Je l'avais remarqué comme ça par hasard, il y a un peu moins d'une éternité. Elle longeait le tro... more Je l'avais remarqué comme ça par hasard, il y a un peu moins d'une éternité. Elle longeait le trottoir qui lèche mon pâté de maisons. Au premier regard, elle n'avait rien de bien spécial. Un veston gris pâle entrouvert laissant à peine paraître sa poitrine emprisonnée sous un chemisier perle. Un pantalon sans particularité, d'une teinte agencée. Et des chaussures tellement sobres que je n'arrive pas à me les imaginer. Ce qui m'avait fait chavirer, c'est le parfum que laissait transparaître l'image de sa beauté. J'étais subjugué par les charmes qui flottaient à sa suite. Dans toute sa simplicité, je la voyais comme une reine que sa suite portait les effluves de sa robe. Je ne la regardais pas, je la contemplais, la dégustais du regard. Cet interminable instant trop court me hanta toute la nuit. Incapable de détacher mon esprit de ce fantasque souvenir. Les jours suivants, la torture me guettait sur le perron de ma porte, attendant vainement son apparition. Je soumettais mon coeur à toutes sortes d'acrobaties. Il survoltait au moindre ombrage de féminité naissante dans ma rue. Il s'alourdissait dès que je percevais un indice confirmant ma crainte, elle ne venait pas. Un jour, bien sûr un jour, elle serait là, et elle tient la promesse de la vie, elle vint. Il m'était impossible de respirer, je ne pouvais le concevoir. Elle était là. Elle apparut, à l'instant où mort de désespoir, je sortais, pour la sempiternelle fois, déçue encore une fois, je prenais le pas de mon appartement. La poignée de la porte effleurait la paume de ma main, mon regard perdu se leva insensible vers la rue vide, mais voilà que déjà elle arrivait près du cadavre que j'étais. Ma main n'arrivait pas à saisir sa proie. Elle tremblait comme seules les feuilles savent le faire à l'automne lorsque arrive le temps où sur le sol, elles doivent se reposer. De mes yeux coulaient de petites larmes d'un sentiment obscur. Un mélange de joie, d'anticipation, de crainte, d'extase. Elle était là. Ses yeux se levèrent et daignèrent se poser dans le lac salé de mes joues. Mon imaginaire les perçut comme deux merveilleux cygnes se posant sur l'onde. J'allais à bout de mes forces lui faire un salut avec ma tête trop lourde pour bouger quand de son demi-sourire j'hallucinais un minuscule « bonjour ». Me remarquer, me voir, m'accepter à l'intérieur de son champ de conscience, j'existais dans sa vie. Les prochains jours défilèrent à un rythme endiablé. J'avais une raison de vivre une journée de plus. Je vivais ainsi voletant d'un îlot de rencontres à l'autre. Espérant toujours la revoir de jour en jour. À chaque rencontre, si petite soit-elle, elle me saluait. chaque fois légèrement moins subtile, plus directe. Plus directe dans son regard, plus directe dans sa voix. Je n'hallucinais plus, je savais.
Je l'avais remarqué comme ça par hasard, il y a un peu moins d'une éternité. Elle longeait le tro... more Je l'avais remarqué comme ça par hasard, il y a un peu moins d'une éternité. Elle longeait le trottoir qui lèche mon pâté de maisons. Au premier regard, elle n'avait rien de bien spécial. Un veston gris pâle entrouvert laissant à peine paraître sa poitrine emprisonnée sous un chemisier perle. Un pantalon sans particularité, d'une teinte agencée. Et des chaussures tellement sobres que je n'arrive pas à me les imaginer. Ce qui m'avait fait chavirer, c'est le parfum que laissait transparaître l'image de sa beauté. J'étais subjugué par les charmes qui flottaient à sa suite. Dans toute sa simplicité, je la voyais comme une reine que sa suite portait les effluves de sa robe. Je ne la regardais pas, je la contemplais, la dégustais du regard. Cet interminable instant trop court me hanta toute la nuit. Incapable de détacher mon esprit de ce fantasque souvenir. Les jours suivants, la torture me guettait sur le perron de ma porte, attendant vainement son apparition. Je soumettais mon coeur à toutes sortes d'acrobaties. Il survoltait au moindre ombrage de féminité naissante dans ma rue. Il s'alourdissait dès que je percevais un indice confirmant ma crainte, elle ne venait pas. Un jour, bien sûr un jour, elle serait là, et elle tient la promesse de la vie, elle vint. Il m'était impossible de respirer, je ne pouvais le concevoir. Elle était là. Elle apparut, à l'instant où mort de désespoir, je sortais, pour la sempiternelle fois, déçue encore une fois, je prenais le pas de mon appartement. La poignée de la porte effleurait la paume de ma main, mon regard perdu se leva insensible vers la rue vide, mais voilà que déjà elle arrivait près du cadavre que j'étais. Ma main n'arrivait pas à saisir sa proie. Elle tremblait comme seules les feuilles savent le faire à l'automne lorsque arrive le temps où sur le sol, elles doivent se reposer. De mes yeux coulaient de petites larmes d'un sentiment obscur. Un mélange de joie, d'anticipation, de crainte, d'extase. Elle était là. Ses yeux se levèrent et daignèrent se poser dans le lac salé de mes joues. Mon imaginaire les perçut comme deux merveilleux cygnes se posant sur l'onde. J'allais à bout de mes forces lui faire un salut avec ma tête trop lourde pour bouger quand de son demi-sourire j'hallucinais un minuscule « bonjour ». Me remarquer, me voir, m'accepter à l'intérieur de son champ de conscience, j'existais dans sa vie. Les prochains jours défilèrent à un rythme endiablé. J'avais une raison de vivre une journée de plus. Je vivais ainsi voletant d'un îlot de rencontres à l'autre. Espérant toujours la revoir de jour en jour. À chaque rencontre, si petite soit-elle, elle me saluait. chaque fois légèrement moins subtile, plus directe. Plus directe dans son regard, plus directe dans sa voix. Je n'hallucinais plus, je savais.
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