« L'Abécédaire de Gilles Deleuze » : différence entre les versions
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== Un philosophe exemplaire ? == |
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Deleuze a préparé l'émission, il a choisi les thèmes dont il voulait parler. Mais surtout ses qualités philosophiques et pédagogiques éclatent dans cette émission : il sait mettre à l'œuvre son imagination conceptuelle sur quelques points précis et concrets, toujours exprimés dans une langue simple (quoique souvent métaphorique bien sûr). Ce film constitue donc une merveille de philosophie grand public, qui aurait tout à fait sa place dans un cours de terminale. Nuance: l'insistance sur l'imagination est en plein accord avec la description deleuzienne de la philosophie comme lieu de création de personnages conceptuels où toute idée de vérité objective est pour le moins éclipsée. On peut au contraire tenir cette prestation d'improvisation inspirée comme ce qu'il ya de plus antithétique aux efforts de la philosophie réellement intéressante, où une certaine dose d'exigence et d'efforts dans l'instruction de ce dont on traite contrarie la rhétorique verbeuse de la spontanéité paillette. Il est vrai que projeter en terminale et donner en pâture à des élèves le genre de condamnation assassine et dépourvue du moindre filet de raisons que Deleuze adresse à l'encontre de Wittgenstein serait faire acte de grande générosité envers les passions les plus viles de la paresse d'esprit. Il n'est pas sûr que la philosophie en particuler, l'intelligence en général, en sortiraient grandit. |
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Pour ces raisons, ''L'Abécédaire'' représente peut-être le sommet de l'interview télévisée d'intellectuel, car celui-ci n'y a pas à lutter contre son intervieweur et les banalités auxquelles ce dernier veut ramener ses propos, sans pour autant que l'entretien se transforme en pure et simple leçon. Ou bien il s'agit d'une mise en valeur où la présence d'un interlocuteur-disciple sert parfaitement une fonction de faire-valoir et permet le déploiement d'un show pour aspirant au titre de philosophe-superstar. |
Pour ces raisons, ''L'Abécédaire'' représente peut-être le sommet de l'interview télévisée d'intellectuel, car celui-ci n'y a pas à lutter contre son intervieweur et les banalités auxquelles ce dernier veut ramener ses propos, sans pour autant que l'entretien se transforme en pure et simple leçon. Ou bien il s'agit d'une mise en valeur où la présence d'un interlocuteur-disciple sert parfaitement une fonction de faire-valoir et permet le déploiement d'un show pour aspirant au titre de philosophe-superstar. |
Version du 25 juin 2007 à 17:44
Modèle:Ébauche film français | Modèle:Ébauche philosophie |
L'Abécédaire de Gilles Deleuze est un film produit et réalisé par Pierre-André Boutang, tourné en 1988.
Première diffusion sur Arte en 1996, dans l'émission de Pierre-André Boutang "Metropolis".
Présentation
Composé de huit heures d'interview de Gilles Deleuze, l'Abécédaire est le seul film consacré à ce philosophe qui a toujours refusé d'apparaître à la télévision. Il accepta pour cette unique fois d'être interviewé par une équipe de télévision à condition que ce film prenne la forme de conversations entre lui et son ancienne élève et amie Claire Parnet, et qu'il soit diffusé après sa mort.
Comme son nom l'indique, ce film est découpé en (presque) 26 thèmes classés par ordre alphabétique où Gilles Deleuze aborde certains de ses idées et concepts, mais aussi des questions plus personnelles (par exemple dans B comme boisson, E comme enfance, ou M comme Maladie) en liaison avec son travail philosophique.
Commentaires
Ce film a reçu un franc succès auprès d'un public large ; cela peut s'expliquer par le fait qu'il a réussi à allier les deux traits suivants. 1) Une personnalité attachante : Deleuze se montre charmeur, drôle, enjoué et franc ; la relation qu'il a à son intervieweuse est sans affectation, ni d'un côté ni de l'autre ; il sait raconter quelques anecdotes, prendre des exemples frappants. 2) Le contenu de ses réponses incarne une certaine idée de la philosophie en adéquation avec le goût populaire. L'inspiration, la séduction, la musique des mots, l'imagination occupent le devant de la scène sonore. Sous le charme du verbe, tout y est spectacle. On en ressort étourdi par une danse des concepts, à défaut d'être convaincu par l'agencement de raisons solides. Des sensations de rejet (tactiles avec le frottement d'un chat, sonores : l'aboiement d'un chien) sont tout de suite frappées de couleur philosophique parce qu'elles sortent de la bouche de ce que la marche capricieuse et aléatoire de l'histoire des modes philosophiques a estampillé "grand philosophe". Du coup, évidemment, chacun a le sentiment que la philosophie le concerne dans sa subjectivité propre, qu'il peut se mettre à philosopher sur le champ, c'est-à-dire selon cette manière de voir, à se laisser aller au libre jeu de l'association d'idées.
Un philosophe exemplaire ?
Deleuze a préparé l'émission, il a choisi les thèmes dont il voulait parler. Mais surtout ses qualités philosophiques et pédagogiques éclatent dans cette émission : il sait mettre à l'œuvre son imagination conceptuelle sur quelques points précis et concrets, toujours exprimés dans une langue simple (quoique souvent métaphorique bien sûr). Ce film constitue donc une merveille de philosophie grand public, qui aurait tout à fait sa place dans un cours de terminale. Nuance: l'insistance sur l'imagination est en plein accord avec la description deleuzienne de la philosophie comme lieu de création de personnages conceptuels où toute idée de vérité objective est pour le moins éclipsée. On peut au contraire tenir cette prestation d'improvisation inspirée comme ce qu'il ya de plus antithétique aux efforts de la philosophie réellement intéressante, où une certaine dose d'exigence et d'efforts dans l'instruction de ce dont on traite contrarie la rhétorique verbeuse de la spontanéité paillette. Il est vrai que projeter en terminale et donner en pâture à des élèves le genre de condamnation assassine et dépourvue du moindre filet de raisons que Deleuze adresse à l'encontre de Wittgenstein serait faire acte de grande générosité envers les passions les plus viles de la paresse d'esprit. Il n'est pas sûr que la philosophie en particuler, l'intelligence en général, en sortiraient grandit.
Pour ces raisons, L'Abécédaire représente peut-être le sommet de l'interview télévisée d'intellectuel, car celui-ci n'y a pas à lutter contre son intervieweur et les banalités auxquelles ce dernier veut ramener ses propos, sans pour autant que l'entretien se transforme en pure et simple leçon. Ou bien il s'agit d'une mise en valeur où la présence d'un interlocuteur-disciple sert parfaitement une fonction de faire-valoir et permet le déploiement d'un show pour aspirant au titre de philosophe-superstar.
Fiche Technique
- Entretien : Claire Parnet
- Réalisation : Pierre-André Boutang et Michel Pamart
- Image : Alain Thiollet
- Son : Jean Maïni
- Montage : Niedjam Sialom
- Mixage : Jacques Pietrobelli
- Année de tournage : 1988
- Images de Vincennes : Marielle Burkhalter
Thèmes abordés
- A comme Animal
- B comme Boisson
- C comme Culture
- D comme Désir
- E comme Enfance
- F comme Fidélité
- G comme Gauche
- H comme Histoire
- I comme Idée
- J comme Joie
- K comme Kant
- L comme Littérature
- M comme Maladie
- N comme Neurologie
- O comme Opéra
- P comme Professeur
- Q comme Question
- R comme Résistance
- S comme Style
- T comme Tennis
- U comme Un
- V comme Voyage
- W comme Wittgenstein
- X et Y comme inconnues
- Z comme Zig-zag