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PSYCHOPÉDAGOGIE DES ADULTES


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DU MÊME AUTEUR

Le choix professionnel des candidats aux centres d'apprentissage, Paris,


C.N.A.M., 1952.
Psychopédagogie de l'orientation professionnelle, Paris, P.U.F., 1957.
Histoire de l'éducation technique, Paris, P.U.F., 1961, 2 éd., 1968.
Formation générale et apprentissage du métier, Paris, P.U.F., 1965.
Histoire de l'enseignement en France, Paris, P.U.F., 1967.
La Révolution française et l'éducation technique, Paris, « Bibliothèque d'his-
toire révolutionnaire », 1968.
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« L'ÉDUCATEUR »
Section dirigée par Gaston MIALARET
35

PSYCHOPÉDAGOGIE
DES ADULTES
par

ANTOINE LÉON
Professeur à l'Université René Descartes
(Sorbonne-Sciences humaines)

PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE


108, Boulevard Saint-Germain, Paris
1971
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Dépôt légal. — 1 édition : 4 trimestre 1971


© 1971, Presses Universitaires de France
Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation
réservés pour tous pays
La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'ar-
ticle 41, d'unepart, queles« copies ou reproductionsstrictement réservées à l'usage
privéducopisteet nondestinéesà uneutilisation collective»et, d'autrepart, queles
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sentation ou reproductionintégrale, oupartielle,faite sans le consentement del'au-
teur oudesesayantsdroit ouayantscause,est illicite » (alinéa 1 del'article 40).
Cette représentation ou reproduction, par quelqueprocédé que ce soit, constituerait
donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal.
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INTRODUCTION

Le comportement de l'adulte, ou plus précisément, selon


la formule de Ribot, celui de «l'homme blanc, normal et
civilisé », a longtemps retenu principalement, sinon exclusi-
vement, l'attention des artisans de la psychologie pré-
scientifique, à tendance littéraire ou philosophique. Les
progrès des sciences expérimentales et des théories évolu-
tionnistes ont, dans la seconde moitié du XIXsiècle, orienté
normalement l'investigation psychologique vers l'animal,
l'enfant ou le malade. L'adulte «normal »,considéré apriori
comme un être achevé, relativement stable ou soumis aux
lents mais inéluctables processus d'involution, a, par
contre, été négligé par la jeune psychologie scientifique.
Aujourd'hui, les exigences de l'adaptation à un monde
complexe et en rapide évolution conduisent à s'intéresser
de plus en plus à l'adulte, à le connaître pour mieux le
former.
L'éducation des adultes, avecses finalités professionnelles
ouculturelles, trouve en effet sonfondement dans les trans-
formations plus ou moins profondes qui affectent tous les
domaines où se déploie l'activité de l'homme : milieu de
formation,travail, loisirs, viefamiliale, etc. Ainsi, l'explosion
scientifique et technique entraîne un accroissement des
exigences intellectuelles des métiers, une plus grande
mobilité destravailleurs et le développement d'actions péda-
gogiques destinées à prévenir ou à réduire les phénomènes
d'« obsolescence »ou, si l'on préfère, d'usure des connais-
sances acquises dans le passé.
Par ailleurs, l'industrialisation et l'urbanisation progres-
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sives du cadre de vie, la perte du support qu'offrait la tra-


dition, créent des situations anxiogènes, entretiennent des
sentiments de frustration, de dispersion, de solitude. Elles
appellent, de ce fait, un nouvel art de vivre et, par consé-
quent, de nouvelles formes d'éducation. Il conviendrait
aussi d'évoquer les différents problèmes, celui de la prépa-
ration de la retraite par exemple, que pose l'allongement de
la durée de la vie.
D'autres exigences pratiques, moins directement liées
au contexte actuel, justifient l'intérêt que l'on porte à la
connaissance de l'adulte. Sans prétendre fixer, pour le
moment, les critères de l'âge adulte, disons simplement que
la période envisagée dans cet ouvrage, tout en couvrant plus
de la moitié de l'existence, est marquée par les activités
les plus efficientes et les engagements les plus responsables.
Mais ces responsabilités ne découlent pas automatiquement
du seul privilège de l'âge. L'adulte apprend ou devrait
apprendre à devenir époux, père, grand-père, cadre pro-
fessionnel ou militant syndical. La nature et l'importance
des efforts d'apprentissage consentis par l'adulte confèrent
aux milieux éducatifs, à la famille par exemple, certaines
caractéristiques psychosociologiques qu'il est indispensable
de connaître pour comprendre l'enfant.
Enfin, ces raisons pratiques ne sauraient rendre entière-
ment comptede la curiosité bien légitime qui pousse chacun
à s'enquérir de la manière dont se prolonge ou se termine
l'histoire de l'enfance
La diversité des besoins auxquels est censée répondre
l'éducation des adultes justifie l'existence de secteurs plus
ou moins différenciés selon les conceptions pédagogiques
ou les lieux : l'éducation de base et l'alphabétisation, la
formation professionnelle, l'enseignement des droits et des
devoirs du citoyen, l'enrichissement personnel.
Par rapport à la formation scolaire et universitaire, l'édu-
1. L. J. BISCHOF,AdultPsychology,1969.
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cationdesadultes seprésenteàlafois,d'après J. Dumazedier,


comme une opération de rattrapage, un moyen de perfec-
tionnement, l'instrument d'un changement de spécialité
professionnelle, et enfin commeun modèle culturel, propre
à inspirer la transformation qualitative et quantitative des
structures de l'école et de l'université
Cette dernière fonction occupe une place privilégiée
dans l'ensemble des principes qu'englobe aujourd'hui la
notion d'éducation permanente. Celle-ci désigne en outre
l'étalement des actions éducatives sur toute la durée de la
vie humaine, l'intégration des différents moments de la
formation, l'utilisation rationnelle de tous les moyens,
scolaires et extra-scolaires, d'enseignement, et aussi la
possibilité, offerte à tous, de se perfectionner profession-
nellement et de participer au développement culturel d'une
communauté
Si la réalisation de ces principes repose, avant tout, sur
certaines options politiques que l'analyse sociologique peut
éclairer, elle est aussi justiciable d'une investigation psycho-
pédagogique.
Il appartient, par exemple, au psychologue d'élucider
les phénomènes de transfert ou d'interférence, de facilita-
tion ou de blocage, qui affectent les relations entre les for-
mations initiales et les formations ultérieures.
Mais une telle étude est loin d'épuiser les ressources
d'une psychopédagogie ouverte, d'inspiration scientifique,
et attentive au jeu des composantes historiques et socio-
logiques de la formation des adultes.
Lesdifficultés soulevées par l'organisation de cette forma-
tion conduisent à s'interroger sur la spécificité des carac-
téristiques psychologiques de l'élève adulte. On retrouve
ici un problème semblable à celui que se posaient, à propos
oct1o.bJ.re D
19U6M
9.AZEDE
IR,Education permanente, Encyclopedia Universalis,
2. B. SCHWARTZ,Réflexions prospectives sur l'éducation permanente,
ouvragecollectifsur lE ' ducationpermanente,Conseil del'Europe, 1970.
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de l'enfant et de l'adolescent, les pionniers de l'éducation


nouvelle.
Dansles deux cas, le recours àune psychologie sommaire,
du sens commun, compromet la recherche de solutions
adaptées auxexigencesd'uneformationintégrale etcontinue.
Les chapitres qui suivront s'ordonneront autour de ces
préoccupations. Un aperçu historique des différents aspects
dela formation desadultes conduiraàdélimiter les domaines
et à préciser les fonctions d'une psychopédagogie ouverte.
Les méthodes et les techniques d'investigation, propres à
cette discipline, seront envisagées à travers l'étude de cer-
tains desgrandsproblèmes queposelaformationdesadultes :
conditions de l'adaptation de l'adulte à une situation péda-
gogique ; évolution des motivations et des capacités intel-
lectuelles de l'adulte ; rapports entre formations initiales
et formations ultérieures ; fondements psychologiques de
quelques méthodes pédagogiques.
Il va sans dire que bien d'autres thèmes, comme la
psychologie des formateurs ou la relation enseignant-
enseignés en milieu adulte, mériteraient d'être abordés.
Par ailleurs, certains secteurs de la pédagogie des adultes,
comme l'alphabétisation, la formation des personnes âgées
ou la préparation aux activités de loisir, suscitent aujour-
d'hui un fort et légitime courant d'intérêt
Ces importants problèmes ne pourront pas être traités
d'une manière approfondie dans le cadre d'un ouvrage
dont le projet n'est pas d'inventorier les différentes situa-
tions de formation, mais de montrer, entre autres, qu'une
psychologie et une pédagogie de l'adulte ne peuvent se
développer indépendamment d'une psychologie et d'une
pédagogie générales.
Aussi, éviterons-nous, pour désigner la formation des
1. Le répertoire des recherches en Education des Adultes, publié
en1971parl'Institut NationalpourlaFormationdesAdultes(I.N.F.A.),
rend compte dunombre et de la diversité des thèmes actuellement
abordés par les chercheurs français.
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adultes, l'emploi de certains néologismes, comme par


exemplele terme d'« andragogie »,dontl'utilisation exprime
aussi bien un légitime souci de mieux délimiter un champ
d'investigation ou d'action, qu'une tendance à céder aux
séductions d'une nouvelle forme d'exotisme.
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CHAPITREPREMIER

APERÇUS HISTORIQUES
SUR LA PSYCHOLOGIE
ET LA FORMATION DES ADULTES

L'histoire de lapsychopédagogiescientifique des adultes est


relativement récente. Elle s'identifie notamment à la suc-
cession des modèles ou des solutions proposés par les
psychologues industriels pour réaliser une meilleure adap-
tation réciproque de l'homme et de son travail.
Mais la formation empirique des adultes a un plus long
passé. Ses moyens institutionnels et ses techniques pédago-
giques se sont surtout développés à partir du XIX siècle,
sous l'effet de la révolution industrielle.
Qu'il s'agisse de formation empirique ou de psychopé-
dagogie scientifique, l'action éducative est toujours inspirée
par une image plus ou moins différenciée de l'élève visé.
Acet égard, les rapports perçus ou conçus entre les caracté-
ristiques de l'enfant et celles de l'adulte ont, eux aussi,
évolué en relation étroite avecles changements de la société.
Cestrois séries historiques convergent pour éclairer, rela-
tiviser, voire hiérarchiser certains thèmes actuels de la
formation des adultes.
1. LE' NFANT, LA
' DULTE ETLE PÉDAGOGUE
Les instituteurs qui se consacrent, le soir, à l'alphabé-
tisation des travailleurs immigrés encourent parfois le
reproche de méconnaître l'adulte ou, plutôt, de l'assimiler
à un enfant. Mais, le jour, ils s'exposent à une critique de
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sens inverse lorsqu'ils font part des difficultés qu'ils éprou-


vent dans leurs relations avec les enfants.
Cette situation apparemment paradoxale ne fait que
souligner la nécessité dans laquelle on se trouve constam-
ment de définir les deux termes —enfant et adulte —l'un
en fonction de l'autre. On ne saurait les dissocier, mais on
peut enétudier lesrapports dansune perspective historique.
On n'envisagera pas ici les relations entre enseignants
et enseignés ni le conflit des générations, mais l'évolution
des différences ou des similitudes perçues ou conçues entre
l'enfant et l'adulte.
Aun état d'indifférenciation, contre lequel ont réagi les
pionniers de l'éducation nouvelle, a succédé une période
de différenciation, marquée par une mise en reliefdes parti-
cularités de l'enfant, puis de celles de l'adulte. Aujourd'hui,
certaines conceptions et certains faits d'observation con-
duisent à valoriser de nouveaux rapports de similitude entre
l'enfant et l'adulte.
1) Unétat initial d'indifférenciation. —Il est devenu banal
d'affirmer qu'avant J.-J. Rousseau l'enfant était considéré
comme un adulte en miniature et non comme un adulte
en devenir. Diverses œuvres littéraires, picturales outhéolo-
giques paraissent étayer cette affirmation. On peut lire, par
exemple, dans la série des portraits que Vélasquez a consa-
crés à l'Infante Marguerite, l'expression d'attitudes et de
soucis propres aux grandes personnes
Dire que l'enfant est considéré comme un adulte en
miniature, cela signifie, d'une part, que les différences entre
le premier et le second sont de degré et non de nature,
d'autre part, que l'enfant est jugé selon des normes propres
à l'adulte. De ce fait, les insuffisances de l'enfant sont
assimilées à des fautes, elles-mêmes justiciables d'une péda-
gogie répressive.
1. P.-M. SCHUHL,Imagineret réaliser, 1963.
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Avantle XVIIIsiècle, la reconnaissance de certaines parti-


cularités del'enfance s'exprimait dans la conception d'habits
spéciaux pour le jeune âge. Elle procédait, entre autres,
des préoccupations qu'inspiraient à la fois la naïveté des
réactions de l'enfant et l'importance du taux de mortalité
infantile. La durée conférée à l'enfance dépendait des
formes de scolarisation, elles-mêmes liées aux conditions
sociales. Les petites écoles, ouvertes aux fils de roturiers,
rassemblaient des enfants de différents âges. L'hétérogénéité
était plus nette dans les hospices où des orphelins, des
bâtards, des enfants trouvés étaient mêlés aux adultes délin-
quants, hérétiques ou malades, aux militaires invalides et
aux vieillards. Tous participaient aux mêmes tâches pro-
fessionnelles.
Par contre, les garçons issus de la noblesse ou de la bour-
geoisie fréquentaient les collèges où, au cours d'une scola-
rité relativement longue, ils passaient par différentes classes
ou groupes d'âge. La répartition des élèves en classes repo-
sait sur la notion implicite de stade, sur la reconnaissance
des particularités propres à chaque âge.
La durée conférée à l'enfance était fonction, non seule-
ment des conditions sociales, mais aussi du sexe puisque,
dans leur majorité, les filles étaient exclues de l'école. De
plus, le mariage intervenait souvent à 12, 13ou 14ans pour
mettrebrutalementfinàleurenfanceouàleur adolescence.
2) Unephasededifférenciation. —AucoursduXVIIIsiècle,
des changements importants, liés à l'évolution sociale,
s'opèrent dans l'image qu'on se fait de l'enfance. Tandis
que la noblesse se tourne vers le passé, vers les exploits des
ancêtres, la bourgeoisie, tendue vers l'avenir, vit concrète-
ment l'idée de promotion. Comme le montre G. Snyders
la confiance en l'avenir conduit le bourgeois àvoir dans son

1916.5.G. SNYDERS,Lapédagogie enFrance aux XVII et XVIII siècles,


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enfant un successeur apte à réaliser ses ambitions. Mais


la réussite future de l'enfant dépend des soins prodigués
actuellement par les parents. Il en résulte des modifications
considérables dans les modes de vie de la famille bourgeoise
et dans la valeur conférée à l'enfance.
C'est dans un tel contexte que prend place l'exigence,
formulée par Rousseau, d'une meilleure connaissance de
l'enfant, lui-même conçu comme fondamentalement diffé-
rent de l'adulte.
Depuis le début du XX siècle, la reprise des thèmes
rousseauistes par les pionniers de l'éducation nouvelle
procède de l'intervention de nouveaux facteurs. La trans-
formation rapide des conditions d'existence brise la conti-
nuité entre les générations successives ou entre les étapes
successives de la vie d'un même individu. Le monde où a
vécu le père lorsqu'il était enfant est différent du monde où
vit actuellement le fils. Il en découle certaines difficultés
dans la communication entre parents et enfants. L'appli-
cation des lois sur l'obligation scolaire attire l'attention sur
l'importance des phénomènes d'inadaptation et suscite ou
renforce le besoin de mieux connaître les élèves. La psycho-
logie scientifique de l'enfant répond à ces attentes en pro-
posant, à la fois, des normes de développement et des
moyens d'investigation.
Avec la multiplication des institutions d'éducation des
adultes, un mouvement symétrique de différenciation
s'amorce aujourd'hui. On considère, en effet, que l'adulte
est différent de l'enfant et l'on met en cause l'attitude qui
consiste à percevoir la formation des adultes à travers les
cadres fournis par la psychologie et la pédagogie scolaires.
Certains vont même jusqu'à condamner le recrutement
d'instituteurs pour l'animation des classes d'alphabétisation.
3) Vers un nouveau rapprochement : l'inachèvement de
l'homme. —Différentes études ou observations conduisent,
non pas à revenir à la confusion initiale, mais à souligner
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l'existence de similitudes importantes entre la situation de


l'adulte et celle de l'enfant.
Confrontant la psychologie de l'enfant et celle del'adulte,
J. Piaget oppose la similitude des fonctionnements à la
variation des structures. En d'autres termes, quel que soit
l'âge, l'action suppose toujours un intérêt qui la déclenche,
l'intelligence cherche toujours à comprendre, à expliquer.
Mais la nature des intérêts et des explications change avec
l'évolution psychologique.
Il arrive cependant que les déterminismes sociaux atté-
nuent les différences d'âge. Ainsi, les enquêtes sur lesloisirs,
conduites en milieu ouvrier ouauprès d'apprentis scolarisés,
révèlent, entre autres, une égale prédominance des préoc-
cupations relatives au métier et à la vie quotidienne.
L'extension des moyens de formation d'adultes et la
diffusion des principes de l'éducation permanente pro-
duisent des effets similaires. On observe, en effet, une cer-
taine continuité entre les situations vécues par l'enfant que
l'on prépare aux exigences de l'éducation permanente et
celles vécues par l'adulte qui serecycle. Dansle mêmeordre
d'idées, le renouvellement de certains contenus scolaires
(mathématiques modernes) ou de certaines méthodes péda-
gogiques (autogestion) met sérieusement en cause l'omni-
science des parents ou des maîtres. «Il conviendrait donc,
écrivait à ce propos G. Bachelard, de dénoncer un complexe
de Cassandre, qui obscurcit l'examen des possibilités, qui
dévalorise, comme dit le poète, «l'or du possible »»
De toute façon, le «complexe de Cassandre »se trouve
aujourd'hui estompé par la promotion des valeurs juvéniles.
En effet, l'adulte tend à se rapprocher de l'adolescent par
les habitudes vestimentaires, le style de vie, le langage, etc.,
mêmesi les attitudes à l'égard des valeurs juvéniles demeu-
rent ambivalentes.
Les différents rapprochements qu'il est possible de sug-
1. G.BACHELARD,Lerationalismeappliqué,1949,p.75.
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gérer ou d'établir entre l'enfant et l'adulte sont dominés


par la reconnaissance de plus en plus explicite del'inachève-
ment de l'homme. Se référant à certaines mutations obser-
vées chez des batraciens, différents philosophes affirment,
après Bolk, que l'homme est un néotène, c'est-à-dire un être
dont les formes sont moins achevées que celles des espèces
plus anciennes dont il procède. Dire que l'homme est un
néotène, cela signifie que, dans sa forme adulte, il ressem-
blerait à un embryon d'anthropoïde, alors que, selon la loi
biogénétique classique (l'ontogenèse reproduit la phylo-
genèse), l'embryon humain ressemblerait à un anthropoïde
adulte. En tant que néotène, l'homme aurait conservé la
plasticité et la fragilité propres à la vie embryonnaire. Son
inachèvement rendrait compte de ses conduites créatives :
l'invention du vêtementtiendrait aufait que l'hommeadulte
est aussi dénudé que le fœtus du primate
Ainsi, à la prématuration de l'enfant, qui fonde biologi-
quement l'éducation familiale, répondrait l'inachèvement
de l'adulte, qui fonderait biologiquement l'éducation per-
manente.
Mais celle-ci trouve d'autres justifications dans le devenir
des institutions de formation des adultes.
2. LE DEVENIRDELAFORMATIONDESADULTES
Toute explorationhistoriquenécessite, dansle domainede
l'éducation, l'établissement d'une distinction préalable
entre, d'une part, les anticipations doctrinales ou les projets
et, d'autre part, les réalisations effectives, systématiques.
Faute d'une telle distinction, on serait tenté d'affirmer que
les institutions de formation d'adultes et les principes de
l'éducation permanente remontent au plus lointain passé.
Il est vrai que des préoccupations religieuses, morales ou
professionnelles ont depuis fort longtemps inspiré diffé-
1. G.LAPASSADE,L'entrée dansla vie, 1963.
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rentes initiatives en matière d'éducation des adultes. Citons,


par exemple, les mouvements compagnonniques qui, depuis
lafinduMoyenAge, prennent en charge l'initiation techni-
que de leurs membres, ou la «Society for the Promotion of
Christian Knowledge »qui, dès le début du XVIII siècle,
entreprend l'installation de petites bibliothèques dans les
paroisses reculées d'Angleterre
Maiscesont lemouvementencyclopédiste et la révolution
industrielle qui, à partir de la fin du XVIII siècle, rendent à
la fois compte de l'élaboration de certains modèles pédago-
giques et de la création de moyens nouveaux de formation
des adultes. L'essor de l'éducation populaire au XIX siècle
est marqué, entre autres, par l'application de ces modèles
et le développement de ces moyens.
1) Les modèlespédagogiques de lafin du XVIII siècle. —
Au moment où se multiplient en France, dans les an-
nées 1820, les cours du soir et du dimanche destinés aux
adultes, deux traditions ou deux modèles pédagogiques
coexistent.
Le premier modèle, initiatique, ésotérique, est repré-
senté par les formes d'apprentissage mises en œuvredans les
corporations et les mouvements compagnonniques. La
transmission des connaissances professionnelles procède
d'une relation directe entre le maître et l'élève. Elle est
assimilée à un rite dont la fonction est de garder jalouse-
ment les secrets du métier.
Le second modèle, rationaliste, implique, au contraire,
le souci de diffuser largement les connaissances techniques.
Inspiré par les courants expérimentaliste et encyclopédiste,
ce modèle suscite à la fois des utopies pédagogiques et des
réalisations concrètes. Ainsi, le projet de fonder un musée

'1d.uT.catK
LE ionELpLeY,Hi
rmansetonitree,nd°e5l'édducation
e 1970. desadultesenGrande-Bretagne,
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technique apparaît, au début du XVII siècle, d'une manière


utopique, dans La Nouvelle Atlantide de Francis Bacon, et
prend forme, à la fin du XVIII siècle, dans le Conservatoire
des Arts et Métiers. D'autres moyens commeles académies,
les sociétés d'agriculture, les dictionnaires, illustrent, de
diverses façons, la fécondité du modèle rationaliste. Citons
aussi les écoles gratuites de dessin qui, à la fin de l'Ancien
Régime,représentent àlafois uneformetypique d'enseigne-
ment technique en milieu scolaire et un instrument original
de promotion professionnelle. Sous la Convention monta-
gnarde, les cours révolutionnaires de l'An II offrent un
exemple remarquable de démultiplication des actions de
formation. Des centaines d'ouvriers armuriers issus de tous
les départements sont, dans un premier temps, rassemblés à
Paris pour y recevoir une formation à la fois technique,
civique et pédagogique. Dans un second temps, ils retour-
nent dans leurs départements pour y former, à leur tour,
de nouveaux ouvriers armuriers. Les écoles mutuelles de la
Restauration répondent au même souci de diffusion des
connaissances par essaimage
Le rapport de Condorcet (1792) illustre le mieux l'idéal
encyclopédiste dans le domaine de la formation des adultes.
Cette formation, comme toute action éducative, repose sur
le principe de l'unité du savoir et sur celui de la perfecti-
bilité de l'homme, elle-même liée aux progrès de la science
et de l'instruction. La formation des adultes, bien que
disposant de moyens rudimentaires (conférences hebdo-
madaires) prend place dans l'édifice vaste et cohérent que
constitue le Plan Condorcet. Ses finalités englobent, au-delà
du cadre professionnel, la préparation aux loisirs. La for-
mation des adultes repose enfin sur des principes pédago-
giques modernes comme, par exemple, le souci d'apprendre
à apprendre par l'utilisation méthodique desinstruments de
la connaissance.
1. A.LÉON,Histoiredele'nseignementenFrance,1967.
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2)L'essor del'éducationpopulaire au XIX siècle. —L'in-


dustrialisation etl'urbanisationcroissantes ont, auXIX
des effets divers et parfois contradictoires sur la scolarisa-
tiondesmassespopulaires. Il estvraiquel'industrie abesoin,
nonseulementdetravailleurs instruits et qualifiés, maisaussi
d'une main-d'œuvre enfantine et féminine, très peu formée
et vouée aux tâches parcellaires et répétitives. Par ailleurs,
la bourgeoisie craint toujours que la scolarisation massive
ne détourne le peuple des tâches manuelles et ne favorise
lasubversion. Lejeucombinédeces facteurs rendcomptede
la stagnation, apparemment paradoxale, du taux d'alphabé-
tisation enAngleterre, aucoursde larévolution industrielle
Cependant,la prise deconscience dela valeur économique
de l'instruction inspire, dans les pays industrialisés, une lé-
gislation favorableàla scolarisation dupeuple. Aussi,àpartir
des années 1840, l'alphabétisation progresse-t-elle au même
rythme que l'industrialisation. D'ailleurs, ce sont les pays
les plus instruits qui s'ouvrent en premier lieu et le plus
aisément à la révolution industrielle qui a pris naissance en
Angleterre, dans la seconde moitié du XVIII siècle.
Le développement de la formationdes adultes procèdede
laprise deconscience des mêmes exigences. Certes, l'Etat et
les chefs d'entreprise sepréoccupentplus dela formationdes
cadres—les officiers etles sous-officiersdel'industrie —que
decelledesouvriers. Ondoitcependantsoulignerlamultipli-
cationdescours dusoir. En 1869,la Franceencompte 34000
avec 800000auditeurs. Mais la formation des adultes reste
influencéeparl'écoledontelle constitueun simpleprolonge-
ment.Aussi,contrairementàcequel'onobserveenAngleterre
et aux Etats-Unis, où l'éducation populaires'affirmecomme
uneforceautonome, dotéedemoyens spécifiques, les biblio-
t h è q u e s p u b l i q u e s n e se d é v e l o p p e n t q u ' à u n r y t h m e l e n t

1. C.M.CIPOLLA,Literacyanddevelopmentinthe West,1969.
2. J. HASSENFORDER,DéveloppementcomparédesbibliothèquesenFrance,
en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, dans la seconde moitié du X I X siècle,
1967.
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1971. — Imprimerie des Presses Universitaires de France. — Vendôme (France)


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