Le Cours Des Glenans - Collectif
Le Cours Des Glenans - Collectif
Le Cours Des Glenans - Collectif
© Éditions du Seuil, 1972, 1982, 1990, 1995, 2002 pour les 2e, 3e, 4e, 5e, 6e et 7e
éditions.
La première édition imprimée du Cours de navigation des Glénans a paru aux éditions du
Compas en deux tomes successifs (1961 et 1962).
CONDUITE, MANŒUVRE
Le voilier, ses équipements, et ceux du marin
Les principes de la conduite et de la manœuvre communs à tous les voiliers
Les spécificités de la voile légère
Les spécificités du croiseur
Quelques notions théoriques
MÉTÉOROLOGIE, NAVIGATION
Météo
Prendre la météo
Comprendre la météo
Observer et prévoir le temps
Navigation
La carte marine
La signalisation maritime
La numérisation des cartes
Naviguer à proximité des côtes : le pilotage
Naviguer en vue des côtes
Naviguer au large
Prévenir les collisions
Mettre au point son projet de navigation
Le routage
SÉCURITÉ
Naviguer, c’est prévoir
L’homme à la mer
Les pathologies et les blessures courantes à bord
Les accidents matériels et les avaries
L’assistance extérieure
Embarquer sur un radeau de survie
ENVIRONNEMENT MARIN
Océanographie
À la rencontre de la biodiversité marine et du littoral
À la découverte des gens de mer et du patrimoine maritime
Un Hobie Cat 16. Le flanc extérieur des coques asymétriques, quasi vertical,
constitue son seul plan de dérive. D’autres modèles de catamarans de sport
présentent sous chaque coque un aileron longitudinal peu profond, courant
pratiquement de l’étrave jusqu’à l’arrière.
Un quillard de croisière.
Un petit quillard de sortie à la journée. Ce type de dayboat est parfois muni
d’une cabine symbolique et sommairement aménagée.
Un dériveur de type Laser sur son chariot de mise à l’eau. Le safran est à
poste, la dérive sabre est en position haute. Le mât non haubané est fiché dans
l’étambrai. L’écoute est reprise sur une pantoire (cordage muni d’un anneau sur lequel
fixer un palan ou une manœuvre). Ce voilier mené en solitaire est de type cat-boat : il
est dépourvu de voile d’avant et ne dispose que d’une grand-voile.
Un RS 500, dériveur à deux équipiers. Ici, le safran est relevé. La dérive pivotante
est masquée dans son puits. Le mât est simplement posé. En l’absence d’étambrai,
une paire de bas-haubans renforce son maintien latéral. La coque à double fond est
autovideuse : l’eau embarquée en navigation s’évacue par les ouvertures ménagées
dans le tableau arrière.
LE GRÉEMENT
Le gréement est le moteur du voilier. Il comprend la ou les voiles, le
mât, la bôme. Son rôle est de convertir l’énergie du vent en force de
propulsion pour faire avancer le bateau. Les détails du gréement varient
en fonction de la taille et du modèle du bateau.
LE GRÉEMENT DORMANT
Dans la plupart des cas, le mât est tenu par un ensemble de câbles
constituant le haubanage. On distingue les haubans qui se situent dans
le plan latéral, l’étai qui retient le mât sur l’avant, et le pataras sur
l’arrière. Le mât, la bôme (ainsi que le tangon que l’on établit pour
naviguer sous spinnaker) sont des espars (du nom de tout ce qui
autrefois sur les navires était fabriqué avec une longue pièce de bois ; un
aviron est aussi un espar). L’ensemble constitué par le mât, la bôme et le
haubanage représente le gréement dormant. Sur certains petits
bateaux, comme le Laser ou l’Optimist, le mât n’est pas haubané, mais
simplement fiché dans le fond de la coque et maintenu à la verticale
grâce au pont ou à un banc qu’il traverse. L’ouverture ainsi ménagée
dans le pont ou le banc pour le passage du mât est appelée l’étambrai.
LES VOILES
La plupart des voiliers de plaisance sont gréés en sloop bermudien,
c’est-à-dire qu’ils sont dotés de deux voiles triangulaires, une grand-voile
à l’arrière du mât et un foc à l’avant de celui-ci, le foc étant généralement
assujetti à l’étai. Ils peuvent être équipés d’un spinnaker ou « spi », voile
qu’on ne hisse que quand le bateau navigue aux allures portantes, c’est-
à-dire en recevant le vent sur l’arrière de son travers, comme nous le
verrons plus loin. Le spi asymétrique tend à supplanter le spi classique
symétrique pour faciliter sa manœuvre, mais sa plage d’utilisation est
plus restreinte, et ne permet pas la navigation au plein vent arrière.
Fabriquées en nylon pour les spis, en polyester 2 pour les autres
voiles dites « plates », les voiles sont renforcées dans les zones subissant
le plus de contraintes – essentiellement à leurs trois coins, par lesquels
elles sont fixées au reste du gréement. Ces coins ont chacun leur nom :
le point d’amure, le point d’écoute et le point de drisse. C’est aussi le
cas des trois côtés de la voile : le guindant à l’avant, la chute à l’arrière
et la bordure en bas.
Le gréement dormant d’un croiseur doté d’un mât à deux étages de barres de
flèche. Sur ce voilier, l’étai ne monte pas jusqu’en tête de mât : on parle de gréement
fractionné.
Un dériveur sous grand-voile, foc et spi asymétrique.
LE GRÉEMENT COURANT
Par opposition au gréement dormant, le gréement courant est
constitué de tous les câbles ou cordages qui « courent » dans la mâture
et sur le pont. On distingue les drisses, au moyen desquelles sont
hissées les voiles, des écoutes, grâce auxquelles on les oriente et les
règle. On parle souvent de bosse 3 pour les cordages affectés à d’autres
fonctions : par exemple les bosses de ris pour réduire la surface de la
voilure, la bosse d’amure pour retenir le point d’amure du spi
asymétrique, ou la bosse d’empointure reliant à la bôme le point
d’écoute de la grand-voile.
L’ACCASTILLAGE
Tous les accessoires destinés au réglage du gréement et à la
manœuvre des voiles constituent l’accastillage du bateau. Le gréement
courant est contrôlé au moyen de poulies et si nécessaire de winchs,
lorsque les efforts à mettre en œuvre sont importants (un winch est une
sorte de treuil). L’écoute de grand-voile coulisse dans plusieurs poulies,
formant ainsi un palan 4 (le palan d’écoute) qui démultiplie la force de
traction exercée par l’équipier qui la manœuvre. Taquets et autres
bloqueurs ou coinceurs immobilisent drisses et écoutes à la longueur
désirée. La tension des haubans est ajustée au moyen de ridoirs.
Le foc et la grand-voile.
Le contrôle de la bôme et de la grand-voile.
Nœud d’amarre
Un tour mort et deux demi-clés : c’est le plus simple des nœuds d’amarre,
et il a l’avantage de pouvoir être largué sous tension. Il est très fiable, comme le
souligne le dicton « un tour mort et deux demi-clés n’ont jamais manqué ». Le tour
mort, qui permet de bloquer instantanément un cordage ou de le filer à la
demande, sert ici à réduire les efforts sur le nœud, et à éviter aux demi-clés de se
souquer 6.
Nœud de taquet
Il permet de frapper une amarre ou une drisse sur un taquet. Après avoir
effectué un tour mort autour du taquet, on réalise un huit, puis on bloque
l’ensemble avec une demi-clé renversée. Lorsqu’on effectue cette demi-clé, le brin
supérieur du cordage doit bien croiser, et non pas se présenter parallèle au bord
du taquet. Inutile de multiplier les huit, cela ne servirait qu’à augmenter le volume
du nœud, alors qu’on aura peut-être besoin de place sur le taquet pour y frapper
une deuxième amarre. Avec une écoute, ou encore un cordage de remorque, la
demi-clé est prohibée, car il faut pouvoir larguer en urgence et on ne peut prendre
le risque qu’elle se souque. Après avoir tourné le cordage en huit, on termine alors
le nœud par un tour mort.
Nœud de chaise
Très fiable, il présente deux grands avantages : il se défait aisément même
après avoir été soumis à de très fortes tractions ; de tous les nœuds, c’est celui
qui affaiblit le moins la résistance du cordage. On l’utilise partout où l’on a besoin
d’une boucle facile à dénouer, pour frapper écoutes et drisses sur les voiles, ou
pour l’amarrage, notamment si le bateau doit rester longtemps à son
emplacement. Lorsqu’on réalise un nœud de chaise, il faut prendre le temps de le
souquer fermement, son défaut étant qu’il risque de glisser lorsqu’il n’est pas sous
tension. Veiller aussi à laisser une « queue » suffisamment longue, au minimum la
largeur de la main.
Nœud en huit
Il évite qu’écoutes et drisses ne s’échappent de leurs poulies et bloqueurs.
Nœud de cabestan
Ce nœud permet de fixer rapidement un cordage à n’importe quel point fixe
comme un anneau, une bitte d’amarrage, une main courante. Il a son utilité pour
l’amarrage, mais deux défauts : il peut se larguer en tournant sur lui-même si la
surface du point fixe est glissante, et une fois fortement souqué, il devient difficile
à dénouer. C’est le nœud parfait pour placer les défenses sur les filières. On peut
alors le compléter, par sécurité (à droite sur l’image), par une demi-clé sur le
dormant 7 du cordage.
L’ÉQUIPEMENT INDIVIDUEL DU MARIN
L’équipement individuel d’un navigateur varie non pas en fonction de
l’âge du capitaine (quoique !), mais de la pratique envisagée (voile légère
ou croisière), de la météo, de la température de l’air et de la mer. Ces
équipements ont pourtant des points communs : leurs fonctions
respectives, que nous avons choisies pour les classer.
SE PROTÉGER DU FROID
Il ne fait jamais très chaud en mer. Perdre de la chaleur est l’un des
plus grands dangers auquel on peut être confronté sur l’eau. Une
exposition prolongée au froid provoque un grand état de fatigue, et la
vitesse à laquelle se refroidit le corps humain sur la mer surprend
toujours le débutant. Nous disposons d’une réserve limitée d’énergie et
celle-ci se réduit singulièrement au contact du froid et de l’humidité.
L’une des clés principales du confort en mer est d’éviter d’avoir froid. La
règle est assez simple : toujours emporter une couche de plus que celles
dont on pense avoir besoin. Sauf en de rares occasions, le maillot de bain
est toujours insuffisant !
– En croisière, certains bateaux « mouillent » plus que d’autres. Quel
que soit le bateau cependant, la probabilité de se faire rincer est forte, ne
serait-ce que par les embruns. Et pour ne pas se refroidir il faut rester
sec. Le seul moyen d’y parvenir est de porter des vêtements étanches
(des cirés) au-dessus de vêtements chauds. Mais il ne faut pas non plus
avoir trop chaud. Cela fait transpirer, ce qui n’est pas agréable, et peut
provoquer un refroidissement ultérieur. C’est pourquoi il vaut mieux
porter plusieurs couches de vêtements qu’une seule trop épaisse. Le
contrôle de la température du corps se fait plus facilement en enlevant
ou en ajoutant une couche en fonction des besoins.
La règle de base est celle des « trois couches ». La première, portée à
même la peau, évite la condensation. La deuxième couche isole du froid.
La troisième est étanche, mais permet d’évacuer l’humidité intérieure.
Par froid intense on ajoutera une couche intermédiaire, sous le ciré. À
éviter : les jeans et les vêtements de coton, parce qu’ils seront froids et
raides une fois mouillés. Privilégier les tissus synthétiques type polaire,
qui ne retiennent pas l’eau sur la peau, sont légers et sèchent vite, ou
encore les tissus en laine mérinos, qui sèchent un petit peu moins bien
mais sont naturellement chauds et respirants, et très agréables à porter.
– En voile légère, on est souvent en contact direct avec l’élément
aquatique (appareillage de la plage, rappel, chavirage…). En conditions
estivales, la protection est assurée par une combinaison Néoprène type
shorty (manches et jambes courtes) ou intégrale. En cas d’immersion, le
vêtement garde entre le Néoprène et la peau une fine couche d’eau, vite
tiédie par le corps. Ces combinaisons sont assez fragiles et ne protègent
pas du vent une fois qu’on est remonté sur le bateau. Mieux vaut
protéger le fessier des frottements sur le caisson du dériveur par un
short large, et prévoir pour le haut un coupe-vent s’il y a de la brise et
que le soleil se fait rare.
Aux Glénans, la combinaison est obligatoire en voile légère pour trois
raisons :
– Elle permet d’attendre dans l’eau sans risque important après un
chavirage.
– Elle assure un surcroît de flottabilité.
– Elle apporte au débutant un sentiment de sécurité, qui l’autorise à
pousser ses découvertes sans craindre le chavirage, et à remonter sur
son bateau sans se sentir en situation d’échec.
Les trois couches. Même les sous-vêtements sont en synthétique ou en laine. Le
coton garde l’humidité et le froid.
La tête
Un tiers de la chaleur du corps s’évacue par la tête : sans aller
jusqu’au passe-montagne, qui ne sert que par temps très froid, le bonnet
est souvent de sortie. Si l’on porte les cheveux longs, il faut les attacher.
D’abord pour ne pas les avoir dans les yeux, mais avant tout pour éviter
qu’ils ne se prennent dans les poulies et cordages qui entourent
inévitablement le marin.
Les mains
Les gants conçus pour la voile laissent le bout des doigts découverts,
de façon à ne pas compromettre l’habileté gestuelle. Ils agrippent bien,
évitent les ampoules et protègent de la brûlure provoquée par un bout
(un cordage) qui file entre les doigts.
Les pieds
Pour les pieds, des mocassins, des chaussures ou des bottes pour
bateau, aux semelles plates, sans talons et antidérapantes, sont bien
adaptés à la pratique de la voile. Les caractéristiques d’une bonne
chaussure de marin sont l’adhérence sur le pont, la protection des
orteils, un temps de séchage réduit (il faut prévoir qu’on se mouillera), la
légèreté, les qualités antiodeurs, la tenue au pied. Beaucoup considèrent
que les bottes ne servent que l’hiver, mais on les appréciera la nuit
lorsqu’il fait plus frais, et à toute heure dès que l’eau monte sur le pont.
Les bottes en caoutchouc ont des inconditionnels, car leur étanchéité
n’est jamais prise en défaut. Le revers de la médaille est qu’on y
transpire facilement, ce qui peut avoir des conséquences sur l’ambiance
du bord, mais aussi sur la chaleur du pied. Notons que pour les grands
froids il existe des modèles haut de gamme doublés de Néoprène. Les
bottes en cuir à membrane respirante sont indubitablement plus
chaudes, légères et confortables. Elles sont en contrepartie chères, leur
imperméabilité n’est pas éternelle, et elles réclament des soins attentifs
si l’on veut les faire durer un tant soit peu. Caoutchouc ou cuir, les
modèles à guêtres intégrées sont particulièrement intéressants dans un
programme de navigation résolument hauturier, dans la mesure où ils
annihilent les remontées d’eau par le bas du pantalon ciré (lorsqu’on
travaille à genoux ou à quatre pattes, et qu’une vague monte sur le
pont…).
En voile légère, les bottes sont à proscrire car elles entravent la
liberté des mouvements sur le bateau, et tout particulièrement dans l’eau
(ce ne sont pas des palmes !) : dans ce secteur, rien ne remplace le
bottillon ou le chausson Néoprène, au cou-de-pied généralement
renforcé pour le contact avec les sangles de rappel.
Il faut éviter les chaussures en toile où le pied mouillé se refroidit très
vite. On peut naviguer en chaussures de sport, mais il ne faut pas
compter leur faire faire plus d’une saison (et encore, si elles survivent
aussi longtemps) : la puissance de destruction de l’eau de mer en
matière d’accessoires podologiques en surprendra plus d’un ! Quoi qu’il
en soit, il convient avant tout d’éviter de naviguer pieds nus : on
risquerait à chaque instant de se blesser sur les nombreuses pièces
d’accastillage qui parsèment le pont.
SE PROTÉGER DU SOLEIL
En mer, on risque non seulement le froid, mais on peut aussi attraper
de sérieux coups de soleil, au même titre qu’au ski. Une protection
solaire s’avère indispensable en raison de la réflexion importante des
rayons du soleil sur la mer, même par ciel couvert. Les attaques des
rayons solaires sont insidieuses, en particulier quand il y a un peu de
vent : contrairement à ce qui se passe sur une plage, on ne ressent pas la
brûlure du soleil.
La crème solaire d’indice élevé est de rigueur, et l’écran total n’est
pas un luxe. Une protection labiale, en stick ou en tube, est
recommandée. Les lunettes de soleil ne sont pas une coquetterie – opter
pour un modèle sérieux, et penser à les assurer avec une petite garcette
ou un bandeau ad hoc. La casquette s’impose, et le chapeau à bord large
est préférable sous les latitudes très ensoleillées car il procure
davantage d’ombre et protège la nuque. On trouve des casquettes
munies d’un lien avec une petite pince à clipser sur le col, et des
chapeaux dotés d’une jugulaire.
LE SAC DU MARIN
Avec l’expérience, le sac du marin embarquant en croisière gagne en
compacité et perd en volume : on apprend au fil du temps à aller à
l’essentiel et à ne pas s’encombrer du superflu. Chacun a ses habitudes
et ses petites astuces, l’indispensable n’est pas forcément le même pour
chacun, on connaît des équipiers plus frileux que d’autres qui
emporteront une couche supplémentaire même en été, des mélomanes
qui ne voyagent pas sans l’intégralité de leur bibliothèque musicale. Il ne
s’agit pas de faire ici la liste exhaustive de ce qu’il convient d’emporter
comme effets personnels à bord, mais de fournir les pistes dont on
pourra s’inspirer. Le mieux étant de s’établir sa propre liste
d’équipements, à cocher au moment de composer son sac chaque fois
que l’on part en croisière 9. La liste se perfectionnera de navigation en
navigation, elle s’amendera selon le programme de la croisière (la durée,
le climat, le confort intrinsèque du bateau…) et se révèlera un précieux
guide évitant d’oublier, avec la force de l’habitude, le petit détail qui
compte et que l’on regretterait amèrement.
Sur un croiseur, gilets de sauvetage et harnais font en principe partie
de l’équipement du bateau, mais depuis l’avènement des gilets
automatiques qui prennent peu de place, la donne a légèrement changé :
certains équipiers ont investi dans leur gilet personnel, et aiment à le
porter plutôt qu’un autre parce qu’ils en apprécient l’ergonomie, ou parce
qu’il a une particularité dont ils ne veulent pas se priver (par exemple,
une balise de détresse individuelle, intégrée au gilet et pas forcément
adaptable à ceux du bateau). De son côté, le chef de bord peut
légitimement ne faire confiance qu’au matériel collectif, qu’il connaît et
dont il a vérifié le bon état et la validité. C’est un point qu’il faudra
aborder ensemble, le dernier mot restant au chef de bord. Aux Glénans,
c’est par principe le matériel de sécurité collectif qui est utilisé, une
école de voile ayant en la matière des responsabilités particulières et des
obligations de sécurité.
Tout le reste de l’équipement doit tenir dans un sac de voyage
(exceptionnellement deux pour les longues croisières) et une sacoche où
se rangeront les objets petits ou fragiles. Bannir les valises, qui rayent les
boiseries et ne peuvent se ranger correctement à bord, éviter les sacs à
dos dont les bretelles s’accrochent un peu partout. Le sac marin idéal est
de forme polochon, souple, doté d’une grande ouverture. Sur un croiseur,
son étanchéité n’est pas indispensable, mais une simple imperméabilité
est un atout. Pour mieux y ranger (et y retrouver !) ses affaires, on peut
les regrouper par catégories dans des « sous-sacs », petites poches de
toile légère ou sachets type Ziploc®.
Le sac du marin : cirés, gants, crème solaire, lunettes de soleil, couvre-chef, lampe
individuelle, pharmacie personnelle, bottes. Le modèle idéal est le sac polochon,
et s’il est imperméable, c’est encore mieux.
Le contenu du sac
Vêtements légers et vêtements chauds, cirés, chaussures et bottes,
couvre-chef et lunettes de soleil, tout cela a été évoqué plus haut, mais il
n’y a pas que cela dans le sac !
– Un duvet. En mer, on souffre surtout de l’humidité, aussi est-il
conseillé de prendre un duvet synthétique qui sèche vite. Sa housse
devra être assez large pour qu’on puisse le ranger (et le protéger)
facilement tous les jours sans qu’il prenne trop de place.
– Un maillot de bain. Au cas où !
– Une pharmacie personnelle. La pharmacie du bord ► étant plutôt
destinée aux cas graves et aux pathologies générales, il n’est pas interdit
d’amener son petit complément (crème réparatrice pour les coups de
soleil, pansements, médicament contre le mal de mer, antalgique simple
de type paracétamol ou aspirine, pince à épiler, etc.) et il est
indispensable de se munir le cas échéant de ses traitements habituels,
accompagnés des ordonnances correspondantes.
– Un savon moussant à l’eau de mer, et une serviette pour se sécher.
Se laver à l’eau de mer n’est pas si désagréable à condition qu’on puisse
se rincer avec un peu d’eau douce. Les savons qui moussent à l’eau de
mer ne lavent pas mieux que les autres… mais permettent de
substantielles économies d’eau douce. Les serviettes en microfibres
sèchent très rapidement et sont peu volumineuses.
– Les lingettes préimprégnées autorisent les toilettes sommaires,
attention cependant, sur la durée elles entretiennent l’humidité sur
certaines parties du corps, favorisant ainsi les affections de la peau. Sur
les traversées océaniques notamment, on préfèrera faire sa toilette à
l’eau, et sécher au talc de bébé les zones à risques. Si les rougeurs et les
démangeaisons s’installent, ce sont encore une fois les produits de
puériculture (des crèmes spéciales pour les fesses du nourrisson) qui
pourront nous sauver la mise !
– Un sac étanche. On conseille de s’équiper d’un petit sac étanche
pour sauver ce qui doit absolument rester sec (papiers d’identité,
appareil photo, téléphone portable, carte de crédit, etc.). Même si les
équipets (rangements) sont globalement secs à l’intérieur du bateau, le
risque de mouiller ses affaires à l’embarquement ou au débarquement en
annexe n’est pas négligeable.
Les principes de la conduite et de
la manœuvre communs à tous
les voiliers
BATEAU PRIVILÉGIÉ
En mer, on ne parle pas de priorité, mais de navire « privilégié » par rapport à un
autre : un voilier bâbord amure doit ainsi se dérouter pour laisser le passage à un
voilier tribord amure (privilégié). Ce privilège n’a pas les mêmes conséquences en
matière de responsabilité (et d’assurance) que la priorité du code de la route : ce
n’est pas parce qu’un bateau privilégié entre en collision avec un bateau non
privilégié qu’il est dans son bon droit… Il existe bien sûr d’autres règles, abordées
plus loin dans ce Cours (voir le chapitre « Navigation », les règles de barre – le
RIPAM – ►), qui permettent de gérer les croisements et prévenir les risques
d’abordage.
LE VENT APPARENT
Le vent perçu à bord d’un voilier en mouvement n’est pas le même que celui
ressenti par un observateur immobile, qui se tiendrait par exemple sur le bord de
la plage ou sur un bateau à l’ancre. Au vent soufflant sur le plan d’eau, que l’on
qualifie de vent réel, se conjugue en effet le vent vitesse né du déplacement du
bateau, celui que l’on ressent, et qui souffle de face, lorsque l’on circule à vélo ou
lorsqu’en voiture on passe la main par la fenêtre.
De cette combinaison du vent réel et du vent vitesse naît le vent apparent, et
c’est ce dernier qui en réalité souffle sur les voiles, c’est celui qui détermine
l’orientation de la girouette ou des faveurs accrochées dans les haubans, celui que
nous ressentons sur notre visage. Sa direction et sa force diffèrent du vent réel.
L’angle formé entre le vent apparent et le bateau est toujours plus serré que
celui selon lequel souffle le vent réel, à une exception près : au plein vent arrière,
où vent réel et vent apparent soufflent dans le même axe, celui du bateau. Pour le
dire autrement, le vent apparent refuse par rapport au vent réel, hormis dans le
cas du vent arrière.
Les différences d’orientation et/ou de force entre vent réel et vent apparent
sont d’autant plus marquées que le vent vitesse est élevé, c’est-à-dire d’autant
plus que le bateau avance vite.
Le vent apparent est la somme du vent réel et du vent relatif créé par la
vitesse du bateau. Les bateaux très rapides comme les multicoques bénéficient
d’un vent apparent plus soutenu, mais aussi plus serré, que les bateaux moins
véloces, ce qui explique qu’ils remontent moins haut dans le vent.
UNE FOIS SUR L’EAU, L’APPRENTISSAGE
Et hop ! Un coup de baguette magique et nous sommes sur l’eau.
Bien sûr, cet artifice pédagogique n’est possible que sur le papier. Dans
la réalité, pour se retrouver là, il faut avoir armé le bateau, avoir quitté la
plage, le port. Toutes ces actions, dont le détail et la mise en œuvre
dépendent du voilier pour nos premiers essais, sont approfondies un peu
plus loin. Pour des raisons de sécurité et pour trouver sur l’eau tout le
plaisir qu’on en attend, il faudra aussi veiller à ce que notre bateau soit
en parfait état, à jour des différentes opérations d’entretien décrites dans
le chapitre « Maintenance du voilier » ►.
Les écoutes des voiles sont choquées, c’est-à-dire qu’elles sont
relâchées jusqu’à ne plus avoir de tension. Les voiles largement
débordées faseyent – elles flottent comme des drapeaux dans le lit du
vent. De lui-même, le bateau s’est mis à peu près travers au vent. Il
avance très peu et dérive latéralement. L’équipage a une position
relativement centrale dans le bateau et la barre est libre de ses
mouvements.
On profite de cet instant de calme relatif pour se repérer par rapport
au vent. Est au vent tout ce qui, par rapport à l’axe du bateau, se trouve
du côté d’où vient le vent. Est sous le vent tout ce qui se trouve de l’autre
côté de cet axe.
Pour conduire le voilier, nous avons à notre disposition la barre, la
dérive, les voiles et le poids de l’équipage 11.
L’apprentissage peut dès lors commencer… Il suffit d’embraquer
(reprendre rapidement le mou d’une manœuvre) l’écoute d’une des deux
voiles, ou des deux à la fois (on borde les voiles), pour que tout s’anime et
que le bateau acquière un peu de vitesse. Pas de panique ! Si rien ne va
plus, relâcher les voiles en laissant filer les écoutes (on choque les voiles).
Se rapprocher du milieu du bateau et libérer la barre nous ramènera dans
la situation précédente : à peu près travers au vent et quasiment à l’arrêt.
Ces faits rassurants désormais établis, il est temps d’aborder
quelques-uns des exercices élémentaires figurant au programme de
notre première sortie. Celle-ci devra avant tout nous permettre d’acquérir
quelques automatismes. À vélo, pour rétablir son équilibre, on tourne le
guidon en le redressant du côté où ça penche : c’est tellement intériorisé
que l’on n’a pas besoin de se demander si c’est bien vrai ! À la voile, si
l’on veut tourner, accélérer, ralentir, gîter, remettre le bateau à plat… il
faut aussi des automatismes.
Équilibrer le bateau
Un grand croiseur est relativement peu sensible au déplacement de
l’équipage. Sur un voilier léger, en particulier sur un dériveur, c’est très
différent. Les voiles toujours choquées, l’équipage placé au centre, le
bateau est pratiquement à plat. Dès que les voiles sont bordées, entraîné
par la force qui s’exerce sur celles-ci, il commence à s’incliner
latéralement : notre bateau gîte. Pour limiter cette gîte, l’équipage doit se
déplacer « au vent », et si les voiles sont de nouveau choquées, il doit se
rapprocher du centre du bateau. Cette coordination entre une action sur
les écoutes et un déplacement s’acquiert assez vite en voile légère, mais
l’on n’est jamais à l’abri d’une erreur et d’un chavirage. Chavirer en
dériveur ou en catamaran léger n’est pas un drame définitif, et le chapitre
« Les spécificités de la voile légère » décrit en détail la façon de remettre
son embarcation à l’endroit ►.
Bateaux au louvoyage. Les deux bateaux suivent des trajectoires différentes, mais
leur gain au vent est identique.
FASEYER
Faseyer se dit d’une voile qui, comme un drapeau, bat dans le vent. À l’inverse,
une voile présentant un angle avec le vent est dite bordée. On emploie parfois le
mot « gonflée » à la place de « bordée », mais plus rarement. En effet, ce qui donne
sa forme à la voile est bien une différence de pression, comme pour un ballon de
baudruche, où il y a plus de pression à l’intérieur qu’à l’extérieur, d’un côté que de
l’autre. Mais sur une voile, au contraire de ce qui se passe avec un ballon de
baudruche, la différence de pression n’est pas la même sur toute la surface. En
outre, la pression qui s’exerce d’un côté de la voile est plus faible que la dépression
qui s’exerce de l’autre (l’écoulement d’air « pousse » moins la voile qu’il ne
l’« aspire »). En utilisant le mot « gonflé », on perd donc en précision scientifique ce
que l’on gagne en facilité de langage.
Ces questions sont abordées en profondeur au chapitre « Quelques notions
théoriques » ►.
BÂBORD, TRIBORD
La gauche et la droite sont des notions qui organisent le monde autour du corps
d’un individu (ce qui est à la droite de Roméo peut être à la gauche de Juliette).
Bâbord et tribordont une référence unique, l’axe du bateau, ce qui présente
l’avantage de pouvoir nommer chacun des bords à l’aide d’une appellation stable,
quelle que soit l’orientation des individus embarqués. Moyen mnémotechnique des
vieux loups de mer (datant sans doute d’une époque où les voiliers étaient moins
pacifiques qu’aujourd’hui) : dans le mot « batterie » (de canons), le ba de bâbord est
à gauche, le tri de tribord est à droite… On aura compris que bâbord désigne la
gauche du bateau, et tribord sa droite (en regardant vers l’avant bien entendu…).
Diriger le bateau
■ Utiliser le safran
Rappelons que le safran est la partie immergée du gouvernail.
Actionné par l’intermédiaire de la barre, il agit d’autant mieux sur la
direction que le bateau gagne de la vitesse. Inutile de songer à faire
tourner un bateau qui n’avance pas à l’aide de son safran, pas plus que le
guidon ne fait bouger une bicyclette à l’arrêt. En revanche, plus le bateau
va vite, plus l’action de la barre et du safran est efficace. Lors des débuts,
la tentation est souvent forte de s’installer « dans le sens de la marche »,
le corps tourné tout entier vers l’avant du bateau. Mais le barreur se rend
vite compte que cette position manque de confort, qu’il se retrouve
déséquilibré à la gîte, et que sa hanche limite le mouvement de la barre.
La bonne position s’acquiert souvent naturellement : bien calé
perpendiculairement au bateau, seule la tête est tournée vers l’avant.
■ Quelques lacets…
Désormais correctement installés, maintenons notre barre droite : le
bateau avance tout droit lui aussi. Rien de plus simple en somme.
Compliquons quelque peu les choses et changeons de direction, tout en
nous souvenant que notre référence est la direction du vent.
Si nous déplaçons notre barre vers le côté au vent, notre bateau
abat : il s’éloigne de la direction d’où vient le vent. Pour l’exprimer
autrement, l’angle entre la direction du bateau et celle du vent augmente.
On dira d’un bateau qui abat contre la volonté de son équipage qu’il subit
une abattée.
En déplaçant la barre vers le côté sous le vent (en rapprochant la
barre de la grand-voile), nous faisons maintenant lofer le bateau : sa
direction se rapproche de celle d’où vient le vent. Un bateau qui lofe tout
seul subit ce que l’on appelle une auloffée.
Lofer et abattre, ces manœuvres sont très simples, mais au début,
sur l’eau, le plus délicat c’est de s’habituer à repérer la direction du vent !
Une particularité vient compliquer les choses : les mouvements de
barre semblent provoquer l’inverse de l’action désirée.
Cette impression est le fruit de nos réflexes de terriens : sur la terre
ferme, quand nous tournons un volant ou un guidon vers la gauche, notre
véhicule se dirige vers la gauche lui aussi. Mais en tirant la barre sur la
gauche (à bâbord) nous faisons virer le bateau vers la droite (sur tribord).
C’est a priori troublant, mais, avec un peu de pratique, cela s’intériorise
assez vite. Avec une barre à roue, la réaction du bateau est la même que
celle des véhicules terrestres. Il faudra donc s’habituer à inverser nos
réflexes. Soulignons dès maintenant une donnée capitale : les coups de
barre doivent être modérés. En effet, chaque fois que le safran se braque
dans l’eau qui s’écoule sous le bateau, le gouvernail agit comme un frein.
Une mauvaise position pour barrer : la position est très reculée dans le bateau, la
barre est tenue loin de son extrémité, ce qui réduit le bras de levier. Épaules et bassin
sont orientés vers l’avant, le barreur n’est pas stable sur son assise, et ses
mouvements sont par conséquent imprécis.
Le barreur a calé ses pieds au fond du cockpit, son buste fait face à la gîte, ce
qui lui garantit une bonne stabilité et par conséquent une bonne indépendance de
gestes des membres supérieurs. Il tient la barre à son extrémité, avec le plus grand
bras de levier possible, pour plus de précision.
Border la grand-voile fait lofer. Mais quand on borde le foc et que la grand-voile
est choquée en grand, le bateau n’abat qu’à deux conditions : s’il a peu de vitesse et
s’il ne gîte pas.
■ Utiliser la dérive
La position de la dérive peut aussi avoir un effet sur la direction. Si la
dérive est relevée, même partiellement, le bateau a tendance à abattre,
et à lofer si elle est descendue à fond. Ajoutons enfin qu’il est bien
difficile de manier la dérive sans agir en même temps sur la répartition du
poids de l’équipage dans le bateau…
■ Pour résumer
Réglage des voiles, gîte et contre-gîte, position de la dérive
contribuent donc tous ensemble à la direction du bateau 13. La barre
reste le principal outil à notre disposition pour le gouverner. Cependant,
si le bateau est mal équilibré (s’il tend à trop lofer ou à trop abattre), la
correction constante de sa direction à l’aide de la barre réduit nettement
ses performances. On l’a vu en effet, un petit angle de barre suffit à
freiner le bateau. Aussi faut-il correctement régler les voiles et la dérive,
disposer judicieusement les lests mobiles à notre disposition (équipage
en voile légère, mais aussi matériel en croiseur) de manière à limiter
l’angle de la barre et du safran. Parfois, le bateau rechigne à prendre la
direction souhaitée : l’utilisation des autres éléments à notre disposition
pour le faire obéir est alors très précieuse.
■ Accélérer
Quand les voiles faseyent, pour accélérer, il faut « gonfler » les voiles :
– Soit en s’éloignant de la direction du vent, en abattant à l’aide de la
barre par exemple, mais sans choquer les écoutes.
– Soit en bordant les voiles, mais en gardant le même cap.
– Soit en combinant les deux manœuvres.
■ Ralentir
Pour ralentir, il faut faire faseyer les voiles :
– Soit en se rapprochant de la direction du vent, en lofant à l’aide de
la barre, mais sans nécessairement choquer les écoutes.
– Soit en choquant les écoutes, mais en gardant le même cap.
Dans certaines circonstances, en particulier aux allures dites
portantes, quand le bateau reçoit le vent par l’arrière, la deuxième
solution est inefficace, puisque les voiles sont déjà pratiquement
choquées au maximum. Même si on largue l’écoute de grand-voile, celle-
ci reste désespérément gonflée et, à moins de laisser partir le foc en
drapeau à l’avant de l’étai (ce qui n’est pas conseillé), celui-ci continue de
porter au vent. Pour ralentir, il nous reste la première solution : lofer. Une
dernière méthode, pour réduire la vitesse aux allures portantes, consiste
à réduire la vitesse en bordant plat les voiles : offrant moins de surface
au vent, et travaillant de surcroît sous un mauvais angle d’incidence, elles
deviennent nettement moins efficaces et moins propulsives.
Lorsqu’il est possible de déventer ses voiles, aux allures proches du
vent par conséquent, le bateau commence à ralentir à partir du moment
où la voile n’est plus entièrement gonflée. Une bosse se forme dans la
voile (une inversion de courbure), phénomène d’abord visible près de
l’étai pour le foc, près du mât pour la grand-voile. Le bateau va moins
vite, mais ne s’arrête pas pour autant. Sentir le moment où les voiles
sont réglées à la « limite du faseyement » (c’est-à-dire alors que cette
bosse est sur le point d’apparaître) est extrêmement précieux.
Apprivoiser cette limite, naviguer en la faisant apparaître et disparaître,
permet d’affiner la conduite du bateau et la maîtrise des écoutes.
■ S’arrêter
Voilà qui est plus délicat ! Car, disons-le tout de suite, il n’y a pas de
frein sur un bateau ! Le savoir, c’est aussi apprendre à en tenir compte.
Sur un bateau à moteur, on peut embrayer la marche arrière pour ralentir
et s’arrêter plus ou moins promptement. Sur un voilier, il n’existe pas
d’autres méthodes que celles que nous avons déjà abordées. L’arrêt le
plus rapide s’obtient en lofant jusqu’à ce que les voiles faseyent
entièrement. On poursuit ce lof jusqu’à mettre le bateau face au vent ce
qui, pour une voiture, reviendrait à passer au point mort en attaquant une
côte. La voiture s’arrête, puis elle repart en arrière. C’est la même chose
pour un voilier ! La marche arrière ne dure cependant pas bien
longtemps, car assez vite le vent fait tomber le nez du bateau sur un bord
ou sur l’autre par rapport à l’axe du vent.
Rudiments de conduite
L’adage remonte aux anciens Cours des Glénans : « Pour le navigateur,
la direction du vent étant la seule constante, on devra apprendre à s’y
référer comme à un axe immuable. » Pourtant, c’est bien connu, y
compris du terrien quelque peu observateur, la direction du vent n’arrête
pas de changer. Il n’empêche : à bord d’un voilier, quand la brise change
de direction, c’est toujours elle qui sert de référence au marin. D’où la
seconde partie de l’adage : « Pour le navigateur à la voile, ce n’est pas le
vent qui change, c’est le paysage qui tourne ! »
Si le vent tourne 14, donc, deux possibilités s’offrent à nous :
– Soit nous naviguons vers un objectif fixe (un port par exemple) ;
dans ce cas, sans modifier la direction du bateau, il faut adapter
l’orientation des voiles à la nouvelle direction du vent (nous nous
inscrivons dans une logique écoutes propulsion).
– Soit nous tenons à rester à la même allure (nous pouvons par
exemple chercher à être le plus près possible du vent, parce que notre
objectif est de tirer des bords pour remonter contre le vent) ; alors, il ne
faut pas toucher aux voiles, mais modifier la direction du bateau pour
conserver le même angle vent-voiles (c’est la démarche barre
propulsion).
Quand la direction du vent se rapproche de celle du bateau, on dit
que le vent refuse. Si dans l’instant précédent les voiles étaient
correctement réglées, elles se dégonflent lors de ce refus. Il faut alors
soit les border, pour garder la même direction, soit abattre, pour ne pas
modifier le réglage des voiles.
Quand la direction du vent s’éloigne de celle du bateau, on dit que le
vent adonne. Il faut alors choquer les voiles (si l’on veut garder le même
cap), ou lofer (si l’on souhaite conserver le réglage des voiles).
Évidemment, entre ces deux impératifs pédagogiques – modifier le
réglage des voiles pour garder la même direction ou user de son safran
pour conserver son allure – s’offrent une infinité de réglages et de
possibles, car les oscillations du vent peuvent porter nos désirs vers des
horizons que nous n’avions pas d’abord envisagés : on peut aussi profiter
d’un changement de direction du vent pour changer son programme de
navigation…
■ Le près
L’allure du près est un peu à part. En effet, aux autres allures, on va
droit au but, droit en tout cas vers le point de la carte ou du paysage où
nos désirs (ou notre devoir) nous guident. Le près, quant à lui, est une
allure de compromis. Quand on est au près, en général, c’est que le vent
vient d’un secteur dans lequel se trouve notre objectif : si nous serrons le
vent au maximum, notre cap est plus pointu (nous pointons plus
directement l’étrave vers le lieu qui nous intéresse), mais le bateau
n’avance guère et dérive. Au contraire, avec un angle vent-bateau plus
important, nous accélérons, mais notre route semble moins nous
rapprocher de notre destination.
Où se situent la bonne limite, le meilleur compromis entre le cap et la
vitesse ? Nous affinerons cette délicate notion de la conduite au près,
dont on peut déjà entrevoir toute la subtilité, dans le chapitre « Améliorer
le rendement de son voilier » ►. Précisons déjà qu’à cette allure, les
voiles réglées une fois pour toutes, le barreur doit laisser le bateau
remonter « tout seul » dans le vent, en prenant soin de le maintenir dans
cette zone où le faseyement des voiles commence à peine à se faire
sentir, ce qui signifie qu’une fois cette limite trouvée, il fait tout pour que
l’angle vent-voilier demeure constant. En conséquence, quand le vent
tourne, le bateau change de direction. Au près, la conduite se fait donc
en barre propulsion.
La trajectoire jaune est celle du bateau ayant adopté le meilleur compromis cap-
vitesse. Lorsqu’on serre trop le vent, le voilier dérive et ralentit (trajectoire grise). Sur
une allure plus abattue (trajectoire rouge) la vitesse est meilleure, mais la remontée
au vent moins efficace.
Mais de façon générale, nous ferons tout pour garder notre bateau le
plus à plat possible. Une fois notre cap choisi, nos voiles réglées, nous
pouvons nous retrouver dans deux situations assez différentes :
– Si le bateau est à plat et que l’équipage a encore de la marge pour
se déplacer et le maintenir dans cette position quand le vent fraîchira, on
dit que l’on navigue en sous-puissance : les voiles sont à leur rendement
maximal pour le vent disponible.
– Si l’équipage s’est déjà déplacé au maximum au vent du bateau, au
rappel ou au trapèze, s’il ne dispose plus de marge quand le vent fraîchira
encore, alors on parle de navigation en surpuissance. Pour garder le
bateau à plat dans les surventes, il n’y a plus d’autre solution que de
réduire la force exercée sur les voiles : soit en les choquant purement et
simplement, et en les bordant de nouveau après la survente (écoutes
équilibre) ; soit en lofant et en abattant en fonction des fluctuations de la
force du vent (barre équilibre). On combine en général les deux
méthodes.
Le barreur est assis sur le caisson, buste vers l’intérieur, l’équipière n’est que
partiellement déployée au trapèze, le bateau est à plat : ce Laser Vago navigue en
sous-puissance.
Rappel maximum pour le barreur, trapèze sans concessions pour l’équipière. Le
Vago affiche une légère gîte et si le vent augmente, il n’y aura d’autre issue que de
choquer ou lofer pour maintenir l’équilibre latéral : c’est une situation de
surpuissance.
Les bouts
Le mot bout (prononcer « boute ») est utilisé pour désigner tous les
cordages qui se trouvent à bord d’un voilier, chacun d’entre eux portant
un nom particulier selon son utilisation. Un bout peut ainsi être une
garcette, une aussière, une drisse, etc. 15
Un bateau doit être opérationnel à tout moment, et le rangement des
bouts fait partie intégrante de la chronologie des manœuvres. En fin de
manœuvre, il faut « faire le ménage dans le bateau ». Ne sortez pas vos
seaux et vos serpillières, il s’agit juste de ranger les bouts !
VIRER DE BORD
On se souvient qu’on peut changer d’amure grâce à un virement de
bord vent debout ou à un virement de bord vent arrière. Quand on
remonte au vent, le virement de bord vent debout est préférable au
virement de bord vent arrière, qui nous ferait perdre sous le vent
quelques longueurs de bateau – le contraire de ce que nous recherchions
en remontant au vent.
De même, quand on tire des bords de grand largue, autant effectuer
un virement de bord vent arrière (un empannage) 16 plutôt qu’un virement
vent debout. Évidemment, si l’on est un peu cabochard, on peut en
décider autrement. Cette décision pourra même parfois s’avérer sage.
C’est le cas par vent très fort, où un virement de bord vent arrière est
dangereux s’il est mal contrôlé, car le passage de la bôme est très rapide
et violent. Un virement de bord vent debout fera alors perdre un peu de
terrain, mais évitera les risques matériels et humains.
Sur les anciens voiliers à phares carrés, pendant un virement vent
arrière, le côté au vent de la voile (le côté lof) devenait le côté sous le
vent (et inversement). Aussi parlait-on de virement lof pour lof pour un
changement d’amures 17 par le vent arrière, qui représentait sur ces
navires la façon la plus aisée et la plus naturelle de virer. Quand on
remontait au vent, cette manœuvre faisait perdre beaucoup de gain au
vent chèrement acquis, mais si le bateau n’arrivait pas à virer vent
debout, il ne restait que cette solution. Sur les voiliers actuels, le
problème est inversé : par vent très violent on doit parfois remplacer un
virement de bord vent arrière problématique par un virement de bord
vent debout.
■ « Paré à virer ? »
Il faut faire preuve d’attention avant de commencer cette manœuvre.
Le plan d’eau est-il libre de tout obstacle dans la nouvelle direction que
va prendre le voilier ? A-t-on pris des repères pour déterminer cette
nouvelle direction ? Le bateau possède-t-il assez d’erre (de vitesse
acquise, d’élan) pour réussir le virement ? À bord, tout est-il « clair » ? A-t-
on mis en place l’écoute de foc au vent (ou contre-écoute), en lui faisant
faire le cas échéant deux tours autour du winch ? A-t-on réglé le point de
tire de la contre-écoute à la même position que sur le rail de génois 18
sous le vent ? L’écoute sous le vent est-elle prête à filer ? L’équipage est-
il au courant de l’imminence de la manœuvre ? Toutes ces questions se
résument en une seule, posée par le barreur : « Paré à virer ? »
RANGER LES BOUTS
Ranger un bout, c’est s’assurer qu’on pourra l’utiliser sans qu’il s’emmêle, et
qu’il filera librement. Pour une écoute, le plus efficace est de la mettre dans son
rangement en commençant par y placer son extrémité, et le reste par-dessus,
selon la technique du « tas bien pensé ». On rangera de même le halin du feu à
retournement ou le câblot textile du mouillage. Tel il est entré, tel il sortira.
Les bouts sans rangement dédié sont mis au clair en réalisant une glène. Cela
consiste à lover le cordage en spires concentriques, à tours égaux, superposées
les unes aux autres.
Lover un bout
Par convention, et parce que c’est indispensable pour les bouts toronnés, on
love dans le sens des aiguilles d’une montre, de la main droite vers la main
gauche. Il est d’usage de tourner à chaque passe le cordage sous le pouce, pour
éviter de faire des huit. Cette technique est parfois contestée, au motif qu’elle
vrillerait les bouts. Chacun se fera sa philosophie. Les amarres très longues ou
lourdes peuvent être lovées à plat pont.
Drisses, amarres et autres bouts sont ainsi lovés en glènes. Une glène peut
facilement être amarrée sous un taquet ou une filière, ou être posée dans son
logement. Au port, sur un croiseur, la glène peut être capelée 19 sur un winch. On
verra dans les deux pages suivantes comment achever le nouage d’une glène.
Démêler un bout
Un bout neuf extrait de sa bobine tend à faire des coques, c’est-à-dire des
boucles vrillées. Certains bouts usagés peuvent présenter le même inconvénient.
On parvient à les remettre en forme en les laissant traîner derrière le bateau.
Si, malgré toutes ces précautions de rangement et de soin un filin finit en
pelote ou en « sac de nœuds », il faut dépasser les boucles (les doubles) les unes
des autres. Les nœuds ne sont qu’apparents : ne surtout pas dépasser les
extrémités du filin, car on commencerait alors à créer un nœud bien réel.
NOUER LES BOUTS
Il existe de nombreuses façons de nouer un cordage pour le ranger après qu’il
a été lové. Le recours à ces différentes méthodes dépend du type de cordage et
de sa fonction, de son lieu de stockage, ainsi que des usages et des préférences,
voire des coquetteries de chacun. En voici quelques-unes parmi les plus utilisées
ou les plus utiles.
■ « On vire ! »
■ Le barreur
Avec la barre, le barreur accompagne le bateau dans le virement. Il
dose son geste en observant la rotation du bateau, laquelle doit s’arrêter
sur le nouveau bord à une allure un peu plus abattue que le près, afin de
pouvoir relancer le bateau. Avant le virement, le barreur s’est représenté
la direction qu’il devra suivre sur l’autre bord de près, que ce soit avec
des repères dans le paysage ou en observant l’orientation des vagues. Au
près serré, un voilier moderne tire des bords à plus ou moins 90° (c’est-à-
dire plus ou moins 45° de part et d’autre du vent), c’est fonction des
caractéristiques du bateau, de la coupe des voiles, de l’habileté du
barreur et des régleurs, mais aussi de l’état de la mer.
En voile légère et sur les petites unités, le barreur a également la
charge de l’écoute de grand-voile : en milieu de virement, il choque
légèrement la grand-voile (ou même largement en catamaran) pour
qu’elle soit au réglage adéquat dès que le bateau sera sur l’autre bord. La
grand-voile sera ensuite bordée progressivement, au fur et à mesure de
l’accélération du bateau sur le nouveau bord de près.
Au près serré, la plupart des voiliers virent à plus ou moins 90° d’un bord à l’autre.
■ Le focquier
Dès qu’en début de virement le foc se vide (il ne porte plus), le
focquier le choque en grand. Dans des circonstances particulières,
notamment sur les multicoques qui virent plus difficilement, le barreur
peut demander au focquier de garder le foc bordé à contre quelques
instants de façon à aider à la rotation du bateau. La méthode mérite
d’être utilisée à bon escient, inutile d’en abuser, car elle fait perdre
beaucoup de sa précieuse vitesse au bateau. Sans consigne spécifique,
le focquier s’abstiendra donc de faire porter le foc à contre. Le plus
rapidement possible, il embraque le mou de la contre-écoute : tant que la
voile faseye encore, c’est assez facile, mais cela ne dure pas. Il faut donc
agir avec énergie pour profiter de ce moment. Plus l’exécution sera
rapide, moins il y aura d’écoute à reprendre pour finir de border le foc et,
surtout, plus tôt la voile d’avant sera propulsive.
Sur un croiseur, le focquier embraque à la volée avec deux tours
d’écoute sur le winch. Puis, dès que le foc commence à porter et que la
tension sur l’écoute s’accroît, il effectue des tours supplémentaires
jusqu’à garnir la poupée de winch sur toute sa hauteur. Le cas échéant, il
engage l’écoute dans le self-tailing 20, puis il termine de régler à la
manivelle de winch, ajustant le réglage de la voile, jusqu’à ce que le cap
du bateau soit stabilisé sur le nouveau bord de près.
Les catamarans, dont les coques « ratissent » l’eau, virent avec moins d’aisance
que les dériveurs. Il faut prendre soin d’avoir de la vitesse avant de pousser la barre.
On aide si nécessaire les étraves à tomber sous la nouvelle amure, en gardant
quelques instants le foc à contre.
■ « Manque à virer ! »
Certains bateaux ont plus de mal que d’autres à virer de bord : les
catamarans, les trimarans, les croiseurs à quille longue. Mais le manque
à virer peut survenir sur n’importe quel voilier, si le bateau n’avait pas
assez d’erre au départ, si l’on a choqué le foc trop tôt – ou si on l’a
rebordé trop tôt –, ou encore si l’on a mal accompagné le virement avec
la barre. On ne parvient pas à virer, le bateau s’arrête, puis il cule (il se
déplace en reculant). Plus ou moins rapidement, on se retrouve sur
l’amure d’origine. Retour à la case départ !
Il existe une solution pour sauver la situation : lorsque le voilier se
met à culer, on inverse la barre. Le bateau finit alors son virement en
marche arrière. On peut aider le mouvement en faisant porter le foc à
contre (comme nous l’avons expliqué plus haut).
La marche arrière fait d’ailleurs partie des manœuvres de base du
voilier et nous l’abordons un peu plus loin.
LE SPI ASYMÉTRIQUE
Considéré comme plus simple d’utilisation, le spi asymétrique tend à
supplanter le spi symétrique en croisière. Il présente malgré tout un
inconvénient : il ne permet pas de descendre bas dans le vent. Seuls les
voiliers de course, avec de longs bouts-dehors et des spis spécialement
taillés pour la descente, parviennent à faire du vent arrière avec un
asymétrique. Et seuls les bateaux capables de fortes accélérations
gagnent à tirer des bords de largue. Lorsqu’en croisière la destination est
proche du vent arrière, sous spi asymétrique on allonge inutilement la
route, et c’est bien pourquoi son grand prédécesseur le spi symétrique
mériterait de conserver toutes ses lettres de noblesse.
Dans l’immédiat, retenons que la préparation d’un spi asymétrique
est légèrement différente de celle du spi symétrique. Le point d’amure
est tenu par une bosse d’amure renvoyée sur une poulie ou un anneau de
friction à l’extrémité du bout-dehors ou de la delphinière 24. Les deux
écoutes sont frappées ensemble sur le point d’écoute. À l’exception des
petits croiseurs, pour lesquels on acceptera de faire passer la contre-
écoute entre le spi et l’étai (comme sur les dériveurs), on prend soin de
faire passer l’écoute au vent en avant du guindant du spi.
« DÉMÊLER UN COQUETIER »
Si le spi s’enroule autour de l’étai, on parle de « coquetier ». Cela se produit
lorsque le barreur est venu trop vent arrière, et même sur la fausse panne (au-delà
de l’axe du vent) : les remous derrière la grand-voile ont embarqué la tête du spi. Le
remède consiste à recréer le phénomène symétrique, en empannant, et en
maintenant le bateau vent arrière, proche de la fausse panne.
Naviguer sur la panne, c’est avoir la bôme en travers du bateau lorsqu’on
navigue plein vent arrière, à la limite de l’empannage. Venir sous la fausse panne,
c’est dépasser le lit du vent, sans faire passer la grand-voile et sans empanner. Par
définition, c’est une situation transitoire ou précaire, et si elle n’est pas consciente
ou voulue, elle est porteuse d’un risque plus ou moins fâcheux selon la force du
vent : voir passer la bôme brutalement et sans préavis.
AFFALER LE SPI
D’un type de spi à l’autre, la manœuvre ne diffère guère. On
commence par venir au grand largue. Un équipier se saisit de l’écoute
sous le vent (au besoin on l’aide en reprenant à fond le barber-hauler), et
on laisse venir l’amure, en choquant le bras si c’est un spi classique, la
bosse d’amure pour un spi asymétrique. L’objectif est de ramener à soi
toute la bordure avant de choquer la drisse, sous peine de voir le spi
partir s’il accroche l’eau. On enfourne ensuite la voile dans la descente.
Si l’on a eu suffisamment de temps pour anticiper la manœuvre, on
aura déroulé ou hissé préalablement le génois, toujours pour aider le spi
à déventer et lui éviter de venir dans l’étai.
Le spi est affalé. Reste à ranger le tangon, à remettre en place drisse,
balancine, hale-bas, écoute et bras. Il faut aussi ranger le spi dans son
sac avec le plus grand soin.
Le bras est largement choqué, et toute la bordure avalée avant de larguer la
drisse.
PLIER LE SPI
En partant du point de drisse, on suit chacune des deux ralingues de chute
(l’une est rouge, l’autre verte) en faisant des accordéons dans ses mains : on
s’assure ainsi que le spi ne commet pas de tours sur lui-même. Une fois les trois
points du spi rassemblés, on fourre le tissu dans le sac. Les trois points resteront sur
le dessus, maintenus par le lacet de serrage de la baille, ou encore mieux, par des
sangles Velcro prévues à cet effet.
À chacun sa ralingue. On peut se faciliter la tâche en fixant la têtière du spi à un point
fixe (épontille de mât, main courante) au moyen d’un raban.
L’AVALEUR DE SPI
Le spi asymétrique s’est généralisé sur tous les dériveurs et catamarans de
sport modernes, le plus souvent accompagné d’un avaleur. Ce dispositif consiste en
un tube ou une chaussette horizontale, logé dans l’étrave pour un dériveur ou le long
du bout dehors pour un catamaran, dans lequel le spi est « avalé » à l’affalage, grâce
à un bout cousu au cœur du spi. L’écoute étant elle-même gréée en continu, les
manœuvres d’envoi et de récupération du spi sont extrêmement simples et rapides.
Le gréement de spi d’un Hobie Cat 16.
LA CHAUSSETTE À SPI
La chaussette facilite l’usage du spi sur les grosses unités. Elle ne se justifie
guère sur les bateaux de moins de 33-35 pieds, où la surface de toile reste gérable,
et où elle créerait plus de complications qu’autre chose. Un hale-haut retrousse
celle-ci en tête de mât, tandis qu’un hale-bas permet d’étouffer la toile qui se range
d’elle-même dans la chaussette. Une fois la chaussette enfilée jusqu’en bas, affaler
et ranger le boudin. Tout paraît facile, mais ne surtout pas négliger en cours de route
quelques points essentiels : une fois la chaussette en tête de spi, le va-et-vient doit
impérativement être ramené, tendu, au pied du mât ; ne surtout pas le laisser flotter
dans les parages de l’étai, car un coquetier où le spi s’enroule à la fois dans l’étai et
dans le va-et-vient est une véritable catastrophe, quasi inextricable. Après un
empannage, on transporte logiquement cette bosse sur l’autre bord après l’avoir
amenée en avant de l’étai. À l’envoi et à l’affalage, il est bon de la passer par un
point fixe, par exemple, une poulie ouvrante sur la plage avant, ceci afin de faciliter
son utilisation (il n’y a plus qu’à contrôler un seul des deux brins), mais aussi de
façon à éviter qu’elle ne joue la fille de l’air et ne s’envole au-dessus de l’eau. Pour
finir, lorsque la chaussette ne descend pas ou difficilement à l’affalage, penser à
s’avancer au plus près de l’étai pour tirer plus facilement vers le bas.
Une bande verticale de couleur différente sur la chaussette permet de s’assurer
qu’elle ne comporte pas de tours.
LA CAPE
Parfois il faut attendre un voilier ami, effectuer une pause pour pique-
niquer, se mettre aux fourneaux ou régler un problème technique,
patienter le temps que la mer monte et que le port soit accessible, faire
le gros dos dans un coup de vent, ou même s’arrêter pour prendre le
temps de se repérer si l’on est un peu perdu ! En voile légère, on peut
éprouver le besoin de se reposer après un dessalage. L’allure à adopter
lorsqu’on cherche ainsi à temporiser est celle de la cape.
Le principe est simple : on fait porter le foc à contre, c’est-à-dire sur
le bord opposé à celui de la grand-voile, on maintient la barre sous le
vent (on peut même l’amarrer dans cette position), et on choque l’écoute
de grand-voile en grand. Utilisable en toutes circonstances, la cape
représente par ailleurs une stratégie défensive classique par mauvais
temps. Travers au vent sous voilure réduite le bateau dérive, ce qui crée
des turbulences au vent de la coque. Ces remous apaisent la hargne des
vagues, et l’équipage, en bas et au chaud, peut récupérer des forces.
Pour se mettre à la cape très naturellement, il suffit de « rater un
virement de bord » : on passe le lit du vent sans toucher à l’écoute de foc
qui se retrouve par conséquent à contre, on choque la grand-voile dans
l’abattée qui s’ensuit sous la nouvelle amure, puis on met la barre sous le
vent. Si l’on tient absolument à se mettre à la cape sans changer de bord,
on peut à la rigueur embraquer l’écoute de foc au vent, mais ce n’est
envisageable que sur de petites unités et par vent modéré, en raison des
frottements considérables de l’écoute, voire du foc lui-même, sur les
haubans.
Voici ce qui se passe à la cape. Le foc à contre tend à faire abattre le
voilier, mais aussi à le faire reculer, car sa convexité est orientée vers
l’arrière du bateau. La barre contrarie cette tendance à l’abattée. La
grand-voile légèrement gonflée pousse le bateau à lofer et à avancer. Ces
actions se neutralisant les unes les autres, le bateau trouve une position
d’équilibre, il avance légèrement tout en dérivant et capeye dans une
position intermédiaire entre le près et le travers.
Les avantages de la cape sont multiples : les voiles faseyent très peu
et ne souffrent pas. Le bateau reste manœuvrable, à vitesse très réduite.
Avec un peu de pratique, on contrôle aisément vitesse et trajectoire en
jouant sur le réglage de la grand-voile, ce qui peut s’avérer très utile pour
prendre un coffre avec un voilier lourd et peu évolutif, ou encore pour
récupérer un objet tombé à l’eau.
■ Le foc
On dispose d’un système assez simple pour régler la tension de la
chute et de la bordure du foc : sur le pont, l’écoute passe dans une poulie
sur chariot. Quand on recule ce chariot d’écoute, la chute est moins
tendue que la bordure : le profil s’aplatit, mais le haut du foc déverse.
Quand on avance le chariot d’écoute, la tension de la chute augmente
par rapport à celle de la bordure, ce qui creuse la voile, referme le haut
du profil et lui donne plus d’incidence. Si le foc possède plusieurs paires
de penons réparties sur toute sa hauteur, on obtiendra assez vite le bon
réglage (une incidence constante sur toute la hauteur du guindant). Avec
ce réglage, au près sur un croiseur doté de barres de flèche dans l’axe ►
et d’un génois à fort recouvrement, la bordure du foc est à l’intérieur des
filières, la chute à quelques centimètres du bout des barres de flèche :
c’est bien normal, car le gréement a été conçu pour ça. Avec un génois à
faible recouvrement sur des barres de flèche poussantes et des cadènes
sur le liston, la chute rentre à l’intérieur de l’extrémité de la barre de
flèche. Des bandes de scotch placées sur ces dernières permettront de
mieux visualiser la position de la chute, et la façon dont la voile d’avant
est bordée.
Pour augmenter le creux du foc, il suffira de choquer un peu d’écoute
et de reprendre le réglage du chariot pour avancer le point de tire de
l’écoute. Lorsqu’on « débride », c’est-à-dire lorsqu’on abat en ouvrant les
voiles, on avance le point de tire de façon à conserver une certaine
tension dans la chute, et à ne pas laisser la voile vriller exagérément,
voire déverser dans sa partie haute.
Sur le foc, les penons sont placés en léger retrait de la ralingue de guindant,
au tiers inférieur de la voile. Un penon qui monte à la verticale, tombe ou se
tortille, signale un mauvais réglage (ou un cap mal adapté au réglage).
Dans la pratique, on peut se permettre de faire monter très légèrement le
penon au vent (qui doit cependant demeurer rectiligne) sans nuire au rendement
de la voile. C’est ainsi qu’on peut gagner quelques degrés de cap au près serré ;
aux allures abattues, cette petite liberté prise avec ce penon d’intrados permet
d’ouvrir le profil de quelques centimètres d’écoute, avec pour résultat une voile
plus propulsive (l’orientation de la force vélique se rapproche de l’axe du bateau).
Aux allures débridées, lorsque le barreur fait route sur un cap déterminé, c’est
le régleur qui devra s’adapter pour ramener les penons en place. Au près serré,
une fois trouvé le bon réglage compte tenu de la force du vent et de l’état de la
mer, c’est le barreur qui « suit » ses penons. Au vent arrière, les penons feront
n’importe quoi, mais on s’y attend : aux allures de poussée, on perd l’écoulement
laminaire.
Lorsque les faveurs flottent dans le prolongement du profil, la vitesse des
écoulements est la même de part et d’autre de la chute. Au près serré, dans une
recherche de cap, on peut faire décrocher, comme sur cette photo, la faveur de
la latte supérieure de grand-voile, en accroissant la tension de chute. Attention
à ne pas exagérer pour ne pas casser la vitesse.
Gérer la surpuissance
En accentuant le vrillage, on parvient à faire déventer les profils supérieurs, de
façon à libérer un excès de puissance. C’est un moyen, à bord d’un croiseur, de
retarder la réduction de voilure, ou sur un dériveur, de garder le bateau à plat
lorsque le vent monte.
Comment vriller
Pour le génois, reculer le point de tire et reprendre de l’écoute pour aplatir le
bas de la voile tandis que le haut déverse naturellement. Pour la grand-voile, la
bosse de bordure (ou d’empointure) est reprise à fond, le chariot demeure
relativement centré, c’est la tension du palan d’écoute qui détermine l’importance
du vrillage.
Ne pas oublier, lorsqu’on entreprend ce type de réglage, que la théorie n’est
jamais qu’un outil pour tâtonner intelligemment. C’est le résultat qui compte : sur
un croiseur, le juge de paix demeure le speedomètre, tandis qu’en dériveur on se
laissera guider par les sensations, avec deux préoccupations essentielles, naviguer
à plat et avec le moins d’angle de barre possible.
Départ au lof
Survente, vague traîtresse, ou les deux à la fois : soudain la gîte
s’accroît, le safran décroche et le bateau « passe sur sa barre » en
remontant brutalement dans le vent. C’est le départ au lof.
Lorsque la menace se précise, il est encore temps d’enrayer le
phénomène. En premier lieu le barreur peut « pomper » sur le gouvernail,
c’est-à-dire faire comme s’il essayait d’abattre par à-coups. L’objectif, en
ramenant chaque fois la barre au milieu ou quasiment, est de raccrocher
les filets d’eau sur le profil du safran avant de redonner de l’angle à la
pelle. À garder le gouvernail constamment braqué pour contrer le départ
au lof, on conduit en effet le safran à passer en écoulement totalement
décroché, et à lui faire perdre toute son efficacité.
L’équipage s’est laissé surprendre au moment où il s’apprêtait à hisser le foc.
La bôme engage dans l’eau, accentuant le départ au lof. Pour l’enrayer, il aurait fallu
larguer le hale-bas de la grand-voile à la première alerte. Si le bateau ne revient pas en
ligne, la seule solution sera d’affaler le spi, en larguant d’abord la drisse, et surtout pas
le bras.
Départ à l’abattée
Plus rarement, sous l’influence d’un coup de contre-gîte
(éventuellement amplifié par une vague pernicieuse), il arrive que le
voilier parte à l’abattée. Si l’on tarde à réagir à la barre, une fois le
mouvement lancé, il n’y a plus guère moyen de faire entendre raison à sa
monture. Cela se finit généralement par un empannage sauvage, qui fait
regretter de ne pas avoir pensé plus tôt à réduire la voilure. Par vent fort,
il faut limiter le danger : le frein ou la retenue de bôme offrent des
solutions. Dans tous les cas de figure, on se gardera de faire porter la
bôme sur les haubans au vent arrière, car en cas d’empannage
involontaire elle irait frapper le hauban opposé, au risque de se briser, ou
de détériorer le gréement. Pour la même raison, on bloque la barre
d’écoute au centre du bateau (ou sous le vent).
CONDUIRE
Même si l’on est peu soucieux de performances, pourquoi se priver
du plaisir de progresser dans l’art de conduire son voilier ? Ceux qui
voudront s’éloigner de l’à-peu-près découvriront, dans les lignes qui
suivent, un certain nombre de subtilités à mettre en œuvre. Nous les
aborderons allure par allure : au près, du bon plein au petit largue, au
largue, et enfin aux allures proches du vent arrière. Il faudra tenir compte
de nombreux paramètres : équilibre du voilier, performances potentielles
du bateau sur lequel on navigue, état de la mer, variations de la force et
de la direction du vent, particularités liées au relief de la côte.
Conduire au près
■ Tactique et stratégie de la conduite au près
Souvenons-nous que le près est l’allure qui permet le meilleur gain au
vent. Pour se diriger vers un objectif au vent de notre bateau, en
choisissant la route la plus directe (la plus courte), on perd en vitesse.
Avec un cap plus éloigné de la direction du vent, on gagne en vitesse,
mais le chemin est plus long !
Comment déterminer à coup sûr le bon compromis cap-vitesse ?
Disons-le d’emblée, il n’existe pas de compromis unique et permanent,
parce que ce compromis dépend du bateau à notre disposition, mais
aussi de la force du vent, et de l’état de la mer. La perception de ce
« près idéal » pour les circonstances du moment vient avec l’expérience,
la connaissance de son voilier, les comparaisons avec d’autres bateaux
évoluant sur le plan d’eau, ou encore à l’aide des instruments
électroniques de bord. Si l’on dispose de capteurs (speedomètre pour la
vitesse du bateau sur l’eau, girouette-anémomètre pour le vent) reliés à
une centrale de calcul, celle-ci affichera en effet un paramètre nommé
VMG (Velocity made good, meilleur gain au vent) représentant la vitesse
de progression du bateau dans l’axe du vent (pour plus de détails, voir
l’encadré sur le VMG ►).
■ Vent faible : conduire en sous-puissance
Quand il conduit en sous-puissance, l’équipage doit tenter de réduire
la surface mouillée du bateau. Il s’avance dans le bateau, pour dégager
de l’eau les surfaces planes de l’arrière de la carène – on dit qu’on évite
de « traîner de l’eau ». Une légère gîte diminue la surface immergée (la
« surface mouillée ») de la coque, elle donne aussi du poids aux voiles, ce
qui les aide à prendre la forme adéquate.
Par petit temps, les écoulements réguliers de l’air sur les voiles, de
l’eau sur la carène, sont fragiles. À bord, tous les mouvements doivent se
faire en douceur. Si l’écoulement de l’air ou de l’eau est perturbé (ne
serait-ce qu’un instant), il lui faut du temps pour se remettre en place et
retrouver son efficacité.
Il arrive que le bateau ralentisse significativement. Si on le maintient
au près serré, voiles bordées plat, il dérive et tarde à reprendre de la
vitesse. Aussi est-il préférable de laisser légèrement porter (abattre
modérément) tout en ouvrant un peu les voiles : on pourra ainsi retrouver
une certaine vitesse et rétablir sur le plan antidérive 30 des écoulements
satisfaisants permettant de minimiser très rapidement la dérive. Une fois
la vitesse acquise, on lofera et on bordera les voiles très
progressivement. La règle d’or qui vaut pour tous les temps : au près, il
faut privilégier la vitesse avant de se soucier du cap, construire de la
vitesse sur laquelle on s’appuiera pour gagner en cap (tout en menant
une navigation vigilante bien entendu).
■ Vent faible : conduire dans les risées
Dans la risée 31, le vent réel fraîchit. Mais le vent apparent, comme on
s’en souvient sans doute, ne se contente pas d’augmenter en intensité :
sa direction se modifie également. Dans une risée, non seulement le vent
apparent fraîchit, mais encore il adonne. Quelle aubaine ! Le barreur
profite de cette adonnante pour lofer un peu.
Le bateau accélère peu à peu. En toute logique, le vent vitesse
augmentant, le vent apparent se met à refuser : le barreur abat
légèrement.
Très content d’avoir ainsi gagné dans le vent, le barreur se pose
cependant quelques questions. N’aurait-il pas pu faire autrement ? « La
risée arrivait, le vent adonnait. Et si j’avais gardé mon cap initial ?
Évidemment, j’aurais équilibré le bateau en me mettant davantage au
rappel. Éventuellement, j’aurais choqué un peu de chariot d’écoute de
grand-voile pour être au meilleur réglage. L’accélération du bateau aurait
été supérieure, et sur cette vitesse acquise, j’aurais enfin gagné
en cap ». Ce barreur a raison : en différant son changement de direction,
il aurait ainsi gagné sur les deux tableaux.
Une fois la risée passée, comme il se doit, la vitesse du vent réel
chute. De son côté, la vitesse du bateau diminue elle aussi, mais plus
lentement. Tandis que le bateau perd de la vitesse, le vent apparent
refuse momentanément. On pourrait abattre, mais ce n’est pas la
meilleure solution. Il vaut mieux ne rien perdre au vent : utiliser l’erre du
bateau, garder un cap un peu trop près du vent, quitte éventuellement à
« surborder », en attendant que le ralentissement fasse de nouveau
adonner le vent apparent.
■ Conduire par vent plus frais
Le voilier porte toute sa toile : sur un croiseur, la gîte reste
acceptable ; en voile légère, le déplacement de l’équipage est encore
suffisant pour gérer l’équilibre dans les surventes. On est à la limite de la
surpuissance. Les légères modifications de la direction du vent sont
accompagnées par le barreur, qui se guide sur les penons du foc. Si le
vent augmente un tant soit peu, le contrôle de la gîte devient primordial,
car les finesses de la conduite ne suffisent plus à maîtriser le bateau.
Plus que jamais, harmonie et connivence doivent régner entre le barreur
et le régleur car, au moment où la gîte devient incontrôlable à la barre,
c’est au régleur d’intervenir en réduisant la puissance de la voilure (voir
« Adapter les réglages » ►).
Dans ces conditions, et contrairement à la conduite adoptée par petit
temps, il est cohérent de vouloir répondre immédiatement par un lof à
une survente passagère. L’incidence des voiles diminue, l’excès de
puissance momentané est ainsi résorbé, le bateau reste dans ses lignes
et ne ralentit pas, et dans le même temps il gagne en cap. Là encore, on
aura gagné sur les deux tableaux.
■ Conduire au près avec un vent de direction variable
Ici pas de problème, on connaît la solution. Si le vent refuse, on abat
pour conserver la même incidence sur le plan de voilure. Si le vent
adonne, on lofe. Cependant, certaines circonstances exigent une
conduite répondant à quelques règles de tactique et de stratégie que
nous allons aborder.
o
– Situation n 1 : le vent oscille autour d’une direction moyenne.
La tactique est simple : on choisit le meilleur bord du moment. Quand le
vent passe au-delà de cette direction moyenne, on vire pour passer sur
l’autre bord, devenu plus favorable.
Évidemment, pour connaître la direction du vent moyen, il faut
préalablement avoir fait des relevés de cap sur un bord et sur l’autre.
Prenons un exemple. Sur bâbord amure, le cap varie du 40° au 50° et, sur
tribord amure, du 310° au 320°. Bâbord amure, si le vent refuse, on
virera au moment où le cap dépassera le 45°. Sur l’autre bord, on se
retrouvera alors au 315°. Sur ce bord, en suivant la rotation du vent, on
sera amené à lofer jusqu’au 320°. Si le vent se met à refuser, on virera à
nouveau dès que le cap sera au 315°. Et ainsi de suite.
ET SI ON PRENAIT UN RIS ?
Le vent a fraîchi, le bateau prend un coup de gîte, ce qui le pousse au lof. Le
barreur contre cette auloffée en donnant un angle important à sa barre, et le voilier
s’en trouve terriblement freiné. Il aurait pu laisser le bateau monter dans le vent,
pour évacuer une partie de cet excès de puissance. Pour réduire cette gîte
excessive, on va pouvoir reprendre la bordure pour aplatir le bas de la grand-voile,
descendre légèrement la barre d’écoute.
Sur ce Glénans 5.70 doté d’un gréement souple mais dépourvu de pataras,
border davantage l’écoute de grand-voile cintrerait le mât et réduirait encore le
creux. Enfin, l’équipage pourrait s’asseoir un cran plus haut au rappel. Si le vent ne
faiblit pas, une question pourrait surgir : « Et si on prenait un ris ? »
Près d’une pointe, le vent tend à suivre le contour du relief, mais aussi à se
renforcer par effet de compression. En visant au cœur de ce que l’on appelle « la
courbure » du vent, le voilier jaune bénéficie de deux adonnantes successives et d’un
vent plus frais. Au terme de son deuxième bord, il prend de l’avance sur le voilier
rouge, qui a navigué dans un vent constant en force et en direction.
■ Conduire au près dans le clapot
Le terme de clapot décrit un système de vagues courtes et
désordonnées. Impossible d’adopter une stratégie de conduite
particulière. Rien à faire, le clapot se subit ! En revanche, on doit veiller à
disposer de suffisamment de puissance pour ne pas perdre de vitesse au
contact des vagues – d’autant plus si le voilier est léger et son inertie
faible. On réglera donc les voiles en conséquence : avec un creux
relativement important et en raidissant la chute. Si l’on dispose de cette
puissance, on pourra contrecarrer une force de dérive plus importante,
ce qui permettra de relancer le bateau entre chaque impact.
Dans le clapot, il faut aussi limiter le tangage du bateau : en voile
légère ou sur un croiseur léger, on centre ainsi le poids de l’équipage au
maximum. En procédant de la même façon sur un gros croiseur, le gain
sera moins important – la masse de l’équipage est faible par rapport à
celle du bateau – mais néanmoins bien réel.
LES OUTILS DU RÉGLAGE
Régler une voile, c’est intervenir sur trois paramètres : le braquage, c’est-à-dire
l’angle que fait le profil moyen de la voile avec le vent apparent ; le creux (plus ou
moins important, plus ou moins avancé), qu’on peut aussi voir comme la cambrure
de la voile ; le vrillage, qui décrit l’ouverture progressive des profils du bas vers le
haut (la voile n’est plus vue comme un profil unique mais comme un étagement de
profils). Pour parvenir à ses fins, le régleur dispose d’une batterie d’outils.
Le VMG de descente
Depuis le près, abattons progressivement. Notre VMG diminue, jusqu’à
devenir nul au vent de travers. Au-delà, c’est-à-dire aux allures portantes, le VMG
devient négatif : plutôt que de gagner du terrain dans l’axe du vent, on en perd.
Ainsi, lorsqu’on navigue au portant vers une destination située exactement
dans l’axe du vent, et que l’on enchaîne les bords de grand largue plutôt que plein
vent arrière, le VMG nous indique – par valeur négative – à quelle vitesse nous
nous rapprochons du but.
De même qu’au près le meilleur VMG permet d’identifier le compromis cap-
vitesse optimal, au portant le « moins bon VMG » indique notre meilleur angle de
descente. Cette information est particulièrement intéressante pour les voiliers
rapides et légers, qui accélèrent franchement en s’écartant du plein vent arrière.
Pour les bateaux lourds et plus conventionnels, il n’y a guère de secrets, le
meilleur VMG de descente est très proche du plein vent arrière, lorsqu’il ne se
situe pas carrément à 180° du vent.
Le bateau jaune a le meilleur VMG, au près comme au portant.
LES POLAIRES
Une polaire de vitesse est un diagramme présentant la vitesse potentielle d’un
voilier (celle qu’il est censé atteindre dans les meilleures conditions de réglage)
aux différentes allures, pour une force de vent particulière. Le nom renvoie à la
présentation sous lesquelles sont affichées ces performances : un « graphique
polaire » est une courbe de la valeur des données présentées selon leur distance
et leur angle par rapport au centre (au pôle) du schéma. Rien n’interdit de
compiler les informations d’une polaire de vitesse sous forme de tableau, mais
l’affichage graphique offre une vue synthétique du comportement d’un bateau, et
met en évidence au premier coup d’œil certaines informations clés comme les
meilleurs VMG de près et de portant.
Une fois compilées les vitesses potentielles aux différentes forces de vent, on
dispose d’un ensemble de polaires pour son bateau, que l’on pourra afficher
conjointement ou isolément, selon les besoins du moment.
Les polaires sont indispensables à celui qui veut optimiser sa route en fonction
des prévisions météo, comme nous le verrons au chapitre « Navigation » ►. Sans
même en arriver là, elles seront très utiles dans la mesure où elles constituent une
véritable bibliothèque des vitesses cibles que l’on pourra s’attacher à atteindre en
travaillant ses réglages, sous réserve évidemment que les circonstances de
navigation soient analogues à celles de la polaire : on n’ira pas aussi vite dans le
clapot que par mer plate, et les performances seront plus modestes une fois le
bateau chargé pour une longue traversée, comparativement à ce qu’on avait pu
observer lors d’une sortie à la journée. De rares chefs de bord (plutôt des
coureurs) gardent sous le coude plusieurs jeux de polaires pour disposer
d’informations pertinentes dans les différents contextes.
Avec une route très proche du vent arrière et un spi qui mériterait d’être un peu
plus brassé, ce bateau roule dans la houle du golfe de Gascogne, mais le pilote
automatique contrôle la trajectoire.
Les spécificités de la voile légère
MÂTER
Après avoir préparé le mât, son haubanage, ses drisses,
éventuellement sa girouette – toutes ces pièces seront difficilement
accessibles une fois le mât dressé –, après avoir vérifié que tout est clair,
lançons-nous dans le mâtage du bateau.
S’il est relativement facile de lever le mât d’un dériveur, l’opération
est souvent plus physique sur un catamaran, en raison de la section et du
poids de l’espar. Dans le premier cas, on pourra se contenter d’aider et
de sécuriser la manœuvre en tirant sur l’étai. Dans le second cas, on
pourra tirer sur la tête de mât en se saisissant des poignées de trapèze,
et au besoin en se juchant sur la poutre avant du catamaran.
Les mâts de catamaran de sport sont le plus souvent rotatifs, et
montés en appui sur une rotule (une boule) ; la rotation est parfois
facilitée par une rondelle de Téflon, à placer entre la rotule et le pied de
mât. Sur certaines unités (par exemple le Hobie Cat Tiger), il faut placer
une sécurité qui évite au pied de déjanter pendant l’opération de mâtage.
Sur les dériveurs, le sabot de pied de mât est placé en fond de coque.
La partie basse du mât est contrôlée par un étambrai, ou par une paire
de bas-haubans.
On approche le pied de mât de son emplanture, on fixe les haubans
aux cadènes, les lattes ridoirs sont au plus long – on les réglera une fois
le mât vertical. Un ou deux équipiers lèvent le mât, tandis qu’un autre le
tire vers l’avant, par l’étai ou les câbles de trapèze. Si besoin, une
personne supplémentaire maintient le pied de mât en place au cours de
l’opération.
Quand le mât est vertical, on fixe l’étai. Sur certains dériveurs, cet
étai n’a d’autre objet que le maintien du mât au repos, en navigation le
câble de guindant du foc étarqué prend le relais ; sur d’autres modèles,
un levier permet de reprendre la tension de l’étai une fois les voiles
établies. En présence d’un étambrai, les haubans doivent être réglés sur
leurs lattes ridoirs de telle sorte que, l’étai raidi au maximum, le mât ne
vienne pas buter au fond de celui-ci.
Sur un catamaran, l’étai est ajusté de façon à donner au mât une
certaine quête (inclinaison vers l’arrière). Certains catas, comme le
Hobie Cat 16, sont plus performants avec une quête marquée et des
haubans légèrement mous.
Sur un Laser solo, le mât, non haubané, s’enfile dans son emplanture
avec sa voile déjà gréée, ce qui rend le mâtage extrêmement simple. Il
faut juste veiller à ne pas y laisser entrer de sable, qui est un abrasif
puissant.
Le mâtage d’un RS 500. Haubans et bas-haubans ont été réglés au plus long, un
équipier lève l’espar, un deuxième bloque le pied de mât sur son emplanture, et un
troisième tire sur l’étai. Avec son double fond et le raidisseur longitudinal dans le
centre du cockpit, ce type de dériveur supporte qu’on y monte lorsqu’il est au sec. À
éviter sur des dériveurs à coque traditionnelle, sous peine de les déformer, voire de
les crever.
ASSURER LE GRÉEMENT
Dans tous les cas, on assure le gréement. Les anneaux brisés
bloquant les extrémités des axes sur les lattes ridoirs sont recouverts
avec du chatterton. Si l’on remplace un axe par une manille, le manillon
est assuré par une ligature avec du gros fil à voile ou du fil à surlier.
GRÉER LES VOILES
Les écoutes de foc sont passées à l’intérieur des haubans. Sur
certains voiliers on peut les monter « en continu » : les deux écoutes sont
les deux extrémités d’un même filin, si bien qu’elles tombent beaucoup
plus facilement sous la main lors des virements de bord. Ce même type
de montage en continu est quasi systématique pour l’écoute de spi.
Autant que possible, le bateau est acheminé au plus près du lieu de
mise à l’eau avant de hisser les voiles. On place préalablement le voilier
vent debout : sans cette précaution, la grand-voile va prendre le vent, la
ralingue aura du mal à glisser convenablement dans la gorge du mât, la
têtière et les lattes pourraient même s’engager sous le hauban et, par
vent frais, le bateau pourrait chavirer – y compris à terre !
Quand on hisse les voiles, il faut prendre l’habitude de regarder en
l’air et de surveiller ce qui se passe dans le gréement. Une erreur est
toujours possible, drisse entortillée autour d’un hauban, latte oubliée,
ralingue mal engagée, et même voile gréée à l’envers… Si cela coince, ne
pas forcer inutilement, c’est qu’il y a un problème.
Garder à l’esprit qu’une voile qui claque dans le vent est une voile qui
souffre : dès que les voiles sont hissées, on appareille le plus vite
possible. Ceci suppose de ne hisser les voiles qu’une fois que tout le
reste a été préparé : équipage habillé et harnaché, safran monté sur le
tableau arrière, dérive prête à descendre.
GRÉER LA GRAND-VOILE
Avant de hisser la grand-voile, on choque largement le hale-bas s’il y
a lieu, ainsi que l’écoute de grand-voile. On peut ensuite hisser, en pesant
sur la drisse, pendant que l’équipier guide la ralingue dans la gorge du
mât.
En catamaran, l’étarquage du guindant de grand-voile se fait par le
bas, au moyen d’un palan de cunningham. Lorsque la voile est presque
complètement hissée, on engage la bôme (si elle existe) sur le vit-de-
mulet et on étarque sans excès avant de bloquer la drisse au taquet ou
au taquet sifflet.
GRÉER LE FOC
Les systèmes d’étarquage du foc et de mise en tension du gréement
varient énormément d’un bateau à l’autre.
Concernant la tension du gréement, deux possibilités :
– Le guindant du foc comporte une ralingue en acier, qui tient lieu
d’étai pendant la navigation. Dans ce cas, c’est en étarquant le foc que
l’on raidit l’ensemble du gréement.
– L’étai est tendu au moyen d’un levier ; le foc est étarqué ensuite.
S’agissant de l’étarquage du foc, on rencontre aussi plusieurs cas de
figure :
– Le point de drisse du foc se fixe sur le mât sans drisse mais à l’aide
d’un « S » métallique, l’étarquage se faisant par le bas (par le point
d’amure).
– La drisse est mixte : câble métallique et textile. La partie textile sert
à hisser et l’étarquage se fait en pied de mât avec la partie métallique de
la drisse (munie à son extrémité d’une boucle ou d’une poulie). Cette
partie métallique s’appelle une itague.
– Lorsque le foc est endraillé sur l’étai avec des mousquetons :
l’étarquage se fait en pied de mât.
Mise en tension de l’étai sur un Laser Vago.
Étarquage du foc par une itague : une fois le foc hissé à la main, le croc est
positionné dans l’œillet métallique de la drisse ; la tension de drisse est ensuite
ajustée au moyen du palan.
Étarquage sur le taquet de pied de mât d’un Hobie Cat 16, en faisant
« arbalète » sur le dormant de la drisse.
Attention à ne pas étarquer le foc exagérément. Ici, une tension de drisse trop
importante empêche la rotation du mât qui en tribord amure reste tourné « à
l’envers ». Conséquence, la grand-voile est trop creuse, et de surcroît le mât travaille
mal, cintre latéralement, au détriment des performances mais aussi au risque de se
détériorer.
MONTER UN CATAMARAN
Pour des raisons d’encombrement, le catamaran est livré en pièces détachées.
Première consigne : ne pas s’affoler. Commencer plutôt par lire la notice de
montage qui accompagne systématiquement les colis.
On assemble les coques à l’aide de deux poutres qui, selon le type du bateau, se
boulonnent ou s’encastrent dans les coques. Pour faciliter le futur démontage, il faut
lubrifier les encastrements et les boulons à l’aide de graisse au bisulfure de
molybdène – qui tache mais ne se dissout pas dans l’eau de mer. Il ne faut pas
oublier les rondelles et les entretoises, qui préviennent l’écrasement des poutres.
Vient ensuite le trampoline, la toile qui fait office de pont entre les coques. Sur
certains catamarans, il faut le monter avant les poutres – ainsi des trampolines qui
se glissent dans des gorges. Il y a deux sortes de trampolines : certains se fixent sur
un cadre qui se boulonne sur les coques ; d’autres se fixent dans des glissières ou
des rails intégrés aux coques. Une fois le trampoline en place, il faut le tendre
fermement et de façon régulière à l’aide d’un transfilage. Veiller à la tension et à sa
régularité, elles donnent une certaine rigidité à l’ensemble : le transfilage doit tirer
les œillets dans l’axe des fixations, sinon le trampoline pourrait se déchirer et les
pontets de fixation en plastique risqueraient de s’user prématurément.
Le système de relevage et de verrouillage des safrans du Hobie Cat 16.
Par définition, tous les dériveurs sont dotés d’une dérive. Sur certains
bateaux, celle-ci s’enfile verticalement dans son puits : c’est la dérive
sabre, telle qu’on la trouve par exemple sur le Laser solo. La plupart des
dériveurs en double sont équipés d’une dérive pivotante. Celle-ci reste à
poste dans son puits, où elle pivote autour d’un axe, se manœuvrant par
un système de palan. Elle doit glisser librement sans frottement excessif.
Les grains de sable sont ses pires ennemis… Voilà déjà une bonne raison
de ne jamais traîner un dériveur sur le sable, mais de le porter.
Départs
En présence d’un hook sur la drisse de grand-voile, notamment sur
les catamarans, on est contraint de hisser à terre car il faut que le bateau
soit stable et fermement posé sur le sable ou sur son chariot de mise à
l’eau pour verrouiller le système. Mais on attend d’être à l’eau pour
étarquer le guindant et fixer le palan d’écoute de grand-voile. Le foc reste
roulé, à défaut d’emmagasineur on le borde légèrement à contre, pour lui
éviter de faseyer.
Voiles hissées et correctement étarquées, tandis que l’un des deux
coéquipiers maintient le bateau bout au vent par l’étrave, les écoutes
sont mises au clair, safran(s) et dérive(s) partiellement baissés, ou
totalement s’il y a assez d’eau.
Il faut ensuite rejoindre l’endroit choisi pour appareiller. Le barreur
(ou l’équipier selon la répartition des rôles) tire le bateau par l’étai, assez
loin du bord pour qu’il ne tosse 34 jamais sur le sable. Quand on est au
bon endroit, on continue de tenir le bateau par l’étai. Sans effort, il se
place naturellement bout au vent. Tenu par l’arrière, il pivoterait jusqu’à
recevoir le vent par l’arrière et deviendrait difficile à maîtriser. On ne tient
pas un cheval par la queue !
L’équipage de gauche a opté pour la bonne stratégie.
Arrivées
À l’arrivée, on retrouve certains des problèmes qui se posaient au
moment du départ, en particulier pour choisir son point d’accostage.
Bien penser à relever dérive et safran avant que le fond vienne à manquer.
En présence de rouleaux, il faut essayer de se présenter à l’endroit le
plus au vent de la plage, là où les vagues sont moins violentes. Les
rouleaux sont plus dangereux à l’arrivée qu’au départ : le bateau avance
dans le même sens qu’eux et risque de prendre de la vitesse au mauvais
moment. Soulevé par l’arrière, il a tendance à glisser sur le côté, à se
mettre en travers et à se faire rouler.
Le bateau étant plus sensible aux rouleaux qu’il reçoit par l’arrière
qu’à ceux qu’il affronte par l’avant, il est recommandé, aux allures
portantes, d’opérer un demi-tour à l’arrivée : on fait ainsi tête aux
rouleaux. L’équipage doit sauter à l’eau le plus tôt possible pour soulager
le bateau et maintenir l’étrave tournée vers le large. Il l’accompagnera
ensuite le plus doucement possible vers la plage, en freinant sa
progression. La prudence recommande de se placer au vent du bateau,
pour éviter d’être renversé et de passer sous la coque.
■ Au vent arrière
Par petit temps, quand la mer est calme, on peut arriver vent arrière
toutes voiles dehors. On se place travers au vent au dernier moment,
dérive et safran relevés, voiles bordées au bon plein : le bateau dérive
doucement vers la plage.
Arrivée de plage au portant par vent modéré. Le barreur a amorcé son auloffée.
Depuis la coque au vent, l’équipier évalue la profondeur pour choisir le moment où
sauter. Il se tient prêt à retenir le catamaran par le côté au vent de la patte d’oie
d’étai.
Dès que le vent est soutenu, l’arrivée plein vent arrière est à
proscrire, d’autant plus s’il y a des rouleaux. Le barreur doit donc prévoir
une trajectoire de largue la plus lofée possible en fonction de la
configuration du plan d’eau, de façon à contrôler au mieux l’équilibre et la
vitesse ; le but étant d’éviter le départ à l’abattée et l’inévitable dessalage
qui s’ensuit à proximité de la plage.
Dans les derniers mètres, on lofe très vivement, de préférence sur
l’arrière d’un rouleau. Le bateau passe le lit du vent et s’arrête, toutes
écoutes choquées. L’équipier est déjà à l’eau et le maintient par l’étrave
pour affronter le rouleau suivant. Rappelons encore une fois cette règle
de bon sens : on saute toujours à l’eau au vent du bateau, pour ne pas
passer dessous, et on ne saute surtout pas entre les coques d’un
catamaran !
En catamaran, on peut, si l’on maîtrise bien la technique (on s’y
entraînera lors des départs de plage), utiliser l’une des particularités du
multicoque : voiles choquées, il peut culer dans le lit du vent, sur une
trajectoire stable.
– Au vent des rouleaux, on met le bateau bout au vent, en se plaçant
par rapport au point d’arrivée choisi.
– On choque les écoutes, on relève les safrans.
– L’équipage se place sur les étraves.
– Le catamaran cule lentement jusqu’à la plage.
■ Au vent de travers
Arriver avec un vent de travers est pain bénit ! Exactement comme au
moment du départ. Par beau temps, on pique droit sur la plage, puis on
lofe un peu pour venir au bon plein, tout en relevant ce qui est relevable
(dérive, safran) : le bateau se déplace en crabe vers le point d’accostage.
Lorsqu’il y a des rouleaux, il faut choisir d’accoster à l’endroit où la
mer est la plus calme, en général au point le plus au vent de la plage. Le
barreur lofe derrière un rouleau en choquant progressivement, et
l’équipier saute côté large pour maintenir le bateau par l’étai. Reste au
barreur à retirer complètement safran et dérive, puis à rejoindre son
compagnon de façon à amener le bateau sur la plage, tout en prenant
soin de se poster toujours à son vent.
■ En guise de résumé…
Tout cela peut être assez difficile à réaliser. Mais si l’on a maîtrisé sa
vitesse, à partir du moment où l’on est obligé de relever la dérive ou les
safrans, on a largement pied. On peut donc sauter à l’eau pour tenir le
bateau. S’il est impossible de s’approcher davantage à la voile, c’est
nettement mieux que de s’obstiner à conserver la dérive ou les safrans
trop longtemps : en touchant le fond brutalement, une dérive pivotante
peut se fausser ; une dérive sabre peut se saisir de l’occasion pour se
bloquer dans son puits. Un seul safran, ça se fausse, ça se casse, ça
s’arrache ; deux safrans, c’est pareil, mais ils le font de conserve.
MANŒUVRES DE SÉCURITÉ
DESSALER ET REDRESSER LE BATEAU
Quand le bateau chavire en voile légère, on parle de dessaler,
probablement parce que l’équipage et les voiles vont se retrouver un
petit moment à tremper, comme la morue ou le petit salé avant de
passer à la cuisson. Pas d’inquiétude à avoir, cela fait partie intégrante
du jeu. La meilleure façon de ne pas appréhender cette situation est de
s’y exercer par beau temps, de façon à acquérir les bons réflexes et à
prendre confiance dans sa monture. Avec l’expérience, le dessalage
devient une formalité.
Le dessalage
Ça y est, c’est parti, on a beau lutter, le bateau va dessaler. Que faut-
il faire ? Tomber à l’eau, tout simplement ! S’accrocher au bateau risque
d’être dangereux, on peut se retrouver empêtré dans les cordages ou les
haubans et surtout on provoquera le retournement complet du bateau.
En tombant, on essaie d’éviter le bateau, ça fait moins mal ! Si l’on n’a
pas réussi à éviter les voiles, on tente de chuter à plat. Une voile que l’on
a transpercée en y atterrissant à pieds joints s’avère moins efficace pour
rentrer à terre.
Dans sa chute, on s’efforcera tout de même d’empoigner une écoute
pour éviter d’être séparé du bateau. Le barreur ne garde pas le stick en
main, sous peine de le tordre ou de le casser. Si l’on n’a pu garder ce lien
avec le bateau, une fois dans l’eau on se raccroche immédiatement à ce
qu’il est possible de saisir. Un bateau renversé offre une prise au vent
non négligeable et dérive vite, en particulier un catamaran avec son
trampoline dressé à la verticale, il faut impérativement réduire le risque
de se retrouver séparé de son embarcation. Même si, au pire, on ne
parvient pas à le redresser, un voilier chaviré offrira toujours une
flottabilité indispensable à son équipage en attente des secours, sans
compter qu’il sera beaucoup plus repérable qu’une tête flottant à la
surface de l’eau.
Si l’on était au trapèze au moment du chavirage, on s’en décroche
généralement au cours de la chute, intentionnellement ou non. Si l’on est
resté relié à la cuillère de trapèze, on s’en libère une fois dans l’eau. Et
dans les cas franchement exceptionnels où l’on en resterait prisonnier,
pas de panique, il reste la ressource du couteau que l’on porte toujours
sur soi (ou du dispositif coupant intégré à certaines ceintures de
trapèze), pour sectionner la partie textile de la ligne de trapèze.
Une fois certain qu’on est libre de ses propres mouvements, ne pas
oublier de demander à son coéquipier s’il va bien et s’il n’a pas besoin
d’aide.
Si, au cours du dessalage, on a la mauvaise idée de s’accrocher au
bateau ou au mât, on ne fera qu’empirer les choses en provoquant un
retournement complet, avec le mât à la verticale dans l’eau. On appelle
ça « chapeauter » ou faire chapeau, et cela ne présente que des effets
déplaisants :
– Cette position complique le redressement du bateau et réclame
plus de travail et d’énergie pour redresser.
– Le bateau peut se retourner au-dessus de son équipage. En
dériveur, il y aura toujours de l’air entre la surface de l’eau et la coque, on
aura tout le temps de faire le point et de prendre de l’air avant de
s’extraire de là. En catamaran, il va falloir vite s’extraire de sous le
trampoline, et au besoin sortir son couteau si l’on est vraiment coincé.
– Par faible hauteur d’eau, le mât peut se planter dans le fond. Il peut
être endommagé par le choc ou s’enfoncer dans la vase, parfois à un
point tel qu’il devient impossible de redresser le bateau sans une aide
extérieure.
En résumé, quand on dessale :
– On ne s’accroche pas au bateau, en particulier au mât, sinon c’est
le « chapeau » assuré.
– On saute à l’eau en évitant les parties dures et on ne saute pas à
pieds joints dans les voiles.
– Pendant la chute, on s’efforce de garder un lien avec le bateau (une
écoute, pas le stick !).
– Une fois dans l’eau, on se raccroche immédiatement au voilier.
– On prend des nouvelles de son coéquipier : s’il va bien et qu’il n’a
pas besoin d’aide, on rigole un bon coup ensemble et on passe à l’étape
du redressement.
Comme on le verra plus loin, sur un dériveur il est possible pour un
des deux équipiers – avec un peu d’expérience et d’agilité, d’aller
directement sur la dérive sans passer par la case natation. Cette petite
acrobatie doit être exécutée dans le bon timing, et il faut savoir y
renoncer si le mât a déjà touché l’eau : en restant agrippé au-delà de ce
moment fatidique, on ne réussirait qu’à chapeauter, avec tous les
inconvénients énoncés plus haut.
Redresser un dériveur
Ça y est, le bateau a dessalé ! L’équipage est à l’eau, mais comme
personne n’a oublié de mettre sa brassière, tout va bien se passer… On
va pouvoir tranquillement le redresser, ou le resaler, curieux néologisme
décrivant tout bonnement l’action symétrique de celle du dessalage.
Chavirage sous spi à bord d’un RS 500. La barreuse va pouvoir monter
directement sur la dérive. L’équipier n’a d’autre choix que de sauter, si possible au
vent du bateau, pour ne pas retomber dans la grand-voile, sans oublier de se
décrocher du trapèze.
La barreuse de ce 29er a été joueuse, elle a voulu passer sur la dérive sans se
mouiller alors que le chavirage était déjà bien engagé, si bien que le mât est tombé
sous l’eau et que le voilier a commencé à faire chapeau. Elle va s’en sortir en pesant
de tout son poids sur la dérive, mais il s’en est fallu de peu.
Si l’on se retrouve à l’eau une fois le bateau redressé, c’est par le tableau
arrière qu’on remonte ; par le côté, on le ferait de nouveau chavirer. Les voiles sont
choquées, le coéquipier assure l’équilibre général.
VIDER LE BATEAU
Les dériveurs modernes possèdent une coque à double fond et un arrière
ouvert, si bien qu’une fois redressés, le peu d’eau qu’ils ont embarquée s’évacue
d’elle-même. Les unités plus anciennes, à coque simple et cockpit plus profond,
disposent de trappes d’évacuation, placées dans le tableau arrière (où elles sont
maintenues fermées au moyen d’un Sandow) ou dans les fonds (on parle de vide-
vite, et elles s’ouvrent par un levier). Ces trappes fonctionnent par aspiration, grâce
à la vitesse du bateau, et on ne les ouvre qu’une fois le voilier remis en route, même
si les vide-vite sont en principe dotés d’un clapet antiretour. Sur les dériveurs très
ouverts, comme l’Optimist, le Vaurien, la Caravelle, il faut s’attendre à devoir vider
des quantités plus importantes, à l’écope ou au seau. Tant qu’il reste beaucoup
d’eau à bord, le voilier demeure très instable, si bien qu’un seul équipier remonte à
bord, tandis que l’autre (ou les autres dans le cas des bateaux comme la Caravelle
qui embarquent un équipage nombreux) nagent et tiennent le liston de l’extérieur
pour aider le voilier à tenir droit.
Redresser un catamaran
Redresser un catamaran nécessite plus d’efforts que pour un
dériveur, et la technique présente quelques variantes. En premier lieu, si
le catamaran est équipé de dérives, il ne faut en aucun cas prendre appui
dessus, elles le supporteraient très mal. Il est par ailleurs illusoire
d’imaginer chavirer en restant au sec : lorsque le bateau dessale, il n’y a
pas d’autre choix pour l’équipage que de passer à l’eau. En évitant de
tomber à pieds joints dans les voiles, nous l’avons déjà dit, mais aussi en
esquivant hauban et câble d’étai. Ce cas de figure survient lorsqu’aux
allures portantes le catamaran chavire par l’avant, la coque sous le vent
ayant enfourné 35. Depuis la position au trapèze, le risque est de se
retrouver catapulté vers l’avant, et de croiser sur son chemin un élément
du gréement dormant. La vigilance est par conséquent de rigueur, en
particulier pour l’équipier, plus exposé que le barreur.
Tout le monde va bien ? Il est plus que temps de se hisser sur une
coque.
Dans le cas le plus favorable, le catamaran est sur la tranche, une
coque dans l’eau, l’autre en l’air et le trampoline à la verticale. Son
orientation par rapport au vent n’est pas anodine, loin s’en faut.
– Bateau perpendiculaire au vent, vent arrivant côté mât : le vent
pousse dans le trampoline et vous aide, mais gare ! Il risque de projeter
le bateau et de le faire re-dessaler de l’autre coté. C’est donc une
position à utiliser par vent faible uniquement.
– Bateau perpendiculaire au vent, vent arrivant côté coque : le
vent pousse dans le trampoline et s’oppose aux efforts de redressement
développés par l’équipage.
– Vent arrière : si par extraordinaire on parvient à le resaler dans
cette position, le catamaran va repartir illico, peut-être même avant
qu’on ait le temps de remonter dessus. À éviter, par conséquent.
– Bateau bout au vent : c’est la position la plus sûre, et c’est celle
que l’on essayera de privilégier. Une fois la bascule enclenchée, le vent
va en effet apporter son aide, en permettant à la voile de se gonfler et de
monter.
Si le catamaran chaviré n’est pas orienté dans une position favorable,
l’équipage va devoir le faire pivoter, en s’accrochant à l’étrave de la
coque immergée tout en nageant avec les jambes, ou encore en se
hissant sur cette étrave : une fois celle-ci enfoncée, la plate-forme tend
naturellement à s’orienter bout au vent.
Préalablement au redressement, les écoutes auront été choquées en
grand et, le cas échant, le spi aura été affalé et avalé dans sa chaussette.
Tout ceci est normalement faisable et accessible en étant juché sur la
coque immergée. Procéder à ce rangement en nageant autour du bateau,
c’est se mettre en danger, en s’exposant au risque de se retrouver
emmêlé dans les cordages, et prisonnier sous le trampoline si sous
l’action du vent le catamaran vient à se retourner complètement.
Debout sur la coque dans l’eau, l’équipage peut maintenant
s’attaquer au redressement proprement dit. Il va pour cela s’aider du
bout de resalage, cordage fixé au pied de mât ou au centre de la poutre
avant, et stocké dans une poche sous le trampoline. Ce bout est jeté par-
dessus la coque en l’air, puis récupéré de façon à pouvoir s’y pendre (à
deux) et faire levier.
Pour être efficaces, les équipiers doivent rapprocher autant que
possible leurs corps de l’horizontale, mais sans toucher l’eau. Le début
est difficile, il faut décoller mât et voiles de l’eau, puis la coque en l’air
descend progressivement, l’effort à produire diminue, jusqu’à ce que la
plate-forme passe un point d’équilibre et bascule vers l’équipage. Le
mouvement se précipite alors, attention à ne pas prendre la coque sur la
tête : la seule solution est de fléchir les jambes pour se retrouver entre
les deux coques une fois le bateau revenu à plat.
L’équipière a proprement lové le bout de resalage dans sa main gauche avant
de le lancer par-dessus la coque en l’air.
Un bon moyen d’utiliser au mieux son poids de corps tout en économisant ses
forces : bloquer le bout de resalage sur la ceinture de trapèze. L’équipière aurait pu de
son côté s’épargner cette traction sur les bras, en se couchant sur son barreur.
Pas question de laisser le bateau partir, ni chavirer de l’autre côté
dans son élan. C’est pourquoi il faut s’accrocher à la martingale. C’est
sur le même équipement que l’on s’appuie pour se hisser sur le
trampoline. Le premier monté à bord reprend le contrôle du bateau,
l’empêche de redémarrer en le maintenant face au vent, et il aide si
nécessaire son partenaire à grimper à son tour sur le trampoline.
Pour souffler et tout remettre en ordre, et pourvu qu’il n’y ait pas de
danger ou d’obstacle sous le vent, le mieux est de se mettre
momentanément à la cape. Penser, avant de repartir vers de nouvelles
aventures, à ranger le bout de resalage à son emplacement, paré pour
une prochaine utilisation.
L’abattée
Avant de goûter aux joies de la vitesse, il faut abattre et s’écarter du
près. Le comportement du bateau change alors totalement, il faut
s’adapter et modifier ses repères. L’abattée n’est pas à proprement
parler une manœuvre, car il n’y a pas changement d’amure, mais
seulement changement d’allure. Néanmoins, l’opération peut se révéler
délicate si le vent s’est levé.
Comme à chaque moment de la navigation, la priorité de l’équipage
reste l’équilibre du bateau. Or, si l’abattée est mal contrôlée, le dériveur
gîte puis part au lof, au risque de dessaler. Au préalable (et c’est encore
plus important en solitaire), on aura choqué du hale-bas, qui a souvent
été repris au maximum pour le près, car celui-ci agit sur la puissance de
la voile. Puis, lorsque le barreur commence son abattée, il laisse filer plus
ou moins d’écoute de grand-voile selon la force du vent, son repère étant
alors la gîte du bateau qu’il doit absolument éviter. Plus l’abattée sera
vive, plus le rayon de virage sera court, plus il faudra choquer de grand-
voile et contrer la gîte en faisant du rappel. Cette action doit être bien
dosée, un choqué trop important pouvant aussi entraîner une contre-gîte
brutale, avec un risque de dessalage. Le barreur doit donc bien
coordonner son action à la barre et à l’écoute afin de faire abattre le
bateau à plat dans une courbe progressive.
La conduite au largue
Après avoir abattu, l’équipage ne va avoir de cesse de rechercher, au
largue, la meilleure vitesse et la meilleure glisse possible. Le but de la
conduite consiste alors à déclencher le surfing ou le planing.
SURFER, PLANER
Un voilier surfe lorsqu’il profite de la pente d’une vague qui le rattrape pour
accélérer en déjaugeant momentanément (déjauger consiste pour une carène à
s’élever, sous l’action de la vitesse, au-dessus de sa ligne de flottaison naturelle).
Autant le surf est éphémère, autant le planing est durable. Il se produit lorsque par
sa vitesse la carène crée une force de portance verticale lui permettant de s’extraire
durablement de l’élément liquide. Dans un premier temps le bateau se cabre, sa
vague d’étrave recule, et s’il a emmagasiné suffisamment de force vélique il va
pouvoir se hisser sur cette vague pour accélérer encore tandis que son assiette
longitudinale se redresse. Le planing est un mode de déplacement très stable, la
carène est sur des rails et le bateau se barre du bout des doigts. Les navires à
déplacement léger, au premier rang desquels les dériveurs, sont aptes au planing
aux allures portantes à partir d’une certaine force de vent. Lorsque la brise n’est pas
assez soutenue, un surf sur la crête d’une vague peut parfois suffire à amorcer le
planing.
On ne privilégie le vent arrière que par petit temps, lorsque les gains
de vitesse à espérer en lofant restent faibles et que la priorité est de
tracer la route la plus directe et la plus courte possible. Dans ces
conditions, l’équipage fait contre-gîter son dériveur dans un double
objectif : réduire la surface mouillée, d’une part, et d’autre part aligner le
centre de carène avec le centre de poussée vélique de façon à supprimer
tout déséquilibre de route et à conserver une barre neutre, dans l’axe (on
garde à l’esprit que le moindre angle de barre induit un frein
aérodynamique).
Avec certains dériveurs, notamment les solitaires (l’absence de spi
expliquant en partie cela), la stratégie de descente plein vent arrière peut
continuer de s’avérer payante lorsque le vent monte. Les meilleurs
parviennent à conduire leur Laser uniquement avec leur bassin, en
conduisant leur bateau dans les vagues par des modifications d’assiette
latérale, sans bouger la barre.
Le Laser Solo descend remarquablement au plein vent arrière, même par vent
soutenu. La contre-gîte est ajustée en permanence de façon à conserver une barre
neutre. On gagne aussi à choquer la grand-voile au-delà de la perpendiculaire au
bateau, ce qui est possible avec le mât tournant du Laser, dépourvu de haubans.
Le virement bascule
Le petit temps est la seule circonstance dans laquelle on ne cherche
pas à maintenir le dériveur à plat tout au long du virement. Au contraire,
l’équipage utilise son poids pour balancer le bateau dans le vent en
entrée, puis en sortie de virement. Ce faisant, il augmente artificiellement
le vent apparent dans les voiles. Simultanément, les appendices (dérive
et safran) bénéficient d’un appui supplémentaire dans l’eau, ce qui
accroît leur portance et permet de gagner dans le vent au cours de la
manœuvre. La bascule est franche en entrée de virement, plus subtile en
sortie de virement, au moment où le voilier est en phase de relance et où
il convient de ne rien brusquer. La communication entre barreur et
équipier est essentielle, pour une bonne synchronisation. Au besoin, on
compte à rebours et à haute voix (3, 2, 1…) avant chacune des bascules.
EMPANNER EN DÉRIVEUR
Au même titre que le virement, l’empannage se prépare suffisamment
à l’avance et le barreur doit veiller à bien choisir sa zone de manœuvre,
devant et sous le vent. Ne pas hésiter à regarder loin, car on avance vite !
Dans la brise, la tentation peut être forte d’attendre un moment où le
bateau ralentit pour déclencher la manœuvre. C’est une grosse erreur, il
faut procéder exactement à l’inverse : plus notre dériveur va vite, plus il
est stable, et plus le vent apparent diminue, ce qui réduit les efforts dans
les voiles. Le moment idéal pour empanner est celui où le bateau est en
phase d’accélération, ou dans le début d’une descente de vague. Le
barreur doit alors sentir le bateau glisser sans entrave, ainsi, avec
l’accélération, celui-ci pivotera sur son arrière.
L’abattée doit s’inscrire dans une longue courbe progressive, afin de
conserver au maximum glisse et stabilité. La vitesse diminue néanmoins,
l’équipier rentre du trapèze lorsqu’il sent le bateau ralentir et s’affaisser
légèrement, choque peu à peu l’écoute de foc (ou de spi) afin
d’accompagner l’abattée et de faciliter le passage de la voile. Il se
détache et se tient prêt à changer de côté lorsque le bateau s’approche
de l’axe du vent. Une fois en fausse panne, l’équipier se déplace en
faisant passer le foc (et/ou son spi), se raccroche et règle sa voile de
l’autre côté. Entre-temps, le barreur termine son abattée et lorsqu’il sent
le bateau passer vent arrière, rejoint son équipier sur le nouveau bord
tout en contrôlant le passage de la grand-voile, soit en prenant le palan à
pleine main, soit en redonnant de la tension à l’écoute.
Par vent fort, le barreur se tient prêt, en s’installant au vent sous la
nouvelle amure, à devoir contrer un possible départ au lof. Ce départ au
lof en sortie d’empannage s’anticipe aussi par le déplacement rapide de
l’équipage : s’il change de côté avant que les voiles soient bien établies
sur l’autre bord, le bateau reste à plat, ne prend pas de gîte et donc ne
lofe pas. Par vent fort, le cap en sortie d’empannage doit être considéré
comme la priorité, et l’on sortira sur une trajectoire plutôt abattue. Ce
n’est qu’une fois l’assiette contrôlée et la stabilité de route assurée que
l’on pourra relancer en lofant progressivement. Les équipages bien
entraînés parviennent à réduire la durée de cette phase de transition,
jusqu’à réaliser des empannages « largue-largue », avec une perte de
vitesse limitée.
L’empannage sous spi asymétrique décomposé à bord d’un Laser Vago. 1 Les
poids se recentrent tandis que la barreuse abat, et l’équipier accompagne en
choquant la voile d’avant 2 Il passe son spi sous l’autre amure au moment où le
bateau franchit le lit du vent ; la barreuse a empoigné le palan d’écoute de grand-voile
à pleine main pour faire passer la bôme. 3 La grand-voile passe, l’équipier se déplace
au vent tout en continuant à border le spi. 4 Parvenu sous la nouvelle amure,
l’équipage règle les écoutes et la barreuse lofe pour relancer.
Le vent arrière
En catamaran, le vent arrière est à bannir lorsqu’on recherche la
performance. Les capacités d’accélération sont telles lorsqu’on lofe de
quelques dizaines de degrés qu’il sera toujours préférable de tirer des
bords de largue que de descendre droit vers le but dans l’axe du vent.
L’allure du vent arrière a une seule vertu : elle est suffisamment calme
pour offrir un peu de répit à son équipage, lorsque le besoin s’en fait
sentir entre deux chevauchées à bride abattue.
EMPANNER EN CATAMARAN
Tout comme le virement, l’empannage doit être déclenché lorsque le
catamaran est au maximum de sa vitesse. En effet, plus le bateau va vite
au portant, plus le vent apparent diminue et plus il est facile de faire
passer la grand-voile, et mieux on réduit son à-coup au moment où elle
reprend le vent. Dans une mer formée, on profite d’un départ au surf.
L’objectif est de rester le moins de temps possible sur l’allure du vent
arrière, période de transition pendant laquelle le bateau ralentit
fortement. Le barreur abat donc franchement, mais sans brutalité pour
ne pas faire décrocher les écoulements sur les safrans. En sortie, on
pourra venir chercher un cap au-dessus du meilleur VMG afin de relancer
le bateau (notamment en sous-puissance) avant de revenir sur son cap
initial une fois la vitesse récupérée. Le barreur restera en arrière pour
changer de main et faire passer la grand-voile. Dans le petit temps, il
prend le palan à pleine main et en le tirant vers le bas, ce qui aura pour
effet de fermer la chute et de faire passer la grand-voile plus rapidement.
L’équipier se déplacera de façon à maintenir une assiette latérale et
longitudinale minimisant la traînée.
LE TRAPÈZE
Par bon vent, pour augmenter le rappel, il devient vite indispensable
de monter au trapèze. Sur la plupart des dériveurs, ce rôle est assigné à
l’équipier, le barreur faisant du rappel avec les fesses à l’extérieur du
liston et les pieds coincés sous la sangle de rappel. Les catamarans, plus
puissants, sont généralement équipés de deux trapèzes.
La série de photos ci-dessous décompose la manœuvre de sortie au
trapèze, depuis la position de rappel. Avec l’habitude, ces gestes
deviennent instinctifs, et chacun adapte cet enchaînement à sa
morphologie, sa souplesse, son sens de l’équilibre… En apprentissage,
pour éviter déconvenues, soleil par devant les haubans ou bains forcés,
on s’appliquera sur les points suivants :
– Le pied avant est le premier à se poser sur le liston (ou la poutre
longitudinale d’un Hobie Cat 16) ; la jambe avant demeure tendue, ou
semi-tendue, pour éviter de basculer vers l’étrave. Au besoin, le pied
prend appui sur la cadène de hauban. Une fois étendu au trapèze, on
pourra mieux répartir le poids sur les deux jambes, mais en gardant à
l’esprit que les déséquilibres se produisent quasiment toujours vers
l’avant, lors d’un coup de frein du bateau (enfournement sur un
catamaran).
Sortir au trapèze. 1 Depuis la position de rappel, la cuillère de trapèze a été
engagée dans le crochet de la ceinture. On peut ôter les pieds des sangles, sortir un
peu plus loin les fesses à l’extérieur, suspendu au câble. Buste et bassin orientés de
trois quarts, on sort le pied avant pour prendre appui sur le liston (ou ici, dans le cas
typique du Hobie Cat 16, sur la poutre longitudinale). 2 Sans lâcher l’écoute, la main
arrière pousse de façon à s’écarter encore plus loin et à pouvoir poser à son tour le
pied arrière. La main avant contribue à l’équilibre par la tenue de la poignée, mais
sans se hisser dessus. 3 La jambe arrière s’étend, la main arrière laisse filer l’écoute
en la contrôlant, de façon à conserver un réglage de voile constant. 4 Les membres
inférieurs et le buste sont alignés, la poignée est lâchée. Dans la répartition des
appuis la jambe avant reste un peu plus tendue. La main arrière règle l’écoute, qui
pourra aider un peu à se retenir en cas de déséquilibre vers l’avant.
Si le début du chenal peut être embouqué sous voiles, il faudra avoir affalé avant
de passer les jetées du port. Dans tous les cas de figure, on s’efforce de tenir la droite
du chenal, et on se rappellera qu’on a perdu tout privilège vis-à-vis des autres navires.
Le tour d’observation
La manœuvre de port commence dès les premières bouées du
chenal, dans lequel on serre à droite afin de ne pas gêner le trafic. Une
fois l’emplacement connu – souvent après s’être renseigné au ponton
d’accueil ou par appel VHF – le chef de bord peut choisir de faire un tour
d’observation, pour étudier la configuration des lieux. L’élément
dominant, vent ou courant, est identifié par l’observation du vent sur les
pavillons de la capitainerie ou à la poupe des voiliers, et celle des sillages
dans le prolongement des ducs d’Albe 38 ou des pontons. Si aucune
place n’a été formellement attribuée par la capitainerie, ce repérage
servira à définir le lieu d’accostage le plus approprié en fonction de la
météo du moment ou de la météo à venir. Dans la mesure du possible,
on prévoit une solution alternative, pour le cas où la manœuvre échoue.
Une fois arrêtée l’intention de manœuvre, le chef de bord en expose les
points essentiels à l’équipage, de la qualité de communication dépend en
grande partie la réussite de l’opération. Il ne lui est pas interdit, à ce
stade, de vérifier une dernière fois que chacun a compris son rôle, et de
se livrer à une rapide inspection du pont pour contrôler que les défenses
et aussières sont à poste et à la bonne hauteur, les aussières
correctement préparées sur leurs taquets respectifs.
Défense volante à la main, un équipier veille au grain. Ceux qui sont en charge des
amarres sont postés à l’endroit le plus large du bateau. Celui qui s’occupe de la pointe
arrière assurerait mieux sa sécurité s’il attendait encore avant de passer
complètement à l’extérieur des filières et en s’avançant de façon à se tenir, lui aussi,
au hauban.
MANŒUVRER AU MOTEUR
La complexité des interactions entre les forces agissant sur un
bateau est telle qu’il demeure impossible de les modéliser. Si une bonne
connaissance des aspects théoriques ne peut nuire, la manœuvre au
moteur met aussi en œuvre les sensations, l’expérience et le sens marin.
Un bon manœuvrier doit à la fois connaître son bateau (puissance du
moteur, évolutivité de la carène, rayon de giration, effet de pas ►,
fardage, inertie) et savoir anticiper les influences extérieures en action :
celles du vent, du courant, mais aussi celles exercées par la traction ou la
résistance d’une amarre.
Le Cours ne prétend pas traiter par le menu tous les cas de figure
imaginables lors des manœuvres de port. Les pages qui suivent
proposent à la fois une boîte à outils – des actions codifiées conduisant à
une série de résultats – et un ensemble de situations-types permettant
de mieux comprendre les principes à connaître et les savoir-faire à
maîtriser. Une fois ces bases acquises, on devrait être capable de
s’adapter à tous les scénarios, en respectant un principe clé : toujours
attendre le résultat d’une action avant d’entreprendre une action
corrective. À l’inverse, se lancer dans une succession de corrections
précipitées débouche généralement sur un splendide cafouillage.
LA COMMANDE DE L’INVERSEUR
La commande de l’inverseur-réducteur a une double fonction : embrayage
avant/arrière et réglage du régime moteur. En position verticale, le levier met le
moteur au point mort, régime au ralenti. En appuyant sur le bouton de débrayage, et
en basculant la commande d’un sens ou de l’autre, il est possible de monter en
régime sans être en prise sur l’hélice, notamment pour les moteurs qui ont besoin
d’un peu de gaz au démarrage.
Ne jamais forcer le passage du levier d’avant en arrière (et réciproquement), au
risque de détériorer les engrenages de l’inverseur. Il est impératif de marquer l’arrêt
au point mort, avant d’inverser en douceur le sens de rotation de l’hélice puis de
remonter en régime.
La maîtrise des manœuvres passe par une bonne connaissance des commandes
et de leur effet sur les évolutions du navire. En marche avant comme en marche
arrière, il faut savoir identifier et sentir les différents niveaux de régime. On peut se
représenter les positions de la manette d’inverseur comme celles d’un transmetteur
d’ordre sur un navire ancien, et même les énoncer mentalement lorsqu’on manipule
le levier : c’est une excellente façon de bannir l’à-peu-près et les hésitations, d’être
encore plus précis et rigoureux dans ses actions sur les gaz.
Arrêt du moteur
Inverseur au point mort, laisser tourner le moteur au ralenti quelques
minutes pour qu’il refroidisse. Appuyer sur le bouton « Stop » ou tirer sur
l’étouffoir, le moteur s’arrête, attendre l’alarme « pression d’huile ».
Repousser l’étouffoir, couper le contact 39. Sur certaines unités, la
ventilation électrique du compartiment moteur, temporisée, continue à
fonctionner pendant quelques minutes, avant de s’éteindre
automatiquement. Couper la batterie moteur. Aux Glénans, nous laissons
la vanne d’eau de refroidissement et celle de gazole ouvertes, pour éviter
tout déboire au prochain départ.
Les équipiers ne sautent pas à distance du quai, ils attendent que le bateau soit
collé à son emplacement pour descendre amarres en main. Au moment où les
défenses viennent au contact du quai ou du ponton, le bateau doit être à l’arrêt. S’il se
déplace encore par rapport au point d’accostage, les défenses peuvent rouler et
sauter, sans compter que cela demandera aux équipiers des efforts superflus et
potentiellement dangereux pour le stopper.
EFFET DE PAS ET BORD FAVORABLE
Le pas d’une hélice se définit par la distance parcourue par l’hélice après un
tour complet. Une hélice est « pas à droite » quand, le moteur étant en marche
avant, un observateur placé à l’arrière du bateau voit l’hélice tourner dans le sens
des aiguilles d’une montre. C’est aujourd’hui le cas pour la quasi-totalité des
bateaux équipés d’un seul moteur.
Si l’hélice en rotation génère une force propulsive vers l’avant ou l’arrière, elle
tend aussi à faire pivoter l’arrière du bateau. Ce phénomène est lié aux différences
de pression de l’eau et de vitesse d’écoulement entre les pales. L’intensité de
cette force latérale, baptisée « effet de pas », augmente avec la vitesse de l’hélice,
son diamètre et l’incidence des pales. Une large hélice tripale à forte incidence
aura un effet de pas plus marqué qu’une petite hélice bipale. L’effet est aussi plus
net avec une hélice sur arbre qu’avec un Saildrive 41.
Pour une hélice pas à droite, l’effet de pas fait chasser l’arrière du bateau vers
la droite en marche avant et vers la gauche en marche arrière. Au port, bateau
solidement amarré, on vérifie facilement le pas de l’hélice en battant arrière : si le
remous vient sur tribord, elle a un pas à droite… Et vice versa.
Avec une hélice pas à droite, il est beaucoup plus facile de virer court sur la
droite, car à chaque coup de gaz en arrière on fera chasser le cul du bateau sur la
gauche.
L’effet de pas est plus marqué en marche arrière qu’en marche avant.
Ce cas d’école révèle une règle d’or : le but d’une manœuvre est
d’arriver à l’arrêt au point d’accostage. Il met aussi en lumière trois
particularités : la difficulté à estimer le moment où on laisse le bateau
avancer sur son erre, la nécessité de garder de la vitesse pour préserver
l’efficacité du safran et la faculté de l’hélice à déporter l’arrière sur la
gauche lorsqu’elle est embrayée en arrière, par effet de pas.
LE COUP DE FOUET
Il est possible de virer dans un espace réduit, en poussant la barre à fond du
côté souhaité tout en donnant de brefs et énergiques coups de gaz en avant, dits
« coups de fouet ». Le safran reçoit un puissant flux de l’hélice qui fait chasser
l’arrière et pivoter le bateau sur place, avant qu’il ait pris de la vitesse.
En marche arrière, le coup de fouet n’agit pas sur le safran, mais il exploite
l’effet de pas. On l’utilise à vitesse faible ou à l’arrêt, soit au moment d’accoster, soit
pour réduire le rayon de giration au cours d’un demi-tour. Lors du coup de gaz en
arrière, l’hélice (pas à droite) fait pivoter le cul du bateau vers bâbord, avant même
que le safran ne soit actif, puisqu’il ne reçoit pas le flux de l’hélice et que la vitesse
est nulle.
Les amarres
e
Au XIX siècle l’aussière (ou haussière, pour les amateurs de Scrabble)
était un type d’amarre. Aujourd’hui, les deux mots sont synonymes, tout
comme le sont les mots bout et cordage. Les amarres sont des cordages
destinés à immobiliser les bateaux contre un quai ou un ponton.
Diamètre, mode de fabrication et matériau sont spécifiquement pensés
pour cet usage.
L’amarre doit faire preuve d’une bonne résistance à la traction et aux
frottements, tout en gardant une grande capacité à amortir les chocs
grâce à un important taux d’allongement. Voilà pourquoi on ne doit pas
reconvertir en aussières les vieilles drisses et écoutes, qui
répercuteraient les à-coups du moindre clapotis sur les taquets du bord.
Tressées ou toronnées, les aussières sont de préférence en polyester ou
en polyamide pour leur élasticité et leur résistance. Moins chères, les
amarres en polyéthylène et en polypropylène ont l’avantage de flotter,
mais elles sont vulnérables aux frottements et, à diamètre égal, moins
robustes.
Les amarres portent chacune un nom déterminé par leur position et
leur fonction sur le bateau. Elles travaillent généralement en couple. Leur
efficacité est maximale lorsqu’elles sont orientées dans l’axe des efforts
qu’elles doivent vaincre.
– Les pointes. Placées à l’avant et à l’arrière, elles maintiennent le
bateau parallèle au quai, en limitant les déplacements longitudinaux.
– Les gardes. Elles sont orientées le plus longitudinalement possible
d’un point fixe situé sur le quai, à l’arrière, vers l’avant du bateau (garde
avant), et inversement d’un point fixe situé sur le quai, à l’avant, vers
l’arrière du bateau (garde arrière). Complément des pointes, les deux
gardes se croisent à peu près au milieu du bateau. Elles lui évitent de se
déplacer d’avant en arrière.
– Les traversiers. Frappés devant et derrière, perpendiculairement
au quai, ils maintiennent le bateau accosté.
Il est bon d’avoir à bord au moins six aussières, soit une pour chaque
usage, selon l’adage anglo-saxon « one line, one job ». La longueur des
pointes et traversiers doit au moins être équivalente à celle du bateau,
notamment dans les ports à marée. Compter deux fois plus pour les
gardes, de façon à pouvoir les passer en double avant d’appareiller.
C’est une très mauvaise habitude que de réaliser une garde et une pointe avec
une seule aussière. Chaque amarre doit pouvoir être réglée ou larguée isolément des
autres. Par conséquent : une seule fonction par cordage.
Dans la pratique, on n’a pas toujours besoin à la fois des pointes et
des traversiers, l’amarrage est à adapter au contexte de l’emplacement,
aux conditions météo et à la durée du séjour au port.
LA TOULINE ET SA POMME
Dans certaines circonstances (franchissement d’écluse, quai élevé, passage de
remorque… et bien sûr manœuvres sur les bateaux de fort tonnage), il est difficile
de lancer une amarre à cause de son poids. On a donc recours à une touline, un
cordage plus fin, dont l’une des extrémités est nouée sur l’amarre à envoyer. L’autre
extrémité, libre, est terminée par un nœud parfois lesté, en forme de boule, pour
être facile à lancer.
Confection d’une pomme de touline. 1 Préparer trois boucles côte à côte (à passer
éventuellement autour d’une bille en bois ou métal). 2 Passer trois tours en ceinture, sans
serrer. 3 Insérer trois autres tours à l’intérieur de la première boucle. 4 Serrer
progressivement le nœud en commençant par les premières boucles.
HALER, DÉHALER
Se déhaler, c’est tirer depuis le bateau sur une amarre fixée à terre. Lorsque le
navire est tiré depuis la terre ou le ponton, on dit qu’il est halé. En halant par une
pointe à l’étrave, on met le bateau en travers et on s’inflige des efforts inutiles. Il est
beaucoup plus efficace de haler (ou de se déhaler) depuis le point d’embelle.
Historiquement, ce terme désignait l’emplacement du navire, quelque part à mi-
chemin de la poupe et de l’étrave, où le pavois s’abaissait pour le passage des
hommes et des marchandises. Concrètement, c’est le point à partir duquel une
traction fait avancer le bateau sans qu’il pivote.
C’est tout bête. 1 Si l’on essaie de haler le bateau par une pointe avant, l’étrave se pince
contre le quai ou le ponton, et il faut redoubler d’efforts. 2 En tirant par le point d’embelle,
tout devient plus simple, le bateau se hale facilement, au besoin on ajuste la trajectoire par
une légère tension sur la pointe avant ou la pointe arrière.
En appui sur une garde avant, barre en butée et moteur embrayé, le bateau reste
stable le temps de passer les autres amarres.
L’AMARRE D’EMBELLE
L’accostage sur garde est encore plus rapide et sûr en utilisant une amarre
d’embelle frappée au point pivot du bateau : la rotation de l’arrière est grandement
facilitée. Rester mesuré dans les actions de gaz, le bras de levier et les efforts sur les
taquets étant alors importants. En équipage réduit, l’amarre d’embelle rend de
fameux services. On peut la doter par avance d’une boucle qui coiffera le taquet du
ponton sans qu’on ait à débarquer, mais aussi ramener son autre extrémité à un
winch de piano ou du foc, pour en ajuster la tension sans s’éloigner de la barre. En
l’absence de taquet à l’embelle, on peut placer une poulie volante sur la cadène de
hauban ou le rail de fargue, à titre provisoire le temps de l’accostage.
Accoster un catway
Fixés perpendiculairement aux pontons des ports de plaisance, les
catways (finger piers en anglo-américain) sont d’étroites passerelles
flottantes qui permettent un accès facile aux bateaux. L’espace entre
deux catways est calculé pour accueillir deux bateaux côte à côte, ce qui
réduit à deux possibilités les manœuvres d’accostage : en marche avant
et en marche arrière. Dans les deux cas, placer des défenses des deux
côtés pour le cas où l’on se retrouverait plaqué sur le bateau voisin. Et au
moment de débarquer amarre en main sur ces « passages pour chat », se
rappeler qu’ils peuvent s’enfoncer sous la charge...
■ En marche avant
À l’approche, on longe le plus près possible les bateaux du ponton
opposé. Viser le centre de la place, en modulant le régime moteur et le
cap selon la force du vent ou du courant. À environ deux longueurs du
point d’arrivée, le barreur débraye, laisse le bateau courir sur son erre
puis bat progressivement en arrière pour ralentir. Garde avant en main,
l’équipier placé à hauteur des haubans descend à l’extrémité du catway
et tourne son aussière pour contrôler – voire bloquer – l’avancée du
bateau. Un deuxième équipier descend pour amarrer l’avant. Si, sous
l’effet du pas de l’hélice, le bateau a pivoté, c’est en réglant les amarres
qu’il sera positionné parallèle au catway 47.
■ En marche arrière
S’amarrer arrière au ponton permet de monter à bord plus
facilement, c’est une position qui pourra être choisie pour transborder
matériel ou avitaillement, pour mettre la descente à l’abri du vent, ou
pour appareiller ensuite plus facilement, selon les prévisions météo.
Il faut partir de loin, en marche arrière à régime lent, pour amorcer un
grand arc de cercle de façon à arriver parallèlement au catway. Contrôler
la trajectoire en barrant face à l’arrière et en gardant de la vitesse, mais
veiller à ce que l’étrave ne touche pas les bateaux du ponton opposé. Si
besoin, donner un coup de fouet en avant pour redresser le bateau.
Quand l’arrière arrive au niveau du catway, débrayer et laisser courir sur
l’erre, avant de doser un coup de fouet en avant. La garde arrière est
tournée en premier sur le catway, suivie de l’amarre avant, qui évite au
bateau de pivoter.
LE DÉPART
Sur un bateau, partir c’est beaucoup ranger. Caler tout ce qui pourrait
tomber, fermer panneaux et hublots, mettre de l’ordre sur le pont. Les
pleins sont faits, le niveau d’huile vérifié et le câble secteur débranché du
ponton, les gilets sont capelés, il est temps de démarrer le moteur et de
s’occuper des amarres. Pour la manœuvre de départ, on n’aura besoin
que de deux aussières, qui seront passées en double de façon à les
larguer depuis le bord. Lesquelles choisir ? C’est certes une affaire de
réflexion et d’expérience, mais l’observation peut beaucoup aider : les
aussières dont on va pouvoir se passer sont celles qui ne sont pas
tendues, car, compte tenu des conditions de vent ou de courant du
moment, le bateau ne les sollicite pas. On les largue, on les love et on les
range, un équipier se charge de la défense volante, on peut y aller.
Départ avec le vent sur la hanche opposée au quai. 1 Pointe avant et traversier
arrière sont en double, la plus grosse défense du bord est à l’étrave. On embraye en
avant lente. 2 Le traversier est largué, l’étrave s’appuie sur le quai. 3 Le cul du bateau
a passé le lit du vent. On embraye souplement en arrière. 4 Le bateau recule, la garde
est larguée.
La pendille et sa chaîne-mère.
Une ancre n’est pas conçue pour tenir par fort vent de travers. Des gardes
ainsi ramenées au quai contribueront grandement à la sérénité… À moins qu’un voisin
au vent, n’ayant pas pris les mêmes précautions, finisse par chasser et vous tomber
dessus.
S’AMARRER À COUPLE
Venir à couple d’un bateau, c’est accoster un lieu privé, s’inviter chez
un voisin par manque de place ailleurs et sans y être invité. Par
courtoisie, même si la direction du vent est défavorable, on choisira de
s’amarrer dans le même sens que le voisin, sauf s’il y a un risque pour le
gréement. En effet, les voiliers pouvant gîter et rouler de façon non
synchronisée, on veillera à ce que les mâts soient décalés, pour éviter
que les haubans ne s’emberlificotent, que les espars tricotent, bref, que
le ciel nous tombe sur la tête. C’est le réglage des gardes qui permettra
de décaler les gréements. Par prudence, on pourra accoster à la main, en
se déhalant sur la garde arrière que l’on aura envoyée au bateau
accueillant. Les deux unités étant côte à côte, on complètera l’amarrage
avec deux traversiers et la garde avant croisée avec la garde arrière… Si
la météo annonce du vent ou si l’on souhaite prolonger le séjour à
couple, on passera deux pointes avant directement sur le quai pour
limiter les efforts subis par le bateau visité.
Préparer la grand-voile
La bordure de la grand-voile est étarquée, sans plus. On en reprendra
le réglage en mer, en fonction des conditions météo. On attend le dernier
moment avant la manœuvre de départ pour mettre la drisse en place. Sur
la têtière, il y a parfois plusieurs trous et se pose alors une question :
« Lequel choisir ? » Cela dépend de la hauteur libre entre têtière et poulie
de drisse de grand-voile (une fois la voile hissée). La drisse doit se placer
dans le sens des efforts principaux qui s’exercent sur elle, c’est-à-dire ni
trop verticale (seul le guindant serait tendu et la chute aurait tendance à
arracher le haut de la têtière), ni trop horizontale (le haut de la têtière
serait écrasé sur le mât et s’abîmerait). En général, le bon œillet où
frapper la drisse est celui qui est le plus proche de la ralingue.
On vérifie aussi le circuit de l’écoute de grand-voile, ainsi que la
présence du nœud en huit à son extrémité.
Juste avant d’appareiller, on enlève le taud et la plus grande partie
des rabans 59. On n’en laisse que quelques-uns, juste de quoi maintenir
la voile sur la bôme.
SORTIR DU PORT
Nous avons traité précédemment les manœuvres permettant de
quitter son emplacement à quai ou au ponton, et nous aborderons plus
loin la façon de relever son mouillage ou de larguer un coffre. Nous nous
intéressons ici au moment précis où le bateau est en train de quitter le
port.
L’équipage est affairé à ranger les défenses et les aussières, à
enlever les derniers rabans. L’équipier en charge du rôle de navigateur
est déjà à son poste. C’est important : on ne compte pas les bateaux qui
s’échouent ou qui talonnent juste à la sortie du port, parce qu’on a omis
de désigner assez tôt un équipier pour ce poste clé !
Le navigateur donc – puisque navigateur il doit y avoir – guide le
bateau vers une zone tranquille et dégagée où l’on pourra se mettre face
au vent et établir les voiles.
Établir la grand-voile
Il faut avant tout maintenir le bateau face au vent, la grand-voile étant
plus facile à hisser dans cette position qui évite les frottements latéraux
sur le guindant ou les coulisseaux (ils glissent ainsi mieux dans le rail).
Mais la bôme se débat au-dessus du cockpit, alors attention aux têtes !
Pour maintenir le voilier bout au vent, le plus simple est de garder le
moteur embrayé en avant lente.
Une fois le hale-bas et l’écoute de grand-voile largement choqués, on
pèse 61 la balancine pour soulager la bôme. On hisse alors la voile en
gardant les yeux en l’air – il faut toujours observer l’effet de la manœuvre
à laquelle on est en train de procéder. Un équipier peut aider la grand-
voile à monter en se saisissant de la drisse à la sortie du pied du mât
pendant que l’équipier de cockpit reprend le mou. Une fois la voile haute,
la drisse est étarquée au winch jusqu’à ce que les plis disparaissent le
long du mât. On la bloque et on la love soigneusement (elle doit toujours
être claire pour pouvoir filer rapidement si l’on doit affaler en urgence).
Reste à mollir la balancine, à border l’écoute de grand-voile puis le hale-
bas en abattant progressivement. Le moteur est mis au point mort.
Certains voiliers sont équipés de lazy-jacks (des cordages qui
forment de part et d’autre de la bôme un réseau partant de deux points
situés de chaque côté du mât et aboutissant à plusieurs points de
chaque côté de la bôme). Ce dispositif est très pratique quand on affale,
mais quand on hisse il faut veiller à rester bien bout au vent, et bien
mollir le palan d’écoute de façon à ce que la bôme s’oriente librement et
que la chute et les premières lattes passent au milieu des lazy-jacks,
sans les accrocher.
Un hale-bas rigide repousse la bôme vers le haut lorsque son palan est molli. Ce
dispositif permet éventuellement de se passer de balancine.
La gîte excessive, l’angle de barre important, tout indique que ce Dufour 325 est
surtoilé, un deuxième ris s’impose.
Un ris dans la grand-voile, un ris dans le solent, sous 30 nœuds, notre Dufour 325
file bon train au largue. Mais il serait surtoilé s’il devait remonter au près : il ne porte
pas précisément la toile du temps.
Larguer un ris
Voici une opération simple et rapide qui réclame peu de discours. On
vient au bon plein, on largue toutes les garcettes de ris (gare à la grand-
voile qui se déchirera inexorablement si l’on en oublie une), on largue la
cravate assurant le point d’écoute sur la bôme, on délove les bouts
nécessaires à la manœuvre, on choque le hale-bas et l’écoute de grand-
voile.
Après avoir pesé la balancine, on peut choquer la bosse du ris. La
drisse de grand-voile est mollie, juste ce qu’il faut pour larguer le croc
d’amure du ris. On réengage le cas échéant les coulisseaux sortis de leur
rail ou de leur gorge, on hisse et on étarque la drisse et, si nécessaire, la
bosse d’écoute. Bien penser, alors qu’on rehisse la voile, à libérer non
seulement la bosse du ris qu’on largue, mais celles des ris supérieurs.
Enfin, on choque la balancine, on borde le hale-bas et l’écoute de
grand-voile, on remet en route, on range bosses de ris, drisses et écoute.
Et voilà !
Rouler le génois
La manœuvre est simple : on choque l’écoute de génois, on tire sur la
bosse de l’enrouleur. Des petites marques sur la bordure de la voile
permettent de mesurer la quantité de toile enroulée. On s’arrête à la
première marque, on saisit la bosse au taquet, on borde l’écoute du
génois.
Malgré la simplicité confondante de cette manœuvre, il faut respecter
quelques règles pour la réussir proprement.
Tout d’abord, avant une manœuvre d’enrouleur, l’étai de foc doit être
tendu. Car si l’étai est mou, la manœuvre provoque des frottements
importants entre le tube de l’enrouleur et l’étai. Celui-ci étant entraîné
par le mouvement de rotation, forcer sur la bosse peut très sérieusement
l’endommager. On a vu des câbles d’étai se détoronner à la longue, ou
des sertissages finir par rompre, avec généralement pour lourde
conséquence un démâtage.
Or il arrive fréquemment que l’étai de foc soit mou : quand on ne
navigue pas au près, quand l’étai largable est lui-même très raidi, ou
quand le pataras ne l’est pas suffisamment. Dans ces cas-là, pour raidir
l’étai, il faut raidir le pataras, quitte à larguer de la tension sur l’étai
volant si l’on n’obtient pas l’effet souhaité.
Deuxième règle d’or, corrélée à la précédente : une bosse d’enrouleur
ne doit jamais être manœuvrée au winch, sauf sur les bateaux de grande
taille (à partir de 12-13 mètres), à bord desquels les efforts deviennent
importants. Et dans cette situation, on modère son action à la manivelle,
et on surveille ce qui se passe en s’interdisant de forcer au moindre
blocage.
Profitons-en pour tordre le cou à une méthode répandue mais
dangereuse, qui consiste à garder du vent dans le génois et un maximum
de tension dans l’écoute tandis que l’on reprend la bosse, sous prétexte
de « serrer » la voile autour de l’enrouleur et de donner à celle-ci un
meilleur profil. Comme dit plus haut, c’est le meilleur moyen d’user à
petit feu son étai et de créer les conditions de futurs gros dégâts.
La méthode la plus sûre, la plus confortable et la plus efficace, si l’on
a de l’eau à courir, consiste à abattre en grand pendant la manœuvre. Le
vent apparent diminue, et avec lui la puissance du génois, qu’on peut
choquer largement sans qu’il faseye violemment. La bosse est reprise à
la main, bloqueur fermé. Si l’on a besoin d’un peu plus de force, un
équipier placé sur le pont ou le passavant fait arbalète sur la bosse, entre
deux poulies de renvoi (généralement fixées au pied des chandeliers). Il
veille juste à ne pas trop s’avancer, pour ne pas prendre le risque d’une
gifle par une écoute qui bat.
Le génois est enroulé « main sur main », et surtout pas à l’aide d’un winch.
Sur ce Dufour 325, le bas étai largable se met en tension par un ridoir à levier. Une
manille (dans la main droite de l’équipier) viendra bloquer le bras du ridoir en position
haute.
Établir le tourmentin
Le tourmentin est une petite voile d’avant adaptée au gros temps,
comme l’indique son nom, issu de « tourmente ». Elle est taillée très
plate, le plus souvent dans un tissu orange fluorescent, de façon à ce
qu’un voilier en difficulté dans une tempête soit aisément repérable. Son
point d’amure est fréquemment muni d’une estrope métallique
permettant de le rehausser. L’objectif est double : dégager le tourmentin
du pont et de la trajectoire des paquets de mer, mais aussi, en
rehaussant le point d’écoute, faire reculer le point de tire ; sans cet
artifice, le rail d’écoute de génois serait trop court sur la plupart des
bateaux 69.
Compte tenu de son guindant très court, le tourmentin mérite par
ailleurs de porter à son point de drisse une deuxième estrope métallique
– dite itague – montant pratiquement jusqu’au réa de drisse. Sans ce
dispositif, la longueur de drisse sous tension se retrouve beaucoup plus
importante qu’avec une voile montant en tête, elle s’allonge
considérablement et étarquer correctement le tourmentin s’avère
difficile. À moins d’être équipé de drisses à haut module de résistance et
de faible allongement, en matériaux comme le Dyneema.
Le point d’amure du tourmentin est rehaussé par une estrope. Ici, le guindant qui
festonne signale une tension de drisse insuffisante.
LA TRINQUETTE
Avant la généralisation du gréement de sloop (une grand-voile et un génois)
autorisée par les progrès des matériaux et de l’accastillage, la norme était plutôt la
configuration de cotre, avec sur l’avant un foc au point d’écoute élevé (le yankee) et
en retrait une voile plus petite, la trinquette, établie sur un bas-étai : c’est ainsi qu’on
divisait la voilure, de façon à réduire les efforts sur les drisses et les écoutes.
Sereine, la vieille dame des Glénans, navigue toujours ainsi. La configuration sloop
étant plus performante, en particulier près du vent, elle s’est imposée sur la quasi-
totalité de nos voiliers. Mais la trinquette n’a pas été totalement reléguée au musée
ou cantonnée aux unités classiques, elle demeure parfois utilisée comme voile de
brise. Elle se différencie du solent par une géométrie plus ramassée, et, par
conséquent, plus tolérante aux réglages. Avec son amure plus reculée, elle contribue
à baisser et à recentrer les centres véliques, pour un meilleur équilibre du bateau.
Elle s’établit sur un bas-étai dont l’ancrage se situe plus bas sur le mât qu’un étai
largable de solent. On associe généralement à ce bas-étai, fixe ou largable, des
bastaques de brise assurant sur l’arrière le maintien longitudinal du mât.
LA VOILE DE CAPE
La voile de cape revient en vogue, en particulier sous l’impulsion des
organisations de course, qui l’ont rendue obligatoire. Dite aussi « voile suédoise »,
elle arbore un guindant très court, une chute échancrée dépourvue de lattes, une
coupe plate et une bordure libre. Elle est destinée à remplacer la grand-voile si celle-
ci est devenue hors service, si la bôme est rompue, ou tout bonnement si l’on
souhaite préserver le matériel en attendant un retour à des conditions plus
maniables. On la borde par deux écoutes renvoyées sur des points de tire très
reculés, par exemple les poulies de spi.
RÉDUCTIONS DE VOILURE
Il est souvent plus efficace de réduire d’abord la grand-voile. Au-delà
de la surface gagnée, l’abaissement du centre de voilure est très
bénéfique sur ces bateaux particulièrement sujets au tangage. Si la mer
est formée et à plus forte raison au près, on roulera un peu de génois
ensuite, ou bien on passera sous trinquette si elle fait partie de
l’inventaire du bord. Au portant, il ne faut pas hésiter à réduire très
sérieusement la grand-voile, voire à l’affaler complètement dans la mer
très formée. Le barreur gère alors plus facilement les trajectoires avec
une tendance beaucoup moins nette à partir au lof.
Au près, voile-moteur
Plateforme trop basse, fardage important, manque de raideur de la
structure et du gréement sont autant de facteurs qui limitent la capacité
à progresser près du vent. À l’inverse, un bateau que l’équipage laisserait
accélérer franchement par mer forte, en naviguant trop abattu au bon
plein, peut connaître des dommages structurels en raison des chocs
violents dans la mer. Le vent de travers dans la mer formée est par
ailleurs à exclure.
Pour remonter contre le vent par forte brise, la meilleure solution est de
naviguer sous grand-voile au bas ris, en s’appuyant avec le moteur de la coque sous le
vent. Ne jamais naviguer au moteur seul dans une mer fermée, sous peine de
démâtage. Le gréement spécifique d’un catamaran exige en effet d’être appuyé par la
voilure.
Une bonne tactique consiste donc à naviguer très près du vent (entre
30 et 40° du vent réel), sous voilure très réduite – la grand-voile seule
réduite au bas ris – en s’aidant du moteur sous le vent. On peut ainsi
calibrer la vitesse en fonction des vagues et éventuellement jouer sur la
manette des gaz pour mieux passer les crêtes ou ralentir derrière si
besoin.
La fuite
C’est évidemment une allure moins violente mais non sans risque,
notamment si les vagues sont courtes et pentues. Même sur une mer
longue et organisée, le problème demeure d’adapter sa vitesse à la
fréquence des vagues. Il ne faut jamais naviguer à sec de toile, sous
peine de ne plus être maître de sa trajectoire à la barre. Conserver un
peu de toile sur l’avant est préférable, quitte à traîner une longue
aussière en boucle sur l’arrière – un traînard – pour ralentir. On pourra
réguler la vitesse en allongeant ou raccourcissant l’aussière, facile à
installer depuis les jupes sur un catamaran (sur un trimaran, il faut faire
une patte d’oie en cravatant les bras en sortie de coque centrale, sans
aller mettre en danger un équipier à l’extrémité des flotteurs). Le bateau
restera en ligne, tenu par l’arrière. Les dérives, le cas échéant, seront
complètement remontées. Dans des conditions vraiment extrêmes,
l’ajout d’une petite ancre flottante peut se révéler une stratégie payante
si le traînard s’avère insuffisamment efficace.
La cape
Avec peu d’eau à courir et s’il est difficile de remonter au vent dans le
gros temps même en s’appuyant au moteur, la cape courante peut être
tentante ; mais elle risque d’être très délicate dans sa mise en œuvre.
Bien sûr, en théorie, le multicoque sans dérives (ou dérives relevées)
chasse facilement en aplatissant la mer au vent. Dans la réalité, parvenir
à stabiliser l’allure s’avère bien difficile, en raison de l’important fardage
des coques et des superstructures, ainsi que de la légèreté de
l’embarcation (légèreté à relativiser, s’agissant de certains multicoques
dotés d’un confort domestique considérable, et finalement aussi lourds
qu’un monocoque de taille équivalente). Sur les bateaux munis d’un foc
autovireur, dispositif relativement fréquent à bord des catamarans de
croisière, il faudra d’ailleurs cravater l’écoute sur un padeye 71 au vent.
PRENDRE UN COFFRE, QUITTER UN COFFRE
Un coffre est une bouée reliée par un orin et de la chaîne – ou
seulement par une chaîne – à une dalle de béton (le corps-mort) ou
encore à une chaîne-mère, qui repose sur le fond de la zone de
mouillage 72. Pour la manœuvre d’approche, on parle de « prendre » une
bouée, un mouillage, un coffre, un corps-mort, ce qui revient au même 73.
S’AMARRER À UN COFFRE
Le plus souvent, sur un coffre, la bouée est reliée uniquement par une
chaîne au corps-mort. Elle est munie d’un anneau auquel on s’amarre en
la laissant à l’eau (vu la taille de certains coffres, on n’est d’ailleurs guère
tenté de les ramener sur le pont.)
À l’inverse, certaines bouées de mouillage se remontent à bord, ainsi
que l’orin sur lequel elles sont amarrées et, dans ce cas, c’est la chaîne
sous-jacente qui est tournée à bord. Ce système de bouée, reliée par un
orin à une chaîne posée sur le fond, limite l’usure de cette dernière :
suspendue, la chaîne s’abîmerait plus vite. Ces petites bouées ayant
moins de poids à supporter, elles sont beaucoup moins volumineuses.
Dans une autre variante, une grosse bouée supporte la chaîne
principale ; sur cette dernière est maillée une chaîne plus légère, elle-
même soutenue par un petit flotteur. Ce sont ce deuxième flotteur et
cette deuxième chaîne que l’on agrippe avec la gaffe et que l’on ramène
à bord. Rappelons qu’on tourne une chaîne au taquet avec de simples
tours morts, en aucun cas en réalisant des huit ou des demi-clés, sous
peine de ne plus jamais pouvoir la dénouer.
Lorsque l’amarre du bateau est fixée à une bouée, il faut être certain
que le point d’amarrage (l’anneau du coffre le plus souvent) soit
correctement fixé à la chaîne qui la relie au corps-mort.
En cas de doute sur la solidité de l’anneau d’amarrage du coffre – en
particulier si cet anneau n’est pas relié métalliquement à la chaîne –, il ne
faut pas hésiter à s’amarrer directement à cette dernière, sous la bouée.
S’il est possible de s’amarrer provisoirement à l’anneau d’un corps-
mort par une amarre en double, pour quelques heures ou pour le temps
de la manœuvre d’appareillage, on n’abandonne pas ainsi son bateau,
pas plus qu’on ne reste amarré en double pour la nuit, le risque étant que
l’aussière se cisaille et que le voilier parte à la dérive. Dans tous les cas, il
faut réaliser un tour mort avec son amarre sur le coffre, pour réduire le
ragage. Pour plus de sécurité, on peut doubler l’amarrage (c’est-à-dire
mettre en place une deuxième aussière).
Principe de la manœuvre
Un coffre est fixe dans le paysage (il est immobile par rapport au
fond), mais le voilier qui s’en approche se déplace sur la surface de l’eau
(en avançant et/ou en dérivant sous l’effet du vent) et, quand il y a du
courant, l’eau elle-même est en mouvement. Pour prendre un coffre
correctement, il faut d’abord déterminer et suivre une route fond 74 qui
mènera le bateau jusqu’à la bouée, puis s’immobiliser suffisamment par
rapport au fond pour s’en saisir.
Pour vérifier que la route fond guide le bateau à son but, il n’existe
qu’un moyen : s’assurer que le paysage ne défile pas derrière le coffre.
On dit qu’il faut « laisser le coffre stable dans le paysage », ce qui revient
à suivre l’alignement entre la bouée du coffre et un point quelconque en
arrière-plan dans le paysage. Si le bateau reste sur l’alignement, sa
trajectoire l’amène jusqu’au coffre. Pour s’arrêter finalement sur le fond,
on adapte sa voilure en fonction des circonstances – à savoir, pour
l’essentiel, en fonction de la force et de la direction du courant et du
vent.
Le bon angle d’approche est matérialisé par les secteurs colorés en bleu ciel.
Dans la zone blanche, on arriverait trop abattu, sans pouvoir ralentir en choquant la
grand-voile. Dans la zone bleu foncé, on naviguerait trop bas, sans parvenir à
remonter sur le coffre ou sans marge de manœuvre s’il fallait rectifier la trajectoire en
lofant. 1 Repérage du coffre et de la zone environnante. 2 On abat en choquant et on
s’éloigne du coffre, au largue (120° du vent environ). 3 On affale ou on roule le foc.
4 Sous grand-voile seule, on vire de bord en bordant. 5 On navigue au bon plein
(60° environ) en pointant le nez du bateau légèrement au vent du coffre, compte tenu
de la dérive. 6 On ajuste la vitesse en choquant/bordant la grand-voile, et on
conserve son alignement. 7 On termine sur l’erre, grand-voile choquée, en prenant le
coffre au vent.
LE COUP DU LASSO
La technique du lasso simplifie la tâche de l’équipier chargé d’attraper le coffre,
et permet de sauver le coup lorsqu’on a mal estimé sa trajectoire et/ou sa vitesse
dans la phase finale. Une courte aussière est amarrée en double à l’étrave, elle est
lovée en deux parties, l’équipier tenant une glène dans chaque main. En vue de la
bouée, il lance des deux mains à la fois, l’amarre tombe derrière le coffre et cravate
la chaîne. Le bateau est immobilisé, reste à s’amarrer proprement. C’est bien plus
pratique que de s’escrimer avec une gaffe, qu’on risque de se faire arracher des
mains. Le petit plus : laisser tomber l’aussière à l’eau avant de la lover ; une fois
mouillée, elle est plus lourde et elle atteint d’autant mieux son but.
Prendre un coffre avec un courant travers
ou contraire au vent
C’est la situation la plus simple, à condition de prendre le coffre face
au courant, à savoir en marchant entre le travers et le vent arrière sans
grand-voile, pour pouvoir ralentir et s’arrêter – donc sous foc seul, voire à
sec de toile par vent fort !
Quand courant et vent s’opposent, il est possible en effet de s’arrêter
sur le fond tout en conservant sa vitesse en surface. On contrôle très
facilement sa vitesse en choquant (ou en roulant) du foc, jusqu’à ce que
le déplacement du bateau sur la mer compense exactement le courant.
Le voilier reste très manœuvrant (comme il avance sur l’eau son safran
est pleinement efficace) et le coffre peut être saisi en toute tranquillité
puisqu’on est arrêté sur le fond (on est donc immobile par rapport à la
bouée).
La tentation inverse (accoster face au vent et cul au courant) est à
proscrire : on arriverait sans vitesse sur l’eau, et donc non manœuvrant,
tout en continuant à avancer sur le fond, et en dérivant par conséquent
sur les obstacles potentiels (autres bateaux au mouillage, rivage,
rochers…). C’est le meilleur moyen de rater son coffre mais aussi d’aller
à la catastrophe.
Ici le vent et le courant sont dans le même sens, et on veut abattre très vite
pour partir vent arrière. Sur l’image, l’amarre en double a été larguée, et une équipière
commence à récupérer la bosse de manœuvre. Le foc a été bordé à contre sitôt
déroulé. On va pouvoir le transférer bientôt sur tribord, à moins qu’on souhaite
empanner immédiatement, auquel cas il suffit de le laisser bordé sur bâbord.
LE MOUILLAGE
Se réveiller le matin au mouillage sur une eau limpide, dans une
crique préservée, est l’une des principales raisons d’être de la croisière.
Cette échappée belle hors des villes, ports ou marinas est même
l’essence de la navigation lointaine. En voyage, dans certaines contrées,
se mettre à l’ancre est souvent le seul moyen de faire escale, découvrir
un paysage, une côte, des gens. Mouiller peut aussi être indispensable
pour se mettre à l’abri d’un coup de vent ou attendre la renverse du
courant. Mais, comme en toute chose sur un voilier, la technique du
mouillage exige du matériel fiable et l’art de s’en servir.
LA LIGNE DE MOUILLAGE
La ligne de mouillage est constituée de l’ancre et de la chaîne,
souvent prolongée par le câblot (cordage en textile). L’extrémité de cette
ligne est fixée au bateau par le point d’étalingure. Elle pénètre à bord en
passant par le davier (rouleau tournant sur un axe) ou, sur les gros
bateaux, par une ouverture cylindrique appelée écubier. Un guindeau
(treuil à axe horizontal) peut s’ajouter pour faciliter la manipulation.
Quand ce treuil est à axe vertical, c’est un cabestan (winch en anglais),
mais le terme de guindeau s’étant généralisé, nous l’adopterons dans Le
Cours pour les deux types de treuils.
L’ensemble de ces éléments doit être de qualité. Ils seront choisis en
fonction de la longueur et du déplacement du bateau, avec pour règle
d’aller au-delà des préconisations des fabricants, jamais en deçà. Le
tableau ► rassemble, pour quelques ancres courantes, les
caractéristiques des lignes de mouillage en fonction de la taille du voilier.
L’ANCRE
Quand elle ne sert pas, une ancre doit se ranger facilement (le plus
souvent à l’avant du bateau, prête à servir) et être la plus légère possible,
autant de critères qui s’ajoutent à l’essentiel : sa bonne tenue sur les
fonds. En la matière, le poids de l’ancre est un facteur moins déterminant
que sa géométrie. C’est son dessin qui détermine sa capacité à
s’enfoncer toute ou en partie dans les fonds marins, à la manière d’un
soc de charrue pénétrant dans la terre.
Le soc a ainsi inspiré de nombreuses ancres, à commencer par la
vénérable CQR, aujourd’hui largement détrônée par des modèles plus
récents, telles les ancres Spade, Kobra, FOB Rock, Manson Supreme,
Rocna, Delta, Brake, etc. Dotées d’une pointe parfois lestée, les ancres
charrues de nouvelle génération ont des formes complexes, qui
favorisent un enfoncement rapide et une meilleure tenue.
Trois types d’ancres fréquemment utilisées : ancre à pelle concave, ancre plate
et soc de charrue.
Quand, entraînée par la chaîne, l’ancre a pénétré dans le sol, elle doit
s’enfouir sans pivoter sur la tranche lorsque la traction augmente, ce qui
la ferait décrocher. Plus faciles à manipuler et à ranger, les ancres plates,
qu’elles soient en acier galvanisé, (FOB HP, Danforth, Britany, etc.) ou en
alliage d’aluminium (FOB Light, Fortress, Guardian, etc.) ont une
fâcheuse tendance au décrochage sous forte charge, ce qui limite leur
usage au mouillage occasionnel ou par beau temps établi. Cependant,
dans plusieurs tests comparatifs, certaines ancres plates (FOB HP ou
Fortress) rivalisent avec les ancres charrues.
Si une ancre ne doit pas décrocher, elle ne doit pas non plus chasser
(labourer le fond sans s’y bloquer). Une ancre chasse quand la traction
de la chaîne n’est pas horizontale sur le fond. Cela se produit lorsque
longueur ou poids de la ligne de mouillage sont insuffisants. Mais une
ancre peut chasser pour de multiples raisons : quand le fond est trop
meuble et l’enfouissement insuffisant, quand le sol est trop dur, quand la
surface des pattes est trop petite… Et bien sûr quand la traction du
mouillage est trop importante.
Les essais d’ancres réalisés sur des fonds de types différents
donnent des résultats disparates, ce qui démontre qu’il n’existe pas
d’ancre universelle. Si les ancres modernes s’avèrent plus polyvalentes,
moins encombrantes et globalement plus performantes que les modèles
d’antan, il est intéressant de constater que les ancres classiques à jas
étaient les plus efficaces dans les cas spécifiques des fonds d’herbes et
de rochers. Les critères de choix d’une ancre dépendent aussi des
habitudes culturelles, qui varient selon les pays d’origine des voiliers et
les régions fréquentées. Nous conseillerons d’embarquer au moins deux
lignes de mouillage, la principale étant uniquement constituée de chaîne
reliée à une ancre charrue, le mouillage secondaire étant composé d’une
ancre plate de bonne qualité associée à une ligne mixte (chaîne et
câblot).
Approche
Pour approcher la zone de mouillage choisie, on préfèrera utiliser le
moteur si le plan d’eau est déjà très encombré, car un abordage au cours
d’une manœuvre ratée à la voile est rarement pardonné. S’il y a assez de
place (ce qui s’apprécie en fonction de l’expérience de l’équipage),
manœuvrer à la voile pour mouiller ne présente pas de difficulté – et
apporte toujours autant de satisfaction.
Observer
Avant toute manœuvre de mouillage, on visite la zone pour choisir
son emplacement, en veillant à la présence de baigneurs. Au moteur, on
fait route à vitesse réduite, les voiles prêtes à être envoyées en cas de
panne. À la voile, on adapte la voilure pour être manœuvrant et garder
une bonne visibilité : génois partiellement roulé ou solent (voir « La
voilure de manœuvre » ►). Dans les deux cas, quand l’on passe devant
les bateaux à l’ancre, on veillera à s’écarter de leur ligne de mouillage en
évitant les bouts des bouées d’oringage ►. En passant derrière eux, on
prendra garde aux annexes, surtout la nuit.
Ce tour d’observation permet de répondre à diverses questions.
Comment les bateaux évitent-ils sur leur mouillage 79 ? Quelle est la
profondeur à cet endroit ? La nature du fond ? Si l’eau est claire, on
repère le sable, plus favorable à la tenue de l’ancre que les algues et les
rochers, qui dessinent des taches plus foncées. Enfin, il faut profiter de
ce petit tour pour réfléchir au parcours qui mènera le bateau à son
emplacement, face au vent ou au courant (c’est l’élément dominant qui
devra être pris en compte) et sans vitesse. Au mouillage, les bateaux
n’évitent pas tous dans le même sens, à cause de leur fardage et de leur
plan de dérive, mais aussi de leur situation, plus ou moins exposée au
courant et au vent. Pour ne pas emmêler les lignes de mouillage, on
cherchera à mouiller derrière un bateau à l’ancre plutôt que juste devant
lui.
Se préparer
Le bateau se dirige vers son emplacement sous grand-voile seule ou
au moteur. Un équipier va à l’avant, protégé par des gants et de bonnes
chaussures ou des bottes. On a ouvert la baille à mouillage, dans laquelle
la chaîne est rangée 80. Si l’on ne dispose pas de guindeau, on prépare
une bitture, qui consiste à allonger sur le pont, en zigzags, la longueur de
chaîne à mouiller. Une deuxième méthode, moins élégante mais plus
rapide, est celle du tas bien pensé : on sort de la baille la quantité de
chaîne requise, en réalisant un tas, puis on repart en sens inverse pour
confectionner un deuxième tas juste à côté : lorsqu’on a terminé, la
partie de la chaîne devant filer en premier est sur le dessus.
Réaliser une bitture consiste à préparer en allers-retours la bonne longueur de
chaîne, de façon à ce qu’elle puisse se dévider proprement au moment où l’on
mouillera.
MANŒUVRER AU GUINDEAU
Comme pour toute machine tournante, l’utilisation du guindeau requiert de la
prudence. Attention aux vêtements amples, aux bijoux, foulards et cheveux
pouvant se prendre dans le mécanisme. Chaussures et gants restent de rigueur
pour manipuler ancre et chaîne.
Mouiller l’ancre
– Avant de mouiller, placer l’ancre en suspension sur son davier.
– Dévirer la chaîne en desserrant le frein, à la rigueur avec la commande
électrique. La première solution est à privilégier par forte hauteur d’eau, lorsqu’il
est difficile de maintenir la position le temps que l’ancre aille au fond ou encore,
bien évidemment, lorsqu’on doit mouiller en urgence.
– Freiner le guindeau pour que le bateau fasse tête.
– Ajuster la longueur.
– Placer sur le haut de la chaîne un cordage amortisseur, au moyen d’un croc
ou d’une erse.
– Mollir légèrement la chaîne.
Relever l’ancre
– Avant de remonter la chaîne, démarrer le moteur de propulsion du voilier
pour maintenir la charge des batteries (ceci n’est évidemment pas indispensable
pour les guindeaux mécaniques, bien rares désormais sur les ponts de nos
voiliers).
– Passer la télécommande filaire à l’extérieur des filières, cela lui évitera de
traîner sur le pont et de se faire emporter par la chaîne.
– Virer la chaîne à la demande, sans forcer sur le guindeau, en attendant que
le bateau revienne sur son ancre, ou en faisant signe au barreur d’embrayer
doucement en marche avant, dans la direction d’où tire le mouillage. On
communique très aisément par gestes (voir « Histoire sans paroles » ►).
– Quand l’ancre est décrochée, le mouillage remonte plus vite. Rester vigilant
en veillant toujours sur la chaîne. Si elle est marquée, on repère d’autant mieux la
proximité de l’ancre.
– Stopper la remontée dès que l’ancre est visible. S’assurer qu’elle est claire
de toute entrave et orientée dans le bon sens. Cette étape est indispensable. On a
vu des ancres, remontées sans marquer ce temps d’arrêt, sauter le davier et
terminer dans les jambes d’un équipier.
– Remettre l’ancre sur son davier en virant lentement au guindeau.
– Assurer l’ancre au balcon ou au davier, par son diamant, au moyen du petit
bout prévu à cet effet.
– Couper le disjoncteur du guindeau.
La bitture ou le tas bien pensé permettra de filer la chaîne
proprement, sa confection est aussi l’occasion de contrôler la longueur
de chaîne utilisée si elle n’est pas marquée (on peut, par exemple,
mesurer un mètre à chaque brassée de chaîne extraite de la baille).
L’ancre est mise en bascule sur le davier d’étrave, prête à filer à l’eau.
L’équipier d’avant signale : « Paré à mouiller ! » De nuit, il se munit d’un
projecteur pour éclairer bateaux, bouées et annexes et, si l’eau est claire,
pour repérer la nature des fonds.
Sous voile comme au moteur, le bateau arrive face au vent et finit sur
son erre. S’il y a du courant, on se met au même cap que les bateaux
analogues au sien et on contrôle sa vitesse en observant leur position ou
en prenant des alignements.
On mouille !
Quand il dépasse légèrement l’emplacement choisi, on arrête le
bateau et on lui donne un peu d’erre en arrière. Revenu sur le point de
mouillage, le chef de bord ordonne : « Mouille ! » En l’absence de
guindeau, l’équipier contrôle le dévidement avec le pied botté placé sur
la chaîne, bien en arrière du davier. Avec un guindeau, on file en principe
la chaîne en desserrant le frein, au moyen de la bringuebale ► : c’est en
effet la seule méthode pour que l’ancre arrive au fond sans délai, avant
que le bateau n’ait perdu son point de mouillage. L’utilisation de la
commande électrique demeure acceptable par faible hauteur d’eau et si
le barreur est capable de contrôler position et trajectoire le temps que la
chaîne file.
Avec un peu d’habitude, l’équipier peut sentir l’arrivée de l’ancre sur
le fond, quand la tension de la chaîne diminue sensiblement. Il la freine
légèrement sans la bloquer et la laisse filer à la demande pour l’allonger
sur le fond à mesure que le bateau recule, ce qui évite à la chaîne de
s’empiler sur l’ancre.
Se signaler
Un équipier hisse la boule de mouillage, signal indiquant de jour un
bateau à l’ancre, en principe obligatoire, mais que peu de plaisanciers
pensent à installer.
De nuit, on éteint les feux de route pour allumer un feu blanc visible
o
sur tout l’horizon (règle n 30 du Règlement international pour prévenir
les abordages en mer – RIPAM). De petits fanaux solaires ou
rechargeables, ou encore une lampe tempête à pétrole suspendue sous
la bôme, sont bien pratiques au mouillage même s’ils ne sont pas
obligatoires. À distance moyenne, ils signalent cependant bien mieux le
bateau que le feu de tête de mât seul (RIPAM : « un navire au mouillage
peut utiliser ses feux de travail disponibles ou des feux équivalents pour
o
illuminer ses ponts », règle n 30c).
MOUILLER AU VENT ARRIÈRE
Cette manœuvre ne peut s’effectuer que par temps maniable, en cas de panne
ou d’absence de moteur. On se présente largement au vent de l’emplacement
choisi, puis on affale la grand-voile. On abat pour se placer vent arrière, sous foc seul
ou à sec de toile, de façon à garder une vitesse très réduite (inférieure à 2 nœuds).
Arrivé au point de mouillage, rouler le foc et laisser filer la chaîne librement. Le
bateau continue sur son erre. Lorsque la touée prévue (longueur de chaîne ou
câblot jusqu’à l’ancre) est à l’eau, l’équipier d’avant fait signe au barreur qui lofe
immédiatement du côté où se trouve la chaîne pour que le bateau fasse tête.
Cette méthode est plus rapide – et expéditive ! – que la manœuvre
traditionnelle. Sous l’effet de la vitesse et de l’inertie, l’ancre s’enfouit plus
franchement dans les fonds, et risque moins de s’engorger d’algues. Autre
avantage : s’il y a du clapot, on voit mieux le fond que face au vent. La difficulté est
de contrôler la vitesse au vent arrière et de choisir de quel côté on va lofer pour
aider le bateau à faire tête, sans rayer la peinture de coque avec la chaîne.
Évidemment, on doit aussi s’assurer que le mouillage filera correctement et sans
danger pour l’équipage. Bref, compte tenu des efforts en jeu et des risques induits,
cette technique efficace ne s’emploiera qu’avec prudence et sur des unités de faible
tonnage.
Assurer le mouillage
Soumis des heures ou des jours durant aux coups de rappel du
bateau sur sa chaîne de mouillage, le guindeau souffre. Un croc frappé
sur un maillon de la chaîne et relié à un taquet d’étrave par une section
d’aussière le libère de ces contraintes 82. À défaut de croc, on peut
utiliser une erse (anneau de cordage) montée en tête d’alouette sur la
chaîne. Une fois l’amarre en tension, on mollit légèrement la chaîne.
L’autre avantage de cette technique, intéressante même en l’absence de
guindeau, est de supprimer les bruits liés au raclement de la chaîne dans
son davier. Pour plus de confort, certains placent même un amortisseur
en caoutchouc sur l’amarre reprenant la tension de la chaîne.
Sauf par très beau temps, il est déconseillé d’utiliser le mouillage
léger pour plus de quelques heures. Si cependant cela doit arriver, on
pensera à protéger du câblot du ragage dans le davier avec une section
de tuyau en plastique, ou en fourrant avec un chiffon. Dans les deux cas,
maintenir le système en place par un petit amarrage avec une garcette.
Embosser
Embosser, c’est mouiller avec une ancre à l’avant et une à l’arrière
(qu’on appelle alors ancre de croupiat) pour empêcher le bateau d’éviter
en fonction du vent ou du courant. L’embossage est courant dans les
rivières, anses et mouillages où l’on ne dispose pas d’assez d’espace
pour éviter.
Cette méthode empêche l’abordage entre deux bateaux n’ayant pas
la même prise au vent et au courant. Dans certaines criques et
calanques, l’ancre de croupiat peut être remplacée par une amarre
portée à terre 84 : c’est une méthode très fréquemment pratiquée en
Méditerranée et aux Antilles.
Porter un mouillage
Dans certaines situations délicates (un échouement par exemple) la
seule solution envisageable pour orienter l’étrave du bateau vers la sortie
est de porter un mouillage vers le large avec l’annexe, afin de pouvoir s’y
déhaler ensuite.
Il n’y a qu’une méthode efficace pour ce transport : charger toute la
ligne de mouillage (ancre comprise) dans le canot, en gardant l’extrémité
du câblot nouée à bord du voilier. On pagaye vers l’endroit choisi en filant
le mouillage à la demande, puis on mouille depuis l’annexe. Il est alors
temps de reprendre le mou sur cette ligne depuis le voilier. On procède
de même pour porter une amarre à terre. Exécuter cette manœuvre à
l’inverse, en ne prenant dans l’annexe que l’extrémité du mouillage ou de
l’amarre, le reste étant dévidé depuis le bateau, revient à tracter une
longueur et un poids croissants de câblot ou de chaîne, encore
« alourdis » par leur frottement sur le fond.
« Porter » l’ancre avec l’annexe : tout le mouillage doit être placé dans cette
dernière, en tas bien pensé, c’est-à-dire qu’on pose l’ancre en premier dans le fond de
l’annexe puis qu’on pose par-dessus la ligne de mouillage, brassée après brassée.
Dévider le mouillage depuis l’étrave du voilier rendrait la tâche impossible.
Mouiller en plomb de sonde
Mouiller d’abord l’ancre principale avec une longueur de chaîne
équivalant à trois fois la hauteur d’eau (15 mètres dans l’exemple du
début), en s’assurant qu’elle a bien croché. Descendre alors une seconde
ancre sur le fond, dans l’axe de la première. Laisser filer simultanément
les deux lignes de mouillage jusqu’à atteindre la longueur désirée pour le
premier (25 mètres dans notre exemple). Assurer le mouillage principal.
Organiser le reste de chaîne du deuxième mouillage en bitture, juste
retenue par du fil à casser (par exemple du fil à voile) et tourner son
extrémité sur un taquet. Si l’ancre principale vient à chasser, la chaîne du
deuxième mouillage filera au fond pour retenir le bateau, arrachant au
passage l’équipage des bras de Morphée. Le mouillage en plomb de
sonde est à la fois une sécurité et une alarme sonore.
RELEVER LE MOUILLAGE
Relever le mouillage (ou « lever l’ancre » en langage courant) ne se
fait pas sans un minimum de préparation et de rigueur. Que l’on prévoie
d’appareiller à la voile ou au moteur, la manœuvre se fera plus
sereinement à sec de toile, mais il faut pouvoir hisser ou dérouler un foc
rapidement : les écoutes de la voile d’avant ne doivent pas être entravées
par la remontée de la chaîne ou du câblot. La drisse de grand-voile est en
place, le taud de bôme retiré (ou le lazy-bag ouvert).
Les équipiers remontent la chaîne 85. Quand toute la chaîne est
décollée du fond, on est « à long pic » ; quand l’ancre est prête à se
décrocher, on est « à pic » ; quand l’ancre s’est décrochée du fond, elle
est « dérapée ».
Les équipiers signalent ces étapes au chef de bord. Jusqu’au stade « à
pic », il est encore possible de choquer la chaîne et de se retrouver
mouillé comme avant. Au-delà, il n’y a plus de retour en arrière possible.
On choisit l’amure de départ en s’aidant de l’erre prise par le bateau
au moment de la remontée du mouillage. Il faut juste faire attention à ne
pas donner un angle de barre trop tôt, sinon le bateau va rappeler sur
l’ancre encore fixée au fond et on ne partira pas sur l’amure prévue.
Lorsque l’ancre est dérapée, les derniers mètres de chaîne sont
remontés prestement. Si le bateau va trop vite, la vitesse qu’il va encore
acquérir risque d’entraîner l’ancre sous la coque dont elle
endommagerait la peinture ou le gelcoat.
Un vocabulaire précis pour transmettre des indications claires au barreur, depuis
la plage avant.
Le guindeau
Même par temps calme, le guindeau doit être capable de remonter le
mouillage sans forcer. Dès qu’il tend la chaîne, on le stoppe, le bateau
avance sur l’erre qu’il a reçue de la tension, puis on reprend de nouveau
au guindeau. Si le vent souffle, le barreur embraye le moteur en avant
lente pour réduire la tension de la chaîne, en suivant les instructions de
l’équipier d’avant. Une fois que l’ancre est dérapée, on ne s’arrête plus :
le guindeau ne force plus beaucoup puisqu’il ne hisse que l’ancre et de la
chaîne en quantité raisonnable (juste la hauteur d’eau).
Pendant la remontée de l’ancre, l’équipier d’avant veille à ce que le
tas de chaîne qui se forme dans le puits ne bloque pas le barbotin 86.
LES APPARAUX DE MOUILLAGE
La question du choix de l’ancre a été abordée au début de cette partie du Cours
consacrée au mouillage ►. Nous examinons ici la liste des accessoires qui s’y
connectent ou l’accompagnent.
La liaison chaîne-ancre
L’ancre est reliée à la chaîne en respectant l’adage : « La chaîne de l’ancre
vaut par la force de son maillon le plus faible. » À la manille assurée par un fil de
fer galvanisé (à changer chaque année) ou par un collier plastique d’électricien, on
peut préférer un modèle doté d’un manillon à 6 pans creux, à visser avec une clé
Allen. On prendra toujours une manille forgée, d’une taille supérieure à celle de la
chaîne : de 12 mm pour une chaîne de 10 mm, par exemple. Certains
équipementiers proposent des connecteurs fixes ou articulés, en inox ou acier
galvanisé, adaptés au diamètre de la chaîne et à la charge de travail.
La chaîne
Seule une chaîne calibrée est utilisable sur un guindeau, les maillons devant
s’ajuster aux crans du barbotin. Avec ou sans guindeau, on privilégie une chaîne-
câble de qualité marine en acier galvanisé d’une résistance de grade 40
2
(résistance à la rupture de 40 kg/mm ). Pour gagner du poids (jusqu’à 30 %), on
peut aussi choisir une chaîne galvanisée de haute résistance (grade 70), ce qui
permet de passer par exemple d’une chaîne de 12 à une chaîne de 10 mm, au prix
d’un important surcoût.
Une chaîne en acier galvanisé est recouverte d’une couche de zinc qui la
protège de l’oxydation. Cette protection peut tenir dix ans, si la chaîne est
régulièrement rincée à l’eau douce, si elle est inversée chaque année et si le
bateau dispose d’anodes en bon état.
La réparation d’une chaîne avec un maillon rapide – souvent de moindre
résistance – ne peut être que provisoire.
Si le guindeau n’est pas doté d’un compteur de chaîne, on saura quelle
longueur a été filée en faisant un repère tous les cinq ou dix mètres, avec des
marqueurs de chaîne spéciaux, des colliers d’électricien ou de la peinture.
La chaîne doit être calibrée pour le barbotin. Faute de quoi la chaîne saute
(à gauche), sur la durée, les crans du barbotin se liment (à droite) et le guindeau
tourne fou.
Le câblot
La chaîne d’un mouillage léger est prolongée par un câblot. On les relie l’un à
l’autre à l’aide d’une manille fermée par un axe à six pans, sur une cosse du câblot
ou, mieux, par une épissure sur la chaîne. On choisit de préférence un cordage en
polyamide, matériau dont l’élasticité amortit à-coups et surtensions. Sa structure
toronnée, à trois torons ou en tresse carrée, qui par construction s’allonge sous la
charge, lui assure un surcroît d’élasticité. Moins élastique que le classique cordage
à trois torons, la tresse carrée (quatre brins doubles tressés) a souvent la
préférence pour sa meilleure résistance au ragage : si un toron se coupe, on n’a
perdu qu’un huitième de la structure du câblot, et non un tiers.
L’étalingure
L’extrémité de la ligne de mouillage (câblot ou chaîne) est fixée au bateau par
un filin, l’étalingure, noué autour d’une ferrure dans la baille avant (ou baille à
mouillage). L’étalingure doit être en textile pour pouvoir être coupée en cas
d’urgence. Si le point d’étalingure est situé en haut de la baille à mouillage, on
contrôle plus facilement son état.
Le guindeau
Manuel ou électrique, ce treuil est muni d’un barbotin (couronne formée à
l’empreinte des mailles de la chaîne), et parfois d’une poupée distincte pour le
câblot. Certains modèles de barbotins sont mixtes : ils sont capables de hisser la
chaîne puis, sans transition et dans le même réa, le câblot.
Le guindeau est soit à axe vertical (comme un cabestan), soit à axe horizontal.
Son frein se contrôle par un levier, la bringuebale, ou par une manivelle
spécifique, qui par habitude conserve le nom de bringuebale, et se range
généralement dans la baille à mouillage.
Le davier
Constitué d’un réa muni d’une gorge adaptée à la chaîne, le davier surplombe
l’eau à l’étrave.
Un davier à bascule simplifie la remontée de l’ancre : elle vient s’y placer toute
seule.
Sur la partie fixe du davier, un trou permet de glisser une clavette pour bloquer
l’ancre en navigation, ce qui n’interdit pas de l’assurer avec un filin. En principe, un
davier ne devrait pas agresser le câblot lors de tractions latérales, mais ce point
est trop souvent négligé par les fabricants : il faut alors fourrer, avec du chiffon ou
une section de tuyau.
La baille à mouillage
Assez vaste pour contenir le mouillage, la baille avant gagne à être cloisonnée
si elle doit également héberger amarres et défenses. Si le bateau est muni d’un
guindeau, ce coffre doit être assez profond pour que la chaîne qui s’accumule en
tas à la remontée de l’ancre ne bloque pas le fonctionnement du barbotin. La
baille est en général autovideuse, à condition de vérifier de temps en temps que
les trous d’évacuation ne sont pas obstrués. Sur les voiliers anciens, cette baille
est une soute inaccessible depuis le pont. La chaîne y pénètre alors par un écubier
juste assez large pour laisser passer la liaison chaîne-câblot.
Bittes et taquets
La bitte d’amarrage (rare sur les voiliers de série) ou les taquets avant servent
à tourner la chaîne ou le câblot qui doivent pouvoir être largués sous tension. Ne
jamais faire de nœud sur une chaîne : il serait impossible à défaire après traction,
sauf avec une scie à métaux. On se contente pour elle de simples tours, sans
demi-clé.
Haute et claire !
Le mouillage remonte vite, mais il faut savoir s’arrêter avant que
l’ancre ne vienne heurter la coque. Une marque judicieusement disposée
sur la chaîne permet de savoir quand l’ancre est juste sous l’étrave. En se
penchant, on vérifie que l’ancre est libre de toute entrave et qu’elle est
correctement tournée pour se loger dans le davier.
L’équipier d’avant annonce : « Haute et claire ! », ce qui signifie que
l’ancre est relevée, mais aussi qu’elle n’a pas croché par inadvertance
une ligne de casier, un bout de filet de pêche, un Caddie abandonné ou
tout autre élément plus ou moins marin susceptible de rendre la
navigation hasardeuse.
Reste à tout remettre en place, à nettoyer le mouillage s’il est couvert
de vase, à assurer l’ancre dans son davier ou le cas échéant dans son
logement à plat pont.
Enfin, la boule de mouillage est amenée. De nuit, le feu de mouillage
est éteint, les feux de route sont allumés.
On est engagé !
Être engagé signifie que l’ancre est bloquée dans les fonds.
Quand il y a eu beaucoup de vent (ou de courant), il n’est pas rare
qu’elle se soit profondément enfouie dans un sol meuble. Si ce n’est que
cela, il suffit de reprendre la ligne de mouillage au plus court (à pic), puis
d’attendre : l’ancre finit par se décrocher toute seule.
Hélas, tout ne se passe pas toujours aussi bien ! L’ancre peut s’être
coincée sous une chaîne traversière, sous un câble sous-marin, dans une
épave, sous une roche, etc. On est à pic, mais pas moyen de déraper
l’ancre.
– Première solution : essayer de faire pivoter l’ancre sur elle-même.
On donne un peu de mou à la chaîne de façon à ce qu’elle présente un
angle plus aigu avec le fond, puis on vient en avant de l’ancre en
engageant au moteur, à vitesse lente, un arc de cercle de rayon
conséquent (20 mètres au moins). L’objectif est de faire tourner l’ancre
et de la dégager sans qu’elle bascule. Attention à ne pas forcer sur la
verge, qui n’est pas prévue pour travailler en flexion. Effectuer plusieurs
tentatives, vers bâbord et tribord.
– Deuxième solution : quand on est à pic, faire refermer autour de la
ligne de mouillage une erse (boucle) de chaîne, puis la faire couler,
retenue par une aussière. À l’aveugle, essayer de faire descendre cette
boucle autour de la verge de l’ancre. Mollir le mouillage, se décaler au
vent de l’ancre, tirer sur le bout ainsi placé, pour la dégager de l’obstacle
qui la retient.
– Troisième solution : si on est pris dans un câble ou dans une chaîne,
soulever le mouillage le plus haut possible. Bloquer le fautif avec une
amarre passée en double, choquer le mouillage, récupérer l’ancre avant
de larguer l’aussière.
Lors d’un mouillage cul à quai, si l’ancre est prise sous la chaîne du
voisin, la technique est identique. On demande à ce dernier de mollir sa
propre chaîne, de façon à pouvoir la rapprocher au plus près de l’étrave
avec le bout passé en double.
Une fois le mouillage remonté le plus haut possible, il est facile de glisser
une aussière en double sous ce qui la retient, avant de mollir la chaîne pour dégager
l’ancre.
On chasse !
La brise s’est levée. De temps en temps, la personne de quart
contrôle l’alignement de référence qui permet de savoir si le bateau est
immobile : pas de doute, le premier amer avance par rapport au second.
Lentement mais sûrement, on chasse. L’observation est confirmée par
l’alarme position fixe du GPS ou le cercle de distance du radar.
Peu nombreuses sont les ancres qui ne chassent pas. Dans le sable
grossier ou dans de la vase molle, c’est même assez courant. Pour
certaines ancres, la chasse est rythmique : elles crochent, elles chassent,
elles crochent à nouveau et repartent de plus belle… Si l’on chasse très
vite, c’est que les pattes de l’ancre se sont probablement engorgées
d’algues.
La solution la plus simple, si l’on dispose de suffisamment d’espace
sous le vent, c’est de rallonger le mouillage. De trois fois le fond on passe
à cinq fois, puis à sept. On reprend un alignement et on continue la veille.
Souvent, ça suffit pour résoudre le problème : avec davantage d’élasticité
sur la ligne, l’ancre est soumise à une tension plus régulière et tient
mieux. Au-delà d’une longueur de chaîne supérieure à sept fois le fond,
ce n’est plus la peine d’insister.
Il n’y a rien d’autre à faire que de relever le mouillage et de
recommencer toute la procédure. Parfois, après des échecs répétés, il
faudra reprendre la mer. Dure vie que celle d’un marin !
L’ANNEXE
Une annexe doit répondre à de nombreuses exigences : être légère,
peu encombrante une fois rangée, stable, insubmersible, suffisamment
grande pour contenir l’équipage, d’un maniement simple à l’aviron, à la
pagaie ou avec l’aide d’un petit moteur. Quand on aura précisé qu’elle
doit être également facile à mettre en service, autovideuse, qu’elle doit
avoir une bonne stabilité de route et ne pas trop dériver, on comprendra
que, sur un voilier de taille raisonnable, la meilleure des annexes ne
saurait être qu’un compromis…
La plus répandue est l’annexe gonflable, en général équipée d’un
tableau arrière en contreplaqué. Ce type d’annexe présente tous les
avantages mais un inconvénient, ses médiocres performances à la godille
et à la pagaie. Sa surface mouillée est importante, ce qui la « colle » à
l’eau, sa légèreté la prive d’inertie, sa souplesse disperse les efforts de
l’équipage, son fond plat lui interdit toute stabilité de route mais la dote
d’une énorme propension à dériver, propension accentuée par ses
boudins volumineux qui offrent une excellente prise au vent.
D’où l’importance du tableau arrière en contreplaqué qui permet
d’équiper l’annexe d’un petit moteur hors-bord. Les moteurs à essence
quatre temps d’aujourd’hui sont plus silencieux, moins gourmands et
moins polluants, mais plus lourds, que leurs prédécesseurs à deux
temps. Plus récemment sont apparus les petits moteurs électriques, à
l’autonomie plus ou moins limitée, mais qui ont pour attrait leur
fonctionnement silencieux et leur caractère « propre » dans tous les sens
du terme : pas de consommation d’énergie fossile, pas de stockage de
carburant dans le coffre de cockpit ni de cambouis sur les mains.
Les annexes gonflables à fond rigide (dites « semi-rigides ») ont un
bien meilleur comportement marin. En général, elles présentent l’énorme
avantage d’être réellement autovideuses. Petit inconvénient cependant,
leur poids et leur encombrement, qui rendent leur stockage à bord
problématique, si ce n’est impossible ! Elles doivent être transportées sur
bossoirs à l’arrière du voilier. Dans la pratique, ces caractéristiques les
réservent aux bateaux de voyage de plus de douze mètres.
EN REMORQUE OU RANGÉE ?
Mettre en service une annexe, c’est facile… Il suffit de la déplier, de
la gonfler et de la mettre à l’eau. Certains trouvent ça quelque peu
laborieux, les plus vulgaires disent que c’est « gonflant ». Lorsqu’on
navigue de mouillage en mouillage, on peut garder l’annexe gonflée, mais
la remorquer est de manière générale une mauvaise idée. L’annexe à la
traîne représente une surface mouillée non négligeable qui freine le
voilier, elle peut embarquer de l’eau dans la mer formée, on fatigue
inutilement son amarre et les points d’ancrage de cette dernière sur les
boudins. Sa présence peut même devenir très pénalisante si le temps se
gâte, à un moment où la hisser à bord devient problématique. Si on
décide malgré tout de la tirer au bout de sa laisse par mer belle et sur un
tout petit parcours, on la débarrassera de son moteur hors-bord, et on
prendra soin de donner de la longueur à sa remorque, pour lui éviter de
se cabrer et de se retourner ; à l’approche du mouillage et pour
manœuvrer au milieu des autres bateaux, on la reprendra au contraire au
plus court. Pour les manœuvres de port entre des pontons, en revanche,
l’annexe n’a rien à faire en remorque, elle doit être à bord.
De même, dès que le parcours est un peu long ou le vent un peu frais,
la seule place acceptable pour l’annexe est sur le pont ou dans un coffre.
Si l’on veut s’éviter de la replier à chaque occasion, on peut la saisir
couchée à l’envers sur la plage avant ou, s’il y a assez de place, sur le
rouf, en long ou en travers. Pour des traversées plus ambitieuses ou si la
météo doit devenir franchement mauvaise, aucune hésitation, l’annexe
sera dégonflée et stockée à l’abri.
Au mouillage, l’annexe devrait être remontée sur le voilier en fin de
journée : si le lieu devient intenable dans la nuit, si un voisin chasse et
tombe sur notre voilier, si l’évitage ne se passe pas comme prévu, on
sera heureux de pouvoir manœuvrer sans ce fil à la patte. Si, par grande
paresse, on décide de passer outre, on n’hésitera pas en revanche à
retirer le hors-bord.
AMARRER L’ANNEXE
Mettre l’annexe à l’eau n’est guère compliqué, et si on manque de
bras, il suffit de la hisser par la drisse de spi. En l’amarrant au bateau
avant manutention, on évitera les mauvaises surprises.
L’amarre est fixée le plus bas possible à l’avant de l’annexe : quand
on avancera, celle-ci lèvera le nez, ce qui la rend plus facile à remorquer.
L’amarre peut être une patte d’oie frappée sur deux anneaux situés sous
l’avant des boudins (ou fixée assez bas sur l’étrave pour les annexes à
fond rigide).
Côté voilier, on n’amarre pas l’annexe au balcon arrière avec un
nœud de cabestan, le risque étant de voir le cordage tourner peu à peu
sur l’acier poli. Un tour mort et deux demi-clés n’ayant jamais largué, on
préférera ce nœud d’amarre, et si l’on est un inconditionnel du nœud de
cabestan, on lui adjoindra une demi-clé. Ou on tournera l’amarre sur un
des taquets arrière.
ÉQUIPER L’ANNEXE
Comme tout navire, une annexe a besoin d’un armement minimum :
une amarre, des avirons, des pagaies, mais aussi un gonfleur et une ligne
de mouillage. Les brassières ne font pas partie de l’armement de
l’annexe : on les a déjà sur soi avant d’embarquer ! L’annexe est bien
gonflée, mais qu’en sera-t-il au retour ? D’autant plus qu’à terre, en plein
soleil, il vaut mieux la dégonfler légèrement : la chaleur dilate l’air et
augmente la pression, ce qui peut même faire éclater l’annexe (si, si, ça
s’est vu !). On embarque au moins une lampe de poche (pas pour
retrouver le bateau, elle n’éclaire pas assez, mais pour se signaler en cas
de retour nocturne).
Grappin parapluie, utilisé pour mouiller une annexe.
APPAREILLER EN ANNEXE
Petit pense-bête avant d’appareiller : on met les brassières, on vérifie
le niveau de carburant, on serre les vis des pinces qui tiennent le moteur
sur le tableau, on s’assure qu’avirons ou pagaies sont à bord, et on lance
le moteur avant de larguer les amarres. Quand l’annexe n’est mue qu’à la
force des bras, on s’assure aussi de son « moteur » : la puissance fournie
par l’équipage sera-t-elle suffisante pour tout le trajet, aller et retour ?
NAVIGUER EN ANNEXE
À l’aller comme au retour, il faut faire un peu de navigation, prendre
un alignement vers le point d’arrivée, par exemple, pour contrôler
l’avancée de l’annexe vers son but. L’annexe est très sensible à la dérive
au vent. Si l’on se contente de faire cap vers l’objectif choisi, on finit bien
souvent face au vent, et on garde le plus difficile pour la fin, moment où
l’énergie des rameurs commence à faiblir.
Pour rejoindre le bord par vent fort et portant au large, on a tout
intérêt à choisir un point de départ nettement au vent du voilier, mais
alors il ne faut pas rater le bateau !
D’une manière générale, il faut se souvenir qu’on est extrêmement
dépendant du moindre événement dans une annexe : on peut perdre un
aviron, une pagaie, le moteur peut tomber en panne. Il vaut mieux
calculer son trajet de manière à toujours disposer sous le vent d’un
endroit où s’amarrer (bateau au mouillage, coffre, bouée de casier…) et
qui peut être rejoint à la rigueur en pagayant avec les mains. Ces refuges
peuvent être les derniers.
ATTERRIR EN ANNEXE
Arrivé sur l’estran (la partie de la côte qui couvre et découvre avec la
marée), on débarque avant que le fond de l’annexe ne porte sur les
roches. Cela évitera qu’elle se perce et que les voyages suivants
trempent pieds, genoux et provisions. On tiendra compte de la marée
pour amarrer l’annexe sur le rivage, quitte à la remonter en haut de
l’estran.
LA GODILLE
Bien qu’apparemment disparu de nos côtes, parce que noyé dans le
teuf-teuf des motogodilles – tel était le premier nom des moteurs hors-
bord –, l’art de la godille ne mérite pas cet oubli. Aux Glénans, après avoir
longtemps été le mode de propulsion privilégié, pour ne pas dire exclusif,
de nos croiseurs aussi bien que de nos prames 88, elle n’a pas dit son
dernier mot. Non seulement elle permet toujours, en l’absence de vent,
de propulser calmement un petit voilier (voire un gros) sans moteur,
mais, dans un port, elle est aussi et de loin le moyen le plus pratique
d’évoluer avec un canot rigide ou de pallier les carences d’un moteur
défaillant. Elle est particulièrement économe en carburant. Il n’y a guère
qu’à bord d’une annexe pneumatique que la nage à deux avirons lui soit
supérieure, ces engins gonflables manquant aussi bien d’inertie que de
stabilité de route.
Il est difficile de résister à l’envie de proposer une présentation
complète de l’art de la godille. Quoi de mieux, en la matière, que le
morceau d’anthologie rédigé en son honneur et figurant dans
d’anciennes éditions de ce Cours ? On laissera au lecteur le soin d’en
juger…
« La godille est sans aucun doute un art, et sa maîtrise constitue l’une
des plus nobles conquêtes de l’apprenti marin. Les services qu’elle peut
rendre, apparemment modestes, peu vantés, sont innombrables. Il n’est
pas d’exemple d’instrument alliant une efficacité sans défaillance à une
aussi remarquable économie de moyens.
LE PRINCIPE
« Comme tous les principes supérieurs, celui de la godille n’est pas
complètement circonscrit par l’analyse. Lorsqu’on a dit que la godille est
en quelque sorte une hélice alternative, à pas variable, on n’a pas tout
dit. Et même si l’on parvenait à tout dire, il faudrait encore le faire. La
description du mouvement paraît en effet sans portée pratique : elle
pourrait à la rigueur trouver sa place dans un roman d’avant-garde, ou
servir d’illustration à un traité sur la psychanalyse du biais. Mais elle
gagne à rester évasive.
« L’initiation doit se faire de préférence sur un canot lourd, par mer
calme et vent nul. Certains choisissent un endroit désert. Le godilleur est
debout dans son bateau, face à l’arrière, jambes écartées, corps droit. Il
tient la poignée de l’aviron à deux mains, pouces en dessous, à la hauteur
des épaules. La pelle est complètement immergée, aussi verticalement
que possible, et l’aviron équilibré pour reposer sans poids dans la dame
de nage ou dans l’engoujure du tableau.
« S’il conserve la pelle à plat dans l’eau et remue l’aviron de droite à
gauche, le godilleur ne rencontre pas de résistance et n’obtient aucun
résultat. À l’opposé, s’il place sa pelle perpendiculairement à la surface
de l’eau, la résistance au mouvement de l’aviron est forte, mais sans
conséquences appréciables : si le bateau se déplace un peu, c’est
essentiellement qu’il est dérangé par les tourbillons naissant sur son
arrière.
Il faut être naturel.
UTILITÉ DE LA GODILLE
« Le premier intérêt de la godille est qu’elle est vite parée, vite en
action, prête à donner le coup de pouce pour assurer une manœuvre
dans un moment critique, un virement difficile par exemple. Elle permet
d’autre part des évolutions précises dans un espace restreint. Ses
avantages sur le moteur sont évidents. Aucune nuisance : elle ne fait pas
de bruit ; environnement intact : elle ne sent pas mauvais et ne salit rien ;
ambiance sécurisante : elle ne tombe jamais en panne et ne se prend pas
dans les orins.
« On doit évidemment lui reconnaître quelques limites : même avec
un opérateur musclé, la vitesse obtenue reste modeste ; la godille peut
se révéler insuffisante pour lutter contre un courant même faible, ou une
brise un peu fraîche. En l’absence d’un moteur, elle demeure en tout cas
beaucoup plus efficace qu’une paire d’avirons de nage qui, sur un bateau
de quelque importance, ne servent qu’à battre l’eau. »
Avec l’aviron très vertical, on va lentement et on a de la puissance. Avec l’aviron
très incliné, on peut aller vite avec peu de puissance.
LE REMORQUAGE
Le remorquage doit être envisagé selon deux points de vue
radicalement opposés et néanmoins inséparables : celui du remorqueur
et celui du remorqué.
En ce qui concerne le remorqueur, les manœuvres décrites dans ce
Cours sont envisagées pour un voilier muni d’un moteur, quoiqu’en
appliquant les mêmes principes le remorquage à la voile reste une
possibilité. Qui voudra (ou devra) remorquer à la voile gardera à l’esprit
qu’avec deux voiliers de taille similaire, le remorqueur double sa
résistance de traînée (sur la traînée, voir « Quelques notions
théoriques » ►). Il se comporte comme s’il avait soudain une carène très
sale, ce qui limite ses performances, surtout sa vitesse et son angle de
remontée au vent.
Quant au remorqué, son problème est de savoir à quelle sauce il doit
être… remorqué. Il doit se préparer à affronter les bonnes volontés de
toutes tailles et de tout poil.
À BORD DU REMORQUEUR
C’est en principe le remorqueur qui passe la remorque et non
l’inverse : de cette façon, le remorqué pourra se libérer de la remorque à
tout moment sur son initiative, et sans remords. La remorque doit être
aussi longue et aussi élastique que possible, afin d’éviter les à-coups qui
surviennent si elle se tend entièrement. Une grande aussière ou la ligne
du mouillage léger sont assez bien adaptées. Pour un remorquage en
haute mer, il pourra être nécessaire de lester la remorque en son milieu,
avec de la chaîne par exemple. Comme pour un mouillage, c’est la flèche
(la courbe) de la remorque, au moins autant que sa matière et son mode
de confection, qui lui confèrent son élasticité.
Il pourra être nécessaire de lester la remorque pour la rendre élastique.
La patte d’oie doit être assez longue, de façon à ce que ses deux brins forment
un angle aigu pour une diminution des efforts.
Pour réaliser la patte d’oie, on confectionne en son milieu un nœud
de papillon.
À BORD DU REMORQUÉ
Pour beaucoup, le remorquage est un acte de courtoisie qui n’a rien à
voir avec le code de droit maritime. Encore faut-il s’assurer que le
remorqueur partage ce point de vue…
La demande de remorquage et son acceptation peuvent en effet
constituer un contrat tacite donnant droit à rémunération. L’assurance
du remorqué pourra prendre en charge les frais de remorquage si celui-ci
est sollicité par un voilier en perdition (désemparé de son gréement, de
son gouvernail, ou au vent d’une côte…). Le remorquage devient alors
une assistance maritime, du moins si le tribunal le reconnaît comme tel.
Sinon, on se trouve en présence d’un simple contrat de remorquage
dont il sera préférable de discuter du montant au préalable (quitte à le
fixer par écrit). Ce montant est évalué en général en fonction du risque et
de la valeur des choses sauvées (de 2 à 60 %).
La remorque est frappée sur les taquets d’amarrage avant, au moyen
d’une patte d’oie que, dans la plupart des cas, il faudra passer à
l’extérieur du balcon pour éviter de forcer sur celui-ci. Le cas échéant, les
brins de la patte d’oie sont fourrés au passage des chaumards, avec du
tuyau plastique ou des chiffons maintenus en place par de la garcette. La
patte d’oie doit pouvoir être larguée facilement, pas de demi-clés ici non
plus.
Éventuellement, si la remorque fournie par le remorqueur est trop
courte, le remorqué peut fixer la remorque à son ancre, filer la chaîne de
son mouillage et amarrer celle-ci à l’avant par une patte d’oie textile.
Ancre et chaîne font alors office d’amortisseur et maintiennent la
remorque dans l’eau. Mais larguer la remorque en catastrophe devient
particulièrement délicat : on y perdrait le mouillage.
Le remorqué suit le plus exactement possible le sillage du
remorqueur, sauf s’il commence à le rattraper sous l’effet de vagues de
l’arrière. Quand la remorque mollit un peu trop, le remorqué infléchit sa
trajectoire vers bâbord ou vers tribord pour retrouver un peu de tension.
Dès que la remorque commence à se tendre, il revient sur la route du
remorqueur pour reprendre rapidement de la vitesse et éviter un à-coup.
La communication reste constante entre remorqueur et remorqué,
par VHF si nécessaire 91.
REMORQUER À COUPLE
En arrivant dans des parages étroits, les chenaux, les zones
portuaires, on pourra modifier le convoi pour remorquer à couple, sous
réserve que la mer soit calme. L’expérience montre que c’est le meilleur
moyen pour faire prendre un coffre, ou un ponton, au remorqué.
Les deux bateaux sont amarrés bord à bord, avec un léger décalage
longitudinal de façon à éviter les heurts entre les barres de flèche. C’est
le bateau « remorqueur » qui est placé le plus en arrière des deux. En
étant ainsi « pousseur », il conserve la meilleure maniabilité à l’attelage :
n’oublions pas qu’il est le seul à bénéficier du flux d’une hélice sur son
safran, et plus ce gouvernail est placé à l’arrière de l’ensemble des deux
bateaux, mieux on prendra les virages. Les pointes et les gardes sont
rigoureusement tendues, les défenses en nombre sont judicieusement
placées, les actions de barre sont coordonnées : c’est le barreur du
bateau pousseur qui dirige, celui du bateau poussé se contentant pour sa
part d’accompagner. Garder à l’esprit que pour ralentir ou pour s’arrêter,
la marche arrière sera deux fois moins efficace que d’ordinaire.
Par mer plate, une annexe même faiblement motorisée permet de déhaler un
croiseur à une allure appréciable.
Quelques notions théoriques
LE TIRANT D’EAU
Le tirant d’eau (la profondeur de la partie immergée du navire, incluant la quille)
résulte de cet équilibre entre le poids et la poussée d’Archimède : le bateau
s’enfonce jusqu’à ce que le volume de carène immergé soit suffisant pour
compenser exactement son poids.
Si l’on charge un navire, il s’enfonce donc un petit peu pour compenser : il
augmente ainsi son déplacement, accroissant d’autant la poussée d’Archimède. Cet
enfoncement est peu perceptible sur un voilier de croisière (on parle de la
perception visuelle, pas de l’impact sur les performances), mais sur un cargo le
tirant d’eau peut varier d’une dizaine de mètres en fonction du chargement. De
même, la différence peut être significative sur des embarcations légères comme les
dériveurs, les kayaks ou encore les prames utilisées pour le transport de stagiaires
sur les îles de Glénan : si l’on n’y prend garde, l’embarquement d’équipiers depuis la
plage peut suffire à les échouer.
Le tirant d’eau de ce tanker, ici au mouillage, varie de plusieurs mètres selon
l’importance de son chargement.
Le navire subit une poussée de bas en haut, égale au poids de son volume
immergé, et dont le lieu d’application est son centre de carène (CC).
La stabilité des multicoques est le fruit de leur très grande largeur : ils
exploitent au maximum le principe de la stabilité de forme. Revers de la médaille, leur
couple de redressement se réduit spectaculairement aux grands angles de gîte.
Sur un catamaran, la stabilité devient incertaine bien avant d’avoir atteint 90° de
gîte.
Action-réaction
On peut se faire une idée physique qualitative de la façon dont
l’écoulement du vent sur une voile produit une force aérodynamique (dite
aussi force vélique). La voile agit en effet comme un grand déflecteur
d’air, en déviant une partie du flux. Plus précisément, l’écoulement de
l’air « tourne » d’une vingtaine de degrés sur le bord d’attaque de la voile :
il attaque celle-ci avec plus d’incidence. Par rapport à la direction qui est
la sienne bien en amont de la voile, on peut dire que l’écoulement
« adonne » sur le bord d’attaque. Après le bord de fuite, l’écoulement
« refuse » et retrouve rapidement sa direction naturelle. Au total, le profil
dévie donc une partie de l’écoulement du fluide en mouvement (l’air)
d’une quarantaine de degrés, bien que l’angle d’incidence ne soit que de
20° sur cet exemple. Sans chercher à comprendre par quels mécanismes
la voile agit sur le fluide, on peut affirmer qu’elle exerce sur celui-ci une
certaine force : sinon, tout le fluide aurait poursuivi son bonhomme de
chemin rectiligne. Mais rien n’autorise à privilégier le seul point de vue de
la voile. De son côté, la particule de fluide cherche à « s’évader vers
l’extérieur » ; comme dans le jeu du tir à la corde, elle tire la voile avec
une force qui s’oppose à la première : la force aérodynamique. Plus
rigoureusement, on formule ainsi cette conséquence du principe de
l’action et de la réaction : si la voile exerce une force sur la particule de
fluide, celle-ci exerce sur la voile une force égale et opposée. Dans ce
contexte, on comprend donc que plus on borde la voile, plus on dévie
l’écoulement et plus la force aérodynamique augmente.
La traînée hydrodynamique
Jusqu’à présent, nous avons appelé force hydrodynamique la force
générée par la quille ou la dérive et le safran. En effet, ces appendices,
qui ressemblent fortement à une voile, génèrent une force à partir de
l’écoulement de l’eau autour d’eux, force présentant exactement les
mêmes caractéristiques que celle qui est développée par les voiles.
Mais lorsque le voilier avance, sa carène produit également une force
primordiale. Cette force n’est pas du tout du même ordre que celle des
appendices, simplement parce que la forme de la carène est très loin de
celle d’une voile : c’est plutôt un tonneau replet qu’une mince aile
d’albatros !
En conséquence, la carène génère principalement de la traînée
hydrodynamique, c’est-à-dire une force qui s’oppose à la marche du
voilier. Cette force s’applique au centre de carène, et dans le sens
opposé à la vitesse du voilier : si le bateau avance, elle est orientée vers
l’arrière.
La traînée a en réalité deux origines principales : la traînée de
frottement et la résistance de vague. La première est liée, comme son
nom l’indique, au frottement de l’eau sur toute la surface de la coque. À
proximité de la coque, l’eau est entraînée à la vitesse du voilier. Cette
première couche d’eau charrie à son tour une seconde couche à une
vitesse moindre et, de proche en proche, ce sont plusieurs millimètres
d’eau d’épaisseur qui suivent la carène 94 : cette portion de fluide porte le
nom de couche limite. Au-delà, l’eau n’est pas perturbée.
Pour mettre en mouvement les couches d’eau les unes par rapport
aux autres, il faut dépenser une certaine énergie : la couche limite est
donc source de frottements. Cette force augmente avec la vitesse du
voilier et est proportionnelle à la surface de la carène immergée (que l’on
appelle surface mouillée).
En réalité, la forme exacte de la couche limite et son épaisseur
dépendent fortement de l’état de surface de la coque. Et en pratique, une
coque bien lisse et polie, avec le moins d’aspérités possible, a une
traînée de frottement bien plus faible qu’une coque recouverte d’une
belle barbe d’algues et de moules ! Même sur un bateau de croisière, la
différence entre un bateau caréné récemment et une carène recouverte
d’algues est sensible.
Cette première contribution à la traînée s’exerce à la fois sur la
carène et sur les appendices. La résistance de vague, en revanche, ne
dépend que de la forme de la carène. En se déplaçant, un bateau crée un
réseau de vagues. Les plus visibles sont les vagues d’étrave et de poupe,
mais d’autres naissent en différents points de la coque. Elles agissent les
unes sur les autres pour former le sillage caractéristique d’un bateau en
marche. Au passage, elles emportent avec elles une certaine quantité
d’énergie prélevée à la carène, augmentant ainsi la résistance à
l’avancement. C’est la résistance de vague.
L’origine physique de ces vagues est bien le fait que le voilier, pour
tailler sa route, doit se frayer un passage dans l’eau et doit donc écarter
un certain volume d’eau, qui est d’autant plus important que son
déplacement (c’est-à-dire son poids) est élevé. La résistance de vague
est donc d’autant plus forte que le voilier est lourd, et cela a de grandes
conséquences sur l’architecture de certains voiliers.
À petite vitesse, la résistance de vague n’est pas très significative et
la résistance de frottement est prépondérante. Aussi, dans le petit
temps, cherche-t-on à limiter la surface mouillée, en faisant gîter un peu
le bateau ou en le mettant un peu plus sur son étrave pour immerger les
sections avant et sortir de l’eau la voûte arrière.
Le surf et le planing
Dans certains cas, on peut même dépasser franchement la vitesse de
carène : quand les vagues qui viennent de l’arrière font « surfer » le
bateau. Enfin, certains bateaux relativement légers, bien toilés et dont la
forme de carène est adéquate (les dériveurs, les planches à voile et… les
vedettes à moteur), peuvent dépasser leur vague d’étrave : quand ils
partent au planing. Au planing en effet, des forces de sustentation
situées sous la carène (comme avec un ski) s’ajoutent à la force
d’Archimède, ce qui fait « sortir » le bateau de l’eau : il ne produit
quasiment plus de vagues, sa surface mouillée diminue, ce qui réduit sa
traînée et lui permet d’accélérer considérablement.
Malgré la brise relativement modeste, ce dériveur commence à partir au planing
grâce à la surface généreuse de son spi, à son déplacement léger, et à sa forme de
carène qui, à partir d’une certaine vitesse, favorise les forces de sustentation.
L’ÉQUILIBRE DU VOILIER
On sait désormais qu’un voilier en marche (ou plutôt « en nage », et
même « en vol ») est soumis à quatre forces principales : son poids, la
poussée d’Archimède, la force aérodynamique et la force
hydrodynamique (qui inclut la force générée par les appendices et leur
traînée).
UN PRINCIPE PHYSIQUE
Avant d’aller plus loin, il faut mentionner une règle physique
universelle, qui préside (entre autres) à la marche du bateau : la somme
de toutes les forces qui s’appliquent à un voilier avançant à une vitesse
donnée – et constante – est nulle. Pour le sens commun, une force crée
un mouvement, une absence de force l’immobilité. Le batelier qui tire sa
gabare sait bien qu’il applique une force certaine sur son bateau pour le
haler à une vitesse constante. Mais ce dont il ne se rend peut-être pas
compte, c’est que dans le même temps l’eau exerce sur la carène une
force (de traînée hydrodynamique) exactement égale en intensité, et
opposée en direction. La somme des deux forces qui s’exercent sur le
bateau est nulle, et il avance bien à une vitesse constante.
L’analyse de cet équilibre des forces va maintenant permettre de
comprendre ce qui détermine la route et la vitesse du voilier.
L’ÉQUILIBRE AU PRÈS
Après une superbe descente au vent arrière vers Penfret, l’équipage
de l’Eurêka est contraint d’entreprendre une séance de louvoyage contre
le vent, en direction d’une douche bien méritée. Ce nouveau schéma, où
le voilier avance au près à 45° du vent réel, s’avère un peu plus complexe
que le précédent. La force aérodynamique, toujours perpendiculaire aux
voiles, n’est plus parallèle à la route. Pour simplifier le raisonnement, on
la décompose en une force orientée dans la direction du voilier, que l’on
appelle la composante propulsive (parce qu’elle fait avancer le bateau),
et une force orientée perpendiculairement à l’axe du voilier : la
composante de dérive.
On fait de même avec la force hydrodynamique, décomposée en
traînée hydrodynamique (qui freine le bateau) et en composante
antidérive (générée par la quille, principalement).
Ces composantes s’équilibrent deux à deux : la composante de dérive
avec la composante antidérive ; la traînée hydrodynamique avec la
composante aérodynamique propulsive.
Le couple traînée/propulsion fonctionne comme au vent arrière et
détermine la vitesse du voilier. L’équilibre latéral entre composante de
dérive et composante antidérive est un peu plus subtil. Les appendices et
la carène produisent une force latérale uniquement lorsque l’eau arrive
avec un certain angle d’incidence par rapport à l’axe du voilier. En
d’autres termes, quand celui-ci avance « en crabe » ou, pour utiliser un
terme marin, quand il dérive d’un certain angle.
Dès que la force aérodynamique n’est pas exactement dans l’axe du
voilier, cet angle de dérive se manifeste. Sur un voilier moderne, dans
des conditions de vent et de mer maniables, il est de 5° à 10° au près. Il
devient très vite négligeable aux allures plus abattues et n’est guère plus
mesurable au-delà du vent de travers.
En fait, les choses sont encore un peu plus complexes, car les deux
équilibres ne sont pas totalement découplés. La force antidérive, si elle
est bien tributaire de l’angle de dérive, dépend aussi fortement de la
vitesse. Juste retour des choses, la traînée est pour partie fonction de la
dérive. Subtilité de théoricien ? Pas si sûr…
Quand un voilier progresse au près à vitesse constante, les forces
aérodynamique et hydrodynamique sont égales et opposées. La traînée
hydrodynamique compense la composante propulsive de la force aérodynamique. La
composante antidérive, qui n’existe que parce que le bateau dérive, compense la
composante de dérive.
La vitesse d’abord
… Pas si sûr donc, car le marin connaît une situation qui lui permet
de ressentir, à ses dépens, les interactions entre toutes ces forces :
quand le voilier est arrêté et que l’on veut repartir au près, si possible
sans trop dériver – pour appareiller d’un quai, quitter un mouillage,
remettre en route après être resté un moment à la cape, ou encore, en
fin d’un virement presque raté, quand le voilier n’a presque plus de
vitesse.
Le voilier est arrêté, au bon plein, ses voiles faseyent. Pressé de
repartir et oubliant de réfléchir, on borde précipitamment les voiles et la
force aérodynamique augmente rapidement. Le problème, c’est qu’elle
est très mal orientée : la composante de dérive est importante, la
composante propulsive faible. Comme le voilier n’a presque pas de
vitesse, un grand angle de dérive s’avère nécessaire pour compenser
cette poussée latérale de la voilure. Généralement, l’angle de dérive est
tellement grand que la quille décroche, si bien que la force antidérive
diminue encore (on voit d’ailleurs parfois des tourbillons au vent du
bateau, qui ont été créés par la quille). À cause de cet angle de dérive
important, la résistance de la carène est forte, et le voilier peine à
accélérer. Si le barreur commence à jouer du safran pour essayer de
remonter au vent, il augmente encore la traînée et la situation devient
désespérée…
LE COUPLE DE CHAVIRAGE
Lorsque l’on a introduit, au tout début de ce chapitre, le couple de
redressement (créé par le décalage entre le poids du voilier et la poussée
d’Archimède) qui permet d’assurer la stabilité du voilier, on ne s’était pas
encore intéressé à ce qui pouvait tenter de le déstabiliser ! Sur un voilier,
le principal coupable est évidemment la voilure, qui génère la force
aérodynamique.
Plus précisément, les composantes latérales des forces
aérodynamique et hydrodynamique s’appliquent à des hauteurs très
différentes. Comme dans le cas du poids et de la poussée d’Archimède,
ce décalage crée un couple, qui a tendance cette fois à faire gîter le
voilier, et que l’on appelle le « couple de chavirage ».
La voile est toujours une histoire de couples, et ici encore il est
question d’équilibre. Au fur et à mesure que la gîte augmente (sous l’effet
du couple de chavirage), le couple de redressement augmente (parce que
la poussée d’Archimède s’éloigne du poids), et c’est l’équilibre entre ces
deux couples qui détermine l’angle de gîte du voilier. Plus la vitesse du
vent et la surface de la voilure sont importantes, plus la force
aérodynamique et la force hydrodynamique (antidérive) sont
importantes, et plus le voilier gîte. Le couple de chavirage est également
proportionnel au bras de levier, c’est-à-dire à la distance entre les forces.
Prendre un ris est ainsi une façon très efficace de diminuer le couple de
chavirage en agissant simultanément à deux facteurs : on réduit la
surface de toile et on abaisse le centre de voilure !
Le rôle du safran
C’est une évidence pour tout le monde, le safran permet de diriger le
bateau ! Pour comprendre comment il agit, il faut se souvenir que la force
antidérive n’est pas seulement produite par le voile de quille, mais aussi
par le safran pour une part non négligeable : un quart à un tiers de la
totalité. La particularité du safran, c’est que l’on peut modifier l’intensité
et la direction de la force qu’il produit.
Sur un bateau en équilibre, tel qu’il est représenté (en haut) sur le
schéma ci-dessous, les forces hydrodynamique et aérodynamique se
compensent. Si le barreur amène la barre au vent (en bas), l’angle
d’incidence de l’eau sur le safran augmente, et avec lui la force qu’il
génère. Le point d’application de la force hydrodynamique totale se
rapproche donc du safran. Se crée alors un décalage entre force
aérodynamique et force hydrodynamique : ce nouveau couple fait abattre
le bateau. Dans le même temps, la traînée du safran a aussi augmenté,
ce qui freine le bateau.
Quand on amène la barre au vent, la portance générée par le safran fait reculer la
poussée hydrodynamique, qui cesse d’être dans le prolongement de la force
aérodynamique. Ce décalage crée un couple qui fait abattre le voilier.
La gîte et la contre-gîte
Les modifications de l’assiette latérale du bateau génèrent d’autres
déséquilibres. À la gîte, le centre de voilure se décale sous le vent du
centre de carène. La composante propulsive de la force aérodynamique
et la composante de traînée de la force hydrodynamique ne sont plus
alignées. Le couple ainsi créé pousse le bateau au lof.
Tout ce qui augmente la gîte fait lofer le bateau : vague, déplacement
de l’équipage, le fait de border une voile (grand-voile, foc ou spi).
À l’inverse, la contre-gîte pousse le bateau à abattre, en déplaçant la
force aérodynamique au vent. Avec un spi trop brassé, au grand largue
ou au vent arrière, le bateau contre-gîte et part à l’abattée.
Ce décalage entre forces aérodynamique et hydrodynamique produit
par la gîte ou la contre-gîte est le principal facteur de déséquilibre de
route d’un voilier, mais il n’est pas le seul. Il en existe un autre, qui
dépend de l’assiette et de la vitesse du voilier : la dissymétrie de carène.
La dissymétrie de carène
Lorsqu’une carène avance dans l’eau, sa forme n’est plus symétrique
mais s’apparente (en exagérant un peu) à celle d’une banane. Chacun
peut en faire l’expérience : si on pousse une banane dans l’eau, celle-ci
avance droit ; si on la pousse plus violemment, elle se met à tourner dans
le sens de sa courbure. Ainsi, un bateau qui gîte et qui va vite a tendance
à lofer (le phénomène est inverse à la contre-gîte) : tout se passe comme
si la partie verticale de l’étrave située du côté de la gîte développait une
force supérieure à l’autre. On conçoit tout l’intérêt de maîtriser sa gîte
pour conserver un bon équilibre de route, et dans le même temps
préserver sa vitesse : en effet, toute tendance au lof ou à l’abattée
impliquera de mettre de la barre pour conserver sa trajectoire, et cet
angle de barre se traduira par une traînée hydrodynamique du safran, et
donc un frein à l’avancement. Les carènes des dériveurs sont dessinées
pour naviguer à plat, et ils doivent le rester. Les quillards, nous l’avons
vu, naviguent nécessairement avec un certain angle de gîte, puisque
c’est de cette gîte que naît le couple de rappel garantissant au bateau sa
stabilité latérale. Les architectes navals s’efforcent, lorsqu’ils conçoivent
les formes de coque d’un croiseur, de limiter au mieux ces effets de
dissymétrie de carène aux angles « normaux » (cet angle étant particulier
à chaque bateau, certains acceptant plus de gîte que d’autres). Naviguer
sans gîte excessive, en adaptant ses réglages et sa voilure – mais aussi
en plaçant judicieusement le poids de l’équipage – est une des clés de la
performance, de l’équilibre de route… et de l’agrément à la barre.
6. Souquer : serrer. ◄
7. On désigne par courant l’extrémité du cordage, celle qu’on manipule, le
dormant étant la partie fixe, ou à fixer. ◄
10. L’unité de distance en mer est le mille marin, qui correspond à une minute
d’angle de latitude sur la carte ou le globe terrestre, et équivaut à 1 852 mètres.
L’unité de vitesse est le nœud (1 mille/heure), en référence aux instruments de
mesure d’antan, des lignes munies de nœuds que les navigateurs laissaient filer
dans le sillage des navires. Pour convertir grossièrement les milles en km et les
nœuds en km/h, on peut multiplier par deux puis enlever 10 % au résultat
obtenu. ◄
11. Dans un équipage de deux personnes à bord d’un dériveur, le barreur prend
en charge le réglage de la grand-voile et agit sur le safran par l’intermédiaire de la
barre. L’équipier, que l’on pourra aussi désigner comme le focquier, s’occupe du
foc et de la dérive. Tous deux assurent par leurs déplacements l’équilibre latéral
et l’assiette longitudinale du bateau, l’équipier ayant généralement dans cette
recherche d’équilibre un rôle prépondérant. ◄
14. Construire et intérioriser ses propres repères, affûter ses sensations en les
comparant aux instruments de bord lorsque le bateau en est pourvu, c’est le
meilleur moyen de commencer à développer l’instrument de navigation interne,
fin et fiable, indispensable à toute bonne carrière de marin. Pour, précisément, se
détacher des instruments électroniques, ne plus dépendre d’eux, les considérer
comme des repères et des références utiles, auxquelles on peut revenir plus ou
moins régulièrement, mais qui ne présentent pas de caractère indispensable. ◄
15. Traditionnellement, et pour être tout à fait précis, on parle de filin pour
désigner tout cordage à bord d’un bateau, de bout pour un filin à usage « indéfini
et multiple ». Exemple : le bout du seau. ◄
16. Stricto sensu, le mot empannage désigne un virement de bord vent arrière
incontrôlé et on devrait parler de virement lof pour lof lorsque la manœuvre est
volontaire. Comme le mot est plus court et plus pratique, « empannage » est
devenu synonyme de « virement vent arrière ». ◄
17. Amure : amarrage du coin inférieur d’une voile, du côté par lequel elle reçoit
le vent. Par extension, côté d’où le voilier reçoit le vent : bâbord amure, ou tribord
amure. ◄
18. Un génois est une voile d’avant – un foc – de grande surface. Il tire son nom
du foc de Gênes. ◄
19. Capeler : en ancien français, « coiffer », « enfiler par la tête ». On capelle aussi
un ciré, un harnais... ◄
22. On verra plus loin le rôle des barber-haulers dans le contrôle et le réglage du
spi ►.
◄
23. Pour bien distinguer les deux côtés du spi et les actions ou réglages à
entreprendre, on parle de point d’amure côté tangon (au vent) et de point
d’écoute à l’opposé (sous le vent). Le point d’amure et le tangon sont contrôlés
par un bras de spi, le point d’écoute par une écoute. On parle de
brasser/débrasser, border/choquer. Après l’empannage, le point d’amure devient
le point d’écoute, le bras devient l’écoute, et inversement. ◄
24. Au même titre qu’un bras de spi symétrique doit pouvoir être largué en grand
pour un affalage d’urgence, l’amure d’un spi asymétrique doit pouvoir se choquer
sous tension, avec une bosse revenant au piano. C’est une hérésie de fixer
l’amure à l’étrave par une estrope fixe (une longueur de câble ou de cordage non
réglable). ◄
25. La corde d’un profil (qu’il s’agisse d’une voile aussi bien que d’une dérive ou
d’une quille) est le segment de droite reliant le bord d’attaque au bord de fuite de
ce profil. ◄
26. Les penons sont des brins de laine, ou des rubans de tissu à spi (on les
qualifie alors parfois de faveurs), placés dans les haubans, ou encore collés ou
cousus sur une voile. Dans les haubans, ils indiquent la direction du vent
apparent. Sur une voile, ils matérialisent les filets d’air circulant autour du profil.
L’encadré ► revient plus en détail sur « le langage des penons » et la façon de
s’en inspirer pour les réglages. ◄
27. Pour agmenter la performance, on pourra aussi équiper les voiles d’avant de
faveurs de chute. ◄
28. Braquer signifie augmenter l’angle que fait l’ensemble de la voile par rapport
au vent, sans que la forme de son profil change. ◄
29. Pour bien différencier, dans les consignes verbales, les consignes pour
actions à mettre en œuvre sur l’écoute et le bras de spi, on utilise des verbes
différents. Border et choquer pour l’écoute (côté sous le vent du bateau), brasser
et débrasser pour le bras (côté au vent). ◄
31. Une risée est un renforcement subit et momentané du vent. Une risée, qui se
lit généralement très bien sur l’eau par l’apparition d’un friselis plus ou moins
étendu, ou d’une plaque, reste moins soutenue qu’une rafale. ◄
32. Le spi asymétrique est parfois baptisé gennaker. En réalité, le gennaker est
une voile à mi-chemin du code zéro et de l’asymétrique. ◄
33. Les catamarans de pur loisir et bien souvent les catamarans de sport de
16 pieds et moins sont dépourvus de dérive. Ces appendices sont surtout
l’apanage des catamarans de course de 18 pieds et plus. Ils autorisent des
performances plus élevées, au prix de manipulations supplémentaires, de
manœuvres plus complexes dans les arrivées et départs de plage… et de dégâts
certains en cas de talonnage. ◄
34. On dit qu’un bateau tosse quand il tape ou cogne contre quelque chose – la
plage, un quai ou un autre bateau – sous l’effet des vagues. Ce ne sont jamais des
chocs très violents, mais leur action, répétée inlassablement, finit par causer
d’importants dégâts. ◄
36. On parle de sancir lorsque le bateau chavire par l’avant (et non par le côté)
après avoir enfourné, c’est-à-dire après que son (ou ses) étrave(s) s’est (se sont)
engagée(s) sous l’eau. ◄
37. Les défenses sont des protections mobiles, le plus souvent en forme de
boudins, faites de PVC renforcé et gonflées d’air. Les défenses plates semi-rigides
occupent moins d’espace dans les coffres et ne risquent pas de se dégonfler,
mais leur légèreté est aussi un inconvénient, elles volent aisément sous les
rafales. En approche, placer les défenses sur la filière par un nœud de cabestan
permet de les faire glisser à la demande. Une fois amarré, on préfèrera les fixer au
pied des chandeliers, par un tour mort et deux demi-clés. ◄
38. Les ducs d’Albe sont des piliers plantés dans le fond d’un bassin ou d’un cours
d’eau, et sur lesquels viennent s’amarrer les navires ou coulisser les pontons. ◄
39. Ne jamais couper le contact électrique pendant que le moteur tourne, cela
risquerait d’endommager l’alternateur. Même si les moteurs les plus récents sont
protégés contre ce type de bévue, c’est une habitude à prendre et à toujours
conserver. ◄
40. Les ordres de barre sont les mêmes qu’il s’agisse d’une barre à roue ou d’une
barre franche. « Barre à droite » signifie, en marche avant, orienter la barre de
telle façon que le bateau vire à droite. Avec une roue, cela consiste à tourner la
barre vers la droite, dans le sens des aiguilles d’une montre. Avec une barre
franche, cela revient à pousser le manche sur bâbord. Mais c’est ainsi ; et c’est le
seul moyen de parler clairement, de façon à être compris par tous, en toutes
circonstances et sur tous types de navires. ◄
44. Tourner le dos à l’étrave pour barrer en marche arrière rend l’utilisation de la
barre plus naturelle, tout en facilitant la visualisation de la trajectoire et
l’appréciation des distances. Attention cependant à la position de l’étrave vis-à-vis
des obstacles, sinon l’équipier chargé de la défense volante risque d’avoir des
sueurs froides. ◄
45. Chaumard : pièce de bois ou de métal fixé sur la lisse ou le pavois du bateau
permettant de guider les amarres. ◄
47. Le catway est généralement plus court que le bateau. Par conséquent la
pointe arrière – dans le cas d’un accostage en avant nez au ponton – joue alors un
double rôle : elle travaille aussi comme une garde arrière, empêchant le voilier de
reculer. Cul au ponton, c’est la pointe avant qui occupe un double rôle. ◄
48. Installé sur des unités de forte taille, le propulseur d’étrave est constitué
d’une petite hélice placée dans un tunnel à l’étrave, ou assortie à un dispositif
rétractable. Ce peut être un appoint précieux, mais en aucun cas un substitut aux
techniques de manœuvre éprouvées. Mu par un moteur électrique, le propulseur
ne s’utilise que par impulsions successives, il n’est pas prévu pour fonctionner en
continu. ◄
49. L’angle à atteindre par rapport au quai avant de battre en arrière dépend de
l’orientation de l’élément dominant (vent ou courant). Concrètement il s’agit
d’atteindre, voire de franchir cet axe, de façon à partir cul au vent ou au
courant. ◄
50. Lorsqu’on récupère une amarre en double, il faut agir rapidement, pour qu’elle
ne se prenne pas dans l’hélice. Si l’on identifie un risque compte tenu de la façon
dont elle tombe à l’eau, il faut momentanément débrayer. Puis l’équipier annonce
« claire ! » lorsqu’il a tout ramené à bord, c’est le signal d’embrayer de
nouveau. ◄
51. Une darse est un bassin rectangulaire au sein d’un port. Dans un port de
plaisance, on désigne ainsi l’allée séparant deux pontons parallèles, eux-mêmes le
plus souvent munis de catways. L’évitage est le cercle suivi par un bateau autour
d’un point fixe, le plus fréquemment son ancre, ici autour de l’anneau ou du
taquet de catway. ◄
52. Par vent de travers, on tourne prioritairement la pointe arrière au vent. Pour
repartir, c’est la pointe sous le vent qui sera larguée en premier. ◄
56. Lorsque le quai est bordé d’enrochements sous-marins, il faut accoster nez à
quai avec un mouillage arrière, et non cul à quai, pour ne pas exposer le safran.
Une autre solution consiste à s’amarrer par l’arrière en rallongeant les amarres, et
en installant un va-et-vient pour débarquer avec l’annexe. ◄
57. Taud : toile épaisse destinée à protéger voile, pont, cockpit ou écoutilles du
soleil ou de la pluie.
Lazy-bag : taud sur lequel viennent se connecter des lazy-jacks ►
◄
59. Raban : sangle de forte toile permettant de ferler une voile, ou encore de
serrer ou arrimer un objet.
Ferler une voile consiste à la relever et la ranger par plis successifs le long de son
espar (une vergue ou une bôme). ◄
60. On dit d’une manœuvre qu’elle est claire lorsqu’elle est prête à être utilisée ou
plus précisément correctement préparée, sans nœuds, cosses ou entrave. On
emploie cet adjectif aussi bien avant d’affaler une voile – « la drisse est-elle
claire ? » – que pour une écoute ou encore une ligne de mouillage. ◄
61. Chaque manœuvre dispose de son verbe particulier : on borde une voile avec
son écoute (ou en embraquant l’écoute), on la hisse avec la drisse que l’on
étarque ensuite, et on pèse une balancine pour soulever l’espar qu’elle soutient
(bôme ou tangon de spi). ◄
62. La notion de recouvrement désigne la façon dont la voile d’avant « recouvre »
la grand-voile lorsque les voiles sont bordées et le bateau vu de profil. À une
époque, la mode était aux grands génois, dont le tiers arrière recouvrait la grand-
voile, on parlait de recouvrement à 150 %. La tendance actuelle est aux faibles
recouvrements, de 105 à 110 %. ◄
64. Sur un croiseur, les bosses de ris – au grand minimum la bosse du premier
ris – doivent être à poste en navigation, de façon à pouvoir réduire rapidement, en
évitant les acrobaties en bout de bôme. ◄
68. Lorsqu’on fixe les écoutes sur le foc par des nœuds de chaise, on leur laisse
une « queue » conséquente, environ une largeur de main, pour éviter que sous
tension le nœud lâche par glissement. ◄
69. Le tourmentin est trop souvent oublié à fond de cale. Il faut l’avoir essayé par
temps maniable, ne serait-ce qu’au port, pour s’assurer de la bonne longueur de
l’estrope et repérer les points de tire sur les rails d’écoute. Lorsqu’on doit le
mettre en place dans des conditions difficiles, il est trop tard pour se préoccuper
de ces détails. ◄
70. Le déplacement d’un navire désigne le poids du volume d’eau « déplacé » par
sa carène, et conformément au principe d’Archimède, il est égal au poids du
bateau lui-même. Il s’exprime généralement en kilos ou en tonnes. ◄
71. Un padeye est une ferrure plate munie d’un œil, fixe ou basculant. ◄
74. S’il y a du courant et que celui-ci n’est pas dans l’axe du voilier, la route fond
est différente de la route surface. Cette problématique est abordée en détail dans
le chapitre « Navigation » ►.
◄
75. Arriver vent debout sur un coffre en lofant en phase finale est plus risqué que
d’y arriver de loin au bon plein. Si l’on est un peu court et que l’on rate le coffre au
bon plein, il suffit de border les voiles pour repartir. Vent debout et sans erre, il
est en revanche beaucoup plus difficile et plus long de reprendre le contrôle
de l’évolution du voilier. Dans tous les cas de figure, on approche un coffre sous
l’amure qui laisse une échappatoire parmi les autres bateaux au mouillage ou les
obstacles éventuels, et l’on ne perd pas de vue cette échappatoire pour le cas où
l’on raterait sa bouée. ◄
76. Le mot forain vient du bas-latin foranus (étranger), lui-même dérivant de foris
(dehors). Un mouillage forain est ouvert à certains vents et à la houle du large. Il
suppose de la vigilance. On évite d’y laisser le bateau longtemps sans veilleur à
bord. ◄
77. Le marnage est la différence de hauteur d’eau entre une pleine mer et une
basse mer successive. ◄
78. Le pied de pilote est la hauteur d’eau de sécurité sous la quille qu’en bon
marin on ajoute à son tirant d’eau, pour éviter de talonner en raison d’une légère
approximation dans les lignes de sonde, dans le calcul de marée ou dans le suivi
de la navigation, d’un retard dans une manœuvre, ou encore d’un creusement de
la mer dû à la houle ou aux vagues. La valeur de cette marge de sécurité est
subjective, elle dépend des circonstances de navigation, de l’ancienneté des
relevés hydrographiques de la carte marine et des conditions météo du
moment. ◄
79. Un bateau évite lorsqu’il tourne autour de son mouillage en fonction du vent
et du courant, mais aussi selon son fardage (prise au vent) et la forme de sa
carène. Un quillard sera plus sensible au courant qu’un multicoque, qui évitera
plus volontiers en fonction du vent. ◄
80. Certains cordages, tressés autour d’une âme en plomb, sont conçus pour
remplacer la chaîne avec un grappin ou une ancre légère, en aluminium. Ce type
de mouillage, maniable mais fragile, est fréquent sur les voiliers de régate et n’est
utilisable que pour une escale de courte durée, le bateau demeurant sous
surveillance. ◄
82. On retrouve parfois les crocs de mouillage sous l’appellation « mains de fer ».
Les meilleurs modèles sont ceux qui se libèrent automatiquement lorsqu’on laisse
filer la chaîne, puisqu’ils permettent en urgence de déraper et appareiller sans
complication ni manipulation particulière. ◄
83. Une technique assimilable à l’empennelage consiste à placer une gueuse (un
lest) sur la chaîne de mouillage à bonne distance de l’ancre. ◄
84. Une amarre tournée à terre sur un rocher ou sur un solide tronc d’arbre doit
être préservée du ragage : c’est la raison pour laquelle on réalise un tour mort
avant la confection du nœud d’amarrage (nœud de chaise ou demi-clés). Certains
gardent à bord de petites longueurs de chaîne de mouillage, permettant de
cravater le point d’amarrage avant d’y relier l’aussière. ◄
87. Un orin est un cordage relié à un objet immergé, le plus souvent une ancre. ◄
89. Pour être certain de son mouvement, il faut toujours maintenir la même face
de l’aviron orientée vers le haut. ◄
92. L’écoulement d’un fluide est dit « laminaire » lorsque les couches composant
ce fluide glissent les unes sur les autres sans se mélanger. ◄
93. L’extrados est le côté d’un profil où s’exerce la portance : par exemple, pour
une aile d’avion sa face supérieure, pour une voile de bateau sa face sous le vent.
Le côté opposé du profil est dénommé intrados. ◄
Navigation
La carte marine
Naviguer à proximité des côtes : le pilotage
Naviguer en vue des côtes
Naviguer au large
Mettre au point son projet de navigation
Le routage
ette partie du Cours est consacrée à la navigation
L’en-tête
Il indique : l’organisme à la source de l’information ; l’heure
d’élaboration du bulletin, en temps universel coordonné (UTC) 1 ; la zone
concernée.
Il rappelle par ailleurs que la vitesse du vent fait référence à l’échelle
de Beaufort et donne le vent moyen hors rafales, tandis que l’état de la
mer fait référence à l’échelle de Douglas qui décrit la mer significative.
■ L’état de la mer
L’état de la mer est une donnée importante concernant la sécurité et
le confort de la navigation. La plupart des services météorologiques
annoncent la mer significative (ou H 1/3) définie comme moyenne du
tiers des vagues les plus hautes, et qui est un bon indicateur de l’état
moyen de la mer tel qu’on peut le ressentir sur un bateau. Ces valeurs
sont graduées selon l’échelle de Douglas, dont le détail est fourni au
chapitre « Océanographie » ►. Dans les bulletins « large », la houle n’est
citée que si sa hauteur dépasse 4 mètres en Atlantique, et 3 mètres en
Méditerranée.
■ Le temps significatif 3
Pour indiquer le temps significatif, on utilise les termes suivants :
pluie (rain), averses (showers) – qui peuvent être éparses (scattered) ou
isolées (isolated), – bruine (drizzle), brume (mist), brouillard (fog), grains
(squalls), neige (snow) et orages (thunderstorms).
La bruine est caractéristique d’un secteur chaud. La pluie est
continue, et les averses sont intermittentes. La pluie suivie d’averses
signale le passage d’un front froid. Le grain est caractéristique d’une
traîne active. On emploie le mot brume pour une visibilité inférieure à
5 km, brouillard pour une visibilité inférieure à 1 km.
■ La visibilité
Les bulletins côtiers donnent la visibilité en milles nautiques. La BBC,
qui ne mentionne jamais le mot « visibilité », l’indique dans ses bulletins
par les adjectifs suivants :
– Good (bonne) : supérieure à 5 milles.
– Moderate (médiocre) : 2 à 5 milles.
– Poor (mauvaise) : de 1 000 mètres à 2 milles.
– Very poor, fog (très mauvaise, brouillard) : inférieure à 1 000 mètres.
Lorsque la visibilité est très mauvaise, la BBC précise généralement
pourquoi : bancs de brume (fog patches), brume côtière (coastal fog),
brouillard épais (heavy fog) ou brume sèche (haze).
La tendance ultérieure
Certains bulletins donnent une tendance pour des échéances qui
s’étendent au-delà de leur période de validité (pour les 3 prochains jours
par exemple).
Les observations
La plupart des bulletins côtiers fournissent des observations
délivrées par les sémaphores ou les stations météo de la zone
concernée, à savoir : la direction et la force du vent (en nœuds), la
pression atmosphérique et sa tendance 4, l’état de la mer et la visibilité.
La transcription du bulletin
Les zones pour lesquelles les prévisions sont identiques sont reliées
par un trait. Le temps significatif est représenté par des pictogrammes
qui peuvent être les symboles météo classiques (cela permet de les
retenir…). L’état de la mer n’est pas porté sur la carte, pour éviter de la
rendre illisible. On se reportera à la transcription du bulletin. Si l’on rate
des informations sur une zone, on passe directement à la suivante. On
complètera en réécoutant le bulletin.
Les informations données par le bulletin sont reprises sur un formulaire
préétabli. Ici, l’état de la mer est préoccupant sur les zones proche-Atlantique.
Les capitaineries
Les capitaineries affichent chaque matin un bulletin côtier précis que
l’on consultera avec profit. Ce bulletin s’accompagne de prévisions à
plusieurs jours et, selon l’abonnement dont dispose la capitainerie, des
cartes de pression et des champs de vent.
Les répondeurs téléphoniques
Les répondeurs téléphoniques des divers offices météorologiques
fournissent une information précise et rapide que l’on peut consulter à
terre, éventuellement en mer si l’on est à portée de téléphone cellulaire.
La VHF
La VHF est l’outil indispensable pour acquérir de l’information météo
en zone côtière. Les CROSS 8 en France, et leurs homologues à l’étranger
émettent par ce moyen les bulletins côtiers et les BMS à heures fixes, sur
des canaux dédiés, après annonce sur le canal 16 9. Quant aux BMS, ils
sont diffusés dès réception et répétés toutes les heures pendant leur
durée de validité (aux heures pleines en France) par les émetteurs des
zones concernées.
Internet
On peut trouver les équivalents des bulletins émis par radio sur les
sites des organismes météorologiques, ainsi que sur le site du SMDSM.
La liste des liens figure en annexe du Cours.
La BLU
Les CROSS ainsi que Monaco Radio diffusent en radio BLU (Bande
latérale unique, SSB en anglais) des bulletins météo et BMS pour les
zones large et grand large en Manche, Atlantique et Méditerranée. Il faut
disposer d’un récepteur « toutes ondes » (grandes ondes, FM, ondes
courtes et BLU) de bonne qualité, avec antenne extérieure (un câble
monotoron de 6 mètres suffit en réception) et mise à la masse. Les zones
sont les zones Metarea du SMDSM (détaillées par le Guide Marine de
Météo France pour l’est de l’Atlantique et la Méditerranée).
Le Navtex et Inmarsat C
Ce sont les bulletins émis pour les zones du large et du grand large
dans le cadre du SMDSM. Ils sont rédigés par les services
météorologiques auxquels sont attribuées les zones de responsabilité.
Navtex est un service international de diffusion d’informations sur la
sécurité maritime, à savoir : les AVURNAV (Avis urgent aux navigateurs),
les bulletins météo (en anglais) pour le large et les messages de
détresse. Les récepteurs Navtex sont de petits appareils dédiés, toujours
en veille, affichant à l’écran ou imprimant sur papier les bulletins dont la
réception a été programmée par l’utilisateur. Partout dans le monde, les
émetteurs Navtex utilisent la même fréquence (518 kHz), leur portée est
en principe d’au moins 250 milles. Certains pays mettent également en
œuvre un Navtex « national », sur 490 kHz, dont les bulletins sont
diffusés en langue nationale.
Le système de communication Inmarsat C offre le même service au-
delà de la portée du Navtex (et hors zone polaire). Il nécessite un
récepteur par satellite de type Inmarsat C.
Internet
Des logiciels comme Navimail ou Viewfax permettent de récupérer
facilement des bulletins du SMDSM via une connexion par satellite à
Internet.
Avec Navimail, on commande gratuitement des cartes de l’Atlantique Nord (poids
de fichier de 80 Ko), ainsi que des photos satellite en basse définition (20-40 Ko). La
requête s’effectue via l’onglet « Images ».
INTERNET EN MER
On prendra soin de privilégier les données dont la source d’information est
clairement identifiée, dont les horaires de mise à jour sont stables et pérennes et
dont l’accès demeure facile, à coût raisonnable.
Dès que l’on dépasse la bande côtière, hors réseau cellulaire, les
communications entre un navire et la terre s’opèrent par liaison satellite (la radio
BLU étant de plus en plus réservée aux liaisons entre bateaux). Ces communications
par satellite ont pour avantage leur fiabilité et leur simplicité de mise en œuvre, et
pour inconvénient leur coût, qui reste cependant raisonnable avec un minimum de
discipline. On trouve des terminaux adaptés à toutes les familles d’utilisateurs, du
bateau de plaisance de taille modeste au super yacht.
Les systèmes à bande passante étroite (Iridium, Thuraya, Isatphone) permettent
les communications téléphoniques et la récupération de données à des vitesses de
l’ordre de 10 kbps, qui n’autorisent pas l’accès direct à des sites Internet, mais
suffisent pour récupérer mails et fichiers attachés de taille inférieure à 80 Ko. On se
procure ainsi cartes, photos satellite basse définition et fichiers numériques de taille
raisonnable.
Les navigateurs ayant des besoins plus importants s’orientent vers des
systèmes nettement plus performants comme Iridium Openport ou les produits de la
gamme Broadband Inmarsat. Au prix d’un encombrement et d’un coût supérieurs, on
dispose de liaisons 64 kbps ou 128 kbps, similaires à ce que l’on obtenait par ADSL
il y a seulement quelques années.
On trouvera en annexe de cet ouvrage, section « Bibliographie », une liste de
sites Internet produisant des informations pertinentes.
Les énergies en jeu. À l’échelle de la planète le bilan est nul, mais au niveau local
se créent des excédents ou des déficits.
LA CIRCULATION GÉNÉRALE
Les grands traits de la circulation générale atmosphérique étaient
e
déjà connus au XIX siècle. Sa représentation a été affinée depuis, et elle
se schématise de la façon suivante.
L’ATLANTIQUE
À l’échelle de l’Atlantique, on repère dans l’hémisphère Nord une
zone de haute pression : l’anticyclone subtropical, appelé anticyclone
des Açores, autour duquel les vents tournent dans le sens des aiguilles
d’une montre. Au sud de l’anticyclone, circulent des vents de secteur
nord-est relativement réguliers : les alizés d’Atlantique Nord. Ce système
possède sa contrepartie en Atlantique Sud : l’anticyclone d’Atlantique
Sud appelé aussi anticyclone de Sainte-Hélène, autour duquel les vents
tournent dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Il est
accompagné sur sa face équatoriale des alizés d’Atlantique sud. Les deux
systèmes d’alizés convergent vers les basses pressions équatoriales pour
créer ce que les météorologues appellent la zone de convergence
intertropicale (ZCIT) et les marins le pot au noir. Tout ce système se
déplace en latitude au rythme des saisons, avec quelques semaines de
retard sur le mouvement apparent du Soleil : il atteint sa position la plus
au nord en juillet-août et sa position la plus au sud en janvier. La zone
tropicale (hors pot au noir) est donc caractérisée par du temps
relativement stable à quelques exceptions notables près : les ondes d’est
ainsi que les dépressions et cyclones tropicaux.
Les systèmes à l’œuvre à l’échelle de l’océan Atlantique.
LA PRÉVISION MÉTÉOROLOGIQUE
Les prévisions météo sont depuis les années 1980 réalisées avec
l’aide de « modèles numériques de prévision du temps ». Un modèle
numérique est un ensemble de programmes simulant l’évolution de
l’atmosphère. Nourri de l’état initial de l’atmosphère décrit par
observations et mesures satellitaires (les « données d’entrée »), il calcule
pas à pas l’état futur de l’atmosphère au moyen des équations de la
dynamique des fluides, des équations d’état des gaz atmosphériques,
etc. Très gourmand en ressources informatiques, le procédé n’est
accessible qu’aux services météo disposant de moyens humains et
techniques importants.
Le résultat de la prévision est donné sous la forme des valeurs des
paramètres numériques en différents points du globe et pour des
altitudes standard. Ce produit des calculs, ce qu’on appelle « les sorties
de modèles », sera utilisé par les prévisionnistes pour bâtir leur prévision,
et éventuellement diffusé vers le public via Internet. Les données
océanographiques sont élaborées de façon similaire et l’on s’oriente vers
des modèles couplés océan-atmosphère tenant compte des profondes
interactions entre les deux milieux.
Une même situation vue par le modèle GFS à gauche (résolution 0,25° = 15 milles
nautiques) et à droite par Arome, dont la maille est deux fois et demie plus fine
(résolution 0,1° = 6 milles). La résolution d’Arome est mieux adaptée à la lecture des
effets locaux, ici une situation à brises thermiques.
La pression
La pression en un lieu donné matérialise le poids de la colonne d’air
en ce lieu. Celui-ci dépend de la densité de l’air, qui est principalement
fonction de sa température. La valeur moyenne de la pression est
chiffrée à 1 013 hPa 20. Les valeurs extrêmes de pression dans
l’atmosphère vont de 1 080 hPa dans l’anticyclone de Sibérie à 870 hPa
dans certains grands cyclones tropicaux. Dans nos régions, on restera
plutôt cantonné entre 950 hPa et 1 040 hPa.
Dans les basses couches (entre 0 et 1 500 m), la pression diminue
avec l’altitude de 1 hPa pour 8,40 m, ou si l’on préfère 1,2 hPa tous les
10 m. Cette décroissance est moins rapide dans les couches
supérieures.
On schématise le champ de pression au moyen de lignes d’égale
pression appelées isobares, qui relient les points de l’atmosphère de
même valeur de pression. Les pressions sont toutes ramenées au niveau
de la mer pour se débarrasser des effets de l’altitude sur la pression.
Les fronts, qui se définissent comme des limites entre deux masses
d’air, sont représentés de manière conventionnelle, avec quelquefois un
repérage permettant de suivre leur évolution de carte en carte 22.
Carte pointée à 12:00 UTC, le 23 septembre 2016 sur le proche-Atlantique.
Le flux de SW se fait sentir au large, et l’anticyclone est présent sur le golfe de
Gascogne. Beau temps quasi estival sur le proche-Atlantique. Pour la suite, voir une
carte de prévision. Notons que, s’agissant d’une carte allemande, ce document
mentionne les dépressions par la lettre T et les anticyclones par un H.
La représentation conventionnelle des fronts sur les cartes isobariques. Le
terme « frontolyse » est employé pour un front en disparition, par opposition à
« frontogénèse » (création d’un front).
o
■ Couche n 4 : les observations et le vent
Les cartes d’observations (on dit « pointées », Plotted data),
représentent sous forme de code météorologique les observations faites
par les stations météo, les navires sélectionnés ou les bouées dérivantes.
o
■ Couche n 5 : divers
Certains services météorologiques ajoutent des informations leur
semblant pertinentes comme le déplacement des centres d’action, les
phénomènes dangereux (cyclones) et éventuellement la signature du
prévisionniste (cartes de la NOAA).
Unités utilisées
Le vent est désigné par son origine cardinale, ce qui permet de
grossièrement relier sa direction à ses caractéristiques : « le vent de
nord » vient du nord et sera probablement frais dans nos régions. « Du
vent au 315 » est un vent provenant du 315 géographique, c’est-à-dire un
vent de nord-ouest.
L’unité normalisée de vitesse est le mètre par seconde (m/s). Les
marins préfèrent utiliser le nœud (kt ou nd, qui vaut 1 mille
nautique/heure) : 1 m/s vaut, à peu de chose près, 2 kt. Il faudra donc
prêter attention au cartouche si l’on veut éviter une erreur du simple au
double. L’échelle de Beaufort est aussi régulièrement utilisée.
Le code météorologique représente le vent par une flèche : la hampe
en indique la direction et les barbules, demi-barbules ou flammes
triangulaires, la vitesse en nœuds. Une barbule vaut 10 nœuds, une
demi-barbule 5 nœuds, un triangle 50 nœuds. Il suffit de faire l’addition.
La loi de Buys-Ballot
Il existe une relation simple entre champ de vent et champ de
pression, énoncée ainsi dans la loi de Buys-Ballot :
– La direction du vent, en atmosphère libre, suit la tangente aux
isobares (en atmosphère libre signifiant une fois dégagé des effets de
frottement dus au sol, au-dessus de 500 m d’altitude).
– Le sens du vent est tel que dans l’hémisphère Nord, on a les basses
pressions à sa droite, en regardant face au vent (à gauche dans
l’hémisphère Sud). Ceci revient à dire que le vent, dans l’hémisphère
Nord, tourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre autour des
dépressions, et dans le sens des aiguilles d’une montre autour des
anticyclones (l’inverse dans l’hémisphère Sud).
– La force du vent est proportionnelle au gradient de pression, c’est-
à-dire à l’écartement des isobares. Plus les isobares sont serrées, plus le
vent est fort. Le coefficient de proportionnalité varie avec la latitude : à
gradient égal, le vent est plus fort aux basses latitudes (en allant vers
l’équateur) qu’aux latitudes élevées (en se déplaçant en direction des
pôles).
La règle fonctionne correctement dans la plupart des cas, bien que
cela soit une approximation assez radicale des équations de la
mécanique des fluides. Ce raccourci fécond, basé sur le concept
d’équilibre géostrophique (équilibre entre les forces de pression et les
forces de Coriolis) 24, nécessite cependant quelques aménagements
importants.
Les deux tableaux ci-dessous permettent un calcul approximatif du
vent de surface en mer (tenant compte du frottement).
o
– Exemple n 1. En Manche (latitude 50°), un gradient de 5 hPa pour
1,5° (90 milles) donne un vent en surface de 28 kt. Il faudra
éventuellement appliquer les corrections de courbure et de stabilité.
o
– Exemple n 2. En Méditerranée (latitude 40°), un gradient de 5 hPa
o
– Exemple n 2. En Méditerranée (latitude 40°), un gradient de 5 hPa
pour 1,5° (90 milles) donne un vent en surface de 28 × 1,2 = 34 kt. Il
faudra éventuellement appliquer les corrections de courbure et stabilité.
Une fois appliqués les correctifs ci-dessus mentionnés, la règle de
Buys-Ballot rend de grands services. La version globale permet de
deviner grossièrement la direction et la force du vent à la lecture d’une
carte météorologique. Avec la version locale, on se positionne dans le
paysage météorologique : dans l’hémisphère Nord, regardant face au
vent, les hautes pressions sont à gauche et les basses pressions à droite.
On a donc toujours une idée « physique » de la position des centres
d’action. Ceci ne fonctionne bien sûr que hors effets locaux.
Dans l’hémisphère Nord, les basses pressions sont situées à droite lorsque
l’on regarde face au vent, les hautes pressions à gauche. Le vent tourne autour
des basses pressions dans le sens inverse des aiguilles d’une montre et autour des
hautes pressions dans le sens des aiguilles d’une montre. Dans l’hémisphère Sud, on
tourne à l’envers.
MESURER LE GRADIENT DE PRESSION
Pour préciser l’écartement des isobares, on introduit la notion de gradient de
pression, qui est la variation de pression en fonction de la distance. C’est
l’équivalent, pour la grandeur pression en météorologie, de la pente pour les reliefs
en géographie. Elle s’exprime en hPa par unité de distance, par exemple en hPa par
degré de latitude. On mesure ce rapport sur la normale aux isobares (c’est-à-dire
perpendiculairement aux isobares).
Les corrections à apporter à la loi de Buys-Ballot.
LE VOCABULAIRE DU VENT
On appelle vent géostrophique le vent calculé, en supposant qu’il y a équilibre
entre les forces de pression et la force de Coriolis. Cette approximation des
équations générales de la dynamique des fluides peut s’avérer insuffisante si les
effets locaux et régionaux sont à l’œuvre, comme c’est souvent le cas en
Méditerranée. On nomme vent synoptique le vent correspondant à la situation
générale. Il peut être différent du vent local selon la réponse du site (effets de brise,
effets de site…).
Le vent indiqué sur les cartes est soit le vent observé (sur les cartes
d’observations), soit le vent calculé par les services météorologiques qui utilisent
les équations générales, et sont donc plus proches de la réalité que le vent déduit du
calcul géostrophique. Le vent météorologique donné par les services
météorologiques est le vent mesuré à 10 mètres du sol, moyenné sur une durée de
10 minutes. Le vent instantané peut donc être notoirement différent du vent
météorologique qui lisse les phénomènes.
Les rafales sont des valeurs extrêmes instantanées de la vitesse du vent,
souvent associées à de la turbulence : l’instabilité amène vers le sol de l’air
d’altitude qui est plus rapide.
LES MÉTÉOGRAMMES
Un météogramme est une représentation de l’évolution temporelle
d’un ou plusieurs paramètres météorologiques en un lieu donné.
Il permet, en un coup d’œil, d’évaluer le paysage météorologique de la
journée à cet endroit. Quelques sites météo (par exemple Windguru et
Windfinder) sont spécialisés dans ce type de représentation permettant
d’évaluer rapidement l’évolution du temps en un lieu donné.
Ces données doivent être critiquées au même titre que les données
classiques. Il faut :
– Identifier la source des informations.
– Clarifier la position exacte de la prévision si l’on veut s’intéresser
aux effets locaux 25.
– Se rappeler qu’il s’agit de données « brutes de modèles », sans
expertise d’un prévisionniste.
– Ne jamais oublier que la maille du modèle utilisé conditionne à la
fois la durée de la prévision et la prise en compte des phénomènes
locaux.
Dans cet exemple, la case supérieure montre une prévision du modèle GFS sur 5
jours, avec une résolution de 27 km. Elle permet de visualiser l’évolution du vent
synoptique mais ne dit rien de la réalité météo à l’échelle fine. La case inférieure
fournit la prévision WRF sur les 2 prochains jours, à la résolution de 9 km, susceptible
de donner des détails sur les effets locaux. Ce deuxième jeu de données n’est
accessible qu’aux abonnés.
LE LANGAGE DES NUAGES
Les cartes isobariques décrivent de manière synthétique la situation
météorologique. Les nuages nous parlent à la fois, en temps réel, de la
composition de l’atmosphère, des mouvements verticaux, de la vitesse
du flux, des effets locaux… Ils transforment les études théoriques en
paysage.
■ Étage supérieur
– Cirrus (Ci) : nuages fibreux de glace à très haute altitude.
– Cirrostratus (Cs) : nuages en couche de haute altitude, formés de
glace. Ils créent souvent un halo autour du Soleil ou de la Lune.
– Cirrocumulus (Cc) : nuages cumuliformes de haute altitude. Ils
semblent tout petits (car très élevés) et sont souvent arrangés en
ondulations traduisant les forts courants d’altitude.
■ Étage moyen
– Altocumulus (Ac) : nuages cumuliformes de moyenne altitude,
séparés les uns des autres, et groupés en nappes.
– Altostratus (As) : nuages en couche de moyenne altitude. On voit le
Soleil comme à travers un verre dépoli.
■ Étage inférieur
– Cumulus (Cu) : les cumulus humilis (ou de beau temps) restent dans
les basses couches et ne sont pas associés à des précipitations. Les plus
gros cumulus (congestus, calvus) peuvent se répartir sur plusieurs
niveaux et être associés à des averses.
– Stratus (St) : couche dense grise et uniforme. Précipitations
associées : pluie, bruine ou neige.
– Stratocumulus (Sc) : nuages cumuliformes quasiment soudés en
couche serrée. Précipitations associées : faibles pluies ou neige.
■ Les monstres
– Nimbostratus (Ns, stratus précipitant) : stratus très épais pouvant
s’étendre sur plusieurs kilomètres d’épaisseur. Ciel bas, pouvant
masquer le soleil (il fait nuit en plein jour), pluies ou bruines intenses.
Dépression L1 sur le sud de l’Angleterre. FF1 est le front froid associé (FF est lié
à une dépression précédente). Il est suivi d’une traîne piquetée de cumulonimbus. Le
vent de NW est raisonnable dans le golfe de Gascogne. La dorsale R à l’ouest de
l’Irlande est marquée par du vent faible associé à une zone claire de nuages. À l’est
immédiat de la dépression L1, la carte isobarique montre une zone de convergence
(les chevrons) associée à des cumulonimbus probablement orageux.
PERTURBATIONS ET DÉPRESSIONS
DES RÉGIONS TEMPÉRÉES
Les perturbations sont un des traits marquants du temps sous nos
latitudes. Elles s’accompagnent de mauvais temps, de vent fort et de
conditions de mer éventuellement difficiles. On parle de perturbations
extratropicales, par différence avec les dépressions de la zone tropicale
dont la mécanique est très différente (absence de fronts en particulier).
À une perturbation, c’est-à-dire un ensemble de phénomènes
météorologiques tels que changement de température, vent,
précipitations, est généralement associée une dépression, c’est-à-dire
une zone de basse pression. Aux zones dépressionnaires sont toujours
associés des mouvements verticaux ascendants, donc des formations
nuageuses importantes. Dans le vocabulaire courant, on ne fera pas
toujours la distinction entre perturbations et dépressions (les Anglo-
Saxons utilisent indifféremment low pour les deux phénomènes).
La plupart des dépressions que nous subissons se forment dans
l’Atlantique Ouest, vers la côte américaine, puis vivent leur vie sur
l’océan, et viennent finir en Europe du Nord ou sur les pays baltes.
Quelques-unes s’offrent un trajet plus au sud pour visiter nos côtes, voire
passer en Méditerranée, principalement en hiver. D’autres types de
dépressions, qui naissent et évoluent sur place, sont liées à des effets de
site à moyenne échelle : dépression du golfe de Gênes ou dépression
thermique sur la péninsule Ibérique par exemple.
Formation de la perturbation
La formation des perturbations (la cyclogénèse) est un phénomène
complexe. Nous retiendrons que les perturbations se forment
préférentiellement dans les zones à fort contraste de température (donc
de densité), c’est le cas des zones tempérées où voisinent masses d’air
polaire et tropical. Une dépression classique se comporte comme un
coin d’air chaud limité à l’ouest par le front froid et à l’est par le front
chaud.
Les perturbations dans les régions tempérées naissent à la rencontre de l’air froid
polaire et de l’air chaud tropical.
À l’origine de la dépression (1), les fronts sont peu marqués, une masse nuageuse
importante se développe, la pression diminue, les précipitations sont faibles. La
dépression se creuse sur place. Dans le stade suivant de son évolution (2),
le secteur chaud est très ouvert. Le centre de basse pression coïncide avec le point de
rencontre des fronts, la masse nuageuse est toujours importante, la pression continue
de diminuer et les précipitations se manifestent au voisinage des fronts. La
dépression se déplace à environ 0,8 fois la vitesse du vent dans le secteur chaud.
■ Maturité de la dépression
La perturbation mature continue son creusement en se déplaçant
rapidement (15 à 40 kt). Les fronts sont bien individualisés et le
phénomène notable est que le front froid commence à rattraper le front
chaud en créant un morceau de front mixte que l’on nomme front occlus,
qui amorce un mouvement de spirale. C’est souvent une zone de
précipitations importantes.
Lorsque la dépression est mature, le front froid rattrape le front chaud. Le
centre de basse pression se décale du point de rencontre des fronts : la zone centrale
s’agrandit. Les précipitations sont importantes dans le secteur chaud, la pression
diminue, et la dépression continue de se déplacer à environ 0,8 fois la vitesse du vent
dans le secteur chaud. Le déplacement du front froid se déduit approximativement en
projetant la vitesse du vent dans la traîne perpendiculairement au front.
■ Vieillissement de la dépression
On appelle souvent occlusion cette phase de vieillissement où l’air
froid est piégé dans le centre de la dépression, qui continue à s’étendre.
On parle quelquefois de « goutte froide ». Pour nous, cela se traduira par
des précipitations importantes autour du front occlus, accompagnées de
vent de direction variable dans la partie centrale.
La dépression bouge très peu, le front froid continue de rattraper le
front chaud : le phénomène d’occlusion se poursuit 29. Dans le même
temps, les fronts froids et chauds continuent leurs mouvements tels que
décrits plus haut, si bien qu’ils semblent tourner dans la dépression et
apparaissent en quelque sorte en avance sur la courbure des isobares.
Le passage du front froid sera marqué par une bascule faible, typique des
dépressions vieillissantes.
■ Disparition de la dépression
Le centre est maintenant de grande étendue. Il peut présenter ou non
des enroulements en spirale. Les fronts froids et chauds ne sont plus
différenciés, sauf peut-être dans le sud de la perturbation. C’est la
frontolyse (dissipation des fronts). La dépression se comble sur place, ce
qui peut prendre plusieurs jours. Son énergie se dissipera principalement
en précipitations intenses pouvant donner lieu à des inondations, et par
frottement.
Dans nos régions, les dépressions passent le plus souvent dans notre nord.
Voici à quoi ressemble une perturbation vue depuis son secteur chaud au sud, avec
l’évolution de la pression et de la température, et les nuages associés.
■ Approche de la dépression
La tête de la dépression est formée de cirrus d’altitude (les filaments)
suivis de cirrostratus (nuages avec halo) accompagnés d’une baisse de
pression et de l’établissement du vent de secteur S ou SW, tournant
lentement SW à WSW. Viennent ensuite les altostratus (verre dépoli), de
plus en plus épais au fur et à mesure de l’avance de la dépression 30. Ils
finiront par donner de la bruine ou de la pluie continue renforcée à
l’approche du front chaud.
■ Le secteur chaud
Arrive ensuite le secteur chaud de la dépression (entre fronts chauds
et fronts froids) : vent bien établi au secteur SW, pression basse et pluies
fines continues ou bruines, avec éventuellement du brouillard. On parle
en Bretagne de « suroît têtu ».
Si le vent est supérieur à 30 nœuds, sous les stratus circulent des
petits nuages déchiquetés (fractus) que les marins appellent joliment
« diablotins ». On espère que cela ne durera pas trop longtemps
(6 heures en général), et on attend avec impatience le front froid avec les
grains et (peut-être) la rotation au NW.
■ La traîne 31
Le ciel s’éclaircit dans un premier temps, puis la traîne amène de
nouveaux cumulonimbus avec grains, averses et rafales. La pression
continue de remonter, et le vent passe au NW fort et turbulent. La
convection est active, typique de l’air froid instable réchauffé à sa base
par l’océan. Le noroît est comme fou, la navigation tonique.
Plus tard, le vent diminue, continue à virer vers le nord en mollissant
et les nuages se font plus discrets 32. Ensuite, c’est selon : établissement
d’un anticyclone ou deuxième tour de manège…
Les talwegs
Un talweg (trough) est une zone de basse pression non fermée. Pour
nous, et c’est une simplification sauvage, un talweg est souvent associé à
un front froid, ou à un front froid secondaire. On rencontrera donc des
formations nuageuses de types cumuliformes, donnant des pluies
irrégulières, des grains et des rafales. Le temps y ressemble à celui que
l’on rencontre au voisinage des fronts froids. Le sud des talwegs peut
être une zone de formation de dépressions secondaires.
Un talweg marqué s’étend de l’Irlande au voisinage des Açores. Le
prévisionniste a noté à l’est des Açores un possible creusement dépressionnaire (noté
T, qui signifie dépression sur les cartes allemandes). Cette hypothèse est confirmée
sur l’image satellite par bourgeonnement suspect sur le sud du talweg.
Les bulletins
Les bulletins fournissent la position du centre dépressionnaire, sa
pression centrale et son déplacement approximatif sur les prochaines
24 heures.
Le bulletin attire très utilement l’attention sur le temps sensible,
toujours délicat à prévoir : « Vent de SW 5 à 7. Pluie ou bruine. Visibilité
inférieure à 1 mille sous précipitation. Mer devenant très agitée » : nous
sommes dans le secteur chaud de la dépression.
Les fronts chauds n’y sont pas évoqués et les fronts froids y sont
sommairement décrits avec évaluation de leur activité : « front froid actif
de l’Écosse au cap Finisterre ». La vitesse de déplacement du front froid
est rarement précisée. On la déduira des règles approximatives données
plus haut ainsi que de l’évolution du vent dans les zones concernées.
« Vent de SW force 5 à 6 avec pluie suivi de vent de NW 5 à 7 avec
rafales 7 à 8 » annonce le passage du front froid.
Pour les zones concernées par la traîne, le bulletin évoquera les
rafales. La taille de la zone centrale sans vent de la dépression n’est pas
précisée. L’état de la mer est une donnée importante à prendre en
compte. Les observations éventuelles (comme en donne le bulletin de la
BBC) permettent de préciser la situation, en recalant la prévision en
fonction de la valeur de la pression et de la direction du vent. Au total, le
bulletin remplit les obligations de sécurité mais nous laisse un peu sur
notre faim. Il faut savoir compléter avec d’autres outils.
La zone centrale
Ces zones de haute pression présentent une partie centrale à
pression élevée et sans gradient, donc sans vent. Elles sont
accompagnées de mouvements descendants (quelques centimètres par
seconde), donc il ne faudra pas s’attendre à y trouver des formations
nuageuses actives (qui sont au contraire générées par des mouvements
ascendants), sauf éventuellement quelques nuages stratiformes.
L’été, dans nos régions, les zones anticycloniques sont souvent
synonymes de beau temps clair et chaud. L’hiver, en revanche, les
anticyclones peuvent amener sur les continents ou les mers froides une
de ces brumes tenaces qui peut durer des jours.
Un indice sûr de proximité de la zone centrale sans vent est le
« grignotage » des nuages par le haut : l’extension verticale des nuages
éventuels diminue du fait des mouvements descendants (on parle de
subsidence) caractéristiques de la zone centrale.
Les bords est
Sur les bords est des anticyclones, l’air humide passant sur de l’eau
de plus en plus chaude devient instable par la base. On y trouve des
formations nuageuses cumuliformes, principalement des stratocumulus
et altocumulus, éventuellement alignés en « rues de nuages ». On y
trouve du vent de secteur NE à NW, dont la force dépend du gradient de
pression environnant.
LES DORSALES
Les dorsales sont des extensions d’un anticyclone, elles en
présentent donc les mêmes caractéristiques générales. L’axe de la
dorsale est en principe une zone de temps très clair et de vent léger, car
le gradient y est faible.
Deux dépressions atlantiques sont toujours séparées par une dorsale,
extension de l’anticyclone au nord duquel elles voyagent. Cette dorsale
se déplace avec les dépressions qui l’entourent. Elle donne du beau
temps temporaire, vite remplacé par les signes annonciateurs de la
dépression qui suit. Les bulletins ne mentionnent pas toujours ces
dorsales entre deux dépressions 33.
LES ORAGES
Les orages sont craints des marins à juste titre, mais il convient de
relativiser : le risque de foudroiement est moins élevé qu’à terre et les
accidents graves sont rares. Le mât du bateau, contrairement à l’idée
reçue, n’attire la foudre que dans un tout petit rayon : les éclairs
préfèrent souvent frapper la surface de la mer, bonne conductrice. Les
dégâts dus aux orages sont plutôt collatéraux, électronique endommagée
par le champ électrique intense, problèmes liés aux vents forts et aux
rafales brutales.
Orages frontaux
Le soulèvement de l’air chaud par l’air froid postérieur peut donner
lieu à des orages si les contrastes thermiques et hygrométriques sont
importants entre les deux masses d’air. Ce sera le cas au voisinage des
fronts froids très actifs comme on en trouve en mars-avril, en fin d’été et
en début d’automne. Les orages dureront le temps du passage du front
et de la partie la plus active de la traîne. Ils sont plus rares.
Bien sûr, plusieurs de ces facteurs peuvent se conjuguer pour donner
des épisodes orageux 36.
LE BROUILLARD
Officiellement, on parle de brume lorsque la visibilité est comprise
entre 1 et 5 km, et de brouillard lorsqu’elle est inférieure à 1 km. Les
marins parlent plus volontiers de brume (et de signaux de brume).
Le brouillard résulte de la condensation de la vapeur d’eau contenue
dans l’air au voisinage du sol. Si le vent est trop fort, la turbulence, en
homogénéisant les basses couches, ne permet pas la formation du
brouillard.
Si le vent est trop faible, le refroidissement ne concerne que
l’interface sol-air et l’on obtient de la rosée.
La brume peut également naître de la présence dans l’air d’aérosols,
amenés par des vents de sable ou par la pollution.
LE BROUILLARD DE RAYONNEMENT
C’est celui qui aura souvent le bon goût de laisser place au beau
temps « après dissipation des brumes matinales ». Par une belle nuit
claire et un vent léger, la température baisse suffisamment pour que la
condensation génère un brouillard dense mais confiné dans les basses
couches (moins de 100 mètres d’altitude).
Ses conditions de formation, que l’on retrouve souvent par beau
temps anticyclonique, sont un ciel clair, une humidité relative de la
masse d’air, un vent faible mais non nul. Il se crée à terre dans les vallées
côtières, où l’air froid se stocke en fin de nuit. On le rencontre souvent en
Manche et en Atlantique l’été, et en Méditerranée au printemps et en
hiver. Poussée par les brises nocturnes, la poche de brouillard dérive
ensuite dans la zone côtière et reste proche du littoral. L’été par beau
temps anticyclonique, le brouillard se dissipe rapidement dans la matinée
avec le réchauffement diurne. L’hiver, il peut persister une bonne partie
de la journée.
LE BROUILLARD D’ADVECTION
C’est le brouillard le plus courant en mer. Il survient lorsque de l’air
chaud et humide rencontre de l’eau froide, dont la température est
inférieure à la température du point de rosée de la masse d’air 38. Il peut
être tenace et persister même en présence d’un vent soutenu, rendant la
navigation délicate.
Un brouillard d’advection amené par de l’air « tiède » progressant sur de
l’eau froide. L’avancée du mur de brouillard annonce l’arrivée de la nouvelle masse
d’air. (Photo prise en Géorgie du Sud.)
Sur cette image satellite, un vent de sud fort envoie sur l’est de la Méditerranée
du sable saharien qui réduit sensiblement la visibilité.
LA MÉTÉOROLOGIE LOCALE
Les effets locaux intéressant les navigateurs sont de deux types :
– Ceux qui sont liés à l’interface terre-mer : effets de site liés à la
topographie locale, effets thermiques dus aux différences de capacité
calorifique de la terre et de la mer.
– Ceux qui sont relatifs à la météorologie à petite échelle, liés à la
présence de nuages à l’étage bas ou moyen pouvant par exemple induire
des grains ou des rafales.
La météorologie locale est donc l’étude de la réponse d’un site au
vent synoptique 42. Les effets locaux résultent d’une multitude de
paramètres n’ayant pas toujours la même importance relative. On va
cependant pouvoir les identifier, et éventuellement les prévoir, au moyen
de quelques notions simples. Les modèles numériques de prévision à
maille fine peuvent de surcroît nous aider à améliorer nos prévisions.
LES EFFETS DE SITE
On appelle effet de site la modification du flux général due à la
présence de reliefs côtiers. Plusieurs phénomènes physiques sont à
l’œuvre lorsque le vent rencontre la ligne de côte. Leurs effets peuvent
s’ajouter ou au contraire s’annuler. Heureusement, leurs ordres de
grandeur sont très différents suivant la nature du relief, ce qui simplifie le
problème.
Côtes complexes
Dans la réalité, une côte est une succession de parties plus ou moins
rectilignes, agrémentées de reliefs côtiers, et qui se raccordent par des
pointes, des baies, des estuaires. Après avoir étudié les événements le
long d’une côte rectiligne, il nous reste à éclaircir ce qui se passe au
voisinage des pointes et baies.
– Une zone de dévent sous le vent du relief (qui s’étend sur environ
20 fois la hauteur du relief).
– Un coussin sans vent au vent du relief (sur environ 9 fois la
hauteur).
On optimisera la trajectoire en jouant la courbure au voisinage de la
pointe. Le renforcement du vent au voisinage de la pointe doit être pris
en compte, en particulier par vent contre courant.
■ Vent parallèle à l’axe de la pointe : effet de coin et effet de sillage
Par vent du large, la canalisation joue à plein, on parle d’effet de coin.
Il faut éviter la pointe.
Par vent de terre, la convergence sur la côte située à gauche du vent
joue à plein. Elle se prolonge en mer, sur 3 à 5 milles dans le sillage de la
pointe. Cet effet de sillage est quelquefois mis en évidence par un nuage
de convergence, stationnaire, partant de la pointe vers le large. Cet effet
fonctionne aussi sur les côtes basses.
Les îles
Les îles sont des lieux privilégiés de nos escapades maritimes. Les
îles basses et moyennement élevées présentent des effets de site faciles
à identifier. Les îles élevées agissent plus profondément sur le champ de
vent, et souvent de manière spectaculaire.
Le front de brise.
Une fois installé, le vent se renforce rapidement, puis il tourne à droite dans
l’après-midi, emmené par la force de Coriolis. La force du vent est proportionnelle au
réchauffement.
Les deux cas de figure. À gauche, le flux d’est (courbure cyclonique) ne tourne pas
le coin. À droite, le vent de SW (courbure anticyclonique) tourne le coin.
Barrière orographique
Si le vent synoptique est plus ou moins perpendiculaire à une côte
élevée, il ne pourra passer par-dessus les reliefs et le champ de vent sera
profondément modifié. L’équilibre entre forces de pression et force de
Coriolis est rompu et le flux accélère notablement le long des reliefs en
dévalant le champ de pression des hautes vers les basses pressions. Cet
effet s’étend entre 20 et 50 milles de la côte. Il est responsable en
particulier de l’accélération et de la rotation du vent de sud-est le long
des reliefs du Var.
Lorsque l’effet de barrière orographique se manifeste, le vent n’est plus
parallèle aux isobares, et ne respecte donc plus la loi de Buys-Ballot. L’étude du
champ de vent s’avère indispensable.
Dépression orographique
Cet effet est de la même famille que la barrière orographique. Sous le
vent de reliefs élevés, il se forme une dépression stationnaire. C’est un
effet à l’échelle de plusieurs dizaines de milles dont les conséquences
peuvent être importantes : création ou entretien d’une dépression sous
le vent des Alpes avec toutes ses conséquences, mistral, tramontane et
autres. On le repèrera probablement sur les cartes isobariques.
Sur cet exemple, on repère la barrière orographique au vent des reliefs de la
Corse et la dépression orographique sous le vent de l’île. Le champ de vent est
sérieusement affecté.
Effet d’aile
Ceci apparaît si le flux attaque une île ou une presqu’île présentant un
relief notable, selon le grand axe, avec un angle d’incidence faible. L’île
agit plus ou moins comme une aile, avec surpression au vent du relief (et
ralentissement du vent) et dépression sous le vent du relief et
accélération du flux. C’est un effet pervers, car il transforme en soufflerie
un endroit que l’on pouvait penser déventé.
Effet d’aile sous le vent du cap Corse : on n’y est pas abrité du tout, c’est même
le contraire.
Les détroits
Nous avons étudié à l’échelle locale l’effet de renforcement du vent
entre les reliefs, lorsqu’il souffle dans l’axe d’un détroit. Si les reliefs
canalisent le flux au point de l’obliger à dévaler le champ de pression des
hautes vers les basses pressions, l’équilibre entre forces de pression et
force de Coriolis peut être rompu et le flux est accéléré dans le détroit
mais aussi à sa sortie, sur plusieurs dizaines de milles. Les bouches de
Bonifacio et le détroit de Gibraltar fournissent des exemples très
parlants.
Prévisions
Si mistral et tramontane ne sont pas évoqués par leur nom dans les bulletins
météo, un avis de coup de vent de nord-ouest sur ces zones ne laisse pas place au
doute. L’apparition d’altocumulus lenticulaires est un bon signal d’alerte, et les
champs de vent sont un outil de prévision utile, mais seuls les modèles à maille
fine (inférieure ou égale à 0,1°) donnent une bonne idée des effets locaux.
LES NUAGES
Nous les utiliserons en liaison avec d’autres documents
météorologiques pour déceler des effets locaux, assurer le suivi de la
prévision, ou comme avertissement d’évolutions anormales.
Passages dépressionnaires
La succession des formations nuageuses dans le ciel renseigne sur le
passage dépressionnaire et sa vitesse de déplacement.
■ Dans la traîne
Les cumulonimbus et les gros cumulus donnent des grains répartis
dans la traîne, dont certains peuvent être sévères : averse de pluie ou de
grêle et rafales brutales.
Situations anticycloniques
C’est ici le changement de forme des nuages et leur disparition qui
caractérisent la situation.
■ Bordures anticycloniques
En présence d’une bande nuageuse stratiforme peu épaisse, on
observe une rotation du vent à droite à l’approche de cette formation
nuageuse. La pression est en légère hausse. Puis sous la plaque
nuageuse le vent tourne à gauche en se renforçant légèrement. La
pression est stable.
Lorsque les nuages sont organisés en rues 56, le vent est plus fort
dans les zones claires (entre les lignes de nuages), et plus faible sous les
nuages. La pression est stable.
Ciels d’orages
Pour rappel, les orages d’été se forment en général dans les marais
barométriques. La formation de nuages à fort développement vertical,
éventuellement altocumulus castellanus en préavis, puis plus
certainement cumulus bourgeonnants et enfin cumulonimbus, ne laisse
guère de place au doute.
Effets de site
Ce sont souvent des altocumulus qui marquent la convergence ou les
contournements des reliefs. Ils sont immobiles, liés à la cause qui leur
donne naissance. Les bascules de vent sont écrites dans le ciel. Il serait
dommage de ne pas en profiter.
Lire les indices nuageux. À gauche, convergence liée à une côte à gauche du
vent : le vent forcit à l’approche de la ligne de convergence et bascule. À droite,
convergence liée au contournement d’un relief : le nuage marque la limite du dévent.
Effets thermiques
Le brassage vertical dans la matinée se traduit souvent par le
fractionnement d’une couche de stratocumulus qui stagnait sur le littoral.
Lorsque ensuite la brise de mer se met en place, des cumulus à terre
traduisent les ascendances au niveau du front de brise.
LE SERVICE MINIMUM
Pour une sortie de quelques heures, on peut éventuellement se
satisfaire de la version la plus légère de l’information météorologique : un
bulletin météo reçu par téléphone, par radio, ou pris sur Internet. Pour la
zone de navigation choisie, on y trouvera les éléments de sécurité : vent
fort, temps significatif (brouillard, orage), état de la mer, heure des
marées conditionnant bien sûr la hauteur d’eau mais aussi les heures des
renverses de courant qui peuvent jouer sur l’état de la mer. On trouvera
aussi une description souvent sommaire du vent en force et direction, qui
tient éventuellement compte des effets locaux.
Il n’est pas raisonnable de faire moins.
On peut compléter le bulletin par des champs de vent, sous forme de
cartes ou de météogrammes, décrivant heure par heure l’évolution du
vent et du temps sensible.
Type de bascules
La stratégie est franchement différente suivant que l’on se place dans
le cas des bascules oscillantes ou dans celui des bascules persistantes.
Les bascules persistantes sont liées à des variations du vent synoptique,
à des effets de site ou à l’établissement d’une brise et son évolution. Il
faut donc trouver une bonne raison pour jouer une bascule persistante.
Les bascules oscillantes sont liées à la turbulence du flux.
Si les bascules sont aléatoires (cas fréquent), on prendra en général
ce qui vient, en privilégiant le bord rapprochant.
Effets thermiques
Au voisinage du littoral, ils sont importants et varient beaucoup au
cours de la journée. Si la brise a des chances de s’établir, on s’attachera
à prévoir la progression du front de brise puis l’évolution du vent dans la
journée (rotation à droite). Plus tard, il faudra savoir en prévoir la
disparition.
Effets de site
Ils donnent lieu à des modifications persistantes du champ de vent :
courbure, dévent, accélération, coussin, effet de pointe, etc. Il serait
dommage de ne pas en profiter – ou de ne pas les éviter, c’est selon – à
condition de les avoir identifiés avec sûreté.
Une navigation intéressante : gérer les cumulus qui approchent, les courants
probables, plus quelques effets de site caractéristiques des pertuis rochelais. On
n’oubliera pas de s’occuper du spi, dont la taille respectable justifie qu’on lui accorde
une attention particulière.
Les nuages
Un grain, un système de rues de nuages ou une formation nuageuse
associée à une mini-dorsale peuvent permettre des gains substantiels.
Le courant
Phénomène important, il doit tenir sa place dans la liste et être
réévalué périodiquement au même titre que les autres facteurs. On devra
notamment redoubler d’attention à l’approche des renverses, ou encore
lorsque la vitesse du courant peut varier notablement d’un lieu à un
autre.
Les niveaux de référence des sondes et des altitudes portées sur la carte.
D’après l’ouvrage 1D du SHOM, Symboles, abréviations et termes utilisés sur les cartes
marines.
L’ÉCHELLE DE LA CARTE
Le SHOM édite pour la plaisance une collection spécifique : les
cartes L, aux caractéristiques plus pratiques sur un petit bateau que les
cartes traditionnelles. De format A0 (84 × 119 cm), elles sont d’origine
repliées au format A4, et leur papier chargé de latex est prévu pour
résister aux pliages répétés et à l’humidité. Mises à jour et réimprimées
régulièrement (tous les deux ans environ), elles se déclinent selon trois
grands types d’échelle.
– Les cartes de pilotage côtier à grande échelle (du 1/10 000 au
1/25 000), reconnaissables à leur bandeau jaune. C’est au moyen de ces
cartes de détail que l’on cabote le long du littoral, que l’on embouque les
passes, que l’on rentre dans les ports et les mouillages, que l’on
s’approche des dangers.
– Les cartes de pilotage hauturier, à moyenne échelle (1/40 000 au
1/60 000), au bandeau rouge. Elles permettent de longer la côte à plus
de 5 milles. Elles sont destinées aux navigations le long du littoral et aux
petites traversées vers les îles proches.
– Les cartes routières ou de traversées, à petite échelle (1/100 000
et moins). On parle aussi de « routiers » et de « cartes océaniques ». Elles
ne mentionnent que le profil du littoral, les principales îles et les feux les
plus importants. Leur niveau de détail n’autorise pas des navigations à
moins de 10 milles de la côte.
Rappelons le principe de l’échelle des cartes : sur une carte au
1/20 000, un centimètre représente 200 m dans le paysage
(20 000 cm). Au 1/300 000, un centimètre représente près de 2 milles
nautiques (3 000 m, ou 300 000 cm) dans la réalité.
Plus l’échelle est grande, plus la zone couverte par la carte est petite.
Et plus nombreux sont les détails. Sur une carte à grande échelle figurent
un grand nombre d’amers. Sur une carte à petite échelle, une part
importante des dangers (et du balisage) n’est pas représentée.
L’échelle d’une carte doit être adaptée à la navigation entreprise. Il
est ainsi tout à fait impossible de traverser les îles de Glénan avec la
carte couvrant le secteur « de la pointe de Penmarc’h à la Gironde »
(1/350 000) ; pas plus avec celle couvrant le secteur « de la chaussée de
Sein à Belle-Île » (1/161 000).
La carte marine et ses principaux symboles.
LA RÈGLE DU POUCE
Le SHOM recommande, chaque fois que c’est possible, de respecter la « règle
du pouce, consistant à ne pas s’approcher des dangers à une distance inférieure à
celle correspondant sur la carte à la largeur d’un pouce. Le pouce s’entend aussi
bien comme le doigt du navigateur posé à plat sur la carte que comme la mesure
anglo-saxonne (1 inch = 2,54 cm) : 2,5 cm environ. Sur un routier au 1/150 000 par
exemple, un pouce couvre près de 2 milles. Sur une carte de détail au 1/20 000, la
largeur du pouce ne représente qu’un petit quart de mille (500 mètres).
À l’évidence, cette règle n’est pas toujours applicable. On la lèvera sans
hésitation dans les chenaux bien balisés, qui ont fait l’objet d’une hydrographie
complète. Dans les parages étroits, on n’aura pas d’autre choix que de naviguer à
moins d’un pouce des dangers, et ce sera un encouragement supplémentaire à
redoubler de précautions et à procéder à une navigation rigoureuse. La règle du
pouce mérite aussi d’être assouplie en fonction du niveau de confiance que l’on peut
apporter aux données de la carte, niveau de confiance corrélé à l’époque et à la
méthode des relevés hydrographiques ayant présidé à sa création (voir le passage
sur l’origine des renseignements hydrographiques de la carte ►).
Le cartouche
La carte comporte un cartouche qui doit systématiquement être
consulté avant son utilisation.
Y figurent notamment :
– Le titre de la carte.
– L’échelle (pour les cartes d’échelle inférieure à 1/250 000, la
latitude à laquelle l’échelle est vraie (voir encadré « La carte Mercator :
comment c’est fait ? » ►).
– Des notes explicatives sur la construction de la carte, et en
particulier le système géodésique de référence, éventuellement les
corrections à apporter pour se positionner sur la carte dans un autre
système géodésique ►.
– Des indications sur la marée, les niveaux de référence, les chenaux
particuliers, le système de balisage employé (par exemple « région A »
= le rouge est à laisser à bâbord en venant du large).
– Des informations importantes, par exemple sur la prudence avec
laquelle doivent être abordées certaines données de la carte, en raison
de l’ancienneté des levés, ou encore la présence de forts courants.
Des points particuliers concernant la réglementation de la navigation,
les zones à restriction, les réserves naturelles, certaines précautions à
observer, sont mentionnés en magenta, soit dans le bas du cartouche,
soit dans une zone où ces indications ne perturbent pas la lecture de la
carte.
LA CARTE MERCATOR :
COMMENT C’EST FAIT ?
La surface d’une sphère ne peut pas être mise à plat. Pelons une orange et
essayons de placer tous les morceaux sur une feuille de papier ! Il faut donc
déformer la surface de la Terre pour la représenter à plat sur une carte. Plusieurs
méthodes ont été mises au point, mais toutes modifient la réalité.
Les cartes les plus utilisées en mer sont de type Mercator, du nom de
e
Gerardus Mercator qui, au XVI siècle, a proposé sa méthode de projection
cylindrique du globe terrestre, tangente à l’équateur. Le principe peut se résumer
ainsi. Imaginons que la sphère terrestre soit creuse et transparente. En roulant
une feuille de papier autour de l’équateur et en plaçant une lampe au centre de la
Terre, celle-ci projetterait l’ombre du contour des côtes sur le papier.
■ L’époque
Le graphisme d’une carte récente ne doit pas nous tromper : une
partie du paysage marin qu’elle représente peut parfaitement avoir été
hydrographiée deux siècles en arrière.
Quelques points de repère :
– La localisation radioélectrique ne s’est généralisée sur les navires
hydrographiques qu’à partir de 1965, autorisant un positionnement à
10 mètres près. Auparavant, les bâtiments effectuant les sondages des
fonds se positionnaient par lunette optique sur des amers à la côte, avec
des erreurs jusqu’à 100 m en vue de terre, et heureusement une
précision de 10 à 30 mètres à proximité immédiate des côtes. Autrement
dit, une épave ou un caillou cartographié en 1830 peut très bien se
trouver en réalité à 30 mètres de sa position sur la carte. Au-delà de la
portée optique, sur le plateau continental, les positions étaient
déterminées par estime ou sextant, et les erreurs pouvaient dépasser
300 m.
– Avant 1945, les levés s’effectuaient à la sonde à plomb. On
procédait en avançant en ligne, et en réalisant des sondes ponctuelles,
de façon à déterminer des profils des fonds. Les sondages d’avant 1945,
explique le SHOM dans son ouvrage 1F 60, n’offrent aucune garantie que
tous les points hauts d’un profil aient été détectés, et ils sont muets
entre deux profils. Autrement dit, des crêtes et des pics ont pu passer à
travers les mailles du filet lors de la cartographie des fonds. Pour les
chenaux d’accès aux ports, on complétait les levés de profil par un
« dragage hydrographique » sur toute la largeur de la voie de navigation
de façon à ne laisser échapper aucun haut-fond.
– L’apparition du sondeur acoustique vertical continuait de laisser
des zones d’ombre entre deux profils. Il a fallu attendre 1975 et les
techniques de sondage latéral ou multifaisceaux pour procéder à une
« hydrographie totale » des fonds. Mais leur emploi est resté limité aux
voies recommandées de navigation. Les services hydrographiques ne
sont pas allés balader leurs engins haut de gamme dans les lieux où les
plaisanciers s’amusent à faire du rase-caillou…
■ L’échelle du levé
Les hydrographes sondent des profils espacés de 1 cm au plus à
l’échelle du levé. Ainsi, lors d’un levé au 1/10 000, les profils sont
espacés de 100 mètres lorsque les fonds apparaissent comme réguliers,
plus resserrés lorsque les fonds sont présumés irréguliers. La carte est
toujours réalisée à une échelle inférieure ou égale à celle des levés dans
la zone qu’elle représente. Typiquement, une carte de pilotage côtier au
1/20 000 (1 cm = 200 m) comportera des parties hydrographiées au
1/2 000 (1 cm = 20 m) ou 1/5 000, et d’autres basées sur des levés au
1/20 000, avec un « maillage » beaucoup plus lâche.
■ La méthode
Sondages au plomb, sondeur vertical, sondeur latéral, sondeur
multifaisceaux. Ces techniques de précision clairement différentes
renvoient à des époques particulières, et leur traduction en termes de
fiabilité et d’exhaustivité des données a été développée plus haut. « Dans
les zones qui ont fait l’objet de levés réguliers classiques, conduits selon
les règles de l’art, des hauts-fonds peuvent avoir échappé aux sondages,
conclut le SHOM. Seuls le dragage hydrographique ou les levés exécutés
au sondeur latéral ou au sondeur multifaisceaux donnent toutes les
garanties de sécurité. »
LES AVURNAV
Les changements les plus récents du paysage maritime, ou ses modifications
temporaires liées à un impondérable, comme par exemple une balise détruite par
une tempête, ou une bouée déradée, sont consignés dans les AVURNAV (Avis
urgents aux navigateurs). Ces avis, diffusés en VHF par les CROSS et affichés dans
les capitaineries, sont aussi consultables sur les sites Internet des préfectures
maritimes. Ils peuvent conduire à annoter la carte, ne serait-ce qu’à titre provisoire.
Les AVURNAV correspondant à un changement définitif de la carte sont ensuite
incorporés dans les Groupe d’Avis aux Navigateurs.
LA SIGNALISATION MARITIME
Au-delà de 2 milles d’un abri, la réglementation impose de disposer
d’une documentation concernant le balisage, éventuellement sous forme
de plaquettes autocollantes. Au-delà de 6 milles, on doit disposer à bord
du livre des Feux et signaux de brume tenu à jour 61.
Nous présentons ci-après les grands principes de la signalisation
maritime de jour et de nuit. Tous ces renseignements peuvent être
retrouvés dans différentes publications : ouvrage 3C du SHOM
(téléchargeable sur le site du SHOM), Almanach du marin breton, Bloc
Marine, etc.
Le livre des Feux et signaux de brume, édité par le SHOM par grandes
zones de navigation, détaille les caractéristiques des feux et signaux de
brume de chaque marque de balisage (phares, balises, bouées, etc.).
D’autres publications, Almanach du marin breton, Bloc Marine, etc.,
reprennent ces informations pour les côtes françaises et les pays
proches.
Les quatre marques cardinales, leurs couleurs, leurs voyants, et les moyens
mnémotechniques pour les identifier. Nous verrons plus loin comment les identifier de
nuit en relation avec le cadran horaire.
– Nord. Deux cônes dirigés vers le haut (le nord de la carte). Base
jaune, sommet noir (YB).
– Sud. Deux cônes dirigés vers le bas. Base noire, sommet jaune (BY).
– Ouest. Deux cônes formant un W couché (pour West). Base jaune,
centre noir, sommet jaune (YBY).
– Est. Deux cônes formant un E. Base noire, centre jaune, sommet
noir (BYB).
Pour des raisons pratiques, le balisage cardinal n’est pas toujours
posé exactement dans la direction cardinale du danger à éviter : il faut
donc consulter la carte (encore et toujours !).
Attention. Parfois, à marée basse, la couleur sombre des algues au
pied d’une balise Nord peut la faire prendre pour une balise Est. Sortir les
jumelles pour repérer le voyant. Une photo numérique suivie d’un zoom
dans l’image donne d’excellents résultats, plus stables que ce que
veulent bien montrer les jumelles.
Marques diverses
■ Les marques de danger isolé
Les marques de danger isolé (un plateau de roches bien délimité, par
exemple) utilisent deux couleurs : rouge (R pour red) et noir (B pour
black), en bandes horizontales. Elles sont notées sur la carte : BRB (black-
red-black) avec deux voyants sphériques noirs superposés. On peut
passer indifféremment d’un côté ou de l’autre d’un danger isolé, mais
avec une distance de sécurité, puisque le danger est à proximité de la
balise (encore un coup d’œil sur la carte !).
Pour qui va vers le large, la marque d’eaux saines signale qu’il n’y a
plus de danger au-delà. Pour qui vient du large et fait route vers le port,
elle devient une bouée d’atterrissage ou bouée d’atterrage, signale que
la terre approche et que c’est à partir d’elle qu’il faut se mettre en quête
du balisage d’un éventuel chenal. On peut passer indifféremment d’un
côté ou de l’autre d’une marque d’eaux saines. Elle peut aussi
matérialiser le milieu d’un chenal et délimiter les sens de circulation,
auquel cas il faut la laisser à bâbord.
PHARE OU FEU ?
Un phare n’est rien d’autre qu’un feu d’une certaine importance. Pour mériter le
nom de phare, il répond à deux au moins de ces quatre caractéristiques : une grande
puissance lumineuse (supérieure à 100 000 candelas) ; une grande hauteur (plus de
20 m) ; il sert de marque d’atterrissage ou de jalonnement d’une côte (un phare tous
les 35 milles environ sur nos côtes) ; il héberge un bureau des phares et balises. En
France et dans les DOM-TOM, il y a 150 phares pour 3 150 feux et 1 100 bouées
lumineuses.
En France, peu de phares sont encore habités. L’entretien général, ainsi que
celui des lanternes, est assuré par le Service des Phares et Balises, mais les
parquets et les cuivres ne reçoivent plus les soins journaliers de leurs gardiens
méticuleux. L’énergie électrique est fournie par une ligne, un groupe électrogène, ou
par des batteries rechargées par panneaux solaires.
Feu à éclats (Fl pour flashing). La phase de lumière (les éclats) est
plus courte que la phase d’obscurité. Souvent plus puissants que les
autres feux, les feux à éclats sont en général de couleur blanche (mais
pas toujours : le phare du Stiff à Ouessant est rouge).
Feu à occultations (Oc). La phase de lumière est plus longue que la
phase d’obscurité. La Palice aurait défini le feu à occultations de la façon
suivante : « C’est toujours allumé sauf quand c’est éteint. »
Feu directionnel (Dir). Les abréviations F, Fl, Oc, Iso, Q sont parfois
précédées de Dir quand le feu est directionnel (Dir Oc par exemple). Un
feu directionnel n’est visible (et très intense) que dans un secteur étroit
qui délimite une zone de navigation (pour guider vers l’entrée d’un port,
par exemple).
La période d’un feu, c’est le temps (en secondes) qu’il lui faut pour
accomplir son cycle complet de phases de lumière et d’obscurité. En fin
de période, il se retrouve au même moment de son cycle qu’en début de
période.
Ainsi, sur une carte, « Fl (3) W10s » se lit « feu à 3 éclats blancs
toutes les 10 secondes (3 = le rythme ; 10 s = la période).
Quand la carte ne précise pas la couleur d’un feu, c’est qu’il est
blanc. À propos de la bouée Ouest « Cap Caval » au sud de Penmarc’h, la
carte précise ainsi « Q (9) 15s » : c’est un feu blanc répétant un groupe
de 9 scintillements toutes les 15 secondes.
Pour le phare du brise-lames de Trévignon, le livre des feux fournit les données
suivantes : « W004°-051°(47°), G051°-085°(34°), W085°-092°(7°) (…) Obscd
351°-004°(13°) ». Ces informations se traduisent ainsi : en venant de l’est et en
tournant autour du phare dans le sens des aiguilles d’une montre, je le verrai d’abord
blanc en le relevant au 004°, et ainsi jusqu’au relèvement 051°, c’est-à-dire sur un
secteur de 47°. Il sera ensuite vert pendant 34°, du relèvement 051° au 085°, puis de
nouveau blanc sur 7°, etc. Par ailleurs il est masqué sur un secteur de 13°, du 351° au
004°.
Le balisage de nuit
Désormais familiarisés avec les feux de toute nature, faisons
connaissance avec les particularités nocturnes des balises et bouées
latérales et cardinales déjà rencontrées de jour 62.
■ Les marques de balisage latéral
Après le stress de l’atterrissage de nuit, voici le chemin (on parle de
chenal) qui conduit au port : feux verts à tribord, rouges à bâbord. Le
rythme et la fréquence des balises latérales sont conçus pour éviter les
confusions. Le balisage latéral est facile à repérer de nuit, mais certaines
bouées semblent parfois bien petites et délicates à distinguer des reflets
de la lumière du port.
LA CARTE RASTER
Une carte raster (ou encore matricielle) est simplement la
transposition sur un écran d’une carte papier traditionnelle. Il s’agit ni
plus ni moins d’une copie numérique, comme sortie d’un scanner.
L’ordinateur, la tablette ou le traceur de la table à carte se chargent
d’afficher cette photo numérique sur l’écran grâce au logiciel ad hoc.
Le navigateur ne voudra certainement pas en rester là. Non content
de pouvoir visualiser cette image ou plutôt cette carte numérique sur un
écran, il voudra naturellement y superposer la position GPS de son
voilier. Pour que cela soit possible, il est indispensable que l’image
contienne également une notion de coordonnées spatiales, les latitudes
et longitudes de la zone couverte. On parle de géoréférencement de
l’image. Le processus de géoréférencement est généralement mis en
œuvre par l’éditeur de ce type de cartes.
Notons néanmoins qu’il est possible de réaliser le géoréférencement
soi-même à partir de n’importe quelle image (une vue satellite par
exemple). Des utilitaires spécialisés permettent d’effectuer cette
opération. Mais le navigateur prudent ne doit pas baser sa navigation sur
ces cartes « faites main », une erreur dans la saisie des coordonnées
spatiales pouvant conduire aux pires catastrophes. Nous déconseillons
formellement leur usage.
Avant de partir sur l’eau, il faut avoir pris en main votre logiciel de
navigation.
Ce type de logiciel doit permettre de vérifier la référence géodésique
ou encore la date de parution des cartes utilisées, quel que soit l’éditeur.
Ces informations essentielles sont souvent cachées dans un menu
d’information. Il faut absolument que cartes numériques et GPS soient
paramétrés de la même façon. Les deux doivent se référer au même
système de coordonnées : le WGS84. Une carte numérique qui ne
suivrait pas ce principe élémentaire doit être considérée comme non
adaptée à la navigation numérique 63. Il faut alors naviguer avec les
instruments traditionnels.
La technologie raster bénéficie d’une couverture mondiale
exemplaire, en fait l’ensemble du portfolio des cartes papier peut être
aisément numérisé selon ce procédé. En France, les cartes papier du
SHOM se retrouvent ainsi numérisées dans nombre de packs
commercialisés pour la plaisance.
Comme ces cartes sont la stricte copie des cartes papier, il n’y a
donc aucune surprise à attendre du symbolisme, des couleurs, ou de
n’importe quelle autre information apparaissant sur l’écran. Un usager
inconditionnel de la carte papier y trouvera son bonheur, ou tout du
moins ses repères usuels.
Il est important de noter que ces cartes sont entièrement élaborées
par un cartographe, le rendu, l’aspect ou encore les informations
présentés sont délibérément choisis. En particulier, les éléments
fondamentaux du paysage marin auront été mis en valeur de façon à
interpeler immédiatement le navigateur.
LA CARTE VECTORIELLE
La carte vectorielle répond à plusieurs besoins du navigateur :
– Proposer une représentation simple compatible avec un écran de
taille inférieure à celle d’une carte papier.
– Être évolutive.
– Être compacte.
Contrairement à la carte raster, qui offre une vision figée, la
cartographie vectorielle propose un rendu différent suivant les besoins
de l’utilisateur. Imaginons par exemple que l’on navigue sur un voilier
avec un faible tirant d’eau, on peut fixer sa profondeur de sécurité à
5 mètres et adapter ainsi le code couleur de la carte en conséquence,
blanc sous les 5 mètres, bleu au-dessus. Si l’on pilotait un supertanker, il
est probable que notre perception du paysage sous-marin deviendrait
fondamentalement différente : une profondeur de sécurité de 30 mètres
serait certainement plus appropriée. Impossible sur une carte raster,
cette fonctionnalité toute simple est communément mise à disposition
par tous les logiciels de navigation avec cartographie vectorielle, et elle
illustre bien comment cette carte s’adapte à nos besoins.
Par ailleurs, plutôt que de concentrer une foule d’informations sur la
carte, la technologie vectorielle cherche à simplifier le rendu graphique.
On veut connaître les propriétés d’une bouée apparaissant sur notre
route : un clic permet d’accéder aux propriétés de cet objet, nul besoin
d’afficher ces informations en permanence.
L’overzoom
La possibilité de zoomer au plus profond de la carte est très
attrayante, au point que tout le monde se fera piéger un jour à vouloir
naviguer avec un facteur de zoom réglé au maximum. En agrandissant
ainsi la carte, on court le risque évident de s’approcher beaucoup trop
près des dangers 65. Zoomer exagérément, c’est d’abord oublier ce
qu’est une carte : une représentation simplifiée de la réalité. Chaque
détail de la côte ou chaque caractéristique des fonds ne peut être
dessiné avec exactitude : vouloir représenter chaque détail reviendrait à
reproduire la surface réelle, la carte serait alors de la même taille que la
zone représentée.
Zoomer déraisonnablement, c’est également se méprendre sur la
réalité des éléments apparaissant sur la carte. L’overzoom (parfois
nommé « overscale ») se définit comme un zoom qui dépasse l’échelle du
levé de la carte (sur l’échelle des levés et des cartes, voir plus haut ►).
Overzoomer dans une carte électronique, c’est comme examiner une
carte papier à la loupe : les éléments apparaissent grossis, mais la loupe
ne fournit pas de niveau de détail supérieur ni de précisions
supplémentaires. En overzoomant, on s’autorise à tort une proximité
accrue avec les dangers, alors qu’à l’échelle de son écran on est en
réalité en pleine zone d’incertitude.
Une carte raster pixellise naturellement dès que l’on dépasse
l’échelle de la carte papier dont elle est issue, ce qui prévient
automatiquement l’utilisateur du risque d’overzoom. Certaines
combinaisons logiciel-carte vectorielle disposent d’une alerte, d’autres
non… Un indice qui doit attirer l’attention de l’utilisateur est l’apparition
sur une carte vectorielle de segments de lignes droites dans la
représentation des sondes et des paysages. Ne jamais perdre de vue que
les sondes et les dangers ont été positionnés avec une précision parfois
toute relative. Sur nos côtes, il n’est pas rare de trouver des surfaces
entières pour lesquelles les derniers travaux hydrographiques remontent
à 1830. Il s’agissait alors de sondages au plomb… une technique qui ne
peut prétendre égaler le plus commun de nos GPS. Les cartes
vectorielles officielles (ENC) mentionnent la qualité des données
hydrographiques ainsi que la technique de sondage utilisée, ou bien
l’année des relevés. Les cartes privées, quant à elles, ne font
généralement plus apparaître ces éléments. Une simplification que l’on
regrettera mais qui donne surtout une fausse impression de précision.
L’hétérogénéité des données est gommée.
L’illusion de la perfection
Au-delà des particularités et des limites des cartes électroniques
citées plus haut, la navigation sur écran a ceci de pernicieux qu’elle
donne une fausse impression de précision, et que si l’on n’y prend garde
elle conduit à abandonner les réflexes traditionnels du navigateur. On
peut identifier plusieurs raisons à cette perte de vigilance, qui se
superposent et s’entrecroisent. Le graphisme d’une carte vectorielle,
moderne et homogène, est celui d’un document récent et précis, même
lorsqu’il est issu de données anciennes, relevées par des méthodes peu
précises. Par ailleurs, l’hyperprécision de la position GPS (à quelques
mètres près) donne l’illusion d’une grande précision du positionnement
sur la carte (et donc vis à vis des dangers), alors que la carte elle-même
est beaucoup moins précise que le GPS. Une position GPS à 5 mètres
près peut très bien nous conduire sur les cailloux si on la prend au pied
de la lettre en oubliant qu’elle est reportée sur une carte bien souvent
précise à quelques dizaines de mètres près (à ce sujet, se reporter à
l’exposé sur « Le diagramme de l’origine des renseignements
hydrographiques » ►).
Troisième facteur, et non des moindres : grâce au GPS et à la carte
électronique, la position du bateau est instantanément fournie. L’attitude
du navigateur face à son écran devient radicalement différente de celle
qui était la sienne devant sa carte papier, lorsqu’il savait que ses relevés
et ses calculs comportaient une part inévitable d’imprécision, et qu’il en
tenait compte – plus ou moins consciemment – dans sa manière de
naviguer. Le temps consacré aux calculs et aux tracés sur la carte papier
était aussi un temps pour le doute constructif et pour la réflexion.
L’esprit étant généralement partisan du moindre effort, le navigateur
non sensibilisé aux limites de la carte électronique ou l’homme de quart
non averti sont naturellement tentés de couper au plus court, en
abandonnant les distances de sécurité.
Enfin, et c’est tout aussi pernicieux : l’écran est si performant qu’on
en oublie de lever le nez pour observer le monde alentour, effectuer la
nécessaire liaison paysage-carte, et réagir aux signes de danger.
Pour éviter ces écueils courants, quelques règles d’or à graver sur la
cloison de la table à cartes :
– Navigation électronique ou pas, le navigateur choisit toujours de
tracer sa route en respectant une distance de sécurité (la règle du pouce)
entre le navire et les dangers.
– Le navigateur fait adapter la vitesse du bateau à l’approche des
dangers.
– Le navigateur doit exploiter toutes les informations dont il dispose,
et ne pas uniquement se référer à sa position GPS sur son écran. En
fonction des circonstances, il fera appel au radar, au sondeur… Il
étudiera les recommandations des instructions nautiques, compulsera
plusieurs sources cartographiques si possible…
– La navigation électronique ne dispense pas d’une veille visuelle.
Le cadre légal
Le cadre légal est fixé par la Division 240, définissant les règles de
sécurité à appliquer aux navires de plaisance de moins de 24 mètres,
régulièrement amendée et mise à jour. Dans la version en vigueur lors de
la rédaction de cette huitième édition du Cours, le texte imposait d’avoir
à bord, à partir de la navigation côtière (donc à plus de 2 milles d’un abri),
la cartographie correspondant à sa zone de navigation. Cette
cartographie peut être sous forme papier ou bien numérique. Il est
parfaitement légal en France de naviguer exclusivement avec une
solution numérique (logiciel et cartes privées), dès lors que les données
des cartes sont issues des données du SHOM (c’est bien le cas des
cartes électroniques du marché), sans être forcément éditées et
diffusées par le SHOM.
Dans les eaux internationales et sur les côtes d’un pays étranger, un
navire de plaisance battant pavillon français est soumis à la
réglementation française. Il la respecte s’il embarque des cartes issues
du service hydrographique national local. Ces cartes peuvent être
électroniques, et distribuées par un fournisseur privé à partir du moment
où elles auront été confectionnées avec des données hydrographiques
nationales officielles.
Aux obligations légales, nous n’oublierons pas d’insister sur les points
suivants, histoire de ne pas oublier le sens marin en nous contentant de
satisfaire à un texte ou en faisant une confiance aveugle en nos écrans :
– Il convient de pouvoir assurer la continuité de la navigation à tout
moment. Même si la Division 240 ne requiert pas de mettre en place une
redondance, le risque de panne électrique incite fortement à embarquer
une solution de secours, à savoir un autre équipement électronique
autonome (GPS à piles), ou bien tout simplement des cartes papier, la
bonne vieille règle Cras, un compas de relèvement, en somme tous les
instruments de la navigation traditionnelle.
– Il n’y a pas, à l’heure où nous écrivons, de mécanisme de mise à
jour systématique des portfolios de cartes distribuées par des éditeurs
privés, et c’est une des raisons pour lesquelles ces produits sont vendus
comme des « aides à la navigation », ne pouvant en principe se substituer
aux documents officiels. Avec certains fournisseurs, les mises à jour sont
tout bonnement inexistantes, pour renouveler sa cartographie on doit
débourser de nouveau le prix d’un pack neuf.
– Avec d’autres offres commerciales incluant un abonnement, on
recharge régulièrement son portfolio complet à la maison ou au port,
avec une connexion haut débit. Les mises à jour se font au rythme ou aux
périodes décidées par l’éditeur, et aucune garantie n’est donnée à
l’utilisateur que ses cartes sont en permanence tenues à jour.
LA CARTE AUGMENTÉE
La représentation d’une carte peut parfois sembler trop synthétique. Ici on
aimerait voir les coffres d’une zone de mouillage, là savoir avec précision où se
situent les parcs à huîtres. Ces besoins « récréatifs » sont éludés dans la
représentation cartographique officielle, cependant ils peuvent être satisfaits grâce à
la photographie satellite. Le procédé, plus ou moins élaboré, permet de superposer
en transparence la carte avec une photo géoréférencée.
Le balayage circulaire
L’identification des amers repose sur l’observation attentive du
paysage. La méthode du « balayage circulaire » est une bonne technique
pour faire l’inventaire de tous les amers utilisables à un instant précis.
Elle consiste à balayer du regard le paysage tout autour à 360°, d’un
mouvement lent et attentif de la tête, dans un sens et dans l’autre.
Au cours de ce mouvement, le navigateur recense tout ce qui pourrait
servir d’amer autour de lui. Puis il va sur la carte et reproduit ce
mouvement panoramique avec la ficelle ou la règle. Il a en tête la hauteur
d’eau, et sait par conséquent quels amers il ne peut pas voir, lorsqu’ils
sont immergés. Dans ce travail de liaison entre le paysage et la carte,
l’objectif est de sélectionner les bons amers. S’il y a un doute sur l’amer,
alors il faut considérer qu’il y a erreur et recommencer. Le compas de
relèvement peut être une aide précieuse pour identifier un amer dans le
paysage et lever définitivement le doute.
Le pilotage requiert une grande précision. On doit considérer que
« toute incertitude sur le pilotage conduit à la certitude de se planter ».
Le balayage circulaire doit être répété au fur et à mesure de la
progression, afin d’identifier de nouveaux amers avant que les anciens ne
finissent par disparaître.
LES ALIGNEMENTS
LES TROIS TYPES D’ALIGNEMENTS ET LEURS USAGES
Pour un observateur, lorsque deux amers se profilent exactement l’un
derrière l’autre, ils sont alignés : ils constituent ce que l’on appelle un
alignement. Conséquence directe, l’observateur sait avec certitude qu’il
est sur la ligne qui prolonge cet alignement. L’alignement peut être
« avant » ou « arrière » selon que l’on se dirige vers les amers alignés, ou
que l’on s’en éloigne.
Pendant la progression du navire au milieu des dangers, les
alignements peuvent être utilisés de trois manières différentes :
– Un alignement de route est une trajectoire définie par l’alignement
de deux amers, que l’on peut suivre car il ne passe sur aucun danger.
Lorsque pour l’observateur, les deux amers sont parfaitement
superposés, on dit que l’alignement est « fermé ».
– Un alignement de garde (ou de sécurité) est un alignement qui
définit une limite à ne pas franchir. L’un des deux amers doit toujours
rester du même côté par rapport à l’autre, gage que l’on ne franchira pas
cette limite. Lorsque les deux amers ne sont pas superposés, on dit que
l’alignement est « ouvert ». Lorsque la marque postérieure se trouve à
gauche de la marque antérieure, on dit que l’alignement est « ouvert à
gauche ». Lorsque la marque postérieure se trouve à droite de la marque
antérieure, on dit que l’alignement est « ouvert à droite ».
– Un alignement par le travers est un alignement que l’on croise au
cours de sa progression. Il permet de se positionner très précisément, et
peut servir par exemple à définir une étape dans le pilotage. Il peut s’agir
aussi du nouvel alignement de route, que l’on guette par le travers pour
pouvoir bifurquer.
Avec un bon alignement, on peut s’enfiler dans la passe la plus
étroite ; avec deux bons alignements de garde (ou de sécurité) de chaque
côté, on peut circuler entre les dangers ; avec un alignement de route et
un alignement par le travers, on se situe très exactement.
Le voilier suit un alignement de route défini par la cardinale Nord Les Piliers
(à l’arrière-plan) alignée par le danger isolé « La Rompa ». Pour le photographe,
qui n’est pas placé exactement sur la même trajectoire, cet alignement est ouvert à
gauche.
Le photographe s’est déplacé de façon à ouvrir à droite l’alignement des
Piliers par La Rompa.
LE COMPAS DE RELÈVEMENT
Au milieu des dangers, le compas de relèvement ne sert pas à faire le
point, car cela serait une perte considérable de temps. Comme nous
l’avons dit plus haut, dans le pilotage on ne cherche pas à savoir où l’on
est, mais à avoir une trajectoire sûre. Il est en revanche précieux dans
plusieurs cas de figure :
– Identifier un alignement, ou confirmer que l’alignement suivi est le
bon.
– Réaliser des relèvements de sécurité, dits encore « relèvements de
garde ». Dans ce cas de figure, on ne cherche pas à suivre une trajectoire
précise, mais à définir sur la carte les zones où l’on ne veut pas être, et à
s’en tenir à l’écart en restant en deçà d’un relèvement sur un amer. Cette
méthode est précieuse, elle fonctionne très bien dans les parages moins
resserrés et/ou lorsque le paysage n’offre pas d’amers en nombre
suffisant pour imaginer des alignements pertinents. Si, avec des dangers
sur tribord, le relèvement de garde est vers l’avant, le compas devra
afficher une valeur supérieure pour se tenir à l’écart de la No go zone,
comme disent les Anglais, qui sont friands de cette technique. S’il est
vers l’arrière, il faudra conserver un relèvement de valeur inférieure au
relèvement de garde. Avec des dangers sur bâbord, on procède à
l’inverse.
Deux relèvements de garde, sur une marque de balisage d’une part et la tombée
franche d’une côte d’autre part, définissent un couloir de navigation sûr.
LE GPS
Le GPS est un instrument merveilleux, mais en aucun cas un
passeport pour batifoler impunément au milieu d’un champ d’écueils. On
en revient toujours au même paradoxe : la position délivrée par le GPS
est précise à quelques mètres, mais le navigateur n’a aucune garantie
que la carte marine sur laquelle est reportée cette position soit elle-
même aussi précise. La première règle, en pilotage, est de ne jamais
utiliser l’overzoom ►. Ceci étant rappelé, la position GPS sur un écran
traceur peut s’avérer bien utile, par exemple pour confirmer un
alignement devant, grâce au vecteur « cap », ou derrière, avec une droite
tirée sur le traceur depuis l’icône du bateau. De la même manière, le GPS
peut confirmer une position du bon côté d’un alignement, ou d’un
relèvement de garde. Les logiciels les plus élaborés permettent de tracer
par avance des zones de garde sur la carte électronique. Mais en
pilotage, le GPS ne sera jamais qu’un outil de confirmation, auquel on
peut ponctuellement recourir. Ses limites tiennent surtout à la réactivité,
au dynamisme et à la précision du type de navigation imposés par
l’exercice.
Le bateau va toujours trop vite à l’approche des dangers ; à partir
d’une position GPS, certes précise, corriger un cap rendu imprécis par la
dérive peut être fatal car trop tardif. Un alignement, un relèvement ou
une fenêtre permettent de suivre en permanence une route fond précise,
quelle que soit la dérive. Et suivre une route fond constante, sans s’en
écarter, c’est le premier impératif du pilotage. Même en se fiant à
l’indicateur COG (Course Over Ground) du GPS, la route reste imprécise
parce qu’on ne corrige les dérives qu’a posteriori.
La navigation au GPS est passive, et dans des situations de pilotage
où le navigateur doit rester constamment en prise directe avec le
paysage, elle risque d’entraîner malgré nous une dissociation paysage-
carte. Les amers, rochers et autres écueils deviennent virtuels sur
l’écran, mais restent malheureusement bien réels lorsqu’on s’y frotte.
En somme, un bon pilote doit faire preuve de créativité, et utiliser
trois instruments complémentaires : règle ou ficelle, compas de
relèvement et GPS. Le navigateur préparera son pilotage en cherchant à
utiliser par ordre de précision : les alignements, les relèvements et les
fenêtres. En route, il se servira de ces trois méthodes, alignements,
relèvements et fenêtres, qui se complètent et se succèdent au gré des
circonstances. Et il pourra s’aider du GPS pour se recaler s’il est perdu,
ou vérifier d’un coup d’œil que sa position le place bien sur la trajectoire
(le segment de route) prédéfinie.
ÉVOLUER EN SÉCURITÉ
LE PIED DE PILOTE
Le pied d’un pilote qui chausse du 43 fait environ 30 cm. Mais en
vieillissant, le pied du pilote s’agrandit. Avec l’âge et l’expérience, le
navigateur a compris que pour naviguer sereinement, il faut une marge
de sécurité suffisante. Dans la pratique, l’incertitude sur les sondes des
cartes peut atteindre quelques dizaines de centimètres. S’ajoutent
l’imprécision relative des calculs de marée, les effets du vent et de la
pression atmosphérique sur la hauteur d’eau, ainsi que le clapot ou les
vagues.
Pour toutes ces raisons, si l’on veut éviter que notre quille tutoie le
fond de la mer, il faut une marge de sécurité que l’on rajoute au tirant
d’eau. C’est ce qu’on appelle le « pied de pilote ». Un bon pied de pilote
mesure au minimum 50 cm, mais il est raisonnable de se donner au
moins 1 mètre selon le type de bateau, la nature des fonds, l’expertise de
l’équipage et les conditions météo.
UN EXEMPLE DE PILOTAGE :
DANS LES CHENAUX DE BRÉHAT
En venant du large, on veut aller à Paimpol, mais en contournant
Bréhat par l’ouest et le sud. Cet exercice n’a pas la prétention de montrer
par où il faut passer, mais d’exposer une démarche cohérente de
pilotage.
Cette démarche comprend trois phases :
– décrypter la carte ;
– établir le plan de pilotage ;
– réalisation du pilotage : on y va !
Avant toute chose, il faut s’assurer que les conditions sont réunies.
o
– Nous disposons d’une carte de « Pilotage côtier », la n 7127 de la
série jaune du SHOM. Il s’agit d’une carte au 1/20 000, c’est bien la
carte la plus détaillée du coin.
– La visibilité est bonne, supérieure à 10 milles.
– Le vent est régulier, d’est 10 à 15 nœuds, le temps est ensoleillé
avec quelques nuages.
– La mer est peu agitée.
– Nous sommes en vives-eaux, coefficient 84. Le courant est fort
dans cette zone, on choisira le bon moment pour réaliser la navigation, à
marée montante, peu de temps avant l’étale de marée haute pour
satisfaire à deux conditions : avoir un pied de pilote suffisant, et un
courant faible.
– Notre bateau est en bon état. Il cale 2,20 mètres de tirant d’eau, le
gréement et les voiles sont corrects, le moteur démarre au quart de tour,
le mouillage est à poste.
– Enfin, dernière condition et pas des moindres : le navigateur
possède une bonne vue.
Notre navigation va nous mener de l’entrée du Trieux à Paimpol en
contournant Bréhat par l’ouest et le sud.
DÉCRYPTAGE DE LA CARTE
Dans un premier temps nous regardons, d’une manière générale,
comment se comportent les courants dans la zone. À marée montante, le
courant porte au sud dans la rivière du Trieux, puis à l’est dans le Ferlas,
puis de nouveau au sud dans le chenal de La Trinité. Le courant sera
donc favorable tout au long du parcours. Il va s’accélérer dans les
passages étroits, par exemple en doublant le phare de La Croix, et dans
le Ferlas au niveau de la tourelle Sud Trebeyou. Nous devrons en tenir
compte.
Il s’agit ensuite de repérer sur la carte tous les amers utilisables, en
s’aidant de tous les documents disponibles : Instructions nautiques, pilotes
côtiers, photographies du paysage et des amers, et même Google Earth
au besoin. Du premier coup d’œil, on voit sur la carte qu’il existe
plusieurs alignements et relèvements officiels. Ils nous serviront chaque
fois que possible. En théorie, ils nous permettront d’entrer dans la rivière
du Trieux presque jusqu’à Loguivy, puis de suivre une bonne partie du
Ferlas entre Bréhat et la côte. Cependant, on voit qu’il devrait être
possible de couper au plus court, en passant par exemple dans le Vincre
(marqué Ar Vinkre sur la carte) entre Roc’h Velen et Roc’h Kranked, puis
plus loin en arrivant au nord de Paimpol, de raser la pointe de l’Arcouest
en prenant le chenal de La Trinité. Mais il n’existe pas d’alignements
officiels pour ces trajectoires.
C’est alors que nous sortons l’instrument fondamental du pilotage : la
ficelle. Une fois qu’elle est tendue sur la carte, nous la faisons pivoter
autour d’un axe dont le centre est la passe que nous voulons embouquer.
Entre Roc’h Velen et Roc’h Kranked, nous ne trouvons aucun alignement
par le sud, mais au nord nous découvrons un bel alignement arrière : le
grand phare des Héaux de Bréhat par la tourelle de Men Krenn. Il faudra
demander au barreur de placer le phare des Héaux de Bréhat sur la
tombée gauche de Men Krenn pour se positionner vers le centre du
passage.
Choisir un alignement par l’arrière est une solution souvent
pertinente, car les amers que l’on va utiliser pourront être identifiés au
passage. Par ailleurs, dans la navigation qui nous concerne, les amers
arrière, au nord, seront éclairés par le soleil, alors que des amers avant
seraient à contre-jour.
Pour le chenal de La Trinité, les choses seront plus délicates. Si nous
voulons raser la pointe de l’Arcouest, puis ensuite raser la pointe de
La Trinité, il nous faudra naviguer sur l’estran, passer sur des fonds de
0,8 m et éviter tous les rochers mentionnés sur la carte mais non cotés.
De toute façon, nous voulons arriver à Paimpol pour l’écluse, donc
vers la marée haute, et nous déciderons d’un pied de pilote
irréprochable, supérieur à 3 mètres. En faisant pivoter notre ficelle, nous
trouvons les alignements suivants :
– La pyramide blanche de Quistillic par la tombée Est de Men Bras
Logodec.
– La perche Nord Roc’h Ourmelek par la perche Est Roc’h Lemm.
– La marque blanche de La Cormorandière par la marque blanche
Roc’h Grouig Porc’h.
– La pyramide blanche Quistillic par la perche Sud Men Kreiz.
– Les perches vertes du chenal alignées.
Les cinq alignements du chenal de La Trinité.
LE PLAN DE PILOTAGE
En réalisant notre plan de pilotage, nous allons intégrer les
conditions liées à l’environnement, visibilité, hauteur d’eau, courant,
marée, force et direction du vent, et prévoir par ailleurs pour chaque
trajectoire une solution de secours.
La visibilité est bonne. Les amers les plus lointains que nous aurons à
identifier seront distants au maximum de 5 milles (le plus loin : les Héaux
de Bréhat), donc ils seront tous visibles. Le vent est d’est, 12 nœuds
réguliers, la mer est peu agitée. Notre bateau cale 2,20 m de tirant d’eau,
nous allons passer sur des fonds de 0,8 m, et nous voulons un pied de
pilote de 3 mètres. Il faudra donc au moins 6 mètres d’eau (au-dessus du
zéro des cartes) pour ce pilotage. Idéalement on naviguera à marée
montante. C’est notre calcul de marée qui nous imposera le top départ.
Le courant sera favorable sur presque tout le parcours, ce qui est un
avantage, mais aussi un inconvénient : on va aller vite. Il faudra alors
établir la voilure de manœuvre, juste suffisante pour avancer et
manœuvrer, mais pas destinée à faire de la vitesse.
Le vent d’est sera de face dans le Ferlas. Il nous faudra tirer des
bords, donc nous ne pourrons pas suivre d’alignements de route. Nous
aurons par conséquent besoin d’alignements de garde, au nord et au sud
du chenal. En promenant notre ficelle sur la carte, nous identifions des
alignements qui nous semblent utilisables :
Alignements de garde Nord :
– N1. La tourelle Nord Les Piliers par la perche Sud Receveur Bihan.
– N2. Le danger isolé La Rompa par la perche Sud Receveur Bihan.
Les alignements de garde fixant la limite nord de notre couloir de navigation dans
le Ferlas…
o
– Trajectoire n 3. Entrée de la rivière du Trieux, par son alignement
officiel au 218,7° : alignement des deux phares Coatmer Amont et
Coatmer Aval. Cependant ces amers sont éloignés, à contre-jour, et on
n’est pas certain (avec raison) de pouvoir les reconnaître facilement. Ils
sont sans doute plus facilement identifiables de nuit avec leur feu. De
jour, on choisira de préférence un alignement arrière qu’on aura
facilement identifié au passage : les deux latérales vertes, Vieille du
Tréou par Min Guen.
o
– Trajectoire n 4. Passage du Vinkre, entre Roc’h Velen et Roc’h
Kranked. Ici, l’alignement arrière du grand phare des Héaux de Bréhat par
la gauche de la tourelle de Men Krenn doit être bien visible. En trajectoire
de secours, si par exemple on n’est pas sûr d’identifier Men Krenn avec
certitude, on pourra toujours poursuivre la trajectoire précédente qui
mène dans la rivière du Trieux.
o
– Trajectoire n 5. Le pilotage dans le Ferlas contre le vent ne va pas
permettre de suivre un alignement de route, car nous devrons tirer des
bords. Nous utiliserons alors les alignements de garde Nord et Sud
décrits précédemment. La solution de secours consistant à faire demi-
tour est d’autant plus cohérente que dans ce cas, on va se retrouver au
portant et face à un courant que l’on étalera facilement.
o
– Trajectoire n 6. Le délicat chenal de La Trinité représente un
pilotage serré qui doit être décomposé en 5 portions. Celles-ci ont été
er
définies précédemment. On notera que le 1 alignement nous fait passer
sur des roches à l’entrée nord du chenal, Lell Wenn, mentionnées à
0,1 m, puis assez près d’une autre roche, Ar Geveliou cotée 1,1 m. Il
faudra laisser cet alignement légèrement ouvert à droite, et par sécurité
nous prendrons un pied de pilote qui laisse au moins 3 mètres au-dessus
e
de cette roche. Le 3 alignement sera légèrement ouvert à droite pour
éviter la roche qui s’étend au sud de la Madeleine, et qui n’est pas cotée
sur la carte. On remarquera qu’avec le vent d’est, nous serons au près et
qu’il sera peut-être nécessaire de s’aider du moteur pour suivre
précisément cette petite portion de route, car on ne peut pas tirer des
e
bords dans un chenal de ce type. Le 4 alignement a été délibérément
choisi pour éviter la Pierre du Taureau. En solution de secours, il sera
toujours possible de dégager vers le chenal de Lastel, mais une fois
engagés dans ce chenal, en l’absence d’alignements disponibles pour
cette solution, il faudra deux relèvements de garde pour parer les roches
Ar Gwarderou au nord, et Men Daniel au sud. Par exemple, on pourra
laisser la tourelle Roc’h Grouig Porc’h entre 225° et 235° en relèvement
arrière. La fin du parcours ne présente pas de difficulté mais doit être
e
encore une fois définie à l’aide d’un alignement (le 5 ) pour parer les
roches avoisinantes.
o
– Trajectoire n 7. Au sortir du chenal de La Trinité et avant
d’emprunter le chenal de Paimpol, il faut s’assurer de disposer de la
hauteur d’eau suffisante jusqu’à l’entrée de l’écluse. Si tel n’est pas le
cas, à partir de la perche Roc’h Glividy, on gagne le mouillage d’attente,
un trou d’eau de 6,70 m indiqué sur la carte. Sinon, on embouque le
chenal parfaitement balisé de bout en bout pour atteindre le port.
Toujours dans la recherche d’une solution de secours en cas
d’imprévu, on remarque qu’une fois sortis de la rivière du Trieux, on
pourra mouiller rapidement à tout instant dans des fonds inférieurs à
10 mètres. La tenue du mouillage ne sera pas toujours excellente dans le
Ferlas, car les fonds y sont constitués essentiellement de sable S, mais
aussi de gravier G et de débris coquillers Sh. En revanche dans le chenal
de La Trinité, les fonds sont constitués de vase M, où en principe la
« pioche » croche sans coup férir.
DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE
Passage de l’anticipation sur la carte à l’exercice réel sur l’eau : nous
voici arrivant du large à l’entrée du chenal du Trieux. Au total, le parcours
jusqu’à Paimpol compte une dizaine de milles, le temps estimé avant
d’aborder le chenal de la Trinité est d’environ 2 heures et la hauteur
d’eau devra être, à ce moment, d’au moins 6 mètres au-dessus du zéro.
Dès l’arrivée à hauteur des premiers dangers marquant les approches
de Bréhat (en l’occurrence le plateau de la Horaine), tout l’équipage a été
mobilisé sur le pont. On a adopté une voilure de manœuvre et désigné un
bon barreur. Le navigateur, lui, balayera constamment le paysage pour
faire la liaison avec la carte. Il se concentrera avant de donner le top-
départ de la session de pilotage, et dès cet instant il ne se laissera plus
influencer par un équipage qui n’aura pas décrypté la carte comme lui-
même a pu le faire. Et dans la progression du navire, il n’aura qu’une
obsession : la certitude.
Les instructions pour l’équipage sont simples : chacun à son poste,
prêt à la manœuvre. Le barreur devra suivre les alignements, aussi bien
avant qu’arrière, avec la plus grande précision. Dans le passage du
Ferlas, face au vent, c’est le navigateur qui donnera l’ordre de chaque
virement de bord.
o
– Trajectoire n 1. L’entrée de la rivière du Trieux se déroule comme
prévu. Le chenal est assez large, cette portion est suffisamment longue
pour espérer reconnaître un maximum d’amers. En passant à leur
hauteur, le navigateur identifie parfaitement la latérale verte de la Vieille
du Tréou, puis celle de Ar Rodellou. Au loin le phare de La Croix,
caractéristique avec son sommet rouge, que l’on doit aligner avec le
phare de Bodic. Mais le phare de Bodic est difficile à trouver en ligne de
crête. Pourtant sur la carte il culmine à 55 mètres et se situe juste à
droite de la rivière. Au passage, il ne peut s’empêcher une réflexion
intérieure : les alignements officiels utilisant des feux comme amers ne
sont peut-être pas les plus visibles de jour. En plaçant le voilier sur un
relèvement du phare de La Croix au 225°, il se positionne sur
l’alignement officiel au 224,8° et c’est ainsi qu’il déniche enfin dans l’axe
et au loin le phare de Bodic. En poursuivant sa route, il reconnaît la
latérale verte de Min Guen, il faudra donc bientôt virer sur la trajectoire
o
n 2.
o
– Trajectoire n 2. En poursuivant la liaison paysage/carte, le
navigateur s’aperçoit que la maison de l’île à Bois est invisible, cachée
par la végétation. La route officielle au 234,7° n’est donc pas utilisable.
On se félicite d’avoir choisi l’alignement arrière du Petit Pen Azen par
Gosrod. On est grand largue, on avance à 3 nœuds et le courant
o
s’accélère. Il faut être rapide. La trajectoire n 3 est déjà prête, sur
l’alignement arrière de deux amers que l’on a formellement identifiés au
passage : les latérales vertes Vieille du Tréou par Min Guen.
o
– Trajectoire n 3. Comme aux échecs, le navigateur doit garder un
coup d’avance. Dès que le bateau est engagé sur l’alignement officiel des
deux phares Coatmer comme un train sur ses rails, il faut rechercher les
amers de l’alignement suivant. À savoir la tourelle de Men Krenn et le
grand phare des Héaux de Bréhat sur tribord. Le pilote demandera au
barreur de placer le phare des Héaux de Bréhat sur la tombée gauche de
Men Krenn pour se positionner vers le centre de la passe du Vinkre.
o
– Trajectoire n 4. La passe du Vinkre est courte, moins de
0,5 mètres. Avec le courant favorable, cette trajectoire sera franchie en
moins de 7 minutes. Juste après, on va se retrouver face au vent à tirer
o
des bords dans le Ferlas. Il faudra donc poursuivre la trajectoire n 4
jusqu’à l’alignement de garde Sud S1 (alignement arrière) avant de virer
de bord, mais entre-temps on va passer sur l’alignement de garde Nord
N1 (alignement avant) que l’on va essayer d’identifier au passage pour le
virement de bord suivant.
– Pilotage dans le Ferlas. Ici, le navigateur devra faire preuve de
rapidité, de précision et de concentration. Il dispose de quatre
alignements de garde successifs au sud, et de deux au nord. Il faudra
tirer des bords rapides et fréquents, dans une passe étroite, avec le
courant favorable. Comme ce sont des alignements de garde, il faudra
virer avant d’atteindre l’alignement du moment : on ne doit pas le
franchir, même dans le cours du virement. On garde aussi en tête (cela
avait d’ailleurs été écrit en gros quelque part sur la carte ou le bloc-notes
du navigateur) que l’alignement de garde S3 n’est pas excellent et qu’il
faudra le laisser résolument ouvert à droite.
Coatmer aval est le feu antérieur d’un alignement officiel d’entrée dans la rivière
du Trieux. Indispensable de nuit, il se distingue mal en revanche de jour dans le
paysage.
LA DÉVIATION (DEV)
Parfois, le nord du compas de route est différent du nord magnétique
– l’écart qui les sépare varie en outre en fonction du cap suivi. C’est la
déviation (dev).
Ce phénomène, assez peu sensible sur les petits bateaux, est
provoqué par les masses métalliques importantes qui se trouvent à bord
ou les champs magnétiques perceptibles à proximité du compas (pièces
de moteur, haut-parleurs, etc.).
Il faut consigner la déviation pour chaque cap dans une table : c’est la
courbe de déviation 67.
La formule qui permet de convertir le cap compas en cap vrai est
évidemment affectée par la déviation. La formule devient (comme la
déclinaison, la déviation est positive si « est », négative si « ouest ») :
Cv = Cc + D + dev
Cc = Cv – D – dev
Prenons deux exemples.
Si le cap compas suivi est le 120°, la déclinaison D de 3°W (– 3°), la
déviation dev pour ce cap de 2° E (+ 2°), alors le cap vrai est :
Cv = 120° – 3 + 2 = 119°.
Si le cap vrai est le 240°, la déclinaison D de 3° W (– 3°), la
déviation dev de 5° W (– 5°), le cap compas est :
Cc = 240° – (– 3) – (– 5) = 240° + 8° = 248°.
Le cap annoncé au barreur est arrondi au 250°.
La courbe de déviation est un relevé des écarts entre le cap magnétique et le cap
compas, à différentes directions cardinales. Elle est propre à chaque compas, dans
son environnement. Elle doit être affichée en bonne place à la table à cartes.
LE GPS
Au fil de ses évolutions technologiques, le GPS s’est totalement
banalisé dans nos transports et notre vie quotidienne. À bord de nos
voiliers embarquent différents types d’appareils exploitant cette
technologie, qu’il s’agisse de l’installation fixe du bateau (reliée ou pas à
un ordinateur ou un écran traceur), du GPS de secours à piles, mais aussi
de tablettes, de smartphones, voire de montres. Il est fréquent de
retrouver à bord d’un croiseur autant de récepteurs GPS, sinon plus, qu’il
y a d’équipiers.
Le GPS, ou Global Positioning System en anglais, est un système de
radionavigation 69 permettant un positionnement dans les trois
dimensions (latitude, longitude et altitude), avec une précision
approchant désormais la dizaine de mètres.
L’infrastructure du GPS est mise en œuvre et maintenue par le
département de la Défense des États-Unis. D’autres nations comme la
Russie et la Chine, mais aussi l’Europe, ont voulu développer leur propre
système de positionnement indépendant de l’armée américaine, de façon
à assurer leur propre contrôle sur cette technologie névralgique, sous-
jacente à toute navigation électronique.
En parallèle du GPS, on peut ainsi mentionner les systèmes
GLONASS, GALILEO, BEIDOU (également appelé COMPASS). Il s’agit de
variations existantes du GPS (GLONASS), ou bien encore de variations en
cours de développement (GALILEO, BEIDOU), et dont la mise en œuvre,
au moment où nous écrivions cette huitième édition du Cours, était
annoncée pour les prochaines années. L’ensemble de ces technologies
sont regroupées en un seul acronyme : GNSS (Global Navigation Satellite
System).
En mai 2000, les États-Unis ont abandonné le mode dégradé du GPS,
qui limitait volontairement la précision de positionnement « civil » à
100 mètres environ. Libéré de cette contrainte, le GPS s’est alors imposé
dans les transports routiers, aériens et maritimes. L’accès à cette
technologie est gratuit, il suffit d’acquérir un récepteur GPS pour
bénéficier des services de positionnement 70.
Architecture du système
Le système GPS est constitué de trois composantes principales :
– Le segment spatial : une constellation d’au moins 24 satellites en
orbite autour de la Terre. Ces orbites sont choisies de façon à ce que
tout utilisateur puisse voir au moins 4 satellites à tout moment et en tout
lieu de la planète.
– Le segment de contrôle : une série de stations terrestres qui
interagissent constamment avec les satellites, vérifient leurs positions,
leur état de marche, et corrigent régulièrement les paramètres décrivant
la trajectoire de chaque satellite.
– Le segment utilisateur : nous (les usagers), équipés de notre
récepteur GPS.
La trilatération
Le GPS fonctionne par trilatération, mot savant pour un principe
simple qui peut se décomposer en trois phases :
– Connaissant la distance L1 qui sépare le récepteur GPS d’un
satellite S1, on sait situer le récepteur en trois dimensions sur une
sphère.
– Connaissant la distance L2 d’un second satellite S2, on sait situer
le récepteur sur une seconde sphère. L’intersection des deux sphères
positionne le récepteur sur un cercle.
– Enfin, en faisant intervenir un troisième satellite S3, l’intersection
des trois sphères détermine deux points P1 et P2. L’un de ces points
peut être très facilement éliminé de l’équation que l’on cherche à
résoudre, il se trouve très loin dans l’espace. Reste donc la position du
récepteur.
Se positionner revient donc à déterminer la distance entre le
récepteur et trois satellites distincts, satellites dont la position dans
l’espace est connue.
L’initialisation du GPS
Chaque satellite émet régulièrement une série d’informations
nécessaires au récepteur pour se positionner, dont l’acquisition complète
prend 12 min 30. Même si l’intégralité de ces données n’est pas
indispensable pour définir une première position, on comprend aisément
qu’il faille du temps pour obtenir un premier fix (position en anglais) à la
mise en route du récepteur. On gardera à l’esprit ce point important : on
ne peut immédiatement compter sur son GPS lorsqu’on l’allume. Cette
notion figure dans les spécifications des GPS sous les termes de Time to
First Fix (TTFF), Position Fixing Time ou encore « Temps d’Acquisition » en
français. Compter en moyenne de 30 secondes à 1 minute 30 suivant
l’appareil, dans des conditions de réception optimale.
À tout moment, un écran d’état renseigne l’utilisateur sur l’acquisition
des données satellite et la qualité du point fourni.
Un écran d’état. Sur ce récepteur GPS compatible GLONASS, la forme des icônes
identifie la constellation d’origine pour chaque satellite : ronde pour GPS, en losange
pour les GLONASS, et rectangulaire pour les satellites SBAS. Les couleurs indiquent si
le satellite est en cours d’utilisation ou de recherche. Dans la colonne de droite, on
retrouve la dilution de précision (HDOP), l’erreur de position estimée, l’état du fix, ou
encore le système géodésique de référence.
Le récepteur informe l’utilisateur de la qualité du positionnement par
la notion de Dilution of precision (DOP). L’appareil indique soit PDOP (P
pour Position en 3D) ou HDOP (H pour Horizontal en 2D). Dans la
pratique, une excellente réception se traduit par PDOP < 1,6 et HDOP
< 1,0 73. Plus ces valeurs augmentent, moins précis est le
positionnement. Au-delà de 6 (HDOP ou PDOP), la mesure est totalement
incorrecte.
Une autre valeur de la précision récepteur GPS à un moment T est
l’Écart circulaire probable (ECP), en anglais CEP, ou encore EPE. C’est un
niveau de confiance statistique, qui traduit la réalité suivante : pour un
ECP de 10 mètres, 50 % des positions calculées se situent dans un cercle
de 10 mètres de rayon.
Amélioration de la précision
Différentes technologies contribuent à améliorer la précision
intrinsèque du GPS, dont le GPS différentiel et le SBAS (Satellite Based
Augmentation System). Ce dernier nous intéresse particulièrement, car il
est supporté par tous les récepteurs modernes.
La notion de dilution de la précision.
UN SYSTÈME CONNECTÉ
La centrale de navigation collecte les données en provenance des
différents capteurs et autres récepteurs du bord. Elle les croise, et
produit des informations issues de calculs concernant par exemple le
vent réel (force, angle au bateau, direction géographique) ou la dérive.
Elle centralise l’information sur un ou plusieurs écrans en proposant une
vue synthétique. Cette concentration des informations sert à la fois la
réflexion du navigateur, mais permet aussi l’automatisation de certaines
tâches. Ainsi la centrale alimente le calculateur du pilote automatique,
que la consigne assignée à celui-ci soit un cap (mode « compas ») ou un
angle de vent (modes « vent apparent » et « vent réel »).
Sondeur, anémomètre, speedomètre, compas électromagnétique…
tous les capteurs appartiennent à un réseau de communication. On y
ajoute les différents récepteurs tels que le GPS, le radar, la VHF ou
encore l’AIS pour compléter ce système électronique. Cet ensemble est
physiquement interconnecté et converse en utilisant un ou plusieurs
protocoles de communication 75.
PARAMÉTRER L’ÉLECTRONIQUE
Les instruments électroniques du bord fournissent des données instantanées,
précises et fiables… pourvu qu’ils soient paramétrés. C’est d’ailleurs un impératif
absolu pour le sondeur, dont on ne peut se permettre qu’il se trompe. Son capteur
étant placé sous la flottaison, il va falloir recaler son zéro (réaliser un offset). Une
première école cale le zéro sur le tirant d’eau du bateau (offset négatif), le sondeur
indiquant la hauteur d’eau disponible sous la quille. Une deuxième école (c’est la
nôtre) place le zéro à la ligne de flottaison (offset positif) : le sondeur indique alors la
hauteur d’eau réelle. C’est le meilleur moyen de relier directement les informations
du sondeur à la carte, grâce au calcul de marée.
Au port, on mesure à la sonde à main la hauteur d’eau de chaque bord, pour
retenir la moyenne. Si les deux valeurs sont nettement éloignées l’une de l’autre,
déplacer le bateau vers des fonds plus réguliers. Aux Glénans, nous n’incluons pas
de pied de pilote dans l’offset du sondeur, cette marge de sécurité étant à la fois
subjective et conjoncturelle. Les usages étant variables, il est essentiel, lorsqu’on
prend en main un bateau après un autre équipage, de contrôler l’offset.
Le loch-speedomètre se paramètre en effectuant au moment de la renverse un
aller-retour (de façon à annuler l’effet du courant pouvant subsister) entre deux
bouées ou balises, puis en comparant la distance géographique mesurée sur la carte
entre les deux amers et la distance enregistrée par le loch. On en déduit un
coefficient de correction.
LES LOGICIELS DE NAVIGATION
Le logiciel de navigation se charge d’exploiter les informations
collectées grâce au réseau du bord. Il offre une interface intuitive pour
l’utilisateur, lui donnant accès à l’ensemble des données au gré de ses
besoins, tout en lui permettant d’effectuer des tâches plus ou moins
complexes.
Un voilier s’apprête à traverser un rail des cargos, qu’à cela ne tienne,
le navigateur peut visualiser la carte marine, y superposer sa position
ainsi que la route parcourue (la trace), le vecteur cap, mais également les
représentations des navires environnants qui émettent sur les canaux
AIS.
L’offre logicielle est importante, dans une fourchette tarifaire très
large. Comme toujours, le choix de l’outil doit être dicté par l’usage
auquel on le destine. Le choix d’un logiciel est également intimement lié
à la solution informatique sélectionnée : certains logiciels sont dédiés
aux tablettes (ce sont souvent les plus simples), d’autres sont
exclusivement disponibles sur Mac ou PC, ils sont généralement plus
élaborés. Quoi qu’il en soit, le navigateur en quête d’un logiciel
satisfaisant ses attentes devra consacrer du temps à sa sélection. Il n’est
pas concevable ici de donner des recommandations précises, tant le
spectre des logiciels de navigation évolue vite.
La taille de l’écran
Une carte papier du SHOM (série L) tient dans un format A0
(84,1 × 118,9 cm). La diagonale de ce rectangle est de 145,6 cm. À titre
de comparaison, un écran de téléphone portable a généralement une
diagonale de 12,7 cm (5 pouces). L’écran d’une tablette classique
présente une diagonale de 24,6 cm (9,7 pouces). Même si l’écran d’un
ordinateur fixe ou portable est en principe de dimensions supérieures à
celles d’une tablette, aucun système électronique ne propose de surface
de travail comparable à celle d’une carte papier, très loin s’en faut.
Il y a bien sûr une conséquence pratique à cette limitation : plus
l’écran est petit, plus il faudra manipuler, zoomer, dézoomer, se déplacer
à droite, à gauche, vers le bas, vers le haut… Il serait donc illusoire de
croire que l’on peut appréhender la carte électronique de la même façon
que la carte papier. Et les logiciels ont beau tenter d’améliorer la lisibilité
en pratiquant le « désencombrement de l’affichage », la vue d’ensemble
est amoindrie. Sur écran, le risque est réel, si l’on n’y prend garde, de
naviguer avec des œillères.
C’est la raison pour laquelle nous considérons qu’un smartphone est
impropre à une navigation sérieuse. Tout au plus sera-t-il considéré
comme un outil d’appoint. Un écran trop petit rend le travail de
navigation approximatif, voire dangereux.
Le type d’écran
Dès que le ciel devient menaçant ou que le vent se lève, la carte
papier est confinée dans la cabine. L’ordinateur, qui n’a pas d’équivalent
en termes de puissance et de fonctionnalités, reste en navigation à la
table à cartes. Les autres écrans de navigation se prêtent en revanche à
un usage en extérieur. La carte prend enfin l’air quel que soit le temps, et
la liaison carte-paysage en est facilitée. On parle ici des tablettes sous
protection étanche ad hoc, mais aussi des écrans traceurs installés à
demeure dans le cockpit.
Marinisés à la construction, lisibles quelles que soient les conditions
d’éclairage (et notamment en plein soleil, où les tablettes affichent leurs
limites), directement compatibles avec le réseau électronique du bord
(sous les réserves évoquées à propos des normes propriétaires), les
écrans traceurs d’extérieur ont été conçus spécifiquement pour cet
usage. Ils sont en revanche bien moins confortables lorsqu’il s’agit à
l’escale de préparer la navigation du lendemain, activité pour laquelle on
est beaucoup plus efficace à la table à cartes. Attention que le traceur ne
devienne pas une incitation à la paresse.
Les tablettes tactiles sont plus polyvalentes. Elles ne sont pas
exclusivement dédiées à la navigation, et elles ont l’avantage de leur
totale mobilité (rien de plus facile que de prendre sa tablette pour aller
consulter la météo au café du coin). Revers de la médaille, il faudra se
cacher du soleil pour bien voir la carte, et lorsque les gouttes de pluie
ruissellent sur l’écran… l’interface tactile commence généralement à
faire n’importe quoi.
Avec un ordinateur, on revient aux allers-retours traditionnels entre
cockpit et table à cartes, mais on s’ouvre d’autres perspectives et on se
dote d’outils généralement plus sophistiqués et plus puissants.
L’écran extérieur, un confort certain pour le barreur. Mais la préparation de la
navigation est moins pratique, sauf à disposer à la table à cartes d’un deuxième écran,
jumelé à celui du cockpit.
La carte et le paysage
Encore faut-il identifier les amers… S’engager dans un paysage marin
ne s’improvise pas. Établir un lien entre la carte et les amers qui y
figurent et ce que l’on voit de la côte n’est pas chose aisée sans un brin
de préparation. En consultant la carte avant de partir, on établit un plan
de route, on note les routes directes à suivre et les distances à parcourir.
On repère ensuite les amers que l’on pense pouvoir observer tout au long
du périple et on les note dans leur ordre prévu d’apparition.
Cela facilitera leur identification pendant la navigation, même si la
partie la plus délicate de l’exercice, c’est bien de les repérer dans un
paysage « réel ». Une fois qu’ils sont identifiés, faire le point n’est plus
qu’une question de technique. La pratique du pilotage aura habitué le
navigateur à établir le lien entre le paysage observé et la carte.
Pour que le point soit utilisable, l’angle formé par le relèvement des
deux amers ne doit pas être trop fermé, ni trop ouvert (dans l’idéal il
faudrait que les deux relèvements se coupent à angle droit.) En outre, on
doit effectuer les deux relèvements pendant une période de temps assez
brève, en commençant par l’amer le plus proche de la route suivie car
son relèvement varie moins rapidement. Si aucun des deux amers n’est
proche de l’axe de la route, on commence, pour les mêmes raisons, par
relever le plus lointain.
À 10 h 10, on a fait le point par trois relèvements. La mer est belle, le vent ENE
force 2, un courant de 0,2 nœud porte au 112°, etc.
Un amer, aussi bon soit-il, se périme très vite et il faut sans cesse en
trouver de nouveaux ! Ainsi, l’art de la navigation côtière consiste à
identifier les amers au fur et à mesure qu’ils apparaissent dans le
paysage et à prévoir ceux que l’on doit voir ensuite. Un dialogue
constructif se noue entre le navigateur et l’équipage : « On devrait voir un
phare dans le 65°. – Ça y est, je le vois ! Tiens, à sa droite, il y a un
château d’eau. C’est quoi ? – Attends, je le relève… Il est au 85°. C’est
sûrement celui de… », etc. Ce genre de discussion propre aux marins,
quand elle ne tourne pas à la foire d’empoigne, dissipe progressivement
les brumes de l’incertitude et assure la cohérence d’une route précise.
CRITIQUER LE POINT
La position du bateau s’obtient donc de plusieurs manières, qui n’ont
pas toutes la même précision. On peut les classer, de la plus sûre à la
plus douteuse, dans l’ordre suivant : position référencée ; position
observée avec alignements ; position par relèvements. Il faut pouvoir
contrôler son point pour toute information disponible pour le navigateur.
En relevant la hauteur d’eau mesurée par le sondeur, par exemple, et en
la comparant à celle indiquée par la carte (corrigée par un calcul de
marée…).
LE POINT GPS
Pour faire le point, le GPS s’avère redoutablement efficace. Non
seulement ce récepteur propose une précision inégalée (inférieure à
15 mètres dans la plupart des cas), mais aussi il s’exécute
instantanément.
Si l’on travaille avec une carte papier, il faut apposer la position sur
celle-ci en reportant consciencieusement les coordonnées
géographiques. Pour reporter avec précision une latitude ou une
longitude sur la carte, on utilise le compas à pointes sèches. Il suffit de
mesurer sur l’échelle correspondante la distance entre la valeur
considérée et une ligne du carroyage de la carte (distance avec un
méridien pour la latitude, distance avec un parallèle pour la longitude),
puis de transposer cela sur la carte en conservant cette ligne comme
repère. Avant cela, on aura pris la précaution de vérifier la cohérence du
système géodésique. Toute carte qui n’utilise pas le système WGS 84
nécessite une correction (celle-ci est indiquée dans le cartouche de la
carte).
Si l’on travaille avec une cartographie numérique, le report de la
position est entièrement automatisé par le logiciel de navigation. Mais
cela ne dispense pas le navigateur de tenir son livre de bord
rigoureusement à jour, en y reportant les positions GPS. Certains
logiciels intègrent un livre de bord électronique, qui enregistre
automatiquement toutes les données : pour pouvoir s’en satisfaire et se
dispenser de la tenue manuscrite du livre de bord, il faudrait au minimum
se doter d’un système sérieux de sauvegarde.
PRÉVOIR SA ROUTE
Alors qu’il prépare sa navigation, le navigateur jauge les possibilités,
quantifie les options, bâtit des scénarios. Incontestablement, la
préparation est un exercice qui requiert du temps. Ce temps est propice
à la réflexion, c’est alors que le navigateur s’approprie réellement le futur
terrain de jeu.
Cette préparation commence invariablement par la définition de la
route idéale. Il s’agit simplement de la route directe permettant de
rejoindre la destination tout en évitant les dangers du parcours. Le
navigateur doit garder ses distances par rapport aux écueils, il doit
étudier le périmètre dans lequel il veut évoluer, et anticiper les solutions
alternatives pour le cas où le déroulement de la navigation ne suivrait pas
le plan établi. Cette nécessité d’aborder la navigation en amont est
indépendante des outils utilisés : que l’on soit adepte de la carte papier
ou bien de son équivalent numérique, l’étude préalable de la route
demeure indispensable.
Une fois la route directe établie, il va falloir prendre en compte
l’influence du vent, des vagues et du courant sur la progression. Le
navigateur va ainsi déterminer le cap (ou les caps successifs) à suivre, au
moyen d’une procédure dénommée « faire valoir sa route », décrite dans
les pages qui suivent. Que l’on travaille sur la carte papier ou sur écran,
c’est la méthode traditionnelle. Avec un logiciel de routage, l’approche
sera différente, les algorithmes nourris des prévisions météo et des
polaires de vitesse du bateau travaillant alors à déterminer non plus la
route la plus courte, mais celle qui est potentiellement la plus rapide (ou
encore la moins mouvementée, si l’on demande au programme d’éviter
des zones de vent ou de mer particulièrement forts). La logique et les
techniques du routage sont abordées en fin de chapitre ►.
LE CERCLE DE SÉCURITÉ
Dans le cadre de la navigation numérique, apposer son pouce sur la
carte ne conduira qu’à laisser une trace de doigt sur l’écran. C’est avec
l’outil « compas à pointes sèches » du logiciel, permettant de mesurer
cap et distances que l’on devra vérifier que chaque waypoint (l’usage des
waypoints est détaillé plus loin ►) et chaque segment de route passe
effectivement à bonne distance des dangers. Lors du suivi de sa
navigation, on pourra ultérieurement appliquer ce principe en temps réel
en utilisant un outil commun à de nombreux logiciels, qui détermine un
cercle de sécurité autour du navire, et permet de se représenter
immédiatement la distance à laquelle on passe des dangers,
indépendamment du niveau de zoom.
Attention à l’overzoom, l’échelle à prendre en compte est celle du
levé de la carte qui a servi à la réalisation de son équivalent numérique.
Faute de connaître l’échelle du levé (renseignement rarement fourni sur
les cartes électroniques), on se référera par prudence à l’échelle type
d’une carte de pilotage côtier, le 1/20 000. Le pouce de 2,5 cm se
traduit sur le terrain par une distance de 500 mètres (2,5 × 20 000), soit
un peu moins de 0,3 mille : c’est donc un cercle de sécurité de rayon
0,3 mille qu’il faut activer pour transposer la règle du pouce.
Au premier coup d’œil, le cercle de sécurité de 0,3 mille de rayon confirme
que le bateau passe à distance respectable des dangers de Lué Vras, à l’ouest du
chenal d’entrée de Concarneau. (Capture écran iNavX.)
LE CHOIX DE LA CARTE
Pour représenter un lieu donné, il existe généralement plusieurs
cartes, chacune ayant une échelle différente. On doit toujours privilégier
la carte la plus détaillée disponible à bord, c’est-à-dire celle présentant la
plus grande échelle. Elle offre la plus grande précision, elle affiche aussi
plus de détails, aussi bien en ce qui concerne la représentation du
paysage, mais aussi et surtout s’agissant des dangers, du balisage, et
des amers qui y apparaissent plus nombreux.
Le navigateur doit être attentif à ce choix de carte tout au long du
trajet. Lors d’une journée de navigation classique, il n’est pas rare de
devoir changer de carte à plusieurs reprises. En quittant le port ou le
mouillage, le navigateur utilise la carte de détails décrivant les parages
immédiats. Puis, il bascule sur une carte de pilotage hauturier, de plus
petite échelle, qui lui permet de suivre sa progression le long de la côte.
Si la navigation se poursuit par une traversée plus lointaine, il passera
ensuite à la carte routière, qui lui offrira la vue d’ensemble de son
parcours depuis le point du littoral qu’il quitte jusqu’à son atterrissage.
Tout ceci est naturel. Mais il ne lui faut pas oublier de revenir sur une
nouvelle carte de détails dès qu’il se rapproche à nouveau de la côte. On
a souvent tendance à omettre cette nécessité chemin faisant, alors que
l’on passe un cap, lorsque l’on se rapproche de dangers qui jonchent le
parcours.
Si au cours d’une traversée on croise dans les parages d’une île ou
d’un archipel dont on n’a pas la carte de détails, on n’aura d’autre choix
que de respecter la règle du pouce à l’échelle de la carte dont on
dispose : avec une carte routière au 1/300 000 par exemple, cela
signifiera arrondir les dangers à un minimum de quatre milles (2,5 cm
× 300 000 = 7 500 m = 4 milles).
Bien sûr, rien n’empêche de se positionner sur deux cartes d’échelles
différentes : on fait le point sur la carte détaillée, gage de précision, et on
reporte les coordonnées latitude et longitude sur la carte routière pour
avoir un suivi continu de la progression. Cela oblige à manipuler deux
cartes mais permet d’avoir simultanément la vue précise et la vue
d’ensemble.
Avec une carte numérique, la vie du navigateur est facilitée. Le zoom
est instantané, la position du bateau est toujours affichée à l’écran quel
que soit le facteur d’échelle. Il n’est donc nul besoin de reporter « à la
main » latitude et longitude d’une carte à l’autre, l’outil s’en charge pour
nous.
On fera néanmoins attention à un point important : si l’on a utilisé un
cercle de sécurité pour garder à l’œil la distance de sécurité à respecter,
ce cercle de sécurité est de rayon figé… il n’est donc pas totalement
cohérent avec la règle du pouce. En jouant avec le zoom, on peut en effet
également changer l’échelle de compilation de la carte (autrement dit, en
dézoomant, certains détails et donc certains dangers disparaissent de
l’écran). La règle voudrait que l’on adapte le rayon du cercle en fonction
de l’échelle utilisée à un instant T. Certains logiciels en sont capables.
Faute de disposer de cette fonctionnalité particulière, on se rappellera
que le cercle de sécurité n’est valide qu’à fort niveau de zoom.
Sur un croquis, on repère les zones à éviter et les risques potentiels : courants et
contre-courants portant sur les dangers, hauts-fonds pouvant lever une mer difficile,
phénomènes de barre, etc.
■ Segment 3 : La mer d’Iroise
Traverser la mer d’Iroise ne présente pas de difficulté. On note que la
presqu’île de Crozon se prolonge par une série de hauts fonds au large
des pointes de Pen-Hir et du Toulinguet. Plusieurs passes sont clairement
définies sur la carte. Si le temps était mauvais, on choisirait de
contourner tous ces dangers par l’extérieur (par l’ouest de la cardinale
Ouest Vandrée). Avec 15 nœuds de sud annoncés, c’est en revanche
l’occasion idéale d’emprunter une route au plus près de la côte. Le
navigateur n’oubliera pas alors de sortir la carte de détails (SHOM
o
n 7401 au 1/22 500) ou d’afficher le niveau de zoom adéquat sur sa
carte numérique. Ici on bascule en mode « pilotage », les alignements
définis sur la carte seront suivis pour franchir le chenal du Toulinguet.
Il ne faut pas se priver de consulter les photographies incluses dans
les documents nautiques pour identifier les éléments du paysage (elles
permettent par exemple de comprendre en quoi consiste l’aiguille de
Pen-Hir définissant l’alignement à 156,5°).
La carte de détails fournit les alignements de route permettant d’emprunter
le chenal du Toulinguet. Le deuxième est un alignement par l’arrière au 156,5° pour
une route fond au 336° (156° + 180° = 336°).
Seule l’étude de la carte de pilotage côtier, au 1/22 500 dans le cas qui nous
intéresse, permet de s’assurer que la côte est accore le long de la presqu’île de
Quélern, sur la rive sud du goulet de Brest.
Le port de repli
On réfléchit à une solution de repli pour le cas où les conditions
annoncées ne seraient pas au rendez-vous. Soit le vent est beaucoup
plus fort que prévu : dans ce cas, il faut savoir renoncer, la pointe du Raz
n’est pas un lieu pour s’essayer à la navigation par gros temps. Soit le
vent est plus faible et la moyenne de vitesse espérée ne peut être tenue.
Dans le cas présenté, si le vent s’essouffle, il pourra être délicat de
rejoindre le goulet de Brest avant la renverse du courant. Il faudra choisir
entre deux options : mettre le moteur pour de longues heures de façon à
accélérer le rythme, ou bien relâcher dans un port sur la route. Dans
cette dernière éventualité, on prendra la décision de tourner à droite
après la pointe du Toulinguet et on visera le port de Camaret.
L’influence de la dérive
Un voilier qui évolue au près ne progresse pas en suivant sa ligne de
foi (la direction vers laquelle il pointe), il marche en crabe. On parle aussi
de dérive due au vent. L’angle de cette dérive (der) marque la différence
entre le cap vrai (Cv) et la route surface (Rs). Cv se réfère à l’angle entre
le nord géographique (le nord indiqué sur la carte) et l’axe du bateau (la
ligne de foi). Rs mesure l’angle entre le nord géographique et la route
suivie sur l’eau (en surface) par le bateau.
La route surface se calcule à l’aide de l’expression mathématique
suivante :
Rs = Cv + der
Inversement, le cap vrai se calcule à l’aide de la formule :
Cv = Rs – der
La dérive est positive lorsque le bateau navigue bâbord amure (il
dérive sur sa droite), elle est négative lorsque le bateau évolue tribord
amure (il tombe sur sa gauche). Pour éviter de se tromper sur le signe de
la dérive, on se rappelle que les caps et les relèvements augmentent
lorsqu’on se déplace vers la droite : on va bien vers la droite de 0° à 360°
sur la rose du compas, en passant par 90°, 180° et 270° ; vers la gauche,
caps et relèvements diminuent. Au besoin, on s’aide en dessinant un
petit schéma.
Voilà pour le schéma général. Mais avec ce courant qui nous fera
tomber nettement sous la route en début de bord pour nous remonter
légèrement à l’approche des Minquiers, il ne faudrait pas passer dans
l’est de la première cardinale délimitant le plateau, la NW Minquiers.
Nous nous sommes en effet interdit de rentrer à l’intérieur du périmètre
défini par les cardinales des Minquiers, de façon à rester par ce vent frais
à bonne distance des dangers, et à l’écart des premiers hauts-fonds où la
mer lèvera inévitablement.
Il nous faut, pour nous en assurer, dessiner notre route fond heure
par heure. En posant bout à bout chaque heure de courant avec une
heure de route surface au 173° sur 7 milles, nous constatons que notre
trajectoire nous fera passer à l’est de notre cardinale NW Minquiers, ce
que nous avions précisément décidé d’éviter. Il va nous falloir revoir la
copie, et lofer encore plus au-dessus de la route directe. Pour refaire nos
calculs, le plus simple sera de découper autrement notre parcours, en
plaçant notre premier waypoint à la Noroît Minquiers, et non plus à sa
voisine la Suroît.
En reconstruisant la route fond heure par heure, on s’aperçoit que notre route
ne nous permet pas de laisser sous le vent la totalité des dangers des Minquiers. Il va
falloir calculer une nouvelle route, en nous assurant de bien laisser la cardinale Nord
(la Noroît Minquiers) sur bâbord.
LE SUIVI DE LA NAVIGATION
Le plan de navigation est décidé et la route tracée sur la carte. Une
fois les amarres larguées, le navigateur s’applique alors à contrôler le
déroulement de cette navigation. Il a bien plus à faire que simplement
vérifier la position GPS. L’objectif est certes de s’assurer qu’on est bien
là où on voulait être, mais aussi d’interpréter les informations disponibles
pour anticiper la suite des opérations, tant il est vrai qu’en mer les
choses se déroulent rarement selon le plan initial.
Pour cela, il lui faut s’intéresser de près au cap suivi ou encore à la
vitesse sous voile. Ne serions-nous pas en train de dériver plus que
prévu ? Avec cette mer croisée contre laquelle nous luttons la vitesse
s’effondre, ne vaut-il pas mieux abattre de quelques degrés ? Et cette
rotation du vent, plus marquée que celle prévue par la météo ? Allons-
nous devoir tirer des bords pendant des heures, alors que nous pensions
arriver avant la nuit ? Et le courant, est-il en ligne avec les atlas du
SHOM ?
Cette analyse peut se baser sur l’interprétation du navigateur, son
expérience de vieux loup de mer aidant considérablement. Lorsque le
vieux loup de mer a déserté le bord, une alternative consiste à s’appuyer
sur les capteurs électroniques. Cette approche permet notamment
d’effectuer un suivi ininterrompu (les capteurs ne se fatiguent pas), avec
pour avantage la possibilité d’affiner la trajectoire sans délai. Elle plaira
aussi beaucoup à tous ceux qui sont fâchés avec les mathématiques : la
machine se charge des calculs, reste le travail d’interprétation.
LE TEMPS
Une fois comprise la terminologie sur les angles et les vitesses, il
devient naturel de s’intéresser au temps de parcours. Le temps requis
pour faire route jusqu’au waypoint « actif » est appelé TTG (Time To Go).
L’ETA désigne l’heure estimée d’arrivée (Estimated Time of Arrival) : il peut
s’agir, selon les logiciels (ou la façon dont on les configure), de l’heure
d’arrivée au waypoint actif, ou de l’heure d’arrivée à destination, c’est-à-
dire au dernier waypoint de la route active. Lorsque le bateau ne fait pas
route directe, TTG et ETA sont calculés non pas sur la vitesse fond (SOG)
mais sur la vitesse de rapprochement (CMG).
LE TRIANGLE DU VENT
Dès les premières pages de ce Cours, nous avons vu comment le vent
ressenti sur un voilier en déplacement, le vent apparent, est différent en
force et en vitesse du vent qui serait perçu par un observateur immobile
– le vent réel. Les données mesurées par la girouette-anémomètre en
tête de mât sont celles du vent apparent. Interfacée avec le speedomètre
et un calculateur, elle est en mesure de reconstruire le « triangle du
vent », et de fournir les indications concernant le vent réel.
AWA (Apparent Wind Angle) et AWS (Apparent Wind Speed) décrivent
l’angle et la vitesse du vent apparent. TWA (True Wind Angle) et TWS (True
Wind Speed) concernent le vent réel.
Si notre voilier est équipé d’un compas électronique, la centrale de
navigation est en mesure d’indiquer la direction du vent réel sur le plan
d’eau (par rapport au nord) : TWD, pour True Wind Direction.
Le cap suivi
Le barreur tient-il bien son cap ? Depuis la table à cartes, le
navigateur peut contrôler discrètement le cap suivi sur un compas
annexe ou sur le compas de relèvement. Tel barreur n’aime pas le vent
arrière : il a toujours tendance à venir au grand largue et il faut noter la
différence. Tel autre est novice et barre toujours 5° trop à droite : on lui
donne un cap 5° plus à gauche… Décidément, le bateau embarde : le
réglage doit être revu pour faciliter le travail du barreur, etc.
Au près, mieux vaut ne pas donner de cap à suivre. En dépit des
apparences, ça simplifie l’estime. Quand on suit un cap avec un vent plus
ou moins variable, en effet, comment évaluer la dérive ? Alors qu’en
barrant en fonction du vent, la dérive reste toujours la même et c’est ce
qui compte.
Par ailleurs, c’est en naviguant au meilleur près et en suivant les
oscillations du vent que l’on taillera au mieux la route ! Tout le problème
évidemment, à cette allure comme aux autres, c’est d’obtenir du barreur
qu’il sache (et qu’il ose !) indiquer le cap moyen qu’il a effectivement
suivi.
La dérive
La force du vent, l’allure suivie, l’état de la mer, le réglage du bateau,
les qualités du barreur, ce sont autant de degrés de dérive en plus ou en
moins. Un navigateur expérimenté est capable d’évaluer assez finement
la dérive de son bateau. Il ne manquera pas cependant d’en vérifier
l’importance dès qu’un point de repère se présentera à lui. Il aura tout
intérêt à ne pas en avertir le barreur : celui-ci risquerait de s’appliquer
pendant la vérification – qui perdrait toute valeur… Ce qui compte, c’est
ce que le barreur fait, et non ce qu’il est capable de faire.
La distance parcourue
Le navigateur se fie au loch – soigneusement étalonné –, mais se
perfectionne dans la connaissance de son instrument : certains lochs
sont optimistes, d’autres pessimistes, beaucoup sont infidèles quand la
vitesse est faible. Et les algues, les salissures sur le rouet modifient
parfois sensiblement les données (pour ce qui est des modèles
mécaniques ; les lochs électromagnétiques ou à ultrasons ne souffrent
pas de ralentissement de ce type). Un capteur de loch régulièrement
contrôlé et nettoyé est le gage d’une estime bien tenue.
Le courant
Le chapitre « Les documents de navigation – Calculer la marée et les
courants » ► explique comment exploiter les documents officiels pour
calculer la force et la direction des courants. Mais on doit aussi tenir
compte de ses observations personnelles, car les données sur les
courants sont quelque peu incertaines et le vent peut venir tout
bouleverser.
La rencontre d’un flotteur de casier ou d’une bouée est une aubaine :
son sillage donne la direction exacte du courant, ainsi qu’une bonne idée
de sa vitesse.
Outre les courants de marée, le navigateur doit connaître pour la
navigation au large les courants généraux, en se référant aux pilot charts
et documents équivalents. Il peut aussi tenir compte du courant de
surface quand les vents soufflent fort et longtemps dans la même
direction. On trouvera les tables de calcul nécessaires dans le Guide du
navigateur du SHOM.
Le livre de bord
L’ensemble des indications portées sur le livre de bord est le fil
d’Ariane qui permet au navigateur de reconstituer pas à pas la route
parcourue. Tout changement de cap, de vitesse, d’allure (et tout ce qui
peut modifier la dérive) doit y être noté systématiquement.
L’incertitude
Quels que soient le flair et la rigueur du navigateur, le point porté de
l’estime inclut toujours une marge d’incertitude qui dépend évidemment
des conditions de navigation : dans une région sans courant, à une allure
portante, dans un vent moyen et régulier, par mer belle, on l’évalue à 4 %
environ de la distance parcourue ; en revanche, s’il a fallu louvoyer par
petit temps dans des courants mal connus ou bien prendre la cape dans
du mauvais temps, l’incertitude est grande et peut atteindre ou dépasser
10 %.
Après un trajet en ligne droite, la zone d’incertitude est assez
précisément délimitée sur la carte : elle a la forme d’un quadrilatère, plus
long que large si l’incertitude tient plus à la distance parcourue qu’au cap
suivi, plus large que long dans le cas inverse. Mais s’il a fallu louvoyer, la
zone d’incertitude devient un cercle dont le diamètre correspond à la
valeur de l’incertitude maximale. Pour la suite des opérations, le
navigateur considèrera qu’il est au milieu du cercle, mais le bateau peut
être n’importe où à l’intérieur du cercle !
Plus la distance parcourue augmente, plus le cercle d’incertitude
grandit. On dit alors que l’estime vieillit. Toute occasion de la rajeunir est
bonne à prendre, en particulier au moment de l’atterrissage. Et ce, même
si l’on n’aperçoit qu’un seul amer, ce qui est fréquent par visibilité
réduite, ou si la seule information disponible est la profondeur donnée
par le sondeur.
UN EXEMPLE D’ESTIME
En traversant la baie d’Audierne, en direction du raz de Sein, on
s’apprête à parcourir 20 milles sans rencontrer d’amers. Les points
caractéristiques sur la côte sont rares et distants, le contexte justifie
l’entretien d’une estime.
Dans notre exemple, cette navigation s’effectue par un vent d’environ
15 nœuds établi au nord. Le bateau part de la pointe de Penmarc’h et
navigue au près en direction du raz de Sein. Il progresse tribord amure en
suivant un cap compas de 315°, la déviation du compas est supposée
négligeable et la déclinaison magnétique est de 2° Ouest. On passe la
pointe de Penmarc’h à 13 h 20, soit une demi-heure avant la PM de Brest
qui est prévue à 13 h 50 avec un coefficient de 115.
Le tracé
Il s’agit de reporter sur la carte, heure après heure, deux vecteurs : la
route surface et le courant. Le tracé de ces vecteurs est décomposé pour
la première heure, puis cette opération est répétée toutes les heures. On
utilise le tableau d’enchaînement ► pour établir la route surface à partir
du cap compas : on intègre donc successivement la déviation, la
déclinaison, et la dérive.
On s’est référé à l’atlas des courants du SHOM pour déterminer la
force et la direction du courant rencontré, heure par heure, en fonction
des indications de l’atlas à la position estimée du bateau (qui évolue donc
d’heure en heure). On a utilisé l’abaque en début d’atlas afin d’extrapoler
pour le coefficient 115 les vitesses de courant fournies pour les vives-
eaux moyennes (coefficient 95) et les mortes-eaux moyennes (45) (voir
plus loin ► sur la lecture et l’utilisation des atlas des courants).
Heure après heure, on exploite les nouvelles données collectées, on
ajoute les nouveaux vecteurs et peu à peu la route fond se dessine sur la
carte.
Les vecteurs courant et route surface déterminent la route fond suivie heure
après heure.
La situation
« Nous passons la pointe de Penmarc’h de nuit, au près, par vent de
NW, et la visibilité permet seulement de voir le phare d’Eckmühl. À
0 h 10, le phare d’Eckmühl est relevé à Zv = 10° (voir carte ci-après). On
est au près tribord amure, au cap vrai 267°, soit 260° surface, avec 7° de
dérive estimée et une vitesse 5,8 nœuds. À 0 h 40, on vire Cv = 0°, soit
7° en surface. À 1 h 10 on relève le même phare à Zv = 51°.
Le courant est à cette heure (PM – 6 de Brest et l’on est en vive-eau)
évalué à 0,9 nœud dans le 312° ».
Si, à 0 h 10, le bateau s’était trouvé au point A, à 1 h 10 il serait au
point B. Le transport en B du premier relèvement (en rouge) permet
d’établir le point par intersection avec le deuxième relèvement (en bleu) à
1 h 10.
La procédure
« Je trace le relèvement d’Eckmühl à 0 h 10.
À partir d’un point quelconque de ce relèvement en A par exemple, je
trace la route surface du voilier entre 0 h 10 et 1 h 10 : soit un segment
de 2,9 milles (une demi-heure à 5,8 nœuds) orienté au 260°, puis un
segment de 2,9 milles orienté à 7°.
Je prends en compte le courant : à la suite des précédents segments,
j’en trace un nouveau de 0,9 mille qui représente 1 heure de courant
dans le 312° et j’obtiens le point B.
AB représente le déplacement estimé du voilier entre 0 h 10 et
1 h 10.
Je trace une droite parallèle au premier relèvement et passant par B :
j’obtiens, à l’intersection avec le deuxième relèvement, le point à 1 h 10,
que je note sur la carte par un rond bleu barré d’une croix de Saint-
André.
Je contrôle avec les sondes : à 1 h 10, la sonde indiquait 76 mètres,
ce qui semble en accord avec les fonds de 74 mètres de la carte et les
2 mètres de hauteur d’eau donnés pour Le Guilvinec à cet instant. »
Rien n’interdit à ce navigateur de faire un nouveau relèvement du
phare un peu plus tard, avant qu’il disparaisse complètement.
Le déplacement du bateau tirant des bords entre 0 h 10 et 1 h 10 a été
reconstitué de A à B, le segment courant sur une heure ayant été mis bout à bout avec
les deux vecteurs de la route surface. Le transport en B du premier relèvement
(en rouge) permet d’établir le point par intersection avec le deuxième relèvement
(en bleu) à 1 h 10.
L’ESTIME AU LARGE
Certains attendent la panne du GPS pour commencer l’estime ; les
puristes la mettent en œuvre dès le départ et la « rafraîchissent » par des
points astronomiques réguliers.
Louis s’est embarqué pour une transat, une aventure qu’il préparait
depuis longtemps, un rêve après des années d’encadrement en croisière
côtière. C’est sa première grande traversée. Après les appréhensions du
départ, le rythme des quarts s’est vite imposé et la vie à bord s’est
organisée. Les jours se succèdent dans la bonne humeur, les difficultés
météo sont remarquablement gérées par un équipage tourné vers la
même destination, le même espoir : les Antilles et le soleil. Certains ont
déjà préparé leur bermuda à fleurs. Nous sommes par 35° Nord et 31°
Ouest, au milieu de l’Atlantique. La mer est formée mais l’allure au grand
largue est confortable dans la chaleur des alizés naissants. Le ciel est
gris et l’équipage observe, inquiet, un grain qui se prépare sur l’arrière
bâbord. Un de plus. Cette fois, il s’agit d’un grain orageux. Louis fait
amener le grand génois et envoie la trinquette, puis, lorsqu’il lui paraît
certain que ce grain va lui tomber dessus, il réduit la grand-voile. Bien lui
en a pris, car les rafales désordonnées secouent bientôt le voilier dans
une baston aussi brève que violente. Un seul éclair, un claquement bref,
et le grain passe son chemin. Dans le calme revenu, le navigateur pousse
soudain un hurlement : « Il y a de la fumée qui sort de l’ordinateur ! »
Louis descend et constate que tous les faisceaux électriques ont fondu
derrière le tableau électrique. L’orage, pourtant bref, a grillé une partie
de l’électronique du bord. Anémomètre, GPS et ordinateur sont hors
service. Il n’y a que la VHF, le loch-speedomètre et le sondeur qui
marchent encore. Le GPS portatif de secours était malheureusement
tombé à l’eau quelques jours plus tôt, lors d’un empannage à la
hussarde. Après les premiers instants de stupeur, Louis réunit son
équipage autour d’un bon saucisson, et fait une mise au point. Jusqu’à
présent, on naviguait au GPS sans se poser de question. Cet instrument
rend paresseux : le navigateur faisait valoir sa route simplement à partir
du dernier point. Désormais, c’est l’estime seule qui permettra à
l’équipage d’atteindre sa destination.
Depuis le départ, le navigateur remplissait toutes les heures le livre
de bord, et les points GPS étaient soigneusement reportés sur la carte.
La dernière croix entourée d’un cercle est la « dernière position connue »,
qui servira de point de départ de l’estime. Le navigateur doit tout d’abord
chiffrer les dérives. Depuis l’avant-dernier point reporté sur la carte, il
reconstruit le vecteur DR, pour Dead Reckoning 88, à partir du cap
compas noté sur le livre de bord, puis la route fond d’après le point GPS.
Il obtient ainsi le vecteur « Dérive » qu’il peut intégrer pour faire valoir sa
route… jusqu’au nouveau point. Puis il portera l’estime sur la carte, selon
la méthode exposée plus haut dans ce chapitre ►. Le navigateur, par
définition, aime bien les chiffres. En confrontant rétrospectivement les
données du livre de bord à la route tracée sur la carte, il calcule toutes
les dérives possibles : celle due au courant, celles dues à l’allure, à la
vitesse, au barreur, à la combinaison de voiles, etc. Il espère ainsi faire
une estime aussi précise que possible.
Il reste 2 000 milles à parcourir jusqu’à Pointe-à-Pitre, soit au final
une incertitude d’environ 200 milles. En visant la Guadeloupe, Louis
pourrait se retrouver à la Barbade ! Malgré la chaleur des alizés, il faut
rafraîchir l’estime et tous les moyens sont bons. Le plus fiable est le
point astronomique.
Les rencontres avec les cargos peuvent fournir une aide précieuse.
S’il est difficile de savoir d’où ils viennent et où ils vont, un contact VHF
permet d’obtenir une position.
Avec seulement deux méridiennes et trois rencontres de cargos,
Louis et son équipage arrivent en vue de La Désirade 12 jours plus tard,
comme prévu.
UNE SOMME D’INCERTITUDES PEUT MENER À BON PORT
Comme dans toute navigation à l’estime, les positions successives ne sont pas
des points, mais des cercles de diamètre croissant. Au fur et à mesure de la
navigation, l’incertitude quant à la position du bateau devient énorme : si l’on
compte un diamètre du cercle d’incertitude de 10 % de la distance, une traversée du
golfe de Gascogne de 350 milles donne un cercle de 35 milles de diamètre ; pour
une navigation à 7 nœuds par exemple, l’incertitude à propos de l’heure d’arrivée est
de plus ou moins 2 heures et demie. Il arrive cependant qu’on soit juste sur le bon
cap, qu’on arrive à l’heure prévue au point d’atterrissage choisi. Statistiquement, les
erreurs se compensent en effet les unes les autres au cours de la navigation, ce qui
augmente les chances d’arriver près de la position prévue. Mais il ne faut pas
prendre ça pour une victoire, le bateau aurait très bien pu arriver beaucoup plus à
gauche, plus à droite, plus tôt ou plus tard…
LE SEXTANT
Ultime aboutissement d’une longue lignée d’instruments de mesure
dont l’origine remonte aux civilisations anciennes, le sextant n’est rien
d’autre qu’un rapporteur – certes sophistiqué – permettant de mesurer
les angles. En navigation astro, on l’utilise pour calculer la hauteur
angulaire d’un astre, en abaissant l’image de ce dernier sur l’horizon,
grâce à un jeu de miroirs.
Le corps de l’appareil est en métal ou en plastique. Moins rigides,
plus sujets aux déformations lors des variations d’hygrométrie et de
température, les sextants en plastique produisent des visées moins
précises que leurs homologues en aluminium, beaucoup plus coûteux.
Cette imprécision demeure toutefois très relative, comparativement
aux erreurs incontournables en navigation astro (imprécision dans la
visée et la manipulation proprement dites, réfraction, arrondis dans les
calculs). On considère que la précision d’un point astro correctement
réalisé est de 2 à 10 milles, et qu’avec un sextant en plastique on reste
au-delà des 5 milles d’imprécision. Un peu juste pour un atterrissage
précis, ces sextants meilleur marché demeurent tout à fait fonctionnels
en navigation au large. Il faudra seulement s’attendre à devoir les régler
et les ajuster plus fréquemment que leurs homologues en aluminium. Les
sextants anciens en laiton sont à réserver aux étagères de la bibliothèque
ou au dessus de la cheminée, à condition d’avoir un faible pour la
décoration vieille marine.
La collimation
Si les miroirs doivent être occasionnellement contrôlés, la collimation
s’effectue de manière systématique avant chaque mesure de hauteur,
tant elle s’avère sensible aux aléas climatiques. Cela consiste à « mettre
à zéro » le sextant en déterminant son erreur instrumentale. On procède
en superposant l’image directe et l’image réfléchie d’un même objet
lointain et en lisant la valeur d’angle donnée par l’instrument. Dans la
pratique, on visera l’horizon en veillant à ce que ses deux images se
superposent. La collimation donne ainsi la valeur de l’erreur
instrumentale. La correction à apporter aux mesures de hauteur sera
l’inverse de l’angle lu sur le sextant (si on lit – 3’, la correction est de 3’).
Les degrés se lisent sur le limbe et les minutes de degré sur le tambour
micrométrique.
Visant directement le Soleil avec l’alidade réglée à 0°, l’observateur voit deux
images superposées du Soleil. L’une provient de la réflexion de ses rayons sur le
grand miroir (mobile grâce à l’alidade), puis sur le petit miroir (fixe), et enfin
transmise à l’œil par la lunette grossissante. L’autre provient de l’image directe du
Soleil et atteint la lunette via la moitié transparente du petit miroir.
En basculant le cadre du sextant, ce qui fait coulisser le limbe sur l’alidade,
l’observateur conserve l’image réfléchie du Soleil dans la lunette, tandis que
l’image directe visée par celle-ci descend jusqu’à l’horizon, qui finit par y
apparaître. Des filtres colorés permettent de viser le Soleil sans éblouissement et
doivent être réglés pour pouvoir distinguer l’horizon, beaucoup moins brillant.
La double réflexion permet de lire 60° sur le limbe alors que la bascule de
l’alidade et du grand miroir n’est en réalité que de 30°.
Traditionnellement le miroir d’horizon est divisé en deux demi-lunes,
respectivement réfléchissante et transparente. L’option du miroir plein champ, qui
utilise le principe de la glace sans tain. Ce dernier permet une visée plus facile,
dans la mesure où l’observateur a une vision intégrale de l’astre mesuré.
La réflexion est certes moins lumineuse, mais cela ne présente pas
d’inconvénient particulier pour le point diurne avec le soleil, et ne complique
éventuellement la tâche que lors de la visée de petites étoiles. Cette deuxième
option pourra être préférée par les débutants.
S’ENTRAÎNER À TERRE
Ce n’est pas en mer, pour des raisons évidentes liées aux mouvements du
navire, que l’on se familiarisera avec la manipulation du sextant. Il faut s’entraîner
sur la plage, dans son jardin, son arrière-cour ou depuis son balcon. Faute d’horizon
dégagé, on pourra viser l’image du Soleil sur un horizon artificiel, posé au sol ou
même sur une table : il suffit de remplir d’eau un récipient, de préférence de couleur
sombre. Les mathématiques démontrent, et nous le considérerons ici comme
acquis, que la mesure obtenue doit être divisée par deux pour avoir la hauteur
angulaire du Soleil. N’apporter au calcul aucune correction pour la hauteur d’œil (au
sujet des corrections, voir plus loin ►).
L’azimut
L’azimut du Soleil (Z) est la direction dans laquelle on l’observe, et
plus précisément la direction dans laquelle on relève le point
géographique du Soleil depuis le point de calcul. Il peut être mesuré
grossièrement en visant l’astre au compas ou, pour plus de précision, par
une équation trigonométrique ou encore en se référant aux tables
précalculées.
Point de calcul
On parle aussi de point auxiliaire, ou de position arbitraire. Lors du
tracé d’une droite de hauteur, on place arbitrairement le bateau à une
position proche de sa position estimée, par exemple en choisissant une
latitude ronde.
RÉCAPITULATIF
Toutes les opérations de calcul de la méridienne pourront être rassemblées sur
la feuille de calcul synthétique ci-dessous. La précision obtenue pour la latitude
dépend de la qualité des mesures, de l’état de la mer, mais aussi des arrondis de
calcul (l’utilisation d’une calculette élimine le problème).
Avec un peu de pratique et de bonnes conditions météo, la marge d’erreur est
de 2 à 3 milles, ce qui est suffisant au large. Les erreurs de calcul produisant en
général des résultats farfelus, celles-ci sont assez faciles à repérer.
En ce qui concerne la longitude méridienne, rappelons-nous qu’une erreur de
4 secondes entraîne une erreur de 1 minute d’angle en longitude. Aux latitudes
moyennes, une minute de longitude voisine 0,7 mille.
Notre décalage de temps d’1 h 44 min 11 s correspond donc à un
angle de 26° 3’. À 13 h 48, heure de la culmination, le bateau était à la
longitude 26° 3’ Ouest.
La droite de hauteur
Jusqu’ici, les calculs ont été relativement simples et l’utilisation des
tables et de la calculette plutôt restreinte. Il est temps d’aller un peu plus
loin, afin de profiter de la moindre éclaircie passagère pour faire le point.
Ne la laissons pas passer !
Le principe de base de la droite de hauteur est très simple. En
connaissant l’heure et la position estimée du bateau, on peut déduire par
le calcul la direction ou azimut (Z) et la hauteur à laquelle on devrait
observer le Soleil (deux informations fournies par les tables de calcul,
comme on le verra plus loin).
Dès lors, si la hauteur vraie (Hv) à laquelle on a effectivement observé
le Soleil est plus grande que la hauteur issue des calculs, c’est que le
bateau est plus proche du pied du Soleil d’autant de milles qu’il y a de
minutes d’angle entre ces deux hauteurs. Inversement, si la hauteur est
plus petite, c’est qu’on est plus loin que prévu. La différence entre
hauteur vraie (Hv) et hauteur issue des calculs est appelée l’intercept.
Cet intercept est positif quand on est plus près du pied de l’astre que le
prévoyait le point estimé, négatif dans le cas contraire.
Le navigateur reporte sur la carte un point déterminé par la latitude
et la longitude de calcul (latitude arrondie et longitude arbitraire). De là, il
trace un segment de droite de direction Z et de longueur égale à
l’intercept. À l’extrémité de l’intercept, il trace une droite perpendiculaire
à l’azimut : c’est la droite de hauteur. En réalité la droite de hauteur est
une tangente au cercle immense dont le centre est le pied du Soleil et
sur lequel tous les observateurs voient le Soleil à ce même instant avec
une hauteur Hv. La droite de hauteur est donc le lieu géométrique 96 de
la position du bateau, exactement comme la droite qu’on trace après
avoir relevé un amer au compas.
Pour avoir un point, il faut attendre que le Soleil ait tourné, et réaliser
une seconde droite de hauteur qui coupe la première (le navigateur ayant
transporté cette première droite du déplacement du voilier entre les deux
mesures). L’intersection des deux droites de hauteur donne le point.
■ Les références
Outre les Éphémérides nautiques, on va avoir besoin :
– des tables précalculées (Dieumegard et Bataille, HO249
américaines, etc.). Conçues pour être simples d’utilisation, elles le sont.
Ici nous traiterons un exemple avec les HO249 ;
– de la règle Cras et du compas à pointes sèches ;
– d’un crayon à papier et d’une gomme, non seulement parce qu’on
va tracer le point, mais aussi parce qu’il n’est pas rare de se tromper
d’une ou deux retenues sur la feuille de calcul, et qu’on risque fort d’avoir
à revenir sur ses travaux…
– d’un canevas Mercator, feuille A4 sur laquelle on tracera à une
échelle exploitable les méridiens et parallèles proches du lieu
d’observation. La méthode pour construire les canevas Mercator est
décrite plus loin ►.
Le secteur des feux de route vert et rouge s’étend sur 112,5° à partir de
l’étrave, tandis que le feu blanc de poupe couvre un secteur de 135°. Les navires à
propulsion mécanique arborent de surcroît un feu blanc visible sur 225°, et un
deuxième s’ils mesurent plus de 50 mètres de long.
LES PRIVILÈGES
Les feux complémentaires (et de jour, certaines marques hissées
dans la mâture) permettent d’identifier le type de navire, et/ou l’activité
à laquelle il est en train de se livrer, d’où découle une hiérarchie des
privilèges.
Il ne s’agit pas de priorités au sens strict, les règles pour prévenir les
abordages ne sont pas fondées sur des droits, mais sur les devoirs de
chacun pour éviter l’abordage.
Deux principes forts méritent d’être rappelés. « S’il y a doute quant au
risque d’abordage, on doit considérer que ce risque existe » (règle 7 du
RIPAM). Autrement dit, en cas de doute, il n’y a plus de doute. Et on doit
toujours se considérer comme devant manœuvrer, et non camper sur
son privilège.
L’AIS
L’avènement de l’AIS, pour Automatic Identification System, a
représenté une authentique révolution. Développé au niveau mondial à la
fin des années 1990, il s’agit d’un système automatisé d’échanges de
messages numériques fournissant aux organismes de surveillance
(CROSS, Douanes…) et aux navires pourvus d’un appareil de réception
une série d’informations normées (identification, position, cap,
vitesse…), transmises en permanence sur une fréquence VHF par les
navires équipés d’un émetteur. Pour fonctionner, il nécessite, outre son
calculateur interne, d’être interfacé avec un GPS.
Les navires dotés d’un récepteur AIS disposent d’une représentation
du trafic des navires émetteurs alentour. Leur écran d’affichage leur
permet d’identifier avec précision ces navires, dans la mesure où le
système (les messages numériques qu’il délivre) renseigne en particulier
leur nom, leurs caractéristiques, leur route et leur vitesse. Pour chaque
« cible AIS », le dispositif fournit de surcroît par calcul deux données
fondamentales :
– Le CPA, ou Closest Point of Approach, qui est la distance à laquelle
on croisera ce navire au plus près.
– Le TCPA, ou Time to Closest Point of Approach, qui indique le temps
jusqu’au moment du CPA.
Ainsi, en sélectionnant une cible, apprend-on par exemple que si les
deux bateaux conservent la même route et le même cap, on croisera à
1,2 milles dans 20 minutes. Certains lecteurs perfectionnés précisent en
outre si l’on croisera devant ou derrière la cible et/ou indiquent la vitesse
de rapprochement. Ils sont équipés d’alarmes sonores et visuelles, que
l’on paramètre en fonction de seuils de CPA et de TCPA choisis par
l’utilisateur.
L’AIS permet de repérer sur zone tous les navires émetteurs, de
déceler les risques de collision, et aide à prendre les bonnes décisions.
Autre avantage, considérable : le navire dont la trajectoire nous inquiète
étant clairement identifié, il devient possible de l’appeler nommément à
la VHF pour s’assurer qu’il a vu notre voilier, et éventuellement discuter
avec lui des manœuvres respectives à entreprendre. Dans la pratique, on
le contacte sur le canal 16 avant de basculer sur un canal « bateau à
bateau », par exemple le 06.
Si l’installation est couplée à une VHF ASN (Appel sélectif
numérique), on pourra aussi joindre le navire concerné par message
numérique.
On le conçoit aisément, l’AIS est une aide particulièrement précieuse
à la navigation. Mais ce n’est en aucun cas une protection absolue contre
les collisions, ne serait-ce que parce que toutes les embarcations n’en
sont pas équipées. Le transpondeur (émetteur-récepteur) AIS a été
rendu obligatoire en 2008 pour les navires de plus de 300 tonneaux et
les transports de passagers, puis en 2014, l’obligation a été étendue aux
bateaux de pêche communautaires de plus de 15 mètres. Par définition
les autres navires n’émettent pas forcément, en particulier les bateaux
de pêche de moins de 15 mètres et tous les bateaux de plaisance 101.
Sur nos voiliers, un simple récepteur AIS permet de voir sans être vu.
Pour apparaître sur les écrans des navires de commerce, il faut se munir
d’un transpondeur (matériel simplifié de classe B), qui permet quant à lui
de voir en étant vu 102.
Dans tous les cas, on se rappellera que l’AIS ne dispense aucunement
d’assurer la veille visuelle et auditive, dont elle ne peut être qu’un
complément.
LE RADAR
Relativement encombrant et onéreux, le radar figure plus rarement
dans l’équipement de nos bateaux de plaisance. L’avènement du GPS a
réduit son intérêt en termes de navigation sans visibilité, tandis que l’AIS
a représenté un apport considérable dans la prévention des collisions. Il
n’empêche, le radar reste une aide très précieuse, notamment par
visibilité réduite et ne serait-ce que parce qu’il repère – à la différence de
l’AIS – tout ce qui flotte ou navigue sur zone (à condition d’être
correctement réglé et utilisé). Et il est bon de connaître un des points de
la règle 7 du RIPAM : lorsqu’on a un radar en état de marche, on doit
l’utiliser afin de déceler les risques d’abordage. Ne pas le faire serait une
faute, qui pourrait nous être reprochée. Autant par conséquent savoir
s’en servir.
Principe
Le radar (RAdio Detecting And Ranging) est un moyen de détection
électromagnétique fondé sur le phénomène de l’écho : son émetteur
envoie une impulsion qui, en rencontrant un obstacle (navire, bouée,
côte, etc.), se trouve réfléchie et revient vers un récepteur. La mesure du
temps écoulé entre l’émission de l’impulsion et la réception de l’écho
donne la distance de l’obstacle, puisqu’on connaît la vitesse de
propagation de l’impulsion. On la mesure sur l’écran avec le cercle de
distance variable, dit VRM (Variable Range Marker). L’antenne étant
directive, son orientation par rapport à la ligne de foi du bateau donne la
direction de l’écho. Sur l’écran, on mesure le gisement d’une cible à
l’aide de l’alidade électronique 103, dite EBL (Electronic Bearing Line).
Portée
La portée d’un radar est d’environ 10 % supérieure à celle de l’œil et,
plus son antenne est haute, plus il voit loin. Il sait surtout voir de nuit et
par mauvaise visibilité optique (brume et pluie fine).
Le radar peut visualiser des constructions en béton, des falaises et
des rochers, des objets métalliques tels les navires, mais ses ondes sont
mal réfléchies par le bois et le plastique. Ceci explique que, pour être
visibles, les voiliers doivent être équipés d’un réflecteur radar, qu’il soit
actif (transpondeur) ou passif. De même, les cibles de petite taille et
basses sur l’eau (bouées, par exemple) ne peuvent pas être détectées de
loin, si elles ne disposent pas d’un réflecteur.
Par mer formée ou grosse pluie, l’image générée par le radar est
parasitée par un fouillis (clutter en anglais) d’échos. Provoqué par les
vagues (retour de mer) ou les gouttelettes d’eau (retour de pluie), il peut
masquer l’écho d’un bateau ou d’une bouée. Pour atténuer cette gêne,
on ajustera les réglages d’antiretour de mer et de pluie (anticlutter sea &
rain).
Utilisation en anticollision
Dans la présentation classique de l’image radar, le bateau porteur est
au centre de l’écran, sa ligne de foi étant dirigée vers le haut (mode Head
Up). Dans ce cas, on saura s’il y a un risque de collision quand l’alidade
mobile EBL étant calée sur un écho (une cible), on voit cet écho
s’approcher (il entre dans le cercle du VRM) tout en restant en gisement
constant (toujours placé sur l’EBL). Bien qu’en mer ouverte les navires à
propulsion mécanique doivent sauf exception s’écarter de la route d’un
voilier, on adoptera par prudence les règles définies pour les navires à
moteur : a priori en effet, pour le bateau en face qui lui aussi observe une
veille radar, notre écho ne détermine pas quel type de navire nous
représentons.
Le RIPAM définit la conduite à suivre, qu’on peut traduire de la
manière suivante (règle 19) :
– Dans la plupart des cas, si on doit s’écarter d’un navire repéré au
radar, c’est en venant sur la droite.
– L’exception réside dans le cas où l’écho radar apparaît sur tribord
arrière ; venir à droite conduirait à s’en rapprocher. On vient donc, dans
ce cas seulement, sur la gauche.
DÉTERMINER LA ROUTE
Parfois, l’objectif ne laisse guère de choix en ce qui concerne la
route. Ainsi, quand on veut rejoindre son point de destination sur un seul
bord, qu’il n’y a aucun danger à éviter et que les conditions
météorologiques sont favorables et stables. Mais dans la plupart des cas,
que ce soit en pilotage, en navigation côtière ou hauturière, il y a
plusieurs routes possibles. Il faut alors choisir la plus sûre, la plus rapide
ou la plus confortable et prendre en compte différents éléments : météo,
courants, zones à privilégier ou à éviter, mais aussi le bateau (taille, tirant
d’eau, performances aux différentes allures, comportement à la mer)
ainsi que son équipage (effectif, expérience, compétences réunies, état
de fatigue éventuel, résistance des uns et des autres au mal de mer…).
LA MÉTÉO
La consultation et l’étude attentive de la météo sont les préalables
incontournables à toute navigation. La direction du vent permet de
prévoir à quelle allure se fera la traversée et quelle voilure il faudra
porter. Tel passage, qui paraît facile, peut se révéler impraticable si l’on
est bout au vent… Il faudra passer par une autre voie.
La force du vent prévue permet aussi d’estimer la vitesse du voilier et
par conséquent la durée de la traversée. Si le voyage risque de se
prolonger dans la nuit, il faut prévenir l’équipage et mettre en place un
système de quart dès le départ – ou prévoir une escale supplémentaire.
La houle et la mer sont des éléments importants, qui influent à la fois
sur la vitesse du voilier, sur le confort de la traversée, sur la sécurité de
l’embarcation et sur le choix du parcours. On peut par exemple privilégier
le passage par des routes abritées de la mer si celle-ci est forte et si les
vents sont contraires.
La visibilité est un facteur qui peut limiter le périmètre de navigation :
on ne se lancera pas dans du rase-cailloux si elle est trop réduite…
Il faut également s’intéresser à l’évolution de la météo dans le temps.
Les prévisions relatives au vent peuvent conduire à avancer un départ ou
à le retarder de quelques heures. Pour revenir des Cornouailles anglaises
vers les côtes de Bretagne pendant le passage d’une perturbation, par
exemple, on gagnera à attendre le passage du front froid et la rotation du
vent au nord-ouest pour partir aux allures portantes ou même
simplement débridées plutôt qu’au près serré contre une brise de suroît.
Les prévisions permettent aussi de choisir la bonne route, le bon
bord, celui qui fera gagner quelques dizaines de minutes sur le voilier
parti de l’autre côté du plan d’eau.
Parfois, si la fenêtre météo est réduite – c’est-à-dire si les prévisions
favorables à la navigation sont de courte durée ou que le mauvais temps
menace –, c’est la route la plus rapide qu’il faut privilégier. Dans ce cas,
vitesse et sécurité sont étroitement liées. Il n’est plus temps de
musarder, de penser à son petit confort. Il faudra savoir éventuellement
se lever tôt, préparer le bateau et l’équipage à prendre la mer sans
lanterner, et une fois sous voiles, il faudra s’appliquer à tirer le meilleur
de son bateau pour rejoindre très rapidement l’abri du prochain port.
Un dernier conseil, moins futile qu’il ne pourrait paraître. Au début
d’une croisière sans destination obligatoire, mieux vaut partir au portant :
on sera ainsi certain d’avoir bouclé une partie du programme avec le
vent. Les équipages qui commencent leurs vacances en tirant des bords
au motif que le retour se fera vent arrière ont de fortes chances de se
tromper, pour peu que la météo change radicalement en cours de
croisière. Partir vent debout et revenir de la même manière n’est ni le
plus rapide, ni le plus confortable, sauf par petit temps évidemment : au
près, le vent apparent augmente, une petite brise suffit à avancer
correctement tandis que, dans les mêmes circonstances au portant, le
voilier se traînerait.
LE COURANT ET LA MARÉE
Cette préparation en amont intègre un calcul de marée, non
seulement pour le lieu de départ et celui d’arrivée mais aussi, le cas
échéant, pour les différents ports de référence correspondant à la zone
de navigation envisagée. Les courbes de marée associées permettront
de déterminer les hauteurs d’eau réelles à partir des sondes de la carte ;
elles pourront aussi éventuellement imposer des heures de départ, faire
apparaître les périodes où certains ports ou abris seront ou non
accessibles, dans le cas où leur accès est protégé par un seuil, une porte
ou une écluse.
L’étude des courants généraux et des courants de marée s’avérera
parfois déterminante dans le tracé de la route, mais aussi dans le choix
d’un horaire ou la réflexion sur la durée d’une étape. Elle permettra de
mettre en évidence des « passages à niveau » (temps limite pour
emprunter un passage de fort courant comme un raz), dicter un horaire
de départ – ou même la destination du jour. Par vives-eaux en Bretagne
Nord, par exemple, on s’efforce généralement de naviguer avec le
courant plutôt que de lutter contre lui. Les horaires de renverse, les
contre-courants éventuels, les zones plus abritées du courant, seront
utilement repérés. Nous verrons, dans les pages suivantes, comment
procéder concrètement aux calculs de hauteurs d’eau et de courants.
LE CALCUL DE MARÉE
Différents logiciels spécialisés ou applications pour tablettes et
smartphones fournissent désormais la hauteur d’eau en tout lieu et à
toute heure. L’investissement dans ces produits électroniques n’a
cependant aucun caractère indispensable, les calculs de marée n’ont rien
de véritablement sorcier, et par ailleurs la panne d’alimentation
électrique n’est jamais à écarter – si le GPS à piles peut sauver la mise
lorsque les batteries du bord sont à plat, on n’en dira pas autant de la
tablette à bout d’autonomie. Toutes les bonnes raisons sont réunies pour
toujours savoir calculer ses hauteurs d’eau « à la main ». Sur les bateaux
des Glénans, plusieurs courbes de marée figurent à chaque page du livre
de bord, et une navigation ne commence jamais sans les avoir
soigneusement tracées.
Pour l’île de Sein, les corrections à apporter aux marées de Brest sont
les suivantes :
– Pour les pleines mers : correction sur les heures de marée de moins
5 minutes en VE et moins 10 minutes en ME ; sur les hauteurs de moins
0,85 mètre en VE, de moins 0,65 mètre en ME. Ce qui donne (après
application d’une moyenne puisque ce 3 décembre 2016 est à mi-chemin
des vives-eaux et des mortes-eaux) une correction à apporter de moins
7 minutes (on peut faire l’impasse sur les secondes) et de moins
0,75 mètre.
– Pour les basses mers : correction sur les heures de marée de moins
15 minutes en VE, de moins 5 minutes en ME ; sur les hauteurs de moins
0,2 mètre en VE, de moins 0,35 mètre en ME. Ce qui donne (toujours en
moyenne pour un coefficient de 70) une correction à apporter de moins
10 minutes et de moins 0,3 mètre.
Ces chiffres sont rapportés à ceux de la marée de Brest, dans un petit
tableau, pour la marée du matin et celle du soir. Les résultats du calcul
nous indiquent que pour la matinée de ce 3 décembre 2016, le marnage
à Sein (différence entre marée haute et marée basse) est de 4,30 mètres,
et la mer descend pendant 6 heures et 21 minutes.
LES COURANTS
Avant de se lancer dans de longs calculs sur le courant pour faire
valoir sa route, autant estimer si le jeu en vaut la chandelle. Ainsi, quand
la vitesse d’un courant traversier représente moins de 5 % de celle du
bateau (0,2 nœud de courant pour un bateau marchant à 5 nœuds = 4 %),
la route ne s’en trouve modifiée que de 2,5°. Il suffit alors, pour faire
valoir la route, d’arrondir dans le bon sens le cap à donner au barreur
(rappelons que la rose du compas de cockpit est graduée de 5° en 5°).
On procèdera au même type d’arrondi dans la conversion du cap compas
en cap vrai, lorsqu’on cherche à entretenir l’estime.
Si en revanche le courant est plus fort, le sujet mérite d’être abordé
plus en détail.
Les données concernant les courants se trouvent sur les cartouches
de courant des cartes, dans certains documents généraux (Bloc Marine,
Almanach du marin breton, etc.) et, pour une information détaillée sur la
France, dans les Atlas des courants de marée du SHOM.
Un cartouche de courants donne, pour quelques points spécifiques de la carte, le
moyen d’estimer force et direction du courant en fonction de l’heure et du coefficient
de marée.
Un atlas de courants comprend une page par heure de marée, par rapport à la
pleine mer d’un port de référence (ici Cherbourg pour les courants de la Manche).
Pour mieux s’y repérer, on note au crayon à quelles heures cela correspond pour la
journée en cours (il y a deux cycles de marée par 24 heures).
Dans les pages intérieures du livre de bord, tout événement est mentionné.
Ce livre de bord comporte des cadres spécifiques pour les consignes de sécurité, les
graphiques de marée et la pression barométrique, toutes données faisant partie
intégrante du projet de navigation.
AVANT L’APPAREILLAGE
On mentionne les changements dans l’équipage, la météo, on trace
les graphiques de marée pour la journée, on note la pression
barométrique. Le chef de bord inscrit les consignes qu’il a données à
l’équipage : « M’avertir si… ; port de la brassière obligatoire ; s’assurer
sur la ligne de vie pour se déplacer sur pont », etc. On se reporte aux
pages des précédentes navigations pour se remémorer les tâches de
réparation et d’entretien qui y avaient été éventuellement inscrites, pour
s’assurer qu’elles ont bien été effectuées dans la mesure où elles
pouvaient présenter un caractère indispensable et/ou urgent. On en
profite pour faire le point sur les réserves en gaz, en nourriture, en eau
potable et en carburant, et sur leur adéquation avec le projet de
navigation, en relation non seulement avec la longueur de la route
envisagée mais aussi avec les prévisions météo.
EN ROUTE
Cette tenue minutieuse du livre de bord se poursuivra bien entendu
en mer. Chaque point, chaque changement de quart, de cap, de voilure,
la mise en route ou l’extinction du moteur, chaque incident notable de la
vie du bord sont consignés à l’aide de données précises. Pour le point :
l’heure et l’origine de la position (GPS, par 3 relèvements, par le travers
de tel amer, etc.), le loch, la sonde, éventuellement la vitesse. Pour les
changements de voilure : la nouvelle voilure, éventuellement la nouvelle
vitesse. De manière régulière : l’état du ciel, la force du vent, l’état de la
mer, la pression barométrique, le loch. Si nécessaire, toute information
relative à la navigation – « Croisé un cargo nommé Karaboudjan faisant
route au SSE », « Une bande de dauphins accompagne le bateau », etc. –
mais aussi tout incident susceptible d’avoir des implications ultérieures,
refus éventuel d’un équipier de respecter telle ou telle consigne de
sécurité par exemple.
Une ligne du livre de bord. On y note : l’heure (en heure locale), le loch en milles,
le cap compas, l’événement éventuel (point, changement de voilure, de cap, etc.), le
vent en direction et force Beaufort, l’allure, la voilure portée, la position (latitude,
longitude ou relèvement, ou distance et relèvement ou gisement [par exemple à
0,1 mille par le travers de…], etc.), l’origine de la position (GPS, alignement,
3 relèvements, visuel, etc.), l’état de la mer (calme, belle, peu agitée, etc.), la sonde, la
visibilité en milles, le baromètre et sa tendance (avec une flèche vers le haut ou le bas
ou un tiret si stable), la couverture nuageuse en octas (un octa = un huitième de ciel),
le courant en force et direction (par exemple : 0,2/150°).
AU RETOUR À TERRE
Après l’arrivée au port, on note l’heure d’arrivée, le nombre d’heures
moteur pendant la navigation, les données de la jauge gasoil, la tension
de la batterie, le loch. On dresse la liste des petites réparations à
effectuer avant un nouveau départ.
Les almanachs
Dans une première catégorie de documents nautiques d’origine
« privée », on trouve l’Almanach du marin breton (uniquement pour la
Manche et l’Atlantique) et le Bloc Marine (découpé en différents tomes
pour l’Atlantique, la Méditerranée, la péninsule Ibérique et les Antilles). Y
figurent les documents officiels (RIPAM, Division 240), les sources
d’information météo pour la zone concernée, un extrait du livre des Feux
et signaux de brume, un annuaire des marées et des cartes de courants,
des informations sur les ports, accompagnées de plans. Ils sont réédités
chaque année. Signalons aussi le Reeds Almanac en anglais, qui couvre
une très large zone, depuis les Shetlands et le Danemark, au nord,
jusqu’aux Açores et à Gibraltar, au sud. Un almanach satisfait en principe
aux dispositions de la Division 240 concernant les documents
obligatoires à bord (résumé du RIPAM, description du système de
balisage, heures et coefficients de marée). Certains (pas tous, au jour où
nous écrivons) sont disponibles en version électronique.
PREMIÈRE SITUATION
Il fait beau, le temps est bien établi, le vent soutenu de secteur nord-
est, la visibilité bonne. Vitesse probable du bateau : 6 nœuds. Le
navigateur prévoit donc une traversée d’environ cinq heures. Dans ces
conditions météo, la mer ne doit pas être dure sur le plateau de la
Recherche, et l’on pourra passer dessus, à condition tout de même de
prendre un pied de pilote confortable, de l’ordre de 2 mètres. La route
par le Béniguet étant la plus courte, c’est à elle que l’on pense en
premier. Avec ces vents, le passage est aisé mais il y a un inconvénient :
il n’est pas éclairé et on ne peut l’emprunter de nuit. La route par le
passage des Sœurs semble quant à elle un peu moins facile, car les
amers à utiliser sont lointains et comportent des risques de confusion. Il
faudrait prendre le temps d’y effectuer une partie de pilotage pour bien
se repérer, et ce n’est pas au programme aujourd’hui. On ne peut pas
non plus y passer de nuit. Enfin, la Teignouse est praticable de jour
comme de nuit, ainsi que le passage de l’Est.
Faut-il tenir compte de la marée ? Les courants sont relativement
forts dans tous les passages (sauf dans celui de l’Est) : mieux vaut passer
à marée descendante. L’heure d’appareillage la plus favorable est celle
de la pleine mer qui permet de bénéficier du courant portant tout au long
de la traversée. En somme, le navigateur a l’embarras du choix. Il semble
qu’il n’y ait aucun piège et qu’en cas d’imprévu on puisse toujours rallier
un port sous le vent : Houat ou tout simplement Le Palais. La seule
précaution à prendre, si le bateau passe par le Béniguet ou la Teignouse,
consiste à ne pas longer de trop près Houat ou la chaussée du Béniguet,
où on risquerait de se retrouver en mauvaise posture en cas d’avarie
matérielle.
SECONDE SITUATION
Cette fois, le vent de secteur ouest est assez frais et la visibilité
incertaine. Au près, à 5 nœuds (ce qui représente une progression de
3 milles par heure de remontée dans le vent – un VMG de 3 nœuds), le
navigateur estime que la traversée durera environ 10 heures, quelle que
soit la route choisie. Avec ce temps, la mer pourra être forte sur le
plateau de la Recherche et il vaudra mieux l’éviter. Dans les passes de la
chaussée, elle risque d’être franchement mauvaise pendant toute la
durée du jusant, quand le courant sera opposé au vent. Faut-il alors
passer au flot ? Il n’est pas certain qu’on parvienne à gagner contre le
courant en louvoyant. Les seuls moments propices paraissent donc être
les étales de pleine ou de basse mer.
LE RÉSULTAT DU CALCUL
Muni de ces informations, l’ordinateur calcule la route optimale. Les
concepteurs rivalisent d’ingéniosité dans la présentation des résultats.
Le logiciel affichera, au minimum, la route optimale et éventuellement le
réseau d’isochrones permettant d’affiner l’analyse, ainsi que le tableau
de marche qui décrit la route en détail 113.
La route optimale
C’est la route que l’on pourra suivre si tout se passe comme prévu :
prévisions météo proches de la réalité, performances du bateau proches
de la polaire de vitesse 114. On pourra éventuellement afficher les
conditions attendues le long de la route, colorer les divers segments en
fonction de la force du vent, de l’allure, du choix de voiles…
Le tableau de marche
Ce tableau fournit les détails de la route : points de passage et heures
de passage, cap, vitesse, conditions de vent attendues, allures, etc. On
peut en général le paramétrer en choisissant le type de données à
afficher. Certaines fonctions avancées aident l’équipage dans des
domaines spécifiques comme le choix des voiles ou encore la gestion du
courant.
Le tableau de marche permettra aussi, en navigation, de comparer
les conditions et les performances prévues du bateau avec les conditions
et les performances observées.
On pourra alors relancer le routage en modifiant l’efficacité sur la
polaire ou le coefficient correcteur des fichiers numériques. C’est-à-dire
demander au logiciel de recalculer des routes en considérant que le
bateau va plus vite/moins vite que la polaire, d’un certain pourcentage.
Ou encore que le vent est plus fort/moins fort que prévu.
Le bateau vire avant le passage d’un front froid (point 1) puis file vers le sud
au près tribord amure. Il traverse un front froid 28 heures après le départ (point 2).
Dans le vent de nord qui suit le front, on restera assez haut de façon à ne pas
retomber dans la zone pénible associée au front (point 3). Il faudra attendre d’avoir
complètement dégagé le front (5 heures plus tard environ) avant de se lancer sur une
route plus directe vers le sud.
PRÉCISION DU ROUTAGE
On suppose que le programme de routage fonctionne correctement
et ne présente pas d’erreurs de programmation ou de méthode. C’est le
cas des principaux logiciels que l’on trouve dans le commerce.
Précision absolue
La qualité du routage dépend de celle des données d’entrée. La
polaire de vitesse doit être réaliste et l’évolution prévue par le fichier
numérique aussi proche que possible de la réalité. (Pour plus de détails
voir dans le chapitre « Météo », le paragraphe « Les fichiers numériques
au format Grib » ►). On retiendra que sur la zone Atlantique, la qualité
des prévisions est bonne jusqu’à 4 jours, correcte à 6 jours, et se
dégrade rapidement au-delà. En Méditerranée, elle se dégrade
rapidement au-delà de 3 jours.
Lors de l’interprétation du routage, on tolèrera par conséquent un
certain flou sur la trajectoire des phénomènes. Prétendre à 6 jours de
temps, éviter une zone de vent fort en lui donnant un tour de quelques
dizaines de milles, n’est pas prudent. Le routage est un processus
évolutif dans le temps et c’est un suivi raisonnable qui permettra de
façonner la trajectoire la plus rapide et/ou la plus sûre.
Précision relative
Lors de l’interprétation du routage, on sera amené à comparer
plusieurs options (plusieurs routes) « toutes choses égales par ailleurs »,
sans oublier que le routage possède une marge d’erreur, compte tenu de
l’imprécision sur les polaires de vitesse et sur les données météo.
Par expérience, disons qu’un écart inférieur à 2 % est rarement
significatif. Une trajectoire plus rapide de 3 heures au terme de 6 jours
de prévision n’est pas forcément plus pertinente.
L’ÉCHELLE DU ROUTAGE
Le routage au large
Le routage au large a paradoxalement plus de chances d’être précis,
sur des échelles de la dizaine à quelques centaines de milles, que le
routage côtier. Les phénomènes façonnant la route intéressent des
zones étendues et de nombreuses échéances : passage de front froid,
contournement d’anticyclone. On n’en sera pas à 10 minutes près ni à
quelques milles dans le positionnement d’un phénomène.
Le routage océanique
Le routage océanique nous confrontera à la perte de précision des
données météorologiques au-delà de 4 à 6 jours. Nous y reviendrons plus
loin.
LA PRISE DE DÉCISION
Le routage nous permet de simuler la navigation à venir, de façon à
faciliter et améliorer nos prises de décision : on navigue sur écran pour
anticiper la navigation réelle.
Notre premier travail sera de comprendre la raison de la trajectoire
proposée. En réalité, le routage relève de la théorie de l’investissement :
on mise du mille pour récupérer du temps. Combien ça coûte, combien
ça rapporte et comment ?
On va devoir ensuite tester la robustesse de la solution fournie par le
routage, c’est-à-dire étudier comment réagit le résultat si l’on modifie
légèrement les données d’entrée. On regarde donc ce qui se passe si :
– Les vitesses réelles sont légèrement différentes des vitesses
théoriques.
– La situation météo évolue différemment de la situation prévue.
D’autre part, on étudiera le caractère de l’optimale trouvée : est-on
dans une situation de « tout ou rien » ou existe-t-il des options différentes
de l’optimale et offrant un rendement voisin ?
Il faudra enfin transposer en navigation – à la table à cartes et sur le
pont – ce travail de réflexion. Où va-t-on ? Comment y va-t-on et a-t-on du
jeu autour de la route choisie ?
Cette phase d’interprétation et de prise de décision est de loin la
partie la plus passionnante du routage.
Tester plusieurs routes. À gauche, la carte isobarique qui décrit la situation météo,
au centre le détail du champ de vent, sur lequel le logiciel a déjà superposé la route
optimale (en vert). À droite, le travail sur le routage se poursuit. On a affiché le réseau
d’isochrones de l’optimale (en rouge) et testé une route alternative (en bleu). Le point
rouge marque le passage du front froid qui façonne la trajectoire optimale.
LE ROUTAGE OCÉANIQUE
Lors d’un routage océanique, il est rare que la prévision
météorologique couvre la totalité de la traversée. Disposant de 6 jours
de prévision raisonnablement fiable pour, par exemple, 20 jours de
traversée, on se pose quelques questions angoissantes : à quelle
échéance le routage s’arrête-t-il et comment choisit-il la route optimale ?
Pour la plupart des logiciels de routage, le routage s’arrête :
– Soit parce qu’il a atteint le but.
– Sinon, à la dernière échéance météo disponible.
Pour définir la route optimale :
– Il retient celle qui passe par le but si ce dernier est atteint.
– Sinon, il choisit par défaut une route qui rejoint le point de la
dernière isochrone le plus proche du but.
Dans l’exemple suivant, nous disposons d’une prévision météo sur
6 jours au départ du cap Finisterre, à destination de la Martinique. La
solution proposée par défaut par le routage nous place sur l’isochrone
6 jours, au point le plus proche du but, à 2 050 milles de la Martinique.
Ce qui revient à dire : « Après 6 jours de route, voilà la meilleure
progression que vous pouvez réaliser si la prévision météo suit ce qui est
proposé par le fichier, et si le bateau a des performances proches des
polaires théoriques rentrées dans la machine. »
Ce que ne peut savoir le logiciel, et qui est laissé à la sagacité de
l’analyste, c’est le type de temps qu’il fera au-delà de la prévision. Ce qui
revient à se poser cette question : « La route optimale n’enverrait-elle pas
après 6 jours dans un cul-de-sac, par exemple une zone sans vent, ou de
vent debout, etc. ? » Ce que nous dit le routage, c’est qu’un bateau
suivant l’optimale serait certainement, après 6 jours de route, devant
n’importe quel autre voilier identique (si tout s’est passé comme prévu).
Cela étant, rien ne prouve qu’un bateau parti sur une route différente ne
s’en sortirait pas mieux à plus long terme.
Le logiciel a identifié sur la dernière isochrone le point le plus proche du but,
puis il a construit la route menant à ce point : c’est notre optimale.
Une route atypique. Au jour 11 (marqué sur la route par un point bleu de taille plus
importante), le routage nous voit descendre à vive allure sur l’arrière de la dépression,
portés par des vents soutenus de secteur nord.
La route sud et la route extrême sud ont été obtenues en plaçant, sur la dernière
isochrone, des points de pivot sur une bosse qui rapproche des alizés. Ces deux
routes empruntent d’abord une même trajectoire, avant de diverger au troisième jour.
Bilan :
– L’optimale à échéance de 6 jours se situe à 2 050 milles de
l’arrivée. La situation météo n’est pas enthousiasmante : ce sixième jour,
on est encore au près au nord de l’anticyclone.
– La route sud investit 101 milles pour se retrouver au voisinage sud
de l’anticyclone, et proche de l’alizé. Cet allongement de 5 % de la route
(100 milles pour 2 000 milles restant à parcourir) devra être compensé
dans la suite de la traversée par une vitesse moyenne supérieure de 5 %,
ce qui semble faisable.
– Entre les deux, on perd par rapport à l’optimale et on se plante dans
les calmes : à éviter.
– La route extrême sud investit 124 milles de plus (elle est plus
longue que l’optimale de 225 milles) pour se retrouver dans l’alizé bien
établi. Cet allongement de 11 % de la route (225 milles pour 2000 milles
restants) devra être compensé par une vitesse moyenne supérieure de
11 %, ce qui demande réflexion.
Le travail de la machine s’arrête là, mais elle a fourni des éléments
rationnels de prise de décision.
Dans le cas présent, après mûre réflexion :
– Sur l’optimale (la route nord), le vent de suroît n’est pas bienvenu et
pourrait durer un moment.
– Sur la route sud, on investit 101 milles en 6 jours, ce qui semble
peu pour se retrouver à la porte des alizés. On a bon espoir de récupérer
l’investissement en étant ensuite 5 % plus rapide en moyenne qu’un
bateau sur l’optimale.
– En revanche, la route extrême sud est chère pour un rendement
somme toute modique.
On reconduit ce type de travail à chaque nouvelle prévision météo et
on peut espérer, si l’on travaille avec discernement, éviter de se
retrouver dans un cul-de-sac stratégique. Notons que, dans cet exemple,
le choix entre optimale par défaut et route sud devra se faire très tôt : les
routes divergent rapidement. En revanche, le choix entre routes sud et
extrême sud est différé à 3 jours. On aura le temps de voir venir les
nouvelles prévisions pour affiner la trajectoire.
Notes
1. UTC est l’acronyme anglais pour Universal Time Coordinated (Temps universel
coordonné), l’heure universelle de référence. Le « C » fait référence à la
coordination entre le temps TU purement lié à la rotation de la Terre, donc
légèrement variable, et le temps donné par les horloges atomiques stables à
l’échelle du million d’années. C’est cette coordination qui nous vaut de temps en
temps une seconde « intercalaire ». En France, comme en Espagne et en Italie,
l’heure légale est UTC +1 en hiver et UTC + 2 en été. Au Royaume-Uni, l’heure
légale est UTC en hiver et UTC + 1 en été. ◄
5. Ne perdons pas de vue que les bulletins émis par les services officiels ont pour
objectif principal d’assurer la sécurité en mer des biens et des personnes. Ces
bulletins insisteront donc sur les conditions à risques, mais seront plus vagues sur
les conditions locales lorsqu’elles ne sont pas dangereuses, ainsi que sur les
variations détaillées du vent telles que nous aimons les exploiter. ◄
6. SMDSM ou GMDSS en anglais : Système mondial de détresse et de sécurité en
mer. ◄
9. Dans certains secteurs, les CROSS diffusent le bulletin météo en boucle, toutes
les 6 minutes, en général sur le canal 63 (parfois 64). Le Guide Marine de Météo
France fournit le détail des émetteurs côtiers concernés. ◄
11. En croisière au large, on récupérera les fichiers une fois par jour, et même de
façon plus espacée si la situation est stable. Les coureurs, plus exigeants, se
livrent à cet exercice quotidiennement, voire deux fois par jour. ◄
13. Pour le sens dans ce contexte du mot « réseau », se reporter au chapitre sur la
fréquence de mise à jour des prévisions numériques ►.
◄
14. C’est-à-dire au nord des anticyclones dans l’hémisphère Nord, et dans leur
sud pour ce qui concerne l’hémisphère Sud. ◄
15. Le vent issu des modèles numériques est (sauf mention contraire) le « vent
météorologique », pris à 10 mètres et moyenné sur 10 minutes. On peut avoir
l’impression que le vent est plus fort qu’annoncé, un observateur moyennant
inconsciemment plutôt sur 2 à 3 minutes et valorisant les rafales, et le bateau
étant plus sensible aux valeurs instantanées qu’aux valeurs moyennes. Aussi les
modèles globaux gagnent-ils à être utilisés à 115-120 % de leur valeur nominale.
Les modèles à maille très fine (inférieure à 10 km) peuvent être utilisés sans
corrections. ◄
17. Le pas d’un modèle est l’intervalle de temps séparant deux états successifs
calculés. Un pas de 3 heures signifie que les prévisions sont espacées de
3 heures en 3 heures. ◄
18. Les différents services indiquent les heures de mise à jour des sorties de
modèles sur leurs sites, ou directement sur les logiciels de requête. ◄
19. Les cartes 925 hPa décrivent la topographie de la surface pour laquelle tous
les points sont à la même pression de 925 hPa, ce qui correspond à des altitudes
comprises entre 800 m et 1 000 m. Dans les masses d’air instables et
homogènes (comme les traînes dépressionnaires), les rafales sont les incursions
en surface du vent d’altitude (autour de 1 000 m) manipulé par les mouvements
turbulents. Le vent au niveau 925 hPa donne donc, dans ces conditions, une
bonne idée des rafales auxquelles il faut s’attendre. ◄
20. L’unité normalisée de pression est le pascal (Pa), qui correspond à une force
2
de 1 newton sur une surface de 1 m . La pression atmosphérique « normale »
étant de l’ordre de 101 325 Pa, on utilise l’hectopascal (hPa), ce qui a pour
avantage de simplifier l’écriture et de donner les mêmes valeurs que celles
obtenues dans l’ancienne unité, le millibar (mb). ◄
22. Un front est la trace au sol de la couche de transition (ou « surface frontale »)
entre deux masses d’air de caractéristiques différentes. ◄
26. On appelle convection les mouvements verticaux internes à une masse d’air,
d’origine thermique (réchauffement du sol ou refroidissement de l’air en altitude)
ou mécanique (soulèvement par une pente, différence de rugosité). La convection
est responsable de la formation des cumulus, dont certains vont évoluer en
cumulonimbus, voire en orages. Ces mouvements de convection peuvent être
renforcés par les changements de phase de l’eau atmosphérique. ◄
32. Les systèmes peuvent ne pas être aussi nets, principalement en été : les
cirrus sont alors peu nombreux et éventuellement remplacés par des
cirrocumulus et des cirrostratus. Du fait de la convection induite par les
températures élevées, la tête et le corps de la dépression montrent des strato-
cumulus et des altocumulus à la place des altostratus et des stratus. Le front
froid est alors souvent peu marqué, et la traîne peu active. ◄
33. Les dépressions et anticyclones voisinent souvent. Il arrive même que les
perturbations amènent une partie de leur mauvais caractère dans le voisinage des
hautes pressions lorsqu’un front froid actif réussit à s’insérer dans l’anticyclone.
◄
35. En France, les orages de chaleur peuvent toucher toutes les zones côtières
pendant les mois d’été (juin à septembre), avec une probabilité plus grande dans
le Sud-Ouest et en Méditerranée. Ils se développent principalement en fin de
soirée, lorsque la température du sol est la plus élevée. ◄
36. Au large, les orages se forment là où les contrastes entre masses d’air sont
importants : au voisinage des fronts froids, dans les zones d’occlusion, au-dessus
des courants marins chauds (par exemple sur le Gulf Stream) et dans des zones
particulières comme le pot au noir. ◄
43. Nous appellerons côte basse une côte au relief peu notable et descendant en
pente douce vers la mer : côte des Charentes ou de Bretagne Sud (en dehors des
pointes élevées).
Une côte moyennement élevée présentera des reliefs notables, relativement
abrupts en bord de mer, mais assez bas pour que l’air puisse s’échapper par-
dessus : Normandie, Angleterre Sud, Côte d’Azur.
Une côte élevée est assez haute pour que l’air ne s’échappe que difficilement au-
dessus des reliefs : Corse, côte nord de l’Espagne. ◄
44. Les valeurs indiquées dans la suite de cet exposé sont des valeurs moyennes
qui devront être modulées. Les valeurs faibles correspondent à de l’air instable ou
à des vents forts. Les valeurs importantes correspondent à de l’air stable par vent
faible ou modéré. ◄
46. Rappelons une fois encore que tous ces effets de site, s’ils sont nets et bien
marqués lorsque la stabilité de l’air est forte, deviennent plus faibles en situation
d’instabilité, lorsque le brassage vertical est plus important, ce qui se repère
notamment par la présence de nombreux cumulus. Lorsque l’air est stable, les
formations nuageuses éventuelles sont plutôt de type stratiforme (en couche). ◄
47. Une fois compris les effets de site, on est armé pour une étude réaliste du
champ de vent sur un plan d’eau quelconque : il suffit d’appliquer par morceaux
tout ce que nous avons étudié précédemment. On commence par décrire le trait
de côte et évaluer le type de relief auquel on a affaire. Là où la côte est rectiligne,
on applique les données relatives aux côtes rectilignes en tenant compte du
relief. On raccorde ensuite ces parties rectilignes en intégrant les effets de
pointes ou de baies. ◄
50. Les grains sont des cumulus qui ont grossi au point d’apporter des averses ou
des orages. Les cumulus les plus anodins ont une extension verticale faible
(quelques centaines de mètres) et un diamètre de l’ordre de la centaine de
mètres. Les plus puissants d’entre eux deviennent des cumulonimbus qui peuvent
s’étaler sur 10 km d’altitude et s’étendre sur plusieurs dizaines de kilomètres. Les
mouvements verticaux y sont intenses, et on pourra aller jusqu’à la grêle, et aux
rafales violentes avec tonnerre et éclairs. Plus un grain possède une extension
verticale importante, plus la modification du vent en surface est notable. ◄
53. Les côtes pyrénéennes du Roussillon, vers Port-Vendres, sont le lieu de vents
catabatiques fréquents. Dans un tout autre registre, des vents catabatiques
extrêmes se rencontrent sur les côtes de la Terre-Adélie. L’air très froid situé sur
le continent Antarctique (à 3 000 m d’altitude et à la température de – 60°) coule
vers la mer à des vitesses pouvant atteindre 150 nœuds ! ◄
55. Dans les pays chauds, et en navigation dans les alizés, le baromètre présente
des oscillations régulières d’amplitude de 2 à 3 hPa, appelées marée
barométrique, bien qu’elles n’aient rien à voir avec l’attraction des astres. Ces
oscillations dues aux différences diurnes de température sont un signe de
stabilité du beau temps. ◄
57. La houle, en se propageant loin de son aire génératrice, nous renseigne sur
l’action du vent qui lui a donné naissance. Ainsi, l’apparition d’une houle
anormalement haute ou anormalement longue au vu des conditions
météorologiques sur la zone est à prendre au sérieux et peut prévenir d’une
détérioration inattendue et importante du temps. En règle générale, une houle de
période de l’ordre de 8 secondes a été générée par des vents de l’ordre de
force 8, et une houle de période de 10 secondes a été générée par des vents de
l’ordre de force 10. ◄
58. Service hydrographique et océanographique de la Marine. ◄
62. Certaines balises et bouées ne sont pas éclairées. Les bouées « aveugles »
portent cependant, dans la plupart des cas, une ou plusieurs bandes
réfléchissantes parfaitement visibles dans le faisceau d’un projecteur. Lorsque, en
approche d’un danger ou d’un chenal, on cherche à reconnaître une telle marque
sans feu, ne pas hésiter à balayer les environs avec une lampe torche un peu
puissante. Forme et couleurs du signal réfléchissant permettent d’identifier les
caractéristiques de la marque. Pour plus de détails, se référer notamment à
l’ouvrage 3C du SHOM. ◄
63. Il nous faut rappeler ici que les cartes papier récentes conviennent
parfaitement à la conversion vers la technologie raster. À l’inverse, dans les
régions du monde où il n’y a pas eu de relevés hydrographiques depuis plusieurs
décennies, il vaut mieux valider soi-même la pertinence de son positionnement.
Le point GPS confronté à un positionnement à l’aide d’amers sera le juge de paix.
◄
64. Safety of life at sea : la première version de cette convention a été adaptée en
1914, en réponse au naufrage du Titanic. ◄
66. Négliger la déclinaison est tentant, lorsque comme aujourd’hui sur les côtes
métropolitaines sa valeur voisine 1 ou 2°. Mais attention, les détails se cumulent
parfois pour faire des différences significatives. Ainsi, une déclinaison d’1°20’
additionnée à une déviation du compas de route de 3° dans le même sens
conduiront à corriger le cap de 4 ou 5°, ce qui n’est pas rien ! Par ailleurs, il n’en
va pas de même en tous lieux. À titre d’exemple, la déclinaison est actuellement
d’environ 9°W aux Açores, 4°W aux Canaries ou sur la côte sud d’Irlande, ou
encore 4°E à Athènes. ◄
70. Stricto sensu, le GPS est un système, et l’appareil qui l’utilise aux fins de
positionnement est un récepteur GPS. Dans la vie courante, on pourra par facilité
parler de « GPS » pour désigner l’appareil. Dans ces pages consacrées au
fonctionnement du GPS, on s’en tiendra le plus souvent à l’appellation
« récepteur », de façon à éviter tout malentendu. ◄
72. Sur une carte papier, le système géodésique de référence est mentionné en
magenta, dans la marge supérieure. Cette information est répétée dans le
cartouche de la carte, assortie le cas échéant des corrections à apporter aux
positions GPS. ◄
73. Si plus de quatre satellites sont en vue, le récepteur sélectionne ceux qui
permettent d’obtenir le plus faible DOP. ◄
77. Avec un GPS sans cartographie, saisir les coordonnées d’un waypoint est
relativement simple, les saisir avec une erreur l’est tout autant. Il est déconseillé
de faire confiance aux waypoints du GPS d’un voilier de location par exemple : il
n’y a aucun moyen de contrôler la fiabilité de ce qui est mémorisé dans l’appareil.
Tous ces points déjà renseignés dans la machine sont inexploitables.
De même, les revues nautiques spécialisées et les guides de navigation proposent
des waypoints pour des passages clés ou des atterrissages. Là encore, on doit
s’assurer sur la carte (papier ou électronique) de la pertinence de ces points avant
de les enregistrer dans son GPS. Et surtout ne jamais leur prêter une confiance
aveugle en les utilisant avec un GPS sans carte. ◄
78. « Deux fois la route, trois fois le temps, quatre fois la grogne » : c’est ainsi que
les anciens quantifiaient l’impact du louvoyage par rapport à la route directe. Les
voiliers d’aujourd’hui affichent des performances autrement flatteuses contre le
vent, et par mer maniable l’allure de près n’est pas forcément une punition. Mais
on gardera, de ce vieux dicton, la sagesse consistant à bien évaluer la durée d’une
navigation par vent contraire, et à revoir sa moyenne horaire (largement) à la
baisse. ◄
81. Une côte est dite accore, ou franche, lorsqu’elle plonge directement dans la
mer, et qu’elle n’est pas bordée d’écueils. ◄
82. Route fond : c’est la route effectivement suivie par le bateau sur la carte
(c’est-à-dire sur notre planète Terre). Sur les GPS et les centrales de navigation, la
route fond est sous l’acronyme COG (Course Over Ground). ◄
83. Route surface : c’est la route suivie par le bateau sur la surface de l’eau, qui
peut être mouvante s’il y a du courant. ◄
84. Cap : direction suivie par le voilier ; le cap vrai est défini par rapport au nord
géographique (le nord de la carte), le cap magnétique se réfère au nord
magnétique, et le cap compas au compas du navire. ◄
85. Sur l’interprétation des données de courant fournies par les cartes ou les
atlas de courants de marées, se reporter à la partie « Mettre au point son projet
de navigation » ►.
◄
90. L’heure de référence est toujours celle du méridien de Greenwich. Elle est
abrégée en UTC (Universal Time Coordinated) ou GMT (Greenwich Meridian Time).
Dans les Éphémérides nautiques françaises éditées par le SHOM, elle est
mentionnée en UT (Universal Time, ou TU, temps universel). En France, l’heure
légale est de UT +1 en hiver et UT +2 en été. ◄
95. Pour simplifier les divisions par deux de mesures de temps impaires, on peut
transformer 1 heure en 60 minutes, et 1 minute en 60 secondes. Ici la somme de
H1 et H2 est 27 h 37 mn 06 s. On peut la convertir en 26 h 97 mn 06 secondes,
qui se convertissent en 26 h 96 mn 66 s. Il n’y a plus qu’à diviser des valeurs
paires pour obtenir 13 h 48 min 33 s. ◄
97. Pour retenir l’heure de la mesure, le navigateur relève d’abord à sa montre les
secondes, puis les minutes, puis les heures. En procédant à l’inverse, il prendrait
en effet du retard sur les secondes. La montre se règle sur l’heure exacte en
relevant un top horaire sur certaines fréquences radios (par ondes BLU au large),
par exemple RFI. ◄
98. Lorsque le calcul AHvo – longitude donne une valeur supérieure à 360°, on en
retranche 360°. Lorsqu’il fournit une valeur négative, on y ajoute 360°. Le résultat
final doit être compris entre 0° et 360°. ◄
103. Alidade : règle mobile autour d’un axe, servant à déterminer une direction
ou mesurer un angle. Les compas de route sont aussi munis d’une ou de plusieurs
alidades. ◄
104. Le pied de pilote est la marge de sécurité que prend le navigateur dans ses
calculs de hauteur d’eau. C’est le seul pied qui, dit-on, continue de grandir avec
l’expérience. ◄
105. Les Atlas des courants de marée du SHOM fournissent en début d’ouvrage un
diagramme d’interpolation très simple d’utilisation. ◄
106. Grib, pour GRIdded Binary (extension. grb) est le format standard de codage
et de compression des données météorologiques et océanographiques. ◄
110. Sur les champs de vent numériques, leur origine, leur résolution et les
moyens de se les procurer, on se reportera au chapitre « Météo ». ◄
111. Les atlas de courants de marée sont en général inclus dans l’offre logicielle
(moyennant un supplément couvrant les droits de l’éditeur des données de
courant). Pour les zones non couvertes par les atlas, on peut trouver des fichiers
au format Grib décrivant les courants océaniques (produits par exemple par le
CMEMS ou le NOAA). ◄
113. Sur le marché des logiciels de routage, on trouvera aussi des applications
pour tablettes, rendant de véritables services, mais ne disposant pas forcément
de toutes les fonctionnalités des programmes conçus pour les ordinateurs. Elles
ne permettront pas forcément de mettre en œuvre toutes les opérations que nous
décrivons dans ce chapitre. ◄
115. Les courants de marée et les courants océaniques peuvent avoir une
influence importante sur la trajectoire optimale. Les meilleurs logiciels tiennent
compte à la fois de « l’effet tapis roulant » (modification de la route surface) et de
la modification du vent géographique par le courant. ◄
116. Sur la façon de suivre l’évolution du temps prévu à partir des observations
faites à bord, voir dans le chapitre « Météo » la partie « Observer et prévoir » ►.
◄
SÉCURITÉ
Naviguer, c’est prévoir
L’homme à la mer
Les pathologies et les blessures courantes à bord
Les accidents matériels et les avaries
L’assistance extérieure
Embarquer sur un radeau de survie
a sécurité a toujours été un maître mot et une
Avant le départ
– Prévenir une personne de la sortie et de l’heure de retour envisagée. S’il
n’est pas contacté au retour, l’ange gardien pourra alerter les secours.
– Connaître les spécificités du plan d’eau et en particulier ses dangers.
Identifier les lieux d’accostage possibles en cas d’impossibilité de revenir au point
de départ.
– S’être renseigné sur les zones de fort courant, ainsi que, le cas échéant, sur
les heures de marée.
– Prendre les prévisions météo locales et observer le plan d’eau, car après
tout dans « prévisions météo », il y a le mot prévision, pas le mot garantie.
– Être en forme physique correcte, s’échauffer un minimum.
– S’habiller en fonction des conditions et protéger ses extrémités. Sur les
bateaux munis d’un trapèze, porter toujours la ceinture ad hoc. Porter la brassière
au-dessus de tout l’équipement.
– Vérifier l’état du bateau et de l’équipement de sécurité : bouchon(s) de nable
fermé(s), bout de remorquage en place et en plus, pour les catamarans : pagaie et
dispositif de redressement fixé et accessible. En 2015, la réglementation a imposé
la présence à bord, ou fixé à chaque gilet, d’un moyen de repérage lumineux.
– Facultatif, mais déterminant en cas d’accident : emporter un moyen de
communication (radio VHF, téléphone portable) étanche ou stocké dans une
pochette étanche. Vérifier son bon fonctionnement ainsi que le niveau des
batteries !
– Ne pas oublier de prendre de l’eau et de quoi grignoter. Tout ceci étant bien
entendu sécurisé pour éviter de finir à l’eau au premier dessalage.
Pendant la navigation
– Surveiller l’évolution de la météo et, en cas de dégradation, ne pas hésiter à
rentrer à terre.
– Observer le plan d’eau en permanence, attention à ce que les voiles nous
cachent ! Adapter sa vitesse à la situation.
– En cas de dessalage ou d’autres problèmes, ne pas quitter le bateau.
– En fonction de l’état physique de l’équipage, ne pas hésiter à s’hydrater,
grignoter, faire des pauses, et si nécessaire écourter la sortie.
Au retour
– Pour revenir à terre, choisir l’endroit où il y a le moins de ressac. Anticiper la
trajectoire d’arrivée, car au moment d’aborder la plage il est trop tard pour
réfléchir.
– Arrêter complètement le bateau avant de débarquer et, surtout, descendre
au vent de celui-ci.
– Avertir l’ange gardien de son retour.
– Réfléchir à cette navigation et en tirer des idées pour la prochaine, en
particulier si on a eu des difficultés.
LE BRIEFING SÉCURITÉ EN CROISIÈRE
Les informations nécessaires à la sécurité de tous doivent être connues de
chacun avant même qu’on ait quitté le port. Le meilleur moyen de faire passer les
bons messages étant d’organiser un authentique briefing. Ce topo sera d’autant
plus pertinent et efficace que le chef de bord l’aura préparé et structuré, et que le
discours s’accompagnera du geste.
La communication
Présenter et expliquer :
– Les particularités de la communication à bord, le rôle du livre de bord
(rappeler qu’un équipier doit consulter les consignes qu’il contient avant de
prendre son quart).
– Les moyens de communication avec l’extérieur : faire une démonstration
d’utilisation de la VHF, simuler une demande d’assistance ; présenter les différents
types de signaux de détresse et la façon de les utiliser. Informer l’équipage de
l’organisation et du fonctionnement des secours en mer.
L’homme à la mer
– Rappeler la permanence du risque et expliquer la gravité de l’accident.
– Présenter le plan d’action pour l’homme à la mer et prévoir un entraînement
au début de la navigation.
– Présenter les commandes pour démarrer le moteur.
– Insister sur la nécessité de porter gilet et harnais frappés aux lignes de vie.
Présenter et expliquer le fonctionnement des gilets. En attribuer un à chaque
équipier, qui le règle à sa taille. Les contrôler en commun (état de l’enveloppe et
du poumon, témoin du système de gonflage et, le cas échéant, date de
péremption, présence du sifflet, déclenchement de la flash-light).
– Expliquer le rôle des dispositifs de repérage et de récupération de l’homme à
la mer (bouée couronne, perche IOR…) et montrer leur utilisation.
– Rappeler qu’il faut manipuler avec prudence une personne que l’on remonte
à bord.
L’HOMME À LA MER
Perdre un homme à la mer est le plus tragique des événements qui
puissent se produire à bord d’un voilier, et son chef de bord doit
constamment avoir ce risque à l’esprit. Les mesures de prévention – au
premier rang desquelles le fait de s’attacher au bateau dès que les
circonstances l’exigent – sont indispensables, mais il faut aussi que
l’équipage soit formé à la récupération d’une personne à l’eau : c’est le
type même de procédure qui doit être décrite en début de croisière lors
du topo sécurité, et qu’il est bon de répéter régulièrement, et pas
seulement par beau temps, en jetant à la mer une défense lestée d’un
seau. Ces entraînements développeront des réflexes indispensables au
succès de l’opération, le moment venu.
Équiper le bateau
Un bateau sûr dispose de mains courantes judicieusement placées,
d’antidérapant sur les surfaces glissantes, de cale-pieds, de filets sur les
filières avant lorsqu’il y a des enfants à bord, d’accroches dans le cockpit
et de lignes de vie en sangle (la sangle ne roule pas sous les pieds).
L’équipement de base pour la récupération d’un homme à la mer,
composé d’un dispositif flottant type bouée fer à cheval ou Sylzig 2 muni
d’un système d’éclairage, mérite d’être assorti d’une ligne de jet et d’une
perche de repérage 3.
Équiper les équipiers
Les chaussures antidérapantes, le harnais et le gilet (idéalement
autogonflant) sont de rigueur, ainsi que les moyens de repérage sonores,
lumineux, voire radioélectriques. Le sifflet est obligatoirement fixé à
demeure au gilet. Une quinzaine de moyens lumineux individuels sont
disponibles, depuis la lampe stroboscopique (flash-light) jusqu’au bâton
type Cyalume, en passant par toutes sortes de lampes torches ou
frontales. L’immense avantage de la flash-light solidaire du gilet de
sauvetage est qu’elle se déclenche automatiquement en cas
d’immersion. Outre les équipements indispensables précités, on
signalera à titre optionnel la balise individuelle (AIS ou Cospas-Sarsat ►),
on encore le bracelet électronique déclenchant une alerte sonore lorsque
son porteur se retrouve éloigné du bateau.
Se protéger
En solitaire bien sûr, mais aussi avec équipage peu expérimenté, un
chef de bord tombant à la mer est pratiquement condamné. C’est donc
autant pour donner l’exemple que pour sa propre sécurité qu’il porte son
gilet et qu’il s’attache. « Si je tombais à l’eau maintenant, mon équipage
serait-il en mesure de me récupérer ? » Dès qu’il a le moindre
commencement de doute sur la réponse, le chef de bord amarre sa longe
à la ligne de vie. Et dès qu’il n’est pas certain que son équipage, sous sa
direction, soit capable de revenir sur un homme à la mer et de le
remonter à bord, dès que cette manœuvre lui semble présenter un
semblant de difficulté (sous spi par vent frais, par exemple), son devoir
est d’exiger de tous les équipiers qu’ils s’attachent 4.
« Gilet et harnais portés de nuit, sous spi, au premier ris et pour aller
faire pipi. » Les passionnés d’alphabet parlent de « règle des quatre i »…
La nuit, un homme tombé à l’eau sera totalement invisible sans éclairage
individuel, difficile à repérer s’il en a un ; si l’on a pris un ris, c’est que les
conditions sont plus difficiles ; pour le reste… dès qu’on se tient debout
sur le pont, le danger guette… Cette règle des quatre « i » est donc
judicieuse, mais la mesure la plus sage, c’est encore de porter le gilet
muni de sa longe dès qu’on passe le capot de descente et qu’on se
trouve à l’extérieur. On peut aussi éliminer une fois pour toutes le danger
inhérent au pipi dans le balcon arrière en imposant l’utilisation
systématique des toilettes du bord.
6. Vent arrière
Le barreur vient au vent arrière et l’annonce à son équipage : « Je
passe vent arrière. » Une fois encore, la manœuvre doit être franche, le
changement de cap de 90°. Les voiles demeurent bordées. Le moteur est
ralenti ou débrayé, de façon à modérer la vitesse. Le barreur affine sa
trajectoire pour passer à 2 ou 3 longueurs par le travers de l’homme à la
mer.
7. Affalage du foc
La voile d’avant est immédiatement affalée ou roulée, tandis qu’un
équipier prépare le dispositif de rétablissement du lien et de remontée à
bord. Plein vent arrière, le bateau pourra empanner de lui-même à une ou
plusieurs reprises mais la grand-voile étant bordée dans l’axe, la bôme ne
représente pas un danger.
8. Empannage
Dès que la voile d’avant est affalée ou roulée, le barreur empanne
sans altérer notablement sa trajectoire (si la grand-voile a empanné
seule, il s’assure de bien être sous la bonne amure avant l’étape suivante,
qui sera celle de la remontée au vent vers le naufragé). En continuant
d’évaluer la distance avec l’homme à la mer, le barreur envisage la
trajectoire finale d’approche.
9. Trajectoire finale
À partir du travers du naufragé, la grand-voile est choquée en grand,
non sans avoir prévenu l’équipage. Le hale-bas est choqué et la bôme
« mâtée » (« apiquée », dressée vers le haut) avec la balancine, ce qui
achève si nécessaire de déventer la grand-voile et réduit le danger de
faucher un équipier. En s’aidant au moteur, le barreur suit une trajectoire
progressivement arrondie et lofe pour approcher au bon plein la tangente
du cercle de sécurité 6 autour du naufragé. Il annonce : « Je remonte
vers l’homme à la mer. » Une vigilance toute particulière doit être portée
à la vitesse et à la trajectoire du navire, qui après le choqué de grand-
voile tend dans un premier temps à accélérer. Un retour trop direct ne
permettra pas d’approcher lentement.
10. Récupération
Le barreur régule la vitesse au moteur et s’arrête lorsque la victime
est au niveau de la plage avant, à la distance déterminée par le cercle de
sécurité. Depuis la plage avant, un équipier lance la ligne de jet
permettant de rétablir le lien avec le naufragé et de le remonter à bord : il
vise un point situé au vent – et au-delà – de l’homme à la mer. Une des
difficultés pour le barreur est de maintenir l’orientation à 40° du vent, de
façon à se prémunir de tout risque de virement de bord incontrôlé. Une
fois le lien physique établi, c’est-à-dire lorsque l’homme à la mer a fixé le
dispositif de récupération à l’anneau ventral de son gilet (ou à la sangle
de hissage selon les modèles), le moteur est débrayé et la grand-voile
affalée. La manette des gaz reste sous contrôle, pour éviter que par
accident le moteur ne soit embrayé alors que le naufragé est proche du
bateau.
LE PLAN B
Le temps de réaction a été trop long, la manœuvre mal séquencée, voilà le
bateau arrêté trop loin de l’homme à la mer pour pouvoir l’atteindre avec la ligne de
jet. Si l’on n’a pas récupéré le naufragé en quelques minutes, un équipier, sur ordre
du chef de bord, lance un MAYDAY. On communiquera la position et l’heure de
l’accident (éventuellement relevées à l’aide de la touche MOB du GPS). Que les
tentatives suivantes aboutissent ou échouent, on tiendra les secours informés de
l’évolution de la situation.
Il va falloir manœuvrer de nouveau pour s’approcher de la victime au bon plein,
allure qui permettra de maîtriser la vitesse et d’arrêter le bateau à son approche.
L’équipier pointeur ne lâche toujours pas le naufragé des yeux et le montre. On
procède un peu comme pour une prise de coffre ►. Depuis la position de l’échec,
survenu a priori dans les parages du naufragé, on s’éloigne au largue (120° du vent).
On est déjà au moteur et sous grand-voile seule, et on ne change rien. Lorsqu’on est
éloigné à 5 ou 6 longueurs, on vire de façon à revenir au bon plein (60° du vent).
Pour être sûr de ne pas arriver trop haut et trop abattu, on recoupe son sillage avant
de lofer. Puis on reprend l’étape numéro 10 de la procédure Quick Stop, grand-voile
choquée, et vitesse contrôlée au moteur. L’équipier « pointeur » renseigne
régulièrement le barreur sur la distance qui le sépare de l’homme à la mer (en
longueurs de bateau) et la direction (en angles horaires : 9 heures = par le travers
bâbord, 10 heures = sur l’avant du travers bâbord, etc.)
Sous spi
Si le spi est en l’air, il va falloir l’amener d’urgence. Préconiser ici une
méthode universelle serait présomptueux : la technique d’affalage sera
adaptée aux habitudes de l’équipage, à ses compétences et sa vitesse
d’exécution, ainsi qu’aux conditions météo. Une fois le spi à l’intérieur du
bateau, on peut virer de bord et, une fois certain qu’aucune écoute ne
traîne à l’eau (c’est fréquent après un affalage de spi), démarrer le
moteur. Reste à remonter sous grand-voile et moteur vers la zone de
l’accident, et à concevoir sa trajectoire de façon à revenir au bon plein
sur le lieu de la chute. On se retrouve ensuite à l’étape 10 de la Quick
Stop ►.
Sous spi, le bateau s’éloigne très vite de l’homme à la mer, au risque
de le perdre de vue. Aussi la mise en œuvre dans les premiers instants de
la perche de repérage est-elle décisive, ainsi que, le cas échéant, la
fonction MOB du GPS.
En équipage réduit
La manœuvre telle qu’elle est décrite ici est réalisable par deux
personnes, voire une seule, sous réserve d’être entraînée(s). Il faudra
probablement procéder plus patiemment, en élargissant le périmètre des
évolutions de la Quick Stop. La précipitation ne conduirait finalement
qu’à une perte de temps préjudiciable.
Naufragé inconscient
Il n’existe aucune méthode spécifique à la récupération d’un homme
à la mer inconscient, la procédure doit être adaptée pour venir à son
contact. Si l’annexe est stockée gonflée et prête à l’emploi, on pourra la
mettre à l’eau et l’amarrer le long du bord. Elle permettra une
intervention à hauteur du naufragé pour saisir son harnais, lui en capeler
un ou lui passer la boucle d’un nœud de chaise autour de la poitrine. Les
équipiers chargés de la manœuvre doivent bien sûr rester assurés au
bateau (y compris si l’un d’entre eux se met à l’eau pour secourir son
camarade). Si l’annexe est pliée au fond de son coffre, on ne pourra
s’offrir le luxe de perdre un temps précieux pour la mettre en service.
C’est un cas de figure où l’on pourra avoir à modifier l’approche finale –
et à réduire drastiquement le cercle de sécurité – pour prendre le
naufragé au vent, ou sous le vent du navire si les conditions de vent et de
mer le permettent. Si les conditions sont plus dures, il faudra envoyer un
nageur assuré au bateau avec une aussière quand l’homme à la mer sera
à moins de 10 mètres.
L’alerte médicale
Deux structures participent à la réception de l’alerte médicale :
– Le CROSS (Centre régional opérationnel de surveillance et de
sauvetage) assure la veille permanente, 24 heures sur 24, des messages
d’alerte parvenant des bateaux. Il les réceptionne et les analyse, puis
engage et coordonne les moyens nécessaires au sauvetage. Il transmet
les demandes médicales au CCMM.
Le traitement de l’accidenté
■ La victime présente une lésion de la peau
Une lésion de la peau se définit par une rupture de continuité de
cette dernière. Plusieurs lésions peuvent être observées : une
dermabrasion, qui est une lésion très superficielle sous la forme d’une
écorchure, d’une plaie simple peu profonde, ou d’une coupure. La gravité
d’une plaie se caractérise par sa localisation (au visage, au cou, à
proximité d’un orifice naturel, au thorax ou à l’abdomen…), par son
aspect (siège d’une hémorragie, déchiquetée, étendue ou sous la forme
de plaies multiples), son mécanisme (provoquée par un projectile, avec
un outil, des suites d’une morsure, avec un objet tranchant…).
■ Agir face à une lésion de la peau
En présence d’une dermabrasion ou d’une plaie simple, le chef de
bord peut réaliser lui-même le pansement en utilisant les produits
disponibles dans la trousse de secours. Lorsque la plaie présente un
caractère de gravité, le CCMM doit préalablement être consulté.
Le soin d’une plaie doit respecter plusieurs phases. Le nettoyage de
la lésion doit être méticuleux : le sauveteur doit se laver les mains,
mettre des gants de soins, utiliser des compresses et un antiseptique
puis nettoyer la plaie, du centre vers la périphérie. Le pansement sera
ensuite réalisé avec des compresses, une bande et du sparadrap. Un filet
tubulaire ou des bandes non serrées maintiendront utilement le
pansement en place. Pour une plaie simple, un pansement sec sera
utilisé. Tous les déchets de soins devront être isolés dans un sac
poubelle.
LE MAL DE MER
Notre équipier a le teint moins frais, éventuellement il bâille, il devient
moins communicatif, se recroqueville dans son coin de cockpit. Ne
cherchons pas, c’est le mal de mer qui s’installe insidieusement. Il n’y a
pas de certitudes absolues sur le mécanisme et les raisons profondes de
ce mal des transports en milieu maritime. La perturbation des centres de
l’équilibre est en jeu, mais probablement aussi d’autres processus,
physiologiques et psychologiques.
À l’escale, certaines activités sont à réserver aux heures les moins chaudes de la
journée.
Les brûlures
Une brûlure est une destruction d’une partie ou de la totalité de la
peau (qui a pour fonction d’assurer la protection du corps), des voies
aériennes ou des voies digestives, par un agent extérieur.
Sur un voilier, la cuisine est l’un des lieux les plus propices aux
brûlures. Aux fourneaux en navigation, le pantalon ciré et les bottes
devraient être de rigueur dès que la gîte s’accentue ou que la mer se
forme. Le réchaud sur cardan 12 est une bénédiction, mais il faut veiller à
la bonne orientation des manches de casseroles, pour qu’elles ne
viennent pas se renverser en butant sur le plan de travail et le placard. Et
lorsqu’on ouvre la porte du four, le cardan doit être bloqué, sous peine
que le contenu bascule sur le cuisinier. Lorsqu’on verse de l’eau
bouillante dans un récipient, on pose ce dernier au fond de l’évier plutôt
que de le garder à la main.
Parmi les autres sources potentielles de brûlures, citons le moteur,
l’acide des batteries, le branchement électrique au port, ou – gravissime
sur un voilier – un incendie 13.
Au quotidien, le risque est constant de se brûler par frottement d’un
cordage filant à grande vitesse : une drisse ou une aussière glissant entre
les mains peut créer de sérieuses atteintes cutanées, même si elles
s’apparentent plus à une plaie qu’à une brûlure classique. Aucun cordage
sous tension ne devrait être manœuvré sans conserver deux tours au
winch (pour les drisses, bosses ou écoute) ou un tour au taquet (pour les
amarres).
Dès que la gîte est sensible, ou la mer formée, pantalon ciré et bottes sont de
rigueur pour le travail devant les fourneaux.
Évaluation de la surface d’une brûlure chez un adulte par la règle des neuf de
Wallace.
Plaie abondante
Une plaie qui saigne abondamment imbibe un mouchoir en quelques
secondes et ne s’arrête pas spontanément. Rapidement, la quantité de
sang perdue peut devenir importante.
■ Signes observés
La victime est inconsciente, ne bouge pas, ne répond pas aux
questions, n’ouvre pas les yeux, ne serre pas la main à la demande du
sauveteur. La ventilation est absente, il n’y a pas de mouvement de
thorax. Aucun signe de vie n’est observé.
■ L’hydrocution
C’est un accident fréquent, qui survient plutôt l’été après une
exposition solaire prolongée. Il est provoqué par la différence entre la
température de l’eau et celle de la peau. Au contact de l’eau, les
vaisseaux de la peau (dilatés par la chaleur du soleil) sont le siège d’une
constriction brutale, ce qui provoque une syncope. Même un bon nageur
peut faire une hydrocution.
Pour éviter une hydrocution, il faut attendre 2 à 3 heures avant de se
baigner, si l’on a absorbé un repas copieux ou consommé de l’alcool.
Lorsqu’on se baigne, le corps doit être progressivement mouillé en
s’arrosant la nuque puis le reste du corps. Éviter le bain de soleil et les
efforts importants avant la baignade. En début de saison, les premiers
bains seront limités à une quinzaine de minutes. Ne pas plonger
d’emblée : au mouillage, se mettre à l’eau par l’échelle de bain plutôt que
de piquer une tête 20.
■ Les premiers signes d’hydrocution
Plusieurs manifestations peuvent annoncer la survenue d’une
hydrocution : maux de tête, crampes, frissons, angoisse, démangeaisons,
vertiges, douleurs abdominales, tremblements. Il faut sans délai sortir de
l’eau dès qu’un de ces signes apparaît.
L’hydrocution proprement dite est une apnée réflexe, qui
s’accompagne d’un coma et du ralentissement du rythme cardiaque. Puis
une reprise respiratoire a lieu, les premières gouttes d’eau aspirées dans
les voies respiratoires entraînent un spasme laryngé, il y a une inondation
pulmonaire par l’eau. Un arrêt respiratoire définitif s’ensuit. La dernière
phase est l’arrêt cardiaque.
Les soins à prodiguer sont ceux qu’on administre à une personne
inconsciente et qui ne respire plus ►.
LA NOYADE
La noyade est une asphyxie par inondation bronchique et pulmonaire
consécutive à une immersion ou une submersion. De multiples situations peuvent en
être à l’origine : un nageur inexpérimenté s’épuise, une personne est en incapacité
technique de nager, une hydrocution survient, un choc traumatique provoque la
chute à l’eau, la noyade est due à une panique. Après récupération d’un noyé,
réaliser le bilan des fonctions vitales : bouge-t-il ? Respire-t-il ? S’il est inconscient et
respire, PLS (position latérale de sécurité). S’il ne respire pas, massage cardiaque et
bouche-à-bouche. Alerter les secours.
■ L’hypothermie
L’hypothermie décrit une baisse de la température corporelle, en
dessous de 35 °C. De 32 °C à 35 °C, il s’agit d’une hypothermie modérée.
Entre 26 °C et 32 °C, c’est une hypothermie grave. En dessous de 26 °C,
une hypothermie sévère. En dessous de 24 °C, la survie n’est pas
possible.
Les deux principales causes d’hypothermie en mer sont la noyade et
un séjour prolongé dans l’eau froide après une chute à la mer (nager
15 minutes dans une eau à 15 degrés suffit pour être en hypothermie).
Quels sont les signes extérieurs pour le secouriste ?
– La victime frissonne, l’hypothermie est légère, la température
corporelle est supérieure à 34 °C.
– La victime ne frissonne plus mais peut bouger ses membres,
l’hypothermie est modérée, la température est entre 30 °C et 34 °C donc
prudence, une complication grave peut se produire.
– La victime est totalement immobile, l’hypothermie est sévère, la
température est inférieure à 30 °C, le danger est extrême.
■ Agir sur une personne récupérée à la mer
Un rescapé d’une noyade, un homme à la mer ramené à bord, est
potentiellement en situation d’hypothermie. Dès qu’on l’a récupéré, on
l’allonge pour éviter un désamorçage de la pompe cardiaque. On ne le
frictionne pas, on ne lui prodigue pas d’alcool (tant pis pour l’image
iconique du saint-bernard avec son tonnelet d’eau-de-vie), on ne
provoque pas de réchauffement artificiel brutal.
La personne est déshabillée avec douceur, si besoin en coupant ses
vêtements avec des ciseaux. On la sèche ensuite sans la frotter, on
enveloppe son corps comme un sandwich (en dessous et au-dessus)
avec au moins trois couches différentes (duvet, couverture, sac poubelle
ou couverture de survie), et en lui enveloppant bien tête et cou (bonnet
et couverture de survie). On peut la coucher sous le duvet au contact
direct d’un équipier, qui se déshabille pour lui communiquer sa propre
chaleur corporelle.
LA PHARMACIE DE BORD
Les obligations réglementaires concernant les équipements de soins
et de santé sont particulièrement restreintes. Au moment où nous
écrivons cette huitième édition du Cours, la Division 240 ne prévoit rien
de plus qu’une trousse de secours composée de matériel à pansements.
Pendant longtemps, la description de cet équipement a été assortie de la
mention suivante : « Tout complément de la trousse de secours est laissé
à l’initiative du chef de bord, en fonction des risques sanitaires qu’il peut
être amené à identifier dans la préparation de la navigation envisagée et
des personnes embarquées. » Cette disposition a beau avoir disparu en
2015, elle continue à nos yeux de résumer une démarche dans laquelle
doit impérativement s’inscrire le chef de bord.
Composer sa pharmacie
D’évidence, on n’emmène pas la même pharmacie de bord en
appareillant pour une transat que pour une sortie à la journée avec pique-
nique aux îles. Mais encore ? Au moment de réfléchir à la composition de
cette pharmacie, le chef de bord dispose de deux ressources
essentielles :
– Les textes sur la course au large. Les RSO (Réglementations
spéciales offshore) sont éditées par World Sailing, la fédération mondiale
de voile, traduites en français et commentées par la Fédération française
de voile (FFV). Ces textes définissent des obligations en fonction de la
catégorie d’épreuve dans laquelle un voilier est engagé, ces catégories
étant au nombre de six. Les RSO 0 définissent grosso modo les courses
autour du monde, les RSO 4 correspondent aux courses courtes se
déroulant près des côtes et plutôt de jour, les RSO 5 et 6 couvrent les
régates « en baie fermée ». Une dotation médicale spécifique est
obligatoire dès le niveau 3 (courses en pleine mer relativement proches
des côtes), et elle s’enrichit progressivement jusqu’aux RSO 0. Ces listes
sont téléchargeables sur le site de la FFV, à la rubrique médicale.
– Le médecin de famille, auquel il faudra de toute façon s’adresser
pour rédiger les ordonnances nécessaires à l’acquisition des
médicaments. Ses conseils seront précieux, et on pourra dialoguer avec
lui pour préciser les besoins en fonction de la navigation envisagée, et du
profil de l’équipage (enfants, équipiers âgés…).
Organiser sa pharmacie
Il est bon de scinder sa pharmacie en au moins deux contenants. Le
premier sera destiné à la « bobologie », et aux petits soucis de santé du
quotidien. Le second est réservé aux médicaments sur ordonnance, qui
ne pourront être administrés que sur prescription du médecin du CCMM,
ou du praticien consulté à l’escale. Autant le kit de base peut être
accessible à tout l’équipage, autant on peut être tenté de sceller la
pharmacie « lourde ».
Qu’on opte pour des sacs souples ou des boîtes rigides, les
contenants doivent être étanches. On les accompagne d’une liste où les
contenus classés par spécialités sont tenus à jour, avec mention des
dates de validité. La conservation de listes plastifiées à l’extérieur des
boîtes étanches permet d’anticiper la date de péremption des différents
éléments sans avoir à retourner sa pharmacie tous les quatre matins.
Avant de rechercher dans la pharmacie un médicament sous
prescription pour soigner un équipier, l’événement doit être consigné
dans le cahier de bord, assorti des prescriptions ou conseils délivrés par
le médecin du CCMM.
LES ACCIDENTS MATÉRIELS ET LES AVARIES
Le bateau peut se faire mal lui aussi. Et même très mal ! Voici donc
quelques pages consacrées aux malheurs du bateau et surtout à la façon
de les éviter. Ce qui suit ne prétend pas être exhaustif, dans la mesure où
certaines des mésaventures qui peuvent affecter la vie d’un voilier sont
déjà largement évoquées dans d’autres pages de ce Cours. Ainsi de
l’abordage, traité au chapitre Navigation dans « Prévenir les abordages en
mer ». Car après tout, les conséquences d’un abordage ne sont pas
essentiellement différentes de celles d’un autre accident de mer : voie
d’eau et éventuellement démâtage…
Comment prévenir une avarie, que faire si elle se produit ? Tel est
donc l’objet des présentes pages – qui ne traitent pas des réparations,
abordées au chapitre 4 dans « Maintenance du voilier ». Les questions du
recours à l’assistance extérieure puis de l’abandon du navire trouvent
naturellement leur place à la suite de la description des avaries, de très
sérieux dégâts pouvant contraindre un équipage à quitter le bord sur le
radeau de survie.
L’ÉCHOUEMENT
Un bateau se posant sur le fond par l’action délibérée de son
équipage, c’est un échouage. En revanche un bateau qui touche
involontairement, et qui ne réagit plus à la barre, est victime d’un
échouement. Si la quille touche involontairement et que le bateau réagit
à la barre, c’est un talonnage : on n’est pas échoué, le navire flotte en
eau libre, mais le choc a pu créer des dommages, il va falloir investiguer
et éventuellement agir.
Les causes de l’échouement ou du talonnage sont nombreuses :
sondeur non surveillé ou mal étalonné, livre de bord mal tenu et route
non suivie, lecture « naïve » des cartes (sondes indicatives, écueil non
signalé, fonds évolutifs…), non-consultation des documents nautiques en
complément de la carte, défaillance du balisage (feu éteint, balise
détruite…), avarie de barre ou de propulsion, mouillage qui chasse,
fatigue, mauvaise communication à bord… On sera très vigilant dans les
ports, à basse mer de vives-eaux ; se renseigner à la capitainerie évite
des ennuis.
Prévenir l’échouement
Le chef de bord doit toujours savoir où le bateau se situe et où il va. Il
doit connaître l’environnement actuel et futur (amers, courants, vents,
fonds, abris…), suivre les prévisions météo et l’évolution du temps. Il doit
donner au barreur tous les éléments pour qu’il puisse non seulement
tenir le cap mais aussi connaître les contraintes de navigation du
moment. Le barreur doit respecter les consignes et informer le
navigateur, immédiatement, de tout élément nouveau. Il doit être assisté
d’un « veilleur » qui scrute l’horizon sur 360°, quelle que soit la voilure. La
communication doit être permanente et réciproque entre les acteurs :
chef de bord, barreur, veilleur…
Malgré les précautions prises, des aléas sont possibles : plus
l’équipage sera rodé, discipliné et soudé, plus la situation sera maîtrisée
et les talonnages ou échouements atténués. Il faut avoir le sens marin
pour prévenir ce qui ne va pas et ne pas flirter avec les zones à risques. Il
faut aussi garder de « l’eau à courir », surtout dans des conditions
difficiles, dans un contexte inconnu ou avec un équipage peu amariné.
Traiter l’échouement
On vérifiera d’abord que l’équipage est au complet et sans blessé.
Ensuite seulement, on engagera les actions urgentes qui s’imposent.
S’il y a des entrées d’eau, on assèchera avec ce qui est disponible :
pompes de cale, seaux… On évaluera ensuite la situation relativement au
site (nature des fonds, protection, vulnérabilité), à la mer (état, marée),
aux éléments variables (vent, courant) et au potentiel d’intervention
(temps disponible, moyens autonomes, aide possible, proximité et
rapidité des secours, utilisation du terrain…).
Les dégâts seront liés au contexte et à la nature des fonds (plats,
meubles, durs, rochers épars, rochers accidentés et acérés…). Sur un
fond plat, le risque sera moindre que sur un terrain rocheux et chaotique.
Par une mer belle et étale, le choc sera moins violent qu’avec une mer
agitée et un courant fort. Mais un simple clapot un peu marqué peut vite
transformer la situation en enfer. Se dégager au montant est plus facile
qu’au descendant. Si le bateau reste sous contrôle par vent faible, cela
devient une tout autre histoire lorsqu’un vent violent porte à la côte. Il
faut donc évaluer, très vite, les atouts (flux, vent de terre…) et les
amplificateurs de risques (reflux, rafale, déferlante, ressac…).
Avec des conditions favorables, faire gîter le bateau à flot peut suffire
pour le dégager. En agissant vite, on a des chances de dégager un
monocoque en le faisant gîter et en se déhalant sur l’ancre (c’est
pratiquement mission impossible avec un catamaran, ou avec un biquille,
posé sur deux points d’appui). Pour gîter, tous les moyens sont bons.
Border le foc à contre, déplacer le lest mobile (jerrycans par exemple),
aligner l’équipage dans les filières, se pendre au hauban sous le vent,
envoyer des équipiers en bout de bôme ou une personne dans la mâture.
Mais attention à ne pas effectuer n’importe quoi n’importe comment et à
ne pas oublier les précautions d’usage, inutile de créer un sur-accident.
Dans un premier temps, on cherchera à regagner le large au moteur,
non sans précaution : si la gîte est importante, en particulier, il faut
s’assurer que la prise d’eau de mer demeure immergée et que le circuit
de refroidissement ne désamorce pas, ou encore qu’il n’aspire pas le
sable brassé par le remous de l’hélice. Si le moteur est inefficace, ou si la
prudence conduit à s’en passer, on mettra l’annexe à l’eau pour porter le
mouillage secondaire au large.
Si l’on ne parvient pas à dégager le bateau et s’il est encore temps,
on le couchera sur le côté où il y a le moins d’eau en protégeant sa coque
(pare-battages, coussins, matelas…) avant qu’elle ne touche le sol. Puis
on calculera l’heure de la marée suivante et on prendra la météo pour
savoir quand le renflouement sera faisable.
LA VOIE D’EAU
Les œuvres vives d’un voilier sont percées de nombreux orifices :
évacuation de l’évier et des toilettes, vidange du cockpit sur certains
voiliers, prise d’eau du moteur, capteurs de loch et de sondeur… Ce sont
beaucoup d’entrées d’eau possibles, alors que la première qualité que
l’on attend de la coque d’un navire, c’est précisément son étanchéité.
Les voies d’eau provoquées par une avarie sur un passe-coque, ou
sur le flexible qui lui est relié, sont qualifiées d’ordinaires. Précisons, pour
illustrer ce qu’est une voie d’eau ordinaire, qu’une ouverture de
34 millimètres de diamètre placée à 30 centimètres sous la flottaison
présente un débit de 130 litres à la minute ! Les voies d’eau ordinaires
naissent de la mauvaise qualité d’un montage, d’un entretien insuffisant
des vannes, ou d’un arrachement dû au déplacement d’un objet lourd.
Quant aux voies d’eau moins ordinaires, elles sont généralement le
fruit d’un choc avec une épave, d’un talonnage, d’un abordage, de
l’arrachement de l’arbre d’hélice et de sa chaise par un orin de filet, etc.
Pour un trou de 10 centimètres de diamètre, toujours à 30 centimètres
sous la flottaison, le débit atteint environ 1 000 litres à la minute. Dès
lors, si la capacité totale du système de pompage est insuffisante, la
situation devient vite désespérée, d’autant que la flottabilité du bateau
n’est pas seule en cause et qu’à brève échéance c’est sa stabilité même
qui se trouve compromise par effet de carène liquide 22.
Une voie d’eau peut également être provoquée par l’embarquement
de paquets de mer dans la descente ou, plus insidieusement, par un
hublot de coque ou de cockpit mal fermé.
Notons enfin qu’une déchirure dans la coque d’un bateau en
polyester n’est pas forcément synonyme de voie d’eau importante : grâce
à la souplesse du matériau, elle peut tendre à se refermer.
Épontiller, c’est soutenir quelque chose avec un poteau et une poutre. Ici
l’épontille vise en réalité à maintenir le paillet en place sur la voie d’eau. Il faut pouvoir
la rentrer en force.
L’AVARIE DE GRÉEMENT
L’avarie de gréement se solde le plus souvent par un démâtage. Mis à
part l’aspect dramatique de l’événement, il est plutôt curieux de
constater que le mât tombe assez lentement en raison de son inertie de
rotation, et aussi parce que les voiles cessent immédiatement de porter
pour se comporter comme un parachute… Mais autant faire en sorte de
ne pas avoir à contempler ce phénomène physique, fort intéressant au
demeurant.
Éviter le démâtage
Avant chaque départ en croisière, ne pas hésiter à se faire hisser le
long du mât, et à contrôler entièrement le gréement : état des cadènes,
fixation des ridoirs, absence dans les haubans d’attaque par corrosion et
surtout de gendarme 23, absence de jeu dans les barres de flèche, dans
le vit-de-mulet et la ferrure de tangon, bon passage des drisses dans les
réas en tête de mât. Une défaillance sur un de ces points demande une
correction immédiate car elle conduira inévitablement à fragiliser
l’ensemble. Le chef de bord en profite d’ailleurs pour vérifier l’absence
d’éléments agressifs pour les voiles, tels qu’une goupille mal repliée, etc.
Tous les jours, il effectue un tour du pont pour une inspection
générale des liaisons entre le haubanage et la coque, du vit-de-mulet, de
la tension des haubans, etc. Il intervient immédiatement dès qu’il
constate la moindre anomalie : haubanage mou sous le vent, jeu
important dans une barre de flèche ou une autre pièce fixée au mât,
découverte d’un écrou, d’un anneau brisé ou d’une goupille qui traîne sur
le pont (il y a peu de chances qu’ils soient tombés du ciel et ils viennent
nécessairement du gréement).
Quand un hauban est fragilisé ou défaillant, on peut éviter le
démâtage en le soulageant : d’abord en naviguant sur le bord opposé de
façon à le placer sous le vent (par exemple, se mettre au portant si c’est
l’étai qui faiblit), puis en le doublant avec des drisses. L’éventualité du
démâtage est par ailleurs un critère pour le choix de l’outillage du bord
(pince coupe-hauban 24, scie à métaux avec lames de rechange) et de
son équipement : ainsi une VHF portable (et/ou une antenne de secours)
s’avère très utile après un démâtage, l’antenne de la VHF fixe étant en
général en tête de mât.
En cas de démâtage
Des morceaux de mât peuvent percuter la coque et provoquer des
avaries supplémentaires. Si la mer est agitée, on libère le plus vite
possible le mât, en coupant le gréement dormant, ou en dévissant les
ridoirs. Au besoin, on cravate l’espar ou ses morceaux avec des cordages
et on l’arrime le long du bateau de façon à réduire les coups de boutoir
pendant l’opération, mais aussi dans la perspective de remonter ensuite
à bord ce qui sera raisonnablement possible. Si l’on doit tout larguer, on
s’efforce de récupérer au préalable les drisses : on aura besoin de
cordages pour réaliser le gréement de fortune.
Privé de voilure, le bateau reste en principe dans sa position
d’équilibre travers à la vague, et ses mouvements à la mer sont alors
singulièrement brutaux (avec la disparition du mât, le voilier a perdu un
balancier). Les déplacements sur le pont deviennent dangereux, il faut
impérativement se harnacher.
COMMENT PRÉVENIR LES ACCIDENTS
Parce qu’aujourd’hui l’accident ou l’incident ne sont jamais une fatalité, les
Glénans analysent tous les événements de mer qui se produisent pendant les
stages, quelles que soient leur nature et leur gravité, afin d’améliorer la qualité de
la formation dispensée tant aux stagiaires qu’aux moniteurs et aux salariés. Dans
90 % des cas, le facteur déterminant est de nature humaine. Les facteurs de
nature environnementale ou matérielle peuvent contribuer aux accidents mais ne
sont déterminants que dans 10 % des cas.
À l’instar du Bureau d’enquêtes sur les événements de mer 25, l’observatoire
des accidents des Glénans utilise la méthode SHELL. Celle-ci permet à la fois
d’analyser un accident, d’en prévenir l’occurrence quand on s’en sert pour évaluer
les risques en préalable à toute manœuvre inhabituelle, mais aussi de sensibiliser
un équipage néophyte aux précautions à prendre lorsqu’on pratique une activité
nautique.
Il n’existe pas de gréement de fortune type, il faut savoir innover avec ce qu’on a
encore sous la main.
Trop tard…
Malgré toutes les précautions et une surveillance soutenue, il arrive
que l’on se fasse piéger. Le premier réflexe est de débrayer. Plus tôt
l’inverseur est au point mort, moins « l’intrus » s’emberlificotera autour
de l’hélice, et plus il sera facile de se dégager. On limite ainsi, par
ailleurs, le risque – réel – de tordre ou d’arracher l’arbre d’hélice, la
chaise d’arbre ou l’embase de Saildrive. Passer la marche arrière dans
l’espoir que les tours se déferont d’eux-mêmes est une très mauvaise
idée, dans la quasi-totalité des cas cela ne fera qu’aggraver le problème,
au point souvent de le rendre définitivement insoluble.
Un cordage isolé, qu’il s’agisse d’une amarre ou d’une écoute
appartenant au bateau ou encore d’un bout abandonné traînant dans
l’eau, peut s’avérer relativement facile à dégager par simple traction,
avec éventuellement un peu de patience et d’insistance. S’il s’agit d’un
cordage solidement relié au sol (orin de casier, câblot de mouillage),
l’affaire est plus complexe. Sans parler du morceau de filet emberlificoté
autour de l’hélice au point de former une gangue… Il arrive qu’on doive
plonger. On y réfléchira à deux fois, en prenant en compte le contexte, et
notamment l’état de la mer.
Si une fois le bateau libéré l’hélice demeure bloquée, ou si le moteur
fonctionne mal, s’il y a des vibrations importantes, si l’arbre est voilé, il
faudra rejoindre un port, sous voiles ou remorqué. L’accostage sous
voiles n’est pas chose aisée, il doit être préparé quant à la façon de faire
et au lieu où aller, tous les ports ne sont pas adaptés. Il reste toujours la
possibilité de prendre un coffre à la voile, ou de mouiller à l’abri, pour
plonger plus tranquillement.
Il existe des systèmes coupe-orin à monter sur l’arbre d’hélice. Plus ou moins
agressifs, plus ou moins efficaces, ils limitent les risques d’engager l’hélice mais ne
peuvent être considérés comme une garantie absolue.
Contrôles ultérieurs
Les dégâts fréquents concernent : l’hélice et ses pales, l’inverseur, la
chaise d’arbre, les anodes, la bague hydrolube, l’arbre d’hélice, les
pignons des Saildrive, les silentblocs, le tube d’étambot ainsi que le
gouvernail. Des voies d’eau sont parfois constatées. Les systèmes de
propulsion et de gouverne seront systématiquement contrôlés après
avoir dégagé l’hélice.
L’INCENDIE
L’incendie est le plus dangereux des accidents qui puissent affecter
un navire, quel qu’il soit. Un voilier de plaisance brûle complètement en
une dizaine de minutes. Les fumées et les gaz d’un incendie sont à tort
considérés comme d’anodins résidus de combustion, alors qu’ils peuvent
non seulement s’embraser d’un coup ou exploser, mais sont aussi de
violents poisons.
LE COUP DE FOUDRE
Les bateaux ne tombent pas amoureux, mais ils peuvent être frappés
par la foudre…
Statistiquement, la chance que cela se produise est faible. La
mémoire collective des Glénans rapporte qu’à l’exception de Sereine au
cours d’un retour des Canaries – il y a fort longtemps –, aucun bateau
des Glénans n’a été frappé par la foudre. Et pourtant ils sont très souvent
en mer.
Sur Sereine, la radio avait été débranchée et n’a pas été touchée. Une
chaîne reliée au pataras avait été mise à tremper à l’arrière du bateau.
Quelques maillons s’étaient (paraît-il) soudés par galvanisation de
surface. Quant au barreur resté sur le pont, il avait (paraît-il également)
les cheveux plutôt hérissés sur la tête.
Le pied de mât, son épontille métallique, ou, à défaut, une cadène de hauban,
doivent être reliés à un boulon de quille par une forte tresse.
Les CROSS
Les CROSS (Centre régional opérationnel de surveillance et de
sauvetage) n’ont pas de flotte propre et font appel en priorité aux navires
qui se trouvent sur zone. Selon les circonstances, des organismes très
divers peuvent être également sollicités : SNSM (Société nationale de
sauvetage en mer), protection civile, sapeurs-pompiers, gendarmerie
nationale, Marine nationale, Douanes, Affaires maritimes, armée de l’air.
Outre leur mission d’organisation et de coordination du secours en
mer, les CROSS ont en charge la surveillance de la circulation maritime,
des pêches et de la pollution. Le CROSS Gris-Nez, qui couvre la zone du
cap d’Antifer à la frontière belge, a une compétence supplémentaire : il
est le correspondant des MRCC étrangers pour toutes les opérations de
recherche ou de sauvetage de navigateurs ou de bateaux français à
travers le monde 30.
La VHF
La VHF est le plus utilisé des moyens de radiocommunication marine,
dont la pertinence en termes de sécurité ne se dément jamais, même
pour des navigations de courte durée. Les sémaphores, les autorités
portuaires, les stations côtières, les CROSS et la plupart des bateaux que
l’on croise en sont équipés.
Une communication à la VHF manque singulièrement de
confidentialité par rapport à une conversation téléphonique. Et pour
cause : tous ceux qui sont branchés sur le même canal l’entendent en
même temps ! C’est justement pour cette raison que la VHF est le
meilleur des outils de communication pour la sécurité en mer.
Dans sa version ASN (Appel sélectif numérique), la VHF dispose, outre
la communication phonique, d’un système d’envoi et de réception de
messages codés et prédéfinis. Couplée au GPS, la VHF ASN délivre
automatiquement la position du navire en détresse ainsi que son identité,
sous réserve qu’on ait pris soin à sa mise en service de renseigner le
numéro MMSI du bateau.
■ Appel d’urgence
Le PAN PAN est un message destiné à signaler une urgence
concernant la sécurité d’un navire ou d’une personne. C’est celui qu’on
émettra, par exemple, pour une demande de remorquage, ou pour
solliciter une consultation médicale à distance. Le PAN PAN convient
parfaitement aux avaries préoccupantes, alors que l’équipage contrôle la
situation, fait face avec les moyens du bord et ne réclame pas
d’intervention extérieure. Il permet de mettre en alerte la chaîne des
secours pour l’éventualité où cette situation s’aggraverait. Le message
d’urgence commence par la phrase « PAN PAN, PAN PAN, PAN PAN »
(prononcer « pane »).
« PAN PAN, PAN PAN, PAN PAN. À tous, à tous, à tous. Ici Orion,
Orion, Orion, Golf, Hôtel, 3-2-1. Position 27 milles dans l’ouest-sud-ouest
du plateau de Rochebonne. Gouvernail rompu, à la dérive, nous
demandons un remorquage. Voilier, coque blanche, 3 personnes à bord.
À vous. »
En anglais, « À tous » se dira « All stations ».
■ Message de sécurité
Enfin, le message de sécurité (« SÉCURITÉ, SÉCURITÉ, SÉCURITÉ »)
signale un danger lié à la sécurité de la navigation. C’est celui qu’on
utilisera pour signaler une bille de bois à la dérive, un feu en panne ou
une bouée déradée. C’est aussi sous cette forme que les CROSS et les
sémaphores communiquent les bulletins météo. En anglais, « SÉCURITÉ »
se prononce de la même manière qu’en français.
« SÉCURITÉ, SÉCURITÉ, SÉCURITÉ. À tous, à tous, à tous. Ici Orion,
Orion, Orion, Golf, Hôtel, 3-2-1. Bille de bois à la dérive à 2 milles dans le
sud de la Jument des Glénan. »
LA VHF PORTATIVE
Une VHF portative est un complément utile à une VHF fixe : on peut l’utiliser
depuis le cockpit, une annexe, un radeau de survie. Elle se recharge régulièrement,
et se protège avec une housse étanche si l’appareil lui-même ne résiste pas à
l’immersion. Elle peut aujourd’hui être ASN si elle est équipée d’un GPS intégré. Si la
station du navire possède un numéro MMSI, il suffit d’entrer le même numéro dans
le portable. Si la station du navire ne possède pas de numéro MMSI, il suffit d’en
demander un à l’ANFR ou aux autorités du pays concerné.
Au ras de l’eau, la portée d’une VHF portative est limitée par la rotondité de la
Terre et elle est de surcroît de puissance limitée, elle doit donc être uniquement
considérée comme un équipement supplétif – mais ô combien précieux en termes
de sécurité. En 2015, la réglementation a imposé la VHF portative étanche en
navigation hauturière, en complément d’une installation fixe.
Les balises de détresse RLS sont de couleur jaune ou orange, étanches jusqu’à
10 mètres de profondeur, et doivent assurer un minimum de 48 heures en émission.
Elles disposent d’une procédure d’autotest permettant de contrôler leur
fonctionnement sans déclencher l’alerte.
Lorsqu’on les déclenche, ces balises de détresse sont repérées et
localisées par le système Cospas-Sarsat, qui renvoie l’alerte aux services
de recherche et de secours compétents 36. Elles émettent simultanément
sur deux fréquences : 406 MHz, pour l’alerte transmise par satellite aux
centres de secours, et 121,5 MHz, qui est une fréquence aviation utilisée
pour la localisation en approche finale par les moyens de secours,
maritimes et aériens.
On distingue deux types de balises RLS, avec ou sans GPS.
– Dans le premier cas, le message de détresse transmis intègre la
position de la balise, et il est récupéré sans délai par un ensemble de
deux constellations de satellites, dont l’une est composée de stations
géostationnaires. L’alerte est quasi immédiate, et le positionnement du
navire en détresse particulièrement précis.
– Dans le cas d’une RLS sans GPS, il faut attendre qu’un satellite en
orbite basse passe au-dessus de la balise pour la repérer, ce délai
pouvant atteindre une heure. La technique de positionnement utilisée
dans ce système est d’une précision toute relative, de l’ordre de 3 milles.
Ces données militent clairement en faveur de la balise de détresse
avec GPS. Signalons par ailleurs l’existence de RLS dites « de pont », à
largage et déclenchement automatiques en cas de naufrage, par système
hydrostatique.
Une balise AIS, à gauche, et à droite une PLB. Avec la première, on peut espérer
une assistance immédiate des navires sur zone ; la deuxième alerte les organismes
officiels, mais les secours peuvent être plus longs à intervenir.
Le téléphone portable
Il a été dit plus haut que le téléphone portable ne peut pas être
considéré en mer comme un moyen sûr et fiable d’alerter les secours,
pour des raisons d’autonomie, de portée limitée en mer, de non-
marinisation de ses composants. Une autre de ses limites est qu’il ne
permet d’entrer en contact qu’avec un seul interlocuteur : les navires sur
zone ne sont pas alertés d’un éventuel problème. Il ne s’agit donc que
d’un pis-aller, dont on aurait toutefois bien tort de se passer en dernier
recours. Les CROSS sont joignables par un numéro abrégé unique,
valable pour toutes urgences en mer, le 196.
Le téléphone satellitaire
Le téléphone satellitaire dispose d’une couverture quasi mondiale. Sa
miniaturisation et son adaptation aux bateaux de plaisance en ont fait un
équipement quasi incontournable en croisière océanique. Si les
communications phoniques sont chères, la transmission de données par
e-mail devient abordable, et c’est ainsi que l’Iridium (du nom de
l’opérateur dominant sur le marché) est un formidable outil de sécurité,
ne serait-ce que pour la capture des données météo, ou pour les
consultations médicales à distance.
En cas de détresse, il constitue un relais naturel au déclenchement
de la balise Cospas-Sarsat, qui par nature ne fournit aucun détail sur la
situation concrète du navire et de l’équipage. Une fois la balise activée, le
téléphone satellitaire permet de joindre le MRCC en charge de la zone,
ou encore le CROSS Gris-Nez, dont on aura pris soin d’afficher les
coordonnées à la table à cartes ou dans le livre de bord (à côté de la
procédure MAYDAY).
Dans des situations de crise, il est bon de préserver ses batteries
pour la sécurité et de ne pas l’utiliser plus que de raison pour des
communications familiales ou pour se rassurer. Ne pas perdre de vue
que la mise en relation avec des familles inquiètes et néophytes peut
aussi entraîner des perturbations majeures dans les décisions à prendre.
L’ÉVACUATION DU BATEAU
Lorsque arrivent les secours, une personne ou l’équipage tout entier
peuvent être amenés à quitter le bord. La préparation de cette
évacuation ressemble beaucoup à celle évoquée dans « Embarquer sur
un radeau de survie » ►. Elle se fait par bateau (bateau de pêche, de
plaisance, SNSM, remorqueur, Douanes, Marine nationale, cargo, etc.),
ou par hélitreuillage.
Stockage et révision
Les radeaux sont vendus dans deux types de conditionnements. Si le
radeau est stocké en plein air (sur le rouf, dans le cockpit, la jupe arrière,
dans le balcon arrière sur un berceau éventuellement muni d’un dispositif
de largage hydrostatique), il doit impérativement être emballé dans un
conteneur rigide. Les radeaux en sac, plus compacts, sont destinés à
être rangés dans un coffre de cockpit. Mais attention, le radeau doit
demeurer accessible en toutes circonstances, et doit pouvoir être mis à
l’eau très rapidement. À titre de référence, les règlements de sécurité
pour la course au large (RSO) prévoient que le radeau puisse « être
amené au niveau des filières ou mis à l’eau en moins de quinze
secondes… ».
Le sac d’abandon
Au moment d’abandonner le voilier, il faudra pouvoir embarquer avec
soi, sans tergiverser, tout ce qui au-delà de l’armement fourni avec le
radeau hauturier pourra faciliter la survie mais aussi le retour à la vie
civile. Ces équipements seront rassemblés dans un sac d’abandon (on
parlera indifféremment de drome d’emport, ou de grab-bag). Il peut s’agir
du grab-bag fourni avec le radeau, dont on complètera le contenu, ou d’un
contenant spécifique : un sac étanche renforcé, ou un bidon cylindrique
étanche, type sports d’eaux-vives, que l’on munira de poignées avec deux
longueurs de garcette.
Il n’existe pas de liste exhaustive pour le sac d’abandon, à chacun de
le concevoir selon ses convictions et son bon sens. On pourra y ranger
les passeports, une copie (sur papier ou clé USB) des papiers du bateau
et des documents administratifs importants, l’argent liquide et les cartes
de crédit, une batterie de rechange (chargée) pour la VHF portable, le
GPS de secours (à piles), une ou deux bouteilles d’eau minérale, des
biscuits à haute teneur énergétique, des couvertures de survie. Au
moment de quitter le bord, on y ajoutera le journal de bord
(obligatoirement), les équipements pyrotechniques non utilisés, les
lampes torches ou frontales (avec piles de rechange), les médicaments
personnels et la pharmacie de bord, etc.
Si c’est trop pour un seul sac, il suffit d’en prévoir plusieurs, étant
entendu qu’il vaut mieux ne pas mettre tous ses œufs dans le même
panier. Ce sac, comme les éléments évoqués ci-dessous, doit être muni
d’un bout terminé par un mousqueton – pour l’assurer au moment du
transfert sur le radeau et pour l’y amarrer : par mer formée, le radeau
peut fort bien se retourner…
L’eau douce
La quantité d’eau douce prévue dans l’armement du radeau est très
faible. L’option « sac de survie et rien d’autre » permet de tenir une
semaine environ (avec 0,25 litre par jour et par personne, soit le seuil de
survie). Il faut donc prévoir dans l’armement du bateau au moins un
jerrican d’eau douce de 10 litres, qu’on ne remplira qu’à 90 % pour lui
permettre de flotter. En option, on peut prendre un désalinisateur à
main, qui trouvera lui aussi sa place dans le sac d’abandon (voir l’encadré
sur l’eau douce ►).
L’avitaillement
Comme pour l’eau douce, les rations du radeau plus de 24 heures ne
permettent de tenir que 4 ou 5 jours. En vue d’une traversée océanique,
on pourra embarquer un conteneur particulier renfermant des aliments
spécifiquement conçus pour la survie (compter idéalement
24 000 calories par personne pour tenir 15 jours).
3. La perche de repérage (dan buoy en anglais) est parfois appelée « perche IOR »,
du nom de la jauge (système de handicap) sous l’égide de laquelle elle avait été
imposée en course au large. Télescopique, elle se déploie à un minimum de
2 mètres au-dessus de l’eau, elle porte à son extrémité supérieure un pavillon O
(Oscar) et elle est, idéalement, munie d’un éclairage. On l’associe généralement à
un dispositif flottant – type bouée fer à cheval – auquel elle est reliée par un orin
flottant. Elle existe sous forme gonflable, à déclenchement automatique. Sa
flottabilité est alors suffisante pour aider un naufragé à surnager. ◄
4. Sur les bateaux bien équipés, une ligne de vie en fond de cockpit, ou un padeye
judicieusement placé, permet de s’attacher depuis l’intérieur de la cabine.
S’amarrer depuis la descente avant même de franchir le seuil est un impératif par
mauvais temps, et une bonne habitude à prendre en toutes circonstances, dès
lors que le port du harnais a été décidé. ◄
5. Sur la plupart des GPS de table à cartes, et le cas échéant les répétiteurs de
cockpit, la touche « homme à la mer » est un bouton rouge marqué MOB. Parfois,
cette touche est commune à la fonction MARK : un appui simple crée un waypoint
(MARK) à la position du bateau, un appui prolongé – ou plusieurs appuis
successifs – active la fonction MOB. Lorsque cette dernière est enclenchée, le
GPS enregistre la position à l’instant T et passe immédiatement en mode
« GoTo », affichant le cap et la distance au point enregistré. Sur les GPS traceurs,
dotés d’une cartographie électronique, l’écran zoome automatiquement sur la
zone de l’accident. La position enregistrée ne tient évidemment pas compte de la
dérive à laquelle l’homme à la mer est soumis, ni de la distance parcourue entre
sa chute et le moment où la touche MOB a été activée. ◄
11. La croisière n’est pas une punition. Changer de plan de route et d’allure suffira
souvent à améliorer très nettement le confort de navigation, calmer les estomacs
et ramener les sourires dans l’équipage. Bien souvent en croisière, l’avenir est
dans les allures portantes. ◄
13. Porter des gants de manœuvre sur le pont et dans le cockpit relève d’une
excellente habitude. Mais en passant à la cuisine, il faut impérativement les
retirer : si l’on se renverse un liquide brûlant sur les mains, ils se transforment en
éponge et aggravent sérieusement la situation. ◄
14. Un coup de soleil est une brûlure du premier degré s’il n’y a que des rougeurs.
Avec des cloques, c’est une brûlure de deuxième degré. L’étendue détermine la
gravité. ◄
16. Par principe, toujours relier la ligne de quai au bateau avant de la connecter à
la borne : si l’extrémité nous échappe et tombe à l’eau, les conséquences seront
potentiellement moins graves. Lors du branchement, porter des chaussures et
avoir les mains sèches, la borne pouvant être défectueuse (défaut de mise à la
terre). Installer la ligne électrique de façon à ce qu’elle ne soit pas pincée par une
amarre dans un chaumard, ni plus tendue que les aussières ! ◄
21. Le renflouement désigne l’opération de remise à flot d’un navire, que celui-ci
soit coulé ou échoué. Le terme d’épave décrit la situation d’un navire naufragé,
mais aussi celle de tout navire ou objet naufragé abandonné en mer. ◄
23. Un gendarme est une pointe de métal rebiquant sur un câble, et témoignant
de la rupture d’un brin au sein d’un toron. ◄
24. Les modèles basiques de pince coupe-hauban, avec une articulation simple à
la manière d’une paire de cisailles, s’avèrent totalement inopérants pour couper
un hauban, à plus forte raison sur le pont d’un voilier chahuté. Seules les pinces
dotées d’une démultiplication de l’effort, façon « coupe-boulon », sont efficaces.
La scie à métaux représente une autre solution sérieuse, sous réserve d’avoir
prévu une quantité suffisante de lames, de bonne qualité. ◄
25. Les analyses du Bureau d’enquêtes sur les événements de mer (BEAmer),
accessibles sur Internet, sont souvent enrichissantes. ◄
27. Une couverture antifeu se saisit par ses sangles, et s’utilise de façon à
protéger ses poignets et ses mains. On la brandit devant soi, avant-bras verticaux,
en tenant son buste en retrait et en cachant son visage derrière la couverture. On
l’applique sur le foyer en prenant soin, s’il s’agit d’un récipient de cuisine, de bien
recouvrir les bords pour ne laisser aucune entrée d’air. On ne l’enlève surtout pas
brusquement à la première impression que l’incendie s’est éteint… le risque étant
de créer un appel d’air le faisant repartir de plus belle. ◄
31. La phrase « MAYDAY, MAYDAY, MAYDAY », ne doit pas être énoncée de façon
monocorde, mais au contraire être modulée. Cette répétition du mot clé sur des
tonalités différentes augmente précisément les chances qu’il soit bien perçu sur
les ondes. ◄
32. À la réception d’un message de détresse, tout navire doit : cesser toute
transmission et écouter ; noter soigneusement le contenu du message ; attendre
un certain temps pour permettre à une station côtière de répondre ; si aucune
station n’a répondu dans un délai de cinq minutes, indiquer au navire en détresse
que son appel a été entendu et qu’il peut lui porter secours ; essayer, lorsque cela
est possible, d’alerter une station côtière ou un centre de secours. ◄
33. Si la VHF ASN n’est pas reliée à un GPS (ou si ce dernier dysfonctionne),
l’activation de la touche « Distress » ne pourra suffire à inclure la position du
bateau dans le message numérique de détresse. Il faudra passer par les sous-
menus d’appel ASN pour y inscrire manuellement la position. ◄
34. Les communications radio sont couvertes par le secret des correspondances,
et il est rigoureusement interdit de faire quelque référence que ce soit à un
échange entre tiers entendu sur les ondes. Les sanctions encourues sont celles
prévues par l’article 226-15 du Code pénal. ◄
36. Une balise de détresse doit être codée à l’achat par un professionnel,
revendeur ou installateur en radiocommunications. En France, c’est le MMSI du
navire où elle est installée qui y est encodé. Pour des raisons évidentes, une
RLS/EPIRB ne se prête pas. ◄
37. Sur l’identification des différents types de voiliers en fonction de leur voilure
et de leur gréement, se reporter à l’encadré du chapitre 5, « Les différentes
familles de gréements » ►.
◄
38. Le nombre des fusées n’est pas infini : ne les tirer qu’en vue d’un navire ou
d’une côte. ◄
VIE À BORD, MAINTENANCE
Vie à bord
L’organisation du bord
L’équipage vis-à-vis du monde extérieur
La maintenance du voilier
Le gréement
Le matelotage
Les voiles
L’accastillage et l’équipement de pont
La coque, la structure du bateau et les appendices
Réparer avec de la résine polyester
L’électricité
L’électronique
Le compas
Le moteur Diesel
Le moteur hors-bord
La plomberie
Réparer l’annexe
U nenéquipage en forme et bien organisé ainsi qu’un bateau
bon état et scrupuleusement contrôlé sont les clés
d’une navigation réussie. Au même titre qu’un voilier
s’entretient régulièrement et sous toutes les coutures, la
bonne tenue de l’équipage ne saurait être laissée au hasard et
mérite d’être l’objet de soins attentifs.
Les premières pages de ce chapitre, consacrées à « La vie
à bord », traitent de sujets aussi essentiels que l’avitaillement
et les repas, la répartition des périodes d’activité et de
repos – les quarts –, les relations avec les voisins au port et
au mouillage, l’environnement légal et juridique dans lequel
évolue le plaisancier, qui couvre en particulier la question
essentielle de la responsabilité du chef de bord.
On s’intéressera ensuite, dans la partie « Maintenance », à
tous les aspects de l’équipement et de l’entretien du voilier,
jusqu’aux interventions à la portée d’un non-professionnel.
Traitant aussi bien des voiles que du moteur, du gréement,
des cordages, de la plomberie et de l’électricité, ou encore de
l’électronique de bord, ce chapitre représente un véritable
manuel du parfait bricoleur marin. Il permettra non seulement
de procéder efficacement aux révisions et réparations que
tout bon plaisancier devrait savoir effectuer lui-même, mais
aussi de suivre en connaissance de cause les opérations
confiées à un chantier naval.
Vie à bord
L’ORGANISATION DU BORD
En croisière au large, barrer, manœuvrer, entretenir son bateau,
prendre la météo, faire le point, sont des actes quotidiens au même titre
que manger, dormir, ranger, nettoyer de jour comme de nuit : vivre et
naviguer sont une seule et même chose. On en rêvait : nous y voici !
Le principe du roulement préside à l’organisation de la vie à bord.
Pendant que certains s’occupent de la navigation, de la manœuvre et des
tâches journalières, une partie de l’équipage se repose en attendant son
quart (son tour de prendre en charge la bonne marche du navire). Des
groupes d’équipiers (les bordées ou les quarts) se relaient ainsi pendant
les 24 heures que dure la journée. Ce système de quarts est d’autant
plus nécessaire que la navigation est longue et que le bateau navigue
jour et nuit.
Il n’existe pas de système idéal, mais des systèmes convenant aux
équipages qui les appliquent. C’est affaire de programme de navigation,
d’effectif, de durée de la traversée, de somme et de répartition des
compétences à bord. Chaque équipage s’organise pour assurer une veille
permanente, dans des conditions qui diffèrent selon le bassin de
navigation, l’époque de l’année, la latitude (la nuit est plus longue en
hiver qu’en été, elle varie aussi en fonction du lieu géographique…), la
météo observée ou prévue, etc. Au chef de bord de mettre en place un
principe de rotation et de répartition des tâches compris et accepté par
tous, et de l’inscrire (au sens propre aussi, il mérite d’être affiché en
bonne place) dans la vie du bord.
LES BORDÉES
Prenons l’exemple d’une croisière côtière, exclusivement composée
de navigations diurnes de quelques heures. Inutile d’instaurer un système
de quarts pour la barre, les réglages et la veille : chacun pourra
s’impliquer sur le pont en fonction de ses envies du moment, et si la
démotivation menace, il sera bien temps de responsabiliser sur le
moment deux ou trois personnes dans le cockpit. On peut parfaitement,
en revanche, réaliser un tableau quotidien de tâches distribuées par
rotation au cours de la semaine : préparation du petit déjeuner et des
repas, vaisselle, rangement du carré, contrôle du pont et du gréement
avant appareillage, etc. Il existe, certes, des équipages où ces tâches se
répartissent naturellement, sans même qu’on ait à en parler. Il en est
d’autres où ce sont toujours les mêmes qui travaillent pour la collectivité.
Non seulement ce n’est pas tout à fait le partage qu’on est en droit
d’attendre à bord d’un voilier, mais cela peut devenir également source
de tensions à la longue, et cela gâche pour tout le monde le plaisir de la
croisière : autant fixer d’emblée un cadre.
Si les étapes se prolongent, si les journées sous voiles dépassent la
demi-douzaine d’heures, et à plus forte raison si l’on doit naviguer de
nuit, il est temps de composer des bordées au sens rigoureux du terme.
On pourra composer ces bordées par affinités, on cherchera surtout à
répartir harmonieusement les compétences : on ne met pas deux
débutants dans un quart et deux marins chevronnés dans l’autre !
La durée des périodes de repos (« le quart de bannette 1 ») sera
généralement de 3 ou 4 heures, le temps nécessaire pour retrouver
l’espace douillet du carré ou de sa couchette, se changer ou se
déshabiller, s’enfiler dans son duvet, cumuler plusieurs cycles de
sommeil, se réveiller un peu avant l’heure fatidique et s’équiper pour
remonter sur le pont, en ayant préalablement pris si besoin un en-cas ou
une boisson chaude.
Chaque bordée peut prendre son quart à heure fixe, tous les jours
que dure la croisière. À l’inverse, on peut préférer les bordées mobiles,
avec rotation des équipiers et des horaires, pour que ce ne soient pas
toujours les mêmes qui assurent le quart le plus dur, celui de la fin de
nuit. Bref, on peut tout imaginer et c’est à chacun de mettre au point le
système qui lui convient le mieux – pourvu qu’il respecte les cycles du
sommeil des équipiers (voir « Dormir » ►).
On peut cependant identifier deux schémas très simples et
fonctionnels :
– Composer deux bordées, chacune ayant à tour de rôle la
responsabilité de la marche du bateau. Les temps de repos et d’activité
sont égaux. Pour éviter que chaque jour les mêmes retrouvent les
mêmes tranches horaires, il est possible de « casser » la répétition en
instaurant deux demi-périodes autour de l’heure du déjeuner. Sur un
rythme de quart de 4 heures, on insère ainsi deux quarts de 2 heures, à
12-14 heures et 14-16 heures. Sur un rythme de quarts de trois heures,
ce sera 12 heures-13 h 30 et 13 h 30-15 heures.
Si le quart de l’aube est réputé le plus long, certains ciels sont de belles
récompenses.
Le chef de bord
Si c’est possible, le chef de bord est hors quart, bénéficiant ainsi de
la vue d’ensemble nécessaire à la bonne marche de la croisière.
Disponible à tout moment, loin d’être un privilégié, il est en somme
taillable et corvéable à merci.
On doit pouvoir compter sur lui dans les moments difficiles ou au
moindre doute. Souvent, son activité nocturne est abondante – certains
se font réveiller à chaque changement de quart –, il remplace un équipier
défaillant, monte sur le pont dès qu’une manœuvre réclame une paire de
bras supplémentaire… Mais quand tout va bien, que les dangers sont
lointains, les instructions bien comprises et les règles de sécurité
respectées, il n’a pas besoin de prouver qu’il est capable de résister au
sommeil ! Il va dormir. Tout le monde a besoin qu’il soit en pleine forme.
Mais le chef de bord ne dormira pas vraiment s’il n’est pas certain
qu’on le réveillera à la moindre alerte, ce qu’il a le devoir d’exiger. Et tant
pis s’il est réveillé cinq fois de suite pour rien, du moment qu’on le
réveille aussi quand il se passe vraiment quelque chose.
Le navigateur
L’importance du rôle de l’équipier en charge de la navigation lui
donne droit à quelques privilèges. Il peut monter et descendre à sa guise
sans trébucher sur un équipier désœuvré. Il trouve sur le pont la place
stratégique pour observer autant que nécessaire la marche du bateau, la
route, le paysage, les éléments environnants. La table à cartes étant son
domaine réservé, les autres équipiers évitent de l’encombrer d’objets
hétéroclites – à commencer par leurs restes de repas – et ne se font pas
prier pour lui céder cette place stratégique. La nuit, une petite lumière
rouge lui permet de travailler sans dénaturer les qualités de sa vision
nocturne. La table à cartes des voiliers modernes ayant une fâcheuse
tendance à rétrécir, le navigateur a parfois besoin d’utiliser la table du
carré pour déplier ses cartes : l’organisation de l’espace commun doit en
tenir compte – c’est une bonne raison supplémentaire de maintenir le
bateau en ordre.
Le navigateur guide le bateau sur une route sûre et rapide, prend la
météo, s’informe des messages de sécurité, fait le point. C’est lui qui
assume l’essentiel de la tenue du livre de bord. Il échange très
régulièrement avec le barreur. Quand il a un problème, il se fait aider par
le chef de bord. C’est parfois la même personne qui cumule les deux
fonctions, d’autant plus aisément que les aides électroniques ont allégé
et simplifié le travail à la table à cartes.
Le barreur
Le barreur tient le cap donné par le navigateur ou maintient le voilier
au meilleur près. Il informe le navigateur de ce qu’il voit : tourelles,
perches et bouées (qu’il ne confond pas les unes avec les autres), amers,
feux, évolutions du système nuageux. Il signale les changements du vent,
de la vitesse ou du cap tenu.
Il maintient une bonne communication avec les autres équipiers pour
que le voilier reste équilibré à la barre et conserve son meilleur potentiel
de vitesse. Comme eux, il surveille en permanence les autres bateaux.
Avant de prendre son poste, le barreur s’assure d’avoir tout ce qu’il
lui faut à portée de main, prend des précautions afin de ne pas avoir à
réclamer une relève au bout de quelques minutes – pour assouvir un
besoin pressant ou s’équiper d’une garde-robe adaptée au temps qu’il
fait !
De nuit, il a besoin, comme les autres équipiers de son quart, d’une
bonne dizaine de minutes pour adapter sa vision à l’obscurité, ce qui se
prépare également en évitant les éclairages trop puissants au réveil.
Le quart reçoit parfois de la visite.
L’équipier de pont
Réglages, manœuvres et veille permanente sont les principales
occupations de l’équipier de pont. En régate, il se sert de son poids pour
assurer le meilleur rappel au voilier (ce qui ne veut pas forcément dire
qu’en croisière il lézarde sous le vent lorsque le bateau aurait besoin de
naviguer un peu moins gîté !). Il passe son temps libre à observer la mer,
à rêver les yeux ouverts, à lire et à discuter – activité bien utile au barreur
quand les paupières s’alourdissent au milieu de la nuit… Il ajuste les
réglages de voiles, à son initiative ou à la demande du barreur.
Le cuisinier
Le cuisinier contribue à la bonne humeur du bord. Il s’arrange pour
que les repas soient prêts à temps afin de ne pas perturber l’organisation
des bordées.
Pour une sortie à la journée, prévoyant, il prépare le repas de midi
avant de quitter le port. Au large, bien avant de se mettre au travail, il
réfléchit à un menu adapté à l’état de la mer et des troupes. Quand les
vagues se mettent de la partie, la purée tient mieux dans l’assiette que
les petits pois !
Il s’interroge aussi sur ce qui est susceptible de tenir dans l’estomac
des équipiers et, plus prosaïquement, se demande si le temps autorise
l’utilisation de la casserole et des poêles. Il a parfois intérêt à fixer son
menu en fonction de la batterie de cuisine de gros temps : Cocotte-
Minute, bouilloire pour les soupes en sachet. Mais s’il opte pour les
sandwichs, c’est que le grand mauvais temps s’est installé !
Bref ! le marin cuisinier est un penseur. Il fait aussi un métier à risque.
Voir le chapitre « Sécurité » ► sur les incendies, les blessures et les
risques de brûlures devant les fourneaux. Car un cuisinier averti en vaut
deux !
Au début de la croisière, chacun dispose ou non de talents culinaires,
mais de bien piètres cuisiniers à terre se révèlent à bord dignes des plus
grands chefs. Leur secret tient à peu de chose : maîtriser une ou deux
recettes fétiches (patates au lard, pain perdu…) et s’arranger pour être
de quart quand elles sont au menu…
Dormir
Il est fondamental que chacun ait sa dose de sommeil réparateur
(l’expression prend ici toute sa valeur) et il faut créer les conditions pour
l’obtenir. Au début, le plus difficile est de modifier son rythme biologique,
mais dormir sur commande est une qualité qui généralement s’acquiert
assez vite au cours d’une croisière.
L’ambiance doit être paisible. Ceux qui sont de quart doivent rester
les plus discrets possible. C’est un ensemble d’habitudes à prendre, de
bonnes habitudes bien sûr.
Il vaut mieux éviter de : descendre dans la cabine toutes les
5 minutes parce qu’on a oublié quelque chose (un pull, un casse-croûte,
de l’eau, ses pilules contre le mal de mer) ; chanter ou donner des ordres
trop fort ; laisser traîner le mousqueton de son harnais sur le pont,
entreprendre le grand rangement de son sac en froissant des sacs
plastique qui font un vacarme infernal…
Dans la mesure du possible, il est préférable d’attendre le
changement de quart pour faire les manœuvres : tout le monde est
réveillé et il y a plus de bras disponibles.
Les conditions d’un silence relatif étant réunies, il faut encore, pour
bien dormir, être correctement installé. Si toutes les couchettes du
bateau sont bonnes, tant mieux : chacun aura la sienne.
Boire
À bord, l’eau douce est un bien précieux : approvisionnement et
consommation font l’objet d’un suivi minutieux. Elle sert à boire et à
cuisiner, mais aussi à la toilette et au rinçage des vêtements.
Le corps humain a besoin de 1,5 litre par jour 5, mais dans les faits,
du moins aux Glénans, on note une consommation totale d’eau douce
d’environ 3 litres par jour, quantité permettant une légère toilette au
lavabo. Si douches et rinçages à bord sont au programme, il faut compter
8 litres par jour.
Au cours des longues croisières, un contrôle du stock d’eau limite la
consommation. On se contente – si le stock le permet – de se doucher
pour le rinçage, on utilise un cinquième d’eau de mer pour cuire les pâtes
et le riz. L’économie de sel est symbolique, l’économie d’eau douce l’est
moins.
Pour l’approvisionnement, on évite de mettre tous ses œufs dans le
même panier. Si le voilier n’a qu’un seul réservoir fixe, une partie de
l’avitaillement se fait dans des jerricans ou des bidons. Particulièrement
utiles pour faire le plein dans les ports et les mouillages dépourvus de
point d’eau, les bidons – à condition de veiller à leur propreté – résolvent
avantageusement la question des déchets en plastique des packs d’eau
minérale.
Lors d’une transatlantique Glénans (croisière de 20 jours sans escale,
équipage de huit personnes), 225 litres d’eau de boisson ont été
embarqués en bidons et en bouteilles, soit 1,4 litre par personne et par
jour. La consommation a oscillé entre 1 et 2,5 litres par jour et par
personne en fonction du temps, couvert ou ensoleillé (dans ces
moments-là, on s’inquiète pour le stock !). L’utilisation de 1,5 litre d’eau
de boisson pour la toilette était une tolérance occasionnelle. Sans que
personne se soit privé, il restait 9 litres d’eau à boire à l’arrivée. 280
autres litres d’eau (tirés des vaches à eau 6), soit 1,75 litre par personne
et par jour, ont également été consommés pour la cuisson des aliments,
le café, le rinçage de la vaisselle.
Au total, au cours de cette croisière, la consommation d’eau douce
s’est élevée à 3,1 litres par personne et par jour. Avant le départ, une
seule personne avait déclaré boire du jus de fruits et du Coca, mais une
fois en mer tout le monde en a eu envie : d’après le témoignage de cet
équipage, il aurait fallu l’équivalent d’une canette par jour et par
personne.
Comme cela se fait toujours pour ce type de croisière, le bateau
disposait aussi d’un stock d’eau complémentaire, réservé à l’hypothèse
d’une évacuation de l’équipage sur le radeau de survie : trois bidons de
15 litres, soit 45 litres pour une autonomie d’environ 4 jours à 1,5 litre
par personne et par jour. Embarquée bien avant la traversée de
l’Atlantique, stockée à bord pendant deux mois, cette eau était meilleure
que celle des pontons locaux et s’était donc très bien conservée dans ce
conditionnement.
La caisse de bord
Le chef de bord peut suggérer un principe préalable à la constitution de la
caisse de bord : « On fait une caisse de bord séparée pour les boissons
alcoolisées. » Ainsi, ceux qui ne veulent pas participer peuvent s’abstenir de
s’associer à une contribution collective.
Le verre standard
La notion de verre standard permet d’obtenir une base de calcul très pratique
en établissant pour la quantité d’alcool une équivalence entre différentes
boissons. Le critère d’une consommation acceptable, au regard de l’alcoolémie et
de la dépendance, peut être ainsi libellé : « Il ne faut pas dépasser 2,5 verres
standard par personne et par jour. » En cette matière, hommes et femmes ne sont
pas égaux : on compte deux verres standard pour une femme et trois pour un
homme. Ce qui fait une moyenne de 2,5 verres standard par personne et par jour.
À ce critère, ajoutons qu’il est bon de s’abstenir au minimum un jour par
semaine. Cela constitue en outre un excellent moyen de faire le point sur sa
propre dépendance.
L’avitaillement
Prenons un exemple pratique : une croisière de 6 jours et demi avec un
équipage de 6 personnes déclarant toutes boire des boissons alcoolisées. Le
nombre de verres standard s’établit à 6 × 6 × 2,5 = 90. La quantité d’alcool
embarquée doit être inférieure à cent verres standard. Soit six bouteilles de vin
plus deux bouteilles de whisky (de 75 centilitres) en tout et pour tout et pour tout
l’équipage. Bigre !
Faites vos comptes !
Manger
En mer, l’alimentation ressemble fort à celle de la vie quotidienne. Un
minimum de trois repas, un même souci d’équilibre (protides, glucides,
lipides, sels minéraux, etc.), mais aussi un minimum de plaisir : légumes
variés, fruits, viande, poisson, laitages, féculents…
Il faut cependant prendre en compte un certain nombre de
particularités de l’alimentation en mer.
– La conservation des denrées alimentaires est limitée par les
capacités de production de froid du bord. Les réfrigérateurs se
multiplient sur les bateaux (les congélateurs, plus rares, ne sont pas
incongrus sur les bateaux de voyage), mais ils sont énergivores, de
capacité restreinte et plus fréquemment en panne que leurs homologues
terriens.
– Les apports caloriques journaliers dont a besoin un équipage à la
manœuvre sont supérieurs à la moyenne.
– Pour les longues traversées, il faut prévoir… l’imprévisible. Avaries,
manque de vent, pannes de moteur, peuvent sérieusement prolonger la
traversée. Il faut donc emporter un surcroît d’avitaillement de longue
conservation (conserves, pâtes, denrées lyophilisées, etc.). Après la
croisière (car heureusement tout se sera déroulé comme prévu), on
pourra les rapporter à terre ou les laisser à bord du bateau pour de
nouveaux périples.
■ Les besoins énergétiques
De quoi a-t-on besoin chaque jour ? D’un apport énergétique
d’environ 2 200 calories (pour une femme) à 2 500 calories (pour un
homme). La vie à bord étant l’heureuse occasion de dépenses
énergétiques supplémentaires (on passe son temps à se maintenir en
équilibre, à lutter contre le froid, à changer de rythme de sommeil et à
faire aussi un peu de sport…), le marin a besoin d’un apport
complémentaire d’environ 20 %, soit 2 600 à 3 000 calories par jour 8.
On considère en général que le petit déjeuner fournit 25 % de
l’énergie quotidienne, le déjeuner 40 % et le repas du soir 35 %. En mer,
les en-cas et les collations fournissent facilement les 20 % de calories
supplémentaires nécessaires au marin.
Certains équipiers ont ce talent de réaliser des merveilles avec trois fois rien.
■ Le pain
Un marin désabusé l’a dit un jour : « Rien de plus horrible que de ne
plus avoir de pain quand on a du pâté… »
Le pain coupé en tranches sous cellophane ayant une tendance
prononcée à la moisissure (à l’exception de certains pains emballés au
moment de la fabrication), on lui préfèrera du pain en miche. Certains
boulangers fabriquent du pain de mer sur commande : cuit en deux fois, il
tient facilement 15 jours. À bord, le pain frais est le premier des régals,
alors pourquoi ne pas emporter farines diverses, levure de boulanger et
quelques recettes secrètes pour aiguiser les papilles ? Le pain se cuit
parfaitement dans un four, mais aussi dans la Cocotte-Minute ou dans la
poêle.
Quant au pain sec, il n’est pas perdu ! Ou plutôt si, car le « pain
perdu » fait la joie du matelot.
■ Les fruits et légumes
Ils se conservent correctement s’ils ne sont pas entassés, et à
condition d’être bien calés (les entourer éventuellement, un par un, dans
du papier journal – mais il faut alors les laver ou les éplucher avant
consommation). En outre, le « fruitier » doit faire l’objet d’une visite
quotidienne et d’une sélection drastique. Les sujets douteux sont
consommés tout de suite ou éliminés sans pitié, car l’odeur de pourriture
est terrible sur un bateau ! Certains fruits (les pommes par exemple)
dégagent en mûrissant un gaz qui fait pourrir les autres fruits, aussi vaut-
il mieux séparer les essences.
LE PAIN À BORD
Fabriquer son pain
Ingrédients : 600 à 700 grammes de farine (on peut mélanger plusieurs sortes
de farine), un sachet de levure de boulanger, sel, épices (cumin, cannelle,
muscade, safran), eau et fruits secs (raisins, noisettes, graines de tournesol, de
sésame).
Mettre la levure dans un bol avec un peu d’eau ou de lait tiède pendant
10 minutes. Préparer dans un grand plat la farine avec le sel et les ingrédients. Y
verser la levure en ajoutant un peu d’eau pour faire une pâte qui ne colle pas aux
doigts.
Pétrir lentement puis mettre la pâte dans un plat plutôt étroit et haut recouvert
d’un torchon. Le poser dans un endroit à température ambiante. Laisser lever la
pâte, la pétrir de nouveau, la mettre dans un moule, laisser encore lever puis
enfourner.
Le pain cuit sonne creux. Le sortir dès que la cuisson est terminée. C’est
tellement bon que c’est souvent mangé tout de suite, aussi ne faut-il pas en faire
trop souvent (ou discipliner les troupes !).
Le pain perdu
Ingrédients : des tranches de pain sec, 4 œufs, 1 litre de lait, du sucre en
poudre.
Mélanger dans un récipient (plat à four ou casserole) : le lait, les œufs et
quatre bonnes cuillerées à soupe de sucre en poudre. Laisser reposer une demi-
heure. Dans le mélange, faire tremper les tartines jusqu’à ce qu’elles soient
complètement imbibées. Les mettre à égoutter dans une assiette creuse pour
éliminer le surplus de mélange. Les faire cuire à la poêle à feu modéré en les
retournant délicatement. Lorsque les deux faces sont brun foncé, c’est prêt.
Accompagner comme on veut, mais manger chaud. Les petits plus : ajouter de
la vanille à la préparation ; utiliser du pain brioché ; saupoudrer de sucre après
cuisson.
La mitonnée ou soupe au pain
Ingrédients : 500 grammes de pain sec, un gros oignon, un jaune d’œuf, une
tasse de lait, une bonne cuillerée à café de sucre en poudre, 75 grammes de
beurre.
Porter à ébullition 1 litre d’eau ; pendant ce temps, éplucher l’oignon et le
hacher finement. Quand l’eau bout, y jeter le pain et l’oignon, puis le sucre et le
sel.
Poivrer légèrement, laisser cuire à feu moyen sans cesser de remuer avec une
cuillère en bois. Il faut que le mélange devienne homogène et onctueux sans trop
épaissir (ajouter éventuellement un peu d’eau bouillante).
Au moment de servir, lier cette panade avec le lait, le jaune d’œuf battu et le
beurre. Ajouter des fines herbes si on en a à bord (elles se conservent très bien
dans du beurre fondu) ou utiliser des herbes lyophilisées.
Ranger les fruits dans des filets est une excellente idée. Mais il ne faut pas leur
laisser de ballant comme ici : les filets doivent être tendus dans le plan horizontal.
Dialectes
Le langage marin connaît également des dialectes. Dessaler est un mot que se
réservent les pratiquants de voile légère et dont l’équivalent en croisière est
chavirer. Il trouve sans doute son origine dans la phrase « Il va dessaler », c’est-à-
dire : le voilier va chavirer et l’équipage devra tout rincer à l’eau douce.
Origines cosmopolites
L’origine des termes marins est cosmopolite, ce qui laisse présumer échanges
et influences entre les différents peuples de marins.
– Certains mots sont issus de l’ancien norrois, la langue du pays viking : bau
(largeur du bateau) ; bitte (de biti : une poutre transversale dans le toit d’une
maison) ; bord (de bord : bord, arête, bord de navire) ; étambrai (une pièce de
soutien du mât sous le pont, de timbr : bois de construction) ; étrave (de stafn :
étrave) ; gréer, gréement, hauban (de höfudbendur : tête, lien, câble principal d’un
navire) ; carlingue (une grosse pièce à section rectangulaire placée à l’intérieur du
navire sur les varangues et parallèlement à la quille pour la renforcer, de kerling :
femme, contre-quille d’un navire où vient s’implanter le mât) ; étambot (de
stafnbord) ; itague (de útstag : filin d’acier relié à la charge) ; quille (de kilir, pluriel
de kjolr : quille de bateau) ; tillac, touer (se déhaler sur sa chaîne d’ancre, de
toga) ; racage (de rakki : anneau de cordage reliant la vergue au mât) ; ralingue (de
rárlík : bord d’une voile de vergue) ; ris, rouf, varangue (de varong : pièce de bois
courbe renforçant la coque d’un bateau) ; etc.
– D’autres mots ont une origine néerlandaise : bâbord (de bakboord : le pilote
gouvernait avec un aviron situé à tribord et tournait le dos [bak] à l’autre bord
[boord]) ; drome (de drommer : poutre) ; épisser (de splissen) ; foc (de fok) ; lof (de
loef : côté du vent) ; sloop (de sloep) ; tribord (de stierboord, variante de
stuurboord, composé de stuur « gouvernail » et de boord « bord, côté » :
littéralement le côté où se trouve le gouvernail, autrefois placé du côté droit des
navires) ; faseyer (de faselen : se mouvoir violemment).
– Origine danoise : louvoyer (de lovere) ; yachting (de jaghen : nom des navires
e
de poursuite et de chasse qui a donné au XVI siècle jaght : navire rapide destiné au
commerce, à la guerre ou à la plaisance).
– Origine scandinave : hune (de hûnn : plate-forme fixée sur les bas-mâts).
– Du vieil anglais : winch (de wince : bobine, enrouleur, puis treuil à manivelle).
– De l’anglais plus récent : spinnaker (de spinniker, apparu en 1866 dans un
texte définissant cette voile comme un grand foc ballon équipant le bateau
Sphinx).
– Du latin : carène (de carina : demi-coquille de noix) ; voile (de vela).
– Du grec : poulie (de πολος : pivot).
– Du génois : palan (de paranchus : appareil de levage).
– De l’italien : carguer (ferler les voiles, de cargare).
– De l’arabe : alidade (de al idhala : goniomètre). L’alidade est un goniomètre
permettant de mesurer les angles.
– De l’égyptien antique : phare (du nom de l’île de Pharos, où Ptolémée fit
construire en marbre blanc une tour de 135 mètres portant un feu : l’une des Sept
merveilles du monde).
Pagaie est emprunté au malais des Moluques (pengajong, pengajoe : rame à
pirogue, à double pelle). Canot vient de l’arawak des Bahamas (canoa) ; il a
également donné canoë : dans la plaisance, ce mot se prononce « canote » à la
bretonne. Catamaran est issu de la langue tamoule (de katta, lien, et de maram,
bois).
LIRE À BORD
La bibliothèque du bord est composée d’ouvrages réglementaires et
obligatoires. Mais certains grands classiques peuvent la compléter
avantageusement : ceux qui sont présentés ici racontent les débuts de la
navigation de plaisance et sont à l’origine de bien des vocations de marins
plaisanciers.
La Longue Route,
de Bernard Moitessier
Également récit d’une course en solitaire, mais cette fois autour du monde.
Une course qui ne s’achève pas car l’auteur renonce à atterrir en Angleterre et
continue son périple pour rejoindre les îles du Pacifique. Poète, inventeur, marin
génial et vagabond, Moitessier montre comment la plénitude de la vie en mer lui
permet de trouver la paix intérieure et de construire sa liberté.
Il faut encore citer Aux quatre vents de l’aventure, de Marcel Bardiaux, Une fois
suffit, de Smeeton Miles, Navigation par gros temps, d’Adlard Coles, Par les
quarantièmes rugissants, de Vito Dumas, Damien, de Gérard Janichon et Jérôme
Poncet… Mais commencer une liste, c’est prendre le risque d’un oubli majeur,
aussi, en ce qui concerne les ouvrages et récits de navigation, il vaut mieux
s’arrêter là. Ne pas oublier le Cours des Glénans : « Un livre qui ne se lit pas, mais
qui se relit. » Pas besoin de l’acheter, puisque vous l’avez en main.
Une bibliothèque bien garnie est toujours appréciée d’un équipage et c’est
une question à aborder au moment de la préparation d’une longue croisière. Il y a
toujours un livre qu’on a aimé, pourquoi ne pas l’inviter à bord plutôt que de
l’abandonner à la maison ?
Contrôler
Les opérations de contrôle 9 sont multiples. Elles peuvent être
systématiques, routinières ou aléatoires. On vérifie systématiquement la
fermeture des hublots, des équipets, des vannes de W-C, de lavabos et
d’éviers après usage.
En routine, c’est-à-dire chaque jour, on vérifie la consommation
d’eau, l’état et le stockage des vivres, en particulier des fruits et légumes.
On contrôle les niveaux d’huile, d’eau et de gazole du moteur, la tension
des batteries, la présence d’eau dans les fonds. On fait une inspection
visuelle du gréement et de l’accastillage du pont : tension des haubans,
fixation des filières, des balcons, des manœuvres courantes.
Enfin, de manière aléatoire, chacun à bord garde l’œil ouvert et fait
part de tout ce qui lui semble curieux, anormal (bruits, odeurs, vibrations,
chocs, mouvements). Cette façon de contrôler ne se substitue pas aux
autres, mais n’en est pas moins primordiale. Tout problème fait l’objet
d’une note dans le journal de bord.
Ne jamais perdre de vue que ce sont d’abord des vacances, et qu’on est là pour se
faire plaisir.
Facteur de tensions.
L’arrivée
Tout navire doit maintenir en permanence une vitesse de sécurité lui
permettant d’éviter un abordage. Dans un port et dans un mouillage,
cette vitesse est la plus faible possible. En effet, le batillage des bateaux,
c’est-à-dire les remous produits par leur passage, crée des vagues et
perturbe les autres navigateurs et tous ceux qui profitent de la quiétude
du plan d’eau : éventuels nageurs, petites embarcations manœuvrées par
des débutants ou par des enfants et, dans les lieux isolés, la tranquillité
de la faune sauvage. C’est un des éléments qui justifient les limitations
de vitesse strictes dans certains ports et chenaux.
Quand plusieurs bateaux arrivent en même temps au port, on laisse
largement de la place et du temps au bateau qui précède – quitte à en
perdre un peu soi-même. Gérer le croisement de deux voiliers qui
manœuvrent entre des pannes principales demande beaucoup de
dextérité et tout le monde n’est pas expert en manœuvre.
Si l’on n’a pas pu joindre la capitainerie par VHF avant l’arrivée au
port, on s’amarre au ponton d’accueil en évitant de prendre une place qui
a l’air libre mais qui est peut-être réservée.
■ L’amarrage
Parfois il faut se mettre « à couple », c’est-à-dire s’amarrer sur un
autre bateau. Les aspects techniques ont été étudiés dans la partie du
chapitre 1 consacrée aux manœuvres de port ►, nous rappellerons
seulement ici les règles de courtoisie élémentaires en pareille
circonstance. C’est tout d’abord au nouvel arrivant de prendre contact
avec le bateau sur lequel il souhaite s’amarrer, en s’inquiétant en
particulier de l’heure d’appareillage qu’envisage celui-ci. Si elle est plus
matinale que celle du nouveau venu, mieux vaut s’amarrer à l’intérieur
(entre lui et le quai), voire ailleurs !
C’est toujours à l’arrivant de protéger les coques avec ses défenses,
d’établir ses propres amarres. Tout le mou des amarres doit être ramené
à bord ; il n’est jamais lové sur le quai, sur le ponton ou sur le bateau du
voisin. À l’inverse, si un bateau manœuvre pour venir s’amarrer à couple
du sien, on doit l’aider à frapper les amarres qu’il passe. C’est une bonne
façon de rendre la politesse !
Pour débarquer, on passe sur le pont du voisin, en avant de son mât,
à pas légers, et lorsqu’on reviendra à bord, on s’assurera que ses
semelles sont propres.
■ Au port
Utiliser les toilettes du port, pas celles du bord. Déposer ses
poubelles aux endroits adéquats. Solliciter l’avis de ses voisins avant de
se servir d’une prise d’eau ou d’une prise de courant déjà utilisée 10,
avant d’encombrer provisoirement une partie du ponton, avant de
l’utiliser pour bricoler, pour étaler ses coussins, ses matelas ou d’autres
éléments du bord. On fait sécher les matelas sur le pont du bateau et non
à même le ponton, en les coinçant verticalement entre les haubans, les
planchers sont posés en appui sur les rails de fargue – cette disposition
sort du domaine de la courtoisie mais évite aux planchers de filer à l’eau.
■ Le bruit
Si la tempête fait rage, si le vent hurle dans les haubans, personne n’y
peut rien. Mais tous les bruits qui peuvent être évités doivent l’être. On
écarte les drisses du mât pour qu’elles ne battent pas ; le pavillon est
ferlé avec une garcette, le linge rentré, l’éolienne bloquée. Bien préparer
les manœuvres d’arrivée et de départ, définir le rôle de chacun évite de
faire subir aux voisins les éclats de voix d’un équipage mal coordonné.
Quant aux débordements sonores tardifs (fêtes et autres anniversaires),
il vaut mieux les éviter : les mouillages isolés conviennent beaucoup
mieux à ce genre de réjouissances.
Pour recharger ses batteries au moteur, on attend d’être en dehors
du port, l’idéal étant de disposer d’un chargeur de quai. Inutile de faire
chauffer le moteur avant de quitter sa place : dès qu’il est en route, il faut
commencer à larguer les amarres.
■ Au mouillage
Le nouvel arrivant fait en sorte de ne pas gêner les premiers arrivés.
Les bateaux au mouillage ne doivent pas avoir besoin d’allonger ou de
raccourcir leur mouillage.
Si le mouillage chasse, ce n’est pas aux autres de s’écarter, mais au
navire qui chasse de régler le problème… en relevant son mouillage.
Éviter de faire de la cuisine au barbecue à charbon, pas seulement à
cause de l’odeur, mais des braises qui volent au vent, percent les tauds,
les voiles et détériorent les ponts.
■ La pavillonnerie
Le pavillon national se hisse à l’arrière du bateau sur une hampe, plus
généralement il est établi sur le pataras. Au port ou en rade, il est arboré
les dimanches, jours fériés et fêtes légales, du lever au coucher du soleil.
En mer, il faut hisser le pavillon national quand un bateau officiel
approche (police, Douane, etc.).
Le salut à un navire dont le pavillon est hissé se fait à l’aide du
pavillon national. L’usage veut que les couleurs soient lentement
rentrées jusqu’au couronnement puis hissées à nouveau (trois fois pour
saluer un navire militaire, une fois pour les autres). Un bateau militaire
répondra très certainement à un salut aussi réglementaire !
Le pavillon de courtoisie (le pavillon national du pays visité) se porte à
tribord, sous les barres de flèche.
Le pavillon jaune se porte à bâbord quand on arrive dans un port
étranger (hors Europe) sans avoir encore obtenu la clearance, c’est-à-dire
avant d’avoir effectué toutes les formalités administratives.
■ Réglementation maritime
La navigation de plaisance étant une activité maritime à part entière,
elle se trouve aussi régie par le droit maritime chaque fois qu’il édicte un
régime spécifique. Ainsi en va-t-il en particulier du « statut du navire 12 »
et de « l’épave », de la sécurité des navires, du principe de limitation de
responsabilités, ou encore des événements de mer, à savoir l’abordage
et l’assistance.
■ Cas de l’abordage
Si le dommage a été provoqué par une collision entre deux navires,
ce sont les règles relatives à l’abordage qui s’appliquent, c’est-à-dire les
dispositions du Code des transports relatives aux événements de mer. À
dire vrai, le terme de « collision » est sans doute trop restrictif : on
considère que ces règles s’appliquent dès lors que l’accident maritime a
impliqué deux navires, que l’action de l’un a réagi sur l’action de l’autre
sans qu’il y ait nécessairement eu contact. Peu importent les
particularités des embarcations impliquées pourvu que l’accident se soit
produit en mer : il peut donc s’agir, par exemple, d’une collision entre un
voilier et une planche à voile ou un canot semi-rigide. Cela dit, ces règles
relatives à l’abordage maritime peuvent aussi trouver à s’appliquer en
cas d’abordage à quai, au cas où, par exemple, un bateau insuffisamment
amarré est projeté sur le bateau voisin sous l’effet du vent.
Les textes applicables à la navigation vont permettre d’apprécier
l’éventuelle faute du chef de bord à l’origine de l’abordage. Les
conventions internationales sur l’abordage, transcrites dans le droit
français par le Code des transports, prévoient en effet que les dommages
résultant de l’abordage doivent être réparés par celui qui a commis la
faute à l’origine de la collision. S’il y a eu faute de part et d’autre, la
responsabilité du chef de bord de chaque navire est proportionnelle à la
gravité des fautes commises.
Enfin, si la collision apparaît comme la conséquence d’un cas de
force majeure, ou si ses causes sont inconnues, les dommages seront
assumés « par ceux qui les ont éprouvés ». Il faut souligner que la
jurisprudence est sévère quant à l’appréciation de la force majeure : elle
a par exemple jugé qu’un vent de force 10 ne constituait pas un cas de
force majeure dans l’hypothèse d’un bateau insuffisamment amarré.
■ Une particularité du droit maritime international : il intègre
une limitation de responsabilité
Cette réglementation institue au bénéfice des utilisateurs du navire,
capitaine et chef de bord, des propriétaires ou affréteurs, et de leurs
assureurs, une limitation pécuniaire de la réparation des dommages
(historiquement basée sur la valeur du navire). Cette limitation ne peut
dépasser un plafond dont le calcul repose sur la jauge du navire et sur un
certain nombre d’unités de compte correspondant aux droits de tirage
spéciaux définis par le Fonds monétaire international (et dont la valeur en
euros varie). Le plafond le plus bas en droit interne concerne les navires
de moins de 300 tonneaux (pour mémoire, un voilier de 45 pieds –
13,72 mètres – jauge environ 20 tonneaux) ; il était, au moment de la
rédaction de cette huitième édition, d’environ 250 000 euros. Cela
signifie que ce régime de limitation ne sera en pratique appliqué en
plaisance que lorsque les dommages à indemniser seront très
importants. Dans une seule hypothèse, il ne sera pas possible au chef de
bord d’invoquer la limitation prévue : c’est le cas où il aura commis une
faute dolosive, donc intentionnelle, ou une faute inexcusable définie
comme « la faute commise témérairement et avec conscience que le
dommage en résulterait ».
■ Respect de la réglementation maritime
Le chef de bord est bien entendu responsable du respect de cette
réglementation maritime, et répondra personnellement en cas
d’infraction.
Ces infractions peuvent être :
– Des contraventions, sanctionnées par une amende (par exemple :
gilets de sauvetage inadaptés ou en nombre insuffisant, défaut
d’identification de la coque par une plaque constructeur…).
– Des délits passibles d’une amende et d’une peine de prison (par
exemple : navigation de nuit sans feux, vitesse supérieure à 5 nœuds à
moins de 300 mètres du rivage, pêche de poisson ne respectant pas la
taille autorisée…).
Pour les voiliers de plaisance, les infractions les plus fréquemment
relevées par les autorités concernent les règles de barre et de route
(RIPAM), l’armement des navires (Division 240), les règles concernant la
pêche de plaisance, l’utilisation des moyens de communication (VHF), ou
les arrêtés fixant les conditions de navigation dans les zones portuaires.
LE GRÉEMENT
Le mot gréement, pris dans son sens le plus général, désigne
l’ensemble des dispositifs qui participent à la propulsion du bateau :
espars, haubans, voiles, manœuvres. Une partie de ce gréement, à peu
près immobile (essentiellement le mât et les haubans), est qualifiée de
« dormant ». La bonne qualité des réglages du gréement dormant joue un
rôle essentiel dans le bon fonctionnement du bateau…
LE GRÉEMENT DORMANT
■ Le haubanage
Le haubanage comprend les haubans assurant la tenue latérale du
mât, l’étai et le pataras pour la tenue longitudinale. Parfois l’étai est
doublé d’un bas-étai, et le pataras associé à des bastaques.
Dans le haubanage, l’acier inoxydable a remplacé depuis longtemps
l’acier galvanisé, pourtant plus solide mais d’un entretien plus délicat. Le
Rod, formé d’un seul fil inox, constitue le meilleur compromis
solidité/diamètre (fardage minimal), mais ce type de hauban est cher,
fragile, sensible à la fatigue et ne supporte pas la courbure. Pour qui se
soucie de la fiabilité de son gréement à long terme, le câble monotoron
19 fils est un meilleur compromis que le Rod. On peut estimer la durée
de vie du monotoron à 7 ou 10 ans (ou un tour du monde), selon
l’intensité de l’utilisation. Le Dyform est un peu supérieur au monotoron
du point de vue de la relation diamètre/résistance, car il dispose d’un
coefficient de remplissage supérieur.
Les embouts sertis sont courants à l’extrémité des haubans. On trouve des
embouts à boule (1), ou à œil (2). L’embout Norseman (3) est réservé au
dépannage : on le monte avec beaucoup de soin pour ne pas créer de faiblesse dans
le haubanage à ce niveau. L’œil sur cosse et manchon serti (4) est un montage
réservé au câble souple ou ultra-souple. On le retrouve plutôt dans le domaine du
gréement courant (partie métallique d’une drisse, estrope, itague) que dans celui du
haubanage.
■ L’enrouleur, l’emmagasineur
Sur de nombreux voiliers, l’étai est enfilé dans un profilé muni d’un
tambour dans sa partie basse : l’enrouleur. Ce dispositif permet de
réduire la surface de la voile d’avant (foc ou génois) ou de la ferler
entièrement sans encombrer soute et plage avant.
Un emmagasineur, avec sa roue crantée et sa bosse en continu. Ce dispositif
d’enroulement est utilisé pour des voiles non endraillées : les « codes zéro », qui sont
de grands génois volants, et autres gennakers, ou parfois le foc sur de petites unités.
■ Le bout-dehors
Le bout-dehors sert à établir le spi asymétrique et le gennaker
(parfois baptisé code zéro) en avant du voilier. Souvent rétractable, il est
fréquemment muni d’une sous-barbe fixée en bas de l’étrave, qui le
haubane vers le bas.
Sur certains voiliers de course, comme les Mini 6.50, il est conçu de
façon à pivoter latéralement, ce qui permet d’ouvrir davantage le passage
entre la voile qu’il porte et la grand-voile, et par conséquent de
descendre plus bas dans le vent.
Sur de nombreux voiliers de croisière, plutôt qu’un long bout-dehors,
on trouve une delphinière, qui est une courte plate-forme supportant le
davier d’ancre, et souvent assez solide pour y amurer un spi asymétrique.
LE GRÉEMENT AUTOPORTÉ
Les mâts « autoportés » haubanés sont typiques des multicoques. Le mât est
maintenu par l’étai et les haubans, mais la rectitude du profil est assurée par
d’autres moyens. Pour les mâts ailes pivotants, le plus souvent fabriqués en carbone
comme sur les multicoques de course au large, la rigidité de l’espar se suffit à elle-
même. Les mâts fixes des catamarans de croisière sont équipés de losanges
latéraux et de guignols frontaux, mis en tension à terre avant le mâtage.
Gréement autoporté sur un catamaran de croisière.
■ Le vit-de-mulet
Le vit-de-mulet travaille beaucoup. Il faut graisser ses paliers,
contrôler la fixation de son axe. Il ne doit pas y avoir de jeu dans la
platine de fixation sur le mât. Le débattement de la bôme doit pouvoir se
faire latéralement et verticalement, mais aussi en rotation, ce qui est
rarement le cas. L’absence de liberté de rotation est la cause de
nombreuses avaries (arrachement, rupture du vit-de-mulet) : ce type de
montage demande donc une surveillance accrue.
■ Les ridoirs et leurs axes
La vérification des ridoirs doit être quotidienne. On assure les ridoirs
(avec des contre-écrous, des goupilles, du fil d’inox, éventuellement des
brêlages en garcette) pour que la cage ne se dévisse pas avec les
vibrations et les mouvements du gréement. La vérification visuelle du
serrage des contre-écrous est difficile et il vaut mieux compléter cette
façon d’assurer par une méthode plus facilement contrôlable. On
maintient les axes de ridoirs en place avec des goupilles, correctement
recourbées sous peine d’agresser voiles, cordages…, voire pantalons de
cirés.
■ L’enrouleur
On doit pouvoir faire tourner facilement le tube de l’enrouleur à la
main, même quand il est en tension. S’il ne tourne pas bien, c’est peut-
être que les roulements se sont encrassés. Ceux-ci, en principe
étanches, se trouvent en bas et en haut du tube. On réglera
provisoirement ce problème avec du dégrippant, mais il faudra tout
démonter sans tarder pour traiter la cause. Un enrouleur qui force abîme
le câble de l’étai.
Mâter
Pour mâter, on a recours aux services d’un chantier équipé d’une
grue, de la grue du port destinée au levage des petits bateaux, ou l’on fait
preuve de débrouillardise comme sur l’illustration.
La fixation d’un câble sur une cadène doit garantir deux axes de mouvement
(deux degrés de liberté).
Le mât est équipé d’une cravate (une erse) fixée au niveau des barres
de flèche et assujettie vers le haut par une drisse. La cravate sert de
prise à la grue. Le mât est mis à la verticale, puis amené par sa base vers
le bateau.
Une fois étai, haubans et pataras en place, il faut régler la position du
mât.
Pour mâter sans frais un petit voilier (jusqu’à 8 ou 10 mètres), on peut profiter
de la complicité de deux bateaux voisins. On hissera le mât par leur drisse de spi, qui,
à la différence des drisses de grand-voile ou de foc, travaille dans toutes les
directions.
Les haubans sont préréglés au port. Une observation depuis le pied de mât
permet de s’assurer de l’absence de cintre latéral.
LE GRÉEMENT COURANT
Le gréement dormant se règle mais ne se « manœuvre » pas. Le
gréement courant, quant à lui, est constitué de tout ce qui contribue au
réglage des voiles et se « manœuvre » : drisses, écoutes, amarres,
balancines, hale-bas, bosses et autres bouts.
La quantité de bouts contribuant à la bonne marche du bateau est
impressionnante. Si l’on nouait ensemble les cordages d’un petit voilier
de 6,5 mètres, on arriverait à une longueur totale de 300 mètres. Les
bouts sont de diamètre, de longueur, de matière et de fabrication très
différents selon les usages qui leur sont affectés.
Les lignes qui suivent donnent quelques pistes pour y voir plus clair.
Après une présentation des grandes familles de matières et de
technologies utilisées pour fabriquer les cordages, on apprendra
comment choisir le bon cordage (sa matière, sa résistance, sa longueur),
comment le surveiller, l’entretenir, et comment améliorer le gréement
courant.
À la fin du chapitre, la description de nœuds spécialisés et des
épissures complétera les quelques notions déjà abordées au chapitre 1
dans « Matelotage de base » ►.
Les matériaux
■ Les fibres naturelles
Les marins ont fait preuve d’une imagination débordante dans le
choix des matières premières du gréement courant : peau de
mammifères marins (les Vikings), papyrus (les Égyptiens), fibre de coco
(les Perses), écorce de bois (les Indiens d’Amérique pour la pêche à la
baleine), chanvre de Manille ou « manille » (aux Philippines), chanvre (en
Russie, en Italie), sisal (Java, Tanzanie, Kenya), raphia (côte de Malabar,
Ceylan), laine et soie, etc. Mais les cordages en fibres naturelles ont
toujours eu beaucoup d’inconvénients. Quand ils sont humides, ils
enflent, perdent de leur résistance, cassent plus facilement, et les nœuds
coincent. Ils pourrissent et ils moisissent, sont attaqués par le soleil, les
intempéries, les produits chimiques et même les rongeurs. Leur rapport
poids-résistance est faible, ce qui les rend volumineux et encombrants.
Ils blessent les mains des marins et deviennent dangereux quand ils sont
gelés. Aussi, même les bateaux du patrimoine ne poussent pas le souci
de la reconstitution jusqu’à la réutilisation de ces matériaux anciens.
De nos jours, les fabricants ne parcourent plus le monde à la
recherche de plantes, mais visitent les laboratoires en espérant trouver
de nouvelles fibres synthétiques répondant à un certain nombre de
qualités.
Ces deux cordages sont gainés de polyester. En haut, il s’agit d’une drisse, dont
la gaine est tressée à partir de fibre continue. La gaine de l’écoute, en bas, est réalisée
en fibre discontinue, pour un toucher plus agréable et une meilleure tenue en main.
QUELQUES FIBRES
Choisir un bout
■ Première étape : déterminer la tension
d’utilisation du cordage
Le diagramme page suivante indique les tensions approximatives des
manœuvres sur un bateau. Ce genre de tableau est généralement
disponible chez les fournisseurs.
À partir du déplacement du bateau (son poids), qui se lit sur l’axe
horizontal, une verticale permet de lire les valeurs correspondantes sur
l’axe des tensions. Les multiplier par le coefficient de sécurité croisière
(4 : utilisation à 25 % de la charge de rupture) ou compétition (3 :
utilisation à 35 % de la charge de rupture). Les tensions sont données
avant les éventuelles démultiplications (palans). On obtient ainsi la
charge de rupture du cordage dont on a besoin. Pour un bateau de
10 tonnes, on lit 500 décanewtons de tension pour la drisse de foc ou de
spi. En croisière (coefficient 4), on choisira donc un cordage dont la
résistance de rupture est de 2 000 décanewtons (environ 2 tonnes).
C’est la recherche du poids minimal qui amène les régatiers à préférer un
coefficient de sécurité plus faible (certaines jauges imposent un type de
cordage particulier pour chaque manœuvre afin d’éviter les dérives en la
matière).
De même que les fibres textiles modernes ont remis au goût du jour
le matelotage, les réas à friction, qui fleurissent sur les plans de pont, ne
sont que la version moderne du margouillet de l’ancienne marine. On
peut les utiliser pour les simples déviations (barber de spi), le rayon de
courbure minimal étant respecté, mais aussi pour les manœuvres en
aller-retour lorsqu’elles sont quasi immobiles et que les enchaînements
de flexion-déflexion demeurent limités (palan en cascade de pataras ou
de hale-bas, éventuellement palan de bastaques). Bon marché, ils
présentent en outre un avantage certain : en cas de rupture du réa, la
chaîne structurelle de l’effort est préservée. On les trouve sous forme
d’anneaux à gorge, ou de boules à deux gorges opposées.
■ Surgainer
Les cordages gagnent à être surgainés dans les zones où ils sont
soumis au ragage : réa de mât et bloqueurs pour les drisses, mâchoire de
tangon pour les bras de spi, etc. Par ses capacités de glissement, le
Dyneema est adapté au surgainage dans les zones où l’on veut
combattre les frottements (réas, tangons), mais il est à proscrire au
passage des bloqueurs, sous peine de voir ceux-ci ne pas assurer leur
fonction : on lui préfère dans ce cas des fibres qui « accrochent » comme
le Technora ou le Vectran.
LE MATELOTAGE
Depuis l’avènement des fibres textiles haut module, le matelotage a
opéré un retour en force. Non seulement les performances des cordages
modernes leur permettent de concurrencer les fixations métalliques,
mais leurs caractéristiques ont considérablement simplifié les travaux qui
pouvaient présenter une certaine complexité, comme les épissures. Les
pages suivantes détaillent les techniques les plus accessibles et les plus
courantes.
LE MATÉRIEL
La trousse du gréeur comprend au minimum :
– Une ou plusieurs aiguilles à grand chas, ou bien un jeu d’aiguilles
creuses. Toutes les techniques de matelotage présentées dans le Cours
ont été réalisées avec une aiguille à grand chas.
– Un épissoir (creux de préférence).
– Du fil à surlier, de préférence ciré.
– Des aiguilles à coudre de voilerie.
– Une paumelle.
– Un couteau au tranchant efficace.
– Un briquet tempête, qui fonctionne même en plein vent.
– Un mètre ruban.
– Un crayon gras, à défaut un feutre, mais il risque de baver.
– Un ruban d’adhésif.
– Une masselotte de bois, pour marteler cordage ou épissure dans
certaines circonstances.
– Un anneau de fine cordelette.
Les indispensables.
Mesurer depuis l’extrémité 100 fois le Repérer cette distance au crayon gras :
diamètre de la tresse : soit 40 cm pour ce sera notre marque A.
une tresse en Dyneema de 4 mm 18.
Pour un œil de 5 cm de long, mesurer Simuler l’épissure : tenir le futur œil dans
10 cm vers la gauche à partir de A, et la main gauche et le courant et le
placer une marque B. Pour faire un œil dormant parallèlement l’un à l’autre.
plus petit ou plus grand, on
rapprocherait ou on éloignerait ces deux
repères.
On va enfiler l’aiguille à long chas dans la Placer le chas de l’aiguille entre deux
tresse, à une cinquantaine de fuseaux et insérer l’aiguille à l’intérieur
centimètres en arrière de la marque B. de la tresse.
Commencer par comprimer la tresse,
pour écarter les fuseaux.
Faire remonter l’aiguille à travers la Sortir l’aiguille entre deux fuseaux à
tresse en veillant à bien rester à hauteur de la marque B.
l’intérieur. Pour s’aider, on peut
comprimer la tresse pour l’élargir juste
avant le passage de l’aiguille.
ÉPISSURE COUSUE
Plus on tire sur une épissure et mieux elle tient. Mais si le cordage
n’est pas en permanence sous tension, le courant peut glisser lorsqu’il
n’est pas comprimé. C’est pourquoi on préfère bloquer l’épissure par un
point de couture : c’est une précaution pour les cordages qui ne sont pas
constamment soumis à une traction, et pour les autres c’est un impératif.
Ce point de couture sera placé au point neutre de l’épissure, c’est-à-dire
à l’endroit où la tresse intérieure et la tresse extérieure restent fixes l’une
par rapport à l’autre. C’est de part et d’autre de ce point, situé à environ
un tiers de la longueur épissée depuis l’œil, que la tresse extérieure
s’étire lorsque l’épissure est mise sous tension.
Enfiler sur une aiguille à coudre une Piquer en biais dans la tresse, à environ
longueur de fil (20 cm minimum pour un tiers de la longueur épissée en
être à l’aise). Réaliser un nœud simple à partant de l’œil.
un petit centimètre de l’extrémité.
Amener le nœud au contact de la tresse. Tirer plus fortement sur le fil pour que le
nœud rentre au cœur de la tresse, et que
l’extrémité du fil disparaisse.
Poser un doigt sur le croisement pour le Repiquer en biais, dans le même trou
maintenir au ras du cordage. Tirer sur le que celui d’où sort le fil.
fil pour serrer le nœud.
Tirer pour que le nœud disparaisse au Couper le fil au ras. Pour ne pas abîmer
cœur de la tresse. la tresse, faire glisser la lame le long du
fil à surlier jusqu’à rencontrer la tresse,
puis couper.
TRANSFILAGE
Transfiler, c’est relier une pièce à une autre (une poulie à une cadène
textile dans notre exemple), au moyen d’un bout qui passe
alternativement dans ces deux pièces 19. On peut réaliser différents
transfilages (ou lashing) selon les points d’accroche disponibles, la
résistance recherchée, la nécessité de réaliser le transfilage sous tension
ou de pouvoir le tendre. La méthode présentée ici est la plus polyvalente,
et elle offre probablement le meilleur compromis entre la facilité de
réalisation et la résistance.
Comme on lacera la tresse en aller- Passer la tresse dans le point fixe, ici une
retour sur de petites distances et qu’elle cadène textile, puis passer à travers l’œil
ne bougera pas, on réalise un œil en de façon à réaliser une tête d’alouette.
épissant sur 50 fois le diamètre du
cordage (et non plus 100 fois).
On aurait pu épisser directement sur la En repassant dans la cadène, on a réalisé
cadène, mais ainsi le transfilage reste le premier tour du transfilage, dont la
entièrement démontable. Serrer la tête longueur définira celle du transfilage
d’alouette, puis passer la tresse dans le définitif. Ajuster donc sa longueur en
système d’accroche de la poulie. fonction de ce qui est prévu.
Effectuer un deuxième tour, équilibrer la Les tours tiendront la tension, les nœuds
tension des quatre brins. n’ont qu’une fonction de blocage. On
forme une première demi-clé avec le
courant, en passant autour des quatre
brins du transfilage.
Vérifier que les quatre brins sont Effectuer une deuxième demi-clé en
toujours équilibrés, puis serrer la demi- l’inversant (en tournant dans l’autre sens
clé. autour du transfilage). On devrait obtenir
le motif d’une tête d’alouette.
Réaliser ainsi un minimum de trois demi- Réaliser un nœud d’arrêt (un nœud
clés. Les inverser permet de mieux simple) derrière la dernière demi-clé.
bloquer les nœuds entre eux, évite qu’ils
ne tournent autour du transfilage, et
confère à ce dernier une forme plate.
Couper la partie de l’âme qui dépasse. Le nœud constrictor débute par une
Lisser ensuite fortement la gaine vers demi-clé.
l’extrémité : toute l’âme disparaît sous la
gaine, cette dernière étant bien tendue.
Initier une deuxième demi-clé, comme Mais à la différence du cabestan, au lieu
pour réaliser un nœud de cabestan. de refermer la demi-clé sur elle-même,
glisser le fil par-dessus le dormant, puis
par-dessous tous les brins (penser « sous
la croix »).
Marquer à 15 cm de l’extrémité du
cordage un point A. 12 cm plus loin, vers
la gauche, placer une marque B. L’œil
sera formé par la section A B. Si l’on veut
faire varier la taille de l’œil, il suffit de
modifier la distance entre A et B.
À 2 cm à droite de A, ménager une Insérer l’épissoir dans l’ouverture et le
ouverture dans la gaine : glisser l’épissoir glisser sous l’âme pour l’extraire.
sous un fuseau pour l’écarter Attention à tirer sur l’âme entière, et à ne
délicatement vers l’extérieur de la pas attraper des fuseaux isolés, sous
tresse, puis répéter l’opération sur les peine de la déstructurer.
fuseaux voisins.
Âme et gaine sont ainsi séparées sur Depuis l’extrémité de l’âme, mesurer
l’extrémité du cordage. On va ensuite 100 fois le diamètre pour une âme en
tirer l’âme sur 1 m hors de la gaine, cette Dyneema, 50 fois pour du polyester :
dernière se retroussant d’elle-même. marquer un repère A′. Mesurer 12 cm
plus loin vers la gauche, et placer une
marque B′.
On peut maintenant épisser l’âme sur L’âme est passée. Comme pour toute
elle-même. Après avoir étalé courant et épissure, il faut dégraisser. À un tiers de
dormant l’un contre l’autre, on insère la longueur à partir de l’extrémité, on
l’aiguille à long chas une dizaine de marque un fuseau sur deux, puis on en
centimètres en arrière sur le dormant, fait autant avec ceux qui tournent en
puis on la fait sortir 2 cm avant B′ pour sens inverse. On sort les fuseaux
se saisir du courant, et l’avaler dans la marqués, on coupe, avant d’effiler
tresse. comme d’habitude la pointe.
Lisser plusieurs fois l’épissure, d’abord à Faire coulisser la gaine vers l’œil de
la main, puis au moyen de l’anneau de manière à faire disparaître l’épissure
cordelette avec lequel on réalise un dans la gaine et à fermer l’œil.
nœud de Prusik ►.
On devrait en arriver ici. Pour absorber C’est cet endroit que l’on veut assouplir :
ce qui reste de l’épissure, plusieurs c’est donc là qu’on tape à la masse ou
astuces à alterner. Fixer le dormant du qu’on tord le cordage pour l’assouplir.
cordage à un point fixe, de façon à tirer
fermement. Tordre le cordage au niveau
du point dur de manière à l’assouplir.
Taper le point dur à la masselotte.
L’œil épissé est maintenant fermé, les Terminer par une couture au point neutre
marques A et B sur la gaine sont visibles, de l’épissure (voir « Épissure
l’une en face de l’autre. cousue » ►). Au besoin tordre et
marteler le cordage pour l’assouplir.
Utiliser une paumelle et une aiguille
adéquate : trop fine, elle casse ; trop
épaisse, elle rentre mal.
On fait ensuite coulisser ce nœud en maintenant les tours sous les doigts, tout
en régulant de la même main la tension sur la garcette, qui détermine le serrage des
tours. Pour ne pas faire vriller la tresse que l’on prusike, il faut l’avoir lissé fortement
à la main au préalable.
ÉPISSURE CHAÎNE-CÂBLOT
Pour assurer la liaison entre la chaîne et le câblot textile d’une ligne
mixte de mouillage, l’épissure est une solution plus élégante et
fonctionnelle qu’un nœud (qui affaiblit le cordage et risque de glisser), et
même qu’un œil épissé avec une manille. Non seulement l’épissure
textile-chaîne préserve au maximum la résistance structurelle de
l’assemblage, mais au moment de mouiller ou de déraper au guindeau
elle passera sans heurt dans le barbotin. Nous présentons ici la
technique à mettre en œuvre avec un cordage en tresse carrée, plus
facile à épisser sur une chaîne qu’un cordage à trois torons, mais aussi
plus sûr car moins vulnérable au ragage. Lors de la réalisation de
l’épissure, on veillera à ce que la chaîne reste bien en ligne et qu’un
maillon ne se mette pas de travers, ce qui se produit lorsqu’on tend trop
fort un ou plusieurs torons.
LES MEMBRANES
Nous sommes là dans le domaine de la performance résolue et du
très haut de gamme. Les fibres à haute résistance (Kevlar, Technora,
Dyneema ou Spectra, carbone) ne sont plus tissées, mais disposées par
drapage dans le sens des efforts. Elles sont choisies sur des critères de
faible allongement et de légèreté. On assemble éventuellement des
fibres différentes, de façon à améliorer la tenue d’ensemble aux UV, au
pliage, au faseyement, et à la déformation sous charge. Les membranes
sont fabriquées et laminées à plat, puis les panneaux sont découpés et
assemblés par collage, les pinces assurant la forme de la voile comme
sur une coupe horizontale classique. Dans une approche encore plus
élaborée, grâce à des procédés que ne maîtrisent qu’une poignée de
voileries dans le monde, les membranes sont directement réalisées en
volume : les voiles sont d’une seule pièce, et les fibres conservent leur
continuité.
LES SPIS
Le tissu employé pour les spis est le plus communément du
polyamide (nom commercial Nylon), qui associe les qualités de légèreté,
de résistance à l’abrasion et au pliage. Sa faible résistance à la
déformation condamne en revanche le Nylon pour les voiles de près. Il a
tendance à stocker l’humidité, c’est pourquoi il est souvent enduit. Un spi
qui a trop faseyé perd son enduit, devient poreux et perd par conséquent
de son rendement. Cela se contrôle en plaquant un morceau de tissu
devant sa bouche pour aspirer ou souffler au travers. Le polyester, plus
léger, plus raide, moins résistant et plus coûteux, est réservé aux voiles
de portant haut de gamme.
Les spis modernes sont taillés dans une coupe orientée, de façon à
ce qu’ils conservent leur forme à l’effort. La coupe iso-cut (ou V-cut,
selon la terminologie des voileries) comporte des panneaux verticaux
dans le milieu de la voile, pour une meilleure répartition du creux. Sa
variante simplifiée, la star-cut, est destinée aux spis de brise étroits ou
aux petites unités.
Le génois est plié en accordéon sur le ponton. Côté guindant les plis sont plus
larges, de façon à ce que les mousquetons soient placés les uns sur les autres.
L’équipier en charge de la chute fait des plis plus étroits, et c’est lui qui avance au fur
et à mesure. Ne pas hésiter au fil du temps à varier l’emplacement des plis pour ne
pas marquer et fragiliser la voile.
LES FILIÈRES
Les filières peuvent s’amarrer sur les balcons avec des ridoirs si ceux-
ci sont assurés correctement (pour que la cage du ridoir ne se dévisse
pas). Attention, les contre-écrous peuvent se desserrer insidieusement
quand les filières sont soumises à des torsions et à des vibrations (au
port sous l’action des garants de défenses, en mer sous celle des
écoutes).
L’axe qui tient le ridoir sur le balcon est souvent assuré par un
anneau brisé enroulé de scotch pour qu’il soit protégé. On peut aussi
remplacer l’anneau brisé par une goupille aux bras correctement
rabattus. Un fourrage en cuir vaut par ailleurs tous les mètres de scotch
du monde.
Une promenade sur les pontons offre en général un spectacle
désolant de ridoirs non assurés (contre-écrous desserrés) ou d’anneaux
brisés en train de se faire la belle.
Pour éviter ces déconvenues, on peut préférer le montage suivant :
un écrou à œil, assuré par un contre-écrou et brêlé 22 sur l’anneau de
filière du balcon. Ce montage est sûr et la filière rapidement largable d’un
seul coup de couteau – quand on a besoin de remonter un équipier
tombé à l’eau, par exemple.
Brêlage d’une filière sur un balcon arrière. Le nœud est assuré par du ruban
adhésif.
LES WINCHS
Le bout doit arriver sur la poupée en formant un angle de 5° à 10°
avec la base du winch. Quand une poulie renvoie un bout vers le winch
sous un mauvais angle (juste perpendiculaire à l’axe du winch ou un peu
au-dessous), il faut déplacer la poulie ou modifier le calage du winch,
sinon il y a risque de surpatter. Sous tension, le tour qui surpatte appuie
sur les autres tours de bout, bloque le cordage sur la poupée et peut
provoquer de sérieuses difficultés au moment du virement de bord ou de
l’affalage du spi. Quoi qu’il arrive, ne jamais essayer de débloquer les
tours sous tension avec les doigts !
Cette écoute arrive au winch avec le bon angle. Les winchs à plusieurs vitesses
offrent différents rapports (deux le plus souvent : un par sens de rotation de la
manivelle). Celui-ci est équipé d’un self-tailing. Ce dispositif couronnant le winch à un
double rôle : il bloque le cordage, ce qui dispense de taquet ; il entraîne
automatiquement la drisse ou l’écoute lorsqu’on tourne la manivelle, ce qui libère une
main pour celui qui manœuvre.
Un cordage surpatté sur son winch. Les tours se chevauchent, il devient
impossible de border ou de choquer.
CONTRÔLER LA STRUCTURE
■ Les varangues
Les varangues sont les pièces qui forment l’ossature transversale du
bateau dans les fonds. Sur la partie supérieure de celles-ci, rechercher
les fissures du gelcoat 23. Ce n’est pas forcément très grave, mais les
fissures montrent que la varangue s’est suffisamment déformée pour
casser le gelcoat. Vérifier qu’il n’y a pas de décollement, de délaminage
ou de fissures aux points faibles : à proximité des anguillers (trous de
communication pour l’écoulement de l’eau entre les varangues) ou aux
extrémités de la varangue.
■ Le tube de jaumière
Le tube de jaumière permet à la mèche de safran de passer du fond
de la coque au plancher du cockpit. Il est situé dans un endroit peu
accessible, qui mérite des visites régulières.
La mèche de safran est insérée dans un tube de jaumière, ici coiffé d’un soufflet
d’étanchéité. Sur ce bateau gouverné par une barre à roue, on identifie très bien le
secteur de barre auquel sont fixées les drosses métalliques, ainsi qu’un deuxième
secteur, sur lequel se connecte le vérin du pilote automatique.
■ La chaise d’arbre
La chaise d’arbre maintient l’arbre d’hélice sous la coque. Quand un
bout s’est pris dans l’hélice, en contrôler la fixation.
Contrôler la corrosion
La corrosion est un mal insidieux. Son action est lente, mais elle met
la coque et l’équipement du voilier en péril. Il existe plusieurs formes de
corrosion, et quelques connaissances de base sont nécessaires pour s’en
prémunir.
■ La corrosion galvanique
La corrosion galvanique est produite par la différence
d’électropositivité entre les différents matériaux ou les différentes pièces
de la coque. Deux métaux plongés dans l’eau de mer forment une sorte
de pile électrique dans laquelle le courant électrique passe en rongeant
le métal le plus faible. Ainsi, le magnésium est rongé par le zinc, lui-
même rongé par l’aluminium, qui est rongé par l’acier… puis viennent,
dans l’ordre du rongé au rongeur : l’acier inox actif, le plomb, le cuivre, le
bronze (ou laiton), le nickel, le titane, l’argent, l’acier inox passif, l’or, le
graphite (ou carbone). Dans ce classement des métaux en fonction de
leur électropositivité, c’est celle du magnésium qui est la plus forte.
Le principe de la corrosion galvanique.
■ Montage de l’accastillage
Pour protéger les pièces d’accastillage et leurs supports (coque,
mât…), les pièces doivent être isolées les unes des autres, afin qu’un film
d’eau de mer ne se forme pas entre elles (on peut isoler une pièce en
inox posée sur un mât en aluminium avec du chromate de zinc en
bombe). Quant au rinçage des pièces d’accastillage à l’eau douce, il n’a
pas d’autre but que de chasser le film d’eau de mer qui se glisse entre les
métaux dont elles sont constituées.
■ La corrosion électrique
La corrosion électrique est une corrosion tout aussi redoutable que la
première et plus agressive, provoquée par une fuite du circuit électrique
vers la coque, peu à peu rongée par le courant qui la traverse (voir
« L’électricité » ►).
Pour épargner la corrosion électrique à un bateau en aluminium, le
moteur doit être isolé de la coque. Faute de ce montage, la carène d’un
Glénans 33 (coque en aluminium) s’est recouverte en 3 mois de
« piqûres » d’un bon millimètre de profondeur…
Les dégâts provoqués par une fuite électrique sur un bateau en polyester. En
l’occurrence, le problème venait d’un feu de route défaillant monté sur le balcon
avant. Toutes les pièces d’inox se sont corrodées et ont été envahies par la rouille. Il a
fallu, une fois la panne électrique corrigée, « repassiver » tous les inox à l’acide.
CONTRÔLER L’OSMOSE
L’osmose est un phénomène qui s’attaque à la carène des coques en
verre polyester, matériau qui n’est pas réellement étanche à l’eau. Celle-
ci le pénètre très lentement, un peu comme une éponge. Les
microcavités du stratifié de la carène ont une fâcheuse propension à
gonfler sous l’effet de la pression osmotique. Faible mais constante, la
pression osmotique est due à un phénomène physique qui veut qu’un
liquide peu concentré ait tendance à migrer vers un autre plus concentré
pour le diluer. Or, dans les cavités du plastique, des molécules issues de
la fabrication créent un milieu très concentré, vers lequel l’eau même
salée a tendance à migrer. Le phénomène est analogue à celui qui se
produit quand on trempe la chair d’un poisson dans l’eau douce : celle-ci
dilue l’eau salée contenue dans la chair du poisson, fait éclater ses
cellules et dénature sa texture – et provoque les foudres de tout marin
pêcheur qui se respecte. Sous la pression, des cloques (visibles à la
surface du gelcoat) font leur apparition. Localisées sous le gelcoat, elles
peuvent également se développer plus profondément, endommager le
stratifié et compromettre à terme la solidité de la coque.
Heureusement, l’osmose se traite. Enlever les couches atteintes par
l’osmose et sécher la coque, ce qui est très long, et prend quelques mois.
Effectuer ensuite les éventuelles réparations, poser un revêtement
isolant (en général à base d’époxy). Lisser parfaitement la surface de la
carène et poser l’antifouling 24.
Un contrôle visuel permet généralement de détecter les cloques,
mais on peut faire mesurer le taux d’humidité de la coque au moment de
l’hivernage. Au-delà d’un certain taux d’humidité, il y a risque d’osmose.
Peut-être faut-il traiter la coque préventivement. Cela dit, tant qu’il n’y a
aucune cloque visible, sa solidité n’est pas affectée.
LA RÉSINE
La résine polyester est formée de longues chaînes de molécules,
s’assemblant entre elles par des liaisons sous l’action d’un catalyseur
dosé à 2 % environ (du PMEC ou MEC : peroxyde de méthyléthylcétone).
En s’assemblant, les molécules de polyester n’utilisent pas toutes les
liaisons disponibles, aussi une réparation sur de l’ancienne résine poncée
adhère-t-elle parfaitement. Cette réaction chimique dégageant de la
chaleur, on la dit « exothermique ».
Les équipements indispensables pour travailler avec de la résine ou poncer du
polyester, produits hautement toxiques et nocifs pour la peau et les poumons :
combinaison de protection, masque à cartouche, gants. Les chaussures sont aussi de
rigueur.
LE TISSU
Le tissu de verre se présente sous différentes formes : mat, tissé,
directionnel. Le mat est constitué de courtes fibres de verre : il évite les
interstices de résine pure et cassante entre les couches tissées. Aussi
une réparation polyester doit-elle alterner mat et tissé (elle commence et
se finit par du mat). Un tissu constitué de fibres longues est plus
résistant que le mat (comme le contreplaqué est plus résistant que
l’aggloméré), mais sans mat intercalé, les couches de tissu ont tendance
à se séparer sous la contrainte (à se « délaminer »).
Il existe plusieurs sortes de tissu : le taffetas (tissé comme une toile
ordinaire), le sergé, le satin, etc. Plus les fibres sont orientées dans le
sens de l’effort, meilleure sera la résistance à la traction. Dans un
stratifié, les fibres se comportent comme des ressorts qui s’étendent
sous traction en déformant légèrement la matrice (on parle
d’embuvage).
La déformation des fibres d’un tissu sous l’effet de la traction est due au
croisement des fibres. Elle est faible pour le sergé et le satin, nulle
pour l’unidirectionnel.
Certains « tissus » n’en sont pas réellement : les fibres ne sont pas
tissées mais disposées en couches dans des directions données (on
parle d’unidirectionnel ou UD, de bidirectionnel, etc.). Les couches sont
liées entre elles par des fils de couture très fins. Ce genre de « tissu »,
destiné à résister à des tractions de direction déterminée, est de plus en
plus employé dans la construction des voiliers. On l’utilise pour certaines
pièces, notamment des zones ou renforts de la coque ou du pont, qui
sont ainsi plus solides, plus légères et plus raides.
Les tissus se stockent dans leur emballage initial et à l’abri de
l’humidité. Les fibres et les tissus de verre stockés dans un lieu humide
perdent en effet peu à peu leurs propriétés (ils perdent environ 25 % de
leur résistance initiale à la rupture s’ils sont stockés pendant 3 mois à
65 % d’hygrométrie). En outre, si le tissu est humide, l’accroche sur la
matrice sera de mauvaise qualité.
ET L’ÉCOLOGIE ?
Depuis les années 2010, les expériences de construction de voiliers à base de
« composites biosourcés » se développent. Les fibres végétales – en particulier le lin,
mais aussi le chanvre, le jute, la fibre de coco – sont à l’honneur. Des essais ont été
réalisés avec des résines composées pour moitié de sève de pin, mais sans pouvoir
encore éliminer totalement le recours au polyester.
Conseils pratiques
Avant de commencer, penser à son environnement de travail (le
temps ne doit être ni trop humide ni trop froid). Se munir de pinceaux,
chiffons, diluant, gants, protéger la zone de travail (carton, journaux). Se
servir d’un récipient large et plat pour la résine (elle prend trop vite dans
un pot conventionnel à cause de la chaleur dégagée par la réaction
chimique). Si la pièce à stratifier est grande, choisir de la résine long pot
life. La quantité de résine est d’environ une fois et demie le poids des
tissus, mais il vaut mieux la préparer en plusieurs fois si la pièce à
réparer est grande. Commencer en plaçant de la résine sur le haut de la
pièce – une partie de la résine va descendre de toute façon. Tapoter le
tissu avec le pinceau, les poils bien perpendiculaires à la stratification :
ce geste chasse les bulles, garde le tissu en place et élimine l’excédent
de résine vers le dessus du stratifié. S’il fait chaud, il faut se hâter sans
précipitation – mais faire vite quand même ! Dès que la résine commence
à prendre dans le récipient, faire un nouveau mélange dans un autre
récipient (en réutilisant l’ancien, ça ferait des grumeaux). Finir par un
tissu d’arrachage pour un meilleur aspect extérieur – le tissu d’arrachage
permet aussi et surtout de ne pas poncer, lorsqu’on prévoit de stratifier
un autre élément sur la stratification que l’on vient de réaliser, ou
lorsqu’on veut peindre.
L’ÉLECTRICITÉ
Quand elle a fait son apparition à bord des voiliers, la fée électricité
avait le mal de mer : l’envers du tableau électrique ressemblait à un plat
de spaghettis bolognaise, les fuites et les pannes étaient monnaie
courante – d’aucuns rêvaient en silence de lampe à pétrole et de bougie.
Aujourd’hui, tout va mieux. Mais le circuit électrique n’en demande pas
moins soins et compétences, le voilier étant de plus en plus dépendant
de l’électricité pour le confort et la navigation, mais aussi pour les
équipements utiles à la sécurité. Cependant, ce que la technologie a
gagné en performance et en efficacité, elle l’a en partie perdu en
simplicité. Pour entretenir et surveiller l’électricité du bord, la
connaissance de certains principes et particularités des circuits
électriques d’un voilier est indispensable. Après quelques pages sur le
sujet, ce chapitre se consacre ensuite au bilan énergétique du voilier, à
son amélioration et à la gestion du parc de batteries et des recharges du
bord. Enfin, le lecteur découvrira quelques moyens de détecter les
pannes les plus courantes et d’y remédier.
QUELQUES RAPPELS
À l’attention de ceux dont les cours de lycée consacrés à l’électricité sont un
peu loin, voici un petit dessin où le circuit électrique est comparé à un circuit d’eau.
La hauteur du château d’eau correspond à la différence de potentiel U exprimée
en volts (la tension). La quantité d’eau passant par le tuyau correspond à l’intensité
du courant I, exprimée en ampères. La puissance du jet à la sortie du tuyau
correspond à la puissance P, exprimée en watts. Le frein constitué par les
frottements à l’intérieur du tuyau correspond à la résistance R, exprimée en ohms.
On exprime les relations entre ces différentes quantités par les formules
suivantes :
P = UI
U = RI
■ Les interrupteurs
Pour limiter les risques de fuite électrique (surtout sur les bateaux
métalliques), les interrupteurs bipolaires sont donc préférables – c’est-à-
dire ceux qui ferment en même temps le circuit négatif et le circuit
positif. Quel que soit le bateau, ce dispositif est d’ailleurs obligatoire pour
les batteries.
Les batteries
La batterie permet de stocker l’électricité sous forme chimique. Il
existe plusieurs types de batteries, très différentes les unes des autres :
celles des perceuses sans fil (batterie au Ni-MH), des téléphones
portables (batteries au lithium), des bateaux de course, des satellites,
etc. Les batteries les plus utilisées sur les voiliers de croisière sont des
batteries au plomb avec électrolyte (mélange eau et acide sulfurique)
dont la gamme est assez étendue : batteries sans entretien, de
démarrage et de servitude, avec un électrolyte liquide ou gélifié, ou inclus
dans des fibres (AGM).
■ La bonne batterie
Pour déterminer de quelle batterie on a besoin, il faut se procurer une
documentation précisant le détail de ses performances : combien de
cycles de charge et de décharge supportera-t-elle, quelle intensité
maximale fournit-elle et pendant combien de temps, quelle intensité de
courant de recharge supporte-t-elle, combien de temps peut-elle tenir
sans être chargée, etc.
■ La charge
Dans l’idéal, on charge avec un courant électrique dont l’intensité est
égale à 10 % de la capacité en ampères-heures de la batterie : à
10 ampères pour une batterie de 100 Ah par exemple. Compte tenu des
pertes, il faut fournir à la batterie 110 % de ses besoins en ampères-
heures : pour 80 Ah consommés, il faut charger 88 Ah, ce qui prend
8,8 heures. C’est très long ! Aussi régule-t-on le courant, pour réduire le
temps de charge. Un régulateur de charge est un instrument intelligent
et perfectionné qui découpe la charge en plusieurs cycles (cycle à
courant constant, puis à tension constante, puis de stabilisation – boost,
equalization, floating), ce qui réduit jusqu’à quatre fois le temps de charge,
améliore la capacité réelle de la batterie et augmente sa durée de vie.
■ L’installation
Une batterie doit en principe être placée dans un bac étanche (elle
contient de l’acide !), elle doit être ventilée (elle peut dégager de
l’hydrogène qui, combiné avec l’oxygène de l’air, forme un mélange
explosif), isolée de l’habitacle (elle peut dégager d’autres gaz toxiques),
sanglée (elle est très lourde : environ 30 kg pour 100 ampères-heures) et
son bac doit être muni d’un couvercle (la chute d’un outil sur les bornes
d’une batterie peut la faire exploser).
Produire de l’électricité
Le bilan énergétique ► permet de se faire une idée des besoins du
bateau. Pour produire l’électricité du bord et la stocker, plusieurs
solutions sont possibles, chacune d’elles ayant ses avantages et ses
inconvénients. Quel que soit le système choisi, la production doit
toujours être régulée avant que le courant ne parvienne aux batteries,
sous peine de les endommager. On aura recours à un spécialiste pour le
choix du système de régulation.
■ Le chargeur de quai
Un chargeur de quai possède au moins deux sorties, ce qui lui permet
d’alimenter indépendamment des packs de batteries de besoins et de
caractéristiques différents (moteur, service…). Alimentée par le quai ou
le ponton en 220 volts, l’installation doit être munie d’un disjoncteur
différentiel protégeant les équipiers des chocs électriques dangereux. On
commence par brancher sur le bateau, puis sur le quai. Pour débrancher,
on fait le contraire : d’abord le quai, puis le bateau.
Chargeur de quai et circuit 220 V.
■ L’alternateur
L’alternateur est un périphérique du moteur qui produit du courant
électrique.
La puissance de l’alternateur couplé au moteur du voilier est
comprise entre un tiers et un quart de la capacité du parc de batteries à
recharger.
■ Et la pile à combustible ?
Peut-être la pile à combustible s’imposera-t-elle un jour sur tous les
voiliers ? Elle produit de l’électricité à partir d’une réaction
électrochimique entre l’oxygène de l’air et un carburant (méthanol,
hydrogène…).
■ Ses avantages
Silencieuse, sans pièces en mouvement, sans entretien, peu
encombrante, la pile à combustible rejette beaucoup moins de CO2 et de
particules dans l’atmosphère qu’un moteur thermique. Les piles qui
fonctionnent à l’hydrogène ne rejettent que de l’eau !
Disponibles dans toutes les gammes de puissance (du milliwatt à la
centaine de kilowatts), elles sont d’un meilleur rendement que les
moteurs thermiques, et ce rendement demeure stable même quand la
puissance demandée à la pile décroît. Au moment où nous écrivons ces
lignes, le rapport entre électricité produite et quantité de carburant
embarqué est meilleur pour une pile au méthanol que pour un moteur
couplé à un alternateur.
Ainsi, quatre bidons de 15 litres de méthanol permettent d’assurer le
fonctionnement du pilote électrique, de la VHF, de l’électronique, etc.,
pour une traversée de l’Atlantique à bord d’un Mini-transat 6.50. Un
simple bouton on/off fait démarrer la pile qui, commandée par un
système électronique simple, peut aussi se mettre en marche toute seule
en fonction des besoins.
■ Ses inconvénients
La mise en place de la pile à bord demande quelques précautions :
elle doit être suspendue (à l’abri des chocs) dans un endroit sec (en
hauteur) et ventilé. Il faut assurer l’évacuation de l’eau qu’elle produit.
Certes, le rendement de la pile à combustible est meilleur que celui
d’un moteur thermique et elle rejette moins de CO2 dans l’atmosphère
(voire pas du tout en cas d’utilisation d’hydrogène). Mais son bilan global
de production électrique, du point de vue tant énergétique qu’écologique,
est moins favorable : le combustible est essentiellement produit grâce à
de l’énergie fossile (toutefois, une usine de production d’hydrogène à
partir d’énergie solaire a vu le jour en novembre 2008 au pays de
Galles) ; les matériaux qui composent la pile sont sophistiqués et doivent
être recyclés ; sa durée de vie est encore assez brève (de l’ordre de
3 000 heures). Enfin, une pile à combustible coûte relativement cher.
■ L’énergie renouvelable à bord
Éoliennes, panneaux solaires, hydrogénérateurs, respectent
l’environnement et assurent en partie l’indépendance énergétique du
bateau avec des avantages et des inconvénients divers.
Chaque jour, une éolienne produit environ 25 Ah, un panneau solaire
de 100 watts fournit en Bretagne entre 10 et 33 Ah selon la saison. Un
hydrogénérateur moderne développe 120 watts à partir de 5 nœuds de
vitesse ; sa traînée est quasi insignifiante. L’éolienne fait du bruit. Le
panneau solaire est très silencieux, mais ne fonctionne que de jour.
Quant à l’hydrogénérateur, il ne débite qu’en navigation. Toutes ces
ressources « propres » maintiennent les batteries en charge et
augmentent leur durée de vie. Grâce à elles, on peut, si l’on est
suffisamment économe, couvrir une bonne partie des besoins,
éventuellement emporter davantage d’appareils électriques.
À bord de la Cigale
La Cigale est un voilier qui consomme chaque jour 135 Ah. Il a besoin
au minimum d’une batterie de 170 Ah (elle ne doit pas se décharger à
plus de 80 %), soit un temps de charge moteur de plus de 3 heures. Ce
temps peut être réduit si l’on fait tourner le moteur aux moments de forte
consommation (au début de la nuit par exemple), ce qui rechargera la
batterie, mais fournira aussi l’électricité du bord sans la vider – ce
principe reste valable sur tous les voiliers, même sur la Fourmi, surtout
s’il y a un ordinateur à bord.
Le tableau permet de repérer les gros postes de dépense
énergétique : ordinateur, réfrigérateur, feu tricolore à incandescence.
La colonne « intensité » montre qu’au moment où tous les appareils
sont allumés, la batterie débite environ 40 ampères : le fusible ou le
disjoncteur général de la batterie de service doivent donc être de 50
ampères (si l’on a bien suivi ce qui précède).
À bord de la Fourmi
La Fourmi est équipée d’une lampe à LED en tête de mât, de lampes
basse consommation à l’intérieur, choix dont on mesure l’influence très
positive sur la consommation électrique. Sur la Fourmi, on économise sur
tous les tableaux : l’ordinateur n’est plus branché sur un onduleur
transformant les 12 volts de la batterie en 220 volts, mais sur un
adaptateur de tension de 12 volts en 19 volts (c’est la tension dont il a
besoin ; l’idéal aurait été de trouver un ordinateur fonctionnant
directement en 12 volts) ; le mode « mise en veille automatique » a été
paramétré ; on a gardé le réfrigérateur en marche, bien que ce ne soit
pas nécessaire (si l’avitaillement est prévu en conséquence, des blocs de
froid suffisent pour les premiers jours), mais quelqu’un à bord avait des
médicaments à stocker au frais.
L’équipage de la Fourmi ne se sert ni du pilote automatique, ni du
radar, sa VHF n’émet pas et se contente de recevoir. En 24 heures, la
Fourmi consomme 47 Ah, soit 30 % seulement de la capacité de sa
batterie (la même que celle de la Cigale : 170 Ah) : il suffira d’un peu plus
de 1 heure pour la recharger avec le moteur.
Comme les deux bateaux sont en navigation, ni la Cigale ni la Fourmi
n’ont utilisé leur guindeau ce jour-là. Un guindeau de 1 000 watts a
besoin d’un peu plus de 80 ampères. En 3 minutes, il consomme 4 Ah,
soit 3 % de la consommation quotidienne de la Cigale, 9 % de celle de la
Fourmi. Mais l’usage du guindeau suppose que le moteur soit en route, de
façon à ce qu’il fournisse directement l’essentiel de l’énergie électrique :
les batteries ne sont pas toujours conçues pour débiter de telles
intensités sans s’abîmer.
Les connexions
La plupart du temps, ce sont les connexions qui portent la
responsabilité des pannes du circuit. Dans l’atmosphère humide et saline
du bateau, les fils de cuivre s’oxydent, deviennent noirs et cassants, ne
laissent plus ou laissent mal passer le courant. Aussi, au montage,
chaque extrémité de fil doit-elle être étamée (recouverte d’une mince
couche d’étain évitant l’oxydation). Le fil « aviation », étamé sur toute la
longueur, est à ce titre idéal pour le bateau.
Nettoyer les bornes et les cosses de batterie à la toile émeri à chaque
démontage et les recouvrir de graisse ou de vaseline après remontage.
Sur une batterie, la borne positive est un peu plus grosse que la borne
négative, pour garantir que la bonne cosse sera branchée sur la bonne
borne : on appelle ça respecter la polarité. Si elle n’est pas respectée (ce
qui arrive de temps en temps !), tous les appareils marcheront quand
même, sauf l’électronique du bord.
Toute nouvelle connexion se fait à l’intérieur d’une boîte de dérivation
(boîte étanche en plastique) avec des dominos ou des cosses vissées.
Faire pénétrer les fils par le bas de la boîte de dérivation pour éviter que
l’inévitable goutte d’eau ne la pénètre en se glissant le long du fil.
BILANS ÉNERGÉTIQUES
Repérer les pannes du circuit
Utiliser un multimètre pour mesurer résistance, voltage et intensité. À
défaut, une petite lampe 12 volts montée sur deux longs fils terminés par
des pinces crocodiles fera l’affaire. Cette sonnette (car tel est le nom de
ce petit appareil de fortune) permet de détecter les pannes. La brancher
sur les bornes de la batterie : elle doit s’allumer. La placer sur les bornes
positive et négative du tableau électrique, sur les bornes qui partent vers
l’appareil, puis à l’arrivée du courant sur l’appareil. Si la sonnette s’allume
partout et que l’appareil ne fonctionne pas, c’est lui qui est défectueux.
Sinon, c’est que le circuit est interrompu quelque part.
On teste l’une des bornes de la batterie (la borne – par exemple) et la borne
opposée du tableau (la borne + par conséquent). On répète si nécessaire l’opération
aux autres bornes. Ici, la sonnette allumée témoigne que le conducteur reliant le + de
la batterie au + du tableau est bon. La sonnette restant éteinte signale que le
conducteur reliant le – de la batterie au – du tableau est défectueux.
L’ÉLECTRONIQUE
Ce chapitre ne s’intéresse qu’à l’entretien courant des appareils
électroniques. On se reportera au chapitre 2 pour ce qui concerne leur
paramétrage ►.
Le milieu humide, salin et en mouvement n’est pas l’environnement
idéal pour la longévité de l’électronique du bord. Selon le cahier des
charges des GPS portables, ceux-ci sont censés tenir 1 heure sous un
mètre d’eau, mais c’est loin d’être le cas des autres appareils
électroniques. C’est donc cette caractéristique qui guidera le choix de
leur emplacement. Et même s’ils sont placés derrière un panneau, un
petit toit en feuille de plastique les protégera de la fameuse et inévitable
goutte d’eau de mer ou de condensation. Les répétiteurs de cockpit
seront protégés des chocs par un emplacement judicieux ou par une
protection en Plexiglas.
Au moment de l’hivernage, c’est en débarquant tous les appareils
qu’on leur garantira longue vie et bonne santé.
Autre règle importante : toujours mettre le circuit électrique général
en fonction avant d’allumer les appareils, jamais l’inverse.
LE SONDEUR ET LE LOCH-SPEEDOMÈTRE
Les capteurs du sondeur et du loch-speedomètre se trouvent sous la
ligne de flottaison, dans des passe-coques, généralement en avant de la
quille – à peu près au tiers avant de la carène. Le capteur du loch-
speedomètre peut et doit être régulièrement retiré du passe-coque : on
vérifie ainsi le fonctionnement de la roue à aubes ou à godets dont la
végétation sous-marine finit par entraver le mouvement – ce qui fausse
les données et la bloque parfois complètement.
Retirer un capteur d’un passe-coque est une expérience
impressionnante, car un geyser jaillit de l’orifice, mais ce n’est pas
dangereux. On aveugle la voie d’eau en y posant la main ou en utilisant le
bouchon livré avec le passe-coque : il est parfaitement adapté à son
diamètre. Il est plus que recommandé en tout cas de retirer tous les
capteurs des passe-coques et de les remplacer par leurs bouchons avant
de gruter le bateau, avant nettoyage au jet haute pression, et avant
échouage pour les dériveurs intégraux.
Une fois le capteur retiré, on a tout loisir de le contrôler et de le
nettoyer avant de le remettre en place. Pour contrôler l’aube du
speedomètre, souffler dessus : l’affichage monte à 15 ou 20 nœuds !
Avant de remonter un capteur, enduire son corps de graisse spéciale ou
encore de vaseline. Ça l’aide à glisser dans le passe-coque, lui évite de se
gripper, tout en assurant l’étanchéité du joint. Faute de cette précaution,
des suintements ou une petite fuite peuvent se produire.
On peut recouvrir d’antifouling le capteur du sondeur, ce qui
n’atténue pratiquement pas le signal (pas plus que des algues en tout
cas), mais jamais celui du loch-speedomètre, pour ne pas entraver le
mouvement de la roue à aubes.
Le câble du sondeur est un câble coaxial : l’erreur provoquée par une
modification de sa longueur est parfaitement négligeable, mais toutes les
jonctions doivent être particulièrement soignées.
Si la batterie est chargée et que sondeur et loch-speedomètre ne
fonctionnent pas, il est fort probable que la batterie est mal branchée et
que sa polarité n’est pas respectée. Si la polarité l’est, que la tension aux
bornes de la batterie est correcte et que ça ne marche toujours pas,
alors il faut vérifier la tension aux bornes d’alimentation des appareils. En
deçà d’une certaine tension en effet, leur fonctionnement est
compromis : et l’on sait que des pertes dans le circuit, à cause de
mauvaises connexions ou de fils oxydés, suffisent à faire baisser la
tension électrique.
LA VHF
Vérifier le fonctionnement de la VHF en réception et en émission
avant toute croisière, en convenant d’un canal d’appel avec un voilier
ami, en appelant la capitainerie ou un sémaphore pour contrôle.
Contrairement à un usage répandu, le canal 16 n’est pas destiné à ce
type d’appel…
Si la VHF ne marche pas, faire comme pour le sondeur et le loch-
speedomètre : vérifier la polarité de la batterie et la tension aux bornes
de l’appareil.
Se souvenir que le fil de la VHF est équipé d’un petit fusible, ce qui
est une sage précaution car on peut vouloir brancher la VHF directement
sur la batterie pour qu’elle fonctionne encore quand tout est coupé. Avec
ce montage, le fusible est indispensable : il prévient le risque d’incendie
par court-circuit.
Un poste VHF transforme l’énergie électrique en énergie
électromagnétique émise par l’antenne. Vérifier que celle-ci est bien
branchée à la VHF, sous peine de griller l’émetteur.
LE GPS
Avant d’acheter un GPS, s’assurer qu’il dispose de la touche MOB
(homme à la mer). Prévoir des piles de rechange si c’est un GPS portable,
ainsi qu’une prise allume-cigare sur le tableau électrique s’il s’agit de
piles rechargeables. Même avec un GPS portable, une antenne extérieure
est utile, la réception des ondes à l’intérieur de l’habitacle pouvant être
gênée par le rouf.
L’antenne du GPS doit être placée à au moins un mètre au-dessus de
l’eau, dégagée sur 360° de la bôme et des autres portiques. Elle doit être
éloignée des antennes émettant des fréquences élevées (radar, VHF).
Quand on change l’antenne, il faut aussi changer le câble. Le faire passer
dans une gaine permet de le changer plus facilement.
L’ORDINATEUR DE BORD
L’ordinateur, on l’a vu, est grand consommateur d’électricité, ce que
son système d’alimentation ne fait qu’aggraver. Il n’apprécie pas
l’humidité et la salinité, déteste les mouvements du bateau qui
soumettent à de fortes contraintes l’axe du disque dur en rotation rapide.
La navigation est sans doute l’un des usages justifiant pleinement le
remplacement des disques durs « classiques » par des mémoires flash
type SSD (Solid stade drive). Garder à l’esprit que la panne d’un ordinateur
ne prévient pas, même s’il est parfaitement entretenu. Il faut
impérativement prévoir une solution de repli (ordinateur de rechange,
tablette, ou cartes et documents papier).
Les logiciels de navigation ont atteint un degré de sophistication dont on ne
se lasse plus une fois qu’on y a goûté. Mais l’ordinateur n’est pas à l’abri d’une panne,
liée à l’alimentation électrique ou au système informatique lui-même.
LE COMPAS
S’il est un instrument de navigation qui reste toujours opérationnel,
même quand l’électricité fait défaut, c’est bien le compas. Aussi faut-il lui
vouer une vigilance toute particulière, l’entretenir et le régler avec soin :
veiller à sa régulation (mesure des écarts entre cap compas et cap
magnétique réel), éventuellement à sa compensation (réduction de ces
écarts).
RÉGLER LE COMPAS
La régulation du compas
Réguler un compas, c’est construire sa courbe de déviation, c’est-à-
dire noter les écarts entre cap compas et cap magnétique (Cc et Cm). Si
les écarts dépassent 7° à 10°, il faut compenser le compas.
Pour construire cette courbe de déviation, on mesure le cap
magnétique réel avec le compas de relèvement, qu’il faut lui-même
contrôler dans un premier temps, car il peut être soumis lui aussi à
quelques perturbations magnétiques. Voici comment procéder : par mer
calme et bonne visibilité, faire faire au bateau plusieurs cercles de
diamètre restreint à vitesse lente, au moteur pendant que, debout à
l’arrière, un équipier relève un amer lointain (à plus de 3 milles). Si le
relèvement est constant, le compas de relèvement est fiable compte
tenu de l’endroit où se tient celui qui opère. Sinon, il faut choisir un autre
emplacement sur le bateau et recommencer la visée.
Une fois que l’équipier a trouvé le bon emplacement pour son
relèvement, tenir une succession de caps compas espacés de 30° les uns
des autres. À chaque étape, soustraire le cap compas (celui du compas
de route) du cap magnétique (celui dont on est certain, c’est-à-dire celui
du compas de relèvement) : déviation = Cm – Cc.
Attention, on n’établit pas la compensation de son compas pour la vie
(ni pour tout lieu, ni pour toujours). Avec le temps, les propriétés
magnétiques des masses métalliques du bord se modifient, l’équipement
du voilier évolue. Il faut donc refaire la courbe de déviation tous les ans
et la vérifier au cours des longs périples. En outre, quand le bateau gîte,
la position des éléments qui perturbent le champ magnétique change : un
petit contrôle du cap au compas de relèvement ne fait jamais de mal, et
chaque fois que le bateau est en route stable sur un alignement, il faut
savoir aussi en profiter.
La compensation du compas
Compenser un compas, c’est réduire sa déviation.
Certains métaux (l’aluminium, le cuivre, le laiton, certaines variétés
d’inox) sont amagnétiques. Comme le plastique et le bois, ils n’ont
aucune influence sur le compas, mais c’est loin d’être le cas de tout ce
qui se trouve à bord.
Sur les petits bateaux, on estime que les perturbations de la coque et
des équipements sont négligeables. Sur les autres voiliers, en observant
de près le compas de route, on constatera la présence de deux petits
trous dans le fût du compas. Le trou de droite est noté N/S, le trou de la
face arrière E/W. Ces trous sont prévus pour livrer passage à un petit
tournevis avec lequel on procède aux réglages nécessaires.
Le tournevis, de petite taille, doit évidemment être amagnétique. S’il
n’y en a pas à bord, il faudra éloigner le tournevis après chaque
intervention et avant de lire la mesure sur le compas. Une infime rotation
du tournevis suffit.
Orienter le bateau dans la direction du nord magnétique (on utilise
pour cela le compas de relèvement). Tourner la vis N/S jusqu’à ce que le
compas indique le nord magnétique. Puis faire route vers le sud
magnétique et régler la vis jusqu’à ce que l’erreur du compas de route
soit diminuée de moitié. On a commencé par régler le nord exactement
sur le 0° ; en faisant cap au sud magnétique (180°), si le compas de route
indique 185° : on le règle à 182,5° ; s’il indique 175° : à 177,5°. Procéder
de la même manière avec la vis E/W en faisant cap à l’est puis à l’ouest
(ou inversement). Ces deux réglages ont pour but de minimiser la
déviation à tous les autres caps.
Reste encore à réguler le compas, c’est-à-dire à établir sa courbe de
déviation ►.
Et si la manipulation des aimants N/S et E/W est inopérante, le
moment est venu de se demander s’il ne serait pas judicieux de déplacer
le haut-parleur haute-fidélité qu’on vient d’installer à côté du compas ! Et
si ça ne marche toujours pas, il ne reste plus qu’à faire appel à un
spécialiste. Les opticiens de marine agréés sont habilités pour ces
opérations parfois complexes, dont la difficulté dépend du type du voilier
et de la précision souhaitée.
La courbe de déviation
Une fois la compensation réalisée, il demeure de petites déviations,
variables selon les caps, et qui peuvent être retranscrites sous forme
d’une courbe de déviation, affichée à la table à cartes. Les valeurs de
cette courbe sont ajoutées au cap compas pour déterminer le cap
magnétique (ou bien, lorsqu’on a déterminé le cap magnétique à suivre,
on les retranche pour traduire la consigne en cap compas). Les
déviations « est » ont une valeur positive, les déclinaisons « ouest » une
valeur négative (voir le tableau d’enchaînement du chapitre
« Navigation » ►). Dans la pratique, l’usage de cette courbe de déviation,
obligatoire sur les grands navires, a plus ou moins été délaissé en
plaisance. Les corrections dépassent rarement 2 ou 3 degrés, et
demeurent inférieures au degré de précision que la plupart des barreurs
sont capables d’observer. On s’en dispense d’autant plus volontiers que
l’avènement de l’électronique a considérablement simplifié le travail à la
table à cartes. Le navigateur rigoureux et soucieux de tenir une estime
précise continuera pour sa part à s’y référer, et il n’aura sûrement pas
tort. Songeons simplement qu’une déviation de 3 degrés se cumulant à
une déclinaison de même sens de 2 degrés (déclinaison qu’on a aussi
tendance à négliger sur les côtes métropolitaines tant elle est devenue
faible ces dernières années) se traduit par une correction de 5 degrés
dans la consigne transmise depuis la table à cartes au barreur. Et
5 degrés, cela correspond bel et bien à une subdivision du compas de
route !
QUELQUES HISTOIRES
« Chaque fois que Louis prend son quart avec son lecteur mp3, le vent tourne.
Curieux, non ? »
« Heureusement que j’ai fixé un étui sur la colonne du compas pour ma VHF
portable. Depuis, je me perds tout le temps et je m’en sers sans arrêt ! »
« La lampe du compas a grillé, j’ai dû me lever pour scotcher une lampe de
poche dessus en pleine nuit, mais le barreur a quand même réussi à se tromper de
cap ! »
« Admirez le rangement : le compas de relèvement est juste derrière le compas
de route… Je l’ai sous la main pour vérifier le cap : ça tombe bien, le compas de
route s’est déréglé depuis ! Astucieux, non ? »
L’aimant et la rose
La partie aimantée située sous la rose est formée d’aiguilles
aimantées (en général deux) qui équilibrent la rose de part et d’autre de
l’axe. Dans certains cas, il s’agit d’une rondelle aimantée.
C’est bien connu : « L’aiguille du compas est attirée vers le nord. »
Alors pourquoi une aiguille aimantée placée dans un baquet ne se
déplace-t-elle pas vers le nord ? Parce que le champ magnétique
terrestre attire l’aiguille autant qu’il la repousse. En fait, il oriente
l’aiguille, il ne l’attire pas. Autre particularité importante du champ
magnétique terrestre : il n’est pas parallèle au sol. Ainsi, un compas
équilibré dans l’hémisphère Nord piquera du nez dans l’hémisphère Sud.
Le dôme du compas
Aujourd’hui, tous les compas sont munis d’un dôme en polycarbonate
dont l’effet loupe facilite la lecture. À cause de sa relative fragilité, le
dôme reçoit une protection quand le compas ne sert pas. Il peut se ternir
à force d’usure ou de rayures. On peut le polir de nouveau en utilisant la
même technique que pour réparer un éclat de gelcoat ►, ou avec des
produits spécialisés.
LE MOTEUR DIESEL
Un moteur Diesel tourne avec du gazole. Cette particularité bien
connue l’a fait adopter par la quasi-totalité des voiliers de croisière, car
les risques d’incendie sont beaucoup moins importants avec du gazole
qu’avec de l’essence.
Ce sont des mécaniques robustes, relativement simples, dont
l’entretien courant est à la portée de tout bon chef de bord, pourvu qu’il
s’intéresse un minimum à ce qui se passe sous ce capot de descente,
que l’on n’ouvre pas forcément assez souvent.
Après la lecture de quelques rappels sur le fonctionnement général
du moteur, une présentation circuit par circuit des bases de l’entretien
courant et de l’utilisation du moteur devrait l’aider dans les tâches
élémentaires. Seules les opérations de maintenance les plus simples ont
en effet été retenues, car rien n’est plus néfaste à une mécanique qu’une
intervention excédant les compétences de l’opérateur.
On n’a pas non plus détaillé les outils nécessaires, car ils sont
propres à chaque moteur. On retiendra cependant qu’il faut s’équiper
d’outils adaptés. La pince multiprise par exemple, même si elle n’est pas
inutile à bord, est déconseillée en mécanique : elle abîme les têtes de vis
et les écrous. Quant aux tournevis, étant donné l’imagination débordante
des concepteurs de moteur en matière de têtes de vis, il en faudra
toujours plusieurs…
LES CIRCUITS
Le circuit de gazole
Le circuit de gazole se compose d’éléments qui amènent du réservoir
aux injecteurs une quantité de combustible suffisante, parfaitement
filtrée, sans émulsion et sous une pression déterminée. Il faut apprendre
à identifier les différentes parties du circuit : le réservoir, le circuit
d’aspiration, le circuit basse pression, le circuit haute pression et le
circuit de retour.
■ Le réservoir
Le réservoir comporte un tube plongeur ou une sortie basse d’où part
le gazole en direction du moteur. Sur les sorties basses, une vanne
permet de fermer le circuit et d’isoler le réservoir (notamment en cas
d’incendie). Cette vanne peut être manœuvrée à l’aide d’une tirette
située près du stop moteur et qu’on a intérêt à ne pas confondre avec
elle.
Le tuyau pour remplir le réservoir est relié à un nable sur le pont.
Parfois, une vis de purge placée sous le réservoir permet de vider
l’eau de condensation ou les impuretés.
Une prise d’air débouche à l’extérieur du bateau, en général sur le
tableau arrière, et évite qu’une dépression se forme dans le réservoir au
fur et à mesure que le gazole passe dans le moteur.
Une trappe de visite permet de nettoyer l’espèce de vase qui se
dépose au fil des années à l’intérieur du réservoir et encrasse les filtres.
Certaines bactéries peuvent aussi se développer dans le gazole, lui
donner une couleur jaunâtre ou orangée et faire des dépôts de boues. Il y
a des traitements préventifs et curatifs pour lutter contre ce problème.
Un autre orifice au-dessus du réservoir est réservé à la jauge, dont le
flotteur transmet électriquement le niveau de gazole au tableau de bord.
Enfin, certains réservoirs disposent d’un septième et ultime orifice
pour le retour du surplus de gazole non consommé par le moteur – ce
surplus provient des injecteurs.
■ Le circuit d’aspiration
Le circuit d’aspiration part du réservoir, comprend un préfiltre
décanteur et aboutit à la pompe d’alimentation. Ses canalisations sont
souples et les raccords sont maintenus par des colliers de serrage. Ce
circuit est en dépression et il peut être à l’origine de la panne appelée
« prise d’air ». Comme après un changement de filtre gazole, après une
panne sèche ou à la première mise en route, il faut alors purger l’air du
circuit de gazole (procédure décrite plus loin.)
Le préfiltre décanteur piège l’eau contenue dans le gazole par gravité
(l’eau est plus lourde que le gazole). Il est muni d’une évacuation basse
pour vider l’eau et, en haut, d’un bouchon de purge pour évacuer l’air.
Les modèles récents sont munis d’une pompe intégrée permettant un
réamorçage rapide du circuit de gazole.
■ Le filtre fin
Le filtre fin 29 se change toutes les 250 à 500 heures-moteur selon
les constructeurs – ou au moins une fois par an. Bien qu’il soit assez
difficile à démonter, il se visse uniquement à la main. Sur le dessus du
filtre, une vis de purge permet d’évacuer l’air du circuit si nécessaire.
Remplacement du filtre fin de gazole. Pour déposer le filtre, utiliser une clé à
filtre ou le percer avec un tournevis de façon à pouvoir le dévisser. Un sac de
protection évite de renverser le gazole qui s’échappe pendant l’opération. Nettoyer
avec un chiffon propre la surface d’appui du filtre sur le moteur. Déposer un peu
d’huile sur le joint caoutchouc du nouveau filtre, remonter celui-ci à la main jusqu’au
contact, puis serrer un demi-tour de plus, toujours à la main.
Pour vérifier le coude anti-siphon, boucher un côté et souffler dedans par l’autre
côté : l’air ne doit pas passer. Aspirer : l’air doit passer. Plus simplement, avec des
tuyaux translucides, repérer la baisse du niveau à l’arrêt du moteur.
Le circuit d’eau de mer arrive ensuite à l’échangeur de température
eau de mer/eau douce, aujourd’hui présent sur la majorité des moteurs.
Avant, l’eau de mer circulait directement dans le moteur pour le refroidir.
Mais les moteurs récents, comme ceux des voitures, sont refroidis par un
liquide de refroidissement dont on contrôle le niveau régulièrement.
Moteur en marche, la température de l’eau doit se stabiliser à 85 °C
environ.
Sortie de l’échangeur, l’eau de mer arrive dans le conduit
d’échappement, qu’elle refroidit en même temps que les gaz
d’échappement, auxquels elle se mélange dans le pot à barbotage (ou
waterlock), sorte de boîte fermée équipée de chicanes. En fin de circuit,
l’eau et les gaz passent par un col-de-cygne (qui monte le plus haut
possible sous le pont du bateau) avant d’être évacués vers la mer.
Un rouet de pompe à eau de mer, avec son kit de lubrifiant et son joint. Pour le
remplacement, retirer le couvercle de la pompe, sortir le rouet usagé en faisant au
besoin levier avec deux tournevis. Nettoyer les portées. Graisser rouet, joint et vis
avec de la vaseline ou de la glycérine avant le remontage. Les vis sont très fragiles :
les serrer à peine puis lancer le moteur et resserrer légèrement si ça fuit. À moins
d’aimer les bains de pieds, on ferme l’arrivée d’eau de mer avant le démontage.
■ Coude anti-siphon
Vérifier le coude anti-siphon une fois par an. Souffler dedans avec
l’autre extrémité bouchée : la pression monte. Aspirer : l’air entre par la
partie supérieure du coude. Le petit tuyau de la partie supérieure de la
vanne sert à guider les quelques gouttes qui peuvent s’en échapper au
démarrage : il ne doit pas être bouché ►.
■ Conseils pratiques
■ Le moteur chauffe
Si le moteur chauffe, le mettre au ralenti et débrayer. Rechercher la
cause de la surchauffe, mais très rapidement. Couper le moteur en cas
de recherche infructueuse (ou pour intervenir si le problème a été
repéré). Le moteur ne doit pas tourner en surchauffe. Quand on constate
une surchauffe, ne surtout pas attendre que le voyant et/ou l’alarme
température se mettent en marche avant de couper.
Précaution importante : au démarrage, vérifier systématiquement la
sortie d’eau à l’échappement. Si rien ne sort, couper le moteur et vérifier
l’ouverture de la vanne d’arrivée d’eau de mer. Si la vanne est ouverte,
vérifier le circuit d’eau de mer.
■ Le moteur refroidit mal
Souvent, en rivière ou dans un estuaire, mais également en mer, la
crépine s’obstrue en aspirant un sac plastique, des feuilles ou des algues.
La température d’eau, à surveiller très régulièrement, s’élève alors assez
vite. Le débit à l’échappement est plus faible que d’habitude.
Premier remède : stopper le moteur. Sur son erre, le bateau
débarrasse la crépine de ce qui l’obstrue. Si cela marche, la température
du moteur doit chuter rapidement à la remise en route.
Si la température de l’eau ne baisse pas, vérifier que le problème ne
vient pas d’une prise d’air dans le circuit (qui ralentit le débit d’eau de
mer) : contrôler qu’il n’y a pas de bulles dans l’eau de mer qui circule
dans les tuyaux (en général ces derniers sont transparents). Vérifier
également que le préfiltre n’est pas obstrué.
Important : tous les raccords du circuit eau de mer doivent être
munis de deux colliers de serrage montés en sens inversés ou d’un collier
large. Cette obligation concerne également les raccords utilisés pour la
plomberie à bord.
Le circuit d’huile
De l’extérieur du moteur, à part le bouchon de remplissage, la jauge
et le filtre, on ne voit pas grand-chose du circuit d’huile ! L’huile est
contenue dans le carter qui se trouve dans la partie basse du moteur. Elle
est aspirée par une pompe constituée d’engrenages qui envoient l’huile
vers le filtre à huile. L’huile circule ensuite vers tout ce qui bouge avant
de redescendre dans le carter par gravitation.
Si la gîte du bateau est trop importante, l’aspiration d’huile dans le
carter peut ne plus être assez régulière. Normalement, le témoin de
pression d’huile et l’alarme doivent se déclencher, mais il faut éviter de
jouer avec le feu ! Autant limiter la gîte quand on utilise le moteur.
■ Conseils pratiques
Lors de l’achat d’un bateau d’occasion ou au début d’une location de
longue durée, faire procéder à une analyse d’huile. L’analyse de l’huile
donne une bonne idée de l’état du moteur : si elle contient du sel, c’est
que de l’eau de mer a pénétré dans le carter ; si elle contient du fer, c’est
qu’un défaut de lubrification a détérioré paliers ou pièces en
mouvement ; si elle contient de l’eau, c’est qu’il y a, ou qu’il y a eu, une
fuite du circuit de refroidissement vers le circuit d’huile ; si elle contient
du carburant, c’est qu’il existe un défaut d’étanchéité des segments du
piston et une mauvaise alimentation des injecteurs, etc.
Le circuit d’air
Sur le moteur, le circuit d’air est extrêmement simple. L’air du
compartiment moteur est aspiré par un simple filtre. Il est renouvelé en
permanence par une arrivée et une sortie munies d’un ventilateur. On
doit entendre le démarrage du ventilateur à la mise sous tension du
moteur au tableau de bord.
■ Conseil pratique
Ne pas négliger cette ventilation forcée : sans elle, le moteur marche
encore, mais l’atmosphère devient vite irrespirable et dangereuse pour la
santé de l’équipage.
Le circuit de préchauffage
Moteur froid, l’air comprimé se réchauffe mais sa température reste
insuffisante pour provoquer l’auto-inflammation. Aussi l’air d’admission
est-il réchauffé avant le démarrage, la plupart du temps grâce à une
bougie de préchauffage dont l’extrémité pénètre la chambre de
combustion. Le temps de préchauffage nécessaire, d’environ
10 secondes, est indiqué par un voyant.
Si le moteur rechigne à démarrer, vérifier que la tension aux bornes
des bougies de préchauffage est bien de 12 volts au moment du
préchauffage.
Le tableau de contrôle
La disposition du tableau des instruments de contrôle varie d’un
bateau à un autre.
On y retrouve couramment les éléments suivants, cités dans leur
ordre d’utilisation :
– La clé ou le bouton de mise sous tension.
– Le bouton permettant de tester le fonctionnement de l’alarme
sonore.
– Le bouton permettant d’actionner le préchauffage (glow).
– La clé ou le bouton de démarrage du moteur.
– Le témoin de charge de l’alternateur.
– Le témoin de pression d’huile.
– Le tachymètre affichant le régime moteur.
– La température du liquide de refroidissement.
L’alternateur
Il produit le courant continu de 12 volts nécessaire à la recharge des
batteries. Un dispositif répartit la charge entre les batteries en fonction
du niveau de charge de chacune d’entre elles. En fonction de la
consommation prévue des batteries de service, il convient parfois de
remplacer l’alternateur standard par un modèle plus puissant (voir
« Produire de l’électricité » ► et pour les consommations ►).
■ Entretenir l’alternateur
La courroie doit avoir une tension correcte (1 cm de flèche en
appuyant avec le doigt).
Le démarreur
Le démarreur est alimenté par la batterie moteur et consomme
beaucoup de courant. Le diamètre des fils électriques qui l’alimentent est
donc important, les contacts doivent être de très bonne qualité.
L’inverseur
L’inverseur (ou « inverseur-réducteur » car il réduit le nombre de
tours/minute transmis par le moteur à l’hélice) se trouve à l’arrière du
moteur.
Avec une hélice sur ligne d’arbre, le moteur doit être bien ligné, c’est-
à-dire se trouver exactement dans le prolongement de la ligne d’arbre.
Sinon, l’axe de sortie du réducteur force sur l’arbre, ce qui peut détruire
le joint et provoquer une fuite de l’huile dont l’inverseur a besoin pour la
lubrification de ses engrenages.
■ Entretenir l’inverseur
Vérifier le niveau d’huile toutes les semaines et faire la vidange toutes
les 250 heures-moteur.
Hélice bec de canard (ici ouverte) sur ligne d’arbre carénée, sur un voilier de
course de type Figaro 2. Un hublot en fond de coque permet de s’assurer en
navigation que l’hélice est bien fermée et en position verticale.
Une hélice tripale assure une propulsion maximale, avec pour contrepartie une
traînée importante, qui se ressent dans les performances sous voiles.
Avec un Saildrive
Le Saildrive, ou S-drive, est un moyen de transmission particulier,
dans lequel l’hélice est directement reliée au moteur par une embase qui
intègre un ensemble d’engrenages. Le système supprime les problèmes
d’alignement, et dispense de presse-étoupe. Par rapport à une
transmission sur ligne d’arbre, il a pour avantages de réduire le bruit et
les vibrations, tout en garantissant un couple supérieur ; l’axe d’hélice est
horizontal, pour une meilleure propulsion. L’étanchéité est assurée par
un joint sphérique Néoprène, dont l’intégrité mérite d’être vérifiée à
chaque hivernage ou mise au sec, les constructeurs prescrivant en
général son changement tous les 5 ans.
Une embase de Saildrive. S’assurer régulièrement que les ouïes de prise d’eau de
refroidissement ne sont pas obstruées.
Le moteur s’arrête
– Panne sèche.
– Filtre obstrué.
– Tuyau colmaté.
– Bactéries dans le gazole.
– Eau dans le gazole.
– Injecteur défectueux : consulter un spécialiste.
Le moteur s’étouffe
C’est assez rare, mais si la mise à l’air du réservoir gazole est
bouchée, le moteur s’étouffe car il a du mal à aspirer le carburant. Ouvrir
le nable de remplissage : s’il repart normalement, c’est que la mise à l’air
était bel et bien obstruée.
Le moteur ne tourne pas rond
Un injecteur ne fonctionne pas. Pour savoir lequel, desserrer et
resserrer les injecteurs un à un. Le fautif est celui qui ne modifie pas le
régime du moteur. Pour aller plus loin, à moins d’avoir de bonnes
connaissances en mécanique, il faut consulter un spécialiste.
UTILISER UN HORS-BORD
Démarrer
– Vérifier le serrage des pinces de fixation du moteur.
– Vérifier que le moteur est amarré avec un bout de sécurité.
– Vérifier que la vis de mise à l’air libre du réservoir est ouverte.
– Mettre en place le coupe-circuit rouge et le relier à son poignet.
– Vérifier que le moteur est au point mort.
– Placer la commande des gaz sur « start ».
– Si le moteur est froid, tirer la manette du starter (choke) et la
repousser dès que le moteur a démarré.
– Tirer doucement le cordon du lanceur jusqu’à trouver la résistance
d’une compression, vérifier que personne ne se trouve sur la trajectoire
de son coude, tirer franchement.
– Vérifier le fonctionnement du refroidissement : un petit jet d’eau (la
« pissette ») doit sortir à l’arrière du moteur.
PLANNING D’ENTRETIEN DU MOTEUR DIESEL
Les moteurs Diesel de nos voiliers sont fiables et solides, il n’empêche que
pour éviter les mauvaises surprises, il faut savoir en prendre soin : ils nous le
rendront bien. Ce pense-bête donne quelques points de repère quant à la
fréquence et à la nature des opérations de maintenance. Celles-ci doivent être
accompagnées d’une grande intimité avec le moteur, dont on surveille odeurs,
vibrations, fumées colorées, taches, coulées, suintement, température. L’odorat,
la vue, le toucher sont d’excellents outils de prévention et de diagnostic.
Au moment de l’hivernage :
Faire toutes les opérations détaillées sous l’intitulé « Toutes les 50 à
500 heures-moteur ». Rincer le circuit d’eau de mer à l’eau douce juste avant
d’hiverner.
Naviguer
Vérifier que l’embase du moteur (là où se trouvent l’hélice,
l’aspiration d’eau de refroidissement et l’échappement) ne se retrouve
pas hors de l’eau, ce qui arrive lorsqu’on charge l’avant du bateau pour
relever le mouillage, par exemple : le bruit de l’échappement change
alors nettement. Sans refroidissement, le moteur grille très vite.
En route, contrôler la pissette très régulièrement.
Ne pas mettre pleins gaz : la consommation de carburant augmente
énormément quand on se rapproche de la puissance maximale et
l’accélération obtenue est finalement très faible.
Arrêter
Pour un arrêt prolongé, retirer le cordon d’alimentation d’essence si
le moteur en est équipé : le carburateur se videra. Au quotidien, retirer le
coupe-circuit suffit. Fermer la mise à l’air libre du réservoir. Relever le
moteur pour que les algues n’élisent pas domicile sur l’embase et
n’obstruent pas la prise d’eau.
La qualité de l’essence
La qualité de l’essence est fréquemment en cause : eau au fond du
réservoir, sable fin, dépôts dans l’essence elle-même, impuretés diverses
bouchent les conduits très fins du carburateur. Filtrer l’essence au
remplissage du réservoir. Après une période d’inactivité ou en cas de
panne, inspecter soigneusement l’intérieur du réservoir : s’il y a de l’eau
ou le moindre dépôt, le vidanger et le nettoyer avant de le remettre en
service. En cas de panne, nettoyer également le circuit (tuyau
d’alimentation, filtre et carburateur).
L’alimentation
Si le tuyau d’alimentation est mal branché, le moteur refusera de
fonctionner. Ça semble évident, mais il s’agit pourtant d’une panne très
fréquente. Si le moteur s’arrête au bout de quelque temps, c’est le plus
souvent parce que le réservoir s’est mis en dépression (il ne faut pas
oublier d’ouvrir la vis de mise à l’air libre du réservoir).
Le refroidissement
Si la pissette ne débite plus, arrêter le moteur ou il grillera en moins
d’une minute. La pissette se bouche généralement avec des cristaux de
sel. La déboucher avec une allumette ou un trombone. Si ça ne donne
rien, démonter ou faire démonter l’embase pour vérifier et changer le
rouet de pompe à eau.
L’HIVERNAGE DU HORS-BORD
Rincer le moteur en le faisant tourner dans de l’eau douce, en le
montant sur une chaise et en immergeant l’embase dans un grand bac.
Puis le laver soigneusement. Vidanger l’huile de l’embase. Mettre un peu
d’huile dans les cylindres en démontant les bougies. Purger le
carburateur. Nettoyer le filtre à essence. Nettoyer les bougies et vérifier
leurs électrodes. Contrôler l’état de l’anode qui se trouve sur l’embase
au-dessus de l’hélice. Graisser les articulations et les vis des pinces de
fixation.
Avant la mise en service, démonter les bougies, faire tourner le
moteur au lanceur pour chasser l’huile des cylindres, et remonter les
bougies.
LA PLOMBERIE
Le mot est resté mais plus rien n’est en plomb, ni dans une maison ni
dans un voilier – sauf quelquefois le lest. Ce n’est donc pas de plomb,
mais bien de la tuyauterie du bord et de ses particularités qu’il va être
question ici. La coque d’un voilier, percée de nombreux trous reliés à des
tuyaux (toujours trop nombreux au goût du marin), se doit pour le moins
d’être étanche. Cette règle s’étend à la plomberie du bord, dont
l’entretien et la surveillance demandent une attention soutenue.
■ Entretien
En se déposant sur le clapet « bec de canard », le tartre calcaire a
tendance à le rigidifier. Mettre les restes de vinaigre à mijoter dans le W-
C avant l’hivernage.
Le caoutchouc se détériore. Il vaut mieux l’huiler pour l’hiver. Finir la
bouteille d’huile dans les W-C après avoir vidé le vinaigre ! Plus
sérieusement, avec les W-C de mer, mieux vaut avoir un jeu de joints de
rechange.
RÉPARER L’ANNEXE
L’annexe fuit ! Mais elle n’est pas forcément crevée. Rincer
régulièrement les valves de gonflage à l’eau douce : des cristaux de sel
peuvent provoquer des fuites légères. Et puis, il y a fuite et fuite… Est-ce
une fuite d’air ou une fuite d’eau dans le fond ? La réparation est la
même, mais la façon de chercher la fuite est différente.
Règles de base
Repérer et signaler toute anomalie même insignifiante en apparence.
L’esprit doit rester en éveil, épier tout ce qui peut arriver. Noter tous les
problèmes dans le livre de bord, sa mémoire est infaillible.
Chaque jour
– Sur le pont. Contrôler la tension des haubans, des filières, des lignes de vie.
Vérifier que les ridoirs sont assurés, qu’une goupille est présente sur chaque axe.
Contrôler le vit-de-mulet. Vérifier du regard que les haubans sont assurés sur les
barres de flèche. Vérifier l’amarrage du tangon et de l’ancre. Contrôler les
coutures des voiles.
– À l’intérieur. Vérifier l’absence d’eau dans les fonds, la charge des
batteries, le niveau de gazole, le bon fonctionnement de l’électronique. Nettoyer.
Chaque semaine
– Sur le pont. Monter au mât. Contrôler poulies, manilles, axes, goupilles,
haubans, ancrage des ferrures. Contrôler l’usure des drisses et des écoutes au
portage sur les poulies et aux zones de frottement. Contrôler le bon
fonctionnement des feux de route (s’ils n’ont pas été utilisés).
Contrôler que le halin du feu à retournement se déroule correctement, que
son feu fonctionne.
– À l’intérieur. Contrôler le bon fonctionnement des lampes de poche et des
projecteurs, des pompes de cale.
Chaque mois
Contrôler le fonctionnement des vannes, l’absence de jeu des taquets, l’usure
des mâchoires des bloqueurs, l’état des winchs et la déviation du compas de
route.
1. Banette ou bannette est issu de « bane » ou « banne », qui désignait une cosse,
ou encore un panier oblong, un tombereau destiné au transport de marchandises.
Longue et étroite, éventuellement munie de bords relevés, la bannette est la
couchette du marin. ◄
5. Les pertes en eau pour un sédentaire sont de l’ordre de 2,5 à 3 litres par jour.
L’alimentation apportant 1 à 1,5 litre au corps, il faut boire un peu plus de 1,5 litre
d’eau par jour. Quand on perd 2 % de son poids en eau, on perd 20 % de son
énergie : il faut donc boire 0,5 à 1 litre d’eau par heure au cours d’un effort
soutenu. Quand la perte est supérieure à 4 %, le risque de coup de chaleur n’est
pas loin. ◄
6. Le contenu total des vaches à eau était de 280 litres à l’avant et de 250 litres à
l’arrière, 530 litres au total, soit 3,3 litres par personne et par jour. Il y avait donc
une bonne marge de réserve ! ◄
8. En mer, on grossit ou on maigrit ? Pour en avoir le cœur net, les Glénans ont
fait une expérience : peser une centaine de stagiaires hommes et femmes de tous
âges, avant et après des croisières d’une semaine et de 15 jours. Résultat : à
quelques très rares exceptions individuelles près, il n’y a eu aucune variation
significative, que les résultats soient considérés dans leur ensemble ou qu’ils
soient classés par équipage, par sexe ou par tranche d’âge. Pourtant, chacun a
estimé avoir bénéficié d’une alimentation plus riche qu’à l’ordinaire. ◄
10. Les bornes sur les pontons ne sont pas naturellement équipées de manches à
eau et de rallonges électriques. Celles qui sont en place appartiennent donc à l’un
de vos voisins. Un emprunt même provisoire ne peut être envisagé qu’avec leur
accord. ◄
11. La Société nationale de sauvetage en mer est une association loi 1901, dont
les acteurs sont en grande partie bénévoles et qui assure des missions de service
public dans le domaine du sauvetage en mer et de la surveillance des
baignades. ◄
12. Le Code des transports (article 5114-1) stipule notamment que tout acte de
vente d’un navire doit être écrit, « à peine de nullité ». ◄
13. Au moment où nous rédigeons cette huitième édition du Cours, la Division 240
n’impose de livre de bord, dénommé « journal de bord », que dans le cadre d’un
armement semi-hauturier (au-delà de 6 milles d’un abri) ou hauturier. Cela
n’interdit pas d’en utiliser un pour tous les types de navigation. ◄
14. Les tensions qui s’exercent sur les bas-haubans étant plus importantes que
celles qui s’exercent sur les haubans, leurs caractéristiques et la solidité de leurs
fixations sur le pont et sur le mât doivent en tenir compte. ◄
16. Une définition plus complète et précise du fluage nous est fournie par le
dictionnaire : c’est « la déformation lente et retardée d’un corps soumis à une
contrainte constante, provoquée par la durée d’application de cette contrainte »
(Larousse). Le fluage est par exemple une caractéristique bien connue du
Dyneema, et c’est ce qui rend cette fibre particulière impropre au haubanage
latéral, à la différence de certaines autres fibres haut module. ◄
17. Réa : roue à gorge d’une poulie, sur laquelle circule un cordage, un câble ou
une chaîne. ◄
18. Pour cette épissure, ainsi que pour toutes les techniques à venir dans ce
Cours, lorsque nous effectuons des mesures, par convention la tresse est posée
devant soi avec le courant à droite et le dormant à gauche. Rappelons que le
courant est la partie du cordage qu’on manipule pour le nouage, le dormant étant
la partie fixe ou à fixer. ◄
19. Plus le transfilage comportera de brins, plus il sera solide, mais ne pas
dépasser deux tours ou deux tours et demi (4 ou 5 brins). Au-delà, les tensions ne
peuvent s’équilibrer, et le transfilage perd en résistance. ◄
21. Par voiles plates, on désigne les voiles adaptées aux allures proches du vent,
comme les focs et les grand-voiles, par opposition aux voiles de portant comme
les spis, à la coupe par nature beaucoup plus creuse. ◄
23. Le gelcoat est le matériau lisse, à base de résine polyester, formant la partie
visible d’une construction stratifiée. Il a un rôle de finition et de protection. Lors
de la construction dans un moule femelle d’une coque, d’un pont, ou d’un élément
structurel comme une varangue, c’est le premier matériau qui est appliqué sur le
moule. ◄
24. Peinture évitant la colonisation des œuvres vives par les algues et micro-
organismes. ◄
25. Commencer le polissage par un grain trop fin, c’est comme travailler un
champ labouré au râteau de jardin : on y parviendra mais ça sera long ! Bien
rincer à chaque changement de grain : qu’un petit grain du papier précédent se
mélange au papier suivant et tout est à recommencer. ◄
26. Dans une construction en sandwich, une âme constituée d’un matériau léger
(balsa, mousse, ou encore nid d’abeille) est emprisonnée entre deux « peaux » de
fibres de verre (voire fibre de carbone dans les constructions très haut-de-
gamme). Le procédé est gage de raideur et de légèreté. On parle aussi, pour les
sandwichs, de matériaux « composites ». ◄
29. Le filtre fin est souvent cité sous l’appellation simple de « filtre à
carburant ». ◄
30. Sur certains moteurs un peu anciens, l’alarme de pression d’huile peut se
manifester au démarrage. Pas de panique, mettre un peu de gaz suffit en général
à faire monter la pression d’huile et désactiver l’alarme. ◄
ENVIRONNEMENT MARIN
Océanographie
La planète mer
Les courants
Les marées
Les vagues et la houle
À la rencontre de la biodiversité marine et du littoral
Les oiseaux, compagnons de route
La richesse des bords de mer rocheux
Le monde du sable et de la vase
La vie du large
À la découverte des gens de mer et du patrimoine maritime
Sur le chemin, des bateaux et des hommes
Sur les traces des bâtisseurs
À la rencontre des usages maritimes
P arce que le plaisancier ne saurait ignorer le monde qui
l’entoure et au sein duquel il évolue, cette dernière partie
du Cours est consacrée à l’environnement maritime.
Nous nous intéresserons dans un premier temps à cet
univers mouvant et fascinant que constituent les mers et les
océans. Au chapitre « Navigation », nous nous étions frottés
au calcul de marées, pour tenir compte des hauteurs d’eau et
des courants dans le tracé et le suivi de la route. Nous nous
immergeons ici dans la genèse de ces phénomènes qui
rythment nos pérégrinations. Il sera aussi question des grands
courants océaniques, de l’influence des vents sur les courants
de surface, de la mécanique de la houle et des vagues.
Dans un deuxième chapitre dédié aux écosystèmes, nous
irons à la rencontre de la flore et de la faune du large et des
bords de mer. On apprendra à reconnaître quelques-unes des
espèces les plus représentatives de nos côtes, on visitera
l’estran qui grouille de vie, et dont la lecture fournit par
ailleurs de précieux enseignements sur les limites des
marées. On se sensibilisera en même temps à la fragilité d’un
milieu pour lequel nos activités ne sont pas anodines.
Nous parlerons enfin des hommes et des femmes que nous
côtoyons au port ou que nous croisons en navigation, des
métiers de la mer tels qu’ils se pratiquent aujourd’hui mais
aussi tels qu’ils se vivaient hier, et du riche patrimoine qui en
témoigne.
Océanographie
LA PLANÈTE MER
L’ensemble des mers et des océans couvre les trois quarts (70,8 %)
de la surface du globe, avec une profondeur moyenne de 3 800 mètres.
La Terre comportant plus de creux, plus de fosses abyssales que de
hautes montagnes, si l’on procédait à un nivellement général de la
planète, celle-ci ne serait qu’un vaste et unique océan de plus de
2 000 mètres de fond.
La répartition des terres et des mers change en permanence et de
façon cyclique. Les continents s’éparpillent à la manière d’un puzzle
pour, 500 millions d’années plus tard, se réunir en un seul bloc.
L’épisode le mieux connu est le plus récent. Il date de 250 millions
d’années et marque le début de la dislocation de la Pangée, unique
continent entouré d’un seul océan nommé Panthalassa. Ce mouvement
se poursuit encore : l’Amérique s’éloigne de l’Europe à la vitesse de
5 centimètres par an, l’Australie se rapproche des Philippines, la
Méditerranée et la mer Rouge se referment inexorablement… Bref, en
l’état actuel des choses – et à l’échelle de l’histoire humaine ! –, les
océans occupent 80 % de la place dans l’hémisphère Sud. Dans le Nord,
la terre prend de l’importance (40 % de la surface), enserrant parfois des
parties d’océans auxquelles on donne le nom de « mers » lorsqu’elles
présentent des caractéristiques qui leur confèrent une certaine
individualité.
L’EAU DE MER
L’eau de mer est une solution saline et aqueuse complexe qui se
serait formée à partir des gaz et de la vapeur d’eau émis lors du
refroidissement de la Terre. Sa composition a peu évolué depuis son
origine et elle demeure indispensable à la vie, apparue dans l’océan il y a
4 milliards d’années. En Atlantique, l’eau est très salée dans des régions
comme les tropiques, où l’évaporation est très intense et où il ne pleut
guère ; elle est très salée aussi dans les mers chaudes et presque
fermées comme la Méditerranée ou la mer Rouge. Elle l’est nettement
moins à l’équateur, là où les pluies sont abondantes et où débouchent de
grands fleuves. Elle est peu salée dans les mers froides comme la
Baltique, car l’évaporation y est faible et les apports d’eau douce
importants 1.
L’énergie solaire est de loin la source principale du réchauffement
des eaux de mer, ce qui explique les fluctuations de température selon la
latitude. Les eaux de surface varient de 30 °C à « l’équateur thermique »
(situé vers 10° Nord, latitude des températures maximales) à – 2 °C dans
les régions polaires. En moyenne, l’hémisphère nord est plus chaud que
l’hémisphère sud. Les variations annuelles suivent les saisons, mais sont
nettement moins importantes que celles que l’on constate sur terre : on
dit que la mer a un « volant thermique » important, ce qui explique déjà
en bonne partie la différence entre climat maritime et climat continental.
Par ailleurs, d’une façon générale, l’eau se refroidit avec la profondeur,
jusqu’à atteindre un minimum de 1,5 à 2 °C, température de la plus
grande partie du volume des océans.
Température et salinité déterminent la densité de l’eau. L’eau froide
est plus lourde que l’eau chaude. L’eau très salée est plus lourde que
celle qui l’est peu. Cela signifie en définitive que l’eau de mer n’est pas
du tout la même partout. En fonction de ces multiples influences –
différences de température aux pôles et à l’équateur, en surface et en
profondeur, formation ou fonte des glaces, profondeur et profils des
fonds, apports fluviaux, évaporation, pluie –, on constate l’existence de
véritables masses d’eau très différentes les unes des autres, et qui
répugnent manifestement à se mélanger.
LA TEMPÉRATURE DE LA MER
La température de la mer est une question importante, ne serait-ce qu’en raison
de son influence sur le confort qui règne dans un bateau. Dans l’hémisphère Nord, le
maximum de température est atteint en août-septembre et le minimum en février-
mars. Les variations à grande échelle dépendent des saisons, de la latitude, des
courants et de la configuration de la mer (bassin fermé ou non).
En été, l’eau est plus chaude près des côtes et dans une mer fermée. Mais,
même en été, certaines zones côtières de l’Atlantique sont plus fraîches que les
régions voisines, à cause de remontées d’eau profonde, donc plus froide
(phénomène d’upwelling) : la mer d’Iroise (courants de marée à l’entrée de la
Manche), l’ouest de la péninsule Ibérique et la côte atlantique du Maroc (les eaux de
surface sont entraînées vers le large par des vents de nord ou de nord-est
persistants et remplacées par les eaux profondes). Ces zones sont sujettes au
brouillard d’advection quand l’atmosphère est chaude et humide. Si les envies de
baignade s’en trouvent refroidies elles aussi, ces eaux froides sont riches en
éléments nutritifs appréciés des poissons : attention dans ces régions aux bateaux
de pêche !
Si l’on recherche une mer chaude, il faut aller en Méditerranée. Mais la Grande
Bleue réserve également quelques surprises. Le fond du golfe du Lion, par exemple,
n’est pas plus chaud que le fond du golfe de Gascogne devant Biarritz (22-23 °C).
Les côtes sud de la Sicile et de la Crète sont refroidies par des remontées d’eau
profonde (les fonds peuvent y dépasser 5 000 mètres de profondeur). D’ailleurs,
conséquence du meltem (vent de nord), toute la mer Égée et son prolongement
jusqu’à la côte libyenne sont plus froids que les régions voisines, à l’est ou à l’ouest.
Enfin, l’eau de l’Atlantique pénètre en Méditerranée par le détroit de Gibraltar.
Relativement froide, cette eau tourbillonne en mer d’Alborán, puis progresse vers
l’est en longeant la côte algérienne.
En hiver, la mer est d’autant plus froide que l’on se rapproche de la côte et que
e
la mer est fermée. Ainsi, en suivant le 45 parallèle, la température de la mer passe
de 12 °C au large dans le golfe de Gascogne à 9 °C à l’embouchure de la Gironde ou
au nord de l’Adriatique.
LES COURANTS
Chaque seconde, des milliards de mètres cubes d’eau se déplacent à
travers les océans, en surface et en profondeur. Ils plongent dans les
abysses, tourbillonnent, s’affrontent et ressurgissent en un mouvement
perpétuel : l’océan mondial est une immense machine thermique. Sa
source d’eau chaude se trouve à l’équateur et sa source d’eau froide
dans les zones polaires, où se forment les eaux profondes. Après un lent
voyage, ces eaux froides remontent, se réchauffent et restent en surface.
Entraînée dans les courants généraux, tel le Gulf Stream, qui agissent en
interaction avec la circulation des vents, cette eau chaude revient peu à
peu vers les hautes latitudes pour un nouveau cycle 2.
L’UPWELLING
L’upwelling (ou remontée d’eau profonde) est un mouvement de remontée d’eau
froide, par exemple le long d’une côte. Sous l’effet d’un vent de terre ou parallèle au
littoral et soufflant de manière durable, l’eau de surface est entraînée vers le large ;
le niveau de la mer s’en trouve abaissé le long de la côte. Les eaux froides des
grandes profondeurs remontent en surface pour combler ce déficit. Ce phénomène
est classique sur les côtes de la Galice et du Portugal, où l’anticyclone des Açores
est à l’origine d’un vent du nord, dominant le long de la côte ibérique orientée nord-
sud. Les courants qui en résultent, conjugués à la force de Coriolis, éloignent l’eau
de surface vers le large. Ce phénomène ne se fait plus sentir le long de la côte
d’Algarve (sud du Portugal), puisque l’eau de surface y est remplacée par des
apports venus de l’est.
Les zones d’upwelling sont favorables à la pêche côtière. L’eau de fond qui
afflue à la surface est riche en sels nutritifs (nitrates, phosphates…), résultats de la
décomposition des organismes marins. Or ces éléments contribuent au
développement du phytoplancton, base de la chaîne alimentaire de la vie végétale et
animale.
Le phénomène d’upwelling s’observe en de nombreux lieux du monde (Chili,
Nouvelle-Zélande, mer d’Oman...) et, plus près de chez nous, sur les côtes portugaises.
Le Gulf Stream
Le Gulf Stream est un courant chaud (25-28 °C) qui prend naissance
dans le golfe du Mexique. Formé par les courants de dérive induits par
les alizés de nord-est, il longe la côte américaine, entre la Floride et le
cap Hatteras, avec la puissance d’un fleuve : profond de 800 mètres,
large de 100 kilomètres, il peut alors atteindre 9 nœuds. Cette vitesse
élevée est redoutable par mauvais temps dans les parages, quand le vent
est orienté contre lui 4. En s’incurvant vers le nord-est, en direction des
bancs de Terre-Neuve, le Gulf Stream s’élargit et rencontre le courant du
Labrador, plus froid et plus dense, ce qui entraîne la formation fréquente
de bancs de brume. Ensemble complexe au tracé changeant, le Gulf
Stream se déplace vers l’est en formant des méandres aléatoires, des
veines, des boucles et des retours en arrière. Il est relayé par le courant
d’Atlantique Nord, dont l’une des branches tourne à droite pour
redescendre le long des côtes d’Afrique ; à ce moment, le courant est
« pris en charge » par les alizés, vents réguliers soufflant d’est en ouest,
et devient le grand courant nord-équatorial qui ferme la boucle.
Le Gulf Stream, ses méandres et ses tourbillons. Les chiffres indiquent les
températures à la surface de l’eau, les flèches le sens du courant, et les pointillés la
limite du plateau continental.
LES MARÉES
Quiconque se rend sur les rivages de la Manche ou de l’Atlantique
perçoit immédiatement la lente pulsation des marées. Entre pleine et
basse mer, la variation du niveau d’eau (le marnage) bouleverse aussi le
paysage maritime. Dans l’archipel de Chausey, la surface émergée des
terres, îles et îlots passe d’environ 4 000 hectares à la basse mer à
65 hectares au plein. Plus au nord, dans les ports normands, la
différence de niveau entre pleine et basse mer atteint régulièrement la
hauteur d’un immeuble de trois étages.
Ce phénomène était connu bien avant notre ère. Grecs et Romains
ont très tôt franchi le détroit de Gibraltar pour les besoins de la guerre et
du commerce. Vers 325 avant J.-C., l’explorateur grec Pythéas s’aventure
en Europe du Nord et note le lien entre les mouvements de la Lune et la
marée : il écrit aussi que l’amplitude des marées dépend des phases de
la Lune. Pendant les siècles qui suivent, navigateurs et pilotes de toutes
origines accumulent les expériences, se transmettent leurs
connaissances, mais aucune explication n’est trouvée. Il faudra encore
attendre deux millénaires pour comprendre l’origine des marées.
C’est Isaac Newton qui, en publiant la théorie de la gravitation en
1687, donne la première explication scientifique du phénomène des
marées. Synthétisant de façon géniale les travaux de ses prédécesseurs
(Copernic, Kepler, Galilée, Descartes ou Wallis), il comprend que la force
génératrice de la marée vient de la différence entre d’une part
l’attraction exercée sur l’océan par la Lune et le Soleil, et d’autre part
celle qu’exercent les mêmes astres sur le centre de la Terre. Dans sa
pensée et ses calculs, il n’intègre pas l’inertie des océans et la vitesse du
mouvement des planètes. Ce que va faire un siècle après, en 1775, le
mathématicien français Pierre Simon de Laplace. Celui-ci raisonne alors
en termes de dynamique et explique que la force génératrice de la marée
se transforme en ondes se diffusant à travers les océans. La formule qu’il
élabore va servir à prédire les marées jusqu’en 1992.
Aujourd’hui, la capacité de calcul informatique permet de prendre en
compte les composantes élémentaires de l’onde de marée, qu’on appelle
composantes harmoniques. Pour les calculs de prédiction des courants,
une liste de 143 composantes différentes a été établie.
L’ONDE DE MARÉE
À la latitude de l’Europe, l’onde de marée progresse à une vitesse
proche de 600 km/heure, avec une amplitude de quelques dizaines de
centimètres. Sa longueur d’onde (distance entre deux crêtes) est très
grande (environ 9 000 kilomètres par 4 000 mètres de fond). Mais tout
change quand l’onde de marée aborde le plateau continental. Cette onde
principale (dite « progressive ») ralentit et son amplitude augmente, dans
un mouvement analogue à la houle qui ralentit et grossit à son arrivée sur
des hauts-fonds. L’onde progressive se réfléchit alors sur la côte et
engendre des ondes secondaires. La marée est donc l’assemblage de ces
multiples ondes.
Nous l’avons évoqué plus haut, une onde de marée peut être
considérée comme la somme d’ondes simples, de fréquences et
d’amplitudes différentes, les composantes harmoniques. Chaque port est
caractérisé par un ensemble de composantes spécifiques, constituant le
spectre de marée. Celui-ci constitue la carte d’identité de la marée du
lieu. Pour un calcul de prédiction précis, dans un endroit où la marée est
liée à des enjeux importants, il peut être nécessaire de prendre en
compte jusqu’à une centaine de composantes.
La propagation de la marée dans la Manche, illustrée par ses lignes cotidales (en
rouge) et ses lignes d’isomarnage (en bleu).
Propagation de la marée à travers les océans. Cette carte dessine les lignes
cotidales des marées semi-diurnes, les couleurs décrivant l’importance du marnage.
Des points amphidromiques apparaissent là où le marnage est quasi nul. On en
dénombre, pour ce qui concerne les régions proches de nos côtes, trois en mer du
Nord et un en Atlantique Nord.
L’onde M2 met environ 12 heures et 20 minutes pour faire le tour de l’Atlantique Nord.
En 1 la marée est haute des Antilles à l’Afrique, en 2 elle est haute en Espagne puis en
France, en 3 en Islande puis au Groenland.
Les principaux types de marées. Le cycle se reproduit tous les 29 jours environ.
La marée semi-diurne
Le long de nos côtes, la marée est de type semi-diurne, c’est-à-dire
que, dans une même journée, le niveau de la mer atteint deux minimums
et deux maximums. Lorsqu’on retranscrit sur un graphique les variations
de hauteur de la marée sur une journée, on obtient une courbe
sinusoïdale dont les hauteurs d’eau à marées haute et basse sont
symétriques par rapport au niveau de mi-marée.
La différence de hauteur entre une marée haute et une marée basse
consécutives s’appelle le marnage. Celui-ci varie de jour en jour. La
différence de hauteur entre le niveau de mi-marée et la marée haute ou
basse (demi-marnage) se nomme l’amplitude. La hauteur d’eau varie
moins vite aux alentours de la pleine mer et de la basse mer, et plus vite
à mi-marée.
■ Rythme journalier
En raison de la rotation de la Terre autour de son axe, la Lune passe
en une journée du midi lunaire au minuit lunaire, générant deux pleines
mers et deux basses mers. Nous avons vu que le courant de marée
constitue la composante horizontale des marées. Lorsque avec le flot (ou
montant, ou flux) la mer monte à son maximum, la marée est haute :
c’est la pleine mer (PM).
Lorsqu’elle finit de descendre (avec le perdant ou reflux, ou encore le
jusant) la marée est basse : c’est la basse mer (BM). Aux extrêmes
survient l’étale, ce court intervalle de temps (15 à 20 minutes) où le
niveau de la pleine ou de la basse mer semble retenu, comme suspendu.
Dans certains cas, l’onde de marée se déforme en se propageant sur des
petits fonds, et on peut observer à la pleine mer un phénomène de tenue
de plein (en particulier au Havre et à La Rochelle), c’est-à-dire un long
moment où l’eau ne monte ni ne descend. La courbe de marée est alors
asymétrique, et présente à pleine mer un palier plus ou moins important.
Exemple de marée semi-diurne donnant la hauteur d’eau sur environ 48 heures.
Le zéro sur l’axe des hauteurs d’eau correspond au zéro hydrographique (le zéro des
cartes).
■ Coefficient de marée
La notion de coefficient de marée est typiquement française, et n’a
pas son équivalent à l’étranger. Elle a été imaginée par le mathématicien
Laplace pour caractériser les marnages des marées semi-diurnes. C’est
un nombre sans unité variant de 20 à 120, qui permet de connaître
approximativement l’importance de la marée pour un jour donné.
45 est ainsi le coefficient d’une marée de morte-eau moyenne et 95
celui d’une marée de vive-eau moyenne. Avec un coefficient de 70, une
marée est d’amplitude intermédiaire. Les coefficients figurant dans
l’annuaire des marées édité par le SHOM sont ceux du port de Brest. Ils
sont valables sans correction pour une même marée sur toutes les côtes
de France et sans erreurs conséquentes pour la plupart des ports où la
marée est semi-diurne.
Les coefficients 20 (morte-eau la plus faible) et 120 (plus grande
marée possible) ne sont jamais atteints.
■ Rythme mensuel
En observant l’évolution des hauteurs de marée pendant un mois, on
constate des variations sensibles du marnage. Il y a des périodes où la
mer monte de plus en plus haut et descend de plus en plus bas, et
d’autres où le phénomène s’inverse, la mer montant de moins en moins
haut et descendant de moins en moins bas. Le revif correspond à la
phase d’augmentation du marnage, ce que signale aussi l’accroissement
du coefficient de la marée. Le déchet caractérise la phase de diminution
du marnage, indiquée par la baisse du coefficient de la marée. Lorsque le
marnage est minimal, c’est une marée de morte-eau (ou de mortes-eaux :
ME) ; inversement, lorsqu’il est maximal, c’est une marée de vive-eau (ou
de vives-eaux : VE).
En période de déchet, le marnage diminue. Puis on remonte des mortes-eaux
vers les vives-eaux, le marnage augmente, c’est le revif.
Quadrature et syzygie. En quadrature (à gauche), les astres sont à angle droit par
rapport à la Terre, leurs actions se contrarient. En syzygie (au centre et à droite) : les
astres sont dans le prolongement l’un de l’autre, leurs actions s’additionnent.
■ Rythmes annuels
En observant pendant un an le rythme des marées semi-diurnes, on
constate que les plus importantes vives-eaux ont lieu au moment des
équinoxes de printemps et d’automne, en mars et en septembre. À
l’opposé, les mortes-eaux les plus fortes ont lieu au moment des
solstices d’été et d’hiver, en juin et décembre 9.
– Marées de vives-eaux d’équinoxe. Elles correspondent au passage
du Soleil dans le plan de l’équateur terrestre (déclinaison nulle). Dans
cette position, l’influence du Soleil sur les ondes de marée semi-diurne
est maximale. Les marnages sont alors plus importants que le reste de
l’année. Les équinoxes ont lieu le 20 ou le 21 mars et le 22 ou le
23 septembre.
– Marées de vives-eaux de solstice. Lorsque la déclinaison du Soleil
est de 23° 27’, son éloignement du plan de l’équateur terrestre est à son
maximum, donc son influence sur l’onde de marée semi-diurne est la plus
réduite. Les marées de vives-eaux sont faibles, celles de mortes-eaux
sont fortes. Les solstices ont lieu le 22 ou 23 décembre ou le 22 ou
23 juin.
Au large, en eaux profondes, la bouteille ballottée par une vague revient à son
point de départ après avoir décrit un cercle.
LA MER DU VENT
On appelle mer du vent le système de vagues qui se forment sur
place, sous l’action et dans la direction du vent, à l’endroit même où il
souffle.
Si le vent se met à souffler sur une mer calme, l’importance des
vagues se formant sous son influence dépend de trois facteurs qui
caractérisent le fetch ► : la force du vent, le temps pendant lequel
s’exerce son action et la distance sur laquelle il ne rencontre pas
d’obstacle ou ne change pas de direction.
Les vagues commencent par se développer en hauteur. À leur
naissance, elles sont fortement cambrées, car leur vitesse est encore
faible par rapport à celle du vent. Si le vent persiste, elles s’allongent peu
à peu : hauteur, longueur, période et vitesse augmentent
progressivement, pour atteindre un maximum qui dépend de la force du
vent. S’il continue de souffler pendant des jours et des jours, mais que sa
force ne change pas, les caractéristiques des vagues resteront les
mêmes.
Toutefois, si le fetch est trop court, la forme des vagues ne se
déploiera pas pleinement. Quand les premières vagues (nées à l’endroit
où le vent s’est mis à souffler) atteignent le bout du fetch (la côte par
exemple), un équilibre s’établit : ici non plus, le temps pendant lequel le
vent continue de souffler n’a pas d’influence, pourvu que sa puissance
soit stable. Plus le fetch est court, moins les vagues prennent de
l’ampleur (elles s’allongent peu, la distance entre les crêtes reste faible).
Aussi, sur un plan d’eau fermé, la navigation n’est pas forcément plus
agréable qu’au large : les vagues ne peuvent pas s’allonger, elles sont
courtes, abruptes, et elles cognent…
Remarquons enfin que le vent n’est jamais parfaitement régulier, ni
en force ni en direction, si bien que l’aspect de la mer du vent est
rarement très homogène : il y a des vagues plus courtes que d’autres et
certaines viennent plus ou moins de travers. Lorsque le vent change
franchement de direction, le premier système de vagues s’atténue
lentement, tout en se combinant avec le nouveau système en formation ;
ces vagues, qui n’ont ni le même âge ni la même direction, se
rencontrent et s’enchevêtrent. La mer, croisée, devient désordonnée, ce
qui est souvent la caractéristique du passage d’un front froid avec
bascule du vent du sud-ouest au nord-ouest ►.
LE FETCH
À défaut de terme français correspondant, on emploie le mot anglais fetch pour
désigner le temps (ou la distance) pendant lequel un même vent souffle dans une
direction stable sur une mer libre ; si le mot est difficile à traduire, c’est qu’il exprime
tout à la fois une durée et une distance. C’est ainsi que l’on dit indifféremment : un
fetch de 24 heures ou un fetch de 500 milles, le résultat sur l’état de la mer étant en
l’occurrence à peu près identique.
Les vagues grossissent en fonction de la durée du vent. Un vent de force 4 lève
en quelques heures une « mer belle », qui devient « agitée » si le vent se maintient.
Un vent de force 7 établit rapidement une « mer agitée », qui devient « très forte »
par la suite. La période des vagues (le temps qui s’écoule entre le passage de deux
crêtes en un même point) s’allonge en proportion.
Diagramme de prévision de la hauteur des vagues (en mètres), en fonction du
fetch et de la vitesse du vent.
Courant et vent
Un courant opposé au vent forme souvent une mer hachée, très
abrupte et qui peut être dangereuse : un courant contraire de 5 nœuds
fait briser pratiquement toutes les vagues 10. Dans le raz Blanchard par
exemple, les courants de marée sont très rapides (de 6 à 10 nœuds) et il
est formellement déconseillé de naviguer quand le vent souffle contre le
courant. Un vent frais à fort peut y lever des vagues très escarpées et
désordonnées de plusieurs mètres de hauteur, dangereuses pour le
voilier, qui, croyant pouvoir profiter d’un bon vent arrière, devient soudain
trop petit et se trouve au milieu d’une mer infranchissable. Il est
également recommandé, quand vent et courant sont de sens contraire,
de passer bien au large des caps longés par les courants. En revanche,
lorsque courant et vent vont dans le même sens, les vagues s’allongent
et s’arrondissent : en général, elles ne déferlent pas.
LA HOULE
Parfois, distincte du désordre de la mer du vent, une pulsation plus
lente, plus ample, se propage dans une direction souvent très différente
de celle du vent qui souffle. Elle semble douée d’une vie autonome : c’est
la houle.
Les vagues deviennent de la houle à partir du moment où elles
sortent de la zone où souffle le vent qui les a fait naître – pour parler plus
savamment : lorsqu’elles quittent leur aire génératrice. Nées d’un vent
qui a soufflé très loin dans l’Atlantique Nord par exemple, qui est tombé
ou a changé de direction, ces vagues ont emmagasiné une énergie
considérable (ce sont des millions de chevaux-vapeur qui caracolent
ainsi !). Elles s’atténuent très lentement. Les vagues les plus courtes
disparaissent les premières, un mouvement régulier et harmonieux
s’établit progressivement. La hauteur des vagues diminue peu à peu
tandis que leur longueur augmente. Tout cela explique pourquoi la
longueur d’onde d’une houle est généralement supérieure à celle des
vagues de la mer du vent.
La houle peut parcourir des centaines, voire des milliers de milles.
Elle persiste d’autant plus longtemps que sa longueur d’onde est grande.
La houle annonce parfois le mauvais temps. Bien souvent, elle
précède les perturbations qui l’ont engendrée. Aussi faut-il être sur ses
gardes quand, dans un temps serein, on voit le ressac s’établir – bien que
dans nos régions la houle serve rarement d’augure, car les dépressions
voyagent plus vite qu’elle. Elle fournit cependant de bons
renseignements sur les conditions météorologiques générales. Ainsi,
lorsqu’une perturbation venant du large aborde l’Irlande, la mer devient
houleuse au fond du golfe de Gascogne dans les 24 ou 48 heures qui
suivent. La houle progresse en effet pour son propre compte, indifférente
au vent local…
L’échelle de Douglas.
Hauts-fonds
Les fonds sous-marins agissent sur la surface des eaux. En remontant
brusquement, ils freinent violemment les vagues selon le mécanisme
suivant : le mouvement de l’eau en bas de la vague étant ralenti par les
frottements avec le fond, la vitesse du creux par rapport aux crêtes
diminue. Les vagues se cambrent et la distance entre elles se réduit
(effet similaire à un courant contraire au vent). Une houle qui
apparaissait au large comme une légère déformation de la mer devient
parfaitement visible, plus courte et plus cambrée. Les vagues se brisent
et déferlent, balayant tout ce qui n’est pas amarré sur le pont, couchant
les voiliers les moins stables. Ces brisants, caractéristiques des hauts-
fonds ou « basses », font régner des mers difficiles. Par mer formée,
même des fonds de 10 à 40 mètres sont dangereux et il faut les éviter.
Près des côtes, par vent fort opposé au courant, les lignes parallèles de
hauts-fonds lèvent des mers particulièrement dures, face à l’estuaire de
la Gironde, dans le pas de Calais et en mer du Nord par exemple.
Les barres
Le terme de barre désigne aussi bien les amas de sable ou de vase se
créant le long du littoral par apport de sédiments poussés par les vagues
que le déferlement violent de la houle sur ces bancs. Certaines barres
s’établissent sur des distances considérables, par exemple sur la côte
occidentale de l’Afrique. D’autres sont très localisées, circonscrites à
l’entrée d’un estuaire, d’un bassin ou d’un pertuis, où les sédiments
rejetés à la mer par le courant de jusant, sont repoussés par la houle et
s’accumulent face à la sortie du cours d’eau. Mouvantes et fluctuantes
selon l’amplitude de la marée et la météo, les barres constituent une
barrière temporaire sur laquelle les vagues viennent déferler.
Franchir une barre est impensable par mauvais temps, par visibilité
réduite ou au voisinage de la basse mer. Le passage sur ces bancs
changeants nécessite prudence, appel le cas échéant au sémaphore
d’entrée et usage d’un sondeur. Les plus célèbres barres sont celles
d’Étel, de l’estuaire de la Gironde (banc de la Mauvaise) et des passes
d’Arcachon. On prendra aussi garde à l’entrée par mauvais temps dans
les ports de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, Les Sables-d’Olonne, Saint-Jean-de-
Luz et Capbreton. De manière générale, le moment le plus favorable au
franchissement d’une barre (pourvu que la météo l’autorise !) se situe
dans les deux dernières heures de flot, c’est-à-dire à un moment où la
hauteur d’eau est relativement importante, tandis que le courant de
marée ne vient pas s’opposer à la houle venue du large.
Comme toutes les ondes, les vagues connaissent des phénomènes de réfraction
(elles se concentrent et grossissent autour des pointes, s’évasent dans les baies), de
diffraction (elles tournent autour des pointes) et de réflexion (elles se réfléchissent sur
les obstacles accores). Sur cette vue aérienne des Tas de Pois, au sud-ouest de la
presqu’île de Crozon, on observe très bien la réflexion et la diffraction des vagues
incidentes.
Dans une baie, même ouverte sur le large, les crêtes de la houle s’espacent
progressivement, les orthogonales se déploient en éventail, la mer se calme. Sur une
pointe, la houle se concentre, les orthogonales se resserrent, la mer est plus dure.
Ces orthogonales sont très serrées devant les pointes, ce qui indique
une concentration d’énergie ; elles sont au contraire très écartées au
fond des baies, où la houle s’amortit. Leur lecture permet de comprendre
l’influence du relief sous-marin sur l’état de la mer. Ainsi, lorsque la houle
arrive à l’aplomb d’une vallée sous-marine, on constate des divergences :
la zone est plus calme qu’aux alentours. Au contraire, il y a concentration
au-dessus des crêtes sous-marines perpendiculaires à la côte : un
endroit où il faut éviter de mouiller, et où il vaut mieux ne pas construire
des jetées ou des ouvrages portuaires (pourtant, cela s’est fait, faute
d’études préliminaires !). En revanche, l’énergie des vagues se dissipe sur
les hauts-fonds, derrière lesquels on peut ainsi bénéficier d’une bonne
protection.
En étudiant soigneusement le profil des fonds sur une carte, et en
fonction de la direction du vent, on peut ainsi prévoir l’état de la mer en
tel ou tel point de la côte. Cette méthode sera particulièrement utile
lorsqu’il s’agit de dénicher un mouillage moins remuant pour un quillard,
ou encore une plage tranquille sur laquelle accoster avec un bateau de
camping nautique à faible tirant d’eau.
À la rencontre de la biodiversité marine
et du littoral
L’huîtrier pie. À marée basse, il arpente l’estran et fouille le sable, la laisse de mer
ou les algues fixées aux rochers. Grâce à son long bec robuste, il capture des coques
enfouies dans le sable, de petits crustacés et des petits coquillages accrochés aux
rochers.
Le cormoran huppé. Très agile sous l’eau grâce à son corps hydrodynamique et ses
puissantes pattes palmées, il cherche des poissons de fond, telles les vieilles qu’il
harponne du bec en dépliant son long cou.
SÉDENTAIRES ET VOYAGEURS
Certains oiseaux sont présents sur nos côtes toute l’année. Le
cormoran huppé fait partie de ces sédentaires. Il ne s’éloigne guère de
l’endroit où il niche, que ce soit pour ses trajets journaliers à la recherche
de nourriture au cours de l’été ou pour passer l’hiver. D’autres oiseaux ne
sont présents sur nos côtes qu’une partie de l’année et réalisent de
grands voyages. Les sternes pierregarins et les sternes caugek, que l’on
observe pêcher des petits poissons de surface au printemps et en été le
long de nos côtes, nous rendent visite pour se reproduire sur des îlots
isolés et séjournent l’hiver le long de la côte africaine (elles peuvent aller
jusqu’en Afrique du Sud). À l’inverse, les bernaches cravants passent
l’hiver le long de nos côtes atlantiques et de la Manche, où elles broutent
paisiblement les herbiers de zostère découverts à marée basse dans les
baies et les estuaires abrités des vents dominants et de la houle. Autour
du mois de mars, elles migrent pour rejoindre leur site de reproduction
situé au nord de la Sibérie. Se déplaçant en grands groupes, elles
parcourent 5 000 kilomètres en un peu moins d’un mois et en plusieurs
étapes.
La pêche de loisir
La pêche maritime de loisir est une pêche dont le produit est interdit à la
vente, et destiné à la consommation exclusive du pêcheur et de sa famille. C’est
dans ce cadre que nous pêchons en mer depuis nos bateaux ou à pied, sur
l’estran, espérant nous régaler de poissons, de coquillages ou de crustacés.
Certains sont protégés par des tailles minimales de capture et des quantités
maximales. À titre d’exemples, en 2016, les tailles minimales étaient en Atlantique
et en mer du Nord de 36 cm pour le bar, 30 cm pour le maquereau, de 13 à 14 cm
pour le tourteau (selon la latitude), 12 cm pour l’araignée de mer et 8,5 cm pour le
homard (liste non exhaustive). Pour les espèces très prisées, les périodes de
pêche sont de surcroît limitées. Elles peuvent aussi faire l’objet d’un quota par
pêcheur et par jour. La taille minimale de capture permet que les individus
puissent se reproduire au moins une fois auparavant. La pêche se concentre sur
les individus les plus grands (c’est-à-dire les plus âgés) afin de préserver les jeunes
qui seront les adultes de demain. Les petits individus doivent être remis à l’eau,
avec d’autant moins de regrets qu’ils n’offrent pas grand-chose à manger.
La façon de mesurer les espèces pour respecter les tailles minimales.
Rorqual commun. Corps très allongé gris sombre à brun noir d’une taille
moyenne de 20 m. Aileron dorsal petit et courbé vers l’arrière. Souffle haut (4-
8 m) généralement droit. Mâchoire inférieure blanche à droite et grise à gauche.
Globicéphale noir. Corps noir en forme de torpille d’une taille moyenne de
5,5 m. Aileron dorsal court recourbé vers l’arrière. Pas de bec. Nage
tranquillement.
Dauphin bleu et blanc. Corps d’une taille moyenne de 2 m. Dos gris sombre et
flancs nettement plus clairs avec une flamme de couleur claire sous l’aileron
dorsal. Nage rapidement, souvent en grands groupes.
Dauphin de Risso. Corps robuste et compact d’une taille moyenne de 4 m.
Couleur gris moyen à gris très clair selon l’âge de l’animal. Corps marqué de
nombreuses cicatrices claires. Aileron long et pas de bec. Peu démonstratif.
Les ancres ont tendance à déraciner les zostères et les posidonies car elles
saisissent, lors de leur remontée, les rhizomes reliant les pieds entre eux. Or un
herbier abîmé met des dizaines d’années à se reconstituer. Le plaisancier soucieux
de ces écosystèmes fragiles évite de mouiller sur les herbiers et cherche à poser son
ancre sur les zones de sable nu qu’il repère facilement à la couleur du fond. En
appareillant, il remonte sur son mouillage au moteur, plutôt que de se tracter
passivement au guindeau, ce qui revient à « passer la charrue » sur les plantes.
La plage et la dune. La laisse de mer encore humide marque le niveau de la
dernière pleine mer. Plus haut, la laisse de mer d’équinoxe indique la limite haute de
l’estran (trait de côte), au niveau de la dune embryonnaire. Cette dernière est couverte
d’une végétation rase type pourpier de mer, tandis que la dune blanche héberge une
végétation d’oyats et de panicauts maritimes, la dune fixée est couverte de végétation
rase.
LES VASIÈRES
Dans les estuaires abrités se trouvent des estrans vaseux. Ils sont
marqués par deux zones bien distinctes, la zone de prés salés (aussi
appelée le « schorre »), prairie inondée par les pleines mers de vives-
eaux, à la végétation si particulière (y pousse notamment la salicorne).
Plus bas, à partir du niveau des pleines mers de mortes-eaux s’étend la
vasière (ou slikke) qui découvre à marée basse son étendue lisse, ravinée
par les chenaux profonds et sinueux. La vase est formée de particules
extrêmement fines apportées par la marée et qui adhèrent au sol au
moment de l’étale de pleine mer, dans les endroits très calmes, fonds de
baies abrités, estuaires, arrière-ports… Les débris organiques
fermentant en l’absence d’oxygène expliquent l’odeur caractéristique. La
vase peut être dure, tassée ou mêlée de sable ou de gravier. Le plus
souvent, c’est une matière molle où tout s’enfonce. C’est un lieu
d’échouage à flanc, parfait pour l’hivernage.
Enfouis dans la vase plus ou moins sableuse vivent des vers de vase,
repérables grâce aux monticules qu’ils créent au-dessus du trou qu’ils
occupent, et les fameux bibis, très prisés pour leur qualité d’appâts de
pêche. Les couteaux, les coques, les palourdes et autres coquillages se
dissimulent aussi dans ses fonds meubles, attendant que la marée monte
pour filtrer l’eau.
LA VIE DU LARGE
Le bateau s’éloigne de la côte et gagne la mer. La côte est encore
visible, le paysage semble se vider, seuls quelques voiliers et bateaux de
pêche à l’ouvrage apparaissent au loin. Depuis cette zone côtière
jusqu’au milieu de l’océan, les rencontres se limiteront au souffle d’un
dauphin, aux amas d’algues dérivant au gré des courants, aux oiseaux
marins. Parfois la nuit, le sillage du navire se colore d’un vert
luminescent. Plus attendues sont les « rencontres » que l’on provoque en
filant une ligne de traîne. Toutes ces apparitions sont les signes
émergents d’un monde sous-marin que souvent on ignore, car on ne le
voit pas, la mer vue depuis le bateau étant une vaste étendue bleu
sombre.
UN MONDE DE PRÉDATEURS
Le zooplancton, dont les composants consomment le phytoplancton,
est le deuxième maillon de cette chaîne alimentaire des écosystèmes
marins. Le zooplancton herbivore est lui-même ingéré par le zooplancton
carnivore, à son tour absorbé par les petits carnivores comme les
sardines, les harengs et les jeunes maquereaux. Ces petits poissons sont
eux-mêmes consommés par d’autres plus gros, tels les thons et les
bonites à l’aspect cuirassé, les espadons et les dauphins, mais aussi par
les oiseaux marins pêcheurs. Les animaux marins meurent rarement de
vieillesse et sont mangés plus ou moins tôt dans leur vie, mis à part ceux
qui n’ont pas de prédateurs naturels : les super-carnivores, parmi
lesquels de nombreux mammifères marins.
Tous ces organismes produisent des débris de matière organique
morte de taille variable soit en mourant, soit lorsqu’ils sont consommés,
soit au travers de leurs déjections. Ces débris sont eux-mêmes
consommés par des charognards, tels les crabes et les crevettes vivant
sur les fonds marins, et décomposés par les bactéries marines en sels
minéraux. Ces sels minéraux pourront être assimilés par le
phytoplancton et ainsi recyclés.
Répartition du phytoplancton dans les océans. Les zones rouges marquent une
forte abondance de plancton, synonyme d’une vie marine particulièrement dense ;
dans les zones vertes, il est soixante fois moins présent. Les régions identifiées en
bleu en sont particulièrement pauvres, la concentration y est dix fois moindre que
dans les parties du globe représentées en vert. Elle devient infinitésimale dans les
taches pourpres, comme celle qui figure au cœur du Pacifique Sud.
Le Conservatoire du littoral
En débarquant sur certaines plages, on trouvera des panneaux indiquant que
les dunes appartiennent au Conservatoire du littoral, qui sauvegarde des espaces
naturels du bord de mer en y empêchant toute construction nouvelle, mais en
assurant leur accès aux promeneurs. Les Glénans occupent pour leurs activités
plusieurs sites et bâtiments (maison de gardiens de phare, sémaphore, fort)
devenus propriétés du Conservatoire, sur l’archipel breton des Glénan (Penfret,
Drenec et Cigogne) ainsi qu’en Corse. Des générations d’amoureux de la mer et
de ses rivages se sont succédé pour apprendre la voile ou se perfectionner, dans
des lieux parmi les mieux préservés du littoral français, tout en se sensibilisant à la
protection de l’environnement et des écosystèmes marins. À l’occasion des
70 ans de notre association, les Glénans et le Conservatoire ont conclu une
convention formalisant leur partenariat pour les 30 prochaines années. Les
Glénans se sont également engagés dans la démarche « Petites îles durables »,
une initiative internationale portée par le Conservatoire du littoral pour une gestion
durable des espaces insulaires.
Représentation sur la carte marine des « zones maritimes vulnérables du
point de vue de l’environnement ». D’autres silhouettes d’animaux peuvent être
utilisées : phoque, hippocampe, pingouin, pétrel. La carte fournit éventuellement
des indications complémentaires, par exemple sur les périodes auxquelles
l’accès est interdit.
D’autres panneaux identifient des sites relevant du réseau Natura 2000, d’un
parc naturel régional, ou encore d’un parc naturel marin. Sur ces territoires
pouvant inclure des zones maritimes et terrestres, la biodiversité est gérée en
synergie et en concertation avec les différents acteurs : pêcheurs professionnels,
plaisanciers, agriculteurs, associations de défense de la nature.
LES REJETS EN MER
En ce qui concerne les plus petites unités, la loi de décembre 2006 sur l’eau
et les milieux aquatiques impose quant à elle un équipement spécifique, la cuve à
eaux noires : « Afin d’assurer la protection de la santé publique et du milieu
aquatique, les navires de plaisance équipés de toilettes et construits après le
er
1 janvier 2008, qui accèdent aux ports maritimes et fluviaux ainsi qu’aux zones
de mouillages et d’équipement léger, sont munis d’installations permettant soit de
stocker, soit de traiter les eaux usées de ces toilettes. »
Dans la pratique…
Si la réglementation sur le rejet de déchets en mer concerne les grosses
unités, cela n’empêche pas le plaisancier de l’appliquer, ou de s’en approcher
autant que faire se peut.
Les rejets alimentaires, même lorsqu’ils sont biodégradables, peuvent avoir
une durée de dégradation assez longue, pendant laquelle ils s’accumulent sur les
fonds marins (pour ceux qui coulent) ou sont portés à la côte par les courants
(pour ceux qui flottent). On les retrouve ainsi accumulés à la surface de l’eau dans
les ports, dans les criques et sur les plages. C’est le cas notamment des
épluchures d’agrumes (5 mois), des peaux de banane (8 à 10 mois) et des
trognons de pomme (4 à 6 mois).
Afin que les usagers puissent évacuer les déchets correctement triés, les
ports s’équipent progressivement en installant des conteneurs ainsi que des
dispositifs permettant le pompage des eaux noires. Cette mise en conformité est
loin d’être généralisée, mais quoi qu’il en soit, douches, toilettes, lavabos et éviers
de vaisselle des sanitaires portuaires sont reliés à des stations d’épuration : autant
les utiliser plutôt que traiter les eaux noires (et grises) de son propre bateau.
On appelle eaux grises les eaux issues des douches, des éviers et des lavages.
L’utilisation de détergents réellement biodégradables permet de réduire leur
impact sur l’environnement. Les eaux noires sont les eaux issues des W-C du bord.
Elles sont biodégradables, mais peuvent présenter un risque sanitaire en raison
des bactéries fécales qu’elles contiennent et dont elles favorisent la prolifération.
Lorsque de nombreux bateaux sont au mouillage dans un endroit où l’eau est peu
renouvelée, la qualité des eaux de baignade peut être affectée. Les coquillages
filtreurs (certains peuvent filtrer 10 à 15 litres d’eau de mer par heure), qui ont
tendance à accumuler ces bactéries, peuvent de surcroît devenir impropres à la
consommation.
En l’absence le plus souvent de règles 11 sur l’utilisation des cuves à eaux
noires des petites unités, le plaisancier choisira avec soin et bon sens les zones où
il doit stocker (notamment au mouillage et au port) et celles où il peut vidanger,
quand ce n’est pas possible au port. L’évacuation en mer se fera suffisamment au
large et en tenant compte du courant.
L’ÉVOLUTION DE LA PLAISANCE
Le voilier d’aujourd’hui n’est pas un aboutissement, mais une étape.
Au cours des cinquante dernières années, la plaisance a connu un
développement sans précédent. Ce qui était, encore au début du
e
XX siècle, un loisir que se réservait une certaine élite – on parlait alors et
surtout de yachting – s’est ouvert au plus grand nombre, les Glénans
(créés en 1947) ayant tenu un rôle considérable dans cette
démocratisation. Les voiliers d’alors s’appelaient Vaurien, Caravelle,
Corsaire, Mousquetaire, signés Jean-Jacques Herbulot ou encore
Muscadet, Cognac et autre Armagnac, dessinés par Philippe Harlé, tous
construits en contreplaqué.
Il subsiste de magnifiques bateaux du temps du yachting, le plus
souvent construits en bois, amoureusement restaurés. Doyen de la flotte
des Glénans (avec le bateau de liaisons Archipel), classé monument
historique, le cotre Sereine fait partie de cette famille. Tout membre de
l’association peut poser son sac à bord et espérer le commander.
Sereine est le plus ancien voilier des Glénans encore en service pour
l’association. Construite sur plan Dervin et lancée en 1952, elle représentait alors la
quintessence du voilier de plaisance hauturier. Philippe Viannay, fondateur des
Glénans, imaginait qu’elle ferait le tour du monde. À défaut, Sereine a formé des
milliers de stagiaires. Entièrement restaurée au chantier du Guip en 2005, classée
monument historique, elle poursuit inlassablement sa route.
DÉFENSES ET FORTIFICATIONS
Objet de menaces réelles ou supposées, les côtes ont été défendues
par un réseau de fortifications qui défient le temps. Il serait illusoire de
dresser ici l’inventaire de celles imaginées, bâties ou améliorées sous la
direction de Vauban. Mais au hasard d’escales, on pourra s’intéresser à
certaines d’entre elles. Citons la tour de Camaret, la ville close de
Concarneau, la citadelle de Belle-Île-en-Mer et celle de Port-Louis qui
abrite, outre un sémaphore, le musée de la Compagnie des Indes et une
antenne du musée de la Marine. Plus au sud, les pertuis charentais
offrent un festival d’ouvrages fortifiés, édifiés pour la défense des abords
de La Rochelle et de l’estuaire de la Charente, qui constituait un point
stratégique. Ce fleuve côtier abritait la ville-arsenal de Rochefort-sur-Mer.
e
Elle était entièrement vouée dès le XVII siècle à la Marine d’État, on y
trouve encore la Corderie royale, de remarquables formes de radoub –
dans l’une d’elles a été construite l’Hermione –, plusieurs bâtiments
désaffectés liés à la Marine – l’un d’eux est occupé par une autre
antenne du musée de la Marine. Sans oublier la maison de Pierre Loti. La
remontée de la Charente, qui fait passer sous le dernier pont
transbordeur de France, restauré et en état de marche, peut amener à
rencontrer des caboteurs – battant généralement pavillon étranger – se
rendant à Tonnay-Charente (ou en venant). Le cabotage… un autre
métier de la mer.
e
D’autres fortifications littorales bâties au cours du XIX siècle
présentent la particularité d’être devenues obsolètes à peine achevées.
Ainsi du fort Boyard, entre les îles de Ré et d’Oléron. Ou d’autres,
construits d’après une même série de plans, devenus pour la plupart des
propriétés privées. Tel le fort de Sarah Bernhardt, à la pointe des
Poulains, à Belle-Île. Un équipage à la fibre historique pourra s’intéresser
à d’autres vestiges d’un bâti littoral entré dans l’histoire : les blockhaus
allemands de la Seconde Guerre mondiale, qu’on trouve parfois échoués
sur l’estran, tombés d’une dune ou d’une falaise qui a reculé.
De passage à l’archipel des Glénan, l’équipage s’interrogera aussi sur
l’utilité et l’origine de la tour du fort de l’île Cigogne, balise de la « base de
vitesse » aujourd’hui déclassée, mais naguère fréquentée par des navires
en cours d’essais, tant civils que militaires. Et puis, il cherchera et
imaginera ces forts positionnés sur la carte marine, mais invisibles du
large.
Au sein de l’archipel des Glénan, la tour de Fort-Cigogne était une balise « base
de vitesse », ensemble d’amers permettant aux navires en essai d’étalonner leur loch.
Identifiable de loin, elle est l’amer postérieur de l’alignement à 283°5 avec l’amer de
Guéotec de la base de vitesse. Cet alignement peut être utilisé pour repérer le chenal
des Méaban et pénétrer dans l’archipel par l’est.
À LA RENCONTRE DES USAGES MARITIMES
RENCONTRES À TERRE
Au gré des escales, le navigateur s’intéressera au patrimoine local,
qui reflète des usages maritimes passés et présents. Il pourra découvrir
des moulins à marée. Il s’en trouve un restauré sur l’île d’Arz, surnommée
« l’île des Capitaines » parce qu’elle en a donné beaucoup, au temps de la
marine à voile. Cherchant à comprendre le fonctionnement des marais
salants, il pourra observer le travail des paludiers lors d’une escale au
Croisic, l’activité des sauniers à Noirmoutier ou sur l’île de Ré. De même
s’interrogera-t-il sur la présence de polders, non seulement aux Pays-Bas
mais aussi en France (Noirmoutier, Ré). Il découvrira des fours à goémon
– il y en a tout autour de la pointe de Bretagne –, comme celui de l’île du
Loc’h, sur l’archipel des Glénan, dont la cheminée est un amer
remarquable. Des abris côtiers – cabanes ostréicoles, carrelets des
estuaires de la Loire et de la Gironde… Dans une douzaine de ports
bretons, notre équipage retrouvera les Abris du Marin, édifiés sous
l’égide du philanthrope Jacques de Thézac, également inventeur de
l’Almanach du marin breton. Facilement reconnaissables à leur couleur
rose, tous réaffectés à d’autres usages, ces bâtiments comprenaient non
seulement des chambres pour les marins en escale, mais aussi une salle
de cours et de conférences, une bibliothèque, un dispensaire, des
ateliers pour réparer ses équipements et un préau muni de matériel de
gymnastique.
ENTRAIDES MARITIMES
Les bâtiments côtiers reliés à la mer par des rails sont d’anciens abris
de canot de sauvetage – comme celui de Saint-Nicolas, celui de Penfret
qui a perdu ses rails ou celui de Bréhat. C’était du temps du sauvetage à
voile et à avirons, organisé par deux sociétés philanthropiques, la Société
centrale de sauvetage des naufragés, créée en 1865, et les Hospitaliers
sauveteurs bretons, fondé en 1873. En quelques années, l’ensemble du
littoral sera équipé de postes de secours et de canots, dont la plupart
des abris subsistent aujourd’hui. Quelques stations gardent leurs anciens
canots motorisés, mais celles de Penmarc’h (Finistère) et Cayeux
(Somme) ont retrouvé et restauré parfaitement les leurs, à voile et à
avirons.
En 1967, les deux sociétés mères fusionnaient pour former la Société
nationale de sauvetage en mer – SNSM –, fonctionnant grâce à
l’engagement de plus de 6 500 membres. Pas moins de 1 500 nageurs
sauveteurs assurent la sécurité sur plus de 270 plages. Et environ
3 500 sauveteurs embarqués composent les équipages des canots tous
temps, vedettes et autres embarcations, répartis sur plus de
220 stations. Ces unités, reconnaissables à leurs couleurs (coque verte
ou bleue et superstructures orange), ont longtemps été armées
bénévolement par des marins, issus de la pêche ou d’autres marines,
actifs ou retraités. Aujourd’hui, parce que les professionnels sont moins
nombreux que naguère, la SNSM enrôle de plus en plus de plaisanciers.
L’intégration dans la chaîne du sauvetage est une autre façon de
naviguer et d’approcher d’autres métiers de la mer.
PARTAGER LA MER
Au long de ce parcours, nous avons évoqué certains métiers, actuels
ou disparus depuis peu. On en découvrira d’autres. Le plaisancier, qui
navigue pour son plaisir, croise ou côtoie des personnes pour qui
naviguer est un travail, un gagne-pain. D’où le besoin de connaissance,
de respect, au large comme au port. Amené à croiser la route de bateaux
de toutes tailles et de toutes fonctions, il devra apprendre à les
reconnaître.
4. « J’ai connu mon plus fort coup de vent entre les Bermudes et Halifax. En plein
Gulf Stream, un vent de 55 nœuds, opposé au courant, levait une mer terrible.
Des vagues de sept à huit mètres, raides, déferlant avec violence, impossibles à
négocier, nous ont obligés à mettre en fuite. » Un chef de bord. ◄
8. Le record mondial, 20 mètres de marnage, est détenu par la baie Ungava (baie
aux Feuilles), au nord du Québec. ◄
LA FLOTTE
Les Glénans comptent plus de 500 embarcations réparties entre de
petits quillards de sortie à la journée, des voiliers de croisière côtière ou
hauturière et des voiliers légers : catamarans, dériveurs, planches à voile.
Chaque embarcation est choisie en fonction des objectifs pédagogiques
et des projets de navigation, puis adaptée par les Glénans pour répondre
à ses exigences particulières de sécurité, de vie à bord et d’optimisation
des formations.
Remontée sur la cale de Drenec, dans la belle lumière d’une fin de journée
estivale. Un stage aux Glénans est bien sûr le moyen d’apprendre la navigation ou de
se perfectionner, mais aussi le lieu d’une vie de groupe riche et passionnante.
BIBLIOGRAPHIE
La bibliographie que nous proposons se limite aux éditions du Cours
et à une sélection d’ouvrages techniques et de sites Internet
opérationnels en 2017. En cas de changement d’URL, on devrait
aisément retrouver le lien à l’aide d’un moteur de recherche.
■ Grande croisière
COLES, Adlard, et BRUCE, Peter, Navigation par gros temps, Gallimard et
Fédération française de voile, 2010.
CORNELL, Jimmy, Routes de grande croisière, Vagnon, 2015.
■ Manœuvres de port
BAUDU, Hervé, Traité de manœuvre, Infomer, 2015.
■ Matelotage
ASHLEY, Clifford, Le Grand livre des nœuds, Gallimard, 2012.
■ Météorologie
BERNOT, Jean-Yves, Météo et stratégie. Croisière et course au large,
Gallimard et Fédération française de voile, 2004.
BERNOT, Jean-Yves, Météo locale. Croisière et régate, Gallimard et
Fédération française de voile, 2007.
BERNOT, Jean-Yves, Les routages, en course et en croisière, Voiles et
Voiliers, 2015.
■ Sources météo sur Internet
http://www2.wetter3.de/fax.xhtml : cartes allemandes et
anglaises bien mises à jour et rapides à charger, y compris des archives.
http://meteofrance.com : site de Météo France. On y trouve les
prévisions marines, des cartes météorologiques, des photos satellite. On
y trouvera également, à l’onglet « Publications », l’édition annuelle du
Guide marine de Météo France, qui comprend notamment les cartes des
zones météo françaises et internationales, et détaille tous les modes de
réception des bulletins (fréquences, horaires, etc.).
http://www.metoffice.gov.uk/public/weather/marine : site du
Met Office britannique. Il fournit les prévisions marines, des cartes
météorologiques, des photos satellite.
http://tgftp.nws.noaa.gov/fax/marine.shtml : site météo marine
de la NOAA (organisme fédéral américain), avec de nombreuses cartes
d’analyses et de prévisions gratuites à quatre jours (surface, altitude,
vent, mer, glaces…) pour l’Atlantique Nord et le Pacifique.
http://weather.gmdss.org : site du SMDSM (Système mondial de
détresse et de sécurité en mer) avec bulletins officiels pour le monde
entier.
http://marine.meteoconsult.fr/meteo-marine/previsions-meteo-
marine.php : la rubrique marine du site de Météo Consult. Bulletins large
et côte, prévisions surf et windsurf gratuites à six jours et accès à des
services payants.
http://www.wetterzentrale.de : site de l’université de Karlsruhe.
Remarquable. Beaucoup de données sur l’Europe et l’Atlantique Nord-
Est.
http://www.windguru.com : observations et prévisions en zone
côtière sous forme de météogramme.
https://www.windfinder.com : observations et prévisions en zone
côtière.
http://meteocentre.com/toulouse : observations sur l’Europe
régulièrement mises à jour.
http://www.sat.dundee.ac.uk : photos satellite émises par les
satellites défilant sur l’Europe ainsi que par des satellites
géostationnaires. Excellente qualité. Il faut s’enregistrer, mais c’est
gratuit.
http://fr.sat24.com/fr : photos satellite Europe avec animations.
■ Océanographie
GEISTDOERFER Patrick, Océanographie générale, Infomer, 2002.
SIMON, Bernard et LAHAYE-COLLOMB, Annette, La Marée, Les guides du
SHOM, 1997.
■ Publications annuelles
Almanach du marin breton, collectif, Œuvre du marin breton.
Bloc marine (Atlantique, Méditerranée), collectif, Figaro Nautisme.
Reeds nautical almanac, Adlard Coles Nautical (en anglais).
■ Soins à bord
CHAUVE, Jean-Yves, Le Guide de la médecine à distance, vol. 1 Consulter
un médecin à distance, Distance Assistance, 2012.
CHAUVE, Jean-Yves, Le Guide de la médecine à distance, vol. 2 Soigner
avec un médecin à distance, Distance Assistance, 2012.
■ Voiles et gréement
CHÉRET, Bertrand, Les Voiles. Comprendre, régler, optimiser, Gallimard et
Fédération française de voile, 2000.
■ MRCC Nouméa
Le Maritime Rescue Coordination Center (MRCC) Nouméa exerce ses
2
compétences sur une zone de 2,5 millions de km dans le Pacifique Sud
et bénéficie des moyens matériels et humains des forces armées. Il
assure la coordination des opérations de recherche et de sauvetage, la
diffusion des renseignements sur la sécurité maritime, ainsi que la
surveillance et la lutte contre les pollutions maritimes.
Quartier Alleyron, BP 38, 98843 Nouméa Cedex
(Nouvelle-Calédonie).
Tél. : (687) 29 23 32.
[email protected]
■ MRCC Papeete
Le MRCC Papeete exerce ses compétences sur une zone de plus de
2
11 millions de km dans le Pacifique Sud et bénéficie des moyens
matériels et humains des forces armées. Il assure la coordination des
opérations de recherche et de sauvetage, ainsi que la diffusion des
renseignements sur la sécurité maritime.
Tél. : (687) 29 23 03.
[email protected]
World Sailing
World Sailing (ex-ISAF) est l’instance sportive internationale de la
voile. À ce titre, elle édicte et fait évoluer les règles de course à la voile,
est responsable de la promotion de ce sport au niveau international. Elle
organise, entre autres, les championnats internationaux de voile, gère les
compétitions de voile aux Jeux olympiques. World Sailing a pour but
premier de faire participer le plus grand nombre possible de personnes à
la pratique du sport de la voile.
Ariadne House Town Quay Southampton, Hampshire, SO14, 2 AQ,
United Kingdom.
Tél. : (+ 44) (0) 2380 635111.
www.sailing.org
Conservatoire du littoral
L’État a décidé de créer en 1975 le Conservatoire du littoral, un
établissement public sans équivalent en Europe, dont la mission est
d’acquérir des parcelles du littoral menacées par l’urbanisation ou
dégradées pour en faire des sites restaurés, aménagés, accueillants,
dans le respect des équilibres naturels.
Corderie Royale, CS 10137, 17306 Rochefort Cedex.
Tél. : 05 46 84 72 50.
www.conservatoire-du-littoral.fr
Conduite, manœuvre
À bâbord : to port
À la dérive : adrift
À tribord : to starboard
Abattre : to bear away
Accoster : to come alongside
Affaler : to drop, to drop up, to lower
Amarre : line
Amarrer un bateau : to moor a boat, to berth a boat
Ancre : anchor
Appareiller : to get under way, to sail out, to put to sea
Border : to harden, to sheet in
Brasse ! : guy in!
Brasser : to harden guy
Changer de voile : to change a sail
Choquer : to ease out, to free off, to sheet out
Débarquer : to disembark
Défense : fender
Dériver : to drift
Donner du mou : to give some slack, to slacken
Embarquer : to embark
Embraquer : to haul in, to sheet in
Empanner : to gybe
Endrailler une voile : to hank on a sail, to clip the jib hanks
Établir la toile : to bend on sails
Être à l’ancre : to be anchored
Être à la cape sèche : to lie ahull
Être bout au vent : to be head to wind
Être sur la fausse panne : to be by the lee
Être surtoilé : to be overcanvassed
Faseyer : to flap
Garde : spring
Garde arrière : afterspring
Garde avant : forespring
Gîter : to heel, to list
Guindeau : windlass
Hélice : propeller
J’empanne : gybe ho!
Larguer les amarres : to cast off
Larguer un coffre : to cast off a mooring buoy
Larguer un ris : to shake out a reef
Lofer : to luff up
Manœuvrer : to manoeuvre
Manœuvres de port : harbour manoeuvres
Manque à virer : fluffed tack ; faire un manque à virer : to make a
false tack
Marche arrière : reverse
Marche avant : forward
Mettre la voile à contre : to back the sail
Mettre les gaz : to open the throttle
Mouille ! : anchor !
Paré à empanner ? : ready to gybe? standby gybe!
Paré à mouiller ? : ready to anchor?
Paré à virer ? : standby tack?
Partir au lof : to broach, to windward
Passer une amarre en double : to double a warp
Point mort : neutral
Pointe arrière : stern line
Pointe avant : bow line
Pousse la barre ! : push the tiller!
Prendre la barre : to take the tiller
Prendre un ris : to take in a reef
Régler les voiles : to adjust the sails, to trim the sails
Relever le mouillage : to haul up the anchor
Renvoyer de la toile : to make more sails
S’amarrer : to tie up
Se mettre à couple : to come alongside
Se mettre à la cape : to heave to
Tire la barre ! : pull the tiller!
Venir au vent : to point high
Virement de bord en gardant le foc à contre : crash tack
Virer de bord : to go about
Virez !, on vire !, je vire ! : lee ho!
Voile bordée à plat : sail full in
Voile creuse : belly sail
Wincher : to grind
La sécurité
Abordage : collision
Boîte à pharmacie : first aid box
Canal de détresse : emergency channel
Couler : to sink
Échouage : beaching
Échouement : grounding
Extincteur : fire extinguisher
Feu à main : hand flare
Feu, explosion : fire, explosion
Filière : lifeline
Fumigène : smoke signal
Fusée parachute : parachute flare
Gilet de sauvetage : life jacket
Harnais : harness
Indicatif radio : call sign
Le blessé doit être conduit à l’hôpital : the injured person must be
taken to hospital
Le médicament est efficace : the medecine is working
Ligne de vie : jackstay
Nous avons un malade à bord : someone is ill on board
Perche de repérage : manoeuvreboard pole
Quels sont les symptômes ? : what do you feel?
Radeau de survie : life raft
Récupérer l’équipier : to pick up the crew, to recover the crew
S’échouer : to go aground
Un homme à la mer ! : man overboard!
Voie d’eau : flooding
Table des matières
Avant de larguer les amarres
CONDUITE, MANŒUVRE
Le voilier, ses équipements, et ceux du marin
ENCADRÉS
Quelques ridoirs (fixer, ajuster, tendre)
Manilles et mousquetons (frapper, accrocher)
Quelques poulies (dévier, guider)
Taquets et winchs (freiner, bloquer, coincer)
Le matelotage de base
Se protéger du soleil
Le sac du marin
Le contenu du sac
Virer de bord
Virer de bord vent debout
« Paré à virer ? »
« On vire ! »
Le barreur
Le focquier
« Manque à virer ! »
Empanner : virer de bord vent arrière
Empannage largue-largue pour voilier léger ou par vent faible
Bateau plus gros, vent plus fort ou spi symétrique
Conduire
Conduire au près
Tactique et stratégie de la conduite au près
Vent faible : conduire en sous-puissance
Vent faible : conduire dans les risées
Conduire par vent plus frais
Conduire au près avec un vent de direction variable
Conduire au près avec un vent présentant une courbure
Conduire au près dans le clapot
Conduire dans les vagues, barrer à la lame
Conduire du bon plein au largue
Conduire du largue au grand largue
Gérer les surventes et les vagues du largue au grand largue
Conduire aux allures proches du vent arrière
Conduire dans le roulis au vent arrière
Mâter
Assurer le gréement
Gréer les voiles
Gréer la grand-voile
Gréer le foc
Préparer la dérive et le(s) safran(s)
Départs et arrivées de plage
Manœuvres de plage
Départs
Départ vent arrière
Départ vent de travers et sur l’avant du travers
Appareiller sans safran
Arrivées
Au vent de travers ou sur l’avant du travers
Au vent arrière
Au vent de travers
Arrivée vent debout
En guise de résumé…
Manœuvres de sécurité
Dessaler et redresser le bateau
Le dessalage
Redresser un dériveur
Si le dériveur fait chapeau
Redresser un catamaran
Si le catamaran fait chapeau
Empanner en dériveur
Conduire au près en catamaran
Conduire au portant en catamaran
Le vent arrière
Empanner en catamaran
Empanner dans la brise
Le trapèze
Avec deux trapèzes
Manœuvrer au moteur
Démarrage d’un moteur diesel
Arrêt du moteur
Accoster un quai en marche avant, sans vent ni courant
Maîtriser l’erre et la vitesse
Safran, trajectoire et giration
Exécuter un demi-tour sur place
Accoster un quai en marche arrière, sans vent ni courant
Les amarres
Les cas particuliers
Frapper une amarre
Manœuvrer par vent fort
Accoster en marche avant, par vent fort de l’avant
Accoster avec un vent de travers portant contre le quai
Accoster en marche avant, par vent de l’arrière
Accoster par vent de travers éloignant d’un quai
Manœuvrer avec du courant
Accoster un quai face au courant : faire un bac
Accoster un quai avec courant de l’arrière
Accoster un catway
En marche avant
En marche arrière
Le départ
Départ d’un quai sur garde, en marche arrière
Départ d’un quai sur garde, en marche avant
Départ d’un catway par fort vent ou courant
Éviter autour d’un catway
S’amarrer à couple
Et si le moteur tombe en panne ?
Appareiller
Mettre en place la voilure
Préparer la grand-voile
Préparer le foc ou le génois
Sortir du port
Établir la grand-voile
Établir la voile d’avant
Réduire la voilure
Quand faut-il réduire ?
Comment réduire, par où commencer à réduire ?
Prendre un ris dans la grand-voile
La prise de ris classique
Larguer un ris
La prise de ris automatique
Réductions de voilure
Joies et risques du vent de travers
La gestion des dérives dans la brise
Les stratégies dans le gros temps
Au près, voile-moteur
La fuite
La cape
Relever le mouillage
Le guindeau
Haute et claire !
L’équilibre du voilier
Un principe physique
L’équilibre au vent arrière
L’équilibre au près
La vitesse d’abord
Le couple de chavirage
La stabilité, facteur de performance
MÉTÉOROLOGIE, NAVIGATION
Météo
Prendre la météo
ENCADRÉS
L’échelle de Beaufort
Force Beaufort et vitesse en nœuds
Commander des cartes à la NOAA
Internet en mer
Comprendre la météo
ENCADRÉS
Mesurer le gradient de pression
Le vocabulaire du vent
Les conditions d’établissement de la brise de mer
Les alizés portugais
La Méditerranée et le mistral
Les météogrammes
Le langage des nuages
Formation des nuages
La classification des nuages
Les préfixes ou suffixes de texture
Les préfixes ou suffixes d’altitude
Les noms des nuages
Étage supérieur
Étage moyen
Étage inférieur
Les monstres
L’observation du ciel
Les photos satellite
Perturbations et dépressions des régions tempérées
Cycle de vie des perturbations des régions tempérées
Formation de la perturbation
Creusement et jeunesse des dépressions
Maturité de la dépression
Vieillissement de la dépression
Disparition de la dépression
Les dorsales
Les orages
Le cycle de vie des orages
Les situations orageuses
Marais barométrique et forte chaleur
Orages par soulèvement orographique
Orages précédant l’arrivée d’une dépression d’altitude froide ou d’un talweg
Orages frontaux
La météorologie locale
Les effets de site
Différence de rugosité entre terre et mer
Canalisation par les reliefs
Modification du champ de pression
Différence de température air-mer dans la zone littorale
Hiérarchisation des phénomènes
Amplitude des effets de site
Obstacles dans le vent
Obstacle isolé de petite taille
Barrière de petite taille
Au vent d’une côte rectiligne
Vent soufflant du large perpendiculairement à une côte rectiligne
Vent soufflant du large obliquement par rapport à une côte rectiligne
Sous le vent d’une côte rectiligne
Vent soufflant de terre perpendiculairement à une côte rectiligne
Vent relativement fort et faible stabilité verticale
Vent fort au niveau des sommets et forte stabilité verticale
Vent soufflant de terre obliquement par rapport à une côte rectiligne
Vent quasiment parallèle à la côte
Côte à gauche du vent
Côte à droite du vent
Côtes complexes
Vent au voisinage des pointes moyennement élevées
Vent perpendiculaire à l’axe de la pointe : effet d’éventail
Vent parallèle à l’axe de la pointe : effet de coin et effet de sillage
Dans les baies
Effets de canalisation entre des reliefs
Les îles
Vent dans l’axe d’une île basse ou moyennement élevée
Vent perpendiculaire à une île basse ou moyennement élevée
Îles élevées de taille moyenne
Association d’îles élevées
Îles étendues et élevées
Navigation
La carte marine
ENCADRÉS
La règle du pouce
La carte Mercator : comment c’est fait ?
Les AVURNAV
Phare ou feu ?
Naviguer la nuit et reconnaître les feux
Où est passé ce fichu feu ?
La signalisation maritime par temps de brume
Les limites de l’édition privée
L’accident de team vestas, un cas d’école
L’origine des renseignements hydrographiques, la grande absente
La carte augmentée
Examen d’une carte marine
Comprendre la signification des sondes et des altitudes
Le symbolisme des cartes
L’échelle de la carte
Les informations particulières de la carte
Le cartouche
Les notes marginales
Les tableaux de marée et de courants
Le diagramme de l’origine des renseignements hydrographiques
L’époque
L’échelle du levé
La méthode
La carte vectorielle
Une base de données
Apprendre à utiliser les fonctions de votre logiciel
Les alignements
Les trois types d’alignements et leurs usages
Choisir ses alignements
La sensibilité d’un alignement
Nommer les alignements
Le plan de pilotage
De la théorie à la pratique
Quelques leçons essentielles
Critiquer le point
Le point GPS
Prévoir sa route
Parer les dangers
Le cercle de sécurité
Le choix de la carte
La route et ses points de passage
Tracer la route idéale, un exemple de préparation
Déterminer les grandes lignes du plan de route
Analyser le secteur de vent
Consulter les documents nautiques
Définir les priorités
Décomposer les différents segments du plan de navigation
Segment 1 : Audierne – le raz de Sein
Segment 2 : franchissement du raz de Sein
Segment 3 : la mer d’Iroise
Segment 4 : le goulet de Brest
Le port de repli
Le suivi de la navigation
Des angles et des vitesses (ou encore des distances)
Le temps
Le triangle du vent
Les bords du cadre
L’estime
Apprécier les données
Le cap suivi
La dérive
La distance parcourue
Le courant
Le livre de bord
L’incertitude
Un exemple d’estime
Collecter les données de l’estime
Le tracé
Naviguer au large
ENCADRÉS
La première horloge marine
Une somme d’incertitudes peut mener à bon port
Le principe du sextant
S’entraîner à terre
Les Éphémérides nautiques annuelles
Une manière empirique de connaître l’heure de la méridienne
Récapitulatif
Les tables précalculées
Utiliser un canevas Mercator
Les dispositifs de séparation du trafic
L’estime au large
La navigation astronomique : naviguer au Soleil avec le sextant
Le sextant
Régler les miroirs
La collimation
Prendre une hauteur
L’atterrissage
Prévenir les collisions
La veille et le tour d’horizon
Identifier le risque de collision
Les privilèges
Les règles de barre pour les voiliers
Déterminer la route
La météo
Le courant et la marée
Les zones à éviter
Ne pas rater les correspondances
Faire valoir la route
Préparer les points futurs
Prévoir le pire… pour le meilleur
Calculer la marée et les courants
Le calcul de marée
La pêche aux informations
Variation de la hauteur d’eau : la méthode des douzièmes
Tracer la courbe de marée
Les limites du calcul de marée
Les courants
Les données de la carte marine
Les atlas des courants
Les atlas numériques
Les Gribs de courant
Le routage
ENCADRÉS
La méthode des isochrones
Routage avec contraintes
L’optimisation de l’heure de départ
Précision du routage
Précision absolue
Précision relative
L’échelle du routage
Le routage en zone côtière
Le routage au large
Le routage océanique
La prise de décision
Rendement sur la polaire
Tester le déplacement des systèmes météo
SÉCURITÉ
ENCADRÉS
Les balises de géolocalisation
La sécurité en voile légère
Le briefing sécurité en croisière
Le plan b
Se former pour savoir agir
Les contacts à retenir
Les messages types d’alerte médicale VHF
L’intervention des secours
Les pathologies individuelles
Le défibrillateur, utilisable même par un enfant
La noyade
Comment prévenir les accidents
Estimer l’éloignement d’un orage
MMSI et indicatif d’appel
Les usages de la VHF
La VHF portative
Former l’équipage
Le choix d’une méthode de récupération de l’homme à la mer
Les objectifs de la manœuvre
Les caractéristiques structurantes de la méthode Quick Stop
Les prérequis fondamentaux à la manœuvre
Le mal de mer
Prévenir le mal de mer
Lorsque le mal de mer s’installe
Agir face au mal de mer
La pharmacie de bord
Composer sa pharmacie
Organiser sa pharmacie
La voie d’eau
Éviter les voies d’eau
Que faire en cas de voie d’eau ?
La voie d’eau ordinaire
La voie d’eau extraordinaire
L’avarie de gréement
Éviter le démâtage
En cas de démâtage
L’incendie
Ce qu’il faut savoir du feu à bord
Prévenir les incendies
Agir face à un incendie
Départ d’incendie : règles générales
Départ d’incendie en cuisine
Départ d’incendie dans le compartiment moteur
Le coup de foudre
La prévention en matière d’orage
L’assistance extérieure
La chaîne des secours
Les CROSS
L’évacuation du bateau
Évacuer le bord par bateau
Évacuer sur un cargo
Les secours aériens
L’hélitreuillage
Les dispositions préalables à l’hélitreuillage
La phase de treuillage
L’organisation du bord
Les bordées
Le chef de bord
Le navigateur
Le barreur
L’équipier de pont
Le cuisinier
La maintenance du voilier
ENCADRÉS
Le langage du dormant latéral
Le gréement autoporté
Le vérin de pied de mât
Quelques fibres
Quelques mots du vocabulaire des bouts
Astuces et tours de main
Prusiker un cordage ou une épissure
Les coupes orientées
Quelques exemples de corrosion galvanique
Et l’écologie ?
Réparer avec de l’époxy ?
Quelques rappels
Bilans énergétiques
Le compas électromagnétique et sa compensation
Établir une courbe de déviation
Quelques histoires
Quelques conseils sur le circuit de gazole
Planning d’entretien du moteur Diesel
Les deux tissus dont on fait les annexes
Planning d’entretien au fil de l’eau
Le gréement
Le gréement dormant
Les pièces du gréement dormant
Le mât et la bôme
Le haubanage
Les cadènes et les ridoirs
Les embouts des câbles du haubanage
L’enrouleur, l’emmagasineur
Le bout-dehors
Les caractéristiques et les fonctions du gréement dormant
La tenue latérale du mât
La tenue longitudinale du mât
Avec des barres de flèche dans l’axe
Avec des barres de flèche poussantes
Vérifier et entretenir le gréement
Les vérifications courantes
Les câbles
Le vit-de-mulet
Les ridoirs et leurs axes
L’enrouleur
Hiverner et préparer le gréement dormant avant de mâter
Règles générales
Vérifier les feux
Vérifier les réas
Vérifier les axes de ridoirs à lattes
Vérifier les capelages
Vérifier la fixation de l’accastillage
Vérifier les barres de flèche
Vérifier les ridoirs
Vérifier les cadènes
Vérifier les drisses
Mâter
Régler la position du mât
Régler la tension des haubans
Régler la tension au port
Régler la tension en mer
Le gréement courant
Les matériaux
Les fibres naturelles
Les fibres synthétiques usuelles
Les fibres à hautes performances
Les caractéristiques générales des cordages
Les techniques d’assemblage
Choisir un bout
Première étape : déterminer la tension d’utilisation du cordage
Deuxième étape : savoir à quoi va servir le cordage, pour déterminer ses qualités
Troisième étape : déterminer la longueur du cordage
Améliorer le gréement courant
Le matelotage
Le matériel
Œil épissé sur âme pure
Épissure cousue
Transfilage
Terminer un bout avec un nœud de meunier
Œil épissé sur cordage double tresse
Épissure chaîne-câblot
Les voiles
Les voiles tissées
Les voiles laminées
Les membranes
Les spis
Vérifier et entretenir les voiles
Réparer une déchirure ou un accroc
Contrôler l’osmose
Contrôler les appendices : la quille et le safran
Réparer avec de la résine polyester
La résine
Le tissu
Réparer un éclat de gelcoat
Réparer avec du verre polyester
Les principes de base
Conseils pratiques
L’électricité
Les circuits électriques
Particularités du circuit électrique sur un bateau
Par rapport à une maison
Par rapport à une voiture
Les interrupteurs
La taille des conducteurs
Les fusibles et les disjoncteurs
La couleur des fils
Les batteries
La tension d’une batterie
La capacité d’une batterie
La bonne batterie
La charge
L’installation
Produire de l’électricité
Le chargeur de quai
L’alternateur
Et la pile à combustible ?
Ses avantages
Ses inconvénients
L’énergie renouvelable à bord
L’électronique
Le sondeur et le loch-speedomètre
La VHF
Le GPS
L’ordinateur de bord
Le compas
Régler le compas
La régulation du compas
La compensation du compas
La courbe de déviation
Le moteur Diesel
Quelques rappels sur la vie des moteurs
Les circuits
Le circuit de gazole
Le réservoir
Le circuit d’aspiration
Le circuit basse pression
Le circuit haute pression
Le circuit de retour gazole
Entretenir le circuit de gazole
Le réservoir
Le préfiltre
Le filtre fin
Purger le circuit de gazole
De l’eau dans le gazole
Des odeurs de gazole
Le circuit d’eau de mer
Entretenir le circuit d’eau de mer
Vanne à eau de mer
Préfiltre eau de mer
Rouet de pompe
Liquide de refroidissement
Coude anti-siphon
Conseils pratiques
Le moteur chauffe
Le moteur refroidit mal
Le circuit d’huile
Entretenir le circuit d’huile
Le niveau d’huile
La propreté du moteur
Le filtre à huile
Conseils pratiques
Le circuit d’air
Conseil pratique
Entretenir le circuit d’air
Le circuit de préchauffage
Le moteur hors-bord
Utiliser un hors-bord
Démarrer
Naviguer
Arrêter
L’hivernage du hors-bord
La plomberie
Les règles de montage et les matériaux utilisés
Vérifier et entretenir les circuits
Les W-C marins
Les cuves à eaux noires
L’autonomie des cuves à eaux noires
Les principales pannes des W-C marins
On ne pompe pas assez et ça se bouche
L’arrivée d’eau propre ne se fait pas
La cuve à eaux noires reste pleine et ne se vide pas
Les vis ne tiennent plus dans le plastique de l’embase du W-C
Dépanner et entretenir les W-C
Dépannage
Entretien
Réparer l’annexe
ENVIRONNEMENT MARIN
Océanographie
ENCADRÉS
La température de la mer
L’upwelling
Savoir apprivoiser les raz
Propagation de l’onde de marée principale dans nos régions
Le fetch
Les vagues phénoménales
Le déferlement sur le rivage
Quelques barres peu connues
La planète mer
L’eau de mer
Les courants
Les courants de dérive
Les courants de pente
La circulation littorale
Les courants de surface généraux
Les courants en Méditerranée
Le Gulf Stream
Les marées
La force génératrice de la marée
L’onde de marée
Propagation de l’onde de marée
La houle
La hauteur des vagues
La mer et les obstacles
Hauts-fonds
Les barres
Réflexion, réfraction et diffraction
Profil des fonds et choix d’un abri
A
abattée, 45, 165, départ à l’abattée 111, 148, 168, 319
abattre, 45, 47
abordage, 40, 457, 526, 610, 737, 792
abri, 443, 471, 621, 633, 738, 739, 746
accastillage, 19, 806, 852, 865
accident, 633, 720, (corporel) 685, 686, 687, 691, 693, (électrique) 700, (matériel)
711, 789
accore, 549, 550, 607
accoster, 149, 189, 190, 194, 202-205, 214-216
accroc, 851
adonnante, 114, 118, 119, 124, 409
adonner, 59, 102, 114, 117, 122, 125, 303, 402
affaler, le spi 81, 84, (avec un hook) 136
affourcher, 268
AIS, 525, 527, 612, 739, 740
algues, 983-989
alidade, 507, 509, 583, 583, 586, 615, 775, 897
alignement, 445, 480, 481-489, (de garde ou de sécurité) 479, 481, (de route) 434,
479
alimentation, 763-773
alizés, 343, 344, 345, 360, 659-661, 946-949, (portugais) 411
allures, 38-40, 39, 91-93, (portantes) 17
alternateur, 189, 878, 880, 907, 912-914
altitude, 431-432
altocumulus, 365, 366, 368
altostratus, 366, 369
amarrage (à couple), 214, (sur pendille) 212-213, (méditerranéen) 213
amarre, 67, 192, 195-200, 196, (d’embelle) 202
âme (de cordage), 815, 817, 828, (de construction sandwich) 873
amer, 434, 476-477, 531, 533-535, (transport d’un) 573-575
amure, 38, 39, 40, 66, 224, (point d’amure) 17, 20, 82, 84, 137, (bosse d’amure)
19, 84, 86, 87
ancre, 214, 254-261, 269, (flottante) 246, 722, 747, 751
angle d’incidence, 54, 55, 93, 94, 97-101, 104, 302-306, 312-313, 318
angle horaire, 588, 589, 600
anguiller, 860
annexe, 269, 279-283, 290-291, 931
anode, 863-864, 918-919, 926, 932
anticyclone, 329, 343-346, 353-356, 359, 381-382, 419
appel d’urgence, de détresse, 735-737
appendice, 15, 114, 139, 171, 301, 305, 308, 311, 315, 867
aramide, 812-814, 816
arc de grand cercle, 437
ardent, 47, 48, 104, 111, 127, 145, 319, 320
assiette, 64, 157, 164, 166, 173, 177, 317, 319
assistance maritime, 288
attelle, 693
auloffée, 45
avaleur de spi, 86
AVURNAV, 336, 442, 457, 545, 620
azimut, 590-591, 598-603, 606
B
bâbord, 44
bac (faire un), 204
bactérie, 901, 921, 989, 996-997, 1001
bague hydrolube, 916, 918
baille à mouillage, 273
balise, balisage, 443-448, 477, (de nuit), 455-457, (régions A et B) 444
balise de détresse, EPIRB, RLS, 667, 738, 739
barber-hauler, 82, 107-109, 120
barbotin, 271, 272, 273, 845
baromètre, 416-417
barre (franche, à roue), 14, 46, 47, 80, 189, 862
barre de flèche, 18, 799-804, 806-807, 809, (dans l’axe) 799, (poussante) 800
barrer à la lame, 122-123
barres (phénomènes de), 972-973
barrière orographique, 393, 396, 413
bas-hauban, 16, 18, 134, 799-803, 809-810
basses pressions, 343, 345, 353-357, 358, 359
bastaque, 242, 795, 802, 819
batillage, 784
batterie, 878-879, 886
Beaufort (échelle de), 328
bilans énergétiques, 883-885
bilan secouriste, 701
biodiversité, 976
bi-safran, 15, 195
bitture, 262, 264, 270
bloqueur, 21, 23, 812-813, 821, 823, 824, 826
BLU, 332, 336, 337-339, 578, 600, 688
bôme, 17, 18, 21, 50, 795, (retenue de) 75, 111, 112
bon plein, 39, 124
bordée (de quart), 755, 756, 758, 777
border, 44, 82
bords carrés, 236
bord du cadre, 566 (voir aussi layline)
bordure, 19, 20, 21, 95, 101-106, 108-109, 116, 121, 228
bordure anticyclonique, 419
bosse d’amure, 19, 84, 87
bosse d’empointure (ou de bordure), 19, 121
bosse d’enrouleur, 218, 220, 234-236, 241, 803, 825
bosse de manœuvre, 252, 253
bosser, 277, 278, 856, 857
bosses de ris, 19, 225-234, 818-819, 825
bouées, 443, 448
bouée fer à cheval, 670, 674
bouge, 301
boulons de quille, 861
bout-dehors, 83, 798
bras de spi, 77, 82, 83-84, 85, 107, 826
brasser, 82, 107
brêlage, 855
bringuebale, 264, 273, 716, 717
brise de mer (ou diurne), 406
brise de terre (ou nocturne), 407
brise thermique, 38, 348, 405
brouillard, 331, 334, 364, 369, 377, 382, 388, 391, 392, 939, (d’advection) 389-390
brûlure, 696-701
brume, 331, 388-391, 575-576, 949
bulletin météorologique, 326-336, 380
bulletin météorologique spécial (BMS), 326, 335-336
Buys-Ballot (loi de), 356, 357, 359, 360
C
cabestan, 254, 273
câblage, 814
câble, 796-797, 801, 803
câblot, 67, 254, 256-258, 267, 270, 272-273, 845, 846
cadène, 22, 134, 237, 796, 799-801, 806, 807, 861, (textile) 834
caisson, 63, 164
canalisation par les reliefs, 393, 394, 395, 399, 400-401, 403-404
canevas Mercator, 604
cap compas, 507, 510, 511, 551, 553, 554, 558, 564, 568, 580, 621, 628, 891-893,
895-896
cap magnétique, 511, 553, 558, 564, 891-893, 895
cap vrai, 510-511, 551, 552, 553, 558, 560, 565, 568, 575, 628, 895
cape, capeyer, 88, 89, 246, (voile de) 242
CAPE, 385, 386
capelage, 801-802, 805
capot de pont, 852-853
cardan, 697, 806, 897
cardinale (marque), 434, 435, 445, 446
carène, 14, 319-320, 1012, (liquide) 715
carroyage, 536
carte, 436, 441, 460, 469, 491, 493, 511, 539
carte isobarique, 337-339, 351, 352-354, 380
carte marine, 429, 430, 430, 434, 435, 436-442, 629, (augmentée) 473, (Mercator)
437, (numérique) 458, 466, (papier) 440, (Raster) 449, 458, 459-451, 466, 468,
(vectorielle) 460, 461, 462-466
carte pointée, 351-352, 353, 354, 355
cartouche, (carte isobarique), 352, 356, 361, (carte marine) 436, 629
catamaran, 13, 140, 216, 310, 802
cat-boat, 16, 127
catway, 197, 205-206, 209-211
CCMM, 686
centrale de navigation, 128, 245, 524, 890
centre d’action, 344, 353
centre de carène, 144, 168, 224, 296, 297-299, 307, 319
centre de gravité, 293, 294, 296-299, 316-317
centre dépressionnaire, 374, 376-378, 380
centre de voilure, 316, 318-319
CEP, 338, 340, 347, 349, 361
cercle de sécurité, 468, 538-541, (homme à la mer) 675-676, 678, 679, 681
chaîne, 257-258, 262-264, 266-267, 272-273, 845, 846, (mère) 212, 247
chaise d’arbre, 862, 916
champ (de vent), 356, 360, 361, 370 (de pression) 352, 356, 393
chapeau (faire), 152, 153, 156, 161
chargeur de quai, 880
chasser, 255, 266, 270
chaumard, 199, 289
chaussette à spi, 87
chavirage, 151, 153, 300, 315-317
chef de bord, 758, 782, 788-789, 794
chenal, 445, 446-448, 454-455, 610
chèvre, 722
choquer, 42, 82
chute, 19, 20, 85, 93, 96, 98, 99, 120-121
circuit (d’air), 911-912, (d’aspiration) 901, (basse pression) 901, 904, (d’eau de
mer) 906-908, (électrique) 874-876, 886-887, (gazole) 900, 904, (haute pression)
902, 905
ciré, 29
cirrostratus, 366, 366, 369
cirrus, 365, 366, 369
clapot, 119, 424
cliquet, 857, 858
CMG, 565, 566
cockpit, 14
code zéro, 124, 125
coefficient de marée, 431, 623, 961
coffre, 247-253
COG, 487, 564-565
coinceur, 21, 23
collimation, 584
collision, 608
compas, 891-893, (électromagnétique) 894, (à pointes sèches) 513, 514, 515, (de
relèvement) 485-486, 508, (de route) 510-511, 893, 897
conflit, 780-784
contre-écoute, 66
contre-gîte, 52, 319
convection, 364
convergence, 400
coquetier, 84
cordage, 810-819
corps-mort, 247
corrosion, 865, (caverneuse) 867, (électrique) 865, (galvanique) 862-864
cotre, 242, 1008-1009, 1011
couche limite, 307
coup de fouet, 189
coupée, 213
couple (de chavirage), 315, (de redressement) 297
courants, 622, 628, 629, 630, (alternatif) 559, 950, 951, (constant) 555, (de dérive)
941, (généraux) 940, (giratoire) 950, 951, (de pente) 942, (variable) 556
courbe (de déviation), 510, 511, 893, 895, (de marée) 625-626, 627, 960, (de
stabilité) 300
courbure, 118, 119, 394, 401
courroie, 907, 913
courtoisie, 784
coussin (effet de), 396, (hémostatique) 703
CPA, 612
Cras (règle), 511, 512, 513, 514
crépine, 906, 909-910, 922, 927
croc (de mouillage), 266, 267, (de ris) 21, (pélican) 22, 237
CROSS, 335, 731
CRR, 738
culmination, 592
cumulonimbus, 367, 368
cumulus, 365, 368
cunningham, 94, 121, 137
cuve à eaux noires, 928, 930, 1000-1001
cyclogénèse, 372
cyclone, 345, 350
D
danger isolé, 447
darse, 183, 210
davier, 254, 273
dead reckoning, 580
débrasser, 82, 107
déchet (marée), 962, (pollution) 1000-1002
déclinaison (magnétique), 508, 509, 551, (du Soleil) 587, 588, 593
décommettre, 817
défense, 184, 185
déferlante, 965, 966
déferlement, 972
défibrillateur, 705-706
dégagement d’urgence, 687
déhaler, 200
délaminage, 861
delphinière, 84, 798
démarreur, 915, 915, 920
démâtage, 718-719
demi-clés, 24
départ au lof, 75, 110
déplacement, 243
dépression, 329, 344, 354, 371-375, (extratropicale) 375, 379-380, (mature) 373,
376, (occluse) 374, (secondaire) 378, 379, (thermique) 410-411, (orographique) 413
déraper, 270, 271
dérive, 14, 16
dériveur, 14, 16, 19
désalinisateur, 749, 764, 766
dessaler, 151
détresse (appel de), 735, (message de) 737, (signaux de) 741
détroit, 414
dévent, 105, 393, 395
déventer, 55, 81, 84, 102, 676
déviation, 510
diffraction, 973, 974
dispositif de séparation du trafic (DST), 527, 611
distance zénithale, 592, 593
divergence, 400
division, 240, 471
dormant (d’un cordage), 828
dorsale, 354, 355, 382, 416, 419
dotation médicale, 709
Douglas (échelle de), 326, 331, 970
downwelling, 943
drisse, 19, 69, 120, 818-819, 825 (point de) 19, 20
droite de hauteur, 581, 598, 601, 603, 606
drome d’emport, 748
duc d’Albe, 186
duite, 814, 817
E
EBL, 615
ECDIS, 464
échelle (de la carte), 433, 439, 466
échouage, 711
échouement, 711, 712-714
ECMWF, 340, 347
écope, 157, 747
écoulement, 92, (décollé ou décroché) 91, 92, 104-109, 305, (laminaire) 91, 92, 99,
303, 305
écoute, 19, (point d’écoute) 19, 20
écran, 528, (d’état) 522
ECS, 465
écubier, 254, 273
effet de pas, 190
effet de pointe, 401
électrisation, 700
électrocution, 700
électronique, 524, 887, (paramétrer) 525
embelle, 197, 200, 202, 211
embase (de Saildrive), 919
embosser, 268
embraquer, 42
embuvage, 870
emmagasineur, 141, 797
empannage, empanner, 48, 51, 171, 176, (chinois) 73, (sous spi) 76, 77, 172, 177
empenneler, 268
ENC, 462, 464
enfourner, 157
enrouleur (de génois), 95, 220, 234-236, 241, 797, 803-804, 825, (de grand voile)
233
ensimage, 812
éolienne, 882, 882
épave, 434, 448, 456, 715, 774, 791
éphémérides nautiques, 581, 591
épissure, 826, (sur âme pure) 828-831, (chaîne-câblot) 845-846, (cousue) 831-833,
(sur double tresse) 838-843
épontiller, 717, 718
époxy, 873
équipet, 34, 771
erre, 66
erreur instrumentale, 584, 585
erse, 266, (à bouton) 22
espar, 17, 722
espèces protégées, 986
estime, 568
estran, 431, 979, 985, 994
estrope, 84, 240, 797
étai, 17, 18, 803, (bas étai) 241, 801, 806, 809, (largable) 237
étale, 546, 950, 960
étalingure, 273
étambrai, 16, 17, 134
étamer, 884
étarquer, 94, 221
étouffement, 701, 702
F
fardage, 201
fargue, 778
faseyer, 44
faveur, 57, 94, 98, 305
fetch, 967, 968
feu (à bord), 725
feu à main, 742, 743
feux de route, 609-611
feux de signalisation maritime, 448-453, (à secteurs) 453, 454, (directionnels) 454
fibre, 811, 816, (continue-discontinue) 815, 817, (à haut module), 812-813
fil de caret, 817
filière, 854
filtre (à air), 907, 921, (fin) 900, 901, 903, 904, (à huile) 910, 911, (préfiltre) 901,
903
flash-light, 670
flot, 560, 950, 951, 960
flottaison, 298, 309-310
fluage, 813, 814
fluide, 302
fluxgate, 894
foc, 17, 19, 20, 137, 236, 1008-1009, (en ciseau-tangonné) 105
foil, 114
force (aérodynamique), 301, 302-306, 318, (hydrodynamique) 301, 318, (vélique)
303, 304, 306
force génératrice de la marée, 953, 954-955
foudre, 728-729
frapper, 22, 199
frein de bôme, 112
front, 353, 354, (chaud) 375, 418, (froid) 331, 372, 377, 414, (occlus) 373, 374
front (de rafales) 384, (de brise) 407
frontolyse, 354, 375
fuite (allure de), 90, 240, 246
fuite électrique, 865, 876, 886
fumigène, 742
fuseau, 817
fusée parachute, 742
fusible, 878
G
gaffe, 185, 692, 717
galhauban, 18, 800, 809
garcette, 229-230, 239
garde, 196, 202
gatte, 726, 910
gelcoat, 860, 871
gendarme, 718
gennaker, 105, 243
génois, 70
géoréférencement, 458
géostrophique, 357, 360, 604
GFS, 340, 347, 348, 349, 361
gilet, 26, (automatique) 671
girouette-anémomètre, 113, 566
gisement, 609, 615
gîte, 15, 319
GNSS, 516
godille, 283-285
gouvernail, 15
GPS, 487, 516
grab-bag, 747, 748
gradient de pression, 356, 357-358
grain, 408, 409-410
grand-voile, 17, 19, 20, 1008-1009
grappin, 281
gréement, 17, 18, (autoporté) 802, (continu-discontinu) 801, (courant) 19,
(dormant) 17, 18, 795, (de fortune) 722, (fractionné) 801, (de spi) 82
Greenwich, 430, 588, 589, 591
gréer, 135
Grib, 338, 361, 362, (de courant) 631, 632
groupes d’avis aux navigateurs (GAN), 441
guignol, 802
guindant, 19, 20, (rond de) 93, 95, 136, 221, 240
guindeau, 214, 254, 263, 271, 273
Gulf Stream, 948-950
H
H 1/3, 331, 970
hale-bas, 21, 121, 220
haler, 200
harmoniques, 622, 953, 955
hauban, haubanage, 17, 18, 795-797, 800-801, (tension de) 809-810
haut module, 240, 812, 813, 815, 816, 820, 827
haute(s) pression(s), 344, 358, 381
hauteur, (angulaire) 582, (droite de) 598, (instrumentale) 589, (observée) 589,
(vraie) 590, 592
hauteur des vagues, 968, 969, (significative) 970
haut-fond, 971-972
Heimlich (méthode de), 702
hélice, 917, 917-918
hélitreuillage, 744-745
Hirlam, 347
HO249, 599
homme à la mer, 670, (dispositif) 683
hook, 136
hors-bord, 922
houle, 421, 969
hydrocution, 707, 708
hypothermie, 708
I
impeller, 906
incendie, 724-728
index orageux, 386
individu isobarique, 351, 353, 354, 355
injecteur, 902
insolation, 696
intercept, 598
intermédiaire (hauban), 18, 800, 809
inverseur, 187, 916
isobare, 351, 352-354
isobathe, 432, 575, 576
isochrone, 650-651
isomarnage, 955, 956
itague, 137, 138, 240, 797
J
jusant, 560, 950, 951, 960
L
laisse de mer, 992, 994
laize, 20 , 847
laminaires (algues), 984
largue (allure de), 39
lashing, 834
latitude, 430, 431
layline, 566, 567
lazy-bag, 214, 220
lazy-jack, 185, 219, 220, 230
LED, 877
lest, 14
lichens, 983, 984
ligne cotidale, 955, 956, 957
ligne de foi, 507, 552, 897
ligne de sonde, 575, 576
ligne de vie, 853
limbe, 583, 584, 585, 586
limitation de responsabilité, 791, 792
liston, 97
livre de bord, 570, 634, 635, 793
loch, 535, 569, (-speedomètre) 888, (-sondeur) 889
lofer, 45, 47
lof pour lof, 51, 66
longitude, 430, 431
longueur d’onde, 965
losange, 802
louvoyage-louvoyer, 42, 43, 44
lover, 67
loxodromique, 437
lyre du compas, 514
M
M2 (onde), 958
maille, 347, 348
maître-bau, 683
maîtresse ancre, 258
mal de mer, 694, 695
manille, 22
manœuvre, 19
manque à virer, 72, 73
marais barométrique, 354, 355
marée, 952, (calcul de) 622-628, (onde de) 955, 958, (semi-diurne), 958, 959, 960
marge froide, 377
marnage, 197, 260, 625, 962
massage cardiaque, 705-706, 708
mast-jack, 810
mât, 18
mâtage, mâter, 133, 134, 806, 807
matelotage, 24, 25, 827
MAYDAY, 735
meltem, 939
membrane (voile à), 848-849
Mercator (carte), 437
mer du vent, 967
mer significative, 331
mer totale, 970
méridienne, 577, 581, 592, 597
météogramme, 362
miroir de signalisation, 741
mistral, 415
MMSI, 733
MOB, 672, 674, 890
modèle numérique, 346, 347
montant, 560, 950, 960
morte(s)-eau(x), 432, 438, 961-964, 994
moteur Diesel, 898, 899, 907
mou, 47, 53, 127
mouillage, 254, (forain) 259, (en plomb de sonde) 269
mousqueton, 20, 22
MRCC, 688
multimètre, 886-887
N
nable, 764, 900
navire astreint, 733
Navtex, 336
nerf de chute, 96
NOAA, 338, 347
nœud (d’amarre) 24, (de cabestan) 25, (de chaise) 25, (constrictor ou de
meunier) 836, 837, (gansé) 229, (en huit) 25, (de Prusik) 844, (de taquet) 24
nord géographique, nord vrai, 430, 509
nord magnétique, 508, 509
NMEA, 524, 525
noyade, 708
nuages d’onde, 420
O
occlusion, 374
œil épissé, 828, 838
œuvres mortes, 201
ondes de tempête, 944
orage, 383
organisation maritime internationale (OMI), 730, 788
orin, oringuer, 275, 276-277
orthodromique, 437
osmose, 866, 867
overzoom, 468
P
padeye, 246, 820, (textile) 820
paillet, 717, 718
pain (recette du), 772
palan, 21, (d’écoute) 21, 121, (de cunningham) 137, (de trapèze) 179
panne, (fausse) 78, 84
panneau, (gréement) 801, (voile) 847-849, (solaire) 882
PAN PAN, 736
pantoire, 16
passe-coque, 665, 716, 927
pataras, 17, 18, 103, 121
pavillonnerie, 786, (de détresse) 741
PBO, 796, 813, 816
pendille, 212, 213
penon, 57, 93, 98-99
perche de repérage, 670
perdant, 560, 950, 960
perturbation, (météorologique) 371, 372, (magnétique) 896
pharmacie, 709, 710
photo satellite, 370, 391, 392
phytoplancton, 985, 996, 998
piano, 229, 824
pied de pilote, 260, 488, 622, 628
pilot charts, 340
pilotage, 474
pince (rond de), 93
pinoche, 665, 716
plan antidérive (ou de dérive), 14, 114, 1012
plancton, 995
planer, planing, 165, 166, 167, 310, 311
PLB, 739, 740
plus basse mer astronomique (PBMA), 431, 432
point amphidromique, 956, 957
point de calcul, 590
point de tire, 120
point triple, 374
pointe (amarre), 196
polaire (de vitesse), 130, 131
polyamide, 811, 813, 816
polyester, 812, 813, 815, 816, 872, (résine) 868
polyéthylène haut module, 812, 813, 816
polypropylène, 811, 816
pomme de touline, 198
portée d’un feu, 451, (géographique) 452, 453, (nominale) 452
posidonie, 993, 993
position latérale de sécurité (PLS), 696, 704
pot à barbotage, 907, 908
pot au noir, 345
poulie, 23, 822
poussée d’Archimède, 294, 296
préchauffage, 912
près (allure du), 39, 40
presse-étoupe, 908, 916
prévisions, 421, 651, 658, par zones (area forecast) 329
privilégié, 40
profil (d’une voile), 94
Q
quadrature, 963
quart, 755, 756, 757, 762
quête, 134, 319, 808
Quick Stop, 672, 675
quillard, 14, 15
quille, 14, 15
R
raban, 218, 229
radar, 614, 616
radeau de survie, 746
radionavigation, 516
rafale, 360
ragage, 260
ralingue, 20
rapport de mer, 794
raz, 952
réa, 23, 231, 821-822, (à friction) 823
recouvrement, 224
réduire (la voilure), 222
réflexion, 973, 974
réfraction, 973
refus, refuser, 59
règles de barre, 610
règle du pouce, 436, 538
règle des douzièmes, 625, 627
règle des neuf de Wallace, 699
règle (Cras), 511, 512, 513, 514
régulateur de charge, 879
relèvement (de garde ou de sécurité), 485, (de route) 486
remorque et remorquer, 286, (avec l’annexe) 290, 291, (à couple) 289, 290
renflouement, 713-714, 715
renverse, 545, 950
resaler, 152
résistance de vague, 307
revif, 962
ridens, 973
ridoir, 21, 22, (à levier) 237
RIPAM, 608
ris (prise de), 225, 226, 227, 228, (automatique) 231-233
risée, 114
RNC, 462
Rod, 795, 796
rose de la carte, 508-509
rouet de pompe, 906, 909
roulis rythmique, 132
routage, 647
route, 537, (fond, surface) 553, 556, (optimale) 650
RSO, 709
S
safran, 14, 15, 16
Saildrive ou S-drive, 190, 919
salinité, 937
sancir, 161
SAR, 730, (chaîne) 744
SBAS, 522, 523
scarf, 872, 873
secteur chaud, 375, 377
self-tailing, 23, 72, 856, 858
sextant, 581, 583-586
SHOM, 429
shore break, 972
silentbloc, 907, 918
sloop, 17, 1008
SMDSM, 730
SNSM, 1019
SOG, 564
SOLAS, 730
solent, 236
sonde, 431, 432, 434, 435
souquer, 24
sous-barbe, 83, 798
sous-puissance, 63
spectre de marée, 955
speedomètre, 113
spi, spinnaker, 17, 849, (asymétrique) 19, 83, (symétrique) 76, 77
spirale carrée, 682
spirale d’Ekman, 942
stabilité, 296, (courbe de) 300, (de forme) 297, 298, (de poids) 298
stick, 139
stratus, 365
subsidence, 364
surf, surfer, surfing, 166
surface mouillée, 62, 307
surgainer, 826
surpatter, 855, 856
surpuissance, 63
système géodésique, 520
syzygie, 962, 963
T
tableau d’enchaînement, 554, 558
talonnage, 711, 860-861
talweg, 354, 355, 379
tangage, 64
tangon, 17, 76, 77
taquet, 21, 23
taud, 214, 215
TCPA, 612
temps significatif (temps sensible), 331
tête d’alouette, 199, 267, 278, 834
tirant, 796
tirant d’eau, 295
tissu (de verre), 869, 871
toile du temps, 65
toron, 817, 845, 846
tosser, 142
touée, 265
tourmentin, 240
tour mort, 24, 192, 199
traceur, 458
traînard, 90, 246, 722
traîne, 377
traînée, 105, (aérodynamique) 312, (de frottement) 307, (hydrodynamique) 174,
307, 314, 318
trampoline, 140
transfilage, 834-836
transpondeur, 612
trapèze, 177, 178-181
traversier, 196
tresse, tressage, 814, 815, (carrée) 273
triangle d’incertitude, 534
tribord, 44
trilatération, 517
trinquette, 242, 1008-1009
tropopause, 342, 343, 384
troposphère, 341
tube de jaumière, 862
U
upwelling, 945
UTC, 326
V
vague, 964, 965, 966, (phénoménale ou scélérate) 971
vanne trois voies, 928
varangue, 860, 861
vasière, 994
veille, 608
vent (apparent, vitesse, réel), 41, (catabatique) 412, (calculé, géostrophique,
instantané, météorologique, observé, synoptique) 360
vent arrière, vent de travers (allures de), 39
vent debout, 39, 40
vent (d’afflux, de reflux), 943
VHF, 732-738, 734, (ASN) 737
vidange, 911
vide-vite, 157
virement, virer, 48, 49, 66, (bascule) 170
visibilité, 331
vit-de-mulet, 21, 227
vitesse (cible), 128, (limite) 308
vive(s)-eau(x), 431, 432, 961-964, 994
VMG, 113, 128-129, 131, 174, 565-566
voie d’eau, 715-718
voile, 17, 1008-1009, (entretien) 850-852, (laminée), 848, (tissée) 847
voile de quille, 14, 316, 317
vortex, 375, 376
VPP, 131
vrillage, 100, 102
VRM, 615
W
waterlock, 907, 908
waypoint, 538, 541, 542, 565-566, 567, 637
W-C marin, 927-930, 929
winch, 15, 21, 23, 72, 855-858
WGS, 84, 459, 519, 536
WRF, 347
Z
zénith, 587, 593
zéro des cartes, 431, 432, 623, 960
zone de convergence inter-tropicale (ZCIT), 344, 345
zones météo, 327
zones protégées, 999
zostère, 992, 993
CELLES ET CEUX QUI ONT PARTICIPÉ À CETTE ÉDITION
Chef de projet
Yann Lenotte.
Coordination rédactionnelle
Frédéric Augendre.
Révision et relecture
Frédéric Augendre, Pascal Binet et Yann Lenotte.
Crédits photographiques
Marc Arzel/SNSM : page 1019 ; Jean-Yves Béquignon : pages 1007, 1011 ;
Jean-Yves Bernot : pages 365, haut gauche, haut droite, bas gauche, 366
gauche, 367, 388, 389, 395, 420 haut gauche, bas gauche, bas droit ;
Nicolas Barraqué : page 993 ; Erlend Bjøertvedt : page 984 ; Laurent
Charpentier : pages 245, 1003 ; Laurent Cuminal : page 74 ; Jean-Louis
Guéry : page 974 ; B.Y. Leglatin/Plastimo : page 893 ; MyOcean :
page 632 ; Onera : page 305 ; Andreas Trepte : pages 977 (haut et bas),
979 et 980 ; Volvo Penta page 907.
Toutes les autres photographies sont de Frédéric Augendre.
Dessins
Chloé Yzoard : pages 990-991.