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REPUBLIQUE DU

CAMEROUN REPUBLIC OF
***** CAMEROON
Paix –Travail- Patrie *****
***** Peace – Work – Fatherland
MINSTERE DE *****
L’ENSEIGNEMENT THE MINISTRY OF
SUPERIEUR HIGHER EDUCATION
***** *****
UNIVERSITE DE THE UNIVERSITY OF
NGAOUNDERE NGAOUNDERE

FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES


FACULTY OF LAW AND POLITICAL SCIENCE

UNITE DE FORMATION DOCTORALE DROIT ET SCIENCE POLITIQUE

LA REGULATION DES SERVICES PUBLICS DE RESEAUX EN DROIT


CAMEROUNAIS

Thèse présentée en vue de l’obtention du diplôme de Doctorat/Ph.D en Droit Public


Spécialité : Droit Administratif (droit public de l’économie)
Soutenue publiquement le 28 juillet 2020
Par

NNA AMVENE MOISE ARNAUD


Composition du Jury :
ONANA Janvier Professeur Université de Douala Président
ATEMENGUE Jean De Noel Maître de conférences Université de Ngaoundéré Rapporteur
NYABEYEU TCHOUKEU Léopold Maître de conférences Université de Maroua Rapporteur
NNA Mathurin Maître de conférences Université de Ngaoundéré Membre
PEKASSA NDAM Gérard Martin Professeur Université de Yaoundé II Directeur
BILOUNGA Steve Thiery Maître de conférences Université de Ngaoundéré Co-directeur

i
SOMMAIRE

PREMIERE PARTIE : LA COMPÉTENCE NON CONTENTIEUSE DES


AUTORITÉS DE RÉGULATION DES SECTEURS PUBLICS EN RÉSEAUX

TITRE 1 : LA COMPÉTENCE DE REGLEMENTATION DES AUTORITÉS DE


RÉGULATION DES SERVICES PUBLICS DE RESEAUX

TITRE 2 : LA COMPÉTENCE DES AUTORITÉS DE RÉGULATION EN MATIÈRE


DE CONTROLE DES SERVICES PUBLICS DE RESEAUX

DEUXIÈME PARTIE : LA COMPÉTENCE CONTENTIEUSE DES AUTORITÉS DE


RÉGULATION DES SERVICES PUBLICS DE RÉSEAUX AU CAMEROUN

TITRE 1 : LA COMPÉTENCE QUASI-JURIDICTIONNELLE DES AUTORITÉS DE


REGULATION DES SERVICES PUBLICS EN RESEAUX

TITRE 2 : LES GARANTIES DES OPERATEURS DANS L’EXERCICE DE LA


FONCTION CONTENTIEUSE PAR LES AUTORITÉS DE RÉGULATION

ii
DÉDICACES

À La mémoire de mes deux pères que le Seigneur m'a donné :


Amvene Calliste
Sodéa Hamadjida
À mes deux frères partis trop tôt.
À ma famille.

iii
REMERCIEMENTS
Mes remerciements vont premièrement à mes Directeurs de thèses les Professeurs
Gérard Martin Pekassa Ndam et Steve Thiery Bilounga, pour leurs disponibilités,
encouragements et critiques tout au long de ce travail.

Nous exprimons aussi notre profonde gratitude aux Professeurs Jean-Victor Maublanc
et Laurent Seurot qui nous ont respectivement exprimé leurs encouragements en nous
envoyant personnellement leurs travaux de thèse sur les questions liées à notre thème.

Je tiens également à remercier ma famille, pour le soutien indéfectible durant ces années
de recherches.

Afin de n’oublier personne, je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui, de près ou
de loin, m’ont accompagnés et encouragés tout au long de ces années de recherches.

Que chacun trouve en ces lignes l’expression de mon infinie reconnaissance.

iv
RESUME

La régulation des services publics de réseau est une fonction administrative nouvelle que
l'État va exercer au travers des organismes de régulation ayant la nature des établissements
publics. Cette nouvelle activité d'intérêt général consiste à ouvrir les services publics de réseaux
à la concurrence et à maintenir cette dernière en équilibre avec d’autres impératifs non
concurrentiels. De telles finalités ne se décrètent pas et doivent de fait être imposé. Le problème
est donc celui de la concrétisation par les autorités de régulation de ces finalités. Il s'agit alors
dans cette étude de mettre en avant les modalités d’intervention de l’État régulateur
camerounais. La question au centre de cette recherche est alors celle de savoir comment les
autorités de régulation opèrent-ils la régulation des services publics en réseaux. ? La
problématique veut donc uniquement s’intéresser à l’activité administrative de régulation en soi
pour démontrer que la régulation des services publics en réseaux s’opère de manière duale, par
le fait qu’elle soit à la fois non contentieuse et contentieuse. Ce qui laisse entrevoir une
juridictionnalisation de la fonction de régulation sectorielle au Cameroun.

Mots clés

Régulation, autorités de régulation, compétences,, fonction contentieuse

iii
ABSTRACT

The regulation of public network services is a new administrative function that the State
will exercise through regulatory bodies having the nature of public establishments. This new
activity of general interest consists in opening up public network services to competition and
keeping the latter in balance with other non-competitive imperatives. Such purposes cannot be
decreed and must in fact be imposed. The problem is therefore that of the concretization by the
regulatory authorities of these purposes which cannot be decreed. It is then in this study to
highlight the modalities of intervention of the Cameroonian regulatory state. The question at
the center of this research is how do regulatory authorities operate thé regulation of public
network services ? The problem wants leads toi focus only on thé administrative activity of
regulation in itself, toi demonstrate that thé regulation of networked public services operates in
a dual way, by thé fact that it IS both non-contentious and contentious. Which lets one emerge
jurisdictionalisation of thé sectoral regulatory function in Cameroon.

Keys words

Regulation, regulatory authorities, access, powers, litigation function

iv
ABRÉVIATIONS, ACRONYMES ET SIGLES

ADC. Aéroports du Cameroun


A.J.D.A. Actualité juridique, Droit administratif
al. Alinéa
ARCEP. Autorité de régulation des communications électroniques et des postes
ART. Agence de régulation des télécommunications
Art. Arts. Article ; Articles
ARP, Agence de régulation du secteur postal
ARSEL, Agence de régulation du secteur de l’électricité
CAA. Cour administrative d’appel.
CAMPOST. Cameroun postal services
CAMTEL. Cameroon télécommunications
CA Paris, Cour d’appel de Paris
Cass. Civ, Cour de cassation chambre civile
CCAA. Cameroon Civil aviation Authority,
CE, Ass., Conseil d’État assemblée
CJEG. Cahiers juridiques de l’électricité et du gaz
Coll. Collection
Concl. Conclusion
Cons. Const., Conseil constitutionnel
C.P.C.E. Code des postes et des communications électroniques
CRD/ART Comité de règlement des différends
CRE. Commission de régulation de l’énergie
CRTV. Cameroun radio and télévision
CSA. Conseil supérieur de l’audiovisuel
dactyl, Dactylographiée
D., Recueil Dalloz
Dir. Sous la direction de
EDF, Électricité de France
Éd. Édition, édité par
ENEO. Eneo Cameroon S.A.
Fasc. Fascicule
Gaz. Pal. Gazette du Palais

v
JCP E. Jurisclasseur périodique (La semaine juridique) édition entreprise
JORF. Journal officiel de la république française
KPDC. Kribi power development company
L.G.D.J., Librairie générale de droit et de jurisprudence
LPA. Les petites affiches
MTN Mobile télécommunications Networks
OHADA. Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires
obs., observations
op cit, opus citatum
p. Page
pp. Pages
préc. Précité
P.U.F. Presses Universitaires de France
UE. Union européenne
UMTS Universal mobile telecommunications system
Rec, recueil
RDP, Revue de droit public et de sciences politique en France et à l’étranger
RFAP. Revue française d’administration publique
RFDA. Revue française de droit administratif
R.I.D.E, Revue internationale de droit économique
RJEP. Revue juridique de l’économie publique
RLC, Revue Lamy de la concurrence
RRJ. Revue de la recherche juridique. Droit prospectif
RTD Civ. Revue trimestrielle de droit civil
Sect. Section.
SFR. Société française de radiotéléphone
Spéc. Spécialement
SONATREL. Société nationale de transport de l’électricité
Suiv., ou s. suivant
TA. Tribunal administratif
TC. Tribunal des conflits
V. Voir
Vol. Volume

vi
INTRODUCTION GENERALE

1
La crise de l’immobilier déclenchée aux États-Unis dans la sphère financière et qui s’est
propagée affectant les économies du monde en 20081 a reposé avec acuité la question de la
régulation des activités économiques2. C'est la problématique du rôle économique de l’État qui
est ravivée ici 3. Ce dernier rôle ne peut être abordé en faisant fi de l’histoire de la théorie
économique4. Il en découle que le rôle économique de l’État a fait l’objet de controverses. Parce
qu’il s'est construit sur deux extrémités perçues comme étant antinomiques à savoir le
libéralisme économique et l’interventionnisme. Ces deux extrémités cristallisant les rapports
entre l’État et le marché.

Le marché, juridiquement perçu comme un système dans lequel s’échangent librement


des biens et des services ; et grâce à la pression concurrentielle duquel s’ajustent l’offre et la
demande pour l’établissement du prix de marchés, prône le libéralisme économique, qui induit
alors une abstention de l’État dans l’économie. Ainsi, peut-on parler du marché libéral5. La
perspective promeut le laisser faire, traduisant l’idée selon laquelle les marchés peuvent eux-
mêmes s'autoréguler par la main invisible chère à Adam Smith6. Même les néo libéraux7, en
faisant la promotion de l’économie du marché qui a en son sein la concurrence, montrent que
les interventions de l’État étaient déstabilisantes sur l’économie. Ainsi, certains auteurs, n'ont
prêté à l’État qu’une fonction régalienne, arguant le fait que, le mécanisme de marché est le
seul à promouvoir une allocation optimale des ressources. Ils appellent ainsi au désengagement

1
Sur cette crise financière, V. ARTUS (P.), BETBEZE (J.-P.), BOISSIEU (Ch., de) et CAPELLE-BLANCARD,
La crise des subprimes, Rapport au Conseil d’analyse économique, n°78, Paris, La Documentation française,
coll. « les rapports du conseil d’analyse économique », 03 septembre 2008, 284p ; ESPOSITO (M.-Cl.), « La
véritable histoire de la crise financière 2008 », in Outre-Terre, n°37, 2013/3, pp.127-158 ; BETBEZE (J.-P), « Les
leçons de la crise financière », in Études, t. 412, 2010/3, pp.331-341 ; HAMDOUMI (S.), « La crise financière et
l’état du droit. Quelles évolutions au regard du dispositif des sommets du groupe des vingt pays industrialisés et
émergents, le G20 ? », In Études internationales, n°2, vol.41, 2010, pp.205-231.
2
V. BESSY (Ch.), DELPEUCH (Th.) et PÉLISSE (J.) (coord.), Droit et régulation des activités économiques :
perspectives sociologiques et institutionnalistes Paris, LGDJ coll. Droit et société : recherches et travaux, 2011,
358p. ; SUPIOT (A.), « Contribution à une analyse juridique de la crise économique de 2008 », Revue
internationale du travail, vol.149, n°2, 2010, pp.165-176.
3
V. DELION (A. G.), « … La crise financière et le retour des États », RFAP, n°128, 2008/4, pp.799-816.
4
V. TANZI (V.), « L’évolution du rôle de l’État dans l’économie : historique », in FUKASAKU (K.), et DE
MELLO (L. R.), La décentralisation budgétaire dans les économies émergentes : problèmes de gestion des
affaires publiques, Actes de séminaire international organisé à Brasília par le centre de développement de l'OCDE
et le ministère des finances du Brésil, juin 1997,
5
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le modèle du marché », Arch. phil. Droit, n°40, 1995, p.287.
6
SMITH (A.), Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, traduction de Germain Garnier,
Paris, Garnier-Flammarion, 1991, 2 vol., : VINER (J.), « Adam Smith and laissez-faire », Journal of political
economy, vol.35, 1927, pp.198-232.
7
Entre autres auteurs, V. FRIEDMAN (M.), Capitalisme et liberté, University of Chicago Press, 1962, 202p.

2
de l’État dans l’économie et à la déréglementation8. Cependant, il est clair que la main invisible
du marché n'a pas fonctionné9, et ne le peux en soi10. Le marché comporte des défaillances
structurelles et conjoncturelles qui font douter de sa capacité à s’autoréguler11.

D’autres économistes par contre, prônent une intervention de l’État pour promouvoir la
demande effective et relancer la croissance par les dépenses publiques12. Il s’agit ici de l’État-
providence dont les rapports avec le marché seront plus conflictuels. Parce que ses interventions
se cristallisent à travers la réglementation stricto sensu, ou encore les nationalisations13, ce qui
permet de se soustraire aux règles du marché. Autrement dit, l’État-providence met l'accent sur
le rôle particulièrement important de l’État en matière de redistribution des richesses, de
fournitures de biens collectifs, réglementation de l’économie. Il se substitut donc au marché, en
mettant en œuvre des politiques conjoncturelles. Ce qui conduit au développement d’une
logique, voire d’une philosophie fonder sur les monopoles publics de l’État et justifiée par l’idée
de l’intérêt général. En cela, il est hostile au marché, au laissez-faire14, puisqu’il ne connaît pas
la concurrence. Un tel État a été fortement critiqué. En effet, l’État législateur classique, a
souvent été vu comme moins bienveillant que l’on peut le croire, puisque soumis à l’influence
des groupes de pressions formés par les grandes multinationales.

Il est présenté comme pouvant être vénal. Le législateur pouvant de fait se mettre au
service de certaines entreprises. Il serait ainsi problématique de le considérer a priori comme
le garant de l’intérêt général. C’est dans cette optique que des auteurs analysent la
règlementation de l’État interventionniste, comme un service échangé entre des offreurs
incarnés par les décideurs politiques et les fonctionnaires et des demandeurs incarnés par des

8
Sur ce point, V. CHEVALLIER (J.), « Les enjeux de la déréglementation », RDP, 1988, p.281 ; BAZEX (M.),
« La déréglementation », AJDA 1986, p.635 ; DUBOUIS (L.), « La déréglementation et le droit communautaire »,
RFDA 1986, p.484.
9
FLIGSTEIN (N.), « Le mythe du marché », Actes de la recherche en sciences sociales, année 2001, vol. 139,
n°1, 2001,
10
Les différentes crises économiques mondiales l’illustrent suffisamment, une intervention étatique est toujours
requise, et nécessaire, v. BETBEZE (J.-P), « Les leçons de la crise financière », in Études, t. 412, 2010/3, pp.331-
341 ; HAMDOUMI (S.), « La crise financière et l’état du droit. Quelles évolutions au regard du dispositif des
sommets du groupe des vingt pays industrialisés et émergents, le G20 ? », In Études internationales, n°2, vol.41,
2010, pp.205-231.
11
BROUSSEAU (É.), « Les marchés peuvent-ils s’autoréguler ? », in Concurrence et régulation de marchés,
Cahiers français, n°313, mars. Avril 2003, pp.64-70.
12
Pour l’apologie de l'intervention de l’État dans l’économie, V. MEYNARD KEYNES (J.), Théorie générale de
l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie,
13
Sur ce point, V. VENTENOT (J.), « L’expérience des nationalisations » Jurisclasseur administratif fasc., 1948,
Pô.155-159 ; VEDEL (G.), « La technique des nationalisations », Dr. Soc. 1946, p.49.
14
Sur ce point précis, V. MAYNARD KEYNES (J.), La fin du laissez-faire. Et autres textes sur le libéralisme,
Paris, Payot coll. Religions d’humanité, n°1057, 2017, 128p.

3
entreprises, qui ne sont guidées que par leurs intérêts privés15. De sorte que, les offreurs de
règlementation ont pour objectif leur réélection (pour les politiques) ou leurs embauches dans
les industries réglementées alors mêmes que les demandeurs de règlementation ne cherchent,
pour leur part, qu’à se protéger de la concurrence16 ; l’intervention de l’État législateur était
alors plus hostile au marché. Puisqu’en protégeant les demandeurs de réglementation contre la
loi du marché qui est la concurrence, l’État a érigé des monopoles. Ce qui peut poser alors un
risque de capture de ce dernier17. Il résulte donc de ce qui précède que le rôle économique de
l’État n'a pas pu véritablement se stabiliser, c’est-à-dire faire l’unanimité18.

Cependant, des lignes de force sont décelables desquelles l’on peut déduire une approche
nouvelle du rôle économique de l’État. D’une part, l’idée d'un marché autorégulé n'a jamais
concrètement existé. Le marché en réalité n’est pas un « dieu », mais une œuvre humaine19. Il
comporte des défaillances qui rendent nécessaire l’intervention de l’État. D’autre part, l'on
relève qu’une stratégie fondée uniquement sur l’État seule n'a pas réussi et ne le peut. L’État ne
peut tout faire, il comporte lui-aussi des lacunes, dans la satisfaction de l’intérêt général, que le
marché peut combler.

L’histoire de la théorie économique révèle donc qu’aucune stratégie pure c’est-à-dire


fondée sur le « tout État » ou sur le « tout marché », n’a réussi20. Il faut alors revenir sur les
rapports entre ces deux modèles, et repenser le rôle économique de l’État. Cela implique qu’il
faille donc adopter une approche nouvelle de ce rôle surtout dans le contexte contemporain
d'une mondialisation croissante21. Ce contexte appelle une vision équilibrée de ce rôle22. L’idée

15
STIGLER (G. J.), « The theory of economic regulation», in Bell Journal of Economic and Management Science,
n°2, pp.3-21.
16
SAMBA DIOP (B.), La régulation des télécommunications au Sénégal, op cit, p.29.
17
QUELIN (B.) et RICCARDI (D.), « La régulation nationale des télécommunications : une relecture économique
néo institutionnelle », in Revue française d’administration publique, n°109, 2004/1, p.73.
18
Pour une analyse de la crise financière en rapport avec l’Afrique, V. DOMPIERRE-MAJOR, (L.), Impact de la
crise financière de 2008-2009 sur le modèle de développement proposé par les institutions financières
internationales en Afrique subsaharienne : rupture ou continuité ?, Mémoire, Université du Québec à Montréal,
février 2012, 156p ; JACQUEMOT (P.), « Comment l’Afrique subsaharienne s’adapte-t-elle à la crise ? », Afrique
contemporaine, n°232, 2009, pp.135-150 ; HUGON (Ph.), « La crise va-t-elle conduire à un nouveau paradigme
du développement ? », Revue Monde en développement, n°2, 2010 pp.53-67 ; du même auteur, « La crise mondiale
et l’Afrique : transmission, impact et enjeux », Afrique contemporains, n°232, 2009, pp.151-170.
19
V. FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le modèle de marché », op cit., p.288.
20
V. BOYER (R.), « État, marché et développement : une nouvelle synthèse pour le XXIe siècle ? », disponible
en ligne à l’adresse http://www.cepremap.CNRS.fr/cow.orange/co9907.pdf, 1998, consulté le 26 juillet 2018.
21
V. BOYER (R.), « Quel modèle d’État-providence ? Comment concilier solidarité sociale et efficacité
économique à l’ère de la globalisation : une lecture regulationniste », disponible en ligne à l’adresse
http://www.economica.unam.mx/cegademex/dpcs/boyer-ibs.pdf, consulté le 26 juillet 2018.
22
Sur le rôle équilibré, v. STIGLITZ (J. E.), Un autre monde : contre le fanatisme du marché, trad., par Chemla
(P.), Paris, Librairie générale française, réimpr., 2008, 563p.

4
à la base est que le marché a des potentialités que l’État ne peut nier et l’État à des avantages
dont le marché a besoin. Ainsi, les deux mis ensemble permettent de juguler les inconvénients
respectifs des deux modèles23. Cette approche nouvelle implique donc de poser l’État et le
marché en partenaires : il s’agit de les faire coopérer24. Autrement-dit, ce n’est plus le marché
contre l’État25 ou vice-versa. Mais désormais le marché avec l’État, le second étant même perçu
comme le garant du premier26. Christophe Leroy27 n’exprime pas autre chose lorsqu’il écrit que
« (…), l’économie de marché contemporaine qui est un facteur de déclin de l’État ne peut
cependant se passer d’une puissance publique pour son organisation et son fonctionnement ».
Dès lors, poser l’État et le marché côte à côte induit des interactions. La première
s’inscrit dans le fait que l’État doit s’ouvrir à la logique du marché qui est la concurrence. La
concurrence n'est pas une fin en soi, elle n'est qu'un moyen, présumé le plus efficace pour
aboutir à l’efficience économique28. C’est-à-dire la plus grande satisfaction des consommateurs
compte tenu de la rareté des ressources globales de la collectivité 29 . On parle alors de
concurrence effective (concurrence efficiente) lorsque cette dernière s’exerce réellement et
produit les effets que l'on entend. L’État doit en faire un instrument pour être mieux présent
pour les populations. Ainsi assiste-t-on à la libéralisation du secteur public, dans lequel l’État
évoluait en monopole, c’est-à-dire à son ouverture à la concurrence. Cette ouverture n’exclut
pas l’intervention de l’État, mieux cette dernière, face aux défaillances structurelles du marché,
est une nécessité. C’est à ce niveau qu’émerge la seconde interaction : l’intervention de l’État
dans le marché pour l'orienter vers l’intérêt général présenté ici par Didier Truchet comme
assimilable à la notion de besoins de la population30. Cette intervention de l’État doit être selon
les propos de Georges Dellis31 plus « agoracentrique », c’est-à-dire qui a pour centre le marché,

23
V. CHEVALIER (J.), « Contractualisation et régulation », in CHASSAGNARD-PINET (S.), et HIEZ (D.), (dir.),
La contractualisation de la production normative, Actes du colloque, 11,12, et 13 octobre 2007, pp.3-12.
24
V. BOYER (R.), « État, marché et développement : une nouvelle synthèse pour le XXI e siècle ? », disponible
en ligne à l’adresse http://www.cepremap.CNRS.fr/cow.orange/co9907.pdf, 1998, consulté le 26 juillet 2018.
25
V. HENRY (J.-P.), « La fin du rêve prométhéen ? Le marché contre l’État ? », Revue de droit publique et de
sciences politiques en France et à l’étranger, 1991, p.644.
26
ISRAËL (A.), « l’État, garant du futur de l’économie de marché », RFAP, n°61, 1992, p.139.
27
LEROY (Ch.), « Les rapports contemporains entre l’État et le marché. Essais d’interprétation », La Revue
administrative, 49e année, n°293, septembre-octobre 1996, pp.515-531, spéc., p.515.
28
BONASSIES ( P.), « Les fondements du droit communautaire de la concurrence : la théorie de la concurrence
moyen », in Mélanges Weill, op cit., 1983, p.51.
29
JENNY ( F.), « Pratiques verticales restrictives, concurrence et efficience », Cah. Dr. Entr., 1989/4, pp.5 et s.,
spéc., p.6.
30
TRUCHET (D.), Les fonctions de la notion d’intérêt général dans la jurisprudence du Conseil d’État, Paris,
LGDJ, Coll. « Bibliothèque de droit public », t.125, 1977, pp.268 et s., spéc., p.269 ; du même auteur « L’intérêt
général », in BIENVENU (J.-J.), PETIT (J.), PLESSIX (B.) et SEILLER (B.) (dir.), La constitution administrative
de la France, Dalloz, Coll. « thèmes et commentaires », 2012, p.207.
31
C’est-à-dire qui a pour centre le marché, contrairement à l’interventionnisme agora phobique qui est lui hostile
au marché et donc à la concurrence, V. DELLIS (G.), « « Régulation et droit public « continental ». Essai d’une
approche synthétique », RDP, n°4/2010, pp.957 et s., spéc., p.959.

5
que « agoraphobique » c’est-à-dire hostile à la concurrence. C'est donc un interventionnisme
fondé sur un souci d'équilibre, voire en réconciliateur de l’État et du marché32. L'État n’est plus
hostile au marché, il est complémentaire à ce dernier en ce qu’il lui permet d’atteindre son point
le plus optimal33, pour l’intérêt général. Autrement dit, lorsque le secteur public est ouvert à la
concurrence, c’est-à-dire lorsqu’il descend dans l’arène du marché, ce dernier ne peut être
abandonné aux seuls intérêts privés et donc une intervention de l’État s’impose.
Une telle intervention prend alors le visage de la régulation. Le rôle de l’État dans
l’économie se résume donc dans la fonction de régulation. Une fonction bien présente au
Cameroun. L’émergence de l’État régulateur s'y construit sur les ruines de l’État providence
rappelle Auguste Nguelieutou34. L’État camerounais souscrit à la tendance mondiale de recours
aux mécanismes du marché pour réaliser les objectifs du secteur public. Ce n'est ni plus ni
moins qu’un renouvellement de la conception du rôle de l’État selon le principe « moins d’État,
mais mieux d’État » que porte la régulation 35 . Cette régulation pour être admissible, devra
emprunter des voies nouvelles et s’éloigner de la règlementation stricto sensu, pour exprimer
alors une nouvelle normativité, mutable, singulière et endogène. Elle s’éloigne alors des
modèles traditionnels de la normativité sociale que sont l’État et le marché. Pour un juste
équilibre, une juste conciliation entre le marché et l'État36, pour mieux satisfaire les besoins
d’intérêt général37. C’est ce qu’exprime Claude Champaud, lorsqu’il écrit que : « le concept de
régulation n’a d’intérêt au regard des sciences juridiques que si le système juridico-
institutionnel qu’il inspire et les techniques qui en assurent le fonctionnement se distinguent de
l’interventionnisme étatique pur et simple d’une part, et du libéralisme pur et dur, d’autre
part 38 ». Il s’agit alors dans cette étude de mener des réflexions autour d’une concurrence
régulée 39 . C’est cette « nouvelle » forme de régulation juridique ou d’interventionnisme
étatique porter par le concept d’État régulateur qui nous intéressera ici. Jacques Chevallier 40

32
V. STIGLITZ (J. E.), Un autre monde : contre le fanatisme du marché, trad., par CHEMLA (P.), Paris, Librairie
générale française, réimpr., 2008, 563p.
33
V. POUCH (Th.), « L’énigmatique retour de Keynes », Revue française d’économie, vol. 4, n°4, 1989, pp.113-
122 ; MISTRAL (J.), « Keynésianisme : le retour du balancier ? », Revue française d’économie, vol.1, n°2, 1986,
pp.66-102.
34
NGUELIEUTOU ( A.), « L’évolution de l’action publique au Cameroun : l’émergence de l’État régulateur », in
Polis/ R.C.S.P./C.P.S.R., vol. 15 n°1 et 2, 2008, p.2.
35
Idem.
36
J. CHEVALLIER, « Contractualisation et régulation », in La contractualisation de la production normative,
Actes du colloque, 11,12, et 13 octobre 2007, pp.3-12.
37
CROISSANT (Y.) et VORNETTI (P.), « État, marché et concurrence : les motifs de l’intervention publique »,
Cahiers français, n°313, 2003, p.252.
38
CHAMPAUD (Cl.), « Régulation et droit économique », op cit, p.3.
39
RODRIGUES (S.), « La régulation communautaire des services publics de réseaux, vers une théorie générale
de la « concurrence régulée » ?», Flux, n°44/45 avril – septembre 2001, pp.80-90.
40
CHEVALLIER ( J.), « L'État régulateur », RFAP, n°111, 2004/3, p.473.

6
écrit que « [l]a formule de « l’État régulateur » comporte de telles équivoques qu'on ne saurait
y recourir sans qu'ait été au préalable opéré un indispensable travail de clarification ». Ceci
est encore plus nécessaire lorsque l'on prend pour objet d’étude la régulation des services
publics de réseau. Pour mieux poursuivre dont cette étude, il est important, au préalable de
mieux cerner les concepts qui forment l’armature de notre sujet, et ainsi en poser la délimitation
(I), ensuite présenterons nous l'intérêt de l'étude (II), puis son objet (III) et enfin d'une part
ferons-nous l'état des méthodes et techniques de recherches que nous entendons mobiliser dans
notre recherche (IV) et d'autre part, nous présenterons le plan qu'entend suivre notre étude (V).

I/- CADRE CONCEPTUEL DE L’ETUDE

La présente recherche prend donc pour objet d’analyser la régulation des services
publics de réseau qui font parties des secteurs porteurs de l’économie générale. Cette régulation
est donc appréhendée comme le nouveau visage de l’interventionnisme étatique dans le marché.
Il est important de mieux cerner ce sur quoi nos développements futurs vont porter. À ce propos,
Charles Eisenmann41 préconisait qu’il faut nécessairement commencer par résoudre clairement
le problème de fixations des concepts qui forment l’armature d’un thème, ceci, pour ne pas
discuter dans l’obscurité en vain. Ainsi procéderons-nous d’une part à la définition des concepts
(A), et d'autre part, il faudra procéder à la délimitation de notre étude (B).
A/- La définition des concepts

Nous retiendrons d’une part la notion de régulation (1) et d’autre part celle de service
public en réseaux (2).

1/- La notion de régulation en droit

Le concept de régulation n’est pas nouveau42, mais malgré cette ancienneté, il est loin
de se laisser aisément définir43. Parce qu'en l’abordant, de prime abord, on se retrouve face à

41
EINSENMANN (Ch.), Cours de droit administratif, tome 1, Paris, L.G.D.J., 1982, p.17, cité par ABA’A
OYONO (J.-C.), « Les mutations de la justice à la lumière du développement constitutionnel de 1996 », Afrilex,
2000/01, p.2.
42
RIVERO (J.), « Le conseil d’État. Cour régulatrice », D., 1954, chron, p.157, et AUTIN (J.-L.), « De quelques
usages du concept de régulation en droit public », in MIAILLE (M.) (dir.), La régulation entre droit et politique,
Paris, L’harmattan, coll. « Logiques juridiques », 1995, pp.43-55.
43
Conseil d’État, Rapport public 2001, Les autorités administratives indépendantes, Paris, La documentation
française, 2001, spéc, p.279.

7
une notion polysémique 44, un concept flou 45, incertain 46, un concept valise 47. Bien plus, la
régulation porte une dimension extra-juridique. En effet, on parle de régulation aussi dans
l’analyse cybernétique ou systémique. Dans ce cas il faudra se référer à un ensemble de
mécanismes qui permettent à une organisation de maintenir la constance d’une fonction qu’elle
aurait alors à assurer48. Mais cette dernière dimension est non substantiellement réfractaire à
son analyse en droit. La preuve, bon nombre de notions clés du droit en général et du droit
administratif ne relèvent pas exclusivement du droit et c’est là un apport de la doctrine, qui
consiste à « éclairer par des définitions les concepts nouveaux quand bien même elle devrait,
pour ce faire, abandonner le langage du droit49 ». Cette dimension appelle une distinction entre
le mot et le concept.
L’expression linguistique se présente comme l’apparence, le son, l’évènement sensible
porteur de la signification. Elle se trouve alors dans un système de relations avec d’autres
expressions linguistiques et avec des entités non linguistiques. Ce qui constitue précisément la
signification. Le concept, lui, peut être compris comme la signification portée par une certaine
expression linguistique, et en même temps, il peut éventuellement être porté par d’autres
expressions différentes50.
La régulation illustre parfaitement cette double appartenance 51 , relevant à la fois du
lexique général que du vocabulaire juridique. C’est donc une expression empruntée à divers
domaines scientifiques qui vont puiser dans l’origine latine du mot, le sens à lui attribuer. Nous
ne les évoquerons pas ici au risque d’entrée dans une certaine banalité52. Il faut dire que sur le
plan juridique, on distingue alors deux sortes de régulation en fonction du but recherché, et les
définitions données dans ces cas semblent être différentes53.
D’une part on a la régulation minimale ou libérale ; elle vise le respect des règles de la
concurrence. Pour se faire, la régulation implique une séparation des fonctions de

44
NICOLAS (M.) et RODRIGUES (S.) (dir.), Dictionnaire économique et juridique des services publics en Europe,
Paris, Isupe, 1998, pp.220-223.
45
CHEVALLIER (J.), « La régulation juridique en question », Droit et société, n°49, 2001, p.827.
46
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Définition du droit de la régulation économique », in Droit et économie de la
régulation. Les régulations économiques légitimité et efficacité, Vol. 1, Presse de science po et Dalloz, 2004, p.7.
47
MOUSSY (J.-P.), « Des autorités de régulation financières et de concurrence : pourquoi, comment ? », Rapport
du conseil économique et social, n° 1, JORF, janvier 2003, pp. 1-4.
48
TIMSIT (G.), « La régulation. La notion et le phénomène », RFAP, n°109, 2004/1, p.5.
49
GAUDEMET (Y.), « Remarques à propos des circulaires administratives », in Mélanges en l’honneur de M.
Stassinopoulos, Paris, LGDJ, 1974, p.566.
50
SCARPELLI (U.), Qu’-est-ce le positivisme juridique ? Bruxelles, LGDJ, Bruylant, rééd, 1996, p.4.
51
CORNU (G.), Linguistique juridique, Paris, Montchrestien, Domat droit privé, 3e éd., 2005, p.68 et s.
52
Cf. CHEVALLIER (J.), « De quelques usages du concept de régulation », in MIAILLE (M.) (dir.), La régulation
entre droit et politique, Paris, L’Harmattan « logiques juridiques », 1995, p.71 et s.
53
COLSON (J.-Ph.) et IDOUX (P.), Droit public économique, Paris, LGDJ, Lextenso, coll. Manuel, 8e éd., 2016,
spéc, pp.435 et s.

8
réglementation, de prestation et de régulation 54 . Et d’autre part, la régulation se limite, au
contrôle, au respect de la liberté de la concurrence pour permettre au marché de produire ses
pleins effets. Le danger peut résulter du fait qu’au lieu d’être juste un moyen, la concurrence
devienne une fin en soi à force de lui donner trop d’importance 55 . Alors même que, la
concurrence ne doit juste n’être qu’un moyen pour atteindre certaines fins. D’où la mise en
avant dans notre travail du second objectif de la régulation, qui vise une conciliation du marché
et de l’intérêt général56.
Partant de cet objectif de concilier intérêt général, service public et concurrence, la
régulation peut revêtir des sens multiples. Car la notion s’inscrit dans la rencontre entre le droit
et la théorie économique. On s’inscrit dans cette tentative de définir la régulation dans une
analyse pluridisciplinaire. La démarche n’est pas nouvelle, Romain Rambaud adopte la même
démarche dans sa thèse 57 en ayant recours à l’économie néo-institutionnelle. Cette dernière
s’intéresse alors aux organisations et aux rapports entre les organisations et les institutions. Elle
est une théorie économique très proche des problématiques juridiques du fait qu’elle reprend la
théorie de l’institution de Maurice Hauriou 58
en la modernisant. Cette démarche est
implicitement observable dans les définitions actuelles de la régulation. Ces dernières
définitions juridiques révèlent en réalité deux attitudes antinomiques.
La première consiste à nier l’existence juridique de la régulation. Ainsi pour Arnaud
Sée59 qui s’inscrit dans une optique négative et donc critique de la régulation ; la notion de
régulation se situerait dans la perspective d’un « discours sur le droit » et non une notion du
« discours du droit » ; donc la notion serait une notion de doctrine et non une notion du droit
positif, du droit administratif. Dans cette posture, la régulation ne serait pas une notion
prescriptive, elle n’a pas un caractère impératif. Ce serait plutôt une notion descriptive. Dès lors,
on serait face à « (…) un non concept et un non-objet »60. Adhérer à cette conception rendrait à
coup sûr inutile une thèse sur la question à moins de soutenir une thèse négative. Mais alors se
serait niée la réalité ambiante. D’où la seconde attitude qui consiste à reconnaitre que « la

54
AUTIN (J.-L.) et RIBOT (C.), Droit administratif général, Paris, Litec, 1999, p.192.
55
COLSON (J.-Ph.) et IDOUX (P.), Droit public économique, op cit., p.445.
56
Cf. le Rapport public du Conseil d’État 1999, L’intérêt général, EDCE, n°50, 1999, p.330.
57
V. RAMBAUD (R.), L’institution juridique de la régulation. Recherches sur les rapports entre droit
administratif et théorie économique, Paris, L’Harmattan, 2012, 930p.
58
HAURIOU (M.), « La théorie de l’institution et de la fondation (essai de vitalisme social) », in HAURIOU (M.),
Aux sources du droit. Le pouvoir, l’ordre et la liberté, Cahiers de la nouvelle journée, n°23, Librairie Bloud et
Gay, 1925.
59
SEE (A.), La régulation du marché en droit administratif. Étude critique. Thèse, Université de Strasbourg, 2010,
794 p.
60
TIMSIT (G.), « Normativité et régulation », in Cahiers du conseil constitutionnel, n°21 (Dossier : la
normativité), 2007, p.1.

9
régulation existe, [et qu’on l’a] rencontrée61 ». C’est dans cette optique que s’inscrivent les
autres définitions de la régulation. Ces dernières voient dans la régulation soit la fonction des
autorités administratives indépendantes, soit une nouvelle forme de normativité. C’est dans
cette perspective que s’inscrivent les recherches menées sur la notion par Gérard Timsit62 ou
encore Benjamin Lavergne63. Soit à voir dans la notion une fonction administrative de nature
économique. C’est dans cette dernière catégorie que l’on entend inscrire cette recherche.
Ainsi, pour Gérard Cornu, la régulation est une action économique mi- directive mi-
corrective d’orientation, d’adaptation et de contrôle exercée par des autorités (dites de
régulations), sur un marché donné qui, en corrélation avec le caractère mouvant, divers et
complexe de l’ensemble des activités dont l’équilibre est en cause, se caractérise par sa finalité
le bon fonctionnement d’un marché ouvert à la concurrence mais non abandonné à elle. Elle se
caractérise par la flexibilité de ses mécanismes et sa position à la jointure de l’économie et du
droit, en tant qu’action régulatrice elle-même soumise au droit et à un contrôle juridictionnel64 .
Pour Sophie Nicinski la régulation sied soit à une mission générale de l’État vis-à-vis de
l’économie, soit alors à la mission d’autorité indépendante agissant dans un secteur donné65.
Pour Abdoulaye Sakho, la régulation est « la tâche qui consiste à assurer, entre les droits et
obligations de chacun, le type d’équilibre voulu par la loi66 », Baye Samba Diop pense pour sa
part, que la régulation « consiste à assurer le fonctionnement de systèmes socio-économiques
complexes en harmonisant les point de vue, en arbitrant les divers intérêts présents, aussi bien
en aval pour résoudre les litiges qu’en amont pour fixer les règles du jeu et définir les équilibres
souhaitables67 ».
Ces définitions s’inscrivent dans la continuité d’autres auteurs tels que Marie-Anne
Frison-Roche68, qui voit dans la régulation un synonyme d’équilibre entre les pouvoirs et de
reconstruction des rapports de forces. Dans le système juridique lui-même, la régulation viserait
alors un appareillage juridique qui construit des secteurs économiques sur un équilibre entre la
concurrence et d’autres impératifs hétérogènes. On peut retrouver dans la même lancée les

61
TIMSIT (G.), « Normativité et régulation », op cit., p.1.
62
Ibidem.
63
LAVERGNE, (B.), Recherche sur la soft law en droit public français, Presses Universitaires de Toulouse I
Capitole, 2013, 613p.
64
CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 6e édition, P.U.F., 2004, p.778.
65
NICINSKI (S.), Droit public des affaires, Paris, Lextenso Montchrestien, 2009, p.1.
66
SAKHO (A.), « Droit du travail et droit des sociétés : l’unité de la régulation des pouvoirs dans l’entreprise »,
in Regards croisés sur le droit social, Semaine Sociale Lamy, Suppl. n°1095, octobre 2002, pp.45-51.
67
SAMBA DIOP (B.), La régulation des télécommunications au Sénégal, op cit, p.47.
68
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Définition de la régulation économique », in FRISON-ROCHE (M.-A.), (dir.), Les
régulations économiques. Légitimité et efficacité. Presses de Sciences Po/Dalloz, « thèmes et commentaires »,
2004, p.13.

10
conceptions retenues par Martine Lombard69 et Jean-Louis Autin70 dont le point commun est
de concevoir la régulation comme une fonction de conciliation entre des objectifs économiques
et non-économiques, ou entre le principe de la concurrence et des principes a-concurrentiels71.
Dès lors, l’arrière-plan de la régulation est constitué de l’économie de marché et par voie de
conséquence la mondialisation72.
L’économie de marché renvoie à l’encadrement juridique de l’économie73 et donc du
marché. En tant que système d’échanges qui renvoie alors aux principes de libre accès pour les
offreurs, de compétition entre eux, de liberté des demandeurs d’acquérir, l’ensemble supposant
la liberté contractuelle et la propriété privée sans pour autant exclure la propriété publique74.
L’encadrement de l’économie renvoie alors à une réalité ancienne l’interventionnisme. En
réalité, il faut dire que la crise de l’État providence correspondrait moins alors à un
désengagement de l’État qu’à une modification en profondeur de ses modes d’interventions
traditionnels. Et c’est la régulation qui marque ce renouveau. La régulation partant de là est
alors un nouveau mode d’action administrative, une fonction administrative nouvelle, face au
développement et à l’introduction des règles de la concurrence dans des sphères qui lui étaient
a priori fermées. La régulation va apparaître pour encadrer divers secteurs économiques au
cœur desquels les services publics de réseaux.

2/- Les services publics en réseaux


Pour mieux cerner la notion, nous évoquerons de façon sommaire75 la notion de service
public (a) avant de préciser la notion de service public de réseaux (b).

69
LOMBARD (M.), « Institutions de la régulation économique et démocratie politique », AJDA, 2005, pp.531-
532.
70
AUTIN (J.-L.), « Les autorités de régulation sont-elles des autorités administratives indépendantes ? », in
RIBOT (C.) AUTIN (J.-L.), (dir.), Environnements. Mélanges en l’honneur du professeur Jean-Philippe COLSON,
Presses universitaires de Grenoble, 2004, pp.439 et s.
71
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, Thèse de
droit public, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2011, p.514.
72
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Définition du droit de la régulation économique », Dalloz, n°2, 2004, p.126.
73
BROUSSEAU (E.), « Les marchés peuvent-ils s’autoréguler ? », op cit., p.64.
74
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Définition du droit de la régulation économique », op cit., pp.126 et s.
75
Pour des études plus approfondies sur la notion de service public en droit de façon générale, voir entre autres
CHEVALLIER (J.), Le service public, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 7e éd., 2008, du même auteur, « Essai
sur la notion juridique de service public », Publications de la faculté de droit d’Amiens, n°7, 1976, pp.137-161 ;
BOYER-CAPELLE (C.), le service public et la garantie des droits et libertés, Thèse de droit public, Université
de Limoges, 2009, 732p. ; PILCZER (J..-S.), « La notion de service public », Information sociale, n°158, 2010/2,
pp.6-9 ; TRUCHET (D.) « Nouvelles récentes d’un illustre vieillard, label de service public et statut de service
public », AJDA, 1982, p.427 ; DE CORAIL (J.-L.), « l’approche fonctionnelle du service public ; sa réalité et ses
limites », AJDA 1997 p.20.

11
a) La notion de service public en droit
La notion de service public fait l’objet d'un constant emploi dans la pratique et aussi
dans de nombreuses discussions doctrinales, ce qui atteste de son importance sur le double
champ politique et juridique76. Cependant, la définition du service public est loin d’être évidente,
parce que sujette à débat, voire à polémique77. En réalité, cette définition est surtout évolutive
parce que la place des services publics dans l’économie dépend en grande partie du rôle dévolu
à l’État dans la sphère économique et sociale. Ainsi, il est observable que la crise de l’État
providence ait été traduite par le recul de la sphère publique en même temps que par
l’affaiblissement de la frontière entre service public et activité marchande privée78. Toutefois,
la notion de service public, au-delà des divergences relativement à sa définition, évoque une
réalité simple, « à savoir l’existence dans toute société d'un ensemble d’activités considérées
comme étant d’intérêt commun et devant être à ce titre prises en charge par la collectivité,
c’est-à-dire d'une sphère de fonctions collectives »79. Cette définition n'est pas nouvelle, elle
n'est donc pas différente de celle qui voit dans la notion de service public, une activité d’intérêt
général gérée par l’administration ou par une personne privée, qui en a reçu délégation et qui
est soumise au contrôle de l’administration 80 . Cette définition constante dans la sphère
juridique81 pose comme essence du service public la prestation, en tant que le service public
permet la satisfaction des besoins d’intérêt général. Nous sommes alors ici dans la perspective
du « service public-activité » et non dans l’optique du « service public- institution »82.

En partant donc de l’idée que le service public est fondamentalement une prestation, une
activité, rendue ou exercée à titre gratuit ou non, l'on observe que les présentations
administratives puis doctrinales de la notion de service public ont de plus en plus usé du
« pluriel » : services publics. Cette dernière optique, renvoie à des modes d’organisation des

76
V. CHEVALLIER (J.), Le service public, op cit., p.3.
77
L'on a ainsi évoqué l’idée d’une crise du service public, à propos, v. CHAMBAT (P.), « Crise du service public
et construction étatique », Management et conjoncture sociale, n°481, 1996, p.14 ; Pourtant pour Jacques
Chevallier, il n'y a pas de crise de la notion, mais plutôt celle de l’administration, CHEVALLIER (J.), « Essai sur
la notion juridique de service public », op cit., spéc., pp.137-161. La notion de service public jouit encore
aujourd’hui de sa définition originaire, toutefois c'est son périmètre qui est évolutif, v. PILCZER (J..-S.), « La
notion de service public », Information sociale, n°158, 2010/2, pp.6-9.
78
V. CHEVALLIER (J.), « Les nouvelles frontières du service public », Regards croisés sur l’économie, n°2,
2007/2, pp.14-24.
79
Ibid., p.14.
80
CHEVALLIER (J.), « Essai sur la notion juridique de service public », op cit., pp.137-161.
81
V. CONSEIL D'ETAT, Réflexions sur l’intérêt général, Rapport public 1999, EDCE, n°50, Paris, La
Documentation française, spéc., p.272 ; PILCZER (J..-S.), « La notion de service public », Information sociale,
n°158, 2010/2, pp.6-9.
82
Sur cette distinction v. CHEVALLIER (J.), « Essai sur la notion juridique de service public », op cit., pp.136-
161.

12
services, des activités, suivant le caractère administratif, industriel ou commercial. Dès lors, le
déplacement linguistique d’une approche univoque à une approche plurielle des activités de
service public relève en premier lieu des développements d’une distinction jurisprudentielle
française entre les services publics administratifs et les services publics industriels et
commerciaux. Certes l'on peut discuter cette distinction, toutefois, il faut dire que l’usage du
pluriel ici permet d’apprécier la diversité des activités d’intérêt général. De même cet usage du
pluriel, retrace la tendance générale à la sectorisation, au morcellement ou à la segmentation de
ces activités. Dès lors, les prestations de service public, par la diversité des formes qu’elles
prennent, peuvent être classées en secteurs d’activités. En somme, c’est donc au sein des
services publics industriels et commerciaux que l'on doit isoler ceux qui sont organisés en
« réseaux »83.

b) La notion de service public en réseau

Le terme « réseau » n’est pas à proprement parler une notion juridique84. II est utilisé
dans des domaines divers ayant un fort lien avec la technique ; l’informatique, l'économique85
et a fini par s’imposer dans le jargon juridique. C’est ainsi que la notion est de plus en plus
présente dans le langage du droit. Le législateur camerounais l’utilise mais jamais seul ; il
évoque alors le « réseau de transport », le « réseau électrique » 86 ou encore « réseau de
collecte », « réseau de communications électroniques » 87 . Les définitions données de ces
termes par le législateur, permettent de donner une définition du terme « réseau » pris
individuellement.

Le réseau désigne un ensemble de lignes entrelacées ou alors un ensemble interconnecté


fait de composants et de leurs interrelations autorisant la circulation en mode continu ou
discontinu de flux divers spécifiques, ou d’éléments finis. Cette définition n’est pas à l’opposé
de celle que donne, à la notion, François Ost et Michel Van De Kerchove : en effet, ils
définissent le réseau comme une « trame ou une structure composée d’éléments ou de points,
souvent qualifiés de nœuds ou de sommets, reliés entre eux par des liens ou liaisons, assurant
leur interconnexion ou leur interaction et dont les variations obéissent à certaines règles de

83
RODRIGUES (S.), « La régulation communautaire des services publics de réseaux. Vers une théorie générale
de la « concurrence régulée » ? », op cit., p.80.
84
Sur les origines du mot réseau v. MARX, La dimension collective des réseaux de distribution, Thèse, Université
de Montpellier 1, 2008, spéc., p.3.
85
V. CURIEN (N.), « Régulation des réseaux : approches économique », Annales des mines, octobre 1994, pp.20-
26.
86
Art. 5 de la loi n°2011/022 du 14 décembre 2011, régissant le secteur de l’électricité au Cameroun.
87
V. Art. 5 als. 39 et s., de la loi n°2010/013 du 21 décembre 2010 régissant mes communications électroniques
au Cameroun, modifiée et complété par la loi n°2015/006 du 20 avril 2015 (ci-après loi n°2010/013 complétée).

13
fonctionnement »88. Le réseau comporte donc une double forme : il peut être immatériel ou alors
matériel. Les deux formes sont à retenir ici. Ainsi peut-on parler au sens matériel du réseau de
distribution d’eau potable. Tandis que comme réseau immatériel l'on a le réseau internet. De
par son origine et de ses définitions, le terme renvoie donc à l’existence d’une infrastructure
ayant une certaine envergure. De sorte que les services publics de réseaux, encore appelés
industries de réseaux ou services publics économiques89 se caractérisent alors par l’existence
en leur sein d’une infrastructure essentielle indispensable pour l’exercice d’une activité
économique. L’infrastructure représentant ici le support indispensable qui permet d’acheminer
les biens et services vers le consommateur final90.
La notion de service public en réseaux évoque donc une réalité simple à savoir
l’existence dans toute société d’un ensemble d’activités considérées comme étant d’intérêt
commun et sur lesquels un regard spécifique doit être porté. En tant que service public, les
services publics en réseaux sont soumis à la même contrainte d’efficacité que les entreprises
privées. Autrement dit, ils sont le visage des services publics descendus dans l’arène du marché
sous l'effet du libéralisme économique91. On parle alors des services publics économiques ; il
s’agit des activités à caractère marchand regroupés ou mieux se déroulant dans des secteurs
spécifiques92.

En somme, il faudra ici entendre par « services publics en réseaux » des services publics
marchands assurés dans un cadre concurrentiel par des entreprises privées ou/et des entreprises
publiques, ce sous un contrôle spécifique d’une autorité publique. Une telle approche épouse
alors le discours économique du libéralisme qui se préoccupe d'un droit des services publics.
En effet, le besoin de contrôle spécifique résulte du fait que les services publics en cause
revêtent un grand intérêt pour la collectivité, autrement dit l’État. En plus, évoluant d’abord en
monopole, ils ont dû s’ouvrir à la concurrence. Ainsi donc, ce contrôle spécifique prend
aujourd’hui le nom de régulation économique. Une telle approche implique de procéder à des
délimitations dans le cadre de cette étude.

88
OST (F.), et VAN DE KERCHOVE (M.), De la pyramide au réseau ? Pour une théorie dialectique du droit,
Bruxelles, Publication des facultés universitaires Saint-Louis, 2002, spéc., p.24.
89
V. MARGAIRAZ (M.), « Les services publics économiques entre experts, praticiens et gouvernants dans le
premier XXe siècle : d’une configuration historique à l’autre », Revue d’histoire moderne et contemporaine, n°52-
3, juillet-septembre 2005, pp.132-165.
90
LAGET-ANNAMAYER (A.), La régulation des services publics en réseaux, op cit., p.11.
91
MONTIALOUX (C.), « Service public et intérêt général », un Regards croisés sur l’économie, op cit., p.25.
92
V. MARGAIRAZ (M.), « Les services publics économiques entre experts, praticiens et gouvernants dans le
premier XXe siècle : d’une configuration historique à l’autre », Revue d’histoire moderne et contemporaine, n°52-
3, juillet-septembre 2005, pp.132-165.

14
B/- La délimitation de l’étude

La notion de « réseau » a révélé divers services publics économiques inclus dans divers
secteurs de l’économie camerounaise, ouverts à la concurrence en faveur du libéralisme.
Seulement il n’est pas possible en rapport avec la régulation de les étudiés tous. Il est donc
important de procéder à une délimitation matérielle. Le critère sera ici la mise en place d'un
régulateur spécifique dudit secteur au sens du droit communautaire CEMAC, c’est-à-dire un
organisme autonome chargé par l’État de cette fonction de régulation 93 . Ce même si ce
régulateur n'est pas encore effectif ; il suffira juste qu’une loi spécifique l'ai prévu. Cette
dernière précision implique, lorsque l'on parle des régulateurs, de procéder à quelques
précisions majeures.

Il nous faut distinguer entre les instances de régulation et les autorités de régulation.
L’idée à la base de cette distinction est, que certains régulateurs auraient des pouvoirs limités
au contrôle, à l’investigation et à la formulation des propositions ou des recommandations.
Tandis que d’autres, en plus de disposer de ses prérogatives disposent aussi des pouvoirs de
réglementation, des pouvoirs contentieux. Les premiers seraient des instances de régulation
nous pouvons y classer alors l’agence nationale d’investigations financière (en abrégé ANIF)94,
le conseil national de la publicité présenté comme un simple organe consultatif95 ou encore la
MIRAP96. Alors que les seconds seraient des autorités de régulation97. Ce n'est donc pas jouer
sur les mots que de poser cette distinction au regard de l’approche structurelle 98. La présente
étude entend à titre principal ne s’intéresser qu’à ces dernières autorités de régulation, encore
qualifiées de régulateurs sectoriels.

93
V. Directive n°06/08-UEAC-133-CM-18 fixant le régime du service universel dans le secteur des
communications électroniques au sein des États membres de la CEMAC du 19 décembre 2008.
94
V. Décret n°2005/187 du 31 mai 2005 portant organisation et fonctionnement de l’agence nationale
d’investigation financière.
95
V. BOYOMO-ASSALA (L.-C.), « Les apories de la réglementation sur la publicité au Cameroun. Contribution
à l’analyse économique des politiques réglementaires », in Communication, Information Médias Théories, vol. 14,
n°2, 1993, pp.48-76.
96
V. Décret n°2011/019 du 01 février 2011 portant création, organisation et fonctionnement de la Mission de
régulation des approvisionnements des produits de grande consommation.
97
EDJANGUE ELOMBO (G.), Régulation économique en zone CEMAC, thèse de droit public, Université de
Douala, 2013, p.180.
98
BABUSIAUX ( Ch.), « La conception de la régulation dans la réforme du droit de la concurrence par la loi
N.R.E. », in Petites Affiches, n°110 « droit de la régulation questions d’actualité », 3 juin 2000, pp.11 et s., spéc.,
p.12.

15
Cette qualification d’autorités de régulation sectorielle est aussi admise par le
législateur communautaire CEMAC en opposition à l’autorité en charge de la concurrence99’ II
s’agit pour le Cameroun de la Commission nationale de la concurrence (ci-après la CNConc)100.
Cette dernière autorité s’inscrit dans l’idée de l’existence à côté d’une régulation qualifier de
verticale, d’une régulation dite horizontale en ce qu’elle intervient dans l’ensemble des secteurs
économiques, que ceux-ci fassent déjà ou non l’objet d’une régulation spécifique : c’est dans
ce cas que s’inscrit la régulation opérée par le droit de la concurrence. La posture conforte l’idée
qu’il « (…) y aurait bien ainsi en matière de régulation un droit spécial et un droit général
dans le sens que l’on donne, en science juridique, à ces deux qualificatifs »101. Le législateur
communautaire CEMAC va dans le même sens102.

Il faut dire qu’au Cameroun, les autorités de régulation disposent d’une compétence en
matière de concurrence au niveau sectoriel, c'est une situation qui est appelée à changer au
regard de la directive CEMAC de 2019 sur l’organisation institutionnelle dans l’application des
règles communautaire de la concurrence, mais pas tout de suite103. Ceci démontre simplement
de l’importance des règles de la concurrence dans la fonction de régulation. L’idée à retenir
pour notre étude est que la concurrence n’est plus une fin, mais un moyen d’atteindre d’autres
objectifs. De ce qui précède, la notion d’autorité de régulation au Cameroun prend alors une
acception large. Nous inclurons donc dans notre étude la Commission nationale de la
concurrence, en tant qu’acteur majeur de la régulation des services publics en réseaux 104. Dès
lors, la régulation économique sectorielle ne se limiterait pas à l'ex ante, au contraire, elle
semble plus s’inscrire dans un continuum comme le politique qu’elle finit par concurrencer
mieux que ne peut le faire le pouvoir juridictionnel qui interviendra ponctuellement105 et donc,
est inclus dans notre recherche, la dimension ex post de la fonction de régulation.

99
V. Art. 10 et s., de la Directive n°1/19-UEAC-639-CM-33 du 08 avril 2019 relative à l’organisation
institutionnelle dans les États membres de la CEMAC pour l’application des règles communautaire de la
Concurrence.
100
V. Décret n°2013/7988/PM du 13 septembre 2013 portant composition, organisation et modalités de
fonctionnement de la commission nationale de la concurrence.
101
DE GUILLENCHMIDT (J.), « Le sectoriel et le général dans le droit de la régulation », Petites Affiches, n°110
numéro spécial « Droit de la régulation : questions d’actualité », 3 juin 2002, pp.58 et s.
102
V. Art. 2 de la Directive n°1/19-UEAC-639-CM-33 du 08 avril 2019 relative à l’organisation institutionnelle
dans les États membres de la CEMAC pour l’application des règles communautaire de la concurrence.
103
En effet, elle donne 02 ans aux États membres pour se conformer aux dispositions de la Directive v. Art. 17 de
la Directive n°01/19-UEAC-639-CM-33 Relative à l’organisation institutionnelle dans les États membres de la
CEMAC pour l’application des règles communautaires de la concurrence.
104
V. BRIAND- MELEDO (D.), « Autorités sectorielles et autorités de concurrence », Revue internationale de
droit économique, 2007/3 (t.XXI, 3), pp.345-371.
105
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Ambitions et efficacité de la régulation », op cit, p.65.

16
La mise en place de ces organismes de régulation sectoriel surtout visent, comme le
démontre Marie-Anne Frison-Roche106 à pallier aux insuffisances, en matière de régulation, de
l’administration et des juges. Il est largement reconnu en effet que si le juge a plein pouvoir
pour interpréter le droit, il n’est toutefois pas légitime, ni porteur de compétence technique pour
par exemple fixer les tarifs ou concéder des droits d’exploitation du domaine public. De plus,
il faut remarquer que son intervention uniquement située a posteriori n'est pas à elle seule
suffisante pour réguler les services publics en réseaux.

Pour ce qui concerne le gouvernement, la constitution d’une autorité de régulation plutôt


que de confier aux ministres le soin d’exercer cette activité, résulte de la notion de conflits
d’intérêt désormais centrale en matière de régulation 107 . Il y a conflit d’intérêt lorsqu’une
personne dispose d'un pouvoir qu'on lui a conféré pour servir un intérêt qui lui est extérieur et
qu’elle a la possibilité technique d’utiliser ce pouvoir pour favoriser son propre intérêt 108. Les
ministres camerounais sont ou ont la possibilité d’être à la tête des Conseils d’administration109
des opérateurs publics des secteurs régulés. C'est le cas par exemple de l’opérateur historique
des communications électroniques. Cette situation est manifestement incompatible avec la
fonction de régulation qui repose sur la règle du non-cumul opérateur/régulateur. De sorte que
si le gouvernement veut conserver la pleine régulation du secteur il faudrait alors privatiser
totalement les opérateurs publics110.
Dès lors que cette démarche n'est pas choisie la mise en place d'un régulateur spécifique
est nécessaire. Bien plus cette autorité de régulation doit être indépendante ou autonome des
différents opérateurs des secteurs soumis à la régulation111. Toutefois, il est à souligner que la

106
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Pourquoi des autorités de régulation ? », in Le politique saisi par l’économie,
Paris, Economica, 2002, pp.271-285.
107
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Pourquoi des autorités de régulation ? », op cit., p.275.
108
Idem.
109
Cette possibilité est offerte par la réforme du statut des établissements publics qui lève l’incompatibilité entre
membre du Conseil d’administration et membre du gouvernement, l’incompatibilité demeure toutefois pour le
poste de Directeur général, v. Art. 59 de la loi n°2017/010 du 12 juillet 2017 portant statut général des
établissements publics.
110
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Pourquoi des autorités de régulation ? », op cit., p.276.
111
Pour une analyse de la teneur de cette indépendance des régulateurs camerounais v. PEKASSA NDAM
(G.), « Les établissements publics indépendants : une innovation fondamentale du droit administratif
camerounais », op cit. pp.153-178. ; pour le cas des régulateurs français, v. HUBERT (J.-M.), « Le cas de l’autorité
de régulation des télécommunications », Revue française d’administration publique, n°109, 2004, pp.99-107 ;
ECKERT (G.), « L’indépendance des autorités de régulation économique à l’égard du politique », Revue
française d’administration publique, n°143, 2012-3, pp.629-643 ; DEZOBRY (G.), « L’indépendance des
autorités de régulation économique à l’égard des opérateurs régules », Revue française d’administration publique,
n°143, op cit., pp.645-654 ; pour le cas de l’Allemagne, voir WALTHER (J.), « L’indépendance des autorités de
régulation en Allemagne », RFAP, n°143, op cit., pp.693-706 ; pour le cas du royaume- uni, voir, PERROUD (Th.),
« L’indépendance des autorités de régulation au Royaume-Uni », RFAP, n°143, op cit., pp.735-746 ; BEATRIX
(O.), « L’indépendance de la commission de régulation de l’énergie », Revue française d’administration publique,

17
mise en place des autorités de régulation autonomes n’efface pas totalement la présence du
ministre comme acteur de la régulation. Cette dernière serait alors à certains égards dans le
contexte camerounais bicéphale. Ce n’est pas en réalité une spécificité camerounaise 112. Dès
lors, l’usage de la notion d’autorité de régulation ici n’exclut pas totalement le ministre.
Le législateur camerounais aura donc mis en place des autorités de régulation dans
certains services publics en réseaux à l’instar des communications électroniques avec l'Agence
de Régulation des Télécommunications (ci-après ART) 113 ; de l’énergie, plus particulièrement
le secteur de l’électricité avec la création de l'Agence de régulation du secteur de l’électricité
( ci-après ARSEL) 114 ; de l’aviation civile avec la création du de l’autorité aéronautique
dénommée Cameroon Civil Aviation Authority ( ci-après CCAA)115. Le secteur portuaire avec
l’autorité portuaire nationale (ci-après APN) 116 . La régulation du réseau internet et des
technologies de l’information et de la communication avec L'Agence Nationale des
Technologies de l’Information et de la Communication (ANTIC)117. Il y a aussi le secteur postal
avec la création de l'Agence de régulation du secteur postal 118. Pour ce dernier cas, il faut
préciser que ce régulateur spécifique n'est pas encore mis en place, c'est encore le ministre qui
assure la fonction de régulation, de façon transitoire.

Le secteur de l’audiovisuel avec le Conseil national de la communication (ci-après


CNC)119 doit lui aussi être inclus dans notre étude. Il est observable dans la doctrine qu'il existe
une différence entre la régulation dite économique et la régulation des libertés individuelles120.
Ainsi, dans le premier cas, sa régulation consiste essentiellement en la mise en œuvre des

n°143, op cit., pp.769-778 ; COSPEREC (B.), « L’indépendance de l’autorité de régulation des activités
ferroviaires », RFAP, n°143, op cit., pp.779-789,
112
En France aussi cela est observable v. BREVILLE (S.), Autorité indépendante et gouvernement : la régulation
bicéphale du marché français des télécommunications, thèse en Économies et finances, Université Paris I
Panthéon-Sorbonne, 2006, 273p.
113
Loi n°2010/013 du 21 décembre 2010 régissant les communications électroniques au Cameroun ; modifiée par
la loi n°2015/006 du 20 avril 2015 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°2010/013 du 21
décembre 2010 régissant les communications électroniques au Cameroun (ci-après loi n°2010/013 régissant les
communications électroniques).
114
Loi n°2012/022 du 14 décembre 2011 régissant le secteur de l’électricité au Cameroun (ci-après loi n°2011/022
régissant le secteur de l’électricité).
115
Loi n°2013/010 du 24 juillet 2013 portant régime de l’aviation civile au Cameroun (ci-après loi n°2013/010
régissant l’aviation civile) et Décret n°2015/232 du 25 mai 2015 portant organisation et fonctionnement de
l’autorité aéronautique du Cameroun ( ci-après décret n°2015/232 relatif à la CCAA).
116
Loi n°98/021 du 24 décembre 1998 portant organisation du secteur portuaire et Décret n°2019/172 du 05 avril
2019 portant réorganisation de l’autorité portuaire nationale.
117
V. décret n°2012/180 du 20 avril 2012 portant organisation et fonctionnement de l’agence nationale des
technologies de l’information et de la communication.
118
Loi n°2006/019 du 29 décembre 2006 régissant l’activité postale au Cameroun (ci-après loi n°2006/019
régissant l’activité postale).
119
V. Loi n°2015/007 du 20 avril 2015 régissant l’ activité audiovisuelle au Cameroun.
120
SIMO KOUAM (Fr. A.), « La régulation de l’activité audiovisuelle à l’épreuve du tout numérique au
Cameroun », in Le NEMRO, Revue trimestrielle de droit économique, juillet-septembre 2014, pp.109-135.

18
dispositifs de nature à garantir la liberté de la communication audiovisuelle et à assurer le
pluralisme de l’expression politique et culturelle121. Dans le second cas, elle consiste également
en l’autorisation donnée à des opérateurs privés d'occuper par voie d’attribution de fréquences,
une partie du spectre hertzien, partie intégrante du domaine public de l’État. Ce domaine
d’activité revêt un caractère économique122.

De plus, il existe une forte tendance à la convergence123 entre le secteur de l’audiovisuel


et celui des communications électroniques124, comme aussi entre les secteurs de la finance et
de la banque et celui toujours des communications électroniques, plus précisément de la
téléphonie mobile125. Une tendance à la convergence peut aussi être observable entre le secteur
postal et les secteurs de la banque et de la finance. En effet, l'on observe que les opérateurs
privés participent à la gestion du service public postal notamment à travers des services de
transport de courrier et de colis et surtout de transfert d’argent, de plus l’une des activités du
service public des postes consiste en la gestion des comptes d’épargne des particuliers,
personnes physiques 126 . La perspective convie à envisager dans notre étude l’idée d’une
interrégulation127 des secteurs économiques camerounais. De sorte que bien que la régulation
soit sectorielle, des passerelles de collaboration existent entre les différents régulateurs128. Le
secteur de l’audiovisuel sera inclus dans la présente étude. De même, toujours dans la
perspective de la convergence, il est indéniable que le fait de produire de l’électricité à partir

121
Dans ce dernier cas, V. DOMCHE (J. E.), L’État et la régulation des médias au Cameroun, Thèse de doctorat,
Université de Yaoundé 2- Soa, 2015, 468p.
122
V. DE GUILLENCHMIDT (J.), « Le sectoriel et le général dans le droit de la régulation », Petites Affiches,
n°110, 3 juin 2010, spéc., pp.58-59.
123
TSANGA EBODE (J. A.), « Quel impact des convergences entre réseaux sur la régulation des communications
électroniques ?, in Cameroun, une régulation adaptée à l’ère de la convergence, 13e réunion annuelle de FRATEL,
Bâle, 30 novembre -1er décembre 2015 cite par SIMO KOUAM (Fr. A.), « La régulation de l’activité audiovisuelle
à l’épreuve du tout numérique au Cameroun », op cit., p.115.
124
Pour une étude sur la convergence des secteurs économiques régulés dans le contexte camerounais v.
BOUNOUNG ESSONO (S.), La régulation des communications électroniques à l’épreuve de la convergence : le
cas du Cameroun, Mémoire de Master spécialisé en régulation de l’économie numérique, Télécoms Paris Tech,
2014, 137p ; SIMO KOUAM (Fr. A.), « La régulation de l’activité audiovisuelle à l’épreuve du tout numérique au
Cameroun », in Le NEMRO, Revue trimestrielle de droit économique, juillet-septembre 2014, pp.109-135 ; en
guise de droit comparé africain voir dans le contexte sénégalais, V. NIOKHOR MBENGUE (A.), La régulation
de l’économie numérique au Sénégal : la convergence des télécommunications et de l’audiovisuel, Mémoire en
droit, Université de Montréal, juin 2016, 126p.
125
Ceci à travers le mécanisme du mobile banking, ou mobile money, v. DONCHI DONFACK (F.), « Les régimes
juridiques du mobile money et du mobile banking dans la CEMAC », disponible en ligne à l’adresse
http://www.ohadata.com/ohadata D-18-26, consulté le 26 juillet 2019.
126
V. Art. 3 la. 1 de la loi n°2006/019 du 29 décembre 2006 régissant l’activité postale au Cameroun.
127
Sur la question de la théorisation de l'interrégulation v. FRISON-ROCHE (M.-A.), « hypothèse de
l’interrégulation », un Le risque dans les systèmes de régulation, op cit., pp 69-80.
128
TSANGA EBODE (J. A.), « Quel impact des convergences entre réseaux sur la régulation des communications
électroniques ? », in Cameroun, une régulation adaptée à l’ère de la convergence, 13e réunion annuelle de
FRATEL, Bâle, 30 novembre -1er décembre 2015, cite par SIMO KOUAM (Fr. A.), « La régulation de l’activité
audiovisuelle à l’épreuve du tout numérique au Cameroun », op cit., p.115.

19
du gaz est aussi un élément majeur de convergence entre ces deux marchés, c’est le cas au
Cameroun avec la centrale à gaz de Kribi. Dès lors, même en l’absence d'un régulateur
autonome du gouvernement dans ce secteur, il sera associé à notre étude.

Il faudra par contre exclure de la recherche le secteur des marchés publics. Certes un
régulateur y existe129, mais il ne s’agit pas à proprement parler d'un service public de réseaux
au sens de la présente étude. De même n’aborderons nous pas le cas de l'eau. Il existe bien
entendu un fort réseau de distribution d'eau, seulement, il n’existe pas dans ce secteur une
autorité de régulation, puisque le service public de l’eau fonctionne encore sous le monopole
d’une seule entreprise de distribution d’eau. Le secteur du transport ferroviaire camerounais ne
sera pas aussi aborder. D’une part, il n'y existe pas d’autorité de régulation comme en France130.
D’autre part, le secteur ferroviaire camerounais fonctionne encore sous le couvert du monopole
aussi bien pour le transport des passagers que pour celui des marchandises. L’étude exclue alors
les services publics en réseaux non régulés par un organisme autonome institué par le législateur.
Les précisions ci-dessus faites permettent d’inscrire la présente étude dans la perspective
de la régulation de l’économie ou encore régulation économique, qu’il faut fortement distinguer
de la régulation par l’économie. Cette dernière s’articule entre autre sur l’idée de l’auto
régulation. Or c’est justement sur le discrédit de cette auto régulation par la doctrine économiste
se basant sur la théorie des défaillances du marché 131 puis par celle juridique 132 , que la
régulation de l’économie s’est construite. Cette dernière permet alors d’envisager la régulation
des activités économiques par diverses mesures. Ces mesures sont alors liées à la conception
même que l’on se fait de la régulation. Il faut dire de manière générale que deux conceptions
sont observables.
D’une part, une conception formelle ou maximaliste133, l’accent étant alors mis sur les
formes diverses et variées de la régulation et sur ses institutions134. Elle met donc en évidence
les variantes de la régulation. Une régulation qui peut se faire au moyen de mesures aussi bien

129
V. Art. 48 du Décret n°2018/366 du 20 juin 2018 portant Code des marchés publics.
130
V. PEYLET (R.), « La nouvelle régulation ferroviaire. À propos de la loi n°2009-1503 du 8 décembre 2009 »,
Revue juridique de l’économie publique, n°672, février 2010, pp.3-9.
131
Qui estime que les lois du marché sont impuissantes pour résoudre les différends et permettre un
fonctionnement optimal du marché, une intervention publique est donc nécessaire v. COMBE (E.), Précis
d’économie, Paris, PUF, 2000, pp.204 et s.
132
Pour une approche juridique de la régulation où la théorie des régulations rejoint la théorie des défaillances du
marché, v. MARAIS (B. du), Droit public de la régulation économique, Presses de Sciences-Po et Dalloz, 2004,
pp.37 et s.
133
Défendu entre autre par AUBY (J.-B.), « Régulation et Droit administratif », in Études en l’honneur de Gérard
Timsit, Bruxelles, Bruylant, 2004, pp.209 et suiv.
134
V. GAUDEMET (Y.), « La concurrence des modes et des niveaux de régulation », RFAP, 2004, p.13.

20
juridiques, économiques, fiscales etc. Ces derniers apparaissent donc comme des modes de
régulation disponibles pour l’État.

D’autre part, l’on a une conception qui est minimaliste. Elle se repose sur une définition
fonctionnelle de la régulation 135 et envisage la régulation par son objet à savoir rétablir
l’équilibre d'un système. Cette dernière approche comporte la double variante sectorielle et
générale retenue dans cette étude. Au-delà des divergences entre ces deux variantes136, il s'agira
de nous appesantir sur leur substrat commun articulé autour de deux points à savoir que d’une
part, la régulation est le nouveau pavillon de la normativité dans les systèmes juridiques
francophones 137 , elle ne saurait alors se réduire à la police administrative ou encore à la
réglementation.
De même la fonction de régulation n'est pas assimilable aux fonctions des pouvoirs
constitués : « réguler n'est ni légiférer ni réglementer » 138 tout comme « réguler n'est pas
juger » 139 . On pourrait alors dire avec l’agence de régulation des télécommunications au
Cameroun que « réguler c'est facilité », faciliter le fonctionnement optimal des secteurs
économiques ajouterons nous.
Certes le juge est un régulateur des rapports sociaux, il est alors un second niveau de
régulation lorsqu’il connait des recours contre les actes des organismes de régulation. Cette
régulation juridictionnelle ne sera pas abordée dans la présente recherche, qui veut se concentrer
sur l’activité même des organismes administratifs de régulation

Il faut souligner que l’approche dite minimaliste pose le postulat que la régulation est
juridique. Il faut partir d’un constat, le droit participe de la régulation de la société toute entière.
Le critère de délimitation de notre étude révèle des organismes créés par le Droit, par
conséquent, la présente étude porte sur la régulation juridique de l’économie, plus précisément
sur la régulation juridique des services publics en réseaux. C’est en somme une régulation
émanant d'un pôle extérieur au système incarné par la figure du régulateur administratif.

II/- L'INTERET DE L'ETUDE


L’étude de la régulation des services publics en réseaux est intéressante à plus d’un titre.

135
V. DELLION (A.), « Notion de régulation et Droit de l’économie », Annales de la régulation, Tome 9 vol. 1
Paris, LGDJ, 2006, pp.1-43.
136
V. Les positions respectives de FRISON-ROCHE (M.-A.), « Droit de la régulation », 2004 et de BOY (L.),
« Réflexion sur le droit de la régulation » (à propos du texte de Marie-Anne Frison-Roche) », Recueil Dalloz, 2004,
137
V. GAUDEMET (Y.), « La concurrence des modes et des niveaux de régulation », op cit., p.13..
138
V. HUBERT (J.-M.), « Le cas de l’autorité de régulation des télécommunications », p.100.
139
QUILICHINI (P.), « Réguler n’est pas juger. Réflexion sur la nature du pouvoir de sanction des autorités de
régulation économique », AJDA, Études n°6, 2004, pp.13-22.

21
D’abord, l’analyse des textes juridiques permet de présenter l’existence concrète d’un
État régulateur au Cameroun140, ainsi peut-on identifier la fonction de régulation, en plus de
mettre en lumière la structure d’ensemble du modèle de régulation camerounais.

Ensuite, identifier le terme régulation comme un système quasi complet ; un modèle


organisationnel avec des caractéristiques précises et des règles spécifiques 141 . Poser donc
comme il est fait ici, la régulation comme une activité administrative nouvelle dans la
perspective de l’interventionnisme public qui a désormais pour centre le marché, soulève le
problème de sa spécificité dans le champ des activités administratives. L’étude se veut donc
une présentation et une analyse du champ ou domaine de la régulation des services publics en
réseaux dans une perspective de construction d’une économie de marché en passant par une
abolition des monopoles publics. La recherche permet alors de révéler les mécanismes de
garanties des droits des acteurs ou opérateurs des secteurs régulés.
L’étude sera aussi le prétexte de porter un regard évaluatif de la politique camerounaise
de régulation, sous le prisme de son efficacité qui induit, la construction d’une économie de
marché où les citoyens - clients142 bénéficient du meilleur rapport qualité/prix des services et
produits à eux offerts. Plus précisément, la régulation des secteurs économiques relève deux
traits fondamentaux143. Il s’agit d’une part du problème de la mission que poursuit la régulation,
et, surtout, d’autre part, du problème des moyens que l’on utilise pour accomplir cette dernière
mission. Ce dernier problème est celui qui nous intéressera dans cette recherche. Car il est à
certains égard révélateur d’une double instrumentalisation ; d’une part, l’instrumentalisation du
droit c’est-à-dire que ce dernier est appliqué pour rendre plus satisfaisante une situation
économique, d’autre part le droit par la régulation instrumentalise aussi l’économie, le marché,
la concurrence pour satisfaire l’intérêt général entendu comme besoin de la population.
Analyser la régulation des services publics en réseaux sous l’angle des moyens de cette
régulation participe de la mise en avant de la spécificité de l’activité administrative de
régulation au Cameroun, mieux de l’adaptation du système administratif camerounais aux
enjeux de la régulation.
Dans cette dernière perspective, La présente recherche permet alors d’analyser le rôle
de l’État camerounais face à la montée de l’économie de marché globalisée et concurrentielle.
Un rôle qui met en exergue la mutation des fonctions et du périmètre de l’action des personnes

140
Sur sa définition, v. CHEVALLIER (J.), « L’État régulateur »,
141
Idem.
142
FRISON-ROCHE (M.-A.), « La victoire du citoyen- client », Sociétal, n°30, 4e trimestre, 2000, pp.49-54.
143
DELLIS (G.), « Régulation et droit public « continental ». Essai d’une approche synthétique », op cit., spéc., p.
959

22
publiques dans la sphère économique 144 . C’est donc, une mise en lumière de la légitimité
politique de l’État régulateur qui résulte de sa capacité à élaborer des compromis
institutionnalisés sur des bases conjuguant principe d’efficacité économique et valeur de justice
sociale 145 . C’est ce qui explique la délégation de la gestion des secteurs économiques aux
acteurs et techniciens au travers d’institutions autonomes146.
L’analyse de la pratique de la régulation permet aussi d’observer les relations qui
existent entre les autorités publiques, les acteurs privés et les règles de la concurrence. Mieux
encore, comment ces règles sont élaborées, appliquées, préservées face aux interventions
publiques et privées dans le marché en relation avec les missions d’intérêt général 147. Ce sera
aussi l’occasion d’analyser, la pénétration des normes communautaires et même internationales
dans les secteurs clés de l’économie camerounaise. Le Cameroun ne se met pas à la marge de
la mode internationale de l’intégration régionale, avec ses exigences d’ouverture des marchés
nationaux pour pallier à l’impuissance des États face à la globalisation des échanges ou la
protection de certains secteurs clés de l’économie148. C’est alors la question de la gouvernance
étatique qui est ici mise en avant en contexte globalisé.
Le concept de gouvernance est de plus en plus employé aux côtés d’autres concepts,
comme ceux de politique publique, d’action directe, de résolution des conflits, pour se
substituer à des termes comme gouvernement, loi, règlement, ou même jugement 149 . La
gouvernance suggère une certaine conduite des affaires qui ne serait pas absolument liée à une
toute puissance du genre de celle qui est attachée à la souveraineté étatique. Ce serait plus que
du « pilotage » ou « guidage »150 et moins que du gouvernement proprement dit. On entend par
gouvernement ici, la partie de la structure étatique qui détient le pouvoir de diriger un État, de
mener l’action adéquate pour se faire, d’exécuter les directives du ou des détenteurs de la

144
QUESSETTE (L.), « L’aiguillage du marché ferroviaire, la régulation à l’épreuve du chemin de fer », op cit,
p.27.
145
EL AOUFI (N.), « Théorie de la régulation : la perspective oubliée du développement », in Revue de la
régulation : institution, régulation et développement n°6, 2009, p.9. Disponible sur
http://www.revue.org/regulation.revues.org. Page consultée le 27 janvier 2016.
146
CHEVALLIER (J.), Les autorités administratives indépendantes et la régulation des marchés, Paris, Justices,
justice et économie, 1995-1, p.86.
147
BERGOUGNOUX (J.), Services publics en réseau : perspectives de concurrence et nouvelles régulations,
Rapport rédigé pour le Commissariat Général du Plan, Gouvernement de la république de France, Paris, Avril
2000, p.212.
148
GOVAERE (I.) « L’établissement des règles des marchés nationaux ou régionaux de l’État régulateur souverain
aux organisations d’intégration régionale promotrices, protectrices et intermédiaires », R.I.D.E., 2003/3, p.313.
149
HARRINGTON (Ch. B.), « Popular justice, populist politics : law in community organizing », Social and Legal
Studies, n°1/2, 1992, pp.180 et s. Cité par ARNAUD (A.-J.), « De la régulation par le droit à l’heure de la
globalisation. Quelques observations critiques », in Droit et Société, n°35, 1997, p.29.
150
Cf. CHEVALLIER (J.), « De quelques usages du concept de régulation », in MIAILLE (M.), (dir.), La
régulation entre droit et politique, Paris, L’Harmattan, 1995, p.86.

23
souveraineté 151 . L’effectivité de ce gouvernement dépend de la « gouvernabilité » dont il
dispose dans un contexte déterminé 152 , le gouvernement ou le pouvoir gouvernemental se
rattache à la souveraineté de l’État.

La gouvernance est alors la somme des diverses voies par lesquelles les individus et
institutions tant de la sphère publique que de la sphère privée conduisent leurs affaires
communes153. Il s’agit donc au tout premier chef d’une gestion, d’une administration mais qui
ne se résoudrait pas en gérance ou intendance154. Le concept prend le contre-pied de l’héritage
de la philosophie politique moderne de la souveraineté étatique155.

La régulation s’apparente à la gouvernance. En fait, celle-là appelle celle-ci ; sortant la


société du « tout État » ou du « tout marché ». Elle est un guidage d’action dans le cadre d’un
système organisé ayant des échanges avec son environnement et mettant en œuvre des
processus d’adaptation. La gouvernance adopte alors une approche générale des questions de
survivance et de postérité de l’humanité ou de la nation. En reconnaissant la nature systémique
de ces questions elle doit proposer des approches systémiques pour en traiter156. L’on assiste
alors à une transformation qui pour certains est une décomposition du système juridique par le
marché 157 . La régulation par le style de gouvernance qu’elle apporte aboutit à une
harmonisation entre le système de l’État et le système de marché. Elle présuppose « l’idée
d’harmonisation des intérêts », la possibilité « de faire du collectif à partir de l’individuel », en
même temps que, la rationalité de l’organisation sociale », « un univers social pacifié », et
« l’image du tiers régulateur », une instance capable, par sa position d’extériorité et de
supériorité par rapport aux intérêts en présence, de ramener la diversité à l’unité, l’hétérogénéité
à l’homogénéité, le désordre à l’ordre 158 . Appliquer à l’action économique publique, la
régulation est susceptible de redonner à cette dernière une légitimité, faisant de l’État, le

151
ARNAUD (A.-J.), « De la régulation par le droit à l’heure de la globalisation. Quelques observations critiques »,
op cit., p.29
152
CHEVALLIER (J.), Institutions politiques, Paris, LGDJ, 1996, p.69. Citant Michel CROZIER à la RFAP, n°15,
1980
153
COMMISSION ON GLOBAL GOVERNANCE, Our Global Neighborhood, New York, Oxford University
Press, 1995, p.2 [TDA].
154
ARNAUD (A.-J.), « De la régulation par le droit à l’heure de la globalisation. Quelques observations critiques »,
op cit, p.29.
155
Ibid., p.30.
156
COMMISSION ON GLOBAL GOVERNANCE, Our Global Neighborhood, New York, Oxford University
Press, 1995, p.4. [TDA].
157
MAZERES (J.-A.), « L’un et le multiple dans la dialectique marché-nation », in STERN (B.), (dir.), Marché et
Nation. Regards croisés. Paris, Montchrestien, 1995, p.145.
158
CHEVALLIER (J.), « De quelques usages du concept de régulation », op cit, pp.87-88.

24
principe d’ordre et de cohésion 159 . Dans cette optique, André-Jean Arnaud, parle de l’État
stratège160. En somme, il s’agit de montrer comment le système juridique camerounais conçoit
la régulation de l’économie par le Droit dans le cadre des services publics en réseaux. Cette
diversité d’intérêts qu’entend révélée cette étude, doit reposer sur un questionnement précis.

III/- L'OBJET DE L’ÉTUDE

A/- Revue de la littérature

La question de la régulation des services publics de réseaux n'est pas nouvelle dans le champ de
la recherche juridique mondiale, des études y ont été consacrées161. Ces thèses se concentrent dans un
objectif de définition de la régulation. Cette perspective de détermination de son sens et de son statut
épistémologique implique d'aborder différentes questions de droit. Il s'agit de la nature exacte de la
fonction de régulation162 ; d'autres écrits visent à déterminer de quelle branche du droit la régulation
relève ; d'autres recherches se sont concentrées sur la question de savoir si l’on est en face d'une fonction
nouvelle ou alors si la régulation relève de la police163 ; à ce propos beaucoup de recherches doctorales
voient dans la régulation une catégorie juridique nouvelle, malgré l'existence d’une thèse négative sur
cette question164.
La question de savoir si la régulation est une fonction transitoire ou pérenne a aussi retenue
l'intérêt de la doctrine, tout comme celle relative à la détermination de la manière et de la nature de ses
critères et son champ exact.

159
Ibid., pp.89-90.
160
ARNAUD (A.-J.), « De la régulation par le droit à l’heure de la globalisation. Quelques observations critiques »,
op cit, pp.28-31.
161
À titre non exhaustif, pour les monographies V. AUBY (J.-B.), « Régulation et droit administratif », in
BELLOUBET-FRIER (N.), FLOGAITIS (S.) et GONOD (P.), (dir.), Études en l’honneur de Gérard Timsit,
Bruxelles, Bruylant, 2004, p.209 ; BARBOU DES PLACES (s ), « Contribution (s), du modèle de concurrence
régulatrice à l’analyse des modes et niveaux de régulation », RFAP, 2004, p.37 ; BRACONNIER (S.), « La
régulation des services publics », RFDA, 2001, p.43 ; CHEROT (J.-Y.), « L’imprégnation du droit de la régulation
par le droit communautaire », LPA, 2002 (10), p.19 ; GAUDEMET (Y.), « La concurrence des modes et des
niveaux de régulation », RFAP, 2004, p.13 ; JOBART (J.- Ch.), « Essai de définition du concept de régulation : de
l’histoire des sciences aux usages du droit », Droit prospectif, 2004, p.33 ; COHEN (E.), « De la règlementation à
la régulation : histoire d’un concept », Problèmes économiques, 2000, p.1 ; TIMSIT (G.), « Les deux corps du
droit. Essai sur la notion de régulation », RFAP, 1996, p.375 : « Régulation et théorie du droit », in MODERNE
(F.), et MARCOU (G.), (dir.), L’idée de service public dans le droit des États de l’Union Européenne, Paris,
L’Harmattan, 2001, p.249.
162
163
La conception faisant de la régulation un type de police est le fait d'une doctrine minoritaire, v. GAUDEMET
(Y.), Droit administratif, op cité., pp.389-391.
164
SEE (A.), La notion de régulation en droit administratif. Étude critique, Op vit., p.13. Cependant, il faut noter
que l'auteur se concredit parfois, parce qu’il lui arrive de reconnaître qu’il est possible d'identifier une fonction
de régulation en droit administratif, pp.99 et s.

25
Sur les critères de la régulation, Laurence Calendri considère la régulation comme une notion
essentiellement fonctionnelle165. Cette perspective implique une négation de l'existence d’un critère
organique spécifique dans le sens où cette fonction peut être exercée par toute personne publique166.
Ces questions de droit transparaissent dans la présente étude. Toutefois, cette dernière veut se
centrer sur le problème des critères de la régulation, plus précisément pour s’aligner sur l’étude qui vise
à réunir dans la régulation deux critères cumulatifs à savoir la présence d'une autorité indépendante d'une
part, et l'existence d'une fonction particulière d'autre part. Ceci pour retenir un critère plus formel
caractérisé par un cumul de pouvoirs. À cette approche se jouxte rapidement celle relative à la
détermination du champ de la régulation. Une telle approche implique l'analyse de la pratique de la
régulation. Cette analyse a déjà retenu l'attention de la doctrine dans une optique de politique de
régulation : l'on peut y inscrire la thèse de Jules Emmanuel Domches167 qui aborde les rapports entre
l’État et la régulation des médias. Les travaux menés par Daniel Ebenezer Keuffi sur la sur la régulation
bancaire dans l'espace OHADA168, s'inscrivent plus dans une perspective communautaire. Il en est de
même des travaux de Edjangue Elombo Gaëtan169. Dès lors, il n'y a pas de recherches avec pour objet
les moyens d’implémentation concrète de la fonction de régulation dans les secteurs publics de réseau.
C'est cette lacune que la présente étude veut tenter de combler.
B/- LA PROBLÉMATIQUE ET L'HYPOTHÈSE DE L’ÉTUDE
La libéralisation des services publics de réseaux fait émerger une nouvelle fonction de
l’État à savoir la fonction de régulation. En tant qu’activité administrative nouvelle de nature
économique, la régulation s’inscrit dans démarche globale de mutations des modèles
économiques. Ainsi porte-t-elle la logique d’ensemble consistant à faire émerger l’économie de
marché au Cameroun. Les objectifs de la régulation s’articulent autour de la construction de la
concurrence et de son maintien en équilibre avec d'autres exigences. Le problème est donc celui
de la concrétisation par les autorités de régulation. Cette concrétisation impliquant de détenir
les compétences et pouvoirs nécessaires pour introduire la concurrence et la maintenir dans un
équilibre permanent avec d’autres exigences. Il s'agit alors dans cette étude de mettre en avant
les modalités d’intervention de l’État régulateur camerounais. La question au centre de cette
recherche est alors celle de savoir Comment les organismes de régulation opèrent-ils la

165
CALENDRI (L.), Recherches sur la notion de régulation en droit administratif français, op cit., pp.71 et s., et p.91.
166
V. MARCOU (S.), « La notion juridique de régulation », op vit., p.348 ; GAUDEMET ( Y.), « La concurrence des
modes et des niveaux de régulation. Introduction », op vit., pp.13-16.
167
DOMCHES (J. E.), L'Etat et la régulation des médias au Cameroun,
168
KEUFFI (D. E.), La régulation des marchés financiers dans l’espace OHADA, Thèse de droit, Université de
Dschang et Université de Strasbourg, 2010, 481p. V. NJEUFACK TEMGWA (R.), « Étude de la notion de
collaboration dans les procédures en droit de la concurrence : une lecture de droit africain (CEMAC et UEMOA)
sous le prisme du droit européen », in Revue de droit international et de droit comparé, 2009, n°1, pp.75-102.
169
EDJANGUE ELOMBO (G.), La régulation économique en zone CEMAC,

26
régulation des services publics en réseaux ? La problématique ainsi posée questionne les
compétences déléguées aux autorités de régulation sectorielle Camerounais.
La compétence peut se définir comme un pouvoir d’action juridique confié légalement
à une autorité. Ce n'est donc aucunement un droit subjectif, mais un pouvoir légal organisé
selon le cas par la constitution, la loi et sous le contrôle du juge170. Toutefois, si ce dernier
aspect est important, il concerne plus le champ de la portée des décisions des autorités de
régulation. La problématique veut donc uniquement s’intéresser à l’activité administrative de
régulation en soi, c’est-à-dire celle exercée au premier niveau par les organismes de
régulation171. Cependant, loin de se limiter à une simple identification, la recherche veut aussi
analyser l’étendue même de la délégation desdites compétences Ceci permet de mettre en
lumière le degré d’autonomie des organismes camerounais dans l’accomplissement de la
fonction de régulation.
En guise d'hypothèse, l’étude veut démontrer que la régulation des services publics en
réseaux s’opère de manière duale, en ce qu’elle est à la fois non-contentieuse et contentieuse.
Autrement dit, Il sera donc possible d’observer que les compétences des autorités de régulation
au Cameroun sont inédites pour des organismes qualifiés d’établissements publics, diversifiées
dans leur nature en ce qu'elles sont à la fois non contentieuses et contentieuses. En même temps
qu'elles sont fortement étendues et soumises à un encadrement qui démontre une
juridictionnalisation de la fonction de régulation sectorielle au Cameroun. Ce qui induit une
forte emprise des autorités de régulation sur tout le processus de régulation des services publics
de réseaux et ce pour la satisfaction des besoins de la population. Elles leurs permettent d’avoir
une forte emprise sur le processus d’ouverture à la concurrence des secteurs publics marchands.
De même ces différentes compétences emportent au passage une double approche de l’État de
droit au Cameroun. De fait donc, ils sont révélateurs de la spécificité de la fonction de régulation.
Procéder à une telle démonstration ne peut se faire sans le choix des méthodes et des techniques
de recherches adéquates.

IV/- METHODES ET TECHNIQUES DE RECHERCHE

Toute recherche scientifique se doit de reposer sur une base méthodologique. Il faut
reconnaître avec François Grua que, le besoin de méthode resurgit quand on observe que l’idée
d’un droit positif qui aurait réponse à tout se révèle illusoire. L’accumulation des textes et des

170
V. ROUSSET ( M.), et ROUSSET ( O.), Droit administratif 1, l’action administrative, 2e édition, Paris, Presses
Universitaires de Grenoble, 2004, spéc., pp.144-145.
171
Le second niveau qui concerne les juges sera alors exclu.

27
décisions de jurisprudence tend davantage à compliquer le droit qu’à le simplifier. Sans
méthode, on s’y noie. Dès lors conclut-il qu'on ne démontre rien sans méthode172. Le choix de
la méthode doit aussi être guidé par les préoccupations inhérentes au sujet que l’on entend
aborder et des objectifs que l’on prétend atteindre.

Plusieurs méthodes s’offrent à nous pour parvenir à nos objectifs. Il s’agit de la méthode
juridique dans ces deux composantes que sont l’exégèse ou dogmatique et la casuistique173.
Cette méthode juridique à elle seule, n’est pas apte à desceller les spécificités de la
problématique de la régulation économique174. En effet, le droit est appelé à s’appliquer dans
une société donnée, de ce fait même, le recours à une explication des faits sociaux ne doit pas
être négligé. C’est l’une des critiques adressées au positivisme-normativisme 175 , qui ne
s’intéresse qu’à ce qui doit être selon les énoncés prescriptifs et non à ce qui est.
Une autre méthode est donc nécessaire pour être couplée avec la première ; il s’agit de
l’approche sociologique176. D’ailleurs, Gérard Timsit177 le relève bien, la régulation en plus
d’être une notion juridique est aussi un phénomène, donc quelque chose d’observable
concrètement. Le droit doit donc prendre en compte les réalités qui influencent son élaboration
et prendre de plus en plus en compte, le droit vivant, c’est-à-dire les relations entre les forces
sociales178 et dans notre cas entre les acteurs économiques.
À côté de ces méthodes, la méthode comparative s’impose ici d’elle-même. Il faut dire
en effet, que le juriste africain semble se situer au carrefour de plusieurs mondes, de fait il a une
vocation naturelle au droit comparé. En réalité, la science appliquée dans les États africains
porte en elle-même le germe de la comparaison. Ainsi toute réflexion portant sur le droit africain,
se résout en un incessant pèlerinage de l’esprit entre la réalité observable localement et le
répertoire d’où a été tiré (e) telle notion ou tel concept 179. Une étude sur la régulation des
services publics en réseaux au Cameroun ne fait donc pas exception. Il est clair donc
qu’un « zeste de droit comparé 180 » soit devenu « indispensable dans toute recherche

172
GRUA (F.), Méthodes des études de droit, conseils sur la dissertation et le commentaire, Paris, Dalloz,
collection méthode de droit, 2006, p.2.
173
ROUVIERE (F.), « Apologie de la casuistique juridique », Recueil Dalloz, 2017, pp.118-123.
174
L. DUGUIT, Traité de droit constitutionnel, tome 1, 3e, Paris, éd. De Boccard, 1927, p.64.
175
GOYARD-FABRE (S.), « L’illusion positiviste », in Mélanges Paul Amselek, Bruxelles, Bruylant, 2005, p.374.
176
BOURDIEU (P.), « La force du droit. Éléments pour une sociologie du champ juridique », Actes de la
recherche en sciences sociales, 64, 1986, pp.5-19. ; COMMAILLE (J.), et PERRIN (J.-F.), « Le modèle de Janus
de la sociologie du droit », Droit et Société, n°2, 1985, pp.117-134.
177
TIMSIT (G.), « La régulation : la notion et le phénomène », op cit., pp. 5 et s.
178
ATANGANA AMOUGOU (J.-L.), « Les accords de paix dans l’ordre juridique interne en Afrique », RASJ,
vol 4, n°1, 2007, p.233.
179
V. VANDERLINDEN (J.), Les systèmes juridiques africains, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1983, p.6.
180
PFERSMANN (O.), « Le droit comparé comme interprétation et comme théorie du droit », RIDC, 2001, n°2,
p.275.

28
doctorale181 ». La méthode comparative permet alors d’analyser les spécificités internes au
système juridique camerounais et le cas échéant susciter des enrichissements ultérieurs aux
régulateurs eux-mêmes et au législateur camerounais pour une perfection du système de
régulation. C'est une méthode pertinente dans un souci d’évaluation. Ainsi le modèle français
où l’activité de régulation y est beaucoup plus avancée dans sa pratique, puisque plusieurs
problématiques non encore survenues dans notre contexte national, y ont là-bas déjà trouvé des
solutions plus ou moins intéressantes pour notre jeune système de régulation. Cette
considération comparative laisse entrevoir que même si l’étude va consister en l’analyse du
droit positif, elle sera parfois menée dans une direction prospective consistant à s’inspirer donc
des avancées réalisées ailleurs, et en tenant compte du contexte camerounais pour proposer des
solutions pouvant contribuer à pallier les insuffisances et défaillances actuelles. La méthode est
aussi nécessaire parce qu’elle sert grâce au recours aux décisions étrangères qu’elle favorise à
combler les lacunes et la rareté des décisions des autorités de régulation sur certaines questions
dans notre contexte.
Pour ne pas fragiliser ces méthodes et leur donner par là même la possibilité de produire
leurs pleins effets, nous comptons les soutenir par la technique documentaire. Cette technique
permet au chercheur de prendre connaissance de tout ce qui a été écrit sur le sujet qu’il a choisi.
Il s’agira ainsi de consulter librement les ouvrages, les périodiques, les articles, les cours et
voire même les sites internet. Tant il est vrai que de nos jours, une recherche quelle qu’elle soit,
ne peut valablement se faire sans l’apport de l’internet.

La recherche s’inscrira aussi dans une perspective interdisciplinaire très stimulante pour
une théorie des règles juridiques182, il faut dire que l’analyse du droit dans l’action économique
ne peut s’accommoder d’une analyse dans un cadre stricte. Ainsi pourrons-nous recourir au
besoin à la théorie économique. À ce propos, Max Weber, estimait déjà que la théorie
économique, se trouve sur le plan de l’évènement réel et non sur celui de la norme idéale
applicables, puisqu’elle se donne pour objectif de saisir de façon concrètes, les rapports
sociaux183. L’analyse économique du droit revêt alors ici un fort intérêt 184. Elle applique dès
lors des concepts issus de la science économique ou développés par elle à des phénomènes

181
Idem.
182
JEAMMAUD (A.), « Conclusion : L’interdisciplinarité, épreuve et stimulant pour une théorie des règles
juridiques », in KIRAT (T.) et SERVERIN (E.) (dir.), Le droit dans l’action économique, Paris, CNRS éditions,
2000, pp.219-231.
183
WEBER (M.), Économie et Société, t.1 Les catégories de la sociologie, trad. DE DAMPIERRE (E.), Paris,
Plon, 1971, pp.321 et ss.
184
FRISON-ROCHE (M.-A.), « L’intérêt pour le système juridique de l’analyse économique du droit », LPA, n°99,
2005, pp.15-22.

29
juridiques. Sa présence dans les recherches juridiques est assez présente même si elle n’est pas
ouvertement énoncée. Mais cette perspective permet de comprendre pourquoi et comment on
sélectionne des décisions économiquement efficaces, de plus en plus l’on exige des règles de
droit, des contrats, de la responsabilité, une certaine efficacité économique185 ; le règlement
transactionnel des litiges y entre aussi186.
V/- PLAN DE LA RECHERCHE
La problématique permet ainsi d’analyser la compétence matérielle des autorités de
régulation pour construire la concurrence et la maintenir en équilibre dans les secteurs
économiques. Ceci en soulignant, les transformations qu’ils subissent, les finalités qu’ils visent,
dans une logique nouvelle, poser le marché et l’État en partenaire, pour mieux satisfaire les
besoins de la population, et aussi leurs effets sur le système juridique camerounais. Dès lors
notre travail entend adopter un plan binaire traditionnel dans la recherche juridique, Ces deux
parties correspondent au timing de la régulation qui oscille entre ex ante et ex post. Toutefois il
ne s’agit que d’un continuum entre le non contentieux et le contentieux.

Ainsi étudierons nous en premier lieu, dans une perspective justement ex ante, la
compétence non contentieuse des autorités de régulation des services publics en réseau
(première partie). Il s’agit pour les autorités de régulation de construire la concurrence, par la
diversification des opérateurs intervenants dans les secteurs économiques. De plus, il leur faut
maintenir cette concurrence dans un état d’efficacité, lui permettant de satisfaire pleinement les
besoins d’intérêt général, cette concurrence se doit donc d’être effective et saine. Ce qui
implique de prévenir des éventuels dysfonctionnements des services publics en réseaux. Ceci
passe par la sanctification des comportements des opérateurs. Dans cette occurrence, les
mesures concurrentielles ou mieux encore les instruments du droit de la concurrence deviennent
des instruments de régulation.

Dans un second temps, il s'agira pour nous d’analyser la compétence contentieuse des
autorités de régulation (deuxième partie). C’est une régulation réparatrice, en ce qu’elle répare
les dysfonctionnements intervenus dans le fonctionnement des industries de réseaux, afin de

185
CANIVET (G.), FRISON-ROCHE (M.-A.) et KLEIN (M.), (dir.), Mesurer l’efficacité économique du droit,
Paris, LGDJ, coll. « droit et économie », 2005, 170p.
186
KIRAT (Th.), « Le problème de l’efficacité du droit. Quelques notes pour introduire le débat », Document de
travail, Séminaire Édouard Lambert de Droit et économie, Lyon, 23 janvier 1998, p.25; JEAN (J.-P.), « Politique
criminelle et nouvelle économie du système pénal », AJ pénal, 2006, p.474 ; JUNG (H.), « Le plaider coupable et
la théorie du procès », in Le droit pénal à l’aube du troisième millénaire- mélanges offerts à Jean Pradel, pp.805
et ss. ; TULKENS (F.) et VAN DE KERCHOVE (G.), « La justice pénale : justice imposée, justice participative,
justice consensuelle ou justice négociée ? », RD Pén. crim., 1996, pp.445 et ss.

30
rétablir l’équilibre du système. Ces dysfonctionnements étant généralement le fait des
opérateurs qui veulent se soustraire à la concurrence et ainsi abîmé la dynamique du marché.
Dans ce contexte, les autorités de régulation camerounaises disposent

De compétences contentieuses inédites pour des organismes qualifiés d’établissement public


administratif. L’octroi de tels pouvoirs régulateurs laisse transparaître en eux. La figure du juge.
En fait, ces pouvoirs contentieux marquent l’option camerounaise pour une juridictionnalisation
de son modèle de régulation, à travers celle de la fonction contentieuse qui y est sous-jacente.
Cette perspective ne pouvait donc se faire en dépit du respect des droits de l’homme, devenu
un pilier essentiel de l’État de droit à travers le monde et le Cameroun ne fait pas exception.

31
PREMIERE PARTIE :

LA COMPÉTENCE NON CONTENTIEUSE DES AUTORITÉS DE


RÉGULATION DES SECTEURS PUBLICS EN RÉSEAUX

32
La régulation des services publics de réseaux implique leur ouverture à la
concurrence, ce qui induit leur descente dans le marché, parce que ce dernier suppose la
concurrence. Jacques Chevallier écrit à propos que « (…) pas d’ordre concurrentiel concevable
sans existence d'un marché et pas de marché sans concurrence »187. Or, l'on ne peut parler de
concurrence que lorsqu’il y a plusieurs acteurs économiques dans le marché ou dans un secteur
économique donné. Ainsi pour les services publics de réseaux il faut procéder à la
déconstruction des monopoles publics. Seulement il ne s’agit pas d’accueillir dans les services
publics de réseaux, outils de développement 188 , n’importe quels opérateurs. L’État voulant
garder un droit de regard sur la qualité des opérateurs économiques intervenants dans les
services publics de réseaux libéralisés va octroyer aux autorités de régulation des instruments
de régulation. Ceux-ci devant leur permettre à la fois de « sélectionner » les nouveaux entrants,
et aussi de poser des règles juridiques visant à préserver les éléments constitutifs du marché.

Autrement-dit, le premier objectif de la régulation est la construction et le maintien de


la concurrence dans les anciens monopoles publics désormais libéralisés, l’idée étant que le
marché ne peut arriver par lui-même à un fonctionnement efficace et efficient. L’exigence d'un
marché concurrentiel suppose d’une part que les autorités de régulation doivent favoriser et
permettre une diversification des opérateurs dans lesdits secteurs économiques libéralisés189.
Ce qui suppose une régulation des accès190. Toutefois l’accès doit être maîtrisé, régulé d'un
point de vu aussi bien qualitatif que quantitatif. Cette intervention des autorités de régulation
se fait à travers leurs pouvoirs administratifs.
Premièrement. Il s’agit des instruments administratifs de règlementation. L’on y
regroupe principalement le pouvoir de réglementation et le pouvoir d’autorisation. Ils
participent de l’organisation des services publics de réseaux. Le premier instrument connaît
ainsi une diversification au travers de modes contraignants et non contraignants de
réglementation. Tandis que le second instrument voit sa conception évoluée. D'un instrument
purement policier191, l’autorisation administrative est devenue un instrument de gestion, et donc
de régulation192. La finalité d’ouverture à la concurrence ou de construction de la concurrence

187
CHEVALLIER ( J.), « État et ordre concurrentiel », in L’ordre concurrentiel. Mélanges en l’honneur d’Antoine
Pirovano, Paris, éditions Frison-Roche, 2003, pp.59-72, spéc., p.59.
188
BOYER ( R.), « État, marché et développement : une nouvelle synthèse pour le XXI e siècle ? », op cit., p.11.
189
V. PERROT (A.), »Les frontières entre régulation sectorielle et politique de la concurrence », in
Réglementation et concurrence, Paris, AFSF, 2001, p.,7.
190
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Les nouveaux champs de la régulation », RFAP, n°110, p.53.
191
SEUROT ( L.), L’autorisation administrative, op cit., pp. 55 et s.
192
V. SEUROT ( L.), L’autorisation administrative, op cit., pp.375 et s.

33
induit donc des modifications dans la perception des pouvoirs administratifs des autorités de
régulation (titre 1).
Deuxièmement le législateur camerounais offre un pouvoir administratif de contrôle
aux organismes de régulation des services publics de réseaux. Il s’agit ici de rendre effective la
concurrence et donc l’ouverture des secteurs économiques. Il faut souligner ici que lorsque l'on
parle de régulation des services publics en réseaux il faut faire l’association de deux formes de
régulation. La première forme dite sectorielle vise à créer les conditions d’une concurrence
souhaitable dans le secteur193. Tandis que la seconde forme dite transversale ou horizontale,
veille à assurer l’équilibre des relations entre les acteurs de chaque marché et assure le maintien
d’une concurrence effective pour l’ensemble des activités économiques194. Les deux formes de
régulation sont en principe assurées par des autorités différentes. Toutefois l’épaisseur séparant
les compétences des régulateurs n'est pas aussi étanche qu'on le prétend, dans la mesure où il
ressort d'une lecture affinée des textes régissant tant les régulateurs sectoriels que celui régissant
la Commission nationale de la concurrence, que les fonctions des premiers interfèrent avec
celles du second et vice versa. Le législateur communautaire CEMAC est intervenu pour
éclaircir la relation entre ces deux autorités 195 . Cela conforte simplement l’inclusion des
mesures concurrentielles comme instruments de régulation des services publics en réseaux.
L’idée étant que le marché concurrentiel implique l’existence d'un état de concurrentiel
permanent. Il s’agit au-delà de la construction ou de l’instauration de la concurrence, de son
maintien effectif. De ce fait, le droit de la concurrence lui-même offre des instruments pouvant
œuvrer et pour sa construction, et pour son maintien dans un état satisfaisant pour le marché.
L’analyse du pouvoir de contrôle comme instrument de régulation impliquera ici de s’attarder
sur l’objet de ce pouvoir qui est double. Le premier est relatif aux conditions d’accès tandis que
le second objet concerne les comportements des opérateurs économiques une fois dans le
marché libéralisé (titre 2). Ces instruments se déploient de façon normale, c’est-à-dire en dehors
de tout dysfonctionnement ou de toutes réclamations contentieuses. Ils sont alors qualifiés de
non-contentieux.

193
V. FRISON-ROCHE (M.-A.), « Définition du droit de la régulation économique », op cit., p.9.
194
NAUGES (S.), « L’articulation entre droit commun de la concurrence et droit de la régulation
sectorielle »,AJDA, 2007, p.672.
195
V. Directive n°01/19-UEAC-639-CM-33 Relative à l’organisation institutionnelle dans les États membres de
la CEMAC pour l’application des règles communautaire de la concurrence.

34
TITRE 1 : LA COMPÉTENCE DE REGLEMENTATION DES
AUTORITÉS DE RÉGULATION DES SERVICES PUBLICS DE RESEAUX

35
Les autorités de régulation sont des organes décisionnels indépendants du gouvernement
tout en faisant partie de l’administration196. Cette intégration au sein de l’administration évoque
la nature administrative des autorités de régulation. Pierre de Montalivet 197 écrivait en ce qui
concerne le droit français que « Le Conseil a reconnu la nature administrative des autorités,
tant de manière négative que positive. Il ne leur a pas conféré une place à part dans
l’architecture traditionnelle des pouvoirs, banalisant ainsi leur création ». Le même constat
peut être fait à certain égard au Cameroun. Le statut juridique d’établissement public
administratif 198 , à l’exception du conseil national de la communication dont le décret
d’organisation ne donne aucune précision. Néanmoins cela ne fait pas de cet organisme autre
chose qu’une autorité administrative199. Ce statut juridique dont bénéficient les organismes de
régulation camerounais semble banaliser ces institutions, en même temps, qu'il admet leur
nature administrative. Ils sont alors considérés comme étant placés sous l’autorité et le contrôle
des autorités exerçant le pouvoir exécutif. La tutelle sur les établissements publics n’induit pas
200
une autre lecture . De ce qui précède, les autorités de régulation peuvent dans
l’accomplissement de leurs missions disposer des pouvoirs administratifs reconnus
habituellement au pouvoir exécutif. Ils jouent donc aussi un rôle normatif. Ainsi bénéficient-ils
d'un pouvoir de réglementation (chapitre 1) et d'un pouvoir d’autorisation (chapitre 2). Leurs
permettant d’ouvrir effectivement les services publics de réseaux à la concurrence par la
diversification des acteurs économiques. En somme, il s’agit ici de promouvoir l’accès aux
différents marchés.

196
MONTALIVET (P. de), « Constitution et autorités de régulation », RDP, n°2, 2014, p.316.
197
Ibid., p.318.
198
C'est le cas de tous les organes de régulation des services publics de réseaux au Cameroun, voir Décret
n°2012/203 du 20 avril 2012 portant organisation et fonctionnement de l’agence de régulation des
télécommunications ; Décret n°2019/172 du 05 avril 2019 portant réorganisation de l’autorité portuaire nationale ;
Décret n°2013/ du 28 juin 3013 portant organisation et fonctionnement de l’ARSEL ; Décret n°2015/232 du 25
mai 2015 portant organisation et fonctionnement de l’autorité aéronautique du Cameroun.
199
Décret n°2012/038 du 23 janvier 2012 portant réorganisation du conseil national de la communication ;
200
V. Arts. 7 et suiv., De la loi n°2017/010 du 12 juillet 2017 portant statut général des établissements publics.

36
CHAPITRE 1 : LE POUVOIR DE REGLEMENTATION DES RÉGULATEURS
SECTORIELS CAMEROUNAIS

La régulation parce qu’elle a pour vocation d’organiser des secteurs techniques et


économiques, « renvoie à la règle, au fait de poser des règles »201. Ainsi a-t-elle souvent été
confondue avec la réglementation, alors même que les deux doivent être distingués202. En effet,
la définition donnée ici de la régulation 203 ne correspond pas à celle admise pour la
réglementation perçue « comme l’activité par laquelle sont énoncées, dans des textes formels,
les obligations spécifiques des sujets de droit »204. Cette confusion s’observe beaucoup plus
dans la langue anglaise qui emploie le mot régulation, pour couvrir les deux sens. Alors même
que la langue française convie plutôt à la distinction. De sorte que, la réglementation demeure
comme un instrument disponible pour la régulation205, un « moyen dynamique de faire passer
un secteur d'un état à un autre »206.
De façon générale l’on parle alors du pouvoir de réglementation. Il s’entend comme
celui habilitant ou permettant à un organisme de réglementer c’est-à-dire prendre un ensemble
de mesures pour régir une question de droit. Les mesures peuvent être diverses. Les systèmes
juridiques posent une distinction entre les actes de valeur législative et les actes de valeur
réglementaire qui sont alors destinés à organiser la vie en société. C’est à la dernière catégorie
d’actes que l’on fera référence ici.
Pour la régulation des services publics en réseaux le législateur camerounais aura
octroyé aux autorités de régulation un pouvoir de réglementation comme instrument
d’accomplissement de leurs missions. Ainsi est-il reconnu à l'ART la compétence de définir les
principes devant régir la tarification des services fournis ou encore de définir les conditions et
obligations d’interconnexion et de partage d’infrastructures, d’établir et de gérer le plan de
numérotation 207 ou encore de définir les modalités de fonctionnement des services de
communications électroniques208. Le Conseil national de la communication dispose aussi d’un

201
LEFEBVRE (J.), « Un pouvoir réglementaire à géométrie variable », in Le désordre des autorités
administratives indépendantes : l’exemple du secteur économique et financier, op cit., p.97.
202
SIMO KOUAM (Fr. A.), « La régulation de l’activité audiovisuelle à l’épreuve du tout numérique au
Cameroun », op cit., spéc., pp.112-113.
203
V. FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le droit de la régulation », op cit., pp.610-616.
204
V. RABOY (M.), « De la réglementation à la régulation : la gouvernance des communications à l’ère
d’Internet », disponible en ligne à l’adresse http://media.mcgill.ça/filles/2001, consulté le 20 juillet 2019.
205
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le droit de la régulation », op cit., p.610.
206
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Les différentes définitions de la régulation », Petites Affiches, 10 juillet 1998,
n°82 ;
207
Art. 36 al. 2 de la loi n°2010/013 régissant les communications électroniques.
208
V. Décision n°0000001/ART/DG/DLCI du 02 janvier 2018, prescrivant aux opérateurs les modalités de
fonctionnement du service de messagerie vocale

37
pouvoir réglementaire en ce qu'il est habilité à fixer son règlement intérieur qui détermine entre
autre les règles de procédure et les modalités des délibérations 209. Il en est de même pour le
CCAA qui est chargé « de la mise en œuvre de la politique de l’aviation civile nationale et
communautaire notamment de la réglementation et du contrôle de l’aviation civile, en matière
de sécurité, de sûreté et d’économie »210, ou pour l’autorité portuaire nationale211.

Il est à souligner que les termes « règlement » ou « règle » ou encore « décision » sont
utilisés par le législateur camerounais pour les autorités de régulation à l'instar, outre du CCAA
ci-dessus présenter, de l’ARSEL212. Ce qui démontre à suffire de leur compétence à prendre
des actes de portée générale et impersonnelle appelés « décision » ou « instructions », qui sont
des termes renvoyant directement au règlement ou à des règles professionnelles, qui à
l’évidence sont des règles de droit créées par les autorités de régulation213. De sorte que le
pouvoir réglementaire est le premier procédé de règlementation reconnu aux autorités de
régulation (section 1), premier certes, mais pas le seul, la réglementation peut procéder de
plusieurs techniques globalement classées en fonction du rôle que doivent jouer les pouvoirs
publics214. Les autorités de régulation camerounaises disposent de d’autres instruments pouvant
leur permettre de réglementer, d’organiser la vie dans les secteurs publics en réseaux ouvert à
la concurrence, on pourrait parler alors d’une régulation souple, mais dont l’influence sur les
opérateurs n'a rien à envier au pouvoir réglementaire classique (section 2).

SECTION 1 : LE POUVOIR REGLEMENTAIRE DES REGULATEURS


SECTORIELS CAMEROUNAIS, UN INSTRUMENT CONTRAIGNANT DE
REGULATION

Les autorités de régulation bénéficient d’une action normative classique qui s’exerce par
l’édiction de décisions individuelles et de décisions réglementaires, lesquelles se distinguent
des premières par leur caractère général et impersonnel. Cette perspective ne va pas sans poser
des questions d'ordre constitutionnel, voir démocratique tournant autour de la légitimité d’une

209
Art. 12 du décret n°2012/038 du 23 janvier 2012 portant réorganisation du Conseil national de la
communication ; Décision n°00005/PC/CNC du 25 avril 2013 portant règlement intérieur du Conseil national de
la communication « Décision du 28 mai 2014 portant procédure de traitement des plaintes, annexée au Règlement
intérieur du Conseil national de la Communication.
210
V. Art. 3 du Décret n°2015/232 du 25 mai 2015 portant organisation et fonctionnement de l’autorité
aéronautique du Cameroun.
211
V. Décret n°2019/172 du 5 avril 2019 portant réorganisation de l’autorité portuaire nationale
212
V. Art. 22 al. 5 du décret n°2000/464/PM du 30 juin 2000 régissant les activités du secteur de l’électricité.
213
LEFEBVRE (J.), « Un pouvoir réglementaire à géométrie variable », op cit., p.97.
214
TCHABO SONTANG (H. M.), La réglementation du commerce électronique dans la CEMAC, contribution à
l’émergence d'un marché commun numérique, Thèse de droit, Université de Dschang, 2014, spéc., pp.19-20.

38
telle habilitation215. Il faudra donc d’une part analyser la constitutionnalité de l’attribution d'un
tel pouvoir aux autorités de régulation (paragraphe 1), pour en desceller le caractère limité du
pouvoir réglementaire confié aux organismes de régulation (paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : La constitutionnalité du pouvoir réglementaire des autorités


de régulation camerounaises

Poser le problème de la constitutionnalité du pouvoir réglementaire des autorités de


régulation c’est en réalité essayer de découvrir les bases constitutionnelles de ce pouvoir, pour
en déduire son caractère conforme ou non à la norme fondamentale. Dans cette dernière
démarche, il faut relever l’existence de pesanteurs militantes pour un refus de bases
constitutionnelles au pouvoir réglementaire des régulateurs, ce qui lui priverait donc de
légitimité (A). Toutefois, soutenir cette voue serait une erreur. L’approche comparative
permettant de soutenir à juste titre l’existence des bases constitutionnelles du pouvoir
réglementaire des autorités de régulation camerounaises (B).

A/- Les pesanteurs à dépasser dans la recherche des bases constitutionnelles du


pouvoir réglementaire des régulateurs sectoriels camerounais

II est à relever avec Marie-Anne Frison-Roche216 que dans l’ordre politique, les pouvoirs
sont des expressions de puissances qui se distinguent des manifestations de pure force par le
fait qu’ils sont fondés, autrement dit, « ils trouvent une justification agissant comme un butoir
à la question régressive de leur source » l’organisation des pouvoirs dans une société relève
alors du droit parce que le droit est une force institué qui de fait s’oppose à la force pure. La
question de la légitimité du pouvoir réglementaire des autorités de régulation se pose ainsi dans
toutes les législations comparées. Le Cameroun ne fait pas exception étant entendu que son
système constitutionnel est un héritage du droit français. De sorte que l’octroi du pouvoir
réglementaire aux régulateurs sectoriels se heurte à des difficultés constitutionnelles, Ces font
écho à un constat qui émerge dans les systèmes juridiques romano-germanique et qui concerne

215
V. DEGOFFE ( M.), « Constitution et compétences normatives économiques des ‘’autorités de régulation’’ »,
LPA, n°16, 22 janvier 2009, p.18 ; TEITGEN-COLLY ( C.), « les instances de régulation et la constitution »,
RDP, 1990, p.233.
216
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Comment fonder juridiquement le pouvoir des autorités de régulation ? », Revue
d’économie financière, n°60, « sécurité et régulation financière », 2000, pp.85-101, spéc., p.85.

39
la mise en place des institutions de régulation. Cette dernière mise en place a souvent été vue
comme dérangeant l’ordonnancement des catégories juridiques classiques217.

Les systèmes juridiques y compris celui camerounais reposent sur le principe que la
constitution, norme fondamentale est la gardienne des pouvoirs politiques. Elle leur donne leur
légitimité dans l’État. De fait, les pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif prennent leurs
sources dans la loi fondamentale. C'est le socle même du principe de la séparation des
pouvoirs 218 . Le pouvoir règlementaire, que d’aucun qualifie « d’enfant illégitime de la
séparation des pouvoirs »219, respecte ladite séparation. Il est de fait le pouvoir des organes de
l’exécutif. Le pouvoir réglementaire est le cœur du pouvoir exécutif. Michel Verpeaux écrivait
dans ce sens que « le pouvoir réglementaire demeure le pouvoir d’une autorité qui n’est ni une
assemblée législative ni une juridiction »220. C'est ainsi que la constitution camerounaise du 18
janvier 1996 pose comme titulaire de ce pouvoir, la tête de l’exécutif qu’est le Président de la
république221 et le premier ministre, chef du gouvernement222.

Il n'est donc aucunement fait allusion aux organismes de régulation. De sorte que le fait
pour le législateur camerounais de leur reconnaître un tel pouvoir, ce qui au passage fragmente
le pouvoir exécutif, serait alors inconstitutionnelle. Il apparaît que les textes juridiques
sectoriels régissant les autorités de régulation s’opposent à la lettre de la loi fondamentale. Une
telle conclusion serait trop hâtive, puisqu’elle serait le résultat d'une lecture stricte de la
constitution. En plus, la constitution camerounaise ne pouvait désigner ces autorités de
régulation qui sont de création législative récente. En effet, les premières autorités de régulation
autonomes naissent au courant des années 1998223. De plus, la question n’a pas été posée au
juge constitutionnel.

Pour toutes ces raisons le pouvoir réglementaire des autorités de régulation ne peut avoir
de bases constitutionnelles. En se référant au droit français où la problématique a fait l’objet de
polémique224 on remarque que l’octroi d'un pouvoir réglementaire aux autorités de régulation
se heurte aux dispositions constitutionnelles qui confèrent une telle prérogative au Président de

217
AUTIN ( J.-L.), « Les autorités administratives indépendantes et la constitution », op cit., p.333.
218
V. MONTESQUIEU, De l’esprit des lois, GF Flammarion, tome 1, 1979, 506p.
219
V. FROMONT (M.), « Préface », à VERPEAUX (M.), La naissance du pouvoir réglementaire 1789-1799,
Paris, PUF, 1991, p.v.
220
VERPEAUX (M.), La naissance du pouvoir réglementaire 1789-1799, Paris, PUF, 1991, p.4.
221
Art. 5 de la constitution du 18 janvier 1996
222
Art. 12 al. 1 de la constitution du 18 janvier 1996
223
C'est en cette année que le législateur camerounais institue les régulateurs sectoriels comme l’art, l’ARSEL
224
HAQUET (A.), « Le pouvoir réglementaire des autorités administratives indépendantes : réflexions sur son
objet et sa légitimité », op. cit., p.394.

40
la république et au premier ministre certes, mais cela n’est pas rédhibitoire. Il est donc possible
de trouver des bases constitutionnelles au pouvoir réglementaire des autorités de régulation.

B/- Les bases constitutionnelles du pouvoir réglementaire des régulateurs


camerounais

Le problème ainsi posé n'est pas propre au Cameroun, le droit français en offre aussi une
illustration, et une solution posée par le juge constitutionnel. En effet, à la question de savoir si
le pouvoir réglementaire des autorités administratives indépendantes (en abrégé AAI) était
contraire à la constitution, en ce que sa dévolution ne s'appuie sur aucune disposition
constitutionnelle existante. Le conseil constitutionnel français répond que le pouvoir
réglementaire consacré par la constitution et conféré au Premier ministre, sous réserve des
pouvoirs reconnus au président de la république, n'est pas exclusif, autrement dit, il ne doit pas
faire obstacle à ce que le législateur confie à une autorité de l’État mieux à une autorité publique
le soin de fixer des normes permettant de mettre en œuvre la loi225. Le passage de la référence
« à une autorité de l’État » 226 a cédé la place de celle d’« autorité publique »227 permet de
couvrir l’exercice du pouvoir réglementaire par des autorités non étatiques. L'on pense ici aux
collectivités territoriales.

La même lecture pourrait être transposable dans le contexte camerounais. D’autant plus
que la référence française aux autorités publique pose un lien avec la décentralisation et surtout
avec le principe de libre administration, puisqu’il évoque l’idée d’une personnalisation qui se
concrétise en droit publique par l’octroi de la personnalité morale. Le Conseil d’État français
indiquait que « (…) une fois prise la décision de créer un établissement public, il importe de
respecter pleinement le principe de l’autonomie » 228
. Or en droit camerounais, la
décentralisation et partant la libre administration sont consacrées par la constitution 229 , et

225
V. Cons. Const., n°86-217 DC, 18 septembre 1986, Liberté de communication, RJC-I, p.283 et s., Considérant
n°58.
226
V. Cons. Const., n°88-248 DC, 28 juillet 1989, Commission des opérations de bourse, RJC-I, pp.339 et s.,
Considérant n°15 ; n°93-324 DC, 3 aout 1993, indépendance de la banque de France, RJC-I, pp.537 et s.,
considérant n°13.
227
Cons. Const., n°91-304 DC, 15 janvier 1992, Liberté de communication, RJC-I, p.481 et s., Considérant n°12 ;
n°96-378 DC, 23 juillet 1996, Réglementation des télécommunications, RJC-I, pp.675 et s., Considérant n°11.
228
CONSEIL d’ÉTAT, Les établissements publics, rapport d’étude, Les études du Conseil d’État, 2009, spéc., p.7.
229
Le constituant camerounais énonce que « le Cameroun est un État unitaire décentralisé » v. Art. 1 al. 2 de la
constitution du 18 janvier 1996 ; il consacre de même la libre administration, v. Art. 55 al. 2 de la constitution du,
18 janvier 1996.

41
comportent justement le principe de l’autonomie 230 . Ce qui débouche logiquement à la
reconnaissance d’un pouvoir réglementaire et pas seulement aux collectivités locales231.

De sorte qu’en partant de la libre administration l'on peut trouver un fondement au


pouvoir réglementaire des organismes de régulation, ce qui ne serait qu’une transposition à ces
derniers du raisonnement ayant conduit à reconnaître un pouvoir réglementaire local aux
collectivités territoriales232.

La qualification des autorités de régulation camerounais d’établissements publics


administratif233, les inscrits dans une optique de décentralisation au sens fonctionnel ou encore
décentralisation par service. Le recours à cet argument peut donc aboutir à donner un fondement
constitutionnel au pouvoir réglementaire des autorités publiques au Cameroun en y incluant les
autorités de régulation. De plus, la nécessité de la conduite des affaires publiques qui inclue
l’exécution des lois par l’administration au sens large, oblige à conférer le pouvoir
réglementaire à des échelons divers de la gestion publique 234 . Dès lors, le fondement
constitutionnel de ce pouvoir ne serait pas explicite, il repose sur une assise constitutionnelle
implicite.

En partant du principe d’autonomie contenu dans la libre administration pour donner


une assise constitutionnelle implicite ou indirecte au pouvoir réglementaire des autorités de
régulation, il en résulte que ce pouvoir n’est pas local au sens de celui des collectivités
territoriales décentralisées. Les établissements publics étant régis par le principe de spécialité,
leur pouvoir réglementaire ne peut qu'en épouser les exigences. Autrement dit, le pouvoir
réglementaire des autorités de régulation est spécial du fait qu’il est cantonné dans un domaine
circonscrit qui est le secteur d’intervention de l’autorité qui le détient235. Ce dernier type de

230
V. Titre 1 de la loi n°2019/024 du 24 décembre 2019 portant code général des collectivités territoriales
décentralisées.
231
HAQUET (A.), « Le pouvoir réglementaire des autorités administratives indépendantes. Réflexions sur son
objet et sa légitimité » RDP, n°2, 2008, pp.393-417 ; RIOUX (A.), « Le principe constitutionnel de la libre
administration des collectivités territoriales », RFDA, n°8, 1992, spéc., p.438.
232
MONEMBOU (C.), « Le pouvoir réglementaire des collectivités locales dans les États d’Afrique noire
francophone ( le cas du Cameroun, du Gabon et du Sénégal) », Revue CAMES/ SJP, n°002/2015, pp.79-111 ;
FAVOREU (L.), « Libre administration et principes constitutionnels », in MOREAU (J.) et DARCY (J.), La libre
administration des collectivités locales, Paris, Aix-en-Provence, Economica- PUAM, 1984, pp.63-71.
233
C'est le cas de la majorité des régulateurs sectoriels v. Décret n°2019/172 du 5 avril 2019 portant réorganisation
de l’autorité portuaire nationale ; Décret n°2015/232 du 25 mai 2015 portant organisation et fonctionnement de
l’autorité aéronautique du Cameroun ; Décret n°2012/203 du 20 avril 2012 portant organisation et fonctionnement
de l’agence de régulation des télécommunications ; Décret n°2013/ du 28 juin 3013 portant organisation et
fonctionnement de l’ARSEL.
234
C'est de ce postulat que l'on a eu en France à reconnaître un pouvoir réglementaire au ministre, v. WIENER
(C.), Recherches sur le pouvoir réglementaire des ministres, Paris, LGDJ, 1970,
235
FAURE (B.), « Le pouvoir réglementaire des autorités administratives secondaires », op cit., p.121

42
pouvoir est d’ailleurs reconnu à des organes publics aussi divers que multiples, à l’instar des
ministres.

L’idée est qu'il faut poser une distinction entre pouvoir réglementaire général ou initial
qui serait le monopole des deux autorités citées dans la constitution et le pouvoir réglementaire
spécial qui peut être lui confié à diverses autorités dans l’État 236 . De ce fait, le pouvoir
réglementaire des autorités de régulation s’exerce parallèlement à celui du premier ministre237,
ce qui relativise cette attribution, puisqu’elle doit être mise en œuvre dans le respect non pas
uniquement des lois mais, également des règlements du gouvernement238.

Le pouvoir réglementaire dans son octroi aux autorités de régulation est donc fondé sur
une logique somme toute pragmatique 239 selon laquelle les autorités de régulation doivent
disposer d’une prérogative réglementaire, dès lors qu’elles sont les mieux placées à en faire
usage efficacement de sorte à « identifier rapidement les carences juridiques ainsi que les
dispositions qui justifient des adaptations ou corrections »240 et de les combler dans la mesure
où ces autorités disposent des connaissances requises afin d’atteindre cet objectif.

Dès lors, cette attribution ne peut être conçue comme une violation de la constitution à
condition que ce pouvoir soit subordonné à la loi et aux règlements du gouvernement et limité
par la loi en ce que ces règlements n’apportent que des précisions sur des matières techniques241.
Ce dernier constat permet alors de voir dans le pouvoir réglementaire des autorités de régulation
camerounaises un pouvoir limité.

PARAGRAPHE 2 : Le pouvoir réglementaire limité des autorités de régulation


camerounais

Les régulateurs des industries de réseaux sont donc habilités à édicter des règles
générales et impersonnelles visant la mise en application de la loi dans leur domaine de

236
V. ZOUAIMA (R.), « Réflexions sur le pouvoir réglementaire des autorités administratives indépendantes »,
op cit., p.22.
237
TEITGEN-COLLY (C.), « Les autorités administratives indépendantes : histoire d’une institution » in
COLLIARD (Cl.- A.) et TIMSIT (G.), ( dir.), Les autorités administratives indépendantes, Paris, PUF, 1988,
pp.21-73, spéc., p.69.
238
V. AUTIN (J.-L.), « Le conseil supérieur de l’audiovisuel en France », RCDP, n°34, 2007, pp.83-115, spéc.,
p.89.
239
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Comment fonder juridiquement les pouvoirs des régulateurs », op cit., spéc., p.,92.
240
CONSEIL D'ETAT, Les autorités administratives indépendantes, Rapport public, op cit., p.379.
241
ZOUAIMA (R.), « Réflexions sur le pouvoir réglementaire des autorités administratives indépendantes », op
cit., p.26.

43
compétence respectif. Le constat révèle la double limite que porte ce pouvoir relativement à
son objet (A), et son domaine (B).

A/- Un pouvoir réglementaire limité dans son objet

L’octroi d'un pouvoir réglementaire à des autorités de régulation au Cameroun ne


s’inscrit pas dans une optique contraire à la constitution. La conformité ci-dessus démontrée
vise ainsi à poser les bases de la relation entre le pouvoir réglementaire des autorités
constitutionnelles que sont le Président de la république et le Premier ministre et celui des autres
autorités publiques en l’occurrence ici les autorités de régulation. Les premières détiennent le
pouvoir réglementaire initial, tandis que les secondes détiennent un pouvoir réglementaire
dérivé ou subordonné. Il est subordonné à la loi, mais aussi au pouvoir réglementaire national.

Par pouvoir réglementaire subordonné ou dérivé, il faut entendre un pouvoir


réglementaire d’application des lois, qui s’opposé à un pouvoir réglementaire autonome 242.
Leur pouvoir réglementaire est donc un pouvoir de mise en œuvre de la loi. De façon opératoire,
pour distinguer l’étendue du pouvoir de mise en œuvre de la loi, la doctrine fait une distinction
entre le « règlement d’exécution » et le « règlement d’application » 243 . Le premier fixe les
modalités complémentaires de la loi qui détermine dans certaines limites juridiques les
modalités d’application de la loi, sans lesquelles celle-ci est souvent inapplicable. Le second
type de règlement est observable lorsque le législateur ne se borne qu’à formuler au profit d’une
autorité une compétence réglementaire en se limitant à en indiquer l’objet ou même en posant
quelques principes concernant son exercice. Ce dernier aspect offre plus de possibilités de créer
une norme244. Marcel Waline écrivait déjà que « tout règlement d’application d’une loi, en
concrétisant les règles posées par celle-ci, y ajoute nécessairement quelques règles
nouvelles » 245 . Le pouvoir réglementaire des régulateurs sectoriels serait donc un pouvoir
réglementaire d’application des lois et aussi d’application des règlements. Autrement dit, les
autorités de régulation précisent des règles mais ne les instaure pas dans leur fondement246. Il
est ainsi prévu en matière d’électricité que l’ARSEL est compétente pour toute décision

242
V. CARRE DE MALBERG ( R.), Contribution à la théorie générale de l’État, tome 1, Paris, Siret, 1962, spéc.,
p.585.
243
V. AUBY ( J.-M.), « Le pouvoir réglementaire des autorités des collectivités locales. À propos de controverses
récentes », AJDA, 1984, pp.468 et s. ; du même auteur « décentralisation et source du droit », AJDA, spécial, 1992,
244
V. TEITGEN-COLLY ( C.), « Les instances de régulation et la constitution », RDP, 1990, p.166.
245
WALINE (M.), « Note sous CE, 25 octobre 1957, Duval », RDP, 1958, p.510.
246
LEFEBVRE (J.), « Un pouvoir réglementaire à géométrie variable », in DECOOPMAN (N.), (dir.), Le désordre
des autorités administratives indépendantes : l’exemple du secteur économique et financier, Paris, PUF. Collection
CEPRISCA, spéc., p.102.

44
concernant la mise en œuvre de l’ouverture du marché national de l’électricité. À cet effet donc,
« l’Agence, dans le respect de la législation en vigueur, précise, en tant que de besoin, les règles
concernant (…) »247.

C’est donc un pouvoir réglementaire subordonné à la loi et aux règlements c’est-à-dire


qu'il ne peut s’exercer en dehors du cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi, de
sorte que ledit pouvoir ne peut en aucun cas venir mettre en cause le pouvoir réglementaire
d’exécution des lois consacrés dans la constitution pour le président de la république et le
premier ministre, il y a donc subordination de ce pouvoir réglementaire à celui de ces autorités
constitutionnelles248.

Le pouvoir réglementaire des autorités de régulation dépend de la loi dont il participe


de la concrétisation. Hans Kelsen écrivait que le processus de création du droit « va du général
à l’individuel, de l’abstrait au concret. C'est un processus d’individualisation ou concrétisation
constamment croissant » 249 . De fait, ce pouvoir s’inscrit en droite ligne du principe de la
hiérarchie des normes qui emporte un principe de création des normes par degré. Les
régulateurs sectoriels seraient le degré le moins élevé. L'on comprend pourquoi un recensement
non exhaustif des actes réglementaires de ces derniers porte les noms soit de « décision »250 soit
alors de note-instruction251.

Cette subordination conforte la constitutionnalité de la dévolution d’un pouvoir


réglementaire aux autorités de régulation. Le pouvoir réglementaire est donc résiduel et
demeure toujours à la merci de l’intervention de celui prévu par la constitution de 1996. En
guise d’illustration, dans le secteur des communications électroniques le législateur
camerounais donne compétence à l'ART de définir les conditions et obligations

247
Art. 22 al. 5 du décret n°2000/464/PM du 30 juin 2000 régissant les activités du secteur de l’électricité.
248
Le même constat peut être fait en France, Cons., Const., n°2001-454 DC, 17 janvier 2002 statut de la Corse,
op. Cit., considérant 13 ; CE Avis, 3 février 2001, projet de loi modifiant et complétant le statut de la collectivité
territoriale de Corse, Juris- Classeur, 19 avril 2001, n°8, Fasc. 21, para. 114-1.
249
KELSEN (H.), Théorie pure du droit, 2e édition, 1962, traduit par EINSENMANN (C.), Bruylant/LGDJ, Coll.
La pensée juridique, 1999, spéc., p.238.
250
V. Décision n°0000021-2016/ART/DG/DT/SDSI du 27 janvier 2016 définissant les formats des bases des
données d’identification des abonnés à mettre en place par les opérateurs ; n°00000086/ART/DG/DA/ PC du 22
mai 2014 fixant les conditions et modalités de lancement par les opérateurs des offres promotionnelles de services
des communications électroniques ; Décision n°00000087/ART/DG/DAJPC du 22 mai 2014 prescrivant aux
opérateurs les modalités d’encadrement des jeux et d'envoi des SMS indesirés par voie téléphonique ; Décision
n°00005/PX/CNC du 25 avril 2013 portant règlement intérieur du Conseil national de la communication ;
251
V. Note instruction n°000003/ DG/ DAJCI/CJ du 17 janvier 2005 définissant la procédure de sanction des
contrevenants aux lois et règlements régissant le secteur des télécommunications au Cameroun.

45
d’interconnexion et de partage d’infrastructures252, seulement le décret qui régit ses aspects
émane du premier ministre253, il en est de même en matière de numérotation254.

Au regard de ces dispositions, il est à constater que le pouvoir réglementaire des


régulateurs souffre de carences, au niveau de sa répartition qualitative de la compétence
réglementaire. En effet, l’analyse de la répartition entre les régulateurs sectoriels et le
gouvernement fait ressortir indéniablement que le gouvernement conserve le privilège
d’élaborer les normes ayant trait à l’organisation des axes importants. De ce qui précède, le
pouvoir réglementaire des autorités de régulation dévoile son caractère limité vis-à-vis de son
objet.

B/- Un pouvoir règlementaire limité dans son domaine

L’on est ici dans la perspective d'une répartition quantitative du pouvoir réglementaire.
Il faut pour cela dire que les régulateurs sectoriels n'ont reçu que la compétence de mise en
œuvre dans des domaines limités. Le pouvoir réglementaire levier important pour
l’accomplissement de la fonction de régulation 255 s’articule donc pour la majorité des
régulateurs camerounais autour de deux points essentiels. Le premier consiste en la fixation des
conditions d’accès. Le deuxième champ de compétence réglementaire concerne la tarification.

Le législateur camerounais octroie un pouvoir réglementaire aux autorités de régulation


dans le domaine technique. Ce domaine concerne en premier lieu le cœur de la régulation 256
qu’est l’accès à l’infrastructure essentielle. C'est le cas lorsque l'on lit dans plusieurs lois
sectorielles que les régulateurs sectoriels ont compétence pour définir les conditions et les
obligations d’interconnexion et de partage des infrastructures257.

En Second lieu, ce domaine intègre aussi les questions de sécurité. Dans le secteur de
l’aviation civile il est reconnu à l’autorité aéronautique dispose du pouvoir de définir les règles
régissant la sécurité et des mesures devant assurer la sûreté des activités 258 . Cette optique

252
V. Art. 36 al. 2 de la loi n°2010/013 régissant les communications électroniques.
253
Décret n°2012/1640/PM du 14 juin 2012 fixant les conditions d’interconnexion, d’accès aux réseaux de
communications électroniques ouverts au public et de partage d’infrastructures
254
Décret n°2012/1642/PM du 14 juin 2012 fixant les conditions d’attribution et d’utilisation des ressources en
numérotation.
255
TEITGEN-COLLY (C.), « Les autorités administratives indépendantes : histoire d’une institution », op cit.,
p.38.
256
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Les nouveaux champs de la régulation », op citt., pp. 53 et s.
257
V. Art. 36 la. 2 de la loi n°2010/010 régissant les communications électroniques pour l'ART ; Art. 20 al. 2 de
la loi n°2006/ régissant l’activité postale.
258
V. Art. 3 du Décret n°2015/232 du 25 mai 2015 portant organisation et fonctionnement de l’autorité
aéronautique du Cameroun.

46
montre le rapprochement entre régulation et supervision 259 . En effet, même si en matière
d’activité portuaire le législateur camerounais distingue mission de supervision et mission de
régulation, il réunit les deux entre les mêmes mains de l'APN260. Dès lors, les deux fonctions
apparaissent sous le prisme de la complémentarité.

Les autorités de régulation s’occupent alors de préciser les détails liés à l’utilisation de
certains services. C’est le cas en matière de communications électroniques avec le service de
messagerie vocale261. Il en est de même en matière d’aviation civile où il revient au CCAA de
donner des indications techniques relativement au processus d’examen et d’élimination des
lacunes et carences identifiées dans le domaine des aérodromes et des aides au sol 262. Il faut
dire relativement à cette dernière décision qu’elle traduit la forte coopération internationale
dans le domaine de l’aviation civile. De sorte que les autorités de régulation disposent de la
compétence de transposer sur le plan national et relativement au secteur concerné, les
résolutions prises par les regroupements internationaux. La perspective est de nature à accroître
leur domaine de compétence réglementaire et donc de combler les carences législatives
nationales.

Soulignons tout de même que le domaine technique revêt de fait une grande importance
qui ne pouvait convier à en faire un domaine réservé à la seule compétence réglementaire des
autorités de régulation sectorielle. Ainsi, le gouvernement à travers le Premier Ministre et les
ministres concernés peuvent y intervenir. C’est le cas, déjà évoqué plus haut, en matière de
définition de conditions d’accès où les règles juridiques y relative ont été fixées par le Premier
ministre263. L'on peut penser que le gouvernement fixe les grandes lignes et qu'il revient à
l’autorité de régulation de préciser les éléments techniques. C'est par exemple le cas en matière
d’identification des abonnés dans le secteur des communications électroniques264. Ce dernier
cas révèle le fait que le pouvoir réglementaire des autorités de régulation est un pouvoir
réglementaire d’application des règlements du gouvernement puisque la décision prise par le
régulateur l'est en précision des dispositions du décret du premier ministre relatif à

259
V. FRISON-ROCHE (M.-A.), « Concevoir une régulation prudentielle », in Mélanges a Michel Germain,
pp.315-324. Nous y retiendrons.
260
Art. 3 al. 1 (a) et (b) du décret n°2019/172 du 5 avril 2019 portant réorganisation de l’autorité portuaire nationale.
261
V. Décision n°0000001/ART/DG/DLCI du 02 janvier 2018, prescrivant aux opérateurs les modalités de
fonctionnement du service de messagerie vocale.
262
V. Décision n°001246/D/CCAA/DSA/SDNAA du 09 août 2017, relative à la résolution des lacunes et carences
dans le domaine des aérodromes et des aides au sol (AGA).
263
V. Décret n°2012/1640/PM du 14 juin 2012 fixant les conditions d’interconnexion, d’accès aux réseaux de
communications électroniques ouverts au public et de partage d’infrastructures.
264
Décision n°0000021-2016//ART/DG/DT/ SDSI du 27 janvier 2016 définissant les formats des bases des
données d’identification des abonnés à mettre en place par les opérateurs.

47
l’identification des abonnés265. Ce rôle de précision est aussi reconnu à l'ARSEL en matière de
conditions de raccordement en vertu des articles 20 et 21 du décret régissant les activités du
secteur de l’électricité266.

Lorsque l’on parle de l’aspect technique, il ne faut pas omettre la question des tarifs.
Ainsi, l'autorité de régulation définit les principes devant régir la tarification des services
fournis 267 . Il s’agirait de prime abord d’un domaine réservé aux autorités de régulation
autonomes. Un choix qui peut être aisément justifié. Le renvoie à la notion de tarif induit alors
l’idée d'un montant, un prix, un coût soit d'un produit ou d'un service. C’est donc la procédure
ou le processus conduisant à l’établissement d'un prix. Or toutes procédures se doit de reposer
sur des règles claires et communes à tous les acteurs ou opérateurs dans un segment d’activité
donné. Le pouvoir de fixer lesdites règles est un pouvoir réglementaire. Dans les secteurs
régulés cette compétence réglementaire incombe aux autorités de régulation autonomes. Or la
structure de ces prix doit tenir compte des coûts dont le calcul est assez technique. Ce domaine
ne pouvait alors relever que de la compétence des autorités de régulation. En effet, d’une
manière générale, l'on a souvent connu les prix règlementés qui sont unilatéralement fixé par le
politique et qui prend la forme juridique réglementaire relevant du pouvoir discrétionnaire268.

Dans une optique d’ouverture à la concurrence, ce genre de prix ne pouvait plus être
retenu, du moins dans certains secteurs. Le fait d’offrir un domaine réservé relatif à la
tarification aux régulateurs autonomes participe de l’instauration des « prix régulés »269, qui
répondent à des principes fixés ex ante par un règlement de l’autorité de régulation de façon
objective et impartiale. Il faut préciser que le régulateur ne fixe pas les coûts ou les prix, ces
derniers empruntent le modèle civiliste de fixation des prix par des discussions entre les deux
parties. L’autorité portuaire dispose pour sa part du pouvoir d’homologuer les tarifs des services
portuaires270. Il ne s’agit ni plus ni moins que d'un pouvoir réglementaire.

Le recours au pouvoir réglementaire n'est pas le seul procédé de réglementation. Il en


existe divers autres qui sont autant d’instruments de régulation, à la force plus ou moins
influente, car il s’agit d’instruments de règlementation en principe non contraignant.

265
Décret n°2015/3759 du 16 septembre 2015 fixant les modalités d’identification des abonnés et des équipements
terminaux des réseaux de communications électroniques.
266
Art. 22 al.5 du Décret n°2000/464 du ?30 juin 2000 régissant les activités du secteur de l’électricité.
267
Art. 20 al. 2 de la loi n°2006/ pour ce qui est du secteur postal ; Art. 36 al.2 de la loi n°2010/ pour l'ART.
268
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Qu’est-ce qu'un prix en droit ? Du droit des contrats au droit de la régulation »,
op cit., p.182.
269
Idem.
270
Art. 3 al. 1 (b) du Décret n°2019/172 portant réorganisation de l’autorité portuaire nationale.

48
SECTION 2 : LES INSTRUMENTS DE REGLEMENTATION NON
CONTRAIGNANTS DANS LA REGULATION DES SERVICES PUBLICS EN
RESEAUX

La relation entre droit souple et régulation est très largement admise par la doctrine271.
Les instruments diffusant le droit souple trouvent un terrain de prolifération en matière de
régulation, ses instruments sont plus prisés en droit français par les autorités de régulation, il en
est de même au en droit camerounais. Ils sont plus ou moins prévus par les textes juridiques.
Pour desceller ces instruments, il faut retenir la définition matérielle du droit souple à savoir
qu’au sens large, il renvoie aux normes autres que les lois les règlements et les contrats et au
sens strict il s’agit de normes édictées par les régulateurs eux-mêmes et par les professionnels
soit de leur propre initiative soit en collaboration avec les consommateurs ou avec l’État ; soit
sur le fondement d’une habilitation étatique, cela regroupe un ensemble d’instruments
consensuelles sans force légal 272 , qui ne sont pas du non-droit 273 . Que l’on regroupe sous
l’appellation des « actes non obligatoires de nature recommandationnelle ». Ce qui les oppose
aux actes de commandement.

Les « actes recommandatoires » sont des actes qui invitent leurs destinataires à adopter
un comportement déterminé. Ces actes se limitent alors à « recommander ». Autrement dit, se
sont donc des espèces de guide d’utilisation ou de comportement. Et dans ce cas, il est possible
que ces actes entretiennent des relations étroites avec le droit dur, puisque parfois ils servent à
éviter des infractions. Dans ces diverses perspectives il existe plusieurs actes de type
recommandatoire ou ayant cette fonction en droit de la régulation économique. On parle de
recommandation lorsque l’acte unilatéral non obligatoire cherche à influencer le comportement
des individus274. On les distingue alors des informations simples émanant des régulateurs. Les
recommandations interviennent dans des domaines qui ne sont pas expressément envisagés par
des textes faisant de ces derniers une catégorie complexe. La doctrine parle alors de la soft Law
administrative 275 . Cette dernière permet de délimiter notre étude sur les instruments de
régulation émanant des autorités de régulation. L’idée est que L’administration peut agir soit

271
V. LAVERGNE (B.), Recherche sur la sont law en droit public français, op cit., 613p.
272
Lexfori international, Soft Law, n°1.1.1, disponible sur http://www;lexfori.net/soft_law_fr.htm, consulté le 30
novembre 2017.
273
CONSEIL D’État, Le droit souple, Étude annuelle 2013, op cit, pp.62 à 63.
274
V. Dictionnaire de la terminologie du droit international, Paris, Sirey, 1960, 755p., spéc., p.507 ; BRINGUIER
(P.), « De la recommandation en droit interne et international (considération sur la recommandation internationale
et le plan incitatif) », in La terre, la famille et le juge, Études offertes à Henri-Daniel Cosnard, Paris, Economica,
1990, pp.443-452.
275
LAVERGNE (B.), Recherche sur la soft law en droit public français, op cit., p.134.

49
par un contrat soit au travers d’actes administratifs unilatéraux. Les actes de soft Law
administrative ne sont pas un contrat au sens de la théorie des contrats publics. Ils sont au
contraire proche des actes administratifs unilatéraux.

Cependant, cette catégorie d’actes se subdivise en deux les actes décisoires et les actes
non décisoires. La première sous-catégorie est la marque de l’usage par l’administration de ses
prérogatives de puissances publiques et sont soumis à un contrôle de légalité ; car ils sont de
nature impérative. Les actes de soft Law administrative de régulation s’en écartent a priori. Et
se rapprochent de la seconde sous-catégorie qui renferme en principe des actes non impératifs.
Mais, là aussi, il faut faire une autre distinction La soft Law administrative qu’utilise les
autorités de régulation est singulière parce qu’extérieure à l’administration. Donc les actes que
nous allons étudier dépassent l’interprétation interne de la règlementation. De même, les actes
que Benjamin Lavergne qualifie de soft Law administratives ne sont pas que des actes
préparatoires, ils sont aussi des actes détachés de tout processus décisionnel il s’agit alors de
produit autonome. Dans cette occurrence on analysera d’une part les recommandations directes
(paragraphe 1) et d’autre par la normalisation technique (paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : Les instruments recommandatoires de régulation


L’identification de ces instruments devra d’abord être posé (A) avant de tenter
d’analyser la problématique de leur valeur juridique potentielle (B).

A/- L’identification des instruments recommandatoires

Il s’agit des avis- régulation (1) et des communiqués (2).

1/- Les Avis-régulation

La technique juridique de l’avis est connue en droit, aussi bien les autorités
administratives que les juges peuvent y recourir. En matière de régulation on peut distinguer
les Avis horizontaux et les avis verticaux. Les premiers allant des régulateurs vers les pouvoirs
publics, tandis que les seconds vont des régulateurs vers les opérateurs du secteur soumis à la
régulation. Nous nous intéresserons plus à cette dernière forme d’avis, puisqu’ils ont pour
finalité d’influencer voire même d’orienter le futur comportement de leurs destinataires à savoir
les opérateurs des secteurs régulés.

50
Un avis exprime l’opinion de l’autorité sur les questions qui ne sont pas expressément
envisagées par les textes276. Le régulateur peut alors donner son opinion et éclairé les opérateurs.
D’ailleurs rien ne s’oppose dans les textes camerounais au fait qu’un opérateur puisse saisir le
régulateur pour un avis. D’ailleurs, en matière d’électricité, l’application de nouvelles normes
et/ou spécifications techniques par un opérateur ne peut se faire sans l'avis du régulateur.
Autrement dit, les opérateurs doivent le saisir pour avis277. La pratique est largement observable
en France dans tous les secteurs régulés.

L’avis ainsi rendu sous l’impulsion d’un opérateur participe de la fonction de régulation
de l’autorité. En ce sens que l’avis en éclairant sur le sens d’un texte, sur le caractère positif ou
non d’une pratique, pour le marché ou les consommateurs, le régulateur influence directement
le comportement non seulement de l’opérateur qui sollicité cet avis, mais aussi de tous les autres
acteurs du secteur en cause. C’est pour cela que les régulateurs rendent généralement public les
avis qu’ils émettent. L’avis-régulation a ainsi une fonction à la fois dissuasive, incitative et
invitative, il s’inscrit dans la perspective d’un « devoir-être ».

Cet instrument d’intervention participe alors de l’interprétation du droit applicable au


marché. Ce qui permet d’éclairer les choix et les comportements des opérateurs pour l’avenir278.
En même temps qu’ils présentent le point de vue du régulateur. Ces actes a priori non
décisoires279 engagent du moins moralement le régulateur. Car il est reconnu qu’il ne s’écartera
pas de l’interprétation donner. Il en va même de la confiance légitime qu’il doit susciter chez
les opérateurs280.

La confiance est importante dans les systèmes de régulation économiques, entre deux
entités juridiques. Ainsi, la notion de confiance qui semblait appartenir à un registre désuet, non
moderne281 est remise au-devant de la scène dans un environnement où l’internet a pris une
place centrale282. Ce qui poussera les opérateurs à s’y conformer en toute sérénité283 et éviter

276
BONNEAU (Th.) et DRUMMOND (F.), Droit des marchés financiers, Paris, Economica, 2001, p.261.
277
Art. 6 al. 3 Décret n°2012/1640/PM du 14 juin 2012, fixant les conditions d’interconnexion, d’accès aux réseaux
de communications électroniques ouverts au public et de partage d’infrastructures.
278
MARIMBERT (J.), L’office des autorités de régulation, op citt, p.76.
279
Sur les actes non-décisoires V. CHAPUS (R.), Droit administratif général, t. 1, 13e éd., p.490
280
V. BONNEAU (Th.) et DRUMMOND (F.), Droit des marchés financiers, op cit., p.261.
281
THUDEROZ (Ch.), « Introduction générale : pourquoi interroger la notion de confiance ? », in THUDEROZ
(Ch.), MA NGEMATIN (V.) et HARRISON (D.) (dir.), La confiance. Approches économiques et sociologique,
Paris, Gaétan Morin Éditeur Europe, 1999, p.1.
282
V. CHASSIGNEUX (C.), « La confiance, instrument de régulation des environnements électroniques »,
R.D.U.S., 2007/32, pp.441-472 ; VALLEE (P. H.) et MACKAAY (E.), « La confiance. Sa nature et son rôle dans
le commerce électronique », in Lex électronica, 2006, Disponible en ligne à l’adresse http://www.lex-
elctronica.org/articles/V11-2/ Vallée_mackaay.htm. Consulté le 07 mai 2018.
283
AIDAN (P.), Droit des marchés financiers : réflexions sur les sources, op cit., p.110.

51
ainsi d’encourir une sanction284. On peut donc parler d’un respect spontané de ces nouvelles
sources du droit par les acteurs du marché au regard des pouvoirs reconnus aux régulateurs285.
En effet, les régulateurs disposent de mécanismes qui lui permettent de sanctionner la
méconnaissance par un opérateur de l’avis rendu ; c’est le cas des pouvoirs de sanction ou
encore d’injonction qui leurs sont reconnus.
On peut aussi rapprocher le mécanisme des avis de celui des questions/réponses que
l’on peut voir sur le site internet de l’ARSEL ou à celui des positions dans le droit français des
marchés financiers. En effet, « la position » est le nom donné aujourd’hui par l'Autorité des
marchés financiers (ci-après AMF) à ce que hier l’on désignait par Avis286. Dès lors il serait
légitime en ce qui concerne les questions/réponses que lorsque ces dernières porteront sur un
aspect juridique et/ou technique intéressant le secteur de l’électricité que la réponse donnée soit
suivie par le régulateur. Thierry Bonneau287 constate que les études menées par les régulateurs
comportent des recommandations, certaines positions aussi sont des recommandations. L’AMF
parle alors de position-recommandation288.
En France l’AMF développe aussi le rescrit. C’est une forme particulière d’Avis 289. Le
régulateur interrogé par un professionnel à l’occasion d’une opération précise, déclare celle-ci
contraire ou conforme à un règlement290. Il a une portée générale et fait l’objet d’une publication
dans la revue mensuelle de l’AMF et sur son site internet. Il ne vaut que pour le demandeur et
ne lie que l’autorité291. C’est alors une procédure qui ne concerne que le professionnel. Il faut
cependant noter que son influence semble mitigée 292 , puisqu’il ne répond pas à toutes les
exigences qui sont à l’origine des actes interprétatifs.

Une incursion sur le site internet de l’ARSEL293 laisse entrevoir la préparation d’un tel
mécanisme au Cameroun. Le régulateur donne ainsi la possibilité aussi bien aux professionnels

284
JEANNENEY (P.-A.), « Le régulateur producteur de droit », in FRISON-ROCHE (M.-A.) (dir.), Règles et
pouvoirs dans les systèmes de régulation, Droit et économie de la régulation, vol.2, Paris, Presses de Sciences Po
et Dalloz, 2004, pp. 44 et s. spéc., p.47.
285
V. OPPETIT (B.), L’essor des réponses ministérielles en droit et modernité, Paris, PUF, 1998, p.139.
286
Art. L. 621-6 Code des marchés financiers ; AMF, Principes d’organisation et de publication de la doctrine de
l’AMF, p.1
287
BONNEAU (Th.), « Recommandation, AMF et RSE », Éditorial, Bull. Joly Bourse, 2011, p.69.
288
V. Position-recommandation n°2010-10, 17 novembre 2010 ; on a aussi les recommandations-guides :
recommandations n°2010-07, 3 novembre 2010 ; les recommandations-rapports : recommandation n°2010-13 du
2 décembre 2010, rapport sur l’information publiée par les sociétés cotées en matière de la responsabilité sociale
et environnementale (RSE).
289
BONNEAU (Th.) et DRUMMOND (F.)., Droit des marchés financiers, op cit, n°273.
290
Art. 121-1 à 123-1 du règlement général de l’AMF.
291
RICHER (L.) et VIANDER (A.), « Le rescrit financier (commentaire du règlement n°90-07 de la COB) »,
JCPE, 1997, p.110.
292
AIDAN (P.), Droit des marchés financiers : réflexions sur les sources, op xit, p.93.
293
V. www.arsel.cm, consulte le 15 juillet 2018.

52
qu’aux consommateurs de poser des questions en ligne et d’obtenir des réponses de la part du
régulateur. L’ART a même mis en place tout un service qui vise à répondre aux différentes
demandes de renseignements formulées par les consommateurs.

Dès lors, si les Avis et positions peuvent être explicatifs, il faut leur reconnaitre un
potentiel normatif, c’est-à-dire qu’ils peuvent contenir l’opinion de l’autorité sur un procédé,
un type d’opération aux fins de prescrire ou de dissuader une action, un comportement. Ils ne
sont pas en principes sensés ajouter dans l’ordonnancement juridique. Leur valeur est purement
indicative. Ils sont donc facultatifs a priori.
La particularité des avis par rapports aux autres recommandations c’est que ces derniers
sont provoqués par des demandes émanant des opérateurs ou des consommateurs ou des
pouvoirs publics. Ce qui n’est pas le cas des Communiqués, autre instrument de régulation en
plein essor dans les systèmes de régulation.

2/- Les communiqués des autorités de régulation

Le droit peut-il s’écrire dans les communiqués ? La question que soulevait Gilles
Guglielmi et toutes les autres qui lui sont sous-jacente trouvent un terrain et des éléments de
réponse en droit de la régulation économique. Où la pratique des communiqués prend de plus
en plus de l’ampleur. En effet les communiqués de presse ne sont pas en réalité une nouveauté
dans le champ de la pratique administrative. Mais le cadre de la régulation économique
sectorielle est assez nouveau. Et les autorités de régulation n’hésitent plus à recourir à ce
mécanisme pour influencer les comportements des acteurs.

L’idée est que lorsque le régulateur parle à des publics particuliers, il ne s’agit pas
simplement de doubler son action par une mise aux mots ni même de justifier celles-ci294. Sa
parole est elle-même forme d’action qui alors complète ou se substitue à d'autres modes
d’intervention découlant de ses prérogatives légales. Ainsi l’action communicationnelle du
régulateur tend à dépasser le modèle de l’action rationnelle légale wébérienne et de fait renvoie
à d’autres ressorts de l’efficacité de la régulation comme le « charisme » du régulateur : les
paroles du régulateur sont elles-mêmes partie intégrante de l’activité de régulation295.

294
V. CLEVENOT (M.), DESMEDT (L.) et LLORCA (M.), »Le pouvoir des mots : émission et réception du
discours du banquier central », in Économie et Institution, n°22, pp.143-177.
295
V. KIRAT ( Th.), MARTY ( Fr.), BOUTHINON-DUMAS (H.), et REZAEE ( A.), « Quand dire c’est réguler »,
in Économie et Institutions, 25/2017, disponible en ligne à l’adresse http://journals.openedition.org/ei/5862,
consulté le 14 juin 2019.

53
Les communiqués sont des actes perlocutoires : ils visent à produire des effets296 de sorte
que dire c'est réguler297. Ceci explique que les communiqués soient mis en ligne sur des sites
institutionnels. Or les régulateurs disposent de pouvoirs contentieux, soulevant le risque de
représailles en cas de non-respect des actes pris par l’institution régulatrice. C’est ainsi que le
fait que les organes juridictionnels classiques eux-aussi fassent recours à cet outil soulève ces
questions juridiques majeures ; « qu’est-ce qui fait droit, quelle parole dit le droit, d’où vient
le droit ? 298 ». Ces interrogations s’inscrivent dans la problématique même de la création
normative sur laquelle nous reviendrons. Pour l’instant, cernons cet instrument de régulation
qu’est le communiqué.

C’est une déclaration d’information destinée à être publiée conformément à une


obligation d’information qui incombe à celui qui l’émet, c’est donc l’annonce officielle d’une
mesure n’étant pas en général exécutoire par elle-même299. Le communiqué permet alors de
faire connaitre au public les observations faites par le régulateur à un opérateur, ou sur une
situation relativement à un secteur régulé300. C’est le cas d’un communiqué du CSA en date du
20 octobre 2016 où le régulateur a manifesté sa vive préoccupation quant à la pérennité de la
chaîne I-Télé, pour le développement de l’information en continu301. Par ce communiqué, le
régulateur donne à voir un jugement de valeur sur une situation donnée.

Il faut relever que les communiqués n’ont qu’un poids moral. On les compare aux
circulaires interprétatives à qui le conseil d’État français refuse toute valeur juridique302. Ce

296
V. AMBROISE ( B.), « Illocutoire ou perlocutoires ? Retour et détours sur une distinction fondatrice »,
disponible en ligne à l’adresse http://halsh.archives-ouvertes.fr/halshs-01091859, 2014.
297
V. KIRAT ( Th.), MARTY ( Fr.), BOUTHINON-DUMAS (H.), et REZAEE ( A.), « Quand dire c’est réguler »,
in Économie et Institutions, 25/2017, disponible en ligne à l’adresse http://journals.openedition.org/ei/5862,
consulté le 14 juin 2019.
298
GUGLIELMI (G. J.), « Le droit s’écrit-il dans les communiqués de presse ? », in Mélanges Alain Fenet, 2008,
disponible en ligne à l’adresse http://www.Guglielmo.fr/IMG/pdf., consulté le 10 juin 2019, p.1.
299
CORNU (G.), Vocabulaire juridique, op Cit, p.185 entrée communiqué et communication : pour Thierry
Bonneau et France Drummond, ce « n’est alors qu’un media, le vecteur d’un acte d’une autre nature », BONNEAU
(Th.) et DRUMMOND (F.)., Droit des marchés financiers, op cit, p.274.
300
Art. L 621- 18 du Code français des marchés financiers
301
V. pour une analyse FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le pouvoir du ‘’droit souple’’ : le ‘’communiqué’’ du
régulateur audiovisuel ‘’préoccupé’’ par la situation d’I-Télé », disponible en ligne à l’adresse
http://thejournalofregulation.com/fr/aritcle/le-pouvoir-du-droit-souple-le-communique-du-regulaeur, consulté le
21 janvier 2018
302
BONNEAU (Th.) et DRUMMOND (F.). Droit des marchés financiers, op cit., p.271.

54
poids moral 303 dérive non seulement de la qualité de leur auteur 304 mais aussi de leur
publication305. Il relève alors du droit dit « mou ».
Le communiqué permet aussi de faire des mises en garde contre les agissements de
certains professionnels Il permet donc d’informer les opérateurs et les consommateurs sur
certains aspects du secteur qui auront retenus l’attention du régulateur. C’est ainsi que dans les
marchés financiers, le communiqué permet au régulateur de prendre position officiellement sur
un projet d’émission de titre avant même la sollicitation du visa306. Ainsi il est arrivé en France
que l’ancien régulateur des marchés financiers l’utilise pour auto-interpréter ses normes par
rapport aux offres publiques307.
Au Cameroun, c’est par la voie du communiqué que l’ancienne Commission des
Marchés Financiers308 a émis une mise en garde, à l’endroit du public camerounais au sujet
d’un appel à financement de projets d’infrastructures309. À travers ce dernier exemple on peut
constater que le communiqué de la CMF se présente comme une sanction qui ne dit pas son
nom relativement à l’opération intenter dans son secteur de régulation et donc marque
largement son objectif de mettre fin à la pratique qui la préoccupait. La voie du communiqué
lui donne aussi la possibilité d’approuver ultérieurement l’appel à financement dans le cas où
ce dernier se conforme aux exigences de la loi.
Dans la même lancée, l'Autorité des marchés financiers a émis un communiqué invitant
les investisseurs à la vigilance s'agissant de certains placements immobiliers. Le communiqué
est donc ici une mise en garde. Il peut aussi refléter une position du régulateur.
L’Autorité de la concurrence a ainsi donné sa position où elle considère que l'un des
engagements pris lors de la fusion TPS/Canalsatellite était devenu sans objet. Nous sommes
donc ici dans la perspective d’un communiqué défavorable310. Il est alors justifié par la mission

303
DE VAUPLANE (H.), et BORNET (J.-P.), Droit des marchés financiers, Paris, Litec, 3e éd., n°150.
304
DAIGRE (J.-J.), « Une nouvelle source du droit, le communiqué ? À propos d'un communiqué de la COB du 4
mai 1999 », JCP G, 1999, p.1277.
305
BONNEAU (Th.) et DRUMMOND (F.)., Droit des marchés financiers, op cit., p.274.
306
Idem.
307
AIDAN (P.), Droit des marchés financiers : réflexions sur les sources, Op Cit, p.95.
308
Cette institution est absorbée désormais sur le plan communautaire par la COSIMAF ; voir. Acte additionnel
n°06-17- CEMAC-COSUMAF-CCE-SE du 19 février 2018, portant unification du marché financier de la
Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) et mesures d’accompagnement.
309
V. Communiqué n°6/09/17/CMF, portant mise en garde du public camerounais au sujet d’un appel à
financement de projets d’infrastructures disponible à l’adresse http://www.cmf-cameroun.org, consulté le 21
janvier 2018.
310
V. DIAZ (O.), « De la régulation par le communiqué » ; disponible à l’adresse
http://business.lesechos.fr/directions-juridiques/droit-du-travail/jurisprudencs/021831465738-de-la-regulation-
par-communiqué-209602.php, consulté le 22 janvier 2018.

55
générale de protection de l'épargne, ou de la concurrence, bref du marché qui incombe aux
différents régulateurs. Cet instrument leur laisse donc une certaine marge de manœuvre.

Par le communiqué donc les régulateurs peuvent fortement modifier le comportement


des acteurs et ainsi avoir une incidence sur une activité économique soumise à la régulation. le
régulateur de l’audiovisuel a ainsi au cour d'un communiqué le 20 janvier 2017, mis en garde
l’ensemble des médias nationaux, dans le cadre de la mouvance des revendications
antidémocratiques dans les régions anglophones, d’offrir des espaces à la diffusion
d’informations et de propos séditieux sous peine de sanctions, ledit communiqué étant une
intervention a priori, a été critiqué par le syndicat national des journalistes311. Toutefois, ce qui
est à relever est que ledit communiqué était porteur d’une mise en garde, voire d’une injonction
faite par le président du CNC. En partant de ce constat l'on peut imaginer que le droit
camerounais devra bientôt peut être répondre à la problématique du contrôle juridictionnel de
ces actes.

L’idée dominante ici est qu’un communiqué négatif d’un régulateur bénéficie d'une
large résonance et a donc des effets dévastateurs sur l'objet de la critique. Les régulateurs
disposent avec le communiqué d'une arme puissante pour mettre un terme à une pratique qu'ils
désapprouvent sans avoir à se conformer aux garanties procédurales qui entourent la décision
formelle ou l'injonction. Dans cette perspective, soulignons que le droit français offre une piste
de réflexion et d’enrichissement intéressante312. Les secteurs régulés camerounais sont en tant
que services publics en réseaux en proie à des mutations technologiques et techniques. Ces
instruments de régulation soulèvent tous deux la question de leur valeur juridique. Certes leur
usage dans le contexte camerounais est encore infime, cependant les perspectives d’évolution
convie ne serait-ce que de façon prospective à s’intéresser à cette question. De plus, une
approche comparative permet de présenter des pistes de réponses.

B/- De la valeur juridique des actes recommandatoires de régulation

Questionner la valeur juridique de ces instruments, c’est déterminé si les avis-régulation,


les communiqués et autres recommandations sont du droit ou mieux des règles de droit. Il y a
quelques décennies se poser une telle question aurait été jugé non avenue, parce que le droit

311
V. SIMO KOUAM (Fr. A.), « La régulation de l’activité audiovisuelle à l’épreuve du tout numérique au
Cameroun », op citt., pp.132-133.
312
Le contentieux des actes de droit souple en France t désormais possible, voir ZAGORSKI (W.), Le contentieux
des actes administratifs non décisoires. Contribution à une typologie du droit souple, Paris, Mare et Martin, coll.
Bibliothèque des thèses, 2015, 484p.

56
était appréhendé sous le couvert de certaines caractéristiques qui n’étaient en réalité que les
caractères de la règle de droit. Le droit était conçu comme un ensemble de règles et ces règles
sont nécessairement obligatoires et contraignantes. Dès lors, le droit a pour critère la contrainte.
Hans Kelsen313 écrit que « [l]e droit est une organisation de la force », autrement dit, un ordre
de contrainte. Cette perspective a fortement été remise en cause ouvrant ainsi la possibilité que
le droit souple soit du droit.

En effet, une partie de la doctrine estime que le droit est plus qu'un ensemble de règles.
Jean Carbonnier314 écrit que « le droit est plus grand que la règle de droit » et François Terré
d’ajouter que « (…) le droit est aussi coutume, pratique, jurisprudence, recommandations,
etc.315. ». En plus, les caractères reconnus à la règle de droit font l’objet de fortes remises en
cause. Jacques Chevallier écrit que « avec le développement du droit postmoderne, on assiste à
l’émergence d’une conception toute différente du droit, marquée par le reflux des éléments de
contrainte et d'unilatéralité316 ». Ainsi, à côté des règles obligatoires, il existe aussi des règles
supplétives 317 , permissives etc. De même, la contrainte est analysée comme un élément
extérieur au droit318, et non plus comme inhérent à la règle de droit. Dès lors, la sanction peut
être entendue dans un sens large comme les conséquences précises attachées à la règle319. Ainsi
donc, « la règle n’est pas juridique parce que sanctionnée, mais sanctionnée parce que
juridique320 ». Il faut donc rechercher ailleurs que dans la sanction le critère de la règle de droit.
Le droit peut donc aussi être dénué de force. C’est une possibilité que la doctrine juridique
nourrit. Dès lors, le droit souple participe bien du droit, d’où sa prise en compte par l’ordre
juridique. Cette prise en compte aura connu une évolution significative en matière de régulation
économique sectorielle en France321. De sorte que le développement observé de ces instruments
dans la régulation des marchés au Cameroun posera tôt ou tard ici, la même problématique de

313
KELSEN (H.), Théorie générale du droit et de l’État, 1945, Paris, LGDJ, 1997, p.71.
314
CARBONNIER (J.), Flexible droit, 10e éd., 2001, p.20. ; BERGEL (J.-L.), Théorie générale du droit, Paris,
Dalloz, 2e éd., 1998, n°38 ; LARROUMET (C.), Introduction au droit, Paris, Economica, 1998, p.10.
315
TERRÉ (F.), « Pitié pour les juristes », RTD Civ., 2002, pp.247 et s., spéc., p.249. ; GHESTIN (J.), « Les
données positives du droit », RTD Civ., 2002, pp.11 et s., spéc., p.13.
316
CHEVALLIER (J.), « Vers un droit postmoderne », in CLAM (J.) et MARTIN (G.), Les transformations de la
régulation juridique, Paris, LGDJ, coll. Droit et société, Recherches et travaux, vol.5, 1998, pp.21 et s., spéc., p.36.
317
V. ORIANNE (P.), Introduction au système juridique, Bruxelles, Bruylant, 1982, pp.42 à 44 ; MOLFESSIS
(N.), « La distinction du normatif et du non-normatif », RTD Civ., 1999, pp.729 et s., spéc., p.734.
318
V. JESTAZ (Ph.), « La sanction, cette inconnue du droit », Dalloz, 1986, pp.197 et s., spéc., p.200 ; OPPETIT
(B.), « Le droit hors de la loi », Droits, n°10, 1989, pp.47 et s., spéc., p.49.
319
Sur le caractère polysémique de la sanction v. OST (F.) et VAN DE KERCHOVE (M.), De la pyramide au
réseau, pour une théorie dialectique du droit, Bruxelles, publications des facultés universitaires de Saint-Louis,
2002, pp.222 et s. JESTAZ (Ph.), « La sanction, cette inconnue du droit », op cit., p.198.
320
TERRE (F.), « Pitié pour les juristes », op cit., p.248.
321
V. ZAGORSKI (W.), Le contentieux des actes administratifs non décisoires. Contribution à une typologie du
droit souple, Paris, Mare et Martin, coll. Bibliothèque des thèses, 2015, 484p.

57
leur valeur juridique. Le droit français à cet effet offre des enseignements non négligeables.
Ainsi pour que cette valeur juridique soit admise, il faudra que le juge camerounais opte pour
une approche duale de la règle de droit (1) de sorte qu’il appréhende ces instruments sur deux
angles, donc l'un est classique et l’autre relativement nouveau (2).

1/- Les bases théoriques d’admission d’une valeur juridique des instruments
recommandatoires de régulation

La théorie juridique a longtemps évolué dans un sens hostile aux actes de droit souple.
En n’y voyant pas des règles de droit. Pourtant, les instruments de droit souple sont des règles
juridiques. Dire que les règles de droit souple sont des règles juridiques, impliquerait alors que
la définition traditionnellement admise de la règle ou norme juridique, du moins en ce qui
concerne ses caractères ne tient plus à elle seule. Autrement dit, l’on ne rejette pas une
conception de la norme juridique pour une autre, en réalité, l’évolution dans la théorie juridique
aujourd’hui admet une approche dialectique (a). Cette dernière posture, implique alors une
dilution des frontières du droit en posant l’idée d’une normativité perçue désormais comme une
échelle (b). Ce sont ses bases théoriques bien admises dans la pensée juridique postmoderne
qui ouvrent la voie à la possibilité pour le système juridique de reconnaître comme règles
juridiques, les actes de droit souple.

a) La dualité de la règle de droit : L’évolution de l’approche impérativiste des règles


juridiques

La conception de la règle de droit s’est toujours faite sous le prisme unitaire. La règle de
droit se résumait alors à l’impératif qui inclurait l’obligatoire et le sanctionné. Autrement dit la
norme juridique exprimait nécessairement un commandement, un ordre dont le non-respect est
sanctionné. La norme n’est rien d’autre que la contrainte, son caractère congénital est alors
l’impératif322. Et le système juridique serait simplement perçu comme un ensemble coercitif.
Les normes juridiques sont alors définies en termes de commandement323, La règle serait dans
l’acception classique un principe de la considération duquel procède directement une
obligation324, La règle de droit s’enracine alors ici dans le registre de l’obligatoire325. Dès lors,
obligation, contrainte, et sanction étatique, sont les caractères de la règle de droit Pour Xavier

322
V. MOTULSKY (H.), Principes d’une réalisation méthodique du droit privé. La théorie des éléments
générateurs des droits subjectifs, Thèse, Université de Lyon, Sirey, 1948, p.13.
323
V. BOBBIO (N.), Essais de théorie du droit, trad., Michel Guéret, avec la collaboration de Christophe Agostini,
324
BURDEAU (G.), Traité de Science Politique, I, Paris, 1949, p.171, cité par AMSELEK (P.), « Perspectives
critiques d’une réflexion épistémologique sur la théorie du droit », op cit., pp.70-71.
325
PERES-DOURDOU (C.), La règle supplétive, op cit., p.98.

58
Labbée326. La norme juridique est d’abord avant tout un ordre à savoir une injonction ou une
prohibition ; les deux versants positif et négatif de l’impératif et à ce titre la norme impose327.
De sorte que soit une norme est impérative, soit elle n’est pas une norme328.
Dans cette perspective, la normativité se confond alors avec l’impératif entendu au sens
déontique329. La règle renverrait alors à l’idée d’ordre. Qui empreigne le système juridique lui-
même. On parle alors d’ordonnancement juridique, l’expression sert à octroyer une certaine
unité du système selon la pensée moderne du droit. En effet les idées de Hiérarchie,
modification de l’ordonnancement juridique découle de cette conception. De même que l’autre
critère de la règle de droit qu’est la sanction. En effet l’idée d’ordre permet d’appuyer la règle
juridique sur la menace. Autrement dit, la sanction. Qui est nécessairement coercitive330. Ainsi
une règle dépourvue de sanction est une obligation imparfaite, ce n’est qu’une obligation
naturelle331. Dès lors, la norme juridique s’impose aux sujets de droit. La sanction est alors le
moyen de restaurer l’ordre social et l’ordonnancement juridique. La contrainte passe par des
voies organisées, on parle d’une contrainte étatique ou d’une sanction publique.
Cette dernière référence démontre l’influence du contexte d’alors. En effet certains
auteurs ont eu à démontrer que l’approche classique de la règle juridique fondée sur l’impératif
était fortement liée au processus d’affirmation de l’État face aux autres forces sociales332. Ainsi
Pour Gérard Timsit, le droit serait consubstantiel à l’autorité, à une forme éminente d’autorité333.
Or si l’on admet l’idée de Jean de Noël Atemengue334, selon laquelle « (…) Un droit donné,
quand il a pour objet de réguler une société donnée, est nécessairement situé et marqué (…) »,
pour dire que le contexte influence les conceptions du moment. Il est alors à souligner que le
contexte d’hier d’une toute puissance de l’État n’est plus le même aujourd’hui. L’État
régulateur est plus un partenaire, un organisateur, un stratège qu’un tout puissant335. De plus le

326
V. LABBEE (X.), Les critères de la norme juridique, PU Lille, 1994, p.12 : BASTIT (M.), « La loi », APD,
t.35, 1990, pp.211 et s. spéc., p.217-218.
327
V. GOYARD-FABRE (S.), Essai de critique phénoménologique du droit, Paris, Klincksiek ; 1972, pp.274 et
s.
328
HART (H.L. A.), Le concept de droit, trad., Michel Van de Kerchove, Bruxelles, Facultés universitaire de Saint
–Louis, 1994, pp.45, 50, 103.
329
GROUILLER (C.), Norme permissive et droit public, Thèse, dactyl., Université de Limoges, 2006, p.210.
330
V. JEAMMAUD (A.), La règle de droit comme modèle, op cit., p.207.
331
PERRIN (J.-F.), Pour une théorie de la connaissance juridique, op cit., p.84.
332
V. MORAND (Ch. A.), « La sanction », op Cit, p.297 ; BOBBIO (N.), Essai de théorie du droit, op cit, p.144.
333
TIMSIT (G.), « Les deux corps du droit. Essai sur la notion de régulation », RFAP, n°78, avril-juin 1996, p.376. ;
LOSCHAK (D.), « Le droit discours de pouvoir », Études en l’honneur de L. Hamon, Paris, Économica, 1982,
pp.429 et s.
334
ATEMENGUE (J. d. N.), « Production du droit public interne et contexte politique : le cas du Cameroun »,
Revue de Droit international et comparé, n°2, 2012, p.115.
335
V. ARNAUD (A.-J.), « De la régulation par le droit à l’heure de la globalisation. Quelques observations
critiques », Droit et Société, n°35, 1997, pp.11-35.

59
marché a pris les commandes et si l’État doit le suivre, il faut qu’ils remettent en cause certains
de ces fondamentaux. Dans l’approche impérativiste de la règle juridique et partant même du
336
droit, Denys de Béchillon propose une perspective plus actuelle du contexte de
mondialisation qui est le nôtre.
Il estime ainsi que le langage du droit en lui-même en réalité ne présente aucune
spécificité pouvant lui conférer une dimension impérative. Cette dernière proviendrait de
l’autorité, de la position ou situation institutionnelle dont jouit son auteur. Dès lors, l’explication
du caractère obligatoire des normes se cacherait ailleurs à savoir dans le pouvoir dont sont
investis leurs auteurs, ici, les régulateurs. Ainsi la règle de droit tirerait de son origine une force
illocutoire qui transcende alors le sens locutoire de son énoncé337. Autrement-dit, parce que le
communiqué ou l'avis émane du régulateur gendarme du secteur régulé, il revêt une force
obligatoire, impérative. Et ce peu importe les termes employés. L’opérateur économique sera
plus enclin à respecter l'acte simplement parce qu’il émane de la personne la mieux habilité.
Dans cette perspective, le caractère impératif demeure l’assise du discours normatif juridique,
puisque l’obligation demeure en arrière-pensée338. Et ça, c’est une évolution que l’on ne peut
ignorer. L’un des grands apports de cette approche et qui intéresse notre analyse de la règle de
droit, est d’y voir un modèle sur un mode impératif339 et ce peu importe l’énoncé. Que l’on
s'entende bien, l’impératif ici, ne découle plus de l’énoncé, mais de l’autorité de l’auteur de
l'acte.
L’idée étant que même en l’absence de commandement, une norme « n’enjoint pas
moins à tous de respecter la situation juridique ainsi constituée » au bénéfice du destinataire
de la norme. Dès lors, il doit être admis selon l’auteur que la majorité des normes supposent
alors une obligation à l’égard de leurs destinataires les plus directs ou à l’égard de leurs
destinataires indirects340. Cette posture en réalité si elle est maintenue, exclue alors le droit
souple.
Alors l’auteur pour résoudre ce problème et inclure les normes sans impératif dans le
« paysage du « vrai » droit341 » emprunte une voie médiane qui consiste à révéler une certaine
dimension impérative à ces dispositions. Il propose alors, en partant du fait que la norme
juridique soit un modèle, de distinguer entre impératif catégorique et impératif conditionnel342.

336
In Qu’est-ce qu’une règle de droit ? Paris, O. Jacob, 1997,
337
DE BECHILLON (D.), Qu’est-ce qu’une règle de droit ?, op cit., pp.175 et 184.
338
Ibid., pp.175
339
Idem.
340
DE BECHILLON (D.), Qu’est-ce qu’une règle de droit ?, op cit, pp.176; 178 et 179.
341
Ibid., p. 190.
342
DE BECHILLON (D.), Qu’est-ce qu’une règle de droit ?, op cit, p. 191.

60
Au premier correspondrait une forme de normativité prescrivant une action orientée vers un but
objectivement nécessaire. Quant au second, il serait à l’origine d’une normativité impliquant le
consentement du destinataire sur la finalité de la proposition343. Pour l’auteur donc, l’impératif
demeure l’élément d’identification de la norme juridique.

Mais cet impératif n’implique plus une obligation catégorique à la charge du destinataire
principal de la disposition. De même il n’envisage plus nécessairement l’unilatéralité. Dès lors,
il trouve sa place dans les rapports contractuels privés. Il est à souligner ici que la règle de droit
tire son impérativité de l’autorité de son auteur qui en matière contractuel n’est pas tant les
parties mais plutôt celui-là qui autorise les personnes privées à tisser du droit entre elles à savoir
le législateur344.

Cet impératif admet donc l’appréciatif qui relèverait du souhaitable345. Deux aspects de
la règle juridique que l’on a souvent dissociés. Il y’a donc ici rupture avec la conception
classique de l’impératif juridique et donc de la normativité. Dès lors la règle juridique
disposerait d’une double nature. En effet la distinction faite par Denys de Béchillon et qui
s’inspire de Kant, que nous avons présenté ci-dessus, permet de différencier le commandement
et la recommandation. Comme les deux visages de la norme juridique. Autrement dit, la règle
juridique n'est pas que commandement, elle est en réalité commandement et recommandation.
Deux faces d’une même pièce, ce qui n'est pas moins qu’une unité dans la diversité. C’est cette
diversité qui caractérise en réalité la normativité en théorie du droit.

b) La vastitude de la normativité

Cette posture duale dans la nature de la norme juridique, Paul Amselek l’évoquait déjà.
Ainsi il faut retourner dans les sens étymologique et philosophique des mots « règle » et
« norme ». Dans le premier aspect, les mots norme ou règle346 de par leurs origines latine à
savoir la regula et la norma désigneraient « l’instrument matériel ou abstrait qui sert à tracer
des lignes, lignes droites et perpendiculaires ou lignes de conduite, de comportement 347 », Il
s’agit d’outils matériels, physiques, des équerres ou des réglettes donnant la mesure de la
droiture, rectilinéarité ou rectangularité et permettant alors de tracer des lignes droites ou des

343
Ibid., pp. 190 à 195.
344
Ibid., p. 208.
345
V. LALANDE (A.), Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, PUF « Quadrige », 2002 cité
par THIBIERGE (C.), « Le droit souple. Réflexions sur les textures du droit », op cit, p.599.
346
Les deux notions seront prises comme synonymes.
347
THIBIERGE (C.), « Le droit souple. Réflexions sur les textures du droit », op cit, p.599.

61
angles droits ou encore de vérifier la rectitude de tracés déjà effectués348. Éric Millard349 semble
aller dans le même sens, en écrivant qu’« [u]ne norme est souvent définie en première approche
comme une référence ou un modèle » autrement dit, « une « description » de ce qui devrait être,
selon un point de vue déterminé ». Dès lors est normatif ce qui sert de modèle, la normativité
étant liée à ce qui donne modèle. Au final, les racines du langage ramènent à la fonction de la
norme ou règle ce que le langage juridique avait réduit à son caractère obligatoire350. Dès lors,
la norme juridique en tant qu’elle constitue ou fournit un modèle351 a alors une double nature,
ou reposerait sur un double registre.
Le premier relèverait du modèle imposé, qui correspond au droit dur nous pensons ici à
la règle qui posent une obligation ou une prohibition. Le second registre correspondrait au
modèle proposé, qui au lieu de tracer une ligne de conduite ou d’action prédéterminer, se
contente de suggérer, indiquer, recommander une direction souhaitable352. C’est le sens même
du droit souple en matière de régulation économique.
La règle de droit est un modèle, une référence pour ses destinataires, dès lors sa première
fonction est de tracer des lignes de conduite. Mais aussi, la règle juridique permet d’évaluer une
conduite : elle fournit alors un instrument de mesure pour le juge. « Tracer et mesurer telles
sont les deux fonctions des règles 353 ». Il en découle donc une nouvelle conception de la
normativité en théorie de droit.
La conception de la norme juridique comme modèle354 permet alors de rendre compte
de la diversité des énoncés normatifs qui n’expriment pas toujours des normes de caractère
impératif catégorique. En même temps, elle introduit l’idée qu’il existerait des degrés dans la
normativité355 . Ce que la doctrine qualifie d’échelle de normativité 356 . On relève alors une
réalité ici c’est que les partisans de la thèse du modèle ne rompent pas avec la logique déontique
puisqu’ils considèrent comme modèles, que des modèles de conduite de comportement 357. La

348
AMSELEK (Paul), « La teneur indécise du droit », RDP, 1991, pp.1129-1216, spéc., p.1200.
349
MILLARD (E.), « Qu’est-ce qu’une norme juridique ? », op cit, p.60.
350
THIBIERGE (C.), « Le droit souple. Réflexions sur les textures du droit », op cit, p.599.
351
JEAMMAUD (A.), « La règle de droit comme modèle », D. 1990, chron. P.199.
352
THIBIERGE (C.), « Le droit souple. Réflexions sur les textures du droit »,op cit, p.599.
353
Idem.
354
JEAMMAUD (A.), « La règle de droit comme modèle », op cit., pp.199-210.
355
V. AMSELEK (P.), « La teneur indécise du droit », op cit, pp. 1129-1216.
356
THIBIERGE (C.), « Le droit souple. Réflexions sur les textures du droit », op cit., p.599.
357
AMSELEK (P.), Perspectives critiques d’une réflexion épistémologique sur la théorie du droit, op cit., p.100 ;
du même auteur, « Le droit technique de direction publique des conduites humaines », Droits, n°10, 1989, p.7 ;
MAC CORMICK (N.), « La texture ouverte des règles juridiques », In Controverse autour de l’ontologie du droit,
Paris, PUF, 1989, p.122.

62
thèse du modèle permet alors de mettre en avant le large spectre de la normativité qui ne se
limite pas alors à la direction des conduites fut-elle souple ou autoritaire358.
L’échelle des normes implique selon Catherine Thibierge359 qu’aux deux extrémités
de l’échelle se retrouvent les certitudes réconfortantes de la logique binaire à savoir d’une
part les normes incontestablement obligatoires : les règles prohibitives et prescriptives et a
fortiori les règles indérogeables, et de l’autre les règles certainement non-obligatoires, les
expressions de grands principes déclaratoires, les objectifs et orientations du droit dit alors
« proclamatoire » ou « déclamatoire ». Mais entre les deux extrémités il existerait une
frange indéterminée qui se résument entre le permis 360 , l’encouragé, le recommandé, le
conseillé etc. Dès lors, les degrés se déclinent du plus dur au plus souple361.

Paul Amselek362 abonde dans le même sens. Pour lui, la règle de droit comme modèle,
définit une marge de possibilité ou de latitude à l’intérieur de laquelle doit se tenir la conduite
à suivre ou déjà effectivement suivie pour avoir valeur de ligne droite, régulière. Ainsi cette
marge de possibilité est de degré 0 dans le cas des règles d’interdiction, elle est de degré
maximal, de degré 1 dans le cas des règles d’obligation qui imposent de faire telles choses
dans telles circonstances, et de degré intermédiaire dans le cadre des règles permissions.

À côté de cette échelle de norme, Catherine Thibierge évoque une échelle de


sanctions363. Il faut alors partir de la distinction de la sanction que propose Philippe Jestaz364.
Pour cet auteur, trois sens peuvent être donné au mot sanction. Dans un premier sens, la
sanction reverra à la reconnaissance de la règle par l’ordre juridique le mot sanction serait
alors synonyme de « consécration ». Dans un second sens, la sanction renverra à la mise en
œuvre autoritaire de la règle, il serait synonyme de contrainte. Et dans un troisième sens le
mot sanction entendu dans un sens large renvoyant aux conséquences précises attachées à la
règle, le mot serait synonyme de « tarif ». Ce dernier serait le prix à payer en cas
d’inobservation c’est ce dernier sens qu’il semble retenir et sur lequel l’on peut aisément

358
AMSELEK (P.), « Norme et loi », APD, t.25, 1980, p.89 ; du même auteur, « L’évolution générale de la
technique juridique dans les sociétés occidentales », RDP, 1982, pp.275 et s.
359
THIBIERGE (C.), « Le droit souple. Réflexions sur les textures du droit », op cit, p.599.
360
Sur les normes permissives v. GROUILLER (C.), Norme permissive et droit public, Thèse, dactyl., Université
de Limoges, 2006, p.210.
361
THIBIERGE (C.), « Le droit souple. Réflexions sur les textures du droit », op cit, p.599.
362
V. AMSELEK (P.), « La teneur indécise du droit », op cit., pp. 1129-1216.
363
THIBIERGE (C.), « Le droit souple. Réflexions sur les textures du droit », op cit. p.599.
364
JESTAZ (Ph.), « La sanction cette inconnue du droit », D., 1986, chron., pp.197 et s., spéc., p.198 ; François
Ost et Michel Van de Kerchove relèvent six sens, in De la pyramide au réseau. Pour une théorie dialectique du
droit, op cit, p.222.

63
reposer la théorie de l’échelle ou degré de sanction. On aurait ainsi des sanctions prévues et
organisées, l’absence de sanction pour les règles souples. Il y aurait aussi des sanctions extra
juridiques ou alternatives c’est le cas d’une mauvaise réputation pour une entreprise dans le
secteur des marchés financiers ce qui est à la base de la contestation de la décision de l’AMF.
Dès lors, non sanctionné juridiquement n’impliquerait pas nécessairement non sanctionner
du tout 365 . Entre ces deux sortes de sanctions existeraient des sanctions possibles pour
lesquelles la contrainte juridique ne ferait donc pas sens366. Dès lors, là où il n’y a pas de
sanction, le juge lui peut décider d’en infliger. La prise en compte des recommandations des
AAI en donne en France une illustration selon les arrêts étudiés ici.

Dès lors, la sanction n’est plus uniquement comprise comme la contrainte exercée
par une autorité publique ce qui peut renvoyer à une mise en œuvre autoritaire de la règle.
La sanction serait alors extérieure à la règle367 puisqu’il existe des règles non sanctionnées
ou ineffectives qui restent néanmoins des règles de droit 368 , la juridicité n’est pas alors
subordonnée à l’existence d’une sanction coercitive 369 . François Terré écrivait que la
sanction ne constitue pas le critère de la règle de droit en effet il estimait que la règle n’est
pas juridique parce que sanctionnée, mais sanctionnée parce que juridique370. Autrement dit,
c’est parce que le juge a reconnu qu’il y a du juridique dans les communiqués et avis-
régulation des autorités de régulation qu’il leur ouvre sont prétoire et s’offre ainsi le droit de
les sanctionner, le cas échéant.

Dans cette occurrence, il n’est plus semble-t-il possible de continuer à voir dans le
droit une approche binaire appuyer sur le critère unique de la contrainte. Et qui au final trace
une frontière qui illustre un état : être ou ne pas être juridique d’une part et d’autre part être
ou ne pas être une règle de droit371.

Il faut donc s’appuyer sur une approche qui pose une graduation. Ceci implique que
la juridicité ne soit plus un état, mais une qualité plus ou moins forte ou faible372, autrement

365
THIBIERGE (C.), « Le droit souple. Réflexions sur les textures du droit », op cit., p.599.
366
Idem
367
JESTAZ (Ph.), « La sanction cette inconnue du droit », op cit., p.200.
368
V. par exemple BREILLAT (D.), « Le droit constitutionnel non sanctionné », in La sanction du droit, mélanges
Couvrat, Paris, PUF, 2001, p.25.
369
V. OPPETIT (B.), « Le droit hors de la loi », Droits, n°10, 1989, pp.47 et s., spéc., p.49. ; JEAMMAUD (A.),
« La règle de droit comme modèle », D. 1990, p.199
370
TERRE (Fr.), « Pitié pour les juristes », RTD civ., 2002, pp.247 et s., spéc., p.248. Pour un avis contraire v. DE
BECHILLON (D.), Qu’est-ce qu’une règle de droit ? O. Jacob, 1997, p.74.
371
V. TIMSIT (G.), Les noms de la loi, Paris, PUF, coll. Les voies du droit, 1991 p.463.
372
Idem.

64
dit une échelle373. Il faut alors préciser que, « le curseur est susceptible de se déplacer sur
cette échelle de juridicité incluant les divers degrés de densité normative (…)374 ». Nous
souscrivons largement à la position de selon laquelle, La remise en cause de la théorie du
droit qui semble émerger ici n’est pas aussi radicale que l’on peut le croire375. D’ailleurs
Même dans une optique du réseau, la conception du droit se veut plutôt dialectique376. Pour
rendre compte de la réalité juridique de nos sociétés en pleine mutations.

Dans cette mouvance le système juridique camerounais peut recevoir les instruments
de droit souple, c’est-à-dire admettre leur juridicité. De sorte que les juges puissent en
connaître dans un contentieux de la légalité. Le droit français en offre déjà un exemple à
encourager en droit camerounais.

2/- Les éléments à prendre en compte pour la reconnaissance de la valeur


juridique des actes de droit souple

Les faits desquels découlent ces éléments sont assez simples ; les opérateurs saisissent
le juge l’un contre des communiqués de presse publiés par l’Autorité des marchés financiers
sur son site internet377. Et l’autre contre la prise de position de l’Autorité de la concurrence378.
Les deux actes ne créaient pas de droits ou d’obligations juridiques pour quiconque. Il s’agissait
d’actes de communication et de prises de position qui, par leur publicité et la qualité de leur
auteur, influencent fortement, dans les faits, les acteurs du marché, bien qu’ils ne soient
nullement tenus de suivre la position de ces autorités publiques d’un point de vue juridique. De
tels actes n’étaient jusqu’alors pas susceptibles de recours juridictionnels dès lors qu’ils n’ont
aucun effet juridique.

Pourtant, le juge administratif français va ouvrir son prétoire à ces actes de régulation
des secteurs apportant ainsi une modification de leur valeur juridique 379 . Une attitude qui
s’inscrit dans la logique décelable déjà dans l’étude menée sur le droit souple en 2013. Le juge
suprême de l’ordre administratif prenait acte de l’omniprésence de ce type de droit dans la

373
Sur l’échelle de juridicité v. BARRAUD (B.), Théories du droit et pluralisme, tome 2 La théorie syncrétique
du droit et la possibilité du pluralisme juridique, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2017, spéc., pp.199 et s
374
THIBIERGE (C.), « Le droit souple. Réflexions sur les textures du droit », op cit., p.599.
375
Idem.
376
OST (Fr.) et VAN DE KERCHOVE (M.), De la pyramide au réseau…, op cit., p.125.
377
CE., Ass., 21 mars 2016, n°368082.
378
CE., Ass., 21 mars 2016, Numéricâble, n°390023.
379
Pour ce qui concerne les recommandations de la HAS v. CLAUDOT (F.) et JUILLIERE (Y.), « La portée
juridique des recommandations de la HAS : Les appliquer ou ne pas les appliquer ? », Consensus Cardio pour le
praticien, n°72, octobre 2011, pp. 30-32.

65
pratique administrative française. Une omniprésence qui invitait à ne plus nier une réalité, cette
posture est une voie à promouvoir en droit camerounais, dont le droit de la régulation est encore
à ses débuts, mais où de tels actes émergent déjà. Il est important de s'attarder sur les éléments
pris en compte par le juge administratif français en tant qu’ils peuvent servir d’inspiration au
juge administratif camerounais le moment venu. Ces éléments peuvent être regroupés en deux
axes. Le premier est assez classique (a), tandis que le second axe renferme des éléments
d’appréciation assez nouveaux (b).
a) La prise en compte des effets juridiques des actes : un élément classique mais
insuffisant

De façon classique les effets juridiques des actes sont la création des droits ou des
obligations. Ce n’est que de ce fait, qu’ils sont susceptibles de recours devant le juge 380. Dès
lors, selon le juge, les actes de droit souple doivent revêtir les caractères de la règle de droit ou
d’un acte exécutoire pour pouvoir faire l’objet d’un recours devant lui. Le juge confirme ainsi
le maintien d’une certaine conception de la règle de droit véhiculé par la théorie juridique
kelsénienne. Et qui aura pendant longtemps conserver hors du droit les actes de droit souple381.
Et validé l’idée qu’est droit, le seul droit dur, c’est-à-dire un droit impératif, un commandement,
une obligation etc.382.

Cependant, cette optique a progressivement été remise en cause. Ainsi, les décisions qui
ne modifient pas l’ordonnancement juridique ont été jugé recevables dans le cadre du recours
pour excès de pouvoir383. Dans le domaine économique, deux arrêts ouvrent cette possibilité ;
l’arrêt Société Casino Quichard Perrachon384 et l’arrêt Société ITEM portant sur les avis de
l’autorité de la concurrence française, on permit au juge d’admettre que de tels actes étaient
susceptibles de recours. Ceci, dès lors que les autorités de régulation y adoptaient des
prescriptions individuelles ou générales pouvant les conduire à exercer en aval leur pouvoir de
sanction. Ce qu’il faut retenir ici est que ce sont les effets juridiques des actes en question qui

380
V. MILLARD (E.), « Qu’est-ce qu’une norme juridique ? », Cahiers du conseil constitutionnel, 2006, pp.59-
62.
381
THIBIERGE (C.), « Le droit souple. Réflexions sur les textures du droit », op cit, p.599.
382
V. GROUILLER (C.), Norme permissive et droit public, op cit., pp.158-159.
383
V. CE, 21 octobre 1988, Église de scientologie, n° 68638 ; 69439.
384
CE, 11 octobre 2012, Société Casino Guichard-Perrachon, req., n°357193.

66
sont visés et rien d’autres385. Mais ces décisions traçaient déjà un chemin vers la reconnaissance
directement de la valeur juridique des actes de droit souple de régulation

b) Les éléments nouveaux d’appréciation des actes de droit souple de régulation


base de leur recevabilité contentieuse

La participation du marché et de la concurrence à la réalisation de l’intérêt général 386,


marque moins le déclin de l’influence du droit public, mais son envie de mieux se saisir des
contours de l’économie. C’est le sens même de la régulation et de son droit, dans la mesure où
ce qui est recherché c’est le « mieux d’État », et non le « sans État »387. C’est pourquoi, il faut
pouvoir étendre l’emprise du droit sur les pratiques et actes du marché, même ceux des
personnes publiques. Ainsi pour Claudie Boiteau388, les actes de droit souple qui envahissent
l’activité administrative et tout spécialement celles des régulateurs « (…) relèvent de l’essence
même de la régulation qui développe des formes nouvelles de normativité et privilégient un
mode d’action non contraignant. Or ces actes peuvent avoir un impact- et c’est bien leur but ».
Dès lors, ils ne pouvaient plus bénéficier d’une certaine immunité juridictionnelle. Sauf alors à
faire perdre tout crédit à la fonction de régulation.
La recevabilité des actes de droit souple de la régulation économique 389 est donc un
problème à résoudre. Pour cela, le juge administratif français ouvre une piste qui consiste à
prendre en compte des éléments nouveaux dans l’appréciation de ces actes de droit souple. La
nouveauté découle du fait que ces éléments sont non juridiques. Le considérant de principe est
que les actes pris par les régulateurs dans l’exercice de leurs missions peuvent faire l’objet d’un
recours pour excès de pouvoir » lorsqu’ils sont de nature économique, ou ont pour objet
d'influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils
s’adressent ». Pour Arnaud Sée, ce considérant de principe aux deux décisions du 21 mars 2016,
opère une évolution profonde des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours contentieux390.

385
DAUMAS (V.), « Les effets économiques des actes de droit souple comme critères de recevabilité des recours
contentieux », in Les conséquences économiques des actes des autorités de régulation, synthèses de la Conférence
de la chaire gouvernance et régulation, Université Paris-Dauphine, 28 juin, 2016, disponible à l’adresse
http://crdp.parisnanter.fr consulté le 15 mars 2019, p.3.
386
V. ZEVOUNOU (L.), La concurrence en droit français, op cit, pp.151 et s.
387
V. RAPP (L.) « Le droit public, l’économie et la régulation : l’exemple des télécommunications », Petites
Affiches, n°110, « Droit de la régulation : questions d’actualité », juin 2002, pp.59-57
388
BOITEAU (Cl.), « Vers la définition de l’office du juge du droit souple de la régulation économique ? », in Les
conséquences économiques des actes des autorités de régulation, op cit, p.9.
389
Idem.
390
SÉE (A.), « Quel contentieux pour le droit souple ? », in Les conséquences économiques des actes des autorités
de régulation, op cit, p.11.

67
De prime abord, il faut dire que ce considérant reconnaît le fait que la régulation
économique a un objet particulier allant au-delà du strict exercice de pouvoir de police dans le
domaine économique. Aussi, et ce de façon inédite, la recevabilité du recours contre les actes
de droit souple est liée à deux éléments. Le premier est relatif à l’attachement aux effets
susceptibles d’être produits par eux. Le second est relatif à l’objet de ces actes à savoir
influencer le comportement des personnes soumises à la régulation391. Les éléments à prendre
en compte sont donc là : les effets et l’objet des actes de droit souple des régulateurs. Ces
éléments ne sont pas cumulatifs mais alternatifs392. Le juge place donc sur le même plan le
critère de l’effet économique et celui de l’effet juridique393, l’approche du juge ici se veut alors
pragmatique394 car elle recherche in concerto l’impact manifeste de l’acte395. Cet impact est
donc juridique mais désormais économique. Les effets économiques de la régulation sont tout
de même encadrés par des normes juridiques relevant du droit dur ; c’est le cas des objectifs
fixés par la loi396. Le choix jurisprudentiel comporte tout de même diverses interrogations397.

Ces éléments, le juge camerounais ne doit pas les adoptés par pur mimétisme mais pour
diverses raisons autres. C’est que premièrement, le droit de la régulation est un droit
éminemment conséquentialiste, c’est un droit finalisé. Autrement dit, il n'a de pertinence que
par son aptitude à satisfaire les objectifs de régulation assignés aux régulateurs par la loi
expression de la volonté générale398.
Dès lors, le conséquentialisme de ce droit est inscrit dans un mécanisme légal de prise
de décision 399. Or si les régulateurs doivent suivre ce raisonnement conséquentialiste parce
qu’ils évoluent dans un droit revêtu de ce caractère. Il est important pour éviter tout arbitraire
que ce raisonnement conséquentialiste soit tenu d’un bout à l’autre de la chaîne de régulation.
De sorte que les autorités de contrôle en bonne place desquels les juges puissent en faire de
même, c’est-à-dire adopter le raisonnement conséquentialiste. L’approche induit une

391
DAUMAS (V.), « Les effets économiques des actes de droit souple comme critère de recevabilité des recours
contentieux », in Les conséquences économiques des actes des autorités de régulation, op cit, p.4.
392
CE, 20 juin 2016, Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA), ici c’est le critère de l’objet plutôt
que celui de l’effet qui a été pris en compte.
393
FOLLIOT LALLIOT (L.), « Le droit souple saisi par ses effets économiques », in Les conséquences
économiques des actes des autorités de régulation, op cit, p.13.
394
Idem.
395
Ibidem
396
CANIVET (G.), « La prise en compte des effets économiques dans le contentieux de la régulation », in Les
conséquences économiques des actes des autorités de régulation, op cit., p.6.
397
DAUMAS (V.), « Les effets économiques des actes de droit souple comme critère de recevabilité des recours
contentieux », in Les conséquences économiques des actes des autorités de régulation, op cit, pp. 4 et s.
398
CANIVET (G.), « La prise en compte des effets économiques dans le contentieux de la régulation », in Les
conséquences économiques des actes des autorités de régulation, op cit, p. 7.
399
Ibid, p.8.

68
transformation des méthodes et des outils classiques du juge, à l’instar du recours pour excès
de pouvoir400.
Deuxièmement, le juge camerounais devra ouvrir son prétoire aux actes de droit souple,
parce qu'il fait partie intégrante de la chaîne de régulation, mais aussi parce qu’il est le garant
de la légalité et partant de l’État de droit. De plus son activité de contrôle est quelque par une
source de légitimité de l’action des régulateurs401. Le juge devra alors s’appuyer sur les effets
de l'acte. Lorsque la formulation de l’acte est ambiguë. Dans cette optique c'est l’emprise du
droit sur les rapports sociaux qui en sort vainqueur. Puisque le contrôle se fera alors en tenant
compte de la nature et des caractéristiques des actes et désormais aussi du pouvoir
d’appréciation dont disposent les régulateurs402. À côté de ces instruments recommandatoires,
un autre instrument de régulation émerge à savoir la norme technique.

PARAGRAPHE 2 : Le recours aux normes techniques comme instrument de


régulation des services publics de réseaux

Existe-t-il des interactions et enjeux associant normalisation et régulation ? La question


mérite d’être posée. La réponse peut ainsi s’inscrire dans une perspective d’économie politique,
l’idée étant de faire naitre un lien entre les processus d’innovation et les modes de régulation et
les dynamiques financières du marché. Cette démarche malgré sa complexité, permet une
approche analytique des liens entre régulation et normalisation qui participent tous deux à la
construction de l’architecture des marchés. De même, aborder une étude visant à montrer
l’interdépendance entre régulateurs et normalisateurs permet de mettre en lumière le rôle
important que jouent les standards dans le monde économique globalisé d’aujourd’hui.

La technique est bel et bien présente dans la régulation des industries de réseaux qui
sont des marchés technologiques et d’innovations. La normalisation trouve régulièrement sa
place au cœur des problématiques du régulateur dans les télécommunications ou même encore
en matière d’électricité, d’aviation civile, de poste etc. ; au-delà des questions relatives à la
gestion et à la règlementation du spectre des fréquences. Dans le secteur de l’électricité les
autorisations administratives sont soumises au respect des normes techniques 403 . De même

400
Idem.
401
BOITEAU (Cl.), « Vers la définition de l’office du juge du droit souple de la régulation économique ? », in Les
conséquences économiques des actes des autorités de régulation, op cit, p.9.
402
Ibid., p.10.
403
Art. 7 al. 1 du Décret n°2000/464/PM du 30 juin 2000, régissant les activités du secteur de l’électricité

69
l’interopérabilité ne peut se faire sans une compatibilité technique minimum dans le marché. Il
existe alors plusieurs exemples qui attestent des interactions associant normalisation et
régulation. Et ce même dans les marchés financiers avec ici l’adoption des international
accounting standards. En fait les fonctions originelles de la normalisation techniques doivent
être remises à l’ordre du jour pour démontrer que le régulateur peut se servir de la normalisation
technique comme un outil moderne dans ses missions d’ouverture du marché (A), et de
protection des consommateurs (B).

A/- L’utilisation de la norme technique en faveur de l’accès au marché : la lutte


contre les barrières techniques

La mission des régulateurs est d’ouvrir les marchés monopolistiques à la concurrence


en favorisant l’accès à ceux-ci aux nouveaux entrants. L’on est alors dans la perspective d’une
nouvelle conception de la concurrence : d’un phénomène statique tel que le présentait l’école
néoclassique, elle serait devenue un phénomène dynamique 404 . Ceci à travers la notion de
contestabilité. C’est alors dans ce modèle de marché parfaitement contestable, qu’il faut
analyser la place de la normalisation technique. En effet, ce modèle s’inscrit dans un cadre plus
large, celui de la réflexion sur la redéfinition de la notion de barrière à l’entrée d’un marché405.
L’objectif est que les nouveaux entrants ne doivent faire face à aucun désavantage par rapport
aux entreprises présentes. La normalisation trouve une place dans cet objectif qui s’inscrit aussi
dans une optique d’optimisation des marchés pour une plus grande efficacité du tissu
économique.

En tant que processus d’appropriation collective d’un format, d’un objet, qui n’implique
pas une exclusivité des droits au bénéfice d’exploitation, comme par exemple le brevet. En tant
que tel alors la normalisation a un fort impact sur la compétition économique dans la mesure
où elle impose des mises en forme, des désignations etc. En effet, il peut arriver qu’un marché
soit fermé à cause de certaines barrières techniques ou même technologiques empêchant toute
ouverture à de nouveaux entrants. Il se crée alors un espèce de monopole ou de concentration.
Un exemple peut-être fournit à travers le marché de la téléphonie mobile.

Ce secteur peut ainsi évoluer sans compatibilité entre les différents produits présents sur
ce marché. Cette absence de compatibilité atténue les effets de la concurrence puisqu’elle

404
V. MACKAAY (E.), et ROUSSEAU (S.), Analyse économique du droit, Paris, Dalloz, coll. « Methods du
droid », 2e éd., 2008, p.104.
405
EISNER (M. A.), «Antitrust and the triumph of economics: institutions, expertise, and policy change», Chapel
Hill, University of North Carolina Press, 1991, pp.103 et s.

70
limiterait le nombre d’acteurs présent sur le marché. Et serait un réel frein à l’innovation. Un
consommateur ne pourra donc pas utiliser une application développée pour un autre téléphone.
De même Les producteurs d’applications ne pourront alors que s’adresser aux utilisateurs d’un
type de téléphone donné, ce qui naturellement peut réduire leur envie d’entrée sur le marché.

L’absence de compatibilité devient alors une barrière technique à l’entrée de nouveaux


opérateurs sur le marché. De plus, le standard le plus largement adopté par les consommateurs
donnerait à l’entreprise qui en ait propriétaire une position dominante durable sur le marché.
L’adoption des normes techniques dans un secteur permet alors de parer à ces désagréments.

C’est le cas des normes de compatibilité qui permettent alors à divers produits de
fonctionner les uns avec les autres406. C’est ainsi par exemple qu’il existe des normes techniques
relativement aux cartes à puces407 ce qui permet une compatibilité entre ces dernières et les
distributeurs automatique par exemple. Ainsi, il est possible d’utiliser un même distributeur
automatique avec des cartes à puce de sociétés différentes.
Le même constat peut être fait avec le secteur des télécommunications engagées dans la
voie de l’interopérabilité et de la portabilité des numéros. Ceci permet aux consommateurs
d’avoir le choix de combinaison des produits. On assiste alors à une maximisation de son utilité.
De même, elles permettent d’accroitre le nombre de produits en concurrence, avec un réel
impact sur leur prix et leur qualité.
Dans les marchés public408 aussi, la normalisation permet aux acheteurs de définir leurs
besoins avec plus de précisions et de sécurité possibles il y’a donc une intégration dans les
documents contractuels des normes techniques. D’ailleurs, les cahiers de charge pour
l’obtention des autorisations administratives comportent des spécificités techniques.
Dans cette perspective, la normalisation facilité la surpression des barrières techniques
à l’entrée du marché et l’ouverture de nouveaux marchés. Elle implique alors une pluralité
d’acteurs dans les secteurs économiques. Le cas des communications électroniques est assez
illustratif puisque l’on y retrouve les opérateurs, les équipementiers, les fournisseurs de services
etc. ce qui permet de répondre aux finalités de la concurrence, mais aussi de l’innovation,
marques de dynamisme économique du secteur.

406
V. MAILY (J.), La normalisation, 2e éd., Paris, Dunod, 1946, spéc., pp. 38 et s.
407
BARTHET (M.-C.), « Vingt normes qui transformèrent le monde », Rev. Enjeux, n°200, janvier 2000, pp.80 et
s, spéc. p.81.
408
ROUSSEL (C.), « L’incidences du non-respect des normes techniques dans les marchés publics », AJDA, 2003,
p.1996.

71
La normalisation assure alors la préservation d’un choix multi fournisseurs au travers
d’interfaces normalisées, ce qui permet la baisse des coûts, l’interopérabilité des réseaux et des
services, la qualité de ceux-ci etc. De même la normalisation technique permet le respect des
exigences essentielles comme la bonne utilisation du spectre, la sécurité et la non-perturbation
etc.
Le régulateur s’en sert aussi dans les activités comme la compatibilité entre des systèmes
concurrents, ou encore dans l’élaboration des règles cohérentes de numérotation, d’adressage,
de nommage ou les questions liées au raccordement à la boucle locale. À ce propos, le règlement
des différends entre les sociétés Liberty Surf et France Télécom a mis en évidence le caractère
insuffisant de la normalisation à ce niveau. C’est ainsi que l’ARCEP pour le développement de
l’internet mobile a publié des recommandations soulignant l’intérêt de la normalisation dans le
cas de la pré-programmation à distance des terminaux mobiles409. La normalisation permet alors
au marché d’évoluer dans un climat de neutralité technologique et d’innovation. De même la
normalisation permet d’instaurer en droit camerounais les bases d’une responsabilité du fait des
produits.

En suivant la normalisation, le régulateur établit ainsi une ligne directrice et de référence


en prévision de futures questions qui pourront survenir dans le marché. Autrement dit, il se
donne la possibilité d’avoir une certaine visibilité sur l’évolution du marché, le jeu des acteurs
etc. Ce qui est très important dans les secteurs où l’environnement technologique est très
fluctuant. La normalisation conditionne et structure donc le développement du marché410.

À côté de cette utilisation comme moyen d’installer la concurrence et de la préserver,


face aux évolutions du marché, la normalisation a dans la même continuité, un rôle protecteur,
non plus du marché concurrentiel mais du consommateur final.

B/- La norme technique, un instrument de protection du consommateur

Le consommateur est devenu le nouveau citoyen dans un monde dominé par le marché.
La concurrence qui caractérise l’économie mondiale conserve donc un certain visage humain

409
V. ETSI, Normalisation, réglementation, régulation, étude de l’ETSI, disponible en ligne
http://www.etsi.org/public-interest, consulté le 26 juillet 2019 ; ART, « Normalisation et régulation : interactions
et enjeux », 8e entretiens de l’Autorité, 28 octobre 2002, disponible en ligne à l’adresse http://www.art-telecom.fr,
consulté le 26 juillet 2019, 31p.
410
V. AFNOR, L’impact économique de la normalisation, étude AFNOR juin 2009, disponible en ligne à l’adresse
http://groupe.afnor.org/étude-impact-economique/data/catalogue.pdf, consulté le 26 juillet 2019.

72
au travers de la volonté affiché du législateur camerounais de protéger les consommateurs411.
Autrement dit, l’ouverture à la concurrence des secteurs économiques à travers le monde et en
particulier au Cameroun a pour objectif certes, de garantir l’efficience du marché, mais elle
s’occupe aussi d’en faire profiter les consommateurs. La prise en compte des questions des
consommateurs dans un contexte de concurrence s’inscrit dans le courant spécifique du néo-
libéralisme qu’est l’ordo-libéralisme allemand412. La promotion du consommateur suit alors
celle de l’administré.

Les deux entretiennent des traits communs413. Ainsi l’administré est la fin ultime de
l’action de l’administration, dès lors il se voyait attribué un ensemble de droit de regard sur le
fonctionnement de l’État ou de la collectivité locale. Le consommateur lui aussi est érigé
comme une fin ultime de l’économie concurrentielle414.

Dès lors, une politique de la consommation était nécessaire dans les systèmes de
régulation afin de donner à ces derniers une plus grande influence et importance dans la vie
économique nationale. Le droit de la régulation rencontre alors le droit de la consommation.
On se retrouve alors dans les systèmes de régulation économique camerounais face à un
triptyque : consommation, concurrence, régulation Dont les régulateurs assurent l’harmonieuse
coexistence. Jean Calais-Auloy va dans le même sens en estimant que la protection des
consommateurs n’entrave pas le développement de l’économie de marché. Tout au contraire,
elle permet de supprimer les critiques faites à celle-ci, ce qui permet qu’elle puisse au final
contribuer au succès du système 415. Cela implique alors un changement de perspective que
traduit fortement la régulation économique. C’est celle qui voit dans la concurrence un moyen

411
V. Art. 72 al. 1 para. 3 de la Loi n°2011/022 du 14 décembre 2011, régissant le secteur de l’électricité au
Cameroun ; Art. 36 al. 2, para. 18 de la Loi n°2010/013 du 21 décembre 2010, régissant les communications
électroniques au Cameroun, modifié et complété par la Loi n°2015/006 du 20 avril 2015.
412
V. DENORD (F.), « Néolibéralisme et économie sociale de marché : les origines intellectuelles de la politique
européenne de la concurrence (1930-1950) », in Annales, histoire, économie et société, 1, 2008, pp.23-33.
413
V. BEZES (Ph.), Réinventer l’État. Les réformes de l’administration française (1962-2008), Paris, PUF coll. »
le lien social », 2009, pp.132 et s ; et pp.158 et s.
414
PINTO (L.), « La construction sociale d’une fiction juridique : le consommateur (1973-1993) », Actes de la
recherche en sciences sociales, n°199, 2013/4, pp.4-27, spéc., p.7.
415
CALAIS-AULOY (J.), Proposition pour un nouveau droit de la consommation. Rapport de la commission de
refonte du droit de la consommation. Paris, La Documentation française, 1985, p.11.

73
efficace de satisfaire le bien collectif416. La concurrence participe alors de l’intérêt général417.
Ainsi protéger le consommateur c’est aussi protéger le citoyen418.

Les diverses normes techniques permettent de protéger les intérêts des consommateurs,
considérés comme la partie faible des secteurs ouverts à la concurrence. C’est le cas des normes
techniques de qualité et de sécurité. En effet un défaut dans la fabrication d’un terminal peut
être la cause d’un préjudice corporel, ou celle de l’altération de la qualité du service fourni à un
consommateur. La normalisation permet alors de garantir un certain niveau de qualité des
produits. C’est ainsi que sont mises en place des normes de qualité qui servent aux opérations
de certification.

La certification qui n’est pas en réalité de la normalisation au sens stricte du terme mais
cependant qui se sert fortement des normes techniques 419 , est une opération qui permet de
vérifier que l’équipement que l’on offre en usage sur le marché, respecte les exigences
essentielles et spécifiques que sont la sécurité des usagers et la compatibilité électromagnétique,
ou encore le respect des exigences spécifiques que sont l’interopérabilité des réseaux ; la bonne
utilisation du spectre radioélectrique en ce qui concerne le secteur des communications
électroniques. Le but étant de protéger les consommateurs contre les piratages, manifestation
de la criminalité cybernétique.

La certification joue le même rôle en matière d’électricité. Le contrôle de conformité


aux normes, des installations électriques intérieures et des matériels électriques vise à assurer
la protection des usagers de l’électricité et de leurs biens contre les dangers qui peuvent en
découler420. Dans cette démarche, l’Avis du régulateur est requis, au regard de sa mission de
protection des intérêts des consommateurs. On peut ainsi dire que l’Homologation et la
certification participent de la normalisation. Ainsi, la normalisation aide à renforcer, garantir
les droits fondamentaux des consommateurs tels que le droit à la sécurité ou encore le droit
d’être informer421.

416
Sur les rapports contradictoires entre concurrence, marché, ordre public, intérêt de tous et finalité supérieur V.
TORRE-SCHAUB (M.), Essai sur la construction juridique de la catégorie de marché, Paris, LGDJ, 2002,
pp.133-141.
417
V. ZEVOUNOU (L.), Le concept de concurrence en droit, Thèse, dactyl., Université Paris- Ouest Nanterre la
défense, 2010, 490p.
418
CALAIS-AULOY (J.), Droit de la consommation, Paris, Dalloz, 1980, p.4.
419
V. Art. 4 du Décret n°2009/296 du 17 septembre 2009, portant création, organisation et fonctionnement de
l’Agence des Normes et de la Qualité.
420
Art. 75 de la Loi n°2011/022 du 14 décembre 2011, régissant le secteur de l’électricité au Cameroun.
421
V. Art. 3 de la Loi Cadre n°2011/012 du 06 mai 2011, portant protection du consommateur au Cameroun.

74
Les recommandations sont donc omniprésentes dans les systèmes de régulation,
participant du doit souple, elles permettent d’influencer les comportements des acteurs privés
et même publics dans l’optique de rendre plus optimal le marché et les échanges. De plus, la
régulation voit son champ s’élargir vers des finalités plus sociales comme la protection des
consommateurs.

CONCLUSION DU CHAPITRE

Les autorités de régulation sont titulaires d'un pouvoir de réglementation qui s’exerce
au travers de diverses modalités. Une place de choix est reconnue au pouvoir réglementaire
dont les bases constitutionnelles sont établies. Les autres modalités de réglementation, elles
cristallisent la naissance de l’usage des instruments de droit souple. Des outils dont le système
juridique doit désormais se saisir. Autrement dit, les actes de droit souple sont alors désormais
dotés d’une certaine valeur juridique. Leur apport dans la régulation économique oblige qu’ils
soient pris en compte par le juge. C’est le champ de la légalité, voir même du droit qui s’élargit
ainsi. Le droit souple marque un élargissement de la gamme des moyens d’action des pouvoirs
publics. L’autorisation administrative dans la perspective de la régulation occupe une place
primordiale en tant qu'il permet la diversification des opérateurs.

75
CHAPITRE 2 : LE POUVOIR D’AUTORISATION DES RÉGULATEURS
SECTORIELS AU CAMEROUN

La régulation des services publics en réseaux porte en son cœur l’idée de conciliation
entre l’exigence de concurrence et le respect d’impératifs d’intérêt général, concrètement donc,
elle correspond « à une situation dans laquelle doit être construite et maintenue, au nom de
l’intérêt général, une situation concurrentielle et où, dans le même temps doivent être préservés
d’autres exigences »422. Cette perspective impose alors « une ouverture maîtrisée du marché à
la fois quantitativement et qualitativement » 423 . De ce point de vue, l’autorisation apparaît
incontestablement comme un instrument de régulation en ce qu’il permet un développement
maîtrisé de la concurrence424. En effet avec le pouvoir d’autorisation, l’autorité de régulation
dispose d’une certaine souplesse que l’on ne peut atteindre avec une simple règlementation425.
C’est cette souplesse qui fait que la fonction de régulation puisse aussi s’exercer au travers d’un
instrument aussi classique de l’administration. Ce rôle de régulation du pouvoir d’autorisation
découle donc de la mutation de sa conception exclusivement policière pour y voir un outil de
construction de la concurrence dans les services publics en réseaux426. Le pouvoir d’autorisation,
qui est un pouvoir administratif, ne s’opposerait plus à l’économie de marché. Il participerait
en réalité à sa construction, à son effectivité et à son maintien. Ainsi, le pouvoir d’autorisation
est, pour Morgane Daury-Fauveau, l'un des trois pouvoirs principaux de la régulation 427 .
L’octroi d’un pouvoir d’autorisation était donc nécessaire pour les régulateurs camerounais.

Au cœur du pouvoir d’autorisation en droit l’on retrouve la notion d’autorisation


administrative, qui renvoie à un acte et à un régime. Il faut dire que la définition du premier
aspect passe par celle du second. Le régime d’autorisation est perçu comme une technique
d’aménagement des libertés publiques, il fait partie des régimes dits préventifs, par opposition

422
CLAMOUR (G.), intérêt général et concurrence. Essai sur la pérennité du droit public en économie de marché,
Paris, Dalloz, « NBT », n°1129.
423
Ibid. n°1136 ; AUBY (J.-B.), « Régulation et droit administratif », in Études en l’honneur de Gérard Timsit, op
cit., p.215.
424
V. TRUCHET (D.), Droit administratif, 5e éd., Paris, PUF, coll. « Thémis Droit », 2013, spéc., p.381 ;
BRACONNIER (S.), « La régulation des services publics », RFDA 2001, p.47.
425
LIVET (P.), L’autorisation administrative préalable et les libertés publiques, LGDJ « BDP », t.117, 1974,
p.135.
426
Pour une analyse de cette évolution en France v. SEUROT (L.), L’autorisation administrative, Thèse, de droit
public, Université de Lorraine, 2013, 721p.
427
À côté du pouvoir de réglementation et de celui de sanction, v. DAURY-FAUVEAU (M.), « Le partage
enchevêtré des compétences de la régulation », in Le désordre des autorités administratives indépendantes, op cit.,
pp.149 et s., spéc., p.151 ; DECOOPMAN ( N.), « Peut-on clarifier le désordre ? », in Le désordre des autorités
administratives indépendantes, op cit., pp.15 et s.

76
aux régimes dits répressifs428. L’acte d’autorisation s’entend comme tout acte administratif qu'il
soit exprès ou tacite, écrit ou oral dont l’objet est de permettre l’exercice d’une action ou d’une
activité qui autrement serait interdite429. Pour le législateur camerounais, en ce qui concerne le
secteur des communications électroniques, une autorisation est un droit conféré par l’Etat à une
personne physique ou morale pour exercer une activité donnée dans ledit secteur, emportant un
certain nombre d’obligations430. Elle est reprise en matière d’électricité431.

De cette définition, il faut constater l’existence d’une diversité d'actes d’autorisation.


Nous ne nous limiterons donc pas aux seuls actes désignés comme telle. Dans le pouvoir
d’autorisation il faudra renfermer aussi bien les actes expressément désignés comme des
autorisations, que les licences432, les certificats433, les visas etc.

L’on pourrait aussi y ajouter les instruments opérationnels de l’ouverture à la


concurrence des services de transport aérien que sont les « créneaux horaires ». Les textes
européens les définissent comme « l’autorisation (…) d’utiliser toutes les infrastructures
aéroportuaires qui sont nécessaire pour la prestation d'un service aérien dans un aéroport
coordonnée à une date et à une heure précise, aux fins de l’atterrissage et du décollage »434. Il
faut donc parler d’autorisations au pluriel435. Ces clarifications faites il faut relever que le
pouvoir d’autorisation joue une diversité de fonctions dans la régulation des services publics en
réseau (section 1) alors même que les actes qui le composent répondent tous à un même régime
juridique (section 2).

SECTION 1 : LES FONCTIONS DU POUVOIR D’AUTORISATION EN


MATIERE DE REGULATION DES SERVICES PUBLICS DE RESEAU

Le pouvoir d’autorisation à travers les actes qui le diffusent remplit d’une part, une
fonction de gestion c’est-à-dire l’organisation harmonieuse d’une activité entre un nombre

428
V. SEUROT (L.), L’autorisation administrative, op cit., spéc., pp. 25-26.
429
Ibid., p.27.
430
V. Art. 5 al. 9 de la loi n°2010/013 du 21 décembre 2010 régissant les communications électroniques au
Cameroun.
431
Art. 5, « autorisation » de la loi n°2011/022.regissant le secteur de l’électricité.
432
V. Art. 24 et s., de la loi n°2015/007 pour l’audiovisuel, Art.3 al. 19 de la loi n°2013/010 pour l’aviation civile ;
LIGNEAU (Ph.), « Un instrument de contrôle des professions : les licences délivrées par l’administration », Droit
social, 1966, p.66.
433
Comme le certificat de transporteur aérien Art. 3 al. 12 et Arts. 99 et s., de la loi n°2013/010.
434
V. Art. 1-2 (a) du Règlement n°793/2004/CE du 21 avril 2004, JOUE n°L.138, 30 avril 2004, p.50 ; il y est
même stipulé qu’ils sont même attribués sous forme d’autorisation v. Art. 8 du même règlement.
435
DELVOLVE (P.), « Les dispositions relatives aux droits réels sur le domaine des personnes publiques :
l’incohérence », RFDA 2010, p.1126.

77
limité d’opérateurs sélectionnés en raison de la compatibilité du projet proposé avec certains
critères ou objections le plus souvent formalisés dans un document436. Cette fonction de gestion
s’oppose à celle de police qui est une fonction traditionnelle des autorisations administratives437.
Cette fonction de gestion dans les secteurs régulés camerounais offre une double finalité à
l’autorisation d’une part c’est un instrument de répartition de l’accès à une ressource rare
paragraphe 1) et, d’autre part, c'est un instrument de facilitation de l’exercice d'une activité
d’intérêt général (paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : La fonction allocative des d’autorisations en matière de


régulation : la répartition de l’accès à une ressource rare
L’ouverture à la concurrence des services publics de réseaux pour être effective, suppose
« l’établissement de mécanismes juridiques et de règles qui permettent à l’ensemble des acteurs
d’avoir accès aux ressources essentielles dans des conditions transparentes et équitable »438.
En effet, ces services publics de réseau se construisent généralement autour d’une infrastructure
essentielle. Or ces ressources essentielles sont rares. De sorte que, le régime d’autorisation
permet de gérer la répartition à cette ressource rare439, c’est-à-dire coordonner la possibilité d’y
avoir accès pour les opérateurs nouveaux entrants440. Il s’agit de sa fonction d’allocation des
ressources rares. Par ressource rare, il faut entendre tous moyens d’exploitation nécessaires qui
ne sont disponibles qu’en quantité limitée et dès lors doivent faire l’objet d’un rationnement
assurant l’égalité entre les exploitants441. II est alors le corollaire de la rareté442. Cette rareté,
dans le cadre de la libéralisation de certaines activités exercées sous forme de monopole, est
subie443, pour deux raisons l’une tenant à la capacité limité de l’infrastructure (A) et l'autre
tenant à la rareté des ressources naturelles (B).

436
V. SEUROT (L.), L’autorisation administrative, op cit., p.377.
437
Sur la distinction des deux fonctions lire . SEUROT (L.), L’autorisation administrative, op cit., 721p.
438
LAGET-ANNAMAYER (A.), La régulation des services publics en réseaux, op cit., spéc., p.152.
439
CALMETTE (J.-Fr.), La rareté en droit public, Paris, L’Harmattan, coll. Logiques juridiques, 2004, p.2004,
spéc., p.29.
440
Ibid., p.29.
441
V. HUET (P.) « Allocation et gestion des ressources rares », AJDA, 1997, p.251 ; JEANNENEY (P.-A.) et
CHICHPORTICH (M.), « Les ressources rares », RJEP, 2010, étude 1.
442
Ibid., p.203.
443
SEUROT (L.), L’autorisation administrative, op cit., p.350.

78
A/- La capacité limitée de l’infrastructure essentielle
444
La théorie des facilités essentielles tire ses origines dans la jurisprudence
américaine445 et dans la jurisprudence européenne446, relatives au droit de la concurrence. On
parle aussi d’installations essentielles, c’est-à-dire « des installations ou des équipements sans
l’utilisation desquels les concurrents ne peuvent servir leur clientèle 447 ». Pour Guillaume
Dezobry448 il existe deux critères de l'essentialité ; le critère de la nécessité, qui est le critère
vertical, ainsi, « la facilité essentielle n’est qu’un élément d’un processus qui la dépasse et dont
la finalité est la production d’un bien ou la fourniture d’un service ». L’activité économique
serait alors le résultat de ce processus qui donne une grande place à la facilité essentielle.
À côté de ce premier critère vertical, il existe un critère horizontal qui est le critère de
l’unicité. Dans ce dernier cadre, « l’absence d’alternative fait de cette facilité une facilité
unique ». Ces deux critères ne sont pas cumulatifs. On peut donc recourir à l’un comme à l’autre
indépendamment selon les cas. Ce qu’il faut donc savoir c’est que dans certains secteurs il
existerait des infrastructures essentielles qu’on ne peut dupliquer et dont on a substantiellement
besoin pour exercer une certaine activité.

Il existe dans les secteurs régulés une infrastructure essentielle parce que nécessaire aux
activités économiques qui y sont exercées. Or cette infrastructure a été conçue pour un seul
opérateur. De sorte que l’ouverture à de nouveaux entrants accroît cette rareté449. Le régime
d’autorisation devient donc le mécanisme de gestion de cette rareté. C’est le cas dans le secteur
aéroportuaire. Ainsi l’accès aux aéroports pour le décollage et l’atterrissage, qui constituent la
principale barrière à l’entrée effective des nouveaux opérateurs sur le marché, se fait à travers
des créneaux horaires. Ce sont alors des autorisations d’utiliser toutes les infrastructures
aéroportuaires nécessaires pour la prestation d’un service aérien dans un aéroport arrêté à une
date et une heure précise ceci pour le décollage et l’atterrissage450. Ces dernières autorisations
accompagnent alors les certificats de transporteurs aériens et la licence d’exploitation qui sont

444
BAZEX (M.), « « La théorie des facilités essentielles entre concurrence et régulation », Revue concurrence
consommation, n°199, janvier 2001,
445
V. Cour Suprême des États-Unis d’Amérique, United States v. Terminal Railtroad Association of st. Louis,
1912, 224 US. 383. ; Associated Presse v. US, 326, US1, 1945 ; Otter Tail Power co. V United States, 410 US,
366, 1973, ; MCI Communication corporation and MCI Telecommunications corporation v. AT&T company, 708
F.2d, 1081, 1983 ; Aspen skiing vs. Aspen highland sking, 472, US 585, 1985.
446
COMMISSION EUROPEENNE, Affaire Sera Containers contre Stena Sealink, 94/19/CE 1993,
447
Point 66 de l' Affaire Sera Containers contre Stena Sealink, 94/19/CE 1993.
448
DEZOBRY (G.), La théorie des facilités essentielles, Paris, LGDJ Lextenso éditions, bibliothèque de droit
international et communautaire, 2009, p.33.
449
V. CALMETTE (J.-Fr.), « Le régime juridique des ressources rares dans le domaine des infrastructures
aéroportuaire », RFDA 2009, p.1177.
450
V. Art. 2 (a) du Règlement n°95/93/CE du 18 janvier 1993 JOCE n° L.14, du 22 janvier 1993, p.1 , modifié
par le Règlement n°793/2004 op cit., p.50.

79
des documents de navigabilité et d’exploitation451. L’accès doit se faire dans les conditions
d’équité, de transparence et de non-discrimination 452 . Le régime d’autorisation permet
d’optimiser l’accès, et l’utilisation de ces ressources rares453. Cette cause de rareté n'est pas la
seule.

B/- La rareté des ressources naturelles dans les services publics de réseau
L’entrée dans ces secteurs régulés implique d’avoir accès là aussi à des ressources
essentielles qui ici sont des ressources naturelles comme les fréquences radioélectriques
indispensables aux développements des réseaux et des services de communications
électroniques. Cependant, comme le note Rozen Noguellou ces fréquences radioélectriques
« ne sont ni extensibles à l'infini, ni duplicables » 454 , elles constituent pour Pierre Huet
l’exemple type d’une pénurie de ressources naturelles, nécessitant ainsi une procédure
particulière d’allocation et de gestion455. Les fréquences hertziennes sont donc des biens rares
et précieux. Toutefois, cette rareté n'est pas inéluctable. En effet les progrès techniques
permettent d’ouvrir l’accès à de nouvelles fréquences. C'est le cas dans le secteur de
l’audiovisuel avec le passage de la diffusion analogique à la diffusion numérique.

La rareté diffère alors selon les régions et les bandes de fréquences 456. La répartition des
fréquences se gère ainsi à divers niveaux. L’Union International des télécommunications
s’occupe de la répartition entre les États tandis que le gouvernement assure la répartition au
niveau national soit directement comme au Cameroun soit au travers du régulateur comme en
France où c’est l’Agence de Régulation des communications électroniques et des postes (ci-
après ARCCEP) qui attribue les fréquences. Tous ces biens rares et précieux doivent être
soumis à une gestion marquée de rationalité457, et seule l’autorisation administrative permet d'y
parvenir, il était donc indispensable que l’usage de cet instrument juridique soit reconnu aux
organismes en charge de la régulation des secteurs économiques. D’autant plus encore que
l’accès à une ressource rare est le préalable à l’exercice d’une activité économique dans ces

451
V. Arts. 58 et s., de la loi n° 2013/010 portant régime de l’aviation civile au Cameroun.
452
V. LAGET –ANNAMAYER (A.), La régulation des services publics en réseaux, Paris, Bruxelles,
LGDJ/Bruylant, 2002, p.152.
453
SEUROT (L.), L’autorisation administrative, op cit, p.359.
454
NOGUELLOU (R.), « Le Conseil d’État et ma régulation des télécommunications », RDP 2010, p.825.
455
HUET (P.), « Allocation et gestion des ressources rares », AJDA 1997, p.251.
456
HUET (P.) « Allocation et gestion des ressources rares », op cit, p..251.
457
V. DEBASSCH (Ch.), ISAR (H.) et AGOSTINELLI (X.), Droit de la communication, Dalloz, « Précis », 2001,
n°431.

80
derniers secteurs. De sorte que, l’autorisation administrative devient aussi un instrument
d’organisation de l’exercice de ces activités économiques d’intérêt général.

PARAGRAPHE 2 : La fonction d’habilitation de l’autorisation administrative


La posture permet de voir que la fonction de facilitation de l’exercice d’une activité
d’intérêt général (A), elle permet aussi de voir un rapprochement entre autorisation et
concession (B).

A/- L’autorisation comme instrument de facilitation de l’exercice d’une activité


d’intérêt général
Il est de plus en plus admis que les autorisations ne se limitent plus à la sphère de la
police ainsi le titulaire de l’autorisation parfois est conduit à collaborer avec l’administration.
Les autorisations voient donc leur fonction s’inscrire non plus dans la nécessité d’éviter que
l’exercice d’une activité purement privée ne trouble l’ordre public, mais dans la volonté
d’organiser positivement l’exercice d’une activité que les pouvoirs publics considèrent comme
étant d’intérêt général458. La volonté des pouvoirs publics d’organiser l’exercice d’une activité
d’intérêt général se manifeste à travers le souci de satisfaire de manière optimale, les besoins
de la population selon les propos de Didier Truchet 459 . Cette conception trouve un terrain
favorable dans le droit des secteurs régulés camerounais. Puisqu’il ne peut être discuté du
besoin des populations en électricité, en eau ou encore en communications électroniques, en
transport, en envoi de courriers et autres colis postaux. C’est dans cette logique que les titulaires
des autorisations sont appelés par la loi à participer à des missions d’intérêt général. Pour s’en
convaincre il suffit de relever le fait que les activités de production de distribution d’importation
et d’exportation constituent le service public de l’électricité au Cameroun460. Pour desceller ces
autorisations administratives d’habilitation Laurent Seurot461 présente trois indices.
Le premier est relatif à la participation à des missions d'intérêt général ; les textes
imposent aux titulaires d’autorisation la participation à des missions d’intérêt général voire de
services publics. Cette perspective est décisive pour prouver que l’autorisation a pour objet
d’habiliter son titulaire à exercer une activité d’intérêt général. L’autorisation administrative ne
lève donc plus seulement un obstacle à l’exercice d’un droit subjectif préexistant. Elle permet

458
SEUROT (L.), L’autorisation administrative, op cit., p.360.
459
TRUCHET (D.), Les fonctions de la notion d’intérêt général dans la jurisprudence du Conseil d’État, Paris,
LGDJ, « BDP », t.125, 1977, pp.268 et s., spéc., p.269 ; du même auteur, « L’intérêt général », in BIENVENU
( J.-J.), PETIT ( J.), PLESSIX ( B.) et SEILLER ( B.), ( dir.), La constitution administrative de la France, Paris,
Dalloz « Thèmes et commentaire », 2012, p.207.
460
V. Art. «3 de la loi n° 2011/022 du 14 décembre 2011, régissant le secteur de l’électricité au Cameroun.
461
SEUROT (L.), L’autorisation administrative, op cit., pp.361 et s.

81
aussi l’exercice d’une activité sur la base d’un examen attestant de sa conformité avec certains
intérêts publics déterminés462. Autrement dit, des missions de service public sont assurées par
des personnes privées avec la permission, l’autorisation, la concession même, ou l’agrément de
l’administration 463 . Dès lors, le titulaire de l’autorisation se retrouve à collaborer avec
l’administration. L’idée étant que l’activité exercée participe de l’intérêt général. Dans le
secteur de l’électricité le législateur fait des activités de production, transport, distribution entre
autre des composantes du service public de l’électricité. Il indique en outre que le service public
de l’électricité dont l’objet est de garantir l’approvisionnement en électricité sur l’ensemble du
territoire national doit se faire dans le respect de l’intérêt général. Bien plus ce service public
de l’électricité est gérée dans le respect des principes d’égalité de continuité et d’adaptabilité.
Ainsi que dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d’efficacité
économique, sociale et énergétique464. Il en est de même du service public postal qui renferme
l’ensemble des prestations d’intérêt général465.

L’activité soumise à l’autorisation est alors un service public mais ceci n’empêche pas
que divers opérateurs privés et publics l‘exerce aussi. Dès lors, l’activité, même si elle demeure
dans la sphère de responsabilité de l’État, n’est plus exercée sous le couvert du monopole.
L’autorisation permet donc que la mission d’intérêt général donc l’administration organise
l’exercice puisse être fractionnée entre plusieurs opérateurs publics et privés ou uniquement
privés466. Chaque opérateur assure alors une part modeste ou importante du service public467.
Les missions de service public ne forment plus alors un bloc mais elles peuvent être confiées
en tout ou en partie à des acteurs différents 468 , en guise d’illustration, la distribution de
l’électricité aux ménages ne sera plus l’affaire d’une seule entreprise, mais de plusieurs
entreprises concurrentes. L’on est ici dans la logique « du moins d’État pour mieux d’État ».

À côté de cet indice, le second est lui relatif à la soumission des titulaires d’autorisation
à des obligations d’intérêt général, de sorte que ces dernières viennent concrétiser et révéler la
participation à des missions d’intérêt général. Ainsi parle-t-on à ce niveau d’autorisation

462
SEUROT (L.), L’autorisation administrative, op cit, p.359.
463
MOREAU (J.), Droit administratif, coll. « Droit fondamental », Paris, PUF, 1989, n°23.
464
Art. 3 de la loi n°2011/022 régissant le secteur de l’électricité.
465
Art. 3 la. 25 de la loi n°2006/019 régissant l’activité postale au Cameroun.
466
SEUROT (L.), L’autorisation administrative, op cit., p.210.
467
V. RODIERE (R.), Droit des transports, Paris, Sirey, 1953-1962, 3 tomes, spéc., t. 1, n°206.
468
TRUCHET (D.), Droit de la santé publique, 8e éd., Paris, Dalloz, « Mémentos », 2012, p.190.

82
conditionnelle 469 . Précisons que lesdites obligations sont imposées non pour prévenir les
troubles à l’ordre public, mais pour satisfaire certains objectifs d’intérêt général. C’est le cas
lorsque ces obligations imposent le respect des principes d’égalité et de continuité du service
ou lorsqu’elles règlement le montant des tarifs et le respect des exigences du service universel470.
L’activité privée est de ce fait assujettie à des obligations générales stipulées dans l’intérêt
général qui à la limite lui donne l’apparence d'un véritable service public confié à un particulier
sous un régime d’autorisation unilatérale471. Ces obligations sont précisées ici dans un cahier
des charges472. Le troisième indice, en anticipant ici sur le régime juridique de l’autorisation,
s’attache lui aux conditions de délivrance, sur lesquelles nous reviendrons.

Notons en substance, que la volonté d’organiser l’exercice d'une activité d’intérêt


général se manifeste par le fait que la délivrance de l’autorisation soit subordonnée à l’examen
de la capacité du demandeur à satisfaire certaines exigences d’intérêt général, voire à sa capacité
de répondre de manière optimale aux besoins de la population473. L’autorisation en matière
d’audiovisuelle au Cameroun permet certes d’organiser l’accès aux fréquences
radioélectriques 474 mais elle permet aussi la mise en service de la réalisation de certains
objectifs d’intérêt général475. C’est le cas lorsque l’autorisation permet d’assurer la meilleure
utilisation possible de l’espace hertzien en vue justement de la satisfaction de l’intérêt général476.

L’audiovisuel est alors considéré comme un instrument au service du public477. C’est


dans cette optique que le législateur assorti l’autorisation de nombreuses obligations relatives à
la qualité des programmes478. C'est le cas des obligations relatives à la promotion des œuvres
musicales nationales, la qualité des programmes avec l’exigence de pluralisme perçu comme
« la traduction, dans le domaine audiovisuel, de la volonté de satisfaire au mieux les besoins

469
V. DE LAUBADERE (A.), « Remarques sur le régime juridique de l’autorisation conditionnée en droit
français », in Mélanges Sayaguès-Laso, t.4, Instituto de Estudios de Administracion, p.1243. ; CHENOT (B.),
Organisation économique de l’État, Paris, Dalloz, 1951, n°327 et n°362.
470
En matière de communications électroniques v. Arts. 27 et s de la loi n°2010/013 régissant les communications
électroniques.
471
DE LAUBADERE ( A.), « Remarques sur le régime juridique de l’autorisation conditionnée en droit
administratif français « , p.1246.
472
Ibid. , p.1248.
473
SEUROT (L.), L’autorisation administrative, op cit., p.362.
474
V. TRAMANI (J.-J.), Le contentieux administratif de la communication audiovisuelle, Paris, LGDJ
coll. « Bibliothèque de droit public », t.201, 1998, p.39.
475
SEUROT (L.), L’autorisation administrative, op cit, p.373.
476
TRAMANI (J.-J.), Le contentieux administratif de la communication audiovisuelle, op cit, p.17.
477
Ibid., p.20.
478
V. Arts. 5 ; 6 ; 7 8 Loi n°2015/007 du 20 avril 2015, régissant l’activité audiovisuelle au Cameroun ; Art. 28 de
la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 en France.

83
des téléspectateurs (…) »479. Il s’agit pour Jean-Joseph Tramoni des obligations positives, des
obligations de faire à la charge des titulaires des autorisations en vue de la satisfaction de
besoins d’intérêt commun et de finalités allant au-delà de la seule satisfaction de l’intérêt
personnel de l’émetteur480.

B/- Le rapprochement entre autorisation et concession dans la régulation des


services publics en réseaux

La concession est un l'acte de gestion par excellence481 en ce qu’elle consiste à déléguer


l’exercice d'une activité d’intérêt général, voilà pourquoi le concessionnaire est soumis à des
obligations stipulées dans l’intérêt général. Ceci traditionnellement n'a jamais été le cas du
titulaire de l’autorisation dont les obligations étaient relatives à la préservation de l’ordre public.
Cette perspective oppose donc radicalement autorisation et concession. L’autorisation
assurerait dans ce contexte une fonction de prévention ; l’administration s'assure que l’activité
des particuliers ne nuira pas à la société, tandis que la concession assume elle une fonction de
perfectionnement dans la mesure où elle confie à des particuliers la mission de satisfaire les
besoins de la population482.

Or les secteurs régulés camerounais offrent une lecture différente. L’autorisation exige de
son titulaire la capacité de bien faire, remplissant la même fonction que la concession, les deux
ont un objectif d’intérêt général. Dès lors l’intérêt général est plus large que l’ordre public
municipal483. Les autorisations administratives deviennent des actes de gestion à côté de la
concession. Certes, nous remarquons que les activités visées par les deux actes ne sont pas les
mêmes dans les secteurs régulés. La concession étant le mode principal pour certaines activités,
l’autorisation étant le mode secondaire, mais le plus répandu. Le régime d’autorisation se
présente comme étant plus souple. Il est alors mieux pour l’organisation de l’exercice d’une
activité d’intérêt général entre un grand nombre d’opérateurs. Alors que le régime de la
concession est lui adapté pour les cas de délégation de l’exercice d’une activité à un opérateur
unique ou à un très faible nombre d’opérateurs. C’est le cas en matière de transport de l’énergie
électrique dont la concession est donnée exclusivement à la Société Nationale du transport de
l’électricité. Cela démontre la particularité de l’acte de régulation qui en réalité brouille les

479
CHEVALIER (J.), « Constitution et communication », D. 1991, chron., p.254 ; TRAMONI ( J. -J.), Thèse, p.89
480
V. TRAMONI (J.-J.), Le contentieux administratif de la communication audiovisuelle, Paris, LGDJ, « BDP »,
t.201, 1998, spéc., p.43.
481
SEUROT (L.), L’autorisation administrative, op cit., p.202.
482
Ibid., pp.59 et s.
483
V. THEVAND (A.) « Taxis et concurrence », AJDA, 2010, p.1128.

84
frontières entre l’acte unilatéral et l’acte contractuel 484 , laissant voir les manifestations du
rapprochement entre les deux instruments.
En anticipant ici sur le régime juridique des autorisations administratives, nous pouvons
dire que la délivrance des autorisations est subordonnée à l’analyse de la capacité du titulaire à
accomplir efficacement l’activité économique soumise à autorisation. De plus, il doit respecter
un cahier des charges485. Ce dernier document commun aux deux actes486, peut aussi contenir
des obligations d’intérêt général analogues. Tels est le cas de la satisfaction des exigences du
service universel 487 . Critère fonctionnel qui servait de base à la définition de l’autorisation
administrative et qui imposait une distinction de cette dernière avec la concession est donc remis
en cause. Dans la mesure où les deux modes peuvent avoir la même fonction à savoir permettre
de remplir une mission de service public488.

En outre, les titulaires des deux titres sont soumis à des contrôles identiques. L'on peut
alors parler d'une équivalence des obligations. En matière de communication audiovisuelle en
France l’autorisation est exclusive, ce qui a conduit à un renforcement des obligations imposées
qu’on aurait « plutôt vu figurer dans le cahier des charges des sociétés du secteur public »489.
Jacques Chevallier écrit dans ce sens que « la marge qui sépare les autorisations conditionnées
de la concession de service public est étroite »490. L’autorisation serait donc par sa fonction un
instrument équivalent à la concession.

Le juge constitutionnel français va dans le même sens toujours en matière d’audiovisuel


en estimant que pour la réalisation ou la conciliation des objectifs de valeur constitutionnelle
tels que le pluralisme, le législateur n'était pas tenu d’adopter un régime de concession, il lui

484
V. DELLIS (G.), « Régulation et droit public « continental ». Essai d’une approche synthétique », op cit, pp.963
et s.
485
Art. 41 al. 3 Décret n°2012/1638/PM du 14 juillet 2012 fixant les conditions d’établissement et/ou
d’exploitation des réseaux et de fourniture des services de communications électroniques soumis au régime de
l’autorisation.
486
Puisque le cahier de charges est annexé aussi à la convention de concession, voir Art.29 du Décret
n°2012/1638/PM du 14 juillet 2012 fixant les conditions d’établissement et/ou d’exploitation des réseaux et de
fourniture des services de communications électroniques soumis au régime de l’autorisation.
487
Directive n°06/08-UEAC-133-CM-18 du 19 décembre 2008 fixant le régime du service universel dans le
secteur des communications électroniques au sein des États membres de la CEMAC ; Décret n°2013/0398/PM du
27 février 2013 fixant les modalités de mise en œuvre du service universel et du développement des
communications électroniques.
488
V. TROTABAS (L.), De l’utilisation du domaine public par les particuliers, thèse, dactyl., Université de Paris,
1924, p.124.
489
DELCROS ( B.) et VODAN ( B.), « Le régime des autorisations dans la loi relative à la liberté de
communication », RFDA 1987, p.398 ; JUHAN ( M.), « L’évolution de la notion de service public dans l’activité
des sociétés de télévision », in KOVAR ( R.) et SIMON ( dir.), Service public et communauté européenne : entre
l’intérêt général et le marché, Paris, La Documentation française, t.1, 1998, p.367.
490
CHEVALLIER ( J.), « Le nouveau statut de la liberté de communication », AJDA 1987, p.66.

85
était aussi loisible « de soumettre le secteur privé de la communication audiovisuelle à un
régime d’autorisation administrative sous réserve d’assurer la garantie des objectifs de valeur
constitutionnelle »491. Ce qui confirme une fois de plus l’idée qu'un régime d’autorisation peut
bien équivaloir, en termes de satisfaction des exigences d’intérêt général à un régime de
concession 492 . Pierre Livet notait dans ce sens que « l’extrême variété de ces formes
d’autorisation, dont les appellations sont tellement diverses que le législateur lui-même a
souvent tendance à les employer l’une pour l'autre correspond plus à des habitudes de langage
qu’à une volonté délibérée d’attribuer à chacun un régime juridique qui lui soit propre »493.
Cette « habitude de langage » a conduit le législateur camerounais à identifier dans le secteur
des communications électroniques trois types d’autorisation à savoir : la concession, la licence
et l’agrément494. Le législateur communautaire CEMAC va dans le même sens495. Alors même
que le droit voit dans la concession un contrat. Or il faut souligner que le plus souvent les
obligations imposées aux titulaires d’une autorisation sont précisées dans une convention qui
accompagne l’autorisation. Cette convention prend la forme d'un cahier des charges496. Ce qui
conduit à un rapprochement entre autorisation et concession. La fonction des deux instruments
de régulation en fait donc des outils analogues que l’analyse de leur régime juridique consolide
à plus d'un titre.

SECTION 2 : LE REGIME JURIDIQUE DES AUTORISATIONS


ADMINISTRATIVES DE REGULATION
L’étude du régime juridique des actes du pouvoir d’autorisation que nous allons à présent
menée exclue le visa des autorités de régulation relativement au contrat d’accès. Toutefois cela
n’enlève en rien que ce visa soit une autorisation administrative à part entière. Cette précision
faite, Il s’agira pour nous d’une part, d'aborder les questions relatives à la délivrance et à la fin
des autorisations administratives de régulation (paragraphe 1) et d’autre part, de la
problématique de la patrimonialisation des autorisations (paragraphe 2).

491
Cons. Const., 18 septembre 1986, Décision n°86-217 SC, Rec., p.141, cons. 9 ; RDP 1987, p.212.
492
SEUROT ( L.), L’autorisation administrative, op cit., p.209.
493
LIVET (P.), L’autorisation administrative préalable et les libertés publiques, Paris, LGDJ « BDP », t.117, 1974,
spéc., p.59.
494
V. Art. 8 de la loi n°2010/013 du 21 décembre 2010 régissant les communications électroniques au Cameroun
495
V. Art. 1 du Règlement n°21/08-UEAC-133-CM-18 du 19 décembre 2008
496
V. DE LAUBADERE (A.), « Remarques sur le régime juridique de l’autorisation conditionnée en droit
administratif français », p.1248.

86
PARAGRAPHE 2 : La délivrance et la fin des autorisations administratives

La délivrance des autorisations administratives se fait au terme d’une procédure en principe


non concurrentielle assortie tout au moins d’une exception (1). De plus, la détermination de
l’autorité en charge de la délivrance de ces autorisations permet de mettre en avant une
régulation en réalité bicéphale des secteurs économiques camerounais objet de notre étude.
Mais l’autorisation administrative peut aussi prendre fin, selon des règles communes aux
différents secteurs régulés en étude ici (2).

A/- L’octroi des autorisations administratives


L’octroi d’une autorisation administrative se fait au terme d’une procédure en principe non
concurrentielle, cependant, il existe une exception497. Les dossiers de demande des autorisations
sont déposés auprès des agences sectorielles de régulation compétentes pour chaque secteur
contre récépissé. Lorsque le dossier est déposé le délai de réponse est fixé à 30 jours au
maximum à compter de la date d’accusé de réception de la demande par le régulateur 498 ou à
90 jours en ce qui concerne les communications électroniques 499 . Durant cette période le
régulateur instruit le dossier en analysant les différents critères fixés de façon non
discrétionnaire.

Ce dossier est constitué en deux parties. Une partie administrative et une partie technique500.
La partie administrative des dossiers doit contenir le cas échéant : un formulaire de demande
fournit par l’agence pour les autorisations relevant de sa compétence comme en matière de
déclaration 501 , le nom ou la raison sociale ainsi que l’adresse complète du demandeur
d’autorisation, ainsi que le statut de la société502 ces éléments permettront au régulateur et à

497
Art. 27 Décret n°2012/1638/ PM du 1’ juin 2012, fixant les modalités d’établissement et/ou d’exploitation des
réseaux et de fourniture des services de communications électroniques soumis au régime de l’autorisation.
498
Art. 5 Décret n°2012/0400/PM du 27 février 2013, fixant les modalités de déclaration et d’autorisation préalable,
ainsi que les conditions d’obtention du certificat d’homologation en vue de la fourniture, l’exploitation,
l’importation ou l’utilisation des moyens ou des prestations de cryptographie au Cameroun.
; Art. 6 al. 1 du Décret n°2012/1639/ PM du 14 juin 2012, fixant les modalités de déclaration, ainsi que les
conditions d’exploitation des réseaux et installations soumis au régime de déclaration.
499
Art. 40 Décret n°2012/1638/ PM du 1’ juin 2012, fixant les modalités d’établissement et/ou d’exploitation des
réseaux et de fourniture des services de communications électroniques soumis au régime de l’autorisation.
500
Art.8 al. 2 du Décret n°2012/0400/PM du 27 février 2013, fixant les modalités de déclaration et d’autorisation
préalable, ainsi que les conditions d’obtention du certificat d’homologation en vue de la fourniture, l’exploitation,
l’importation ou l’utilisation des moyens ou des prestations de cryptographie au Cameroun.
501
Art. 5 du Décret n°2012/1639/ PM du 14 juin 2012, fixant les modalités de déclaration, ainsi que les conditions
d’exploitation des réseaux et installations soumis au régime de déclaration.
502
Cf. Art. 5 du Décret n°2012/1639/ PM du 14 juin 2012, fixant les modalités de déclaration, ainsi que les
conditions d’exploitation des réseaux et installations soumis au régime de déclaration ; Art. 4 al. 2 Décret
n°2012/0400/PM du 27 février 2013, fixant les modalités de déclaration et d’autorisation préalable, ainsi que les
conditions d’obtention du certificat d’homologation en vue de la fourniture, l’exploitation, l’importation ou
l’utilisation des moyens ou des prestations de cryptographie au Cameroun ; Art. 12 al. 1 Décret n°2000/158 du 30

87
l’administration le cas échéant de s’assurer de la sauvegarde des intérêts nationaux et des
conditions effectives de la concurrence dans le secteur concerné503.
La partie technique du dossier doit comporter des informations relatives à l’objet et aux
caractéristiques techniques générales du service à fournir comme par exemple les modalités
d’ouverture du service, la nature des prestations objet du service etc. et les caractéristiques
financières comme les prévisions de dépenses et des recettes sur une certaines périodes504.
L’examen des dossiers est confié à des structures spéciales ; soit c’est un comité
technique505 soit une commission. Le demandeur peu durant cette période d’instruction se voir
inviter à fournir d’amples informations. Les résolutions de ces structures sont soumises soit au
régulateur soit au premier ministre506 soit au ministre en fonction de l’autorité habilité à prendre
la décision finale.
Les autorisations sont accordées en tenant compte de l’intérêt et de l’importance de
chaque projet pour le public et aussi de la disponibilité du spectre de fréquences dans la zone
de service considérés en ce qui concerne les télécommunications507 entre aussi dans les critères
de sélection la capacité de pouvoir financier et de réalisation du projet, des perspectives
d’exploitation du service de la clientèle potentielle du projet 508 . À ce propos, les textes en
vigueur en matière de communication électronique stipulent qu’une licence de première
catégorie ne peut être accordée qu’à des sociétés de droit camerounais ayant un capital social
minimum de cinq millions ce montant peut être révisé par le ministre sur proposition de
l’agence de régulation509. Le manque de précision qui accompagne cet énoncé peut laisser croire
que la révision peut aussi bien aller à la hausse ou à la baisse.
Les demandes d’autorisations préalables autres que les concessions peuvent être refusées
pour des raisons d’ordre public, de défense nationale ou d’incapacité technique ou financière

avril 2000, fixant les conditions et modalités de création et d’exploitation des entreprises privées de communication
audiovisuelle
503
SUREAU (F.), « Les procédures d’autorisations administratives unilatérales », op cit, p.112.
504
2 à 5 ans en ce qui concerne la déclaration préalable en matière de télécommunication V. Art. 5 du Décret
n°2012/1639/ PM du 14 juin 2012, fixant les modalités de déclaration, ainsi que les conditions d’exploitation des
réseaux et installations soumis au régime de déclaration.
505
Art. 13 du Décret n°2000/158 du 30 avril 2000, fixant les conditions et modalités de création et d’exploitation
des entreprises privées de communication audiovisuelle
506
En Ce qui concerne la communication audiovisuelle V. Art. 14 Décret n°2000/158 du 30 avril 2000, fixant les
conditions et modalités de création et d’exploitation des entreprises privées de communication audiovisuelle
507
Art. 20 du Décret n°2012/1638/ PM du 1 juin 2012, fixant les modalités d’établissement et/ou d’exploitation
des réseaux et de fourniture des services de communications électroniques soumis au régime de l’autorisation.
508
Art. 28 du Décret n°2012/1638/ PM du 1 juin 2012, fixant les modalités d’établissement et/ou d’exploitation
des réseaux et de fourniture des services de communications électroniques soumis au régime de l’autorisation.
509
Art.43 du Décret n°2012/1638/ PM du 1 juin 2012, fixant les modalités d’établissement et/ou d’exploitation
des réseaux et de fourniture des services de communications électroniques soumis au régime de l’autorisation.

88
du demandeur à faire face durablement aux obligations de l’exercice de son activité510. Le texte
prévoit tout au moins que ce refus doit être dûment motivé et notifié au demandeur511.
Toutefois les textes demeurent silencieux en cas de silence gardé par l’administration qui
pour une raison ou une autre n’aura pas pris une décision expresse. Il est à conseiller que pour
le respect de la liberté d’exercice des activités économiques que le principe général de droit
administratif selon lequel le silence gardé par l’administration durant le délai légal soit
interpréter comme une acceptation512. Cette procédure non concurrentielle n’est pas la seule
observable. Le législateur a aménagé une dérogation. Ainsi compte tenu de certaines conditions
les autorisations administratives peuvent être délivrées après un appel à concurrence513.

Cette procédure d’appel à concurrence est retenue à titre principal pour les concessions
qui sont des types d’autorisation administrative514. En matière de communication électronique
le législateur stipule que « La concession est octroyée à toute personne morale adjudicataire
d’un appel à concurrence et qui s’engage à respecter les dispositions de la présente loi…515 ».
En matière d’électricité la procédure d’octroi des concessions est soumise elle aussi à un appel
à concurrence selon une procédure définie par voie règlementaire516. Dès lors, l’appel d’offre
se fait selon les dispositions du code camerounais des marchés publics. Il revient au régulateur
la tâche de préparer les dossiers d’appel d’offre selon les exigences du droit des marchés publics.
La concession et les autres types d’autorisations administratives, objet d’appel d’offre ou non
sont assorties dans les secteurs régulés d’un cahier de charge517. Ce qui effrité la distinction
entre contrat et actes unilatéraux. Les régulateurs sectoriels ne sont alors que des instances de
préparation technique des dossiers d’appel d’offre. La délivrance des autorisations
administratives est assujettie au paiement d’une contrepartie financière.

510
Art. 8 du Décret n°2012/1639/ PM du 14 juin 2012, fixant les modalités de déclaration, ainsi que les conditions
d’exploitation des réseaux et installations soumis au régime de déclaration.
511
Art. 46 al.2 de la loi n°2015/007 du 20 avril 2015, régissant l’activité audiovisuelle au Cameroun. Nous y
reviendrons dans la seconde partie de cette étude en son titre 2 qui porte sur les garanties des opérateurs face aux
pouvoirs des autorités de régulation.
512
V. Art. 5 Décret n°2012/0400/PM du 27 février 2013, fixant les modalités de déclaration et d’autorisation
préalable, ainsi que les conditions d’obtention du certificat d’homologation en vue de la fourniture, l’exploitation,
l’importation ou l’utilisation des moyens ou des prestations de cryptographie au Cameroun.
513
En ce qui concerne ces raisons particulières V. Art. 47 de la loi n°2015/007 du 20 avril 2015, régissant l’activité
audiovisuelle au Cameroun ; Art. 12 de la loi n°2010/013 du 21 décembre 201), régissant les communications
électroniques au Cameroun.
514
Art. 8 de la loi n°2010/013 du 21 décembre 2010, régissant les communications électroniques au Cameroun
modifiée.
515
Art. 9 al. 2 de la loi n°2010/013 du 21 décembre 2010, régissant les communications électroniques au Cameroun,
modifiée par la loi n°2015/006 du 20 avril 2015
516
Art. 14 al. 1 de la loi n°2011/022 du 14 décembre 2011, régissant le secteur de l’électricité au Cameroun.
517
Art. 9 al. 3 de la loi n°2010/013 du 21 décembre 2010, régissant les communications électroniques au Cameroun,
modifiée par la loi n°2015/006 du 20 avril 2015

89
Une fois l’autorisation administrative délivrée, elle offre à son titulaire des droits et des
obligations. Le titulaire d’une autorisation préalable est tenu au respect des exigences
essentielles liées au service objet de l’autorisation. En matière de télécommunication le titulaire
de l’autorisation préalable peut demander une connexion de son réseau aux réseaux des
opérateurs de communications électroniques518. De même le titulaire d’une autorisation est tenu
d’informer le régulateur de toute modification intervenue dans la répartition du capital social
ou la direction de l’entreprise519 ce qui permet de sauvegarder les intérêts nationaux520. Ainsi
dans les dossiers de demande d’autorisation ou de licence les candidats doivent donner l’identité
des actionnaires personnes physique ou morale. Pour préserver la concurrence il est interdit
d’une part le cumul d’autorisations mais aussi aucune personne physique ou morale ne peut être
actionnaire dans plus d’une entreprise privée de communication audiovisuelle. Aucun
changement de site, ainsi que toute modification des caractéristiques techniques des
équipements et des installations prévues dans le cahier de charges ne peuvent avoir lieu, sans
l’accord préalable de l’autorité compétente521.
De même, le titulaire d’une déclaration fournissant un service de communication
électronique au public est tenu de remettre au client la facture des services rendus522. Il est aussi
tenu aux principes de neutralité technologique ou encore d’interopérabilité des réseaux et
systèmes d’information dans un environnement concurrentiel523 et de protection des données
personnels des consommateurs c’est le cas des exigences de confidentialité, de consentement
et de sécurité des informations véhiculées 524 . Il demeure à présent à voir les autorités
compétentes pour délivrer ces autorisations administratives.

B/- La fin des autorisations administratives

L'autorisation administrative est un acte juridique et de ce fait, il a une vie faite d’une entrée
en vigueur et corrélativement d’une sortie de vigueur ou fin. Il peut exister diverses causes de

518
Art. 13 du Décret n°2012/1639/ PM du 14 juin 2012, fixant les modalités de déclaration, ainsi que les conditions
d’exploitation des réseaux et installations soumis au régime de déclaration.
519
Art. 18 du Décret n°2012/1639/ PM du 14 juin 2012, fixant les modalités de déclaration, ainsi que les conditions
d’exploitation des réseaux et installations soumis au régime de déclaration.
520
SUREAU (F.), « Les procédures d’autorisations administratives unilatérales », op cit., p.112.
521
Art. 18 du Décret n°2012/1638/ PM du 1’ juin 2012, fixant les modalités d’établissement et/ou d’exploitation
des réseaux et de fourniture des services de communications électroniques soumis au régime de l’autorisation.
522
Art. 19 du Décret n°2012/1639/ PM du 14 juin 2012, fixant les modalités de déclaration, ainsi que les conditions
d’exploitation des réseaux et installations soumis au régime de déclaration.
523
Art. 4 du Décret n°2012/1638/ PM du 1’ juin 2012, fixant les modalités d’établissement et/ou d’exploitation
des réseaux et de fourniture des services de communications électroniques soumis au régime de l’autorisation.
524
V. Décret n°2013/0399/PM du 27 février 2013, fixant les modalités de protection des consommateurs des
services de communications électroniques au Cameroun.

90
la fin de l’acte unilatéral 525 ; ainsi l’acte peut prendre fin à l’issue du terme qui lui a été
préalablement fixé, on parle d’une fin normale (1) ou alors l'acte peut aussi prendre fin de façon
anormale ou anticipée (2).
1/- La fin normale des autorisations administratives de régulation
Parler d’une fin normale des autorisations administratives en matière de régulation
sectorielle soulève le problème de la durée des autorisations administratives (a) et des
conséquences de l’arrivée à terme d’une autorisation (b).

a) La durée des autorisations administratives

En partant de la fonction des autorisations, deux tendances sont observables. La première


consiste à délivrer des autorisations pour une durée illimitée, ce qui est le cas des autorisations
administratives de police. La seconde consiste à octroyer des autorisations pour une durée
limitée. Cependant, l’exigence d’un terme est la conséquence de la soumission à une procédure
de publicité et de mise en concurrence 526 . Dès lors, l’absence de mise en concurrence
neutraliserait l’obligation de limiter la durée de l’autorisation.

Ce n’est pas semble-t-il le cas du Cameroun. En dehors les concessions dont la mise en
concurrence est la procédure normale, les autres autorisations administratives ne sont pas
octroyées après une mise en concurrence. Ce dernier choix est présenté comme une exception.
Toutefois, les autorisations administratives sont assorties d’un cahier de charges. C’est ce
dernier qui fixe la durée des autorisations administratives527. La loi ne fixe pas elle-même cette
durée. Ce qui peut laisser un pouvoir discrétionnaire à l’administration dans la limitation de la
durée. La conséquence pouvant être une variation de la limitation d’un titulaire à un autre. En
France par contre le législateur fixe lui-même la durée. Ainsi en matière de communications
électroniques, la durée minimale des autorisations est fixée à vingt ans 528 . En matière de
communication audiovisuelle, il est prévu que la durée ne peut excéder selon les services cinq
ou dix ans529.

525
CROUZATIER-DURAND (Fl.), La fin de l’acte administratif unilatéral, Paris, L’Harmattan, « Logiques
juridiques », 2003,
526
SEUROT (L.), L’autorisation administrative, op ciit, p.594.
527
V. Pour les communications électroniques : Art. 9 al.3 pour les concessions ; Art.10 al.3 pour les licences de la
loi régissant les communications électroniques.
528
Art. L 42-1 CPCE
529
Art. 28-1 de la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication en France.

91
La limitation de la durée a alors pour objectif de mieux adapter les autorisations aux besoins
auxquels elles doivent répondre 530 . Ainsi Alain Bienaymé écrit que « l’attribution du droit
d'exploiter une ressource rare ne doit pas porter sur une période indéfinie. Le droit accordé
confère un monopole qui risque d’être abusivement exploité. C’est pourquoi, non seulement
l’attribution des ressources rares d’intérêt public mérite d’être éclairée par l’avis des autorités
de la concurrence, mais ce droit doit être périodiquement soumis à examen531 ». La limitation
de la durée des autorisations administratives en matière de régulation sectorielle a comme
conséquence, d’offrir au titulaire un droit au renouvellement.

b) Le droit au renouvellement, conséquence de l’arrivée à terme des autorisations

Lorsqu’il existe une limitation de la durée cette dernière donne lieu à la reconnaissance
au profit du titulaire d’un droit au renouvellement de l’autorisation. Ce droit consiste alors pour
le titulaire à obtenir une nouvelle autorisation administrative non pas automatiquement et sans
conditions, mais, dès lors que sont remplies certaines conditions et effectués certains contrôles
qui sont généralement moins contraignants que ceux qui régissent la délivrance de l’autorisation
initiale532. Il survient une question celle de savoir si le renouvellement se fait selon la même
procédure ou pas c’est-à-dire la mise en concurrence pour les concessions et non mise en
concurrence pour les autres. Le renouvellement semble ne pas devoir respecter la mise en
concurrence. Puisque le législateur camerounais parle d’un droit pour le titulaire de la première
autorisation. Cependant, il est admis que l’administration puisse procéder à un examen
rigoureux qui concerne à la fois la manière dont ont été exercé l’activité et son adéquation future
avec les exigences de l’intérêt général. L’administration doit alors s’assurer que l’exercice de
l’activité autorisée continuera à satisfaire les besoins qui ont initialement justifiées la délivrance
de l’autorisation533.
En matière de communication audiovisuelle, le législateur camerounais stipule que les
différentes autorisations administratives sont renouvelées dans les mêmes conditions que celles
qui ont présidées à leur délivrance. Il ajoute aussi que, le renouvellement peut-être refuser si la
situation financière du titulaire ne lui permet plus de poursuivre la fourniture des services du
secteur de l’audiovisuel objet de son titre d’exploitation dans des conditions satisfaisantes ; ou
encore, en cas de sanction rendant inopportun le maintien de son titre d’exploitation534.

530
V. CHEVRIER (G.), La caducité des actes juridiques en droit public français, Thèse, dactyl., Université de
Paris II Panthéon- Assas, 1997, p.242 ; GOUSSEAU (J.-L.), thèse, t.2, op cit., p.250.
531
BIENAYME (A.), « La genèse des nouveaux marchés », op cit., p.19.
532
SEUROT (L.), L’autorisation administrative, op cit., p.601.
533
Ibid., p.604.
534
Art. 48 al.1 de la loi n°2015/007, régissant l’activité audiovisuelle au Cameroun.

92
En cas de non renouvellement, le législateur camerounais de l’audiovisuelle stipule que
l’opérateur concerné doit alors mettre fin sans délai à l’activité objet de son titre d’exploitation.
Il doit ainsi procéder au démantèlement de ses équipements de production ceci dans un délai
n’excédant pas six mois à compter de la date de notification de la décision de non
renouvellement. Le non-respect de ces délais entraîne alors la confiscation desdits équipements
au profit de l’État. Ces derniers équipements peuvent faire l’objet d’une vente aux enchères
publiques535.

Toutefois, le renouvellement est assorti d’une contrepartie financière que doit verser le
titulaire demandant un renouvellement. Il faut souligner que le nombre de renouvellement ne
semble pas être limité par le législateur. Cependant, il doit avoir au moins la même durée que
l’autorisation initiale. L’autorisation peut prendre fin à un moment déterminé et ouvrir la voie
à un renouvellement, de même, elle peut prendre fin de manière anticipée.

2/- La fin anticipée des autorisations administratives de régulation

L’autorisation administrative peut prendre fin avant son terme pour divers motifs. Ainsi,
lorsque le titulaire cesse de remplir les critères posés relativement à l’octroi de l’autorisation. Il
ne s’agit pas ici d’une sanction536. L’autorisation peut aussi prendre fin à titre de sanction pour
non-respect des obligations posées, ou en cas de manquement aux dispositions législatives et
réglementaires. On peut analyser ces aspects en présentant d’une part la fin anticipée du fait de
l’opérateur (a) et la fin anticipée pour motifs d’intérêt général (b).

a) La fin anticipée du fait du titulaire

Une telle fin peut survenir soit du fait de l’inexécution ou alors du fait d’un renoncement.
Dans l’arrêt Société française Radio Atlantique, le Conseil d’État énonce « qu’en raison de la
limitation du nombre de longueur d’onde (…) et de la nécessité de donner le maximum
d’efficacité au réseau national par une pleine utilisation de ces longueurs d’ondes, il
appartenait au gouvernement de remédier à la carence de l'exploitant d'un service public, en
retirant au Radio-Club Landais l’autorisation dont il était titulaire 537 ». Dès lors, une
autorisation délivrée mais non effectivement exploitée doit être retirer. Parce qu’elle conduit à
une carence d’une activité d’intérêt général. Ainsi, il pèse sur les titulaires des autorisations

535
Art. 48 al. 3 de la loi n°2015/007, régissant l’activité audiovisuelle au Cameroun.
536
V. CE, 6 décembre 2012, M.P., n°348922 ; AJDA, 2012, p.2353.
537
CE, 6 février 1948, Société Radio-Atlantique, Rec., p.65 ; RDP, 1948, p.244, concl., Chenot, note Jeze.

93
administratives en matière de régulation, une obligation d’utilisation effective desdites
autorisations. Jean Rivero réfute cette perspective. Pour lui, les autorisations permettent d’agir,
elle ne contraint pas 538 . Dans cette occurrence, l’autorisation administrative se voit être
dépourvue de caractère exécutoire. Une telle posture ne peut être retenue en matière de
régulation économique.
En effet, l’objectif de la régulation économique est d'instaurer une concurrence
effective539. Or, donner la latitude à des opérateurs d’acquérir des autorisations administratives
et de ne pas être obliger de les utiliser, ne participe aucunement de l’objectif d’instaurer une
concurrence effective dans les secteurs économiques. Il faut donc en matière de régulation
économique sectorielle partir du principe fondamental qu’il existe bel et bien une obligation
d’utilisation effective des autorisations administratives. La fondamentalité de ce principe
découle alors de tout le système de régulation, plus précisément de sa finalité : instaurer une
concurrence effective, saine et loyale au profit du marché et des consommateurs. En matière de
régulation les autorisations administratives sont assorties, de façon intrèsinque, d'un caractère
exécutoire540. Dès lors, l’obligation d’exécuter n'a pas besoin d’être déclaré par un texte541.
Ainsi, parce que ces dernières ont pour fonction d'habiliter leurs titulaires à exercer une
activité visant la satisfaction optimale des besoins de la population. C’est donc ce caractère
d’intérêt général qui ne permet pas qu’un opérateur titulaire d’autorisation y fasse défaut542. La
même logique peut être transposée sur les autorisations permettant l’accès à une ressource rare.
Puisque l’accès à cette infrastructure essentielle doit permettre de satisfaire les attentes des
citoyens en matière d’électricité ou de communications électroniques. Il n’est donc pas
admissible que dans l’intérêt général, cette ressource rare demeure inutilisée543.
Le retrait envisagé ici, prend la forme de l’abrogation, parce que cette dernière nécessite
l’intervention de l’administration. Elle est donc une espèce de sanction de l’inexécution 544.

538
RIVERO (J.), « Sur le caractère exécutoire des autorisations administratives », in Études offertes à Pierre
Kayser, t.2, Paris, PUAM, 1979, p.380.
539
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Ambitions et efficacité de la régulation économique », Revue de droit bancaire
et financier- Revue trimestrielle LexisNexis Jurisclasseur, novembre-décembre 2010, pp. 59 et s.
540
HOEPFNER (H.), « Le caractère exécutoire des actes administratifs », in BIENVENU (J.J.), PETIT (J.),
PLESSIX (B.) et SEILLER (B.) (dit.), La constitution administrative de la France, Paris, Dalloz « thèmes et
commentaires », 2012, pp.266-267. Pour un avis contraire portant sur tous les types d’autorisations v. ARSAC
(R.), L’autorisation. Étude de droit administratif, thèse, Université de Grenoble, 2005, p.19 ; CHAPUISAT (L.-
J.), « Le régime de police pour cause d’utilité privée », in Le pouvoir : mélanges en l’honneur de Georges Burdeau,
LGDJ, 1977, p.877.
541
V. TRUCHET (D.), « La réforme hospitalière », AJDA 1992, p 136.
542
CHEVRIER (G.), La caducité des actes juridiques en droit public français, op cit., pp.235 ;249 et 252.
543
JEANNENEY (P.A.) et CHICHPORTICH (M.), « Les ressources rares », op cit., n°38.
544
V. CE, 15 mars 1957, Territoire du Cameroun c/ Sieur Martial, Rec., p.177 ; en ce qui concerne le permis
d’exploitation des mines.

94
Cependant, il faut noter que la loi ne détermine pas un délai à partir duquel le titulaire d’une
autorisation doit commencer effectivement à être utiliser. Ce que le législateur français a fait
en matière de communications électroniques 545 . On peut penser que les cahiers de charges
comblent cette lacune législative. Le législateur camerounais a dans le cadre des concessions
en matière d’électricité ouvert la possibilité pour un titulaire de cette forme d’autorisation de
renoncer à son utilisation.

On définit la renonciation comme étant une manifestation de volonté par laquelle une
personne abandonne un droit que l’ordre juridique lui reconnaît éventuellement parce qu’elle
escompte certains avantages en contrepartie de cette abdication. Cette définition que l'on
retrouve généralement chez les auteurs publicistes, donne un caractère plus conventionnel à la
renonciation546. Les auteurs privatistes eux, ne reconnaissent à la renonciation qu’un caractère
unilatéral, ils la définissent alors comme, une manifestation de volonté unilatérale qui ne peut
donc pas s’exprimer dans une transaction ou dans un contrat547. Il faut en réalité dire que la
renonciation peut-être aussi bien conventionnelle qu'unilatérale. Ici nous retiendrons la seconde
hypothèse principalement 548 . Ce qui l’éloigne de la transaction, de l’acquiescement ou des
désistements d’action. Toutefois, lorsque la renonciation porte sur un droit contractuel, elle se
rapproche de la résiliation.
La caractéristique essentielle de la renonciation par rapport à ces dernières est alors la
disparition d’un droit, qui s’éteint par la volonté de son titulaire. Ainsi, elle porte sur un droit
subjectif549 au sens large c’est-à-dire que l’on y inclut les facultés et même les avantages. Ainsi,
parce que la renonciation est unilatérale et volontaire, elle doit être exprimée expressément par
son titulaire. Autrement dit, la renonciation ne se présume pas. Il n'y a donc pas de renonciation
en cas d’abstention par exemple d’exécuter ou d’utiliser effectivement une autorisation
administrative550, ni même dans les cas où un droit sans s’éteindre passe à un tiers par la voie

545
Art. L 42-1 CPCE.
546
V. AUBY (J.-M.), « La renonciation au bénéficie de la loi en droit public français », Travaux de l’association
Henri Capitant pour la culture juridique française, Dalloz, 1963, pp.511-536 ; BLUMANN (Cl.), La renonciation
en droit administratif français, Thèse, Université de Poitiers, LGDJ, coll. « bibliothèque de droit public », t.113,
1974, n°1044, pp.451 et s.
547
V. RAYNAUD (P.), « La renonciation à un droit », RTD Civ., 1936, p.774 ; HOUTCIEFF
(D.), « Renonciation », Répertoire de droit civil, Dalloz, mai 2012, n°8 et 11.
548
CE 14 février 1968, n°67721, Bosquier, Lebon, p.117 ; DEBBASCH (Ch.), Procédure administrative
contentieuse et procédure civile, thèse, LGDJ, coll., « Bibliothèque de droit public », t.38, 1962, n°252, p
.224 ; ORDENT (R.), Contentieux administratif, t.1, Paris, Dalloz, 2007, p.818.
549
RIGAUX (F.), « La renonciation au bénéfice de la loi en droit civil belge », Travaux de l’association Henri
Capitant pour la culture juridique française, op cit., pp.385 et s.
550
Sur la distinction entre renonciation et abstention v. JEZE (G.), Les principes généraux du droit administratif,
t.1 Giard, 3e éd., 1925, rééd., Dalloz, pp.14 et s.

95
de la cession. La renonciation s’analyse alors comme un acte substantiellement abdiquatif551.
Le droit de renonciation tire ses fondements des libertés économiques qui garantissent entre
autres, aux opérateurs le droit d’entrée et de sortir, à leur guise, d’un secteur économique.
Leur importance pour le marché, et celle de cette dernière dans l’optique de satisfaire
les besoins de la population, fait que l’exercice du droit de renonciation doit être
minutieusement contrôler. C'est ainsi que le législateur camerounais, en matière d’électricité, a
fixé les grandes lignes de ce contrôle. Ainsi on peut lire que l’opérateur qui décide de renoncer
à son autorisation administrative, avant terme, doit notifier au régulateur son projet de
renonciation. Ceci au plus tard six mois avant la date envisagée pour cette renonciation. De plus,
à compter de la date de notification du projet de renonciation, le régulateur dispose de trois
mois pour se prononcer sur la renonciation, que le législateur appelle aussi résiliation552.

L’exigence de notification imposée par le législateur résulte du fait que les opérateurs
sont en matière d’électricité collaborateurs de l’administration par le fait qu’ils participent à un
service public, dans les autres secteurs économiques régulés, ces activités participent à la
satisfaction de l’intérêt général. L’idée étant que de telles activités ne doivent pas être
abandonnées. Une renonciation ne va pas sans conséquences sur le système de régulation et le
marché. Il faut donc que le régulateur soit informé.
Il se pose tout de même une question portant sur le fait que le régulateur doive se
prononcer sur le projet de renonciation de l’opérateur. La question est de savoir si le régulateur
peut s’opposer au projet de renonciation ? Une réponse positive ne peut être admise ici, ceci au
risque de ruiner le sens même de la renonciation, et offrir ainsi au régulateur un pouvoir
discrétionnaire. L’administration ne dispose alors ici que d’un pouvoir de constatation, une
compétence liée. Tout de même, les conséquences de cette renonciation sont prises en compte,
ainsi le législateur impose une contrepartie à la renonciation : il s’agit de l’obligation
d'indemniser. Ainsi tout opérateur qui décide de renoncer à son autorisation administrative
avant le terme normal est soumis au versement d'une indemnité. Cette dernière indemnisation
est alors fixée en fonction des raisons de ce renoncement et des conséquences évaluées par le
régulateur. Cet encadrement de la renonciation observable dans le secteur de l’électricité est
une source d’inspiration importante pour les autres secteurs régulés, où l’on retrouve un autre
motif pouvant conduire à la fin anticipée d’une autorisation administrative de régulation : il
s’agit du motif d’intérêt général.

551
V. DREIFUSS-NETTER (F.), La manifestation de volonté abdicative, thèse, Université de Strasbourg, LGDJ,
coll., Bibliothèque de droit privé, t.185, 1985, n°35, pp.48 et s.
552
Art. 49 al. 3 de la loi n°2011 régissant le secteur de l’électricité au Cameroun

96
b) La fin anticipée pour motif d’intérêt général des autorisations administratives de
régulation
La question au centre de cette dernière préoccupation est de savoir si une autorisation
peut être retirée alors même que le titulaire remplit encore toutes les conditions. Il faut souligner
que les autorisations administratives sont des actes créateurs de droit. Dès lors, l’administration
ne peut le retirer que dans les conditions limitativement énumérées par les textes 553. Ainsi, en
cas de modifications de la situation prévalant au jour de l’établissement des autorisations jugées
contraire à l’intérêt public ces titres peuvent être annulés 554 . C'est le cas par exemple si
l’opérateur a fait l’objet d’une décision de dissolution anticipée, de liquidation judiciaire
assortie ou non d’une autorisation de continuation de l’entreprise ou de faillite. Dès lors, tant
que le titulaire respecte les sujétions imposées, il doit jouir d’un droit au maintien de
l’autorisation en guise de contrepartie, ceci en tenant compte de la durée de l’autorisation555.
L’idée étant que, l’autorisation administrative parce qu’elle est limitée doit offrir une certaine
stabilité556. On comprend dans cette perspective que la faute requise de la part du titulaire soit
une faute lourde. Ceci dû au fait que la sanction intervient après une mise en demeure non
respectée.

Un autre événement important peut affecter la vie de l’autorisation administrative en matière


de régulation. Il s’agit de la cession. Nous l'analyserons en abordant la question de la
patrimonialisation des autorisations administratives.

PARAGRAPHE 2 : La patrimonialisation de l’autorisation administrative

Le mot patrimonialité désigne parfois la qualité d’une chose et parfois celle d’un droit.
En réalité, cela résulte de l’incertitude qui règne autour des notions même de biens ou de
patrimoine. Toutefois, lorsqu’elle désigne des choses, la patrimonialité est un raccourci, la
patrimonialité ou l’extra-patrimonialité sont des qualités que l’on applique d’abord et
exclusivement à des droits. Ici, la question est simple, dans les autorisations administratives,
les titulaires y trouvent-ils un patrimoine transmissible ou cessible ? La question marque une
disparition des frontières dans le champ de la recherche juridique. On assiste à une privatisation

553
CE, 30 juin 2006, Société Neuf Télécom S.A., Rec., p.309 ; AJDA, 2006, p.1720, note A. SÉE ; AJDA, 2006,
p.1703, note Jeanneney ; RJEP, 2007, p.162, note Fontaine et Weigel.
554
Art. 45 al. 3 de la loi n°2010/013, régissant les communications électroniques au Cameroun, modifiée.
555
SEUROT (L.), L’autorisation administrative, op cit., p.617.
556
V. TRUCHET (D.), Droit administratif, 5e éd., Paris, PUF, « Thémis droit », 2013, p.243.

97
du droit public et surtout du droit public de l’économie et une publicisation du droit privé557 et
particulièrement du droit de la concurrence. Le droit administratif et le droit civil se rapprochent
à travers la question de la patrimonialisation des actes administratifs et partant des autorisations
administratives. En effet, la patrimonialité évoque directement ce qui a une valeur pécuniaire,
ce qui est dans le commerce, ce qui est transmissible par voie de succession ou cessible
moyennant finance. Elle se confond donc avec la notion de bien. Un droit présente un caractère
patrimonial « lorsqu'il est situé dans le domaine juridique et qu'il est évaluable en argent558 ».
Le discours sur la patrimonialité est ancien. Il remonte en France au système des
offices559. Il aura évolué avec le glissement de l’action des pouvoirs publics du strict contrôle
au sens de police administrative à celui de régulation des activités économiques 560. Autrement
dit, le caractère policier de l’acte d’autorisation administrative était dominé par l’absence de
patrimonialité. L’autorisation de police étant une autorisation personnelle est donc strictement
incessible, et donc ne peut pas changer de titulaire en qui elle a leur « point
d’attache561 ».Tandis que la régulation économique, semble quant à, elle ouvrir la voie à un
commerce de l’autorisation administrative562. Le constat est grandissant en droit français. Au
Cameroun, la patrimonialité des autorisations administratives, demeure encore une exception
(B). Le principe étant celui de l’incessibilité (A).

A/- Le maintien de l’incessibilité des autorisations administratives de régulation


Le principe de l’incessibilité continue à survivre563 par le fait que le droit administratif
continu à voir dans l’acte administratif, l’expression de la puissance publique. Il ne les reconnait
pas comme étant des biens564. Les juridictions internes se montrent donc traditionnellement
réservées quant à l'idée d'admettre que le bénéficiaire d'une autorisation administrative puisse
en disposer librement, qu'il puisse la transmettre à ses héritiers ou céder celle-ci à un tiers
moyennant finance. C’est une tradition très forte du droit français d’exprimer une hostilité de

557
DRAGO (R.) et FRISON-ROCHE (M.-A.) ; « Mystères et mirages des dualités des ordres de juridictions et de
la justice administrative », in Le privé et le public, Arch. phil. Droit, n°41, 1997, pp.135-148
558
LORVELLEC (L.), « Quotas laitiers et exploitation agricole. Écrits de droit rural et agroalimentaire », Dalloz,
2002, pp.184 et s.
559
DELVOLVE (P.), « La patrimonialité des actes administratifs : rapport de synthèse », RFDA, 2009, p.44 et s.
560
LOMBARD (M.), « Institutions de régulation économique et démocratie politique », AJDA, 2005, pp.531 et s.
561
APPOLIS (B.), Autorisations sanitaires et hospitalisation privée. Contribution à l’étude des autorisations
administratives dans leurs rapports avec les personnes privées, op cit, n°275.
562
V. sur la question MAUBLANC (J.-V.), Le marché des autorisations administratives à objet économique, op
cit, 775p. ; SOLEILHAC (Th.), « Vers une commercialité des autorisations administratives », AJDA, 2007, p.2178.
563
Art. 20 du Décret n°2012/1639/ PM du 14 juin 2012, fixant les modalités de déclaration, ainsi que les conditions
d’exploitation des réseaux et installations soumis au régime de déclaration.
564
CC 30 décembre 1982, DC n°82-150, loi relative à l’organisation des transports intérieurs.

98
principe à tout ce qui, de près ou de loin, pourrait s'apparenter à une « vente » des actes
administratifs, à une vénalité des autorisations administratives. En effet peut-on imaginer que
le titulaire d'un permis de conduire puisse « vendre » celui-ci à un tiers ou qu'un étudiant en
droit puisse céder son diplôme à un condisciple moins studieux mais infiniment plus argenté
que lui. L'intuitu personae des décisions individuelles semblerait au demeurant être à lui seul
de nature à exclure cette possibilité. Cette idée fait suite au principe de l’indisponibilité des
compétences des personnes publiques, qui appellent un caractère personnel des autorisations
administratives. Et de tous les actes délivré intuitu personae c’est-à-dire des actes délivrés en
considération des caractéristiques de la personne. Ce caractère personnel s’oppose donc à toute
cessibilité565.
Ainsi l’intervention du législateur dans les secteurs régulés pour marteler ce principe,
implique que même dans le cas où les autorisations y seraient contingentées, elles ne soient
aucunement cessibles. Cette posture du législateur, marque la survivance d’une approche
policière des autorisations en matière de régulation au Cameroun. Laurent Seurot écrit que :
« [t]outes les autorisations personnelles sont en effet incessibles, à condition de s’en tenir
effectivement aux seules autorisations de police et non de tenter d’y inclure les autres types
d’autorisations566 ». Or en matière de régulation il est impossible d’arguer que les autorisations
que l’on y retrouve sont uniquement des autorisations de police. Au risque d’assimiler alors
régulation et police. Alors qu’en réalité, la régulation va au-delà de la police.

Cependant, il faut noter que le principe d’indisponibilité des compétences duquel


découle l’incessibilité ne s’oppose pas à la cession au contraire, elle oblige que cette cession se
fasse de façon contrôler par l’administration. En effet l’acte ayant été pris en vertu d’un pouvoir
de décision de l’administration, dès lors, le titulaire ne saurait alors librement le céder sans que,
l’administration ne fasse certaines vérifications comme celles justifiants que le cessionnaire
remplisse les conditions nécessaires567. Ce contrôle pose donc une certaine compatibilité entre
l’indisponibilité des compétences et la cession. Ce qui aura poussé le législateur camerounais
en matière d’électricité 568 et le législateur français 569 dans divers domaines d’activités

565
CE 1 décembre 1982, Commune d’Arcachon, n°27213.
566
SEUROT (L.), L’autorisation administrative, op cit, p.489.
567
CORMIER (M.), « Fondements de la patrimonialité des actes administratifs », op cit, p.1.
568
V. Art. 44 de la loi n°2011/022 régissant le secteur de l’électricité.
569
Comme dans le secteur de l’agriculture V. BARTHELEMY (D.), « Droits à produire, patrimoine d’entreprise
et patrimoine paysan », RD rur., 1999, n°270, p.98 ; VAN DAMME (P.), « Les mécanismes de régulation de la
production », RD rur., 1997, n°256, p.466 : dans celui des télécommunications : V. MAUGUE (Ch.), « Étude
relative aux modalités juridiques de cession et de mise à disposition des autorisations d’utilisations de fréquences
de boucle locale radio, ARCEP, janvier 2007 : MOLINIER- DUBOST (M.), « Requiem pour le principe
d’incessibilité des autorisations administratives », AJDA, 2004, p.2141.

99
économiques à reconnaitre la possibilité pour le titulaire d’une autorisation administrative de la
céder moyennant finances.

B/- L’exception au principe de l’incessibilité dans les services publics en réseaux


camerounais

Il s’agit d’une évolution. Cette évolution résulte du constat selon lequel, les actes
administratifs se voient reconnaitre une potentialité économique et même pour certains une
réelle valeur économique, ce qui permet d’envisager la possibilité de les faire circuler dans le
commerce. Elle même résultant d’une obligation de transparence qui découle de la mise en
concurrence de certaines autorisations. Même si aucun texte n’impose cette mise en
concurrence570. Le législateur camerounais en matière d’électricité571 ouvre cette possibilité de
cession des autorisations (1) en l’assortissant tout de même d’une condition essentielle (2).
1/- La cessibilité des autorisations administratives en matière de régulation :
le cas du secteur camerounais de l’électricité
La question de la cessibilité des autorisations administrative est abordée en deux temps.
D’une part on reconnait à ces dernières une certaine valeur semblable à celle qui est attachée à
un bien (a) pour être totale, elle suppose aussi la cessibilité onéreuse et la transmissibilité à
cause de mort572 des autorisations administratives de régulation des activités économiques (b).
a) La valeur économique des autorisations administratives en matière de régulation
économique
C’est se demander en somme si un acte administratif fusse-t-il une autorisation
administrative ou autre est susceptible d’être considéré comme un « bien « ? Mais alors qu’est-
ce qu’un bien. La notion de bien même si, elle est très connue du droit civil, demeure difficile
à cerner. Le Code civil se contente d’opposer les biens corporels et incorporels, biens meubles
et immeubles, biens consomptibles et non consomptibles. Cependant, l’article 714 du même
texte donne un indice de détermination de la notion de bien. Le texte dispose qu’il « est de ces
choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous » une lecture a
contrario peut donc amener à conclure que, peut-être considérer comme un bien une chose qui
est susceptible d’appropriation, ce qui présente une utilité à l’homme et donc susceptibles de
constituer une valeur573. Ainsi dire qu’une autorisation administrative est un bien c’est dire

570
CE 13 janvier 2010, Association Paris Jean Bouin, req. n°329576 ; CE 13 janvier 2010, Ville de Paris, req.
n°329625.
571
Art. 41 al.1 de la loi n°2011/022, régissant le secteur de l’électricité au Cameroun.
572
CATALA (P.), « La transformation du patrimoine dans le droit civil moderne », RTD civ., 1966, pp.185 et s.
573
Cf. ZENATI - CASTAING (F.) et REVET (T.), Les biens, 3e éd., 2008, 760p.

100
qu’elle présente une certaine utilité, pour son titulaire, de laquelle on peut déduire une valeur
économique susceptible d’entrer dans le patrimoine574 et dont de lui attribuer des droits et des
obligations575. Autrement dit, La valeur économique résulte de la cumulation de la rareté et de
l’utilité de l’autorisation.

Il faut que l’autorisation administrative puisse être évaluée en argent, cela est
indispensable pour que la patrimonialité soit admise576. Ce caractère conditionne, avec celui de
la cessibilité des autorisations, la patrimonialité 577 . Les études sur la valeur des actes
administratifs est assez ancienne et a été l’œuvre des économistes et des juristes privatistes578.
Les publicistes le considérant comme tabou579. Toutefois, il faut noter avec Maxence Cormier
que « Le mécanisme même des autorisations administratives implique la création d'une
valeur », en effet poursuit- il, « sans autorisation, une activité, une exploitation soumise à
autorisation sont interdites. La titularité d'une autorisation assure dans ce cadre le pouvoir,
voire l'obligation, d'exercer une activité, d'assurer une exploitation580. ». La valeur est donc
créée par la rareté et l’utilité d’une autorisation administrative. Il faut dire qu’un bien peut être
utile pour son titulaire mais ne pas être rare comme en matière d’exploitation de débit de boisson
ou de taxi puisque tout candidat qui réussit à l’examen du permis s’en voit délivrée un. Les
autorisations rares, elles ont une valeur économique car elles créent un avantage concurrentiel
pour son bénéficiaire. Cette rareté peut être factuelle ou créer par le droit.

Il est observable alors de voir que certaines autorisations soient contingentées par les
textes qui les créent ; il peut s'agir d'un contingentement par référence à une tranche de
population comme c'est le cas en matière d'utilisation d'ondes hertziennes ou de licences
d'officines pharmaceutiques, ou encore par référence aux besoins de la population comme c'est
le cas en matière sanitaire et sociale ou médico-sociale et en matière de taxis. Cette limitation
est susceptible de créer une valeur vénale581.

Le contingentement peut également résulter d'une simple situation de fait, l'absence


d'espace, la rareté du bien, du terrain auxquels sont attachées des autorisations administratives.

574
SÉRIAUX (A.), « La notion juridique de patrimoine », RTD civ., 1994, pp.801 et s.
575
DEMOGUE (R.), Notions fondamentales du droit privé, Paris, éd. Raisseau, 1911, pp.383 et s.
576
GOURDOU (J.), « Droits à produire et problématique générale de la cessibilité des autorisations
administratives », RD rur., 1999, n°270
577
CORMIER (M.), « Fondements de la patrimonialité des actes administratifs », RFDA, 2009, p.10
578
V. not. BLANLUET (G.), Essai sur la notion de propriété économique en droit privé français, Paris, LGDJ,
Bibl. de droit privé, 1999
579
CORMIER (M.), « Fondements de la patrimonialité des actes administratifs », op cit, p.11.
580
Idem.
581
LAULHE (J.), « La vénalité des actes administratifs », AJDA, 1961, pp.424 et s.

101
C'est évidemment le cas en matière d'occupation privative du domaine public, qu'il soit terrestre,
maritime ou aérien.

C'est également le cas en matière d'urbanisme ou en matière de quotas de production


agricole ou de droit de plantation. En l'absence de contingentement, en droit ou en fait, aucun
postulant à l'octroi d'une autorisation ne passera par le titulaire initial d'une autorisation, s'il
peut obtenir directement et gratuitement de l'administration une telle autorisation582. Dès lors,
ce n’est pas nécessairement le caractère intuitu personae d'une autorisation qui s'oppose à sa
cessibilité et son évaluation en argent, et par conséquent à sa patrimonialité, c'est l'absence de
rareté583. Le juge judiciaire français va dans le même sens lorsqu'il considère qu'une obligation
de payer le prix d'un agrément préfectoral d'exploitation d'une auto-école est nulle, faute de
cause, au motif que « le nombre des établissements d'enseignement de la conduite automobile
n'étant pas limité et l'agrément préfectoral nécessaire à l'exploitation d'un tel établissement
étant délivré à titre personnel à tous ceux qui présentent les aptitudes requises [...] la
convention relative à la cession de l'agrément était [...] dépourvue d'objet584 ». À côté de cette
rareté, la valeur est aussi créée par l’utilité économique de l’autorisation pour son titulaire585.

L’utilité renvoie à l’exploitation de l’activité autorisée. Ainsi Comme le souligne fort


justement Benoît Apollis586 l'autorisation conduit à une valeur accrue de l'exploitation ou de
l'activité autorisée. D’abord parce que, sans autorisation, l'activité visée est interdite, ensuite
parce que le contingentement permet une augmentation de la valeur de l'exploitation de cette
activité587 et enfin parce que l'autorisation peut conduire à un captage et à une fixation de «
clientèle ». L’utilité économique détermine dont la valeur car elle permet l’exploitation de
l’autorisation qui génère un profit pour le titulaire.

L’activité exploitée voit donc sa valeur accroitre de même que l’autorisation qui lui est
liée. Le prix de l’exploitation devient ainsi déterminant, ceci d’autant plus que, les autorisations
n’ont pas le même prix ; c’est le cas entre une licence et une autorisation ou une déclaration ou
encore une concession. Il faut donc exploiter une autorisation pour qu’elle ait une valeur. À ce

582
CORMIER (M.), « Fondements de la patrimonialité des actes administratifs », op cit, p.11
583
V. BERTRAND (A.), L’autorisation administrative et le contrat, Thèse de droit dactyl. Université de Paris II
Panthéon –Assas, 1985, pp.455-456 ; CALMETTE (J.-F.), La rareté en droit public, pp.210 et s : ECKERT (G.),
Droit administratif et commercialité, thèse dactyl. Université de Strasbourg, 1994, pp.474 et 477.
584
C Cass civ 3e, 4 mai 1983, Gauthier c/ Berberian, Bull. civ. III, n°103 ; Gaz Pal. 1983 ; pan juris, p.231, note
j. Dupichot; RTD civ. 1984, n°3, p.113, note F. Chabas.
585
CORMIER (M.), « Fondements de la patrimonialité des actes administratifs », op cit, p.12.
586
APOLLIS (B.), Autorisations sanitaires et hospitalisations privées, Thèse LEH, 2008, pp.259 et s.
587
CATALA (P.), « L’évolution contemporaine du droit des biens », in L’évolution contemporaine du droit des
biens, Paris, PUF, 1991, pp.181 et s. ;

102
propos, le droit comptable et fiscal 588 confirme cette analyse de l’utilité économique d’une
autorisation comme fondement de sa valeur. À travers par exemple la notion d’« actif
immobilisé » inscrit au bilan d’une entreprise589. Ainsi, du point de vue comptable et fiscal,
c'est en effet l'inscription d'un nouvel élément d'actif au bilan de l'entreprise qui matérialise sa
patrimonialisation : le droit comptable définit en effet un « actif » comme « un élément
identifiable du patrimoine ayant une valeur économique positive pour l'entité590 ». Le droit
fiscal ne propose pas de définition autonome de la notion d'actif et se plie donc à cette définition
comptable, conformément aux dispositions de l'article 38 quater de l'annexe III au Code Général
des Impôts français 591 . Les éléments destinés à servir de façon durable à l’activité d’une
entreprise sont alors l’actif immobilisé qui s’entend des éléments stables de l’actif dont la
destination normale est d’être conservée dans l’entreprise comme moyen d’exploitation.

Dès lors, une autorisation administrative est considérée comme un actif immobilisé
puisqu’elle est inscrite au bilan à sa valeur vénale592. Ainsi donc les droits qui en découlent
entrent dans le patrimoine comptable et fiscal du titulaire. La valeur de l'élément d'actif est
déterminée en fonction de son coût d’acquisition, la valeur est donc appréciable en argent cela
peut être le cas des redevances versées pour une occupation du domaine public en matière de
télécommunication. Cette redevance qui tient compte des avantages de toutes natures procurées
au titulaire de l’autorisation 593 . Elle ne tient pas compte du service rendu. Dès lors, les
redevances perçues dans les secteurs régulés ne sont pas des redevances pour service rendu.
L’idée est ici que les autorisations d’occupation privatives sont des actes de gestion qui tendent
vers une fin d’ordre économique à savoir la rentabilité financière du patrimoine public594. Il
faut donc un prix à ces autorisations comme le démontre la redevance des licences de téléphonie
mobile de 3e génération dites « licences UMTS » en France. Il semble donc exister une certaine

588
COLLET (M.), « Les aspects comptables et fiscaux de la patrimonialité des actes administratifs », RFDA, 2009,
pp.8 et s.
589
MELLERAY (G.), « Domaine public et fiscalité », AJDA 1980, p.327 ; PICARD (J.-F.), « La notion d’actif
immobilisé », RJF, 1986/5, pp.272 et s ; TUROT (J.), « Actif incorporel », RJF, 5/1990, p.311.
590
Art. 211-1 PCG français
591
V. Instr. 4 A-13-05, BOI, n°213, du 30 décembre 2005, para. 2.
592
CE 24 mars 1965, Sté L., Lebon, p.189 et DF 1965 n°17-18, com. 1990, p.8 ; CE 22 mai 1939, Distillerie X,
Lebon, p.339 ; TA Paris, 27 novembre 1972, DF 1973, com.1187, p.15 ; pour les licences de débit de boisson : CE
15 décembre 1982, RJF 1983, com.177, p.84 ; pour une autorisation sanitaire : CE 26 juillet 1985, DF 1985, comm.
2275, p.1530.
593
V. TA Paris, 28 février 2013, Association du quartier du Parc des Princes pour la sauvegarde de ses
caractéristiques, n°1200787, AJDA 2013, p.1166, note BRACONNIER ; v. aussi TA DIJON, 20 février 2013, La
Poste, n°1200832 ; AJDA 2013, p.1487.
594
RAPONE (D.), « La patrimonialité des actes administratifs en matière de communication électronique », RFDA,
2009, pp.39 et s.

103
valeur économique des autorisations administratives, qui impacte sur le principe de
l’incessibilité de ces dernières.

b) La possibilité de cession des autorisations administratives

La cession veut dire le remplacement du titulaire par un tiers et le maintien des éléments
essentiels de l’autorisation d’origine. L’on est alors dans les perspectives « des autorisations de
police réelles595 ». À ce propos Jean-Louis Gousseau écrit que « lorsqu’elle est délivrée en
considération de l’objet, des modalités d’exercice de l’activité, de l’entreprise indépendamment
de la personnalité de son auteur, elle n’est pas attachée à celui-ci ; elle constitue alors un
élément incorporel du fonds susceptible d’être cédé en même temps que ce fonds 596 ».
L’autorisation réelle suit la chose, elle est donc « délivrée indépendamment d’une personnalité
déterminée597 ».
Ainsi en France la loi permet au titulaire d’une autorisation de présenter son remplaçant à
l’administration, c’est le cas par exemple en matière d’autorisation de stationnement sur la voie
publique ou encore d’autorisation d’occupation d’un emplacement sur un marché d’intérêt
national. On peut alors conclure ici de prime abord que la patrimonialité reposerait ici sur le
droit de présentation et non pas sur l’acte lui-même. Et donc on parlera plus ici de titularité que
de propriété.
L’article L 5125- 7 du Code français de la santé publique permet dans cette même
perspective, que la licence de pharmacie soit cédée en même temps que le fonds de commerce
qui y est attaché598. Bien plus, les droits réels reconnus au titulaire de certaines autorisations
d’occupation privative du domaine public sont susceptibles d’être céder après une validation
du régulateur ou de l’administration. Pierre Delvolvé abonde dans le même sens lorsqu’il fait
la remarque selon laquelle le code général de la propriété des personnes publiques reconnait la
seule circulation des droits reconnus par le titre d’occupation, ces droits sont tellement
indissociables du titre qu’on peut considérer que le titre est également cédé599.

Il peut aussi arriver dans le cadre de la décentralisation que des collectivités territoriales
soient titulaires d’autorisations d’utilisation de fréquences en abrégé AUF mais qu’elles

595
SEUROT (L.), L’autorisation administrative, op cit, pp.491 et s.
596
GOUSSEAU (J.-L.), recherches sur les autorisations administratives individuelles dans l’interventionnisme
économique de l’Etat, op cit, t. 2, p.189.
597
EGON VON TUREGG (K.), Lehrbuch des Verwaltungsreschts, Walter de Gruyter et Co., 1962, p.483 cité par
SEUROT (L.), L’autorisation administrative, op cit, p.492.
598
LEMOYNE DE FORGES (J. -M.), « La patrimonialité des actes administratif en matière de santé », RFDA,
2009, p.32.
599
DELVOLVE (P.), « La patrimonialité des actes administratifs : rapports de synthèse », RFDA, 2009, p.44.

104
décident de ne pas les exploités elles-mêmes fautes de compétences techniques, elles passent
ainsi des conventions pour faire réaliser les infrastructures et gérer les services par des
opérateurs privés et d’autre part qu’elles cèdent ou mettent à disposition les AUF dont elles sont
titulaires. Il se crée donc un marché secondaire des fréquences dont les pouvoirs publics on prit
acte en reconnaissant expressément la possibilité de céder les AUF. La cession d’une AUF
consiste pour son titulaire de renoncer au droit d’exploiter lui-même la fréquence et de céder ce
droit à un cessionnaire.

Le décret français du 11 aout 2006 pris en application de l’article L 42- 3 du Code des
postes et des communication électroniques a fixé les conditions dans lesquelles l’ARCEP peut
s’opposer à la cession envisagée ou alors l’assortir de prescription destinée à assurer le respect
des objectifs mentionnés à l’article L 31 -1 du même code ou la continuité du service public.
La cession se fait donc en général au travers d’un projet de cession qui répartit entre le cédant
et le cessionnaire les droits et obligations découlant de l’autorisation. Le régulateur jouit à ce
propos d’une marge de manœuvre pour apprécier en ce qui concerne la répartition entre cédant
et cessionnaire les engagements de déploiement600.
L’admission de la cession implique alors de revenir sur le caractère personnel des
autorisations administratives. En effet, le caractère personnel est souvent perçu comme
synonyme de l'intuitu personæ 601 , et ce dernier s’oppose à toute cession 602 . Or comment
maintenir ce caractère tout en admettant la cession. La réponse se trouve dans l’approche que
l'on a de l'intuitu personæ. Ce dernier pour une partie de la doctrine signifierait que l'acte est
délivré en considération de la personne. Une telle posture n’est pas totalement exacte. En effet,
il semblerait que, l'intuitu personæ soit simplement invoqué pour justifier le libre choix par
l’administration du concessionnaire603 ou du titulaire d’une autorisation. Dans le même sens,
Rozen Noguellou estime que l’intuitu personæ permet juste de souligner que le contrat, ou
l’acte unilatéral, est un « lien de droit entre deux personnes604 ». La notion comporterait alors
une signification que lorsque la personne est l’objet même de l’obligation605.

600
Art. R 20 -44-9-6 du Code français des postes et des communications électroniques
601
V. LIVET (P.), L’autorisation administrative préalable et les libertés publiques, Paris, LGDJ, « BDP », t.117,
1974, p.262 ; LAGET-ANNAMAYER (A.), thèse op cit., p.146 ; NOIRE (F.), Le principe d'incessibilité des
autorisations administratives, Mémoire, Université de Bordeaux, 2005, p.17
602
V. BAUDEL (E.), La patrimonialité des autorisations administratives, Thèse, Université Paris X, 1999,
pp.108-109.
603
SYMCHOWICZ (N.), « Contrats administratifs et mise en concurrence », AJDA, 2000, p.108.
604
NOGUELLOU (R.), « La cession de contrat », op cit., p.969.
605
NOGUELLOU (R.), La transmission des obligations en droit administratif, Paris, LGDJ, « BDP », t.241, 2004,
n°254 ; JEULAND (E.), Essai sur la substitution de personne dans un rapport d’obligation, thèse, Université de
Rennes, 1996, n°252.

105
Aucunement alors, la notion impliquerait que les autorisations administratives sont
délivrées en considération de la personne en elle-même. Mais de la considération de ces
garanties pour exercer la mission que l'on attend de lui. Autrement dit, les autorisations
administratives, comme les contrats sont plus attachées à la mission. Dès lors, rien ne s’oppose
à ce que le titulaire puisse changer. À condition bien sûr qu’il remplisse les garanties suffisantes
pour exercer la mission. La mise en concurrence porte alors sur la comparaison des offres
proposées et non sur les candidats qui les ont formulées. Parce que les autorisations
administratives sont délivrées en considération de la mission, alors la cession est soumise à une
condition préalable incontournable.
2/- La condition sine qua num de la cession des autorisations : l’accord préalable
de l’autorité de régulation
L’accord préalable de l’administration, ici le régulateur est une condition posée par le
législateur camerounais en matière d’électricité606. Ainsi tout projet de cession doit être notifié
à l’agence de régulation quatre mois avant la date envisagée. Le régulateur dispose de trois mois
à compter de la notification pour se prononcer. Au législateur d’ajouter que tout refus doit être
motivé. Le refus doit alors être justifié pour atteinte à la concurrence 607 . Une partie de la
doctrine a estimé que cet accord avait son fondement dans le caractère de l'intuitu personæ608,
ce que le Conseil d’État français semble partager609.

Cependant, cette posture est critiquable parce que comme nous l’avons déjà relevé, la
notion d'intuitu personæ ne sert qu’à traduire la marge de manœuvre dont dispose
l’administration dans le choix du titulaire, et en même temps qu’il souligne le fait que
l’autorisation est un lien de droit entre deux personnes. Dans cette perspective, on ne peut que
relativiser ses conséquences610. D’ailleurs, fonder sur l’intuitu personæ, l’accord du régulateur
c’est lui reconnaître ainsi toute la latitude de s’opposer à la cession. Et dans un tel cas, le
régulateur disposerait d’un pouvoir discrétionnaire ce qui n’est pas le cas ici. En effet, la
compétence du régulateur pour donner son accord à la cession est liée. Puisque tout refus doit
être motivé. Dès lors, c’est dans la finalité de l’autorisation que se trouve le fondement de
l’accord du régulateur.

606
Art.52 al.3 de la loi n°2011/022, régissant le secteur de l’électricité au Cameroun.
607
CE 30 juin 2006, Sté neuf télécom SA, n°289564, Lebon, p.309.
608
V. CARAYON (J.), La cession des concessions et des permissions, Paris, Rousseau, 1934, p.32 ; ANTOINE
(A.), « L'intuitu personæ dans les contrats de la commande publique », RFDA, 2011, p.883.
609
CE, sect., des finances, avis du 8 juin 2000
610
SYMCHOWICZ (N.), « Contrats administratifs et mise en concurrence », op. Cit., p.109 ; LLORENS (Fr.),
Contrat d’entreprise et marché de travaux publics, Paris, LGDJ « BDP », t.139, 1981, p.307.

106
L’autorisation permet de réaliser une mission d’intérêt général. De ce fait, le régulateur
doit s’assurer que le nouveau titulaire est à même d’exécuter la mission confiée au titulaire
initial611 . Raphaël Alibert ne dit pas autre chose en écrivant que « seul l’intérêt du service
explique et légitime la règle d’après laquelle les cessions doivent, quelle qu’en soit la forme,
être agréés par l’autorité concédante ; il en est tout à la fois, la source et la limite612 ». Le
régulateur peut avant de donner son accord vérifier alors les qualités du nouveau titulaire613. Le
refus de la cession doit alors se fonder sur l’inaptitude du nouveau titulaire à satisfaire la mission
attendue614. Il faut s’assurer que la mission continuera à être exécuter dans les mêmes conditions
qu’elle l’était par son titulaire initial. Le régulateur ne disposant que d’une compétence liée, si
le cessionnaire présente les garanties suffisantes, l’accord doit être donné. Il semble donc avoir
deux formalités en France pour la cession. Le projet de cession est notifié au régulateur, une
autorisation expresse de ce dernier est nécessaire pour les autorisations délivrées à l’issue d’un
appel à candidature. Dans les autres cas un simple pouvoir d’opposition est reconnu au
régulateur. On peut remarquer que parmi ces conditions ne figurent aucunement les motifs
financiers615, pour autant, cela ne préjuge pas des motifs qui peuvent guider le titulaire d’une
AUF lorsqu’il s’apprêter à céder son autorisation616.

CONCLUSION DU CHAPITRE

L’autorisation administrative n'est plus seulement un instrument de police, il est aussi un


instrument de gestion et de ce fait est un instrument de régulation des services publics de
réseaux. Il participe fortement à l’objectif d’ouverture à la concurrence au travers de ses deux
fonctions. Ce qui induit un régime juridique non moins spécifique.

611
V. ROMIEU (J.), Conclusions sur CE, 20 janvier 1905, Compagnie départementale des eaux c/ Ville de Langes,
DP, 1906, III, p.78.
612
ALIBERT (R.), note sous CE, 12 avril 1935, Commune de Reuilly, S., 1935, III, p.122.
613
V. GAUDEMET (Y.), « La cession des concessions », op cit., p.5.
614
HOEPFFNER (H.), La modification du contrat administratif, Paris, LGDJ, « BDP », t.260, 2009, p.109.
615
RAPONE (D.), « La patrimonialité des actes administratifs en matière de communication électronique », op cit,
pp.39 et s.
616
Idem.

107
CONCLUSION DU TITRE 1

Les autorités de régulation ont recours aux pouvoirs administratifs classiques à


l’administration. Ce qui d'une part résous le problème de la classification de ces organismes
face à la séparation des pouvoirs dans l’État. D’autre part toutefois, l’usage de ces pouvoirs
administratifs a changé au regard de la finalité d’ouverture à la concurrence. La réglementation
se diffuse à travers des modalités non contraignantes, mais non dépourvues de toute valeur
juridique, selon les enseignements venus du droit français. L’idée générale étant alors que dire
c'est encore réguler. Le juge camerounais dispose alors d’une voie à explorer pour étendre
l’emprise du contrôle de la légalité et mieux soumettre l’action administrative au droit. Le
pouvoir d’autorisation lui aussi connait une profonde mutation. En effet, il ne se conçoit plus
sous le prisme de la police mais de la gestion, gestion des ressources rares, et gestion des
opérateurs économiques à admettre dans les services publics de réseaux libéralisés. De fait
l’analyse de son régime juridique révèle des inflexions notamment sur le principe de la non
cessibilité. L’ouverture à la concurrence qu'induit la fonction de régulation apporte alors des
modifications importantes dans le droit camerounais. Le pouvoir de contrôle dont jouissent ces
organismes dévoile d'autres spécificités que véhicule la régulation économique.

108
TITRE 2 : LA COMPÉTENCE DES AUTORITÉS DE RÉGULATION
EN MATIÈRE DE CONTROLE DES SERVICES PUBLICS DE RESEAUX

109
Le constat est clair, que déclarer l’ouverture d'un marché à la concurrence n’induit pas
automatiquement, la disparition de comportements, de certains opérateurs, visant à ne pas
donner effet à la liberté d’accès. Certes, cette liberté d’accès à un marché n'est pas synonyme
d’entrée facile étant donné qu’il est légitime que les anciens monopoleurs défendent leurs parts
de marché. L'on n’attend pas moins des autres premiers arrivants. Cependant, pour y parvenir
il ne faut pas que ceux-ci utilisent des stratégies dérogeant au droit de la concurrence et au droit
de la régulation, dont les rapports sont moins aisés à établir de prime abord617

En effet, le droit de la régulation a été opposé au droit de la concurrence. L'on a pensé


que le premier construisait la concurrence seulement, alors que le droit de la concurrence lui ne
s’intéressait qu'aux comportements qu’il sanctionnait ex post. Il ne s’occupe pas des structures.
Le droit de la concurrence était donc divisé entre comportements, structures, aides publiques.
Le droit de la concurrence serait juste un droit de contrôle. Certes, la perspective n'est pas fausse,
seulement elle ne renferme pas toute la réalité. En termes de régulation, le droit de la
concurrence s’intéresse aussi à la structure c’est-à-dire la construction de la concurrence618. La
posture induit l’idée que le droit de la concurrence opère lui aussi une régulation. Jacqueline de
Guillenchmidt écrit dans ce sens que « (…) il existe par ailleurs une régulation que l'on
pourrait qualifier d’horizontales en ce qu’elle intervient dans l’ensemble des secteurs
économiques, qu'ils fassent ou non l’objet d’une régulation spécifique. C’est par exemple la
régulation opérée par le droit de la concurrence »619. Il existe donc un sectoriel et un général
dans le droit de la régulation.

Or lorsque l'on sait que les deux ne s’opposent plus, l'on peut envisager l’hypothèse d'un
dialogue entre régulation et concurrence, mieux même d'une complémentarité620 salvatrice pour
le marché et pour les consommateurs. Plus précisément, les autorités de concurrence se
mêleraient de régulation c’est-à-dire de construction des secteurs économiques et les autorités
de régulation se mêleraient de concurrence. Le droit camerounais en donne un exemple.
Lorsque l'on étudie le pouvoir de contrôle des autorités de régulation. L’idée de départ est que
l’autorisation administrative au final confère un droit d’accès aux opérateurs éligibles selon
leurs capacités techniques jugées par les autorités de régulation. Seulement même en étant
détenteur de ce droit, l’accès peut demeurer lettre morte si des conditions en faveur de cet accès

617
Sur la question, voir FRISON-ROCHE (M.-A.), « Régulation versus concurrence », op cit., pp.171 et s.
618
V. BOY (L.), « Le droit de la concurrence : Régulation et/ou contrôle des restrictions à la concurrence », EUI
Working papier Law, n°2004/9, disponible à l’adresse http://www. 22p
619
GUILLENCHMIDT (J. De), « Le sectoriel et le général dans le droit de la régulation », Petites Affiches, n°110,
3 juin 2002, spéc., p.58.
620
FRISON-ROCHE ( M.-A.), « Régulation versus concurrence », op cit., pp.181 et suiv.

110
ne sont pas posées. Il s’agit de rendre cet accès effectif. C’est la finalité du pouvoir de contrôle
comme instrument de régulation.

Le contrôle induit l’idée de vérification de conformité d’une chose par rapport à une
autre. Charles Eisenmann ne dit pas autre chose lorsqu’il écrit que « le contrôle [est]
essentiellement une vérification de conformité d’objet à un modèle, à un type, à une norme »621.
La même logique est observable en matière de régulation des industries de réseaux. Le contrôle
est une vérification qui peut être a posteriori ou alors a priori. Quoiqu’il en soit, le contrôle
vise à protéger ici le marché contre lui-même. Autrement dit, maintenir la concurrence dans un
état satisfaisant pour le bien être des consommateurs. En mettant donc de côté la distinction du
temps du contrôle. L’importance ici est donc ce sur quoi porte le pouvoir de contrôle des
autorités de régulation. Il s’agit de veiller au respect de la réglementation en matière d’ouverture
à la concurrence et de maintien de cette dernière pour atteindre l’efficience économique. Or, il
est clair que la concurrence ne se décrète pas et donc il faut des règles et des principes pour la
rendre effective. Ce qui sera au centre ici c'est l’objet de ce contrôle. Dès lors, le contrôle est
ciblée à deux niveaux le premier lors de l’ouverture à la concurrence, en fait le contrôle vise à
concrétiser cette ouverture, il s’agit alors de contrôler le respect des obligations de facilitation
de l’accès aux réseaux (chapitre 1). Le second niveau émerge après l’introduction de la
concurrence, il s’agit de contrôler son maintien, sa bonne santé dans les secteurs régulés. Ce
contrôle porte alors sur les comportements concurrentiels des opérateurs (chapitre 2).

621
EINSENMANN (C.), Centralisation et décentralisation, Paris, LGDJ, 1948, spéc., p.167.

111
CHAPITRE 1 : LE CONTRÔLE DES CONDITIONS D’ACCÈS AUX
INFRASTRUCTURES DANS LES SERVICES PUBLICS EN RÉSEAU

Le but du droit de la régulation pour Marie-Anne Frison-Roche622 c’est d’utiliser le droit


pour organiser artificiellement les rapports de force et les construire de telle façon qu’ils
puissent ensuite produire à leur tour de l’équilibre. Le droit de la régulation active alors les
rapports de force, entre les opérateurs historiques d'un secteur et les entreprises qui pénètrent
sur le marché. C’est la problématique de l’accès. L’accès au réseau consiste à mettre des
ressources ou des services à la disposition d’un autre opérateur en vue de la fourniture des
services dans des conditions définies 623 , par les textes juridiques 624 . La notion d’accès au
marché comprend un double aspect juridique et économique. Le premier fait référence au droit,
à la liberté d’accéder au marché, tandis que le second aspect renvoie à l’accès sur un marché
pour concurrencer les opérateurs établis625. Ce qui peut logiquement être source de réticences,
lorsque l’on sait que les secteurs en cause ici ont longtemps évolué sous le couvert du monopole.
Or la régulation consiste justement à promouvoir l’accessibilité des marchés, indépendamment
de la protection d'un ou de plusieurs opérateurs.

D’ailleurs, il est prévu que les opérateurs fournissent l’interconnexion et l’accès dans
les conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, y compris de leurs propres
services, filiales ou partenaires626. Le contrôle vise alors à empêcher ex ante un verrouillage des
secteurs économiques, dû à la réticence des opérateurs établis de laisser de nouveaux entrants
avoir accès au marché en créant des conditions qui rendent lettre morte l’ouverture à la
concurrence. Il faut éviter que ces nouveaux arrivants restent à la porte des secteurs. L’idée est
qu'il ne suffit pas d’octroyer aux opérateurs éligibles un droit d’accès il faut surtout aussi
s’assurer que les conditions de cet accès soient effectives et saines à la fois pour les opérateurs,
les consommateurs et le marché lui-même. Les autorités de régulation contrôlent alors le respect
de ces conditions, qui sont en fait des obligations à la charge des opérateurs offreurs d’accès

622
FRISON-ROCHE (M.- A.), « La régulation, objet d’une branche du droit », op cit.., p.5.
623
Art. 9 al. 1 du décret n°2012/1640/PM du 14 juin 2012 fixant les conditions d’interconnexion, d’accès aux
réseaux de communications électroniques ouverts au public et de partage d’infrastructures.
624
V. Art. 36 la. 2 de la loi n°2010/013 régissant les communications électroniques ; Art. 20 al. 2 de la loi n°2006
régissant l’activité postale.
625
V. FERAILLE ( D.), L’accès au marché en droit du marché intérieur, thèse de doctorat en droit public,
Université de Strasbourg, 2009, spéc., p.129.
626
Art. 11 du décret n°2012/1640/PM du 14 juin 2012 fixant les conditions d’interconnexion, d’accès aux réseaux
de communications électroniques ouverts au public et de partage d’infrastructures.

112
(section 1) et, qui doivent être concrétisé par un contrat lui aussi fortement contrôler (section
2).

SECTION 1 : LES OBLIGATIONS DE FACILITATION DE L'ACCES AUX


RÉSEAUX

La construction des secteurs anciennement monopolistiques se fait aussi par l’incitation


à la concurrence. Il s’agit d’inciter les entreprises à être plus enclines à entrer sur le secteur,
malgré la présence de l’opérateur public historique et des autres opérateurs puissants. Ce qui
implique une certaine transparence, qui est donc imposée aux acteurs les plus importants du
secteur régulé en cause. Il faut éviter que les entrants restent à la porte du secteur 627 . Une
régulation asymétrique est donc mise en place, en ce qu’elle diminue artificiellement la
puissance des opérateurs pour les rendre plus vulnérables, le but étant « d’ouvrir l’appétit à de
nouveaux entrants628 ».

Pour construire la concurrence, l’exigence de transparence agit en droit de la régulation


donc, du côté des opérateurs offreurs d’accès. La doctrine les qualifie d’opérateurs cruciaux629
à l’instar des concessionnaires des communications électroniques, du gestionnaire du réseau de
transport de l’électricité, etc. Cela se fait à travers différentes obligations pour faire entrer des
concurrents dans le secteur en cause630. Toutes ces obligations visent à établir une certaine
égalité entre les concurrents631. L’objectif ici est de donner aux concurrents l'envie d’entrée sur
les marchés. La transparence renforce alors les conditions générales de vente que l'on doit
communiquer à toutes personnes qui en fait la demande632. Il s’agit précisément d’une part de
l’obligation de faire droit aux demandes d’accès qui résulte de la consécration dans les secteurs
régulés d'un droit d’accès des nouveaux entrants (paragraphe 1 ) et d’autre part de l’obligation
de transparence des prix (paragraphe 2).

627
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Réguler les « entreprises cruciales » », Recueil Dalloz, n°27, 34 juillet 2014,
p.1556.
628
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Réguler les « entreprises cruciales » », op cit, pp.1556-1557.
629
FRISON-ROCHE ( M.-A.), « Proposition pour une notion : l’opérateur crucial » ; du même auteur « Réguler
les « entreprises cruciales » », Recueil Dalloz, n°27, 34 juillet 2014, p.1556.
630
V. FRISON-ROCHE (M.-A.), « Droit de la régulation », op cit, p.612.
631
V. MALAURIE-VIGNAL (M.), « Liberté contractuelle, transparence tarifaire et égalité entre concurrents », in
Contrats, Concurrence, Consommation, mars 2003, p.3.
632
Dans un sens général, v. NOURISSAT (C.), « Retour sur les CVG catégorielles et les CPV : différenciation et
discrimination tarifaire, un an après », Revue Lamy de la concurrence. 2006/9, n°637.

113
PARAGRAPHE 1 : La concrétisation du droit d’accès des nouveaux opérateurs
entrants
La consécration de ce droit est observable dans les textes juridiques sectoriels
camerounais. Le droit d’accès des nouveaux entrants en matière de régulation tire ses
fondements juridiques de la liberté de commerce et d’industrie, socle de la liberté d’accès à
l’activité économique et de L’égalité de traitement des opérateurs. Il se pose alors le problème
de son encadrement. En réalité, il s’agit d'un droit « créance », c’est-à-dire qui oblige à des
prestations positives pour sa réalisation. Pour donc le concrétiser, le législateur camerounais
impose à tous les opérateurs offreurs d’accès, une obligation de faire droit aux demandes
d’accès, d’interconnexion, de partage d’infrastructures, comme principe général de la
régulation des industries de réseaux (B), cette obligation emporte alors l’idée de l’existence
d’une offre permanente (A).

A/- L’obligation de faire droit aux demandes d’accès, d’interconnexion et de


partage d’infrastructures
L’incitation à venir concurrencer dans un secteur anciennement monopolistique, ne peut
se faire sans cette obligation. Elle apparait même comme fondamentale. Une fondamentalité
requise par les finalités des systèmes de régulation : construire la concurrence et la maintenir
en équilibre avec autre chose633. Cette obligation implique concrètement que lorsque l’opérateur
crucial est gestionnaire de l’infrastructure essentielle, il est obligé d’accepter toutes demandes
d’accès, d’interconnexion et ceci, dans les conditions objectives, transparentes et non
discriminatoires634. Il en est de même dans le cadre du partage d’infrastructures635. Ainsi aussi,
les opérateurs de multiplexage et/ou de diffusion des signaux de communication audiovisuelle
sont tenus de faire droits aux demandes d’accès à leurs infrastructures de diffusion636. Une telle
obligation vise donc à encourager tous les opérateurs à entrer en concurrence dans les secteurs.

Le législateur pose, dans tous les secteurs des industries de réseaux notamment celui des
communications électroniques et celui de l’électricité, le fait que l’accès, et le partage
d’infrastructures sont fait à travers des contrats637. Or en partant de l’autonomie de la volonté638,

633
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Définition de la régulation », op cit, p.611.
634
V. Art. 42 al. 1 loi n°2010/013 régissant les communications électroniques au Cameroun.
635
Sur ce point précis, V. Arts. 50 et 51 décret n°2012/1640 sur les conditions d’interconnexion, d’accès et de
partage d’infrastructures.
636
Art. 20 al.3 loi n°2015/007 du 20 avril 2015, régissant l’activité audiovisuelle au Cameroun.
637
Pour le secteur des communications électroniques v. Art. 42 al.2 de loi n°2010/013 (sur l’interconnexion) ; Art.
46 al. 1 loi n°2010/013 (en ce qui concerne le partage d’infrastructures).
638
V. RANOUIL (V.), L’autonomie de la volonté : naissance d’un concept et évolution, Paris, PUF,1980 ; Sur les
critiques de l’autonomie de la volonté V. GOUNOT (E.), Le principe de l’autonomie de la volonté en droit privé :

114
la théorie générale du contrat pose comme principe la liberté contractuelle. Cette dernière
implique aussi bien la liberté de contracter que celle de ne pas contracter639. Cette obligation de
faire droit aux demandes d’accès marque l’influence de la Common Law sur le droit civil des
contrats avec la jurisprudence des « Common carrier » ou celle du « restraint of trade »640. En
même temps qu’elle remet en cause l’autre aspect de la liberté de contracter à savoir celle de
ne pas contracter. C’est l’ouverture du marché à la concurrence qui gouverne cette restriction.

Cependant, cette présente obligation de faire droit aux demandes d’accès, brise cette
liberté dans les secteurs régulés camerounais. Le refus ici doit être dûment motivé et soumis au
régulateur641. L'on est ici dans l’optique d’une conception objective du contrat642. De même,
l’obligation d’une transparence des prix est imposée aux opérateurs cruciaux, ce qui révèle un
instrument de régulation à savoir le catalogue d’interconnexion.

B/- L’existence d’une offre permanente dans les secteurs régulés

L’ouverture des secteurs monopolistiques à la concurrence implique d'imposer à


certaines entreprises, plus précisément celles qui sont propriétaires d’une infrastructure
essentielle, une obligation de faire droit aux demandes d’accès des nouveaux entrants. On parle
alors d’une offre permanente à laquelle ces opérateurs sont astreints. L'offre permanente oblige
alors ces opérateurs à contracter avec les opérateurs qui s’adressent à elles643. On parle alors
aussi « d'offre étendue »644.

La doctrine de l’offre permanente répond alors à deux problèmes que posait la


libéralisation des secteurs anciennement monopolistiques. Il fallait assurer à tout nouvel entrant
potentiel un accès au réseau de l’ancien monopoleur, faute de quoi il leur serait
économiquement impossible d’entrer sur le marché et de ce fait, l’ouverture à la concurrence
resterait purement théorique. À ce premier problème, il s’ajoutait un autre qui se résumait à
assurer aux citoyens une continuité dans l’accès à un service de base de bonne qualité et à un
prix abordable. Ce dernier problème a été résolu par l’institution d'un droit au service universel

contribution à l’étude critique de l’individualisme juridique, Paris, Rousseau, 1912 ; THIBIERGE-GUELFUCCI


(C.), « Libres propos sur la transformation du droit des contrats », Rev. Trim. Dr. Civ., 1997, pp.375 et s.
639
TERRÉ (Fr.), LEQUETTE (Y.) et SIMLER (PH.), Droit civil : les obligations, Paris, Dalloz coll. Précis Dalloz,
2009, n°24 et 125.
640
V. PERROUD (Th.), « Les raisons de l’attribution d’une fonction de règlement des différends aux autorités de
régulation : une comparaison France – Royaume Uni », in Droit et Société, n°93, 2016/2, notes 52 et 53, p.330.
641
V. Art. Loi n°2010/013, régissant les communications électroniques au Cameroun.
642
V. Supra Titre 1 chapitre 2, section 1.
643
V. DE PAGE (H.), Traité élémentaire de droit civil Belge, tome 2, 3e éd., Bruxelles, Bruylant, 1964, n°525.
644
V. VAN OMMESLAGHE (P.), « Examen de jurisprudence (1974-1982) : les obligations », R.C.J.B., 1986,
p.156.

115
pour les citoyens. Et le second par l’instauration d'un droit d’accès avec son corollaire qu'est
l’offre permanente.

L’idée Ici peut être fondée de la distinction entre la volonté et le consentement. Les deux
ne peuvent se réduire l'un à l'autre. En effet, « le consentement est un objet conséquence de la
volonté, symbole et extériorisation de la volonté, mais distinct de la volonté » 645 . Plus
précisément, le marché n’accueille qu’une part des activités humaines et ce n'est pas une
obligation d’exercer des activités économiques de marché, « la volonté d’entreprendre des
activités économiques est classique, entière, et à la fois individuelle et discrétionnaire », un fois
réalisée cette volonté, « l’activité économique consiste à mettre des produits sur un marché et
l’objet créé par la volonté à savoir le consentement à la vente, est intégré dans le produit »,
dès lors, « le consentement à vendre circule en même temps que le produit »646. De sorte que de
la permanence du produit, découle celle du consentement à vendre.

De ce qui précède, on peut en déduire une distinction entre l'ordre marchand et l’ordre
concurrentiel. En effet, de façon générale, l’ordre marchand s’installe à travers la circulation
des biens par la volonté des marchands. Tandis que l’ordre concurrentiel, lui organise la
circulation des biens sans requérir le renouvellement des volontés puisque le consentement est
supposé acquis et objectivé dans le produit 647 . Ainsi, si la volonté veut rependre son
consentement et refaire à sa main l’échange économique, cela constitue un abus dans l’ordre
concurrentiel, il en est de même, si la volonté veut arracher de l’objet le consentement acquis à
contracter avec qui veut l’objet648. Il y a donc ici comme l’a démontré Marie-Stéphane Payet649,
analogie entre l’abus du droit de la concurrence et l’abus du droit civil, en ce qu’ils sont tous
deux des abus de volontés. Cette offre permanente est concrétisée à travers l’élaboration par
les gestionnaires d’infrastructures essentielles, les monopoleurs de droit et/ou de fait, d'un
catalogue d’interconnexion. Ce dernier sert donc de base à la convention d’interconnexion que
les opérateurs conclus entre eux, sur demande des nouveaux entrants. Il est aussi l’instrument
de concrétisation de l’obligation de transparence tarifaire.

645
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Remarques sur la distinction de la volonté et du consentement en droit des
contrats », RTD civ., juillet-septembre 1995, spéc., pp.573-574.
646
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Contrat, concurrence, régulation », op cit., p.459.
647
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Contrat, concurrence, régulation », op cit., p.459, note 37.
648
Ibidem., p.459.
649
PAYET (M.-S.), Droit de la concurrence et droit de la consommation, Paris, Dalloz, nouvelle bibliothèque des
thèses, vol. 7, 2001

116
PARAGRAPHE 2 : L’obligation de transparence des prix d’accès : le rôle du
catalogue d’interconnexion

La transparence s’exprime juridiquement par une obligation de communiquer une


information mise à la charge de son détenteur et pouvant s’opérer selon des modalités variables
« qui reflètent, d'une part, la diversité de ses destinataires (…) et, d’autre part, la multiplicité
des buts poursuivis par le législateur en imposant cette communication »650. La perspective est
observable au niveau de la transparence tarifaire c’est-à-dire l’obligation faite aux fournisseurs
de communiquer leurs barèmes de prix et leurs conditions de vente à tout acheteur professionnel
qui en fait la demande 651 . Ainsi a-t-il été aménagé un instrument pour imposer cette
transparence du prix. Il permet de présenter un prix supportable, c’est-à-dire adéquat652. Cet
instrument de régulation est complémentaire au contrat. Il offre en outre des moyens aux
régulateurs sectoriels de s’intéresse à l’entreprise cruciale en elle-même, qui n’est plus
totalement ici une boîte noire. Il s’agit donc du Catalogue d’interconnexion et d’accès 653. Il
s’agit d’une offre technique et tarifaire d’interconnexion publiée par les opérateurs de réseaux
de communications électroniques ouverts au public 654 . Plus précisément, les opérateurs
concernés par l’élaboration d'un catalogue d’interconnexion sont ceux titulaires de
concession655. Le catalogue est donc l’instrument vecteur de la transparence du prix, ceci par
les informations qu’il révèle (A) de plus, son importance fait que cet instrument est soumis à
un régime assez contrôlé (B).
A/- Le catalogue, un instrument d’informations
Ces informations portent sur le prix de l’accès (1) et par voie de conséquence sur la
comptabilité des opérateurs (2).

1/- Les informations sur les tarifs des services

Le catalogue est défini comme étant une offre technique et tarifaire émise par les
opérateurs gestionnaire d’infrastructures essentielles656. C’est donc un document contenant une
offre de référence. En matière de communications électroniques, il est imposé aux opérateurs

650
HUET (J.), « Le secret commercial et la transparence de l’information », op. Cit., p.13.
651
V. SERNA (J. C.), et BENOIT (Ch.), « Le dispositif de la loi d’orientation du commerce et de l’artisanat »,
JCP éd. CI, 1974, II,p.11427.
652
V. FRISON-ROCHE (M.-A.), « Contrat, concurrents, régulation », op cit, p.460.
653
Ci-après Catalogue.
654
Art. 2 al. 1 du Décret n°2012/1640 sur les conditions d’interconnexion, d’accès et de partage d’infrastructures
655
Art. 18 du Décret n°2012/1640 sur les conditions d’interconnexion, d’accès et de partage d’infrastructures
656
Art. 2 al.1 loi n°2010/013 régissant les communications électroniques au Cameroun.

117
concessionnaires qui sont des « opérateurs cruciaux » 657 . Les informations techniques sur
l’opérateur sont révélatrices de la capacité de ce dernier a véritablement porter le secteur ou un
segment du marché658.
En ce qui concerne l'offre tarifaire, elle doit respecter les principes d’objectivité, de
transparence et de non-discrimination. Elle ne doit pas conduire à imposer indûment aux autres
opérateurs des charges excessives 659 . C’est la contrepartie du fait que le tarif est fixé
unilatéralement par le gestionnaire du réseau. Sous obligation pour ce dernier de justifier les
caractères juste et raisonnable des prix. En principe, le prix est substantiellement un objet dont
le droit ne se mêle pas. Parce que, le prix est généralement remis à la puissance des contractants
dans l’autonomie de la volonté660. En droit, le prix « renvoi à l’idée commune d’une certaine
somme d’argent qu’il faut donner pour obtenir un bien ou un service matériel ou
immatériel661 ». Il est donc acquis que le prix est toujours accroché à quelque chose, parce que
le prix ne se dissocie pas de la monnaie par laquelle des biens et services sont accessibles662.
Le prix devient donc un élément important dans la perspective de l’accès au réseau. On
parle aussi de tarif. Les tarifs sont ainsi soumis à l’obligation de transparence, ceci pour éviter
les abus. En effet un prix peut servir à décourager les opérateurs nouveaux à entrer dans les
secteurs régulés. Ainsi les autorités de régulation doivent elles en contrôler la structure.
Ainsi le prix ou tarif doit reposer sur l’inclusion de contribution équitable,
conformément au principe de proportionnalité, de pertinence des coûts. Le tarif doit aussi
reposer sur l’inclusion d’une juste rémunération des investissements réalisés. Et la possibilité
d'appliquer une tarification avec modulation horaire afin de tenir compte de la congestion du
réseau général de l’opérateur crucial gestionnaire des communications électroniques663. L’idée
de fond ici est que le prix des prestations offertes doit rémunérer l’usage effectif du réseau et
refléter les coûts correspondants664. Le principe fondamental qui régit donc les prix dans les

657
V. Arts. 20, 21, 22 et 23 du décret n°2012/1640 relatif aux conditions d’accès, d’interconnexion et de partage
d’infrastructures.
658
V. Art. 21du décret n°2012/1640. Sur les conditions d’interconnexion, d’accès et de partage d’infrastructures.
659
Art. 44 du décret n°2012/1640 sur les conditions d’interconnexion, d’accès et de partage d’infrastructures.
660
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Qu’est-ce qu’un prix en droit ? Du droit des contrats au droit de la régulation »,
p.177.
661
Ibid., p.177.
662
Ibid., p.177.
663
Art. 45 du décret n°2012/1640 sur les conditions d’interconnexion, d’accès et de partage d’infrastructures
664
Art. 46 al. 2 du décret n°2012/1640 ; pour les prestations non incluses dans le catalogue, mais qui doivent
respecter la même idée, v. Art. 47du décret n°2012/1640. Sur les conditions d’interconnexion, d’accès et de
partage d’infrastructures

118
secteurs régulés est celui de leur orientation vers les coûts. L'on est ici dans l’optique d’une
transparence tarifaire avec la « facturologie665 ».

Les coûts doivent avoir une correspondance directe ou indirecte avec le service
effectivement rendu. Les coûts tiennent aussi compte de l’accroissement de l’efficacité
économique, qui prend en considération d’une part, les investissements nécessaires au
renouvellement du réseau sur la base des meilleures technologies possibles et d’autre part du
besoin de dimensionnement optimal de ce dernier afin de promouvoir un service de qualité666.
Les informations sur le prix concernent certes ces principes, mais plus encore, la structure des
coûts auxquels les tarifs doivent correspondre. À ce propos, les opérateurs cruciaux sont obligés
de justifier la structure des coûts et par voie de conséquences les prix. Ceci malgré le fait que
les prix sont fixés librement par contrat667.

2/- Les informations sur la comptabilité des opérateurs offreurs d’accès

La comptabilité des opérateurs cruciaux permet alors de vérifier ces structures, afin
d’apprécier leur caractère raisonnable. À cet effet, les opérateurs cruciaux gestionnaires du
réseau doivent tenir une comptabilité analytique permettant d’identifier les coûts de leurs
activités d’accès et d’interconnexion 668 . L’on doit à travers cette comptabilité analytique,
déterminer les coûts, les produits et les résultats de chaque réseau exploité et de chaque service
offert669. Il est donc important que l’entreprise puisse procéder à une séparation comptable.

Il existe différents modèles de séparations comptables correspondantes à différents


enjeux économiques. Catherine Galano670 relève ainsi d’une part, la séparation verticale qui se
situe entre différents niveaux de la chaîne de valeur dont certains sont régulés en leur qualité de
monopole naturel. Ce modèle de séparation comptable vise surtout à servir la régulation des
prix d’accès, à contrer les pratiques de discrimination et de ciseaux tarifaires. L’autre modèle,
qu’elle présente, est la séparation comptable horizontale. Elle a lieu au sein d'un même niveau
de la chaîne de valeur, le plus souvent dans la vente de détail et lorsqu’il existe un opérateur

665
BÉHAR-TOUCHAIS (M.), « Vice et vertus de la transparence », op cit., p.168.
666
Art. 40 du décret n°2012/1640 sur les conditions d’interconnexion, d’accès et de partage d’infrastructures
667
Art. 84 al. 1de la loi n°2011/022 régissant le secteur de l’électricité.
668
Art. 41 al. 1 du décret n°2012/1640 sur les conditions d’interconnexion, d’accès et de partage d’infrastructures
669
Art. 23 al. 1 de la loi n°2010/013 régissant les communications électroniques au Cameroun.
670
GALANO (C.), « Objectifs et enjeux de la séparation comptable », in Les sujets de la séparation et dissociation
comptable sont-ils encore d’actualité pour le régulateur ? Synthèse de conférence, Séminaire du Club des
régulateurs, Université Paris-Dauphine, 29 septembre 2017, p.11, disponible en ligne à l’adresse
http://chairgovreg.fondation-dauphine.fr/sites/chairgovreg.fondation-dauphine 170929_synthèse.pdf, consulté le
10 juin 2019.

119
intégré et/ou historique dont les prix sont régulés. Une telle séparation comptable aide à la
régulation des prix de détails et réduit les risques de subventions croisées entre activités régulées
et non régulées. Les deux modèles visent donc à fournir des données pour la surveillance ou la
régulation directe ex ante, mais ces données peuvent également servir de façon ex post.
La séparation comptable impose alors de créer des entités juridiques « fictives » au sein
de la même entité juridique, lesquelles pourraient être considérées comme autonomes. Cela
implique de faire apparaître les flux internes entre les unités, d'allouer les flux externes
directement ou indirectement affectables via l’application de clés, de déterminer le patrimoine
(actifs) et les obligations (passifs) et pour le régulateur, de comprendre les métiers de la
structure671. Le principe général de la séparation comptable est alors de simuler pour une entité
juridique donnée les comptes qu’auraient des sous-ensembles qui se comporteraient comme des
entités distinctes n’ayant pas de relations commerciales préférentielles entre elles par rapport
aux relations avec les tiers. De sorte que l’objectif principal est d'aider à vérifier l’absence de
discriminations et de subventions croisées 672 . Au demeurant, rien n’empêche que cette
séparation comptable conduise à retenir une séparation juridique des divers opérateurs présents
en amont et en aval, notamment par la mise en place des filiales. Dans ce dernier cas, les
conditions d’accès doivent être les mêmes que celles soumises aux autres opérateurs
concurrents673.
Il est stipulé que les éléments pertinents du système d’informations des données
comptables sont tenus à la disposition de l'ART à sa demande674. La comptabilité des coûts fait
l’objet d'un audit tous les deux ans par un organisme indépendant agréé choisi par le régulateur
après un appel à concurrence 675 . Ceci au plus tard six mois suivant la date de l’exercice
comptable aux frais de l’opérateur afin de s’assurer que les états de synthèse reflètent de
manière régulière et sincère les coûts, les produits et les résultats de chaque réseau exploité ou
de chaque service offert676.
L’obligation de tenir une telle comptabilité et le fait que les régulateurs sectoriels y ont
totalement accès, permet en outre de contrôler l’existence des subventions croisées 677 ou des
discriminations. On parle alors de non-discrimination opérationnelle et tarifaire c’est-à-dire que

671
DECHAVANNE (I.), « Pourquoi une séparation comptable dans le ferroviaire ? », in Les sujets de la séparation
et dissociation comptable sont-ils encore d’actualité pour le régulateur ?, op cit., spéc., p.9.
672
ARCEP, « Principes et objectifs de la séparation comptable dans les télécoms », in Les sujets de la séparation
et dissociation comptable sont-ils encore d’actualité pour le régulateur ?, op cit., spéc., p.11.
673
Art. 11 du décret n°2012/1640 sur les conditions d’interconnexion, d’accès et de partage d’infrastructures.
674
Art. 41 al.3 du décret n°2012/1640 sur les conditions d’interconnexion, d’accès et de partage d’infrastructures.
675
Art. 43 al. 1 du décret n°2012/1640. Sur les conditions d’interconnexion, d’accès et de partage d’infrastructures.
676
Art. 23 al. 2 de la loi n°2010/013 régissant les communications électroniques au Cameroun.
677
Art.10 al. 1 du décret n°2012/1640 sur les conditions d’interconnexion, d’accès et de partage d’infrastructures.

120
la branche de détail de l’opérateur puissant ne doit pas être favoriser par rapport aux opérateurs
alternatifs dans son approvisionnement auprès de la branche de gros de l’opérateur puissant.
L’opérateur puissant verticalement intégré ne doit pas aussi utiliser les marges réalisées sur un
marché de gros régulé pour compenser un déficit sur ses activités de détails678.
Il faut préciser que les éléments comptables ne sont remis qu’aux régulateurs sectoriels
et non à tous les opérateurs des secteurs régulés. Dès lors, ils sont couverts du sceau du secret
d’affaires. Il faut reconnaître avec Marie-Anne Frison-Roche que la comptabilité participe de
la solidité des opérateurs, autrement dit, elle joue un rôle prudentiel, un rôle de supervision 679.
Cette importance du catalogue justifie le régime juridique de ce document.

B/- Le régime du catalogue d’accès et d’interconnexion

Le catalogue est établi par l’opérateur gestionnaire du réseau, cependant, il est soumis à
l’approbation du régulateur. En matière d’électricité il est fait obligation à chaque producteur
de soumettre au préalable à l’ARSEL pour approbation leurs formules d’affectation des charges
pour établir leurs tarifs680. En le soumettant à l’approbation l’opérateur doit accompagner ledit
catalogue de toutes les pièces justificatives du respect par lui des principes posés par les
textes681.

Le régulateur vérifie ainsi la véracité de la structure des prix. En cas d’irrégularités


constatées notamment en termes de transfert de coûts ou de subventions croisées, En termes de
prix, la subvention croisée consiste à pratiquer un prix bas sur un segment du marché et un prix
élevé sur un autre segment sans que cela se justifie pour des raisons de coûts.
En termes de coûts, la subvention croisée, elle consiste à répartir les coûts comptables
de manière inégale sur les différents segments du marché. Ce qui permet alors à des opérateurs
de fausser la concurrence en transférant certains coûts liés à des activités concurrentielles vers
des activités où l’opérateur est en situation de monopole, cela revient à pratiquer des prix de
dumping. Dans l'un de ces cas, en ce qui concerne le secteur de l’électricité, l'ARSEL peut
procéder à un redressement assorti d’une pénalité fixée au pourcentage de l’irrégularité682.
Lors de cette opération d’application et après vérification de la capacité technique de
l’opérateur, le régulateur peut décider d’ajouter, de modifier ou de supprimer des prestations

678
ARCEP, « Principes et objectifs de la séparation comptable dans les télécoms », op cit.., p.11.
679
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Concevoir une régulation prudentielle », in Mélanges Michel Germain, op cit.,
p.315.
680
Art. 84 al.2 de la loi n°2011/022 régissant le secteur de l’électricité.
681
Art. 28 al.2 du décret n°2012/1640 sur les conditions d’interconnexion, d’accès et de partage d’infrastructures.
682
La pénalité est comprise entre 50% et 200% de l’irrégularité, v. Art.84 al.1 de la loi n°2011/022 régissant le
secteur de l’électricité.

121
inscrites au catalogue. Ceci pour mettre en œuvre les principes de non-discrimination,
d’orientation des tarifs vers les coûts683. Le catalogue est publié dans un journal d’annonces
légal ou d’informations générales paraissant régulièrement ou sur leurs sites internet, l’agence
peut supplier l’opérateur en cas de défaillance ceci aux frais dudit opérateur684. Ledit catalogue
a ainsi un contenu réglementé par les textes sur sa composante technique685 et relativement à sa
composante tarifaire686.
Ces obligations sont donc de nature à inciter la concurrence, en offrant aux nouveaux
concurrents des garanties de transparence d’égalité face à l’opérateur crucial lorsque ce dernier
est historique et puissant. Ceci en divulguant certaines informations. D’autres obligations de
transparence, elles par contre nous éloignent des relations entre opérateurs. Pour plonger les
régulateurs sectoriels un peu plus encore dans la vie interne de l’entreprise.
SECTION 2 : LE CONTRÔLE DE LA CONCRETISATION JURIDIQUE. DE
L'ACCES PAR L'AUTORITE DE RÉGULATION

Il faut rappeler que l’accès, l'interconnexion, le partage d’infrastructures, le dégroupage


de la boucle locale etc., sont de prime abord des opérations physiques. Mais qui doivent faire
l’objet de négociations entre l’offreur et le demandeur donnant lieu à un contrat. Le contrat
devient alors le moyen juridique de concrétisation de l’accès et de ses dérivés, posant comme
premier problème la détermination de sa nature juridique (paragraphe 1). Le contrat réduit la
situation concurrentielle à la relation bilatérale, transformant cette dernière situation en un objet
disponible. Ainsi, les parties peuvent organiser leur rapport concurrentiel, notamment en
diminuant l’intensité de leur compétition par des clauses anticoncurrentielles. Nous
n’aborderons pas ici ce dernier aspect. Ce qui est intéressant dans l’évocation de cette
transformation c'est que le contrat devient un objet de régulation qu'il faut contrôler à tout prix.
Seulement, et c’est ce qui est intéressant ici par rapport à la théorie générale des contrats, ce
contrôle se fait en dehors de tout contentieux, c’est-à-dire, en dehors de toute contestation de
l’une des parties (paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : La nature juridique des contrats d’accès


Le législateur camerounais stipule ainsi en matière de communications électroniques que
l’Interconnexion et l’accès au réseau font l’objet d’une convention entre les parties qui en

683
Art. 24 al. 2 du décret n°2012/1640 sur les conditions d’interconnexion, d’accès et de partage d’infrastructures.
684
Art. 28 al. 3 du décret n°2012/1640 sur les conditions d’interconnexion, d’accès et de partage d’infrastructures.
685
Art. 21 du Décret n°2012/1640 sur les conditions d’interconnexion, d’accès et de partage d’infrastructures.
686
Art. 22 du Décret n°2012/1640 sur les conditions d’interconnexion, d’accès et de partage d’infrastructures.

122
déterminent les conditions techniques et financières687. Il en est de même en ce qui concerne le
partage d’infrastructures688. Il ne dit pas autre chose en matière d’électricité en disposant en
matière d’accès que « des contrats sont conclus entre les gestionnaires et concessionnaires des
réseaux publics de transport concernés et les utilisateurs de ces réseaux (…). Ces contrats et
protocoles sont transmis à l’agence pour approbation »689. De tels contrats relèvent du droit
privé, en ce qui concerne ces secteurs690. Les autres secteurs régulés n’offrent pas la même
indication, qui en outre renseigne sur le droit applicable et par ricochet sur le juge compètent,
pour déterminer la nature des contrats d’accès des secteurs régulés, puisque les contrats de droit
privé sont nombreux. Seulement nous pouvons déjà exclure ici leur nature de contrat de droit
public (A) pour procéder au sein des contrats de droit privé à la détermination de sa nature. Une
nature juridique nouvelle puisque l’analyse montrera que l’inclusion dans un label de contrat
de droit privé semble impossible. Les contrats d’accès, d’interconnexion seraient des nouveaux
contrats nommés (B).

A/- Les contrats d’accès ne sont pas des contrats de droit public

La qualification d'un accord de volontés de contrat de droit public obéit à un certain


nombre de critères : le premier est relatif aux parties au contrat tandis que le second lui étant
alternatif est relatif au service public plus précisément à son exécution ou à la participation à
son exécution avec l’usage de prérogatives exorbitantes de droit commun.
Les contrats d’accès sont passés entre les gestionnaires des infrastructures essentielles
et un opérateur titulaire d’une autorisation administrative d’exercer une activité d’intérêt
général. Ces gestionnaires sont le plus souvent des structures appartenant à l’État, ce qui sous-
entend que ces derniers peuvent donc avoir une nature publique au sens de personne morale de
droit public. Ce qui n'est pas le cas ici. Certes, ce sont des structures appartenant à l’État, mais
les offreurs d’accès ne sont pas des établissements publics, ou encore des collectivités
territoriales décentralisées.

687
Art. 42 al. 2 de la loi n°2010/010 régissant les communications électroniques
688
Art. 46 al. 1 de la loi n°2010/010 régissant les communications électroniques.
689
Art. 40 du décret n°2012/2806/PM du 24 septembre 2012 portant application de certaines dispositions de la loi
n°2011/022 du 14 décembre 2011 régissant le secteur de l’électricité au Cameroun (ci-après décret n°2012/2806
portant application de la loi sur l’électricité).
690
V. Art. 13 et Art. 52 du Décret n°2012/1640/PM du 14 juin 2012 fixant les conditions d’interconnexion, d’accès
aux réseaux de communications électroniques ouverts au public et de partage d’infrastructures (ci-après Décret
n°2012/1640).

123
En effet, en partant d'un arrêté du ministre en charge des finances 691 qui, en dressant la
liste des entités juridiques tenues d’opérer une retenue à la source de la taxe sur la valeur ajoutée
et de l’acompte de l’impôt sur le revenu au titre de l’exercice 2019, procède à une classification
des personnes morales qui montre que les gestionnaires des infrastructures essentielles sont,
pour ceux pouvant être rattaché à l’État, des entreprises publiques. Il en est ainsi pour
l’opérateur historique du secteur des communications électroniques à savoir la Cameroon
Télécommunications (en abrégé CAMTEL), c’est aussi le cas dans le secteur postal avec la
Cameroun postal Services (en abrégé CAMPOST) et encore en matière d’électricité avec la
Société nationale de transport de l’électricité (en abrégé SONATREL).
Le législateur camerounais entend par entreprises publiques, une unité économique
dotée d’une autonomie juridique et financière, exerçant une activité industrielle et commerciale,
et donc le capital social est détenu entièrement ou majoritairement par une personne morale de
droit public692. Plus précisément, on distingue deux formes d’entreprises publiques, d’une part
les sociétés à capital public et d’autre part, les sociétés d’économie mixtes693. Or. Il ressort de
la définition spécifique de la société à capital public et de celle spécifique à la société
d’économie mixte694 que nous sommes en présence des personnes morales de droit privé. De
sorte que l'entreprise publique peut alors prendre la forme de la société anonyme et être
soumises au droit communautaire OHADA des sociétés695. Les autres concessionnaires pouvant
eux aussi offrir des accès aux infrastructures essentielles sont des entreprises privées 696.Plus
précisément ces entreprises privées sont des sociétés commerciales au sens du droit OHADA697.
Certes la jurisprudence entreprise Peyrot avait posé que deux personne privées
pouvaient conclurent entre elles un contrat de droit public dans le cadre des marchés public le
motif étant « que la construction des routes nationales a le caractère de travaux publics et

691
V. Arrêté n°00000006/MINFI/DGI du 21 janvier 2019 fixant la liste des sociétés privées, des entreprises
publiques, des établissements publics et des collectivités territoriales décentralisées, tenus d’opérer la retenue à la
source de la taxe sur la valeur ajoutée et de l’acompte de l’impôt sur le revenu au titre de l’exercice 2019.
692
V. Art. 3 de la loi n°2017/011 du 12 juillet 2017 portant statut général des entreprises publiques (ci-après loi
n°2017/011).
693
Art. 2 al. 1 de la loi n°2017/011 portant statut général des établissements publics.
694
V. Art. 3 de la loi n°2017/011.portant statut général des établissements publics.
695
Art. 10 de la loi n°2017/011.portant statut général des établissements publics.
696
C’est le cas en matière de communications électroniques avec les opérateurs concessionnaires comme MTN,
ORANGE CAMEROUN, VIETTEL v. L'annexe de l' Arrêté n°00000006/MINFI/DGI du 21 janvier 2019 fixant
la liste des sociétés privées, des entreprises publiques, des établissements publics et des collectivités territoriales
décentralisées, tenus d’opérer la retenue à la source de la taxe sur la valeur ajoutée et de l’acompte de l’impôt sur
le revenu au titre de l’exercice 2019 pp.1 et s.
697
Arts. 4 et s., de l’acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique du 30 janvier 2014.

124
appartient par nature à l’État [et] qu’elle est traditionnellement exécutée en régie directe »698 ,
c’est donc en raison de leur objet que le juge du tribunal des conflits décide que l'on est en
présence de contrat de droit public. Cette jurisprudence avait même été étendue à divers types
de contrats699. La jurisprudence Peyrot, avait donné naissance à une postérité composée de la
théorie du mandat administratif et de celle de la personne transparente. Le mandat implique que
l’une des personnes privées agit « pour le compte » d’une personne publique, et qu’elle est donc
le mandataire. Toutefois ces théories ont été très peu mise en œuvre700.
Bien plus même cette perspective a été critiquée, puis abandonnée. Philippe Terneyre
souligne à cet effet qu’il n' y a pas raison de considérer les travaux routiers comme appartenant
par nature à l’État et ne pas le faire pour les travaux ferroviaires, de plus il remarque que les
concessionnaires d’autoroute n’ont jamais été des mandataires de l’État y compris dans les
années 1960, ils sont vus comme « des sociétés européennes du secteur privé, très fortement
capitalisées, qui, après une concurrence féroce, négocient pied à pied avec l’État (sous
l’extrême vigilance des prêteurs) leurs contrats « 701 . Ainsi le juge du tribunal des conflits
effectuera un revirement de jurisprudence en 2015702 en abandonnant la jurisprudence Peyrot,
pour dire « qu’une société concessionnaire d’autoroute qui conclut avec une autre personne
privée un contrat ayant pour objet la construction, l’exploitation ou l’entretien de l’autoroute
ne peut en l’absence de conditions particulières, être regardée comme ayant agi pour le compte
de l’État ; que les litiges nés de l’exécution de ce contrat ressortissent à la compétence des
juridictions de l’ordre judiciaire ».
Autrement dit, en dehors de la concession elle-même, les contrats passés par les sociétés
concessionnaires sont des contrats de droit privé. Le critère de l’objet étant alors inopérant ici.
L’objet des contrats d’accès c'est justement l’accès à une infrastructure essentielle pour exercer
une activité commerciale que le législateur a jugé d’intérêt général. Or il est admis que les

698
T. Conf. 8 juillet 1963 SARL « Entreprise Peyrot » c/ SAEM Société de l’autoroute Estérel côte d’Azur, req.,
n°01804 ; Rec., CE, p.787 ; GAJA, 19e éd., 2013, n°80, p.552.
699
Entre autres v. Pour ce qui concerne les réseaux de fibres optiques intégrés dans l’autoroute18 ; pour les tunnels
routiers15 ;
700
V. T. Conf., 15 octobre 2012, Imprimerie Chirat c/ Comité régional du tourisme de Bourgogne, n°3868 ; CE,
27 octobre 2011, n°350651 confirmée par T. Conf., 15 octobre 2012, n°3853.
701
TERNEYRE (Ph.), « Pourquoi les marches de travaux des sociétés concessionnaires d’autoroute conclus avec
des entreprises privées devraient-ils relever « par nature « de la compétence de la juridiction administrative ? »,
RJEP, juin 2011, n°29; DACOSTA (B.), « Conclusions sur CE 14 novembre 2014, Société des Autoroutes du Sud
de la France, req., n°374557 », AJDA 2014, p.2479.

702
T. Conf., 9 mars 2015, Mme R. c/ Société Autoroute du Sud de la France, req., n°3984.

125
activités d’intérêt général sont plus grandes que celles de services publics703. Et en matière
d’ouverture à la concurrence, le « service public à la française » prend une autre dimension,
plus restreinte au travers de la notion de service universel 704. Dès lors, même si le législateur
camerounais en matière d’électricité reconnaît que les activités de transport, de distribution de
l’électricité etc., constituent le service public de l’électricité705. Les contrats passés entre les
concessionnaires et les autres concurrents sont eux des contrats de droit privé. Le
concessionnaire, encore moins son cocontractant n’agissant pour le compte de la personne
publique, mais pour leur propre compte. Cependant, dire que les contrats d’accès sont des
contrats de droit privé, ne répond pas à la question de leur nature juridique. Cela ne réduit juste
que le champ de la recherche. Il faut donc à présent déterminer cette nature au sein même du
droit privé.

B/- Les contrats d’accès, des nouveaux contrats nommés de droit privé

Le marché suppose la circulation des biens. L’idée est qu’un marché ne peut fonctionner
sans circulation des objets, source de la prospérité. Or cette circulation s’opère par le contrat706.
De sorte que « quiconque veut se saisir du bien économique trouve à sa disposition le
consentement de vendre que le produit y a préalablement inséré », cela explique alors « le statut
fondamental du refus de vendre qui n’est pas concevable sur un marché et qui est sanctionné à
ce titre707 ». Cette optique se fonde justement sur le postulat selon lequel il ne peut avoir d’ordre
marchand sans ordre contractuel c’est-à-dire sans contrat. Le contrat devient une nécessité pour
le marché. Marie-Anne Frison-Roche 708 ne dit pas autre chose lorsqu’elle écrit que « la
régulation contractuelle appelle le marché et réciproquement ». Ainsi donc il est difficile de
concevoir le marché concurrentiel sans le contrat d’où une multiplication de celui-ci709. Le
contrat devient alors omniprésent dans le droit des secteurs régulés, qui le qualifiant de contrat
de droit privé induit une précision sur sa nature juridique.

703
V. FRÉCHETTE (P.), « La qualification des contrats : aspects pratiques », Les Cahiers de droit, vol. 51, n°2,
juin 2010, pp.375-424.
704
V. CHEVALLIER (J.), « Les nouvelles frontières du service public », Regards croisés sur l’économie, n°2,
2007/2, pp.14-24. ; FLACHER (D.), « Ouverture à la concurrence et service universel : avancées ou reculs du
service public ? », Regards croisés sur l’économie, n°2, 2007/2, pp.76-85 (nous y reviendrons deuxième partie,
titre 1, chapitre 1section 2).
705
Art. 3 al. 1 de la loi n°2011/022 régissant le secteur de l’électricité.
706
V. ZENATI (F.), « Le droit et l’économie au-delà de Marx », in Droit et économie, Archives de philosophie du
droit, t.37, Sirey 1992, pp.121 et s.
707
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le contrat et la responsabilité : consentement, pouvoirs et régulation
économique », op cit, p.47.
708
Idem.
709
V. CONSEIL D’ÉTAT, Le contrat, mode d’action publique et de production des normes, EDCE, n°

126
Plusieurs distinction des contrats de droit privé existent, toutefois nous optons pour la
dualité contrats nommés et contrats innommés. Les premiers sont des contrats à qui le
législateur a donné un nom, dans le but de rechercher une certaine uniformisation de la pratique,
une prévisibilité du droit et des échanges entre les justiciables d’une part, et d’autre part, donner
un nom aux contrats comporte aussi un objectif de régulation sociale710. Ainsi peut-il imposer
des mesures d’ordre public en vue de la protection de certains individus ou du public en position
de faiblesse 711 . Les contrats innommés sont ceux à qui un nom n'a pas été donné par le
législateur. Les parties sont alors libres de créer une entité qui n'a rien à voir avec les règles
préétablies712.
En partant donc de ce qui précède, on peut dire que les contrats d’accès ne sont pas des
contrats innommés, puisque ces derniers sont réglementés. Xavier Strubel713 écrit qu’au-delà
du fait que le titre du contrat figure ou non dans la loi, « ce qui importe, pour écarter la
qualification de contrat innommé, c’est l’existence de dispositions légales ou réglementaires
spéciales à un type d’accord donné ». Ce qui est le cas des contrats d’accès au Cameroun714.
Il existe divers contrats nommés 715, de sorte que pour pouvoir les distinguer, il faut
dégager l’obligation fondamentale des obligations accessoires, c'est cet élément principal qui
imposera une certaine nature juridique au contrat716. Il faut donc procéder à une qualification
au cas par cas. En distinguant l’obligation principale on suppose que les obligations sont
indivisibles dans le contrat, l’idée est que l'entente forme un ensemble indissociable montrant
que les parties ont en effet voulu créer un seul et même rapport juridique entre elles. On parle
alors de qualification unitaire717. François Terré parlait alors d'un lien de connexité qui entraine
un contrat unique 718 . C'est donc le contraire de la démarche consistant à une qualification

710
FRÉCHETTE (P.), « La qualification des contrats : aspects pratiques », Les Cahiers de droit, vol. 51, n°2, juin
2010, pp.375-424, spéc., pp.381 et s.
711
V. GHESTIN (J.) et FONTAINE (M.), La protection de la partie faible dans les rapports contractuels.
Comparaisons franco-belges, LGDJ, 1996 ; COHET-CORDEY (F.), (dir.), Vulnérabilité et droit. Le
développement de la vulnérabilité et ses enjeux en droit, PUG, 2000 ; MAUME (FL.), Essai critique sur la
protection du consentement de la partie faible en matière contractuelle, Thèse dactyl., Université d’Evry-Val-
d ’Essonne, 2015, 610p. ; STRICKLER (Y.), « La protection de la partie faible en droit civil », LPA, 25 octobre
2004, pp. 6 et s.,
712
FRÉCHETTE (P.), « La qualification des contrats : aspects pratiques », op cit., pp.405-406.
713
STRUBEL (X.), « Brèves observations sur la nature juridique du contrat d’interconnexion de réseaux de
télécommunications ». In Lex Electronica, vol.4 n°1, 1998, en ligne à l’adresse
http ://www.lex.electronica.org/s/1139, consulté le 26 juillet 2018.
714
V. En ce qui concerne les communications électroniques Décret n°2012/1640
715
V. GHESTIN (J.), (dir.), Traité de droit civil « les effets du contrat », 3e éd., Paris, LGDJ, 2001, p.80.
716
COLLART-DUTILLEUL (F.), et DELEBECQUE (Ph.), Contrats civils et commerciaux, 8e éd., Paris, Dalloz,
2007, p.28.
717
FRÉCHETTE (P.), « La qualification des contrats : aspects pratiques », op cit., p.391.
718
TERRÉ (F.), L’influence de la volonté individuelle sur les qualifications, Paris, LGDJ coll. Bibliothèque de
droit privé, 1957, spéc., p.416.

127
distributive qui suppose l’existence d’une multitude d’obligations bilatérales, Pascal
Fréchette 719 écrit alors qu'il y aura qualification distributive, « lorsque le contrat unit des
conventions de nature différentes, c’est là l’application de la mixité dans les contrats ». Il n’y
a pas une mixité de convention dans les contrats d’accès des secteurs régulés, de sorte que cette
dernière méthode peut être exclue ici.
Des lors, on peut procéder à une tentative de qualification unique pour dire si les contrats
d’accès sont des contrats de prêt, de vente de louage d’ouvrages etc. Il faut poser d’abord ce
qui caractérise les contrats d’accès, il consiste en ce qui concerne le partage d’infrastructure, de
la mise à disposition d'un certain nombre d’éléments et de facilités dont disposent les personnes
morales de droit public et les opérateurs des réseaux des communications électroniques en vue
de l’installation et de l’exploitation des équipements720. L’accès aussi consiste en une mise à
disposition éléments de réseaux ou de service de communications électroniques en vue de la
fourniture de service par un opérateur à un autre qui en fait la demande 721. L’interconnexion,
forme particulière d’accès consiste en la liaison physique et logique des réseaux publics de
communications électroniques utilisées par un même opérateur ou un opérateur différent, afin
de permettre aux utilisateurs de communiquer entre eux ou bien d’accéder aux services fournis
par un autre opérateur722. Il s’agit donc de prestations de service à caractère technique. De sorte
qu’en instituant un droit d’accès en faveur des nouveaux entrants, l’obligation principale des
contrats d’accès est une obligation de faire. Dès lors, les contrats d’accès peuvent se rapprocher
de certains types de contrat de droit privé comme le contrat de louage d’ouvrages, ou encore le
contrat de vente. Cependant, il ne peut pas être confondu avec eux.
En effet, le contrat de louage d’ouvrages s’entend comme celui par lequel l’une des
parties s’engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles 723.
Dès lors, en procédant donc à une interprétation littérale de cette définition, il résulte qu’une
seule des parties seulement doit accomplir une prestation pour l'autre, pour que le label de
contrat de louage d’ouvrages soit donné aux contrats conclus. Autrement dit, c’est la prestation
de l’entrepreneur qui en est l’élément caractéristique assurant le critère de distinction de ce type
de contrat nommé724. L’obligation fondamentale de procurer la libre jouissance d'un bien. Ici

719
FRÉCHETTE (P.), « La qualification des contrats : aspects pratiques », op cit.,, p.393.
720
Art. 2 al. 5 du Décret n°2012/1640 sur les conditions d’interconnexion, d’accès et de partage d’infrastructures.
721
Art. 5 al. 2 de la loi n°2010/013.
722
Art. 5 al. 26 de la loi n°2010/013.
723
Art. 1710 du Code civil.
724
BENABENT (A.), Droit civil. Les obligations Paris, Montchrestien, 6e éd., 1997, cité par STRUBEL (X.),
« Brèves observations sur la nature juridique du contrat d’interconnexion de réseaux de télécommunications » op
cit., p.5.

128
donc le contrat de louages d’ouvrages ou d’entreprise se distingue du contrat de vente. En effet
en théorie, ce dernier type de contrat a pour objet de transférer la propriété d’une chose. Ils
peuvent tout de même se confondre lorsque le contrat d’entreprise suppose l’accomplissement
d'un travail sur une chose dont la propriété va ensuite être transférée au client. Dans le cas qui
nous intéresse ici, il ne s’agit pas d’un contrat de vente. L’infrastructure essentielle ne voit pas
sa propriété être transférée.
725 726
Au Cameroun comme en France il est clair que le schéma normal de
l’interconnexion en fait un contrat comportant des prestations d’interconnexion réciproques. En
matière postale, le législateur camerounais définit l’interconnexion comme des prestations
réciproques offertes par deux opérateurs postaux qui permettent à l’ensemble de leurs clients
respectifs de communiquer librement entre eux727. Ce qui l’exclut de la qualification de contrat
de louage d’ouvrages.
Les contrats d’accès seraient donc de nouveaux contrats nommés que Xavier Strubel728
désigne, à défaut d’un nom donné par le législateur, par le vocable de contrat « quasi nommé »
ou contrat « nommé imparfait ». Toutefois, à côté de cette qualification, il est possible de donner
aux contrats d’accès une autre dénomination. En effet, ces contrats se fondent dans une autre
catégorie de contrats de droit privé.
Cette dernière catégorie de contrat découle de la nature même des opérateurs ou des
parties aux contrats et de la nature même de leurs activités. Les opérateurs des secteurs régulés
camerounais sont des sociétés commerciales : même celles qualifiées d’entreprise publique729
au sens du législateur OHADA730 et du législateur camerounais731. Dans cette perspective, ils
ont donc le statut de commerçant c’est-à-dire qu’ils ont pour profession l’accomplissement des
actes de commerce par nature.732 Le législateur communautaire OHADA fait alors des contrats
entre commerçant pour les besoins de leur commerce, les opérations de transport et de
télécommunications, les actes effectués par les sociétés commerciales, les opérations de banque,

725
Art. 19 et 32 du Décret n°2012/1640 sur les conditions d’interconnexion, d’accès et de partage d’infrastructures.
726
V. Art. L. 32-9 CPCE
727
Art. 3 al. 14 de la loi n°2006/019 du 29 décembre 2006 régissant l’activité postale au Cameroun.
728
STRUBEL (X.), « Brèves observations sur la nature juridique du contrat d’interconnexion de réseaux de
télécommunications ». op cit., p.5.
729
Pour une étude des rapports entre le droit des entreprises publiques et le droit des sociétés commerciales, v.
MOUHOUAIN (S.), « La réforme du droit camerounais des entreprises publiques et le droit des sociétés
commerciales de l’espace OHADA », Rev., Dr., Unif., vol.24, 2019, pp.214-233.
730
V. Arts.. 1 et 6 de l' Acte uniforme révisé OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et des du
groupement d’intérêt économique du 30 janvier 2014.
731
V. Loi n°2015/018 du 21 décembre 2015 régissant l’activité commerciale au Cameroun.
732
Arts. 1 et 2 de l' Acte uniforme OHADA du 15 décembre 2010, portant sur le droit commercial général.

129
entre autres, des actes de commerce par nature. Dès lors, les contrats d’accès seraient donc des
contrats commerciaux par nature. La posture semble être différente en France.

En effet, certes est-il admis que le contrat d’interconnexion soit un contrat commercial.
Seulement, il faut encore le classer dans les deux catégories juridiques de contrat commercial
par nature et de contrat commercial par accessoire. Il faut effectivement dire que le contrat est
commercial lorsqu’il a pour objet l'un des actes visés par les articles 632 ou 633 du code de
commerce français. Il en va de même des contrats conclus par un commerçant, personne
physique ou personne morale, pour les besoins de son commerce. De sorte que, dans le premier
cas l'on serait face à un contrat commercial par nature alors que dans le second cas se serait des
contrats commerciaux par accessoire. Pour Xavier Strubel, le contrat d’interconnexion entre
dans la deuxième catégorie, puisque l’opération d’interconnexion n'entre pas dans les articles
précités du code de commerce733.

Le législateur communautaire OHADA reconnait lui aussi les actes de commerce par
leur forme, ce qui en fait des actes de commerce par accessoire en sommes734. Cependant ces
contrats commerciaux par accessoire semblent être limitativement énumérés de sorte que l’on
ne peut y ranger les contrats d’accès. Ils seraient alors des contrats commerciaux par nature, ils
peuvent aussi être qualifiés de nouveau contrat nommé, dont la finalité est de poser les règles
régissant la réalisation physique de l’accès, de l’interconnexion ou du partage d’infrastructures.
De tels contrats passés entre des opérateurs peuvent être potentiellement néfaste pour l'avenir
du marché. D’où le besoin d’une validation par les autorités de régulation. Ce besoin de
validation induit un contrôle des contrats d’accès.

PARAGRAPHE 2 : La teneur du contrôle des contrats d’accès par les autorités


de régulation

Il faut de prime abord dire que ce contrôle des autorités de régulation est non-
contentieux. Autrement dit, il n'est pas effectué sur la demande d’une des parties. Ainsi le
contrôle de l’instrument de concrétisation de l’accès qu’est le contrat, prend la forme d’une
validation (A) ce qui traduit l’option d’une conception plutôt objective du contrat dans les
secteurs régulés camerounais (B).

733
STRUBEL (X.), « Brèves observations sur la nature juridique du contrat d’interconnexion de réseaux de
télécommunications », op cit., pp 5-6.
734
V. Art. 4 de l’acte uniforme OHADA du 15 décembre 2010, portant sur le droit commercial général.

130
A/- La validation des contrats d’accès par le pouvoir de visa des régulateurs sectoriels
camerounais

L’idée d’une validation du contrat par une autorité de régulation sectorielle met à mal
la théorie de l’autonomie de la volonté735. En effet pour cette dernière une fois que les deux
volontés se sont accordées, le contrat est réputé valide736. Dans les critiques qu'aura connues la
thèse de l’autonomie des volontés737, l'on aura avancé l’idée que la validité, la force obligatoire
du contrat découle de sa conformité à la loi. Cependant cette conformité n'est vérifiable qu'au
cours du contentieux. Dans les secteurs régulés camerounais la posture est toute autre. Elle
participe d’une certaine volonté de limitation ou de contrôle plus ou moins étroit des rapports
contractuels.
Les contrats d’accès ou mieux, les projets de contrats d’accès une fois paraphés par les
deux parties fait l’objet d’une communication ou selon le terme en matière d’électricité, d’une
transmission, par chaque cocontractant aux régulateurs sectoriels concerné, par lettre
recommandée avec accusé de réception, ce dans un délai de trente (30) jours pour visa738. En
matière d’électricité, les contrats passés entre les gestionnaires et concessionnaires de réseaux
publics de transport concernés. Ainsi que les Protocoles qui règlent les relations, notamment
les conditions d’accès et d’utilisation des réseaux publics ; dans le cas où le gestionnaire du
réseau de transport, les concessionnaires de transport concernés et les utilisateurs éligibles de
ces réseaux ne sont pas des personnes morales distinctes. Ces contrats et protocole donc sont
transmis à l’agence pour approbation739.
Il n’y a pas ici de délai fixé pour la transmission. Toutefois l’idée est la même : les
contrats d’accès doivent être validés, approuvés par les régulateurs sectoriels. On est donc en
présence d’une exigence procédurale. De sorte que si l’intervention contentieuse se présente
comme étant exceptionnelle parce que les parties sont libres, autonomes. Cette perspective
classique de la théorie générale du droit des contrats privés est remise en cause ici.
L’intervention non contentieuse du régulateur dans les rapports contractuels des opérateurs, qui
s’effectue par le pouvoir de visa n'est pas exceptionnelle au contraire il semblerait que ce soit

735
V. RANOUIL (V.), L’autonomie de la volonté : naissance et évolution d'un concept, Université Paris II, 1980.
736
V. Art. 1134 du code civil camerounais ; CABRILLAC (R.), Droit des obligations, 9e éd., Paris, Dalloz, 2010,
p .19.
737
Sur les critiques de l’autonomie de la volonté V. GOUNOT (E.), Le principe de l’autonomie de la volonté en
droit privé : contribution à l’étude critique de l’individualisme juridique, Paris, Rousseau, 1912 ; THIBIERGE-
GUELFUCCI (C.), « Libres propos sur la transformation du droit des contrats », Rev. Trim. Dr. Civ., 1997, pp.375
et s.
738
Art. 37 al. 1 et Art. 53 al. 1 du Décret n°2012/1640 sur les conditions d’interconnexion, d’accès et de partage
d’infrastructures.
739
Art. 40 du Décret n°2012/2806 sur les conditions d’interconnexion, d’accès et de partage d’infrastructures.

131
une étape normale, voire fondamentale dans la vie du contrat passé entre opérateurs en matière
de régulation économique. Ce caractère exceptionnel ressort lorsque ces contrats sont placés
face à la théorie générale des contrats privés.
Le pouvoir de visa n'est pas un pouvoir contentieux, il n’entre pas de fait dans l’optique
d’une régulation ex post, mais plus dans l’optique d’une régulation ex ante. À ce propos, il
s’apparente à une espèce d’autorisation administrative. C’est-à-dire un acte qui permet aux
parties à un contrat, de jouir des droits et obligations que ce dernier renferme, et auxquels elles
ont librement consenti.
L’arrière-plan de ce pouvoir est la perception du contrat comme l’un des moyens
d’atteinte à la concurrence 740 , en plus de concrétiser l’interconnexion. De sorte que, pour
comprendre le recours à un tel pouvoir, il faut partir du fait que la régulation entretien des liens
de complémentarité avec la concurrence. Autrement dit, la régulation de la concurrence, et plus
précisément sa protection, est le fondement de ce pouvoir. L’idée étant que, la concurrence est
l’ordinaire du marché et donc la protéger, c’est en réalité aussi, protéger le marché. Protéger la
concurrence, c’est lutté contre les pratiques prohibées par le droit de la concurrence. On pense
ici aux pratiques restrictives de concurrence ou encore aux pratiques anticoncurrentielles que
les opérateurs peuvent inclurent dans leurs clauses contractuelles 741 , et qui peuvent alors
empêcher le développement de la concurrence.

Le visa du régulateur permet de contrôler le projet de contrat des opérateurs dans sa


conformité avec le cadre fixé par les lois et règlements régissant les secteurs régulés
relativement à la construction de la concurrence, mais pas seulement, et de ce fait, il donne au
contrat sa validité. L’usage de ce pouvoir donne aussi au régulateur un contrôle étendu sur la
relation contractuelle, exactement comme avec le pouvoir de règlement des différends, et ce en
dehors de tout contentieux.
Ce que le régulateur recherchera alors dans le contrat, en exerçant son pouvoir de visa,
ce n’est pas de savoir si le consentement des parties est vicié, encore moins si le contrat est
exécuté de bonne foi. Il recherchera si le contrat et/ou ses clauses sont attentatoires à la
concurrence donc par conséquent revêtent un caractère anticoncurrentiel ou restrictif. Le
régulateur n’est pas alors intéressé par les parties au contrat. C’est l’entreprise en tant qu’unité
économique autonome sur un marché qui doit l’intéresser742 en premier. Le contrat est alors

740
FRISON-ROCHE (M.-A.) « Contrat, concurrence, régulation », op cit., p.453 et s.
741
Sur la question v. FORTUNAT (A.), Clauses et pratiques restrictives de concurrence, Thèse de droit privé,
Université de droit et de la santé Lille II, 2016, 731p.
742
V. LASSERRE (B.), « Le contrat entre la régulation sectorielle et le droit commun de la concurrence », in Les
engagements dans les systèmes de régulation, op cit, pp.239 et s.

132
perçu comme une cellule du marché, c’est sa finalité économique, ainsi que sa perturbation
éventuelle à la concurrence sur le marché qui est analysées par les régulateurs. Ces
considérations objectives sont à l’ opposer de celles observables dans le droit commun des
contrats.
Le pouvoir de visa du régulateur est donc un moyen d’assujettir l’accord de volontés aux
exigences de la concurrence, aux nécessités inhérentes au secteur régulé. Cette dernière réduit
alors, l’accord de volontés, à un simple rôle de déclencheur des règles préétablies. Autrement
dit, lorsque l’accord de volonté doit rechercher sa légitimité et sa juridicité dans sa conformité
avec le droit positif et le système des affaires et de la concurrence743. Le rôle du pouvoir de visa
du régulateur émerge alors ici. En ce sens qu’il permet de valider le contrat des opérateurs par
rapport au cadre préétabli par le législateur et/ou par le régulateur lui-même. De ce fait, la
volonté des parties ne se révèle n’être qu’un pouvoir délégué soumis à des normes générales744.
La validité des contrats entre opérateurs dans les secteurs régulés dépend alors du visa
du régulateur sectoriel. Sans lui, le contrat même paraphé par les parties et donc ayant satisfait
à l’exigence d’un accord clair des volontés, n’est pas valide et encore moins obligatoire. Le visa
est l’étape ultime pour qu'un contrat de droit privé entre opérateurs ait des effets en matière de
régulation. En n’accordant pas son visa à un contrat, le régulateur s’oppose clairement à sa prise
d’effets. En matière d’électricité, le législateur laisse entendre que tous les contrats sont soumis
à l’agence de régulation qui peut alors non seulement « émettre des réserves éventuelles…. »,
Mais aussi le cas échéant, « s’opposer à l’entrée en vigueur desdits contrats »745. Ce dernier
ne peut être exécuté par les parties.
Lorsque que le contrat après l’accord des volontés n’est pas conforme aux règles
préétablies la loi prévoit comme sanction la nullité746 a priori. En matière de régulation, il ne
s’agit pas pour le régulateur de prononcer la nullité du contrat. Il a le droit néanmoins d’instruire
sa modification par les parties. Cette perspective traduit une approche objective du contrat qui
implique de considérer l’objet du contrat et son utilité même pour la mission de régulation à
savoir l’ouverture à la concurrence747 qui participe de l’intérêt général. L’idée est alors que ces
opérations ou échanges qui se nouent par le contrat dans les secteurs économiques régulés ont
une utilité publique, c’est-à-dire sont conformes à l’intérêt général748. On peut donc souligné

743
V. MONEBIULOU MINKADA (H. M.), « La question de la définition du contrat en droit privé : essai d’une
théorie institutionnelle », op cit., p.110
744
V. KELSEN (H.), Théorie pure du droit, Paris, Dalloz, 1962, p.343.
745
Art. 84 al. 3 de la loi n°2011/022 régissant le secteur de l’électricité au Cameroun.
746
TERCIER (P.), Le droit des obligations, 3e éd., Schulthess, 2004, pp.100-101.
747
GHESTIN (J.), L'utile et le juste dans les contrats, op cit., p.3.
748
Ibid., p.4

133
avec Georges Ripert que ce n'est plus tant les intérêts privés et caprices individuels qui dictent
le contrat, autrement-dit qui sont contrôlés. C’est la nécessité première d’organisation d’un
service 749 mais aussi, de préservation du marché concurrentiel. Ces dernières exigences
s’inscrivent dans une optique d’encadrement des volontés individuelles 750
. Une telle
perspective rapproche le contrat de l'acte administratif en matière de régulation économique751.
Toutefois, les vérifications faites par les régulateurs sectoriels n’excluent pas le droit
des parties de saisir le juge, le problème serait ici de savoir quel juge saisir, puisque précisément
ce que les parties dans cette éventualité contesteront : c’est le refus du visa ou de l’approbation
qui au final est un acte administratif unilatéral.
Or, par principe un tel acte appelle la compétence du juge administratif. Si cette dernière
voie est suivie le juge administratif devra connaître les raisons du refus du visa ou de la
désapprobation des régulateurs sectoriels concernés, ce qui lui ferait connaître des clauses des
contrats qu'il pourra au passage interpréter, et par ricochet, il serait érigé en juge de fait des
contrats privés.
L’autre démarche, plus sûre serait ici de recourir à la dualité principe/accessoire. L’idée
étant que le pouvoir de visa ou d’approbation est accessoire à la formation des contrats d’accès,
du moins à l’accord des volontés des parties. Le juge du principal serait alors aussi le juge de
l’accessoire. Or le juge judiciaire étant juge principal de droit des rapports contractuels privés,
il peut être le juge du refus du refus du visa ou de l’approbation des régulateurs sectoriels et
entrée dans les clauses des contrats d’accès ayant justifiées le refus. La posture permet d’éviter
une imbrication, une superposition potentiellement fâcheuse de compétences pour les secteurs
régulés camerounais. Ces possibilités doivent encore être confirmées par la pratique
jurisprudentielle camerounaise.

B/- La prééminence d’une conception objective du contrat en matière de régulation


économique

La montée en puissance de la concurrence apporte donc des atténuations sur la


conception civiliste du contrat centrée sur l’autonomie de la volonté. Cela n’est possible que
parce que l’appréhension même du droit de la concurrence n’est plus unique. En effet, les
approches diffèrent que l’on se place du côté du civiliste ou alors que l’on abonde dans le sens

749
V. RIPERT (G.), La règle morale dans les obligations civiles, 4e éd., Paris, LGDJ, 1949, p.102.
750
MONEBIULOU MINKADA (H. M.), « La question de la définition du contrat en droit privé : essai d’une
théorie institutionnelle », op. cit., p.112.
751
V. DELLIS (G.), « Régulation et droit public « continental ». Essai d’une approche synthétique », Revue du
Droit Public, n° 4, 2010, pp.958-979, spéc., pp.963 et s.

134
des économistes et des commercialistes pour reprendre la distinction posée par Marie-Anne
Frison-Roche752.

Les premiers voient dans la concurrence, une espèce de superposition de rapports


bilatéraux entre opérateurs, une perception implicite du droit civil de la concurrence loyale,
alors même que les seconds, appréhendent la concurrence comme un mode de fonctionnement
d’un marché. Dès lors, le droit de la concurrence est alors un droit qui pour eux protège la
concurrence et non les concurrents753. Or les régulateurs économiques sectoriels camerounais
sont les garants d’une bonne concurrence, saine et loyale 754 . Dès lors, il y a une certaine
hiérarchisation qui fait en sorte que les intérêts individuels obtenus par le contrat soient mis au
service de la satisfaction de l’équilibre et de l’efficacité du secteur économique.
Certes il ne peut avoir d’ordre marchand, ou de marché concurrentiel sans contrat755.
Mais, le contrat sert les objectifs de la concurrence. Le contrat entre acteurs économique est à
la fois sujet de la régulation sectorielle et du droit commun de la concurrence756. Ceci explique
que les contrats dans le marché soient assez standardisés ce qui les rapprochent du statut de
biens en circulation, tel n’est pas, alors semble-t-il, le cas des contrats hors marché : ces derniers
s’établissent dans une grande intimité entre le contrat et la personnalité des contractants757. Dès
lors, on assiste à une conception objective du droit de la concurrence. Cette conception objective
irrigue le droit de la régulation et l’analyse de ses instruments. En effet, la régulation n’est plus
tant que ça opposé à la concurrence. En réalité elle est la conséquence des défaillances
définitives du marché758. La régulation implique donc de la permanence, de la durée dans les
marchés c’est en cela que la régulation et le contrat sont en partie lié759.
Pourquoi alors cette émergence d’une conception objective induite par le droit de la
concurrence est retenue par le droit de la régulation ? La question est posée ici pour indiquer
que, comprendre le fait que la conception objective du contrat soit retenue ici, marque le fait

752
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Contrat, concurrence, régulation », op cit, p.454.
753
Idem.
754
V. Art. 32 al. 2 loi de 2010 régissant les communications électroniques modifiée ; Art. 71 al. 1 loi de 2011
régissant le secteur de l’électricité ; Art.5 loi n°2006/019 du 29 décembre 2006, régissant l’activité postale au
Cameroun (ci-après loi de 2006 régissant l’activité postale) Art. 3 Décret n°2015/232 du 25 mai 2015 portant
organisation et fonctionnement de l’Autorité aéronautique du Cameroun (ci-après CCAA)
755
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Valeurs marchandes et ordre concurrentiel », in L’ordre concurrentiel, éd. Frison-
Roche, 2003, pp.223-233.
756
LASSERRE (B.), « Le contrat, entre la régulation sectorielle et le droit commun de la concurrence », in Les
engagements dans les systèmes de régulation, Paris, Presses de Sciences-Po et Dalloz, 2006, p.239.
757
V. FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le contrat et la responsabilité : Consentements, pouvoirs et régulation
économique », RTD Civ., 1998, pp.43 et s.
758
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Régulation versus concurrence », op cit, pp.181 et s.
759
V. BROUSSEAU (E.), « Règles de droit et exécution des contrats », in DEFFAINS (B.), L’économie du droit,
REP, n° spéciale, 2002, pp.823-844.

135
que la régulation et la concurrence, doivent être pris moins comme s’opposant, mais plus
comme étant en équilibre et donc dialoguant l’un avec l’autre, ou encore l’un pour l’autre. C’est
la lecture qui sied le mieux au contexte camerounais, lorsque l’on peut lire dans les lois
sectorielles que les régulateurs sont en charge de la saine et loyale concurrence dans les secteurs
régulés. La régulation s’entend alors, comme le fait de maintenir de force et d’une façon
constante des équilibres dans des secteurs qui ne peuvent les produire ni les soutenir par eux-
mêmes 760 . Elle est alors « agoracentrique », puisque son centre c’est le marché et pour le
marché. Dans cette occurrence elle se rapproche de la concurrence mais elle va au-delà de la
concurrence puisqu’elle met à côté de celle-ci d’autre principe a-concurrentiels761.
Le rapprochement avec la concurrence est aussi observable au niveau de la méthode
téléologique qui caractérise les deux domaines. Une méthode qui a de fort lien avec l’analyse
économique du droit. Sous cette double influence, la conception du contrat semble être
différente dans les systèmes de régulation et ce sous le couvert de la rencontre entre le droit
communautaire de la concurrence européen et même CEMAC et le droit national camerounais
de la concurrence. Mais aussi beaucoup plus parce que la régulation telle que nous l’entendons
ici marque un renouveau de l’interventionnisme.
Dès lors on peut voir émerger ici une conception institutionnelle du contrat. Cette
dernière part des inégalités que donne à voir la conception volontariste ou subjective. En effet,
si l’État commence à s’occuper du marché au travers de la régulation, la loi devient donc son
arme d’intervention et par conséquent, elle redevient supérieure au contrat. Justement parce que
la loi est l’expression de la volonté générale762. Autrement dit, l’État va canaliser l’activité
contractuelle au nom de l’intérêt général donc la concurrence est désormais un élément
important.
Le contrat en matière civile est donc tendu vers une fin pratique à savoir produire des
effets de droit. Dans une optique interventionniste, « les effets de droit sont du domaine objectif
et son produit par le droit objectif sans que la volonté y ait un rôle quelconque763 ». Cela amène
à voir dans le contrat un acte condition, c’est-à-dire, un acte qui n’a pas pour but de modeler
des droits et des obligations mais d’appliquer à la personne les droits et les obligations résultant

760
Sur les ambitions de la régulation économique V. FRISON-ROCHE (M.-A.), « Ambition et efficacité de la
régulation économique », Revue de droit bancaire et financier/ Revue bimestrielle LexisNexis jurisclasseur,
novembre-décembre 2010, pp.59-66.
761
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Définition du droit de la régulation », Dalloz, n°7, 2001, pp.610-616 ; « Définition
du droit de la régulation économique », Recueil Dalloz, n°2, 2004, pp.126-129.
762
V. FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le nouvel art législatif requis par les systèmes de régulation », in Règles et
pouvoirs dans les systèmes de régulation, Paris, Presses de Sciences-Po/ Dalloz, ,2004, pp.154 et s.
763
MAZEAUD (H. L. J.), et CHABAS (F.), Leçons de droit civil. Obligations, théorie générale, Paris,
Montchrestien 9e éd., 1998, n°116.

136
d’un statut règlementaire 764 . Le contrat serait alors un statut règlementaire de droits et
d’obligations déclenché par l’accord de volonté. Concrètement cela implique que soit
neutralisée la capacité des cocontractants à créer des droits et obligations. Dès lors, seul le
législateur ou le gouvernement au travers d’un acte règlementaire peut créer des droits et des
obligations765.
Cependant, il ne faut pas voir dans le droit de la régulation la mise en avant d’une
conception dirigiste stricte du contrat opposé à une conception volontariste de celui-ci. La
régulation c’est la mise en équilibre de deux principes contradictoires. La conception du contrat
ne fait pas exception. Car retenir une approche volontariste du contrat ou alors uniquement
dirigiste est depuis longtemps problématique et critiquable. Dès lors, dans l’approche objective
du contrat que semble prôner les systèmes de régulation économique, il faut voir un visage
caché de l’institutionnel766.
L’institutionnel implique alors un faisceau de règles préétablies dont le non-respect
entraine la sanction par les autorités, on retrouve ici l’approche de l’institution-mécanisme767.
Dès lors, l’institution est particulière dans la mesure où elle a une posture démarquée des acteurs
qui doivent s’y conformer. Cette approche ne rejette pas l’accord de volonté. Elle fait de cette
dernière la partie visible certes, cependant que l’institutionnel en est le visage caché et le plus
décisif768. Dès lors le contrat ne produit des effets que parce que le droit objectif le lui permet.
L’on retrouve ici l’emprise de l’article 6 du Code civil, sur les contrats qui stipule que l’« on ne
peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les
bonnes mœurs769 ».
En matière de régulation des activités économiques sectorielles, cela implique que les
parties ne peuvent par le contrat se soustraire aux règles du marché. Ainsi le droit de la
régulation entretient des rapports avec le contrat, des rapports hiérarchiques puisque l’ordre
public, ou mieux, l’ordre concurrentiel régulé prime sur les intérêts privés. Concevoir le contrat
sous ce prisme allie non seulement l’approche volontariste-individualiste, mais aussi l’approche
dirigiste, solidariste et institutionnelle. Mais encore, une telle conception, repose sur la

764
DUGUIT (L.), Les transformations générales du droit privé depuis le code napoléon, 1920, rééd., 1999, pp.114
et s.
765
MONEBOULOU MINKADA (H. M.), « La question de la définition du contrat en droit privé : essai d’une
théorie institutionnelle », op cit, p.99.
766
Ibid., p.107.
767
GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op cit, p.323.
768
MONEBOULOU MINKADA (H. M.), « La question de la définition du contrat en droit privé : essai d’une
théorie institutionnelle », op cit, p.107.
769
V ; en guise de complément à cet article l’Art.1133 du code civil et l’Art L. 420-3 du Code de commerce
français

137
rationalité et sur l’efficience770. C’est l’apport même d’une analyse économique du droit. Elle
permet de sortir de la logique strictement légaliste et d’approcher le droit et partant ses
instruments sous l’angle de leur fonction771. Elle s’attache ainsi à une vision dynamique du droit
envisagée dans son historicité et son perfectionnement 772 , permettant ainsi aux institutions
juridiques de se rapprocher du résultat qui leur a été assigné 773 . L’analyse économique
renouvèle alors la théorie du contrat774 et partant même du phénomène juridique775.
Dire donc que la régulation appréhende le contrat dans une optique objective, implique
que l’analyse du contrat n’est pas alors détachable de celle du marché sur lequel il intervient.
Autrement dit, ce n’est plus uniquement la relation contractuelle, ni même le contrat en lui-
même qui importe, aussi bien pour le droit de la concurrence que pour le droit de la régulation,
mais le contrat dans son contexte juridique et économique. Ce que le régulateur recherchera
alors dans le contrat ce n’est pas de savoir si le consentement des parties est vicié encore moins
si le contrat est exécuté de bonne foi, mais plus si le contrat ou ses clauses sont attentatoires à
la concurrence donc anticoncurrentielles au bon fonctionnement du marché. De même le
régulateur n’est pas intéressé par les parties au contrat, c’est l’entreprise en tant qu’unité
économique autonome sur un marché qui doit l’intéresser776 en premier777. Le contrat est alors
perçu comme une cellule du marché, c’est sa finalité économique ainsi que sa perturbation
éventuelle à la concurrence sur le marché qui est analysées par les régulateurs. Ces
considérations objectives sont à l’ opposer de celles observables dans le droit commun des
contrats.

En cas d’examen d’un comportement portant atteinte à la concurrence, l’intention


subjective de porter atteinte à la concurrence n’est pas requise pour la qualification du

770
V. LANNEAU (R.), « La constitution et l’analyse économique », in Traité international de droit constitutionnel,
pp.182 et s.
771
V. ROYER (G.), « Pour une économie du droit sans rigueur. L’analyse économique du droit et Jean
Carbonnier », in VERDIER (R.), (dir.), Jean Carbonnier. L’homme et l’œuvre, Presses universitaires de Paris
Nanterre, 2012, pp.483-500 ; MACKAAY (E.), « L’analyse économique du droit dans les systèmes civilistes », in
DEFFAINS (B.) (dir.), L’analyse économique du droit dans les pays de droit civil, Paris, CUJAS, 2002, pp.11 et
s.
772
OPPETIT (B.), « Droit et économie », op cit, p.23.
773
V. JESTAZ (Ph.), « Qu’est-ce qu’un résultat en droit », in Études offertes au Professeur Philippe Malinvaud,
Paris, Litec, 2007, pp.293 et s. p.294.
774
V. BROUSSEAU (É.), « La sanction adéquate en matière contractuelle : une analyse économique », Petites
affiches, n°99, mai 2005, pp.47 et s.
775
FRISON-ROCHE (M.-A.), « L’intérêt pour le système juridique de l’analyse économique du droit », op cit,
p.18.
776
V. LASSERRE (B.), « Le contrat entre la régulation sectorielle et le droit commun de la concurrence », in Les
engagements dans les systèmes de régulation, op cit, pp.239 et s.
777
Cette optique de s’intéresser à l’entreprise en elle-même, marque une certaine rupture entre le droit de la
régulation et celui de la concurrence. Nous y reviendrons au chapitre suivant.

138
comportement aussi bien au niveau national français 778 , qu’au niveau communautaire
européen779. Ce qui est contraire à l’article 1134 du code civil qui prévoit une exécution de
bonne foi des conventions, ce qui peut alors permettre de moduler la portée de la force
obligatoire des clauses contractuelles780. Ici donc l’intention subjective de porter atteinte à la
concurrence est mise en avant. Mais en matière de régulation de la concurrence et comme nous
l’avons relevé, le Conseil de la concurrence français précise qu’on « (…) ne peut en aucun cas
exempter une entente illicite, au prétexte que les parties n’auraient pas eu pour intention de
fausser le jeu de la concurrence781 ».

Cependant, en l’absence d’un contrat, la preuve d’un concours de volonté est nécessaire,
la Cour d’appel de Paris, dans ce sens précise que : « pour que la pratique puisse être
sanctionnée sur le fondement des articles L. 420-1, L.462-6 et L.464-2 du Code de commerce
[il faut] que les entreprises aient librement et volontairement participé à une action concertée,
en sachant qu’elle avait pour objet ou pouvait avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou
de fausser le jeu de la concurrence sur le marché », ceci dans un cas où l’entente est formalisée
par un simple échange d’informations. Il faut alors ici avec le Conseil de la concurrence français
distinguer « l’intention de porter atteinte à la concurrence » et « l’intention de s’entendre »
seule requise pour alors qualifier les pratiques782.

De même, les vices de consentements ne sont pas pris ici en compte par les autorités de
régulation. En effet ces derniers ne sont pas adaptés au droit de la concurrence et de la régulation
dans la mesure où ces deux derniers droits tendent à la protection objective du marché. Le
contrat est alors apprécié dans une optique économique. C’est-à-dire au regard de ses effets
potentiels sur le marché et la concurrence qui y est sensée s’y mouvoir sans contrainte. Le
régulateur ne protège donc pas les opérateurs, mais le marché. C’est pourquoi le contrat en
matière de régulation doit être peu perméable aux moyens de droit subjectifs. C’est aussi la
raison pour laquelle le régulateur peut intervenir dans les contrats relatifs à l’accès ou au partage
d’infrastructures.

Cependant, dire que dans l’analyse du contrat le régulateur protège le marché ne veut
pas toujours dire qu’il ignore les parties ou mieux la partie « désavantagée » qui est ici le nouvel

778
V. CA Paris, 30 avril 2002, Jean François ; confirmant la Décision 01-D-67 du conseil de la concurrence ; rejet
du pourvoi par Cass. Com., 28 avril 2004, Colas.
779
CJCE, 20 November 2008, Beef Industry Development Society, C-209/07, Rec., p. I- 8637. spéc., point 21.
780
Cass. civ., 3e, 15 décembre 1976, Bull., civ., n°465 ; 16 février 1999, D., 1999, IR 5.
781
In Rapport annuel du Conseil de la concurrence pour l’année 2003, La Documentation française, p.73.
782
In Rapport annuel du Conseil de la concurrence pour l’année 2003, La Documentation française, op cit, p.74.

139
entrant par rapport à l’opérateur historique, mais c’est souligné le fait que cet état des choses
est inclus dans la priorité qui est la protection de l’intégrité du marché. Le contrat entre
particulier est alors contrôler dès son origine comme en témoigne le contrôle exercé par le
régulateur sur le catalogue d’accès ou d’interconnexion. Ce qui apporte une certaine sécurité
juridique aux contractants mais aussi et surtout au marché concurrentiel. Il en est aussi de même
pour toutes modifications des contrats relatifs par exemple à l’accès au réseau ou à
l’interconnexion ou encore au partage des infrastructures. Le contrat est alors contrôlé a priori
et a posteriori par la voie de l’injonction. On aboutit alors à une interprétation des règles pour
la cohérence du système783.

CONCLUSION DU CHAPITRE

Le droit de la régulation comme le droit de la concurrence opère une distinction


fondamentale en matière d’accès entre offreurs et demandeurs784, de sorte que les conditions
d’accès se concentrent plus sur les offreurs. Il s’agit de les obliger à participer à l’effectivité de
la concurrence dans les secteurs régulés. Une concurrence qu'il faudra par la suite contrôler de
manière à ne pas la laisser disparaître ou être restreinte par les opérateurs. Le pouvoir de
contrôle induit à ce niveau que l'on s’intéresse aux comportements des entreprises dans les
secteurs régulés camerounais

783
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Contrat, concurrence, régulation », op cit, p.455.
784
MATHIEU (G.), « L’application du droit de la concurrence aux personnes publiques », D. 1995, chron., p.27.

140
CHAPITRE 2 : LE CONTROLE DE LA CONCURRENCE ENTRE LES
OPERATEURS DES INDUSTRIES DE RESEAUX

La régulation vise à instaurer un nouveau régime économique qualifié d’économie de


marché. La réussite d'un tel modèle est conditionnée par l’établissement d'une multitude de
règles juridiques à caractère libérale à l’image du droit de la concurrence qui tend alors à régir
le marché national en mettant toutes les entités économiques à pied d’égalité afin de réaliser
une concurrence effective. Le droit de la concurrence revêt généralement deux sens. Au sens
large, il signifie « l’ensemble des règles juridiques gouvernant les rivalités entre agents
économiques dans la recherche et la conservation d'une clientèle », dans un sens étroit, c'est
« l’ensemble de règles qui permettent de réprimer ceux qui, de différentes manières, entravent
le libre jeu de la concurrence, notamment en constituant des ententes ou en exploitant une
position dominante »785. Sur le plan juridique la concurrence est appréciée comme un ordre,
une organisation sociale, c’est un ensemble de règles qui visent à assurer les conditions
d’organisation et de bon fonctionnement du marché, donc de l’économie786. Ces règles sont
alors destinées à réguler la compétition sur le marché. Le but de ce droit est donc d’interdire,
d’autoriser et de sanction. Ce dernier pan ne sera pas aborder ici. Seuls les deux premiers le
seront en ce qu’ils évoquent une approche de prime abord non contentieuse.
Ainsi, Installer la concurrence c'est d’assurer un environnement adéquat pour une
concurrence saine en fixant les règles et en disciplinant tous acteurs relativement à son
comportement. Le but est de protéger la sphère concurrentielle, l'ordre économique ainsi que le
bien-être du consommateur. C’est de la mission des autorités de régulation de garantir une
concurrence saine et loyale787. De ce qui précède, la concurrence est un moyen, et non une fin
en soi, au service de l’efficience économique, le droit de la concurrence devient un droit
régulateur. La régulation s’intéresse alors aux comportements des opérateurs.
L’idée est donc que pour que la concurrence soit saine et effective certains
comportements ont été prohibés en droit camerounais, l'on parle des pratiques
anticoncurrentielles. Soulignons que le droit communautaire CEMAC lui aussi prohibe les
mêmes pratiques en y associant les aides d’État. Nous n’aborderons pas ici cet aspect. Ainsi

785
ZEVOUNOU ( L.), Le concept de concurrence en droit, Thèse de droit public, Université de Paris Ouest
Nanterre la Défense, 2010, 490p, spéc., pp.1 et suiv. ; FRISON-ROCHE ( M.- A.), et PAYET ( M.-S.), Droit de
la concurrence, 1ere édition, Paris, Dalloz, 2006, pp. 1 et suiv.
786
GUILLAUME (R.), L’administration nationale de concurrence face aux enquêtes communautaires, Mémoire
de DEA, Université de Montesquieu Bordeaux 4, 2001, p.5.
787
Art. 72 al. 1 de la loi régissant le secteur de l’électricité.

141
nous intéresserons nous particulièrement aux règles de droit matériel de la concurrence, afin de
présenter le dispositif juridique préventif des atteintes à la concurrence sur le marché.
Emmanuel Claudel 788 écrivait que « la police des marchés a nécessairement un aspect
préventif ». Les pratiques anticoncurrentielles sont des comportements pouvant être individuels
ou collectifs sur le marché des entreprises ou opérateurs, tendant à maximiser leurs profits par
le biais notamment de l’exclusion de leurs concurrents ou alors en faisant obstacle à l’arrivée
de nouveaux opérateurs concurrents789, ce « toujours au détriment in fine du consommateur »790.
Ces pratiques sont alors fortement liées à la problématique de l’accès et, doivent faire l’objet
d'un contrôle. Le timing du contrôle importera peut ici. En effet, le contrôle des pratiques
anticoncurrentielles s’effectue a posteriori, lorsqu’il s’agit des « comportements » d’entreprises,
il se réalise aussi ex ante, lorsqu’il s’agit d'un contrôle des « structures » de concurrence par
exemple lors d’opérations de concentration 791 dont la place est importante en droit de la
concurrence.
Nous partirons de l’idée simple que le contrôle est une vérification, le législateur
communautaire CEMAC énonce que « les autorités nationales de la concurrence (…)
contrôlent les comportements des entreprises sur le marché et engagent des poursuites pour
sanctionner leur caractère infractionnel »792. Le contrôle est en principe non contentieux, mais
peut donner lieu à sa suite à un contentieux. Ce pouvoir de contrôle au Cameroun relèvera de
la commission nationale de la concurrence après le délai de deux ans donné aux États membres
de la CEMAC pour se conformer à la directive du 08 avril 2019793. De sorte que la compétence
de l'ART en matière de sanction des pratiques anticoncurrentielles demeure encore pour un
temps. Toutefois, les autorités sectorielles de régulation conservent leur compétence pour la
surveillance et la poursuite des pratiques individuelles n'affectant pas la structure du marché et
les pratiques relevant de la concurrence déloyale794.

788
CLAUDEL (E.), Ententes anticoncurrentielle et droit des contrats, Thèse de droit privé, Université de Paris X
Nanterre, 1994, spéc., p.35.
789
FRISON-ROCHE ( M.- A.), et PAYET ( M.-S.), Droit de la concurrence, 1ere édition, Paris, Dalloz, 2006,
p.113.
790
ARCELIN-LECUYER ( L.), Droit de la concurrence, Paris, Presses universitaires de Rennes, 2013, p.29.
791
Idem.
792
Art. 10 de la Directive n°01/19-UEAC-639- CM-33 du 8 avril 2019 relative à l’organisation institutionnelle
dans les États membres de la CEMAC pour l’application des règles de la concurrence.
793
Art. 17 de la Directive n°01/19-UEAC-639- CM-33 du 8 avril 2019 relative à l’organisation institutionnelle
dans les États membres de la CEMAC pour l’application des règles de la concurrence.
794
V. Art. 6 de la Directive n°01/19-UEAC-639- CM-33 du 8 avril 2019 relative à l’organisation institutionnelle
dans les États membres de la CEMAC pour l’application des règles de la concurrence.

142
De ce qui précède, le cœur de ce chapitre est alors l’identification des comportements
concurrentiels prohibés en référence aux services publics en réseau. En prenant en compte le
constat que dressait déjà Guy Canivet selon lequel, le droit de la concurrence a divers
compartiments tels que le droit de la libre concurrence, celui des pratiques restrictives et la
concurrence déloyale795. Tout en considérant la coexistence de règles d’origine nationale et
communautaire relativement à ces comportements, nous allons étudier d’une part les
comportements individuels prohibés (section 1) et les comportements concurrentiels collectifs
prohibés (section 2).

SECTION 1 : LES COMPORTEMENTS CONCURRENTIELS INDIVIDUELS


PROHIBÉS DES OPERATEURS DES SERVICES PUBLICS EN RESEAUX

Nous analyserons d'une part les abus de position dominante (paragraphe 1) et d’autre
part, les subventions anticoncurrentielles (paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : Les abus de domination dans les services publics en réseaux


L’ouverture des industries de réseaux à la concurrence implique qu’aucun opérateur ne
dispose de pouvoirs suffisants pour dicter ses conditions au marché. Ceci malgré le fait que les
opérateurs historiques, voir les opérateurs cruciaux gestionnaires d’infrastructures bénéficient
des avantages de la situation de monopole naturel dont ils peuvent en abuser, en adoptant des
comportements illicites de nature à saborder la concurrence aux dépens de leurs concurrents.
Ainsi cet abus de domination va être prohibé dans les secteurs économiques par le législateur
camerounais. Nous étudierons d’une part, l’évaluation de la dominance par la détermination de
l’opérateur dominant (A), et d’autre part, le régime de l’abus domination (B).
A/- L’évaluation de la dominance : la détermination de l’opérateur dominant
La détermination de l’opérateur implique de commencer par définir le marché sur lequel
l'abus est susceptible d’être commis, c'est le problème de l’identification du marché en cause
(1), et après évaluer les critères de dominance sur ce marché (2).
1/- L’identification du marché en cause
Cette identification repose sur l’idée que le droit de la concurrence régule un espace
économique mouvant, cet espace évoluant au gré des comportements des entreprises sur le

795
CANIVET (G.), « Questions sans valeur ni portée à propos de la clientèle en droit de la concurrence… et
ailleurs », in Conquête de la clientèle et droit de la concurrence. Actualité et perspectives françaises, allemandes,
communautaires et américaines,, colloque du CREDA, du 6 décembre 2000, disponible en ligne à l’adresse
http://www.creda.ccip.fr. Consulté le 28 juillet 2019,, pp.12 et s., spéc., p..12.

143
marché796. Cette référence simple au marché, définit comme le périmètre à l’intérieur duquel
s’exerce la concurrence entre les entreprises ou, en d’autres termes, le périmètre au sein duquel
le comportement des entreprises est discipliné par des pressions concurrentielles797, ne permet
pas de décrire de manière satisfaisante le fonctionnement de l’économie, il faut alors que cette
référence soit contextualisée 798 . Dès lors, l’identification du marché en cause ou marché
pertinent semble nécessaire ici. Lorsqu’il faut apprécier les conditions saines de concurrence
entre opérateurs économiques. Toutefois cette délimitation nécessite des analyses faisant appel
à la théorie économique 799 . Ainsi l'on parle du marché de produits, correspondant à une
segmentation économique800 (a) et du marché géographique (b).

a) Le marché de produits en cause

Il peut être définit comme les produits et/ou services que le consommateur considère
comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leurs prix et de
l’usage auquel ils sont destinés. La notion de substituabilité est entendue de façon opératoire et
souple : elle est susceptible de degré de sorte qu’il n'est pas nécessaire de démontrer une parfaite
substituabilité entre les produits. Il suffit juste que l'on puisse de façon raisonnable penser que
les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs de satisfaire une même demande
et entre lesquels ils peuvent arbitrer801. Notons qu'il est possible de distinguer des sous marchés
de produits au sein d'un marché plus large802.

Dans les secteurs régulés, mais pas exclusivement, il est possible de distinguer d’une
part le marché des services par exemple le service de téléphonie vocale et d’autre part, le marché
de l’accès aux infrastructures nécessaires pour mettre ces services à la disposition des

796
FERRAILLE (D.), L’accès au marché en droit du marché intérieur, thèse de droit public, Université de
Strasbourg, 2009, spéc., p.348.
797
V. Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de
la concurrence, JOCE, du 9 décembre 1997, C-382/5 cité par DE STREEL ( A.) et VEGIS (E.), « La théorie des
facilités essentielles et son application aux télécommunications », Cahiers du CRID, n°16, p.404 ; aussi
MADDALON ( P.), « La dynamique de la démarche communautaire dans la construction européenne dans la
jurisprudence de la CJCE », in HERVOUET (F.), (dir.), Démarche communautaire et construction européenne,
dynamique des méthodes, vol.2, Travaux de la CEDECE, 2000, Paris, La documentation française, pp.79 et s.
798
RAINELLI (M.), « L’ordre concurrentiel, approche d’un économiste », in L’ordre concurrentiel, Mélanges
Antoine Pirovano, op cit., pp.13 et s., spéc., p.21.
799
FRISON-ROCHE (M.-A.), « L’intérêt pour le système juridique de l’analyse économique du droit », Petites
Affiches, n°99, 19 mai 2005, pp.15 -22.
800
CLAUDEL (E.), Ententes anticoncurrentielles et droit des contrats, Thèse de droit privé, Université de Paris
X- Nanterre, 1994, p.26.
801
V. Conseil de la concurrence, Rapport d’activité pour 1990, p. XXV, cité par CLAUDEL ( E.), Ententes
anticoncurrentielles et droit des contrats, op cit., p.27.
802
VOGEL (L.), « À quelles conditions peut-on distinguer des sous marchés au sein d'un marché de produit ? »,
Contrats – conc. - consomm., 1992, p.1.

144
utilisateurs, par exemple le réseau physique, les interfaces de communication comme le portail
USSD pour l’accès à la plateforme nationale d’agrégation des communications électroniques
au Cameroun qui vise à garantir des conditions équitables d’interconnexion803.

L’intérêt de la détermination du marché de produits se rapporte à l’hypothèse où un


opérateur monopoliste décide d’augmenter unilatéralement les prix obligeant les utilisateurs à
avoir recours à d’autres produits de substitution pour contrer cette hausse. Une similitude peut
être faite à quelques différences près dans l’affaire opposant Express Union contre les
opérateurs de la téléphonie mobile où l'on observe une augmentation unilatérale du prix d’accès
au portail USSD pour les abonnés mobile money de la société Express Union804, causant ainsi
un abus de position dominante.
La détermination de ce marché vise aussi comme objectif de connaître dans quelle
mesure la proximité des opérateurs concurrents peut imposer des contraintes concurrentielles à
l’opérateur monopolistique.

b) Le marché géographique en cause

Il correspond au territoire sur lequel les entreprises concernées contribuent à l’offre des
produits et de services, qui prescrit des conditions de concurrence suffisamment homogène et
qui ne peut être distingué des territoires limitrophes par le fait notamment que les conditions de
concurrence y sont sensiblement différentes. Pour déterminer de tels marchés l'on peut avoir
recours à la nature et aux caractéristiques des produits ou des services concernés, l’existence de
barrières à l’entrée etc. En somme, il peut s’agir de facteurs quantitatif et qualitatif.

Il faut préciser que peu importe le marché, une définition étroite du marché en cause805
aura pour effet d’induire une part de marché plus importante pour un opérateur donné et partant
l’existence d’une position dominante plus forte, a contrario, une définition large produirait
l’effet inverse. De même la délimitation d'un marché pertinent n'est jamais effectuée de façon

803
USSD c’est-à-dire Unstructured supplementary service data ou données de services supplémentaires non
structurées, c’était le nœud dans les affaires opposant Express Union et les opérateurs MTN et Orange Cameroun,
v. COMMISSION NATIONALE DE LA CONCURRENCE, Décision n°2017-D 003/ CNC, portant recevabilité
de la requête de la Société Express Union finance S.A dans l’affaire contre les sociétés MTN Cameroun S.A., et
Orange Cameroun S.A.
804
V. COMMISSION NATIONALE DE LA CONCURRENCE, Décision n°2017-D 003/ CNC, portant
recevabilité de la requête de la Société Express Union finance S.A dans l’affaire contre les sociétés MTN Cameroun
S.A., et Orange Cameroun S.A.
805
Cette dernière a été déjà retenue en droit français, v. CONSEIL DE LA CONCURRENCE, Décision n°92-D-
63, 24 décembre 1992, relative à des pratiques relevées lors d'un appel d’offres lancés par la Commune de
Venarey- les – Laumes en côte d’or., Rapport pour 1992, annexe n°70.

145
définitive. Elle évolue ainsi avec la modification des habitudes de la clientèle. De même les
interventions des autorités de régulation s’observent dans l’hypothèse où le marché pertinent
constitue alors une partie substantielle du marché806.

Toutefois, la définition du marché sert en droit de la concurrence à dessiner les contours


de la concurrence potentielle, ce qui permet alors de mesurer le pouvoir de domination. C'est
un instrument 807 , qui a cette particularité de s’adapter aux fins poursuivies 808 . Dans cette
dernière perspective il faut dire que la détermination du marché pertinent laisse les autorités
régulatrices maîtresses de leur intervention.

2/- Les critères de position dominante


Nous apprécierons ces critères d’une part en donnant une définition de l’opérateur dit
dominant (a) et, d’autre part en dégageant les caractéristiques principales (b).

a) La définition de l’opérateur dominant

De façon générale l’opérateur dominant est tout opérateur dont la part de marché, c’est-
à-dire le pourcentage des recettes de cet opérateur par rapport aux recettes de tous les opérateurs,
sur un service ou un ensemble de services compatibles est au moins égal à un tiers. Le
législateur camerounais en matière de communications électroniques, va dans le même sens et
entend par opérateur dominant celui dont la part de marché c’est-à-dire le pourcentage de
recettes ou du trafic par rapport aux recettes ou au trafic de tous les opérateurs, sur le segment
de marché considéré est égal ou supérieur à un pourcentage à déterminer par l'ART809. Toutefois,
l'on peut se demander si ce pourcentage est susceptible de variations. La perspective semble
admissible.

Le juge de la Cour de justice des Communautés européennes défini la position


dominante comme une situation de puissance économique déterminée par une entreprise, qui
lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché

806
C'est le cas en droit français, en ce sens, v. BOUTARD-LABARDE ( M. C.), et BUREAU ( D.) , « La
détermination du marché pertinent », R. J. D. A., n°11, 1993, p.743, pour une approche plus dubitative, v. VOGEL
( L.), « Les limites du marché comme instrument du droit de la concurrence », J.C.P. Ed. G. 1994, II, n°3737, note
24.
807
VOGEL ( M.), « Les limites du marché comme instrument du droit de la concurrence « , J. C. P. Éd. G, 1994,
II, n°3737.
808
CLAUDEL ( E.), Ententes anticoncurrentielle et droit des contrats, op cit., n°17, p.23.
809
Art. 5 al. 32 de la loi n°2010/013 régissant les communications électroniques au Cameroun.

146
en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure
appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et finalement des consommateurs810.

b) Les caractéristiques de la position dominante

L’analyse de la législation sur la concurrence permet de desceller trois facteurs


principaux : le premier est la part de marché l'autre est relatives à l’importance et à la nature
des obstacles qui empêchent l’entrée de nouveaux arrivants sur le marché et le dernier fait
référence à l’avance technologique sur les concurrents811.
Dans le premier cas, les textes juridiques fixent arbitrairement un seuil, il s’agit d’une
présomption. Ainsi donc les autorités de régulation dans la détermination de cette pratique
prennent en compte d’autres facteurs comme de façon non exhaustive : le chiffre d’affaires par
rapport à la taille du marché ; le contrôle qu’ils exercent sur les moyens d’accès à l’utilisateur
final.
Dans le second cas, l’on examine si l’entreprise concernée dispose d’une avance
technologique telle qu’elle lui permet d’augmenter ses prix sans craindre une érosion de sa
clientèle. Ces dernières entreprises sont alors soumises à des obligations en matière
d’interconnexion à l’instar de la publication d'un catalogue d’interconnexion ou celle relative à
la fourniture d’accès au réseau. Ainsi, l'on pourrait supposer que les opérateurs offreurs d’accès
sont potentiellement des opérateurs dominants. Le secteur des communications électroniques
n’offre pas une autre lecture si l'on se limite au marché de l’accès à internet ou du transfert
d’argent par téléphone. Plus concrètement, les opérateurs des communications électroniques
titulaires de concession sont des opérateurs dominants ; c’est le cas alors de MTN Cameroun,
d’Orange Cameroun, de Viettel propriétaire de la marque Nexttel et de la CAMTEL. La
dominance n’a donc pas de rapports avec le fait que l’opérateur soit ou non historique dans le
secteur. Par contre, elle peut avoir un lien avec le fait que l’opérateur soit puissant. Il faut
admettre que dans l’opérateur dominant ne peut être unique dans un secteur économique.

B/- Le régime des abus de position dominante


Il s’agit ici de l’appréciation du caractère néfaste de la conduite pour la concurrence qui
s’exerce sur le marché. Cela suppose que La domination en elle-même n'est pas prohibée mais,
c’est son exploitation abusive qui est interdite par le législateur. Ainsi pour le législateur

810
C.J.C.E., 17 février 1978, United Brands c/ Commission, aff. 27/76, Rec., p.207.
811
Art. 10 de la loi n°98/013 relative à la concurrence.

147
camerounais812 une entreprise ou un groupe d’entreprises abuse de sa position dominante sur le
marché lorsqu’elle s’adonne aux pratiques ayant pour effet de restreindre d’une manière
sensible la concurrence sur ledit marché. Cette exploitation abusive vise alors les
comportements d’une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la
structure d’un marché813. C’est le cas entre autres, lorsque l’entreprise adopte des mesures ayant
pour effet soit d’empêcher une entreprise concurrente de s’établir dans le marché, soit d’évincer
un concurrent. L’entreprise peut alors se livrer à des pratiques ou manœuvres telles que : le
refus de vente, les ventes subordonnées, les impositions de ventes discriminatoires, les ruptures
abusives de relations commerciales. Ainsi est-il interdit à un fournisseur d’accès de rompre ledit
accès sans avis préalable de l'ART en ce qui concerne les communications électroniques814.
L’opérateur historique des télécommunications CAMTEL, en 2017, a ainsi été rappelé à l'ordre
par l'ART pour avoir rompu l’accès à l’infrastructure essentielle dont il a la charge à l’opérateur
Orange alors qu'il réclamait de ce dernier une forte somme d’argent au titre des droits d’accès.
Dans l’affaire opposant l’entreprise Express Union et les opérateurs de téléphonie
mobile MTN et Orange, il est évident que l'on est face à un abus de position dominante815,
puisqu’en suspendant le portail USSD et en augmentant par la suite à 600℅ le coût d’accès à
ce portail pour les abonnés de l’entreprise Express Union, ces derniers usent de façon abusive
de leur position dominante qui de fait empêche la concurrence dans le marché des services du
mobile money816.
Le litige opposant l’entreprise Kakotel S.A. à l’opérateur de communications
électroniques Viettel Cameroun propriétaire de la marque Nexttel, montre que le refus
d’interconnexion peut aussi constituer un abus de position dominante817.
En guise d’approche comparative, le juge de la Cour de justice de la communauté
européenne dans l’arrêt Deutsche Telekom818 a eu à reconnaître la compression de marges ou

812
Art. 11 de la loi n°98/013 du 14 juillet 1998 relative à la concurrence.
813
DECOQ (A.), et DECOQ (G.), Droit de la concurrence. Droit interne et droit de l’Union européenne, 5e éd.,
Paris, éditions Lextenso, 2012, spéc., p.384.
814
Arts. 58 al. 3 du décret n°2012/1640 fixant les conditions d’interconnexion, d’accès aux réseaux et de partage
d’infrastructures ; Arts. 16 et suiv., du Décret n°2012/0399 fixant les modalités de protection des consommateurs
des services de communications électroniques.
815
COMMISSION NATIONALE DE LA CONCURRENCE, Décision n°2017-D 003/ CNC, portant recevabilité
de la requête de la Société Express Union finance S.A dans l’affaire contre les sociétés MTN Cameroun S.A., et
Orange Cameroun S.A.
816
CA du Centre, arrêt n°454/ REF du 20 juillet 2018, inédit.
817
V. Ordonnance n°005/2012/ CCJA (article 46 du règlement de procédure), Recours n°099/2011/PC, affaire
Société mobile téléphone Network, Network Solutions dite MTN NS S.A c/ Kakotel limited Cameroun S.A, inédit.
818
Pour une analyse complète de l’arrêt et de ses répercussions en termes de pratique décisionnelle, v. SIBONY
( A.- L.), « La CJUE rend son premier arrêt sur l’abus par compression des marges et confirme que le ciseau
tarifaire constitue un abus même lorsque l'un des éléments du tarif de l’entreprise en position dominante a été
approuvé par le régulateur sectoriel », Concurrence, chronique Pratiques Unilatérales, 2011/1, pp.91-95.

148
ciseau tarifaire comme un abus de position dominante en lui-même, résultant directement de
l’écart entre les prix amont et aval. Ce dernier conception correspond à une situation dans
laquelle un opérateur verticalement intégré vend à l'un de ses concurrents sur le segment de
marché aval un intrant essentiel qu’il est le seul à produire en amont. Dans le cas des
communications électroniques, il peut s’agir d'un accès à la boucle locale, indispensable aux
fournisseurs d’accès internet pour concurrencer l’opérateur historique sur ses activités aval.
Ainsi le ciseau tarifaire désigne la situation dans laquelle, le prix du bien amont empêche
l’exercice d’une concurrence effective sur le marché aval819.
Il est admis que certes, le comportement doit être abusif mais aussi doit-il avoir un objet
ou un effet restrictif de la concurrence. Autrement dit, seule une atteinte sensible à la
concurrence peut caractériser une pratique anticoncurrentielle. Les abus de position dominante
pour être sanctionner doivent avoir des effets actuels ou potentiels suffisamment tangibles sur
la concurrence. En plus, il faut l’existence d'un lien de causalité entre le pouvoir de domination
de l’entreprise et l’abus à lui imputé820.
Autrement-dit, l’exploitation abusive doit être réalisée par l’utilisation de la position
dominante. Il faut préciser aussi que l’effet anticoncurrentiel peut se produire sur un autre
marché de produits ou de services que celui sur lequel l’entreprise concernée occupe une
position dominante. Ainsi, lorsqu’une entreprise en position dominante sur un marché donné
subordonne l’octroi de remise sur ses produits situés sur ce marché à l’achat de ses autres
produits situés sur un autre marché, c'est ce marché qui alors est particulièrement affecté.
Lesdites pratiques doivent être rattachées à la détention de la position dominante. On peut alors
parler d'un effet levier de position dominante821
L’affaire Deutsche Telekom822 en droit communautaire européen montre que même une
omission de faire, plus précisément ici, l’omission de prendre les mesures permettant de
prévenir l’éviction du marché de ses concurrents peut suffire à engager la responsabilité d'un
opérateur dominant. L’idée étant que même si le tarif a fait l’objet d’une approbation préalable

819
MARTY (F.), « De la notion de responsabilité particulière de l’opérateur dominant dans la politique de
concurrence européenne : quelles conséquences sur les libertés économiques ? » in POTVIN- SOLIS (L.) et UEDA
( H.), Économie de marché, droits et libertés et valeurs communes en Europe et en Asie, Éditions de la Chaire Jean
Monnet Université de Lorraine, 2012_ pp.181-204, spéc., p.181.
820
Ibid.,
821
Pour étude détaillée sur ces aspects, v. PLANCQ ( P.), L’influence des positions dominantes sur les marchés
non- dominés, Mémoire de droit privé économique, Université de Montpellier 1, année universitaire 2013-2014,
101p.
822
Pour une analyse complète de l’arrêt et de ses répercussions en termes de pratique décisionnelle, v. SIBONY
( A.- L.), « La CJUE rend son premier arrêt sur l’abus par compression des marges et confirme que le ciseau
tarifaire constitue un abus même lorsque l'un des éléments du tarif de l’entreprise en position dominante a été
approuvé par le régulateur sectoriel », Concurrence, chronique Pratiques Unilatérales, 2011/1, pp.91-95.

149
par le régulateur sectoriel, il appartient à l’entreprise dominante d'auto- évaluer la licéité de ses
pratiques de marché au regard des exigences de concurrence823 .
L’abus de domination doit donc être fortement contrôler afin de permettre un accès
équitable au marché ouvert à la concurrence et pour rendre cette dernière effective. L'on
comprend ainsi les obligations imposées aux opérateurs potentiellement dominant dans les
services publics de réseau. Toutefois ce comportement prohibé n'est pas le seul à être individuel.
Il y a aussi un comportement individuel plus interne lui à l’opérateur mais, qui peut fortement
affecter la concurrence ; il s’agit des subventions anticoncurrentielles.
PARAGRAPHE 2 : Les subventions anticoncurrentielles

Il faut dire que ces pratiques peuvent être assimilables aux abus de position dominante,
mais en réalité elles ont leur spécificité. Lorsque l'on parle de subventions anticoncurrentielles
il faut distinguer celles qui sont le fait des États et que l'on désigne sous le vocable d’aides
d’État d’une part (B), et d’autre part, les subventions croisées (A).

A/- Les subventions croisées dans les services publics de réseau


Nous analyserons nous la question des subventions croisées (1) avant de voir son régime
(2).

1/- La problématique des subventions croisées des opérateurs

Les services publics en réseaux ouvert à la concurrence au Cameroun se caractérisent


par l’existence d’opérateurs historiques anciennement investis en monopole du droit de fournir
un certain nombre de services sur le territoire national. De façon générale, de telles activités
étaient peu rentable, cet opérateur bénéficie de financements publics ou lorsqu’il exerce
d’autres activités, du droit de pouvoir opérer une compensation entre les activités de service
public et ses activités concurrentielles. Seulement, la libéralisation des secteurs économiques
n’a fait que biaiser un tel avantage_ car certains opérateurs historiques qui disposent d’une
gamme de services peuvent fixer le prix de services ouverts à la concurrence comme la
téléphonie mobile ou l’accès à internet, en de ça de leur coût et le manque à gagner subventionné
par les profits de services monopolistiques. Une telle situation est d’autant plus préoccupante
que les opérateurs historiques ont longuement justifiés ce comportement par les contraintes de
services publics ou d’intérêt général. De sorte que tout opérateur entrant a des difficultés à

823
V. SIBONY ( A.- L.), « La CJUE rend son premier arrêt sur l’abus par compression des marges et confirme
que le ciseau tarifaire constitue un abus même lorsque l'un des éléments du tarif de l’entreprise en position
dominante a été approuvé par le régulateur sectoriel », Concurrence, chronique Pratiques Unilatérales, 2011/1,
pp.91-95.

150
s’adapter au jeu de la concurrence. En réalité il hésitera à y entrer. Ce qui aura pour conséquence
de faire de l’ouverture à la concurrence une utopie. C'est dans ce sens donc que les textes
juridiques sectoriels camerounais ont posés le principe de l’interdiction des subventions
croisées824, peu importe l’opérateur. Cette interdiction ne souffre pas de dérogation comme
semble le montrer son régime.

2/- Le régime des subventions croisées


Il s’agit ici des méthodes pouvant être utilisé par les autorités de régulation pour
desceller ces subventions croisées. Ainsi en plus de l’interdiction, les textes juridiques sectoriels
imposent une séparation des comptabilités ayant pour finalité de séparer les coûts entre les
différents services fournit par un opérateur, afin de déterminer le coût de fourniture de chaque
service825, lequel est ensuite comparé aux recettes qu'il génère, pour voir si ce service lui profite
ou non.
Les opérateurs en position dominante sur le marché des communications électroniques
doivent donc individualiser sur le plan comptable les activités autorisés. Cependant il faut
souligner que le principe de la filialisation n'est pas posé par les textes juridiques. Alors même
que cette méthode est facteur de plus de transparence et permet en outre de déceler les
subventions croisées. Toutefois, le législateur camerounais ne l'a pas exclu. Nous pouvons
supposer, et c’est à décrier, qu'il laisse le choix aux différents opérateurs.

L’autre méthode de lutte contre les subventions croisées est le rééquilibrage tarifaire.
Ainsi, les autorités de régulation disposent du pouvoir, dans le cas où un fournisseur d’accès
abuse d’une position dominante ou à des pratiques restrictives pour imposer des tarifs élevés
ou trop faibles sans rapports avec les charges encourues. L’autorité de régulation pourra alors
fixer des prix plafonds ou plancher fixant le bénéfice net généré par le service concerné à un
pourcentage adéquat par rapport à la valeur des immobilisations nettes affectées à ce service826.

824
Art. 10 al. 1 du Décret n°2012/1640/PM du 14 juin 2012 fixant les conditions d’interconnexion, d’accès aux
réseaux de communications électroniques ouverts au publics et de partage des infrastructures.
825
V. GALANO (C.), « Objectifs et enjeux de la séparation comptable », in Les sujets de séparation et
dissociation comptable sont-ils encore d’actualité pour le régulateur ?, Synthèse de conférence. Séminaire du
Club des régulateurs, Université Paris- Dauphine, 29 septembre 2017, disponible en ligne à l’adresse
http://chairegovreg.fondation-dauphine.fr, consulté le 08 août 2019, pp.3 et suiv.
826
V. DECHAVANNE (I.), « Pourquoi une séparation comptable dans le ferroviaire ? », in Les sujets de
séparation et dissociation comptable sont-ils encore d’actualité pour le régulateur ?, op cit., pp.9 et suiv.

151
B/- Les subventions par les pouvoirs publics : les aides d’État
Le droit des aides d’État a pour objectif l’encadrement du dirigisme économique de
l’État827. Ces derniers étant souvent enclins à soutenir financièrement les entreprises nationales
ou des « champions nationaux »828, au détriment des autres concurrents. Les aides publiques
sont alors perçues comme des instruments offensifs et ont pour objectif de conforter la position
de ces entreprises nationales qui peuvent être des opérateurs historiques dans les industries de
réseau. Ces aides se retrouvent bel bien dans le cadre des activités génératrices d’externalités
de consommations comme les industries de réseau. Ce droit des aides d’État est un mécanisme
de contrôle de l’interventionnisme étatique dans l’économie829. Il s’agit de préserver l’égalité
des chances des acteurs économiques dans le marché.
Ainsi, le législateur communautaire CEMAC pose comme principe que les aides
publiques susceptibles de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines
productions sont interdites830. Les aides publiques interdites peuvent prendre diverses formes
en droit CEMAC comme les subventions, les exonérations fiscales, des garanties de prêt à des
conditions particulièrement favorables, de couverture de pertes exploitation831, la liste est loin
d’être exhaustive. Le droit des aides d’État n'est pas un droit d’interdiction absolu des soutiens
étatiques832, il est alors possible de déroger à cette incompatibilité de principe.
Le législateur communautaire CEMAC exclus de la catégorie des aides d’État les
mesures de compensation en faveur d’une entreprise chargée d’obligations de services publics
dès lors que les obligations sont strictement définies ; la compensation elle aussi est
préalablement définies et établie de façon objective et transparente sans octroi d'un avantage
économique susceptible de favoriser l’entreprise bénéficiaire par rapport à ses concurrents. De
même cette compensation ne doit dépasser ce qui est nécessaire au regard des recettes et du
bénéfice raisonnable envisagés pour l’entreprise. Plus encore, il est prévu que ladite
compensation est calculée sur la base d’une analyse des coûts, qu’une entreprise moyenne et
bien gérée, a supportés pour satisfaire les exigences des obligations de services publics833.

827
PIERSON (M.), Aides d’État et politiques de l’Union européenne : contrôle communautaire des interventions
étatiques ou interventionnisme communautaire, Thèse de droit, Université Montesquieu Bordeaux 4, 2011, p.20.
828
Sur ce point voir FRISON-ROCHE (M.-A.), « Proposition pour une notion : l’opérateur crucial », Recueil
Dalloz, n°27, 2006, pp.1895 et suiv., spéc., pp.1897 à 1898.
829
V. DE BRANDT ( P.) et VANDERHELST ( M.), L’intervention publique dans la sphère économique :
fondements, principes et limites, Bruxelles, Larcier, 2013, 208p.
830
Art. 78 du Règlement n°06/19-UEAC-639-CM-33 du 7 avril 2019 relatif à la concurrence
831
Art. 78 al. 2 du Règlement n°06//19-UEAC-639- CM-33 du 07 avril 2007 relative à la concurrence.
832
V. SÁNCHEZ RYDELSKI ( M.), The EC stage aïd regime : distortive effets of state aïd on competition trade,
Londres, Cameron Mât, 2006, pp.145-182, cité par PÉJOUT ( O.), La conditionnalité en droit des aides d’État,
Thèse de droit public, Université de Bordeaux, 2017, spéc., p.51.
833
Art. 79 du Règlement n°06/19-UEAC-639-CM-33 du 7 avril 2019 relatif à la concurrence

152
Il faut dire que ce contrôle relève de la compétence exclusive du régulateur
communautaire CEMAC de la concurrence lorsque l’impact est entre États834. Le régulateur
communautaire peut assortir l’autorisation de conditions. Il dispose alors d’une certaine étendue
pour apporter des modifications au projet d'aide d’État et même pourquoi pas dur la politique
économique835. L’idée étant que le simple fait pour un État de vouloir éviter que son projet soit
identifié comme une aide d’État peut le conduire à respecter des conditions que ce droit a
précédemment fixées pour être compatible avec le marché. Dès lors, le comportement qui en
résulte est assimilable à la présence d’une variable ex ante, en ce que le projet est influencer
sans pour autant qu’il entre formellement dans la catégorie des aides d’État. Les projets d'aides
d’État qui répondent aux critères de l’une des dérogations possibles seront alors autorisés.
Le problème des aides d’État comme par ailleurs l’évocation des pratiques
anticoncurrentielle, ravive la problématique de la coordination, de la coopération entre les
autorités de régulation communautaire et celles nationales. Le droit communautaire CEMAC
n'est pas en reste sur cet aspect en ce qu'il a pris soins de délimiter le champ de compétence des
différentes autorités de régulation836. Il reste auxdits organismes d’accentuer au quotidien cette
coordination. La nécessité face à l’évolution des secteurs économiques est réelle. À côté des
pratiques individuelles, les textes de régulation interdisent aussi les pratiques collectives
anticoncurrentielles.

SECTION 2 : LES COMPORTEMENTS COLLECTIFS CONCURRENTIELS


PROHIBÉS DES OPERATEURS DES SERVICES PUBLICS EN RESEAUX
Le législateur interdit pour préserver une saine concurrence les pratiques collectives
telles que les ententes (paragraphe 1) et les concentrations d’entreprises (paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : Les ententes illicites des opérateurs
Le législateur pose en substance comme principe la prohibition des accords et ententes
entre personnes physiques et/ou morales jouissant d’une autonomie commerciale et ayant pour
effet de restreindre ou d’éliminer sensiblement la concurrence sur le marché837. Toutefois, une
analyse approfondie permet de nuancer ce principe. Nous analyserons la constitution de
l’entente (A) avant de voir les conditions d’admission (B).

834
Art. 20 du Règlement n°06//19-UEAC-639- CM-33 du 07 avril 2007 relative à la concurrence.
835
V. SMITH ( M.), « Integration in small steps : The European commission ans membre state aid to industry »,
Journal S’est European Politics, vol. 19, n°3, 1996, pp.563-582, cité par PÉJOUT ( O.), La conditionnalité en
droit des aides d’État, op cit., p.52.
836
V. Arts. 25 et s., du Règlement n°06//19-UEAC-639- CM-33 du 07 avril 2007 relative à la concurrence ;
Directive n°01/19-UEAC-639-CM-33 relative à l’organisation institutionnelle dans les États membres de la
CEMAC pour l’application des règles communautaires de la concurrence.
837
Art. 5 de la loi n°98/013 relative à la concurrence.

153
A/- Les éléments constitutifs de l’entente
Il y a d’une part l’existence d’un concours de volonté (1) et d’autre part, l’atteinte à la
concurrence (2)
1/- Le concours de volonté des entreprises
Il faut dire que comme le contrat 838 , l’entente se caractérise par son processus de
création : elle est issue d'un concours de volontés 839 . Le concours de volonté se forme par
l’adhésion expresse ou tacite de deux ou plusieurs entreprises à un objet commun qui est en lui-
même restrictif de concurrence ou alors que sa réalisation soit susceptible de restreindre la
concurrence. L’existence d'un concours de volonté n’exige pas une véritable convention au sens
du droit des obligations. Le concours de volontés caractérise alors la concertation répréhensible.
Ainsi est-il requit quelle que soit la forme juridique empruntée par l’entente : accords entre
entreprises, on distingue les accords horizontaux qui réunissent les entreprises au même niveau
dans une filière et les accords verticaux c’est-à-dire ceux conclus entre entreprises à des niveaux
différents dans une filière, par exemple entre des distributeurs et fournisseurs ; décision
d’association d’entreprises ou pratiques concertée840.
La notion d'entente couvre ainsi tous les actes par lesquels plusieurs opérateurs limitent
volontairement leur liberté de déterminer leur stratégie sur le marché. Il faut donc que les
entreprises soient juridiquement indépendantes et financièrement autonomes l’une de l'autre841.
A contrario donc, l'on ne peut parler d’entente entre entreprises d'un même groupe, autrement
dit, les filiales contrôlées par une société mère n’ont pas d’autonomie juridique et forment une
seule entité économique842.
La volonté constitue le fondement de l’entente et la mesure de ses effets, les entreprises
ne sont alors sanctionnées que pour des comportements qu’elles ont volontairement adoptés et
non du seul fait qu’elles se trouvent situées sur certains marchés843. La volonté a en droit des
ententes un pouvoir légitimant. On peut admettre avec Emmanuel Claudel 844 que ce sont alors

838
En ce sens, v. GHESTIN (J.), « Les obligations, Le contrat : formation », op cit., p.212.
839
CLAUDEL ( E.), Ententes anticoncurrentielle et droit des contrats, op cit., n°10.
840
GUYENOT ( J.), Le régime juridique des ententes et des concentrations d’entreprises dans le marché commun,
Thèse de droit, Université de Paris, 1971, p.72.
841
V. AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE, Rapport annuel pour l’année 2009, disponible en ligne à l’adresse
http://www.autoritédelaconcurrence.fr, consulté le 27 juillet 2019, p.185.
842
V. GLAIS ( M.), « Six ans de répression des ententes illicites et des abus de position dominante. Un bilan de
l’activité de la Commission de la concurrence », R.T.D. Comme., 1984, p.17.
843
VOGEL (L.), « L’influence du droit communautaire sur le droit français de la concurrence », J.C.P. éd. G.,
1992, n°3550, p.33.
844
CLAUDEL (E.), Ententes anticoncurrentielle et droit des contrats, op cit., pp.121 et s.

154
des arguments de logique et d’équité qui conduisent à vérifier que la perturbation du marché
est issue d’un processus volontaire. L’argument de logique est admis du fait que l'on ne peut
soutenir la répression du seul fait qu'il y a perturbation du marché, le pouvoir d’injonction de
mettre fin donc bénéficient les autorités de régulation n'a pas de sens si le dysfonctionnement
n'est pas imputable aux entreprises, si elles n'en n’ont pas la maîtrise.
De ce qui précède, l'on peut voir émerger les preuves de la volonté collusive845. Les
textes juridiques laissent transparaître comme mode de preuve le recours aux présomptions.
Certes la preuve directe des volontés la plus satisfaisante serait la production d’écrits ou de
témoignage, mais il faut se soumettre à la réalité caractérisée par une raréfaction des accords
formels. Dès lors, le contrôle admet en principe les moyens de preuve indirecte,
circonstancielles846. Ainsi, on admet que l’observation d'un comportement de fait sur le marché
constitue un indice sérieux de concertation, à l’exemple d’une pratique de prix anormalement
bas, ou encore l’existence manifeste d'un parallélisme comportemental 847 surtout lorsqu’ils
aboutissent à des conditions de concurrence qui ne correspondent pas aux conditions normales
du marché, compte tenu de la nature du produit, de l’importance et du nombre des entreprises
ainsi que du volume du dit marché848.
2/- L’atteinte à la concurrence
L’entente doit porter atteinte à la concurrence soit par le but qu’elle poursuit, soit par le
résultat qu’elle produit, ce qui lui confère une certaine spécificité, notamment dans
l’appréciation de l’illicite 849 . Ainsi, dès lors que l'action des entreprises est source de
perturbations les autorités de régulation doivent intervenir. Il faut encore qu’un lien de causalité
existe entre la perturbation et l’entente. Le Conseil de la concurrence dans son rapport d’activité
pour 1990 disait déjà que « la démonstration du fait que la pratique a eu un effet sur la
concurrence n'est (…) pas nécessaire dès lors qu’il est établit que son objet était

845
Pour une étude détaillée sur la question v. CLAUDEL ( E.), Ententes anticoncurrentielle et droit des contrats,
op cit., n°165 et s.
846
V. DUPONT (L.), « La preuve des pratiques anticoncurrentielles en droit français », R.C.C., n°74, juillet-aout
1993 ; KNOCHENHAUR (A.), « La preuve des pratiques anticoncurrentielles en droit allemand », R.C.C., n°78,
mars-avril 1994, p.15.
847
Il s’agit d’une méthode d’analyse qualifiée de structurelle parce que fondée sur l’appréciation de la structure
du marché, v. GLAIS (M.) et LAURENT ( P.), Traité d’économie et de droit de la concurrence, Paris, PUF, 1983,
spéc., p.234 ; GLAIS ( M.), « Six ans de répression des ententes illicites et des abus de position dominante. Un
bilan de l’activité de la Commission de la concurrence », R.T.D. Comme., 1984, p.17 ; WATHELET (M.),
« Pratiques concertées et comportements parallèles en oligopole : le cas des matières colorantes », R.T.D.E., 1975,
p.663.
848
V. C. J.C.E., Aff. . 48, 49, 51, à 57/69, du 14 juillet 1972, Impériale Chemical industries LDT, Rec., 1972,
p.619 ; WATHELET (M.), « Pratiques concertées et comportements parallèles en oligopole : le cas des matières
colorantes », R.T.D.E., 1975, p.663.
849
CLAUDEL (E.), Ententes anticoncurrentielle et droit des contrats, thèse de droit, Université de Paris X
Nanterre, 1994, n°10, p.18.

155
anticoncurrentiel ou qu’elle aurait pu avoir un effet anticoncurrentiel » 850 . Cette posture
démontre deux choses : la première étant que « les notions d’objet et d’effet établissent le lien
de causalité entre la perturbation de concurrence et l’entente » .
La seconde chose est que ces deux critères à savoir l’objet851 et l’effet, sont alternatifs852.
La lecture de la loi sur la concurrence au Cameroun, semble offrir une lecture différente : le
législateur fait expressément référence aux effets des ententes 853. Dès lors, il n'est nullement
besoin de tenir compte des intentions des parties à l’entente. La simple potentialité objective
d’une altération de la concurrence ou des prix suffit854. La conséquence ici est qu’en réalité, il
n’existe pas des ententes prohibées par nature, ce que le droit français semble lui admettre855.
L’idée est que la notion d’atteinte à la concurrence est relative dès lors un comportement
d’entreprise est rarement anticoncurrentiel par nature, c’est donc la prise en considération du
contexte qui va permettre d'en mesurer la nocivité.
Plus précisément, l’entente doit consister à limiter l’accès même sur le marché ou à
l’exercice de l’activité commerciales. L'on sous-tend que pour les partisans à une entente à un
nombre très important d’opérateurs économiques réduit le chiffre d’affaires de ceux qui y sont
déjà d’où la tendance à entraver l’accès des nouveaux opérateurs sur le marché. Cette entrave
peut alors être portée à travers les clauses de non concurrence, d’exclusivité de réseau de
distribution. De sorte que c’est l’altération du marché par les entreprises qui constituent le fait
générateur de la prohibition. Il en est de même, lorsque l’entente a pour effet une limitation
volontaire des quantités produites de même ces entraves n’incitent pas au progrès techniques
de modernisation. Dès lors, Le jeu de la concurrence est empêché lorsqu’il est totalement
paralysé. Il est restreint lorsque la liberté de certaines décisions économiques est limitée. Il est

850
Rapport d’activité du Conseil de la concurrence pour 1990, p. XXX, cité par CLAUDEL (E.), Ententes
anticoncurrentielle et droit des contrats, op cit., p.34.
851
Il renvoie à l’intention des parties, c'est le cas « lorsque les professionnels transgressent la loi en toute
connaissance de cause, c’est-à-dire ayant conscience des effets normalement prévisibles des pratiques qu’ils
entendent mettre en œuvre », SELINSKY ( V.), L’entente prohibée, Thèse de droit privé, Paris, Librairies
techniques, 1978, n°397 ; BLAISE ( J. B.), Le statut juridique des ententes économiques dans le droit français et
le droit des communautés économiques, Thèse de droit privé, Paris, Librairies techniques, 1964, p.172.
852
CLAUDEL (E.), Ententes anticoncurrentielle et droit des contrats, op cit., p.34. Une partie de la doctrine voit
dans ces critères une hiérarchisation qui ferait de l’effet ou la potentialité d’effet un critère subsidiaire, cette analyse
est fondée sur les analyses du droit communautaire v. GOLDMAN (B.) LYON-CAEN (A.) et VOGEL (L.), Droit
commercial européen, op cit., p.384.
853
Art. 5 de la loi n°98/013 relative à la concurrence, l’article 3 de la même loi pose l’effet comme un le critère de
la prohibition des pratiques anticoncurrentielles.
854
BLAISE (J.B.), Le statut juridique des ententes économiques dans le droit français et le droit des Communautés
européennes, op cit., p.173.
855
Le Conseil de la concurrence l’évoque dans un rapport est estimant que les pratiques anticoncurrentielles sont
prohibées « dès lors qu’elles ont un objet ou même seulement une potentialité d’effet anticoncurrentiel et qu’il est
indifférent, à cet égard, que ces pratiques aient eu peu ou n’aient eu même aucun effet sur le marché », in Rapport
d’activité pour 1993, p. XIV ; BOUTARD-LABARDE ( M. C.) et BUREAU (D.), « La détermination du marché
pertinent », R. J. D. A., 1993/11, p.743, spéc., p.748.

156
faussé lorsque les conditions des échanges telles qu’elles résulteraient de la structure du marché
et de la conjoncture sont modifiées856.
Doit-on recourir à la définition du marché pertinent ici ? Un rapport du Conseil de la
concurrence français pour 1987 offre une réponse, on peut y lire que « la définition du marché
pertinent peut, dans certaines circonstances, constituer un préalable nécessaire à l’étude de
certaines ententes ou conventions susceptibles d’être visées par les dispositions de
l’ordonnance de 1086 » de sorte que cela ne revêt pas un caractère systématique857 en droit
interne par rapport au droit communautaire européen 858 . Aujourd’hui la doctrine française
semble aller dans le sens du droit européen 859 : Il faut donc pour apprécier l’atteinte à la
concurrence déterminer le marché en cause860. Seulement nous n’évoquerons pas cet aspect ici
à nouveau. Il faut dire que la prohibition des ententes n'est pas absolue. Le législateur
camerounais a aménagé à la suite du législateur communautaire CEMAC des conditions
d’admission des ententes.

B/- Les conditions d’admission des ententes


La dérogation à l’interdiction des accords et ententes, prévue à l’article 5 de la loi
camerounaise sur la concurrence, est soumise au respect de deux conditions. D’une part les
accords et ententes doivent être préalablement notifiés à la Commission nationale de la
Concurrence. D’autre part, ladite autorité doit conclure que ces accords et ententes apportent
une contribution nette à l’efficience économique à travers par exemple la réduction du prix du
bien ou du service objet de l’entente ou de l’accord861.
L’exigence d’une notification préalable évoque l’idée d'un contrôle a priori des accords
et ententes en matière de concurrence au Cameroun. Il ne s’agit pas d'un principe comme en
matière de concentration. Ici les opérateurs partis à une entente peuvent ne pas informer les
autorités de régulation. Mais plutôt d'une condition essentielle d’admission de l’entente. La
Commission nationale de la concurrence doit alors vérifier si l’entente apporte une contribution
nette à l’efficience économique, à l’instar de la réduction du prix ou l’amélioration du service,

856
GOLDMAN ( B.), LYON-CAEN ( A.), et VOGEL ( L.), Droit commercial européen, 5e éd., Paris, p.352.
857
Rapport cité par CLAUDEL (E.), Ententes anticoncurrentielle et droit des contrats, op cit., p.24.
858
Où ladite définition est une nécessité préalable, v. TPICE, 10 mars 1992, aff. T. 68/89, Societa Italiana Vetro,
Rec. II, p.1403.
859
V. LUCAS DE LEYSSAC « Expose introductif », in Conquête de la clientèle et droit de la concurrence,
actualités et perspectives françaises, allemandes, communautaires et américaines, colloque du 6 décembre 2000,
disponible en ligne à l’adresse http://www.creda.ccip.fr, consulté le 09 mai 2019, spéc., pp.19 et suiv.
860
BOUTARD-LABARDE (M.-C.), et BUREAU (D.), « La détermination du marché pertinent », R. J.D.A.,
novembre 1993, chr., p.743.
861
Art. 6 de la loi n°98/013 relative à la concurrence.

157
et donc qu’elle n’abîme pas le marché. Il revient alors aux différentes personnes parties à
l’entente de fournir à l’autorité de la concurrence toutes les informations nécessaires prouvant
le caractère pro-concurrentiel de l’entente projetée.
La conclusion de la Commission équivaut alors à une autorisation 862 accordée aux
parties à une entente. Il faut dire que rien ne s’oppose au fait que l’autorisation accordée soit
alors assortie d'un ensemble d’obligations imposées aux parties à l’opération d’entente. Dans
ce cas, les entreprises doivent s'y conformer impérativement. Il peut, mieux il doit s’installer
un dialogue ici entre les autorités de régulation et les parties à l’entente. En effet, il est prévu
que l’autorité nationale de concurrence saisie l’autorité de régulation sectorielle pour toutes
questions intéressant le secteur régulé concerné par l’application du droit de la concurrence863.
Le législateur camerounais tout comme le législateur communautaire CEMAC ne voit
pas en l’entente une pratique foncièrement mauvaise pour le marché. Ainsi imposent-ils un
contrôle a priori de ce comportement posant ainsi les jalons d'un dialogue et d’une transparence
dans la vie des affaires autant sur le plan national que communautaire. Le droit communautaire
OHADA n'en exige pas moins. La même lecture émerge en matière de concentration
économique avec encore plus d’acuité et dans une optique innovante pour les secteurs régulés
camerounais.

PARAGRAPHE 2 : Les concentrations économiques des opérateurs


La concentration est au centre de la concurrence, conçue comme compétition. En effet,
la concurrence comme rivalité semble avoir pour voie que la conquête de la clientèle, alors que
la concurrence comme compétition admet en plus l’idée que les entreprises peuvent poser des
opérations qui visent à contrôler leurs concurrents864. Nadine Toussaint- Desmoulins écrit en
matière d’audiovisuel que « la concentration diminue le nombre d’entreprises opérant sur le
marché, accroit le pouvoir de celles qui subsistent, porte atteinte au pluralisme des médias et
limite le choix des usagers »865. Afin donc de sauvegarder la diversité d’opérateurs dans les
industries de réseau ainsi que le maintien d’une concurrence saine sur le marché, le législateur
prohibe toute forme de concentration économique dans les secteurs ouvert à la concurrence.

862
Arts. 6 et 7 al. 1 de la loi n°98/013 du 14 juillet 1998 relative à la concurrence.
863
V. Art. 11 De la directive relative à l’organisation institutionnelle dans les États membres de la CEMAC pour
l’application des règles communautaires de la concurrence du 08 avril 2019.
864
V. CORNU (G.), Vocabulaire juridique, op cit, v° « concurrence » ; LUCAS DE LEYSSAC (C.) et
PARLEANI (G.), Droit du marché, Paris, PUF, 2002, p.102.
865
TOUSSAINT-DESMOULINS (N.), « Les entreprises de communication audiovisuelle : concurrence et équité
concurrentielle », in MBONGO (P.), PICCIO (C.) et RASLE (M.), (S/dir.), La liberté de la communication
audiovisuelle au début du 21e siècle, Paris, L’Harmattan, 2013, p.43.

158
Le contrôle des concentrations se caractérise alors par l’analyse ex ante des effets d’une
opération dépassant des seuils préfixés, il peut faire donc l’objet d’étude autonome au sein des
instruments du droit de la concurrence 866 . Nous analyserons d’une part les modalités de
réalisation des concentrations économiques (A) avant de voir le régime du contrôle de cette
pratique (B).
A/- Les modalités de réalisation des concentrations économiques
En droit communautaire CEMAC, une opération de concentration est réalisée lorsque
d’une part, deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes fusionnent, d’autre part
lorsqu’une ou plusieurs entreprises acquièrent directement ou non, que ce soit par prise de
participation au capital, par contrat ou par tout autre moyen, le contrôle de l’ensemble ou des
parties d’une ou plusieurs entreprises. Le législateur camerounais va dans le même sens867. Il
en résulte que l’opération de concentration économique emprunte diverses techniques
juridiques connues du droit OHADA des sociétés. De ce fait ces opérations ne sont pas
interdites a priori, elles font l’objet d'un contrôle qui peut aboutir ou non à une interdiction, ce
qui fait la particularité de cette pratique. Il est admis que la concentration se fait donc
généralement par deux procédés ; la fusion et la prise de participation ou acquisition.
On entend par fusion, tout transfert de patrimoine d’une ou plusieurs entreprises à une
autre, donnant lieu à une nouvelle société ou à l’absorption de la société qui cède son
patrimoine868.Autrement dit, les sociétés existantes perdent leurs personnalités morales ceci au
profit de la nouvelle société. Mais, il peut aussi avoir fusion par absorption d’une société par
une autre, ce qui entraîne donc la transmission à titre universel du patrimoine de la société ou
des sociétés qui disparaissent du fait de la fusion à la société absorbante ou à la société
nouvelle869.
L’acquisition quant à elle, est tout transfert de la totalité ou partie des actions, actifs,
droits et obligations d’une ou de plusieurs sociétés à une autre société et permettant à cette
dernière d’exercer une influence déterminante sur la totalité ou une partie des activités des
entreprises faisant l’objet de transfert 870 . L’acquisition peut donc se faire par la prise de
participation au capital social d’une entreprise.

866
MARSON (G.), « Contrôle des concentrations économiques », in Dictionnaire des régulations, Fiche 24,
pp.228-236, disponible en ligne à l’adresse http://boutique’lexisnexis.fr/4874-dictionnaire-des-regulations-2016,
consulté le 26 juillet 2018, spéc., p.229.
867
V. NANDJIP MONEYANG (S.), « Les concentrations d’entreprises en droit interne et en droit communautaire
CEMAC », Juridis Périodique, n°73, janvier-février-mars 2008, pp.65-79.
868
Art. 15 (a) de la loi n°98/ du 14 juillet 1998, relative à la concurrence.
869
Art. 189 de l’acte uniforme OHADA organisant les sociétés commerciales et les groupements d’intérêt
économique (ci-après AUSGIE).
870
Art. 15 (b) loi n°98/013 du 14 juillet 1998, relative à la concurrence.

159
En matière de communication audiovisuelle une personne physique ou morale de droit
privé titulaire d’une licence peut détenir directement ou indirectement une participation au
capital social et/ou des droits de vote d’un autre opérateur titulaire d’une licence ayant le même
objet social, toutefois, ladite participation ne peut dépasser trente pour cent du capital ou des
droits de vote, et en aucun cas, cela doit lui conférer le contrôle de la société dans laquelle il
détient ladite participation871. Le juge européen a eu à juger qu’une prise de participation même
minoritaire peut constituer une entente concentrationnaire 872 . L’acquisition marque alors la
volonté de contrôler l’activité d’une autre entreprise, lorsqu’elle se fait dans une société qui
relève du même secteur d’activité, soit alors, une volonté de diversification de l’entreprise qui
réalisé ainsi une forme de placement d’investissement dans un secteur d’activité différents. Seul
le premier aspect nous intéresse ici873. À ce propos, en droit camerounais de l’audiovisuel, il est
pour un opérateur de détenir le contrôle des activités d'un autre opérateur titulaire d’une licence
ayant le même objet social874. C’est la raison pour laquelle dans les autres secteurs régulés, les
opérateurs doivent informer les autorités de régulation sur les modifications intervenus aussi
bien en ce qui concerne le capital social, que les dirigeants des entreprises.
Le législateur français prévoit un régime anti- concentrations plus flexible en ce sens
qu’il permet à un opérateur de détenir dans un service de médias télévisuels une part allant
jusqu’à 50℅ des entreprises exploitant un service à diffusion hertzienne et une part illimité pour
ce qui est des services câblés. Il est en revanche interdit à la même personne de détenir plus de
15℅du capital, s’il est actionnaire dans deux services de radiotélévision875.
La fusion ou l’acquisition ne deviennent anticoncurrentielles que si elles entravent
l’entrée de nouveaux concurrents dans le marché, on pense aux barrières tarifaire et non tarifaire.
Ou si elles entravent la sortie du marché en cause en restreignant les possibilités de choix des
fournisseurs et/ou des utilisateurs876. Il est aussi pris en compte le degré de concurrence entre
les centres de décision autonomes existant dans le marché l’éventualité de disparition du marché
d’une entreprise partie prenante à la fusion ou à l’acquisition ou aux actifs faisant l’objet de
transfert877. La concentration est donc un risque de modifications durable des structures du
marché d’où la nécessité de contrôler ces opérations de concentration.

871
Art. 31 als. 1 et 2 de la loi n°2015/007 régissant l’audiovisuel.
872
V. CJCE, 17 November 1987, British American Tobacco Company.
873
V. CHADEFAUX (M.), Les fusions de sociétés : régime juridique et fiscal, 2e éd., La Villegerin, 1995, n°4.
874
Art. 32 de la loi n°2015/007 régissant l’audiovisuel.
875
V. TOUSSAINT-DESMOULINS (N.), « Les entreprises de communication audiovisuelle : concurrence et
équité concurrentielle », op cit., pp.46 et s.
876
GUYON (Y.), Droit des affaires, t.1 Droit commerciale générale et sociétés, Paris, Economica, 7e éd., 1992,
pp.913 et s.
877
Art. 16 de la loi n°98/013 du 14 juillet 1998, relative à la concurrence.

160
B/- Le régime juridique des concentrations économiques dans les secteurs régulés

Le contrôle des concentrations économiques permet d’assurer un fonctionnement


concurrentiel du marché par une limitation de la liberté d’entreprendre et participe de ce fait
aux objectifs de préservation de l’ordre public économique878. Ainsi le législateur impose-t-il
une obligation de notification préalable de tout projet de concentration économique peu importe
la forme qu’elle prend (1) afin de donner la possibilité aux autorités de régulation d’exercer un
contrôle qui à certains égard offre une espèce de droit de véto à ces régulateurs dans le
fonctionnement de l’entreprise (2).

1/- L’obligation de notification imposée aux opérateurs


En principe les concentrations économiques ne sont pas interdites 879 , ce n’est que
lorsqu’elle diminue ou est susceptible de diminuer la concurrence qu’elles sont interdites.
Toutefois, le législateur camerounais dispose en substance que les entreprises qui se proposent
d’effectuer une opération de fusion ou d’acquisition et dont le chiffre d’affaires conjoints et
ceux des entreprises affiliées prises séparément dépassent des seuils fixés par arrêté du ministre
en charge de la concurrence sur proposition de la commission nationale de la concurrence,
doivent déclarer à cette Commission leur intention, ils ne peuvent réaliser leur opération dans
un délai de trois mois à compter de la date de réception par la Commission de la déclaration880.
La même posture est observable en droit français, l’opération de concentration lorsqu’elle
remplit les conditions des articles L. 430-1 et L. 430-2 du code du commerce doit être notifiée
avant sa réalisation effective qui est ainsi soumise à une autorisation donnée par l’autorité de la
concurrence881.
Cette notification préalable incombe alors aux personnes morales ou physiques qui
acquièrent le contrôle ou à toutes les parties concernées dans le cadre d’une fusion. La
notification devient donc conjointe882. De façon plus pratique, la notification peut intervenir dès
lors que la ou les parties sont en mesure de présenter un projet suffisamment abouti, ceci pour
permettre l’instruction du dossier et notamment lorsqu’elles ont conclu un accord de principe,
signé une lettre d’intention ou dès l’annonce d’une offre publique883. Cette perspective française
est retenue aussi au Cameroun.

878
PEZ (Th.), « L’ordre public économique », op cit., p.46.
879
Art. 14 al. 1 de la loi n°98/013 sur la concurrence
880
Art. 18 de la loi n°98/013 sur la concurrence.
881
Art. L.430-4 code du commerce.
882
Art. L. 430-3 du code du commerce.
883
Art. L.430-3 code du commerce.

161
L’article 18 de la loi du 14 juillet 1998 relative à la concurrence stipule que les
entreprises qui se proposent d’effectuer une opération de fusion ou d’acquisition et dont les
chiffres d’affaires conjoints et ceux des entreprises affiliées prises séparément dépassent les
seuils fixes par arrêté du ministre chargé de la concurrence sur proposition de la commission
nationale de la concurrence (ci-après Commission) doivent déclarer à cette Commission, leur
intention de fusionner et ne peuvent réaliser leurs opérations dans un délais de trois mois à
compter de la date de réception par la Commission de la déclaration. Il s’agit bel et bien ici
d’une obligation de notification préalable.
Cependant, il faut souligner que le délai camerounais est plus long que celui de droit
français qui est normalement de vingt-cinq jours ouvrables à compter de la date de réception de
la notification complète884. Toutefois, toutes opérations qui aboutissent à un changement de
contrôle d’une entreprise a-t-il besoin alors d’être notifiée ? En droit français et européen,
l’opération doit pour cela dépasser certains seuils, c’est-à-dire, atteindre une dimension à partir
de laquelle elle est susceptible d’affecter la structure du ou des marchés pertinents 885 .
Généralement ces seuils s’expriment en termes de chiffre d’affaire 886 . Le législateur
camerounais fait le même choix887. Le droit communautaire OHADA par exemple, stipule que
lorsqu’une société possède dans une autre une fraction du capital égale ou supérieure à 10%, la
première est considérée comme ayant une participation dans la société888.
Il faut ici rappeler que les parties à la concentration doivent être très prudentes dans la
phase précédente la notification. Il faudrait que ces dernières puissent éviter certains écueils889
parmi lesquelles le manquement à l’obligation de notification. Mais plus notamment en ce qui
concerne les échanges d’informations commerciales sensibles, car une telle pratique est
susceptible de constituer une infraction à la prohibition des ententes anticoncurrentielles890. Les
parties ne doivent donc pas échanger des informations sensibles durant cette période, la finalité
du régime de contrôle préalable est alors d’empêcher que les parties à l’opération cessent avant

884
V. Art. L. 430-5-2 du code du commerce.
885
V. MARQON (G.), « Contrôle des concentrations économiques », in Dictionnaire des régulations, disponible
en ligne à l’adresse http://boutique.lexisnexis.fr/4874-dictionnaire-des-regulations, 2016, n°510, p.230, consulté
le 01 avril 2019.
886
V. Art. L.430-2 du code du commerce qui fixe le seuil d’une concentration de dimension nationale ; Art. 1 du
Règlement n°139/2004 du conseil (CE) du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises,
qui fixe le seuil au niveau communautaire.
887
Art. 18 de la loi n°98/013 du 14 juillet 1998, relative à la concurrence.
888
V. Arts. 176 à 178 de L’acte uniforme OHADA organisant les sociétés commerciales et les groupements
d’intérêt économique (ci-après AUSGIE).
889
V. MARSON (G.), « Contrôle des concentrations économiques », op cit., p.232.
890
V. PUEL (F.), « Échanges d’informations, droit de la concurrence et préparation d’une opération de
concentration », Concurrences, n°4/2010, pp.69-74.

162
la date d’autorisation de se comporter comme des concurrents pour agir comme une entité
unique et que l’acquéreur exerce de manière anticipée un contrôle de droit ou de fait sur la
cible891. La notification préalable permet aux régulateurs sectoriels de contrôler les opérations
de concentration. Cette notification est assortie d’un effet suspensif sur la réalisation de
l’opération projetée.
Dès lors, le manquement à l’obligation de notification ou de déclaration constitue en tant
que tel un manquement grave et ce quelle que soit l’importance des effets anticoncurrentiels
sur le marché pertinent en cause892. En France, l’autorité de la concurrence peut enjoindre, sous
astreinte, aux parties de notifier l’opération, à moins que ces dernières ne reviennent à l’état
antérieur à la concentration 893 . Le juge administratif français 894 a eu à considérer que le
manquement à l’obligation de notification d’une opération de concentration constitue un
manquement grâce aux obligations prévues par le code de commerce, ceci même si l’opération
a ou non des effets anticoncurrentiels sur le ou les marchés. L’idée est que le non-respect de
l’obligation de notification nuit à la mise en œuvre des pouvoirs de contrôle des opérations de
concentration dévolus aux autorités de régulation, ce qui impacte sur la mission de préservation
de l’ordre public économique qui leur incombe.

2/- La vérification du projet de concentration par les autorités de régulation :


vers un droit de véto dans le fonctionnement interne des opérateurs ?

En partant du seuil du chiffre d’affaires en droit français et communautaire européen, le


contrôle des concentrations économiques implique la compétence de diverses autorités.
Cependant, sur le plan national, seul l’autorité de la concurrence est compétente895. Ce qui n’est
pas le cas au Cameroun. Les régulateurs sectoriels camerounais eux ont reçus la compétence de
contrôler les concentrations et même les autres pratiques anticoncurrentielles. L’idée est qu’en
matière de droit de la concurrence, les agences de régulation se distingueraient de l’autorité de
concurrence qu’en ce que celles-ci seraient en charge d’un segment de l’économie. Des lors,
nous pouvons remarquer que le contrôle opéré sur les projets des opérations de concentration
obéit à une double lecture dans la régulation des services publics de réseau. En fait, il y a un
contrôle qui résulte de la loi sur la concurrence et de fait est donc confié que nous pouvons

891
Auto. Conc., Décision n°16-D-24 du 8 novembre 2016, relative à la situation du groupe Altice au regard du 2
de l’article L.430-8 du code du commerce, para.187.
892
V. CE, 24 juin 2013, Colruyt France, n°360949.
893
Art. L.430-8 code du commerce.
894
V. CE., 16 juillet 2014, Société Copagef, n°375658, considérant 3.
895
V. MARSON (G.), « Contrôle des concentrations économiques », op cit, pp.230-231.

163
qualifier de « classique ou général » (a) tandis que celui qui semble émerger des lois sectorielles
et que l’on peut qualifier de nouveau est beaucoup plus étendue et on peut le qualifier de
« spécial » en ce qu'il fait référence au changement de dirigeants des entreprises (b).

a) Un contrôle général reconnu à la commission nationale de la concurrence


Les concentrations économiques sont généralement soutenues par le souci de la
compétitivité et de la recherche du profit, pouvant alors donner naissance à des situations
oligopolistique ou monopolistique ce qui est une négation de la concurrence 896 d’où le besoin
de contrôler. Il faut dire ici que le contrôle est préventif et s’exerce donc a priori. Lorsque la
concentration a pour effet de renforcer de façon substantielle la position de l’entreprise à
l’origine de l’opération897. Un tel contrôle vise donc à éviter que des entreprises regroupées ne
soient plus tard sanctionné pour n’avoir pas respecté les règles relatives à leur regroupement898.
La conséquence est alors l’annulation des actes posés. Ce contrôle assure donc plus de sécurité
aux entreprises899.
Il est tout de même à relever que ce contrôle soit passif, de sorte qu'il revient aux
entreprises qui souhaitent réaliser une opération de concentration, de s’assurer elles-mêmes de
la conformité de leur projet aux exigences de la concurrence à savoir, ne pas dépasser les seuils
légaux et ne pas créer une position dominante. L’idée étant alors qu'il est impossible aux
pouvoirs publics de détecter de façon systématique tous les regroupements d’entreprises. La
posture permet alors d’éviter qu’une entreprise soit dissoute à tort900. La CNC recherche dans
le projet de concentration quels sont les effets réels de l’opération envisagée sur la concurrence
dans le marché en cause.
Le contrôle repose alors sur des critères tels que la préservation des possibilités de choix
des fournisseurs et utilisateurs, l’évolution de l’offre et de la demande, l’intérêt des
consommateurs ainsi que l’évolution ou progrès technique et économique901 . L’appréciation
des concentrations reposerait dès lors sur le critère de la position dominante 902, et donc un

896
NANDJIP MONEYANG (S.), « Les concentrations d’entreprises en droit interne et en droit communautaire
CEMAC », op cit., p.70.
897
CJCE, 21 février 1973, Europemballage Corporation et Continental Can
898
NANDJIP MONEYANG ( S.), « Les concentrations d’entreprises en droit interne et en droit communautaire
CEMAC », op cit., p.69.
899
V. GUYON (Y.), Droit des affaires, tome 1, Droit commercial général, Paris, Economica, 7 e éd., 1992, spéc.,
pp.905-906.
900
NANDJIP MONEYANG (S.), « Les concentrations d’entreprises en droit interne et en droit communautaire
CEMAC », op cit., p.70.
901
Ibid.
902
V. GAVALDA ( C.) et PARLEANI ( G.), Droit des affaires de la Communauté européenne, 3e éd.,, Paris,
Litec, 1999, pp.33 et s.

164
recoure à la notion de marché pertinent du droit de la concurrence 903. Ainsi sanctionner la
concentration reviendrai simplement à sanctionner la position dominante qu’elle crée, de sorte
qu’il n'y aurait pas à proprement parler de sanction autonome de la concentration dans le
contexte du droit interne et du droit CEMAC904. Alors même qu’en droit européen avec l’affaire
Nestlé-Perrier, le juge a reconnu que les incidences sociales d’une concentration peuvent être
examinées si elles portent atteinte aux objectifs sociaux905. De sorte que même sans créer de
position dominante une concentration soit potentiellement nocive906.
Le contrôle donne alors lieu soit une à décision d’autorisation simple, soit à une
autorisation sous conditions ou alors une interdiction. Dans le cas d'une autorisation sous
conditions, les parties peuvent prendre alors des engagements afin de mettre en œuvre des
mesures qui vont remédier aux effets anticoncurrentielles907. L’autorisation de l’opération peut
donc être subordonnée à la réalisation effective desdits engagements 908. Quoiqu’il en soit, la
concentration économique est admise si elle est porteuse de gains d’efficience réels à
l’économie nationale dépassant les effets préjudiciables à la concurrence sur le marché et que
lesdits gains seraient atteints sans la fusion ou l’acquisition909. Les secteurs régulés camerounais
introduisent une spécificité dans le critère et de fait le domaine du contrôle. C'est le cas lorsque
le législateur camerounais donne compétence aux autorités sectorielles de régulation de
connaître outre des modifications de capital, des changements de dirigeants. Le contrôle exercé
à cet effet, sans nier ce qui vient d’être dit prend une approche particulière.

b) Le contrôle spécifique exercé par les régulateurs sectoriels camerounais : vers


un droit de véto dans le fonctionnement interne des opérateurs ?

Nous avons déjà évoqué le fait que le législateur camerounais impose une obligation
d’information des autorités sectorielles de régulation, à la charge des opérateurs des secteurs
régulés, sur toute modification intervenue et dans la répartition du capital social et dans la
direction de l’entreprise910. C’est cette dernière précision qui nous intéresse plus ici.

903
V. CA PARIS, 13 avril 1999, Dectra, BOCCRF, 12 mai, p.254.
904
NANDJIP MONEYANG (S.), « Les concentrations d’entreprises en droit interne et en droit communautaire
CEMAC », op cit., p.65.
905
TPICE, 27 avril 1995, disponible en ligne à l’adresse http:// www.alize.finances.giuv.fr/concentration, consulté
le 20 juillet 2018.
906
Art. 7 al. 2 du Règlement CEMAC n°1/99.
907
V. BLANC (F.), Les engagements dans le droit français des concentrations, Paris, LGDJ, 2015,
908
MARSON (G.), « Contrôle des concentrations économiques », op cit., n°513, p.232.
909
Art. 17 loi n°98/
910
Art. 51 de la loi n°2015/007 régissant l’audiovisuel ; Art.15 al. 2 de la loi n°2006/019 régissant l’activité postale ;
Art. 21 als. 2 et 3 de la loi régissant les communications électroniques ; Art. 45 al. 2 de la loi sur l’électricité. Cette
disposition ne se retrouve pas dans le secteur de l’aviation civile ou en matière portuaire.

165
En effet, à l’instar de la modification de la répartition du capital social911, le changement
des dirigeants est une véritable institution du droit des sociétés. L’acte uniforme OHADA912
annonce juste que la désignation ou la cessation913 des fonctions de ces derniers doit être publiée
au registre du commerce et du crédit mobilier. Il s’agit dans les deux cas d'actes de
« souveraineté » de l’entreprise puisqu’ils émanent des instances statutaires. Or les textes
juridiques sectoriels posent comme une espèce d’obligation d’informer le régulateur et
l’administration. Le droit de la régulation regarde donc la fiabilité des dirigeants, ce qui dans
une certaine mesure marque l’entrée de l’État dans les entreprises914. Bien plus, il est stipulé
que ces différentes modifications ne doivent pas porter atteinte à l’ordre public ou à l’intérêt
public. De sorte que toutes modifications contraires à l’ordre public ou à l’intérêt public peuvent
conduire à des sanctions grave. L’ordre public en cause ici ne doit pas être limité à la
traditionnelle trilogie municipale. L'on pense qu’il devrait renvoyer plus à l’ordre public
économique. Lorsque la modification est contraire à l’ordre public, l’administration après avis
de l'organe de régulation postale peut annuler l’autorisation ou décider de l’arrêt des activités
du déclarant 915 . La même perspective est observable en matière de communications
électroniques916. Il en est aussi ainsi en matière d’électricité917. Ces dispositions offrent une
certaine emprise dans la gestion interne des entreprises aux régulateurs sectoriels, ce qui rompt
avec l’idée largement admise en droit de la concurrence que l’entreprise est une boîte noire à
l’intérieure de laquelle l’État ne doit pas regarder918. Le fonctionnement interne des opérateurs
trouve une nouvelle pertinence, ainsi tout changement interne doit être observé, mieux est
soumis à un avis du régulateur sectoriel, pouvant même donner lieu à des conséquences
énormes comme le retrait de l’autorisation.
Doit-on y voir un droit de véto de l’État sur la gestion interne des entreprises des secteurs
régulés ? Autrement dit, le fait que l’État à travers le régulateur donne son avis et contrôle la
décision de modification du capital ou des dirigeants au point d’annuler l’autorisation, peut-il

911
Même qui elle est vue comme un peu dépassée, V. GUYON (Y.), « La mise en harmonie du droit français des
sociétés avec la directive des communautés européennes sur le capital social », JCP G, 1982, spéc., n°1.
912
V. Art. 124 Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique.
913
Sur cet aspect particulièrement v. AKAM AKAM (A.), « La cessation des fonctions des dirigeants des sociétés
commerciales en droit OHADA », Afrilex, mars 2009, pp.1-20 ; DIONE (A.), « La révocation des dirigeants des
sociétés anonymes et des sociétés à responsabilité limitée à la lumière de l’acte uniforme relatif au droit des sociétés
commerciales et de groupement d’intérêt économique », Revue EDJA, n°54, 2002, p.55.
914
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Réguler les « entreprises cruciales » », op cit, p.1557.
915
Art. 15 al. 3 de la loi n°2006/019, régissant l’activité postale.
916
Art. 21 als. 2 et 3 loi n°2010/013 régissant les communications électroniques au Cameroun.
917
Art. 45 al. 2 de la loi n°2011/022
918
V. FRISON-ROCHE (M.-A.), « Proposition pour une notion : l’opérateur crucial », op cit., pp.1896 et s.

166
être analyser comme octroyant à l’État une régulation directe de l’entreprise, cristallisée par le
pouvoir de dire « non », c’est-à-dire de s’opposer à une mesure, ce qui ne serait ni plus ni moins
qu’un droit de véto919 ? Il est difficile de ne pas avancer une réponse positive. De sorte que la
transparence sert alors de fondement à une perpétuation de l’ingérence de l’administration dans
la vie économique920. Le doyen Jean Carbonnier921 disait déjà que « la transparence est fille de
l’interventionnisme, du dirigisme ». Le fait que la régulation économique sectorielle soit le
nouveau visage de l’interventionnisme n’aura donc pas occulté cette ingérence. Elle l’aurait
juste orienté vers une finalité pro-concurrentielle.
Cependant, il faut relativiser un tel droit de véto. Ce dernier, selon Marie-Anne Frison-
Roche, ouvre un pouvoir de négociation, et non pas à une certaine opposition. En effet, si l’État
annonce à travers le régulateur par exemple, qu’il va s’opposer à une mesure alors, ceux qui
désirent l’adopter, vont proposer des aménagements pour faire renoncer l’État à l’exercice de
son droit de véto. Dès lors, pour elle, « le droit de véto constitue en réalité un droit de redessiner
les projets de décision positive élaborés par les dirigeants » 922 . Comme exemple, on peut
relever avec elle, le maniement du contrôle des concentrations, car l’autorité de la concurrence
redessine la prise de contrôle, par une négociation dans laquelle elle est la plus puissante923.
Lorsque l'on regarde la gravité de la sanction encourue lorsque la modification est contraire à
l’ordre public, on ne peut que souscrire à cette approche. Les entreprises doivent donc justifier
leur choix devant le régulateur.
Ce pouvoir de l’État dans l’entreprise peut encore trouver un instrument pour se
renforcer, en mutant en un véritable pouvoir de décider, à travers le contrôle du service universel.
Puisque à travers cette notion, l’entreprise privée est régulée au point où elle est orientée vers
une finalité plus mystérieuse, complexe, coûteuse, hasardeuse à savoir l’intérêt général924. Alors
même que l’entreprise privée a pour finalité première de s’occuper que d’elle-même. La voilà
donc qui doit désormais s’occuper aussi de l’intérêt de celui qui ne peut pas être consommateur,
parce qu’il n’existe pas encore, parce qu'il n’est pas encore en danger, parce qu'il n'est solvable
alors que le bien qu’il convoite est un bien public, c'est cela, l’intérêt général que le marché ne
connaissait pas et qu’il doit désormais prendre en compte 925 . En effet, le service universel

919
V. FRISON-ROCHE (M.-A.), « Réguler les « entreprises cruciales » », op cit, n°81, p.1562.
920
RIEM (F.), La notion de transparence dans le droit de la concurrence, op cit, p.17.
921
CARBONNIER (J.), « Propos introductifs », in La transparence, RJ com. 1999 n° spécial, p.9 ; VOGEL (L.)
et VOGEL (J.), « Ombres et lumières de la transparence tarifaire », JCP E, 1995 I, 436, n°3.
922
Idem.
923
Ibid, n°82.
924
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Réguler les « entreprises cruciales » », op cit, n°81, p.1563.
925
Idem.

167
n’incombe pas à une seule entreprise, mais à tous les opérateurs cruciaux ou pas, de même son
financement est un devoir de tous, en vertu des dispositions du décret de 2013/0399926.
Alors que la définition de son contenu est réservée à l’État. L’entreprise privée se
rapprocherait en quelque sorte de l’entreprise publique. Ainsi, le droit de la régulation rencontre
le droit des sociétés tout en s’attardant aux aspects objectifs de ce droit. Dans l’optique de
protéger le marché devenu une composante de l’intérêt général. Ainsi, Le régulateur peut
contrôler le programme d’investissement dans le réseau ou les engagements de bonne
gouvernance à l’égard des autres entreprises qui ont besoin d’accéder au réseau de transport de
l’électricité par exemple927.
Les rapports entre opérateurs cruciaux et les autres opérateurs sont alors soumis à des
obligations qui donnent un certain droit de regard sur le fonctionnement même de l’opérateur
crucial, de sorte que le droit de la régulation rencontre le droit de sociétés ceci dans l’optique
de construire la concurrence par l’incitation des nouveaux concurrents à entrer sur les marchés.

En allant plus loin même, il faut dire que ces incursions du régulateur sectoriel dans la
vie interne des opérateurs, s’apparentent aussi à un rôle prudentiel ou encore de supervision. Ce
qui marquerait l’existence d'un continuum entre surveillance et contrôle des obligations de
comportements. Surveillance serait ainsi égale à supervision entendue comme un ensemble de
mécanisme qui sont appliqués à des entreprises très particulières en ce qu’elles présentent un
risque systématique pour le secteur, dès lors le but final est commun aux deux à savoir :
préserver la chute du système de régulation, en somme le marché 928 . L’idée étant que la
défaillance de ces entreprises affecterait le marché tout entier. La supervision concerne donc
les agents et pas tant le secteur. Il y a donc complémentarité entre régulation et supervision,
contrairement à ce que l'on a pu croire929. La régulation sectorielle emprunte donc les normes
de supervision qui sont des normes ex ante, mais qui s’éloignent du droit classique des
sociétés930.

926
Décret du premier ministre du 27 février 2013, fixant les modalités de la mise en œuvre du service universel et
du développement des communications électroniques
927
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Réguler les « entreprises cruciales » », op cit., p.1558
928
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Concevoir une régulation prudentielle », in Mélanges Michel Germain, spéc.,
p.315.
929
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Concevoir une régulation prudentielle », op cit., p.317.
930
Sur ces normes, v. FRISON-ROCHE (M.-A.), « Concevoir une régulation prudentielle », op cit., p.319.

168
Cette liaison entre régulation et supervision931 marque une capacité intéressante du droit
de la régulation sectorielle, que souligne déjà Marie-Anne Frison-Roche932, en effet elle écrit
que « [à] l’intérieur même du droit de la régulation les branches classiques du droit viennent
s’appliquer mais aussi se régénérer », elle poursuit en disant que « le droit des secteurs régulés
est tout à la fois spécial, contaminant et promoteur des branches plus générales ». L’activité
de régulation devient donc incontournable dans le monde des affaires.

Les deux types de contrôles reposent au final sur des logiques différentes, mais pas
moins complémentaires. Le contrôle exercé par la CNC repose sur l’idée que l’entreprise est
une boîte noire qu'on appréhende que par son comportement sur le marché. Tandis que, celui
exercé par les régulateurs sectoriels va jusqu’à regarder à l’intérieur de l’entreprise. Dans les
deux cas, le contrôle a priori des opérations de concentration, permet aux régulateurs de remplir
leur mission de préservation de l’ordre public économique.

CONCLUSION DU CHAPITRE

La concurrence une fois introduite doit être conservé dans un état d’effectivité de
manière à garantir la meilleure satisfaction des besoins de la population. Le contrôle exercé sur
les opérateurs est plus que nécessaire. Toutefois ce contrôle offre aux régulateurs sectoriels
camerounais une forte emprise sur les opérateurs allant même jusqu’à faire intervenir les
institutions communautaire de la concurrence et bien plus en offrant un droit de regard aux
autorités de régulation sectorielle dans le fonctionnement interne des entreprises. Ce qui est une
révolution dans le droit des services publics de réseau.

931
L’analyse qui est menée dans ce sens reste cantonnée aux secteurs bancaire et financier, à propos V. FRISON-
ROCHE (M.-A.), « Concevoir une régulation prudentielle », op cit., p.321, peut se transposée dans les secteurs
régulés des industries de réseaux, hormis même du phénomène de convergence des secteurs.
932
FRISON-ROCHE (M.-A.), « La régulation, objet d’une branche du droit », in Petites Affiches, n°110 3, juin
2002, spéc., p.5.

169
CONCLUSION DU TITRE 2

Le pouvoir de contrôle des autorités de régulation porte ainsi sur les conditions d’accès
aux infrastructures et aussi sur le respect de la concurrence entre opérateurs. Ce pouvoir ne se
limite somme toute pas à l’extérieur des entreprises. En effet, le contrôle des comportements
des entreprises permet aux régulateurs et à travers eux à l’État de se mêler du fonctionnement
interne des entreprises exerçants dans les services publics de réseaux. Il s’agit d’éviter un
effondrement de la concurrence devenue un moyen efficace de satisfaire l’intérêt général.

170
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

Les autorités de régulation disposent ainsi d’un large éventail de pouvoirs leur
permettant d’ouvrir à la concurrence les services publics de réseaux. De même peuvent-ils
contrôler la concrétisation de l’accès aux infrastructures. Ainsi le contrat, parce qu’il est l’outil
essentiel de la concrétisation juridique de cet accès est lui-même réguler. Le législateur érigent
alors les autorités de régulation en véritables juge des contrats prives, tout comme il leur donne
un droit de regard sur le fonctionnement interne des entreprises exerçant dans les services
publics de réseaux. Ces pouvoirs ne sont pas les seuls dont disposent les autorités de regulation0.
En effet la régulation des industries de réseaux peut aussi être contentieuse. Les opérateurs
pouvant aussi bien au niveau de l’accès, qu’au niveau du fonctionnement harmonieux du
marché, recourir à des comportements pouvant réduire ou fausser la concurrence. Ainsi des
instruments contentieux ont été octroyés aux organismes de régulation pour forcer la réalisation
de l’ouverture à la concurrence, mais aussi pour réparer les dysfonctionnements éventuels
pouvant survenir dans les services publics de réseaux.

171
DEUXIÈME PARTIE :

LA COMPÉTENCE CONTENTIEUSE DES AUTORITÉS DE


RÉGULATION DES SERVICES PUBLICS DE RÉSEAUX AU CAMEROUN

172
Il est traditionnellement observable dans les démocraties libérales que les systèmes
juridiques reposent sur une séparation nette entre les fonctions répressives, de règlement des
litiges privés, et l’activité administrative. De sorte que l’administration devait faire appel au
juge répressif pour sanctionner la non-application de ses règlements. Les litiges privés étaient
alors, eux, du seul ressort des tribunaux933. Cependant, il faut constater que ces « deux digues,
élaborées afin de contenir l'action de l’État et inspirées par l’idée que la séparation des
fonctions est le meilleur garant des libertés publiques, ont successivement cédé » de sorte que,
« le droit administratif s'aventure à présent dans des domaines qui lui ont été longtemps
interdits »934. Jacques Mourgeon écrit à propos que « le temps est définitivement révolu où la
solennité des audiences judiciaires pouvait seule conduire le citoyen au châtiment »935. Cette
évolution est loin de n’être que française. Le droit administratif camerounais aussi y fait face
de façon non moins spécifique que l'on parle d' « innovation fondamentale »936 dont la base se
retrouve dans la fonction de régulation confiée aux autorités de régulation pourtant qualifier
d’établissements publics. En effet, cette dernière fonction comporte une fonction contentieuse,
qui semble-t-il n'est plus l’apanage des tribunaux.
Parler d’instruments contentieux de régulation peut soulever a priori l’image de la
juridiction. La posture viendrait simplement d’une assimilation voire même d’une confusion
entre la juridiction et le contentieux. L’idée est qu’en partant du libéralisme politique qui a
tendu à séparer les activités de création de la norme de celle de régler les différends issus de
l’exécution de celle-ci. Les systèmes juridiques, pour résoudre les conflits que générait la vie
sociale, ont confié la fonction contentieuse à une branche particulière de l’État à savoir l’organe
juridictionnel. De sorte que la notion de contentieux soit utilisée pour désigner normalement
l’activité juridictionnelle937. La conséquence d’une telle approche était l’attribution de la qualité
de juge à toute personne statuant sur un litige938. Il se tisse alors un lien étroit entre la notion de
contentieux et celle de juridiction939. Il faut dire sans nier ce lien, que les deux notions ne se

933
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit.,
p.13.
934
Idem.
935
MOURGEON (J.), La répression administrative, Paris, LGDJ, 1967, p.9.
936
PEKASSA NDAM (G.), « Les établissements publics indépendants, une innovation fondamentale du
administratif camerounais », op cit., pp.153-178.
937
V. PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op
cit., p.16.
938
V. CHEVALLIER (J.), L’élaboration historique du principe de séparation de la juridiction administrative et
de administration active, Paris, LGDJ, Bibliothèque de droit public, tome 97, 1970, spéc., p.131.
939
Ibid., p.137 ; aussi CARRÉ DE MALBERG (R.), Contribution à la théorie générale de l’État : spécialement
d’après les données fournies par le droit constitutionnel français, t.1, Paris, éd., du CNRS, 1920-1922, pp.796-
797.

173
confondent plus automatiquement940. En effet, les deux fonctions peuvent être distingué : la
fonction juridictionnelle ne serait alors qu’une modalité de la fonction contentieuse. La
conséquence étant alors qu’il peut exister de contentieux en dehors d’une juridiction et du
juge941. D’ailleurs, l’administration a toujours disposé d’une fonction contentieuse942. C’est le
cas par exemple en matière fiscale943. Philippe Bern944 explique que « rien n’empêche d’étendre
la notion de contentieux à d’autres modalités de règlement des litiges et notamment aux recours
purement administratifs ». L’autorité administrative ici a une fonction contentieuse parallèle à
ses attributions administratives. Toutefois, précisons qu'il est fait une distinction entre les
réclamations gracieuses et contentieuses. La différence résulte des termes de la demande et de
la formulation de moyens de droit, il est alors que la demande gracieuse ne mentionne pas de
moyens de droit et ne conteste pas le bien-fondé de l’imposition, mais se contente d’évoquer
des circonstances945.
Dans le même sens Marcel Waline946 reconnaissait que les juridictions ont des fonctions
non contentieuses. Dès lors, « rien n’empêche d’étendre la notion de contentieux à d’autres
modalités de règlement des litiges et notamment aux recours purement administratifs »947. La
fonction contentieuse se définit alors comme étant celle qui consiste à trancher des problèmes
contentieux. Elle nécessite donc la réunion de deux éléments : d’une part l’existence d’une
situation contentieuse ou d’une donnée de fait et d’autre part, une intervention directe en vue
de la résoudre par l’application du droit en vigueur948. Le contentieux implique donc de régler
un litige au moyen du droit. En somme, il faut l’existence d'un dysfonctionnement dans les
secteurs régulés pour que l'on parle de contentieux. Ainsi, les instruments contentieux des

940
V. WALINE (M.), « Éléments d’une théorie de la juridiction constitutionnelle », RDP, 1928, pp.441-462, spéc.
p.445 ; RICHER (L.), « Les modes alternatifs de règlement des litiges et le droit administratif », A.J.D.A., 1997,
p.3.
941
CHEVALLIER (J.), « Fonction contentieuse, fonction juridictionnelle », in Mélanges en l’honneur du
professeur Michel Stassinopoulos : problèmes de droit public contemporain, Paris, L.G.D.J., Coll. Loi et justice,
1974, p.278 ; GJIDARA (M.), La fonction administrative contentieuse : étude de science administrative, Paris,
L.G.D.J., Bibl. de science administrative, n°5, 1972, p.66.
942
V. PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op
cit., pp.40 et s.
943
C'est aussi le cas en ce qui concerne les droits de la concurrence, de l’environnement, de l’urbanisme, le droit
douanier, bancaire et des transports, voir DELMAS- MARTY (M.), et TEITGEN-COLLY ( C.), Punir sans juger :
de la répression administrative au droit administratif pénal, Paris, Economica, 1992,
944
BERN ( Ph.), La nature juridique du contentieux de l’imposition, Paris, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit public,
n°109, 1972, spéc., p.6.
945
V. CE, 1er octobre 1993, SARL Jack Matic, n°129921 ; 11 mai 1990, Karsenty, n°67409
946
WALINE (M.), « Éléments d’une théorie de la juridiction constitutionnelle », RDP., 1928, pp. 441 et s.
947
BERN (P.), La nature juridique du contentieux de l’imposition, Paris, LGDJ, Bibliothèque de droit public,n°109,
1972, spéc., p.6.
948
V. CHEVALLIER (J.), « Fonction contentieuse, fonction juridictionnelle », op cit., p.280 ; QUILICHINI (P.),
« Réguler n’est pas juger. Réflexions sur la nature du pouvoir de sanction des autorités de régulation économique »,
A.J.D A., 2004, p.1060.

174
autorités de régulation auraient pour objectif de réparer lesdits dysfonctionnements. L'on est
alors dans l’optique d’une régulation ex post des services publics de réseaux.
Il s’agit pour les autorités de régulation d’assurer un fonctionnement concurrentiel du
marché dans les secteurs, préserver l’ordre public économique. Le premier étant une
composante du second949. La préservation de cet ordre public économique n'est toutefois pas la
seule mission des autorités de régulation du moins pour celles sectorielles950. À cet effet le
législateur camerounais a confié aux autorités de régulation deux grands instruments
contentieux de régulation qui font osciller l’office des autorités de régulation entre régulation
et office juridictionnel civil951 (Titre 1). L’usage de ces instruments soulève un autre problème
que soulevait déjà Pascale Idoux lorsqu’elle écrivait que les autorités de régulation sont
aujourd’hui « devenues l'un des principaux lieux où se sont concentrées les interrogations
relatives aux garanties procédurales devant l’administration »952 . En effet, les autorités de
régulation disposent de prérogatives héritées des autorités judiciaires de sorte que comme
devant les juges ordinaires, se pose aux autorités de régulation le respect des droits et libertés
fondamentaux issus de la constitution et des textes relatifs au respect des droits de l’homme.
Ainsi, l’exercice des pouvoirs contentieux doit être accompagné de mesures destinées à
sauvegarder les droits et libertés fondamentaux953. L’idée étant que le respect des droits de
l’homme est au cœur de toutes procédures contentieuses les garanties reconnues par les textes
aux opérateurs devront donc être analyser (Titre 2).

949
PEZ (Th.), « L’ordre public économique », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n°49, 2015/4,
pp.43-57., spéc., pp.46-47.
950
LASSERRE ( B.), « Régulation, mode d’emploi », Sociétal, n°30, 2000, pp.77-78 ; FRISON-ROCHE (M.-A.),
« Régulation », in Les 100 mots de la régulation, op cit., pp.114 et s.
951
FRISON-ROCHE (M.-A.),
952
IDOUX ( P.), « Autorités administratives indépendantes et garanties procédurales », RFDA, 2010, p.920.
953
DE JUGLART (M.), « Les sanctions administratives dans la législation récente », JCP, 1942, n°7

175
TITRE 1 : LA COMPÉTENCE QUASI-JURIDICTIONNELLE DES
AUTORITÉS DE REGULATION DES SERVICES PUBLICS EN
RESEAUX

176
L’octroi de tels instruments à des autorités de régulation n’est pas allé sans poser des
difficultés en droit institutionnel, puisqu’il aura conduit certains auteurs, à l’instar d’Emmanuel
Jeuland, à qualifier ces régulateurs de véritables juridictions post étatiques : parce qu’ils sont
fonctionnellement indépendants de l’État, ce qui est une caractéristique de la juridiction, la
conséquence est donc qu’ils obéissent à une procédure stricte dans la résolution des litiges
portés devant eux. Ils sont aussi des juridictions hyper étatiques car ils disposent de pouvoirs
plus importants que les juridictions954. Cependant cette idée semble difficile à admettre à la fois
par le juge constitutionnel français et le juge européen des droits de l’homme, puisque le respect
des garanties du procès équitable se fonde sur un critère matériel et non organique 955. De plus
il n’est pas possible de voir dans la mise en place des régulateurs sectoriels, une volonté du
législateur tant camerounais que français, de mettre en place une juridiction. Au contraire se
sont des autorités administratives ou alors autonomes que ce dernier laisse voir956.
L’idée de base demeure en réalité ici l’assimilation de la fonction contentieuse à la
juridiction. Ainsi, pour ne pas assimiler la fonction contentieuse des autorités de régulation à la
fonction juridictionnelle, l'on a recours à l’adverbe « quasi »957. Ainsi, s'il évite une assimilation
pure et simple, cet adverbe permet néanmoins d’admettre une certaine évolution de l’office des
autorités de régulation vers la juridiction à mesure que l’ouverture à la concurrence s’accroît958.
Il faut dire que parler même déjà « d’office des autorités de régulation » induit ce
rapprochement avec l' « office du juge, toutefois soulignons que l’office du juge959, n'est qu'un
modèle pour la comparaison960. Pour donc cerner de quoi il est question ici, il faut donner une

954
JEULAND (E.), « régulation et théorie général du procès », in FRISON-ROCHE (M.-A.), (dir.), Les risques de
régulation, Paris, Presses de Sciences Po/ Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires, Droit et économie de la
régulation, vol. 3, 2006, pp.260 et s. V. Aussi FRISON- ROCHE (M.-A), « Le pouvoir du régulateur de régler les
différends. Entre office de régulation et office juridictionnel civil », op cit, p.270.
955
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni,
Université Paris 1 Panthéon- Sorbonne, 2011, p.47.
956
RICHER (L.), « Le règlement des différends par la commission de régulation de l’énergie », in Mélanges en
l’honneur de Franck Moderne : Mouvement du droit public : du droit administratif au droit constitutionnel, du
droit français aux autres droits, p.402.
957
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit.,
pp.46 et suiv. pour Yves Gaudemet, cette expression « n'a aucun sens en droit », voir GAUDEMET (Y.), « Note
sur l’arrêt, Conseil d’État, 13 mars 1981, S.A.R. Armand Pellerin et Cie et Fédération nationale du négoce de
tissu », RDP, 1980, pp.1428-1436, spéc., p.1435, posture à laquelle nous ne souscrivons pas car cette adverbe
permet une certaine nuance manifestent bienvenue dans l’étude des pouvoirs contentieux des autorités de
régulation et des conséquences qui peuvent en découler sur la nature de ces organismes.
958
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le pouvoir du régulateur de régler les différends. Entre office de régulation et
office juridictionnel civil », op cit., p.402.
959
Sur la question v. NORMAND ( J.), « Office du juge » in Dictionnaire de la justice, Paris, PUF, 2004, p.925 ;
LELLIG ( W.), L’office du juge administratif de la légalité, Thèse de droit public, Université de Montpellier,
2015, 607p., spéc., pp.33 et suiv.
960
V. RICHER ( L.), « Le règlement des différends par la Commission de régulation de l’énergie », in Mélanges
en l’honneur de Franck Moderne, op cit., p.402.

177
définition de l’office des autorités de régulation axée sur la réalité contentieuse, et non pas
seulement sur sa finalité, il émerge alors que l’office renvoie à l’ensemble des pouvoirs et
devoirs attachés à une fonction publique961. Nous nous intéresserons particulièrement ici aux
pouvoirs. Dès lors, les instruments quasi juridictionnels renvoient aux pouvoirs contentieux des
autorités de régulation962. L’idée défendue ici est alors que les autorités de régulation ont une
fonction contentieuse et les pouvoirs qui vont avec, mais elles ne sont pas des juridictions au
sens organique du terme. Les instruments quasi juridictionnels des régulateurs se déclinent donc
en deux grands pouvoirs en fonction des situations qui font naitre le contentieux 963 . Le
contentieux peut alors s’inscrire dans une optique répressive ou dans une perspective visant
« (…) à dire le droit en mettant fin à un litige964 ». Dans le premier cas les autorités de régulation
bénéficient d'un pouvoir de répression ou de sanction965, qui fait émerger une fonction quasi
pénale (chapitre 1). Dans le second cas, les organismes de régulation disposent d'un pouvoir de
règlement des différends, qui n'est réservé qu’aux autorités de régulation sectorielle en principe
(chapitre 2).

961
CORNU ( G.), Vocabulaire juridique, op cit., entrée « office » ; NORMAND ( J.), « Office du juge », op cit.,
p.925 ; MOTULSKY (H.), « La cause de la demande dans la délimitation de l’ office du juge », Dalloz, 1964,
chron., p.235 et suiv., spéc., p.238.
962
V. LAGET-ANNAMAYER ( A.), La régulation des services publics en réseaux : télécommunications et
électricité, op cit., p.360.
963
Cf. AUBY (J.-M.), « Autorités administratives et autorités juridictionnelles », RFDA, 1995, p.91.
964
QUILICHINI (P.), « Réguler n’est pas juger. Réflexions sur la nature du pouvoir de sanction des autorités de
régulation économique », A.J.D.A., 2004, pp.1060 et s.
965
V. BRISSON (J.-Fr.), « Les pouvoirs de sanction des autorités de régulation : les voies d’une
juridictionnalisation », disponible en ligne à l’adresse http :.//www.gip-recherche-justice.fr/, p.1.

178
CHAPITRE 1 : LE POUVOIR REPRESSIF DES REGULATEURS DES
SERVICES PUBLICS EN RESEAUX AU CAMEROUN

Le pouvoir de sanction des autorités de régulation est un pouvoir traditionnellement


reconnu à l’administration du moins en matière fiscale966 mais aussi en ce qui concerne le droit
de la commande publique : la résiliation peut alors s’apparenter à une sanction du cocontractant
par l’administration967. Elle s’est étendue aux autorités en charge de la régulation justement
pour répondre à l'impératif d’efficacité économique. Ainsi, pour fonder l’octroi du pouvoir de
sanction aux organismes de régulation, la doctrine évoque le plus souvent « les limites des
pouvoirs classiques en particulier le pouvoir judiciaire »968 , dans le cadre de la régulation des
nouveaux champs d’activité caractérisés par une technicité particulière ou par l’hétérogénéité
des intérêts qu’ils mettent en jeu969. À ce titre donc, l’autorité de régulation se voit plus adaptée
à sanctionner un opérateur manquant à ces obligations que le juge pénal. Il s’agit donc d'une
justification somme toute pragmatique970.
Le pouvoir de sanction est aussi la marque d’une tendance encore vivace de renforcement
de l’autorité de l’État971. Une tendance qui questionne les droits et garanties des administrés
972
face à ce pouvoir de sanction et globalement face aux pouvoirs contentieux de
l’administration, puisque de tels pouvoirs contribuent à la création et au développement de ce
qu’on peut appeler un pseudo-droit pénal 973 (nous y reviendrons). Quoiqu’il en soit, le pouvoir
de sanction s’avère d’une importance extrême pour la fonction de régulation, qu’elle soit le fait
des autorités de régulation sectorielle ou encore le fait de la Commission nationale de la
concurrence 974 . Son octroi se justifie des lors qu'on se situé dans le cadre d'un régime
d’autorisation administrative et dans ce cas la sanction susceptible d’être infligée est exclusive
de toute privation de liberté. Le pouvoir de répression fait donc partie des pouvoirs permettant
de rétablir le fonctionnement normal du marché. Il sera de ce fait important que l'on s’intéresse
à son usage par les établissements publics que sont les autorités de régulation camerounaises.

966
PAULTRE DE LAMOTTE (J.), « Les sanctions fiscales dans le système fiscal français : présentation
d’ensemble », RFFP, n°65, 1999, pp.9 et s.
967
V. Décret n°2018/366 du 20 juin 2018, portant code des marchés publics.
968
TAIBI (A.), « La justification du pouvoir de sanction des AAI de régulation est-elle toujours pertinente ? »,
RIDP, n°3, 2013, p.463.
969
Ibid.
970
V. FRISON-ROCHE (M.-A.), « Comment fonder juridiquement le pouvoir des autorités de régulation ? », op
cit., pp.85-101.
971
Ce qui a suscité un débat sur son octroi en droit français, ce propos v. PERROUD (Th.), La fonction contentieuse
des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit., pp. 16 et s., et pp.40 et s.
972
DE JUGLART (M.), « Les sanctions administratives dans la législation récente », JCP, 1942, n°7
973
WALINE (M.), Traité de droit administratif, 9e éd., 1963,
974
C’est d’ailleurs l’un de ses principaux pouvoirs v. Art. 22 de la loi n°98/013 relative à la concurrence.

179
Afin d'en exposer les spécificités. Ces dernières se révèlent donc en analysant d'une part, les
règles de déclenchement de la répression (section 1) et d’autre part, en nous intéressant à la
prise de la décision de sanction (section 2). Ce dernier aspects permettra de voir qu’à ce pouvoir
de répression se jouxtent d’autres pouvoirs coercitifs à l’instar des pouvoirs correctifs ou encore
les mesures d’urgence.

SECTION 1 : LE DECLENCHEMENT DE LA REPRESSION DES


ATTEINTES À LA REGLEMENTATION

La répression menée par les autorités de régulation est déclenchée par la saisine
(paragraphe 1). Cette saisine donne alors suite à la phase d’enquête (paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : La saisine des régulateurs des services publics en réseaux


La saisine peut être perçue comme une procédure à travers laquelle des consommateurs
ou des opérateurs soumettent à une autorité de régulation des plaintes ou requêtes relativement
à la violation d'une disposition législative ou réglementaire ou même professionnelle 975. La
saisine est alors la première étape de la procédure de répression. Elle permet d’informer les
autorités de régulation et leur permet d’entamer la suite de la répression. Elle obéit à un régime
précis. Nous étudierons donc les conditions de la saisine (A), puis les personnes habilités à
saisir les autorités de régulation (B). Ce dernier point révèle la rencontre entre le droit de la
régulation et le droit de la consommation.

A/- Les conditions relatives à la saisine

Les conditions de la saisine des autorités de régulation en matière de sanction semblent


être identiques pour tous les régulateurs sectoriels camerounais. Les conditions peuvent être
distinguées en deux catégories : les conditions de forme(1) et les conditions de fond (2).
1/- Les conditions de forme
Toutes les saisines doivent être formalisées par une requête écrite. Ainsi, la saisine des
autorités de régulation se fait par lettre simple, pour le secteur de la communication976 elle peut
aussi se faire par télécopie ou par voie électronique. Il est précisé dans ce dernier cas que la
plainte doit alors être présentée sous la forme d'un document signé de son auteur et scanné. La
requête doit être adressée à l’autorité de régulation du secteur concerné. Plus précisément, les

975
V. SIMO KOUAM (Fr. A ), « La régulation de l’activité audiovisuelle à l’épreuve du tout numérique au
Cameroun », op cit., p.123.
976
Art. 6 al. 1 de la Décision du 28 mai 2014 portant procédure de traitement des plaintes annexée au règlement
intérieur du CNC.

180
plaintes sont adressées à l'organe exécutif des autorités de régulation, le directeur général ou le
président pour la Commission nationale de la concurrence ou le conseil national de la
communication977.

La plainte doit indiquer les éléments d’identification du demandeur et aussi du défendeur.


En matière de communication audiovisuelle par exemple les plaintes portant sur des
accusations ou déclarations offensantes et insinuantes doivent être faites par l’intéressé ou par
son conseil978. Il s’agit des mentions obligatoires. De sorte que leur absence peut conduire au
rejet de la requête. Il faut dire que l’auteur de la saisine doit avoir la qualité et l’intérêt pour
agir.

Il n'est pas permis à tout le monde de saisir les autorités de régulation. Il faut pour cela
jouir de la qualité et de l’intérêt pour agir certes. Mais cela ne joue que lorsque l'on est opérateur
du secteur régulé en cause. Or pour le devenir, il faut jouir d'un titre c’est-à-dire d'une
autorisation administrative ou d'une concession. Peu importe si l’entreprise opératrice du
secteur régulé est une personne morale ou physique. L’absence d'une autorisation
administrative implique donc l’absence de la qualité et de l’intérêt pour agir.

La nationalité des parties est la nationalité camerounaise ainsi le législateur impose aux
entreprises internationales qui veulent entrer dans un secteur de créer des structures de droit
camerounais. Mais retenir une telle posture peut poser des difficultés à l’heure où l’internet
prend une place croissante dans les activités soumises à la régulation économique. La posture
est encore plus forte dans le secteur financier. Pour les services publics de réseaux, le critère ne
pose relativement pas de problèmes. Le critère matériel est aussi susceptible d’influencer les
litiges nés du transport de l’électricité hors des frontières du Cameroun. Ces derniers sont
susceptibles d’être soumis au régulateur sectoriel camerounais.

De même les consommateurs peuvent saisir les autorités de régulation. Ainsi, le


législateur camerounais en matière d’audiovisuel énonce en substance que le consommateurs
des services audiovisuels a droit à la saisine de l’organe chargé de la régulation de l’audiovisuel
et des organismes de protection des consommateurs, des plaintes contre les fournisseurs de
services du secteur de l’audiovisuel979. Le consommateur dans les services publics de réseaux

977
V. Art. 6 al. 2 de la décision du 28 mai 2014.
978
V. Décision n°000058/CNC du 06 décembre 2016 portant respectivement suspension temporaire de l’organe
de presse en ligne dénommé Al Wihsa info et du nommé Nga Etoga Nestor ; Décision n°000097/CNC du 15 mars
2018 portant respectivement avertissement au directeur de publication de la station de radiodiffusion sonore
dénommé NB 1 Radio et suspension temporaire des nommés Abene Serge Olivier et Tira Dominique.
979
Art. 60 al. 2 de la loi n°2015/007 relative à la communication audiovisuelle au Cameroun.

181
dispose de certains droits. En matière de communication électroniques ces droits peuvent être :
la liberté de choix de son fournisseur de services, l'information adéquate concernant les
conditions de fourniture des services, les tarifs et les autres frais y afférents, l'information
préalable sur les conditions de résiliation du contrat, et le droit à un contrat d’abonnement980.

Ainsi, durant l'exécution du contrat, le consommateur a droit : à l'accès aux services de


communications électroniques ; à la non-discrimination en matière d'accès et de conditions
d'utilisation du service ; à l'inviolabilité et au secret de ses communications, excepté dans les
conditions légalement applicables ; à la non-suspension du service fourni, sauf pour non-respect
des clauses du contrat d'abonnement. Dès lors, en cas de non-respect de ses droits, le
consommateur peut saisir l'Agence de régulation compétente ou une association de
consommateurs981. Ainsi et indépendamment de leur pouvoir de représentation, les associations
des consommateurs peuvent ester en justice pour solliciter la suppression de clauses abusives
contenues dans les contrats d'abonnement soumis à l'adhésion des consommateurs d’un secteur
comme l’électricité ou les communications électroniques982. Mais il doit avoir préalablement
épuisé toutes les voies de recours internes à l'opérateur en cause. Les réclamations des
consommateurs auprès des opérateurs portent généralement sur la qualité des services, leur
facturation, les modalités de résiliation, les forfaits ou les options etc. Le délai de saisine est
fixé à trois mois à compter de la date de commission de l’acte incriminé en matière de
communication audiovisuelle 983 . Le non-respect de ce délai entache alors la plainte
d’irrecevabilité. La prescription est d’ailleurs perçue comme un des obstacles au droit d’accès
à un tribunal984. À côté de ces conditions de forme, il faut voir à présent celles liées au fond.
2/- Les conditions de fond de la saisine

La saisine des autorités de régulation doit répondre à des conditions substantielles


relatives au fond. Cela implique que la saisine doit avoir un fondement juridique. Il s’agit de
préciser l'objet de la saisine. Il faut donc que le requérant expose des faits constitutif de
manquement à la législation sectorielle, selon le service public de réseau concerné. Le
manquement peut être relatif au non-respect des conditions, des règles régissant l’établissement
ou l’exploitation d’une activité économique dans un secteur régulé. C’est le cas des opérateurs

980
V. Arts. 52 al. 8 et 51 de la loi relative aux communications électroniques.
981
Art. 52 (9) de la loi relative aux communications électroniques.
982
V. Cass. Civ, 1, 4 mai 1999, Bull., 147, inédit.
983
Art. 5 al 1 de la décision du 28 mai 2014., préc.
984
V. MOUHOUVE (M.), , Les droits de l’homme au cœur de la procédure pénale camerounaise, spéc., pp.51 et
s.

182
ou des exploitants de réseaux de communications électroniques qui établissent, exploitent, un
réseau ou un service de communications électroniques sans titre d'exploitation 985 . Le
manquement peut aussi résulter du non-respect par l’opérateur des obligations qui lui incombe
en vertu de l’autorisation qui lui a été délivrée. Ces obligations sont contenues pour la plupart
dans les cahiers de charges inhérentes à chaque type d’autorisations. Il en est de même en cas
de pratiques anticoncurrentielles986.

Dans le secteur des communications électroniques, le législateur reconnaît à l'ART le


pouvoir de prononcer les sanctions contre les opérateurs relativement aux manquements à leurs
obligations. La loi relative à l’aviation civile implique que l’autorité aéronautique peut infliger
des sanctions administratives aux opérateurs auteurs d’infractions prévues par ladite loi987. Le
législateur fait donc de ce dernier une autorité de la concurrence. Le législateur pose néanmoins
le principe que les autorités de régulation ne sont compétentes que si le manquement ne
constitue pas une infraction pénale988. Il faut donc que les faits allégués entrent dans le domaine
de compétence de l’autorité de régulation concerné. La partie saisissante a ainsi l’obligation
d’apporter la preuve de son existence.

Ces conditions concernent les saisines émanant des opérateurs et des consommateurs et
met en lumière le rôle des parties dans la régulation contentieuse des services publics en réseaux.
Seulement pour ne pas rendre certains régulateurs sectoriels camerounais dépendant le
législateur leur a octroyé un pouvoir d’auto-saisine.

B/- Le pouvoir d'auto- saisine des autorités de régulation


Le pouvoir d'auto-saisine s’inscrit en droite ligne avec les objectifs de maintien et de
préservation de l’équilibre du marché qui incombe aux autorités de régulation. Toutefois force
est de constater que ce pouvoir n'est pas reconnu à tous les organismes de régulation
camerounais. Il n’a été accordé qu’à la Commission nationale de la concurrence989 et au Conseil
national de la communication, régulateur sectoriel du secteur de l’audiovisuel990, au régulateur

985
Art. 69 al. 9 de la loi régissant les communications électroniques au Cameroun.
986
Art. 36 al.2 de la loi de 2010 sur les communications électroniques.
987
Arts. 138 et suiv., de la loi n°2013/010 sur l’aviation civile.
988
V. Art. 65 al. 2 de la loi n°2010/013 régissant les communications électroniques.
989
Art. 35 al. 1 de la loi n°98/013 relative à la concurrence.
990
V. Art. 4 al.2 de la décision portant procédure de traitement des plaintes du 28 mai 2014 annexée au Règlement
intérieur du Conseil ( décision n°00005/PC/CNC du 25 avril 2013).

183
du secteur postal991 ou encore à l'ART992. Dès lors, en dehors de toutes plaintes émanant des
opérateurs ou des consommateurs, les autorités de régulation peuvent elle-même engager une
procédure de sanction ou décider de mener des enquêtes pour constater des éventuelles atteintes
à la réglementation. Il faut aussi y voir la consécration d’une indépendance des autorités de
régulation. En effet, les objectifs fixés par le législateur aux différents organismes de régulation
doivent être au-dessus des considérations purement égoïstes. Les autorités de régulation ne sont
donc pas, et ne le doivent, soumises au bon vouloir des opérateurs, puisque comme en matière
de concurrence certaines pratiques anticoncurrentielles peuvent être bénéfique pour certains
opérateurs qui de fait ne la dénonceront pas alors même que le marché en souffrira gravement.
Sans pouvoir d’auto-saisine l’autorité de régulation se retrouverait les « mains liés ». Cette
dernière optique est aussi valable pour des secteurs hautement sensibles comme l’audiovisuel
ou plus généralement la communication sociale.
Le pouvoir d’auto-saisine est donc un instrument intéressant en ce que le régulateur peut
le mobiliser lorsque la saisine émanant d'un tiers est jugée irrecevable pour défaut d’intérêt ou
de qualité à agir , alors même que les faits allégués sont pertinents mais que le demandeur ne
peut valablement s'en plaindre. L’auto-saisine est aussi utile dans le cas d'un retrait de la plainte
pendant l’instruction.
La saisine d’office est une décision interne à l’autorité de régulation, son régime c’est-
à-dire sa procédure et les formalités auxquelles elle est soumise, ne semble pas être différent
des saisines émanant des opérateurs et autres consommateurs. En matière d’audiovisuel, le
manuel de procédure du Conseil national de la communication n’impose pas une procédure
spécifique en cas d'auto-saisine. La loi sur la concurrence semble suivre la même voie de sorte
que d’auto-saisine obéit aux mêmes dispositions que les saisines émanant d’autres structures.
La posture est importante puisque les opérateurs doivent bénéficier d'un certain nombre de
garanties.
Toutefois, le pouvoir d’auto-saisine place les autorités de régulation dans la posture de
juge et partie. En d’autres termes il porte en son sein la perspective d’une forte présomption de
culpabilité de l’opérateur. Il doit donc faire l’objet d'un contrôle étroit. En ce qu’il se doit,
impérativement, de respecter les principes fondamentaux du procès équitable 993 . Le juge
administratif français a eu à préciser que l'acte par lequel l’autorité de régulation décide de se

991
Art.21 al.1 de la loi n°2006/019 relative à l’activité postale.
992
Art. 21 du décret n°2013/0399/PM du 27 février 2013 fixant les modalités de protection des consommateurs
des services de communications électroniques.
993
V. Art. 5 de la loi n°2015/007 régissant l’activité audiovisuelle au Cameroun.

184
saisir de certains faits « ne saurait sous peine d’irrégularité de la décision à rendre donner à
penser que les faits visés sont d’ores et déjà établis ou que leur caractère répréhensible au
regard des règles ou principes à appliquer est d’ores et déjà reconnu »994. Autrement-dit, l'acte
d’ouverture de la procédure ne doit pas alors traduire un sentiment déjà constitué à propos de
la situation examinée par le régulateur. Cette phase processuelle est dite primaire, elle se
termine par la recevabilité de la saisine. Elle donne ensuite lieu à la phase d’enquête.

PARAGRAPHE 2 : Le processus d’enquête en matière répressive

La saisine des autorités de régulation donne lieu à la procédure de l’instruction de


l’affaire. Elle est considérée comme une étape importante dans la procédure de répression. Le
pouvoir d’enquête se présente comme le corollaire du pouvoir de sanction puisqu’il permet de
constater le manquement de l’opérateur. Il est mené par des agents assermentés qui prêtent
serment devant les tribunaux995. Ils peuvent si de besoin, demander le concours des forces de
l’ordre. Nous étudierons cette phase et ses divers aspects en nous attardant d’une part sur la
nature de l’enquête faite par les autorités de régulation (A) et d’autre part sur l’étape de
l’instruction (B).

A/- La nature de l’enquête


Les secteurs régulés camerounais disposent de deux types d’enquête, d’une part, il y a
les enquêtes coercitives et les enquêtes non coercitive.
L’enquête non coercitive, renvoie aux enquêtes que l’on assimile à des opérations de
contrôle et qui comportent un droit d’accès aux locaux et à des documents996. Ce libre accès
aux lieux à usage industriel et commercial peut se faire sans que la présence d’un officier de
police judiciaire soit nécessaire. Cette dernière vise uniquement à recueillir des informations
auprès des opérateurs, les seules limitent doivent être celles prévues par la loi.
À côté de cette enquête il y a une autre dite coercitive. Elle est assimilable à des
opérations de police judiciaire en ce qu’elles tendent non seulement à constater, mais également
à rechercher les infractions. À ce titre, il faut dire que de telles enquêtes comportent des
pouvoirs de perquisitions et de saisies sous le contrôle du procureur de la république
territorialement compétent. Le régulateur se constitue gardien des objets saisis et engage donc
sa responsabilité en cas de contentieux.

994
CE., 20 octobre 2000, Société Habib bank limited, .
995
Art. 40 de la loi relative aux télécommunications au Cameroun ; Art. 65 de la loi relative au secteur de
l’électricité
996
Art. 36 de la loi n°98/013 relative à la concurrence.

185
Tout contrôle donne lieu à l’établissement d'un procès-verbal conformément aux
dispositions du code de procédure pénale. Il permet alors de constater la conformité ou la non-
conformité. Dans le premier cas, le dossier fait l’objet d'un classement, dans le second cas, les
services des affaires juridiques se saisissent du dossier pour la suite de la procédure.

B/- La notification des griefs, une formalité indispensable


La notification des griefs est le document d’accusation que rédige à l’issue de l’enquête
préparatoire997. Il est rédigé en matière de communications électroniques par le département
chargé des affaires juridiques. En réalité ici, il s’agit d'un projet de lettre de notification de griefs
qui est soumis au Directeur général998. De sorte que c'est au Directeur général de transmettre la
décision finale de notification des griefs. Ce dernier a donc un rôle non négligeable dans la
phase d’instruction alors même qu'il lui revient de prononcer la sanction.
Quoiqu’il en soit, la notification des griefs permet une identification et la description
des pratiques et manquements mis en évidence lors de l’instruction de la plainte999. Il doit de ce
fait comporter entre autres les griefs reprochés à l’opérateur, les dispositions juridiques visés et
la sanction à laquelle s’expose le contrevenant. La notification des griefs est aussi un acte
d’invitation à l’endroit de l’opérateur pour que ce dernier apporte ses observations écrites ou
verbales aux faits qui lui sont reprochés. Cette phase peut donc donner lieu à une confrontation
entre les parties. Le contrevenant peut alors consulter toutes les pièces du dossier1000. Il faut
dire que rien ne s’oppose au fait que le contrevenant soit assisté d'un avocat.
Le délai en matière de communications électroniques est de trois jours1001. Il est dans
ce délai permis au contrevenant de consulter son dossier. Les observations écrites peuvent être
déposées à l’antenne de l'ART territorialement compétente puis transmises à la direction
générale dans les cinq jours de leur réception. Lesdites observations font l’objet d’une d’un
examen par à la fois le département initiateur du contrôle et le département des affaires
juridiques. La notification des griefs est alors au centre de la procédure contradictoire. Dans le
silence des textes juridiques camerounais, il faut dire que la logique serait que la notification
des griefs soit un pur acte préparatoire des autorités de régulation, de ce fait, il n’est pas

997
GALENE (R.), Droit de la concurrence appliqué aux pratiques anticoncurrentielles, op cit., p.107.
998
V. ART, Nouvelles de l'ART, magazine d’informations et d’analyses de l'ART Cameroun, n°12, mars 2005,
p.19.
999
Art. 9 al. 3 de la décision portant procédure de traitement des plaintes par le CNC du 28 mai 2014.
1000
V. STASIAK ( Fr.), « Autorités administratives indépendantes ( AAI) », Rép. Pén., Dalloz, février 2004, pp.
22 et s.
1001
ART, Nouvelles de l'ART, magazine d’informations et d’analyses de l'ART Cameroun, op cit., p.19.

186
susceptible de recours devant le juge, d’autant plus qu’il ne préjuge nullement de la décision1002.
Ainsi Les autorités de régulation ne peuvent se prononcer que sur les griefs soumis à la
discussion des parties1003. Soulignons que lorsque les arguments sont convaincants le dossier
peut être classé. Dans le cas contraire la procédure suit son cours1004. Il faut insister sur le fait
que les autorités de régulation ne se contentent pas de l’instruction pour prendre sa décision. Il
peut au cours des audiences mener des interrogatoires pour mieux asseoir sa décision.
SECTION 2 : LA DECISION DE SANCTION DE SANCTION DES
AUTORITES DE REGULATION
Le prononcé de la décision de sanction (paragraphe 1) n’est pas automatique dans les
secteurs régulés camerounais les textes posent des préalables (paragraphe 2) pour soit éviter la
sanction soit alors pour protéger des intérêts vitaux pour le secteur économique en cause.
PARAGRAPHE 1 : Les préalables à la sanction : le recours au pouvoir
d’injonction
Le pouvoir d’injonction est l’un des pouvoirs répressifs donc dispose les régulateurs
économiques. En matière de concurrence1005 le législateur stipule que les infractions peuvent
donner lieu aux injonctions de mettre fin, L’injonction vise à modifier le comportement pour
l’avenir, à faire rentrer dans le droit chemin. Sa portée juridique permet de rassembler sous cette
bannière des termes différents comme la mise en demeure 1006 qui dans les secteurs régulés
camerounais se présente comme un préalable normal au prononcé de la sanction (A) ou encore
les mesures conservatoires qui elles se présentent comme des préalables éventuels à la prise de
la sanction (B). Toutefois, Il faut faire une distinction entre l’injonction acte définitif et
l’injonction acte préalable à un autre acte. Le premier cas s’observe lorsque l’on parle du
règlement des différends1007, il sera donc aborder plus tard.

A/- Le préalable normal : la mise en demeure

Le manquement n’est sanctionné qu’après une mise en demeure restée sans effet.
L’article 23 dans son alinéa 2 de la loi régissant le secteur postal camerounais stipule que :

1002
GALÈNE (R.), Droit de la concurrence appliquée aux pratiques anticoncurrentielles, Paris, Édition foliation
entreprise, 2005 spéc., p.107.
1003
V. BOUTARD-LABARDE (M. Ch.) et CANIVET (G.), Droit français de la concurrence, op cit., p.205.
1004
Art. 9 al. 5 de la décision portant procédure de traitement des plaintes par le CNC du 28 mai 2014 ; ART,
Nouvelles de l'ART, magazine d’informations et d’analyses de l'ART Cameroun, op cit., p.19.
1005
Art. 24 de la loi relative à la concurrence au Cameroun.
1006
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit.,
p.485.
1007
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op
cit.,p.490.

187
« Lorsqu'un exploitant ou un fournisseur de services postaux ne se conforme pas à la mise en
demeure à l'expiration du délai prévu à l'alinéa 1 ci-dessus, l'administration chargée des postes,
sur proposition de l'agence de régulation postale, peut prononcer à son encontre, l'une des
sanctions suivantes (…) ». Autrement dit, si l’opérateur se soumet à la mise en demeure, il n’y
a pas manquement. Dès lors, pour Thomas Perroud la mise en demeure est la source du
manquement, puisque c’est telle qui confère sa légalité au manquement1008. Le manquement
revêt alors ici une perspective d’objectivité1009.
Cette position est aussi observable en ce qui concerne les infractions relatives à la
concurrence au Cameroun 1010 . La mise en demeure est alors un préalable nécessaire et le
fondement du pouvoir de sanction des autorités de régulation sectorielles1011 et générales elle
rappelle les obligations préalables des opérateurs, c’est un acte correcteur et non pénal, De ce
fait, la mise en demeure est une injonction ayant un effet juridique. Alix Perrin va dans le même
sens, de sorte qu’en partant de ce caractère d'acte correcteur, elle qualifie les mises en demeure
omniprésentes dans le droit de la régulation, de véritables injonctions, et non de simple mise en
garde, insusceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir1012.
La mise en demeure est une injonction adressée par les autorités de régulation à un
opérateur, de mettre fin à un comportement allant contre une loi ou un règlement. Elle prescrit
ainsi au contrevenant de se conformer dans un délai déterminé pour se conformer à la
réglementation. Elle contient alors les irrégularités relevées lors du contrôle les dispositions de
la loi ou du règlement violé, les sanctions encourues et les conditions de régularisation. Il faut
reconnaitre avec Nicole Decoopman, que l’injonction n’est pas seulement un acte signifiant
« ne pas faire », il peut aussi veiller à l’exécution d’une obligation légale c’est donc qu’il peut
aussi signifier « faire », c’est-à-dire un acte qui permet de « corriger, de rétablir une situation,
de remettre en quelque sorte les intéressés dans le droit chemin juridique (…)1013». Notons que
le fait que l’injonction soit un acte correcteur ne l’empêche pas d’être un acte décisoire.

1008
Ibid., p.469.
1009
DELMAS-MARTY (M.) et TEITGEN-COLLY (C.), Punir sans juger : de la répression administrative au
droit administratif pénal, Paris, Economica, 1992, 191p., spéc. p. XX.
1010
V. Art. 24 de la Loi n°98/013 du 14 JUILLET 1998, relative à la concurrence au Cameroun.
1011
LUBEN (I.), « Le pouvoir de sanction de l’autorité de régulation des télécommunications », A.J.D.A., 2001,
p.121. ; PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op
cit, p.470.
1012
PERRIN (A.), L’injonction en droit français, op cit., pp. 448 et s.
1013
DECOOPMAN (N.), « Le pouvoir d’injonction des autorités administratives indépendantes », JCPG, 1987, I,
n°3303, spéc. n°13.

188
Cependant il faut noter que pour que la mise en demeure acquière le caractère d’un acte
décisoire, il faut qu’elle formule une prescription, un commandement1014. La distinction entre
la mise en demeure qui constitue une injonction faisant grief et la mise en demeure constituant
une simple mise en garde repose sur le contenu et les effets1015. À ce propos, l'on peut analyser
le ton comminatoire de la mise en demeure, exemple en enjoignant les opérateurs de ne plus
réitérer certaines pratiques sous peines de sanction ultérieures. La mise en demeure doit avoir
en plus un impact sur la situation de son destinataire1016. En guise d’indice, Bertrand Seiler
évoque « la menace de sanctions, la fixation d’un délai pour se soumettre à l’injonction »1017.
Il faut donc bien analyser les mises en demeure des autorités de régulation camerounaises. À
ce propos, il faut dire que telles que présentées les mises en demeure de l'ART ou encore du
ministre en charge de l’électricité sont assortie d’un délai pour se conformer, et le ton
comminatoire est bel et bien présent. II n'y a pas de cas ou de telles mises en demeure ont été
attaquées devant le juge de l’excès de pouvoir.
En guise de comparaison, il faut souligner que dans un premier temps, les mises en
demeure lorsqu’elles ne constituent qu’une étape dans le cadre d’une procédure complexe,
n’étaient pas considérées comme des décisions faisant grief et donc susceptibles de recours
devant le juge1018. Cette dernière solution n'est plus admise aujourd’hui, la mise en demeure
lorsqu’elle est une étape préalable à une décision à intervenir en fin de procédure est bel et bien
un acte faisant grief en soi. Le juge français a déjà eu à considérer ainsi que les mises en demeure
du CSA sont des actes faisant grief et de fait peuvent être contrôlé par le juge de l’annulation1019.
L'on peut donc conclure avec Thomas Perroud que dans les secteurs régulés, les mises en
demeure doivent être considérées comme de véritables injonctions, actes décisoires faisant grief
et donc largement susceptibles de recours devant le juge administratif1020. La même lecture
pourrait à l’avenir être faite en ce qui concerne le droit camerounais, tous les éléments y
convient. Les mises en demeure sont publiées ou notifiées, de fait, elles peuvent être érigé en
décisions administratives faisant grief et donc susceptibles de recours devant le juge 1021 ,

1014
V. SEILLER (B.), « Acte administratif », in Répertoire de contentieux administratif, op. Cit., n°337.
1015
V. DEREPAS (L.), « Le régime contentieux des décisions prises par la HALDE », AJDA 2007, p.2145.
1016
SEILLER (B.), « Acte administratif », in Répertoire de contentieux administratif, op. Cit., n°339.
1017
Idem.
1018
V. STIRN (B.), « Conclusions sous CE sect., 25 janvier 1981, Confédération nationale des associations
familiales catholique », Recueil Lebon, p.30 ; RFDA 1991, p.285.
1019
CE, 25 novembre 1998, Compagnie Luxembourgeoise de télédiffusion, n°168125, Lebon tables, p.1155 ; 11
décembre 1996, Société Radio Nostalgie, n°163553 ; THIELLAY (J.-P.), « L’évolution récente du régime des
sanctions du conseil supérieur de l’audiovisuel », AJDA 2003, p.475.
1020
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France au Royaume-Uni, op cit.,
p.487.
1021
V. CS/CA, Arrêt n°20 du 20 mars 1968 Ngongang Njankeu Martin c/ État du Cameroun, inédit.

189
toutefois cela ne justifie en rien leur assimilation aux sanctions administratives stricto sensu.
La mise en demeure s’intercale entre les faits et leur sanction, elle est donc appelée à jouer
mutatis mutandis, en matière administrative, le rôle qui serait, en matière répressive celui d'un
article du code pénal, en tant que celui-ci définit l’infraction1022. La mise en demeure est alors
un préalable nécessaire et de fondement du pouvoir de sanction des autorités de régulation. Elle
est dans tous les secteurs le « code pénal »1023 de la sanction administrative.

Il faut dire que le législateur camerounais en matière de mise en demeure dénature les
textes communautaires CEMAC. En effet ce dernier impose que la durée de la mise en demeure
ne doit pas être inférieure à un mois1024. Le législateur camerounais lui prévoit que la mise en
demeure est faite pour un délai de 15 jours dans les secteurs régulés1025. Ce qui nie le caractère
d’application directe du règlement communautaire CEMAC, découlant de la suprématie des
règlements de droit communautaire1026 qui de fait ne nécessite pas que soit prises des mesures
d’incorporations.

B/- Les préalables éventuels : Les mesures conservatoires


Les mesures conservatoires sont des mesures préventives qui occupent une place de
choix dans la préservation de la sécurité qui fondent les relations sociales1027. Le besoin de
protéger certains intérêts supérieurs rend l’existence de mesures conservatoires
particulièrement impérieuses. Ces mesures sont alors portées par l’idée d’urgence. La finalité
des mesures conservatoires est donc de mettre en arrêt les pratiques non conformes présumées
de manière à éviter leurs effets irréparables dans le futur compte tenu de la durée des procédures.
Les mesures conservatoires est donc indispensable en vue d’éviter que l’exercice du pouvoir de
sanction finisse par devenir inefficace ou même illusoire1028. Les mesures conservatoires ne
sont prononcées que si les pratiques dénoncées portent une atteinte grave et immédiate à
l’économie générale. À cet égard Pierre-Laurent Frier note que c’est l’urgence qui justifie le

1022
V. CE, Ass., 11 mars 1994, La Cinq, n°115052, AJDA 1994, p.402
1023
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit.,
p.,470.
1024
Art 8 du Règlement CEMAC n°21/08
1025
Art. 68 al. 1 de la loi n°2010/013 modifiée ; Art.75 al. 1 de la loi n°2015/007 relative à l’audiovisuel ; Art. 23
al. 1 de la loi n°2006/019 relative à l’activité postale.
1026
V. Art. 41 al. 2 du Traité révisé CEMAC.
1027
TERCINET (M. R.), L’acte conservatoire en droit administratif, Paris, L.G.D.J., Coll. Bibl. de droit public,
tome 132, 1979, p.11.
1028
V. ARHAL (P.), « Pratiques anticoncurrentielles, injonctions et sanctions », Encyclopédie Dalloz, Répertoire
du droit commercial, n°2, octobre 2011, p.18.

190
plus souvent le recours à de telles mesures : l’urgence est alors la « condition d’une
exception1029 ».
En matière de communications électroniques, le législateur énonce qu’« [e]n cas
d’atteinte grave et immédiate aux lois et règlements régissant le secteur des
télécommunications, l’agence peut après avoir entendu les parties en cause ordonner des
mesures conservatoires en vue d’assurer la continuité du fonctionnement des réseaux1030». Les
mesures conservatoires servent alors à protéger certains intérêts supérieurs même dans les
services publics en réseau1031. Les mesures provisoires qui dans les secteurs régulés prennent
l’image de mesures conservatoires en ce qu’il s’agit de mesures imposées aux opérateurs
concernés en attendant qu’il soit statué sur le fond de l’affaire exposée devant les autorités de
régulation. Nous analyserons le domaine des mesures conservatoires (1) qui participent du
pouvoir d’injonction des organismes de régulation, avant de voir les caractères de cet instrument
(2).
1/- Le domaine des mesures conservatoires
Le pouvoir de prendre des mesures conservatoires est expressément reconnu au
régulateur des communications électroniques1032. En ce qui concerne le secteur de l’électricité,
il semblerait que ce pouvoir n’incombe qu’au ministre en charge de l’électricité, après avis
préalable de l’agence1033. La nature de cet avis n'a pas été précisée. Et cela est assez dommage
puisque ce pouvoir peut accompagner soit le pouvoir de règlement des différends, soit celui
de sanction, qui tous deux échappent au ministre1034. En effet, l’ARSEL, en agissant comme
arbitre en vertu de la loi sectorielle 1035 , peut sur le fondement de l’article 14 de l’Acte
uniforme OHADA sur l’arbitrage prendre, à la demande de l’une ou l’autre partie, des
mesures conservatoires. Le dessaisissement qui semble alors découler de l’article 98, n’en est
pas un. L’ARSEL dispose de ce pouvoir. De sorte que son avis doit avoir une grande force
auprès du ministre. À notre sens, l’avis ainsi exigé doit être un avis conforme. La même
lecture doit être faite en ce qui concerne le secteur postal. Là aussi, il est stipulé que ;
l’administration en charge des postes en rapport avec l'ARP, peut prendre des mesures

1029
FRIER (P.-L.), L’urgence, Paris, L.G.D.J., Coll. Bibl. de droit public, tome 150, 1987, pp.236 et s.
1030
Art. 72 al. 2 de la loi de 2010, relative aux communications électroniques au Cameroun
1031
Ainsi, le chef de l’État peut-il, pour préserver la sécurité de l’État, prescrire aux opérateurs toutes mesures
allant de la restriction de l’accès à certains services, jusqu’à la suspension temporaire des communications
électroniques sur tout ou partie du territoire national, v. Art. 72 al. 1 de la loi de 2010 régissant les communications
électroniques ; PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-
Uni, op cit, p.479.
1032
Art. 65 al.10 de la loi de 2010 sur les communications électroniques.
1033
Art. 98 de la loi de 2011, régissant le secteur de l’électricité au Cameroun.
1034
V. Art. 44 al. 3 de la loi de 2011 en ce qui concerne le pouvoir de sanction.
1035
Art. 86 de la loi de 2011 sur le secteur de l’ensemble.

191
conservatoires après avoir entendue les parties ou l’une d’elles1036.
En matière d’audiovisuel ce pouvoir existe mais il est détenu par le Ministre chargé de
l’audiovisuel qui peut l’exercer sur la demande du régulateur 1037 . En France le Conseil
supérieur de l’audiovisuel ne détient pas non plus un tel pouvoir. Il doit, contrairement à son
homologue camerounais, saisir le président de la section du contentieux du conseil d’État afin
d’obtenir le prononcé de telles mesures1038. Ce dernier statut alors en référé1039.
Le domaine de ces mesures demeure indéfini au Cameroun. On pourrait penser que le
fait que les articles qui en parlent se retrouvent immédiatement après ceux traitant des
sanctions administratives que le domaine serait alors celui-là. L’autre idée serait d’étendre le
domaine de ces mesures aussi bien au règlement des différends qu’aux sanctions
administratives. C’est cette seconde approche que retiennent les secteurs régulés. Justement
à cause des raisons pouvant donner lieu à la prise de telles mesures qui ne se limitent pas au
règlement des différends même si la notion d’accès telle que nous l’avons vue ici est prise
dans un sens large. Dès lors, il existe un certain contraste avec le choix français. En effet le
domaine du pouvoir d’injonction et des mesures conservatoires y est en principe celui du
règlement des différends1040. Et que seule l’ARCEP en dispose aussi en ce qui concerne son
pouvoir répressif1041. Toutefois peu importe le domaine de ces mesures, elles jouissent d’un
certain nombre de caractéristiques qui permet de faire une distinction avec d’autres mesures
préventives.
2/- Les caractères des mesures conservatoires
Les mesures conservatoires visent à protéger des intérêts. Elles sont alors une faculté1042,
une possibilité. Le législateur camerounais dit en générale que : « (…) l’agence peut après
avoir entendu les parties en cause ordonner des mesures conservatoires en vue d’assurer la
continuité du fonctionnement des réseaux1043 ». Il s’agir donc d’un pouvoir discrétionnaire
des régulateurs économiques. C’est-à-dire que leur prononcé est laissé à l’appréciation des
autorités de régulation. La prise des mesures conservatoires ne se déclenche que si certains
intérêts sont en causes et méritent d’être protégés. Autrement dit c’est le risque d’une atteinte
grave à un intérêt protégé qui est la condition première pour le prononcé des mesures

1036
Art. 24 de la loi de 2006 régissant le secteur postal.
1037
C’est aussi le cas en France en matière d’énergie V. Art. 21 de la loi du 10 février 2000, modifiée.
1038
T.G.I., de Paris, Ord., 31 juillet 2007, S.A. S. Groupe AD c/ S.A. Canalsatellite, n° RG 07/56047.
1039
Art. 42 -10 de la loi française du 30 septembre 1986, modifiée.
1040
Art. L-36-8 du C.P.C.E. ; Art. 16-2 de la loi du 8 décembre 2009 concernant le transport ferroviaire.
1041
Art. L-36-11-3 du C.P.C.E.
1042
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit,
pp.481 et s.
1043
Art. 72 al. 2 de la loi relative aux communications électroniques au Cameroun. Nous soulignons.

192
conservatoires1044. L’atteinte à un intérêt protégé est alors le motif des mesures conservatoires.
Autrement dit, il faut qu'un risque existe, l'on parle aussi de menace1045. Le terme atteinte
permet de décrire la dialectique qui est observable dans la mesure conservatoire entre
justement l’atteinte et les intérêts protégés par la mesure1046. L’atteinte doit être suffisamment
grave.
Il faut relever le fait que cet intérêt protégé est double car il peut s’agir d’une atteinte aux
lois et règlements, ce qui renvoie à un problème de légalité, l'on pense ici à l’atteinte aux
règles régissant l’accès ou le partage d’infrastructures c'est le cas en droit français1047, ou alors
d’une atteinte matérielle comme l’atteinte à la sécurité, ou à l’intégrité des réseaux, du marché
ou même des échanges commerciaux en matière de concurrence, qui sont des atteintes
matérielles. Il faut donc une certaine urgence pour justifier le recours à des mesures
conservatoires1048.

L’urgence relevée par Pierre-Laurent Frier 1049


, comme condition des mesures
conservatoires implique alors que la mesure conservatoire soit temporelle. Il s'en dégage que
de telles mesures jouissent d’un effet temporel provisoire 1050 . Autrement dit, la mesure
conservatoire prend fin dès que l’urgence est passée, c’est un acte provisoire1051. Cela est
confirmer par l’idée admise selon laquelle la mesure conservatoire est un accessoire à une
procédure principale qui peut être soit répressive soit alors de règlement des différends1052.

PARAGRAPHE 2 : Le prononcé de la sanction

Il s’agira pour nous dans un premier temps de déterminer l’autorité en charge du


prononcer de la sanction, en effet, la lecture des textes juridiques sectoriels camerounais fait
émerger une ambiguïté sur le réel détenteur de ce pouvoir. En réalité, il semblerait que le
législateur camerounais procède à un partage de compétence en matière de sanction (A). Dans

1044
Art. L-36-11-3 du C.P.C.E.
1045
V. TERCINET (M.-R.), L’acte conservatoire en droit administratif, Paris, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit
public, tome 132, 1979 spéc., p.72.
1046
V. PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France au Royaume-Uni, op cit.,
pp.481-482.
1047
V. Art. L.36-118 du CPCE ; Art. 38 de la loi du 10 février 2000 sur l’énergie.
1048
FRIER (P.-L.) L’urgence, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit public tome 150, 1987 spéc., pp.236 et s.
1049
FRIER (P.-L.), L’urgence, op cit., pp.236 et s.
1050
V. TERCINET (M.-R.), L'acte conservatoire en droit administratif, op cit., pp.147 et s.
1051
TERCINET (M. R.), L’acte conservatoire en droit administratif, op cit., pp.147 et s.
1052
C. Cass., com., 12 décembre 2006, Sté France Télécom c/ S.A. Western Télécom, n°05-19610, JurisData,
n°2006-036483 ; Recueil Dalloz, 2007, n°3, note Delpech, pp.159-160. ; JACQUIER (S.) et MAXWELL (W. J.),
« Le pouvoir de l’ARCEP d’ordonner des mesures conservatoires dans le cadre d’un règlement des différends
(commentaire de l’arrêt de Cass., com., 12 décembre 2006, Sté France Télécom c/ S.A. Western Télécom,) »,
Communication Commerce électronique, n°10, octobre 2007, étude 25, n°3.

193
un second temps, il faudra égrainer la typologie des sanctions susceptibles d’être infligées par
les autorités de régulation (B).

A/- La détermination de l’autorité en charge du prononcé de la sanction : le


partage des compétences
Le problème est celui de la détermination du titulaire du pouvoir de sanction dans les
secteurs régulés camerounais. En matière de régulation de l’activité audiovisuelle par exemple
l'on lit que « lorsque le titulaire d'un titre d’exploitation ne se conforme pas à la mise en
demeure (…) le ministre chargé de l’audiovisuel, sur proposition de l'organe chargé de la
régulation de l’audiovisuel, peut prononcer à son encontre, selon la gravité du manquement,
l’une des sanctions suivantes (…) »1053. Dans les autres secteurs régulés aussi et en matière de
dissolution anticipée, de liquidation judiciaire, l'on peut lire que la décision de suspension et ou
de retrait peut être prise par les ministres 1054 . En matière d’électricité, la compétence est
reconnue au ministre en charge de l’électricité et à l’ARSEL selon le cas 1055 . La même
perspective est retenue en matière de communications électroniques 1056. Dans le secteur de la
poste il faut un avis du régulateur1057. II faut relever le fait que ces énoncés contrastent avec
ceux par exemple du secteur de l’aviation civile où le législateur stipule que « (…), l’autorité
aéronautique peut, sur la base du procès-verbal (…), infliger à l’auteur des faits (…), l’une des
sanctions suivantes (…) »1058.
La posture paraît plus grave en matière d’audiovisuel puisqu'est en jeu ici une liberté
fondamentale 1059 . De sorte que même si dans la pratique, le Conseil national de la
communication, qui est le régulateur des médias écrits et audiovisuels 1060, assure le prononcé
des sanctions, rien juridiquement ne s’oppose à voir le ministre dans le cadre spécifique de
l’audiovisuel prononcer des sanctions. En réalité, une lecture stricte de la loi régissant
l’audiovisuel aboutirait à exclure la compétence en matière de sanction du régulateur de
l’audiovisuel. Pour cela il suffirait de poser une distinction entre l’audiovisuel et les autres

1053
Art. 75 al. 2 de la loi n°2015/007 régissant l’activité audiovisuelle au Cameroun.
1054
V.76 al. 1 de la loi n°2015/007 régissant l’activité audiovisuelle au Cameroun ; Art. 23 al. 2 et Art. 24 de la
Loi n°2006/019 du 29 décembre 2006, régissant l’activité postale au Cameroun ; Art. 18 al. 3 du décret n°2000/464
régissant les activités du secteur de l’électricité.
1055
Art. 45 al. 1 de la loi de 2011 sur le secteur de l’électricité.
1056
Art. 22 de la loi de 2010 sur les communications électroniques.
1057
Art.15 al. 1 de la loi de 2006/019 régissant le secteur postal.
1058
Art. 138 al.1 de la loi n°2013/010 régissant l’aviation civile ; il en est de même en matière de sanction
pécuniaires v. Art. 139 de la loi n°2013/010 régissant l’aviation civile.
1059
V. Art. 3 al. 2 du décret n°2012/038 du 23 janvier 2012 portant réorganisation du Conseil national de la
communication.
1060
SIMO KOUAM (Fr. A.), « La régulation de l’activité audiovisuelle à l’épreuve du tout numérique au
Cameroun », op cit., p.112.

194
aspects de la communication sociale ou des autres médias. Cela conduirait, si l'on demeure dans
une posture juridique stricte, à une remise en cause des dispositions de l’article 6 alinéa 1 du
décret portant réorganisation du Conseil national de la communication, qui attribuent le pouvoir
de sanction audit organe de régulation1061.
L’idée reposerai sur une logique juridique simple à savoir la pyramide des normes chère
à Hans Kelsen : le texte régissant l’audiovisuel est une loi qui par principe absolu est supérieur
au décret, et en plus cette loi est nouvelle, puisque adoptée après le décret réorganisant l’organe
de régulation de la communication. Ainsi, subtilement, le législateur camerounais aurait semble
t-il dessaisi le Conseil national de la communication du pouvoir de sanction en ce qui concerne
l’audiovisuel. Ce dernier se limitant donc juste au contrôle de la presse écrite, radiophonique et
des journalistes. De ce fait, on peut penser que ce pouvoir de sanction semble ne viser que les
opérateurs privés du secteur des médias. De sorte que l'on peut être amener à conclure que la
loi de 2015 régissant l’activité audiovisuelle au Cameroun a simplement « déshabillée » le
Conseil national de la communication du pouvoir de sanction que lui confère le décret
n°2012/038 du 23 janvier 2012 portant réorganisation du Conseil national de la
communication1062. Ce dernier serait alors « réduit à un simple éclaireur qui travail ou fait des
courses pour le ministre de la communication qui détient en réalité le pouvoir de sanction »,
faisant de lui « une partie et en même temps un juge »1063. La pratique ne confirme pas, ou pas
encore cette lecture stricte.

Cette lecture nous semble excessive, on ne peut parler d’un déshabillage des autorités
de régulation sectorielles, mais plus d’un partage du pouvoir de sanction, avec un domaine
réservé au pouvoir de sanction du ministre dans le cas spécifique de la dissolution anticipée, de
liquidation judiciaire. Toutefois, même en étant prudent dans notre lecture de ces dispositions,
il faut regretter un tel état des choses. Le législateur gagnerait mieux à clarifier la situation pour
tous les secteurs régulés. Les dispositions de la loi sur l’électricité nous semblent à cet effet plus
appropriées. En effet, la précision « selon le cas… » Nous semble très importante en ce qu’elle
induit un partage du pouvoir de sanction qui est logique, si l’on suit le principe du parallélisme
des formes, qui voudrait que l’autorité qui prend un acte soit aussi celle-là qui y mette fin. Ainsi,
chaque autorité annulera l’acte dont il a reçu l’habilitation de délivrer formellement.

1061
Il s’agit du décret n°2012/038 du 23 janvier 2012 portant réorganisation du Conseil national de la
communication.
1062
V. SIMO KOUAM (Fr. A.), « La régulation de l’activité audiovisuelle à l’épreuve du tout numérique au
Cameroun », op cit., spéc., p.131.
1063
Ibid., p.132.

195
Cette dernière approche est préférable à défaut de confier la délivrance de toutes les
autorisations et concessions aux seules autorités de régulation ce qui serait meilleur. Les
ministres disposent de la possibilité d’utiliser ce pouvoir certes. Il faut toutefois souligner que
dans la pratique se sont les autorités de régulation autonomes qui ont recours à ce pouvoir se
présentant alors comme les titulaires pratiques du pouvoir de sanction. Dès lors nos propos se
présentent juste comme une interpellation pour une révision de ces dispositions pour éviter des
difficultés futures. Surtout en tenant compte du fait que les ministres peuvent être présidents
des conseils d’administration des entreprises publiques, opérants dans les secteurs régulés.
Toutefois, il faut souligner à présent le fait qu'il existe plusieurs types de sanctions
administratives en matière de régulation des services publics de réseau.

B/- Les types de sanction administrative


La notion de sanction administrative peut s’entendre comme une décision unilatérale
prise par une autorité administrative agissant dans le cadre de ses prérogatives de puissance
publiques qui inflige une peine1064, sanctionnant une infraction aux lois et règlements1065. C’est
là, une définition stricte de la sanction administrative1066 dont l’identification semble résulter
de quatre critères que sont la finalité punitive, le contenu afflictif, une infraction administrative
et l’intervention d’une autorité administrative1067. Les autorités de régulation camerounaises
sont en mesure de réprimer, au sens vrai du mot, les manquements émanant des opérateurs,
dans la mesure où la nature des sanctions qu’elle inflige à ceux-ci revêt le double caractère des
sanctions pénales, en l’occurrence la punition et la dissuasion1068.
Parler de sanction administratives implique de voir dans le terme infraction utilisé par
les législateur un terme générique signifiant tout simplement manquement à une règle établie1069.
Ainsi, la question de la légitimité des autorités de régulation ne pose pas relativement au
prononcé d’une décision pénale comme cela est le cas dans la doctrine au sujet des pouvoirs du
Conseil régional de la concurrence 1070 . De ce qui précède, les sanctions administratives

1064
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit,
p.451.
1065
CONSEIL D’ÉTAT, Les pouvoirs de l’administration dans le domaine des sanctions. Les études du conseil
d’État, Paris, La Documentation française, 1995, pp.35-36.
1066
DELLIS (G.), Droit pénal et droit administratif : l’influence des principes du droit pénal sur le droit
administratif répressif, Paris, L.G.D.J., Coll. Bibl. de droit public tome 184, n°19, 1997, p.10.
1067
MODERNE (F.), Sanctions administratives et justice constitutionnelle : contribution à ‘ (étude du jus
puniendi de l’État, Economica, Coll. Droit public positif, 1993, 341p.
1068
BERRI (N.), Les nouveaux modes de régulation en matière de télécommunications, op cit., p.261.
1069
V. TCHABO SONTANG (H. M.), La réglementation du commerce électronique dans la CEMAC, contribution
à l’émergence d'un marché commun numérique, op citt., p.99.
1070
V. ABOMO (M.-L.), « Les particularismes et les zones d'ombre de la répression des pratiques
anticoncurrentielles dans la zone CEMAC », Juridis Périodique, n°70, avril-mai-juin 2007, pp.110-116.

196
susceptibles d’être infligées par les autorités de régulation peuvent être rangées en deux
catégories à savoir les sanctions disciplinaires (1), et les sanctions pécuniaires (2).
1/- Les sanctions disciplinaires
La répression administrative s’est présentée comme une espèce d’alternative à la
répression pénale, elle participerait donc de la dépénalisation de la vie des affaires 1071 . Le
recours aux sanctions disciplinaires participe donc de ce mouvement de dépénalisation. Il faut
entendre par sanction disciplinaire….
Cette définition conduit en droit français à poser une distinction au sein de l’action
administrative, entre les mesures pouvant constituées des sanctions de celles non constitutives
de sanctions 1072 . De sorte que les sanctions disciplinaires ne seraient pas des sanctions
administratives. Ce qui un tort.
Il existerait dans les secteurs régulés camerounais une échelle des sanctions allant des
sanctions mineures (avertissement, blâme) aux sanctions lourdes (suspension, retrait). De telles
sanctions sont donc porteuses d’une intention répressive en matière de régulation.
Les sanctions mineures se caractérisent par leur temporalité. Ainsi la durée de validité
de ces dernières varie d'un secteur à un autre. La suspension du titre d’exploitation bénéfice
d'une durée maximale d'un mois en matière d’audiovisuelle1073, tandis qu’en matière postale, la
durée maximale est de six mois1074. La différence se justifie par le fait que dans le premier
secteur est en jeu aussi des libertés fondamentales à l’instar de la liberté de ces presse ou celle
de information. Il s’agit alors de sanctions extrapatrimoniales.
Les sanctions dites majeures soulèvent surtout lorsque le législateur camerounais range
parmi de telles sanctions le retrait d’autorisation administrative1075 qui est la sanction ultime ou
finale. En fait, il faut dire que ce sont les motifs qui donnent aux décisions de retrait leur
caractère de décision de sanction1076. Dès lors, si les motifs de la mesure sont tirés de la violation
des lois et règlements alors la mesure est une sanction, par contre, si la mesure par ses motifs a
pour objectif de préserver l’ordre public, elle est une mesure de police1077. Le premier cas est à

1071
V, sur la dépénalisation du monde des affaires DAURY-FAUVEAU (M.), et BENILLOUCHE (M.), (S/dir.),
La dépénalisation de la vie des affaires et responsabilité pénale des personnes morales, Paris, PUF, collection
CEPRISCA, 2009, 142P.
1072
MOURGEON (J.), La répression administrative, Paris, L.G.D.J., Bibl. de droit public, tome 75, 1967, 643p.,
n°94.
1073
Art. 75 al. 2 loi régissant l’audiovisuel au Cameroun.
1074
V. Art. 23 al. 2 de la loi n 2006/019 régissant l’activité postale au Cameroun.
1075
V. Art. 23 al. 2 de la Loi n°2006/019 du 29 décembre 2006, régissant l’activité postale au Cameroun ; Art. 97
al. 1 de la loi de 2011, sur le secteur de l’électricité ; Art. 138 al. 1 loi de 2013/010 régissant l’aviation au Cameroun.
1076
Cf. BRAIBANT (G.), conclusions sous CE, aff. Sieur Rohmer, RDP, 1960, p.333.
1077
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit,
p.451.

197
retenir ici puisque les sanctions sont liées au non-respect des conditions d’établissement ou
d’exercice d’une activité précise, conditions fixées par la loi et les règlements régissant les
secteurs économiques régulés. Au final, il faut reconnaitre avec Thomas Perroud que se sont
« des sanctions restrictives ou privatives de droits » 1078 issues des titres ou autorisations
administratives octroyées. Ainsi les régulateurs sectoriels infligent des sanctions
administratives en cas de non-respect des obligations contenues dans les cahiers de charge
annexés aux autorisations administratives.
En matière de répression des pratiques anticoncurrentielles la sanction majeure est la
nullité. Cette sanction est surtout prononcée en matière d’ententes et d'abus de position
dominante. Le législateur camerounais pose ainsi le principe de la nullité de plein droit des
pratiques anticoncurrentielles qu’elles soient le fait des entreprises ou le fait de l’État. La nullité
peut être éventuellement assortie d’une injonction qui permet efficacement de mettre fin à la
pratique anticoncurrentielle dans un délai fixé par la décision. Le droit communautaire CEMAC
va dans le même sens 1079 . L'on note que ces sanctions disciplinaires sont majoritairement
assorties de sanctions pécuniaires ou alors ces dernières peuvent être infligées de façon
autonome.
2/- Les sanctions pécuniaires
Au sein de l’éventail des pouvoirs de sanction attribués aux autorités de régulation, la
sanction pécuniaire apparaît comme la plus répressive. Il faut dire que pour une partie de la
doctrine, la sanction administrative est synonyme de « pénalité » pour ainsi la distinguer de la
peine qui se présente comme une notion exclusivement criminelle1080. La pénalité est « un terme
générique sous lequel la législation et la jurisprudence désignent toutes les sanctions
pécuniaires édictées par les lois et prononcées par toutes les autorités compétentes1081 ». L’on
est alors ici dans la catégorie des sanctions patrimoniales qui sont le plus souvent des sanctions
pécuniaires fixées par le législateur de façon forfaitaire1082. L'on peut donc définir la sanction
pécuniaire comme une mesure financière décidée par les autorités de régulation, lorsque ceux-
ci estiment qu’il n’est pas nécessaire d’engager des poursuites pénales1083

1078
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit,
p.456.
1079
V. Art. 2 du Règlement n°1/99
1080
BACCOUCHE (N.), « Les problèmes juridiques et pratiques posés par la différence entre le droit criminel et
le droit administratif pénal », Revue internationale de droit pénal, 1988, p.430 et s ; JOAO MARCELLO DE
ARUJO JUNIOR, « Les problèmes juridiques et pratiques posés par la différence entre le droit criminel et le droit
administratif pénal », Revue internationale de droit pénal, 1988, pp.125 et s.
1081
CHRETIEN, cité par NEEL (B.), Les pénalités fiscales et douanières, Economica, 1999, p.7.
1082
Art. 69 de la loi n°2010/013 régissant les communications électroniques au Cameroun ; Art. 97 al. 1 de la loi
n°2011/022 régissante le secteur de l’électricité.
1083
V. Art. 16 al. 1 du décret n°2015/0998/PM du 29 avril 2015 fixant

198
En matière de communications électroniques l'ART a établi un barème de sanctions
pécuniaires1084. Ce dernier révèle que le montant des pénalités est composé d'une partie fixe et
d’une partie variable. Ledit barème permet alors à chaque opérateur de faire des simulations. Il
faut dire que la publication de ce barème joue un double rôle d'information et de dissuasion.
Ceci au regard des montant susceptibles d’être infligés.
Lorsque l'on sait que les budgets des autorités de régulation autonomes camerounais sont
alimentés par les pénalités et autres amendes1085. Ainsi, les sanctions pécuniaires sont les plus
nombreuses, mais aussi les plus considérables. Elles sont alors calculées au prorata du chiffre
d’affaire de l’entreprise. L’idée étant qu'une sanction pécuniaire trop élevée pourrait conduire
à la fermeture de l’entreprise. Les sanctions pécuniaires apparaissent à bien d’égard plus lourdes
et par conséquent, plus sévères que les sanctions émises par le juge pour les mêmes faits. Les
amendes ainsi prononcées doivent répondent dans les faits à l’exigence de proportionnalité par
rapport non seulement aux avantages tirés du manquement, mais aussi de la gravité du
manquement.

CONCLUSION DU CHAPITRE
Le pouvoir de sanction est un moyen juridique performant afin de permette aux autorités
de régulation de mener à bien leurs missions régulatrices. Mais il n'est pas le seul instrument
juridique contentieux que détiennent les autorités de régulation. Elles disposent aussi du
pouvoir de règlement des différends.

1084
V. Annexe de la note- Instruction n°000003/DG/DAJCI/ CJ du 17 janvier 2005 définissant la procédure de
sanction des contrevenants aux lois et règlements régissant le secteur des télécommunications au Cameroun.
1085
Art. 24 al. 1 (f) du décret n°2012/203 du 20 avril 2012 portant organisation et fonctionnement de l’agence de
régulation des télécommunications

199
CHAPITRE 2 : LE POUVOIR DE REGLEMENT DES DIFFERENDS DES
REGULATEURS SECTORIELS CAMEROUNAIS

L’ouverture à la concurrence d'un réseau ne peut se faire sans qu’émerge un conflit entre
les opérateurs propriétaires desdits réseaux et les nouveaux entrants. Les opérateurs titulaires
de l’infrastructure essentielle peuvent refuser injustement l’accès ou peuvent l'accorder à des
conditions fortement discriminatoires. Ce qui somme toute aurait pour conséquence le rejet de
la concurrence. Il était alors nécessaire que les autorités de régulation soient dotées d'un pouvoir
de règlement des différends afin de briser toutes réticences face à l’objectif d’ouverture à la
concurrence. Un tel pouvoir par sa grande juridicité a été jugé étranger à la régulation 1086 et le
fait qu’en droit français tous les régulateurs n'en sont pas dotés à l’instar de l’autorité des
marchés financiers a contribué à un moment à fortifier cette perspective. Pourtant, il faut se
rendre à l’évidence de l’omniprésence de ce pouvoir dans les secteurs régulés relevant du
domaine des industries de réseaux. Ainsi le législateur camerounais aura confié le pouvoir de
résoudre les différends à toutes les autorités de régulation des services publics en réseaux1087.
La Commission de la concurrence en réalité ne serait pas en reste. En effet, une plainte
pour pratique anticoncurrentielle introduite par une entreprise contre une autre donne forcément
lieu à un conflit opposant deux parties. Le conflit qui se présente devant les régulateurs
sectoriels est particulier puisqu’il s’agit d’un conflit qui oppose une liberté première et l’octroi
d’un droit subjectif1088, entendue comme une prérogative individuelle que la personne sujet de
droit tire de la règle de droit objectif1089, c’est donc une faculté1090. Cette liberté étant ici par
exemple celle de contracter, qui s’inscrit dans la perspective d’un droit d’accès d’un nouvel
arrivant sur le marché. Ce droit d’accès appelle donc une négociation entre les opérateurs
présents sur le marché et les nouveaux entrants. Cette négociation est assortie d’une obligation
de résultat. Tout refus doit alors être motivé. Il survient un affrontement, entre le fait qu'un
opérateur dispose sur la facilité essentielle un droit de propriété, et l’obligation qui lui est
imposée de faire droit à toute demande d’accès, de partage d’infrastructures ou alors

1086
V. ATIAS (Ch.), Philosophie du droit, Paris, PUF, coll. « Thémis- droit privé », 2004, spéc., p.171.
1087
V. Arts. 65 et suiv., de la loi n°2010/013 régissant les communications électroniques pour l'ART ; Art. 96 al.
1 (para. 9) de la loi n°2010/013 régissant les communications électroniques pour l'ANTIC ; Arts. 85 à 88 de la loi
n°2011/022 régissant le secteur de l’électricité au Cameroun pour l’ARSEL ; Art. 60 de la loi n°2006/019 régissant
l’activité postale pour l'ARP .
1088
BOY (L.), « La fonction de régulation de l’autorité de régulation des télécommunications (réflexions
contributives à la notion de régulation) », in Rapport intermédiaire au GIP « Droit et justice » du Ministère de la
justice, juillet 1999, p.10.
1089
AUBERT (J.-L.) et SAVAUX (E.), Introduction au droit, Sirey, Coll. Université, 12 éd., 2008, n°184.
1090
VILLEY (M.), Philosophie du droit. Définitions et fins du droit. Les moyens du droit, Paris, Dalloz, Coll. Bibl.
Dalloz, 2001, pp.107 et s.

200
d’interconnexion 1091 . L’institution d’une telle obligation marque l’influence de la Common
Law sur le droit civil des contrats ; avec la jurisprudence relative aux « common carrier » ou
celle du « restraint of trade »1092. Cette dernière obligation donne donc un droit d’accès aux
nouveaux entrants. Pour résoudre le problème, le législateur impose alors une obligation de
négocier entre les deux parties. L’instauration d'une telle obligation de négocier donne une forte
assise à la liberté contractuelle. Dès lors, la primauté des relations commerciales ainsi mise en
avant, obéit aussi bien à une logique juridique, qu’à une rationalité économique. Ainsi si
l’interconnexion est toujours disponible, les nouveaux entrants doivent quand même négocier
les termes de l’interconnexion ou du partage d’infrastructures. Ce qui permet alors, de préserver
le droit de propriété et la liberté contractuelle.
Dans cette optique, le règlement des différends est facultatif par rapport à la liberté
contractuelle. Cependant, il subsiste un risque à savoir l’échec de la négociation entre les
parties1093. L'on retrouve alors la définition donnée à la notion de différend, à savoir, un incident
quelconque qui se produit au cours des opérations de formation, d’élaboration ou d’exécution
du droit 1094 . Cet incident peut alors prendre la forme d’une contestation, d’un différend
d’opinion1095. Il est alors d’ordre juridique puisque le droit en est la source1096. Le pouvoir de
règlement des différends permet d’instaurer une saine concurrence dans les secteurs
anciennement monopolistiques.
Ce pouvoir peut jeter un trouble sur la nature juridique des autorités de régulation
sectorielle, est-on encore réellement dans leur cas face à des établissements publics
administratif, rien n'est moins sûr. Le problème de fond ici étant de savoir, si l’on fait primer
l’aspect organique ou l’aspect matériel. Le débat subsiste. Quoiqu’il en soit, l’innovation dont
parlait déjà Gérard Pekassa Ndam est observable1097. L’administration certes a souvent eu une
fonction contentieuse, mais plus dans le sens du pouvoir de sanction, que dans une perspective

1091
V. Intitulé de la section 1 chapitre 2 du Décret n°2012/1640/PM du 14 juin 2012, fixant les conditions
d’interconnexion, d’accès aux réseaux de communications électroniques ouvert au public et de partage
d’infrastructures (ci-après) Décret n°2012/1640/PM)
1092
V. PERROUD Thomas, « Les raisons de l’attribution d’une fonction de règlement des différends aux autorités
de régulation : une comparaison France – Royaume Uni », in Droit et Société, n°93, 2016/2, notes 52 et 53, p.330.
1093
C.J.C.E., 12 novembre 2009, Telia Sonera Finland OYJ, aff. C-192108 J.O.C 11 du 16 janvier 2010, para.36,
p.3, note L. Idot ; Europe n°1 janvier 2010, comm.31.
1094
CHEVALLIER (J.), « Fonction contentieuse, fonction juridictionnelle », op cit, p.280.
1095
MOUREAU (L.), « Notion et spécificité du contentieux administratif », in Mélanges Dabin, pp. 179 -196, spéc.
pp.186-187
1096
CADIET (L.), NORMAND (J.), AMRANI MEKKI (A.), Théorie générale du procès, op cit, p.294.
1097
PEKASSA NDAM ( G.), « Les établissements publics indépendants, une innovation fondamentale du droit
administratif camerounais », op cit., p. 163 et suiv.

201
de règlement des différends. Grâce à un tel instrument, les autorités de régulation sectorielle
sont alors investies par le législateur camerounais d’une fonction de règlement des différends.
Il faut donc voir ici, si la fonction de règlement des différends par les autorités de
régulation est une fonction complémentaire, concurrente ou alternative, au règlement par le juge
des litiges entre régulés. Le rapprochement de la fonction des régulateurs et la fonction de juger
montre que la complémentarité entre les deux tient davantage de l’expertise du régulateur que
de son pouvoir de règlement de différends.
Toutefois, il faut souligner que l’idée de concurrence entre ces deux modes de
règlement de différend est envisageable dans certains secteurs régulés, puisqu’il repose sur un
transfert de compétence du juge vers le régulateur du fait du législateur : le règlement de
différend entre opérateurs régulés et entre ces derniers et les consommateurs est désormais une
fonction partagée. Précisons ici que le partage de fonction entre le juge et le régulateur
n’implique en aucune façon un partage de compétence. Chacun conserve l’entièreté de ses
compétences. De fonction concurrente, le règlement du différend par le régulateur peut-il être
alternatif ; cela supposerait tout d’abord que la décision prise par le régulateur en la matière
fusse une décision de justice et non une décision administrative, ensuite, cette décision serait
inattaquable devant le juge, puisse qu’elle est une alternative à une décision de justice.

La posture semble assez difficile à exclure. Parce que même une pure décision de justice
peut être attaquable devant une juridiction plus élevée. L’attaquabilité des décisions du
régulateur s’étend à ses décisions relatives au règlement de différends, ceci au nom d’une bonne
administration de la justice et de l’État de Droit. Ainsi, certes, « Le règlement des différends
n'est qu'un mode de régulation ce pourquoi ce pouvoir a été confié aux régulateurs »1098, mais
il ne constitue pas moins une ingérence de plus des régulateurs sectoriels dans « l’office du
juge ». Dès lors, le pouvoir de règlement des différends apparait comme la nouvelle flèche
offerte à l’arc des régulateurs des industries de réseaux 1099. Nous l’étudierons en analysant
d’une part, l’introduction d’instance (section 1) et d’autre part, la décision de règlement des
différends (section 2).

1098
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le pouvoir du régulateur de régler les différends : entre office de régulation et
office juridictionnel civil », op cit., p.274.
1099
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le pouvoir du régulateur de régler les différends. Entre office de régulation et
office juridictionnel civil », in Les risques de régulation, op cit., p.274.

202
SECTION 1 : L’INTRODUCTION D’INSTANCE

Nous analyserons d’une part les règles relatives à la recevabilité de la saisine


(paragraphe 1) et d’autre part, nous nous attarderons sur l’obligation de saisir préalablement
l’autorité de régulation avant toute autre juridiction (paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : La recevabilité de la requête

Pour qu’une requête soit recevable il faut qu’elle remplisse un certain nombre de
conditions (A), toutefois remplir c'est conditions n’élude pas le fait que la requête puisse être
irrecevable, cette dernière hypothèse nous intéressera aussi (B).

A/- Les conditions de recevabilité


La requête doit remplir des conditions de forme (1) et des conditions de fond (2) pour
que sa recevabilité puisse être examinée.
1/- Les conditions de forme
La qualité pour agir est une notion qui est intimement liée à celle de l’intérêt pour agir
en tant que les deux sont les composantes du droit d’agir. L’absence de qualité découle du fait
que le requérant ne dispose pas d’un titre juridique faisant de lui un opérateur du secteur des
communications électroniques 1100 . Autrement-dit, la preuve de la qualité pour agir est la
détention d’une autorisation administrative valide 1101 . Ainsi, en posant l’exigence à tout
requérant de préciser dans sa requête, sa forme juridique, ou encore sa dénomination sociale1102,
permet en réalité de vérifier la détention par ce dernier d'un titre juridique en liens avec le
secteur régulé concerné. De sorte que la requête sera irrecevable si le défendeur n'est pas un
acteur du secteur.
À côté de la détention d’un titre juridique valide. Il faut alors en principe qu’il existe
entre le requérant et le défendeur une relation commerciale. Cependant, le secteur des
communications électroniques est un secteur interconnecté aux diverses ramifications de sorte
que certains faits peuvent porter préjudices à un opérateur avec qui le défendeur n'est pas
directement en relation d’affaires. Les autorités de régulation devraient dans ces cas admettre

1100
Art. 5 al.33 de la loi n°2010/013, régissant les communications électroniques au Cameroun.
1101
MAUBLANC (J.-V.), Le marché des autorisations administratives à objet économique, Thèse de droit,
Université de Pau et des Pays de l’Adour, 2016, p.3.
1102
Art. 10 de la Décision n°00000191/ART/DG/DAJPC/SDA/SREG du 2 octobre 2014, fixant les modalités de
règlement des différends entre opérateurs des réseaux de communications électroniques au Cameroun.

203
qu’il y a qualité à agir. De sorte que, la détention d’une autorisation administrative soit la
condition sine qua num de la qualité à agir et l’existence d’une relation d’affaires une condition
secondaire mais pas moins nécessaire. La posture permettra de prendre en compte le phénomène
de la convergence des secteurs.
L’admission d’une qualité à agir en ce qui concerne les requêtes des consommateurs des
secteurs régulés camerounais devrait reposer sur l’existence d’un contrat d’abonné. Sans quoi,
un requérant ne peut saisir le régulateur sectoriel. L’existence d'un contrat d’abonnés, offre ainsi
des droits à protéger à ce dernier. Ceci permet alors d’éviter des contestations inutiles. L’intérêt
doit remplir les critères bien connus comme être né, actuel, direct et personnel. Il faut donc que
la requête manifeste une réelle volonté d’obtenir un bénéfice direct pour les parties. Il faut
souligner que les actions collectives sont admises aussi bien pour les consommateurs à travers
les associations qu’ils peuvent créer1103, que pour les opérateurs.
Dans le secteur des communications électroniques camerounais la saisine du régulateur
sectoriel des communications électroniques est soumise au paiement préalable des frais de
procédure qui sont non remboursable. Bien plus, le récépissé du versement doit être joint à la
requête1104. Nous pouvons légitimement penser que l’absence du paiement de ces frais peut être
constitutive d’irrecevabilité de la saisine. Dans un tel cas, il faut indiquer que l’infraction ne
restera pas impunie. L'ART dispose de la possibilité d’office de mener des enquêtes et de
sanctionner les manquements. Il pourra donc emprunter cette voie.

L’obligation de payer des frais de procédure s’impose aussi aux consommateurs devant
l'ART. En effet, il est prévu que lorsque la procédure de conciliation entre opérateurs et
consommateurs n’aboutit pas, la procédure contentieuse est soumise aux mêmes règles que
celles régissant les différends entre opérateurs1105. Dès lors, le paiement des frais de procédure
peut être exigé aux consommateurs des services de communications électroniques. Il faudra à
ce propos veillé au fait que le montant de ses traits ne soit pas de nature à décourager la saisine
du régulateur sectoriel. Si le montant est trop élevé, il serait un obstacle au droit d’accès au juge.
Les frais ainsi payé sont des redevances pour service rendu1106. A ces conditions de forme l'on
ajoute des conditions de fond.

1103
Art. 3 (d) de la loi-cadre n°2011/012 du 06 mai 2011 portant protection du consommateur au Cameroun.
1104
Art. 13 de la Décision n°00000191/ART/DG/DAJPC/SDA/SREG du 2 octobre 2014, fixant les modalités de
règlement des différends entre opérateurs des réseaux de communications électroniques au Cameroun.
1105
Art. 20 du Décret n°2013/0399/PM du 27 février 2013, fixant les modalités de protection des consommateurs
des services de communications électroniques.
1106
V. CONSEIL D’ÉTAT, Redevances pour service rendu et redevances pour occupation du domaine public,
étude adoptée le 24 octobre, 2002, Paris, La Documentation française, 105o.

204
2/- Les conditions de fond de la saisine
Elles évoquent le problème du champ de compétence des autorités de régulation
sectorielle qui sont les seules à détenir un pouvoir de règlement des différends. Les textes
juridiques sectoriels précisent que la requête doit préciser les faits à l’origine du différend. Ainsi
que les chefs de la demande et exposer les moyens invoqués à l’appui de la requête 1107. Il est
admis que les autorités de régulation connaissent des faits, et donc des différends, qui portent
sur l’accès, l’interconnexion, le dégroupage de la boucle locale, la numérotation, l’interférence
des fréquences, la Co localisation physique ou le partage des infrastructures pour ce qui
concerne l'ART 1108 . Le domaine de compétence de l’ARSEL en matière de règlement des
différends n'est pas préciser par le législateur1109. Ce qui est logique au regard du mode de
règlement des litiges choisi dans ce secteur en l’occurrence l’arbitrage. Il en est de même pour
l’autorité aéronautique 1110 ou d’audiovisuel 1111 . Ce que l'on peut toutefois noter est que le
champ du domaine de règlement des litiges est celui fixé par les différentes lois autrement dit
toutes infractions constituant une violation d’une disposition des lois sectorielles est de la
compétence de l’autorité de régulation concerné par ladite loi.
Le problème peut survenir dans le cadre de la convergence des secteurs régulés et qui
impliquerait la possibilité d’intervention de deux autorités de régulation distinctes. Le meilleur
choix serait alors de tenir compte du l’activité économique en cause ou de l’infraction pour
reconnaître la compétence du régulateur sectoriel le plus proche de ladite activité. C’est semble-
t-il le choix du législateur camerounais dans le cadre de la convergence entre les
communications électroniques et l’audiovisuel relativement à l’assignation des fréquences
radioélectriques aux opérateurs audiovisuels qui ressort de la compétence de l'ART 1112 ou
encore en matière de multiplexage et/ou de diffusion des réseaux de communication
audiovisuelle relativement à l’accès aux infrastructures des opérateurs de multiplexage et/ ou
de diffusion des réseaux de communication audiovisuelle qui aussi appelle une double
intervention de ART et du Conseil national de la communication1113. Ainsi vu que l’accès fait

1107
Art. 12 de la Décision n°00000191/ART/DG/DAJPC/SDA/SREG du 2 octobre 2014, fixant les modalités de
règlement des différends entre opérateurs des réseaux de communications électroniques au Cameroun.
1108
Art. 3 al. 1 de la Décision n°00000191/ART/DG/DAJPC/SDA/SREG du 2 octobre 2014, fixant les modalités
de règlement des différends entre opérateurs des réseaux de communications électroniques au Cameroun ; v. Aussi
Arrêté n°0000015/MINPOSTEL du 27 juin 2012, fixant les modalités de dégroupage de la boucle locale des
réseaux de communications électroniques ; pour une définition des différents types de différends v. Art 5 loi
n°2010/013.
1109
Art.85 de la loi n°2011/022 régissant le secteur de l’électricité
1110
V. Art. 131 de la loi n°2013/010 régissant l’aviation civile au Cameroun.
1111
Art. 72 de la loi n°2015/007 régissant l’activité audiovisuelle au Cameroun.
1112
Art. 52 al. 1 de la loi n°2015/007 régissant l’activité audiovisuelle au Cameroun.
1113
Art. 20 a. 1 de la loi n°2015/007 régissant l’activité audiovisuelle au Cameroun.

205
l’objet d’une convention de droit privé entre les parties1114 un différend peut donc survenir. Le
législateur camerounais opte dans ce cas pour la compétence de l'ART en disposant que « les
activités de multiplexage et/ou de diffusion des signaux de communication audiovisuelle, sont
régies par la loi sur les communications électroniques »1115. De sorte que c’est la nature de
l’activité qui induit la compétence du régulateur.
La même posture émerge désormais en droit des pratiques anticoncurrentielles. Le
législateur communautaire CEMAC en considération du développement des secteurs régulés a
procédé à une clarification du rôle respectif des autorités nationales de concurrence et des
autorités nationales de régulation sectorielle pour connaître desdites pratiques. Ainsi l’autorité
nationale de la concurrence est seule compétente pour l’ensemble des activités économiques
exercées y compris dans les secteurs régulés des questions relative à l’application du droit de la
concurrence1116. De fait les dispositions nationales relatives aux communications électroniques
qui donnaient cette compétence à l'ART1117, ne tiennent plus. Là aussi et c'est ce que nous
voulions souligner, c’est la loi de rattachement de l’infraction qui a guidé ce choix, mais aussi
le souci d’une application utile et homogène des règles de la concurrence 1118. Cette dernière
posture est depuis longtemps observable en droit français. Ce qui fait de l’autorité de la
concurrence un régulateur transversal ou multisectoriel1119.
De ce fait, il faut dire que le champ de compétence des autorités de régulation est donc
assez large. De sorte que le manque de précisions en ce qui concerne l’ARSEL ne limite pas a
priori son domaine de compétence et partant, les faits pouvant lui être soumis. La seule limite
à tous ces régulateurs tient à la nature pénale des faits allégués1120. Cependant, cette dernière
limite semble ne pas avoir été retenue en matière d’aviation civile puisque le législateur
camerounais offre un pouvoir de transaction sur des infractions pouvant revêtir une nature
pénale1121.
L’autre limite instituée par les textes découle de la prescription des faits. La position du
législateur camerounais instaure en matière de télécommunication et d’électricité un principe

1114
Art. 20 al. 4 et Art. 22 de la loi n°2015/007 régissant l’activité audiovisuelle au Cameroun.
1115
Art. 23 de la loi n°2015/007 régissant l’activité audiovisuelle au Cameroun.
1116
Art. 2 de la Directive n°01/19-UEAC-639-CM-33 du 22 mars 2019 Relative à l’organisation institutionnelle
dans les États membres de la CEMAC pour l’application des règles communautaires de la concurrence.
1117
Art.36 al. 2 de la loi n°*2010/013 régissant les communications électroniques au Cameroun.
1118
Art. 1 de la Directive n°01/19-UEAC-639-CM-33 du 22 mars 2019 Relative à l’organisation institutionnelle
dans les États membres de la CEMAC pour l’application des règles communautaires de la concurrence.
1119
V. BRIAND- MELEDO (D.), « Autorités sectorielles et Autorités de concurrence : acteurs de la régulation »,
op cit. Pp.345 -371.
1120
Art. 72 al. 2 de la loi n°2015/007 régissant l’activité audiovisuelle au Cameroun ; Art. 65 al. 2 de la loi
n°*2010/013 régissant les communications électroniques au Cameroun.
1121
V. Art.132 al. 1 et Art. 139 de la loi n°2013/010 régissant l’aviation civile..

206
de déchéance quinquennale, qu’il érige alors en délai général de prescription en matière de
régulation sectorielle. Ainsi les agences de régulation ne peuvent être saisies pour des faits
remontant à cinq ans si aucune action n’a été mise en œuvre durant cette période1122. Ces limites
instituées donnent lieu à une fin de non-recevoir.
En abordant le problème de la limite du champ de compétence, il faut dire que certaines
demandes émanant des requérants posent problème comme celles liées à l’indemnisation des
opérateurs ceci compte tenu du fait que les opérateurs doivent prioritairement saisir les autorités
de régulation (nous y reviendrons). En droit français, les demandes d’indemnisation sont de la
compétence exclusive des juges. Dès lors peu importe la nature des faits, leurs liaisons avec
l’accès, s'il y a une demande d’indemnisation, le régulateur doit se déclarer incompétent. Bien
plus, le requérant en France dispose du choix de saisir soit le régulateur sectoriel, soit le
régulateur général1123, soit alors le juge ordinaire. La posture devrait être la même au Cameroun.
De sorte qu’à notre sens il devrait s’agir d’une incompétence partielle portant uniquement sur
la demande d’indemnisation. Et non d’une incompétence totale qui alors violerait l’obligation
de saisir préalablement les autorités de régulation avant toutes juridictions.

Toutefois le secteur des communications électroniques est ambigu sur la question. Dans
un litige opposant Organe Cameroun S.A. à MTN Cameroun relativement aux campagnes
publicitaires, le requérant à savoir Orange Cameroun formule une demande d’indemnisation du
préjudice commercial subi du fait de la publicité offensante de MTN. L'ART sur cette question
propose juste que ladite demande ne doit pas être soulevée non pas en se fondant sur son
incompétence mais plutôt sur le fait que l'instance n’était pas contentieuse, puisqu’en effet, l'on
était dans une procédure de conciliation 1124 . Ce qui peut intriguer donc la justification du
régulateur sectoriel qui laisse entrevoir le fait que l'ART aurait pu, si l’instance était
contentieuse, sans problème analyser la question. De sorte que le régulateur sectoriel des
communications électroniques n’exclut pas de son champ de compétence les demandes
d’indemnisation des opérateurs. La perspective est inédite et si elle était confirmée changerait
substantiellement la nature même de l'ART.

1122
Art. 73 de la loi n°2010/013, régissant les communications électroniques au Cameroun.
1123
Pour une approche de la régulation en terme général et sectoriel, V.GUILLENSCHMIDT (J. De), « Le général
et le sectoriel dans le droit de la régulation », op cit., pp. 58 et suiv.
1124
V. Exposé des motifs à la Décision n°00022/D/ART/DG/DAJCI du 01 avril 2005 constatant extinction du
litige sur les campagnes publicitaires opposant Orange Cameroun S.A à la mobile téléphone network (MTN)
Cameroon, opérateurs de réseaux des télécommunications ouvert au public, in Les nouvelles de l'ART, n°13, juillet
2005, spéc., pp. 17-19.

207
B/- L’hypothèse de l’irrecevabilité de la saisine
La saisine qui ne respecte pas les conditions ci-dessus énumérées est susceptible d’être
jugé irrecevable. Cette hypothèse dans les secteurs régulés camerounais n’est pas exempte de
difficultés juridiques sur lesquelles il faudrait un tant soit peu s'y attarder. Ces difficultés
tournent autour du problème de la contestabilité de la décision d’irrecevabilité. À ce propos
nous aborderons deux axes, le premier pour démontrer que la décision d’irrecevabilité ne jouit
pas d’une immunité de juridiction et de fait est donc contestable (1) et le second axe abordera
le cas de l’annulation de la décision d’irrecevabilité (2).
1/- De la contestabilité de la décision d’irrecevabilité de la saisine
Il faut dire que parler de contestabilité c'est dire si la décision d’irrecevabilité est
susceptible d’être attaqué devant un juge. Il faut dire que la décision d’irrecevabilité comporte
un certain nombre d’éléments qui convergent vers la perspective qu’une telle décision ne peut
jouir d'une immunité juridictionnelle ou contentieuse.
En effet cette décision d’irrecevabilité se présente comme un acte écrit et exprès. Or ces
actes sont en principe des actes susceptibles de recours. Autrement-dit se sont des actes
décisoires faisant grief, c’est-à-dire qui modifient par elle-même la situation juridique d’une
personne1125. De tels actes portent une manifestation de volonté1126. L’idée est que les autorités
administratives doivent faire prévaloir l’intérêt général et le juge se doit de contrôler que ces
manifestations de volonté afin que le pouvoir discrétionnaire ne se transforme pas en pouvoir
arbitraire. Dans cette occurrence, la décision d’irrecevabilité change d’une façon ou d'une autre,
la situation juridique des opérateurs. Elle doit donc être contestable devant le juge. En plus, elle
est assortie d’une obligation de notification et surtout de motivation1127. En effet, la décision
d’irrecevabilité de la saisine du régulateur sectoriel se présente comme un acte administratif
unilatéral négatif, puisqu’il oblige un opérateur économique à demeurer dans une situation
juridique et économique qui lui est défavorable. D’où l’exigence de motivation.
De même en partant du caractère juridictionnel du pouvoir de règlement des différends,
puisque son l’objet est de trancher le litige, la décision d’irrecevabilité est comme un acte de
procédure. Or, il est admis que les actes de la phase préparatoire du procès en général, ne sont

1125
V. CS/CA, Ngongang Njankeu Martin, Op. Cit.
1126
CE 21 octobre 1988, Église de scientologie de Paris, op. Cit.
1127
Art. 16 al. 1 Décision n°00000191/DG/DAJPC/SDAJ/SREG du 02 octobre 2014, fixant les modalités de
règlement des différends entre opérateurs des réseaux de communications électroniques au Cameroun.

208
pas exemptent de recours1128. C’est l’une des conséquences de la séparation des fonctions de
poursuite et d’instruction1129 auquel les régulateurs sectoriels sont soumis.
Ainsi donc, peu importe l'angle d’approche de la décision d’irrecevabilité, le silence des
textes juridiques sectoriels ne pleut être interpréter comme concluant à une incontestabilité de
ladite décision. Au contraire, lorsque l’on ajoute à cette nature administrative de la décision
d’irrecevabilité, son effet sur les droits des opérateurs-requérants, on ne peut que militer pour
l’existence de la possibilité de contester cette dernière décision et d’obtenir donc l’annulation
de la décision d’irrecevabilité. Cette dernière hypothèse pose le problème de la suite à donner
à la requête.
2/- L’annulation de la décision d’irrecevabilité de la saisine : Quid d’une nouvelle
saisine ?
Le problème ici est celui qui résulte du cas où le juge de recours sanctionne la décision
d’irrecevabilité. La question est de savoir si le requérant est autorisé à faire une nouvelle saisine ?
Si oui le régulateur sectoriel recommence-t-il toute la procédure ou bien celle-ci suit juste son
cours normalement ? Cela dépend à notre sens du caractère suspensif ou non du recours contre
la décision d’irrecevabilité.
En procédure civile, l'on admet que si la déclaration de saisine est jugée irrecevable, la
partie requérante n'est plus recevable à régulariser une seconde déclaration de saisine 1130 .
Cependant, dans le cadre qui nous importe ici, il faut souligner que la décision d’irrecevabilité
de l'ART ne suppose pas que la demande elle-même a été jugée. C’est le recours qui est
irrecevable de sorte que, si le juge annule l'irrecevabilité du recours, le requérant peut effectuer
une nouvelle saisine. L’idée étant que, l’irrecevabilité affecte non pas la demande, mais la
saisine c’est-à-dire, la formalité par laquelle une partie porte un différend devant les autorités
de régulation1131.

1128
V. Arts. 267 à 287 du Code de procédure pénale camerounais.
1129
Pour une analyse de cette séparation en matière pénale V. MEBU NCHIMI ( J.C.), « Le procureur de la
république décoiffé de sa casquette de magistrat instructeur.», in TCHAKOUA (J.-M.), (dir.), Les tendances de la
nouvelle procédure pénale camerounaise, vol.1 2007, pp.241 et s. ; OHANDJA ELOUNDOU (A.), « Un
« revenant » : le juge d’instruction », Juridis Périodique, n°65, 2006, p.91 ; YAWAGA (S.), « Le retour du juge
d’instruction et son impact sur la construction d’une justice pénale impartiale », in De l’esprit du droit africain,
Mélanges en l’honneur de Paul- Gérard Pougoue, Wolters Kluwer, 2014, pp.769-799.
1130
Cass. Civ., 2e 19 octobre 2017, F+P+B, n°16-11.266 et 19 octobre 2017, F+P+B, n°16-24.269.
1131
Pour ce qui est des communications électroniques v. Art. 2 al. 1 para. 19, Décision
n°00000191/DG/DAJPC/SDAJ/SREG du 02 octobre 2014, fixant les modalités de règlement des différends entre
opérateurs des réseaux de communications électroniques au Cameroun.

209
En effet, en matière de communications électroniques, la décision d’irrecevabilité
émane du Directeur général1132. Alors qu’il ne revient qu’au comité de règlement des différends
de statuer sur le fond du litige1133. Nous pouvons donc admettre que la décision d’annulation
du juge de l’irrecevabilité de la saisine donne le droit au requérant de formuler une nouvelle
saisine. La question est de savoir si la nouvelle saisine doit suivre la procédure dès son début ?
À notre sens, et dans un souci de célérité, le directeur général devrait juste prendre acte de la
décision du juge, et transmettre le dossier de saisine avec la décision du juge au Comité de
règlement des différends, ou alors tenter immédiatement une conciliation. Il faut souligner que
le juge de recours doit statuer en urgence1134.

PARAGRAPHE 2 : L’obligation de saisine préalable des autorités de régulation


pour le règlement des différends
Le législateur camerounais en matière d’audiovisuel prescrit que « l’organe chargé de
la régulation de l’audiovisuel est compétent pour connaître, avant la saisine de toute juridiction,
des différends entre opérateurs du secteur de l’audiovisuel d’une part et les bénéficiaires des
services audiovisuels et les éditeurs des services audiovisuels d'autre part » 1135 . La même
posture est adoptée dans le secteur des communications électroniques relativement aux
différends entre opérateurs 1136 mais aussi pour les différends entre les opérateurs et les
consommateurs1137. Le secteur de l’aviation civile aussi comporte une telle obligation il y est
précisément fait référence aux « différends civils » entre opérateurs, ceux-ci doivent avant toute
saisine judiciaire s'en référer à l’autorité aéronautique, toutefois, l’autorité aéronautique ne doit
recourir qu’à la conciliation ou médiation en vue de régler à l’amiable le différend 1138. Les
autres secteurs régulés de notre étude ne sont pas soumis à une telle obligation. Il faut donc
questionner le choix du législateur pour cette obligation et dans ces secteurs régulés
spécifiquement (A) avant de voir les effets de cette obligation (B).

1132
Art. 16 la. 1 Décision n°00000191/DG/DAJPC/SDAJ/SREG du 02 octobre 2014, fixant les modalités de
règlement des différends entre opérateurs des réseaux de communications électroniques au Cameroun.
1133
Art. 21 al. 3 et s. Décision n°00000191/DG/DAJPC/SDAJ/SREG du 02 octobre 2014, fixant les modalités de
règlement des différends entre opérateurs des réseaux de communications électroniques au Cameroun.
1134
Art. 38 la. 5 Décision n°00000191/DG/DAJPC/SDAJ/SREG du 02 octobre 2014, fixant les modalités de
règlement des différends entre opérateurs des réseaux de communications électroniques au Cameroun.
1135
Art. 72 al. 1 de la loi n°2015/007 régissant l’activité audiovisuelle.
1136
Art. 65 al. 1 de la loi n°2010/013
1137
Art. 19 al. 1 du décret n°2013/0399/PM du 27 février 2013 fixant les modalités de protection des
consommateurs des services de communications électroniques.
1138
Art. 134 al. 1 de la loi n°2013/010.

210
A/- La justification de la consécration de cette obligation de saisine préalable des
régulateurs
Pour justifier cette obligation il faut remonter jusqu’aux raisons qui ont gouvernées la
mise en place des autorités de régulation plutôt que autre chose. Le pouvoir de règlement des
différends étant un pouvoir de dire le droit était censé être celui uniquement du juge. De sorte
qu’un juge suffirait pour surveiller les secteurs régulés. Certes le juge bénéficie de toute la
légitimité pour interpréter le droit voire même le créer, mais dans les secteurs régulés il n'est
pas légitime et n'a pas la compétence technique pour aborder en premier lieu les questions que
soulèvent les litiges liées à l’accès, l’interconnexion, le partage d’infrastructures, ou encore à
ceux relatif à l’audiovisuel. La posture ne nie aucunement le rôle de ce dernier, que l'on
considère d’ailleurs comme un second niveau de régulation. Pascale Idoux écrit dans ce sens
que « juger la régulation, c’est encore réguler » 1139 . Toutefois, il se pose une distinction
fondamentale réguler et contrôler le régulateur sont deux offices différents1140.
Cette obligation se justifie au regard du cadre d'intervention du règlement des différends
qui touche au cœur de la régulation à savoir l’accès. De tels différends sont spécifiques et
obligent à prendre en compte divers éléments auxquels les juges ordinaires ne sont pas habitués
et ne disposent d’aucune compétence ni légitimité. La justification de cette obligation résulte
alors des questions techniques que pose la régulation des communications électroniques par
exemple. Le pouvoir de règlement des différends de l'ART a pour domaine l’accès des
concurrents au réseau, c'est donc un aspect particulier1141. Les spécificités sectorielles sont ce
pourquoi ce pouvoir a été confié aux régulateurs et par voie de conséquence cette obligation a
été posé par le législateur. Le pouvoir de règlement des différends, mode de régulation, serait
alors auxiliaire à la mission générale de régulation1142. Marie-Anne Frison-Roche écrit que « Le
différend est alors une modalité de la difficulté d’interconnexion, ce qui appelle une
intervention du régulateur en tant que celui-ci assure l’effectivité et l’équité de l’accès des tiers
au réseau, accès équitable sans lequel le secteur ne peut se développer »1143. Ainsi, l’obligation
de saisir d’abord l’ART repose sur le souci de l’intérêt global du fonctionnement du secteur
basé sur l’accès au réseau, intérêt du secteur dont le régulateur a la charge1144.

1139
IDOUX (P.), « juger la régulation, c’est encore réguler… », RDP, n°6, 2005, p.1659.
1140
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Pourquoi des autorités de régulation ? », op cit., p.274.
1141
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le pouvoir du régulateur de régler les différends. Entre office de régulation et
office juridictionnel civil », op cit., p.271.
1142
Ibid., pp.273-274.
1143
Ibid., p.274.
1144
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le pouvoir du régulateur de régler les différends. Entre office de régulation et
office juridictionnel civil », op cit., p.275.

211
Dès lors, il faut souligner que si le litige n'est pas lié à l’accès, ART ne doit pas être saisi
en priorité. Cette approche restrictive émerge de l’énumération par le législateur camerounais
des questions susceptibles d’être connues en cas de litige par ce régulateur sectoriel1145. Le litige
doit alors toujours être replacé dans la perspective primordiale du bon fonctionnement et du
déploiement du secteur. Cette posture implique que le régulateur penche beaucoup plus du côté
du nouvel entrant qui est un gage du développement de la concurrence. Ainsi donc, le règlement
des différends dans ce contexte, participerait de la régulation asymétrique1146.
Le législateur CEMAC reconnait ainsi que l’essentiel du contentieux relevant des
relations entre les opérateurs du secteur des communications électroniques doit être à la charge
des régulateurs sectoriels nationaux il dispose ainsi que « les autorités nationales de régulation
doivent pouvoir régler l’ensemble des litiges entre exploitants de réseaux de communications
électroniques et/ou les fournisseurs de services associés relatif à l’interconnexion, la location
de capacité ou l’utilisation partagée entre opérateurs d’infrastructures existantes, situées sur
le domaine public ou sur des propriétés privées, et d’une manière plus générale, à leurs accords
commerciaux »1147. Ces justifications n’épousent que la logique de l’accès or cette dernière n'est
pas au cœur de tous les secteurs régulés camerounais le cas de l’audiovisuel le démontre, l’accès
n'est qu’un élément et pas l’élément essentiel. La justification de l’obligation ici de saisir
d’abord le CNC doit être justifié par d’autres raisons.
L’on pourrait partir de la liberté donc jouit les médias en général induit que ces derniers
soient contrôlés par leurs pairs, de fait confier la priorité des différends aux CNC entre dans cet
objectif. Ceci compte tenu du fait que « le cœur de la régulation des médias, et particulièrement
de l’activité audiovisuelle, réside dans le contrôle du respect des règles déontologiques »1148.
La notion de déontologie visant avant tout à protéger le public, elle fait donc appelle à la fois à
la liberté et à la responsabilité des opérateurs dudit secteur. Il était de ce fait logique que ces
autorités de régulation jouissent de la priorité pour connaître des litiges entre opérateurs desdits
secteurs régulés. Mais aussi dans les litiges entre opérateurs et consommateurs en matière de

1145
V. Art. De la loi n°2010/013 ; aussi dans le même sens en ce qui concerne l’énergie en France RICHER (L.),
« Le règlement des différends par la Commission de régulation de l’énergie », op cit., pp.397 et s. Même si cette
dernière posture est remise en cause par une décision du CRE, 5 juin 2005, Pestka, disponible sur www.cré.fr.,
consulté le 15 juillet 2019, qui estime que tous les clients raccordés au réseau, et non seulement les clients éligibles,
peuvent former devant lui une demande de règlement des différends.
1146
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le pouvoir du régulateur de régler les différends. Entre office de régulation et
office juridictionnel civil », op cit., pp.275-276.
1147
V. Art. 6 al. 1 du Règlement CEMAC n°21/08 du 19 décembre 2008 relatif à l’harmonisation des
réglementations et des politiques de régulation des communications électroniques.
1148
SIMO KOUAM (Fr. A.), « La régulation de l’activité audiovisuelle à l’épreuve du tout numérique au
Cameroun », op cit., p.119.

212
communications électroniques1149, posture implique la rencontre entre le droit de la régulation
et le droit de la consommation, ceci à la suite de la rencontre entre ce dernier droit et le droit de
la concurrence1150. Les autorités de régulation répondent alors à un besoin d’expertise que ne
disposent pas les juges. Ce qui implique à revenir sur les rapports entre les deux institutions
chargées désormais de trancher les différends au moyen du droit.

B/- Les effets de cette obligation de saisine préalable : les rapports entre le
régulateur sectoriel et le juge
Le fait d’obliger les opérateurs et les consommateurs des communications électroniques
à saisir d’abord l'ART en cas de différend et dans le secteur de l’audiovisuel à faire de même
avec le CNC en ce qui concerne les opérateurs seulement, pose le problème des rapports entre
les autorités de régulation et les juges ordinaires habituellement appelés pour résoudre les litiges.
De quoi doit-on parler, face à cette délégation de pouvoir de règlement des différends, de
concurrence ou de complémentarité ? 1151.
En droit français, comme le rapporte Marie-Anne Frison-Roche1152 la Cour d’appel de
Paris a eu à estimer que le législateur dans une loi du 20 juillet 2000 a superposé à la compétence
du juge administratif pour connaître du contentieux contractuel et extra- contractuel en matière
de travaux publics, la compétence du régulateur énergétique en matière d’accès au réseau. Dans
une décision du 22 juillet 2004 la Commission de régulation de l’énergie a réaffirmé cette
compétence superposée. Or cette superposition convoque plus l'image de la concurrence de
compétences entre régulateur sectoriel et juge ordinaires. Dans l’affaire Sinerg, la CRE s'est
déclarée compétente pour trancher le litige malgré la saisine du juge administratif, estimant que
cette première saisine ne peut opérer son dessaisissement 1153 . La saisine de l’autorité de
régulation est donc facultative1154. Ainsi donc, la compétence des régulateurs sectoriels n'est
pas exclusive des compétences tant de l’autorité de concurrence que du juge. Le requérant a

1149
V. Art. 19 al. 1 du décret n°2013/0399/PM du 27 février 2013 fixant les modalités de protection des
consommateurs des services de communications électroniques.
1150
V. PAYET (M.- S.), Droit de la concurrence et droit de la consommation, op cit.
1151
V. THATCHER (M.), « Concurrence ou complémentarité ? À propos de la délégation des pouvoirs », Revue
française d’administration publique, n°109, 2004/1, pp.49-52.
1152
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le contrôle judiciaire sur le règlement des différends exercé par le régulateur
(les enseignements du cas Sinerg) », Revue Lamy de la Concurrence, n°3, mai/ juillet 2005 pp.107 et s., spéc.,
p.108.
1153
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le contrôle judiciaire sur le règlement des différends exercé par le régulateur
(les enseignements du cas Sinerg) », op cit., p.108.
1154
Cons. Const., 23 juillet 1996, loi de réglementation des télécommunications, n°96-378 DC, J.O.R.F., du 27
juillet 1996, p.11400 ; Recueil, p.99 para. 23.

213
alors le choix des voies de droit qu’il souhaite utiliser et ces voies de droit peuvent se cumuler.
Le risque de contrariété des décisions est alors présent.

À notre sens, en droit camerounais, il vaut mieux parler de complémentarité. En


imposant donc une obligation de saisine préalable des autorités de régulation avant les juges
ordinaires, le législateur camerounais évite d’inscrire les rapports entre juges ordinaires et
autorités de régulation sous le signe de la concurrence. Il promeut celui de la complémentarité
entre les deux institutions1155. Il permet à chacun de jouer pleinement son rôle. De sorte que si
l’on s’intéresse par exemple à identifier le juge des communications électroniques qui est en
matière de règlement des différends le juge judiciaire, qui devrait à notre sens être le juge
d’appel vu que le législateur parle de « recours »1156. Ainsi que le juge des actes du CNC qui
est la chambre administrative de la cour suprême, l’on constate que ces juridictions grâce à cette
obligation, retrouvent un rôle plus ordinaire de juge de fond1157. Les autorités de régulation
demeurent au final soumises aux juges ordinaires. La délégation de compétence n’implique pas
une spoliation des juges ordinaires. Les autorités de régulation seraient alors des espèces
d’instances juridictionnelles spécialisées. La compétence des autorités de régulation concernées
ne peut revêtir qu’une nature exceptionnelle, puisque le législateur ne superpose pas d’autres
compétences à ce premier cœur d’intervention1158.

Dès lors, dire que l’intervention des autorités de régulation est de nature exceptionnelle
conduit à voir en eux des juges spécialisés des domaines d’usage du règlement des différends.
Cette optique de juge spécialisé ne peut induire alors qu’n rapport de complémentarité avec les
juges ordinaires. En fait, chacun reste dans le rôle que lui confie la loi. L’on ne peut pas alors
parler de compétence concurrente comme c’est le cas en matière d’aviation civile. En effet, le
législateur y stipule que « le recours à l’arbitrage est facultatif pour les parties. Elles peuvent,
à l’issue de la médiation de l’autorité aéronautique, décider de saisir directement la juridiction
compétente »1159. Ce rapport de complémentarité donne une grande force à l’obligation de saisir
d’abord les autorités de régulation en cas de différends.

1155
DUPUY- TOUBOL (F.), « Le juge en complémentarité du régulateur », in Droit et économie de la régulation,
vol. 1, Presses de Sciences-Po, 2004, pp.132-144.
1156
V. Art. 65 al. 8 de la loi n°2010/013 régissant les communications électroniques au Cameroun.
1157
V. FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le contrôle judiciaire sur le règlement des différends exercé par le régulateur
(les enseignements du cas Sinerg) », op cit., p.107.
1158
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le pouvoir du régulateur de régler les différends. Entre office de régulation et
office juridictionnel civil », op cit., p.275.
1159
Art. 134 al. 3 de la loi n°2013/010 de la loi régissant l’aviation civile.

214
En effet, nous pouvons imaginer que le non-respect de cette obligation puisse être
soulevé par le juge de recours pour annuler une éventuelle saisine des juridictions ordinaires par
les opérateurs ou consommateurs. Cette obligation serait donc d’ordre public et sa non
satisfaction bloquerait toute autre procédure devant les juges ordinaires camerounais.
Autrement dit, le fait de ne pas saisir d’abord l’autorité de régulation sectorielle doit être une
cause de nullité de la saisine des juges ordinaires. Car cela serait simplement une violation de
la loi, ce que justement les juges ne peuvent tolérer et encore moins fonder leur action. Les
juges ordinaires camerounais devraient à notre sens souscrire à cette option vu que les décisions
des autorités de régulation sont une grande source d’information pour le juge, et saisir les
autorités de régulation d’abord donne l’occasion aux spécialistes qu’ils sont d’exposer leur
position. En suivant cette voie les juges ordinaires garderont leur stature de juridiction de
recours. Ainsi donc, dans les différents contrats liés à l’accès entre les opérateurs du secteur des
communications électroniques, l'une des clauses obligatoires devant figurer est celle concernant
« l’obligation de saisir l’autorité nationale de régulation en cas de litige » 1160 . La même
logique devrait aussi prévaloir dans le cas d’un recours à un arbitrage par les opérateurs des
services publics de réseau, dans leurs litiges relatifs à la loi sectorielle.
Cette perspective de complémentarité approuve une position dominante dans la
jurisprudence judiciaire française et en droit européen selon laquelle, une autorité qui, au terme
d’une procédure pleinement contradictoire, tranche un litige entre deux parties, est
substantiellement une juridiction 1161 , dont toutefois la décision de règlement des différends
renferme des spécificités qu'il faut à présent desceller.

SECTION 2 : LA DECISION DE REGLEMENT DES DIFFERENDS

La procédure de règlement des différends devant les autorités de régulation se solde


toujours par une décision qui vient mettre fin au différend. Cette décision soulève le problème
de sa nature juridique (paragraphe 2) ceci au regard des différents modes de règlement des
différends qui sont observables dans les secteurs régulés camerounais (paragraphe 1). L’idée
est qu’à chaque modalité de règlement des litiges l'on soit face à un acte de règlement des
différends d’une nature spécifique.

1160
Art. 4 de la Directive CEMAC n°08/08 du 19 décembre 2008 relative à l’interconnexion et à l’accès aux
réseaux des services de communications électroniques.
1161
V. WIEDERKHER (G.), « Qu’est-ce qu’un juge ? », in Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ?, Mélanges
Roger Perrot, Paris, Dalloz, 1996, p.575.

215
PARAGRAPHE 1 : Les modes de règlement des différends dans les services
publics de réseaux camerounais

Le règlement des différends s’exerce au travers de diverses modalités, variantes d'un


secteur économique à un autre. D’une part on a le mode contraignant de règlement des
différends (B) et d’autre part, les modes alternatifs (A). Ces derniers sont pour certains types
de différends les seuls modes de règlement des différends disponibles pour les autorités de
régulation. Par exemple en matière d’électricité, le mode de règlement des différends est
essentiellement non contraignant, puisqu’il se résume en une conciliation en cas de différend
entre opérateurs et consommateurs 1162 , ou entre opérateurs. Et en un arbitrage en cas de
différend entre les opérateurs1163.

A/- Les modes alternatifs


Il s’agit tour à tour de la conciliation (1) de la transaction (2) et de l’arbitrage (3).
1/- La conciliation
La conciliation est un mode alternatif de résolution des litiges. Elle consiste dans un
effort par le conciliateur, de rapprochement des deux parties visant à aboutir à une solution
amiable du litige. Elle n'est pas en principe obligatoire en matière de communication
électroniques. Le législateur prévoit qu’elle peut être appliquée d’office par l'ART ou sur
demande1164, de sorte qu’il existe un choix. En matière d’électricité, la conciliation est l’unique
modalité dont dispose l’ARSEL pour régler les différends entre opérateurs et
consommateurs1165.
La conciliation, en matière de communications électroniques, donne lieu à
l’établissement soit d’un procès-verbal de conciliation, qui intervient lorsque les parties se sont
accordées, elle a donc un effet extinctif du litige. Soit d’un procès-verbal de conciliation
partielle, c’est le cas lorsque les parties n'ont pu s’entendre que sur certains points, de sorte que
le litige demeure sur d’autres points. Soit enfin d'un procès-verbal de non conciliation qui
implique que les parties n'ont pu s’entendre sur tous les points du différend. Dans les deux
derniers cas, les points du litige n’ayant reçus aucune solution ou qu’une solution partielle

1162
Art. 85 al.2 de la loi n°2011/022 du 14 décembre 2011, régissant le secteur de l’électricité au Cameroun ; v.
Art 134 de la loi régissant l’aviation civile au Cameroun.
1163
Art. 86 al.1 de la loi n°2011/022 du 14 décembre 2011, régissant le secteur de l’électricité au Cameroun ; v.
aussi FRISON-ROCHE (M.-A), « Arbitrage et droit de la régulation », in Le risque du conflit : le règlement des
différends, in Le risque dans les systèmes de régulation, op cit., pp. 223-240.
1164
Art. 65 al. 4 de la loi n°2010/013
1165
Art. 85 al.2 de la loi n°2011/022 du 14 décembre 2011, régissant le secteur de l’électricité au Cameroun ; v.
Art 134 de la loi régissant l’aviation civile au Cameroun.

216
peuvent alors être soumis à la voie contentieuse. Ces précisions n’existent pas en matière
d’électricité. De sorte que l'on pourrait croire que la conciliation dans ce secteur doit forcément
aboutir à un accord. En réalité la raison de ce manque de précisions est qu'il résulte de ce texte
sectoriel que la conciliation n’est pas une obligation les parties peuvent saisir le juge
directement. Ce qui n'est pas le cas du secteur des communications électroniques, en effet, la
saisine de l'ART avant toutes juridictions est une obligation pour les opérateurs 1166 et les
consommateurs1167.
La conciliation est l’acte d’amener à s’entendre des personnes divisées. Elle implique
l’intervention d'un tiers conciliateur qui ne possède aucun pouvoir coercitif. Le but est de
rapprocher les parties dans un conflit, faciliter le dialogue et les aider à se mettre d’accord. On
distingue ainsi la conciliation de la médiation. Cette distinction repose essentiellement dans le
rôle plus ou moins actifs du tiers impartial. Dans la médiation, le tiers impartial est appelé à
jouer un rôle plus actif dans la mesure où contrairement au conciliateur, il pourra proposer aux
parties des solutions au règlement du litige qui les oppose.
Cependant, en matière de communications électroniques, il est prévu que l'ART prend
des mesures qu’elle juge utile afin de trouver une solution amiable au litige 1168 . L’énoncé
semble donner des prérogatives plus larges aux autorités de régulation, que celles qui incombent
à un conciliateur stricto sensu. De sorte que rien ne s’oppose au fait que l’autorité de reçu puisse
suggérer des propositions en vue de conclure une entente. L'on peut conclure que la conciliation
évoquée ici est en réalité une médiation qui ne dit pas son nom. D’ailleurs, ce n'est pas un secret
que les termes « médiation » et « conciliation » sont utilisés souvent indifféremment l'un pour
l'autre. Une conciliation peut alors s’avérer être une médiation et vice versa 1169. En d’autres
termes, les autorités de régulation ne sont pas moins puissantes lorsqu’ils décident de recourir
à une conciliation. C'est moins le cas en matière de transaction.

2/- La transaction
La transaction est généralement un contrat par lequel les parties terminent une
contestation née, ou préviennent une contestation à naitre. Ce contrat doit être rédigé par écrit.
Dès lors, la transaction civile est donc le produit d'un accord de volontés des parties, impliquant

1166
V. Art. 3 de la décision n°000000191/ART/DG/DAJPC/SDAJ/SREG du 02 octobre 2014 fixant les modalités
de règlement des différends entre opérateurs des réseaux de communications électroniques au Cameroun.
1167
V. Art. 19 al. 1 du décret n°2013/03999/PM du 27 février 2013 fixant les modalités de protection des
consommateurs des services de communication électronique.
1168
Art. 65 al.4 de la loi n°2010/013 régissant les communications électroniques.
1169
V. FERRON (S.), « Les modes amiables de règlement des différends : description et évolution au sein de
l’administration gouvernementale », in XVe conférence des juristes de l’État, op cit., pp.117-139, spéc., p.122.

217
des concessions réciproques des parties concernées. Le législateur camerounais reconnais à
l’autorité aéronautique de recourir à la transaction avec le mis en cause dans le règlement des
différends relatif au secteur de l’aviation civile. Une telle transaction n'est alors possible qu’en
cas d'aveu après la constations de l’infraction1170.
La transaction revêt deux caractéristiques qui font l’unanimité en droit : d’une part, il
s’agit d'un contrat, et d’autre part, la transaction règle un litige. Dès lors en tant que contrat, Il
se pose le problème de la nature de cette transaction. Il s’agit précisément de voir si face à un
contrat de transaction, l’on est devant un contrat de droit privé ou de droit public.
En France, la posture n'est pas claire, une incertitude y règne, si d’abord l'on a vu en la
transaction un contrat de droit privé, aussi bien dans la doctrine1171 que dans la jurisprudence1172.
Il faut de plus en plus admettre que cette dernière posture semble ne plus tenir. Le contrat de
transaction serait un contrat administratif. En effet, depuis un avis rendu par le Conseil d’État,
la convention de transaction, ayant pour objet le règlement ou la prévention des litiges pour le
jugement desquels la juridiction administrative serait compétente, est prise comme un contrat
administratif1173. La nature juridique du contrat résulterait alors de la nature du litige qui a été
évité. Donc, si le litige donne lieu à une action de la compétence du juge administratif, la
transaction sera de droit public. Ainsi par le biais de cette décision le Conseil d’État a introduit
une nouvelle catégorie de contrats administratifs par détermination de la jurisprudence, en
raison de leur objet1174. Mais ce ne seraient pas des contrats administratifs comme les autres,
parce qu’il n' y a aucune possibilité pour l’administration d’utiliser sa prérogative de résiliation
unilatérale du contrat, ni aucunes des autres prérogatives communes à tous les contrats de droit
public1175.
En retenant toutefois l’idée de base que la nature juridique du contrat résulterait de la
nature du litige qui a été évité, on pourrait en droit camerounais des secteurs régulés retenir que
le contrat de transaction en matière d’aviation civile serait un contrat de droit privé. Puisque le
litige à éviter relève du juge judiciaire pénal. De même en partant de l’objet du contrat, il est

1170
Art. 132 al. 1 de la loi n°2013/010 régissant l’aviation civile au Cameroun.
1171
V. AUBY (J.-M.), « La transaction en matière administrative », AJDA, 1956 p.132 ; GAUDEMET (Y.), « Le
précontentieux : le règlement non juridictionnel des conflits dans les marchés publics », AJDA, 1994, p.84.
1172
V. T. Conf., 17 juillet 1908, Caisse d’épargne de Caen c/ Hospices civils de Caen, Rec. CE, p.772 ; CE., 6
juillet 1877, Commune de l'Etang- Vergu, Rec., CE, p.666 ; 15 février 1833, Commune de Saint-Pierre-en-Val,
Rec. CE, p.105.
1173
CE., Ass., 6 décembre 2002, Syndicat international des établissements du second cycle du second degré du
district de l' Hay-les-Roses et société CDI 2000, Rec., p.433, RFDA 2003, concl. G. Le Chatellier, p.291, note B.
Pacteau, p.302.
1174
LYON-CAEN (A.), « Sur la transaction en droit administratif », AJDA 1997, spéc., p.51.
1175
V. PLESSIX (B.), « La transaction dans toutes ses dimensions », in MALLET-BRICOUT ( B.) et
NOURISSAT ( C.), ( dir.), Transaction et droit administratif, Paris, Dalloz. 2006, p.136.

218
possible d'arguer que l'on est en face d’un contrat de droit privé 1176. Ou alors revenant au fait
que le CCAA est une personne morale de droit public, les transactions effectuées par lui seraient
des contrats publics jouissant de quelques spécificités comme relever en droit français. En
l’absence d’une position législative ou jurisprudentielle claire sur la question, la posture est
ouverte en droit camerounais.
Toutefois, le contrat de transaction, dans la perspective de régler un litige fait unanimité,
il jouit à cet effet de l’autorité de la chose jugée. La transaction a des effets administratifs et
juridictionnels1177. La transaction se caractérise par un effet extinctif des poursuites. Quid de
l’arbitrage.

3/- L’arbitrage, une modalité de règlement des différends en matière de


régulation
La rencontre entre l’arbitrage et le droit de la régulation repose premièrement sur la
question de savoir si le mécanisme de l’arbitrage peut participer de la régulation globale des
secteurs économiques « c’est-à-dire non seulement conforme à l’intérêt des parties au contrat
mais encore servir le système général ? », la réponse se veut positive. Les règles de l’arbitrage
ne sont pas antinomiques à l’idée de la régulation sectorielle 1178 . Dans le secteur des
communications électroniques, le recours à un arbitre est fait après la décision du Comité de
règlement des différends de l'ART. De sorte que l’arbitre peut être extérieur au régulateur. Alors
que dans le secteur de l’électricité, il y a la possibilité de recourir à un arbitrage, en cas de
différend entre les opérateurs, devant le régulateur lui-même1179 . Cependant, il ne semble pas
qu’il s’agisse d’une obligation. Ainsi, il est possible que les opérateurs décident de ne pas saisir
le régulateur et de saisir directement le juge. C’est la posture retenue en matière d’aviation civile
où le recours à l’arbitrage est clairement facultatif1180. De sorte que la saisine préalable du
régulateur avant toutes autres juridictions, comme retenue en matière de communications
électroniques, ne soit pas ici une exigence préalable. Cette perspective fragilise la position du
régulateur et porte atteinte à la mission que lui a confiée le législateur 1181. En fait, elle donne

1176
V. Art. 132 al. 1 de la loi n°2013 relative à l’aviation civile.
1177
CE., Ass., 6 décembre 2002, Syndicat international des établissements du second cycle du second degré du
district de l' Hay-les-Roses et société CDI 2000, Rec., p.433.
1178
Pour plus d’explications V. FRISON-ROCHE (M.-A.), « arbitrage et droit de la régulation », in FRISON-
ROCHE (M.-A.), (dir.), Le risque de la régulation, pp.223 et s., spéc., pp.223-224.
1179
Art. 86 al.1 de la loi n°2011/022 du 14 décembre 2011, régissant le secteur de l’électricité au Cameroun ; v.
aussi FRISON-ROCHE (M.-A), « Arbitrage et droit de la régulation », in Le risque du conflit : le règlement des
différends, in Le risque dans les systèmes de régulation, op cit., pp. 223-240.
1180
Art. 134 al. 3 de la loi n°2013/010 portant régime de l’aviation civile.
1181
Sur le pourquoi des autorités de régulation V. FRISON-ROCHE (M.-A.), « Pourquoi des autorités de
régulation ? », in Le politique saisie par l’économie, Paris, Économica, 2002, pp.271-285 ; v., aussi PERROUD

219
aux juges ordinaires une fonction de régulation concurrente à celle des autorités de régulation
dans lesdits secteurs économiques.
Toutefois, dans l’hypothèse où les autorités de régulation, à savoir l’ARSEL et le CCAA,
recourent à cette modalité de règlement des différends, il faut dire que les types de différends
pouvant être soumis à l’arbitrage devant le régulateur n'a pas été listé. Ainsi, tout litige survenu
dans ce secteur entre opérateurs est susceptible d’arbitrage par l’ARSEL. Le pouvoir de régler
les différends de ce dernier est un pouvoir d’arbitrage1182. L’objet de l’arbitrage est de trancher
un litige ou différend qu’il soit né de l’interprétation du contrat principal, de l’inexécution des
obligations contractuelles ou de la violation du contrat. Le consentement du défendeur devra
être sollicité, de sorte que la base volontaire et contractuelle de l’arbitrage soit présente1183.
L’arbitrage vise la constitution d'un tribunal arbitral et la mise en place d'une procédure
dont les éléments essentiels sont contractuellement décidés par les parties au litige mais qui
aboutit à un acte de nature juridictionnelle rendu par les arbitres privés qui tranchent le différend
en tant que juge1184. Cependant, si on mesure la fonction arbitrale des autorités de régulation
sectorielle, à l'aune de cette définition, l'on est amené à constater que cette dernière fonction
constitue une dérogation à l’arbitrage tel que régit par les règles générales OHADA sur
l’arbitrage, ce relativement au fait que l’autorité de régulation appelée à trancher un litige dans
le cadre d’une procédure arbitrale ne renonce pas à l’application du droit au profit des règles
choisies par les parties en cause.
B/- Le mode contraignant de règlement des différends

Ce mode contraignant est le fait de l'ART pour les communications électroniques et du


Conseil national de la communication pour l’audiovisuel. Le législateur camerounais en matière
d’aviation civile énonce expressément que « le règlement des conflits nés de la concurrence
obéit aux mécanismes prévus par les textes en vigueur relatifs à la concurrence »1185. Or la loi
relative à la concurrence n’évoque pas un pouvoir de règlement des différends en faveur de la
Commission nationale de la concurrence. Cette dernière lecture devra donc être admise. Il reste

(Th.), « Les raisons de l’attribution d’une fonction de règlement des différends aux autorités de régulation : une
comparaison France-Royaume -Uni », Droit et société, n°93, 2016/2, pp.317-336.
1182
V. FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le pouvoir de régler les différends. Entre régulation et juridictionnel », op cit.
1183
Ce qui rend un repérage de l’arbitrage en droit public difficile V. AUBY (J.-M.), « L’arbitrage en matière
administrative », AJDA 1955, pp.81-89 ; v., aussi CA Paris, 20 janvier 2004, 1er Ch., sect. H., Estel, n° req.,
2003/12433 ; CONSEIL D’ÉTAT, Régler autrement les conflits : conciliation, transaction, et arbitrage en matière
administrative, Paris, La Documentation française, 1983.
1184
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Arbitrage et droit de la régulation », in FRISON-ROCHE (M.-A.) (S/dir.), Les
risques de la régulation, vol. 3 coll. Paris, Presses de Sciences-Po et Dalloz, «, Droit et économie de la régulation »,
2005, p.224.
1185
Art. 107 de la loi n°2013/010 régissant l’aviation civile

220
encore à déterminer la nature des mécanismes à utiliser, voir si l’on a à faire à un mode
contraignant.

Lorsque l'on parle de mode contraignant la figure du juge émerge1186. Ce qui pousse à
poser ici le problème de la nature même du pouvoir de règlement des différends octroyé à ces
deux régulateurs sectoriels. En ce qui concerne les communications électroniques, il faut
revenir sur le fait que l'ART utilise cet instrument lorsque le différend est relatif à l’accès de
manière générale1187. De sorte qu'il assure l’effectivité et l’équité de l’accès des tiers au réseau,
accès équitable sans lequel le secteur ne peut se développer. En dehors des différends liés à
l’accès, l'ART serait incompétente. Cette lecture restrictive1188 fait de l’intervention de l'ART
quelque chose d’exceptionnel. Un instrument qui s’inscrit dans la perspective globale de bon
fonctionnement du secteur, voilà ce que serait le pouvoir de règlement des différends. Ainsi, la
dispute entre opérateurs ne devra pas être abordée seulement en elle-même pour ramener l’ordre
dans les rapports particuliers des parties en présence. Le litige doit être replacé dans la
perspective primordiale du bon fonctionnement et du déploiement du secteur1189. L’on pourrait
alors voir avec Thomas Perroud dans ce mode contraignant un procédé de réglementation de
l’accès.
Mais en réalité l'ART et le régulateur de l’audiovisuel tranchent les litiges entre
opérateurs et entre opérateurs et consommateurs pour rétablir les droits et obligations qu’ils se
disputent comme le ferait un juge ordinaire. Le mode contraignant serait donc attiré vers le
juridictionnel 1190 . A la base de cette attraction l’on retrouve la capacité technique des
régulateurs sectoriels à comprendre les explications des parties et à considérer le contexte
économique du litige, Marie-Anne Frison-Roche écrit à ce propos que « l’autorité réglerait les
litiges non plus tant par l’effet d'un pouvoir qui lui serait spécifique en tant qu’il serait en
charge de la régulation du secteur, mais par la reconnaissance pragmatique de son expertise
en la matière »1191. Cette optique conforte au passage le fait que le législateur camerounais
accorde la priorité sur les règlements des différends à ces deux autorités de régulation.

1186
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit.,
p.360.
1187
Art. 65 al. 1 de la loi n°2010/013 régissant les communications électroniques.
1188
V. RICHER (L.), « Le règlement des différends par la commission de régulation de l’énergie », op cit., pp.397
et s.
1189
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le pouvoir du régulateur de régler les différends. Entre office de régulation et
office juridictionnel civil », op cit., p.275.
1190
Ibid., pp.277 et s.
1191
Ibid., p.277.

221
L'ART intervenant suite à un contrat ou à une tentative de formation d’un contrat de
droit privé1192 où il doit établir les droits et obligations des personnes les uns par rapport aux
autres, or un tel contrat appelle l’ordinaire juridictionnel civil. Le mode contraignant oscille
alors entre réglementation ou mieux régulation et juridictionnel civil 1193 . La nature du
contentieux ici doit être précisée aussi.
Pour qualifier le contentieux se déroulant devant les deux autorités de régulation pouvant
faire usage du mode contraignant pour régler des différends, l'on peut être amener à donner
pertinence aux critères formels par exemple le fait que le contentieux concerne une personne
publique ou ne se déroule qu'entre deux personnes privées. Ce qui conduirait à une référence
mécanique au contentieux administratif dans le premier cas et au contentieux civil dans le
second. Mais cette démarche serait mal venue en droit de la régulation, parce qu’il ne se laisse
pas enfermé dans la distinction droit public-droit privé. Mais surtout parce que les opérateurs
s'y distinguent les uns des autres non pas tant comme personnes publiques ou comme personnes
privées, mais selon’ une distinction entre opérateurs historiques et nouveaux entrants, ou bien
entre gestionnaires du réseau ou de l’infrastructure essentielle et opérateurs devant y avoir
accès 1194 . Il faudrait alors mieux partir des critères plus substantiels et plus globaux pour
qualifier le contentieux1195.
En partant du constat que deux personnes s’opposent sur des droits respectifs, l'on serait
plongé de prime abord dans un contentieux subjectif. Ce qui du même coup évoque un
contentieux de nature civile. Ce même si pour Laurent Richer, la régulation fait partie du droit
public et que par conséquent l'on serait en face d’un contentieux administratif1196.

Il faut souligner que dans une optique de droit comparé, le droit européen des droits de
l’homme semble procéder à un effacement de la distinction contentieux administratif et
contentieux civil. Les procès administratifs relèveraient de la matière pénale lorsqu’il s’agit de
sanction et relèveraient de la matière civile lorsqu’il s’agit de droits et d’obligations à portée
patrimoniale. Le juge européen des droits de l’homme a ainsi eu à dire que « le droit à

1192
V. Art. Pour une étude sur les mécanismes de cette intervention, v. NNA AMVENE (A. M.), « L’intervention
du régulateur dans les rapports contractuels des opérateurs des industries de réseaux au Cameroun « , in Le Nemro,
Revue Trimestrielle de Droit Économique, octobre-décembre 2019, pp.124-147.
1193
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le pouvoir du régulateur de régler les différends. Entre office de régulation et
office juridictionnel civil », op cit., pp. 284.
1194
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le pouvoir du régulateur de régler les différends. Entre office de régulation et
office juridictionnel civil », op cit., pp. 284.
1195
Idem.
1196
RICHER (L.), « Le règlement des différends par la commission de régulation de l’énergie », op cit., pp.392-
406.

222
indemnisation ainsi créé présentait sans nul doute un caractère patrimonial et donc civil,
nonobstant l’origine du différend et la compétence des juridictions administratives »1197.

La loi en matière de communications électroniques fournit un indice très fort d’une


nature civile du contentieux lorsqu’elle pose que les recours contre les décisions de ce
régulateur doivent être porté devant le juge judiciaire 1198. Tandis-que pour le régulateur du
secteur de l’audiovisuel la précision n'a pas été faîte seulement la pratique montre que les
décisions rendues par le CNC font l’objet de recours devant le juge administratif. Dès lors, le
mode contraignant dans ce dernier cas serait administratif. Il nous semble que cette dernière
lecture soit tout de même difficile à retenir si l'on recourt aux critères formels : les opérateurs
du secteur de l’audiovisuel étant des personnes privées majoritairement. La première lecture
aurait pour base une assimilation de la régulation de l’audiovisuel et de la régulation de la presse.
Or en matière de presse c'est juste un pouvoir de sanction. Le règlement des différends étant
autre chose. Le texte réglementaire prévu par l’article 73 de la loi de 2015 sur l’audiovisuel,
devra à notre sens donner le recours en matière de règlement des différends au juge judiciaire.
Il faut préciser que l'ART devra tout de même être plus actif et puissant à l’image du
juge administratif, dans la menée du procès, puisque le mécanisme ne doit pas, à cause de cette
attraction vers le juridictionnel civil, perdre de vue l’optique du bon fonctionnement du secteur.
Ainsi par exemple peut-il et doit-il participer si nécessaire à la recherche des preuves. Ainsi
donc le mode contraignant comporterait un coté objectif inhérent à la perspective de régulation.
La nature de ce mode contraignant de règlement des différends peut amener à voir chez
l'ART ou le CNC des juridictions. En réalité, il faut choisir entre l’approche formelle et
l’approche substantielle. La première, fait des régulateurs sectoriels camerounais, des
établissements publics administratif, et donc des autorités administratives. La seconde approche
elle aboutit à une assimilation des agences sectorielles à des juges. À ce propos en ce qui
concerne les enseignements de l’affaire Sinerg, Marie-Anne Frison-Roche1199 écrit, partant du
statut du régulateur et de la force de ses « observations » dans le procès devant le juge, que
« (…) Parce que pour un juge judiciaire, une autorité qui, au terme d’une procédure pleinement
contradictoire, tranche un litige entre deux parties, est substantiellement une juridiction ».

1197
Cour EDH., 24 novembre 1994, Beaumartin c/ France, Série A, n°296-B ; v., aussi RICHER (L.), « Le
règlement des différends par la commission de régulation de l’énergie », op cit., pp.402 et s., qui écrit que « les
règles de procédure sont inspirées de la procédure suivie devant les juridictions administratives ».
1198
V. Art. 65 al. 8 de la loi n°2010/013 régissant les communications électroniques ; Art. 38 al. 4 de la décision
n°00000191 fixant les modalités de règlement des différends entre opérateurs des réseaux de communications
électroniques au Cameroun.
1199
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le contrôle judiciaire sur le règlement des différends exercé par le régulateur
(les enseignements du cas Sinerg) », Revue Lamy de la concurrence, n°3, mai/juillet 2005, p.109.

223
Le juge européen des droits de l’homme semble pour sa part ne pas faire de distinction.
Il semble que les juges internes français aillent dans le même sens. En réalité, il est assez
difficile de ne pas voir dans les régulateurs, de « nouveaux juges »1200, au plan matériel. Puisque
l’objectif est clairement ici de trancher le litige selon l’état du droit. De plus, le contentieux
pour lequel les autorités de régulation ont recours à ce mode contraignant, s’apparente à une
véritable procédure juridictionnelle exigent de fait pour sa mise en œuvre, que les conditions
d'un véritable procès soient réunies1201. Cette logique au final impacte sur la nature juridique de
l’acte de règlement des différends. Elle est à notre sens hybride, parce que liée aux modes de
règlement des différends.

PARAGRAPHE 2 : La nature juridique de la décision de règlement des


différends

La détermination de la nature de l’acte de règlement des différends au sortir de la


présentation des modalités d’usage de cet instrument de régulation n'est pas aisée du fait que
beaucoup d’éléments doivent être pris en compte. L'on pourrait ainsi partir de la nature de
l’organe appelé à prendre l'acte ou alors du contenu de l’acte ou encore même des modes de
règlement des différends adopté ou octroyé aux autorités de régulation.

Ces pistes sont intéressantes de sorte que prendre l’une au détriment de l'autre serait
pénalisant. Bien plus, les secteurs régulés camerounais n’ont pas comme nous l'avons vu des
modes identiques de règlement des différends. Il faut donc tous prendre en compte pour
desceller les spécificités que chaque modalité retenue par le législateur porte. Ce qui contribue
in fine à découvrir la spécificité de la fonction de régulation dans sa déclinaison de règlement
des litiges. Ainsi il faut dire que l'acte de règlement des différends est un acte multiformes (A)
cependant sa portée est assez identique pour tous les secteurs régulés (B).

A/- L'acte de règlement des différends, un acte multiforme

Le caractère multiforme de la décision de règlement des différends découlent d’une


approche tenant en compte les modalités de règlement des différends et la nature de l’organe

1200
V. Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ? Mélanges R. PERROT, Paris, Dalloz, 1996, entre autre
WIEDERKHER (G.), « Qu’est- ce qu’un juge ? »., op cit.
1201
TCHABO SONTANG (H. M.), La réglementation du commerce électronique dans la CEMAC, contribution
à l’émergence d'un marché commun numérique, op cit., p.104.

224
chargé de prendre cette décision. Plus précisément notre idée est que l’usage d’un des
mécanismes de règlement des différends par un régulateur sectoriel transforme ce dernier en
autre chose. En guise d’exemple, l’ARSEL saisi comme arbitre ne serait plus l’établissement
public administratif prévu par le législateur, ce régulateur selon le droit communautaire
OHADA sur l’arbitrage serait un tribunal arbitral avec toutes les conséquences que cela
implique. Dès lors, l’acte de règlement des différends est un coup un acte administratif et un
autre coup un acte conventionnel soit alors un acte juridictionnel. Si la première nature est de
principe (1) les deux autres se présente comme des exceptions ou mieux des éventualités
puisque les modes de règlement des différends utilisés peuvent plus ou moins être facultatifs
(2).

1/- L’acte de règlement des différends : un acte administratif en principe


Il faut partir du constat selon lequel les textes juridiques sectoriels camerounais font des
autorités de régulation sectorielle des établissements publics administratif1202. Dès lors, leurs
actes ne peuvent être que des décisions administratives ou actes administratifs1203 et pas autre
chose en principe1204. En matière de communications électroniques, l'ART voit dans la décision
prise par l’organe de règlement des différends logé en son sein, un acte administratif aussi bien
pour consacrer la conciliation ou le terme de l’arbitrage du différend 1205 . Une analyse du
contenu de l'acte de règlement des différends ne convie pas elle aussi à une autre conclusion.
En effet, en tant que acte administratif, la décision de règlement des différends se traduit
par le prononcé d’une injonction1206 qui constitue un acte de contrainte1207. En droit français, la
jurisprudence ne conduit pas à une autre voie. Ainsi la Cour d’appel de Paris considère que le
régulateur sectoriel des communications électroniques a été investi par le législateur « d’un
pouvoir d’émettre des prescriptions, voire de prononcer des injonctions de faire ou de ne pas
faire de manière à rendre effective la réalisation des travaux et prestations nécessaires pour

1202
Art. 2 du Décret n°2012/203 du 20 avril 2012 portant organisation et fonctionnement de l’agence de régulation
des télécommunications ; Art. 1 al. 2 du Décret n°2015/232 du 25 mai 2015 portant organisation et fonctionnement
de l’autorité aéronautique du Cameroun.
1203
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit,
p.47.
1204
Cette conclusion n'est pas partagée par certains auteurs v. DOUCHY-OUDOT (M.), GUINCHARD (S.),
CHAINAIS (C.), DELICOSTOPOULOS (C. S.) et al., Droit processuel : droit commun et droit comparé du
procès équitable, Paris, Dalloz, 5e éd., coll. Précis Dalloz, droit privé, 2009, pp.514 et s.
1205
Art. 2 de la Décision n°00000191 du 02 octobre 2014 fixant les modalités de règlement des différends entre
opérateurs des réseaux de communications électroniques, définition donnée à la notion de « décision ». Cette
définition révèle aussi le fait que l'ART voit dans le règlement des différends un arbitrage alors même que le
législateur ne qualifie pas ainsi le règlement des différends par le CRD.
1206
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit,
pp.415 et s.
1207
PERRIN (A.), L’injonction en droit public français, op cit., p.224.

225
assurer la liberté d’accès au service des télécommunications »1208. Cette décision exécutoire
contient donc une injonction définitive. En distinction de l’injonction préalable incarnée par la
mise en demeure. Pourtant à y regarder de plus près, l’on constate que les critères utilisés pour
définir l’acte unilatéral sont mis à l’épreuve ici1209.
D’abord l’acte unilatéral est l’expression d’un pouvoir, la manifestation d’une volonté
personnelle1210. On parle alors de l’unicité de la volonté de l’autorité émettrice de la décision1211.
Pourtant la décision de règlement des différends s’empreigne de nouvelles pratiques
administratives observables en droit français et induites par le changement des rapports entre
administration et administrés où les premiers cherchent de plus en plus l’accord des seconds.
La décision de règlement des différends fait donc places à une large consultation des intéressés
à une saisine pour avis des autorités de la concurrence. Ainsi donc les destinataires des décisions
de règlements des différends ne sont pas complètement étrangers à son élaboration1212. En plus,
cette participation-consultation, se fait selon les règles en vigueur devant une juridiction de droit
commun et dans le respect des règles relatives à un procès devant une juridiction. La définition
classique de la décision unilatérale en pâtit1213.
Toutefois, le trait essentiel de l’unilatéralité n’est pas retiré à ces décisions pour autant
encore moins leur caractère d’acte individuel. Même si ce dernier aspect comme le relève
Thomas Perroud est celui-là qui met plus à mal l’application des critères traditionnels de la
décision administrative puisqu’en effet, l’acte individuel est censé n’avoir de répercussion que
sur les parties1214. Les décisions de règlement des différends ont un large impacte sur le marché
et donc sur l’ensemble des acteurs puisque, c’est la perspective du bon fonctionnement et du
déploiement du marché qui guide la prise de décision par le régulateur1215.

1208
V. CA de Paris, 1er Ch., Sect. H, 28 avril 1998, S.A. France Télécoms c/ S.N.C. Compagnie générale des eaux,
n°RG 97/17849, JurisData 1998-021049 (recours contre une décision de l'ART, 10 juillet 1997, n°97-00210) ; 28
avril 1998, S. A. France Télécoms c/ Société Paris TV câble Slec, n°RG 97/17847, n° JurisData 1998-021050
(recours contre une décision de l'ART, 10 juillet 1997, n°97-00209).
1209
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit,
p.406 ; DELLIS (G.), « La régulation et le droit public « continental ». Essai d’une analyse synthétique », RDP,
n°4, 2010, p.963.
1210
DELVOLVE (P.), L’acte administratif, Paris, Sirey, Coll. Droit public, 1983, 294p., p.16 ; DUPUIS (G.),
« Définition de l’acte unilatéral », in Recueil d’études en hommage à Charles Einsenmann, Paris, Cujas, 1977,
pp.205-213.
1211
MBOUP (I.), L’unilatéralité de l’acte administratif unilatéral décisoire, Thèse dactyl, Université Aix-
Marseille 3, 2010, 524p.
1212
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit,
p.407.
1213
DELLIS (G.), « La régulation et le droit public « continental ». Essai d’une analyse synthétique », op cit, p.963
et s.
1214
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit,
pp.407 et s ; DELVOLVE (P.), L’acte administratif, op cit, n°252, p.123.
1215
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le pouvoir du régulateur de régler les différends. Entre office de régulation et
office juridictionnel civil », op cit, p.275.

226
La nature administrative de cette décision devrait donc lever le doute sur l’organe en
charge de reformer, en effet le principe en la matière est l’annulation et la réformation des actes
administratifs sont du ressort du juge administratif. Pourtant une lecture des textes camerounais
montre un choix ambigu en la matière en confiant au juge judiciaire la possibilité de reformer
de tels actes. Notons tout de même que les litiges d’interconnexions et d’accès sont des
conventions de droit privés il est donc normal que le juge soit celui du contrat. En réalité, les
régulateurs dans l’exercice de leur pouvoir de règlement des différends sont entièrement des
juridictions. Certes ils sont soumis aux mêmes règles que ces dernières mais la décision finale
fait renaitre leur nature d’autorité administrative. Justement c’est en tant que telle, que les
agences sectorielles retenues ici agissent.
Les développements précédents semblent tomber dès que l'on mène une comparaison
avec le secteur de l’électricité. De sorte que, l’analyse de la nature de l’acte de règlement des
différends doit se faire en partant des modes ou mécanismes utilisés pour régler le différend.
La perspective n’annule pas ce qui a été ci-dessus dit. Cependant, elle ouvre d’autres possibilités.
2/- Les exceptions à la nature administrative de l'acte de règlement des différends

Ces exceptions se dégagent en fonction du mécanisme de règlement des différends


utilisé par l’autorité de régulation. Le législateur camerounais reconnait aux régulateurs
sectoriels divers mécanismes alternatifs pour régler les différends. D’une part on a le
mécanisme de la conciliation et de la transaction donc l’acte est conventionnel (a) et d’autre
part le recours à l’arbitrage (b).

a) La nature conventionnelle de l’acte de transaction et de conciliation


Il est admis que la transaction est une convention, un contrat puisque dans le cas du
secteur de l’aviation civile, le CCAA s’engage à ne pas poursuivre devant les juridictions
l’opérateur fautif en contrepartie pour ce dernier de payer une amende1216. L’idée de contrat se
retrouve aussi en matière de conciliation. En effet, pour Jean-Baptiste Treilhard, « le but de la
conciliation est une transaction ». La transaction est l’arrière-plan des activités de conciliation.
La doctrine parle alors d’accords-convention. La transaction est alors génératrice d’obligations
contractuelles qui tombent sous le coup de l’article 1134 du code civil.
Cependant, un contrat qui met un terme à un différend ou litige ne constitue pas un
contrat comme les autres. Il est selon l’expression de Bigot-Breameneu « le jugement que les

1216
Art.132 de la loi n°2013/010 sur l’aviation civile au Cameroun.

227
parties ont prononcé entre elles ». Toutefois ces effets se font ressentir au-delà de la seule
sphère du contrat.
Les parties ne sont pas obligées à aboutir à un accord. Elles sont donc soumises à une
obligation de faire qui est une obligation de moyen incluant de négocier de bonne foi. Il s’agit
donc de contrats processuels, par leur objet. En effet, les parties ici s’accordent sur la procédure
à suivre pour mettre fin au différend. Leur nature est processuelle car créatrice d’une situation
juridique spécifique entre les parties, qui met aussi à leur charge des obligations en vue de régler
à l’amiable le litige. De même, leur efficacité est processuelle, car l’acte de conciliation ou la
transaction constitue une fin de non-recevoir conventionnelle de l’action en justice.
Dans le secteur de l’électricité, la conciliation est placée sous l’égide du juge judiciaire.
En effet, le procès-verbal de conciliation signé des deux parties et de l’agence, et qui doit être
soumis au président du tribunal compétent pour se voir revêtir la formule exécutoire1217. Le
problème ici étant de savoir si cette égide est purement théorique, ou si elle est une véritable
tutelle sur la procédure de conciliation, ou alors un constat de l’accord des parties résultant de
la conciliation, ceci pour en tirer les conséquences sur le plan judiciaire. Dans les secteurs
régulés, la tutelle échappe au juge, car elle est le fait du régulateur sectoriel.
Le juge judiciaire opère alors un constat judiciaire de l’accord de conciliation. La
question est de savoir si ce constat a un impact sur la nature de l’acte de conciliation. Il
semblerait que l'on soit généralement face à un devoir et non face à un pouvoir. C’est l’emploi
du présent de l’indicatif de façon systématique qui fait penser à un impératif. Dès lors, le juge
judiciaire ne fait que constater la conciliation des parties à une conciliation dans le secteur de
l’électricité. Ça aurait été tout le contraire, si l’on utilise l’expression « le juge peut constater ».
En effet, une telle expression donne au juge un pouvoir d’appréciation, de contrôle sur l'acte
qui lui est soumis, avec un droit de refus, si l’accord est non conforme.
Notons que le droit français distingue l’homologation de l’accord et la constatation
judiciaire et leur donne des régimes différents. Cependant, cette différence ne peut reposer que
sur le fait que ces deux procédures supposent une activité et un contrôle judiciaire distincts ce
qui n’est pas le cas. La distinction tient plus au fait que l’homologation concerne les
conciliations et médiation judiciaire, alors que le constat lui concerne les conciliations
extrajudiciaires. Toutefois, les deux procédés supposent une même activité de contrôle
judiciaire. Le juge, lui, doit alors contrôler l’accord au regard de l’ordre public ou pour un souci

1217
Art.85 de la loi n°2011 régissant le secteur de l’électricité.

228
de protéger la partie faible avant de conférer la force exécutoire1218. Toutefois, le contrôle du
juge doit être minimum. Ceci pour conserver l’attractivité du mécanisme et rassurer les parties
que leurs accords seront exécutoires.
La question qui demeure est celle de savoir si la force exécutoire fait obstacle à la
contestation de la validité de l’acte. La Cour de cassation a décidé, par un arrêt du 28 septembre
2017, concernant la médiation, que « l’homologation d’un accord transactionnel qui a pour
seul effet de lui conférer la force exécutoire ne fait pas obstacle à une contestation de la validité
de cet accord devant le juge de l’exécution ». De sorte que la force exécutoire apposée par le
juge ne donne pas à l'accord l’autorité de la chose jugée en dernier ressort. Autrement dit, le
constat du juge judiciaire ne change pas la nature conventionnelle de l’acte de conciliation. Son
intervention renforce juste l’autorité de l’acte en l’authentifiant ce qui peut le transformer en
contrat judiciaire. Ce qui n’est pas le cas du recours à l’arbitrage.

b) Le recours à l’arbitrage : la sentence arbitrale, un acte de nature


juridictionnelle
Le règlement des différends en matière d’électricité se fait, entre deux opérateurs, aussi
à travers le mécanisme de l’arbitrage 1219 . En matière d’aviation civile aussi le recours à
l’arbitrage est prévu par la loi, même s'il est facultatif. Seulement, ii semblerait que dans ce
dernier cas l’arbitrage soit juste une faculté ou possibilité, de sorte que les opérateurs peuvent
saisir directement le juge 1220 . Mais dans le cas où les opérateurs saisissent les autorités de
régulation ci-dessus désignées pour arbitrage, le régulateur sectoriel se mû en véritable arbitre.
Ce qui nous importe plus ici c’est d’analyser la nature de la décision d’arbitrage. Autrement dit,
est-on en face d’une décision administrative, simplement dotée de « autorité de chose
décidée1221 » ou pas. Le secteur de l’électricité offre une piste de réflexion.
En effet, les modalités de l’arbitrage effectuées par l’ARSEL doivent être conformes
aux dispositions de l’acte uniforme du droit de l’OHADA relatif au droit de l’arbitrage 1222. De
sorte que, le rôle arbitral du régulateur du secteur de l’électricité, et éventuellement celui du
CCAA n'est pas d'un type particulier, parce qu’il est soumis aux mêmes règles que l’arbitrage

1218
Sur la protection de la partie faible V. GHESTIN (J.), et FONTAINE (M.), (dir.), La protection de la partie
faible dans les rapports contractuels. Comparaison franco-belges, Paris, LGDJ, 1996 ; MAUME (Fl.) Essai
critique sur la protection du consentement de la partie faible en matière contractuelle, thèse dactyl., Université
d’Évry-Val-d'Essonne, 2015, 616p.
1219
Sur le rapport entre arbitrage et droit de la régulation sectorielle v. FRISON-ROCHE (M.-A.), « Arbitrage et
droit de la régulation », in Le risque dans les systèmes de régulation, op cit., pp.223-240.
1220
Art. 134 al. 3 de la loi n°2013/010 sur l’aviation civile au Cameroun.
1221
Expression utilisée par le doyen Georges Vedel, v. SCHWARZENBERG (R.-G.), L’autorité de chose décidée,
1969,
1222
Art. 86 als. 1 et 2 de la loi n°2011, régissant le secteur de l’électricité.

229
classique. Ainsi, c’est dans le droit communautaire OHADA de l’arbitrage qu'il faut aller
chercher la nature de l'acte d’arbitrage.
Pour le législateur communautaire OHADA, la décision prise par un arbitre, lors d’une
procédure arbitrale, est appelée sentence arbitrale. La sentence est « l’acte des arbitres qui
tranche de manière définitive, tout ou partie du litige qui leur est soumis que ce soit le fond, la
compétence ou un motif de procédure qui les conduit à mettre fin à l'instance1223 ». Le juge
français adopte la même définition en précisant que la sentence arbitrale est « la décision
motivée par laquelle les arbitres ont (…) après l’examen des thèses contradictoires des
différentes parties, et appréciation minutieuse de leur bien fondé, tranche de manière définitive
la contestation qui opposait les parties (…) et mis fin au litige 1224 ». Ce dernier aspect,
rapproche l’arbitrage de la fonction juridictionnelle. Pour Charles Jarrosson1225 tranché un litige
au moyen d’une décision ayant autorité de la chose jugée constitue la fonction juridictionnelle
commune aux juges et aux arbitres. Cette identité de fonction explique alors la symétrie
observable entre la classification des jugements et celle des sentences 1226 . De sorte que la
sentence bénéficie des effets d'un jugement à l’exclusion des sentences avant dire droit et les
sentences partielles. Ainsi seules les sentences définitives portent tous les effets d’une décision
de la juridiction d’État.
Précisons que, la sentence définitive peut-être totale ou partielle en réalité. Dans ce
dernier cas, on peut citer le cas d'une sentence statuant sur une question de responsabilité, mais
qui laissera en vue d’une sentence ultérieure, l’évaluation du préjudice. Il faut donc entendre
par sentence définitive ou finale, celle qui tranche une contestation de telle manière qu’elle
dessaisit en principe l’arbitre de tout pouvoir de juridiction relativement à ladite contestation.
Les effets juridictionnels de la sentence arbitrale sont donc ; le dessaisissement de l’arbitre,
l’autorité de la chose jugée et l’éventualité d'un recours direct.
La sentence arbitrale n’est pas un jugement, cependant, elle partage avec lui l’autorité
de la chose jugée. Le droit OHADA reconnaît que la sentence arbitrale jouit de l’autorité de la
chose jugée, relativement à la contestation qu’elle tranche 1227 . Or, l’autorité de la chose

1223
FOUCHARD (Ph.), GAILLARD (E.) et GOLDMAN (B.), Traité de l’arbitrage commerciale internationale,
Paris, Litec, 1996, 1225 p., spéc., p.750, n°1352.
1224
CA Paris, 1er juillet 1999, Brasoil, Rev., arb., 1999, p.834, note Ch. JARROSSON ; 25 mars 1994, Sardisud,
Rev., arb., 1994, p.391, note Ch. JARROSSON ; FOUCHARD (Ph.), GAILLARD (E.) et GOLDMAN (B.), Traité
de l’arbitrage commerciale internationale, op., cit., p.751, n°1353.
1225
V. JARROSSON (Ch.), La notion d’arbitrage, Paris, LGDJ, 1987, n°*175 et s.
1226
BOISSESON (M. De), Le droit français de l’arbitrage : interne et international, 2e éd., Paris, Joly, 1990,
p.285, n°328.
1227
Art. 22 Acte uniforme OHADA relatif au droit de l’arbitrage.

230
jugée1228 est attachée aux sentences arbitrales en raison de leur nature juridictionnelle1229. Dès
lors, on classe les sentences arbitrales parmi les actes juridictionnels. De sorte que, l’arbitre est
un tribunal et donc jouit de tous les caractéristiques liées à une telle institution1230.
Ce caractère juridictionnel est indéniablement reconnu à l’acte d’arbitrage en tant que
produit de la fonction de règlement des différends par les régulateurs sectoriels camerounais à
l’instar de l’ARSEL 1231 . Cette autorité de la chose jugée, n’exclut pas la possibilité d’une
annulation de la sentence arbitrale en cas de non compatibilité avec l’ordre public. La sentence
arbitrale met donc fin à l’instance cependant elle peut faire l’objet d’annulation.
Dans le cas des secteurs régulés, c’est la contrariété à l’ordre public concurrentiel, ainsi
qu’à l’ « ordre public régulatoire » que la sentence arbitrale peut être annulée1232. Remettre la
fonction juridictionnelle arbitrale au régulateur sectoriel permet à tout moment de l’instance
arbitrale, que soient effectivement prises en compte ces choses. Ce qui en réalité conforte
l’autorité de la chose jugée conférée la sentence arbitrale du régulateur du secteur de l’électricité.
La sentence arbitrale susceptible d’être prononcé par l’ARSEL est alors une décision
juridictionnelle en soi.
II faut encore déterminer devant quel organe l’annulation de cette dernière décision doit
être demandé. Doit-on suivre les règles du droit OHADA sur l’arbitrage relativement aux
questions relatives au recours contre les sentences arbitrales ou pas. La question est loin d’être
anodine parce qu’elle soulève le problème du juge des autorités de régulation au Cameroun. Le
manque de précisions textuelles cause une gêne à l'analyste, en réalité il faudrait une étude
propre à ce problème, même sous un angle purement prospectif. Ce n'est pas l’objet de la
présente étude.
Toutefois, peu importe la nature de la décision de règlement des différends, il est
largement admissible qu’une telle décision par sa force contraignante contient une
injonction1233. Elle a donc la possibilité de modifier les situations juridiques des opérateurs et
des consommateurs. Le pouvoir de règlement des différends est alors un élément important

1228
HASCHER (D.), « L’autorité de la chose jugée des sentences arbitrales », Droit international privé : travaux
du comité français de droit international privé 15e année 2000-2002, 2004, pp.17-46.
1229
ÇA Paris, 24 octobre 1991, Sicopag c/ Ets Laprade, Rev., arb., 1992, p.494 (1ere espèce), note M. C., Rondeau-
Rivier.
1230
V. Arts. 5 et s., de l’Acte Uniforme OHADA, relatif au droit de l’arbitrage.
1231
Il devra en être ainsi lorsque dans les règles régissant le centre d’arbitrage de l’ARSEL ou du CCAA afin d’être
conforme au droit OHADA sur l’arbitrage.
1232
V. MOHAMED SALEH (M. M.), « Les transformations de l’ordre public économique. Vers un ordre public
régulatoire », in Philosophie du droit et droit économique. Quel dialogue ? Mélanges en l’honneur de Gérard
Farjat, éd., Frison-Roche, 1999, p.282.
1233
PERRIN (A.), L’injonction en droit public français, Paris, éd Panthéon-Assas, 2009, p.224.

231
pour le régulateur car il lui permet de bien remplir la fonction que lui a confiée le législateur.
C’est ce qui se dégage de l’analyse de la portée de l’acte de règlement des différends.
B/- La portée de l'acte de règlement des différends
Le prononcé de l'acte de règlement des différends par son contenu qui est une injonction
doit être confronté à diverses problématiques essentielles dans le cadre des secteurs régulés
camerounais. C'est le problème des rapports de cet acte entretient avec des questions relatives
aux libertés des opérateurs (1) ou encore à la problématique de l’indemnisation (2).

1/- La portée de l’acte de règlement des différends relativement aux libertés des
opérateurs
Les droits des secteurs régulés camerounais offrent un certain nombre de libertés aux
opérateurs. En partant du fait que le règlement des différends est subsidiaire au processus
contractuel, l'on observe que les opérateurs jouissent de la liberté contractuelle à laquelle se
jouxte la liberté tarifaire. L'acte de règlement des différends à travers l’injonction qu’il porte
entre donc en rapport avec ces deux libertés.
Le pouvoir de règlement des différends offre aux autorités de régulation le pouvoir
d’imposer des prescriptions et des injonctions ayant une incidence sur la conclusion, le contenu
ou l’exécution de leurs conventions et de restreindre aussi pour des motifs d'ordre public
économique le principe de la liberté contractuelle dont ils bénéficient1234. Autrement-dit, c’est
au nom de l’intérêt général qui s’attache au besoin d’assurer l’accès à certains biens ayant le
caractère d’infrastructures essentielles qui justifie la limitation à la liberté contractuelle 1235.
C’est l’étendue des restrictions possibles à cette liberté contractuelle qu'il faut exposer. Dans
les secteurs régulés le problème se pose en termes de savoir si les régulateurs sectoriels peuvent
aller jusqu’à forcer à contracter ou se l’limiter à forcer à faire une offre.
En droit français, la portée de l’injonction définitive se limite à enjoindre à faire une
offre, il ne s’agit donc pas de forcer à contracter. Thierry Tuot écrit à propos que « cette
injonction de conclure même si elle était opportune, serait une atteinte à la liberté

1234
C. A., de Paris, pôle 5, Ch. 5-7, 23 juin 2011, Société NC Numericable S.A. c/ Société France Télécoms S.A.,
n°RG 2010/23690 ; 1er Ch. Sect. H, 20 janvier 2004, S.A. Completel c/ S. A. France Télécoms, n°RG 2003/13088 ;
20 janvier 2004, S. A. Estel c/ S.A. France Télécoms, n°RG 2003/12433.
1235
V. CA de Paris, 1er Ch., secteur. H, 23 janvier 2007, Société Gaz de France c/ Société Altergaz, n°RG 06/06163.

232
contractuelle »1236. La posture est appuyée par la jurisprudence française1237. Toutefois, il faut
souligner que la doctrine considère que l’écart entre forcer à contracter et inviter à faire une
proposition est faible, Marie-Anne Frison-Roche écrit que « tout d’abord obliger à proposer
est très proche d'obliger à contracter, voire synonyme, puisqu’il suffira que le destinataire –
ici celui qui veut concrétiser son droit d’accès au réseau – accepte la proposition pour que le
gestionnaire de réseaux soit « ,pris » dans un contrat (…) »1238. Ainsi, admettre cette lecture
selon laquelle les pouvoirs des autorités de règlement des différends ne pourraient enjoindre de
conclure un contrat ne serait pas en harmonie avec l’esprit de la loi1239.
Cet esprit de la loi se retrouve en droit camerounais de la régulation. Ainsi en ce qui
concerne les communications électroniques le législateur donne le pouvoir à l'ART de forcer
les parties à contracter ce fut le cas lors du différend opposant la Société Orange Cameroun et
les établissements Gecomiex1240. De même en cas d’urgence, il peut forcer les parties à réaliser
l’interconnexion physique avant même la conclusion du contrat. De faite que ce dernier peut
aussi forcer à faire une offre. Cette dernière lecture permet aussi de souligner le fait les autorités
de régulation peuvent intervenir aussi lorsqu’aucune relation contractuelle n'a été engagée entre
les parties, le différend portant alors sur le refus de l’une des parties de nouer des relations
contractuelles. Mais même dans ce cas, les autorités de régulation peuvent forcer à contracter.
Ainsi les autorités de régulation à l’instar de l'ART et même de l’ARSEL disposent du pouvoir
de surmonter le refus de contracter.
Les autorités de régulation peuvent aussi forcer les parties à réécrire leur contrat lorsque
les clauses portent un risque d’atteinte au dynamisme du marché. Ainsi peuvent-ils apporter des
restrictions à la liberté tarifaire des opérateurs. En revanche les régulateurs sectoriels ne doivent
pas, dans cet exercice créé des discriminations entre opérateurs1241.

1236
TUOT (Th.), « La cour d'appel juge que la CRE n'a pas le pouvoir d'adresser à un utilisateur du réseau une
injonction de conclure un contrat », op cit., p.99 ; aussi TRAN THIET (J.-P.), « Le CSA rend une décision
soulignant la vitalité du principe de non-discrimination », Concurrences, Régulations, chroniques n°4, 2008,
pp.139-149, spéc., p.148.
1237
CA de Paris, 1er Ch. Secteur. H, 8 mars 2005, S. A. EDF c/ Société Pouchon Cohen, n°RG 04/12606, n°
JurisData 2005-279037 (recours contre une décision de la CRE, 3 juin 2004, J.O.R.F., n°209, 8 septembre 2004,
p.15810.
1238
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Précisions sur le rôle processuel du régulateur et sur son pouvoir en matière
contractuelle (CA Paris, 1er Ch., sect. H, 8 mars 2005, Pouchon Cohen) », Revue Lamy de la concurrence, 2005,
n°4, pp.104-105, spéc., p.105.
1239
TUOT (Th.), « La cour d’appel juge que la CRE n'a pas le pouvoir d’adresser à un utilisateur du réseau une
injonction de conclure un contrat », Concurrence, n°2, 2005, pp.98-100, spéc., p.99.
1240
ART, décision n°000949/D/ART/DG/DAJCI, du 19 mars 2007, enjoignant la Société Orange Cameroun à
signer une convention d’interconnexion avec les établissements Gecomiex, fournisseur de service de
télécommunications à valeur ajoutée au public.
1241
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit,
pp.422 et s.

233
Le régulateur s’intéresse donc au prix d’accès lorsque ce dernier fait l’objet d’un différend
entre opérateurs1242. En ce qui concerne le prix, il faut relever qu’il émerge une évolution du
droit. En effet, le prix est un élément qui dans l’autonomie de la volonté est remis à la puissance
des contractants, devenant de ce fait un élément très mystérieux pour le droit. « Ainsi, le prix
est substantiellement un objet dont le droit ne se mêle pas1243». En s’intéressant au prix donc,
le droit sectoriel de la régulation remet en cause le principe de la liberté des prix1244. Certes, le
prix est fixé unilatéralement par le gestionnaire du réseau. Mais, il doit en contrepartie pouvoir
justifier l’adéquation entre le prix et la prestation. Ainsi, toute somme, correspondant à une
prestation non justifiée en elle-même ou alors non confrontée à d’autres prestations qui auraient
pues être moins onéreuses, sera alors soustraite de la facture par le régulateur.
Le prix sera ainsi acceptable s’il est équitable au regard des coûts du raccordement même.
Mais aussi, au regard des intérêts du cocontractant qui a une sorte de droit à la solution
démontrée comme étant la plus économique. Les tarifs des prestations doivent donc être non-
discriminatoires, raisonnables et justifiés1245. « À travers le règlement des différends, il y’a
donc une régulation des prix d’accès au réseau, aussi ferme qu’un mécanisme de tarification,
et exercée comme telle par le régulateur ». La transparence joue alors un grand rôle ici en ce
qu’elle véhiculerait « un droit d’accès au prix « apparemment », le plus bas au sens que la
procédure donne à l’apparence, c’est-à-dire d’un prix qui se donne à voir comme étant le plus
bas possible, et c’est sur le gestionnaire que repose l’obligation de prouver cette
adéquation1246 ». Parce qu’il vise à maintenir la relation commerciale, le régulateur peut refaire
le prix ou alors procéder à des réajustements1247.
Cependant, si le régulateur peut fixer un prix, ou alors fixer les conditions techniques et
financières d’accès, il ne peut aller au-delà. Dès lors le régulateur qui impose un paiement de
somme contractuellement fixées, prix ou même pénalités ou alors qui donne un ordre de
contracter, commet un excès de pouvoir1248. Cette lecture ne semble pas avoir été totalement

1242
V. CRE, dél, 30 octobre 2003, Cogé de Kerverzet c/ EDF et sur recours Paris, 1e ch. sect. H, 8 juin 2008,
disponible sur www.cre.fr, consulté le 26 juillet 2017.
1243
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Qu’est-ce qu’un prix en droit ? Du droit des contrats au droit de la régulation »,
in Étude à la mémoire de Fernand Charles Jeantet, Paris, LexisNexix coll. Mélanges, 2010, p.176 ; MOUTET
(Ch.), « Le droit de la concurrence : une nouvelle forme de dirigisme des prix ? », dans le même ouvrage, pp.366
et s.
1244
V. CA Paris, 20 janvier 2004, CT 0175 S.A., Completel c/ S.A. France télécom ; JAMIN (Ch.), « Théorie
générale du contrat et droit des secteurs régulés », Recueil Dalloz,2005, p.2342.
1245
Art. 25 du Décret n°2012/1640/PM.
1246
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le droit d’accès au réseau de transport d’électricité pour un prix équitable (CA
Paris, 1er Ch., sect. H, 8 juin 2004, Coge de kerverzet », Revue Lamy de la concurrence, I, 2004, p.135.
1247
V. CRE, dél, 30 octobre 2003, Cogé de Kerverzet c/ EDF et sur recours Paris, 1e ch. sect. H, 8 juin 2008,
disponible sur www.cre.fr, consulté le 26 juillet 2017.
1248
ÇA Paris, 1er ch., sect., 25 janvier 2005, Cerestar France.

234
retenue au Cameroun. Le régulateur camerounais peut alors imposer un prix d’accès,
d’interconnexion ou de partage d’infrastructures. Tout comme il peut imposer aux parties de
contracter. Il lui est aussi reconnu la possibilité pour des besoins d’efficacité économique de
définir les conditions de décroissance des tarifs1249. À côté de cet impact de la décision sur la
liberté tarifaire, il est aussi à souligner que la décision peut influencer le comportement des
opérateurs, par exemple en ordonnant des actions positives de la part de l’opérateur comme des
travaux sur le réseau si ces derniers favorisent l’accès au marché concerné1250.
2/- La portée de l’acte de règlement des différends relativement à la
problématique de l’indemnisation d'un opérateur
L’acte de règlement des différends peut-il porter sur des questions relatives à
l’indemnisation ou encore à la réparation d’un préjudice subit ? Il est stipulé en matière de
communications électroniques que « lorsque le refus de l’interconnexion ou de l’accès cause
au demandeur celui-ci peut en demander réparation1251 ». Dans le même sens, Il est prévu dans
le cadre de la protection des consommateurs des communications électroniques que les
opérateurs des réseaux, les fournisseurs de services et les autorités de certification prennent
toutes les mesures nécessaires pour garantir la permanence des services offerts aux
consommateurs, lesdits services ne peuvent être interrompus sauf cas de force majeure. Cette
interruption ne peut excéder cent quatre-vingt minutes et au-delà de cette période l'ART exige
de l’opérateur ou du fournisseur une mesure de réparation d'ordre général sans préjudice de
toute action individuelle des consommateurs ayant subi un dommage particulier 1252 . La
question se pose alors de savoir si une telle demande peut être connue par le régulateur sectoriel.
En associant l’obligation de saisir préalablement l'ART et le droit à la réparation
complète des torts pour les dommages subis imputables aux opérateurs et fournisseurs de
services de communications électroniques 1253 . On peut se demander si le législateur
camerounais n'a pas voulu confié à l'ART une compétence en matière d’indemnisation.
Il faut dire que traditionnellement ces questions relèvent du juge civil1254. Ainsi en droit
français, la compétence des autorités de régulation sectorielles ne peut empiéter sur celle du

1249
Art. 49 du Décret n°2012/1640/PM.
1250
Cour d’Appel de Paris, 1e ch. sect. H, 28 avril 1998, S. A., France Télécom c/ S.N.C Compagnie générale des
eaux, n° RG 97/17849 ; 28 avril 1998, France Télécom c/ Société Paris TV Câble (S.L.EC.), n° RG 97/17847.
1251
Art. 17 al.2 du Décret n°2012/1640/PM du 14 juin 2012, fixant les conditions d’interconnexion, d’accès aux
réseaux de communications électroniques ouvert au public et de partage d’infrastructures (ci-après loi
n°2012/1640/PM du 14 juin 2012).
1252
Art. 16 du décret n°2013/0399/PM du 27 février 2013 fixant les modalités de protection des consommateurs
des services de communications électroniques.
1253
Art.4 al. 1 du décret n°2013/0399/PM du 27 février 2013 fixant les modalités de protection des consommateurs
des services de communications électroniques.
1254
CRE, 30 mai 2002, Société Dounor à électricité de France, J.O.R.F, n°150, 29 juin 2002, texte n°64, p.11241.

235
juge , en matière d’indemnisation, les régulateurs sectoriels veillent à déclarer irrecevable toute
demande visant à sanctionner une pratique anticoncurrentielle1255 ou attribuer des dommages et
intérêts en réparation d'un préjudice 1256 . L’idée étant que chaque voie de droit conserve sa
compétence dans son champ particulier 1257 . Ainsi donc, il n'est pas permis au régulateur
sectoriel d’octroyer des dommages et intérêts à un opérateur du fait d'un refus d’accès ayant
causé un préjudice. Ce dernier doit s'en prévaloir devant le juge civil.
Il y est admis qu’il existe un champ exclusif de la compétence du juge. La base de cette
perspective est que les pouvoirs reconnus aux autorités de régulation ne s’étendent pas à un
droit de condamner directement à la réparation du dommage subi par un opérateur du marché,
du fait d’un autre opérateur. Ainsi, seul les juges judiciaire ou administratif disposent du
pouvoir d’évaluer les indemnités qui doivent être accordées aux opérateurs qui s’estiment
victimes de pratiques contraires aux règles de droit et ainsi de condamner l’auteur de telles
pratiques à réparer le préjudice subi par les victimes1258.
La Cour d’appel de Paris va dans le même sens en annulant la décision de la CRE. Le
juge estime que la commission de régulation de l’énergie a formulé une injonction illégale en
décidant que la société versera à RTE les arriérés et elle annulera la décision du régulateur sur
ce point au motif qu’une telle décision qui ressortit au juge du contrat, est étrangère de sa
mission de régulation.
Il existe donc une interdiction faite aux agences sectorielles d’exercer leurs pouvoirs
quasi juridictionnels vers une logique de responsabilité, de réparation et d’indemnisation. Ceci
est dû au fait qu’en France, la saisine des régulateurs est facultative, ainsi, les opérateurs
peuvent saisir directement le conseil de la concurrence, aujourd’hui Autorité de la concurrence
et en cas de contestation, saisir la cour d’appel de Paris, soit alors saisir directement le juge du
contrat en matière de règlement des différends1259. Pour qualifier une violation de la règle de
régulation, de faute au regard du droit de la responsabilité, le juge peut alors s’appuyer sur la
constatation faite par le régulateur de cette violation, soit alors opérer lui-même le constat1260.

1255
CRE, 27 mai 2004, SARL de la Titre c/ Électricité de France, J.O.R.F., n°163, 16 juillet 2004, texte n°73.
1256
CRE, 6 mai 2004, Safhloa c/ EDF, J.O.R.F., n°144, 23 juin 2004, texte n°92, p.11419 ; 3 juin 2004, Société
Pouchon Cohen c/ EDF, J.O.R.F., n°209, 8 septembre 2004, texte n°39, p.15810 ; 4 juin 2004, Clariant Huningue
c/ SAEML Hunelec, J.O.R.F., n°185, 11 août 2004, texte n°76.
1257
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit.,
pp.356-367.
1258
DUPUIS-TOUBOL Frédérique, « Le juge en complémentarité du régulateur », in FRISON-ROCHE (M.-A.),
(dir.), Les régulations économique. Légitimité et efficacité, p.135.
1259
Cons. Const., 23 juillet 1996, loi de réglementation des télécommunications, n°96-378 DC, J.O.R.F., du 27
juillet 1996, p.1140 ; Recueil, p.99, para. 23.
1260
DUPUIS-TOUBOL Frédérique, « Le juge en complémentarité du régulateur », in FRISON-ROCHE (M.-A.),
(dir.), Les régulations économique. Légitimité et efficacité, op cit., p.135.

236
Le droit camerounais offre une lecture quelque peu nuancée, parce que l'on doit tenir
compte du mode de règlement des différends retenu par l’autorité de régulation sectorielle.
Ainsi le recours aux modes alternatifs de règlement des litiges permet aux régulateurs sectoriels
de connaître des questions d’indemnisation, en guise de réparation de préjudices. Ce point peut
même être au final le nœud gordien du règlement amiable du litige. Le juge français déclare
que « les conséquences civiles du droit de la concurrence sont arbitrables1261 », il dispose ainsi
du pouvoir de tirer toutes les conséquences civiles d’une violation du droit de la concurrence.
Ainsi, l’arbitre peut alors appliquer les principes et les règles de la concurrence, il peut même
en sanctionner la méconnaissance éventuelle sous le contrôle du juge de l’annulation1262. Parmi
ces conséquences civiles, il ne serait alors pas fortuit d'y retrouver la question de
l’indemnisation d’un opérateur par son concurrent. Dans cette perspective, l'ARSEL, qui dans
les différends entre opérateurs, agit comme arbitre et selon les règles du droit communautaire
OHADA en la matière, devient alors un juge de l’indemnisation ou de la réparation de préjudice.
D’ailleurs, le législateur camerounais ne limite pas les types de différends soumis à l’arbitrage
de l’ARSEL. Toutefois, il est à souligner que la saisine de ce dernier n’est qu’une possibilité1263.
Les opérateurs peuvent alors ne pas saisir le régulateur sectoriel mais directement le juge civil.
Le cas de l'ART peut paraître plus complexe, puisqu’il est l’organe à saisir avant toutes
autres juridictions1264 sur les questions d’accès. Si donc une demande de réparation est formulée
devant le régulateur, ce dernier doit-il se déclarer incompétent sur cette demande de réparation
seule, et statuer sur le reste du différend, laissant le soin à l’opérateur lésé de saisir le juge civil
uniquement de sa demande de réparation. On peut être amené à répondre par l’affirmative, mais
donner une réponse tranchée en l’état actuel du contentieux des communications électroniques
est loin d’être évidente. Des indices conduisent à envisager une autre réponse.

Dans le différend de 2005 opposant les opérateurs Orange et MTN relativement à des
campagnes publicitaires, l'ART dans l’exposer des motifs de sa décision énonce qu’elle refuse
que soit soulevé la demande d’indemnisation de préjudice présentée par Orange Cameroun S.A.,
compte tenu du fait l’instance n’était pas contentieuse1265. Une lecture a contrario de cette
position de l'ART impliquerait que ce dernier n'est pas opposé à ce que dans une instance
contentieuse il puisse examiner la demande d’indemnisation de préjudice présentée par un

1261
CA de Paris, 19 mai 1993, Labinal, Clunet 1993, pp.957-989, note L. Idot, Petites affiches, 1 mai 1995, obs.,
S. Rottman.
1262
ÇA Paris, 1er ch., sect., G, audience solennelle du 19 octobre 2001, répert., n°2000/08447.
1263
V. Art. 86 de la loi n°2011/022 du 14 décembre 2011, régissant le secteur de l’électricité au Cameroun.
1264
Art. 65 al. 1 loi n°2010/013 régissant les communications électroniques
1265
V. Décision n°00022/D/ATT/DG/DAJCI du 1 avril 2005, préc.

237
opérateur. De même, il est reconnu à l'ART la compétence d’évaluer le préjudice subi par un
opérateur en cas de subventions croisées ce en se fondant sur le surplus d’interconnexion
indûment capté par l’opérateur fautif 1266 . Ces indices peuvent laisser croire que les textes
juridiques offrent une compétence indemnitaire au régulateur du secteur des communications
électroniques camerounais. L’obligation de saisir d’abord ce régulateur aidant dans ce sens.
Toutefois, il est reconnu que le régulateur peut tout à fait ordonner le remboursement des
sommes indûment perçues1267.

CONCLUSION DU CHAPITRE
Le pouvoir de règlement des différends est bel et bien un instrument indispensable de
régulation des services publics de réseaux au Cameroun. Le fait que le législateur l’octroi à la
majorité des régulateurs sectoriels n’induit pas une autre lecture. Son usage par les autorités de
régulation est révélateur d'un outil porteur d’une certaine spécificité dans son maniement. La
nature des autorités de régulation s'en trouve transformer ; ils seraient des quasi- juges.

1266
Art. 10 du décret n 2012/1640 fixant les conditions d’interconnexion, d’accès aux réseaux de communications
électroniques ouverts au public et de partant d’infrastructures.
1267
Cour d’Appel de Paris, ch. 5, 26 mai 2009, Société Neuf Cégétel c/ France Télécom, n° RG 2008/16665, sur
la décision de l’ARCEP du 24 juillet 2008, n°2008-0839 : ADDA (J.), « La Cour de cassation étend la rétroactivité
des décisions de règlement de différend », in Concurrences, Chron. Régulation, n°1, 2011, pp.171 et s.

238
CONCLUSION DU TITRE 1
Les instruments contentieux des autorités de régulation permettent à ces organismes de
réparer les dysfonctionnements pouvant survenir lors de l’ouverture à la concurrence des
services publics de réseaux et même après cette dernière. Toutefois ces pouvoirs transforment
au passage les organismes de régulation en quasi juridictions. En effet, le droit administratif
camerounais et même français ne connait pas des établissements public pouvant trancher des
différends comme le ferait les juges ordinaires. L’innovation est donc effectivement
fondamentale1268. Dès lors, les autorités de régulation camerounaise se rapprochent fortement
des autorités administratif indépendantes, ou encore plus des autorités publiques indépendantes
françaises. Le rapprochement des autorités de régulation de la figure de la juridiction, impose,
ici comme en France, la soumission de l’exercice des pouvoirs contentieux au respect des droits
de l’homme, plus précisément du droit au procès équitable et des droits de la défense. L’objectif
étant de préserver l’État de droit.

1268
PEKASSA NDAM (G.), « Les établissements publics indépendants, une innovation fondamentale du droit
administratif camerounais », op cit., pp.153-178.

239
TITRE 2 : LES GARANTIES DES OPERATEURS DANS
L’EXERCICE DE LA FONCTION CONTENTIEUSE PAR LES AUTORITÉS
DE RÉGULATION

240
La théorie de l’État est devenue une théorie des droits et libertés fondamentaux1269.
Ces derniers ne sont plus seulement reconnus aux personnes physiques mais aussi de plus en
plus aux personnes morales 1270 . Dès lors l’opérateur doit être protégé face aux pouvoirs
reconnus aux régulateurs, surtout lorsque l’action publique se rapproche de la répression au
sens large. Les pouvoirs normatifs et contentieux de l’administration touchent les libertés
fondamentales, dès lors, le constituant camerounais et dans sa suite le législateur ont soumis
l’exercice de ces pouvoirs à des garanties reconnues traditionnellement aux juridictions. On
peut donc sans risque de se tromper parler au Cameroun d’une juridictionnalisation du modèle
camerounais de régulation.
Cette judiciarisation se fonde sur divers éléments ou critère plus ou moins commun à
toutes les autorités de régulation. L'on peut aussi évoquer : le critère de la matière pénale1271
avec à son cœur le prononcé de sanctions ; le critère du caractère civil des droits et obligations
en causes avec à son centre l’incidence de la procédure sur l’activité professionnelle1272. Cette
dernière approche englobe divers types de mesures : mesures réglementaires, individuelles,
préventives, sanction pécuniaire et/ou disciplinaire, mesures conservatoires. De sorte que la
judiciarisation repose sur des critères matériels. C’est aussi sur ces critères que repose
l’application aux justiciables des garanties du procès équitables fortement ancrée dans l'ordre
régional africain1273 et camerounais1274.
Le procès équitable ici comme ailleurs fait aujourd’hui figure de ‘norme processuelle de
référence pour tous types de contentieux. Le contentieux de la régulation se déroulant devant
les régulateurs eux-mêmes ne fait pas exception. Les opérateurs des secteurs régulés
camerounais bénéficient des garanties issues des exigences de protection des droits de l’homme.

1269
V. CHAMPEIL-DESPLATS (V.), « La théorie générale de l’État est aussi une théorie des libertés
fondamentales », Jus Politicum, n°8, 2012, disponible en ligne, à l’adresse http://www.juspoliticum.com, consulter
le 26 juillet 2017.
1270
V. KESSEDJIAN (C.), « Entreprises et droits de l’homme. Vers une convention internationale ? », in
Mélanges Michel Germain, op cit., pp.413-422.
1271
DELMAS-MARTY (M.), (dir.), La matière pénale au sens de la convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme comme flou du droit pénal », RSC, 1987, pp.819-862.
1272
CANIVET (G.), « La procédure de sanction administratives des infractions boursières à l’épreuve des garanties
fondamentales », RJDA, n°5, 1996, p.426 ; BRISSON (J.-F.), « Les pouvoirs de sanction des autorités de
régulation et l’article 6 paragraphe 1 de la convention européenne des droits de l’homme », AJDA 1999, p.848.
1273
V. NGONO (S.), Le procès pénal camerounais au regard des exigences de la charte africaine des droits de
l’homme et des peuples, Thèse de droit privé, Université Paris XIII, 2000, 595p.
1274
V. MAHOUVE (M.), et KEMBO TAKAM GATSING (H.), Les droits de l’homme au cœur de la procédure
pénale camerounaise, entre volonté humaniste et tentations répressives, Bruxelles, Bruylant, 2016 ; MINKOA
SHE (A.), Droit de l’homme et droit pénal au Cameroun, Paris, Economica, 1999, 313p ; NGONO (S.), Le procès
pénal camerounais au regard des exigences de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples, Thèse de
droit privé, Université Paris XIII, 2000, 595p.

241
Le droit au procès équitable, les droits de la défense sont alors un véritable « ius
commune » de la procédure contentieuse1275 qui se positionne alors au carrefour des droits,
ignorant la dualité des ordres de juridictions mais aussi transcendant les divers clivages
disciplinaires des sciences juridiques. Le droit au procès équitable, les droits de la défense sont
donc vecteurs d’exigences qui envahissent les procédures d'usage des instruments quasi
juridictionnels des autorités de régulation camerounaises. Le législateur les aura disséminé dans
les textes suivit par les détenteurs du pouvoir réglementaire. Cette posture démonté l’inscription
du Cameroun dans la construction d'un État de droit. En effet, la référence à l’État de droit est
indissociable d'un double mouvement de réévaluation de la logique démocratique et de
juridicisation des rapports sociaux, qu’elle contribue à légitimer et à alimenter.
Il ne faut pas voir dans ces autorités des juridictions au sens strict du terme ; du moins,
pas sur le plan organique. Mais, si l'on reste sur le plan strictement matériel, alors, il s’agit bien
de juridictions. L’application des garanties répond à un critère matériel à savoir le pouvoir de
prononcer une mesure ayant le caractère d’une punition au sens large. Pour le juge européen
des droits de l’homme, un tribunal se caractérise au sens matériel par son rôle juridictionnel,
qui consiste à « trancher, sur la base de normes du droit et à l'issue d’une procédure organisée,
toute question relevant de sa compétence »1276. Ce qui révèle une conception étendue de la
fonction juridictionnelle et des garanties qui s’y attachent. En fait, le droit européen conduit à
considérer, suivant le type de pouvoir que, dans un cas concret, les régulateur exercent, ces
derniers tantôt comme des organes d’administration, tantôt comme des organes de juridiction.
Le célèbre arrêt français Dame veuve Trompier-Gravier est considéré comme
l’exemplaire qui érige en principe général du droit le respect des droits de la défense en matière
de sanction administratives1277 . Il est admis qu’une autorité exerçant un pouvoir de sanction se
doit de respecter les règles du procès équitable1278 les règles issues de l’exigence d'un procès
équitable s’appliquent donc à tout contentieux et pas seulement à la juridiction. D’où toute
l’importance de la distinction entre la fonction contentieuse et la fonction juridictionnelle1279.

1275
V. DOUNIAN (A.), << Le respect des droits de la défense dans le contentieux disciplinaire de la fonction
publique au Cameroun >>, in Revue africaine des sciences juridiques (RASJ), n°1/2016, pp. 261-296; NYETAM
TAMGA (A.), << Les droits de la défense dans la jurisprudence de la Cour suprême du Cameroun statuant en
matière administrative >, Juridis périodique, 2002
1276
V. CEDH, 27 août 1991, Demicoli c/ Malte., préc.
1277
CE, sect , 5 mai 1944, Dame veuve Trompier-Gravier, Grands arrêts de la jurisprudence administrative, 12e
éd., 1999, n°61.
1278
ETOA (S.), et MOULIN (J.-M.), « L’application de la notion conventionnelle de procès équitable aux autorités
administratives indépendantes en droit économique et financier », CRDF, n°1, 2002, pp.47-63.
1279
V. CHEVALLIER (J.), « Fonction contentieuse et fonction juridictionnelle », in Mélanges en l’honneur du
professeur Stassinopoulos, Paris, LGDJ, 1974, pp.275-290.

242
De sorte que c’est à la fonction contentieuse que s’attachent un certain nombre de garanties.
Ces garanties peuvent être subdivisées en garanties formelles (chapitre 1) et en garanties
substantielles (chapitre 2).

243
CHAPITRE 1 : LES GARANTIES FORMELLES DES OPERATEURS

L’usage d’un pouvoir répressif par l’administration ou encore le recours à un pouvoir de


règlement des différends semblable à celui du juge, voire même se confondant lorsque l’on
parle d’arbitrage, ne pouvait se faite sans un minimum de garanties formelles. C'est le triomphe
de l’idée selon laquelle, la procédure, comme l'ordre juridique général se trouve aujourd’hui
sous l’emprise croissante des droits fondamentaux, à la garantie desquels, d’ailleurs, elle
participe. À tel point que l'on peut désormais parler des droits fondamentaux du procès (les
fameux « droits de procédure ») 1280 . La procédure suivie par les autorités de régulation
participerait alors à l’émergence d'un modèle universel du procès. Ainsi serait-elle soumise, en
tant que droit processuel aux principes de droit naturel qui s’imposent dans la conduite de tous
les procès 1281 . Les garanties formelles dont bénéficient les opérateurs poursuivis par les
autorités de régulation sont de deux ordres d’une part, nous observons les garanties liées à la
défense des opérateurs ces derniers peuvent les opposés à l’administration (section 1) et d’autre
part, les garanties formelles relatives à l'organe de régulation dans l’accomplissement de sa
fonction contentieuse (section 2).

SECTION 1 : LES GARANTIES FORMELLES LIÉES A LA DÉFENSE DES


OPÉRATEURS DES SECTEURS REGULES

L’expression communément utilisée est les droits de la défense. Les textes juridiques
sectoriels camerounais les imposent aussi bien face à l’usage du pouvoir de sanction, que lors
du règlement des différends par les autorités de régulation. Dans ce cadre, il faut retenir le
principe du contradictoire (paragraphe 1) et le principe de motivation de la décision (paragraphe
2).

PARAGRAPHE 1 : Le respect du principe du contradictoire en matière de


régulation des services publics de réseaux
Le procès est contradictoire de sorte que la contradiction soit le premier facteur d'une
justice de qualité. Le contradictoire innerve ainsi l’instance et doit être observé dans tous
contentieux. C'est ainsi que le principe du contradictoire est un principe général du droit et du
contentieux administratif 1282 , dès lors, seule une loi peut y déroger. Or aucune des lois
sectorielles de régulation n’excluent ce principe retenu par le constituant camerounais. Le

1280
GUINCHARD ( S.) et al., Droit processuel, Paris, Dalloz, 5e éd., 2009, spéc., p.7.
1281
Ibid., p.3.
1282
CE, 12 mai 1961, Société La Huta, Rec., p.313

244
principe du contradictoire est définit comme le principe selon lequel chacune des parties est
libre, durant les débats, de faire connaître tout ce qui est nécessaire au succès de sa demande ou
de sa défense et de prendre connaissance de toute pièces, document ou preuve présentés par
l’adversaire devant l’instance de supervision de règlement des différends 1283. Si cette dernière
définition rejoint celle donner par la doctrine en France, qui y voit une garantie à la pleine
connaissance de l'instance en donnant la possibilité de défense ou bien encore d’être informé
de tout et en temps utile1284.

Il faut souligner que celle retenue en matière de communications électroniques semble


restrictive en évoquant le contradictoire que « durant les débats » et a priori que « devant
l’instance de supervision de règlement des différends ». Or, compte tenu du fait que le
contradictoire est une condition sine qua non pour l’exercice des droits de la défense1285. Il ne
peut se limiter qu’à l’audience. Le principe du contradictoire se retrouve dès les phases
d’enquête et d’instruction. Il est alors présent tout au long de la procédure1286. Toutefois, si le
contradictoire doit être observé, tant au seuil que pendant le cours de la procédure, il ne recouvre
pas le même contenu selon les phases de l’instance où il doit être mis en œuvre. Ainsi
envisageons-nous analyser la teneur de ce principe relativement aux secteurs régulés
camerounais. Le moins que l'on puisse dire avec Yannick Capdepon est que le contradictoire
est double1287. En effet si au seuil de l’instance le principe établit le droit pour toute personne
d’être informée du procès qui lui est fait de façon claire et régulière. Il implique au cours de
l’instance que, chaque partie permette à l’autre d’organiser sa défense, ainsi le contradictoire
créé pour les parties (A), aussi bien des obligations réciproques que des obligations à l’égard
des autorités de régulation (B).

A/- Les implications du principe du contradictoire à l’égard des opérateurs


Le principe du contradictoire est lié à une procédure équitable. Il suppose tout d’abord
de connaître la thèse de l’accusation. Ainsi se compose-t-il en premier du droit à l’information
des opérateurs (1) et en second, du droit à la discussion qui est lié aux droits de la défense (2).

1283
Art. 2 al. 1 de la Décision n 00000191 du 2 octobre 2014 fixant les modalités de règlement des différends entre
opérateurs des réseaux de communications électroniques au Cameroun.
1284
V. FRISON-ROCHE (M.-A.), Généralités sur le principe du contradictoire en droit processuel, Thèse de droit
privé, Université de Paris 2, 1988.
1285
V. CAPDEPON (Y.), Essai d’une théorie générale des droits de la défense, Thèse de droit, Université de
Bordeaux, 2011, spéc., pp.162-163.
1286
LE GALL (J.-P), « À quel moment le contradictoire ? », Gaz. PAL., 4 juillet 1996, doctr., pp.691-696.
1287
CAPDEPON (Y.), Essai d’une théorie générale des droits de la défense, op cit., spéc., p.158.

245
1/- Le droit des opérateurs d’être informer
Le principe du contradictoire place en son centre l’information, mieux encore l’équilibre
de celle-ci. À ce propos Charles Debbasch et Jean-Claude Ricci écrivaient déjà que « [l]a
meilleure des protections des parties dans une instance est celle qui résulte de
l’information1288». Dès lors, ce droit pour le défendeur est une obligation constitutionnelle et
aussi légale pour les autorités de régulation, étant entendu que nul ne peut être jugée sans avoir
été entendu. Ce droit existe en France même sans texte1289. Au premier chef donc cette exigence
impose l’information des parties quant à l’existence même du procès et le respect des délais. Il
participe d’une certaine transparence. Cette dernière implique plusieurs critères qui débutent à
la divulgation de l’information et des documents relatifs à une affaire quelconque.
Les autorités de régulation sont dans l’obligation d’informer les opérateurs de tous les
actes pratiqués dans les procédures contentieuses, tout comme de tous ses éléments qui, d’une
façon ou d’une autre pourraient affecter leurs droits. Le droit à l’information des opérateurs
contrevenants, est une condition indispensable à l’exercice du droit de la défense.
L’information doit porter sur l’ensemble des pièces dont l'on entend se servir afin que
l’adversaire puisse les examiner et le cas échéant les contester elle doit contenir les pièces du
dossier en intégralité1290. L’information permet au justiciable de connaitre les griefs formulés
contre lui et ainsi de se mettre en position de présenter sa défense 1291. C'est donc une garantie
fondamentale au champ d’application large et varié1292. Ainsi ce droit d’être informer peut
s’étendre d’une partie à l’égard de l’autre donnant lieu à un véritable droit à la
communication 1293 . Le droit d’être informer concerne l’objet de la procédure ainsi que les
pièces susceptibles de servir de base de décision.
L’information des parties se réalise par la notification ou la signification de l'acte
introductif d’instance. La notification des griefs est une étape essentielle dans la procédure de
sanction. Elle permet d'informer l’opérateur sur les faits qui lui sont reprochés, les dispositions
légales et/ou réglementaires visés, les sanctions auxquelles le contrevenant s’expose. Il s’agit

1288
DEBBASCH (Ch.) et RICCI (J.-C.), Contentieux administratif, Paris, Dalloz, 4e éd., Coll. Précis Dalloz, 1985,
pp.460 et s. Italique des auteurs.
1289
CE, Ass., 7 mars 1958, Époux Speter, Recueil Lebon, p.152 ; A.J.D.A., 1958, II, concl. Long, p.178 ; 29 juillet
1943, Solus, Recueil, Lebon, p.211.
1290
CHAPUS (R.), Droit administratif générale, tome 1, op .Cit, n°1312, p.1120.
1291
CE, 23 décembre 1959, Jouen, D., 1961, note Jeanneau, p.256 ; 11 mars 1960, Sté des travaux et carrières du
Maine, Rec, p.195.
1292
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit,
pp.565 et s.
1293
DEBBASCH (Ch.) et RICCI (J.-Cl.), Contentieux administratif, op cit., pp.463 et s.

246
en somme du document d’accusation rédigé par le rapporteur après l’enquête préparatoire1294.
Il contient alors la description des pratiques et autres manquements et infractions mis en
évidence lors des contrôles. La notification des griefs permet alors d’établir un contradictoire
dans la procédure. En effet, les parties ont la possibilité d’exprimer leur position en réponse aux
griefs qui sont exposés dans la notification.
La communication desdits documents et pièces doit se faire en temps utile, autrement
dit ni trop tôt1295, ni trop tard1296 et donner du temps à l’opérateur de préparer sa défense. Il se
pose alors le problème des délais et du temps entre information et le début du procès. Il faut
dire que chaque partie doit être informé suffisamment tôt des prétentions et moyens de son
adversaire et ensuite avoir assez de temps pour y réfléchir et y répondre. Il en va par ailleurs de
la loyauté des débats. Le droit d’être informer participe du respect du principe de l’égalité des
armes1297.
En matière de communications électroniques dans le cadre du règlement des différends,
il revient à l’autorité de régulation, à travers le Comité de règlement des différends de l'ART
plus précisément de l’instance technique d'adresser par tout moyen laissant trace à la partie
adverse la copie de l'acte de saisine et de lui fixer le délai dans lequel la partie concernée doit
répondre 1298 . Le dossier de saisine doit être complet pour que les parties fassent leurs
observations1299 qui sont transmis en autant d’exemplaires que de parties plus deux. Soulignons
que c’est d'un commun accord entre les deux parties au différend et l’instance technique qu'un
calendrier prévisionnel fixant les dates de production des observations est déterminé1300. Le
corollaire de ce droit d’être informer c’est effectivement celui d’être entendu1301.
2/- Le droit des opérateurs d’être entendu
Le droit d’être entendu est une garantie procédurale fondamentale indispensable à une
procédure équitable. C’est est un droit formel, une exigence classique du droit processuel
administratif1302. Ainsi, il existe indépendamment de l’incidence qu'il peut avoir sur l’issue de

1294
V. GALÈNE (R.), Droit de la concurrence appliqué aux pratiques anticoncurrentielles, Paris, Édition foliation
entreprise, 2005 spéc., p.107.
1295
CE sect., 8 novembre 1963, Ministre de l’agriculture c/ Coopérative d’insémination artificielle de la Vienne,
Recueil Lebon, p.532 ; D. 1964, note Mestre, p.492.
1296
CE sect., 20 janvier 1956, Nègre, Recueil Lebon, p.24 : D. 1957, concl. Guionin, p.319.
1297
DIDIER (J.-P.) et MELIN-SOUCRAMANIEN ( F.), « Le principe de l’égalité des armes », Revue de la
recherche juridique- Droit prospectif, n°2, 1er avril 1993, pp.489-510.
1298
Art. 23 al. 2 de la Décision n°00000191 du 02 octobre 2014
1299
Art. 24 al. 1 de la Décision n°00000191 du 02 octobre 2014
1300
Art. 23 al. 2 de la Décision n°00000191 du 02 octobre 2014
1301
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit.,
pp.565 et s.
1302
DUPUIS (G.), GUEDON, (M.-J.), CHRETIEN (P.), Droit administratif, Paris, Sirey, Dalloz, Coll. Sirey
université, 12e éd., 2010, p. 485 ; CHAPUS (R.), Droit administratif générale, tome 1, op cit, p.1118 ; MORANGE

247
la procédure c’est-à-dire sur la décision matérielle à rendre. Dès lors, une décision ayant le
caractère d’une sanction par exemple ne peut être prise sans que l’intéressé n’ait eu l’occasion
de faire valoir ses moyens de défense1303. Le droit d’être entendu permet aussi d’éclairer les
éléments de fait et de droit ainsi que les intérêts en jeu. Il ne porte alors que sur les faits
pertinents et non sur leur appréciation juridique.
Les opérateurs des secteurs régulés camerounais peuvent alors être entendus oralement
ou par écrit, lors des audiences ou de l’instruction. En matière de règlement des différends dans
le secteur des communications électroniques, l’instance technique peut inviter les parties à
fournir oralement ou par écrit les explications nécessaires à la solution du différend. Les débats
ici sont alors consignés dans des procès-verbaux signes de tous les participants. Même dans les
cas où l’organe d’instruction procède à des constatations, un procès-verbal est établit et signé
des parties qui en reçoivent copie aux fins d’observations éventuelles 1304 . La personne
poursuivie doit pouvoir faire valoir son point de vue, ce qui offre une certaine part active dans
la procédure et exerce une certaine influence sur son issue.
Il faut dire que les personnes poursuivies devant les autorités de régulation peuvent
refuser de se présenter lors de l’instruction ou des audiences de sorte qu’étant dument informer,
ils refusent de se faire entendre. L’autorité de régulation peut alors prendre sa décision. Il existe
aussi des cas comme le rapporte Francis Ampère SIMO Kouam, en matière de communication
où certaines sanctions ont été prononcées sans le régulateur ne donne la possibilité aux droits
de la défense de s’exprimer1305. Il ne faut pas en conclure que la procédure contradictoire n'est
pas applicable en matière de régulation de l’audiovisuel tout au contraire. Seulement il serait
préférable d’éviter autant que faire se peut de telles dérives. D’autant plus qu’une violation de
ce droit vaut en principe un vice de procédure et peut donc conduire à l’annulation de la décision
attaquée pour ce motif devant le juge de recours.

Le principe du contradictoire révèle le grand rôle des opérateurs dans la résolution des
différends c'est ainsi que l'on leur reconnait la possibilité à tout stade de la procédure, de
s'entendre pour proposer un règlement amiable du différend qui les oppose à l'ART. Ce dernier

« Le principe des droits de la défense devant l’action administrative », D. 1956, chron., p.121 ; ODENT (R.) « De
la jurisprudence Trompier- gravier à la décision Garysas », E.D.C.E., n°18, 1963, p.79.
1303
CHAPUS (R.), Droit administratif générale, tome 1, op cit, n°1312, p.1118, cite l’arrêt CE 16 avril 1975,
association La comédie de Bourges, Recueil Lebon, p.231.
1304
V. Art. 27 de la Décision n°00000191 du 02 octobre 2014
1305
Il rapporte que Christophe Bobiokono, membre du CNC et directeur de publication du journal Kalara a été
sanctionné sans avoir été auditionné par le Conseil au sujet des plaintes déposées contre son journal et lui-même,
v. SIMO KOUAM ( Fr. A.), « La régulation de l’activité audiovisuelle à l’épreuve du tout numérique au
Cameroun », op cit., note 45, p.123.

248
peut alors les convoqué dans le délai de dix jours à lui offert pour se prononcer sur ledit accord,
afin d’entendre leurs explications sur les termes et les effets de cet accord. Seulement
soulignons que l'ART n'est pas forcément tenu de suivre l’accord, il dispose donc de la
possibilité de décider de poursuivre l’instruction du litige 1306 . La posture marque une
indépendance de l’autorité de régulation à l’égard des parties. Toutefois cette indépendance ne
dispense pas l’autorité de régulation, comme les autres d’ailleurs à respecter eux-mêmes le
principe du contradictoire.

B/- La soumission des autorités de régulation au principe du contradictoire


C'est encore un élément pouvant servir de comparaison entre les régulateurs sectoriels
et le juge. Comme ces dernier, les autorités de régulation doivent eux aussi observer le principe
du contradictoire. Elle implique ainsi que l’autorité de régulation ne peut fonder sa décision sur
une mesure d’instruction qui n'a pas été réalisée dans le respect du contradictoire. De sorte que
lorsqu’une partie refuse de communiquer à l’autre une information, le régulateur peut l'obliger
de s’y conformer et pourquoi pas recourir à la sanction assortie d'astreinte. Il s’agit pour lui de
respecter le besoin de loyauté et de transparence.

L'autre aspect qu’implique la soumission des autorités de régulation au principe du


contradictoire ressort de l'usage de leur pouvoir d’auto-saisine. On peut ainsi se demander si le
régulateur sectoriel peut alors fonder sa décision sur des moyens de droit qu'il aurait relevés
d’office lors qu’une enquête inopinée. Il faut dire que rien en principe ne s'y oppose. Cependant,
il est primordial qu'il invite préalablement les parties à présenter leurs observations relativement
à ces moyens. Dans le cas contraire le juge de recours devrait être saisi. En fait ne pas suivre
cette dernière posture serait faire aveu de partialité. Or comme nous le verrons plus loin, les
autorités de régulation se doivent de respecter le principe d’impartialité. À ce propos
l’obligation de motivation des décisions des régulateurs sectoriels pourrait valablement aider à
contrôler le respect du principe du contradictoire.

PARAGRAPHE 2 : La motivation des décisions des autorités de régulation

Il faut dire que motiver sa décision c'est essentiellement expliquer pourquoi il en rejette
ou en admet le bien-fondé au moment de statuer sur les moyens que lui présentent les parties1307.

1306
Art. 34 de la Décision n°00000191 du 02 octobre 2014. Toutefois, l'ART dispose du pouvoir de s’opposer à
tout ou partie de l’accord amiable entre les deux parties ce pour préserver l’ordre public, le déploiement d’une
saine concurrence ( alinéa 3).
1307
PETIT (J.), « La motivation des décisions du juge administratif français », in CAUDAL (S.), La motivation en
droit public, op cit., p.215.

249
Cette question de la motivation des actes juridiques n'est pas nouvelle en droit. Seulement, elle
a toujours concerné les juridictions1308. Le législateur communautaire CEMAC relativement
aux communications électroniques stipule que « leurs décisions, qui sont motivées, précisent
les conditions équitables, d’ordre technique et financier, dans lesquelles le différend est réglé.
Ces décisions sont rendues publiques dans les conditions et sous les réserves prévues par les
lois nationales »1309. Le législateur camerounais à sa suite impose une motivation des actes des
autorités de régulation. Toutefois, les autorités de régulation prennent divers actes, de sorte qu'il
nous faut d’abord déterminer les actes soumis à la motivation dans le cas des secteurs régulés
(A). L’exigence de motivation, érigé en véritable obligation juridique1310 recèle des avantages
qui traduisent le principe fixe du droit de la régulation qu'est le principe de transparence 1311 de
sorte que l'on doive analyser la sanction du non-respect de de ce principe dans la mesure où
l’existence d’une sanction renforce cette garantie pour les opérateurs (B).

A/- Les actes soumis à l’exigence de motivation


Les actes soumis à l’obligation de motivation sont en général des actes administratif1312,
seulement pas tous les actes1313, y compris dans les secteurs régulés camerounais. Dans une
approche comparative, cette motivation s’impose à deux types de décisions individuelles à
savoir les décisions administratives individuelles défavorables et les décisions administratives
individuelles qui contreviennent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement1314. L'on
peut lire ainsi dans l’affaire Mbarga Raphaël que « Attendu… que doivent être motivées les
décisions à portée individuelle qui infligent une sanction, retirent ou abrogent une décision
créatrice de droit »1315. Toutefois, nous pouvons distinguer ici en premier lieu les actes entre

1308
CHAPUS (R.), Droit du contentieux administratif, op cit., n°1175, p.1032 ; ainsi que pour les organismes
professionnels dotés de pouvoirs quasi juridictionnels, v. C.E., 27 novembre 1970, Agence maritime Marseille-
Fret, Rec. Lebon, p.704 ; aussi HOSTIOU ( R.), Procédure et forme de l'acte administratif unilatéral en droit
français, op cit., spéc., p.190.
1309
Art. 6 al. 1 du Règlement CEMAC n°21/08 du 19 décembre 2008 relatif à l’harmonisation des réglementations
et des politiques de régulation des communications électroniques.
1310
V. NGANGO YOUMBI (É. M.), « L’obligation de motivation des actes administratifs au Cameroun », op cit.,
pp.6010 et suiv.
1311
FRISON-ROCHE (M.- A.), « La régulation, objet d’une branche du droit », op cit., p.5.
1312
NGANGO YOUMBI (É. M.), « L’obligation de motivation des actes administratifs au Cameroun », op cit.,
pp.609 et suiv.
1313
KEUTCHA TCHAPNGA (C.), « L’obligation de motive certaines décisions administratives au
Cameroun », op cit., pp.60-66.
1314
V. Loi n°79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratif et à l’amélioration des
relations entre l’administration et le public, J.O.R.F., 12 juillet 1979, p.1711 ; CHAPUS (R.), Droit administratif
générale, tome 1, op cit., n°1320 ; FRIER (P.-L.), PETIT (J.), Précis de droit administratif, op cit., pp. 300-301.
1315
CS/ CA, jugement n°73/CS-CA du 29 juin 1989, Mbarga Raphaël, inédit. ; Jugement n°16/CS-CA du 26
janvier 1995, Nguepi Joseph, inédit ; jugement ADD n°50/CS-CA du 27 avril 1995, Nguenang Jean-Pierre ;
jugement ADD n°60/CS-CA du 29 juin 1995, Tchamda Claude, inédit.

250
les opérateurs lors de l’interconnexion par exemple et les actes administratif émanant des
autorités de régulation.
Dans les rapports entre opérateurs l’obligation de motivation joue aussi c'est le cas des
décisions qui refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui
remplissent les conditions légales pour l’obtenir. C'est le cas du refus d’interconnexion ou de
partage d’infrastructures, qui sont de véritables droits créances pour les opérateurs nouveaux
entrants1316. À ce propos le législateur camerounais impose au gestionnaire du réseau de motiver
sa décision de refus d’interconnexion ou d’accès1317.
Dans les rapports entre autorités de régulation et operateurs des secteurs régulés, les
actes administratifs défavorables devant être motivé sont, selon Georges Péquignot 1318, les
décisions constituant une mesure de police de façon générale. Les actes de refus d’octroi d’une
autorisation, surtout lorsque cet octroi est subordonné à des conditions, ou impose des sujétions.
C’est le cas de tous les secteurs régulés camerounais vue que les activités sont soumises à un
régime d’autorisation. Le refus doit être motivé au regard des pouvoirs des autorités de
régulation. Les régulateurs sectoriels ont un large pouvoir d’appréciation des capacités
techniques ou financières des opérateurs demandeurs d’autorisation, ce qui au passage, pose
une assimilation entre déclaration et autorisation1319. Les décisions de sanctions aussi doivent
être motivées par les autorités de régulation camerounaises.
Les décisions ayant pour effets de retirer ou d’abroger un acte créateur de droit aussi
doivent être motivées. Le plus souvent, à l'instar de la décision de retrait d’une administrative,
de telles mesures présentent souvent le caractère de sanctions.

En partant d’une lecture a contrario, on pourrait croire les décisions non défavorables
bénéficient du principe de non- motivation. En réalité, il n’est pas exactement ainsi. Certes, en
règle général les décisions favorables ne sont pas soumises à la motivation l’idée est que ces
décisions reconnaissent un droit ou un avantage à un individu, de quoi l’intéressé pourrait-il se
plaindre dans ce cas. De même, les décisions de nature réglementaire c’est-à-dire posant des
règles générales et impersonnelles ne sont pas soumises à l’obligation de motivation. Cependant
dans les secteurs régulés camerounais des actes favorables peuvent être motivé. Pour admettre
cela, il suffit de poser comme base que de telles décisions favorables sont dérogent aux règles

1316
Art. 46 al.2 de la loi n°2015/007 du 20 avril 2015, régissant l’activité audiovisuelle au Cameroun.
1317
Art. 46 al. 3 de la loi régissant les communications électroniques au Cameroun.
1318
PEQUIGNOT (G.), « La loi française du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs », Les
Cahiers de droit, vol. 21, n°3-4, 1980, pp.961-984 spéc., pp. 974 et s.
1319
V. TCHABO SONTANG (H. M.), La réglementation du commerce électronique dans la CEMAC, contribution
à l’émergence d'un marché commun numérique, Thèse en droit, Université de Dschang, 2014, spéc., p.47.

251
générales fixées par les lois et règlements, ainsi peuvent-elles être favorables aux uns et
défavorables aux autres 1320 . Nous pouvons ranger ici les décisions prises par le Comité de
règlement des différends de l’ART. Il doit en être de même des actes visant à demander la
modification des contrats passés entre opérateurs lors de l’interconnexion. En principe il ne
s’agit pas des actes de sanctions au sens propre du terme. Nous parlerons plus d’actes
d’ajustement des conventions. Mais justement, la liberté contractuelle étant première dans la
réalisation de l’interconnexion, il faut bien que sa limitation soit justifiée. L’autorité de
régulation doit donc pouvoir minutieusement expliquer aux parties à un contrat
d’interconnexion les raisons de la demande de modification des termes dudit contrat.

B/- La sanction du non-respect du principe de motivation


Lorsque l’on parle de sanction l'on se retrouve ici dans la perspective d'un recours devant
les juges. La question est de savoir si l’absence de motivation d'un acte de régulation
contentieux ou de refus peut être un motif de contestabilité de ladite décision ? Il faut d’entrée
de jeux dire que le droit de la régulation camerounais n’offre pas un cas d’espèce pour y fonder
une analyse. Cependant, le droit administratif camerounais en général ne manque pas de bases
d’approches à titre comparatif et prospectif.
Le juge administratif camerounais dans l’affaire Backiny Yetna Prosper, qui concernait
une décision disciplinaire infligeant une suspension d'un agent public sans motivation formelle,
après avoir rappelé que l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions est un
principe général du droit camerounais pose comme sanction au non-respect de cette obligation
l’annulation de la décision. Cette dernière annulation peut être une annulation pour vice de
forme, erreur de droit ou détournement de pouvoir. Le premier cas peut intervenir lorsqu’il y a
absence totale de motivation, le second cas lorsque l'acte comporte des motifs inexacts, erronés
et indéterminants1321. Toutefois, en cas d’annulation pour défaut de motivation, le régulateur
garde la possibilité de reprendre la même décision pourvu qu’elle soit expurgée du vice et
comporte alors cette fois une motivation suffisante. Dès lors, seul le bien fondé des motifs en
eux-mêmes devient l’objet de discussions et cause éventuelle d’annulation.
Dans les secteurs régulés les décisions prises par les autorités de régulation peuvent
porter préjudice aux opérateurs en terme d’image par exemple, dès lors on peut se demander si
lorsque la motivation est inexacts ou absente etc., et qu’elle a donné lieu à une sanction

1320
PEQUIGNOT (G.), « La loi française du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs », Les
Cahiers de droit, vol. 21, n°3-4, 1980, p.977.
1321
CS/ CA, jugement n°56/ADD/CS-CA du 26 juin 1995 Backiny Yetna Prosper, inédit.

252
disciplinaire par exemple une fermeture provisoire, causant un manque à gagner, l’opérateur
peut être fondé à demander réparation en guise de dommages et intérêts ? L’observation du
droit général de l’obligation de motivation semble aller dans le sens d’une réponse positive.
Ainsi, Éric Marcel Ngango Youmbi démontre que devant le juge administratif la demande de
réparation peut reposer sur une illégalité fautive tandis que devant le juge judiciaire, elle se
fonderait sur la voie de fait1322.
Cette dernière sanction démontre que le juge administratif camerounais face à
l’obligation de motivation porte son attention sur un certain nombre d’exigences à la fois de
forme et de fond de la motivation. Ainsi entend-il vérifier non seulement l’exactitude matérielle
des faits mais également leur qualification juridique. Cette motivation se doit alors d’être
substantielle. Martine Béhar-Touchais écrit que « la motivation extrêmement précise des
décisions sur les sanctions permet de prévoir à peu de chose près quelle est la sanction
encourue dans telle ou telle affaire »1323. De ce fait impose-t-il à l’administration d’examiner,
mais alors très attentivement le bien fondé des décisions qu’elle entend prendre. Ce qui
implique que la motivation soit écrite et comporte l’énoncé des considérations de droit et de
faits qui constituent les fondements de la décision.
Il faut donc dire que pour être considérer comme claire et précise, la motivation ne doit
pas comporter des formules obscures et vagues. De même, « il ne suffit pas, pour rejeter une
demande, de déclarer que les conditions définies par les textes ne sont pas remplies ; encore
faut-il indiquer en quel point et en quoi elles ne le sont pas »1324. Dans l’affaire Backiny Yetna
Prosper justement le juge administratif camerounais va dans ce sens puisque la décision de
suspension est peu clair et précise sur le fait de savoir en quoi l’action de l'agent au sein du
CRETES constituait une activité lucrative en violation de l’article 48 du statut général de la
fonction publique, alors même que le même article dans son point (b) autorise que les
fonctionnaires participent à la production d’œuvres scientifiques1325. Le juge européen indique
dans le même sens que pour motiver un acte, il suffit d’expliciter, de façon même succincte,

1322
NGANGO YOUMBI (E. M.), « L’obligation de motivation des actes administratifs au Cameroun », op cit.,
pp.609-611.
1323
BÉHAR-TOUCHAIS (M.), « Vice et vertus de la transparence », Revue Lamy de la concurrence,
octobre/décembre 2007, n^13, spéc., p.169.
1324
PEQUIGNOT (G.), « La loi française du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs », op
cit., p.980.
1325
CS/CA, jugement n°56/ADD/CS/CA du 26 juin 1995, Backiny Yetna Prosper ; jugement n°73/CS-CA du 29
juin 1989 ; jugement n°48/CS-CA du 27 avril 1995, Itambe Halo Prosper

253
mais claire et pertinente, les principaux points de droit et de fait lui servant de support,
nécessaires pour rendre compréhensible le raisonnement qui a déterminé la décision1326.
D’autre part, il est notoire que la motivation s’exprime par l’énoncé logique des éléments
de fait et de droit qui conduisent à la décision. La décision doit être motivée, elle vise les textes
et fait référence aux faits et arguments invoqués par les parties. De sorte que la décision doit se
borner à statuer dans les limites des conclusions des parties1327. L’obligation de statuer sur le
moyens est-elle absolue c’est-à-dire un principe élargi à tous les moyens. Il faut dire qu'il existe
un principe de l’économie des moyens qui donne la possibilité aux autorités de régulation de
sélectionner les moyens invoqués et de ne retenir que les plus influant1328. La motivation doit
donc tout dire du moins tout ce qui est nécessaire et utile1329.
L’idée est alors que la motivation permet par la connaissance des motifs exacts aux
intéressés de mieux apprécier la décision et l’éventualité d’un recours 1330. Puisque le droit à la
motivation ce n'est pas seulement le droit de savoir c'est aussi l’amorce du droit de contester1331.
Quoiqu’il en soit, il est claire que la motivation permet d’instaurer une relation de confiance
voire même de dialogue entre opérateurs et régulateur. Cela relève de la bonne
administration1332 , d’une part et d’autre part, la motivation permet de faciliter le travail du
juge1333. Cette dernière posture est beaucoup plus nécessaire en matière de régulation où des
questions complexes parce qu’à la fois technique et fortement économique sont en jeux et que
les autorités de régulation sont des experts. La motivation lorsqu’elle est rigoureuse, claire et
explicite est une source d’informations cruciale pour le juge perçu comme un second niveau de
la régulation, selon l’approche « juger la régulation c'est encore réguler »1334.

1326
V.CJCE, 4 juillet 1963, Maurice Alvis c/ Conseil de la Communauté Économique Européenne, Aff. 32/62,
Rec., p.99, concl. M. Lagrange.
1327
V. SY (D.), Droit administratif, 2014, p.158.
1328
DIEU (F.), « La règle de l’économie des moyens doit-elle paralyser le pouvoir d’injonction du juge
administratif ? », AJDA 2009, p.1082
1329
V. PEQUIGNOT (G.), « La loi française du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs »,
Les Cahiers de droit, vol. 21, n°3-4, 1980, p.981.
1330
FRIER (P.-L.), PETIT (J.), Précis de droit administratif, op cit., p.299
1331
GRIMALDI (M.), « Introduction », in La motivation, Travaux de l’association Henri Capitant, Paris, LGDJ,
2000, p.2.
1332
V. AUTIN (J.-L.), « La motivation des actes administratifs unilatéraux entre tradition nationale et évolution
des droits européens », RFAP, n°137-138, 2011/1, p.88 ; PETIT ( J.), « La motivation des décisions du juge
administratif français », in CAUDAL ( S.), La motivation en droit public, op cit., p.215.
1333
V. Sur cette utilité WIENER (C.), « La motivation des décisions administratives en droit comparé », RIDC,
vol.21, n°4 octobre-décembre 1969, pp.779-795, spec., pp.790 et s.
1334
IDOUX (P.), « Réguler n’est pas juger. Réflexion sur la nature du pouvoir de sanction des autorités de
régulation économique », AJDA 2004, p.1060.

254
Cette obligation de motivation participe de la garantie des droits des opérateurs qui elle-
même découle de la garantie des droits des usagers du service public1335. La motivation n’est
pas alors à notre sens ici qu’une simple modalité technique facilitant la relation administrative
entre opérateurs et régulateurs de façon peut-être plus ambitieuse on y voit l’émergence d’une
transparence administrative premier pas vers une démocratie administrative1336.
Ainsi, la transparence dans les secteurs régulés devient gage de sécurité1337. C’est le
dévoilement volontaire des éléments qui façonnent, structurent ou contribuent aux attitudes,
comportement, actes ou discours afin d’en assurer une totale intelligibilité1338. Toutes choses
qui contribuent à la valorisation de la légitimité des institutions. La transparence permet alors
de mieux gérer, selon les exigences du secteur en cause. Par la transparence, l’administration
se démocratise1339, elle se modernise. Le sursaut démocratique donne du relief à la motivation
sur le plan à la fois politique et juridique. Il n'est plus question de faire valoir de simples
arguments d’autorité1340.
Dans le champ juridique la motivation d’une décision consiste à en exprimer les raisons
« c'est par là même obliger celui qui la rend à en avoir »1341. La motivation est perçue comme
l’âme de la décision1342. La motivation est aussi un support d’expression non négligeable dans
l’évolution du droit de la régulation rien ne s’oppose à ce que les autorités de régulation à
l’image du juge ordinaire1343, par la motivation précisent ou élaborent de nouveaux principes
de régulation, renforçant ainsi leur pouvoir de contribuer à l’enrichissement de l'ordre
régulatoire camerounais. Tout comme elle permet de vérifier l’étendue de la maitrise des
aspects de la régulation par l’autorité instituée par la loi. La motivation est donc une source de
légitimité pour l’autorité de régulation et une garantie pour les opérateurs surtout lorsque
l’organe qui prend la décision est impartial.

1335
V. CHEVALLIER (J.), « La transformation de la relation administrative : mythe ou réalité ? », Dalloz, 2000,
p.575 ; DELAUNAY (B.), « La loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations », RDP, 2000, p.1191 ; ARRIGHI DE CASANOVA (J.), « Une nouvelle étape de l’amélioration
des relations entre l’administration et les citoyens : la loi DCRA du 12 avril 2000 », RFDA, 2000, p.725.
1336
V à propos BRAIBANT (G.), « Une condition de la démocratie : la transparence de l’administration », Les
Cahiers du communisme, juin 1977, n°6 ; du même auteur « Pour une administration démocratique », Les Cahiers
du communisme, 1976, p.34 ; AUBY (J.-B.), « Droit administratif et démocratie », DA, 2 février 2006
1337
PERON (F.), (dir.), L’Europe dans la société de l’information, Larcier, Bruxelles, 2008, 230p.
1338
CLECO (J.-P.), « Bentham ou les paradoxes de la transparence », in Cités, n°26, pp.101-114.
1339
LEMASURIER (J.), « Vers une démocratie administrative : du refus d’informer au droit d’être informer »,
RDP, n°5, pp.1239 et ss.
1340
CONAC ( G.), « Le juge de l’État en Afrique francophone », in La justice en Afrique, Revue Afrique
contemporaine, n° spécial, 1990, pp.13-20.
1341
SAUVEL (T.), « Histoire du jugement motivé », RDP, 1955, p.5.
1342
V. (Cl.- J.), Dictionnaire de droit et de pratique, cité par ASSANA TOURÉ (P.), La réforme de l’organisation
judiciaire au Sénégal. Commentée et annotée, Dakar, L’Harmattan, CREDILA, 2016, p.,320.
1343
V. WALINE (M.), « Le pouvoir normatif de la jurisprudence », in La technique et les principes du droit public.
Études en l’honneur de Georges Scelles, Paris, LGDJ, 1950, p.614.

255
SECTION 2 : LES GARANTIES FORMELLES RELATIVES À L'ORGANE DE
REGULATION : LE RESPECT DU PRINCIPE D’IMPARTIALITE
L’impartialité a souvent traditionnellement été abordé lorsque l'on étudiait l’office du
juge 1344 , d’où les études relatives à l’impartialité du tribunal 1345 . Toutefois, l’exigence
d’impartialité est en continuelle expansion. Ainsi a-t-elle été érigée au rang de principe général
de l’action administrative1346. Elle découle déjà des principes du service public et surtout du
principe de neutralité du service public. L’impartialité s’impose alors même sans texte et en
dehors même de la fonction contentieuse de l’administration. Dès lors, on peut parler d’une
obligation fondamentale. Jean-François Brisson écrit dans ce sens que « l’impartialité de
l’autorité administrative est une exigence fondamentale de la procédure administrative »1347.
L’impartialité est donc le premier principe qu’une autorité de régulation doit respecter
en contrepartie de l’indépendance dont elle jouit dans l’usage de ses pouvoirs quasi
juridictionnels. L’impartialité signifie qu’un juge ou une autorité qui en tient lieu, doit se placer
à égale distance des parties qui comparaissent devant lui et ne doit pas être acquis à une cause.
Il est admis donc dans les systèmes juridiques que même les autorités administratives dotées de
pouvoirs quasi juridictionnels doivent satisfaire aux exigences du tribunal impartial. Ces
exigences trouvent leur fondement aussi bien dans les sources internationales1348 que dans les
sources internes qui consacrent le droit de tout justiciable à un tribunal dont l’objectivité,
l’indépendance et la neutralité doivent affirmer c’est le droit d’accéder à un tribunal impartial.
Lorsque l'on parle de l’impartialité du régulateur il faut distinguer deux aspects il s’agit d’une
part d’une impartialité subjective (paragraphe 1) et d'autre part, une impartialité objective
(paragraphe 2).

1344
MONTERAN (T.), « L’impartialité du juge et les procédures collectives », Rev. Proc. Coll., 2002, n°243 et
s. ; NORMAND ( J.), « Le droit à un tribunal impartial devant les juridictions de l’ordre judiciaire ( art. 6-1 de la
Conv. EDH) et la composition des juridictions », RTD Civ., 1993, pp.874 et s. ; FRISON-ROCHE ( M.-A.),
« L’impartialité du juge », Dalloz 1999, chron., pp.53 et s. ; DE GOUTTES ( R.), « L’impartialité du juge –
connaître, traiter et juger : quelle compatibilité ? », RSC 2003, pp.63 et s.
1345
FRISON-ROCHE (M.- A.), « Le droit à un tribunal impartial », in Libertés et droits fondamentaux, op cit.,
pp.557-570 ; PRADEL ( J.), « La notion européenne de tribunal impartial et indépendant selon le droit français »,
RSC, 1990, pp.692 et s. ;
1346
CE, 26 décembre 1925, Rodière, RDP, 1926, concl. Cahen Salvador, p.35 ; surtout 4 mars 1949, Trèbes, S.
1950, III, p.21. ; CE, 20 avril 1949, Bourdeaux, S., 1950, III, p.68 ; CE, 27 octobre 1999, Fédération française de
football, JCP, 2000, n°10376 ; CE 28 avril 2005, Karsenty, Drt. Adm., 2005, n°105, note M. Lombard ; ISAAC
(G.), La procédure administrative non contentieuse, Paris, L.G.D.J., Bibl. de droit public, tome 79, 1968, pp.421-
422.
1347
BRISSON (J.Fr.), « Les principes de l’administration française en droit administratif », in FROMONT (M.
De), (dir.), La procédure administrative non contentieuse en droit français, BDPE V. XIV, Londres, Esperia, 2000,
p.90.
1348
V. Pacte international relatif aux droits civils et politique de 1966

256
PARAGRAPHE 1 : L’impartialité subjective des organismes de régulation
Elle concerne les membres des organismes de régulation, l’impartialité n'est donc pas
attachée ici à la fonction mais à la personne des régulateurs. Cette impartialité doit exister à
l’égard des parties en cause lors du contentieux devant l’autorité de régulation. L’idée est de
faire primer une égalité de chance entre les opérateurs sur le marché1349. L’indépendance1350
devient la condition de l’impartialité du régulateur 1351 . Le constat a souvent été fait que
l’efficacité de la régulation est le plus souvent entravée par le fait que les autorités de régulation
ne sont pas assez indépendantes des pouvoirs publics et que leur marge de manœuvre ainsi que
leurs compétences ne sont pas toujours suffisantes1352. Pour Gabriel Eckert et Jean-Philippe
Kovar des garanties d’indépendance organique et fonctionnelle doivent donc être prévues afin
de soustraire les autorités de régulation à l’influence des groupes de pression (opérateurs
historiques, nouveaux entrants etc.) et de préserver l’efficacité de la régulation1353.

Ainsi pour le bon fonctionnement du marché intérieur le régulateur, en matière de


contentieux, doit être indépendant aussi bien des intérêts privés1354 (A) que des intérêts publics
(B). Toutefois, il faut souligner que « l’indépendance des autorités de régulation par rapport
aux opérateurs régulés renvoie, plus généralement au principe d’impartialité applicable à
toutes les autorités administratives »1355. Nous nous limiterons donc à ce pan de l’indépendance
des autorités de régulation.

A/- Les garanties permettant d’assurer l’impartialité des autorités de régulation

Ces garanties tournent autour de l’emménagement d'un régime d’incompatibilités pour


les organes de l’autorité de régulation. Dans un sens strict, l’incompatibilité renvoie à
« l’impossibilité légale d’avoir certaines activités, certaines fonctions ou situations
privées » 1356 . Au sens large l’incompatibilité est l’impossibilité juridique d’exercer deux

1349
ECKERT (G.), « L’indépendance des autorités de régulation économique à l’égard du pouvoir politique »,
RFAP, n°143, 2012/3, p.631.
1350
Sur la question v. Indépendance (s), Mélanges à l’honneur de Jean-Louis Autun, Faculté de droit de
Montpellier, 2012, 2 vol. 1695p.
1351
V. DELZANGLES (H.), L’indépendance des autorités de régulation sectorielles, Thèse, Université de
Bordeaux IV, 2008,
1352
Cons. 33 de la Directive 2009/72/CE du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché
intérieur de l’électricité, JOUE, 14 aout 2009, L 211, p.55.
1353
ECKERT ( G.) et KOVAR ( J.- Ph.), « Introduction », in Revue française d’administration publique, n°143,
2012/3, pp.621-628, spéc., p. 624.
1354
LASSERRE CAPDEVILLE (J.), « L’indépendance des autorités de régulation financière à l’égard des
opérateurs régulés », RFAP, n°143, 2012/3, pp.667-676.
1355
CE., Ass., 3 décembre 1999, Didier, Rec., p.399.
1356
CORNU (G.), Vocabulaire juridique, op cit., v° « incompatibilité ».

257
fonctions, deux charges simultanément1357. Les incompatibilités et restrictions ont pour objectif
de prévenir les conflits d’intérêts et de préserver l’impartialité des organes de régulation. Les
autorités de régulation disposent majoritairement de deux organes principaux que sont le conseil
d’administration et la Direction générale. C'est relativement à eux que le régime des
incompatibilités a été élaboré par les textes. Il faut dire que nous pensons ici aussi bien au
Conseil d’administration et au Directeur général. Certes l’organisation des organismes de
régulation sous la forme de l’établissement public1358, ne donne pas un rôle fort au Conseil
d’administration dans la gestion quotidienne des agences. Mais, il est clair que cet organe est
essentiel et a une grande influence dans la vie des autorités de régulation. Toutefois, il est
possible de le transposer aux organes secondaires comme le Comité de règlement des différends
de l'ART.
1/- Le cas du Conseil d’administration
Nous pouvons ainsi lire, en ce qui concerne le conseil d’administration que « les
fonctions de président du conseil d’administration d’un établissement public administratif (…)
sont incompatibles avec celles de membre du gouvernement, de parlementaire, de directeur
général ou de directeur général (…) ». La mention relative au membre du gouvernement a
disparu. Dès lors le politique qui était censé être éjecter de la régulation est réinstallé par la
réforme. Ainsi rien ne s’oppose à ce que le ministre soit à la fois tutelle technique et président
du conseil d’administration. Ce que même le juge administratif français refuse catégoriquement.
Ainsi exclut-il que la présidence du conseil d’administration d'un établissement public soit
confiée à un membre du gouvernement 1359 . La réforme crée un problème en matière de
régulation et même de gestion. Le risque de conflit d’intérêt est alors élevé puisque le ministre
peut être à la fois à la tête du conseil d’administration de l’opérateur historique et du régulateur
sectoriel. À ce niveau, la réforme est fortement critiquable, parce que portant un coup sérieux à
l’exigence d’une régulation impartiale et neutre.
Dans le même sens, il faut souligner que la réforme de 2017, parce qu’elle n'a pas pris
en compte la particularité de la régulation a exclu de la composition des autorités de régulation
les magistrats, alors même que ces autorités administratives sont dotées de pouvoir de règlement
des différends. Le risque est donc grand que les administrateurs, les politiques soient plus

1357
V. STRANGERLN et MACHICHI ( A.), Notion d’incompatibilité en droit de société, Casablanca, UFR, 1999,
p.3, cité par KEUDJEU de KEUDJEU ( J. R.), et NGNITEYA DIIOLIEU ( B.), « Regard sur les innovations des
lois de 2017 sur les établissements publics et les entreprises publiques au Cameroun », in Le NEMRO, Revue
trimestrielle de droit économique, Janvier/ Mars 2002, pp.81 et s., p.99.
1358
Pour une étude détaillée sur l’établissement public en droit camerounais v. SANDIO KAMGA (A. H.),
L’établissement public en droit camerounais, Thèse de droit public, Université de Yaoundé 2 Soa, 2014, 399p.
1359
CE, ass., avis du 3 juillet 2008, Agence française de développement, n°381667.

258
nombreux dans ces autorités de régulation. Cependant, ce déficit peut être comblé par la
présence de juristes spécialistes du droit de la régulation.
De plus, toujours dans le cadre des incompatibilités, l’article 57 al. 1 de la loi de
2017/0101360 énonce aussi que « les administrateurs des établissements publics (…) ayant au
cours de leur mandat directement ou indirectement des intérêts dans une affaire en relation
avec l’entreprise ou ayant un intérêt personnel dans celle-ci à l’exception d’un contrat de
travail pour un administrateur représentant du personnel, sont tenus d’en informer le conseil
d’administration ». L’on peut donc y relever les incompatibilités avec d’autres mandats, avec
d’autres fonctions annexes et l’interdiction de détenir des intérêts directs ou indirects dans les
entreprises du secteur régulé. La présente disposition doit exclure à notre sens, la possibilité
d’avoir un ministre président des conseils d’administrations et de l’opérateur historique et du
régulateur.
Le non cumul de fonction ou de mandat, vise donc à prémunir le système de régulation
contre une capture directe ou même indirecte des membres des autorités de régulation par les
pouvoirs publics ou même le secteur régulé. Il est juste la traduction du principe de non cumul
de fonction. Mais aussi de la méfiance envers le politique puisque tout mandat parlementaire
est incompatible avec le poste d’administrateur ou de directeur général. De même,
l’incompatibilité du poste de président avec d’autres emplois publics vise un dévouement
absolu de ce dernier à sa fonction un tel système « peut être vertueux, en ce qu’il engendre
inévitablement une spécialisation de la composition des autorités de régulation
indépendant1361 ». Mais l’incompatibilité tirée de la réforme de 2017 entrave fortement cette
perspective. De même l’incompatibilité entre un emploi public et un emploi privé peut être une
voie ouverte pour favoriser une surreprésentation des hauts fonctionnaires en détachement dans
de tels organes1362 ce qui est déjà le cas lorsque l’on lit la composition des organes de régulation.
Quant ’à l’autre type d’incompatibilité visant les cas où les administrateurs détiendraient
des intérêts directs ou indirects dans les entreprises du secteur régulé. Il touche au patrimoine
même des administrateurs tenus d’en informer le conseil. Il faut bien comprendre cette
incompatibilité. En réalité, elle n’interdit pas les administrateurs à avoir des intérêts dans une
entreprise du secteur régulés, ce qui causerait un tort à l’exigence de spécialisation des
régulateurs, mais dans le cas où ils en auront, qu’ils en informent officiellement le conseil
d’administration.

1360
Loi n°2017/010 du 12 juillet 2017, portant statut général des établissements publics.
1361
DELZANGLES (H.), « L’indépendance des autorités de régulation en Espagne », op cit, p.714.
1362
Idem.

259
2/- Le cas du Directeur général
Le directeur général, puisque le conseil d’administration ne siège pas tout le temps, est
la cheville ouvrière au sein des autorités de régulation. Ce dernier assure les missions
administratives, techniques et financières des agences. Il est aussi le superviseur des missions
de contrôle, de sanction et d’arbitrage du régulateur etc. 1363 Le directeur général assisté d'un
adjoint est aussi le visage externe de l’agence. Le directeur général est donc le pendant
camerounais du président d’une autorité administrative en charge de la régulation en France1364.
La problématique de l’indépendance se pose donc chez lui avec une certaine acuité. Il faut donc
le couvrir de garanties d’indépendance c’est le cas avec le régime des incompatibilités.
Ainsi, la nouvelle loi régissant les établissements publics stipule que la fonction de
directeur général est incompatible avec toutes les autres fonctions politiques, juridiques et
administratives1365. Ceci, associé au fait que le directeur général n'a pas d’instructions à recevoir
du ministre, il est alors assez libre dans la conduite de l’agence relativement aux différents
intérêts des politiques. L'on peut avoir alors l’assurance que les objectifs de politique générale
définis par l’exécutif ne vont pas interférer avec les préoccupations propres à la régulation
sectorielle du marché en cause 1366 . Ce qui renforce sa neutralité et son indépendance
fonctionnelle. Lors de l’usage des instruments contentieux donc les textes juridiques semblent
écarter totalement l’influence du politique, cela résulte aussi de l’analyse de l'un des aspects de
la désignation du Directeur général.
Certes il est nommé par un décret du Chef de l’État pour un mandat de trois ans
renouvelable deux fois1367. Ce qui est à notre sens sujet à le garder sous influence. Toutefois, le
directeur général jouit d'un privilège celui de ne pas être révocable à souhait. On pourrait alors
parler de son privilège d’inamovibilité. C’est-à-dire que les membres des organes de gestion ne
soient pas librement révocables par l’autorité de nomination1368. Les membres des organes de
gestion sont nommés pour une durée bien précise et peuvent voire leur mandat être renouveler

1363
V. Art.20 Décret n°2012/203 du 20 avril 2012, portant organisation et fonctionnement de l’agence de
régulation des télécommunications ; Art. 18 Décret du 28 juin 2013, portant organisation et fonctionnement de
l’ARSEL ; Art. 18 al.1 Décret n°2015/232 du 25 mai 2015 registres la CCAA.
1364
Pour une étude de cette dernière autorité v. FRISON-ROCHE (M.-A.), Le président de l’autorité
administrative indépendante,
1365
Art. 59 al. 2 de la loi de 2017 régissant les établissements publics.
1366
ECKERT (G.), « L’indépendance des autorités de régulation économique à l’égard du pouvoir politique »,
RFAP, n°143, 2012, pp.629 et s., spéc., p.632.
1367
Art. 19 al. 2 du décret n°2012/203 régissant l'ART ; Art. 17 du décret n°2015/232 régissant la CCAA ; Art. 17
du décret du 28 juin 2013 régissant l’ARSEL.
1368
KOVAR (J.-Ph.), « L’indépendance des autorités de régulation financière à l’égard du pouvoir politique »,
RFAP, n°143, 2012/3, p.661.

260
certes. Mais pendant la durée de celui-ci, ils sont inamovibles, sauf en cas de faute lourde1369.
La révocation n’est donc pas si discrétionnaire que l'on pourrait le croire. C’est donc un élément
important dans l’exercice des fonctions de régulation puisqu’il renforce la garantie de
l’indépendance de l’autorité de régulation. Le juge administratif français a ainsi jugé que cette
irrévocabilité fait même obstacle à l’admission en retraite d’un président de l’autorité
administrative indépendantes fonctionnaire détaché, ayant atteint la limite d’âge de son corps
d’origine1370. Car, le régulateur doit jouir d’une certaine sérénité dans l’accomplissement de ses
tâches. Ils doivent avoir la garantie qu’ils pourront travailler en toute indépendance sans
craindre des représailles de la part du politique1371. Dans cette optique, la révocation ne peut
avoir lieu de façon objective qu’à la fin normal du mandat, l’incapacité permanente, le décès,
la démission ou encore la survenance d’incompatibilités en cours de mandat.
À l’égard des opérateurs des secteurs régulés, Il faut ajouter que la fonction de directeur
général n'est pas compatible avec celle de directeur ou de membre d'un opérateur du secteur
régulé concerné. Ceci dans l’optique d’éviter un conflit d’intérêt1372. Ce dernier prend naissance
lorsque l’intérêt personnel s’oppose à l’intérêt que l'on est en charge de défendre1373. Mais rien
n’empêche qu’un directeur général des agences sectorielles soit un ancien directeur d’un
opérateur. Ainsi en matière de communication audiovisuelle, il se trouve que certains membres
de l'organe de régulation soient des journalistes en service et d’autres des chefs d’entreprises
de communication1374. Ce qui augmente le risque de conflit d’intérêt. Marie-Anne Frison-Roche
qualifie le conflit d’intérêts de catastrophe de la régulation1375. En effet, il est le résultat de
l’échec du respect du principe de la séparation des fonctions de régulation et celle d’opérateur
du secteur régulé.
La règle est donc que toute personne ayant un intérêt personnel à l’affaire doit s’abstenir
de participer à la procédure ou à la prise de la décision finale ainsi qu’aux personnes ayant pris

1369
Art. 21 als. 1 et 2 du décret régissant l'ART ; Art. 19 du décret régissant l’ARSEL ; Art. 19 du décret de 2015
régissant la CCAA.
1370
CE Ass. 7 juillet 1989, Ordonneau, Rec., p.161
1371
DELZANGLES (H.), L’indépendance des autorités de régulation sectorielle, communication électronique,
énergie, poste, Thèse de droit, Université de Bordeaux IV, 2008, p.310 ; « L’indépendance des autorités de
régulation en Espagne », op cit, p.715.
1372
Sur la définition du conflit d’intérêts voir MORET-BAILLY (J.), « Définir les conflits d’intérêts », Recueil
Dalloz, 2011, chron., pp.1101-1106.
1373
MAGNIER ( V.), « Avant-propos » in MAGNIER (V.), ( dir.)_ Les conflits d’intérêts dans le monde des
affaires, un janus à combattre ?, Paris, PUF collection CEPRISCA, p.5 ; aussi dans le même ouvrage, SCHMIDT
(D.), « Les associés et les dirigeants sociaux », p.11.
1374
Nous pouvons citer ici Suzanne Kala Lobé journaliste au groupe Équinoxe, Guibai Gatama directeur de
publication de l’œil du Sahel, Christophe Bobiokono, directeur de publication de Kalara.
1375
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Pourquoi des autorités de régulation ? », in Le politique saisi par l’économie,
Paris, Economica, 2002, p.275.

261
une position sur l’affaire dans le cas où cette prise de position peut amener à douter de leur
partialité1376. Une obligation de s’abstenir aux personnes intéressées à l’issue d’une procédure
est donc de mise ici. Ainsi le membre de l’organe de l’autorité de régulation concerné doit il en
informer les organes dirigeants de l'agence de régulation, avec pour suite logique donc la mise
à l’écart de l’intéressé dans le cadre de la procédure contentieuse. Il en est de même du Directeur
général lui-même qui doit alors se récuser et être remplacer.

Ces analyses sont intéressantes pour apprécier la situation des agences sectorielles de
régulation qui en réalité souffre de l’assimilation à de simples établissements publics dans le
contexte du droit camerounais. Ainsi donc pourquoi ne pas à ce niveau milité pour un
mimétisme avec le droit français non pas tant dans la perspective de la création d'une catégorie
dans le système juridique camerounais d'une catégorie des autorités administratives
indépendantes, ce qui, toutefois, serait logique au regard des pouvoirs reconnus à ces derniers.
Mais beaucoup plus dans le sens du renforcement de leur régime d’impartialité qui somme toute
demeure perfectible.

B/- Le caractère perfectible des garanties d’impartialité subjective


Le régime des garanties tendant à écarter le plus possible le risque de conflit d’intérêt
est somme toute perfectible. La posture peut s’analyser à divers points. Il concerne le mandat
qui devrait être non renouvelable et d’une durée assez longue. En guise d'exemple le mandat
pourrait être de six ans non renouvelable associé à une formation collégiale1377. La formation
collégiale est déjà retenue au Cameroun en matière de communication avec le CNC 1378 , il
faudrait juste en faire la règle pour les autorités de régulation. Ce qui marquerait encore leurs
spécificités en plus de leurs pouvoirs1379. À ce propos le Conseil d’État français soulignait que
la collégialité a très généralement paru être un élément fort de l’indépendance dans le but ou
elle satisfait à deux exigences à savoir équilibrer l’influence des différentes instances de
désignation des membres du collège et assurer une délibération collective sur des sujets
sensibles ou des questions complexes, cela représente alors une garantie d’objectivité et de
sérieux1380. La collégialité est alors devenue une caractéristique commune aux AAI en France.

1376
ISAAC (G.), La procédure administrative non contentieuse, op cit, p.431.
1377
Il en est ainsi en France avec l'ARAF ( art. L. 2132-1 code des transports) ; de l'ARCEP (arr. L.130 CPCE),
de l'ARJEL ( art. 35 loi n°2010-476 du 12 mai 2010), de la CRE ( art. L.132-2 code de l’énergie), du CSA ( art. 4
de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986), et de l' HADOPI ( art. L.331-16 CPI).
1378
Décret n°2012/038 du 23 janvier 2012 portant réorganisation du Conseil national de la communication.
1379
c'est justement ces pouvoirs qui en fait une innovation fondamentale au Cameroun, v. PEKASSA NDAM (G.
M.), « Les établissements publics indépendants, une innovation fondamentale du droit administratif camerounais »,
op cit., pp.153 et suiv.
1380
CONSEIL D’ÉTAT, Les autorités administratives indépendantes, Rapport public 2001, EDCE, n°52, p.291.

262
Toutefois, l'on peut voit une certaine collégialité dans la composition du Comité de
règlement des différends de l'ART. Seulement le bémol serait que les membres de ce collège
en matière de prise de décision ne sont pas aux mêmes niveaux. L'on voit mal des directeurs
aller véritablement à l’encontre du directeur général. Le mieux serait d’avoir un collège
composé de membres nommés par la même autorité.
Dans le secteur de l’aviation civile le comité de sanction même s'il est collégial ne
dispose que d'un pouvoir d'avis, de sorte la décision finale revienne au directeur général. La
posture ne rassure pas totalement sur l’exigence d’impartialité. En effet, il n’est pas judicieux
que le directeur général soit le seul à prendre les sanctions, et sachant que son mandat est
renouvelable il peut être moins enclin à entrer en conflit avec un ministre qui est à la fois sa
tutelle technique et le PCA de l’opérateur historique ou d'un autre opérateur. Et qui doit par la
suite adresser au président de la république, détenteur du pouvoir de nomination, un rapport
annuel sur les performances de l’autorité de régulation. Le conflit d’intérêt est bien là, des
complaisances peuvent survenir.
La formation collégiale devrait donc être privilégiée. De même, les textes exigent
certaines qualités fondamentales pour un organe qui se veut indépendante, c’est le cas
d’exigences liées à l’intégrité, à la rectitude morale et bien sûre à une certaine expertise dans le
secteur concerné. Ceci vise en réalité à éviter d’avoir des conseils d’administration hautement
politisés. Ainsi la compétence scientifique des personnes nommées est censée diminuer le
pouvoir d’influence du monde politique et du secteur régulé 1381 parce que nommer des
spécialistes du domaine régulé implique qu’ils ont les moyens d’être critique par rapport aux
informations que les parties prenantes leurs transmettent1382.
Mais cela n’implique pas que les organes doivent alors n’être composés que de
spécialistes mais qu’il doit être en nombre conséquent. On peut donc ici critiquer le choix
camerounais de n’avoir qu’un seul ou tout au plus deux représentants des opérateurs privés dans
la plupart des conseils d’administration des organes de régulation. On peut donc y voir un
besoin du pouvoir exécutif de se ménager un choix plus politisé et opportuniste, par rapport aux
compétences techniques et professionnelles sectorielles. Sinon comment expliquer la présence
dans tous les organes de délibération des régulateurs d’un représentant de la présidence de la
république, et aussi de divers membres des ministères. Alors même que l’idée de base est de
réduire l’influence du politique dans la mission de régulation économique. L'on peut aussi
critiquer le régime d’incompatibilité instauré relativement au corps de la magistrature pour les

1381
DELZANGLES (H.), « L’indépendance des autorités de régulation en Espagne », op cit, p.712.
1382
Idem.

263
établissements publics et qui s’impose ipso facto aux autorités de régulation camerounaise. La
levée de cette incompatibilité donnerait l’occasion aux magistrats d’entrée dans les organismes
de régulation et de faciliter ainsi leur imprégnation de ces questions complexes et techniques.
D'un autre côté, il n'a rien été dit sur la posture du Directeur général après son passage
dans l’autorité de régulation, peut-il aisément aller travailler chez un opérateur du secteur régulé
dont il avait la charge ? Sous quelles conditions etc. Marie-Anne Frison-Roche parle
d’« indépendance par anticipation1383 ». Sur ce plan, le fait que la réforme des établissements
publics au Cameroun n'est pas prise en compte la spécificité de la fonction de régulation
qu’exercent justement certains établissements publics est préjudiciable. Nous pouvons parler
d’une occasion manquée pour le législateur camerounais. À moins qu'une loi spéciale justement
sur la régulation économique soit prise ce qui est notre vœu, dans un souci de consolidation et
d’harmonisation.
L'autre aspect non véritablement traite est la sanction des membres des organes de
régulation qui commettraient des manquements au régime des incompatibilités. L'on peut croire
aisément croire que le non-respect de ces dispositions entraine la nullité de la décision à laquelle
ils ont pris part1384, encore la mise en œuvre des procédures de récusation1385.

Somme toute, la plus grande critique serait ici l’assimilation des autorités de régulation
aux établissements publics. Le législateur camerounais gagnerait mieux à mettre en place une
loi sur la régulation économique en vue d’harmoniser ces points et donner une plus grande
spécificité à la fonction de régulation. Quid alors de l’impartialité objective des autorités de
régulation.

PARAGRAPHE 2 : L’impartialité objective des organismes de régulation

Il faut dire que celle cette dernière exigence s’impose indépendamment de l’attitude
personnelle des membres de l’autorité de régulation. Il s’agit de voir si en apparence l'on peut
avoir des raisons de douter de l’impartialité d’un organe, d’une juridiction1386. Elle découle

1383
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Étude dressant un bilan des autorités administratives indépendantes », op cit,
p.41.
1384
Art. 17 Loi n°99/015 du 22 décembre 1999, portant création et organisation d’un marché financier au
Cameroun.
1385
ECKERT ( G.) et KOVAR ( J.- Ph.), « Introduction », in Revue française d’administration publique, n°143,
2012/3, pp.621-628, spéc., p. 624.
1386
V. CEDH, 27 août 2002, Didier c/ France, req., n°58188/00, para. 2 ; 27 août 2009, Merigaud c/ France, req.,
n°32976/04, para. 75.

264
alors du droit à un tribunal impartial reconnu dans la constitution camerounaise 1387 . Ainsi,
soumettre les organismes de régulation à cette exigence, soutient la thèse admise par les juges
français qu’un organe qui tranche un différend à l’issue d’une procédure contradictoire est une
juridiction. De sorte que la définition de la juridiction jouisse aussi d’une approche matérielle.
Ce qui implique d'une part, de procéder à une distinction entre les fonctions d’instruction et de
jugement au sein même des autorités de régulation ( A) et d’autre part, de voir les effets induits
par ladite séparation (B).

A/- La distinction des fonctions en matière contentieuse


D'une manière générale, lors de toute procédure contentieuse l'on distingue les fonctions
de poursuite, d’instruction et de jugement. Le droit à un tribunal impartial consacré par le bloc
de constitutionnel camerounais au titre du droit à un procès équitable induit l’absence de
confusion des rôles dans la procédure contentieuse. Il faut alors procéder à une distinction claire
entre les fonctions de poursuite, d’instruction et de sanction ou de règlement des différends
selon les cas1388. L’idée de base est qu'il est indispensable que l'on puisse observer clairement
une séparation des pouvoirs au sein des autorités de régulation dotées de prérogatives punitives.
Ceci en confiant les fonctions de poursuite, d’instruction et de sanction à différents organes au
sein de l’autorité régulatrice. L’idée est ici que les exigences du droit à un tribunal impartial
voudraient qu'il n y est pas de confusion des rôles. Il faut donc clairement que l'on puisse au
sein de l’autorité de régulation distinguer clairement l'organe en charge des poursuites de celui
en charge de jugement. Le Conseil constitutionnel français a dans ce sens eu à affirmer que
« considérant que les dispositions contestées, en organisant la commission bancaire sans
séparer en son sein, d'une part, les fonctions de poursuite des éventuels manquements des
établissements de crédit aux dispositions législatives et réglementaires qui les régissent et,
d'autre part, les fonctions de jugement des mêmes manquements, qui peuvent faire l’objet de
sanctions disciplinaires, méconnaissent le principe d’impartialité des juridictions et, par suite,
doivent être déclarées contraires à la constitution »1389. La règle devrait donc être pour toutes

1387
Art. 7 (d) de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples de 1981, qui fait partie intégrante de la
constitution camerounaise par son évocation dans le préambule de celle-ci et du fait que ledit préambule fait partie
intégrante de la constitution v. Art. 65 de la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du
02 juin 1972.
1388
Pour une analyse de cette séparation en matière pénale V. MEBU NCHIMI ( J.C.), « Le procureur de la
république décoiffé de sa casquette de magistrat instructeur », in TCHAKOUA (J.-M.), (dir.), Les tendances de la
nouvelle procédure pénale camerounaise, vol.1 2007, pp.241 et s. ; OHANDJA ELOUNDOU (A.), « Un
« revenant » : le juge d’instruction », Juridis Périodique, n°65, 2006, p.91 ; YAWAGA (S.), « Le retour du juge
d’instruction et son impact sur la construction d’une justice pénale impartiale », in De l’esprit du droit africain,
Mélanges en l’honneur de Paul- Gérard Pougoue, Wolters Kluwer, 2014, pp.769-799.
1389
V. Cons. Const., 2 décembre 2011, n°2011/200 QPC «

265
les autorités de régulation dotées de prérogatives punitives et de règlement des différends, la
séparation des pouvoirs en son sein.
L’impératif d'un organe de jugement distinct, disposant de moyens de fonctionnement
et de compétences de nature à garantir son indépendance, implique la création d'un organe
autonome d'avec les services classiques de l’autorité de régulation, sous la responsabilité du
Directeur général, qui est chargé de l’instruction ou du jugement uniquement. C'est le cas de
l'ART au Cameroun. Elle permet de lever le doute et la confusion quant au rôle de chaque
personne ou structure intervenant dans la procédure. On peut observer cette posture en droit
camerounais. Le législateur créé ainsi au sein de l'ART un Comité de règlement des différends
en abrégé CRD1390. Cet organe est charge à la fois de l'instruction et de la délibération. Mais
les deux fonctions ne reposent pas entre les mains des mêmes organes.
Ainsi, au sein même du CRD, l’on observe une autre séparation claire à travers
l’existence et l’organisation d’une instance de supervision chargée de la délibération et du
règlement du différend, présidé par le Directeur général lui-même1391. À côté d’une instance
technique chargée elle de l’instruction du différend et présidé par un coordonnateur désigné par
le directeur général parmi les conseillers techniques, ce en fonction de la nature du litige1392.
Précisons que les membres de l’instance de supervision sont tous des directeurs de services
tandis que ceux de l’instance technique sont des sous-directeurs. Il n y'a donc pas confusion des
personnes. Le CRD dispose d’un secrétariat technique en son sein1393, ce qui garantit au dit
organe un fonctionnement indépendant au sein même de l'ART1394.
Le secteur de l’aviation civile camerounaise offre sensiblement la même lecture en
matière de sanction cette fois ci, avec la création au sein du CCAA, du Conseil des sanctions
administratives. Seulement ce Conseil semble juste être chargé de formuler des avis sur les
manquements susceptibles de donner lieu au retrait du titre aéronautique1395. Il semble donc que
le prononcé de la sanction soit réservé au Directeur général seul. En guise d’approche
comparative, le secteur de l’électricité en France laisse lui aussi voir la matérialisation de cette
séparation organique avec la création du CORDIS à savoir le Comité de règlement des

1390
Art. 65 al. 3 de la loi n,°2010/013 sur les communications électroniques.
65 al. 3 de la loi n°2010/013 ; Art. 4 de la décision n°00000191 relative aux Moka de règlement des différends
devant l'ART.
1391
Art. 5 al. 2 de la décision n°00000191 relative aux modalités de règlement des différends
1392
Art. 5 al.3 de la décision n°00000191 relative aux modalités de règlement des différends
1393
Art. 6 de la décision n°00000191 relative aux modalités de règlement des différends
1394
Arts. 35 et s., de la décision n°00000191 relative aux modalités de règlement des différends
1395
Art. 15 du Décret n°2015/0998/PM du 29 avril 2015 fixant les modalités d’application des dispositions
relatives aux sanctions pécuniaires et administratives en matière d’aviation civile.

266
différends et des sanctions1396. Cette dernière posture est celle largement observable dans les
autres secteurs régulés camerounais.
En effet, le législateur n’y a pas pris la peine de créer un organe distinct au sein même
de l’autorité de régulation. Ainsi les fonctions d’instruction et de jugement sont confiées à des
directions au sein même de l’organisme de régulation. Il faut préciser ici qu’en matière de
sanction dans les communications électroniques dans le cadre des sanctions, il n'y a pas une
distinction des organes d’instruction et de sanction issue de la note- instruction y relative.
Cependant, il est possible d'y voir une séparation fonctionnelle en ce que la phase d’instruction
semble relever de la compétence du département en charge des affaires juridiques et la prise de
décision de sanction, bien que préparée par ce département relève de la compétence du
Directeur Général lui-même.
La même lecture est possible aussi en matière d’audiovisuel, ainsi la cellule juridique et
du contentieux du CNC s’occupe de la fonction d’instruction des plaintes1397. Le Conseil lui se
limite alors au prononcé de la décision. Il en est de même dans les secteurs de l’électricité et de
la poste du moins en ce qui concerne le recours au pouvoir de sanction. Nous pouvons alors
parler juste d’une distinction des fonctions à minima. De sorte qu’à notre sens, il sera plus
intéressant de généraliser la création des comités de sanction et de règlement des différends au
sein des organismes de régulation et de prévoir leur organisation et fonctionnement de façon
autonome en respectant l’exigence de collégialité, pour une impartialité plus forte.

Certes la distinction des fonctions n'est pas partout respecter dans sa dimension la plus
forte à savoir la création d’une structure autonome au sein même de l’autorité régulatrice.
Toutefois, les effets voulus de cette distinction ne sont pas moins observables dans les secteurs
régulés camerounais.

B/- Les effets de la séparation des fonctions


Ces effets sont de deux ordres ; d'une part, l'on a l’exigence d'une neutralité de
l’instruction (1) et, d’autre part, l’exclusion du rapporteur dans la phase d’instruction dans la
phase de délibéré (2).
1/- La neutralité de l’instruction
La neutralité désigne le fait d’être extérieur à une situation. Elle suppose alors de ne pas
prendre parti dans une situation. L’exigence de la neutralité de l’enquête repose ici sur le

1396
Art. R.132-1 du code de l’énergie français.
1397
Art. 7 du document de procédure devant le CNC

267
principe de loyauté dans la recherche policière des preuves. Le principe implique concrètement
que les éléments de preuve ne soient pas recueillis par ruse ou par surprise, mais toujours par
des procédés transparents permettant au justiciable de connaitre l’objet de la mesure mise en
œuvre et la portée de sa coopération. Une enquête loyale c’est alors une enquête objective et
équilibrée, qui recueille les éléments à charge et à décharge dont les enquêteurs pourraient avoir
connaissance et en s’abstenant de tout partie pris. Dès lors, il faut donc admettre que toutes
preuves obtenues de façon déloyale doit être écarter du dossier et corrélativement, doit être
annulée toute mesure dont il serait le support nécessaire1398.
De plus, il faut dire que lors de l’enquête, les agents qui en sont chargés peuvent être
amenés à développer une conviction quant à la responsabilité de l’opérateur mis en cause. Cette
conviction personnelle ne doit pas être transmise à l’organe en charge de l’instruction, afin de
s’assurer que cette instruction soit menée de façon équilibrée, non biaisée et en toute
impartialité. Ce problème de la neutralité de l’instruction est alors soulevé avec une acuité
particulière au regard du pouvoir d’auto-saisine des autorités de régulation. Le conseil d’État
français a eu à dire que pour être régulier l'acte d’ouverture de L’auto-saisine ne doit pas
« donner à penser que les faits visés sont d'ores et déjà établis ou que leur caractère
répréhensible au regard des règles ou principes à appliquer est d’ores et déjà reconnu »1399
autrement dit, il ne doit pas traduire un sentiment déjà constitué à propos de la situation
examinée. Nous pouvons dire que le fait de soumettre ce pouvoir d’auto-saisine aux règles
générales de saisine des autorités de régulation est assez rassurant, en ce que l'on doit avoir une
motivation objective de la décision d’ouverture de l’enquête, qui préciserait les faits, la
qualification, mais sans porter une appréciation.
En ce qui concerne l’attitude des enquêteurs au niveau de l’instruction, la solution serait
que premièrement l’instruction ne soit pas réduite à sa plus simple expression. De sorte que le
poids de l’enquête et donc l’opinion des enquêteurs risquerait d’être prépondérant au moment
du jugement. Deuxièmement, l'on pourrait notamment prévoir qu'un agent ayant eu à intervenir
au cours d’une enquête ne puisse par la suite collaborer à l’instruction de la même affaire.
Troisièmement, enfin, l'on pourrait imposer que tout échange entre le rapporteur et le service
en charge des enquêtes soit formalisé par un écrit versé au dossier.

1398
Le juge judiciaire français va dans ce sens en ce qui concerne la mise à l’écart dans les débats de tous
enregistrements réalisés de façon clandestine, v. Cass. Ass. Plén., 7 janvier 2011, n°09-14.316 et n°09-14.667.
1399
CE, 20 octobre 2000, Société Habib Bank limited, (à propos des actes d’auto-saisine de la Commission
bancaire).

268
2/- L’exclusion du rapporteur du délibéré de la décision
L’autre effet de cette séparation des fonctions de jugement et d’instruction peu importe
la forme qu’elle prend est celle de poser la règle de l’exclusion du rapporteur ou de l’organe
d’instruction dans le processus de délibération qui donne lieu au prononcé de la sanction. C'est
le cas aussi en matière de règlement des différends. De façon générale en France, le juge a eu à
considérer comme contraire à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et libertés
fondamentales, la présence du rapporteur même sans voix délibératives lors du délibéré, dès
lors que ce dernier avait procédé aux investigations utiles pour l’instruction des faits1400.
En matière de régulation toujours en guise d’approche comparative, le conseil de la
concurrence français aujourd’hui Autorité de la concurrence, avait avant le juge européen, déjà
condamné, au nom de l’exigence d’impartialité, la communication pour avis émanant de
l’organe d’instruction donc du rapporteur, portant sur un « projet de notification de griefs » à
un membre du collège. La cour de cassation française retient également dans le cadre d’une
procédure devant le Conseil de la concurrence que la présence du rapporteur lors du délibéré,
serait-ce sans voix délibérative, violait l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dès lors que ce dernier avait procédé aux
investigations utiles pour l’instruction des faits1401.
En droit de la régulation camerounais, la même logique résulte des textes régissant
certaines autorités de régulation. C'est le cas du conseil national de la communication,
régulateur du secteur audiovisuel qui exclut la structure d’instruction du délibéré en matière de
sanction, du fait que la décision est prise par le conseil, les membres de la cellule juridique et
du contentieux n'en étant pas membre1402. En matière de communications électroniques aussi
en ce qui concerne le règlement des différends. En effet, l’énumération des membres de
l’instance de supervision, chargée de la délibération du règlement, exclus le coordonnateur
désigné pour le litige en cause1403. Dans les autres secteurs régulés où les textes juridiques ne
créaient pas de structures de sanction et laissent la prise de cette décision au directeur général,
l’on peut aussi dire que le rapporteur est exclus, puisque l’organe de sanction n’est pas collégial
une telle posture laisse subsister un doute légitime que ne pourra enlever qu’une réforme
législative qui entre autre posera la règle de l’exclusion du rapporteur.

1400
Cass. Com., 5 octobre 1999, n°97-15.836.
1401
Cass. Com., 5 octobre 1999, n°97-15.836.
1402
Art. 10 de la décision portant procédure de traitement des plaintes par le CNC du 28 mai 2014.
1403
Art. 5 al. 2 de la Décision n°00000191 du 02 octobre 2014 fixant les modalités de règlement des différends
entre opérateurs des réseaux de communications électroniques au Cameroun.

269
Toutefois, il faut souligner que le juge européen a jugé qu’un rapporteur chargé de
l’instruction d’une affaire ne peut participer au délibéré que s'il n’a pas le pouvoir de saisir
l’autorité chargée de prononcer des sanctions ou s’il ne participe pas à la formulation des griefs
ou encore, s'il n'a pas le pouvoir de classer l’affaire ou d’élargir le cadre de la saisine 1404. De
sorte que le principe de l’exclusion du rapporteur du délibéré demeure. Cette solution semble
mieux à même d’assurer quel que soit le rôle effectivement joué par le rapporteur, le respect
des principes du procès équitable. Elle devrait donc explicitement être étendue à toutes les
autorités de régulation au Cameroun, de sorte qu’à l’issue des débats, l'on puisse avoir une liste
exhaustive des personnes qui doivent se retirer pour délibérer.

CONCLUSION DU CHAPITRE
D’un point de vue formel, les opérateurs jouissent de garanties de protection. Ces
derniers lorsqu’elles s’appliquent aux autorités, relativement à l’exigence d’impartialité, ne
manquent pas d’évoquer la figure du juge. L’analyse des garanties substantielles n’évoque pas,
elle aussi, autre chose.

1404
V. CEDH, 27 août 2002, Didier c/ France, req., n°58188/00, para. 2.

270
CHAPITRE 2 : LES GARANTIES SUBSTANTIELLES DES OPERATEURS

De façon générale les administrés bénéficient d’une protection, au travers de principes


substantiels, contre les interférences de l’administration dans leurs affaires1405. Ces derniers
principes dérivent pour Thomas Perroud du principe de légalité et de celui de responsabilité1406.
Ils marquent l’influence des principes du droit pénal sur le droit administratif répressif1407. Nous
l’avons déjà dit le droit de la régulation s’élève au-dessus de la distinction droit public/droit
privé, ne se laissant pas enfermer dans cette summa division, elle emprunte à chacune de ces
branches du droit ce qui lui permet d’atteindre ses objectifs. Ainsi, dans les secteurs régulés des
services publics de réseau ces garanties ne sortent pas du schéma général qui offre à tout
administré des garanties substantielles se fondant sur le principe de légalité. Ce dernier principe
appelle une multitude de garanties que la doctrine1408 classifie en deux grands groupes à savoir
d’une par les garanties relatives à la prise de décision (section 1) et celles relatives à
l’intervention même de la décision (section 2).

SECTION 1 : LES GARANTIES SUBSTANTIELLES RELATIVES À LA


PRISE DE DECISION

La prise de la décision aussi bien en matière contentieuse que non contentieuse par les
autorités de régulation doit respecter certains principes essentiel qui constituent le droit
processuel, mais aussi qui sont à la base d'un procès équitable. Il s’agit ici précisément du
principe de proportionnalité (paragraphe 1) et de celui relatif à la personnalité des peines et qui
n'est que le corollaire du principe de responsabilité personnelle (paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : Le respect du principe de proportionnalité par les autorités


de régulation

Le principe de proportionnalité est un des « points fixes », un principe du droit de la


régulation. Marie-Anne Frison-Roche écrit que « la proportionnalité doit gouverner l’exercice
des pouvoirs, quel que soit le pouvoir dont il s’agit, celui du gestionnaire du réseau de transport

1405
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit,
pp.579 et s.
1406
Ibid., p.579.
1407
V. DELLIS ( G.), Droit pénal et droit administratif : l’influence des principes du droit pénal sur le droit
administratif répressif, Paris, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit public, tome 184, 1997, 464p. ; DELMAS-
MARTY (M.), et TEITGEN-COLLY (C.), Punir sans juger : de la répression administrative au droit administratif
pénal, Paris, Economica, 1992, 191p.
1408
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit,
pp.579 et s.

271
du secteur régulé, celui du dirigeant social, celui de l’autorité de régulation elle-même »1409.
La posture n'est pas en droit une nouveauté, il est largement admis que « la proportionnalité
s’apparente à un véritable principe juridique » qui constitue une généralisation des normes
juridiques 1410 et de fait « gagne [même] ses galons de principe général du droit » 1411 La
proportionnalité est donc inhérente à la régulation et est juste renforcer dans l’optique des
garanties substantielles. C’est un principe appliqué dans les procédures pénales qui signifie que
la répression doit être proportionnelle à la gravité du manquement reproché. Cette approche
générale se traduit dans le droit de la régulation, un peu plus qu’ailleurs, par une double fonction
de ce principe de proportionnalité. D'une part le principe de proportionnalité est un instrument
de protection des libertés fondamentales (A) et d’autre part, il est un instrument au service de
l’efficience économique (B).

A/- La proportionnalité comme instrument de protection des libertés publiques


fondamentales
Le principe de proportionnalité qui pour Michel Fromont repose sur l’idée que
« l’autorité publique […] doit respecter au mieux les droits des personnes et, par conséquent,
ne restreindre ceux-ci que dans la stricte mesure où cela est nécessaire à l’intérêt général »1412.
Dans la même logique, de protection des droits fondamentaux il faut dire que la Charte des
droits fondamentaux de l’Union européenne en son article 49 paragraphe 3 énonce que
« l’intensité des peines ne doit pas être disproportionnée par rapport à l’infraction »1413. La
proportionnalité est alors un principe indérogeable du système de protection des libertés
individuelles. La posture a permis à la proportionnalité de s’imposer en principe incontournable
du droit public1414.
La proportionnalité vise une adéquation du moyen au but poursuivi donc de la pesée des
intérêts en présence1415. Le contenu et la forme de l’action des autorités de régulation ne doivent
pas excéder ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs fixés par le législateur.
L’application de ce principe en droit administratif en général montre que le domaine de ce

1409
FRISON-ROCHE (M.- A.), « La régulation, objet d’une branche du droit », op. Cit., p.6, (nous soulignons).
1410
V. CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 12e éd., Paris, Presses universitaires de France, 2018, « principe ».
1411
GUILMAIN (A.), « Sur les traces du principe de proportionnalité : une esquisse généalogique », Revue de
droit de McGill, vol.61, n°1, 2015, pp.87-137, spéc., pp.121 et s.
1412
FROMONT ( M.), « Le principe de proportionnalité », AJDA, 1995, pp.156 et s., spéc., p.165.
1413
V. PICOD ( F.), et VAN DROOGHENBROECK ( S.), ( dir.), Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne, Bruxelles, Brûlant, 2018, pp.1027 et suiv.,
1414
GUILMAIN ( A.), « Sur les traces du principe de proportionnalité : une esquisse généalogique », Revue de
droit de McGill, vol.61, n°1, 2015, pp.87-137, spéc., pp.106 et s.
1415
V. JEULAND (E.), « Réforme de la Cour de cassation. Une approche utilitariste du contrôle de la
proportionnalité », J.C.P. G, n°1-2, 2016, p.20.

272
principe est la police et donc des injonctions. Il s’agit d’apprécier si la sanction prononcée est
proportionnée à la gravité de la faute commise. De sorte que les autorités de régulation ne
disposent pas d'un total pouvoir discrétionnaire dès lors que la matérialité de la faute est établie.
Il s’agit d’éviter les peines disproportionnées1416. Deux mécanismes peuvent être utilisés à cet
effet. Le premier consiste à une hiérarchisation des sanctions et autre peines et le second à une
interdiction de la double poursuite.
Dans la perspective d'une hiérarchisation des sanctions, législateur camerounais
énumère les types de sanction ainsi que la fixation des planchers et plafonds des amendes et
autres pénalité pécuniaires on parle d’une proportionnalité légale1417. La hiérarchisation des
sanctions tient compte de l’acte e de la personne de l’opérateur. Il s’agit d’infliger la sanction
adéquate par rapport à l'acte posé. À chaque type d’infractions correspond une sanction précise.
Et en cas de récidive ici la personne joie un rôle prééminent la sanction est doublée.
Dans l’optique de la prévention de la double poursuite, un corollaire du principe de
proportionnalité, il est prévu en principe, sauf disposition contraire l’administration ne saurait
prononcer simultanément deux sanctions pour réprimer un seul comportement sous peine de
commettre un excès de pouvoir 1418 . C’est dans cette optique qu’il existe au Cameroun le
principe non bis in idem, issu du droit français. Cette règle interdit ainsi l’exercice de deux
actions répressives à l’encontre d’une même personne et à raison des faits identiques aussi bien
dans leur matérialité que dans leur qualification 1419 . Ce principe a été reçu en matière de
procédure administrative et surtout en matière de sanction administrative. Deux situations
peuvent alors ici se présenter c’est le cas relatif au cumul d’une sanction pénale et d’une
sanction administrative, l’autre cas peut être relatif au cumul de deux sanctions administratives.
Dans le premier cas, la règle ne s’applique pas en France1420, une personne peut donc
subir sur un même fait, à la fois une sanction pénale et une autre administrative. Thomas
Perroud note que « la compatibilité d’une telle solution avec la convention européenne des
droits de l’homme est désormais plus que douteuse1421 ». Le législateur camerounais énonce de
façon générale que la compétence des régulateurs est reconnue pour autant que le manquement

1416
V. DEGOFFE (M.), La juridiction administrative spécialisée, Paris, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit public,
tome 186, spéc., pp.517 et suiv.
1417
V. PRADEL (J.), « Du principe de proportionnalité en droit pénal », Les cahiers de droit, vol. 60, n°4, 2019,
pp.1129-1149, spéc., pp. 1133 et suiv.,
1418
V. CE, 11 mars 1938, Hirogoyen, Recueil Lebon, p.264.
1419
VANDERMEEREN (R.), « La ‘’double peine’’ diversité des ordres juridiques et pluralité des systèmes
répressif », A.J.D.A., 2003, p.1854.
1420
V. CE, 12 janvier 1917, Létillard, Lebon, p.33 ; sect., 16 juin 1944, Hervé, Lebon, p.173 ; sect., 9 mars 1951,
Hay, Lebon, p.150.
1421
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit,
p.584.

273
n’est pas constitutif d’une infraction pénale. Dès lors on peut supposer que si le manquement
est constitutif d’une infraction pénale le régulateur doit d’office se déclarer incompétent et
stopper ainsi toute procédure intentée devant lui pour ces faits précis. Le principe semble donc
être applicable en matière de régulation au Cameroun. D’autant plus qu’en matière d’aviation
civile, la CCAA peut procéder à une transaction1422.
Dans la seconde hypothèse, le législateur camerounais est resté muet. En France par
contre il semblerait que le principe soit applicable. Il s’y présente même comme un principe
général du droit1423. Le juge administratif français estime alors que : « considérant que s’il est
de principe qu’un même manquement ne peut donner lieu qu’à une seule sanction
administrative, ce principe ne s’applique que pour autant que la loi n’en a pas disposé
autrement1424 ».
Quand est-il alors lorsque deux autorités administratives sont compétentes pour infliger
à un opérateur une sanction en raison des mêmes faits, la jurisprudence française opte pour un
cumul des poursuites et des peines 1425 « c’est l’hypothèse selon laquelle le même fait est
incriminé par plusieurs législation reposant sur des fondements différents1426 ». Au Cameroun
la question n’a pas été abordée par le législateur. Adopter une telle posture provoquerait un
véritable cataclysme de sanctions qui vise les individus sous une qualité différente à chaque
fois. Ce qui serait une lacune dans l’application de ce principe de non cumul de peines 1427.
Notons qu’à l’heure de la convergence des secteurs, par exemple en ce qui concerne les
communications électroniques et l’audiovisuel, le législateur prend soin de fixer les règles
applicables et du même coup de désigner le régulateur compétent. Toutefois le principe ne
s’oppose pas à la possibilité d’assortir une sanction de pénalités ou amendes.
La proportionnalité permet de mesurer l’intensité de la mesure prise 1428 . Le champ
d’application traditionnel de ce principe est le domaine de la police c’est-à-dire les mesures qui
restreignent l’exercice des libertés et donc les injonctions. Le juge1429 vérifie ainsi dans ces cas
que l’autorité de police n’a imposés aux citoyens que des mesures strictes proportionnées, en

1422
Art. 132 et 139 de la loi de 2013/010, portant régime de l’aviation civile.
1423
CE 21 juillet 1950, Pinquet, Recueil Lebon, p.450 ; 11 mars 1938, Hirigoyen, Recueil Lebon, p.264.
1424
CE, 12 avril 1995, Société P.M.E. Assurances, n°143793 et 143798.
1425
CE, 6 avril 1973, Mourot, Recueil Lebon, n°885516, p.285.
1426
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit,
p.584.
1427
DELLIS (G.), Droit pénal et droit administratif : l’influence des principes du droit pénal sur le droit
administratif répressif, op cit, n°349 et s ; pour une analyse comparative avec la Common law V. PERROUD (Th.),
La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit, pp.584 et s.
1428
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit,
pp.579 et s.
1429
CE, 19 mai 1933, Benjamin, Recueil Lebon, p.541 ; GAJA, n°49, 13e éd., pp.300 et s.

274
fonction des avantages qu’en retire l’ordre public et des inconvénients qui en résultent pour les
libertés publiques1430. Ce constat en droit administratif général ne semble pas être transposable
en matière de droit administratif répressif. En effet, le juge administratif semble être réticent à
consacrer un tel principe Georges Dellis ne dit pas autre chose lorsqu’il écrit que « la doctrine
est presque unanime sur le point d’exclure une obligation de corrélation entre la sanction
administrative ou disciplinaire et la gravité de l’infraction. Son pouvoir discrétionnaire parait
sans limites dès lors que la matérialité de la faute est établie1431 » ce qui est une lacune1432.

Dès lors, on peut douter qu’il existe un contrôle de proportionnalité de la mesure1433.


Raymond Ordent semble aller dans le même sens. Selon lui, le juge administratif s’est toujours
refusé à apprécier - pour ne pas alors empiéter sur le domaine de l’opportunité réservée à
l’administration - si la sanction prononcée est proportionnée à la gravité de la faute commise1434.
Le juge utilise alors dans son intervention non pas le principe mais la technique de
proportionnalité par une adaptation du contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation 1435 .
Toutefois, une lecture de la décision Le Cun démontre que le conseil d’État français peut
procéder à un contrôle normal d’une décision prise par un régulateur, ce qui est pour la doctrine
un signe que le juge peut procéder à un contrôle de proportionnalité à l’infraction commise1436.
Le principe de proportionnalité se veut alors fortement protecteur des libertés des opérateurs
une finalité qui se dédouble en matière économique.

B/- Le principe de proportionnalité en matière de régulation, un instrument


d’efficience économique

Comme le note Antoine Guilmain1437 la proportionnalité présente un lien de filiation


avec les sciences économiques aussi bien sur le plan de la méthode que sur la finalité. D'une

1430
FRIER (P.-L.) et PETIT (J.), Précis de droit administratif, op cit, p.225.
1431
DELLIS (G.), Droit pénal et droit administratif : l’influence des principes du droit pénal sur le droit
administratif répressif, op cit., p.285 ; V. aussi VINCENT (F.), Le pouvoir de décision unilatéral des autorités
administratives, Paris, L.G.D.J., Coll. Bibl. de droit public, tome 70, 1966, pp.134 et s.
1432
DELLIS (G.), Droit pénal et droit administratif : l’influence des principes du droit pénal sur le droit
administratif répressif, op cit, pp.256-257.
1433
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit,
p.582.
1434
ORDENT (R.), conclusions sous CE, Ass., 26 octobre 1945, Aramu, Recueil Lebon, p.213 ; S. 1946.3.1 concl.
R. Ordent ; EDECE 1947, p.48 ; D. 1946 note G. Morange, p.158.
1435
DELLIS (G.), Droit pénal et droit administratif : l’influence des principes du droit pénal sur le droit
administratif répressif, op cit, p.254.
1436
DE SAINT PULGENT (M.), « Les sanctions infliges par le conseil des bourses de valeurs nature et régime
juridique conclusions sous CE Ass. 1 mai 1991, M. Le Cun, », RFDA, 1991, p.512.
1437
GUILMAIN (A.), « Sur les traces du principe de proportionnalité : une esquisse généalogique », Revue de
droit de McGill, vol.61, n°1, 2015, pp.123 et s.

275
part, la méthode s’appréhende nécessairement en termes de globalité, le plus de données
possibles doivent être pris en compte1438 et, d’autre part, la finalité de la proportionnalité tend
inexorablement vers la recherche d'un équilibre optimal entre les coûts et les avantages1439.
Xavier Philippe écrit alors dans ce sens qu' « il n'y a dès lors rien d’étonnant à ce que la règle
juridique retranscrive ce concept dérivé de l’analyse économique »1440 l'on peut l’observer lors
de la rationalisation des choix budgétaires ou de la déréglementation1441. Aurélien Portuese
démontre lui aussi dans sa thèse publiée, cette idée que le principe de proportionnalité est une
traduction juridique de la recherche d’efficience économique 1442 . L’efficience voudrait en
général que personne ne soit plus mal loti qu’il ne l’était. Il répond alors à un critère utilitariste
c’est-à-dire un moindre mal pour un plus grand bien1443. Juridiquement donc, le principe de
proportionnalité doit conduire à ce que soit exigée la mise en balance de données divergentes
afin de minimiser l’atteinte aux intérêts et droits d'autrui. Aurélien Porteuse explique que ceci
est équivalent, en langage économique, à la recherche par l’analyse coûts-bénéfices (en abrégé
ACB) de la réglementation qui maximise les bénéfices comparés à toutes les alternatives
possibles1444.
Le principe de proportionnalité est donc loin d’être neutre : « il est un instrument
d’efficience qui traduit juridiquement une analyse économique coûts-bénéfices »1445. Deux
attitudes peuvent alors être attendues des autorités de régulation d'une part, elles doivent tenir
compte de la situation de l’entreprise et, d'autre part, elles doivent prendre en considération
l’équilibre économique dans son ensemble. Autrement dit, les sanctions administratives et
pécuniaires doivent être proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l’importance du
dommage causé à l’économie et à la situation de l’entreprise ou de l’organisme sanctionné.

L’introduction d'un recours gracieux auprès des autorités de régulation à l'issue d’une
sanction prononcée peut justement permettre au principe de proportionnalité de faire valoir à la
fois son potentielle d’équité mais également sa fonction d’efficience. Dans l’affaire Pastel S.A.,
l’opérateur sanctionné à des pénalités pécuniaires corrélativement à une suspension de licence

1438
V. PHILIPPE (X.), Le contrôle de proportionnalité dans les jurisprudences constitutionnelle et administrative
françaises, Paris, Economica, 1990, spéc., pp.23-24
1439
Ibid.., p.24.
1440
Ibid., p.22.
1441
Ibid., pp.24-32.
1442
V. PORTUESE (A.), Le principe d’efficience économique dans la jurisprudence européenne, Paris, Publibook,
2014,
1443
PORTUESE (A.), Le principe d’efficience économique dans la jurisprudence européenne, Paris, Publibook,
2014, spéc., pp.35-37.
1444
Ibid.., p.187
1445
GUILMAIN (A.), « Sur les traces du principe de proportionnalité : une esquisse généalogique », op cit., p.125.

276
par l'ART a déposé un recours gracieux sous le motif que cette sanction peut pénaliser
l’équilibre de la société et causer un préjudice énorme, le DG de l'ART donne ainsi son accord
de principe pour le dépôt pour examen d'un recours gracieux dudit opérateur1446. La sanction a
une finalité punitive et dissuasive certes mais une sanction trop lourde peut avoir des effets
beaucoup plus néfastes sur la concurrence dans un secteur, en ce qu’un opérateur sanctionné
puisse sortir du marché. Le besoin de proportionnalité est donc réel au sens de l’efficience
économique. La proportionnalité est alors un instrument adaptable et flexible auprès des
justiciables.

PARAGRAPHE 2 : L’application du principe de personnalité des peines en matière


de régulation des services publics de réseau

Il ne s’agit pas ici de dresser une étude détaillée sur ces derniers principes. Mais
d’aborder leur application dans les secteurs régulés camerounais relativement à certains aspects
qui peuvent fréquemment survenir dans les services publics en réseaux du fait de l’ouverture à
la concurrence. Plus particulièrement dans le cadre du recours au pouvoir de sanction. Il est
intéressant alors de voir le contenu du principe (A) avant de voir son application face à des
situations spécifiques (B).

A/- La teneur du principe


Le droit de la régulation comme celui de la concurrence interne ou même
communautaire vise les activités des entreprises. Cette notion est plus économique que
juridique. Elle s’affranchit donc des structures juridiques pour identifier toute entité exerçant
une activité économique indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de
financement1447. Des lors, les sujets du droit de la régulation sont les entreprises, ces dernières
n'en sont pas moins dépourvues de la personnalité juridique. Or les sanctions en matière de
régulation sectorielle ou générale sont de nature « au moins quasi-pénale », en effet, le domaine
des sanctions administratives est celui-là qui se rapproche de la sphère pénale1448. Dès lors, elles
ne peuvent par conséquent être infligées qu’à des personnes. Il émerge ici le principe de
personnalité des peines en droit de la régulation, ce dernier étant le corollaire du principe de la
responsabilité personnelle. Le principe de la personnalité des peines est issu droit pénal général

1446
V. ART, Les nouvelles de l'ART, magazine d’informations et d’analyses de l'ART Cameroun, n°13, juillet 2005,
pp.22 et s.
1447
V. IDOT (L.), « La notion d’entreprise en droit de la concurrence, révélateur de l’ordre concurrentiel », in
L’ordre concurrentiel, Mélanges en l’honneur de Antoine Pirovano, op cit., pp.523-545.
1448
V. DEGUERGUE (M.), « Sanctions administratives et responsabilité », AJDA 2001, p.81.

277
camerounais. Il prend néanmoins une place non négligeable en droit public, dans le champ de
la répression administrative et rencontre aussi bien le droit administratif que le droit de la
régulation. En droit administratif ce principe repose sur deux fondements à savoir d’une part,
l’exigence de procéder à un examen particulier de chaque affaire et de motiver sa décision en
fonction de ces circonstances. Et d’autre part ce principe repose sur le fait qu’il est interdit de
punir une personne qui n’est pas l’auteur de l’infraction1449.
La répression administrative connaît donc ce principe qui selon Jacques Mourgeon1450
reposerait ici sur deux fondements distincts. Le premier fondement serait l’obligation qui pèse
sur l’administration de procéder à un examen particulier de chaque affaire qui lui est soumise
et de motiver sa décision en fonction de ces circonstances particulières. Nous reviendrons sur
ce dernier point. Le second fondement repose sur l’interdiction faite à l’administration de punir
une personne qui n'est pas l’auteur de l’infraction1451.

La posture n’est que le reflet de celle adoptée en droit pénal. On parle alors de la
responsabilité pénale personnelle en vertu de laquelle « nul n'est responsable pénalement que
de son propre fait ». On en déduit alors qu'il n’existe pas en droit pénal de responsabilité
collective ou de responsabilité du fait d'autrui. Il implique que la responsabilité pénale est une
responsabilité purement personnelle. Ainsi, la condamnation ne peut être prononcée qu’à
l’encontre de l’auteur, le coauteur ou le complice d’une infraction 1452. La question est donc de
savoir si la même lecture doit être admise en matière de régulation des services publics en
réseaux.

B/- L’application spécifique du principe


Le principe de la personnalité des peines est mis à l’épreuve, à deux niveaux. Le premier
relatif à la disparition de la personne morale (1) et le second à la détermination des personnes
susceptibles d’engager la responsabilité de celle-ci. Il s’agit dans ce dernier cas, du régime de
l’immutabilité des manquements à l’auteur de l’infraction lorsqu’il s’agit d’une personne
morale1453 (2).

1449
V. MOURGEON (J.), La répression administrative, op cit, n°231, p.332 ; DELMAS-MARTY (M.) et
TEITGEN-COLLY (C.), Punir sans juger ? De la répression administrative au droit administratif pénal, op cit,
p.71 ; CE Sect., 27 novembre 2000, Société crédit Agricole Indosuez Cheuvreux, n°207597.
1450
MOURGEON (J.), La répression administrative, op cit., n°231,p.332.
1451
V. DELMAS- MARTY (M.) et TEITGEN-COLLY (C.), Punir sans juger ? De la répression administrative
au droit administratif pénal, op cit., p.71 ; MOURGEON ( J.), La répression administrative, op cit., p.332.
1452
V. BOULOC (B.), Droit pénal général, op cit., n°345, p.305.
1453
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit.,
p.677.

278
1/- L’application de la personnalité des peines lors de la disparition de la personne
morale
Une personne morale peut disparaître de plusieurs façon, la dissolution, la fusion-
absorption ou encore la scission. Contrairement au deux dernières opérations, la première ne
cause pas véritablement problème. La fusion a déjà été définie dans cette étude pour que nous
y revenions1454. La scission s’entend comme une opération par laquelle le patrimoine d’une
société est partager entre plusieurs sociétés déjà existantes ou à créer1455. L’opérationnalisation
de la scission est subordonnée, d’une part à la disparition de la société dont le patrimoine est
ainsi partagé et, d'autre part, au partage de ce patrimoine entre au moins deux sociétés. Si ces
conditions ne sont pas réunies ou alors juste l’une d’elle, on se retrouverait en fonction des cas,
soit en présence d’une fusion lorsque la totalité du patrimoine est transmis à une seule société,
soit en présence d’un apport partiel d'actif lorsque la société dont le patrimoine est partagée
survit1456. Dans le cas de la scission donc on peut se demander laquelle des entreprises, doit être
finalement sanctionnée. Il semble qu'il faille distinguer entre les sanctions disciplinaires et
celles pécuniaires, tout en tenant compte du droit en cause et du juge compétent. Cette lecture
ne se fait dans le secteur financier français. Les secteurs des industries de réseaux n’ayant pas
encore connus de tels cas.
Le principe joue alors en matière de sanction administrative disciplinaires et ce devant les
deux juges en droit français. Ainsi, le juge administratif français a jugé que le principe de
personnalité des peines fait « obstacle à ce que le Conseil des marchés financiers inflige à une
société absorbante un blâme à raison des manquements commis avant la fusion par la société
absorbée » 1457 . Ainsi le CMF devenu L’autorité des marchés financiers doit respecter le
principe de personnalité des peines lorsqu’il doit infliger une sanction discrétionnaire. La
posture du juge administratif indique la voie à suivre pour les autres organismes de régulation
économique.
La même application stricte de ce principe est observable devant le juge judiciaire1458.
Ainsi, saisie d’une procédure de sanction à l’encontre d’une société dissoute par l’effet de la
scission en sept nouvelles sociétés en cours d’instance, la chambre commerciale de la Cour de
cassation a confirmé un arrêt de la Cour d’appel de Paris qui avait alors relevé que les pratiques

1454
V. Supra, première partie, titre 2, chapitre 2, section 2, paragraphe 2.
1455
Art. 190 al. 1 de l'AUSCGIE.
1456
Art. 195 de l'AUSCGIE.
1457
Ibidem.
1458
Cour. Cass. Com., 11 juillet 2006, n°05-13.047, Bull. 2006, IV, n°169 ; 15 juin 1999, n°97-16.439, Bull. 1999,
IV, n°127.

279
sanctionnées ont été commises par la seule société dissoute et qu’il n’avait été constaté que la
société aurait procédé à sa scission et à sa dissolution dans le but avéré d’éluder toute poursuite.
Elle a jugé que la Commission des opérations de bourse ne pouvait pas écarter le principe de
personnalité et prononcer des sanctions administratives à l’encontre de la personne morale
nouvelle issue de la fusion ou de la scission en l’absence de dispositions dérogatoires
expresses1459.
Toutefois, il faut souligner le fait que la Cour de cassation procède à une analyse
différente dans le cas des sanctions prononcées en matière de concurrence. Elle se fonde sur le
fait que ces sanctions visent des « entreprises », et qu’il est donc possible d'imputer la pratique
à la personne morale à laquelle l’exploitation de l’entreprise est juridiquement transmise1460. Le
juge judiciaire se fonde sur le principe de la continuité économique et fonctionnelle de
l’entreprise en cas de fusion-absorption. L’idée étant que la notion d’entreprise se fonde sur
l’existence d’une activité économique et est indépendante de toute forme juridique. De sorte
qu’un changement à cet égard ne peut avoir pour effet de créer une nouvelle entreprise qui ne
pourrait plus être tenue pour responsable des infractions commises par la précédente dès
l’instant où il y a continuité dans l’activité économique 1461 . Le principe de personnalité
s’applique alors à l’amende civile relative aux pratiques restrictives de concurrence.
Par contre, il est constant que le principe de personnalité des peines ne jouerait pas dans
le cas des sanctions pécuniaires. Le conseil d’État juge que le principe de personnalité des
peines ne fait pas obstacle au prononcé par le Conseil des marchés financiers devenu l’autorité
des marchés financiers, d’une sanction pécuniaires à l’encontre d’une société absorbante du fait
de manquements de la société absorbée à ses obligations professionnelles on peut ainsi lire que
« eu égard tant à la mission de régulation des marchés dont est investi le Conseil des marchés
financiers qu’au fait que (…) la société a été absorbée intégralement sans être liquidée ni
scindée » 1462 . Le principe de personnalité des peines ne fait pas alors obstacle à ce que, à
l’occasion d’une opération de fusion ou de scission, ces sanctions pécuniaires soient mises,
compte tenu de la transmission universelle du patrimoine, à la charge de la société absorbante,
d’une nouvelle société créée pour réaliser la fusion ou de sociétés issues de la scission, à raison

1459
Cass. Com., 15 juin 1999, n°97-16.439, Bull. 1999, IV, n°127.
1460
Cass. Com., 20 novembre 2001, n°99-16.776 et n°99-18.253 ; 23 juin 2004, n°01-17896 et 02-10.066, Bull.
2004, IV, n°132, 28 février 2006, n°05-12138, Bull. 2006, IV, n°49.
1461
V. Cass. Com., 21 janvier 2014, n°12-29.166 ; 23 juin 2004, n°01-17.896 et 02-10.066 ; 28 février 2006, n°05-
12.138, Bull. 2006, IV, n°49.
1462
CE, Sect., 22 novembre 2000, Crédit agricole Indosuez Chevreux, , n°207697 ; CE, 10 mai 2004,Été Etna
Finance, n°247130 ; 30 mai 2007, Sté Tradition Securities and Futures, n°293423 : V. CE, 17 décembre 2008,
Société Oddo et Cie, n°316000, Recueil Lebon, p.458. ; 28 mars 2011, Caisse d’épargne de Normandie et a.,
n°319327.

280
des manquements commis avant cette opération, par la société absorbée ou fusionnée ou par la
société scindée.
Comme en matière de concurrence, l’idée est ici que la sanction pécuniaire cherche à
atteindre la réalité économique et pas tant la personnalité juridique d’une entreprise 1463. Dès
lors, en raison de la mission de régulation dont est investie l’autorité de régulation, celle-ci peut
prononcer d’une sanction pécuniaire 1464 sans tenir compte du principe de personnalité des
peines. Cette spécificité de la position du juge administratif français s’explique par la mission
particulière qui incombe aux autorités de régulation, dans ce dernier cas, c'est la nécessité
d’assurer la sécurité de la place financière et la moralité de l’activité économique 1465 . La
perspective doit donc être étendue dans les autres secteurs régulés.
Le droit camerounais semble offrir une même lecture, en ce qu'il pencherait pour le fait
que l’entreprise absorbante ou créée à partir du patrimoine d’une autre devrait répondre des
infractions commises par l’entreprise absorbée ou scindée. L'AUSCGIE conforte cette solution
du fait qu'il admet que la fusion ou la scission entraine transmission à titre universel de la ou
des sociétés qui disparaissent du fait de la fusion, à la société absorbante ou à la société
nouvelle 1466 . On observe une entorse au principe de l’individualisation des sanctions pour
consacrer celui de la transmission des sanctions pécuniaires comme cela est observable en
matière de sanction pénale surtout si elles sont d'ordre patrimonial 1467 . Les autorités de
régulation des industries de réseau ici en étude devraient alors s’aligner sur ces voies.
Il faudra alors convenir avec Thomas Perroud1468 que l’assouplissement du principe de
personnalité en matière de sanction administrative doit être justifié par la force de l’intérêt
général qui s’attache à la répression, la mission de régulation ainsi qu’aux circonstances de
l’opération d’absorption. Le juge opère alors une conciliation entre ce principe et l’intérêt
général qui s’attache à l’efficacité de la répression pour décider du degré d’assouplissement
qu’il entend appliquer à ce principe. Quid de la détermination des personnes susceptibles
d’engager la responsabilité personnelle des personnes morales.

1463
V. CE, 4 décembre 2009, Ste Rueil Sports, n°329173, RJF 2/10, n°146, concl. E. Glaser.
1464
V. CE, Sect., 22 novembre 2000, Société Crédit Agricole Indosuez Cheuvreux, n°207697.
1465
GUYOMAR (M.), « Conditions d’application du principe de la personnalité des peines aux sanctions
prononcées par le Conseil des marchés financiers », AJDA 2000, p.997.
1466
Art. 189 al.3 et Art. 190 al. 3 de l’AUSCGIE.
1467
V. SOH FOGNO ( D. R.), « La sanction pénale des personnes morales en droit camerounais », op cit., spéc.,
p.52.
1468
PERROUD ( Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit.,
p.680.

281
2/- La détermination des personnes susceptibles d’engager la responsabilité d’une
personne morale
En ce qui concerne la détermination des personnes susceptibles d’engager la
responsabilité de cette personne morale, le juge administratif a eu à juger que les sociétés sont
responsables non seulement des agissements de leurs dirigeants et représentants, mais aussi de
ceux de leurs préposés1469. En réalité, en partant des décisions du CNC, l'on observe, comme
en matière pénale qu'il peut s’agir « d'un cumul de responsabilité et non d’une substitution de
la responsabilité des dirigeants fautifs à celle de la personne morale pour le compte duquel les
personnes physiques ont agi »1470. En pratique donc la personne physique et la personne morale
peuvent être poursuivies cumulativement pour le même manquement, ou pour des infractions
distinctes. Le principe de l’individualisation des peines joue donc ici. Ainsi en matière de
communication sociale peut-on voir pour le même manquement le CNC sanctionné à la fois le
directeur de publication et le journaliste auteur de l’article1471, toutefois, la sanction infligée
peut différer entre les différentes personnes physiques selon leur implication1472. En matière
d’audiovisuel, il arrive que le préposé engage sa responsabilité personnelle et pas celle de la
personne morale1473.
De même, les personnes morales sont responsables des manquements des sociétés
qu’elles contrôlent1474. Ce dernier point révèle un autre problème au cœur du principe de la
personnalité des peines à savoir la question de l’autonomie de la filiale par rapport à la société
mère en cas de responsabilité personnelle. En droit européen le principe est que pour retenir la
responsabilité d’une société mère pour le comportement illégal d’une filiale, il faut établir que

1469
V. CE, Sect., 6 juin 2008, Société Tradition Securities and Futures, n°299203, Recueil Lebon, p.189 ; v.
Conclusion sur cette affaire, GUYOMAR ( M.), « La responsabilité des prestataires de services d’investissement
( l’imputabilité des fautes commises par leurs agents) », RFDA, 2008, p.699 ; aussi en matière financière,
GEFFRAY ( E.), BOURGEOIS-MACHUREAU ( B.), « De la présomption simple de responsabilité du fait des
préposés en matière financière », AJDA 2008, p.1321.
1470
SOH FOGNO (D. R.), « La sanction pénale des personnes morales en droit camerounais », op cit., p.59.
1471
V. Décision n°000095/ CNC/ du 15 mars 2018 portant respectivement avertissement au directeur de
publication de l’organe de presse écrite dénommé « Le Soir » et au nommé Basile Ottou journaliste en service au
susdit organe pour publication de déclarations non fondées et offensantes ; Décision n°000096/ CNC/ du 15 mars
2018 portant respectivement suspension temporaire du directeur de publication de l’organe de presse écrite
dénommé « L’orphelin » et du nommé Ekwo Bile journaliste au susdit organe pour publication de déclaration non
fondées et offensantes ;
1472
V. Décision n°000097/CNC du 15 mars 2018 portant respectivement avertissement au directeur de publication
de la station de radiodiffusion sonore dénommée « NB 1 Radio » et suspension temporaire des nommés Abene
Serge Olivier et TITA Dominique, journalistes en service à ladite station, ainsi que de l’émission intitulée
« Yaoundé Expresse » diffusée sur la même radio pour diffusion de déclarations non fondées et offensantes.
1473
V. Décision n°000094/CNC du 15 mars 2018 portant suspension temporaire de Monsieur Obama Nana
Dieudonné Ernest, journaliste en service à la chaîne de télévision dénommée « Vision 4 » et présentateur de
l’émission intitulée « Club d'Elites » dans ladite chaîne, pour diffusion au cours de son émission de propos
offensants et insinuants.
1474
V. CE, 11 février 2011, Société Générale, n°316508.

282
ladite filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais
applique pour l’essentiel, les instructions qui lui sont imparties par la société mère1475.
La doctrine parle alors de « présomption capitalistique » c’est-à-dire qu’une filiale détenue
majoritairement par une société mère applique nécessairement la politique déterminée par cette
dernière1476. Il faut préciser ici qu'il ne s’agit pas de « l’influence générique que toute société
mère détient par définition sur sa filiale, en vertu du droit des sociétés », mais plus
spécifiquement de « l’influence que la société mère peut exercer sur le comportement et les
pratiques commerciales de la filiale sur le marché »1477. La posture induit une conception large
de l’influence déterminante en droit communautaire de la concurrence1478. Le droit des secteurs
régulés camerounais offre une lecture similaire avec l’affaire impliquant MTN et MTN NS S.A.,
sa filiale1479 la première est condamnée à dédommager la société Kakotel limited Cameroun
S.A., relativement à une rupture de contrat et qui a été porté devant le centre d’arbitrage du
GICAM.
SECTION 2 : LES GARANTIES SUBSTANTIELLES RELATIVES À
L’INTERVENTION DE LA DECISION DANS LE TEMPS

Avant de voir ces garanties (paragraphe 2), il faut revenir sur la modalité d’intervention
de la décision à savoir la publication (paragraphe 1)

PARAGRAPHE 1 : L’émission de la décision : la publication ou publicité


Comme le rappelle Olivier Fandjip1480 il est acquis que pour produire leurs effets, les
décisions administratives doivent être diffusées ou publiées. La publication d'un point de vue
technique apparaît comme la dernière opération dans le processus qui mène à l’adoption d'un
acte administratif. D'un point de vue juridique, la publication marque le point de départ de
l’invocabilité ou de l’opposabilité de l’acte du fait qu’à compter de la publication, les

1475
CJCE, 14 juillet 1972, ICI, aff. 48/69, Rec., 1972, p.619, point 133 ; 25 octobre 1983, Allgemeine Elecktrizitats
– Gesellschaft AEG- Telefunken AG c/ Commission des Communautés européennes, Rec., p.03151, aff. 107/82
point 50.
1476
V. DEBROUX (M.), « Sanction des cartels en droit communautaire : définition et conséquences d’une
« responsabilité de groupe » », Concurrences, n°1 2008, pp. 1 et s., spéc., pp.3 et s.
1477
Ibid., p.3.
1478
COMMISSION, décision COMP/F/38.456, Bitumes Pays-Bas, 13 septembre 2006 ; Décision COMP/F/38.899,
Commutateurs à isolation gazeuse, 24 janvier 2007.
1479
V. CCJA, Ordonnance n°005/2012/CCJA (article 46 du règlement de procédure), recours n°099/2011/PC,
affaire Société mobile téléphone network, Network solutions dite MTN NS S.A. c/ Société Kakotel limited
Cameroun S.A.
1480
FANDJIP (O.), « Les obstacles à la publicité des actes administratifs dans les États d’Afrique francophone :
l’exemple du Cameroun », RJTUM, 2017/51, spéc., pp.469-470.

283
administrés sont censés en avoir pris connaissance1481. La publicité emporte opposabilité de la
décision à ses destinataires et conditionne par conséquent son effectivité 1482. Ce principe qui
consiste à faire dépendre l’opposabilité d’une règle de droit, qu'il s’agisse d’une loi ou de tout
acte administratif, réglementaire ou non, d’une mesure de publicité dont la publication n'est
qu’une des formes1483, est commune à l’ensemble des pays de tradition romano-germanique1484.
La publicité des actes dans un État de droit participe alors de l’accès au droit 1485 et de la
concrétisation de l'adage juridique « nul n'est censé ignorer la loi »1486. Ainsi fait-elle l’objet
d’un encadrement au niveau national1487.

Toutefois, il faut souligner qu'il existe une distinction entre la validité de la décision et
son opposabilité aux tiers. L’émission par l’autorité administrative d’une décision fonde son
entrée en vigueur. Ledit acte ne devient opposable aux administrés qu'au jour où il est porté à
leur connaissance par un procédé de publication. Dès lors, la publication a pour objet non de
rendre exécutoire, mais seulement opposable aux tiers 1488 . Autrement-dit, la publicité ne
conditionne que l’entrée en vigueur de l'acte en dehors de l’autorité qui l'a prise, ainsi le défaut
ou l’irrégularité de la publicité n’implique pas l’irrégularité de l'acte en lui-même 1489 . La
publicité c'est alors la diffusion d'un acte à l’endroit du public ou des administrés 1490. Cette
publicité se fait selon des procédés bien définit (A) toutefois dans les secteurs régulés compte

1481
Il existe en droit tout de même des exceptions à l’instar de la théorie de la connaissance acquise reconnue par
le juge administratif camerounais v. CS/CA., jugement n°33/04-05 du 29 décembre 2004, Tchamba Jean-Claude
c/ État du Cameroun, inédit
1482
CARTIER ( E.), « Accessibilité et communicabilité du droit », Jurisdoctoria, n°1, 2008, pp.51 et s., spéc.,
p.65.
1483
V. SAINT- PRIX (B.), Recherches sur les différentes formes de publication des lois depuis les Romains jusqu’à
nos jours, Paris, 1809, cité par GAUDEMET (Y.), « Promulgation et publication des lois », Jurisclasseur Civ., 11,
1993
1484
V. CARTIER ( E.), « Accessibilité et communicabilité du droit », op cit., p.65.
1485
V. OWONA OMGBA (B.-J.), La publicité des actes juridiques en droit public camerounais. Recherche sur
l’accès au droit au Cameroun, Thèse de droit public, Université de Yaoundé 2-Soa, 2015, 617p.
1486
Pour un commentaire sur cette adage, v. AKAM AKAM (A.), « Libres propos sur l’adage « nul n'est censé
ignorer la loi » », R.R.J. 2007/1 p.43.
1487
V. Ordonnance n°72/11 du 26 août 1972 relative à la publication des lois, ordonnances, décrets et actes
réglementaires au Cameroun ; Décret n°77/04 du 06 janvier 1977 portant réglementation de la publication des
actes au journal officiel de la république du Cameroun.
1488
CFJ/ CAY., arrêt n°90 du 30 septembre 1963, Messomo Aten Pierre c/ État du Cameroun, cité dans
MBOUYOUM (Fr.- X.), Recueil des grands arrêts de la jurisprudence administrative de la cour fédérale de justice
1962-1970, Yaoundé, Éditions Sodeam 1971, p.222.
1489
V. PAMBOU TCHIVOUNDA (G.), Les grandes décisions de la jurisprudence administrative du Gabon, Paris,
A. Pedone, 1994, p.223 ; voir aussi ONDOA (M.), Le droit de la responsabilité publique dans les États en
développement. Contribution à l’étude de l’originalité des droits africains postcoloniaux, Paris, L’Harmattan,
2010, p.136.
1490
FANDJIP (O.), « Les obstacles à la publicité des actes administratifs dans les États d’Afrique francophone :
l’exemple du Cameroun », op cit., p.471.

284
tenu du fait que les décisions concernent des entreprises il faut encadrer cette publicité
relativement à la protection du secret d’affaires (B).

A/- Les modalités de publicité des actes des autorités de régulation

La publicité s’analyse quant à elle comme une succession d’opérations matérielles1491.


Ces opérations sont aujourd’hui facilitées par l’utilisation des technologies de l’information et
des communications1492, impliquant une numérisation et une mise en ligne sur les sites internet
des autorités de régulation. Ce qui soulève la question des modalités de publication. II faut poser
ici au préalable la distinction entre les actes à caractère réglementaires et les actes individuels
ou décisions d’espèces 1493 , et le fait qu'il y a des mesures de publicité individuelle ou
notification et des mesures de publicité générale tel l’affichage et/ou la publication1494.
Ainsi les actes réglementaires généraux voient leur publicité s’opérer par leur insertion
au journal officiel 1495 . Ce dernier représente donc « le support de principe en matière de
publication »1496. Seulement pour les autorités administratives centrales à l’instar du président
de la république.
Les actes individuels eux par contre, et c’est eux qui nous intéressent ici, voient leur
publicité se faire sous la forme d’une notification. Il faut préciser tout de même que lorsque ces
actes individuels émanent des hautes autorités de l’État, l’insertion au journal officiel est requise
en principe. Toutefois, leur publicité peut se faire selon la procédure d’urgence. Pour les
autorités administratives de rang inférieur, les modalités de publication des actes individuels
prennent diverses formes. Autrement dit, les décisions individuelles elles peuvent aussi être
publiées par les moyens précédemment cités mais en plus, elles doivent faire l’objet d'une
notification à l’intéressé par voie d’huissier ou par tout autre moyen officiel laissant trace1497.

1491
V. OWONA OMGBA (B.-J.), La publicité des actes juridiques en droit public camerounais. Recherche sur
l’accès au droit au Cameroun ; Pour une autre étude détaillée sur la question mais plus ancienne, v. REVEL (G.),
La publication des lois, des décrets et des autres actes de l’autorité publique, Paris, Sirey, 1933
1492
CARTIER (E.), « Publicité, diffusion et accessibilité de la règle de droit dans le contexte de la
dématérialisation des données juridiques », AJDA, 30 mai 2005, pp.102-111.
1493
Sur la notion, v. POIROT- MAZARES ( I.), « Les décisions d’espèces », R.D.P., 1992, pp.443-512.
1494
CARTIER (E.), « Accessibilité et communicabilité du droit », op cit., p.66.
1495
V Ordonnance n°72/11 du 26 août 1972 relative à la publication des lois, ordonnances, décrets et actes
réglementaires au Cameroun ; Décret n°77/04 du 06 janvier 1977 portant réglementation de la publication des
actes au journal officiel de la république du Cameroun ; OWONA OMGBA (B.-J.), La publicité des actes
juridiques en droit public camerounais. Recherche sur l’accès au droit au Cameroun, op cit., pp.63 et s.
1496
FANDJIP (O.), « Les obstacles à la publicité des actes administratifs dans les États d’Afrique francophone :
l’exemple du Cameroun », op cit., p.472.
1497
Art. 15 du document portant procédure de traitement des plaintes par le CNC du 28 mai 2014.

285
Ainsi en matière de communication ou d’audiovisuel, les décisions du CNC sont rendues
publiques et notifiées aux intéressés par tout moyen laissant trace1498.

En matière d’électricité aussi le législateur impose à l’ARSEL de notifier ses décisions


aux parties 1499 . La notification renvoie à « la transmission officielle (envoi avec accusé de
réception ; transmission avec décharge ; ou toit autre moyen susceptible de prouver que l'acte
a effectivement été porté par voie officielle à la connaissance de l’intéressé) à l’intéressé de
l’acte sous sa forme écrite »1500. Elle traduit l’obligation faite à l’administration de porter à la
connaissance des administrés toute mesure ou acte pris à son égard. C’est une étape essentielle
relativement au délai de recours contentieux1501.
Pour être valide il est généralement admis que la notification doivent remplir certaines
conditions il s’agit en fait de tous les éléments nécessaires pour permettre à l’intéressé de se
faire un compte rendu exact de la mesure prise à son égard, ainsi que des motifs pour lesquels
elle a été prise1502. Dans les secteurs régulés et de façon générale dans l’action administrative,
le procédé le plus sûr au niveau juridique est la lettre recommandée avec demande d’accusé de
réception1503, ou encore le recours à un huissier contre signature d’une décharge. C’est le cas
pour les décisions de règlement des différends par l'ART1504.

Il faut dire que dans les secteurs régulés en plus de la notification, les décisions
contentieuses et non contentieuses font aussi l’objet d’une publication sur le site internet des
autorités de régulation c’est le cas pour l’autorité aéronautique 1505 et aussi pour le Conseil
national de la communication1506. L'ART n'est pas en reste avec son magazine d’informations
publié et diffusé en ligne. Le recours à l’Internet participe du système informel de publication,
comme les autres mass-médias des lors le juge pourra appliquer la théorie de la connaissance
acquise1507. Quoiqu’il en soit les décisions ne sont pas publiées au journal officiel et de fait les

1498
V. Art. 11 al. 2 du document portant procédure de traitement des plaintes par le CNC du 28 mai 2014.
1499
Art. 88 de la loi n°2011/022 sur l’électricité.
1500
KAMTO (M.), « Note sous CS/AP, arrêt du 24 mars 1983, Njikiakam Towa », Penant, 1985, 788/789, p.356.
1501
FANDJIP (O.), « Les obstacles à la publicité des actes administratifs dans les États d’Afrique francophone :
l’exemple du Cameroun », op cit., p.474.
1502
V. CCA, arrêt n°636, du 10 août 1957, Ndjock Jean c/ État du Cameroun. Inédit.
1503
Pour une étude détaillée sur l’accusé de réception, voir MUGNIER ( B.), L’accusé de réception dans la
procédure administrative non contentieuse, Mémoire de DEA de droit public, Université de Lille 2, 2002, 105p.
1504
V. Art. 20 al.2 et Art. 24 al. 3 de la Décision n°00000191 du 2 octobre 2014 fixant les modalités de règlement
des différends entre opérateurs des réseaux de communications électroniques au Cameroun.
1505
Voir http:// www.ccaa consulté le 26 juillet 2019.
1506
Voir http://www.cnc.cm, consulté le 26 juillet 2019.
1507
V. TOGOLO (O.), « La publication des actes administratifs par voie de mass-média », in ONDOA (M.), (dir.),
L’administration camerounaise à l’heure des réformes, Paris, L’Harmattan, 2010, pp.191 et s., spéc., p.205.

286
régulateurs sont épargnés des difficultés pratiques liées à cet outil de publication1508. En France
par contre, le régulateur du secteur de l’énergie en plus de publier ces décisions sur son site
internet, le fait aussi au journal officiel de la république française 1509 . La procédure
administrative camerounaise est donc soumise dans le droit des secteurs régulés à des exigences
de publicité. Toutefois, cette dernière est soumise à quelques limitations relativement à la
protection du secret des affaires. Nous aborderons cet aspect en traitant des effets de la
publication des actes des autorités de régulation.

B/- Les effets de la publication des décisions des autorités de régulation


Le législateur communautaire CEMAC relativement aux communications électroniques
n’énonce que « (…). Ces décisions sont rendues publiques dans les conditions et sous les
réserves prévues par les lois nationales »1510. En matière de communications électroniques le
législateur stipule que : « [l]’Agence rend publiques ses décisions et celles de l’arbitre sous
réserves des secrets protégés par la loi. Elle en fait notification aux parties ». De ce
rapprochement, il en résulte que les « réserves » dont il est question en droit communautaire
correspondent aux « secrets » dont parle le législateur camerounais. L’idée est que, la
publication des actes des autorités de régulation emporte des effets, outre d’être selon les propos
de Guillaume Fouda1511, l'un des impératifs de l’accès au droit. L'on peut regrouper ses effets
en termes d’avantage et d’inconvénients.
Dans le registre des avantages, nous pouvons relever que la publicité permet par exemple
à la décision de sanction prononcée de produire un effet dissuasif propre à renforcer l'action des
autorités de régulation concernées. Elle permet également d’assurer la prévisibilité des solutions
retenues par le régulateur. Ce qui permet de garantir une sécurité juridique aux opérateurs placés
sous l’autorité de l’organisme de régulation. La publicité revêt alors des intérêts indéniables.
La publicité toutefois ne devrait pas que concerne les actes négatifs, mais aussi les actes de mise
hors de cause. C'est le cas des actes ou décisions constant la fin ou l’extinction des litiges entre
opérateurs.
Dans le registre des inconvénients l'on peut poser le problème de l’atteinte à la réputation
de l’opérateur fautif. Ainsi on peut se demander s'il faut ou non publier une décision face à

1508
V. OWONA OMGBA (B.-J.), La publicité des actes juridiques en droit public camerounais. Recherche sur
l’accès au droit au Cameroun, op cit., pp.63 et s. ; FANDJIP (O.), « Les obstacles à la publicité des actes
administratifs dans les États d’Afrique francophone : l’exemple du Cameroun », op cit., pp.474 et s.
1509
Art. R. 134-16 du code de l’énergie édition du 28/08/2019, p.288.
1510
Art. 6 al. 1 du Règlement CEMAC n°21/08 du 19 décembre 2008 relatif à l’harmonisation des réglementations
et des politiques de régulation des communications électroniques.
1511
FOUDA (G.), « L’accès au droit : richesse et fécondité d'un principe pour la socialisation juridique et l’État de
droit en Afrique francophone », Afrilex, n°01/2000, spéc., p.6.

287
l’existence d’un risque de perturbation grave du secteur régulé ou de causer un préjudice
disproportionnée aux opérateurs. Il faut dire que renoncer à la publication de la décision serait
lui priver de ses vertus pédagogiques. Une solution pourrait se trouvera alors l'anonymisation
de la décision. C'est la posture dans le secteur des marchés financiers français où est requis un
droit à l’oubli1512. L’anonymisation serait un bon entre deux à la demande de l’opérateur mis
en cause et le refus devrait être motivé.
Dans le même registre des problèmes posés par la publication des décisions, l’on peut
questionner le contenu de la décision publiée relativement à la protection du secret des affaires.
Durant toutes les procédures contentieuses, les opérateurs jouissent d’un intérêt légitime à ce
que leurs secrets d’affaires ne soient divulgués1513. La notion de secret d’affaires ne fait pas
l’objet d’une définition par les textes. La notion est explicitement évoquée par le code de
commerce français en son article L. 463-4 sans toutefois la définir. C'est la doctrine européenne
qui en donne les contours1514. Il a ainsi été jugé que les « secrets d’affaires sont des informations
dont non seulement la divulgation au public mais également la simple transmission à un sujet
de droit différent de celui qui a fourni l’information peut gravement léser les intérêts de celui-
ci »1515. Il s’agit alors en général d’informations commerciales stratégiques ou de savoir-faire
sensibles, telles que les informations relatives à la rentabilité de l’entreprise, à sa clientèle, ses
pratiques commerciales, la structure de ses coûts, ses prix etc.
La protection du secret des affaires est alors un principe général qui s’applique de
l’ouverture de la procédure devant une autorité de régulation, à la publication de la décision1516.
C’est la raison pour laquelle nous décidons de l'aborder à ce niveau de l’étude1517. La protection
du secret des affaires est assez importante en matière de relations commerciales. C'est donc un
droit légitime des opérateurs des secteurs régulés camerounais. Le constat premier est que la
question ne fait pas l’objet de traitement spécifique.
Toutefois, en partant de la lecture des textes juridiques sectoriel le principe de la
protection serait fondé sur une publication limitée des décisions des régulateurs. Le droit
français aussi prévoit une publication limitée des décisions adoptées par les autorités de

1512
Art. L.621-15 du Code monétaire et financier, ici l'on estime que la publication soit écartée.
1513
LEMAIRE (Ch.), « La protection du secret des affaires devant le Conseil de la concurrence : une évolution
bienvenue », JCP/ La Semaine juridique- Édition entreprise et affaires, n°4, du 26 janvier 2006, p.192.
1514
V. GENESTE (B.), « Le secret d’affaires en droit communautaire et français de la concurrence », D. Aff., 1997,
pp.1271-1276.
1515
TPI, 18 septembre 1996, Postbank c/ Commission, Rec. CJCE 1996, II, p.921, spéc., point 87.
1516
En ce sens, voir CJCE, 6 avril 1995, BPB Industries, C-310/93, Rec. CJCE 1995, I, p.865 ; 24 juin 1986, Akzo
Chimie BV c/ Commission, C-53/85, Rec. CJCE 1986, I, p.1965, spéc., point 28 ; POTOCKI ( A.), « Brèves
observations sur la protection des secrets d’affaires dans l’ordonnance du 1 er décembre 1986 », Gaz. PAL., 13
février 1997, p.268.
1517
Nous avons déjà tout de même introduit son étude lorsque nous abordions la question du contradictoire.

288
régulation y compris l’autorité de concurrence1518. Seulement il nous semble que les autorités
de régulation, le gouvernement pu le législateur doivent prendre des textes pour mieux fixer le
cadre juridique de la protection du secret des affaires pour d’une part la sécurité juridique des
opérateurs et l’attractivité du système national de régulation d'autre part.

La publicité protège les justiciables contre une justice secrète, elle constitue en plus l'un
des moyens de contribuer à préserver la confiance dans les autorités de régulation. Cette
confiance doit être renforcé au regard des principes substantiels auxquels les autorités de
régulation sont soumises au moment de l’intervention dans le temps de leurs décisions.

PARAGRAPHE 2 : La teneur des garanties substantielles liées à l’intervention de


la décision des autorités de régulation

La décision prise par les autorités de régulation doit respecter au moment de son
émission certains principes substantiels qui ne manquent d’entretenir un lien plus ou moins
étroit entre eux. Il s’agit d'une part de la non-rétroactivité des décisions (A), et d’autre part, de
la prescription (B).

A/- La non-rétroactivité des décisions des autorités de régulation camerounaise


Toutes décisions affectent les sujets de droit et modifient leurs situations par
l'association dans l'office du juge ou du régulateur 1519 de l'interprétation de la règle et son
application particulière. En se plaçant du côté de la personne qui subit la décision Marie-Anne
Frison-Roche pose la question « qu'exige une personne du droit ? » elle répond que si la
personne est rationnelle, elle n'attend pas tant la satisfaction de ses intérêts, car ceux-ci peuvent
être changeants ou partagés, mais de connaître le sort que le droit lui réserve, de sorte qu'elle
puisse agir en intégrant cette donnée. De nombreuses théories, la sociologie cognitive, la théorie
analytique de l'action ou la théorie des jeux, renvoient à cette figure simple et libérale d'une
personne qui prend en considération les règles pour agir. D'où le principe classique de la non-
rétroactivité de la loi et le principe moderne d'accessibilité du droit1520. Le principe de non-
rétroactivité de la loi est repris par le législateur camerounais aussi bien en matière pénale qu’en
matière civile. Il participe de « ce qui est nommé tantôt la sécurité juridique, tantôt la confiance

1518
V. Art. L. 464-8 du Code de commerce.
1519
FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le pouvoir du régulateur de régler les différends. Entre office de régulation et
office juridictionnel civil », op cit, pp.269 et s.
1520
FRISON-ROCHE (M.-A.), « À propos de la rétroactivité de la jurisprudence », Revue Trimestrielle de droit
civil, 2/2005, chr. pp.310 et s.

289
légitime, tantôt encore la prévisibilité du droit1521 ». Il est donc un principe général du droit
aussi bien en France 1522 qu'au Cameroun 1523 . Toutefois le juge camerounais reconnaît à ce
principe une valeur relative pas une valeur absolue, c’est le cas surtout en matière pénal1524.
Il n’est donc pas étonnant qu’il soit repris par le droit administratif général et répressif.
L’idée étant que le principe de non-rétroactivité ne s’adresse pas seulement aux autorités
investies du pouvoir de créer des règles de droit, mais aussi, surtout, en ce qui concerne la loi,
aux organes chargés d'en faire application 1525 . Les autorités de régulation au Cameroun
prennent toutes la forme juridique de l’établissement public. Elles sont donc soumises aux
règles applicables à toutes autorités administratives, dans la prise de leur décision surtout en
matière de sanction administrative. Elles rencontrent donc ledit principe.
On entend par rétroactivité, le fait pour une règle nouvelle de s’appliquer à une situation
constituée avant la date normale ou différée de son entrée en vigueur1526. Dans le même sens
pour Jacques Petit, la rétroactivité d’un acte juridique s’entend comme l’application d’une règle
nouvelle à une situation constituée avant la date normale ou différée de son entrée en vigueur1527.
Pour Gweltaz Éveillard 1528 la rétroactivité se définit comme « une anticipation de la date
d’applicabilité par rapport à la date d’observabilité, la première marquant alors l’entrée en
vigueur de la loi nouvelle, d’autre part comme l’applicabilité de la loi aux situations constituées
au jour de la publication de la loi ». L’observabilité désigne le moment où la règle devient
obligatoire pour ses destinataires tandis que l’applicabilité détermine le champ temporel des
faits soumis à la norme. Pour le juge administratif camerounais, le critère de la rétroactivité
réside dans l’antériorité des effets d'un acte administratif par rapport à son entrée en vigueur1529.
C’est donc la date d’entrée en vigueur de l’acte qui est prise en considération par la
jurisprudence pour déceler la rétroactivité d’une décision administrative1530.

1521
AMRANI MEKKI (S.), « À propos de la rétroactivité de la jurisprudence », Revue Trimestrielle de droit civil,
2/2005, chr., p.293.
1522
Aussi bien en droit civil (Art. 2 du Code civil) ; en droit pénal (Art. 112-1 code pénal français ; et en droit
administratif, voir CE, Ass., 25 juin 1948, société du journal « L'Aurore », Recueil Lebon p.289
1523
V. C.F.J/ arrêt n°90 du 30 septembre 1969, Messomo Atenen Pierre, inédit.
1524
V. C.S., arrêt n°115/P du 13 mars 1973 ( 1 er espèce) ; C.A., de Douala, arrêt n°228/P du 18 janvier 1973 ( 5 e
espèce).
1525
PETIT ( J.), Les conflits de lois dans le temps en droit public interne, Paris, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit
public, 2002, 655p., spéc., p.32 et pp.108-110.
1526
PETIT (J.), Les conflits de lois dans le temps en droit public interne, Paris, L.G.D.J., Coll. Bibl. de droit public,
tome 195, 2002, pp.93 et s.
1527
PETIT (J.), Les conflits de lois dans le temps en droit public interne, Paris, LGDJ. Coll. Bibliothèque de droit
public, tome 195, 2002, spéc., pp.93 et suiv.
1528
ÉVEILLARD (G), Les dispositions transitoires en droit public français, Paris, Dalloz coll. Nouvelle
bibliothèque de thèses, tome 62, 2007, n°278.
1529
V. C.F.J/ arrêt n°90 du 30 septembre 1969, Messomo Atenen Pierre, inédit.
1530
CS/ C.A, jugement n°53/C.S/C.A, du 28 avril 1983, Ngon A Rikong, inédit.

290
Deux critères de définition se dégagent donc ici à savoir la mise en vigueur anticipée et
l’application à une situation constituée. La non-rétroactivité exclus donc en principe ces deux
critères. Autrement dit en droit administratif, comme l’explique René Chapus ; les autorités
administratives ne peuvent fixer l’entrée en vigueur de leurs décisions règlementaires ou non à
une date antérieure à celle de leur publication ou affichage ou alors de leur signature, de leur
notification, de leur transmission à l’autorité de tutelle 1531 . Cependant, reconnaissons avec
Gweltaz Éveillard que ce principe n’exclut pas que l’acte ait un effet immédiat sur les situations
en cours ou à venir1532.
Toutefois, il faut distinguer le cas d’une infraction instantanée et celui d’une infraction
continue. En matière d’infraction instantanée, on peut remarquer que puisque le principe ici
entendue n’est qu’un corollaire de la règle nulla poena nullum crimen sine lege et que ce dernier
ne semble pas s’appliquer en droit disciplinaire, alors le principe de non rétroactivité ne
s’applique pas lui non plus en cette matière1533. Cela ne semble pas expliquer le fait que l’on
puisse donner un effet rétroactif à une mesure disciplinaire1534.

Dans le second cas, le juge administratif français semble ne pas censurer l’application
immédiate d’un texte nouveau à une infraction en cours au moment de l’édiction du nouveau
texte d’incrimination1535. Par contre annule-t-il des sanctions qui produisent des effets avant
leur entrée en vigueur1536. Il faut tout de même relever qu’en France, il s’observe une certaine
évolution ; le principe s’applique de plus en plus à l’infraction continue. Cela résulte pour la
doctrine d’une interprétation originale de l’infraction continue1537, perçue alors, dans un but
répressif, comme une infraction permanente1538. Ce principe de non-rétroactivité implique dès
lors une autre garantie liée à l’intervention de la décision à savoir la prescription.
B/- Le respect de la prescription
La prescription, parce qu’elle permet d’admirer les capacités d'auto – adaptation d’une
régulation juridique qui réussit à inscrire tout fait ou acte dans la chaîne ininterrompue du temps,
porte une autre idée de justice qui veut qu'on oublié ce qui a trop duré sans trouver à se

1531
CHAPUS (R.), Droit administratif général, tome 1, op cit, n°1336.
1532
ÉVEILLARD (G.), Les dispositions transitoires en droit public français, Paris, Dalloz, Coll. Nouvelle
Bibliothèque de thèse, tome 62, 2007, n°268, p.200.
1533
CE sect., 27 mars 1936, Bony, D., 1938, concl. M. Renaudin, note M. WALINE, p.36 ; 20 février 1920, Durand,
Recueil Lebon, p.192.
1534
CE 22 novembre 1918, Driat, Recueil Lebon, p.1046.
1535
PETIT (J.), Les conflits de lois dans le temps en droit public interne, op cit, pp.406 à 407.
1536
V. CE, 4 février 1949, Muckensturn, Recueil Lebon tables, p.718.
1537
MOURGEON (J.), La répression administrative, op cit, p.354.
1538
PETIT (J.), Les conflits de lois dans le temps en droit public interne, op cit, p.407.

291
réaliser1539. La prescription est ainsi le bras séculier de l'oubli et de fait tient sa légitimité de la
stabilité sociale qu’elle induit1540. C'est donc un outil essentiel et privilégié de la relation du
temps au droit1541. La prescription participe alors à la construction d’une temporalité propre au
monde juridique. Elle permet de dresser le constat de l’emprise du temps sur l’homme autant
qu’elle construit dans l’ordre juridique, l’action de l’homme sur le temps 1542. La prescription
logiquement donc se retrouve dans l’ensemble des ordres juridiques nationaux 1543. Le droit
camerounais ne fait pas exception. Toutefois, son étude en générale demeure plus cantonnée en
droit privé où elle domine toute la matière du droit des obligations, sa terre d’élection 1544 .
Cependant, il ne faudra pas penser qu’elle serait absente dans la recherche en droit public1545.

1/- Le fondement de la prescription : la sécurité juridique


La question du fondement de la prescription n'est pas aisée à aborder du fait que
l’institution se retrouve aussi bien en droit privé qu'en droit public. Et lorsque l’on sait que cette
division générale du droit est mise à mal par le droit de la régulation, la difficulté s’accentue.
Toutefois, il faut avec Charles Froger, aller au-delà des divergences pour trouver dans la
sécurité juridique le fondement moderne et unique de la prescription1546. Dans cette posture il
n'est pas le seul1547. La sécurité juridique en tant que principe n’existe pas expressément en droit

1539
OST ( F.), Le temps du droit, Paris, Odile Jacob, 1999_ spéc., p.133.
1540
LETTERON ( R.), « Le droit à l'oubli », RDP, 1996, pp.385-424, spéc., p.389.
1541
MARTENS ( P.), « Temps, mémoire, oubli et droit », in GÉRARD ( P.), OST ( F.), VAN DE KERCHOVE
( M.), ( dir.), L’accélération du temps juridique, Bruxelles, Publication des Facultés universitaires de Saint-Louis,
2000, pp.729-735, spéc., p.731.
1542
V. HEBRAUD, « Observations sur la notion de temps dans le droit civil », in Études offertes à Pierre Kayser,
tome 2, Aix-Marseille, PUAM, 1979, pp.1-58, spéc., p.13.
1543
De façon non exhaustive, v. MAZEAUD ( D.) et WINTGEN ( R.), « La prescription extinctive dans les
codifications savantes », Dalloz, 2008, pp.2523-2527 ; FAUVARQUE- COSSON ( B.), « Aspects de droit
comparé de la prescription », in COURBE ( P.) ( dir.), Les désordres de la prescription, Rouen, P.U.R., 2000,
pp.45-65 ; LICARI ( F.-X.), « Le nouveau droit français de la prescription extinctive à la lumière d’expériences
étrangères récentes ou en gestation ( Louisiane, Allemagne, Israël) », R.I.D.C., 2009, pp.739-784.
1544
BANDRAC (M.), La nature juridique de la prescription extinctive en matière civile, Paris, Economica, coll.
Droit civil, 1986, 245p. ; FOURNIER ( S.), Essai sur la notion de prescription en matière civile, Thèse de droit,
Université de Grenoble, 1992, 445p ; BRUSCHI ( M.), La prescription en droit de la responsabilité civile, Paris,
Economica, coll. Droit civil, 1997, 365p ; COLLIN ( A.), Pour une conception renouvelée de la prescription, Paris,
Defrenois, coll. Doctorat et Notariat, 2010, 542p.
1545
V. FROGER ( Ch.), La prescription extinctive des obligations en droit public interne, Thèse de droit,
Université Montesquieu- Bordeaux 4, 2013, 658p ; ECKERT ( G.), et KOVAR ( J.-P), « La réforme du droit de la
prescription : aspects de droit public », LOA, n°66, 2 avril 2009 pp.25-33 ; ROUQUETTE ( R.), « Les
prescriptions en droit administratif », Dr., Adm., 2002, n°8-9, pp.6-10 ; HEURTÉ ( A.), « La prescription en droit
administratif », AJDA, 1959, pp.5-13.
1546
FROGER ( Ch.), La prescription extinctive des obligations en droit public interne, Op. Cit., pp.91 et s.
1547
FRANCOIS ( J.), Droit civil. Les obligations. Régime général, tome 4, Paris, Economica, coll. Droit prive, 3 e
éd., 2013, 539p., spec., p.139 ; MALINVAUD ( P.), et FENOUILLET ( D.), Droit des obligations, Paris, Litec,
coll. Manuel, 12e éd., 2012, 760p, spec., p.687 ; GAUDEMET (E.), Théorie générale des obligations, rééd., Paris,
Dalloz, 2094, 508p., spéc., p.179 ; COLLIN ( A.), Pour une conception renouvelée de la prescription, Op. Cit.,
spec., pp.55-57 ; LASSERRE-KIESOW ( V.), « La prescription, les lois et la faux du temps », J. C.P. N., 2004,
pp.772-786.

292
camerounais. Seulement, l'on peut aisément l’associée à la construction de l’État de droit.
L’idée étant que la sécurité juridique, parce qu’elle renvoie à la possibilité pour un sujet de droit
de « savoir et prévoir »1548 la réglementation juridique applicable à une situation de fait dans
laquelle il se trouve ou se trouvera, est un instrument au service de l'ordre et de la stabilité dans
la vie juridique de l’État de droit1549. Il en constitue alors un élément essentiel1550.
Les rapports entre prescription et sécurité juridique seraient liés à la conception
temporelle selon laquelle la sécurité juridique rassemble l’ensemble des moyens que « se donne
le droit pour figer ce qui est antérieur et prévoir l’avenir », une conception qui présente alors
le caractère dualiste de la sécurité juridique qui non seulement assure l’inscription du droit dans
le passé grâce à l’exigence de stabilité, mais aussi dans le futur en garantissant la prévisibilité
du droit devenu lisible et accessible 1551 . La sécurité juridique emporte alors l’exigence de
confiance légitime que des particuliers peuvent fonder dans la réglementation. Michel Fromont
écrit dans ce sens que « le principe du respect de la confiance légitime n'est au fond que la face
subjective et concrète du principe de la sécurité juridique stricto sensu » 1552 . On pourrait
convenir donc que la sécurité juridique, cette exigence fondamentale1553 de l’État de droit peut
être rangé parmi « ces principes majeurs, des « principes matriciels » en ce qu’ils engendrent
d'autres droits de portée et de valeur différentes »1554.
Dans une telle perspective donc, la prescription concrétiserait la double inscription du
droit dans le temps recherchée par la sécurité juridique1555, que sont la prévisibilité et la stabilité
juridique. Cette dernière implique que soit assurer la stabilité des situations acquises après un
laps de temps plutôt que de laisser régner l’incertitude, il faut alors une prescription1556. En droit
européen des droits de l’homme le juge1557 reconnaît que les délais de prescription ont plusieurs

1548
PACTEAU (B.), « La sécurité juridique, un principe qui nous manque ? », AJDA, 1995, spécial, pp.151-155,
spéc., p.154.
1549
V. ROUBIER (P.) et MANKIEWICZ (H.), « Sécurité juridique et justice », in Recueil d’études en l’honneur
de Édouard Lambert. Introduction au droit comparé. Le droit comparé comme science sociale, tome 3, Paris,
LGDJ, 1938, pp.35-43, les auteurs traduisent ici les propos de W. Sauer.
1550
Dans ce sens, voir AUBY ( J.-B.) et DERO-BUGNY ( D.), « Les principes de sécurité juridique et de confiance
légitime », in AUBY ( J.-B.) et DUTHEIL DE LA ROCHERE ( J.), (dir.), Droit administratif européen, Bruxelles,
Bruylant, 2007, pp.473-491, spéc., p.475.
1551
V. RAIMBAULT ( P.), Recherche sur la sécurité juridique en droit administratif français, Paris, LGDJ, coll.
Bibliothèque de droit public, 2009, 693p., spéc., p.40.
1552
FROMONT (M.), « Le principe de sécurité juridique », AJDA, spécial, 1996, pp.178-184 ; AUBY ( J.-B.) et
DERO-BUGNY ( D.), « Les principes de sécurité juridique et de confiance légitime », Op. Cit., p.486.
1553
CRISTAU (A.), « L’exigence de sécurité juridique », Dalloz, 2002, pp.2814-2819, spéc., p.2816.
1554
MATHIEU (B.), « Pour une reconnaissance de ‘’principes matriciels'' en matière de protection
constitutionnelle des droits de l’Homme », D., 1995, pp.211-212, spéc., p.212.
1555
FROGER (Ch.), La prescription extinctive des obligations en droit public interne, op cit., p.97.
1556
HEURTÉ (A.), « La prescription en droit administratif », op cit., pp.5-13
1557
Cour. EDH., 22 octobre 1996, Stubbings et autres c/ Royaume-Uni, req., n°22083/93 et 22095/93, paragraphe
51.

293
finalités importantes, à savoir la sécurité juridique en fixant un terme aux actions, mettre les
défendeurs potentiels à l’abri de plaintes tardives pouvant être difficiles à contrer, et empêcher
l’injustice qui pourrait se produire si les tribunaux étaient appelés à se prononcer sur des
événements survenus loin dans le passé à partir d’éléments de preuve auxquels on ne pourrait
plus ajouter foi et qui seraient incomplets en raison du temps écoulé. Gaston Jeze1558 soulignait
en son temps, et dans le même sens que l’Intérêt social exige que les relations entre les individus
aient une grande stabilité. La prescription répond, malgré les injustices auxquelles elle peut
conduire, à cette nécessité de stabilité. C'est vraiment la patrona generis humani. Il nous faut
voir à présent son régime EB matière de régulation des services publics en réseau camerounais.

2/- Le régime de la prescription


La répression administrative a longtemps été présentée comme un domaine gouverné
par le principe d’imprescriptibilité1559. Cette posture n'est plus tenable de sorte que la répression
administrative aujourd’hui révèle la réception des principes du droit pénal comme nous l’avons
vu, y compris donc la prescription. La répression administrative serait donc bel et bien soumise
à la prescription extinctive. C'est le cas en droit français1560, Georges Dellis, prenant en compte
l’exigence de sécurité juridique, préconisait la conformation, dans le champ de la répression
administrative envers les administrés, d'un principe général de prescription de l’action
répressive, partant du fait que l’administré ne doit pas encourir le risque permanent d’une
poursuite en raison d’un comportement qui normalement devrait sombrer dans l'oubli1561. Ainsi,
l'on peut lire en substance dans les textes juridiques régissant les services publics régulés
camerounais que les autorités de régulation ne peuvent être saisies des faits remontant à plus de
cinq ans, si aucune action tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction n'a été
mise en œuvre avant cette période1562. On peut donc parler d’une uniformisation du délai de
prescription extinctive. Ce délai quinquennal de prescription est aussi observable en droit
français dans le cas du secteur des transports ou en matière de concurrence en France1563, mais

1558
JEZE ( G.), Les principes généraux du droit administratif. La technique du droit public français, Tome 1,
1925, 3e éd., rééd., Paris, Dalloz, 2005, 443p., spéc., p.72.
1559
V. MOURGEON ( J.), La répression administrative, Paris, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit public, 1967,
643p. Spéc., pp.356-361 ; DELLIS (G.), Droit pénal et droit administratif. L’influence du droit pénal sur le droit
administratif répressif, Paris, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit public, 1997, 464p., spéc., pp.293-296.
1560
PERROUD (Th.), La fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, op cit.,
pp 890 et suiv.
1561
DELLIS (G.), Droit pénal et droit administratif. L’influence du droit pénal sur le droit administratif répressif,
op cit., p.296.
1562
Art. 87 de la loi n°2011/022 du 14 décembre 2011 régissant le secteur de l’électricité au Cameroun ; Art. 43
de la loi régissant les télécommunications.
1563
V. Art. 6 de l’ordonnance n°2004-1173 du 4 novembre 2004 portant adaptation de certaines dispositions du
code de commerce au droit communautaire de la concurrence, JORF, du 5 novembre 2004, p.18689.

294
comme exception. En effet, en France dans les secteurs des communications électroniques1564
et de l’électricité1565 la prescription est de trois ans en principe.
En droit français, la question s'est posée de savoir si un délai important entre la mise en
demeure et la sanction ne prescrit pas les faits incriminés dans cette première mise en demeure.
Le juge administratif suprême a jugé que « le Conseil supérieur de l'audiovisuel n’était pas
tenu d'adresser à la société une nouvelle mise en demeure avant de décider de la sanction
attaquée, alors même que cette mise en demeure portait sur des faits remontant à plus de quatre
ans »1566.
La prescription est ici extinctive elle est alors un mode extinction de l’action et des droits
y relatifs1567. Elle serait alors constitutive de fin de non-recevoir. La possibilité d’agir devant le
régulateur est dont anéantie. Dès lors la survenance du terme de ce délai entraîne l’irrecevabilité
de l’action1568 devant les autorités de régulation.
Le délai ainsi fixé dans les secteurs régulés camerounais semble se limiter qu’à
l’exercice du pouvoir de règlement des différends. Les dispositions relatives au pouvoir de
sanction n'en faisant pas mention. Doit- on conclure au maintien d'une imprescriptibilité en
matière de sanction administrative dans les secteurs régulés ? Il semble qu’en France, il n’existe
pas de règle de prescription de l’action répressive en droit administratif. La règle serait donc
l’imprescriptibilité de l’action répressive. Dès lors, on peut comprendre le silence gardé par les
textes en matière de régulation. La posture doit être
Il se pose dès lors le problème de détermination du point de départ du délai est- il fixé à
la date des faits ou alors il commence à courir à compter du dernier acte d’instruction ou de
poursuite ? La détermination du point de départ du délai est importante dans le régime de la
prescription puisqu’il faut identifier la date à laquelle est survenu l’événement déclenchant le
délai. Les textes en matière de régulation au Cameroun n’offrent pas des précisions sur la
computation des délais de prescription. En France il existe un point de départ commun issu de
l’article 2224 du code civil est le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître
les faits lui permettant d’exercer son droit. Ce point de départ n'est pas unique, il en existe

1564
Art. L. 36-11-4° du CPCE
1565
Art. L. 40-6 de la loi n°2010-108 du 10 février 2000 modifiée, relative à la modernisation et au développement
du service public de l’électricité. ; Il en est de même en matière de liberté de communication v. Art. 42-5 de la Loi
n°86-1067 du 30 septembre 1986.
1566
V. CE, 22 octobre 2010, Société Vortex, n°324614, AJDA 2011, p.740, note (C.), Benelbaz ; La semaine
juridique Édition Générale, n°24, 13 juin 2011, p.704, note ( L.), Calendri.
1567
V. BANDRAC (M.), La nature juridique de la prescription extinctive en matière civile, Paris, Economica,
1986, 245p.
1568
V. OMAR (A.), La notion d’irrecevabilité en droit judiciaire privé, Paris LGDJ, coll. Bibliothèque de droit
privé, 1967, 232p., spéc., pp.76-92.

295
plusieurs issus des règles spéciales. L’article 2224 serait donc applicable lorsque le point de
départ de la prescription n'est pas prévu par une disposition spéciale1569.
Le droit des secteurs régulés semble au regard de l’énoncé textuel placé le point de
départ au moment de la naissance du fait et de sa connaissance. Ce délai de prescription doit
être analysé relativement aux infractions instantanées et des infractions continues. Il est admis
en matière de concurrence par exemple que le point de départ n’est pas le même et donc que
l’interruption de la prescription est subordonnée à l’accomplissement d'un acte tendant à la
recherche, à la contestation ou à la sanction de pratiques anticoncurrentielles dont le régulateur
est saisi.
CONCLUSION DU CHAPITRE
Le principe de légalité n’est donc pas mis de cote dans la régulation des services publics
de réseaux aux Cameroun. La fonction contentieuse parce qu’elle se rapproche de l’office du
juge aussi bien pénal1570, que civil1571 emporte pour les opérateurs de ces secteurs ouverts à la
concurrence une protection identique à celle de tous justiciables, dévoilant ainsi l’influence des
principes du droit pénal sur le droit administratif répressif.

1569
FROGER ( Ch.), La prescription extinctive des obligations en droit public interne, op cit., p.452.
1570
V. DELLIS ( G.), Droit pénal et droit administratif : l’influence des principes du droit pénal sur le droit
administratif répressif, Paris, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit public, tome 184, 1997, 464p. ; DELMAS-
MARTY (M.), et TEITGEN-COLLY (C.), Punir sans juger : de la répression administrative au droit administratif
pénal, Paris, Economica, 1992, 191p.
1571
V. FRISON-ROCHE (M.-A.), « Le pouvoir du régulateur de régler les différends : entre office de régulation
et office juridictionnel civil », op. Cit., p.274

296
CONCLUSION DU TITRE

La fonction de régulation porte en son cœur une fonction contentieuse qui rapproche les
autorités de régulation de la figure de la juridiction. Cette fonction contentieuse doit toutefois
obéir aux règles relatives et au procès équitable et au respect des droits de la défense. Le
législateur en a disséminé dans les dispositions législatives. Ainsi offre-t-il une certaine sécurité
juridique aux opérateurs économiques. Toute chose qui participe à l’attractivité du marché
économique camerounais. Les autorités de régulation doivent dès lors, mettre un point
d’honneur au respect de ces exigences de l’État de droit.

297
CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE

Le législateur camerounais aura dans le cadre de la régulation des services publics de


réseaux offert une fonction contentieuse aux autorités de régulation jetant un certain trouble
quant à leur nature. Car dans l’usage par exemple du pouvoir de règlement des différends il est
impossible de ne pas voir la figure du juge civil. Les autorités de régulation participeraient
d’une certaine dépossession des juges ordinaires de leur monopole dans l’exercice de la
fonction contentieuse. Toutefois cette dernière est soumise au respect du droit à un procès
équitable et des droits de la défense.

298
CONCLUSION GENERALE

299
Au terme de cette recherche, il importe de faire état des enseignements qui ont pu être
tirés en analysant les instruments normatifs de régulation des services publics de réseaux. La
fonction de régulation, exercée par l’État, ce, à travers des organismes inédits, est une activité
administrative nouvelle. Elle consiste à ouvrir les services publics de réseaux à la concurrence
et à maintenir cette dernière en équilibre avec d’autres impératifs non concurrentiels. C'est une
activité qui se place au cœur de la mondialisation et l’économie de marché1572. Cette activité
administrative nouvelle participe ni plus ni moins qu’à la satisfaction de l’intérêt général, qui
ne renvoie qu’à l’idée de besoin de la population. Autrement-dit, la fonction de régulation ne
se range pas dans les fonctions classiques de l’administration ; elle n’est donc pas un service
public au sens classique, encore moins, une police administrative, toutefois, la régulation
emprunte à ces dernières fonctions certains de leurs éléments. Cela implique alors désormais
de poser le marché et l’État en partenaires.

La régulation économique sectorielle recherche en permanence l’équilibre1573 entre des


intérêts contradictoires. Elle ne perçoit plus le marché comme hostile à l’intérêt général, mais
bien plus, comme une composante essentielle de cet intérêt général. Ainsi l’État revient-il dans
le marché mais comme facilitateur, comme catalyseur du marché. La mutation commence donc
là, dans les objectifs de cette nouvelle fonction administrative qui a pour centre le marché1574.
À savoir, permettre l’accès à une ressource rare, et ce à fin d’exercer une activité d’intérêt
général.

La mutation se poursuit avec la mise en place des autorités de régulation, à qui dont
l’activité de régulation est confiée au premier plan dans les services publics de réseaux. Ces
derniers sont alors régulés de façon non contentieuse premièrement mais aussi de façon
contentieuse. Dans ce double mouvement les instruments utilisés ne sont pas les mêmes, mais
ils s’agencent et se complètent fortement et ce dans le même objectif. Autrement dit, lorsque
l'on se réfère au droit administratif camerounais général. Certes la nature d’établissement public
administratif, des autorités de régulation est connue, mais les instruments normatifs octroyés à
ces organismes de régulation sont pour un établissement public une réelle innovation.

1572
Ces deux phénomènes sont l’arrière-plan de la régulation, dans ce sens, voir FRISON-ROCHE (M.-A.),
« Définition du droit de la régulation économique », op cit., pp.121 et suiv.
1573
V. AGUET (Y.), « L’équilibre, finalité du droit de la concurrence », in Mélanges en l’honneur de Yves Serra,
Paris, Dalloz, 2006, pp.29-58 ; FRISON-ROCHE (M.-A.), « Définition du droit de la régulation économique », op
cit., pp.126-129.
1574
DELLIS (G.), « Régulation et droit public « continental ». Essai d’une approche synthétique », op cit., p.959.

300
Ainsi les autorités de régulation disposent d’instruments non contentieux de régulation ;
il s’agit des pouvoirs administratifs de réglementation et des pouvoirs administratifs de contrôle.
L’analyse des premiers démontre que le pouvoir réglementaire confié aux autorités de
régulation n’est pas contraire à la constitution camerounaise. Ceci au regard de sa double
limitation sur le plan de son objet et de son domaine. Cependant, la réglementation ne se diffuse
pas à travers ce seul instrument. Elle est aussi portée par des actes dits recommandatoires, et
qui relèvent des actes du droit souple. Toutefois, si ces derniers actes sont non contraignants a
priori, ils ne manquent pas de jouir d’une grande influence sur les acteurs du marché. Ainsi,
parler pour les autorités de régulation reviendrait aussi à réguler1575. Il ne tardera donc pas, de
voir émerger dans ce contexte camerounais, la question de la valeur juridique de ces instruments
de régulation.

À ce propos, notre étude, de façon prospective et comparative, permet de voir qu’une


valeur juridique pourrait être reconnue à ses instruments de droit souple. Des approches
récentes en théorie du droit en offre les bases. Les juges français ont déjà franchi le pas. Certes,
l'on a souvent décrié le mimétisme des droits africains par rapport au droit français. Mais en
matière de régulation, ce mimétisme est salvateur. Ceci compte tenu du fait que suivre la voie
du droit français qui admet que les actes de droit souple puissent être porter devant les juges,
permet d’élargir le champ d’emprise de la légalité et soumet ainsi l’administration en général
au respect du droit.

De même, la recherche a permis de relever une mutation dans la conception de


l’autorisation administrative. Ce dernier cessant d’être uniquement un temps instrument de
police, pour ici être un instrument de gestion, de filtrage des opérateurs économiques à laisser
entrer dans les services publics de réseaux. Cette perspective influence alors son régime
juridique qui ouvre la voie à une possible patrimonialisation des autorisations administratives.
En même temps, l'on observe que ce pouvoir d’autorisation qui est au cœur de l’ouverture à la
concurrence n'est pas une exclusivité des organismes de régulation. Le gouvernement à travers
les ministres détient en grande partie ce pouvoir aussi. De sorte que l'on pourrait parler d’une
régulation bicéphale des services publics de réseaux.

La recherche démontre aussi le fait les autorités de régulation disposent de grand pouvoir
de contrôle. Ce dernier pouvoir est un instrument essentiel dans la perspective de favoriser

1575
V. KIRAT (Th.), MARTY ( Fr.), BOUTHINON-DUMAS (H.), et REZAEE ( A.), « Quand dire c’est réguler »,
in Économie et Institutions, 25/2017, disponible en ligne à l’adresse http://journals.openedition.org/ei/5862,
consulté le 14 juin 2019.

301
l’accès à l’infrastructure essentielle. À cet effet, le législateur camerounais a érigé les autorités
de régulation en nouveaux juges des contrats privés, et ce en dehors de tout contentieux, à
travers leur pouvoir de visa. Le contrat privé entre opérateurs économiques n'est plus ici la seule
chose des parties. Il est plus la chose du marché, et donc aussi du régulateur. Une conception
objective de ce pilier du droit s’impose alors.

C'est cette même approche objective qui irrigue le contrôle de la concurrence entre les
opérateurs dans les services publics de réseaux. Ainsi sont prohibés les comportements pouvant
restreindre une concurrence saine et loyale dans le marché. L’analyse de ce contrôle révèle que
ce dernier offre la possibilité aux autorités de régulation sectorielle, d’avoir dans le
fonctionnement interne des entreprises présentent dans les secteurs régulés, un certain droit de
regard et même de véto, plus puissant que celui d'un actionnaire. En effet, son droit de véto peut
être assortie de mesures coercitives pouvant aller jusqu’au retrait de l’autorisation, avec pour
conséquence l’exclusion du secteur de l’opérateur.

Dès lors, l’étude de la fonction de régulation montre que cette dernière se double d'une
fonction contentieuse. Cette dernière est confiée aux autorités de régulation, ravivant l’idée
d'une activité contentieuse de l’administration. Certes, cette dernière n'a jamais réellement
disparue, si l'on jette un regard en matière fiscale. Toutefois, elle prend une autre dimension en
matière de régulation. En effet, il ne s’agit pas ici uniquement du pouvoir de sanction, mais
aussi et surtout du pouvoir de règlement des différends entre opérateurs. Ce dernier point,
cristallise l’innovation camerounaise dans la théorie de l’établissement public en droit
administratif général. En effet, ce pouvoir de règlement des différends oscille entre régulation
et office juridictionnel civil1576.

Le législateur camerounais impose même aux opérateurs de saisir préalablement les


autorités de régulation. Il leur offre ainsi la priorité voire la primauté par rapport aux juges
ordinaires. Les autorités de régulation seraient alors des « juges » d'un genre nouveaux. Ce qui
pose le problème de la nature juridique de la décision de règlement des différends. Il ressort de
notre étude que cette dernière, en fonction du mode de règlement des différends utilisé, change.
Ainsi est-elle en principe un acte administratif, mettant à mal au passage les éléments de
définition retenues en droit administratif camerounais. Elle peut aussi être un acte plus proche
de celui des juges ordinaires, c’est-à-dire un acte juridictionnel. Dès lors, l’exercice de leur

1576
FRISON-ROCHE (M.- A.) « Le pouvoir du régulateur de régler les différends. Entre office de régulation et
office juridictionnel civil », op citt., pp.269 et suiv.

302
fonction contentieuse est assortie de garanties diverses pour les opérateurs. Les organismes de
régulation n’évoluent donc pas en marge de l’État de droit et du respect des droits et libertés
fondamentaux qui y sont inhérents.

303
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25- SEFFAR Karim
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26- SEUROT Laurent
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27- STOYNEV Yvan
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de l'énergie, Thèse de droit privé, Université de Paris II Panthéon-Assas, 2011, 389p.
28- VIGNAL Nancy,
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29- VILLABLANCE-HECKER Lusitania
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2- DOMPIERRE-MAJOR Laurence,
Impact de la crise financière de 2008-2009 sur le modèle de développement proposé par
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mémoire de droit privé, Université de Québec, février 2012, 156p.
3- ENGO ASSOUMOU Christian
Les garanties d’impartialité du juge dans le code de procédure pénal, Mémoire de DEA
en droit privé, Université de Yaoundé 2-Soa, 2008, 103p.

310
4- FEUGUENG SIPOWO Franck Dave
La régulation du secteur public marchand en droit administratif camerounais, Mémoire
de Master Recherches en droit public, Université de Ngaoundéré, 2013-2014, 114p.
5- LELE Agathe Florence
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6- MVOGO BELIBI Richard martial
La libéralisation du secteur des télécommunications au Cameroun : Chronique
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II-Soa, 2004, 94 p.

7- NIOKHOR MBENGUE Amadou,


La régulation de l’économie numérique au Sénégal : la convergence des
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8- NGON A MOULONG Jean Duclos
Les critères du procès administratif équitable en droit positif camerounais, Mémoire de
Master II en droit public, Université de Yaoundé 2-Soa, 2012, en ligne sur
http://www.memoireonline.com.
III/- ARTICLES

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2- AMSELEK Paul
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3- ARNAUD André-Jean
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« Les avis et recommandations des autorités administratives indépendantes », in Le droit
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Paris, Dalloz, 2009, pp.59-74.
6- BAZEX Michel
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- « Les interactions entre le droit et l’économie : l’exemple du contrôle par le juge
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droit , mélanges en l’honneur de Michel Troper, 2006, pp.139-151.
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7- BEATRIX Olivier
« L’indépendance de la commission de régulation de l’énergie », RFAP, n°143, 2012/3,
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8- BEAUX Amélie
« La régulation du marché postal en France », Jurisdoctoria, n°9, 2013, pp.57-75.
9- BERRI Noureddine
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10- BERNARD Elsa
« L’activité économique », un critère d’applicabilité du droit de la concurrence rebelle
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11- BETBEZE Jean-Paul,
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12- BIPOUM WOUM Joseph-Marie
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13- BOURGEOIS Isabelle,
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47- GUINARD Dorian
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61- KALFLECHE Grégory,
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« Entreprises et droits de l’homme – Vers une convention internationale ? », in Mélange
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64- KOVAR Jean-Philippe
« La soumission des autorités de régulation aux garanties du procès équitable », RD
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65- LANORD Martin
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67- MANGA ZAMBO Éleuthère
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« La fonction transactionnelle des organes communautaires de régulation de la
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87- NOGUELLOU Rozen
« Le Conseil d’État et la régulation des télécommunications (à propos des arrêts du
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88- NYAMA Jean-Marie
« La liberté de commerce et la concurrence dans le cadre de la loi camerounaise du 10
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89- OLIVIER Laurent
« Construction, déconstruction, réinvention de l’État-providence », Civitas Europas,
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90- OLLEON Laurent
« Sécurité des marchés : le refus d’une autorité administrative d’engager une procédure
disciplinaire, le cas de l’autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, conclusion sous
conseil d’État sect., 30 novembre 2007, Michel Tinez et autres, req., n°293952 », RFDA, 2008,
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91- ONDOA Magloire
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- « Le droit administratif français en Afrique : contribution à l’étude de la réception des
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93- PEKASSA NDAM Gérard
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94- PIWNICA Emmanuel
« La dévolution d'un pouvoir de sanction aux autorités administratives indépendantes »,
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95- PRALUS-DUPUY Joëlle
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97- RAPONE Denis

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électronique », RFDA, 2009, pp.39-49.
98- RENAUD Sébastien
« Les autorités de régulation et le démembrement du pouvoir central », RRJ, Droit
prospectif, n° spécial « pouvoir réglementaire et délégation de compétence normative », 2001,
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99- RENAUDIE Olivier,
- « Les communiques de presses du conseil d’État : outil pédagogique ou support de
communication ? », in HECQUARD-THERON (M.), et RAIMBAULT (P.), (dir.), La
pédagogie au service du droit, Paris, LGDJ, 2011, pp.293-309.
- « Que reste-t-il du pouvoir de police générale du gouvernement en matière
économique ? », Les Petites Affiches, n°16, 22 janvier 2009, pp. 24-32.
100- RECOURD Serge
« Archéologie du service public audiovisuel : quel passé pour quel avenir ? », Les enjeux
de l’information et de la communication, n°14, 2013, pp.27-37.

101- RICHER Laurent


- « Le règlement des différends par la commission de régulation de l’énergie », in
Mouvement du droit public, du droit administratif au droit constitutionnel, du droit
français aux autres droits, Mélanges Franck Moderne, Paris, Dalloz, 2004, pp.392-406.
- « Électricité : pouvoirs de la commission de régulation de l’énergie et notion de « point
de raccordement » au réseau », in Actualité du droit de la concurrence et de la
régulation, Richer Laurent, Pierre-Alain Jeanneney et Charbit Nicolas (dir.),
AJDA, 2005, p.1226.
- « Le juge économiste », AJDA, 2000, p.703-720.
- « Interprétation de l’article 53 de l’ordonnance du 1er décembre 1989 : principale
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102- RIVERO Jean,
« Apologie pour les faiseurs de systèmes », Dalloz, 1951, pp.99-102.
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« La régulation communautaire des services publics de réseaux. Vers une théorie
générale de la « concurrence régulée » ? », Flux, n°44-45, 2001/2, pp.80-90.
104- ROLIN Élisabeth

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« Le règlement de différend devant l’autorité de régulation des télécommunications »,
in Régulation et juges, n° Spécial, Petites affiches, 23 janvier 2003, pp.26-37.
105- SABERAN Shirine,
« La notion d’intérêt général chez Adam Smith : de la richesse des nations à la puissance
des nations », Géoéconomique, n°45, 2008, pp.55-71..
106- SALESSE Yves
« Service public et marché », Regards croisés sur l’économie, n°2, 2007/2, pp.129-135.
107- SELINSKY Véronique
« La conquête des droits de la défense dans le cadre des poursuites pour pratiques
anticoncurrentielles », in Études à la mémoire de Fernand-Charles Jeantet, LexisNexis, 2010,
pp.439-449.

108- SILIANI Jean-Ludovic,


« Réguler au bénéfice des consommateurs », in Les Cahiers de l'ARCEP, n°7, novembre
2011, pp.1-2.
109- SIMO KOUAM Francis Ampère
« La régulation de l’activité audiovisuelle à l’épreuve du tout numérique au Cameroun »,
in LE NEMRO, Revue Trimestrielle de Droit économique, juillet-septembre 2017, pp.109-139.

110- SUPIOY Alain,


« Contribution à une analyse juridique de la crise économique de 2008 », Revue
internationale du travail, vol.149, n°2, 2010, pp.165-176.
111- SUNKAM KAMDEM Achille
« Réflexion sur le système de régulation institutionnelle de l’activité bancaire dans la
CEMAC », Revue libre de Droit, 2014, pp.134-148.
112- TAIBI Achour
« Du pouvoir répressif des autorités administratives indépendantes de régulation
économique », in Documents publication, Les éditions de l’immatériel, 2017, pp.128-38.
113- TAMBA Isaac
« Les enjeux de la mondialisation pour l'économie camerounaise », Revue africaine des
sciences économiques et gestion, vol 2, n°1, Juin-Juillet 2000, pp 125-140.
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« Rapport de synthèse », in Le droit souple, Actes du colloque, organisé par
l’association Henri Capitant des amis de la culture juridique française, Paris, Dalloz, 2009,
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115- TERTRE Charles
« La dimension sectorielle de la régulation », in BOYER Robert et SAILLARD Yves
(dit.), Théorie de la régulation, l’état des savoirs, Paris, La Découverte, coll. « Recherches »,
2002, pp.312-322.
116- TEITGEN-COLLY Catherine
« Les instances de régulation et la constitution », RDP, n°1, 1990, pp.153-259.
117- TIMSIT Gérard
« La régulation. La notion et le phénomène », RFAP, n°109, 2004/1, pp.5-11.
« Les deux corps du droit. Essai sur la notion de régulation », RFDA, n°78, 1996, pp.375-
394.
118- TOGOLO Odile
« La publicité des actes administratifs par voie de mass-média », in Magloire Ondoa (
dir.), L’administration camerounaise à l’heure des réformes, Paris, L’Harmattan, 2010, pp.191-
211.
119- TUOT Thierry
« Régulation du marché de l’électricité ; une année de règlement de différend »,
A.J.D.A., 2003, pp.312-323.
120- QUESSETTE Laurent
« L’aiguillage du marché ferroviaire. La régulation à l’épreuve du chemin de fer »,
Jurisdoctoria, n°9, 2013, pp.25-56.

121- QUILICHINI Paule


« Réguler n’est pas jugé, réflexions sur la nature du pouvoir de sanction des autorités de
régulation économique », A.J.D.A., 2004, pp.1060-1075.
122- VINER Jacob,
« Adam Smith and laissez-faire », Journal of political economy, vol.35, 1927, pp.198-
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123- VOGEL Louis,
« Intérêt général et concurrence », in Intérêt général, Mélanges en l’honneur de Didier
Truchet, Paris, Dalloz, pp.667-677.
124- WACHSMANN Patrick

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« Sur « l’indépendance » des autorités administratives d’État », Mélanges Jean-Louis
Autin, Faculté de droit de Montpellier, 2012, vol., 2, p.483.
125- WIENER Céline
« La motivation des décisions administratives en droit comparé », Revue internationale
de droit comparé, vol.21, n°4, octobre-décembre 1969, pp.779-795.
126- ZOGO NKADA Simon-Pierre
« La réforme du service public postal au Cameroun : heurs et malheurs d'un secteur en
mutation », Revue française d’administration publique, n°159, 2016/3, pp.865-877.
IV/- TEXTES DE LOIS
1- Règlement n°21/08-UEAC-133-CM-18 du 19 décembre 2008 relatif à l’harmonisation
des réglementations et des politiques de régulation des communications électroniques
au sein des États membres de la CEMAC.
2- Directive n°06/08-UEAC-133-CM-18 fixant le régime du service universel dans le
secteur des communications électroniques au sein des États membres de la CEMAC
3- Directive n°07/08-UEAC-133-CM-18 fixant le cadre juridique de la protection des
droits des utilisateurs des réseaux et de services de communications électroniques.
4- Directive n°08/08-UEAC-133-CM-18 relative à l’interconnexion et à l’accès des
réseaux et des services de communications électroniques dans les pays membres de la
CEMAC
5- Directive n°09/08-UEAC-133-CM-18 du 19 décembre 2008 harmonisant les régimes
juridiques des activités de communications électroniques.
6- Directive n°10/08-UEAC-133-CM-18 harmonisant les modalités d’établissements et de
contrôle des tarifs de service de communications électroniques au sein de la CEMAC.
7- Loi n°2017/010 du 12 juillet 2017, portant statut général des établissements publics
8- Loi n°2010/013 du 21 décembre 2010 régissant les communications électroniques au
Cameroun
9- Loi n°2006/019 du 29 décembre 2006 régissant l’activité postale au Cameroun
10- Loi n°2015/006 du 20 avril 2015, modifiant et complétant certaines dispositions de la
Loi n°2010/013 du 21 décembre 2010 régissant les communications électroniques au
Cameroun
11- Loi n° 2011/022 du 14 décembre 2011, régissant le secteur de l’électricité au Cameroun
12- Loi n°98/013 du 14 juillet 1998 sur la concurrence au Cameroun
13- Loi n°2013/010 du 24 juillet 2013 portant régime de l’aviation civile au Cameroun
14- Loi n°2015/007 du 20 avril 2015, régissant l’activité audiovisuelle au Cameroun.

326
15- Loi n°98/021 du 24 décembre 1998, portant organisation du secteur portuaire
16- Loi-cadre N° 2011/012 du 6 mai 2011 portant protection du consommateur au
Cameroun
17- Loi N° 2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des
tribunaux administratifs
18- Loi n° 2003/ 009 du 10 juillet 2003 portant désignation des juridictions compétentes
visées à l'Acte Uniforme relatif au Droit de l'Arbitrage
19- Décret n°2005/1363/PM portant organisation et fonctionnement de la commission
nationale de la concurrence
20- Décret n°2000/115 du 30 juin 2000 portant réglementation des marchés publics
21- Décret n°2001/213 du 31 juillet 2001, portant organisation et fonctionnement de la
commission des marchés financiers
22- Décret n°98/016 du 08 septembre 1998, portant organisation et fonctionnement de
l’agence de régulation des télécommunications
23- Décret N° 2002/092 du 8 avril 2002 portant organisation et son fonctionnement de
l'ANTIC
24- Décret n°2011/019 du 1er février 2011 portant création, organisation et fonctionnement
de la mission de régulation des approvisionnements des produits de grande
consommation.
25- Décret n°2012/180 du 20 avril 2012 portant organisation et fonctionnement de l’agence
nationale des technologies de l’information et de la communication
26- Décret n°2013/7988/PM du 13 septembre 2013, portant composition, organisation et
modalités de fonctionnement de la commission nationale de la concurrence.
27- Décret n°99/125 du 15 juin 1999, portant organisation et fonctionnement de l’agence
de régulation du secteur de l’électricité
28- Décision N° 000098/ART/DG/DAJCI du 31 juillet 2008 portant règlement des
différends devant l'A.R.T.
29- Circulaire N°000096/ART/DG/DAJCI fixant les modalités de traitement des
réclamations des consommateurs, relatifs à la qualité, à la facturation, à la disponibilité
ou à la prestation du service visé ;
30- Circulaire N° 000097/ART/DG/DAJCI du 31 juillet 2008 relative au règlement des
différends entre opérateur et consommateur devant l'A.R.T

327
V/- DÉCISIONS DES AUTORITÉS DE RÉGULATION

31- Décision n°00028/D/ART/DG/ du 4 mars 2003, portant règlement du litige


d’interconnexion entre MTN Cameroun et CAMTEL.
32- Décision n°000029/ART/DG/DAJCI du 18 mars 2009, portant sanction de la Société
Orange Cameroun pour brouillage causé à l’opérateur MTN Cameroun sur la bande
900MHZ à lui autorisé suite à une exploitation de fréquence sans autorisation.
33- Décision n°000022/ART/DAJCI, constatant l’extinction du litige portant sur les
campagnes publicitaires et opposant Orange et MTN.
34- Décision n°000949/D/ART/DG/DAJCI, du 19 mars 2007, enjoignant la Société Orange
Cameroun à signer une convention d’interconnexion avec les établissements Gecomiex,
fournisseur de service de télécommunications à valeur ajoutée au public.
35- Décision n°000052/ART/DG/DAJPCI/SDAJPC/SCO du 09 juin 2011 portant sanction
de l’opérateur RINGO S.A., pour exploitation sans autorisation de bande de fréquences
et exploitation de bande de fréquences dans les villes non autorisées de Yaoundé,
Douala, Limbe et Bafoussam.
36- Décision n°0000064/ART/DG/DAJPCI/SDAJPC/SCO du 22 juin 2011 portant sanction
de la Société Orange pour établissement des liaisons de transmission interurbains sans
autorisation
37- Décision n°0000070/ART/DG/DAJPCI/SDAJPCI/SCO du 30 juin 2011 portant
sanction de la Société MTN pour utilisation des fréquences sans autorisation dans les
villes de Douala et Bafoussam
38- Décision n°0000073/ART/DG/DAJPCI/SDAJPC/SCO du 08 juillet 2011 portant
sanction d’Orange Multimédia pour exploitation de bandes de fréquences sans
autorisation et exploitation de bandes dans les villes non autorisées de Douala, Dschang,
Bamenda, Bafoussam, Buea, Édéa, Limbe, Garoua, Ngaoundéré, Bertoua, Maroua,
Kousseri.
39- COMMISSION NATIONALE DE LA CONCURRENCE, Décision n°2017-D 003/
CNC, portant recevabilité de la requête de la Société Express Union finance S.A dans
l’affaire contre les sociétés MTN Cameroun S.A., et Orange Cameroun S.A.

40- ARCEP n°01-1235, 21 décembre 2001, Société UPC ; 28 mars 2002 n°02-278 Sté LD
COM
41- ARCEP déc. n°2010-1254, 25 décembre 2010, SFR c/ France Télécom, pp.7-8.

328
42- Cordis, décision n°10-38-17, Société Gauthier Finance et Gauthier Solar Système
contre ENEDIS, 22 juin 2018
43- Cordis, décision n°01-38-17, Société ENI Gas et POWER contre Société ENEDIS, 13
juillet 2018
44- Conseil de la concurrence, avis n°04-A-13 du 12 juillet 2006, Service Emploi-
Entreprise.
VI/- JURISPRUDENCE

45- Ordonnance n°005/2012/ CCJA ( article 46 du règlement de procédure), Recours


n°099/2011/PC, affaire Société mobile téléphone Network, Network Solutions dite MTN
NS S.A c/ Kakotel limited Cameroun S.A, inédit.
46- Cour d’appel du centre, arrêt n°454/REF du 20 juillet 2018, affaire Express Union c/
MTN Cameroon, inédit.
47- Tribunal de première instance de Bafoussam, jugement du 17 mars 2003, affaire Bileg
Dieudonné contre Orange Cameroun S.A, inédit
48- Conseil d’État, 6 décembre 2012, M.P., n°348922, AJDA 2012, p.2353.
49- Conseil d’État, 2 février 2011, Société TV Numéric, n°329254, RFDA, 2011, p.446.
50- Conseil d’État, 13 juillet 2011, Société Edelweiss gestion, n°327980, 329120.
51- Conseil d’État, 9 juillet 2010, Société Canal plus Distribution, n°335336, RFDA 2010,
n°5, p.1078 ; AJDA 2010, p.1924, note D. Batteght ; A. Lallet.
52- Conseil d’État, 13 janvier 2010, Association Paris Jean Bouin, n°329576.
53- Conseil d’État, 16 février 2009, Société Atom, n°274000.
54- Conseil d’État, 27 avril 2009, Bouygues télécoms, n°312741, RJEP 2009, comme. 34,
concl., F. Lenica.
55- Conseil d’État, 17 juillet 2007, Mme Abric c/ HALDE, req., n°277742.
56- Conseil d’État. 30 juin 2006, Société Neuf Télécoms S.A., n°289564, Rec., p.309 ; AJDA
2006, p.1720, note Arnaud SÉE.
57- Conseil d’État, 9 juin 2006, Association des usagers des médias d’Europe, n°267898.
58- Conseil d’État, 22 juillet 2001, Société Athis, n°193392.
59- Conseil d’État, avis contentieux, 8 novembre 2000, Société Jean-Louis Bernard
Consultants, Rec., p.492 ; RFDA, 2001, p.112, concl., Catherine Bergeal.
60- Cour Administrative d’appel de Paris, 25 janvier 2000, Kechichian et autres, req.,
n°93PA01250 et 93PA0125.

329
61- Tribunal administratif de Paris, 28 février 2013, Association du quartier du Parc des
princes pour la sauvegarde de ses caractéristiques, n°1200787, AJDA 2013, p.1166,
note Stéphane Braconnier.
62- Tribunal Administratif de DIJON, 20 février 2013, La Poste, n°1200832 ; AJDA 2013,
p.1487
63- Cour cassation. Comm., sect., 22 février 2005, Société Sinerg c/ Électricité de France
(EDF), pourvoi n°04-12618.
64- Cour d’appel de Paris, 1er Ch., sect. H, 3 avril 2007, Société Telegate c/ Société Orange
France, n°RG 2006/11319.
65- Cour d’appel de Paris, 1er Ch., sect. H, 8 mars 2005, S.A. Électricité de France (EDF)
c. Société Pouchon Cohen, n°RG 04/12606.
66- Cour d’appel de Paris, 25 janvier 2005, société Cerestar France, RG 04/1211.
67- Cour d’appel de Paris, 1er Ch., sect. H., 24 février 2004, Électricité de France (EDF) c/
Société Sinerg, n°RG 03/10671.
68- Cour d’appel de Paris, 6 avril 2004, S.A. France télécoms c/ S.A. Lliad, n°RG
2003/18407.
69- Cour d’appel de Paris, 1er Ch., sect. H, 8 juin 2004, Coge de Kerverzet, RLC, 2004/1,
n°91.
70- Cour d’appel de Paris, 1er ch., sect. H., 28 avril 1998, France Télécom c/ Paris Câble,
disponible à l’adresse www.ca-paris.justice.fr.

330
TABLES DES MATIERES
SOMMAIRE .............................................................................................................................. ii
PREMIERE PARTIE : LA COMPÉTENCE NON CONTENTIEUSE DES AUTORITÉS DE
RÉGULATION DES SECTEURS PUBLICS EN RÉSEAUX ................................................. ii
TITRE 1 : LA COMPÉTENCE DE REGLEMENTATION DES AUTORITÉS DE
RÉGULATION DES SERVICES PUBLICS DE RESEAUX ................................................. ii
TITRE 2 : LA COMPÉTENCE DES AUTORITÉS DE RÉGULATION EN MATIÈRE DE
CONTROLE DES SERVICES PUBLICS DE RESEAUX ....................................................... ii
DEUXIÈME PARTIE : LA COMPÉTENCE CONTENTIEUSE DES AUTORITÉS DE
RÉGULATION DES SERVICES PUBLICS DE RÉSEAUX AU CAMEROUN .................... ii
TITRE 1 : LA COMPÉTENCE QUASI-JURIDICTIONNELLE DES AUTORITÉS DE
REGULATION DES SERVICES PUBLICS EN RESEAUX .................................................. ii
TITRE 2 : LES GARANTIES DES OPERATEURS DANS L’EXERCICE DE LA FONCTION
CONTENTIEUSE PAR LES AUTORITÉS DE RÉGULATION ............................................. ii
DÉDICACES ............................................................................................................................ iii
À La mémoire de mes deux pères que le Seigneur m'a donné : ................................................ iii
Amvene Calliste ........................................................................................................................ iii
Sodéa Hamadjida....................................................................................................................... iii
À mes deux frères partis trop tôt. .............................................................................................. iii
À ma famille. ............................................................................................................................. iii
REMERCIEMENTS ................................................................................................................. iv
ABRÉVIATIONS, ACRONYMES ET SIGLES ....................................................................... v
INTRODUCTION GENERALE ..................................................................................................
I/- CADRE CONCEPTUEL DE L’ETUDE ................................................................................................... 7
A/- La définition des concepts ......................................................................................................... 7
1/- La notion de régulation en droit ............................................................................................ 7
2/- Les services publics en réseaux ........................................................................................... 11
a) La notion de service public en droit................................................................... 12
b) La notion de service public en réseau ................................................................ 13
B/- La délimitation de l’étude........................................................................................................ 15
II/- L'INTERET DE L'ETUDE.......................................................................................................... 21
III/- L'OBJET DE L’ÉTUDE ............................................................................................................ 25
A/- Revue de la littérature ................................................................................................................. 25
B/- LA PROBLÉMATIQUE ET L'HYPOTHÈSE DE L’ÉTUDE ............................................... 26

331
IV/- METHODES ET TECHNIQUES DE RECHERCHE ............................................................... 27
V/- PLAN DE LA RECHERCHE ................................................................................................. 30
PREMIERE PARTIE : .................................................................................................................
LA COMPÉTENCE NON CONTENTIEUSE DES AUTORITÉS DE RÉGULATION DES
SECTEURS PUBLICS EN RÉSEAUX .......................................................................................
TITRE 1 : LA COMPÉTENCE DE REGLEMENTATION DES AUTORITÉS DE
RÉGULATION DES SERVICES PUBLICS DE RESEAUX ...................................................
CHAPITRE 1 : LE POUVOIR DE REGLEMENTATION DES RÉGULATEURS
SECTORIELS CAMEROUNAIS ............................................................................................ 37
SECTION 1 : LE POUVOIR REGLEMENTAIRE DES REGULATEURS SECTORIELS CAMEROUNAIS, UN
INSTRUMENT CONTRAIGNANT DE REGULATION .............................................................................. 38
PARAGRAPHE 1 : La constitutionnalité du pouvoir réglementaire des autorités de régulation
camerounaises ............................................................................................................................... 39
A/- Les pesanteurs à dépasser dans la recherche des bases constitutionnelles du pouvoir
réglementaire des régulateurs sectoriels camerounais ................................................................... 39
B/- Les bases constitutionnelles du pouvoir réglementaire des régulateurs camerounais ............. 41
PARAGRAPHE 2 : Le pouvoir réglementaire limité des autorités de régulation camerounais ... 43
A/- Un pouvoir réglementaire limité dans son objet ..................................................................... 44
B/- Un pouvoir règlementaire limité dans son domaine ................................................................ 46
SECTION 2 : LES INSTRUMENTS DE REGLEMENTATION NON CONTRAIGNANTS DANS LA REGULATION
DES SERVICES PUBLICS EN RESEAUX ................................................................................................. 49
PARAGRAPHE 1 : Les instruments recommandatoires de régulation......................................... 50
A/- L’identification des instruments recommandatoires ............................................................... 50
1/- Les Avis-régulation ............................................................................................................. 50
2/- Les communiqués des autorités de régulation ..................................................................... 53
B/- De la valeur juridique des actes recommandatoires de régulation .......................................... 56
1/- Les bases théoriques d’admission d’une valeur juridique des instruments recommandatoires
de régulation .............................................................................................................................. 58
a) La dualité de la règle de droit : L’évolution de l’approche impérativiste des règles
juridiques 58
b) La vastitude de la normativité ................................................................................... 61
2/- Les éléments à prendre en compte pour la reconnaissance de la valeur juridique des actes de
droit souple ................................................................................................................................ 65
a) La prise en compte des effets juridiques des actes : un élément classique mais
insuffisant 66

332
b) Les éléments nouveaux d’appréciation des actes de droit souple de régulation
base de leur recevabilité contentieuse ................................................................................... 67
PARAGRAPHE 2 : Le recours aux normes techniques comme instrument de régulation des
services publics de réseaux ............................................................................................................ 69
A/- L’utilisation de la norme technique en faveur de l’accès au marché : la lutte contre les barrières
techniques ...................................................................................................................................... 70
B/- La norme technique, un instrument de protection du consommateur...................................... 72
CONCLUSION DU CHAPITRE ...................................................................................................... 75
CHAPITRE 2 : LE POUVOIR D’AUTORISATION DES RÉGULATEURS SECTORIELS
AU CAMEROUN .................................................................................................................... 76
SECTION 1 : LES FONCTIONS DU POUVOIR D’AUTORISATION EN MATIERE DE REGULATION DES
SERVICES PUBLICS DE RESEAU .......................................................................................................... 77
PARAGRAPHE 1 : La fonction allocative des d’autorisations en matière de régulation : la
répartition de l’accès à une ressource rare ..................................................................................... 78
A/- La capacité limitée de l’infrastructure essentielle ................................................................... 79
B/- La rareté des ressources naturelles dans les services publics de réseau .................................. 80
PARAGRAPHE 2 : La fonction d’habilitation de l’autorisation administrative........................... 81
A/- L’autorisation comme instrument de facilitation de l’exercice d’une activité d’intérêt général
....................................................................................................................................................... 81
B/- Le rapprochement entre autorisation et concession dans la régulation des services publics en
réseaux ........................................................................................................................................... 84
SECTION 2 : LE REGIME JURIDIQUE DES AUTORISATIONS ADMINISTRATIVES DE REGULATION ...... 86
PARAGRAPHE 2 : La délivrance et la fin des autorisations administratives .............................. 87
A/- L’octroi des autorisations administratives............................................................................... 87
B/- La fin des autorisations administratives .................................................................................. 90
1/- La fin normale des autorisations administratives de régulation ........................................... 91
a) La durée des autorisations administratives ........................................................ 91
b) Le droit au renouvellement, conséquence de l’arrivée à terme des autorisations ............. 92
2/- La fin anticipée des autorisations administratives de régulation.......................................... 93
a) La fin anticipée du fait du titulaire ..................................................................... 93
b) La fin anticipée pour motif d’intérêt général des autorisations administratives de régulation
............................................................................................................................................... 97
PARAGRAPHE 2 : La patrimonialisation de l’autorisation administrative ................................. 97
A/- Le maintien de l’incessibilité des autorisations administratives de régulation ....................... 98

333
B/- L’exception au principe de l’incessibilité dans les services publics en réseaux camerounais
..................................................................................................................................................... 100
1/- La cessibilité des autorisations administratives en matière de régulation : le cas du secteur
camerounais de l’électricité ..................................................................................................... 100
a) La valeur économique des autorisations administratives en matière de régulation
économique ......................................................................................................................... 100
b) La possibilité de cession des autorisations administratives................................................. 104
2/- La condition sine qua num de la cession des autorisations : l’accord préalable de l’autorité
de régulation ............................................................................................................................ 106
CONCLUSION DU CHAPITRE .................................................................................................... 107
CONCLUSION DU TITRE 1 ......................................................................................................... 108
TITRE 2 : LA COMPÉTENCE DES AUTORITÉS DE RÉGULATION EN MATIÈRE DE
CONTROLE DES SERVICES PUBLICS DE RESEAUX .........................................................
CHAPITRE 1: LE CONTRÔLE DES CONDITIONS D’ACCÈS AUX
INFRASTRUCTURES DANS LES SERVICES PUBLICS EN RÉSEAU .......................... 112
SECTION 1 : LES OBLIGATIONS DE FACILITATION DE L'ACCES AUX RÉSEAUX ................................. 113
PARAGRAPHE 1 : La concrétisation du droit d’accès des nouveaux opérateurs entrants ........ 114
A/- L’obligation de faire droit aux demandes d’accès, d’interconnexion et de partage
d’infrastructures........................................................................................................................... 114
B/- L’existence d’une offre permanente dans les secteurs régulés .............................................. 115
PARAGRAPHE 2 : L’obligation de transparence des prix d’accès : le rôle du catalogue
d’interconnexion .......................................................................................................................... 117
A/- Le catalogue, un instrument d’informations ......................................................................... 117
Ces informations portent sur le prix de l’accès (1) et par voie de conséquence sur la comptabilité
des opérateurs (2). ................................................................................................................... 117
1/- Les informations sur les tarifs des services ........................................................................ 117
2/- Les informations sur la comptabilité des opérateurs offreurs d’accès ............................... 119
B/- Le régime du catalogue d’accès et d’interconnexion ............................................................ 121
SECTION 2 : LE CONTRÔLE DE LA CONCRETISATION JURIDIQUE. DE L'ACCES PAR L'AUTORITE DE
RÉGULATION.................................................................................................................................... 122
PARAGRAPHE 1 : La nature juridique des contrats d’accès ..................................................... 122
A/- Les contrats d’accès ne sont pas des contrats de droit public ............................................... 123
B/- Les contrats d’accès, des nouveaux contrats nommés de droit privé .................................... 126
PARAGRAPHE 2 : La teneur du contrôle des contrats d’accès par les autorités de régulation . 130

334
A/- La validation des contrats d’accès par le pouvoir de visa des régulateurs sectoriels camerounais
..................................................................................................................................................... 131
B/- La prééminence d’une conception objective du contrat en matière de régulation économique
..................................................................................................................................................... 134
CONCLUSION DU CHAPITRE .................................................................................................... 140
CHAPITRE 2 : LE CONTROLE DE LA CONCURRENCE ENTRE LES OPERATEURS DES
INDUSTRIES DE RESEAUX ............................................................................................... 141
SECTION 1 : LES COMPORTEMENTS CONCURRENTIELS INDIVIDUELS PROHIBÉS DES OPERATEURS
DES SERVICES PUBLICS EN RESEAUX ............................................................................................... 143
PARAGRAPHE 1 : Les abus de domination dans les services publics en réseaux .................... 143
A/- L’évaluation de la dominance : la détermination de l’opérateur dominant ........................... 143
1/- L’identification du marché en cause .................................................................................. 143
a) Le marché de produits en cause ....................................................................... 144
b) Le marché géographique en cause ................................................................... 145
2/- Les critères de position dominante..................................................................................... 146
a) La définition de l’opérateur dominant ............................................................. 146
b) Les caractéristiques de la position dominante ................................................. 147
B/- Le régime des abus de position dominante............................................................................ 147
PARAGRAPHE 2 : Les subventions anticoncurrentielles .......................................................... 150
A/- Les subventions croisées dans les services publics de réseau ............................................... 150
1/- La problématique des subventions croisées des opérateurs ............................................... 150
2/- Le régime des subventions croisées ................................................................................... 151
B/- Les subventions par les pouvoirs publics : les aides d’État................................................... 152
SECTION 2 : LES COMPORTEMENTS COLLECTIFS CONCURRENTIELS PROHIBÉS DES OPERATEURS DES
SERVICES PUBLICS EN RESEAUX ...................................................................................................... 153
PARAGRAPHE 1 : Les ententes illicites des opérateurs ............................................................ 153
A/- Les éléments constitutifs de l’entente ................................................................................... 154
1/- Le concours de volonté des entreprises.............................................................................. 154
2/- L’atteinte à la concurrence ................................................................................................. 155
B/- Les conditions d’admission des ententes............................................................................... 157
PARAGRAPHE 2 : Les concentrations économiques des opérateurs ........................................ 158
A/- Les modalités de réalisation des concentrations économiques ............................................. 159
B/- Le régime juridique des concentrations économiques dans les secteurs régulés................... 161
1/- L’obligation de notification imposée aux opérateurs ......................................................... 161

335
2/- La vérification du projet de concentration par les autorités de régulation : vers un droit de
véto dans le fonctionnement interne des opérateurs ? ............................................................. 163
a) Un contrôle général reconnu à la commission nationale de la concurrence .... 164
b) Le contrôle spécifique exercé par les régulateurs sectoriels camerounais : vers un
droit de véto dans le fonctionnement interne des opérateurs ? ............................................ 165
CONCLUSION DU CHAPITRE ................................................................................................ 169
CONCLUSION DU TITRE 2 ..................................................................................................... 170
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE ............................................................................... 171
DEUXIÈME PARTIE : ................................................................................................................
LA COMPÉTENCE CONTENTIEUSE DES AUTORITÉS DE RÉGULATION DES
SERVICES PUBLICS DE RÉSEAUX AU CAMEROUN .........................................................
TITRE 1 : LA COMPÉTENCE QUASI-JURIDICTIONNELLE DES AUTORITÉS DE
REGULATION DES SERVICES PUBLICS EN RESEAUX ....................................................
CHAPITRE 1 : LE POUVOIR REPRESSIF DES REGULATEURS DES SERVICES
PUBLICS EN RESEAUX AU CAMEROUN ....................................................................... 179
SECTION 1 : LE DECLENCHEMENT DE LA REPRESSION DES ATTEINTES À LA REGLEMENTATION ... 180
PARAGRAPHE 1 : La saisine des régulateurs des services publics en réseaux......................... 180
A/- Les conditions relatives à la saisine ...................................................................................... 180
1/- Les conditions de forme ..................................................................................................... 180
2/- Les conditions de fond de la saisine................................................................................... 182
B/- Le pouvoir d'auto- saisine des autorités de régulation........................................................... 183
PARAGRAPHE 2 : Le processus d’enquête en matière répressive ............................................ 185
A/- La nature de l’enquête ........................................................................................................... 185
B/- La notification des griefs, une formalité indispensable ......................................................... 186
SECTION 2 : LA DECISION DE SANCTION DE SANCTION DES AUTORITES DE REGULATION ............ 187
PARAGRAPHE 1 : Les préalables à la sanction : le recours au pouvoir d’injonction ............... 187
A/- Le préalable normal : la mise en demeure............................................................................. 187
B/- Les préalables éventuels : Les mesures conservatoires ......................................................... 190
1/- Le domaine des mesures conservatoires ............................................................................ 191
2/- Les caractères des mesures conservatoires ........................................................................ 192
PARAGRAPHE 2 : Le prononcé de la sanction ......................................................................... 193
A/- La détermination de l’autorité en charge du prononcé de la sanction : le partage des
compétences ................................................................................................................................ 194
B/- Les types de sanction administrative ..................................................................................... 196
1/- Les sanctions disciplinaires ................................................................................................ 197

336
2/- Les sanctions pécuniaires ................................................................................................... 198
CONCLUSION DU CHAPITRE ................................................................................................ 199
CHAPITRE 2 : LE POUVOIR DE REGLEMENT DES DIFFERENDS DES REGULATEURS
SECTORIELS CAMEROUNAIS .......................................................................................... 200
SECTION 1 : L’INTRODUCTION D’INSTANCE .................................................................................... 203
PARAGRAPHE 1 : La recevabilité de la requête ....................................................................... 203
A/- Les conditions de recevabilité ............................................................................................... 203
1/- Les conditions de forme ..................................................................................................... 203
2/- Les conditions de fond de la saisine................................................................................... 205
B/- L’hypothèse de l’irrecevabilité de la saisine ......................................................................... 208
1/- De la contestabilité de la décision d’irrecevabilité de la saisine ........................................ 208
2/- L’annulation de la décision d’irrecevabilité de la saisine : Quid d’une nouvelle saisine ? 209
PARAGRAPHE 2 : L’obligation de saisine préalable des autorités de régulation pour le règlement
des différends .............................................................................................................................. 210
A/- La justification de la consécration de cette obligation de saisine préalable des régulateurs . 211
B/- Les effets de cette obligation de saisine préalable : les rapports entre le régulateur sectoriel et
le juge .......................................................................................................................................... 213
SECTION 2 : LA DECISION DE REGLEMENT DES DIFFERENDS .......................................................... 215
PARAGRAPHE 1 : Les modes de règlement des différends dans les services publics de réseaux
camerounais ................................................................................................................................. 216
A/- Les modes alternatifs............................................................................................................. 216
1/- La conciliation ................................................................................................................... 216
2/- La transaction ..................................................................................................................... 217
3/- L’arbitrage, une modalité de règlement des différends en matière de régulation .............. 219
B/- Le mode contraignant de règlement des différends ............................................................... 220
PARAGRAPHE 2 : La nature juridique de la décision de règlement des différends .................. 224
A/- L'acte de règlement des différends, un acte multiforme ........................................................ 224
1/- L’acte de règlement des différends : un acte administratif en principe ............................. 225
2/- Les exceptions à la nature administrative de l'acte de règlement des différends ............... 227
a) La nature conventionnelle de l’acte de transaction et de conciliation ............. 227
b) Le recours à l’arbitrage : la sentence arbitrale, un acte de nature juridictionnelle
229
B/- La portée de l'acte de règlement des différends..................................................................... 232
1/- La portée de l’acte de règlement des différends relativement aux libertés des opérateurs 232

337
2/- La portée de l’acte de règlement des différends relativement à la problématique de
l’indemnisation d'un opérateur ................................................................................................ 235
CONCLUSION DU CHAPITRE ................................................................................................ 238
CONCLUSION DU TITRE 1 ..................................................................................................... 239
TITRE 2 : LES GARANTIES DES OPERATEURS DANS L’EXERCICE DE LA FONCTION
CONTENTIEUSE PAR LES AUTORITÉS DE RÉGULATION ...............................................
CHAPITRE 1 : LES GARANTIES FORMELLES DES OPERATEURS ............................ 244
SECTION 1 : LES GARANTIES FORMELLES LIÉES A LA DÉFENSE DES OPÉRATEURS DES SECTEURS
REGULES .......................................................................................................................................... 244
PARAGRAPHE 1 : Le respect du principe du contradictoire en matière de régulation des services
publics de réseaux ....................................................................................................................... 244
A/- Les implications du principe du contradictoire à l’égard des opérateurs .............................. 245
1/- Le droit des opérateurs d’être informer .............................................................................. 246
2/- Le droit des opérateurs d’être entendu ............................................................................... 247
B/- La soumission des autorités de régulation au principe du contradictoire .............................. 249
PARAGRAPHE 2 : La motivation des décisions des autorités de régulation ............................. 249
A/- Les actes soumis à l’exigence de motivation ........................................................................ 250
B/- La sanction du non-respect du principe de motivation .......................................................... 252
SECTION 2 : LES GARANTIES FORMELLES RELATIVES À L'ORGANE DE REGULATION : LE RESPECT DU
PRINCIPE D’IMPARTIALITE ............................................................................................................... 256
PARAGRAPHE 1 : L’impartialité subjective des organismes de régulation.............................. 257
A/- Les garanties permettant d’assurer l’impartialité des autorités de régulation ....................... 257
1/- Le cas du Conseil d’administration .................................................................................... 258
2/- Le cas du Directeur général ............................................................................................... 260
B/- Le caractère perfectible des garanties d’impartialité subjective ............................................ 262
PARAGRAPHE 2 : L’impartialité objective des organismes de régulation ............................... 264
A/- La distinction des fonctions en matière contentieuse ............................................................ 265
B/- Les effets de la séparation des fonctions ............................................................................... 267
1/- La neutralité de l’instruction .............................................................................................. 267
2/- L’exclusion du rapporteur du délibéré de la décision ........................................................ 269
CONCLUSION DU CHAPITRE ................................................................................................ 270
CHAPITRE 2 : LES GARANTIES SUBSTANTIELLES DES OPERATEURS ................. 271
SECTION 1 : LES GARANTIES SUBSTANTIELLES RELATIVES À LA PRISE DE DECISION ...................... 271
PARAGRAPHE 1 : Le respect du principe de proportionnalité par les autorités de régulation . 271
A/- La proportionnalité comme instrument de protection des libertés publiques fondamentales 272

338
B/- Le principe de proportionnalité en matière de régulation, un instrument d’efficience
économique ................................................................................................................................. 275
PARAGRAPHE 2 : L’application du principe de personnalité des peines en matière de régulation
des services publics de réseau ..................................................................................................... 277
A/- La teneur du principe ............................................................................................................ 277
B/- L’application spécifique du principe ..................................................................................... 278
1/- L’application de la personnalité des peines lors de la disparition de la personne morale .. 279
2/- La détermination des personnes susceptibles d’engager la responsabilité d’une personne morale
..................................................................................................................................................... 282
SECTION 2 : LES GARANTIES SUBSTANTIELLES RELATIVES À L’INTERVENTION DE LA DECISION DANS
LE TEMPS ......................................................................................................................................... 283
PARAGRAPHE 1 : L’émission de la décision : la publication ou publicité............................... 283
A/- Les modalités de publicité des actes des autorités de régulation .......................................... 285
B/- Les effets de la publication des décisions des autorités de régulation................................... 287
PARAGRAPHE 2 : La teneur des garanties substantielles liées à l’intervention de la décision des
autorités de régulation ................................................................................................................. 289
A/- La non-rétroactivité des décisions des autorités de régulation camerounaise ....................... 289
B/- Le respect de la prescription .................................................................................................. 291
1/- Le fondement de la prescription : la sécurité juridique ...................................................... 292
2/- Le régime de la prescription............................................................................................... 294
CONCLUSION DU CHAPITRE ................................................................................................ 296
CONCLUSION DU TITRE ........................................................................................................ 297
CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE .............................................................................. 298
CONCLUSION GENERALE ......................................................................................................
ANNEXES ...................................................................................... Erreur ! Signet non défini.
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 304
TABLES DES MATIERES ................................................................................................... 331

339

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