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« Rupture Tito-Staline » : différence entre les versions

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La '''rupture Tito-Staline''', dite également '''schisme yougoslave''', désigne la rupture politique, en [[1948]], entre l'[[Union des républiques socialistes soviétiques]] dirigée par [[Joseph Staline]], et la [[République fédérative socialiste de Yougoslavie]], dirigée par le maréchal [[Josip Broz Tito|Tito]].
La '''rupture Tito-Staline''', dite également '''schisme yougoslave''', désigne la rupture politique, en [[1948]], entre l'[[Union des républiques socialistes soviétiques]] dirigée par [[Joseph Staline]], et la [[république fédérative socialiste de Yougoslavie]], dirigée par le maréchal [[Josip Broz Tito|Tito]].


== Contexte ==
== Contexte ==
[[Fichier:Tito World War II.jpg|thumb|[[Josip Broz Tito|Tito]].]]
[[Fichier:Josip Broz Tito in 1942.jpg|vignette|267x267px|[[Josip Broz Tito|Tito]].]]
[[Fichier:Stalin 1945.jpg|thumb|left|[[Joseph Staline|Staline]].]]
[[Fichier:Stalin 1945.jpg|thumb|left|[[Joseph Staline|Staline]].]]
Durant la [[Seconde Guerre mondiale]], les [[Armée populaire de libération et détachements de Partisans de Yougoslavie|Partisans communistes]] de Tito remportent la victoire contre l'occupant [[Troisième Reich|allemand]] essentiellement par leurs propres moyens, en n'ayant reçu de l'[[Armée rouge]] qu'une aide limitée. Sa légitimité militaire pousse Tito à ne pas vouloir se subordonner étroitement à l'URSS comme le font les autres pays du [[bloc de l'Est]]. Dans les premières années de l'après-guerre, l'aide soviétique est néanmoins déterminante pour la reconstruction de la Yougoslavie. Une coopération économique étroite se constitue, avec la création de sociétés mixtes soviéto-yougoslaves<ref>{{Ouvrage|auteur1=Dimitri T. Analis|titre=Les Balkans 1945-1960|éditeur=[[Presses universitaires de France|Puf]]|année=1978|passage=56-58|isbn=}}.</ref>. Des conseillers techniques venus d'URSS sont présents en Yougoslavie, mais échouent cependant à mettre sous leur coupe l'autorité centrale yougoslave : Tito privilégie une gestion horizontale des rapports politiques, l'appareil communiste yougoslave étant décentralisé. Il nourrit également le projet d'une fédération des régimes communistes des [[Balkans]], incluant notamment la [[République populaire de Bulgarie]] et la [[République populaire socialiste d'Albanie|République populaire d'Albanie]]. Au moment de la formation du [[Kominform]] en [[1947]], Tito est à l'apogée de son prestige au sein du monde communiste<ref>{{Ouvrage|auteur1=Serge Métais|titre=Histoire des Albanais|éditeur=[[Librairie Arthème Fayard|Fayard]]|année=2006|passage=319|isbn=}}.</ref>.
Durant la [[Seconde Guerre mondiale]], les [[Armée populaire de libération et détachements de Partisans de Yougoslavie|Partisans communistes]] de Tito remportent la victoire contre l'occupant [[Troisième Reich|allemand]] essentiellement par leurs propres moyens, en n'ayant reçu de l'[[Armée rouge]] qu'une aide limitée. Sa légitimité militaire pousse Tito à ne pas vouloir se subordonner étroitement à l'URSS comme le font les autres pays du [[bloc de l'Est]]. Dans les premières années de l'après-guerre, l'aide soviétique est néanmoins déterminante pour la reconstruction de la Yougoslavie. Une coopération économique étroite se constitue, avec la création de sociétés mixtes soviéto-yougoslaves<ref>{{Ouvrage|auteur1=Dimitri T. Analis|titre=Les Balkans 1945-1960|éditeur=[[Presses universitaires de France|Puf]]|année=1978|passage=56-58|isbn=}}.</ref>. Des conseillers techniques venus d'URSS sont présents en Yougoslavie, mais échouent cependant à mettre sous leur coupe l'autorité centrale yougoslave : Tito privilégie une gestion horizontale des rapports politiques, l'appareil communiste yougoslave étant décentralisé. Il nourrit également le projet d'une fédération des régimes communistes des [[Balkans]], incluant notamment la [[république populaire de Bulgarie]] et la [[République populaire socialiste d'Albanie|république populaire d'Albanie]]. Au moment de la formation du [[Kominform]] en [[1947]], Tito est à l'apogée de son prestige au sein du monde communiste<ref>{{Ouvrage|auteur1=Serge Métais|titre=Histoire des Albanais|éditeur=[[Librairie Arthème Fayard|Fayard]]|année=2006|passage=319|isbn=}}.</ref>.


Staline se montre de plus en plus indisposé par l'attitude indépendante de Tito qui, pendant la [[guerre civile grecque]], a notamment placé des troupes yougoslaves en [[Albanie]] sans en avertir l'URSS. Le projet de ''Fédération balkanique'' de Tito irrite également le dirigeant soviétique. Selon [[Nikita Khrouchtchev]], Staline aurait à l'époque déclaré n'avoir qu'à {{citation|lever le petit doigt pour se débarrasser de Tito<ref>{{harvsp|Métais|2006|p=321}}.</ref>}}. Pour autant, les Soviétiques ne parviennent pas à soumettre le régime yougoslave<ref name="garde-91">{{harvsp|Garde|2000|p=91}}.</ref>. Les Yougoslaves ont, de leur côté, exprimé leurs doutes quant à l'efficacité des sociétés mixtes soviéto-yougoslaves. Deux des cadres du régime titiste, [[Milovan Đilas]] et [[Edvard Kardelj]], sont convoqués à [[Moscou]] pour se voir présenter les remontrances de Staline.
Staline se montre de plus en plus indisposé par l'attitude indépendante de Tito qui, pendant la [[guerre civile grecque]], a notamment placé des troupes yougoslaves en [[Albanie]] sans en avertir l'URSS. Le projet de ''Fédération balkanique'' de Tito irrite également le dirigeant soviétique. Selon [[Nikita Khrouchtchev]], Staline aurait à l'époque déclaré n'avoir qu'à {{citation|lever le petit doigt pour se débarrasser de Tito<ref>{{harvsp|Métais|2006|p=321}}.</ref>}}. Pour autant, les Soviétiques ne parviennent pas à soumettre le régime yougoslave<ref name="garde-91">{{harvsp|Garde|2000|p=91}}.</ref>. Les Yougoslaves ont, de leur côté, exprimé leurs doutes quant à l'efficacité des sociétés mixtes soviéto-yougoslaves. Deux des cadres du régime titiste, [[Milovan Đilas]] et [[Edvard Kardelj]], sont convoqués à [[Moscou]] pour se voir présenter les remontrances de Staline.
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== Chronologie de la rupture soviéto-yougoslave ==
== Chronologie de la rupture soviéto-yougoslave ==


*Le {{date-|29 janvier 1948}}, la ''[[Pravda]]'' condamne le projet de fédération balkanique de Tito<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[Georges-Henri Soutou]]|titre=La Guerre de Cinquante ans|sous-titre=Les relations Est-Ouest 1943-1990|éditeur=[[Librairie Arthème Fayard|Fayard]]|année=2001|passage=213|isbn=}}.</ref>. La rupture commence par un échange de courriers.
*Le {{date-|29 janvier 1948}}, la ''[[Pravda]]'' condamne le projet de fédération balkanique de Tito<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[Georges-Henri Soutou]]|titre=La Guerre de Cinquante ans|sous-titre=Les relations Est-Ouest 1943-1990|éditeur=[[Librairie Arthème Fayard|Fayard]]|année=2001|passage=213|isbn=}}.</ref>. La rupture commence par un échange de courriers.
*Le {{date|27|mars|1948}}, le [[Parti communiste de l'Union soviétique]] {{incise|le PCUS}} adresse au [[Ligue des communistes de Yougoslavie|Parti communiste de Yougoslavie]] {{incise|le PCY}} une lettre lui reprochant de dénigrer le {{citation|socialisme}} soviétique, et de manquer de démocratie interne. Le {{nobr|[[13 avril]]}}, le PCY répond en niant les accusations soviétiques, tout en rappelant que l'amour porté par les Yougoslaves à l'URSS ne saurait surpasser celui qu'ils portent à leur propre patrie.
*Le {{date|27|mars|1948}}, le [[Parti communiste de l'Union soviétique]] {{incise|le PCUS}} adresse au [[Ligue des communistes de Yougoslavie|Parti communiste de Yougoslavie]] {{incise|le PCY}} une lettre lui reprochant de dénigrer le socialisme soviétique, et de manquer de démocratie interne.
*Le {{nobr|[[13 avril]]}}, le PCY répond en niant les accusations soviétiques, tout en rappelant que l'amour porté par les Yougoslaves à l'URSS ne saurait surpasser celui qu'ils portent à leur propre patrie.
* Le {{nobr|[[4 mai]]}}, le PCUS répond en reprochant au PCY de refuser de reconnaître ses fautes, et d'oublier qu'il doit son salut à l'[[Armée rouge]].
* Le {{nobr|[[4 mai]]}}, le PCUS répond en reprochant au PCY de refuser de reconnaître ses fautes, et d'oublier qu'il doit son salut à l'[[Armée rouge]].


*Le {{nobr|[[17 mai]]}}, le PCY répond vertement aux propos soviétiques, lesquels diminuaient les mérites de la résistance yougoslave.
*Le {{nobr|[[17 mai]]}}, le PCY répond vertement aux propos soviétiques, lesquels diminuaient les mérites de la résistance yougoslave.
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== Conséquences ==
== Conséquences ==
{{Article connexe|Désengagement des superpuissances}}


Contre toutes les prévisions, Tito n'est pas renversé, et soumet au contraire à des purges les cadres staliniens du PCY<ref name="garde-91-92">{{harvsp|Garde|2000|p=91-92}}.</ref>, dont certains sont envoyés dans le camp de concentration de l'île de [[Goli Otok]], au nord de l'[[Mer Adriatique|Adriatique]]<ref>{{harvsp|Métais|2006|p=322}}.</ref>. Dans les autres pays communistes, la rupture entre l'URSS et la Yougoslavie est le prétexte à des purges internes aux partis locaux : les cadres {{citation|[[Titisme|titistes]]}} ou supposés tels, accusés de dérive nationaliste, sont éliminés. Ainsi, l'accusation de titisme supplante celle de [[trotskisme]] dans les conflits internes aux partis communistes<ref name="garde-91-92" />. Dans tous les pays du [[bloc de l'Est]], entre la fin des {{nobr|[[années 1940]]}} et le début des {{nobr|[[années 1950]]}}, les dirigeants communistes locaux usent de l'accusation de titisme pour se débarrasser de leurs rivaux : c'est le cas en [[République populaire de Bulgarie]] pour l'élimination de [[Traïcho Kostov]], en [[République populaire de Hongrie]] pour celle de [[László Rajk (homme politique)|László Rajk]], en [[République populaire socialiste d'Albanie|République populaire d'Albanie]] pour celle de [[Koçi Xoxe]], en [[République socialiste tchécoslovaque|République tchécoslovaque]] pour les [[procès de Prague]] qui voient la condamnation à mort de [[Rudolf Slansky]] et d'autres dirigeants communistes, en [[République populaire de Pologne]] pour la disgrâce de [[Władysław Gomułka]].
Contre toutes les prévisions, Tito n'est pas renversé, et soumet au contraire à des purges les cadres staliniens du PCY<ref name="garde-91-92">{{harvsp|Garde|2000|p=91-92}}.</ref>, dont certains sont envoyés dans le camp de concentration de l'île de [[Goli Otok]], au nord de l'[[Mer Adriatique|Adriatique]]<ref>{{harvsp|Métais|2006|p=322}}.</ref>. Dans les autres pays communistes, la rupture entre l'URSS et la Yougoslavie est le prétexte à des purges internes aux partis locaux : les cadres {{citation|[[Titisme|titistes]]}} ou supposés tels, accusés de dérive nationaliste, sont éliminés. Ainsi, l'accusation de titisme supplante celle de [[trotskisme]] dans les conflits internes aux partis communistes<ref name="garde-91-92" />. Dans tous les pays du [[bloc de l'Est]], entre la fin des {{nobr|[[années 1940]]}} et le début des {{nobr|[[années 1950]]}}, les dirigeants communistes locaux usent de l'accusation de titisme pour se débarrasser de leurs rivaux : c'est le cas en [[république populaire de Bulgarie]] pour l'élimination de [[Traïcho Kostov]], en [[république populaire de Hongrie]] pour celle de [[László Rajk (homme politique)|László Rajk]], en [[République populaire socialiste d'Albanie|république populaire d'Albanie]] pour celle de [[Koçi Xoxe]], en [[République socialiste tchécoslovaque|République tchécoslovaque]] pour les [[procès de Prague]] qui voient la condamnation à mort de [[Rudolf Slansky]] et d'autres dirigeants communistes, en [[république populaire de Pologne]] pour la disgrâce de [[Władysław Gomułka]].


La Yougoslavie perd par ailleurs son influence sur la République populaire d'Albanie, [[Enver Hoxha]] préférant choisir le camp de Staline.
La Yougoslavie perd par ailleurs son influence sur la république populaire d'Albanie, [[Enver Hoxha]] préférant choisir le camp de Staline.


L'isolement de la Yougoslavie au sein du monde communiste pousse Tito à choisir une politique de neutralité internationale, et à améliorer ses rapports avec les pays occidentaux. Progressivement, le régime yougoslave devient moins répressif. Une voie spécifiquement yougoslave de développement économique est adoptée avec, jusqu'à la fin des {{nobr|[[années 1970]]}}, des résultats probants qui feront de la Yougoslavie le pays communiste le plus prospère d'[[Europe]]. La position de Tito l'amène également à nouer de nouvelles alliances avec les autres pays qui affichent leur neutralité durant la [[guerre froide]], donnant naissance au [[mouvement des non-alignés]].
L'isolement de la Yougoslavie au sein du monde communiste pousse Tito à choisir une politique de neutralité internationale, et à améliorer ses rapports avec les pays occidentaux. Progressivement, le régime yougoslave devient moins répressif. Une voie spécifiquement yougoslave de développement économique est adoptée avec, jusqu'à la fin des {{nobr|[[années 1970]]}}, des résultats probants qui feront de la Yougoslavie le pays communiste le plus prospère d'[[Europe]]. La position de Tito l'amène également à nouer de nouvelles alliances avec les autres pays qui affichent leur neutralité durant la [[guerre froide]], donnant naissance au [[mouvement des non-alignés]].


[[Tito]] n'a toujours eu que peu de considération pour [[Staline]] si l'on en croit ses paroles lorsqu'il a appris la mort de Staline le {{date-|5 mars 1953}} {{cita|j'ai reçu la nouvelle en même temps que la dépêche m'annonçant que mon chien Tiger, était grièvement malade. J'étais désolé pour Tiger. C'était un chien merveilleux !}} D'ailleurs, le {{date-|9 mars 1953}}, lors des obsèques de Staline, il déclina l'invitation, préférant se rendre en Angleterre à une invitation de la reine.
[[Tito]] n'a toujours eu que peu de considération pour [[Staline]], et même un franc mépris si l'on en croit ses paroles lorsqu'il a appris la mort de Staline le {{date-|5 mars 1953}} : {{cita|J'ai reçu la nouvelle en même temps que la dépêche m'annonçant que mon chien Tiger était grièvement malade. J'étais désolé pour Tiger. C'était un chien merveilleux !}}. D'ailleurs, le {{date-|9 mars 1953}}, il décline l'invitation aux obsèques de Staline, préférant se rendre en Angleterre à une invitation de la reine.


L'URSS et la Yougoslavie finissent par se réconcilier en [[1955]], après la mort de Staline : l'URSS reconnaît ses torts vis-à-vis de son ancien allié, qui ne réintègre cependant pas le [[bloc de l'Est]] et poursuit sa propre expérience du « [[socialisme]] ».
L'URSS et la Yougoslavie finissent par se réconcilier en [[1955]], après la mort de Staline : l'URSS reconnaît ses torts vis-à-vis de son ancien allié, qui ne réintègre cependant pas le [[bloc de l'Est]] et poursuit sa propre expérience du « [[socialisme]] ».


== Voir aussi ==
== Voir aussi ==
=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===
*[[Désengagement des superpuissances]], un exemple de désengagement unilatéral lorsque [[Joseph Staline]] décide de mettre fin au soutien soviétique à la guérilla communiste en Grèce pendant la [[guerre civile grecque]].
* [[Titisme]]
* [[Titisme]]
* [[Guerre froide]]
* [[Guerre froide]]
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* [[Histoire du communisme]]
* [[Histoire du communisme]]


=== Liens externes ===
=== Liens externes ===
* {{Liens}}
{{Liens}}


== Notes et références ==
== Notes et références ==
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== Bibliographie ==
== Bibliographie ==
* [[Claude Bourdet]], ''Le Schisme Yougoslave'', Paris, 1950, Éditions de Minuit.
* [[Claude Bourdet]], ''Le Schisme Yougoslave'', Paris, 1950, Éditions de Minuit.
* {{Vie et mort de la Yougoslavie}}.
* {{Vie et mort de la Yougoslavie}}.
* {{Chapitre|prénom1=François|nom1=Kersaudy|lien auteur1=François Kersaudy|titre chapitre=Tito et Staline|sous-titre chapitre=la guerre des maréchaux|numéro chapitre=5|titre ouvrage=Dix chapitres méconnus du communisme|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Perrin|Perrin]]|jour=24|mois=août|année=2023|pages totales=432|isbn=978-2-262-10429-0|passage=161-179}}
* Canapa Marie-Paule, Le conflit entre le Kominform et la La rupture entre la Yougoslavie, Paris, 1973, Revue d'études comparatives Est-Ouest.


{{Palette|Guerre froide}}
{{Palette|Guerre froide}}
{{portail|Communisme|URSS|politique|Guerre froide|Yougoslavie|Époque contemporaine}}
{{portail|Communisme|URSS|politique|Guerre froide|Yougoslavie|années 1940}}


[[Catégorie:Histoire du communisme]]
[[Catégorie:Histoire du communisme]]
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[[Catégorie:1948 en Union soviétique]]
[[Catégorie:1948 en Union soviétique]]
[[Catégorie:1948 en Yougoslavie]]
[[Catégorie:1948 en Yougoslavie]]
[[Catégorie:Bloc de l'Est]]

Dernière version du 12 mai 2024 à 17:34

La rupture Tito-Staline, dite également schisme yougoslave, désigne la rupture politique, en 1948, entre l'Union des républiques socialistes soviétiques dirigée par Joseph Staline, et la république fédérative socialiste de Yougoslavie, dirigée par le maréchal Tito.

Tito.
Staline.

Durant la Seconde Guerre mondiale, les Partisans communistes de Tito remportent la victoire contre l'occupant allemand essentiellement par leurs propres moyens, en n'ayant reçu de l'Armée rouge qu'une aide limitée. Sa légitimité militaire pousse Tito à ne pas vouloir se subordonner étroitement à l'URSS comme le font les autres pays du bloc de l'Est. Dans les premières années de l'après-guerre, l'aide soviétique est néanmoins déterminante pour la reconstruction de la Yougoslavie. Une coopération économique étroite se constitue, avec la création de sociétés mixtes soviéto-yougoslaves[1]. Des conseillers techniques venus d'URSS sont présents en Yougoslavie, mais échouent cependant à mettre sous leur coupe l'autorité centrale yougoslave : Tito privilégie une gestion horizontale des rapports politiques, l'appareil communiste yougoslave étant décentralisé. Il nourrit également le projet d'une fédération des régimes communistes des Balkans, incluant notamment la république populaire de Bulgarie et la république populaire d'Albanie. Au moment de la formation du Kominform en 1947, Tito est à l'apogée de son prestige au sein du monde communiste[2].

Staline se montre de plus en plus indisposé par l'attitude indépendante de Tito qui, pendant la guerre civile grecque, a notamment placé des troupes yougoslaves en Albanie sans en avertir l'URSS. Le projet de Fédération balkanique de Tito irrite également le dirigeant soviétique. Selon Nikita Khrouchtchev, Staline aurait à l'époque déclaré n'avoir qu'à « lever le petit doigt pour se débarrasser de Tito[3] ». Pour autant, les Soviétiques ne parviennent pas à soumettre le régime yougoslave[4]. Les Yougoslaves ont, de leur côté, exprimé leurs doutes quant à l'efficacité des sociétés mixtes soviéto-yougoslaves. Deux des cadres du régime titiste, Milovan Đilas et Edvard Kardelj, sont convoqués à Moscou pour se voir présenter les remontrances de Staline.

Chronologie de la rupture soviéto-yougoslave

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  • Le , la Pravda condamne le projet de fédération balkanique de Tito[5]. La rupture commence par un échange de courriers.
  • Le , le Parti communiste de l'Union soviétique — le PCUS — adresse au Parti communiste de Yougoslavie — le PCY — une lettre lui reprochant de dénigrer le socialisme soviétique, et de manquer de démocratie interne.
  • Le 13 avril, le PCY répond en niant les accusations soviétiques, tout en rappelant que l'amour porté par les Yougoslaves à l'URSS ne saurait surpasser celui qu'ils portent à leur propre patrie.
  • Le 4 mai, le PCUS répond en reprochant au PCY de refuser de reconnaître ses fautes, et d'oublier qu'il doit son salut à l'Armée rouge.
  • Le 17 mai, le PCY répond vertement aux propos soviétiques, lesquels diminuaient les mérites de la résistance yougoslave.
  • Le 28 juin, Tito n'assiste pas au congrès du Kominform. Les autres partis communistes émettent une condamnation collective du PCY, qui est exclu du Kominform et accusé de dérive « nationaliste ». L'organisation communiste appelle « les forces saines du PCY à imposer une nouvelle ligne politique à la direction[4] ». Le traité d'alliance soviéto-yougoslave est dénoncé par l'URSS.

Conséquences

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Contre toutes les prévisions, Tito n'est pas renversé, et soumet au contraire à des purges les cadres staliniens du PCY[6], dont certains sont envoyés dans le camp de concentration de l'île de Goli Otok, au nord de l'Adriatique[7]. Dans les autres pays communistes, la rupture entre l'URSS et la Yougoslavie est le prétexte à des purges internes aux partis locaux : les cadres « titistes » ou supposés tels, accusés de dérive nationaliste, sont éliminés. Ainsi, l'accusation de titisme supplante celle de trotskisme dans les conflits internes aux partis communistes[6]. Dans tous les pays du bloc de l'Est, entre la fin des années 1940 et le début des années 1950, les dirigeants communistes locaux usent de l'accusation de titisme pour se débarrasser de leurs rivaux : c'est le cas en république populaire de Bulgarie pour l'élimination de Traïcho Kostov, en république populaire de Hongrie pour celle de László Rajk, en république populaire d'Albanie pour celle de Koçi Xoxe, en République tchécoslovaque pour les procès de Prague qui voient la condamnation à mort de Rudolf Slansky et d'autres dirigeants communistes, en république populaire de Pologne pour la disgrâce de Władysław Gomułka.

La Yougoslavie perd par ailleurs son influence sur la république populaire d'Albanie, Enver Hoxha préférant choisir le camp de Staline.

L'isolement de la Yougoslavie au sein du monde communiste pousse Tito à choisir une politique de neutralité internationale, et à améliorer ses rapports avec les pays occidentaux. Progressivement, le régime yougoslave devient moins répressif. Une voie spécifiquement yougoslave de développement économique est adoptée avec, jusqu'à la fin des années 1970, des résultats probants qui feront de la Yougoslavie le pays communiste le plus prospère d'Europe. La position de Tito l'amène également à nouer de nouvelles alliances avec les autres pays qui affichent leur neutralité durant la guerre froide, donnant naissance au mouvement des non-alignés.

Tito n'a toujours eu que peu de considération pour Staline, et même un franc mépris si l'on en croit ses paroles lorsqu'il a appris la mort de Staline le  : « J'ai reçu la nouvelle en même temps que la dépêche m'annonçant que mon chien Tiger était grièvement malade. J'étais désolé pour Tiger. C'était un chien merveilleux ! ». D'ailleurs, le , il décline l'invitation aux obsèques de Staline, préférant se rendre en Angleterre à une invitation de la reine.

L'URSS et la Yougoslavie finissent par se réconcilier en 1955, après la mort de Staline : l'URSS reconnaît ses torts vis-à-vis de son ancien allié, qui ne réintègre cependant pas le bloc de l'Est et poursuit sa propre expérience du « socialisme ».

Articles connexes

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Liens externes

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Notes et références

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  1. Dimitri T. Analis, Les Balkans 1945-1960, Puf, , p. 56-58.
  2. Serge Métais, Histoire des Albanais, Fayard, , p. 319.
  3. Métais 2006, p. 321.
  4. a et b Garde 2000, p. 91.
  5. Georges-Henri Soutou, La Guerre de Cinquante ans : Les relations Est-Ouest 1943-1990, Fayard, , p. 213.
  6. a et b Garde 2000, p. 91-92.
  7. Métais 2006, p. 322.

Bibliographie

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