Boissel - Qand Les Enfants Se Mirent A Dessiner

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OSU Transaction Number: 921375
ILL Number: 89907510
Location: FIN Stacks
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Journal Title :Cahiers du Musee national d'art moderne
Journal Vol: either 31-32 or 33-34
Journal Issue:
JournaiYear: 1990
Article Title: Boissei, Jessica 'Quand les enfants se mirent dessiner. 1880-1914, un fragment de l'histoire des ides'
Article Author:
Article Pages: 14-43
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Transaction Date: 20120416
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Ariel : 132.162.37.164
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1
QUAND LES ENFANTS
SE MIRENT A DESSINER
1880-1914: UN FRAGMENT
DE L'HISTOIRE DES IDES
JESSICA BOISSEL
L'enfant de moins de douze ans devrait tre autoris
s'amuser avec des couleurs bon march ... S'il sc
comente de barbouiller le papier de taches dpour-
vues de sens, on pourra lui enlever la couleur
jusqu' ce qu'il sache mieux s'y prendre; mais, ds
qu'il se met colorier les uniformes en rouge et qu'il
garnit les bateaux de pavillons rays, il devrait
pouvoir disposer de couleurs volont ...
John Ruskin t
Le point de dpart des rflexions qui suivent
est la publication, en 1912 par Vassily Kan-
dinsky et Franz Marc, de l'almanach Der Blaue
Reiter, l'un des manifestes les plus importants
de la modernit avant la Premire Guerre
mondiale
2
Cet ouvrage, qui dfend la Ubert
de l'expression artistique selon les critres de la
ncessit intrieure 3, dveloppe, travers
le discours tenu par les images reproduites, des
confrontations aussi audacieuses que dcon-
certantes entre l'art d'avant-garde (des uvres
de Czanne, Picasso, R. Delaunay, Klee, Kan-
dinsky et Marc), l'art du pass, celui des
primitifs, l'art populaire et celui des enfants. Si
la nouveaut de tels rapprochements en ce
dbut de sicle n'eut gure d'cho alors, les
textes des commentateurs actuels ne tarissent
pas d'loge
4

Ce qui retiendra ici notre attention, c'est
seulement la prsence de dessins d'enfants
parmi les illustrations du Blaue Reiter, ainsi que
DESSIN D'ENFANT
PUB LI! D A ~ S E. VIOllfT-li-DUC,
HISTOIRE D' UN DESSINATEUR.
COMMENT ON APPREND A DESSINER, 1879
CAHIERS du Muse national d'art moderne
15
les quelques rares passages qui s'y rfrent.
Dans son article Les Masques , August
Macke pose cette question rhtorique :
Les enfams, qui crent directement partir du
mystre de leurs sentiments. ne sont-ils pas plus
crateurs que l'imitateur des formes grecques ? Les
sauvages ne sont-ils pas des artistes, eux qui ont leur
propre forme, forte comme la forme du tonnerre ?5
Cette partie du texte est scande par des
reproductions de l'art du Mexique, des les de
Pques, ainsi que par un dessin d'enfant. Le
premier manuscrit du sommaire du Blaue Reiter
comporte le nom de la dessinatrice, Lydia
Wieber, inscrit par Kandinsky ; dans la liste des
artistes, elle suit juste Van Gogh
6
D'autres
jeunes dessinateurs sont mentionns dans un
paragraphe enthousiaste de la correspondance
Kandinsky-Marc, le 19 juin 1911 : Et l,
nous allons mettre un gyptien ct d'un
petit Zeh , crit Kandinsky
7
: il s'agit de l'un
des trois fils de l'architecte munichois August
Zeh. Un nombre considrable des feuillets de
ces enfants avait t expos Munich au mois
d'avril chez Brakl, galerie d'art renomme et
conservatrice
8
.
Dans l'une de ses contributions thoriques
l'almanach, V. Kandinsky clbre l'im-
mense force inconsciente qui se manifeste
dans les dessins d'enfants et en fait des
uvres qui galent celles des adultes (quand
elles ne les dpassent pas de trs loin) , la
condition que l'observateur sache faire preuve
31 PRINTEMPS 1990
JESSICA BOfSSEL
d'un espric " impartial " (tmparteiisch) et " non
soumis am. traditions " (wJtraditiMell) et qu'il
ait conserv la facult de regarder avec des
yeux nafs. Apprendre de l'elliant, c'est ce
que devraient faire non seulement les observa-
teurs, mais aussi les maitres qui s'efforcent
d'inculquer l'enfant la connaissance du
monde pratique .
Kandinsky fait intervenir un autre type
d'an : l'art populaire. Celui-ci a des affimts
avec la cration enfants en ce qui concerne
" la forme de la composition " (komposirionelle
Form). L'auteur avance que l'artiste " ressem-
ble beaucoup l'enfant durant toute sa vie uY.
La nouveaut particulire du discours tenu
par les images reproduites dans le Blaue Reiter,
discours dont F. Thrlemann a fait. en 1986,
une analyse d'une grande pertinence et dont il
a soulign l'autonomie par rapport au texte,
rside dans l'galisation " des crations pictu-
rale!> et plastiques de toutes cultures. classes ou
poques >> et " dam la prise de conscience
d'une parent #intrieure", commune des
phnomnes esthtiques qui #extrieurement"
semblent n'avoir aucun point commun, puis-
qu'ils proviennenr de courants cullurel s fon
divers w. Ils sont des canons esthti-
ques traditionnels ,mais se soumettent pour-
tant sans exception au principe de la nces-
intrieure (innere N.,tlvendi_qkeit). pour
reprendre les tem1es de Kandinsky
11

Prin1itifs, naifs et artistes d'avant-garde font
figure d'allis. Dans le Blaue Reiter, cet aspect
FR<RF5 ZEH
COLLAGE Ot Ot:SSINS
ENCRt SLIR PAPif.R. 1,1 14.1
WEO .. I\.i) l o\l."-lf\l\.4.i OU BLAUt RIIJCR 1912.
FONDS I<A!I.IOI;o...<;KY M"""MPHOfO
16
occupe le premier plan et relegue au second la
tendance courante qui constitue en modle la
cration des primitifs et des nafs en tant qu'an
lmentaire et originel.
Paul Klee adhre cette tradition romanti-
que : les dessins d'enfants ne cessrent d'avoir,
pour son an. une signification importante et
constamment renouvele
11
Dans un article
qu'il ecrivit pour la rc:v ue suisse Die A/pen en
1911, propos de la premire exposition
organise par la rdaction du Blaue Reiter en
1911 la galerie Thannhauser de Munich, on
peut lire la profession de foi suivante :
"''oublions pas que 1 an a ses ongines comme nous
pouvons le vrifier dans le:. ethnographiques
ou chez nous dans la chambre d'enfanrs (ne ris pas
lecteur) les enfants aussi peuvent en faue et la
valeur anistique\ les plu\ rcentes
n'est en rien amoindrie par ce (Onslat. Au contraire.
Cer era1 de compone um sagesse posiuvc :
plus les enfants sont plus l'an
f!U'ils produisent esr riche d'emcignemen1s; car ici
aussi tl ) a dj,i une corntprion . lorsque les enfants
se meuent as,imiler uvres d'an acLomplies
ou mme les imiterll.
Une imiration gauche " (awkward imita-
rion) dtl monde des adultes, rel est predsmcnt
le reproche qu'adresse K.O. Werckmeister
quelques-uns des dessins d'enfants choisis par
Kandinsky. Il de la srie "La Pose" (Das
Sitzen), consGrant en quatre dessins reproduits
sur une double page (p. l94 et 195 de la
traduction franaise), raliss, eux. aussi. par
P-'CE CI.CO'<TR1
rYDIAWEBEK
.,RABCS fl.!n h.Jut) lA POliE 1er1 ba$)
CMYO" (T "QU.,REllE Sl:R PAP>ER.
PUBllf L AL\.W'I.AC.H Ol.' Bt.Alif RllrTR.
kANDI!'\ S.._') M!'.;AWPHOTO MNA.M
..
dt Kt.tn txodwM.Tl FUt -dl'l' dtt 1mo.kn l!!t
iP !kn 1udt'lt\;.!lliilcr. der lB do>t'l fa>t Uilbo.hnntt:n ll-J"'J ln-
Un t.'W'akk Mt'%iko. Al7.t,lo dw wdl. n
Bl!J.o!I(DUt4,. dM iiod ((\f 1lil- dX wdl;.t",, ),.kb.-D t1i
1k-r \'011 I\.,:1>.\! Ul \\uhlrib [illt J"'hre MOtrh.t.tt. doc h!vk '\'<:11
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und 00' Gr'III..Stl!l L"!! lrar.khu.cr Oool
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&'D '-!'ll'd Wo W dahmt.T .tt:tM.-n, wu fonncn loe1
\Wtdt-n, dl15t I 'IICh
DESSINS D'ENFANTS
17
juil-
sept.
3
Ill
7.20
2.00
1929
Lydia Wieber et dment dats ( 1908). Le
commentaire de Werckmc1ster est le suivant :
La vhmence dogmatique avec laquelle
a insist sur les mrites anistiques de la cration
picturale enfantine, non corrompue par les conven-
tions. n'est gure corrobore par les spcimens de
dessins d enfants que Marc et lui om reproduits
comme illustrations dans l'almanach du Blaue R-
ter ... Ih n'manent videmment pas de petits
enfants. et ne paraissent pas s'carter beaucoup du
ralisme des adultes. lb apparaissent plutt comme
des imitations gauches de l'imagerie adulte ... H
C'est pourtant justement cette srie qu'uti-
lise nouveau Kandinsky dans ses au
Bauhaus de Dessau. Dans les notes prpara-
toires poUI la dixime leon du 12 mars 19 29.
il prvoit comme matriel iconographique sur
le meme Fonne et composition dans l'an et
la technique )> :
1 J Dessins (" Pose , . Blauer Reiter et vieille
locomotive) ;
2) An populaire (Blaui'T' Reuer et vieille locomotive)
Et il en va de mme pour la leon du t 5 marsts.
Outre ces feuillets publis dans le Blaue
Reiter. Vassily Kandinsky et Gabriele Mnter
possdaient une importante collection de des-
sim d'enfants dont une grande part avait t
runie avant la Premire Guerre mondiale.
Cette collection est conserve la Fondation
Eichner-Mnter Munich et doit tre publie
prochainement.
D'autres feuillets. dont quelques-uns sont
reproduits id. s'ajouteront l'poque du Bau-
haus. On ne peut dterminer avec sret leur
provenance. Ces dessins, une partie de la
collection personneUe de Kandinsky. ont t
legus par sa veuve - en mme temps que les
mres de l'artiste- au Muse national d'art
moderne. Ils proviennent vraisemblablement
du cours d'Helene Schmidt-Nom1; celle-ci
prit part l'enseignement de Paul Klee au
Bauhaus de Dessau, et travailla plm tard a
l'atelier de tissage sous la direction de Gunta
Stolzl. avant d'enseigner elle-mme dans plu-
sieurs colesll.
!JN T>Pf t.lfC liANT
OUVERTtJRE DE lA RlVUl MU/lAUS,
1929
COLLAGE
FU" OS KA MNAM
19
DESSINS D'ENFANTS
La collection du muse offre galement des
travaux dus au jeune Felix Klee (entre ses 14
et 16 ans). dont le pre ne fut pas seul
clbrer les dons artistiques. Lothar Schreyer
relate dans ses souvenirs - ils ont probable-
ment trait l'anne 1922 - que Paul Klee ne
prenait nullement ombrage de ce qu'un spec-
tateUI voie des analogies emre nombre de ses
travaux et des barboulages d'enfants :
Les dessins mon petit Felix valcn1 mieux
que les miens. que bien trop souvenl le cerveau a
passs au criblc
1

Ce bref aperu concernant l'attitude de
Kandinsky l'egard de l'an enfantin que nous
avons poursuivi jusqu' l'poque de son acti-
vit d'enseignant au Bauhaus doit simplement
faire ressortir que la reproduction de dessins
d'enfants dans Je Blaue Reiter - qui a jusqu'ici
raiement retenu l'attention des historiens de
l'an - reprsentait davantage que l'intrt
passager d' un collectionneur de curiosits.
Depuis les annes 20, la situation ne s'est
gure modifie dans ce domaine spdfique.
Les dessins d'enfants, indpendamment de
l'admirarion qui leur est due et mme souvent
inflige, ne reuvcnt plus tre vacus de la vie
quotidienne Aussi nous est-il diffidle aujour-
d'hui de nous faire une ide de l'tranget
pour un lecteur en 1912 de la conrromation
entre art moderne, an primitif et dessins
d'enfants.
Nous oublions de nous interroger sur l'ori-
gine de cette prdilection pour les ralisations
enfantines. Nous nous contentons de constater
qu'ici encore (dans le domaine de l'art
enfantin), ce fut le Blauer Reita qui fraya le
chemin et veiUa la comprhension de ces
uvres,, .
En fa. le contexte intelleauel internatio-
nal de l'poque doit tre pris en compte. U n'a,
certes, pas de relmions immdiates avec les
auteurs de l'almanach, mais permet de sortir
du microcosme culturel du Blaue Reiter ct de le
confronter avec l'histoire des ides emre 1880
et 1914, dans les domaines de la psychologie
de l'enfant, de la pdagogie, de l'ducation
JESSICA BOISSEL
arnsttque, de la science de l'an, en prenant
panicuUrement en compte les premires
expositions de dessins libres faits par des
enfants, organises panir de 18989.
Une prhistoire claire et complte, en
effet, les ralisations des diteurs du Blaue
Reiter.
Il faudrait notamment considrer le
domaine de l'ethnologie : il est frquent que
des savants mnent des tudes comparatives
- ou tracent un signe d'galit - entre l'art
des enfants et l'art d' autres primitifs.
Par ailleurs, la branche nouvellement cre
de la psychologie, la science de l'me de
l'enfant, Hvre, elle aussi, ses constatations et sa
contribution au phnomne, si excellemment
pingl par G. Boas comme ,, culte de
l'enfance
20

Les changements profonds qu'il s'agit de
dcrire. suscits par des psychologues, des
pdagogues, des philosophes, et finalement
pris en charge par des artistes crateurs, com-
mencent - si l'on excepte quelques prcur-
seurs, dont on ne cesse de faire mention
(Rousseau, Schiller, Schopenhauer, Langbehn,
Ruskin, Nietzsche et Morris) - dans les
annes 80 du sicle dernier, et se trouvent
interrompus lorsque clate la Premire Guerre
mondiale
21
. De l notre choix de la priode
1880-1914.
C'est la notion de '' relations synthti-
ques (synthetiscJze Beziehungen) - le principal
souo des auteurs du Blaue Reiter- qu'il faut
ici donner toute son ampleur. Kandinsky y
revient encore dans une lettre de 1930 adres-
se l'diteur P. Westheim:
( ... ) La sparation funeste tablie entre rel an et tel
autre et au-del, entre!' An et l'an populaire ou
l'an enfantin. ou encore l'ethnographie, les murs
solidement dresss entre des manifestations mes
yeux si proches et le plus souvent identiques, en un
mot les relations synthtiques ne me laissaient point
de rpit2
2

Dans le second volume (jamais paru) de
l'almanach, Kandinsky envisageait l'applica-
tion de la mthode des comparaisons synthti-
ques aux domaines de l'art et de la science.
20
Pour les auteurs du Blaue Reiter l'enjeu
dbordait largement Je cadre de l'art. U s'agis-
sait de promouvoir l'avnement d'une nou-
velle re spirituelle. Le but utopique tait " la
renaissance de la socit par l'union de tous les
moyens et pouvoirs de l'an 11
21

II
Il est une ncessit: faonner l'existence selon
l'inspiration cratrice ... Nous ne nous panouirons
point si nous ne devenons pas wus artistes, chacun
dans son domaine et son mtier. Telle est la grande
mission. la mission historique universelle, que l'an
doit accomplir aaueUement ( ... ) en faveur du peu-
ple, quelque condition qu'on apparenne, du
prince au travailleur ( ... ). C'est la voie de l'an qui
nous mne l'avenirl4.
C'est ce que dclarait Albert Dresdner en 1904.
Cinq ans plus tard, dans la prface la seconde
dition de son ouvrage paru en 1909, il
s'inscrit en faux contre le fait qu'on annexe
son livre la littrature dite d'ducation par
l'art (Kunsterziehungsliteratur), dans laquelle il
fut pourtant frquemment cit.
Ce mouvement de l'ducation par l'art
(Kunsterziehungsbewegung), qui s'organisa au
dbut du sicle en Allemagne, doit tre brive-
ment voqu ici, de mme que les pays qui lui
ont servi de modles: l'Angleterre, les U.S.A.
et la France, prcurseurs dans le domaine de
l'ducation par l'art, des travaux manuels, des
a r t ~ appliqus ou de la psychologie. Il faut
galement accorder une place aux importants
dveloppements parallles qui se produisirent
dans d'autres pays, comme l' Autriche ou la
Russie.
La rforme de l' ducation par l' an eut pour
point de dpart en Allemagne la ville de
Hambourg.
On en attribue cependant l'impulsion pre-
mire - si prodigieux fut l'impact de son
uvre - un auteur tout d' abord anonyme,
originaire de Basse-Allemagne, qui s' avra par
la suite tre l'crivain Julius Langbehn. Celle
de ses uvres qui fit poque > I l ~ parut en
librairie en 1889 sous le titre Rembrandt ais
Erzieher, von einem Deutschen (Rembrandt
comme ducateur, par un Allemand). Ayant
pris soin de restituer l'ouvrage dans le contexte
de l'idologie dominante lors de sa 37< dition
en 1932 en insistant sur la souche basse-
allemande purement germanique de J. Lang-
beho, le prfacier rappelle une fois encore
l'impression inoue que suscita le livre lors de
sa premire parution. Un dferlement de litt-
rature sur l'ducation artistique de la jeunesse
devait s'ensuivre. Le message sans dtour qui
vint frapper des oreilles prtes l'entendre est
le suivant : viser par l'art la suprmatie.
Comparativement l'indniable ascension
conomique de la Prusse aprs les guerres
victorieuses de 1866 et 1870, le dveloppe-
ment spirituel et le renouvellement des murs
du peuple allemand se trouvent en retrait.
C'est en cultivant l'art et l'individualit alle-
8URCHAADT
DESSI"' DENFANT
COU.fCTIO" KANDI"SKV MUHAUSl
CRAIES Of COULEUR ET CRA YO" SUR PAPIER .ll x 23.8
FO...,DS KANDI"'SKV MNAM1'HOTO M ~ A M
21
mande que cet inconvnient doit tre lev.
L'idal vers lequel il faut tendre : l'art de
Rembrandt ; en tant que barbarie la plus
raffine , il doit, pour les Allemands, << (eux)
qui , de fait, (sont) des barbares, valoir comme
modle de l'an et de la culture allemands
26
Revenons Hambourg o sont prises des
initiatives concrtes. Une association d'ensei-
gnants y vit le jour en 1896. Dans le but de
cultiver la formation artistique de la jeunesse,
elle organisa deux ans plus tard la Kunsthalle
de Hambourg une exposition de dessins
d'enfants librement excuts, sous le titre
L'Enfant, cet artiste > (Das Kind ais Kiinstler),
exposition qui aurait mrit d'tre accueillie
dans la srie des << Stations de la modernit >
(Stationen der Moderne)2
1
. On foule id des terres
vierges. C'est la premire fois qu'on montre
une Kunsthalle autre chose que de " laborieux
travaux d'coliers 1>, excuts par des enfants
JESSICA BOTSSEL
invits copier exactement d'insipides
modles dessins ou imprims, ou reproduire
un pltre
28

Les pices exposes et dcrites par C. Gorze
dans le catalogue - l'exergue tant, bien
entendu, de John Ruskin - sont des dessins
provenant de jardins d'enfants bruxellois et
japonais, des travaux d'coliers indiens, des
objets et dessins de peuples primitifs . Les
textes sont complts par une bibliographie
qui restitue de faon exhaustive les premires
tudes prparatoires s'intressant la psycho-
logie, et particulirement aux dessins
d'enfants, effectues aux U.S.A., en France, en
Angleterre et en Italie. Il n'y manque ni le
psychologue anglais J. Sully (voir p. 31), ni le
rvolutionnaire ducateur britannique
E. Cooke (voir p. 25, 27). Sont cits: le Fran-
ais B. Perez, qui publia en 1888 un ouvrage
fort remarqu intitul L'Art et la posie chez
l'enfant, ainsi que l'historien italien de l'art.
Corrado Ricci, qui fut un des premiers
considrer l'activit graphique des enfants
corrune un art ; son livre parut en 1887 sous le
titre L'arte dei bambini: il s'y livrait l'examen
comparatif de prs de 2 000 feuillets de dessin,
collectionns parmi ses amis ou dans des coles
italiennes. Gotze crivit dans le catalogue :
L'exposition offre une image du domaine peut-tre
le plus charmant sur lequel travaille la science
moderne, c'est--dire celui des recherches sur
l'enfant (et, s'il en est beaucoup qui) les premiers
essais dessins paraissent insignifiants et sans art,
ceux-ci nous permettent pourtant d'obtenir des
aperus de la phase la plus intressante de la vie
spirituelle enfantine, savoir les commencements de
1' activit artistique.
Comment celle-ci, qui est une expression
de force cratrice, peut-elle tre mue, grce
l'ducation de la jeunesse, en moyen de favori-
ser le bien-tre individuel et social >>2
9
? Tel est
le problme que Gotze soumet son public.
S'il est question de l'art enfantin (Kin-
derkunst), au sens d'une activit cratrice de
l'enfant, il est galement question de l'art pour
l'enfant. n faut mentionner ici une seconde
exposition : elle fut organise par la Scession
22
de Berlin au printemps 190 1 et fit le tour
ensuite de plusieurs villes d'Allemagne et
d'Autriche. Un texte d'accompagnement, sous
la forme d'un manuel pour les parents et les
ducateurs (Handbuch fr Eltern und Erzieher),
fut publi en 1902 sous le titre Die Kunst im
Leben des Kindes (L'Art dans la vie de l'enfant) Jo.
Cet crit dfend un complment du pro-
gramme de l'ducation de la jeunesse: la
dimension passive et hdoniste de ce que
d'aucuns appellent veranstaltete Bildung
(formation dtermine l'excs). En dnon-
ant la prjudiciable unidimensionalit qui
marque l'homme, victime la fois du rationa-
lisme et du matrialisme, ce manuel estime
que l'cole, dornavant, ne doit plus se
contenter de transmettre des connaissances,
mais doit duquer les sens, cultiver l'imagi-
nation, et que l'enfant, l'cole et la
maison
31
, doit tre encercl par la beaut. Car
le besoin d'art appartient aux pulsions origi-
nelles de l'homme ; un (( sens esthtique
inconscient habite spontanment tout enfant
comme crature de ce monde 3
2

Qu'est-on mme d'offrir pour stimuler les
sens de l'homme nouveau in statu nascendi?
Des meubles pour la chambre d'enfants, pro-
venant des ateliers d'artisanat de Dresde, des
dcorations murales choisies, des livres
d'images, des jeux et jouets. On cre pour une
nouvelle idole.
L'essentiel est-il de former des artistes cra-
teurs ou doit-on donner la priorit l'duca-
tion d'amateurs clairs? Ces questions sont
dbattues selon toutes les rgles de l'art lors
des Journes de l'ducation par l'Art (Kunster-
ziehungstage), organises en Allemagne surtout
entre 1901 et 1912 : les 28 et 29 septembre
190 l a lieu Dresde la premire session qui
traite des arts plastiques
33
. Langage et po-
sie (Sprache und Dichtung) constitue Je thme
du deuxime congrs, qui se tient en octobre
1903 Weimar. A Hambourg en 1905, les
discussions sont tendues une rforme de
l'ducation corporelle sous le titre Musique
et gymnastique .
Ce qu'apportait le nouveau mouvement
tait comme une fr aiche brise de printemps ,,
selon Ernst Weber. directeur d'une cole
Bamberg et aureur en 1907 de deux disserta-
tions philosophiques abondamment cites :
ais piidagogische Gnmdwtssenschafr
(L'Esthtique comme science pdagogique
fondamentale) et Die p.dagogischen Gedanken
des jungen Nietzsche (Les penses pdagogiques
du jeune Nietzsche)H.
Ces congrs n'taient nullement rservs
aux St!U ls pdagogues. Artistes. professeurs de
la nouvelle science de l'an et conservateurs de
mme y prirent galement la parole. Alfred
Lichtwark. conservateur de la Kunstballe de
Hambourg. qui depuis les annes 80 avait
publi d'innombrables crits sur les fonde-
ments de la formation artistique, cc rests en
leur temps lettre morte >>, et qui avait inaugur
dans son muse avec les enfants des coles ce
qu' aujourd'hui l'on appelle visites guides des
collections, tint la confrence de dmre au
congrs de Dresde. en 190 l, sous le titre
cc L'Allemand de l'avenir (Der Deutsche der
Zukunft).
Lichtwark, tout comme Konrad Lange et
Georg Hirth. deux autres pionniers de l'duca-
tion par l'art des annes 1890, tentrent de
justifier par des arguments conomiques la
ncessit d'largir la pratique de l'art l'cole :
l'an doit dynamiser la vie conomique alle-
mande. Il n'est pas seulement ncessaire d'u-
vrer la formation des artistes
35
mais il faut
galement uvrer l'ducation de dilettantes
cultivs. d'une lite qui tire jouissance de l'an
et prenne plaisir en acqurir.
La formation du got des masses doit
galement tre prise en considration. Il faut
c qu'elles soient dtournes de la camelote l
6

Si l'avenir de l'industrie allemande et sa capa-
cit de s'affirmer dans la comptition <c pacifi-
que )) des peuples dpend de l'existence de
consormnateurs forms au point de vue esth-
tique, il est galement vrai que la qualit des
objets produits par les arts appliqus ne sera
garantie que si le sens artistique du peuple
23
DESSINS D'ENFANTS
:>'lve
17
Dans le domaine des arts appliqus, il
faudraJt encore, selon G. Hirth, oprer un
Lravail pralable par le biais d' un nouveau type
c bien compris" d'enseignement du dessin,
c' est--dire c< vacuer la sparation tellement
prisee emre l'arr au sens noble et les mtiers
d'an)>. Cette dplorable sparation n'existe ni
cc sur les grands marchs hautement civiliss
de l'Est asiatique (Chine, Japon) )>, ni chez
les sauvages et demi-sauvages, qui vivent
sous le charme de traditions archaques. L'art a
l-bas. aujourd'hui encore, un caractre popu-
laire englobant toutes les productions de la
main de l'homme ))3
8

Qui doit alors recevoir un enseignement.
quand, o, avec quel contenu et par qui 7 Il
s'agissait de trouver des solutions.
En dpit d'innombrables critiques :
(pourquoi) faire de la nation entire une nation de
connatsseurs. pourquoi dvelopper le fin critique en
chaque journalier, chaque domestique, et faire
acqurir au peuple. par l'ducation. une facult de
jouissance au plus haut sens du terme, qu'il ne
pourra pourtant jamais satisfaire, vu la nature de la
chose?'"
le congrs de Dresde privilgie une pdagogie
populaire. L'ducation artistique doit dbuter
aussitt que possible, et donc dans la chambre
d'enfant et l'cole communale. Cependant,
quel contenu convient-il de lui dmmer? Faut-
il prvoir pour les enfants des animations
rgulires devant les uvres dans les salles des
muses (Besnard
40
) ? Faut-il plutt discourir
loin des uvres ? Faut-il perfectionner les sens
et la facult d'illusion, renforcer la mmoire
des formes (K. Lange) ? Faut-il laisser de ct
les arts plastiques pour viser une ambition
suprieure : une culture esthtique. c'est--
dire la reconqute de l'il pour la saisie du
monde (J. Strzygowski er H. Read
41
) 7 Faut-il
augmenter la pratique des activits manuelles
pom les enfants en ge d'aller au cours prpa-
ratoire, comme le souhaitent les partisans de
Frobel
42
?
Les experts sont partags. Ils dclarent
pourtant d'une mme voix que cc parmi tous
JESSICA BOJSSEL
les moyens de l'ducation artiStique, l'ensei-
gnement du dessin est le plus important >>
43
et
que c'est dans ce domaine que les rformes
sont le plus ncessaires. Car, selon l'expression
concise et concluante qu'en donne
G. Kerschensteiner, " il est bien plus pervertis-
sant de recevoir un mauvais enseignement que
de n'en recevoir aucun >>
44
De la mme faon,
il met en garde contre la rage de la rorganisa-
tion, contre les u esprits confus et incomp-
tents qui prodiguent les conseils les plus imp-
rieux >>
45
Kerschensteiner, inspecteur auprs
des coles communales de Munich, qui
s'tait adonn ds son enlance aux arts
graphiques
46
, avait t choisi pour prononcer
le discours d'ouverture de la seconde Journe
de l'ducation par l'art, qui se tint Weimar en
1903. Suivant entirement la tendance du
sicle commenant. il ralisa les tudes proba-
blement les plus systmatiques propos du
" dveloppement des dons graphiques durant
la priode de l'enfance (Entwicklung der zeich-
nerischen Begabung im Kindesalter). Plus de
300 000 dessins d'enfants des coles commu-
nales de Munich furent analyss pour tester la
facult d'expression graphique chez l'enfant
vierge de toute influence, du schma primitif
jusqu' la reprsentation acheve de l'espace.
Il est remarquable qu'en dpit de son
immense travail de classification Kerschenstei-
ner parle reprises de plaisir esthti-
que ; ainsi en 1905 :
Aujourd'hui encore. je demeure saisi d'tonnement
et d'admiration devant cenaines mes enfantines
qui. dans la reprsentation de ce qui est observ,
djsposent d'une capacit de conception et d'une
force d'expression que nous sommes habitus
considrer comme la rsultante d'un long et soi-
gneux apprentissage, et que nous voyons ici se
dployer panir des profondeurs du talent inn,
sans la moindre espce de secours, comme un arbre
magique
Il ne se trompait gure lorsqu'il avanait dans
l'introduction de son ouvrage majeur paru en
1905 :
C'est pourquoi les principaux rsultats de ce travail
n'intresseront pas seulement le praticien de l'du-
24
cation et le fonctionnaire de l'inspection scolaire,
mais aussi le psychologue, l'historien de l'an,
l'ethnographe et avant tout l'aniste4$.
En ce qui concerne la rforme de l'ensei-
gnement du dessin, ou observe une tendance
gnrale, qui se manifeste au plan internatio-
nal. Sa caractristique essentieUe est qu'on se
dtourne d'une facture purement imitative et
qu'on met l'accent sur l'activit formelle ame-
nome. Ce sont l'Angleterre et les U.S.A. qui
jourent ici Je rle de leader. Cette tendance
apparatra plus clairement au travers d'une
rtrospective du dveloppement dans ce
domaine, durant la deuxime moiti du
XIX< sicle.
Avant 1870. l'enseignement du dessin,
dans les acadmies comme dans les coles
- pour autant qu'il y tait introduit - restait
cantonn dans le copiage de modles imprims
ou de sujets en pltre. Ce n'tait pas, en soi, un
enseignement du dessin, de l'avis de
OfSSto,; 0 [!'l.ifl\."il
r8At..tHAUS1
CIVIlES DECOULEUR SUR PAPIFR l9 < 22.5
FO'JDS KANDINSKY, MN AM/PHOTO MNAM
Kerschensteiner. 1 mais un enseignement
visant ce qu'on acquire l'habitude de tracer
des lignes propres
09
Suivant les tendances
gnrales de l'volution de l'art offidel. s'inspi-
rant aussi des ides rvolutionnaires avances
en Angleterre par Ruskin. Morris et E. Cooke,
on se met dans tous les pays dessiner d'aprs
nature. 11 On dessine du vivant ou du natura-
lis ~ ~
5 0
La << victoire > ~ de la mthode du dessin
d'aprs nature est clbre en Autriche. en
1902, par une exposition de dessins d'enfants.
Longtemps encore, on fera l'loge des des-
sins d'enfants ds lors que l'imitation de la
nature est russie, ds lors que ce qui est
reprsent est reconnaissable
51

Une ultime exigence qu'A. Lichtwark put
soutenir avec insistance partir de 1900 pour
l'institution scolaire allemande, savoir de
< partir de la nature de l'enfant, revient
une reconnaissance des travaux prparatoires
mens par les psychologues de l'enfance, et
constitue un aboutissement conscutif au
dveloppement qu'a connu l'Angleterre en ce
dornaine
52

DfSSIN D'ENFANT lJO.ftol
COLLECTION KANOIN5KY !BAUHAUS!
CRAIESOfCOLitEURETCRAYONSURPAPIER ll.S xl:U
FONDS I<ANOlNSICY. M"'AM'PHOTO MNI\M
25
DESSINS D'ENFANTS
On se laisse guider par l'enfant: c'est de lui
qu'on apprend. Vu qu'il ne dessine pas ce qu'il
voit, ou contrecur seulement on le laisse
dessiner ce qu'il sait de l'objet. Les expriences
runies en Angleterre par Ebenezer Cooke
sont celles d' un pdagogue inspir : dix annes
durant (1855-1865) il frquenta les cours du
Working Men's College, fond Londres en
1854, o John Ruskin et Dante Gabriel Ros-
setti tentaient non pas d'duquer les travail-
leurs pour en faire des artistes, mais d'en faire
des hommes meilleurs. Les maximes de Rus-
kin : <( Va donc la nature, ne ngligeant rien,
ne ddaignant rien (Go to nature. negleding
nothing, scorning nothing) ou 11 Apprends
voir : dessine pour apprendre voir et aimer la
nature ) ~ y devinrent la seconde nature de
Cooke.
C'est en 1876 qu'il commena son ensei-
gnement pour les enfants, leur apprenant
dessiner des objets naturels, " avec des rsul-
tats inattendUS ll Sl, COmme iJ)e dit lui-mme. fl
constata que les enfants n'taient pas disposs
- et il accepta ce refus - copier un modle,
JESSICA UOISSEI.
26
quand bien mme il dune feuille ck
rhubarbe. Us voulaient exprimer leurs pro-
pres ides. et non pas imiter des objets qui
existaient dans la ralit
5
'
1
Ils voulaient
manipuler des couleurs. Grce capacit de
se mettre leur diapason, Cooke parvint la
conclusion ironique que l'appel magique du
" retour la nature ,, tait contre nature pow
les enfants. Le concept de namre devait
donc tre saisi plus largement.
En 1881. l'Institut de South-Kensington,
autorit officielle au plan national en matire
d'enseignement. accepta le projet ducatif pro-
pos par E. Cooke. Outre le dessin
na tu re, ce projet requrait la pratique du
dessin de memoire aussi bien que du dessin
main leve et du dessin au pinceau%.
Au cours de la seconde moiti du XIX si-
cle, c'est, de la mme faon, l'Angleterre qui
donna le ton dans le domaine des arts appli-
qus. On fonda des coles des ans er mtiers
o l'on fit passer dans les faits le modle libral
dt la formation qui, ct du dveloppement
d'un travail cratif, avait pour but l'accroisse-
ment de la production. Dans ces tablissements
d'ducation. l'on continuait favoriser le des-
sin. et on lui dormait des applications prati-
ques. Cene volution doit beaucoup John
Ruskin, peintre. illustrateur. critique d'art, et
l'un des crivains les plus significatifs de
l'Angleterre victorienne. Il croyait au rle
de l'art. qu'il " comprenait comme tout
travail de l'tre humain qui contribue conf-
rer noblesse aux sens et l'esprit et
donner une forme plus belle au monde dans
lequel nous vivons ,s
7
La propagation dans les autres pays d'Eu-
rope de ce5 ides novatrices, mises en praque
en Angleterre dans le domaine de la produc-
tion industrielle, rsulte de plusieurs facteurs.
ll faut se rappeler d'abord que (< la rencontre et
l'interpntration mutuelle >>
5
s des diffrents
peuples fut une des preoccupations majeures
de l'poque (comme en temoignenr tout pani-
culirement les programmes des expositions
universelles et, vers la fin du sicle, les exposi-
TROIS DESSINS DEOICACIS AUX KANDINSKY
COLLECTION KANDINSl<Y IMUNICHI
CRAYONS OE COUlEUR n CRAYON SUR PAPIER
10j( 9-10 x 14-13 n.s
fOND" KA"-'Oisc; ....) MNA.M'PHOTO MNAM
27
DESSr"'S D'ENFANTS
tions organises par les diffrentes scessions
artistiques, ainsi que la volont stylistique du
Jugendstil).
Cependant, cette propagation doit sre-
ment beaucoup l'architecte Gottfried Sem-
per, l'un des thoriciens de l'art les plus
influents du XJXe sicle. Adoptant la thse de
l'adion rciproque de l'an et de la socit, il
travailla et enseigna successivcmem Dresde,
Paris, Londres (o il prit part la fondation du
muse de South-Kensington), Zurich et
Vienne A son avis, un haut niveau artistique
des produits industriels ne saurait tre assur
que par une formation artistique du peuple, en
tant qu'acheteur et producteur le plus impor-
tant pour atteindre ce but , il cherche
rformer la formation aux arts et
Entre 1900 et 1912, les exposi tions de
dessins d'enfants librement excuts devien-
nent plus frquentes en Europe et en Russie :
1900 Paris, l'occasion de l'Exposition Uni-
verselle, o l'ducation par l'art joua un grand
rle; 1901-1902 Paris; 1904 Saint-Pters-
bourg; 1905 Dresde et Breslau; 1905 et
1906 Berlin ; 1905 et 1908 Vienne : 1908
Saint-Ptersbourg; 1911 Munich, l'une des
premires expositions se tenir dans une
galerie d'an. On va mme jusqu' la confron-
tation de l'art contemporain et des dessins
d'enfants dans les deux Salons Jzdebsky, orga-
niss avec le concours de Kandinsky Odessa
en 1909 et 1910. Les deux catalogues (la
jaquette du dernier est orne J'une gravure
sur bois de Kandinsky) mentionnent la pr-
sence de dessins d'enfants dans l'exposition
60

Des collections trs importantes de travaux
d'enfants se constuent : Lamprecht Leipzig,
W. Stern Breslau, Nagy Budapest. Des
tudes une chelle de masse sont menes :
G. Kerschensteiner, Claparede en Suisse,
W. Stern Breslau, Lamprecht et S. Levinstein
Leipzig. D'autres savants entreprennent
1 observation d'enfants qu'ils suivent pendant
des annes pour analyser leurs progrs :
G.H. Luquet en France, O. Wulff en Alle-
magne, J.M. Baldwin et L. Hogan aux tats-
DOLORES MIRO
DESSIN D'ENFN'<I
COllECTION
CRAYON SlJR PAPIER l0.5 x 2b b
fONDS PHOTO MNAM
JESSICA BOISSEL
Unis. La rfrence est id Ch. Darwin, qui fut
lui-mme un observateur enthousiaste de ses
propres enfants6
1

Le sommet de ces activits frntiques fut
incontestablement le Congrs international
pour l'avancement de l'enseignement du des-
sin, qui se tint en aot 1908 au Victoria and
Albert Museum de Londres
62
Vingt-deux
nations participrent cette exposition
monstre>>. L'Allemagne elle seule y dpcha
98 dlgus et y exposa des travaux d'coles
communales de Hambourg et de Dresde ; avec
l'Amrique et l'Angleterre (E. Cooke exposa
des dessins d'enfants de ses classes), elle comp-
tait, selon C. Kik, parmi les rares pays propo-
ser des tentatives originales.
Le mme missaire blme, par exemple :
( .. . )l'arriration d'une France indigne du haut
niveau de son art, indigne aussi de son pdagogue
Rousseau qui, voil dj cent cinquante ans, avait
adress l'enseignement du dessin des exigences
que nous sommes aujourd'hui sur le point de
remplir6
3

Un coup d'il rtrospectif sur les travaux
significatifs qui ont t publis en France sur ce
thme
64
montre qu'aprs les contributions
imponantes, et internationalement reconnues,
des psychologues (Perez en 1888, Compayr et
Queyrat en 1893 ), seules se font encore enten-
dre des voix qui mettent en vidence er
dplorent le rapport de dpendance de la
France l'gard des U.S.A. ou de l'Angleterre
dans le domaine de l'ducation par l'art ; ainsi
Compayr dclare Monroe (U.S.A.) en
1899:
Je n'ai que peu de nouvelles vous donner des
tudes sur l'enfant qui som menes en France, vu
que nous sommes loin derrire vous ~ ;
ou bien M. Braunschvig en 1907 :
Le grand mouvement vers J'Art l'cole et la
maison qui commence enfin se dessiner dans notre
pays. une fois de plus en rerard sur l'tranger ...
06
Alfred Binet, qui avait promu au dbut du
sicle la cration de sa " Sodt libre pour
l'tude psychologique de l'enfant >> (o il fit
28
mener durant les prerrueres annes nombre
d'tudes sur les dessins d'enfams
67
) indique
comme motif de cette fondation :
Il ne voulait plus demeurer tranger un mouve-
ment dom il savait le dveloppement dans plusieurs
autres p a y ~ , notamment aux U.S.A.M
Deux autres contributions, celles des U.S.A.
et de l'Autriche, mritent d'tre mentionnes.
La dlgation des tats-Unis, dont le travail
pionnier dans le domaine de l'art en matire
d'ducation er de l'ducation par l'art - tant
en thorie qu'en pratique - faisait depuis
longtemps l'admiration de tous les autres parti-
cipants, proposa un dossier complet, entire-
ment mis jour, offrant les contributions des
savants les plus renomms ; dans cet ouvrage,
pourtant, il est fait encore une fois rfrence au
prototype qu'tait dans ce domaine South
Kensington
6
9.
La salle d'exposition consacre aux travaux
raliss par des enfants et des adolescents (de 7
14 ans) dans l'cole viennoise de peinture et
de dessin que dirigeait Franz Cizek fit l'objet
d'une reconnaissance, pour ne pas dire d'une
admiration. unanime.
Cet exprimentateur inspir, qui ne voulait
tre compt parmi le commun des ducateurs,
psychologues, sociologues et pdagogues. tait
rest jusqu'alors peu prs inconnu de la
communaut internationale (seul C. Gtze, de
l'association des enseignants de Hambourg, lui
avait une fois rendu visite). Il s'tait pris
d'intrt depuis 1885, alors qu'il tudiait la
peinture l'Acadmie des beaux-arts de
Vienne, pour l'envie des petits enfants de
peindre et de dessiner. Le succs fut considra-
ble ; ses mthodes taient tellement neuves ou
droutantes qu'en 1904 encore, sept ans aprs
la reconnaissance par l'tat de son cole prive
de peinture, il se trouvait quelques-uns de ses
collgues progressistes pour faire tat. dans un
mmorandum, d'" expriences dangereuses,
de confuses mthodes exotiques et d'une cor-
ruption de la jeunesse >
70
C'taient les travaux
de cette cole - rattache depuis 1906
l'cole des arts appliqus et uvrant la
88
Infants' l!fovmunts.
A c:urious pheoomenon, wbich bas been notied ibo by
Pusy l in the dr.lwingo of mucb oldu cbildren1 ...s evident
in }t '1 attemptJ to enend ber dnowings to Olher objects.
Thit is the tendency to neglet the new object or copy and
a.Cofy.
(aD \a U..M&fla wtidt Dqwu. .......,..
Foc:. VI.-FUIT .,_.,L TU<Ur 1 .. 0111:.1, rftt (LosrWUX
o,...,- MOiffll).
tubstilute for it in wbole or part some drawing wbich she
bad alt-eady leamed to make. For example, baving ana-
lyud man after mc into head, body, legs, and a;m.s. t:b
.....
promotion des facults spontanes d'expres-
sion graphique - qui soulevaient Londres
un enthousiasme fervent. Cizek lui-mme
mentionne la visite du souverain britannique
l'exposition, tout comme le fait que l'archev-
que de Cantorbery << ne tarissait pas d'loges,
du haut de sa chaire, sur les cratiOns jaillies de
l' me de ces enfants viennois n71.
Il n'est gure probable qu'on ait pu quitter cette salle
de l'exposition sans y avoir recueilli de rel ou tel
autre ct une stimulaonn.
Kik condense ainsi ses impressions de
voyage et parle d'<< activit gratifiante
(beglckendes Schaffen), gratifiante tant pour
ceux qui en sont les auteurs que pour ceux qui
DESSINS cYENFANTS
DANS ).M. BAlDWIN. MFNTI\L
DEVELOPMENT IN rHE CHilOIIND rHE RACE:
METHODSI<NDPIIOCESSES. 1895
29
DESSINS D' ENFANTS
became ber ac:heme for dnowing ali other creatures. Wben
t<>ld to dnow a. bird ailer a copy act bdore ber, shc gave it
ali these fcatures, on(orming them ln a mcasum to the
general shape of a bird, but puttiog two atrola at the
.. - ......... .,..
Fl.G. VIL-Ill: lliC. 1). .a,. (u..r ll4Y o -rn< WOifTII).
sidcs for DfmS, 1 sh.all aa.y more about ths fact in tlle
next section in discussing the origin of handwriting; it il
atso suggutive in connection with tbe rite of the genual
notion.
1
1
Sec below, Chap. XL, f .
en contemplent les fruits. Communaut des
crateurs er des amateurs d'an (Gemeinschaft
von Schaffenden und Geniessenden) : telle tait
d'ailleurs la devise sous le signe de laquelle
G. Klimt avait plac la Wiener Kunstschau de
1908 : elle refltait sa conception d'une crati-
vit artistique tendue tous les domaines de
la vie. A ct de l'an pour l'enfant (dcoration
murale, meubles et jouets, fabriqus par l' cole
d'art d'Alfred Bohm), une salle y tait. l
encore, consacre aux travaux de l' cole
Cizek
73

Avec la rforme de l'cole des ans appli-
qus mene bien en 1910 par Alfred Raller,
l'cole exprimentale de Cizek fut transforme
JESSICA BOISSEL
en coun spcial d 'enseignement artistique
pour la jeunesse. Son objectif principal tait
d'assurer par le travail artistique la formation
de consommateurs avertis ou, mieux. d'aller
au-devant de l'imprieux besoin de formation
artistique du peuple.
Au cours d'une confrence prononce
Dresde en 19l2 lors du fVe Congrs internatio-
nal de l'ducation par l'art, Cizek semble
souscrire cette tendance la fusion de
l'enseignement de l'art, du dessin et des arts
appliqus pour des raisons de politique cono-
mique. Aujourd'hui, ce congrs peut tre
considr comme la fin d'une pdagogie rele-
vant de l'utopir.
Ci7ek partageait, lui aussi, les ides de
Ruskin et de William Morris, que d'autres
rejetaient comme un '' envahissement complet
par l'art " (Verkunstung). tait '' art pour lui
toute activit cratrice de l'homme, ce cra-
teur-n. Et l'art devait pntrer la vie de tous
les tres humaim. li comptait comme faisant
partie de ce concept largi de l'an - au sein
duquel il distinguait pourtant des degrs
d'art (Kunstgrade) - les travaux de libre
expression formelle des enfants, l'art des pri-
mitifs et l'art populaire
74
Il considrait tome-
fois la production autonome de l'enfant
comme un domaine de l'art dos sur lui-mme,
qui ne saurait tre considr conune une tape
prealable l'accession au grand art.
A l' oppos de Ruskin, et en accord avec
E. Cooke, Cizek n'exige pas des enfants qu'ils
copient la nature : encourags d'emble se
saisir du pinceau pour donner libre cours
l'activit anistique spontane, les enfants des-
sinent ce qui leur passe par la tte. Il n'y a pas
de modles. Aux murs nus de la salle de classe,
il arrive qu'un accroche leurs travaux et qu'en-
semble on en discute.
Cizek, matre sans pdagogie, a souvent
parl des '' rvlations ,, (Offenbarungen) reues
au cours de son travail a\ec les enfants, rvla-
tions qui parachevaient sa propre thorie de
l'art. 11 tait convaincu que la rnovation de
l'art qu'il appelait <.le ses vux " n'tait ralisa-
30
ble qu' condition dl proceder partir des
commencements de la cration enfantine et
de tourner les mthodes d'ducation doctri-
naires

En d'autres l'activit duca-


tive, lorsqu'elle est bien comprise. est analogue
la cration

ce qui n'est pas sans


rappeler les ides des auteurs du Blaue Reiter au
sujet du rle messianique de l'artiste.
lll
Pour complter cette tude, analysons deux
autres tendances de nature synthtique : la
premire, trs en vogue au tournant du sicle,
consistait mettre sur un plan d'galit les
primitifs exotiques et les primitifs de chez
nous 11, ce qui revenait chercher et trouver
des affinits nombreu!:>es entre les dessins des
enfants de tous les peuples et une certaine
production des <<sauvages production qui
a longtemps laiss perplexes les connaisseurs
europens ; la seconde, elle. visait l'intgra-
tion de ces domaines de J'activit humaine en
un concept largi de l'art auquel conduisait le
travail des tenants de la nouvelle spcialit
qu'tait la science de l'art (Kunstwissenschaft) :
certains d'entre eux avaient propos de redfi-
nir I'es1tique '' (das Aesthetisclte) en prenant
en compte les tudes prparatoires menes par
des sociologues, des ethnologues et des artistes
d'avam-garde.
En 1912 encore, August Macke se voit
oblig de fusttger
( ... ) le geste ddaigneux de la main avec lequel les
amateurs d'an et les artistes ont relgu jusqu'
prsent dans le domaine de l'ethnologie ou des arts
dcoratifs toutes les lormes artistiques des peuples
primitifs'"
Comme l'indique le commentaire suivant.
qui dcrit en 1894la raction des' isiteurs des
premires collections ethnologiques, le rire
aussi peUl servir camoufler un embarras
certain :
Nous trouvons comiques les facis grimaants d'une
sculpture ngre ( ... ). Nous rions aussi de la figure
ridicule qu'un jeune Europen de dnq ans a trace
sur son ardoise
79

La commodit qu'offre la possibilit de cette
comparaison est souligne bien plus express-
ment encore par E.T. Hamy (de la facult de
mdecine) dans une confrence qu'il tint en
1908 au Musum d'histoire naturelle de Paris :
Au point de vue des arts du dessin, en effet, comme
tant d'autres points de vue, les sauvages sont de vrais
enfants ; ils dessinent, ils barbouillent, ils modlent
comme des enfants. Et dfaut des sauvages eux-
mmes, dont nous ne saurions aisment suivre
l'volution esthtique dans l'espace et dans le temps,
ce sont les enfants qui vont nous renseigner. en nous
fournissant, ds le premier ge, les termes de compa-
raison les plus satisfaisants et les plus approchs
80

Il y avait pourtant en ce domaine, avant
1908 dj, des amorces de caractre plus scien-
tifique : le travail trs remarqu de l'minent
psychologue anglais J. Sully, paru Londres
en 1895, et traduit en plusieurs langues ds
avant la fin du sicle, contient des suggestions
importantes. Pour prouver '' les nombreuses et
frappantes ressemblances intellectuelles et
morales emre les enfants et les races inf-
rieures >>
81
, Sully excipe des deux cautions
suivantes : premirement, Darwin a consacr
une attention scientifique aux enfants
82
;
deuximement, l'auteur renvoie aux troites
relations qui lient l'art et le jeu
83
, ce qui lui
permet de caractriser ces productions comme
un art rudimentaire (embryonic art) dispo-
sant de son originalit propre
84
.
Les ides de Darwin et leur transposition
dans le domaine de l' expression >> graphique
jouent galement leur rle dans la tentative
probablement la plus systmatique de mise en
parallle, opre par S. Levinstein en 1904.
Partant de l'hypothse que l'ontogense rpte
la phylogense - c'est--dire que l'individu,
dans le court laps de temps que reprsentent
ses douze premires annes, ritre le dvelop-
pement de la race
85
- et s'appuyant sur un
vaste corpus de dessins d'enfants (de 2
14 ans) de divers pays, rassembls par l'auteur
et K. Lamprecht, Levinstein se fait l'avocat
d'une science de l'art largie bien plus que
DESSINS D'ENFANTS KABYLES
PUB PAR M. PROBSTDANS :
ARCHIVES DE PSYCHOLOIE, T. VI,19Q7
PHOTO FACUlTE DE MDECINE, PARIS
31
DESSINS D'ENFANTS

,..a,he t6g. 30}; 2 un enfau.t gardant son tt: ne ifig. 3-11'i x cama-
rades s'amusauJ avec un 4ne {6:g. 32).
De repruntatitms de rcita&.iQna enJuite,
"eut aussi l*iUustl".o.tiou d'hittofrM e()Utes en dau.e {fig. 33,_ ;}4}. On


I'CnlAl'qUet., da.nt cette
derni.re figure, que le
fusil est pour l:t e.nfanlt
un chien qui retombe et
uo anoo, do le
.auivant t
... ....
l...cJ tcnea un peu et fallt.utiquea sont 'rarr;l'll, maj& un
de. no sujets Jet
plus eul'ieux1 Me---
%ian.J, gamin tra
inte11igent a
gin le croquis de
la figure35.
f:enfnt,
Kabyle n dans
une tribu igno-
rntre qu'.t n'a
jami quitte,
o, avant la venue
toute rcente de&
maitre,, on nfa-
vah gure vu
d'Europent, n'a
'li' .t.l, - )t,l\ .
d'une pdagogie rformer. Le prindpe d'Ar-
chimde appliqu dans cette uvre, et qui
hausse les dessins des enfants et des primitifs
au rang de l'art, relve de l'tymologie :
Pour dessiner >>, tracer >>, << graver >> et crire >,
les anciens Grecs ne connaissaient qu'un seul mot :
"(P<ii{)ELU ... La peinture, en ce temps-l, tait lan-
gages.
Le livre rencontra un extraordinaire succs.
Stimul par la lecture d'un compte rendu de
l'ouvrage dans un priodique de psychologie,
un instituteur algrien - pour nous limiter
un seul exemple - entreprit, en 1907, de
comparer les dessins des enfants du pays avec
les vestiges prhistoriques. Malgr la caution
de Levinstein, il ne sauta pourtant pas le pas
87

JESSICA BOISSEL
L'exigence, galement formule par
Levinstein. selon laquelle l'histoire de l'an doit
largir le domaine de ses recherches - canton-
nes jusqu'alors l'aire de la culture occiden-
tale - avait dj t mise en avant en 1894 par
E. Grosse, professeur J'universit de Fri-
bourg. il prsentait ses travaux sur les com-
mencements de J'an comme une premire ten-
tative pour se risquer en un domaine o
personne ne s'tait encore srieusement livr
des recherches >>
88
. L'auteur, haussant l'histoire
de l'an telle qu'elle tait usuellement prati-
que au rang d'une science de l'art par le
recours la philosophie de l'art, tente de
mettre profit les recherches parallles de la
sociologie et de l'ethnologie qui s'efforcent,
d'une manire analogue. de mettre nu les
origil1es et le primitif dans l' animal social .
Les tudes comparatives qu'il mne sur les
dessins d'enfants et sur les arts plastiques des
primitifs excluent qu'on puisse les mettre sur
un plan d'galit8
9
Si l'on voit progressivement
s'accrotre le nombre de ceux qui tentent de les
dissocier, c'est aux progrs de la biologie qu'on
le doit9.
IV
Puisant dans ce fonds d' ides, les auteurs du
Blaue Reiter proclamrent en 1912 la libert de
cration plastique de toutes les cultures, toutes
les poques et tOutes les classes l'gard des
normes esthtiques lgues par la tradition ; ils
se firent les porte-parole les plus clairs de
tendances diffuses du nouvel an, l'an expres-
sionniste ; ils ne craignirent pas de reproduire
ou d'exposer des dessins d'enfants aux cts de
leurs propres uvres, pour tmoigner d'une
cration tirant son origine du mystre des
sensations subjectives (voir A. Macke. p. 15).
Comme on se plat le dire : on avait dcou-
vert l'art enfantin. Ce qui avait constitu
autrefois l'effroi des parents et des pdagogues
l'andenne
91
, ce qui avait t blm comme
souillure sur les murs ou sur un papier qui
32
n'tait pas prvu pour cet usage, ce qui n'tait
cit que pour tre pmgl comme exemple
avr du manque de rgles et de l'ignorance92
finira par tre accept et interprt comme une
source de plaisir esthtique. L'enfant
dmiurge de cette production trs courtise,
est proclam artiste. lui qui pendant si long-
temps avait t exploit par des scientifiques
de domaines divers, et ce. tout bonnement,
parce que, selon les termes de Binet, ii les
enfants, plus spontans et plus confiants que
les adultes, se prtent mieux aux investigations
du psychologue
9
}; l'enfant, qu'on avait laiss
faire, parce qu'on tait convaincu de la valeur
psychothrapeutique de l'activit graphique ;
l'enfant, qu'on avait pendant si longtemps
enrl. sous la bannire du dessin libre, au
service des ides utopiques, esthtisantes et
aussi commerciales d'ducateurs ii rvolution-
naires ; l'enfant qui. pour finir, devait se
substituer dans le laboratoire domestique
l'inaccessible sauvage, l' enfant se voit dpartir
un rle nouveau.
Il est toutefois excessif de parler de sou-
daine fascination > pour la dimension pure-
ment artistique, comme le fait R. Goldwater,
en liaison avec la raction des avant-gardistes
l'art primitif. l' art enfantin compris
94
Le travail
prparatoire ii inconscient , ni purement
scientifique ni exempt de colorations
esthtiques, comme nous J'avons vu, avait
dur longtemps.
La rceptivit du grand public se fit dsirer
davantage encore - si l'on fait abstraction de
l'accueil rserv aux dessins d'enfants qui
rencontrrent moins de rsistance. Ce specta-
teur ,, impartial et non soumis aux tradi-
tions >> que rclamait Kandinsky, et qui.
l'instar de l'enfant, considre le monde avec
des yeux nafs - l' innocence de l'il (the
innocent eye). un tat originel que Ruskin vo-
que pour le ressusciter, dont H. Read se fait
encore le champion, et que rcuse E.H. Gom-
b r i c h 9 ~ - ce spectatem reste improbable ; il
l'tait l'poque de la publication de l'alma-
nach. L'ouvrage ne rencontra alors la compr-
hension et L'adhsion que d'un petit nombre.
L'une des rares recensions positives le tenait
pour un intressant objet d'investigation
psychiatrique ))
96

Dans les annes 20, la littrature sur l'art,
lorsqu'elle s'occupe de l'avant-garde, mani-
feste une prdilection pour les biographies de
Kandinsky, Marc ou Klee. Le message du Blaue
Reiter est encore intempestif.
La situation change en Allemagne avec la
premire exposition historique consacre au
Blaue Reiter, qu'organise Ludwig Grote
Munich en 1949 et o il met en vidence ce
bref << pisode )) de l'histoire de l'art comme le
point focal du dveloppement de l'art
modernen.
C'est en 1981 qu'est parue la premire
traduction franaise de l'almanach.
Traduit de l'allemand par Anne-Marie Lionner
NOTES
Les titres des ouvrages auxquels le texte renvoie ne
figurent dans les notes qu'en abrg. La bibliogra-
phie contient les rfrences compltes (voir p. 37).
l. J. Ruskin. Elements of Drawing, 1857 (prface,
paragraphe 11) :
"It (a child under the age of 12) should be allowed
to amuse itself with cbeap colours ... If it merely
daubs the paper with senseless stains, the colour
may be taken away until it knows better; bur as soon
as it begins painting red coats on soldiers, striped
flags to ships, etc., it should have colours at corn-
maud .. . "
2. V. Kandinsky. F. Marc. Der Blaue Reiter. Munich,
Piper, 1 912 ; les dtations sont prises, pour l'alle-
mand, dans Dokumentarische Neuausgabe, Klaus Lank-
heit. L 984, et, pour le franais. dans la traduction
franaise, Paris, Klincksieck, 1981.
3. Ibid., p. 305, note 45 (d. ali.), historique du
concept ; p. 5 L note 21 (d. fr.).
4. Ibid., p. 290 (d. ali.) ; p. 37 (d. fr.). Commen-
taire de Klaus Lankheit. Ainsi que :
K.O. Werckmeister, Versuche ber P. Klee, 1981,
p. 125, et, du mme auteur : The Issue of Child-
hood ... )>, 1977, p. 139. Et: F. Thrlemann,
<< Famose Gegenklange ... , 1986, p. 220.
. ROLF DITTRICH
DESSIN
COll.." CT! ON (BAUHAUS)
CRAlESDECOULEURETCRAYONSURPAPIER,23,8 x 33
FO'IDS KANDINSKY. \-\NAM/PHOTO MNAM
33
DESSINS D'ENFANTS
5. A. Macke, Die Masken "Almanach Der Blaue
Reiter, p. 55 (d. ali.) : '' Sind nicht Kinder Schaf-
fende, die direkt aus dem Geheimnis ihrer Empfin-
dung schopfen, mehr ais der Nachahmer griechi-
scher Form ? Sind nicht die Wilden Knstler, die
ihre eigene Form haben, stark wie die Form des
Donners? ,et p. 113 (d. fr.).
6. Almanach Der Blaue Reicer, p. 311 (d. ali.), p. 57
(d .. fr.).
7. d. K. Lankheit, Briefwechsel Kandinsky-Marc,
1983, p. 40-41.
8. B.S. Tower, Klee and Kandinsky ... , 1981,
p. 41 et 281. Un article concernant l'exposition la
galerie Brakl fut publi dans les Mnchner Nachrichten
du21avrill9ll.
9. V. Kandinsky, ber die Formfrage ,Almanach
Der Blaue Reiter, p. 168-169 (d. al!.), p. 226-228 (d.
fr.).
1 o. F. Thrlemann, op. cit., p. 212, 214 et 221.
11. J. Langner, "Gegensatze und Wider-
sprche ... >), dans le catalogue d'exposition Kan-
dinsky und Mnchen, 1983, p. 130. Le commentaire
(abrg) de Langner sur ce concept de ncessit
intrieure " est le suivant : grce la fonction de
cette instance invoque inlassablement par Kan-
dinsky, la gense de l'uvre d'art n'est plus soumise
au modle extrieur de la nature et son imitation,
mais devient <<chose immanente du spirituel .
Cette instance est pense comme une autorit qui
JESSICA BOISSEL
tablit des normes. garantie ncessaire conrre une
subjeltivil inconrrlable.
12. K o. Werckmeister. op. w .. 1977 et 1981.
13. P. Klee dans D1e A/pm. 6 ( 1912) . p. 302.
(Rimp. dans Klee, Sclmften Rewzsiomn und Auf-
siitze. 1976. p. 97 : Es gibt namlich auch noch
Uranfange von Kunst, wic man sie eher im ethno-
grapllischen Museum findet oder daheim in der
(lache nicht, Leser). die Kinder ki:in-
nen's all\;h. und das ist durchaus nicht vemichtend
fr die jngsten Bestbungen, sondern es steckt
positiVL' Wcisbeit in diesem Umstand. Je hiUloser
dlese Kinder sind, lehrreichere Kunst bieten
sie denn es gibt auch schon hier eine Korruplion :
wenn die Kinder anfangen cnrwickelte Kunstwerke
in sich aufzuneh.men l'der gar ibnen nachzuah-
men. ,,
14. K.O. Werckmeistet, op. nt., 1977, p. 141 :"The
dogmatic intensity wit.h which Kandimky insisted
on the arcislic merit of children's picture-making
uncorrupted by convention, is not borne out by the
specimem of chlldren's drawing which he and Marc
bad reproduced as illustrations in The Blaue Reitrr
almanac ... They are evhlently not by srnall children,
and they don'r seem 10 go very far in their deviation
[rom adult rcalism. Rather they appear as awkward
imitations of adult imagery.. "
15. d- Ph. Sers. W Kandmsky - crlls complets,
vol. lJl : La Synthse des am. 1975. p. }69 et 355.
16. Un article de H. Schmtdt-Nonn, richement
illustr de dessins d'enfanb, a t publi dans le
priodique Bauhaus Zeitschrifl, no 3, juillet-septembre
1929 J'occasion d'une exposition de travaux
raliss dans ses cla\ses aux lyces de Dessau,
Kthen ct Magdeburg. L'exposition eut lieu Dessau
du 23 au 28Juin 1929.
17. L. Schreyer, Emzmmmgen an Stunn und Bauhaus
( 1 956), p. 168 : Die Bilder dk mein klein cr Felix
gemalt hat. sind besserc Bilder als die meinen, die oft
durch das Gehirn hindurchgerropft sind ... "
18. K. Lankheit, commentaire dans Almanach Der
Bla
11
c Reuer p. 292-293 (d all.) , p. 39 (d. fr).
19. Il semble important d'apporter la preuve de
l'accessibilit de tels dessim : voir la mthode de
R. Goldwater dans Primitivism in Modern Art. 1938. Se
reporter la liste des expositions p. 43.
20. G Boas. The Cult 4 Childhood, 1966.
21 Certains thmes tres vastes, tels que . ducation
artistique, primitivisme, culte de l'enfance. seront
reprb et traits d'une manire exhaustive avant et
aprs la Seconde Guerre mondiale par des auteurs
comme H. Read (Educatioll through Art), R Goldwa-
ter et G. Boas (ouvrages cits).
22. V. Kandinsky, "Lellre P. Westheim " dans
Das Ktmstb/aN. 1930 : " Die verderbliche Absonde-
rung der einen Kunst von der anderen, wciter der
34
" " von der Vol!..s-. der Kindcrkunst, von der
"E!hnographie", die fest gebauten \1\auern
den in meinen Augen :.o verwandtcn, fters ldemi-
schcn Erschemungen, mit einem Wort die symhcti-
schen Beziehungen liessen mir kcine Ruhe. ,
23. H. Ball. cit par K. Lankheit dans Der Blaut
Ret/a, p. 287 (d. ali), p. 34 (d. ft.).
24. A. Dresdner. Der Weg der Kwzst. 1904, p. Xl et
Xll H Eins tut not : schpferistht Gcstalrung
Lcbcns ... Wir werden nicht gedeihen. wenn wir
mtht alle, jeder Ill Bercich und Beru[e,
Kuns1ler werden. Das ist die die weltgt"-
Mission die die Kunst. .. gegenwartig ...
fr alle Stande des Vo!kes vom FTS!en bis zum
Arbciter. .. zu erfllen hat... Es ht der Weg der Kunst
der uns in die Zukunft fhrt. ,.
25. J. Beyer. " Die Enrwicklung des Zeichenunter-
" 1914. p. 10-11.
26. J. Langbehn, Rembrandt ais Erzieher - von emem
Dcurschen, 1889, p. 23.
27. Rfrence faite l'expostuon Stationen der
Alodane, orgamse en 1988-89 Berlin. Gropiusbau.
28. G. Hirth, Idem iiber dm Zo?ichenunrarichr..., 1887,
p. 2: gequaltt" Schlerarbeiten ( ... ) geistlosc
gezeichnete oder gedruckte Vorlagen genau zu kopi-
ren oder einen Gypskopf abzuzcichnen .
Un exemplaire de la quatrime dition. parue en
1894, se trouve dans la bibliothque personnelle de
V. Kandinskr, wnserve au M ... 'IIAM (G. Hirth est
galement l'diteur du clbre priodtque Jugtmd).
29. C. Gi:itze. texte du catalogue de l'exposition
Ki nd ais Knstlcr. Hambourg, Kunst halle, 1898
" Die Ausstellung gibt ein Bild von dem vielleicht
rctlvollsten Gebiet. auf dem die moderne Wis-
senschaft arbeitet, namlich von der Erforschung des
Kindes ( ... ) (und \\enn auch manchcn) die ersten
Zeichenversuche unansehnlkh und kunstlos
erscheinen. so lassen sie uns doch Einblick gewinnen
in die interessantestc Phase des kindlichen Seelenlc-
bens. namlich die Anfange der Kunsrthatigkeit ( .. )
(Wic kann diese, die) ein Ausdruck st.hpferischer
Kraft ist, durch dil Erziehung der ./ugend zu enem
Frderungsrni1tel individueller und sozialer WohJ-
falm gemachr wcrden? "
30. Anonyme. texte du catalogue de l'exposition Dit
Ktmst im Leben des Kmdes, Berlin. St'cesion. 190 l.
31. Les auteurs de ce manuel ont ici reprb leur
compte et le-; ides qu t'xposait E. Ke)
Celle-ci tait l'auteur d'un ouvrage paru initialement
en Suede, en dcembre 1900, sous le titre Le Sicle de
/'en(anr. er qui devait connatre une grande clbril.
Selon son auteur LC livre est ddi tous les
parenrs qui nourrissent l'espoir de former l'homme
nouveau en ce sicle nouveau "invoquant le patro-
nage de Nictlsche ct de Darwm t'Ile tente de
con,aincre ses lecteurs qu'il faudrait, dans tOute la
mesure du possible, duquer les enfants la maison.
32. Voir note 30.
33. Selon A. Dresdner (Der Weg der Kunst, op. cit,
p. 274), ce congrs fut en Allemagne la premire
manifestation embryonnaire d'un vritable parti de
J'art ( die ers te embryonale Kundgebung einer
Kunstpartei in Deutschland ).
34. E. Weber, Aesthetik als piidagogische Grundwis
senschaft, Leipzig, Wunderlicb, 1907.
E. Weber, Die piidagogischen Gedanken des jungen
Nietzsche, Leipzig, Wunderlich, 1907.
35. Les arguments qui, aux yeux de lange, lgiti-
ment qu'on uvre la formation de l'artiste som les
suivants: 1) il n'est pas de domaine de l'industrie
o la valeur du matriau brut joue, par rapport
celle de son laboration, un rle aussi restreint que
dans les genres suprieurs de l'art. 2) Il n'est pas de
branche de l'activit cratrice de l'homme o le
gnie soit aussi bien rmunr que dans le domaine
de l'arr. ("ln keinem Gebiete der Industrie spielt der
Wert des Rohmaterials eine so geringe Rolle gegen-
ber dem Wert der Bearbeitung wie in den hheren
Gartungen der Kunst; in keinem Zweige menschli-
chen Schaffens wird das Genie so hoch bezahlt wie
in der Kunst") .Comme modle, il recommande la
France, le premier pays de l'art en Europe " ( das
erste Kunstland Europas ) - en ce qui concerne le
roman, le thtre, la mode - dont les Allemands ne
font que suivre pniblement l'avance. Cit dans
O. Gorze, Ein kritischer Gang .. . , 1914, p. 10.
36. E. Weber, Die Aesthetik ... , 1907, op. cit., p. 35 :
(Die Masse soli) dem Schund abwendig gemacht
werden.
37. O. Gtze, Ein kritischer Gang ... , 1914, p. 1 L
L'ducation du consommateur n'est pas un sujet
d' actualit en Allemagne seulement; voir G. Sem-
per. M. Braunschvig, Mme Besnard, F. Cizek.
38. G. Hirth, op. cit., p. 25, 26, 30 : " ( .. . ) die so
beliebte Scbeidung zwischen hohcr Kunst und
knstlerischem Gewerbe (aus der Welt schaffen).
( ... ) (Diese zu beklagende Trennung existiert weder)
in den grossen hocbzivilisierten Emporien Ostasiens,
China, Japan (noch bei) Wilden und Halbwilden,
welche im Banne uralter berlieferungen leben.
Dort hat die Kunst noch heu te einen populiiren, alle
Erzeugnisse von Menschenhand umschliessenden
Charakter "
39. K. Lange, Das Wesen der knstlerischen Erziehung,
1902, p. 5 : (Warum die) ganze Nation zu Kunst-
kennern macben, warum in jedem Tagelohner und
Hausknecht den feinen Kritiker entwickeln und dem
Volk eine Genussfii.higkeit im hchsten Sinne aner-
ziehen, die es, der Natur der Sache nach, doch
niemals befriedigen kann ? >
40. A. Besnard, "Dessins d'enfants>>, 1902 : Mais
ils se formeront voir avec intrt et intelligence les
35
DESSINS D'ENFANTS
belles uvres de sculpture qu'il faut leur montrer au
porche de nos cathdrales et dans nos muses. >>
41. H. Read, Education through Art, op. cit., p. 67 :
" Artistic feeling is involved in the process of percep-
tion ... >> (integral approach to reality = aesthetic
education).
Au sujet de Strzygowski, voir la bibliographie.
42. Friedrich Frbel, 1782-1852, fondateur du pre-
mier Kindergarten en 1840. Ses ides de rforme de
la socit, minemment utopiques et teintes de
mysticisme, ne furent reconnues qu'aprs sa mort,
vers la fin du XlX sicle.
43. K Lange, Das Wesen der knstlerischen ... , op. cit.,
p. 13. Ainsi que:
G. Hirth, Ideen ber ... , op. cit, p. 1 : Nach- und
Vorbilden ist fr den Menschen so wichtig wie !esen
und schreiben (Re-prsenter et pr-figurer est
aussi essentiel pour J'homme que lire et crire).
44. G. Kerscbensteiner, Das zeichnende Ki nd, 1904,
p. 5.
45. Ibid., p. 4.
46. d. E. Hahn, Die Piidagogik der Gegenwart ... ,
1926, p. 26.
47. G. Kerschensteiner, Die Entwicklung der zeichne-
rischen Begabung, Munich, C. Gerber, 1905, p. 3. On
pourrait, dans ce contexte, faire rfrence un
passage de la Asthetische Theorie d'Adorno (Francfort,
Suhrkamp. 1970, p. 489-90) : AmEnde ware das
asthetische Verhalten zu definieren als die Fahigkeit
irgendwie zu erschauern, so ais wiire die Giinsehaut
das ersre asthetische Bild >> (Traduction franaise :
Autour de la thorie esthtique, par M. Jimenez et
E. I<aufholz, Paris, Klincksieck, 1976, p. 105 : Pour
finir, on devrait dfinir le comportement esthtique
comme la facult de ressentir quelques frissons,
comme si la chair de poule tait la premire image
esthtique. ,, )
48. Ibid., p. XL
49. d. E. Hahn, op. cit., p. 26: ( ... ) ein Unterricht
zur Gewolmung an reinliche Linienfhrung .
50. K. Lange, Das Wesen der knstlerischen ... , op. cit.,
p. 15 : Man zeicbnet Lebendiges oder Ausge-
stopftes. >>
51. W. Preyer, Die Seele des Kindes, 1888, p. 47. Cet
ouvrage pionnier, qui ne compte pas moins de
530 pages, n' en consacre qu'une seule aux dessins
d' enfants, avec cette remarque : Je n'ai eu con-
naissance que d'un seul enfant qui, l'ge de 4 ans
et sans avoir reu d'enseignement, dessinait au
crayon sur son ardoise ( ... ) une bte, de faon teUe
que chacun reconnaissait aussitt ce que renfer-
maient les contours >> ( lch habe nur von einem
Kinde Kenntniss erhalten, das im 4. Jahr ohne
Unterricht, Thier( ... ) mit dem Griffe! auf die Tafel so
zeichnete, dass jeder sofort erkannte, was die Grenz-
linien umschlossen. )
JESSICA BOISSEI
52. 1893. lors d'une confrence Ham-
hourg. A Lichrwark plaiua pour une mtroduclion
prcoce de la couleur dans l'enseignement du dessin
dispens aux une audirrice lui remit les
de dessin d'une lmentaire anglaise
ceux-ci donnaient l'illustration la plus clatante des
rsultats pratiques qu,,pponait la mthode utilise.
53. E Cooke. "Experimems in the teaching of
roung children . 1908 p. 2.
54. Ibid , p 3.
55. C Kik. Zi'ichneu und \Verktiitigk,it .. 1909, p. 23.
56. Ibid., p. 2526.
57. J. Beyer. op. cit . p. Il.
58. Catalogue d'exposrtion SeceSSion, Munich, Haus
der Ku mt. 1964. a nick de Siegfried Wichmann, p. L
59. Voir les articles de Gcn Rcising.
60. Se reporter a la listt de\ exposiuons p. 43. Les
dates des russes som la contribution de
Jane Sharp, Yale University. Une tude approfondie
sera prochainemem publie par cet auteur.
61. Renvoi la bibliographie. aux noms ct villes
mentionnes. Au sujet de Nagy. consuher Exposi-
tions. 1906, Berlin.
62. Autrefois le musee de South-Kensington.
63. C. Kik, Zeichnen und Werktit(qkeit .. op. cit.,
p. 3 " ( ... ) die Rckstiindigkeit Frankreichs die
unwrdig ist des hohen Standes seiner Kunst und
unwrdig seines Padagogen Rousseau. der schon vor
150 Jahren Forderungen an den Zeichenuntenicht
gestellt haue. die wir heule im Begriff sind zu
erfllen
64. Une mde exJ1austive de J'volution de l'ensei-
gnement en France sera laite dans l'ouvrage en
prparation par P. George! (voir nore 91 ).
65 W.S. Monroe of Cluld Study .... p. 372-
381 : " 1 have but Uulc news ro give you of child
stud} in France. as wear<' far behind you. "
66. M. Braunschvig, L'art et l'enfant, 1907, p. Xl.
67. Mme Fusrer. " LUde biographique les des-
sins d'enfants" 1900 et 1901. Ainsi que.
Mme Besnard. d'enfams , 1902.
68. G. Avanzini. Lt1 colllribution de Bmr!t . .. 1969.
69. J.P Haney. Ari Eduwtion in Pub/t( Sd70<lls of the
Umred 1908.
70. Pas moins de 55 professeurs de dessin avaienr
sign ce mmorandum.
71 Catalogue Franz Ci;:.k. Piomer der
Kumtt'rzaJnmg Vienne Hisrorisches Museum.
20 juin-3 nov. 1985; article de W. Bubnski : ''Die
Anerkennung F Cizeks im Ausland , p. 22-27 et
p. 23.
72. C Kik. Zeichm.>n und Werktiiti_qkeit .... Pp. cir.
p. 35
73. Signe des temps. une de\ ise analogue avait dj
re choisie par les artistes de la BrLke en 1905 et
avait cr grave sur bo1.., par Kirchner : ,, Mit dem
36
Glauben an Entwkklung. an eim Generation der
!:>chaffenden wit rufen wir alle
Jugend zusammen ... ,.
74. LW. Rochowanski . Di<' Wima Jugendkzmsr,
1946-47, p. 28
75. Catalogue d'exposition: Fra11:: Ci::ek .. , op. c11,
aniLle de M. Maulner MarkhoL F Cizek und die
moderne Kunst " p. 15 . ,, die Erneuerung der
Kunsl) nur aus den Anfiingen kindlid1en Schaf-
lem heraus uud unter Umgchung doktrinarer Erzie-
hungsmethoden nalisierbar sei "
76. Gurlin, dans K1msi und Scinde, 1914, p. 4.
77. A. lichtwark. Obzwgen in da ...
1900. rtl. 1922 p 21 : ,, Wir habcn die Ver-
wandtschaiL der crsten \lersuche Kmdes mil
Jenen der primiuvcn Menschen erkannt " (:-lous
constat la parent entre ks prl'mires tenta-
ti\es de l' enfa!IL et celles des primitifs.)
A. Macke." Die Masken >. article cit. p. 57 (d.
Jil.) et p. 116 (d. Ir.) : " ( ... ) die geringschiitzige
Handbewegung (zu brandmarken) mit der bis dato
Kunstkenner und Knser alJe Kunstformen primi-
tiver Volker ins Crcbiet des Ethnologischen oder
Kunstgewerblichen verweisen >.
79. E. Grosse. Die Anfiinge der Kun>!. 1894. p. 25:
" Wir finden die fratzenhaftcn einer
Ncgcrskulptur kornisch ( ... ). Wir !achen auch ber
dil' grotcske Figur. die ein fnJjahriger europaischer
Junge auf seine Schiefertafel gemalt hat. "
80. E.T. Hamy. ,, La figure humDine ... " 1908,
p. 396.
ill J. Sully, Stlldies of Childhood, 1895. Traduction
franaise : tudes sur l'mfance. J 898. p. 2.
82 Ibid.. p. 5 : " Darwin a consrder l'enfant
comme un sujet digne d'ructe.
Voir au>si : Ch. Darwin. " Biographkal sketch ... ''
1877.
R3. J. Sully, ofChildhood. op . .:ir, d. anglaise
de 1903, p. 299 : " lt is commonly recognized that
,m ,md play are cl md} conneued ( ... ) Il is probable
thal the first crude art of the race or at least certain
directions of it. \prang out of pla) -like activitjes. (Il
gnraJement admis que l'an el le jeu sont
troitement lis ( ... ). li est probable que le premier
an brut de la race - ou tout au moins certaines de
se' tendances - a pris naissance da no; activits de
t) pe ludique)
Puisque ces citations sont de la traduction
fran<;aise ( 1898), nom aimerions. a toutes fins uriles.
anirer l'attention sur un glissement de sens significa-
tif : dans le chapitre' IX du texte original. intitul
"Tlw Child as Anis! .. l'auteur parle de "an instinll
( ... ) prompling its possessor to foliO\\. a dcfinite line
of pr,drmion. as drawing of rhe artistic passage
qui devient dans la traduction (p. 412) : " cet im-
tinct particulier qui pousse celui qui en est doue a
employer un moyen d'expression dfinie, tel que le
dessin artistique. (Une vritable mine d'or pour
1
ous les spcialistes du culte de l'expression.)
85. S. Levinstein, T<inderzeichnungen bis zum ... , 1904,
p. 62.
86. Ibid. , p. 46 : Die alten Griechen ha ben fr
zeichnen, aufzeichnen, gravieren und schreiben nur
ein Wort : -ypat.pEw ... Ehemals war die Malerei
eine Sprache.
87. M. Probst. "Les dessins des enfants kabyles >>,
1907.
88. E. Grosse, Die Anfiinge der Kunst, op. cit., intro-
duction.
89. Ibid., p. 185 : Es ist daher mehr berraschend
ais treffend, wenn man die Zeichnungen der Primiti-
ven immer wieder auf eine Stufe mit den Zeichnun-
gen der Kinder stellt. (Les analogies frquemment
voques entre les dessins des primitifs et des dessins
d' enfants som donc plutt surprenantes que perti-
nentes.) Ainsi que :
G. Rouma, Le langage graphique de l'enfant, 1912,
p. 282 : << Les ressemblances entre dessins d'enfants
et ceux des primitifs sont cependant beaucoup plus
apparentes que relles" ; et p. 287.
90. G.-H. Luquet. L'art primitif, 1930, p. 5.
91. Une monographie rtrospective consacre
l'ensemble de l'histoire de la rception des dessins
d' enfams avant la fin du XJXe sicle est en prpara-
tion par P. George! et doit tre publie en 1990. Son
titre provisoire est :L'Enfant au bonhomme :approches
des dessins d'enfants depuis la Renaissance.
92. D. Katz, Ein Beitrag zur. .. , 1906, p. 242 :
Zu welch geradezu komisch wirkenden Darstel-
lungen das Kind seine Zuflucht nimmt. vermag am
besten die Zeichnung des Tisches zu bezcugen. (Le
meilleur exemple des reprsentations vritablement
comiques pour lesquelles les enfams semblent avoir
une prdilection est leur manire de dessiner une
table.) Ainsi que :
M. Montessori, The Advanced Montessori Method,
1918, vol. II, p. 304-306, dt par H. Read, op. dt.,
p. 113. Et:
E. Violier-le-Duc, Histoire d 'un dessinateur- Comment
on apprend dessiner, 1879; voir illustration p. 5 de
l'ouvrage (reproduite id p. 14).
93. G. AvanzinL La contribution de Binet..., op. cit.,
p. 23.
94. R Goldwater, Primitivism in Modern Art, op. cit ..
p.XXll.
95. E.H. Gombrich, Meditations on a Hobby Harse.
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96. Almanach Der Blaue Reiter, op. cit ., commentaire
de K. LankheiL p. 296 (d. aiL) . p. 43 (d. fr.).
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EXPOSITIONS
1898 Das Kind ais Knstler, Hambourg. Kunslhalle ;
organise par la Lchrervereinigung fr
ie Pflege der knstlerischcn Bildung (assodation
fonde en 1896) et prcde d'une publication en
1897. '' Zur Relorm des Zeichenunterrichts (voir
C. Kik. Breslau, 1909. p. 36). lrinrance: Allemagne
et Autriche. Voir galement : C. Gtzc.
1900 Dessim d'enfant. exposition scolaire des U.S.A ..
Paris, Champ-de-Mars, 1900
1901 Die 1\rm.st im Lebm des Berlin, Se-
cession. Itinrance : Allemagne et Autriche. Fasci-
cule publi sous le titre de l'exposition (sous-titre:
Ein Handbuch fr Eltem und Enieher ), Berlin,
G Reimer, 1902.
1901-02 (Concours de dessms Paris, Pelit
PaJais. Voir A. Besnard. 1902.
1902 Ausste/lung von Ldzrmitte!n und Schinerzeichnun-
gm, Vienne. Museum auf dem
Stubenring.
1904 Monde de l'mjnt. St-Ptersbourg, Palais Tau-
ride
1905 [Freie Kindermchnun,qenj. Dresde : exposition
organise par le Lehrervereinsausschuss fr
Kunstpflegc. !tinrance dans toutes les grandes vilks
d'Allemagne
43
DESSINS D'ENFANTS
190 5 [Kilrderkunstj, Breslau ; cxposiuon tdcnnquc.
mab considrablement augmente par W. Stem.
Voia C. Kik.
1905 [Kinder.:erchmmgmf, Viennt', Oesterreichisches
Museum fur Kunst und lndu-.Lrie 1Cizek expose des
travau\ de ses lves).
190 5 {Kollektiv-Ausstellwrg von Scltlaarbeicenj, Ber-
lin, (citl parC. Kik 1909).
1906 1-r.:i, Kindt!rurdrmmgen Berhn; expositiOn
organise l'occasion du Kongress fr Kinder-
forschung (sont exposes les collections L. Nagy,
Budapest et celle de Voir W. Stern. 1909.
190 7 [Die Kunst im Leben des Ain des ?], Vienne.
Rotundc. Voir B ZuckcrkandL qui a comment cette
exposition.
1908 Kunstscbau. Vienne. Salle 29 : production
arrisiique pour l'enfant salle 3 : tra\'aux faits par les
das<; de F Cizek.
190 8 Congrs internationaL Londres, VictOria and
Albert Mmeum (exposilion des travaux des classes
de F. Cizek).
19()o8 Art de J enfant St-Ptersbourg des
enseignants u dessin.
1909-10 Salon lzehsky, Odessa (des dessins
d'enfants sont mentionns dans le catalogue).
19 LO- Il Salon Izdcbsky. Odessa (des
sont mentionns dam le catalogue).
Avril 1911 [Kinda:etdwungmj Munich, galerie
Bra.kl. Sont exposs : 80 dessins des trois frre> Zeh.
enfants d'un architecte munichob. Compte rendu
dans Miim:hner Nadmchren, 21 avril 1911.
1912 lV lnternationaler fr Kumtunter-
richt. Ze1chnen und angewandte Kunst (Cizek
expose travaux de
1912-1 3 {Cizild Art}. New York. Gallery Stieglitz
(deux expositions de dessins d'enfants gs de 2
11 am)
20 juin - 3 nov. 1985 Fran:: Cizek. Pionia der
Kunster::iclumg. Vienne. Historisches Museum.

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