pour-une-histoire-globale-du-fait-religieux-contemporain
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1. Cet article a été rédigé à l’issue d’un séjour de recherche aux États-Unis à
l’hiver et au printemps 2018, comme chercheur invité au Cushwa Center de l’Uni-
versity of Notre Dame, puis au Berkley Center de Georgetown University, avec le
soutien financier de l’Institut universitaire de France. Je remercie vivement les profes-
seurs Kathleen Sprows Cummings et José Casanova, qui ont parrainé ces invitations,
et ont nourri ma réflexion sur l’histoire globale du fait religieux.
2000 : selon une approche « réaliste libérale 17 », les acteurs sont vus
comme mus par la volonté de maximiser leur intérêt plutôt que par des
considérations idéologiques ou utopiques 18.
22. Les figures les plus marquantes en sont l’historien britannique Arnold Toynbee,
qui fait paraître les douze volumes de A Study of History entre 1934 et 1961, et l’historien
américain William McNeill, auteur entre autres de The Rise of the West : A History of Human
Community (1963) et A World History (1967). Voir Chloé Maurel, Manuel d’histoire globale :
comprendre le global turn des sciences humaines, Paris, Armand Colin, 2014, p. 18-28.
23. « Unaccompanied by a redeeming consciousness, the globalization of techno-
logy and systems may simply advance the worldwide spread of anything, positive as
well as negative. Global consciousness, then, is the agent needed to point globaliza-
tion in the direction of higher civilization. » Ralph Buultjens, « Global History and
the Third World », art. cit. (n. 7), p. 73.
24. « Growing appreciation of the fraternity of humankind and the universal
value of life », ibidem, p. 73-74.
25. Thomas F. Banchoff et José Casanova (ed.), The Jesuits and Globalization : Histo-
rical Legacies and Contemporary Challenges, Washington DC, Georgetown University
Press, 2016, p. 3.
26. Il rejoint ce faisant les préoccupations de William McNeill.
27. « For the first time in the long millennia, a global age has wrapped all
mankind within a single garment of destiny and has willed for them a common
Pour une histoire globale du fait religieux « contemporain » 965
59. Michel Lagrée et Nadine-Josette Chaline (dir.), Religions par-delà les frontières,
Paris, Beauchesne, 1997.
60. Aron Rodrigue, French Jews, Turkish Jews : The Alliance Israélite Universelle and
the Politics of Jewish Schooling in Turkey, 1860-1925, Bloomington, Indiana University
Press, 1990.
61. Alan Lester, « Humanitarians and White Settlers in the Nineteenth
Century », in Norman Etherington (ed.), Missions and Empire, Oxford, Oxford Uni-
versity Press, 2005, p. 64-85 ; William G. Clarence-Smith, Islam and the Abolition of
Slavery, Londres, Hurst & Company, 2006.
62. Peter R. D’Agostino, Rome in America : Transnational Catholic Ideology from the
Risorgimento to Fascism, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2004.
63. Kathleen Sprows Cummings, « Frances Cabrini, American Exceptionalism,
and Returning to Rome », The Catholic Historical Review, vol. 104, no 1, avril 2018,
p. 18.
64. Ibid., p. 17. Vincent Viaene (« International History, Religious History, Catho-
lic History », art. cit. [n. 18], p. 579) repère le même type de causalités pour
l’ensemble de l’historiographie religieuse des années 1960. Ce constat amène à
nuancer l’idée de « recherches anglo-saxonnes et nord-américaines, plus ouvertes
dans la manière d’envisager un catholicisme détaché des cadres nationaux », formu-
lée par Bruno Dumons et Christian Sorrel, « Introduction » au dossier ‘‘Approches
transnationales du catholicisme contemporain’’ », art. cit. (n. 58).
972 Charles Mercier
65. Peter R. D’Agostino, Rome in America, op. cit. (n. 62), p. 1-6.
66. Jean-Dominique Durand, « Rome », in Bruno Dumons et Christian
Sorrel (dir.), Le Catholicisme en chantiers : France, XIXe-XXe siècles, Rennes, Presses univer-
sitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2013, p. 197-222 ; Vincent Viaene, « Interna-
tional History, Religious History, Catholic History », art. cit. (n. 18), p. 592-594.
67. Jean-Claude Baumont, Jacques Gadille et Xavier de Montclos, « L’Exporta-
tion des modèles de christianisme français à l’époque contemporaine. Pour une
nouvelle problématique de l’histoire missionnaire », Revue d’histoire de l’Église de France,
vol. 63, no 170, 1977, p. 5-23.
68. Isabel Hofmeyr, The Portable Bunyan : A Transnational History of the Pilgrim’s Pro-
gress, Johannesburg, Wits University Press, 2004.
69. Ellen Fleischmann, « “I Only Wish I Had a Home on This Globe” : Transna-
tional Biography and Dr. Mary Eddy », Journal of Women’s History, vol. 21, no 3, sept.
2009, p. 108-130.
70. Ian R. Tyrrell, Reforming the World : The Creation of America’s Moral Empire, Prin-
ceton, Princeton University Press, 2010.
71. Vincent Viaene, « International History, Religious History, Catholic
History », art. cit. (n. 18), p. 590-592 ; Régis Ladous, « Jacques Gadille et la mission
de l’Église », in Jean-Dominique Durand et Régis Ladous (dir.), Histoire religieuse :
histoire globale, histoire ouverte : mélanges offerts à Jacques Gadille, Paris, Beauchesne, 1992,
Pour une histoire globale du fait religieux « contemporain » 973
nale abrite aussi des arbustes qui sont comme des boutures de
l’histoire des relations internationales plantées dans un terreau d’his-
toire religieuse. Le modèle des réseaux multipolaires y est utilisé pour
étudier les différents types de circulations et de connexions transnatio-
nales au sein des sphères religieuses, qu’elles aient une finalité poli-
tique 72, philanthropique 73, théologique 74, intellectuelle 75 ou
spirituelle 76. Si les historiens du protestantisme, du judaïsme et de
l’islam ont été pionniers dans cette voie 77, ceux du catholicisme ont
commencé à rattraper leur retard comme le montre l’article récent
de Cécile Vanderpelen-Diagre 78.
CONCLUSION
110. Philip Jenkins, The Next Christendom, op. cit. (n. 104), p. 6.
111. Ian Linden, Global Catholicism, op. cit. (n. 34), p. 293. Denis Pelletier porte un
regard un peu différent, voyant dans les théologies de la Libération des réceptions
des théologies européennes d’Avant-Guerre : « L’effet d’innovation est alors d’autant
plus sensible qu’il est pour partie en trompe-l’œil, du fait que ces théologies sont
largement héritières des démarches initiées par l’avant-garde des théologiens euro-
péens qui ont ‘‘préparé’’ l’aggiornamento au cours des décennies précédentes. Elles
alimentent en réalité un système de transferts culturels réciproques au sein d’un
espace transatlantique depuis longtemps ouvert à la culture européenne, et Rome
n’aura guère de mal à mobiliser contre elle un arsenal théorique et disciplinaire forgé
contre le modernisme chrétien (encyclique Pascendi, 1907), puis le progressisme »
voir Denis Pelletier, « La naissance d’un catholicisme global », art. cit. (n. 107), p. 33.
112. Alain Caillé et Stéphane Dufoix, « Introduction : le moment global des
sciences sociales », art. cit. (n. 3).
980 Charles Mercier
113. Voir, entre autres, pour la France : Jean-Pierre Bastian, Kathy Rousselet et
Françoise Champion (dir.), La Globalisation du religieux, Paris, L’Harmattan, 2001 ;
François Gauthier, « La Religion à l’heure de la mondialisation : au-delà de la divi-
sion public-privé », in Alain Caillé et Stéphane Dufoix (dir.), Le Tournant global des
sciences sociales, op. cit. (n. 2), p. 155-185 ; Christophe Grannec et Bérengère Massi-
gnon (dir.), Les Religions dans la mondialisation : entre acculturation et contestation, Paris,
Karthala, 2012 ; Philippe Portier, « Postface », in Fatiha Kaoues, Chrystal Vanel et
Vincent Vilmain (dir.), Religions et Frontières, actes du colloque Religions sans frontières
organisé par l’EPHE, Paris, 2 et 3 décembre 2010, Paris, CNRS éditions, 2012,
p. 199-205.
114. « Historians need sociologists for constructing historical narratives, and […]
sociologists, just as theologians, need historians for learning about the hard facts. »
Hans-Heinrich Nolte, Religions in World and Global History : A View from the German-
Language Discussion, Francfort, Peter Lang Edition, 2015, p. 19.
115. Une version de travail de ce texte a été présentée en introduction de la
journée annuelle de l’Association française d’histoire religieuse contemporaine
(AFHRC) le 29 septembre 2018. Co-organisée avec Olivier Chatelan et Florian
Michel, elle avait pour thème « Histoire globale et histoire religieuse contempo-
raine : quel dialogue ? ». Merci à eux pour cette aventure partagée dont cet article
n’est qu’un jalon.
Pour une histoire globale du fait religieux « contemporain » 981
RÉSUMÉ
Cet article vise à explorer les raisons de la faible connexion entre l’historiographie
religieuse et l’histoire globale dans les recherches portant sur les périodes allant de
la fin du XVIIIe siècle à nos jours (regroupées en France sous le terme d’« époque
contemporaine »). D’un côté l’histoire globale, qui s’est structurée à partir des
sciences économiques et politiques, semble peu intéressée par les faits religieux,
jugés peu explicatifs des phases les plus récentes de la globalisation. De l’autre, l’his-
toriographie religieuse, qui a cherché à séculariser ses démarches, semble méfiante
vis-à-vis d’une histoire globale parfois ordonnée à une sorte de théologie de la
convergence. Dans leur très grande majorité, quand les historiens du fait religieux
contemporain dépassent les frontières nationales dans leurs travaux de recherche,
ils privilégient le paradigme de « l’histoire transnationale » et non celui de l’histoire
globale. Tout en reconnaissant les mérites de ce positionnement « humble », l’auteur
plaide pour une histoire globalisée du fait religieux contemporain, qui mettrait à
l’épreuve des sources les théories sociologiques du religieux globalisé, qui discuterait
les hypothèses des historiens de la globalisation, et qui analyserait à nouveaux frais
les dynamiques du religieux dans l’histoire récente de l’humanité.
Mots-clés : Époque contemporaine, histoire globale, histoire transnationale, his-
toire religieuse, sociologie religieuse, théologie.
ABSTRACT
This article aims to explore the reasons for the poor connectivity of religious
historiography and global history in the researches covering periods from the late
eighteenth century to the present (gathered under the name of “contemporary era”
in France). On the one hand, global history, which has been structured from works
in economics and politics, seems not interested in religious matters, which are consi-
dered irrelevant for the explanation of the most recent phases of globalization. On
the other hand, religious historiography, which has sought to secularize its appro-
aches, seems suspicious of a global history that is sometimes theologically grounded,
assuming for instance that humanity is converging. The rare works of global history
specifically focused on religion seem to justify, by their disturbing proximity to world
982 Charles Mercier