Talks by Aurore Saint-André
De nos jours, les sociétés occidentales actuelles différencient très nettement les œuvres artisti... more De nos jours, les sociétés occidentales actuelles différencient très nettement les œuvres artistiques des productions artisanales. Cette séparation semble plus tenue, voire inexistante, lorsque l’on aborde les sociétés anciennes. Dans la langue latine, alors que le terme d’artisanat n’a pas d’équivalent, ceux employés pour désigner l’artiste et l’artisan sont nombreux : opifex, artifex, faber, fabricator, etc…
Ce vocabulaire fait tout aussi référence au champ artistique qu’à celui de l’artisanat. Pourtant s’il n’existe pas de différence lexicologique dans la langue latine, les sources littéraires anciennes témoignent d’une différence de perception entre artistes et artisans. Alors que les premiers sont souvent loués par les auteurs latins pour leur habileté, certains parvenant même à accéder à la citoyenneté ou à des charges municipales, les seconds restent synonymes de vileté et d’hommes méprisables.
Malgré ces connotations véhiculées par les témoignages littéraires, les autres sources disponibles telles que l‘archéologie et l’épigraphie montrent une réalité plus nuancée où le nombre impressionnant de stèles funéraires représentant des artisans en activité ou leurs outils est loin du mépris social décrit par les témoignages écrits. La découverte fréquente de mention de corporations professionnelles atteste d’une certaine reconnaissance politique par les classes dirigeantes urbaines romaines. Ainsi quel regard portent véritablement les Romains sur ces hommes exerçant un ars ? Quelle part d’ethnocentrisme l’historiographie moderne a apportée à l’étude de ces hommes, de leur ars et de leur production, l’artificium ?
L’aménagement territorial de la civitas et plus particulièrement celui du chef-lieu de cité reste... more L’aménagement territorial de la civitas et plus particulièrement celui du chef-lieu de cité reste caractéristique de l’organisation administrative, mais également sociale du Haut-Empire romain. Cette entité urbanistique est souvent présentée par l’historiographie moderne comme une construction anthropique très hiérarchisée et formalisée. La ville romaine provinciale est alors souvent considérée comme « l’expression » de l’Urbs dans les provinces conquises.
De plus, l’application du plan orthonormé et la planification de l’espace urbain selon les prescriptions vitruviennes semblent être la règle dans le cas de fondations ex nihilo. Par ailleurs, son application dans des fondations d’origine indigène est présentée comme un témoignage de la romanisation des villes gauloises. Cette pratique est alors interprétée par les historiens comme une décision politique des élites locales, désireuses de s’intégrer à l’Empire.
Cependant ces vingt dernières années, la recrudescence des chantiers d’archéologie préventive en milieu urbain a remis en question de nombreux « lieux communs » concernant la ville romaine et plus particulièrement son organisation interne dans les provinces occidentales de l’Empire. Ainsi à travers l’exemple de l’implantation des ateliers et commerces dans le tissu urbain, nous essayerons de comprendre comment au cours du 19e et du 20e siècle, historiens et archéologues sont arrivés à considérer l’espace urbain romain comme une juxtaposition de zones fonctionnelles : relégation de certaines activités artisanales à la limite de la ville et séparation à l’intérieur du noyau urbain des quartiers dits artisanaux ou commerciaux avec les quartiers résidentiels.
Ce modèle est actuellement remis en cause par la mise au jour dans leur intégralité de nombreux plans d’anciens chefs-lieux de cité et la découverte de plus en plus fréquente d’unités artisanales dites « polluantes » à l’intérieur du noyau urbain. Ces nouveaux éléments vont alors en contradiction avec le modèle de la ville romaine précédemment décrit. Par conséquent, nous essayerons de cerner les facteurs environnementaux, sociaux et économiques qui régissent l’implantation de ces installations artisanales. Nous réfléchirons également sur le concept de « quartiers artisanaux » et tenterons de comprendre l’impact des élites, mais également des artisans dans la constitution de ces quartiers à vocation commerciale et artisanale.
Dans le cadre de cette journée d’étude sur la méthode et l’usage des catégories pour l’étude d... more Dans le cadre de cette journée d’étude sur la méthode et l’usage des catégories pour l’étude de l’économie antique, cette communication montrera comment l’historiographie de cette discipline a créé des controverses qui durent depuis de nombreuses années sur la définition de l’artisanat antique au sein des antiquisants, historiens et archéologues confondus et plus particulièrement sur les catégories de production/métier que cette notion est censée regrouper ; certains comme Alain Ferdière proposant une définition « restrictive », établie uniquement sur l’étude du matériel laissant de côté les artisanats qui ne laissent pas de trace, d’autres comme Nicolas Monteix , jugeant cette définition trop « floue », allant même jusqu’à renoncer complètement à l’usage de ce terme au profit de celui de métier.
Ainsi en considérant ce concept moderne comme une catégorie homogène sans se soucier des contextes économiques et des enjeux commerciaux qu’elle regroupe, cette définition de l’artisanat antique reste insatisfaisante pour tous. Peut-être qu’en essayant de déconstruire le concept d’artisanat antique, pourrions nous mieux comprendre l’origine de ces différends. Qu’entendons-nous par « déconstruire » ? Il s’agira de considérer l’Artisanat comme une « méta-catégorie », c’est-à-dire comme un ensemble de plusieurs catégories différentes mais dont les caractéristiques fondamentales sont communes. C’est pourquoi nous préférerons parler d’artisanats antiques, au pluriel dans cette communication. Par ce biais, nous chercherons à définir les catégories économiques qui se « cachent » derrière cette méta-catégorie et comprendre leurs dynamismes afin de cerner les réalités antiques qu’elles désignent.
Ainsi en décomposant le concept d’artisanat en différentes catégories, nous pourrons probablement mieux appréhender ce concept et proposer par conséquent une meilleure compréhension de l’économie antique en général.
Ces dernières années, l’intérêt grandissant des chercheurs pour l’artisanat antique s’est caracté... more Ces dernières années, l’intérêt grandissant des chercheurs pour l’artisanat antique s’est caractérisé par l’apparition de nombreuses études et de groupes de travail et de colloques. Pourtant si ces études ont eu tendance à envisager l’artisanat à travers le spectre des artefacts archéologiques et de l’Histoire des techniques en essayant avant tout de comprendre les chaines opératoires mais également la circulation de ces biens à travers l’Empire romain.
Or ces recherches ont permis de mettre en lumière un problème récurrent : celui de la définition de l’artisanat et de l’artisan. En effet, il s’avère qu’il existe de sérieux désaccords sur ce que désigne la notion d’artisanat dans l’historiographie romaine. Ce problème relève avant tout de l’utilisation de ce terme moderne pour désigner un ensemble de réalités antiques.
Que désigne-t-on par « artisanat » et par conséquent par « artisan » ? Quelles sont les différences avec les notions de « savoir-faire professionnel » et d’ »homme de métier », qui sont apparues récemment dans le domaine de la recherche sur l’économie antique? Quel impact cela peut-il avoir sur la vision du marché antique ?
Le but de cette communication n’est donc pas de proposer une définition universelle de l’artisanat dans l’Antiquité romaine, ni de remplacer ce terme par un autre mais de réfléchir sur les limites qu’imposent ce concept aux réalités antiques qu’il voudrait désigner.
Les entrepôts jouent un rôle économique très important dans les villes de la Gaule romaine, plate... more Les entrepôts jouent un rôle économique très important dans les villes de la Gaule romaine, plate-forme commerciale de l’Occident romain. Cependant d’autres structures moins vastes mais plus nombreuses, au cœur même des cités, constituent un élément essentiel aux échanges commerciaux : les tabernae.
En effet, ces dernières sont les principales actrices de l’artisanat et du commerce de proximité et de ce fait elles entretiennent des liens particuliers avec les entrepôts qui assurent le stockage et la redistribution des marchandises au sein des agglomérations romaines. Comment de petites structures comme les tabernae stockent-elles leurs productions ? Les entrepôts peuvent être une alternative au problème d’espace auquel sont confrontés les boutiquiers. Quelques textes épigraphiques témoignent de location par des particuliers de cellae d’entrepôts . Cependant il existe d’autres solutions architecturales adoptées par les tabernarii pour stocker leurs marchandises et leurs matières premières : étagères, arrière-boutiques, caves, etc…
En dehors de la fonction de stockage que les horrea remplissent, il faut également souligner qu’ils servent aussi de relais pour les artisans pratiquant le commerce à longue distance. Ces entrepôts stockent autant les matières premières destinées à l’unité de production, la taberna, que les produits finis destinés à d’autres agglomérations, à d’autres tabernae.
L’étude de la topographie des villes romaines en Gaule permet de mettre en valeur ces quelques réflexions. En effet, si les horrea ne sont pas de la taille de ceux de Rome, il semble que leur emplacement au sein du tissu urbain ne soit pas le fait du hasard et que leur rôle soit particulièrement important notamment dans des quartiers spécialisés comme ceux connus à Alésia ou encore dans de plus vastes ensembles à vocation commerciale comme Saint-Romain-en-Gal par exemple. Leur proximité avec les tabernae de ces villes semblent démontrer le lien étroit entre ces deux structures commerciales.
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Ce vocabulaire fait tout aussi référence au champ artistique qu’à celui de l’artisanat. Pourtant s’il n’existe pas de différence lexicologique dans la langue latine, les sources littéraires anciennes témoignent d’une différence de perception entre artistes et artisans. Alors que les premiers sont souvent loués par les auteurs latins pour leur habileté, certains parvenant même à accéder à la citoyenneté ou à des charges municipales, les seconds restent synonymes de vileté et d’hommes méprisables.
Malgré ces connotations véhiculées par les témoignages littéraires, les autres sources disponibles telles que l‘archéologie et l’épigraphie montrent une réalité plus nuancée où le nombre impressionnant de stèles funéraires représentant des artisans en activité ou leurs outils est loin du mépris social décrit par les témoignages écrits. La découverte fréquente de mention de corporations professionnelles atteste d’une certaine reconnaissance politique par les classes dirigeantes urbaines romaines. Ainsi quel regard portent véritablement les Romains sur ces hommes exerçant un ars ? Quelle part d’ethnocentrisme l’historiographie moderne a apportée à l’étude de ces hommes, de leur ars et de leur production, l’artificium ?
De plus, l’application du plan orthonormé et la planification de l’espace urbain selon les prescriptions vitruviennes semblent être la règle dans le cas de fondations ex nihilo. Par ailleurs, son application dans des fondations d’origine indigène est présentée comme un témoignage de la romanisation des villes gauloises. Cette pratique est alors interprétée par les historiens comme une décision politique des élites locales, désireuses de s’intégrer à l’Empire.
Cependant ces vingt dernières années, la recrudescence des chantiers d’archéologie préventive en milieu urbain a remis en question de nombreux « lieux communs » concernant la ville romaine et plus particulièrement son organisation interne dans les provinces occidentales de l’Empire. Ainsi à travers l’exemple de l’implantation des ateliers et commerces dans le tissu urbain, nous essayerons de comprendre comment au cours du 19e et du 20e siècle, historiens et archéologues sont arrivés à considérer l’espace urbain romain comme une juxtaposition de zones fonctionnelles : relégation de certaines activités artisanales à la limite de la ville et séparation à l’intérieur du noyau urbain des quartiers dits artisanaux ou commerciaux avec les quartiers résidentiels.
Ce modèle est actuellement remis en cause par la mise au jour dans leur intégralité de nombreux plans d’anciens chefs-lieux de cité et la découverte de plus en plus fréquente d’unités artisanales dites « polluantes » à l’intérieur du noyau urbain. Ces nouveaux éléments vont alors en contradiction avec le modèle de la ville romaine précédemment décrit. Par conséquent, nous essayerons de cerner les facteurs environnementaux, sociaux et économiques qui régissent l’implantation de ces installations artisanales. Nous réfléchirons également sur le concept de « quartiers artisanaux » et tenterons de comprendre l’impact des élites, mais également des artisans dans la constitution de ces quartiers à vocation commerciale et artisanale.
Ainsi en considérant ce concept moderne comme une catégorie homogène sans se soucier des contextes économiques et des enjeux commerciaux qu’elle regroupe, cette définition de l’artisanat antique reste insatisfaisante pour tous. Peut-être qu’en essayant de déconstruire le concept d’artisanat antique, pourrions nous mieux comprendre l’origine de ces différends. Qu’entendons-nous par « déconstruire » ? Il s’agira de considérer l’Artisanat comme une « méta-catégorie », c’est-à-dire comme un ensemble de plusieurs catégories différentes mais dont les caractéristiques fondamentales sont communes. C’est pourquoi nous préférerons parler d’artisanats antiques, au pluriel dans cette communication. Par ce biais, nous chercherons à définir les catégories économiques qui se « cachent » derrière cette méta-catégorie et comprendre leurs dynamismes afin de cerner les réalités antiques qu’elles désignent.
Ainsi en décomposant le concept d’artisanat en différentes catégories, nous pourrons probablement mieux appréhender ce concept et proposer par conséquent une meilleure compréhension de l’économie antique en général.
Or ces recherches ont permis de mettre en lumière un problème récurrent : celui de la définition de l’artisanat et de l’artisan. En effet, il s’avère qu’il existe de sérieux désaccords sur ce que désigne la notion d’artisanat dans l’historiographie romaine. Ce problème relève avant tout de l’utilisation de ce terme moderne pour désigner un ensemble de réalités antiques.
Que désigne-t-on par « artisanat » et par conséquent par « artisan » ? Quelles sont les différences avec les notions de « savoir-faire professionnel » et d’ »homme de métier », qui sont apparues récemment dans le domaine de la recherche sur l’économie antique? Quel impact cela peut-il avoir sur la vision du marché antique ?
Le but de cette communication n’est donc pas de proposer une définition universelle de l’artisanat dans l’Antiquité romaine, ni de remplacer ce terme par un autre mais de réfléchir sur les limites qu’imposent ce concept aux réalités antiques qu’il voudrait désigner.
En effet, ces dernières sont les principales actrices de l’artisanat et du commerce de proximité et de ce fait elles entretiennent des liens particuliers avec les entrepôts qui assurent le stockage et la redistribution des marchandises au sein des agglomérations romaines. Comment de petites structures comme les tabernae stockent-elles leurs productions ? Les entrepôts peuvent être une alternative au problème d’espace auquel sont confrontés les boutiquiers. Quelques textes épigraphiques témoignent de location par des particuliers de cellae d’entrepôts . Cependant il existe d’autres solutions architecturales adoptées par les tabernarii pour stocker leurs marchandises et leurs matières premières : étagères, arrière-boutiques, caves, etc…
En dehors de la fonction de stockage que les horrea remplissent, il faut également souligner qu’ils servent aussi de relais pour les artisans pratiquant le commerce à longue distance. Ces entrepôts stockent autant les matières premières destinées à l’unité de production, la taberna, que les produits finis destinés à d’autres agglomérations, à d’autres tabernae.
L’étude de la topographie des villes romaines en Gaule permet de mettre en valeur ces quelques réflexions. En effet, si les horrea ne sont pas de la taille de ceux de Rome, il semble que leur emplacement au sein du tissu urbain ne soit pas le fait du hasard et que leur rôle soit particulièrement important notamment dans des quartiers spécialisés comme ceux connus à Alésia ou encore dans de plus vastes ensembles à vocation commerciale comme Saint-Romain-en-Gal par exemple. Leur proximité avec les tabernae de ces villes semblent démontrer le lien étroit entre ces deux structures commerciales.
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Ce vocabulaire fait tout aussi référence au champ artistique qu’à celui de l’artisanat. Pourtant s’il n’existe pas de différence lexicologique dans la langue latine, les sources littéraires anciennes témoignent d’une différence de perception entre artistes et artisans. Alors que les premiers sont souvent loués par les auteurs latins pour leur habileté, certains parvenant même à accéder à la citoyenneté ou à des charges municipales, les seconds restent synonymes de vileté et d’hommes méprisables.
Malgré ces connotations véhiculées par les témoignages littéraires, les autres sources disponibles telles que l‘archéologie et l’épigraphie montrent une réalité plus nuancée où le nombre impressionnant de stèles funéraires représentant des artisans en activité ou leurs outils est loin du mépris social décrit par les témoignages écrits. La découverte fréquente de mention de corporations professionnelles atteste d’une certaine reconnaissance politique par les classes dirigeantes urbaines romaines. Ainsi quel regard portent véritablement les Romains sur ces hommes exerçant un ars ? Quelle part d’ethnocentrisme l’historiographie moderne a apportée à l’étude de ces hommes, de leur ars et de leur production, l’artificium ?
De plus, l’application du plan orthonormé et la planification de l’espace urbain selon les prescriptions vitruviennes semblent être la règle dans le cas de fondations ex nihilo. Par ailleurs, son application dans des fondations d’origine indigène est présentée comme un témoignage de la romanisation des villes gauloises. Cette pratique est alors interprétée par les historiens comme une décision politique des élites locales, désireuses de s’intégrer à l’Empire.
Cependant ces vingt dernières années, la recrudescence des chantiers d’archéologie préventive en milieu urbain a remis en question de nombreux « lieux communs » concernant la ville romaine et plus particulièrement son organisation interne dans les provinces occidentales de l’Empire. Ainsi à travers l’exemple de l’implantation des ateliers et commerces dans le tissu urbain, nous essayerons de comprendre comment au cours du 19e et du 20e siècle, historiens et archéologues sont arrivés à considérer l’espace urbain romain comme une juxtaposition de zones fonctionnelles : relégation de certaines activités artisanales à la limite de la ville et séparation à l’intérieur du noyau urbain des quartiers dits artisanaux ou commerciaux avec les quartiers résidentiels.
Ce modèle est actuellement remis en cause par la mise au jour dans leur intégralité de nombreux plans d’anciens chefs-lieux de cité et la découverte de plus en plus fréquente d’unités artisanales dites « polluantes » à l’intérieur du noyau urbain. Ces nouveaux éléments vont alors en contradiction avec le modèle de la ville romaine précédemment décrit. Par conséquent, nous essayerons de cerner les facteurs environnementaux, sociaux et économiques qui régissent l’implantation de ces installations artisanales. Nous réfléchirons également sur le concept de « quartiers artisanaux » et tenterons de comprendre l’impact des élites, mais également des artisans dans la constitution de ces quartiers à vocation commerciale et artisanale.
Ainsi en considérant ce concept moderne comme une catégorie homogène sans se soucier des contextes économiques et des enjeux commerciaux qu’elle regroupe, cette définition de l’artisanat antique reste insatisfaisante pour tous. Peut-être qu’en essayant de déconstruire le concept d’artisanat antique, pourrions nous mieux comprendre l’origine de ces différends. Qu’entendons-nous par « déconstruire » ? Il s’agira de considérer l’Artisanat comme une « méta-catégorie », c’est-à-dire comme un ensemble de plusieurs catégories différentes mais dont les caractéristiques fondamentales sont communes. C’est pourquoi nous préférerons parler d’artisanats antiques, au pluriel dans cette communication. Par ce biais, nous chercherons à définir les catégories économiques qui se « cachent » derrière cette méta-catégorie et comprendre leurs dynamismes afin de cerner les réalités antiques qu’elles désignent.
Ainsi en décomposant le concept d’artisanat en différentes catégories, nous pourrons probablement mieux appréhender ce concept et proposer par conséquent une meilleure compréhension de l’économie antique en général.
Or ces recherches ont permis de mettre en lumière un problème récurrent : celui de la définition de l’artisanat et de l’artisan. En effet, il s’avère qu’il existe de sérieux désaccords sur ce que désigne la notion d’artisanat dans l’historiographie romaine. Ce problème relève avant tout de l’utilisation de ce terme moderne pour désigner un ensemble de réalités antiques.
Que désigne-t-on par « artisanat » et par conséquent par « artisan » ? Quelles sont les différences avec les notions de « savoir-faire professionnel » et d’ »homme de métier », qui sont apparues récemment dans le domaine de la recherche sur l’économie antique? Quel impact cela peut-il avoir sur la vision du marché antique ?
Le but de cette communication n’est donc pas de proposer une définition universelle de l’artisanat dans l’Antiquité romaine, ni de remplacer ce terme par un autre mais de réfléchir sur les limites qu’imposent ce concept aux réalités antiques qu’il voudrait désigner.
En effet, ces dernières sont les principales actrices de l’artisanat et du commerce de proximité et de ce fait elles entretiennent des liens particuliers avec les entrepôts qui assurent le stockage et la redistribution des marchandises au sein des agglomérations romaines. Comment de petites structures comme les tabernae stockent-elles leurs productions ? Les entrepôts peuvent être une alternative au problème d’espace auquel sont confrontés les boutiquiers. Quelques textes épigraphiques témoignent de location par des particuliers de cellae d’entrepôts . Cependant il existe d’autres solutions architecturales adoptées par les tabernarii pour stocker leurs marchandises et leurs matières premières : étagères, arrière-boutiques, caves, etc…
En dehors de la fonction de stockage que les horrea remplissent, il faut également souligner qu’ils servent aussi de relais pour les artisans pratiquant le commerce à longue distance. Ces entrepôts stockent autant les matières premières destinées à l’unité de production, la taberna, que les produits finis destinés à d’autres agglomérations, à d’autres tabernae.
L’étude de la topographie des villes romaines en Gaule permet de mettre en valeur ces quelques réflexions. En effet, si les horrea ne sont pas de la taille de ceux de Rome, il semble que leur emplacement au sein du tissu urbain ne soit pas le fait du hasard et que leur rôle soit particulièrement important notamment dans des quartiers spécialisés comme ceux connus à Alésia ou encore dans de plus vastes ensembles à vocation commerciale comme Saint-Romain-en-Gal par exemple. Leur proximité avec les tabernae de ces villes semblent démontrer le lien étroit entre ces deux structures commerciales.