fois forme est rendue possible par la densité du matériau. Souligner d’emblée que le crin n’est pas brisé n’indique pas ressortir, dans les expressions usuelles, de l’intensité (optique seulement un éventuel « respect » du matériau dont on pourrait dans « la densité des noirs »), de l’extension (l’épaisseur ou le percevoir différentes manifestations de la densité ; cela souligne volume d’un « feuillage dense »), du nombre (« la densité d’une aussi que l’effet produit est de l’ordre non pas du discontinu population ») et de la compacité (« la densité des métaux »). On mais bien d’une continuité favorable à l’expression des tensions. l’évoque aussi pour signifier le poids et la force. Dans notre Le contraste entre la courbe et l’ondulation des fils qui tombent description des œuvres de crin, ce sont assurément les valeurs peut, de ce point de vue, être perçu comme une modulation de compacité et de force qui prévalent, ou plus exactement celle de la tension. Intensément tendu dans les vrilles et les boucles d’une compacité du matériau selon qu’elle puisse imposer une fines, plus détendu dans les boucles larges, le crin se détend dynamique ou une résistance. lors de son échappée ondulante sous l’effet de sa propre densité, Le Petit Robert ouvre sa définition du dense par l’acception de sa chute et de son poids. Ce que ces œuvres donneraient à suivante : « 1. Qui est compact, épais. Brouillard dense → impé- voir, ce serait donc une réaction tensive entre forme et maté- nétrable » (2004 : 687). Si le synonyme impénétrable n’apparaît riau : comment la forme courbée augmente la tension du crin, pas pertinent pour les crins de Pierrette Bloch – compte tenu comment le matériau en chute prend un aspect ondulé en raison du point de vue adopté –, il prend une valeur évidente pour de son caractère non pas souple et mou, mais flexible et dense les volumes de lumière colorée que sont les Light Pieces de – caractéristiques nécessaires à la courbure des boucles. Ce sont James Turrell. ces corrélations entre formes et tensions apparentes que nous 3) Compacité de la lumière-matière sensible chez James Turrell avons représentées dans la figure 2. On pourrait encore préciser que la dé-tension du crin libéré Dans la partie de son ouvrage consacrée à l’opacité et à la de la forme est graduelle et que, près de la boucle, il a une forme transparence, F. de Méredieu ouvre un chapitre sur la lumière raide, encore concentrée et tendue qu’il gardera s’il est court. On par une citation de James Turrell : pourrait également noter la connivence formelle entre ondula- D’où la lumière vient-elle dans les rêves ? Elle est magique, elle a de tion et boucle, comme si, pour reprendre la célèbre proposition la substance, elle a une présence physique […]. J’aime donner de de Focillon, il y avait ici visibilité d’une « vocation formelle » de la substance et de la réalité aux choses que nous avons décrétées la matière qui « imposerait sa propre forme à la forme » (1964 : insubstantielles et transitoires. (Méredieu, 2004 : 82) 51). La définition aristotélicienne de la substance composée de matière-potentialité et de forme-actualisation montrerait ainsi la Le projet et l’objet sont définis : l’artiste américain se propose pérennité de sa valeur sémiotique. Pierrette Bloch l’avait énoncé de jouer du paradoxe en invalidant nos croyances sur la nature dans la citation reproduite plus haut : les matières sont choisies insubstantielle de la lumière 18. Il s’agit de substantialiser la « pour leur fluidité, leur poids, leur souplesse ou leur fermeté, lumière, certes, mais aussi de désubstantialiser l’espace archi- volume 36 numéro 3 • PROTÉE 104 tectural et les parois – ainsi que nous pouvons le voir grâce Si l’on essaie d’analyser, comme le phénoménologue G. à un article de V. Laganier (2000) illustré par un plan et par Didi-Huberman, les relations du visiteur-spectateur avec cette des photographies qui montrent la différence entre la « réalité atmosphère dans laquelle il peut circuler, nous pouvons relever matérielle » du dispositif des Light Pieces et l’apparence de plusieurs comportements ou sensations. Tout d’abord, notons l’installation réalisée à Avignon en 2000. La question que nous que le visiteur doit se départir de ses automatismes, de ce que nous poserons concerne donc, d’une part, cette conversion M. Merleau-Ponty appelle les « habitus du corps », le « sens de des valeurs matiéristes et, d’autre part, l’expérience sensible à la situation » qui est une « marge d’existence impersonnelle » laquelle le visiteur des Light Pieces est confronté. (1945 : 94-99). Sans repère dans le champ perceptif, l’orientation F. de Méredieu le souligne : James Turrell fait partie de ces et la mobilité sont forcément perturbées. Dans la citation relevée artistes contemporains qui utilisent l’installation pour plonger plus tôt, G. Didi-Huberman évoque également la dimension le spectateur dans l’image (2004 : 597). Il s’agit non pas seule- tactile de ces espaces. Non seulement les spectateurs tentent-ils ment de rester à distance, de contempler l’œuvre de loin, mais de toucher la lumière qui les englobe 20 mais, d’après le phé- aussi de rentrer dedans, d’« habiter » la lumière. Du point de noménologue : « C’est à nous toucher que viseraient les œuvres vue du spectateur, que se passe-t-il ? Orienté par le dispositif, de J. Turrell » (2001 : 57 note). La correspondance sensible du son parcours le confronte par étapes à des espaces aux valeurs visiteur à la lumière diffuse devient également analogique, contradictoires. Ainsi, en entrant dans une première salle, il puisque « l’homme qui marche dans la couleur [...] s’éprouverait voit face à lui une surface frontale et monochrome, comme un lui-même comme devenant flou » (2001 : 29). tableau accroché au mur. Tout près, la surface devient poreuse, L’expérience donnée à vivre par cette installation est à plus puis volume illimité de lumière colorée lorsqu’il y pénètre – un d’un titre originale. Il ne suffit pas de noter la déconnexion des volume décrit par G. Didi-Huberman comme « un champ où la automatismes déficients de la lecture perceptive du monde et de lumière est tellement lourde, homogène, intense et sans source, la mobilité corporelle. Il ne suffit pas non plus de déclarer pu- qu’elle deviendra la substance même – compacte et tactile – du rement et simplement fausse l’interprétation picturale première, lieu tout entier » (2001: 46). puisque de loin le champ lumineux est toujours vu comme Les termes d’une contradiction perceptive sont posés : on un tableau monochrome – quand bien même on viendrait de passe de ce qu’on interprète, par habitude picturale, comme constater que ce tableau est illusoire. La différence demeure une surface dure et pleine, à l’expérience vécue d’une dilution entre la perception distanciée et l’être-dedans du sujet immergé décompacifiante de la surface qui, pénétrable, devient un champ dans une lumière colorée, étrange et profonde 21. Et, dans ce lumineux et compact. Le parcours perceptif est ainsi passages du contexte d’oppositions, le paradoxe est valorisé : l’expérience loin au dedans, de l’interprétation visuelle à l’expérience sensi- de l’omniprésence atmosphérique de la lumière et de la couleur ble, de la matière à la dématérialisation de la paroi, de la lumière remet en question nos habitudes perceptives et l’ontologie du éclairante et neutre de la première salle à un champ homogène, « sens commun » établie par Aristote voyant dans la couleur un compact et illimité de lumière colorée et diffuse. Qu’en est-il accident ou un attribut de la substance. Substantialiser la lumière plus précisément de cette atmosphère lumineuse « compacte » et la couleur en donnant à les voir comme des phénomènes et de la disparition des parois du dispositif final 19 ? indépendants de toute surface et indiquer par un dispositif En fait, c’est de la transparence de la lumière qu’il convient d’oppositions qu’il s’agit de retourner un paradoxe, c’est ce que de parler. La lumière n’est pas ici transparente et invisible nous avons retenu des projets de James Turrell. comme l’éclairage habituel, elle est colorée et, pour ainsi dire, Traiter de l’illusion, du vrai et des valeurs axiologiques en « opaque » – dans le sens où l’on ne voit pas à travers elle ou jeu, la sémiotique s’y est attelée depuis longtemps. Traiter du sen- grâce à elle, mais où on la voit elle seule. La perception est alors sible et du corps, c’est une tâche à laquelle des sémioticiens ont ambivalente : cette luminosité opaque noie en quelque sorte répondu plus récemment en profitant des écrits philosophiques les parois, le sol et le plafond et empêche de voir des limites. sur le sensible. C’est la raison pour laquelle les analyses de G. Elle provoque un espace à la fois ouvert et illimité, mais aussi Didi-Huberman apparaissent dans des textes comme ceux d’H. compact et potentiellement fermé parce que la lumière diffuse Parret traitant de présence et d’événement (2001). L’importance et colorée empêche également de voir à distance et qu’elle peut que ce sémioticien accorde au toucher, à la réversibilité du tou- « cacher » – comme il en va du brouillard et de l’obscurité. chant-touché pour décrire la relation du sujet au monde mérite 105 PROTÉE • volume 36 numéro 3 évidemment d’être évoquée pour notre objet, de même que la entre forces potentiellement opposées. L’intérêt de cette dernière référence au regard qui « enveloppe, palpe, épouse les choses étude réside néanmoins dans la démonstration de la valeur de visibles » du Merleau-Ponty du Visible et de l’Invisible (1964) 22, cette lecture énergétique convoquée pour rendre compte non et la référence à l’œil dépaysé par l’événement de J.-F. Lyotard plus d’une sémiotisation d’un processus physique observable – un « Il y a » qui « dérangerait l’ordre d’intimité du corps avec mais de la sémiotisation d’une expérience sensible où la pres- lui-même et avec le monde », commente H. Parret (2001 : 24, sion, le toucher et le devenir flou sont l’expression d’un sentir 53). Les ingrédients relevés dans l’expérience existentielle des dépourvu de corrélat tangible évident. Light Pieces sont là : l’événement qui dérange notre perception 3.฀Conclusion :฀quelle฀sémiotique฀de฀la฀matière ? et désactive notre mode habituel d’être au monde, le rôle du corps dans notre compréhension du monde, la confusion synes- Nous l’avons évoqué auparavant, notre projet est non pas thésique du voir et du toucher, la réversibilité du toucher et de de nous démarquer de notre école sémiotique, mais plutôt de l’être touché comme mode relationnel, mais aussi l’isomorphie proposer une démarche englobant les approches subjectales, figurative comme principe de compréhension de « l’homme qui phénoménologiques et objectales inaugurées par Greimas et s’éprouverait lui-même comme devenant flou » au sein de cette Bastide. Les nombreuses références à C. Zilberberg, J. Fonta- atmosphère lumineuse. nille ou H. Parret indiquent également ce que nous devons à En 1999, J. Fontanille a abordé en termes plus sémiotiques la la sémiotique tensive et à une sémiotique du corporel et de question de la mise en discours du sensible et du rôle du corps l’esthésie. Mais ces références théoriques et méthodologiques dans l’émergence de la fonction symbolique. De cette étude sont accompagnées d’une affirmation toute phénoménologique des modes du sensible et du corps sémiotique, on peut retenir de la présence matérielle et concrète des choses et des corps, certains éléments qui permettront d’envisager les distinctions d’un « il y a » résistant qui est « appel de sens », proposition et sémiotiques malmenées par l’expérience décrite. Ainsi, citant invitation à une sémiose centrée sur la matière – en tant qu’elle H. Parret, J. Fontanille envisage le toucher comme une sensation est perceptible, sensible et dynamique. Assumant l’assomption proprioceptive instaurant « l’opposition entre l’identité et l’alté- phénoménologique, nous avons ainsi tenté de la sémiotiser pour rité, [entre] le propre et le non-propre ». Ce qui serait en jeu avec rendre compte de notre relation et de notre lecture sensible de le toucher, ce serait « un principe de contact fondamental, qui la matière. définirait un champ transitif élémentaire (“la présence pure” et Ainsi que nos études l’ont montré, la sémiotique que nous la distinction entre le propre et le non-propre) »… Par ailleurs, avons tenté d’élaborer peut se déployer dans trois dimensions : la sensori-motricité instaurerait un « champ réflexif », instigateur celle des états de la matière – en l’occurrence, des états ou de la distinction entre le moi et le soi, entre la chair palpitante et qualités changeants et plus ou moins auto-émergeants –, celle l’enveloppe du corps propre (Fontanille, 1999 : 30-32). Quant à des formes de la matière – et de ses facteurs organisateurs la vision, débrayée et distanciée, elle « procurerait aux acteurs internes ou externes – et celle d’une relation sensible corps- spécifique » 23 matière – en l’occurrence d’une relation de contact qui peut identifiés une forme, c’est-à-dire une enveloppe (ibid. : 44). s’inscrire dans une mémoire corporelle parfois mise en déroute. Ce que remettraient en cause les Light Pieces, ce seraient Si ce triple déploiement permet de réorienter des réflexions donc des modes fondamentaux de constitution des autres, du des « matériologues » ou « philosophes de la matière » dans le soi et du non-propre. Dans les termes figuratifs du sémioticien, champ de la sémiotique, s’il présente un intérêt pratique pour ce serait l’enveloppe du corps du sujet sémiotique (ibid. : 52) qui décrire et interpréter des objets d’art et, enfin, s’il permet de perdrait de son pouvoir de résistance aux pressions figuratives retrouver les angles d’accroche de la matière des sémioticiens, de l’extérieur – c’est-à-dire, après la réversibilité des sensations, il a aussi fait émerger à nouveau des questions plus spécifiques : l’expression d’une confusion figurative entre l’atmosphère celle, par exemple, de la co-définition des modalités factitives diffuse et un corps subjectal devenu poreux. Cette formulation et existentielles – les propriétés dynamiques des vitraux de sémiotique, en termes d’enveloppe, de résistance et de pression, Soulages où faire et être s’autodéterminent – ; celle de la mise évoque évidemment ce que nous avons dit du verre des vitraux en forme comme manifestation de tensions d’origines, de sens de Pierre Soulages, de sa pénétrabilité et de la pénétration de la et d’intensités différents et plus ou moins quantifiables – la lumière, d’une sémiotique de la résistance ou de la rencontre matière des crins de P. Bloch comme potentialité de la forme volume 36 numéro 3 • PROTÉE 106 et la forme comme expression de la matière, de son pouvoir de riau, mais note que le concept de matière serait plus large que celui de matériau ; elle cite Manzini : « comment la matière devient matériau, c’est-à-dire intégrable dans un projet et composante d’un produit » (2004 : 28). 5. Dans l’Encylopedia Universalis, J. Guillerme et H. Vérin écrivent : « [...] de nos jours, les formalismes mathématiques qui expriment les vicissitudes de la matière l’identifient à des événements singuliers de lignes d’univers, où nous sommes pris nous-mêmes, sans que nous en ayons conscience ». En ligne : http://www.teilhard.org/panier/1_fichiers/ Trav.La.Matiere_Gr.Ariane.pdf (page consultée le 18 novembre 2008). 6. M. Collot évoque Valéry, Sartre, la « psychanalyse de l’imagination matérielle » de Bachelard, les philosophes des Lumières pour lesquels la sensibilité – affective et sensorielle – serait « conçue comme “ propriété générale de la matière ” » et les phénoménologues M. Merleau-Ponty et M. Dufrenne traitant d’un mode d’être du sujet correspondant à un mode d’être de l’objet (1997 : 16-17, 57-59). 7. Dans le Cours de linguistique générale, F. de Saussure définit la substance phonique comme « matière plastique, plan indéfini et indéterminé, [et] masse amorphe » – comme la pensée (1986 : 155). J. Fehr précise que, pour Saussure délimitant la sphère du linguistique, « la matérialité – acoustique ou physiologique – [des] “ objets extérieurs ”, telle qu’elle est perceptible par les sens », est exclue ; ce qui importe, c’est « le fait qu’ils servent de signes » (2000 : 114). Également écartée de la linguistique formelle de Hjelmslev, la matière ou « mening » est différenciée de la forme et de la substance. Le « mening » danois est traduit tantôt par « matière », tantôt par « sens », en raison, précise S. Badir, « de l’absence de terme pour désigner l’in-forme, le non-encoreanalysé, avant la bipartition entre le sensible (de la matière) et l’intelligible (du sens) » (2000 : 211). Zone indistincte délimitée de l’extérieur, le « mening » est présenté, par le fondateur de la glossématique, comme un « continuum amorphe et non analysé » (Hjelmslev 1970 : 71) ; il n’aurait d’autre « existence possible que d’être substance d’une forme quelconque » (ibid. : 70). Informe, mais susceptible d’une formation, « le mening » serait de fait inaccessible à toute connaissance puisque non analysable (ibid. : 98). 8. D’après S. E. Larsen proposant une analyse parallèle de la notion d’objet chez Brøndal, Peirce et Greimas, ce dernier se serait tôt opposé à un formalisme relationnel réduisant les objets à des points d’intersections relationnels. Rejetant une conception faisant de la structure sémiotique une pure forme et affirmant l’irréductibilité et la spécificité de la notion d’objet, il aurait rendu possibles une sémiotique de l’objet et une esthétique objectale (1991). 9. F. Bastide dégage des catégories structurelles dans son analyse de la matière. Il s’agit des catégories amorphe versus structuré, discret versus compact, expansé versus concentré, composé versus simple (1987 : 11-18). 10. Greimas évoque un « niveau de la sensation pure, des parcelles resplendissant de toutes les couleurs et allant s’introduire dans les yeux » (1987 : 51) qui fait écho au texte de M. Merleau-Ponty sur la couleur perçue : « Selon que je fixe un objet ou que je laisse mes yeux diverger ou enfin que je m’abandonne tout entier à l’événement, la même couleur m’apparaît comme couleur superficielle – elle est en un lieu défini de l’espace, elle s’étend sur l’objet – ou bien elle devient couleur atmosphérique et diffuse tout autour de l’objet ; ou bien je la sens dans mon œil comme une vibration de mon regard ; ou enfin elle communique à tout mon corps une même manière d’être, elle me remplit et ne mérite plus le nom de couleur » (1945 : 262). 11. La philosophe A. Cauquelin (1992) parle ainsi de textes-objets, c’està-dire d’objets dont la perception est déjà de l’ordre du discursif ou de résistance et de réaction – ; celle, enfin, de la relation du sujet au monde et de la définition du soi, du même et de l’autre – une question posée à la porosité des enveloppes et aux habitudes d’être des corps. Précisons encore que l’étude de ces dimensions semble pouvoir convoquer un vaste bagage méthodologique et plusieurs outils conceptuels : la narrativité et les modalités, comme la tensivité et l’aspectualité. Mais une sémiotique de la matière, attentive à la consistance du monde et de ses objets, semble devoir s’attacher plus particulièrement à rendre compte de la densité des choses et des milieux, de la configuration aspectuelle (ouverte-fermée ; durable-éphémère) des surfaces et formes et des rapports de forces et de tensions qui travaillent la matière. Autant dire l’ampleur de notre dette à la sémiotique tensive. NOTES 1. Dagognet écrit : « la science et l’industrie modifient le concept de matière, dans la mesure où elles parviennent à décider de celle-ci et à la réaliser de telle façon qu’elle puisse inclure des qualités résolument opposées comme le très mince et l’incassable, ou encore le léger et le résistant, etc. » (1989 : 187). Les couples évoqués présentent cependant l’inconvénient de relever de catégories sémantiques différentes ; ce sont les corrélations entre catégories qui sont révisées, par exemple celle du mince et de l’épais et du cassable et de l’incassable. 2. La distinction aristotélicienne de la matière d’avec la substance composée de matière et de forme ou, en d’autres termes, de potentialité et d’acte, est oubliée du Petit Robert qui définit la matière comme un objet d’intuition, une donnée qui évoque à la fois les sensations affectant le sujet kantien – par opposition à la forme du phénomène qui fait que le divers du phénomène est coordonné dans l’intuition selon certains rapports – et la substance abstraite moderne dont seraient faits les corps, la res extensa divisible, mathématisable et quantifiable qui soutiendra une physique mécanique de corps impénétrables et inertes. 3. L’historienne de l’art ouvre son dictionnaire en ces termes : « L’art est toujours apparu comme la résultante ou la rencontre de deux facteurs opposés, et par voie de conséquence complémentaires, la matière et la forme » (Méredieu, 2004 : 27). Par la suite, elle déclinera cette relation en référence aux œuvres produites et aux commentaires des artistes. Ainsi seront évoquées : 1) les relations d’opposition de la forme contre la matière – dans l’art abstrait en quête de sublimation du matériau –, de la matière contre la forme – avec les œuvres matiéristes au principe d’ordre trop complexe pour pouvoir être saisi – ; 2) les relations de correspondance de la matière comme forme – la couleur ou les discontinuités faisant forme – et de la forme comme matière – dans le cas de la répétition défigurante d’une forme. 4. L’historienne présente la matière comme quasi synonyme de maté- 107 PROTÉE • volume 36 numéro 3 l’interdiscursif – une réactualisation d’autres discours qui, déjà tenus sur les œuvres ou sur l’art en général, en préparent l’appréhension. 12. On peut proposer, pour rendre compte de ces relations, un exercice de modélisation sémiotique (dit 4-groupe de Klein) où les termes seraient considérés comme des complexes définis par les composés : passage du regard permis ou non et passage de la lumière permis ou non. Auquel cas, « passages de la lumière et du regard permis : AB » serait la définition de la transparence ; « passage de la lumière seul permis : A et non-B », celle de la translucidité ; « passages du regard et de la lumière impossibles : non-A et non-B », celle de l’opacité ; quant au « passage du regard seul permis : non-A et B », il est difficile d’en concevoir la possibilité, la lumière étant la condition sine qua non de la visibilité. Tout en montrant la relation de présupposition entre ces deux termes, cet exercice isole « opalescent » dans la gradation du passage de la lumière entre translucidité et opacité. 13. Les couleurs des verres, tout en produisant une coloration des rayons lumineux par tri et absorption d’une partie du spectre coloré de la lumière – ainsi que les physiciens nous l’ont appris –, réduisent l’intensité de la lumière transmise. E. Viollet le Duc (1980 : 146), puis L. Grodecki (1954 : 187-191, 202) ont ainsi étudié et relevé le pouvoir de transmission différent de certaines couleurs translucides des vitraux anciens. Ainsi, le verre violet se présenterait comme extrêmement rayonnant, certains bleus et le blanc très lumineux seraient utilisés pour éclairer l’espace, alors que le verre rouge constituerait un écran optique qui deviendrait noir lorsque le soleil ne le frapperait pas directement. 14. L’agglomération est définie comme un tout dont les parties sont liées, dans l’esquisse d’une ontologie matérielle de J.-F. Bordron qui, adoptant le point de vue de l’intentionnalité eidétique et de la méréologie, analyse les différents types relationnels (1991 : 59). 15. Lors d’un entretien, P. Encrevé et Pierrette Bloch évoquent la variété de son œuvre : ses collages, ses peintures et dessins, et le travail du crin de cheval – ses mailles de crin succédant à ses mailles de chanvre, de lin ou de filin goudronné en 1979, l’utilisation des fils de crin à partir de 1982 pour les sculptures et les dessins. Le matériau y est mis en valeur pour sa ténuité, sa longueur et l’ombre projetée (Bloch, 1998 : 5-22). 16. Voir la présentation du film de Thierry Spitzer (1997). 17. Le terme densité apparaît dans plusieurs textes de sémiotique. Citonsen deux. Dans « Catégories, icônes et types phénoménologiques », J.-F. Bordron traite de la mise en forme d’un continuum plus ou moins amorphe qu’il présente comme l’a priori matériel de la perception tendu entre extensité et atomicité. Il distingue ainsi trois catégories principales qu’il analyse successivement : 1) la matière (ou quantité) exfoliée en densité, disposition (texture, souplesse, …) et force ; 2) la qualité analysée en dominante, saturation et intensité ; et 3) la forme (ou relation) analysée en extension, limite et direction. Et l’auteur de conclure : « On aimerait dire que ce déploiement catégorial, au sens où nous avons interprété cette notion, assure une communauté des sensations puisqu’il établit une phénoménalité en laquelle toute sensation peut se reconnaître » (2000 : 16-17). J. Fontanille et C. Zilberberg évoquent une densité plus générale : « la densité existentielle ou de présence » qui mesurerait des degrés entre modalités de présence et d’absence (1998 : 98-99). 18. F. Bastide évoque des objets immatériels, « objets faits de pure lumière » ou bien objets cognitifs (1987 : 23). 19. Rappelons, à la suite de C. Adcock, qu’un phénomène optique de « champ total » ou Ganzfeld a été décrit par W. Metzger en 1930. Celui-ci aurait noté que des observateurs, incapables de voir la structure fine d’une surface courbe lorsque l’éclairage est réduit, perçoivent un brouillard de lumière. Reprenant les expériences dans les années 1950-1960, J. J. Gibson décrit : « What my observers and I saw under these conditions volume 36 numéro 3 • PROTÉE could better be described as “ nothing ” in the sense of “ no thing ”. It was like looking at the sky. There was no surface and no object at any distance. Depth was not present in the experience but missing in it. What the observer saw, as I would now put it, was an empty medium »(Gibson cité par Adcock, 1990). (Notre traduction :« Ce que mes observateurs et moi avons vu dans ces conditions pourrait mieux être décrit comme : “rien” dans le sens de “aucune chose”. C’était comme regarder le ciel. Il n’y avait ni surface ni objet à aucune distance. La profondeur n’était pas présente dans l’expérience, mais elle manquait en elle. Ce que l’observateur voyait, ainsi que je pourrais maintenant le formuler, était un médium vide »). Plusieurs ouvrages traitent des effets visuels de dématérialisation par la lumière. C. Zilberberg analyse ainsi les relations entre rayonnement et matérialité dans le baroque et le classique d’H. Wölfflin (1992 : 46). L’architecte H. Ciriani décrit une lumière picturale essayant de dégager l’espace de la gravité, de tirer la matière vers l’abstraction (1991 : 82-83.) Sur la lumière diffuse, cf. Renoue 2001. 20. Notre lecture peut être enrichie par deux citations relevées en 2001 sur des sites Internet aujourd’hui appauvris. James Turrell aurait déclaré à J. Brown lors d’une entrevue : « I’m interested in the weights, pressures and felling of the light inhabiting space itself and in seeing this atmosphere […] atmosphere is volume, but it is within volume […] there are densities and structuring within a space, and the light has a quality of tangible presence, […] it has a quality seemingly intangible, yet it is physically felt. Often people reach out to try to touch it » (Interview with James Turrell : http://www.rodencrater.org/seeing/intrview/01. htm). (Notre traduction : «Je m’intéresse aux poids, aux pressions et à la sensation de la lumière occupant l’espace lui-même et à la saisie de cette atmosphère [...] l’atmosphère est volume, mais elle est dans les limites d’un volume [...] il y a des densités et des éléments structurants à l’intérieur de ce volume, et la lumière a une qualité de présence tangible, [...] elle a une qualité apparemment intangible, pourtant elle est physiquement ressentie. Souvent les gens ont tendance à essayer de la toucher »). 21. Cette profondeur peut évoquer celle, non géométrique, décrite par M. Merleau-Ponty : « une profondeur primordiale qui, [sous la profondeur objectivée, serait] l’épaisseur d’un médium sans chose [et non la relation] entre des choses ou même entre des plans, détachée de l’expérience et transformée en largeur. […] La profondeur ainsi comprise est plutôt l’expérience de la réversibilité des dimensions, d’une “ localité ” globale où tout est à la fois, dont hauteur, largeur et distance sont abstraites, d’une voluminosité qu’on exprime d’un mot en disant qu’une chose est là » (1999 : 65). 22. Après avoir analysé l’exploration de la main et les mouvements du regard, M. Merleau-Ponty écrit : « […] le spectacle visible appartient au toucher ni plus ni moins que les “ qualités tactiles ”. Il faut nous habituer à penser que tout visible est taillé dans le tangible, tout être tacite promis en quelque sorte à la visibilité, et qu’il y a empiétement, enjambement, non seulement entre le touché et le touchant, mais aussi entre le tangible et le visible qui est incrusté en lui, comme, inversement, lui-même n’est pas un néant de visibilité, n’est pas sans existence visuelle » (1999 : 175). Pour un aperçu historique des études comparatives en psychologie et philosophie des modalités sensorielles d’ordre visuel et tactile, voir J. Lupien (2000). 23. « Pour identifier la forme de l’autre corps, la vue apprécierait la zone de contact entre la lumière (l’actant source de la vision) et les obstacles matériels qui occupent le champ (les actants de contrôle de la vision) », précise J. Fontanille (1999 : 43). Les modes de manifestation de cette zone de contact – ou de conflit puisque la lumière traverse ou 108 ne traverse pas l’obstacle – ont été étudiés dans Sémiotique du visible (1995). À côté des lumières informant éclat, éclairage et chromatisme, retenons la description sémiotique d’une lumière-matière et d’effets de sens-matière décrits comme la manifestation d’un actant « rayonnement » et d’une forme d’occupation de l’espace inaugurant le mode tactile d’appréhension du monde (Fontanille, 1995 : 34-37). GREIMAS, A. J. et J. COURTÉS [1979 et 1986] : Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, 2 tomes, Paris, Hachette. GREIMAS, A. J. et J. FONTANILLE [1991] : Sémiotique des passions, Paris, Seuil. GRODECKI, L. [1954] : « La couleur dans le vitrail du XIIe au XVIe siècle », dans I. Meyerson (dir.), Problèmes de la couleur, Paris, SEVPEN, 183-205. HÉNAULT, A. [1992] : Histoire de la sémiotique, Paris, PUF. HJELMSLEV, L. 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