Le Cours Des Glenans - Collectif

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À ceux et à celles qui ont

bien voulu croire à mes rêves.


Philippe Viannay
fondateur des Glénans (1917-1986).
© Éditions du Seuil, pour la 8e édition, octobre 2017.
ISBN : 978-2-02-137090-4

© Éditions du Seuil, 1972, 1982, 1990, 1995, 2002 pour les 2e, 3e, 4e, 5e, 6e et 7e
éditions.
La première édition imprimée du Cours de navigation des Glénans a paru aux éditions du
Compas en deux tomes successifs (1961 et 1962).

Cette version numérique de la 8e édition du Cours des Glénans est optimisée


pour une consultation sur smartphones et tablettes sous Androïd ou iOS.
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SOMMAIRE
Avant de larguer les amarres

CONDUITE, MANŒUVRE
Le voilier, ses équipements, et ceux du marin
Les principes de la conduite et de la manœuvre communs à tous les voiliers
Les spécificités de la voile légère
Les spécificités du croiseur
Quelques notions théoriques

MÉTÉOROLOGIE, NAVIGATION
Météo

Prendre la météo
Comprendre la météo
Observer et prévoir le temps
Navigation

La carte marine
La signalisation maritime
La numérisation des cartes
Naviguer à proximité des côtes : le pilotage
Naviguer en vue des côtes
Naviguer au large
Prévenir les collisions
Mettre au point son projet de navigation
Le routage

SÉCURITÉ
Naviguer, c’est prévoir
L’homme à la mer
Les pathologies et les blessures courantes à bord
Les accidents matériels et les avaries
L’assistance extérieure
Embarquer sur un radeau de survie

VIE À BORD, MAINTENANCE


Vie à bord
La maintenance du voilier

ENVIRONNEMENT MARIN
Océanographie
À la rencontre de la biodiversité marine et du littoral
À la découverte des gens de mer et du patrimoine maritime

DOCUMENTATION PRATIQUE, TABLE ET INDEX


Les Glénans aujourd’hui
Bibliographie
Adresses utiles
Lexique franco-anglais
Table des matières
Index
Celles et ceux qui ont participé à cette édition
Crédits iconographiques
AVANT DE LARGUER LES AMARRES

P lus d’un demi-siècle après sa première parution, nous sommes


heureux de vous présenter la huitième version de ce Cours des
Glénans qui, dès sa première édition en 1961, s’est imposé comme le
manuel de référence du plaisancier, une place qu’il n’a jamais quittée
depuis.

En soixante-dix ans, notre association a édifié une culture nautique


qui a façonné, et continue de façonner, des générations de marins
sachant lire la mer, s’adapter à elle et réagir face à de multiples
situations. Pour tous ces marins et plaisanciers qui sillonnent les mers
pour le plaisir, entre amis ou en famille, qui participent à des régates ou
aux plus grandes courses océaniques, nous savons que Le Cours des
Glénans demeure une référence, et qu’il figure toujours dans la
bibliothèque de bord.
Parce que les matériels, les équipements, les méthodes changent,
parce que les pratiques évoluent, parce que les attentes des navigateurs
ne sont plus les mêmes et que nous devons aussi désormais apprendre à
exploiter et trier une foule de données accessibles sur les réseaux (en
matière d’information météorologique par exemple), Le Cours se devait
d’évoluer. Cette huitième édition ne se contente pas d’une refonte
complète de l’iconographie, des schémas, des cartes, elle revisite et
enrichit tous nos savoirs à l’aune des derniers développements
techniques, en intégrant notamment l’usage des nouvelles technologies
dans les pratiques de navigation. Elle se complète par ailleurs d’un
nouveau chapitre sur l’environnement maritime, qui nous aidera à agir en
navigateurs avertis et responsables, capables de contribuer à la
préservation des mers et des océans.
Pour le reste, les objectifs que se sont fixés les rédacteurs de ce
Cours restent immuables : offrir au lecteur des outils pour maîtriser son
bateau en composant avec les éléments naturels ; lui apprendre à
naviguer en sécurité ; lui donner, grâce à de solides connaissances, les
moyens de vivre pleinement sa passion et de l’associer à des moments
de plaisir uniques. Au-delà de ces apports, Le Cours est fondé sur la
conviction qu’un bon marin doit avant tout être capable d’utiliser son
esprit critique pour adapter ses interventions aux conditions du moment
et aux aléas de la navigation. Il s’agit de l’un des principes de base de
l’enseignement de la voile aux Glénans, qui conjugue en permanence la
pratique et la théorie.
Bénévolat, prise de responsabilités, confiance, solidarité entre les
générations, ouverture à l’autre, vie en collectivité, transmission des
connaissances, formation nautique, respect des sites marins… Telles
sont les valeurs qui enrichissent chaque jour la culture maritime des
Glénans. Ainsi, chaque année, près de 900 moniteurs, très
majoritairement bénévoles, encadrent quelque 15 000 stagiaires,
transmettent ces savoirs et perpétuent l’image des Glénans. Ils sont la
clé de voûte de notre association qui n’existerait pas sans eux.
Chaque édition du Cours est le fruit de cette histoire et de
l’expérience des générations de marins et de moniteurs qui se succèdent
au sein de notre association. Ce patrimoine vivant en perpétuel
renouvellement permet d’apporter des réponses simples à des questions
concrètes et d’utiliser ces connaissances en situation réelle.
Cette œuvre collective unique a mobilisé vingt-neuf personnes,
moniteurs bénévoles, contributeurs et salariés des Glénans, qui ont
échangé et débattu sur les contenus, rédigé les chapitres, réalisé les
nouvelles iconographies. Ni encyclopédie, ni traité, ni recueil
dogmatique, ce Cours, dans ses éditions successives, se veut avant tout
le reflet de la priorité des Glénans : se préoccuper d’abord des
personnes, puis des bateaux, de l’environnement et des techniques.
Voici donc la huitième édition de cet ouvrage indispensable qui se lit,
se relit et qui surtout s’utilise, chez soi, au mouillage ou en mer, par tous
temps et à tout instant. Excellentes navigations et bon vent !

Avis aux navigateurs : vos remarques sont les bienvenues.


Chasseurs d’erreurs, traqueurs de coquilles… Vous avez déniché une perle ? Ne la
gardez pas pour vous. Communiquez-nous vos remarques pour que ce Cours soit
encore davantage une œuvre collective.

– Par courriel : [email protected]


– Par courrier : Les Glénans
Comité de rédaction du Cours
Quai Louis-Blériot
75781 Paris Cedex 16
CONDUITE, MANŒUVRE
Le voilier, ses équipements, et ceux du marin
Les principes de la conduite et de la manœuvre communs à tous
les voiliers
Les spécificités de la voile légère
Les spécificités du croiseur
Quelques notions théoriques
l n’est pas inutile de préciser ce que l’on entend ici par

I « conduite » et par « manœuvre ».


Conduire un voilier, c’est tout simplement le diriger le
plus habilement possible. Habilement ?… C’est-à-dire en
utilisant au mieux l’énergie offerte par le vent, pour se jouer
des résistances d’une surface mouvante et parfois
capricieuse : la mer – ou encore l’eau douce pour ceux qui
naviguent sur les lacs ou en rivière. Conduire, ce n’est pas
seulement barrer – gouverner – son voilier, c’est aussi régler
ses voiles et gérer son assiette, de façon à en tirer la
quintessence. Naviguer propre avec des voiles bien établies,
un bateau qui tient sa route et passe bien la vague, une
trajectoire adaptée aux conditions de vent et à la destination
à atteindre, progresser en souplesse, et sans efforts
superflus, sentir que le bateau est vivant et le mener à sa
meilleure vitesse, ce sont là les grands plaisirs de la pratique
de la voile.
Que l’orientation du vent vienne à se modifier, ou que
celui-ci se renforce ou bien faiblisse, ou encore tout
simplement que l’on décide de changer de direction, on quitte
alors le domaine de la conduite pour entrer dans celui de la
manœuvre. Sur un voilier, les manœuvres sont nombreuses et
de natures différentes : changer de direction donc – on dira
plutôt « changer de cap » ou « virer de bord » – mais aussi
modifier la surface de la voilure, établir une voile dédiée aux
allures portantes (un spinnaker), accoster, passer une
remorque…
À chaque type de pratique correspondent des manœuvres
particulières : en voile légère, il faut savoir redresser un
bateau chaviré, appareiller d’une plage ou d’une cale ; sur un
croiseur, il faut mouiller (« jeter l’ancre », en langage de
terrien), être capable de manœuvrer au moteur, effectuer une
arrivée ou un départ de quai…
Les pages qui suivent ne prétendent pas faire du lecteur un
barreur ou un régleur hors pair, ni un fin manœuvrier, parce
que rien ne remplace la pratique, dans ce domaine plus que
dans aucun autre. L’ambition de cette partie du Cours n’en est
pas moins grande : fournir les clés essentielles pour
comprendre ce qui est en jeu, accompagner l’apprentissage
ou la progression en passant en revue tous les savoirs et les
savoir-faire qu’un équipage met en œuvre aux commandes de
son voilier.
Le voilier, ses équipements,
et ceux du marin

L es navigateurs ont toujours disposé d’une gamme étendue de


vocabulaire pour désigner les différents éléments de leur bateau.
Avant toute chose, et ne serait-ce que pour lire aisément et comprendre
les chapitres successifs de ce Cours, il est nécessaire de connaître les
quelques termes marins exposés ici. Nul snobisme ni manie initiatique là-
dedans. C’est seulement que l’usage d’un vocabulaire précis s’avère
indispensable en mer, parce qu’un voilier se prépare, se conduit et se
manœuvre souvent en équipage et qu’il est indispensable de s’entendre
une fois pour toutes sur le nom de chacune des parties qui le constituent
et de chacun des équipements dont il est muni. C’est la seule façon de
partager rapidement des informations, de s’entendre sur les actions à
entreprendre, et d’éviter par conséquent déboires et déconvenues. Un
index, situé en fin d’ouvrage, permettra au lecteur de se rafraîchir la
mémoire si besoin est.

LA COQUE ET SES APPENDICES


La coque est le corps du bateau ; elle est le plus souvent construite
en fibre de verre et en polyester, mais elle peut aussi être en bois, en
acier, en aluminium ou en fibre de carbone et époxy. Pour exploiter la
force du vent, le bateau doit trouver un appui dans l’eau. Cet appui lui est
fourni par un aileron fixé sous la coque, et solidaire de celle-ci, qui
constitue son plan de dérive (au sens strict, c’est plutôt un plan
antidérive, qui évite au voilier de dériver, c’est-à-dire de déraper
latéralement, et cette deuxième locution est également employée). Il
peut s’agir d’une simple planche amovible nommée dérive (elle donne
son nom au « dériveur »), ou une quille constituée d’un voile de quille et
d’un lest, ce dernier contribuant à la stabilité du navire (on parle alors de
« quillard »).

Un Hobie Cat 16. Le flanc extérieur des coques asymétriques, quasi vertical,
constitue son seul plan de dérive. D’autres modèles de catamarans de sport
présentent sous chaque coque un aileron longitudinal peu profond, courant
pratiquement de l’étrave jusqu’à l’arrière.

Les multicoques n’ont pas besoin de quille, leur largeur étant le


garant de leur stabilité, et certains se passent même de dérive, leur
vélocité et la forme de leurs coques suffisant à leur éviter de déraper.
Le safran, situé à l’arrière de la coque, est un aileron orientable qui
permet de diriger le bateau. Sur les voiliers de petite taille, on le
manipule à l’aide d’une barre dont il est solidaire : on parle alors de
voilier à barre franche. Sur les bateaux plus importants, le safran est
actionné à l’aide d’une barre à roue. Celle-ci ne ressemble plus à une
« barre » bien droite, mais elle a tout du volant. Le mécanisme qui la relie
au safran démultiplie les efforts du barreur.

Un quillard de croisière.
Un petit quillard de sortie à la journée. Ce type de dayboat est parfois muni
d’une cabine symbolique et sommairement aménagée.

Certains voiliers dotés d’un arrière particulièrement large sont munis


de deux safrans excentrés, de façon à ce que lorsque le bateau gîte
(lorsqu’il s’incline sous l’effet du vent), il y en ait toujours un totalement
immergé et donc parfaitement efficace. Cet avantage manifeste des
voiliers bi-safran a ses contreparties : le système de liaison entre la barre
(ou les barres) et les safrans est plus complexe et plus lourd qu’un
gouvernail 1 conventionnel ; par ailleurs, les safrans sont vulnérables aux
chocs avec les gros animaux marins et les débris semi-immergés ou
flottants, à la différence d’un safran central protégé par la quille, dans
l’axe de laquelle il se situe.
Sur certains bateaux, les plus petits en particulier, le safran et la
dérive sont relevables par pivotement. Ce système facilite les arrivées et
les départs de plage et permet de naviguer dans très peu d’eau,
avantages dont sont dépourvus le safran fixe et la dérive sabre (celle-ci
remonte mais ne pivote pas), plus légers néanmoins et plus simples et
solides que les modèles relevables.
Qu’ils soient fixes en navigation (la quille, la dérive) ou orientable (le
safran), ces ailerons suspendus sous la coque sont qualifiés
d’appendices.

Un dériveur de type Laser sur son chariot de mise à l’eau. Le safran est à
poste, la dérive sabre est en position haute. Le mât non haubané est fiché dans
l’étambrai. L’écoute est reprise sur une pantoire (cordage muni d’un anneau sur lequel
fixer un palan ou une manœuvre). Ce voilier mené en solitaire est de type cat-boat : il
est dépourvu de voile d’avant et ne dispose que d’une grand-voile.
Un RS 500, dériveur à deux équipiers. Ici, le safran est relevé. La dérive pivotante
est masquée dans son puits. Le mât est simplement posé. En l’absence d’étambrai,
une paire de bas-haubans renforce son maintien latéral. La coque à double fond est
autovideuse : l’eau embarquée en navigation s’évacue par les ouvertures ménagées
dans le tableau arrière.

LE GRÉEMENT
Le gréement est le moteur du voilier. Il comprend la ou les voiles, le
mât, la bôme. Son rôle est de convertir l’énergie du vent en force de
propulsion pour faire avancer le bateau. Les détails du gréement varient
en fonction de la taille et du modèle du bateau.

LE GRÉEMENT DORMANT
Dans la plupart des cas, le mât est tenu par un ensemble de câbles
constituant le haubanage. On distingue les haubans qui se situent dans
le plan latéral, l’étai qui retient le mât sur l’avant, et le pataras sur
l’arrière. Le mât, la bôme (ainsi que le tangon que l’on établit pour
naviguer sous spinnaker) sont des espars (du nom de tout ce qui
autrefois sur les navires était fabriqué avec une longue pièce de bois ; un
aviron est aussi un espar). L’ensemble constitué par le mât, la bôme et le
haubanage représente le gréement dormant. Sur certains petits
bateaux, comme le Laser ou l’Optimist, le mât n’est pas haubané, mais
simplement fiché dans le fond de la coque et maintenu à la verticale
grâce au pont ou à un banc qu’il traverse. L’ouverture ainsi ménagée
dans le pont ou le banc pour le passage du mât est appelée l’étambrai.

LES VOILES
La plupart des voiliers de plaisance sont gréés en sloop bermudien,
c’est-à-dire qu’ils sont dotés de deux voiles triangulaires, une grand-voile
à l’arrière du mât et un foc à l’avant de celui-ci, le foc étant généralement
assujetti à l’étai. Ils peuvent être équipés d’un spinnaker ou « spi », voile
qu’on ne hisse que quand le bateau navigue aux allures portantes, c’est-
à-dire en recevant le vent sur l’arrière de son travers, comme nous le
verrons plus loin. Le spi asymétrique tend à supplanter le spi classique
symétrique pour faciliter sa manœuvre, mais sa plage d’utilisation est
plus restreinte, et ne permet pas la navigation au plein vent arrière.
Fabriquées en nylon pour les spis, en polyester 2 pour les autres
voiles dites « plates », les voiles sont renforcées dans les zones subissant
le plus de contraintes – essentiellement à leurs trois coins, par lesquels
elles sont fixées au reste du gréement. Ces coins ont chacun leur nom :
le point d’amure, le point d’écoute et le point de drisse. C’est aussi le
cas des trois côtés de la voile : le guindant à l’avant, la chute à l’arrière
et la bordure en bas.
Le gréement dormant d’un croiseur doté d’un mât à deux étages de barres de
flèche. Sur ce voilier, l’étai ne monte pas jusqu’en tête de mât : on parle de gréement
fractionné.
Un dériveur sous grand-voile, foc et spi asymétrique.

LE GRÉEMENT COURANT
Par opposition au gréement dormant, le gréement courant est
constitué de tous les câbles ou cordages qui « courent » dans la mâture
et sur le pont. On distingue les drisses, au moyen desquelles sont
hissées les voiles, des écoutes, grâce auxquelles on les oriente et les
règle. On parle souvent de bosse 3 pour les cordages affectés à d’autres
fonctions : par exemple les bosses de ris pour réduire la surface de la
voilure, la bosse d’amure pour retenir le point d’amure du spi
asymétrique, ou la bosse d’empointure reliant à la bôme le point
d’écoute de la grand-voile.

L’ACCASTILLAGE
Tous les accessoires destinés au réglage du gréement et à la
manœuvre des voiles constituent l’accastillage du bateau. Le gréement
courant est contrôlé au moyen de poulies et si nécessaire de winchs,
lorsque les efforts à mettre en œuvre sont importants (un winch est une
sorte de treuil). L’écoute de grand-voile coulisse dans plusieurs poulies,
formant ainsi un palan 4 (le palan d’écoute) qui démultiplie la force de
traction exercée par l’équipier qui la manœuvre. Taquets et autres
bloqueurs ou coinceurs immobilisent drisses et écoutes à la longueur
désirée. La tension des haubans est ajustée au moyen de ridoirs.
Le foc et la grand-voile.
Le contrôle de la bôme et de la grand-voile.

QUELQUES RIDOIRS (FIXER, AJUSTER, TENDRE)


MANILLES ET MOUSQUETONS (FRAPPER 5, ACCROCHER)
QUELQUES POULIES (DÉVIER, GUIDER)
TAQUETS ET WINCHS (FREINER, BLOQUER, COINCER)
LE MATELOTAGE DE BASE
Historiquement, on regroupait sous le terme de matelotage l’ensemble des
savoir-faire d’un matelot à bord d’un navire, de l’arrimage de la cargaison à
l’entretien du gréement. Le mot est resté pour désigner le travail sur les cordages.
Cette double page présente les nœuds essentiels, ceux qu’il faut à tout prix
connaître et qui permettent de faire face au quotidien à la quasi-totalité des
situations rencontrées en navigation. On se reportera au chapitre « La
maintenance du voilier » ► pour les opérations de matelotage plus complexes,
dont les épissures.

Nœud d’amarre
Un tour mort et deux demi-clés : c’est le plus simple des nœuds d’amarre,
et il a l’avantage de pouvoir être largué sous tension. Il est très fiable, comme le
souligne le dicton « un tour mort et deux demi-clés n’ont jamais manqué ». Le tour
mort, qui permet de bloquer instantanément un cordage ou de le filer à la
demande, sert ici à réduire les efforts sur le nœud, et à éviter aux demi-clés de se
souquer 6.

Nœud de taquet
Il permet de frapper une amarre ou une drisse sur un taquet. Après avoir
effectué un tour mort autour du taquet, on réalise un huit, puis on bloque
l’ensemble avec une demi-clé renversée. Lorsqu’on effectue cette demi-clé, le brin
supérieur du cordage doit bien croiser, et non pas se présenter parallèle au bord
du taquet. Inutile de multiplier les huit, cela ne servirait qu’à augmenter le volume
du nœud, alors qu’on aura peut-être besoin de place sur le taquet pour y frapper
une deuxième amarre. Avec une écoute, ou encore un cordage de remorque, la
demi-clé est prohibée, car il faut pouvoir larguer en urgence et on ne peut prendre
le risque qu’elle se souque. Après avoir tourné le cordage en huit, on termine alors
le nœud par un tour mort.

Nœud de chaise
Très fiable, il présente deux grands avantages : il se défait aisément même
après avoir été soumis à de très fortes tractions ; de tous les nœuds, c’est celui
qui affaiblit le moins la résistance du cordage. On l’utilise partout où l’on a besoin
d’une boucle facile à dénouer, pour frapper écoutes et drisses sur les voiles, ou
pour l’amarrage, notamment si le bateau doit rester longtemps à son
emplacement. Lorsqu’on réalise un nœud de chaise, il faut prendre le temps de le
souquer fermement, son défaut étant qu’il risque de glisser lorsqu’il n’est pas sous
tension. Veiller aussi à laisser une « queue » suffisamment longue, au minimum la
largeur de la main.
Nœud en huit
Il évite qu’écoutes et drisses ne s’échappent de leurs poulies et bloqueurs.

Nœud de cabestan
Ce nœud permet de fixer rapidement un cordage à n’importe quel point fixe
comme un anneau, une bitte d’amarrage, une main courante. Il a son utilité pour
l’amarrage, mais deux défauts : il peut se larguer en tournant sur lui-même si la
surface du point fixe est glissante, et une fois fortement souqué, il devient difficile
à dénouer. C’est le nœud parfait pour placer les défenses sur les filières. On peut
alors le compléter, par sécurité (à droite sur l’image), par une demi-clé sur le
dormant 7 du cordage.
L’ÉQUIPEMENT INDIVIDUEL DU MARIN
L’équipement individuel d’un navigateur varie non pas en fonction de
l’âge du capitaine (quoique !), mais de la pratique envisagée (voile légère
ou croisière), de la météo, de la température de l’air et de la mer. Ces
équipements ont pourtant des points communs : leurs fonctions
respectives, que nous avons choisies pour les classer.

ASSURER LA FLOTTABILITÉ EN CAS DE CHUTE À LA MER


Sur un dériveur, un catamaran, ou même une annexe, quel que soit le
temps, on ne peut écarter l’éventualité d’un chavirage. Sur un plus gros
bateau, il faut envisager la possibilité d’une chute par-dessus bord. Porter
un gilet ou une brassière de sauvetage est donc une simple question de
bon sens. Sans brassière, il est très difficile de tenir longtemps dans une
eau toujours plus froide qu’on ne l’imagine.
Ce type de gilet 50 N est homologué pour la voile légère, le kayak et la planche à
voile. En voile légère, l’équipement individuel se complète d’une combinaison
Néoprène, de bottillons ou chaussons, et d’une ceinture de trapèze, le cas échéant.
On peut compléter avec des gants ou des mitaines, selon ses habitudes et ses
préférences personnelles.

Les aides à la flottabilité (gilets ou brassières de sauvetage)


répondent aux normes européennes EN ISO 12402 sur « les aides à la
flottabilité », qui se déclinent en plusieurs subdivisions selon le niveau de
flottabilité assuré par la brassière, par exemple 50 newtons pour la voile
légère. En croisière, la flottabilité minimale (100 ou 150 N) est fonction
de la catégorie de navigation 8. Le marquage CE ou EN ISO doit figurer
sur l’équipement.

DISPOSER D’UN OUTILLAGE PORTATIF MINIMAL


Le couteau (pliable !) est le premier compagnon du marin. Il tranche
le saucisson, coupe un filin bloqué qui empêche toute manœuvre, dégage
le bateau d’un filet dans lequel il s’est empêtré, sectionne le trampoline
d’un catamaran sous lequel on est coincé. Dans ces moments-là, on ne
regrettera jamais de porter sur soi en permanence son fidèle couteau. On
peut lui associer un démanilleur, qui, comme son nom l’indique, permet
de serrer et de desserrer le manillon d’une manille. Une alternative
intéressante est l’outil multifonctions, doté de plusieurs types de lames
mais aussi, selon les modèles, de limes, de tournevis, voire de ciseaux ou
d’un décapsuleur. Ils ne sont pas équipés d’un démanilleur en tant que
tel, mais l’outil pince fait tout aussi bien – voire mieux – l’affaire.
Signalons enfin que certains modèles de gilets de sauvetage et de
ceintures de trapèze sont munis d’un petit couteau de sécurité en forme
de doigt recourbé.
Démanilleur et couteau traditionnel, couteau-démanilleur (avec tire-bouchon
en option) ou outil multifonctions, le choix est affaire de préférences personnelles
mais aussi de budget.

DISPOSER D’UN MOYEN DE REPÉRAGE LUMINEUX INDIVIDUEL


Un moyen individuel de repérage lumineux, étanche, est obligatoire.
Ce peut être une lampe torche étanche ou un moyen lumineux individuel
ayant une autonomie d’au moins six heures, qui doit être soit fixé au
gilet, soit porté en permanence sur soi. C’est une obligation
réglementaire, mais aussi une précaution élémentaire, même en voile
légère. Si l’on ne parvient pas à rejoindre la côte avant la fin de la
journée, on pourra ainsi se signaler et éventuellement guider les secours.
Les dispositifs lumineux individuels sont divers, on peut opter pour
une lampe brassard équipée d’une flash-light, un bâton luminescent, ou
encore une lampe torche étanche, mais le meilleur système reste sans
conteste la flash-light intégrée au gilet et se déclenchant
automatiquement en cas d’immersion.
La lampe torche ou la frontale n’en restent pas moins indispensables
en navigation de nuit, pour s’éclairer sur le pont à la manœuvre, ou à
l’intérieur lorsqu’on veut se livrer à une tâche particulière sans réveiller
les autres. Les frontales les plus intéressantes sont munies d’un volet
rouge évitant d’éblouir les autres et soi-même, et de différents niveaux
de puissance : en mode « boost », certaines valent un petit projecteur
longue portée. Le bâton de Cyalume dans la poche du ciré est un
excellent complément à la flash-light si l’on tombe à l’eau, il pourra aussi
dépanner en certaines circonstances : ces crayons lumineux sont ainsi
de bons éclairages de secours pour le compas.

Éclairer, s’éclairer. L’équipement collectif affecté au bateau (ici, un projecteur


longue portée) côtoie le matériel individuel. Sur cette image, une panoplie (non
exhaustive) de dispositifs pas forcément tous concurrents ou exclusifs les uns des
autres : mini flash-light, lampe de poche, torche étanche, frontale classique, frontale
avec volet rouge et plusieurs niveaux de puissance, frontale ultralégère, bâton
luminescent hors de son emballage.

SE PROTÉGER DU FROID
Il ne fait jamais très chaud en mer. Perdre de la chaleur est l’un des
plus grands dangers auquel on peut être confronté sur l’eau. Une
exposition prolongée au froid provoque un grand état de fatigue, et la
vitesse à laquelle se refroidit le corps humain sur la mer surprend
toujours le débutant. Nous disposons d’une réserve limitée d’énergie et
celle-ci se réduit singulièrement au contact du froid et de l’humidité.
L’une des clés principales du confort en mer est d’éviter d’avoir froid. La
règle est assez simple : toujours emporter une couche de plus que celles
dont on pense avoir besoin. Sauf en de rares occasions, le maillot de bain
est toujours insuffisant !
– En croisière, certains bateaux « mouillent » plus que d’autres. Quel
que soit le bateau cependant, la probabilité de se faire rincer est forte, ne
serait-ce que par les embruns. Et pour ne pas se refroidir il faut rester
sec. Le seul moyen d’y parvenir est de porter des vêtements étanches
(des cirés) au-dessus de vêtements chauds. Mais il ne faut pas non plus
avoir trop chaud. Cela fait transpirer, ce qui n’est pas agréable, et peut
provoquer un refroidissement ultérieur. C’est pourquoi il vaut mieux
porter plusieurs couches de vêtements qu’une seule trop épaisse. Le
contrôle de la température du corps se fait plus facilement en enlevant
ou en ajoutant une couche en fonction des besoins.
La règle de base est celle des « trois couches ». La première, portée à
même la peau, évite la condensation. La deuxième couche isole du froid.
La troisième est étanche, mais permet d’évacuer l’humidité intérieure.
Par froid intense on ajoutera une couche intermédiaire, sous le ciré. À
éviter : les jeans et les vêtements de coton, parce qu’ils seront froids et
raides une fois mouillés. Privilégier les tissus synthétiques type polaire,
qui ne retiennent pas l’eau sur la peau, sont légers et sèchent vite, ou
encore les tissus en laine mérinos, qui sèchent un petit peu moins bien
mais sont naturellement chauds et respirants, et très agréables à porter.
– En voile légère, on est souvent en contact direct avec l’élément
aquatique (appareillage de la plage, rappel, chavirage…). En conditions
estivales, la protection est assurée par une combinaison Néoprène type
shorty (manches et jambes courtes) ou intégrale. En cas d’immersion, le
vêtement garde entre le Néoprène et la peau une fine couche d’eau, vite
tiédie par le corps. Ces combinaisons sont assez fragiles et ne protègent
pas du vent une fois qu’on est remonté sur le bateau. Mieux vaut
protéger le fessier des frottements sur le caisson du dériveur par un
short large, et prévoir pour le haut un coupe-vent s’il y a de la brise et
que le soleil se fait rare.
Aux Glénans, la combinaison est obligatoire en voile légère pour trois
raisons :
– Elle permet d’attendre dans l’eau sans risque important après un
chavirage.
– Elle assure un surcroît de flottabilité.
– Elle apporte au débutant un sentiment de sécurité, qui l’autorise à
pousser ses découvertes sans craindre le chavirage, et à remonter sur
son bateau sans se sentir en situation d’échec.
Les trois couches. Même les sous-vêtements sont en synthétique ou en laine. Le
coton garde l’humidité et le froid.

Hors de la belle saison, ou dans un contexte climatique plus


rigoureux, il faut savoir investir dans une combinaison sèche fermée au
col, aux poignets et aux chevilles (certaines intègrent des chaussons
étanches), et sous laquelle on garde des vêtements plus ou moins
chauds, en polaire ou mérinos. La combinaison sèche sera à choisir entre
les modèles construits sur une membrane, qui peuvent s’avérer fragiles à
l’usage, et ceux en Néoprène, plus lourds et non respirants, mais
probablement plus costauds.

PROTÉGER LES EXTRÉMITÉS


Il faut penser à protéger les extrémités de son corps : la tête, les
mains et les pieds.

La tête
Un tiers de la chaleur du corps s’évacue par la tête : sans aller
jusqu’au passe-montagne, qui ne sert que par temps très froid, le bonnet
est souvent de sortie. Si l’on porte les cheveux longs, il faut les attacher.
D’abord pour ne pas les avoir dans les yeux, mais avant tout pour éviter
qu’ils ne se prennent dans les poulies et cordages qui entourent
inévitablement le marin.

Les mains
Les gants conçus pour la voile laissent le bout des doigts découverts,
de façon à ne pas compromettre l’habileté gestuelle. Ils agrippent bien,
évitent les ampoules et protègent de la brûlure provoquée par un bout
(un cordage) qui file entre les doigts.

Les pieds
Pour les pieds, des mocassins, des chaussures ou des bottes pour
bateau, aux semelles plates, sans talons et antidérapantes, sont bien
adaptés à la pratique de la voile. Les caractéristiques d’une bonne
chaussure de marin sont l’adhérence sur le pont, la protection des
orteils, un temps de séchage réduit (il faut prévoir qu’on se mouillera), la
légèreté, les qualités antiodeurs, la tenue au pied. Beaucoup considèrent
que les bottes ne servent que l’hiver, mais on les appréciera la nuit
lorsqu’il fait plus frais, et à toute heure dès que l’eau monte sur le pont.
Les bottes en caoutchouc ont des inconditionnels, car leur étanchéité
n’est jamais prise en défaut. Le revers de la médaille est qu’on y
transpire facilement, ce qui peut avoir des conséquences sur l’ambiance
du bord, mais aussi sur la chaleur du pied. Notons que pour les grands
froids il existe des modèles haut de gamme doublés de Néoprène. Les
bottes en cuir à membrane respirante sont indubitablement plus
chaudes, légères et confortables. Elles sont en contrepartie chères, leur
imperméabilité n’est pas éternelle, et elles réclament des soins attentifs
si l’on veut les faire durer un tant soit peu. Caoutchouc ou cuir, les
modèles à guêtres intégrées sont particulièrement intéressants dans un
programme de navigation résolument hauturier, dans la mesure où ils
annihilent les remontées d’eau par le bas du pantalon ciré (lorsqu’on
travaille à genoux ou à quatre pattes, et qu’une vague monte sur le
pont…).
En voile légère, les bottes sont à proscrire car elles entravent la
liberté des mouvements sur le bateau, et tout particulièrement dans l’eau
(ce ne sont pas des palmes !) : dans ce secteur, rien ne remplace le
bottillon ou le chausson Néoprène, au cou-de-pied généralement
renforcé pour le contact avec les sangles de rappel.
Il faut éviter les chaussures en toile où le pied mouillé se refroidit très
vite. On peut naviguer en chaussures de sport, mais il ne faut pas
compter leur faire faire plus d’une saison (et encore, si elles survivent
aussi longtemps) : la puissance de destruction de l’eau de mer en
matière d’accessoires podologiques en surprendra plus d’un ! Quoi qu’il
en soit, il convient avant tout d’éviter de naviguer pieds nus : on
risquerait à chaque instant de se blesser sur les nombreuses pièces
d’accastillage qui parsèment le pont.

SE PROTÉGER DU SOLEIL
En mer, on risque non seulement le froid, mais on peut aussi attraper
de sérieux coups de soleil, au même titre qu’au ski. Une protection
solaire s’avère indispensable en raison de la réflexion importante des
rayons du soleil sur la mer, même par ciel couvert. Les attaques des
rayons solaires sont insidieuses, en particulier quand il y a un peu de
vent : contrairement à ce qui se passe sur une plage, on ne ressent pas la
brûlure du soleil.
La crème solaire d’indice élevé est de rigueur, et l’écran total n’est
pas un luxe. Une protection labiale, en stick ou en tube, est
recommandée. Les lunettes de soleil ne sont pas une coquetterie – opter
pour un modèle sérieux, et penser à les assurer avec une petite garcette
ou un bandeau ad hoc. La casquette s’impose, et le chapeau à bord large
est préférable sous les latitudes très ensoleillées car il procure
davantage d’ombre et protège la nuque. On trouve des casquettes
munies d’un lien avec une petite pince à clipser sur le col, et des
chapeaux dotés d’une jugulaire.

LE SAC DU MARIN
Avec l’expérience, le sac du marin embarquant en croisière gagne en
compacité et perd en volume : on apprend au fil du temps à aller à
l’essentiel et à ne pas s’encombrer du superflu. Chacun a ses habitudes
et ses petites astuces, l’indispensable n’est pas forcément le même pour
chacun, on connaît des équipiers plus frileux que d’autres qui
emporteront une couche supplémentaire même en été, des mélomanes
qui ne voyagent pas sans l’intégralité de leur bibliothèque musicale. Il ne
s’agit pas de faire ici la liste exhaustive de ce qu’il convient d’emporter
comme effets personnels à bord, mais de fournir les pistes dont on
pourra s’inspirer. Le mieux étant de s’établir sa propre liste
d’équipements, à cocher au moment de composer son sac chaque fois
que l’on part en croisière 9. La liste se perfectionnera de navigation en
navigation, elle s’amendera selon le programme de la croisière (la durée,
le climat, le confort intrinsèque du bateau…) et se révèlera un précieux
guide évitant d’oublier, avec la force de l’habitude, le petit détail qui
compte et que l’on regretterait amèrement.
Sur un croiseur, gilets de sauvetage et harnais font en principe partie
de l’équipement du bateau, mais depuis l’avènement des gilets
automatiques qui prennent peu de place, la donne a légèrement changé :
certains équipiers ont investi dans leur gilet personnel, et aiment à le
porter plutôt qu’un autre parce qu’ils en apprécient l’ergonomie, ou parce
qu’il a une particularité dont ils ne veulent pas se priver (par exemple,
une balise de détresse individuelle, intégrée au gilet et pas forcément
adaptable à ceux du bateau). De son côté, le chef de bord peut
légitimement ne faire confiance qu’au matériel collectif, qu’il connaît et
dont il a vérifié le bon état et la validité. C’est un point qu’il faudra
aborder ensemble, le dernier mot restant au chef de bord. Aux Glénans,
c’est par principe le matériel de sécurité collectif qui est utilisé, une
école de voile ayant en la matière des responsabilités particulières et des
obligations de sécurité.
Tout le reste de l’équipement doit tenir dans un sac de voyage
(exceptionnellement deux pour les longues croisières) et une sacoche où
se rangeront les objets petits ou fragiles. Bannir les valises, qui rayent les
boiseries et ne peuvent se ranger correctement à bord, éviter les sacs à
dos dont les bretelles s’accrochent un peu partout. Le sac marin idéal est
de forme polochon, souple, doté d’une grande ouverture. Sur un croiseur,
son étanchéité n’est pas indispensable, mais une simple imperméabilité
est un atout. Pour mieux y ranger (et y retrouver !) ses affaires, on peut
les regrouper par catégories dans des « sous-sacs », petites poches de
toile légère ou sachets type Ziploc®.

Le sac du marin : cirés, gants, crème solaire, lunettes de soleil, couvre-chef, lampe
individuelle, pharmacie personnelle, bottes. Le modèle idéal est le sac polochon,
et s’il est imperméable, c’est encore mieux.

Le contenu du sac
Vêtements légers et vêtements chauds, cirés, chaussures et bottes,
couvre-chef et lunettes de soleil, tout cela a été évoqué plus haut, mais il
n’y a pas que cela dans le sac !
– Un duvet. En mer, on souffre surtout de l’humidité, aussi est-il
conseillé de prendre un duvet synthétique qui sèche vite. Sa housse
devra être assez large pour qu’on puisse le ranger (et le protéger)
facilement tous les jours sans qu’il prenne trop de place.
– Un maillot de bain. Au cas où !
– Une pharmacie personnelle. La pharmacie du bord ► étant plutôt
destinée aux cas graves et aux pathologies générales, il n’est pas interdit
d’amener son petit complément (crème réparatrice pour les coups de
soleil, pansements, médicament contre le mal de mer, antalgique simple
de type paracétamol ou aspirine, pince à épiler, etc.) et il est
indispensable de se munir le cas échéant de ses traitements habituels,
accompagnés des ordonnances correspondantes.
– Un savon moussant à l’eau de mer, et une serviette pour se sécher.
Se laver à l’eau de mer n’est pas si désagréable à condition qu’on puisse
se rincer avec un peu d’eau douce. Les savons qui moussent à l’eau de
mer ne lavent pas mieux que les autres… mais permettent de
substantielles économies d’eau douce. Les serviettes en microfibres
sèchent très rapidement et sont peu volumineuses.
– Les lingettes préimprégnées autorisent les toilettes sommaires,
attention cependant, sur la durée elles entretiennent l’humidité sur
certaines parties du corps, favorisant ainsi les affections de la peau. Sur
les traversées océaniques notamment, on préfèrera faire sa toilette à
l’eau, et sécher au talc de bébé les zones à risques. Si les rougeurs et les
démangeaisons s’installent, ce sont encore une fois les produits de
puériculture (des crèmes spéciales pour les fesses du nourrisson) qui
pourront nous sauver la mise !
– Un sac étanche. On conseille de s’équiper d’un petit sac étanche
pour sauver ce qui doit absolument rester sec (papiers d’identité,
appareil photo, téléphone portable, carte de crédit, etc.). Même si les
équipets (rangements) sont globalement secs à l’intérieur du bateau, le
risque de mouiller ses affaires à l’embarquement ou au débarquement en
annexe n’est pas négligeable.
Les principes de la conduite et de
la manœuvre communs à tous
les voiliers

Q ue l’on choisisse de naviguer sur un engin de plage ou sur un


bateau de voyage de vingt tonnes, les grands principes de la
conduite et de la manœuvre à la voile ne varient guère d’un voilier à un
autre. Aussi, dans cette première partie, la conduite et la manœuvre des
dériveurs, des catamarans et des croiseurs sont traitées ensemble,
pratiquement sans distinction. Ce n’est que plus tard dans Le Cours que
nous nous intéresserons aux spécificités liées aux différents types
d’embarcations ou programmes de navigation. En débutant la pratique de
la voile, on ne regrettera pas d’avoir abordé le sujet par le début. Le
pratiquant plus chevronné pourra, quant à lui, repérer ce qui manque à sa
formation et y retrouver quelques principes fondamentaux qui, parfois,
s’oublient en cours de route.
Quant au choix du navire, affirmons tout de suite qu’il ne saurait y
avoir d’échelle de valeur en la matière : le dériveur léger ou le croiseur
conviennent aussi bien l’un que l’autre, qu’il s’agisse de débuter comme
de se perfectionner. Tous les voiliers développent habileté et sens marin,
et c’est là simple affaire de goût et de tempérament sportif. D’un coût
raisonnable, maniables, ne nécessitant pas d’infrastructure particulière à
terre, les dériveurs et les petits catamarans sont des bateaux sensibles
et exigeants : un petit coup de barre, un léger réglage de voile, un
déplacement à l’intérieur du bateau ont des conséquences immédiates et
parfois spectaculaires, qu’on n’oublie pas de sitôt. À cette école, le corps
du débutant apprend aussi vite que sa tête.
Bien que de nombreux croisiéristes aient fait leurs premières armes
en dériveur, on aurait tort de considérer le dériveur ou le catamaran léger
comme une simple préparation à la croisière. Pour bien des pratiquants,
la voile légère se suffit à elle-même : elle permet aussi bien de s’adonner
à la compétition de haut niveau que de se promener dans une baie
abritée. Sur un gros voilier de croisière, type de navigation longuement
abordé dans plusieurs chapitres de ce Cours, les sensations sont
différentes, mais elles sont bien là !… et le sens de la mer s’y développe
tout aussi vite. Pas de règle en la matière donc, l’essentiel étant de
commencer.

LES PREMIERS BORDS


La première sortie à la voile est une expérience fondatrice qui
s’organise sérieusement. Elle est riche d’enseignements. Quand le
débutant aura navigué une première fois, les explications fournies dans
ce chapitre prendront pour lui tout leur sens. Relisant ces lignes après
coup, l’apprenti navigateur saisira mieux ce qui s’est passé et
comprendra la cause de ses erreurs éventuelles.

LES BONNES CONDITIONS

Le choix du plan d’eau


Choisissons avant tout un plan d’eau qui ne soit pas trop encombré
de bateaux en mouvement ou au mouillage (on est débutant, ne
l’oublions pas !). Ne nous aventurons pas non plus dans un désert
aquatique sans surveillance. On peut préférer une certaine discrétion
pour notre première prestation, mais il est indispensable que quelqu’un
garde un œil sur nous. L’idéal est de se faire accompagner par un autre
bateau, qui observera les événements à distance. Si c’est impossible, il
faut au moins avoir un ami à terre qui soit au courant de l’entreprise et
qui sache, en cas de nécessité, où trouver de l’aide. Il sera notre ange
gardien, un personnage indispensable non seulement à la réussite de
notre première sortie, mais à l’ensemble de notre carrière de navigateur,
promise, à cette condition seulement, à un bel avenir, sinon sans nuages,
du moins sans incident irréparable.

Le choix de la météo et de la zone de départ


L’idéal est de débuter avec un vent de force 1 à 2 Beaufort, soit de 1
à 6 nœuds 10 (c’est-à-dire 1 à 11 km/h). La météo, consultée par
exemple sur le journal du jour ou sur Internet, va nous donner une idée
de la force du vent prévue pour la journée.
On s’obligera à cette consultation préalable, même et surtout si c’est
l’été, qu’on est en vacances et qu’il fait beau ! Quand il y a beaucoup de
soleil, on a parfois tendance à sous-estimer la force du vent. Sans aller
jusqu’à recommander un départ par temps gris, il faut signaler ce fait : le
« beau temps » tel qu’on le conçoit à terre peut être un très vilain temps
sur l’eau. On risque particulièrement de s’y laisser prendre lorsque le
vent souffle depuis la terre. À l’abri de la côte ou d’une dune, on ne se
rend compte de rien, mais loin du rivage tout change et le bateau se
retrouve irrésistiblement attiré vers le large.
Le phare est au vent du plan d’eau sur lequel navigue ce bateau, tandis que la
chapelle se situe sous le vent. De même le voilier a son côté au vent et son côté sous
le vent.
En outre, par « beau temps », l’été, dans la journée, le vent change de
direction et de vitesse au fur et à mesure de la course du soleil. Il s’agit
d’un phénomène bien connu des navigateurs et que ce Cours aborde
dans un chapitre consacré à la météo et notamment aux brises
thermiques ►. Le plus sage serait de le lire avant d’appareiller, pour
mieux comprendre ce qui peut arriver car, en fin d’après-midi, il faudra
bien trouver le moyen de rentrer ! Avec une forte brise qui souffle depuis
la terre, l’opération peut devenir délicate…

SAVOIR SE REPÉRER ET S’ORIENTER, LES ALLURES

S’orienter sur le plan d’eau


En mer, il est difficile de se situer, d’évaluer les distances : tout
change constamment. Quand le bateau avance, le paysage défile vite et
est en partie masqué par les voiles. Il faut donc repérer des éléments du
paysage : clocher, château d’eau, village, pointe rocheuse escarpée,
maison isolée sur la côte, etc., de manière à pouvoir se faire une idée
précise de la direction à prendre pour retourner vers le point de départ,
mais aussi et surtout pour se fixer des limites. C’est la partie « au vent du
plan d’eau », celle qui reçoit le vent en premier, que l’on choisira comme
zone d’évolution. Pour une bonne et simple raison : il sera beaucoup plus
facile de revenir, poussé par le vent, vers le point de départ.

S’orienter par rapport au vent : les allures,


les amures
On définit la plupart du temps la direction d’un voilier en fonction de
sa position par rapport au vent. Les angles formés par les directions du
vent et du voilier sont regroupés en grandes catégories nommées allures,
représentées dans la figure ci-dessus. Le sens du mot allure est donc très
différent de celui que lui assigne le langage courant : l’allure désigne
le cap (la direction) du bateau par rapport au vent réel. Pour le
navigateur, la direction du vent étant la seule constante, on devra
apprendre à s’y référer comme à un axe immuable. Pour le navigateur à
la voile, ce n’est pas le vent qui change, c’est le paysage qui tourne.

« AU VENT », « SOUS LE VENT », DES NOTIONS TOUT


EN NUANCES
Sur un bateau, il y a un côté au vent et un côté sous le vent, la frontière entre les
deux bords étant l’axe du bateau. Par rapport à notre voilier, un bateau peut se
trouver au vent (on dit parfois « à notre vent ») ou bien « sous le vent » (ou « sous
notre vent »).
Le plan d’eau a aussi un côté au vent et un côté sous le vent. Dans ce cas, la
limite est la ligne perpendiculaire au vent située au milieu du plan d’eau.
Dans les Caraïbes, où le vent dominant, l’alizé, vient de l’est, les îles au vent et
sous le vent se nomment respectivement « hautes » et « basses ». Ce n’est donc
qu’un paradoxe apparent si en Guadeloupe l’île de Basse-Terre, située sous le vent
de l’alizé, présente un relief plus élevé que celui de Grande-Terre (elle-même plus
petite que Basse-Terre)…
Les allures et les amures. Les voiliers de la partie droite du dessin sont dits
« bâbord amure », l’amure étant le côté par lequel le bateau reçoit le vent, et bâbord
étant le côté gauche du bateau. Leur voile porte sur tribord (le côté droit du bateau).
Dans la moitié gauche, ils sont « tribord amure » (et leurs voiles portent sur bâbord).
Les allures de la partie supérieure du dessin sont des allures proches du vent, tandis
que dans la moitié inférieure du schéma se situent les allures portantes. Par
convention, on considère que le bateau plein vent arrière est ici tribord amure, car sa
grand-voile porte sur bâbord.

L’amure désigne le côté par où le bateau reçoit le vent. Le voilier


navigue tribord amure lorsqu’il reçoit le vent de tribord (à droite du
bateau en regardant vers l’étrave), et bâbord amure lorsque le vent vient
de bâbord (à gauche en regardant vers l’étrave).
La partie située en bas du schéma de la page précédente soulève un
problème susceptible de réveiller le sophiste qui sommeille dans le cœur
de chacun d’entre nous : le voilier arrivant le vent par l’arrière, il ne le
reçoit ni sur un bord ni sur l’autre ! Dans ce cas, par convention, on dit
que si la bôme est à tribord, le bateau est bâbord amure ; et inversement,
si elle est à bâbord, on dit qu’il est tribord amure. Tout cela peut sembler
bien futile, mais comme un bateau tribord amure est privilégié par
rapport à un bateau bâbord amure, autant intégrer tout de suite cette
subtilité, qui en réalité, ne fait que transposer au vent arrière ce qui se
vérifie à toutes les autres allures : le bateau reçoit le vent par le côté
opposé à celui où est placée la bôme (et réciproquement).
Le bateau qui se trouve face au vent en haut de notre dessin
récapitulant les amures n’est ni tribord amure, ni bâbord amure. Il est dit
vent debout. Ses voiles battent dans l’axe du vent – elles faseyent –, il
n’avance pas, il a même tendance à reculer et ne tiendra pas longtemps
dans cette position. Pour qu’il commence à avancer, il faut qu’il se mette
au près sur un bord ou sur un autre, c’est-à-dire qu’il se mette en
situation de « serrer le vent au plus près ». Entre ces deux allures, le près
tribord amure et le près bâbord amure, le bateau reçoit le vent bien trop
sur l’avant pour pouvoir gonfler correctement ses voiles et avancer. Si
l’on veut aller malgré tout dans cette direction, il faudra ruser… faire un
bord de près sur une amure, puis un bord de près sur l’autre amure et
renouveler l’opération autant de fois que nécessaire. On appelle cette
méthode de navigation le louvoyage. Pour remonter dans la direction du
vent, le bateau navigue en zigzag, comme s’il empruntait les lacets d’un
sentier de montagne pour gravir un sommet.

BATEAU PRIVILÉGIÉ
En mer, on ne parle pas de priorité, mais de navire « privilégié » par rapport à un
autre : un voilier bâbord amure doit ainsi se dérouter pour laisser le passage à un
voilier tribord amure (privilégié). Ce privilège n’a pas les mêmes conséquences en
matière de responsabilité (et d’assurance) que la priorité du code de la route : ce
n’est pas parce qu’un bateau privilégié entre en collision avec un bateau non
privilégié qu’il est dans son bon droit… Il existe bien sûr d’autres règles, abordées
plus loin dans ce Cours (voir le chapitre « Navigation », les règles de barre – le
RIPAM – ►), qui permettent de gérer les croisements et prévenir les risques
d’abordage.
LE VENT APPARENT
Le vent perçu à bord d’un voilier en mouvement n’est pas le même que celui
ressenti par un observateur immobile, qui se tiendrait par exemple sur le bord de
la plage ou sur un bateau à l’ancre. Au vent soufflant sur le plan d’eau, que l’on
qualifie de vent réel, se conjugue en effet le vent vitesse né du déplacement du
bateau, celui que l’on ressent, et qui souffle de face, lorsque l’on circule à vélo ou
lorsqu’en voiture on passe la main par la fenêtre.
De cette combinaison du vent réel et du vent vitesse naît le vent apparent, et
c’est ce dernier qui en réalité souffle sur les voiles, c’est celui qui détermine
l’orientation de la girouette ou des faveurs accrochées dans les haubans, celui que
nous ressentons sur notre visage. Sa direction et sa force diffèrent du vent réel.
L’angle formé entre le vent apparent et le bateau est toujours plus serré que
celui selon lequel souffle le vent réel, à une exception près : au plein vent arrière,
où vent réel et vent apparent soufflent dans le même axe, celui du bateau. Pour le
dire autrement, le vent apparent refuse par rapport au vent réel, hormis dans le
cas du vent arrière.
Les différences d’orientation et/ou de force entre vent réel et vent apparent
sont d’autant plus marquées que le vent vitesse est élevé, c’est-à-dire d’autant
plus que le bateau avance vite.
Le vent apparent est la somme du vent réel et du vent relatif créé par la
vitesse du bateau. Les bateaux très rapides comme les multicoques bénéficient
d’un vent apparent plus soutenu, mais aussi plus serré, que les bateaux moins
véloces, ce qui explique qu’ils remontent moins haut dans le vent.
UNE FOIS SUR L’EAU, L’APPRENTISSAGE
Et hop ! Un coup de baguette magique et nous sommes sur l’eau.
Bien sûr, cet artifice pédagogique n’est possible que sur le papier. Dans
la réalité, pour se retrouver là, il faut avoir armé le bateau, avoir quitté la
plage, le port. Toutes ces actions, dont le détail et la mise en œuvre
dépendent du voilier pour nos premiers essais, sont approfondies un peu
plus loin. Pour des raisons de sécurité et pour trouver sur l’eau tout le
plaisir qu’on en attend, il faudra aussi veiller à ce que notre bateau soit
en parfait état, à jour des différentes opérations d’entretien décrites dans
le chapitre « Maintenance du voilier » ►.
Les écoutes des voiles sont choquées, c’est-à-dire qu’elles sont
relâchées jusqu’à ne plus avoir de tension. Les voiles largement
débordées faseyent – elles flottent comme des drapeaux dans le lit du
vent. De lui-même, le bateau s’est mis à peu près travers au vent. Il
avance très peu et dérive latéralement. L’équipage a une position
relativement centrale dans le bateau et la barre est libre de ses
mouvements.
On profite de cet instant de calme relatif pour se repérer par rapport
au vent. Est au vent tout ce qui, par rapport à l’axe du bateau, se trouve
du côté d’où vient le vent. Est sous le vent tout ce qui se trouve de l’autre
côté de cet axe.
Pour conduire le voilier, nous avons à notre disposition la barre, la
dérive, les voiles et le poids de l’équipage 11.
L’apprentissage peut dès lors commencer… Il suffit d’embraquer
(reprendre rapidement le mou d’une manœuvre) l’écoute d’une des deux
voiles, ou des deux à la fois (on borde les voiles), pour que tout s’anime et
que le bateau acquière un peu de vitesse. Pas de panique ! Si rien ne va
plus, relâcher les voiles en laissant filer les écoutes (on choque les voiles).
Se rapprocher du milieu du bateau et libérer la barre nous ramènera dans
la situation précédente : à peu près travers au vent et quasiment à l’arrêt.
Ces faits rassurants désormais établis, il est temps d’aborder
quelques-uns des exercices élémentaires figurant au programme de
notre première sortie. Celle-ci devra avant tout nous permettre d’acquérir
quelques automatismes. À vélo, pour rétablir son équilibre, on tourne le
guidon en le redressant du côté où ça penche : c’est tellement intériorisé
que l’on n’a pas besoin de se demander si c’est bien vrai ! À la voile, si
l’on veut tourner, accélérer, ralentir, gîter, remettre le bateau à plat… il
faut aussi des automatismes.

Équilibrer le bateau
Un grand croiseur est relativement peu sensible au déplacement de
l’équipage. Sur un voilier léger, en particulier sur un dériveur, c’est très
différent. Les voiles toujours choquées, l’équipage placé au centre, le
bateau est pratiquement à plat. Dès que les voiles sont bordées, entraîné
par la force qui s’exerce sur celles-ci, il commence à s’incliner
latéralement : notre bateau gîte. Pour limiter cette gîte, l’équipage doit se
déplacer « au vent », et si les voiles sont de nouveau choquées, il doit se
rapprocher du centre du bateau. Cette coordination entre une action sur
les écoutes et un déplacement s’acquiert assez vite en voile légère, mais
l’on n’est jamais à l’abri d’une erreur et d’un chavirage. Chavirer en
dériveur ou en catamaran léger n’est pas un drame définitif, et le chapitre
« Les spécificités de la voile légère » décrit en détail la façon de remettre
son embarcation à l’endroit ►.
Bateaux au louvoyage. Les deux bateaux suivent des trajectoires différentes, mais
leur gain au vent est identique.

LOUVOYER, LOFER, ABATTRE


Les chiens et les loups avancent de cette manière pour explorer le terrain, mais,
contrairement à certaines légendes étymologiques, ce n’est pas la raison pour
laquelle cette zone d’environ 45° de chaque côté de la direction du vent est appelée
zone de louvoyage. Le terme « louvoyer » vient du mot « lof », lui-même issu (d’après
l’excellent Dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey) du néerlandais
ancien. Le « lof », attesté en français vers 1155, était « le coin inférieur de la voile qui
reçoit le vent » (coin de la voile désigné aujourd’hui comme le point d’amure). Les
marins savent que ce mot a donné le verbe « lofer » (se rapprocher de la direction du
vent) ; il a aussi donné le mot « louvoyer » : passer d’un « lof » à un autre. Rien à voir
avec les loups donc ! Même si les têtes de chien battu qu’arborent certains
équipages, après les longues heures de louvoyage par temps frais, ne sont pas sans
évoquer l’abattement caractéristique du canidé sauvage désespérant de trouver une
proie dans la neige hivernale !

FASEYER
Faseyer se dit d’une voile qui, comme un drapeau, bat dans le vent. À l’inverse,
une voile présentant un angle avec le vent est dite bordée. On emploie parfois le
mot « gonflée » à la place de « bordée », mais plus rarement. En effet, ce qui donne
sa forme à la voile est bien une différence de pression, comme pour un ballon de
baudruche, où il y a plus de pression à l’intérieur qu’à l’extérieur, d’un côté que de
l’autre. Mais sur une voile, au contraire de ce qui se passe avec un ballon de
baudruche, la différence de pression n’est pas la même sur toute la surface. En
outre, la pression qui s’exerce d’un côté de la voile est plus faible que la dépression
qui s’exerce de l’autre (l’écoulement d’air « pousse » moins la voile qu’il ne
l’« aspire »). En utilisant le mot « gonflé », on perd donc en précision scientifique ce
que l’on gagne en facilité de langage.
Ces questions sont abordées en profondeur au chapitre « Quelques notions
théoriques » ►.

BÂBORD, TRIBORD
La gauche et la droite sont des notions qui organisent le monde autour du corps
d’un individu (ce qui est à la droite de Roméo peut être à la gauche de Juliette).
Bâbord et tribordont une référence unique, l’axe du bateau, ce qui présente
l’avantage de pouvoir nommer chacun des bords à l’aide d’une appellation stable,
quelle que soit l’orientation des individus embarqués. Moyen mnémotechnique des
vieux loups de mer (datant sans doute d’une époque où les voiliers étaient moins
pacifiques qu’aujourd’hui) : dans le mot « batterie » (de canons), le ba de bâbord est
à gauche, le tri de tribord est à droite… On aura compris que bâbord désigne la
gauche du bateau, et tribord sa droite (en regardant vers l’avant bien entendu…).

Diriger le bateau
■ Utiliser le safran
Rappelons que le safran est la partie immergée du gouvernail.
Actionné par l’intermédiaire de la barre, il agit d’autant mieux sur la
direction que le bateau gagne de la vitesse. Inutile de songer à faire
tourner un bateau qui n’avance pas à l’aide de son safran, pas plus que le
guidon ne fait bouger une bicyclette à l’arrêt. En revanche, plus le bateau
va vite, plus l’action de la barre et du safran est efficace. Lors des débuts,
la tentation est souvent forte de s’installer « dans le sens de la marche »,
le corps tourné tout entier vers l’avant du bateau. Mais le barreur se rend
vite compte que cette position manque de confort, qu’il se retrouve
déséquilibré à la gîte, et que sa hanche limite le mouvement de la barre.
La bonne position s’acquiert souvent naturellement : bien calé
perpendiculairement au bateau, seule la tête est tournée vers l’avant.
■ Quelques lacets…
Désormais correctement installés, maintenons notre barre droite : le
bateau avance tout droit lui aussi. Rien de plus simple en somme.
Compliquons quelque peu les choses et changeons de direction, tout en
nous souvenant que notre référence est la direction du vent.
Si nous déplaçons notre barre vers le côté au vent, notre bateau
abat : il s’éloigne de la direction d’où vient le vent. Pour l’exprimer
autrement, l’angle entre la direction du bateau et celle du vent augmente.
On dira d’un bateau qui abat contre la volonté de son équipage qu’il subit
une abattée.
En déplaçant la barre vers le côté sous le vent (en rapprochant la
barre de la grand-voile), nous faisons maintenant lofer le bateau : sa
direction se rapproche de celle d’où vient le vent. Un bateau qui lofe tout
seul subit ce que l’on appelle une auloffée.
Lofer et abattre, ces manœuvres sont très simples, mais au début,
sur l’eau, le plus délicat c’est de s’habituer à repérer la direction du vent !
Une particularité vient compliquer les choses : les mouvements de
barre semblent provoquer l’inverse de l’action désirée.
Cette impression est le fruit de nos réflexes de terriens : sur la terre
ferme, quand nous tournons un volant ou un guidon vers la gauche, notre
véhicule se dirige vers la gauche lui aussi. Mais en tirant la barre sur la
gauche (à bâbord) nous faisons virer le bateau vers la droite (sur tribord).
C’est a priori troublant, mais, avec un peu de pratique, cela s’intériorise
assez vite. Avec une barre à roue, la réaction du bateau est la même que
celle des véhicules terrestres. Il faudra donc s’habituer à inverser nos
réflexes. Soulignons dès maintenant une donnée capitale : les coups de
barre doivent être modérés. En effet, chaque fois que le safran se braque
dans l’eau qui s’écoule sous le bateau, le gouvernail agit comme un frein.

Une mauvaise position pour barrer : la position est très reculée dans le bateau, la
barre est tenue loin de son extrémité, ce qui réduit le bras de levier. Épaules et bassin
sont orientés vers l’avant, le barreur n’est pas stable sur son assise, et ses
mouvements sont par conséquent imprécis.

Le barreur a calé ses pieds au fond du cockpit, son buste fait face à la gîte, ce
qui lui garantit une bonne stabilité et par conséquent une bonne indépendance de
gestes des membres supérieurs. Il tient la barre à son extrémité, avec le plus grand
bras de levier possible, pour plus de précision.

Lâchons la barre quand le bateau prend de la vitesse : celui-ci se met


généralement à lofer. On dit alors de lui qu’il est ardent, ce qui signifie
qu’il a tendance à monter dans le vent lorsqu’il est livré à lui-même. Dans
le cas contraire, s’il a tendance à abattre, on le qualifie de mou. Le
chapitre « Quelques notions théoriques » ► fournit des explications
détaillées sur les forces en jeu, qui influent sur l’équilibre de route.
Jusqu’à présent nous avons considéré le safran comme un objet
passif et docile, chargé de transmettre nos volontés au voilier, sans
interférences : il fait tourner le bateau, il le fait aller droit, ainsi le veut le
barreur, ainsi exécute le safran. Mais ce dernier subit aussi l’action de
l’élément dans lequel il est plongé, ce qui lui confère une certaine
autonomie apparente. En fait, le safran a tendance à se laisser orienter
par l’écoulement d’eau à l’arrière du bateau. Quand le bateau va droit, le
safran reste droit ; quand le bateau est en rotation, le safran ne se place
pas naturellement dans l’axe du bateau, mais dans la direction de
l’écoulement de l’eau. Dans une manœuvre, il faut penser à anticiper
cette inertie.

En haut le bateau monte au vent : il lofe. En bas il s’éloigne du vent : il abat.


Ainsi réglé, ce Sun Odyssey 469 est trop ardent, et n’avance droit qu’au prix
d’un angle de barre important. Le safran très braqué représente un véritable frein
dans l’eau, comme en témoigne le remous qu’il produit.

■ Un virement… vent debout


Si notre bateau dispose d’assez de vitesse et qu’on envoie la barre
sous le vent, alors il arrive à mettre son nez dans le vent et même à aller
au-delà. Tout le décor s’inverse. Jusqu’ici, le bateau avait reçu le vent
toujours du même côté. Maintenant, il le reçoit de l’autre. L’équipage
traverse le cockpit et s’installe sur l’autre bord, puisque la gîte qu’il doit
contrebalancer a changé elle aussi de côté – si toutefois les voiles ont
été bordées sous cette nouvelle amure. Le bateau vient d’effectuer un
virement de bord vent debout (encore appelé « vent devant »).
■ Un autre virement… l’empannage
Un virement de bord. Le bateau vient face au vent, puis franchit le lit de ce dernier.
Les voiles changent de côté.

Amenons cette fois la barre au vent : le bateau abat et se rapproche


alors de l’allure du vent arrière, jusqu’à l’atteindre. Si l’on a pris la
précaution de choquer les voiles, le bateau n’a pas trop ralenti. À cette
allure, où l’on ne dispose pas du faseyement des voiles pour matérialiser
la direction du vent, il est moins simple de se situer par rapport à cette
dernière et de bien comprendre ce qui se passe. Rappelons que la grand-
voile est sur un bord, presque entièrement choquée, et que le bateau
reçoit le vent de l’autre. Le safran toujours orienté de la même façon, le
bateau continue de tourner et commence à recevoir le vent sur l’autre
bord, du côté où se trouve la grand-voile, mais celle-ci ne bouge pas
encore. En surveillant le haut de la chute de grand-voile, on peut voir le
moment où le vent commence à la prendre à revers. Cela dure très peu
de temps, car toute la voile suit et change brutalement de côté (gare au
passage de la bôme). Le bateau vient d’effectuer un empannage
incontrôlé 12. Par très petit temps, on ne risque pas grand-chose, mais si
le vent est un peu fort, il faut veiller à ne pas se trouver sur la trajectoire
de la bôme, et accompagner son passage en contrôlant le palan d’écoute
de grand-voile. Dans la brise, la bôme représente un réel danger, surtout
pour les crânes, et ceci d’autant plus que le bateau est grand : sur un
croiseur, un empannage non maîtrisé n’est pas anodin. Il faut prendre
garde également à l’auloffée subite qui suit le passage de la grand-voile.
Si elle n’est pas contrée à l’aide du safran, elle peut provoquer un grand
coup de gîte et entraîner le chavirage d’un dériveur.

■ Utiliser les voiles


Maintenons la barre droite, immobile, pour voir comment les voiles
agissent sur la direction du bateau (l’action directrice du safran étant
neutralisée). Choquons le foc complètement, gardons la grand-voile
bordée : le bateau lofe. Comme la voilure d’une fléchette, ou
l’empennage d’une girouette, la grand-voile a en effet tendance à mettre
le bateau face au vent. Quand on borde les deux voiles, le foc assure
l’équilibre en contrecarrant cette action de la grand-voile. Curieusement,
si l’on relâche complètement la grand-voile en gardant le foc gonflé, on
n’obtient pas toujours l’effet inverse : en particulier, le bateau n’a aucune
tendance à abattre sous foc seul s’il gîte et avance relativement vite.
L’explication de ce phénomène est abordée plus en détail dans le
chapitre « Quelques notions théoriques » ►.

■ Utiliser le poids de l’équipage


On peut également jouer du lest mobile que constituent le barreur et
le focquier pour jouer sur la direction du bateau, mais uniquement sur un
voilier dont l’équilibre est sensible au déplacement de l’équipage, un
dériveur ou un petit croiseur.

L’empannage est un virement de bord vent arrière (appelé aussi un virement


lof pour lof). La trajectoire et le passage de la bôme doivent être contrôlés de bout en
bout.

Voiles bordées et sans personne à bord, un dériveur chavire très vite.


C’est pourquoi l’équipage se place du côté opposé aux voiles pour
équilibrer le bateau et le garder à plat sur l’eau. S’il rapproche son poids
de l’axe du bateau, il le fait gîter (pencher) du côté sous le vent. Le
bateau se met alors à lofer. À l’inverse, en s’éloignant de l’axe du bateau,
en allant vers le côté au vent, on fait contre-gîter le bateau, qui va alors
abattre. Le déplacement longitudinal (vers l’avant ou vers l’arrière) joue
également un rôle : un bateau qui pique du nez a tendance à lofer ; si son
arrière s’enfonce, il a tendance à abattre.

Border la grand-voile fait lofer. Mais quand on borde le foc et que la grand-voile
est choquée en grand, le bateau n’abat qu’à deux conditions : s’il a peu de vitesse et
s’il ne gîte pas.

Tester l’influence de la position du poids de l’équipage sur la direction


n’est pas toujours aisé. Il faut que le barreur se déplace sans agir sur la
barre, ce qui est assez difficile. Pour notre expérience, on peut se
contenter du déplacement de l’équipier avant. Le barreur devra alors
garder son tronc bien vertical pour ne pas entraîner la barre malgré lui.
Pour tester l’influence sur la direction des déplacements de tout
l’équipage, on peut amarrer la barre, ou encore la laisser complètement
libre.

■ Naviguer sans safran


Après ces quelques expériences, il est temps de tester l’influence
conjointe du réglage des voiles et de la position de l’équipage sur le
bateau. Lâchons la barre ou, plus simple encore, retirons ou relevons le
safran (on peut aussi amarrer la barre, le bateau sera moins évolutif mais
plus facile à conduire.) Autant le dire tout de suite : naviguer sans safran
est un exercice très amusant, mais il n’est pas facile d’aller droit ! Le jeu
en vaut pourtant la chandelle : une bonne connaissance des influences
respectives du réglage des voiles et du poids de l’équipage sur la
direction du bateau est un outil précieux, qui permettra d’accompagner
l’action du safran, en particulier pendant les manœuvres.
Un dériveur est très sensible au placement de son équipage.

■ Utiliser la dérive
La position de la dérive peut aussi avoir un effet sur la direction. Si la
dérive est relevée, même partiellement, le bateau a tendance à abattre,
et à lofer si elle est descendue à fond. Ajoutons enfin qu’il est bien
difficile de manier la dérive sans agir en même temps sur la répartition du
poids de l’équipage dans le bateau…

■ Pour résumer
Réglage des voiles, gîte et contre-gîte, position de la dérive
contribuent donc tous ensemble à la direction du bateau 13. La barre
reste le principal outil à notre disposition pour le gouverner. Cependant,
si le bateau est mal équilibré (s’il tend à trop lofer ou à trop abattre), la
correction constante de sa direction à l’aide de la barre réduit nettement
ses performances. On l’a vu en effet, un petit angle de barre suffit à
freiner le bateau. Aussi faut-il correctement régler les voiles et la dérive,
disposer judicieusement les lests mobiles à notre disposition (équipage
en voile légère, mais aussi matériel en croiseur) de manière à limiter
l’angle de la barre et du safran. Parfois, le bateau rechigne à prendre la
direction souhaitée : l’utilisation des autres éléments à notre disposition
pour le faire obéir est alors très précieuse.

Contrôler la vitesse du bateau


Si les voiles faseyent, le bateau n’avance pas ou très peu. Voiles
bordées, le bateau démarre. Le secret de la vitesse du bateau réside
dans le contrôle de l’angle entre le vent et les voiles. Cet angle vent-
voiles est appelé angle d’incidence.

■ Accélérer
Quand les voiles faseyent, pour accélérer, il faut « gonfler » les voiles :
– Soit en s’éloignant de la direction du vent, en abattant à l’aide de la
barre par exemple, mais sans choquer les écoutes.
– Soit en bordant les voiles, mais en gardant le même cap.
– Soit en combinant les deux manœuvres.

Les voiles qui faseyaient sont bordées, et le bateau accélère.

■ Ralentir
Pour ralentir, il faut faire faseyer les voiles :
– Soit en se rapprochant de la direction du vent, en lofant à l’aide de
la barre, mais sans nécessairement choquer les écoutes.
– Soit en choquant les écoutes, mais en gardant le même cap.
Dans certaines circonstances, en particulier aux allures dites
portantes, quand le bateau reçoit le vent par l’arrière, la deuxième
solution est inefficace, puisque les voiles sont déjà pratiquement
choquées au maximum. Même si on largue l’écoute de grand-voile, celle-
ci reste désespérément gonflée et, à moins de laisser partir le foc en
drapeau à l’avant de l’étai (ce qui n’est pas conseillé), celui-ci continue de
porter au vent. Pour ralentir, il nous reste la première solution : lofer. Une
dernière méthode, pour réduire la vitesse aux allures portantes, consiste
à réduire la vitesse en bordant plat les voiles : offrant moins de surface
au vent, et travaillant de surcroît sous un mauvais angle d’incidence, elles
deviennent nettement moins efficaces et moins propulsives.
Lorsqu’il est possible de déventer ses voiles, aux allures proches du
vent par conséquent, le bateau commence à ralentir à partir du moment
où la voile n’est plus entièrement gonflée. Une bosse se forme dans la
voile (une inversion de courbure), phénomène d’abord visible près de
l’étai pour le foc, près du mât pour la grand-voile. Le bateau va moins
vite, mais ne s’arrête pas pour autant. Sentir le moment où les voiles
sont réglées à la « limite du faseyement » (c’est-à-dire alors que cette
bosse est sur le point d’apparaître) est extrêmement précieux.
Apprivoiser cette limite, naviguer en la faisant apparaître et disparaître,
permet d’affiner la conduite du bateau et la maîtrise des écoutes.

■ S’arrêter
Voilà qui est plus délicat ! Car, disons-le tout de suite, il n’y a pas de
frein sur un bateau ! Le savoir, c’est aussi apprendre à en tenir compte.
Sur un bateau à moteur, on peut embrayer la marche arrière pour ralentir
et s’arrêter plus ou moins promptement. Sur un voilier, il n’existe pas
d’autres méthodes que celles que nous avons déjà abordées. L’arrêt le
plus rapide s’obtient en lofant jusqu’à ce que les voiles faseyent
entièrement. On poursuit ce lof jusqu’à mettre le bateau face au vent ce
qui, pour une voiture, reviendrait à passer au point mort en attaquant une
côte. La voiture s’arrête, puis elle repart en arrière. C’est la même chose
pour un voilier ! La marche arrière ne dure cependant pas bien
longtemps, car assez vite le vent fait tomber le nez du bateau sur un bord
ou sur l’autre par rapport à l’axe du vent.

Utiliser ses sens


Nul besoin de grandes théories ni d’appareils sophistiqués pour
intégrer les notions évoquées ici. La qualité de l’apprentissage ne dépend
que de notre capacité à utiliser pleinement nos sens : la vue bien sûr,
mais aussi l’ouïe, et pour une grande part les sensations dites
kinesthésiques (ressentir que la barre tire plus ou moins, que le bateau
se met à gîter ou se redresse, etc.).
Tableau synthétique des principales commandes disponibles et de leur effet sur le
voilier.

■ Se situer par rapport au vent, estimer sa direction,


sa vitesse
Il faut commencer par apprendre à trouver la direction du vent. Pour
un marin un peu confirmé, la question ne se pose pas, il sait d’où vient le
vent. Pour un débutant, non seulement la question se pose, mais la
réponse à ladite question est floue. Il faut reconnaître que dans la vie
courante la direction du vent est assez peu utile.
Observons une girouette, un penon (ou une faveur, c’est-à-dire un
petit ruban de tissu), la fumée sortant d’une cheminée, une boulette de
papier jetée en l’air, des vaguelettes sur l’eau : ils indiquent la direction
du vent, mais ces informations visuelles ne sont ni les plus importantes,
ni les plus utilisées.
Fermons les yeux et trouvons la direction du vent : la tête se tourne
vers le vent, en ressent le souffle sur un côté du visage ; elle tourne un
peu plus et le sent de l’autre côté. Une fois ces sensations équilibrées,
tendons la main devant nous et ouvrons les yeux : notre main indique la
direction du vent. Comment notre corps fait-il pour sentir si bien le vent ?
Celui-ci exerce une pression sur la peau du visage, tout en la
refroidissant. Sur les oreilles, les cheveux, des sensations ténues
permettent de discerner si le visage reçoit le vent de droite ou de
gauche. Enfilons une cagoule. Les yeux fermés, avec un peu de pratique,
on devine toujours la direction du vent. Ce sont alors nos paupières qui
nous guident. La tête entièrement masquée, les paumes de nos mains
prennent le relais. Quand rien ne va plus à bord cependant, le marin
repousse sa capuche et se présente tête nue au vent. C’est quand même
de cette manière que l’on perçoit le mieux sa direction ! Cette faculté du
corps humain est méconnue, mais c’est un merveilleux instrument de
mesure de la direction du vent.
De la même manière, sur le bateau, on peut s’entraîner à ressentir les
variations de la vitesse du vent. En dehors des sensations sur la peau,
une augmentation de la vitesse du vent produira une sensation de
traction sur la barre, car le safran, même tenu dans l’axe du bateau, est
davantage sollicité par la poussée latérale du vent sur les voiles.
L’équipier, l’écoute de foc dans la main, sentira également davantage de
traction. Avant tout, un vent un peu plus fort fera davantage gîter le
bateau. Toutes ces sensations varient en fonction de l’allure du voilier et
de ses caractéristiques propres, mais – en principe – notre cerveau
possède suffisamment de cellules pour mémoriser et classer toutes ces
informations. Un peu de volonté et de pratique se chargeront de ce
travail délicat.

■ Estimer les changements de vitesse du bateau


Sur un croiseur, les cadrans des instruments du bord donnent une
indication précise de la vitesse, mais le marin confirmé n’en a pas besoin.
Fermons encore les yeux et écoutons le chuintement de l’eau le long de
la coque : une légère accélération, un faible ralentissement modifient son
bruit et son rythme. Le vent faiblit un peu, la poussée du vent sur les
voiles diminue, le bateau se redresse. Cette modification de l’assiette
latérale nous apprend que le bateau ralentit. Si, avec un vent constant, le
barreur lofe un peu – ou que le vent lui-même tourne sensiblement –,
l’effet sera le même. Il n’est pas simple, lors des premiers
apprentissages, de comprendre les causes de ce ralentissement, mais
l’essentiel est d’abord de le ressentir.
L’attention aux moindres sensations sera d’autant plus nécessaire
que, sur un bateau, on ne perçoit pas les différences de vitesse comme
en voiture, à moto ou au décollage d’un avion. En mer on avance assez
lentement, les accélérations y sont donc minimes. Ainsi un régatier se
focalisera-t-il sur ses réglages dans l’espoir de gagner un dixième de
nœud, ce qui ne représentera jamais que 180 mètres de plus parcourus
dans l’heure !

■ Estimer l’allure du bateau


Encore des sensations : toujours les yeux fermés (sur un croiseur, on
peut s’allonger dans l’habitacle), essayons de deviner à quelle allure on
navigue : est-on au près, au travers, au largue, au vent arrière ? Ouvrons
grand nos oreilles : au près, le clapotis des vagues est plus rapide qu’au
portant (grand largue et vent arrière). Les mouvements du bateau sont de
bons indicateurs : au grand largue, on sent facilement l’accélération du
bateau, au moment où les vagues le soulèvent par la hanche ; au vent de
travers, il s’élève de tout son long à chaque vague ; au près, le rythme de
rencontre des vagues est plus rapide.

Rudiments de conduite
L’adage remonte aux anciens Cours des Glénans : « Pour le navigateur,
la direction du vent étant la seule constante, on devra apprendre à s’y
référer comme à un axe immuable. » Pourtant, c’est bien connu, y
compris du terrien quelque peu observateur, la direction du vent n’arrête
pas de changer. Il n’empêche : à bord d’un voilier, quand la brise change
de direction, c’est toujours elle qui sert de référence au marin. D’où la
seconde partie de l’adage : « Pour le navigateur à la voile, ce n’est pas le
vent qui change, c’est le paysage qui tourne ! »
Si le vent tourne 14, donc, deux possibilités s’offrent à nous :
– Soit nous naviguons vers un objectif fixe (un port par exemple) ;
dans ce cas, sans modifier la direction du bateau, il faut adapter
l’orientation des voiles à la nouvelle direction du vent (nous nous
inscrivons dans une logique écoutes propulsion).
– Soit nous tenons à rester à la même allure (nous pouvons par
exemple chercher à être le plus près possible du vent, parce que notre
objectif est de tirer des bords pour remonter contre le vent) ; alors, il ne
faut pas toucher aux voiles, mais modifier la direction du bateau pour
conserver le même angle vent-voiles (c’est la démarche barre
propulsion).
Quand la direction du vent se rapproche de celle du bateau, on dit
que le vent refuse. Si dans l’instant précédent les voiles étaient
correctement réglées, elles se dégonflent lors de ce refus. Il faut alors
soit les border, pour garder la même direction, soit abattre, pour ne pas
modifier le réglage des voiles.
Quand la direction du vent s’éloigne de celle du bateau, on dit que le
vent adonne. Il faut alors choquer les voiles (si l’on veut garder le même
cap), ou lofer (si l’on souhaite conserver le réglage des voiles).
Évidemment, entre ces deux impératifs pédagogiques – modifier le
réglage des voiles pour garder la même direction ou user de son safran
pour conserver son allure – s’offrent une infinité de réglages et de
possibles, car les oscillations du vent peuvent porter nos désirs vers des
horizons que nous n’avions pas d’abord envisagés : on peut aussi profiter
d’un changement de direction du vent pour changer son programme de
navigation…

■ Le près
L’allure du près est un peu à part. En effet, aux autres allures, on va
droit au but, droit en tout cas vers le point de la carte ou du paysage où
nos désirs (ou notre devoir) nous guident. Le près, quant à lui, est une
allure de compromis. Quand on est au près, en général, c’est que le vent
vient d’un secteur dans lequel se trouve notre objectif : si nous serrons le
vent au maximum, notre cap est plus pointu (nous pointons plus
directement l’étrave vers le lieu qui nous intéresse), mais le bateau
n’avance guère et dérive. Au contraire, avec un angle vent-bateau plus
important, nous accélérons, mais notre route semble moins nous
rapprocher de notre destination.
Où se situent la bonne limite, le meilleur compromis entre le cap et la
vitesse ? Nous affinerons cette délicate notion de la conduite au près,
dont on peut déjà entrevoir toute la subtilité, dans le chapitre « Améliorer
le rendement de son voilier » ►. Précisons déjà qu’à cette allure, les
voiles réglées une fois pour toutes, le barreur doit laisser le bateau
remonter « tout seul » dans le vent, en prenant soin de le maintenir dans
cette zone où le faseyement des voiles commence à peine à se faire
sentir, ce qui signifie qu’une fois cette limite trouvée, il fait tout pour que
l’angle vent-voilier demeure constant. En conséquence, quand le vent
tourne, le bateau change de direction. Au près, la conduite se fait donc
en barre propulsion.

La trajectoire jaune est celle du bateau ayant adopté le meilleur compromis cap-
vitesse. Lorsqu’on serre trop le vent, le voilier dérive et ralentit (trajectoire grise). Sur
une allure plus abattue (trajectoire rouge) la vitesse est meilleure, mais la remontée
au vent moins efficace.

■ Les autres allures


À toutes les autres allures, on navigue normalement vers un objectif
donné. Et quand le vent tourne un tant soit peu, on borde ou l’on choque
les voiles. On navigue alors en écoutes propulsion.
Cependant, lorsque les variations de la direction du vent sont
minimes, on choisit parfois de conduire en barre propulsion, c’est-à-dire
en modifiant légèrement le cap en fonction du vent, pour éviter de
changer constamment le réglage des voiles. Cela rallonge un peu la
route, mais c’est bien moins fatigant (surtout sur un gros croiseur), et
souvent plus efficace, une légère correction de cap s’effectuant de façon
instantanée : on reste ainsi plus facilement en phase avec les oscillations
du vent, les voiles conservant en permanence leur meilleur rendement.
On se doute que le problème se complique si la direction du vent
subit de fortes variations. Quand la vitesse du voilier change tout le
temps, les choses sont tout aussi délicates. Rappelons-nous en effet ce
principe : le vent que reçoit réellement le bateau n’est pas le vent qui
souffle sur la mer (le vent réel), mais le vent apparent, qui est la
résultante du vent réel et du vent vitesse. Si la vitesse du voilier est
fluctuante – s’il accélère en descendant chaque vague et ralentit en la
remontant, par exemple –, la vitesse et la direction du vent apparent sont
soumises à de fortes variations. Même problématique si le vent se
renforce brutalement, ou mollit significativement : la direction du vent va
s’en trouver affectée. Dans tous ces cas de figure, la question du choix
entre barre propulsion et écoutes propulsion se complique. Ces notions
avancées de conduite sont abordées plus loin ►.

Le bon équilibre du voilier


■ Naviguer à plat
Plus un voilier sera à plat sur l’eau, mieux il naviguera et meilleur sera
son rendement. Sa voilure, verticale, fournit alors le maximum de force
propulsive. « Penchée », elle en produit moins, et complètement couchée,
plus du tout ! En outre, bien à plat, le bateau a peu tendance à lofer
(n’oublions pas que la gîte fait lofer !), ce qui dispense le barreur de
mettre de l’angle de barre pour conserver la trajectoire et… lui évite ainsi
de ralentir le bateau avec son safran.
C’est pourquoi l’une des principales tâches de l’équipage est de
maintenir ou de rétablir l’assiette du bateau. C’est un combat souvent
difficile, et sur les croiseurs d’une certaine importance, naviguer à plat
est en réalité mission impossible, pour une raison essentielle et aisément
compréhensible : le lest mobile disponible à bord (l’équipage) « ne fait
pas le poids » face aux forces qui s’exercent sur ce genre de voilier : il est
trop léger. Sur un croiseur de bonne taille, la gîte est donc un mal
inévitable, qu’on s’efforce seulement de limiter ! Aussi la carène des
croiseurs est-elle conçue pour que la gîte compromette le moins possible
la vitesse du bateau. En voile légère en revanche, l’équipage doit faire en
sorte de garder le bateau à plat.
Il existe cependant quelques exceptions à cette règle, abordées dans
le chapitre consacré aux « Spécificités de la voile légère » ►. Sur un
catamaran ou un trimaran par exemple, un peu de gîte fait sortir l’une
des coques de la mer, limitant ainsi les résistances dues au frottement
de l’eau sur la coque. Sur un dériveur, une légère gîte permet parfois de
sortir de l’eau une partie des surfaces planes situées à l’arrière de la
coque. Par petit temps, lorsque le voilier manque de puissance, on réduit
ainsi la surface mouillée, et par conséquent l’importance des frottements
de la coque sur l’eau, qui s’opposent à l’avancement.
Navigation dans les petits airs : l’équipage est bien avancé, de façon à dégager de
l’eau l’arrière très plat du RS 500, et il faut gîter le bateau. Ces deux actions réduisent
ainsi la surface mouillée de la carène.

Mais de façon générale, nous ferons tout pour garder notre bateau le
plus à plat possible. Une fois notre cap choisi, nos voiles réglées, nous
pouvons nous retrouver dans deux situations assez différentes :
– Si le bateau est à plat et que l’équipage a encore de la marge pour
se déplacer et le maintenir dans cette position quand le vent fraîchira, on
dit que l’on navigue en sous-puissance : les voiles sont à leur rendement
maximal pour le vent disponible.
– Si l’équipage s’est déjà déplacé au maximum au vent du bateau, au
rappel ou au trapèze, s’il ne dispose plus de marge quand le vent fraîchira
encore, alors on parle de navigation en surpuissance. Pour garder le
bateau à plat dans les surventes, il n’y a plus d’autre solution que de
réduire la force exercée sur les voiles : soit en les choquant purement et
simplement, et en les bordant de nouveau après la survente (écoutes
équilibre) ; soit en lofant et en abattant en fonction des fluctuations de la
force du vent (barre équilibre). On combine en général les deux
méthodes.

Le barreur est assis sur le caisson, buste vers l’intérieur, l’équipière n’est que
partiellement déployée au trapèze, le bateau est à plat : ce Laser Vago navigue en
sous-puissance.
Rappel maximum pour le barreur, trapèze sans concessions pour l’équipière. Le
Vago affiche une légère gîte et si le vent augmente, il n’y aura d’autre issue que de
choquer ou lofer pour maintenir l’équilibre latéral : c’est une situation de
surpuissance.

■ Centrer les poids


On a jusque-là beaucoup parlé d’équilibre latéral, mais l’assiette
(inclinaison longitudinale d’un navire) a également une influence sur le
comportement du bateau : s’avancer le fera lofer et le rendra plus
instable, se reculer le fera abattre et améliorera la stabilité. Mais,
toujours sur le plan longitudinal, une autre subtilité est à prendre en
compte. Sur un voilier, quel qu’il soit, centrer les poids à bord (poids de
l’équipage pour un bateau de voile légère, de l’équipage et du matériel
sur un croiseur) permet presque toujours d’améliorer la vitesse. Le
centrage des poids diminue en effet une cause supplémentaire de
ralentissement : le tangage du bateau (balancement d’avant en arrière).
Il ne faut jamais charger les extrémités d’un voilier et cela se vérifie
particulièrement dans le clapot.
Sensations, découverte des voiles, des allures, assiette du bateau,
navigation sans safran… Voici des premiers bords déjà bien denses.
Pourtant, avant de nous lancer sur l’eau, il nous manque encore quelques
notions. Ne faudra-t-il pas virer de bord ? Empanner ? Peut-être même
récupérer un équipier tombé à la mer ? Et, pourquoi pas, retourner à
terre ? Après avoir compris comment conduire notre bateau, il va falloir
maintenant apprendre à manœuvrer.

LES MANŒUVRES DE BASE


Manœuvrer, c’est virer de bord, empanner, se mettre à la cape, hisser
le spi, réduire la voilure, etc. Les pages qui suivent sont consacrées à ces
manœuvres : celles que l’on pratique sur tous les voiliers. Mais
manœuvrer, c’est aussi effectuer des départs et des arrivées sur la
plage, des entrées au port, etc. Nous traiterons ces manœuvres
particulières dans les chapitres décrivant les particularités de la voile
légère d’une part, et de la croisière d’autre part.
Avant d’aborder une à une les manœuvres de base, et puisque le
préalable à la réussite de toute manœuvre c’est la préparation du bateau,
penchons-nous en premier lieu sur cette question.

PRÉPARER LE BATEAU À LA MANŒUVRE

La notion de toile du temps


Par vent fort, en croisière, on est parfois tenté de se croire en course,
de tenir toute la toile au portant. Notre voilier « navigue fringant sous la
force du vent ». Mais que le bateau parte soudain au lof, qu’il faille faire
demi-tour, que le vent grimpe encore d’un cran, il faudra réduire la toile.
Les mouvements nerveux du navire surtoilé rendront la manœuvre
périlleuse et délicate. Aussi est-il plus sage de porter la toile du temps,
disons celle que l’on porterait par ce vent pour faire route au près.

Les bouts
Le mot bout (prononcer « boute ») est utilisé pour désigner tous les
cordages qui se trouvent à bord d’un voilier, chacun d’entre eux portant
un nom particulier selon son utilisation. Un bout peut ainsi être une
garcette, une aussière, une drisse, etc. 15
Un bateau doit être opérationnel à tout moment, et le rangement des
bouts fait partie intégrante de la chronologie des manœuvres. En fin de
manœuvre, il faut « faire le ménage dans le bateau ». Ne sortez pas vos
seaux et vos serpillières, il s’agit juste de ranger les bouts !

VIRER DE BORD
On se souvient qu’on peut changer d’amure grâce à un virement de
bord vent debout ou à un virement de bord vent arrière. Quand on
remonte au vent, le virement de bord vent debout est préférable au
virement de bord vent arrière, qui nous ferait perdre sous le vent
quelques longueurs de bateau – le contraire de ce que nous recherchions
en remontant au vent.
De même, quand on tire des bords de grand largue, autant effectuer
un virement de bord vent arrière (un empannage) 16 plutôt qu’un virement
vent debout. Évidemment, si l’on est un peu cabochard, on peut en
décider autrement. Cette décision pourra même parfois s’avérer sage.
C’est le cas par vent très fort, où un virement de bord vent arrière est
dangereux s’il est mal contrôlé, car le passage de la bôme est très rapide
et violent. Un virement de bord vent debout fera alors perdre un peu de
terrain, mais évitera les risques matériels et humains.
Sur les anciens voiliers à phares carrés, pendant un virement vent
arrière, le côté au vent de la voile (le côté lof) devenait le côté sous le
vent (et inversement). Aussi parlait-on de virement lof pour lof pour un
changement d’amures 17 par le vent arrière, qui représentait sur ces
navires la façon la plus aisée et la plus naturelle de virer. Quand on
remontait au vent, cette manœuvre faisait perdre beaucoup de gain au
vent chèrement acquis, mais si le bateau n’arrivait pas à virer vent
debout, il ne restait que cette solution. Sur les voiliers actuels, le
problème est inversé : par vent très violent on doit parfois remplacer un
virement de bord vent arrière problématique par un virement de bord
vent debout.

Virer de bord vent debout


Le voilier navigue au près et doit se retrouver au près sur l’autre bord,
après être passé face au vent. Pendant la manœuvre, il doit perdre le
moins de vitesse possible, et la retrouver au plus tôt sur l’autre bord.

■ « Paré à virer ? »
Il faut faire preuve d’attention avant de commencer cette manœuvre.
Le plan d’eau est-il libre de tout obstacle dans la nouvelle direction que
va prendre le voilier ? A-t-on pris des repères pour déterminer cette
nouvelle direction ? Le bateau possède-t-il assez d’erre (de vitesse
acquise, d’élan) pour réussir le virement ? À bord, tout est-il « clair » ? A-t-
on mis en place l’écoute de foc au vent (ou contre-écoute), en lui faisant
faire le cas échéant deux tours autour du winch ? A-t-on réglé le point de
tire de la contre-écoute à la même position que sur le rail de génois 18
sous le vent ? L’écoute sous le vent est-elle prête à filer ? L’équipage est-
il au courant de l’imminence de la manœuvre ? Toutes ces questions se
résument en une seule, posée par le barreur : « Paré à virer ? »
RANGER LES BOUTS
Ranger un bout, c’est s’assurer qu’on pourra l’utiliser sans qu’il s’emmêle, et
qu’il filera librement. Pour une écoute, le plus efficace est de la mettre dans son
rangement en commençant par y placer son extrémité, et le reste par-dessus,
selon la technique du « tas bien pensé ». On rangera de même le halin du feu à
retournement ou le câblot textile du mouillage. Tel il est entré, tel il sortira.
Les bouts sans rangement dédié sont mis au clair en réalisant une glène. Cela
consiste à lover le cordage en spires concentriques, à tours égaux, superposées
les unes aux autres.

Lover un bout
Par convention, et parce que c’est indispensable pour les bouts toronnés, on
love dans le sens des aiguilles d’une montre, de la main droite vers la main
gauche. Il est d’usage de tourner à chaque passe le cordage sous le pouce, pour
éviter de faire des huit. Cette technique est parfois contestée, au motif qu’elle
vrillerait les bouts. Chacun se fera sa philosophie. Les amarres très longues ou
lourdes peuvent être lovées à plat pont.
Drisses, amarres et autres bouts sont ainsi lovés en glènes. Une glène peut
facilement être amarrée sous un taquet ou une filière, ou être posée dans son
logement. Au port, sur un croiseur, la glène peut être capelée 19 sur un winch. On
verra dans les deux pages suivantes comment achever le nouage d’une glène.

On démarre en laissant pendre l’extrémité dans la main gauche.


La main droite vient déposer le cordage dans la main gauche.

L’écartement des bras détermine la longueur régulière des spires.

Démêler un bout
Un bout neuf extrait de sa bobine tend à faire des coques, c’est-à-dire des
boucles vrillées. Certains bouts usagés peuvent présenter le même inconvénient.
On parvient à les remettre en forme en les laissant traîner derrière le bateau.
Si, malgré toutes ces précautions de rangement et de soin un filin finit en
pelote ou en « sac de nœuds », il faut dépasser les boucles (les doubles) les unes
des autres. Les nœuds ne sont qu’apparents : ne surtout pas dépasser les
extrémités du filin, car on commencerait alors à créer un nœud bien réel.
NOUER LES BOUTS
Il existe de nombreuses façons de nouer un cordage pour le ranger après qu’il
a été lové. Le recours à ces différentes méthodes dépend du type de cordage et
de sa fonction, de son lieu de stockage, ainsi que des usages et des préférences,
voire des coquetteries de chacun. En voici quelques-unes parmi les plus utilisées
ou les plus utiles.

Nouer une aussière pour un rangement à plat dans un coffre


C’est la méthode la plus simple, qui convient à de nombreuses situations.
Ainsi nouée, l’aussière a peu de risque de se délover, même si l’on doit la
bousculer dans un coffre ou la balancer sans ménagement au fond du cockpit.

Une variante intéressante


En rabattant une boucle par-dessus la glène, avant de serrer par traction sur
l’extrémité du cordage, on améliore le serrage, pour un blocage encore plus sûr.
Pour suspendre un bout
La meilleure façon de ranger les bouts dans la soute n’est pas de les entasser,
mais de les suspendre afin qu’ils puissent sécher et s’aérer. Cette manière de
terminer le nœud permet précisément de les amarrer par le haut, avec leur propre
extrémité. Elle est moins adaptée au stockage à plat ou en vrac, le serrage restant
relatif.
Amarrer la glène d’une drisse ou de la balancine à son taquet de mât
La drisse doit être lovée au plus près du taquet. On tire ensuite, toujours au
ras du taquet, pour sortir une boucle, à laquelle on imprime un demi-tour vers la
gauche. Il reste à rabattre cette demi-clé par-dessus la glène.
Si la mer est formée, le barreur peut attendre le début du passage
d’une vague, pour qu’au milieu du virement les extrémités du bateau
soient soulagées et qu’ainsi le voilier pivote plus facilement. En tout cas,
le barreur doit se débrouiller pour ne pas laisser retomber lourdement le
bateau derrière la vague en milieu de virement, ce qui casserait son erre.
Mais il n’y a pas de règle générale pour déterminer le moment idéal du
déclenchement de la manœuvre, celui-ci variant en fonction du bateau,
de son type et de son inertie. Il faut donc apprendre à connaître le
comportement de son voilier.
En voile légère ou sur un petit croiseur, on peut commencer la
manœuvre en bordant la grand-voile. Son rôle évolutif (évoqué
précédemment) va favoriser le début de la rotation et permettre de
moins solliciter la barre. Nous l’avons vu également, avoir un peu de gîte
aidera le voilier à lofer. En catamaran, les choses sont différentes :
commencer un virement avec de la contre-gîte permet de soulager la
coque sous le vent, celle qui a plus de chemin à parcourir pendant la
manœuvre.

■ « On vire ! »
■ Le barreur
Avec la barre, le barreur accompagne le bateau dans le virement. Il
dose son geste en observant la rotation du bateau, laquelle doit s’arrêter
sur le nouveau bord à une allure un peu plus abattue que le près, afin de
pouvoir relancer le bateau. Avant le virement, le barreur s’est représenté
la direction qu’il devra suivre sur l’autre bord de près, que ce soit avec
des repères dans le paysage ou en observant l’orientation des vagues. Au
près serré, un voilier moderne tire des bords à plus ou moins 90° (c’est-à-
dire plus ou moins 45° de part et d’autre du vent), c’est fonction des
caractéristiques du bateau, de la coupe des voiles, de l’habileté du
barreur et des régleurs, mais aussi de l’état de la mer.
En voile légère et sur les petites unités, le barreur a également la
charge de l’écoute de grand-voile : en milieu de virement, il choque
légèrement la grand-voile (ou même largement en catamaran) pour
qu’elle soit au réglage adéquat dès que le bateau sera sur l’autre bord. La
grand-voile sera ensuite bordée progressivement, au fur et à mesure de
l’accélération du bateau sur le nouveau bord de près.

Au près serré, la plupart des voiliers virent à plus ou moins 90° d’un bord à l’autre.

■ Le focquier
Dès qu’en début de virement le foc se vide (il ne porte plus), le
focquier le choque en grand. Dans des circonstances particulières,
notamment sur les multicoques qui virent plus difficilement, le barreur
peut demander au focquier de garder le foc bordé à contre quelques
instants de façon à aider à la rotation du bateau. La méthode mérite
d’être utilisée à bon escient, inutile d’en abuser, car elle fait perdre
beaucoup de sa précieuse vitesse au bateau. Sans consigne spécifique,
le focquier s’abstiendra donc de faire porter le foc à contre. Le plus
rapidement possible, il embraque le mou de la contre-écoute : tant que la
voile faseye encore, c’est assez facile, mais cela ne dure pas. Il faut donc
agir avec énergie pour profiter de ce moment. Plus l’exécution sera
rapide, moins il y aura d’écoute à reprendre pour finir de border le foc et,
surtout, plus tôt la voile d’avant sera propulsive.
Sur un croiseur, le focquier embraque à la volée avec deux tours
d’écoute sur le winch. Puis, dès que le foc commence à porter et que la
tension sur l’écoute s’accroît, il effectue des tours supplémentaires
jusqu’à garnir la poupée de winch sur toute sa hauteur. Le cas échéant, il
engage l’écoute dans le self-tailing 20, puis il termine de régler à la
manivelle de winch, ajustant le réglage de la voile, jusqu’à ce que le cap
du bateau soit stabilisé sur le nouveau bord de près.
Les catamarans, dont les coques « ratissent » l’eau, virent avec moins d’aisance
que les dériveurs. Il faut prendre soin d’avoir de la vitesse avant de pousser la barre.
On aide si nécessaire les étraves à tomber sous la nouvelle amure, en gardant
quelques instants le foc à contre.

■ « Manque à virer ! »
Certains bateaux ont plus de mal que d’autres à virer de bord : les
catamarans, les trimarans, les croiseurs à quille longue. Mais le manque
à virer peut survenir sur n’importe quel voilier, si le bateau n’avait pas
assez d’erre au départ, si l’on a choqué le foc trop tôt – ou si on l’a
rebordé trop tôt –, ou encore si l’on a mal accompagné le virement avec
la barre. On ne parvient pas à virer, le bateau s’arrête, puis il cule (il se
déplace en reculant). Plus ou moins rapidement, on se retrouve sur
l’amure d’origine. Retour à la case départ !
Il existe une solution pour sauver la situation : lorsque le voilier se
met à culer, on inverse la barre. Le bateau finit alors son virement en
marche arrière. On peut aider le mouvement en faisant porter le foc à
contre (comme nous l’avons expliqué plus haut).
La marche arrière fait d’ailleurs partie des manœuvres de base du
voilier et nous l’abordons un peu plus loin.

Pour résoudre le manque à virer, l’équipière a bordé le foc à contre, et le barreur


a inversé sa barre de façon à faire tomber l’étrave sur bâbord, pour repartir tribord
amure. Il se faciliterait la tâche en choquant totalement la grand-voile.

Empanner : virer de bord vent arrière


Du point de vue théorique, l’empannage est extrêmement simple. Au
vent arrière, les voiles établies sur un bord doivent être manœuvrées
pour s’établir sur l’autre. Quelques précautions élémentaires doivent
cependant être respectées.
– On doit avertir l’équipage de l’imminence de la manœuvre et du
danger que représente le passage de la bôme et du palan d’écoute de la
grand-voile.
– Pour empanner, on doit choisir le moment où le bateau atteint le
maximum de sa vitesse, ce qui réduit le vent apparent. Moins « pleines
de vent », les voiles sont d’autant plus faciles à manœuvrer. Par ailleurs,
ce qui ne gâche rien, au maximum de sa vitesse le voilier est beaucoup
plus stable de route et facile à la barre qu’au moment où il ralentit en
butant de l’étrave sur la vague qui le précède.
– On veille à ce que le hale-bas de grand-voile soit suffisamment
bordé pour que la bôme ne se mâte pas (qu’elle ne se dresse pas vers le
haut) en passant dans l’axe du bateau. Si vous deviez subir cette avanie,
sachez que vous risqueriez un empannage chinois : le bas de la voile
changeant de côté et le haut restant sur le bord initial, avec en général
des conséquences fâcheuses pour les lattes.
LES BONS REPÈRES
Bien naviguer au vent arrière, éviter l’empannage involontaire ou à l’inverse
déclencher son empannage au moment voulu, suppose de bien situer la direction
du vent. Il faut pour cela prendre des repères : un point remarquable sur la côte ou
un cap compas peuvent suffire à conserver en tête son orientation générale,
l’observation d’autres voiliers sur le plan d’eau n’est pas inutile, mais tout cela ne
permet pas de repérer les variations ponctuelles.
L’orientation des vaguelettes en surface, celle de la girouette en tête de mât,
ou encore celle des penons fixés dans les haubans sont des repères beaucoup
plus précieux, sans oublier ses propres sensations, qu’il convient de développer :
le glissement du vent sur le visage, les différences de pression ressenties entre les
deux joues – ou les deux oreilles – nous permettent avec l’expérience de déceler
les yeux fermés les caprices du vent.
L’observation des voiles est aussi riche d’enseignements :
– Sous foc, le bateau arrive au vent arrière quand la voile d’avant passe ou a
tendance à passer du côté opposé à la grand-voile pour venir s’établir en ciseau.
– Sous spi, lorsque le bord d’attaque de celui-ci tend à s’éloigner vers
l’extérieur du bateau, le tangon n’étant plus en appui forcé sur le mât, c’est que le
bateau a passé l’axe du vent arrière (il navigue en fausse panne).
– Lorsque la chute de grand-voile tend à s’inverser, le passage de la bôme est
imminent. Ce dernier repère est extrêmement précieux pour le barreur.
Surveiller la chute de grand-voile permet de déterminer l’imminence de
l’empannage. Ici, le barreur a déjà orienté sa barre pour éviter l’auloffée qui va
suivre le passage de la grand-voile. À ce stade, en amplifiant son mouvement de
barre, il pourrait encore éviter l’empannage si celui-ci s’avérait dangereux pour
l’équipage. Dans une fraction de seconde, il sera trop tard.
– À l’inverse, trop de hale-bas nuit : une chute de grand-voile trop
raide encaisse une surtension importante lorsque la bôme arrive en bout
de course, la répétition de ces « claques » conduisant à terme par
endommager les coutures des laizes ou distendre les tissus, et par
conséquent dégrader le profil de la voile.
– On doit bloquer le chariot d’écoute de grand-voile au centre de son
rail. Libre de circuler d’un bord sur l’autre, il prendrait un élan
préjudiciable pour ses billes et ses butées.
– Enfin, si le bateau est muni d’une retenue de bôme, on doit
évidemment la larguer. (La retenue de bôme est un cordage reliant la
bôme à un point fixe en abord, sous le vent du bateau. Elle permet
d’éviter le passage dévastateur de la bôme dans les empannages
involontaires.)
Tout cela paraît finalement assez simple, et pourtant l’empannage a
la réputation d’être une manœuvre délicate à maîtriser, surtout si le
bateau est puissant et le vent relativement fort. Il y a plusieurs raisons à
cela.
– Au vent arrière, il est difficile de bien sentir la direction du vent, car
son intensité est affaiblie par la vitesse du bateau et les voiles
constituent un obstacle à la vision des vagues devant l’étrave. Le roulis
éventuel perturbe également les sensations. Or connaître le moment où
le bateau est effectivement au vent arrière représente l’une des clés d’un
empannage réussi.
– Si en sortie de virement le bateau dépasse franchement le vent
arrière, il risque de prendre un coup de gîte et de monter dans le vent par
une série de mécanismes se renforçant les uns les autres. Une allure plus
lofée se traduit en effet par un vent apparent plus frais (le vent vitesse ne
se soustrait plus du vent réel comme au vent arrière), ce qui augmente la
gîte. La gîte accentue la tendance du bateau à lofer, ce qui accroît encore
le vent apparent, tandis que le safran sort en partie de l’eau et devient
moins efficace. Pour peu que dans le même mouvement une vague
prenne la hanche du bateau, c’est le départ au lof. Au mieux, on s’en
sort avec un grand coup de barre qui freine le bateau, au pire on finit par
se retrouver travers à la route. Voilà pourquoi, par vent frais, le bateau
doit impérativement rester vent arrière en fin de virement.
Selon le type de bateau et son équipement, on distingue plusieurs
manières d’empanner.

Empannage largue-largue pour voilier léger


ou par vent faible
Le barreur abat et les voiles sont choquées à la demande pour
qu’elles propulsent le bateau au mieux. Quand le bateau atteint la
position du vent arrière, on passe rapidement la grand-voile sur l’autre
bord dans un mouvement de bras, en prenant à pleine main les brins du
palan d’écoute (on parle alors d’empannage « à la volée »).
Simultanément, l’équipier passe le foc sur l’autre bord. Et, alors que le
bateau continue sa rotation, qui l’amène du largue au largue sur l’autre
bord, les écoutes sont réglées au fur et à mesure.
L’empannage avec un spi symétrique. 1 Le barreur abat jusqu’au vent arrière, le
spi est brassé et choqué en conséquence. L’équipier décroche le tangon du mât. 2 Le
bateau passe le lit du vent, la grand-voile empanne, l’équipier d’avant amène le tangon
au vent. Les régleurs s’appliquent à faire porter le spi. 3 Le barreur stabilise la
trajectoire. L’équipier engage le bras dans la mâchoire du tangon. 4 Il accroche le
tangon au mât. Il reste à reprendre du hale-bas de tangon. On peut maintenant lofer si
nécessaire.

Avec un spi asymétrique, il faut tenir compte d’une surface de voile


d’avant importante et d’une grande longueur d’écoute à avaler : on
choque en grand dès que le barreur amorce l’abattée, pour embraquer
immédiatement la contre-écoute. On borde cette dernière au-delà du
réglage optimal, de façon à tendre la chute et à faire s’inverser le spi,
puis on choque progressivement.
Par vent plus soutenu, il n’est plus possible d’empanner la grand-voile
à la volée. Son écoute doit être embraquée rapidement dès que le bateau
atteint le vent arrière, si possible lors d’une accélération sur une vague.
Grâce à la seule rotation du bateau, le vent prendra de l’autre côté de la
grand-voile, dont l’écoute sera alors choquée largement.

Bateau plus gros, vent plus fort ou spi symétrique


Dans toutes ces situations, l’empannage doit être décomposé, c’est-
à-dire que le voilier doit rester un temps plus ou moins long au vent
arrière, même s’il empanne du largue au largue.
Chariot de grand-voile au centre, le bateau vient jusqu’au vent arrière.
On profite alors d’une accélération sur une vague, l’écoute de grand-voile
est embraquée rapidement, un léger mouvement de barre installe le
voilier sur la fausse panne et fait passer la bôme (si l’on a laissé le chariot
d’écoute de grand-voile sous le vent, le mouvement de barre doit être
plus important, ce qui augmente le risque d’une auloffée brutale –
comme nous l’avons signalé plus haut). On choque alors l’écoute de
grand-voile largement, d’autant de longueur que celle que l’on vient
d’embraquer.
Pendant l’empannage, l’équipier d’avant a décroché le tangon du
mât 21, puis le bras de spi du tangon, le spi se retrouve centré dans l’axe
du bateau. Après l’empannage, l’équipier croche le tangon sur le nouveau
bras (qui se trouve être l’ancienne écoute). Le barreur fait légèrement
abattre le voilier pour que le spi s’écarte de lui-même au vent. Accrocher
le tangon sur le mât est alors un jeu d’enfant pour l’équipier. Reste à
placer le bateau sur son nouveau cap en réglant la voilure.
Le guindant de ce spi asymétrique comporte une petite latte souple destinée à
recevoir la contre-écoute, de façon à éviter qu’elle tombe à l’eau sous l’étrave. À
défaut, il faudra fixer une latte rigide sur le bout-dehors ou la delphinière.

Avec un spi asymétrique, il faudra comme en dériveur choquer très


tôt l’écoute, en s’assurant qu’elle filera bien en grand et que rien ne la
freinera : par conséquent, prendre soin de faire sauter tous les tours au
winch.
Sur les unités de taille modeste et/ou par petit temps, on passe les
écoutes de spi asymétrique en avant de l’étai pour réduire les longueurs
de cordage à embraquer. Par vent frais ce serait prendre le risque que le
spi vienne s’emmêler avec l’étai, c’est pourquoi on préfère empanner
l’asymétrique par l’avant, comme si on voulait le laisser partir en drapeau
devant l’étrave avant de le reprendre de l’autre bord. La contre-écoute
passe alors en avant du guindant de spi. Une latte souple cousue sur la
voile, ou fixée au bout-dehors, lui évite de tomber sous l’étrave
lorsqu’elle n’est pas sous tension.

FAIRE MARCHE ARRIÈRE


En général, on découvre la marche arrière à la voile en ratant un
virement de bord vent debout. Le bateau se met à culer et l’inversion de
la barre (par rapport à la position qui faisait lofer le bateau) permet de
sauver le virement. Réussir à rester en marche arrière est un exercice
très intéressant, mais ce n’est pas si facile que cela. Le contrôle de la
barre est délicat : en marche arrière, quand on lâche la barre, celle-ci a
tendance à se mettre en travers très rapidement. Or, sur un croiseur, ce
n’est pas bon du tout pour les butées de barre, soumises alors à rude
épreuve.
En outre, une fois qu’on a lâché la barre, le bateau se met en travers
sur un bord qu’il choisit tout seul – rarement celui qu’on désire. On doit
donc tenir la barre fermement et précisément, de manière à garder le
voilier face au vent. Au moins doit-on faire en sorte que les voiles ne
portent pas du tout, en évitant que l’étrave ne tombe franchement d’un
bord ou de l’autre.
Étape suivante : accélérer en marche arrière. Pour accélérer, il faut
faire porter les voiles à contre, en repoussant la bôme et, sur les
dériveurs et les petits voiliers, en établissant le foc à contre, côté opposé
à la bôme, point d’écoute maintenu à bout de bras.
Acquérir de la vitesse en marche arrière permet de placer facilement
son voilier sur le bord voulu au moment désiré. On ne le redira jamais
assez, attention à ne pas lâcher la barre, ni à se laisser embarquer par
elle. Barre franche ou barre à roue, en marche arrière on la tiendra
toujours à deux mains (c’est tout aussi vrai, comme on le verra plus loin,
lors des manœuvres de port au moteur et en marche arrière).
Il y a bien d’autres usages possibles de la marche arrière : se dégager
d’un groupe de voiliers sur une ligne de départ de course, quitter un
coffre en culant dans une zone de mouillage encombrée, etc.
Savoir faire porter ses voiles à contre est également très utile pour
sauver certaines situations ou, par exemple, pour ralentir son bateau au
moment d’une arrivée de plage ou une prise de coffre trop rapide. Garder
cependant à l’esprit que cette technique n’est plus pertinente au-delà
d’une certaine taille de bateau et/ou d’une certaine force de vent. Il y a
une limite à la force qu’un ou deux équipiers peuvent appliquer sur la
bôme d’un croiseur… et aux risques auxquels on s’exposerait en
procédant ainsi sous de fortes rafales.
HISSER ET AFFALER LE SPI
Avant de hisser le spinnaker, (ou « spi », l’abréviation étant la plus
couramment utilisée), celui-ci est déjà préparé dans son sac, ses trois
points (drisse, écoute, amure) soigneusement placés sur le dessus. Il y a
deux façons de l’installer, qui sont fonction des habitudes de chacun, des
préférences personnelles… et aussi un peu de la forme du sac. Les sacs
banane, typés régate, sont destinés à être accrochés aux filières. Les
« bailles » rondes se fixent dans le balcon avant, avec au cul du sac une
garcette permettant de le sécuriser sur l’étrave. Avant d’envoyer, on abat
franchement jusqu’au grand largue. On supprime ainsi pas mal de
problèmes potentiels : le spi, en partie masqué par la grand-voile, ne
portera pas immédiatement et se hissera facilement ; il n’ira pas se
prendre dans les barres de flèche ou les haubans et, au lieu de subir un
grand coup de gîte, le voilier bénéficiera d’une accélération lorsque le spi
commencera à prendre le vent. Il est préférable de conserver le foc établi
pendant l’envoi, à la fois pour déventer le spi, et pour éviter qu’il ne
s’enroule autour de l’étai.
Avant de hisser, on borde légèrement le spi pour tendre sa bordure et éviter qu’il
ne fasse des tours à l’envoi. Mais on se prépare à choquer rapidement lorsqu’il
commence à gonfler. Le sac du spi peut être installé dans les filières sous le vent
− sous le foc − ou comme ici dans le balcon avant : c’est la méthode qu’on adoptera
en croisière, elle simplifie grandement la donne.
La contre-écoute de foc passe au-dessus de la balancine de tangon. Ainsi à
l’affalage pourra-t-on virer ou empanner dès que la pointe du tangon aura été baissée.

PRÉPARER LE GRÉEMENT DE SPI


On commence en frappant les écoutes au balcon avant, puis on les
emmène de chaque bord vers l’arrière, en passant bien « à l’extérieur de
tout » : le balcon, les chandeliers, les haubans… Les écoutes passent en
arrière des cadènes dans les poulies des barber-haulers 22, avant de
rejoindre les poulies d’écoute de spi fixées à l’arrière du bateau. Pour
l’extrémité des écoutes, il y a deux écoles : jamais de nœud en huit, car
on veut en cas de problème pouvoir filer une manœuvre en grand ; avec
des nœuds en huit, mais loin de l’extrémité, pour avoir de quoi ramener
la manœuvre au winch si le nœud est venu en butée sur la poulie. Dans
tous les cas, on se rappellera qu’on dispose – en principe – d’un couteau
d’urgence près de la barre.
HISSER LE SPI SYMÉTRIQUE
Une fois le sac en place, on établit la balancine et le hale-bas de
tangon, on fait passer le bras dans le bout du tangon, puis on frappe
drisse, bras et écoute 23 sur les points respectifs du spi. Attention, si l’on
a choisi un envoi dans les filières, penser à faire passer le bras devant
l’étai, l’écoute et la drisse derrière le foc !

Ce Pogo 30 porte son spi asymétrique sur un bout-dehors. On note la présence


d’un câble reliant le bas de l’étrave au bout-dehors, pour le maintenir horizontal et
l’empêcher de se dresser vers le haut : c’est la sous-barbe.

On peut désormais hisser le tangon à l’aide de la balancine. On


reprend ensuite du bras de spi pour dégager le tangon de l’étai, sans
excès, sous peine de le voir prendre le vent prématurément. On fait faire
quelques tours sur leur winch à l’écoute et au bras, on saisit
provisoirement le bras au self-tailing ou au taquet, mais on garde l’écoute
à la main. On envoie rapidement, avec dans la mesure du possible un
équipier au pied de mât, qui se coordonne avec l’équipier au piano pour
hisser à la volée. Le spi ne tarde pas à s’épanouir, on s’assure qu’il est
bien « en tête ». Reste à le régler, on verra plus loin comment, avant de
rouler ou affaler le génois ►.

LE SPI ASYMÉTRIQUE
Considéré comme plus simple d’utilisation, le spi asymétrique tend à
supplanter le spi symétrique en croisière. Il présente malgré tout un
inconvénient : il ne permet pas de descendre bas dans le vent. Seuls les
voiliers de course, avec de longs bouts-dehors et des spis spécialement
taillés pour la descente, parviennent à faire du vent arrière avec un
asymétrique. Et seuls les bateaux capables de fortes accélérations
gagnent à tirer des bords de largue. Lorsqu’en croisière la destination est
proche du vent arrière, sous spi asymétrique on allonge inutilement la
route, et c’est bien pourquoi son grand prédécesseur le spi symétrique
mériterait de conserver toutes ses lettres de noblesse.
Dans l’immédiat, retenons que la préparation d’un spi asymétrique
est légèrement différente de celle du spi symétrique. Le point d’amure
est tenu par une bosse d’amure renvoyée sur une poulie ou un anneau de
friction à l’extrémité du bout-dehors ou de la delphinière 24. Les deux
écoutes sont frappées ensemble sur le point d’écoute. À l’exception des
petits croiseurs, pour lesquels on acceptera de faire passer la contre-
écoute entre le spi et l’étai (comme sur les dériveurs), on prend soin de
faire passer l’écoute au vent en avant du guindant du spi.

« DÉMÊLER UN COQUETIER »
Si le spi s’enroule autour de l’étai, on parle de « coquetier ». Cela se produit
lorsque le barreur est venu trop vent arrière, et même sur la fausse panne (au-delà
de l’axe du vent) : les remous derrière la grand-voile ont embarqué la tête du spi. Le
remède consiste à recréer le phénomène symétrique, en empannant, et en
maintenant le bateau vent arrière, proche de la fausse panne.
Naviguer sur la panne, c’est avoir la bôme en travers du bateau lorsqu’on
navigue plein vent arrière, à la limite de l’empannage. Venir sous la fausse panne,
c’est dépasser le lit du vent, sans faire passer la grand-voile et sans empanner. Par
définition, c’est une situation transitoire ou précaire, et si elle n’est pas consciente
ou voulue, elle est porteuse d’un risque plus ou moins fâcheux selon la force du
vent : voir passer la bôme brutalement et sans préavis.

AFFALER LE SPI
D’un type de spi à l’autre, la manœuvre ne diffère guère. On
commence par venir au grand largue. Un équipier se saisit de l’écoute
sous le vent (au besoin on l’aide en reprenant à fond le barber-hauler), et
on laisse venir l’amure, en choquant le bras si c’est un spi classique, la
bosse d’amure pour un spi asymétrique. L’objectif est de ramener à soi
toute la bordure avant de choquer la drisse, sous peine de voir le spi
partir s’il accroche l’eau. On enfourne ensuite la voile dans la descente.
Si l’on a eu suffisamment de temps pour anticiper la manœuvre, on
aura déroulé ou hissé préalablement le génois, toujours pour aider le spi
à déventer et lui éviter de venir dans l’étai.
Le spi est affalé. Reste à ranger le tangon, à remettre en place drisse,
balancine, hale-bas, écoute et bras. Il faut aussi ranger le spi dans son
sac avec le plus grand soin.
Le bras est largement choqué, et toute la bordure avalée avant de larguer la
drisse.

PLIER LE SPI
En partant du point de drisse, on suit chacune des deux ralingues de chute
(l’une est rouge, l’autre verte) en faisant des accordéons dans ses mains : on
s’assure ainsi que le spi ne commet pas de tours sur lui-même. Une fois les trois
points du spi rassemblés, on fourre le tissu dans le sac. Les trois points resteront sur
le dessus, maintenus par le lacet de serrage de la baille, ou encore mieux, par des
sangles Velcro prévues à cet effet.
À chacun sa ralingue. On peut se faciliter la tâche en fixant la têtière du spi à un point
fixe (épontille de mât, main courante) au moyen d’un raban.

L’AVALEUR DE SPI
Le spi asymétrique s’est généralisé sur tous les dériveurs et catamarans de
sport modernes, le plus souvent accompagné d’un avaleur. Ce dispositif consiste en
un tube ou une chaussette horizontale, logé dans l’étrave pour un dériveur ou le long
du bout dehors pour un catamaran, dans lequel le spi est « avalé » à l’affalage, grâce
à un bout cousu au cœur du spi. L’écoute étant elle-même gréée en continu, les
manœuvres d’envoi et de récupération du spi sont extrêmement simples et rapides.
Le gréement de spi d’un Hobie Cat 16.

Il arrive qu’on ait à affaler le spi au largue serré, en régate, ou parce


qu’on manque d’eau pour abattre. Dans cette situation on ne choque en
aucun cas l’amure en premier : le spi partirait en parachute derrière le
bateau, avec pour conséquence des efforts considérables à fournir pour
le ramener, et le risque de le voir chaluter. On va au contraire filer la
drisse en grand, jusqu’à ce que le spi flotte à l’horizontale, légèrement
au-dessus de l’eau (contrôler la fin du choqué, sinon ça chalute !). On
peut par précaution surborder le spi avant de larguer la drisse, façon de
tendre la bordure le long des filières et de lui éviter d’accrocher l’eau. Ce
n’est qu’une fois ramassée une bonne partie du tissu qu’on finira de filer
la drisse, puis le bras ou la bosse d’amure.
Si dans un affalage raté le spi chalute, il faut s’efforcer d’arrêter le
bateau. Le mieux encore, plutôt que lofer, est d’empanner avant de venir
bout au vent : le bateau tourne ainsi autour du spi, et on limite les risques
de le prendre dans la quille. En désespoir de cause, il faudra larguer
complètement le bras, voire le bras et la drisse, pour éviter que la voile
ne fasse une poche, et la ramener mètre après mètre par l’écoute.

LA CHAUSSETTE À SPI
La chaussette facilite l’usage du spi sur les grosses unités. Elle ne se justifie
guère sur les bateaux de moins de 33-35 pieds, où la surface de toile reste gérable,
et où elle créerait plus de complications qu’autre chose. Un hale-haut retrousse
celle-ci en tête de mât, tandis qu’un hale-bas permet d’étouffer la toile qui se range
d’elle-même dans la chaussette. Une fois la chaussette enfilée jusqu’en bas, affaler
et ranger le boudin. Tout paraît facile, mais ne surtout pas négliger en cours de route
quelques points essentiels : une fois la chaussette en tête de spi, le va-et-vient doit
impérativement être ramené, tendu, au pied du mât ; ne surtout pas le laisser flotter
dans les parages de l’étai, car un coquetier où le spi s’enroule à la fois dans l’étai et
dans le va-et-vient est une véritable catastrophe, quasi inextricable. Après un
empannage, on transporte logiquement cette bosse sur l’autre bord après l’avoir
amenée en avant de l’étai. À l’envoi et à l’affalage, il est bon de la passer par un
point fixe, par exemple, une poulie ouvrante sur la plage avant, ceci afin de faciliter
son utilisation (il n’y a plus qu’à contrôler un seul des deux brins), mais aussi de
façon à éviter qu’elle ne joue la fille de l’air et ne s’envole au-dessus de l’eau. Pour
finir, lorsque la chaussette ne descend pas ou difficilement à l’affalage, penser à
s’avancer au plus près de l’étai pour tirer plus facilement vers le bas.
Une bande verticale de couleur différente sur la chaussette permet de s’assurer
qu’elle ne comporte pas de tours.
LA CAPE
Parfois il faut attendre un voilier ami, effectuer une pause pour pique-
niquer, se mettre aux fourneaux ou régler un problème technique,
patienter le temps que la mer monte et que le port soit accessible, faire
le gros dos dans un coup de vent, ou même s’arrêter pour prendre le
temps de se repérer si l’on est un peu perdu ! En voile légère, on peut
éprouver le besoin de se reposer après un dessalage. L’allure à adopter
lorsqu’on cherche ainsi à temporiser est celle de la cape.
Le principe est simple : on fait porter le foc à contre, c’est-à-dire sur
le bord opposé à celui de la grand-voile, on maintient la barre sous le
vent (on peut même l’amarrer dans cette position), et on choque l’écoute
de grand-voile en grand. Utilisable en toutes circonstances, la cape
représente par ailleurs une stratégie défensive classique par mauvais
temps. Travers au vent sous voilure réduite le bateau dérive, ce qui crée
des turbulences au vent de la coque. Ces remous apaisent la hargne des
vagues, et l’équipage, en bas et au chaud, peut récupérer des forces.
Pour se mettre à la cape très naturellement, il suffit de « rater un
virement de bord » : on passe le lit du vent sans toucher à l’écoute de foc
qui se retrouve par conséquent à contre, on choque la grand-voile dans
l’abattée qui s’ensuit sous la nouvelle amure, puis on met la barre sous le
vent. Si l’on tient absolument à se mettre à la cape sans changer de bord,
on peut à la rigueur embraquer l’écoute de foc au vent, mais ce n’est
envisageable que sur de petites unités et par vent modéré, en raison des
frottements considérables de l’écoute, voire du foc lui-même, sur les
haubans.
Voici ce qui se passe à la cape. Le foc à contre tend à faire abattre le
voilier, mais aussi à le faire reculer, car sa convexité est orientée vers
l’arrière du bateau. La barre contrarie cette tendance à l’abattée. La
grand-voile légèrement gonflée pousse le bateau à lofer et à avancer. Ces
actions se neutralisant les unes les autres, le bateau trouve une position
d’équilibre, il avance légèrement tout en dérivant et capeye dans une
position intermédiaire entre le près et le travers.
Les avantages de la cape sont multiples : les voiles faseyent très peu
et ne souffrent pas. Le bateau reste manœuvrable, à vitesse très réduite.
Avec un peu de pratique, on contrôle aisément vitesse et trajectoire en
jouant sur le réglage de la grand-voile, ce qui peut s’avérer très utile pour
prendre un coffre avec un voilier lourd et peu évolutif, ou encore pour
récupérer un objet tombé à l’eau.

Un Dufour 325 à la cape sous grand-voile au premier ris et foc solent ►. On


distingue parfaitement le remous créé au vent du bateau par la dérive.

Pour quitter la cape et remettre en route, un moyen est de laisser


passer le foc pour le reprendre sous le vent tout en ramenant la barre
dans l’axe et en bordant la grand-voile. Mais si l’on a de l’eau à courir
sous le vent, il existe une méthode plus élégante et moins fatigante (il n’y
aura pas à s’échiner à border le foc sous le vent) : on abat avec la barre
sans toucher à l’écoute de foc, le voilier vient progressivement au vent
arrière, on borde peu à peu la grand-voile et on empanne en contrôlant le
passage de la bôme, avant de lofer sous la nouvelle amure.

LA CAPE SÈCHE ET LA FUITE


On le verra au chapitre des manœuvres de port au moteur ►, un
navire sans erre trouve sa position d’équilibre travers au vent. La cape
sèche consiste à prendre la cape toutes voiles affalées (à sec de toile),
barre amarrée sous le vent, lorsque par tempête il n’est plus possible de
garder de la toile. À l’abri dans la cabine, l’équipage laisse ainsi passer le
plus gros du coup de vent. La force du vent sur le gréement et la coque
suffisent à faire dériver lentement le voilier.
Mais même à sec de toile, l’allure de la cape peut devenir intenable si
le vent ou la mer sont trop violents. Il n’y aura alors d’autre solution que
de mettre en fuite, sous tourmentin seul (on préfère garder de la toile sur
l’avant plutôt que derrière le mât pour un meilleur équilibre de route),
voire à sec de toile dans les conditions extrêmes. En fuyant ainsi le
mauvais temps, on s’efforcera de garder les vagues sur la hanche du
bateau plutôt que sur l’arrière, de façon à éviter les embardées. On prend
soin de contrôler la vitesse : le bateau ne doit pas être trop lent pour
garder un safran efficace mais aussi réduire l’impact des vagues qui le
rattrapent, pas trop rapide non plus, sous peine de dépasser la vague qui
le soulève et de planter le nez dans celle qui le précède.
En fonction des conditions et du comportement du bateau, il pourra
être utile de filer des traînards : on met à l’eau une ou plusieurs
aussières, dont les extrémités sont frappées sur les taquets d’amarrage
de part et d’autre du tableau arrière, et qui forment ainsi une longue
boucle dans le sillage. Ces traînards, qu’au besoin on leste en leur milieu
par une longueur de chaîne, offrent le double avantage de ralentir le
voilier et de le tenir en ligne, lui évitant de se mettre en travers et de se
faire coucher sous l’effet d’une vague traîtresse.

AMÉLIORER LE RENDEMENT DE SON VOILIER


Récapitulons. Nous savons désormais nous déplacer d’un point à un
autre sur un plan d’eau, atteindre un objectif au vent ou sous le vent, tout
en contrôlant l’équilibre, la direction et la propulsion de notre voilier.
Mais savons-nous exploiter tout le potentiel de celui-ci ? Comment
améliorerons-nous le réglage de nos voiles et la conduite de notre
bateau, tout en tenant compte de son allure et des conditions de
navigation ? C’est l’objet des pages qui suivent. On commencera par
apprendre à régler, puis à conduire, c’est-à-dire à adapter le réglage des
voiles et la conduite du bateau pour en améliorer le rendement. Le sujet
est traité en deux parties distinctes, mais on imagine combien conduite
du bateau et réglage des voiles s’influencent mutuellement. Aussi barreur
et régleur doivent-ils travailler en étroite collaboration, et se répartir les
tâches selon un principe qui gagne à rester intangible : le barreur donne
le ton, le régleur s’adapte.
Une question retiendra par ailleurs notre attention : le chemin le plus
court entre deux points est-il le chemin le plus rapide ? On sait que
contre le vent la réponse est « non », et l’on verra que c’est aussi parfois
le cas lorsque notre destination se trouve sous le vent. Nous verrons
aussi quelles stratégies permettent de raccourcir la route, lorsque le vent
change de direction en chemin, en fonction des évolutions météo et de la
configuration des lieux.

RÉGLER : RETOUR SUR LES ALLURES


Lors de la définition des différentes directions prises par le bateau en
fonction du vent réel (les allures), nous avons identifié deux familles
d’allures, de part et d’autre du vent de travers : les allures de remontée
au vent et les allures de portant. S’agissant du réglage de nos voiles et de
leur rendement, il faut s’intéresser à un autre type de subdivision, qui
définit les allures par la façon dont le vent s’écoule dans les voiles. On
distingue alors les allures dans lesquelles les voiles travaillent en
écoulement laminaire de celles où elles fonctionnent en écoulement
décollé. L’écoulement décollé est parfois qualifié d’écoulement
décroché, même si stricto sensu ce sont bien les filets d’air (les
écoulements) qui se décollent, et la voile qui « décroche » (de même
qu’un avion trop cabré décroche, ses ailes perdant une grande partie de
leur portance car les filets d’air se décollent de leur profil).
Ces deux types d’écoulement de l’air autour d’une voile sont étudiés
en détail dans « Quelques notions théoriques » ►. Retenons pour
l’instant que pour une voile donnée et une force de vent donnée, la force
aérodynamique développée sera très nettement plus importante en
écoulement laminaire qu’en écoulement décollé. Ces deux modes de
fonctionnement des voiles – ces deux types d’allures – vont dès
maintenant nous offrir des applications concrètes.
Représentation de l’écoulement du vent apparent. Le voilier de gauche navigue
en écoulement laminaire. Celui de droite est en écoulement décollé (on dit aussi
décroché).

À chacune de ces catégories d’allures correspondent en effet des


réglages de voile et des types de conduite différents. À chacun de ces
grands types de réglage correspondent des adaptations particulières à
l’angle vent apparent/direction du bateau, à l’état de la mer, à la force et
à la nature du vent.
Nous allons aborder, pour l’écoulement laminaire, puis pour
l’écoulement décollé, le raisonnement à tenir et les points à observer qui
nous permettront d’atteindre le bon réglage ou de nous en rapprocher.
Libre à chacun d’en tirer ensuite ses propres recettes et de les adapter
aux situations qu’il rencontrera sur son voilier.
Nous dégagerons en effet des principes généraux, que chacun devra
adapter à sa pratique nautique, le réglage précis dépendant évidemment
de la forme des voiles et du gréement. On se reportera également aux
chapitres consacrés respectivement au dériveur, au catamaran et au
croiseur.

RÉGLER LES VOILES EN ÉCOULEMENT LAMINAIRE


Dans un premier temps, étudions l’orientation et le profil d’une voile
permettant d’obtenir la plus grande force possible dans le cadre d’un
écoulement laminaire. Pour les voiles qui équipent nos voiliers, qui sont
beaucoup plus hautes que larges, la théorie nous indique assez
précisément qu’un bon réglage répond aux caractéristiques suivantes :
– Le creux de la voile est situé à environ 35 à 40 % de la corde 25 (en
partant du bord d’attaque de la voile).
– Ce creux est d’environ un septième de la corde du profil de la voile
(soit environ 14 %).
– L’incidence, c’est-à-dire l’angle entre la corde du profil et la
direction du vent, est constante sur toute la hauteur du profil de la voile.
– Les penons 26 installés près du bord d’attaque de la voile, au vent et
sous le vent, sont parallèles. Cela signale que – dans cette partie de la
voile – les filets d’air incidents séparés au bord d’attaque glissent de
manière équilibrée, au vent et sous le vent de la voile.
– Les faveurs placées sur la chute s’orientent dans la continuité du
profil de la voile : à cet endroit, les pressions sur l’intrados (côté au vent)
et l’extrados (sous le vent) du profil sont identiques.
Autant ces données précisément chiffrées sur la valeur du creux et sa
position peuvent être considérées comme particulièrement théoriques (à
la fois parce qu’il est difficile de transposer ces valeurs dans la réalité
avec son œil, et parce que de bons réglages peuvent varier autour de ces
valeurs en fonction des conditions de navigation), autant les indications
fournies par les penons du bord d’attaque et les faveurs de chute sont
aussi visibles qu’elles sont fiables. Ce sont d’abord ces données sur
lesquelles on se focalisera. En l’absence de penons, on devra se
contenter d’adopter un réglage « à la limite du faseyement », certes
moins précis, mais toujours globalement correct.
Pour le placement du creux, on se contentera dans une approche
globale de considérer qu’il doit se situer aux environs du tiers avant de la
voile. Quant à la valeur du creux, on l’adaptera à l’allure, à la force du
vent et/ou à l’état de la mer, comme on le verra plus loin.

Régler la position longitudinale du creux d’une voile


La position longitudinale du creux d’une voile dépend d’abord de la
forme initiale de celle-ci. Si une grand-voile est taillée à plat, mais avec
du rond de guindant (le guindant n’est pas rectiligne mais décrit une
courbe), une fois hissée sur un mât tout droit elle présente le creux
voulu. Sur d’autres voiles, c’est en « pinçant » la toile côté guindant (rond
de pince, résultant de pinces à chaque couture entre deux laizes) que le
maître voilier donne du creux à la voile. On réduit le creux d’une grand-
voile à rond de guindant en cintrant le mât, jusqu’à le supprimer
totalement si l’on cintre suffisamment celui-ci. Pour les grand-voiles à
rond de pince, le cintrage du mât peut réduire le creux, sans jamais
l’éliminer totalement.

Vue latérale et en coupe du profil d’une voile.

Mais nous ne voulons pas tant réduire le creux de la grand-voile que


le placer à un endroit qui nous convienne sur le profil, à savoir à un peu
plus d’un tiers de celui-ci. Force est de constater que le creux se met
rarement au bon endroit de lui-même. Il faut donc le déplacer. Le tissu
des voiles a une particularité bien utile en la matière, il se déforme sous
tension. En tirant sur un simple mouchoir dans tous les sens, on se fera
une excellente idée du phénomène. Si l’on étarque le guindant avec la
drisse – ou si on le tire vers le bas avec le cunningham –, le creux de la
voile avance vers le bord d’attaque (étarquer : raidir, tendre, le plus
possible). Inversement, quand on relâche la tension du guindant, le creux
recule.
La tension de guindant (par le haut – la drisse – ou par le bas – le
cunningham) a en réalité un double effet : avancer le creux, mais aussi
limiter sa valeur, notamment dans toute la partie basse de la voile.
Pour régler l’emplacement du creux de foc, on joue sur la tension de
la drisse (ou sur celle du cunningham, si le foc en est équipé, ce qu’on ne
retrouve généralement qu’à bord des voiliers de course). Mais la tension
de l’étai a un rôle bien plus important : le foc est taillé afin d’avoir une
forme correcte pour un cintre donné de l’étai. Si l’on raidit l’étai, le creux
avance ; si on le mollit, le creux recule. C’est en partie pour cette raison
que les génois sur enrouleur – quand ils sont partiellement roulés et
qu’ils cintrent dramatiquement l’étai en son milieu – ont un creux très
reculé et sont si peu performants.
Le contre-jour met bien en évidence les fronces horizontales sur le guindant
de la grand-voile. En reprenant du cunningham, cet équipage avancerait le creux de
la voile tout en réduisant globalement son volume, et tiendrait d’autant mieux son
RS 500 dans cette brise de fin d’après-midi estivale.

Bien entendu, ces réglages peuvent être envisagés au port ou sur la


plage. Mais c’est en mer, une fois les voiles gonflées, c’est-à-dire
soumises sur un bord et sur l’autre à la pression et à l’aspiration du vent,
qu’on trouvera le meilleur réglage.

Régler le creux des voiles


Outre le cintre du mât (en ce qui concerne la grand-voile), pour régler
la profondeur du creux d’une voile, il suffit de modifier la répartition de la
tension de la bordure par rapport à celle de sa chute. Plus la bordure est
lâche et la chute tendue, plus la voile est creuse (et inversement). Mais
comme ces réglages jouent également sur la forme générale de la voile,
ils doivent être assortis d’ajustements de la tension d’écoute ; c’est ce
que nous allons évoquer maintenant.

LE RÉGLAGE DU NERF DE CHUTE


Un petit réglage qui n’en est pas tout à fait un : le réglage du nerf de chute.
Les chutes du foc et de la grand-voile supportent de fortes tensions et elles
finissent par présenter une déformation permanente. Une fois détendue, en
écoulement laminaire, cette partie de la voile bat. C’est assez désagréable pour les
oreilles, ce qui pourrait être acceptable, mais surtout cela fatigue le tissu ; à long
terme cette vibration est destructrice pour la voile. Elle s’avère par ailleurs néfaste
au rendement aérodynamique du profil. Les maîtres voiliers ont imaginé une solution
à ce problème : ils glissent dans l’ourlet de la voile un nerf de chute, mince cordage
dont la tension s’ajuste par un petit taquet coinceur sur la voile (ou par un nœud sur
un œillet). Son réglage est très simple : si la chute bat, on tend le nerf de chute juste
pour qu’elle cesse de battre. En général, une fois réglé, le nerf de chute referme la
chute en cuiller sur quelques millimètres. La perte de rendement provoquée par ce
petit pli est négligeable, comparée à celle qui résulte de la vibration ainsi éliminée.
Lorsque le vent mollit, on relâche le nerf de chute jusqu’à voir apparaître la vibration,
puis on le retend juste ce qu’il faut pour la supprimer.
Le nerf de chute et son taquet coinceur.

■ Le foc
On dispose d’un système assez simple pour régler la tension de la
chute et de la bordure du foc : sur le pont, l’écoute passe dans une poulie
sur chariot. Quand on recule ce chariot d’écoute, la chute est moins
tendue que la bordure : le profil s’aplatit, mais le haut du foc déverse.
Quand on avance le chariot d’écoute, la tension de la chute augmente
par rapport à celle de la bordure, ce qui creuse la voile, referme le haut
du profil et lui donne plus d’incidence. Si le foc possède plusieurs paires
de penons réparties sur toute sa hauteur, on obtiendra assez vite le bon
réglage (une incidence constante sur toute la hauteur du guindant). Avec
ce réglage, au près sur un croiseur doté de barres de flèche dans l’axe ►
et d’un génois à fort recouvrement, la bordure du foc est à l’intérieur des
filières, la chute à quelques centimètres du bout des barres de flèche :
c’est bien normal, car le gréement a été conçu pour ça. Avec un génois à
faible recouvrement sur des barres de flèche poussantes et des cadènes
sur le liston, la chute rentre à l’intérieur de l’extrémité de la barre de
flèche. Des bandes de scotch placées sur ces dernières permettront de
mieux visualiser la position de la chute, et la façon dont la voile d’avant
est bordée.
Pour augmenter le creux du foc, il suffira de choquer un peu d’écoute
et de reprendre le réglage du chariot pour avancer le point de tire de
l’écoute. Lorsqu’on « débride », c’est-à-dire lorsqu’on abat en ouvrant les
voiles, on avance le point de tire de façon à conserver une certaine
tension dans la chute, et à ne pas laisser la voile vriller exagérément,
voire déverser dans sa partie haute.

Un système de repères très simple pour retrouver ses réglages.


LE LANGAGE DES PENONS
On l’a vu, le rendement d’une voile est optimum lorsque les écoulements autour
du profil sont laminaires. Dans une approche grossière, on la règle à la limite du
déventement. Les penons autorisent un réglage plus fin. Lorsqu’ils sont bien
plaqués et alignés de part et d’autre d’une voile, les écoulements sont laminaires,
et donc corrects. S’ils décrochent d’un côté, c’est qu’on est sorti du bon réglage :
il y a de la turbulence au contact du profil. Il va falloir modifier ou bien l’angle de la
voile par rapport au bateau, en agissant sur les écoutes, ou bien l’angle du bateau
par rapport au vent, en agissant sur la barre.

Sur le foc, les penons sont placés en léger retrait de la ralingue de guindant,
au tiers inférieur de la voile. Un penon qui monte à la verticale, tombe ou se
tortille, signale un mauvais réglage (ou un cap mal adapté au réglage).
Dans la pratique, on peut se permettre de faire monter très légèrement le
penon au vent (qui doit cependant demeurer rectiligne) sans nuire au rendement
de la voile. C’est ainsi qu’on peut gagner quelques degrés de cap au près serré ;
aux allures abattues, cette petite liberté prise avec ce penon d’intrados permet
d’ouvrir le profil de quelques centimètres d’écoute, avec pour résultat une voile
plus propulsive (l’orientation de la force vélique se rapproche de l’axe du bateau).
Aux allures débridées, lorsque le barreur fait route sur un cap déterminé, c’est
le régleur qui devra s’adapter pour ramener les penons en place. Au près serré,
une fois trouvé le bon réglage compte tenu de la force du vent et de l’état de la
mer, c’est le barreur qui « suit » ses penons. Au vent arrière, les penons feront
n’importe quoi, mais on s’y attend : aux allures de poussée, on perd l’écoulement
laminaire.
Lorsque les faveurs flottent dans le prolongement du profil, la vitesse des
écoulements est la même de part et d’autre de la chute. Au près serré, dans une
recherche de cap, on peut faire décrocher, comme sur cette photo, la faveur de
la latte supérieure de grand-voile, en accroissant la tension de chute. Attention
à ne pas exagérer pour ne pas casser la vitesse.

Réglage idéal. Les penons de Bon réglage. Les penons au


foc sont rectilignes et quasi vent montent en diagonale, sans
parallèles, les penons au vent décrocher, indiquant que
(sur l’intrados) montent très le bateau navigue plutôt lofé, de
légèrement. Les écoulements façon à contrôler la surpuissance
sont parfaitement laminaires, dans une survente, ou pour
et le réglage optimal. grimper momentanément en cap.
Le rendement reste correct.
Mauvais réglage. Sur l’intrados, Très mauvais réglage. Les
les penons décollent à la penons se tortillent sur l’extrados
verticale, l’incidence du vent (sous le vent), le profil décroche,
apparent sur le profil est trop les écoulements ne sont plus
faible, le rendement de la voile laminaires, le rendement de la
est mauvais. Il faut border, ou voile est très mauvais. Soit le foc
abattre si l’on est déjà bordé est trop bordé, soit le bateau est
pour le près serré. trop abattu.

Des penons proches du guindant de grand-voile ne présenteraient aucun


intérêt, pour deux raisons : c’est une zone où le profil du mât crée des
turbulences, et c’est aussi une partie de la voile qu’on ne cherche pas forcément à
faire porter. On peut en placer sur la moitié arrière de la voile, si l’on aime les
réglages précis. Mais avant cela, on va s’intéresser aux penons cousus sur la
chute. C’est bien dans ce contexte qu’on devrait parler de faveurs, car pour qu’ils
soient bien visibles, on y place généralement des rubans plutôt que des brins de
laine (le mot « faveur » désigne, à l’origine, des rubans étroits et légers que les
dames offraient à leur chevalier).
Les faveurs de chute flotteront dans le prolongement du profil lorsqu’à la
sortie de la voile les filets d’air ont la même vitesse côté intrados et extrados.
C’est un témoignage que les écoulements sont bien laminaires sur l’arrière du
profil. Une faveur qui se cache derrière la chute de grand-voile 27 signifie que la
voile est trop braquée 28, ou la chute trop tendue.
Le rail d’écoute de foc transversal sur un monotype de course Figaro.

Notons que sur certains bateaux de performance, le chariot de foc


est monté latéralement, et non longitudinalement, de façon à pouvoir
« rentrer » ou « sortir » le point de tire de foc. Un palan permet alors de
monter ou descendre la poulie de renvoi : descendre la poulie revient
alors à avancer le point de tire. Encore plus sophistiqué, le système
« point de tire 3D » contrôle la poulie de foc sans aucun rail ni chariot, par
un ensemble de palans modifiant sa position haut-bas, intérieur-
extérieur. Ces dispositifs présentent l’avantage d’être plus légers et
d’offrir une infinité de réglages quasi instantanés, mais ils réclament un
œil d’expert, car on manque sérieusement des repères offerts par les
chariots (« au près, mon réglage moyen par 15 nœuds de vent est à la
quatrième vis en partant de l’arrière, pour le solent on avance au trou de
o
vis n 9, etc. »).
■ La grand-voile
La forme de notre grand-voile est très correcte et nous savourons le
spectacle : le creux est en bonne place. Mais catastrophe ! On abat de
quelques degrés, on choque un peu d’écoute pour ouvrir le plan de
voilure, aussitôt la chute se détend. Notre voile si bien réglée est
désormais, au mieux, trop bordée en bas, pas assez en haut. Notre voile
déverse ou, pour le dire autrement, elle présente un vrillage, son
incidence n’est plus constante sur toute la hauteur du profil de la voile.
Comment garder tendue la chute, tout en ouvrant le plan de voilure ? Le
chariot d’écoute de grand-voile (qui coulisse sur la barre d’écoute) a
justement été imaginé pour ça. Dans une abattée légère, au lieu de
choquer de l’écoute, on choque du chariot : la forme de la grand-voile
n’en est pas affectée.
Mais – car il y a un « mais » – que faire si le chariot arrive en bout de
course ? Tout simplement utiliser le hale-bas de la grand-voile. En
bordant le hale-bas, on tend la chute et l’incidence redevient « constante
sur toute la hauteur du profil de la voile ». Mission accomplie !
Le lecteur attentif ne manquera pas de remarquer qu’un hale-bas
assez puissant permettrait de se passer de barre d’écoute – puisqu’ils
peuvent conduire au même résultat, conserver une même tension de
chute indépendamment du réglage de l’écoute. On lui répondra deux
choses : 1 – L’angle de traction du hale-bas est trop faible pour
développer la puissance nécessaire à la tension de la chute de grand-
voile au près. Le chariot d’écoute, qui tire dans l’axe de la chute, est bien
mieux adapté. 2 – Sur certains bateaux de course, où ces problèmes ont
été réglés grâce à des matériaux très performants, la barre d’écoute a
effectivement disparu…
Pour augmenter le creux de la grand-voile, on choque la bordure sur
la bôme, ce qui aura peu de conséquence sur le vrillage.
Adapter les réglages
■ Le creux des voiles
Il est parfois nécessaire de diminuer la puissance produite par les
voiles : sur un croiseur pour limiter la gîte (qui le ralentit) ou, sur un
dériveur, lorsque l’équipage est déjà au rappel maximal, c’est-à-dire
quand on navigue en surpuissance – quand on ne peut plus contrôler
l’équilibre du bateau que par l’incidence vent-voile, avec la barre ou les
écoutes. Dès que la vitesse du vent augmente un tant soit peu, on se
retrouve à devoir faire largement faseyer les voiles pour maintenir
l’équilibre du bateau. On peut résoudre le problème en prenant un ris,
mais c’est une opération bien longue pour parer à une survente
passagère. Mieux vaut aplatir la grand-voile, ce qui diminue la puissance
produite par les voiles tout en rétablissant l’assiette du voilier. Par
ailleurs, une voile plate est bien réglée avec moins d’incidence qu’une
voile plus creuse. C’est ainsi qu’une fois la grand-voile aplatie, on peut
aussi choquer le chariot d’écoute pour orienter la poussée vélique vers
l’avant – et gagner ainsi en vitesse, tout en limitant la gîte car la poussée
latérale est réduite. On a gagné sur tous les terrains.
LE VRILLAGE
Le vrillage des voiles désigne la façon dont elles peuvent être plus bordées dans le
bas que dans leur partie supérieure. En réalité, il ne s’agit plus de considérer la
voile comme un profil unique, mais comme une superposition de profils, toujours
plus « ouverts » les uns par rapport aux autres au fur et à mesure que l’on s’élève.
Le vrillage des voiles peut répondre à plusieurs objectifs, isolés ou concomitants.

Adopter un réglage tolérant


Une voile peut présenter une incidence optimale à tous les niveaux de profils,
pour une force et un angle de vent apparent donné. Que le barreur commette une
petite erreur, que le vent change subitement ou qu’une vague vienne perturber la
marche du bateau, cette belle harmonie se trouve compromise. Vriller, c’est se
donner l’assurance qu’à tout moment une partie significative des profils
fonctionnera correctement. On navigue moins sur le fil du rasoir, le réglage est
plus tolérant, et par conséquent globalement plus efficace.

S’adapter à la réalité du vent apparent


Le vent apparent résulte de la conjugaison du vent réel et du vent vitesse. Or
le vent réel est ralenti au ras de l’eau, en raison des frottements sur la surface de
cette dernière. Le vent réel est sensiblement plus fort dans le haut des voiles
qu’au niveau de leur bordure, et pour cette raison, le vent apparent y est plus
ouvert (il adonne dans la partie supérieure du gréement). Relativement peu
sensible au près serré, ce phénomène est surtout marqué au vent de travers,
allure où l’on doit augmenter le vrillage des voiles.

Gérer la surpuissance
En accentuant le vrillage, on parvient à faire déventer les profils supérieurs, de
façon à libérer un excès de puissance. C’est un moyen, à bord d’un croiseur, de
retarder la réduction de voilure, ou sur un dériveur, de garder le bateau à plat
lorsque le vent monte.

Comment vriller
Pour le génois, reculer le point de tire et reprendre de l’écoute pour aplatir le
bas de la voile tandis que le haut déverse naturellement. Pour la grand-voile, la
bosse de bordure (ou d’empointure) est reprise à fond, le chariot demeure
relativement centré, c’est la tension du palan d’écoute qui détermine l’importance
du vrillage.
Ne pas oublier, lorsqu’on entreprend ce type de réglage, que la théorie n’est
jamais qu’un outil pour tâtonner intelligemment. C’est le résultat qui compte : sur
un croiseur, le juge de paix demeure le speedomètre, tandis qu’en dériveur on se
laissera guider par les sensations, avec deux préoccupations essentielles, naviguer
à plat et avec le moins d’angle de barre possible.

Le vrillage en évidence sur la grand-voile de ce RS 500.


Pour aplatir la grand-voile comme demandé, on pourra jouer en
premier lieu sur la tension de bordure (par la bosse de bordure ou
d’empointure), puis dans un deuxième temps en accroissant la tension
de guindant (drisse ou cunningham). Au besoin, sur les gréements
souples, on reprend du pataras : le cintre du mât absorbe le creux de
guindant. Simultanément, le pataras contribue à raidir l’étai qui tend à
déverser à mesure que la brise monte, et ce n’est pas un mal. Mais
attention à doser le réglage : dans le clapot ou la mer formée, un étai
trop raide « bloque » irrémédiablement le bateau.
Pour aplatir le foc, il n’y a pas d’autre solution que de reculer le point
de tire : on crée ainsi plus de tension sur la bordure, exactement de la
même manière que quand on aplatit la grand-voile le long de la bôme.
Cette tension supplémentaire dans le bas de la voile va se répercuter
vers le haut, réduisant globalement le creux de l’ensemble du profil.
Lorsqu’on augmente les tensions dans le bas des voiles, elles tendent
à vriller, et cela se comprend particulièrement bien lorsqu’on s’intéresse
au foc : l’écoute tire sous un angle plus horizontal que précédemment, la
tension sur la chute s’amoindrit, le haut du profil s’ouvre. Ce vrillage est
bienvenu, il contribue à réduire la gîte et à soulager le bateau en libérant
de la puissance dans le haut de la voile. Reculer le point de tire de la voile
d’avant est un excellent moyen, lorsque le vent monte, de repousser le
moment où il faudra changer de foc (ou prendre des tours d’enrouleur).
De même qu’étarquer la bordure de grand-voile retarde la prise de ris.
Le pataras a été fortement pris, le cintre du mât absorbant ainsi l’essentiel du
creux tout en le faisant reculer. Les bandes de visualisation permettent de mieux
apprécier la cambrure de la voile : le profil général est relativement plat, et plus on
s’élève vers le haut de la voile plus elle s’aplatit.

Il est des circonstances qui, au contraire, réclament un surcroît de


puissance. On est au près dans du clapot et le voilier a du mal à
progresser. Pour obtenir plus de puissance, il faut creuser la voile. Mais
alors, il faut abattre : si l’on creuse la voile sans abattre, le guindant se
met à faseyer et le surcroît de puissance attendu n’est pas au rendez-
vous. Avec davantage de puissance, le bateau passe mieux le clapot (qui
sinon le ralentirait), ce qui compense amplement l’allongement de route
dû aux quelques degrés d’abattée.
À l’inverse, au près par mer plate, lorsqu’on n’a pas besoin de
puissance pour passer le clapot, il vaut mieux naviguer avec des voiles
relativement plates : on remonte mieux au vent, ce qui compense la
perte de puissance et de vitesse. Une voile plate, répétons-le, ayant
besoin de moins d’incidence pour fournir son rendement optimal, on va
tout simplement se permettre de serrer davantage le vent.
■ Adapter les réglages à l’équilibre de route
Ce n’est pas parce que le réglage des voiles répond à tous les critères
énoncés que tout va pour le mieux à bord. Le bateau peut être difficile à
mener : trop ardent (s’il a tendance à remonter tout seul au vent), trop
puissant pour sa propre structure ou pour les forces du barreur, voire
dangereux pour l’équipage.
On a vu que trois actions sont à notre disposition (on les combine
généralement) pour diminuer la force produite par la voilure et limiter la
gîte : lofer pour réduire l’angle d’incidence vent/voile, choquer le chariot
de grand-voile, aplatir la grand-voile et lui donner du vrillage. Bien sûr,
l’autre solution, c’est de diminuer la surface de voilure en prenant un ris
dans la grand-voile.

RÉGLER LES VOILES EN ÉCOULEMENT DÉCOLLÉ (OU DÉCROCHÉ)


Au fur et à mesure d’une abattée, on choque les écoutes pour que
l’angle entre le vent apparent et les voiles reste constant et qu’on puisse
conserver ainsi un écoulement laminaire. Arrive le moment où l’on ne
peut plus choquer : la grand-voile puis la bôme portent sur les haubans.
Le problème devient alors différent. Quand l’incidence est plus
importante, que les voiles travaillent en écoulement décroché, on
augmente la puissance qu’elles fournissent en les creusant davantage,
en reculant le creux et en minimisant le vrillage. C’est encore plus
manifeste au vent arrière, où les voiles se retrouvent perpendiculaires à
l’écoulement de l’air. Ce n’est plus la portance des voiles (la force
perpendiculaire à l’écoulement) que l’on cherche à augmenter, mais la
traînée, c’est-à-dire la force développée par les voiles dans le sens de
l’écoulement.
– Pour la grand-voile, on choque la bordure (pour augmenter le
creux), le cunningham (pour reculer et augmenter le creux), on raidit le
hale-bas (pour réduire le vrillage). Le cas échéant, on relâche le pataras.
– Pour le foc, le problème est plus délicat. Plus on creuse le foc (en
avançant le chariot), plus il se referme et moins il offre de surface au
vent. Plus on abat, plus le foc prend un air pitoyable : son creux se balade
misérablement d’un bord sur l’autre. En contemplant ce spectacle
navrant, on se prend à rêver d’une autre voile, une voile dont l’écoute
serait prise très en arrière du bateau et dont le point d’écoute serait situé
plus haut, ce qui équilibrerait une fois pour toutes les tensions de la
chute et de la bordure et nous permettrait de nous consacrer
exclusivement au réglage de l’écoute. Tant qu’à faire, cette voile pourrait
être plus grande et davantage dégagée de la grand-voile. Qu’on se
rassure, cette voile existe, et même en plusieurs modèles : le gennaker,
mais surtout le spinnaker (ou spi), qu’il soit symétrique ou asymétrique.
Faute de voile de portant spécifique, aux allures proches du vent
arrière il est préférable de dégager le foc du dévent de la grand-voile en
l’établissant « en ciseau », du côté opposé à la bôme, largement débordé
de l’axe du bateau. Sur un dériveur, le point d’écoute du foc en ciseau
peut simplement être tenu à la main. À bord d’un croiseur, où les
équipiers n’auraient pas le bras assez long (ni assez costaud), on l’écarte
au moyen du tangon.
Cette façon de naviguer sous foc tangonné est à la fois efficace et
sûre, elle fonctionne très bien de 150° à 180° du vent. Elle est même
idéale dans la brise, lorsque la navigation sous spi devient acrobatique.

Régler le spi symétrique


Sous spi, trois objectifs sont prioritairement poursuivis : la prise au
vent du spi, la force produite par cette voile et l’orientation de cette force
vers l’avant. On s’occupe en second lieu du réglage de la grand-voile,
fortement influencé par l’écoulement de l’air – on fait en sorte de
favoriser cet écoulement et d’éviter de l’entraver.

■ Développer la prise au vent du spi


Pour que notre spi capture le maximum de vent, son point d’amure
doit être écarté le plus possible en travers du vent. On obtient ce résultat
avec un tangon perpendiculaire au vent apparent et, si possible, parallèle
au pont.

■ Développer la force exercée sur le spi


La force aérodynamique développée par le spi découle pour une large
part de la forme qu’on lui donne, et notamment l’équilibre de son profil.
Si le point d’écoute est très bas et le point d’amure très haut, la chute
du spi se ferme, sa force s’exerce alors latéralement, faisant gîter et
dériver le bateau beaucoup plus qu’elle ne le fait avancer. Si le point
d’écoute est plus haut que le point d’amure, la chute devient lâche, l’air
est peu dévié et le spi ne produit pas toute la force dont il est capable.
On veillera donc à ce que point d’écoute et point d’amure du spi
soient à la même hauteur, non pas par rapport à l’eau ou l’horizon (le
bateau peut gîter), mais par rapport au point de drisse. Un autre repère
visuel, conduisant au même résultat, consiste à s’assurer que la couture
verticale et centrale du spi (ou à défaut la ligne imaginaire joignant le
point de drisse au milieu de la bordure) soit parallèle à l’étai.
Pour conserver cet équilibre, on dispose de deux moyens d’action :
au vent, le tangon, le réglage balancine/hale-bas déterminant la hauteur
du point d’amure ; sous le vent, le barber-hauler, qui influence celle du
point d’écoute.
On a tout intérêt à conserver un tangon perpendiculaire au mât, de
façon à déployer au mieux le spi. Pour cela, on ajuste la hauteur du
tangon sur le mât : lorsque la cloche de tangon (ou la ferrure, parfois il
s’agit d’un simple anneau) est montée sur un rail, on l’utilise en
conséquence ; à défaut, on se sert de l’anneau de tangon le plus proche
de la position souhaitée. Bien des voiliers disposent d’une seule accroche
de tangon et l’on doit se contenter de régler le spi avec le hale-bas et la
balancine : le point d’amure du spi perd alors en écartement par rapport
au mât ce qu’il gagne en facilité de réglage de hauteur.

Un tangon et un point d’écoute à la bonne hauteur : la ligne médiane du spi,


repérable à la couture centrale, est parfaitement parallèle à l’étai.

■ Diriger la force du spi vers l’avant


Pour améliorer l’orientation de la force produite par le spi au largue, il
faut choquer de l’écoute : le spi se dirige alors vers l’avant 29. Si l’écoute
est trop choquée, le bord d’attaque de la voile se dévente, la puissance
qu’elle développe diminue : on dit que le spi fait une « larme » ! Dès que
la « larme » du spi apparaît, il faut reprendre de l’écoute pour la faire
disparaître, mais on borde le moins possible pour que la force produite
reste dirigée vers l’avant. C’est la traduction, pour le spi, du principe
général consistant à régler ses voiles à la limite du faseyement, et à
conserver un écoulement laminaire sur l’attaque des profils.

■ Régler verticalement la position du creux du spi


La hauteur du tangon agit sur la position du creux du spi. Quand le
tangon et le point d’écoute s’abaissent, le guindant et la chute se
tendent, le haut du spi se ferme et se creuse. La « larme » apparaît alors
en haut du guindant de spi. Au contraire, si le tangon est trop élevé, le
haut de la voile s’aplatit, le bas se creuse, la « larme » se crée dans la
partie inférieure du spi – ce phénomène n’est pas évident à saisir, mais il
est facile à vérifier. Par petit temps, on descend volontiers les deux
points du spi. Lorsque le vent augmente, le spi tend à s’élever, on
accompagne en laissant monter la pointe du tangon et en ajustant le
barber-hauler sous le vent.

■ Affiner les réglages


Continuons à nous intéresser au barber-hauler. Au vent, son rôle est
purement mécanique. Il permet d’obtenir un meilleur angle de tire sur le
tangon lorsque celui-ci est débrassé. C’est grâce à lui, en particulier,
qu’au largue serré le tangon ne va pas se coller à l’étai à chaque risée,
puisqu’il écarte le bras vers l’extérieur. Aux allures plus abattues, il
oriente l’effort du bras vers le bas, et vient à la rescousse du hale-bas de
tangon.
Sous le vent, en revanche, le barber (comme on dit pour faire plus
court) est un instrument de réglage à part entière, puisqu’il agit
directement sur l’angle de traction de l’écoute, et par conséquent sur la
forme de la voile. En bordant le barber-hauler, on tend la chute et on
creuse la bordure, de la même manière que pour le foc avec son chariot
d’écoute. Et de même qu’on avance le point du foc à mesure qu’on
débride, on reprend le barber (on rapproche la traction de l’écoute de la
verticale) lorsqu’on abat.
Le réglage du barber-hauler sous le vent joue sur la tension de la chute du spi et
le creux de la bordure. Le rôle du barber au vent est purement mécanique, il améliore
l’angle de traction du bras de tangon. Ici, la grand-voile n’est pas représentée, de
façon à bien voir ce qui se passe sous le vent.

Au largue serré, le barber est totalement choqué : on souhaite aplatir


la bordure et faire ouvrir la chute. Tendu, il bloquerait le spi, ferait
refermer la chute du spi, orientant la force hydrodynamique en force de
gîte et de dérive plutôt qu’en propulsion.
Au vent arrière, il est repris, plus ou moins à fond. On dispose
désormais de deux moyens d’action, balancine de tangon d’une part,
barber-hauler sous le vent d’autre part, pour contrôler l’altitude
respective du point d’amure et du point d’écoute, et on les ajuste
ensemble en fonction des besoins et des intentions de réglage (voir
« Régler verticalement la position du creux du spi » ►).
Le barber sous le vent a une dernière fonction : éviter à l’écoute de
spi de frotter sous la bôme. Et bien souvent, c’est assez miraculeux : la
tension de barber nécessaire pour dégager juste ce qu’il faut l’écoute
correspond au bon réglage pour le spi.

Régler le spi asymétrique


L’un des avantages du spi asymétrique, par rapport à son homologue
symétrique, réside dans une simplification relative des manœuvres et
des réglages.
Son défaut est que, masqué par la grand-voile et ne pouvant s’établir
en ciseau, il ne fonctionne pas en écoulement entièrement décollé, c’est-
à-dire au-delà du grand largue. Et c’est un vrai handicap lorsque la
destination est pile dans l’axe du vent, le spi asymétrique conduisant à
allonger la route en tirant des bords de grand largue. Seuls les bateaux
rapides et légers parviennent à compenser cette augmentation de la
distance à couvrir, par les gains de vitesse dont ils sont capables en
naviguant près des allures moins décollées.
L’écoute d’un asymétrique se règle comme celle d’un spi symétrique :
en choquant à la limite de la « larme » sur le bord d’attaque.
Pour descendre le plus bas possible dans le vent, on peut chercher à
faire basculer le guindant au vent de l’étai, en laissant monter le point
d’amure. Simultanément on reprend du barber-hauler sous le vent pour
contrôler la tension de la chute, au fur et à mesure que l’on choque de
l’écoute.
Au largue serré, le point d’amure est descendu au plus bas, c’est avec
la drisse que l’on contrôle la forme de la voile. Une drisse trop lâche
reculera le creux de la voile, la force produite sera plus importante, mais
moins bien orientée. Une drisse trop tendue avancera le creux, obligera
l’équipage à border la voile et la force propulsive ne sera pas optimale.
Ceci étant dit, les maîtres-voiliers dessinent en principe les spis
asymétriques de façon à ce que la tension de guindant soit correcte
lorsque la drisse est en butée.

CONTRÔLER LA TRAJECTOIRE SOUS SPI


Le spi est une voile bien plus puissante que les autres composantes
de la garde-robe du bateau. Par vent frais, il peut être la cause
d’embardées ou de perte de trajectoire, rien de dramatique, il s’agit
seulement de savoir y remédier.

Départ au lof
Survente, vague traîtresse, ou les deux à la fois : soudain la gîte
s’accroît, le safran décroche et le bateau « passe sur sa barre » en
remontant brutalement dans le vent. C’est le départ au lof.
Lorsque la menace se précise, il est encore temps d’enrayer le
phénomène. En premier lieu le barreur peut « pomper » sur le gouvernail,
c’est-à-dire faire comme s’il essayait d’abattre par à-coups. L’objectif, en
ramenant chaque fois la barre au milieu ou quasiment, est de raccrocher
les filets d’eau sur le profil du safran avant de redonner de l’angle à la
pelle. À garder le gouvernail constamment braqué pour contrer le départ
au lof, on conduit en effet le safran à passer en écoulement totalement
décroché, et à lui faire perdre toute son efficacité.
L’équipage s’est laissé surprendre au moment où il s’apprêtait à hisser le foc.
La bôme engage dans l’eau, accentuant le départ au lof. Pour l’enrayer, il aurait fallu
larguer le hale-bas de la grand-voile à la première alerte. Si le bateau ne revient pas en
ligne, la seule solution sera d’affaler le spi, en larguant d’abord la drisse, et surtout pas
le bras.

Dans le même temps, choquer en grand le hale-bas de grand-voile


permet de vider cette dernière en quasi-totalité. Au besoin, on
accompagne en choquant du palan d’écoute. Si malgré tout le bateau se
met « en travers de la route », il faut choquer le spi (en grand !) pour que
le bateau se redresse, que le barreur puisse le remettre en ligne, avant
de border de nouveau.
Si le bateau ne revient pas, et reste couché travers au vent, il faut
affaler le spi en laissant filer la drisse en grand. Le spi se vide de toute
son énergie, flotte à l’horizontale, et se récupère à bord sans efforts
démesurés. L’équipier en charge de la drisse doit juste contrôler la fin de
son choqué pour éviter que la voile n’accroche dans l’eau.

Départ à l’abattée
Plus rarement, sous l’influence d’un coup de contre-gîte
(éventuellement amplifié par une vague pernicieuse), il arrive que le
voilier parte à l’abattée. Si l’on tarde à réagir à la barre, une fois le
mouvement lancé, il n’y a plus guère moyen de faire entendre raison à sa
monture. Cela se finit généralement par un empannage sauvage, qui fait
regretter de ne pas avoir pensé plus tôt à réduire la voilure. Par vent fort,
il faut limiter le danger : le frein ou la retenue de bôme offrent des
solutions. Dans tous les cas de figure, on se gardera de faire porter la
bôme sur les haubans au vent arrière, car en cas d’empannage
involontaire elle irait frapper le hauban opposé, au risque de se briser, ou
de détériorer le gréement. Pour la même raison, on bloque la barre
d’écoute au centre du bateau (ou sous le vent).

Stabilité de route au vent arrière


La situation est simple à comprendre : d’un côté la grand-voile, de
l’autre le spi. Conséquence, les forces produites sont désaxées par
rapport au bateau : la grand-voile fait lofer, le spi fait abattre. Si le bateau
tend à abattre (il est mou), on choque légèrement le bras du spi (on
débrasse). Si – comme c’est souvent le cas avec un gréement fractionné,
donc avec une grand-voile de grande surface – il tire sur la barre et tend
à lofer (il est ardent), il faudra peut-être prendre un ris dans la grand-
voile.
Il faut garder ces principes en tête, et surtout se souvenir qu’on ne
doit pas rester dans une situation où l’on compense en permanence avec
la barre pour se maintenir sur son cap. L’angle de barre freine le bateau,
et le bon équilibre s’obtient avec un bon réglage des voiles. Penser aussi
que dans la brise surcharger le bateau de toile peut-être contre-
productif : en piquant du nez, il pousse de l’eau et devient instable. En
prenant un ris, on gagne souvent en vitesse autant qu’en sérénité.
FREIN ET RETENUE DE BÔME
Comme son nom l’indique, un frein de bôme ralentit la vitesse à laquelle celle-ci
passe d’un bord sur l’autre. Il ne fonctionne vraiment bien qu’associé à un cordage
spécifique (doué d’une certaine élasticité), correctement tendu et frappé aux
endroits adéquats (plutôt vers les cadènes de haubans). Certains freins en forme de
peigne permettent d’augmenter ou de diminuer la surface de friction du cordage sur
le dispositif. Tous ces réglages méritent d’être testés et ajustés. Un frein trop lâche
ne sert à rien, trop ferme il bloquera totalement la bôme. Dans l’idéal, une des
extrémités de la bosse devrait être ramenée sur un winch, de façon à pouvoir la
mollir légèrement si le frein bloque.
L’alternative est la traditionnelle retenue de bôme. Attention à ne pas lui donner
un angle de tire trop vertical : si dans un départ au lof la bôme engage dans l’eau,
c’est le plus sûr moyen de la plier. Raison pour laquelle, sur les gros bateaux à bord
desquels les efforts sont importants, la retenue est toujours gréée en extrémité de
bôme, et son point de tire placé loin devant, vers l’étrave.

La résistance de ce frein de bôme se présentant comme un peigne varie avec le


nombre de dents sur lesquelles frotte le cordage de retenue.

CONDUIRE
Même si l’on est peu soucieux de performances, pourquoi se priver
du plaisir de progresser dans l’art de conduire son voilier ? Ceux qui
voudront s’éloigner de l’à-peu-près découvriront, dans les lignes qui
suivent, un certain nombre de subtilités à mettre en œuvre. Nous les
aborderons allure par allure : au près, du bon plein au petit largue, au
largue, et enfin aux allures proches du vent arrière. Il faudra tenir compte
de nombreux paramètres : équilibre du voilier, performances potentielles
du bateau sur lequel on navigue, état de la mer, variations de la force et
de la direction du vent, particularités liées au relief de la côte.

Conduire au près
■ Tactique et stratégie de la conduite au près
Souvenons-nous que le près est l’allure qui permet le meilleur gain au
vent. Pour se diriger vers un objectif au vent de notre bateau, en
choisissant la route la plus directe (la plus courte), on perd en vitesse.
Avec un cap plus éloigné de la direction du vent, on gagne en vitesse,
mais le chemin est plus long !
Comment déterminer à coup sûr le bon compromis cap-vitesse ?
Disons-le d’emblée, il n’existe pas de compromis unique et permanent,
parce que ce compromis dépend du bateau à notre disposition, mais
aussi de la force du vent, et de l’état de la mer. La perception de ce
« près idéal » pour les circonstances du moment vient avec l’expérience,
la connaissance de son voilier, les comparaisons avec d’autres bateaux
évoluant sur le plan d’eau, ou encore à l’aide des instruments
électroniques de bord. Si l’on dispose de capteurs (speedomètre pour la
vitesse du bateau sur l’eau, girouette-anémomètre pour le vent) reliés à
une centrale de calcul, celle-ci affichera en effet un paramètre nommé
VMG (Velocity made good, meilleur gain au vent) représentant la vitesse
de progression du bateau dans l’axe du vent (pour plus de détails, voir
l’encadré sur le VMG ►).
■ Vent faible : conduire en sous-puissance
Quand il conduit en sous-puissance, l’équipage doit tenter de réduire
la surface mouillée du bateau. Il s’avance dans le bateau, pour dégager
de l’eau les surfaces planes de l’arrière de la carène – on dit qu’on évite
de « traîner de l’eau ». Une légère gîte diminue la surface immergée (la
« surface mouillée ») de la coque, elle donne aussi du poids aux voiles, ce
qui les aide à prendre la forme adéquate.
Par petit temps, les écoulements réguliers de l’air sur les voiles, de
l’eau sur la carène, sont fragiles. À bord, tous les mouvements doivent se
faire en douceur. Si l’écoulement de l’air ou de l’eau est perturbé (ne
serait-ce qu’un instant), il lui faut du temps pour se remettre en place et
retrouver son efficacité.
Il arrive que le bateau ralentisse significativement. Si on le maintient
au près serré, voiles bordées plat, il dérive et tarde à reprendre de la
vitesse. Aussi est-il préférable de laisser légèrement porter (abattre
modérément) tout en ouvrant un peu les voiles : on pourra ainsi retrouver
une certaine vitesse et rétablir sur le plan antidérive 30 des écoulements
satisfaisants permettant de minimiser très rapidement la dérive. Une fois
la vitesse acquise, on lofera et on bordera les voiles très
progressivement. La règle d’or qui vaut pour tous les temps : au près, il
faut privilégier la vitesse avant de se soucier du cap, construire de la
vitesse sur laquelle on s’appuiera pour gagner en cap (tout en menant
une navigation vigilante bien entendu).
■ Vent faible : conduire dans les risées
Dans la risée 31, le vent réel fraîchit. Mais le vent apparent, comme on
s’en souvient sans doute, ne se contente pas d’augmenter en intensité :
sa direction se modifie également. Dans une risée, non seulement le vent
apparent fraîchit, mais encore il adonne. Quelle aubaine ! Le barreur
profite de cette adonnante pour lofer un peu.
Le bateau accélère peu à peu. En toute logique, le vent vitesse
augmentant, le vent apparent se met à refuser : le barreur abat
légèrement.
Très content d’avoir ainsi gagné dans le vent, le barreur se pose
cependant quelques questions. N’aurait-il pas pu faire autrement ? « La
risée arrivait, le vent adonnait. Et si j’avais gardé mon cap initial ?
Évidemment, j’aurais équilibré le bateau en me mettant davantage au
rappel. Éventuellement, j’aurais choqué un peu de chariot d’écoute de
grand-voile pour être au meilleur réglage. L’accélération du bateau aurait
été supérieure, et sur cette vitesse acquise, j’aurais enfin gagné
en cap ». Ce barreur a raison : en différant son changement de direction,
il aurait ainsi gagné sur les deux tableaux.
Une fois la risée passée, comme il se doit, la vitesse du vent réel
chute. De son côté, la vitesse du bateau diminue elle aussi, mais plus
lentement. Tandis que le bateau perd de la vitesse, le vent apparent
refuse momentanément. On pourrait abattre, mais ce n’est pas la
meilleure solution. Il vaut mieux ne rien perdre au vent : utiliser l’erre du
bateau, garder un cap un peu trop près du vent, quitte éventuellement à
« surborder », en attendant que le ralentissement fasse de nouveau
adonner le vent apparent.
■ Conduire par vent plus frais
Le voilier porte toute sa toile : sur un croiseur, la gîte reste
acceptable ; en voile légère, le déplacement de l’équipage est encore
suffisant pour gérer l’équilibre dans les surventes. On est à la limite de la
surpuissance. Les légères modifications de la direction du vent sont
accompagnées par le barreur, qui se guide sur les penons du foc. Si le
vent augmente un tant soit peu, le contrôle de la gîte devient primordial,
car les finesses de la conduite ne suffisent plus à maîtriser le bateau.
Plus que jamais, harmonie et connivence doivent régner entre le barreur
et le régleur car, au moment où la gîte devient incontrôlable à la barre,
c’est au régleur d’intervenir en réduisant la puissance de la voilure (voir
« Adapter les réglages » ►).
Dans ces conditions, et contrairement à la conduite adoptée par petit
temps, il est cohérent de vouloir répondre immédiatement par un lof à
une survente passagère. L’incidence des voiles diminue, l’excès de
puissance momentané est ainsi résorbé, le bateau reste dans ses lignes
et ne ralentit pas, et dans le même temps il gagne en cap. Là encore, on
aura gagné sur les deux tableaux.
■ Conduire au près avec un vent de direction variable
Ici pas de problème, on connaît la solution. Si le vent refuse, on abat
pour conserver la même incidence sur le plan de voilure. Si le vent
adonne, on lofe. Cependant, certaines circonstances exigent une
conduite répondant à quelques règles de tactique et de stratégie que
nous allons aborder.
o
– Situation n 1 : le vent oscille autour d’une direction moyenne.
La tactique est simple : on choisit le meilleur bord du moment. Quand le
vent passe au-delà de cette direction moyenne, on vire pour passer sur
l’autre bord, devenu plus favorable.
Évidemment, pour connaître la direction du vent moyen, il faut
préalablement avoir fait des relevés de cap sur un bord et sur l’autre.
Prenons un exemple. Sur bâbord amure, le cap varie du 40° au 50° et, sur
tribord amure, du 310° au 320°. Bâbord amure, si le vent refuse, on
virera au moment où le cap dépassera le 45°. Sur l’autre bord, on se
retrouvera alors au 315°. Sur ce bord, en suivant la rotation du vent, on
sera amené à lofer jusqu’au 320°. Si le vent se met à refuser, on virera à
nouveau dès que le cap sera au 315°. Et ainsi de suite.

ET SI ON PRENAIT UN RIS ?
Le vent a fraîchi, le bateau prend un coup de gîte, ce qui le pousse au lof. Le
barreur contre cette auloffée en donnant un angle important à sa barre, et le voilier
s’en trouve terriblement freiné. Il aurait pu laisser le bateau monter dans le vent,
pour évacuer une partie de cet excès de puissance. Pour réduire cette gîte
excessive, on va pouvoir reprendre la bordure pour aplatir le bas de la grand-voile,
descendre légèrement la barre d’écoute.
Sur ce Glénans 5.70 doté d’un gréement souple mais dépourvu de pataras,
border davantage l’écoute de grand-voile cintrerait le mât et réduirait encore le
creux. Enfin, l’équipage pourrait s’asseoir un cran plus haut au rappel. Si le vent ne
faiblit pas, une question pourrait surgir : « Et si on prenait un ris ? »

Nul besoin d’être en régate pour se livrer à cet exercice. Au cours


d’un tel louvoyage en effet, on finira par obtenir un bénéfice de gain au
vent non négligeable – si l’équipage ne rechigne pas à virer de bord !
o
– Situation n 2 : le vent tourne lentement. La tactique à suivre
sera différente.
Prenons un régime de brise thermique dans lequel classiquement le
vent tourne lentement à droite au cours de l’après-midi, pour passer du
sud à l’ouest en quelques heures. Comme illustré ci-dessus, nous partons
de Concarneau pour aller aux îles de Glénan. Avec un vent de sud, les îles
de Glénan sont au vent. On a donc le choix : tirer le premier bord vers le
sud-ouest ou vers le sud-est.

Le voilier jaune a tiré le meilleur bénéfice de la rotation du vent en tirant un


bord – et en le prolongeant – du côté où il allait tourner. La plus mauvaise stratégie
est celle du voilier bleu.

– Commençons par choisir le sud-est (bateau bleu). Le bord semble


très prometteur, le vent adonne régulièrement, au près serré on se
rapproche des îles et tout va bien à bord. Un peu plus tard cependant, on
se trouve sous le vent des îles. Pour les atteindre, il nous faudra louvoyer
sur la fin du parcours.
– Sur le bateau rouge on a fait un autre choix : on a tiré le premier
bord en direction de Beg Meil, au près serré. Ce bord devient très
décevant car le vent refuse : de fait, on n’a pas l’impression de se
rapprocher réellement de l’objectif. On vire rapidement pour se retrouver
sur l’autre bord, qui est plus rapprochant. Notre bateau est encore au
près mais le vent adonne : peu à peu le cap se rapproche de l’objectif.
– Sur le bateau jaune, le premier bord de près – celui sur lequel le
vent refuse – n’a pas été effectué au près serré. Le chef de bord a
préféré privilégier la vitesse en laissant courir de quelques degrés, pour
se retrouver plus vite sur le côté du plan d’eau où le vent doit s’installer
lors de la rotation prévue. Le bateau jaune se retrouve ainsi plus à l’ouest
– au vent du bateau rouge. Il vire de bord au même moment que lui.
D’expérience, si ces trois bateaux (identiques) partent tous les trois à
11 heures, le jaune arrivera à 14 heures, le rouge à 14 h 10 (10 minutes
plus tard), le bleu à 14 h 30 (30 minutes après le jaune, 20 minutes après
le rouge).
La leçon à retenir est simple. Quand on sait que le vent effectuera
une lente rotation, il vaut mieux commencer par tirer le bord défavorable
(celui dans lequel le vent refuse) sans chercher à faire du près serré,
mais en privilégiant la vitesse pour être mieux placé par rapport au vent à
venir.
o
– Situation n 3 : rotation particulièrement ample. C’est l’exception
à la règle précédemment énoncée : si la rotation du vent à droite était
suffisamment marquée pour que le bateau bleu parvienne à son objectif
en un seul bord, la route réalisée vers l’ouest (bâbord amure) par ses
deux concurrents aura été couverte en pure perte. Ils auront beau
terminer le parcours à une allure plus rapide en étant plus abattus, ils ne
rattraperont jamais le terrain perdu.
■ Conduire au près avec un vent présentant une courbure
L’écoulement du vent présente une courbure notamment quand il
contourne une pointe, qu’il se resserre puis s’ouvre en éventail dans un
détroit ou entre deux îles, ou que, venant de terre, il s’étale en sortant
d’une vallée. On doit alors choisir le bord qui nous amènera vers le centre
de la courbure, trajectoire qui nous fait bénéficier de deux adonnantes
successives (sur le premier bord, puis sur l’autre, après le virement). On
parle de « jouer la courbure ». Le bateau suivant cette stratégie réalise un
gain au vent très appréciable, par rapport à celui qui reste à louvoyer au
large, où le vent demeure constant en direction et en force.

Près d’une pointe, le vent tend à suivre le contour du relief, mais aussi à se
renforcer par effet de compression. En visant au cœur de ce que l’on appelle « la
courbure » du vent, le voilier jaune bénéficie de deux adonnantes successives et d’un
vent plus frais. Au terme de son deuxième bord, il prend de l’avance sur le voilier
rouge, qui a navigué dans un vent constant en force et en direction.
■ Conduire au près dans le clapot
Le terme de clapot décrit un système de vagues courtes et
désordonnées. Impossible d’adopter une stratégie de conduite
particulière. Rien à faire, le clapot se subit ! En revanche, on doit veiller à
disposer de suffisamment de puissance pour ne pas perdre de vitesse au
contact des vagues – d’autant plus si le voilier est léger et son inertie
faible. On réglera donc les voiles en conséquence : avec un creux
relativement important et en raidissant la chute. Si l’on dispose de cette
puissance, on pourra contrecarrer une force de dérive plus importante,
ce qui permettra de relancer le bateau entre chaque impact.
Dans le clapot, il faut aussi limiter le tangage du bateau : en voile
légère ou sur un croiseur léger, on centre ainsi le poids de l’équipage au
maximum. En procédant de la même façon sur un gros croiseur, le gain
sera moins important – la masse de l’équipage est faible par rapport à
celle du bateau – mais néanmoins bien réel.
LES OUTILS DU RÉGLAGE
Régler une voile, c’est intervenir sur trois paramètres : le braquage, c’est-à-dire
l’angle que fait le profil moyen de la voile avec le vent apparent ; le creux (plus ou
moins important, plus ou moins avancé), qu’on peut aussi voir comme la cambrure
de la voile ; le vrillage, qui décrit l’ouverture progressive des profils du bas vers le
haut (la voile n’est plus vue comme un profil unique mais comme un étagement de
profils). Pour parvenir à ses fins, le régleur dispose d’une batterie d’outils.

L’écoute de foc. Elle influe à la fois sur le braquage et le creux. Lorsqu’on


borde, le foc rentre et s’aplatit. Lorsqu’on choque, son ouverture augmente et il se
creuse.

Le point de tire. La position longitudinale du point de tire d’écoute de foc


joue à la fois sur le creux et sur le vrillage. En avançant, il creuse le foc et tend la
chute. En reculant, il aplatit le foc dans sa partie basse et augmente le vrillage.

Le barber-hauler. Le barber-hauler de foc a un rôle un peu différent de celui


du spi. En amenant le point de tire du foc à l’extérieur aux allures débridées, il
limite le creux des profils inférieurs et favorise le contrôle de la chute.
La drisse. La tension de guindant joue sur la position du creux. Tension faible,
attaque de génois fine et favorable au cap, mais réglage peu polyvalent. Forte
tension de drisse, avancée du creux, attaque de profil plus « ronde » pour un
comportement plus tolérant dans le clapot ou la mer formée, avec dans le même
temps un arrière de profil moins cambré et une chute plus ouverte, pour libérer de
la puissance.

Le chariot de barre d’écoute. Du près au vent de travers, il détermine le


braquage de la grand-voile (aux allures plus abattues, c’est le palan d’écoute qui
prendra le relais). Par petit temps, il est légèrement au vent de l’axe du bateau, et
il descend à mesure que le vent monte.

Le palan d’écoute. Du près au vent de travers, il agit sur la tension de la


chute de grand-voile et, par conséquent, sur le vrillage. Lorsque le chariot de barre
d’écoute est en butée sous le vent (ou en l’absence de barre d’écoute), il
détermine le braquage de la grand-voile.
Le cunningham. Il étarque la grand-voile par le bas, lorsque la drisse est en
butée. Il intervient de la même manière que la drisse sur l’importance et la position
du creux.

La bordure. La bosse de bordure (ou d’empointure) intervient sur la cambrure


de la partie basse de la grand-voile, avec une répercussion dégressive vers les
profils supérieurs.
Le hale-bas. Il contrôle le débattement vertical de la bôme et, par
conséquent, la tension de la chute. Peu utile près du vent (c’est alors le palan
d’écoute qui gère la chute), il joue tout son rôle une fois le chariot de barre
d’écoute en butée.

Le pataras. On le tend au fur et à mesure que le vent monte, pour limiter le


dévers d’étai qui serait nuisible au cap. C’est un réglage à utiliser avec doigté,
dans le clapot ou la mer formée, le bateau s’arrête si le gréement est trop tendu.
Sur un gréement souple, le pataras cintre le mât, avec plusieurs conséquences :
diminution du creux de la grand-voile et ouverture des chutes.
■ Conduire dans les vagues, barrer à la lame
Par rapport au clapot, les vagues ont une apparence plus régulière.
Ici, on parlera de vagues quand leur longueur d’onde sera très supérieure
à la longueur du bateau. Ces vagues permettent en effet une tactique de
conduite efficace pour lutter contre les résistances de cette surface
mouvante. Tout ce que nous exposons ci-dessous sur la conduite au près
dans les vagues est valable pour tous les types et toutes les tailles de
voilier (dériveur, catamaran, croiseur), à un facteur d’échelle près
cependant : un bon clapot, pour un Optimist, c’est déjà des vagues…
Mais commençons par quelques remarques qui nous aideront à
comprendre les principes de la conduite au près dans les vagues.
En analysant le mouvement des particules d’eau sur une vague, on
constate l’existence d’un courant contraire au sommet de la vague, celle
d’un courant favorable dans son creux ►. Le bateau est donc ralenti
dans la partie haute de la vague, et d’autant plus qu’il vient d’en gravir la
pente. Il subit une accélération quand il est dans le creux, et d’autant
plus qu’il vient de descendre la pente derrière le sommet de la vague.
Quand un voilier passe sur la crête d’une vague, il subit un
mouvement de bascule vers l’avant : conséquence de cette bascule, le
sommet du mât va plus vite que la coque du bateau et dans les voiles le
vent apparent refuse. À l’inverse, le vent adonne lorsque le bateau est au
creux de la vague.
Enfin, lorsqu’au près un voilier escalade une vague, qui épaule
davantage sa carène au vent, le bateau a davantage tendance à gîter, il
perd ainsi de la puissance. Au contraire, lorsqu’il descend une vague, il se
redresse et bénéficie momentanément d’un surcroît de puissance.
Plaçons-nous en bas de la vague. Notre bateau attaque sa montée de
vague, on lofe, on peut même être un tantinet au-delà du près – la
montée de la vague sera ainsi plus courte, mais il faut que notre bateau
ait suffisamment d’inertie pour ne pas trop ralentir. De cette manière, le
mouvement de gîte dû à la montée est évité. Puis, arrivé presque en haut
de la vague, le mouvement de rotation longitudinal du mât s’amorce et le
vent apparent refuse franchement : on abat alors largement pour suivre
le vent. Pendant la descente, la carène, soulagée sous le vent, rend notre
bateau puissant ; le courant est encore contraire, mais aidé par la pente
et les voiles bien pleines, on conduit alors notre voilier quasiment au
même cap, en suivant le vent apparent (l’accélération fait refuser le vent
apparent, mais le pivotement arrière du mât dans le bas de vague le fait
adonner). Au cours de cette phase, il faut reprendre de la vitesse très
rapidement. Au creux de la vague, notre bateau se retrouve dans la
situation de départ où l’on va pouvoir s’apprêter à lofer.
Il est curieux de constater que certains bateaux adoptent d’eux-
mêmes un comportement proche de celui que nous venons de décrire.
L’arrivée de la vague sur leur proue les fait abattre et la descente dans le
creux les fait lofer.
Bien sûr, avec un bateau léger, il faudra moins lofer dans la montée
qu’avec un bateau plus lourd. Ainsi, on ralentira le moins possible le
voilier, sa faible inertie ne l’autorisant pas à emmagasiner assez d’élan.
En fonction de la forme des vagues – leur sommet peut être plus ou
moins abrupt –, on aura parfois intérêt, au passage de la crête, à fendre
la vague avec l’étrave, pour éviter de prendre l’impact de biais. Attention
cependant ! En procédant ainsi, on risque de retomber lourdement dans
le creux, si le mouvement d’abattée n’est pas assez franc en haut de la
vague.
Lorsque la mer se creuse et que le vent augmente, il faut tenir
compte d’un fait nouveau : le bateau n’est pas très haut sur l’eau et,
rapidement, la partie inférieure de ses voiles se trouve déventée entre
deux vagues. La conduite du bateau n’est cependant pas essentiellement
différente : il faut abattre dans le creux pour faire porter correctement le
haut des voiles, lofer avant la crête pour éviter un coup de gîte brutal.
Barrer à la lame : on lofe en montant sur la vague, et on abat derrière la crête.

Enfin, il arrive que la direction des vagues soit différente de celle du


vent – c’est assez fréquent lorsqu’on navigue dans de la houle. Auquel
cas, il y aura très probablement un bon bord (celui sur lequel la
fréquence des vagues est plus lente) et un mauvais bord (celui sur lequel
on est davantage perpendiculaire à la houle). Si la houle vient de l’arrière,
on connaîtra peut-être un bonheur des plus agréables : pouvoir partir en
survitesse au près quand on descend la vague !

Conduire du bon plein au largue


Du bon plein au largue, n’ayant plus à louvoyer, le bateau suit une
route directe vers son objectif. Aussi gère-t-on les variations du vent
d’une manière toute différente.
Cette fois le barreur conserve son cap, c’est l’équipage qui règle les
voiles en fonction des variations de vent. Mais comme il faut tout de
même pour cela de très bons bras, le barreur peut choisir de lofer ou
d’abattre légèrement pour suivre les oscillations du vent. Quand on
s’écarte de 15° de sa route directe, on augmente la distance parcourue
de seulement 3,5 % : ce n’est pas bien grave si le bateau accélère en
conséquence.
Comme d’habitude, l’équilibre se gère à la grand-voile. Dans les
surventes et dans les adonnantes, le barreur abat un peu sous le vent de
la route suivie par le bateau, l’équipier de grand-voile choque du chariot :
le voilier accélère et la gîte est limitée. Dans les molles et dans les
refusantes, on fait le contraire : l’équipier borde de nouveau le chariot, le
barreur navigue un peu au vent de sa route.
Du petit largue au largue, la gamme d’allures est très large. En
fonction de la vitesse du bateau – donc en fonction du vent apparent –,
les voiles continuent plus ou moins largement de travailler en
écoulement laminaire. Ces allures sont agréables… et rapides. Le foc et
la grand-voile (même voilure qu’au près donc) y connaissent leur meilleur
rendement. Débordées, les voiles interfèrent moins l’une avec l’autre, on
peut les creuser davantage et leur donner plus de puissance. À ces
allures, on aura tout à gagner dans l’utilisation d’un code zéro. Plus
grand que le foc, il est également plus facile à régler : la position plus
élevée de son point d’écoute simplifie le réglage de tension de la chute et
de la bordure.
Notons enfin qu’au largue, les variations de vitesse du vent réel ont
un impact beaucoup plus important qu’au près sur la direction du vent
apparent. En corollaire de cette règle, l’angle du vent apparent est
sensiblement plus ouvert dans le haut des voiles que dans le bas du
gréement (au ras de la mer le vent réel est moins fort, en raison des
frottements sur l’eau). Raison pour laquelle, à ces allures débridées, on
vrille volontiers les voiles ►.
Le code zéro est une voile plate, non endraillée, qui apporte un surcroît de
puissance bien agréable dans les petits airs, mais ne permet pas de naviguer aussi
près du vent qu’avec un foc.

Conduire du largue au grand largue


Du largue au grand largue, on peut utiliser des voiles spécialisées qui
offrent plus de surface et de puissance : le spi symétrique et le spi
asymétrique 32. Si l’on essaie de porter ces voiles plus près du vent, on a
tôt fait de coucher le bateau. Il faut d’ailleurs abattre assez largement au
moment de les envoyer, et attendre que le bateau ait acquis toute la
vitesse qu’elles vont lui conférer, avant d’envisager de lofer au bon cap.

■ Gérer les surventes et les vagues du largue


au grand largue
La survente arrive, le vent apparent augmente et adonne. On pourrait
lofer pour suivre le vent, mais il est plus sage de garder le même cap : un
mouvement de lof du bateau, associé au surcroît de gîte occasionné par
la survente, a toutes les chances de provoquer un départ au lof. Si l’on
garde le même cap ou encore mieux si l’on abat légèrement, le bateau
accélérera et le vent apparent reviendra à sa direction initiale. Il peut
même refuser si le bateau accélère beaucoup – dans ce cas, il faut suivre
le vent et abattre encore.
On se fixe donc pour objectif, dans une survente, de maîtriser la gîte
du bateau : on accompagne la survente en abattant pour aller avec le
vent. La survente une fois passée, on pourra remonter de nouveau au
vent en attendant la prochaine survente – et abattre de nouveau.
Quand on conduit du largue au grand largue et qu’il y a de la mer, une
fois en haut de la vague rattrapante, il faut abattre franchement, « viser le
trou », pour descendre le plus rapidement possible. Ensuite, pour rester
au cap, il faut lofer au-delà de sa route : ce faisant on retrouve un vent
apparent plus pointu, les voiles travaillent en écoulement moins
décroché et gagnent en performance, on reconstruit de la vitesse jusqu’à
laisser la prochaine vague soulever le tableau arrière et pouvoir plonger à
nouveau dans le trou. Ces relances effectuées en lofant et les
accélérations obtenues dans les descentes de vague compensent
largement l’allongement de la route. Un peu comme dans la gestion des
surventes, on privilégie la vitesse plutôt que la direction.
Belle accélération dans la houle du golfe de Gascogne. Le barreur n’a pas
hésité à tirer légèrement sur sa barre afin de « plonger » derrière la crête de la vague.

Conduire aux allures proches du vent arrière


Le vent arrière n’est pas une allure facile, comme on l’a vu
précédemment au sujet des réglages du spi. On se rappellera que de la
position du tangon (plus ou moins brassé) dépend le comportement du
bateau, mou, ardent, ou équilibré ; et on agira en conséquence.
Un cas intéressant est celui du cat-boat, comme le Laser. Lorsque la
grand-voile est totalement débordée au vent arrière, son centre de
poussée est très excentré par rapport à la carène. Pour maintenir le
bateau en ligne, il faut réussir à placer le centre de poussée de la voilure
à la verticale du centre de résistance de la carène. On y parvient en
naviguant à la contre-gîte : le bateau abandonne son comportement
ardent, le safran revient dans l’axe et ne freine plus. Les laséristes
accomplis sont capables de conduire leur bateau au portant uniquement
par le placement de leur corps, entre plongées dans le creux de la vague
et relances, sans même bouger la barre.
Aux allures proches du vent arrière, quand on conduit dans les
vagues et que l’on est rattrapé par l’une d’elles, il faut viser le creux de la
vague devant le bateau. On a déjà parlé de ce principe de conduite pour
gagner en vitesse au grand largue. Au vent arrière, il ne s’agit pas
seulement d’accélérer, mais aussi et surtout de contrôler la stabilité de
route du voilier. En effet, si le bateau se présente de biais à l’arrivée
d’une vague, deux phénomènes ont tendance à amplifier l’angle vague-
bateau : rattrapé par une vague, le nez du voilier est freiné dans le creux
qui le précède, alors que son arrière est poussé par la crête incidente ; en
outre, la gîte (créée par l’arrivée sur la pente de la vague) écarte le centre
de poussée de la voilure de l’axe du bateau, ce qui renforce encore le
couple de rotation.
Toutes les conditions sont alors réunies, pour peu que la vague soit
importante et le vent assez fort, pour que cela se termine par un beau
départ au lof. En maintenant le bateau en ligne, on noiera peut-être un
peu la plage avant, mais il restera dans l’axe, ne tardera pas à entrer en
survitesse, ce qui est agréable pour tout le monde, y compris pour le
barreur, car ses efforts s’en trouveront soulagés. D’ici à la prochaine
vague !

■ Conduire dans le roulis au vent arrière


Avec un peu de mer, si le bateau est lourd, si sa carène est assez
ronde et qu’elle est freinée par un volume avant assez important, les
voiles très largement débordées n’appuient le voilier ni sur un bord ni sur
l’autre, et le bateau roule beaucoup. Ce roulis est le fruit des tourbillons
qui se forment alternativement derrière chacune des voiles, provoquant
une poussée orientée sur un bord puis sur l’autre, le phénomène s’auto-
entretenant. Lorsque les oscillations d’un bord sur l’autre se poursuivent,
on parle de roulis rythmique.
LE VMG
On peut traduire VMG (Velocity Made Good) par « vitesse de gain au vent ».
Mathématiquement et graphiquement, le VMG est la projection sur l’axe du vent
de la vitesse du bateau. Ainsi, un bateau se dirigeant vers un objectif situé pile
dans l’axe du vent et marchant 5,5 nœuds à 45° du vent réel progresse-t-il de
3,9 nœuds vers son but.
Les centrales électroniques de navigation fournissent la valeur du VMG, mais
le suivi de ce paramètre demeure délicat. Prenons un exemple. On navigue au
près, à vitesse stable. Puis on lofe de 2° à 3°. Dans un premier temps, le VMG va
s’améliorer considérablement, puisqu’on se rapproche davantage de la direction
du vent. Cela dure tant que la vitesse du bateau (normalement plus faible à ce cap)
n’a pas commencé à chuter. Le VMG est provisoirement très bon. Mais le bateau
ralentit et, du coup, le VMG chute également de manière catastrophique. On veut
redonner de la vitesse au bateau, on abat, le VMG baisse encore davantage !
D’autant que la vitesse est encore faible, on n’a pas encore redémarré.
Évidemment, on s’énerve et on maudit l’électronique. Jusqu’à ce que l’on prenne
conscience d’un fait important : avec cet appareil, il faut attendre que la vitesse se
soit stabilisée, ce qui prend du temps (de l’ordre d’une minute).
On a maintenant trouvé le meilleur VMG, et en même temps la vitesse qui lui
correspond, elle est affichée sur le speedomètre. C’est désormais notre vitesse
cible, et c’est à elle que l’on va désormais s’intéresser, plutôt que de rester
focalisé sur ce paramètre VMG trop souvent décalé de la réalité de l’instant.
Lorsque nous dépassons notre vitesse cible, c’est que nous naviguons un peu trop
abattu. Le barreur lofe doucement pour « brûler » cet excédent de vitesse jusqu’à
retrouver la vitesse cible. Immanquablement, il viendra un moment où le bateau
ralentira, parce qu’on a lofé un soupçon de trop, parce que le vent a
imperceptiblement refusé, parce qu’une vague un peu plus abrupte nous a freiné,
tout bonnement parce qu’en tutoyant ainsi le meilleur VMG on évolue dans un
équilibre performant mais fragile.
On abat alors légèrement – on relance – pour accélérer jusqu’à la vitesse
cible. On pourra alors lofer de nouveau, de quelques degrés, en s’efforçant de
conserver la vitesse acquise, jusqu’à être contraint de relancer à nouveau. Et ainsi
de suite. On garde un œil sur ses penons de foc, un autre sur le speedomètre, et la
navigation au près devient un exercice subtil, enchaînement d’infimes corrections
de cap produites par de tous petits angles de barre.
Tout ceci vaut évidemment pour des conditions de navigation stables, car dès
que des paramètres sont bouleversés, notamment par un changement de vent en
direction ou en force, le meilleur VMG n’est plus le même, et la vitesse cible
correspondante non plus. Cette approche de la conduite par le VMG et la vitesse
cible n’infirme aucunement les principes exposés dans les pages précédentes sur
la façon de gérer les risées, les refus ou la mer formée.

Le VMG de descente
Depuis le près, abattons progressivement. Notre VMG diminue, jusqu’à
devenir nul au vent de travers. Au-delà, c’est-à-dire aux allures portantes, le VMG
devient négatif : plutôt que de gagner du terrain dans l’axe du vent, on en perd.
Ainsi, lorsqu’on navigue au portant vers une destination située exactement
dans l’axe du vent, et que l’on enchaîne les bords de grand largue plutôt que plein
vent arrière, le VMG nous indique – par valeur négative – à quelle vitesse nous
nous rapprochons du but.
De même qu’au près le meilleur VMG permet d’identifier le compromis cap-
vitesse optimal, au portant le « moins bon VMG » indique notre meilleur angle de
descente. Cette information est particulièrement intéressante pour les voiliers
rapides et légers, qui accélèrent franchement en s’écartant du plein vent arrière.
Pour les bateaux lourds et plus conventionnels, il n’y a guère de secrets, le
meilleur VMG de descente est très proche du plein vent arrière, lorsqu’il ne se
situe pas carrément à 180° du vent.
Le bateau jaune a le meilleur VMG, au près comme au portant.
LES POLAIRES
Une polaire de vitesse est un diagramme présentant la vitesse potentielle d’un
voilier (celle qu’il est censé atteindre dans les meilleures conditions de réglage)
aux différentes allures, pour une force de vent particulière. Le nom renvoie à la
présentation sous lesquelles sont affichées ces performances : un « graphique
polaire » est une courbe de la valeur des données présentées selon leur distance
et leur angle par rapport au centre (au pôle) du schéma. Rien n’interdit de
compiler les informations d’une polaire de vitesse sous forme de tableau, mais
l’affichage graphique offre une vue synthétique du comportement d’un bateau, et
met en évidence au premier coup d’œil certaines informations clés comme les
meilleurs VMG de près et de portant.
Une fois compilées les vitesses potentielles aux différentes forces de vent, on
dispose d’un ensemble de polaires pour son bateau, que l’on pourra afficher
conjointement ou isolément, selon les besoins du moment.
Les polaires sont indispensables à celui qui veut optimiser sa route en fonction
des prévisions météo, comme nous le verrons au chapitre « Navigation » ►. Sans
même en arriver là, elles seront très utiles dans la mesure où elles constituent une
véritable bibliothèque des vitesses cibles que l’on pourra s’attacher à atteindre en
travaillant ses réglages, sous réserve évidemment que les circonstances de
navigation soient analogues à celles de la polaire : on n’ira pas aussi vite dans le
clapot que par mer plate, et les performances seront plus modestes une fois le
bateau chargé pour une longue traversée, comparativement à ce qu’on avait pu
observer lors d’une sortie à la journée. De rares chefs de bord (plutôt des
coureurs) gardent sous le coude plusieurs jeux de polaires pour disposer
d’informations pertinentes dans les différents contextes.

Les polaires empiriques


Comment construit-on ses polaires ? Tout bonnement en naviguant. Lorsque
le bateau est bien réglé, que la vitesse est stable, le barreur concentré, on note :
angle du vent, force du vent, vitesse du voilier. À la maison, on compile, on réalise
ses tableaux et ses diagrammes, et on enrichit au fil de ses navigations. Si l’on
dispose d’un logiciel spécialisé relié aux instruments électroniques du bord,
l’ordinateur enregistre les données en navigation, retient les meilleures
performances en écartant les valeurs trop extrêmes, et produit directement les
polaires.
On ne procède aux prises de notes ou aux enregistrements informatiques que
lorsque les conditions de navigation sont constantes. On se méfie, par exemple,
des jours où l’on n’atteint pas les mêmes performances tribord amure et bâbord
amure, parce que le vent est cisaillé, et qu’il n’a pas la même direction dans le
haut des voiles qu’au ras du pont.

Les polaires théoriques


Si l’on ne souhaite pas s’engager dans ce travail de compilation, ou pour
disposer d’une base de départ en attendant de pouvoir compléter ses propres
polaires, il est toujours possible de se référer aux polaires théoriques,
généralement fournies par le constructeur ou l’architecte du bateau. Gardons
cependant à l’esprit que ces polaires issues des logiciels de « prédiction de
vitesse » (VPP, Velocity Prediction Program) n’ont qu’une valeur relative : les
architectes les utilisent, lorsqu’ils dessinent un bateau, pour comparer plusieurs
versions de leur projet. Les performances affichées ne correspondent pas toujours
à la réalité du terrain. Les VPP estiment, notamment, très mal l’impact des vagues.
Souvent ces polaires théoriques montrent des vitesses au près qui continuent de
croître avec la force du vent, indépendamment du fait qu’au-delà d’un certain seuil
la mer de face ralentit la progression. De même minorent-elles les vitesses dans la
brise aux allures proches du vent arrière, alors que dans la réalité le bateau
accélère à chaque vague. Elles encouragent ainsi – à tort – à lofer fortement pour
améliorer le VMG de descente. Les polaires théoriques ne devraient jamais être
considérées que comme un pis-aller, et si on les retient comme base de départ, au
moins devrait-on les corriger au fil des observations en navigation.
Ce diagramme compile trois polaires pour des vents de 5,15 et 25 nœuds,
les points indiquant les meilleurs VMG au près et au portant.

« Grand rouleur, bon marcheur », disait-on : le roulis favorise un


écoulement tangentiel dans la partie haute des voiles, ce qui améliore
leurs performances. C’était bon pour une époque où les bateaux
roulaient bien plus qu’aujourd’hui, et nul ne se plaint des évolutions
architecturales favorisant les carènes plus larges, moins rondes, et bien
plus stables.
Lorsque le roulis s’installe, on s’en lasse assez vite, même si l’on se
tient près du centre de rotation dans l’habitacle, où les mouvements sont
moins amples. Pour y mettre fin, ou tout du moins réduire son ampleur,
on stabilise le volume de la grand-voile en tendant la chute au moyen du
hale-bas. On recule les poids (et en premier lieu celui de l’équipage) pour
dégager l’étrave et appuyer le bateau sur ses formes les plus larges et
porteuses. Le barreur s’efforce par ailleurs de contrer le roulis en
cherchant à abattre lorsque le bateau gîte, à lofer lorsqu’il contre-gîte.
Plus ces corrections de barre sont rapides, mieux on « cassera » le roulis
en réduisant les embardées ; attention à être bien synchrone avec les
mouvements du bateau, le pire étant de prendre du retard sur le
phénomène, ce qui ne conduit qu’à l’amplifier. Et si le remède est
insuffisant, la seule solution est de remplacer le vent arrière par deux
bords de largue.

Avec une route très proche du vent arrière et un spi qui mériterait d’être un peu
plus brassé, ce bateau roule dans la houle du golfe de Gascogne, mais le pilote
automatique contrôle la trajectoire.
Les spécificités de la voile légère

L oin de s’opposer à la croisière, la voile légère est à la fois une


potentielle introduction à la pratique du bateau habitable et une
activité à part entière. Elle est dans tous les cas source de nombreux
plaisirs : sensations démultipliées, vitesse, simplicité de mise en œuvre,
balade à la journée en famille ou entre amis jusqu’à de petites plages
autrement peu accessibles, etc.
Nous ne parlerons ici que de la conduite en solitaire (en solo dans le
jargon) ou à deux, mais de nombreux bateaux peuvent embarquer des
passagers supplémentaires, qui ne manqueront pas de porter une
brassière. Le nombre maximum de personnes à bord est défini par les
données du constructeur, généralement portées sur une plaque fixée au
bateau.
Tous les grands principes énoncés précédemment s’appliquent ici. La
taille relativement réduite du bateau, son poids quasiment équivalent à
celui de l’équipage et sa puissance due à son ratio surface de voile/poids
très favorable introduisent cependant quelques spécificités.

MÂTER
Après avoir préparé le mât, son haubanage, ses drisses,
éventuellement sa girouette – toutes ces pièces seront difficilement
accessibles une fois le mât dressé –, après avoir vérifié que tout est clair,
lançons-nous dans le mâtage du bateau.
S’il est relativement facile de lever le mât d’un dériveur, l’opération
est souvent plus physique sur un catamaran, en raison de la section et du
poids de l’espar. Dans le premier cas, on pourra se contenter d’aider et
de sécuriser la manœuvre en tirant sur l’étai. Dans le second cas, on
pourra tirer sur la tête de mât en se saisissant des poignées de trapèze,
et au besoin en se juchant sur la poutre avant du catamaran.
Les mâts de catamaran de sport sont le plus souvent rotatifs, et
montés en appui sur une rotule (une boule) ; la rotation est parfois
facilitée par une rondelle de Téflon, à placer entre la rotule et le pied de
mât. Sur certaines unités (par exemple le Hobie Cat Tiger), il faut placer
une sécurité qui évite au pied de déjanter pendant l’opération de mâtage.
Sur les dériveurs, le sabot de pied de mât est placé en fond de coque.
La partie basse du mât est contrôlée par un étambrai, ou par une paire
de bas-haubans.
On approche le pied de mât de son emplanture, on fixe les haubans
aux cadènes, les lattes ridoirs sont au plus long – on les réglera une fois
le mât vertical. Un ou deux équipiers lèvent le mât, tandis qu’un autre le
tire vers l’avant, par l’étai ou les câbles de trapèze. Si besoin, une
personne supplémentaire maintient le pied de mât en place au cours de
l’opération.
Quand le mât est vertical, on fixe l’étai. Sur certains dériveurs, cet
étai n’a d’autre objet que le maintien du mât au repos, en navigation le
câble de guindant du foc étarqué prend le relais ; sur d’autres modèles,
un levier permet de reprendre la tension de l’étai une fois les voiles
établies. En présence d’un étambrai, les haubans doivent être réglés sur
leurs lattes ridoirs de telle sorte que, l’étai raidi au maximum, le mât ne
vienne pas buter au fond de celui-ci.
Sur un catamaran, l’étai est ajusté de façon à donner au mât une
certaine quête (inclinaison vers l’arrière). Certains catas, comme le
Hobie Cat 16, sont plus performants avec une quête marquée et des
haubans légèrement mous.
Sur un Laser solo, le mât, non haubané, s’enfile dans son emplanture
avec sa voile déjà gréée, ce qui rend le mâtage extrêmement simple. Il
faut juste veiller à ne pas y laisser entrer de sable, qui est un abrasif
puissant.

Le mâtage d’un RS 500. Haubans et bas-haubans ont été réglés au plus long, un
équipier lève l’espar, un deuxième bloque le pied de mât sur son emplanture, et un
troisième tire sur l’étai. Avec son double fond et le raidisseur longitudinal dans le
centre du cockpit, ce type de dériveur supporte qu’on y monte lorsqu’il est au sec. À
éviter sur des dériveurs à coque traditionnelle, sous peine de les déformer, voire de
les crever.

ASSURER LE GRÉEMENT
Dans tous les cas, on assure le gréement. Les anneaux brisés
bloquant les extrémités des axes sur les lattes ridoirs sont recouverts
avec du chatterton. Si l’on remplace un axe par une manille, le manillon
est assuré par une ligature avec du gros fil à voile ou du fil à surlier.
GRÉER LES VOILES
Les écoutes de foc sont passées à l’intérieur des haubans. Sur
certains voiliers on peut les monter « en continu » : les deux écoutes sont
les deux extrémités d’un même filin, si bien qu’elles tombent beaucoup
plus facilement sous la main lors des virements de bord. Ce même type
de montage en continu est quasi systématique pour l’écoute de spi.
Autant que possible, le bateau est acheminé au plus près du lieu de
mise à l’eau avant de hisser les voiles. On place préalablement le voilier
vent debout : sans cette précaution, la grand-voile va prendre le vent, la
ralingue aura du mal à glisser convenablement dans la gorge du mât, la
têtière et les lattes pourraient même s’engager sous le hauban et, par
vent frais, le bateau pourrait chavirer – y compris à terre !
Quand on hisse les voiles, il faut prendre l’habitude de regarder en
l’air et de surveiller ce qui se passe dans le gréement. Une erreur est
toujours possible, drisse entortillée autour d’un hauban, latte oubliée,
ralingue mal engagée, et même voile gréée à l’envers… Si cela coince, ne
pas forcer inutilement, c’est qu’il y a un problème.
Garder à l’esprit qu’une voile qui claque dans le vent est une voile qui
souffre : dès que les voiles sont hissées, on appareille le plus vite
possible. Ceci suppose de ne hisser les voiles qu’une fois que tout le
reste a été préparé : équipage habillé et harnaché, safran monté sur le
tableau arrière, dérive prête à descendre.

GRÉER LA GRAND-VOILE
Avant de hisser la grand-voile, on choque largement le hale-bas s’il y
a lieu, ainsi que l’écoute de grand-voile. On peut ensuite hisser, en pesant
sur la drisse, pendant que l’équipier guide la ralingue dans la gorge du
mât.
En catamaran, l’étarquage du guindant de grand-voile se fait par le
bas, au moyen d’un palan de cunningham. Lorsque la voile est presque
complètement hissée, on engage la bôme (si elle existe) sur le vit-de-
mulet et on étarque sans excès avant de bloquer la drisse au taquet ou
au taquet sifflet.

Guider le guindant de la grand-voile dans la gorge du mât.

LE HOOK SANS HIC


Sur la plupart des catamarans, et sur certains dériveurs, le point de drisse est
fixé à un crochet (un hook) situé en tête de mât. Quand la voile est haute, on
l’accroche au hook et on tourne la drisse juste tendue sur un taquet de pied de mât.
L’un des principaux avantages de ce dispositif est de supprimer toute force de
compression de la drisse de grand-voile sur le mât.
Pour affaler avec les hooks de type « anneau », reprendre un soupçon de drisse,
puis faire pivoter le mât à fond d’un côté ou de l’autre de façon à dégager l’anneau
du doigt qui le retient. Pour les hooks de type « manchon », rehisser légèrement,
maintenir la drisse tendue en tirant vers l’avant ou sur le côté pour extraire le
manchon de la fourchette.
Le palan de cunningham assure l’étarquage de la grand-voile par le bas.

GRÉER LE FOC
Les systèmes d’étarquage du foc et de mise en tension du gréement
varient énormément d’un bateau à l’autre.
Concernant la tension du gréement, deux possibilités :
– Le guindant du foc comporte une ralingue en acier, qui tient lieu
d’étai pendant la navigation. Dans ce cas, c’est en étarquant le foc que
l’on raidit l’ensemble du gréement.
– L’étai est tendu au moyen d’un levier ; le foc est étarqué ensuite.
S’agissant de l’étarquage du foc, on rencontre aussi plusieurs cas de
figure :
– Le point de drisse du foc se fixe sur le mât sans drisse mais à l’aide
d’un « S » métallique, l’étarquage se faisant par le bas (par le point
d’amure).
– La drisse est mixte : câble métallique et textile. La partie textile sert
à hisser et l’étarquage se fait en pied de mât avec la partie métallique de
la drisse (munie à son extrémité d’une boucle ou d’une poulie). Cette
partie métallique s’appelle une itague.
– Lorsque le foc est endraillé sur l’étai avec des mousquetons :
l’étarquage se fait en pied de mât.
Mise en tension de l’étai sur un Laser Vago.
Étarquage du foc par une itague : une fois le foc hissé à la main, le croc est
positionné dans l’œillet métallique de la drisse ; la tension de drisse est ensuite
ajustée au moyen du palan.
Étarquage sur le taquet de pied de mât d’un Hobie Cat 16, en faisant
« arbalète » sur le dormant de la drisse.
Attention à ne pas étarquer le foc exagérément. Ici, une tension de drisse trop
importante empêche la rotation du mât qui en tribord amure reste tourné « à
l’envers ». Conséquence, la grand-voile est trop creuse, et de surcroît le mât travaille
mal, cintre latéralement, au détriment des performances mais aussi au risque de se
détériorer.

PRÉPARER LA DÉRIVE ET LE(S) SAFRAN(S)


Enfin ! notre bateau ressemble à un voilier.
Reste à vérifier que la dérive fonctionne correctement dans son puits
de dérive 33 et à ajouter le ou les safrans. Ceux-ci sont généralement de
type pivotant, mais il existe aussi des safrans sabres qui se glissent
verticalement dans une ferrure orientable sur le tableau. Ces derniers
sont plus simples, mais ne se relèvent pas en cas de choc sur le fond. Ils
sont donc plus délicats d’utilisation.
Sur les catamarans, les deux safrans sont reliés par une barre
d’accouplement (barre de liaison) dotée d’un stick (ou rallonge de barre).
Cette barre d’accouplement est parfois réglable en longueur, de façon à
ajuster le parallélisme des safrans.
La plupart des safrans de catamaran sont équipés d’un système de
sécurité leur permettant de se relever automatiquement en cas de choc.
Ces dispositifs doivent être soigneusement lubrifiés, et leur
fonctionnement régulièrement contrôlé. Attention à l’état des Sandow de
rappel de certains systèmes de relevage automatique : il doit être
excellent pour que tout fonctionne bien.

MONTER UN CATAMARAN
Pour des raisons d’encombrement, le catamaran est livré en pièces détachées.
Première consigne : ne pas s’affoler. Commencer plutôt par lire la notice de
montage qui accompagne systématiquement les colis.
On assemble les coques à l’aide de deux poutres qui, selon le type du bateau, se
boulonnent ou s’encastrent dans les coques. Pour faciliter le futur démontage, il faut
lubrifier les encastrements et les boulons à l’aide de graisse au bisulfure de
molybdène – qui tache mais ne se dissout pas dans l’eau de mer. Il ne faut pas
oublier les rondelles et les entretoises, qui préviennent l’écrasement des poutres.
Vient ensuite le trampoline, la toile qui fait office de pont entre les coques. Sur
certains catamarans, il faut le monter avant les poutres – ainsi des trampolines qui
se glissent dans des gorges. Il y a deux sortes de trampolines : certains se fixent sur
un cadre qui se boulonne sur les coques ; d’autres se fixent dans des glissières ou
des rails intégrés aux coques. Une fois le trampoline en place, il faut le tendre
fermement et de façon régulière à l’aide d’un transfilage. Veiller à la tension et à sa
régularité, elles donnent une certaine rigidité à l’ensemble : le transfilage doit tirer
les œillets dans l’axe des fixations, sinon le trampoline pourrait se déchirer et les
pontets de fixation en plastique risqueraient de s’user prématurément.
Le système de relevage et de verrouillage des safrans du Hobie Cat 16.

Par définition, tous les dériveurs sont dotés d’une dérive. Sur certains
bateaux, celle-ci s’enfile verticalement dans son puits : c’est la dérive
sabre, telle qu’on la trouve par exemple sur le Laser solo. La plupart des
dériveurs en double sont équipés d’une dérive pivotante. Celle-ci reste à
poste dans son puits, où elle pivote autour d’un axe, se manœuvrant par
un système de palan. Elle doit glisser librement sans frottement excessif.
Les grains de sable sont ses pires ennemis… Voilà déjà une bonne raison
de ne jamais traîner un dériveur sur le sable, mais de le porter.

LES EMMAGASINEURS DE FOC


De plus en plus d’unités de voile légère sont équipées d’un emmagasineur de
foc, un système très simple qui permet d’enrouler le foc autour de son guindant. Le
mécanisme comprend un crochet à émerillon en tête de mât et au point d’amure
une « poupée », sur laquelle s’enroule le cordage de manœuvre renvoyé au cockpit.
Le guindant du foc est armé d’un câble, c’est lui qui remplace l’étai.
Pour les arrivées de plage, on n’affale pas le foc, on l’enroule sur lui-même
jusqu’à ce qu’il ne forme plus qu’un étroit fourreau. De même l’emmagasineur
permet-il d’effacer si nécessaire le foc lorsque le spi est établi.
Son maniement est très simple. Pour dérouler le foc : on libère le cordage de
manœuvre et on tire l’une des écoutes. Pour l’enrouler : on tire le cordage de
manœuvre en laissant venir l’écoute à la demande. Contrairement aux enrouleurs
des croiseurs, les emmagasineurs ne peuvent servir à réduire la voile lorsque le vent
est trop fort. En position intermédiaire, ils ne résisteraient pas longtemps aux efforts
qui s’exercent sur la voile. On parle ainsi de systèmes « tout ou rien ».

DÉPARTS ET ARRIVÉES DE PLAGE


MANŒUVRES DE PLAGE
Ce qui est valable un jour ne l’est pas forcément le lendemain. L’état
de la mer et la direction du vent imposent leurs raisons. S’il y a des
rouleaux, ils brisent très près du bord lorsque la pente est raide : on les
franchit vite. Si la pente est douce, les rouleaux brisent sur une grande
distance : il faut tirer le bateau loin dans l’eau avant d’appareiller. Au
retour, les rouleaux, qu’ils soient proches ou lointains, posent toujours
des problèmes. Lorsque la mer est agitée, il faut surtout choisir l’endroit
le plus calme de la plage pour appareiller ou pour accoster. Le meilleur
endroit pour appareiller est presque toujours celui qui se trouve le plus
au vent. Presque toujours ? Tout simplement parce que les avancées
rocheuses, les digues et autres accidents de la côte peuvent influencer
votre choix ! Mais la direction du vent reste bien la donnée principale :
c’est en commençant par elle qu’on analyse l’ensemble de la situation.

Départs
En présence d’un hook sur la drisse de grand-voile, notamment sur
les catamarans, on est contraint de hisser à terre car il faut que le bateau
soit stable et fermement posé sur le sable ou sur son chariot de mise à
l’eau pour verrouiller le système. Mais on attend d’être à l’eau pour
étarquer le guindant et fixer le palan d’écoute de grand-voile. Le foc reste
roulé, à défaut d’emmagasineur on le borde légèrement à contre, pour lui
éviter de faseyer.
Voiles hissées et correctement étarquées, tandis que l’un des deux
coéquipiers maintient le bateau bout au vent par l’étrave, les écoutes
sont mises au clair, safran(s) et dérive(s) partiellement baissés, ou
totalement s’il y a assez d’eau.
Il faut ensuite rejoindre l’endroit choisi pour appareiller. Le barreur
(ou l’équipier selon la répartition des rôles) tire le bateau par l’étai, assez
loin du bord pour qu’il ne tosse 34 jamais sur le sable. Quand on est au
bon endroit, on continue de tenir le bateau par l’étai. Sans effort, il se
place naturellement bout au vent. Tenu par l’arrière, il pivoterait jusqu’à
recevoir le vent par l’arrière et deviendrait difficile à maîtriser. On ne tient
pas un cheval par la queue !
L’équipage de gauche a opté pour la bonne stratégie.

■ Départ vent arrière


Quand le vent souffle de terre, le départ présente peu de difficultés.
Souvent la mer est belle, le vent léger sur la plage, le bateau ne demande
qu’à partir. Attention tout de même : il part volontiers tout seul si l’on
oublie de le tenir. Par ailleurs, mer belle et vent léger peuvent s’avérer
trompeurs dans un site très abrité. Un petit tour sur les hauteurs avant
d’appareiller fournira une idée plus précise de la force et de la direction
du vent au large.
– S’il s’agit d’un dériveur, le barreur lui fait faire un demi-tour, devant
lui. Puis il embarque par le tableau arrière. S’il n’y a pas assez d’eau pour
descendre le safran entièrement, on l’abaisse partiellement, mais on
prend garde à ne pas mettre trop d’angle de barre, car avec la pelle quasi
horizontale les efforts sur la barre sont importants, le risque de la plier ou
de tordre les aiguillots du safran est réel. L’équipage s’applique à
maintenir le bateau à plat, car c’est ainsi qu’il filera le plus droit, avec le
minimum de sollicitations sur le gouvernail. De toute façon, le bateau
dérive dans la bonne direction : rien ne sert de se précipiter et la
méthode n’a pas besoin d’être très stricte. Si le bateau se met en travers,
on choque et on attend d’arriver tranquillement en eau plus profonde
pour abaisser complètement le safran.
– En catamaran, l’affaire est encore plus simple. Pas besoin de faire
pivoter le bateau tout de suite. L’équipage monte sur les étraves et laisse
culer le bateau, toutes voiles faseyantes – ou, encore plus élégant, en
déployant le foc à contre. À bonne distance du bord, le barreur se
déplace à l’arrière pour descendre et orienter les safrans : on partira ainsi
sous la bonne amure. C’est alors seulement que l’équipier recule à son
tour et que l’on peut s’éloigner du rivage en abattant. Attention !
L’équipier ne doit pas reculer avant que tout soit prêt. Sinon les safrans,
toujours relevés, « prennent l’eau » : ils se mettent brutalement en
travers, forcent sur leurs ferrures et le bateau se place brusquement
travers au vent – jusqu’à chavirer parfois.

■ Départ vent de travers et sur l’avant du travers


Un vent parallèle à la plage est un vent béni. On se souvient que le
vent de travers convient très bien au bateau : livré à lui-même, il l’adopte
spontanément. En route, il trouve aisément son équilibre à cette allure,
va vite et dérive peu.
En chargeant les étraves, l’équipage déplace le centre de carène du catamaran
sur l’avant, et lui permet ainsi de reculer droit.

Ces particularités rendent le départ vent de travers très


recommandable. Inutile de descendre beaucoup la dérive. Le réglage des
voiles n’a pas besoin d’être très précis. Une mauvaise manœuvre est plus
facilement pardonnée à cette allure qu’à toute autre. Ce serait dommage
de ne pas profiter de cette indulgence et, lorsque le vent souffle du large,
de s’obstiner à tenter un départ au près, si le profil de la côte permet de
choisir un point où le départ vent de travers est possible.
Parfois, cependant, le vent souffle du large et l’on est bien obligé
d’appareiller au près. Dans cette hypothèse, il y a presque toujours un
bord plus favorable ; il faut commencer par le rechercher. Si la mer est
calme, on peut installer le safran dès le départ ; si la pente de la plage est
raide, on peut abaisser rapidement la dérive : les choses ne seront pas
trop difficiles. Mais s’il y a des rouleaux et si la pente est douce, il va
falloir appareiller sans safran et avec très peu de dérive. Voici le cas le
plus épineux, le seul d’ailleurs qui mérite d’être étudié en détail.
Il n’est pas inutile de rappeler quelques-unes des notions (déjà
abordées) relatives au contrôle de la direction. Un bateau tend à lofer
quand on le fait gîter, quand on baisse la dérive, quand on borde la grand-
voile, quand on le charge sur l’avant.
Un bateau tend à abattre quand on le fait gîter à contre, quand on
relève la dérive (même partiellement), quand on déborde la grand-voile,
quand on le charge sur l’arrière.
La vitesse joue aussi un rôle déterminant. On s’en rend compte très
facilement à bord d’un catamaran. Celui-ci ne gîtant pas et disposant
souvent d’un plan de dérive fixe, on ne peut agir que sur deux
paramètres : son équilibre longitudinal et sa vitesse, cette dernière étant
la plus facile à utiliser. Un catamaran ne vit que s’il avance ! Plus le
catamaran va vite, plus il est ardent. Plus il ralentit, plus il est mou. Sur le
catamaran, accélérer produit le même effet que de baisser la dérive et
gîter sur un dériveur ; ralentir crée la même réaction que de la remonter
et de contre-gîter !
En tenant compte de ces données, on comprendra qu’en l’absence de
safran :
– La grand-voile peut jouer le rôle de gouvernail, la propulsion étant
alors essentiellement assurée par le foc – comme la vitesse rend le
bateau ardent, l’action du foc s’avère en réalité assez subtile : un foc
convenablement bordé permet au bout du compte de faire lofer le bateau
parce qu’il lui donne de la vitesse.
– La dérive, si elle empêche le bateau de dériver, le rend également
ardent (ce n’est pas le but recherché dans le cas qui nous occupe).
– L’équipage ne doit pas être passif, mais se déplacer constamment
pour agir sur l’équilibre latéral et longitudinal du bateau.
L’un des deux équipiers tient le voilier dans l’eau par l’étai, bout au
vent ou légèrement incliné sur l’amure de départ, afin que les voiles
battent sous le vent et laissent le cockpit ou une partie du trampoline
dégagés. L’autre équipier embarque, vérifie que les écoutes sont claires,
que l’écoute de grand-voile est largement choquée. Il descend un peu la
dérive, si c’est possible, débloque le safran et prend en main l’écoute de
foc.
Celui qui maintenait le bateau le fait défiler rapidement devant lui en
l’orientant dans la bonne direction, et saute à bord. Le focquier borde
aussitôt sa voile d’avant (juste comme il faut) pour prendre tout de suite
de la vitesse. Il n’oublie pas de descendre un peu la dérive dès que
possible, sans que cela tourne à l’obsession, car on a tout intérêt pour
l’instant à ce que le bateau soit mou. Pour la même raison, le barreur ne
borde que très modérément la grand-voile.
L’essentiel, en effet, tout en prenant de la vitesse, est de ne pas lofer,
sinon le bateau vient trop près du vent, s’arrête et tout est fichu. Or, dès
qu’il accélère, le bateau devient ardent, cherche à lofer. Le barreur se
place donc à l’arrière, côté au vent, pour le faire contre-gîter. Il barre
avec délicatesse pour ne pas forcer sur les ferrures de gouvernail qui
subissent des efforts très importants tant que les safrans ne sont pas
baissés. Si le bateau lofe trop, ce qui est fréquent, il déborde la grand-
voile et accentue son rappel. Pendant ce temps, l’équipier prend soin
de bien régler son foc sans jamais le laisser faseyer ni le border de façon
excessive. Dès que possible on descend le ou les safrans : on peut lofer,
on est sauvé !
Le barreur s’assied en arrière et au vent, et se prépare à border très
modérément la grand-voile. L’équipier force le bateau à abattre sous la bonne amure
et le fait défiler devant lui avant d’embarquer à son tour.

■ Appareiller sans safran


C’est au vent de travers que l’appareillage sans safran est le plus
facile. Il est également possible au près, mais attention ! Hanté par le
souci de s’écarter au plus vite de la côte, on risque de succomber à la
tentation et de faire un près trop serré. La sanction ne se fait pas
attendre : le bateau manque de vitesse, dérive impitoyablement, et l’on
ne peut rien y faire. Pour quelle raison ? Eh bien, la plupart du temps, le
foc n’était pas assez bordé et la grand-voile l’était trop.
Sans safran (et sans dérive), impossible de faire un cap à moins de
70° du vent. Il vaut mieux ne pas s’obstiner et choisir tout de suite une
allure assez arrivée (abattue), c’est-à-dire assez éloignée de la direction
du vent, les voiles bien pleines, pour prendre d’abord de la vitesse. C’est
en donnant l’impression qu’on ne cherche pas à s’éloigner du rivage
qu’on finira par y parvenir.

Arrivées
À l’arrivée, on retrouve certains des problèmes qui se posaient au
moment du départ, en particulier pour choisir son point d’accostage.

■ Au vent de travers ou sur l’avant du travers


Si l’on a le vent sur l’avant du travers, il est préférable d’arriver sur
une pente assez raide, pour conserver la dérive et le safran le plus
longtemps possible.
Il faut penser à temps à relever dérive et safran, au moins avant qu’ils
se transforment en tondeuse à varech. Ce phénomène psychologique est
bien établi : l’envie de les installer rapidement au moment du départ n’a
d’égal que la facilité avec laquelle on les oublie à l’arrivée.

Bien penser à relever dérive et safran avant que le fond vienne à manquer.
En présence de rouleaux, il faut essayer de se présenter à l’endroit le
plus au vent de la plage, là où les vagues sont moins violentes. Les
rouleaux sont plus dangereux à l’arrivée qu’au départ : le bateau avance
dans le même sens qu’eux et risque de prendre de la vitesse au mauvais
moment. Soulevé par l’arrière, il a tendance à glisser sur le côté, à se
mettre en travers et à se faire rouler.
Le bateau étant plus sensible aux rouleaux qu’il reçoit par l’arrière
qu’à ceux qu’il affronte par l’avant, il est recommandé, aux allures
portantes, d’opérer un demi-tour à l’arrivée : on fait ainsi tête aux
rouleaux. L’équipage doit sauter à l’eau le plus tôt possible pour soulager
le bateau et maintenir l’étrave tournée vers le large. Il l’accompagnera
ensuite le plus doucement possible vers la plage, en freinant sa
progression. La prudence recommande de se placer au vent du bateau,
pour éviter d’être renversé et de passer sous la coque.

■ Au vent arrière
Par petit temps, quand la mer est calme, on peut arriver vent arrière
toutes voiles dehors. On se place travers au vent au dernier moment,
dérive et safran relevés, voiles bordées au bon plein : le bateau dérive
doucement vers la plage.
Arrivée de plage au portant par vent modéré. Le barreur a amorcé son auloffée.
Depuis la coque au vent, l’équipier évalue la profondeur pour choisir le moment où
sauter. Il se tient prêt à retenir le catamaran par le côté au vent de la patte d’oie
d’étai.

Dès que le vent est soutenu, l’arrivée plein vent arrière est à
proscrire, d’autant plus s’il y a des rouleaux. Le barreur doit donc prévoir
une trajectoire de largue la plus lofée possible en fonction de la
configuration du plan d’eau, de façon à contrôler au mieux l’équilibre et la
vitesse ; le but étant d’éviter le départ à l’abattée et l’inévitable dessalage
qui s’ensuit à proximité de la plage.
Dans les derniers mètres, on lofe très vivement, de préférence sur
l’arrière d’un rouleau. Le bateau passe le lit du vent et s’arrête, toutes
écoutes choquées. L’équipier est déjà à l’eau et le maintient par l’étrave
pour affronter le rouleau suivant. Rappelons encore une fois cette règle
de bon sens : on saute toujours à l’eau au vent du bateau, pour ne pas
passer dessous, et on ne saute surtout pas entre les coques d’un
catamaran !
En catamaran, on peut, si l’on maîtrise bien la technique (on s’y
entraînera lors des départs de plage), utiliser l’une des particularités du
multicoque : voiles choquées, il peut culer dans le lit du vent, sur une
trajectoire stable.
– Au vent des rouleaux, on met le bateau bout au vent, en se plaçant
par rapport au point d’arrivée choisi.
– On choque les écoutes, on relève les safrans.
– L’équipage se place sur les étraves.
– Le catamaran cule lentement jusqu’à la plage.

■ Au vent de travers
Arriver avec un vent de travers est pain bénit ! Exactement comme au
moment du départ. Par beau temps, on pique droit sur la plage, puis on
lofe un peu pour venir au bon plein, tout en relevant ce qui est relevable
(dérive, safran) : le bateau se déplace en crabe vers le point d’accostage.
Lorsqu’il y a des rouleaux, il faut choisir d’accoster à l’endroit où la
mer est la plus calme, en général au point le plus au vent de la plage. Le
barreur lofe derrière un rouleau en choquant progressivement, et
l’équipier saute côté large pour maintenir le bateau par l’étai. Reste au
barreur à retirer complètement safran et dérive, puis à rejoindre son
compagnon de façon à amener le bateau sur la plage, tout en prenant
soin de se poster toujours à son vent.

■ Arrivée vent debout


Lorsque le vent souffle depuis la terre, en général il n’y a pas de
rouleaux sur la plage. Un autre problème se pose en revanche : il faudrait
pouvoir arriver au près et ce n’est pas toujours réalisable, car on est bien
obligé de relever dérive et safran quand on approche du bord…
Il faut trouver une solution. Une courbe de la côte peut permettre une
arrivée vent de travers. Si le vent ne souffle pas tout à fait
perpendiculairement à la plage, en se présentant par le côté au vent, on
approche alors au près serré.
L’équipier remonte progressivement et le plus tard possible la dérive.
Depuis un moment déjà, il regarde par-dessus bord pour estimer la
hauteur d’eau. Le barreur laisse porter au fur et à mesure qu’on relève la
dérive, en choquant les écoutes pour que le bateau accélère : avec une
surface de dérive moins grande mais une vitesse plus importante, la
dérive n’augmente pas et le bateau ne marche pas en crabe – cela est
d’autant plus vrai sur un catamaran dépourvu de dérives.
À la fin de la manœuvre, une auloffée permet au bateau d’atteindre la
plage sur son erre, dérive et safran relevés.

Après la sortie vient le rangement. Cet équipage roule sa grand-voile à mesure


qu’il l’affale. Il est conseillé de détendre les lattes pendant cette opération. Ne pas
oublier d’ouvrir les bouchons de nable au bas des tableaux arrière : même s’il n’y a pas
d’eau dans les coques, ça aère l’intérieur ; et surtout cela leur évite de travailler au gré
des surpressions ou dépressions liées aux changements de température.

■ En guise de résumé…
Tout cela peut être assez difficile à réaliser. Mais si l’on a maîtrisé sa
vitesse, à partir du moment où l’on est obligé de relever la dérive ou les
safrans, on a largement pied. On peut donc sauter à l’eau pour tenir le
bateau. S’il est impossible de s’approcher davantage à la voile, c’est
nettement mieux que de s’obstiner à conserver la dérive ou les safrans
trop longtemps : en touchant le fond brutalement, une dérive pivotante
peut se fausser ; une dérive sabre peut se saisir de l’occasion pour se
bloquer dans son puits. Un seul safran, ça se fausse, ça se casse, ça
s’arrache ; deux safrans, c’est pareil, mais ils le font de conserve.
MANŒUVRES DE SÉCURITÉ
DESSALER ET REDRESSER LE BATEAU
Quand le bateau chavire en voile légère, on parle de dessaler,
probablement parce que l’équipage et les voiles vont se retrouver un
petit moment à tremper, comme la morue ou le petit salé avant de
passer à la cuisson. Pas d’inquiétude à avoir, cela fait partie intégrante
du jeu. La meilleure façon de ne pas appréhender cette situation est de
s’y exercer par beau temps, de façon à acquérir les bons réflexes et à
prendre confiance dans sa monture. Avec l’expérience, le dessalage
devient une formalité.

Le dessalage
Ça y est, c’est parti, on a beau lutter, le bateau va dessaler. Que faut-
il faire ? Tomber à l’eau, tout simplement ! S’accrocher au bateau risque
d’être dangereux, on peut se retrouver empêtré dans les cordages ou les
haubans et surtout on provoquera le retournement complet du bateau.
En tombant, on essaie d’éviter le bateau, ça fait moins mal ! Si l’on n’a
pas réussi à éviter les voiles, on tente de chuter à plat. Une voile que l’on
a transpercée en y atterrissant à pieds joints s’avère moins efficace pour
rentrer à terre.
Dans sa chute, on s’efforcera tout de même d’empoigner une écoute
pour éviter d’être séparé du bateau. Le barreur ne garde pas le stick en
main, sous peine de le tordre ou de le casser. Si l’on n’a pu garder ce lien
avec le bateau, une fois dans l’eau on se raccroche immédiatement à ce
qu’il est possible de saisir. Un bateau renversé offre une prise au vent
non négligeable et dérive vite, en particulier un catamaran avec son
trampoline dressé à la verticale, il faut impérativement réduire le risque
de se retrouver séparé de son embarcation. Même si, au pire, on ne
parvient pas à le redresser, un voilier chaviré offrira toujours une
flottabilité indispensable à son équipage en attente des secours, sans
compter qu’il sera beaucoup plus repérable qu’une tête flottant à la
surface de l’eau.
Si l’on était au trapèze au moment du chavirage, on s’en décroche
généralement au cours de la chute, intentionnellement ou non. Si l’on est
resté relié à la cuillère de trapèze, on s’en libère une fois dans l’eau. Et
dans les cas franchement exceptionnels où l’on en resterait prisonnier,
pas de panique, il reste la ressource du couteau que l’on porte toujours
sur soi (ou du dispositif coupant intégré à certaines ceintures de
trapèze), pour sectionner la partie textile de la ligne de trapèze.
Une fois certain qu’on est libre de ses propres mouvements, ne pas
oublier de demander à son coéquipier s’il va bien et s’il n’a pas besoin
d’aide.
Si, au cours du dessalage, on a la mauvaise idée de s’accrocher au
bateau ou au mât, on ne fera qu’empirer les choses en provoquant un
retournement complet, avec le mât à la verticale dans l’eau. On appelle
ça « chapeauter » ou faire chapeau, et cela ne présente que des effets
déplaisants :
– Cette position complique le redressement du bateau et réclame
plus de travail et d’énergie pour redresser.
– Le bateau peut se retourner au-dessus de son équipage. En
dériveur, il y aura toujours de l’air entre la surface de l’eau et la coque, on
aura tout le temps de faire le point et de prendre de l’air avant de
s’extraire de là. En catamaran, il va falloir vite s’extraire de sous le
trampoline, et au besoin sortir son couteau si l’on est vraiment coincé.
– Par faible hauteur d’eau, le mât peut se planter dans le fond. Il peut
être endommagé par le choc ou s’enfoncer dans la vase, parfois à un
point tel qu’il devient impossible de redresser le bateau sans une aide
extérieure.
En résumé, quand on dessale :
– On ne s’accroche pas au bateau, en particulier au mât, sinon c’est
le « chapeau » assuré.
– On saute à l’eau en évitant les parties dures et on ne saute pas à
pieds joints dans les voiles.
– Pendant la chute, on s’efforce de garder un lien avec le bateau (une
écoute, pas le stick !).
– Une fois dans l’eau, on se raccroche immédiatement au voilier.
– On prend des nouvelles de son coéquipier : s’il va bien et qu’il n’a
pas besoin d’aide, on rigole un bon coup ensemble et on passe à l’étape
du redressement.
Comme on le verra plus loin, sur un dériveur il est possible pour un
des deux équipiers – avec un peu d’expérience et d’agilité, d’aller
directement sur la dérive sans passer par la case natation. Cette petite
acrobatie doit être exécutée dans le bon timing, et il faut savoir y
renoncer si le mât a déjà touché l’eau : en restant agrippé au-delà de ce
moment fatidique, on ne réussirait qu’à chapeauter, avec tous les
inconvénients énoncés plus haut.

Redresser un dériveur
Ça y est, le bateau a dessalé ! L’équipage est à l’eau, mais comme
personne n’a oublié de mettre sa brassière, tout va bien se passer… On
va pouvoir tranquillement le redresser, ou le resaler, curieux néologisme
décrivant tout bonnement l’action symétrique de celle du dessalage.
Chavirage sous spi à bord d’un RS 500. La barreuse va pouvoir monter
directement sur la dérive. L’équipier n’a d’autre choix que de sauter, si possible au
vent du bateau, pour ne pas retomber dans la grand-voile, sans oublier de se
décrocher du trapèze.
La barreuse de ce 29er a été joueuse, elle a voulu passer sur la dérive sans se
mouiller alors que le chavirage était déjà bien engagé, si bien que le mât est tombé
sous l’eau et que le voilier a commencé à faire chapeau. Elle va s’en sortir en pesant
de tout son poids sur la dérive, mais il s’en est fallu de peu.

Si le chavirage a été suffisamment lent (ou si l’on a été suffisamment


rapide), on monte directement sur la dérive. En solitaire, c’est l’enfance
de l’art, en double on se rappellera qu’il n’y a en principe pas de place
pour deux sur la dérive. Le plus souvent c’est le barreur qui est le mieux
placé pour basculer par-dessus sur le liston, l’équipier ayant de son côté
suffisamment à faire pour se dégager du trapèze. C’est plutôt lui, par
conséquent, qui va se retrouver « à la baille », mais il n’y restera pas
passif : il y a des actions à entreprendre pour redresser le bateau dans
les meilleures conditions.
Si le dessalage a pris l’équipage de vitesse et que tout le monde se
retrouve à l’eau, il faudra s’accrocher à la dérive à la force des bras, s’y
pendre de tout son poids, et éventuellement se hisser dessus si le bateau
ne revient pas.
Il est très agaçant, lorsqu’on vient de resaler un dériveur, de voir
celui-ci chavirer de nouveau parce que le vent prend dans les voiles avant
qu’on soit revenu à bord pour assurer l’équilibre. S’il se répète, ce petit
jeu peut même devenir fatigant, voire dangereux. Raison pour laquelle,
avant de tenter le moindre effort de redressement, on prend le soin de
choquer toutes les écoutes : on ne se contente pas de les faire sauter
des taquets coinceurs, on leur procure le plus de mou possible, en
particulier pour le palan de grand-voile.
Si le spi était sorti, il faut l’affaler, et le ranger dans sa baille ou son
avaleur.
Une fois ces précautions prises, celui qui est juché sur la dérive
commence à peser, en redressant son buste et au besoin en rapprochant
ses pieds de l’extrémité de la dérive (qui éventuellement plie légèrement,
cela peut impressionner, mais elle ne rompra pas).
Progressivement, le mât décolle de l’eau, puis les voiles à leur tour. Il
faut savoir rester patient, conserver momentanément cette position, le
temps que le bateau s’oriente de lui-même l’étrave vers le vent, jusqu’à
se retrouver dans une position entre le bon plein et le vent debout. Si le
gréement peine à émerger, l’équipier à l’eau nage jusqu’à la tête du mât,
qu’il lui suffira de soulager (il est aidé en cela de sa brassière et au besoin
de son jeu de jambes). Une fois le resalage amorcé, tout devient plus
facile, le vent s’engouffre sous la grand-voile qui commence à tirer vers le
haut, il s’agit alors de gérer ses efforts pour parachever le mouvement en
douceur.
Lorsque le bateau finit de se redresser, celui qui était sur la dérive
plonge à l’intérieur. Il lui reste à mettre la barre du bon côté pour
empêcher le bateau d’abattre, à maintenir l’équilibre en plaçant bien ses
pieds et son poids de corps, puis à aider son compagnon à remonter par
le tableau arrière.

Ici, les deux équipiers de ce Laser Vago avaient dû exceptionnellement monter


ensemble sur la dérive pour parvenir à le redresser. Ils se préparent à basculer
simultanément à l’intérieur.
Une excellente astuce, particulièrement efficace : plutôt que d’agripper le liston du
bateau, tirer sur un cordage, de façon à pouvoir redresser le buste et utiliser au mieux
son poids. Ici c’est une écoute de spi, passée en double autour de la cadène de
hauban, qui est utilisée.

Les équipages aguerris usent d’une technique aussi astucieuse


qu’élégante : une fois que l’équipier dans l’eau a choqué les voiles, et le
cas échéant rentré le spi, il se colle dans le fond du cockpit en se
retenant d’un bras aux sangles de rappel, et en empoignant la barre de la
main opposée. Le bateau se redresse avec lui à l’intérieur, et se retrouve
ainsi immédiatement sous contrôle une fois revenu à plat.
Voiles choquées, spi rangé, l’équipier se colle dans le fond du bateau en se tenant
aux sangles, tout en contrôlant le gouvernail. Il est hors de vue de sa barreuse,
la communication verbale est alors essentielle.

Si l’on se retrouve à l’eau une fois le bateau redressé, c’est par le tableau
arrière qu’on remonte ; par le côté, on le ferait de nouveau chavirer. Les voiles sont
choquées, le coéquipier assure l’équilibre général.

■ Si le dériveur fait chapeau


Bateau à 180°, mât vers le bas, tout va devenir plus compliqué.
L’ensemble de l’équipage va devoir monter sur le voilier retourné, se
placer face à la dérive pour la tirer vers soi, orteils agrippés au bord de la
coque. Une fois le mât revenu à l’horizontale, on pourra exécuter les
actions décrites plus haut. Dans les cas désespérés, la seule solution
sera de libérer la drisse de spi pour la confier à un bateau venu en
soutien, et qui tirera (doucement !) sur cette drisse pour aider le bateau à
revenir.

VIDER LE BATEAU
Les dériveurs modernes possèdent une coque à double fond et un arrière
ouvert, si bien qu’une fois redressés, le peu d’eau qu’ils ont embarquée s’évacue
d’elle-même. Les unités plus anciennes, à coque simple et cockpit plus profond,
disposent de trappes d’évacuation, placées dans le tableau arrière (où elles sont
maintenues fermées au moyen d’un Sandow) ou dans les fonds (on parle de vide-
vite, et elles s’ouvrent par un levier). Ces trappes fonctionnent par aspiration, grâce
à la vitesse du bateau, et on ne les ouvre qu’une fois le voilier remis en route, même
si les vide-vite sont en principe dotés d’un clapet antiretour. Sur les dériveurs très
ouverts, comme l’Optimist, le Vaurien, la Caravelle, il faut s’attendre à devoir vider
des quantités plus importantes, à l’écope ou au seau. Tant qu’il reste beaucoup
d’eau à bord, le voilier demeure très instable, si bien qu’un seul équipier remonte à
bord, tandis que l’autre (ou les autres dans le cas des bateaux comme la Caravelle
qui embarquent un équipage nombreux) nagent et tiennent le liston de l’extérieur
pour aider le voilier à tenir droit.

Redresser un catamaran
Redresser un catamaran nécessite plus d’efforts que pour un
dériveur, et la technique présente quelques variantes. En premier lieu, si
le catamaran est équipé de dérives, il ne faut en aucun cas prendre appui
dessus, elles le supporteraient très mal. Il est par ailleurs illusoire
d’imaginer chavirer en restant au sec : lorsque le bateau dessale, il n’y a
pas d’autre choix pour l’équipage que de passer à l’eau. En évitant de
tomber à pieds joints dans les voiles, nous l’avons déjà dit, mais aussi en
esquivant hauban et câble d’étai. Ce cas de figure survient lorsqu’aux
allures portantes le catamaran chavire par l’avant, la coque sous le vent
ayant enfourné 35. Depuis la position au trapèze, le risque est de se
retrouver catapulté vers l’avant, et de croiser sur son chemin un élément
du gréement dormant. La vigilance est par conséquent de rigueur, en
particulier pour l’équipier, plus exposé que le barreur.
Tout le monde va bien ? Il est plus que temps de se hisser sur une
coque.
Dans le cas le plus favorable, le catamaran est sur la tranche, une
coque dans l’eau, l’autre en l’air et le trampoline à la verticale. Son
orientation par rapport au vent n’est pas anodine, loin s’en faut.
– Bateau perpendiculaire au vent, vent arrivant côté mât : le vent
pousse dans le trampoline et vous aide, mais gare ! Il risque de projeter
le bateau et de le faire re-dessaler de l’autre coté. C’est donc une
position à utiliser par vent faible uniquement.
– Bateau perpendiculaire au vent, vent arrivant côté coque : le
vent pousse dans le trampoline et s’oppose aux efforts de redressement
développés par l’équipage.
– Vent arrière : si par extraordinaire on parvient à le resaler dans
cette position, le catamaran va repartir illico, peut-être même avant
qu’on ait le temps de remonter dessus. À éviter, par conséquent.
– Bateau bout au vent : c’est la position la plus sûre, et c’est celle
que l’on essayera de privilégier. Une fois la bascule enclenchée, le vent
va en effet apporter son aide, en permettant à la voile de se gonfler et de
monter.
Si le catamaran chaviré n’est pas orienté dans une position favorable,
l’équipage va devoir le faire pivoter, en s’accrochant à l’étrave de la
coque immergée tout en nageant avec les jambes, ou encore en se
hissant sur cette étrave : une fois celle-ci enfoncée, la plate-forme tend
naturellement à s’orienter bout au vent.
Préalablement au redressement, les écoutes auront été choquées en
grand et, le cas échant, le spi aura été affalé et avalé dans sa chaussette.
Tout ceci est normalement faisable et accessible en étant juché sur la
coque immergée. Procéder à ce rangement en nageant autour du bateau,
c’est se mettre en danger, en s’exposant au risque de se retrouver
emmêlé dans les cordages, et prisonnier sous le trampoline si sous
l’action du vent le catamaran vient à se retourner complètement.
Debout sur la coque dans l’eau, l’équipage peut maintenant
s’attaquer au redressement proprement dit. Il va pour cela s’aider du
bout de resalage, cordage fixé au pied de mât ou au centre de la poutre
avant, et stocké dans une poche sous le trampoline. Ce bout est jeté par-
dessus la coque en l’air, puis récupéré de façon à pouvoir s’y pendre (à
deux) et faire levier.
Pour être efficaces, les équipiers doivent rapprocher autant que
possible leurs corps de l’horizontale, mais sans toucher l’eau. Le début
est difficile, il faut décoller mât et voiles de l’eau, puis la coque en l’air
descend progressivement, l’effort à produire diminue, jusqu’à ce que la
plate-forme passe un point d’équilibre et bascule vers l’équipage. Le
mouvement se précipite alors, attention à ne pas prendre la coque sur la
tête : la seule solution est de fléchir les jambes pour se retrouver entre
les deux coques une fois le bateau revenu à plat.
L’équipière a proprement lové le bout de resalage dans sa main gauche avant
de le lancer par-dessus la coque en l’air.

Un bon moyen d’utiliser au mieux son poids de corps tout en économisant ses
forces : bloquer le bout de resalage sur la ceinture de trapèze. L’équipière aurait pu de
son côté s’épargner cette traction sur les bras, en se couchant sur son barreur.
Pas question de laisser le bateau partir, ni chavirer de l’autre côté
dans son élan. C’est pourquoi il faut s’accrocher à la martingale. C’est
sur le même équipement que l’on s’appuie pour se hisser sur le
trampoline. Le premier monté à bord reprend le contrôle du bateau,
l’empêche de redémarrer en le maintenant face au vent, et il aide si
nécessaire son partenaire à grimper à son tour sur le trampoline.
Pour souffler et tout remettre en ordre, et pourvu qu’il n’y ait pas de
danger ou d’obstacle sous le vent, le mieux est de se mettre
momentanément à la cape. Penser, avant de repartir vers de nouvelles
aventures, à ranger le bout de resalage à son emplacement, paré pour
une prochaine utilisation.

REMONTER PAR L’AVANT


Toutes les bonnes raisons se conjuguent pour qu’une fois le bateau revenu à
l’endroit, on se hisse à bord par l’avant, plutôt qu’en n’importe quel autre lieu de la
plate-forme :
– En montant par l’arrière, on s’appuierait sur la barre de liaison des safrans, au
risque de la détériorer.
– En remontant par le côté, on déséquilibrerait latéralement le bateau, avec pour
sanction éventuelle un nouveau chavirage.
En grimpant par la poutre avant, non seulement on place les poids vers le cœur
de la plate-forme, mais tant que l’équipage reste (même partiellement) immergé, il
joue un rôle d’ancre flottante, maintenant le catamaran bout au vent.
Le lieu le plus pratique pour escalader se situe à l’angle formé par la poutre
avant et l’une des coques : on se trouve ainsi au cœur d’un V à 90°, et il est possible
de prendre un appui de chaque côté pour effectuer un rétablissement. Au besoin, on
cherche un troisième point d’appui en poussant d’un pied sur la martingale.
Certains catamarans sont dépourvus de martingale, leur poutre avant doit alors
être équipée de boucles de cordage. Le système décrit ci-dessus peut être
perfectionné, avec élastiques et/ou poulies de renvoi. Une astuce consiste à
confectionner ces « pédales » avec un cordage en tresse creuse de Dyneema dans
laquelle on coud un Sandow, de façon à ce qu’en navigation elles demeurent tendues
et plaquées à la poutre.

■ Si le catamaran fait chapeau


Si les efforts désordonnés de l’équipage ont conduit le catamaran à
se retourner complètement, ou si l’on a sanci 36 et fait chapeau, la
manœuvre de redressement s’annonce un peu plus longue, mais pas de
panique, les solutions existent.
En cas de soleil par l’avant, on est généralement resté accroché au
trapèze, la première préoccupation – urgente – est de s’en libérer avant
de grimper sur le trampoline. On dispose ensuite de tout son temps (et
d’une plate-forme particulièrement stable) pour opérer.
D’abord, récupérer le bout de resalage, qui sera passé sous la coque
au vent, puis au-dessus des coques. L’équipage se recule au maximum à
l’arrière de la coque sous le vent, et tire sur le bout de resalage en se
projetant vers l’arrière. Cette action a pour effet d’enfoncer l’arrière de la
coque sous le vent, et de faire monter l’étrave de la coque opposée. Le
vent prend ensuite dans le trampoline, aidant le bateau à basculer.
Progressivement, l’équipage se déplace vers le milieu de la coque, pour
conserver son équilibre, tout en maintenant la traction sur le bout de
resalage. Le bateau se retrouve bientôt dans la situation « classique »
étudiée précédemment. Il n’y a plus qu’à enchaîner avec la manœuvre de
redressement habituelle.
En faisant couler l’arrière d’une coque, et en tirant sur le bout de resalage dans
la diagonale de la plate-forme…

… on parvient à faire basculer le catamaran de 90° pour l’amener en position


favorable, mât à l’horizontale.
CONDUITE ET MANŒUVRES EN VOILE LÉGÈRE
Conduire un dériveur ou un catamaran de sport n’est pas conduire un
croiseur. Si les grands principes demeurent semblables, le ressenti à la
barre, aux écoutes, sur le bateau est totalement différent. Les réactions
du voilier sont beaucoup plus vives, le poids de l’équipage est
relativement important par rapport à celui du bateau, si bien que son
placement à bord a des répercussions immédiates sur l’assiette et le
comportement de la carène ; au rappel ou au trapèze, les équipiers font
corps avec le bateau, si bien que sa conduite se fonde pour une large
part sur les sensations. Au fil de l’expérience, barreur et équipier se
construisent des repères sensoriels indispensables (qui varient en
fonction du support pratiqué), ils les intériorisent, et y recourent de façon
instinctive dans la conduite de leur voilier. La navigation s’appuie ainsi
pour une large part sur les sensations kinesthésiques, c’est-à-dire la
perception que l’on peut avoir du positionnement de son corps et de ses
mouvements.

CONDUIRE AU PRÈS EN DÉRIVEUR


Au près, le barreur d’un dériveur devra prendre en considération trois
paramètres essentiels de navigation : l’équilibre latéral et longitudinal du
bateau, la vitesse et le cap.
Afin de positionner son bateau au près, le barreur débutant tiendra
compte, en priorité, des repères visuels afin de bien coordonner ses
actions. Se placer au près consiste à amener son bateau au plus près du
vent par un mouvement de lof tout en bordant les voiles au maximum.
Cependant, si l’on n’interrompt pas ce mouvement de lof, le bateau vire
de bord, il faut donc identifier l’instant où l’on remettra la barre droite. Ce
moment se repère grâce aux voiles et notamment au foc, dont le bord
d’attaque commencera à faseyer lorsque le bateau se retrouvera trop
près du vent. Le barreur replacera alors la barre au milieu, le bateau se
trouvera au près serré.
Le barreur plus expérimenté, quant à lui, n’aura guère besoin du bord
d’attaque du foc (ou de celui de la grand-voile à bord d’un dériveur en
solitaire), il sollicitera des repères internes ou kinesthésiques l’informant
sur l’équilibre et la vitesse du bateau. Ainsi, un bateau qui se remet à plat
ou s’affaisse lorsqu’on lofe indique qu’il faut arrêter le mouvement car il
se trouve trop près du vent. Conjointement à ce déséquilibre, le barreur
repérera également une perte de vitesse.
Une fois cette position initiale de près serré trouvée, le barreur doit
ensuite conduire le dériveur au près selon un double objectif de cap et de
vitesse qui ne peut être atteint que par un compromis privilégiant
davantage, selon les conditions, la vitesse ou le cap. C’est ce choix qui
conditionne alors toute la conduite d’un dériveur au près.
Ainsi, par petit temps le barreur privilégiera-t-il la vitesse et s’écartera
donc plus du près serré en abattant et en choquant. L’équipage sera
centré et avancé dans le bateau afin de « traîner le moins d’eau »
possible, il le fait même gîter légèrement de façon à réduire la surface
mouillée, tout en aidant les voiles à conserver leur forme. Le principal
repère du barreur est alors ici la « glisse » du bateau.
Par vent moyen, si le plan d’eau reste plat, il sera possible de gagner
un peu au vent en lofant, tout en maintenant une vitesse appréciable.
Néanmoins, si le clapot tend à se lever, il faudra donner au bateau
davantage de vitesse/puissance pour éviter d’être ralenti et donc
adopter une trajectoire plus abattue. L’équipage se focalise alors sur
l’avancement du bateau et surveille l’éventuelle naissance d’une gîte qu’il
faudra résorber. Le rappel de l’équipage vise à garder le bateau à plat,
dans ses lignes, ce qui correspond au meilleur rendement
hydrodynamique de sa carène.
Au près dans le petit médium. L’équipière au trapèze assure la conservation du
bateau à plat. L’équipage est regroupé de façon à préserver une bonne assiette
longitudinale mais aussi à limiter le tangage dans le clapot. Le barreur assis sur le
caisson peut se consacrer pleinement à l’observation du plan d’eau et à ses
sensations.

Lorsque le vent fraîchit, naviguer à plat devient la préoccupation


première, et ce n’est qu’une fois cet objectif atteint que le barreur décide
de privilégier un peu plus de cap ou davantage de vitesse afin de passer
un clapot serré ou des vagues naissantes. Le principal repère du barreur
est ici la gîte du bateau, qu’il ressent dans ses fesses posées sur le liston.
Le coup de frein ressenti face à une vague un peu plus abrupte doit
conduire l’équipage à une relance, en abattant de quelques degrés tout
en ouvrant légèrement les voiles, de façon à retrouver la vitesse
permettant de faire de nouveau du cap.

CONDUIRE AU PORTANT EN DÉRIVEUR


Après de longs bords de près parfois éreintants pour remonter au
vent, voici la récompense tant attendue. On abat, on s’écarte du vent, on
passe le travers, on abat encore, le bateau accélère mais se cabre et
veut lofer, on le maintient à plat par un coup de reins et un peu de rappel.
Puis l’accélération soudaine, le bateau se fait léger comme s’il se
délestait et s’élevait au ras de l’eau, la glisse se libère de toute entrave, le
dériveur plane. Le portant est l’allure la plus rapide en dériveur et celle
qui procure le plus de sensations en termes de glisse et d’accélération.
Elle réclame en contrepartie une vigilance permanente et beaucoup de
réflexes. Plus que jamais, l’équipage doit se tenir à l’écoute de son
bateau.

L’abattée
Avant de goûter aux joies de la vitesse, il faut abattre et s’écarter du
près. Le comportement du bateau change alors totalement, il faut
s’adapter et modifier ses repères. L’abattée n’est pas à proprement
parler une manœuvre, car il n’y a pas changement d’amure, mais
seulement changement d’allure. Néanmoins, l’opération peut se révéler
délicate si le vent s’est levé.
Comme à chaque moment de la navigation, la priorité de l’équipage
reste l’équilibre du bateau. Or, si l’abattée est mal contrôlée, le dériveur
gîte puis part au lof, au risque de dessaler. Au préalable (et c’est encore
plus important en solitaire), on aura choqué du hale-bas, qui a souvent
été repris au maximum pour le près, car celui-ci agit sur la puissance de
la voile. Puis, lorsque le barreur commence son abattée, il laisse filer plus
ou moins d’écoute de grand-voile selon la force du vent, son repère étant
alors la gîte du bateau qu’il doit absolument éviter. Plus l’abattée sera
vive, plus le rayon de virage sera court, plus il faudra choquer de grand-
voile et contrer la gîte en faisant du rappel. Cette action doit être bien
dosée, un choqué trop important pouvant aussi entraîner une contre-gîte
brutale, avec un risque de dessalage. Le barreur doit donc bien
coordonner son action à la barre et à l’écoute afin de faire abattre le
bateau à plat dans une courbe progressive.
La conduite au largue
Après avoir abattu, l’équipage ne va avoir de cesse de rechercher, au
largue, la meilleure vitesse et la meilleure glisse possible. Le but de la
conduite consiste alors à déclencher le surfing ou le planing.

SURFER, PLANER
Un voilier surfe lorsqu’il profite de la pente d’une vague qui le rattrape pour
accélérer en déjaugeant momentanément (déjauger consiste pour une carène à
s’élever, sous l’action de la vitesse, au-dessus de sa ligne de flottaison naturelle).
Autant le surf est éphémère, autant le planing est durable. Il se produit lorsque par
sa vitesse la carène crée une force de portance verticale lui permettant de s’extraire
durablement de l’élément liquide. Dans un premier temps le bateau se cabre, sa
vague d’étrave recule, et s’il a emmagasiné suffisamment de force vélique il va
pouvoir se hisser sur cette vague pour accélérer encore tandis que son assiette
longitudinale se redresse. Le planing est un mode de déplacement très stable, la
carène est sur des rails et le bateau se barre du bout des doigts. Les navires à
déplacement léger, au premier rang desquels les dériveurs, sont aptes au planing
aux allures portantes à partir d’une certaine force de vent. Lorsque la brise n’est pas
assez soutenue, un surf sur la crête d’une vague peut parfois suffire à amorcer le
planing.

Tout le talent de l’équipage consiste à conserver et à accroître la


vitesse du bateau en le maintenant à l’équilibre… qui demeure l’une des
clés de la vitesse. Si le dériveur n’accélère pas comme on le souhaiterait,
on relance en lofant légèrement tout en bordant les voiles, de façon à
monter sur le dos d’une vague et/ou à accroître la force du vent
apparent. Une fois la vitesse acquise, on profite de ce vent apparent plus
soutenu en tirant sur la barre à la poursuite de l’objectif initial, qui est de
descendre le plus rapidement possible sous le vent. La conduite
s’apparente donc à une recherche constante de vitesse, en jouant à la
fois sur la barre et l’écoute afin de déclencher le fameux planing ou de
bonifier toutes les occasions de surf.
L’équipage est attentif au placement de son poids, il se recule pour
aider la carène à déjauger, mais en veillant à ne pas enfoncer l’arrière, la
traînée étant un ennemi de la vitesse. Il veille plus que jamais à naviguer
bateau à plat, la gîte se traduisant immanquablement par un angle de
barre (et donc un frein supplémentaire) pour conserver la trajectoire.
L’emploi du spi accroît considérablement la puissance d’accélération,
facilite le départ au planing et porte la vitesse vers des sommets. Le seul
aspect frustrant de l’histoire, c’est qu’on arrive beaucoup trop vite en bas
du plan d’eau…

La conduite au vent arrière


En dériveur, l’allure du vent arrière est peu recherchée, car c’est une
allure instable procurant peu de sensations de vitesse. Les bateaux
capables de planer descendent plus vite dans le vent en enchaînant les
bords de grand largue, et c’est encore plus vrai depuis la généralisation
des spis asymétriques, qui sont tout particulièrement taillés pour le
largue, et d’un rendement médiocre au plein vent arrière.
Trop gîté, le bateau se bloque et refuse de partir au planing. L’angle de barre
constitue un frein supplémentaire. Il faudrait ici choquer pour libérer de la puissance,
et abattre avant de relancer. Le barreur pourrait par ailleurs exercer un rappel plus
efficace.
Moment de grâce au planing. À ce stade, il n’y a plus grand-chose dans l’eau. Le
barreur est concentré sur la vitesse et la conduite, tandis que l’équipière est rivée à
l’attaque du spi asymétrique, qu’elle règle à la limite du déventement
(de la « larme » ►).

On ne privilégie le vent arrière que par petit temps, lorsque les gains
de vitesse à espérer en lofant restent faibles et que la priorité est de
tracer la route la plus directe et la plus courte possible. Dans ces
conditions, l’équipage fait contre-gîter son dériveur dans un double
objectif : réduire la surface mouillée, d’une part, et d’autre part aligner le
centre de carène avec le centre de poussée vélique de façon à supprimer
tout déséquilibre de route et à conserver une barre neutre, dans l’axe (on
garde à l’esprit que le moindre angle de barre induit un frein
aérodynamique).
Avec certains dériveurs, notamment les solitaires (l’absence de spi
expliquant en partie cela), la stratégie de descente plein vent arrière peut
continuer de s’avérer payante lorsque le vent monte. Les meilleurs
parviennent à conduire leur Laser uniquement avec leur bassin, en
conduisant leur bateau dans les vagues par des modifications d’assiette
latérale, sans bouger la barre.

Le Laser Solo descend remarquablement au plein vent arrière, même par vent
soutenu. La contre-gîte est ajustée en permanence de façon à conserver une barre
neutre. On gagne aussi à choquer la grand-voile au-delà de la perpendiculaire au
bateau, ce qui est possible avec le mât tournant du Laser, dépourvu de haubans.

Cette conduite en contre-gîte devient de plus en plus difficile à tenir


si un clapot ou une houle résiduelle vient frapper l’arrière du bateau et
déclenche un roulis rythmique : le voilier se balance d’un bord sur l’autre,
le mouvement s’amplifie, d’autant plus que les tentatives de l’équipage
cherchant à rééquilibrer l’assiette s’exercent bien souvent à
contretemps. Le risque est le départ à l’abattée, et le chavirage à contre.
Un bon remède consiste à surborder la grand-voile : le bateau ralentit
mais se stabilise également.
Dès que le vent arrière devient intenable ou simplement pénible, il ne
devrait pas y avoir à hésiter : mieux vaut modifier sa route pour tirer des
bords de largue. De manière générale, c’est la stratégie à mettre en
œuvre au portant à partir de force 3 Beaufort (7 à 10 nœuds de vent).

VIRER DE BORD EN DÉRIVEUR


Dans un virement de bord, l’équipage se fixe trois objectifs
principaux :
- Perdre le moins de vitesse possible durant la manœuvre.
- Perdre le moins de cap sur le nouveau bord.
- Conserver le bateau à plat.
La priorité à donner à chacun de ces trois objectifs varie en fonction
des conditions. Ainsi, par vent faible, on veillera d’abord à perdre le
moins de vitesse possible, alors que par vent fort, on se concentrera
avant tout sur l’équilibre du bateau durant le virement.
En premier lieu, le dériveur évolue au près, plus ou moins serré, en
fonction des choix stratégiques opérés par l’équipage. Celui-ci détermine
sa zone de virement en observant la configuration du plan d’eau (vagues,
rochers, autres bateaux…) non seulement devant et au vent du bateau,
mais aussi sous le vent, en particulier par vent fort et/ou mer formée : il
faut en effet disposer de suffisamment d’eau pour rétablir la marche du
bateau en toute sécurité au cas où la manœuvre serait ratée (manque à
virer), ou pire si elle tourne au dessalage.
Une fois la zone déterminée, l’équipage se prépare et c’est le barreur
qui, après avoir prévenu son équipier, lance le virement d’un coup de
barre franc et continu mais sans brusquerie : le bateau ralentit un peu,
s’affaisse légèrement, la tension dans les écoutes diminue, il est temps
pour l’équipier de rentrer du trapèze ou du rappel et de se recentrer pour
changer de bord avant que la grand-voile se soit établie sur le nouveau
bord. Durant son déplacement, l’équipier devra veiller à être à l’écoute du
bateau afin de ne pas perturber son équilibre et de maintenir son foc
gonflé le plus longtemps possible. Pieds dans les sangles de rappel ou
cuillère de trapèze engagée, l’équipier s’installe enfin sur le nouveau bord
en rebordant le foc.
Le barreur, quant à lui, après avoir engagé le lof, se recentre
également puis change de côté lorsque la grand-voile se regonfle sur le
nouveau bord. Il aura pu choquer quelques centimètres d’écoute de
grand-voile durant le passage face au vent et laisser le bateau abattre de
quelques degrés en sortie afin de favoriser la relance sur le nouveau
bord. Le virement est alors terminé, l’équipage a repris sa position initiale
sur le nouveau bord. Si le bateau n’a presque pas ralenti ni trop gîté ou
contre-gîté durant le virement et en sortie de virement, celui-ci peut être
considéré comme réussi.
Par vent fort, au près, l’équipier est au trapèze et le barreur au rappel.
La coordination est alors primordiale pour conserver l’équilibre du bateau
durant la manœuvre. Une fois le barreur rentré de son rappel, l’équipier
doit lui aussi descendre rapidement de son trapèze au moment où le lof
est engagé, tandis que le bateau s’affaisse légèrement. L’équipier doit
alors être très mobile pour changer de côté, engager sa cuillère et se
préparer à sortir sur le nouveau bord lorsque le bateau aura pivoté, et
que ses voiles se seront regonflées.

Le virement bascule
Le petit temps est la seule circonstance dans laquelle on ne cherche
pas à maintenir le dériveur à plat tout au long du virement. Au contraire,
l’équipage utilise son poids pour balancer le bateau dans le vent en
entrée, puis en sortie de virement. Ce faisant, il augmente artificiellement
le vent apparent dans les voiles. Simultanément, les appendices (dérive
et safran) bénéficient d’un appui supplémentaire dans l’eau, ce qui
accroît leur portance et permet de gagner dans le vent au cours de la
manœuvre. La bascule est franche en entrée de virement, plus subtile en
sortie de virement, au moment où le voilier est en phase de relance et où
il convient de ne rien brusquer. La communication entre barreur et
équipier est essentielle, pour une bonne synchronisation. Au besoin, on
compte à rebours et à haute voix (3, 2, 1…) avant chacune des bascules.

Le virement bascule. 1 À l’amorce du virement, l’équipage accroît la gîte, puis il se


jette en arrière tandis que le barreur lance le virement. 2 Le bateau bascule ainsi à la
contre-gîte avant que les voiles se vident et qu’il passe le lit du vent. 3 La gîte est
maintenue un instant sur la nouvelle amure, le temps que la relance s’amorce, un peu
plus bas que le près serré. 4 En souplesse, l’équipage ramène une nouvelle fois le
gréement dans le vent, sans revenir complètement à plat (on veut garder une faible
surface mouillée) ; le barreur serre le vent.

EMPANNER EN DÉRIVEUR
Au même titre que le virement, l’empannage se prépare suffisamment
à l’avance et le barreur doit veiller à bien choisir sa zone de manœuvre,
devant et sous le vent. Ne pas hésiter à regarder loin, car on avance vite !
Dans la brise, la tentation peut être forte d’attendre un moment où le
bateau ralentit pour déclencher la manœuvre. C’est une grosse erreur, il
faut procéder exactement à l’inverse : plus notre dériveur va vite, plus il
est stable, et plus le vent apparent diminue, ce qui réduit les efforts dans
les voiles. Le moment idéal pour empanner est celui où le bateau est en
phase d’accélération, ou dans le début d’une descente de vague. Le
barreur doit alors sentir le bateau glisser sans entrave, ainsi, avec
l’accélération, celui-ci pivotera sur son arrière.
L’abattée doit s’inscrire dans une longue courbe progressive, afin de
conserver au maximum glisse et stabilité. La vitesse diminue néanmoins,
l’équipier rentre du trapèze lorsqu’il sent le bateau ralentir et s’affaisser
légèrement, choque peu à peu l’écoute de foc (ou de spi) afin
d’accompagner l’abattée et de faciliter le passage de la voile. Il se
détache et se tient prêt à changer de côté lorsque le bateau s’approche
de l’axe du vent. Une fois en fausse panne, l’équipier se déplace en
faisant passer le foc (et/ou son spi), se raccroche et règle sa voile de
l’autre côté. Entre-temps, le barreur termine son abattée et lorsqu’il sent
le bateau passer vent arrière, rejoint son équipier sur le nouveau bord
tout en contrôlant le passage de la grand-voile, soit en prenant le palan à
pleine main, soit en redonnant de la tension à l’écoute.
Par vent fort, le barreur se tient prêt, en s’installant au vent sous la
nouvelle amure, à devoir contrer un possible départ au lof. Ce départ au
lof en sortie d’empannage s’anticipe aussi par le déplacement rapide de
l’équipage : s’il change de côté avant que les voiles soient bien établies
sur l’autre bord, le bateau reste à plat, ne prend pas de gîte et donc ne
lofe pas. Par vent fort, le cap en sortie d’empannage doit être considéré
comme la priorité, et l’on sortira sur une trajectoire plutôt abattue. Ce
n’est qu’une fois l’assiette contrôlée et la stabilité de route assurée que
l’on pourra relancer en lofant progressivement. Les équipages bien
entraînés parviennent à réduire la durée de cette phase de transition,
jusqu’à réaliser des empannages « largue-largue », avec une perte de
vitesse limitée.

L’empannage sous spi asymétrique décomposé à bord d’un Laser Vago. 1 Les
poids se recentrent tandis que la barreuse abat, et l’équipier accompagne en
choquant la voile d’avant 2 Il passe son spi sous l’autre amure au moment où le
bateau franchit le lit du vent ; la barreuse a empoigné le palan d’écoute de grand-voile
à pleine main pour faire passer la bôme. 3 La grand-voile passe, l’équipier se déplace
au vent tout en continuant à border le spi. 4 Parvenu sous la nouvelle amure,
l’équipage règle les écoutes et la barreuse lofe pour relancer.

CONDUIRE AU PRÈS EN CATAMARAN


La conduite au près en cata relève de la recherche du meilleur
compromis cap/vitesse en fonction des conditions de mer, de vent et du
gabarit de l’équipage, et d’une assiette optimale.
Le potentiel de vitesse est généralement supérieur à celui d’un
dériveur du fait d’un rapport puissance/poids plus élevé. On aura donc
souvent tendance à privilégier la vitesse sur le cap.
Dans la recherche du meilleur angle de remontée au vent, il est
nécessaire de se construire quelques repères de conduite au près, aussi
bien en termes de réglage de voiles que d’assiette du bateau.
En partant du vent de travers, et dans un vent médium, l’équipage
peut border ses voiles pour le près (sur certaines unités, cela ira jusqu’à
mettre en butée les poulies du palan de grande écoute), tout en lofant
progressivement. Une fois les deux équipiers au trapèze, la coque au
vent doit affleurer l’eau, ce qui permet de diminuer la traînée induite par
cette coque sans perturber les écoulements de l’eau sur la coque sous le
vent. Sur les catamarans sans dérives, c’est aussi avec ce très léger
angle de gîte que le plan antidérive de la coque sous le vent fournit son
meilleur rendement. Une fois au près, la régulation pour maintenir cet
équilibre peut se faire soit à l’écoute (ou au chariot si celui est réglable
en dynamique), soit à la barre.
Dans le cas d’un vent irrégulier en force, on régulera plutôt la gîte par
le déplacement de l’équipier, en complétant au besoin cette adaptation
par une action sur l’écoute.
Enfin, plus la mer sera formée et/ou plus le vent sera fort, plus on
privilégiera la vitesse, et donc un cap plus abattu. On favorise ainsi un
meilleur passage de vague et on évite aussi les variations de vitesse du
bateau, qui nécessiteraient une régulation permanente à l’écoute.
La bonne attitude, coque au vent à fleur d’eau, assiette longitudinale neutre.
Dans ce petit vent médium, le barreur reste assis sur le trampoline, totalement
disponible à la conduite du bateau, tandis qu’au trapèze l’équipière se concentre sur
l’équilibre latéral du catamaran.
Ici la gîte est trop importante, le flotteur sous le vent est trop chargé, générant
une traînée excessive. Il aurait fallu accompagner la risée d’un léger lof pour ne pas
perdre de vitesse, et gagner du même coup un peu de terrain au vent − ou ouvrir un
peu la grand-voile, selon la stratégie du moment.

CONDUIRE AU PORTANT EN CATAMARAN


De la même manière qu’au près, l’une des priorités au portant sera la
recherche d’une légère gîte, avec la coque au vent à fleur d’eau. Les
performances optimales en termes de VMG (progression dans l’axe du
vent arrière) sont à rechercher autour de 140° du vent réel, ce qui
conduit à privilégier la vitesse sur le cap. Par vent soutenu, l’équipier sera
au trapèze tandis que le barreur restera près de sa barre. Il lui sera
d’autant plus facile de barrer avec finesse en prenant directement en
main la barre franche et en laissant son stick traîner dans l’eau. Au
portant, il y aura très peu de régulation à l’écoute ou au chariot, et on
privilégiera les adaptations de route grâce à la barre. Le meilleur repère
reste l’assiette du bateau : dans les risées, le barreur abat pour réduire le
vent apparent, éviter que la coque au vent monte, conserver la vitesse et
gagner du même coup du terrain sous le vent. Dans les molles, un léger
lof suffit généralement à recréer du vent apparent et de la vitesse, ce qui
permet d’abattre de nouveau, et ainsi de suite. Dans une risée, le barreur
compensera par un coup de barre pour abattre afin de ne pas laisser le
bateau monter au vent. L’équipier assurera le maintien de l’équilibre
longitudinal en reculant dès que le bateau aura tendance à enfourner
(même si l’enfournement est plus limité lorsque le bateau dispose d’un
spi).

Au portant, la conduite est plus précise en tenant directement la barre au


vent, ou la barre de liaison entre les deux safrans. On note un léger dévent sur l’avant
de la grand-voile, cet équipage pourrait aller encore plus vite en bordant, quitte pour
l’équipier à monter au trapèze et pour la barreuse à abattre légèrement le temps de la
rafale.

Le vent arrière
En catamaran, le vent arrière est à bannir lorsqu’on recherche la
performance. Les capacités d’accélération sont telles lorsqu’on lofe de
quelques dizaines de degrés qu’il sera toujours préférable de tirer des
bords de largue que de descendre droit vers le but dans l’axe du vent.
L’allure du vent arrière a une seule vertu : elle est suffisamment calme
pour offrir un peu de répit à son équipage, lorsque le besoin s’en fait
sentir entre deux chevauchées à bride abattue.

VIRER DE BORD EN CATAMARAN


Le virement de bord en multicoque est relativement technique, du fait
des spécificités du bateau. Les coques, en « ratissant » l’eau, génèrent
une forte traînée et une inertie. À la différence du dériveur, un catamaran
de sport perd ainsi énormément de vitesse, et donc de terrain, au cours
d’un virement de bord.
L’objectif est donc de ralentir le moins possible. La technique la plus
adaptée est bien sûr très dépendante des caractéristiques du cata lui-
même (forme des coques et répartition des volumes, forme des voiles et
des appendices, notamment des safrans). On peut toutefois retrouver
des fondamentaux valables quel que soit le bateau. Tout d’abord, pour
perdre le moins de vitesse en sortie de virement, il faut en avoir le plus
possible en entrée. On pourra donc au besoin abattre légèrement avant
le virement afin d’accélérer en entrée de manœuvre. En deuxième lieu, la
répartition des poids de l’équipage influe beaucoup sur la qualité du
virement. Le barreur étant forcé de rester vers l’arrière du bateau afin de
faire passer son stick derrière le chariot d’écoute, l’équipier devra
s’avancer un maximum pour compenser et éviter d’enfoncer trop l’arrière
du bateau, ce qui augmenterait ainsi la traînée induite par les coques
dans l’eau. Afin de ne pas casser la vitesse du bateau, sous peine de faire
décrocher les écoulements sur les safrans, le barreur devra lofer
progressivement au début ; il accentue son mouvement de barre à
mesure que le bateau perd de la vitesse, et si nécessaire il finit par un
coup sec afin d’aider le bateau à passer le lit du vent.
En sortie de virement, la grand-voile est très choquée pour permettre
au catamaran d’abattre car la vitesse sera très faible, voire nulle.
L’équipier se replace alors au vent avant que la grand-voile ne soit
rebordée progressivement, au fur et à mesure que le bateau reprend de
la vitesse. Éventuellement, on termine le virement plus abattu que le cap
optimal, afin de retrouver plus vite de la vitesse et favoriser la relance.

Virer de bord dans les vagues


Dans une mer formée, on attend un train de vagues plus faible pour
déclencher le virement. On lofe en montant sur la vague, de façon à
passer le lit du vent dans le creux suivant : la vague suivante poussera le
nez du bateau et l’aidera à abattre.

EMPANNER EN CATAMARAN
Tout comme le virement, l’empannage doit être déclenché lorsque le
catamaran est au maximum de sa vitesse. En effet, plus le bateau va vite
au portant, plus le vent apparent diminue et plus il est facile de faire
passer la grand-voile, et mieux on réduit son à-coup au moment où elle
reprend le vent. Dans une mer formée, on profite d’un départ au surf.
L’objectif est de rester le moins de temps possible sur l’allure du vent
arrière, période de transition pendant laquelle le bateau ralentit
fortement. Le barreur abat donc franchement, mais sans brutalité pour
ne pas faire décrocher les écoulements sur les safrans. En sortie, on
pourra venir chercher un cap au-dessus du meilleur VMG afin de relancer
le bateau (notamment en sous-puissance) avant de revenir sur son cap
initial une fois la vitesse récupérée. Le barreur restera en arrière pour
changer de main et faire passer la grand-voile. Dans le petit temps, il
prend le palan à pleine main et en le tirant vers le bas, ce qui aura pour
effet de fermer la chute et de faire passer la grand-voile plus rapidement.
L’équipier se déplacera de façon à maintenir une assiette latérale et
longitudinale minimisant la traînée.

Un empannage sous spi. 1 La barreuse a attendu la risée pour déclencher


l’abattée. 2 Elle n’a d’autre choix que de se tourner vers l’arrière pour faire passer son
stick derrière l’écoute de grand-voile. L’équipier pourrait s’avancer un peu plus, pour
dégager de l’eau les tableaux arrière. 3 Le spi est empanné en priorité avant le foc.
4 En sortie d’empannage, la barreuse lofe pour relancer.

Empanner dans la brise


Plus le vent est fort, plus la courbe de la trajectoire à l’empannage
sera large. Le chariot de grand-voile pourra être recentré pendant
l’abattée, pour éviter qu’il ne traverse brutalement d’un bord à l’autre. Il
sera de nouveau réglé en sortie pour favoriser la relance.

LE TRAPÈZE
Par bon vent, pour augmenter le rappel, il devient vite indispensable
de monter au trapèze. Sur la plupart des dériveurs, ce rôle est assigné à
l’équipier, le barreur faisant du rappel avec les fesses à l’extérieur du
liston et les pieds coincés sous la sangle de rappel. Les catamarans, plus
puissants, sont généralement équipés de deux trapèzes.
La série de photos ci-dessous décompose la manœuvre de sortie au
trapèze, depuis la position de rappel. Avec l’habitude, ces gestes
deviennent instinctifs, et chacun adapte cet enchaînement à sa
morphologie, sa souplesse, son sens de l’équilibre… En apprentissage,
pour éviter déconvenues, soleil par devant les haubans ou bains forcés,
on s’appliquera sur les points suivants :
– Le pied avant est le premier à se poser sur le liston (ou la poutre
longitudinale d’un Hobie Cat 16) ; la jambe avant demeure tendue, ou
semi-tendue, pour éviter de basculer vers l’étrave. Au besoin, le pied
prend appui sur la cadène de hauban. Une fois étendu au trapèze, on
pourra mieux répartir le poids sur les deux jambes, mais en gardant à
l’esprit que les déséquilibres se produisent quasiment toujours vers
l’avant, lors d’un coup de frein du bateau (enfournement sur un
catamaran).
Sortir au trapèze. 1 Depuis la position de rappel, la cuillère de trapèze a été
engagée dans le crochet de la ceinture. On peut ôter les pieds des sangles, sortir un
peu plus loin les fesses à l’extérieur, suspendu au câble. Buste et bassin orientés de
trois quarts, on sort le pied avant pour prendre appui sur le liston (ou ici, dans le cas
typique du Hobie Cat 16, sur la poutre longitudinale). 2 Sans lâcher l’écoute, la main
arrière pousse de façon à s’écarter encore plus loin et à pouvoir poser à son tour le
pied arrière. La main avant contribue à l’équilibre par la tenue de la poignée, mais
sans se hisser dessus. 3 La jambe arrière s’étend, la main arrière laisse filer l’écoute
en la contrôlant, de façon à conserver un réglage de voile constant. 4 Les membres
inférieurs et le buste sont alignés, la poignée est lâchée. Dans la répartition des
appuis la jambe avant reste un peu plus tendue. La main arrière règle l’écoute, qui
pourra aider un peu à se retenir en cas de déséquilibre vers l’avant.

– C’est la main arrière, en poussant sur le liston (ou la poutre), qui va


permettre de sortir le corps vers l’extérieur, surtout pas la poignée de
trapèze.
– Cette poignée sert à s’équilibrer lors des sorties au trapèze et des
retours dans le cockpit, et à se décrocher du câble avant un virement ou
un empannage. S’y suspendre ou s’y hisser lors d’une sortie conduit la
cuillère à se décrocher de la ceinture de trapèze ; on se croit tenu, on
étend le buste, on lâche la poignée,… et on se retrouve à nager derrière
le bateau.
La position au trapèze est relativement reposante. Il faut éviter de se
cambrer, buste et jambes sont en ligne, on reste souple sur ses appuis
pour prévenir les déséquilibres. On peut encore augmenter le rappel en
étendant un bras en arrière, ce qui excentre davantage les poids.
Lorsqu’en dériveur l’équipier est au trapèze et le barreur au rappel, on
navigue en surpuissance, avec un potentiel de rappel maximal. C’est
alors le barreur qui maintient l’équilibre du bateau en combinant les
actions sur l’écoute de grand-voile et sur la barre. En sous-puissance,
c’est l’équipier qui s’adapte en s’étirant plus ou moins pour maintenir
l’assiette latérale. Le cas échéant, il ajuste la longueur du câble au
moyen du palan ad hoc : câble plus long, corps à l’horizontale, son couple
de rappel est maximal ; câble plus court, attitude redressée, il est en
position plus confortable, accompagne encore mieux les mouvements du
bateau sous ses pieds, avec une vision du monde plus surplombante : au
largue, c’est une posture dans laquelle on se retrouve volontiers.
Le réglage du palan de trapèze.
Une position travaillée. L’ouverture du pied avant et la légère rotation vers l’avant
des épaules et du bassin contribuent au gainage d’ensemble du corps. De surcroît le
regard est orienté vers l’avant, pour une meilleure observation des penons de foc et
du plan d’eau. Si une risée exige un couple de rappel plus important, il sera possible
d’étendre encore un peu plus le buste, puis de mettre un bras derrière la tête. Le
barreur a lui aussi une posture dynamique, épaules et regard vers l’avant.

Que le cap change, que le vent mollisse, l’équipier doit parfois


réintégrer le cockpit illico. S’il tarde trop, il en sera quitte pour un bon
bain : le barreur maintiendra la contre-gîte pour lui permettre de
réintégrer le bord plus rapidement. Dans bien des cas, l’équipier devra
vite larguer le crochet de trapèze pour retrouver sa liberté de
mouvements.

Avec deux trapèzes


Avec deux trapèzes en catamaran, la répartition des rôles au sein de
l’équipage varie selon les conditions.
– En sous-puissance, lorsque le poids d’une seule personne au
trapèze est requis, le barreur reste sur le trampoline ou au rappel, et
l’équipier assure le travail au trapèze, sortant ou rentrant à la risée.
– Dans la brise, lorsque tout le monde doit sortir au trapèze, c’est le
barreur qui s’y installe en premier en fin de virement ou d’empannage,
dans la phase de relance. L’équipier, qui est plus libre de ses
mouvements, monte à son tour au trapèze alors que le bateau reprend sa
cavalcade et que la manœuvre de sortie s’avère plus acrobatique.
Ce scénario de base n’est pas figé, et peut largement s’adapter selon
les habitudes, les préférences ou les circonstances du moment.
Rentrer du trapèze. La jambe arrière s’efface, la main avant soulage le poids du
corps au moyen de la poignée. Dans l’urgence, un coup de reins amène le bassin vers
l’intérieur du bateau.

Pas facile de gérer simultanément la barre et le palan de grand-voile dans les


risées. À deux au trapèze, c’est souvent l’équipier qui prend la grande écoute, en
laissant le foc au taquet coinceur.
Les spécificités du croiseur

L es croiseurs se distinguent essentiellement des bateaux de voile


légère par leur taille, leur poids et leur capacité d’héberger un
équipage pour de longues périodes. Ces caractéristiques ont quelques
conséquences relatives à la conduite et à la manœuvre du voilier (mais
aussi dans d’autres domaines abordés dans les différents chapitres de ce
Cours).
Certaines manœuvres sont propres aux croiseurs : manœuvres de
port, appareillage, réduction de voilure, mouillage et prise de coffre,
manœuvres d’annexes. Par ailleurs, les manœuvres sous voiles mettent
en jeu des efforts plus importants qu’en voile légère, ce qui suppose
l’utilisation d’un accastillage spécifique, ainsi qu’une plus grande division
des tâches et la coordination d’un équipage plus nombreux.

LES MANŒUVRES DE PORT


ENTRER AU PORT
Aboutissement d’une traversée océanique, halte d’une nuit au cours
d’une croisière de cabotage ou retour à sa place réservée après un week-
end de régate, rentrer au port est synonyme de confort, de repos, voire
d’intense soulagement. Il n’y a pas de mauvais port, seulement de
mauvais choix. Choisir un port est affaire de tirant d’eau, de préparation
et de philosophie.
Gagnés sur la mer, protégés du ressac par des jetées massives, les
ports de plaisance – alias « marinas » pour les Anglo-saxons et les Italiens
– s’ordonnent en bassins à flot et alignements de pontons munis de
catways. Surveillées, fonctionnelles, ces infrastructures sont des bases
logistiques. Elles offrent une forme de sécurité à tous types d’unités et
permettent un accès pratique à de nombreux services. Les ports
traditionnels, aménagés dans des rias, des estuaires ou creusés au fond
d’une crique, sont aussi d’excellents abris, mais plus difficiles à trouver
en venant de la mer. Ils se fondent dans le paysage côtier et leur accès
est souvent défendu par des passes et des courants. Union de la ville et
de la mer, ces ports sont des lieux mixtes. Partagés avec les pêcheurs et
parfois les navires de commerce, ils offrent un nombre de places plus
limité que les marinas modernes.

Choisir son port


Choisir l’esthétique d’un petit port d’échouage breton ou celle d’une
minuscule « marine » corse est une question d’état d’esprit, mais aussi de
type de bateau. On ne dira jamais assez la liberté que donne un petit
voilier, capable d’échouer. Sa taille modeste suscite curiosité et
bienveillance, à condition de faire preuve de courtoisie et de discrétion.
Cela dit, même avec un mouille-cul, la qualité de l’accueil risque d’être
nettement émoussée dans les darses d’un port de commerce, vers les
portiques d’un terminal à containers ou les tapis roulants chargeant les
vraquiers. Dans ces lieux industriels, tout voilier de plaisance est un
intrus et l’idée même d’une escale est à proscrire. On évite aussi de
pointer son étrave dans les bassins d’un port militaire.
Il sera plus facile de faire escale dans un charmant petit port de
pêche, à condition de garder en tête que la bouée de mouillage convoitée
ne nous est pas forcément attitrée. Il faut savoir se présenter, aller au-
devant des gens de mer, surtout lorsqu’on ignore les lieux et les usages
locaux, se renseigner sur les mouvements des navires et les places
disponibles. Dans ce monde de marins professionnels, la présence d’un
voilier de plaisance est d’autant mieux acceptée que son équipage
respecte la réglementation maritime et les règles de civilité. Ce que l’on
nommait autrefois « étiquette navale » est le savoir-vivre, cet ensemble
de conventions tacites ou formelles qui facilitent la vie en commun, au
port au mouillage et en mer.

Saint-Gildas, à Houat, est un de ces petits ports où les plaisanciers partagent


l’espace avec les pêcheurs, et où l’on s’amarre selon des usages particuliers.

Étudier, anticiper et observer


Une entrée de port se prépare bien avant d’être en vue des jetées,
par l’étude de la carte marine et des documents nautiques. Configuration
des bassins, emplacement du ponton visiteurs, présence de hauts-fonds,
limite de vitesse… On y pioche des informations indispensables pour
anticiper les mauvaises surprises et déterminer les conditions de
l’arrivée, selon le type de voilier, son tonnage et son tirant d’eau. Dans
les régions à marée, le calcul de hauteur d’eau s’impose : il faut bien
savoir si cela passe dans le chenal d’accès ou au-dessus du seuil, et si, le
cas échéant, les portes de l’écluse seront ouvertes, ou bien encore si
cela échoue. Le canal VHF de la capitainerie (en France, c’est le plus
souvent le 9) est dûment relevé, de façon à annoncer son arrivée ou
demander quel emplacement nous sera affecté.

Si le début du chenal peut être embouqué sous voiles, il faudra avoir affalé avant
de passer les jetées du port. Dans tous les cas de figure, on s’efforce de tenir la droite
du chenal, et on se rappellera qu’on a perdu tout privilège vis-à-vis des autres navires.

À l’approche du port, il est temps de lever le nez des écrans et des


cartes pour observer les conditions de mer, de vent et de courant, pour
veiller au trafic dans le chenal. Des signaux lumineux peuvent interdire
entrée et sortie d’un port, pour le passage d’un ferry ou d’un cargo. Si
nécessaire, un coup d’œil aux jumelles aide à mieux situer les bassins
réservés à la plaisance et à se représenter leur niveau d’occupation.
Selon l’état de la marée, même un port connu peut revêtir un aspect
déroutant, a fortiori si l’arrivée a lieu de nuit.

Quand le voilier devient bateau à moteur


Les ports de plaisance sont exclusivement conçus pour manœuvrer
au moteur et l’usage des voiles est le plus souvent interdit dans leur
enceinte. Le voilier doit permuter moteur principal (les voiles) et moteur
auxiliaire (le plus souvent un diesel in-bord). Devenu bateau à moteur, le
voilier doit être mis en ordre, de façon à ce que rien ne vienne gêner la
manœuvre. Le linge laissé à sécher sur les filières est rentré, écoutes et
drisses sont raidies et lovées, le pont est dégagé. Les voiles sont ferlées
et la bôme, stabilisée, est surélevée avec les lazy-jacks ou la balancine.
Toujours en restant à l’écart du trafic, c’est le moment de définir le
rôle de chacun. Les défenses 37 sont installées de part et d’autre du
bateau, dans sa partie la plus large et ventrue, leur hauteur adaptée au
lieu d’accostage prévu. On garde sous la main une défense volante, qu’un
équipier placera partout où se présente le risque d’un choc. Ne jamais
chercher à amortir une collision de la main ou du pied, mieux vaut une
coque éraflée qu’une blessure corporelle. La recommandation vaut aussi
pour la gaffe, qui justifie trop souvent son appellation par les bourdes et
maladresses qu’elle engendre. L’instrument n’est destiné qu’à attraper
un cordage, éventuellement une bouée de mouillage, il n’est surtout pas
conçu pour repousser un quai et encore moins un bateau voisin, ni pour
retenir à toutes forces un bateau mal amarré !
Même si l’on ne connaît pas encore le bord sur lequel l’on va
accoster, il est temps de sortir les amarres des coffres et de les répartir
sur le bateau, une pointe à l’avant et une autre à l’arrière ; deux aussières
restent provisoirement dans le cockpit, elles serviront de garde ou de
traversier.

Le tour d’observation
La manœuvre de port commence dès les premières bouées du
chenal, dans lequel on serre à droite afin de ne pas gêner le trafic. Une
fois l’emplacement connu – souvent après s’être renseigné au ponton
d’accueil ou par appel VHF – le chef de bord peut choisir de faire un tour
d’observation, pour étudier la configuration des lieux. L’élément
dominant, vent ou courant, est identifié par l’observation du vent sur les
pavillons de la capitainerie ou à la poupe des voiliers, et celle des sillages
dans le prolongement des ducs d’Albe 38 ou des pontons. Si aucune
place n’a été formellement attribuée par la capitainerie, ce repérage
servira à définir le lieu d’accostage le plus approprié en fonction de la
météo du moment ou de la météo à venir. Dans la mesure du possible,
on prévoit une solution alternative, pour le cas où la manœuvre échoue.
Une fois arrêtée l’intention de manœuvre, le chef de bord en expose les
points essentiels à l’équipage, de la qualité de communication dépend en
grande partie la réussite de l’opération. Il ne lui est pas interdit, à ce
stade, de vérifier une dernière fois que chacun a compris son rôle, et de
se livrer à une rapide inspection du pont pour contrôler que les défenses
et aussières sont à poste et à la bonne hauteur, les aussières
correctement préparées sur leurs taquets respectifs.
Défense volante à la main, un équipier veille au grain. Ceux qui sont en charge des
amarres sont postés à l’endroit le plus large du bateau. Celui qui s’occupe de la pointe
arrière assurerait mieux sa sécurité s’il attendait encore avant de passer
complètement à l’extérieur des filières et en s’avançant de façon à se tenir, lui aussi,
au hauban.

MANŒUVRER AU MOTEUR
La complexité des interactions entre les forces agissant sur un
bateau est telle qu’il demeure impossible de les modéliser. Si une bonne
connaissance des aspects théoriques ne peut nuire, la manœuvre au
moteur met aussi en œuvre les sensations, l’expérience et le sens marin.
Un bon manœuvrier doit à la fois connaître son bateau (puissance du
moteur, évolutivité de la carène, rayon de giration, effet de pas ►,
fardage, inertie) et savoir anticiper les influences extérieures en action :
celles du vent, du courant, mais aussi celles exercées par la traction ou la
résistance d’une amarre.
Le Cours ne prétend pas traiter par le menu tous les cas de figure
imaginables lors des manœuvres de port. Les pages qui suivent
proposent à la fois une boîte à outils – des actions codifiées conduisant à
une série de résultats – et un ensemble de situations-types permettant
de mieux comprendre les principes à connaître et les savoir-faire à
maîtriser. Une fois ces bases acquises, on devrait être capable de
s’adapter à tous les scénarios, en respectant un principe clé : toujours
attendre le résultat d’une action avant d’entreprendre une action
corrective. À l’inverse, se lancer dans une succession de corrections
précipitées débouche généralement sur un splendide cafouillage.

LA COMMANDE DE L’INVERSEUR
La commande de l’inverseur-réducteur a une double fonction : embrayage
avant/arrière et réglage du régime moteur. En position verticale, le levier met le
moteur au point mort, régime au ralenti. En appuyant sur le bouton de débrayage, et
en basculant la commande d’un sens ou de l’autre, il est possible de monter en
régime sans être en prise sur l’hélice, notamment pour les moteurs qui ont besoin
d’un peu de gaz au démarrage.
Ne jamais forcer le passage du levier d’avant en arrière (et réciproquement), au
risque de détériorer les engrenages de l’inverseur. Il est impératif de marquer l’arrêt
au point mort, avant d’inverser en douceur le sens de rotation de l’hélice puis de
remonter en régime.
La maîtrise des manœuvres passe par une bonne connaissance des commandes
et de leur effet sur les évolutions du navire. En marche avant comme en marche
arrière, il faut savoir identifier et sentir les différents niveaux de régime. On peut se
représenter les positions de la manette d’inverseur comme celles d’un transmetteur
d’ordre sur un navire ancien, et même les énoncer mentalement lorsqu’on manipule
le levier : c’est une excellente façon de bannir l’à-peu-près et les hésitations, d’être
encore plus précis et rigoureux dans ses actions sur les gaz.

Il faut se représenter les actions de la commande d’inverseur exactement


comme les différents crans des transmetteurs d’ordre, à l’époque où la passerelle passait
ainsi ses consignes à la salle des machines. Bien garder à l’esprit que « stop » ne signifie pas
bateau à l’arrêt, mais seulement inverseur au point mort.

Démarrage d’un moteur diesel


Avant de démarrer, s’assurer que la vanne d’eau de refroidissement
du moteur est ouverte et le coupe-batterie basculé. Positionner le levier
de l’inverseur au point mort ou, pour les modèles anciens, débrayé et à
mi-régime. Si le bateau en est équipé, vérifier que l’étouffoir est bien
repoussé. Après avoir mis le contact, et avoir appuyé le cas échéant sur
le bouton de préchauffage (une dizaine de secondes suffisent
généralement) attendre l’alarme de pression d’huile pour tourner la clé
ou presser le bouton « Start » : cela permet de s’assurer que l’alarme est
fonctionnelle et qu’elle ne fera pas défaut moteur en route.

Histoire sans paroles. Ainsi la communication pendant la manœuvre est-elle fluide


et précise, en évitant les cris et les approximations. Cette codification gestuelle des
informations transmises par l’équipier d’avant peut s’enrichir à l’envi, par exemple
avec un signe pour « contact », lorsque les défenses touchent le ponton.

Une fois le diesel démarré, ce sifflement doit s’arrêter. Certains


moteurs un peu âgés sont parfois longs à la détente, une montée
progressive en régime doit finir par couper l’alarme. Si ce n’est pas le
cas, stopper et investiguer.
Dès que le moteur tourne, relâcher la commande de démarrage, et
remettre au besoin la manette des gaz au ralenti. Vérifier, en regardant
par-dessus bord, que l’eau de refroidissement s’évacue. Contrôler que la
charge électrique des batteries s’effectue normalement (tension au-
dessus de 13,5 volts). Inutile de respecter un temps de chauffage au
ralenti, votre moteur montera mieux en température embrayé. En
revanche, ne pas dépasser le mi-régime pendant quelques minutes.
Avant d’embrayer, s’assurer qu’aucun cordage ne traîne à l’eau au risque
de bloquer l’hélice.

Arrêt du moteur
Inverseur au point mort, laisser tourner le moteur au ralenti quelques
minutes pour qu’il refroidisse. Appuyer sur le bouton « Stop » ou tirer sur
l’étouffoir, le moteur s’arrête, attendre l’alarme « pression d’huile ».
Repousser l’étouffoir, couper le contact 39. Sur certaines unités, la
ventilation électrique du compartiment moteur, temporisée, continue à
fonctionner pendant quelques minutes, avant de s’éteindre
automatiquement. Couper la batterie moteur. Aux Glénans, nous laissons
la vanne d’eau de refroidissement et celle de gazole ouvertes, pour éviter
tout déboire au prochain départ.

Accoster un quai en marche avant, sans vent


ni courant
Prenons le cas d’un accostage simple, bâbord à quai, avec un bateau
dont l’hélice tourne à droite (ce qui est le cas sur la quasi-totalité des
voiliers de plaisance, nous en reparlerons plus loin). L’approche se fait à
une vitesse de manœuvre de 2 à 3 nœuds, moteur embrayé. Le bateau
fait route directe, en avant lente, avec un angle de 30° à 40° par rapport
au quai. On ne vise pas le point d’accostage avec l’étrave, mais à peu
près au niveau des cadènes de haubans. La difficulté pour le barreur est
de bien doser la vitesse de façon à ce que le safran reste efficace, tout
en gardant la possibilité de s’arrêter facilement. À trois longueurs du
quai, il est temps de débrayer pour laisser le bateau courir sur son erre.
On amorce la giration en mettant progressivement la barre à droite 40 de
façon à venir tangenter le quai. En faisant brièvement et franchement
marche arrière sans action de barre (on parle d’un « coup de fouet »), le
bateau s’arrête et son arrière se rapproche du quai.

Les équipiers ne sautent pas à distance du quai, ils attendent que le bateau soit
collé à son emplacement pour descendre amarres en main. Au moment où les
défenses viennent au contact du quai ou du ponton, le bateau doit être à l’arrêt. S’il se
déplace encore par rapport au point d’accostage, les défenses peuvent rouler et
sauter, sans compter que cela demandera aux équipiers des efforts superflus et
potentiellement dangereux pour le stopper.
EFFET DE PAS ET BORD FAVORABLE
Le pas d’une hélice se définit par la distance parcourue par l’hélice après un
tour complet. Une hélice est « pas à droite » quand, le moteur étant en marche
avant, un observateur placé à l’arrière du bateau voit l’hélice tourner dans le sens
des aiguilles d’une montre. C’est aujourd’hui le cas pour la quasi-totalité des
bateaux équipés d’un seul moteur.

Si l’hélice en rotation génère une force propulsive vers l’avant ou l’arrière, elle
tend aussi à faire pivoter l’arrière du bateau. Ce phénomène est lié aux différences
de pression de l’eau et de vitesse d’écoulement entre les pales. L’intensité de
cette force latérale, baptisée « effet de pas », augmente avec la vitesse de l’hélice,
son diamètre et l’incidence des pales. Une large hélice tripale à forte incidence
aura un effet de pas plus marqué qu’une petite hélice bipale. L’effet est aussi plus
net avec une hélice sur arbre qu’avec un Saildrive 41.

Pour une hélice pas à droite, l’effet de pas fait chasser l’arrière du bateau vers
la droite en marche avant et vers la gauche en marche arrière. Au port, bateau
solidement amarré, on vérifie facilement le pas de l’hélice en battant arrière : si le
remous vient sur tribord, elle a un pas à droite… Et vice versa.

L’effet de pas se contrôle mieux en marche avant, le safran étant « alimenté »


par l’eau projetée par l’hélice. Il est en outre nettement plus sensible en marche
arrière. En effet, grâce à la forme de ses pales, l’hélice a un rendement très
médiocre en poussée longitudinale… mais considérable en poussée latérale.
Enfin, l’effet de pas est fortement plus marqué lors d’un coup de gaz qu’en régime
stable.

Avec une hélice pas à droite, il est beaucoup plus facile de virer court sur la
droite, car à chaque coup de gaz en arrière on fera chasser le cul du bateau sur la
gauche.

Il y a de même un côté favorable et un côté défavorable pour accoster.


Toujours avec une hélice pas à droite, l’accostage sur bâbord est facilité car le
coup de fouet en arrière colle le cul au quai. En accostant sur tribord, en revanche
la marche arrière l’en écarte. Par conséquent, l’approche s’exécute alors avec un
angle plus fermé, plutôt 20° à 30° que 30° à 40°. À une demi-longueur du point
d’accostage, moteur débrayé, on donne un coup de barre à gauche. L’arrière, en
dérapant dans la giration, se rapproche du quai, alors que l’étrave s’en écarte.
C’est le moment de battre en arrière, ce qui arrête le bateau et rapproche l’étrave
du quai.

L’effet de pas est plus marqué en marche arrière qu’en marche avant.
Ce cas d’école révèle une règle d’or : le but d’une manœuvre est
d’arriver à l’arrêt au point d’accostage. Il met aussi en lumière trois
particularités : la difficulté à estimer le moment où on laisse le bateau
avancer sur son erre, la nécessité de garder de la vitesse pour préserver
l’efficacité du safran et la faculté de l’hélice à déporter l’arrière sur la
gauche lorsqu’elle est embrayée en arrière, par effet de pas.

Maîtriser l’erre et la vitesse


L’erre désigne l’élan conservé par le bateau une fois la propulsion
stoppée, c’est-à-dire quand le moteur est débrayé, ou les voiles
faseyantes. Cet élan – ou inertie – est proportionnel au déplacement du
bateau (sa masse) et au carré de sa vitesse, comme on l’a appris au
lycée : . C’est ainsi qu’à vitesse égale, un bateau deux fois plus
lourd aura besoin de deux fois plus d’énergie pour s’arrêter. Cette
énergie sera une combinaison de divers facteurs : moteur en marche
arrière, frottement de l’eau sur la carène, poussée éventuelle du vent sur
la coque et le gréement, voire tension sur une amarre ou choc frontal
contre un quai ! 42
On l’aura compris, un bateau plus lourd s’arrête plus difficilement. S’il
n’est pas aisé de modifier le déplacement (c’est-à-dire le poids) de son
bateau, au moins doit-on contrôler sa vitesse. Celle-ci intervenant au
carré, cela signifie qu’un navire évoluant à 3 nœuds (la limite
généralement autorisée dans les ports) réclamera neuf fois plus
d’énergie pour s’arrêter que s’il avance à un nœud. Cela signifie aussi
que si l’on ne le freine pas, la violence d’une collision potentielle sera
neuf fois supérieure.
De ces considérations découlent deux règles :
– L’équipage d’un bateau lourd doit tenir compte d’une inertie
importante au contraire d’un déplacement léger qui possède peu d’erre.
Savoir doser cet élan en fonction des conditions de vent et de courant
est l’un des points clés de la manœuvre.
– La vitesse de manœuvre doit être la plus réduite possible, tout en
gardant les qualités évolutives du bateau pour conserver la maîtrise de la
trajectoire. Ce compromis dépend lui aussi des conditions extérieures,
un bateau trop lent risquant de subir une dérive excessive.
Et le freinage ? Sur un bateau, aucune solution n’a d’effet instantané.
Mettre en marche arrière suppose un certain délai, l’inverseur devant
d’abord passer au point mort. De plus, même en battant en arrière, il faut
du temps pour casser l’erre et stopper effectivement le bateau, d’autant
que l’efficacité de l’hélice tournant à l’envers est moins bonne. À part une
violente rafale de vent de face, efficace mais aléatoire, le frein de
secours est l’aussière. Placée en pointe ou en garde, l’amarre doit être
retenue côté quai ou ponton, sur n’importe quel point d’appui, taquet,
bitte ou bollard, en effectuant un tour mort. Ne pas bloquer brusquement
l’aussière, ce qui ferait pivoter le bateau en risquant de l’envoyer
percuter un ponton ou le voisin, il faut retenir en souplesse, en laissant
filer légèrement.
Cette équipière utilise la bonne méthode pour contrôler une aussière, avec un
tour mort. Sans risque ni effort, on peut ainsi freiner efficacement le bateau ou, par
vent ou courant traversier, l’empêcher de s’éloigner du quai.

Safran, trajectoire et giration


Le safran peut se comparer à une aile immergée dans un écoulement
fluide. Quand une inclinaison (ou incidence) lui est donnée par le barreur,
il se crée une force perpendiculaire à son profil qui se décompose en
deux autres forces : la portance et la traînée. Alors que la traînée est un
frein, c’est la portance qui contribue à faire pivoter l’arrière du bateau.
Ces notions sur le fonctionnement des profils sont approfondies à la fin
de ce chapitre ►. Ce qu’il nous faut retenir lorsqu’on évoque les
manœuvres de port, c’est que la portance du safran augmente avec
l’accélération des filets d’eau sur ses joues. Cette accélération pouvant
résulter de l’accroissement de la vitesse du bateau dans son élément
liquide, mais aussi être provoquée par les remous de l’hélice.
Avec ces principes en tête, allons faire un tour, plus exactement une
giration. On s’aperçoit que le bateau tourne autour d’un point placé sur
l’avant de la quille, que l’arrière ne passe pas dans le même chemin que
l’étrave et qu’il chasse vers l’extérieur du virage, en particulier au début
de la giration 43. Dans l’espace réduit d’un port, cet effet doit être
anticipé et maîtrisé, le tableau arrière risquant de toucher un obstacle en
dérapant.
L’affaire se complique sous l’effet du vent. Le bateau dérive, le cercle
de giration s’ovalise, et le virage s’achève sous le vent du point théorique
d’arrivée : ceci s’anticipe aussi, lorsqu’on veut rester maître de sa
trajectoire. Si l’on doit exécuter un virage dans un espace restreint, on
constatera que face au vent le rayon de giration se réduit, dos au vent il
s’élargit.

Exécuter un demi-tour sur place


Pour une hélice pas à droite, le demi-tour sur place ne peut se faire
que vers la droite.
Le barreur met la barre à droite toute, en donnant un coup de fouet
en avant pour amorcer la rotation. À partir de ce moment-là, il ne modifie
plus l’angle de barre, le contrôle de la giration passe uniquement par la
commande de l’inverseur. Dès que le bateau prend de l’erre, il embraye
en souplesse en marche arrière. L’erre s’annule.

LE COUP DE FOUET
Il est possible de virer dans un espace réduit, en poussant la barre à fond du
côté souhaité tout en donnant de brefs et énergiques coups de gaz en avant, dits
« coups de fouet ». Le safran reçoit un puissant flux de l’hélice qui fait chasser
l’arrière et pivoter le bateau sur place, avant qu’il ait pris de la vitesse.
En marche arrière, le coup de fouet n’agit pas sur le safran, mais il exploite
l’effet de pas. On l’utilise à vitesse faible ou à l’arrêt, soit au moment d’accoster, soit
pour réduire le rayon de giration au cours d’un demi-tour. Lors du coup de gaz en
arrière, l’hélice (pas à droite) fait pivoter le cul du bateau vers bâbord, avant même
que le safran ne soit actif, puisqu’il ne reçoit pas le flux de l’hélice et que la vitesse
est nulle.

La technique du coup de fouet. Barre à fond, un coup de gaz et le remous de l’hélice


font pivoter le bateau.
Réaliser une marche arrière en neutralisant l’effet de pas. 1 On se présente en
marche avant, perpendiculairement à la trajectoire finale. 2 On engage un virage à 90°
à gauche, en débrayant. 3 On embraye résolument en arrière, l’effet de pas et l’inertie
du bateau en rotation s’annulent : on commence à reculer droit. 4 On garde juste ce
qu’il faut de gaz en marche arrière pour maintenir l’erre jusqu’au point visé. 5 Un coup
de marche avant stoppe le bateau.

L’effet de pas fait déraper l’arrière sur bâbord, accentuant ainsi le


virage dans le sens des aiguilles d’une montre. Quand le bateau
commence à reculer, le barreur repasse en marche avant et redonne un
coup de fouet pour entretenir la rotation. Il renouvelle ces actions sur
l’inverseur jusqu’à ce que le demi-tour soit terminé.

Accoster un quai en marche arrière, sans vent


ni courant
La manière la plus élégante et efficace d’accoster en reculant est de
débuter la manœuvre de loin. On lance le bateau en marche avant à
régime lent en amorçant un arc de cercle vers la gauche. On débraye en
laissant le bateau courir sur son erre, mais en contrôlant la trajectoire à
la barre. Dès qu’on embraye en arrière, le bateau recule droit, l’effet de
pas contrariant et stoppant la rotation engagée, ce qui permet d’accoster
sur bâbord ou tribord, parallèle au quai.
Si l’on n’a pas l’opportunité de s’inscrire en premier lieu sur une
courbe, on s’efforcera de passer en marche arrière le plus
progressivement possible, de façon à limiter l’effet de pas, avant de
redresser la trajectoire à mesure que le bateau acquiert de la vitesse.
Quelle que soit la manœuvre entreprise, se rappeler qu’en marche
arrière les actions de barre sont inversées par rapport à la marche avant.
Mais il faut bien attendre que le bateau ait pris un peu de vitesse en
arrière pour inverser la barre. Car même avec le moteur embrayé en
arrière, si le bateau garde encore de l’erre en avant, inverser la barre fera
pivoter le cul à l’opposé de la direction voulue.
En marche arrière, la barre doit systématiquement être tenue à deux
mains, le safran risquant de partir brutalement en butée. Les angles de
barre doivent rester limités, et la vitesse mesurée 44.

LE CAS DES BI-SAFRANS


Sur un monocoque classique, l’hélice est placée devant l’unique safran, et dans
son axe pour qu’il bénéficie du flux qu’elle génère.
Pour les voiliers larges dotés de deux safrans fortement espacés et d’une hélice
centrale, les remous de l’hélice n’atteignent que partiellement les safrans, ce qui
réduit leur efficacité. En marche avant, on ne peut plus recourir à l’effet coup de
fouet et le meilleur moyen pour rester manœuvrant est de garder de la vitesse. Il faut
savoir se donner plus de place pour évoluer, et faire preuve de plus d’anticipation.
En marche arrière, l’effet de pas demeure efficace. Avec certains voiliers bi-
safrans, on se simplifie parfois la tâche en préférant rejoindre sa place de port en
marche arrière plutôt que d’évoluer en marche avant.

Les amarres
e
Au XIX siècle l’aussière (ou haussière, pour les amateurs de Scrabble)
était un type d’amarre. Aujourd’hui, les deux mots sont synonymes, tout
comme le sont les mots bout et cordage. Les amarres sont des cordages
destinés à immobiliser les bateaux contre un quai ou un ponton.
Diamètre, mode de fabrication et matériau sont spécifiquement pensés
pour cet usage.
L’amarre doit faire preuve d’une bonne résistance à la traction et aux
frottements, tout en gardant une grande capacité à amortir les chocs
grâce à un important taux d’allongement. Voilà pourquoi on ne doit pas
reconvertir en aussières les vieilles drisses et écoutes, qui
répercuteraient les à-coups du moindre clapotis sur les taquets du bord.
Tressées ou toronnées, les aussières sont de préférence en polyester ou
en polyamide pour leur élasticité et leur résistance. Moins chères, les
amarres en polyéthylène et en polypropylène ont l’avantage de flotter,
mais elles sont vulnérables aux frottements et, à diamètre égal, moins
robustes.
Les amarres portent chacune un nom déterminé par leur position et
leur fonction sur le bateau. Elles travaillent généralement en couple. Leur
efficacité est maximale lorsqu’elles sont orientées dans l’axe des efforts
qu’elles doivent vaincre.
– Les pointes. Placées à l’avant et à l’arrière, elles maintiennent le
bateau parallèle au quai, en limitant les déplacements longitudinaux.
– Les gardes. Elles sont orientées le plus longitudinalement possible
d’un point fixe situé sur le quai, à l’arrière, vers l’avant du bateau (garde
avant), et inversement d’un point fixe situé sur le quai, à l’avant, vers
l’arrière du bateau (garde arrière). Complément des pointes, les deux
gardes se croisent à peu près au milieu du bateau. Elles lui évitent de se
déplacer d’avant en arrière.
– Les traversiers. Frappés devant et derrière, perpendiculairement
au quai, ils maintiennent le bateau accosté.
Il est bon d’avoir à bord au moins six aussières, soit une pour chaque
usage, selon l’adage anglo-saxon « one line, one job ». La longueur des
pointes et traversiers doit au moins être équivalente à celle du bateau,
notamment dans les ports à marée. Compter deux fois plus pour les
gardes, de façon à pouvoir les passer en double avant d’appareiller.

C’est une très mauvaise habitude que de réaliser une garde et une pointe avec
une seule aussière. Chaque amarre doit pouvoir être réglée ou larguée isolément des
autres. Par conséquent : une seule fonction par cordage.
Dans la pratique, on n’a pas toujours besoin à la fois des pointes et
des traversiers, l’amarrage est à adapter au contexte de l’emplacement,
aux conditions météo et à la durée du séjour au port.

■ Les cas particuliers


– Sur un catway. Que le bateau soit orienté vers l’avant ou vers
l’arrière par rapport au ponton, une garde suffit, frappée à l’extrémité du
catway. Les pointes sur le ponton jouent aussi un rôle de traversier, et la
pointe sur le catway tient également lieu de garde.
– À couple. Si le bateau voisin est muni d’un taquet d’embelle (à mi-
chemin entre l’avant et l’arrière), il recevra les deux gardes que vous avez
préparées. En plus des deux traversiers établis entre les deux bateaux, il
est bienvenu de capeler deux pointes sur le quai pour stabiliser
l’ensemble, et réduire les efforts sur les amarres et les taquets du voisin.
Cette dernière précaution devient impérative lorsqu’on multiplie le
nombre de bateaux à couple sur un même emplacement.
– Dans un port à marée. Si l’on dispose d’espace, deux amarres de
pointes sont suffisantes, avec une longueur permettant d’absorber le
marnage. Le plus simple est de positionner les aussières à mi-hauteur du
quai, sur les échelles ou des anneaux, en les passant en double pour
pouvoir se détacher sans se mouiller à marée haute. Avec du ressac,
laisser un équipier à bord, les pare-battages risquant de remonter dans
les mouvements verticaux. Avec un emplacement à quai de longueur
limitée, il est nécessaire de placer des gardes et traversiers, qu’il faudra
régler plus souvent.
Le quai est agressif, ou composé de poutres verticales ? Voici une solution très
fonctionnelle, consistant à interposer une planche de bois entre défenses et quai.

LA TOULINE ET SA POMME
Dans certaines circonstances (franchissement d’écluse, quai élevé, passage de
remorque… et bien sûr manœuvres sur les bateaux de fort tonnage), il est difficile
de lancer une amarre à cause de son poids. On a donc recours à une touline, un
cordage plus fin, dont l’une des extrémités est nouée sur l’amarre à envoyer. L’autre
extrémité, libre, est terminée par un nœud parfois lesté, en forme de boule, pour
être facile à lancer.
Confection d’une pomme de touline. 1 Préparer trois boucles côte à côte (à passer
éventuellement autour d’une bille en bois ou métal). 2 Passer trois tours en ceinture, sans
serrer. 3 Insérer trois autres tours à l’intérieur de la première boucle. 4 Serrer
progressivement le nœud en commençant par les premières boucles.

Le lancer d’amarre. Frapper l’amarre au taquet du bateau. La passer à l’extérieur


des filières, et la lover entièrement. 1 Placer quatre à cinq tours dans la main
directrice et garder le reste dans l’autre main. 2 Armer le lancer en pivotant le buste,
comme un joueur de tennis prépare un coup droit. 3 Lancer l’amarre en restant stable
sur les jambes, la main tenant la réserve de cordage s’ouvrant pour que l’aussière
puisse continuer à se dérouler avec l’élan. 4 Garder le regard fixé sur le point visé.

■ Frapper une amarre


C’est l’extrémité de l’amarre qui doit être capelée, frappée ou nouée
(trois synonymes !) sur le quai, le ponton ou le voisin, le mou du cordage
étant repris à bord. Il s’agit là de civilité et d’esthétique, mais aussi de
sens marin : il faut pouvoir régler ses aussières depuis son propre
bateau.
Côté quai, une aussière se capèle sur un taquet ou une bitte
d’amarrage, plutôt par un tour mort et deux demi-clés, faciles à dénouer
sous tension. Si la bitte est déjà occupée par plusieurs amarres, on
n’aura probablement pas d’autre choix qu’un nœud de chaise, et on
passera la boucle à l’intérieur de celles déjà en place. En procédant ainsi,
le voisin pourra larguer ses amarres sans avoir besoin de faire la tournée
des bistrots du port pour vous prier de dégager vos aussières. Si
l’aussière s’achève par un œil épissé, la meilleure façon de la capeler sur
un taquet est de faire une tête d’alouette : la boucle passe dans le cœur
évidé du taquet, avant d’être rabattue en arrière de part et d’autre des
deux branches.
En procédant ainsi, on ne bloque pas les amarres de ceux qui sont arrivés avant
nous, et on pourra se larguer tout aussi facilement.

Passer une amarre en double est une solution temporaire (sur la


durée, le cordage s’use par ragage), utile le temps d’une manœuvre ou
pour une escale dans un port à marée. Dans ce cas, que l’aussière soit
passée autour du barreau d’une échelle de quai, autour d’une bitte ou
dans un anneau, bien repérer le brin qui, au moment de larguer les
amarres, provoquera le moins de frottements.
Faire un tour mort autour du point où l’on capèle l’aussière augmente
le portage et réduit le ragage, quel que soit le nœud d’amarrage choisi.
On limite aussi le frottement des amarres en veillant à ce qu’elles ne
soient pas en contact avec des objets anguleux et en évitant qu’elles
passent dans les chaumards 45 avec un angle trop faible.
Choisir le brin à ramener vers le bateau au moment où on largue une amarre en
double demande un peu d’observation et de réflexion. Sur le dessin, là où il y a une
croix rouge, ça coince. Dans le cas d’un anneau à plat sur le quai, une traction sur le
brin supérieur écrase l’anneau vers le bas, tandis qu’une traction sur le brin du
dessous le soulève, facilitant le glissement du cordage.

HALER, DÉHALER
Se déhaler, c’est tirer depuis le bateau sur une amarre fixée à terre. Lorsque le
navire est tiré depuis la terre ou le ponton, on dit qu’il est halé. En halant par une
pointe à l’étrave, on met le bateau en travers et on s’inflige des efforts inutiles. Il est
beaucoup plus efficace de haler (ou de se déhaler) depuis le point d’embelle.
Historiquement, ce terme désignait l’emplacement du navire, quelque part à mi-
chemin de la poupe et de l’étrave, où le pavois s’abaissait pour le passage des
hommes et des marchandises. Concrètement, c’est le point à partir duquel une
traction fait avancer le bateau sans qu’il pivote.
C’est tout bête. 1 Si l’on essaie de haler le bateau par une pointe avant, l’étrave se pince
contre le quai ou le ponton, et il faut redoubler d’efforts. 2 En tirant par le point d’embelle,
tout devient plus simple, le bateau se hale facilement, au besoin on ajuste la trajectoire par
une légère tension sur la pointe avant ou la pointe arrière.

Manœuvrer par vent fort


Le moteur d’un voilier est par définition « auxiliaire ». Sous-motorisé
par rapport à une vedette, le voilier ne peut pas compter sur la puissance
de son diesel pour s’arrêter net ou se dégager rapidement d’une situation
scabreuse. Et, même au moteur, l’effet du vent continue à avoir une
influence sur son équilibre.
Le vent agit sur ce qui est au-dessus de la flottaison (les œuvres
mortes, dans le vocabulaire maritime) et cet effet sera d’autant plus
important que le bateau est haut sur l’eau et son rouf proéminent. Par
vent violent, on prendra garde à réduire cette prise au vent (le fardage)
en ferlant soigneusement les voiles, en mettant annexe, planche à voile
ou paddle-board à plat-pont, en repliant capote et bimini, voire en
incitant les équipiers à s’accroupir ou s’asseoir au lieu de rester debout
et de contribuer au fardage.
Le vent a un effet évident sur la vitesse du bateau au moteur, le
poussant au vent arrière et le freinant vent debout, ce qui conduira à
ajuster les gaz. Il a aussi une influence sur le cap. Lorsque le vent souffle
sur l’avant du travers, l’étrave tombe naturellement sous le vent, le
bateau abat. Si le vent souffle sur l’arrière, il a tendance à lofer. Moteur
stoppé et soumis au seul effet du vent, un bateau oscille ainsi en feuille
morte tout en dérivant jusqu’à ce qu’il atteigne une position d’équilibre,
située travers au vent, plus ou moins lofé ou abattu suivant son type de
gréement et les formes de ses superstructures.
Comme nous l’avons vu au sujet de « Safran, trajectoire et
giration » ►, on pourra tirer parti d’une brise soutenue pour réduire le
rayon de giration en virant face au vent, ce qui est bien pratique entre
deux pontons. Au contraire, si la manœuvre est faite en passant par le
vent arrière, le cercle de giration s’ovalise sous le vent et ce demi-tour
s’élargit dans des proportions telles qu’on aurait bientôt besoin de la
zone d’évitage des cargos ! Attention aussi aux ronds dans l’eau qui n’en
sont pas, lorsque, par exemple, on attend l’ouverture d’un bassin à flot :
on décrit des spirales sans y prendre garde, jusqu’à se retrouver hors du
chenal. La dérive due au vent est aussi à surveiller au moment de
l’accostage, que le point d’arrivée soit au vent ou sous le vent. Dernier
trait de caractère du navire manœuvrant au moteur, et non des
moindres : quand on bat en arrière, le bateau tend à remonter cul au
vent, l’hélice le tirant derrière elle comme un drapeau. Par forte brise, ni
l’angle du safran, ni le pas de l’hélice ne peuvent contrer cet effet.

■ Accoster en marche avant, par vent fort de l’avant


Si l’on a le choix, on préfèrera accoster ainsi face au vent, dans la
mesure où le contrôle de la vitesse est facilité.
L’accostage sur garde avant est dans ce cas de figure la manœuvre la
plus efficace et la plus simple. On maintient à l’approche un régime
moteur suffisant pour garder de l’erre et ne pas faire tomber l’étrave sous
le vent. Le lieu d’accostage est visé non pas avec l’étrave, mais
légèrement en avant des cadènes, sous une trajectoire de 30° à 40° par
rapport au quai (20° à 30° sur le bord défavorable du pas). Dès que le
bateau touche le quai, on capèle rapidement la garde avant, et on
redonne (modérément) des gaz en mettant la barre à fond à l’opposé du
quai. Le safran joue son rôle car il reçoit un important flux d’eau généré
par l’hélice, l’arrière se colle au quai. Le moteur reste embrayé et la barre
bloquée, le temps de passer tranquillement les autres amarres.

En appui sur une garde avant, barre en butée et moteur embrayé, le bateau reste
stable le temps de passer les autres amarres.

L’AMARRE D’EMBELLE
L’accostage sur garde est encore plus rapide et sûr en utilisant une amarre
d’embelle frappée au point pivot du bateau : la rotation de l’arrière est grandement
facilitée. Rester mesuré dans les actions de gaz, le bras de levier et les efforts sur les
taquets étant alors importants. En équipage réduit, l’amarre d’embelle rend de
fameux services. On peut la doter par avance d’une boucle qui coiffera le taquet du
ponton sans qu’on ait à débarquer, mais aussi ramener son autre extrémité à un
winch de piano ou du foc, pour en ajuster la tension sans s’éloigner de la barre. En
l’absence de taquet à l’embelle, on peut placer une poulie volante sur la cadène de
hauban ou le rail de fargue, à titre provisoire le temps de l’accostage.

■ Accoster avec un vent de travers portant contre


le quai
Accoster un bateau dans de telles conditions n’est pas un choix mais
une contrainte. L’équipage se préparera à supporter le grincement des
défenses toute la nuit et le chef de bord aura raison de se soucier de la
manœuvre de départ ► si ce vent se maintient. Sur le papier, pourtant,
rien de compliqué. Il suffit de se présenter parallèle au quai et de se
laisser porter par le vent, jusqu’à l’accostage. Le seul moyen pour tenter
de contrôler la vitesse de dérive est d’accoster du côté défavorable
(tribord à quai pour une hélice pas à droite), en donnant un coup de barre
à gauche (vers le vent), suivi d’un coup de fouet en arrière : la dérive est
un instant ralentie, le bateau toujours parallèle au quai.

■ Accoster en marche avant, par vent de l’arrière


La difficulté réside dans la maîtrise de la vitesse. On choisira en
priorité le bord favorable (bâbord à quai pour une hélice pas à droite)
pour bénéficier de l’effet de pas de l’hélice en marche arrière. Se
présenter largement au vent du point d’accostage, puis virer court, cap
vers lui. Attention à l’erre qui se maintient à cause du fardage. Lancer la
marche arrière à fort régime pour stopper le bateau et coller l’arrière à
quai. Débrayer. Passer rapidement la pointe arrière et la bloquer. Le
bateau reste accosté, on met en place les autres amarres.

■ Accoster par vent de travers éloignant d’un quai


La manœuvre est similaire à un accostage en marche avant
standard… Mais avec un régime moteur beaucoup plus élevé pour
contrer l’effet du vent, ce qui nécessite une certaine dextérité. On
choisira, si possible, le bord favorable (bâbord pour une hélice pas à
droite). L’approche se fait avec un angle plus proche de la
perpendiculaire (de 40° à 60° par rapport au quai), sans hésiter à mettre
les gaz pour éviter que l’avant ne tombe sous le vent. On vise le lieu
d’accostage avec un point situé devant les cadènes de haubans. Plutôt
que d’essayer de tangenter le quai avec élégance, au risque de s’en
éloigner, ne pas hésiter à virer au plus court et venir prendre appui sur
une défense, en maintenant embrayé en avant. Passer une amarre à terre
au plus vite. Nous disposons désormais d’un point fixe. Si l’on a utilisé
l’amarre d’embelle, on va pouvoir la raidir au winch, ou jouer de
l’inverseur de façon à rester collé à quai le temps de finir de s’amarrer. Si
c’est une pointe arrière qui a été passée à terre, on embraye en avant,
barre orientée vers le quai. Le bateau pivote peu à peu autour de cette
amarre. Si l’aussière est sur l’avant, et qu’on est du côté favorable,
passer la marche arrière pour coller le cul par l’effet de pas. Si l’on a
accosté côté défavorable, il va falloir embrayer en avant avec un peu de
barre orientée à l’opposé du quai, ce qui fera pivoter le bateau, à
condition de donner du mou à l’amarre pour qu’il vienne parallèle au quai.

Manœuvrer avec du courant


Lorsque vent et courant se conjuguent, il faut savoir décider quel est
l’élément prépondérant. On pourra si nécessaire s’en faire une idée avant
l’approche finale, lors d’un tour d’observation, en se tenant à l’écoute des
réactions de son voilier. Les ordres de grandeur ne sont pas
comparables, un nœud de courant aura probablement plus d’impact sur
les trajectoires que quinze nœuds de vent. Partons ici du principe que
c’est le courant qui domine.

■ Accoster un quai face au courant : faire un bac


Manœuvrer face au courant, c’est ce dont on rêve tous les jours. Le
courant nous ralentit, la vitesse sur le fond (et donc par rapport au lieu
d’accostage) est faible, ce qui garantit une arrivée en douceur. Dans le
même temps, le safran est alimenté par le flux de l’hélice et reste en
permanence efficace, même si lorsqu’on reste parfaitement immobile par
rapport au paysage !
La technique s’appelle faire un bac. Moteur embrayé en avant, on
règle sa vitesse pour étaler juste celle du courant de face. La vitesse
relative étant nulle, le bateau est stable par rapport au lieu d’accostage, il
suffit d’incliner l’étrave vers la gauche ou la droite de façon à se déplacer
transversalement dans le lit du courant. En revenant face au courant, le
déplacement cesse. On vient à quai avec une grande précision 46.

■ Accoster un quai avec courant de l’arrière


Par courant fort, ce cas de figure peut s’avérer délicat, étant donné
qu’en marche arrière le safran est moins efficace. Si la configuration des
lieux le permet, il est préférable de réaliser un demi-tour plus loin, pour
revenir face au courant. Ou de choisir une autre place. Si c’est du
courant de marée, il finira par se calmer ou s’inverser et on reviendra
plus sereinement.
Cul au courant, le principe est le même que celui du bac. Le bateau
étant à la hauteur du point d’accostage, parallèle au quai, on embraye en
marche arrière en réglant le régime de façon à étaler le courant. En
inclinant l’arrière vers le quai le bateau vient accoster à vitesse quasi
nulle. Si l’on accoste du bord défavorable (tribord pour une hélice pas à
droite), incliner l’arrière de façon plus marquée pour compenser l’effet de
pas. Le moteur reste embrayé le temps de capeler une pointe arrière.
Dans ce type d’approche, le risque – réel – est de prendre trop d’angle
par rapport au quai (et au courant), jusqu’à se retrouver plus ou moins en
travers. Pour redresser, il faudrait embrayer en avant, ce qui reviendrait
alors à avancer très vite sur le fond… et vis-à-vis des obstacles. C’est
pourquoi cette technique ne doit être mise en œuvre que par courant
faible.

Accoster un catway
Fixés perpendiculairement aux pontons des ports de plaisance, les
catways (finger piers en anglo-américain) sont d’étroites passerelles
flottantes qui permettent un accès facile aux bateaux. L’espace entre
deux catways est calculé pour accueillir deux bateaux côte à côte, ce qui
réduit à deux possibilités les manœuvres d’accostage : en marche avant
et en marche arrière. Dans les deux cas, placer des défenses des deux
côtés pour le cas où l’on se retrouverait plaqué sur le bateau voisin. Et au
moment de débarquer amarre en main sur ces « passages pour chat », se
rappeler qu’ils peuvent s’enfoncer sous la charge...

■ En marche avant
À l’approche, on longe le plus près possible les bateaux du ponton
opposé. Viser le centre de la place, en modulant le régime moteur et le
cap selon la force du vent ou du courant. À environ deux longueurs du
point d’arrivée, le barreur débraye, laisse le bateau courir sur son erre
puis bat progressivement en arrière pour ralentir. Garde avant en main,
l’équipier placé à hauteur des haubans descend à l’extrémité du catway
et tourne son aussière pour contrôler – voire bloquer – l’avancée du
bateau. Un deuxième équipier descend pour amarrer l’avant. Si, sous
l’effet du pas de l’hélice, le bateau a pivoté, c’est en réglant les amarres
qu’il sera positionné parallèle au catway 47.

■ En marche arrière
S’amarrer arrière au ponton permet de monter à bord plus
facilement, c’est une position qui pourra être choisie pour transborder
matériel ou avitaillement, pour mettre la descente à l’abri du vent, ou
pour appareiller ensuite plus facilement, selon les prévisions météo.
Il faut partir de loin, en marche arrière à régime lent, pour amorcer un
grand arc de cercle de façon à arriver parallèlement au catway. Contrôler
la trajectoire en barrant face à l’arrière et en gardant de la vitesse, mais
veiller à ce que l’étrave ne touche pas les bateaux du ponton opposé. Si
besoin, donner un coup de fouet en avant pour redresser le bateau.
Quand l’arrière arrive au niveau du catway, débrayer et laisser courir sur
l’erre, avant de doser un coup de fouet en avant. La garde arrière est
tournée en premier sur le catway, suivie de l’amarre avant, qui évite au
bateau de pivoter.

L’équipier en charge de la garde avant descend à hauteur des haubans pour


contrôler l’avancée sur les tout derniers mètres. L’équipier qui gère la pointe avant est
prêt à débarquer à son tour, un troisième s’occupe de la défense volante. Le barreur
dose inverseur et angle de barre en fonction du vent ou du courant.

LE DÉPART
Sur un bateau, partir c’est beaucoup ranger. Caler tout ce qui pourrait
tomber, fermer panneaux et hublots, mettre de l’ordre sur le pont. Les
pleins sont faits, le niveau d’huile vérifié et le câble secteur débranché du
ponton, les gilets sont capelés, il est temps de démarrer le moteur et de
s’occuper des amarres. Pour la manœuvre de départ, on n’aura besoin
que de deux aussières, qui seront passées en double de façon à les
larguer depuis le bord. Lesquelles choisir ? C’est certes une affaire de
réflexion et d’expérience, mais l’observation peut beaucoup aider : les
aussières dont on va pouvoir se passer sont celles qui ne sont pas
tendues, car, compte tenu des conditions de vent ou de courant du
moment, le bateau ne les sollicite pas. On les largue, on les love et on les
range, un équipier se charge de la défense volante, on peut y aller.

Départ avec le vent sur la hanche opposée au quai. 1 Pointe avant et traversier
arrière sont en double, la plus grosse défense du bord est à l’étrave. On embraye en
avant lente. 2 Le traversier est largué, l’étrave s’appuie sur le quai. 3 Le cul du bateau
a passé le lit du vent. On embraye souplement en arrière. 4 Le bateau recule, la garde
est larguée.

Départ d’un quai sur garde, en marche arrière


Prendre appui sur le quai pour se dégager en marche arrière est la
manœuvre efficace et chic pour sortir d’un créneau 48. Qu’on soit bâbord
ou tribord à quai, cette technique est adaptée à la plupart des conditions,
en particulier quand vent ou courant plaquent le bateau contre le bord.
Son seul point faible se manifeste lorsqu’on est debout ou courant de
face, cas où l’on choisira de partir en marche avant, comme décrit dans
le point suivant.
L’étrave étant protégée par le plus imposant pare-battage du bord (un
modèle sphérique trouvera là son meilleur emploi), on largue toutes les
aussières, sauf la garde avant et un traversier arrière qui, passés en
double, maintiennent le bateau accosté.
L’équipage étant à bord, on peut larguer l’amarre arrière. Le barreur
embraye et met de la barre vers le quai. La garde avant se tend, l’étrave
se colle au quai sans choc, le safran alimenté par le flux de l’hélice écarte
le cul du bateau. On donne un cran de gaz supplémentaire pour amorcer
le pivotement du bateau. À mesure que l’arrière s’éloigne du quai, la
distance entre l’hélice et le point de retenue du bateau s’accroît : par
conséquent le couple de ces deux forces conjuguées augmente, ce qui
accélère le mouvement de rotation. Le barreur module les gaz pour
maîtriser cette évolution. Lorsque le bateau a pris suffisamment d’angle,
c’est le moment de lancer la marche arrière, barre dans l’axe 49. La garde
est larguée et vivement ramenée à bord 50. Le barreur, attentif à l’effet de
pas, maintient sa trajectoire en arrière pour éloigner le bateau de tout
obstacle. Une fois dégagé, il pourra faire cap vers la sortie du port.

Départ d’un quai sur garde, en marche avant


La technique du départ en marche arrière connaît une limite : lorsque
le vent ou le courant poussent de face ou sur l’épaule opposée au quai.
Le risque est de voir l’étrave rabattue sur le quai lorsqu’on amorce la
marche arrière. On procède donc à l’inverse, en s’appuyant sur la garde
arrière, jusqu’à ce que le nez du bateau ait franchi le lit du vent (ou du
courant), ce qui permet d’embrayer en avant.
L’appui sur garde arrière est moins efficace que sur garde avant, pour
trois raisons :
– La première tient aux formes du bateau. La partie avant est
pincée, le navire pivote donc naturellement lorsqu’en marche avant le
bordé se rapproche du quai. Les formes arrière sont plus droites, on
bénéficie beaucoup moins de cet effet de coin en marche arrière, et c’est
encore plus vrai sur les voiliers modernes aux arrières larges.
– Le safran ne reçoit pas d’eau de l’hélice lorsque celle-ci bat en
arrière, il n’intervient donc pas à ce stade de la manœuvre.
– La distance entre hélice et point de retenue n’augmente pas à
mesure que le bateau pivote sur sa hanche (pire, elle tend à diminuer). Le
couple des forces ne s’accroît pas.
o
Conclusion n 1 : il va falloir être patient.
o
Conclusion n 2 : raison de plus pour garnir l’arrière avec la plus
grosse défense disponible, on augmentera un tant soit peu ce couple.
Soyons patient, donc. On a conservé garde arrière et traversier avant
en double, tout le monde est à bord. Le barreur embraye en arrière. Le
traversier est largué, l’arrière prend appui sur le quai. On accélère plus
franchement que si l’on était en marche avant, et on attend. Petit à petit,
le nez va décoller du quai. Quand le bateau a assez d’angle pour se
dégager (environ 45°), le barreur passe en marche avant, barre dans
l’axe. Attention à l’effet de pas qui risque de rapprocher le cul si on est
tribord à quai, au besoin corriger légèrement avec la barre, le safran est
efficace puisqu’il est alimenté par l’hélice. La garde arrière est ramenée
rapidement pour ne pas risquer qu’elle se prenne dans l’hélice, si
nécessaire on débraye momentanément. Le bateau commence à prendre
de l’erre, devient manœuvrant et peut s’éloigner en sécurité.

Départ d’un catway par fort vent ou courant


Par vent faible et en l’absence de courant, toutes les manœuvres sont
faciles. Quitter un catway en larguant tout avec un équipier qui maintient
le bateau par le hauban et embarque au dernier moment relève de
l’enfance de l’art. Que se passe-t-il si ça souffle en rafale, ou avec un
courant significatif ?
Comme pour les autres manœuvres de départ, on va conserver deux
amarres en double, puis une seule. Prenons le cas, illustré page suivante,
d’un départ avec le vent sur l’avant (lors de ces prises de vue il soufflait
25 à 30 nœuds, sur l’épaule tribord). Le bateau est amarré nez au
ponton, ce qui est le cas le plus fréquent. Le vent tend à faire reculer le
bateau, la garde avant, destinée à l’empêcher d’avancer, est inutile : on
l’enlève. On va larguer la pointe tribord avant, et conserver la pointe
bâbord avant, qui joue un rôle complémentaire à celui de la pointe arrière
(cette dernière se comporte comme une garde) : toutes deux empêchent
le bateau de reculer, l’une rapproche l’étrave du catway, l’autre serre le
cul et tend par conséquent à écarter l’étrave. Ensemble, les deux pointes
tiennent le bateau en ligne, et en jouant des deux on peut reculer droit en
début d’évolution.
Départ avec le vent sur l’épaule opposée au quai. 1 On a conservé traversier
avant et garde arrière, on embraye en arrière. 2 L’amarre avant est larguée, le cul se
colle au quai. 3 On a franchi le lit du vent, maintenant ce dernier nous aide ; l’étrave
tombe sur bâbord, c’est gagné. Le barreur embraye en avant, il met un petit peu de
barre à droite pour écarter le cul. 4 La garde est larguée. On a déjà acquis de l’erre, on
pourra si nécessaire débrayer un instant le temps que l’amarre sorte de l’eau.
Sortie en arrière par vent de trois quart avant. 1 On a gardé pointe avant et
pointe arrière, la défense volante est prête, on embraye en arrière. 2 Le bateau
s’appuie sur ses défenses et se met en ligne, on choque simultanément les deux
amarres, puis assez vite la pointe avant est larguée. 3 On contrôle le recul en ligne
avec la tension de l’amarre arrière et l’effet de pas. 4 Le bateau a acquis de la vitesse,
la trajectoire est sous contrôle, l’étrave est bientôt dégagée, on largue tout.

Le barreur embraye en arrière, l’effet de pas déplace le cul sur


bâbord, tend à écarter l’étrave, ou en tout cas à l’empêcher de tomber
sur la gauche sous l’effet du vent. En choquant simultanément les deux
amarres, on amorce le recul. Bientôt la pointe avant ne sert plus à rien,
son angle de tire ne permet plus de contrôler latéralement l’étrave. On la
largue, et on joue de la tension de la pointe arrière, combinée à l’effet de
pas, pour reculer en ligne. Le barreur donne des ordres clairs, « freine »,
« choque ». Au besoin on rajoute un coup de gaz si l’étrave menace de
tomber sur bâbord. On largue en grand l’amarre et on la récupère lorsque
la trajectoire est sous contrôle et le bateau dégagé ou quasiment dégagé
du catway.
Cette technique se décline aisément selon les cas de figure, c’est-à-
dire selon la direction du vent ou du courant, et du sens dans lequel le
bateau était amarré, nez au ponton ou étrave vers la sortie.

Éviter autour d’un catway


Dans l’exemple précédent, le barreur aurait pu souhaiter forcer un
virage en marche arrière sur bâbord, de façon à se mettre dans l’axe de
la darse 51 pour sortir. Il lui aurait suffi pour cela de faire éviter le bateau
sur sa pointe arrière, le catway servant de retenue.
Si l’on a anticipé ce besoin de pivoter, il y a encore moyen de faire
mieux, en utilisant non pas la pointe arrière mais une amarre d’embelle,
dont la tension s’exercera précisément au point de pivot du bateau. Non
seulement ce traversier va faire pivoter le bateau, mais il aidera aussi à
gérer la dérive sur tribord sur voilier, qui vient progressivement vent de
travers et subit les rafales. Il suffit de régler au fur et à mesure la
longueur de l’aussière pour décider de combien on veut tomber sous le
vent avant de prendre de la vitesse et de se libérer.
Éviter par l’embelle. Faute de taquet au point de pivot du bateau, on a utilisé la
cadène de barber de spi et une poulie volante pour gréer en double une amarre
d’embelle, qui revient sur un winch de piano. L’équipier a choqué progressivement
pour permettre au bateau de reculer dans la darse, tout en gardant suffisamment de
tension pour l’aider à pivoter.

On comprend aisément que cette technique d’évitage autour d’un


catway permet de contrôler sa trajectoire dans les situations de vent ou
de courant important. La technique mérite évidemment d’être adaptée
en fonction des circonstances selon qu’on sort en marche avant ou en
marche arrière, que le vent est de face ou le courant traversier, etc. Si
l’on veut pivoter du côté opposé au catway, on passe son amarre en
double sur le bateau voisin (avec la permission de son équipage).

L’AMARRAGE SUR PENDILLE


En Méditerranée, l’amplitude des marées étant très faible, le système
d’amarrage s’apparente souvent à un mouillage. Les bateaux accostent
cul à quai, perpendiculairement à lui, les uns à côté des autres. Ils sont
tenus, à l’arrière, par des amarres capelées sur quai ou ponton et à
l’avant par leur propre mouillage ou par une pendille. C’est ce deuxième
cas de figure qu’on trouvera quasi exclusivement dans les ports français,
le mouillage cul à quai étant plutôt une spécificité de la Méditerranée
orientale.
Souvent constituée d’une chaîne prolongée par un bout, la pendille
est accessible depuis le quai. Son autre extrémité est reliée à une
chaîne-mère de forte section étendue au fond du port.

La pendille et sa chaîne-mère.

L’approche se fait de loin en marche arrière, sur une ligne droite ou


sur un arc de cercle lorsque les pendilles sont disposées sur des pontons
perpendiculaires au quai et composant des darses. Le tableau arrière du
bateau est protégé par une ou deux défenses, les autres défenses étant
équitablement réparties de chaque bord. On s’insère dans sa place sur
l’erre, en contrôlant la trajectoire à la barre. À l’approche du quai, on
donne des petits coups de marche avant, barre dans l’axe, pour casser
l’erre. On doit venir mourir sur le quai à l’arrêt. On débarque alors un
équipier pour tourner les deux pointes arrière à quai 52 (ou on les passe
au marin du port venu obligeamment nous aider).
On remet les gaz en avant lente et barre droite, le cul à 1,50 mètres
du quai de façon à maintenir le bateau en ligne, le temps de récupérer la
pendille. En principe, on choisira de prendre la pendille située côté mer,
mais il est préférable de s’en assurer en tirant dessus : si le bateau d’à
côté pivote vers vous, ce n’est pas la bonne ! Faire filer la pendille jusqu’à
l’étrave, et la tourner au taquet. En marche arrière, on va la mettre en
tension en reprenant le mou des pointes, que l’on règle de façon à
pouvoir débarquer par la jupe ou la coupée 53.

Les autres amarrages méditerranéens


Dans certains ports, le système de pendille est remplacé par des duc
d’Albe plantés de part et d’autre de chaque emplacement. La manœuvre
est identique à la précédente et les pointes avant seront capelées sur
ces pieux. La pendille laisse aussi parfois place à une bouée de corps
mort que l’on pourra saisir au passage, avec une longue aussière… Mais
on préfèrera d’abord capeler sur le quai des pointes arrière de grande
longueur, pour revenir en marche avant vers la bouée, et finir la
manœuvre en réglant ces trois amarres.
Dans les ports de Grèce ou de Turquie, l’accostage se fait bien
perpendiculairement au quai, mais sur ancre. La meilleure approche
consiste à venir parallèle au quai, en laissant sur tribord (de loin,
attention à leur chaîne de mouillage) les étraves des bateaux déjà en
place. Un peu avant d’arriver à hauteur de l’emplacement visé, on lance
le bateau sur une courbe, inverseur au point mort. Une fois
perpendiculaire au quai, on bat en arrière, l’effet de pas stoppe la
rotation (c’est le même type d’approche que celui qui est décrit pour
l’accostage en marche arrière ►). Si l’on ne peut procéder ainsi en
lançant préalablement le bateau sur une rotation en marche avant, venir
en marche arrière de loin, de façon que l’effet de pas se soit dissipé. À
trois-quatre longueurs du quai, on mouille en continuant à reculer.
La chaîne doit filer rapidement 54. Si elle se tend et que le vent souffle
par le travers, on va commencer à éviter dans l’axe du vent, ce qui oblige
à recommencer depuis le début. La fin de la manœuvre est comparable à
l’amarrage sur pendille. Une fois les pointes tournées à quai, on remonte
sur son ancre, on bloque la chaîne, on embraye doucement en arrière
pour rapprocher le cul du quai (et pour vérifier la tenue de l’ancre ! 55), et
on se règle à bonne distance pour débarquer 56.

Une ancre n’est pas conçue pour tenir par fort vent de travers. Des gardes
ainsi ramenées au quai contribueront grandement à la sérénité… À moins qu’un voisin
au vent, n’ayant pas pris les mêmes précautions, finisse par chasser et vous tomber
dessus.
S’AMARRER À COUPLE
Venir à couple d’un bateau, c’est accoster un lieu privé, s’inviter chez
un voisin par manque de place ailleurs et sans y être invité. Par
courtoisie, même si la direction du vent est défavorable, on choisira de
s’amarrer dans le même sens que le voisin, sauf s’il y a un risque pour le
gréement. En effet, les voiliers pouvant gîter et rouler de façon non
synchronisée, on veillera à ce que les mâts soient décalés, pour éviter
que les haubans ne s’emberlificotent, que les espars tricotent, bref, que
le ciel nous tombe sur la tête. C’est le réglage des gardes qui permettra
de décaler les gréements. Par prudence, on pourra accoster à la main, en
se déhalant sur la garde arrière que l’on aura envoyée au bateau
accueillant. Les deux unités étant côte à côte, on complètera l’amarrage
avec deux traversiers et la garde avant croisée avec la garde arrière… Si
la météo annonce du vent ou si l’on souhaite prolonger le séjour à
couple, on passera deux pointes avant directement sur le quai pour
limiter les efforts subis par le bateau visité.

ET SI LE MOTEUR TOMBE EN PANNE ?


Une panne subite de moteur alors qu’on prépare son accostage ou
qu’on vient d’appareiller n’est pas foncièrement une catastrophe, pourvu
qu’on ait les capacités de réagir rapidement. C’est pourquoi le taud 57 de
grand-voile ne doit pas être mis sur la bôme (ou le lazy-bag refermé)
avant d’être amarré, et pourquoi on le retire avant de quitter sa place. La
grand-voile doit être ferlée pour réduire le fardage et dégager la vue,
mais la drisse doit être frappée sur la têtière. Le foc est lui aussi en place
(ou prêt à être déroulé s’il est sur enrouleur).
– Si le moteur tombe en panne dans une darse étroite, mieux vaut
laisser le bateau dériver sur les voisins ou un coin de catway que tenter
l’impossible. On limitera les chocs avec les défenses en cherchant à
stabiliser la situation au plus vite à l’aide d’amarres. On prendra ensuite
le temps de le dégager avec méthode, parfois en le halant avec des
aussières, souvent avec l’aide de la capitainerie.
– Si la panne survient dans le chenal d’entrée ou dans l’avant-port, la
préoccupation est de retrouver de l’erre pour redevenir manœuvrant. On
enverra de la toile devant si on est vent de travers ou vent portant. On
hissera en revanche la grand-voile si on est au bon plein ou au près. Au
près, il est toujours possible de réduire la vitesse en lofant ou en
choquant. Au portant, on sous-toilera largement : dérouler ou hisser un
bout de foc peut largement suffire.
Si le moteur refuse tout service avant les jetées, on pourra tenter une
manœuvre de port à la voile, la capitainerie étant prévenue. On réduira la
surface de toile de façon à avoir juste assez d’erre pour rester
manœuvrant. On choisit le point d’accostage le plus évident 58. La
manœuvre d’accostage dépendra des conditions et du savoir-faire de
l’équipage :
– Vent parallèle au quai. Approcher au bon plein sous grand-voile,
en régulant la vitesse à l’écoute. Lofer pour venir face au vent, parallèle
au quai.
– Vent venant du quai. L’approche se fait au bon plein, sous grand-
voile seule, en régulant la vitesse avec l’écoute. Affaler, finir sur l’erre en
abattant pour se mettre parallèle quai. Si le bateau a trop d’erre, dérouler
le foc et abattre pour reprendre la manœuvre.
– Vent portant sur le quai. Cette manœuvre dangereuse est à éviter,
puisqu’il est difficile de maîtriser la vitesse du bateau. En cas d’urgence,
on approchera sous foc seul, voire à sec de toile. En lofant, on vient
parallèle au quai puis on se laisse dériver sur lui pour accoster.
– Avec du courant. Quel que soit le sens du courant, on privilégie la
manœuvre face à lui, en réglant la voilure de façon à accoster à l’arrêt.
Ceci dit, si le courant est trop fort, on attendra, au mouillage ou sur un
coffre, le moment de l’étale pour venir accoster à la voile.
MANŒUVRER AVEC UN CATAMARAN
Allure massive et prise au vent imposante, un catamaran de croisière en
manœuvre peut faire penser à un poids lourd évoluant sur un parking saturé.
Erreur, son évolutivité est favorisée par ses deux hélices et ses deux safrans.
Chaque coque ayant son moteur indépendant, il peut virer sur place et accoster en
finesse. Sa largeur est aussi un atout, elle permet de jouer à fond des effets de
levier.

Accoster en marche arrière


Cette technique est la plus courante. Pointes avant et arrière prêtes à l’emploi,
le barreur met le cap sur le quai en marche arrière, choix qui lui donne la meilleure
visibilité. La pointe arrière est facilement passée à terre depuis la jupe. Le barreur
met en avant le moteur opposé au quai, barre dans l’axe. Retenu par la pointe, le
catamaran pivote et se met parallèle au quai. On peut alors tourner la pointe avant
et terminer l’amarrage.

Retenu par la pointe arrière, et en avant lente sur le moteur extérieur, le


catamaran pivote pour venir se coller au quai.

Départ en marche avant


Cette manœuvre, symétrique à la précédente, est aussi un classique. La
pointe arrière étant passée en double, la jupe côté quai est protégée par une
défense volante. Le barreur embraye en marche arrière sur le moteur opposé au
quai. L’avant du catamaran décolle du quai et pivote vers l’extérieur. Une fois le
bateau dégagé, le barreur met au point mort. Un équipier récupère la pointe.
L’arrière étant clair de tout filin, on peut battre en avant sur les deux moteurs et
s’éloigner du quai.

Accoster en marche avant


Compte tenu du manque relatif de visibilité vers l’avant depuis le poste de
barre de bien des catamarans, cette manœuvre est plus délicate à réaliser. Le
barreur approche l’étrave du quai, guidé par un équipier qui saute à terre dès
l’accostage (attention à la hauteur du franc-bord), pour capeler la garde avant. En
différenciant les moteurs (côté quai en avant et côté large en arrière), le
catamaran pivote sur lui-même, retenu par la garde, pour venir parallèle au quai.

Départ en marche arrière


C’est la situation classique d’un appui sur garde avant, comme un
monocoque. La différence est qu’en agissant sur le moteur extérieur, le catamaran
pivote encore plus facilement sur l’étrave côté quai. Quand il est en position pour
sortir de sa place, les moteurs sont mis au point mort. Un équipier récupère
l’amarre puis le barreur embraye les deux moteurs en arrière pour se dégager de
tout obstacle et partir.
APPAREILLER
Inventaire et avitaillement du bateau sont achevés. À l’intérieur tout
est bien calé, vannes fermées, capots et hublots verrouillés. L’équipage a
reçu les instructions nécessaires, celles-ci ont été présentées, expliquées
et consignées sur le livre de bord, le moteur a été vérifié, la carte des
environs est prête, la météo est prise, le matériel de sécurité est au
complet, si quelqu’un tombe à l’eau un plan d’action a été envisagé et
chacun saura quoi faire.
On a préparé la route, ainsi qu’une alternative en cas de besoin. Les
calculs de marée ont été reportés sur le livre de bord – ils sont toujours
plus faciles à effectuer au port qu’en pleine mer. On a lu les documents
nautiques. Il faut toujours être prêt, mais le respect de ces quelques
consignes de bon sens sera encore plus scrupuleux si l’équipage est
réduit…
Enfin, ayant constaté la bonne préparation du bateau et de
l’équipage, le chef de bord réunit celui-ci, lui explique la manœuvre de
départ et précise son rôle à chacun.
Tous les marins ont vécu ce moment et l’appréhension lancinante qui
l’accompagne : il semblerait bien qu’il manque quelque chose. Mais
quoi ? On vérifie qu’on n’a vraiment rien oublié, on procède aux ultimes
rituels (aller aux toilettes par exemple). Cette inquiétude en général
signifie qu’on a trop traîné à terre et qu’il est temps de partir…

METTRE EN PLACE LA VOILURE


Les conditions météo déterminent les voiles qu’il faudra porter une
fois en mer (grand-voile haute ou avec un ou deux ris, génois sur
enrouleur ou solent, etc.). En toutes circonstances, un bateau doit rester
manœuvrant : sa voilure doit être équilibrée pour lui assurer la puissance
dont il a besoin, ni plus ni moins. On parle de la toile du temps. C’est le
vent qui souffle en mer et non au port qui guidera le choix. Aussi, lorsque
le port est abrité, faut-il estimer le vent que l’on devrait rencontrer en
mer, une fois quitté l’abri des digues et de la côte.
Gréer les voiles ne présente guère de difficultés. On doit le faire avant
d’appareiller car nul n’est à l’abri d’une défaillance de moteur. Hissées ou
déroulées rapidement, elles peuvent être d’un grand secours et éviter
petites ou grandes catastrophes. Le mouillage lui aussi doit être clair et
facile d’accès, pour être rapidement opérationnel. Comme au début de
toute manœuvre, bouts, écoutes et drisses doivent être rangés. Ils ne se
prendront pas dans l’hélice.

Préparer la grand-voile
La bordure de la grand-voile est étarquée, sans plus. On en reprendra
le réglage en mer, en fonction des conditions météo. On attend le dernier
moment avant la manœuvre de départ pour mettre la drisse en place. Sur
la têtière, il y a parfois plusieurs trous et se pose alors une question :
« Lequel choisir ? » Cela dépend de la hauteur libre entre têtière et poulie
de drisse de grand-voile (une fois la voile hissée). La drisse doit se placer
dans le sens des efforts principaux qui s’exercent sur elle, c’est-à-dire ni
trop verticale (seul le guindant serait tendu et la chute aurait tendance à
arracher le haut de la têtière), ni trop horizontale (le haut de la têtière
serait écrasé sur le mât et s’abîmerait). En général, le bon œillet où
frapper la drisse est celui qui est le plus proche de la ralingue.
On vérifie aussi le circuit de l’écoute de grand-voile, ainsi que la
présence du nœud en huit à son extrémité.
Juste avant d’appareiller, on enlève le taud et la plus grande partie
des rabans 59. On n’en laisse que quelques-uns, juste de quoi maintenir
la voile sur la bôme.

Préparer le foc ou le génois


Si le foc est sur enrouleur, la drisse est étarquée sans excès et mise
au taquet. L’excédent est soigneusement lové. On vérifie que la bosse de
l’enrouleur est claire et qu’elle pourra filer sans s’emmêler une fois
larguée 60.
Si le foc est à endrailler, on le déplie sur le pont et on fixe les
mousquetons sur l’étai en commençant par le point d’amure. S’il y a du
clapot ou que le vent est fort, il est judicieux de penser à clipser le
mousqueton supérieur sous le paquet des autres mousquetons, ainsi le
foc ne prendra pas le vent et ne montera pas tout seul en se déployant.
On frappe les écoutes au point d’écoute à l’aide d’un nœud de chaise
bien souqué, on les met en place sur leur circuit, avec un nœud en huit
aux extrémités. On s’assure qu’elles sont claires et peuvent filer
facilement.

SORTIR DU PORT
Nous avons traité précédemment les manœuvres permettant de
quitter son emplacement à quai ou au ponton, et nous aborderons plus
loin la façon de relever son mouillage ou de larguer un coffre. Nous nous
intéressons ici au moment précis où le bateau est en train de quitter le
port.
L’équipage est affairé à ranger les défenses et les aussières, à
enlever les derniers rabans. L’équipier en charge du rôle de navigateur
est déjà à son poste. C’est important : on ne compte pas les bateaux qui
s’échouent ou qui talonnent juste à la sortie du port, parce qu’on a omis
de désigner assez tôt un équipier pour ce poste clé !
Le navigateur donc – puisque navigateur il doit y avoir – guide le
bateau vers une zone tranquille et dégagée où l’on pourra se mettre face
au vent et établir les voiles.

Établir la grand-voile
Il faut avant tout maintenir le bateau face au vent, la grand-voile étant
plus facile à hisser dans cette position qui évite les frottements latéraux
sur le guindant ou les coulisseaux (ils glissent ainsi mieux dans le rail).
Mais la bôme se débat au-dessus du cockpit, alors attention aux têtes !
Pour maintenir le voilier bout au vent, le plus simple est de garder le
moteur embrayé en avant lente.
Une fois le hale-bas et l’écoute de grand-voile largement choqués, on
pèse 61 la balancine pour soulager la bôme. On hisse alors la voile en
gardant les yeux en l’air – il faut toujours observer l’effet de la manœuvre
à laquelle on est en train de procéder. Un équipier peut aider la grand-
voile à monter en se saisissant de la drisse à la sortie du pied du mât
pendant que l’équipier de cockpit reprend le mou. Une fois la voile haute,
la drisse est étarquée au winch jusqu’à ce que les plis disparaissent le
long du mât. On la bloque et on la love soigneusement (elle doit toujours
être claire pour pouvoir filer rapidement si l’on doit affaler en urgence).
Reste à mollir la balancine, à border l’écoute de grand-voile puis le hale-
bas en abattant progressivement. Le moteur est mis au point mort.
Certains voiliers sont équipés de lazy-jacks (des cordages qui
forment de part et d’autre de la bôme un réseau partant de deux points
situés de chaque côté du mât et aboutissant à plusieurs points de
chaque côté de la bôme). Ce dispositif est très pratique quand on affale,
mais quand on hisse il faut veiller à rester bien bout au vent, et bien
mollir le palan d’écoute de façon à ce que la bôme s’oriente librement et
que la chute et les premières lattes passent au milieu des lazy-jacks,
sans les accrocher.
Un hale-bas rigide repousse la bôme vers le haut lorsque son palan est molli. Ce
dispositif permet éventuellement de se passer de balancine.

Ce trimaran est équipé de lazy-jacks et d’un lazy-bag. À l’affalage ou lors d’une


prise de ris, la grand-voile tombe entre les cordages composant les lazy-jacks puis
entre les pans de toile du lazy-bag : nul besoin de la ferler. Au port, on ferme le zip
pour protéger la voile des UV.
Établir la voile d’avant
Avec un génois sur enrouleur, on choque la bosse progressivement
en contrôlant son enroulement au fur et à mesure du déroulement de la
voile tractée par l’écoute. Ne jamais la larguer en grand, ce qui est le
meilleur moyen de la faire dérailler du tambour de l’enrouleur ou de lui
faire faire des coques, signes précurseurs d’une longue séance de
démêlage à l’avant du bateau…
On vérifie le circuit des écoutes (elles sont libres et munies de nœuds
en huit), et il n’y a plus qu’à hisser, étarquer, ajuster la position du chariot
d’écoute de foc et régler. La drisse est soigneusement lovée, ou rangée
dans la baille à bouts. Il est temps de couper le moteur.

Qu’il s’agisse d’établir la grand-voile ou un foc, c’est toujours plus facile


lorsqu’un équipier hisse à la volée au pied de mât. La drisse est reprise au piano,
bloqueur fermé. On termine d’étarquer au winch.
Régler la tension de la drisse. 1 Les plis verticaux sur le guindant signalent une
surtension de la drisse. 2 Si à l’inverse des festons apparaissent, le foc mérite d’être
mieux étarqué.
RÉDUIRE LA VOILURE
Pour réduire la voilure – c’est-à-dire diminuer la surface de toile
portée par le voilier –, il y a plusieurs méthodes complémentaires :
prendre des ris, rouler le foc ou le remplacer par une voile d’avant plus
petite. On réduit la toile quand le vent fraîchit (il faut porter la toile du
temps), et dans certaines circonstances où la voilure de manœuvre
s’impose.
Prendre des ris ou enrouler une bonne partie du génois équilibre
mieux le bateau, diminue la gîte et améliore la visibilité sous le vent, tout
en favorisant un meilleur contrôle de sa vitesse, ce qui permet de mieux
se concentrer sur la navigation. C’est très utile dans les passages
délicats, en pilotage ou quand on effectue une arrivée de port avec un
moteur en panne. On dit alors qu’on porte la voilure de manœuvre.

QUAND FAUT-IL RÉDUIRE ?


Il est toujours plus sage de porter la toile du temps, à savoir celle que
l’on tient aussi bien au portant que pour faire route au près. Quand un
voilier navigue aux allures portantes, il doit pouvoir lofer subitement et
faire route plus près du vent. Bien évidemment, ceci s’apprécie
différemment lorsqu’on navigue sous spi : il faut bien l’affaler avant de
pouvoir lofer.
Un petit clic vaut mieux qu’un grand plouf. La navigation sous voilure réduite fait
partie des circonstances où l’on s’attache.

Mais quand faut-il réduire la toile ? Prenons un cas concret.


Le bateau porte toute sa toile et la brise a fraîchi, elle soufflait à
10 nœuds et frise maintenant les 20 nœuds. Mais la force exercée par le
vent dans les voiles a augmenté encore plus vite : elle a quadruplé ►.
Sur le bateau, cela se sent !
Aux allures proches du vent, la gîte est trop forte : elle freine le
bateau. Si la force exercée sur les voiles est plus importante, une grande
partie de celle-ci se perd à appuyer le bateau sur l’eau, au détriment de
son action propulsive. La carène remue beaucoup d’eau, le bateau
ralentit (alors que la gîte peut donner l’impression qu’on va plus vite), et
l’angle de dérive s’accroît. Enfin, pour tenir le bateau en ligne et
l’empêcher de lofer, l’angle qu’il faut donner à la barre est de plus en plus
important, le safran est « en travers », ce qui nous freine encore.
Bien sûr, on a déjà adapté la forme des voiles à la puissance
croissante du vent en réduisant leur creux, en ouvrant le haut de leur
chute. Mais ces réglages ont leurs limites. On peut encore, pour
contrôler cette gîte excessive, la réguler en s’aidant de l’écoute de grand-
voile (action de l’écoute sur l’équilibre du bateau) ou en barrant un peu
plus près du vent (action du barreur sur l’équilibre du bateau), mais alors
les voiles ne sont plus assez pleines, deviennent inefficaces, et surtout
elles risquent de se fatiguer en faseyant en grande partie.

La gîte excessive, l’angle de barre important, tout indique que ce Dufour 325 est
surtoilé, un deuxième ris s’impose.

Au portant, on s’en aperçoit un peu plus tardivement qu’au près : le


bateau devient peu à peu délicat à tenir, les auloffées sont de plus en
plus difficiles à contrôler. Bref, au près comme au portant, rien ne va
plus ! Il faut réduire la force développée par les voiles, et si possible faire
en sorte qu’elle s’exerce moins haut dans la mâture.

COMMENT RÉDUIRE, PAR OÙ COMMENCER À RÉDUIRE ?


Faut-il commencer à réduire la toile à l’arrière du mât, en prenant un
ris dans la grand-voile, ou par l’avant, en réduisant la surface du foc ? Il
n’y a pas de règle absolue, c’est fonction du bateau et notamment de son
plan de voilure, mais aussi de l’allure à laquelle on navigue et de l’état de
la mer.
De manière générale, on gardera en tête les principes suivants :
– Pour progresser au près par mer peu agitée, on préfèrera porter
une voile d’avant assez plate, et donc changer de foc pour une voile
mieux adaptée à la brise.
– Pour naviguer à des allures moins serrées dans une mer qui se
creuse, on pourra vouloir garder de la puissance devant, et commencer
par conséquent par réduire la grand-voile.
– Au portant, le bateau a une beaucoup plus grande stabilité de route
avec un centre de poussée vélique placé en avant du centre de carène
(comme si le voilier était « tiré par le nez »). On sera tenté de garder de la
toile devant et de réduire d’abord derrière.
– Avec un génois imposant et doté d’un important recouvrement 62,
commencer au près par réduire la grand-voile est un leurre. En effet, au
fur et à mesure que le vent est monté, le génois a « renvoyé de l’air »
dans la grand-voile, la faisant déventer jusqu’à son tiers avant, le long du
mât. Après avoir pris un ris, on se retrouvera avec une grand-voile plus
petite et un peu plus plate, qui portera mieux, mais sans avoir réduit
significativement sa surface « efficace ».
Quelle que soit l’allure, on veillera à conserver un bateau équilibré et
l’on réduira donc alternativement grand-voile et voiles d’avant. Par
exemple, on portera un solent (c’est-à-dire un foc de brise) avec un ris
dans la grand-voile, mais jamais trois ris et un génois. Le choix dépend de
chaque bateau et de sa garde-robe ; il faut donc faire des essais pour
trouver les bonnes combinaisons.
Dans le gros temps, on peut réduire la toile jusqu’à prendre trois ris
dans la grand-voile et porter un tourmentin, pour finalement ne plus
garder que le tourmentin.
Lors des réductions de voilure, le voilier est moins manœuvrant : il
faut donc veiller à ce que le plan d’eau soit dégagé (on préfèrera, si l’on a
le choix, se mettre tribord amure pour être un navire privilégié), avec de
l’eau à courir sous le vent. Les risques de chute sont importants, surtout
quand la mer est agitée et qu’il faut se déplacer vers l’avant. Chaque
équipier de pont, ayant déjà capelé sa brassière, frappera le mousqueton
du harnais à la ligne de vie.

Un ris dans la grand-voile, un ris dans le solent, sous 30 nœuds, notre Dufour 325
file bon train au largue. Mais il serait surtoilé s’il devait remonter au près : il ne porte
pas précisément la toile du temps.

PRENDRE UN RIS DANS LA GRAND-VOILE


Pour prendre un ris, il faut affaler en partie la grand-voile. Elle doit
glisser facilement le long du mât, sur une longueur légèrement
supérieure à celle de la surface à réduire. L’opération est d’autant plus
facile que la voile porte moins au vent. L’extrémité de la bôme doit rester
accessible, soit pour y passer la bosse de ris si elle n’est pas à poste, soit
pour assurer le nouveau point d’écoute de la voile à l’aide d’une sangle.
Aussi l’allure la plus pratique pour prendre un ris est-elle le bon plein.

LES BANDES DE RIS


Sur la chute et le guindant de la grand-voile, des renforts comportant de gros
œillets munis de cosses métalliques sont cousus à différentes hauteurs. Amurées
sur la bôme, les bosses de ris passent dans les gros œillets d’écoute à l’arrière de la
voile, redescendent vers des poulies à l’arrière de la bôme, passent à l’intérieur de
celle-ci, et sont manœuvrables en pied de mât, ou, avec un circuit plus long, depuis
le cockpit. Entre les cosses d’amure et celles de la chute courent des rangées
horizontales d’œillets plus petits, éventuellement munis de garcettes permettant de
ferler la toile excédentaire.

À cette allure, la grand-voile choquée faseye sans porter sur les


haubans, l’extrémité de la bôme reste accessible du cockpit. En outre,
elle est dégagée du cockpit et de la tête des équipiers, ce qui ne serait
pas le cas au près serré ou vent debout. Le foc, qui continue à porter,
permet de garder la vitesse nécessaire pour conserver un cap stable (que
le barreur s’applique à maintenir pendant toute la manœuvre).
Il existe plusieurs systèmes de prise de ris : la prise de ris
automatique ► permet d’effectuer toute la manœuvre depuis le cockpit ;
la prise de ris classique réclame une intervention en pied de mât.

La prise de ris classique


Le bateau navigue donc au bon plein. La manœuvre est préparée
avec soin, car la durée du faseyement de la grand-voile doit être la plus
courte possible. La drisse de grand-voile est mise au clair. Elle est
étarquée au winch de façon à pouvoir ouvrir son bloqueur le cas échéant.
Les manivelles sont prêtes, les harnais des équipiers assurés, les bouts à
utiliser sortis de leurs sacs et délovés. La manœuvre peut débuter.
On commence par choquer le hale-bas de bôme, puis l’écoute de
grand-voile. L’équipier de mât pèse la balancine, ce qui soulage la chute
de la grand-voile du poids de la bôme, supprime la tension dans les
coulisseaux ou la ralingue le long du mât et réduit le battement de la
voile.
Route au bon plein, hale-bas et palan d’écoute de grand-voile choqués, balancine
raidie. La grand-voile est affalée d’une hauteur légèrement supérieure à celle de la
bande de ris.

Une fois la balancine raidie, on reprend légèrement le palan d’écoute,


juste ce qu’il faut pour stabiliser les mouvements de la bôme. On file la
drisse de grand-voile de façon à pouvoir enfiler la cosse d’amure du ris
sur le croc du vit-de-mulet 63 (parfois, il faut aussi libérer un ou deux
coulisseaux du rail de mât).
Simultanément, on a repris le mou de la bosse du ris, pour éviter
qu’elle ne s’emmêle en battant sur la chute de la voile, ainsi que le mou
des bosses des ris suivants 64. L’équipier de pied de mât engage l’œillet
d’amure du ris dans le croc, et le maintient en place le temps que l’on
reprenne la drisse et que le guidant soit étarqué.
Le point d’amure du ris est engagé dans le croc du vit-de-mulet. Ici le ris est
équipé d’une sangle avec un anneau de part et d’autre, montage plus pratique que le
simple œillet serti sur la voile.

Piano et pied de mât se synchronisent pour rehisser la grand-voile. On


terminera d’étarquer au winch. La deuxième équipière aurait pu simultanément
commencer à reprendre le mou des bosses de ris.

La bosse de ris est ensuite étarquée jusqu’à ce que la nouvelle


bordure de la voile soit bien tendue et que quelques plis de tension
apparaissent sur la voile 65. On pourra toujours la mollir un peu en fin de
manœuvre si l’on désire creuser son profil, mais mieux vaut être obligé
de choquer plutôt que de devoir étarquer de nouveau (ce serait plus
délicat à cause des nombreux points de frottement sur le parcours de la
bosse).

Grand-voile étarquée, la bosse de ris est reprise à la volée. On l’étarquera au


winch, avant de finir de récupérer le mou des bosses de ris supérieures.
La prise de ris est achevée, le barreur reborde la grand-voile tandis que l’équipier
de pied de mât relâche la balancine. Au piano, on reprend le hale-bas en tension, on
range les manivelles, et on pourra lover drisse et bosses.

Une fois le ris pris, l’équipier de pied de mât mollit la balancine, on


raidit le hale-bas et l’équipier de pied de mât revient dans le cockpit. On
peut border la grand-voile pour reprendre la route.
Voici venu le moment d’assurer (cravater) avec une sangle le point
d’écoute du ris. On évitera ainsi bien des problèmes si la bosse est
larguée par erreur ou si elle casse. N’oublions pas que le vent est frais !
Les forces qui s’exercent sur les voiles sont donc très importantes.
Reste à ranger les drisses et à ferler la poche de toile formée par la
surface de grand-voile que l’on vient de réduire : on la tire entièrement au
vent, on la roule soigneusement et on noue éventuellement les garcettes
à l’aide de nœuds plats gansés (bien connus des terriens sous le nom de
« nœuds de chaussure »).
Pour cravater le ris, l’idéal est le raban, moins agressif pour la toile qu’une
garcette. Ici on a serré avec deux tours et réalisé un nœud gansé, qui ne se bloquera
pas et restera largable d’une main, même sous tension.

L’équipier chargé du réglage jette un dernier coup d’œil à la voile. Si


la chute bat entre les lattes, il peut encore reprendre le nerf de chute. Si
le bateau navigue au portant, il veillera à ce que la bôme ne porte pas sur
les haubans. Prise en sandwich entre bôme et hauban, la toile se
détériorerait rapidement.
La manœuvre est-elle terminée ? Pas tout à fait. Si la bosse du ris
suivant n’a pas été mise en place au moment de l’appareillage, il va falloir
s’en occuper. Bien sûr, l’équipier en charge du piano 66 a pu avoir la
tentation de le faire quand la voile était partiellement affalée pendant la
prise de ris ; cependant, enfiler une bosse dans une cosse de ris qui se
débat dans le faseyement relève de la mission impossible – sauf si l’on
affale presque complètement la grand-voile. Maintenant, la voile porte et
c’est beaucoup plus facile. Et mieux vaut s’en occuper tout de suite et ne
pas attendre le moment où l’on sera amené à prendre le ris suivant dans
plus de mer et de vent ! Si la cosse est inaccessible depuis le pont, un
équipier (bien amarré) monte sur la bôme et passe la nouvelle bosse :
c’est impressionnant mais relativement facile. Dans la pratique, pour
prévenir une chute à la mer, celui qui grimpe sur la bôme se fera assurer
par le haut avec une drisse et par le bas avec un deuxième cordage. Le
mieux en croisière restant d’appareiller avec toutes les bosses à poste.

QUELLE POLITIQUE POUR LES GARCETTES ?


L’usage des garcettes de ris est parfois discuté, et à juste titre : si une bosse de
ris lâche, ce sont elles qui reprennent brutalement tout l’effort, avec généralement
pour conséquence de déchirer la grand-voile. C’est pourquoi certains préfèrent s’en
passer, laissant flotter sans dommage particulier le pan de voile excédentaire.
D’autres pallient le risque en gréant des garcettes élastiques. Autre précaution, sur
une grand-voile à bordure libre, il faut enserrer la toile seulement, sans emprisonner
la bôme. Dans tous les cas de figure, si l’on préfère utiliser les garcettes, on les noue
impérativement avec des nœuds gansés, largables sous tension. Notons enfin que la
présence de lazy-jacks ► dispense de garcettes de ris, la bande de ris se retrouvant
automatiquement emprisonnée entre eux.
Toutes les précautions sont réunies sur cette image : la garcette de ris est
élastique, le ris a été ferlé sans emprisonner la bôme, et le nœud est gansé.

Larguer un ris
Voici une opération simple et rapide qui réclame peu de discours. On
vient au bon plein, on largue toutes les garcettes de ris (gare à la grand-
voile qui se déchirera inexorablement si l’on en oublie une), on largue la
cravate assurant le point d’écoute sur la bôme, on délove les bouts
nécessaires à la manœuvre, on choque le hale-bas et l’écoute de grand-
voile.
Après avoir pesé la balancine, on peut choquer la bosse du ris. La
drisse de grand-voile est mollie, juste ce qu’il faut pour larguer le croc
d’amure du ris. On réengage le cas échéant les coulisseaux sortis de leur
rail ou de leur gorge, on hisse et on étarque la drisse et, si nécessaire, la
bosse d’écoute. Bien penser, alors qu’on rehisse la voile, à libérer non
seulement la bosse du ris qu’on largue, mais celles des ris supérieurs.
Enfin, on choque la balancine, on borde le hale-bas et l’écoute de
grand-voile, on remet en route, on range bosses de ris, drisses et écoute.
Et voilà !

LE CUNNINGHAM DE TROISIÈME RIS


Lorsque vient le moment de prendre le troisième ris, les conditions sont
devenues bien mauvaises, et s’aventurer au pied de mât devient compliqué. Par
souci de confort, ou même simplement de sécurité, on peut gréer sur le point
d’amure de ris une longue bosse cunningham revenant sur un bloqueur au piano. Le
ris se prend ainsi intégralement depuis le cockpit.
Ce système semi-automatique apporte à l’ultime réduction de grand-voile la
facilité de manœuvre du ris automatique, sans ses inconvénients.
La prise de ris automatique
Avec un système de prise de ris automatique, nul besoin d’envoyer un
équipier au pied du mât. C’est l’avantage essentiel de ce dispositif, dont
le principe de fonctionnement est assez simple.
Plusieurs dispositifs de ris automatique existent, plus ou moins
élaborés ; le schéma le plus basique étant le suivant : la bosse de ris est
amurée à l’arrière de la bôme, passe dans la cosse de l’œillet d’écoute de
la bande de ris, revient dans une poulie située à l’arrière de la bôme, puis
passe dans une deuxième poulie à l’avant.
Elle monte ensuite vers un réa 67 cousu au point d’amure du ris et
redescend jusqu’au vit-de-mulet puis en pied de mât, pour finir au piano
situé à l’arrière du rouf – là où aboutissent toutes les manœuvres
courantes.
Des systèmes plus perfectionnés, et plus puissants, intègrent des
renvois par poulies à l’intérieur de la bôme.

Système de prise de ris automatique.


Par rapport à la prise de ris classique, la chronologie d’une prise de
ris avec système automatique diffère légèrement. On va en effet étarquer
le guindant de grand-voile par le bas, c’est-à-dire par la bosse de ris,
plutôt que par la drisse.
Explication : à étarquer la bosse de ris avant la drisse de grand-voile,
on écraserait inévitablement la poulie de point d’amure sur la bôme, au
risque de l’abîmer très vite. On préfère, par conséquent, prérégler la
drisse en laissant quelques bons centimètres, voire dizaines de
centimètres (c’est selon la taille du bateau et l’élasticité de la drisse),
entre le vit-de-mulet et cette poulie de ris, avant d’étarquer la bosse au
winch.
Reprenons au début. On commence par choquer le hale-bas et
l’écoute. En général, la bôme remonte toute seule car elle est équipée
d’un hale-bas rigide à ressort qui dispense de balancine. Depuis le
cockpit, on choque la drisse à la demande, la bosse de ris est embraquée
simultanément. On bloque la drisse au repère préétabli. L’œillet d’amure
descend vers le vit-de-mulet. Avec un léger retard en raison des
frottements de la bosse et des réas, l’œillet d’écoute recule vers l’arrière
de la bôme. On étarque au winch : le ris est pris.
Et vogue le navire… On l’aura compris, le bon usage des ris
automatiques passe par la prise de repères sur la drisse de grand-voile,
qu’on marquera sur le cordage (pour chacun des ris) en avant de son
bloqueur, au feutre ou par une surliure.
Pourquoi ne sommes-nous pas trop fans, aux Glénans, des ris
automatiques ? Parce qu’ils ne sont pas sans quelques inconvénients…
Les bosses de ris sont très longues et l’on met davantage de temps à les
reprendre et à les ranger. Quant à la bosse du ris supérieur – qui bat
pendant la manœuvre –, elle est tellement longue qu’elle peut aller
s’emmêler autour du pataras. Enfin, le circuit des bosses est assez
compliqué, les frottements sont nombreux et il faut quand même
beaucoup d’énergie pour étarquer correctement la bordure de la voile.
Dernier problème : il est impossible avec ce système de régler
séparément les tensions de guindant et de bordure.

DES ENROULEURS DE GRAND-VOILE PEU CONVAINCANTS


La prise de ris n’est pas une manœuvre très complexe. Mais quand il est temps
de réduire la toile, le vent est déjà assez fort et la mer parfois bien agitée. L’équilibre
et le teint devenant respectivement précaire et nauséeux, ce qui paraissait si facile
au port prend parfois des allures titanesques.
D’où l’invention de systèmes de réduction de voilure qui rivalisent d’ingéniosité
pour simplifier la manœuvre (voiles qui se roulent dans la bôme, dans le mât, etc.).
Ces systèmes ont leurs adeptes ; ils ont aussi de farouches détracteurs, parce qu’ils
s’accompagnent de sérieux sacrifices dans la conception des voiles : ils interdisent
les forts ronds de chute, les lattes forcées, les réglages de la tension du guindant ou
de la bordure…
Cela étant dit, on a le droit de renoncer au réglage en finesse de sa grand-voile
pour le confort d’une bôme ou d’un mât à enrouleur. Mais attention, si la manœuvre
se trouve simplifiée, les mécanismes sont délicats et fragiles ! Beaucoup hésitent à
confier leur sécurité à ce type de système…
Ce Bavaria 37 est équipé d’un enrouleur de mât. Sur ce type de bateau au
triangle avant très réduit, les réductions de voilure s’opèrent d’abord par l’arrière.

Aussi nous semble-t-il plutôt destiné à rassurer ceux qui ne s’en


servent pas souvent, alors qu’il ne convainc guère les adeptes de la prise
de ris classique.

RÉDUIRE LA VOILE D’AVANT, CHANGER DE FOC


La façon de réduire la voilure en avant du mât varie en fonction de
l’équipement : enrouleur de foc, enrouleur complété d’un étai largable ou
voilier à étai classique.

Rouler le génois
La manœuvre est simple : on choque l’écoute de génois, on tire sur la
bosse de l’enrouleur. Des petites marques sur la bordure de la voile
permettent de mesurer la quantité de toile enroulée. On s’arrête à la
première marque, on saisit la bosse au taquet, on borde l’écoute du
génois.
Malgré la simplicité confondante de cette manœuvre, il faut respecter
quelques règles pour la réussir proprement.
Tout d’abord, avant une manœuvre d’enrouleur, l’étai de foc doit être
tendu. Car si l’étai est mou, la manœuvre provoque des frottements
importants entre le tube de l’enrouleur et l’étai. Celui-ci étant entraîné
par le mouvement de rotation, forcer sur la bosse peut très sérieusement
l’endommager. On a vu des câbles d’étai se détoronner à la longue, ou
des sertissages finir par rompre, avec généralement pour lourde
conséquence un démâtage.
Or il arrive fréquemment que l’étai de foc soit mou : quand on ne
navigue pas au près, quand l’étai largable est lui-même très raidi, ou
quand le pataras ne l’est pas suffisamment. Dans ces cas-là, pour raidir
l’étai, il faut raidir le pataras, quitte à larguer de la tension sur l’étai
volant si l’on n’obtient pas l’effet souhaité.
Deuxième règle d’or, corrélée à la précédente : une bosse d’enrouleur
ne doit jamais être manœuvrée au winch, sauf sur les bateaux de grande
taille (à partir de 12-13 mètres), à bord desquels les efforts deviennent
importants. Et dans cette situation, on modère son action à la manivelle,
et on surveille ce qui se passe en s’interdisant de forcer au moindre
blocage.
Profitons-en pour tordre le cou à une méthode répandue mais
dangereuse, qui consiste à garder du vent dans le génois et un maximum
de tension dans l’écoute tandis que l’on reprend la bosse, sous prétexte
de « serrer » la voile autour de l’enrouleur et de donner à celle-ci un
meilleur profil. Comme dit plus haut, c’est le meilleur moyen d’user à
petit feu son étai et de créer les conditions de futurs gros dégâts.
La méthode la plus sûre, la plus confortable et la plus efficace, si l’on
a de l’eau à courir, consiste à abattre en grand pendant la manœuvre. Le
vent apparent diminue, et avec lui la puissance du génois, qu’on peut
choquer largement sans qu’il faseye violemment. La bosse est reprise à
la main, bloqueur fermé. Si l’on a besoin d’un peu plus de force, un
équipier placé sur le pont ou le passavant fait arbalète sur la bosse, entre
deux poulies de renvoi (généralement fixées au pied des chandeliers). Il
veille juste à ne pas trop s’avancer, pour ne pas prendre le risque d’une
gifle par une écoute qui bat.
Le génois est enroulé « main sur main », et surtout pas à l’aide d’un winch.

Quand il est partiellement enroulé, le génois n’a pas toujours bonne


allure. Il présente souvent un creux très en arrière, bien peu favorable au
près. Certains génois à enrouleur disposent d’un système de rattrapage
de creux, une surépaisseur de la toile au guindant qui limite autant que
faire se peut le phénomène. Autre problème, le tissu relativement léger
d’un génois est adapté à un vent de force moyenne. Or, quand on le
roule, c’est que le vent est fort ! La toile n’est plus assez résistante, le
génois peut se déformer. On pourrait choisir un génois plus lourd, mais
alors il ne serait pas adapté au petit temps. Le bilan est sans appel, et
mérite d’être énoncé clairement : le rendement d’un génois partiellement
roulé est désastreux dans la grosse brise ; il conduit à tirer des bords
quasiment carrés (on parle de bords carrés quand on exécute des allers-
retours sans parvenir à progresser dans le vent).
Si nécessaire, un équipier vient faire arbalète sur la bosse d’enroulement.
Attention, si le foc vient à faseyer, de ne pas se faire gifler par une écoute.

Face à ce dilemme, les Glénans ont décidé d’utiliser l’enrouleur du


génois comme un simple emmagasineur. Soit le génois est entièrement
déroulé, soit il est entièrement roulé. Pour réduire la voile d’avant, on
installe un étai largable sur lequel on établit dans la brise un solent à ris,
et dans le gros temps un tourmentin.

QU’EST-CE QU’UN SOLENT ?


Le solent a supplanté ce que l’on appelait autrefois « foc de route », ou « foc
o
n 1 » et qui était lui-même d’un grammage plus fort que le génois. De surface plus
réduite que le génois, il ne présente pas de recouvrement sur la grand-voile, mais
monte assez haut, si bien que sa géométrie est celle d’un triangle relativement
étroit. Il est né sur les bateaux de course dans le Solent, le bras de mer qui sépare
l’île de Wight de la côte anglaise, où l’on peut naviguer par vent soutenu dans une
mer relativement peu formée. Sur ce plan d’eau abrité, les coureurs se sont libérés
de l’obsession bien ancrée qui consistait à tailler les voiles de brise avec un point
d’écoute assez haut et une bordure dégagée du pont, de façon à les préserver des
paquets de mer. Ils ont ainsi adopté un profil de voile plus allongé et plus
performant, puis cette évolution s’est progressivement étendue aux bateaux de
croisière. Attention : avec sa bordure relativement horizontale et sa chute très
verticale, le vrai solent est particulièrement sensible à l’angle de l’écoute, le point de
tire doit être finement réglé, et il ne faut pas hésiter à l’avancer dès qu’on abat en
ouvrant les voiles.

Gréer un solent sur un étai largable


Un équipier – son harnais est assuré sur la ligne de vie – doit aller sur
la plage avant pour mettre en place l’étai largable : il le largue de sa
position de repos en pied de mât et le fixe sur une cadène située en
arrière de l’étai, par un croc pélican ou autre système d’attache. Puis il le
raidit au moyen d’un ridoir à volant ou à levier. Depuis l’avènement des
cordages modernes à haute résistance et faible allongement, on a vu
apparaître des systèmes plus légers d’étais largables textiles, mis en
tension par le bas au moyen de palans sur anneaux de friction.
L’équipier d’avant amène ensuite le solent et ses écoutes au pied de
l’étai largable (par précaution, il amarre le sac). Si le solent a été
correctement plié, il peut mettre en place le point d’amure, les
mousquetons et la drisse avant de le dérouler complètement hors de son
sac. Avec des nœuds de chaise bien souqués, il frappe les écoutes sur le
solent (les écoutes courent jusqu’aux winchs par le bon circuit ; un tour
mort autour de ceux-ci évitera qu’elles s’emmêlent au hissage). On hisse,
on étarque, on borde. On vérifie que l’étai n’est pas trop mou (donc que
le pataras est bien repris), on roule le génois.
On notera qu’il faut pour tout cela un jeu d’écoutes supplémentaires,
car celles du génois doivent rester en place. On pourrait évidemment
commencer par rouler le génois, l’amarrer par le point d’écoute autour de
l’étai avec un raban et utiliser ses écoutes, mais ce n’est pas une bonne
solution : même quand il est roulé, le génois a besoin d’elles pour que
l’enrouleur ne prenne pas de ballant dans les mouvements de roulis et de
tangage du voilier.

Sur ce Dufour 325, le bas étai largable se met en tension par un ridoir à levier. Une
manille (dans la main droite de l’équipier) viendra bloquer le bras du ridoir en position
haute.

En pratique, il faut envisager plusieurs hypothèses. Si la météo


prévoit trop de vent pour le génois, on l’affale, on le range avant la sortie
du port et on grée le solent sur l’étai largable. Il y a ainsi moins de poids
et de fardage à l’avant, ce qui est très bénéfique pour la marche du
bateau. Si le vent mollit, il sera bien temps de rétablir le génois.
Si au contraire une fois en mer, le vent monte plus fort que ne le
prévoyait le bulletin et qu’il faut établir le solent alors qu’on est déjà en
route, tant pis, on enroule le génois (affaler dans la brise pose trop de
problèmes).
Changer de foc sur un étai classique
Avec un génois endraillé par des mousquetons sur un étai classique,
changer la voile d’avant peut s’avérer physiquement éprouvant. Mieux
vaut abattre pour réduire la toile, tant pis pour le terrain perdu, les
équipiers à la manœuvre sur la plage avant ne s’en plaindront pas, et
l’opération n’en sera que plus rapide. Si l’on n’a pas d’autre choix, faute
d’eau à courir sous le vent, que de continuer au près, on peut envisager
d’affaler la voile d’avant avant d’endrailler la suivante : le voilier ralentit et
la plage avant est moins humide et moins inconfortable.
Un équipier apporte le sac du nouveau foc et l’amarre sur la plage
avant. Comme la voile a été bien rangée, le point d’amure est à portée de
main et notre équipier peut commencer la manœuvre en amurant celui-ci
(la ferrure recevant le point d’amure doit donc pouvoir recevoir deux
amures de foc). Il endraille ensuite le nouveau foc sur l’étai – peut-être
devra-t-il décrocher l’un des mousquetons de la voile établie. S’il dispose
d’un double jeu d’écoutes de foc, il installe le nouveau jeu sur la nouvelle
voile et le fait courir parallèlement à celui de la voile en place. S’il n’a
qu’un jeu d’écoutes, il attend que l’ancienne voile soit affalée pour
changer les écoutes 68.
On affale le foc en place, tout en reprenant le mou de l’écoute pour
éviter qu’il ne parte à l’eau. On frappe la drisse sur le nouveau foc, on
rabante et on désendraille l’ancien. Après avoir hissé et réglé le nouveau
foc, il reste à ranger le précédent en le pliant proprement avant de le
mettre en sac. On n’aura pas oublié d’ajuster les points de tire à la
nouvelle voile.
Voici la bonne manière de ranger une voile en navigation, plutôt que de la
fourrer en vrac dans la cabine avant (où elle trempera tout) ou dans son sac (où elle
s’abîmera, et d’où elle sera difficile à extraire). On s’installe au vent, en amenant le
point d’amure en arrière des haubans, et le point d’écoute le plus loin possible
derrière. Il y a toute la place nécessaire sur le passavant.

Prendre un ris dans le solent


Parfois, le solent est équipé, comme la grand-voile, d’une bande de
ris permettant de réduire encore sa surface, ce qui dispense d’une voile
d’avant supplémentaire.
Une fois le solent bordé et le bateau en route, on s’installe confortablement
pour ferler le ris, sans oublier le point d’écoute. Bien évidemment, la longe est assurée
sur la ligne de vie.

Par 30 nœuds de brise, le combat que se livrent un équipier (même le


plus endurci) et un point d’écoute battant furieusement dans le vent est
bien inégal ! Enfiler une écoute dans une cosse en furie est un défi
dangereux, si ce n’est impossible. Aussi faut-il commencer en démontant
la contre-écoute du solent, en la frappant au point d’écoute de ris et en
l’établissant sous le vent sur le parcours de l’écoute en place. Celle-ci est
ensuite choquée, la drisse également, et le solent affalé jusqu’à ce qu’on
puisse frapper en place le nouveau point d’amure. Ceci fait, on hisse de
nouveau et on borde. Il n’y a plus qu’à remettre en place la nouvelle
contre-écoute, à ferler l’excédent de toile (de préférence en le roulant, et
surtout en prenant soin d’englober l’ancien point d’écoute du solent) et à
assurer le tout avec les garcettes de ris.

Établir le tourmentin
Le tourmentin est une petite voile d’avant adaptée au gros temps,
comme l’indique son nom, issu de « tourmente ». Elle est taillée très
plate, le plus souvent dans un tissu orange fluorescent, de façon à ce
qu’un voilier en difficulté dans une tempête soit aisément repérable. Son
point d’amure est fréquemment muni d’une estrope métallique
permettant de le rehausser. L’objectif est double : dégager le tourmentin
du pont et de la trajectoire des paquets de mer, mais aussi, en
rehaussant le point d’écoute, faire reculer le point de tire ; sans cet
artifice, le rail d’écoute de génois serait trop court sur la plupart des
bateaux 69.
Compte tenu de son guindant très court, le tourmentin mérite par
ailleurs de porter à son point de drisse une deuxième estrope métallique
– dite itague – montant pratiquement jusqu’au réa de drisse. Sans ce
dispositif, la longueur de drisse sous tension se retrouve beaucoup plus
importante qu’avec une voile montant en tête, elle s’allonge
considérablement et étarquer correctement le tourmentin s’avère
difficile. À moins d’être équipé de drisses à haut module de résistance et
de faible allongement, en matériaux comme le Dyneema.
Le point d’amure du tourmentin est rehaussé par une estrope. Ici, le guindant qui
festonne signale une tension de drisse insuffisante.

Au même titre qu’un solent, un tourmentin doit être endraillé sur


mousquetons. S’il était équipé d’une ralingue à enfiler dans un étai à
enrouleur, il faudrait commencer par dérouler entièrement le génois et
l’affaler, ce qui serait compliqué et bien dangereux par très forte brise.
Dans le vrai mauvais temps, le tourmentin sera souvent la dernière
voile à rester à demeure, le bateau étant plus équilibré et plus maniable
avec une petite voile d’avant que sous grand-voile seule au troisième ris.
Et contrairement à certaines idées reçues, on peut encore espérer faire
route et remonter au vent sous tourmentin seul : tout dépend en réalité
de l’état de la mer. En fuite dans le gros temps, il n’y a pas à hésiter, c’est
la grand-voile qu’il faut ferler, et c’est le tourmentin qui reste à poste.
Préparation du tourmentin sur le bas étai fixe d’un RM 1050. Les mousquetons
sont endraillés sous ceux de la trinquette.

ENROULEUR : RIEN NE VA PLUS !


Le vent est monté au-dessus de 35 nœuds. La bosse de l’enrouleur était mal
assurée, elle s’est larguée de son taquet. Le génois se déroule d’un coup, bat
furieusement et secoue dangereusement le gréement. La bosse s’emberlificote
autour du tambour, se coince : plus moyen d’enrouler. Difficile d’affaler le génois :
on aura bien du mal à l’étouffer sur le pont et même à l’affaler tout court. Les
frottements de la ralingue dans la gorge de l’enrouleur sont en effet considérables.
Que faire ? Il faut agir vite, car le gréement souffre.
D’abord démarrer le moteur. Ensuite amener le bateau au grand largue pour
réduire le vent apparent et ainsi calmer le jeu, choquer largement la voile d’avant,
empanner en contrôlant bien le passage de la bôme. En venant en appui sur l’étai,
les écoutes de génois cessent de battre, on peut, sans s’exposer, les couper au
couteau. Maintenant, le génois part entièrement en drapeau en avant de l’étai.
Lofer jusqu’à pouvoir affaler la grand-voile, puis, au moteur, faire patiemment
des 360° : le génois va progressivement s’enrouler autour de l’étai. Enrouler en
hélice la drisse de spi autour du génois, avant de la frapper sur le balcon avant et de
la reprendre en tension, de façon à bloquer la voile en place. On attendra des
conditions plus favorables pour remettre en ordre de marche le tambour
d’enrouleur.
Une fois le problème géré, que retenir de cette aventure ?
Par bonne brise, on doit bloquer la bosse d’un enrouleur de génois autrement
que sur son seul taquet coinceur, avec en plus un solide nœud d’amarrage, par
exemple sur le taquet arrière le plus proche. Une autre solution est de rabattre en
double le courant de la bosse par-dessus son bloqueur et d’effectuer deux demi-clés
sur son dormant. Emballer le génois enroulé en multipliant les tours en spirale avec
la drisse de spi est également une sage précaution. On n’hésitera d’ailleurs pas à
prendre les mêmes dispositions au port quand on quitte le bord pour de longues
périodes. Le vent ne fraîchit pas qu’en pleine mer…

Avec un bateau portant un génois sur enrouleur et dépourvu d’étai


largable, la seule solution est de faire l’acquisition d’un tourmentin
spécial en forme de losange, qui se hisse replié en deux autour du génois
enroulé, ses deux points d’écoute rassemblés en un seul. Il est en effet
illusoire d’envoyer un tourmentin sans le fixer à un étai. Au port, c’est
possible ! Mais par forte brise, notre petit tourmentin risque fort d’aller
se coincer dans les haubans ou de devenir bien trop volage pour être
d’une quelconque utilité… Et si d’aventure on arrivait à l’établir, son
guindant prendrait une flèche latérale considérable, réduisant
sérieusement son efficacité. Quelle que soit la solution retenue, voile
spéciale adaptée aux enrouleurs ou étai largable, dans un programme de
navigation digne de ce nom, il ne faudrait jamais faire l’impasse sur le
tourmentin. Et nous persistons à penser, aux Glénans, que la vraie
solution sûre et sérieuse est celle du tourmentin endraillé, que ce soit sur
un étai fixe ou un étai largable.

LA TRINQUETTE
Avant la généralisation du gréement de sloop (une grand-voile et un génois)
autorisée par les progrès des matériaux et de l’accastillage, la norme était plutôt la
configuration de cotre, avec sur l’avant un foc au point d’écoute élevé (le yankee) et
en retrait une voile plus petite, la trinquette, établie sur un bas-étai : c’est ainsi qu’on
divisait la voilure, de façon à réduire les efforts sur les drisses et les écoutes.
Sereine, la vieille dame des Glénans, navigue toujours ainsi. La configuration sloop
étant plus performante, en particulier près du vent, elle s’est imposée sur la quasi-
totalité de nos voiliers. Mais la trinquette n’a pas été totalement reléguée au musée
ou cantonnée aux unités classiques, elle demeure parfois utilisée comme voile de
brise. Elle se différencie du solent par une géométrie plus ramassée, et, par
conséquent, plus tolérante aux réglages. Avec son amure plus reculée, elle contribue
à baisser et à recentrer les centres véliques, pour un meilleur équilibre du bateau.
Elle s’établit sur un bas-étai dont l’ancrage se situe plus bas sur le mât qu’un étai
largable de solent. On associe généralement à ce bas-étai, fixe ou largable, des
bastaques de brise assurant sur l’arrière le maintien longitudinal du mât.

LA VOILE DE CAPE
La voile de cape revient en vogue, en particulier sous l’impulsion des
organisations de course, qui l’ont rendue obligatoire. Dite aussi « voile suédoise »,
elle arbore un guindant très court, une chute échancrée dépourvue de lattes, une
coupe plate et une bordure libre. Elle est destinée à remplacer la grand-voile si celle-
ci est devenue hors service, si la bôme est rompue, ou tout bonnement si l’on
souhaite préserver le matériel en attendant un retour à des conditions plus
maniables. On la borde par deux écoutes renvoyées sur des points de tire très
reculés, par exemple les poulies de spi.

LES PARTICULARITÉS SOUS VOILES DES MULTICOQUES DE CROISIÈRE

Prendre conscience des efforts


La stabilité d’un multicoque est exclusivement assurée par
l’écartement de ses appuis. Pour faire simple, elle est le produit de la
demi-largeur par le déplacement 70. Même léger, un multicoque est donc
un engin puissant, et il l’est à plus forte raison lorsque son déplacement
est important. Et comme il navigue quasiment à plat, il ne peut compter
sur la gîte pour saluer la risée et laisser se dissiper l’énergie.
Il faut donc être particulièrement vigilant aux efforts. Se méfier par
exemple de la circulation du chariot d’écoute de grand-voile, et le bloquer
au centre avant l’empannage. Être conscient, lorsqu’on s’empare d’une
écoute pour choquer, que le cordage et le winch retiennent une tension
considérable. Ce qu’on aura peut-être oublié lorsqu’on avait bordé, si le
winch était commandé électriquement, comme c’est souvent le cas sur
les catamarans de croisière d’une certaine taille (12 mètres et plus).
Si la vision sur les voiles est souvent médiocre dans les cockpits
recouverts de casquettes, l’absence de gîte permet de se déplacer
facilement. Le revers de la médaille, c’est que la facilité apparente de la
navigation à plat et le relâchement de l’attention qui en résulte peuvent
s’avérer piégeux. Sur un monocoque, une gîte excessive traduit à coup
sûr la surpuissance, et invite à réduire la toile. Un catamaran ne produit
pas les mêmes signes avant-coureurs.
Un catamaran de croisière au largue serré sous gennaker : le bateau navigue à
plat, et en l’absence de gîte il faut rechercher d’autres signes avant-coureurs
de navigation en surpuissance. Ici le bateau semble facile et doit pouvoir facilement
encaisser une survente. Notons, au passage, la patte d’oie de mouillage à poste sous
l’avant de la plateforme.

Sans doute un peu plus que tout autre voilier, un multicoque se


regarde et s’écoute, tandis que l’anticipation demeure le maître mot.
Plusieurs accidents avec des catamarans se sont déroulés aux Antilles
selon le même scénario : calme plat sous le vent d’une île, navigation au
moteur grand-voile haute bordée dans l’axe, chute bien fermée pour
éviter que les lattes claquent dans le petit résidu de houle. Le bateau est
sous pilote, l’équipage se restaure peut-être dans le cockpit… Au
passage d’une pointe, l’alizé de 30 nœuds frappe de plein fouet la grand-
voile haute. Aucune dispersion de l’énergie. Si le gréement résiste, le
chavirage n’est alors pas à exclure…

RÉDUCTIONS DE VOILURE
Il est souvent plus efficace de réduire d’abord la grand-voile. Au-delà
de la surface gagnée, l’abaissement du centre de voilure est très
bénéfique sur ces bateaux particulièrement sujets au tangage. Si la mer
est formée et à plus forte raison au près, on roulera un peu de génois
ensuite, ou bien on passera sous trinquette si elle fait partie de
l’inventaire du bord. Au portant, il ne faut pas hésiter à réduire très
sérieusement la grand-voile, voire à l’affaler complètement dans la mer
très formée. Le barreur gère alors plus facilement les trajectoires avec
une tendance beaucoup moins nette à partir au lof.

JOIES ET RISQUES DU VENT DE TRAVERS


Au près et au bon plein, lorsque le bateau accélère trop, le bon
réflexe consiste à lofer pour ralentir et réduire le vent apparent. Réflexe
inverse au grand largue, pour un effet identique : quand le bateau
s’emballe, abattre en se rapprochant du vent arrière est la solution
(attention évidemment à ne pas empanner !). On réduit ainsi le vent
apparent, et dans le même temps les voiles perdent leur fonctionnement
laminaire pour travailler en écoulement décroché, la poussée propulsive
chutant en conséquence.
Au vent de travers, le bateau va vite mais le problème reste entier :
lofer ou abattre, c’est risquer dans un cas comme dans l’autre
d’accélérer, en faisant sensiblement augmenter le vent apparent, et donc
le risque. C’est pourquoi il faut non seulement anticiper les réductions de
voilure, mais aussi dans la brise garder en permanence un équipier à
l’écoute de grand-voile, prêt à choquer. Le chef de bord doit connaître les
seuils de réduction de voilure selon la force et la direction du vent réel,
affichés sous forme de tableau à la table à cartes et à proximité du poste
de barre. Ces indispensables pense-bêtes s’appuyant bien évidemment
sur une centrale de navigation de qualité, correctement calibrée, qui
fournit avec précision la force du vent réel.

LA GESTION DES DÉRIVES DANS LA BRISE


La règle de base veut que plus le bateau va vite, plus on remonte les
dérives, pour les catamarans qui en sont équipés (il s’agit généralement
de multicoques plus résolument orientés « performance »). Utiliser les
deux appendices au près dans les vents léger et médium n’a rien
d’absurde et se révèle efficace. Mais dès que le bateau va vite, au-delà de
8 nœuds de vitesse surface au près, il ne faut pas hésiter à remonter
partiellement les dérives qui encaissent d’importants efforts. Au vent de
travers, au-delà de 10 à 12 nœuds de vitesse, la surface immergée de
coque est généralement suffisante pour rendre la dérive quasiment nulle,
mais il faut souvent conserver un bout de dérive de manière à avoir un
peu de « pied dans l’eau » pour un bon équilibre de barre. Dans la forte
brise, avec des risques éventuels de soulager la coque au vent, une
bonne tactique consiste à n’utiliser que la dérive au vent pour éviter
l’effet de croche-pied. Si la coque vient à lever, alors aucune surface
antidérive n’empêche le bateau de déraper.

LES STRATÉGIES DANS LE GROS TEMPS

Au près, voile-moteur
Plateforme trop basse, fardage important, manque de raideur de la
structure et du gréement sont autant de facteurs qui limitent la capacité
à progresser près du vent. À l’inverse, un bateau que l’équipage laisserait
accélérer franchement par mer forte, en naviguant trop abattu au bon
plein, peut connaître des dommages structurels en raison des chocs
violents dans la mer. Le vent de travers dans la mer formée est par
ailleurs à exclure.

Pour remonter contre le vent par forte brise, la meilleure solution est de
naviguer sous grand-voile au bas ris, en s’appuyant avec le moteur de la coque sous le
vent. Ne jamais naviguer au moteur seul dans une mer fermée, sous peine de
démâtage. Le gréement spécifique d’un catamaran exige en effet d’être appuyé par la
voilure.
Une bonne tactique consiste donc à naviguer très près du vent (entre
30 et 40° du vent réel), sous voilure très réduite – la grand-voile seule
réduite au bas ris – en s’aidant du moteur sous le vent. On peut ainsi
calibrer la vitesse en fonction des vagues et éventuellement jouer sur la
manette des gaz pour mieux passer les crêtes ou ralentir derrière si
besoin.

La fuite
C’est évidemment une allure moins violente mais non sans risque,
notamment si les vagues sont courtes et pentues. Même sur une mer
longue et organisée, le problème demeure d’adapter sa vitesse à la
fréquence des vagues. Il ne faut jamais naviguer à sec de toile, sous
peine de ne plus être maître de sa trajectoire à la barre. Conserver un
peu de toile sur l’avant est préférable, quitte à traîner une longue
aussière en boucle sur l’arrière – un traînard – pour ralentir. On pourra
réguler la vitesse en allongeant ou raccourcissant l’aussière, facile à
installer depuis les jupes sur un catamaran (sur un trimaran, il faut faire
une patte d’oie en cravatant les bras en sortie de coque centrale, sans
aller mettre en danger un équipier à l’extrémité des flotteurs). Le bateau
restera en ligne, tenu par l’arrière. Les dérives, le cas échéant, seront
complètement remontées. Dans des conditions vraiment extrêmes,
l’ajout d’une petite ancre flottante peut se révéler une stratégie payante
si le traînard s’avère insuffisamment efficace.

La cape
Avec peu d’eau à courir et s’il est difficile de remonter au vent dans le
gros temps même en s’appuyant au moteur, la cape courante peut être
tentante ; mais elle risque d’être très délicate dans sa mise en œuvre.
Bien sûr, en théorie, le multicoque sans dérives (ou dérives relevées)
chasse facilement en aplatissant la mer au vent. Dans la réalité, parvenir
à stabiliser l’allure s’avère bien difficile, en raison de l’important fardage
des coques et des superstructures, ainsi que de la légèreté de
l’embarcation (légèreté à relativiser, s’agissant de certains multicoques
dotés d’un confort domestique considérable, et finalement aussi lourds
qu’un monocoque de taille équivalente). Sur les bateaux munis d’un foc
autovireur, dispositif relativement fréquent à bord des catamarans de
croisière, il faudra d’ailleurs cravater l’écoute sur un padeye 71 au vent.
PRENDRE UN COFFRE, QUITTER UN COFFRE
Un coffre est une bouée reliée par un orin et de la chaîne – ou
seulement par une chaîne – à une dalle de béton (le corps-mort) ou
encore à une chaîne-mère, qui repose sur le fond de la zone de
mouillage 72. Pour la manœuvre d’approche, on parle de « prendre » une
bouée, un mouillage, un coffre, un corps-mort, ce qui revient au même 73.

S’AMARRER À UN COFFRE
Le plus souvent, sur un coffre, la bouée est reliée uniquement par une
chaîne au corps-mort. Elle est munie d’un anneau auquel on s’amarre en
la laissant à l’eau (vu la taille de certains coffres, on n’est d’ailleurs guère
tenté de les ramener sur le pont.)
À l’inverse, certaines bouées de mouillage se remontent à bord, ainsi
que l’orin sur lequel elles sont amarrées et, dans ce cas, c’est la chaîne
sous-jacente qui est tournée à bord. Ce système de bouée, reliée par un
orin à une chaîne posée sur le fond, limite l’usure de cette dernière :
suspendue, la chaîne s’abîmerait plus vite. Ces petites bouées ayant
moins de poids à supporter, elles sont beaucoup moins volumineuses.
Dans une autre variante, une grosse bouée supporte la chaîne
principale ; sur cette dernière est maillée une chaîne plus légère, elle-
même soutenue par un petit flotteur. Ce sont ce deuxième flotteur et
cette deuxième chaîne que l’on agrippe avec la gaffe et que l’on ramène
à bord. Rappelons qu’on tourne une chaîne au taquet avec de simples
tours morts, en aucun cas en réalisant des huit ou des demi-clés, sous
peine de ne plus jamais pouvoir la dénouer.
Lorsque l’amarre du bateau est fixée à une bouée, il faut être certain
que le point d’amarrage (l’anneau du coffre le plus souvent) soit
correctement fixé à la chaîne qui la relie au corps-mort.
En cas de doute sur la solidité de l’anneau d’amarrage du coffre – en
particulier si cet anneau n’est pas relié métalliquement à la chaîne –, il ne
faut pas hésiter à s’amarrer directement à cette dernière, sous la bouée.
S’il est possible de s’amarrer provisoirement à l’anneau d’un corps-
mort par une amarre en double, pour quelques heures ou pour le temps
de la manœuvre d’appareillage, on n’abandonne pas ainsi son bateau,
pas plus qu’on ne reste amarré en double pour la nuit, le risque étant que
l’aussière se cisaille et que le voilier parte à la dérive. Dans tous les cas, il
faut réaliser un tour mort avec son amarre sur le coffre, pour réduire le
ragage. Pour plus de sécurité, on peut doubler l’amarrage (c’est-à-dire
mettre en place une deuxième aussière).

PRENDRE UN COFFRE À LA VOILE


Si les accostages à la voile sont pour l’essentiel à ranger au rayon des
souvenirs (faute de place pour évoluer ou pour des raisons
réglementaires), les zones de mouillage échappent à ces contraintes.
Une belle prise de coffre à la voile demeure un vrai plaisir de manœuvrier
et relève d’un savoir-faire qui mérite d’être entretenu.

Principe de la manœuvre
Un coffre est fixe dans le paysage (il est immobile par rapport au
fond), mais le voilier qui s’en approche se déplace sur la surface de l’eau
(en avançant et/ou en dérivant sous l’effet du vent) et, quand il y a du
courant, l’eau elle-même est en mouvement. Pour prendre un coffre
correctement, il faut d’abord déterminer et suivre une route fond 74 qui
mènera le bateau jusqu’à la bouée, puis s’immobiliser suffisamment par
rapport au fond pour s’en saisir.
Pour vérifier que la route fond guide le bateau à son but, il n’existe
qu’un moyen : s’assurer que le paysage ne défile pas derrière le coffre.
On dit qu’il faut « laisser le coffre stable dans le paysage », ce qui revient
à suivre l’alignement entre la bouée du coffre et un point quelconque en
arrière-plan dans le paysage. Si le bateau reste sur l’alignement, sa
trajectoire l’amène jusqu’au coffre. Pour s’arrêter finalement sur le fond,
on adapte sa voilure en fonction des circonstances – à savoir, pour
l’essentiel, en fonction de la force et de la direction du courant et du
vent.

Prendre un coffre sans courant


Sur la plupart des bateaux, cette manœuvre se fait sous grand-voile
seule. Le bateau est suffisamment manœuvrant et la plage avant est bien
dégagée. En l’absence de courant, il faut arriver sur le coffre au bon plein
en faisant partiellement faseyer la grand-voile, ce qui permet de ralentir
avant d’arriver sur le coffre, sans que la quille ou le safran décroche 75.
On commence par un repérage des lieux (un « tour d’honneur ») de
façon à vérifier que le coffre est en bon état, que s’y amarrer y est
autorisé, qu’il y a suffisamment de place autour pour manœuvrer. Après
s’être approché ainsi du mouillage visé, on s’en éloigne en faisant route
au largue, à environ 120° du vent. On roule ou on affale le foc, puis on
vire sous grand-voile seule et on revient dans son sillage, à environ 60°
du vent (180° – 120° = 60°), c’est-à-dire au bon plein. Cette allure a un
double avantage : elle laisse de la marge pour lofer si l’on tombe sous la
route et elle permet de déventer la grand-voile en la choquant sans
qu’elle arrive en butée dans les haubans.
Pour que le coffre demeure « stable dans le paysage », il faut le
maintenir légèrement sous le vent de l’axe du bateau, de façon à
compenser la dérive, qui augmente lorsque le bateau ralentit. On règle sa
vitesse en choquant/bordant la grand-voile, l’approche du coffre se
poursuit à allure réduite jusqu’à ce que le bateau soit assez proche pour
terminer sur son erre, voile entièrement choquée. On doit s’arrêter avec
le coffre au vent de l’étrave : en prenant la bouée sous le vent on
risquerait de passer dessus, et de voir sa chaîne s’engager sous le
bateau, dans la quille ou le safran.

Le bon angle d’approche est matérialisé par les secteurs colorés en bleu ciel.
Dans la zone blanche, on arriverait trop abattu, sans pouvoir ralentir en choquant la
grand-voile. Dans la zone bleu foncé, on naviguerait trop bas, sans parvenir à
remonter sur le coffre ou sans marge de manœuvre s’il fallait rectifier la trajectoire en
lofant. 1 Repérage du coffre et de la zone environnante. 2 On abat en choquant et on
s’éloigne du coffre, au largue (120° du vent environ). 3 On affale ou on roule le foc.
4 Sous grand-voile seule, on vire de bord en bordant. 5 On navigue au bon plein
(60° environ) en pointant le nez du bateau légèrement au vent du coffre, compte tenu
de la dérive. 6 On ajuste la vitesse en choquant/bordant la grand-voile, et on
conserve son alignement. 7 On termine sur l’erre, grand-voile choquée, en prenant le
coffre au vent.

Prendre un coffre avec courant et vent dans le même


Prendre un coffre avec courant et vent dans le même
sens
Par rapport au cas de figure précédent, on se placera un peu plus au
vent du coffre au début de la trajectoire d’approche (courant et vent
s’additionnant, le bateau est davantage déporté pendant qu’il se
déplace). Au besoin, après le passage de repérage on s’éloigne à une
allure un peu plus lofée, de façon à se retrouver naturellement sur une
route plus au vent lorsqu’on vire pour revenir au bon plein. Plus que
jamais on contrôle sa trajectoire en suivant l’alignement du coffre avec
un point du paysage. En jouant avec l’écoute (contrôle de la vitesse) et la
barre (contrôle de l’angle de remontée au vent), on maintient une route
fond constante (on fait un bac) jusqu’au coffre, dont l’équipier va devoir
se saisir pour rapidement l’amarrer sans attendre, car le bateau ne
restera pas longtemps immobile !

LE COUP DU LASSO
La technique du lasso simplifie la tâche de l’équipier chargé d’attraper le coffre,
et permet de sauver le coup lorsqu’on a mal estimé sa trajectoire et/ou sa vitesse
dans la phase finale. Une courte aussière est amarrée en double à l’étrave, elle est
lovée en deux parties, l’équipier tenant une glène dans chaque main. En vue de la
bouée, il lance des deux mains à la fois, l’amarre tombe derrière le coffre et cravate
la chaîne. Le bateau est immobilisé, reste à s’amarrer proprement. C’est bien plus
pratique que de s’escrimer avec une gaffe, qu’on risque de se faire arracher des
mains. Le petit plus : laisser tomber l’aussière à l’eau avant de la lover ; une fois
mouillée, elle est plus lourde et elle atteint d’autant mieux son but.
Prendre un coffre avec un courant travers
ou contraire au vent
C’est la situation la plus simple, à condition de prendre le coffre face
au courant, à savoir en marchant entre le travers et le vent arrière sans
grand-voile, pour pouvoir ralentir et s’arrêter – donc sous foc seul, voire à
sec de toile par vent fort !
Quand courant et vent s’opposent, il est possible en effet de s’arrêter
sur le fond tout en conservant sa vitesse en surface. On contrôle très
facilement sa vitesse en choquant (ou en roulant) du foc, jusqu’à ce que
le déplacement du bateau sur la mer compense exactement le courant.
Le voilier reste très manœuvrant (comme il avance sur l’eau son safran
est pleinement efficace) et le coffre peut être saisi en toute tranquillité
puisqu’on est arrêté sur le fond (on est donc immobile par rapport à la
bouée).
La tentation inverse (accoster face au vent et cul au courant) est à
proscrire : on arriverait sans vitesse sur l’eau, et donc non manœuvrant,
tout en continuant à avancer sur le fond, et en dérivant par conséquent
sur les obstacles potentiels (autres bateaux au mouillage, rivage,
rochers…). C’est le meilleur moyen de rater son coffre mais aussi d’aller
à la catastrophe.

PRENDRE UN COFFRE AU MOTEUR


Sans courant, on approchera le coffre bout au vent. Avec du vent et
du courant, on cherchera à déterminer lequel des deux est l’élément
dominant. Il suffit en général pour cela d’observer dans quelle direction
évitent les autres bateaux au mouillage, et de se présenter dans le même
sens. Attention, tous les bateaux n’évitent pas toujours de la même
manière, selon qu’il s’agit de voiliers ou de navires à moteur, de
monocoques ou de multicoques.

Prendre un coffre en marche arrière


Souvent l’étrave est haute, la bouée est basse, et la gaffe paraît bien
courte. Plutôt que de faire des acrobaties ou de se mettre à plat ventre
sur la plage avant, on peut prendre le coffre en marche arrière. Cette
manœuvre est particulièrement intéressante avec les croiseurs
modernes à l’arrière très ouvert, qui mettent le coffre pratiquement à
portée de main.
Un enchaînement simple et efficace 1 Le voilier approche le coffre en marche
arrière, cul au vent ou au courant, en fonction de l’élément dominant. 2 On se saisit
facilement de la bouée, sur laquelle on passe une amarre en double (une bosse de
manœuvre). Le bateau est immobilisé. 3 Une aussière est fixée sur la bouée et
ramenée à l’étrave par l’extérieur des filières et des haubans. On choque
progressivement l’amarre arrière, tout en reprenant l’avant. 4 Il ne reste plus qu’à
finaliser l’amarrage.

APPAREILLER DEPUIS UN COFFRE


Il est des situations où quitter un coffre relève d’un jeu d’enfants. Et
d’autres cas de figure où il faudra forcer le bateau à éviter dans la
direction souhaitée, que l’on décide d’appareiller à la voile ou au moteur.
Pour cela, une bosse de manœuvre est passée en double dans l’anneau
de la bouée ; puis elle est frappée sur tribord ou sur bâbord en fonction
de l’amure de départ, plus ou moins en arrière selon l’allure qu’on
prendra au moment d’appareiller. Une fois la voile hissée ou déroulée, la
bosse d’amarrage est larguée. Le bateau pivote alors, retenu par la bosse
de manœuvre. Pour partir, il ne reste qu’à la laisser filer.
En règle générale, il est plus facile – et plus sage – d’appareiller sous
foc seul pour hisser la grand-voile une fois dégagé de la zone de
mouillage. Envoyer la grand-voile à une allure plus arrivée que le bon
plein est en effet impossible, et par ailleurs il est difficile d’abattre sous
grand-voile seule tant que le bateau n’a pas acquis un minimum de
vitesse. Une voile d’avant s’établit au contraire quelle que soit l’allure, se
vide aisément quel que soit l’angle du vent (au portant, il suffit de la
laisser partir en drapeau), elle permet en outre d’abattre dans un rayon
plus court, et même de pivoter dans un mouchoir de poche en la bordant
à contre. La seule configuration où l’on envisagera de partir plutôt sous
grand-voile seule est celle où l’on prévoit de partir au près serré.

Ici le vent et le courant sont dans le même sens, et on veut abattre très vite
pour partir vent arrière. Sur l’image, l’amarre en double a été larguée, et une équipière
commence à récupérer la bosse de manœuvre. Le foc a été bordé à contre sitôt
déroulé. On va pouvoir le transférer bientôt sur tribord, à moins qu’on souhaite
empanner immédiatement, auquel cas il suffit de le laisser bordé sur bâbord.
LE MOUILLAGE
Se réveiller le matin au mouillage sur une eau limpide, dans une
crique préservée, est l’une des principales raisons d’être de la croisière.
Cette échappée belle hors des villes, ports ou marinas est même
l’essence de la navigation lointaine. En voyage, dans certaines contrées,
se mettre à l’ancre est souvent le seul moyen de faire escale, découvrir
un paysage, une côte, des gens. Mouiller peut aussi être indispensable
pour se mettre à l’abri d’un coup de vent ou attendre la renverse du
courant. Mais, comme en toute chose sur un voilier, la technique du
mouillage exige du matériel fiable et l’art de s’en servir.

LA LIGNE DE MOUILLAGE
La ligne de mouillage est constituée de l’ancre et de la chaîne,
souvent prolongée par le câblot (cordage en textile). L’extrémité de cette
ligne est fixée au bateau par le point d’étalingure. Elle pénètre à bord en
passant par le davier (rouleau tournant sur un axe) ou, sur les gros
bateaux, par une ouverture cylindrique appelée écubier. Un guindeau
(treuil à axe horizontal) peut s’ajouter pour faciliter la manipulation.
Quand ce treuil est à axe vertical, c’est un cabestan (winch en anglais),
mais le terme de guindeau s’étant généralisé, nous l’adopterons dans Le
Cours pour les deux types de treuils.
L’ensemble de ces éléments doit être de qualité. Ils seront choisis en
fonction de la longueur et du déplacement du bateau, avec pour règle
d’aller au-delà des préconisations des fabricants, jamais en deçà. Le
tableau ► rassemble, pour quelques ancres courantes, les
caractéristiques des lignes de mouillage en fonction de la taille du voilier.

L’ANCRE
Quand elle ne sert pas, une ancre doit se ranger facilement (le plus
souvent à l’avant du bateau, prête à servir) et être la plus légère possible,
autant de critères qui s’ajoutent à l’essentiel : sa bonne tenue sur les
fonds. En la matière, le poids de l’ancre est un facteur moins déterminant
que sa géométrie. C’est son dessin qui détermine sa capacité à
s’enfoncer toute ou en partie dans les fonds marins, à la manière d’un
soc de charrue pénétrant dans la terre.
Le soc a ainsi inspiré de nombreuses ancres, à commencer par la
vénérable CQR, aujourd’hui largement détrônée par des modèles plus
récents, telles les ancres Spade, Kobra, FOB Rock, Manson Supreme,
Rocna, Delta, Brake, etc. Dotées d’une pointe parfois lestée, les ancres
charrues de nouvelle génération ont des formes complexes, qui
favorisent un enfoncement rapide et une meilleure tenue.
Trois types d’ancres fréquemment utilisées : ancre à pelle concave, ancre plate
et soc de charrue.

Quand, entraînée par la chaîne, l’ancre a pénétré dans le sol, elle doit
s’enfouir sans pivoter sur la tranche lorsque la traction augmente, ce qui
la ferait décrocher. Plus faciles à manipuler et à ranger, les ancres plates,
qu’elles soient en acier galvanisé, (FOB HP, Danforth, Britany, etc.) ou en
alliage d’aluminium (FOB Light, Fortress, Guardian, etc.) ont une
fâcheuse tendance au décrochage sous forte charge, ce qui limite leur
usage au mouillage occasionnel ou par beau temps établi. Cependant,
dans plusieurs tests comparatifs, certaines ancres plates (FOB HP ou
Fortress) rivalisent avec les ancres charrues.
Si une ancre ne doit pas décrocher, elle ne doit pas non plus chasser
(labourer le fond sans s’y bloquer). Une ancre chasse quand la traction
de la chaîne n’est pas horizontale sur le fond. Cela se produit lorsque
longueur ou poids de la ligne de mouillage sont insuffisants. Mais une
ancre peut chasser pour de multiples raisons : quand le fond est trop
meuble et l’enfouissement insuffisant, quand le sol est trop dur, quand la
surface des pattes est trop petite… Et bien sûr quand la traction du
mouillage est trop importante.
Les essais d’ancres réalisés sur des fonds de types différents
donnent des résultats disparates, ce qui démontre qu’il n’existe pas
d’ancre universelle. Si les ancres modernes s’avèrent plus polyvalentes,
moins encombrantes et globalement plus performantes que les modèles
d’antan, il est intéressant de constater que les ancres classiques à jas
étaient les plus efficaces dans les cas spécifiques des fonds d’herbes et
de rochers. Les critères de choix d’une ancre dépendent aussi des
habitudes culturelles, qui varient selon les pays d’origine des voiliers et
les régions fréquentées. Nous conseillerons d’embarquer au moins deux
lignes de mouillage, la principale étant uniquement constituée de chaîne
reliée à une ancre charrue, le mouillage secondaire étant composé d’une
ancre plate de bonne qualité associée à une ligne mixte (chaîne et
câblot).

C’est de l’ancre à jas traditionnelle, dont l’usage ne persiste plus aujourd’hui –


dans un but purement esthétique – que sur certains vieux gréements, qu’est issue la
terminologie décrivant les différentes parties d’une ancre.

ÉCHANTILLONNER SON MOUILLAGE


La réglementation française n’impose qu’une ligne de mouillage à
bord, sans autres précisions, ce n’est donc pas de ce côté qu’il faut
chercher des données permettant de choisir un mouillage adapté à son
voilier. Les indications les plus précises sont celles des fabricants. Le
tableau ci-contre fournit à titre indicatif quelques-unes de ces
préconisations, en fonction de la longueur et du déplacement du bateau.
Caractéristiques des lignes de mouillage en fonction de la taille du voilier.
LES QUALITÉS INDISPENSABLES D’UNE
LIGNE DE MOUILLAGE
Le mouillage doit être adapté au bateau (voir les tailles recommandées de
quelques ancres ►). Ne pas hésiter à utiliser la taille au-dessus si de fréquentes
navigations de cabotage sont au programme, que ce soit en Atlantique ou en
Méditerranée. Et a fortiori pour des voyages lointains.
Le mouillage doit avoir une bonne élasticité. Rien de pire pour le matériel
(ancre, chaîne, davier, guindeau, taquets) que les à-coups violents dus à un
mouillage dépourvu d’amortissement. Cette capacité à absorber les tractions
brutales s’obtient par la courbe que forme une chaîne assez longue et lourde, ou
par la longueur du câblot, lui-même élastique.
Le mouillage doit résister à l’abrasion, en particulier sur les fonds marins,
mais aussi sur le davier.
Le mouillage doit être léger, dans la mesure où cela ne contredit pas ce qui
précède.
Le mouillage doit être facile à stocker. Pour les câblots, par exemple, on
choisit un bout qui se love bien sans faire de coques.
Le mouillage doit être suffisamment long. Une ancienne réglementation
préconisait d’avoir à bord un mouillage de cinq fois la longueur du bateau, mais il
s’agit là d’un minimum, surtout dans une mer soumise à la marée.

Combien de mouillages à bord ?


Il y a en général et au minimum deux mouillages complets sur les croiseurs (et
même trois si l’on compte le grappin de l’annexe associé à son câblot).
Le mouillage lourd doit son élasticité au poids de la chaîne dont il est
exclusivement constitué. Il est utilisé pour mouiller dans un endroit sûr quelques
heures ou quelques jours, l’équipage ne restant pas forcément à bord.
L’avantage du mouillage léger réside essentiellement dans sa facilité de
manipulation. Sa contrepartie est que, pour une tenue identique, il faut mouiller
plus long : le rayon d’évitage s’en trouve sensiblement accru. Ce mouillage mixte
comporte au moins 8 mètres de chaîne pour éviter l’usure sur les fonds et sa ligne
textile doit être fourrée là où elle porte sur le davier. Il est utilisé pour les
mouillages d’attente, quand on ne quitte pas le bord.
De nombreux bateaux de voyage sont équipés d’un mouillage arrière à
poste (du type mouillage léger, qu’il peut d’ailleurs remplacer). On peut placer son
câblot – parfois remplacé par une sangle – sur un dévidoir. Près du poste de barre,
facile à utiliser en équipage réduit, il réclame l’installation d’un davier à l’arrière du
bateau.
Pour les longs périples, il est conseillé de disposer à bord d’une ancre
supplémentaire plus lourde et stockée dans les fonds : la maîtresse ancre,
comme on la dénommait autrefois pour la distinguer de l’ancre du mouillage lourd
(appelée ancre d’usage) et de celle du mouillage léger (ancre de veille). Elle sera
utilisée pour des mouillages de longue durée dans des endroits peu sûrs ou servira
d’ultime recours dans des situations difficiles, justifiant alors parfaitement sa
présence.
LA MANŒUVRE DE MOUILLAGE

Choisir un endroit pour mouiller


Le choix d’un mouillage forain 76 est l’aboutissement d’une
démarche méthodique, avec pour premier critère la météo.
– On ne mouillera pas au vent d’une côte, pour ne pas risquer
l’échouement si l’ancre chasse. L’endroit doit être en priorité protégé de
la houle, si possible du vent, ce que l’observation et les prévisions du
moment vont déterminer. Un mouillage « parfait » se transforme vite en
enfer quand la météo est changeante.
– De même, il est délicat de mouiller dans une zone de fort courant,
qui rend le bateau vulnérable si l’ancre décroche.
– Les fonds doivent être de bonne tenue (vase, argile, sable dur ou
gravier), car l’ancre accroche mal sur les surfaces rocheuses, les galets,
les épaisses couvertures végétales. La nature du fond est indiquée sur la
carte, et si l’on a un doute pour décrypter un symbole, on consultera
l’ouvrage 1D du SHOM (en téléchargement gratuit).
– Les cartes marines signalent quelques zones de mouillage
(symbolisées par une ancre), mais aussi les zones interdites
caractérisées par la présence de câbles sous-marins, chenaux d’accès,
flore sous-marine protégée, zone aquacole, zone d’exercices militaires,
zone d’évitage d’un ferry, etc. La consultation des documents nautiques,
ainsi que la présence éventuelle de balises ou de panneaux sur le rivage,
complètent les renseignements de la carte.
Toutes les zones de mouillage possibles n’étant pas signalées sur les
cartes ou dans les guides, le choix d’un bon endroit pour se mettre à
l’ancre est affaire d’expérience et de bon sens, selon les circonstances,
le type de voilier… et les exigences de l’équipage. Certains trouveront
infernal un mouillage légèrement rouleur, d’autres oublieront ce léger
inconvénient pourvu que le lieu soit beau et peu fréquenté.

Approche
Pour approcher la zone de mouillage choisie, on préfèrera utiliser le
moteur si le plan d’eau est déjà très encombré, car un abordage au cours
d’une manœuvre ratée à la voile est rarement pardonné. S’il y a assez de
place (ce qui s’apprécie en fonction de l’expérience de l’équipage),
manœuvrer à la voile pour mouiller ne présente pas de difficulté – et
apporte toujours autant de satisfaction.

Quelle ligne de mouillage utiliser ?


Le mouillage léger, mixte câblot et chaîne, fera l’affaire si l’on
s’installe quelques heures ou pour la journée ; pour une nuit ou plus (ou
dans un lieu mal abrité), le mouillage lourd, uniquement constitué de
chaîne, s’impose. Pas forcément parce qu’il est plus lourd (les lignes
mixtes offrent parfois une tenue de mouillage surprenante en raison de
leur élasticité), mais surtout parce qu’il est beaucoup moins vulnérable
au ragage (usure par frottements) prolongé sur le fond.

Calculer la hauteur d’eau


Une fois choisie la zone de mouillage, il faut déterminer la hauteur
d’eau minimale nécessaire à l’endroit où l’on mouille, ce qui dépend de la
marée. On tiendra un raisonnement de ce genre : « Mon bateau cale
2 mètres de tirant d’eau, nous sommes à mi-marée, le marnage 77 est de
5 mètres, les coefficients de marée diminuent (la mer descendra et
montera donc un peu moins à la prochaine marée), je veux rester
24 heures, je vais devoir sonder et trouver des fonds de 5 mètres
minimum : 2 m de tirant d’eau + 2,5 m de jusant + un pied de pilote 78
de 0,5 m = 5 m. » En somme, il faut se demander s’il y aura toujours « de
l’eau » pendant la période qu’on a prévu de passer ici… C’est-à-dire une
hauteur suffisante pour que le bateau flotte, sans risquer de toucher, y
compris si le vent tourne et si le bateau évite son mouillage. (Voir
« Navigation » ► pour plus de détails sur les calculs de marée.)

Longueur de la ligne de mouillage


La longueur du mouillage doit être telle qu’une quantité suffisante de
chaîne repose sur le fond, que ce soit à marée haute ou basse. En effet,
pour que l’ancre s’enfonce et retienne le bateau, elle doit être soumise à
une traction la plus horizontale possible.
Par beau temps et avec un mouillage lourd, on aura pour règle de
laisser filer trois fois la hauteur d’eau maximale. Dans l’exemple
précédent, où la hauteur d’eau est de 7,5 m à marée haute, on aurait
ainsi prévu de mouiller 25 m de chaîne. Si le vent est fort, ou s’il risque
de le devenir, on allonge à cinq fois la hauteur d’eau maximale (37 m
dans notre exemple). Si le temps se gâte vraiment, on n’hésite pas à
mettre sept fois la hauteur d’eau. Évidemment, c’est autant de chaîne à
remonter au moment de partir, mais surtout, cette longueur augmentera
encore le rayon d’évitage, ce qui est à prendre en considération pour
éviter les chocs avec les voisins ou les risques d’échouement.
En mouillant à marée basse et si l’on prévoit de rester, c’est bien la hauteur
d’eau à marée haute qu’il faut prendre en compte pour calculer la longueur de chaîne
ou de câblot à dévider.

Avec un mouillage léger (mixte chaîne et câblot), on mouillera cinq


fois la hauteur d’eau maximale, davantage si les conditions météo ne
sont pas favorables ou se dégradent. Si elles se détériorent encore, on
met le mouillage lourd.

Observer
Avant toute manœuvre de mouillage, on visite la zone pour choisir
son emplacement, en veillant à la présence de baigneurs. Au moteur, on
fait route à vitesse réduite, les voiles prêtes à être envoyées en cas de
panne. À la voile, on adapte la voilure pour être manœuvrant et garder
une bonne visibilité : génois partiellement roulé ou solent (voir « La
voilure de manœuvre » ►). Dans les deux cas, quand l’on passe devant
les bateaux à l’ancre, on veillera à s’écarter de leur ligne de mouillage en
évitant les bouts des bouées d’oringage ►. En passant derrière eux, on
prendra garde aux annexes, surtout la nuit.
Ce tour d’observation permet de répondre à diverses questions.
Comment les bateaux évitent-ils sur leur mouillage 79 ? Quelle est la
profondeur à cet endroit ? La nature du fond ? Si l’eau est claire, on
repère le sable, plus favorable à la tenue de l’ancre que les algues et les
rochers, qui dessinent des taches plus foncées. Enfin, il faut profiter de
ce petit tour pour réfléchir au parcours qui mènera le bateau à son
emplacement, face au vent ou au courant (c’est l’élément dominant qui
devra être pris en compte) et sans vitesse. Au mouillage, les bateaux
n’évitent pas tous dans le même sens, à cause de leur fardage et de leur
plan de dérive, mais aussi de leur situation, plus ou moins exposée au
courant et au vent. Pour ne pas emmêler les lignes de mouillage, on
cherchera à mouiller derrière un bateau à l’ancre plutôt que juste devant
lui.

Se préparer
Le bateau se dirige vers son emplacement sous grand-voile seule ou
au moteur. Un équipier va à l’avant, protégé par des gants et de bonnes
chaussures ou des bottes. On a ouvert la baille à mouillage, dans laquelle
la chaîne est rangée 80. Si l’on ne dispose pas de guindeau, on prépare
une bitture, qui consiste à allonger sur le pont, en zigzags, la longueur de
chaîne à mouiller. Une deuxième méthode, moins élégante mais plus
rapide, est celle du tas bien pensé : on sort de la baille la quantité de
chaîne requise, en réalisant un tas, puis on repart en sens inverse pour
confectionner un deuxième tas juste à côté : lorsqu’on a terminé, la
partie de la chaîne devant filer en premier est sur le dessus.
Réaliser une bitture consiste à préparer en allers-retours la bonne longueur de
chaîne, de façon à ce qu’elle puisse se dévider proprement au moment où l’on
mouillera.
MANŒUVRER AU GUINDEAU
Comme pour toute machine tournante, l’utilisation du guindeau requiert de la
prudence. Attention aux vêtements amples, aux bijoux, foulards et cheveux
pouvant se prendre dans le mécanisme. Chaussures et gants restent de rigueur
pour manipuler ancre et chaîne.

Mouiller l’ancre
– Avant de mouiller, placer l’ancre en suspension sur son davier.
– Dévirer la chaîne en desserrant le frein, à la rigueur avec la commande
électrique. La première solution est à privilégier par forte hauteur d’eau, lorsqu’il
est difficile de maintenir la position le temps que l’ancre aille au fond ou encore,
bien évidemment, lorsqu’on doit mouiller en urgence.
– Freiner le guindeau pour que le bateau fasse tête.
– Ajuster la longueur.
– Placer sur le haut de la chaîne un cordage amortisseur, au moyen d’un croc
ou d’une erse.
– Mollir légèrement la chaîne.

Relever l’ancre
– Avant de remonter la chaîne, démarrer le moteur de propulsion du voilier
pour maintenir la charge des batteries (ceci n’est évidemment pas indispensable
pour les guindeaux mécaniques, bien rares désormais sur les ponts de nos
voiliers).
– Passer la télécommande filaire à l’extérieur des filières, cela lui évitera de
traîner sur le pont et de se faire emporter par la chaîne.
– Virer la chaîne à la demande, sans forcer sur le guindeau, en attendant que
le bateau revienne sur son ancre, ou en faisant signe au barreur d’embrayer
doucement en marche avant, dans la direction d’où tire le mouillage. On
communique très aisément par gestes (voir « Histoire sans paroles » ►).
– Quand l’ancre est décrochée, le mouillage remonte plus vite. Rester vigilant
en veillant toujours sur la chaîne. Si elle est marquée, on repère d’autant mieux la
proximité de l’ancre.
– Stopper la remontée dès que l’ancre est visible. S’assurer qu’elle est claire
de toute entrave et orientée dans le bon sens. Cette étape est indispensable. On a
vu des ancres, remontées sans marquer ce temps d’arrêt, sauter le davier et
terminer dans les jambes d’un équipier.
– Remettre l’ancre sur son davier en virant lentement au guindeau.
– Assurer l’ancre au balcon ou au davier, par son diamant, au moyen du petit
bout prévu à cet effet.
– Couper le disjoncteur du guindeau.
La bitture ou le tas bien pensé permettra de filer la chaîne
proprement, sa confection est aussi l’occasion de contrôler la longueur
de chaîne utilisée si elle n’est pas marquée (on peut, par exemple,
mesurer un mètre à chaque brassée de chaîne extraite de la baille).
L’ancre est mise en bascule sur le davier d’étrave, prête à filer à l’eau.
L’équipier d’avant signale : « Paré à mouiller ! » De nuit, il se munit d’un
projecteur pour éclairer bateaux, bouées et annexes et, si l’eau est claire,
pour repérer la nature des fonds.
Sous voile comme au moteur, le bateau arrive face au vent et finit sur
son erre. S’il y a du courant, on se met au même cap que les bateaux
analogues au sien et on contrôle sa vitesse en observant leur position ou
en prenant des alignements.

On mouille !
Quand il dépasse légèrement l’emplacement choisi, on arrête le
bateau et on lui donne un peu d’erre en arrière. Revenu sur le point de
mouillage, le chef de bord ordonne : « Mouille ! » En l’absence de
guindeau, l’équipier contrôle le dévidement avec le pied botté placé sur
la chaîne, bien en arrière du davier. Avec un guindeau, on file en principe
la chaîne en desserrant le frein, au moyen de la bringuebale ► : c’est en
effet la seule méthode pour que l’ancre arrive au fond sans délai, avant
que le bateau n’ait perdu son point de mouillage. L’utilisation de la
commande électrique demeure acceptable par faible hauteur d’eau et si
le barreur est capable de contrôler position et trajectoire le temps que la
chaîne file.
Avec un peu d’habitude, l’équipier peut sentir l’arrivée de l’ancre sur
le fond, quand la tension de la chaîne diminue sensiblement. Il la freine
légèrement sans la bloquer et la laisse filer à la demande pour l’allonger
sur le fond à mesure que le bateau recule, ce qui évite à la chaîne de
s’empiler sur l’ancre.

Étaler la ligne de mouillage sur le fond


L’équipier laisse filer une longueur de chaîne équivalente à trois fois
la hauteur d’eau (15 mètres dans notre exemple), en la freinant juste ce
qu’il faut pour que la chaîne s’étale sans que l’ancre chasse. Cette
difficulté de dosage est aussi la même pour le barreur qui doit contrôler
la faible erre du bateau en arrière. Une fois la longueur atteinte, l’équipier
bloque la chaîne, soit à l’aide du frein de guindeau, soit par trois tours
autour de la bitte ou du taquet (surtout pas de demi-clé ni de nœud !).
Moteur débrayé ou grand-voile affalée, le bateau fait tête (le mouillage
rappelle l’étrave du bateau vers l’avant). L’équipier ajuste alors
progressivement la longueur de chaîne pour atteindre la valeur désirée
(25 mètres dans notre exemple). Le bateau est mouillé 81.

Se signaler
Un équipier hisse la boule de mouillage, signal indiquant de jour un
bateau à l’ancre, en principe obligatoire, mais que peu de plaisanciers
pensent à installer.
De nuit, on éteint les feux de route pour allumer un feu blanc visible
o
sur tout l’horizon (règle n 30 du Règlement international pour prévenir
les abordages en mer – RIPAM). De petits fanaux solaires ou
rechargeables, ou encore une lampe tempête à pétrole suspendue sous
la bôme, sont bien pratiques au mouillage même s’ils ne sont pas
obligatoires. À distance moyenne, ils signalent cependant bien mieux le
bateau que le feu de tête de mât seul (RIPAM : « un navire au mouillage
peut utiliser ses feux de travail disponibles ou des feux équivalents pour
o
illuminer ses ponts », règle n 30c).
MOUILLER AU VENT ARRIÈRE
Cette manœuvre ne peut s’effectuer que par temps maniable, en cas de panne
ou d’absence de moteur. On se présente largement au vent de l’emplacement
choisi, puis on affale la grand-voile. On abat pour se placer vent arrière, sous foc seul
ou à sec de toile, de façon à garder une vitesse très réduite (inférieure à 2 nœuds).
Arrivé au point de mouillage, rouler le foc et laisser filer la chaîne librement. Le
bateau continue sur son erre. Lorsque la touée prévue (longueur de chaîne ou
câblot jusqu’à l’ancre) est à l’eau, l’équipier d’avant fait signe au barreur qui lofe
immédiatement du côté où se trouve la chaîne pour que le bateau fasse tête.
Cette méthode est plus rapide – et expéditive ! – que la manœuvre
traditionnelle. Sous l’effet de la vitesse et de l’inertie, l’ancre s’enfouit plus
franchement dans les fonds, et risque moins de s’engorger d’algues. Autre
avantage : s’il y a du clapot, on voit mieux le fond que face au vent. La difficulté est
de contrôler la vitesse au vent arrière et de choisir de quel côté on va lofer pour
aider le bateau à faire tête, sans rayer la peinture de coque avec la chaîne.
Évidemment, on doit aussi s’assurer que le mouillage filera correctement et sans
danger pour l’équipage. Bref, compte tenu des efforts en jeu et des risques induits,
cette technique efficace ne s’emploiera qu’avec prudence et sur des unités de faible
tonnage.

Contrôler la bonne tenue du mouillage


Une fois la manœuvre terminée, le chef de bord prend un alignement
par le travers du bateau. Puis, quelques minutes après, il le contrôle :
l’alignement ne doit pas avoir bougé sensiblement. À défaut d’alignement
visible, on surveillera au compas de relèvement un amer assez proche,
par le travers. Son relèvement ne doit pas varier. À part ces repères
visuels, on peut aussi recourir au logiciel de cartographie du traceur ou
d’un smartphone, voire utiliser le cercle de distance du radar, si l’on
dispose de ce matériel.
Lorsqu’on a mouillé pour la nuit ou que l’équipage prévoit de
débarquer pour une longue balade, il est préférable de vérifier que le
mouillage tiendra avec 10 ou 15 nœuds de vent en plus. Au moteur, on
bat en arrière au ralenti. La chaîne se tend peu à peu : le bateau doit
rester fixe par rapport à l’alignement pris par le travers. Un équipier peut
également vérifier qu’il ne sent aucune vibration en posant la main à plat
sur la chaîne bien en arrière du davier. Cette dernière technique de
contrôle est utile pour déterminer, de nuit et sans alignement visible, si le
bateau a tendance à chasser.

Prendre son alignement 1 le bateau est mouillé, on a pris un alignement : l’arbre


par la balise de danger isolé. 2 On a perdu l’alignement, c’est signe que l’ancre
chasse.

Assurer le mouillage
Soumis des heures ou des jours durant aux coups de rappel du
bateau sur sa chaîne de mouillage, le guindeau souffre. Un croc frappé
sur un maillon de la chaîne et relié à un taquet d’étrave par une section
d’aussière le libère de ces contraintes 82. À défaut de croc, on peut
utiliser une erse (anneau de cordage) montée en tête d’alouette sur la
chaîne. Une fois l’amarre en tension, on mollit légèrement la chaîne.
L’autre avantage de cette technique, intéressante même en l’absence de
guindeau, est de supprimer les bruits liés au raclement de la chaîne dans
son davier. Pour plus de confort, certains placent même un amortisseur
en caoutchouc sur l’amarre reprenant la tension de la chaîne.
Sauf par très beau temps, il est déconseillé d’utiliser le mouillage
léger pour plus de quelques heures. Si cependant cela doit arriver, on
pensera à protéger du câblot du ragage dans le davier avec une section
de tuyau en plastique, ou en fourrant avec un chiffon. Dans les deux cas,
maintenir le système en place par un petit amarrage avec une garcette.

Ce modèle de croc de mouillage à toute épreuve s’engage entre deux maillons. La


largeur de son encoche doit être adaptée au calibre de la chaîne. Faute de croc, on
pourra relier l’aussière au mouillage par un anneau de cordelette, passé en tête
d’alouette sur la chaîne.

AU MOUILLAGE AVEC UN MULTICOQUE


Avec un multicoque de croisière, il faut être particulièrement attentif aux
distances avec les autres bateaux. Un catamaran ou un trimaran n’évite pas comme
un monocoque et, comme on mouille plutôt plus long en raison d’un fardage
important, le rayon d’évitage est à l’avenant. Sur un catamaran, les efforts de la
chaîne sont repris par un croc sur une patte d’oie textile. Plus la patte d’oie est
longue, meilleure est la répartition des efforts, dans l’idéal chaque brin doit en
tension présenter un angle de 30° environ avec l’axe des coques. En navigation,
cette patte d’oie reste en tension dans la baille à mouillage, en passant par-dessous
le trampoline.

LES AUTRES FAÇONS DE MOUILLER


En prévision du mauvais temps on peut placer deux ancres l’une
derrière l’autre sur la même ligne de mouillage : c’est l’empennelage. On
choisit de mettre devant l’ancre la plus efficace selon la nature du fond.
Elle est reliée au diamant de la plus proche du bateau par une chaîne de
7 à 8 mètres. La technique est controversée, mais notre expérience et
des tests montrent qu’empenneler va jusqu’à doubler la résistance à la
traction de l’ancre de tête. En cas de tension extrême, l’ancre arrière se
soulève et joue le rôle d’un contrepoids qui réduit l’angle d’incidence de
la ligne de mouillage, ce qui permet de maintenir la tenue de l’ancre
principale 83. Cette technique est plus adaptée aux mouillages
encombrés que l’affourchage.
Affourcher consiste à mouiller une seconde ancre en s’aidant de
l’annexe, de façon à ce que les deux lignes de mouillage fassent un V. La
bissectrice de l’angle d’environ 45° ainsi formé doit être dirigée vers le
vent dominant. Cette pratique n’a plus guère d’adeptes aujourd’hui.
Empenneler améliore la tenue du mouillage dans les conditions difficiles.

Embosser
Embosser, c’est mouiller avec une ancre à l’avant et une à l’arrière
(qu’on appelle alors ancre de croupiat) pour empêcher le bateau d’éviter
en fonction du vent ou du courant. L’embossage est courant dans les
rivières, anses et mouillages où l’on ne dispose pas d’assez d’espace
pour éviter.
Cette méthode empêche l’abordage entre deux bateaux n’ayant pas
la même prise au vent et au courant. Dans certaines criques et
calanques, l’ancre de croupiat peut être remplacée par une amarre
portée à terre 84 : c’est une méthode très fréquemment pratiquée en
Méditerranée et aux Antilles.

Porter un mouillage
Dans certaines situations délicates (un échouement par exemple) la
seule solution envisageable pour orienter l’étrave du bateau vers la sortie
est de porter un mouillage vers le large avec l’annexe, afin de pouvoir s’y
déhaler ensuite.
Il n’y a qu’une méthode efficace pour ce transport : charger toute la
ligne de mouillage (ancre comprise) dans le canot, en gardant l’extrémité
du câblot nouée à bord du voilier. On pagaye vers l’endroit choisi en filant
le mouillage à la demande, puis on mouille depuis l’annexe. Il est alors
temps de reprendre le mou sur cette ligne depuis le voilier. On procède
de même pour porter une amarre à terre. Exécuter cette manœuvre à
l’inverse, en ne prenant dans l’annexe que l’extrémité du mouillage ou de
l’amarre, le reste étant dévidé depuis le bateau, revient à tracter une
longueur et un poids croissants de câblot ou de chaîne, encore
« alourdis » par leur frottement sur le fond.

« Porter » l’ancre avec l’annexe : tout le mouillage doit être placé dans cette
dernière, en tas bien pensé, c’est-à-dire qu’on pose l’ancre en premier dans le fond de
l’annexe puis qu’on pose par-dessus la ligne de mouillage, brassée après brassée.
Dévider le mouillage depuis l’étrave du voilier rendrait la tâche impossible.
Mouiller en plomb de sonde
Mouiller d’abord l’ancre principale avec une longueur de chaîne
équivalant à trois fois la hauteur d’eau (15 mètres dans l’exemple du
début), en s’assurant qu’elle a bien croché. Descendre alors une seconde
ancre sur le fond, dans l’axe de la première. Laisser filer simultanément
les deux lignes de mouillage jusqu’à atteindre la longueur désirée pour le
premier (25 mètres dans notre exemple). Assurer le mouillage principal.
Organiser le reste de chaîne du deuxième mouillage en bitture, juste
retenue par du fil à casser (par exemple du fil à voile) et tourner son
extrémité sur un taquet. Si l’ancre principale vient à chasser, la chaîne du
deuxième mouillage filera au fond pour retenir le bateau, arrachant au
passage l’équipage des bras de Morphée. Le mouillage en plomb de
sonde est à la fois une sécurité et une alarme sonore.

Mouiller par grand fond dans le courant


Dans la Manche, quand le vent est faible, le courant peut jouer des
tours. Comme un grand tapis roulant, il éloigne le bateau et son équipage
de leur objectif. Libre à chacun de dépenser du gazole à faire du
surplace, mais pourquoi ne pas mouiller ? Comme le mouillage principal,
chaîne comprise, peut peser 120 kg (à la verticale, personne ne pourra le
remonter !), le grappin de l’annexe et une grande longueur de câblot,
même fin et léger, feront bien mieux l’affaire. La ligne descend à la
verticale dans l’eau, le sillage du bateau est impressionnant, la tension
est colossale, on pourrait presque jouer du violon dessus. Pour remonter
la ligne et l’ancre, il faudra attendre l’étale (moment où il n’y a plus de
courant), les gants étant indispensables. Ces situations sont bien
connues des coureurs, lorsque par petit temps ils butent sur un
« passage à niveau » et doivent mouiller en attente de la renverse.

RELEVER LE MOUILLAGE
Relever le mouillage (ou « lever l’ancre » en langage courant) ne se
fait pas sans un minimum de préparation et de rigueur. Que l’on prévoie
d’appareiller à la voile ou au moteur, la manœuvre se fera plus
sereinement à sec de toile, mais il faut pouvoir hisser ou dérouler un foc
rapidement : les écoutes de la voile d’avant ne doivent pas être entravées
par la remontée de la chaîne ou du câblot. La drisse de grand-voile est en
place, le taud de bôme retiré (ou le lazy-bag ouvert).
Les équipiers remontent la chaîne 85. Quand toute la chaîne est
décollée du fond, on est « à long pic » ; quand l’ancre est prête à se
décrocher, on est « à pic » ; quand l’ancre s’est décrochée du fond, elle
est « dérapée ».
Les équipiers signalent ces étapes au chef de bord. Jusqu’au stade « à
pic », il est encore possible de choquer la chaîne et de se retrouver
mouillé comme avant. Au-delà, il n’y a plus de retour en arrière possible.
On choisit l’amure de départ en s’aidant de l’erre prise par le bateau
au moment de la remontée du mouillage. Il faut juste faire attention à ne
pas donner un angle de barre trop tôt, sinon le bateau va rappeler sur
l’ancre encore fixée au fond et on ne partira pas sur l’amure prévue.
Lorsque l’ancre est dérapée, les derniers mètres de chaîne sont
remontés prestement. Si le bateau va trop vite, la vitesse qu’il va encore
acquérir risque d’entraîner l’ancre sous la coque dont elle
endommagerait la peinture ou le gelcoat.
Un vocabulaire précis pour transmettre des indications claires au barreur, depuis
la plage avant.

Le guindeau
Même par temps calme, le guindeau doit être capable de remonter le
mouillage sans forcer. Dès qu’il tend la chaîne, on le stoppe, le bateau
avance sur l’erre qu’il a reçue de la tension, puis on reprend de nouveau
au guindeau. Si le vent souffle, le barreur embraye le moteur en avant
lente pour réduire la tension de la chaîne, en suivant les instructions de
l’équipier d’avant. Une fois que l’ancre est dérapée, on ne s’arrête plus :
le guindeau ne force plus beaucoup puisqu’il ne hisse que l’ancre et de la
chaîne en quantité raisonnable (juste la hauteur d’eau).
Pendant la remontée de l’ancre, l’équipier d’avant veille à ce que le
tas de chaîne qui se forme dans le puits ne bloque pas le barbotin 86.
LES APPARAUX DE MOUILLAGE
La question du choix de l’ancre a été abordée au début de cette partie du Cours
consacrée au mouillage ►. Nous examinons ici la liste des accessoires qui s’y
connectent ou l’accompagnent.

La liaison chaîne-ancre
L’ancre est reliée à la chaîne en respectant l’adage : « La chaîne de l’ancre
vaut par la force de son maillon le plus faible. » À la manille assurée par un fil de
fer galvanisé (à changer chaque année) ou par un collier plastique d’électricien, on
peut préférer un modèle doté d’un manillon à 6 pans creux, à visser avec une clé
Allen. On prendra toujours une manille forgée, d’une taille supérieure à celle de la
chaîne : de 12 mm pour une chaîne de 10 mm, par exemple. Certains
équipementiers proposent des connecteurs fixes ou articulés, en inox ou acier
galvanisé, adaptés au diamètre de la chaîne et à la charge de travail.

La chaîne
Seule une chaîne calibrée est utilisable sur un guindeau, les maillons devant
s’ajuster aux crans du barbotin. Avec ou sans guindeau, on privilégie une chaîne-
câble de qualité marine en acier galvanisé d’une résistance de grade 40
2
(résistance à la rupture de 40 kg/mm ). Pour gagner du poids (jusqu’à 30 %), on
peut aussi choisir une chaîne galvanisée de haute résistance (grade 70), ce qui
permet de passer par exemple d’une chaîne de 12 à une chaîne de 10 mm, au prix
d’un important surcoût.
Une chaîne en acier galvanisé est recouverte d’une couche de zinc qui la
protège de l’oxydation. Cette protection peut tenir dix ans, si la chaîne est
régulièrement rincée à l’eau douce, si elle est inversée chaque année et si le
bateau dispose d’anodes en bon état.
La réparation d’une chaîne avec un maillon rapide – souvent de moindre
résistance – ne peut être que provisoire.
Si le guindeau n’est pas doté d’un compteur de chaîne, on saura quelle
longueur a été filée en faisant un repère tous les cinq ou dix mètres, avec des
marqueurs de chaîne spéciaux, des colliers d’électricien ou de la peinture.
La chaîne doit être calibrée pour le barbotin. Faute de quoi la chaîne saute
(à gauche), sur la durée, les crans du barbotin se liment (à droite) et le guindeau
tourne fou.

Le câblot
La chaîne d’un mouillage léger est prolongée par un câblot. On les relie l’un à
l’autre à l’aide d’une manille fermée par un axe à six pans, sur une cosse du câblot
ou, mieux, par une épissure sur la chaîne. On choisit de préférence un cordage en
polyamide, matériau dont l’élasticité amortit à-coups et surtensions. Sa structure
toronnée, à trois torons ou en tresse carrée, qui par construction s’allonge sous la
charge, lui assure un surcroît d’élasticité. Moins élastique que le classique cordage
à trois torons, la tresse carrée (quatre brins doubles tressés) a souvent la
préférence pour sa meilleure résistance au ragage : si un toron se coupe, on n’a
perdu qu’un huitième de la structure du câblot, et non un tiers.

L’étalingure
L’extrémité de la ligne de mouillage (câblot ou chaîne) est fixée au bateau par
un filin, l’étalingure, noué autour d’une ferrure dans la baille avant (ou baille à
mouillage). L’étalingure doit être en textile pour pouvoir être coupée en cas
d’urgence. Si le point d’étalingure est situé en haut de la baille à mouillage, on
contrôle plus facilement son état.

Le guindeau
Manuel ou électrique, ce treuil est muni d’un barbotin (couronne formée à
l’empreinte des mailles de la chaîne), et parfois d’une poupée distincte pour le
câblot. Certains modèles de barbotins sont mixtes : ils sont capables de hisser la
chaîne puis, sans transition et dans le même réa, le câblot.
Le guindeau est soit à axe vertical (comme un cabestan), soit à axe horizontal.
Son frein se contrôle par un levier, la bringuebale, ou par une manivelle
spécifique, qui par habitude conserve le nom de bringuebale, et se range
généralement dans la baille à mouillage.

Le davier
Constitué d’un réa muni d’une gorge adaptée à la chaîne, le davier surplombe
l’eau à l’étrave.
Un davier à bascule simplifie la remontée de l’ancre : elle vient s’y placer toute
seule.
Sur la partie fixe du davier, un trou permet de glisser une clavette pour bloquer
l’ancre en navigation, ce qui n’interdit pas de l’assurer avec un filin. En principe, un
davier ne devrait pas agresser le câblot lors de tractions latérales, mais ce point
est trop souvent négligé par les fabricants : il faut alors fourrer, avec du chiffon ou
une section de tuyau.

La baille à mouillage
Assez vaste pour contenir le mouillage, la baille avant gagne à être cloisonnée
si elle doit également héberger amarres et défenses. Si le bateau est muni d’un
guindeau, ce coffre doit être assez profond pour que la chaîne qui s’accumule en
tas à la remontée de l’ancre ne bloque pas le fonctionnement du barbotin. La
baille est en général autovideuse, à condition de vérifier de temps en temps que
les trous d’évacuation ne sont pas obstrués. Sur les voiliers anciens, cette baille
est une soute inaccessible depuis le pont. La chaîne y pénètre alors par un écubier
juste assez large pour laisser passer la liaison chaîne-câblot.

Bittes et taquets
La bitte d’amarrage (rare sur les voiliers de série) ou les taquets avant servent
à tourner la chaîne ou le câblot qui doivent pouvoir être largués sous tension. Ne
jamais faire de nœud sur une chaîne : il serait impossible à défaire après traction,
sauf avec une scie à métaux. On se contente pour elle de simples tours, sans
demi-clé.

Haute et claire !
Le mouillage remonte vite, mais il faut savoir s’arrêter avant que
l’ancre ne vienne heurter la coque. Une marque judicieusement disposée
sur la chaîne permet de savoir quand l’ancre est juste sous l’étrave. En se
penchant, on vérifie que l’ancre est libre de toute entrave et qu’elle est
correctement tournée pour se loger dans le davier.
L’équipier d’avant annonce : « Haute et claire ! », ce qui signifie que
l’ancre est relevée, mais aussi qu’elle n’a pas croché par inadvertance
une ligne de casier, un bout de filet de pêche, un Caddie abandonné ou
tout autre élément plus ou moins marin susceptible de rendre la
navigation hasardeuse.
Reste à tout remettre en place, à nettoyer le mouillage s’il est couvert
de vase, à assurer l’ancre dans son davier ou le cas échéant dans son
logement à plat pont.
Enfin, la boule de mouillage est amenée. De nuit, le feu de mouillage
est éteint, les feux de route sont allumés.

RÉSOUDRE LES PROBLÈMES DE MOUILLAGE

On est engagé !
Être engagé signifie que l’ancre est bloquée dans les fonds.
Quand il y a eu beaucoup de vent (ou de courant), il n’est pas rare
qu’elle se soit profondément enfouie dans un sol meuble. Si ce n’est que
cela, il suffit de reprendre la ligne de mouillage au plus court (à pic), puis
d’attendre : l’ancre finit par se décrocher toute seule.
Hélas, tout ne se passe pas toujours aussi bien ! L’ancre peut s’être
coincée sous une chaîne traversière, sous un câble sous-marin, dans une
épave, sous une roche, etc. On est à pic, mais pas moyen de déraper
l’ancre.
– Première solution : essayer de faire pivoter l’ancre sur elle-même.
On donne un peu de mou à la chaîne de façon à ce qu’elle présente un
angle plus aigu avec le fond, puis on vient en avant de l’ancre en
engageant au moteur, à vitesse lente, un arc de cercle de rayon
conséquent (20 mètres au moins). L’objectif est de faire tourner l’ancre
et de la dégager sans qu’elle bascule. Attention à ne pas forcer sur la
verge, qui n’est pas prévue pour travailler en flexion. Effectuer plusieurs
tentatives, vers bâbord et tribord.
– Deuxième solution : quand on est à pic, faire refermer autour de la
ligne de mouillage une erse (boucle) de chaîne, puis la faire couler,
retenue par une aussière. À l’aveugle, essayer de faire descendre cette
boucle autour de la verge de l’ancre. Mollir le mouillage, se décaler au
vent de l’ancre, tirer sur le bout ainsi placé, pour la dégager de l’obstacle
qui la retient.
– Troisième solution : si on est pris dans un câble ou dans une chaîne,
soulever le mouillage le plus haut possible. Bloquer le fautif avec une
amarre passée en double, choquer le mouillage, récupérer l’ancre avant
de larguer l’aussière.
Lors d’un mouillage cul à quai, si l’ancre est prise sous la chaîne du
voisin, la technique est identique. On demande à ce dernier de mollir sa
propre chaîne, de façon à pouvoir la rapprocher au plus près de l’étrave
avec le bout passé en double.
Une fois le mouillage remonté le plus haut possible, il est facile de glisser
une aussière en double sous ce qui la retient, avant de mollir la chaîne pour dégager
l’ancre.

Rien n’y fait, le mouillage ne vient pas ! En désespoir de cause, le chef


de bord qui a engagé son mouillage l’abandonne aux divinités sous-
marines. Mais ce délaissement doit rester provisoire : on réussira bien à
trouver de l’aide et à récupérer chaîne et ancre un peu plus tard (quand il
fera beau, quand on pourra plonger…), à condition d’avoir repéré sa
position. On se met à pic, on prend des alignements pour repérer
l’endroit où se trouve le mouillage, que l’on confirme au besoin en
prenant des photos. On enregistre comme waypoint la position GPS
affichée. Avant de tout larguer, fixer un orin 87 sur la chaîne, avec un
flotteur. L’orin doit être d’une longueur suffisante pour que le flotteur
reste à la surface, même à marée haute : pour cela, il doit être plus long
que la hauteur d’eau à marée haute.
Pas de panique, le bateau n’est pas en détresse : il n’y a qu’un
mouillage perdu et il en reste un à bord.

■ Pour ne pas engager : oringuer


Dès qu’on a des doutes sur la nature des fonds (quand on mouille sur
de la roche, à l’intérieur d’un port…), il faut oringuer, ce qui se prépare
bien avant d’annoncer « paré à mouiller ».
L’orin, d’une longueur légèrement supérieure à la hauteur d’eau à
marée haute, est frappé au diamant de l’ancre avec un tour mort et deux
demi-clés bien souquées. On peut toujours utiliser une aussière du bord,
mais le mieux est encore d’avoir un bout, de section plus faible que celle
d’une amarre, réservé à cet usage : on se gardera d’en prescrire ici la
longueur précise, qui dépend largement de la zone de navigation. Entre
les douze mètres de marnage de certains coins de Manche et la quasi-
absence de marée en Méditerranée, on ne joue pas avec les mêmes
hauteurs d’eau.
Avec cet orin, on pourra tirer sur l’ancre si elle reste engagée, mais
du bon côté : celui par lequel on pourra la décrocher, pardi ! L’autre
extrémité de l’orin sera munie d’une bouée (faute de flotteur dédié), dont
on se saisira pour haler sur le cordage en cas de nécessité.
Avantage : les autres bateaux savent où se trouve notre ancre ;
inconvénient : dans les mouillages encombrés, l’orin peut se prendre
dans une hélice et le flotteur être pris pour un corps-mort !
On peut perfectionner le système en plaçant un poids à l’extrémité de
l’orin (une grosse manille par exemple) après avoir glissé ce dernier dans
l’anneau du flotteur. L’excédent d’orin s’enfoncera sous l’eau et le
flotteur restera toujours à l’aplomb de l’ancre.

Avec ce type de montage incluant une poulie sous le flotteur et un


contrepoids sur l’orin, ce dernier sera toujours tendu, et la bouée restera à la
verticale de l’ancre.
■ Frapper l’orin sur la chaîne
Il est aussi possible de nouer l’orin sur la chaîne ou à l’étrave – avec
beaucoup de mou car s’il se tend il fera chasser l’ancre. L’inconvénient
de la méthode est que l’orin tend alors à s’entortiller autour de la chaîne.
Pour réduire ce risque, on utilise du cordage flottant en polypropylène.

On chasse !
La brise s’est levée. De temps en temps, la personne de quart
contrôle l’alignement de référence qui permet de savoir si le bateau est
immobile : pas de doute, le premier amer avance par rapport au second.
Lentement mais sûrement, on chasse. L’observation est confirmée par
l’alarme position fixe du GPS ou le cercle de distance du radar.
Peu nombreuses sont les ancres qui ne chassent pas. Dans le sable
grossier ou dans de la vase molle, c’est même assez courant. Pour
certaines ancres, la chasse est rythmique : elles crochent, elles chassent,
elles crochent à nouveau et repartent de plus belle… Si l’on chasse très
vite, c’est que les pattes de l’ancre se sont probablement engorgées
d’algues.
La solution la plus simple, si l’on dispose de suffisamment d’espace
sous le vent, c’est de rallonger le mouillage. De trois fois le fond on passe
à cinq fois, puis à sept. On reprend un alignement et on continue la veille.
Souvent, ça suffit pour résoudre le problème : avec davantage d’élasticité
sur la ligne, l’ancre est soumise à une tension plus régulière et tient
mieux. Au-delà d’une longueur de chaîne supérieure à sept fois le fond,
ce n’est plus la peine d’insister.
Il n’y a rien d’autre à faire que de relever le mouillage et de
recommencer toute la procédure. Parfois, après des échecs répétés, il
faudra reprendre la mer. Dure vie que celle d’un marin !

Relever le mouillage sans moteur et sans guindeau


Le guindeau est hors d’usage, ou bien c’est le moteur qui refuse de
démarrer, alors qu’on en aurait besoin pour alimenter les batteries
pendant que le guindeau tourne. Il va bien falloir se résoudre à lever
l’ancre à la main, mais voilà : il y a du vent, le bateau n’est pas tout petit,
et on n’est pas bien nombreux à bord, cela ne s’annonce pas comme une
partie de plaisir.
La meilleure solution est de bosser la chaîne alternativement avec
deux anneaux de cordelette, pour la hisser avec un winch de cockpit. Un
premier anneau est bossé sur la chaîne avec une tête d’alouette. On y
croche un mousqueton pour le relier à une écoute renvoyée vers le winch
à travers un filoir ou une poulie ouvrante. Une fois hissée une longueur
de chaîne, le deuxième anneau vient la bloquer provisoirement sur un
taquet d’étrave, le temps de déplacer la première bosse vers l’avant, puis
recommencer. Une fois à pic, on achève de remonter le mouillage à la
volée, les efforts se réduisant au poids de l’ancre et de la longueur de
chaîne restante.
Si on doit remonter le mouillage à la main par vent soutenu, on reste
dans un premier temps à sec de toile, de façon à limiter le fardage et
donc à réduire la tension sur la chaîne. Au moment de déraper l’ancre, le
bateau a suffisamment remonté au vent pour se garder une bonne marge
de dérive sous le vent, le temps d’établir le foc. Au besoin, on bordera
celui-ci à contre pour faire tomber l’étrave sous l’amure choisie. Une fois
l’ancre rangée et le bateau parvenu en eaux libres, on pourra lofer pour
hisser la grand-voile.
Avec une première bosse, ici à bâbord, on remonte au winch une longueur de
mouillage. On bloque au taquet avec la seconde bosse, puis on fait avancer la
première plus loin sur la chaîne, et ainsi de suite. Les bosses sont frappées sur la
chaîne au moyen d’anneaux de cordelette, passées en tête d’alouette. Si le jeu
réclame de la patience, il dispense du moindre effort.
LES MANŒUVRES D’ANNEXE
Pas de croisière sans annexe, sauf à s’interdire systématiquement le
mouillage et à ne caboter que de port aménagé en marina moderne. Le
maniement de cette embarcation légère est simple, il ne requiert pas de
connaissances bien poussées, il n’en doit pas moins être encadré par
quelques principes de précaution et de bon sens.

L’ANNEXE
Une annexe doit répondre à de nombreuses exigences : être légère,
peu encombrante une fois rangée, stable, insubmersible, suffisamment
grande pour contenir l’équipage, d’un maniement simple à l’aviron, à la
pagaie ou avec l’aide d’un petit moteur. Quand on aura précisé qu’elle
doit être également facile à mettre en service, autovideuse, qu’elle doit
avoir une bonne stabilité de route et ne pas trop dériver, on comprendra
que, sur un voilier de taille raisonnable, la meilleure des annexes ne
saurait être qu’un compromis…
La plus répandue est l’annexe gonflable, en général équipée d’un
tableau arrière en contreplaqué. Ce type d’annexe présente tous les
avantages mais un inconvénient, ses médiocres performances à la godille
et à la pagaie. Sa surface mouillée est importante, ce qui la « colle » à
l’eau, sa légèreté la prive d’inertie, sa souplesse disperse les efforts de
l’équipage, son fond plat lui interdit toute stabilité de route mais la dote
d’une énorme propension à dériver, propension accentuée par ses
boudins volumineux qui offrent une excellente prise au vent.
D’où l’importance du tableau arrière en contreplaqué qui permet
d’équiper l’annexe d’un petit moteur hors-bord. Les moteurs à essence
quatre temps d’aujourd’hui sont plus silencieux, moins gourmands et
moins polluants, mais plus lourds, que leurs prédécesseurs à deux
temps. Plus récemment sont apparus les petits moteurs électriques, à
l’autonomie plus ou moins limitée, mais qui ont pour attrait leur
fonctionnement silencieux et leur caractère « propre » dans tous les sens
du terme : pas de consommation d’énergie fossile, pas de stockage de
carburant dans le coffre de cockpit ni de cambouis sur les mains.
Les annexes gonflables à fond rigide (dites « semi-rigides ») ont un
bien meilleur comportement marin. En général, elles présentent l’énorme
avantage d’être réellement autovideuses. Petit inconvénient cependant,
leur poids et leur encombrement, qui rendent leur stockage à bord
problématique, si ce n’est impossible ! Elles doivent être transportées sur
bossoirs à l’arrière du voilier. Dans la pratique, ces caractéristiques les
réservent aux bateaux de voyage de plus de douze mètres.

Navigation au long cours sur un catamaran de voyage. L’amarrage de l’annexe


semi-rigide sous ses bossoirs a été complété et renforcé, de façon à ce qu’elle ne
prenne pas de ballant dans la mer formée.

EN REMORQUE OU RANGÉE ?
Mettre en service une annexe, c’est facile… Il suffit de la déplier, de
la gonfler et de la mettre à l’eau. Certains trouvent ça quelque peu
laborieux, les plus vulgaires disent que c’est « gonflant ». Lorsqu’on
navigue de mouillage en mouillage, on peut garder l’annexe gonflée, mais
la remorquer est de manière générale une mauvaise idée. L’annexe à la
traîne représente une surface mouillée non négligeable qui freine le
voilier, elle peut embarquer de l’eau dans la mer formée, on fatigue
inutilement son amarre et les points d’ancrage de cette dernière sur les
boudins. Sa présence peut même devenir très pénalisante si le temps se
gâte, à un moment où la hisser à bord devient problématique. Si on
décide malgré tout de la tirer au bout de sa laisse par mer belle et sur un
tout petit parcours, on la débarrassera de son moteur hors-bord, et on
prendra soin de donner de la longueur à sa remorque, pour lui éviter de
se cabrer et de se retourner ; à l’approche du mouillage et pour
manœuvrer au milieu des autres bateaux, on la reprendra au contraire au
plus court. Pour les manœuvres de port entre des pontons, en revanche,
l’annexe n’a rien à faire en remorque, elle doit être à bord.
De même, dès que le parcours est un peu long ou le vent un peu frais,
la seule place acceptable pour l’annexe est sur le pont ou dans un coffre.
Si l’on veut s’éviter de la replier à chaque occasion, on peut la saisir
couchée à l’envers sur la plage avant ou, s’il y a assez de place, sur le
rouf, en long ou en travers. Pour des traversées plus ambitieuses ou si la
météo doit devenir franchement mauvaise, aucune hésitation, l’annexe
sera dégonflée et stockée à l’abri.
Au mouillage, l’annexe devrait être remontée sur le voilier en fin de
journée : si le lieu devient intenable dans la nuit, si un voisin chasse et
tombe sur notre voilier, si l’évitage ne se passe pas comme prévu, on
sera heureux de pouvoir manœuvrer sans ce fil à la patte. Si, par grande
paresse, on décide de passer outre, on n’hésitera pas en revanche à
retirer le hors-bord.

AMARRER L’ANNEXE
Mettre l’annexe à l’eau n’est guère compliqué, et si on manque de
bras, il suffit de la hisser par la drisse de spi. En l’amarrant au bateau
avant manutention, on évitera les mauvaises surprises.
L’amarre est fixée le plus bas possible à l’avant de l’annexe : quand
on avancera, celle-ci lèvera le nez, ce qui la rend plus facile à remorquer.
L’amarre peut être une patte d’oie frappée sur deux anneaux situés sous
l’avant des boudins (ou fixée assez bas sur l’étrave pour les annexes à
fond rigide).
Côté voilier, on n’amarre pas l’annexe au balcon arrière avec un
nœud de cabestan, le risque étant de voir le cordage tourner peu à peu
sur l’acier poli. Un tour mort et deux demi-clés n’ayant jamais largué, on
préférera ce nœud d’amarre, et si l’on est un inconditionnel du nœud de
cabestan, on lui adjoindra une demi-clé. Ou on tournera l’amarre sur un
des taquets arrière.

ÉQUIPER L’ANNEXE
Comme tout navire, une annexe a besoin d’un armement minimum :
une amarre, des avirons, des pagaies, mais aussi un gonfleur et une ligne
de mouillage. Les brassières ne font pas partie de l’armement de
l’annexe : on les a déjà sur soi avant d’embarquer ! L’annexe est bien
gonflée, mais qu’en sera-t-il au retour ? D’autant plus qu’à terre, en plein
soleil, il vaut mieux la dégonfler légèrement : la chaleur dilate l’air et
augmente la pression, ce qui peut même faire éclater l’annexe (si, si, ça
s’est vu !). On embarque au moins une lampe de poche (pas pour
retrouver le bateau, elle n’éclaire pas assez, mais pour se signaler en cas
de retour nocturne).
Grappin parapluie, utilisé pour mouiller une annexe.

L’annexe doit disposer de son propre mouillage : une ancre plate ou


un grappin parapluie de 2 kg, fixés à une ligne de polypropylène de 6 mm
de diamètre. Aux Glénans, le mouillage est obligatoire à bord de l’annexe.
Qu’arrivera-t-il en effet par un fort vent de terre, si l’on rate le bateau au
mouillage et que les pagaies se révèlent insuffisantes pour revenir à
terre ?
Le moteur (si moteur il y a) est assuré avec un bout. Un grand coup
de barre peut le faire pivoter, tomber à l’eau et couler sans qu’on puisse
le rattraper. Trempé mais retenu par son bout, il peut encore être sauvé.
Il est muni d’un coupe-circuit, que le barreur porte au poignet. Un
cadenas reliant les deux poignées de serrage est une sage précaution.
Quand on amarre l’annexe ou qu’on la remorque, on prend l’habitude
de remonter à bord tout ce matériel. Par forte brise, au mouillage, il
arrive que l’annexe se retourne toute seule. En pleine mer, quand le vent
fraîchit, on a de toute façon depuis longtemps renoncé à la remorquer.

APPAREILLER EN ANNEXE
Petit pense-bête avant d’appareiller : on met les brassières, on vérifie
le niveau de carburant, on serre les vis des pinces qui tiennent le moteur
sur le tableau, on s’assure qu’avirons ou pagaies sont à bord, et on lance
le moteur avant de larguer les amarres. Quand l’annexe n’est mue qu’à la
force des bras, on s’assure aussi de son « moteur » : la puissance fournie
par l’équipage sera-t-elle suffisante pour tout le trajet, aller et retour ?

NAVIGUER EN ANNEXE
À l’aller comme au retour, il faut faire un peu de navigation, prendre
un alignement vers le point d’arrivée, par exemple, pour contrôler
l’avancée de l’annexe vers son but. L’annexe est très sensible à la dérive
au vent. Si l’on se contente de faire cap vers l’objectif choisi, on finit bien
souvent face au vent, et on garde le plus difficile pour la fin, moment où
l’énergie des rameurs commence à faiblir.
Pour rejoindre le bord par vent fort et portant au large, on a tout
intérêt à choisir un point de départ nettement au vent du voilier, mais
alors il ne faut pas rater le bateau !
D’une manière générale, il faut se souvenir qu’on est extrêmement
dépendant du moindre événement dans une annexe : on peut perdre un
aviron, une pagaie, le moteur peut tomber en panne. Il vaut mieux
calculer son trajet de manière à toujours disposer sous le vent d’un
endroit où s’amarrer (bateau au mouillage, coffre, bouée de casier…) et
qui peut être rejoint à la rigueur en pagayant avec les mains. Ces refuges
peuvent être les derniers.

ATTERRIR EN ANNEXE
Arrivé sur l’estran (la partie de la côte qui couvre et découvre avec la
marée), on débarque avant que le fond de l’annexe ne porte sur les
roches. Cela évitera qu’elle se perce et que les voyages suivants
trempent pieds, genoux et provisions. On tiendra compte de la marée
pour amarrer l’annexe sur le rivage, quitte à la remonter en haut de
l’estran.

LA GODILLE
Bien qu’apparemment disparu de nos côtes, parce que noyé dans le
teuf-teuf des motogodilles – tel était le premier nom des moteurs hors-
bord –, l’art de la godille ne mérite pas cet oubli. Aux Glénans, après avoir
longtemps été le mode de propulsion privilégié, pour ne pas dire exclusif,
de nos croiseurs aussi bien que de nos prames 88, elle n’a pas dit son
dernier mot. Non seulement elle permet toujours, en l’absence de vent,
de propulser calmement un petit voilier (voire un gros) sans moteur,
mais, dans un port, elle est aussi et de loin le moyen le plus pratique
d’évoluer avec un canot rigide ou de pallier les carences d’un moteur
défaillant. Elle est particulièrement économe en carburant. Il n’y a guère
qu’à bord d’une annexe pneumatique que la nage à deux avirons lui soit
supérieure, ces engins gonflables manquant aussi bien d’inertie que de
stabilité de route.
Il est difficile de résister à l’envie de proposer une présentation
complète de l’art de la godille. Quoi de mieux, en la matière, que le
morceau d’anthologie rédigé en son honneur et figurant dans
d’anciennes éditions de ce Cours ? On laissera au lecteur le soin d’en
juger…
« La godille est sans aucun doute un art, et sa maîtrise constitue l’une
des plus nobles conquêtes de l’apprenti marin. Les services qu’elle peut
rendre, apparemment modestes, peu vantés, sont innombrables. Il n’est
pas d’exemple d’instrument alliant une efficacité sans défaillance à une
aussi remarquable économie de moyens.

LE PRINCIPE
« Comme tous les principes supérieurs, celui de la godille n’est pas
complètement circonscrit par l’analyse. Lorsqu’on a dit que la godille est
en quelque sorte une hélice alternative, à pas variable, on n’a pas tout
dit. Et même si l’on parvenait à tout dire, il faudrait encore le faire. La
description du mouvement paraît en effet sans portée pratique : elle
pourrait à la rigueur trouver sa place dans un roman d’avant-garde, ou
servir d’illustration à un traité sur la psychanalyse du biais. Mais elle
gagne à rester évasive.
« L’initiation doit se faire de préférence sur un canot lourd, par mer
calme et vent nul. Certains choisissent un endroit désert. Le godilleur est
debout dans son bateau, face à l’arrière, jambes écartées, corps droit. Il
tient la poignée de l’aviron à deux mains, pouces en dessous, à la hauteur
des épaules. La pelle est complètement immergée, aussi verticalement
que possible, et l’aviron équilibré pour reposer sans poids dans la dame
de nage ou dans l’engoujure du tableau.
« S’il conserve la pelle à plat dans l’eau et remue l’aviron de droite à
gauche, le godilleur ne rencontre pas de résistance et n’obtient aucun
résultat. À l’opposé, s’il place sa pelle perpendiculairement à la surface
de l’eau, la résistance au mouvement de l’aviron est forte, mais sans
conséquences appréciables : si le bateau se déplace un peu, c’est
essentiellement qu’il est dérangé par les tourbillons naissant sur son
arrière.
Il faut être naturel.

« Il faut donc donner à la pelle une certaine incidence, un certain


biais : l’incliner légèrement vers la gauche et tirer l’aviron vers la droite ;
puis l’incliner vers la droite et tirer vers la gauche. C’est simple. La face
supérieure de la pelle ne repousse pas franchement l’eau, elle l’écarte
insidieusement en y prenant appui. Ce phénomène doit pouvoir être
décrit scientifiquement ; disons simplement que l’on s’efforce d’utiliser
au mieux les ressources ambiguës de la voie oblique. En pratique, le
véritable problème réside dans l’enchaînement du mouvement en fin de
course. Les mains ne doivent pas glisser sur la poignée de l’aviron,
l’inversion est assurée par un simple mouvement des poignets. Dans le
même temps, la face supérieure de la pelle ne doit quasiment pas
relâcher sa pression sur l’eau ; sinon l’aviron n’est plus tenu et sort de
son engoujure ; c’est ce qui se produit inévitablement, dans les débuts 89.
« La seule ressource est de recommencer, jusqu’à ce que l’aviron
reste à sa place. Comptons une heure de travail pour un sujet
moyennement doué. Ensuite, ce n’est plus qu’une question de
perfectionnement. Pour tourner, on incline simplement la pelle un peu
plus d’un côté que de l’autre. Pour interrompre le mouvement sans que
l’aviron s’échappe, on place vivement la pelle perpendiculaire à la surface
de l’eau, comme un safran.
« Mais il faudra encore quelques heures de mise au point avant de
pouvoir connaître les plus hautes satisfactions que réserve la pratique de
la godille : sur l’eau calme d’un port aux rives peuplées, godiller d’une
main (l’autre dans la poche) tourné vers l’avant du bateau, progresser à
petits coups tranquilles, tout en ayant l’air de penser à autre chose.

UTILITÉ DE LA GODILLE
« Le premier intérêt de la godille est qu’elle est vite parée, vite en
action, prête à donner le coup de pouce pour assurer une manœuvre
dans un moment critique, un virement difficile par exemple. Elle permet
d’autre part des évolutions précises dans un espace restreint. Ses
avantages sur le moteur sont évidents. Aucune nuisance : elle ne fait pas
de bruit ; environnement intact : elle ne sent pas mauvais et ne salit rien ;
ambiance sécurisante : elle ne tombe jamais en panne et ne se prend pas
dans les orins.
« On doit évidemment lui reconnaître quelques limites : même avec
un opérateur musclé, la vitesse obtenue reste modeste ; la godille peut
se révéler insuffisante pour lutter contre un courant même faible, ou une
brise un peu fraîche. En l’absence d’un moteur, elle demeure en tout cas
beaucoup plus efficace qu’une paire d’avirons de nage qui, sur un bateau
de quelque importance, ne servent qu’à battre l’eau. »
Avec l’aviron très vertical, on va lentement et on a de la puissance. Avec l’aviron
très incliné, on peut aller vite avec peu de puissance.
LE REMORQUAGE
Le remorquage doit être envisagé selon deux points de vue
radicalement opposés et néanmoins inséparables : celui du remorqueur
et celui du remorqué.
En ce qui concerne le remorqueur, les manœuvres décrites dans ce
Cours sont envisagées pour un voilier muni d’un moteur, quoiqu’en
appliquant les mêmes principes le remorquage à la voile reste une
possibilité. Qui voudra (ou devra) remorquer à la voile gardera à l’esprit
qu’avec deux voiliers de taille similaire, le remorqueur double sa
résistance de traînée (sur la traînée, voir « Quelques notions
théoriques » ►). Il se comporte comme s’il avait soudain une carène très
sale, ce qui limite ses performances, surtout sa vitesse et son angle de
remontée au vent.
Quant au remorqué, son problème est de savoir à quelle sauce il doit
être… remorqué. Il doit se préparer à affronter les bonnes volontés de
toutes tailles et de tout poil.

À BORD DU REMORQUEUR
C’est en principe le remorqueur qui passe la remorque et non
l’inverse : de cette façon, le remorqué pourra se libérer de la remorque à
tout moment sur son initiative, et sans remords. La remorque doit être
aussi longue et aussi élastique que possible, afin d’éviter les à-coups qui
surviennent si elle se tend entièrement. Une grande aussière ou la ligne
du mouillage léger sont assez bien adaptées. Pour un remorquage en
haute mer, il pourra être nécessaire de lester la remorque en son milieu,
avec de la chaîne par exemple. Comme pour un mouillage, c’est la flèche
(la courbe) de la remorque, au moins autant que sa matière et son mode
de confection, qui lui confèrent son élasticité.
Il pourra être nécessaire de lester la remorque pour la rendre élastique.

Les points les plus solides pour la fixation de la remorque, sur un


voilier moderne, sont les taquets d’amarrage, en principe boulonnés à
travers la liaison pont-coque. La remorque est frappée sur une aussière
en patte d’oie, cette dernière étant tournée sur les taquets arrière : la
patte d’oie vise à la fois à répartir les efforts et à centrer la remorque. On
tourne ses extrémités sur les taquets sans faire de demi-clés, qui
risqueraient de se souquer au point de devoir les libérer au couteau. Un
tour mort, un huit, un nouveau tour mort pour finir, et cela ne devrait plus
bouger.

La patte d’oie doit être assez longue, de façon à ce que ses deux brins forment
un angle aigu pour une diminution des efforts.
Pour réaliser la patte d’oie, on confectionne en son milieu un nœud
de papillon.

Réaliser un nœud papillon. 1 Confectionner deux oreilles de Mickey en réalisant


deux demi-clés. Les deux brins qui reviennent vers soi passent « par-dessus ».
2 Croiser les deux demi-clés l’une sur l’autre, et se saisir de la boucle du bas. 3 Aller
chercher ce brin au travers de la boucle créée au cœur des deux demi-clés. 4 Le
passer dans cette boucle. 5 Tirer vers le haut. 6 Il ne reste plus qu’à bien équilibrer les
brins en serrant le nœud papillon.

Pour envoyer la remorque au remorqué, qui est en principe arrêté


travers au vent (sa position d’équilibre naturelle), on passe à son vent,
parallèle à lui 90. On aura intérêt à utiliser une touline ►. On conserve
une distance de sécurité en fonction des conditions (notamment de l’état
de la mer), ce qui ne dispense pas, à titre préventif, de garnir de défenses
les bordés des deux bateaux.
Une fois l’amarre tournée sur le bateau remorqué, le convoi peut
commencer à faire route au ralenti. Un équipier file progressivement la
remorque jusqu’à ce qu’elle vienne en tension sur la patte d’oie, tandis
que le remorqueur prend de la vitesse. Pendant les manœuvres, à
l’arrivée, à proximité d’un port, par petits fonds, etc., la remorque est
raccourcie et la vitesse de remorquage réduite.
Un équipier surveille remorque et remorqué, règle longueurs et angle
de tire en se concertant avec le barreur qui adapte sa vitesse. Il suit une
règle simple : la remorque ne doit jamais sortir entièrement de l’eau. Si
elle en sort, c’est qu’elle est trop courte, ou pas assez lestée, ou que le
remorqueur va trop vite. Ajoutons que si la remorque se tend au-dessus
de l’eau, aucun taquet, aucun nœud ne tiendra…

À BORD DU REMORQUÉ
Pour beaucoup, le remorquage est un acte de courtoisie qui n’a rien à
voir avec le code de droit maritime. Encore faut-il s’assurer que le
remorqueur partage ce point de vue…
La demande de remorquage et son acceptation peuvent en effet
constituer un contrat tacite donnant droit à rémunération. L’assurance
du remorqué pourra prendre en charge les frais de remorquage si celui-ci
est sollicité par un voilier en perdition (désemparé de son gréement, de
son gouvernail, ou au vent d’une côte…). Le remorquage devient alors
une assistance maritime, du moins si le tribunal le reconnaît comme tel.
Sinon, on se trouve en présence d’un simple contrat de remorquage
dont il sera préférable de discuter du montant au préalable (quitte à le
fixer par écrit). Ce montant est évalué en général en fonction du risque et
de la valeur des choses sauvées (de 2 à 60 %).
La remorque est frappée sur les taquets d’amarrage avant, au moyen
d’une patte d’oie que, dans la plupart des cas, il faudra passer à
l’extérieur du balcon pour éviter de forcer sur celui-ci. Le cas échéant, les
brins de la patte d’oie sont fourrés au passage des chaumards, avec du
tuyau plastique ou des chiffons maintenus en place par de la garcette. La
patte d’oie doit pouvoir être larguée facilement, pas de demi-clés ici non
plus.
Éventuellement, si la remorque fournie par le remorqueur est trop
courte, le remorqué peut fixer la remorque à son ancre, filer la chaîne de
son mouillage et amarrer celle-ci à l’avant par une patte d’oie textile.
Ancre et chaîne font alors office d’amortisseur et maintiennent la
remorque dans l’eau. Mais larguer la remorque en catastrophe devient
particulièrement délicat : on y perdrait le mouillage.
Le remorqué suit le plus exactement possible le sillage du
remorqueur, sauf s’il commence à le rattraper sous l’effet de vagues de
l’arrière. Quand la remorque mollit un peu trop, le remorqué infléchit sa
trajectoire vers bâbord ou vers tribord pour retrouver un peu de tension.
Dès que la remorque commence à se tendre, il revient sur la route du
remorqueur pour reprendre rapidement de la vitesse et éviter un à-coup.
La communication reste constante entre remorqueur et remorqué,
par VHF si nécessaire 91.

REMORQUER À COUPLE
En arrivant dans des parages étroits, les chenaux, les zones
portuaires, on pourra modifier le convoi pour remorquer à couple, sous
réserve que la mer soit calme. L’expérience montre que c’est le meilleur
moyen pour faire prendre un coffre, ou un ponton, au remorqué.
Les deux bateaux sont amarrés bord à bord, avec un léger décalage
longitudinal de façon à éviter les heurts entre les barres de flèche. C’est
le bateau « remorqueur » qui est placé le plus en arrière des deux. En
étant ainsi « pousseur », il conserve la meilleure maniabilité à l’attelage :
n’oublions pas qu’il est le seul à bénéficier du flux d’une hélice sur son
safran, et plus ce gouvernail est placé à l’arrière de l’ensemble des deux
bateaux, mieux on prendra les virages. Les pointes et les gardes sont
rigoureusement tendues, les défenses en nombre sont judicieusement
placées, les actions de barre sont coordonnées : c’est le barreur du
bateau pousseur qui dirige, celui du bateau poussé se contentant pour sa
part d’accompagner. Garder à l’esprit que pour ralentir ou pour s’arrêter,
la marche arrière sera deux fois moins efficace que d’ordinaire.

Lors d’un remorquage à couple, le remorqueur devient pousseur. Veiller à créer


un décalage suffisant pour éviter que les gréements ne viennent en contact.

REMORQUER AVEC L’ANNEXE


Grand beau temps, vent nul, mer plate, et c’est le jour où l’on tombe
en panne de diesel.
Inutile de chercher un bateau pour nous remorquer, dès lors que l’on
dispose d’une annexe munie d’un moteur hors-bord. Si cette dernière fait
un mauvais remorqueur (en tractant un navire d’un déplacement très
largement supérieur au sien, elle perd toute maniabilité), elle se révèle en
revanche un pousseur à l’efficacité surprenante.
On peut venir appuyer son boudin avant sur le tableau arrière du
voilier : le pilote de l’annexe doit juste s’efforcer de la conserver dans
l’axe, ce qui n’est pas très difficile.
On peut aussi, et c’est encore plus efficace, l’amarrer à couple, le
plus en arrière possible. En principe, une garde avant sur l’annexe suffit
(c’est elle qui va prendre toute la charge), on peut ajouter une pointe
avant et un traversier sur l’arrière, pour une meilleure cohésion de
l’ensemble. Le moteur de l’annexe assure la direction à petite vitesse
puis, après accélération, la conduite se fait à partir du voilier. On
accostera sur l’erre en se rappelant que, pour le coup, on n’a pas de
marche arrière (ou si peu).
Si nécessaire, en fin d’approche, on rend sa liberté à l’annexe qui
vient alors aider le bateau à pivoter en poussant en travers sur l’étrave ou
sur l’arrière du voilier.

Par mer plate, une annexe même faiblement motorisée permet de déhaler un
croiseur à une allure appréciable.
Quelques notions théoriques

I l est légitimement permis de se demander ce que l’on pourrait bien


trouver dans un chapitre au titre si rébarbatif. Après tout, les voiliers
ont navigué pendant bien longtemps avant qu’une quelconque théorie
n’envisage d’en expliquer le pourquoi et le comment, comme nous
tentons de le faire ici. Alors, pourquoi s’y intéresser maintenant ?
Certains se contenteront de la simple satisfaction intellectuelle que
procure la compréhension des principes fondamentaux de la marche
d’un voilier.
D’autres, plus pragmatiques, y verront un passage obligé pour
progresser dans leur pratique et s’ouvrir des pistes que l’expérience
seule ne suffirait à entrouvrir. De bonnes bases théoriques donnent en
effet un cadre explicatif permettant de rationaliser, de décomposer
certaines situations complexes pour mieux les maîtriser.
Un seul chapitre ne saurait aborder toutes les situations que l’on peut
rencontrer en bateau (un livre entier y suffirait-il ? C’est peu probable). Le
parti pris dans Le Cours se résume à expliquer le plus simplement
possible les bases de la théorie du voilier, en les illustrant par des
exemples concrets que tout marin a déjà maintes fois observés. Il
appartiendra ensuite au lecteur de s’approprier ces connaissances pour
les appliquer aux situations inattendues qu’il rencontrera.

COMMENT UN BATEAU FLOTTE-T-IL ?


La réponse à la question de savoir comment un bateau se maintient à
la surface de l’eau paraîtra peut-être évidente au plus grand nombre.
Nous la développons non seulement pour revisiter quelques
fondamentaux toujours intéressants, mais aussi pour introduire un
vocabulaire et des conventions utiles par la suite.
Par ailleurs, le sujet peut s’avérer un peu plus subtil, ou complexe,
qu’il n’y paraît au premier abord. Si la première tâche de toute
embarcation est de se maintenir à flot, un voilier doit en effet résister de
surcroît à l’effet du vent sur les voiles et des vagues sur la carène, qui
tentent de le renverser. Selon leurs caractéristiques, les navires utilisent
des stratégies très différentes pour assurer leur stabilité.

LES PRINCIPAUX PARAMÈTRES

Le poids et le centre de gravité


Un croiseur moderne d’une petite dizaine de mètres, comme nous en
avons dans la flotte des Glénans – appelons-le Eurêka –, pèse environ
6 tonnes (6 000 kg) en état de naviguer, en comptant son équipage au
complet, l’avitaillement, les réserves d’eau et de gasoil, le moteur, la
gazinière, le mouillage lourd et tout le matériel de sécurité, les polaires
de rechange, et très éventuellement l’eau traînant sous les planchers. À
titre de comparaison, c’est environ trois fois plus qu’une voiture.
Le poids du voilier l’entraîne vers le bas, et tend à l’enfoncer dans
l’eau. Il est représenté par une flèche rouge sur le schéma ci-dessous et
ceux des pages suivantes. La longueur de cette flèche est
proportionnelle au poids du voilier (les 6 000 kg susmentionnés) : elle
serait deux fois plus petite pour un voilier deux fois plus léger. La
direction de cette flèche représente la direction dans laquelle s’exerce la
force, ici vers le bas.
Sur un croiseur, le centre de gravité (CG) se situe dans le carré, plus ou moins à
hauteur des planchers.

La position de cette flèche n’est pas non plus anodine. En effet,


chacun des éléments que nous avons cités, et chaque partie de la coque
du voilier, de son lest, etc., a son propre poids, et devrait donc avoir sa
propre (petite) flèche sur le schéma. Néanmoins, leurs poids
s’additionnent et peuvent être représentés par une flèche globale que
l’on doit alors placer (comme on l’a fait sur le schéma), au centre de
gravité du voilier.
Dans un langage scientifique, on dit que le centre de gravité est le
point d’application du poids. En termes imagés, c’est comme si on
attachait une aussière au centre de gravité, et que des korrigans tiraient
dessus, vers le bas, avec une force équivalente au poids du bateau (les
korrigans, pour qui s’interrogerait à ce propos, sont des elfes bretons).
Cette représentation du poids par une flèche (un vecteur) reste
pertinente pour toutes les forces qui s’exercent sur un voilier, aussi
complexes soient-elles : spécifier leur intensité, leur direction et leur
point d’application (en bref, la taille, l’orientation et la position du
vecteur) permet de les caractériser entièrement. Cela nous sera très utile
lorsqu’il s’agira de discuter de leurs effets sur le voilier.
Pour un élément constitué d’un matériau homogène (par exemple,
une quille en fonte), le centre de gravité se situe au centre de l’objet, au
sens commun du terme. Pour un objet aussi complexe qu’un voilier, le
calcul de la position du centre de gravité (calcul réalisé par les
architectes navals lorsqu’ils dessinent les bateaux) implique de connaître
la position et le poids de tous les éléments qui le composent.
Dans le cas d’un croiseur moderne, ce centre de gravité se situe en
général au centre du carré, au-dessus de la quille, peu ou prou au niveau
du plancher. Cette représentation globale n’est valable que si les
différents éléments qui contribuent au poids total du bateau restent
fixes, ce qui n’est évidemment pas le cas des équipiers, par exemple. Si
sur un croiseur lourd leur déplacement n’a qu’une importance très
relative, sur un voilier plus léger cette influence sera un peu plus
sensible. Et elle sera déterminante sur un petit dériveur ou un catamaran
de sport.

La poussée d’Archimède et le déplacement


L’eau exerce à son tour une force sur le voilier, que l’on appelle la
poussée d’Archimède, et qui lui permet de flotter. La perception de
l’origine de cette force ne va pas de soi (après tout, il a fallu un génie du
calibre d’Archimède pour en avoir l’intuition), mais on peut retenir qu’elle
s’exerce vers le haut (à l’opposé du poids, donc), et qu’elle dépend du
volume immergé du voilier (c’est-à-dire du volume situé sous la
flottaison), que l’on appelle le déplacement du navire.
Chacun se rappelle avoir ânonné que « la poussée d’Archimède est
égale au poids du volume d’eau déplacé ». Pour que le voilier flotte, il faut
que la poussée d’Archimède compense exactement le poids, c’est-à-dire
3
que les intensités de ces deux forces soient égales. Dans notre cas, 1 m
d’eau de mer pesant environ une tonne, le bateau de notre exemple doit
3
donc présenter un volume immergé de 6 m . Incidemment, c’est parce
que le poids du voilier et son déplacement sont reliés simplement par la
densité de l’eau que l’on formule souvent le déplacement en tonnes,
alors que c’est strictement parlant un volume, et qu’il devrait donc être
exprimé en litres ou en mètres cubes.
Ce volume ne dépend que du poids du voilier, et pas du tout de sa
taille ni de la forme de sa carène : un vieux cotre en bois de 8 m, une
vedette à moteur de 12 m ou un trimaran de course océanique de 20 m,
s’ils pèsent 6 tonnes comme notre voilier, auront exactement le même
volume immergé ! Évidemment, leurs lignes seront très différentes :
beaucoup plus longues et effilées pour le trimaran de course que pour le
cotre (dont on découvrira les caractéristiques au chapitre
« Environnement » ►), et c’est en partie ce qui explique leur différence
de performance.

LE TIRANT D’EAU
Le tirant d’eau (la profondeur de la partie immergée du navire, incluant la quille)
résulte de cet équilibre entre le poids et la poussée d’Archimède : le bateau
s’enfonce jusqu’à ce que le volume de carène immergé soit suffisant pour
compenser exactement son poids.
Si l’on charge un navire, il s’enfonce donc un petit peu pour compenser : il
augmente ainsi son déplacement, accroissant d’autant la poussée d’Archimède. Cet
enfoncement est peu perceptible sur un voilier de croisière (on parle de la
perception visuelle, pas de l’impact sur les performances), mais sur un cargo le
tirant d’eau peut varier d’une dizaine de mètres en fonction du chargement. De
même, la différence peut être significative sur des embarcations légères comme les
dériveurs, les kayaks ou encore les prames utilisées pour le transport de stagiaires
sur les îles de Glénan : si l’on n’y prend garde, l’embarquement d’équipiers depuis la
plage peut suffire à les échouer.
Le tirant d’eau de ce tanker, ici au mouillage, varie de plusieurs mètres selon
l’importance de son chargement.

Le navire subit une poussée de bas en haut, égale au poids de son volume
immergé, et dont le lieu d’application est son centre de carène (CC).

La poussée d’Archimède s’exerce en réalité sur toute la surface de la


coque du voilier, mais on peut la représenter (comme on l’a fait avec le
poids) par une force unique qui s’applique au centre (de gravité) du
volume immergé, que l’on appelle le centre de carène. Sur un voilier ne
présentant aucune gîte, le centre de carène se situe un peu en dessous
du centre de gravité, à l’aplomb de ce dernier.

LA STABILITÉ DES VOILIERS

La stabilité du couple (de forces)


Nous avons vu qu’au minimum deux forces s’exercent sur tout
navire : le poids et la poussée d’Archimède. Ces forces ont en réalité
exactement la même intensité, mais des directions opposées. Elles se
compensent, et c’est ce qui maintient le navire à flot !
Cela ne signifie pas pour autant qu’elles se neutralisent
complètement, et qu’on peut les oublier dans la suite. Elles sont en effet
également responsables, comme nous allons le voir, de la stabilité du
voilier.
Lorsque le voilier gîte d’une dizaine de degrés sur tribord, comme sur
le schéma ci-contre, la moitié tribord du bateau est plus enfoncée que la
partie bâbord. Plus précisément, le volume immergé de la carène s’est
déformé (il n’est plus symétrique par rapport à la verticale), et il s’est
globalement déplacé sur tribord, entraînant avec lui le centre de carène
et le point d’application de la poussée d’Archimède.
Le poids et la poussée d’Archimède ne sont donc plus alignés, et leur
décalage tend à redresser le bateau. Pour s’en convaincre, on peut
représenter l’effet de ces deux forces à l’aide d’une simple règle posée
sur une table, en la pinçant entre deux doigts situés à une vingtaine de
centimètres d’écart, de part et d’autre de la règle (et représentant
respectivement le poids et la poussée d’Archimède).
Leur effet combiné est dénommé couple de redressement. Cette
quantité est une mesure de l’intensité avec laquelle les deux forces
redressent le voilier : elle est égale à l’intensité des deux forces
(identiques, on l’a vu) multipliée par la distance qui les sépare (distance
qu’on appelle le bras de levier, et c’est encore Archimède qui l’a compris
le premier !). L’effet de bras de levier peut également s’illustrer à l’aide
de la règle : plus les doigts sont rapprochés (donc plus le bras de levier
est court), et plus il est difficile de faire tourner la règle sur elle-même.

C’est le décalage à la gîte entre le centre de gravité et le centre de carène


qui crée le bras de levier permettant au navire de se redresser.

Différentes stratégies de redressement


Ce qu’il faut retenir, c’est que la stabilité d’un voilier s’obtient en
écartant le plus possible l’un de l’autre le centre de gravité et le centre de
carène. En fonction du type de bateau que l’on considère, la stratégie
employée est différente.
La première méthode consiste à augmenter la largeur du bateau,
pour qu’à la gîte, le centre de carène s’éloigne le plus possible du centre
de gravité. C’est la stratégie en œuvre sur les monocoques larges et peu
lestés. Les multicoques s’assurent quant à eux un fort éloignement entre
centre de gravité et centre de carène, même à gîte nulle.
Dans les deux cas, on parle de stabilité de forme, l’équilibre étant
assuré par la forme de la coque (ou de la plateforme dans son ensemble
pour le multicoque). À stabilité égale (donc à capacité à porter une
surface de voile égale pour une même force de vent), un bateau à grande
stabilité de forme peut se permettre d’être plus léger et donc d’aller
(dans certaines conditions) plus vite.

Avec une grande largeur de flottaison, le déplacement du centre de carène à la


gîte est plus marqué qu’avec une flottaison étroite. Le bras de levier du couple de
redressement sera d’autant plus important.

La stabilité des multicoques est le fruit de leur très grande largeur : ils
exploitent au maximum le principe de la stabilité de forme. Revers de la médaille, leur
couple de redressement se réduit spectaculairement aux grands angles de gîte.

La deuxième voie consiste à intervenir sur l’emplacement du centre


de gravité : on parle alors de stabilité de poids. Pour l’obtenir, on
cherche à abaisser le centre de gravité : plus il est bas, plus il se décale
au vent quand le voilier gîte, ce qui améliore la stabilité du bateau. D’où
la présence d’un lest lourd très en dessous de la carène de la plupart des
gros voiliers. On comprend aisément que tout le poids que l’on ajoute
sous le centre de gravité du bateau augmente sa stabilité : aussi, à
déplacement égal, a-t-on tout intérêt à alléger la coque et les
équipements en même temps que l’on augmente le poids du lest.
Le poids du mât joue aussi un rôle important. Un mât lourd et haut
déplace le centre de gravité du bateau vers le haut. Un gréement léger
contribue à l’inverse à la stabilité du bateau – et un équipier monté en
tête de mât le rendra très instable –, surtout si le voilier est petit. Une
quille à bulbe, possédant un renflement important dans sa partie basse,
permet à tirant d’eau égal de descendre significativement le centre de
gravité.
Dernière approche, on peut chercher à déplacer le centre de gravité
au vent du bateau. C’est ce que fait un équipage de dériveur ou de
catamaran en montant au rappel ou au trapèze. Sur ces bateaux très
légers, le poids de l’équipage représente une part importante du poids du
voilier : lorsque l’équipage se déplace au vent, le centre de gravité total
de l’ensemble (voilier + équipage) se décale avec lui (et s’éloigne
considérablement du centre de carène).
Sur les voiliers habitables, les régatiers « matossent » sacs et voiles
de rechange sur les couchettes au vent pour augmenter la puissance du
bateau. Certaines catégories de bateaux de course au large autorisent
les ballasts latéraux, que l’on remplit d’eau de mer selon l’amure sous
laquelle on navigue. D’autres (certains voiliers de la classe Mini 6.50, et
les 60 pieds Imoca, notamment) portent une quille à bulbe pendulaire qui
se bascule au vent.

Rester stable aux grands angles de gîte


Légers, rapides et stables, les multicoques, ainsi que les autres
bateaux dont la stabilité est assurée par la forme, ont tout l’air d’une
panacée. Ils ont cependant au moins un défaut : s’ils sont très stables
aux petits angles de gîte, ils le sont beaucoup moins avec 90° de gîte – et
de nouveau très stables une fois qu’ils se sont retournés.

Sur un catamaran, la stabilité devient incertaine bien avant d’avoir atteint 90° de
gîte.

Une analyse complète de la stabilité d’un voilier doit donc prendre en


compte l’ensemble des couples de redressement à tous les angles de
gîte. Et comme à presque toutes les étapes de la conception d’un voilier,
c’est une affaire de compromis.
Un croiseur moderne est encore très stable (c’est-à-dire que son
couple de redressement est encore important) une fois couché sur l’eau,
à 90° de gîte. Il peut même se redresser jusqu’à 110° à 120° de gîte,
c’est-à-dire une fois que le mât est déjà bien enfoncé dans l’eau ! C’est
cette stabilité qui le rend « en théorie », inchavirable par le vent seul,
étant donné qu’à ces angles de gîte, les voiles sont depuis longtemps
« vides » et sans effet.
Cette affirmation demande cependant à être nuancée : l’élan produit
par le mouvement de chavirage, l’état de la surface de l’eau (la pente
d’une vague abrupte par exemple) ou la poussée du vent sur la carène
émergée peuvent achever de renverser le bateau. Aussi arrive-t-il que
des quillards chavirent dans de très mauvaises conditions météo. Une
fois qu’ils se retrouvent la quille en l’air, la plupart des voiliers
redeviennent malheureusement assez stables, et il faut qu’un nouvel
élément extérieur, en l’occurrence la force et/ou la pente d’une vague
bouscule le nouvel équilibre atteint pour initier le mouvement de
retournement qui les ramènera (le plus souvent) à l’endroit.
Certains navires sont dits « inchavirables », car ils sont instables à
l’envers et ne peuvent demeurer d’eux-mêmes la tête en bas. C’est
notamment le cas de certains canots de sauvetage, qui tiennent cette
qualité de leurs superstructures particulièrement volumineuses. Un tel
artifice de conception n’est pas compatible avec les impératifs de
réduction de fardage qui sont ceux d’un voilier ; il n’en demeure pas
moins que le bouge (le bombé) d’un pont, ou la forme et le volume d’un
rouf, ont une influence non négligeable sur le comportement d’une coque
chavirée.
La courbe de stabilité d’un croiseur moderne. La bosse sur la courbe aux alentours
de 80° correspond au moment où le rouf s’enfonce dans l’eau.

Les dériveurs intégraux, bateaux de croisière qui portent une dérive


relevable et pas d’aileron de quille, doivent, pour obtenir une stabilité à
90° équivalente à celle des quillards, porter un lest plus important. Ce
lest étant placé en fond de coque, on comprend que celle-ci doive être
plus profonde. Leur franc-bord est généralement aussi plus élevé : ainsi
le bras de levier (la distance CG-GZ) est-il plus élevé à un angle de gîte de
90° ; c’est une façon de garantir à un dériveur intégral un couple de
redressement acceptable, sans avoir à augmenter exagérément le poids
du lest.

LES FORCES GÉNÉRÉES PAR UN VOILIER EN ROUTE


Nous voici rassurés sur le fait que notre voilier ne va pas se renverser
inopinément, il est temps de s’intéresser aux mécanismes qui lui
permettent d’avancer. On dit souvent que les voiles sont le moteur du
voilier. Il faut ajouter que le vent est son carburant, et que les appendices
(safran, dérive, quille ou la carène elle-même pour les voiliers à quille
longue) sont les organes de transmission et les roues. Ce sont bel et bien
les voiles qui convertissent l’énergie du vent en force aérodynamique,
mais si le voilier n’avait pas un pied dans l’eau, il ballotterait en dérivant
sous l’effet de l’air en mouvement, exactement comme une montgolfière,
et on ne pourrait pas décider de sa direction !
Dans ces pages consacrées aux notions théoriques, nous allons
découvrir les caractéristiques des forces produites par l’action du vent
dans les voiles, et par l’écoulement de l’eau sur les appendices et sur la
carène, lorsque le voilier avance. Nous verrons ensuite comment ces
forces s’équilibrent entre elles, et déterminent la direction et la vitesse
du bateau.

FORCES AÉRODYNAMIQUE ET HYDRODYNAMIQUE


La force produite par les voiles (la force aérodynamique) et la force
produite par la quille, la dérive, ou le safran (la force hydrodynamique)
sont extrêmement complexes à mesurer ou à prédire. Elles dépendent de
surcroît des caractéristiques exactes du voilier : par exemple, la force
aérodynamique dépend de la taille des voiles et de la vitesse du vent,
mais également de leur réglage, de leur forme exacte, de leur matériau,
du gréement, voire de l’âge du capitaine.
Néanmoins, ces deux forces ont exactement la même origine :
l’écoulement d’un fluide (l’air ou l’eau) autour d’un objet (la voile, ou un
appendice). Quelques caractéristiques de ces forces sont communes à
toutes les situations, et ces quelques notions, que nous allons décrire ici,
suffisent pour comprendre le principe de fonctionnement du voilier. La
force produite par la carène a également la même origine (l’écoulement
de l’eau), mais des caractéristiques très différentes, et nous l’étudierons
un peu plus loin.
Illustrons les forces en action à l’aide d’une voile (imaginaire), tout en
gardant à l’esprit que tout ce que l’on dit sur ce qui se passe au-dessus
du pont pour une voile reste valable dans l’eau pour un appendice ! Le
principal moyen d’action sur une voile est son écoute, qui permet de
l’orienter par rapport à l’axe du bateau, et donc par rapport au vent.
L’angle entre la voile et la direction du vent, que l’on appelle l’angle
d’incidence, est en effet l’un des principaux paramètres qui déterminent
la force créée par une voile.
Nous allons donc faire varier (par l’esprit) cet angle d’incidence, et
décrire la force aérodynamique qui en résulte. Comme dans le cas du
poids et de la poussée d’Archimède, il s’agit de préciser son intensité, sa
direction et son point d’application.
Débarrassons-nous tout de suite du point d’application : la force
s’applique toujours à peu près au centre géométrique de la voile. Pour
une voile qui a une forme de triangle rectangle comme une grand-voile,
elle s’applique donc à hauteur de son tiers inférieur, et au niveau du tiers
avant de sa largeur.
Débarrassons-nous également du cas le moins intéressant (qui n’en
est pas moins fréquent !), la situation où l’incidence est nulle. Si on laisse
la voile libre, elle s’établit dans le lit du vent en faseyant, exactement
comme le ferait un drapeau, avec un angle d’incidence nul. La force
créée par la voile est faible (chiffrons-la à une unité), et c’est d’ailleurs
pour cela que l’on choque le plus souvent les voiles en grand lorsqu’il faut
les manipuler, par exemple lors de l’envoi ou de l’affalage. Dans cette
situation, la force aérodynamique s’exerce dans la même direction que le
vent : on dit que c’est une force de traînée.
Dans tous les autres cas, c’est-à-dire dès que l’angle d’incidence est
supérieur à quelques degrés, la force aérodynamique est sensiblement
perpendiculaire à la voile. Plus exactement, on considère que la force
aérodynamique est perpendiculaire au triangle formé par les points de
drisse, d’amure et d’écoute. Ce n’est pas si étonnant que ça, si l’on
admet le fait que cette force aérodynamique est en réalité issue de
forces de pression qui s’appliquent localement sur toute la surface de la
voile (exactement comme la poussée d’Archimède est issue de forces de
pression sur toute la coque) : ces forces étant perpendiculaires au tissu
en chaque point de la voile, leur somme ne peut pas être bien loin de la
perpendiculaire à la voile entière.
Augmentons maintenant l’angle d’incidence petit à petit (par
exemple, en exerçant une traction sur l’écoute). La force aérodynamique
augmente, et passe par exemple de 1 unité lorsque la voile est faseyante,
à peut-être 10 unités lorsque la voile forme un angle d’environ 20° avec
la direction du vent. Cette situation est exactement celle dans laquelle on
se retrouve lorsque l’on navigue au près. À cette allure, si l’on surborde
un peu la voile, on sent que la force générée augmente : l’écoute et les
haubans se tendent et la gîte augmente. Au contraire, si l’on choque un
petit peu d’écoute, le bateau se remet à plat, et ralentit : la force produite
par la voile a diminué. Dans ce régime, qui est celui des écoulements
laminaires 92, l’intensité de la force augmente avec l’angle d’incidence.

Action-réaction
On peut se faire une idée physique qualitative de la façon dont
l’écoulement du vent sur une voile produit une force aérodynamique (dite
aussi force vélique). La voile agit en effet comme un grand déflecteur
d’air, en déviant une partie du flux. Plus précisément, l’écoulement de
l’air « tourne » d’une vingtaine de degrés sur le bord d’attaque de la voile :
il attaque celle-ci avec plus d’incidence. Par rapport à la direction qui est
la sienne bien en amont de la voile, on peut dire que l’écoulement
« adonne » sur le bord d’attaque. Après le bord de fuite, l’écoulement
« refuse » et retrouve rapidement sa direction naturelle. Au total, le profil
dévie donc une partie de l’écoulement du fluide en mouvement (l’air)
d’une quarantaine de degrés, bien que l’angle d’incidence ne soit que de
20° sur cet exemple. Sans chercher à comprendre par quels mécanismes
la voile agit sur le fluide, on peut affirmer qu’elle exerce sur celui-ci une
certaine force : sinon, tout le fluide aurait poursuivi son bonhomme de
chemin rectiligne. Mais rien n’autorise à privilégier le seul point de vue de
la voile. De son côté, la particule de fluide cherche à « s’évader vers
l’extérieur » ; comme dans le jeu du tir à la corde, elle tire la voile avec
une force qui s’oppose à la première : la force aérodynamique. Plus
rigoureusement, on formule ainsi cette conséquence du principe de
l’action et de la réaction : si la voile exerce une force sur la particule de
fluide, celle-ci exerce sur la voile une force égale et opposée. Dans ce
contexte, on comprend donc que plus on borde la voile, plus on dévie
l’écoulement et plus la force aérodynamique augmente.

Une vision amplifiée du fonctionnement d’un profil. 1 Considérons la voile


comme un simple déflecteur d’air. 2 Plus on borde la voile, plus elle dévie le flux d’air :
la force aérodynamique augmente d’autant. 3 Si la voile est trop bordée ou trop
creuse, elle décroche : l’écoulement est décollé sur une partie du profil ; une partie du
flux n’est pas déviée, et par conséquent la force vélique diminue largement.

Si l’on continue d’augmenter l’angle d’incidence de la voile, de


manière très surprenante l’intensité de la force aérodynamique baisse
brutalement, passant de 10 unités à peut-être 5 unités en l’espace de
quelques degrés d’incidence. Ensuite, elle reste à peu près constante
jusqu’à ce que la voile soit parfaitement perpendiculaire au vent (angle
d’incidence de 90°).
Sur un voilier, on ressent très distinctement la diminution brutale de
la force aérodynamique lorsque l’on passe du travers au grand largue
sans choquer les voiles. C’est tout le bateau qui tourne par rapport au
vent, mais le résultat est le même. L’angle entre le vent et la voile
augmente, à un point donné la force aérodynamique s’effondre, le bateau
se remet franchement à plat et ralentit.
On ressent également cette diminution de force (il s’agit cette fois-ci
d’une force hydrodynamique mais le principe est exactement le même)
lorsque l’on donne un coup de barre trop violent pour contrer une
auloffée soudaine. D’un coup, la barre, qui était difficile à tenir, devient
beaucoup plus légère, et bien qu’on l’ait sur le ventre, le bateau continue
de lofer inexorablement, échappant à tout contrôle. Dans ce cas de
figure, le safran fait un angle trop important par rapport à l’eau qui
s’écoule sous le bateau, et la force qu’il génère vient de décroître
brutalement. On dit que le safran « décroche », et c’est exactement ce
qui se produit.
Ces photos permettent de visualiser les écoulements autour d’un profil
similaire à une quille ou un safran. 1 Incidence de 0° : les lignes de courant
contournent symétriquement le profil et se rejoignent au bord de fuite. 2 Incidence de
5° : une zone tourbillonnaire apparaît à l’extrémité du profil sur l’extrados 93, mais
l’écoulement, qui suit globalement le profil, reste laminaire. 3 Incidence de 17° :
l’écoulement est entièrement décollé. Le profil a décroché.

Retour à l’explication de ce qui se passe au-dessus du pont. Au-delà


d’un certain angle d’incidence, l’air ne peut plus suivre la voile bien
sagement : l’écoulement est décollé sur une partie de la voile. Une partie
de l’air passe alors « à l’extérieur » de la zone décollée, elle est moins
déviée que si elle suivait le profil de la voile jusqu’au bord de fuite et la
force produite est plus faible. Sur une voile, ce sont les penons cousus
sur l’extrados (le côté sous le vent du profil) et les faveurs sur la chute
qui nous le signalent, en tournicotant dans tous les sens. Dans le cas du
safran, on visualise souvent directement des tourbillons dans le sillage du
bateau.

Intensité des forces aérodynamique


et hydrodynamique
Pour comprendre le fonctionnement d’un voilier, il n’est pas
nécessaire de préciser la véritable valeur de la force aérodynamique (et
c’est pourquoi nous avons jusqu’à présent simplement mentionné les
variations relatives de cette force, entre les différentes situations). Mais
quelques notions sur la valeur de la force aérodynamique permettent de
comprendre de nombreux principes de conception des voiliers.
– La force aérodynamique est évidemment d’autant plus importante
que la voile est grande, et plus précisément elle est proportionnelle à la
surface de la voile. Ainsi, une voile deux fois plus grande en surface
développera à incidence égale une force deux fois plus grande.
– La force aérodynamique est également d’autant plus importante
que la vitesse du vent est grande, mais cette fois la force varie comme le
carré de la vitesse : si la vitesse du vent double, alors la force quadruple !
Le bulletin météorologique précise parfois qu’en temps normal, les
rafales peuvent être supérieures de 40 % au vent moyen. Cela signifie
que pour un vent moyen de 10 nœuds, les rafales peuvent atteindre
14 nœuds : la vitesse du vent peut être multipliée par un facteur 1,4.
Dans la rafale, la force produite par les voiles peut alors pratiquement
doubler (1,4 × 1,4 = 1,96 ≈ 2) !
C’est la même différence qu’il y a entre un vent de 18 nœuds
(force 5), dans lequel un voilier parvient encore tout juste à porter toute
sa toile (génois + grand-voile haute), et un vent de 25 nœuds (force 6). À
surface de voile égale, la force aérodynamique serait deux fois plus
importante dans le deuxième cas, et pour compenser, l’équipage a très
probablement réduit sa voilure de près de la moitié de sa surface, en
changeant le génois pour un foc, et en arisant la grand-voile.

LA VALEUR DE LA FORCE VÉLIQUE


On peut donner une formule approximative de la force aérodynamique ou
hydrodynamique produite par une voile ou un appendice. Cette force F est « à peu
près égale » à la masse volumique du fluide (ρ), multipliée par la surface de la voile
2
ou de la quille (S), multipliée par la vitesse du fluide (V) au carré. F = ρSV . Cette
formule est approximative (entre autres parce qu’elle ne tient pas compte de
l’incidence de la voile, élément important de la force aérodynamique), mais si les
quantités sont données dans les bonnes unités, elle offre un bon ordre de grandeur
de la force qui s’exerce réellement.
Retrouvons notre voilier Eurêka, croiseur de 10 mètres, qui sous grand-voile
2 2
haute et génois porte 55 m de toile (S = 55 m ). Au près par 6 nœuds de vent réel,
le vent apparent dans les voiles est de plus ou moins 10 nœuds, soit environ
5 mètres par seconde (V = 5 m/s), et la masse volumique de l’air est d’environ 1 kg
3
par mètre cube (ρ = 1 kg/m ). On obtient : F ≈ 1 × 55 × 25 ≈ 1 375 newtons, soit
une force équivalente à environ 140 kg au près dans ce petit temps (force 2
Beaufort). Plus haut, nous estimions que notre bateau naviguait encore « tout
dessus » par 18 nœuds de vent réel, soit, au près serré, quelque 23 nœuds de vent
apparent (11,5 m/s). La force vélique développée dans ces conditions « limites »
serait de 7 273 kilonewtons, soit une force d’environ 740 kg.
C’est grâce à ces calculs d’ordre de grandeur que l’on détermine les forces
maximales pouvant s’appliquer sur une quille, un safran ou une voilure, ce qui
permet de calculer l’échantillonnage (en prenant de très sérieuses marges entre
« charge de travail » et « charge de rupture ») mais aussi d’assortir les surfaces de
voile et de dérive nécessaires à la bonne marche du voilier.

– Dernier point, la force produite par un profil est proportionnelle à la


densité du fluide dans lequel il se meut. À vitesse égale, un écoulement
3
d’air, qui est très léger (avec une masse volumique d’environ 1 kg/m ),
produira une force environ mille fois plus faible qu’un écoulement d’eau
3
(environ 1 000 kg/m ). C’est pourquoi les appendices, qui doivent fournir
une force sensiblement égale à la force aérodynamique (nous le verrons
par la suite), ont une surface bien moindre que celle des voiles.

La traînée hydrodynamique
Jusqu’à présent, nous avons appelé force hydrodynamique la force
générée par la quille ou la dérive et le safran. En effet, ces appendices,
qui ressemblent fortement à une voile, génèrent une force à partir de
l’écoulement de l’eau autour d’eux, force présentant exactement les
mêmes caractéristiques que celle qui est développée par les voiles.
Mais lorsque le voilier avance, sa carène produit également une force
primordiale. Cette force n’est pas du tout du même ordre que celle des
appendices, simplement parce que la forme de la carène est très loin de
celle d’une voile : c’est plutôt un tonneau replet qu’une mince aile
d’albatros !
En conséquence, la carène génère principalement de la traînée
hydrodynamique, c’est-à-dire une force qui s’oppose à la marche du
voilier. Cette force s’applique au centre de carène, et dans le sens
opposé à la vitesse du voilier : si le bateau avance, elle est orientée vers
l’arrière.
La traînée a en réalité deux origines principales : la traînée de
frottement et la résistance de vague. La première est liée, comme son
nom l’indique, au frottement de l’eau sur toute la surface de la coque. À
proximité de la coque, l’eau est entraînée à la vitesse du voilier. Cette
première couche d’eau charrie à son tour une seconde couche à une
vitesse moindre et, de proche en proche, ce sont plusieurs millimètres
d’eau d’épaisseur qui suivent la carène 94 : cette portion de fluide porte le
nom de couche limite. Au-delà, l’eau n’est pas perturbée.
Pour mettre en mouvement les couches d’eau les unes par rapport
aux autres, il faut dépenser une certaine énergie : la couche limite est
donc source de frottements. Cette force augmente avec la vitesse du
voilier et est proportionnelle à la surface de la carène immergée (que l’on
appelle surface mouillée).
En réalité, la forme exacte de la couche limite et son épaisseur
dépendent fortement de l’état de surface de la coque. Et en pratique, une
coque bien lisse et polie, avec le moins d’aspérités possible, a une
traînée de frottement bien plus faible qu’une coque recouverte d’une
belle barbe d’algues et de moules ! Même sur un bateau de croisière, la
différence entre un bateau caréné récemment et une carène recouverte
d’algues est sensible.
Cette première contribution à la traînée s’exerce à la fois sur la
carène et sur les appendices. La résistance de vague, en revanche, ne
dépend que de la forme de la carène. En se déplaçant, un bateau crée un
réseau de vagues. Les plus visibles sont les vagues d’étrave et de poupe,
mais d’autres naissent en différents points de la coque. Elles agissent les
unes sur les autres pour former le sillage caractéristique d’un bateau en
marche. Au passage, elles emportent avec elles une certaine quantité
d’énergie prélevée à la carène, augmentant ainsi la résistance à
l’avancement. C’est la résistance de vague.
L’origine physique de ces vagues est bien le fait que le voilier, pour
tailler sa route, doit se frayer un passage dans l’eau et doit donc écarter
un certain volume d’eau, qui est d’autant plus important que son
déplacement (c’est-à-dire son poids) est élevé. La résistance de vague
est donc d’autant plus forte que le voilier est lourd, et cela a de grandes
conséquences sur l’architecture de certains voiliers.
À petite vitesse, la résistance de vague n’est pas très significative et
la résistance de frottement est prépondérante. Aussi, dans le petit
temps, cherche-t-on à limiter la surface mouillée, en faisant gîter un peu
le bateau ou en le mettant un peu plus sur son étrave pour immerger les
sections avant et sortir de l’eau la voûte arrière.

La notion de vitesse limite


À plus grande vitesse, la résistance de vague prédomine, au point
d’imposer leur vitesse limite à la plupart des navires. La vitesse de la
vague d’étrave est égale à la vitesse du bateau, et son premier sommet
est situé à l’étrave de celui-ci (on dit qu’elle est « accrochée » à l’étrave).
Son second sommet se situe en arrière du premier, à une distance égale
par définition à la longueur d’onde de la vague. Lorsque la vitesse
s’accroît, le deuxième sommet de la vague d’étrave recule, jusqu’à se
rapprocher de la poupe et même la dépasser. Simultanément, l’amplitude
des vagues générées augmente et, avec elle, la résistance de vague. Le
voilier tente en quelque sorte d’escalader sa vague d’étrave.
La longueur d’onde de la vague d’étrave grandit également : son
deuxième sommet « recule » le long de la carène. À partir d’une certaine
vitesse (la vitesse limite de carène), le deuxième sommet se rapproche
de l’arrière du bateau et la résistance de vague augmente très
rapidement, car le navire n’est plus dans ses lignes. Il escalade en
quelque sorte sa vague d’étrave. La vitesse limite dépend surtout de la
longueur de la carène à la flottaison L, et elle vaut environ V limite
(nœuds) ≈ 2,4 √L.

Malgré la puissance développée par sa voilure, ce voilier ne peut parvenir à


escalader la vague créée par son déplacement.

Pour notre croiseur de 10 m l’Eurêka (dont la longueur à la flottaison


avoisine les 9 mètres), cette formule donne une vitesse limite d’environ
7 nœuds. Par comparaison, celle d’un cargo de 100 mètres est de
24 nœuds, ce qui explique que les navires de commerce affichent des
vitesses de croisière bien supérieures à celles de nos voiliers.
On comprend pourquoi, dans un vent moyen, les voiliers les plus
grands sont aussi les plus rapides. Cette formule dicte d’ailleurs certains
choix architecturaux, comme les élancements de certains voiliers
construits pour correspondre à une jauge (c’est le cas notamment des
anciens voiliers de la Class America). Si la jauge ne tient compte que de
la longueur de flottaison à l’arrêt, les élancements permettent
d’augmenter considérablement la longueur de flottaison réelle dès que le
voilier gîte – et avec elle la vitesse limite de carène. D’autres jauges
(celles de la Mini Transat ou du Vendée Globe) imposent une longueur
totale maximale, d’où des étraves droites et des arrières sans
élancements, garantissant la longueur de flottaison la plus importante
possible pour une longueur hors-tout imposée.
La notion de vitesse limite de carène appelle encore quelques
remarques… Le mot « limite » est trompeur, car cette vitesse peut être
dépassée. Elle n’est qu’une estimation : à partir de cette vitesse, le
bateau accélère très peu, même quand la force propulsive augmente
beaucoup.
Il peut être utile de garder ce mécanisme en tête, car cette vitesse
limite de carène est de ce fait un bon repère pour savoir quand réduire la
voilure (notamment aux allures portantes, où le bateau gîte peu). On ne
connaît évidemment pas sa valeur a priori, mais on peut retenir que
lorsqu’on atteint une certaine vitesse, une réduction de voilure
n’occasionnera qu’un faible ralentissement, mais évitera des tensions
supplémentaires dans le gréement, sur la carène et même au sein de
l’équipage, alors que le bateau ne peut plus guère accélérer. À moins
d’être capable de dépasser ce mode de déplacement « forcé » en
réussissant à surfer ou à planer, inutile de surcharger de toile le bateau…
En outre, la formule de la vitesse limite ne tient compte que de la
longueur de flottaison de la carène, or la résistance de vague dépend
beaucoup de la forme de la coque. Des coques très étroites et très
longues, comme celles des catamarans ou des kayaks de vitesse, ne
sont, par exemple, pas soumises à cette vitesse limite, et peuvent ainsi
atteindre des vitesses très importantes.

Le surf et le planing
Dans certains cas, on peut même dépasser franchement la vitesse de
carène : quand les vagues qui viennent de l’arrière font « surfer » le
bateau. Enfin, certains bateaux relativement légers, bien toilés et dont la
forme de carène est adéquate (les dériveurs, les planches à voile et… les
vedettes à moteur), peuvent dépasser leur vague d’étrave : quand ils
partent au planing. Au planing en effet, des forces de sustentation
situées sous la carène (comme avec un ski) s’ajoutent à la force
d’Archimède, ce qui fait « sortir » le bateau de l’eau : il ne produit
quasiment plus de vagues, sa surface mouillée diminue, ce qui réduit sa
traînée et lui permet d’accélérer considérablement.
Malgré la brise relativement modeste, ce dériveur commence à partir au planing
grâce à la surface généreuse de son spi, à son déplacement léger, et à sa forme de
carène qui, à partir d’une certaine vitesse, favorise les forces de sustentation.

L’ÉQUILIBRE DU VOILIER
On sait désormais qu’un voilier en marche (ou plutôt « en nage », et
même « en vol ») est soumis à quatre forces principales : son poids, la
poussée d’Archimède, la force aérodynamique et la force
hydrodynamique (qui inclut la force générée par les appendices et leur
traînée).

UN PRINCIPE PHYSIQUE
Avant d’aller plus loin, il faut mentionner une règle physique
universelle, qui préside (entre autres) à la marche du bateau : la somme
de toutes les forces qui s’appliquent à un voilier avançant à une vitesse
donnée – et constante – est nulle. Pour le sens commun, une force crée
un mouvement, une absence de force l’immobilité. Le batelier qui tire sa
gabare sait bien qu’il applique une force certaine sur son bateau pour le
haler à une vitesse constante. Mais ce dont il ne se rend peut-être pas
compte, c’est que dans le même temps l’eau exerce sur la carène une
force (de traînée hydrodynamique) exactement égale en intensité, et
opposée en direction. La somme des deux forces qui s’exercent sur le
bateau est nulle, et il avance bien à une vitesse constante.
L’analyse de cet équilibre des forces va maintenant permettre de
comprendre ce qui détermine la route et la vitesse du voilier.

L’ÉQUILIBRE AU VENT ARRIÈRE


Au vent arrière, le bateau avance parfaitement droit, sans dériver. La
quille travaille donc à une incidence nulle (l’eau arrive sur son bord
d’attaque parfaitement symétriquement d’un bord et de l’autre), et elle
ne génère donc qu’une force de traînée qui s’ajoute à celle de la carène :
on représente la somme de ces deux forces par une seule flèche. Les
voiles sont bien débordées, à peu près perpendiculaires à l’axe du navire
et la force aérodynamique est donc orientée vers l’avant.
Sur le schéma ci-dessous, le voilier vient de démarrer : la force
hydrodynamique est encore très faible. La force aérodynamique le fait
accélérer, la force hydrodynamique augmente peu à peu jusqu’à
compenser exactement la force aérodynamique (rappelons-nous que la
traînée hydrodynamique, quelle que soit son origine, est d’autant plus
forte que le voilier avance vite). L’accélération cesse alors et le voilier
navigue à vitesse constante : la somme des forces qui s’exercent sur le
voilier est devenue nulle, étant donné que les deux forces (traînée et
force aérodynamique) se compensent exactement.
Une fois que le voilier est bien lancé, c’est l’équilibre entre la force
aérodynamique et la traînée hydrodynamique (qui sont donc alors
exactement égales, et opposées) qui détermine sa vitesse. Pour aller plus
vite, il faut donc soit augmenter la première, soit diminuer la seconde. La
première solution est la plus accessible à l’équipage : il suffit de hisser
plus de toile, par exemple en remplaçant le génois par un spinnaker plus
grand et beaucoup plus efficace à cette allure. Mais le lecteur attentif
aura deviné qu’il peut également effectuer certaines actions pour
diminuer la force de frottement. Bien caréner son bateau, polir la coque
et les appendices permet par exemple de limiter la composante de
frottement de la traînée hydrodynamique. De même, éliminer les poids
superflus à bord conduit à diminuer le poids total du voilier, et donc à
réduire d’autant la traînée de vague.

Compensation des forces au vent arrière. À gauche, le voilier vient de démarrer,


la force hydrodynamique de traînée est très faible, le voilier accélère. À droite, les
forces s’équilibrent, la vitesse du bateau se stabilise.

L’ÉQUILIBRE AU PRÈS
Après une superbe descente au vent arrière vers Penfret, l’équipage
de l’Eurêka est contraint d’entreprendre une séance de louvoyage contre
le vent, en direction d’une douche bien méritée. Ce nouveau schéma, où
le voilier avance au près à 45° du vent réel, s’avère un peu plus complexe
que le précédent. La force aérodynamique, toujours perpendiculaire aux
voiles, n’est plus parallèle à la route. Pour simplifier le raisonnement, on
la décompose en une force orientée dans la direction du voilier, que l’on
appelle la composante propulsive (parce qu’elle fait avancer le bateau),
et une force orientée perpendiculairement à l’axe du voilier : la
composante de dérive.
On fait de même avec la force hydrodynamique, décomposée en
traînée hydrodynamique (qui freine le bateau) et en composante
antidérive (générée par la quille, principalement).
Ces composantes s’équilibrent deux à deux : la composante de dérive
avec la composante antidérive ; la traînée hydrodynamique avec la
composante aérodynamique propulsive.
Le couple traînée/propulsion fonctionne comme au vent arrière et
détermine la vitesse du voilier. L’équilibre latéral entre composante de
dérive et composante antidérive est un peu plus subtil. Les appendices et
la carène produisent une force latérale uniquement lorsque l’eau arrive
avec un certain angle d’incidence par rapport à l’axe du voilier. En
d’autres termes, quand celui-ci avance « en crabe » ou, pour utiliser un
terme marin, quand il dérive d’un certain angle.
Dès que la force aérodynamique n’est pas exactement dans l’axe du
voilier, cet angle de dérive se manifeste. Sur un voilier moderne, dans
des conditions de vent et de mer maniables, il est de 5° à 10° au près. Il
devient très vite négligeable aux allures plus abattues et n’est guère plus
mesurable au-delà du vent de travers.
En fait, les choses sont encore un peu plus complexes, car les deux
équilibres ne sont pas totalement découplés. La force antidérive, si elle
est bien tributaire de l’angle de dérive, dépend aussi fortement de la
vitesse. Juste retour des choses, la traînée est pour partie fonction de la
dérive. Subtilité de théoricien ? Pas si sûr…
Quand un voilier progresse au près à vitesse constante, les forces
aérodynamique et hydrodynamique sont égales et opposées. La traînée
hydrodynamique compense la composante propulsive de la force aérodynamique. La
composante antidérive, qui n’existe que parce que le bateau dérive, compense la
composante de dérive.

La vitesse d’abord
… Pas si sûr donc, car le marin connaît une situation qui lui permet
de ressentir, à ses dépens, les interactions entre toutes ces forces :
quand le voilier est arrêté et que l’on veut repartir au près, si possible
sans trop dériver – pour appareiller d’un quai, quitter un mouillage,
remettre en route après être resté un moment à la cape, ou encore, en
fin d’un virement presque raté, quand le voilier n’a presque plus de
vitesse.
Le voilier est arrêté, au bon plein, ses voiles faseyent. Pressé de
repartir et oubliant de réfléchir, on borde précipitamment les voiles et la
force aérodynamique augmente rapidement. Le problème, c’est qu’elle
est très mal orientée : la composante de dérive est importante, la
composante propulsive faible. Comme le voilier n’a presque pas de
vitesse, un grand angle de dérive s’avère nécessaire pour compenser
cette poussée latérale de la voilure. Généralement, l’angle de dérive est
tellement grand que la quille décroche, si bien que la force antidérive
diminue encore (on voit d’ailleurs parfois des tourbillons au vent du
bateau, qui ont été créés par la quille). À cause de cet angle de dérive
important, la résistance de la carène est forte, et le voilier peine à
accélérer. Si le barreur commence à jouer du safran pour essayer de
remonter au vent, il augmente encore la traînée et la situation devient
désespérée…

Voici ce qui se passe lorsqu’on s’est retrouvé arrêté en sortie de virement et


qu’on reborde précipitamment sans reprendre de la vitesse : les appendices
décrochent, le bateau dérape. Le remous au vent de la quille est particulièrement
éloquent, sans parler de celui généré par le safran, encore accru par le braquage
excessif de la barre.
La bonne façon de faire, c’est d’accepter de choquer les voiles et
d’abattre largement, puis de les border progressivement. La force
aérodynamique est alors bien mieux orientée, la dérive moindre, et le
voilier accélère beaucoup plus facilement. Dès que la vitesse est
suffisante (1 à 2 nœuds sur les voiliers modernes), l’écoulement autour
des appendices devient laminaire (on dit que la quille « accroche »).
Quille et safran deviennent efficaces et l’on peut lofer petit à petit tout en
bordant les voiles : « Au près, la vitesse d’abord, le cap ensuite. »

LE COUPLE DE CHAVIRAGE
Lorsque l’on a introduit, au tout début de ce chapitre, le couple de
redressement (créé par le décalage entre le poids du voilier et la poussée
d’Archimède) qui permet d’assurer la stabilité du voilier, on ne s’était pas
encore intéressé à ce qui pouvait tenter de le déstabiliser ! Sur un voilier,
le principal coupable est évidemment la voilure, qui génère la force
aérodynamique.
Plus précisément, les composantes latérales des forces
aérodynamique et hydrodynamique s’appliquent à des hauteurs très
différentes. Comme dans le cas du poids et de la poussée d’Archimède,
ce décalage crée un couple, qui a tendance cette fois à faire gîter le
voilier, et que l’on appelle le « couple de chavirage ».
La voile est toujours une histoire de couples, et ici encore il est
question d’équilibre. Au fur et à mesure que la gîte augmente (sous l’effet
du couple de chavirage), le couple de redressement augmente (parce que
la poussée d’Archimède s’éloigne du poids), et c’est l’équilibre entre ces
deux couples qui détermine l’angle de gîte du voilier. Plus la vitesse du
vent et la surface de la voilure sont importantes, plus la force
aérodynamique et la force hydrodynamique (antidérive) sont
importantes, et plus le voilier gîte. Le couple de chavirage est également
proportionnel au bras de levier, c’est-à-dire à la distance entre les forces.
Prendre un ris est ainsi une façon très efficace de diminuer le couple de
chavirage en agissant simultanément à deux facteurs : on réduit la
surface de toile et on abaisse le centre de voilure !

La stabilité, facteur de performance


Aux allures proches du vent, c’est la stabilité du navire qui détermine
la surface de voile qu’il peut porter, et ce dès sa conception. Pour
simplifier, l’architecte naval ajuste la taille du gréement à la conception
de la carène pour que, dans des conditions « normales » (mettons, une
quinzaine de nœuds de vent), le voilier ait une gîte optimale. Pour un
monocoque habitable, ce pourra être par exemple 15 à 20° de gîte. La
surface de la voilure, et donc la force propulsive qu’il génère, est ainsi
directement conditionnée par la stabilité du navire.
L’on comprend ainsi à quel point il est crucial, pour la performance
d’un quillard, de baisser le centre de gravité du voilier : plus le centre de
gravité descend (pour un même poids total du voilier), plus le couple de
redressement est important et plus le bateau peut porter de toile, donc
plus la force propulsive est grande et plus le voilier est rapide. En
pratique, on parvient à cet objectif en concentrant le plus de poids
possible dans la quille (à tel point que le rapport poids du lest/poids total
est souvent mentionné dans la description des voiliers), en augmentant
le tirant d’eau pour descendre le lest, ou en plaçant une grande partie de
ce lest dans un bulbe placé à l’extrémité du voile de quille. Moins
spectaculaire, mais à ne pas négliger, l’allègement des aménagements,
des superstructures, du gréement, contribue aussi à l’abaissement du
centre de gravité.
Un dériveur fait encore mieux, en remplaçant le lest fixe par un lest
mobile très efficace : les équipiers. Pour la même stabilité, donc la même
force propulsive, il peut ainsi être beaucoup plus léger qu’un quillard, et
avancer beaucoup plus vite. En guise d’illustration, un dériveur de type
5O5 et un croiseur de poche de type Corsaire mesurent à peu près la
même longueur, portent à peu près la même surface de voilure mais le
premier est deux à trois fois plus léger (cela varie en fonction du poids
des équipiers), et par conséquent beaucoup plus rapide. Ce n’est pas par
hasard que le record de vitesse absolu à la voile a longtemps été détenu
par les planches à voile : leur ratio stabilité/poids total est excellent, du
fait même de leur simplicité.
La position du centre de gravité n’est pas la seule variable sur
laquelle agissent les architectes navals, la forme de la carène a
également une grande importance. Les voiliers de course modernes ont
par exemple des carènes plus larges que les bateaux de croisière, ce qui
leur permet d’augmenter d’autant leur stabilité, et donc leurs
performances. Les catamarans ou les trimarans constituent un extrême :
ils sont tellement larges qu’ils n’ont pas besoin de lest fixe pour assurer
leur stabilité, ce qui leur permet d’être, à surface de voile égale,
beaucoup plus légers qu’un monocoque de taille équivalente, et plus
rapides. Leurs coques sont de surcroît beaucoup plus fines, ce qui les
autorise à s’affranchir quasiment de la résistance de vague, et
d’augmenter encore leur vitesse.

LES TOURNANTS DANS LA VIE DES COUPLES


Grâce à l’équilibre des forces et des couples de forces, le voilier
avance et reste à l’endroit (si tout va bien…), mais il lui arrive aussi de
devoir changer de direction. Sous l’action du safran, ou du vent et des
voiles, ou en raison de la modification de son assiette, un voilier tourne.
Si la trajectoire d’un bateau se modifie, c’est parce que les équilibres des
couples et des forces ne sont plus satisfaits pendant un certain temps.
Ces déséquilibres sont responsables de tous les types de mouvements
du bateau.
Ainsi par exemple, une survente augmente la force aérodynamique,
ce qui fait accélérer le bateau. La quantité de vitesse supplémentaire
acquise par la carène développe alors un surcroît de traînée et le bateau
se stabilise à une nouvelle vitesse, plus élevée. Avec plus de force
aérodynamique, le couple de chavirage augmente également : le bateau
gîte davantage, jusqu’à ce que le couple de redressement le neutralise de
nouveau. Ainsi, le bateau se stabilise à une vitesse plus élevée qu’avant
la rafale, avec un angle de gîte plus important. De nouveau, toutes ces
forces et tous ces couples se sont égalisés.

Le rôle du safran
C’est une évidence pour tout le monde, le safran permet de diriger le
bateau ! Pour comprendre comment il agit, il faut se souvenir que la force
antidérive n’est pas seulement produite par le voile de quille, mais aussi
par le safran pour une part non négligeable : un quart à un tiers de la
totalité. La particularité du safran, c’est que l’on peut modifier l’intensité
et la direction de la force qu’il produit.
Sur un bateau en équilibre, tel qu’il est représenté (en haut) sur le
schéma ci-dessous, les forces hydrodynamique et aérodynamique se
compensent. Si le barreur amène la barre au vent (en bas), l’angle
d’incidence de l’eau sur le safran augmente, et avec lui la force qu’il
génère. Le point d’application de la force hydrodynamique totale se
rapproche donc du safran. Se crée alors un décalage entre force
aérodynamique et force hydrodynamique : ce nouveau couple fait abattre
le bateau. Dans le même temps, la traînée du safran a aussi augmenté,
ce qui freine le bateau.
Quand on amène la barre au vent, la portance générée par le safran fait reculer la
poussée hydrodynamique, qui cesse d’être dans le prolongement de la force
aérodynamique. Ce décalage crée un couple qui fait abattre le voilier.

Inversement, si le barreur pousse la barre sous le vent, l’incidence du


safran dans l’écoulement de l’eau diminue (voire s’inverse). La portance
sur le safran diminue également (voire s’oriente dans le sens opposé), le
centre antidérive avance et le bateau lofe.

La position du centre de voilure


L’autre façon de faire tourner le voilier, c’est de créer un décalage
entre les forces hydrodynamique et aérodynamique en déplaçant le
centre de la voilure. C’est en partie ainsi que les véliplanchistes dirigent
leur embarcation. Lorsqu’ils veulent abattre, ils inclinent leur voile vers
l’avant, le centre vélique avance et l’engin abat. Ils la reculent s’ils
veulent lofer. Sur un voilier disposant d’un foc et d’une grand-voile – et
dont on ne peut pas incliner la voilure d’avant en arrière comme sur une
planche à voile –, on avance le centre de voilure en choquant la grand-
voile et en bordant le foc : le voilier abat. Pour le reculer, on fait le
contraire : on choque le foc et l’on borde la grand-voile et le voilier lofe.
En réalité, sur un voilier de croisière, même si la position du mât a en
principe été fixée par l’architecte naval, on peut jouer un petit peu sur la
position longitudinale du centre de voilure en intervenant sur la longueur
de l’étai pour incliner le mât (on parle de quête). On peut ainsi choisir
d’avoir un bateau plutôt ardent en ajoutant de la quête, c’est-à-dire qu’il a
tendance à lofer naturellement si l’on ne compense pas à la barre, ou au
contraire plutôt un voilier mou en diminuant la quête, voire en lui donnant
une quête négative (mât très légèrement basculé vers l’avant).

La gîte et la contre-gîte
Les modifications de l’assiette latérale du bateau génèrent d’autres
déséquilibres. À la gîte, le centre de voilure se décale sous le vent du
centre de carène. La composante propulsive de la force aérodynamique
et la composante de traînée de la force hydrodynamique ne sont plus
alignées. Le couple ainsi créé pousse le bateau au lof.
Tout ce qui augmente la gîte fait lofer le bateau : vague, déplacement
de l’équipage, le fait de border une voile (grand-voile, foc ou spi).
À l’inverse, la contre-gîte pousse le bateau à abattre, en déplaçant la
force aérodynamique au vent. Avec un spi trop brassé, au grand largue
ou au vent arrière, le bateau contre-gîte et part à l’abattée.
Ce décalage entre forces aérodynamique et hydrodynamique produit
par la gîte ou la contre-gîte est le principal facteur de déséquilibre de
route d’un voilier, mais il n’est pas le seul. Il en existe un autre, qui
dépend de l’assiette et de la vitesse du voilier : la dissymétrie de carène.

La dissymétrie de carène
Lorsqu’une carène avance dans l’eau, sa forme n’est plus symétrique
mais s’apparente (en exagérant un peu) à celle d’une banane. Chacun
peut en faire l’expérience : si on pousse une banane dans l’eau, celle-ci
avance droit ; si on la pousse plus violemment, elle se met à tourner dans
le sens de sa courbure. Ainsi, un bateau qui gîte et qui va vite a tendance
à lofer (le phénomène est inverse à la contre-gîte) : tout se passe comme
si la partie verticale de l’étrave située du côté de la gîte développait une
force supérieure à l’autre. On conçoit tout l’intérêt de maîtriser sa gîte
pour conserver un bon équilibre de route, et dans le même temps
préserver sa vitesse : en effet, toute tendance au lof ou à l’abattée
impliquera de mettre de la barre pour conserver sa trajectoire, et cet
angle de barre se traduira par une traînée hydrodynamique du safran, et
donc un frein à l’avancement. Les carènes des dériveurs sont dessinées
pour naviguer à plat, et ils doivent le rester. Les quillards, nous l’avons
vu, naviguent nécessairement avec un certain angle de gîte, puisque
c’est de cette gîte que naît le couple de rappel garantissant au bateau sa
stabilité latérale. Les architectes navals s’efforcent, lorsqu’ils conçoivent
les formes de coque d’un croiseur, de limiter au mieux ces effets de
dissymétrie de carène aux angles « normaux » (cet angle étant particulier
à chaque bateau, certains acceptant plus de gîte que d’autres). Naviguer
sans gîte excessive, en adaptant ses réglages et sa voilure – mais aussi
en plaçant judicieusement le poids de l’équipage – est une des clés de la
performance, de l’équilibre de route… et de l’agrément à la barre.

Lorsque le voilier gîte, la carène se désaxe tout en devenant dissymétrique ce


qui rend le bateau ardent, tout en augmentant significativement la résistance de
vagues lorsqu’il se rapproche de sa vitesse limite.
Notes

1. L’ensemble composé de la barre, du safran et de tous les éléments qui les


relient l’un à l’autre constitue le gouvernail du navire, ou encore l’appareil à
gouverner. ◄

2. Le polyester des voiles est le plus souvent désigné sous l’appellation


commerciale « Dacron ». On recourt aussi à des fibres plus résistantes,
assemblées en matériaux dits « composites », pour les voiles haut de gamme. Ces
techniques de fabrication sont détaillées au chapitre 4 du Cours ►.

3. Les câbles et cordages du gréement sont aussi désignés sous le terme de


manœuvres : manœuvres dormantes, manœuvres courantes. Traditionnellement,
une bosse est une courte longueur de cordage servant à retenir une autre
manœuvre (une écoute, une drisse, une chaîne d’ancre). Par extension, c’est
aussi un cordage maintenant l’extrémité d’une voile à un point fixe du bateau ou
d’un espar. ◄

4. Un palan est un système démultiplicateur, composé de deux groupes de


poulies (ou de réas) et d’un cordage, permettant d’exécuter certaines
manœuvres. ◄

5. Frapper : fixer solidement une manœuvre sur une partie du navire ou du


gréement. ◄

6. Souquer : serrer. ◄
7. On désigne par courant l’extrémité du cordage, celle qu’on manipule, le
dormant étant la partie fixe, ou à fixer. ◄

8. 10 newtons équivalent à une force de flottabilité d’un kilo. Ainsi un gilet


150 newtons assure-t-il à une personne à l’eau une aide à la flottabilité de
15 kilos. À noter que si les directives réglementaires imposent un minimum,
certains gilets peuvent procurer une flottabilité accrue. ◄

9. Si vous voyagez en avion pour rejoindre le point de départ d’une croisière et


que vous comptez emmener votre gilet gonflable, il est bon de solliciter au
préalable l’accord de la compagnie. Cela vous évitera de voir votre cartouche de
gaz confisquée à un contrôle de sécurité. ◄

10. L’unité de distance en mer est le mille marin, qui correspond à une minute
d’angle de latitude sur la carte ou le globe terrestre, et équivaut à 1 852 mètres.
L’unité de vitesse est le nœud (1 mille/heure), en référence aux instruments de
mesure d’antan, des lignes munies de nœuds que les navigateurs laissaient filer
dans le sillage des navires. Pour convertir grossièrement les milles en km et les
nœuds en km/h, on peut multiplier par deux puis enlever 10 % au résultat
obtenu. ◄

11. Dans un équipage de deux personnes à bord d’un dériveur, le barreur prend
en charge le réglage de la grand-voile et agit sur le safran par l’intermédiaire de la
barre. L’équipier, que l’on pourra aussi désigner comme le focquier, s’occupe du
foc et de la dérive. Tous deux assurent par leurs déplacements l’équilibre latéral
et l’assiette longitudinale du bateau, l’équipier ayant généralement dans cette
recherche d’équilibre un rôle prépondérant. ◄

12. On découvrira ► la façon d’effectuer cette manœuvre en toute sécurité. ◄


13. Un bateau tend à lofer : quand on le fait gîter ; quand on borde la grand-voile ;
quand on baisse la dérive à fond ; quand on le charge sur l’avant.
Un bateau tend à abattre : quand on le fait gîter à contre ; quand on déborde sa
grand-voile ; quand on relève sa dérive, même partiellement ; quand on le charge
sur l’arrière.
La vitesse joue aussi un rôle déterminant : un bateau n’a de vie que s’il avance.
Un bateau qui n’a pas encore acquis sa vitesse affiche un comportement mou,
c’est-à-dire qu’il tend à abattre. ◄

14. Construire et intérioriser ses propres repères, affûter ses sensations en les
comparant aux instruments de bord lorsque le bateau en est pourvu, c’est le
meilleur moyen de commencer à développer l’instrument de navigation interne,
fin et fiable, indispensable à toute bonne carrière de marin. Pour, précisément, se
détacher des instruments électroniques, ne plus dépendre d’eux, les considérer
comme des repères et des références utiles, auxquelles on peut revenir plus ou
moins régulièrement, mais qui ne présentent pas de caractère indispensable. ◄

15. Traditionnellement, et pour être tout à fait précis, on parle de filin pour
désigner tout cordage à bord d’un bateau, de bout pour un filin à usage « indéfini
et multiple ». Exemple : le bout du seau. ◄

16. Stricto sensu, le mot empannage désigne un virement de bord vent arrière
incontrôlé et on devrait parler de virement lof pour lof lorsque la manœuvre est
volontaire. Comme le mot est plus court et plus pratique, « empannage » est
devenu synonyme de « virement vent arrière ». ◄

17. Amure : amarrage du coin inférieur d’une voile, du côté par lequel elle reçoit
le vent. Par extension, côté d’où le voilier reçoit le vent : bâbord amure, ou tribord
amure. ◄

18. Un génois est une voile d’avant – un foc – de grande surface. Il tire son nom
du foc de Gênes. ◄
19. Capeler : en ancien français, « coiffer », « enfiler par la tête ». On capelle aussi
un ciré, un harnais... ◄

20. Le self-tailing est un dispositif, optionnel, qui surmonte la poupée de winch. Il


bloque le cordage (ce qui permet de se passer de taquet), et engrange
automatiquement le mou récupéré, ce qui libère les deux mains pour tourner la
manivelle. ◄

21. Si une compression trop importante empêche l’équipier d’avant de libérer le


tangon du mât, il suffit de lui choquer un peu de hale-bas de tangon. ◄

22. On verra plus loin le rôle des barber-haulers dans le contrôle et le réglage du
spi ►.

23. Pour bien distinguer les deux côtés du spi et les actions ou réglages à
entreprendre, on parle de point d’amure côté tangon (au vent) et de point
d’écoute à l’opposé (sous le vent). Le point d’amure et le tangon sont contrôlés
par un bras de spi, le point d’écoute par une écoute. On parle de
brasser/débrasser, border/choquer. Après l’empannage, le point d’amure devient
le point d’écoute, le bras devient l’écoute, et inversement. ◄

24. Au même titre qu’un bras de spi symétrique doit pouvoir être largué en grand
pour un affalage d’urgence, l’amure d’un spi asymétrique doit pouvoir se choquer
sous tension, avec une bosse revenant au piano. C’est une hérésie de fixer
l’amure à l’étrave par une estrope fixe (une longueur de câble ou de cordage non
réglable). ◄

25. La corde d’un profil (qu’il s’agisse d’une voile aussi bien que d’une dérive ou
d’une quille) est le segment de droite reliant le bord d’attaque au bord de fuite de
ce profil. ◄

26. Les penons sont des brins de laine, ou des rubans de tissu à spi (on les
qualifie alors parfois de faveurs), placés dans les haubans, ou encore collés ou
cousus sur une voile. Dans les haubans, ils indiquent la direction du vent
apparent. Sur une voile, ils matérialisent les filets d’air circulant autour du profil.
L’encadré ► revient plus en détail sur « le langage des penons » et la façon de
s’en inspirer pour les réglages. ◄

27. Pour agmenter la performance, on pourra aussi équiper les voiles d’avant de
faveurs de chute. ◄

28. Braquer signifie augmenter l’angle que fait l’ensemble de la voile par rapport
au vent, sans que la forme de son profil change. ◄

29. Pour bien différencier, dans les consignes verbales, les consignes pour
actions à mettre en œuvre sur l’écoute et le bras de spi, on utilise des verbes
différents. Border et choquer pour l’écoute (côté sous le vent du bateau), brasser
et débrasser pour le bras (côté au vent). ◄

30. Le plan antidérive est constitué des appendices de la carène, safran(s) et


dérive(s), ou safran(s) et quille. Par ses formes, la carène peut elle-même
participer au plan antidérive, on pense notamment aux coques asymétriques du
Hobie Cat 16, qui le dispensent d’ailerons de dérive. Certains bateaux enfin
portent des appendices très spécifiques, par exemple les foils, qui visent un effet
de sustentation. ◄

31. Une risée est un renforcement subit et momentané du vent. Une risée, qui se
lit généralement très bien sur l’eau par l’apparition d’un friselis plus ou moins
étendu, ou d’une plaque, reste moins soutenue qu’une rafale. ◄
32. Le spi asymétrique est parfois baptisé gennaker. En réalité, le gennaker est
une voile à mi-chemin du code zéro et de l’asymétrique. ◄
33. Les catamarans de pur loisir et bien souvent les catamarans de sport de
16 pieds et moins sont dépourvus de dérive. Ces appendices sont surtout
l’apanage des catamarans de course de 18 pieds et plus. Ils autorisent des
performances plus élevées, au prix de manipulations supplémentaires, de
manœuvres plus complexes dans les arrivées et départs de plage… et de dégâts
certains en cas de talonnage. ◄

34. On dit qu’un bateau tosse quand il tape ou cogne contre quelque chose – la
plage, un quai ou un autre bateau – sous l’effet des vagues. Ce ne sont jamais des
chocs très violents, mais leur action, répétée inlassablement, finit par causer
d’importants dégâts. ◄

35. Un bateau enfourne lorsqu’en rattrapant la vague précédente, ou par


surpuissance, son étrave s’enfonce sous l’eau. Le volume de carène immergée
dans la partie avant du voilier augmente alors fortement, ce qui contribue à faire
ressortir l’étrave par la poussée d’Archimède, la carène retrouvant son assiette
normale. Dans un enfournement brutal, le mouvement de bascule vers l’avant
s’accentue, le bateau pouvant alors chavirer cul par-dessus tête : il sancit.
Lorsqu’un catamaran de voile légère sancit, la bascule s’effectue bien souvent
dans la diagonale de la plate-forme par effet de croche pied, l’étrave de la coque
sous le vent se bloquant dans l’eau. ◄

36. On parle de sancir lorsque le bateau chavire par l’avant (et non par le côté)
après avoir enfourné, c’est-à-dire après que son (ou ses) étrave(s) s’est (se sont)
engagée(s) sous l’eau. ◄

37. Les défenses sont des protections mobiles, le plus souvent en forme de
boudins, faites de PVC renforcé et gonflées d’air. Les défenses plates semi-rigides
occupent moins d’espace dans les coffres et ne risquent pas de se dégonfler,
mais leur légèreté est aussi un inconvénient, elles volent aisément sous les
rafales. En approche, placer les défenses sur la filière par un nœud de cabestan
permet de les faire glisser à la demande. Une fois amarré, on préfèrera les fixer au
pied des chandeliers, par un tour mort et deux demi-clés. ◄

38. Les ducs d’Albe sont des piliers plantés dans le fond d’un bassin ou d’un cours
d’eau, et sur lesquels viennent s’amarrer les navires ou coulisser les pontons. ◄

39. Ne jamais couper le contact électrique pendant que le moteur tourne, cela
risquerait d’endommager l’alternateur. Même si les moteurs les plus récents sont
protégés contre ce type de bévue, c’est une habitude à prendre et à toujours
conserver. ◄

40. Les ordres de barre sont les mêmes qu’il s’agisse d’une barre à roue ou d’une
barre franche. « Barre à droite » signifie, en marche avant, orienter la barre de
telle façon que le bateau vire à droite. Avec une roue, cela consiste à tourner la
barre vers la droite, dans le sens des aiguilles d’une montre. Avec une barre
franche, cela revient à pousser le manche sur bâbord. Mais c’est ainsi ; et c’est le
seul moyen de parler clairement, de façon à être compris par tous, en toutes
circonstances et sur tous types de navires. ◄

41. Le Saildrive (ou S-drive) est un système de transmission par pignons


coniques, à travers une embase directement reliée au moteur. ◄

42. En manœuvre, l’inertie du bateau est fonction de sa masse et de sa vitesse


initiale. En réalité, ce calcul devrait prendre en compte la force nécessaire pour
compenser la densité de l’eau, qu’on appelle « masse ajoutée », bien qu’elle
dépende de la forme du bateau et non de son poids. Elle est évaluée à 5 % de la
masse d’un bateau quand il est en route, mais à 100 % lorsqu’il est arrêté en
dérive. C’est-à-dire qu’il faut, pour lancer un bateau au démarrage, près de deux
fois plus d’énergie que pour l’arrêter quand il est en mouvement. ◄
43. Dans les virages en marche arrière le bateau tourne autour d’un point situé
sur l’arrière de la quille, et c’est l’étrave qui décrit un cercle plus large que celui
dans lequel s’inscrit le tableau arrière. ◄

44. Tourner le dos à l’étrave pour barrer en marche arrière rend l’utilisation de la
barre plus naturelle, tout en facilitant la visualisation de la trajectoire et
l’appréciation des distances. Attention cependant à la position de l’étrave vis-à-vis
des obstacles, sinon l’équipier chargé de la défense volante risque d’avoir des
sueurs froides. ◄

45. Chaumard : pièce de bois ou de métal fixé sur la lisse ou le pavois du bateau
permettant de guider les amarres. ◄

46. Pour faire un bac et rejoindre ainsi « en crabe » un point d’accostage, on


s’aidera grandement en prenant un alignement, entre le lieu visé et n’importe quel
élément du paysage en arrière-plan. On ne procède pas autrement pour prendre
une bouée de mouillage avec du courant traversier. ◄

47. Le catway est généralement plus court que le bateau. Par conséquent la
pointe arrière – dans le cas d’un accostage en avant nez au ponton – joue alors un
double rôle : elle travaille aussi comme une garde arrière, empêchant le voilier de
reculer. Cul au ponton, c’est la pointe avant qui occupe un double rôle. ◄

48. Installé sur des unités de forte taille, le propulseur d’étrave est constitué
d’une petite hélice placée dans un tunnel à l’étrave, ou assortie à un dispositif
rétractable. Ce peut être un appoint précieux, mais en aucun cas un substitut aux
techniques de manœuvre éprouvées. Mu par un moteur électrique, le propulseur
ne s’utilise que par impulsions successives, il n’est pas prévu pour fonctionner en
continu. ◄
49. L’angle à atteindre par rapport au quai avant de battre en arrière dépend de
l’orientation de l’élément dominant (vent ou courant). Concrètement il s’agit
d’atteindre, voire de franchir cet axe, de façon à partir cul au vent ou au
courant. ◄

50. Lorsqu’on récupère une amarre en double, il faut agir rapidement, pour qu’elle
ne se prenne pas dans l’hélice. Si l’on identifie un risque compte tenu de la façon
dont elle tombe à l’eau, il faut momentanément débrayer. Puis l’équipier annonce
« claire ! » lorsqu’il a tout ramené à bord, c’est le signal d’embrayer de
nouveau. ◄

51. Une darse est un bassin rectangulaire au sein d’un port. Dans un port de
plaisance, on désigne ainsi l’allée séparant deux pontons parallèles, eux-mêmes le
plus souvent munis de catways. L’évitage est le cercle suivi par un bateau autour
d’un point fixe, le plus fréquemment son ancre, ici autour de l’anneau ou du
taquet de catway. ◄

52. Par vent de travers, on tourne prioritairement la pointe arrière au vent. Pour
repartir, c’est la pointe sous le vent qui sera larguée en premier. ◄

53. La coupée est un élément mobile du navire permettant de débarquer à terre.


Il y a des coins de Méditerranée où l’on ne peut s’en passer, qu’il s’agisse d’un
dispositif articulé monté sur le pavois arrière et qu’on remonte par une drisse, ou
plus prosaïquement d’une solide planche de bois qu’en navigation on range sur un
passavant, saisie sur les chandeliers. ◄

54. Si par vent traversier le bateau en reculant perd sa trajectoire, il faut le


remettre dans l’axe par de petits coups de fouet en avant. Selon le côté du pas,
on peut même se recaler un peu au-delà de l’axe, le cul se remettra de lui-même
en ligne lorsqu’on embrayera en arrière. ◄
55. Mouillé cul à quai, on peut tester la tenue de l’ancre en remontant la chaîne
au guindeau. Si une fois la chaîne bien tendue le guindeau s’essouffle, c’est que
l’ancre tient. On relâche ce qu’on venait de prendre. Si la chaîne continue de
venir, on remonte l’ancre et on recommence ◄

56. Lorsque le quai est bordé d’enrochements sous-marins, il faut accoster nez à
quai avec un mouillage arrière, et non cul à quai, pour ne pas exposer le safran.
Une autre solution consiste à s’amarrer par l’arrière en rallongeant les amarres, et
en installant un va-et-vient pour débarquer avec l’annexe. ◄

57. Taud : toile épaisse destinée à protéger voile, pont, cockpit ou écoutilles du
soleil ou de la pluie.
Lazy-bag : taud sur lequel viennent se connecter des lazy-jacks ►

58. En cas de sérieuses difficultés, il est toujours possible de mouiller en urgence,


pourvu que l’ancre soit à poste. La capitainerie étant informée, on prendra là
aussi le temps de la réflexion avant de se dégager, quitte à demander une
assistance. ◄

59. Raban : sangle de forte toile permettant de ferler une voile, ou encore de
serrer ou arrimer un objet.
Ferler une voile consiste à la relever et la ranger par plis successifs le long de son
espar (une vergue ou une bôme). ◄

60. On dit d’une manœuvre qu’elle est claire lorsqu’elle est prête à être utilisée ou
plus précisément correctement préparée, sans nœuds, cosses ou entrave. On
emploie cet adjectif aussi bien avant d’affaler une voile – « la drisse est-elle
claire ? » – que pour une écoute ou encore une ligne de mouillage. ◄
61. Chaque manœuvre dispose de son verbe particulier : on borde une voile avec
son écoute (ou en embraquant l’écoute), on la hisse avec la drisse que l’on
étarque ensuite, et on pèse une balancine pour soulever l’espar qu’elle soutient
(bôme ou tangon de spi). ◄
62. La notion de recouvrement désigne la façon dont la voile d’avant « recouvre »
la grand-voile lorsque les voiles sont bordées et le bateau vu de profil. À une
époque, la mode était aux grands génois, dont le tiers arrière recouvrait la grand-
voile, on parlait de recouvrement à 150 %. La tendance actuelle est aux faibles
recouvrements, de 105 à 110 %. ◄

63. Un excellent système consiste à installer près du vit-de-mulet des


mousquetons à largage rapide à la place des crocs de ris. Cela permet de fixer
l’œil d’amure sans risque de décrochage intempestif, et c’est encore plus
précieux lorsqu’on navigue en équipage réduit : une fois le point d’amure en
place, l’équipier peut revenir gérer la bosse de ris ou la drisse sans avoir à
s’inquiéter que la voile saute du croc. ◄

64. Sur un croiseur, les bosses de ris – au grand minimum la bosse du premier
ris – doivent être à poste en navigation, de façon à pouvoir réduire rapidement, en
évitant les acrobaties en bout de bôme. ◄

65. Il ne viendrait pas à l’esprit de border plat un foc avant de le hisser et


de l’étarquer. Il en va un peu de même pour la grand-voile au moment de prendre
un ris : on étarque le guindant avant la bordure. De manière générale, il faut
reprendre les tensions verticales avant les tensions horizontales. Et à l’inverse,
par exemple lorsqu’on largue un ris, on relâche les tensions horizontales avant les
verticales. ◄

66. Le piano désigne l’emplacement – en général de part et d’autre de la


descente – où sont regroupés winchs et bloqueurs de drisses et de bosses, par
analogie au piano du cuisinier. ◄
67. Un réa se définit comme la roue à gorge d’une poulie. On trouve aussi des
réas fixes, éléments dans lesquels coulisse un cordage, souvent désignés comme
réas à friction. ◄

68. Lorsqu’on fixe les écoutes sur le foc par des nœuds de chaise, on leur laisse
une « queue » conséquente, environ une largeur de main, pour éviter que sous
tension le nœud lâche par glissement. ◄

69. Le tourmentin est trop souvent oublié à fond de cale. Il faut l’avoir essayé par
temps maniable, ne serait-ce qu’au port, pour s’assurer de la bonne longueur de
l’estrope et repérer les points de tire sur les rails d’écoute. Lorsqu’on doit le
mettre en place dans des conditions difficiles, il est trop tard pour se préoccuper
de ces détails. ◄

70. Le déplacement d’un navire désigne le poids du volume d’eau « déplacé » par
sa carène, et conformément au principe d’Archimède, il est égal au poids du
bateau lui-même. Il s’exprime généralement en kilos ou en tonnes. ◄

71. Un padeye est une ferrure plate munie d’un œil, fixe ou basculant. ◄

72. De plus en plus de zones de mouillage sont équipées de coffres, plus


respectueux des fonds marins que les ancres. Avec le temps, les lourds corps-
morts s’ensouillent dans les fonds. On voit aussi apparaître, par exemple dans le
parc naturel de Port-Cros, une nouvelle génération de mouillages « écologiques »
fixés dans les fonds sableux par un système de vis hélicoïdale. ◄

73. À Saint-Malo, Granville ou à Chausey, le corps-mort est souvent désigné sous


l’appellation de « tangon ». Ce terme serait un héritage de la grande époque de la
pêche à la morue sur les bancs de Terre-Neuve. Les pêcheurs quittaient leur
navire pour la journée et partaient relever leurs lignes à bord de doris, barques à
fond plat à grande capacité de charge, qu’au retour ils amarraient au bateau par
l’extrémité d’une vergue (un tangon). ◄

74. S’il y a du courant et que celui-ci n’est pas dans l’axe du voilier, la route fond
est différente de la route surface. Cette problématique est abordée en détail dans
le chapitre « Navigation » ►.

75. Arriver vent debout sur un coffre en lofant en phase finale est plus risqué que
d’y arriver de loin au bon plein. Si l’on est un peu court et que l’on rate le coffre au
bon plein, il suffit de border les voiles pour repartir. Vent debout et sans erre, il
est en revanche beaucoup plus difficile et plus long de reprendre le contrôle
de l’évolution du voilier. Dans tous les cas de figure, on approche un coffre sous
l’amure qui laisse une échappatoire parmi les autres bateaux au mouillage ou les
obstacles éventuels, et l’on ne perd pas de vue cette échappatoire pour le cas où
l’on raterait sa bouée. ◄

76. Le mot forain vient du bas-latin foranus (étranger), lui-même dérivant de foris
(dehors). Un mouillage forain est ouvert à certains vents et à la houle du large. Il
suppose de la vigilance. On évite d’y laisser le bateau longtemps sans veilleur à
bord. ◄

77. Le marnage est la différence de hauteur d’eau entre une pleine mer et une
basse mer successive. ◄

78. Le pied de pilote est la hauteur d’eau de sécurité sous la quille qu’en bon
marin on ajoute à son tirant d’eau, pour éviter de talonner en raison d’une légère
approximation dans les lignes de sonde, dans le calcul de marée ou dans le suivi
de la navigation, d’un retard dans une manœuvre, ou encore d’un creusement de
la mer dû à la houle ou aux vagues. La valeur de cette marge de sécurité est
subjective, elle dépend des circonstances de navigation, de l’ancienneté des
relevés hydrographiques de la carte marine et des conditions météo du
moment. ◄

79. Un bateau évite lorsqu’il tourne autour de son mouillage en fonction du vent
et du courant, mais aussi selon son fardage (prise au vent) et la forme de sa
carène. Un quillard sera plus sensible au courant qu’un multicoque, qui évitera
plus volontiers en fonction du vent. ◄

80. Certains cordages, tressés autour d’une âme en plomb, sont conçus pour
remplacer la chaîne avec un grappin ou une ancre légère, en aluminium. Ce type
de mouillage, maniable mais fragile, est fréquent sur les voiliers de régate et n’est
utilisable que pour une escale de courte durée, le bateau demeurant sous
surveillance. ◄

81. Trois bons gestes en arrivant au mouillage. Vérifier la hauteur d’eau et la


nature du fond avec une sonde à main, en enduisant le cul du plomb de sonde
d’une matière grasse (idéalement du suif, mais il n’y en a plus sur nos bateaux de
plaisance, on pourra sacrifier un peu de beurre).
Mettre systématiquement l’échelle de bain à l’eau pour remonter à bord
facilement. Basculer la vanne des sanitaires sur la cuve à eaux noires, si le bateau
en est équipé. ◄

82. On retrouve parfois les crocs de mouillage sous l’appellation « mains de fer ».
Les meilleurs modèles sont ceux qui se libèrent automatiquement lorsqu’on laisse
filer la chaîne, puisqu’ils permettent en urgence de déraper et appareiller sans
complication ni manipulation particulière. ◄

83. Une technique assimilable à l’empennelage consiste à placer une gueuse (un
lest) sur la chaîne de mouillage à bonne distance de l’ancre. ◄
84. Une amarre tournée à terre sur un rocher ou sur un solide tronc d’arbre doit
être préservée du ragage : c’est la raison pour laquelle on réalise un tour mort
avant la confection du nœud d’amarrage (nœud de chaise ou demi-clés). Certains
gardent à bord de petites longueurs de chaîne de mouillage, permettant de
cravater le point d’amarrage avant d’y relier l’aussière. ◄

85. Pour relever le mouillage à la main, il faut généralement se mettre à plusieurs,


dans l’axe du davier… le plus petit étant placé devant. ◄

86. Le barbotin désigne la couronne métallique formée à l’empreinte des


maillons, servant à entraîner la chaîne sur un guindeau. C’est une invention de
Benoît Barbotin (1793-1871), capitaine de vaisseau de la Marine et rescapé de La
Méduse. ◄

87. Un orin est un cordage relié à un objet immergé, le plus souvent une ancre. ◄

88. Prame : petite embarcation utilitaire non pontée, à fond plat. ◄

89. Pour être certain de son mouvement, il faut toujours maintenir la même face
de l’aviron orientée vers le haut. ◄

90. Si l’on doit manœuvrer à la voile, on procèdera à l’inverse, en approchant le


remorqué sous son vent, de façon à pouvoir choquer entièrement la grand-voile
sans que la bôme risque de heurter ses haubans. ◄

91. Le convoi doit impérativement être signalé. Qu’on imagine simplement un


navire envisageant de passer entre le remorqueur et le remorqué ! De nuit, le
RIPAM stipule que le remorqueur doit arborer un feu blanc supplémentaire dans la
mâture, ce qui n’est pas forcément possible sur nos voiliers. Il prévoit aussi « un
feu de remorquage placé à la verticale du feu de poupe » (en principe visible sur
135°), et on ne fera pas l’impasse sur celui-ci, qui a aussi pour fonction d’éclairer
le câble de remorque… Un feu de navigation de secours à pile ou une lampe de
forte puissance fixée au balcon pourront faire l’affaire. Par visibilité réduite, des
signaux sont émis avec la corne de brume à des intervalles ne dépassant pas
deux minutes. Le remorqueur émet un son prolongé suivi de deux sons brefs ; le
remorqué répond par un son prolongé suivi de trois sons brefs. ◄

92. L’écoulement d’un fluide est dit « laminaire » lorsque les couches composant
ce fluide glissent les unes sur les autres sans se mélanger. ◄
93. L’extrados est le côté d’un profil où s’exerce la portance : par exemple, pour
une aile d’avion sa face supérieure, pour une voile de bateau sa face sous le vent.
Le côté opposé du profil est dénommé intrados. ◄

94. Les appendices génèrent également de la traînée, mais en général leur


contribution à la traînée globale est beaucoup plus faible que celle de la
carène. ◄
MÉTÉOROLOGIE, NAVIGATION
Météo
Prendre la météo
Comprendre la météo
Observer et prévoir le temps

Navigation
La carte marine
Naviguer à proximité des côtes : le pilotage
Naviguer en vue des côtes
Naviguer au large
Mettre au point son projet de navigation
Le routage
ette partie du Cours est consacrée à la navigation

C au sens restrictif du terme, c’est-à-dire la gestion


des déplacements du bateau parmi les éléments
environnants. Déterminer un itinéraire sûr, le suivre
et le contrôler en permanence, c’est le travail du chef de bord,
ou bien du navigateur, membre de l’équipage dédié à cette
fonction particulière. Carte, compas, règle Cras, GPS, sextant,
radar, sonde ou simple ficelle sont quelques-uns des outils qui
permettront au plaisancier de faire évoluer son bateau en
sécurité, documents et instruments qu’il lui faut connaître,
maîtriser, et mettre au service du sens marin, qui s’appuie sur
de solides principes autant que sur l’expérience.
Pour cette dernière, il faut pratiquer, en n’hésitant pas à
garder Le Cours sous le coude – ou dans la bibliothèque de
bord – pour s’y référer en tant que de besoin. Les bons
principes s’inculquent. Depuis l’origine, les Glénans apportent
à cet enseignement de la navigation un soin particulier, et
nous considérons que contrairement à certaines idées reçues,
le développement des aides électroniques – qui simplifient
certes la tâche – ne dispense aucunement de la rigueur, ni de
la réflexion et du raisonnement.
On ne saurait par ailleurs tracer une route sans se
préoccuper des conditions de mer et de vent que l’on se
prépare à rencontrer, et c’est très logiquement que ce
chapitre s’ouvre par une première partie consacrée à la
météo. Si comme dans les autres domaines Le Cours entend
fournir de solides bases théoriques sur l’identification et la
compréhension des phénomènes en jeu, il vise avant tout à
donner les clés d’une navigation intelligente et maîtrisée. On
verra non seulement comment sélectionner et traiter
l’information – les prévisions météorologiques – parmi la
masse des données disponibles, mais aussi comment la
confronter au réel – les observations depuis notre voilier –
pour anticiper les évolutions et même bâtir nos propres
prévisions. Une large part est faite aux effets météorologiques
locaux, de façon à pouvoir en tirer le meilleur parti et exploiter
toutes les subtilités d’un plan d’eau.
En conclusion du chapitre, on découvrira la technique du
routage, qui consiste à calculer la route la plus rapide – ou la
plus confortable – en relation avec ces prévisions
météorologiques bien comprises.
Météo

N aviguer, c’est prévoir. La capacité à comprendre l’évolution


météorologique fait donc partie de l’attirail de base du marin.
L’étude de la météo s’effectue avant le départ, pour préparer bateau et
équipage. Une fois en mer, on affine l’analyse et la prévision pour des
raisons évidentes de sécurité mais aussi pour organiser intelligemment
une croisière ou une régate.
Pendant longtemps, les bulletins reçus en mer par radio ou consultés
à terre avant l’appareillage étaient la source quasiment unique
d’informations. Ils ont toujours leur pertinence, on y trouve des éléments
de sécurité, la situation générale, des prévisions par zone, et parfois des
observations. Mais la diffusion des données météorologiques sur Internet
a profondément modifié le paysage : le problème n’est plus tant de se
procurer de l’information que d’opérer le tri dans une masse de données.
La pratique minimale consiste désormais à prendre un bulletin
météorologique à terre ou en mer, puis à consulter un site web montrant
des flèches de vent et des petits nuages. Nous allons voir qu’avec un
minimum de connaissances il est possible d’extraire un grand nombre
d’informations utiles de ces données simples. Ainsi, dans nos régions, la
prévision « vent de sud-ouest accompagné de pluie suivi de vent de nord-
ouest ponctué d’averses » traduit probablement le passage d’un front
froid avec son cortège de grains éventuellement soutenus et de rafales
brutales. Dans un autre registre, une prévision de « vent faible de secteur
nord sur la côte charentaise », accompagnée d’une carte figurant de
petits soleils, annonce pour l’après-midi une agréable brise de mer de
secteur ouest pouvant atteindre force 3 à 4 en soirée.
Si l’on y prend goût, on pourra consulter des données plus élaborées
(cartes isobariques, fichiers numériques, photos satellite) qui
permettront, avec l’aide du bulletin météorologique, de bâtir une
stratégie en croisière (organiser des bonnes vacances) ou en course (ne
pas arriver dernier).
Avec un peu d’étude et d’entraînement, on atteindra un niveau
d’autonomie appréciable, tout en restant modeste, en sachant évaluer
avec rigueur et humilité performances et échecs, et en continuant à
s’appuyer sur le travail des météorologistes professionnels.
Prendre la météo

LES BULLETINS MÉTÉOROLOGIQUES


Facile d’accès, donnant le point de vue des professionnels sur la
situation, le bulletin constitue le point de départ de toute réflexion sur les
conditions météo. Il est rédigé pour un bassin océanique (Manche-
Atlantique, Méditerranée), lui-même découpé en zones.

LA STRUCTURE D’UN BULLETIN


La grande majorité des bulletins suivent à peu de chose près le même
plan : l’en-tête ; les avis de vent fort (grand frais, coup de vent,
tempête…) ; la situation générale et son évolution ; les prévisions par
zones ; la tendance ultérieure et les observations.

L’en-tête
Il indique : l’organisme à la source de l’information ; l’heure
d’élaboration du bulletin, en temps universel coordonné (UTC) 1 ; la zone
concernée.
Il rappelle par ailleurs que la vitesse du vent fait référence à l’échelle
de Beaufort et donne le vent moyen hors rafales, tandis que l’état de la
mer fait référence à l’échelle de Douglas qui décrit la mer significative.

Les avis de vent fort (gale warning)


Les avis de vent fort et les BMS (Bulletin météorologique spécial)
sont pour des raisons de sécurité toujours énoncés en début de bulletin.
La terminologie s’appuie sur l’échelle de Beaufort :
– Grand frais (near gale) : force 7, soit 28 à 33 kt (knots ou nœuds ►).
– Coup de vent (gale) : force 8, soit 34 à 40 kt.
– Fort coup de vent (severe gale) : force 9, soit 41 à 47 kt.
– Tempête (storm) : force 10, soit 48 à 55 kt.
– Violente tempête (severe storm) : force 11, soit 56 à 63 kt.
– Ouragan (hurricane) : force 12 et plus, soit 64 kt et plus.
Les avis de vent fort sont « en cours », « imminents » (s’ils doivent
survenir dans les 3 heures) ou « prévus » (selon l’heure indiquée dans le
bulletin). Les Anglais indiquent aussi l’échéance de l’évolution. « At first »
pour le début de période, « imminent » pour une échéance inférieure à
6 heures, « soon » pour les six à douze prochaines heures, et enfin
« later » pour une échéance supérieure à 12 heures.
Le découpage des zones pour les bulletins marines de Météo France.
L’ÉCHELLE DE BEAUFORT
L’intérêt de l’échelle de Beaufort est de relier la vitesse du vent à des
phénomènes observables, ce qui permet d’en parler à peu près objectivement sans
instrument de mesure.
FORCE BEAUFORT ET VITESSE EN NŒUDS
Pour exprimer en nœuds une vitesse de vent annoncée en force Beaufort (ou
réciproquement), on applique une règle simple et approximative (nous utilisons pour
les nœuds 2 l’abréviation kt – pour knots en anglais – dans la mesure où elle est la
plus répandue).
Jusqu’à force 8 :
Vitesse en kt = 5 × (force Beaufort – 1)
Force Beaufort = (vitesse en kt/5) + 1
Au-delà de force 8 :
Vitesse en kt = 5 × force Beaufort
Force Beaufort = vitesse en kt/5
Ainsi, force 7 correspond à 5 × (7 – 1) = 30 kt. 20 kt correspond à 20/5 + 1
= force 5. Tandis que force 9 correspond à 9 × 5 = 45 kt.

La situation générale et son évolution (general


synopsis)
Les différents phénomènes météorologiques (centres d’action, fronts,
dorsales…) sont mentionnés et localisés. Une dépression peut se
creuser (deepening) ou se combler (filling). Les anticyclones peuvent se
renforcer ou s’affaiblir (collapsing, declining, weakening). La pression au
centre des dépressions ou des anticyclones est toujours donnée en
hectopascals. La vitesse de déplacement des phénomènes est
quelquefois mentionnée.

Les prévisions par zones (area forecast)


Dans les bulletins de type large ou grand large, les zones sont citées
dans un ordre immuable et peuvent être regroupées si les prévisions les
concernant sont identiques. Pour chacune de ces zones, les différents
paramètres sont communiqués dans l’ordre suivant : vent (direction et
vitesse), état de la mer, temps sensible (ou temps significatif), visibilité.
■ La direction et la force du vent
La description du vent est donnée pour le début de la période
envisagée. L’évolution du vent n’est indiquée que si les estimations
prévoient des changements de plus de 45° pour sa direction et de plus
de 2 forces Beaufort pour sa vitesse.
La direction du vent est désignée par son origine cardinale (du vent
« de nord » vient du nord et va vers le sud).

Les directions du vent telles qu’elles s’expriment en abrégé, en français et en


anglais.

Les termes suivants sont utilisés :


– Variable/variable : direction imprécise.
– Mollissant/decreasing : diminuant en force.
– Fraîchissant/increasing : forcissant.
– Tournant/becoming : changeant de secteur.
– Revenant/backing : s’il tourne dans le sens antihoraire (de S à SE,
par exemple).
– Virant/veering : s’il tourne dans le sens horaire (SW vers NW, par
exemple).
– Cyclonique/cyclonic : au centre d’une dépression, c’est-à-dire
variant rapidement.

Les adjectifs qualifiant la force du vent sont :


– Vent faible (calm or light) : force 0 à 2.
– Modéré (moderate) : force 3 à 5.
– Assez fort (fresh) : force 6.
– Fort (strong or gale) : forces 7 et 8.
– Très fort (severe gale) : force 9.
– Violent (hurricane force) : force 10 et au-delà.

Les rafales sont mentionnées lorsque le vent instantané dépasse de


10 à 15 nœuds le vent moyen ; elles sont qualifiées de « fortes » si l’écart
est de 15 à 25 nœuds, de « violentes » lorsque l’écart dépasse 25 nœuds.

■ L’état de la mer
L’état de la mer est une donnée importante concernant la sécurité et
le confort de la navigation. La plupart des services météorologiques
annoncent la mer significative (ou H 1/3) définie comme moyenne du
tiers des vagues les plus hautes, et qui est un bon indicateur de l’état
moyen de la mer tel qu’on peut le ressentir sur un bateau. Ces valeurs
sont graduées selon l’échelle de Douglas, dont le détail est fourni au
chapitre « Océanographie » ►. Dans les bulletins « large », la houle n’est
citée que si sa hauteur dépasse 4 mètres en Atlantique, et 3 mètres en
Méditerranée.

■ Le temps significatif 3
Pour indiquer le temps significatif, on utilise les termes suivants :
pluie (rain), averses (showers) – qui peuvent être éparses (scattered) ou
isolées (isolated), – bruine (drizzle), brume (mist), brouillard (fog), grains
(squalls), neige (snow) et orages (thunderstorms).
La bruine est caractéristique d’un secteur chaud. La pluie est
continue, et les averses sont intermittentes. La pluie suivie d’averses
signale le passage d’un front froid. Le grain est caractéristique d’une
traîne active. On emploie le mot brume pour une visibilité inférieure à
5 km, brouillard pour une visibilité inférieure à 1 km.

■ La visibilité
Les bulletins côtiers donnent la visibilité en milles nautiques. La BBC,
qui ne mentionne jamais le mot « visibilité », l’indique dans ses bulletins
par les adjectifs suivants :
– Good (bonne) : supérieure à 5 milles.
– Moderate (médiocre) : 2 à 5 milles.
– Poor (mauvaise) : de 1 000 mètres à 2 milles.
– Very poor, fog (très mauvaise, brouillard) : inférieure à 1 000 mètres.
Lorsque la visibilité est très mauvaise, la BBC précise généralement
pourquoi : bancs de brume (fog patches), brume côtière (coastal fog),
brouillard épais (heavy fog) ou brume sèche (haze).

La tendance ultérieure
Certains bulletins donnent une tendance pour des échéances qui
s’étendent au-delà de leur période de validité (pour les 3 prochains jours
par exemple).
Les observations
La plupart des bulletins côtiers fournissent des observations
délivrées par les sémaphores ou les stations météo de la zone
concernée, à savoir : la direction et la force du vent (en nœuds), la
pression atmosphérique et sa tendance 4, l’état de la mer et la visibilité.

LES SOURCES DES BULLETINS


Pour les zones classiques de navigation, on trouvera les différentes
sources, heures et moyen de diffusion des bulletins 5, ainsi que la
définition des zones, dans les almanachs locaux ainsi que dans le Guide
marine de Météo France actualisé chaque année et téléchargeable
gratuitement. Pour les zones plus exotiques, on se reportera aux
almanachs locaux s’ils existent ou aux bulletins émis par le SMDSM 6 en
BLU, en Navtex ou par Inmarsat C. Voir le chapitre concernant
l’information météorologique ►.

PRENDRE UN BULLETIN MÉTÉOROLOGIQUE


Dès que l’on navigue au-delà de l’horizon, il faut prendre des bulletins
concernant plusieurs zones, en particulier celles situées à l’ouest (en
général, sous nos latitudes, les grands systèmes météo se déplacent
d’ouest en est), car elles peuvent donner des indications fort utiles sur la
tendance ultérieure. Les plus courageux et les mieux organisés pourront
même, à partir d’un bulletin écouté à la radio, reconstituer une carte
météo simplifiée qui, en l’absence d’autres moyens de collecter
l’information météorologique, rendra de grands services : on note le
bulletin sur une grille préparée à l’avance et il ne restera plus qu’à
transcrire le résultat sur le fond de carte des zones météo 7. Si l’on veut
pousser l’exercice, on construit deux cartes, une première avec la
situation observée, une seconde avec la situation prévue.

La transcription du bulletin
Les zones pour lesquelles les prévisions sont identiques sont reliées
par un trait. Le temps significatif est représenté par des pictogrammes
qui peuvent être les symboles météo classiques (cela permet de les
retenir…). L’état de la mer n’est pas porté sur la carte, pour éviter de la
rendre illisible. On se reportera à la transcription du bulletin. Si l’on rate
des informations sur une zone, on passe directement à la suivante. On
complètera en réécoutant le bulletin.
Les informations données par le bulletin sont reprises sur un formulaire
préétabli. Ici, l’état de la mer est préoccupant sur les zones proche-Atlantique.

Le report des données sur la carte permet de se représenter la situation. Ici,


une dépression atlantique dégage vers le NNW. Elle amène du vent fort de secteur sud
sur toutes les zones Manche et proche-Atlantique. Le front froid associé passe sur la
Bretagne demain matin avec bascule et grains. Il est suivi de vent d’W à NW modéré.
Si l’on navigue dans le sud du golfe de Gascogne, il faudra suivre l’évolution de la
petite dépression, peut-être porteuse de développements orageux.
RÉCUPÉRER L’INFORMATION MÉTÉOROLOGIQUE
RÉCUPÉRER DES BULLETINS À TERRE ET DANS LA ZONE CÔTIÈRE

Les radios nationales


BBC Radio 4 (198 kHz GO) émet les bulletins élaborés par le Met
Office à 0 h 48, 5 h 20, 12 h 01 et 17 h 54 (heure locale). On peut aussi
écouter les bulletins italiens en Méditerranée. Les ondes longues portent
jusqu’à 200 milles environ.

La presse quotidienne et la télévision


On trouve dans plusieurs quotidiens des cartes et des prévisions
concernant la bande littorale. Ces informations ne sont pas d’une grande
fraîcheur, du fait des délais de réalisation et de distribution de la presse.
Les bulletins télévisés des grandes chaînes nationales sont trop
généralistes. En revanche, les animations d’images satellite peuvent
donner une idée de la situation générale, du déplacement des masses
d’air et des masses nuageuses.

Les capitaineries
Les capitaineries affichent chaque matin un bulletin côtier précis que
l’on consultera avec profit. Ce bulletin s’accompagne de prévisions à
plusieurs jours et, selon l’abonnement dont dispose la capitainerie, des
cartes de pression et des champs de vent.
Les répondeurs téléphoniques
Les répondeurs téléphoniques des divers offices météorologiques
fournissent une information précise et rapide que l’on peut consulter à
terre, éventuellement en mer si l’on est à portée de téléphone cellulaire.

La VHF
La VHF est l’outil indispensable pour acquérir de l’information météo
en zone côtière. Les CROSS 8 en France, et leurs homologues à l’étranger
émettent par ce moyen les bulletins côtiers et les BMS à heures fixes, sur
des canaux dédiés, après annonce sur le canal 16 9. Quant aux BMS, ils
sont diffusés dès réception et répétés toutes les heures pendant leur
durée de validité (aux heures pleines en France) par les émetteurs des
zones concernées.

Internet
On peut trouver les équivalents des bulletins émis par radio sur les
sites des organismes météorologiques, ainsi que sur le site du SMDSM.
La liste des liens figure en annexe du Cours.

RÉCUPÉRER DES BULLETINS AU LARGE

La BLU
Les CROSS ainsi que Monaco Radio diffusent en radio BLU (Bande
latérale unique, SSB en anglais) des bulletins météo et BMS pour les
zones large et grand large en Manche, Atlantique et Méditerranée. Il faut
disposer d’un récepteur « toutes ondes » (grandes ondes, FM, ondes
courtes et BLU) de bonne qualité, avec antenne extérieure (un câble
monotoron de 6 mètres suffit en réception) et mise à la masse. Les zones
sont les zones Metarea du SMDSM (détaillées par le Guide Marine de
Météo France pour l’est de l’Atlantique et la Méditerranée).
Le Navtex et Inmarsat C
Ce sont les bulletins émis pour les zones du large et du grand large
dans le cadre du SMDSM. Ils sont rédigés par les services
météorologiques auxquels sont attribuées les zones de responsabilité.
Navtex est un service international de diffusion d’informations sur la
sécurité maritime, à savoir : les AVURNAV (Avis urgent aux navigateurs),
les bulletins météo (en anglais) pour le large et les messages de
détresse. Les récepteurs Navtex sont de petits appareils dédiés, toujours
en veille, affichant à l’écran ou imprimant sur papier les bulletins dont la
réception a été programmée par l’utilisateur. Partout dans le monde, les
émetteurs Navtex utilisent la même fréquence (518 kHz), leur portée est
en principe d’au moins 250 milles. Certains pays mettent également en
œuvre un Navtex « national », sur 490 kHz, dont les bulletins sont
diffusés en langue nationale.
Le système de communication Inmarsat C offre le même service au-
delà de la portée du Navtex (et hors zone polaire). Il nécessite un
récepteur par satellite de type Inmarsat C.

Internet
Des logiciels comme Navimail ou Viewfax permettent de récupérer
facilement des bulletins du SMDSM via une connexion par satellite à
Internet.
Avec Navimail, on commande gratuitement des cartes de l’Atlantique Nord (poids
de fichier de 80 Ko), ainsi que des photos satellite en basse définition (20-40 Ko). La
requête s’effectue via l’onglet « Images ».

LES CARTES ISOBARIQUES


Les cartes isobariques restent un élément important de la
compréhension de la situation météorologique et de son évolution 10. On
peut les consulter à la capitainerie ou les récupérer à terre avant de
partir.
Dans la zone côtière, un ordinateur connecté à un téléphone
cellulaire permet d’accéder à Internet presque comme à la maison. Au
large, on peut recevoir les cartes à bord par radio fac-similé. Ce système
ancien, peu ergonomique, permet cependant de récupérer gratuitement
(au prix de l’équipement près, ordinateur et récepteur BLU de bonne
qualité) des cartes en Atlantique Nord et dans le Pacifique Nord. Il faut
en connaître les fréquences et horaires. La qualité des documents
dépend de la propagation radio.
Si l’on possède une liaison satellite, même basse vitesse, on utilisera
avec profit des services proposant des accès par FTP ou des requêtes
mail : on envoie un message codé à un robot qui, par retour de mail,
délivre la carte demandée. Citons Navimail (Météo France) pour les
cartes isobariques et les images satellite de l’Atlantique Nord, les
serveurs de la NOAA américaine (National Oceanic and Atmospheric
Administration) qui fournissent le même type de données sur l’Atlantique
Nord et le Pacifique Nord, ou encore le logiciel Squid qui permet de
récupérer des cartes isobariques sur une grande partie du globe.

COMMANDER DES CARTES À LA NOAA


Pour recevoir par mail des cartes météo de la NOAA, la procédure consiste à
envoyer un mail à l’adresse : [email protected]. On met un sujet, n’importe
lequel, puis on entre dans le corps du message une commande dont la syntaxe
(précise) est la suivante :
open
cd fax
get PYAA01.TIF
quit
Par retour du courrier, on reçoit le document dont on a fourni le code. Ici,
PYAA01.TIF désigne la carte d’analyse de surface de la partie est de l’Atlantique
Nord.
La liste des documents disponibles et leur code sont téléchargeables sur :
tgftp.nws.noaa.gov/fax/rfaxatl.txt (si le lien devait changer, on le retrouvera par un
moteur de recherche).

LES FICHIERS NUMÉRIQUES AU FORMAT GRIB


Le Grib (pour GRIdded Binary) est un format international de
compression et d’échange de données météorologiques et
océanographiques. Il est possible d’y représenter un grand nombre
d’informations : champs de vent, pression barométrique, champs de
vagues, températures, couverture nuageuse, précipitations, visibilité. Les
fichiers numériques au format Grib sont adaptés à la récupération par
Internet, sous réserve de disposer d’un logiciel d’acquisition et de lecture
des données ►. La requête s’effectue par mail ou directement sur un
serveur 11.
Des entreprises publiques ou privées diffusent les sorties des
principaux modèles de prévision au format Grib : GFS et CEP pour les
modèles globaux, Arpège, Arome, Hirlam, WRF, etc. pour les modèles
locaux. Ces services peuvent être gratuits (modèle GFS en général) ou
payants (modèle CEP et modèles locaux) 12.
Une solution alternative consiste à effectuer des requêtes mail par
liaison BLU. Le système est moins onéreux mais plus hasardeux, les
stations de communication maritime par BLU fermant les unes après les
autres.

INTERNET EN MER
On prendra soin de privilégier les données dont la source d’information est
clairement identifiée, dont les horaires de mise à jour sont stables et pérennes et
dont l’accès demeure facile, à coût raisonnable.
Dès que l’on dépasse la bande côtière, hors réseau cellulaire, les
communications entre un navire et la terre s’opèrent par liaison satellite (la radio
BLU étant de plus en plus réservée aux liaisons entre bateaux). Ces communications
par satellite ont pour avantage leur fiabilité et leur simplicité de mise en œuvre, et
pour inconvénient leur coût, qui reste cependant raisonnable avec un minimum de
discipline. On trouve des terminaux adaptés à toutes les familles d’utilisateurs, du
bateau de plaisance de taille modeste au super yacht.
Les systèmes à bande passante étroite (Iridium, Thuraya, Isatphone) permettent
les communications téléphoniques et la récupération de données à des vitesses de
l’ordre de 10 kbps, qui n’autorisent pas l’accès direct à des sites Internet, mais
suffisent pour récupérer mails et fichiers attachés de taille inférieure à 80 Ko. On se
procure ainsi cartes, photos satellite basse définition et fichiers numériques de taille
raisonnable.
Les navigateurs ayant des besoins plus importants s’orientent vers des
systèmes nettement plus performants comme Iridium Openport ou les produits de la
gamme Broadband Inmarsat. Au prix d’un encombrement et d’un coût supérieurs, on
dispose de liaisons 64 kbps ou 128 kbps, similaires à ce que l’on obtenait par ADSL
il y a seulement quelques années.
On trouvera en annexe de cet ouvrage, section « Bibliographie », une liste de
sites Internet produisant des informations pertinentes.

L’ORGANISATION À BORD DE LA PRISE D’INFORMATIONS


La collecte de l’information météo est tributaire des horaires de
sortie des documents. Les horaires des bulletins sont fixes (hors les
zones où ils sont diffusés en cycle).
Les cartes isobariques d’analyse sont disponibles 3 à 4 heures après
l’heure de validité. En général, deux réseaux 13 sont produits
quotidiennement, à 0:00 UTC et 12:00 UTC. Les cartes de prévisions
sont quant à elles disponibles environ 6 et 8 heures après l’heure de
référence : la prévision à 48 heures, basée sur les données de 0:00 UTC,
est publiée entre 06:00 et 08:00 UTC.
Les fichiers numériques sont accessibles dès leur mise à disposition
sur les serveurs aux heures suivantes :
LES INFORMATIONS CLIMATOLOGIQUES
À côté des données météorologiques en temps réel, on peut
s’intéresser à la climatologie d’une zone de navigation, pour préparer un
voyage ou simplement renforcer sa culture générale sur sa zone
habituelle de pérégrination.

Les Instructions nautiques


Dans leurs sections « Météorologie » et « Océanographie », les
Instructions nautiques apportent des informations irremplaçables : type de
temps, phénomènes dangereux, statistique pour les stations côtières,
particularités locales, etc. Excellente lecture pour les quarts de nuit.

Les pilot charts


Ce sont des cartes donnant une représentation statistique des
paramètres météorologiques sur l’ensemble des bassins océaniques. On
les trouve en accès libre au format PDF sur le site :
http://msi.nga.mil/NGAPortal/MSI.portal (Publications, Atlas of pilot
charts).
Le site de l’université de l’Oregon présente un atlas de pilot charts
électronique sur http://cioss.coas.oregonstate.edu/cogow/
Comprendre la météo

N ous venons de voir, dans les pages précédentes, comment prendre


la météo et notamment les bulletins, qui représentent le premier
niveau – essentiel – de l’information. On peut s’en tenir là en ce qui
concerne les connaissances météorologiques ; on naviguera en sécurité,
aux effets locaux près. Ce serait dommage. Il manquera la
compréhension de la vie de l’atmosphère, la description des grands
systèmes, les subtilités de la météorologie côtière. Nous allons
maintenant nous aventurer plus loin, de façon à mieux appréhender le
temps et son évolution.

LE SYSTÈME COUPLÉ OCÉAN-ATMOSPHÈRE


POSITION DU PROBLÈME
C’est dans la troposphère, une fine couche bleutée d’une douzaine
de kilomètres d’épaisseur, que le temps et notre avenir se jouent. En
particulier, c’est là que se forment la plupart des événements
météorologiques et océanographiques qui règlent notre vie de marin : le
vent, les nuages, les précipitations, le beau temps, les vagues, les
courants océaniques.
L’atmosphère est divisée en différentes couches définies en fonction
de l’altitude et de la variation de la température.
La couche inférieure, dans laquelle la température décroît avec
l’altitude (en moyenne 6,5 °C pour 1 000 mètres) et où se produisent la
majorité des phénomènes météorologiques, s’appelle la troposphère.
Son épaisseur dépend principalement de la latitude – de 15 à
20 kilomètres à l’équateur et de 6 à 8 kilomètres aux pôles –, mais aussi
des saisons : elle est plus mince en hiver car l’air est plus dense quand il
est froid.
La limite haute de la troposphère s’appelle la tropopause. Elle
marque un changement radical de profil thermique et agit comme un
couvercle qui bloque la plupart des échanges avec la haute atmosphère.
C’est là que s’étalent les enclumes des plus gros cumulonimbus.
Au-dessus, dans la stratosphère, volent quelques avions
supersoniques et se concoctent des réactions chimiques subtiles
impliquant l’ozone et quelques nuages nacrés évanescents.

ÉQUILIBRE GLOBAL, DÉSÉQUILIBRE LOCAL


Le moteur du système est l’énergie apportée par le Soleil à la Terre.
Celle-ci réfléchit ou émet vers l’espace une grande partie de l’énergie
incidente, d’une manière quasiment uniforme. Si le bilan de ces échanges
est globalement nul, c’est loin d’être le cas au niveau local. En raison de
la forme sphérique de notre planète, la quantité d’énergie reçue est
inégalement répartie selon la latitude. Les mouvements de l’atmosphère
et de l’océan sont chargés de tenter de régulariser la situation, et le fait
que la Terre soit en rotation complique le problème.

Les énergies en jeu. À l’échelle de la planète le bilan est nul, mais au niveau local
se créent des excédents ou des déficits.

LA CIRCULATION GÉNÉRALE
Les grands traits de la circulation générale atmosphérique étaient
e
déjà connus au XIX siècle. Sa représentation a été affinée depuis, et elle
se schématise de la façon suivante.

La circulation générale atmosphérique et les grands échanges verticaux.


On identifie trois « cellules convectives » : une sous les tropiques, la seconde dans les
zones tempérées et une troisième dans les régions polaires.

Ces échanges verticaux à grande échelle induisent des zones de


hautes et basses pressions quasi permanentes : anticyclones
subtropicaux vers 30° de latitude, zones dépressionnaires vers 50° de
latitude, hautes pressions polaires. À ces centres d’action sont liés les
grands régimes de vent en surface : alizés de la zone tropicale, vents
d’ouest des latitudes moyennes et vents d’est des régions polaires. En
altitude, les jet-streams, dans lesquels les vents atteignent couramment
100 à 200 nœuds, participent à cette tentative de régulation des
températures à l’échelle globale.
Une fois intégrés au processus le rôle des continents, l’influence des
courants marins et le phénomène des saisons, les centres d’action et les
vents dominants se présentent à la surface du globe comme sur les deux
schémas de la page suivante.
Si l’on en restait là, la prévision serait simple. Mais ces figures
n’illustrent qu’une situation moyenne, qui d’ailleurs ne se produit
quasiment jamais. La réalité est plus intéressante et plus difficile à
appréhender. Les différents géo-fluides (atmosphère, océan) sont
turbulents, instables, interagissent les uns avec les autres. La situation
est loin de l’équilibre, elle se nourrit même de cette instabilité.
La carte des centres d’action et des vents dominants en janvier (en haut) et
en juillet (en bas). En fonction des saisons, les principaux centres d’action
(dépressions et anticyclones) se déplacent et les vents dominants évoluent en
conséquence, chacun jouant son rôle pour maintenir l’équilibre thermique de la Terre.

L’ATLANTIQUE
À l’échelle de l’Atlantique, on repère dans l’hémisphère Nord une
zone de haute pression : l’anticyclone subtropical, appelé anticyclone
des Açores, autour duquel les vents tournent dans le sens des aiguilles
d’une montre. Au sud de l’anticyclone, circulent des vents de secteur
nord-est relativement réguliers : les alizés d’Atlantique Nord. Ce système
possède sa contrepartie en Atlantique Sud : l’anticyclone d’Atlantique
Sud appelé aussi anticyclone de Sainte-Hélène, autour duquel les vents
tournent dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Il est
accompagné sur sa face équatoriale des alizés d’Atlantique sud. Les deux
systèmes d’alizés convergent vers les basses pressions équatoriales pour
créer ce que les météorologues appellent la zone de convergence
intertropicale (ZCIT) et les marins le pot au noir. Tout ce système se
déplace en latitude au rythme des saisons, avec quelques semaines de
retard sur le mouvement apparent du Soleil : il atteint sa position la plus
au nord en juillet-août et sa position la plus au sud en janvier. La zone
tropicale (hors pot au noir) est donc caractérisée par du temps
relativement stable à quelques exceptions notables près : les ondes d’est
ainsi que les dépressions et cyclones tropicaux.
Les systèmes à l’œuvre à l’échelle de l’océan Atlantique.

Du côté polaire des anticyclones subtropicaux 14, dans les latitudes


tempérées, soufflent en moyenne des vents d’ouest. Dans cette zone de
variation rapide de température entre air tropical chaud et air polaire
froid, les échanges se font principalement sous forme de tourbillons à
moyenne et grande échelle : les dépressions extratropicales. La zone
tempérée est ainsi caractérisée par un temps rapidement variable, et
souvent agité : la prévision météorologique y déploie toute sa
complexité.

LA PRÉVISION MÉTÉOROLOGIQUE
Les prévisions météo sont depuis les années 1980 réalisées avec
l’aide de « modèles numériques de prévision du temps ». Un modèle
numérique est un ensemble de programmes simulant l’évolution de
l’atmosphère. Nourri de l’état initial de l’atmosphère décrit par
observations et mesures satellitaires (les « données d’entrée »), il calcule
pas à pas l’état futur de l’atmosphère au moyen des équations de la
dynamique des fluides, des équations d’état des gaz atmosphériques,
etc. Très gourmand en ressources informatiques, le procédé n’est
accessible qu’aux services météo disposant de moyens humains et
techniques importants.
Le résultat de la prévision est donné sous la forme des valeurs des
paramètres numériques en différents points du globe et pour des
altitudes standard. Ce produit des calculs, ce qu’on appelle « les sorties
de modèles », sera utilisé par les prévisionnistes pour bâtir leur prévision,
et éventuellement diffusé vers le public via Internet. Les données
océanographiques sont élaborées de façon similaire et l’on s’oriente vers
des modèles couplés océan-atmosphère tenant compte des profondes
interactions entre les deux milieux.

LES DONNÉES ISSUES DES MODÈLES


Les modèles de prévision fournissent de nombreux paramètres
météorologiques et océanographiques pour les différents niveaux de
calcul. On sera intéressé en premier lieu par le vent moyen à
10 mètres 15 et la pression atmosphérique à la surface de la mer. On peut
y ajouter les précipitations, la couverture nuageuse et bien d’autres
choses encore. On gardera à l’esprit que les données diffusées sur
Internet sont en général « brutes de modèles », c’est-à-dire non
expertisées par un prévisionniste.

COUVERTURE ET RÉSOLUTION DES MODÈLES


Un modèle numérique est un compromis entre la taille du domaine
étudié (mondial ou local), la finesse des données d’entrées et de sorties,
la durée de la prévision et les performances des ordinateurs. On
distinguera modèles globaux (couverture globale à moyenne résolution et
échéances de l’ordre de la semaine) et modèles locaux (couverture locale
à haute résolution et échéances de 2 à 3 jours).

Quelques modèles globaux


Ces modèles sont performants au large et pour des échéances de
l’ordre de 6 jours. Ils ne permettent pas de décrire les effets locaux avec
finesse.
– GFS : modèle de la NOAA, le service météorologique des États-
Unis. Couverture globale, maille de 0,25° 16 (15 milles), pas 17 de
3 heures, prévision jusqu’à 14 jours, bonne qualité. C’est souvent le
modèle utilisé par défaut car son accès est gratuit.
– ECMWF (CEP en français) : modèle du Centre européen de
prévision (organisme mis en place par les différents pays européens).
Couverture globale, maille de 0,25° (15 milles), et même 0,125°
(7,5 milles), pas de 3 heures, prévision jusque 10 jours. Payant et de très
bonne qualité. Disponible sur abonnement auprès de certains
fournisseurs.

Quelques modèles locaux


Ces modèles décrivent correctement la situation locale mais ne sont
guère utilisables au-delà de 2 jours d’échéance.
– Arpège : modèle à maille fine de Météo France. Couverture Europe
de l’Ouest. Maille de 0,1° (6 milles), pas de 1 heure puis 3 heures,
prévision sur 3 jours. Payant. Très performant sur les effets locaux.
– Arome : modèle à maille très fine de Météo France. Couverture
France. Maille 1,5 mille, pas de 1 heure, prévision sur 1 jour. Très
performant sur les effets locaux. Il est « non hydrostatique », ce qui le
rend susceptible de décrire la convection, les orages, etc.
– Hirlam : modèle à maille fine du consortium européen HIRLAM.
Couverture Europe de l’Ouest. Maille de 0,1° (6 milles), pas de 3 heures,
prévision sur 2 jours. Performant sur les effets locaux.
– WRF : modèle à haute résolution (quelques kilomètres). Le code de
calcul est mis gratuitement à disposition par le National Weather Service
des États-Unis. Il est utilisé par de nombreuses entreprises privées et
universités, qui doivent le paramétrer et le « nourrir ». De ce fait, la
qualité des sorties de WRF dépend de l’habileté de l’équipe de
développeurs qui le met en place.

Une même situation vue par le modèle GFS à gauche (résolution 0,25° = 15 milles
nautiques) et à droite par Arome, dont la maille est deux fois et demie plus fine
(résolution 0,1° = 6 milles). La résolution d’Arome est mieux adaptée à la lecture des
effets locaux, ici une situation à brises thermiques.

LES ÉCHÉANCES DISPONIBLES

Les modèles globaux


La physique de l’atmosphère faisant partie des systèmes chaotiques,
la prévision déterministe ne peut guère dépasser deux semaines. Ce qui
ne veut pas dire que les deux semaines en question soient utilisables.
Pour la zone Atlantique, on retiendra :
– 0 à 2 jours : précision souvent très bonne, surtout en mer et dans
les zones littorales. Les centres d’action sont bien positionnés et leur
déplacement est bien prévu. Nécessite une interprétation des effets
locaux ou l’utilisation des modèles à maille fine.
– 2 à 4 jours : précision souvent bonne, surtout en mer et dans les
zones littorales. La position des centres d’action est correcte, mais le
détail de leur déplacement et de leur évolution peut légèrement varier.
Nécessite une interprétation des effets locaux.
– 4 à 6 jours : données indicatives. Les gros centres d’action sont
correctement décrits, mais leur évolution et leur déplacement peuvent
manquer de précision.
– 6 à 10 jours : on ne pourra retenir que le type de temps à espérer et
on laissera de côté les détails de l’évolution prévue. On se contentera de
conclusions du type « temps dépressionnaire sur le proche-Atlantique »,
ou « anticyclone bloqué sur les îles Britanniques ».
– Au-delà de 10 jours, on utilise d’autres méthodes de prévision, dont
la description dépasse le cadre de ce Cours.
Ces scores se dégradent en Méditerranée, où la prévision est
tributaire des effets locaux à l’échelle régionale, au point de devenir très
approximative au-delà de 3 jours.

Les modèles locaux


Les modèles locaux fournissent des prévisions jusqu’à 3 jours par pas
de 1 heure, ce qui permet de prendre en compte des évolutions fines
comme l’établissement d’une brise thermique. Leur précision décroît
cependant rapidement au-delà de 36 heures.

LA FRÉQUENCE DE MISE À JOUR


Les prévisions sont recalculées plusieurs fois par jour : toutes les
6 heures pour GFS, toutes les 12 heures pour CEP. On parle du réseau
(run en anglais) de 0 heure pour le modèle lancé à partir des données
décrivant l’état de l’atmosphère à 0 heure. C’est l’heure de validité. Les
sorties du modèle seront disponibles quelques heures plus tard, une fois
les calculs effectués et les données livrées sur les serveurs. C’est l’heure
de disponibilité.
Par exemple, le modèle GFS de 0 heure est disponible vers 04:40
UTC, celui de 6 heures vers 10:40 UTC, celui de 12 heures vers 16:40
UTC. Les modèles locaux sont en général disponibles 3 à 4 heures après
l’heure de validité. Arpège 0,1° de 0 heure est disponible vers 3:30 UTC,
celui de 12 heures vers 15:30 UTC 18.

LES LIMITES DES MODÈLES NUMÉRIQUES


Voici quelques biais des modèles globaux :
– Sous-estimation du vent. Rajouter 15 à 20 %. On peut utiliser le
tableau suivant pour corriger :
– Les vents annoncés à moins de 6 nœuds signifient seulement que
c’est du petit temps, il ne faut accorder qu’une confiance limitée aux
indications de force et de vitesse.
– Surestimation des vents dans les centres d’anticyclone et les axes
de dorsales. Lorsque le modèle indique 5 nœuds, il peut ne rien rester du
tout.
– Pour les vents affichés supérieurs à 45 nœuds, le vent peut être
beaucoup plus fort qu’affiché.
– Non-prise en compte des rafales, sauf à pouvoir afficher le
paramètre windgust, ou à utiliser le vent à 925 hPa 19.
– Sous-estimation du vent moyen dans les traînes. Rajouter 3 à
5 nœuds.
– Sous-estimation importante des vents forts dans les cyclones
tropicaux. Il faut impérativement récupérer des données expertisées
issues des services météo compétents tels que le National Hurricane
Center.
– Mauvaise prise en compte des effets locaux et notamment : sous-
estimation des vents de NE en Manche (rajouter 3-5 nœuds), sous-
estimation du mistral (rajouter 5-10 nœuds), impossibilité de montrer le
détail du vent dans les fronts froids, impossibilité de montrer grains et
orages, sous-estimation des vents canalisés entre un front froid et un
relief (cap Finisterre).
– Précision limitée pour les échéances supérieures à 6 jours.
Ces restrictions étant rappelées, il n’en reste pas moins que la qualité
de la prévision effectuée par les modèles numériques est souvent
impressionnante.

Les modèles locaux à haute résolution


Les modèles les plus fins sont capables de prendre en compte les
effets locaux dont la taille est adaptée à leur maille. Ainsi un modèle
d’une résolution de l’ordre de 10 km décrit-il correctement la brise
thermique sur une côte pas trop tourmentée, ou précise-t-il le dévent
d’une île massive. Mais seule une maille de moins de 3 km permettra de
voir les effets de brise thermique dans une baie ou le dévent d’une île
peu élevée.
REPRÉSENTATION DES PARAMÈTRES
MÉTÉOROLOGIQUES
Pour être utilisable, la représentation de l’état et de l’évolution de
l’atmosphère doit être transcrite dans des documents simples et
manipulables par des non-spécialistes.

LA PRESSION ET LES CARTES ISOBARIQUES


Les cartes météorologiques les plus utilisées sont les cartes
isobariques, qui décrivent le champ de pression en surface. La pression
barométrique et ses variations permettent de représenter d’une manière
synthétique une grande variété de phénomènes atmosphériques liés aux
individus isobariques (les centres d’action ►), qui pourront donner une
idée du vent, du temps sensible, de la température, de la nébulosité, des
précipitations, etc.

La pression
La pression en un lieu donné matérialise le poids de la colonne d’air
en ce lieu. Celui-ci dépend de la densité de l’air, qui est principalement
fonction de sa température. La valeur moyenne de la pression est
chiffrée à 1 013 hPa 20. Les valeurs extrêmes de pression dans
l’atmosphère vont de 1 080 hPa dans l’anticyclone de Sibérie à 870 hPa
dans certains grands cyclones tropicaux. Dans nos régions, on restera
plutôt cantonné entre 950 hPa et 1 040 hPa.
Dans les basses couches (entre 0 et 1 500 m), la pression diminue
avec l’altitude de 1 hPa pour 8,40 m, ou si l’on préfère 1,2 hPa tous les
10 m. Cette décroissance est moins rapide dans les couches
supérieures.
On schématise le champ de pression au moyen de lignes d’égale
pression appelées isobares, qui relient les points de l’atmosphère de
même valeur de pression. Les pressions sont toutes ramenées au niveau
de la mer pour se débarrasser des effets de l’altitude sur la pression.

Les cartes isobariques


Ce sont des cartes montrant les isobares, auxquels sont superposées
ou non des observations. Les cartes d’analyse et de prévision sont
préparées à partir des observations et des sorties du calcul numérique 21.
Elles mentionnent les fronts et éventuellement leur mouvement.

■ Que trouve-t-on sur une carte isobarique ?


Une carte isobarique comporte de nombreux éléments, que nous
classerons en couches.

Variation moyenne de la pression atmosphérique en fonction de l’altitude.


o
■ Couche n 1 : le « fond de carte »
Le cartouche, qui rappelle :
– La provenance de la carte. Une information météo sans mention de
son origine doit être considérée avec prudence, voire plus…
– Le type de document auquel on a affaire : carte de surface, carte
d’altitude, champ de vagues, etc.
– L’heure de référence et l’heure de validité : l’heure de référence est
l’heure sur laquelle est basée l’analyse ou la prévision ou encore, sur les
cartes pointées, l’heure des observations contenues sur la carte. L’heure
de validité (notée VT : Validity Time) est l’heure à laquelle se rapportent les
données représentées sur la carte (H + 24, H + 48, etc.)
– Le cadre géographique : il s’agit principalement du trait de côte et
de la grille des coordonnées. Le trait de côte est volontairement succinct
mais suffisant pour se situer. Les méridiens et parallèles sont numérotés
et permettent de se repérer en latitude et longitude. Il est bon d’identifier
le type de représentation cartographique utilisé pour éviter de mauvaises
interprétations dans la direction du vent.
– L’échelle est donnée par la grille de latitude, sachant que 1 degré
de latitude vaut 60 milles donc 111 km.
o
■ Couche n 2 : les isobares
Les isobares servent à représenter le champ de pression de la même
manière que sur une carte d’état-major les lignes de niveau figurent les
reliefs. L’isobare 1 015 hPa (voisin de la pression moyenne de
l’atmosphère en surface) est souvent marquée d’un trait renforcé. Les
isobares sont cotées de 5 en 5 hPa sur la plupart des cartes, sauf sur les
cartes anglo-saxonnes, cotées de 4 en 4 hPa.
o
■ Couche n 3 : les centres d’action et les fronts
Le tracé des isobares conduit à repérer sur la carte les zones où la
pression est plus basse que la moyenne (les zones dépressionnaires) et
les zones ou la pression est plus élevée que la moyenne (les zones
anticycloniques). Les pressions centrales sont souvent indiquées et les
principaux centres d’action, comme anticyclones et dépressions (on dit
aussi individus isobariques), sont repérés par des lettres.

Les fronts, qui se définissent comme des limites entre deux masses
d’air, sont représentés de manière conventionnelle, avec quelquefois un
repérage permettant de suivre leur évolution de carte en carte 22.
Carte pointée à 12:00 UTC, le 23 septembre 2016 sur le proche-Atlantique.
Le flux de SW se fait sentir au large, et l’anticyclone est présent sur le golfe de
Gascogne. Beau temps quasi estival sur le proche-Atlantique. Pour la suite, voir une
carte de prévision. Notons que, s’agissant d’une carte allemande, ce document
mentionne les dépressions par la lettre T et les anticyclones par un H.
La représentation conventionnelle des fronts sur les cartes isobariques. Le
terme « frontolyse » est employé pour un front en disparition, par opposition à
« frontogénèse » (création d’un front).

o
■ Couche n 4 : les observations et le vent
Les cartes d’observations (on dit « pointées », Plotted data),
représentent sous forme de code météorologique les observations faites
par les stations météo, les navires sélectionnés ou les bouées dérivantes.
o
■ Couche n 5 : divers
Certains services météorologiques ajoutent des informations leur
semblant pertinentes comme le déplacement des centres d’action, les
phénomènes dangereux (cyclones) et éventuellement la signature du
prévisionniste (cartes de la NOAA).

Les individus isobariques


Les phénomènes atmosphériques sont souvent liés à des formes
particulières du champ d’isobares. On recense ainsi :
– Anticyclone (high, en anglais) : zone de hautes pressions délimitée
par une isobare fermée.
– Dorsale (ridge of high pressure) : axe de hautes pressions
prolongeant un anticyclone.
– Dépression (low) : zone de basses pressions délimitée par une
isobare fermée.
– Talweg (trough) : axe de basses pressions où la courbure cyclonique
est maximale, prolongeant une dépression.
– Marais barométrique : vaste zone où la pression varie peu (proche
de la pression moyenne ou légèrement dépressionnaire) 23.

LE VENT ET LES ISOBARES


Réaliser une prévision météorologique revient à décrire l’évolution
des paramètres physiques de l’air atmosphérique : température, quantité
d’eau sous différentes formes (liquide, gazeuse, solide), vitesse du flux à
différents niveaux, etc. La vitesse du flux dans les basses couches, ce
que nous appelons le vent en surface, est pour nous l’un des paramètres
essentiels.

Principe des individus isobariques.


Code simplifié des cartes pointées.

La prévision du vent est certes calculée au moyen de modèles


numériques, comme le reste de la prévision météorologique. Nous allons
voir cependant comment quelques règles simples permettent de bâtir
nous-mêmes une prévision, approximative mais utile.

Unités utilisées
Le vent est désigné par son origine cardinale, ce qui permet de
grossièrement relier sa direction à ses caractéristiques : « le vent de
nord » vient du nord et sera probablement frais dans nos régions. « Du
vent au 315 » est un vent provenant du 315 géographique, c’est-à-dire un
vent de nord-ouest.
L’unité normalisée de vitesse est le mètre par seconde (m/s). Les
marins préfèrent utiliser le nœud (kt ou nd, qui vaut 1 mille
nautique/heure) : 1 m/s vaut, à peu de chose près, 2 kt. Il faudra donc
prêter attention au cartouche si l’on veut éviter une erreur du simple au
double. L’échelle de Beaufort est aussi régulièrement utilisée.
Le code météorologique représente le vent par une flèche : la hampe
en indique la direction et les barbules, demi-barbules ou flammes
triangulaires, la vitesse en nœuds. Une barbule vaut 10 nœuds, une
demi-barbule 5 nœuds, un triangle 50 nœuds. Il suffit de faire l’addition.

La loi de Buys-Ballot
Il existe une relation simple entre champ de vent et champ de
pression, énoncée ainsi dans la loi de Buys-Ballot :
– La direction du vent, en atmosphère libre, suit la tangente aux
isobares (en atmosphère libre signifiant une fois dégagé des effets de
frottement dus au sol, au-dessus de 500 m d’altitude).
– Le sens du vent est tel que dans l’hémisphère Nord, on a les basses
pressions à sa droite, en regardant face au vent (à gauche dans
l’hémisphère Sud). Ceci revient à dire que le vent, dans l’hémisphère
Nord, tourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre autour des
dépressions, et dans le sens des aiguilles d’une montre autour des
anticyclones (l’inverse dans l’hémisphère Sud).
– La force du vent est proportionnelle au gradient de pression, c’est-
à-dire à l’écartement des isobares. Plus les isobares sont serrées, plus le
vent est fort. Le coefficient de proportionnalité varie avec la latitude : à
gradient égal, le vent est plus fort aux basses latitudes (en allant vers
l’équateur) qu’aux latitudes élevées (en se déplaçant en direction des
pôles).
La règle fonctionne correctement dans la plupart des cas, bien que
cela soit une approximation assez radicale des équations de la
mécanique des fluides. Ce raccourci fécond, basé sur le concept
d’équilibre géostrophique (équilibre entre les forces de pression et les
forces de Coriolis) 24, nécessite cependant quelques aménagements
importants.
Les deux tableaux ci-dessous permettent un calcul approximatif du
vent de surface en mer (tenant compte du frottement).

o
– Exemple n 1. En Manche (latitude 50°), un gradient de 5 hPa pour
1,5° (90 milles) donne un vent en surface de 28 kt. Il faudra
éventuellement appliquer les corrections de courbure et de stabilité.

o
– Exemple n 2. En Méditerranée (latitude 40°), un gradient de 5 hPa
o
– Exemple n 2. En Méditerranée (latitude 40°), un gradient de 5 hPa
pour 1,5° (90 milles) donne un vent en surface de 28 × 1,2 = 34 kt. Il
faudra éventuellement appliquer les corrections de courbure et stabilité.
Une fois appliqués les correctifs ci-dessus mentionnés, la règle de
Buys-Ballot rend de grands services. La version globale permet de
deviner grossièrement la direction et la force du vent à la lecture d’une
carte météorologique. Avec la version locale, on se positionne dans le
paysage météorologique : dans l’hémisphère Nord, regardant face au
vent, les hautes pressions sont à gauche et les basses pressions à droite.
On a donc toujours une idée « physique » de la position des centres
d’action. Ceci ne fonctionne bien sûr que hors effets locaux.

Dans l’hémisphère Nord, les basses pressions sont situées à droite lorsque
l’on regarde face au vent, les hautes pressions à gauche. Le vent tourne autour
des basses pressions dans le sens inverse des aiguilles d’une montre et autour des
hautes pressions dans le sens des aiguilles d’une montre. Dans l’hémisphère Sud, on
tourne à l’envers.
MESURER LE GRADIENT DE PRESSION
Pour préciser l’écartement des isobares, on introduit la notion de gradient de
pression, qui est la variation de pression en fonction de la distance. C’est
l’équivalent, pour la grandeur pression en météorologie, de la pente pour les reliefs
en géographie. Elle s’exprime en hPa par unité de distance, par exemple en hPa par
degré de latitude. On mesure ce rapport sur la normale aux isobares (c’est-à-dire
perpendiculairement aux isobares).
Les corrections à apporter à la loi de Buys-Ballot.

Les exceptions à la loi de Buys-Ballot


Dans le cadre de nos besoins, les exceptions ne sont pas monnaie
courante. Ce sont les cas où l’approximation géostrophique est vraiment
trop « sauvage » :
– Dans les zones où le flux est conduit par des reliefs élevés, et donc
où le vent ne s’ajuste pas en toute liberté au champ de pression. Par
exemple, en Méditerranée au voisinage des montagnes, ou dans les
détroits tels que Gibraltar.
– Localement, du fait des reliefs, des nuages, des grains, de la brise
thermique…
– Pour les latitudes inférieures à 15° où l’on ne pourra pas appliquer
la loi de Buys-Ballot, la force de Coriolis devenant négligeable. Dans ces
zones, on utilisera les champs de vent, ou bien on pariera sur la
régularité des alizés !

LES CHAMPS DE VENT


Un champ de vent est une carte de prévision du vent, issue d’une
sortie brute d’un modèle numérique : le vent y est calculé pour chaque
point de la grille, et généralement représenté par le code
météorologique. Cela simplifie et améliore considérablement l’estimation
du vent autrefois réalisée manuellement d’après les cartes isobariques.
Lorsque les données sont issues de modèles à haute résolution, elles
peuvent même intégrer, dans une certaine mesure, certains effets locaux
liés à des reliefs importants.

LE VOCABULAIRE DU VENT
On appelle vent géostrophique le vent calculé, en supposant qu’il y a équilibre
entre les forces de pression et la force de Coriolis. Cette approximation des
équations générales de la dynamique des fluides peut s’avérer insuffisante si les
effets locaux et régionaux sont à l’œuvre, comme c’est souvent le cas en
Méditerranée. On nomme vent synoptique le vent correspondant à la situation
générale. Il peut être différent du vent local selon la réponse du site (effets de brise,
effets de site…).
Le vent indiqué sur les cartes est soit le vent observé (sur les cartes
d’observations), soit le vent calculé par les services météorologiques qui utilisent
les équations générales, et sont donc plus proches de la réalité que le vent déduit du
calcul géostrophique. Le vent météorologique donné par les services
météorologiques est le vent mesuré à 10 mètres du sol, moyenné sur une durée de
10 minutes. Le vent instantané peut donc être notoirement différent du vent
météorologique qui lisse les phénomènes.
Les rafales sont des valeurs extrêmes instantanées de la vitesse du vent,
souvent associées à de la turbulence : l’instabilité amène vers le sol de l’air
d’altitude qui est plus rapide.

Comme une carte isobarique, un champ de vent possède un


cartouche indiquant l’origine et le temps de validité de la carte, et parfois
une légende précisant les unités et le code des couleurs utilisées. Bien
entendu, les champs de vent représentent le vent moyen, et ignorent par
conséquent les rafales.

LES FICHIERS NUMÉRIQUES AU FORMAT GRIB


Par abus de langage, on nomme « fichier Grib » les données sous
forme numérique issues des modèles de prévision. On devrait plutôt
parler de données numériques au format Grib. Avec un logiciel ad hoc, on
les traduit en cartes correspondant aux diverses échéances. La taille du
fichier est souvent dérisoire au regard de l’information qu’elle contient et
on peut effectuer toutes sortes de traitements d’affichage, d’animation,
en nourrir un logiciel de routage, ou l’envoyer facilement par mail. On
gardera à l’esprit que ces données n’ont rien de magique. Ce sont des
données « brutes de modèles », entachées par conséquent des biais et
approximations décrits plus haut (voir « Les limites des modèles
numériques » ►).

Lire des fichiers Grib


Lire un fichier numérique suppose de disposer d’un logiciel de
décodage et d’affichage : le dégribeur. Ce peut être le logiciel servant à
télécharger le fichier, ou encore un logiciel de routage. Nous avons
expliqué plus haut, dans le chapitre « Récupérer l’information
météorologique », où et comment se procurer les fichiers Grib.

Les caractéristiques des fichiers Grib


Les fichiers Grib ont les caractéristiques des modèles dont ils sont
issus. Pour une navigation océanique, on utilisera un modèle global du
type GFS ou CEP avec une maille de 0,5° ou supérieure, qui établit une
prévision pour la semaine à venir. Ce type d’informations ne dira rien sur
les effets locaux, même à l’échelle régionale, qu’il faudra interpréter.
En revanche, pour une navigation côtière, on exploitera un modèle à
maille fine. On disposera alors d’une prévision à court ou moyen terme (2
à 3 jours).

Interpréter un champ de vent


Les fichiers numériques sortent bruts de modèles et demandent de
l’interprétation si l’on veut en tirer des informations utiles. Une bonne
méthode est de comparer la sortie de modèle à une carte isobarique qui
aidera à reconnaître et préciser les centres d’action.
Chaque logiciel dégribeur offre ses propres outils de visualisation. De gauche
à droite et de bas en haut : code météorologique, flèches colorées, isotachs (lignes
d’égale vitesse), lignes de courant. Bien sûr, le tout est disponible sous forme
d’animations.

LES MÉTÉOGRAMMES
Un météogramme est une représentation de l’évolution temporelle
d’un ou plusieurs paramètres météorologiques en un lieu donné.
Il permet, en un coup d’œil, d’évaluer le paysage météorologique de la
journée à cet endroit. Quelques sites météo (par exemple Windguru et
Windfinder) sont spécialisés dans ce type de représentation permettant
d’évaluer rapidement l’évolution du temps en un lieu donné.
Ces données doivent être critiquées au même titre que les données
classiques. Il faut :
– Identifier la source des informations.
– Clarifier la position exacte de la prévision si l’on veut s’intéresser
aux effets locaux 25.
– Se rappeler qu’il s’agit de données « brutes de modèles », sans
expertise d’un prévisionniste.
– Ne jamais oublier que la maille du modèle utilisé conditionne à la
fois la durée de la prévision et la prise en compte des phénomènes
locaux.

Dans cet exemple, la case supérieure montre une prévision du modèle GFS sur 5
jours, avec une résolution de 27 km. Elle permet de visualiser l’évolution du vent
synoptique mais ne dit rien de la réalité météo à l’échelle fine. La case inférieure
fournit la prévision WRF sur les 2 prochains jours, à la résolution de 9 km, susceptible
de donner des détails sur les effets locaux. Ce deuxième jeu de données n’est
accessible qu’aux abonnés.
LE LANGAGE DES NUAGES
Les cartes isobariques décrivent de manière synthétique la situation
météorologique. Les nuages nous parlent à la fois, en temps réel, de la
composition de l’atmosphère, des mouvements verticaux, de la vitesse
du flux, des effets locaux… Ils transforment les études théoriques en
paysage.

FORMATION DES NUAGES


Les nuages résultent de la condensation de la vapeur d’eau contenue
dans l’air lorsqu’il se refroidit. Ils sont formés de minuscules gouttelettes
d’eau en suspension dans l’atmosphère, ou de particules de glace pour
les plus élevés. Lorsque les gouttelettes d’eau sont nombreuses, elles se
rassemblent en gouttes plus lourdes, selon des processus physiques
complexes, puis tombent vers le sol. Il pleut. Si l’on est dans la phase
solide, il neige ou il grêle.
Ce refroidissement peut s’opérer par contact de masses d’air de
natures différentes, par contact sur un substrat froid (ainsi se forment le
brouillard ou la rosée), ou plus souvent par soulèvement de la masse
d’air : ce soulèvement implique baisse de pression, donc détente, et par
conséquent refroidissement et condensation.
Les dépressions, avec leur soulèvement de masse d’air sur une
grande échelle, constituent de bonnes fabriques de nuages. Dans un
autre genre, la convection 26 produit localement de jolis nuages
cumuliformes. Le soulèvement de la masse d’air peut être progressif,
comme à l’avant d’une dépression. Se développent alors des nuages en
couche ou stratiformes. Il peut être plus brutal, comme dans un front
froid ou localement dans un orage. Se développent alors des nuages
cumuliformes en forme de tours 27.

La classification des nuages


Pour se repérer dans l’apparente complexité des ciels nuageux, les
météorologues ont élaboré une classification des nuages en genres,
espèces, variétés sur le modèle de la classification des êtres vivants, le
tout agrémenté de poétiques noms latins. Nous allons singulièrement
simplifier pour ne retenir que les nuages les plus courants, ou ceux qui
sont associés à des phénomènes aisément reconnaissables.
On classe les nuages d’après leur texture (cumulus et stratus), leur
altitude, et éventuellement des particularités annexes (par exemple
nimbus signifie « associé à des précipitations », calvus veut dire chauve,
en référence à une partie supérieure brillante).

■ Les préfixes ou suffixes de texture


– Les cumulus (préfixe cumulo-) sont des nuages séparés,
généralement denses et à contours bien délimités. On les dit
bourgeonnants ou en forme de chou-fleur, ce qui traduit des
mouvements verticaux internes importants. Ils peuvent être de tailles
très diverses, et présentent une base plus ou moins rectiligne située au
niveau de condensation.
– Les stratus (préfixe strato-) sont des nuages en couche traduisant
une élévation lente de la masse d’air. Ils peuvent s’étendre sur des
centaines de kilomètres.
Les cumulus, à gauche, sont des nuages séparés, denses, aux contours délimités.
À droite, un stratus, couche grise uniforme. Ses bords sont parfois déchiquetés.

■ Les préfixes ou suffixes d’altitude


– Les cirrus (préfixe cirro-) sont des nuages fibreux de haute altitude
formés de particules de glace.
– Les « alto » sont des nuages de l’étage moyen.

Les cirrus, à gauche, se présentent sous formes de filaments ou de bandes


étroites à l’aspect fibreux, évoquant des cheveux. Les altocumulus, à droite, sont
des bancs de nuages, blancs ou gris, composés de lames ou de galets.

Les noms des nuages


Les nuages sont nommés à partir de ces préfixes ou suffixes,
éventuellement mélangés (un stratocumulus est une strate de nuages
cumuliformes), liés à leur altitude mais aussi à des caractéristiques
individuelles (par exemple nimbus pour précipitants). On aboutit à la
classification suivante :

■ Étage supérieur
– Cirrus (Ci) : nuages fibreux de glace à très haute altitude.
– Cirrostratus (Cs) : nuages en couche de haute altitude, formés de
glace. Ils créent souvent un halo autour du Soleil ou de la Lune.
– Cirrocumulus (Cc) : nuages cumuliformes de haute altitude. Ils
semblent tout petits (car très élevés) et sont souvent arrangés en
ondulations traduisant les forts courants d’altitude.

■ Étage moyen
– Altocumulus (Ac) : nuages cumuliformes de moyenne altitude,
séparés les uns des autres, et groupés en nappes.
– Altostratus (As) : nuages en couche de moyenne altitude. On voit le
Soleil comme à travers un verre dépoli.

L’effet de halo, à gauche, est caractéristique du cirrostratus, nuage de l’étage


supérieur. Dans l’étage moyen l’altostratus, à droite, produit une impression
différente, comparable à celle que donnerait un verre dépoli.

■ Étage inférieur
– Cumulus (Cu) : les cumulus humilis (ou de beau temps) restent dans
les basses couches et ne sont pas associés à des précipitations. Les plus
gros cumulus (congestus, calvus) peuvent se répartir sur plusieurs
niveaux et être associés à des averses.
– Stratus (St) : couche dense grise et uniforme. Précipitations
associées : pluie, bruine ou neige.
– Stratocumulus (Sc) : nuages cumuliformes quasiment soudés en
couche serrée. Précipitations associées : faibles pluies ou neige.

■ Les monstres
– Nimbostratus (Ns, stratus précipitant) : stratus très épais pouvant
s’étendre sur plusieurs kilomètres d’épaisseur. Ciel bas, pouvant
masquer le soleil (il fait nuit en plein jour), pluies ou bruines intenses.

Cumulonimbus de front froid. Les cumulonimbus présentent une extension


verticale considérable.

– Cumulonimbus (Cb, cumulus précipitant) : nuage cumuliforme à


forte extension verticale, au sommet en enclume. Précipitations
associées : averse de pluie, grêle ou neige. Les nuages d’orage sont
toujours des cumulonimbus.
L’OBSERVATION DU CIEL
Un nuage seul, surtout s’il est élevé, ne dit pas grand-chose sur les
phénomènes météorologiques : un cirrus isolé n’annonce pas une
dépression à venir. C’est la succession des nuages 28, ainsi que la
relation entre pression barométrique, nuages et vent, qui racontent la vie
de l’atmosphère dans le temps et dans l’espace. Nous voyons alors à
l’œuvre la thermodynamique de l’atmosphère.
– Les nuages élevés traduisent l’évolution des phénomènes à moyen
et long terme : la succession cirrus, cirrostratus, altostratus nous parle
de l’arrivée d’une dépression.
– Les nuages de l’étage moyen ou inférieur peuvent influencer
directement les conditions locales (les grains) ou trahir des effets locaux
(les nuages de convergence).
– La couleur des nuages dépend de l’angle sous lequel ils sont
illuminés : éclairés directement, les nuages paraissent blancs et
illuminés ; sous incidence faible, ils sont colorés du jaune au rouge. Les
dictons classiques en font état. « Ciel rouge le matin » veut dire que les
rayons du soleil se levant dans l’est éclairent des nuages élevés venant
de l’ouest. On peut s’attendre à une arrivée du mauvais temps lié à une
dépression. « Ciel rouge du soir » signifie que les rayons du soleil se
couchant dans l’ouest éclairent des nuages élevés partis vers l’est. Le
mauvais temps s’évacue et l’on peut espérer le passage de la dorsale,
éventuellement l’arrivée d’un anticyclone.
Savoir reconnaître les principaux types de nuages.

Pour noter l’état du ciel, on utilise les abréviations classiques


rappelées ci-dessous :

LES PHOTOS SATELLITE


Les photos satellite permettent de prendre de la hauteur et de voir
au-delà de l’horizon. Leur exploitation réclame de l’entraînement, nous
n’en dirons que quelques mots.
Les images les plus courantes sont issues des satellites
géostationnaires placés en orbite haute (36 000 km) leur permettant de
rester fixes par rapport au sol.
Le réseau de satellites géostationnaires couvre la Terre entière, à
l’exception des latitudes élevées (couvertes par les satellites en orbite
polaire).
On distingue :
– Les images dans le domaine visible, qui donnent une vision
photographique.
– Les images dans le domaine infrarouge, qui permettent de classer
les phénomènes par leur température, donc par leur altitude. Les
phénomènes froids, c’est-à-dire la plupart du temps les plus élevés, y
apparaissent en blanc. Leur comparaison avec les images dans le visible
permet de visualiser l’atmosphère en trois dimensions. De plus, elles
permettent de suivre les événements météorologiques dans les phases
nocturnes. Il existe des compositions colorées mêlant les deux modes
ainsi que d’autres domaines de fréquences pour les spécialistes.
Pour nous, « les photos sat », comme nous les appelons, permettent
de suivre l’évolution des phénomènes. Une bonne méthode pour débuter
et gagner beaucoup de temps consiste à examiner en même temps
photo sat, carte isobarique et champ de vent, comme dans l’exemple ci-
contre.

Dépression L1 sur le sud de l’Angleterre. FF1 est le front froid associé (FF est lié
à une dépression précédente). Il est suivi d’une traîne piquetée de cumulonimbus. Le
vent de NW est raisonnable dans le golfe de Gascogne. La dorsale R à l’ouest de
l’Irlande est marquée par du vent faible associé à une zone claire de nuages. À l’est
immédiat de la dépression L1, la carte isobarique montre une zone de convergence
(les chevrons) associée à des cumulonimbus probablement orageux.

PERTURBATIONS ET DÉPRESSIONS
DES RÉGIONS TEMPÉRÉES
Les perturbations sont un des traits marquants du temps sous nos
latitudes. Elles s’accompagnent de mauvais temps, de vent fort et de
conditions de mer éventuellement difficiles. On parle de perturbations
extratropicales, par différence avec les dépressions de la zone tropicale
dont la mécanique est très différente (absence de fronts en particulier).
À une perturbation, c’est-à-dire un ensemble de phénomènes
météorologiques tels que changement de température, vent,
précipitations, est généralement associée une dépression, c’est-à-dire
une zone de basse pression. Aux zones dépressionnaires sont toujours
associés des mouvements verticaux ascendants, donc des formations
nuageuses importantes. Dans le vocabulaire courant, on ne fera pas
toujours la distinction entre perturbations et dépressions (les Anglo-
Saxons utilisent indifféremment low pour les deux phénomènes).
La plupart des dépressions que nous subissons se forment dans
l’Atlantique Ouest, vers la côte américaine, puis vivent leur vie sur
l’océan, et viennent finir en Europe du Nord ou sur les pays baltes.
Quelques-unes s’offrent un trajet plus au sud pour visiter nos côtes, voire
passer en Méditerranée, principalement en hiver. D’autres types de
dépressions, qui naissent et évoluent sur place, sont liées à des effets de
site à moyenne échelle : dépression du golfe de Gênes ou dépression
thermique sur la péninsule Ibérique par exemple.

CYCLE DE VIE DES PERTURBATIONS DES RÉGIONS TEMPÉRÉES


Les perturbations extratropicales (hors effets de site à moyenne
échelle) sont des phénomènes évolutifs et migrateurs : elles ont un cycle
de vie et se déplacent. Elles participent activement à la vie de
l’atmosphère en régularisant les différences de température entre zones
tropicales et zones polaires, notamment sous forme d’énergie cinétique
(déplacement de la dépression, vents forts), dissipation par frottement
(flux dans les basses couches), changement de phase de la vapeur d’eau
(condensation-évaporation), mélange et diffusion de masse d’air.

Formation de la perturbation
La formation des perturbations (la cyclogénèse) est un phénomène
complexe. Nous retiendrons que les perturbations se forment
préférentiellement dans les zones à fort contraste de température (donc
de densité), c’est le cas des zones tempérées où voisinent masses d’air
polaire et tropical. Une dépression classique se comporte comme un
coin d’air chaud limité à l’ouest par le front froid et à l’est par le front
chaud.

Les perturbations dans les régions tempérées naissent à la rencontre de l’air froid
polaire et de l’air chaud tropical.

■ Creusement et jeunesse des dépressions


La dépression se creuse sur place puis, une fois les fronts formés,
elle se déplace dans la direction des isobares du secteur chaud à environ
0,8 fois la vitesse du vent dans le secteur chaud. À ce stade de
développement de la dépression, les fronts se déplacent grossièrement
comme la zone centrale.

À l’origine de la dépression (1), les fronts sont peu marqués, une masse nuageuse
importante se développe, la pression diminue, les précipitations sont faibles. La
dépression se creuse sur place. Dans le stade suivant de son évolution (2),
le secteur chaud est très ouvert. Le centre de basse pression coïncide avec le point de
rencontre des fronts, la masse nuageuse est toujours importante, la pression continue
de diminuer et les précipitations se manifestent au voisinage des fronts. La
dépression se déplace à environ 0,8 fois la vitesse du vent dans le secteur chaud.

■ Maturité de la dépression
La perturbation mature continue son creusement en se déplaçant
rapidement (15 à 40 kt). Les fronts sont bien individualisés et le
phénomène notable est que le front froid commence à rattraper le front
chaud en créant un morceau de front mixte que l’on nomme front occlus,
qui amorce un mouvement de spirale. C’est souvent une zone de
précipitations importantes.
Lorsque la dépression est mature, le front froid rattrape le front chaud. Le
centre de basse pression se décale du point de rencontre des fronts : la zone centrale
s’agrandit. Les précipitations sont importantes dans le secteur chaud, la pression
diminue, et la dépression continue de se déplacer à environ 0,8 fois la vitesse du vent
dans le secteur chaud. Le déplacement du front froid se déduit approximativement en
projetant la vitesse du vent dans la traîne perpendiculairement au front.

Le centre dépressionnaire se sépare du point de rencontre des


fronts (le point triple), et la zone centrale sans gradient, donc sans vent,
s’étire. Le centre de la dépression continue à se déplacer dans la
direction des isobares du secteur chaud à 0,8 fois la vitesse du vent
géostrophique.
Le front froid est marqué par une cassure brutale des isobares et une
bascule notable du vent. Il se déplace dans la direction et à la vitesse de
l’air froid qui le suit.
Le front chaud est tiré par l’air froid à 0,8 fois la vitesse du vent dans
l’air froid qui le précède.
Les vents les plus forts se rencontrent dans le secteur SW de la
dépression, ainsi qu’au voisinage du front froid et derrière lui.

■ Vieillissement de la dépression
On appelle souvent occlusion cette phase de vieillissement où l’air
froid est piégé dans le centre de la dépression, qui continue à s’étendre.
On parle quelquefois de « goutte froide ». Pour nous, cela se traduira par
des précipitations importantes autour du front occlus, accompagnées de
vent de direction variable dans la partie centrale.
La dépression bouge très peu, le front froid continue de rattraper le
front chaud : le phénomène d’occlusion se poursuit 29. Dans le même
temps, les fronts froids et chauds continuent leurs mouvements tels que
décrits plus haut, si bien qu’ils semblent tourner dans la dépression et
apparaissent en quelque sorte en avance sur la courbure des isobares.
Le passage du front froid sera marqué par une bascule faible, typique des
dépressions vieillissantes.

Dans une dépression occluse, le secteur chaud se referme. Le centre de


basse pression se retrouve très décalé du point de rencontre des fronts. La zone
centrale sans vent est étendue, les précipitations sont très importantes au voisinage
du front occlus, et la pression se stabilise. La dépression bouge très peu et de
manière erratique.

Les vents les plus forts se rencontrent juste au bord SW de la zone


centrale sans vent. On peut y voir se former des dépressions
secondaires.

■ Disparition de la dépression
Le centre est maintenant de grande étendue. Il peut présenter ou non
des enroulements en spirale. Les fronts froids et chauds ne sont plus
différenciés, sauf peut-être dans le sud de la perturbation. C’est la
frontolyse (dissipation des fronts). La dépression se comble sur place, ce
qui peut prendre plusieurs jours. Son énergie se dissipera principalement
en précipitations intenses pouvant donner lieu à des inondations, et par
frottement.

PHYSIONOMIE D’UNE DÉPRESSION EXTRATROPICALE


Si l’on regarde maintenant de plus près une perturbation adulte en
pleine forme, elle se présente ainsi :
– À l’est du système, une étendue nuageuse élevée et peu épaisse : la
tête de la perturbation.
– Le front chaud marque une transition douce entre l’air froid à l’est
de la dépression et l’air chaud de la partie centrale.
– Dans la partie centrale, une masse nuageuse épaisse et continue
est constituée du corps de la dépression (la réunion des fronts) et du
secteur chaud (à l’intérieur de l’angle formé par les fronts).
Trois visions de la physionomie d’ensemble d’une dépression.

– Le centre dépressionnaire montre une bande de nuages enroulés


en spirale : le vortex.
– À l’ouest de la dépression, le paysage change radicalement : la
bande nuageuse affichant un bord ouest très net est le front froid. C’est
une zone de transition brutale entre l’air chaud de la dépression et l’air
froid qui le suit. La zone piquetée de nuages à l’ouest du front trahit l’air
froid de la traîne.
La taille du système est de l’ordre de 800 à 1 500 milles. Sa vitesse
de déplacement dans sa phase de maturité va de 15 à 40 nœuds pour les
plus rapides.

Passage d’une dépression mature


La rencontre avec une dépression mature est un épisode courant de
nos navigations en Manche et en Atlantique. Les dépressions cheminent
en général du SW au NE, à environ 25 nœuds, sur une route qui les fait
passer sur les îles Britanniques. La plupart du temps, c’est donc depuis
une position au sud du centre dépressionnaire que nous observerons les
variations de la pression, de la couverture nuageuse et du vent.

Dans nos régions, les dépressions passent le plus souvent dans notre nord.
Voici à quoi ressemble une perturbation vue depuis son secteur chaud au sud, avec
l’évolution de la pression et de la température, et les nuages associés.

■ Approche de la dépression
La tête de la dépression est formée de cirrus d’altitude (les filaments)
suivis de cirrostratus (nuages avec halo) accompagnés d’une baisse de
pression et de l’établissement du vent de secteur S ou SW, tournant
lentement SW à WSW. Viennent ensuite les altostratus (verre dépoli), de
plus en plus épais au fur et à mesure de l’avance de la dépression 30. Ils
finiront par donner de la bruine ou de la pluie continue renforcée à
l’approche du front chaud.

■ Le secteur chaud
Arrive ensuite le secteur chaud de la dépression (entre fronts chauds
et fronts froids) : vent bien établi au secteur SW, pression basse et pluies
fines continues ou bruines, avec éventuellement du brouillard. On parle
en Bretagne de « suroît têtu ».
Si le vent est supérieur à 30 nœuds, sous les stratus circulent des
petits nuages déchiquetés (fractus) que les marins appellent joliment
« diablotins ». On espère que cela ne durera pas trop longtemps
(6 heures en général), et on attend avec impatience le front froid avec les
grains et (peut-être) la rotation au NW.

■ Approche et passage du front froid


Le passage d’un front froid est un moment météorologique et
stratégique important : il s’y produit beaucoup de choses en peu de
temps.
À l’approche du front froid, le vent revient temporairement au SSW en
forcissant durant 1 à 2 heures, et les pluies s’intensifient sérieusement.
Au passage du front froid, changement total de nébulosité : les
nuages deviennent cumuliformes, traduisant la turbulence imposée par
l’air froid qui soulève brutalement l’air chaud.
La pente du front froid est importante : 10 km pour 100 km, ce qui
peut générer des grains violents (sous forme de cumulonimbus) et des
averses, éventuellement des orages frontaux au printemps. La rotation
du vent de SW au NW peut être brutale, et la pression remonte
rapidement. La température baisse et la visibilité devient exceptionnelle
en dehors des grains.

■ La traîne 31
Le ciel s’éclaircit dans un premier temps, puis la traîne amène de
nouveaux cumulonimbus avec grains, averses et rafales. La pression
continue de remonter, et le vent passe au NW fort et turbulent. La
convection est active, typique de l’air froid instable réchauffé à sa base
par l’océan. Le noroît est comme fou, la navigation tonique.
Plus tard, le vent diminue, continue à virer vers le nord en mollissant
et les nuages se font plus discrets 32. Ensuite, c’est selon : établissement
d’un anticyclone ou deuxième tour de manège…

■ La marge froide et le centre dépressionnaire


L’enchaînement précédemment décrit résume les évolutions dans le
sud de la dépression, dans la partie active du secteur chaud. Si la
dépression passe au sud du bateau, on pourra rencontrer le centre
dépressionnaire ou la marge froide. Les centres dépressionnaires sont
marqués par des gradients de pression faible (bien que la pression soit
basse), donc des vents faibles et variables où l’on peut rester piégé un
moment. À éviter donc. On y trouve des alternances de zones claires et
de zones nuageuses avec précipitations intenses. Les orages y sont
fréquents en été. Hors de la partie centrale, le gradient de pression peut
rester important et donner lieu à des vents forts, si le champ de pression
alentour s’y prête. La transition peut être brutale.
Au nord de la dépression, le ciel ressemble à un ciel de tête, avec de
nombreux cirrostratus (halo) et altostratus (verre dépoli). La pression qui
commence par baisser régulièrement se stabilise puis remonte sans
passage frontal. Le vent de sud tourne régulièrement au nord-est puis au
nord et finalement à l’est.
Le centre dépressionnaire est entouré de zones de vent fort. On passe de
10 nœuds à 50 nœuds en quelques dizaines de milles. Sur la carte isobarique, le
prévisionniste a porté des annotations supplémentaires aux informations habituelles.
L : centre dépressionnaire principal ; LE : centre dépressionnaire secondaire ; E : front
chaud se transformant en front occlus ; F : front froid ; H : front froid secondaire.

■ Les fronts froids secondaires


Dans la traîne, l’air froid peut présenter des inhomogénéités qui se
traduisent par des fronts froids secondaires, éventuellement actifs si les
différences de température sont importantes.
Un front froid secondaire se comporte grossièrement comme un front
froid classique.

Les dépressions secondaires


Les dépressions secondaires peuvent se former dans le champ d’une
dépression, sur son front froid ou dans l’air froid de la traîne, ou encore
dans les occlusions. Le temps peut s’y détériorer de manière rapide et
inattendue. La prévision en est délicate, il faut suivre de près les
bulletins.
Formation d’une dépression secondaire dans le sud-sud-ouest du système
principal, par 35° de latitude.

Les talwegs
Un talweg (trough) est une zone de basse pression non fermée. Pour
nous, et c’est une simplification sauvage, un talweg est souvent associé à
un front froid, ou à un front froid secondaire. On rencontrera donc des
formations nuageuses de types cumuliformes, donnant des pluies
irrégulières, des grains et des rafales. Le temps y ressemble à celui que
l’on rencontre au voisinage des fronts froids. Le sud des talwegs peut
être une zone de formation de dépressions secondaires.
Un talweg marqué s’étend de l’Irlande au voisinage des Açores. Le
prévisionniste a noté à l’est des Açores un possible creusement dépressionnaire (noté
T, qui signifie dépression sur les cartes allemandes). Cette hypothèse est confirmée
sur l’image satellite par bourgeonnement suspect sur le sud du talweg.

DÉPRESSION EXTRATROPICALE ET PRÉVISIONS


Les dépressions sont suivies avec attention par les prévisionnistes
qui leur donnent même quelquefois un petit nom.

Les bulletins
Les bulletins fournissent la position du centre dépressionnaire, sa
pression centrale et son déplacement approximatif sur les prochaines
24 heures.
Le bulletin attire très utilement l’attention sur le temps sensible,
toujours délicat à prévoir : « Vent de SW 5 à 7. Pluie ou bruine. Visibilité
inférieure à 1 mille sous précipitation. Mer devenant très agitée » : nous
sommes dans le secteur chaud de la dépression.
Les fronts chauds n’y sont pas évoqués et les fronts froids y sont
sommairement décrits avec évaluation de leur activité : « front froid actif
de l’Écosse au cap Finisterre ». La vitesse de déplacement du front froid
est rarement précisée. On la déduira des règles approximatives données
plus haut ainsi que de l’évolution du vent dans les zones concernées.
« Vent de SW force 5 à 6 avec pluie suivi de vent de NW 5 à 7 avec
rafales 7 à 8 » annonce le passage du front froid.
Pour les zones concernées par la traîne, le bulletin évoquera les
rafales. La taille de la zone centrale sans vent de la dépression n’est pas
précisée. L’état de la mer est une donnée importante à prendre en
compte. Les observations éventuelles (comme en donne le bulletin de la
BBC) permettent de préciser la situation, en recalant la prévision en
fonction de la valeur de la pression et de la direction du vent. Au total, le
bulletin remplit les obligations de sécurité mais nous laisse un peu sur
notre faim. Il faut savoir compléter avec d’autres outils.

Les cartes isobariques


Elles sont l’outil privilégié au voisinage des dépressions : la
dépression et son déplacement y sont explicites et l’on aura une vision
claire des informations données dans le bulletin.

Les champs de vent


Ils apportent des compléments précieux, à condition d’en connaître
les limites. La force du vent est sous-estimée (prendre 115-120 % de la
valeur annoncée). Le front froid est bien décrit, mais on ne trouvera pas
d’informations concernant la puissance des grains. Le vent annoncé dans
la traîne est le vent moyen, hors grains et rafales. La représentation de la
partie centrale de la dépression peut manquer de détails. Rappelons
enfin que les effets locaux ne sont pas décrits par les modèles à
moyenne résolution.

Les photos satellite


Elles offrent un portrait souvent spectaculaire de la dépression. À
utiliser conjointement à la carte isobarique.
LES ZONES DE HAUTE PRESSION
Les zones de haute pression sont souvent sous nos latitudes
prometteuses de conditions agréables, voire de calmes.
Les grands anticyclones semi-permanents sont liés à la circulation
générale ►. Celui des Açores stationne dans l’Atlantique et pousse de
temps en temps une pointe vers l’Europe occidentale : « dorsale de
l’anticyclone des Açores s’étendant vers le golfe de Gascogne » est
synonyme de beau temps d’été sur les côtes atlantiques. Contrairement
aux dépressions, les anticyclones sont rarement de type migrateur (du
moins dans nos régions et en été) et n’évoluent que lentement. Toutefois,
ils intéressent souvent des zones étendues et peuvent s’étaler sans
préavis.

LE TEMPS AU VOISINAGE DES ANTICYCLONES

La zone centrale
Ces zones de haute pression présentent une partie centrale à
pression élevée et sans gradient, donc sans vent. Elles sont
accompagnées de mouvements descendants (quelques centimètres par
seconde), donc il ne faudra pas s’attendre à y trouver des formations
nuageuses actives (qui sont au contraire générées par des mouvements
ascendants), sauf éventuellement quelques nuages stratiformes.
L’été, dans nos régions, les zones anticycloniques sont souvent
synonymes de beau temps clair et chaud. L’hiver, en revanche, les
anticyclones peuvent amener sur les continents ou les mers froides une
de ces brumes tenaces qui peut durer des jours.
Un indice sûr de proximité de la zone centrale sans vent est le
« grignotage » des nuages par le haut : l’extension verticale des nuages
éventuels diminue du fait des mouvements descendants (on parle de
subsidence) caractéristiques de la zone centrale.
Les bords est
Sur les bords est des anticyclones, l’air humide passant sur de l’eau
de plus en plus chaude devient instable par la base. On y trouve des
formations nuageuses cumuliformes, principalement des stratocumulus
et altocumulus, éventuellement alignés en « rues de nuages ». On y
trouve du vent de secteur NE à NW, dont la force dépend du gradient de
pression environnant.

Vue schématique d’un anticyclone et des régimes de vent à son voisinage.

Les bords ouest


Sur les bords ouest des anticyclones, l’air humide voyageant sur de
l’eau de plus en plus froide devient stable. On y trouve des formations
nuageuses stratiformes, éventuellement du brouillard si le
refroidissement est important (Terre-Neuve). Le vent y souffle de secteur
SE à SW, son intensité étant fonction du gradient de pression.

LES DORSALES
Les dorsales sont des extensions d’un anticyclone, elles en
présentent donc les mêmes caractéristiques générales. L’axe de la
dorsale est en principe une zone de temps très clair et de vent léger, car
le gradient y est faible.
Deux dépressions atlantiques sont toujours séparées par une dorsale,
extension de l’anticyclone au nord duquel elles voyagent. Cette dorsale
se déplace avec les dépressions qui l’entourent. Elle donne du beau
temps temporaire, vite remplacé par les signes annonciateurs de la
dépression qui suit. Les bulletins ne mentionnent pas toujours ces
dorsales entre deux dépressions 33.

LES ORAGES
Les orages sont craints des marins à juste titre, mais il convient de
relativiser : le risque de foudroiement est moins élevé qu’à terre et les
accidents graves sont rares. Le mât du bateau, contrairement à l’idée
reçue, n’attire la foudre que dans un tout petit rayon : les éclairs
préfèrent souvent frapper la surface de la mer, bonne conductrice. Les
dégâts dus aux orages sont plutôt collatéraux, électronique endommagée
par le champ électrique intense, problèmes liés aux vents forts et aux
rafales brutales.

LE CYCLE DE VIE DES ORAGES


Les orages sont associés à des cumulonimbus qui traduisent des
mouvements verticaux de grande ampleur dans l’atmosphère. La région
active du nuage s’appelle une cellule orageuse. Elle est le siège
d’ascendances et de subsidences (des montées et des descentes)
violentes. Un cumulonimbus peut contenir une ou plusieurs de ces
cellules orageuses, chacune d’entre elles ayant en général une durée de
vie de moins d’une heure et une dimension de quelques kilomètres.

La vie d’une cellule orageuse.

Un épisode orageux classique (orage de chaleur) se développe selon


le schéma simplifié suivant :
– Les altocumulus castellanus apparaissent souvent – pas toujours –
en préavis, de 6 heures à 12 heures avant le déclenchement des orages.
Quasi immobiles, ces nuages en forme de tours ou de murailles
crénelées se font et défont sur place. Les orages sont rarement
annoncés par une variation de pression nette. Tout au plus peut-on voir le
baromètre monter et descendre de quelques hectopascals de manière
irrégulière.
– Les cumulus bourgeonnants (cumulus congestus), révélateurs
d’ascendances locales d’ampleur, deviennent de plus en plus
importants : l’orage est en formation.
– Ils se transforment en cumulonimbus surmontés d’une enclume, ou
d’une « bigorne » (enclume dissymétrique rappelant le chapeau des
sergents de ville) lorsque le sommet du nuage s’étale sous la tropopause.
L’orage est à son paroxysme. La base du nuage très sombre surmonte
une zone plus claire posée sur l’eau, qui marque la zone de vent fort. Le
ciel s’assombrit totalement à l’approche de la masse nuageuse, qui peut
s’étendre verticalement sur 10 à 12 km.
Le déplacement de l’orage ne suit pas le vent de surface mais le vent
d’altitude, qui peut présenter un schéma complexe. Le suivi au radar est
une bonne méthode pour identifier sa trajectoire. À défaut, le
cheminement des nuages de l’étage moyen peut donner une indication
(pas très fiable…).
Le vent est très instable et les premières rafales peuvent être
sévères : l’air froid peut sortir du nuage à 40-50 nœuds, dans une
direction souvent opposée à celle du vent qui la précède. C’est le front
de rafales. Il est suivi de zones de pluies intenses dans lesquelles la
visibilité est quasi nulle, sous le tonnerre et les éclairs.
– Les ascendances s’essoufflent et l’orage s’apaise. Le vent se calme,
la pluie devient plus régulière et le cumulonimbus se fragmente. En
altitude, les résidus de l’enclume étalent des cirrus, qui témoignent de
l’orage passé 34.

LES SITUATIONS ORAGEUSES


La création des orages est toujours liée à une forte instabilité
verticale de l’atmosphère favorisant les courants verticaux
(la convection) et générant des cumulonimbus, dont certains produiront
les cellules orageuses. On rencontre ces fortes instabilités dans les
situations suivantes :

Marais barométrique et forte chaleur


C’est le phénomène à l’œuvre en été lors de la formation des « orages
de chaleur » dans les situations à marais barométrique (pression voisine
de la pression moyenne – 1 013 hPa – et faible gradient de pression). Le
mauvais temps ne durera que le temps des orages du soir. Ces orages
restent dans la zone littorale qui leur a donné naissance et ne
s’aventurent pas loin en mer 35.

Orages par soulèvement orographique


C’est ainsi que se forment certains orages de montagne. De l’air
chaud et humide situé dans les basses couches est forcé de s’élever au
voisinage des reliefs. Ce phénomène peut se combiner au précédent. Le
mauvais temps peut être plus durable si les conditions de formation
perdurent. Ces orages restent dans la zone littorale qui leur a donné
naissance et ne s’aventurent pas loin en mer.

Orages précédant l’arrivée d’une dépression


d’altitude froide ou d’un talweg
De l’air frais arrivant en altitude au-dessus d’une zone surchauffée
provoque une instabilité à grande échelle. Ce sera le cas des orages liés
à la progression d’un talweg océanique atteignant une zone de beau
temps chaud, situation courante en été dans le golfe de Gascogne. Ces
orages répartis en ligne précèdent le front d’une centaine de milles. À la
différence des autres systèmes orageux, ils peuvent donc se former en
mer. Ils deviendront plus violents en milieu et en fin de nuit au large, et
se renforceront à l’approche de la côte en fin d’après-midi. La
dégradation du temps est importante et l’amélioration attendra que le
système ait évacué la zone.
Sur la carte isobarique, la ligne à chevrons représente une zone de
convergence orageuse à l’avant du front qui traîne sur la France. Sur la carte des
index orageux, CAPE ► atteint 1500 j/kg sur le centre de la France, signalant un
risque d’orages modérés. Les cellules orageuses sont visibles sur les photos
satellitaires.

Orages frontaux
Le soulèvement de l’air chaud par l’air froid postérieur peut donner
lieu à des orages si les contrastes thermiques et hygrométriques sont
importants entre les deux masses d’air. Ce sera le cas au voisinage des
fronts froids très actifs comme on en trouve en mars-avril, en fin d’été et
en début d’automne. Les orages dureront le temps du passage du front
et de la partie la plus active de la traîne. Ils sont plus rares.
Bien sûr, plusieurs de ces facteurs peuvent se conjuguer pour donner
des épisodes orageux 36.

LES INDEX NUMÉRIQUES DE PRÉVISION DES ORAGES


Parmi tous les index permettant d’évaluer les possibilités de
développement orageux et de déterminer les zones à risques, nous
retiendrons CAPE 37, facilement disponible sur Internet. Il ne s’agit pas
de se substituer aux prévisionnistes professionnels, mais plus
simplement de « mettre les clignotants à l’orange ».
Carte des index orageux sur la mer Tyrrhénienne et l’Adriatique. Les valeurs
élevées de CAPE, en rouge, traduisent des risques d’orages violents. Les zones orange
correspondent à des orages modérés et les zones vertes à un risque d’orage faible en
plaine, pouvant devenir plus important en montagne.

LA PRÉVISION DES ORAGES


On ne sait pas prévoir précisément le lieu et l’heure de la survenue
d’un orage, pas plus que son déplacement. En revanche, on sait
reconnaître les situations à risques, qui nous conduiront à collecter plus
d’informations et à prendre des mesures de précaution.
Les bulletins météorologiques prennent très au sérieux le risque
d’orage, même s’ils ne peuvent pas préciser le détail des événements. La
mention « Orages probables en soirée sur les reliefs », par exemple,
indique qu’on a affaire à des orages de chaleur dans un marais
barométrique.
L’étude de la situation synoptique peut renseigner sur les situations à
risques. Chaque fois que, dans une situation de beau temps chaud, arrive
un front froid ou une dépression fortement alimentée en air froid
d’altitude, on peut craindre des orages violents à l’avant du front. La zone
de convergence associée est notée par une ligne à chevrons sur
certaines cartes isobariques. De même, les marais barométriques avec
fortes températures sont des nids à orages du soir, pour peu qu’un petit
talweg aborde la région.
Les cartes d’index orageux décrits plus haut permettent d’attirer
l’attention sur les zones à risques.
Les photos satellite sont parlantes : les enclumes des cumulonimbus
orageux sont remarquables en infrarouge comme dans le canal visible.
Les images radar que l’on trouve sur certains sites Internet
permettent de suivre les zones de précipitations intenses associées aux
orages.
Les champs de vent ne permettent pas en général de visualiser la
présence d’orages, les modèles n’étant pas aptes à rendre compte des
phénomènes à cette échelle. L’avènement des modèles à haute
résolution et non-hydrostatiques, capables de calculer les vitesses
verticales importantes dues à la convection sont un progrès certain
(exemple d’Arome de Météo France).
Localement, les nuages préorageux de type altocumulus castellanus
sont de bons signaux d’alerte (pas toujours présents). On prêtera une
attention sérieuse aux cumulonimbus se développant dans le voisinage.
La veille VHF permet de se faire une idée des conditions que rencontrent
les navigateurs alentour.

LE BROUILLARD
Officiellement, on parle de brume lorsque la visibilité est comprise
entre 1 et 5 km, et de brouillard lorsqu’elle est inférieure à 1 km. Les
marins parlent plus volontiers de brume (et de signaux de brume).
Le brouillard résulte de la condensation de la vapeur d’eau contenue
dans l’air au voisinage du sol. Si le vent est trop fort, la turbulence, en
homogénéisant les basses couches, ne permet pas la formation du
brouillard.
Si le vent est trop faible, le refroidissement ne concerne que
l’interface sol-air et l’on obtient de la rosée.
La brume peut également naître de la présence dans l’air d’aérosols,
amenés par des vents de sable ou par la pollution.

LE BROUILLARD DE RAYONNEMENT
C’est celui qui aura souvent le bon goût de laisser place au beau
temps « après dissipation des brumes matinales ». Par une belle nuit
claire et un vent léger, la température baisse suffisamment pour que la
condensation génère un brouillard dense mais confiné dans les basses
couches (moins de 100 mètres d’altitude).
Ses conditions de formation, que l’on retrouve souvent par beau
temps anticyclonique, sont un ciel clair, une humidité relative de la
masse d’air, un vent faible mais non nul. Il se crée à terre dans les vallées
côtières, où l’air froid se stocke en fin de nuit. On le rencontre souvent en
Manche et en Atlantique l’été, et en Méditerranée au printemps et en
hiver. Poussée par les brises nocturnes, la poche de brouillard dérive
ensuite dans la zone côtière et reste proche du littoral. L’été par beau
temps anticyclonique, le brouillard se dissipe rapidement dans la matinée
avec le réchauffement diurne. L’hiver, il peut persister une bonne partie
de la journée.

Un épisode de brouillard de rayonnement typique, dense dans les basses


couches et peu étendu en altitude. (Photo prise à la Roche percée en Gaspésie,
Canada.)

LE BROUILLARD D’ADVECTION
C’est le brouillard le plus courant en mer. Il survient lorsque de l’air
chaud et humide rencontre de l’eau froide, dont la température est
inférieure à la température du point de rosée de la masse d’air 38. Il peut
être tenace et persister même en présence d’un vent soutenu, rendant la
navigation délicate.
Un brouillard d’advection amené par de l’air « tiède » progressant sur de
l’eau froide. L’avancée du mur de brouillard annonce l’arrivée de la nouvelle masse
d’air. (Photo prise en Géorgie du Sud.)

Un exemple extrême est celui des Grands Bancs de Terre-Neuve, où


l’air tropical chaud et humide venant du Gulf Stream (20-23 °C) arrive sur
le courant froid du Labrador (8 °C). Le mur de brouillard est alors très
net, et la visibilité réduite, même par vent modéré.
Dans nos eaux, le vent de secteur sud-ouest amené par le secteur
chaud des dépressions peut générer des brumes tenaces en Manche et
en Atlantique.
Certaines zones de remontée d’eau froide (voir l’upwelling ►),
comme les côtes portugaise, marocaine et mauritanienne ou la côte
californienne, sont de ce fait soumises à des brouillards persistants.
En zone côtière, l’arrivée avec la marée montante de l’eau du large
plus froide peut aider à la formation de brumes temporaires : la rade de
Brest est un bon exemple de ce phénomène. De manière générale, les
forts courants de marée brassant la masse d’eau amènent de l’eau plus
fraîche en surface qui peut aider à la formation de brume si les
conditions s’y prêtent, comme c’est souvent le cas en septembre-octobre
en Manche par beau temps.
Le brouillard d’advection se dissipe si les conditions hygrométriques
évoluent, éventuellement par réchauffement de la masse d’air (le
réchauffement diurne peut aider la brume à s’évanouir), mais plus
probablement par changement des conditions synoptiques : l’arrivée d’un
front froid et du vent de NW qui le suit signe souvent la fin d’un épisode
brumeux lié au secteur chaud de la dépression.

LA BRUME DE CHALEUR, LA BRUME SÈCHE


On appelle brume de chaleur ou brume sèche (termes non officiels,
mais largement répandus) la baisse de visibilité associée à des pollutions
atmosphériques naturelles (sable, particules marines 39, éruption
volcanique) ou artificielles, d’origines urbaine ou industrielle.

Brume sous une inversion


Lorsque l’atmosphère présente une inversion de température dans
les basses couches, celle-ci agit comme un couvercle empêchant tout
échange avec les couches supérieures 40. La pollution naturelle ou
artificielle y reste confinée, diminuant fortement la visibilité. Si la
situation s’éternise, on peut atteindre des seuils critiques de pollution au
voisinage des implantations industrielles ou des grandes villes.
On trouve des inversions dans les basses couches :
– Le matin par beau temps et vent faible.
– Dans les conditions anticycloniques, lorsque la subsidence au
voisinage de la zone centrale des hautes pressions construit une
inversion piégeant la pollution aussi longtemps que la situation ne
change pas. C’est le type même de circonstances météorologiques qui
favorisent les pollutions urbaines majeures.
Particules transportées par le vent
Ceux d’entre nous qui ont la chance de naviguer entre les Canaries et
les îles du Cap-Vert ont certainement observé cette baisse de visibilité
due aux grains de sable en suspension dans l’atmosphère. En
Méditerranée, et plus rarement en Atlantique, les poussières soulevées
par les tempêtes de sable et transportées par les vents d’altitude font
parfois tomber du ciel sur des contrées septentrionales une partie du
mystère du désert.

Sur cette image satellite, un vent de sud fort envoie sur l’est de la Méditerranée
du sable saharien qui réduit sensiblement la visibilité.

LA PRÉVISION DE LA BRUME ET DU BROUILLARD


En théorie, la comparaison entre température du point de rosée et
température du substrat (pour nous, ce sera la mer) permet de prédire
l’avènement du brouillard. En pratique, on laissera ce travail aux
prévisionnistes, et on se fiera aux bulletins ou aux cartes d’observations
pointées.
Il est beaucoup plus simple de prévoir la disparition du brouillard que
son apparition, et cette prévision sera facilitée si l’on a compris de quel
type de brouillard il s’agit :
– Un brouillard de rayonnement se dissipera probablement dans la
matinée (sauf en hiver) et ne s’étendra pas loin au large.
– Un brouillard d’advection peut durer aussi longtemps que les
conditions de formation restent inchangées. La disparition du brouillard
sera liée à un changement de masse d’air (passage d’un front froid par
exemple).

Traduire les prévisions


Dans un bulletin, une mention du type « Beau temps après dissipation
des brumes matinales » évoque un brouillard de rayonnement. À
l’inverse, « Vent de SSW force 4 à 5, visibilité souvent inférieure à 1 mille
par bruine ou brouillard » annonce un brouillard d’advection sur le
proche-Atlantique.
Les cartes isobariques afficheront les observations ou prévisions de
brouillard selon le code habituel : trois traits horizontaux superposés
pour le brouillard, deux pour la brume.
Les photos satellite donnent pour leur part de bonnes indications 41.
Sur ces images, les zones de brouillard présentent un aspect uni et un
bord net caractéristiques depuis l’espace. Elles suivent souvent les
indentations de la côte dans la zone côtière. Elles sont d’un blanc
remarquable dans le domaine visible, et d’un gris uniforme peu visible
dans l’infrarouge, du fait de leur température voisine de celle du sol.
Le nuage bas, à surface unie, qui envahit les vallées côtières au nord de la côte
espagnole est probablement une nappe de brouillard ou un stratus bas.

LA MÉTÉOROLOGIE LOCALE
Les effets locaux intéressant les navigateurs sont de deux types :
– Ceux qui sont liés à l’interface terre-mer : effets de site liés à la
topographie locale, effets thermiques dus aux différences de capacité
calorifique de la terre et de la mer.
– Ceux qui sont relatifs à la météorologie à petite échelle, liés à la
présence de nuages à l’étage bas ou moyen pouvant par exemple induire
des grains ou des rafales.
La météorologie locale est donc l’étude de la réponse d’un site au
vent synoptique 42. Les effets locaux résultent d’une multitude de
paramètres n’ayant pas toujours la même importance relative. On va
cependant pouvoir les identifier, et éventuellement les prévoir, au moyen
de quelques notions simples. Les modèles numériques de prévision à
maille fine peuvent de surcroît nous aider à améliorer nos prévisions.
LES EFFETS DE SITE
On appelle effet de site la modification du flux général due à la
présence de reliefs côtiers. Plusieurs phénomènes physiques sont à
l’œuvre lorsque le vent rencontre la ligne de côte. Leurs effets peuvent
s’ajouter ou au contraire s’annuler. Heureusement, leurs ordres de
grandeur sont très différents suivant la nature du relief, ce qui simplifie le
problème.

Différence de rugosité entre terre et mer


Nous savons qu’au voisinage du sol, là où le frottement dans les
basses couches se fait sentir, le flux est dévié vers les basses
pression ►. Cette déviation est de 20° environ au-dessus de la mer et de
30° à 40° au-dessus de la terre, là où le frottement est plus important. En
conséquence, le flux est mécaniquement dévié lorsqu’il passe de la terre
à la mer.

Canalisation par les reliefs


Le flux est guidé, au moins sur une certaine épaisseur, par le relief.
Ces modifications du champ de vent sont importantes et permanentes, il
ne faut donc pas se gêner pour en profiter. Ce guidage imposera dévent
sous le vent des reliefs, coussin à leur vent, déviation par les falaises et
par les pointes, ou encore canalisation par les vallées.

Modification du champ de pression


Le relief faisant obstacle au passage du flux, la pression barométrique
augmente au vent du relief (effet de barrière orographique) et baisse
sous son vent (effet de talweg orographique). Cet effet joue à l’échelle
régionale : il modifie le champ de pression et le champ de vent sur une
distance de 20 à 50 milles. Exemples classiques : la Corse par vent d’est
ou vent d’ouest, la tramontane.
Différence de température air-mer dans la zone
littorale
Par vent de terre, lorsque la température de l’air est très supérieure à
celle de la mer dans la zone littorale, le vent diminue rapidement dès que
l’on s’éloigne de quelques centaines de mètres de la côte. C’est
l’exemple du vent de sud-est chaud au printemps sur la côte de Bretagne
Sud et des Charentes.
Lorsque, à l’inverse, la température de l’air est très inférieure à la
température de la mer dans la zone littorale, le vent augmente
rapidement dès que l’on s’éloigne de la côte de quelques centaines de
mètres. C’est l’exemple du vent d’est froid en hiver sur la côte de
Bretagne Sud et des Charentes.

Modifications du vent par différences de température dans la bande littorale.

Hiérarchisation des phénomènes


La réponse du site est une superposition de ces différents
phénomènes physiques.
Sur les côtes basses, ce sont le plus souvent les effets de frottement
qui seront prépondérants. Les effets de canalisation sont faibles et les
modifications du champ de pression sont négligeables.
Sur les côtes moyennement élevées, ce sont généralement les effets
de canalisation qui prendront le pas.
Sur les côtes élevées, les phénomènes de canalisation et de
modification du champ de pression seront les plus importants 43.

Amplitude des effets de site


Les effets de site à l’échelle locale intéressent la bande côtière des
3 milles environ. Les effets régionaux se font sentir jusqu’à 50 milles au
large. Leur importance est fonction de la vitesse du vent et de la stabilité
de la masse d’air.
Par vent faible, la turbulence interne du flux est réduite, et les effets
de site sont de grande amplitude.
Par vent fort, la turbulence interne du flux est importante, ce qui
réduit l’amplitude des effets de site.
Plus l’air est stable, plus les effets de site sont marqués (vent de S ou
SW chez nous). Les courbures, notamment, peuvent atteindre 30° à 40°
et s’étendent plus loin au large. Un indice précieux : dans une
atmosphère stable, les nuages, s’ils existent, sont de type stratiforme,
c’est-à-dire répartis en couches.
Plus l’air est instable, moins les effets de site sont sensibles (vent de
NW lié à un ciel de traîne, chez nous) 44. Les courbures dépassent
rarement 20°, et les effets ne s’étendent pas très loin au large. Dans une
atmosphère instable, les nuages, s’ils existent, sont de type cumuliforme
(nuages en forme de « balles de coton » ou de bourgeonnements).

Obstacles dans le vent


■ Obstacle isolé de petite taille
Les collines isolées, les navires au mouillage, les icebergs
s’assimilent à des obstacles de petite taille. À leur vent et jusqu’à cinq
fois la hauteur du relief, la vitesse du vent tombe à 80 % de sa valeur.
Sous leur vent, le flux retrouve 50 % de sa force à une distance de cinq
fois la hauteur du relief, et 90 % de sa force à douze fois sa hauteur.
L’effet de coussin est sensible au vent de l’obstacle, mais le dévent est encore
plus marqué, et se prolonge beaucoup plus loin. À noter l’accélération du vent, par
canalisation, sur le flanc de l’iceberg.

■ Barrière de petite taille


Une rangée d’immeubles, une rangée d’arbres ou une flotte serrée de
voiliers se comportent comme des barrières. L’effet dépend de la densité
de l’obstacle, une barrière semi-dense étant l’obstacle le plus efficace : à
vingt fois la hauteur de l’obstacle, on ne récupère encore que 85 % du
vent 45.

Au vent d’une côte rectiligne


Si l’on a facilement le réflexe de songer au dévent en aval d’un relief,
on néglige souvent ce qui se passe au vent. Comme d’habitude, c’est la
nature des reliefs et la différence de température entre la mer et la terre
qui régissent la réponse du site au vent synoptique.

■ Vent soufflant du large perpendiculairement


à une côte rectiligne
Les effets de site dépendent de la topographie de la côte.
– Côte basse : il ne se passe pas grand-chose côté mer, sauf au
voisinage immédiat de la plage, là où l’on a pied. Si la côte est un peu
plus élevée, ou très rugueuse (forêt, zone urbaine), l’air est dévié et
ralenti au vent du relief sur environ un quart de mille.
– Côte moyennement élevée : la côte n’étant pas trop haute, l’air a la
possibilité de s’échapper au-dessus des reliefs. Dans ce cas, une zone
sans vent stagne au vent du relief. On l’appelle « effet de coussin au vent
du relief ». Si l’air est particulièrement stable, le coussin est très étendu
et très marqué. C’est une situation classique en fin de nuit quand l’air est
plus froid, donc plus lourd et plus visqueux. Nous avons tous le souvenir
d’arrivées à la côte au petit matin poussé par un vent du large, et qui se
terminent au moteur au ras des falaises.
– Côte élevée : le flux ne pouvant escalader le relief qui fait barrière,
le champ de pression est sérieusement modifié au vent du relief. C’est
« l’effet de barrière orographique », responsable de certaines
particularités de la météo en Méditerranée. Il se traduit par une
accélération du vent de 10 à 15 nœuds et une rotation vers les basses
pressions à l’échelle régionale (20-30 milles). Cet effet s’étend
quasiment jusqu’à la côte.
Quel que soit le cas de figure, si la zone côtière est surchauffée, le
vent sera plus fort dans les quelques centaines de mètres proches du
rivage. Au contraire, si la zone côtière est fortement refroidie, le vent
sera plus faible dans les quelques centaines de mètres proches du
rivage.
Vent du large perpendiculaire à la côte. Les différences de température peuvent
se combiner aux effets de relief.

■ Vent soufflant du large obliquement par rapport


à une côte rectiligne
Si le vent attaque la côte obliquement, il sera canalisé par les reliefs à
condition que ceux-ci soient notables : le vent suit le relief, et on observe
une accélération de 3 à 8 nœuds.
Si la côte est basse, il y a peu de modifications du champ de vent.
Si l’air est particulièrement stable, la zone où le vent est accéléré se
prolonge quasiment jusqu’à la côte. L’accélération peut atteindre 5 à
8 nœuds près du rivage. Un exemple classique est celui du vent de NE
sur la côte nord espagnole, vers Santander.

Sous le vent d’une côte rectiligne


Comme d’habitude les effets dépendront de la nature de la côte et de
l’angle d’incidence.

■ Vent soufflant de terre perpendiculairement


à une côte rectiligne
Le vent sort perpendiculairement de la côte, à 30° près.
Sous le vent d’une côte basse, les dévents ne sont pas importants. Le
phénomène prépondérant est la courbure du flux dû à la différence de
rugosité terre-mer. Pour le navigateur s’approchant de la côte, le vent est
dévié vers la gauche de 15° à 20°, et il faiblit légèrement (sauf si la côte
est surchauffée).
Sous le vent d’une côte rectiligne moyennement élevée, c’est
le dévent classique, le recollement du flux en aval de la côte laisse une
zone perturbée où le vent est faible et variable. On récupérera 80 % du
vent à une distance de dix à quinze fois la hauteur du relief, selon la
stabilité.
Sous le vent d’une côte rectiligne élevée, à l’échelle locale, le relief
perturbe sérieusement le flux en aval. L’amplitude et même la nature de
la perturbation sont fonction de la vitesse du flux, de la stabilité de l’air et
de sa stratification. On retiendra les deux cas les plus courants :
Vent de terre, côtes basses ou moyennement élevées.

■ Vent relativement fort et faible stabilité verticale


Le dévent s’étend jusqu’à trente fois la hauteur des reliefs. Cette
situation peut générer des altocumulus lenticulaires, qui marquent la
branche supérieure du flux.
■ Vent fort au niveau des sommets et forte stabilité verticale
Création d’ondes stationnaires sous le vent du relief, marquées par
des « nuages d’onde » qui sont des altocumulus lenticulaires. Le vent est
plus fort entre les nuages, là où le flux d’altitude arrive en surface. Il est
plus faible sous les nuages. Exemple : le mistral à l’est du Rhône. La
longueur d’onde du phénomène est de l’ordre de 4 à 6 milles.
Vent de terre, côte élevée. À gauche, le dévent par stabilité verticale faible ou
moyenne. À droite, l’effet d’onde par forte stabilité verticale.

■ Vent soufflant de terre obliquement par rapport


à une côte rectiligne
La situation est alors beaucoup moins claire, et la topographie locale
joue un grand rôle : les vallées canalisent les flux et les accélèrent. Une
différence d’angle d’incidence de quelques degrés peut changer
radicalement la situation, transformant un mouillage abrité en soufflerie.
On retiendra quand même que :
– Si la côte est peu élevée, on a une rotation du vent d’une vingtaine
de degrés due à la différence de rugosité.
– Si la côte est plus élevée, il y accélération sous le vent du relief,
surtout si la côte est située à gauche du vent (en regardant face au vent).

Vent quasiment parallèle à la côte


Nous venons d’étudier ce qui se passe avec un vent soufflant de terre
ou du large. Voyons maintenant le cas intermédiaire d’un vent parallèle à
la côte basse (c’est-à-dire un vent orienté à plus ou moins 20° de l’axe de
la côte).
Vent de terre oblique à la côte. Sur une côte basse, le vent est dévié de 20° en
quittant le rivage, sur une distance de 3 milles par vent stable et 1 mille par vent
instable. Sur une côte moyennement élevée ou élevée, les effets de dévent et de
canalisation prédominent.

■ Côte à gauche du vent


Lorsque la côte est située à gauche de la direction du vent (en
regardant face au vent), le vent côté terre étant dévié à gauche par
frottement, cela induit une zone de convergence côtière large de 3 à
5 milles dans la zone littorale. Le vent y est renforcé et plus à gauche
qu’au large. Comme d’habitude, l’effet est d’autant plus marqué que l’air
est stable. C’est un effet qu’il faut savoir exploiter.

Le phénomène de convergence : vent plus fort et plus à gauche à terre. Il peut


être renforcé par les reliefs.
Si la côte est moyennement élevée, la canalisation le long du relief et
la convergence côtière s’additionnent : le vent est franchement renforcé
à la côte (5 nœuds sur 3 à 5 milles). La zone de convergence est
quelquefois marquée par un nuage stationnaire sur la côte.
Si le relief est entaillé par des vallées côtières, le vent est fort et très
à gauche sur l’ouvert des vallées. Assez souvent, le vent sortant des
baies et des vallées permet de remonter le long de la côte quasiment
tout droit alors qu’au large il faudrait tirer des bords.

■ Côte à droite du vent


Si la côte est située à droite de la direction du vent (en regardant face
au vent), le vent côté terre étant dévié à gauche par frottement, cela
induit une zone de divergence côtière de 1 à 3 milles de large dans la
zone littorale. Les vents y sont plus faibles, la différence étant de l’ordre
de 1 à 3 nœuds.

Côtes complexes
Dans la réalité, une côte est une succession de parties plus ou moins
rectilignes, agrémentées de reliefs côtiers, et qui se raccordent par des
pointes, des baies, des estuaires. Après avoir étudié les événements le
long d’une côte rectiligne, il nous reste à éclaircir ce qui se passe au
voisinage des pointes et baies.

■ Vent au voisinage des pointes moyennement


élevées
Le champ de vent au voisinage d’une pointe dépend bien sûr du relief
de la pointe, mais aussi de l’angle d’attaque du vent. Lorsque la pointe
présente un relief notable, les effets sont spectaculaires.
■ Vent perpendiculaire à l’axe de la pointe : effet d’éventail
On observe :
– Une accélération de 3 à 5 nœuds le long de la pointe, plus marquée
à quelque distance de la côte (0,5 mille).
– Une courbure et un éventail sous le vent de la pointe, qui seront,
stratégiquement, le principal phénomène à exploiter.

Les effets de pointe. À gauche, vent perpendiculaire à la pointe, avec en jaune la


trajectoire optimale au près : on « joue » la courbure. Au centre, vent du large dans
l’axe de la pointe. À droite, vent de terre dans l’axe de la pointe, avec renforcement
dans le sillage du relief, du côté où la terre est à gauche du vent.

– Une zone de dévent sous le vent du relief (qui s’étend sur environ
20 fois la hauteur du relief).
– Un coussin sans vent au vent du relief (sur environ 9 fois la
hauteur).
On optimisera la trajectoire en jouant la courbure au voisinage de la
pointe. Le renforcement du vent au voisinage de la pointe doit être pris
en compte, en particulier par vent contre courant.
■ Vent parallèle à l’axe de la pointe : effet de coin et effet de sillage
Par vent du large, la canalisation joue à plein, on parle d’effet de coin.
Il faut éviter la pointe.
Par vent de terre, la convergence sur la côte située à gauche du vent
joue à plein. Elle se prolonge en mer, sur 3 à 5 milles dans le sillage de la
pointe. Cet effet de sillage est quelquefois mis en évidence par un nuage
de convergence, stationnaire, partant de la pointe vers le large. Cet effet
fonctionne aussi sur les côtes basses.

■ Dans les baies


Si le vent est parallèle à la ligne générale de côte, les convergences-
divergences jouent à plein (schéma page suivante) 46.
– Côte à droite du vent : la divergence côtière se prolonge dans la
baie en y amenant du vent à gauche, mollissant. Lorsque l’on s’enfonce
dans la baie, le vent adonne, ce qui est positif au début, puis mollit
traîtreusement. Si l’on n’a pas pu atteindre l’effet de pointe de l’autre
côté de la baie, le bord de retour dans du vent à gauche mollissant coûte
très cher. On ne rentrera profondément dans ces baies que pour s’abriter
d’un fort courant, ou par mauvais temps pour s’abriter de la mer et du
vent.
– Côte à gauche du vent : la convergence côtière se prolonge dans la
baie en y amenant du vent plus fort. Il faut aller chercher le sillage de la
côte au vent ou bien l’effet de pointe 47.
Deux exemples de choix stratégique. En haut, la baie d’Audierne par vent de NW,
avec en jaune la trajectoire optimale, et en rouge la fausse bonne idée. En bas, la baie
de Plymouth par ENE, avec la bonne trajectoire.

■ Effets de canalisation entre des reliefs


Lorsque le vent souffle entre deux reliefs, il y est accéléré, d’autant
plus que le passage est bordé de côtes élevées. Dans le pas de Calais
(bordé de falaises moyennement élevées), la survente est ainsi de l’ordre
de 5 à 8 nœuds, contre 10 à 15 nœuds dans le détroit de Gibraltar
(bordé de côtes élevées). On observe un phénomène du même ordre
dans le passage entre deux îles moyennement élevées ou élevées.

Les îles
Les îles sont des lieux privilégiés de nos escapades maritimes. Les
îles basses et moyennement élevées présentent des effets de site faciles
à identifier. Les îles élevées agissent plus profondément sur le champ de
vent, et souvent de manière spectaculaire.

■ Vent dans l’axe d’une île basse ou moyennement


élevée
Lorsque le vent souffle dans l’axe d’une île au relief de quelques
dizaines de mètres à quelques centaines de mètres, comme l’île de Ré ou
Belle-Île, on observe une dissymétrie entre les deux côtés de l’île, due
aux phénomènes de convergence et divergence côtière.
Belle-Île par vent de NW.

Si l’air est suffisamment humide, la convergence peut être marquée


par une bande nuageuse fixe qui continue en mer sous le vent de l’île :
elle traduit le renforcement du vent et la rotation à gauche (île de Ré par
vent de NW, île de Wight par vent d’ouest ou NW).

■ Vent perpendiculaire à une île basse


ou moyennement élevée
Le coussin au vent de l’île s’étend sur environ neuf fois la hauteur du
relief, et le dévent est plus important que sous le vent d’une côte
rectiligne standard : il s’étend sur trente fois la hauteur du relief en raison
du décollement du flux au voisinage de l’île. Cet effet est encore amplifié
si l’air est stable, par exemple le matin par beau temps.

■ Îles élevées de taille moyenne


On s’intéresse maintenant aux îles élevées de taille moyenne comme
les Baléares, Madère, ou encore les plus petites des Canaries et des
Petites Antilles.
Si le flux parvient à passer en partie au-dessus du relief (un bon
indicateur est la présence d’un altocumulus marquant le sommet de l’île),
la modification du champ de pression ne sera pas trop importante, et les
phénomènes de canalisation seront prépondérants. Le dévent est de
l’ordre de trente fois la hauteur du relief.
Si le flux ne peut franchir le relief (le cas classique est celui d’une
inversion de température agissant sur l’île comme un couvercle), les
phénomènes de canalisation sont renforcés. Par ailleurs, le vent s’avère
éminemment variable dans la zone de dévent, dont l’étendue est
particulièrement importante (jusqu’à plusieurs centaines de milles).
Lorsque le flux passe par-dessus le relief, on retrouve à la pointe du dévent
un phénomène de convergence.
Dans le cas contraire (à droite), l’accélération sur les flancs de l’île est plus
marquée, tandis que la zone de dévent, turbulente, s’étend très loin.

■ Association d’îles élevées


Dans le cas d’un archipel d’îles élevées (les plus hautes des Canaries,
Açores, Hawaï, etc.), la situation devient plus compliquée : aux dévents
et coussins classiques s’ajoutent des effets de détroit dans les passages
entre les îles.

■ Îles étendues et élevées


Le champ de pression modifié par surpression au vent du relief et
dépression sous le vent est le phénomène prépondérant. On parle de
dépression orographique (c’est-à-dire générée par le relief) sous le vent
de l’île. Cet effet intéresse l’échelle moyenne (50 à 100 milles) plutôt que
l’échelle locale. Exemples : la Corse, la Crète, Cuba, Tahiti…

La Corse par vent d’ouest (à gauche) et vent d’est (à droite).

LES EFFETS THERMIQUES


Les brises thermiques sont le régime privilégié des navigations
estivales : par beau temps calme, la brise de mer s’installe doucement en
fin de matinée, apportant temporairement quelques nuages suivis d’une
fraîcheur bienfaisante. Elle se renforce l’après-midi, en « tournant avec le
soleil », puis s’évanouit doucement en fin de soirée. Dans la nuit, une
légère brise de terre emprunte les vallées côtières, poussant quelquefois
des bouchons de brume denses vers le large. Elle s’interrompt à son tour
dans la matinée, dans l’attente d’un éventuel nouveau cycle si les
conditions synoptiques restent inchangées. Le mécanisme des brises est
bien connu : il est lié à la manière différente qu’ont l’océan et la terre
d’absorber la chaleur du soleil.

La brise de mer ou brise diurne 48


Le jour, par beau temps faiblement couvert, apparaissent au
voisinage de la côte des contrastes thermiques importants : la
température de la mer varie peu dans la journée (on dit que la masse
d’eau est homéotherme) alors qu’au contraire, sur terre, la variation de
température est importante (jusqu’à parfois ne plus pouvoir poser le pied
sur le sable). Si le vent synoptique est assez faible pour éviter le mélange
de ces deux masses d’air, une circulation atmosphérique se crée
localement de la mer vers la terre.

LES CONDITIONS D’ÉTABLISSEMENT DE LA BRISE DE MER


– Condition primordiale, le vent synoptique (le vent général) ne doit pas être
trop fort (moins de 18 nœuds), sinon la turbulence du flux empêcherait notre petite
boucle de brise de se mettre en place et de perdurer.
– Une différence de température de 2° à 3 °C suffit pour déclencher le
mécanisme.
– La machine fonctionnant à la différence de température terre-mer, elle
nécessite un ensoleillement important et une faible nébulosité (un ciel partiellement
couvert de cumulus demeurant compatible avec l’établissement de la brise diurne).
– Si l’air est déjà instable (par exemple un petit noroît léger), il ne demandera
qu’à s’élever au-dessus de la terre, et amorcera le processus. En revanche, une
haute pression centrée exactement sur la zone de navigation n’est pas propice à de
bonnes brises, malgré un ensoleillement certain.
– Un léger vent de terre qui aide à l’établissement du courant d’altitude est très
favorable (contrairement à ce que l’on pourrait penser a priori…). Un vent du large
modéré empêche la brise de se mettre en place.
– Une plaine côtière bordée de collines en pente douce aide les brises à
s’installer (Bretagne ou Angleterre Sud), à la différence d’une côte constituée de
falaises abruptes.
En résumé, cette petite machine thermodynamique fonctionne bien dès qu’il fait
beau, sauf au voisinage d’un centre anticyclonique surplombé d’air sec.

■ Comment s’établit la brise de mer


Un signe précurseur important de la brise est le « nettoyage de
l’horizon » au large : de flou et brumeux, il devient net. Un indicateur
secondaire est la formation de cumulus sur la terre : ils n’apparaissent
que lorsque l’air est raisonnablement humide.
Dans le cas de brises pures (avec un vent synoptique nul ou faible), la
brise arrive du large (2-3 milles de la côte), précédée d’une zone de
transition sans vent – le front de brise – qui progresse vers la côte à 3
ou 4 nœuds. Devant le front sévit encore l’ancien vent éventuel. Sur le
front, qui met une bonne dizaine de minutes à passer, on trouve peu de
vent ou des rafales erratiques. Derrière le front, on identifie sur l’eau la
zone ventée sombre, qui marque le nouveau vent. La direction d’où
souffle la brise est grossièrement perpendiculaire à la ligne générale de
côte, mais elle est influencée par la topographie locale.
Une fois le phénomène enclenché, la brise continue sa vie, jusqu’au
moment où les différences de température terre-mer disparaissent avec
le soir, ou par changement de situation météo. Après le passage du front
de brise, la brise s’établit entre 6 et 8 nœuds. Une fois calée à peu près
perpendiculairement à la ligne de côte, elle se renforce à 10-12 nœuds et
tourne à droite d’une dizaine de degrés par heure en forcissant jusque
vers 18 heures (typiquement une quinzaine de nœuds), pour finir presque
parallèlement au littoral. Elle étend son domaine vers le large jusqu’à une
vingtaine de milles de la côte dans nos régions (plutôt 30-40 milles en
Méditerranée).

Le front de brise.

La brise de terre ou brise nocturne


Contrepartie nocturne de la brise diurne, la brise de terre inverse la
circulation locale : elle va de la terre vers le large. Le moteur du
phénomène est l’air côtier refroidi qui « coule » par gravité sous l’air plus
chaud du large, effet souvent amplifié par les pentes côtières. La brise
nocturne excède rarement 10 nœuds, sauf effet de canalisation par des
reliefs. Elle reste confinée près de la côte (2-3 milles) 49.
Comme la brise de mer, la brise nocturne tourne à droite pour finir
presque parallèlement au rivage. Elle est très sensible aux reliefs côtiers
même peu élevés, empruntant préférentiellement les vallées côtières et
contournant les régions plus élevées. L’entrée de la rivière de Morlaix est
par exemple le lieu de brises nocturnes importantes.

LES EFFETS DUS AUX NUAGES


Il s’agit d’effets locaux qui ne sont pas liés à la présence du rivage,
mais résultent de la modification du vent par les nuages de basse
couche.

Les nuages cumuliformes et les grains


Les nuages de l’étage moyen ou inférieur, ceux dont la base va de la
surface à 3 000 mètres d’altitude, peuvent modifier le vent localement.
Les nuages de l’étage supérieur (cirrus par exemple) ne modifient pas le
champ de vent en surface mais sont plutôt des indicateurs d’évolution à
plus long terme. On s’intéresse aux nuages cumuliformes de taille
suffisante pour apporter des modifications notables au champ de vent.

■ Formation des cumulus et grains


Les cumulus et grains 50 se forment là où la convection est active.
Dans nos régions ce sera :
– Dans les fronts froids liés à une dépression.
– Dans l’air instable des traînes dépressionnaires : c’est le temps de
NW de nos régions.
– Dans les zones orageuses.
– Au voisinage des reliefs quand de l’air humide instable est soulevé.
– Dans les zones de convergence à la rencontre de deux flux de
directions différentes.
La plupart du temps, le navigateur cherchera à utiliser les surventes
au voisinage de ces nuages. En présence d’orages violents ou de grains
actifs dans un front froid sérieux, on sera en revanche tenté de les
contourner pour éviter des dommages importants aux voiles ou au
gréement.

■ Déplacement des cumulus et des grains


Les grains ne se déplacent pas dans la direction du vent de surface,
mais avec le vent de la masse d’air dans laquelle ils sont contenus. Dans
les cas les plus simples, et en particulier dans les traînes où l’on a le plus
de chances de rencontrer les grains sous nos latitudes, le vent d’altitude
au niveau du grain est plus à droite que le vent de surface d’une vingtaine
de degrés (à cause des frottements en surface). En conséquence, le grain
emporté par le vent d’altitude se déplace à environ 20° vers la gauche
quand on regarde face au vent de surface, et à peu près à la vitesse du
vent de surface 51.

■ Modifications apportées par les cumulus au champ


de vent local
On distingue les cumulus non précipitants, au sein desquels on
trouve une ascendance locale marquant le début de la vie du nuage, et
les cumulus précipitants – les grains – auxquels sont associés des
mouvements descendants brutaux. Plus la base du nuage est basse, plus
la survente est forte, même si pour les grains non pluvieux, elle ne
dépasse pas 10 nœuds. Le rayon de la zone d’action du nuage est de
l’ordre du mille.
Sous un cumulus (ou un cumulonimbus) précipitant, la situation
change radicalement. Le grain est d’aspect beaucoup plus sombre, et les
zones de pluie éventuelles sont visibles. La modification du champ de
vent autour d’un grain pluvieux est à l’inverse de ce que nous avons vu
précédemment. Ce qui domine ici est l’expulsion autour du nuage d’air
entraîné par les précipitations importantes. L’air froid s’étale autour du
grain en rafales parfois brutales 52. Le rayon du domaine d’action du
grain est de l’ordre de 3 milles. Si les rafales ne sont pas dangereuses, se
rapprocher du grain pour bénéficier du vent plus fort, et utiliser la
rotation du vent vers l’extérieur du grain. En revanche, éviter l’arrière et
son sillage sans vent.
Les modifications du vent synoptique au voisinage des nuages, et les
trajectoires pour profiter au mieux de leurs effets lorsqu’on remonte au près.

LES EFFETS LOCAUX À L’ÉCHELLE RÉGIONALE


À côté des effets locaux à l’échelle locale (1 à 5 milles), il existe des
effets locaux modifiant profondément le champ de vent et le champ de
pression à l’échelle régionale (10 à 50 milles). Ils expliquent en grande
partie les particularités de la météorologie dans les mers bordées de
reliefs notables comme la Méditerranée.

■ L’effet de dépression thermique


Lors des périodes de beau temps, la pression baisse sur la côte de
quelques hectopascals dans l’après-midi, du fait du réchauffement de la
masse d’air. Ceci a pour effet de modifier le champ de pression donc le
vent dans une bande d’une dizaine de milles. Voici ci-dessous un
exemple en Bretagne Nord.
La condition d’apparition du phénomène est un beau temps ensoleillé. En fin
d’après-midi, la pression baisse dans la zone côtière, ce qui modifie le gradient de
pression et par conséquent la force du vent.

■ Les dépressions thermiques fermées à l’échelle


régionale
Si le réchauffement est important et que la topographie de la côte s’y
prête, il peut se former une dépression sur la côte dans l’après-midi. On
rencontre ce phénomène sur le Var, les massifs des Maures et de
l’Esterel en été. La terre surchauffée communique de la chaleur à l’air
des basses couches qui, en diminuant de densité, voit sa pression
baisser d’environ 2 à 5 hPa. Il s’établit alors une circulation à l’échelle
régionale tenant compte de ce déséquilibre : lorsque la dépression
thermique se creuse, le vent souffle directement vers les basses
pressions. Après quelques heures, le vent s’oriente autour de la
dépression thermique suivant le schéma classique.

Une fois installé, le vent se renforce rapidement, puis il tourne à droite dans
l’après-midi, emmené par la force de Coriolis. La force du vent est proportionnelle au
réchauffement.

Souvent annoncé par des cumulus bourgeonnants dans l’arrière-pays,


le processus démarre de manière brutale vers 12 ou 13 heures solaires,
sans système de transition comparable à un front de brise.
L’accroissement de force du vent peut atteindre une dizaine de
nœuds dans un premier temps et tenir tout l’après-midi, avant de
s’arrêter le soir quand la terre se refroidit, vers 18-19 heures solaires. Ce
phénomène peut intéresser une zone étendue et régler le temps sur tout
un bassin de navigation.
LES ALIZÉS PORTUGAIS
On appelle alizés portugais des vents de nord de 20 à 25 nœuds qui
s’établissent en été entre le cap Finisterre et le cap Sagres. Leur régularité leur a
valu, par abus de langage, ce qualificatif d’« alizés ». Ils sont la conséquence du flux
qui s’établit entre la dépression thermique présente en été sur la péninsule Ibérique
surchauffée et l’anticyclone des Açores. La dépression est assez robuste pour rester
notable même dans la période nocturne. Les alizés portugais durent tant que la
dépression thermique est installée. Ils peuvent disparaître temporairement si celle-ci
est bousculée par un front froid relié à une dépression atlantique. Ils s’arrêtent en
général fin août par disparition de la dépression thermique.

Les vents catabatiques


Derrière ce terme barbare se cache un phénomène simple : lorsque la
côte présente quelque relief, l’air au contact des régions élevées est plus
froid que l’air environnant, donc plus lourd. Il a alors tendance à
« couler » vers le rivage en empruntant éventuellement les vallées. Il est
très sensible aux particularités de relief (contournement des pointes,
éventail à la sortie des vallées, etc.). Dans nos contrées, le phénomène
apparaît plutôt la nuit (vers minuit TU), où il peut renforcer les brises
nocturnes, mais aussi parfois peu après le coucher du soleil, sur les
côtes exposées à l’est qui se refroidissent rapidement 53. Les vents
catabatiques peuvent atteindre 15 nœuds à la côte, et diminuent
rapidement en s’éloignant vers le large.

Effet de contournement à moyenne échelle


À moyenne échelle, le flux contourne de manière dissymétrique les
reliefs moyennement élevés ou élevés.
Si le relief impose une courbure cyclonique, (c’est-à-dire si la rotation
du vent se fait dans l’hémisphère Nord dans le sens inverse des aiguilles
d’une montre), sous le vent du relief la force de Coriolis (dirigée vers la
droite du flux descendant) empêche le flux de coller à la côte. Le vent
« ne tourne pas le coin ».
Si le relief impose une courbure anticyclonique, (c’est-à-dire si la
rotation du vent se fait dans l’hémisphère Nord dans le sens des aiguilles
d’une montre), la vitesse du vent augmente de 5 à 10 nœuds dans la
zone où le flux est courbé. La force de Coriolis (dirigée vers la droite du
flux descendant) plaque le flux le long des reliefs. Le vent « tourne le
coin ».

Les deux cas de figure. À gauche, le flux d’est (courbure cyclonique) ne tourne pas
le coin. À droite, le vent de SW (courbure anticyclonique) tourne le coin.

Barrière orographique
Si le vent synoptique est plus ou moins perpendiculaire à une côte
élevée, il ne pourra passer par-dessus les reliefs et le champ de vent sera
profondément modifié. L’équilibre entre forces de pression et force de
Coriolis est rompu et le flux accélère notablement le long des reliefs en
dévalant le champ de pression des hautes vers les basses pressions. Cet
effet s’étend entre 20 et 50 milles de la côte. Il est responsable en
particulier de l’accélération et de la rotation du vent de sud-est le long
des reliefs du Var.
Lorsque l’effet de barrière orographique se manifeste, le vent n’est plus
parallèle aux isobares, et ne respecte donc plus la loi de Buys-Ballot. L’étude du
champ de vent s’avère indispensable.

Dépression orographique
Cet effet est de la même famille que la barrière orographique. Sous le
vent de reliefs élevés, il se forme une dépression stationnaire. C’est un
effet à l’échelle de plusieurs dizaines de milles dont les conséquences
peuvent être importantes : création ou entretien d’une dépression sous
le vent des Alpes avec toutes ses conséquences, mistral, tramontane et
autres. On le repèrera probablement sur les cartes isobariques.
Sur cet exemple, on repère la barrière orographique au vent des reliefs de la
Corse et la dépression orographique sous le vent de l’île. Le champ de vent est
sérieusement affecté.

Effet d’aile
Ceci apparaît si le flux attaque une île ou une presqu’île présentant un
relief notable, selon le grand axe, avec un angle d’incidence faible. L’île
agit plus ou moins comme une aile, avec surpression au vent du relief (et
ralentissement du vent) et dépression sous le vent du relief et
accélération du flux. C’est un effet pervers, car il transforme en soufflerie
un endroit que l’on pouvait penser déventé.
Effet d’aile sous le vent du cap Corse : on n’y est pas abrité du tout, c’est même
le contraire.

Les détroits
Nous avons étudié à l’échelle locale l’effet de renforcement du vent
entre les reliefs, lorsqu’il souffle dans l’axe d’un détroit. Si les reliefs
canalisent le flux au point de l’obliger à dévaler le champ de pression des
hautes vers les basses pressions, l’équilibre entre forces de pression et
force de Coriolis peut être rompu et le flux est accéléré dans le détroit
mais aussi à sa sortie, sur plusieurs dizaines de milles. Les bouches de
Bonifacio et le détroit de Gibraltar fournissent des exemples très
parlants.

Blocage entre un front froid et un relief


Lorsqu’un front froid voisine (à moins de 100 milles) avec un relief
important, le flux « coincé » entre le relief et le front accélère fortement.
LA MÉDITERRANÉE ET LE MISTRAL
On pourrait consacrer de longs développements à la météo en Méditerranée,
tant elle est particulière, mais cela dépasserait le cadre de ce Cours. Enclavé et
entouré de reliefs importants, le bassin méditerranéen doit ses spécificités aux
effets de site et aux effets thermiques à l’échelle régionale auquel il est soumis.
Nous avons exposé ce type d’effets dans les pages précédentes, souvent autour
d’exemples méditerranéens, on s’y reportera utilement.
Il est en revanche un sujet sur lequel nous devons nous attarder, tant il rythme
nos navigations en Méditerranée occidentale : le mistral (terme générique incluant
la tramontane, qui est le nom donné au mistral sur l’ouest du golfe du Lion).
Sur la côte française, le mistral est un vent turbulent, froid et violent, de
secteur nord à nord-ouest. Il atteint fréquemment 40 nœuds, avec des rafales à
60 nœuds. En été, le ciel est en général peu couvert, éventuellement agrémenté
d’altocumulus traduisant le vent fort en altitude. Certains mistrals d’hiver peuvent
être accompagnés de précipitations.
À l’approche de la Corse, le mistral s’oriente à l’ouest ou au sud-ouest. Le flux
chargé d’humidité par son parcours maritime donne un ciel couvert avec des
grains éventuels.

Zone d’action du mistral


Le mistral s’établit de secteur nord à nord-ouest, en premier lieu dans la vallée
du Rhône et dans l’ouest du golfe du Lion. Il s’étend ensuite vers l’est et le sud-est
jusqu’aux bouches de Bonifacio, et quelquefois un peu plus loin vers le sud,
principalement en hiver. Son domaine reste la plupart du temps confiné entre cap
Sicié – cap Corse à l’est et cap Creus – Minorque à l’ouest. Il est rare qu’il se fasse
sentir à l’est de Saint-Raphaël.

Prévisions
Si mistral et tramontane ne sont pas évoqués par leur nom dans les bulletins
météo, un avis de coup de vent de nord-ouest sur ces zones ne laisse pas place au
doute. L’apparition d’altocumulus lenticulaires est un bon signal d’alerte, et les
champs de vent sont un outil de prévision utile, mais seuls les modèles à maille
fine (inférieure ou égale à 0,1°) donnent une bonne idée des effets locaux.

Stratégie par mistral


– Si l’on longe la côte nord de la Méditerranée, rester près de terre pour
bénéficier d’une mer moins creusée.
– La baisse du mistral la nuit ne doit pas être prise pour argent comptant. Si
les conditions de mistral sont toujours présentes, le vent se renforcera en fin de
matinée.
– Il faut éviter l’axe de vent plus fort entre Marseille et la Sardaigne.
– Au large, après quelques jours de mistral, la mer peut être très pénible et
difficile à remonter au près sans risque d’avaries. On se trouvera bien au port, ou
sur une route moins exposée. Si l’on doit cependant remonter de l’ouest de la
Corse ou de la Sardaigne vers la côte française, on s’efforcera de rester près de la
côte des îles, où le vent est généralement plus faible et plus à gauche, ce qui peut
faciliter la progression vers le nord. Ensuite, il ne faut pas hésiter à faire route
directement vers Cannes pour éviter de batailler contre le mistral, puis suivre la
côte dans du vent faible jusqu’aux îles d’Hyères. Si l’on doit poursuivre au-delà, on
reste près de la côte en fin de parcours.
Observer et prévoir le temps

E n cours de navigation, l’observation du temps permet de s’assurer


que la situation météorologique se déroule comme prévu. Dans
cette démarche, on utilise trois paramètres de contrôle facilement
accessibles à l’observateur : la pression P, les nuages N et le vent V
(force et direction), dont la combinaison décrit une situation météo
particulière. Par exemple, l’approche d’une dépression est la plupart du
temps marquée par :
– Pression en baisse (plus ou moins rapide selon le creusement
dépressionnaire).
– Nuages stratiformes envahissants avec pluie continue (ou neige).
– Vent de secteur sud-sud-ouest stable.
Le passage d’une dorsale anticyclonique est marqué par :
– Pression en hausse devenant stationnaire.
– Nuages cumuliformes disparaissant et faisant place à un ciel clair
(éventuellement du brouillard si le substrat est froid).
– Vent de secteur nord-ouest tournant à l’ouest en faiblissant.
Si la prévision est correcte, la connaissance de deux paramètres
permet souvent de déduire le troisième. Exemple : à l’approche d’une
dorsale, la pression stationnaire et le ciel s’éclaircissant annoncent
certainement une rotation du vent à l’ouest, mollissant sérieusement.
Lorsque les paramètres de contrôle ne sont pas cohérents, c’est soit
que l’on est en présence d’un effet local (brise thermique par exemple),
soit que la situation change rapidement. Dans le premier cas, on réajuste
la prévision en fonction de l’effet local, dans le second, on essaie de
replacer les centres d’action en s’aidant de la loi de Buys-Ballot (« Dans
l’hémisphère nord, en regardant face au vent, les hautes pressions sont à
gauche et les basses pressions à droite »). En tout cas, il sera temps de
chercher de nouvelles informations…

UTILISER LES PARAMÈTRES DE CONTRÔLE


LA PRESSION ET LE BAROMÈTRE
Le suivi de la pression atmosphérique permet de « voir venir » les
phénomènes en étudiant la tendance, et de se placer par rapport aux
centres d’action au moyen de la valeur absolue de la pression 54.
Exemple : au voisinage d’un anticyclone de 1 032 hPa, une lecture à
1 030 hPa annonce que l’on est proche de la zone centrale sans vent.
Sous nos latitudes, pour un observateur immobile ou se déplaçant
lentement, la relation entre la variation de pression barométrique
observée et le vent à venir se résume dans ce tableau.
Le passage des systèmes météorologiques laisse une signature typique sur la
courbe du baromètre enregistreur. En voici quelques exemples simplifiés.

Ne perdons pas de vue qu’il reste possible de subir du vent fort


même si le baromètre varie peu. Imaginons un bateau allant à la
rencontre d’une perturbation d’ouest en longeant une isobare, et qui va
bientôt se confronter à des vents contraires de 30 nœuds ou plus, avec
une mer difficile, sans que la pression observée ne bouge
significativement.

LES VARIATIONS DE FORCE ET DE DIRECTION DU VENT


La force du vent nous renseigne sur le gradient de pression comme
nous venons de le voir, et sa direction permet de situer
approximativement les centres d’action via la loi de Buys-Ballot locale.
On peut utiliser l’échelle de Beaufort pour la force du vent, et évaluer
grossièrement la direction du vent réel, mais on gagnera à utiliser une
girouette anémomètre électronique. On n’oubliera pas de corréler ce
vent moyenné sur quelques secondes au vent météorologique moyenné
sur 10 minutes : une rafale à 30 nœuds n’implique pas un vent
météorologique de 30 nœuds…
Si la force ou la direction du vent ne sont pas cohérentes avec le
gradient de pression prévu par les cartes :
– Soit un effet local est à l’œuvre dans la région (brise thermique,
effet de site, nuages). Une survente de 10 nœuds par vent d’est dans le
détroit de Gibraltar est un effet local qui ne dit rien sur l’évolution
synoptique.
– Soit la situation n’évolue pas comme prévu. La tendance de la
pression et l’examen des nuages permettent de se faire une idée de
l’évolution, en relation avec la loi de Buys-Ballot 55.

LES NUAGES
Nous les utiliserons en liaison avec d’autres documents
météorologiques pour déceler des effets locaux, assurer le suivi de la
prévision, ou comme avertissement d’évolutions anormales.

Passages dépressionnaires
La succession des formations nuageuses dans le ciel renseigne sur le
passage dépressionnaire et sa vitesse de déplacement.

■ Passage de front chaud


Avant le front, altostratus et altocumulus, pression en baisse. À
l’approche du front, rotation temporaire du vent à gauche, accompagnée
de pluie. Après le front, lente rotation droite, pression stationnaire,
stratus et stratocumulus.

■ Passage de front froid (ou de front froid


■ Passage de front froid (ou de front froid
secondaire)
Ligne de cumulonimbus actifs, générateurs de grains éventuellement
orageux. Rotation du vent à droite après le passage de la bande
nuageuse. Pression en hausse.

■ Dans la traîne
Les cumulonimbus et les gros cumulus donnent des grains répartis
dans la traîne, dont certains peuvent être sévères : averse de pluie ou de
grêle et rafales brutales.

Situations anticycloniques
C’est ici le changement de forme des nuages et leur disparition qui
caractérisent la situation.

■ Bordures anticycloniques
En présence d’une bande nuageuse stratiforme peu épaisse, on
observe une rotation du vent à droite à l’approche de cette formation
nuageuse. La pression est en légère hausse. Puis sous la plaque
nuageuse le vent tourne à gauche en se renforçant légèrement. La
pression est stable.
Lorsque les nuages sont organisés en rues 56, le vent est plus fort
dans les zones claires (entre les lignes de nuages), et plus faible sous les
nuages. La pression est stable.

■ Approche d’anticyclone et de dorsale


Passage de dorsale entre deux dépressions. Le ciel de traîne est
chargé de cumulonimbus, la pression est en hausse, puis dans la dorsale
le temps est clair, la pression stable, avec un vent faible d’ouest. À
l’approche de la seconde dépression, cirrus puis cirrostratus, pression en
baisse, vent de sud forcissant.
À l’approche d’un anticyclone. Les cumulus « s’aplatissent » en
stratocumulus. La pression est en hausse, le vent de nord-ouest tourne
lentement au nord.
Vers le centre des hautes pressions. Les cumulus se font grignoter
par subsidence à l’approche de la partie centrale de l’anticyclone. C’est
un indice sérieux de disparition du vent.

Ciels d’orages
Pour rappel, les orages d’été se forment en général dans les marais
barométriques. La formation de nuages à fort développement vertical,
éventuellement altocumulus castellanus en préavis, puis plus
certainement cumulus bourgeonnants et enfin cumulonimbus, ne laisse
guère de place au doute.

Effets de site
Ce sont souvent des altocumulus qui marquent la convergence ou les
contournements des reliefs. Ils sont immobiles, liés à la cause qui leur
donne naissance. Les bascules de vent sont écrites dans le ciel. Il serait
dommage de ne pas en profiter.
Lire les indices nuageux. À gauche, convergence liée à une côte à gauche du
vent : le vent forcit à l’approche de la ligne de convergence et bascule. À droite,
convergence liée au contournement d’un relief : le nuage marque la limite du dévent.

Effets thermiques
Le brassage vertical dans la matinée se traduit souvent par le
fractionnement d’une couche de stratocumulus qui stagnait sur le littoral.
Lorsque ensuite la brise de mer se met en place, des cumulus à terre
traduisent les ascendances au niveau du front de brise.

Effets de site à l’échelle régionale


Les altocumulus lenticulaires et les nuages d’onde sont révélateurs
d’un vent fort au niveau des sommets, vent qui ne tardera pas à se faire
sentir en surface, comme c’est le cas pour le mistral.

Altocumulus lenticulaires isolés (à gauche) ou rangés en nuages d’ondes (à


droite).

RECONNAÎTRE LES INDICES ESSENTIELS


Voici en résumé quelques indices simples et utiles.
Si les nuages d’altitude vont dans la même direction que les nuages
de bas étage, il n’y aura probablement pas d’évolution majeure. En
revanche, si l’on observe un angle entre ces deux directions, on peut
s’attendre à un changement important des conditions, et ce, d’autant
plus rapidement que l’angle est important.
– À l’approche d’une dépression :
Par beau temps, les cirrus longs, aux crochets marqués et se
déplaçant rapidement, peuvent indiquer un changement prochain des
conditions. On surveillera les variations de pression et les bulletins.
Un halo autour du Soleil et de la Lune marque la présence de
cirrostratus. Associés à une baisse de pression, ils indiquent que la
perturbation se rapproche.
L’abaissement progressif du plafond nuageux est un bon indicateur
de l’activité de la dépression : plus il est rapide et plus la vitesse
apparente des nuages est grande, plus la perturbation est active et plus
le vent risque d’être fort 57.
Si la pression baisse vite alors que le vent ne tourne pas ou reste plus
faible que ne le laisse penser la tendance de pression, ceci indique que la
baisse a aussi lieu en altitude : le creusement de la dépression est
important.
– Sous un ciel de traîne, derrière la dépression :
Lorsque des cumulus congestus et des cumulonimbus s’organisent
en lignes, il s’agit probablement d’un front froid secondaire ou d’un
talweg. Les rafales peuvent y être fortes.
Des nuages élevés (cirrocumulus et altocumulus) venant de l’ouest ou
du sud-ouest (au lieu du nord-ouest) indiquent que le temps va rester
mauvais avec l’arrivée d’une nouvelle perturbation.

FAIRE SA PROPRE PRÉVISION


Ce titre aguichant est quelque peu démagogique : il n’est pas réaliste
de prétendre établir une prévision complète en utilisant uniquement le
baromètre et en lisant dans le ciel les signes précurseurs du temps à
venir. L’écoute des bulletins reste indispensable pour prévoir l’évolution
des systèmes météorologiques (aggravation en particulier) et la VHF
reste, en zone côtière, un outil simple d’accès à l’information
météorologique de sécurité. Cependant, la lecture du temps sensible et
l’utilisation du baromètre, associées à l’utilisation de documents
météorologiques tels que cartes météorologiques, photos satellite et
bulletins de prévision, constituent une méthode efficace pour mieux
comprendre le temps et son évolution, afin d’extraire plus facilement des
données météo les informations pertinentes et améliorer notre stratégie
de navigation.

LE SERVICE MINIMUM
Pour une sortie de quelques heures, on peut éventuellement se
satisfaire de la version la plus légère de l’information météorologique : un
bulletin météo reçu par téléphone, par radio, ou pris sur Internet. Pour la
zone de navigation choisie, on y trouvera les éléments de sécurité : vent
fort, temps significatif (brouillard, orage), état de la mer, heure des
marées conditionnant bien sûr la hauteur d’eau mais aussi les heures des
renverses de courant qui peuvent jouer sur l’état de la mer. On trouvera
aussi une description souvent sommaire du vent en force et direction, qui
tient éventuellement compte des effets locaux.
Il n’est pas raisonnable de faire moins.
On peut compléter le bulletin par des champs de vent, sous forme de
cartes ou de météogrammes, décrivant heure par heure l’évolution du
vent et du temps sensible.

STRATÉGIE ÉLABORÉE POUR UNE SORTIE EN ZONE CÔTIÈRE


On parle ici d’une sortie locale pour laquelle on ne se contente plus
seulement d’une description sommaire de la situation météorologique :
on souhaite élaborer une stratégie fine. Les données précédemment
évoquées doivent être complétées d’une bonne connaissance des effets
locaux. Les champs de vent à haute résolution peuvent aider à les
identifier ou à mieux les comprendre. On n’oubliera pas de prendre aussi
en compte l’influence d’autres paramètres comme les courants et l’état
de la mer.
Les régatiers utilisent une check-list des paramètres à intégrer à leur
réflexion, paramètres qu’ils hiérarchisent si nécessaire en fonction des
circonstances. Cette grille de travail, que nous allons détailler ci-dessous,
peut servir de pense-bête fort utile en croisière.

Variation synoptique du vent


L’évolution peut amener une variation importante du vent ayant de
fortes implications stratégiques. Un front froid arrivera-t-il dans les
prochaines heures, accompagné d’une bascule du vent de l’ouest au
nord-ouest ? Le passage d’un secteur chaud amènera-t-il une rotation
lente à gauche qu’il faudra négocier ?

Type de bascules
La stratégie est franchement différente suivant que l’on se place dans
le cas des bascules oscillantes ou dans celui des bascules persistantes.
Les bascules persistantes sont liées à des variations du vent synoptique,
à des effets de site ou à l’établissement d’une brise et son évolution. Il
faut donc trouver une bonne raison pour jouer une bascule persistante.
Les bascules oscillantes sont liées à la turbulence du flux.
Si les bascules sont aléatoires (cas fréquent), on prendra en général
ce qui vient, en privilégiant le bord rapprochant.

Effets thermiques
Au voisinage du littoral, ils sont importants et varient beaucoup au
cours de la journée. Si la brise a des chances de s’établir, on s’attachera
à prévoir la progression du front de brise puis l’évolution du vent dans la
journée (rotation à droite). Plus tard, il faudra savoir en prévoir la
disparition.

Effets de site
Ils donnent lieu à des modifications persistantes du champ de vent :
courbure, dévent, accélération, coussin, effet de pointe, etc. Il serait
dommage de ne pas en profiter – ou de ne pas les éviter, c’est selon – à
condition de les avoir identifiés avec sûreté.

Une navigation intéressante : gérer les cumulus qui approchent, les courants
probables, plus quelques effets de site caractéristiques des pertuis rochelais. On
n’oubliera pas de s’occuper du spi, dont la taille respectable justifie qu’on lui accorde
une attention particulière.

Les nuages
Un grain, un système de rues de nuages ou une formation nuageuse
associée à une mini-dorsale peuvent permettre des gains substantiels.

Le courant
Phénomène important, il doit tenir sa place dans la liste et être
réévalué périodiquement au même titre que les autres facteurs. On devra
notamment redoubler d’attention à l’approche des renverses, ou encore
lorsque la vitesse du courant peut varier notablement d’un lieu à un
autre.

Les vagues, le clapot


Il peut être judicieux de s’écarter d’une zone plus particulièrement
soumise au clapot ou aux vagues, principalement dans les conditions
extrêmes : petit temps et forte brise.

STRATÉGIE POUR UNE TRAVERSÉE DE QUELQUES JOURS


Pour entreprendre une navigation plus lointaine, il nous faudra
comprendre l’évolution du temps sur plusieurs jours, éventuellement
plusieurs zones.
Le bulletin sera là encore la base de travail. En revanche, on devra en
extraire beaucoup plus d’informations. Si l’on est rigoureux et courageux
(ce qui va souvent ensemble…), une bonne pratique est de prendre des
notes pour toutes les zones du bassin dans lequel on va naviguer (par ex.
Manche-Atlantique). On aura ainsi une vision précise de la situation
météorologique et de son évolution dans les prochaines 24 ou 48 heures
(voir « Prendre un bulletin météorologique » ►).
L’intérêt du bulletin est double, il explicite clairement les données
relatives à la sécurité, tout en aidant à déchiffrer la situation générale. On
pourra y ajouter des cartes d’observation et de prévision qui décrivent
« le film » du temps à venir. Le suivi des individus isobariques (ou centres
d’action) et de leur évolution au moyen des paramètres Pression,
Nuages, Vent (P, N, V) permettra de se faire une idée raisonnablement
précise de l’évolution du temps sensible.
Des champs de vent sous forme graphique ou numérique décriront en
détail l’évolution du vent. L’examen conjoint des champs de vent et
champs de pression aide encore à affiner la prévision en reliant
l’évolution du vent à l’évolution des centres d’action. On n’oubliera pas
de s’intéresser aux courants de marée dans les zones concernées.

CONDUIRE UNE RÉFLEXION STRATÉGIQUE


Voici, pour éviter de se perdre, une grille méthodologique :
– Évaluer sommairement la position du bateau aux différentes échéances de
façon à se concentrer sur les phénomènes importants et les zones pertinentes. Où
sera-t-on ce soir, demain matin, demain soir, etc. ?
– Comprendre la situation météo et son évolution. Exemple : une dépression
passe sur le golfe de Gascogne, suivie d’une dorsale mobile précédant un second
système dépressionnaire. On utilisera les cartes, éventuellement les animations de
champ de vent et de pression.
– Dégager le problème météo-stratégie : passage de front froid, contournement
de dorsales, gestion d’effets locaux à l’échelle régionale, etc. Ne pas oublier d’y
inscrire les éléments liés à la sécurité de la navigation : limite d’utilisation du
matériel, forme et expérience de l’équipage, état de la mer, etc.
– Élaborer une solution stratégique. On s’appuiera sur les connaissances et
l’expérience du navigateur, éventuellement sur les logiciels de routage.
– Intégrer cette étude à un véritable plan de route tenant compte de la météo,
mais aussi des courants et de la marée, des obstacles ou dangers éventuels, du
trafic maritime, listant les points de passage et les repères à la côte (cette
élaboration du « Projet de navigation » est détaillée plus loin ►).
– En cours de navigation, suivre l’évolution météorologique par les paramètres
de contrôle P, N, V (Pression, Nuages, Vent) comme décrit plus haut. On s’assurera
que la situation se déroule, en gros, selon le scénario prévu. Si ce n’est pas le cas,
on regarde les points suivants : effets locaux éventuels, y compris à l’échelle
régionale ; vitesse du bateau cohérente ou non avec ce qui a été prévu ; nouvelle
évaluation de l’évolution en fonction des paramètres P, N, V. Si les distorsions
persistent, il va falloir se creuser les méninges et en tout cas récupérer rapidement
les mises à jour des bulletins et cartes.

On pourrait s’arrêter là, mais ce serait dommage. Il y a encore


beaucoup de détails importants à extraire de ces informations. Ce que
l’on a appris par ailleurs permet d’améliorer sérieusement le « rendu de la
prévision » : comportement fin des individus isobariques, influence des
effets locaux. Ce sera le moment de s’intéresser éventuellement au
routage, qui permet d’intégrer astucieusement prévision météo et
prévision de trajectoire ►.

ET PLUS LOIN, AU LARGE…


Pour une traversée hauturière, la méthodologie est similaire à la
précédente, à ce détail près que la récupération des données
s’effectuera probablement par liaison satellite. Les cartes d’état de la
mer ou les champs de vagues sont à considérer en cas de situation
météorologique agitée. Les courants de marée et les courants généraux
peuvent s’inviter dans le paysage. Le terrain de jeu étant encore plus
étendu, le routage météorologique prend toute son importance en
permettant de mettre en place des routes plus rapides ou plus sûres.
Nous aborderons ce sujet plus loin.

Intégrer l’état de la mer dans la réflexion stratégique. Le champ de vent (à


gauche) montre que la dépression est passée sur le golfe de Gascogne et qu’il est
possible d’envisager une sortie au départ de La Rochelle. Le champ de vagues
(à droite) est plus pessimiste : il reste de la mer au large (6 m) et la houle sera forte
dès que l’on sera sorti des pertuis. Les bulletins en feront certainement état.
Navigation

S i la navigation est un art, le navigateur n’est pas seulement un


artiste. Il est aussi un stratège qui observe, calcule, réfléchit et
prend des décisions, car en plus d’être un art, la navigation est une
science qui doit répondre à trois objectifs :
– Faire le point, c’est-à-dire savoir où l’on est avec certitude.
– Déterminer la route à suivre pour atteindre sa destination.
– Décider où l’on ne veut pas être, et confirmer avec certitude que
l’on n’y est pas.
Les marins de l’Antiquité naviguaient sans carte. Leur seul instrument
était le plomb de sonde, et ils reportaient leurs observations sur un livre
de bord. Pendant des siècles, ils ont ainsi navigué, semant sur leur
parcours bon nombre d’épaves qui ont fini par baliser une route
progressivement plus sûre pour leurs successeurs. La navigation était
empirique, les naufrages étaient fréquents, triste conséquence d’un
apprentissage par l’erreur.
e
Au XXI siècle, la navigation est sécurisée, l’erreur est aberrante et le
naufrage un accident.
Un balisage a été mis en place : des bouées, des phares, des
tourelles, des balises qui guident le marin à l’approche des côtes.
Certaines balises ont été équipées de cloches, de sifflets, plus
récemment d’émetteurs AIS, pour être localisées en l’absence de
visibilité. Des repères sur terre ont été identifiés et signalés sur les cartes
marines : clochers, châteaux d’eau, rochers remarquables, maisons,
monuments ou constructions spéciales. On les appelle des amers.
Les cartes mentionnent la profondeur des océans, et les bateaux
disposent de sondeurs électroniques qui les positionnent sur les lignes
de sonde. Le GPS traceur offre un positionnement direct du bateau sur la
carte. Les documents à bord permettent de connaître avec une bonne
précision la hauteur d’eau des marées, en tout lieu et à tout moment.
D’autres ouvrages précisent la marche à suivre pour franchir des
endroits difficiles : passes, chenaux, détroits, entrées de ports. Avec tous
ces moyens à leur disposition, les navigateurs actuels ne devraient plus
se tromper. Encore faut-il savoir en user correctement, et à bon escient :
c’est tout l’objet de ce chapitre.
À l’heure où certains bateaux sont dépourvus de table à cartes, les
chantiers qui les construisent prônant le tout électronique et ne jurant
que par la tablette numérique transportée du carré au cockpit, nous ne
nous lancerons pas dans une querelle des anciens contre les modernes,
dans une défense pied à pied de la carte papier, du compas et du
sextant, contre les tenants du GPS et de l’écran.
Au contraire, nous montrerons comment l’usage des moyens
modernes peut tout à la fois simplifier et enrichir le travail du navigateur,
pour peu que celui-ci s’en tienne à l’approche méthodique et raisonnée
que nous a enseignée le maniement des outils traditionnels – qu’il faut
continuer à savoir utiliser.
Que la carte soit imprimée ou qu’elle s’affiche sur un écran,
l’important est de comprendre ce qu’elle nous raconte, quelles sont ses
limites éventuelles, et comment s’en servir de façon précise et sûre, quel
que soit notre domaine de navigation : en pilotage à proximité des côtes,
un peu plus loin des dangers proches des côtes, et enfin au large.
La carte marine

L a réglementation impose en navigation côtière, semi-hauturière ou


hauturière de détenir à bord « la ou les cartes marines, ou encore
leurs extraits officiels, élaborés à partir des informations d’un service
hydrographique national », et couvrant « les zones de navigation
fréquentées ». Autant qu’une obligation réglementaire, c’est une affaire
de bon sens. En voile légère, on peut se contenter de naviguer à vue, un
examen de la carte à terre avant d’appareiller n’étant pas forcément un
luxe. À bord d’un habitable en revanche, il n’est pas envisageable de
prendre la mer sans être capable à tout moment de se repérer et de se
positionner, ainsi que d’identifier les dangers et les obstacles pour s’en
tenir à l’écart tout en construisant sa route.
La carte marine est une représentation à plat du paysage, ce qui ne la
différencie pas des autres documents cartographiques, des cartes
terrestres par exemple. Sa particularité tient à ce qu’elle représente le
paysage visible (celui qui est hors d’eau et s’offre au regard du
navigateur) mais aussi l’invisible, c’est-à-dire ce qui se trouve sous l’eau
(et sous la quille). Accessoirement, on y trouve une partie du paysage
tantôt visible, tantôt invisible : la portion de la côte (l’estran) et les
obstacles (roches, bancs de sable, épaves…) qui sont alternativement
émergés et immergés, au gré de la marée. Tous les détails ne sont pas
traités avec la même importance, la carte fait ressortir les informations
intéressant le navigateur grâce à un symbolisme très précis. Son
graphisme est très codifié et obéit à des normes internationales lorsque
la carte est élaborée par un service hydrographique officiel (le SHOM 58
pour la France). Pour les cartes électroniques dites « vectorielles »,
l’iconographie est propre à chaque éditeur.
Les textes n’imposent pas de format particulier, les cartes marines
pouvant être « placées sur support papier ou sur support électronique et
son appareil de lecture ». Aux Glénans, nous considérons qu’un jeu de
carte papier demeure indispensable à bord, même lorsque le choix a été
fait de la navigation « tout électronique », de façon à pouvoir faire face à
chaque éventualité en cas de panne d’alimentation électrique. Nous
n’oublions pas, par ailleurs, que les cartes électroniques sont issues des
cartes papier d’origine. C’est la raison pour laquelle nous abordons dans
Le Cours ce sujet de la carte marine par sa représentation la plus
ancienne. Savoir lire une carte papier, et savoir s’en servir pour tous les
besoins de la navigation, c’est être capable de s’adapter ultérieurement à
tout support.
Dernier point de la réglementation, et là encore c’est aussi une
question de sens marin, les cartes embarquées « sont tenues à jour ».
Nous y reviendrons.

EXAMEN D’UNE CARTE MARINE


La première information fournie par la carte est la direction du nord
vrai (ou nord géographique). Toutes les cartes sont orientées « vers le
haut », c’est-à-dire le nord en haut, le sud en bas. Les distances y sont
exprimées en milles nautiques. Un mille nautique (1 852 mètres)
correspond à une minute sur l’échelle des latitudes (celle qui borde les
côtés verticaux gauche et droit de la carte). Les caractéristiques de la
carte permettent de mesurer angles et distances, de tracer une route et
de reporter le relèvement d’un amer.
Sur une carte marine, l’échelle des latitudes est croissante vers le nord et vers le
sud à partir du zéro de l’équateur.L’échelle des longitudes est croissante vers l’ouest
et vers l’est à partir du zéro du méridien de Greenwich.

La carte permet également de déterminer les coordonnées


géographiques de chaque point. Les latitudes et les longitudes reportées
sur les bords des cartes s’expriment en degrés (°), minutes (’), et
dixièmes (voire centièmes) de minute selon l’échelle de la carte (la
minute d’arc correspond à un soixantième de degré.)
Les cartes marines sont en règle générale construites selon une
technique appelée « projection Mercator exposée en détail dans
l’encadré « La carte Mercator : comment c’est fait ? » ►

COMPRENDRE LA SIGNIFICATION DES SONDES


COMPRENDRE LA SIGNIFICATION DES SONDES
ET DES ALTITUDES
Pour représenter les profondeurs d’eau et les altitudes, la carte
dispose d’un code spécifique.
Rappelons que le paysage se divise en trois zones.
– La terre ferme est ce qui émerge toujours, quelle que soit la marée.
– L’estran est la portion de terre recouverte aux plus hautes marées,
mais qui émerge aux plus basses marées.
– La mer est ce qui est toujours immergé, quelle que soit la marée.
Ces trois zones sont représentées à l’aide de couleurs différentes, ce
qui permet de se faire une idée du paysage au premier coup d’œil.
Les profondeurs d’eau (ou sondes) sont notées en mètres,
éventuellement en décimètres figurés en indice inférieur. Elles sont
données pour les plus basses mers connues, correspondant à un
coefficient de marée de 120 (on parle aussi de plus basse mer
astronomique). C’est ce qu’on appelle le zéro des cartes, ou le zéro
hydrographique. Dans la pratique, la profondeur en un lieu et un instant
donnés correspond à la sonde portée sur la carte, additionnée de la
hauteur d’eau de la marée calculée pour ce lieu et cet instant (nous
verrons plus loin comment ce calcul s’effectue).
Sur l’estran, il ne s’agit plus de profondeur mais de sondes
découvrantes : la sonde indique l’altitude du point considéré au-dessus
des plus basses mers connues. Ces sondes découvrantes sont signalées
par des chiffres soulignés.
Sur la terre ferme, les altitudes sont données pour le « niveau
moyen » de la mer bas, à l’exception des phares dont la hauteur est
donnée au-dessus du niveau d’une pleine mer de vive-eau moyenne
(coefficient 95). Les valeurs de ces deux hauteurs par rapport au zéro
des cartes sont définies dans le titre de la carte.
La position géographique d’une sonde est, comme le rappelle le
SHOM, « le centre de gravité de la surface de texte couverte par
l’ensemble des chiffres qui la composent ». Parfois une sonde ou une
altitude est mentionnée « hors position », pour éviter que les chiffres ne
se superposent à un autre symbole de la carte. Elle est alors notée entre
parenthèses, et elle se rapporte à un détail de la carte ou à un signe
conventionnel situé dans sa proximité immédiate.

Les niveaux de référence des sondes et des altitudes portées sur la carte.
D’après l’ouvrage 1D du SHOM, Symboles, abréviations et termes utilisés sur les cartes
marines.

Tout cela peut sembler inutilement compliqué mais correspond en


réalité à des besoins nés d’une longue pratique. Ainsi, la référence au
zéro des cartes permet au navigateur qui n’a pas fait de calcul de marée
de connaître la profondeur minimale qu’il peut trouver en chaque endroit
de la carte. Les références au niveau moyen des mers correspondent aux
situations les plus fréquentes de repérages de hauteurs d’amers par des
marins en mer. Comme les marques du lichen signalent le niveau des
marées de vive-eau (couleur noire des roches), c’est cette référence qui a
été retenue pour les altitudes des phares (dont la hauteur permet de
calculer la distance de l’observateur au phare).
LE SYMBOLISME DES CARTES
De très nombreux détails du paysage sont représentés sur les
cartes : rochers, balisage, amers, phares, châteaux d’eau, bâtiments
remarquables, carrière, sémaphore, etc. Chaque objet estidentifiable
grâce à son propre symbole. Sur les cartes papier de la série L du SHOM,
les symboles les plus couramment utilisés sont définis au verso.
Cependant, pour tout interpréter de manière certaine, il est préférable de
se munir de l’ouvrage 1D (téléchargeable gratuitement sur le site Internet
du SHOM).

L’ÉCHELLE DE LA CARTE
Le SHOM édite pour la plaisance une collection spécifique : les
cartes L, aux caractéristiques plus pratiques sur un petit bateau que les
cartes traditionnelles. De format A0 (84 × 119 cm), elles sont d’origine
repliées au format A4, et leur papier chargé de latex est prévu pour
résister aux pliages répétés et à l’humidité. Mises à jour et réimprimées
régulièrement (tous les deux ans environ), elles se déclinent selon trois
grands types d’échelle.
– Les cartes de pilotage côtier à grande échelle (du 1/10 000 au
1/25 000), reconnaissables à leur bandeau jaune. C’est au moyen de ces
cartes de détail que l’on cabote le long du littoral, que l’on embouque les
passes, que l’on rentre dans les ports et les mouillages, que l’on
s’approche des dangers.
– Les cartes de pilotage hauturier, à moyenne échelle (1/40 000 au
1/60 000), au bandeau rouge. Elles permettent de longer la côte à plus
de 5 milles. Elles sont destinées aux navigations le long du littoral et aux
petites traversées vers les îles proches.
– Les cartes routières ou de traversées, à petite échelle (1/100 000
et moins). On parle aussi de « routiers » et de « cartes océaniques ». Elles
ne mentionnent que le profil du littoral, les principales îles et les feux les
plus importants. Leur niveau de détail n’autorise pas des navigations à
moins de 10 milles de la côte.
Rappelons le principe de l’échelle des cartes : sur une carte au
1/20 000, un centimètre représente 200 m dans le paysage
(20 000 cm). Au 1/300 000, un centimètre représente près de 2 milles
nautiques (3 000 m, ou 300 000 cm) dans la réalité.
Plus l’échelle est grande, plus la zone couverte par la carte est petite.
Et plus nombreux sont les détails. Sur une carte à grande échelle figurent
un grand nombre d’amers. Sur une carte à petite échelle, une part
importante des dangers (et du balisage) n’est pas représentée.
L’échelle d’une carte doit être adaptée à la navigation entreprise. Il
est ainsi tout à fait impossible de traverser les îles de Glénan avec la
carte couvrant le secteur « de la pointe de Penmarc’h à la Gironde »
(1/350 000) ; pas plus avec celle couvrant le secteur « de la chaussée de
Sein à Belle-Île » (1/161 000).
La carte marine et ses principaux symboles.

LA RÈGLE DU POUCE
Le SHOM recommande, chaque fois que c’est possible, de respecter la « règle
du pouce, consistant à ne pas s’approcher des dangers à une distance inférieure à
celle correspondant sur la carte à la largeur d’un pouce. Le pouce s’entend aussi
bien comme le doigt du navigateur posé à plat sur la carte que comme la mesure
anglo-saxonne (1 inch = 2,54 cm) : 2,5 cm environ. Sur un routier au 1/150 000 par
exemple, un pouce couvre près de 2 milles. Sur une carte de détail au 1/20 000, la
largeur du pouce ne représente qu’un petit quart de mille (500 mètres).
À l’évidence, cette règle n’est pas toujours applicable. On la lèvera sans
hésitation dans les chenaux bien balisés, qui ont fait l’objet d’une hydrographie
complète. Dans les parages étroits, on n’aura pas d’autre choix que de naviguer à
moins d’un pouce des dangers, et ce sera un encouragement supplémentaire à
redoubler de précautions et à procéder à une navigation rigoureuse. La règle du
pouce mérite aussi d’être assouplie en fonction du niveau de confiance que l’on peut
apporter aux données de la carte, niveau de confiance corrélé à l’époque et à la
méthode des relevés hydrographiques ayant présidé à sa création (voir le passage
sur l’origine des renseignements hydrographiques de la carte ►).

LES INFORMATIONS PARTICULIÈRES DE LA CARTE

Le cartouche
La carte comporte un cartouche qui doit systématiquement être
consulté avant son utilisation.
Y figurent notamment :
– Le titre de la carte.
– L’échelle (pour les cartes d’échelle inférieure à 1/250 000, la
latitude à laquelle l’échelle est vraie (voir encadré « La carte Mercator :
comment c’est fait ? » ►).
– Des notes explicatives sur la construction de la carte, et en
particulier le système géodésique de référence, éventuellement les
corrections à apporter pour se positionner sur la carte dans un autre
système géodésique ►.
– Des indications sur la marée, les niveaux de référence, les chenaux
particuliers, le système de balisage employé (par exemple « région A »
= le rouge est à laisser à bâbord en venant du large).
– Des informations importantes, par exemple sur la prudence avec
laquelle doivent être abordées certaines données de la carte, en raison
de l’ancienneté des levés, ou encore la présence de forts courants.
Des points particuliers concernant la réglementation de la navigation,
les zones à restriction, les réserves naturelles, certaines précautions à
observer, sont mentionnés en magenta, soit dans le bas du cartouche,
soit dans une zone où ces indications ne perturbent pas la lecture de la
carte.
LA CARTE MERCATOR :
COMMENT C’EST FAIT ?
La surface d’une sphère ne peut pas être mise à plat. Pelons une orange et
essayons de placer tous les morceaux sur une feuille de papier ! Il faut donc
déformer la surface de la Terre pour la représenter à plat sur une carte. Plusieurs
méthodes ont été mises au point, mais toutes modifient la réalité.
Les cartes les plus utilisées en mer sont de type Mercator, du nom de
e
Gerardus Mercator qui, au XVI siècle, a proposé sa méthode de projection
cylindrique du globe terrestre, tangente à l’équateur. Le principe peut se résumer
ainsi. Imaginons que la sphère terrestre soit creuse et transparente. En roulant
une feuille de papier autour de l’équateur et en plaçant une lampe au centre de la
Terre, celle-ci projetterait l’ombre du contour des côtes sur le papier.

Les limites de la projection Mercator


Sur une carte Mercator, la distance la plus courte entre deux points n’est pas
représentée par une droite. Une ficelle tendue entre deux points sur un globe
donne la plus courte distance entre les points : c’est la route orthodromique (ou
arc de grand cercle). Le report de la trajectoire de cette ficelle sur une carte
Mercator est une courbe. En revanche, une droite tracée entre deux points d’une
carte Mercator représente une trajectoire loxodromique : une route – plus longue
que la trajectoire orthodromique – qui coupe les méridiens sous un angle
constant.
Heureusement pour les marins, la différence entre les routes orthodromique et
loxodromique n’est sensible que pour de longues traversées et seulement quand la
route est nettement est-ouest. Exemple : de Nantes à Cuba, la route
orthodromique est plus courte de 168 milles (environ 4 %), mais pour des parcours
inférieurs à 300 milles sous nos latitudes la différence est négligeable.
Autre problème, la projection Mercator induit des déformations sur les
distances en fonction de la latitude. Cette distorsion qui s’accroît à mesure que
l’on se rapproche des pôles explique que la projection Mercator ne puisse être
utilisée pour la représentation des régions polaires.
Les avantages de la projection Mercator
Le principal avantage de la projection Mercator, c’est qu’elle conserve les
angles, et en cela elle est dite « conforme ». En tout point de la planète, un angle a
la même valeur sur le globe et sur la carte, et par conséquent, aux environs de ce
point, les distances sur le globe et sur la carte sont parfaitement équivalentes
dans toutes les directions. Les déformations de la représentation des surfaces de
petite dimension sont donc négligeables.

En complément du cartouche, la carte comporte un diagramme de


l’origine des renseignements hydrographiques et, pour les plus récentes,
un diagramme des catégories de zone de confiance (CATZOC ►).

Les notes marginales


Les notes réparties en divers lieux des marges fournissent par ailleurs
des indications sur :
– Les coordonnées géographiques des coins sud-ouest et nord-est de
la carte.
– L’année de première publication, le cas échéant le numéro et
l’année de l’édition présente.
– Le numéro de la carte dans le portefeuille national.
– Le compteur de corrections (voir la mise à jour des cartes ►).

Les tableaux de marée et de courants


Dans les régions à marée, la carte comporte un diagramme des
courants, et éventuellement un tableau des hauteurs de marée pour les
différents ports, aux pleine mer et basse mer de vives-eaux moyennes
(coefficient 95) et mortes-eaux (coefficient 45).

Le diagramme de l’origine des renseignements


hydrographiques
La carte marine papier comporte un schéma particulier, dit
« Diagramme sur l’origine des renseignements hydrographiques », qu’il
faut systématiquement s’approprier lorsqu’on consulte une carte. Il
fournit en effet des indications essentielles sur le degré de fiabilité et de
précision que l’on est en droit d’accorder aux données reproduites, en
particulier celles qui concernent les hauts-fonds et les dangers isolés.
Ce diagramme fournit, en fonction des endroits où l’on se situe sur la
carte, trois informations capitales sur les sondages dont elle est issue :
l’époque, l’échelle du levé, et la méthode de sondage employée 59.

■ L’époque
Le graphisme d’une carte récente ne doit pas nous tromper : une
partie du paysage marin qu’elle représente peut parfaitement avoir été
hydrographiée deux siècles en arrière.
Quelques points de repère :
– La localisation radioélectrique ne s’est généralisée sur les navires
hydrographiques qu’à partir de 1965, autorisant un positionnement à
10 mètres près. Auparavant, les bâtiments effectuant les sondages des
fonds se positionnaient par lunette optique sur des amers à la côte, avec
des erreurs jusqu’à 100 m en vue de terre, et heureusement une
précision de 10 à 30 mètres à proximité immédiate des côtes. Autrement
dit, une épave ou un caillou cartographié en 1830 peut très bien se
trouver en réalité à 30 mètres de sa position sur la carte. Au-delà de la
portée optique, sur le plateau continental, les positions étaient
déterminées par estime ou sextant, et les erreurs pouvaient dépasser
300 m.
– Avant 1945, les levés s’effectuaient à la sonde à plomb. On
procédait en avançant en ligne, et en réalisant des sondes ponctuelles,
de façon à déterminer des profils des fonds. Les sondages d’avant 1945,
explique le SHOM dans son ouvrage 1F 60, n’offrent aucune garantie que
tous les points hauts d’un profil aient été détectés, et ils sont muets
entre deux profils. Autrement dit, des crêtes et des pics ont pu passer à
travers les mailles du filet lors de la cartographie des fonds. Pour les
chenaux d’accès aux ports, on complétait les levés de profil par un
« dragage hydrographique » sur toute la largeur de la voie de navigation
de façon à ne laisser échapper aucun haut-fond.
– L’apparition du sondeur acoustique vertical continuait de laisser
des zones d’ombre entre deux profils. Il a fallu attendre 1975 et les
techniques de sondage latéral ou multifaisceaux pour procéder à une
« hydrographie totale » des fonds. Mais leur emploi est resté limité aux
voies recommandées de navigation. Les services hydrographiques ne
sont pas allés balader leurs engins haut de gamme dans les lieux où les
plaisanciers s’amusent à faire du rase-caillou…

■ L’échelle du levé
Les hydrographes sondent des profils espacés de 1 cm au plus à
l’échelle du levé. Ainsi, lors d’un levé au 1/10 000, les profils sont
espacés de 100 mètres lorsque les fonds apparaissent comme réguliers,
plus resserrés lorsque les fonds sont présumés irréguliers. La carte est
toujours réalisée à une échelle inférieure ou égale à celle des levés dans
la zone qu’elle représente. Typiquement, une carte de pilotage côtier au
1/20 000 (1 cm = 200 m) comportera des parties hydrographiées au
1/2 000 (1 cm = 20 m) ou 1/5 000, et d’autres basées sur des levés au
1/20 000, avec un « maillage » beaucoup plus lâche.
■ La méthode
Sondages au plomb, sondeur vertical, sondeur latéral, sondeur
multifaisceaux. Ces techniques de précision clairement différentes
renvoient à des époques particulières, et leur traduction en termes de
fiabilité et d’exhaustivité des données a été développée plus haut. « Dans
les zones qui ont fait l’objet de levés réguliers classiques, conduits selon
les règles de l’art, des hauts-fonds peuvent avoir échappé aux sondages,
conclut le SHOM. Seuls le dragage hydrographique ou les levés exécutés
au sondeur latéral ou au sondeur multifaisceaux donnent toutes les
garanties de sécurité. »

Le diagramme des sources des données hydrographiques de la carte du SHOM


o
n 7143, « Abord des îles de Houat et Hoëdic ». On y apprend que les levés de la
chaussée du Béniguet ont été effectués deux siècles plus tôt à la sonde à plomb. Le
passage du Béniguet, les approches des ports de Houat et Hoëdic ont en revanche fait
récemment l’objet d’une hydrographie « totale ».

MISE À JOUR DES CARTES PAPIER


Une carte doit être à jour, c’est-à-dire que ses utilisateurs doivent y
reporter toutes les corrections nécessaires depuis sa publication. La
mise à jour d’un portefeuille de cartes demande beaucoup de soin et de
travail. La date et le compteur des corrections figurant en bas et à droite
de la carte indiquent le stade de mise à jour atteint au moment de son
édition. Entre deux éditions, les nouvelles informations importantes pour
la sécurité de la navigation sont diffusées sous forme de consignes ou
d’annexes graphiques, diffusées par le SHOM à un rythme hebdomadaire
dans les Groupes d’avis aux navigateurs (GAN). Il appartient au
navigateur de se les procurer, et de les reporter sur sa carte.
Le site du SHOM oriente vers les Groupes d’avis aux navigateurs
permettant de maintenir les cartes à jour. Les GAN sont accessibles
depuis des tables récapitulatives, au moyen d’une recherche par numéro
de carte, ou encore en scannant le code QR imprimé à côté du compteur
de corrections de la carte.
Les corrections peuvent être des indications à reporter (ou à rayer)
sur la carte, ou des « annexes graphiques » à imprimer et à coller sur la
carte.
La carte reproduite ci-dessus est la troisième édition, parue en 2002, de la
o
carte n 7130 publiée (éditée pour la première fois) en 1991, et couvrant « Les abords
de Saint-Malo, de l’île des Ébihens à la pointe de la Varde ». Dans son coin
inférieur gauche, le compteur de corrections indique « 2015 – 2854/31 ». Ceci signifie
o o
qu’elle est à jour de la correction n 31 diffusée en 2015 par l’avis n 54 du Groupe
o
d’avis aux navigateurs n 28 (lors de la semaine 28).

Elles peuvent concerner des modifications des caractéristiques d’un


feu ou d’une balise, le déplacement d’une bouée ou sa suppression,
l’apparition d’une épave, la modification d’une sonde, un changement de
la réglementation de la navigation (par exemple une nouvelle zone de
mouillage réservée à certains navires), etc. Les détails à supprimer ne
sont pas grattés sur la carte, mais simplement rayés. Pour déplacer une
bouée, plutôt que de la rayer et de la recréer plus loin, on l’entoure et on
marque sa nouvelle position. Une fois les corrections effectuées, il
convient de reporter en bas et à gauche de la carte le millésime, le
numéro d’avis et le numéro de la correction. Dans les règles de l’art, les
corrections (et le complément au compteur de corrections) s’effectuent à
l’encre violette indélébile. À défaut, le rouge devrait pouvoir faire l’affaire.

La méthode pour modifier l’emplacement d’un détail de la carte.

De nombreux plaisanciers utilisent des cartes relativement anciennes


et n’y apportent aucune correction, arguant du fait que « les cailloux ne
se déplacent pas » ! Certes, mais certains sont restés longtemps
inconnus avant d’être un jour répertoriés, et les profondeurs d’eau
varient au-dessus de certains bancs de sable, par déplacement et
accumulation de sédiments. Aux Glénan, le banc de sable qui découvre
entre les îles de Saint-Nicolas et Bananec cote 4 mètres soulignés. En
2006, une correction sur une précédente édition de la carte l’avait
réévalué de 2,7 à 3,5. En 2002, il était coté à 1,2. On n’y passe plus tout
à fait aux mêmes heures de marée…
De toute façon, quels que soient l’ancienneté des cartes et leur
niveau de mise à jour, il est indispensable d’avoir une édition à jour du
livre des Feux et signaux de brume.
Enfin, une carte doit être en bon état : une carte qui a été pliée et
repliée peut devenir dangereuse quand des détails disparaissent dans les
plis.

LES AVURNAV
Les changements les plus récents du paysage maritime, ou ses modifications
temporaires liées à un impondérable, comme par exemple une balise détruite par
une tempête, ou une bouée déradée, sont consignés dans les AVURNAV (Avis
urgents aux navigateurs). Ces avis, diffusés en VHF par les CROSS et affichés dans
les capitaineries, sont aussi consultables sur les sites Internet des préfectures
maritimes. Ils peuvent conduire à annoter la carte, ne serait-ce qu’à titre provisoire.
Les AVURNAV correspondant à un changement définitif de la carte sont ensuite
incorporés dans les Groupe d’Avis aux Navigateurs.

LA SIGNALISATION MARITIME
Au-delà de 2 milles d’un abri, la réglementation impose de disposer
d’une documentation concernant le balisage, éventuellement sous forme
de plaquettes autocollantes. Au-delà de 6 milles, on doit disposer à bord
du livre des Feux et signaux de brume tenu à jour 61.
Nous présentons ci-après les grands principes de la signalisation
maritime de jour et de nuit. Tous ces renseignements peuvent être
retrouvés dans différentes publications : ouvrage 3C du SHOM
(téléchargeable sur le site du SHOM), Almanach du marin breton, Bloc
Marine, etc.
Le livre des Feux et signaux de brume, édité par le SHOM par grandes
zones de navigation, détaille les caractéristiques des feux et signaux de
brume de chaque marque de balisage (phares, balises, bouées, etc.).
D’autres publications, Almanach du marin breton, Bloc Marine, etc.,
reprennent ces informations pour les côtes françaises et les pays
proches.

LA SIGNALISATION MARITIME DE JOUR


Les marques de balisage, bouées et balises, se différencient les unes
des autres par leurs formes et leurs couleurs. Leur aspect est très
variable, du simple piquet à la tour majestueuse, mais les dimensions et
la taille de la balise ne sont pas proportionnelles au danger signalé. Point
commun à toutes les balises : « Il est interdit de s’amarrer dessus. »
Mises en place par le « Service des Phares et Balises », les marques
de balisage sont de deux sortes.
Les bouées. Elles flottent à la surface de l’eau et sont retenues au
fond par une chaîne reliée à un bloc immergé. On les reconnaît à ce
qu’elles s’inclinent d’un côté ou de l’autre, au gré des courants et des
vents. Leur position est fiable à quelques dizaines de mètres près, mais il
arrive qu’une bouée dérade, qu’elle s’éloigne de sa position initiale. Cela
reste rare et anecdotique, et plus probable après un fort coup de vent.
Les balises. Elles sont fixes et verticales, ce sont des perches ou des
tourelles.
Un bateau peut « enrouler une bouée », c’est-à-dire la serrer d’assez
près, mais il contourne largement une balise : en général celle-ci est
bâtie sur des roches. Balise ou bouée, un coup d’œil sur la carte est
toujours indispensable.
Ne pas confondre balises et bouées. Les appeler indifféremment
« balises » est une erreur qui a coûté un bateau aux Glénans. « On vient
de passer la balise Est » : c’était une bouée ! Le cap construit à partir de
cette annonce menait tout droit sur les cailloux… Preuve s’il en était
besoin que le navigateur doit passer plus de temps sur le pont qu’à la
table à carte !

Le système international de balisage


Le système de balisage maritime de l’AISM (Association
internationale de signalisation maritime) a été adopté le 15 avril 1982. Il
a découpé le monde en deux parties, les régions A et B. Dans la région B,
la couleur du balisage latéral (mais pas la forme des voyants et des
bouées !) est inversée par rapport à celle de la région A (rouge devient
vert, et inversement).
La région A est de loin la plus vaste et comprend notamment la
France métropolitaine, La Réunion, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie.
La région B comprend l’ensemble du continent américain (du nord au
sud, donc les Antilles, la Guyane, Saint-Pierre-et-Miquelon), ainsi que la
Corée, les Philippines et le Japon.
Depuis 1982 également, sur les cartes françaises, les lettres
d’identification des couleurs de balises sont issues de l’anglais, langue
choisie comme langage international maritime : G (green) pour vert,
R (red) pour rouge, W (white) pour blanc, Y (yellow) pour jaune, B (black)
pour noir.

Les marques de balisage latéral


Les marques latérales bordent les entrées de ports et les chenaux,
signalant ainsi les passes exemptes de dangers.
Dans la région A (France, Europe, etc.), pour le navigateur qui vient du
large :
– Les marques vertes surmontées d’un voyant conique (dites
« marques tribord ») sont à laisser à tribord quand on rentre au port (du
côté du feu de route vert du bateau).
– Les marques rouges surmontées d’un voyant cylindrique (dites
« marques bâbord ») sont à laisser à bâbord quand on rentre au port (du
côté du feu de route rouge du bateau).
Mais rouges ou vertes, elles doivent être avant tout une invitation à
consulter la carte ! (Pour repérer où est l’accès, en particulier dans les
régions où plusieurs chenaux se croisent, quand il y a beaucoup de
rochers et d’îlots.)
À l’entrée d’un port, il y a toujours une marque verte à tribord (qui
peut être un triangle dessiné sur le coin du môle) et une marque rouge à
bâbord (qui peut être un rectangle rouge peint sur le musoir de la jetée).
Quand la visibilité est mauvaise, on peut hésiter sur la couleur : c’est la
forme du voyant qui lèvera le doute.
Dans les chenaux un peu longs, les marques latérales sont
numérotées, toujours à partir du large, avec des numéros pairs pour les
marques rouges et impairs pour les vertes. Les marques latérales sont
parfois difficiles à repérer en raison des coudes que fait le chenal et de
l’éloignement des bouées. D’où l’importance de la numérotation : si
o o
après avoir passé la n 4 on fait route vers la n 8, c’est qu’on va en rater
une – et probablement se payer le banc de vase.
Attention ! Il existe une balise verte et rouge. Elle porte trois bandes
horizontales combinant le vert et le rouge, et signale le chenal
préférentiel quand il y a deux chenaux d’entrée deport possibles. Chenal
préférentiel à bâbord : vert, rouge, vert et cône vert (pour un navire
venant du large le chenal principal se prolonge sur la gauche, en laissant
cette balise à tribord). Chenal préférentiel à tribord : rouge, vert, rouge et
cylindre rouge (en venant du large, chenal principal sur la droite).
Balisage cardinal et balisage latéral des chenaux à l’approche d’un port (région
A).

Les marques de balisage cardinal


Les balises cardinales portent le nom des quatre points cardinaux.
Par rapport au danger, elles sont placées dans la direction cardinale dont
elles portent le nom : elles donnent leur position par rapport au danger.
Une marque cardinale Sud dit au navigateur : « Je suis au sud du danger,
passez donc dans mon sud. »
Les balises cardinales utilisent le jaune (Y pour yellow) et le noir (B
pour black) et deux voyants noirs de forme conique. On les identifie
facilement grâce à une astucieuse disposition des couleurs et des
voyants. Une fois qu’on a compris le dessin des voyants, il suffit de
retenir que le noir correspond à une pointe et le jaune à une base de
cône (comme une plume de stylo en or trempée dans l’encre noire).

Les quatre marques cardinales, leurs couleurs, leurs voyants, et les moyens
mnémotechniques pour les identifier. Nous verrons plus loin comment les identifier de
nuit en relation avec le cadran horaire.

– Nord. Deux cônes dirigés vers le haut (le nord de la carte). Base
jaune, sommet noir (YB).
– Sud. Deux cônes dirigés vers le bas. Base noire, sommet jaune (BY).
– Ouest. Deux cônes formant un W couché (pour West). Base jaune,
centre noir, sommet jaune (YBY).
– Est. Deux cônes formant un E. Base noire, centre jaune, sommet
noir (BYB).
Pour des raisons pratiques, le balisage cardinal n’est pas toujours
posé exactement dans la direction cardinale du danger à éviter : il faut
donc consulter la carte (encore et toujours !).
Attention. Parfois, à marée basse, la couleur sombre des algues au
pied d’une balise Nord peut la faire prendre pour une balise Est. Sortir les
jumelles pour repérer le voyant. Une photo numérique suivie d’un zoom
dans l’image donne d’excellents résultats, plus stables que ce que
veulent bien montrer les jumelles.

Marques diverses
■ Les marques de danger isolé
Les marques de danger isolé (un plateau de roches bien délimité, par
exemple) utilisent deux couleurs : rouge (R pour red) et noir (B pour
black), en bandes horizontales. Elles sont notées sur la carte : BRB (black-
red-black) avec deux voyants sphériques noirs superposés. On peut
passer indifféremment d’un côté ou de l’autre d’un danger isolé, mais
avec une distance de sécurité, puisque le danger est à proximité de la
balise (encore un coup d’œil sur la carte !).

■ Les marques spéciales


Elles sont jaunes (Y pour yellow). Surmontées d’un voyant jaune en
forme de croix de Saint-André (X), elles signalent des « zones spéciales »
(la carte précise la raison de leur présence) : exercices militaires,
présence de câbles ou d’oléoducs, zones de dépôts…
Dans les zones de mouillage encombrées, des bouées jaunes
(coniques à tribord et cylindriques à bâbord) peuvent baliser une sorte de
chenal qu’on utilise pour rejoindre son mouillage sans zigzaguer entre les
bateaux, mais dont on peut s’écarter à volonté.

■ Le balisage des plages


Le balisage des plages ne relève pas de l’AISM, mais il utilise aussi
des bouées jaunes.
– Bouées sphériques jaunes pour marquer la zone des 300 mètres :
vitesse limitée à 5 nœuds.
– Chenal traversier, perpendiculaire à la plage : baignade interdite
dans cette zone réservée aux embarcations à moteur, aux dériveurs, aux
planches à voile, etc.
– Colliers de sphères jaunes : protection d’une zone de baignade,
accès interdit aux bateaux.

■ Les marques d’eaux saines


Elles conjuguent deux couleurs : rouge (R pour red) et blanc (W pour
white), en bandes verticales. On les trouve sur la carte notées WRW
(white-red-white), avec ou sans voyant sphérique.

Bouée d’eaux saines.

Pour qui va vers le large, la marque d’eaux saines signale qu’il n’y a
plus de danger au-delà. Pour qui vient du large et fait route vers le port,
elle devient une bouée d’atterrissage ou bouée d’atterrage, signale que
la terre approche et que c’est à partir d’elle qu’il faut se mettre en quête
du balisage d’un éventuel chenal. On peut passer indifféremment d’un
côté ou de l’autre d’une marque d’eaux saines. Elle peut aussi
matérialiser le milieu d’un chenal et délimiter les sens de circulation,
auquel cas il faut la laisser à bâbord.

■ Les bouées d’épaves en cas d’urgence


Ce nouveau type de marque a été adopté en 2006 par l’AISM.
Caractérisé par des bandes verticales bleues et jaunes en nombre
identique et de dimensions égales (de quatre à huit bandes), il permet de
baliser une épave nouvelle en attendant que cette dernière soit
suffisamment connue, qu’elle ait été mentionnée dans les documents
nautiques et que l’on dispose à son sujet de renseignements précis tels
que son brassiage.

LA SIGNALISATION MARITIME DE NUIT


Pour le marin, est « lumière » tout ce qui n’a pas de signification pour
la navigation : les lumières de la ville, du port, des quais, du bar… Les
lumières éclairent mais l’utilité des « feux » est toute différente : ils
servent de repères indispensables à la navigation de nuit.

Les feux de signalisation maritime


Implantés à terre ou portés en mer par une marque de balisage, les
feux signalent les zones dangereuses aux abords des côtes et des
grandes routes maritimes, donnent aux bateaux un moyen de faire le
point et les guident vers le port ou dans les passages délicats.
Les feux se déclenchent tout seuls en fonction de la luminosité
ambiante, restent allumés, en général, du coucher au lever du soleil.
Certains, dans des zones difficiles, sont allumés en permanence.
Le symbole des feux sur la carte papier officielle ou sur une carte
électronique de format raster (voir ce terme plus loin ►) est soit une
flamme de couleur magenta centrée sur une petite étoile noire dont le
centre est clair, soit un cercle doté d’un point noir au centre. Sur les
cartes électroniques privées, cette représentation varie selon les
éditeurs. À côté du symbole du feu figurent ses caractéristiques, qui
permettent de l’identifier formellement dans le paysage. Ces mêmes
indications sont reprises dans le livre des Feux et signaux de brume,
assorties de renseignements supplémentaires dont on aurait tort de se
priver : dans ce domaine comme dans les autres, les documents
nautiques sont les compléments indispensables à la carte.
Chaque feu est ainsi défini par son caractère (fixe, à éclats, à
occultations, isophase, scintillant, directionnel), sa couleur, son rythme,
sa période et sa portée. Il peut être organisé en secteurs.
Le phare de Fréhel, sur le cap du même nom, dans l’ouest de Saint-Malo. Fl
(2) 10 s 85 m 29 M : il s’agit d’un feu à éclats, deux éclats toutes les dix secondes,
l’élévation du foyer est de 85 mètres, et la portée du phare de 29 milles.

PHARE OU FEU ?
Un phare n’est rien d’autre qu’un feu d’une certaine importance. Pour mériter le
nom de phare, il répond à deux au moins de ces quatre caractéristiques : une grande
puissance lumineuse (supérieure à 100 000 candelas) ; une grande hauteur (plus de
20 m) ; il sert de marque d’atterrissage ou de jalonnement d’une côte (un phare tous
les 35 milles environ sur nos côtes) ; il héberge un bureau des phares et balises. En
France et dans les DOM-TOM, il y a 150 phares pour 3 150 feux et 1 100 bouées
lumineuses.
En France, peu de phares sont encore habités. L’entretien général, ainsi que
celui des lanternes, est assuré par le Service des Phares et Balises, mais les
parquets et les cuivres ne reçoivent plus les soins journaliers de leurs gardiens
méticuleux. L’énergie électrique est fournie par une ligne, un groupe électrogène, ou
par des batteries rechargées par panneaux solaires.

Le caractère d’un feu

Feu fixe (F). La lumière du feu est continue et d’intensité constante.

Feu à éclats (Fl pour flashing). La phase de lumière (les éclats) est
plus courte que la phase d’obscurité. Souvent plus puissants que les
autres feux, les feux à éclats sont en général de couleur blanche (mais
pas toujours : le phare du Stiff à Ouessant est rouge).
Feu à occultations (Oc). La phase de lumière est plus longue que la
phase d’obscurité. La Palice aurait défini le feu à occultations de la façon
suivante : « C’est toujours allumé sauf quand c’est éteint. »

Feu isophase (Iso). La phase de lumière et la phase d’obscurité sont


de même durée.

Feu scintillant (Q pour quick). L’alternance lumière/obscurité se fait


à un rythme rapide (50 à 79 éclats par minute). Le scintillement peut être
continu, il peut être interrompu par une période d’obscurité. Les
scintillements peuvent être groupés par séquences.

Feu directionnel (Dir). Les abréviations F, Fl, Oc, Iso, Q sont parfois
précédées de Dir quand le feu est directionnel (Dir Oc par exemple). Un
feu directionnel n’est visible (et très intense) que dans un secteur étroit
qui délimite une zone de navigation (pour guider vers l’entrée d’un port,
par exemple).

La couleur, le rythme et la période d’un feu


La couleur. Il y a en général trois couleurs de feu : blanc (W pour
white), rouge (R pour red) et vert (G pour green). Très rarement, on
rencontre des feux d’autres couleurs : bleu (Bu), violet (Vi)…
Le rythme d’un feu, c’est l’organisation des phases de lumière et
d’obscurité : nombre d’éclats, de scintillements, d’occultations, etc., sur
une période.

La période d’un feu, c’est le temps (en secondes) qu’il lui faut pour
accomplir son cycle complet de phases de lumière et d’obscurité. En fin
de période, il se retrouve au même moment de son cycle qu’en début de
période.
Ainsi, sur une carte, « Fl (3) W10s » se lit « feu à 3 éclats blancs
toutes les 10 secondes (3 = le rythme ; 10 s = la période).
Quand la carte ne précise pas la couleur d’un feu, c’est qu’il est
blanc. À propos de la bouée Ouest « Cap Caval » au sud de Penmarc’h, la
carte précise ainsi « Q (9) 15s » : c’est un feu blanc répétant un groupe
de 9 scintillements toutes les 15 secondes.

La portée d’un feu


Pour voir un feu, il faut que trois conditions soient réunies : que
l’intensité de la lumière soit suffisante ; que le feu ne soit pas masqué par
la rotondité de la Terre (que la lanterne du feu et/ou l’observateur soient
suffisamment élevés) ; que la visibilité soit suffisante entre le feu et
l’observateur (transparence de l’air).
Les cartes récentes et le livre des Feux et signaux de brume donnent la
portée nominale des feux, c’est-à-dire la distance depuis laquelle ils
peuvent être vus dans une atmosphère homogène et par visibilité
météorologique de 10 milles marins. Il arrive cependant qu’on soit trop
bas sur l’eau pour voir le feu à cette distance. Un exemple va permettre
de comprendre ce phénomène.
Considérons le phare d’Eckmühl sur la pointe de Penmarc’h
(Bretagne Sud). La carte précise : « ECKMUHL Fl5s60m23M », ce qui
signifie « feu à éclats (un seul vu que le nombre n’est pas précisé) ;
période de 5 secondes ; hauteur du foyer au-dessus du niveau de
référence (pleine mer de vive-eau moyenne, coefficient 95, pour les feux
français) : 60 mètres ; portée nominale de 23 milles ».
La portée nominale est donnée pour une visibilité de 10 milles
nautiques. Si la visibilité est différente, un petit tableau des Feux et
signaux de brume édité par le SHOM permet de calculer la portée
lumineuse du feu pour la visibilité ambiante. Avec une visibilité de
20 milles, le phare d’Eckmühl est visible à 35 milles ; avec une visibilité
de 5 milles, il est visible à 12 milles.
La portée géographique d’un feu dépend de la hauteur au-dessus de l’horizon du
foyer d’une part, et de l’œil de l’observateur d’autre part. Au-delà de la portée
géographique, l’observateur ne perçoit que le pinceau du phare ; en deçà,
il voit nettement son éclat.

Un autre tableau du même ouvrage permet de connaître la portée


géographique d’un feu, c’est-à-dire la plus grande distance depuis
laquelle un feu peut être vu en fonction de la courbure de la Terre, de la
hauteur du feu et de l’œil de l’observateur.
Supposons que l’on se trouve précisément à la pleine mer d’une
marée de coefficient 95 et que, debout sur le pont, notre œil se trouve à
3 mètres au-dessus de l’eau : on lit que la lanterne du phare sera
observable à 19,7 milles ; pour une mer plus basse de 5 mètres, on lit
qu’elle sera observable à 20,4 milles.
Pour les rois de la calculette, la portée en milles (D) est égale à
2,08 fois la somme de la racine carrée de la hauteur de l’œil (e) et de la
racine carrée de la hauteur du phare (h) : D = 2,08 (√e + √h).
Par une belle nuit d’été, dans le lointain, le pinceau d’un phare balaye
avec régularité un bout d’horizon. Son feu est invisible, car encore
masqué derrière l’horizon. Sans l’ombre d’un doute, c’est Eckmühl,
puisque 5 secondes s’écoulent exactement entre deux apparitions du
pinceau. Soudain, debout à l’arrière du bateau, le navigateur distingue, à
la place du pinceau, l’éclat direct de la lanterne du phare posé sur la ligne
d’horizon. Le bateau est entre 19 et 21 milles du phare ! Magique, non ?

Les feux à secteurs


Le feu à secteurs est très utile en navigation de nuit. Il prend des
couleurs différentes en fonction du lieu depuis lequel il est observé. Le
plus souvent il est rouge dans la zone comportant des dangers, blanc
ailleurs, mais ce n’est pas une règle absolue et il faut toujours consulter
la carte.
Prenons l’exemple du feu de Trévignon, ainsi noté sur la carte :
« Fl(2)WRG6s11M » ; ce qui signifie dans l’ordre : « Feu à deux éclats
présentant 3 couleurs différentes (blanc, rouge et vert), d’une période de
6 secondes et d’une portée nominale de 11 milles nautiques. »
La représentation cartographique des secteurs montre que, de nuit, il
vaut mieux s’approcher du feu en restant dans un secteur blanc. En
débordant largement la pointe par le sud (au sondeur, les fonds doivent
rester supérieurs à 20 m), on suit facilement la progression du bateau en
observant les changements de couleur du feu. À noter : le secteur
« Obscd » où le feu n’est pas visible, car masqué (obscured) par le château
de Trévignon.
Un feu directionnel (voir plus haut) n’est en fait rien d’autre qu’un feu
à « petits » secteurs. Ainsi, le feu directionnel Beuzec de l’alignement
d’entrée à Concarneau est-il noté sur la carte « Dir Q.87m23M », ce qui
signifie : « Feu directionnel, scintillant, dont le foyer est à 87 mètres au-
dessus du niveau de référence et dont la portée nominale est de
23 milles nautiques. » Le livre des Feux et signaux de brume précise, pour
ce qu’il nomme le « postérieur Beuzec » (c’est bien le feu postérieur de
l’alignement) : « Intens 026,5° - 030,5° (4°) », ce qui signifie qu’il est
visible avec une lumière intense sur un angle de 4°, entre le 26,5° et le
30,5°, c’est-à-dire quand il est relevé aux environs du nord-nord-est.

Pour le phare du brise-lames de Trévignon, le livre des feux fournit les données
suivantes : « W004°-051°(47°), G051°-085°(34°), W085°-092°(7°) (…) Obscd
351°-004°(13°) ». Ces informations se traduisent ainsi : en venant de l’est et en
tournant autour du phare dans le sens des aiguilles d’une montre, je le verrai d’abord
blanc en le relevant au 004°, et ainsi jusqu’au relèvement 051°, c’est-à-dire sur un
secteur de 47°. Il sera ensuite vert pendant 34°, du relèvement 051° au 085°, puis de
nouveau blanc sur 7°, etc. Par ailleurs il est masqué sur un secteur de 13°, du 351° au
004°.

Les feux directionnels et les alignements


Les feux directionnels sont les plus faciles à utiliser. Ils sont placés
en général dans l’axe d’un chenal, et le pinceau lumineux blanc est
renforcé au centre du secteur. Deux feux directionnels sont souvent
synchronisés pour former un alignement. Le bateau se trouve sur
l’alignement quand les deux signaux lumineux sont parfaitement l’un au-
dessus de l’autre.
Il peut arriver que la passe matérialisée par l’alignement semble fort
proche des cailloux… Si les deux feux sont formellement identifiés, il n’y
a pas à hésiter : c’est bien là que le bateau est en sécurité.
Revenons sur l’exemple cité précédemment de l’arrivée à
Concarneau. Voici ce que précise le livre des Feux et signaux de brume :
« Alignement 028,5° », « Antérieur La Croix Q.W. » et « Postérieur Beuzec
– Dir. Q.W. ».
Il s’agit de deux phares construits sur terre : le premier est sur une
petite place près de la côte, l’autre est sur une colline à 2,5 kilomètres de
là. Cet alignement est un alignement d’entrée : il faudra utiliser dans un
deuxième temps le balisage latéral du chenal. Ici les deux feux sont
synchronisés, comme le précise le livre des Feux et signaux de brume, qui
indique pour le postérieur Beuzec « Synchronisé avec l’antérieur ».

Le balisage de nuit
Désormais familiarisés avec les feux de toute nature, faisons
connaissance avec les particularités nocturnes des balises et bouées
latérales et cardinales déjà rencontrées de jour 62.
■ Les marques de balisage latéral
Après le stress de l’atterrissage de nuit, voici le chemin (on parle de
chenal) qui conduit au port : feux verts à tribord, rouges à bâbord. Le
rythme et la fréquence des balises latérales sont conçus pour éviter les
confusions. Le balisage latéral est facile à repérer de nuit, mais certaines
bouées semblent parfois bien petites et délicates à distinguer des reflets
de la lumière du port.

■ Les marques de balisage cardinal


Le feu d’une marque cardinale est blanc et de caractère scintillant.
Son rythme identifie les points cardinaux en les assimilant aux heures de
la pendule. Ci-après, les codes lumineux les plus fréquemment utilisés :
– Est (E) comme 3 heures : 3 scintillements rapides groupés, toutes
les 5 secondes ou toutes les 10 secondes.
– Sud (S) comme 6 heures : 6 scintillements rapides groupés plus
1 éclat long, toutes les 10 secondes ou toutes les 15 secondes.
– Ouest (W) comme 9 heures : 9 scintillements rapides groupés,
toutes les 10 ou 15 secondes.
– Nord (N) comme 12 heures : scintillement rapide continu.

■ Les autres marques


– Le danger isolé est en général à feu blanc, à éclats groupés par
deux. Description de la Pie (dans l’archipel des Glénan) : « Fl(2)6s » ; soit :
« Feu à 2 éclats blancs, période de 6 secondes ».
– Les feux des marques d’eaux saines sont de rythme variable (il faut
consulter la carte et/ou le livre des Feux et signaux de brume), mais
toujours de couleur blanche.
– Les feux des marques spéciales, souvent jaunes, n’ont pas non plus
de caractéristiques particulières. Se reporter à la carte et au livre des
Feux et signaux de brume.
– Les bouées d’épave en cas d’urgence portent un feu à éclats
alternatifs bleus et jaunes.

■ Les feux particuliers


En plus des feux les plus courants, il en existe encore quelques
autres…
– Les feux auxiliaires : ils sont établis sur le même support que les
feux principaux, couvrent un danger particulier ou indiquent une passe
(un chemin possible entre des dangers). De faible puissance, ils ne sont
visibles que de près.
– Les feux de secours : ils pallient une panne éventuelle du feu
principal (ainsi à Boulogne, au cap Fréhel ou à Saint-Quay-Portrieux).
– Les feux aéronautiques : ils ne sont pas prévus pour la navigation
mais peuvent être utilisés comme amers.
– Les feux de zone d’attente : ils sont destinés aux cargos et aux
pétroliers (Le Havre).

NAVIGUER LA NUIT ET RECONNAÎTRE LES FEUX


Naviguer de nuit en se guidant sur les feux est une opération finalement assez
simple (à condition qu’il y ait des feux, ce qui n’est pas le cas sur toutes les côtes). Il
est en effet plus facile de reconnaître un feu que de décrypter le paysage dans la
journée.
Mais il faut être rigoureux, toujours commencer par observer le feu, puis décrire
les caractéristiques observées, avant de chercher à quoi elles correspondent parmi
les feux dont on a établi la liste pour la route.
Il ne faut surtout pas dire (ou se dire) : « Vois-tu un feu à trois éclats, d’une
période de dix secondes ? » car – peut-être pour faire plaisir au navigateur ou parce
qu’on aime bien trouver ce qu’on cherche – on risque de le voir même s’il n’est pas
là (du moins si le feu observé est d’à peu près trois éclats et d’à peu près dix
secondes).
Il faut commencer par observer et par compter, et ensuite seulement consulter
ses documents.
Dans la pratique, on détermine d’abord le caractère du feu (s’agit-il d’un feu à
éclats, d’un feu scintillant, isophase ?), puis son rythme (deux éclats, cinq éclats,
quatre éclats plus un ?). Ensuite on chronomètre une séquence complète du feu
pour connaître sa période. Nul besoin de regarder sa montre, il suffit de compter, de
tête ou à voix haute, les secondes qui s’écoulent. Une bonne méthode pour scander
les secondes consiste à insérer un « A », de la façon suivante : « A – un, A – deux, A
– trois, etc. »

OÙ EST PASSÉ CE FICHU FEU ?


Il peut arriver qu’un feu soit éteint. Normalement, les pannes sont signalées par
les AVURNAV communiqués régulièrement par les CROSS, la VHF et, parfois, les
capitaineries.
Si un feu n’est pas conforme à ce qui est indiqué dans le livre des Feux et
signaux de brume ou l’Almanach du marin breton, il faut vérifier les données et, en
dernier recours, se renseigner par radio auprès du CROSS ou d’un sémaphore pour
savoir si le feu a été modifié.

LA SIGNALISATION MARITIME PAR TEMPS DE BRUME


Par temps de brume, certaines bouées sont repérables grâce au son qu’elles
émettent : Whis (pour Whistle, sifflet) ; Horn (corne de brume) ; Bell (cloche). On
rencontre aussi le Gong (Gong : son produit par un disque plat), le Dia (diaphone :
son puissant sur note grave), etc. Mais attention ! la brume déforme les sons et
empêche une localisation précise de la bouée ou de la balise.
Les sons peuvent aussi être émis par un navire. Le document 2B (Règlement
international pour prévenir les abordages en mer) ou l’ouvrage Naviguer en sécurité
doit être à portée de main pour lever rapidement le moindre doute ou par temps de
brume. Ne laisser échapper aucune information.

Savoir utiliser le livre des feux


Le livre des Feux et signaux de brume, édité par le SHOM, est le
document officiel qui énumère les caractères des aides à la navigation
lumineuses et sonores pour le monde entier. Le découpage du monde
donne lieu à l’édition de quinze volumes, réédités régulièrement et
corrigés à l’aide de fascicules.
Les feux sont énumérés du nord au sud et répartis en zones
géographiques correspondant à des portions de côte.
Chaque phare est numéroté. Il dispose d’un nom qui lui est propre (le
Grand-Léjon, le Rohein, Eckmühl, Armen) ou porte le nom de son lieu
d’implantation (cap Fréhel, île aux Moutons, Penfret). Ce nom est
généralement signalé sur les cartes marines.
Le descriptif du phare (ce qui est visible de jour) est donné
succinctement : « Cap Fréhel, tour carrée grise, lanterne verte. » Sa
position géographique est précisée : « 48.41,1 N 2.19,2 W », ainsi que les
caractéristiques détaillées de son feu telles qu’elles ont été évoquées
plus haut.

LA NUMÉRISATION DES CARTES


Dès les années 1990, une tendance de fond est apparue dans le
domaine de la navigation électronique. Cette tendance s’est muée en
une réalité incontournable aujourd’hui. Le support de la carte a évolué,
passant progressivement du papier à l’écran. La cartographie numérique
s’est imposée à bord de nos voiliers, d’abord avec les écrans GPS
supportant l’affichage graphique de la route, puis de la carte marine (les
traceurs). Elle a connu un deuxième essor avec la démocratisation de
l’électronique portable (ordinateurs, puis tablettes numériques et
smartphones).
Avec l’avènement de ce nouveau type de cartes, est également (ré)
apparu un problème vieux comme le monde. Comment représenter
convenablement le monde réel sur une carte ? Le changement de
support n’a fait que remettre sur le devant de la scène les
problématiques de simplification du paysage ou de qualité des
informations représentées.

LA CARTE RASTER
Une carte raster (ou encore matricielle) est simplement la
transposition sur un écran d’une carte papier traditionnelle. Il s’agit ni
plus ni moins d’une copie numérique, comme sortie d’un scanner.
L’ordinateur, la tablette ou le traceur de la table à carte se chargent
d’afficher cette photo numérique sur l’écran grâce au logiciel ad hoc.
Le navigateur ne voudra certainement pas en rester là. Non content
de pouvoir visualiser cette image ou plutôt cette carte numérique sur un
écran, il voudra naturellement y superposer la position GPS de son
voilier. Pour que cela soit possible, il est indispensable que l’image
contienne également une notion de coordonnées spatiales, les latitudes
et longitudes de la zone couverte. On parle de géoréférencement de
l’image. Le processus de géoréférencement est généralement mis en
œuvre par l’éditeur de ce type de cartes.
Notons néanmoins qu’il est possible de réaliser le géoréférencement
soi-même à partir de n’importe quelle image (une vue satellite par
exemple). Des utilitaires spécialisés permettent d’effectuer cette
opération. Mais le navigateur prudent ne doit pas baser sa navigation sur
ces cartes « faites main », une erreur dans la saisie des coordonnées
spatiales pouvant conduire aux pires catastrophes. Nous déconseillons
formellement leur usage.
Avant de partir sur l’eau, il faut avoir pris en main votre logiciel de
navigation.
Ce type de logiciel doit permettre de vérifier la référence géodésique
ou encore la date de parution des cartes utilisées, quel que soit l’éditeur.
Ces informations essentielles sont souvent cachées dans un menu
d’information. Il faut absolument que cartes numériques et GPS soient
paramétrés de la même façon. Les deux doivent se référer au même
système de coordonnées : le WGS84. Une carte numérique qui ne
suivrait pas ce principe élémentaire doit être considérée comme non
adaptée à la navigation numérique 63. Il faut alors naviguer avec les
instruments traditionnels.
La technologie raster bénéficie d’une couverture mondiale
exemplaire, en fait l’ensemble du portfolio des cartes papier peut être
aisément numérisé selon ce procédé. En France, les cartes papier du
SHOM se retrouvent ainsi numérisées dans nombre de packs
commercialisés pour la plaisance.
Comme ces cartes sont la stricte copie des cartes papier, il n’y a
donc aucune surprise à attendre du symbolisme, des couleurs, ou de
n’importe quelle autre information apparaissant sur l’écran. Un usager
inconditionnel de la carte papier y trouvera son bonheur, ou tout du
moins ses repères usuels.
Il est important de noter que ces cartes sont entièrement élaborées
par un cartographe, le rendu, l’aspect ou encore les informations
présentés sont délibérément choisis. En particulier, les éléments
fondamentaux du paysage marin auront été mis en valeur de façon à
interpeler immédiatement le navigateur.

Les limites de la carte raster


La technologie raster ne répond pas (ou plus tout à fait) aux attentes
du navigateur moderne. Ici, il faut interpréter la fonction de navigateur au
sens marine marchande ou Marine nationale du terme. L’évolution de la
cartographie marine a été initiée avant tout pour sécuriser le trafic
maritime mondial et pour alléger le travail en passerelle des gros navires.
La plaisance bénéficie a posteriori de ces avancées.
Pour sécuriser la navigation, il faut pouvoir, entre autres, automatiser
les alarmes. Prenons un exemple simple : pouvoir alerter l’équipe de
quart si la route suivie mène directement sur un haut fond. À partir d’une
image raster, il n’est pas possible de mettre en œuvre ce type d’alarme
automatisée.
Simplifier le travail en passerelle demande de concentrer les
informations indispensables à portée de main, à la vue du navigateur.
Pourquoi ne pas incorporer, en fonction de l’endroit où l’on se trouve,
une partie des « instructions nautiques » dans la carte directement ?
Avec une carte raster, il n’est pas possible d’ajouter simplement des
informations « géolocalisées » en sus de ce qui apparaît sur l’image.
En haut, la carte SHOM des parages de Saint-Malo. En bas, la même zone sur
une carte vectorielle. Cette dernière tend à simplifier l’affichage, en particulier pour
favoriser la lisibilité sur écran. La représentation des points caractéristiques sur terre
est par exemple quasiment inexistante. (Capture iNavX.)

Qui plus est, en voulant augmenter le nombre d’informations


contenues sur la carte, on se confronte irrémédiablement au problème
du stockage de ces données. De ce point de vue, l’image raster n’est pas
optimale, elle demande beaucoup de capacité mémoire à un ordinateur
pour un nombre de données limitées.

LA CARTE VECTORIELLE
La carte vectorielle répond à plusieurs besoins du navigateur :
– Proposer une représentation simple compatible avec un écran de
taille inférieure à celle d’une carte papier.
– Être évolutive.
– Être compacte.
Contrairement à la carte raster, qui offre une vision figée, la
cartographie vectorielle propose un rendu différent suivant les besoins
de l’utilisateur. Imaginons par exemple que l’on navigue sur un voilier
avec un faible tirant d’eau, on peut fixer sa profondeur de sécurité à
5 mètres et adapter ainsi le code couleur de la carte en conséquence,
blanc sous les 5 mètres, bleu au-dessus. Si l’on pilotait un supertanker, il
est probable que notre perception du paysage sous-marin deviendrait
fondamentalement différente : une profondeur de sécurité de 30 mètres
serait certainement plus appropriée. Impossible sur une carte raster,
cette fonctionnalité toute simple est communément mise à disposition
par tous les logiciels de navigation avec cartographie vectorielle, et elle
illustre bien comment cette carte s’adapte à nos besoins.
Par ailleurs, plutôt que de concentrer une foule d’informations sur la
carte, la technologie vectorielle cherche à simplifier le rendu graphique.
On veut connaître les propriétés d’une bouée apparaissant sur notre
route : un clic permet d’accéder aux propriétés de cet objet, nul besoin
d’afficher ces informations en permanence.

Une base de données


Pour réaliser une carte vectorielle, l’éditeur construit une base de
données couvrant la zone à représenter. Cette base de données
répertorie l’ensemble des informations pertinentes sur les « objets » se
trouvant dans le périmètre. Un élément de la carte, prenons par exemple
une marque latérale bâbord, est défini à l’aide de ses propriétés : le type
(une tourelle latérale bâbord), la couleur (rouge), le nom (Les Vieux
Moines), la position, etc. L’éditeur traite donc individuellement chaque
élément de la carte.
Cet ensemble d’informations est ensuite aggloméré dans un fichier
informatique. Ce fichier n’a donc rien à voir avec une image numérique, il
ressemble plutôt à une gigantesque liste décrivant les éléments du
paysage maritime sur la zone considérée.
Grâce à ce format, où les données sont parfaitement séparées les
unes des autres, il devient possible de proposer de nouvelles
fonctionnalités. Citons par exemple la possibilité d’effectuer la recherche
d’un élément particulier de la carte, ou encore la capacité à éditer les
propriétés détaillées d’un objet spécifique. Les logiciels de navigation
mettent en œuvre ces fonctionnalités de façon plus ou moins poussée,
selon le degré de sophistication du logiciel.
Un logiciel de navigation se charge également de traduire la base de
données en une représentation graphique compréhensible par le
navigateur. Il dessine chaque objet à l’aide d’une palette de symboles
prédéfinis et positionne ces symboles en fonction de leurs coordonnées
géographiques. Visuellement, la carte vectorielle se présente sous un
aspect assez froid, particulièrement impersonnel. On est bien loin de
certaines cartes papier au graphisme particulièrement soigné, voire
artistique.
Apprendre à utiliser les fonctions de votre logiciel
Contrairement à une carte papier ou à une carte raster, l’utilisateur
de la carte vectorielle peut adapter le rendu graphique dynamiquement.
Cette possibilité impose de consacrer le temps nécessaire à la prise en
main du logiciel, d’identifier les fonctions fondamentales de cette
technologie. Nombreux sont ceux qui pensent qu’avec l’électronique, il
est possible de naviguer plus rapidement… au point de faire l’impasse
sur une autoformation minimale essentielle. Les logiciels permettent par
exemple de supprimer la représentation des sondes. C’est peut-être
ludique, c’est surtout particulièrement dangereux en navigation.
Il faut savoir réactiver ces sondes en situation. Ou, c’est encore le
plus sage, s’abstenir de jouer avec ce type de fonctionnalité.

LES SERVICES HYDROGRAPHIQUES ET LES ÉDITEURS PRIVÉS


Les cartes numériques à bord de nos voiliers de plaisance
proviennent potentiellement de plusieurs sources. Pour mieux
comprendre d’où elles peuvent être issues, voici l’essentiel de ce qu’il
faut retenir sur le sujet.
Les cartes officielles sont éditées sous l’autorité d’un service
hydrographique national. On distingue les cartes matricielles officielles
(ou RNC pour Raster Navigational Chart dans les pays anglo-saxons) des
cartes vectorielles officielles (ENC pour Electronic Navigational Chart).
Certains services hydrographiques proposent leurs cartes marines
officielles en libre accès (États-Unis, Brésil, Nouvelle-Zélande). Dans les
eaux de ces pays, les cartes officielles seront toujours un excellent choix.
Cependant, la majorité des services hydrographiques nationaux,
typiquement en Europe, ne distribuent pas gratuitement leurs cartes, et
le tarif s’avère alors élevé. Ce coût dissuade la plupart des plaisanciers,
qui s’orientent alors vers les produits électroniques des éditeurs privés,
qui n’offrent pas les mêmes garanties.
Suivant le logiciel utilisé, il devient possible de paramétrer les informations
affichées, secteur de feux en superposition, profondeur de sécurité et couleur
des fonds associée, symboles utilisés. (Captures OpenCPN.)

On notera en outre que le portfolio de cartes vectorielles officielles


(ENC) ne couvre pas exactement les mêmes régions que celui des cartes
raster officielles (RNC). La migration du raster vers le format vectoriel est
un processus long et progressif. En France, à la date où nous écrivions
ces pages du Cours, le SHOM n’avait pas encore achevé ce travail de
traduction pour l’ensemble de son portefeuille.
Une carte officielle répond aux exigences exprimées par la
convention SOLAS 64. Seules ces cartes sont réglementairement
acceptées à bord des navires marchands (on parle de « prescription
d’emport »).
La nouvelle génération de cartes vectorielles officielles, les ENC, est
établie selon la norme S57 qui décrit l’ensemble des caractéristiques de
tout objet hydrographique. Ces cartes doivent être utilisées en priorité
sur les passerelles des cargos.
Outre ses spécifications sur la réalisation des cartes vectorielles,
l’OMI (Organisation maritime internationale) a également normalisé la
console de navigation permettant de manipuler cette carte, instrument
baptisé ECDIS pour Electronic charts display information system). Cet
ensemble, carte et console de navigation, délimite strictement l’usage de
la navigation électronique sur un navire de commerce.
À la timonerie d’un porte-container, le pupitre de pilotage équipé d’une console
de navigation aux normes officielles.

Une autre norme (S63) définit la protection logicielle de ces cartes.


Les données sont encryptées pour empêcher la modification ou plus
simplement la copie illégale.
À l’évidence, le cadre strict imposé à la marine marchande est trop
rigide pour un usage en loisirs. Le coût, l’encombrement du matériel et
les contraintes énergétiques sont rédhibitoires sur un voilier. Aussi le
plaisancier bénéficie-t-il dans les textes officiels d’une configuration
simplifiée, appelée ECS (Electronic Chart System). Cette configuration ne
pourra prétendre à la même qualité que l’ECDIS, c’est pourquoi les
logiciels de navigation de plaisance sont censés mettre en garde
l’utilisateur à la mise en route, par un signal d’avertissement qualifiant
l’outil d’« aide à la navigation ».

Un marché spécifique à la plaisance


Les services hydrographiques nationaux licencient leurs données
cartographiques à des éditeurs privés. Ces derniers proposent à leur tour
les cartes sous forme de packs pour la plaisance. Certains éditeurs
privés sont spécialisés dans la diffusion des cartes raster, d’autres dans
la diffusion des cartes vectorielles.
Il faut bien comprendre que les données apparaissant sur les cartes
privées ont été adaptées par l’éditeur. On regrettera l’absence de norme
explicite pour ces cartes « non officielles ». Chaque éditeur propose donc
son interprétation de la carte, celle-ci s’éloignant plus ou moins de la
représentation officielle.
Quelle confiance accorder à ces cartes ? Le sujet est délicat. Dans les
régions très fréquentées, il n’y a généralement rien à reprocher à la
qualité de ces cartes. Dans les lieux les plus exotiques, le navigateur sera
bien avisé d’utiliser la carte numérique avec prudence.

LES LIMITES DE L’ÉDITION PRIVÉE


Il n’y a pas si longtemps, un éditeur privé, dont les cartes vectorielles sont très
diffusées et utilisées en plaisance, a défrayé la chronique en introduisant des
aberrations dans les sondes hydrographiques de certaines zones du littoral français.
Sur le mode « collaboratif », il avait intégré à ses cartes de navigation des relevés
issus des sondeurs de pêcheurs plaisanciers. C’est ainsi qu’on a vu apparaître sur
l’estran de pseudo-chenaux en eau profonde. Devant la levée de boucliers, cet
éditeur est revenu en arrière, sans jamais communiquer sur son erreur ni sur sa
rectification. Cet exemple illustre, de manière très spectaculaire, les limites de
l’édition privée. Non seulement la rigueur des services hydrographiques n’est pas
forcément au rendez-vous, mais le traitement des cartes est confié à des
algorithmes, sans que l’œil expert d’un cartographe vienne systématiquement
contrôler le produit final.

ÉCHELLE DES CARTES NUMÉRIQUES ET PRINCIPE DU ZOOM

Le cas des cartes raster


Un logiciel de navigation exploitant une bibliothèque de cartes raster
optimise systématiquement le choix de la carte en fonction du facteur de
zoom. Le logiciel propose automatiquement la carte la plus détaillée
possible à partir de la bibliothèque disponible.
Certains se plaignent de la dégradation de la netteté à fort niveau de
zoom (l’effet de pixellisation de l’image). Nous considérons que ce point
n’est certainement pas un désavantage des cartes raster, bien au
contraire : c’est un excellent indicateur visuel. L’utilisateur cherche sans
nul doute des détails qui ne sont simplement pas inclus dans la carte. Il
est grand temps de dézoomer !

La complexité des cartes vectorielles


Le principe du zoom sur une carte vectorielle mérite que l’on s’y
attarde, les différences de comportement avec le zoom raster ayant
donné lieu à des accidents spectaculaires.
Les cartes vectorielles sont réparties selon différentes échelles,
six niveaux distincts pour être précis. On parle aussi d’échelle de
compilation. Ces niveaux sont normalisés sur les cartes officielles (ENC),
ils sont repris sur les versions privées.

– Overview : échelle < 1/1 500 000


– General : 1/1 500 000 < échelle < 1/350 000
– Coastal : 1/350 000 < échelle < 1/90 000
– Approach : 1/90 000 < échelle < 1/22 000
– Harbour : 1/22 000 < échelle < 1/4 000
– Berthing : 1/4 000 < échelle

En zoomant progressivement, on concentre son attention sur une


portion de la zone couverte. En poursuivant le zoom, l’affichage tout
d’abord continu fait apparaître d’un seul coup plein de nouveaux détails.
Cette transition abrupte dénote un changement d’échelle, comme on s’y
attendrait. Le changement d’échelle est relativement évident et intuitif.
Lors de l’utilisation d’un portefeuille raster, tant qu’il n’y a pas de
« saut » d’échelle conduisant à l’affichage d’une carte plus détaillée, la
représentation est figée. Le nombre d’éléments représenté est identique
quel que soit le niveau de zoom. Au pire, la qualité de l’image est
dégradée, mais aucun détail du paysage marin n’apparaît ou ne disparaît.
Lorsque l’on zoome ou dézoome sur une carte vectorielle, au sein
d’un même niveau d’échelle, le nombre d’éléments représentés change.
Cette singularité est appelée « désencombrement » de la carte.
Pourquoi cette particularité ? Simplement parce que nos écrans sont
plus petits qu’une carte papier. Pour faire entrer le même nombre
d’informations sur une surface plus petite, on peut augmenter la
résolution de l’écran, mais cette option atteint rapidement ses limites.
On peut supprimer les informations non essentielles (par exemple on ne
verra pas les caractéristiques des feux inscrits directement sur la carte,
elles seront reportées dans une fenêtre annexe accessible par un clic).
Ou encore, on peut limiter le nombre d’éléments affichés pour que ceux-
ci ne se chevauchent pas.
Cette dernière option, le désencombrement, est adoptée par tous les
logiciels de navigation de plaisance. Or, en navigateurs prudents, nous
voudrions que le logiciel affiche en priorité les éléments essentiels pour
assurer la sécurité de la navigation.
Que faut-il retenir ?
– Il y a un compromis entre la taille de l’écran et le nombre
d’informations affichées.
– La prudence est de mise, certaines combinaisons logiciel/carte
numérique vectorielle ne gérant pas bien la priorité de l’affichage, en ne
faisant notamment pas apparaître les dangers pour la navigation dès les
premiers niveaux de zoom. Il faut savoir zoomer dans une carte
vectorielle, de même (et à plus forte raison) que dans la navigation
traditionnelle on doit toujours consulter la carte papier de la plus grande
échelle disponible.
– Les documents nautiques (pilote côtier, Instructions nautiques,
almanach, etc.) sont des compléments indispensables de la carte, et
doivent toujours être consultés simultanément.

L’ACCIDENT DE TEAM VESTAS, UN CAS D’ÉCOLE


Le 30 novembre 2014, Team Vestas, l’un des sept voiliers de la Volvo Ocean
Race (course autour du monde en équipage), s’échoue nuitamment, à pleine vitesse,
sur un récif corallien au milieu de l’océan Indien. À l’échelle de l’océan Indien, la
carte vectorielle utilisée ne laissait apparaître en cet endroit qu’un haut-fond. Un
zoom supplémentaire montrait des fonds de 40 m, et ce n’est qu’à un niveau de
détail supérieur que les Cargados Caragos Shoals se manifestaient pour ce qu’ils
étaient : une île à fleur d’eau de 25 milles de long (tout de même). Certes, le
navigateur du voilier danois avait commis plusieurs erreurs, dont celle de ne pas
avoir étudié l’ensemble des documents nautiques sur le parcours de l’étape, et de
ne pas s’être interrogé sur une remontée brutale des fonds, de 3 000 m à 40 m, qui
aurait dû l’inciter à explorer la zone à plus grande échelle. Il n’en demeure pas moins
que la carte vectorielle comportait une anomalie, là où les cartes électroniques
d’autres éditeurs – ainsi que les cartes papier – montraient bien la présence d’un
récif, à quelque échelle que ce soit.

L’overzoom
La possibilité de zoomer au plus profond de la carte est très
attrayante, au point que tout le monde se fera piéger un jour à vouloir
naviguer avec un facteur de zoom réglé au maximum. En agrandissant
ainsi la carte, on court le risque évident de s’approcher beaucoup trop
près des dangers 65. Zoomer exagérément, c’est d’abord oublier ce
qu’est une carte : une représentation simplifiée de la réalité. Chaque
détail de la côte ou chaque caractéristique des fonds ne peut être
dessiné avec exactitude : vouloir représenter chaque détail reviendrait à
reproduire la surface réelle, la carte serait alors de la même taille que la
zone représentée.
Zoomer déraisonnablement, c’est également se méprendre sur la
réalité des éléments apparaissant sur la carte. L’overzoom (parfois
nommé « overscale ») se définit comme un zoom qui dépasse l’échelle du
levé de la carte (sur l’échelle des levés et des cartes, voir plus haut ►).
Overzoomer dans une carte électronique, c’est comme examiner une
carte papier à la loupe : les éléments apparaissent grossis, mais la loupe
ne fournit pas de niveau de détail supérieur ni de précisions
supplémentaires. En overzoomant, on s’autorise à tort une proximité
accrue avec les dangers, alors qu’à l’échelle de son écran on est en
réalité en pleine zone d’incertitude.
Une carte raster pixellise naturellement dès que l’on dépasse
l’échelle de la carte papier dont elle est issue, ce qui prévient
automatiquement l’utilisateur du risque d’overzoom. Certaines
combinaisons logiciel-carte vectorielle disposent d’une alerte, d’autres
non… Un indice qui doit attirer l’attention de l’utilisateur est l’apparition
sur une carte vectorielle de segments de lignes droites dans la
représentation des sondes et des paysages. Ne jamais perdre de vue que
les sondes et les dangers ont été positionnés avec une précision parfois
toute relative. Sur nos côtes, il n’est pas rare de trouver des surfaces
entières pour lesquelles les derniers travaux hydrographiques remontent
à 1830. Il s’agissait alors de sondages au plomb… une technique qui ne
peut prétendre égaler le plus commun de nos GPS. Les cartes
vectorielles officielles (ENC) mentionnent la qualité des données
hydrographiques ainsi que la technique de sondage utilisée, ou bien
l’année des relevés. Les cartes privées, quant à elles, ne font
généralement plus apparaître ces éléments. Une simplification que l’on
regrettera mais qui donne surtout une fausse impression de précision.
L’hétérogénéité des données est gommée.

En haut, une carte officielle. Le CATZOC renseigne sur la confiance à accorder


à la zone englobant les îles de Bannec et Balanec. D (5) signifie une précision du
positionnement supérieure à 500 m, une incertitude des sondes de 2,5 m à 10 m de
profondeur, ou encore des « Données de qualité médiocre ou données qui ne peuvent
être évaluées faute de renseignement ». (Captures OpenCPN.) Bref, on n’a pas envie
d’y aller ! La carte privée, en bas, omet de fournir ces précisions fondamentales.
(Capture iNavX.)

L’ORIGINE DES RENSEIGNEMENTS HYDROGRAPHIQUES,


LA GRANDE ABSENTE
Si les cartes papier comportent systématiquement un diagramme sur « l’origine
des renseignements hydrographiques », ces données essentielles sont souvent
beaucoup moins apparentes sur les cartes électroniques. En se promenant sur une
carte raster, on pourra avoir la chance de tomber sur ce diagramme, à condition
d’être au bon niveau de zoom, et en fonction de la façon dont les cartes de
différentes échelles sont « tuilées » entre elles. Sur les ENC, cartes vectorielles
officielles, la norme internationale a défini le principe des « catégories de zones de
confiance dans les données » (CATZOC). Une zone de la carte cataloguée A1 est
issue d’un « levé systématique de haute précision ». Suivent par ordre décroissant
d’évaluation de la qualité des données hydrographiques les catégories A2, B, C, D (D
signifiant « données de qualité médiocre ou […] qui ne peuvent être évaluées ») et
enfin U (« non évaluées »). Les cartes vectorielles privées distribuées pour la
plaisance ne fournissent pas de façon systématique les indications sur la fiabilité des
données affichées. Elles gomment l’hétérogénéité des données hydrographiques.
C’est une autre de leurs limites, qui mérite d’être connue et prise en considération…
en continuant de naviguer avec prudence et esprit critique, aussi esthétique et
séduisante que soit l’image affichée à l’écran.

L’illusion de la perfection
Au-delà des particularités et des limites des cartes électroniques
citées plus haut, la navigation sur écran a ceci de pernicieux qu’elle
donne une fausse impression de précision, et que si l’on n’y prend garde
elle conduit à abandonner les réflexes traditionnels du navigateur. On
peut identifier plusieurs raisons à cette perte de vigilance, qui se
superposent et s’entrecroisent. Le graphisme d’une carte vectorielle,
moderne et homogène, est celui d’un document récent et précis, même
lorsqu’il est issu de données anciennes, relevées par des méthodes peu
précises. Par ailleurs, l’hyperprécision de la position GPS (à quelques
mètres près) donne l’illusion d’une grande précision du positionnement
sur la carte (et donc vis à vis des dangers), alors que la carte elle-même
est beaucoup moins précise que le GPS. Une position GPS à 5 mètres
près peut très bien nous conduire sur les cailloux si on la prend au pied
de la lettre en oubliant qu’elle est reportée sur une carte bien souvent
précise à quelques dizaines de mètres près (à ce sujet, se reporter à
l’exposé sur « Le diagramme de l’origine des renseignements
hydrographiques » ►).
Troisième facteur, et non des moindres : grâce au GPS et à la carte
électronique, la position du bateau est instantanément fournie. L’attitude
du navigateur face à son écran devient radicalement différente de celle
qui était la sienne devant sa carte papier, lorsqu’il savait que ses relevés
et ses calculs comportaient une part inévitable d’imprécision, et qu’il en
tenait compte – plus ou moins consciemment – dans sa manière de
naviguer. Le temps consacré aux calculs et aux tracés sur la carte papier
était aussi un temps pour le doute constructif et pour la réflexion.
L’esprit étant généralement partisan du moindre effort, le navigateur
non sensibilisé aux limites de la carte électronique ou l’homme de quart
non averti sont naturellement tentés de couper au plus court, en
abandonnant les distances de sécurité.
Enfin, et c’est tout aussi pernicieux : l’écran est si performant qu’on
en oublie de lever le nez pour observer le monde alentour, effectuer la
nécessaire liaison paysage-carte, et réagir aux signes de danger.
Pour éviter ces écueils courants, quelques règles d’or à graver sur la
cloison de la table à cartes :
– Navigation électronique ou pas, le navigateur choisit toujours de
tracer sa route en respectant une distance de sécurité (la règle du pouce)
entre le navire et les dangers.
– Le navigateur fait adapter la vitesse du bateau à l’approche des
dangers.
– Le navigateur doit exploiter toutes les informations dont il dispose,
et ne pas uniquement se référer à sa position GPS sur son écran. En
fonction des circonstances, il fera appel au radar, au sondeur… Il
étudiera les recommandations des instructions nautiques, compulsera
plusieurs sources cartographiques si possible…
– La navigation électronique ne dispense pas d’une veille visuelle.

Le cadre légal
Le cadre légal est fixé par la Division 240, définissant les règles de
sécurité à appliquer aux navires de plaisance de moins de 24 mètres,
régulièrement amendée et mise à jour. Dans la version en vigueur lors de
la rédaction de cette huitième édition du Cours, le texte imposait d’avoir
à bord, à partir de la navigation côtière (donc à plus de 2 milles d’un abri),
la cartographie correspondant à sa zone de navigation. Cette
cartographie peut être sous forme papier ou bien numérique. Il est
parfaitement légal en France de naviguer exclusivement avec une
solution numérique (logiciel et cartes privées), dès lors que les données
des cartes sont issues des données du SHOM (c’est bien le cas des
cartes électroniques du marché), sans être forcément éditées et
diffusées par le SHOM.
Dans les eaux internationales et sur les côtes d’un pays étranger, un
navire de plaisance battant pavillon français est soumis à la
réglementation française. Il la respecte s’il embarque des cartes issues
du service hydrographique national local. Ces cartes peuvent être
électroniques, et distribuées par un fournisseur privé à partir du moment
où elles auront été confectionnées avec des données hydrographiques
nationales officielles.
Aux obligations légales, nous n’oublierons pas d’insister sur les points
suivants, histoire de ne pas oublier le sens marin en nous contentant de
satisfaire à un texte ou en faisant une confiance aveugle en nos écrans :
– Il convient de pouvoir assurer la continuité de la navigation à tout
moment. Même si la Division 240 ne requiert pas de mettre en place une
redondance, le risque de panne électrique incite fortement à embarquer
une solution de secours, à savoir un autre équipement électronique
autonome (GPS à piles), ou bien tout simplement des cartes papier, la
bonne vieille règle Cras, un compas de relèvement, en somme tous les
instruments de la navigation traditionnelle.
– Il n’y a pas, à l’heure où nous écrivons, de mécanisme de mise à
jour systématique des portfolios de cartes distribuées par des éditeurs
privés, et c’est une des raisons pour lesquelles ces produits sont vendus
comme des « aides à la navigation », ne pouvant en principe se substituer
aux documents officiels. Avec certains fournisseurs, les mises à jour sont
tout bonnement inexistantes, pour renouveler sa cartographie on doit
débourser de nouveau le prix d’un pack neuf.
– Avec d’autres offres commerciales incluant un abonnement, on
recharge régulièrement son portfolio complet à la maison ou au port,
avec une connexion haut débit. Les mises à jour se font au rythme ou aux
périodes décidées par l’éditeur, et aucune garantie n’est donnée à
l’utilisateur que ses cartes sont en permanence tenues à jour.

L’encryptage des données


Qu’elles soient officielles ou privées, les cartes numériques sont
vendues avec une protection logicielle. Les données sont encryptées de
façon à prévenir toute modification ainsi que toute copie illégale.
L’objectif est d’assurer l’authenticité des informations contenues dans la
carte, il ne doit pas être possible de falsifier ces informations, sécurité du
transport maritime oblige. Par ailleurs, il s’agit également de sécuriser la
source des revenus des sociétés éditrices de cartographie.

LA CARTE AUGMENTÉE
La représentation d’une carte peut parfois sembler trop synthétique. Ici on
aimerait voir les coffres d’une zone de mouillage, là savoir avec précision où se
situent les parcs à huîtres. Ces besoins « récréatifs » sont éludés dans la
représentation cartographique officielle, cependant ils peuvent être satisfaits grâce à
la photographie satellite. Le procédé, plus ou moins élaboré, permet de superposer
en transparence la carte avec une photo géoréférencée.

Le chenal du Trieux et le Ferlas, à Bréhat. La superposition des photographies


satellite sur la carte marine illustre le contexte. Elle aide le navigateur à parfaire son
interprétation. (Capture MaxSea.)

À l’ère des réseaux collaboratifs, une nouvelle façon d’appréhender la


cartographie a récemment vu le jour. Le postulat de départ est simple. Les levés
hydrographiques entrepris par les autorités compétentes s’adressent, d’abord et
avant tout, aux secteurs d’activité économique de premier plan : le transport
maritime, les infrastructures portuaires, les énergies marines renouvelables, etc. Les
zones côtières intéressant plus particulièrement le plaisancier sont délaissées, au
point qu’il n’est pas rare de trouver de larges zones qui n’ont pas été hydrographiées
depuis plus de 150 ans. Deuxième constatation, les bateaux de plaisance sont
quasiment tous équipés d’un sondeur et il est relativement facile d’enregistrer les
données en provenance de cet appareil. Collectez les données de milliers
d’utilisateurs, et vous serez capable de compulser une carte bathymétrique
« collaborative », c’est-à-dire une représentation détaillée des lignes de sonde.
Ces deux approches doivent être considérées exclusivement comme des
compléments d’information, de valeur purement « touristique ». Les représentations
proposées n’ont pas pour objectif de remplacer les cartes en provenance de
sources officielles. En particulier, il est important de noter que vous n’avez aucune
garantie sur la véracité des informations délivrées. En clair, on ne construit pas une
navigation sur ce type de source !
Naviguer à proximité des côtes :
le pilotage

À proximité des côtes, lorsque la visibilité est bonne et que le paysage


est riche en amers, on peut naviguer en se situant par rapport à ce
que l’on voit, et progresser de la même manière : c’est la définition du
pilotage. Le pilotage consiste à chercher des points de repère sur la
carte, à les identifier dans le paysage et à rendre ces points de repère
utilisables selon trois moyens : les alignements, les relèvements et les
fenêtres.
Une simple navigation à vue et à l’instinct serait parfaitement
hasardeuse, pour la raison essentielle qu’en mer il est impossible
d’apprécier les distances à vue d’œil. À l’inverse, la technique du pilotage
apporte la rigueur et la précision indispensables pour naviguer à faible
distance des obstacles : rochers, passes étroites, îlots, écueils, hauts-
fonds. Il ne s’agit pas tant de savoir où l’on est à tel ou tel instant, que de
s’assurer en permanence que le bateau s’inscrit bien dans une route sûre
parmi des dangers.
Le pilotage est une discipline dynamique, il faut être rapide et ne pas
douter de soi car les obstacles se rapprochent toujours trop vite. Dans ce
contexte, le GPS peut s’avérer un bon point d’appui, dans la mesure où
en cas de doute il permet de confirmer instantanément une position,
mais fonder toute sa navigation sur cet outil serait une erreur : le GPS dit
où l’on est, mais il ne précise pas où l’on doit aller. À titre d’exemple, un
navire marchant 5 nœuds parcourt plus de 150 mètres en 1 minute, ou
encore 770 mètres en 5 minutes. Lorsque le paysage défile à cette
allure, et que les dangers se rapprochent aussi vite, l’anticipation est la
clé. Le navigateur qui se contenterait de suivre son GPS se cantonnerait
à corriger sa route par à-coups successifs (« un peu plus à droite, un peu
plus à gauche »), dans une attitude en réalité extrêmement passive. À
l’inverse, celui qui maîtrise le pilotage a tracé au préalable sur la carte
une série de segments de route sûrs et identifiables par des repères
précis dans le paysage, il dispose d’un véritable plan de route, qui lui
garantit d’avoir toujours un et même plusieurs coups d’avance. La
technique requiert une préparation rigoureuse, une discipline sans faille
et un raisonnement solide.

RELIER LE PAYSAGE ET LA CARTE


LA PRÉPARATION ET LES OUTILS
La préparation du pilotage consiste à définir à l’avance sa route sur la
carte, à identifier les amers utiles, et à trouver le moyen de les
reconnaître. Lors de la préparation, le navigateur trouvera des
alignements sur la carte, et tracera sa route avec une obsession : rester
à l’écart des dangers. C’est aussi à ce moment qu’il envisagera pour
chaque étape de sa progression une solution de dégagement, c’est-à-dire
une route de rechange, car en cours de navigation il sera trop tard pour
improviser. La préparation du pilotage est une étape essentielle pour
laquelle il faut prendre du temps. Le navigateur devra s’imprégner de la
carte marine, en y intégrant à la fois les conditions de visibilité, de vent,
de mer, de marée et de courant.
Une fois la route construite, il devra être capable de la transcrire sous
forme graphique dans un plan de pilotage. La réalisation de ce plan, et sa
forme concrète, sont fonction des habitudes et des préférences de
chacun. Il s’agit de tracer, sur un cahier ou un bloc-notes, une série de
croquis annotés qui permettront une fois en route d’identifier les
alignements à suivre, les relèvements à vérifier, les amers à reconnaître,
les repères pour les changements de cap. Par analogie avec le rallye
automobile, le plan de pilotage est le road-book du navigateur.
Le document indispensable au pilotage est la carte marine à la plus
grande échelle disponible pour la zone, dite carte de pilotage côtier. Les
cartes de pilotage côtier, regroupées dans la série jaune des cartes « P »
(pour plaisance) du SHOM, sont dessinées à une échelle qui va du
1/5 000 au 1/25 000. Pour une carte au 1/5 000 (la plus grande
échelle qui soit, par conséquent), 1 cm sur la carte = 5 000 cm dans le
paysage, soit 50 mètres.
La carte ne se suffit pas à elle-même, sa lecture s’enrichit
impérativement de la consultation des autres documents nautiques :
annuaire des marées, guide de navigation ou pilote côtier, livre des feux.
Pour le matériel, le seul instrument réellement indispensable est un petit
morceau de ficelle (genre fil à voile) ou une règle transparente,
permettant d’identifier les alignements. La navigation à la ficelle a un
côté très chic, mais on ne perdra pas de vue que la règle Cras offre
d’autres avantages : elle permet aussi bien de relier deux amers sur la
carte pour identifier un alignement pertinent que, dans le même
mouvement, de calculer son relèvement, ce qui pourra être bien utile par
la suite, comme nous le verrons plus loin.
Le compas de route n’est d’aucune utilité pour le pilotage. Le compas
de relèvement peut servir en revanche à confirmer un alignement, à
identifier un amer ou à délimiter une zone de dangers. Le sondeur permet
éventuellement de vérifier la hauteur du rocher sur lequel on vient de
s’échouer, il pourra surtout avoir une fonction d’alerte avant d’en arriver
là. Le GPS pourra servir occasionnellement, lorsqu’on voudra vérifier en
un coup d’œil que le bateau se trouve bien là où l’on pense, ou pour
contrôler qu’on est bien sur le bon alignement, mais ce n’est pas sur lui
qu’on s’appuiera pour construire une stratégie de pilotage digne de ce
nom.

RECONNAÎTRE LES AMERS


Un amer est un point de repère fixe, bien visible et identifiable sans
ambiguïté. Il doit donc répondre à deux impératifs : être reconnaissable
sur l’eau et détectable sur la carte. En théorie, tout ce qui est mentionné
sur la carte peut servir d’amer, mais parmi toutes les constructions,
objets et autres points remarquables que l’on peut voir sur la côte depuis
le bateau, il y a de bons et de mauvais amers.
Pour pouvoir être utilisé dans un alignement, un bon amer doit être
aussi détaché que possible du paysage, et fixe. Une bouée, et plus
généralement une marque flottante, n’est pas un bon amer car elle se
déplace autour de son rayon d’évitement : à éliminer. Une colline sans
sommet, la tombée d’une île qui n’est pas franche, un rocher perdu au
milieu d’autres rochers ne sont pas de bons amers.
Ne sont vraiment sûrs que les amers officiels : tourelles, phares,
rochers blanchis, pyramides ou autres repères spécifiquement conçus
pour la navigation et soigneusement entretenus. Les clochers, châteaux
d’eau, pylônes, rochers remarquables, maisons avec particularités sont
aussi d’excellents amers s’ils sont identifiés sur la carte sans aucune
ambiguïté.
En règle générale, les amers les plus pointus (offrant donc une visée
précise) et les plus reconnaissables sont les meilleurs. Le navigateur
gardera un œil critique, car le paysage évolue parfois plus vite que la
carte, certains amers peuvent avoir disparu : un clocher masqué par la
végétation, une cheminée disparue derrière un immeuble, un monument
écroulé… D’autres amers peuvent présenter un aspect nouveau : comme
des tourelles remplacées par des perches ou autre balisage provisoire. Il
est essentiel de disposer d’une carte récente, sur laquelle les corrections
sont régulièrement reportées.
D’autres constructions apparaissent, comme les éoliennes, qui
poussent comme des champignons sur notre littoral, mais qui ne peuvent
servir d’amer si elles ne sont pas mentionnées sur les cartes. Dans cette
recherche systématique d’amers, le navigateur devra tenir compte de la
hauteur d’eau : un rocher peut être visible et disparaître à marée haute,
une tourelle peut rétrécir, une petite falaise peut disparaître. Attention à
rester rationnel et à ne pas tomber dans le piège classique qui consiste à
identifier un amer par erreur dans le paysage parce qu’on rêve de le
trouver. La bonne question à se poser n’est pas « que devrais-je
apercevoir selon la carte ? », mais plutôt « que vois-je, et à quoi cela peut-
il correspondre sur la carte ? ».

A priori, la balise, le phare et l’amer blanc sont des amers de meilleure


qualité car ils sont suffisamment caractéristiques pour ne pas être confondus avec
un autre élément du paysage. On sera un peu plus circonspect dans l’identification
d’un rocher (pointu de préférence) ou d’un clocher.

Le balayage circulaire
L’identification des amers repose sur l’observation attentive du
paysage. La méthode du « balayage circulaire » est une bonne technique
pour faire l’inventaire de tous les amers utilisables à un instant précis.
Elle consiste à balayer du regard le paysage tout autour à 360°, d’un
mouvement lent et attentif de la tête, dans un sens et dans l’autre.
Au cours de ce mouvement, le navigateur recense tout ce qui pourrait
servir d’amer autour de lui. Puis il va sur la carte et reproduit ce
mouvement panoramique avec la ficelle ou la règle. Il a en tête la hauteur
d’eau, et sait par conséquent quels amers il ne peut pas voir, lorsqu’ils
sont immergés. Dans ce travail de liaison entre le paysage et la carte,
l’objectif est de sélectionner les bons amers. S’il y a un doute sur l’amer,
alors il faut considérer qu’il y a erreur et recommencer. Le compas de
relèvement peut être une aide précieuse pour identifier un amer dans le
paysage et lever définitivement le doute.
Le pilotage requiert une grande précision. On doit considérer que
« toute incertitude sur le pilotage conduit à la certitude de se planter ».
Le balayage circulaire doit être répété au fur et à mesure de la
progression, afin d’identifier de nouveaux amers avant que les anciens ne
finissent par disparaître.

Les différents plans


La difficulté dans l’exercice de la liaison paysage-carte vient du fait
qu’il est impossible d’évaluer les distances en mer d’un coup d’œil.
Pendant le balayage circulaire, le navigateur ne verra qu’un seul plan, un
peu comme sur une photographie panoramique. Ce n’est que sur la carte
qu’il pourra décomposer les différents plans et y positionner les amers
qu’il a identifiés.
Les éléments du paysage sont identifiés à l’aide de leurs caractéristiques
(un phare, une tourelle cardinale Sud). La carte permet alors de déterminer la distance
à ces amers, et de se représenter les différents plans du paysage. Ici le voilier se
trouve à 0,1 mille de la cardinale Sud de Trebeyou et à 1 mille du phare de La Croix.

La taille des éléments du paysage peut donner une idée


approximative de leur distance, mais cette perception dépend des
conditions atmosphériques, de la luminosité, de la limpidité de l’air, de
l’acuité visuelle de l’observateur et de son état de fatigue éventuelle.
Par définition, l’acuité visuelle d’un œil humain de 10/10 permet de
séparer des objets distants d’une minute d’angle. Mais pour distinguer
franchement les objets, il faut bien compter 4 à 5 minutes d’angle.
La liaison paysage-carte est effective lorsque les amers ont été
identifiés dans le paysage, et qu’ils ont été positionnés sur les différents
plans de la carte pour pouvoir composer des alignements, être relevés au
compas, ou encore s’encadrer entre d’autres éléments remarquables
(composant des fenêtres ►).

LES ALIGNEMENTS
LES TROIS TYPES D’ALIGNEMENTS ET LEURS USAGES
Pour un observateur, lorsque deux amers se profilent exactement l’un
derrière l’autre, ils sont alignés : ils constituent ce que l’on appelle un
alignement. Conséquence directe, l’observateur sait avec certitude qu’il
est sur la ligne qui prolonge cet alignement. L’alignement peut être
« avant » ou « arrière » selon que l’on se dirige vers les amers alignés, ou
que l’on s’en éloigne.
Pendant la progression du navire au milieu des dangers, les
alignements peuvent être utilisés de trois manières différentes :
– Un alignement de route est une trajectoire définie par l’alignement
de deux amers, que l’on peut suivre car il ne passe sur aucun danger.
Lorsque pour l’observateur, les deux amers sont parfaitement
superposés, on dit que l’alignement est « fermé ».
– Un alignement de garde (ou de sécurité) est un alignement qui
définit une limite à ne pas franchir. L’un des deux amers doit toujours
rester du même côté par rapport à l’autre, gage que l’on ne franchira pas
cette limite. Lorsque les deux amers ne sont pas superposés, on dit que
l’alignement est « ouvert ». Lorsque la marque postérieure se trouve à
gauche de la marque antérieure, on dit que l’alignement est « ouvert à
gauche ». Lorsque la marque postérieure se trouve à droite de la marque
antérieure, on dit que l’alignement est « ouvert à droite ».
– Un alignement par le travers est un alignement que l’on croise au
cours de sa progression. Il permet de se positionner très précisément, et
peut servir par exemple à définir une étape dans le pilotage. Il peut s’agir
aussi du nouvel alignement de route, que l’on guette par le travers pour
pouvoir bifurquer.
Avec un bon alignement, on peut s’enfiler dans la passe la plus
étroite ; avec deux bons alignements de garde (ou de sécurité) de chaque
côté, on peut circuler entre les dangers ; avec un alignement de route et
un alignement par le travers, on se situe très exactement.

Le voilier suit un alignement de route défini par la cardinale Nord Les Piliers
(à l’arrière-plan) alignée par le danger isolé « La Rompa ». Pour le photographe,
qui n’est pas placé exactement sur la même trajectoire, cet alignement est ouvert à
gauche.
Le photographe s’est déplacé de façon à ouvrir à droite l’alignement des
Piliers par La Rompa.

CHOISIR SES ALIGNEMENTS


Il y a les alignements officiels, et ceux que le navigateur s’invente. Les
alignements officiels sont mentionnés sur les cartes du SHOM ou sur les
documents nautiques, et le relèvement de l’alignement est toujours
indiqué, ce qui permet de confirmer lorsqu’on s’en approche que l’on ne
s’est pas trompé d’amers. Ces alignements correspondent à des routes
recommandées et sont absolument sûrs parce qu’au cours de l’histoire,
ils ont bénéficié de « sondages par la quille » de tous les navires qui les
ont empruntées.
Parmi les alignements officiels, les alignements de feux permettent
de faire route de nuit en toute sécurité, même dans des passes très
étroites. À ce propos, en superposant deux feux pour suivre un
alignement de nuit, le navigateur devra se souvenir d’une règle de bon
sens : le feu le plus bas sur l’eau est toujours le feu antérieur, sinon on ne
le verrait pas ! Attention tout de même, il arrive, exceptionnellement,
qu’un alignement soit visible « normalement » de la passerelle d’un navire
de commerce, mais que, depuis le pont d’un petit voilier, c’est-à-dire au
ras de l’eau, le feu postérieur soit masqué par le bâti du feu antérieur.
Lorsque le deuxième feu est invisible, on sait qu’on est bien sur
l’alignement.

Un alignement de garde permet d’identifier la limite d’une zone où l’on ne


doit pas s’aventurer. Cette stratégie s’avère particulièrement utile au louvoyage. Ici,
le navigateur doit toujours conserver l’alignement « ouvert à gauche ».

Dans un deuxième registre – et arrivant au deuxième niveau de


fiabilité – doivent être pris en compte les alignements connus et validés
par les pratiques du lieu, avec par exemple des rochers peints servant
d’amers, des repères sur des maisons.
Viennent ensuite les alignements que le navigateur s’invente pour le
pilotage. Ils doivent être soigneusement choisis, et la décision passe
d’abord par une bonne sélection des amers. L’idéal bien entendu est
d’avoir un amer postérieur bien identifié plus haut que l’amer antérieur,
mais l’amer postérieur peut être parfois plus petit : on est alors sur
l’alignement lorsque celui-ci est masqué.

La sensibilité d’un alignement


En règle générale, les alignements sont d’autant plus « sensibles »
que les amers sont éloignés les uns des autres, qu’ils sont plus étroits et
plus hauts et que l’on est proche de l’amer antérieur. Lorsqu’un
alignement est bien sensible, l’œil le « perd » dès qu’il s’éloigne d’un
degré de la route passant par les deux amers : le navigateur attentif peut
donc suivre une route précise au degré près. On pourra retenir comme
règle pratique qu’un alignement présente une bonne sensibilité lorsque
ses deux amers sont éloignés de plus du tiers de la distance séparant
l’observateur de l’amer antérieur.
Il faudra donc faire le tri, éliminer systématiquement les alignements
qui semblent pertinents sur la carte et qu’on ne retrouve pas dans le
paysage, les alignements imprécis parce qu’un amer est trop large, ou
parce que les amers sont trop proches les uns des autres. À noter encore
que les amers placés de part et d’autre de l’observateur – on parle
d’alignements bretons – ne peuvent absolument pas servir pour un
alignement, sinon pour les oiseaux de mer et autres gallinacés qui ont un
œil de chaque côté de la tête.
Enfin, le pilote averti ne se contentera pas d’utiliser des alignements
au sens strict. Il pourra aussi décrypter le paysage et chercher d’autres
éléments à encadrer dans des fenêtres, comme une plage que l’on
repère entre deux rochers, une tourelle qu’on garde visible entre deux
îlots, un bras de mer que l’on voit entre deux tombées. Une fenêtre bien
choisie peut être d’une sensibilité suffisante pour une route sûre.
La nuit, le paysage est simplifié. Sauf sous une belle Lune sans
nuage, on ne voit que du noir, et des feux ici et là. Certains scintillent,
d’autres sont fixes, certains sont rouges, verts ou blancs. Il n’y a aucun
repère pour apprécier les distances, les fenêtres sont inutilisables, on ne
voit plus les brisants sur les roches. La seule manière d’identifier les feux
pour une bonne liaison paysage-carte, c’est de connaître leurs
caractéristiques : type, portée, couleur, secteurs, période, hauteur. Le
feu doit être identifié avec certitude parce qu’il n’y a pas d’autre amer
dans le paysage. L’exercice est facile pour les phares car ceux-ci sont
bien individualisés, mais la nuit les cardinales de même secteur se
ressemblent toutes. Dans son décryptage de la carte, le pilote ne
s’attardera que sur les marques lumineuses, après avoir pris soin
d’actualiser les corrections de la carte ou du livre des feux, pour ne pas
chercher désespérément dans le paysage un feu en panne, ou dont les
caractéristiques ont changé.
La tenue d’un alignement arrière demande au barreur une bonne
concentration, et des yeux derrière le dos. Un jour de brise d’ouest, dans le délicat
chenal de La Trinité à Paimpol.

Nommer les alignements


Dans la description d’un alignement, l’amer postérieur est toujours
cité en premier, et cela vaut aussi bien pour la mention d’un alignement
sur la carte, pour sa description dans un paragraphe d’un ouvrage
nautique, que pour la communication verbale au sein de l’équipage. On
cite ensuite le relèvement correspondant. La règle est la même qu’il
s’agisse d’un alignement officiel, d’un alignement officieux bien établi
dans les pratiques locales, ou d’un alignement de circonstance que le
navigateur s’est inventé pour les besoins du jour.
Ainsi, celui qui aborde par l’est les chenaux de Bréhat en suivant
l’alignement « le phare de La Croix par le sud de l’île de Raguenès à
277° » sait qu’il doit trouver le phare de La Croix au-delà de l’île
Raguenès. S’il a du mal à identifier l’île Raguenès (impossible en
revanche de se tromper pour le phare de La Croix chapeauté de rouge), il
lui suffit de se placer sur le relèvement du phare à 277° pour repérer la
tombée de l’île.

L’INESTIMABLE VALEUR DES ALIGNEMENTS OFFICIELS


Comme dit plus haut, les alignements recommandés, c’est-à-dire ceux qui sont
portés sur les cartes et ont un caractère officiel, sont d’une grande sûreté dans la
mesure où des générations de navigateurs – et de navires – les ont empruntés sans
dommages.
Il n’y a pas de meilleure illustration de cette réalité que celle donnée par le
SHOM dans son ouvrage 1F sur L’hydrographie, les documents nautiques, leurs
imperfections et leur bon usage.
En 1973, l’archipel des Glénan a fait l’objet de levés hydrographiques, réalisés
avec des moyens modernes, et destinés à mettre à jour les sondages réalisés au
e
XIX siècle, puis de nouveau en 1903. Sont alors apparus des dangers jusqu’alors
inconnus, à proximité de l’alignement historique du pignon est de la maison de
Saint-Nicolas par la droite de Fort-Cigogne. La carte 5304 en service depuis 70 ans
méconnaissait la présence d’un haut-fond de 2 m au sud de Méaban, dans une zone
sondée à 15 mètres, d’un deuxième haut-fond à deux têtes (5,6 m ; 5,8 m) dans
l’ouest de Laon Ejen Hir (la carte mentionnait des sondes de l’ordre de 16 m), et
enfin d’un autre haut-fond à deux têtes (2,6 m ; 3,3 m) dans le sud de Laon Ejen Hir
(dans des parages dans une zone où les sondes portées sur la carte étaient voisines
de 154 m).
Ces trois hauts-fonds se situent respectivement à 50 m, 130 m et 120 m à
l’écart de l’alignement recommandé, et de mémoire de marin, aucun bateau n’avait
jamais talonné sur ces dangers méconnus. La conclusion de l’histoire, selon le
SHOM, est que « les navires de plus de 3 mètres de tirant d’eau ayant fréquenté ces
parages pendant des décennies ont toujours suivi fidèlement les alignements. »

LES AIDES AU PILOTAGE


Traditionnellement, pour faire du pilotage, il suffit d’une carte
détaillée, d’une ficelle solide (ou d’une règle transparente), et d’une
bonne paire d’yeux. Mais il serait dommage de se priver de deux
instruments utiles : le compas de relèvement et le GPS.

LE COMPAS DE RELÈVEMENT
Au milieu des dangers, le compas de relèvement ne sert pas à faire le
point, car cela serait une perte considérable de temps. Comme nous
l’avons dit plus haut, dans le pilotage on ne cherche pas à savoir où l’on
est, mais à avoir une trajectoire sûre. Il est en revanche précieux dans
plusieurs cas de figure :
– Identifier un alignement, ou confirmer que l’alignement suivi est le
bon.
– Réaliser des relèvements de sécurité, dits encore « relèvements de
garde ». Dans ce cas de figure, on ne cherche pas à suivre une trajectoire
précise, mais à définir sur la carte les zones où l’on ne veut pas être, et à
s’en tenir à l’écart en restant en deçà d’un relèvement sur un amer. Cette
méthode est précieuse, elle fonctionne très bien dans les parages moins
resserrés et/ou lorsque le paysage n’offre pas d’amers en nombre
suffisant pour imaginer des alignements pertinents. Si, avec des dangers
sur tribord, le relèvement de garde est vers l’avant, le compas devra
afficher une valeur supérieure pour se tenir à l’écart de la No go zone,
comme disent les Anglais, qui sont friands de cette technique. S’il est
vers l’arrière, il faudra conserver un relèvement de valeur inférieure au
relèvement de garde. Avec des dangers sur bâbord, on procède à
l’inverse.
Deux relèvements de garde, sur une marque de balisage d’une part et la tombée
franche d’une côte d’autre part, définissent un couloir de navigation sûr.

– Suivre une trajectoire vers un amer ou depuis un amer, par un


relèvement de route (relèvement « avant » ou relèvement « arrière »). La
visée au compas de relèvement est moins précise que le suivi d’un
alignement, l’incertitude peut aller jusqu’à 5° selon les conditions de mer,
mais il n’y a parfois pas d’autre choix lorsqu’on ne dispose que d’un seul
point de repère. Si l’on relève l’amer à une valeur supérieure au
relèvement de route « avant », c’est qu’on est à gauche de l’alignement, il
faut revenir sur tribord. Si la visée du compas est inférieure, il faut
infléchir la route sur bâbord. On procède à l’inverse avec un relèvement
de route « arrière » (lorsqu’on navigue en s’éloignant d’un amer).
Dans tous les cas de figure, se rappeler qu’avec un compas, caps et
relèvements augmentent vers la droite et diminuent vers la gauche. Si
l’amer est visé à un relèvement inférieur à celui souhaité, il faut
manœuvrer de façon à le « déplacer » vers la droite de l’observateur. Et
inversement.

La façon de suivre, au compas de relèvement, des relèvements de route,


selon que l’on fait route vers l’amer (relèvement avant) ou qu’on s’en éloigne
(relèvement arrière).

Ne pas oublier, par ailleurs, qu’en pilotage un relèvement est plus


précis qu’une fenêtre, mais moins précis qu’un alignement.

LE GPS
Le GPS est un instrument merveilleux, mais en aucun cas un
passeport pour batifoler impunément au milieu d’un champ d’écueils. On
en revient toujours au même paradoxe : la position délivrée par le GPS
est précise à quelques mètres, mais le navigateur n’a aucune garantie
que la carte marine sur laquelle est reportée cette position soit elle-
même aussi précise. La première règle, en pilotage, est de ne jamais
utiliser l’overzoom ►. Ceci étant rappelé, la position GPS sur un écran
traceur peut s’avérer bien utile, par exemple pour confirmer un
alignement devant, grâce au vecteur « cap », ou derrière, avec une droite
tirée sur le traceur depuis l’icône du bateau. De la même manière, le GPS
peut confirmer une position du bon côté d’un alignement, ou d’un
relèvement de garde. Les logiciels les plus élaborés permettent de tracer
par avance des zones de garde sur la carte électronique. Mais en
pilotage, le GPS ne sera jamais qu’un outil de confirmation, auquel on
peut ponctuellement recourir. Ses limites tiennent surtout à la réactivité,
au dynamisme et à la précision du type de navigation imposés par
l’exercice.
Le bateau va toujours trop vite à l’approche des dangers ; à partir
d’une position GPS, certes précise, corriger un cap rendu imprécis par la
dérive peut être fatal car trop tardif. Un alignement, un relèvement ou
une fenêtre permettent de suivre en permanence une route fond précise,
quelle que soit la dérive. Et suivre une route fond constante, sans s’en
écarter, c’est le premier impératif du pilotage. Même en se fiant à
l’indicateur COG (Course Over Ground) du GPS, la route reste imprécise
parce qu’on ne corrige les dérives qu’a posteriori.
La navigation au GPS est passive, et dans des situations de pilotage
où le navigateur doit rester constamment en prise directe avec le
paysage, elle risque d’entraîner malgré nous une dissociation paysage-
carte. Les amers, rochers et autres écueils deviennent virtuels sur
l’écran, mais restent malheureusement bien réels lorsqu’on s’y frotte.
En somme, un bon pilote doit faire preuve de créativité, et utiliser
trois instruments complémentaires : règle ou ficelle, compas de
relèvement et GPS. Le navigateur préparera son pilotage en cherchant à
utiliser par ordre de précision : les alignements, les relèvements et les
fenêtres. En route, il se servira de ces trois méthodes, alignements,
relèvements et fenêtres, qui se complètent et se succèdent au gré des
circonstances. Et il pourra s’aider du GPS pour se recaler s’il est perdu,
ou vérifier d’un coup d’œil que sa position le place bien sur la trajectoire
(le segment de route) prédéfinie.

ÉVOLUER EN SÉCURITÉ
LE PIED DE PILOTE
Le pied d’un pilote qui chausse du 43 fait environ 30 cm. Mais en
vieillissant, le pied du pilote s’agrandit. Avec l’âge et l’expérience, le
navigateur a compris que pour naviguer sereinement, il faut une marge
de sécurité suffisante. Dans la pratique, l’incertitude sur les sondes des
cartes peut atteindre quelques dizaines de centimètres. S’ajoutent
l’imprécision relative des calculs de marée, les effets du vent et de la
pression atmosphérique sur la hauteur d’eau, ainsi que le clapot ou les
vagues.
Pour toutes ces raisons, si l’on veut éviter que notre quille tutoie le
fond de la mer, il faut une marge de sécurité que l’on rajoute au tirant
d’eau. C’est ce qu’on appelle le « pied de pilote ». Un bon pied de pilote
mesure au minimum 50 cm, mais il est raisonnable de se donner au
moins 1 mètre selon le type de bateau, la nature des fonds, l’expertise de
l’équipage et les conditions météo.

LES CONDITIONS DU PILOTAGE


La mer est pavée de roches et d’amers aux noms évocateurs, Les
Putains, Le Cochon, Nerput (Noire Pute)… qui témoignent de quelques
incidents de pilotage. Pour les éviter, quelques règles doivent être
observées et quelques réalités rappelées :
– Le pilotage ne peut se faire qu’avec une bonne visibilité.
– Le pilotage est plus sûr par courant faible, et à marée montante.
– Il ne faut pas être étonné de devoir, avec un courant traversier
significatif, devoir pointer l’étrave à 30 ou 45° de l’alignement pour le
conserver !
– Idéalement, le vent doit être suffisamment fort pour progresser et
manœuvrer, mais pas trop pour ne pas aller trop vite. Il doit aussi être
régulier : il est dangereux de s’aventurer dans un changement de voilure
pendant le pilotage.
– Il ne s’agit pas d’aller vite, mais d’être précis. Réduire sa vitesse
autour de 3 nœuds permet d’avoir du temps pour se concentrer sur la
navigation, et au pire d’éviter un échouement trop violent.
– La voilure doit être adaptée aux conditions du jour de façon à
modérer la vitesse, mais il faut aussi pouvoir rester manœuvrant à
chaque instant. On réduit donc la toile, mais sans excès, pour porter ce
que l’on appelle une voilure de manœuvre. Le spi est à proscrire dans le
pilotage. On doit pouvoir virer de bord ou empanner à chaque instant,
faire demi-tour, s’arrêter, repartir.
– Quand on est perdu, il faut savoir ralentir, s’arrêter sur le fond, se
mettre à la cape, mouiller si nécessaire.
– Lorsque l’on est amené à tirer des bords en pilotage, il faut pouvoir
s’appuyer de chaque côté sur un alignement ou un relèvement de garde.
– Enfin, il ne faut pas hésiter à faire tourner le moteur au point mort
dans des sections où il peut être difficile de se dégager à la voile, ou si
l’on s’apprête à devoir tenir un alignement trop près du vent.

UN EXEMPLE DE PILOTAGE :
DANS LES CHENAUX DE BRÉHAT
En venant du large, on veut aller à Paimpol, mais en contournant
Bréhat par l’ouest et le sud. Cet exercice n’a pas la prétention de montrer
par où il faut passer, mais d’exposer une démarche cohérente de
pilotage.
Cette démarche comprend trois phases :
– décrypter la carte ;
– établir le plan de pilotage ;
– réalisation du pilotage : on y va !
Avant toute chose, il faut s’assurer que les conditions sont réunies.
o
– Nous disposons d’une carte de « Pilotage côtier », la n 7127 de la
série jaune du SHOM. Il s’agit d’une carte au 1/20 000, c’est bien la
carte la plus détaillée du coin.
– La visibilité est bonne, supérieure à 10 milles.
– Le vent est régulier, d’est 10 à 15 nœuds, le temps est ensoleillé
avec quelques nuages.
– La mer est peu agitée.
– Nous sommes en vives-eaux, coefficient 84. Le courant est fort
dans cette zone, on choisira le bon moment pour réaliser la navigation, à
marée montante, peu de temps avant l’étale de marée haute pour
satisfaire à deux conditions : avoir un pied de pilote suffisant, et un
courant faible.
– Notre bateau est en bon état. Il cale 2,20 mètres de tirant d’eau, le
gréement et les voiles sont corrects, le moteur démarre au quart de tour,
le mouillage est à poste.
– Enfin, dernière condition et pas des moindres : le navigateur
possède une bonne vue.
Notre navigation va nous mener de l’entrée du Trieux à Paimpol en
contournant Bréhat par l’ouest et le sud.

DÉCRYPTAGE DE LA CARTE
Dans un premier temps nous regardons, d’une manière générale,
comment se comportent les courants dans la zone. À marée montante, le
courant porte au sud dans la rivière du Trieux, puis à l’est dans le Ferlas,
puis de nouveau au sud dans le chenal de La Trinité. Le courant sera
donc favorable tout au long du parcours. Il va s’accélérer dans les
passages étroits, par exemple en doublant le phare de La Croix, et dans
le Ferlas au niveau de la tourelle Sud Trebeyou. Nous devrons en tenir
compte.
Il s’agit ensuite de repérer sur la carte tous les amers utilisables, en
s’aidant de tous les documents disponibles : Instructions nautiques, pilotes
côtiers, photographies du paysage et des amers, et même Google Earth
au besoin. Du premier coup d’œil, on voit sur la carte qu’il existe
plusieurs alignements et relèvements officiels. Ils nous serviront chaque
fois que possible. En théorie, ils nous permettront d’entrer dans la rivière
du Trieux presque jusqu’à Loguivy, puis de suivre une bonne partie du
Ferlas entre Bréhat et la côte. Cependant, on voit qu’il devrait être
possible de couper au plus court, en passant par exemple dans le Vincre
(marqué Ar Vinkre sur la carte) entre Roc’h Velen et Roc’h Kranked, puis
plus loin en arrivant au nord de Paimpol, de raser la pointe de l’Arcouest
en prenant le chenal de La Trinité. Mais il n’existe pas d’alignements
officiels pour ces trajectoires.
C’est alors que nous sortons l’instrument fondamental du pilotage : la
ficelle. Une fois qu’elle est tendue sur la carte, nous la faisons pivoter
autour d’un axe dont le centre est la passe que nous voulons embouquer.
Entre Roc’h Velen et Roc’h Kranked, nous ne trouvons aucun alignement
par le sud, mais au nord nous découvrons un bel alignement arrière : le
grand phare des Héaux de Bréhat par la tourelle de Men Krenn. Il faudra
demander au barreur de placer le phare des Héaux de Bréhat sur la
tombée gauche de Men Krenn pour se positionner vers le centre du
passage.
Choisir un alignement par l’arrière est une solution souvent
pertinente, car les amers que l’on va utiliser pourront être identifiés au
passage. Par ailleurs, dans la navigation qui nous concerne, les amers
arrière, au nord, seront éclairés par le soleil, alors que des amers avant
seraient à contre-jour.
Pour le chenal de La Trinité, les choses seront plus délicates. Si nous
voulons raser la pointe de l’Arcouest, puis ensuite raser la pointe de
La Trinité, il nous faudra naviguer sur l’estran, passer sur des fonds de
0,8 m et éviter tous les rochers mentionnés sur la carte mais non cotés.
De toute façon, nous voulons arriver à Paimpol pour l’écluse, donc
vers la marée haute, et nous déciderons d’un pied de pilote
irréprochable, supérieur à 3 mètres. En faisant pivoter notre ficelle, nous
trouvons les alignements suivants :
– La pyramide blanche de Quistillic par la tombée Est de Men Bras
Logodec.
– La perche Nord Roc’h Ourmelek par la perche Est Roc’h Lemm.
– La marque blanche de La Cormorandière par la marque blanche
Roc’h Grouig Porc’h.
– La pyramide blanche Quistillic par la perche Sud Men Kreiz.
– Les perches vertes du chenal alignées.
Les cinq alignements du chenal de La Trinité.

Les données d’origine de la carte


Nous n’oublions pas de consulter le diagramme des sources
o
bathymétriques de la carte SHOM n 7127 pour avoir une idée de son
degré de précision. Les parages du Trieux et du Ferlas ont bénéficié de
relevés récents par des méthodes modernes de haute précision
(sondages multifaisceaux entre 2000 et 2008). En revanche, l’anse de
Paimpol, à l’exception de son chenal d’accès principal, a été
cartographiée à partir de sondages au plomb réalisés entre 1830 et
1931. Idem pour les alentours de la pointe de l’Arcouest. Cette
information nous incite à une prudence particulière pour la dernière
partie de notre navigation, et elle nous conforte dans notre choix d’un
pied de pilote important.

LE PLAN DE PILOTAGE
En réalisant notre plan de pilotage, nous allons intégrer les
conditions liées à l’environnement, visibilité, hauteur d’eau, courant,
marée, force et direction du vent, et prévoir par ailleurs pour chaque
trajectoire une solution de secours.
La visibilité est bonne. Les amers les plus lointains que nous aurons à
identifier seront distants au maximum de 5 milles (le plus loin : les Héaux
de Bréhat), donc ils seront tous visibles. Le vent est d’est, 12 nœuds
réguliers, la mer est peu agitée. Notre bateau cale 2,20 m de tirant d’eau,
nous allons passer sur des fonds de 0,8 m, et nous voulons un pied de
pilote de 3 mètres. Il faudra donc au moins 6 mètres d’eau (au-dessus du
zéro des cartes) pour ce pilotage. Idéalement on naviguera à marée
montante. C’est notre calcul de marée qui nous imposera le top départ.
Le courant sera favorable sur presque tout le parcours, ce qui est un
avantage, mais aussi un inconvénient : on va aller vite. Il faudra alors
établir la voilure de manœuvre, juste suffisante pour avancer et
manœuvrer, mais pas destinée à faire de la vitesse.
Le vent d’est sera de face dans le Ferlas. Il nous faudra tirer des
bords, donc nous ne pourrons pas suivre d’alignements de route. Nous
aurons par conséquent besoin d’alignements de garde, au nord et au sud
du chenal. En promenant notre ficelle sur la carte, nous identifions des
alignements qui nous semblent utilisables :
Alignements de garde Nord :
– N1. La tourelle Nord Les Piliers par la perche Sud Receveur Bihan.
– N2. Le danger isolé La Rompa par la perche Sud Receveur Bihan.

Les alignements de garde fixant la limite nord de notre couloir de navigation dans
le Ferlas…

Alignements de garde Sud :


– S1. La tombée de Roc’h Levret par la perche verte de l’entrée du
chenal de Loguivy.
– S2. La tourelle verte des Pres Noires par la perche Sud Receveur
Bihan.
– S3. Roc’h Kranked par la tourelle danger isolé La Rompa.
– S4. La tombée Nord de Roc’h Conan par la tombée Nord de Roc’h
ar C’hroueier.
L’alignement S3 n’est vraiment pas idéal parce qu’il nous fait passer
sur l’estran. On se pose même la question de savoir s’il mérite son nom
d’« alignement de garde », parce qu’il ne garde pas du danger mais se
trouve dessus. Il faudra absolument le maintenir ouvert à droite. Ce n’est
pas un bon alignement, mais nous n’en trouvons pas d’autres pour cette
zone, alors nous décidons de le conserver.
À ce stade de la préparation du pilotage, le navigateur constate qu’il
ne devra pas souffrir de torticolis. En effet, dans la première trajectoire
du Ferlas, l’alignement de garde Nord est un alignement avant (N1) et
l’alignement de garde Sud est arrière (S1) ; dans la seconde trajectoire,
les deux alignements de garde sont avant (N1 et S2), puis arrière pour S3
et S4 alors que N2 est un alignement avant. De plus, la navigation sera
tonique, avec de fréquents virements de bord, et rapide, avec le courant
favorable.
Le navigateur décompose la route en plusieurs trajectoires, qu’il
reporte sur la carte, et pour chacune de ces trajectoires il imaginera une
solution de secours :
o
– Trajectoire n 1. Entrée dans la rivière du Trieux par l’alignement
officiel : le phare de Bodic par le phare de La Croix au 224,8°. Le chenal
est assez large, et au passage on pourra identifier les amers successifs
qui nous serviront pour la suite : les latérales vertes Vieille du Tréou et de
Ar Rodellou sur la droite, la tourelle Nord Petit Pen Azen puis la latérale
rouge Gosrod sur la gauche. Dans cette portion assez large, la solution
de secours la plus simple est de faire demi-tour, ou d’emprunter le chenal
de la Moisie si l’on ne veut pas se retrouver au près.
o
– Trajectoire n 2. Petit segment de route (0,5 mètres) pour rejoindre
l’alignement officiel d’entrée de la rivière du Trieux. C’est l’alignement
officiel à 234,7°, de la maison sur l’île à Bois par la latérale tribord du
plateau de Moguedhier. Dans la réalité, cet alignement n’est plus
utilisable car la maison de l’île à Bois est cachée par la végétation.
L’alignement arrière de la tourelle Nord Petit Pen Azen par la latérale
rouge Gosrod fera l’affaire. Dans le cas fort improbable où l’on ne
parviendrait pas à trouver cet alignement, on devra ouvrir à droite
l’alignement de Bodic par La Croix jusqu’à atteindre rapidement la
o
trajectoire n 3. Il faut prendre cette décision dès que la tourelle verte
Min Guen se trouve dans le tableau arrière.

… et les alignements bordant au sud ce corridor de sécurité.


Les sept sections du plan de pilotage, depuis l’entrée du Trieux jusqu’à l’écluse
de Paimpol.

o
– Trajectoire n 3. Entrée de la rivière du Trieux, par son alignement
officiel au 218,7° : alignement des deux phares Coatmer Amont et
Coatmer Aval. Cependant ces amers sont éloignés, à contre-jour, et on
n’est pas certain (avec raison) de pouvoir les reconnaître facilement. Ils
sont sans doute plus facilement identifiables de nuit avec leur feu. De
jour, on choisira de préférence un alignement arrière qu’on aura
facilement identifié au passage : les deux latérales vertes, Vieille du
Tréou par Min Guen.
o
– Trajectoire n 4. Passage du Vinkre, entre Roc’h Velen et Roc’h
Kranked. Ici, l’alignement arrière du grand phare des Héaux de Bréhat par
la gauche de la tourelle de Men Krenn doit être bien visible. En trajectoire
de secours, si par exemple on n’est pas sûr d’identifier Men Krenn avec
certitude, on pourra toujours poursuivre la trajectoire précédente qui
mène dans la rivière du Trieux.
o
– Trajectoire n 5. Le pilotage dans le Ferlas contre le vent ne va pas
permettre de suivre un alignement de route, car nous devrons tirer des
bords. Nous utiliserons alors les alignements de garde Nord et Sud
décrits précédemment. La solution de secours consistant à faire demi-
tour est d’autant plus cohérente que dans ce cas, on va se retrouver au
portant et face à un courant que l’on étalera facilement.
o
– Trajectoire n 6. Le délicat chenal de La Trinité représente un
pilotage serré qui doit être décomposé en 5 portions. Celles-ci ont été
er
définies précédemment. On notera que le 1 alignement nous fait passer
sur des roches à l’entrée nord du chenal, Lell Wenn, mentionnées à
0,1 m, puis assez près d’une autre roche, Ar Geveliou cotée 1,1 m. Il
faudra laisser cet alignement légèrement ouvert à droite, et par sécurité
nous prendrons un pied de pilote qui laisse au moins 3 mètres au-dessus
e
de cette roche. Le 3 alignement sera légèrement ouvert à droite pour
éviter la roche qui s’étend au sud de la Madeleine, et qui n’est pas cotée
sur la carte. On remarquera qu’avec le vent d’est, nous serons au près et
qu’il sera peut-être nécessaire de s’aider du moteur pour suivre
précisément cette petite portion de route, car on ne peut pas tirer des
e
bords dans un chenal de ce type. Le 4 alignement a été délibérément
choisi pour éviter la Pierre du Taureau. En solution de secours, il sera
toujours possible de dégager vers le chenal de Lastel, mais une fois
engagés dans ce chenal, en l’absence d’alignements disponibles pour
cette solution, il faudra deux relèvements de garde pour parer les roches
Ar Gwarderou au nord, et Men Daniel au sud. Par exemple, on pourra
laisser la tourelle Roc’h Grouig Porc’h entre 225° et 235° en relèvement
arrière. La fin du parcours ne présente pas de difficulté mais doit être
e
encore une fois définie à l’aide d’un alignement (le 5 ) pour parer les
roches avoisinantes.
o
– Trajectoire n 7. Au sortir du chenal de La Trinité et avant
d’emprunter le chenal de Paimpol, il faut s’assurer de disposer de la
hauteur d’eau suffisante jusqu’à l’entrée de l’écluse. Si tel n’est pas le
cas, à partir de la perche Roc’h Glividy, on gagne le mouillage d’attente,
un trou d’eau de 6,70 m indiqué sur la carte. Sinon, on embouque le
chenal parfaitement balisé de bout en bout pour atteindre le port.
Toujours dans la recherche d’une solution de secours en cas
d’imprévu, on remarque qu’une fois sortis de la rivière du Trieux, on
pourra mouiller rapidement à tout instant dans des fonds inférieurs à
10 mètres. La tenue du mouillage ne sera pas toujours excellente dans le
Ferlas, car les fonds y sont constitués essentiellement de sable S, mais
aussi de gravier G et de débris coquillers Sh. En revanche dans le chenal
de La Trinité, les fonds sont constitués de vase M, où en principe la
« pioche » croche sans coup férir.

DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE
Passage de l’anticipation sur la carte à l’exercice réel sur l’eau : nous
voici arrivant du large à l’entrée du chenal du Trieux. Au total, le parcours
jusqu’à Paimpol compte une dizaine de milles, le temps estimé avant
d’aborder le chenal de la Trinité est d’environ 2 heures et la hauteur
d’eau devra être, à ce moment, d’au moins 6 mètres au-dessus du zéro.
Dès l’arrivée à hauteur des premiers dangers marquant les approches
de Bréhat (en l’occurrence le plateau de la Horaine), tout l’équipage a été
mobilisé sur le pont. On a adopté une voilure de manœuvre et désigné un
bon barreur. Le navigateur, lui, balayera constamment le paysage pour
faire la liaison avec la carte. Il se concentrera avant de donner le top-
départ de la session de pilotage, et dès cet instant il ne se laissera plus
influencer par un équipage qui n’aura pas décrypté la carte comme lui-
même a pu le faire. Et dans la progression du navire, il n’aura qu’une
obsession : la certitude.
Les instructions pour l’équipage sont simples : chacun à son poste,
prêt à la manœuvre. Le barreur devra suivre les alignements, aussi bien
avant qu’arrière, avec la plus grande précision. Dans le passage du
Ferlas, face au vent, c’est le navigateur qui donnera l’ordre de chaque
virement de bord.
o
– Trajectoire n 1. L’entrée de la rivière du Trieux se déroule comme
prévu. Le chenal est assez large, cette portion est suffisamment longue
pour espérer reconnaître un maximum d’amers. En passant à leur
hauteur, le navigateur identifie parfaitement la latérale verte de la Vieille
du Tréou, puis celle de Ar Rodellou. Au loin le phare de La Croix,
caractéristique avec son sommet rouge, que l’on doit aligner avec le
phare de Bodic. Mais le phare de Bodic est difficile à trouver en ligne de
crête. Pourtant sur la carte il culmine à 55 mètres et se situe juste à
droite de la rivière. Au passage, il ne peut s’empêcher une réflexion
intérieure : les alignements officiels utilisant des feux comme amers ne
sont peut-être pas les plus visibles de jour. En plaçant le voilier sur un
relèvement du phare de La Croix au 225°, il se positionne sur
l’alignement officiel au 224,8° et c’est ainsi qu’il déniche enfin dans l’axe
et au loin le phare de Bodic. En poursuivant sa route, il reconnaît la
latérale verte de Min Guen, il faudra donc bientôt virer sur la trajectoire
o
n 2.
o
– Trajectoire n 2. En poursuivant la liaison paysage/carte, le
navigateur s’aperçoit que la maison de l’île à Bois est invisible, cachée
par la végétation. La route officielle au 234,7° n’est donc pas utilisable.
On se félicite d’avoir choisi l’alignement arrière du Petit Pen Azen par
Gosrod. On est grand largue, on avance à 3 nœuds et le courant
o
s’accélère. Il faut être rapide. La trajectoire n 3 est déjà prête, sur
l’alignement arrière de deux amers que l’on a formellement identifiés au
passage : les latérales vertes Vieille du Tréou par Min Guen.
o
– Trajectoire n 3. Comme aux échecs, le navigateur doit garder un
coup d’avance. Dès que le bateau est engagé sur l’alignement officiel des
deux phares Coatmer comme un train sur ses rails, il faut rechercher les
amers de l’alignement suivant. À savoir la tourelle de Men Krenn et le
grand phare des Héaux de Bréhat sur tribord. Le pilote demandera au
barreur de placer le phare des Héaux de Bréhat sur la tombée gauche de
Men Krenn pour se positionner vers le centre de la passe du Vinkre.
o
– Trajectoire n 4. La passe du Vinkre est courte, moins de
0,5 mètres. Avec le courant favorable, cette trajectoire sera franchie en
moins de 7 minutes. Juste après, on va se retrouver face au vent à tirer
o
des bords dans le Ferlas. Il faudra donc poursuivre la trajectoire n 4
jusqu’à l’alignement de garde Sud S1 (alignement arrière) avant de virer
de bord, mais entre-temps on va passer sur l’alignement de garde Nord
N1 (alignement avant) que l’on va essayer d’identifier au passage pour le
virement de bord suivant.
– Pilotage dans le Ferlas. Ici, le navigateur devra faire preuve de
rapidité, de précision et de concentration. Il dispose de quatre
alignements de garde successifs au sud, et de deux au nord. Il faudra
tirer des bords rapides et fréquents, dans une passe étroite, avec le
courant favorable. Comme ce sont des alignements de garde, il faudra
virer avant d’atteindre l’alignement du moment : on ne doit pas le
franchir, même dans le cours du virement. On garde aussi en tête (cela
avait d’ailleurs été écrit en gros quelque part sur la carte ou le bloc-notes
du navigateur) que l’alignement de garde S3 n’est pas excellent et qu’il
faudra le laisser résolument ouvert à droite.

Le phare de La Croix vu depuis le sud, juste au moment d’emprunter la passe du


Vinkre. La Croix est l’un des amers les plus remarquables de l’archipel de Bréhat.

Avant de s’engager dans la passe, le navigateur veut être certain


d’avoir reconnu tous les amers qu’il va utiliser. Il y en a neuf au total :
– Roc’h Levret.
– La perche verte de l’entrée de Loguivy.
– Roc’h Conan.
– La tourelle « danger isolé » La Rompa.
– Roc’h ar C’hroueier.
– La perche Sud Receveur Bihan.
– Roc’h Kranked.
– La tourelle Nord Les Piliers.
– La tourelle verte des Pres Noires.
L’idéal serait de faire une pause, de s’arrêter et de décrypter ce
nouveau paysage. Mais cela n’est pas possible avec le courant qui nous
invite à continuer avec insistance, et qui nous pousse dans le Ferlas. Le
navigateur prend alors une décision cohérente pour avoir un peu de
temps : il décide de rester sur l’alignement de la trajectoire précédente,
le phare des Héaux de Bréhat par la gauche de la tourelle Men Krenn, et
de faire des allers-retours sur cet alignement. Il se concentre alors sur
l’identification des amers de l’alignement de garde Sud S1, la perche
verte de l’entrée du chenal de Loguivy et Roc’h Levret. Cet alignement
représente la limite sud à ne pas franchir pour le virement.
Devant il y a Roc’h Conan. Le danger isolé La Rompa sur bâbord est
une évidence, ainsi que Roc’h Kranked sur tribord. On a donc déjà
identifié avec certitude cinq amers. Sans se précipiter, tandis que le
navire poursuit ses allers-retours sur une trajectoire de sécurité, le
navigateur identifie tranquillement les autres amers plus lointains : Roc’h
ar C’hroueler, la perche Sud Receveur Bihan, la tourelle verte des Pres
Noires et la tourelle Nord Les Piliers.
Nous sommes prêts maintenant à embouquer le Ferlas. On ne peut
se permettre un manque à virer sur ce parcours, car dans ce cas on
risque de dépasser l’alignement de garde. Il faudra anticiper, au besoin
en se laissant une marge de sécurité de trois longueurs de bateau avant
la manœuvre. Les virements de bord sont rapides, la navigation est
sportive. Le danger isolé La Rompa n’est pas paré par des alignements, il
est balisé. On pourra le contourner par le nord ou par le sud.
La passe est étroite, surtout au nord de Roc’h ar C’hroueler entre les
alignements S3 et N1, là où le courant s’accélère. L’équipage est
concentré sur les manœuvres, le barreur sur son cap, et le navigateur sur
ses alignements. Il donne les ordres de virement de bord avant
d’atteindre les alignements. Le dernier amer, la tourelle Nord Les Piliers,
signera la transition avant de s’engager dans la dernière partie du
parcours : le délicat passage de La Trinité. À ce niveau, on aura déjà
identifié quatre amers qui nous serviront pour la suite :
– La pyramide blanche de Quistillic.
– La roche de Men Bras Logodec.
– La perche Nord Roc’h Ourmelek.
– La perche Est Roc’h Lemm.
Le passage de la Trinité représente un pilotage serré, sur l’estran,
dans une zone peu fréquentée. L’objectif est d’éviter absolument les
roches mentionnées sur la carte mais non cotées. Il faut prendre
beaucoup de marge, notamment avec un pied de pilote suffisant, et on a
choisi de s’y engager uniquement avec un courant faible. Il faut gérer sa
vitesse car les alignements sont très proches et on ne peut se permettre
de s’écarter de la trajectoire définie.
On ne peut pas tirer des bords dans un chenal de ce type. Il faut
absolument que le vent se prête à cet exercice. La voilure de manœuvre
que nous avons choisie comporte la grand-voile à un ris, et la petite
trinquette de route. S’il n’est pas recommandé de changer de voilure
pendant un pilotage, les conditions actuelles pourraient le permettre. En
effet, la transition entre la sortie du Ferlas et le chenal de La Trinité se
prolonge vers l’est dans la large rade de Bréhat, que nous pourrions
utiliser le temps de faire quelques manœuvres avant de reprendre le
parcours. Dans le cas présent, nous décidons de garder notre voilure de
manœuvre, convenant parfaitement au vent d’est qui a molli entre 8 et
o
10 nœuds. Toutefois le cap sera difficile à tenir sur l’alignement n 3 : la
marque blanche de La Cormorandière par la marque blanche Roc’h
Grouig Porc’h, car nous serons au près serré. Le navigateur demande
alors de démarrer le moteur en sécurité au point mort, car il nous sera
peut-être utile pour rester sur cet alignement de route.
Les conditions sont réunies. Le navigateur vérifie encore une fois ses
données. Il y a 6,20 mètres d’eau au-dessus du zéro hydrographique, et
la pleine mer est dans 30 minutes. On passera au maximum sur du
1,1 m. Le pied de pilote est donc supérieur à 3 mètres, le courant est
faible. Le moteur ronronne doucement comme une horloge, prêt à aider
e
pour le 3 alignement, La Cormorandière par Roc’h Grouig Porc’h. Cet
alignement devra rester ouvert à droite, pour éviter la roche non cotée
qui s’étend au sud de la Madeleine.
On a pris notre temps avant de s’engager dans le chenal. On a
er
poursuivi la trajectoire précédente au-delà du 1 alignement : Quistillic
par Men Bras, pour n’avoir aucun doute sur l’identification de ces amers,
et pour prendre le chenal d’assez loin afin de pouvoir adapter notre
vitesse. Le barreur doit être précis, les alignements parfaitement suivis.
Les trajectoires sont courtes, l’objectif est d’aller le plus lentement
possible tout en restant manœuvrant.
Les amers sont assez facilement identifiables. Nous reconnaissons,
en passant à proximité, les perches Nord Roc’h Ourmelek et Est Roc’h
Lemm, puis nous identifions sur bâbord les deux marques Cormorandière
et Roc’h Grouig Porc’h qui sont blanches. Pour Men Kreiz il ne faudra pas
se tromper de perche Sud et confondre avec celle des Fillettes. Mais
ensuite les alignements de route nous mèneront facilement au chenal
balisé de Paimpol en évitant la Pierre du Taureau, non cotée.
Finalement, cette navigation délicate, dans un passage dangereux
habituellement peu fréquenté sauf par quelques rares locaux, s’est
déroulée sans incident. Comme prévu, le moteur a été nécessaire pour
e
tenir le 3 alignement. Au ralenti, juste suffisant pour tenir le cap.
Globalement, l’équipage a été quelque peu surpris par la proximité des
amers dans cette zone de navigation, et par la brièveté du parcours qui
n’a laissé aucun moment de répit.
Nous arrivons à Paimpol, écluse ouverte. L’équipage va enfin pouvoir
relâcher son attention, préparer un café avant de réexaminer la carte,
cette fois sans appréhension. Nous aurons alors la satisfaction d’avoir
réalisé le pilotage sans laisser de trace sur notre quille, mais aussi la
frustration de ne pas avoir eu le temps d’admirer le paysage sublime de
cette zone de navigation.

QUELQUES LEÇONS ESSENTIELLES


En conclusion de ce chapitre sur le pilotage et de l’exercice auquel
nous venons de nous livrer, il faut admettre les considérations suivantes :
– Le pilotage constitue une exception à la règle du pouce. Dans ce
type de navigation, les alignements nous font passer à une telle proximité
des dangers que, parfois, il n’est pas possible d’y placer un pouce
d’enfant.
– Le parcours que nous venons d’effectuer n’est réalisable que de
jour. Le pilotage de nuit nécessite des marques lumineuses, qui ne sont
pas disponibles pour cet endroit. Le pilotage de nuit est certes plus
simple, car le paysage est réduit aux seules marques lumineuses. Mais
les possibilités sont plus ou moins limitées aux alignements officiels qui
ne concernent que certaines zones précises : chenaux balisés, entrée de
ports, passes fréquentées.
– Le pilotage exige une certaine discipline. Tout définir à l’avance sur
la carte : la route, les amers, les alignements et les moyens de retrouver
les amers dans la réalité. Ne rien laisser dans l’ombre, pousser chaque
raisonnement jusqu’à ses conséquences extrêmes. Lorsque tout paraît
clair, prévoir en plus des solutions de rechange.
– Lorsque, dans un parcours de pilotage, il existe une portion de
route, aussi petite soit-elle, qui ne peut être définie par aucun
alignement, relèvement ou fenêtre, alors il faut revoir l’ensemble du plan
de pilotage et passer ailleurs, car c’est à cet endroit précis que l’on va
talonner ou s’échouer.
– Lorsque l’on est engagé dans le paysage, il est illusoire d’improviser
et d’inventer une variante de dernière minute, qui risque toujours de
conduire à une impasse.

Coatmer aval est le feu antérieur d’un alignement officiel d’entrée dans la rivière
du Trieux. Indispensable de nuit, il se distingue mal en revanche de jour dans le
paysage.

– Dans les parages avec beaucoup de courant, les conditions peuvent


changer rapidement, notamment dans des configurations soudaines
« vent contre courant » qui peuvent creuser la mer mais font aussi se
renforcer le vent apparent. L’étude préalable des courants grâce aux
diagrammes de la carte, aux atlas de courants, mais aussi de toute la
documentation nautique disponible, vise précisément à anticiper ces
situations et à éviter les mauvaises surprises. Au pire, la bifurcation vers
la solution de rechange systématiquement envisagée permet d’assumer
l’imprévu.
– Le pilotage impose une grande compétence à chaque poste. Les
équipiers de pont devront être parfaitement coordonnés, le barreur
suffisamment expérimenté pour suivre sans dévier un alignement de
route même avec une dérive importante, et le navigateur devra faire
preuve de lucidité, de concentration, de rapidité et d’assurance.
– Enfin, on aura compris que l’incertitude n’est pas de mise. Pendant
le pilotage, le cockpit ne peut être un lieu de débat sur la pertinence de
tel ou tel amer, ou sur la validité d’une route qui a été préalablement
inscrite dans le plan de pilotage. De la même manière, on évitera
d’assurer des tâches annexes pendant le parcours : préparation de repas,
lecture de romans, casse-croûte, rangement, ménage ou nettoyage. Le
chef de bord devra parfois faire preuve d’autorité pour imposer le respect
de ces règles simples.
On n’en est pas encore là, mais pour passer le raz de Sein la nuit, les secteurs
des feux guident de la même façon que des alignements de sécurité. Pour franchir le
raz en venant du sud, on reste dans le secteur blanc directionnel (la lumière y est plus
intense) du feu de l’îlot de Tévennec, puis on oblique vers l’est dès l’entrée dans le
secteur blanc du feu Le Chat de l’île de Sein. On y reste jusqu’à arriver dans le secteur
blanc du phare de La Vieille, derrière le bateau, secteur dans lequel on reste tout en
faisant route vers le nord.
Naviguer en vue des côtes

Q uand on s’éloigne à quelques milles de la côte, la plupart des amers


s’estompent dans le paysage. Avec le peu d’amers restants
(balises, phares, constructions diverses), il n’est plus possible de se
situer uniquement par des alignements, on procède alors par
relèvements. La ficelle du pilote est remplacée par un matériel un peu
plus élaboré : compas de relèvement, règle rapporteur, compas à pointes
sèches, montre et sondeur électronique (ou à main), voire GPS. La simple
observation ne suffit plus, il faut maintenant mesurer, puis calculer. On
commence à se prendre au sérieux : on fait le point.
En même temps, les étapes s’allongent : on ne voit pas toujours le
point vers lequel on se dirige. Il faut alors déterminer le cap à suivre, en y
intégrant éventuellement des corrections dues à la dérive et aux
courants, de façon à pouvoir assigner au barreur un cap qu’il devra tenir
non plus en visant des repères à terre, mais en se référant au compas de
route. C’est une panoplie de nouveaux outils dont il va falloir s’emparer.

LES OUTILS DE LA NAVIGATION PRÈS DES CÔTES


LE COMPAS DE ROUTE ET LE COMPAS DE RELÈVEMENT
La boussole marine porte le nom de compas. À la place de l’aiguille,
un disque gradué dénommé « rose » permet de lire toutes les directions
cardinales.
Le compas de route a une position fixe sur le bateau, il est dans le
champ de vision du barreur et lui permet de suivre une direction
cardinale (le cap compas). L’axe du bateau est matérialisé par une ligne
de foi où se lit le cap et qui se déplace autour de la rose (rappelons que
par rapport au nord, c’est la rose qui est immobile et le bateau qui tourne
autour d’elle). Sur les compas dits « de cloison », la lecture se fait sur la
tranche de la rose et non sur son dessus. Une alidade (un repère vertical)
figure l’axe longitudinal du bateau, autrement dit la ligne de foi. Cette
lecture du cap n’est précise que dans la mesure où l’on se situe bien face
au compas. Pour permettre au barreur de suivre le cap sans commettre
d’erreurs de parallaxe, deux alidades secondaires sont placées de part et
d’autre de la ligne de foi, à 45° : ce sont celles-ci que l’on prendra comme
repères, selon qu’on se tient sur bâbord ou tribord, en retranchant ou en
ajoutant 45° au cap à suivre.
Le compas de relèvement est la version portable du compas. Il
permet de relever dans quelle direction cardinale se trouve un objet visé
depuis le bateau (amer, balise ou tout autre élément du paysage, mais
aussi au besoin navire de rencontre). Relever un amer, c’est mesurer
l’angle entre la direction de l’amer et celle du nord magnétique.
Précaution importante : en utilisant un compas de relèvement, on doit se
tenir à bonne distance des influences magnétiques du bateau (masses
métalliques, aimants, etc.). Attention, lorsqu’on se tient dans la
descente, à ne pas se coller aux winchs du piano, attention aussi aux
montures métalliques des lunettes.
Lors de la visée, attendre que la rose se stabilise pour noter le relèvement. Se tenir
à l’écart des masses métalliques, et veiller à bien tenir le compas horizontalement. La
rose est phosphorescente : de nuit, on la réactive en l’éclairant momentanément avec
une lampe torche.

LA DÉCLINAISON MAGNÉTIQUE (D)


Un compas s’oriente non pas vers le nord géographique (nord
« vrai »), mais vers le nord magnétique, déterminé par le champ
magnétique terrestre. La différence entre nord géographique et nord
magnétique varie selon les lieux et au fil du temps, on la calcule à partir
des données de la rose de compas figurant en magenta sur la carte
marine.
Les cartes à petite échelle couvrant de larges zones comportent
plusieurs roses, dans la mesure où la déclinaison magnétique varie selon
les lieux de la carte. La rose fournit la valeur de la déclinaison, « est » ou
« ouest », pour une année donnée, avec la valeur de sa variation annuelle,
exprimée en minutes d’angle. Au fil du temps, la déclinaison est devenue
très faible sur les côtes métropolitaines, au point que certains
navigateurs la négligent. À titre d’exemple, sa valeur en 2016 était de
1°22’ dans les parages de Lorient : un degré, cela tient dans la marge
d’erreur du navigateur posant sa règle sur la carte ou relevant un amer au
compas de relèvement, sans parler de l’incapacité du barreur à tenir un
cap au degré près 66.
Mais il n’en va pas ainsi en tous lieux de la planète. Sur la carte
o
n 7345 du SHOM couvrant la Guadeloupe et les eaux environnantes, la
rose mentionne une déclinaison de 14°35’W en 2015, avec une variation
annuelle de 2’W. En 2016 la déclinaison était donc de 14°37’W, en 2017
elle vaudra 14°39’W, etc.
Ceci signifie qu’en naviguant dans les parages de la Guadeloupe,
lorsque l’étrave de notre bateau pointe vers le nord géographique,
l’alidade du compas magnétique indique 15°.
La rose matérialise la différence entre nord géographique et nord
magnétique. En son cœur figure la valeur de la déclinaison pour l’année où la carte a
été imprimée, assortie de la correction à apporter chaque année.

Quittons notre exemple pour fixer la règle générale.


Lorsque pour assigner un cap au barreur on passe de la carte au
compas magnétique, on retranche la déclinaison (D) :
Cap vrai (Cv) – D = Cap compas (Cc).
Quand on transpose un relèvement compas (Zc) sur la carte où il
deviendra un relèvement vrai (Zv), on procède à l’inverse à une addition :
Relèvement vrai (Zv) = relèvement compas (Zc) + déclinaison (D).
Une déclinaison « ouest » est négative, tandis qu’une déclinaison
« est » est positive. Plus, ou moins : comment s’en souvenir ? Il y a
plusieurs écoles.
Le littéraire se pose la question : « Est-ce plus, ou est-ce moins ? »
(« est = plus ; ouest = moins ») et remarque que poser la question c’est y
répondre.
L’émule de saint Thomas, qui ne croit que ce qu’il voit, fait un petit
dessin, et vérifie si Zv doit être plus petit ou plus grand que Zc.
Enfin, les autres confondent la déclinaison D avec leur ciré et se
répètent cette étrange mélopée : « Si je monte sur le pont, je l’ajoute ; si
je descends à la table à cartes, je l’enlève. » Mais c’est seulement vrai
pour une déclinaison « ouest », ce qui est encore le cas en Bretagne à
l’heure où sont écrites ces lignes, mais pas en Corse (où la déclinaison
est « est », et le ciré d’un usage moins fréquent).

LA DÉVIATION (DEV)
Parfois, le nord du compas de route est différent du nord magnétique
– l’écart qui les sépare varie en outre en fonction du cap suivi. C’est la
déviation (dev).
Ce phénomène, assez peu sensible sur les petits bateaux, est
provoqué par les masses métalliques importantes qui se trouvent à bord
ou les champs magnétiques perceptibles à proximité du compas (pièces
de moteur, haut-parleurs, etc.).
Il faut consigner la déviation pour chaque cap dans une table : c’est la
courbe de déviation 67.
La formule qui permet de convertir le cap compas en cap vrai est
évidemment affectée par la déviation. La formule devient (comme la
déclinaison, la déviation est positive si « est », négative si « ouest ») :
Cv = Cc + D + dev
Cc = Cv – D – dev
Prenons deux exemples.
Si le cap compas suivi est le 120°, la déclinaison D de 3°W (– 3°), la
déviation dev pour ce cap de 2° E (+ 2°), alors le cap vrai est :
Cv = 120° – 3 + 2 = 119°.
Si le cap vrai est le 240°, la déclinaison D de 3° W (– 3°), la
déviation dev de 5° W (– 5°), le cap compas est :
Cc = 240° – (– 3) – (– 5) = 240° + 8° = 248°.
Le cap annoncé au barreur est arrondi au 250°.

La courbe de déviation est un relevé des écarts entre le cap magnétique et le cap
compas, à différentes directions cardinales. Elle est propre à chaque compas, dans
son environnement. Elle doit être affichée en bonne place à la table à cartes.

LES OUTILS ET LA CARTE


MESURER UN ANGLE AVEC LA RÈGLE CRAS
Il existe plusieurs types de règles de navigation. Aux Glénans, nous
avons une préférence pour la règle mise au point par l’amiral Jean Cras.
Très pratique, fiable et solide car elle ne comporte pas de pièce mobile,
cette règle Cras n’est rien d’autre qu’un rapporteur permettant de
mesurer un angle par rapport au nord vrai (ou nord géographique) et de
porter un relèvement sur une carte ou de déterminer une route fond.

Le diamètre effectif des deux rapporteurs entrecroisés de la règle Cras


facilite la lecture des angles, et les modèles sont bicolores pour limiter les risques
d’erreur et bien associer le bon repère avec le rapporteur correspondant. Rien
n’interdit d’utiliser un autre modèle de règle de navigation.

Sur la règle figurent deux rapporteurs imbriqués, ayant chacun leur


centre (ou repère) au milieu de chaque bord. C’est la disposition des
rapporteurs qui rend cette règle si pratique. Le premier rapporteur
permet de mesurer les angles de 0 à 180°, le second de 180° à 360°.
Chaque rapporteur possède deux rangées de chiffres qui facilitent la
lecture des relevés : une rangée sert quand on lit la route sur un
méridien, l’autre quand on la lit sur un parallèle. Une flèche indique le
sens d’utilisation. Les présentations étant faites, qu’on se rassure :
inutile de retenir tous ces détails pour utiliser une règle Cras !
MESURER UNE ROUTE FOND
La règle Cras se pose à l’endroit sur la carte (les inscriptions doivent
être lisibles), bord placé sur la route à suivre et flèche orientée vers la
destination visée. Le navigateur sélectionne alors le repère (ou centre) le
plus au sud, fait glisser la règle sur la route jusqu’à ce que le repère se
trouve sur un méridien ou sur un parallèle. Le cap se lit sur le méridien ou
sur le parallèle en question : c’est le chiffre en degrés et minutes d’angle
qui se présente droit pour les yeux quand le navigateur est assis face à la
carte (nord en haut).
Il est préférable d’avoir une idée de la valeur attendue (45° NE ou
135° SE) et de la comparer à ce qu’on a mesuré. Lorsqu’on se trompe,
c’est généralement que l’on a utilisé le mauvais repère ou posé la règle
dans le mauvais sens, ce qui provoque des erreurs de 90° ou 180°,
faciles à repérer en vérifiant si le chiffre obtenu est dans le bon quadrant.
Bien utiliser la règle Cras. Son bord est posé sur la route que l’on souhaite
mesurer. On la fait glisser sur cette route jusqu’à ce que son repère le plus au sud se
positionne sur un parallèle ou un méridien. Sur ce même parallèle ou méridien, on lit
la graduation qui se présente « droite pour l’œil ».

PORTER UN RELÈVEMENT VRAI


Orienter d’abord la flèche de la règle Cras dans le bon quadrant en
fonction du relèvement à tracer. Placer le repère sud sur un méridien ou
un parallèle. Faire tourner la règle pour lire l’angle cardinal relevé, puis
faire glisser jusqu’à ce que son bord passe par le point à relever. Il ne
reste plus qu’à tirer un trait au crayon.

MESURER UNE DISTANCE


Le compas à pointes sèches permet de mesurer une distance grâce à
une caractéristique très pratique des cartes et des mesures marines :
une minute d’angle (1´) de latitude est égale à un mille nautique.
Pour mesurer la distance entre deux points quelconques de la carte,
le navigateur pose chaque pointe du compas sur l’un des points et
obtient un écartement. Il déplace le compas et reporte l’écartement sur
l’une des échelles des latitudes qui se trouvent sur les côtés droit et
gauche de la carte 68. Comme celles-ci sont graduées en milles (minutes
d’angle) et généralement en dixièmes de mille, le navigateur y lit la
distance entre les deux pointes de son compas (donc entre les deux
points de la carte).
Pour éviter les tâtonnements et réduire les risques d’erreur, il est important
de bien visualiser les quatre quadrants de la rose, et les angles auxquels
ils correspondent. Orientée dans le quadrant NE, la règle Cras mesure les angles de 0°
à 90° ; dans le quadrant SE, de 90° à 180° ; dans le quadrant SW, de 180° à 270° ;
dans le quadrant NW, de 270° à 360°.
La paume écrase la lyre du compas, tandis que les doigts contrôlent
l’écartement des branches. Ce type de compas à pointes sèches se manie ainsi
aisément d’une seule main, l’autre restant disponible pour la règle ou le crayon. Les
distances se mesurent sur l’échelle des latitudes de la carte.

En raison des déformations dues à la conception des cartes, il faut


utiliser la portion d’échelle située à la même latitude que celle de la
distance mesurée. Mais l’erreur n’est sensible que sur les cartes qui
couvrent de très larges zones (voir « La carte Mercator : comment c’est
fait ? » ►).
Pour mesurer des distances plus importantes, on peut ouvrir dans l’autre sens
les branches du compas lyre, qui gagne ainsi en amplitude.

La forme particulière du compas lyre permet un réglage précis et


d’une seule main. Mais la distance à mesurer est parfois un peu grande.
Le navigateur règle alors l’ouverture de son compas sur une mesure
ronde en milles et suit la distance à parcourir en faisant « marcher » le
compas par demi-tours successifs. La dernière mesure ne tombant
généralement pas juste, le navigateur la mesure. Il ne lui reste plus qu’à
faire une addition : « J’ai compté dix fois 5 milles, plus 3 milles pour la
dernière mesure. Les deux points sont distants de 53 milles. »

LE GPS
Au fil de ses évolutions technologiques, le GPS s’est totalement
banalisé dans nos transports et notre vie quotidienne. À bord de nos
voiliers embarquent différents types d’appareils exploitant cette
technologie, qu’il s’agisse de l’installation fixe du bateau (reliée ou pas à
un ordinateur ou un écran traceur), du GPS de secours à piles, mais aussi
de tablettes, de smartphones, voire de montres. Il est fréquent de
retrouver à bord d’un croiseur autant de récepteurs GPS, sinon plus, qu’il
y a d’équipiers.
Le GPS, ou Global Positioning System en anglais, est un système de
radionavigation 69 permettant un positionnement dans les trois
dimensions (latitude, longitude et altitude), avec une précision
approchant désormais la dizaine de mètres.
L’infrastructure du GPS est mise en œuvre et maintenue par le
département de la Défense des États-Unis. D’autres nations comme la
Russie et la Chine, mais aussi l’Europe, ont voulu développer leur propre
système de positionnement indépendant de l’armée américaine, de façon
à assurer leur propre contrôle sur cette technologie névralgique, sous-
jacente à toute navigation électronique.
En parallèle du GPS, on peut ainsi mentionner les systèmes
GLONASS, GALILEO, BEIDOU (également appelé COMPASS). Il s’agit de
variations existantes du GPS (GLONASS), ou bien encore de variations en
cours de développement (GALILEO, BEIDOU), et dont la mise en œuvre,
au moment où nous écrivions cette huitième édition du Cours, était
annoncée pour les prochaines années. L’ensemble de ces technologies
sont regroupées en un seul acronyme : GNSS (Global Navigation Satellite
System).
En mai 2000, les États-Unis ont abandonné le mode dégradé du GPS,
qui limitait volontairement la précision de positionnement « civil » à
100 mètres environ. Libéré de cette contrainte, le GPS s’est alors imposé
dans les transports routiers, aériens et maritimes. L’accès à cette
technologie est gratuit, il suffit d’acquérir un récepteur GPS pour
bénéficier des services de positionnement 70.

LE PRINCIPE DE FONCTIONNEMENT D’UN GPS

Architecture du système
Le système GPS est constitué de trois composantes principales :
– Le segment spatial : une constellation d’au moins 24 satellites en
orbite autour de la Terre. Ces orbites sont choisies de façon à ce que
tout utilisateur puisse voir au moins 4 satellites à tout moment et en tout
lieu de la planète.
– Le segment de contrôle : une série de stations terrestres qui
interagissent constamment avec les satellites, vérifient leurs positions,
leur état de marche, et corrigent régulièrement les paramètres décrivant
la trajectoire de chaque satellite.
– Le segment utilisateur : nous (les usagers), équipés de notre
récepteur GPS.

La trilatération
Le GPS fonctionne par trilatération, mot savant pour un principe
simple qui peut se décomposer en trois phases :
– Connaissant la distance L1 qui sépare le récepteur GPS d’un
satellite S1, on sait situer le récepteur en trois dimensions sur une
sphère.
– Connaissant la distance L2 d’un second satellite S2, on sait situer
le récepteur sur une seconde sphère. L’intersection des deux sphères
positionne le récepteur sur un cercle.
– Enfin, en faisant intervenir un troisième satellite S3, l’intersection
des trois sphères détermine deux points P1 et P2. L’un de ces points
peut être très facilement éliminé de l’équation que l’on cherche à
résoudre, il se trouve très loin dans l’espace. Reste donc la position du
récepteur.
Se positionner revient donc à déterminer la distance entre le
récepteur et trois satellites distincts, satellites dont la position dans
l’espace est connue.

Mesurer une distance


Le fonctionnement du GPS est donc basé sur des mesures de
distances, réalisées par le calcul du temps de transit des ondes
radioélectriques, qui se propagent à la vitesse de la lumière.
Chaque satellite émet régulièrement un message connu de tous les
récepteurs, selon un agenda précis également connu des récepteurs. Le
retard mesuré à la réception permet de déduire le temps de propagation
et donc la distance au satellite.

Des horloges de précision


La vitesse de propagation d’un signal radioélectrique est de
300 000 km/s, soit 300 millions de mètres à la seconde. Mesurer une
position à un mètre près nécessite de mesurer le temps avec une
précision de… 3 milliardièmes de secondes ! Pour assurer une telle
précision, chaque satellite GPS embarque une horloge atomique.
Pour que le calcul de distance soit précis, il faudrait que le récepteur
admette également le même type de précision temporelle. Comme il
n’est pas question d’inclure une horloge atomique dans chaque
récepteur GPS, on procède par synchronisation.
Le principe de la trilatération.

Imaginons une montre se décalant d’une minute par mois. Impossible


de connaître l’heure exacte. Pour résoudre ce problème, le propriétaire
règle sa montre une fois par trimestre sur le bip de France Inter. Ce
faisant, il « synchronise » sa montre et peut toujours connaître l’heure
exacte à 3 minutes près. L’horloge du récepteur GPS est quant à elle
synchronisée à quelques dizaines de nanosecondes près (1 ns
= 1 milliardième de seconde).

■ La synchronisation horaire en pratique


Avec trois premiers satellites S1, S2 et S3 on détermine une position
P1, position dont on sait qu’elle est entachée d’une erreur. Avec les
satellites S2, S3 et S4 on détermine une nouvelle position P1’, également
entachée d’une erreur. À ce stade, l’erreur principale est liée à
l’imprécision de l’horloge du récepteur. Pour résoudre ce problème, il
suffit d’ajuster (de ralentir ou d’accélérer) cette horloge du récepteur,
jusqu’à faire coïncider P1 et P1’. Lorsque ces deux positions sont
identiques, on a à la fois trouvé l’endroit précis ou l’on se trouve, mais
également corrigé l’horloge du GPS.

La synchronisation. Par communication avec les satellites S1, S2 et S3, le


récepteur obtient une première position (P1). S2, S3 et S4 lui fournissent une
deuxième position (P1’). La cadence de l’horloge interne du récepteur est modifiée
jusqu’à fusionner P1 et P1’.

Une position de GPS « complète » nécessite donc de distinguer


quatre satellites distincts. Il est néanmoins possible de se satisfaire de
trois satellites, si l’on se contente de deux dimensions : l’altitude n’est
pas connue. Les GPS de nos voiliers indiquent sur leur écran le mode
dans lequel ils fonctionnent, 2D ou 3D. En mer bien évidemment, le mode
2D est parfaitement suffisant.

Le système de coordonnées : GPS et WGS 84


Une position s’exprime selon un référentiel explicite : latitude,
longitude et altitude ont chacune leur référence (la latitude 0, la
longitude 0 et l’altitude 0). Cette décomposition est simple dans le cas
d’une sphère ou d’un ellipsoïde (une sphère aplatie aux pôles).
Malheureusement la Terre n’est pas une sphère parfaite. Le cartographe
doit choisir une représentation simplifiée qui traduise approximativement
la forme réelle de la Terre. Historiquement, plusieurs ellipsoïdes de
référence ont été utilisés par les cartographes au gré de leurs besoins :
on parle de système géodésique.
Les cartographes utilisaient ainsi pour chaque territoire un système
géodésique local (notamment dans les îles), au mieux continental (ED50
pour l’Europe) 71. L’avènement du GPS a imposé la création d’un système
géodésique mondialement normalisé : le système WGS 84. C’est le
système intrinsèque du GPS, et il ne faut jamais en changer, même si
certains récepteurs proposent cette option, et même si on navigue avec
une carte réalisée dans un autre système géodésique.

■ La corrélation carte-GPS et le système géodésique


Progressivement, les cartes marines ont été adaptées par les
éditeurs, de façon à être « replacées » géographiquement dans le
système géodésique WGS 84 du GPS. Mais toutes les cartes disponibles
n’ont pas encore bénéficié de ces mises à jour, et ignorer ce problème
peut conduire sur les cailloux celui qui fait aveuglement confiance à son
GPS.
Deux exemples parmi bien d’autres, pour fixer l’ordre de grandeur
des décalages de position possibles :
– Jusqu’à une période récente, les cartes de la Guadeloupe du SHOM
se référaient au système géodésique IGN 51. Un point reporté
directement du GPS sur ce type de cartes peut se retrouver jusqu’à
500 mètres de sa position réelle.
– En 2014, une vedette des Douanes françaises s’est échouée de
nuit, à 14 nœuds, sur un atoll polynésien. La carte de l’atoll était établie
dans un système géodésique inconnu, sa position se situe dans la réalité
1 mille plus au nord que ce qu’indique la carte.
Aujourd’hui encore, de nombreuses cartes font référence à d’autres
systèmes géodésiques que celui du GPS, y compris dans le catalogue du
SHOM 72. Si toutes les cartes métropolitaines ont effectivement basculé
en WGS 84, ce n’est pas toujours le cas dans les régions lointaines
(certaines côtes africaines, Madagascar, îles de l’océan Indien ou du
Pacifique).
Dans la pratique, plusieurs cas de figure pour le navigateur :
– La carte sur laquelle il reporte les positions GPS se réfère au WGS
84. Pas de problème particulier.
– La carte se réfère à un autre système géodésique, et elle indique la
valeur des corrections à apporter au GPS : avant de reporter une position
sur la carte, il faudra lui appliquer ces corrections en latitude et
longitude. Le SHOM déconseille la voie de la facilité consistant à changer
le système géodésique du GPS. Cela revient en effet à corriger sur des
valeurs moyennes, pouvant conduire à des distorsions importantes.
– La carte se réfère à un autre système géodésique, mais ne fournit
pas les valeurs de correction : c’est le cas de certaines zones
géographiques cartographiées à une époque lointaine, dans des
systèmes géodésiques « exotiques ». Il faut alors oublier le GPS et se
positionner traditionnellement, par relèvements sur des amers.
Dans le cadre d’une navigation avec des cartes électroniques, il
conviendra de s’assurer par tous moyens (menus internes, informations
éditeurs…) que celles-ci sont bien référencées WGS 84. Ce sera toujours
le cas avec des cartes électroniques officielles (les ENC), mais de
manière moins systématique ou certaine avec les produits numériques
publiés par les éditeurs privés.

L’initialisation du GPS
Chaque satellite émet régulièrement une série d’informations
nécessaires au récepteur pour se positionner, dont l’acquisition complète
prend 12 min 30. Même si l’intégralité de ces données n’est pas
indispensable pour définir une première position, on comprend aisément
qu’il faille du temps pour obtenir un premier fix (position en anglais) à la
mise en route du récepteur. On gardera à l’esprit ce point important : on
ne peut immédiatement compter sur son GPS lorsqu’on l’allume. Cette
notion figure dans les spécifications des GPS sous les termes de Time to
First Fix (TTFF), Position Fixing Time ou encore « Temps d’Acquisition » en
français. Compter en moyenne de 30 secondes à 1 minute 30 suivant
l’appareil, dans des conditions de réception optimale.
À tout moment, un écran d’état renseigne l’utilisateur sur l’acquisition
des données satellite et la qualité du point fourni.

La précision du système GPS


Un certain nombre d’imperfections affectent la précision du GPS :
– L’horloge des satellites, bien que très précise, n’est pas parfaite.
– L’orbite de chaque satellite est connue seulement à quelques
mètres près.
– La vitesse de propagation des ondes radioélectriques est affectée
lorsque celles-ci pénètrent dans l’ionosphère et la troposphère.
– Les ondes radioélectriques se réfléchissent sur les obstacles
rencontrés, et les échos perturbent le récepteur.
– Le récepteur présente également des imperfections.
– Enfin, la géométrie des satellites altère également la précision. Par
analogie avec le point par relèvements : plus l’angle entre deux amers est
faible, plus l’incertitude du positionnement est importante. Ici, plus les
satellites sont espacés dans le ciel, meilleure sera la précision. Au fond
d’un canyon, la vue vers le ciel est restreinte, la précision est donc
significativement altérée. En voilier, le problème ne devrait pas se
poser… sauf si l’antenne du GPS est placée à l’intérieur du bateau, et/ou
que le bateau gîte dans une mer formée : la vue sur le ciel est alors
dégradée.

Un écran d’état. Sur ce récepteur GPS compatible GLONASS, la forme des icônes
identifie la constellation d’origine pour chaque satellite : ronde pour GPS, en losange
pour les GLONASS, et rectangulaire pour les satellites SBAS. Les couleurs indiquent si
le satellite est en cours d’utilisation ou de recherche. Dans la colonne de droite, on
retrouve la dilution de précision (HDOP), l’erreur de position estimée, l’état du fix, ou
encore le système géodésique de référence.
Le récepteur informe l’utilisateur de la qualité du positionnement par
la notion de Dilution of precision (DOP). L’appareil indique soit PDOP (P
pour Position en 3D) ou HDOP (H pour Horizontal en 2D). Dans la
pratique, une excellente réception se traduit par PDOP < 1,6 et HDOP
< 1,0 73. Plus ces valeurs augmentent, moins précis est le
positionnement. Au-delà de 6 (HDOP ou PDOP), la mesure est totalement
incorrecte.
Une autre valeur de la précision récepteur GPS à un moment T est
l’Écart circulaire probable (ECP), en anglais CEP, ou encore EPE. C’est un
niveau de confiance statistique, qui traduit la réalité suivante : pour un
ECP de 10 mètres, 50 % des positions calculées se situent dans un cercle
de 10 mètres de rayon.

Amélioration de la précision
Différentes technologies contribuent à améliorer la précision
intrinsèque du GPS, dont le GPS différentiel et le SBAS (Satellite Based
Augmentation System). Ce dernier nous intéresse particulièrement, car il
est supporté par tous les récepteurs modernes.
La notion de dilution de la précision.

Un réseau de stations terrestres dont la position est parfaitement


connue estime constamment l’erreur de distance au satellite. Les
stations terrestres retransmettent vers des satellites SBAS les facteurs
de corrections permettant d’améliorer le positionnement. Enfin ces
satellites rediffusent ces corrections vers l’ensemble des récepteurs. Le
SBAS permet d’améliorer la précision à moins de 3 mètres.
En réalité, le mode SBAS n’est pas décisif en plaisance, où l’on ne
cherche pas à se positionner avec une telle précision 74. Allons plus loin :
il ne faut surtout pas se laisser griser par un tel degré d’acuité du GPS,
sachant qu’aucune carte marine n’approche une telle précision. Il serait
faux, et dangereux, de penser qu’on peut naviguer avec le même niveau
de précision que le GPS lui-même. Le récepteur a beau nous placer à
3 mètres près sur la Terre, si les cailloux sont dans la réalité à 10 ou
15 mètres (voire plus) de leur position sur la carte, croire en
l’ultraprécision peut très vite mener sur les cailloux.

L’ÉLECTRONIQUE AU SERVICE DU NAVIGATEUR


Les besoins du navigateur sont multiples et variés : préparer une
navigation, suivre son évolution, exercer des choix de stratégie, adapter
la route en fonction des aléas rencontrés, etc. L’électronique embarquée
simplifie chacune de ces actions. Nous décrivons ici une installation type
susceptible d’aider le navigateur dans sa tâche. La variété des
équipements présentés permet de couvrir les attentes essentielles :
– Se positionner (GPS couplé à la cartographie numérique).
– Supporter l’analyse anticollision (AIS et RADAR).
– Pouvoir exploiter les données des capteurs du bord (sondeur,
anémomètre, gyrocompas…).
– Collecter les alertes de sécurité (VHF avec Appel sélectif
numérique).
Cette installation nourrit la réflexion du navigateur à l’aide de
données en temps réel. Elle permet également de distribuer l’information
à l’ensemble de l’équipage.

UN SYSTÈME CONNECTÉ
La centrale de navigation collecte les données en provenance des
différents capteurs et autres récepteurs du bord. Elle les croise, et
produit des informations issues de calculs concernant par exemple le
vent réel (force, angle au bateau, direction géographique) ou la dérive.
Elle centralise l’information sur un ou plusieurs écrans en proposant une
vue synthétique. Cette concentration des informations sert à la fois la
réflexion du navigateur, mais permet aussi l’automatisation de certaines
tâches. Ainsi la centrale alimente le calculateur du pilote automatique,
que la consigne assignée à celui-ci soit un cap (mode « compas ») ou un
angle de vent (modes « vent apparent » et « vent réel »).
Sondeur, anémomètre, speedomètre, compas électromagnétique…
tous les capteurs appartiennent à un réseau de communication. On y
ajoute les différents récepteurs tels que le GPS, le radar, la VHF ou
encore l’AIS pour compléter ce système électronique. Cet ensemble est
physiquement interconnecté et converse en utilisant un ou plusieurs
protocoles de communication 75.

PARAMÉTRER L’ÉLECTRONIQUE
Les instruments électroniques du bord fournissent des données instantanées,
précises et fiables… pourvu qu’ils soient paramétrés. C’est d’ailleurs un impératif
absolu pour le sondeur, dont on ne peut se permettre qu’il se trompe. Son capteur
étant placé sous la flottaison, il va falloir recaler son zéro (réaliser un offset). Une
première école cale le zéro sur le tirant d’eau du bateau (offset négatif), le sondeur
indiquant la hauteur d’eau disponible sous la quille. Une deuxième école (c’est la
nôtre) place le zéro à la ligne de flottaison (offset positif) : le sondeur indique alors la
hauteur d’eau réelle. C’est le meilleur moyen de relier directement les informations
du sondeur à la carte, grâce au calcul de marée.
Au port, on mesure à la sonde à main la hauteur d’eau de chaque bord, pour
retenir la moyenne. Si les deux valeurs sont nettement éloignées l’une de l’autre,
déplacer le bateau vers des fonds plus réguliers. Aux Glénans, nous n’incluons pas
de pied de pilote dans l’offset du sondeur, cette marge de sécurité étant à la fois
subjective et conjoncturelle. Les usages étant variables, il est essentiel, lorsqu’on
prend en main un bateau après un autre équipage, de contrôler l’offset.
Le loch-speedomètre se paramètre en effectuant au moment de la renverse un
aller-retour (de façon à annuler l’effet du courant pouvant subsister) entre deux
bouées ou balises, puis en comparant la distance géographique mesurée sur la carte
entre les deux amers et la distance enregistrée par le loch. On en déduit un
coefficient de correction.
LES LOGICIELS DE NAVIGATION
Le logiciel de navigation se charge d’exploiter les informations
collectées grâce au réseau du bord. Il offre une interface intuitive pour
l’utilisateur, lui donnant accès à l’ensemble des données au gré de ses
besoins, tout en lui permettant d’effectuer des tâches plus ou moins
complexes.
Un voilier s’apprête à traverser un rail des cargos, qu’à cela ne tienne,
le navigateur peut visualiser la carte marine, y superposer sa position
ainsi que la route parcourue (la trace), le vecteur cap, mais également les
représentations des navires environnants qui émettent sur les canaux
AIS.
L’offre logicielle est importante, dans une fourchette tarifaire très
large. Comme toujours, le choix de l’outil doit être dicté par l’usage
auquel on le destine. Le choix d’un logiciel est également intimement lié
à la solution informatique sélectionnée : certains logiciels sont dédiés
aux tablettes (ce sont souvent les plus simples), d’autres sont
exclusivement disponibles sur Mac ou PC, ils sont généralement plus
élaborés. Quoi qu’il en soit, le navigateur en quête d’un logiciel
satisfaisant ses attentes devra consacrer du temps à sa sélection. Il n’est
pas concevable ici de donner des recommandations précises, tant le
spectre des logiciels de navigation évolue vite.

LES DANGERS DE L’AUTOMATISATION


L’électronique doit être considérée comme une aide – extrêmement précieuse –
à la navigation, et non comme un système auquel on se fie aveuglément par la grâce
des automatismes. En mai 2015, au large de Saint-Barthélemy dans les Antilles, une
grosse vedette à moteur s’élance à 18 nœuds sur le cap fixé par son capitaine,
pilote automatique activé. Un cotre croise à la voile sur le même plan d’eau. Les
deux navires entrent violemment en collision, avec pour conséquences un mort,
deux blessés graves et le naufrage du voilier.
L’analyse du Bureau d’enquêtes et accidents a mis en évidence les facteurs
ayant mené à ce tragique abordage.
Sur la passerelle de la vedette, le capitaine gérait seul les systèmes de
propulsion de la vedette, et endossait également le rôle du navigateur. Il utilisait à
cet effet un smartphone qui, avec son écran de 5 pouces, ne permet pas d’avoir une
vue d’ensemble de la carte. Le capitaine était ainsi contraint à de multiples
manipulations qui monopolisaient son attention. Ainsi, pendant plusieurs minutes,
personne à bord ne se préoccupait de ce qui se passait alentour, et encore moins
devant l’étrave.
Sur le voilier, le skipper a aperçu la vedette rapide. Il pensait que celle-ci
passerait à proximité, et se considérant privilégié il a tardé à modifier sa route.
Lorsqu’il a tenté de manœuvrer pour éviter la collision, il était trop tard et la vedette
à pleine vitesse a éperonné le cotre.
Que retenir ? Tout d’abord qu’un pilote automatique ne devrait pas être utilisé
sans une personne à la veille. Ceci enfreint la règle numéro 5 du RIPAM qui stipule
que « tout navire doit en permanence assurer une veille visuelle et auditive
appropriée ».
L’électronique du bord, dans le cas présent un smartphone, ne doit pas
accaparer l’attention au détriment des règles de sécurité élémentaires et d’une
navigation bien pensée. Ceci est d’autant plus vrai lorsqu’on navigue en équipage
réduit. Et pour finir, comme souvent dans ce type de situation, le voilier se
considérant privilégié aurait néanmoins dû contacter la vedette en utilisant la VHF
pour établir clairement les intentions de route de chacun. Il aurait dû aussi changer
de cap plus tôt, en constatant que la vedette ne modifiait pas le sien. En dernier
recours, il ne faut pas attendre les derniers mètres pour exécuter une manœuvre
d’urgence.

Nous nous contentons de lister ici les principales catégories de


logiciels rencontrées sur le marché de la plaisance.
– Certains programmes visent la simplicité en fournissant
exclusivement les outils de base permettant de tracer la route, suivre la
navigation et se connecter au réseau des capteurs du bord. Ce sont les
principales fonctions que l’on trouvera systématiquement, quel que soit
l’éditeur.
– Les solutions de la gamme intermédiaire incorporent des
fonctionnalités telles que les modules de prévision météo, les atlas de
courants, des algorithmes de routage, des alarmes automatisées et la
superposition de photos satellite. Ici, on cherche certainement à se
projeter sur des navigations plus longues, plus techniques.

En traversant le rail des cargos, dans le prolongement du DST d’Ouessant.


Sur l’écran de l’ordinateur s’affichent ici la carte marine, l’icône du voilier, sa trace et
son vecteur cap, les cibles AIS environnantes, la position géographique, l’angle du
vent apparent, la vitesse du vent réel, le sondeur, la position en latitude et longitude,
la route et la vitesse fond, et même le statut GPS. Le choix des données à afficher est
paramétrable. (Capture écran MaxSea.)
– Enfin les versions haut de gamme sont taillées pour la performance.
Elles proposent des outils pour la régate : mesurer les polaires du bateau,
établir l’optimum de configuration de voiles, etc. On cherche à aller vite
et surtout à arriver le premier.

LES ÉCRANS DU BORD

La taille de l’écran
Une carte papier du SHOM (série L) tient dans un format A0
(84,1 × 118,9 cm). La diagonale de ce rectangle est de 145,6 cm. À titre
de comparaison, un écran de téléphone portable a généralement une
diagonale de 12,7 cm (5 pouces). L’écran d’une tablette classique
présente une diagonale de 24,6 cm (9,7 pouces). Même si l’écran d’un
ordinateur fixe ou portable est en principe de dimensions supérieures à
celles d’une tablette, aucun système électronique ne propose de surface
de travail comparable à celle d’une carte papier, très loin s’en faut.
Il y a bien sûr une conséquence pratique à cette limitation : plus
l’écran est petit, plus il faudra manipuler, zoomer, dézoomer, se déplacer
à droite, à gauche, vers le bas, vers le haut… Il serait donc illusoire de
croire que l’on peut appréhender la carte électronique de la même façon
que la carte papier. Et les logiciels ont beau tenter d’améliorer la lisibilité
en pratiquant le « désencombrement de l’affichage », la vue d’ensemble
est amoindrie. Sur écran, le risque est réel, si l’on n’y prend garde, de
naviguer avec des œillères.
C’est la raison pour laquelle nous considérons qu’un smartphone est
impropre à une navigation sérieuse. Tout au plus sera-t-il considéré
comme un outil d’appoint. Un écran trop petit rend le travail de
navigation approximatif, voire dangereux.

Le type d’écran
Dès que le ciel devient menaçant ou que le vent se lève, la carte
papier est confinée dans la cabine. L’ordinateur, qui n’a pas d’équivalent
en termes de puissance et de fonctionnalités, reste en navigation à la
table à cartes. Les autres écrans de navigation se prêtent en revanche à
un usage en extérieur. La carte prend enfin l’air quel que soit le temps, et
la liaison carte-paysage en est facilitée. On parle ici des tablettes sous
protection étanche ad hoc, mais aussi des écrans traceurs installés à
demeure dans le cockpit.
Marinisés à la construction, lisibles quelles que soient les conditions
d’éclairage (et notamment en plein soleil, où les tablettes affichent leurs
limites), directement compatibles avec le réseau électronique du bord
(sous les réserves évoquées à propos des normes propriétaires), les
écrans traceurs d’extérieur ont été conçus spécifiquement pour cet
usage. Ils sont en revanche bien moins confortables lorsqu’il s’agit à
l’escale de préparer la navigation du lendemain, activité pour laquelle on
est beaucoup plus efficace à la table à cartes. Attention que le traceur ne
devienne pas une incitation à la paresse.
Les tablettes tactiles sont plus polyvalentes. Elles ne sont pas
exclusivement dédiées à la navigation, et elles ont l’avantage de leur
totale mobilité (rien de plus facile que de prendre sa tablette pour aller
consulter la météo au café du coin). Revers de la médaille, il faudra se
cacher du soleil pour bien voir la carte, et lorsque les gouttes de pluie
ruissellent sur l’écran… l’interface tactile commence généralement à
faire n’importe quoi.
Avec un ordinateur, on revient aux allers-retours traditionnels entre
cockpit et table à cartes, mais on s’ouvre d’autres perspectives et on se
dote d’outils généralement plus sophistiqués et plus puissants.
L’écran extérieur, un confort certain pour le barreur. Mais la préparation de la
navigation est moins pratique, sauf à disposer à la table à cartes d’un deuxième écran,
jumelé à celui du cockpit.

DÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE ET REDONDANCE


La consommation électrique induite par l’électronique de bord est
loin d’être négligeable. Outre la rigueur nécessaire en toutes
circonstances dans le suivi de la consommation et de la charge des
batteries, le navigateur se doit d’anticiper le cas de la panne électrique
généralisée.
Sans courant, le positionnement électronique devient impossible et la
cartographie numérique désespérément muette… Voilà qui est pour le
moins embarrassant ! Même adepte du tout électronique, le navigateur
prudent aura anticipé ce black-out en conservant à son bord un jeu de
cartes papier minimalistes lui permettant de faire route en direction d’un
port. Une autre solution consiste à disposer d’une deuxième source
électronique indépendante et autonome pour pallier temporairement le
black-out. Cette source redondante doit donc être rechargée à tout
moment, prête à l’emploi. Elle doit avoir une autonomie suffisante pour
pouvoir atteindre le prochain port 76.

FAIRE LE POINT EN VUE DES CÔTES


Le navigateur doit effectuer régulièrement le point, c’est-à-dire
déterminer la position du navire, la reporter sur la carte et consigner ses
observations sur le livre de bord. Régulièrement, c’est-à-dire environ
toutes les heures, mais cela dépend évidemment des opportunités
d’observation des amers et des nécessités (se tenir écarté des dangers,
trouver la meilleure route pour le voilier, etc.). Il dispose pour cela d’un
arsenal de méthodes, parmi lesquelles il pioche en fonction des
circonstances de navigation et du matériel dont il se sert.

POINT PAR POSITION RÉFÉRENCÉE


La « position référencée » est une position à proximité immédiate
(soit environ 1/10 de mille) d’un lieu précis, en l’occurrence une marque
de balisage référencée dans le livre des feux. Elle s’obtient très
simplement, lorsqu’on passe à hauteur de la balise considérée. Sur la
carte et sur le livre de bord, on représente la position référencée par un
point entouré d’un petit triangle avec la mention de l’heure d’observation
(en bas à droite).
Symbolique normalisée pour noter sur la carte les différents types de points
obtenus ainsi que les relèvements effectués. Les points correspondants sont
également à consigner dans le livre de bord.

POINT PAR RELÈVEMENTS


Le point par relèvements est une méthode très utilisée en navigation
côtière. Elle permet de se situer par rapport à deux ou trois amers.

La carte et le paysage
Encore faut-il identifier les amers… S’engager dans un paysage marin
ne s’improvise pas. Établir un lien entre la carte et les amers qui y
figurent et ce que l’on voit de la côte n’est pas chose aisée sans un brin
de préparation. En consultant la carte avant de partir, on établit un plan
de route, on note les routes directes à suivre et les distances à parcourir.
On repère ensuite les amers que l’on pense pouvoir observer tout au long
du périple et on les note dans leur ordre prévu d’apparition.
Cela facilitera leur identification pendant la navigation, même si la
partie la plus délicate de l’exercice, c’est bien de les repérer dans un
paysage « réel ». Une fois qu’ils sont identifiés, faire le point n’est plus
qu’une question de technique. La pratique du pilotage aura habitué le
navigateur à établir le lien entre le paysage observé et la carte.

Relever un amer, tracer la ligne de position


Relever un amer, c’est mesurer l’angle sous lequel on le voit par
rapport au nord magnétique. Pour ce faire, on le vise à l’aide du compas
de relèvement, sur lequel on lit l’angle indiqué par la rose. C’est ce qu’on
appelle effectuer un relèvement compas (Zc).
Le relèvement est d’autant plus difficile que la mer est agitée, la pluie
dense, l’amer éloigné ou la brume en train de tomber… L’incertitude est
d’environ +/– 1° par calme plat et peut aller jusqu’à +/– 5° par gros
temps ! Pour donner un ordre d’idée de l’imprécision de la mesure,
disons que 1° à 5 milles de distance représente 160 mètres d’erreur, 5° à
5 milles, 800 mètres d’erreur. Plusieurs mesures successives permettent
de réduire un peu la marge d’erreur.
Le relèvement compas Zc donne un angle par rapport au nord
magnétique. Il doit être corrigé de la valeur de la déclinaison (l’angle qui
sépare le nord magnétique du nord géographique). On obtient alors le
relèvement vrai Zv, c’est-à-dire l’angle sous lequel on voit l’amer par
rapport au nord géographique (et non plus par rapport au nord
magnétique).
Zv = Zc + D. Pour rappel, D est la déclinaison, positive si elle est
« est », négative si elle est « ouest ».
On a relevé le sémaphore du cap Fréhel à Zv = 165° +/− 2,5°. À 5 milles de
distance, cela représente une marge d’erreur totale de 800 mètres environ. Si le
relèvement est réalisé à 1° près (165° +/− 0,5°), l’erreur se réduit à 160 mètres.
Évidemment, plus l’amer est proche, plus la marge d’erreur est faible.

Une fois effectuée la conversion du relèvement compas en


relèvement vrai, on peut porter le relèvement vrai sur la carte, c’est-à-
dire tracer la demi-droite faisant l’angle Zv par rapport au nord
géographique et joignant l’amer relevé. Cette demi-droite représente
l’ensemble des positions possibles du bateau à toutes les distances
envisageables de l’amer. En toute rigueur, compte tenu de l’incertitude
du relèvement, cet ensemble de positions ne se situe pas exactement sur
la droite mais sur un secteur entourant celle-ci.

MÉFIEZ-VOUS DES BOUÉES !


Il faut faire attention quand on relève une marque de balisage flottante. Les
bouées sont mouillées sur le fond de la mer et évitent sur leurs mouillages en
fonction des vents et de la marée, ce qui rend leur position un peu moins précise
que celle d’un phare ou d’une tourelle (tout est relatif). Il arrive, surtout, que les
bouées dérivent (on dit qu’elles ont déradé), quand elles se sont libérées de leur
mouillage à l’occasion d’une tempête ou d’une collision inopportune, auquel cas la
position serait aussi précise que si on relevait la queue d’une baleine ou le mât
d’artimon du Belem !
Les bouées de balisage sont mouillées avec une longueur de mouillage de
2,5 fois le fond. Compte tenu du poids de la chaîne et de la marée, le rayon d’évitage
maximal est d’environ deux fois la sonde du lieu où elles sont mouillées. Certaines
bouées « stratégiques » sont équipées de deux lignes de mouillage, ce qui réduit
l’évitage.

Point par deux relèvements


On vient de tracer sur la carte la droite sur laquelle devrait se trouver
le bateau. Pour déterminer sa position, il suffit maintenant de relever un
autre amer et de reporter sur la carte le relèvement correspondant : le
voilier se trouve à l’intersection des deux droites. Compte tenu de la
marge d’incertitude des relèvements, la position obtenue n’est pas un
point mais un quadrilatère.
L’incertitude des relèvements conduit à définir la position à l’intérieur
d’un quadrilatère.

Pour que le point soit utilisable, l’angle formé par le relèvement des
deux amers ne doit pas être trop fermé, ni trop ouvert (dans l’idéal il
faudrait que les deux relèvements se coupent à angle droit.) En outre, on
doit effectuer les deux relèvements pendant une période de temps assez
brève, en commençant par l’amer le plus proche de la route suivie car
son relèvement varie moins rapidement. Si aucun des deux amers n’est
proche de l’axe de la route, on commence, pour les mêmes raisons, par
relever le plus lointain.

Point par trois relèvements


Un bon marin ne se contente pas de deux relèvements…
Avec trois relèvements, on obtient davantage de précision. L’idéal est
de choisir des amers écartés les uns des autres d’environ 60°. Comme
toujours, on commence par relever les amers qui bougent le moins (ceux
de devant ou de derrière, ou les plus lointains) et l’on finit par celui qui
est davantage par le travers (ou le plus proche).
La zone dans laquelle on est certain de se trouver possède une forme
géométrique complexe, qui prend en compte les limites des secteurs
d’incertitude déjà mentionnés et qui varie selon la disposition relative
des amers. Néanmoins, on considère qu’il y a une plus forte probabilité
de se trouver à l’intérieur du triangle d’incertitude (ou « chapeau »)
formé par l’intersection des trois relèvements.

Compte tenu de la marge d’erreur des relèvements, le point se situe dans


une zone d’incertitude dont la forme est un quadrilatère. Mais on ne se trompera pas
beaucoup en considérant que notre bateau se trouve dans le triangle blanc plus petit
formé par les trois relèvements.
Si le triangle obtenu est démesuré – c’est là le grand avantage du
troisième relèvement –, on comprend tout de suite que l’on s’est trompé
quelque part. Avec deux relèvements, on serait passé à côté de cette
« amère » constatation ! Le métier de navigateur demande de l’humilité.
On peut également noter sur le schéma que c’est le relèvement de
l’amer le plus proche qui est le plus précis. On peut en tenir compte pour
choisir un point dans le « chapeau ». Autant partir de la position la plus
probable pour la suite.
Et si la route passe à proximité de dangers, on ne choisit pas comme
point hypothétique une position au centre du triangle, mais une autre
située dans la partie du triangle la plus proche des dangers. Mieux vaut
être pessimiste dans ces cas-là.
Quoi qu’il en soit, avec un crayon à papier on note sur la carte la
position du bateau avec un cercle et une croix de Saint-André (symbole
du « point observé par relèvements »), on y adjoint l’heure de
l’observation du dernier relèvement et on n’oublie pas de remplir le livre
de bord (avec la sonde et le loch) : le point est terminé.

À 10 h 10, on a fait le point par trois relèvements. La mer est belle, le vent ENE
force 2, un courant de 0,2 nœud porte au 112°, etc.

Un amer, aussi bon soit-il, se périme très vite et il faut sans cesse en
trouver de nouveaux ! Ainsi, l’art de la navigation côtière consiste à
identifier les amers au fur et à mesure qu’ils apparaissent dans le
paysage et à prévoir ceux que l’on doit voir ensuite. Un dialogue
constructif se noue entre le navigateur et l’équipage : « On devrait voir un
phare dans le 65°. – Ça y est, je le vois ! Tiens, à sa droite, il y a un
château d’eau. C’est quoi ? – Attends, je le relève… Il est au 85°. C’est
sûrement celui de… », etc. Ce genre de discussion propre aux marins,
quand elle ne tourne pas à la foire d’empoigne, dissipe progressivement
les brumes de l’incertitude et assure la cohérence d’une route précise.

Point par alignement et relèvements


Croiser un alignement est une aubaine qu’il ne faut pas laisser
passer : à l’approche de l’alignement entre deux amers, on se met en
quête d’un troisième amer à relever au moment où le bateau croise la
ligne formée par l’alignement. Le point est instantané : la zone
d’incertitude se réduit à un segment de droite et n’est plus un
« chapeau » ! Une position par alignement est en effet bien plus fiable
que celle qu’on obtient par des relèvements. Et lorsque par
extraordinaire on se retrouve au croisement de deux alignements, c’est
parfait, on sait très précisément où on se situe dans le paysage et sur la
carte : c’est bien simple, il n’y a pas mieux.
Voilà qui devrait nous encourager à repérer tous les alignements
possibles et imaginables.

CRITIQUER LE POINT
La position du bateau s’obtient donc de plusieurs manières, qui n’ont
pas toutes la même précision. On peut les classer, de la plus sûre à la
plus douteuse, dans l’ordre suivant : position référencée ; position
observée avec alignements ; position par relèvements. Il faut pouvoir
contrôler son point pour toute information disponible pour le navigateur.
En relevant la hauteur d’eau mesurée par le sondeur, par exemple, et en
la comparant à celle indiquée par la carte (corrigée par un calcul de
marée…).

LE POINT GPS
Pour faire le point, le GPS s’avère redoutablement efficace. Non
seulement ce récepteur propose une précision inégalée (inférieure à
15 mètres dans la plupart des cas), mais aussi il s’exécute
instantanément.
Si l’on travaille avec une carte papier, il faut apposer la position sur
celle-ci en reportant consciencieusement les coordonnées
géographiques. Pour reporter avec précision une latitude ou une
longitude sur la carte, on utilise le compas à pointes sèches. Il suffit de
mesurer sur l’échelle correspondante la distance entre la valeur
considérée et une ligne du carroyage de la carte (distance avec un
méridien pour la latitude, distance avec un parallèle pour la longitude),
puis de transposer cela sur la carte en conservant cette ligne comme
repère. Avant cela, on aura pris la précaution de vérifier la cohérence du
système géodésique. Toute carte qui n’utilise pas le système WGS 84
nécessite une correction (celle-ci est indiquée dans le cartouche de la
carte).
Si l’on travaille avec une cartographie numérique, le report de la
position est entièrement automatisé par le logiciel de navigation. Mais
cela ne dispense pas le navigateur de tenir son livre de bord
rigoureusement à jour, en y reportant les positions GPS. Certains
logiciels intègrent un livre de bord électronique, qui enregistre
automatiquement toutes les données : pour pouvoir s’en satisfaire et se
dispenser de la tenue manuscrite du livre de bord, il faudrait au minimum
se doter d’un système sérieux de sauvegarde.

PRÉVOIR SA ROUTE
Alors qu’il prépare sa navigation, le navigateur jauge les possibilités,
quantifie les options, bâtit des scénarios. Incontestablement, la
préparation est un exercice qui requiert du temps. Ce temps est propice
à la réflexion, c’est alors que le navigateur s’approprie réellement le futur
terrain de jeu.
Cette préparation commence invariablement par la définition de la
route idéale. Il s’agit simplement de la route directe permettant de
rejoindre la destination tout en évitant les dangers du parcours. Le
navigateur doit garder ses distances par rapport aux écueils, il doit
étudier le périmètre dans lequel il veut évoluer, et anticiper les solutions
alternatives pour le cas où le déroulement de la navigation ne suivrait pas
le plan établi. Cette nécessité d’aborder la navigation en amont est
indépendante des outils utilisés : que l’on soit adepte de la carte papier
ou bien de son équivalent numérique, l’étude préalable de la route
demeure indispensable.
Une fois la route directe établie, il va falloir prendre en compte
l’influence du vent, des vagues et du courant sur la progression. Le
navigateur va ainsi déterminer le cap (ou les caps successifs) à suivre, au
moyen d’une procédure dénommée « faire valoir sa route », décrite dans
les pages qui suivent. Que l’on travaille sur la carte papier ou sur écran,
c’est la méthode traditionnelle. Avec un logiciel de routage, l’approche
sera différente, les algorithmes nourris des prévisions météo et des
polaires de vitesse du bateau travaillant alors à déterminer non plus la
route la plus courte, mais celle qui est potentiellement la plus rapide (ou
encore la moins mouvementée, si l’on demande au programme d’éviter
des zones de vent ou de mer particulièrement forts). La logique et les
techniques du routage sont abordées en fin de chapitre ►.

PARER LES DANGERS


Nous l’avons vu, la véracité d’une carte marine est toute relative.
Nombre d’éléments y figurant ont été localisés avec des techniques de
positionnement dont la précision est loin d’être parfaite. Le navigateur
prendra donc cette réalité en compte en traçant sa route pour croiser à
bonne distance des dangers.
La notion de danger se comprend ici au sens large : il s’agit d’un
élément immergé dont on ne peut avec certitude déterminer la position.
Une roche sur laquelle on aurait construit une balise ne présente pas à
proprement parler un risque pour la navigation. Pour la parer, il suffit de
prêter attention au balisage et bien sûr de passer du côté indiqué par ce
dernier (en songeant seulement que le rocher sur laquelle elle est
maçonnée peut légèrement déborder ; on ne rase pas une tourelle !). Les
conditions du jour sont aussi déterminantes. Ainsi un haut-fond de
10 mètres représente-t-il un danger pour un voilier dans une zone à fort
courant et par vent fort, car la mer deviendra cassante à cet endroit.
Partout où c’est possible, le navigateur respectera en traçant sa route
la règle du pouce, consistant à passer à un pouce de distance des
dangers figurant sur la carte, quelle que soit l’échelle de cette dernière.
Le pouce est celui du navigateur posé sur la carte, ou encore la mesure
anglaise du pouce soit 2,5 cm. Sur le fondement de ce principe, son
application et les cas où on peut s’en dispenser, on relira l’encadré « La
règle du pouce » ►.
Dans le tracé de la route, la règle du pouce trouve toute sa justification.

LE CERCLE DE SÉCURITÉ
Dans le cadre de la navigation numérique, apposer son pouce sur la
carte ne conduira qu’à laisser une trace de doigt sur l’écran. C’est avec
l’outil « compas à pointes sèches » du logiciel, permettant de mesurer
cap et distances que l’on devra vérifier que chaque waypoint (l’usage des
waypoints est détaillé plus loin ►) et chaque segment de route passe
effectivement à bonne distance des dangers. Lors du suivi de sa
navigation, on pourra ultérieurement appliquer ce principe en temps réel
en utilisant un outil commun à de nombreux logiciels, qui détermine un
cercle de sécurité autour du navire, et permet de se représenter
immédiatement la distance à laquelle on passe des dangers,
indépendamment du niveau de zoom.
Attention à l’overzoom, l’échelle à prendre en compte est celle du
levé de la carte qui a servi à la réalisation de son équivalent numérique.
Faute de connaître l’échelle du levé (renseignement rarement fourni sur
les cartes électroniques), on se référera par prudence à l’échelle type
d’une carte de pilotage côtier, le 1/20 000. Le pouce de 2,5 cm se
traduit sur le terrain par une distance de 500 mètres (2,5 × 20 000), soit
un peu moins de 0,3 mille : c’est donc un cercle de sécurité de rayon
0,3 mille qu’il faut activer pour transposer la règle du pouce.
Au premier coup d’œil, le cercle de sécurité de 0,3 mille de rayon confirme
que le bateau passe à distance respectable des dangers de Lué Vras, à l’ouest du
chenal d’entrée de Concarneau. (Capture écran iNavX.)

LE CHOIX DE LA CARTE
Pour représenter un lieu donné, il existe généralement plusieurs
cartes, chacune ayant une échelle différente. On doit toujours privilégier
la carte la plus détaillée disponible à bord, c’est-à-dire celle présentant la
plus grande échelle. Elle offre la plus grande précision, elle affiche aussi
plus de détails, aussi bien en ce qui concerne la représentation du
paysage, mais aussi et surtout s’agissant des dangers, du balisage, et
des amers qui y apparaissent plus nombreux.
Le navigateur doit être attentif à ce choix de carte tout au long du
trajet. Lors d’une journée de navigation classique, il n’est pas rare de
devoir changer de carte à plusieurs reprises. En quittant le port ou le
mouillage, le navigateur utilise la carte de détails décrivant les parages
immédiats. Puis, il bascule sur une carte de pilotage hauturier, de plus
petite échelle, qui lui permet de suivre sa progression le long de la côte.
Si la navigation se poursuit par une traversée plus lointaine, il passera
ensuite à la carte routière, qui lui offrira la vue d’ensemble de son
parcours depuis le point du littoral qu’il quitte jusqu’à son atterrissage.
Tout ceci est naturel. Mais il ne lui faut pas oublier de revenir sur une
nouvelle carte de détails dès qu’il se rapproche à nouveau de la côte. On
a souvent tendance à omettre cette nécessité chemin faisant, alors que
l’on passe un cap, lorsque l’on se rapproche de dangers qui jonchent le
parcours.
Si au cours d’une traversée on croise dans les parages d’une île ou
d’un archipel dont on n’a pas la carte de détails, on n’aura d’autre choix
que de respecter la règle du pouce à l’échelle de la carte dont on
dispose : avec une carte routière au 1/300 000 par exemple, cela
signifiera arrondir les dangers à un minimum de quatre milles (2,5 cm
× 300 000 = 7 500 m = 4 milles).
Bien sûr, rien n’empêche de se positionner sur deux cartes d’échelles
différentes : on fait le point sur la carte détaillée, gage de précision, et on
reporte les coordonnées latitude et longitude sur la carte routière pour
avoir un suivi continu de la progression. Cela oblige à manipuler deux
cartes mais permet d’avoir simultanément la vue précise et la vue
d’ensemble.
Avec une carte numérique, la vie du navigateur est facilitée. Le zoom
est instantané, la position du bateau est toujours affichée à l’écran quel
que soit le facteur d’échelle. Il n’est donc nul besoin de reporter « à la
main » latitude et longitude d’une carte à l’autre, l’outil s’en charge pour
nous.
On fera néanmoins attention à un point important : si l’on a utilisé un
cercle de sécurité pour garder à l’œil la distance de sécurité à respecter,
ce cercle de sécurité est de rayon figé… il n’est donc pas totalement
cohérent avec la règle du pouce. En jouant avec le zoom, on peut en effet
également changer l’échelle de compilation de la carte (autrement dit, en
dézoomant, certains détails et donc certains dangers disparaissent de
l’écran). La règle voudrait que l’on adapte le rayon du cercle en fonction
de l’échelle utilisée à un instant T. Certains logiciels en sont capables.
Faute de disposer de cette fonctionnalité particulière, on se rappellera
que le cercle de sécurité n’est valide qu’à fort niveau de zoom.

LA ROUTE ET SES POINTS DE PASSAGE


Pour prévoir sa route, il faut s’appliquer à dessiner le parcours prévu
en étudiant les cartes de détails. Une fois achevée, la route tracée sur la
carte doit toujours respecter la règle du pouce : elle doit toujours être
distante des dangers que l’on souhaite éviter, à moins qu’un balisage ou
un alignement pare les dangers.
L’exercice est simple mais demande un peu de rigueur et surtout du
bon sens. Il suffit de décomposer ce parcours en différents segments.
Chacun de ces segments est lui-même défini à l’aide de jalons, de points
de passage que l’on nomme communément des waypoints 77.
Les points ne sont pas choisis au hasard, chacun représente un point
névralgique : ici, le passage d’un cap, là, le contournement d’un plateau
de hauts-fonds, une marque de balisage, l’entrée des chenaux du port de
destination, etc. Lorsque l’on utilise un logiciel de navigation, il est
préférable de « personnaliser » les waypoints. On ne fait pas route vers le
point numéro 234, mais plutôt, par exemple, vers CC-Linuen-E : la balise
dans le secteur de Concarneau (CC), du nom de Linuen, et il s’agit d’une
cardinale Est. Peu importe la façon dont le navigateur nomme ses
waypoints, ce qui compte c’est qu’en navigation, en voyant le nom du
waypoint, il sache immédiatement associer ce point avec un élément
caractéristique de la carte.

Extrait d’une bibliothèque de waypoints. Les logiciels proposent généralement


de personnaliser chaque waypoint avec une icône désignant par exemple un mouillage
ou une marque de balisage, mais attention : si l’on active l’option affichant ces icônes
sur la carte, et que par inattention on s’est trompé d’icône (en remplaçant par
exemple une cardinale Nord par une Sud), c’est la carte elle-même et la valeur de ses
renseignements que l’on dégrade ! Ici le navigateur a illustré par une bouée jaune ses
marques de régate habituelles. (Capture écran iNavX.)

Les waypoints s’accumulent inexorablement au gré des navigations,


au point que très rapidement, s’ils ne sont pas ordonnés, ils deviennent
inexploitables. S’attacher à nommer judicieusement un point, c’est non
seulement organiser son paysage, mais aussi rationnaliser la préparation
des navigations futures, et gagner un temps précieux. Ne pas hésiter à
utiliser les boîtes de dialogue de création des waypoints pour renseigner
des détails utiles. Par exemple : « à 2 milles dans le nord du cap », ou
encore « au sud du haut-fond, brisants possibles », « atterrissage Saint-
Malo », etc.
Les outils numériques permettent tous de répertorier les waypoints
existants, et de les afficher sous la forme d’une liste ou d’un tableau dans
lequel on pourra piocher au gré des besoins. La plupart du temps, le
navigateur dispose de deux types de classement : par ordre de proximité
(du waypoint le plus proche de la position actuelle du navire au plus
éloigné) ou par ordre alphabétique. Le rangement alphabétique est
extrêmement confortable et pratique, mais l’on comprend aisément que
si l’on nomme, par exemple, tous les waypoints correspondant à une
marque cardinale par le nom officiel de la balise considérée, on perdra
beaucoup de temps à s’y retrouver : Nord Quiberon voisinera avec NW
(Noroît) Minquiers à la lettre N. Pouvoir faire défiler une liste
alphabétique où figurent Quiberon Nord ou Minquiers NW est beaucoup
plus logique et pratique.

TRACER LA ROUTE IDÉALE, UN EXEMPLE DE PRÉPARATION


L’exercice proposé consiste à rejoindre Brest depuis Audierne. On
veut effectuer ce trajet de jour pour profiter du paysage. Pour cette
navigation, le bulletin météo annonce un vent de sud de 15 nœuds (force
4 Beaufort). La préparation de la route est ici réalisée sur carte papier. La
démarche sera la même si l’on utilise un logiciel de navigation.

Déterminer les grandes lignes du plan de route


En premier lieu, pour appréhender la trajectoire à suivre, on s’attache
à établir une vue d’ensemble. Lors de cette étape, on définit les points
clés de ce trajet sans encore entrer dans les détails. Pour cela, on se
o
servira d’une carte routière, ici la carte n 7066 au 1/150 000, ou mieux
o
la carte de pilotage hauturier n 7148 au 1/49 300. Cette carte permet
d’englober les points de départ et d’arrivée, ainsi qu’une ébauche de la
trajectoire. On positionne grossièrement les points clés qui découpent le
trajet et on évalue les distances à parcourir entre ces points.
Dans une première approche, sur une carte dont l’échelle permet d’englober la
totalité de la route, on se donne un aperçu de la physionomie du parcours, et on
calcule les distances. C’est aussi l’occasion de se demander si l’on pourra faire route
directe, ou si au contraire il faudra tirer des bords.

– La première section couvre l’évolution du port d’Audierne jusqu’au


raz de Sein. Cette mise en jambes est rapide, elle porte sur moins de
10 milles.
– Le gros morceau, c’est bien sûr le franchissement du raz. On
étudiera avec attention le passage.
– Une fois le raz laissé dans le tableau arrière, on traverse la mer
d’Iroise pour contourner la presqu’île de Crozon. Cette section court sur
une bonne quinzaine de milles.
– Finalement, on emprunte le goulet de Brest pour atteindre le port
du même nom. La côte se resserre progressivement pour s’ouvrir à
nouveau sur la rade de Brest, le tout sur une dizaine de milles.
Au final, le tracé s’étend sur environ 35 milles en route directe. En
prenant pour hypothèse de départ une vitesse moyenne de 5 nœuds sur
le fond, la balade devrait durer 7 heures environ.

Analyser le secteur de vent


On veut répondre ici à une question simple : la route directe est-elle
compatible avec le secteur de vent annoncé ? Devrons-nous tirer des
bords de près 78, ou des bords de grand largue, et si oui, sur quelle
distance ?
Dans le cas présent, le vent de sud annoncé est particulièrement
favorable :
– Au départ d’Audierne, on prendra un cap vrai ouest-nord-ouest. On
tiendra donc une allure de largue.
– Dans le raz de Sein et jusqu’à hauteur de Camaret, il faudra tenir
quasiment un plein nord. Prévoir éventuellement de tirer des bords de
grand largue si l’état de la mer rend l’allure de vent arrière inconfortable
ou délicate.
– Enfin on obliquera au nord-est dans l’axe du goulet de Brest, soit
une allure de largue pour finir.
Si le vent annoncé n’est pas aussi favorable, typiquement si l’on doit
louvoyer face au vent, on devra estimer la pénalité sur la distance à
parcourir et sur le temps nécessaire pour cette navigation. L’objectif fixé
peut alors se révéler beaucoup trop ambitieux, on optera alors pour une
autre destination.

Consulter les documents nautiques


Avant d’aller plus loin, il faut compléter les données de la carte et la
première analyse réalisée avec les indications fournies par les autres
documents nautiques, tels que les pilotes côtiers. Ces ouvrages mettent
en avant les éléments clés à prendre en compte dans la préparation. Ils
rassemblent une mine d’informations issues de l’expérience de
nombreuses générations de marins, il faut donc s’en servir pour établir
son plan de route. Les passages recommandés, de même que les
dangers environnants, y sont décrits, voire illustrés par des photos. Les
amers les plus remarquables y sont également recensés.
On ne sera pas surpris que le franchissement du raz de Sein soit
largement documenté, le lieu est réputé, et ce n’est pas un hasard.
On retiendra notamment les points suivants :
– À l’approche du raz par le sud, plusieurs hauts-fonds peuvent
rendre la mer cassante. On cherchera donc à les parer.
– Au passage du raz, les courants sont violents, il faudra s’abstenir de
tenter le passage par vent contre-courant, la mer devenant alors
dangereuse pour un voilier de plaisance. Il est par ailleurs illusoire de
vouloir tenter le passage vers le nord contre le courant à marée
descendante. Dans l’absolu, le moment le plus favorable pour s’engager
dans le raz de Sein est celui de la renverse 79.
– Une fois le phare de Tévennec dans le sillage, on pourra souffler
jusqu’à l’approche de la presqu’île de Crozon. Plusieurs passes
permettent de franchir le prolongement rocheux de la pointe du
Toulinguet.
– Le goulet de Brest ne présente pas de difficulté particulière pour la
navigation, hormis le trafic maritime. Il faut s’attendre notamment à y
rencontrer cargos ou navires militaires.
Pour conclure cette préparation de la route, on n’oubliera pas de
consulter les AVURNAV pour obtenir les informations les plus récentes
possibles. Ces Avis urgents aux navigateurs sont consultables sur
Internet (sites du SHOM et des préfectures maritimes), dans les
capitaineries, et font l’objet de diffusions régulières à la VHF par les
sémaphores.

Définir les priorités


Les grandes lignes sont posées, il est temps de hiérarchiser
l’information et de dresser un tableau de marche précis :
– Quels sont les points ou les segments qui conditionnent d’abord et
avant tout cette navigation ?
– Quelle est la chronologie attendue des événements ?
– Quel(s) repli(s) peut-on envisager sur ce parcours, s’il s’avère que
l’objectif était trop ambitieux ?
La pointe du Raz officie comme un juge de paix. Elle dicte la fenêtre
horaire du passage puisqu’il est simplement hors de question de franchir
le raz contre le courant. Choisir l’heure de passage du raz de Sein est
donc LA priorité. On souhaite également profiter de la marée montante
après le raz jusque dans le goulet de Brest.
En étudiant les atlas de courants, on note qu’au plus tôt, on pourra
franchir le raz de Sein 5 heures après la pleine mer de Brest, lorsque le
courant nord-sud faiblit significativement. Notre objectif est fixé, il faudra
effectuer l’approche 5 heures avant la pleine mer de Brest, soit un peu
avant la renverse des courants, l’étale 80 selon le pilote côtier se
prolongeant sur une demi-heure.

Décomposer les différents segments du plan


de navigation
■ Segment 1 : Audierne – le raz de Sein
Pour étudier chacun des segments de la route, on utilise les cartes
les plus détaillées possibles. Le premier tronçon de notre parcours
o
correspond à la carte n 7423 du raz de Sein, au 1/20 000.
Nous savons qu’il faudra quitter Audierne une heure et demie avant le
créneau horaire défini ci-dessus pour aborder le raz (8 bons milles à
couvrir, à une vitesse estimée à 5 nœuds). Au passage, on réfléchit à la
sortie du port d’Audierne. Le départ aura lieu aux environs de la marée
basse… il n’y aura donc pas d’eau dans le chenal du port (on aura pris
soin de lire le « nota » de la carte concernant les « profondeurs
entretenues » dans ce chenal).
Qu’à cela ne tienne, le mouillage de Sainte-Évette à un demi-mille
dans l’ouest du port est toujours en pleine eau, il est facile d’accès, les
documents nautiques précisant d’ailleurs qu’il s’agit du mouillage
d’attente pour qui planifie de passer le raz de Sein. C’est décidé : on
sortira d’Audierne avec suffisamment d’eau avant de prendre un
mouillage à Sainte-Évette, sur coffre ou sur ancre, où l’on attendra le
moment idéal pour appareiller. Il y a sous la pointe du Raz un contre-
courant favorable que l’on va exploiter pour s’approcher avant la
renverse. Ce n’est pas bien grave si l’on arrive un peu trop tôt, on va
peut-être lutter un peu contre le courant mais cela ne durera pas.
Sur la portion Sainte-Évette – le raz de Sein, quelques hauts-fonds
devront être évités. En traçant la route, on observe la règle du pouce
pour se prémunir de ces dangers. On prévoit également de devoir
surveiller le sondeur en navigation : si les sondes remontent à 20 mètres,
cela signifie que l’on s’approche des hauts-fonds et qu’il faut mettre du
sud dans la route.

On s’assure, en prenant des mesures avec le compas à pointes sèches, que


chaque segment de route passe à bonne distance de tous les dangers. La route
laisse les hauts-fonds de la Roche Moulleg à 0,4 mille. Cela représente bien une
marge supérieure à celle d’un pouce (qui à l’échelle 1/20 000 vaut 0,3 mille).

■ Segment 2 : Franchissement du raz de Sein


Le passage est large. Il y a plus d’un mille et demi entre la Plate, qui
délimite l’extrémité des dangers de la pointe du Raz, et les premiers
hauts-fonds côté île de Sein ou Tévennec. Il n’est donc pas très
compliqué. Cependant on étudiera avec soin l’évolution des courants
dans cette zone, ils délimitent les secteurs de jeu. On pourra établir un
dessin de ces zones que l’on souhaite absolument éviter :
– Lors de l’approche par le sud, il faut éviter de se faire aspirer sur les
rochers prolongeant la pointe.
– Au nord de la pointe, si l’on a pris du retard dans le planning, un
contre-courant rabat sur le phare de la Vieille.
– De même, l’îlot de Tévennec crée aussi son propre contre-courant.
– Enfin, à la lecture du pilote côtier, on apprend qu’une barre se
forme entre la pointe du Van et la Basse Jaune (danger isolé) par vent
frais de sud-ouest à nord-ouest. Même si le vent annoncé n’est pas dans
ce secteur, on s’abstiendra de frayer dans cette zone.

Sur un croquis, on repère les zones à éviter et les risques potentiels : courants et
contre-courants portant sur les dangers, hauts-fonds pouvant lever une mer difficile,
phénomènes de barre, etc.
■ Segment 3 : La mer d’Iroise
Traverser la mer d’Iroise ne présente pas de difficulté. On note que la
presqu’île de Crozon se prolonge par une série de hauts fonds au large
des pointes de Pen-Hir et du Toulinguet. Plusieurs passes sont clairement
définies sur la carte. Si le temps était mauvais, on choisirait de
contourner tous ces dangers par l’extérieur (par l’ouest de la cardinale
Ouest Vandrée). Avec 15 nœuds de sud annoncés, c’est en revanche
l’occasion idéale d’emprunter une route au plus près de la côte. Le
navigateur n’oubliera pas alors de sortir la carte de détails (SHOM
o
n 7401 au 1/22 500) ou d’afficher le niveau de zoom adéquat sur sa
carte numérique. Ici on bascule en mode « pilotage », les alignements
définis sur la carte seront suivis pour franchir le chenal du Toulinguet.
Il ne faut pas se priver de consulter les photographies incluses dans
les documents nautiques pour identifier les éléments du paysage (elles
permettent par exemple de comprendre en quoi consiste l’aiguille de
Pen-Hir définissant l’alignement à 156,5°).
La carte de détails fournit les alignements de route permettant d’emprunter
le chenal du Toulinguet. Le deuxième est un alignement par l’arrière au 156,5° pour
une route fond au 336° (156° + 180° = 336°).

■ Segment 4 : Le goulet de Brest


Le goulet est long de 3 milles. Des hauts-fonds, composant le plateau
des Fillettes, le partagent en deux sur son premier tiers, mais ils sont
complètement délimités par le balisage en place. On pourra donc passer
indifféremment d’un côté ou de l’autre, en naviguant à vue entre les
balises et la côte accore 81. Les courants peuvent être forts lorsque la
rade de Brest se remplit et se vide au gré des marées. Si l’on ne veut pas
être considérablement ralenti, on tâchera de franchir cette passe avant la
pleine mer de Brest, heure de la renverse de courant. Enfin, le goulet est
régulièrement emprunté par les navires marchands ou des bateaux de
guerre, aussi restera-t-on vigilant à la veille.

Seule l’étude de la carte de pilotage côtier, au 1/22 500 dans le cas qui nous
intéresse, permet de s’assurer que la côte est accore le long de la presqu’île de
Quélern, sur la rive sud du goulet de Brest.

Le port de repli
On réfléchit à une solution de repli pour le cas où les conditions
annoncées ne seraient pas au rendez-vous. Soit le vent est beaucoup
plus fort que prévu : dans ce cas, il faut savoir renoncer, la pointe du Raz
n’est pas un lieu pour s’essayer à la navigation par gros temps. Soit le
vent est plus faible et la moyenne de vitesse espérée ne peut être tenue.
Dans le cas présenté, si le vent s’essouffle, il pourra être délicat de
rejoindre le goulet de Brest avant la renverse du courant. Il faudra choisir
entre deux options : mettre le moteur pour de longues heures de façon à
accélérer le rythme, ou bien relâcher dans un port sur la route. Dans
cette dernière éventualité, on prendra la décision de tourner à droite
après la pointe du Toulinguet et on visera le port de Camaret.

FAIRE VALOIR SA ROUTE


Une fois la route idéale tracée sur la carte, le travail du navigateur
n’est pas achevé pour autant. Il lui reste à donner au barreur un cap (ou
une succession de caps) à suivre. Dans le cas que nous venons d’étudier,
le voilier évolue sur une allure portante avec un courant sensiblement
dans l’axe de la route directe. Cette configuration est simple à
appréhender car le voilier ne dérive pas sous l’influence du vent et le
courant ne dévie pas la trajectoire. Donner un cap compas au barreur
consiste alors à corriger le cap vrai de la déclinaison magnétique et de la
déviation éventuelle du compas, dont les indications peuvent varier
de quelques degrés en raison des influences magnétiques du bord.
Si l’on remonte au vent, on doit alors tenir compte de la dérive du
bateau, et si le courant est traversier, on doit déterminer son influence
sur le cap. Prendre en compte ces paramètres et anticiper leur influence
pour donner un cap au barreur, c’est ce que l’on nomme « faire valoir sa
route ».

L’influence de la dérive
Un voilier qui évolue au près ne progresse pas en suivant sa ligne de
foi (la direction vers laquelle il pointe), il marche en crabe. On parle aussi
de dérive due au vent. L’angle de cette dérive (der) marque la différence
entre le cap vrai (Cv) et la route surface (Rs). Cv se réfère à l’angle entre
le nord géographique (le nord indiqué sur la carte) et l’axe du bateau (la
ligne de foi). Rs mesure l’angle entre le nord géographique et la route
suivie sur l’eau (en surface) par le bateau.
La route surface se calcule à l’aide de l’expression mathématique
suivante :
Rs = Cv + der
Inversement, le cap vrai se calcule à l’aide de la formule :
Cv = Rs – der
La dérive est positive lorsque le bateau navigue bâbord amure (il
dérive sur sa droite), elle est négative lorsque le bateau évolue tribord
amure (il tombe sur sa gauche). Pour éviter de se tromper sur le signe de
la dérive, on se rappelle que les caps et les relèvements augmentent
lorsqu’on se déplace vers la droite : on va bien vers la droite de 0° à 360°
sur la rose du compas, en passant par 90°, 180° et 270° ; vers la gauche,
caps et relèvements diminuent. Au besoin, on s’aide en dessinant un
petit schéma.

En naviguant bâbord amure, le voilier marche légèrement en crabe vers sa


droite. Il dérive sur tribord, la valeur angulaire de sa route surface est supérieure à
celle de son cap vrai. Pour rappel, les graduations de la rose du compas augmentent
en allant vers la droite. Ici la dérive est bien de valeur positive (vers la droite).
ÉVALUER SA DÉRIVE
Évaluer la dérive est avant tout une question d’habitude et de familiarité avec
son bateau. Il faut penser à l’observer souvent, à noter ses variations en fonction de
l’allure suivie, de la voilure portée, de la force du vent et de l’état de la mer.
On considère qu’un voilier moderne au lest profond présente de 5° à 10° de
dérive au près dans un temps maniable. Cette dérive décroît rapidement lorsqu’on
abat, jusqu’à devenir négligeable dès le vent de travers. Elle augmente avec la gîte
(la force latérale est plus élevée) et diminue quand le bateau accélère (le plan
antidérive devient plus efficace). Quand augmentent le vent et surtout les vagues, la
dérive devient beaucoup plus importante.
Près de la terre et sans courant, les occasions ne manquent pas de faire des
évaluations précises. Quand on passe à toucher une bouée par exemple, on
s’applique à suivre rigoureusement un cap à partir d’elle. Au bout d’une dizaine de
minutes, avec le compas de relèvement, on relève le cap du bateau, et on opère la
différence avec le relèvement de la bouée augmenté de 180°. Autre méthode,
calculer la route effective entre deux points précis. Plus intuitif : observer son sillage.

Faire valoir sa route sans courant


À titre d’exemple, on considère un voilier progressant au près en
Méditerranée à proximité de l’île du Levant. Il est tribord amure. On
estime que sur cette allure le bateau dérive de 7°. On considère dans ce
cas de figure qu’il n’y a pas de courant. On prévoit de longer la côte nord-
ouest de l’île et on veut « faire valoir la route », c’est-à-dire prendre en
compte la dérive du voilier pour donner un cap au barreur.
Le cap vrai se calcule en soustrayant la dérive de la route surface. En
l’absence de courant, la route surface est identique à la route fond.

La préparation se déroule ainsi :


– On trace la route fond 82 que l’on souhaite suivre (en bleu sur le
schéma).
– À l’aide d’une règle Cras on mesure l’angle de la route fond (Rf)
entre le tracé et le nord géographique, Rf = 230°.
– Il n’y a pas de courant, dans ce cas de figure, la route fond (Rf) et la
route surface 83 (Rs) se confondent, Rs = Rf = 230°.
– Le bateau est tribord amure, il dérive sur bâbord, la dérive (en vert)
est donc négative, der = – 7°,
– Pour déterminer le cap vrai (en rouge), on soustrait la dérive de la
route surface, Cv = Rs – der = 230° – (–7°) = 237°.
– La déclinaison magnétique est indiquée par la rose sur la carte, D
= 1°30’E en 2015, avec 7’E de correction annuelle. On prend pour cet
exemple l’année 2018, soit 3 ans après 2015, on considère donc 3 fois la
correction annuelle.
D2018 = 1°30’E + 3 × 7’E = +1°51’. Il s’agit d’une déclinaison « est »,
elle a donc une valeur positive. On l’arrondit à 2°.
– Le cap magnétique 84 se calcule en soustrayant la déclinaison au
cap vrai. Cm = Cv – D = 237° – 2° = 235°.
– Si le compas du bord n’indique pas parfaitement le nord
magnétique, il doit être compensé. On soustrait la déviation du compas
pour établir le cap compas. La courbe de déviation du bateau nous
indique qu’en route au sud-ouest la déviation est de 2° Est. Cc = Cm –
dev = 235° – 2° = 233°.
La relation entre route surface et cap compas est décrite ci-dessous
dans ce qui s’appelle le tableau d’enchaînement. De la route surface
vers le cap compas, c’est-à-dire depuis le travail à la table à cartes vers la
consigne transmise au poste de barre, on soustrait les valeurs. Le
tableau fonctionne évidemment aussi bien en sens inverse lorsqu’on
souhaite répondre à la question suivante : « Sachant que j’observe tel
cap compas, quelle est ma route surface ? » En allant du cockpit vers la
table à cartes, on doit alors procéder à une série d’additions.

Le tableau d’enchaînement. Dans notre exemple, il a été utilisé de la droite


vers la gauche, dans le sens de la soustraction.
Faire valoir sa route avec du courant
La situation se complique en présence de courant traversier, qui fait
dévier sa route au bateau. Avant d’utiliser le tableau d’enchaînement
permettant d’assigner un cap au barreur, il va falloir déterminer la route
surface permettant à terme d’arriver au lieu visé.
La technique consiste à anticiper le déport dû au courant par une
construction graphique, réalisée directement sur la carte. Pratiquement,
on reporte, au début de la route fond que l’on a décidé de suivre, le
déplacement que subira le bateau sous l’effet du courant. On pourra
mémoriser le principe grâce à cet adage : « route fond connue, courant
au début ».

■ Avec un courant constant


Le cas le plus simple est celui où le voilier sera sous l’influence d’un
courant constant en force et en direction sur la période considérée. C’est
le cas, notamment, lorsque la durée de la navigation sur laquelle on
travaille (entre deux waypoints par exemple) n’excède pas une heure de
temps.
Une fois tracée la route fond (celle que le bateau doit suivre sur la
carte pour atteindre la destination assignée), on place à son début un
vecteur courant, qui représente la dérive que le bateau subira en raison
du courant sur une période donnée. Pour faire simple, on peut choisir de
raisonner sur une heure. Ici, l’atlas des courants (à défaut, on aurait
consulté le diagramme de la carte) nous prédit dans l’heure considérée
un courant de 2 nœuds. On dessine donc un vecteur de 2 milles de long,
dans la direction géographique fournie par l’atlas 85.
De l’extrémité de ce vecteur courant, on va tracer une route surface
qui devra recouper la route fond après que le bateau aura effectué sur
l’eau la progression qui doit être la sienne sur la période de temps
considérée. Notre voilier marche à 6 nœuds, on raisonne ici sur une
heure, on oriente par conséquent la règle Cras de façon à ce que le
segment que l’on doit tracer vienne couper la route fond 6 milles plus
loin. On procède en manipulant simultanément règle Cras et compas à
pointes sèches pour contrôler cette distance. Les distances sont bien
entendues prises sur l’échelle des latitudes de la carte, où une minute de
latitude équivaut à 1 mille.
Le segment ainsi tracé est notre route surface. Il suffit désormais de
relever avec la règle Cras son angle par rapport au nord géographique.
On intègre ensuite la dérive du vent, la déclinaison et la déviation en
suivant les opérations du tableau d’enchaînement.
Cette construction graphique et le résultat obtenu (la route surface)
demeurent identiques quelle que soit l’unité de temps retenue. Si par
exemple le trajet envisagé ne doit durer qu’une demi-heure, ou si pour ne
pas encombrer sa carte de traits trop importants on préfère s’en tenir à
un calcul sur une demi-heure, il suffira dans notre exemple de tracer un
vecteur courant de 1 mille et de positionner un segment route surface de
3 milles. On peut aussi bien raisonner sur un quart d’heure, 20 minutes,
etc., pourvu que la période retenue soit identique pour le courant et le
déplacement du bateau sur l’eau.
On trace d’abord la route fond, puis, au début de celle-ci, le vecteur courant.
De l’extrémité de ce dernier, on trace une route surface qui recoupe la route fond à
une distance correspondant à la progression du bateau sur l’eau dans la période
considérée. On a ici raisonné sur une demi-heure.
Sur plusieurs heures, le courant varie : on aligne bout à bout les vecteurs
courant.

■ Avec un courant variable


Si la navigation doit durer plusieurs heures, le bateau va être soumis
à un courant qui varie en force et en direction au fil des heures. Une fois
encore, on reporte le courant au début de la route fond envisagée, en
mettant bout à bout les différents vecteurs de courant, heure par heure,
comme ci-contre avec 6 heures de courant. Cela suppose d’estimer par
avance le temps nécessaire pour réaliser le parcours, de façon à bien
prendre en compte les heures de courant correspondantes.
Mettons en pratique le procédé dans une navigation en Manche, alors
que nous faisons route du raz Blanchard vers Saint-Malo. Nous voici
arrivés devant la pointe Corbière, au sud-ouest de l’île de Jersey, et nous
allons devoir contourner les Minquiers. Nous cherchons à faire valoir la
route jusqu’à un point légèrement à l’extérieur de la cardinale Noroît
Minquiers, qui marque l’une des limites de ce plateau rocheux ►.
Nous sommes en marée de vives-eaux, 3 h 30 après la pleine mer de
Saint-Malo qui figure comme port de référence pour les courants sur
o
notre carte n 6966 du SHOM. Le vent est au 250° et on estime pouvoir
tenir une vitesse de 5 nœuds sur l’eau.
– On trace la route fond depuis notre position jusqu’à la Noroît
Minquiers. À l’aide de la règle Cras, on mesure l’angle entre le tracé et le
nord géographique, à savoir la route fond Rf = 192°.
– Pour déterminer la route surface (Rs), on appose sur la carte la
contribution du courant (les vecteurs courant) heure par heure. Sur la
carte les tables de courant se réfèrent à des lettres magenta encadrées
d’un losange. Il faut localiser la lettre la plus proche et exploiter les
colonnes correspondantes de la table. Dans le cas présent, le losange
pertinent est celui qui est désigné par la lettre L.
– Il y a 12 milles à parcourir, soit entre 2 et 3 heures de route à
5 nœuds. On prend en compte le courant sur 3 heures pour être sûr
d’atteindre la destination. Le diagramme des courants (page suivante),
colonne L, nous donne la valeur de ceux-ci heure par heure. Pendant la
première heure (PM Saint-Malo + 4), le courant est orienté au 306°, en
vives-eaux sa force est de 2 nœuds, nous traçons en conséquence notre
premier vecteur courant Vc1 86. Le second vecteur Vc2 est orienté au
296°, pour 1,7 nœud et enfin Vc3 est orienté au 279° pour 1,3 nœud.
Nous alignons ces vecteurs les uns au bout des autres.
– L’extrémité du dernier vecteur courant est utilisé comme nouveau
point de départ pour tracer la route surface Rs. Rs est mesurée à l’aide
de la règle Cras à 171°.
La route surface étant désormais connue, nous pouvons mettre en
œuvre le tableau d’enchaînement de la façon suivante :
– Le bateau est tribord amure, sur sa route surface il évolue au petit
largue, la dérive est donc négative, elle est estimée à der = – 5°.
– Pour déterminer le cap vrai, on soustrait la dérive de la route
surface, Cv = Rs – der = 171° – (– 5°) = 176°.
– La déclinaison magnétique est indiquée par la rose sur la carte, D
= 1°25’W en 2015, avec 8’E de correction annuelle. On prend pour cet
exemple l’année 2018, soit 3 ans après 2015, on considère donc 3 fois la
correction annuelle.
D2018 = 1°25’W + 3 × 8’E = – 1°25’ + 24’ = – 1°01’. La déclinaison est
« ouest », elle est donc négative, arrondie à – 1°.
– Le cap magnétique se calcule en soustrayant la déclinaison au cap
vrai. Cm = Cv – D = 176° – (– 1°) = 177°.
– Si le compas du bord n’indique pas parfaitement le nord
magnétique, il doit être compensé. On soustrait la déviation du compas
pour établir le cap compas. Cc = Cm – dev = 177° – 2° = 175°.
– Sur la route surface, on aura parcouru 3 × 5 milles (3 heures à
5 nœuds). On peut donc estimer la position à cette échéance (cerclée de
noir sur la carte).
Faire valoir sa route peut devenir rapidement très « calculatoire », par
exemple si la route est relativement longue. De même, si les conditions
viennent à changer, si dans la réalité la vitesse ne coïncide pas avec
l’hypothèse de départ, etc. Il faudra ajuster et recalculer un nouveau cap.
La méthode reste pertinente jusqu’à 5 ou 6 heures de navigation. Au-
delà, il y a peu de chances que le scénario prévu se déroule réellement.
L’extrémité de la route surface marque la position que l’on devrait atteindre après
3 heures de route. Ne pas oublier de prévoir la dérive due au vent, ici estimée à 5° (sur
bâbord).

■ Avec un courant alternatif


Lorsque la renverse des courants doit intervenir en cours de
navigation, on s’attend à être déporté d’un côté, puis de l’autre. Une fois
tous les vecteurs courant mis bout à bout, l’écart entre route fond et
route surface sera bien moindre que si l’on doit subir, sur un trajet plus
court, un courant traversier portant toujours plus ou moins dans la même
direction. Sur une traversée où il y aura autant de courant d’un bord que
de l’autre, ses effets s’annulent, et il est inutile de se compliquer
l’existence avec une construction graphique fastidieuse. On se contente
de prendre pour cap vrai la route directe vers notre destination, de se
laisser porter par le courant d’un côté puis de l’autre, et de corriger le tir
en vue de l’arrivée. Le cas typique est celui d’une traversée de la Manche
(Cherbourg – île de Wight par exemple) d’une douzaine heures, où l’on
subira peu ou prou et au total 6 heures de courant vers l’ouest et
6 heures de courant vers l’est, quelle que soit l’heure à laquelle on part.
Dans ce cas de figure, la route surface est constante (elle correspond
au cap vrai corrigé de la dérive du vent), tandis que la route du bateau sur
le fond décrit une sinusoïde. La fausse bonne idée serait de calculer une
série de caps vrais, heure par heure, de façon à suivre une route fond
rectiligne. Le navigateur qui adopterait cette stratégie passerait en
réalité toute sa traversée à lutter contre le courant pour en compenser
les effets. Le bateau suivrait une route surface sinueuse, devrait
parcourir plus de chemin sur l’eau, et il arriverait plus tard à destination.

Parer les dangers


L’anticipation sur plusieurs heures des effets du courant peut
conduire à s’éloigner très sensiblement dans la réalité de la route fond
théorique (la route directe). C’est pourquoi, lorsque cette dernière passe
à proximité de dangers, il faut s’assurer que dans la pratique la route
fond restera réellement à l’écart de ces derniers. Pour cela, on trace la
trajectoire heure par heure, en posant bout à bout une heure de vecteur
courant puis une heure de vecteur route surface.
Ce jour-là, notre croisière nous mène de Guernesey à Saint-Malo.
Nous devrons laisser les Minquiers sur bâbord, et nous traçons la route
directe, depuis la sortie du chenal du Petit Russel, vers la bouée SW des
Minquiers (31,5 milles de distance au 166° vrai). Nous sommes en vives-
eaux, nous partons 2 h 30 avant la pleine mer de Saint-Malo, le courant
de flot 87 portera à l’ENE pendant les trois premières heures, avant de
s’incurver N puis NNW à la renverse et en début de jusant. Nous aurons
tout le temps une composante de courant « contre nous », il faut
s’attendre à ce que cela rallonge la route sur l’eau. Le vent est de secteur
ouest, 20 bons nœuds, notre voilier est très bon marcheur, au vent de
travers très légèrement abattu nous comptons sur une vitesse moyenne
de sept nœuds. On va donc tabler sur 5 heures de navigation.
Cinq vecteurs horaires de courant sont mis bout à bout, ce qui nous
permet de tracer la route surface au 173°, sur une distance de 35 milles.
Le courant rallonge bel et bien la route (de 3,5 milles), et nous conduit à
lofer de 7° au-dessus de la route directe.
La route surface est plus longue, et plus lofée (de 7°) que la route directe. Nous
sommes vent de travers, la dérive est considérée comme négligeable.

Voilà pour le schéma général. Mais avec ce courant qui nous fera
tomber nettement sous la route en début de bord pour nous remonter
légèrement à l’approche des Minquiers, il ne faudrait pas passer dans
l’est de la première cardinale délimitant le plateau, la NW Minquiers.
Nous nous sommes en effet interdit de rentrer à l’intérieur du périmètre
défini par les cardinales des Minquiers, de façon à rester par ce vent frais
à bonne distance des dangers, et à l’écart des premiers hauts-fonds où la
mer lèvera inévitablement.
Il nous faut, pour nous en assurer, dessiner notre route fond heure
par heure. En posant bout à bout chaque heure de courant avec une
heure de route surface au 173° sur 7 milles, nous constatons que notre
trajectoire nous fera passer à l’est de notre cardinale NW Minquiers, ce
que nous avions précisément décidé d’éviter. Il va nous falloir revoir la
copie, et lofer encore plus au-dessus de la route directe. Pour refaire nos
calculs, le plus simple sera de découper autrement notre parcours, en
plaçant notre premier waypoint à la Noroît Minquiers, et non plus à sa
voisine la Suroît.
En reconstruisant la route fond heure par heure, on s’aperçoit que notre route
ne nous permet pas de laisser sous le vent la totalité des dangers des Minquiers. Il va
falloir calculer une nouvelle route, en nous assurant de bien laisser la cardinale Nord
(la Noroît Minquiers) sur bâbord.

Lorsqu’on subit le courant


Il est une circonstance où il s’avère impossible de faire valoir la
route : lorsque l’objectif se situe au vent et que le voilier est contraint à
tirer des bords. Dans ces circonstances, inutile de se creuser la tête à
définir une route surface qui permettrait de compenser les effets du
courant. On n’a d’autre choix que de naviguer au plus près du vent. À
l’inverse des autres situations, c’est la route surface qui est déterminée
par avance. On s’attache alors à tracer sa route fond, par construction
graphique intégrant les vecteurs de courant, de façon à s’assurer d’une
part qu’on passe bien à l’écart des dangers, et à déterminer d’autre part
à quel moment virer pour rallier le but. La méthode utilisée est celle de
l’estime, décrite plus loin dans ce chapitre ►.

LE SUIVI DE LA NAVIGATION
Le plan de navigation est décidé et la route tracée sur la carte. Une
fois les amarres larguées, le navigateur s’applique alors à contrôler le
déroulement de cette navigation. Il a bien plus à faire que simplement
vérifier la position GPS. L’objectif est certes de s’assurer qu’on est bien
là où on voulait être, mais aussi d’interpréter les informations disponibles
pour anticiper la suite des opérations, tant il est vrai qu’en mer les
choses se déroulent rarement selon le plan initial.
Pour cela, il lui faut s’intéresser de près au cap suivi ou encore à la
vitesse sous voile. Ne serions-nous pas en train de dériver plus que
prévu ? Avec cette mer croisée contre laquelle nous luttons la vitesse
s’effondre, ne vaut-il pas mieux abattre de quelques degrés ? Et cette
rotation du vent, plus marquée que celle prévue par la météo ? Allons-
nous devoir tirer des bords pendant des heures, alors que nous pensions
arriver avant la nuit ? Et le courant, est-il en ligne avec les atlas du
SHOM ?
Cette analyse peut se baser sur l’interprétation du navigateur, son
expérience de vieux loup de mer aidant considérablement. Lorsque le
vieux loup de mer a déserté le bord, une alternative consiste à s’appuyer
sur les capteurs électroniques. Cette approche permet notamment
d’effectuer un suivi ininterrompu (les capteurs ne se fatiguent pas), avec
pour avantage la possibilité d’affiner la trajectoire sans délai. Elle plaira
aussi beaucoup à tous ceux qui sont fâchés avec les mathématiques : la
machine se charge des calculs, reste le travail d’interprétation.

DES ANGLES ET DES VITESSES (OU ENCORE DES DISTANCES)


Les termes « route fond », « route surface », « dérive », « cap vrai »,
« vitesse surface », « vitesse fond », etc., permettent de décrire et
décomposer la trajectoire du voilier dans son environnement. Pour
chacune de ces notions, les instruments de bord dispensent l’information
adéquate, dans une terminologie parfois différente. S’approprier cette
terminologie, et comprendre à quoi correspond chacun des indicateurs,
permet de suivre en chaque instant l’influence de la dérive due au vent,
aux vagues, ou encore de percevoir l’influence du courant.
La « route fond » associée à la « vitesse fond » indique comment le
bateau se déplace par rapport au fond de l’océan, c’est-à-dire par rapport
à la carte. La première notion mesure simplement un angle (celui entre la
route suivie sur la carte et le nord géographique). Elle est délivrée par le
GPS sous l’acronyme COG (Course Over Ground). La seconde notion
exprime simplement la vitesse de déplacement sur le fond. Calculée elle
aussi par le GPS, elle apparaît sous le terme SOG (Speed Over Ground).
Ces données sont les éléments de base de tout suivi de navigation.
Rapidement, on souhaitera compléter les informations
fondamentales en s’intéressant au déplacement du bateau sur l’eau. Le
compas électronique, lorsque le bateau en est équipé, fournit un cap
compas nommé Heading (HDG). Un logiciel de navigation capable de
connaître la déclinaison magnétique en tout temps et en tout lieu
fournira par ailleurs le « cap vrai », angle entre la ligne de foi du bateau (là
où pointe l’étrave) et le nord géographique : c’est le True Heading
(acronyme HDT). La vitesse du bateau sur l’eau est nommée Boat Speed
(BSP) ou STW (Speed Through Water), elle est délivrée par le speedomètre.
Sur son écran, le navigateur a choisi d’afficher, de haut en bas : direction du
vent réel (TWD), angle du vent réel (TWA), vitesse du vent réel (TWS), cap magnétique
(HDG, avec la mention °M), la route fond (COG), la vitesse fond (SOG), l’état du GPS, la
position géographique (latitude et longitude), le temps et la distance au prochain
waypoint (TTG et DTW), la route directe jusqu’à ce waypoint (CTS, magnétique).
(Capture écran MaxSea.)

Ces notions s’enrichissent lorsque l’on trace une route à l’aide de


waypoints. Le « relèvement » du waypoint est appelé Bearing (BRG) ou
Course To Steer (CTS) en anglais et la distance restant à parcourir en ligne
droite pour atteindre ce waypoint est nommée DTW (Distance To
Waypoint).
Un indicateur intéressant, lorsque l’on tire des bords, est celui de la
vitesse de rapprochement vers le but, c’est-à-dire vers le prochain
waypoint. Certains logiciels l’affichent sous l’acronyme VMG (Velocity
Made Good), ce qui est en réalité un abus de langage, le VMG désignant
en principe le gain sur l’axe du vent. L’appellation CMG (Course Made
Good) que l’on retrouve parfois est plus « correcte » sur un plan
théorique.

LE BON USAGE DU COG


Le COG (Course Over Ground) est une route fond instantanée, recalculée en
permanence par le GPS ou la centrale de navigation, par comparaison entre deux
positions distantes d’une petite fraction de temps. Cette donnée permet au
navigateur de déduire à un instant T sa dérive totale (dérive due au vent et à la mer
+ dérive due au courant), mais aussi de faire route directe vers une destination ou un
waypoint. Attention, cette deuxième utilisation du COG – très tentante – n’est
intéressante que dans la mesure où le courant est constant. Si le courant évolue en
force et/ou en direction au fil de la navigation, s’efforcer de garder le même COG
conduira à réaliser une route surface sinueuse, et par conséquent à rallonger la
route. La route la plus courte pour un voilier est une route surface rectiligne. Dans la
pratique, l’utilisation du COG pour faire route directe sur un waypoint ne se justifie
que sur une courte période de temps, par exemple en approche finale. Pour une
navigation soumise à un courant variable, la seule approche cohérente demeure la
définition d’une route surface par construction vectorielle, indépendamment du fait
que l’on travaille sur carte papier ou sur écran. À moins de solliciter l’intelligence des
logiciels de routage, qui calculent non pas la route la plus courte, mais une route
optimale compte tenu de la météo et des courants.

LE TEMPS
Une fois comprise la terminologie sur les angles et les vitesses, il
devient naturel de s’intéresser au temps de parcours. Le temps requis
pour faire route jusqu’au waypoint « actif » est appelé TTG (Time To Go).
L’ETA désigne l’heure estimée d’arrivée (Estimated Time of Arrival) : il peut
s’agir, selon les logiciels (ou la façon dont on les configure), de l’heure
d’arrivée au waypoint actif, ou de l’heure d’arrivée à destination, c’est-à-
dire au dernier waypoint de la route active. Lorsque le bateau ne fait pas
route directe, TTG et ETA sont calculés non pas sur la vitesse fond (SOG)
mais sur la vitesse de rapprochement (CMG).

LE TRIANGLE DU VENT
Dès les premières pages de ce Cours, nous avons vu comment le vent
ressenti sur un voilier en déplacement, le vent apparent, est différent en
force et en vitesse du vent qui serait perçu par un observateur immobile
– le vent réel. Les données mesurées par la girouette-anémomètre en
tête de mât sont celles du vent apparent. Interfacée avec le speedomètre
et un calculateur, elle est en mesure de reconstruire le « triangle du
vent », et de fournir les indications concernant le vent réel.
AWA (Apparent Wind Angle) et AWS (Apparent Wind Speed) décrivent
l’angle et la vitesse du vent apparent. TWA (True Wind Angle) et TWS (True
Wind Speed) concernent le vent réel.
Si notre voilier est équipé d’un compas électronique, la centrale de
navigation est en mesure d’indiquer la direction du vent réel sur le plan
d’eau (par rapport au nord) : TWD, pour True Wind Direction.

LES BORDS DU CADRE


Tirer des bords de près ou de portant amène à se poser une question
simple : faut-il privilégier la vitesse ou bien le cap pour gagner au vent ? À
tout instant, l’indicateur VMG (Velocity Made Good) retranscrit le gain au
vent (ou gain sous le vent pour le portant, le VMG étant alors négatif). La
lecture du VMG permet d’ajuster son compromis cap-vitesse, mais
attention à bien stabiliser l’allure avant de tirer des conclusions, courir
après l’afficheur de VMG peut rendre fou, et conduire à des déconvenues
(relire à ce sujet l’encadré VMG dans le chapitre I ►).
En tirant des bords pour atteindre un objectif au vent ou sous le vent,
on définit ainsi un cadre dans lequel on inscrira les évolutions du voilier.
Si l’on sort de ce cadre, c’est-à-dire si on va au-delà de ses limites avant
de virer ou d’empanner, on allonge inutilement la route. Les bords de ce
cadre, en anglais les laylines, sont des lignes imaginaires définies par le
meilleur angle de remontée (ou de descente) au vent.
Certains logiciels intègrent le tracé des laylines. Celles-ci basculent en
temps réel lorsque le vent tourne, l’écran indique par ailleurs à quelle
distance du bateau se situe chacune d’elles, ou encore dans combien de
temps on pourra les atteindre à la vitesse du moment. Le tracé des
laylines présuppose que le logiciel connaisse les caractéristiques du
bateau, c’est-à-dire qu’on lui ait fourni des polaires de vitesse (voir
encadré ►).

Le waypoint actif est la cardinale Goué Vas Sud, à l’entrée du chenal de la


Teignouse. Le voilier tire des bords contre le vent à l’intérieur du cadre, et il fait route
vers la layline bâbord (rouge). La layline tribord est en vert (Capture écran Adrena.)
NORD EN HAUT, TÊTE À L’ENDROIT
Les GPS automobile proposent différents affichages, dont l’orientation de la
carte dans le sens de la marche. Cette option fait sens parce que le réseau
automobile est figé, que la voiture ne peut que suivre la route devant elle.
Si les logiciels de navigation maritime permettent aussi d’orienter la carte dans
l’axe du bateau, c’est une option à écarter. En effet, que l’on navigue sur écran aussi
bien que sur une carte papier, nous devons nous rappeler que le bateau n’est pas
seul dans son environnement. Il interagit avec des éléments comme le vent ou le
courant, dont la direction est définie par rapport au nord géographique. Il se déplace
dans un paysage lui aussi bien référencé par rapport au nord, évoluant en latitude
(nord-sud) et en longitude (est-ouest), en contournant des balises cardinales qui
portent bien leur nom, et dont la dénomination et l’aspect ne doivent rien au hasard,
mais à leur position géographique vis-à-vis du danger qu’elles signalent. Compte
tenu de tous les paramètres à prendre en compte dans la navigation, conserver le
nord en haut reste de loin le meilleur moyen de garder les idées claires et la tête à
l’endroit.
L’ESTIME
L’estime est une technique qui permet de faire le point en évaluant la
route tenue depuis la dernière position connue, en fonction du cap suivi,
de la distance parcourue, de la dérive et du courant. Au lieu de
déterminer le cap compas à suivre à partir de la route fond (comme dans
« Faire valoir sa route » ►), on détermine la route fond suivie à partir du
cap compas tenu. Les techniques utilisées dans les deux cas sont
analogues.
On navigue à l’estime à partir du moment où l’on ne voit plus la côte,
et ce, quelles qu’en soient les raisons, éloignement ou mauvaise
visibilité, et que par conséquent on ne dispose plus des moyens de faire
le point par plusieurs relèvements. On se sert également de cette
méthode pour faire le point avec un seul amer (voir « Faire le point par
“transport d’un lieu” » ►).
Porter l’estime sur la carte – c’est ce qu’on appelle « corriger la
route » – est une opération très simple quand on sait déjà faire valoir sa
route. Il s’agit : de corriger le cap compas de la valeur de la déviation, de
la déclinaison et de la dérive pour obtenir le cap vrai ; à partir du cap vrai,
de tracer la route surface et d’y porter la distance parcourue ; enfin, le
cas échéant, de déplacer le point obtenu de la valeur du courant. Le
« tableau d’enchaînement » ► est d’ailleurs d’une grande utilité pour ces
opérations.
La seule véritable difficulté de l’estime, c’est d’apprécier
correctement les données.

APPRÉCIER LES DONNÉES


Il importe avant tout de disposer d’une « dernière position connue »
très précise. Quand on se trompe au premier bouton, on a toutes les
chances de rester mal boutonné jusqu’au bout. Aussi le premier point de
l’estime est-il toujours le dernier point observé, précisément établi et
contrôlé.

Le cap suivi
Le barreur tient-il bien son cap ? Depuis la table à cartes, le
navigateur peut contrôler discrètement le cap suivi sur un compas
annexe ou sur le compas de relèvement. Tel barreur n’aime pas le vent
arrière : il a toujours tendance à venir au grand largue et il faut noter la
différence. Tel autre est novice et barre toujours 5° trop à droite : on lui
donne un cap 5° plus à gauche… Décidément, le bateau embarde : le
réglage doit être revu pour faciliter le travail du barreur, etc.
Au près, mieux vaut ne pas donner de cap à suivre. En dépit des
apparences, ça simplifie l’estime. Quand on suit un cap avec un vent plus
ou moins variable, en effet, comment évaluer la dérive ? Alors qu’en
barrant en fonction du vent, la dérive reste toujours la même et c’est ce
qui compte.
Par ailleurs, c’est en naviguant au meilleur près et en suivant les
oscillations du vent que l’on taillera au mieux la route ! Tout le problème
évidemment, à cette allure comme aux autres, c’est d’obtenir du barreur
qu’il sache (et qu’il ose !) indiquer le cap moyen qu’il a effectivement
suivi.

La dérive
La force du vent, l’allure suivie, l’état de la mer, le réglage du bateau,
les qualités du barreur, ce sont autant de degrés de dérive en plus ou en
moins. Un navigateur expérimenté est capable d’évaluer assez finement
la dérive de son bateau. Il ne manquera pas cependant d’en vérifier
l’importance dès qu’un point de repère se présentera à lui. Il aura tout
intérêt à ne pas en avertir le barreur : celui-ci risquerait de s’appliquer
pendant la vérification – qui perdrait toute valeur… Ce qui compte, c’est
ce que le barreur fait, et non ce qu’il est capable de faire.
La distance parcourue
Le navigateur se fie au loch – soigneusement étalonné –, mais se
perfectionne dans la connaissance de son instrument : certains lochs
sont optimistes, d’autres pessimistes, beaucoup sont infidèles quand la
vitesse est faible. Et les algues, les salissures sur le rouet modifient
parfois sensiblement les données (pour ce qui est des modèles
mécaniques ; les lochs électromagnétiques ou à ultrasons ne souffrent
pas de ralentissement de ce type). Un capteur de loch régulièrement
contrôlé et nettoyé est le gage d’une estime bien tenue.

Le courant
Le chapitre « Les documents de navigation – Calculer la marée et les
courants » ► explique comment exploiter les documents officiels pour
calculer la force et la direction des courants. Mais on doit aussi tenir
compte de ses observations personnelles, car les données sur les
courants sont quelque peu incertaines et le vent peut venir tout
bouleverser.
La rencontre d’un flotteur de casier ou d’une bouée est une aubaine :
son sillage donne la direction exacte du courant, ainsi qu’une bonne idée
de sa vitesse.
Outre les courants de marée, le navigateur doit connaître pour la
navigation au large les courants généraux, en se référant aux pilot charts
et documents équivalents. Il peut aussi tenir compte du courant de
surface quand les vents soufflent fort et longtemps dans la même
direction. On trouvera les tables de calcul nécessaires dans le Guide du
navigateur du SHOM.

Le livre de bord
L’ensemble des indications portées sur le livre de bord est le fil
d’Ariane qui permet au navigateur de reconstituer pas à pas la route
parcourue. Tout changement de cap, de vitesse, d’allure (et tout ce qui
peut modifier la dérive) doit y être noté systématiquement.

L’incertitude
Quels que soient le flair et la rigueur du navigateur, le point porté de
l’estime inclut toujours une marge d’incertitude qui dépend évidemment
des conditions de navigation : dans une région sans courant, à une allure
portante, dans un vent moyen et régulier, par mer belle, on l’évalue à 4 %
environ de la distance parcourue ; en revanche, s’il a fallu louvoyer par
petit temps dans des courants mal connus ou bien prendre la cape dans
du mauvais temps, l’incertitude est grande et peut atteindre ou dépasser
10 %.
Après un trajet en ligne droite, la zone d’incertitude est assez
précisément délimitée sur la carte : elle a la forme d’un quadrilatère, plus
long que large si l’incertitude tient plus à la distance parcourue qu’au cap
suivi, plus large que long dans le cas inverse. Mais s’il a fallu louvoyer, la
zone d’incertitude devient un cercle dont le diamètre correspond à la
valeur de l’incertitude maximale. Pour la suite des opérations, le
navigateur considèrera qu’il est au milieu du cercle, mais le bateau peut
être n’importe où à l’intérieur du cercle !
Plus la distance parcourue augmente, plus le cercle d’incertitude
grandit. On dit alors que l’estime vieillit. Toute occasion de la rajeunir est
bonne à prendre, en particulier au moment de l’atterrissage. Et ce, même
si l’on n’aperçoit qu’un seul amer, ce qui est fréquent par visibilité
réduite, ou si la seule information disponible est la profondeur donnée
par le sondeur.

UN EXEMPLE D’ESTIME
En traversant la baie d’Audierne, en direction du raz de Sein, on
s’apprête à parcourir 20 milles sans rencontrer d’amers. Les points
caractéristiques sur la côte sont rares et distants, le contexte justifie
l’entretien d’une estime.
Dans notre exemple, cette navigation s’effectue par un vent d’environ
15 nœuds établi au nord. Le bateau part de la pointe de Penmarc’h et
navigue au près en direction du raz de Sein. Il progresse tribord amure en
suivant un cap compas de 315°, la déviation du compas est supposée
négligeable et la déclinaison magnétique est de 2° Ouest. On passe la
pointe de Penmarc’h à 13 h 20, soit une demi-heure avant la PM de Brest
qui est prévue à 13 h 50 avec un coefficient de 115.

Collecter les données de l’estime


Le point d’origine de l’estime doit être connu avec précision.
Typiquement, on se sert des derniers amers encore visibles au large de la
pointe de Penmarc’h pour faire un point par relèvements. Le navigateur
note sur le livre de bord les coordonnées de cette position initiale, ainsi
que l’heure, la distance parcourue jusqu’alors et enfin le cap compas.
Heure par heure, il réitère cette même série d’observations et remplit le
tableau ci-dessous.

Le tracé
Il s’agit de reporter sur la carte, heure après heure, deux vecteurs : la
route surface et le courant. Le tracé de ces vecteurs est décomposé pour
la première heure, puis cette opération est répétée toutes les heures. On
utilise le tableau d’enchaînement ► pour établir la route surface à partir
du cap compas : on intègre donc successivement la déviation, la
déclinaison, et la dérive.
On s’est référé à l’atlas des courants du SHOM pour déterminer la
force et la direction du courant rencontré, heure par heure, en fonction
des indications de l’atlas à la position estimée du bateau (qui évolue donc
d’heure en heure). On a utilisé l’abaque en début d’atlas afin d’extrapoler
pour le coefficient 115 les vitesses de courant fournies pour les vives-
eaux moyennes (coefficient 95) et les mortes-eaux moyennes (45) (voir
plus loin ► sur la lecture et l’utilisation des atlas des courants).
Heure après heure, on exploite les nouvelles données collectées, on
ajoute les nouveaux vecteurs et peu à peu la route fond se dessine sur la
carte.
Les vecteurs courant et route surface déterminent la route fond suivie heure
après heure.

Dès que de nouveaux amers apparaîtront dans le paysage, on


cherchera à déterminer la position réelle (par relèvements), ce sera la
phase d’atterrissage. Il sera alors intéressant de clore l’estime en
comparant les positions réelles et estimées. En confrontant ces données,
on pourra essayer de comprendre les sources d’erreurs de l’estime afin
de les prendre en compte à la prochaine occasion.

FAIRE LE POINT PAR « TRANSPORT D’UN LIEU »


Dans l’arsenal des méthodes dont dispose le navigateur, il en est une
relativement peu pratiquée, mais singulièrement élégante, dénommée
« transport d’un lieu » (on parle aussi parfois de transport d’un amer). De
quel lieu s’agit-il ici ? De la ligne sur laquelle se trouve le bateau. Pour
connaître sa position, il faut au moins deux lieux : on se trouve à leur
intersection. Et quand le navigateur ne dispose que d’un seul lieu, il peut
le « mettre en réserve » jusqu’à ce qu’il en trouve un autre. Alors, il
« transportera » le premier en estimant le chemin parcouru, recoupera le
second et le tour sera joué – à condition qu’entre-temps l’estime ait été
correctement tenue. La subtilité, dans l’histoire, comme on va le voir au
travers d’un exemple, c’est qu’un seul amer suffit. Quand cette technique
est bien maîtrisée, la position par transport d’un lieu présente un degré
de confiance satisfaisant. Dans l’ordre de la confiance, elle vient juste
après la position obtenue par deux relèvements.

UN EXEMPLE DE POINT PAR RELÈVEMENTS SUCCESSIFS DU MÊME AMER

La situation
« Nous passons la pointe de Penmarc’h de nuit, au près, par vent de
NW, et la visibilité permet seulement de voir le phare d’Eckmühl. À
0 h 10, le phare d’Eckmühl est relevé à Zv = 10° (voir carte ci-après). On
est au près tribord amure, au cap vrai 267°, soit 260° surface, avec 7° de
dérive estimée et une vitesse 5,8 nœuds. À 0 h 40, on vire Cv = 0°, soit
7° en surface. À 1 h 10 on relève le même phare à Zv = 51°.
Le courant est à cette heure (PM – 6 de Brest et l’on est en vive-eau)
évalué à 0,9 nœud dans le 312° ».
Si, à 0 h 10, le bateau s’était trouvé au point A, à 1 h 10 il serait au
point B. Le transport en B du premier relèvement (en rouge) permet
d’établir le point par intersection avec le deuxième relèvement (en bleu) à
1 h 10.

La procédure
« Je trace le relèvement d’Eckmühl à 0 h 10.
À partir d’un point quelconque de ce relèvement en A par exemple, je
trace la route surface du voilier entre 0 h 10 et 1 h 10 : soit un segment
de 2,9 milles (une demi-heure à 5,8 nœuds) orienté au 260°, puis un
segment de 2,9 milles orienté à 7°.
Je prends en compte le courant : à la suite des précédents segments,
j’en trace un nouveau de 0,9 mille qui représente 1 heure de courant
dans le 312° et j’obtiens le point B.
AB représente le déplacement estimé du voilier entre 0 h 10 et
1 h 10.
Je trace une droite parallèle au premier relèvement et passant par B :
j’obtiens, à l’intersection avec le deuxième relèvement, le point à 1 h 10,
que je note sur la carte par un rond bleu barré d’une croix de Saint-
André.
Je contrôle avec les sondes : à 1 h 10, la sonde indiquait 76 mètres,
ce qui semble en accord avec les fonds de 74 mètres de la carte et les
2 mètres de hauteur d’eau donnés pour Le Guilvinec à cet instant. »
Rien n’interdit à ce navigateur de faire un nouveau relèvement du
phare un peu plus tard, avant qu’il disparaisse complètement.
Le déplacement du bateau tirant des bords entre 0 h 10 et 1 h 10 a été
reconstitué de A à B, le segment courant sur une heure ayant été mis bout à bout avec
les deux vecteurs de la route surface. Le transport en B du premier relèvement
(en rouge) permet d’établir le point par intersection avec le deuxième relèvement
(en bleu) à 1 h 10.

En route directe, sans dérive et sans courant, ce petit problème de


transport d’amer est simple à résoudre. Les indications du loch et du cap
vrai permettront de tracer rapidement le segment AB et le transport du
premier relèvement en B donnera très vite le point. Évidemment, en
fonction de la configuration de la côte et des balises disponibles, on peut
transporter un premier amer et terminer le point avec un deuxième amer.
NAVIGUER SANS VISIBILITÉ
Quand tout disparaît dans la brume, l’incertitude change de nature.
L’estime a été correctement tenue, on sait précisément où l’on se trouve,
mais on n’y voit plus rien ! Un certain nombre de précautions s’imposent :
réduire sa vitesse, utiliser la corne de brume, tendre l’oreille. Le risque
principal ? Entrer en collision avec un autre bateau. Et s’il n’y a pas de
GPS à bord, il faut savoir renoncer à un atterrissage en cours, s’écarter,
attendre d’y voir plus clair.
Même dans la brume, pourtant, un point de repère reste fidèle,
inébranlable : c’est le fond. Le fond est une campagne précise, avec ses
plaines, ses vallons, ses champs, ses chemins creux. Les indications qu’il
est susceptible de fournir sont nombreuses.
Il a surtout cette particularité extrêmement commode de remonter en
général vers la surface quand on s’approche de la terre : il est donc une
excellente vigie. Grâce à lui, on atterrit parfois sans visibilité quand on
est certain de rencontrer sur sa route des fonds très caractérisés,
identifiables au sondeur.
Les fonds qu’on a sous la main peuvent déterminer la conduite à
tenir. Ainsi, quand on dispose d’une isobathe (une ligne reliant les points
de même hauteur d’eau sur la carte) qui déborde tous les dangers de la
côte, on peut rejoindre un port dans la « purée de pois ». Une fois trouvée
la ligne de sonde (la ligne des 20 mètres, ou encore celle des 10 mètres
ou des 5 mètres), il faut savoir y coller au plus près, déceler ses courbes
et les tangenter, s’en écarter au besoin lorsqu’elle tutoie les dangers.
Cela suppose, bien évidemment, que le calcul de marée ait été
correctement effectué, et que la hauteur d’eau retenue soit bien celle du
moment : le temps passe parfois plus vite qu’il n’y paraît et en
20 minutes ou une demi-heure cette hauteur d’eau peut varier très
sensiblement, d’autant plus si on est à mi-marée. Le suivi de sondeur se
fait en parallèle à celui de l’estime : connaissant la route surface du
bateau, sa vitesse et le courant sur la zone, on s’attache à contrôler que
toutes les données sont cohérentes, et qu’on n’a pas pris ses désirs pour
des réalités.
« Entrée du port de Concarneau. Nous sommes pris par la brume à
3 milles au sud-ouest du Cochon. Nous sondons et trouvons plus de
10 mètres d’eau. Nous faisons route au nord-ouest pour trouver
l’isobathe des 10 mètres, que nous suivons en prenant soin de la laisser
toujours un peu à tribord. Nous arrivons ainsi en vue du Cochon. De là,
nous pouvons nous engager dans le chenal, en évitant de franchir de part
et d’autre l’isobathe des 5 mètres. »
Suivre des isobathes. Il faut savoir « coller » à la ligne de sonde, et ne pas omettre
de confronter les informations du sondeur aux autres données de l’estime.
Naviguer au large

A u large, la navigation prend une autre dimension. Il ne s’agit plus


d’éviter les dangers, car les risques de talonnage sont rares en
pleine mer. La principale préoccupation du navigateur, quand l’horizon
est une ligne plate et continue sur 360°, c’est de situer le voilier sur une
carte uniformément bleue. On peut ranger le compas de relèvement dans
son étui, la ficelle destinée aux alignements peut désormais accrocher le
saucisson. Le sondeur est bloqué hors des limites de sa portée – se
réveillant parfois pour signaler une baleine égarée sous la coque.
Pourtant, dans cet univers où les journées se succèdent sans repères, le
navigateur doit toujours connaître sa position pour savoir où il va et
préparer son atterrissage. Une navigation au large a toujours en effet une
destination précise – à moins que l’équipage soit subitement frappé
d’une grave dépression collective et qu’il ait pris la décision d’errer sur
l’océan.
e
Les navigateurs de l’Antiquité avaient peur du large. Au XII siècle
avant J.-C., les Phéniciens ont parcouru toute la Méditerranée, ne
naviguant que de jour, de cap en cap, en se guidant sur une ligne d’égale
e
profondeur. C’est en pratiquant de la même manière qu’au IV siècle
avant J.-C. les Carthaginois ont progressé jusqu’en Grande-Bretagne.
Quand ils ont commencé à se servir des astres pour se situer, même en
e
utilisant l’astrolabe et les premières éphémérides d’Hipparque (II siècle
avant J.-C.), les Égyptiens n’obtenaient qu’une position très
approximative et leur navigation s’apparentait encore à une navigation
côtière car les recalages à vue étaient fréquents. La boussole, inventée
e
au XI siècle de notre ère, inaugura l’ère de la navigation au large et de
l’estime.
Il est à noter que pendant toute la période des Grandes Découvertes,
e
et jusqu’au XVIII siècle, les navigateurs ne pouvaient mesurer que leur
latitude et devaient se passer de connaître leur longitude. À l’époque de
Christophe Colomb, la latitude était initialement mesurée sur l’étoile
Polaire, puis enrichie de la méridienne (observation de la hauteur du
Soleil à son passage au méridien). On obtenait sa latitude grâce aux
premières tables astronomiques, les Regimentos. Mais pour la longitude,
il faut une mesure précise du temps, ce que ne permettait pas le sablier
de Christophe Colomb.

LA PREMIÈRE HORLOGE MARINE


Il fallut attendre 1735 pour que John Harrison présente au Conseil de longitude
à Londres « H1 » (tel était son nom), la première horloge marine capable de
déterminer la longitude au demi-degré près. Il reçut le prix établi par le Longitude
Act, voté par le Parliament en 1714 sous la pression des « capitaines des vaisseaux
de Sa Majesté, marchands de Londres et commandants des marchands » à la suite
de la perte de 2 000 marins dans le naufrage de la flotte de sir Clawdisley aux îles
Scilly, le 22 octobre 1707 – sorti victorieux de quelques escarmouches avec les
flottes françaises de Méditerranée, il venait de passer Gibraltar.

S’il est un domaine où la navigation électronique a révolutionné les


habitudes, c’est bien celui de la navigation au large. C’est magique : le
GPS donne instantanément le point et la route ; l’ordinateur du bord, relié
à un téléphone satellitaire (ou à un récepteur radio BLU), peut faire des
simulations de route en fonction des options météo.
En navigation côtière, le GPS est aussi très utile, mais il faut garder à
l’esprit qu’il n’est pas indispensable. Son utilisation exclusive risque
même de réduire l’acuité de l’observateur et son sens de l’analyse, le
paysage marin finissant par s’estomper devant la carte numérique et les
pixels, la réalité s’effaçant derrière le virtuel. Mais en navigation au large,
le paysage marin est réduit à sa plus simple expression : la mer, rien que
la mer. Le GPS est alors le moyen le plus simple et le plus rapide de
savoir où se trouve son bateau. En quelques années, il est devenu
l’étalon-or de la navigation au large, la seule aide à être réellement
utilisée en routine. Alors pourquoi ce chapitre sur la navigation au large ?
Sans prétendre imposer à tous crins les anciennes techniques de
e e
navigation, qui ont connu leurs heures de gloire aux XIX et XX siècles,
nous n’oublions pas que l’électronique peut tomber en panne. Il suffit
d’un petit orage, d’une panne de batterie ou d’un court-circuit, et le
bateau se retrouve perdu en pleine mer, progressant à la manière d’un
aveugle qui vient d’égarer sa canne. Le principal objectif de ce chapitre
est d’éviter au navigateur l’angoisse soudaine devant des écrans muets.
Si l’on a pris soin d’embarquer un GPS de secours à piles (et des piles
de rechange en nombre suffisant !), cette perspective pessimiste devient
certes illusoire. Il n’empêche : connaître les techniques de la navigation
sans électronique, les pratiquer à l’occasion (plus souvent on le fera,
moins on les oubliera), c’est aussi garder l’esprit en éveil, tourner le dos à
la passivité à laquelle nos écrans incitent insidieusement, affûter ses
capacités d’anticipation sur les événements et son sens marin.
Au large, il y a plusieurs manières de connaître la position d’un
bateau : l’estime, la navigation astronomique, l’observation des grandes
voies de transport humain (avions, cargos, etc.), un contact VHF sur le
canal 16 avec un cargo aperçu à proximité (Cargo ship cargo ship on my
left, can you confirm my position please ? Over.).

L’ESTIME AU LARGE
Certains attendent la panne du GPS pour commencer l’estime ; les
puristes la mettent en œuvre dès le départ et la « rafraîchissent » par des
points astronomiques réguliers.
Louis s’est embarqué pour une transat, une aventure qu’il préparait
depuis longtemps, un rêve après des années d’encadrement en croisière
côtière. C’est sa première grande traversée. Après les appréhensions du
départ, le rythme des quarts s’est vite imposé et la vie à bord s’est
organisée. Les jours se succèdent dans la bonne humeur, les difficultés
météo sont remarquablement gérées par un équipage tourné vers la
même destination, le même espoir : les Antilles et le soleil. Certains ont
déjà préparé leur bermuda à fleurs. Nous sommes par 35° Nord et 31°
Ouest, au milieu de l’Atlantique. La mer est formée mais l’allure au grand
largue est confortable dans la chaleur des alizés naissants. Le ciel est
gris et l’équipage observe, inquiet, un grain qui se prépare sur l’arrière
bâbord. Un de plus. Cette fois, il s’agit d’un grain orageux. Louis fait
amener le grand génois et envoie la trinquette, puis, lorsqu’il lui paraît
certain que ce grain va lui tomber dessus, il réduit la grand-voile. Bien lui
en a pris, car les rafales désordonnées secouent bientôt le voilier dans
une baston aussi brève que violente. Un seul éclair, un claquement bref,
et le grain passe son chemin. Dans le calme revenu, le navigateur pousse
soudain un hurlement : « Il y a de la fumée qui sort de l’ordinateur ! »
Louis descend et constate que tous les faisceaux électriques ont fondu
derrière le tableau électrique. L’orage, pourtant bref, a grillé une partie
de l’électronique du bord. Anémomètre, GPS et ordinateur sont hors
service. Il n’y a que la VHF, le loch-speedomètre et le sondeur qui
marchent encore. Le GPS portatif de secours était malheureusement
tombé à l’eau quelques jours plus tôt, lors d’un empannage à la
hussarde. Après les premiers instants de stupeur, Louis réunit son
équipage autour d’un bon saucisson, et fait une mise au point. Jusqu’à
présent, on naviguait au GPS sans se poser de question. Cet instrument
rend paresseux : le navigateur faisait valoir sa route simplement à partir
du dernier point. Désormais, c’est l’estime seule qui permettra à
l’équipage d’atteindre sa destination.
Depuis le départ, le navigateur remplissait toutes les heures le livre
de bord, et les points GPS étaient soigneusement reportés sur la carte.
La dernière croix entourée d’un cercle est la « dernière position connue »,
qui servira de point de départ de l’estime. Le navigateur doit tout d’abord
chiffrer les dérives. Depuis l’avant-dernier point reporté sur la carte, il
reconstruit le vecteur DR, pour Dead Reckoning 88, à partir du cap
compas noté sur le livre de bord, puis la route fond d’après le point GPS.
Il obtient ainsi le vecteur « Dérive » qu’il peut intégrer pour faire valoir sa
route… jusqu’au nouveau point. Puis il portera l’estime sur la carte, selon
la méthode exposée plus haut dans ce chapitre ►. Le navigateur, par
définition, aime bien les chiffres. En confrontant rétrospectivement les
données du livre de bord à la route tracée sur la carte, il calcule toutes
les dérives possibles : celle due au courant, celles dues à l’allure, à la
vitesse, au barreur, à la combinaison de voiles, etc. Il espère ainsi faire
une estime aussi précise que possible.
Il reste 2 000 milles à parcourir jusqu’à Pointe-à-Pitre, soit au final
une incertitude d’environ 200 milles. En visant la Guadeloupe, Louis
pourrait se retrouver à la Barbade ! Malgré la chaleur des alizés, il faut
rafraîchir l’estime et tous les moyens sont bons. Le plus fiable est le
point astronomique.
Les rencontres avec les cargos peuvent fournir une aide précieuse.
S’il est difficile de savoir d’où ils viennent et où ils vont, un contact VHF
permet d’obtenir une position.
Avec seulement deux méridiennes et trois rencontres de cargos,
Louis et son équipage arrivent en vue de La Désirade 12 jours plus tard,
comme prévu.
UNE SOMME D’INCERTITUDES PEUT MENER À BON PORT
Comme dans toute navigation à l’estime, les positions successives ne sont pas
des points, mais des cercles de diamètre croissant. Au fur et à mesure de la
navigation, l’incertitude quant à la position du bateau devient énorme : si l’on
compte un diamètre du cercle d’incertitude de 10 % de la distance, une traversée du
golfe de Gascogne de 350 milles donne un cercle de 35 milles de diamètre ; pour
une navigation à 7 nœuds par exemple, l’incertitude à propos de l’heure d’arrivée est
de plus ou moins 2 heures et demie. Il arrive cependant qu’on soit juste sur le bon
cap, qu’on arrive à l’heure prévue au point d’atterrissage choisi. Statistiquement, les
erreurs se compensent en effet les unes les autres au cours de la navigation, ce qui
augmente les chances d’arriver près de la position prévue. Mais il ne faut pas
prendre ça pour une victoire, le bateau aurait très bien pu arriver beaucoup plus à
gauche, plus à droite, plus tôt ou plus tard…

LA NAVIGATION ASTRONOMIQUE : NAVIGUER AU


SOLEIL AVEC LE SEXTANT
Autant le dire franchement sans se cacher derrière son petit doigt ni
derrière le volumineux almanach annuel des Éphémérides nautiques :
passionnante, la pratique de la navigation astronomique est aussi
singulièrement exigeante. Cette rigueur constitue probablement
d’ailleurs l’un de ses attraits, associée aux plaisirs assez indéfinissables
de s’immerger physiquement et mentalement dans la grande mécanique
cosmique, ainsi que de réussir à se positionner dans les déserts et les
océans sans recours aux moyens électroniques.
Tout comprendre aux principes et aux arcanes de la navigation astro
suppose par ailleurs des capacités d’abstraction, une perception assez
fine des mouvements planétaires, un goût minimal pour la chose
scientifique, des notions simples de trigonométrie, et quelques souvenirs
de ses années de lycée – ou d’études supérieures pour ceux qui auraient
persévéré dans la voie des mathématiques.
Il est donc permis – voire recommandé – de se dispenser de
l’intégralité du pourquoi, pour se concentrer sur le comment. Faire le
point par l’observation des astres revient à suivre une série de
procédures, il suffit simplement de se convaincre qu’elles ont été
élaborées par de plus savants, et de les suivre à la lettre. Il se pourrait
même qu’à répéter ces procédures on finisse par y voir un peu plus clair
dans un jeu de prime abord compliqué, que des notions à l’origine un peu
obscures prennent en chemin tout leur sens, bref que la pratique finisse
par débroussailler la théorie.
Il est toujours possible, à l’inverse, de se plonger au préalable dans
d’épais traités d’astronomie, il y en a de fort bien rédigés, mais ce n’est
pas l’approche pédagogique la plus facile, et elle n’aurait de toute façon
pas sa place dans ce chapitre du Cours. Il ne sera pas non plus possible
de couvrir l’intégralité des champs de la navigation « astro », nous nous
contenterons d’aborder les techniques relatives à l’observation du Soleil :
la méridienne et la droite de hauteur. Si l’on veut pousser le bouchon et
naviguer avec les étoiles ou la Lune, on se reportera aux ouvrages
spécialisés.
Pour pratiquer la navigation astro, on aura donc besoin :
– D’un sextant, permettant de mesurer à un instant T la hauteur du
Soleil au-dessus de l’horizon.
– D’une montre fournissant une heure aussi précise que possible ; les
montres électroniques modernes affichent en principe suffisamment de
précision sur la durée d’une traversée.
– D’une compréhension simple et minimale des principes en jeu, et
de quelques définitions, que nous explicitons dans ces pages.
– Des Éphémérides nautiques de l’année, éditées par le bureau des
longitudes du SHOM, où figurent toutes les données indispensables
comme les heures de passage du Soleil à Greenwich, la déclinaison
solaire ou les corrections à apporter à la lecture du sextant.
– D’un compas de relèvement.
– Des outils habituels de la navigation sur carte papier : règle Cras et
compas à pointes sèches.
– De feuilles de calcul préformatées dont on suivra case par case le
cheminement logique, ou de leurs équivalents électroniques – calculettes
spécialisées, logiciels ou applications automatisant les opérations de
calcul.
– En l’absence d’aides électroniques, des tables précalculées
permettant d’obtenir facilement les données indispensables au tracé des
droites de hauteur.
– De canevas vierges pour tracer le point que l’on reportera ensuite :
à l’échelle des grands routiers utilisés pour naviguer au large, il n’est en
effet pas réaliste de réaliser les opérations directement sur la carte.

LE SEXTANT
Ultime aboutissement d’une longue lignée d’instruments de mesure
dont l’origine remonte aux civilisations anciennes, le sextant n’est rien
d’autre qu’un rapporteur – certes sophistiqué – permettant de mesurer
les angles. En navigation astro, on l’utilise pour calculer la hauteur
angulaire d’un astre, en abaissant l’image de ce dernier sur l’horizon,
grâce à un jeu de miroirs.
Le corps de l’appareil est en métal ou en plastique. Moins rigides,
plus sujets aux déformations lors des variations d’hygrométrie et de
température, les sextants en plastique produisent des visées moins
précises que leurs homologues en aluminium, beaucoup plus coûteux.
Cette imprécision demeure toutefois très relative, comparativement
aux erreurs incontournables en navigation astro (imprécision dans la
visée et la manipulation proprement dites, réfraction, arrondis dans les
calculs). On considère que la précision d’un point astro correctement
réalisé est de 2 à 10 milles, et qu’avec un sextant en plastique on reste
au-delà des 5 milles d’imprécision. Un peu juste pour un atterrissage
précis, ces sextants meilleur marché demeurent tout à fait fonctionnels
en navigation au large. Il faudra seulement s’attendre à devoir les régler
et les ajuster plus fréquemment que leurs homologues en aluminium. Les
sextants anciens en laiton sont à réserver aux étagères de la bibliothèque
ou au dessus de la cheminée, à condition d’avoir un faible pour la
décoration vieille marine.

Lors de la mesure de hauteur, la main gauche qui contrôle l’alidade reste


immobile. C’est la main droite qui bascule le cadre du sextant pour « descendre » sur
l’horizon l’image du Soleil. Le sextant utilisé ici est équipé d’un petit miroir « plein
champ ».

Régler les miroirs


Pour une mesure précise, l’observateur doit s’assurer de la
perpendicularité des miroirs. Le grand miroir se contrôle avec une
alidade réglée aux alentours de 50°. Sextant orienté à plat devant l’œil,
on vérifie dans le miroir que l’image du limbe venue de droite se situe à
la même hauteur que la partie du limbe vue à gauche du miroir. Si ce
n’est pas le cas, on ajuste grâce à une vis de réglage située sur le côté du
miroir jusqu’à supprimer cet effet de « marche d’escalier ».
Pour le petit miroir, en ayant réglé le sextant à 0° 0’ 00” (c’est-à-dire
alidade et vis micrométrique réglés tous deux au zéro), on vise un objet
lointain, situé à un minimum de 2 milles de distance. Si l’objet présente
deux images écartées latéralement, on agit sur la vis de réglage du petit
miroir jusqu’à les superposer. Devant un horizon vide, et en l’absence
d’objet particulier à viser, on procède en visant l’horizon, sextant incliné à
environ 70°.

La perpendicularité du grand miroir. Le sextant étant posé horizontalement,


observer le limbe et son image réfléchie dans le grand miroir. Ici les deux images sont
décalées, le miroir n’est pas perpendiculaire, il va falloir agir sur sa vis de réglage.
Le limbe et son image réfléchie sont alignés, le grand miroir est bien
perpendiculaire.

La collimation
Si les miroirs doivent être occasionnellement contrôlés, la collimation
s’effectue de manière systématique avant chaque mesure de hauteur,
tant elle s’avère sensible aux aléas climatiques. Cela consiste à « mettre
à zéro » le sextant en déterminant son erreur instrumentale. On procède
en superposant l’image directe et l’image réfléchie d’un même objet
lointain et en lisant la valeur d’angle donnée par l’instrument. Dans la
pratique, on visera l’horizon en veillant à ce que ses deux images se
superposent. La collimation donne ainsi la valeur de l’erreur
instrumentale. La correction à apporter aux mesures de hauteur sera
l’inverse de l’angle lu sur le sextant (si on lit – 3’, la correction est de 3’).
Les degrés se lisent sur le limbe et les minutes de degré sur le tambour
micrométrique.

Prendre une hauteur


La manipulation du sextant est anti-intuitive : la main gauche qui
manipule le tambour de réglage demeure immobile, et c’est la main
opposée qui bascule le cadre du sextant. Instrument réglé à zéro, on vise
le Soleil puis de la main droite on abaisse le Soleil (ou plutôt son image)
jusqu’à l’horizon.
L’usage des filtres devant le grand miroir est rigoureusement
indispensable pour les observations solaires, sous peine de sérieux
dommages oculaires. Les filtres d’horizon sont à manipuler en fonction
de la luminosité du moment, à la recherche du meilleur contraste. Le
tambour micrométrique permet d’ajuster la mesure au dixième de minute
d’angle. Pour s’assurer de l’exactitude de l’observation, on balance le
sextant de façon à vérifier que le bord du Soleil tangente bien l’horizon.
LE PRINCIPE DU SEXTANT

Visant directement le Soleil avec l’alidade réglée à 0°, l’observateur voit deux
images superposées du Soleil. L’une provient de la réflexion de ses rayons sur le
grand miroir (mobile grâce à l’alidade), puis sur le petit miroir (fixe), et enfin
transmise à l’œil par la lunette grossissante. L’autre provient de l’image directe du
Soleil et atteint la lunette via la moitié transparente du petit miroir.
En basculant le cadre du sextant, ce qui fait coulisser le limbe sur l’alidade,
l’observateur conserve l’image réfléchie du Soleil dans la lunette, tandis que
l’image directe visée par celle-ci descend jusqu’à l’horizon, qui finit par y
apparaître. Des filtres colorés permettent de viser le Soleil sans éblouissement et
doivent être réglés pour pouvoir distinguer l’horizon, beaucoup moins brillant.
La double réflexion permet de lire 60° sur le limbe alors que la bascule de
l’alidade et du grand miroir n’est en réalité que de 30°.
Traditionnellement le miroir d’horizon est divisé en deux demi-lunes,
respectivement réfléchissante et transparente. L’option du miroir plein champ, qui
utilise le principe de la glace sans tain. Ce dernier permet une visée plus facile,
dans la mesure où l’observateur a une vision intégrale de l’astre mesuré.
La réflexion est certes moins lumineuse, mais cela ne présente pas
d’inconvénient particulier pour le point diurne avec le soleil, et ne complique
éventuellement la tâche que lors de la visée de petites étoiles. Cette deuxième
option pourra être préférée par les débutants.

S’ENTRAÎNER À TERRE
Ce n’est pas en mer, pour des raisons évidentes liées aux mouvements du
navire, que l’on se familiarisera avec la manipulation du sextant. Il faut s’entraîner
sur la plage, dans son jardin, son arrière-cour ou depuis son balcon. Faute d’horizon
dégagé, on pourra viser l’image du Soleil sur un horizon artificiel, posé au sol ou
même sur une table : il suffit de remplir d’eau un récipient, de préférence de couleur
sombre. Les mathématiques démontrent, et nous le considérerons ici comme
acquis, que la mesure obtenue doit être divisée par deux pour avoir la hauteur
angulaire du Soleil. N’apporter au calcul aucune correction pour la hauteur d’œil (au
sujet des corrections, voir plus loin ►).

QUELQUES DÉFINITIONS ET NOTIONS ESSENTIELLES


Comme expliqué en introduction, on peut effectuer le point au
sextant sans se préoccuper de la moindre théorie, en réalisant pas à pas
les opérations prévues par les feuilles de calcul, et sans se soucier du
sens ni de l’origine des valeurs que l’on additionne ou que l’on soustrait.
Ceux qui ne veulent pas s’encombrer l’esprit pourront donc sauter les
explications qui vont suivre, et passer directement au calcul de la
méridienne ou de la droite de hauteur. Il n’est pas interdit cependant de
s’approprier quelques notions simples qui permettront de mieux
comprendre pourquoi l’on procède ainsi.

La position géographique du Soleil et la déclinaison


En navigation astronomique, on se permet quelques libertés avec la
mémoire de Galilée, et l’on considère la Terre comme fixe, les planètes
tournant autour d’elle. À chaque moment, le Soleil dans sa courbe se
trouve à la verticale (on parle de zénith) d’un lieu donné. Ce point précis,
qui se situe sur une ligne imaginaire reliant le Soleil au centre de la Terre,
est dénommé position géographique du Soleil. On peut aussi se le
représenter comme « le pied » de l’astre.
Compte tenu de l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre, les
positions géographiques du Soleil évoluent au fil de l’année, selon le
cycle des saisons. Aux équinoxes (20-21 mars) et (22-23 septembre), la
courbe du Soleil passe à la verticale de l’équateur. Aux solstices d’été
(21-22 juin) et d’hiver (21-22 décembre), le Soleil passe à la verticale des
tropiques (Cancer et Capricorne), aux latitudes respectives de 23°5 Nord
et 23°5 Sud.
La latitude à laquelle le Soleil apparaît au zénith n’est rien d’autre que
l’angle entre le plan de l’équateur et la direction du Soleil. On parle de
déclinaison du Soleil 89 (à ne pas confondre avec la déclinaison
magnétique qui se rapporte au champ magnétique terrestre et non à
l’astre solaire). Pour chaque jour et heure de l’année, cette déclinaison
est fournie par les almanachs et éphémérides nautiques, elle est Nord ou
Sud, sa valeur s’échelonnant de 0° à 23°5.
L’évolution de la déclinaison du Soleil au fil des saisons. Aux équinoxes la
déclinaison est nulle, aux solstices elle atteint ses maxima.

L’angle horaire du Soleil


La position géographique du Soleil se déplace vers l’ouest de 15° par
heure, accomplissant le tour complet de la Terre en 24 heures. La
distance angulaire (en longitude) la séparant du méridien de Greenwich à
un instant T 90 est dénommée l’angle horaire du Soleil à Greenwich. En
français, cette valeur est désignée par le symbole AHvo (Angle horaire
vrai zéro, en anglais GHA pour Greenwich Hour Angle). À titre d’exemple,
lorsque le Soleil est à la verticale du méridien de la Barbade (60° Ouest),
l’angle horaire du Soleil à Greenwich est de 60°. Pour le dire autrement,
AHvo représente la longitude du Soleil.
La distance entre la longitude de l’observateur et celle du Soleil
correspond à l’angle horaire local (AHL ou LHA, Local Hour Angle) 91.
Toujours dans ce même exemple, si le bateau navigue par 25° Ouest à la
longitude de Mindelo au Cap-Vert au moment où le Soleil passe au
méridien de la Barbade, l’angle horaire au Soleil est de 35° (60° – 25°).
On conçoit aisément que :
LHA + longitude = AHvo
AHvo – longitude = LHA
L’angle horaire du Soleil à Greenwich (AHvo ou GHA en anglais) représente la
distance angulaire du Soleil au méridien zéro, ici 60° lorsque l’astre est à la longitude
de la Barbade. La distance entre la longitude de l’observateur et celle du Soleil est
l’Angle horaire local (LHA). Longitude = AHvo – LHA.

La hauteur et ses corrections


La hauteur d’un astre est l’angle qu’il forme au-dessus de l’horizon,
tel qu’on le mesure avec le sextant. On distingue :
– La hauteur instrumentale (Hi) qui est la mesure lue sur
l’instrument.
– La hauteur observée (Ho), mesure lue sur le sextant et corrigée de
l’erreur instrumentale (la collimation).
– La hauteur vraie (Hv) de l’astre, celle qu’on utilise pour les calculs
de position ; elle est déduite de la hauteur corrigée après mise en œuvre
des corrections fournies par les tables de calcul.
Ces corrections tiennent compte de plusieurs facteurs : la réfraction,
la dépression de l’horizon due à la diffraction de l’atmosphère, la hauteur
de l’observateur au-dessus de l’eau (élévation de l’œil), et le demi-
diamètre du Soleil (on vise son bord et non son centre).
Dans les éphémérides du SHOM (Éphémérides nautiques éditées par le
bureau des longitudes), ces corrections pour le Soleil sont déclinées à la
table de navigation VII. La table de « première correction » est invariable
au fil de l’année, et les valeurs qu’elle propose sont significatives. Par
exemple, un observateur placé à 2 mètres au-dessus de l’eau appliquera
une correction de 11’ (11 minutes) pour une hauteur observée de 20°, et
de 12,8’ pour une hauteur observée de 50° 92.
La table de « deuxième correction » (utiliser celle qui concerne le bord
inférieur du Soleil) tient compte au cours de l’année de l’éloignement ou
du rapprochement du Soleil, et par conséquent de sa taille apparente.
Elle est relativement plus faible. Ainsi en mai la correction est de – 0,2’.
C’est la somme des première et deuxième corrections qui est appliquée
pour déterminer la hauteur vraie.

L’azimut
L’azimut du Soleil (Z) est la direction dans laquelle on l’observe, et
plus précisément la direction dans laquelle on relève le point
géographique du Soleil depuis le point de calcul. Il peut être mesuré
grossièrement en visant l’astre au compas ou, pour plus de précision, par
une équation trigonométrique ou encore en se référant aux tables
précalculées.

Point de calcul
On parle aussi de point auxiliaire, ou de position arbitraire. Lors du
tracé d’une droite de hauteur, on place arbitrairement le bateau à une
position proche de sa position estimée, par exemple en choisissant une
latitude ronde.

FAIRE LE POINT EN PRATIQUE


Que nous ayons pris ou pas le temps d’assimiler les notions qui
précèdent, nous allons maintenant découvrir comment se positionner sur
la carte en observant le Soleil et en effectuant les opérations selon la
logique des grilles de calcul et les données des éphémérides. Un des
moments privilégiés d’observation du Soleil est celui où il culmine (il
atteint le sommet de sa courbe) pour le méridien sur lequel nous nous
trouvons. Cette culmination du Soleil, qui dure à peu près 2 minutes,
période pendant laquelle le Soleil se stabilise au sommet de sa courbe,
correspond à l’heure de la méridienne. L’un des grands avantages de
l’observation du Soleil à la méridienne est qu’on en déduit la latitude par
des moyens de calcul simplifiés.

LES ÉPHÉMÉRIDES NAUTIQUES ANNUELLES


Les éphémérides sont des almanachs renseignant les positions des astres au fil
du temps. Les Éphémérides nautiques donnent pour chaque jour de l’année, en
degrés, minutes et dixièmes de minute, la longitude (AHvo) du Soleil aux différentes
heures pleines. Juste à côté figure la déclinaison (D) précédée de la lettre N ou S
selon qu’elle est Nord ou Sud. Deux colonnes plus loin, à « Lever du Soleil », figure
l’azimut (Z) de l’astre. En tout début d’ouvrage figurent les heures de passage du
Soleil au méridien de Greenwich.
En fin d’ouvrage, dans la « partie permanente » des éphémérides, sont rappelées
des règles de calcul constantes. On y retrouve notamment les tables de navigation,
dont la table VII pour les corrections d’observations de hauteur, et la table XIb qui
transforme les unités de degré en unités d’heure (unités d’angle → unités de temps).
Cette dernière table permet notamment de calculer l’heure de passage du Soleil à
une longitude donnée. On transforme d’abord les degrés en heures/minutes (partie
gauche du tableau) puis les minutes d’angles en minutes/secondes (colonne de
droite). Le résultat final est à ajouter ou à retrancher de l’heure de passage du Soleil
à Greenwich, selon qu’on se situe en longitude Ouest ou en longitude Est.

Parce qu’il n’est pas toujours possible d’observer le Soleil à midi


heure locale (ne serait-ce qu’en raison des conditions atmosphériques et
de la couverture nuageuse), et parce qu’on ne se contente pas forcément
d’une seule position quotidienne, on réalisera à d’autres moments de la
journée des droites de hauteur.

La latitude par la méridienne


L’observation du Soleil commence un peu avant la culmination de
l’astre. Il faut donc connaître approximativement sa longitude pour avoir
une idée du midi solaire, ou prendre le temps de guetter régulièrement la
montée du Soleil dans le ciel. En balançant le sextant, l’observateur fait
juste toucher le bord inférieur du Soleil sur l’horizon. Comme le Soleil
monte peu à peu, il redescend progressivement le bord inférieur de
l’astre sur l’horizon au moyen de la vis de réglage fin. À un moment
donné, qui dure plus ou moins 2 minutes, le Soleil cesse de monter, puis
il commence à redescendre (ne pas faire jouer la molette en sens
inverse !). Ce moment d’immobilité du Soleil est la culmination. À cet
instant, le Soleil indique le sud vrai si l’on se situe dans l’hémisphère
Nord, le nord vrai si on est stationné dans l’hémisphère Sud.
L’observateur garde le sextant dans la position qu’il avait lors de la
culmination et note la hauteur indiquée par l’instrument. C’est la hauteur
instrumentale (Hi). L’heure de l’observation va par ailleurs lui indiquer,
dans les éphémérides, la déclinaison à appliquer.
L’application des corrections et de l’erreur instrumentale fournit une
hauteur vraie du Soleil (Hv). En retranchant cette valeur Hv de 90° (la
hauteur angulaire du zénith), on obtient une distance zénithale (dz),
valeur intermédiaire nécessaire au calcul, et qui correspond à la distance
séparant l’observateur du pied de l’astre. La valeur de cette distance
zénithale est positive si lors de l’observation on tourne le dos au nord (on
se trouve plus haut en latitude que la position géographique du Soleil).
Elle est négative si l’on tourne le dos au sud (on est plus bas en latitude).
La somme de la distance zénithale et de la déclinaison (déclinaison
elle-même positive quand elle est nord, négative quand elle est sud)
correspond à la latitude du lieu de l’observation. Une latitude positive est
une latitude Nord (on est dans l’hémisphère Nord) ; une latitude négative
est une latitude Sud (dans l’hémisphère Sud).

La latitude du lieu de l’observation est fournie par la somme de la distance


zénithale et de la déclinaison du Soleil.
L’enchaînement des opérations pour le calcul de la latitude à l’heure de la
méridienne.

■ Un exemple de calcul de méridienne


Le 4 juillet 2015, nous sommes dans les parages des Açores, à la
position estimée de 38° 40’ Nord et 26° Ouest. Le navigateur pourrait
observer la lente montée du Soleil, il préfère se simplifier la vie en
calculant grâce aux éphémérides l’heure de culmination de l’astre. La
table 11b des Éphémérides nautiques lui donne la conversion en temps
des 26° de longitude estimée : 1 h 44. En début d’ouvrage, il note le
temps de passage du Soleil à Greenwich (T. Pass.) ce 4 juillet :
12 h 04 min 22 s. Il peut arrondir à la minute, soit 12 h 04 min.
S’agissant d’une longitude Ouest, il procède par addition : le Soleil
devrait culminer aux alentours de 13 h 48.
Il se cale dans la descente, à 2 mètres environ au-dessus de l’eau, et
opère une collimation qui lui donne 1,3 minute d’angle (en avant du zéro
sur le limbe). Dix minutes avant le moment fatidique, il relève la hauteur
du Soleil, puis répète l’opération par intervalles de quelques minutes, en
ajustant chaque fois sa mesure. Vient le moment où le Soleil redescend,
il ne touche plus au réglage, lit la mesure (hauteur instrumentale) : 73°
47’.
En retranchant la collimation, il calcule la hauteur observée : 73° 47’
– 1’3 = 73° 45’7.
L’examen des tables des éphémérides lui fournit les indications
suivantes :
– Avec 2 mètres de hauteur d’œil, la correction est de 13’2 pour 70°
de hauteur observée, 13’4 pour 80°. Il peut retenir 13’3. La deuxième
correction (bord inférieur) pour juillet est de – 0’2. La correction totale à
entrer dans la feuille de calcul est de 13’1.
– Le 4 juillet 2015, la déclinaison du Soleil est 22° 52’2 N à 13 h, et
elle varie (en diminuant) de 0,2’ par heure (d = 0,2’ en bas de colonne).
Pour connaître la déclinaison à 13 h 48, il se reporte aux tables
d’interpolation générales, colonne 48 min. Pour d = 0’0 la correction est
nulle, pour d = 0,3’ elle serait de 0,2’, il interpole entre ces deux valeurs
et applique 0,1. La déclinaison retenue est donc D = 22° 52’1.
En reportant ces valeurs dans la feuille de calcul, il parvient à ceci
(figure page suivante) :
La latitude estimée était de 38° 40°’ N, le calcul de la méridienne
place le bateau 13,3 milles plus au nord. Pour l’instant, la seule certitude
est que le bateau se trouve quelque part sur une droite tracée par 38°
53’3 N 93. Faute de mieux, on corrige l’estime en reportant sur cette
droite la longitude estimée. Pour une position plus précise, il faudra
calculer la longitude par la méridienne, ou recouper ce calcul de latitude
avec une droite de hauteur.

L’enchaînement des opérations pour le calcul de la latitude le 4 juillet, à partir


d’une hauteur d’astre observée à la méridienne.

UNE MANIÈRE EMPIRIQUE DE CONNAÎTRE L’HEURE


DE LA MÉRIDIENNE
On a vu plus haut comment calculer l’heure approximative de la méridienne avec
les éphémérides, et à partir d’une longitude estimée. Une méthode empirique
consiste à se fier au relèvement de la direction générale du Soleil, en se donnant un
petit temps d’avance. Au moment de la culmination, on se trouvera sur le même
méridien, c’est-à-dire qu’on le relèvera dans le sud vrai ou le nord vrai, selon qu’on
navigue plus haut en latitude ou plus bas que la position géographique du Soleil. Si
on observe le Soleil en tournant le dos au nord, on va attendre de le repérer au 170°
vrai (10° avant la culmination) pour commencer les mesures au sextant. Ne pas
oublier de tenir compte de la déclinaison magnétique. Si l’on tourne le dos au sud,
on commencera à se préoccuper de faire la méridienne lorsque le Soleil sera dans le
010° vrai.

La longitude par la méridienne


L’heure (13 h 48 UTC) à laquelle on vient de faire la méridienne est
par nature imprécise, puisque la culmination ne dure que quelques
minutes. C’est bien dommage, car la longitude s’obtient par différence
entre l’heure du passage du Soleil au méridien de Greenwich et celle de
son passage au méridien du lieu. L’imprécision est ici beaucoup trop
importante pour recourir à ce calcul, puisqu’une erreur d’une minute
dans le temps se traduit par 15’ d’erreur en longitude (pour rappel, le
Soleil franchit 15° – un fuseau horaire – toutes les heures, et 15’ de
longitude toutes les minutes) 94. Il va falloir s’organiser pour définir
l’heure de culmination de façon beaucoup plus précise…
Voici comment procéder. Après avoir calculé l’heure de culmination
estimée, l’observateur commence au minimum une demi-heure plus tôt
par mesurer une hauteur de Soleil (inutile d’appliquer les corrections, pas
même celle de la collimation, la hauteur instrumentale est suffisante). Il
note cette mesure, ainsi que l’heure correspondante, qu’on baptisera H1.
Il profite de la culmination pour mesurer la hauteur maximale du Soleil,
qui déterminera la latitude. Alors que le Soleil amorce sa descente, il
règle son instrument à la même valeur qu’à H1. L’œil dans le sextant, il
attend l’heure H2 à laquelle le Soleil sera à nouveau à la même hauteur.
L’heure exacte de la culmination est la moyenne de ces deux valeurs
horaires : heure de culmination = (H1 + H2)/2.
Simple ? Pas tout à fait. Car cette règle de la moyenne ne
fonctionnera que si entre H1 et H2 le bateau est resté sur la même
latitude, c’est-à-dire s’il faisait route plein est ou plein ouest. À l’inverse,
si dans l’intervalle notre voilier a gagné 3 milles dans le sud, il faudra
modifier le réglage du sextant de 3’. 3’ en plus ou en moins, selon qu’on
se rapproche ou qu’on s’éloigne du pied de l’astre, avec un minimum de
logique on devrait s’y retrouver, il n’en reste pas moins que cela
complique la tâche. Voilà pourquoi on se dispense généralement de
calculer la longitude à la méridienne, en réservant ce moment privilégié
au calcul de la latitude.
Pour l’exemple, cependant, on suppose que le bateau naviguait plein
ouest, à une latitude constante. Le navigateur a relevé le Soleil à une
même hauteur à 13 h 03 min 04 s (H1), puis à 14 h 34 min 02 s (H2). La
culmination s’est donc produite à (13 h 03 min 04 s
+ 14 h 34 min 02 s)/2 = 13 h 48 min 33 s 95.
Reste à retrouver l’heure de passage du Soleil au méridien 0°, puis à
convertir en longitude l’écart de temps observé. Le 4 juillet 2015, ce
temps de passage (donné par les Éphémérides) est 12 h 04 min 22 s, soit
1 h 44 min 11 s plus tôt que l’heure de culmination observée.
La table XIa de l’ouvrage fournit les conversions d’heures en degrés :
1 h → 15° d’angle.
Puis la conversion des minutes d’heures en degrés et minutes de
degré : 44 mn → 11° 0’.
Et enfin les secondes d’heures en minutes de degré : 11 secondes →
2’45 (on arrondira à 3’).

RÉCAPITULATIF
Toutes les opérations de calcul de la méridienne pourront être rassemblées sur
la feuille de calcul synthétique ci-dessous. La précision obtenue pour la latitude
dépend de la qualité des mesures, de l’état de la mer, mais aussi des arrondis de
calcul (l’utilisation d’une calculette élimine le problème).
Avec un peu de pratique et de bonnes conditions météo, la marge d’erreur est
de 2 à 3 milles, ce qui est suffisant au large. Les erreurs de calcul produisant en
général des résultats farfelus, celles-ci sont assez faciles à repérer.
En ce qui concerne la longitude méridienne, rappelons-nous qu’une erreur de
4 secondes entraîne une erreur de 1 minute d’angle en longitude. Aux latitudes
moyennes, une minute de longitude voisine 0,7 mille.
Notre décalage de temps d’1 h 44 min 11 s correspond donc à un
angle de 26° 3’. À 13 h 48, heure de la culmination, le bateau était à la
longitude 26° 3’ Ouest.

La droite de hauteur
Jusqu’ici, les calculs ont été relativement simples et l’utilisation des
tables et de la calculette plutôt restreinte. Il est temps d’aller un peu plus
loin, afin de profiter de la moindre éclaircie passagère pour faire le point.
Ne la laissons pas passer !
Le principe de base de la droite de hauteur est très simple. En
connaissant l’heure et la position estimée du bateau, on peut déduire par
le calcul la direction ou azimut (Z) et la hauteur à laquelle on devrait
observer le Soleil (deux informations fournies par les tables de calcul,
comme on le verra plus loin).
Dès lors, si la hauteur vraie (Hv) à laquelle on a effectivement observé
le Soleil est plus grande que la hauteur issue des calculs, c’est que le
bateau est plus proche du pied du Soleil d’autant de milles qu’il y a de
minutes d’angle entre ces deux hauteurs. Inversement, si la hauteur est
plus petite, c’est qu’on est plus loin que prévu. La différence entre
hauteur vraie (Hv) et hauteur issue des calculs est appelée l’intercept.
Cet intercept est positif quand on est plus près du pied de l’astre que le
prévoyait le point estimé, négatif dans le cas contraire.
Le navigateur reporte sur la carte un point déterminé par la latitude
et la longitude de calcul (latitude arrondie et longitude arbitraire). De là, il
trace un segment de droite de direction Z et de longueur égale à
l’intercept. À l’extrémité de l’intercept, il trace une droite perpendiculaire
à l’azimut : c’est la droite de hauteur. En réalité la droite de hauteur est
une tangente au cercle immense dont le centre est le pied du Soleil et
sur lequel tous les observateurs voient le Soleil à ce même instant avec
une hauteur Hv. La droite de hauteur est donc le lieu géométrique 96 de
la position du bateau, exactement comme la droite qu’on trace après
avoir relevé un amer au compas.
Pour avoir un point, il faut attendre que le Soleil ait tourné, et réaliser
une seconde droite de hauteur qui coupe la première (le navigateur ayant
transporté cette première droite du déplacement du voilier entre les deux
mesures). L’intersection des deux droites de hauteur donne le point.

■ Les références
Outre les Éphémérides nautiques, on va avoir besoin :
– des tables précalculées (Dieumegard et Bataille, HO249
américaines, etc.). Conçues pour être simples d’utilisation, elles le sont.
Ici nous traiterons un exemple avec les HO249 ;
– de la règle Cras et du compas à pointes sèches ;
– d’un crayon à papier et d’une gomme, non seulement parce qu’on
va tracer le point, mais aussi parce qu’il n’est pas rare de se tromper
d’une ou deux retenues sur la feuille de calcul, et qu’on risque fort d’avoir
à revenir sur ses travaux…
– d’un canevas Mercator, feuille A4 sur laquelle on tracera à une
échelle exploitable les méridiens et parallèles proches du lieu
d’observation. La méthode pour construire les canevas Mercator est
décrite plus loin ►.

LES TABLES PRÉCALCULÉES


Les tables américaines HO249 fournissent des éléments de calculs résultant
d’approximations des équations trigonométriques gouvernant le point astronomique.
Elles se présentent en trois volumes. Le premier concerne les étoiles, les volumes 2
et 3 étant consacrés aux astres dont la déclinaison reste inférieure à 29° : c’est le
cas du Soleil, de la Lune, des planètes et de nombreuses étoiles. On les choisit en
fonction des latitudes sous lesquelles on navigue : de 0° à 40° pour le volume 2, et
de 39° à 89° pour le volume 3. Le volume 1 est donné pour une durée de cinq ans,
les livres 2 et 3 sont de validité permanente.
Il est possible de se passer des tables précalculées en résolvant des équations
trigonométriques avec des calculettes spécialisées. Les logiciels informatiques
permettent désormais de se dispenser totalement des calculs. Mais si on dispose à
bord d’un ordinateur en état de marche, auquel il suffit de coupler une clé GPS USB,
ou encore d’une tablette intégrant son propre GPS (et de l’énergie électrique pour
alimenter tout cela), ira-t-on vraiment faire le point au sextant, juste pour l’amour de
l’art, ou plutôt de l’astro ? C’est bien par souci logique que nous avons choisi
d’exposer dans Le Cours la méthode intégralement manuelle.
Dans l’utilisation des tables précalculées, il y a une règle à respecter pour
connaître l’azimut définitif (Zn) du Soleil.
Hémisphère Nord
LHA > 180°. Zn = Z
LHA < 180°. Zn = 360° – Z
Hémisphère Sud
LHA > 180°. Zn = 180° – Z
LHA < 180°. Zn = 180° + Z
La règle est mentionnée à chaque page des HO249. Si l’on craint de se tromper
dans son application, on peut toujours confirmer l’ordre de grandeur en se
représentant la direction réelle du Soleil, voire en le relevant au compas de
relèvement.

■ Un exemple de calcul de droite de hauteur


Un 4 juillet toujours, mais cette fois-ci en approche de la Bretagne
Sud, on a observé le Soleil à 09 h 30 min 15 s UTC 97. La mesure
instrumentale Hi est de 48° 3’. On l’a faite à 3 mètres au-dessus de
l’horizon, la collimation était de 2’ (en avant du 0 sur le limbe). Le point
estimé est : latitude L = 47° 15’ N et longitude G = 4° 15’ W.
Commençons par calculer la hauteur vraie du Soleil :
On va ensuite rechercher l’angle horaire du Soleil à Greenwich (AHvo)
à l’heure de l’observation. Il nous est fourni par les Éphémérides nautiques.
On le note d’abord pour l’heure pleine (AHvo1), puis on interpole pour les
minutes et les secondes au-delà de l’heure pleine.
À 9 heures le 4 juillet, AHvo1 est 313° 54’9. On se reporte ensuite
aux tables d’interpolation générales, dans la partie permanente des
éphémérides. Au tableau des 30 minutes (30’), on recherche (colonne de
gauche) la ligne des 15 secondes. La valeur affichée (pour 30 min 15 s,
donc) est 7° 33’8.
À 9 h 30 min 15 s, AHvo = 313° 54’9 + 7° 33’8 = 321° 28’7.
On en déduit l’angle horaire local du Soleil (LHA). Pour rappel, LHA
= AHvo – longitude. Afin de simplifier les calculs, on retient une longitude
arbitraire proche (+ ou – 30’) de la longitude estimée, et dont la valeur
permet d’obtenir un LHA arrondi au degré près (cet artifice sera
compensé plus tard dans la procédure).
Ici, la longitude est Ouest, donc positive, sa valeur se retranche de
AHvo. On va choisir pour longitude arbitraire 4° 28’7 (au lieu de 4°15 W
de longitude estimée), si bien que AHvo – longitude arbitraire = 317° 98.
La déclinaison nous était donnée dans le même tableau des
éphémérides. Le 4 juillet à 9 heures, sa valeur est 22° 53’1 N. Elle
diminue de 0’2 minute par heure (en bas de colonne, d = 0’2), on
interpole par conséquent à 22° 53’N pour 9 h 30 99.
On dispose maintenant des trois valeurs à entrer dans les tables
précalculées pour déterminer la hauteur calculée du Soleil (Hc) et son
azimut (Z) :
– Un LHA arrondi : 317°.
– Une déclinaison, que l’on va arrondir au degré inférieur : 22° N.
– Une latitude (estimée), arrondie elle aussi au chiffre inférieur :
47° N.
En effet, les tables de calcul ne connaissent que les chiffres ronds.
On va s’intéresser au volume 3 des tables (latitudes supérieures à
39°), rechercher les pages consacrées à la latitude 47°, et identifier
celles qui concernent notre fourchette de déclinaison (declination en
anglais), 0°–14° ou 15°–29°. Elles se divisent en deux sections Declination
same name as latitude (Déclinaison de même sens que la latitude), et
Declination contrary name to latitude (Déclinaison de sens contraire à la
latitude).
Dans le cas d’espèce, déclinaison et latitude portent toutes les deux
l’attribut « Nord ». Le tableau dont nous avons besoin se trouve donc à la
page LAT 47°, Declination (15-29°) same name as latitude.
À la colonne 22° (déclinaison) et à la ligne 317 (LHA), figurent les
informations suivantes :
– Hc (hauteur calculée) = 47° 26’.
– d (indice de correction pour les minutes de déclinaison) = 43
(l’indice a une valeur positive lorsque déclinaison et latitude ont le même
nom, négative dans le cas contraire).
– Z (azimut) = 111°. Dans un coin de la page, il est rappelé :
Hémisphère Nord, LHA > 180°. Zn = Z. LHA vaut 317, on est dans
l’hémisphère Nord, on appliquera Zn = 111°.
On se reporte ensuite en début d’ouvrage à la table 5, Correction to
Tabulated Altitude for Minutes of Declination (Correction de hauteur
calculée pour les minutes de déclinaison). On y croise l’indice de
correction (43) et les minutes de la déclinaison (53’), ce qui nous conduit
à une correction de hauteur calculée de 38’, qu’on ajoute (déclinaison et
latitude de même sens) à la hauteur calculée Hc : on obtient ainsi une
hauteur corrigée (HC) = 47° 26’ + 38’ = 48° 04’.
Comme nous l’avons vu plus haut, la différence entre la hauteur vraie
(Hv) mesurée au sextant et la hauteur corrigée (HC) issue des calculs est
l’intercept. Cet intercept représente la distance en milles séparant la
position arbitrairement choisie pour le calcul (longitude arbitraire
+ latitude arrondie) et le point par lequel passera la droite de hauteur. Si
la hauteur mesurée est plus élevée que la hauteur calculée, on reporte
cette distance en direction du Soleil, dans l’axe de l’azimut. Cela se
conçoit aisément, si l’on doit lever plus haut la tête que ne le disent les
tables, c’est qu’on est plus près du pied de l’astre. Si la hauteur vraie est
plus faible, c’est qu’on est plus loin : on trace l’intercept à l’opposé de la
direction du Soleil.
L’ensemble des opérations va nous fournir une longitude arbitraire pour le
point de calcul, un azimut du Soleil, et l’intercept à tracer à partir du point de calcul.

Ici Hv (48°12’9) est supérieure de 8’9 (8,9 milles) à HC (48° 04). On


peut arrondir à 9 milles. Depuis le point de calcul 47° N (latitude
arrondie) et 4° 28’7 W (longitude arbitraire), on trace un intercept de
9 milles vers le Soleil, dans le 111°. À l’extrémité de l’intercept, dite point
déterminatif, on peut maintenant tracer une perpendiculaire : c’est notre
droite de hauteur, sur laquelle se trouve notre voilier. On va considérer, à
titre provisoire, que notre position la plus fiable (point corrigé) est sur
cette droite le point le plus proche de la position estimée. On pourra
ultérieurement obtenir un point précis en « transportant » cette droite
pour la recouper avec une deuxième observation.
Le tracé de la droite de hauteur, avec le point de calcul, l’azimut et
l’intercept. L’observateur est placé quelque part sur cette droite de hauteur. On
définit par conséquent une position corrigée en choisissant sur cette droite le point le
plus proche de la position estimée. Mais il faudra réaliser plus tard une deuxième
observation pour calculer une position plus précise.

UTILISER UN CANEVAS MERCATOR


À la fois parce que l’échelle des cartes utilisées pour la navigation au large est
généralement trop petite et parce qu’on veut éviter de surcharger la carte de
croquis, on utilise des canevas Mercator pour tracer les droites de hauteur. Il s’agit
de feuilles A4, sur lesquelles sont prétracés trois ou quatre parallèles, divisés en
minutes fournissant l’échelle des milles. L’espacement des méridiens dépendant de
la latitude à laquelle on évolue, on va devoir les tracer soi-même, en se référant à
l’échelle géostrophique incluse dans le document ►. On se retrouve ainsi avec un
fond de carte vierge, représentant une zone suffisamment vaste pour couvrir les
déplacements d’un voilier sur quelques heures ou même une journée. Différents
modèles de canevas sont téléchargeables sur Internet, français ou anglophones
(chercher dans ce cas « Plotting sheet download »).

Faire le point par succession de droites


Toujours dans le cadre de notre exemple du 4 juillet au large de la
Bretagne, nous avons besoin d’une deuxième droite de hauteur de façon
à obtenir un point précis. Pour nous faciliter la vie, et puisque le ciel
s’avère dégagé à l’heure où le Soleil culmine, nous allons faire une
observation à la méridienne qui nous fournira une latitude, et ce sera
amplement suffisant (une latitude par la méthode de la méridienne n’est
jamais qu’une droite de hauteur simplifiée).
Après avoir relevé la hauteur du Soleil lors de sa culmination, noté
l’heure (12 h 19 UTC), recherché la déclinaison dans les éphémérides et
effectué l’ensemble des calculs de la méridienne, on trouve pour latitude
47° 25. C’est le nouveau lieu géométrique du bateau. Dans l’intervalle
entre les deux mesures, le voilier a parcouru 16 milles au 070° (route
estimée). Nous pouvons transporter la droite du matin de la distance
parcourue par le bateau, de la même manière que l’on procède pour le
transport d’un amer ►. La position astro du navire se trouve à
l’intersection de la droite de 12 h 19 et du transport de la droite de
9 h 30. Mesurée sur le canevas Mercator cette position – latitude 47°
25 N, 3° 40’ W – peut maintenant être reportée sur la carte.
On reproduirait exactement la même démarche avec une droite de
hauteur réalisée plus tard dans l’après-midi.
La première droite de hauteur est transférée dans la direction et de la
distance parcourue entre les deux observations. Cette projection vient couper la
deuxième droite résultant de la deuxième observation (ici c’est une méridienne). Cette
intersection fournit le point astro.
Une feuille de calcul vierge, à photocopier, récapitulant les opérations conduisant
au tracé de la droite de hauteur.
L’ATTERRISSAGE
Le premier membre de l’équipage qui repère la terre a droit à « la
double 100 ». C’est une règle à ne pas oublier. Mais ensuite, l’essentiel
reste à faire : il faut atterrir, c’est-à-dire reconnaître la terre que l’on a
aperçue et préciser la position du bateau par rapport à elle avant de
poursuivre sa route vers le port.
Pour atterrir, on choisit autant que possible son lieu et son heure. Le
lieu idéal, c’est une côte accore, présentant un profil ou des amers très
remarquables, précédée d’atterrages aux reliefs caractéristiques.
L’heure idéale, c’est la fin de la nuit : on se repère aisément par
rapport aux grands feux d’atterrissage et l’entrée de port se fait à l’aube.
Même si toutes ces conditions ne sont pas réunies, on sait que les
ressources ne manqueront pas : on peut transporter des lieux, sonder,
croiser des cargos et, en dernier recours, brûler des cierges.
L’essentiel est de critiquer avec minutie toutes les informations
disponibles et surtout de voir si elles se recoupent entre elles : tout doit
concorder. Si tel n’est pas le cas, il ne faut pas tenter d’atterrir coûte que
coûte mais chercher d’autres informations, en gardant ses distances
jusqu’à ce que tout soit clair. La confrontation du paysage et de la carte
se fait avec la même rigueur qu’au cours d’un pilotage (grâce aux mêmes
techniques d’observation, toujours aussi utiles).
Il faut éventuellement savoir renoncer à atterrir, quand l’expérience
ou l’étude des documents révèle que l’accès de tel ou tel port va être
difficile dans les conditions du moment. Après tout, la vie à terre est-elle
si jolie qu’il faille prendre des risques pour la retrouver ?
Il n’y a finalement pas de conseils précis à donner pour l’atterrissage :
c’est chaque fois un moment unique en son genre, assez émouvant, et
dont la qualité est étroitement liée à celle de la traversée qui s’achève.
Pour le navigateur, c’est la minute de vérité ; le moment où, vérifiant la
valeur de son estime, il gagne ou perd celle de ses camarades… Jusque-
là, le passé était clos sur lui-même. Mais on ne peut jamais être sûr qu’il
ne recèle pas un événement ignoré, venu en douce fausser les données
les plus évidentes. À l’atterrissage, on a parfois rendez-vous avec
l’imprévu ; c’est l’un des charmes de ce moment.

PRÉVENIR LES COLLISIONS


« La mer, a écrit Baudelaire, est un espace de liberté. » Depuis
l’époque du poète, le monde a un peu changé, et l’intensification du trafic
maritime a conduit à poser des règles. Au même titre que les navires
professionnels, nos voiliers sont soumis au Règlement international pour
prévenir les abordages en mer (RIPAM, en anglais Colregs pour Collision
regulations). Ce texte de l’Organisation maritime internationale est en
vigueur dans le monde entier, il définit les obligations de chacun en
termes de signalisation, d’organisation de la veille, de règles de
croisement (les règles de barre). Le RIPAM doit être connu, la législation
impose d’ailleurs d’en avoir à bord un exemplaire, ou tout du moins « un
résumé textuel ou graphique » (les guides de navigation satisfont en
principe à cette obligation).

LA VEILLE ET LE TOUR D’HORIZON


La règle 5 du RIPAM stipule que « tout navire doit en permanence
assurer une veille visuelle et auditive appropriée ». Sur un voilier, un tour
d’horizon visuel doit être systématiquement réalisé à intervalles
réguliers, sans oublier de regarder sous le génois, qui crée un angle mort
important. Cette observation ne peut être laissée au hasard ni à
l’inspiration des équipiers de quart : lorsqu’on est plusieurs sur le pont, il
convient de se mettre d’accord sur celui qui en a la charge.
Disons qu’un cargo commence à être visible à une distance de
6 milles. S’il marche à 12 nœuds, tandis que notre voilier progresse de
son côté à 6 nœuds, et si les deux navires font route opposée, la vitesse
de rapprochement est de 18 nœuds, la collision éventuelle se produira
20 minutes après que le cargo sortira de l’horizon. C’est juste un cas
d’école, parfois la visibilité est meilleure, parfois les navires vont plus
vite, les routes ne sont pas forcément opposées… Dans l’absolu, une
routine bien conçue impose un tour d’horizon tous les quarts d’heure. À
cette veille « à vue » s’ajoute la veille auditive par temps de brume et, le
cas échéant, la veille des instruments comme l’AIS ou le radar.

IDENTIFIER LE RISQUE DE COLLISION


Il y a risque de collision avec un autre navire lorsque le relèvement de
celui-ci demeure constant ou n’évolue pas, indique le RIPAM, « de
manière appréciable ». C’est le compas de relèvement qui nous
renseignera le plus précisément : si les relèvements successifs
augmentent, c’est que le navire visé se déplace vers la droite ; s’ils
diminuent, c’est qu’il glisse vers la gauche. Si rien ne bouge, il va falloir
s’inquiéter et agir. Avant de sortir le compas de relèvement, et sous
réserve que notre voilier tienne un cap à peu près constant, on observe le
gisement du navire de rencontre, c’est-à-dire l’angle sous lequel on le
vise par rapport à la ligne de foi (axe longitudinal) de notre propre bateau.
On s’aide en l’alignant avec un hauban, un taquet, un chandelier, etc.
De nuit, les feux d’un navire permettent de déduire
approximativement sa route. Tout navire porte un feu vert à tribord et un
feu rouge à bâbord, dont les secteurs sont de 112,5° à partir de l’étrave,
complétés par un feu blanc de poupe couvrant les 135° restants. Il peut
en plus porter un certain nombre de feux blancs et d’autres feux de
couleur.
Les feux blancs étant plus visibles que les feux de couleur, ce sont
tout d’abord eux qui permettent de se faire une idée de la direction suivie
par le navire.
Les navires de plus de 50 mètres sont pourvus de deux feux blancs
de tête de mât, avec un feu postérieur plus haut que le feu antérieur, et
tous deux dégagés des superstructures. Lorsque ces feux apparaissent
superposés, c’est que le navire vient droit sur nous.

Le secteur des feux de route vert et rouge s’étend sur 112,5° à partir de
l’étrave, tandis que le feu blanc de poupe couvre un secteur de 135°. Les navires à
propulsion mécanique arborent de surcroît un feu blanc visible sur 225°, et un
deuxième s’ils mesurent plus de 50 mètres de long.

Les feux de couleur deviennent visibles lorsque les bateaux se


rapprochent. Il n’y a aucun risque d’abordage lorsque l’on voit le feu
rouge de l’autre dans le secteur de son propre feu rouge (situation de
croisement bâbord sur bâbord). Ainsi, « rouge sur rouge rien ne bouge » ;
et aussi « vert sur vert, tout est clair ».

LES PRIVILÈGES
Les feux complémentaires (et de jour, certaines marques hissées
dans la mâture) permettent d’identifier le type de navire, et/ou l’activité
à laquelle il est en train de se livrer, d’où découle une hiérarchie des
privilèges.
Il ne s’agit pas de priorités au sens strict, les règles pour prévenir les
abordages ne sont pas fondées sur des droits, mais sur les devoirs de
chacun pour éviter l’abordage.
Deux principes forts méritent d’être rappelés. « S’il y a doute quant au
risque d’abordage, on doit considérer que ce risque existe » (règle 7 du
RIPAM). Autrement dit, en cas de doute, il n’y a plus de doute. Et on doit
toujours se considérer comme devant manœuvrer, et non camper sur
son privilège.

Les règles de barre pour les voiliers


Le RIPAM définit des règles de barre, dont certaines sont spécifiques
à un type de navire. Pour les voiliers, voici une traduction des règles
essentielles :
Bâbord amure, s’écarter de tous les voiliers tribord amure et des
voiliers bâbord amure qui sont sous son vent. Tribord amure, s’écarter
des voiliers tribord amure sous son vent.
Dans un chenal, ne pas gêner la circulation des navires de tonnage
plus important pouvant être handicapés par leur tirant d’eau ou leurs
possibilités restreintes de manœuvre. Tenir sa droite.
S’éloigner des bateaux de pêche, aux vitesses et aux trajectoires
parfois erratiques du fait de leur activité. De nuit, un feu de couleur
surmontant un feu blanc porté en tête de mât et visibles sur tout
l’horizon, permet de les distinguer (feu vert pour les chalutiers, rouge
pour les autres).
S’écarter par principe de tous les navires arborant de jour boules,
cônes, paniers dans la mâture ou de nuit des feux superposés blancs ou
de couleur. Cela donne le temps de consulter le règlement pour savoir de
quel type de bateau il s’agit…
On doit également s’écarter de tous les bateaux que l’on rattrape, et
de tout bateau faisant une route directement opposée à la nôtre ; on
évite alors la collision en venant sur tribord.
Quelques principes de manœuvre :
Lorsque l’on se déroute pour éviter un bateau, il vaut mieux effectuer
la manœuvre permettant de passer dans son sillage plutôt que devant
son étrave. On doit entamer cette manœuvre franchement et longtemps
à l’avance afin de ne pas laisser de doutes dans l’esprit du barreur d’en
face.
Il faut éviter de gêner les voiliers en course ou les bateaux
professionnels. Ils ont des impératifs sportifs ou de travail que les
plaisanciers n’ont pas.
Faire preuve de bon sens. Privilégié vis-à-vis des navires à moteur
sans handicap ni engagé dans une activité particulière, l’équipage d’un
voilier préfèrera malgré tout modifier momentanément sa route plutôt
que de faire se dérouter un supertanker.
Précisons qu’un voilier naviguant (ou s’appuyant) au moteur perd ses
privilèges et devient un navire à propulsion mécanique. De jour, il hisse
un cône noir pointe en bas, et de nuit, il arbore outre ses feux de route un
feu blanc visible sur 225° vers l’avant.

LES DISPOSITIFS DE SÉPARATION DU TRAFIC


Les Dispositifs de séparation du trafic (DST), marqués en magenta sur la carte,
sont des couloirs de circulation (comprenant généralement des voies séparées par
sens de déplacement) mis en place essentiellement pour les navires de commerce
dans certaines zones géographiques à forte densité de circulation. Un voilier doit se
tenir à l’écart de ces couloirs, sauf en cas de nécessité. Dans ce cas, il doit les
traverser le plus perpendiculairement possible à la direction générale du trafic. Au
voisinage des DST, la zone attribuée aux voiliers et aux petits navires est la zone de
trafic côtier.

LES SIGNAUX DE BRUME


Par visibilité réduite, un voilier en route doit faire entendre à
intervalles ne dépassant pas 2 minutes un son long suivi de deux sons
brefs (règle 35). C’est le même signal sonore que pour d’autres navires
privilégiés, comme par exemple les navires à capacité de manœuvre
restreinte, les bateaux en pêche, ou les remorqueurs en action. Un
bateau à moteur non privilégié fait pour sa part entendre un son long.
Précisons que la trompette réglementaire en plastique a peu de chances
d’être audible de la passerelle d’un cargo, et que le modèle à air
comprimé n’est pas l’apanage exclusif des supporters dans les stades.

L’AIS
L’avènement de l’AIS, pour Automatic Identification System, a
représenté une authentique révolution. Développé au niveau mondial à la
fin des années 1990, il s’agit d’un système automatisé d’échanges de
messages numériques fournissant aux organismes de surveillance
(CROSS, Douanes…) et aux navires pourvus d’un appareil de réception
une série d’informations normées (identification, position, cap,
vitesse…), transmises en permanence sur une fréquence VHF par les
navires équipés d’un émetteur. Pour fonctionner, il nécessite, outre son
calculateur interne, d’être interfacé avec un GPS.
Les navires dotés d’un récepteur AIS disposent d’une représentation
du trafic des navires émetteurs alentour. Leur écran d’affichage leur
permet d’identifier avec précision ces navires, dans la mesure où le
système (les messages numériques qu’il délivre) renseigne en particulier
leur nom, leurs caractéristiques, leur route et leur vitesse. Pour chaque
« cible AIS », le dispositif fournit de surcroît par calcul deux données
fondamentales :
– Le CPA, ou Closest Point of Approach, qui est la distance à laquelle
on croisera ce navire au plus près.
– Le TCPA, ou Time to Closest Point of Approach, qui indique le temps
jusqu’au moment du CPA.
Ainsi, en sélectionnant une cible, apprend-on par exemple que si les
deux bateaux conservent la même route et le même cap, on croisera à
1,2 milles dans 20 minutes. Certains lecteurs perfectionnés précisent en
outre si l’on croisera devant ou derrière la cible et/ou indiquent la vitesse
de rapprochement. Ils sont équipés d’alarmes sonores et visuelles, que
l’on paramètre en fonction de seuils de CPA et de TCPA choisis par
l’utilisateur.
L’AIS permet de repérer sur zone tous les navires émetteurs, de
déceler les risques de collision, et aide à prendre les bonnes décisions.
Autre avantage, considérable : le navire dont la trajectoire nous inquiète
étant clairement identifié, il devient possible de l’appeler nommément à
la VHF pour s’assurer qu’il a vu notre voilier, et éventuellement discuter
avec lui des manœuvres respectives à entreprendre. Dans la pratique, on
le contacte sur le canal 16 avant de basculer sur un canal « bateau à
bateau », par exemple le 06.
Si l’installation est couplée à une VHF ASN (Appel sélectif
numérique), on pourra aussi joindre le navire concerné par message
numérique.
On le conçoit aisément, l’AIS est une aide particulièrement précieuse
à la navigation. Mais ce n’est en aucun cas une protection absolue contre
les collisions, ne serait-ce que parce que toutes les embarcations n’en
sont pas équipées. Le transpondeur (émetteur-récepteur) AIS a été
rendu obligatoire en 2008 pour les navires de plus de 300 tonneaux et
les transports de passagers, puis en 2014, l’obligation a été étendue aux
bateaux de pêche communautaires de plus de 15 mètres. Par définition
les autres navires n’émettent pas forcément, en particulier les bateaux
de pêche de moins de 15 mètres et tous les bateaux de plaisance 101.

Virement de bord en lisière du rail des cargos, 30 milles dans le prolongement


du DST de Cabo de Gata (sud de l’Espagne). Les cercles concentriques ont ici des
rayons croissants de 1,5 mille (sur cet appareil, ils s’adaptent automatiquement au
niveau de zoom). Le vecteur rouge devant le voilier représente une demi-heure de
route (donnée paramétrable par l’utilisateur). Un clic sur la cible la plus proche a fait
apparaître son nom. (Capture écran B & G.)

Sur nos voiliers, un simple récepteur AIS permet de voir sans être vu.
Pour apparaître sur les écrans des navires de commerce, il faut se munir
d’un transpondeur (matériel simplifié de classe B), qui permet quant à lui
de voir en étant vu 102.
Dans tous les cas, on se rappellera que l’AIS ne dispense aucunement
d’assurer la veille visuelle et auditive, dont elle ne peut être qu’un
complément.

Un écran contextuel détaille les informations de la cible identifiée. Il s’agit


d’un cargo de 366 mètres de long, faisant route au 264° à la vitesse fond de
19,9 nœuds. Il est actuellement à 1,38 mille dans le 143. Il croisera au plus près à
1,23 mille, dans 1 min et 44 s. Le bouton « Call » permet d’adresser au navire un
message numérique par le canal 72 (VHF ASN). (Capture écran B & G.)

LE RADAR
Relativement encombrant et onéreux, le radar figure plus rarement
dans l’équipement de nos bateaux de plaisance. L’avènement du GPS a
réduit son intérêt en termes de navigation sans visibilité, tandis que l’AIS
a représenté un apport considérable dans la prévention des collisions. Il
n’empêche, le radar reste une aide très précieuse, notamment par
visibilité réduite et ne serait-ce que parce qu’il repère – à la différence de
l’AIS – tout ce qui flotte ou navigue sur zone (à condition d’être
correctement réglé et utilisé). Et il est bon de connaître un des points de
la règle 7 du RIPAM : lorsqu’on a un radar en état de marche, on doit
l’utiliser afin de déceler les risques d’abordage. Ne pas le faire serait une
faute, qui pourrait nous être reprochée. Autant par conséquent savoir
s’en servir.

Principe
Le radar (RAdio Detecting And Ranging) est un moyen de détection
électromagnétique fondé sur le phénomène de l’écho : son émetteur
envoie une impulsion qui, en rencontrant un obstacle (navire, bouée,
côte, etc.), se trouve réfléchie et revient vers un récepteur. La mesure du
temps écoulé entre l’émission de l’impulsion et la réception de l’écho
donne la distance de l’obstacle, puisqu’on connaît la vitesse de
propagation de l’impulsion. On la mesure sur l’écran avec le cercle de
distance variable, dit VRM (Variable Range Marker). L’antenne étant
directive, son orientation par rapport à la ligne de foi du bateau donne la
direction de l’écho. Sur l’écran, on mesure le gisement d’une cible à
l’aide de l’alidade électronique 103, dite EBL (Electronic Bearing Line).

Portée
La portée d’un radar est d’environ 10 % supérieure à celle de l’œil et,
plus son antenne est haute, plus il voit loin. Il sait surtout voir de nuit et
par mauvaise visibilité optique (brume et pluie fine).
Le radar peut visualiser des constructions en béton, des falaises et
des rochers, des objets métalliques tels les navires, mais ses ondes sont
mal réfléchies par le bois et le plastique. Ceci explique que, pour être
visibles, les voiliers doivent être équipés d’un réflecteur radar, qu’il soit
actif (transpondeur) ou passif. De même, les cibles de petite taille et
basses sur l’eau (bouées, par exemple) ne peuvent pas être détectées de
loin, si elles ne disposent pas d’un réflecteur.
Par mer formée ou grosse pluie, l’image générée par le radar est
parasitée par un fouillis (clutter en anglais) d’échos. Provoqué par les
vagues (retour de mer) ou les gouttelettes d’eau (retour de pluie), il peut
masquer l’écho d’un bateau ou d’une bouée. Pour atténuer cette gêne,
on ajustera les réglages d’antiretour de mer et de pluie (anticlutter sea &
rain).

Utilisation en anticollision
Dans la présentation classique de l’image radar, le bateau porteur est
au centre de l’écran, sa ligne de foi étant dirigée vers le haut (mode Head
Up). Dans ce cas, on saura s’il y a un risque de collision quand l’alidade
mobile EBL étant calée sur un écho (une cible), on voit cet écho
s’approcher (il entre dans le cercle du VRM) tout en restant en gisement
constant (toujours placé sur l’EBL). Bien qu’en mer ouverte les navires à
propulsion mécanique doivent sauf exception s’écarter de la route d’un
voilier, on adoptera par prudence les règles définies pour les navires à
moteur : a priori en effet, pour le bateau en face qui lui aussi observe une
veille radar, notre écho ne détermine pas quel type de navire nous
représentons.
Le RIPAM définit la conduite à suivre, qu’on peut traduire de la
manière suivante (règle 19) :
– Dans la plupart des cas, si on doit s’écarter d’un navire repéré au
radar, c’est en venant sur la droite.
– L’exception réside dans le cas où l’écho radar apparaît sur tribord
arrière ; venir à droite conduirait à s’en rapprocher. On vient donc, dans
ce cas seulement, sur la gauche.

La règle générale et son exception. Lorsque par faible visibilité on identifie un


navire en approche dans le quadrant tribord avant, bâbord avant ou bâbord arrière, on
s’écarte vers la droite (et il doit en faire autant). En présence d’un écho se
rapprochant par tribord arrière, on procède à l’inverse : s’écarter vers la droite nous
rapprocherait de lui, et ne ferait qu’augmenter le risque de collision.
Mettre au point
son projet de navigation

L es chapitres qui précèdent détaillaient les nombreuses techniques


permettant au navigateur de déterminer la position du voilier et de
donner un cap au barreur en fonction des méthodes employées.
Mais le travail du navigateur commence bien avant qu’on ait largué
les amarres. Il choisit d’abord, en concertation avec le chef de bord, la
route à suivre et l’heure du départ, qui doivent être cohérentes avec les
conditions météo, avec les possibilités du bateau et les compétences de
l’équipage.
Reste alors au navigateur à repérer, à l’aide de la carte et des autres
documents à sa disposition, tout ce qui pourra l’assister dans sa tâche :
tracé de la route fond, détermination des caps à suivre, repérage des
amers principaux et des dangers à parer, préparation des entrées et des
sorties de ports, choix des ports de repli, etc. Les pages qui suivent
présentent quelques-uns des principes qui doivent guider une bonne
navigation, mais ne prétendent pas remplacer l’expérience. Celle-ci sera
d’autant plus indispensable que chaque navigation est à chaque fois un
cas particulier et, presque toujours, une aventure unique.

DÉTERMINER LA ROUTE
Parfois, l’objectif ne laisse guère de choix en ce qui concerne la
route. Ainsi, quand on veut rejoindre son point de destination sur un seul
bord, qu’il n’y a aucun danger à éviter et que les conditions
météorologiques sont favorables et stables. Mais dans la plupart des cas,
que ce soit en pilotage, en navigation côtière ou hauturière, il y a
plusieurs routes possibles. Il faut alors choisir la plus sûre, la plus rapide
ou la plus confortable et prendre en compte différents éléments : météo,
courants, zones à privilégier ou à éviter, mais aussi le bateau (taille, tirant
d’eau, performances aux différentes allures, comportement à la mer)
ainsi que son équipage (effectif, expérience, compétences réunies, état
de fatigue éventuel, résistance des uns et des autres au mal de mer…).

LA MÉTÉO
La consultation et l’étude attentive de la météo sont les préalables
incontournables à toute navigation. La direction du vent permet de
prévoir à quelle allure se fera la traversée et quelle voilure il faudra
porter. Tel passage, qui paraît facile, peut se révéler impraticable si l’on
est bout au vent… Il faudra passer par une autre voie.
La force du vent prévue permet aussi d’estimer la vitesse du voilier et
par conséquent la durée de la traversée. Si le voyage risque de se
prolonger dans la nuit, il faut prévenir l’équipage et mettre en place un
système de quart dès le départ – ou prévoir une escale supplémentaire.
La houle et la mer sont des éléments importants, qui influent à la fois
sur la vitesse du voilier, sur le confort de la traversée, sur la sécurité de
l’embarcation et sur le choix du parcours. On peut par exemple privilégier
le passage par des routes abritées de la mer si celle-ci est forte et si les
vents sont contraires.
La visibilité est un facteur qui peut limiter le périmètre de navigation :
on ne se lancera pas dans du rase-cailloux si elle est trop réduite…
Il faut également s’intéresser à l’évolution de la météo dans le temps.
Les prévisions relatives au vent peuvent conduire à avancer un départ ou
à le retarder de quelques heures. Pour revenir des Cornouailles anglaises
vers les côtes de Bretagne pendant le passage d’une perturbation, par
exemple, on gagnera à attendre le passage du front froid et la rotation du
vent au nord-ouest pour partir aux allures portantes ou même
simplement débridées plutôt qu’au près serré contre une brise de suroît.
Les prévisions permettent aussi de choisir la bonne route, le bon
bord, celui qui fera gagner quelques dizaines de minutes sur le voilier
parti de l’autre côté du plan d’eau.
Parfois, si la fenêtre météo est réduite – c’est-à-dire si les prévisions
favorables à la navigation sont de courte durée ou que le mauvais temps
menace –, c’est la route la plus rapide qu’il faut privilégier. Dans ce cas,
vitesse et sécurité sont étroitement liées. Il n’est plus temps de
musarder, de penser à son petit confort. Il faudra savoir éventuellement
se lever tôt, préparer le bateau et l’équipage à prendre la mer sans
lanterner, et une fois sous voiles, il faudra s’appliquer à tirer le meilleur
de son bateau pour rejoindre très rapidement l’abri du prochain port.
Un dernier conseil, moins futile qu’il ne pourrait paraître. Au début
d’une croisière sans destination obligatoire, mieux vaut partir au portant :
on sera ainsi certain d’avoir bouclé une partie du programme avec le
vent. Les équipages qui commencent leurs vacances en tirant des bords
au motif que le retour se fera vent arrière ont de fortes chances de se
tromper, pour peu que la météo change radicalement en cours de
croisière. Partir vent debout et revenir de la même manière n’est ni le
plus rapide, ni le plus confortable, sauf par petit temps évidemment : au
près, le vent apparent augmente, une petite brise suffit à avancer
correctement tandis que, dans les mêmes circonstances au portant, le
voilier se traînerait.

LE COURANT ET LA MARÉE
Cette préparation en amont intègre un calcul de marée, non
seulement pour le lieu de départ et celui d’arrivée mais aussi, le cas
échéant, pour les différents ports de référence correspondant à la zone
de navigation envisagée. Les courbes de marée associées permettront
de déterminer les hauteurs d’eau réelles à partir des sondes de la carte ;
elles pourront aussi éventuellement imposer des heures de départ, faire
apparaître les périodes où certains ports ou abris seront ou non
accessibles, dans le cas où leur accès est protégé par un seuil, une porte
ou une écluse.
L’étude des courants généraux et des courants de marée s’avérera
parfois déterminante dans le tracé de la route, mais aussi dans le choix
d’un horaire ou la réflexion sur la durée d’une étape. Elle permettra de
mettre en évidence des « passages à niveau » (temps limite pour
emprunter un passage de fort courant comme un raz), dicter un horaire
de départ – ou même la destination du jour. Par vives-eaux en Bretagne
Nord, par exemple, on s’efforce généralement de naviguer avec le
courant plutôt que de lutter contre lui. Les horaires de renverse, les
contre-courants éventuels, les zones plus abritées du courant, seront
utilement repérés. Nous verrons, dans les pages suivantes, comment
procéder concrètement aux calculs de hauteurs d’eau et de courants.

LES ZONES À ÉVITER


Une fois connus la situation météorologique, les hauteurs d’eau et les
courants, le navigateur repère les éventuels dangers à contourner
absolument : un cap à déborder, un haut-fond qui rendra la mer
dangereuse ou sur lequel il n’y a pas assez d’eau pour naviguer en
sécurité, un rocher qui émerge, un raz impraticable par vent soutenu
contre courant.
Il faut se méfier des routes qui passeraient au vent immédiat de
dangers (compte tenu des conditions météo, aurons-nous assez d’eau à
courir pour faire face à une avarie éventuelle ?) et de celles qui
passeraient « au courant » de dangers (qu’adviendra-t-il si le vent tombe à
cet endroit et que le moteur est défaillant ?).
La carte, mais aussi les documents nautiques, signalent les zones
réputées dangereuses.
À l’approche du raz de Sein, par mer formée, les hauts-fonds doivent
absolument être évités. Ainsi de celui qui figure sur cette carte : la roche Moulleg,
cotée à 5,2 m et entourée de fonds de 20 m. De nuit, cette zone se trouve dans un
secteur rouge du phare de La Vieille.

Il faut aussi s’enquérir (à la capitainerie du port, sur Internet, par la


veille VHF sur le 16) des derniers AVURNAV (Avis urgents aux
navigateurs) qui signalent les avaries de phares et de balises, les
secteurs à éviter en raison d’opérations spéciales (entraînements
militaires, pose ou entretien de câbles), la présence d’objets dérivants,
etc.

NE PAS RATER LES CORRESPONDANCES


Le navigateur doit repérer les zones où il faudra être attentif. Ce peut
être un chenal, un passage entre une île et la côte, une marque de
balisage qui, par temps de brume, servira à recaler l’estime.
Il faut surtout repérer les heures de passage obligées. On peut
difficilement entrer dans le golfe du Morbihan à contre-courant : il vaudra
mieux arriver avant la renverse. En Manche, la plupart des ports ne sont
accessibles qu’à certaines heures de la marée : ne pas rater le coche
pour ne pas passer la nuit au mouillage. Et s’il faut faire du pilotage,
autant que ce soit avec la marée montante. Parfois, la planification d’une
route s’apparente à un compte à rebours, construit à partir d’une
échéance clé : pour franchir le raz Blanchard avec le flot, à quelle heure
partir de Saint-Malo (sachant que le port des Bas-Sablons est protégé par
un seuil et qu’on n’en sort pas à toute heure, excepté en mortes-eaux) ?
C’est aussi en réfléchissant ainsi qu’on peut savoir quand il faut anticiper
un départ en prenant pour quelques heures un mouillage d’attente dans
l’avant-port…
Toutes ces considérations (météo, zones à éviter, rendez-vous à ne
pas manquer) suggèrent peu à peu une ou plusieurs routes possibles,
associées chacune à une heure de départ. Parmi toutes ces options, on
retient celle qui sied le mieux au bateau et à l’équipage. Une fois arrêté
ce choix, le navigateur se remet au travail, pendant que le reste de
l’équipage prépare le bateau en fonction des conditions de vent et de
mer prévues.

FAIRE VALOIR LA ROUTE


La route se décompose le plus souvent en segments rectilignes. Pour
chacun de ces segments de route, le navigateur mesure la route fond et
calcule, au moins pour les premières heures, le cap compas à donner au
barreur. Ces estimations pourront faire l’objet d’ajustements en fonction
des événements. C’est aussi le moment de rentrer la route dans le GPS :
c’est toujours plus désagréable à faire quand le mal de mer s’installe…
PRÉPARER LES POINTS FUTURS
Pour chaque tronçon de route, le navigateur repère les principaux
amers, les note dans leur ordre d’apparition, profite du calme portuaire
pour chercher quelques alignements qui lui permettront de vérifier la
position du bateau sans faire le point, de tracer un relèvement de
sécurité à proximité d’un danger ou de préparer un passage délicat.
Tant qu’à faire, après avoir préparé sa sortie de port, il en fait autant
pour son entrée dans le port suivant ou dans la crique où il compte
s’arrêter, sans oublier de demander aux voisins de ponton si, là-bas, il y a
une épicerie accessible à pied ou un bistro qui vaut la peine d’être
visité…

PRÉVOIR LE PIRE… POUR LE MEILLEUR


Le navigateur prévoit aussi abris et ports de repli, pour ne pas être
pris au dépourvu si quelque chose tourne mal (avarie, fatigue, mal de mer
ou dégradation des conditions météo). Il n’oublie pas qu’un bon abri doit
être accessible à toute heure de la marée et par mauvais temps se
trouver sous le vent de la route.

CALCULER LA MARÉE ET LES COURANTS


Le phénomène de la marée et son mécanisme, ainsi que la genèse
des courants, sont abordés en détail dans la partie Océanographie (du
chapitre « Environnement marin », voir respectivement ► et ►). Il n’est
question ici que de l’aspect pratique pour le navigateur : comment
connaître la hauteur d’eau en navigation à tout moment, et comment
interpréter les atlas de courants pour tenir l’estime ou faire valoir la
route.

LE CALCUL DE MARÉE
Différents logiciels spécialisés ou applications pour tablettes et
smartphones fournissent désormais la hauteur d’eau en tout lieu et à
toute heure. L’investissement dans ces produits électroniques n’a
cependant aucun caractère indispensable, les calculs de marée n’ont rien
de véritablement sorcier, et par ailleurs la panne d’alimentation
électrique n’est jamais à écarter – si le GPS à piles peut sauver la mise
lorsque les batteries du bord sont à plat, on n’en dira pas autant de la
tablette à bout d’autonomie. Toutes les bonnes raisons sont réunies pour
toujours savoir calculer ses hauteurs d’eau « à la main ». Sur les bateaux
des Glénans, plusieurs courbes de marée figurent à chaque page du livre
de bord, et une navigation ne commence jamais sans les avoir
soigneusement tracées.

LES LOGICIELS DE CALCUL DE MARÉE


La variation du niveau de la mer peut être modélisée mathématiquement comme
une somme d’oscillations élémentaires, dans une représentation mathématique
souvent appelée « méthode des harmoniques ». Plus le modèle prend en
considération un nombre d’harmoniques important, plus il pourra représenter
fidèlement le phénomène de la marée (10 à 12 harmoniques pour une précision de
quelques centimètres). Les logiciels de calcul de marée implémentent ces calculs.
On les utilisera avec circonspection : ce ne sont pas des données officielles, et
la méthode adaptée (nombre d’harmoniques) n’est généralement pas décrite. De
même que le calcul de marée issu des tables officielles du SHOM, ces outils
informatiques ne prennent pas en compte l’influence des phénomènes
atmosphériques (voir plus loin « Les limites du calcul de marée » ►). Toutes ces
réserves doivent conduire à accroître le pied de pilote 104. Attention, enfin, au piège
classique concernant l’heure de référence (par exemple le logiciel calé sur l’heure
UTC alors que l’horloge du bord affiche l’heure légale).

La pêche aux informations


Les prévisions de marée sont publiées tous les ans dans des
ouvrages spécialisés (Bloc côtier, Bloc Marine, Almanach du marin breton,
etc.) utilisant les données fournies par le SHOM. Pour chaque jour de
l’année sont fournies les heures et hauteurs de pleine mer (PM) et de
basse mer (BM) dans certains ports principaux dits « ports de
référence », assorties des corrections à apporter pour divers ports
secondaires qualifiés de « ports rattachés ». Les hauteurs de marée sont
cotées par rapport au zéro des cartes. Le coefficient de marée du jour
est également indiqué.
Imaginons-nous le 3 décembre 2016, avec pour destination du jour
l’île de Sein (on prend pour hypothèse que le temps est radieux et la
météo résolument optimiste, le coin n’étant guère fréquentable par
mauvais temps hivernal). Une recherche dans l’Almanach du marin breton,
aux pages des ports rattachés, fait apparaître l’île de Sein dans la liste
des ports ayant Brest pour référence.
On ira donc, dans un premier temps, consulter la page des marées à
Brest pour le dernier trimestre de l’année.

Les données de la marée à Brest le 3 décembre 2016, d’après l’Almanach


du marin breton. Les pleines mers sont à 6 h 54 et 19 h 10, avec des hauteurs d’eau
respectives de 6,60 m et 6,30 m. Dans l’Almanach, l’heure mentionnée est l’heure
légale. Les basses mers se lisent de la même manière. Le coefficient de marée est de
74 le matin, de 71 le soir.
On s’intéresse d’abord aux coefficients de marée du jour, voisins de
70. Ce sont des coefficients moyens, à la limite entre les marées de
mortes-eaux (ME) et celles de vives-eaux (VE) (45 et 95 étant
respectivement les coefficients de moyennes mortes-eaux et de
moyennes vives-eaux).
Revenons à la page des ports rattachés à Brest :

La liste des ports rattachés à Brest, d’après l’Almanach du marin breton.

Pour l’île de Sein, les corrections à apporter aux marées de Brest sont
les suivantes :
– Pour les pleines mers : correction sur les heures de marée de moins
5 minutes en VE et moins 10 minutes en ME ; sur les hauteurs de moins
0,85 mètre en VE, de moins 0,65 mètre en ME. Ce qui donne (après
application d’une moyenne puisque ce 3 décembre 2016 est à mi-chemin
des vives-eaux et des mortes-eaux) une correction à apporter de moins
7 minutes (on peut faire l’impasse sur les secondes) et de moins
0,75 mètre.
– Pour les basses mers : correction sur les heures de marée de moins
15 minutes en VE, de moins 5 minutes en ME ; sur les hauteurs de moins
0,2 mètre en VE, de moins 0,35 mètre en ME. Ce qui donne (toujours en
moyenne pour un coefficient de 70) une correction à apporter de moins
10 minutes et de moins 0,3 mètre.
Ces chiffres sont rapportés à ceux de la marée de Brest, dans un petit
tableau, pour la marée du matin et celle du soir. Les résultats du calcul
nous indiquent que pour la matinée de ce 3 décembre 2016, le marnage
à Sein (différence entre marée haute et marée basse) est de 4,30 mètres,
et la mer descend pendant 6 heures et 21 minutes.

Petit tableau permettant d’obtenir les données de la marée pour un port


rattaché.

Variation de la hauteur d’eau : la méthode


des douzièmes
Nous connaissons maintenant la hauteur d’eau aux pleines mers et
basses mers du jour, encore faut-il pouvoir la déterminer à tout moment
de la navigation. À marée montante ou descendante, la hauteur d’eau
n’évolue pas de manière constante, mais beaucoup plus rapidement
autour de la mi-marée qu’au début ou à la fin du flux ou du reflux, la
courbe de marée décrivant une sinusoïde. La méthode des douzièmes
fournit une approximation satisfaisante des hauteurs d’eau successives
au cours du phénomène.
Le navigateur calcule d’abord la valeur de l’heure-marée : c’est-à-dire
la durée totale de la demi-marée (de la basse mer à la pleine mer, ou
inversement) divisée par six. Dans notre exemple, pour la demi-marée du
matin, l’heure-marée est :
6 h 21/6 = 1 h 4 min (arrondi).
Puis il calcule le douzième du marnage :
4,30 m/12 = 36 cm (arrondi).

La règle des douzièmes (1-2-3-3-2-1) permet d’approcher la courbe de marée


à 2 % près environ. Elle s’établit ainsi : la marée monte (ou descend) d’un douzième
de la valeur du marnage lors de la première heure-marée, de deux douzièmes la
deuxième heure-marée, de trois douzièmes la troisième, encore de trois douzièmes la
quatrième, de deux douzièmes la cinquième et d’un douzième la dernière heure-
marée.

En ajoutant ou en retirant le bon nombre de douzièmes, le navigateur


peut trouver la hauteur de la marée à tout instant. Mais cela implique des
calculs répétés (qui sont autant de sources d’erreur…), et par mer
formée on peut préférer limiter le temps passé à la table à cartes. Autant
utiliser la méthode graphique plus efficace, plus sûre et plus rapide (mais
totalement équivalente).

Tracer la courbe de marée


Pour tracer une courbe de marée, on a besoin des horaires et des
hauteurs de pleine et de basse mer. PM : 6 h 47 min ; 5,85 mètres. BM :
13 h 08 min ; 1,55 mètre. Heure-marée (calculée plus haut) : 1 h 4 min.
Sur un papier quadrillé, on trace un graphique dont l’axe vertical
représente la hauteur d’eau et l’axe horizontal l’échelle du temps.
L’échelle du temps est graduée de manière un peu particulière : on
adopte un étalon pour la première heure (3 carreaux par exemple) et on
reporte deux fois l’étalon pour la deuxième heure, trois fois pour les
troisième et quatrième heures, deux fois pour la cinquième heure, une
fois pour la sixième heure. C’est donc sur l’axe du temps qu’est reportée
la série 1-2-3-3-2-1, ce qui va lui permettre de prendre en compte la
courbure d’une boucle de la courbe de marée, mais en se contentant de
tracer une droite sur le papier.
Le navigateur note ensuite les heures de marée correspondantes
sous chaque graduation, en ajoutant dans notre exemple 1 h 4 minutes à
chaque fois. Au-dessus de l’heure de pleine mer et de celle de basse mer,
il reporte les hauteurs correspondantes. Il relie les deux points par une
droite qui figure les hauteurs d’eau en fonction du temps. Il peut aussi
diviser les heures-marée s’il a besoin de hauteurs intermédiaires. Au-
dessus de chaque heure, il voit maintenant la hauteur de l’eau
correspondante : par exemple, à 9 h 45, il y aura 3,75 mètres d’eau.
Ainsi, en embouquant par beau temps et belle mer le chenal oriental
de l’île de Sein en cette heure matinale, l’équipage devrait voir la roche
d’Ar Moedog cotée 3,9 mais pas encore son plateau coté 3,6. En fonction
du tirant d’eau et du type de voilier, il est également possible de savoir
s’il est encore temps d’aller s’échouer dans l’arrière-port ou s’il faut
sagement mouiller dans l’avant-port.
Grâce à l’artifice consistant à faire varier l’échelle du temps en fonction de la
règle des douzièmes, la courbe de marée prend la forme d’une droite aussi facile à
tracer qu’à utiliser. Ici on a dû tricher un peu, l’heure marée ne correspondant pas à
un nombre rond de minutes : on a avancé de deux minutes la marée haute, et retardé
d’une minute la marée basse, pour retomber sur nos pieds.
L’un des quatre tableaux de marée présents sur chaque page du livre de bord
des Glénans. Il faut en effet quatre tableaux pour couvrir 24 heures. L’espacement
des lignes verticales est conforme au système proposé dans le schéma sur papier
quadrillé.

Les limites du calcul de marée


Le calcul qui vient d’être présenté n’est qu’une approximation à
quelques centimètres près, mais peu importe : la recherche d’une
précision supérieure serait parfaitement vaine.
Tout d’abord parce que le niveau de la mer varie en fonction de
plusieurs paramètres, à commencer par la hauteur des vagues : la mer
n’est plate qu’exceptionnellement. En outre, sa hauteur varie avec la
pression atmosphérique : une augmentation de 10 hectopascals (par
rapport à la pression moyenne de 1 013 hectopascals) fait baisser le
niveau de l’eau de 10 centimètres. Inversement, le niveau augmente
quand la pression diminue. Le vent se met aussi de la partie : un vent de
terre peut faire baisser le niveau de l’eau près des côtes, un vent d’afflux
le fait plutôt monter.
Enfin, de l’aveu même du SHOM, il ne faut pas compter sur une
précision absolue des relevés hydrographiques, dont l’incertitude peut
atteindre quelques dizaines de centimètres.
Aussi certain de ses calculs que l’on puisse être, notre pied de pilote
ne devrait qu’exceptionnellement descendre en dessous du mètre,
jamais en dessous de 50 centimètres.
Par ailleurs, le navigateur averti compare, chaque fois que l’occasion
se présente, la valeur qu’il a calculée à celle qu’il peut évaluer grâce au
paysage – en notant par exemple à quelle heure affleure une roche cotée
sur la carte.

LES COURANTS
Avant de se lancer dans de longs calculs sur le courant pour faire
valoir sa route, autant estimer si le jeu en vaut la chandelle. Ainsi, quand
la vitesse d’un courant traversier représente moins de 5 % de celle du
bateau (0,2 nœud de courant pour un bateau marchant à 5 nœuds = 4 %),
la route ne s’en trouve modifiée que de 2,5°. Il suffit alors, pour faire
valoir la route, d’arrondir dans le bon sens le cap à donner au barreur
(rappelons que la rose du compas de cockpit est graduée de 5° en 5°).
On procèdera au même type d’arrondi dans la conversion du cap compas
en cap vrai, lorsqu’on cherche à entretenir l’estime.
Si en revanche le courant est plus fort, le sujet mérite d’être abordé
plus en détail.
Les données concernant les courants se trouvent sur les cartouches
de courant des cartes, dans certains documents généraux (Bloc Marine,
Almanach du marin breton, etc.) et, pour une information détaillée sur la
France, dans les Atlas des courants de marée du SHOM.
Un cartouche de courants donne, pour quelques points spécifiques de la carte, le
moyen d’estimer force et direction du courant en fonction de l’heure et du coefficient
de marée.

Les données de la carte marine


Sur les cartes, le courant n’est mentionné qu’en quelques points
repérés par des lettres entourées d’un losange (en magenta). Pour
chacune de ces marques, un cartouche donne heure par heure la vitesse
et la direction des courants de marée, en vives-eaux et mortes-eaux
moyennes. Il faut interpréter ces valeurs en fonction du coefficient de la
marée du jour (qui ne sert donc pas seulement au calcul de marée). La
direction indiquée est celle vers laquelle porte le courant (et non pas
celle d’où il vient, à l’inverse de ce que l’on fait lorsqu’on parle du vent).
Ces repères fournissent une idée des courants généraux, ce qui
permet déjà d’en tenir compte de manière un peu large, mais les
marques en question sont trop rares et espacées pour un calcul de
navigation précis. Un atlas des courants de marée décrit les courants
avec beaucoup plus de finesse et de détails.

Les atlas des courants


L’Atlas des courants de marée, publié par le SHOM, présente pour
chaque zone de navigation (par exemple page suivante « La Manche, de
Dunkerque à Brest ») des cartes de courants heure par heure données
par rapport à un port de référence. Chaque flèche matérialise la vitesse
du courant et sa direction pour les marées de vives-eaux et de mortes-
eaux moyennes, ce qui demande une interpolation en fonction du
coefficient de marée 105. Les chiffres au-dessus des flèches se lisent
ainsi : « 1005 » signifie que la vitesse du courant est de 1,0 nœud pour un
coefficient de 95, de 0,5 nœud quand il est de 45. La direction cardinale
du courant est parfois donnée en degrés en dessous de la flèche. Ces
cartes offrent une représentation facilement exploitable des variations de
courant dues aux hauts-fonds, pointes, chenaux.

Un atlas de courants comprend une page par heure de marée, par rapport à la
pleine mer d’un port de référence (ici Cherbourg pour les courants de la Manche).
Pour mieux s’y repérer, on note au crayon à quelles heures cela correspond pour la
journée en cours (il y a deux cycles de marée par 24 heures).

Comme le SHOM le précise en préambule de ses atlas, « à l’échelle


de la représentation de graphique présentée […], il est impossible de
figurer tous les courants locaux ». C’est ainsi que les courants peuvent
s’avérer plus forts qu’indiqués (voire porter dans une direction différente)
« dans les chenaux étroits et aux abords des pointes ». Le navigateur
expérimenté – et attentif – aura noté par ailleurs que les atlas sous-
estiment aussi les courants dans les zones de faible profondeur. La
raison en est la suivante : les valeurs fournies par ces cartes ne
correspondent pas à la vitesse du courant en surface, mais à la vitesse
de déplacement moyenne de la colonne d’eau au lieu considéré. Or le
courant est plus faible au fond, en raison des frottements, qu’en surface.
Si la colonne d’eau est élevée, c’est-à-dire par fonds importants, cette
différence entre vitesse moyenne et vitesse de surface est diluée. Sur
des sondes de 10 mètres ou moins, elle est beaucoup plus sensible.
Soulignons enfin que les conditions météo, et en particulier un vent
soutenu soufflant d’une même direction pendant plusieurs jours, peuvent
affecter le courant de surface (voir « Océanographie » ►).
Et n’oublions pas non plus qu’il existe des courants indépendants des
systèmes de marée (Gulf Stream en Atlantique, courant ligure en
Méditerranée par exemple) dont il faut savoir tenir compte lorsqu’on y
est confronté. On se réfèrera pour cela aux documents nautiques
pertinents.

■ Les atlas numériques


Le SHOM diffuse ses atlas de courants de marée non seulement sous
la forme de fascicules mais également en format numérique. Ils sont
commercialisés via certains logiciels de navigation sous la forme d’un
module « Courants de marée », une option payante qui permet
notamment de prendre en compte l’effet du courant dans un routage. Il
existe d’autres fournisseurs en particulier pour les côtes britanniques
(Proudman, Winning Tides).
Ces atlas sont particulièrement pertinents en navigation côtière car
ils proposent un maillage (la grille sur laquelle sont indiqués les courants)
adapté à la zone ciblée. La précision de ce maillage est variable : maille
fine au plus proche de la côte, élargie plus au large. Elle est adaptée aux
caractéristiques bathymétriques de la côte et permet donc
d’appréhender les influences locales (influences d’un cap, d’une île, etc.
sur la force et la direction du courant).

■ Les Gribs 106 de courant


En Europe, le programme Copernicus met à disposition gratuitement
des prévisions de l’état de la mer. Ce programme utilise un modèle
permettant de prévoir l’évolution des caractéristiques principales de
l’océan. Le modèle (du nom de CMEMS, anciennement MyOcean) couvre
les côtes françaises dans le cadre de la zone IBI (Espagne, golfe de
Gascogne, Irlande).
Contrairement aux données du SHOM, ce modèle prend en compte
les marées mais également les prévisions météo du moment : vent,
pression atmosphérique, température et humidité de l’air, précipitations,
radiations et même les apports en eau douce des fleuves. C’est un
modèle en pleine évolution, il est régulièrement amélioré par les équipes
du programme européen.
Un Grib de courant sur la zone de la Manche, affiché sur tablette. (Capture
écran Weather 4D 2.0.)

Au moment où est rédigée cette huitième édition du Cours, la


résolution spatiale proposée est de 1/36. En clair, le modèle est capable
de fournir une prévision de courant en des points espacés de 1/36 de
degré de latitude, soit environ 3 kilomètres. Les prévisions sont
réactualisées tous les jours, chacune court sur une échéance de 5 jours.
On notera que la résolution est moins fine que celle des atlas du SHOM :
les données CMEMS/MyOcean sont plus pertinentes à quelques milles
au large, où les effets de site sont moins prononcés. Aux abords
immédiats de la côte, le maillage de 1/36 ne permet pas d’appréhender
les influences locales.
Certains fournisseurs se chargent de convertir ces données de
courant au format numérique Grib et les délivrent via un service
d’abonnement Internet. Les logiciels ad hoc permettent alors d’en
afficher une représentation graphique, ou encore de les intégrer dans un
calcul de routage 107.

TENIR LE LIVRE DE BORD


La réglementation (telle qu’elle est rédigée au moment où nous
travaillons à cette huitième édition du Cours) impose à partir de la
navigation semi-hauturière (plus de 6 milles d’un abri) d’embarquer « un
journal de bord comportant les éléments pertinents pour le suivi de la
navigation et la sécurité du navire ». En 2015, l’accent a été mis dans les
textes sur la responsabilité du chef de bord, à qui il appartient, dans ce
domaine comme dans d’autres, de déterminer dans le détail les moyens
les plus appropriés d’atteindre les objectifs qui lui sont assignés.
Dans une précédente mouture de la Division 240 108, la description
du « journal de bord » était beaucoup plus précise. « Libellé comme tel »,
il devait contenir « au moins les éléments suivants : composition de
l’équipage, heure d’appareillage, prévisions météorologiques et temps
observé, position, route suivie et vitesse à intervalles réguliers,
consommation et réserve de combustibles, ainsi que tout incident, panne
ou avarie à bord ou observé dans la zone de navigation ».
Le livre de bord ou journal de bord est un document officiel qui est
susceptible de faire foi dans le cadre d’accidents ou de litiges. En dehors
de cet aspect juridique, il est d’une utilité incontestable dans la
préparation et le suivi de la navigation, y compris pour les petites sorties,
et on aurait tort de limiter son usage aux entreprises semi-hauturières et
hauturières.
Dans un livre de bord, la sobriété du style et l’emploi d’un stylo
indélébile sont de rigueur. On n’y note que des données brutes 109 : cap
compas et non cap vrai, vitesse et indication du loch et non distance
parcourue, heure de passage et non durée d’un parcours, force et
direction du vent, état de la mer. On note aussi les événements
importants : virements de bord, changement de voilure, évolution du
temps, points et moyens utilisés pour faire le point, rencontres, etc.
Aucun événement ne doit être considéré comme insignifiant.
Si nous en parlons ici, c’est que sa bonne tenue commence dès avant
l’appareillage, lors de la préparation de la navigation.

Dans les pages intérieures du livre de bord, tout événement est mentionné.
Ce livre de bord comporte des cadres spécifiques pour les consignes de sécurité, les
graphiques de marée et la pression barométrique, toutes données faisant partie
intégrante du projet de navigation.
AVANT L’APPAREILLAGE
On mentionne les changements dans l’équipage, la météo, on trace
les graphiques de marée pour la journée, on note la pression
barométrique. Le chef de bord inscrit les consignes qu’il a données à
l’équipage : « M’avertir si… ; port de la brassière obligatoire ; s’assurer
sur la ligne de vie pour se déplacer sur pont », etc. On se reporte aux
pages des précédentes navigations pour se remémorer les tâches de
réparation et d’entretien qui y avaient été éventuellement inscrites, pour
s’assurer qu’elles ont bien été effectuées dans la mesure où elles
pouvaient présenter un caractère indispensable et/ou urgent. On en
profite pour faire le point sur les réserves en gaz, en nourriture, en eau
potable et en carburant, et sur leur adéquation avec le projet de
navigation, en relation non seulement avec la longueur de la route
envisagée mais aussi avec les prévisions météo.

EN ROUTE
Cette tenue minutieuse du livre de bord se poursuivra bien entendu
en mer. Chaque point, chaque changement de quart, de cap, de voilure,
la mise en route ou l’extinction du moteur, chaque incident notable de la
vie du bord sont consignés à l’aide de données précises. Pour le point :
l’heure et l’origine de la position (GPS, par 3 relèvements, par le travers
de tel amer, etc.), le loch, la sonde, éventuellement la vitesse. Pour les
changements de voilure : la nouvelle voilure, éventuellement la nouvelle
vitesse. De manière régulière : l’état du ciel, la force du vent, l’état de la
mer, la pression barométrique, le loch. Si nécessaire, toute information
relative à la navigation – « Croisé un cargo nommé Karaboudjan faisant
route au SSE », « Une bande de dauphins accompagne le bateau », etc. –
mais aussi tout incident susceptible d’avoir des implications ultérieures,
refus éventuel d’un équipier de respecter telle ou telle consigne de
sécurité par exemple.
Une ligne du livre de bord. On y note : l’heure (en heure locale), le loch en milles,
le cap compas, l’événement éventuel (point, changement de voilure, de cap, etc.), le
vent en direction et force Beaufort, l’allure, la voilure portée, la position (latitude,
longitude ou relèvement, ou distance et relèvement ou gisement [par exemple à
0,1 mille par le travers de…], etc.), l’origine de la position (GPS, alignement,
3 relèvements, visuel, etc.), l’état de la mer (calme, belle, peu agitée, etc.), la sonde, la
visibilité en milles, le baromètre et sa tendance (avec une flèche vers le haut ou le bas
ou un tiret si stable), la couverture nuageuse en octas (un octa = un huitième de ciel),
le courant en force et direction (par exemple : 0,2/150°).

La mise à jour régulière du livre de bord est le meilleur moyen


d’apprécier à sa juste mesure l’évolution d’une situation, qu’il s’agisse
d’une aggravation constatée ou prévisible des conditions météo mais
aussi, par exemple, de la baisse du niveau de carburant alors qu’on fait
route au moteur par calme plat. Ceci de façon à revoir si nécessaire en
cours de route le projet de navigation, et prendre les bonnes décisions.

AU RETOUR À TERRE
Après l’arrivée au port, on note l’heure d’arrivée, le nombre d’heures
moteur pendant la navigation, les données de la jauge gasoil, la tension
de la batterie, le loch. On dresse la liste des petites réparations à
effectuer avant un nouveau départ.

S’INFORMER SUR LA ZONE DE NAVIGATION


Même si cela n’a aucun caractère obligatoire du point de vue
réglementaire, il est indispensable de se munir, en complément des
cartes, des documents présentant les particularités de la zone maritime
fréquentée. On ne le dira jamais assez : la lecture de la carte marine ne
se suffit pas à elle-même, et doit systématiquement s’appuyer sur la
lecture des documents nautiques.

INSTRUCTIONS ET GUIDES NAUTIQUES


Le document officiel édité par le SHOM s’appelle les Instructions
nautiques. Elles contiennent en principe toutes les informations
nécessaires au navigateur. Description physique de la zone de
navigation, description océanographique et météorologique (courants,
vents, vagues, régimes météorologiques, variations saisonnières, risques
de tempêtes, cyclones, etc.), principales routes de navigation,
description des dispositifs de séparation du trafic, balisage principal,
accès aux principaux ports, formalités diverses pour y accéder,
réglementation, etc. Divers services hydrographiques à travers le monde
éditent ce type d’instructions nautiques. Signalons notamment les
publications de la National geospatial-intelligence agency américaine : la
collection des Sailing Directions de la NGA, téléchargeables gratuitement
au format PDF, couvre le monde entier.
Publiés par des organismes officiels, les Instructions nautiques du
SHOM et leurs équivalents étrangers sont rédigés avec la plus grande
rigueur et bénéficient de mises à jour très régulières. Leur inconvénient
est qu’elles sont destinées aux grands navires et à la marine de
commerce : le plaisancier y trouve difficilement son compte.
Le SHOM a abandonné ses Instructions nautiques pour la plaisance, si
bien que l’offre spécifique aux plaisanciers se résume désormais aux
ouvrages réalisés par des éditeurs privés. Il en est de très bien faits, mais
la garantie d’exactitude n’est pas aussi certaine que pour les documents
officiels, et leurs mises à jour sont aussi plus espacées. Leur lecture est
toujours utile, souvent précieuse, mais on ne s’y réfèrera jamais sans
esprit critique. On se méfiera en particulier, de manière systématique,
des waypoints fournis pour les atterrissages ou pour contourner les
dangers : ne jamais entrer dans son GPS de waypoint dont on n’ait pas
soi-même relevé les coordonnées sur la carte.

Les almanachs
Dans une première catégorie de documents nautiques d’origine
« privée », on trouve l’Almanach du marin breton (uniquement pour la
Manche et l’Atlantique) et le Bloc Marine (découpé en différents tomes
pour l’Atlantique, la Méditerranée, la péninsule Ibérique et les Antilles). Y
figurent les documents officiels (RIPAM, Division 240), les sources
d’information météo pour la zone concernée, un extrait du livre des Feux
et signaux de brume, un annuaire des marées et des cartes de courants,
des informations sur les ports, accompagnées de plans. Ils sont réédités
chaque année. Signalons aussi le Reeds Almanac en anglais, qui couvre
une très large zone, depuis les Shetlands et le Danemark, au nord,
jusqu’aux Açores et à Gibraltar, au sud. Un almanach satisfait en principe
aux dispositions de la Division 240 concernant les documents
obligatoires à bord (résumé du RIPAM, description du système de
balisage, heures et coefficients de marée). Certains (pas tous, au jour où
nous écrivons) sont disponibles en version électronique.

Les guides côtiers


Les guides côtiers sont d’une certaine manière plus spécialisés et
visent d’autres objectifs que les almanachs dont ils sont des
compléments. Ils font l’impasse sur les documents officiels et les
annuaires de marée, mais vont beaucoup plus loin dans la description
des routes et chenaux. Ils ne se limitent pas à présenter les ports et leurs
atterrissages, et explorent tous les mouillages où le plaisancier serait
susceptible de jeter l’ancre. Ils sont généralement abondamment illustrés
de plans et/ou de photographies. Citons la collection des Pilote Côtier
(éditions Voiles et Voiliers) et les guides Vagnon, adaptation en français
des ouvrages britanniques Imray.
LES PILOT CHARTS
Dans la préparation d’une traversée océanique, par exemple de la
France aux Antilles, on réfléchit bien sûr à une route optimale, qui ne
sera pas la même pour tout le monde, selon qu’on privilégie la rapidité, le
confort de navigation, ou encore qu’on souhaite multiplier les escales et
faire du tourisme en chemin. On s’intéresse aussi aux périodes
favorables du point de vue climatique, pour lesquelles la consultation des
pilot charts fournit de précieux enseignements. Ces cartes documentent,
mois par mois les statistiques des conditions météo en différents points
de l’océan, compilées sur de nombreuses années. Elles indiquent la
répartition habituelle des zones de hautes et de basses pressions, les
températures, la direction et la force des vents, le pourcentage de
risques de coups de vent, la visibilité, la hauteur des vagues… Elles
mettent très clairement en évidence les vents dominants sur le parcours
envisagé, ainsi que les périodes les plus favorables pour l’entreprendre.

UN EXEMPLE DE PROJET DE NAVIGATION : DE LA


VILAINE À BELLE-ÎLE
Le bateau et son équipage se trouvent à l’embouchure de la Vilaine et
souhaitent se rendre au Palais, port principal de Belle-Île (voir carte ►).
La route directe passe sur un haut-fond, le plateau de la Recherche, puis
se heurte à un obstacle de taille, la chaussée prolongeant la presqu’île de
Quiberon, avec l’île d’Houat en plein milieu. Faut-il éviter ou non le
plateau de la Recherche ? Tout dépend du temps qu’il va faire et de la
route retenue pour traverser la chaussée, où trois passages sont
possibles : la Teignouse, le Béniguet, les Sœurs. Une quatrième solution
consiste à faire le tour par les Grands-Cardinaux au sud-est de l’île
d’Hœdic, par ce que les Instructions nautiques nomment le passage de
l’Est. Quel que soit le passage choisi, la distance à parcourir pour rallier
Le Palais varie peu : 29,5 milles par la Teignouse, 28,5 milles par le
Béniguet, 29,5 milles par les Sœurs et 30,5 milles par les Grands-
Cardinaux.

PREMIÈRE SITUATION
Il fait beau, le temps est bien établi, le vent soutenu de secteur nord-
est, la visibilité bonne. Vitesse probable du bateau : 6 nœuds. Le
navigateur prévoit donc une traversée d’environ cinq heures. Dans ces
conditions météo, la mer ne doit pas être dure sur le plateau de la
Recherche, et l’on pourra passer dessus, à condition tout de même de
prendre un pied de pilote confortable, de l’ordre de 2 mètres. La route
par le Béniguet étant la plus courte, c’est à elle que l’on pense en
premier. Avec ces vents, le passage est aisé mais il y a un inconvénient :
il n’est pas éclairé et on ne peut l’emprunter de nuit. La route par le
passage des Sœurs semble quant à elle un peu moins facile, car les
amers à utiliser sont lointains et comportent des risques de confusion. Il
faudrait prendre le temps d’y effectuer une partie de pilotage pour bien
se repérer, et ce n’est pas au programme aujourd’hui. On ne peut pas
non plus y passer de nuit. Enfin, la Teignouse est praticable de jour
comme de nuit, ainsi que le passage de l’Est.
Faut-il tenir compte de la marée ? Les courants sont relativement
forts dans tous les passages (sauf dans celui de l’Est) : mieux vaut passer
à marée descendante. L’heure d’appareillage la plus favorable est celle
de la pleine mer qui permet de bénéficier du courant portant tout au long
de la traversée. En somme, le navigateur a l’embarras du choix. Il semble
qu’il n’y ait aucun piège et qu’en cas d’imprévu on puisse toujours rallier
un port sous le vent : Houat ou tout simplement Le Palais. La seule
précaution à prendre, si le bateau passe par le Béniguet ou la Teignouse,
consiste à ne pas longer de trop près Houat ou la chaussée du Béniguet,
où on risquerait de se retrouver en mauvaise posture en cas d’avarie
matérielle.
SECONDE SITUATION
Cette fois, le vent de secteur ouest est assez frais et la visibilité
incertaine. Au près, à 5 nœuds (ce qui représente une progression de
3 milles par heure de remontée dans le vent – un VMG de 3 nœuds), le
navigateur estime que la traversée durera environ 10 heures, quelle que
soit la route choisie. Avec ce temps, la mer pourra être forte sur le
plateau de la Recherche et il vaudra mieux l’éviter. Dans les passes de la
chaussée, elle risque d’être franchement mauvaise pendant toute la
durée du jusant, quand le courant sera opposé au vent. Faut-il alors
passer au flot ? Il n’est pas certain qu’on parvienne à gagner contre le
courant en louvoyant. Les seuls moments propices paraissent donc être
les étales de pleine ou de basse mer.

Comparaison des routes


La passe de la Teignouse est suffisamment large pour tirer des bords.
En prenant cette route, on reste à l’abri de la chaussée sur une grande
partie du parcours. La passe du Béniguet est courte mais trop étroite
pour pouvoir louvoyer ; si le vent est plein ouest, on peut espérer la
franchir sur un seul bord, mais s’il tourne ce ne sera pas possible. Par les
Sœurs, on profite peu de l’abri de la chaussée ; le passage lui-même est
long, étroit, et les amers seront sans doute très difficiles à identifier. Ce
n’est certainement pas une route sûre par ce temps. Par le passage de
l’Est, le courant est plus faible qu’ailleurs et, en restant à bonne distance
des Grands-Cardinaux, sur les fonds de 30 mètres, on rencontrera sans
doute une mer moins mauvaise que dans les passes et l’on pourra
louvoyer tout à son aise. Inconvénient de cette route : au-delà des
Grands-Cardinaux, une partie du trajet se fera hors de tout abri et de
nuit ; si la visibilité est médiocre, on ne disposera que d’un feu : celui des
Grands-Cardinaux.
À quelle heure appareiller pour franchir la chaussée au bon moment ?
Pas question de sortir de la Vilaine contre le courant, pendant le flot.
Mais, en partant à pleine mer, on ratera l’étale de basse mer à la
Teignouse et au Béniguet. Il faut appareiller vers la fin du jusant, pour
passer à l’étale de pleine mer. Si le choix se porte sur le passage de l’Est,
la situation est moins compliquée car on peut sans doute passer à toute
heure, en arrondissant bien les Grands-Cardinaux.
Quelles sont les solutions de repli en cas de difficulté ? Tant qu’on se
trouve dans la baie de Quiberon, rien n’empêche de retourner dans la
Vilaine et, si l’imprévu survient dans les parages de la Teignouse, on a
sous le vent le port d’Houat, Le Crouesty, voire La Trinité-sur-Mer. Sur la
route menant au passage de l’Est, on laissera porter vers La Turballe ou
Le Croisic. Chacun de ces ports est accessible à toute heure de la marée,
mais si une solution de rechange devient nécessaire à la sortie de la
Teignouse ou du Béniguet, il y aura peut-être un moment difficile car il
faudra déjà être largement dégagé des passes pour pouvoir laisser porter
vers le sud-est. En fait, même si un demi-tour est toujours possible,
mieux vaut éviter de franchir le Béniguet aux dernières lueurs du jour, car
le repasser en sens inverse, la nuit, est manifestement imprudent.
Une dernière question se pose, déterminante en cas de mauvaise
visibilité : de quels moyens dispose-t-on pour contrôler la route ? Trouver
l’entrée du passage de la Teignouse dans la boucaille, ou même l’entrée
du Béniguet, n’est sûrement pas facile. Au final, la seule route
raisonnable est celle qui contourne tous les dangers, à savoir le passage
de l’Est, qui permet d’effectuer tout le parcours à l’estime puis d’atterrir à
l’est de Belle-Île sur la pointe de Kerdonis, relativement franche.
Pour conclure, en fonction du temps, la route par l’Est est donc la
plus sûre et les routes par les Sœurs ou par le Béniguet sont
hasardeuses ; la route par la Teignouse reste possible tant que la
visibilité est suffisante. Mais le temps peut changer. Si l’on se trouve, par
exemple, en fin de dépression, si l’on prévoit que le vent va remonter au
noroît et la visibilité s’améliorer, on considérera les choses autrement : la
route par la Teignouse sera plus courte et, sitôt le passage franchi, on
fera cap sur Le Palais au vent portant. En passant par les Grands-
Cardinaux, il faudra au contraire louvoyer longtemps et la route sera
peut-être moins sûre car plus longue et plus fatigante. En revanche, si le
vent doit descendre au suroît, la solution du passage de l’Est est sans
doute la meilleure. Encore faudra-t-il prévoir à quel moment le vent
tournera, se demander s’il ne changera pas de force et quel aspect
prendra la mer…

DEUXIÈME EXEMPLE : DE CONCARNEAU À ROYAN


185 milles séparent Concarneau de Royan. La route peut s’effectuer
en ligne droite, en passant à l’extérieur des îles de Groix, de Belle-Île, de
Noirmoutier, de Ré et d’Oléron. Il s’agit d’une traversée parfaitement
réalisable avec un petit bateau de croisière, mais il convient de trouver,
tout au long de la route, des abris susceptibles d’être gagnés rapidement
si le mauvais temps s’annonce ou si un incident quelconque oblige à
abandonner le projet initial.
À l’aide de la carte et des documents nautiques, le navigateur
commence par dresser la liste des ports ou mouillages offrant des
garanties suffisantes, c’est-à-dire ceux qui sont facilement repérables,
bien balisés, accessibles à toute heure de marée, de jour comme de nuit,
et qui procurent un abri sûr contre les vents du large. À partir de
Concarneau, on trouve : Port-Tudy à Groix, Sauzon et Le Palais à Belle-Île,
puis Le Croisic, Pornic, le mouillage du Bois-de-la-Chaize à Noirmoutier,
Port-Joinville à l’île d’Yeu, Les Sables-d’Olonne, La Rochelle. La
destination finale elle-même – Royan – ne pourra être considérée comme
un authentique abri, l’entrée de l’estuaire de la Gironde pouvant s’avérer
délicate, voire dangereuse, selon l’état de la houle et l’heure de la
marée : ce n’est sûrement pas un parage où l’on ira se hasarder par
mauvais temps.
Choisir une route, c’est aussi prévoir des sorties de secours. Si l’on veut faire
le trajet direct Concarneau-Royan avec une météo incertaine prévoyant un vent
soutenu d’ouest avec possibilités d’aggravation, il faut d’abord s’assurer que l’on
dispose à tout instant d’abris sûrs sous le vent (figurés sur la carte par des petits
cercles verts). On peut considérer qu’il existe devant chaque abri un secteur privilégié
de 60° d’ouverture d’angle environ (un voilier même désemparé peut presque toujours
lofer jusqu’à 30° du vent arrière, c’est-à-dire jusqu’à 150° du vent), permettant un repli
en 6 heures (zone bleue claire, 35 milles) ou en 4 heures (zone bleue foncée,
24 milles). On constate sur le parcours Concarneau-Royan qu’il y a trois moments de
la route pendant lesquels le bateau se trouve au vent d’une côte sans abri : entre
Groix et Belle-Île, au vent de Belle-Île, entre Chassiron et Royan. Il faut trouver une
solution adaptée à chaque cas en tenant compte des circonstances.

En cas de régime perturbé d’ouest (qui rendra difficiles les conditions


de mer en cas d’aggravation), cette guirlande de ports sous le vent suffit-
elle à garantir une solution de secours à tout instant, en tout point de la
route ? À partir du moment où la météo annonce un coup de torchon, il
faut pouvoir rallier un abri en 3 ou 4 heures, 6 maximum. Par ailleurs, une
avarie peut rendre le bateau très peu manœuvrant ; dans le pire des cas
et avec un gréement de fortune, il doit être possible de naviguer jusqu’à
environ 30° du vent arrière, d’une amure comme de l’autre. Dans ces
conditions, devant chaque abri, il existe une sorte de zone privilégiée, un
« secteur de sécurité » d’une soixantaine de degrés que le navigateur
peut tracer sur la carte. Il voit alors immédiatement que la route directe
Concarneau-Royan n’est pas entièrement couverte par les secteurs de
sécurité.
Quelques « bancs d’insécurité » subsistent. Le premier est tout de
suite après Groix : entre Lorient et Quiberon, la côte est dépourvue
d’abri. Par beau temps, il n’y a aucune inquiétude à avoir et la route
directe se fera sans souci. Mais s’il fait moins beau, en revanche, on aura
intérêt à infléchir légèrement la route vers le large pour se trouver très
vite dans le secteur de sécurité suivant : celui qui mène au nord de Belle-
Île.
Port Tudy. Le port principal de Groix, avec la rade de Lorient, offre la dernière
possibilité de se mettre à l’abri avant la baie de Quiberon.

Après la pointe des Poulains se trouve une nouvelle zone délicate : on


passe tout près de la côte sauvage de Belle-Île, très belle mais fort peu
accueillante. Même par beau temps, il convient de s’écarter un peu pour
pouvoir fuir d’un côté ou de l’autre de l’île en cas d’ennui matériel
imprévu. Si la météo n’est pas très bonne, mieux vaut quitter
délibérément la route directe et passer sous le vent de Belle-Île. On y
trouvera des conditions de mer plus paisibles, et Le Palais sera sur la
route si l’on doit décider de faire relâche.
On navigue bientôt plus tranquille, en rejoignant les secteurs de
sécurité de l’estuaire de la Loire, puis sans coupure celui de l’île d’Yeu,
relayé immédiatement par celui des Sables-d’Olonne. Ici, en cas de
mauvais temps, il ne fait aucun doute que passer sous le vent de l’île
d’Yeu serait une mauvaise option : on se retrouverait au vent d’une côte
sans abri.
Après Les Sables-d’Olonne, on arrivera assez vite à l’heure des choix.
En embouquant le pertuis Breton, on se retrouva relativement protégé
par l’île de Ré, et on pourra tranquillement faire route jusqu’à
La Rochelle. Le pertuis d’Antioche, entre Ré et Oléron, est beaucoup plus
exposé à la houle du large. Si le temps se gâte véritablement, il vaudra
mieux avoir pris sa décision assez tôt, avant d’arriver par le travers du
phare des Baleines au nord-ouest de Ré, même si rallier La Rochelle par
le sud de l’île devrait rester possible.
Au-delà de la pointe de Chassiron au nord d’Oléron, en revanche, rien
ne va plus lorsque la météo se dégrade. D’ici à Royan, plus aucun abri
digne de ce nom, et comme on l’a dit précédemment, l’entrée de la
Gironde ne peut raisonnablement être envisagée lorsque les conditions
sont défavorables. Si le temps risque d’être dur, le sens marin impose de
relâcher à La Rochelle (ou dans le port à flot de Saint-Denis d’Oléron si
l’heure de la marée le permet) en attendant une amélioration.
En somme, le tracé des différents secteurs de sécurité met en
évidence deux zones dans lesquelles, en cas d’ennui, on ne dispose
d’aucune solution de rechange absolument sûre (après Groix et au vent
de Belle-Île) et un moment où une décision importante devra être prise (à
hauteur de Ré). Ce travail de réflexion sur la carte laisse simultanément
apparaître une solution qui n’est pas forcément évidente au premier
abord : dans la plupart des cas, pour être en sécurité, il ne faudra pas se
rapprocher de la terre mais s’écarter vers le large, ce qui permettra de se
trouver plus rapidement dans un nouveau secteur sûr.
Bien entendu, ce raisonnement s’applique au type de bateau choisi.
Un bateau plus petit ne peut pas faire cette traversée d’une traite et,
pour lui, les problèmes se poseront différemment puisque, pour faire
l’étape Groix-Belle-Île, il lui faut déjà des conditions météorologiques
favorables, sinon il doit attendre. Pour un croiseur hauturier, au contraire,
la sécurité se trouve en général au large, ce qu’il faudra garder en tête,
par exemple, si l’on est amené un jour à longer les côtes du Portugal qui
présentent de larges zones sans abris.
Le routage

L e routage météorologique est une technique d’optimisation de


trajectoire en fonction des données d’environnement (vent, vagues,
courant) et des performances du bateau. Il a été popularisé par les
compétitions océaniques et se trouve désormais intégré aux savoir-faire
de base des coureurs. En croisière, le routage n’est pas indispensable.
Cependant, correctement utilisé, il peut rendre de grands services en
permettant de gagner du temps, d’augmenter la sécurité de la navigation
et aussi de se faire plaisir en jouant astucieusement avec les éléments.
Prenons l’exemple d’une traversée au départ de la Bretagne et à
destination de La Corogne, au nord-ouest de l’Espagne. La situation
météo est claire, à défaut d’être enthousiasmante :
– Approche d’un secteur chaud puis passage d’un front froid (jour J et
J + 1).
– Établissement d’un anticyclone sur le golfe de Gascogne (J + 2).
La situation météo générale. À gauche, la carte d’analyse, au centre, la carte de
prévisions à 24 heures, et à droite, les prévisions à 48 heures. L’anticyclone s’étale
largement après le passage du front froid.

Les problèmes stratégiques se résument ainsi :


– Comment gérer le passage du front froid : faut-il investir dans
l’ouest pour récupérer le plus rapidement possible le vent de nord-ouest
qui suivra, ou est-il plus sage de rester au voisinage de la route directe ?
– Comment gérer l’arrivée de l’anticyclone et de ses calmes sur le
golfe de Gascogne.
Bien évidemment, les deux questions sont liées : si l’on investit dans
l’ouest pour passer le front froid, ne sera-t-on pas trop proche ensuite de
l’anticyclone et des vents faibles ? Si l’on refuse cet investissement et
qu’en début de traversée on reste au près dans le vent de sud-ouest,
sera-t-on assez rapide pour échapper à l’anticyclone ? On peut effectuer
des essais « à la main », mais on réalisera vite qu’il serait judicieux
d’automatiser le procédé.

UN OUTIL DE SIMULATION ET D’AIDE À LA DÉCISION


Router un mobile, c’est lui faire prendre une route qui optimise une
ou plusieurs contraintes : route à temps minimum, route à
consommation de carburant minimum, etc. En course ou en croisière,
nous choisissons la route à temps minimum, en l’assortissant
éventuellement de contraintes de sécurité et de confort concernant l’état
de la mer ou la force et la direction du vent. La problématique est la
suivante : compte tenu des données météorologiques, océanographiques
et des performances du bateau, existe-t-il une ou plusieurs routes à
temps minimum ? Si oui, peut-on raisonnablement les prévoir, puis les
exploiter ?
Le routage n’est pas l’équivalent d’un horaire de chemin de fer
appliqué à la navigation à voile. C’est bien mieux que ça. C’est à la fois un
outil de calcul de route optimale, un instrument de mesure du temps
parcouru et, plus important, un outil de simulation et d’aide à la décision.
On met à jour une forme qui raconte comment le bateau utilise le champ
de vent et de courant.
La machine propose, le marin réfléchit puis dispose. En prime, on
affine nos réflexes stratégiques en voyant la machine traiter les
problèmes classiques.

COMMENT FONCTIONNE UN ROUTAGE


Les données d’entrée sont :
– Des prévisions météorologiques.
– Des prévisions océanographiques (vagues, courants).
– Les performances du bateau aux diverses allures, en fonction de la
force de vent, et si possible, de l’état de la mer.
Les sorties sont :
– Des routes à suivre, assorties d’informations sur le temps prévu et
les performances à atteindre.
– Des commentaires météo.
– Des critères de prise de décision pour diverses évolutions
possibles.

Les données d’entrée


Elles doivent être fiables, et accessibles de manière relativement
simple.

■ Les données météorologiques


Les données météo sont des champs de vent numériques au format
Grib, issus des principaux centres de prévision, qui doivent couvrir la
zone à étudier dans le temps et dans l’espace. La résolution du modèle
numérique utilisé (sa maille) doit être en accord avec la navigation
envisagée : de l’ordre du degré (60 milles) en navigation océanique, elle
passera au dixième de degré (6 milles) ou moins en zone côtière, où l’on
doit tenir compte des effets locaux 110.

■ Les données océanographiques


Les données océanographiques sont les courants et les champs de
vagues sous forme numérique. Nous verrons que les logiciels évolués
tiennent précisément compte du courant 111. L’influence des vagues est
plus délicate à modéliser.

■ Les performances du bateau


Ce sont les polaires de vitesse, qui résument les performances du
bateau en fonction des différentes allures et de la force du vent. Elles
peuvent être fournies par l’architecte du bateau ou issues de relevés en
navigation. Elles doivent être les plus réalistes possible 112.

LES CARACTÉRISTIQUES DU PARCOURS À ÉTUDIER


Le lieu et l’heure de départ peuvent correspondre à la position
actuelle du bateau envoyée par le GPS du bord, ou bien à une position et
une date entrées manuellement (position estimée, waypoint particulier,
date de départ envisagée, etc.). La position du point d’arrivée oriente le
secteur dans lequel le logiciel explore les données météorologiques et
océanographiques. La plupart des logiciels sont capables de gérer un
parcours constitué d’une succession de points de passage.

LA MÉTHODE DES ISOCHRONES


La méthode de calcul la plus couramment utilisée en routage pour les routes à
temps minimum est celle des isochrones, qui permet de déterminer pratiquement
comment aller d’un point à un autre le plus rapidement possible. L’idée de base est
la suivante :
– On segmente la navigation en intervalles de temps T (par exemple 1 heure) au
sein de chacun desquels on supposera le vent stable.
– On calcule, en partant du départ, l’ensemble des points que peut atteindre le
bateau, au mieux, en 1 heure. Ces points se répartissent sur une courbe, qui est
notre première isochrone.
– On calcule ensuite, en partant de divers points de cette première courbe,
l’ensemble des points que l’on peut atteindre au mieux au terme du deuxième
intervalle de temps T, en tenant compte de l’évolution du vent prévu et du courant.
On obtient ainsi une deuxième isochrone. Et ainsi de suite.
– Une isochrone finira bien par passer par le point d’arrivée fixé. Il suffira alors
de remonter la construction vers le point de départ pour trouver la route optimale.

LE RÉSULTAT DU CALCUL
Muni de ces informations, l’ordinateur calcule la route optimale. Les
concepteurs rivalisent d’ingéniosité dans la présentation des résultats.
Le logiciel affichera, au minimum, la route optimale et éventuellement le
réseau d’isochrones permettant d’affiner l’analyse, ainsi que le tableau
de marche qui décrit la route en détail 113.

La route optimale
C’est la route que l’on pourra suivre si tout se passe comme prévu :
prévisions météo proches de la réalité, performances du bateau proches
de la polaire de vitesse 114. On pourra éventuellement afficher les
conditions attendues le long de la route, colorer les divers segments en
fonction de la force du vent, de l’allure, du choix de voiles…

Le tableau de marche
Ce tableau fournit les détails de la route : points de passage et heures
de passage, cap, vitesse, conditions de vent attendues, allures, etc. On
peut en général le paramétrer en choisissant le type de données à
afficher. Certaines fonctions avancées aident l’équipage dans des
domaines spécifiques comme le choix des voiles ou encore la gestion du
courant.
Le tableau de marche permettra aussi, en navigation, de comparer
les conditions et les performances prévues du bateau avec les conditions
et les performances observées.
On pourra alors relancer le routage en modifiant l’efficacité sur la
polaire ou le coefficient correcteur des fichiers numériques. C’est-à-dire
demander au logiciel de recalculer des routes en considérant que le
bateau va plus vite/moins vite que la polaire, d’un certain pourcentage.
Ou encore que le vent est plus fort/moins fort que prévu.

Les prévisions de vent s’affichent le long de la route optimale. Le logiciel se


chargeant d’éviter les côtes, on s’abstient de lui imposer des points de passage sans
pertinence météorologique. On lui demande cependant de se tenir à l’écart des
dispositifs de séparation de trafic, en créant des « zones d’exclusion » (les aplats
magenta).
Le réseau d’isochrones
La forme des isochrones apporte des informations supplémentaires
sur la manière dont les routes possibles se répartissent dans le champ
de vent, et nous renseigne sur la manière dont progresse la route
optimale. Dans l’exemple ci-contre en bas, au voisinage du point A, les
isochrones présentent une bosse indiquant un passage obligé. Sur une
route trop à l’est, on perd beaucoup dans le vent faible : les isochrones
sont rapprochées, signe que l’on parcourt peu de distance dans un pas
de temps. À l’ouest, les angles rapides ne rapprochent pas du but. Ce
point A est un point critique : il faudra certainement passer dans son
voisinage.

Des isochrones fortement écartées signalent une forte progression dans


l’intervalle de temps correspondant.

Les simulations et animations


Les simulations et animations, qui consistent à faire défiler comme
dans un petit film la route calculée par le logiciel et les prévisions de vent
et de courant associées, sont indispensables à la compréhension et
l’application du routage. Un travail de routage n’est jamais terminé tant
que l’on n’a pas compris comment les phénomènes météo façonnent la
route. L’animation page suivante va mettre en évidence trois temps forts
de la prise de décision.

Le bateau vire avant le passage d’un front froid (point 1) puis file vers le sud
au près tribord amure. Il traverse un front froid 28 heures après le départ (point 2).
Dans le vent de nord qui suit le front, on restera assez haut de façon à ne pas
retomber dans la zone pénible associée au front (point 3). Il faudra attendre d’avoir
complètement dégagé le front (5 heures plus tard environ) avant de se lancer sur une
route plus directe vers le sud.

PRÉCISION DU ROUTAGE
On suppose que le programme de routage fonctionne correctement
et ne présente pas d’erreurs de programmation ou de méthode. C’est le
cas des principaux logiciels que l’on trouve dans le commerce.

Précision absolue
La qualité du routage dépend de celle des données d’entrée. La
polaire de vitesse doit être réaliste et l’évolution prévue par le fichier
numérique aussi proche que possible de la réalité. (Pour plus de détails
voir dans le chapitre « Météo », le paragraphe « Les fichiers numériques
au format Grib » ►). On retiendra que sur la zone Atlantique, la qualité
des prévisions est bonne jusqu’à 4 jours, correcte à 6 jours, et se
dégrade rapidement au-delà. En Méditerranée, elle se dégrade
rapidement au-delà de 3 jours.
Lors de l’interprétation du routage, on tolèrera par conséquent un
certain flou sur la trajectoire des phénomènes. Prétendre à 6 jours de
temps, éviter une zone de vent fort en lui donnant un tour de quelques
dizaines de milles, n’est pas prudent. Le routage est un processus
évolutif dans le temps et c’est un suivi raisonnable qui permettra de
façonner la trajectoire la plus rapide et/ou la plus sûre.

Précision relative
Lors de l’interprétation du routage, on sera amené à comparer
plusieurs options (plusieurs routes) « toutes choses égales par ailleurs »,
sans oublier que le routage possède une marge d’erreur, compte tenu de
l’imprécision sur les polaires de vitesse et sur les données météo.
Par expérience, disons qu’un écart inférieur à 2 % est rarement
significatif. Une trajectoire plus rapide de 3 heures au terme de 6 jours
de prévision n’est pas forcément plus pertinente.

L’ÉCHELLE DU ROUTAGE

Le routage en zone côtière


Le routage en zone côtière ne sera efficace que si la résolution des
données de vent et de courant est en adéquation avec le parcours choisi.
On devra utiliser un modèle météorologique à maille fine (inférieure à
0,1°) pour tenir compte des effets locaux, et des données de courant
ayant une résolution suffisante dans l’espace et dans le temps 115.
Pour des parcours de moins de 10 milles, on ne prendra pas le
routage au pied de la lettre, des écarts de quelques minutes entre le
calcul et la réalité pouvant changer considérablement la physionomie des
évènements. Cependant, le résultat du routage peut être utilisé comme
outil de simulation permettant de mettre au jour les problèmes et points
critiques : comment gérer un effet de site, comment anticiper l’approche
de la renverse de courant…

Le routage au large
Le routage au large a paradoxalement plus de chances d’être précis,
sur des échelles de la dizaine à quelques centaines de milles, que le
routage côtier. Les phénomènes façonnant la route intéressent des
zones étendues et de nombreuses échéances : passage de front froid,
contournement d’anticyclone. On n’en sera pas à 10 minutes près ni à
quelques milles dans le positionnement d’un phénomène.

Le routage océanique
Le routage océanique nous confrontera à la perte de précision des
données météorologiques au-delà de 4 à 6 jours. Nous y reviendrons plus
loin.

ROUTAGE AVEC CONTRAINTES


On peut vouloir imposer des limitations sur la force du vent ou l’état de la mer,
pour des raisons de confort ou de sécurité, par exemple chercher la route optimale
évitant les vents de plus de 25 nœuds et les vagues de plus de 3 mètres. Cette route
peut ne pas exister, et le logiciel répondra quelque chose comme « aucune route ne
passe ». On préfèrera commencer l’étude sans limitation aucune, puis, le cas
échéant, relancer le routage en imposant ces contraintes choisies, pour comparer
les deux stratégies. En effet, la route optimale sans contrainte peut montrer des
conditions pénibles pour un temps très court, que l’on gèrera facilement. Il serait
dommage de se lancer sur une route alternative très longue pour un gain de confort
minimal.

L’OPTIMISATION DE L’HEURE DE DÉPART


En croisière, le routage est aussi un outil d’optimisation de l’heure de départ,
compte tenu des prévisions de vent mais aussi des courants et de leurs renverses.
En lançant plusieurs routages dont l’heure de départ est décalée, on met en
évidence, par exemple, comment il est possible de gagner 2 heures sur l’itinéraire du
jour en partant 30 minutes plus tôt. On peut de la même manière calculer la
dernière limite pour l’appareillage si l’on veut arriver à destination avant la nuit, ou
encore jeter l’ancre pas trop tard dans ce mouillage que l’on sait pris d’assaut en
milieu d’après-midi. S’il est toujours possible de multiplier les essais de manière
classique, les logiciels les plus élaborés automatisent cette fonction.

LA PRISE DE DÉCISION
Le routage nous permet de simuler la navigation à venir, de façon à
faciliter et améliorer nos prises de décision : on navigue sur écran pour
anticiper la navigation réelle.
Notre premier travail sera de comprendre la raison de la trajectoire
proposée. En réalité, le routage relève de la théorie de l’investissement :
on mise du mille pour récupérer du temps. Combien ça coûte, combien
ça rapporte et comment ?
On va devoir ensuite tester la robustesse de la solution fournie par le
routage, c’est-à-dire étudier comment réagit le résultat si l’on modifie
légèrement les données d’entrée. On regarde donc ce qui se passe si :
– Les vitesses réelles sont légèrement différentes des vitesses
théoriques.
– La situation météo évolue différemment de la situation prévue.
D’autre part, on étudiera le caractère de l’optimale trouvée : est-on
dans une situation de « tout ou rien » ou existe-t-il des options différentes
de l’optimale et offrant un rendement voisin ?
Il faudra enfin transposer en navigation – à la table à cartes et sur le
pont – ce travail de réflexion. Où va-t-on ? Comment y va-t-on et a-t-on du
jeu autour de la route choisie ?
Cette phase d’interprétation et de prise de décision est de loin la
partie la plus passionnante du routage.

Rendement sur la polaire


Si le routage calcule la route optimale en tenant compte des
performances décrites par les polaires de vitesse, il nous faut étudier ce
qui se passe lorsque le bateau ne tient pas les vitesses prévues. En
lançant des routages pour des rendements de 80 %, 90 %, 100 %, 105 %
de la polaire théorique, on regarde s’ils proposent des routes similaires,
ou si au contraire se dessinent plusieurs tendances en fonction du
rendement sur la polaire. On pourra aussi voir apparaître des effets de
seuil : si l’on va marginalement moins vite dans telles conditions, alors la
perte est importante et la trajectoire différente.

Tester le déplacement des systèmes météo


La prévision météo, bien que de plus en plus précise, laisse un peu de
jeu dans le déroulement des évènements. Les routes sont-elles
profondément affectées si l’évolution des phénomènes météo est plus ou
moins rapide que prévu ? Pour en avoir une idée, on lance plusieurs
routages, en agissant cette fois-ci sur les échéances des événements
météorologiques, concrètement en décalant l’heure des fichiers
numériques (à – 12 h, – 6 h, + 6 h, + 12 h). Il ne restera plus qu’à suivre
cartes, bulletins et observations pour se caler sur la bonne stratégie 116.

LES SOLUTIONS ALTERNATIVES


On peut vouloir tester une route particulière qui semble plus facile,
plus proche de la route directe, ou bien encore – en course –
tactiquement moins risquée. L’idée est toujours la même : trouver des
éléments rationnels de prise de décision. La grande question sera
souvent : « Combien coûte une option différente de la route optimale ? »
Une fois connu le résultat, on verra si c’est une bonne idée de choisir
cette route différente de la proposition du routage. On peut à cet effet
lancer un routage après avoir modifié la route initiale en lui ajoutant un
point de passage intermédiaire. Avec les logiciels les plus complets, on
utilisera une fonction de type « point pivot », qui revient à forcer le
passage du routage par le point intermédiaire choisi.

Tester plusieurs routes. À gauche, la carte isobarique qui décrit la situation météo,
au centre le détail du champ de vent, sur lequel le logiciel a déjà superposé la route
optimale (en vert). À droite, le travail sur le routage se poursuit. On a affiché le réseau
d’isochrones de l’optimale (en rouge) et testé une route alternative (en bleu). Le point
rouge marque le passage du front froid qui façonne la trajectoire optimale.

Dans l’exemple ci-dessus, une dépression atlantique se transforme


en une dépression stationnaire qui stagne quelque part entre Açores et
Portugal. La route optimale (en vert) conduit à un décalage important
dans l’ouest : elle est longue de 1 700 milles pour 1 300 milles en route
directe. L’investissement paraît sérieux… On peut lui préférer une route
plus proche de la route directe, qui semble moins risquée. En s’aidant de
la forme des isochrones, on choisit un point de passage obligé au
voisinage de la route directe, et on lance un nouveau routage (en bleu sur
le troisième écran).
Voici le résultat :
– L’optimale théorique est gagnante de 20 heures sur la route plus
directe, au terme de 8 jours de trajet.
– L’investissement vers l’ouest consenti sur la route optimale en
faisant le tour de la dépression stationnaire au large de Gibraltar devient
rentable à 5 jours d’échéance – ce type de situation est souvent
correctement prévu par les modèles : la prévision présente un fort indice
de confiance.
– On peut raisonnablement penser que l’investissement proposé est
rentable et que le gain est significatif.
Un point important : on devra prendre la décision de filer vers l’ouest
dès le départ, sans opportunité de pouvoir revenir vers la route directe.
Si on est en course et que certains préfèrent tirer droit, on devra avoir les
nerfs solides.

LE ROUTAGE OCÉANIQUE
Lors d’un routage océanique, il est rare que la prévision
météorologique couvre la totalité de la traversée. Disposant de 6 jours
de prévision raisonnablement fiable pour, par exemple, 20 jours de
traversée, on se pose quelques questions angoissantes : à quelle
échéance le routage s’arrête-t-il et comment choisit-il la route optimale ?
Pour la plupart des logiciels de routage, le routage s’arrête :
– Soit parce qu’il a atteint le but.
– Sinon, à la dernière échéance météo disponible.
Pour définir la route optimale :
– Il retient celle qui passe par le but si ce dernier est atteint.
– Sinon, il choisit par défaut une route qui rejoint le point de la
dernière isochrone le plus proche du but.
Dans l’exemple suivant, nous disposons d’une prévision météo sur
6 jours au départ du cap Finisterre, à destination de la Martinique. La
solution proposée par défaut par le routage nous place sur l’isochrone
6 jours, au point le plus proche du but, à 2 050 milles de la Martinique.
Ce qui revient à dire : « Après 6 jours de route, voilà la meilleure
progression que vous pouvez réaliser si la prévision météo suit ce qui est
proposé par le fichier, et si le bateau a des performances proches des
polaires théoriques rentrées dans la machine. »
Ce que ne peut savoir le logiciel, et qui est laissé à la sagacité de
l’analyste, c’est le type de temps qu’il fera au-delà de la prévision. Ce qui
revient à se poser cette question : « La route optimale n’enverrait-elle pas
après 6 jours dans un cul-de-sac, par exemple une zone sans vent, ou de
vent debout, etc. ? » Ce que nous dit le routage, c’est qu’un bateau
suivant l’optimale serait certainement, après 6 jours de route, devant
n’importe quel autre voilier identique (si tout s’est passé comme prévu).
Cela étant, rien ne prouve qu’un bateau parti sur une route différente ne
s’en sortirait pas mieux à plus long terme.
Le logiciel a identifié sur la dernière isochrone le point le plus proche du but,
puis il a construit la route menant à ce point : c’est notre optimale.

C’est ce que l’on appelle le « problème de la dernière isochrone ». Le


logiciel, qui ne prédit pas l’avenir, ne peut prétendre le résoudre à notre
place, mais il peut nous donner des éléments rationnels de prise de
décision, en utilisant principalement deux méthodes :
– L’exploitation des prévisions à long terme.
– Le test de la dernière isochrone.

Exploiter les prévisions à long terme


On peut décider d’utiliser des prévisions à long terme (10 jours et au-
delà) couvrant la majorité ou la totalité du parcours. Sachant que la
qualité de la prévision se dégrade rapidement au-delà de 6 jours, il faudra
utiliser cette méthode avec circonspection et éviter de parier sur des
phénomènes à longue échéance dont la probabilité d’apparition serait
faible. En revanche, si la route à long terme est façonnée par un type de
temps raisonnablement prévisible à longue échéance, cette approche
peut aider.
Premier exemple ci-dessous : cette route nord atypique contourne au
jour 11 une dépression basse en latitude, phénomène dont la prévision
est assortie d’une forte incertitude. Si cette prévision est juste, c’est le
jackpot : on contourne une dépression au portant alors qu’au sud on se
serait retrouvé bloqué par une panne d’alizé. Mais si la dépression est
absente ou si sa position est différente, on court au désastre… Il est
donc risqué de choisir des options privilégiant cette route nord.

Une route atypique. Au jour 11 (marqué sur la route par un point bleu de taille plus
importante), le routage nous voit descendre à vive allure sur l’arrière de la dépression,
portés par des vents soutenus de secteur nord.

Deuxième exemple ci-dessous : cette route sud est façonnée par la


présence d’un bel anticyclone bien stable entre les jours 3 et 11. La
route sud semble un pari raisonnable. C’est l’option que l’on choisira, et
qui sera affinée en cours de route.
Une situation météo fiable. Au jour 11 (point magenta), la prévision dessine un
anticyclone des Açores puissant et bien en place, la route des alizés paraît largement
ouverte.

Le test de la dernière isochrone


De façon à rationnaliser la prise de décision, on va se servir de la
dernière isochrone, superposée à la situation météo. Reprenons notre
exemple, où le routage sur 6 jours depuis le cap Finisterre propose une
route proche de la route directe (route verte, page suivante). On affiche
le vent pour la date correspondant à la dernière isochrone. Il apparaît que
le problème est un peu plus compliqué qu’on ne l’avait d’abord imaginé.
Le point choisi par défaut (le plus proche du but sur la dernière
isochrone) amène, au jour 6, dans du vent soutenu au voisinage d’une
dépression, dont on voit le front froid dans l’ouest (passage brutal du SW
au NW). Si l’on veut se sortir de ce traquenard, il faut sérieusement
investir vers le sud pour se débarrasser de l’anticyclone. Seules des
routes très sud contournent les calmes et proposent du vent portant,
mais à quel prix ?
On se pose les questions suivantes :
– Sommes-nous contents d’être dans la position proposée par défaut
par le routage, ou bien existe-t-il des endroits de la dernière isochrone
paraissant plus judicieux ?
– Dans le second cas, combien coûtent ces choix alternatifs ?
On teste des points de passage (points pivot) en s’aidant de la
progression du réseau d’isochrones vers la zone alternative choisie (ici,
les alizés). Ensuite on compare les routes en termes de distance au but
et de gain de vitesse envisagés sur les nouvelles trajectoires.
Voici les trois options à l’écran :

La route sud et la route extrême sud ont été obtenues en plaçant, sur la dernière
isochrone, des points de pivot sur une bosse qui rapproche des alizés. Ces deux
routes empruntent d’abord une même trajectoire, avant de diverger au troisième jour.
Bilan :
– L’optimale à échéance de 6 jours se situe à 2 050 milles de
l’arrivée. La situation météo n’est pas enthousiasmante : ce sixième jour,
on est encore au près au nord de l’anticyclone.
– La route sud investit 101 milles pour se retrouver au voisinage sud
de l’anticyclone, et proche de l’alizé. Cet allongement de 5 % de la route
(100 milles pour 2 000 milles restant à parcourir) devra être compensé
dans la suite de la traversée par une vitesse moyenne supérieure de 5 %,
ce qui semble faisable.
– Entre les deux, on perd par rapport à l’optimale et on se plante dans
les calmes : à éviter.
– La route extrême sud investit 124 milles de plus (elle est plus
longue que l’optimale de 225 milles) pour se retrouver dans l’alizé bien
établi. Cet allongement de 11 % de la route (225 milles pour 2000 milles
restants) devra être compensé par une vitesse moyenne supérieure de
11 %, ce qui demande réflexion.
Le travail de la machine s’arrête là, mais elle a fourni des éléments
rationnels de prise de décision.
Dans le cas présent, après mûre réflexion :
– Sur l’optimale (la route nord), le vent de suroît n’est pas bienvenu et
pourrait durer un moment.
– Sur la route sud, on investit 101 milles en 6 jours, ce qui semble
peu pour se retrouver à la porte des alizés. On a bon espoir de récupérer
l’investissement en étant ensuite 5 % plus rapide en moyenne qu’un
bateau sur l’optimale.
– En revanche, la route extrême sud est chère pour un rendement
somme toute modique.
On reconduit ce type de travail à chaque nouvelle prévision météo et
on peut espérer, si l’on travaille avec discernement, éviter de se
retrouver dans un cul-de-sac stratégique. Notons que, dans cet exemple,
le choix entre optimale par défaut et route sud devra se faire très tôt : les
routes divergent rapidement. En revanche, le choix entre routes sud et
extrême sud est différé à 3 jours. On aura le temps de voir venir les
nouvelles prévisions pour affiner la trajectoire.
Notes

1. UTC est l’acronyme anglais pour Universal Time Coordinated (Temps universel
coordonné), l’heure universelle de référence. Le « C » fait référence à la
coordination entre le temps TU purement lié à la rotation de la Terre, donc
légèrement variable, et le temps donné par les horloges atomiques stables à
l’échelle du million d’années. C’est cette coordination qui nous vaut de temps en
temps une seconde « intercalaire ». En France, comme en Espagne et en Italie,
l’heure légale est UTC +1 en hiver et UTC + 2 en été. Au Royaume-Uni, l’heure
légale est UTC en hiver et UTC + 1 en été. ◄

2. Pour rappel, un nœud = 1 mille nautique/heure et équivaut à 1,852 km/h. ◄

3. Le temps significatif est « le temps qu’il fait ». On regroupe sous ce terme la


couverture nuageuse, les précipitations (pluie, neige, verglas), le vent, la
température, l’humidité, la présence éventuelle d’orages, enfin tout ce qui fait que
l’on peut parler du temps à l’infini… ◄

4. La tendance barométrique est la variation de la pression atmosphérique sur les


3 dernières heures. On note classiquement : stationnaire/steady (variation
inférieure à 0,1 hPa), lentement/slowly (0,1 à 1,5 hPa) ; en hausse ou en
baisse/rising or falling (1,6 à 3,5 hPa) ; rapidement/quickly (3,6 à 6,0 hPa) ; very
quickly (très rapidement) : > 6,0 hPa. ◄

5. Ne perdons pas de vue que les bulletins émis par les services officiels ont pour
objectif principal d’assurer la sécurité en mer des biens et des personnes. Ces
bulletins insisteront donc sur les conditions à risques, mais seront plus vagues sur
les conditions locales lorsqu’elles ne sont pas dangereuses, ainsi que sur les
variations détaillées du vent telles que nous aimons les exploiter. ◄
6. SMDSM ou GMDSS en anglais : Système mondial de détresse et de sécurité en
mer. ◄

7. Vu le débit rapide de la diffusion des bulletins à la radio, il est indispensable


d’enregistrer. Un lecteur-enregistreur MP3 connecté à la radio fait parfaitement
l’affaire. ◄

8. Centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage. ◄

9. Dans certains secteurs, les CROSS diffusent le bulletin météo en boucle, toutes
les 6 minutes, en général sur le canal 63 (parfois 64). Le Guide Marine de Météo
France fournit le détail des émetteurs côtiers concernés. ◄

10. Les cartes isobariques représentent la pression atmosphérique en surface.


Les points d’égale pression atmosphérique sont reliés par des lignes (les
isobares). Les grands systèmes (dépressions, anticyclones) y sont mentionnés, et
les fronts y sont dessinés. On parle aussi de cartes synoptiques, le terme
synoptique signifiant « permettant d’avoir en un coup d’œil une vue d’ensemble ».

11. En croisière au large, on récupérera les fichiers une fois par jour, et même de
façon plus espacée si la situation est stable. Les coureurs, plus exigeants, se
livrent à cet exercice quotidiennement, voire deux fois par jour. ◄

12. À la date où nous rédigeons cette huitième édition du Cours, on peut se


procurer GFS gratuitement au moyen de Ugrib, Zygrib, Squid, Meteoconsult,
Weather 4D et Sailgrib (les deux derniers cités sont des applications pour
smartphones et tablettes). On peut se procurer CEP sous forme payante au
moyen de, notamment : Squid, Navimail de Météo France, Predictwind, Weather
4D et Sailgrib. Parmi les modèles locaux, on peut se procurer Arpège 0,1° et
Arome de Météo France au moyen de Squid et Navimail. Divers WRF sont
accessibles par Squid, Meteoconsult, Predictwind. Cette liste n’est pas
exhaustive. ◄

13. Pour le sens dans ce contexte du mot « réseau », se reporter au chapitre sur la
fréquence de mise à jour des prévisions numériques ►.

14. C’est-à-dire au nord des anticyclones dans l’hémisphère Nord, et dans leur
sud pour ce qui concerne l’hémisphère Sud. ◄

15. Le vent issu des modèles numériques est (sauf mention contraire) le « vent
météorologique », pris à 10 mètres et moyenné sur 10 minutes. On peut avoir
l’impression que le vent est plus fort qu’annoncé, un observateur moyennant
inconsciemment plutôt sur 2 à 3 minutes et valorisant les rafales, et le bateau
étant plus sensible aux valeurs instantanées qu’aux valeurs moyennes. Aussi les
modèles globaux gagnent-ils à être utilisés à 115-120 % de leur valeur nominale.
Les modèles à maille très fine (inférieure à 10 km) peuvent être utilisés sans
corrections. ◄

16. La résolution spatiale d’un modèle caractérise la finesse de la prévision dont il


est capable. La maille correspond à la taille de la grille de représentation ; ainsi
une maille de 0,25° correspond-elle à un point de calcul tous les 0,25° de latitude
(soit 15 milles nautiques). On parle de maille fine ou de haute résolution lorsque
la maille est inférieure à 10 km (0,1°). ◄

17. Le pas d’un modèle est l’intervalle de temps séparant deux états successifs
calculés. Un pas de 3 heures signifie que les prévisions sont espacées de
3 heures en 3 heures. ◄
18. Les différents services indiquent les heures de mise à jour des sorties de
modèles sur leurs sites, ou directement sur les logiciels de requête. ◄

19. Les cartes 925 hPa décrivent la topographie de la surface pour laquelle tous
les points sont à la même pression de 925 hPa, ce qui correspond à des altitudes
comprises entre 800 m et 1 000 m. Dans les masses d’air instables et
homogènes (comme les traînes dépressionnaires), les rafales sont les incursions
en surface du vent d’altitude (autour de 1 000 m) manipulé par les mouvements
turbulents. Le vent au niveau 925 hPa donne donc, dans ces conditions, une
bonne idée des rafales auxquelles il faut s’attendre. ◄

20. L’unité normalisée de pression est le pascal (Pa), qui correspond à une force
2
de 1 newton sur une surface de 1 m . La pression atmosphérique « normale »
étant de l’ordre de 101 325 Pa, on utilise l’hectopascal (hPa), ce qui a pour
avantage de simplifier l’écriture et de donner les mêmes valeurs que celles
obtenues dans l’ancienne unité, le millibar (mb). ◄

21. On distingue, parmi les cartes de pression en surface : les cartes


d’observations (ou cartes pointées) ; les cartes d’analyse, qui se présentent
comme un diagnostic de l’état de l’atmosphère, réalisé par les météorologues au
moyen des observations, des sorties de modèle, des photos satellite, etc. ; les
cartes de prévision, qui pronostiquent l’état futur de l’atmosphère. Elles peuvent
être brutes de sorties de modèles de prévision, ou être expertisées par un
prévisionniste. ◄

22. Un front est la trace au sol de la couche de transition (ou « surface frontale »)
entre deux masses d’air de caractéristiques différentes. ◄

23. La représentation de la pression sur une carte météorologique peut être


comparée à la représentation de l’altitude sur une carte géographique : les
isobares correspondent aux lignes de niveau, les anticyclones aux montagnes, les
dépressions aux cuvettes, les dorsales aux lignes de crêtes, les talwegs aux
vallées, les marais barométriques à des zones planes de moyenne altitude. ◄

24. La force de Coriolis s’énonce ainsi : toute particule en mouvement dans


l’hémisphère Nord est déviée vers sa droite (et vers sa gauche dans l’hémisphère
Sud). Proportionnelle à la vitesse de déplacement de la particule, cette force varie
avec le sinus de la latitude. Elle est nulle à l’équateur et maximale aux pôles. ◄

25. Pour prendre un exemple, un météogramme décrivant le vent prévu au cap


Corse peut s’avérer trompeur s’agissant des conditions à une dizaine de milles au
large. ◄

26. On appelle convection les mouvements verticaux internes à une masse d’air,
d’origine thermique (réchauffement du sol ou refroidissement de l’air en altitude)
ou mécanique (soulèvement par une pente, différence de rugosité). La convection
est responsable de la formation des cumulus, dont certains vont évoluer en
cumulonimbus, voire en orages. Ces mouvements de convection peuvent être
renforcés par les changements de phase de l’eau atmosphérique. ◄

27. Le processus de formation des nuages est réversible. Les mouvements


descendants (on dit subsidents) impliquent compression donc réchauffement et
évaporation des gouttelettes d’eau, c’est-à-dire dissipation des nuages. Le
phénomène de subsidence est à l’œuvre à grande échelle dans les anticyclones
(et leur ciel souvent clair) ou localement sous le vent des montagnes (effet de
foehn). ◄

28. L’étendue de la couverture nuageuse est notée en octas (ou « huitième du


ciel ») : une couverture de 8/8 correspond à un ciel complètement couvert, 4/8 à
un ciel à moitié couvert, et 0/8 à un ciel clair. ◄
29. Le voisinage des côtes, en ralentissant la progression des dépressions,
favorise le phénomène d’occlusion. ◄
30. Une baisse de pression supérieure à 1 hPa/heure pendant 6 heures, associée
à la succession nuageuse cirrus-cirrostratus-altostratus et à une rotation du vent
au sud annonce de manière probable l’arrivée d’une dépression. C’est un
encouragement sérieux à écouter les bulletins et à consulter les cartes. ◄

31. La traîne est la partie postérieure d’une perturbation, caractérisée par


l’alternance de nuages, d’éclaircies et d’averses et par les rafales de vent. On
parle souvent du « ciel de traîne ». ◄

32. Les systèmes peuvent ne pas être aussi nets, principalement en été : les
cirrus sont alors peu nombreux et éventuellement remplacés par des
cirrocumulus et des cirrostratus. Du fait de la convection induite par les
températures élevées, la tête et le corps de la dépression montrent des strato-
cumulus et des altocumulus à la place des altostratus et des stratus. Le front
froid est alors souvent peu marqué, et la traîne peu active. ◄

33. Les dépressions et anticyclones voisinent souvent. Il arrive même que les
perturbations amènent une partie de leur mauvais caractère dans le voisinage des
hautes pressions lorsqu’un front froid actif réussit à s’insérer dans l’anticyclone.

34. Lorsque les conditions aérologiques le permettent, on peut voir se développer


des cellules convectives s’arrangeant en super-cellules à durée de vie de
plusieurs heures et générant des orages très violents. C’est en particulier le cas
lorsque des directions de vent différentes à certains niveaux entretiennent la
cohabitation des mouvements ascendants et descendants. ◄

35. En France, les orages de chaleur peuvent toucher toutes les zones côtières
pendant les mois d’été (juin à septembre), avec une probabilité plus grande dans
le Sud-Ouest et en Méditerranée. Ils se développent principalement en fin de
soirée, lorsque la température du sol est la plus élevée. ◄

36. Au large, les orages se forment là où les contrastes entre masses d’air sont
importants : au voisinage des fronts froids, dans les zones d’occlusion, au-dessus
des courants marins chauds (par exemple sur le Gulf Stream) et dans des zones
particulières comme le pot au noir. ◄

37. L’acronyme CAPE signifie Convective Available Potential Energy : énergie


potentielle disponible dans la convection. Il traduit l’instabilité de la masse d’air,
et s’exprime en joule par kilo (j/kg). ◄

38. La température du point de rosée est la température à laquelle il faut refroidir


un volume d’air – sans changer sa pression ni son contenu en vapeur d’eau – pour
que la vapeur d’eau qu’il contient se condense.
Lorsque l’on refroidit une masse d’air humide jusqu’à cette valeur, sa vapeur
d’eau condense sous forme de gouttelettes de poids suffisamment faible pour
rester en suspension dans l’air et réduire la visibilité. C’est le brouillard. ◄

39. Les particules marines sont de microscopiques gouttelettes d’eau salée au


voisinage de l’interface air-eau, qui servent de noyaux de condensation sur
lesquels s’agrègent les aérosols présents dans l’air. ◄

40. En atmosphère standard, la température de l’air décroît avec l’altitude (et


avec l’éloignement du sol qui réchauffe l’air atmosphérique). Dans certaines
conditions, la température de l’air croît entre différents niveaux. On parle
d’inversion de température. L’inversion agit comme une barrière empêchant tout
mouvement vertical entre les deux couches. ◄
41. Notons une limite à l’interprétation des photos satellite : il est quasiment
impossible de différencier, depuis l’espace, des stratus bas quasiment posés au
sol et du brouillard. ◄

42. Le vent synoptique est le vent correspondant à la situation météorologique


générale, hors effets locaux. ◄

43. Nous appellerons côte basse une côte au relief peu notable et descendant en
pente douce vers la mer : côte des Charentes ou de Bretagne Sud (en dehors des
pointes élevées).
Une côte moyennement élevée présentera des reliefs notables, relativement
abrupts en bord de mer, mais assez bas pour que l’air puisse s’échapper par-
dessus : Normandie, Angleterre Sud, Côte d’Azur.
Une côte élevée est assez haute pour que l’air ne s’échappe que difficilement au-
dessus des reliefs : Corse, côte nord de l’Espagne. ◄

44. Les valeurs indiquées dans la suite de cet exposé sont des valeurs moyennes
qui devront être modulées. Les valeurs faibles correspondent à de l’air instable ou
à des vents forts. Les valeurs importantes correspondent à de l’air stable par vent
faible ou modéré. ◄

45. Une flotte importante de voiliers prenant un départ de régate se comporte


comme une barrière semi-dense, donc très efficace. À dix fois la hauteur des
mâts, il n’y a plus que 25 % du vent normal. Ces valeurs pourront être méditées
par les coureurs. ◄

46. Rappelons une fois encore que tous ces effets de site, s’ils sont nets et bien
marqués lorsque la stabilité de l’air est forte, deviennent plus faibles en situation
d’instabilité, lorsque le brassage vertical est plus important, ce qui se repère
notamment par la présence de nombreux cumulus. Lorsque l’air est stable, les
formations nuageuses éventuelles sont plutôt de type stratiforme (en couche). ◄
47. Une fois compris les effets de site, on est armé pour une étude réaliste du
champ de vent sur un plan d’eau quelconque : il suffit d’appliquer par morceaux
tout ce que nous avons étudié précédemment. On commence par décrire le trait
de côte et évaluer le type de relief auquel on a affaire. Là où la côte est rectiligne,
on applique les données relatives aux côtes rectilignes en tenant compte du
relief. On raccorde ensuite ces parties rectilignes en intégrant les effets de
pointes ou de baies. ◄

48. Au quotidien, on parle indifféremment de brise thermique, de brise de mer, ou


encore de brise diurne. Parfois, certains diront tout bonnement « le thermique »
ou « la brise ». ◄

49. La condition principale d’établissement de la brise de terre est un ciel peu


nuageux, permettant un refroidissement efficace par rayonnement dans la zone
côtière. Dans ce cas, elle se lève 3 à 4 heures après le coucher du soleil et
s’arrête 1 à 2 heures après le lever du soleil. Par ciel nocturne couvert, la brise de
terre restera faible. ◄

50. Les grains sont des cumulus qui ont grossi au point d’apporter des averses ou
des orages. Les cumulus les plus anodins ont une extension verticale faible
(quelques centaines de mètres) et un diamètre de l’ordre de la centaine de
mètres. Les plus puissants d’entre eux deviennent des cumulonimbus qui peuvent
s’étaler sur 10 km d’altitude et s’étendre sur plusieurs dizaines de kilomètres. Les
mouvements verticaux y sont intenses, et on pourra aller jusqu’à la grêle, et aux
rafales violentes avec tonnerre et éclairs. Plus un grain possède une extension
verticale importante, plus la modification du vent en surface est notable. ◄

51. Il arrive qu’exceptionnellement le vent au niveau du grain soit d’une direction


radicalement différente de celui qui souffle en surface, si bien que le déplacement
du grain semble erratique. Ce peut être le cas au voisinage de grains orageux ou
de grains importants, emportés par de forts vents d’altitude. ◄
52. La survente sous un grain est de l’ordre de 15 nœuds, elle peut atteindre
25 nœuds si le grain présente une forte extension verticale. Plus la base du nuage
est proche de la surface, plus la survente sera sévère. On retrouve le vieux dicton
« grain gris, grain de pluie, grain blanc, grain de vent ». ◄

53. Les côtes pyrénéennes du Roussillon, vers Port-Vendres, sont le lieu de vents
catabatiques fréquents. Dans un tout autre registre, des vents catabatiques
extrêmes se rencontrent sur les côtes de la Terre-Adélie. L’air très froid situé sur
le continent Antarctique (à 3 000 m d’altitude et à la température de – 60°) coule
vers la mer à des vitesses pouvant atteindre 150 nœuds ! ◄

54. Si les baromètres électroniques n’ont pas le charme de leurs prédécesseurs,


ils ont gagné en précision et en simplicité d’utilisation. Le baromètre devra être
étalonné, ce qui se fera au port en appelant une station météo, et au large par
comparaison avec une carte d’analyse. La station de référence doit fournir la
pression atmosphérique réduite au niveau de la mer. La correction est de
0,12 hPa par mètre d’altitude. ◄

55. Dans les pays chauds, et en navigation dans les alizés, le baromètre présente
des oscillations régulières d’amplitude de 2 à 3 hPa, appelées marée
barométrique, bien qu’elles n’aient rien à voir avec l’attraction des astres. Ces
oscillations dues aux différences diurnes de température sont un signe de
stabilité du beau temps. ◄

56. On parle de rues de nuages, ou encore de nuages alignés en rues en présence


d’altocumulus répartis en lignes séparées par des zones libres de nuages, les
claires. ◄

57. La houle, en se propageant loin de son aire génératrice, nous renseigne sur
l’action du vent qui lui a donné naissance. Ainsi, l’apparition d’une houle
anormalement haute ou anormalement longue au vu des conditions
météorologiques sur la zone est à prendre au sérieux et peut prévenir d’une
détérioration inattendue et importante du temps. En règle générale, une houle de
période de l’ordre de 8 secondes a été générée par des vents de l’ordre de
force 8, et une houle de période de 10 secondes a été générée par des vents de
l’ordre de force 10. ◄
58. Service hydrographique et océanographique de la Marine. ◄

59. Une dernière information du diagramme des sources, moins cruciale,


concerne l’identité de l’organisme qui a effectué les relevés. À côté ou en
complément des levés du SHOM, on pourra par exemple mentionner EDF (baie du
Mont-Saint-Michel), une municipalité (ville de Paimpol pour ce qui concerne son
port et son avant-port), ou encore d’autres services hydrographiques (Amirauté
britannique en Manche). ◄

60. L’ouvrage 1F du SHOM (L’hydrographie, les documents nautiques, leurs


imperfections et leur bon usage) est une lecture précieuse et édifiante, que tout
navigateur devrait connaître. Il est en téléchargement gratuit sur le site du SHOM.

61. Comme toujours, il s’agit de l’état de la réglementation à la date où cette


édition du Cours est rédigée. La réglementation 240 qui encadre ce type de
disposition est l’objet de révisions régulières. ◄

62. Certaines balises et bouées ne sont pas éclairées. Les bouées « aveugles »
portent cependant, dans la plupart des cas, une ou plusieurs bandes
réfléchissantes parfaitement visibles dans le faisceau d’un projecteur. Lorsque, en
approche d’un danger ou d’un chenal, on cherche à reconnaître une telle marque
sans feu, ne pas hésiter à balayer les environs avec une lampe torche un peu
puissante. Forme et couleurs du signal réfléchissant permettent d’identifier les
caractéristiques de la marque. Pour plus de détails, se référer notamment à
l’ouvrage 3C du SHOM. ◄

63. Il nous faut rappeler ici que les cartes papier récentes conviennent
parfaitement à la conversion vers la technologie raster. À l’inverse, dans les
régions du monde où il n’y a pas eu de relevés hydrographiques depuis plusieurs
décennies, il vaut mieux valider soi-même la pertinence de son positionnement.
Le point GPS confronté à un positionnement à l’aide d’amers sera le juge de paix.

64. Safety of life at sea : la première version de cette convention a été adaptée en
1914, en réponse au naufrage du Titanic. ◄

65. La capacité à zoomer/dézoomer conduit rapidement à perdre la notion


d’échelle de la carte. Pour s’affranchir de ce problème, certains logiciels
permettent d’afficher autour de son bateau un cercle de sécurité, dont l’utilisateur
peut paramétrer le rayon. Ce cercle de taille fixe donne en un coup d’œil la notion
de distance aux dangers, c’est un indicateur précieux pour le navigateur. ◄

66. Négliger la déclinaison est tentant, lorsque comme aujourd’hui sur les côtes
métropolitaines sa valeur voisine 1 ou 2°. Mais attention, les détails se cumulent
parfois pour faire des différences significatives. Ainsi, une déclinaison d’1°20’
additionnée à une déviation du compas de route de 3° dans le même sens
conduiront à corriger le cap de 4 ou 5°, ce qui n’est pas rien ! Par ailleurs, il n’en
va pas de même en tous lieux. À titre d’exemple, la déclinaison est actuellement
d’environ 9°W aux Açores, 4°W aux Canaries ou sur la côte sud d’Irlande, ou
encore 4°E à Athènes. ◄

67. Pour savoir si un voilier a besoin d’une courbe de déviation, il suffit de


comparer, dans différentes directions cardinales, le cap compas au compas de
relèvement, en prenant soin de bien tenir ce dernier à l’écart de toutes influences
parasites. S’il y a deux compas de route à bord, on répète la procédure pour
chacun d’entre eux sur la construction d’une courbe de déviation, se reporter au
chapitre « Maintenance » ►.

68. Surtout pas sur les échelles du haut et du bas de la carte : ce sont les échelles
des longitudes, elles donneraient des distances fausses ! ◄

69. Le terme « radionavigation » qualifie un système exploitant la propagation des


ondes radioélectriques pour déterminer la position d’un récepteur. ◄

70. Stricto sensu, le GPS est un système, et l’appareil qui l’utilise aux fins de
positionnement est un récepteur GPS. Dans la vie courante, on pourra par facilité
parler de « GPS » pour désigner l’appareil. Dans ces pages consacrées au
fonctionnement du GPS, on s’en tiendra le plus souvent à l’appellation
« récepteur », de façon à éviter tout malentendu. ◄

71. La géodésie est la science de la forme et de la dimension de la Terre, et de


son champ de pesanteur. ◄

72. Sur une carte papier, le système géodésique de référence est mentionné en
magenta, dans la marge supérieure. Cette information est répétée dans le
cartouche de la carte, assortie le cas échéant des corrections à apporter aux
positions GPS. ◄

73. Si plus de quatre satellites sont en vue, le récepteur sélectionne ceux qui
permettent d’obtenir le plus faible DOP. ◄

74. Chaque continent dispose de son système SBAS : le WAAS couvre le


continent nord-américain, l’EGNOS est coordonné par l’Agence spatiale
européenne, d’autres réseaux terrestres assurent la couverture de l’Inde, de la
Russie ou encore du Japon. ◄
75. On notera néanmoins que les différentes marques du secteur n’ont pas
adopté un protocole commun assurant l’interopérabilité. Au contraire, chacune
propose son propre protocole propriétaire, dérivé des standards interopérables
que sont le NMEA0183 ou le NMEA2000. Aussi, une fois le bateau équipé, il est
bien rare que l’on puisse ajouter un nouvel élément en provenance d’un nouveau
fournisseur. On se trouve captif de son fournisseur initial. ◄

76. S’il est un appareil électronique de positionnement qui ne tombe pas en


panne de batteries, c’est le GPS portable de secours, alimenté par piles. Sa place
est dans le container étanche (ou sac d’abandon, ou grab-bag pour les Anglais)…
accompagné d’un jeu de piles de rechange. ◄

77. Avec un GPS sans cartographie, saisir les coordonnées d’un waypoint est
relativement simple, les saisir avec une erreur l’est tout autant. Il est déconseillé
de faire confiance aux waypoints du GPS d’un voilier de location par exemple : il
n’y a aucun moyen de contrôler la fiabilité de ce qui est mémorisé dans l’appareil.
Tous ces points déjà renseignés dans la machine sont inexploitables.
De même, les revues nautiques spécialisées et les guides de navigation proposent
des waypoints pour des passages clés ou des atterrissages. Là encore, on doit
s’assurer sur la carte (papier ou électronique) de la pertinence de ces points avant
de les enregistrer dans son GPS. Et surtout ne jamais leur prêter une confiance
aveugle en les utilisant avec un GPS sans carte. ◄

78. « Deux fois la route, trois fois le temps, quatre fois la grogne » : c’est ainsi que
les anciens quantifiaient l’impact du louvoyage par rapport à la route directe. Les
voiliers d’aujourd’hui affichent des performances autrement flatteuses contre le
vent, et par mer maniable l’allure de près n’est pas forcément une punition. Mais
on gardera, de ce vieux dicton, la sagesse consistant à bien évaluer la durée d’une
navigation par vent contraire, et à revoir sa moyenne horaire (largement) à la
baisse. ◄

79. La renverse est ce moment où le courant de marée devient nul avant de


s’inverser. ◄
80. L’étale est la période au cours de laquelle la hauteur d’eau demeure
constante, à marée haute comme à marée basse. ◄

81. Une côte est dite accore, ou franche, lorsqu’elle plonge directement dans la
mer, et qu’elle n’est pas bordée d’écueils. ◄

82. Route fond : c’est la route effectivement suivie par le bateau sur la carte
(c’est-à-dire sur notre planète Terre). Sur les GPS et les centrales de navigation, la
route fond est sous l’acronyme COG (Course Over Ground). ◄

83. Route surface : c’est la route suivie par le bateau sur la surface de l’eau, qui
peut être mouvante s’il y a du courant. ◄

84. Cap : direction suivie par le voilier ; le cap vrai est défini par rapport au nord
géographique (le nord de la carte), le cap magnétique se réfère au nord
magnétique, et le cap compas au compas du navire. ◄

85. Sur l’interprétation des données de courant fournies par les cartes ou les
atlas de courants de marées, se reporter à la partie « Mettre au point son projet
de navigation » ►.

86. Lorsqu’on mentionne la direction d’un courant, il s’agit de la direction vers


laquelle il porte. On raisonne pour le courant à l’inverse du vent, pour lequel on
renseigne la direction depuis laquelle il souffle. ◄
87. Le flot, ou flux, ou montant, correspond au moment où la mer monte.
Lorsqu’elle descend, c’est le jusant (ou le reflux, ou encore le perdant). ◄
88. Le Dead Reckoning des navigateurs anglais est une estime extrêmement
simplifiée, où l’on ne tient compte que du cap suivi et de la vitesse. Reckoning
signifie littéralement calcul, et dead (mort) signifie que la position n’est qu’estimée
(les positions observées sont par opposition qualifiées de live par les
Britanniques). ◄

89. La déclinaison du Soleil représente, pour un jour et une heure donnés,


la latitude à laquelle le Soleil passe à la verticale. ◄

90. L’heure de référence est toujours celle du méridien de Greenwich. Elle est
abrégée en UTC (Universal Time Coordinated) ou GMT (Greenwich Meridian Time).
Dans les Éphémérides nautiques françaises éditées par le SHOM, elle est
mentionnée en UT (Universal Time, ou TU, temps universel). En France, l’heure
légale est de UT +1 en hiver et UT +2 en été. ◄

91. Les angles horaires se mesurent de 0° à 360°, depuis le méridien de


Greenwich vers l’ouest. Ainsi lorsque le Soleil passe à la verticale du méridien des
Seychelles par 55° Est, l’angle horaire du Soleil à Greenwich est de 305° (360° –
55°). ◄

92. La table VII fonctionne de 2 mètres en 2 mètres d’élévation de l’œil,


les corrections étant fournies pour 0 m de hauteur d’œil, puis 2 mètres, 4 mètres,
etc. Entre deux valeurs on interpolera directement. Ainsi à 3 mètres de hauteur
au-dessus de l’eau, situation souvent retrouvée lors d’une observation réalisée
debout contre le mât d’un voilier, on appliquera une moyenne des corrections
prévues pour 2 mètres et 4 mètres. ◄
93. Lors de ce calcul de la latitude à la méridienne, l’heure UTC a uniquement
servi pour déterminer la déclinaison. Celle-ci variant assez peu d’heure en heure,
une montre même très approximative suffit pour calculer la latitude méridienne
avec une bonne précision. Il en ira autrement pour une droite de hauteur. ◄

94. Longitude : distance angulaire d’un point du globe au méridien de Greenwich.


95. Pour simplifier les divisions par deux de mesures de temps impaires, on peut
transformer 1 heure en 60 minutes, et 1 minute en 60 secondes. Ici la somme de
H1 et H2 est 27 h 37 mn 06 s. On peut la convertir en 26 h 97 mn 06 secondes,
qui se convertissent en 26 h 96 mn 66 s. Il n’y a plus qu’à diviser des valeurs
paires pour obtenir 13 h 48 min 33 s. ◄

96. Lieu géométrique : en mathématiques, désigne un ensemble de points


vérifiant une même propriété. ◄

97. Pour retenir l’heure de la mesure, le navigateur relève d’abord à sa montre les
secondes, puis les minutes, puis les heures. En procédant à l’inverse, il prendrait
en effet du retard sur les secondes. La montre se règle sur l’heure exacte en
relevant un top horaire sur certaines fréquences radios (par ondes BLU au large),
par exemple RFI. ◄

98. Lorsque le calcul AHvo – longitude donne une valeur supérieure à 360°, on en
retranche 360°. Lorsqu’il fournit une valeur négative, on y ajoute 360°. Le résultat
final doit être compris entre 0° et 360°. ◄

99. Pour les interpolations de déclinaison difficiles à résoudre par le calcul


mental, on utilise les tables d’interpolations générales. Choisir le tableau
correspondant aux minutes après l’heure pleine, repérer la valeur « d » du jour
(variation horaire de la déclinaison), et identifier sur la même ligne la correction à
apporter. ◄

100. Double ration de rhum ! ◄

101. Certaines marques de balisage, phares, bouées, sont désormais équipées


d’émetteurs AIS. Il est aussi possible de créer des balises virtuelles, qui n’existent
que par leur signal AIS : ce peut être le cas, notamment, pour de nouvelles
épaves, en l’attente de la mise en place d’un balisage définitif. ◄

102. Un transpondeur AIS se doit d’être correctement configuré de façon à bien


fournir les caractéristiques du bateau sur lequel il est installé. Le numéro MMSI
(code d’identification à 9 chiffres propre au navire), le nom, mais aussi le type
(voilier par exemple), les dimensions… Ainsi, à la passerelle du cargo de
rencontre, l’homme de quart sait que nous sommes par exemple un voilier de
10 mètres, une information dont l’utilité ne prête pas à débat. ◄

103. Alidade : règle mobile autour d’un axe, servant à déterminer une direction
ou mesurer un angle. Les compas de route sont aussi munis d’une ou de plusieurs
alidades. ◄

104. Le pied de pilote est la marge de sécurité que prend le navigateur dans ses
calculs de hauteur d’eau. C’est le seul pied qui, dit-on, continue de grandir avec
l’expérience. ◄

105. Les Atlas des courants de marée du SHOM fournissent en début d’ouvrage un
diagramme d’interpolation très simple d’utilisation. ◄
106. Grib, pour GRIdded Binary (extension. grb) est le format standard de codage
et de compression des données météorologiques et océanographiques. ◄

107. À noter que certains logiciels intègrent le courant à un calcul de routage à


partir d’atlas numériques aussi bien que de fichiers Gribs. ◄

108. Règles de sécurité applicables à la navigation de plaisance en mer sur des


embarcations de longueur inférieure ou égale à 24 mètres. ◄

109. Si chacun y va de sa petite interprétation personnelle sur le cap tenu, la


vitesse, etc., les risques d’erreur sont multipliés par le nombre d’équipiers, et les
données sont irrémédiablement faussées. ◄

110. Sur les champs de vent numériques, leur origine, leur résolution et les
moyens de se les procurer, on se reportera au chapitre « Météo ». ◄

111. Les atlas de courants de marée sont en général inclus dans l’offre logicielle
(moyennant un supplément couvrant les droits de l’éditeur des données de
courant). Pour les zones non couvertes par les atlas, on peut trouver des fichiers
au format Grib décrivant les courants océaniques (produits par exemple par le
CMEMS ou le NOAA). ◄

112. Voir l’encadré sur les polaires au chapitre 1 du Cours ►.


113. Sur le marché des logiciels de routage, on trouvera aussi des applications
pour tablettes, rendant de véritables services, mais ne disposant pas forcément
de toutes les fonctionnalités des programmes conçus pour les ordinateurs. Elles
ne permettront pas forcément de mettre en œuvre toutes les opérations que nous
décrivons dans ce chapitre. ◄

114. En croisière, quelques heures de moteur bien placées peuvent permettre de


diminuer sérieusement le temps de traversée. Le routage mixte consiste à
calculer une route pour laquelle on avancera au moteur, à une vitesse constante
déterminée, dès lors que la vitesse à la voile tombe en dessous d’une valeur
choisie. ◄

115. Les courants de marée et les courants océaniques peuvent avoir une
influence importante sur la trajectoire optimale. Les meilleurs logiciels tiennent
compte à la fois de « l’effet tapis roulant » (modification de la route surface) et de
la modification du vent géographique par le courant. ◄

116. Sur la façon de suivre l’évolution du temps prévu à partir des observations
faites à bord, voir dans le chapitre « Météo » la partie « Observer et prévoir » ►.

SÉCURITÉ
Naviguer, c’est prévoir
L’homme à la mer
Les pathologies et les blessures courantes à bord
Les accidents matériels et les avaries
L’assistance extérieure
Embarquer sur un radeau de survie
a sécurité a toujours été un maître mot et une

L préoccupation centrale des Glénans. Elle est présente


en filigrane à chacune des pages de ce Cours.
Appareiller sereinement, porter la toile du temps,
régler son bateau pour qu’il progresse sans efforts inutiles,
prendre et comprendre la météo, tracer et suivre sa route à
l’écart des dangers, calculer sa hauteur d’eau et tenir compte
des courants, être capable d’entretenir son voilier et de faire
face aux pannes et avaries courantes : savoir naviguer
« propre », c’est évidemment savoir naviguer sûr.
Et pourtant la question mérite qu’on lui consacre un
chapitre à part entière, car il est des circonstances
particulières auxquelles il faut être en mesure d’apporter des
réponses spécifiques. Le pire étant toujours possible, il faut
savoir non seulement s’en prémunir, mais aussi être capable
d’y faire face. Il est sage, et pour tout dire indispensable,
d’avoir envisagé par avance toutes les situations difficiles, d’y
avoir sensibilisé son équipage et de s’être préparé à les
affronter par l’apprentissage – et la révision régulière – d’une
série de procédures.
Ces pages dédiées à la sécurité se veulent avant tout
pratiques et pédagogiques. Le lecteur y trouvera : un rappel
des règles de sécurité en voile légère et un aide-mémoire
résumant les points que doit aborder le chef de bord lorsqu’il
accueille son équipage ; la méthode de récupération d’un
homme tombé à la mer ; les gestes de secourisme praticables
en mer, ainsi que les procédures de consultation médicale à
distance, la façon de gérer les principaux accidents matériels,
et l’organisation d’un remorquage ; les moyens d’obtenir une
assistance et, dans les cas les plus extrêmes, de se préparer à
l’abandon et l’évacuation du voilier.
L e meilleur moyen de se prémunir d’un accident, c’est d’avoir
conscience de son éventualité avant qu’il n’apparaisse. Les
situations les plus délicates à résoudre sont celles auxquelles on n’a pas
songé avant de prendre la mer. Bien entendu, nul ne sait ce qu’il
adviendra réellement, mais avoir connaissance des principaux facteurs
de risque (incendie, voie d’eau, homme à la mer…) et savoir mesurer le
niveau de gravité associé permet d’agir avec efficacité le moment venu.
Sans parvenir à prévenir tous les problèmes, la préparation permettra
tout au moins de limiter les spirales infernales qui se déclenchent
fréquemment lorsqu’un accident se produit. Se prémunir d’un péril, c’est
être capable d’identifier les zones à risque dès son arrivée à bord (les
passe-coques par exemple, qui peuvent être le lieu d’une voie d’eau) et
s’assurer d’avoir à bord un moyen de lutte opérationnel en cas d’incident
(en l’occurrence des pinoches 1 de diamètres adaptés). C’est aussi avoir
défini des procédures permettant de faire face aux accidents (au premier
rang desquels l’homme à la mer) et y avoir formé l’équipage.
L’objectif de ce chapitre est de sensibiliser l’équipier ou le chef de
bord aux dangers éventuellement encourus à bord d’un voilier. Les
conseils de préparation ou de gestion de ces risques sont le fruit de
l’expérience des Glénans. Ils ne se prétendent pas exhaustifs mais se
veulent une base fondamentale de connaissances et de pratiques.

NAVIGUER, C’EST PRÉVOIR


L’analyse des accidents de mer montre qu’ils sont en général le fruit
d’une accumulation d’erreurs et d’oublis des bonnes pratiques, qui, pris
isolément, n’auraient pas forcément des conséquences aussi fâcheuses.
La sécurité en mer, c’est en effet d’abord le respect de principes qui
permettent d’éviter l’accident.
Rappelons ici quelques règles de base.
Naviguer en sécurité, c’est bien sûr et avant tout partir sur un bateau
en bon état. Mais il faut aussi savoir le surveiller, l’entretenir et disposer
d’un équipage dont les compétences, l’état physique et psychologique, la
résistance au mal de mer, l’entente, permettent de mener jusqu’au bout
la navigation prévue. En croisière, la capacité à préparer sa navigation, à
la suivre (savoir où l’on est, repérer les amers, surveiller sa route,
anticiper la route à venir, entretenir l’estime, tenir à jour le livre de bord,
etc.), à la remettre en cause s’il le faut, voire à s’arrêter en cas de doute,
est également essentielle. En voile légère, il faut savoir fixer un périmètre
de navigation et s’y tenir. Veiller scrupuleusement à ces principes et être
suffisamment réactif pour éviter qu’une situation ne se dégrade, telles
sont (avec l’assurance d’une bonne couverture météo) les premières clés
de la sécurité en mer.
Cependant, et même quand ces principes sont respectés, toute
navigation comporte des risques qu’il importe de connaître et
d’apprendre à évaluer, tout d’abord et principalement pour les prévenir,
mais aussi pour être capable de réagir correctement s’ils surviennent.

MIEUX VAUT PRÉVENIR QUE GUÉRIR


Tout faire pour réduire les risques doit être la première préoccupation
de toute navigation. Aussi les pages qui suivent s’attachent-elles à
décrire les principaux aléas (homme à la mer, voie d’eau, incendie,
abordages, échouement, blessures…) que l’on est susceptible de
rencontrer au cours d’une navigation et les moyens de s’en prémunir.
Mais la connaissance des dangers potentiels n’est pas tout, et le
marin doit également se souvenir qu’une bonne prévention n’est
vraiment complète qu’une fois admise l’idée que l’improbable lui aussi
est susceptible d’advenir et qu’il faut donc s’y préparer…

CONNAÎTRE ET SAVOIR UTILISER LE MATÉRIEL DE SÉCURITÉ


D’une manière générale, chaque membre de l’équipage doit connaître
le matériel de sécurité et son mode d’emploi. Les lui présenter lorsqu’il
embarque est donc la première tâche du chef de bord. L’inventaire
minutieux et la mise en commun du matériel disponible à bord sont
préconisés avant de prendre la mer. Il sera d’autant plus aisé pour
chacun des équipiers de réagir rapidement le moment venu.
Accidents corporels, blessures, maladies sont toujours possibles sur
un bateau. Personne ne pouvant ni ne devant s’improviser médecin, il est
très souhaitable de disposer à bord de moyens de communication
permettant d’obtenir une assistance médicale. Par ailleurs, et en
particulier si une croisière comporte de longues étapes, l’équipage doit
compter une ou plusieurs personnes ayant suivi une formation aux
gestes de premiers secours. Les centres habilités par la Fédération
française de voile dispensent les enseignements du PS Mer (voir
encadré ►), brevet de secouriste adapté aux problématiques spécifiques
au milieu marin.

DISPOSER D’UN ANGE GARDIEN


Toute sortie en mer, quelles que soient sa durée et l’expérience du
chef de bord et de son équipage, a besoin d’un ange gardien. Ce
personnage tutélaire, qui reste à terre, connaît le programme de
navigation du bateau et sait prévenir les secours en cas d’anomalie
manifeste (par VHF sur le canal 16, par téléphone en appelant le 196) :
par exemple, en tenant compte de la situation météo, s’il n’a pas de
nouvelles au moment convenu. L’ange gardien doit donc disposer de
quelques connaissances en météo et savoir analyser une situation pour
être capable d’estimer si un retard est « normal » (quand il y a un calme
plat ou quand le vent change de direction et contraint le voilier à de longs
bords de près).
Dans le même ordre d’idées, les équipages de croisière informent la
capitainerie de leur heure de départ et de leur destination pour que les
secours éventuels puissent se faire une idée relativement précise de la
zone de recherche quand le bateau ne donne aucune nouvelle. Pour une
traversée au long cours, il est recommandé de prévenir de son parcours
et de la composition de son équipage le CROSS Gris-Nez, en charge du
suivi des bateaux français et de la coordination avec les organismes de
secours étrangers.

LES BALISES DE GÉOLOCALISATION


Des balises, dites de géolocalisation, permettent de suivre le parcours d’une
personne ou d’un voilier sur Internet. Il s’agit de tout autre chose que les balises de
détresse (répertoriées par les organismes de secours et se déclenchant
manuellement ou automatiquement). La balise de géolocalisation émet en
permanence mais peut tomber en panne – panne qu’on ne doit pas considérer
comme un signe de détresse.

ÉVALUER SES CAPACITÉS


Une visite médicale est recommandée avant de se lancer dans une
pratique nautique ou dans une grande traversée – cette dernière
réclamant en outre une visite de contrôle chez le dentiste : gare aux
caries en pleine mer.
LA SÉCURITÉ EN VOILE LÉGÈRE
En voile légère, on navigue en contact étroit avec les éléments, et cette
affirmation prend tout son sens en cas de chavirage. La première précaution est
de s’habiller en conséquence.
Une deuxième règle de prévention consiste à savoir redresser son bateau : il
faut s’y être entraîné, à l’occasion de sorties par conditions maniables.

Avant le départ
– Prévenir une personne de la sortie et de l’heure de retour envisagée. S’il
n’est pas contacté au retour, l’ange gardien pourra alerter les secours.
– Connaître les spécificités du plan d’eau et en particulier ses dangers.
Identifier les lieux d’accostage possibles en cas d’impossibilité de revenir au point
de départ.
– S’être renseigné sur les zones de fort courant, ainsi que, le cas échéant, sur
les heures de marée.
– Prendre les prévisions météo locales et observer le plan d’eau, car après
tout dans « prévisions météo », il y a le mot prévision, pas le mot garantie.
– Être en forme physique correcte, s’échauffer un minimum.
– S’habiller en fonction des conditions et protéger ses extrémités. Sur les
bateaux munis d’un trapèze, porter toujours la ceinture ad hoc. Porter la brassière
au-dessus de tout l’équipement.
– Vérifier l’état du bateau et de l’équipement de sécurité : bouchon(s) de nable
fermé(s), bout de remorquage en place et en plus, pour les catamarans : pagaie et
dispositif de redressement fixé et accessible. En 2015, la réglementation a imposé
la présence à bord, ou fixé à chaque gilet, d’un moyen de repérage lumineux.
– Facultatif, mais déterminant en cas d’accident : emporter un moyen de
communication (radio VHF, téléphone portable) étanche ou stocké dans une
pochette étanche. Vérifier son bon fonctionnement ainsi que le niveau des
batteries !
– Ne pas oublier de prendre de l’eau et de quoi grignoter. Tout ceci étant bien
entendu sécurisé pour éviter de finir à l’eau au premier dessalage.
Pendant la navigation
– Surveiller l’évolution de la météo et, en cas de dégradation, ne pas hésiter à
rentrer à terre.
– Observer le plan d’eau en permanence, attention à ce que les voiles nous
cachent ! Adapter sa vitesse à la situation.
– En cas de dessalage ou d’autres problèmes, ne pas quitter le bateau.
– En fonction de l’état physique de l’équipage, ne pas hésiter à s’hydrater,
grignoter, faire des pauses, et si nécessaire écourter la sortie.

Au retour
– Pour revenir à terre, choisir l’endroit où il y a le moins de ressac. Anticiper la
trajectoire d’arrivée, car au moment d’aborder la plage il est trop tard pour
réfléchir.
– Arrêter complètement le bateau avant de débarquer et, surtout, descendre
au vent de celui-ci.
– Avertir l’ange gardien de son retour.
– Réfléchir à cette navigation et en tirer des idées pour la prochaine, en
particulier si on a eu des difficultés.
LE BRIEFING SÉCURITÉ EN CROISIÈRE
Les informations nécessaires à la sécurité de tous doivent être connues de
chacun avant même qu’on ait quitté le port. Le meilleur moyen de faire passer les
bons messages étant d’organiser un authentique briefing. Ce topo sera d’autant
plus pertinent et efficace que le chef de bord l’aura préparé et structuré, et que le
discours s’accompagnera du geste.

Le pont et les déplacements


Présenter et expliquer :
– Les dangers du pont : palans, chariots, bôme, hublots, panneaux de pont.
– Les précautions d’utilisation des taquets, des winchs, du gréement courant :
les bons gestes, les postures adéquates, les vérifications préalables.
– Les règles de déplacement : « Une main pour soi, une main pour le bateau » ;
port de chaussures adaptées, du gilet de sécurité, du harnais ; utilisation des
lignes de vie.

Voies d’eau, incendie, évacuation


Présenter et expliquer :
– Les risques liés aux orifices de la coque et leurs emplacements, les
consignes d’utilisation des vannes, des passe-coques et des pinoches.
– Les causes possibles d’incendie et les consignes de prévention ; les points
dangereux du bord ; les moyens de lutte contre l’incendie, leur emplacement et la
façon de les utiliser.
– Le radeau de survie, son emplacement, les principes de sa mise en service,
les grandes lignes de l’organisation d’un abandon du bord.

La communication
Présenter et expliquer :
– Les particularités de la communication à bord, le rôle du livre de bord
(rappeler qu’un équipier doit consulter les consignes qu’il contient avant de
prendre son quart).
– Les moyens de communication avec l’extérieur : faire une démonstration
d’utilisation de la VHF, simuler une demande d’assistance ; présenter les différents
types de signaux de détresse et la façon de les utiliser. Informer l’équipage de
l’organisation et du fonctionnement des secours en mer.

L’homme à la mer
– Rappeler la permanence du risque et expliquer la gravité de l’accident.
– Présenter le plan d’action pour l’homme à la mer et prévoir un entraînement
au début de la navigation.
– Présenter les commandes pour démarrer le moteur.
– Insister sur la nécessité de porter gilet et harnais frappés aux lignes de vie.
Présenter et expliquer le fonctionnement des gilets. En attribuer un à chaque
équipier, qui le règle à sa taille. Les contrôler en commun (état de l’enveloppe et
du poumon, témoin du système de gonflage et, le cas échéant, date de
péremption, présence du sifflet, déclenchement de la flash-light).
– Expliquer le rôle des dispositifs de repérage et de récupération de l’homme à
la mer (bouée couronne, perche IOR…) et montrer leur utilisation.
– Rappeler qu’il faut manipuler avec prudence une personne que l’on remonte
à bord.
L’HOMME À LA MER
Perdre un homme à la mer est le plus tragique des événements qui
puissent se produire à bord d’un voilier, et son chef de bord doit
constamment avoir ce risque à l’esprit. Les mesures de prévention – au
premier rang desquelles le fait de s’attacher au bateau dès que les
circonstances l’exigent – sont indispensables, mais il faut aussi que
l’équipage soit formé à la récupération d’une personne à l’eau : c’est le
type même de procédure qui doit être décrite en début de croisière lors
du topo sécurité, et qu’il est bon de répéter régulièrement, et pas
seulement par beau temps, en jetant à la mer une défense lestée d’un
seau. Ces entraînements développeront des réflexes indispensables au
succès de l’opération, le moment venu.

PRÉVENIR LA CHUTE D’UN ÉQUIPIER À LA MER

Équiper le bateau
Un bateau sûr dispose de mains courantes judicieusement placées,
d’antidérapant sur les surfaces glissantes, de cale-pieds, de filets sur les
filières avant lorsqu’il y a des enfants à bord, d’accroches dans le cockpit
et de lignes de vie en sangle (la sangle ne roule pas sous les pieds).
L’équipement de base pour la récupération d’un homme à la mer,
composé d’un dispositif flottant type bouée fer à cheval ou Sylzig 2 muni
d’un système d’éclairage, mérite d’être assorti d’une ligne de jet et d’une
perche de repérage 3.
Équiper les équipiers
Les chaussures antidérapantes, le harnais et le gilet (idéalement
autogonflant) sont de rigueur, ainsi que les moyens de repérage sonores,
lumineux, voire radioélectriques. Le sifflet est obligatoirement fixé à
demeure au gilet. Une quinzaine de moyens lumineux individuels sont
disponibles, depuis la lampe stroboscopique (flash-light) jusqu’au bâton
type Cyalume, en passant par toutes sortes de lampes torches ou
frontales. L’immense avantage de la flash-light solidaire du gilet de
sauvetage est qu’elle se déclenche automatiquement en cas
d’immersion. Outre les équipements indispensables précités, on
signalera à titre optionnel la balise individuelle (AIS ou Cospas-Sarsat ►),
on encore le bracelet électronique déclenchant une alerte sonore lorsque
son porteur se retrouve éloigné du bateau.

Se protéger
En solitaire bien sûr, mais aussi avec équipage peu expérimenté, un
chef de bord tombant à la mer est pratiquement condamné. C’est donc
autant pour donner l’exemple que pour sa propre sécurité qu’il porte son
gilet et qu’il s’attache. « Si je tombais à l’eau maintenant, mon équipage
serait-il en mesure de me récupérer ? » Dès qu’il a le moindre
commencement de doute sur la réponse, le chef de bord amarre sa longe
à la ligne de vie. Et dès qu’il n’est pas certain que son équipage, sous sa
direction, soit capable de revenir sur un homme à la mer et de le
remonter à bord, dès que cette manœuvre lui semble présenter un
semblant de difficulté (sous spi par vent frais, par exemple), son devoir
est d’exiger de tous les équipiers qu’ils s’attachent 4.
« Gilet et harnais portés de nuit, sous spi, au premier ris et pour aller
faire pipi. » Les passionnés d’alphabet parlent de « règle des quatre i »…
La nuit, un homme tombé à l’eau sera totalement invisible sans éclairage
individuel, difficile à repérer s’il en a un ; si l’on a pris un ris, c’est que les
conditions sont plus difficiles ; pour le reste… dès qu’on se tient debout
sur le pont, le danger guette… Cette règle des quatre « i » est donc
judicieuse, mais la mesure la plus sage, c’est encore de porter le gilet
muni de sa longe dès qu’on passe le capot de descente et qu’on se
trouve à l’extérieur. On peut aussi éliminer une fois pour toutes le danger
inhérent au pipi dans le balcon arrière en imposant l’utilisation
systématique des toilettes du bord.

Un gilet automatique. Il est muni de sangles sous-cutales, et d’une double longe. Il


est marqué au nom du bateau, et numéroté. En début de croisière, chaque équipier
règle le sien à sa taille.
FORMER L’ÉQUIPAGE
Tout équipier doit savoir utiliser, sur ordre du chef de bord, la VHF
pour un MAYDAY, en précisant la position de l’accident (et appuyer sur la
touche « Distress » s’il s’agit d’une VHF ASN). L’équipage doit connaître
avant l’appareillage la conduite à tenir si quelqu’un tombe à l’eau.
Chacun doit savoir où se trouve le matériel nécessaire et comment s’en
servir. La fonction MOB (Man Over Board) du GPS et son fonctionnement
doivent être connus de tous.
L’expérience et l’entraînement à la manœuvre de l’homme à la mer
sont indispensables, non seulement dans plusieurs conditions de vent ou
de mer, mais avec ce voilier-là et cet équipage-là ! Des séances pratiques
organisées par surprise permettent de vérifier le matériel et la méthode.
Au cours d’un exercice, on commet toujours quelques erreurs : avoir
identifié ses faiblesses éventuelles pourra représenter un atout crucial, le
moment venu.
L’équipier tombé à l’eau sera d’autant plus rassuré et il coopèrera
d’autant mieux à son sauvetage qu’il aura appris la conduite à tenir et
aura confiance dans un équipage dont il comprendra les gestes et la
stratégie. Tomber à la mer est en effet un traumatisme psychologique
susceptible d’inhiber l’instinct de survie, et certains équipiers totalement
passifs ne font rien pour se tirer d’affaire.

LE CHOIX D’UNE MÉTHODE DE RÉCUPÉRATION DE L’HOMME À LA MER


Différentes procédures de récupération de l’homme à la mer sont
décrites et enseignées, il en est de très pertinentes et de moins
convaincantes, notre propos ne sera pas ici de les passer en revue ni de
les critiquer. Une bonne méthode de récupération de l’homme à la mer
est celle qui a fait ses preuves, dont on s’est imprégné en la testant,
qu’on sait pouvoir mettre en œuvre en toutes circonstances. Aux
Glénans, il s’agit de la procédure Quick Stop (pour arrêt rapide), que
nous avons officiellement reprise à notre compte et adaptée en 2008.
Mise au point aux États-Unis en 1987, elle a fait l’objet d’une évaluation
poussée en 2005 lors d’un Crewoverboard Rescue Symposium, en baie de
San Francisco. Après plus de 400 tests sur 15 types de navires, avec des
équipements différents et dans des conditions de mer et de vents
variées, elle a été jugée comme l’une des plus efficaces pour les voiliers
monocoques à déplacement modéré (de 9 à 13 mètres).

Les objectifs de la manœuvre


Selon les conditions météorologiques et en particulier l’état de la
mer, le risque de perdre de vue une personne tombée à l’eau est loin
d’être négligeable. Le niveau de stress de l’équipage s’en trouve décuplé,
la manœuvre devient plus aléatoire et les chances de récupération
beaucoup plus faibles. La priorité absolue consiste donc à maintenir le
contact, visuel et oral avec l’homme à la mer. La seconde urgence, c’est
évidemment de rétablir un lien physique entre la victime et le bateau.

Les caractéristiques structurantes de la méthode


Quick Stop
La Quick Stop permet dans un premier temps de réduire
immédiatement la vitesse du navire. La distance entre le navire et
l’homme à la mer reste toujours faible, ce qui permet de garder ce
dernier à vue du début à la fin de la manœuvre. Quelle que soit l’allure
initiale du navire, la Quick Stop pourra être exécutée dans des conditions
de sécurité, comme cela a pu être vérifié au cours de nombreux tests par
mer forte et plus de 30 nœuds de vent. L’empannage prévu dans la
procédure est totalement contrôlé, en écartant tout risque de balayage
de la bôme. Un équipage bien entraîné l’exécute en un laps de temps
compris entre 2 et 5 minutes. Son appropriation est aisée. Enfin,
l’approche du navire s’effectue systématiquement sous le vent du
naufragé, ce qui limite la menace de l’étrave à son encontre, et évite que
le bateau passe sur lui en dérivant.

Les prérequis fondamentaux à la manœuvre


Concevoir cette bonne trajectoire finale suppose de connaître les
réactions de son bateau, de bien savoir s’orienter par rapport au vent,
d’être capable de dessiner mentalement la ligne perpendiculaire au vent
passant par l’homme à la mer. Cette représentation du plan d’eau doit
être présente à l’esprit du chef de bord tout au long de la manœuvre. À
chaque étape de la procédure, il devra être en capacité de se positionner
selon ce schéma pour sécuriser l’approche finale sous le vent de
l’homme à la mer. Il va de soi que la voilure doit être adaptée aux
conditions météorologiques. Le moteur doit par ailleurs pouvoir être
démarré en urgence. C’est la raison pour laquelle, aux Glénans, la vanne
de refroidissement eau de mer du moteur demeure ouverte en
permanence en navigation.

LA QUICK STOP EN DÉTAIL

Les dix étapes de la manœuvre


1. « Un homme à la mer ! »
Le premier réflexe est d’alerter l’équipage en annonçant à haute et
intelligible voix « Un homme à la mer ! » Le chef de bord doit s’attendre à
devoir canaliser un climat de stress au sein de l’équipage. Une
communication claire et de nombreux entraînements assureront un
meilleur succès de la manœuvre. Sans attendre, le barreur lofe.
2. Remontée au vent
Le barreur amène rapidement le navire face au vent. La perche de
repérage est déployée et jetée à l’eau sans délai (à défaut, on lance la
bouée fer à cheval). Un équipier pointeur ne quitte pas l’homme à la mer
des yeux et le montre du doigt, bras tendu. Si le bateau est équipé d’un
GPS muni d’une fonction MOB (Man Over Board), celle-ci est activée dès
que possible 5. La difficulté de cette étape consiste à engager un lof
rapide et contrôlé pour venir face au vent, mais sans virer de bord pour
l’instant. Le chef de bord remplace le barreur le plus tôt possible,
poursuit l’auloffée et annonce distinctement : « Je remonte face au
vent. »
3. Bout au vent
Après s’être assuré qu’aucun bout ne traîne dans l’eau, le moteur est
démarré et embrayé. Le foc porte à contre, et la grand-voile est bordée
dans l’axe, chariot centré. Le barreur maintient le bateau face au vent en
s’aidant du moteur. Les brassières sont capelées, tout le monde
s’attache, afin d’éviter le sur-accident. Le pointeur ne quitte toujours pas
des yeux l’homme à la mer, il continue de le montrer, et n’abandonnera
pas sa tâche tant que le naufragé n’aura pas été récupéré. C’est
important pour la réussite de la manœuvre, et encore plus important
pour la victime… « Il me voit, il me montre, ils manœuvrent, ils vont me
sauver, je tiens bon. »
4. Virement de bord
Parvenu à environ 3 longueurs au vent du naufragé, le barreur force le
navire à virer de bord, sans toucher aux écoutes et en s’aidant du
moteur, pour l’amener au vent de travers. Il l’annonce clairement à son
équipage : « Je passe au travers. » La manœuvre doit être franche avec
un changement de cap de 90°, afin de bien séquencer la manœuvre. Si
nécessaire, le drapeau de la perche de repérage aide à identifier la
direction du vent réel. À défaut, on mobilise ses sens habituels… et on
observe sa girouette.
5. Vent de travers
Depuis sa position au vent de l’homme à la mer, le barreur maintient
sa route vent de travers au moteur pendant 2 à 3 longueurs. Il annonce
l’évolution du navire sur le plan d’eau à son équipage : « Au vent de
l’homme à la mer », « Une longueur », « Deux longueurs et demie ». Le foc
bordé à contre tend à faire abattre le navire, l’usage renforcé du moteur
peut s’avérer nécessaire pour maintenir le cap.
Les dix étapes de la procédure Quick Stop. Les conditions de mer et la réactivité
de l’équipage pourront conduire à réévaluer les distances préconisées.

6. Vent arrière
Le barreur vient au vent arrière et l’annonce à son équipage : « Je
passe vent arrière. » Une fois encore, la manœuvre doit être franche, le
changement de cap de 90°. Les voiles demeurent bordées. Le moteur est
ralenti ou débrayé, de façon à modérer la vitesse. Le barreur affine sa
trajectoire pour passer à 2 ou 3 longueurs par le travers de l’homme à la
mer.
7. Affalage du foc
La voile d’avant est immédiatement affalée ou roulée, tandis qu’un
équipier prépare le dispositif de rétablissement du lien et de remontée à
bord. Plein vent arrière, le bateau pourra empanner de lui-même à une ou
plusieurs reprises mais la grand-voile étant bordée dans l’axe, la bôme ne
représente pas un danger.
8. Empannage
Dès que la voile d’avant est affalée ou roulée, le barreur empanne
sans altérer notablement sa trajectoire (si la grand-voile a empanné
seule, il s’assure de bien être sous la bonne amure avant l’étape suivante,
qui sera celle de la remontée au vent vers le naufragé). En continuant
d’évaluer la distance avec l’homme à la mer, le barreur envisage la
trajectoire finale d’approche.
9. Trajectoire finale
À partir du travers du naufragé, la grand-voile est choquée en grand,
non sans avoir prévenu l’équipage. Le hale-bas est choqué et la bôme
« mâtée » (« apiquée », dressée vers le haut) avec la balancine, ce qui
achève si nécessaire de déventer la grand-voile et réduit le danger de
faucher un équipier. En s’aidant au moteur, le barreur suit une trajectoire
progressivement arrondie et lofe pour approcher au bon plein la tangente
du cercle de sécurité 6 autour du naufragé. Il annonce : « Je remonte
vers l’homme à la mer. » Une vigilance toute particulière doit être portée
à la vitesse et à la trajectoire du navire, qui après le choqué de grand-
voile tend dans un premier temps à accélérer. Un retour trop direct ne
permettra pas d’approcher lentement.
10. Récupération
Le barreur régule la vitesse au moteur et s’arrête lorsque la victime
est au niveau de la plage avant, à la distance déterminée par le cercle de
sécurité. Depuis la plage avant, un équipier lance la ligne de jet
permettant de rétablir le lien avec le naufragé et de le remonter à bord : il
vise un point situé au vent – et au-delà – de l’homme à la mer. Une des
difficultés pour le barreur est de maintenir l’orientation à 40° du vent, de
façon à se prémunir de tout risque de virement de bord incontrôlé. Une
fois le lien physique établi, c’est-à-dire lorsque l’homme à la mer a fixé le
dispositif de récupération à l’anneau ventral de son gilet (ou à la sangle
de hissage selon les modèles), le moteur est débrayé et la grand-voile
affalée. La manette des gaz reste sous contrôle, pour éviter que par
accident le moteur ne soit embrayé alors que le naufragé est proche du
bateau.

LE PLAN B
Le temps de réaction a été trop long, la manœuvre mal séquencée, voilà le
bateau arrêté trop loin de l’homme à la mer pour pouvoir l’atteindre avec la ligne de
jet. Si l’on n’a pas récupéré le naufragé en quelques minutes, un équipier, sur ordre
du chef de bord, lance un MAYDAY. On communiquera la position et l’heure de
l’accident (éventuellement relevées à l’aide de la touche MOB du GPS). Que les
tentatives suivantes aboutissent ou échouent, on tiendra les secours informés de
l’évolution de la situation.
Il va falloir manœuvrer de nouveau pour s’approcher de la victime au bon plein,
allure qui permettra de maîtriser la vitesse et d’arrêter le bateau à son approche.
L’équipier pointeur ne lâche toujours pas le naufragé des yeux et le montre. On
procède un peu comme pour une prise de coffre ►. Depuis la position de l’échec,
survenu a priori dans les parages du naufragé, on s’éloigne au largue (120° du vent).
On est déjà au moteur et sous grand-voile seule, et on ne change rien. Lorsqu’on est
éloigné à 5 ou 6 longueurs, on vire de façon à revenir au bon plein (60° du vent).
Pour être sûr de ne pas arriver trop haut et trop abattu, on recoupe son sillage avant
de lofer. Puis on reprend l’étape numéro 10 de la procédure Quick Stop, grand-voile
choquée, et vitesse contrôlée au moteur. L’équipier « pointeur » renseigne
régulièrement le barreur sur la distance qui le sépare de l’homme à la mer (en
longueurs de bateau) et la direction (en angles horaires : 9 heures = par le travers
bâbord, 10 heures = sur l’avant du travers bâbord, etc.)

POUR RÉUSSIR LA QUICK STOP

Prendre les vagues en compte


Les vagues ne sont pas toujours orientées comme le vent. Dans
l’approche finale, on est grosso modo confronté à deux situations : face à
la lame, ou travers à la lame. Dans le premier cas, le bateau avance
laborieusement, il « plante des pieux » : on élargira le cercle de sécurité
pour ne pas faire retomber l’étrave sur le malheureux. Travers à la lame,
le bateau roule d’un bord sur l’autre et le passage de chaque vague a
tendance à l’écarter sous le vent du naufragé : on resserrera la distance.
S’organiser et communiquer
Quand on a crié « Un homme à la mer ! », tout le monde est monté sur
le pont, chaque équipier a capelé son gilet muni de sa longe (un seul
homme à la mer, c’est bien suffisant). Le chef de bord commande la
manœuvre, et comme c’est lui a priori qui est le plus expérimenté et qui
connaît le mieux les réactions de son bateau, il s’empare de la barre le
plus tôt possible. Au fil de la procédure, il annonce à voix haute chacune
de ses actions, mais aussi ses repères : « Je lofe jusqu’au près… pour
virer et abattre dans la foulée. » « J’abats au grand largue, pour lofer
ensuite et virer de bord. » « J’ai trop de vitesse, je veux ralentir. » Ainsi
personne n’est pris au dépourvu, les équipiers sont en mesure d’anticiper
et accompagner les évolutions du bateau.
Quand on arrive à côté de l’homme à la mer, il faut aussi entrer en
communication avec lui, lui annoncer les intentions de l’équipage. Même
quand le vent et la mer couvrent les voix, il faut pouvoir se comprendre.
Lorsque, dans l’approche finale, l’équipier d’avant veut renseigner le
barreur, en direction ou distance, sur la position précise du naufragé, les
signes visuels sont particulièrement appropriés (voir « Histoire sans
paroles » ►). On peut aussi placer un deuxième équipier à hauteur des
haubans pour relayer l’information.

La bonne utilisation du moteur


Il n’y a strictement aucune raison de se passer du moteur, mais il ne
faut pas croire que la mise en route du moteur dispense de soigner ses
trajectoires. Un bateau au moteur reste soumis à l’action des vagues et
du vent, et tant qu’un voilier porte ses voiles, on raisonne « bateau à
voile ». Même si le moteur sert à faciliter un virement, à réduire ou à
augmenter la vitesse, l’action des voiles reste prépondérante. Embrayé
ou pas selon le besoin du moment, le moteur ne change rien par
conséquent à l’angle d’approche : on arrive sur le naufragé au bon plein.
Et on doit s’arrêter lorsqu’on l’a par le travers, au vent du bateau, à
distance de sécurité.

Mer de face, ne pas hésiter à appuyer plus résolument au moteur. Attention,


l’étrave qui monte et redescend à chaque vague est une véritable menace pour le
naufragé.
Avec les vagues orientées vers le vent, l’approche finale sera un peu différente et
décrira un S. On arrête le bateau travers aux vagues pour rétablir le lien avec l’homme
à la mer.

Si l’on décide d’affaler pour faire toute la manœuvre au moteur, on se


souviendra d’abord qu’amener une grand-voile peut s’avérer acrobatique
– surtout si la mer est grosse ! Mais également qu’on peut avoir besoin
de hisser de nouveau les voiles en pleine manœuvre – si le moteur vient
à manquer, une écoute s’engageant par exemple dans l’hélice. Auquel
cas on établira d’abord le foc (afin d’atteindre la vitesse nécessaire pour
lofer), puis la grand-voile.
Quelques autres rappels sont essentiels. Même au moteur, un bateau
ne s’arrête pas au portant (sauf à battre en arrière mais, s’il y a de la mer,
l’eau risque de remplir le cockpit !). Même au moteur, un bateau ne reste
pas (ou très difficilement) immobile bout au vent : une fois arrêté, il se
met à abattre et à dériver plus ou moins rapidement. Enfin, à vitesse trop
réduite et poussé latéralement par le vent, un voilier au moteur se met
soudainement à dériver lorsque la quille décroche (voir « Quelques
notions théoriques » ►).

LES CIRCONSTANCES EXCEPTIONNELLES

Sous spi
Si le spi est en l’air, il va falloir l’amener d’urgence. Préconiser ici une
méthode universelle serait présomptueux : la technique d’affalage sera
adaptée aux habitudes de l’équipage, à ses compétences et sa vitesse
d’exécution, ainsi qu’aux conditions météo. Une fois le spi à l’intérieur du
bateau, on peut virer de bord et, une fois certain qu’aucune écoute ne
traîne à l’eau (c’est fréquent après un affalage de spi), démarrer le
moteur. Reste à remonter sous grand-voile et moteur vers la zone de
l’accident, et à concevoir sa trajectoire de façon à revenir au bon plein
sur le lieu de la chute. On se retrouve ensuite à l’étape 10 de la Quick
Stop ►.
Sous spi, le bateau s’éloigne très vite de l’homme à la mer, au risque
de le perdre de vue. Aussi la mise en œuvre dans les premiers instants de
la perche de repérage est-elle décisive, ainsi que, le cas échéant, la
fonction MOB du GPS.

En équipage réduit
La manœuvre telle qu’elle est décrite ici est réalisable par deux
personnes, voire une seule, sous réserve d’être entraînée(s). Il faudra
probablement procéder plus patiemment, en élargissant le périmètre des
évolutions de la Quick Stop. La précipitation ne conduirait finalement
qu’à une perte de temps préjudiciable.
Naufragé inconscient
Il n’existe aucune méthode spécifique à la récupération d’un homme
à la mer inconscient, la procédure doit être adaptée pour venir à son
contact. Si l’annexe est stockée gonflée et prête à l’emploi, on pourra la
mettre à l’eau et l’amarrer le long du bord. Elle permettra une
intervention à hauteur du naufragé pour saisir son harnais, lui en capeler
un ou lui passer la boucle d’un nœud de chaise autour de la poitrine. Les
équipiers chargés de la manœuvre doivent bien sûr rester assurés au
bateau (y compris si l’un d’entre eux se met à l’eau pour secourir son
camarade). Si l’annexe est pliée au fond de son coffre, on ne pourra
s’offrir le luxe de perdre un temps précieux pour la mettre en service.
C’est un cas de figure où l’on pourra avoir à modifier l’approche finale –
et à réduire drastiquement le cercle de sécurité – pour prendre le
naufragé au vent, ou sous le vent du navire si les conditions de vent et de
mer le permettent. Si les conditions sont plus dures, il faudra envoyer un
nageur assuré au bateau avec une aussière quand l’homme à la mer sera
à moins de 10 mètres.

SI LE NAUFRAGÉ A ÉTÉ PERDU DE VUE


Et si l’alerte a été donnée trop tard, et que l’homme a été perdu de
vue ? Le pire des cas étant celui où l’homme de quart, seul sur le pont,
est tombé sans que personne ne s’en aperçoive et sans même que l’on
sache à quand précisément remonte l’accident. Sans attendre les
secours, on commence à ratisser la zone, en remontant vers le lieu
présumé de la chute tout en tirant des bords, en balayant ainsi un
corridor d’environ 200 mètres de large. Une fois revenu au point de
chute estimé, il faudra entamer une recherche « en spirale carrée ». La
procédure, qui s’effectue montre en main et un œil sur le compas,
consiste à prendre un cap pendant un temps donné (exemple
30 secondes), avant d’effectuer un virage à 90° pour une durée
identique. Puis on vire à nouveau en doublant ce temps initial, on
enchaîne avec un autre virage (dans notre exemple, on aligne ainsi deux
bords d’une minute). Au virage suivant on triple le temps initial, pour
deux bords successifs (de 1 m 30 ici), puis on le quadruple, etc. Si l’on
n’a d’autre choix que de l’effectuer à la voile, cette spirale carrée pourra
enchaîner deux bords de près suivis de deux bords de grand largue. Le
mieux reste de manœuvrer au moteur, en orientant si nécessaire le cadre
de façon à ne jamais être travers à la houle. Si l’homme à la mer n’a pas
été retrouvé à l’arrivée des secours (SNSM, moyens de l’État), on se met
à disposition de ces derniers. Et la recherche se poursuit tant qu’il y a un
espoir, et tant que le CROSS n’en décide pas autrement.
Le principe de la recherche en spirale carrée. Si l’on effectue cette procédure à
une vitesse stabilisée de 2 nœuds, et si l’on prend pour base de départ un laps de
temps de 30 secondes, le navire décrira une spirale dont les « passes » parallèles sont
distantes de 45 mètres, si bien qu’on ne devrait jamais passer à plus d’une vingtaine
de mètres de la victime recherchée.

REMONTER L’HOMME À LA MER


Hisser à bord le naufragé n’est pas si simple ! Trempé, il est très
lourd, sans compter son inertie dans les coups de rappel du bateau. S’il
ne porte pas de gilet, il est insaisissable 7. Seul l’entraînement permet
d’enseigner et de perfectionner les techniques efficaces, de mettre au
point le matériel adéquat et de roder son utilisation. Plusieurs solutions
existent, depuis la mise à l’eau de l’annexe, la remontée par la jupe
arrière et/ou l’échelle de bain si l’état de la mer le permet (avec quelques
dizaines de centimètres de clapot, le risque d’assommer le naufragé est
déjà réel), le hissage par la drisse de spi. Une technique souvent décrite
consiste à fixer une voile sur le liston, à frapper une drisse au point
d’écoute, et à relever le naufragé dans le hamac ainsi constitué. Aucune
de ces méthodes n’apparaissant totalement satisfaisante, les Glénans
ont conçu et développé depuis 2015 un nouvel équipement.

Le dispositif spécial de remontée


Le dispositif mis au point par les Glénans répond au double objectif
de rétablir le lien avec le naufragé et de le remonter à bord. Il est
constitué d’une ligne de jet – flottante – de 24 mètres, rangée dans un
sac, munie à un bout d’un mousqueton destiné à être accroché par la
victime sur la boucle ventrale de son harnais et à l’autre extrémité de
deux poulies elles-mêmes pourvues d’un mousqueton.
Une fois que l’homme à la mer a fixé la ligne à son harnais, une des
poulies du dispositif est hissée à 2,50 mètres au-dessus du pont, au
moyen de la drisse de spi. La deuxième poulie est frappée sur le rail de
fargue ou un padeye, de façon à renvoyer la ligne sur un winch (on peut
aussi utiliser l’avaleur d’écoute de foc). On hisse la victime au winch
jusqu’à ce que son bassin soit au-dessus des filières, à hauteur du
maître-bau 8 du navire. Puis on la bascule à l’horizontale pour lui faire
passer les filières et, en la maintenant dans cette position, on choque
doucement le dispositif pour la poser sur le pont.
Le dispositif des Glénans est un tout-en-un, permettant de créer le lien avec
l’homme à la mer (1), puis de le ramener vers le bateau (2) et enfin de le hisser à bord
(3).

CE QUE DOIT SAVOIR L’HOMME À LA MER


Dans l’eau froide, la peau se refroidit très vite, le sang évacue
l’enveloppe superficielle du corps pour refluer vers les centres vitaux
(cœur, poumons) et les conserver à température normale (phénomène de
vasoconstriction). Après 10 à 15 minutes de nage, la température du
cœur et du cerveau chute à son tour, on perd l’usage des bras et des
jambes tandis que l’état de conscience devient « brumeux ». Une
personne tombée à l’eau doit bouger le moins possible, pour ne pas
activer la circulation sanguine dans les tissus superficiels, ce qui refroidit
le sang et fait baisser la température interne. La position fœtale est celle
qui permet le mieux de s’économiser et de préserver sa chaleur interne 9.
Conserver ses vêtements – même gonflés d’eau, ils atténuent la
déperdition de chaleur – ainsi que ses bottes. En dépit d’une légende
tenace, elles ne font pas couler celui qui les porte.

La position du fœtus, ou de l’œuf, limite la perte de chaleur et retarde le


processus d’hypothermie. Elle a été codifiée par les Britanniques sous l’acronyme
HELP (pour Heat Escape Lessening Posture).
LES PATHOLOGIES ET LES BLESSURES COURANTES
À BORD
LE VOILIER, UN MONDE À PART
Au moment d’évoquer la question des maladies et des accidents
corporels, et de manière générale la sécurité des personnes, il faut bien
garder à l’esprit que la navigation à voile est un exercice particulier, dont
les spécificités ne sont pas sans effet sur le sujet qui nous préoccupe. Un
bateau à voile est un univers en mouvement constant, mouvement plus
ou moins brutal et accentué, propice aux pertes d’équilibre et aux
chutes.
Certaines des parties du voilier sont elles-mêmes en mouvement et
sources potentielles de danger, qu’il s’agisse de la bôme menaçant de
balayer le pont dans un empannage involontaire, des poulies et des
winchs, de la chaîne d’ancre et du guindeau pouvant happer une main ou
un pied lorsqu’on n’exécute pas les gestes appropriés, ou de la courroie
d’un moteur sur lequel on intervient alors qu’il est en marche.
Les forces en jeu peuvent être considérables, lorsqu’une voile bat
dans le gros temps, ou que le bateau arrive trop vite sur un quai. À la
gîte, les objets mal arrimés peuvent traverser le carré, et le travail à la
cuisine n’est pas anodin.
L’organisme est en permanence sollicité, même au repos, par le
roulis et le tangage, le vent, les conditions climatiques, et dans les
moments difficiles il puise loin dans ses ressources. L’humidité peut
favoriser certaines pathologies, compliquer guérison ou cicatrisation.
Il ne s’agit pas de dire que la navigation à la voile est pathogène, bien
au contraire, tant elle s’avère riche de bienfaits pour le corps et l’esprit.
Mais d’insister sur la nécessaire perception des risques inhérents à
l’activité de façon à les identifier, les évaluer, et les gérer, pour limiter la
survenue des pépins de santé et les accidents corporels.
Une caractéristique peut-être encore plus décisive de la navigation à
voile est l’isolement relatif dans lequel on évolue. Total lors d’une
navigation aux latitudes polaires, relatif au cours d’une transat, il est loin
d’être négligeable dans une traversée du golfe de Gascogne ou une
montée vers l’Irlande. Même au cours d’une sortie à la journée au large
de Groix, les secours seront plus loin, et plus longs à arriver, que dans la
plupart des activités terrestres.

En cas de pépin de santé majeur au large, on se félicitera de croiser la route d’un


paquebot : il y aura un médecin à bord. Encore mieux, les navires militaires : outre le
personnel médical, ils disposent de semi-rigides et de gens capables d’intervenir par
tous temps ; et parfois même d’un authentique hôpital, comme sur les porte-avions.

Il en résulte que lorsqu’un membre de l’équipage est malade ou


blessé, la capacité de l’entourage à réagir et à agir sera encore plus
décisive que dans la vie courante. À terre, le secouriste occasionnel voit
souvent son rôle réduit à « protéger et alerter », des professionnels
prenant très vite le relais. En bateau, il y a des chances – des risques –
que l’attente soit un peu plus longue, et qu’il faille commencer par
intervenir avec les moyens du bord. Si l’on a un médecin dans l’équipage,
les choses sont déjà mieux engagées. À défaut, il va falloir jouer les
secouristes, et c’est d’abord la responsabilité du chef de bord, qui doit
mettre en œuvre des actions et des gestes, soit grâce à sa connaissance
minimale de certaines techniques, soit en étant téléguidé par un médecin
à terre. Ce téléguidage est assuré par les urgentistes du CCMM (Centre
de consultations médicales maritimes).

LES ACCIDENTS CORPORELS


C’est donc acquis. Dès maintenant, et pour toute la suite de cette
partie du Cours consacrée à la santé à bord, le chef de bord est notre
secouriste. Aux spécificités près de la navigation, son rôle face à un
accident se résume dans le triptyque enseigné à tous les sauveteurs :
« Protéger, alerter, secourir. »

SE FORMER POUR SAVOIR AGIR


On conçoit tout l’intérêt pour un chef de bord de se former aux premiers
secours. Aux stages de secourisme délivrés par les pompiers ou les organismes type
Croix-Rouge (correspondant au brevet de secouriste PSC1), on pourra préférer la
formation PS Mer (Premiers soins Mer), qui prend en compte certaines spécificités
comme la noyade et l’hypothermie. Ces formations sont notamment délivrées dans
le cadre des stages de sécurité hauturiers (stages World Sailing) mis en place par
divers organismes, dont les Glénans. Le PS Mer correspond à une formation de
niveau 1. Les candidats aux navigations lointaines se tourneront vers la Formation
médicale hauturière (FMH), où l’on apprend aussi à piquer, à recoudre, à soigner une
dent…

La protection d’un accident


Protéger, c’est éviter le sur-accident qui conduirait à aggraver l’état
de la victime, ou à mettre en danger ceux qui lui porteront secours. Le
premier réflexe sera de « calmer le jeu » en arrêtant le bateau, ou tout du
moins de réduire au maximum ses mouvements. Selon les circonstances,
il s’agira de prendre la cape, de mouiller en urgence, voire dans le gros
temps de mettre en fuite. Si l’on choisit de prendre la cape, on le fera de
façon à ce que le blessé se retrouve au vent, et non coincé sous le vent,
avec le risque de passer à l’eau.

■ Pratiquer un dégagement d’urgence


On « dégage » une victime lorsqu’il s’avère indispensable de la
soustraire à un danger imminent, réel, non contrôlable. Elle souffre peut-
être d’une blessure grave, la mobiliser risque peut-être d’aggraver son
état, mais une chose est certaine : si on ne la bouge pas, cela va être
encore bien pire. Sans se complaire dans une litanie de scénarios
catastrophes, on peut par exemple envisager la situation d’un équipier
qui s’est écrasé un membre entre le quai et le bateau, tandis que celui-ci
continue d’être drossé ; ou le cas d’un équipier blessé lors d’un
démâtage par très mauvais temps, et menaçant d’être de nouveau heurté
par des morceaux d’espars incontrôlables. Le dégagement d’urgence
consistera à tracter la personne au sol, par les chevilles, les poignets, ou
encore les vêtements, selon la situation. Le sauveteur s’efforce autant
que possible de respecter l’axe tête-cou-tronc, et pense à fléchir les
jambes et à conserver le dos droit pour ne pas se blesser lui-même.

L’alerte médicale
Deux structures participent à la réception de l’alerte médicale :
– Le CROSS (Centre régional opérationnel de surveillance et de
sauvetage) assure la veille permanente, 24 heures sur 24, des messages
d’alerte parvenant des bateaux. Il les réceptionne et les analyse, puis
engage et coordonne les moyens nécessaires au sauvetage. Il transmet
les demandes médicales au CCMM.

Un dégagement par les vêtements.

– Le CCMM basé au CHU de Toulouse assure une réponse médicale


par téléconsultation. Les demandes reçues peuvent concerner soit des
situations d’urgence médicale (elles sont généralement relayées par le
CROSS), soit des consultations non urgentes qui peuvent être différées
et seront éventuellement traitées lors d’un rendez-vous convenu
d’avance.
Un voilier dispose de plusieurs moyens pour transmettre l’alerte. En
navigation côtière, le moyen privilégié demeure la VHF, sur le canal 16 en
phonie, ou avec une VHF ASN par les menus appropriés (ALL SHIPS
URGENCY, canal 70). Si l’on a du réseau téléphonique, on peut à défaut
appeler le numéro unique 196, qui bascule automatiquement sur le
CROSS de la zone concernée. Au large, on mesurera tout l’intérêt d’être
équipé d’un téléphone satellitaire type Iridium, ou d’un émetteur BLU
permettant de joindre un CROSS via une station radio côtière.
Hors des zones couvertes par les CROSS, et n’importe où dans le
monde, on joindra prioritairement le CROSS Gris-Nez, qui est le
correspondant français de tous les MRCC (Maritime Rescue Coordination
Center) étrangers et demeure le point de contact pour les navigateurs
français dans les eaux internationales.

LES CONTACTS À RETENIR


CROSS : VHF = canal 16. VHF ASN = canal 70. GSM = 196 (16 à Papeete et
Nouméa).
CROSS Gris-Nez : +33 3 21 87 21 87. [email protected]
CCMM : +33 5 34 39 33 33. Transmission d’images : [email protected]
Une liste plus complète (Inmarsat B et C, électrocardiogramme à distance, etc.,
est téléchargeable sur le site du CHU Toulouse). Cette fiche du CCMM, ou à défaut
une reproduction de cette liste de contacts à retenir, mérite de figurer en bonne
place à la table à cartes.

En l’absence de moyens radio ou téléphoniques, on en est réduit à


donner l’alerte par les signaux visuels et sonores de détresse (fusées,
pavillons… ►), ou encore par la Radiobalise de localisation des sinistres
si le bateau est armé en hauturier. Attention, la limite de ces différents
moyens « ordinaires » d’alerte est qu’ils ne précisent aucunement la
nature de la détresse…
PAN PAN, ou MAYDAY ? CCMM, ou CROSS ? Il en va des problèmes
médicaux comme des autres urgences à bord : le MAYDAY est un signal
de détresse à mettre en œuvre face à un danger grave et imminent,
réclamant assistance immédiate. C’est-à-dire, en l’occurrence, lorsque la
vie d’un équipier est directement en jeu. À titre d’exemple, un arrêt
cardiaque implique un MAYDAY (prononcer « m’aider », pour la procédure
complète voir dans ce même chapitre ►). Le signalement d’un blessé ou
d’un malade pour lequel on s’inquiète, ou encore une demande de
consultation médicale, relèvent du PAN PAN médical.
Par VHF, c’est naturellement le CROSS qui est alerté, qui mettra le
CCMM dans la boucle en cas de besoin, et sollicitera un SAMU côtier s’il
doit médicaliser un moyen d’intervention. Par téléphone (GSM en côtier,
Iridium au large), on pourrait hésiter entre appeler le CROSS ou le
CCMM. Le choix est d’ordre logique ; si la situation est grave et qu’une
évacuation est à prévoir, contacter le CROSS prioritairement permettra
de gagner un temps précieux. Pour une simple consultation médicale, on
joint directement le CCMM 10.
Réelle urgence médicale ou pathologie mineure, dans tous les cas le
médecin du CCMM réalisera un diagnostic à distance, et donnera au chef
de bord les indications sur les gestes à entreprendre et/ou les
médicaments de la pharmacie de bord à utiliser : le chef de bord devient
les yeux, les oreilles et les mains de l’urgentiste.
Le diagnostic sera d’autant plus efficace que l’on a préparé l’appel en
réalisant un premier bilan. Le CCMM édite dans cet objectif une fiche
d’observation et de consultation (fonctionnant essentiellement par cases
à cocher) à télécharger, et à ranger dans le livre de bord ou la table à
cartes avant l’appareillage. Il est aussi possible de lui transmettre par
MMS ou e-mail des photos, ne seraient-ce que celles d’un smartphone.

LES MESSAGES TYPES D’ALERTE MÉDICALE VHF


À transmettre sur le CANAL 16 :
Le PAN PAN médical
– PAN PAN, PAN PAN, PAN PAN (prononcer « panne panne »)
– Ici « Nom du bateau », Ici « Nom du bateau », Ici « Nom du Bateau »
– N° MMSI du bateau (9 chiffres)
– Position du bateau (latitude-longitude, ou position relative)
– J’ai besoin d’assistance médicale/d’avis médical
– À vous
Le MAYDAY médical
– MAYDAY, MAYDAY, MAYDAY (prononcer « m’aider »)
– Ici « Nom du bateau », Ici « Nom du bateau », Ici « Nom du Bateau »
– N° MMSI du bateau (9 chiffres)
– MAYDAY « Nom du bateau »
– Position du bateau (latitude-longitude, ou position relative)
– Je demande assistance médicale immédiate
– Nature du problème médical, autres informations pertinentes
– À vous
Une fois la transmission du PAN PAN terminée, rester en veille et attendre les
consignes des secours, ne surtout pas s’éloigner de la VHF.

L’INTERVENTION DES SECOURS


Face à une urgence médicale, le CROSS peut mettre différentes procédures en
œuvre.
– Le déroutement du navire sur lequel se trouve la victime vers un port de
proximité, où l’attendront les sapeurs-pompiers locaux ou le SAMU local.
– L’intervention d’un moyen de secours (navire, hélicoptère) appartenant à la
SNSM ou à un corps de l’État (Marine nationale, Gendarmerie, Douanes…) pour une
ÉVASAN (Évacuation sanitaire) ou une ÉVAMED (Évacuation médicale, un médecin
est embarqué à bord du moyen de secours).
– Il peut aussi être demandé à un navire proche du bateau accidenté de se
dérouter.

LES PATHOLOGIES INDIVIDUELLES


Chacun a ses problèmes de santé, petits ou grands, connus de lui-même, de
son médecin et éventuellement de ses proches. Lorsqu’un vrai pépin surgit en
navigation, on gagnera du temps et de l’efficacité si l’on connaît les pathologies de
la victime, et le cas échéant ses traitements. Il peut être bon qu’avant
l’embarquement chacun des équipiers prévienne le chef de bord – sous le sceau de
la confidentialité – de ses antécédents médicaux (cela vaut aussi pour les allergies
alimentaires !) ainsi que de ses éventuels traitements. Il est toujours possible, si
cette démarche met certains mal à l’aise, de demander que ces renseignements
soient fournis par écrit sous enveloppe cachetée, l’ensemble des enveloppes
individuelles étant rangées dans une grande enveloppe elle aussi cachetée, qui ne
sera ouverte par le chef de bord qu’en cas de nécessité. On peut toujours faciliter ce
type de procédure par des formulaires prêts à remplir, de rédaction simple et
minimaliste (« Avez-vous des allergies ? » « Prenez-vous un traitement ? »). Et dans
une perspective de traversée océanique ou de voyage au long cours, il est de bonne
politique de communiquer au CCMM les dossiers médicaux de l’équipage.
On mesure aussi aisément l’intérêt d’avoir inscrit dans le livre de bord, pour
chaque membre de l’équipage, les coordonnées d’une personne à joindre en cas
d’urgence. Ajoutons que ceux qui emportent à juste raison leur pharmacie
personnelle doivent impérativement avoir avec eux leurs ordonnances. Finissons sur
ce sujet en soulignant qu’un équipier qui souffre d’une pathologie chronique et a
oublié son traitement habituel ne devrait pas être embarqué, par égard pour sa
santé… et pour la tranquillité mentale et pénale du chef de bord.

Le traitement de l’accidenté
■ La victime présente une lésion de la peau
Une lésion de la peau se définit par une rupture de continuité de
cette dernière. Plusieurs lésions peuvent être observées : une
dermabrasion, qui est une lésion très superficielle sous la forme d’une
écorchure, d’une plaie simple peu profonde, ou d’une coupure. La gravité
d’une plaie se caractérise par sa localisation (au visage, au cou, à
proximité d’un orifice naturel, au thorax ou à l’abdomen…), par son
aspect (siège d’une hémorragie, déchiquetée, étendue ou sous la forme
de plaies multiples), son mécanisme (provoquée par un projectile, avec
un outil, des suites d’une morsure, avec un objet tranchant…).
■ Agir face à une lésion de la peau
En présence d’une dermabrasion ou d’une plaie simple, le chef de
bord peut réaliser lui-même le pansement en utilisant les produits
disponibles dans la trousse de secours. Lorsque la plaie présente un
caractère de gravité, le CCMM doit préalablement être consulté.
Le soin d’une plaie doit respecter plusieurs phases. Le nettoyage de
la lésion doit être méticuleux : le sauveteur doit se laver les mains,
mettre des gants de soins, utiliser des compresses et un antiseptique
puis nettoyer la plaie, du centre vers la périphérie. Le pansement sera
ensuite réalisé avec des compresses, une bande et du sparadrap. Un filet
tubulaire ou des bandes non serrées maintiendront utilement le
pansement en place. Pour une plaie simple, un pansement sec sera
utilisé. Tous les déchets de soins devront être isolés dans un sac
poubelle.

■ La victime présente un traumatisme d’un membre


La victime a chuté ou a subi un choc directement sur le membre. Ce
dernier est traumatisé, il y a une douleur, une difficulté, voire une
impossibilité, à réaliser le moindre mouvement, une déformation du
membre est même possible.
■ Agir face au traumatisme d’un membre
– Si la victime peut se déplacer avec une aide, elle est installée dans
le carré. Pour faciliter son déplacement et lui éviter des douleurs
supplémentaires, le ou les équipiers qui l’assistent soutiennent le
membre blessé.
– Si la victime ne peut pas se déplacer seule, il faut assurer la prise
en charge sur place, à moins que la situation implique de la
« dégager » ► afin de pouvoir la soigner à l’abri.
Deux situations distinctes se présentent :
– Le membre n’est pas déformé, il est alors possible de l’immobiliser.
– Le membre est déformé, il faut obtenir l’avis du médecin du CCMM
qui prescrira probablement la prise d’un traitement pour soulager la
douleur. En présence d’une déformation importante, le médecin du
CCMM pourra proposer de remettre le membre dans son axe
« habituel » ; malgré la douleur, il faudra alors exercer une traction.
Pour l’immobilisation d’un membre supérieur, on utilise l’écharpe et
la contre-écharpe en papier contenues dans la pharmacie. À défaut, on
se sert du pull-over ou du tee-shirt de la victime dont on replie le bord
inférieur, ou de tout moyen de fortune : carte, revue, morceau de
plancher assujetti par des bandes Velpeau. Le membre doit être
immobilisé dans sa totalité. Pour immobiliser un membre inférieur, on
peut recourir à un plancher. Un bon moyen de fortune consiste à enfiler
la gaffe et le balai dans chacune des deux manches d’un pull-over. Un
doigt blessé sera ligaturé au doigt voisin, avec une bande de contention
adhésive. Après réalisation de la contention, contacter le CCMM.

Immobilisation d’un membre supérieur au moyen du vêtement de la victime.


Cette dernière soutient son avant-bras.
Une attelle de fortune se réalise avec n’importe quel matériau semi-rigide, et
une paire de bandes de contention. Ici on a utilisé un porte-documents.

■ La personne présente un choc de la colonne


vertébrale
Ce sont surtout les circonstances de l’accident qui feront suspecter
un traumatisme de la colonne vertébrale : une chute sur les pieds d’une
hauteur de plus de 2 mètres, ou une chute avec torsion de la colonne
vertébrale. Les signes observés lors d’un tel traumatisme sont le plus
souvent des douleurs violentes du rachis, une perte de motricité subite,
des troubles de la sensibilité au niveau des membres.
■ Agir face à un traumatisme de la colonne vertébrale
Si à la suite du traumatisme la victime est assise ou debout, sa tête
doit être maintenue en position neutre. On lui met ensuite un collier
cervical ou un moyen de fortune permettant de conserver cette position
neutre. Lorsque la victime est allongée sur le dos, il faut enlever les
vêtements à la base du cou, mettre un collier cervical ou un moyen de
fortune permettant une immobilisation correcte, laisser la personne
allongée, et respecter l’axe tête-cou-tronc avec le plus grand soin. Puis il
faut rapidement contacter le médecin du CCMM.

LE MAL DE MER
Notre équipier a le teint moins frais, éventuellement il bâille, il devient
moins communicatif, se recroqueville dans son coin de cockpit. Ne
cherchons pas, c’est le mal de mer qui s’installe insidieusement. Il n’y a
pas de certitudes absolues sur le mécanisme et les raisons profondes de
ce mal des transports en milieu maritime. La perturbation des centres de
l’équilibre est en jeu, mais probablement aussi d’autres processus,
physiologiques et psychologiques.

Prévenir le mal de mer


Au moins identifie-t-on une série de facteurs favorisants, énumérés
dans la fameuse « règle des cinq F » : Fatigue, Faim, Froid, Frayeur (ou
Frousse), Fumée. Ceux qui ont déjà bricolé la tête dans le moteur par
mer agitée, ou géré une fuite de gazole, ont rajouté un sixième F : le Fuel.
D’autres complètent avec la Foif.
On l’aura compris, pour éviter le mal de mer il faut combattre la
fatigue, bien se couvrir, s’occuper l’esprit, manger et boire, se préserver
des odeurs fortes (tabac, merci aux fumeurs de ne pas indisposer les
autres, gazole, attention au retour de l’échappement par petite brise de
l’arrière). On se souviendra aussi qu’au centre du bateau les mouvements
sont moins importants qu’à ses extrémités : on sera plus à l’aise dans le
carré ou dans le cockpit près de la descente que dans la cabine avant ou
tout à l’arrière du bateau. Parmi les traitements médicamenteux, citons
les comprimés type Mercalm, ou les patchs sur prescription médicale.

Lorsque le mal de mer s’installe


Les premiers symptômes sont une sensation d’inconfort dans la
partie supérieure du ventre, des nausées, parfois des bâillements
importants.

De bons cirés par-dessus des vêtements chauds, une gamelle de pâtes


saupoudrées de bonne humeur malgré le ciel gris : la bonne recette pour tenir le mal
de mer à bout de gaffe.

Dans un second temps, le mal de mer s’installe. L’équipier présente


des pâleurs, des sueurs froides, des vomissements, des vertiges, des
maux de tête, une grande fatigue.

■ Agir face au mal de mer


Confier la barre à une personne atteinte du mal de mer dès les
premiers symptômes s’avère un excellent remède, pour au moins deux
raisons : elle s’active et se concentre, ce qui relègue en arrière-plan la
composante psychologique de son malaise ; elle fait corps avec le
bateau, anticipe ses mouvements et y participe plutôt que de les subir :
elle en est par conséquent moins perturbée.
Lorsque le mal de mer menace, on se sent souvent mieux à prendre
l’air dans le cockpit que confiné dans la cabine. La personne malade doit
être surveillée de près, et attachée par son harnais pour prévenir une
chute à la mer, notamment lorsqu’elle est tentée de vomir par-dessus
bord. Lorsqu’elle est au plus mal, il faut la rapatrier dans le carré,
l’installer au chaud sous un duvet dans une des couchettes inférieures,
lui apporter un seau, s’occuper d’elle. Elle est affaiblie, il faut donc l’aider
à se requinquer, plutôt que de la laisser s’épuiser dans le froid du dehors.
Et il faut insister pour qu’elle boive et se réhydrate. Si cela va un tout
petit peu mieux, elle peut essayer de grignoter, précautionneusement,
car manger aide à reprendre quelques forces… et parce que vomir le
ventre vide est assez épouvantable 11.

LES PROBLÈMES MÉDICAUX

Coup de soleil, insolation, coup de chaleur


L’été en métropole, et en toutes saisons sous les latitudes chaudes,
une attention particulière doit être portée, en navigation comme au
mouillage, aux risques de coup de soleil, d’insolation et de coup de
chaleur.
Le coup de soleil est une brûlure cutanée. Si elle atteint une surface
étendue, elle est de même gravité qu’une brûlure du second degré.
L’insolation est une conséquence directe d’une exposition excessive
au soleil, entraînant une augmentation de la température corporelle, ou
hyperthermie. Les premiers signes sont des rougeurs au visage, des
maux de tête, des douleurs diffuses. Une insolation sévère peut mener
jusqu’au vertige, à la nausée, aux vomissements, voire à
l’évanouissement.
Le coup de chaleur à l’effort est une défaillance du système interne
de régulation de température, en relation avec un effort ou une
exposition à une température ambiante élevée, mais aussi à une forte
humidité. La température corporelle peut monter très haut (41 °C), le
pouls et la respiration sont rapides, les yeux sont cernés et les lèvres
sèches, des maux de tête apparaissent, la personne ne transpire plus
(puisqu’elle ne régule plus), son comportement devient parfois étrange
ou incohérent. Les symptômes peuvent aller jusqu’à la perte de
connaissance.
L’insolation sévère, c’est-à-dire celle qui se manifeste par des
convulsions ou une perte de connaissance, est une urgence médicale. Le
coup de chaleur est extrêmement grave, dans 15 % à 20 % des cas il
s’avère mortel, et dans d’autres situations, il pourra laisser des séquelles.
L’alerte doit être donnée sans délai.
En attente de la prise en charge médicale, on rafraîchit la personne
avec des linges humides (mais pas en la plongeant à la mer !), en
ventilant au mieux les lieux, en la réhydratant si elle est consciente. Ne
pas donner de traitement médicamenteux.
Si la victime est inconsciente, la placer en position latérale de
sécurité (PLS) dans l’attente des secours ►.

■ Prévention de la chaleur et du soleil


Ne jamais perdre de vue qu’en mer la réverbération potentialise les
effets du soleil.
La protection de la peau doit être régulièrement entretenue, toutes
les 2 à 3 heures, par application de crème solaire d’indice élevé. Un stick
protecteur sera appliqué sur les lèvres. On s’habille de vêtements légers
de couleur claire, de préférence à manches longues et jambes longues.
Lunettes de soleil et couvre-chef sont de rigueur.
Il est recommandé de boire régulièrement, au moins 3 litres par jour
en métropole, jusqu’à 4 à 5 litres dans les régions tropicales. Sous les
fortes chaleurs, l’alcool doit être prohibé, il n’hydrate pas, et à terme il
participe même à la déshydratation.
À l’escale, l’activité physique doit être réduite pendant les heures les
plus chaudes. Le milieu de journée est plus propice à la sieste qu’au
footing sur la plage. Et en navigation comme au mouillage, on veillera à
aérer au mieux l’intérieur du bateau.

À l’escale, certaines activités sont à réserver aux heures les moins chaudes de la
journée.

Les brûlures
Une brûlure est une destruction d’une partie ou de la totalité de la
peau (qui a pour fonction d’assurer la protection du corps), des voies
aériennes ou des voies digestives, par un agent extérieur.
Sur un voilier, la cuisine est l’un des lieux les plus propices aux
brûlures. Aux fourneaux en navigation, le pantalon ciré et les bottes
devraient être de rigueur dès que la gîte s’accentue ou que la mer se
forme. Le réchaud sur cardan 12 est une bénédiction, mais il faut veiller à
la bonne orientation des manches de casseroles, pour qu’elles ne
viennent pas se renverser en butant sur le plan de travail et le placard. Et
lorsqu’on ouvre la porte du four, le cardan doit être bloqué, sous peine
que le contenu bascule sur le cuisinier. Lorsqu’on verse de l’eau
bouillante dans un récipient, on pose ce dernier au fond de l’évier plutôt
que de le garder à la main.
Parmi les autres sources potentielles de brûlures, citons le moteur,
l’acide des batteries, le branchement électrique au port, ou – gravissime
sur un voilier – un incendie 13.
Au quotidien, le risque est constant de se brûler par frottement d’un
cordage filant à grande vitesse : une drisse ou une aussière glissant entre
les mains peut créer de sérieuses atteintes cutanées, même si elles
s’apparentent plus à une plaie qu’à une brûlure classique. Aucun cordage
sous tension ne devrait être manœuvré sans conserver deux tours au
winch (pour les drisses, bosses ou écoute) ou un tour au taquet (pour les
amarres).

Dès que la gîte est sensible, ou la mer formée, pantalon ciré et bottes sont de
rigueur pour le travail devant les fourneaux.

■ Agir sur une brûlure


La prise en charge d’un équipier brûlé doit être immédiate. Dans un
incendie, il faut soustraire la victime à la source du feu (sur la façon
d’attaquer ce dernier, voir plus loin ►). La deuxième action a pour objet
de réduire le plus rapidement l’extension des lésions de la peau. La zone
brûlée est arrosée sans délai avec de l’eau fraîche, pendant 15 minutes.
En navigation, la quantité d’eau douce est limitée, la peau sera par
conséquent refroidie avec de l’eau de mer, puis rincée avec de l’eau
douce. Enfin la personne doit être aidée pour retirer ses vêtements.
Les soins locaux ont ensuite pour objectif de limiter l’infection. La
zone brûlée est emballée dans un pansement, à défaut dans un linge
propre. La victime est allongée, sans appui sur les zones brûlées car cela
aggraverait les lésions de la peau. Le bilan secouriste doit contrôler les
fonctions vitales. En couvrant le blessé avec une couverture de survie, le
risque d’hypothermie secondaire sera évité. Le bilan détaillé est réalisé
une fois les premiers soins effectués en totalité. Le sauveteur doit
apprécier l’étendue et le degré de profondeur de la brûlure, de façon à
transmettre des informations claires au CCMM.
– L’étendue : elle est évaluée en pourcentage de la surface corporelle
totale, au moyen de la règle des neuf de Wallace : 9 % pour tout un
membre, 18 % (2 × 9) pour une face du torse, etc. Un simple coup de
soleil couvrant le dos présente en raison de son étendue (18 %) un
caractère de gravité nécessitant une consultation du CCMM. Au-delà de
10 % de surface, une brûlure même peu profonde est grave.
– La profondeur : le premier degré de profondeur correspond à un
coup de soleil, la peau est rouge et douloureuse. Au deuxième degré la
peau cloque, la zone brûlée est douloureuse 14. Au troisième degré la
peau est noire, carbonisée ; elle n’est pas douloureuse en raison de la
destruction des terminaisons nerveuses.
– La localisation est le troisième critère du bilan. Les brûlures de tous
les orifices du corps, des muqueuses, du périnée et des organes
génitaux, des plis de flexion sont graves, ainsi que les brûlures aux mains
en raison du risque de complications fonctionnelles.
Se trouver face à une blessure grave par son étendue, sa profondeur
et/ou sa localisation implique une alerte au CCMM.

Évaluation de la surface d’une brûlure chez un adulte par la règle des neuf de
Wallace.

Les accidents électriques


Si elles peuvent être à l’origine d’un incendie, les batteries du bord ne
sont pas sources de danger direct pour la personne. C’est avec le
courant alternatif de la borne de quai, ou encore lorsque la foudre tombe
à proximité, que peuvent survenir les accidents d’électrisation 15.
L’électrisation peut être la conséquence d’un contact direct avec la
source de courant, dû à une erreur de l’utilisateur 16 ; d’un contact
indirect, par défaut d’isolement d’une installation électrique ; ou survenir
sans contact, par un arc électrique sur le réseau ou par la foudre.

■ Prise en charge d’une victime d’électrisation


La règle impérative est d’abord et avant tout de couper le courant
pour sécuriser la zone ; n’intervenir auprès de la victime que lorsque le
courant est coupé de façon certaine, et si c’est impossible, alerter les
services de secours. En second lieu, la personne est secourue, le bilan
vital est réalisé puis les gestes de secourisme appropriés sont mis en
œuvre. L’alerte est ensuite transmise. Lorsque l’accident survient au
port, il faut appeler les numéros d’urgence terrestres 112, 18 ou 15. En
mer, contacter le CROSS ou le CCMM.
Les gestes de secours à mettre en œuvre sont fonction des signes
observés lors du bilan. La victime peut ainsi présenter des brûlures aux
points d’entrée et de sortie du courant.
Plus grave : des spasmes musculaires, une perte de conscience, une
difficulté à respirer, un arrêt cardiaque, ou encore des traumatismes dus
à la projection de la victime au moment de l’accident.
Une personne ayant subi un accident électrique avec lésions graves
doit être surveillée de près, certaines complications pouvant survenir
tardivement. Une attention particulière est portée aux personnes
touchées même indirectement par la foudre, en raison de possibles
complications cardiaques secondaires.

LES PREMIERS SOINS


Qu’un équipier soit blessé ou malade, un bilan doit systématiquement
être réalisé avant d’appeler les services de secours, de façon à les mettre
sur la bonne piste. Et l’objectif prioritaire de ce bilan consiste en la
recherche d’une détresse vitale. Ce sera la première information livrée au
médecin du CCMM. Suivront une série de données sur les circonstances
du problème médical ou de l’accident, les éléments spécifiques à la
personne (antécédents médicaux, traitements habituels, allergies…).
Seront enfin communiqués les autres signes observés lors du bilan
secouriste : déformation d’un membre, présence d’une plaie,
d’une brûlure, survenue d’un malaise… La « fiche consultation » du
CCMM, si l’on a pris soin d’en embarquer, pourra nous guider dans la
réalisation de ce bilan. Et tandis qu’on alerte, on soigne.
Étouffement brutal
Lorsqu’une victime présente brutalement un étouffement, deux
causes peuvent être fréquemment observées : la personne a fait une
fausse route en « avalant de travers » au cours d’un repas, ou elle
s’étouffe en raison d’une réaction allergique grave.
Dans le cas d’une fausse route, deux situations sont à distinguer :
– L’obstruction est partielle. La personne peut parler mais sa voix est
rauque, elle respire mais parfois d’une manière bruyante, la déglutition
est douloureuse : il reste un passage pour l’air vers les poumons.

L’arbre décisionnel du secouriste.

– L’obstruction est totale. La personne est consciente, se tient la


gorge et s’agite, sa bouche est ouverte, la respiration absente. Des
mouvements respiratoires forcés sont observés ; c’est une extrême
urgence. Il n’y a pas d’air véhiculé vers les poumons, et donc pas de bruit
respiratoire.

■ Agir sur un étouffement


– En présence d’une obstruction incomplète, il ne faut surtout rien
faire. Le risque serait de déplacer ou de faire basculer le corps étranger à
l’origine de la gêne, et de transformer cette obstruction incomplète des
voies respiratoires en obstruction totale. La personne doit être mise au
repos, dans la position où elle se trouve le mieux.
– Lorsque l’obstruction est complète, il faut appliquer le plus
rapidement possible cinq claques vigoureuses dans le dos, entre les deux
omoplates, avec le plat de la main. En cas d’échec, on réalise des
compressions abdominales par la méthode de Heimlich. Au besoin, on
alterne les claques dans le dos et les compressions abdominales. Si la
personne devient inconsciente, débuter sans tarder un massage
cardiaque, jusqu’à expulsion du corps étranger.
Dans tous les cas, il faudra contacter le médecin du CCMM pour
transmettre le bilan.

■ Agir sur une réaction allergique grave


Face à une réaction allergique – notamment alimentaire –
déclenchant un étouffement par œdème de Quincke, l’alerte médicale
doit être immédiate. Le médecin prescrira les médicaments à
administrer. Les personnes ayant déjà subi ce type d’accident, ou se
sachant sujettes aux chocs allergiques graves, portent sur elles le
remède nécessaire : si le médecin le leur a donné, c’est qu’elles en ont
besoin. Leur administrer immédiatement leur traitement, sans attendre
de joindre le CCMM ou les secours.
La méthode de Heimlich. Le sauveteur se place derrière la victime, contre son dos.
Coudes écartés, il applique ses poings au-dessus du nombril de la personne qui
s’étouffe, et il effectue des manœuvres de piston vers lui. Cette action reproduit le
mécanisme de la toux.

Plaie abondante
Une plaie qui saigne abondamment imbibe un mouchoir en quelques
secondes et ne s’arrête pas spontanément. Rapidement, la quantité de
sang perdue peut devenir importante.

■ Agir sur une plaie


« J’appuie, j’allonge, j’appelle. » Dans un premier temps, il faut
exercer une compression manuelle directe : prendre des gants à usage
unique et exercer une compression manuelle directement sur la plaie
avec une compresse. Puis un pansement compressif fera le relais. Si la
compression manuelle est efficace et que le sauveteur a besoin de se
libérer les mains, un premier pansement compressif est réalisé avec des
compresses et une bande. En cas d’inefficacité, un second pansement
compressif est placé sur le premier pansement qui reste en place.
En cas d’inefficacité des pansements compressifs, un coussin
hémostatique est placé sur les pansements compressifs précédemment
posés 17. Si le coussin hémostatique ne permet d’arrêter l’hémorragie, la
seule solution est de réaliser un point de compression à distance, sa
mise en place doit rester exceptionnelle. Le principe consiste à
comprimer l’artère contre un os, entre la plaie et le cœur. Lorsque le
point de compression est efficace, il ne faut jamais le relâcher. Il peut
être réalisé au cou, et aux membres.

Le coussin hémostatique est composé d’une compresse stérile et d’un tampon de


mousse, assortis d’une bande élastique. Attention à ne pas serrer exagérément avec
un effet garrot. Un gonflement de l’extrémité du membre conduira à relâcher la
tension du bandage.

La mise en place d’un garrot doit rester exceptionnelle, lorsqu’il est


impossible de contrôler l’hémorragie par l’une des techniques
précédentes. Il peut être réalisé au bras entre le coude et l’épaule ou à la
cuisse entre la hanche et le genou. À terre, la pose d’un garrot suppose
une prise en charge hospitalière très rapide. En mer, compte tenu des
délais d’intervention, elle conduira sans doute à l’amputation… À ne
réaliser donc qu’en toute dernière extrémité et en cas de risque vital.

La victime est inconsciente et respire


Une inconscience avec ventilation peut avoir plusieurs causes : en
mer, un traumatisme du crâne (avec la bôme en particulier), une maladie
(hypoglycémie importante, épilepsie), une intoxication (par inhalation de
gaz, asphyxie par inhalation de fumées du moteur, consommation de
drogue).

La position latérale de sécurité, ou PLS. 1 La tête est précautionneusement


basculée en arrière pour libérer les voies respiratoires. 2 La main opposée au
sauveteur est placée en protection sous la tête, et la jambe opposée est relevée de
façon à faire levier pour réaliser un mouvement de bascule. 3 Une fois la victime sur le
côté, on s’assure que sa bouche est ouverte. 4 La jambe sur le côté assure la stabilité
de la personne inconsciente.
■ Signes observés
La victime est inconsciente, elle ne répond pas aux questions, elle
n’exécute aucun ordre simple (ne serre pas la main, n’ouvre pas les yeux
à la demande du sauveteur). Sa respiration est présente : la ventilation
est perceptible, son thorax monte et descend.

■ Agir sur une victime inconsciente et qui respire


La tête de la victime doit être basculée en arrière pour libérer les
voies aériennes, son col et sa ceinture dégrafés pour ne pas oppresser sa
respiration. Puis elle est placée sur le côté, en position latérale de
sécurité. L’alerte est transmise au CROSS, le bilan détaillé communiqué
au médecin du CCMM. En attendant l’intervention des moyens de
secours, la respiration de la victime sera contrôlée, le sauveteur
renouvellera régulièrement le bilan vital.

La victime est inconsciente et ne respire pas : elle


est en arrêt cardiaque
La survenue d’un arrêt cardiaque peut avoir plusieurs origines :
l’évolution d’une obstruction totale des voies aériennes supérieures
lorsque les manœuvres de désobstruction sont inefficaces, une
intoxication par des médicaments, la consommation de drogue, un
traumatisme (du crâne, du rachis, du thorax), une noyade, une
pendaison.

■ Signes observés
La victime est inconsciente, ne bouge pas, ne répond pas aux
questions, n’ouvre pas les yeux, ne serre pas la main à la demande du
sauveteur. La ventilation est absente, il n’y a pas de mouvement de
thorax. Aucun signe de vie n’est observé.

■ Agir en présence d’une victime qui est inconsciente


■ Agir en présence d’une victime qui est inconsciente
et ne respire pas
En premier lieu, confirmer le bilan. La personne ne bouge pas ? Elle
ne respire pas ? C’est un arrêt cardiaque. Il faut confier à un équipier le
soin de déclencher un MAYDAY ou, au port, demander à un témoin de
donner l’alerte, et réclamer un défibrillateur. À l’escale, on en trouvera
dans certains lieux publics ou dans la plus proche pharmacie. En mer…
rares sont les voiliers de plaisance équipés, le défibrillateur arrivera avec
les secours, ou avec le navire à passagers le plus proche.
Sans délai, on met en œuvre le massage cardiaque 18. Le sauveteur
alterne des cycles de 30 pressions sur le thorax et 2 insufflations en
bouche-à-bouche. Le bilan est transmis au CROSS, en précisant que l’on
est en présence d’une victime en arrêt cardiaque et que l’on pratique les
manœuvres de massages cardiaques associées au bouche-à-bouche.
Si le sauveteur répugne au bouche-à-bouche en raison de l’état de la
victime (vomissements, saignements…), il réalise le massage cardiaque
seul, ce qui est déjà très efficace, plutôt que de ne rien faire. Le massage
cardiaque doit être poursuivi jusqu’à l’arrivée d’un défibrillateur, ou
jusqu’à la décision d’arrêter, qui ne pourra être prise que par le médecin
du CCMM.
Le massage cardiaque. 1 Repérer le milieu du sternum. 2 Y poser le talon d’une
main. 3 Placer le talon de l’autre main sur la première main. 4 Bras tendus, réaliser
des compressions, en laissant entre chaque action la poitrine de la victime reprendre
sa position initiale.

LE DÉFIBRILLATEUR, UTILISABLE MÊME PAR UN ENFANT


Un défibrillateur est extrêmement simple d’usage, l’appareil fournit des
instructions vocales dès la mise en route. Un deuxième sauveteur place les
électrodes, pendant que le massage cardiaque se poursuit. Le défibrillateur effectue
le diagnostic, et prend la décision de choquer si nécessaire (il demande aux
sauveteurs de s’écarter). Le défibrillateur automatique déclenche de lui-même le
choc, le modèle semi-automatique demande au sauveteur d’appuyer sur le bouton
ad hoc. Massage cardiaque et bouche-à-bouche en 30/2 (2 insufflations toutes les
30 compressions thoraciques) sont repris si l’appareil le demande. Laisser les
électrodes en place, l’appareil recommencera son diagnostic à intervalles réguliers.
Les pathologies liées au froid
Une ambiance froide se caractérise par une température extérieure
inférieure à 15 °C. Ce contexte thermique peut être aggravé par des
conditions météorologiques pluvieuses, un mauvais état de la mer, un
fort vent. Toutes ces causes majorent l’ambiance froide et les
conséquences pour les organismes. Le résultat peut être l’apparition
d’une hypothermie. La tête, le cou, les flancs, l’aine sont les zones
corporelles où les déperditions de chaleur sont les plus importantes.

■ Prévention contre le froid


La première prévention est vestimentaire, on s’équipe sur le principe
des trois couches ► et on rajoute par grand froid une, voire deux
couches intermédiaires ! Une alimentation et une hydratation correctes
sont tout aussi importantes. Il faut manger en suffisance, chaud si
possible, tant que les conditions de navigation permettent de faire la
cuisine (au pire, on se rabat pour le chaud sur les soupes-minute en
sachet : mettre une bouilloire sur le feu ne relève jamais d’un grand
exploit).
Il est recommandé de boire 3 litres par jour, de préférence des
boissons chaudes et sucrées 19. Ne pas se priver de préparer une
bouteille thermos avant une aggravation de la météo.

■ L’hydrocution
C’est un accident fréquent, qui survient plutôt l’été après une
exposition solaire prolongée. Il est provoqué par la différence entre la
température de l’eau et celle de la peau. Au contact de l’eau, les
vaisseaux de la peau (dilatés par la chaleur du soleil) sont le siège d’une
constriction brutale, ce qui provoque une syncope. Même un bon nageur
peut faire une hydrocution.
Pour éviter une hydrocution, il faut attendre 2 à 3 heures avant de se
baigner, si l’on a absorbé un repas copieux ou consommé de l’alcool.
Lorsqu’on se baigne, le corps doit être progressivement mouillé en
s’arrosant la nuque puis le reste du corps. Éviter le bain de soleil et les
efforts importants avant la baignade. En début de saison, les premiers
bains seront limités à une quinzaine de minutes. Ne pas plonger
d’emblée : au mouillage, se mettre à l’eau par l’échelle de bain plutôt que
de piquer une tête 20.
■ Les premiers signes d’hydrocution
Plusieurs manifestations peuvent annoncer la survenue d’une
hydrocution : maux de tête, crampes, frissons, angoisse, démangeaisons,
vertiges, douleurs abdominales, tremblements. Il faut sans délai sortir de
l’eau dès qu’un de ces signes apparaît.
L’hydrocution proprement dite est une apnée réflexe, qui
s’accompagne d’un coma et du ralentissement du rythme cardiaque. Puis
une reprise respiratoire a lieu, les premières gouttes d’eau aspirées dans
les voies respiratoires entraînent un spasme laryngé, il y a une inondation
pulmonaire par l’eau. Un arrêt respiratoire définitif s’ensuit. La dernière
phase est l’arrêt cardiaque.
Les soins à prodiguer sont ceux qu’on administre à une personne
inconsciente et qui ne respire plus ►.

LA NOYADE
La noyade est une asphyxie par inondation bronchique et pulmonaire
consécutive à une immersion ou une submersion. De multiples situations peuvent en
être à l’origine : un nageur inexpérimenté s’épuise, une personne est en incapacité
technique de nager, une hydrocution survient, un choc traumatique provoque la
chute à l’eau, la noyade est due à une panique. Après récupération d’un noyé,
réaliser le bilan des fonctions vitales : bouge-t-il ? Respire-t-il ? S’il est inconscient et
respire, PLS (position latérale de sécurité). S’il ne respire pas, massage cardiaque et
bouche-à-bouche. Alerter les secours.
■ L’hypothermie
L’hypothermie décrit une baisse de la température corporelle, en
dessous de 35 °C. De 32 °C à 35 °C, il s’agit d’une hypothermie modérée.
Entre 26 °C et 32 °C, c’est une hypothermie grave. En dessous de 26 °C,
une hypothermie sévère. En dessous de 24 °C, la survie n’est pas
possible.
Les deux principales causes d’hypothermie en mer sont la noyade et
un séjour prolongé dans l’eau froide après une chute à la mer (nager
15 minutes dans une eau à 15 degrés suffit pour être en hypothermie).
Quels sont les signes extérieurs pour le secouriste ?
– La victime frissonne, l’hypothermie est légère, la température
corporelle est supérieure à 34 °C.
– La victime ne frissonne plus mais peut bouger ses membres,
l’hypothermie est modérée, la température est entre 30 °C et 34 °C donc
prudence, une complication grave peut se produire.
– La victime est totalement immobile, l’hypothermie est sévère, la
température est inférieure à 30 °C, le danger est extrême.
■ Agir sur une personne récupérée à la mer
Un rescapé d’une noyade, un homme à la mer ramené à bord, est
potentiellement en situation d’hypothermie. Dès qu’on l’a récupéré, on
l’allonge pour éviter un désamorçage de la pompe cardiaque. On ne le
frictionne pas, on ne lui prodigue pas d’alcool (tant pis pour l’image
iconique du saint-bernard avec son tonnelet d’eau-de-vie), on ne
provoque pas de réchauffement artificiel brutal.
La personne est déshabillée avec douceur, si besoin en coupant ses
vêtements avec des ciseaux. On la sèche ensuite sans la frotter, on
enveloppe son corps comme un sandwich (en dessous et au-dessus)
avec au moins trois couches différentes (duvet, couverture, sac poubelle
ou couverture de survie), et en lui enveloppant bien tête et cou (bonnet
et couverture de survie). On peut la coucher sous le duvet au contact
direct d’un équipier, qui se déshabille pour lui communiquer sa propre
chaleur corporelle.

LA PHARMACIE DE BORD
Les obligations réglementaires concernant les équipements de soins
et de santé sont particulièrement restreintes. Au moment où nous
écrivons cette huitième édition du Cours, la Division 240 ne prévoit rien
de plus qu’une trousse de secours composée de matériel à pansements.
Pendant longtemps, la description de cet équipement a été assortie de la
mention suivante : « Tout complément de la trousse de secours est laissé
à l’initiative du chef de bord, en fonction des risques sanitaires qu’il peut
être amené à identifier dans la préparation de la navigation envisagée et
des personnes embarquées. » Cette disposition a beau avoir disparu en
2015, elle continue à nos yeux de résumer une démarche dans laquelle
doit impérativement s’inscrire le chef de bord.

Composer sa pharmacie
D’évidence, on n’emmène pas la même pharmacie de bord en
appareillant pour une transat que pour une sortie à la journée avec pique-
nique aux îles. Mais encore ? Au moment de réfléchir à la composition de
cette pharmacie, le chef de bord dispose de deux ressources
essentielles :
– Les textes sur la course au large. Les RSO (Réglementations
spéciales offshore) sont éditées par World Sailing, la fédération mondiale
de voile, traduites en français et commentées par la Fédération française
de voile (FFV). Ces textes définissent des obligations en fonction de la
catégorie d’épreuve dans laquelle un voilier est engagé, ces catégories
étant au nombre de six. Les RSO 0 définissent grosso modo les courses
autour du monde, les RSO 4 correspondent aux courses courtes se
déroulant près des côtes et plutôt de jour, les RSO 5 et 6 couvrent les
régates « en baie fermée ». Une dotation médicale spécifique est
obligatoire dès le niveau 3 (courses en pleine mer relativement proches
des côtes), et elle s’enrichit progressivement jusqu’aux RSO 0. Ces listes
sont téléchargeables sur le site de la FFV, à la rubrique médicale.
– Le médecin de famille, auquel il faudra de toute façon s’adresser
pour rédiger les ordonnances nécessaires à l’acquisition des
médicaments. Ses conseils seront précieux, et on pourra dialoguer avec
lui pour préciser les besoins en fonction de la navigation envisagée, et du
profil de l’équipage (enfants, équipiers âgés…).

Organiser sa pharmacie
Il est bon de scinder sa pharmacie en au moins deux contenants. Le
premier sera destiné à la « bobologie », et aux petits soucis de santé du
quotidien. Le second est réservé aux médicaments sur ordonnance, qui
ne pourront être administrés que sur prescription du médecin du CCMM,
ou du praticien consulté à l’escale. Autant le kit de base peut être
accessible à tout l’équipage, autant on peut être tenté de sceller la
pharmacie « lourde ».
Qu’on opte pour des sacs souples ou des boîtes rigides, les
contenants doivent être étanches. On les accompagne d’une liste où les
contenus classés par spécialités sont tenus à jour, avec mention des
dates de validité. La conservation de listes plastifiées à l’extérieur des
boîtes étanches permet d’anticiper la date de péremption des différents
éléments sans avoir à retourner sa pharmacie tous les quatre matins.
Avant de rechercher dans la pharmacie un médicament sous
prescription pour soigner un équipier, l’événement doit être consigné
dans le cahier de bord, assorti des prescriptions ou conseils délivrés par
le médecin du CCMM.
LES ACCIDENTS MATÉRIELS ET LES AVARIES
Le bateau peut se faire mal lui aussi. Et même très mal ! Voici donc
quelques pages consacrées aux malheurs du bateau et surtout à la façon
de les éviter. Ce qui suit ne prétend pas être exhaustif, dans la mesure où
certaines des mésaventures qui peuvent affecter la vie d’un voilier sont
déjà largement évoquées dans d’autres pages de ce Cours. Ainsi de
l’abordage, traité au chapitre Navigation dans « Prévenir les abordages en
mer ». Car après tout, les conséquences d’un abordage ne sont pas
essentiellement différentes de celles d’un autre accident de mer : voie
d’eau et éventuellement démâtage…
Comment prévenir une avarie, que faire si elle se produit ? Tel est
donc l’objet des présentes pages – qui ne traitent pas des réparations,
abordées au chapitre 4 dans « Maintenance du voilier ». Les questions du
recours à l’assistance extérieure puis de l’abandon du navire trouvent
naturellement leur place à la suite de la description des avaries, de très
sérieux dégâts pouvant contraindre un équipage à quitter le bord sur le
radeau de survie.

L’ÉCHOUEMENT
Un bateau se posant sur le fond par l’action délibérée de son
équipage, c’est un échouage. En revanche un bateau qui touche
involontairement, et qui ne réagit plus à la barre, est victime d’un
échouement. Si la quille touche involontairement et que le bateau réagit
à la barre, c’est un talonnage : on n’est pas échoué, le navire flotte en
eau libre, mais le choc a pu créer des dommages, il va falloir investiguer
et éventuellement agir.
Les causes de l’échouement ou du talonnage sont nombreuses :
sondeur non surveillé ou mal étalonné, livre de bord mal tenu et route
non suivie, lecture « naïve » des cartes (sondes indicatives, écueil non
signalé, fonds évolutifs…), non-consultation des documents nautiques en
complément de la carte, défaillance du balisage (feu éteint, balise
détruite…), avarie de barre ou de propulsion, mouillage qui chasse,
fatigue, mauvaise communication à bord… On sera très vigilant dans les
ports, à basse mer de vives-eaux ; se renseigner à la capitainerie évite
des ennuis.

Prévenir l’échouement
Le chef de bord doit toujours savoir où le bateau se situe et où il va. Il
doit connaître l’environnement actuel et futur (amers, courants, vents,
fonds, abris…), suivre les prévisions météo et l’évolution du temps. Il doit
donner au barreur tous les éléments pour qu’il puisse non seulement
tenir le cap mais aussi connaître les contraintes de navigation du
moment. Le barreur doit respecter les consignes et informer le
navigateur, immédiatement, de tout élément nouveau. Il doit être assisté
d’un « veilleur » qui scrute l’horizon sur 360°, quelle que soit la voilure. La
communication doit être permanente et réciproque entre les acteurs :
chef de bord, barreur, veilleur…
Malgré les précautions prises, des aléas sont possibles : plus
l’équipage sera rodé, discipliné et soudé, plus la situation sera maîtrisée
et les talonnages ou échouements atténués. Il faut avoir le sens marin
pour prévenir ce qui ne va pas et ne pas flirter avec les zones à risques. Il
faut aussi garder de « l’eau à courir », surtout dans des conditions
difficiles, dans un contexte inconnu ou avec un équipage peu amariné.

Traiter l’échouement
On vérifiera d’abord que l’équipage est au complet et sans blessé.
Ensuite seulement, on engagera les actions urgentes qui s’imposent.
S’il y a des entrées d’eau, on assèchera avec ce qui est disponible :
pompes de cale, seaux… On évaluera ensuite la situation relativement au
site (nature des fonds, protection, vulnérabilité), à la mer (état, marée),
aux éléments variables (vent, courant) et au potentiel d’intervention
(temps disponible, moyens autonomes, aide possible, proximité et
rapidité des secours, utilisation du terrain…).
Les dégâts seront liés au contexte et à la nature des fonds (plats,
meubles, durs, rochers épars, rochers accidentés et acérés…). Sur un
fond plat, le risque sera moindre que sur un terrain rocheux et chaotique.
Par une mer belle et étale, le choc sera moins violent qu’avec une mer
agitée et un courant fort. Mais un simple clapot un peu marqué peut vite
transformer la situation en enfer. Se dégager au montant est plus facile
qu’au descendant. Si le bateau reste sous contrôle par vent faible, cela
devient une tout autre histoire lorsqu’un vent violent porte à la côte. Il
faut donc évaluer, très vite, les atouts (flux, vent de terre…) et les
amplificateurs de risques (reflux, rafale, déferlante, ressac…).
Avec des conditions favorables, faire gîter le bateau à flot peut suffire
pour le dégager. En agissant vite, on a des chances de dégager un
monocoque en le faisant gîter et en se déhalant sur l’ancre (c’est
pratiquement mission impossible avec un catamaran, ou avec un biquille,
posé sur deux points d’appui). Pour gîter, tous les moyens sont bons.
Border le foc à contre, déplacer le lest mobile (jerrycans par exemple),
aligner l’équipage dans les filières, se pendre au hauban sous le vent,
envoyer des équipiers en bout de bôme ou une personne dans la mâture.
Mais attention à ne pas effectuer n’importe quoi n’importe comment et à
ne pas oublier les précautions d’usage, inutile de créer un sur-accident.
Dans un premier temps, on cherchera à regagner le large au moteur,
non sans précaution : si la gîte est importante, en particulier, il faut
s’assurer que la prise d’eau de mer demeure immergée et que le circuit
de refroidissement ne désamorce pas, ou encore qu’il n’aspire pas le
sable brassé par le remous de l’hélice. Si le moteur est inefficace, ou si la
prudence conduit à s’en passer, on mettra l’annexe à l’eau pour porter le
mouillage secondaire au large.
Si l’on ne parvient pas à dégager le bateau et s’il est encore temps,
on le couchera sur le côté où il y a le moins d’eau en protégeant sa coque
(pare-battages, coussins, matelas…) avant qu’elle ne touche le sol. Puis
on calculera l’heure de la marée suivante et on prendra la météo pour
savoir quand le renflouement sera faisable.

En faisant gîter le voilier, on va réduire son tirant d’eau et pouvoir tenter de se


dégager au moteur dans un premier temps.

Si les conditions se dégradent et que la probabilité de renflouer seul


est douteuse : demander de l’aide aux embarcations proches. Cette aide
sera précisée en fonction des moyens de chacun et du contexte, et ne
devra pas entraîner une prise de risques supplémentaires pour les parties
en présence. Un navire à moteur peut remorquer le bateau tandis qu’un
autre tracte la drisse de spi pour faire gîter, mais là encore, il faut savoir
agir avec modération et ne pas insister si le voilier échoué refuse de
bouger.

L’ancre principale permet de se déhaler vers le large. Avec le mouillage


secondaire, dont le câblot textile a été rappelé sur une drisse de spi, avec une poulie
ouvrante par exemple, on va pouvoir accentuer la gîte.

■ Lorsque le bateau est renfloué avec les moyens


du bord
Si le bateau renfloué peut naviguer :
– Avant de remettre en route, les fonds seront auscultés
minutieusement, principalement à la liaison coque-quille. Attention, un
contre-moule peut cacher des avaries de coque, même si tout semble
correct au vu des boulons de quille. Le gréement sera lui aussi examiné :
état des cadènes, physionomie générale du mât et des barres de flèche.
Une fois en route on surveillera la tenue de cap, tout défaut à ce niveau
devant faire suspecter une avarie de quille ou de gouvernail.
– À l’escale, la coque sera inspectée, en plongeant ou en mettant au
sec. Le safran (mèche voilée, jeu dans la barre) et l’intégralité du
gréement devront faire l’objet d’un contrôle soigné.

■ Lorsque l’équipage ne parvient pas à renflouer


Si la situation est telle que l’on ne peut plus agir seul, il faudra
demander assistance en émettant un PAN PAN, ou bien un MAYDAY si
l’échouement conduit à un danger imminent pour l’équipage (voir à ce
sujet les procédures VHF ►).
La priorité portera sur la protection et l’évacuation de l’équipage, en
liaison avec les secours. Une fois celui-ci sécurisé, on prendra soin de
protéger, d’alléger et d’assécher au maximum le bateau pour faciliter son
renflouement ultérieur. Si le navire ne peut pas être renfloué,
l’évacuation définitive sera organisée. Après avoir sauvegardé et
récupéré tout ce qui peut l’être, on protègera l’environnement, et
l’épave 21 sera signalée aux autorités maritimes.

LA VOIE D’EAU
Les œuvres vives d’un voilier sont percées de nombreux orifices :
évacuation de l’évier et des toilettes, vidange du cockpit sur certains
voiliers, prise d’eau du moteur, capteurs de loch et de sondeur… Ce sont
beaucoup d’entrées d’eau possibles, alors que la première qualité que
l’on attend de la coque d’un navire, c’est précisément son étanchéité.
Les voies d’eau provoquées par une avarie sur un passe-coque, ou
sur le flexible qui lui est relié, sont qualifiées d’ordinaires. Précisons, pour
illustrer ce qu’est une voie d’eau ordinaire, qu’une ouverture de
34 millimètres de diamètre placée à 30 centimètres sous la flottaison
présente un débit de 130 litres à la minute ! Les voies d’eau ordinaires
naissent de la mauvaise qualité d’un montage, d’un entretien insuffisant
des vannes, ou d’un arrachement dû au déplacement d’un objet lourd.
Quant aux voies d’eau moins ordinaires, elles sont généralement le
fruit d’un choc avec une épave, d’un talonnage, d’un abordage, de
l’arrachement de l’arbre d’hélice et de sa chaise par un orin de filet, etc.
Pour un trou de 10 centimètres de diamètre, toujours à 30 centimètres
sous la flottaison, le débit atteint environ 1 000 litres à la minute. Dès
lors, si la capacité totale du système de pompage est insuffisante, la
situation devient vite désespérée, d’autant que la flottabilité du bateau
n’est pas seule en cause et qu’à brève échéance c’est sa stabilité même
qui se trouve compromise par effet de carène liquide 22.
Une voie d’eau peut également être provoquée par l’embarquement
de paquets de mer dans la descente ou, plus insidieusement, par un
hublot de coque ou de cockpit mal fermé.
Notons enfin qu’une déchirure dans la coque d’un bateau en
polyester n’est pas forcément synonyme de voie d’eau importante : grâce
à la souplesse du matériau, elle peut tendre à se refermer.

Éviter les voies d’eau


Les jonctions de chaque tuyau débouchant sous la flottaison doivent
être très sérieusement et régulièrement contrôlées (serrage et
étanchéité). La réglementation impose d’ailleurs que leur fixation soit
assurée par deux colliers, dont on prendra soin de placer les vis de
serrage en opposition.
Il faut aussi envisager le pire : les fixations peuvent lâcher, le tuyau
peut se sectionner, la vanne peut ne pas remplir son rôle, etc. Il est
indispensable, même si cela a disparu des textes réglementaires, de
placer des pinoches de diamètre adapté à proximité de chaque passe-
coque. Les bouchons du sondeur et du loch resteront stockés près de
leur sonde respective. On s’interdira d’entreposer du matériel au
voisinage des sondes et passe-coques, autant pour éviter de les
endommager que pour pouvoir y accéder en cas de voie d’eau.
Tout l’équipage doit connaître l’emplacement des vannes, des passe-
coques, des crépines de pompe de cale (le filtre situé à l’extrémité basse
du tuyau de pompage), des pompes et de leurs commandes électriques
(ou de leurs bringuebales : leviers de pompes à commande manuelle),
des seaux (au moins deux à bord, d’au moins 7 litres chacun, tous les
deux munis d’un long bout) ainsi que l’emplacement du presse-étoupe.

À chaque passe-coque sa pinoche, au bon diamètre. Chaque flexible est tenu en


place par deux colliers. L’installation pourrait encore être améliorée, en plaçant en
opposition les vis de serrage.

Les bringuebales sont entreposées à portée immédiate des pompes,


assurées par une garcette. Avant de prendre la mer, le chef de bord
vérifie le bon fonctionnement de chaque pompe.
Sur de nombreux modèles de bateaux, certaines ouvertures sont
signalées par la note suivante : « Maintenir fermé en navigation. » C’est le
cas des petits hublots de coque ou de cockpit destinés à l’aération des
cabines. Écrite ou non, cette consigne doit être scrupuleusement
respectée. Le panneau ou la porte de descente sera en outre fermé(e)
par gros temps, et en particulier par forte mer arrivant de l’arrière.

Que faire en cas de voie d’eau ?


■ La voie d’eau ordinaire
Commencer par goûter l’eau : c’est peut-être juste une fuite du
réservoir d’eau douce. Si l’eau est chaude, c’est qu’elle vient du circuit de
refroidissement du moteur (on peut aussi penser au chauffe-eau). S’il
s’agit bien d’eau de mer, fermer toutes les vannes et vérifier chaque
passe-coque. Ausculter toutes les tuyauteries, notamment le circuit de
refroidissement à l’eau de mer. Une fois la voie d’eau identifiée,
l’aveugler (une main posée sur l’orifice suffit) puis l’étancher avec le
bouchon ou la pinoche adaptée. Épuiser l’eau embarquée, au seau ou à la
pompe.

■ La voie d’eau extraordinaire


Dans un premier temps, évaluer le débit de la voie d’eau. S’il est
considérable, ordonner immédiatement l’évacuation du bateau et lancer
un MAYDAY avant que les batteries soient submergées.
Dans le cas contraire, identifier le plus vite possible l’origine de la
voie d’eau et son emplacement. Se mettre à la cape sur le bon bord
(tribord amure si la voie d’eau est à tribord, par exemple) pour diminuer
la pression, donc le débit de l’eau. Mettre en place un paillet, c’est-à-dire
n’importe quelle sorte de coussin recouvert d’une enveloppe étanche
appuyée sur le trou (par exemple une voile dans son sac), ce qui devrait
aveugler la voie d’eau mais probablement pas l’étancher. Une fois le
paillet en place, il faut l’épontiller, c’est-à-dire l’appuyer sur le fond de la
coque avec tout objet disponible (balai, gaffe, porte, panneau) que l’on
pourra coincer plus ou moins verticalement en le bloquant sous le rouf,
sous le pont ou dans un coffre, selon le siège de la voie d’eau.
Les mastics à prise sous-marine sont efficaces, pourvu qu’après avoir
appliqué le matériau de l’intérieur de la coque on puisse le compresser
sous une contre-plaque, ou à défaut un paillet. Là aussi, on épontillera,
ou encore mieux, si c’est possible, on vissera la pièce de renfort sur le
fond de coque.

Épontiller, c’est soutenir quelque chose avec un poteau et une poutre. Ici
l’épontille vise en réalité à maintenir le paillet en place sur la voie d’eau. Il faut pouvoir
la rentrer en force.

Si le suintement résiduel est difficile à étaler, continuer à lutter pour


sauver le bateau. Quand le débit de l’eau reste très important, il est
impératif d’envisager le pire et de préparer l’évacuation du bord. Si la
certitude du naufrage est acquise, lancer un MAYDAY et organiser
l’évacuation de l’épave. Fermer tous les panneaux de pont et de
descente, obturer toutes les aérations, pour permettre la constitution de
poches d’air qui retarderont le plus longtemps possible le moment de la
disparition du voilier – ce qui donnera le temps à l’équipage d’évacuer en
bon ordre.

L’AVARIE DE GRÉEMENT
L’avarie de gréement se solde le plus souvent par un démâtage. Mis à
part l’aspect dramatique de l’événement, il est plutôt curieux de
constater que le mât tombe assez lentement en raison de son inertie de
rotation, et aussi parce que les voiles cessent immédiatement de porter
pour se comporter comme un parachute… Mais autant faire en sorte de
ne pas avoir à contempler ce phénomène physique, fort intéressant au
demeurant.

Éviter le démâtage
Avant chaque départ en croisière, ne pas hésiter à se faire hisser le
long du mât, et à contrôler entièrement le gréement : état des cadènes,
fixation des ridoirs, absence dans les haubans d’attaque par corrosion et
surtout de gendarme 23, absence de jeu dans les barres de flèche, dans
le vit-de-mulet et la ferrure de tangon, bon passage des drisses dans les
réas en tête de mât. Une défaillance sur un de ces points demande une
correction immédiate car elle conduira inévitablement à fragiliser
l’ensemble. Le chef de bord en profite d’ailleurs pour vérifier l’absence
d’éléments agressifs pour les voiles, tels qu’une goupille mal repliée, etc.
Tous les jours, il effectue un tour du pont pour une inspection
générale des liaisons entre le haubanage et la coque, du vit-de-mulet, de
la tension des haubans, etc. Il intervient immédiatement dès qu’il
constate la moindre anomalie : haubanage mou sous le vent, jeu
important dans une barre de flèche ou une autre pièce fixée au mât,
découverte d’un écrou, d’un anneau brisé ou d’une goupille qui traîne sur
le pont (il y a peu de chances qu’ils soient tombés du ciel et ils viennent
nécessairement du gréement).
Quand un hauban est fragilisé ou défaillant, on peut éviter le
démâtage en le soulageant : d’abord en naviguant sur le bord opposé de
façon à le placer sous le vent (par exemple, se mettre au portant si c’est
l’étai qui faiblit), puis en le doublant avec des drisses. L’éventualité du
démâtage est par ailleurs un critère pour le choix de l’outillage du bord
(pince coupe-hauban 24, scie à métaux avec lames de rechange) et de
son équipement : ainsi une VHF portable (et/ou une antenne de secours)
s’avère très utile après un démâtage, l’antenne de la VHF fixe étant en
général en tête de mât.

En cas de démâtage
Des morceaux de mât peuvent percuter la coque et provoquer des
avaries supplémentaires. Si la mer est agitée, on libère le plus vite
possible le mât, en coupant le gréement dormant, ou en dévissant les
ridoirs. Au besoin, on cravate l’espar ou ses morceaux avec des cordages
et on l’arrime le long du bateau de façon à réduire les coups de boutoir
pendant l’opération, mais aussi dans la perspective de remonter ensuite
à bord ce qui sera raisonnablement possible. Si l’on doit tout larguer, on
s’efforce de récupérer au préalable les drisses : on aura besoin de
cordages pour réaliser le gréement de fortune.
Privé de voilure, le bateau reste en principe dans sa position
d’équilibre travers à la vague, et ses mouvements à la mer sont alors
singulièrement brutaux (avec la disparition du mât, le voilier a perdu un
balancier). Les déplacements sur le pont deviennent dangereux, il faut
impérativement se harnacher.
COMMENT PRÉVENIR LES ACCIDENTS
Parce qu’aujourd’hui l’accident ou l’incident ne sont jamais une fatalité, les
Glénans analysent tous les événements de mer qui se produisent pendant les
stages, quelles que soient leur nature et leur gravité, afin d’améliorer la qualité de
la formation dispensée tant aux stagiaires qu’aux moniteurs et aux salariés. Dans
90 % des cas, le facteur déterminant est de nature humaine. Les facteurs de
nature environnementale ou matérielle peuvent contribuer aux accidents mais ne
sont déterminants que dans 10 % des cas.
À l’instar du Bureau d’enquêtes sur les événements de mer 25, l’observatoire
des accidents des Glénans utilise la méthode SHELL. Celle-ci permet à la fois
d’analyser un accident, d’en prévenir l’occurrence quand on s’en sert pour évaluer
les risques en préalable à toute manœuvre inhabituelle, mais aussi de sensibiliser
un équipage néophyte aux précautions à prendre lorsqu’on pratique une activité
nautique.

Ce modèle SHELL, mis en place en 1972 par le professeur d’université Elwyn


Edwards et complété entre 1984 et 1987 par Frank Hawkins, pilote d’avion de la
compagnie KLM, est l’acronyme anglophone de Software (composante logicielle)
Hardware (composante matérielle) Environment (composante environnementale)
Liveware (composante humaine interne) Liveware (composante humaine externe).
En balayant le SHELL, on identifie les facteurs d’accident et on peut mettre en
place des parades. Ces notions de prime abord complexes ou abstraites se
résument simplement quand on les applique à une croisière en voilier.
Par exemple, dans le cas d’un échouement :
– Si la cartographie numérique n’indique pas précisément une tête de roche, il
s’agit d’un facteur logiciel (S).
– Si le voilier en panne de vent dérive avec le courant sur les rochers à cause
d’une panne de moteur et que l’on n’arrive pas à mouiller parce que le guindeau
est grippé, il s’agit de deux facteurs matériels (H).
– Si le courant ou le vent sont tellement forts qu’on ne peut les contrer à la
voile ou au moteur, il s’agit de facteurs environnementaux (E).
– Si l’on est dans cette situation critique parce que la route passait trop près
d’un danger sur lequel porte le vent ou le courant, il s’agit d’un facteur humain
interne (L).
– Si l’on a pris cette route dans des conditions défavorables pour rendre à
l’heure un bateau de location, il s’agit une nouvelle fois d’un facteur humain
externe (L).
Remarquons que si l’on a appareillé en sachant que le moteur était défaillant
et le guindeau grippé, ou la météo catastrophique, le facteur humain est
également en cause.

Identifier le facteur déterminant


On recherche par ailleurs systématiquement le ou les facteurs déterminants
de l’accident. Sont facteurs déterminants les actions, omissions, événements ou
conditions sans lesquels l’accident ou l’incident de mer ne se serait pas produit,
ou n’aurait pas eu de conséquences néfastes, ou aurait eu des conséquences
moins graves. Dans notre exemple, le facteur déterminant de l’échouement réside
dans le choix du chef de bord de prendre une route passant trop près au vent ou
au courant d’une zone de dangers. Les autres facteurs éventuels sont, dans le
vocabulaire du Bureau d’enquête, analysés comme « contributifs » 26.

Pratiquer le doute constructif


L’analyse des accidents a pour but d’émettre des recommandations pour
éviter leur reproduction. L’observatoire des accidents des Glénans incite les chefs
de bord à pratiquer le doute constructif en permanence pour anticiper et éviter les
événements. Il les encourage en outre à associer leurs équipages à la réflexion.
Dans la pratique, cela conduit à « prendre un pied de pilote » ou à « être au vent de
la bouée » en toutes circonstances (marée, manœuvre, météo, navigation, fatigue
du matériel et surtout de l’équipage) et à savoir expliquer pourquoi à ceux dont on
a la responsabilité.
Signalons enfin qu’aux Glénans, 70 % des événements en croisière se
produisent alors que les voiliers sont au moteur, principalement dans des espaces
restreints.

Premier objectif, mettre le bateau dos à la vague pour le stabiliser.


On peut y parvenir en filant des traînards, voire une ancre flottante. Un
sac à voiles au bout d’une aussière peut faire l’affaire. S’aider du moteur
n’est pas la bonne idée, le risque de prendre dans l’hélice un débris ou un
cordage encore à l’eau étant particulièrement important. On ne s’y
résoudra qu’en dernière extrémité, et après une inspection scrupuleuse,
tout autour du bateau.
Une fois vent arrière, barre dans l’axe, reste à bâtir son gréement de
fortune. L’imagination est au pouvoir, il faut trier ce qu’on a encore sous
la main, bôme, tangon, éventuellement un morceau de mât. En croisant
deux espars, on peut faire un gréement tripode, ou une chèvre (structure
amovible permettant de lever une charge) pour hisser un espar plus long
et plus lourd. Sur ce gréement de fortune, un tourmentin trouvera assez
naturellement sa place, pour les autres voiles, il faudra peut-être
procéder à plusieurs essais, hisser par exemple un solent par le point
d’écoute, à l’horizontale… Quelle que soit la solution retenue, elle
permettra rarement de lofer au-delà du vent de travers, et encore. Il
s’agit par conséquent de construire une route logique permettant de
rallier un abri en fonction des prévisions météo. Le recours au moteur
reste envisageable dans la limite des réserves de carburant : bien
calculer son autonomie, et surveiller de près la consommation. Un
ravitaillement de gazole en mer est parfois envisageable, à étudier en
fonction de l’éloignement des côtes et des possibilités d’assistance
extérieure.

Il n’existe pas de gréement de fortune type, il faut savoir innover avec ce qu’on a
encore sous la main.

LE BOUT DANS L’HÉLICE


Encore plus que la quille ou le safran, l’hélice en rotation affiche une
propension marquée à retenir tout ce qui flotte ou est immergé. D’après
les assureurs et les sauveteurs, les problèmes d’hélice sont une cause
importante d’intervention.

Les bouts liés au bateau


L’ordre à bord est une exigence : conserver le bateau rangé, lover les
manœuvres courantes efficacement… Les cockpits ouverts à l’arrière
seront particulièrement surveillés. Avant de démarrer le moteur et
d’embrayer, on vérifie qu’il n’y a rien sous la coque ni autour du bateau,
en particulier après avoir navigué sous spi, bras et écoutes traînant
volontiers à l’eau. Dans les manœuvres de port, l’équipier récupérant une
amarre en double annonce « claire » lorsqu’il l’a intégralement ramenée à
bord. De même, en appareillant d’un port de Méditerranée, faut-il
attendre que la pendille coule avant de passer la marche avant.

Les bouts externes au bateau


Les zones à risques seront contournées : casiers, filets, navires en
pêche… Dans les zones de mouillage, on manœuvrera en passant
derrière les bateaux à l’ancre pour ne pas être dépalé sur leur ligne de
mouillage.
En Méditerranée, de nouveau, on s’assurera d’avoir largement
débordé l’étrave et les pendilles des voisins avant de mettre de la barre
pour viser la sortie de la darse : ne jamais perdre de vue qu’en virage le
bateau dérape et que son cul chasse sur l’extérieur de la courbe.

Trop tard…
Malgré toutes les précautions et une surveillance soutenue, il arrive
que l’on se fasse piéger. Le premier réflexe est de débrayer. Plus tôt
l’inverseur est au point mort, moins « l’intrus » s’emberlificotera autour
de l’hélice, et plus il sera facile de se dégager. On limite ainsi, par
ailleurs, le risque – réel – de tordre ou d’arracher l’arbre d’hélice, la
chaise d’arbre ou l’embase de Saildrive. Passer la marche arrière dans
l’espoir que les tours se déferont d’eux-mêmes est une très mauvaise
idée, dans la quasi-totalité des cas cela ne fera qu’aggraver le problème,
au point souvent de le rendre définitivement insoluble.
Un cordage isolé, qu’il s’agisse d’une amarre ou d’une écoute
appartenant au bateau ou encore d’un bout abandonné traînant dans
l’eau, peut s’avérer relativement facile à dégager par simple traction,
avec éventuellement un peu de patience et d’insistance. S’il s’agit d’un
cordage solidement relié au sol (orin de casier, câblot de mouillage),
l’affaire est plus complexe. Sans parler du morceau de filet emberlificoté
autour de l’hélice au point de former une gangue… Il arrive qu’on doive
plonger. On y réfléchira à deux fois, en prenant en compte le contexte, et
notamment l’état de la mer.
Si une fois le bateau libéré l’hélice demeure bloquée, ou si le moteur
fonctionne mal, s’il y a des vibrations importantes, si l’arbre est voilé, il
faudra rejoindre un port, sous voiles ou remorqué. L’accostage sous
voiles n’est pas chose aisée, il doit être préparé quant à la façon de faire
et au lieu où aller, tous les ports ne sont pas adaptés. Il reste toujours la
possibilité de prendre un coffre à la voile, ou de mouiller à l’abri, pour
plonger plus tranquillement.

Il existe des systèmes coupe-orin à monter sur l’arbre d’hélice. Plus ou moins
agressifs, plus ou moins efficaces, ils limitent les risques d’engager l’hélice mais ne
peuvent être considérés comme une garantie absolue.

Contrôles ultérieurs
Les dégâts fréquents concernent : l’hélice et ses pales, l’inverseur, la
chaise d’arbre, les anodes, la bague hydrolube, l’arbre d’hélice, les
pignons des Saildrive, les silentblocs, le tube d’étambot ainsi que le
gouvernail. Des voies d’eau sont parfois constatées. Les systèmes de
propulsion et de gouverne seront systématiquement contrôlés après
avoir dégagé l’hélice.

L’INCENDIE
L’incendie est le plus dangereux des accidents qui puissent affecter
un navire, quel qu’il soit. Un voilier de plaisance brûle complètement en
une dizaine de minutes. Les fumées et les gaz d’un incendie sont à tort
considérés comme d’anodins résidus de combustion, alors qu’ils peuvent
non seulement s’embraser d’un coup ou exploser, mais sont aussi de
violents poisons.

Ce qu’il faut savoir du feu à bord


Un incendie évolue en trois étapes conventionnelles : naissance,
développement, propagation.
Au commencement de tout incendie, il n’y a qu’un seul foyer. À ce
moment, l’équipage peut encore agir et empêcher le feu de se
développer.
Ensuite, la chaleur du foyer initial est transmise par convection, par
rayonnement infrarouge, par conduction, ou encore par projection de
substances déjà en combustion. La chaleur transmise à l’environnement
est génératrice de gaz et de fumées qui, particulièrement échauffés,
s’accumulent en hauteur à l’intérieur du local affecté. S’il y a apport
d’oxygène, le matelas de fumée peut s’embraser entièrement.
Si le feu s’est déclaré dans un local hermétique et non ventilé (le
compartiment moteur dont on aura coupé la ventilation électrique, par
exemple), la combustion se limite aux éléments incandescents du foyer
d’incendie, car l’oxygène est rapidement consommée par le feu, mais
fumées et gaz chauds n’en sont pas moins présents. Si l’on ouvre un
local clos à ce stade, l’effet du brusque apport d’oxygène est
catastrophique : une violente explosion se produit aussitôt.
Dans un incendie, la production des fumées est immédiate et
2
précède les effets thermiques. Une surface de 3 m de matériaux
3
synthétiques peut produire 10 m de gaz à la seconde. Les gaz produits
par la combustion des matériaux du bateau et de son équipement
(polyester, époxy, revêtements, matelas, bouts, etc.) sont extrêmement
toxiques.

Prévenir les incendies


On doit impérativement disposer à portée de main de moyens
efficaces de lutte contre l’incendie. Extincteurs, adaptés et régulièrement
vérifiés (au moins un par cabine), sont placés aux endroits stratégiques, à
moins de 2 mètres de la cuisine et des autres points sensibles (moteur,
tableau électrique), et doivent demeurer accessibles en toutes
circonstances. Une couverture antifeu doit de surcroît être à poste près
de la cuisine (mais pas à proximité immédiate du réchaud, il faut pouvoir
s’en saisir) 27. Chaque équipier connaît l’emplacement des extincteurs,
ainsi que celui des bouteilles de gaz et de leurs vannes.
Le risque d’incendie dans la cuisine est aggravé par la surchauffe de
l’huile de cuisson ou de la graisse chaude : d’une manière générale, il
convient de proscrire les fritures en mer !
Le plan de sécurité doit être affiché dans le carré ou à la table à cartes, dans un
lieu directement visible de tous.

La propreté du compartiment moteur fait l’objet d’un soin particulier,


surtout celle de la gatte (le récipient destiné à recueillir l’huile et le
gazole quand ils suintent). Attention ! Une courroie de moteur mal tendue
peut dégager d’abondantes fumées en patinant et faire croire qu’il y a un
incendie.
Le circuit électrique est monté dans les règles de l’art et ne subit
aucun bricolage improbable. Une pompe de cale branchée directement
sur les batteries, sans fusible dédié, peut provoquer un incendie – les
Glénans en ont fait la triste expérience !
Comme le milieu salin est corrosif, il faut vérifier régulièrement le
circuit électrique, prendre les mesures adéquates en présence de fils
dénudés, de connexions oxydées…

Agir face à un incendie


On l’a vu, un incendie commence toujours par un foyer unique : c’est
à ce moment seulement que l’équipage peut agir pour l’empêcher de se
développer. Après, il sera trop tard…
■ Départ d’incendie : règles générales
– Après avoir découvert l’incendie, donner l’alarme avant d’intervenir.
– Ne jamais passer près de l’incendie pour aller chercher un
extincteur.
– Vérifier d’abord l’extincteur : après avoir consulté le mode d’emploi
sur l’appareil, retirer ou manœuvrer le dispositif de sécurité plombé
(goupille ou autre) avant d’approcher le feu.
– Se tenir près du sol.
– Viser la base de l’incendie et faire un mouvement de balayage avec
l’extincteur.
– Faire attention aux retours de flamme.
– Ne jamais tourner le dos à un incendie une fois qu’il est éteint.
– Ne pas remettre l’extincteur à son poste après usage.
Attention, un extincteur se vide très vite – en à peine 5 secondes
pour certains modèles !
Lutter contre l’incendie, c’est aussi empêcher les flammes d’atteindre
les objets inflammables, il faut donc les dégager ; par ailleurs et surtout,
c’est empêcher les gaz chauds de s’accumuler au plafond : au début de
l’incendie, ouvrir les panneaux de pont pour les évacuer.
Si les extincteurs n’ont pas fait leur office, l’incendie s’étend
rapidement : non seulement les flammes couvrent une plus grande
surface, mais de dangereuses fumées se font de plus en plus denses.
Préparer sans attendre l’évacuation du bord en alertant les secours par
l’émission d’un MAYDAY.
Quand l’incendie n’est pas maîtrisé dès la première minute, jeter par-
dessus bord les bouteilles de gaz, la nourrice d’essence du moteur de
l’annexe, les bombes aérosols et tous les produits dangereux au contact
du feu : tout ce qui va bientôt exploser et compromettre l’évacuation de
l’épave. Pour retarder la propagation de l’incendie, ne pas oublier
d’actionner la vanne de fermeture d’urgence de l’alimentation en
carburant à la sortie du réservoir.
Le barreur essaie d’orienter le bateau de manière à limiter la
circulation d’air dans l’habitacle, en se mettant au portant par exemple,
mais la configuration des ouvertures du rouf et la force du vent peuvent
l’amener à faire d’autres choix.

■ Départ d’incendie en cuisine


Lorsque le feu prend dans le coin cuisine, fermer aussitôt le robinet
de gaz de la bouteille.
Si l’on a pris le risque de faire une friture à la poêle et que l’huile
s’enflamme, ne surtout pas jeter d’eau dans l’huile, le mélange en se
vaporisant se transformerait en lance-flammes ! Couvrir avec un
couvercle hermétique, un torchon humide ou une couverture antifeu.

■ Départ d’incendie dans le compartiment moteur


– Arrêter le moteur.
– Stopper la ventilation mécanique du compartiment moteur.
– Obturer les orifices de ventilation naturelle du compartiment.
– Fermer les vannes des réservoirs à combustible.
– Attaquer le feu quand les quatre opérations précédentes sont
accomplies 28.
Ne jamais ouvrir le capot du compartiment du moteur si l’incendie se
déclare à l’intérieur de celui-ci : il est pourvu d’un nable 29 par lequel on
projette le produit extincteur. Cet orifice de décharge doit être
dimensionné et situé de telle façon que le bon extincteur puisse être
complètement déchargé sans qu’il faille ouvrir le capot.

LE COUP DE FOUDRE
Les bateaux ne tombent pas amoureux, mais ils peuvent être frappés
par la foudre…
Statistiquement, la chance que cela se produise est faible. La
mémoire collective des Glénans rapporte qu’à l’exception de Sereine au
cours d’un retour des Canaries – il y a fort longtemps –, aucun bateau
des Glénans n’a été frappé par la foudre. Et pourtant ils sont très souvent
en mer.
Sur Sereine, la radio avait été débranchée et n’a pas été touchée. Une
chaîne reliée au pataras avait été mise à tremper à l’arrière du bateau.
Quelques maillons s’étaient (paraît-il) soudés par galvanisation de
surface. Quant au barreur resté sur le pont, il avait (paraît-il également)
les cheveux plutôt hérissés sur la tête.

Le pied de mât, son épontille métallique, ou, à défaut, une cadène de hauban,
doivent être reliés à un boulon de quille par une forte tresse.

La réglementation prévoit que le pied de mât des voiliers soit relié


électriquement aux boulons de la quille par une tresse. Cette connexion
doit être soignée et bien entretenue, ce qui n’est pas toujours le cas, et
certains montages semblent bien dérisoires face à l’intensité électrique
de la décharge d’un éclair. Amarrer de la chaîne aux haubans et la faire
tremper dans la mer ne donnera pas grand-chose de mieux. Aussi les
conseils qui suivent se limitent-ils à la protection des personnes
embarquées et de l’électronique.

La prévention en matière d’orage


– Le matériel. Débrancher les batteries, tous les appareils
électroniques et leurs antennes (VHF, radio). Le faire avant qu’il soit trop
tard, car il est dangereux de manipuler des conducteurs en plein orage.
– L’équipage. Il s’assoit à l’intérieur du voilier fermé, le plus bas
possible, et se tient éloigné des éléments métalliques. Sur le pont, le
veilleur en bottes et en ciré s’assoit lui aussi et évite comme le reste de
l’équipage d’étendre les bras et de s’allonger. Il n’y a plus qu’à attendre
que ça passe ! Un mât n’attire la foudre que dans un périmètre d’environ
deux fois sa hauteur ; l’orage se déplace en général assez vite et le temps
pendant lequel il est « au-dessus » du bateau est relativement bref.
La coque des bateaux métalliques (comme les voitures) fait office de
cage de Faraday (le courant passe en surface mais ne pénètre pas). Par
temps d’orage, les bateaux métalliques ne sont pas plus dangereux que
les autres, ils le sont même plutôt moins.

ESTIMER L’ÉLOIGNEMENT D’UN ORAGE


L’orage est au-dessus du bateau quand le bruit du tonnerre est perçu en même
temps que la lumière de l’éclair. Plus l’orage est éloigné, plus les deux phénomènes
semblent disjoints.
Un petit calcul rapide permet de savoir si l’orage s’approche ou s’éloigne : si le
temps qui sépare les deux phénomènes est de 5 secondes par exemple, c’est que la
foudre est tombée à 1 500 m (le son se propage à 300 m à la seconde).
Quand on n’entend rien, et même si le ciel est zébré d’éclairs à l’horizon, c’est
que l’orage est vraiment très loin…
L’ASSISTANCE EXTÉRIEURE
Malgré toutes les précautions, il arrive, hélas ! qu’il soit impossible de
se sortir d’un mauvais pas sans aide extérieure. Deux hypothèses sont à
envisager :
– La situation est sérieuse, la vie d’un ou de plusieurs individus est en
jeu, le danger est grave ou imminent à bord : c’est une situation de
détresse. L’appel au secours par les moyens appropriés (MAYDAY) est
nécessaire. Rappelons que le secours des personnes demeure gratuit en
toutes circonstances.
– Dans tous les autres cas, il s’agit d’une demande d’assistance, qui
peut prendre différentes formes :
• On a besoin d’administrer un médicament pour résoudre un
problème de santé, ou bien un équipier est blessé : il faut procéder à une
consultation télémédicale dans les plus brefs délais. Ce service est
également gratuit.
• On a besoin de ramener à bon port, ou de dépanner, un navire
victime d’avaries qui rendent la situation de l’équipage trop inconfortable,
voire périlleuse à terme : il s’agit d’une simple assistance. Dans ce cas,
l’intervention est payante ; il est préférable d’en définir le prix avant sa
mise en œuvre, voire de le formaliser par écrit, par exemple dans le
cadre d’un contrat de remorquage. Ce sujet du remorquage est abordé
en détail dans le chapitre dédié à la manœuvre en croisière.

LA CHAÎNE DES SECOURS


La chaîne des secours maritimes est organisée selon les principes de
la convention SOLAS (Safety of life at sea) adoptée sous l’égide de
l’Organisation maritime internationale (OMI). Le SMDSM (Système
mondial de détresse et de sécurité en mer) est issu d’un amendement à
cette convention, et l’une de ses missions est de gérer les messages de
détresse : les émettre, les recevoir et les transmettre vers d’autres
navires, les réceptionner dans un centre de coordination, les transmettre
aux autorités chargées de la recherche et du sauvetage, ainsi qu’aux
navires se trouvant à proximité immédiate du navire en détresse afin
qu’ils puissent rapidement participer aux opérations.
La convention SAR (Search and rescue), entrée en vigueur en 1985, a
en outre permis de coordonner les opérations de recherche et sauvetage
sans tenir compte des frontières.
Les mers sont divisées en 13 zones, elles-mêmes subdivisées en
régions de recherche et sauvetage (SRR ou Search and rescue Regions)
placées chacune sous la responsabilité d’un État ; ce dernier s’engage à
assurer la réception des alertes et à diriger les opérations de recherche
et sauvetage en mettant en place des centres de coordination (MRCC ou
Maritime Rescue Coordination Centre). En métropole et outre-mer, les
CROSS sont les MRCC responsables des opérations SAR pour leur région
respective.
Les cinq CROSS de métropole et leurs zones de compétences. Le CROSS Med
La Garde dispose d’une entité à Ajaccio, désarmée la nuit au profit de La Garde, et qui
a en charge la surveillance d’une bande de 20 milles autour de la Corse, de 7 à
21 heures (23 heures en été). La France dispose par ailleurs de deux CROSS outre-
mer, à La Réunion et Fort-de-France, et deux MRCC, à Nouméa et Papeete.

Les CROSS
Les CROSS (Centre régional opérationnel de surveillance et de
sauvetage) n’ont pas de flotte propre et font appel en priorité aux navires
qui se trouvent sur zone. Selon les circonstances, des organismes très
divers peuvent être également sollicités : SNSM (Société nationale de
sauvetage en mer), protection civile, sapeurs-pompiers, gendarmerie
nationale, Marine nationale, Douanes, Affaires maritimes, armée de l’air.
Outre leur mission d’organisation et de coordination du secours en
mer, les CROSS ont en charge la surveillance de la circulation maritime,
des pêches et de la pollution. Le CROSS Gris-Nez, qui couvre la zone du
cap d’Antifer à la frontière belge, a une compétence supplémentaire : il
est le correspondant des MRCC étrangers pour toutes les opérations de
recherche ou de sauvetage de navigateurs ou de bateaux français à
travers le monde 30.

LES MOYENS D’ALERTE ET DE COMMUNICATION


En navigation côtière, la VHF est l’outil privilégié, qu’il s’agisse de la
transmission de l’alerte, de son relais éventuel, et enfin de l’organisation
proprement dite des secours. Au large, le déclenchement de la balise de
détresse équivaut à un MAYDAY. D’autres moyens plus traditionnels
comme les fusées, le miroir de signalisation, les drapeaux, les fumigènes
peuvent être utilisés.
Le téléphone portable ne peut pas être considéré en mer comme un
moyen sûr et fiable pour alerter les secours, cependant, la couverture
côtière étant de plus en plus importante, il ne devra pas être négligé.
L’assistance à l’équipage d’un navire ayant émis un signal de
détresse est gratuite et obligatoire. Ainsi, tout voilier – si cela ne le met
pas lui-même en danger – peut être amené à effectuer une mission de
secours, soit de sa propre initiative, soit sur ordre dans la mesure où les
secours estiment qu’il est le mieux placé pour intervenir. D’où
l’importance en navigation de la veille VHF sur le canal 16, fréquence
internationale d’appels et de détresse. Toutes les actions de secours et
les échanges radio qu’elles occasionnent sont impérativement consignés
dans le livre de bord.

La VHF
La VHF est le plus utilisé des moyens de radiocommunication marine,
dont la pertinence en termes de sécurité ne se dément jamais, même
pour des navigations de courte durée. Les sémaphores, les autorités
portuaires, les stations côtières, les CROSS et la plupart des bateaux que
l’on croise en sont équipés.
Une communication à la VHF manque singulièrement de
confidentialité par rapport à une conversation téléphonique. Et pour
cause : tous ceux qui sont branchés sur le même canal l’entendent en
même temps ! C’est justement pour cette raison que la VHF est le
meilleur des outils de communication pour la sécurité en mer.
Dans sa version ASN (Appel sélectif numérique), la VHF dispose, outre
la communication phonique, d’un système d’envoi et de réception de
messages codés et prédéfinis. Couplée au GPS, la VHF ASN délivre
automatiquement la position du navire en détresse ainsi que son identité,
sous réserve qu’on ait pris soin à sa mise en service de renseigner le
numéro MMSI du bateau.

MMSI ET INDICATIF D’APPEL


Le MMSI (Marine Mobile Service Identity) est le code numérique à 9 chiffres
identifiant chacune des stations participant au SMDSM, qu’il s’agisse de la VHF ASN
ou de la balise de détresse d’un navire, d’un CROSS, ou même d’une balise de
détresse individuelle. Les MMSI des CROSS commencent tous par les 5 chiffres
00 227. Ceux des navires français débutent par la série de 3 chiffres 226, 227 ou
228, chaque pays s’étant vu attribuer un ou plusieurs préfixes de cet ordre.
Chaque navire équipé d’une station VHF est doté d’un indicatif d’appel, ou Call
Sign en anglais, lui permettant de s’identifier lors des communications en phonie.
Cet indicatif est délivré au bateau par l’ANFR (Agence nationale des fréquences)
avec sa première licence VHF, et lui restera affecté quels que soient ses
changements de propriétaires et tant qu’il demeure sous le même pavillon.
LES USAGES DE LA VHF
– Sécurité. Le canal 16 est le canal « prioritaire » réservé à la sécurité. C’est sur
ce canal (et le canal 70 pour l’ASN) que sont lancés appels de détresse et
demandes d’assistance. Les CROSS et les sémaphores le veillent en permanence,
ainsi que les navires astreints, c’est-à-dire la plupart des navires professionnels, et
les navires de plaisance de plus de 24 m. Si les navires de plaisance de moins de
24 m n’ont pas obligation de veille, celle-ci devrait cependant être systématique, dès
lors que le voilier est muni d’une VHF.
– Météo. Les stations côtières diffusent régulièrement et à heures fixes les
bulletins de Météo France. Les sémaphoristes répètent volontiers le bulletin sur
demande.
– Liaison avec les professionnels de la mer. Marins-pêcheurs, ostréiculteurs,
autorités portuaires, navires de commerce, etc., travaillent en permanence avec un
poste VHF en veille. Les capitaineries des ports de plaisance sont le plus souvent
joignables sur le 9. Les services de trafic maritime qui gèrent les Dispositifs de
séparation de trafic (DST) communiquent sur le 13.
– Liaison de bateau à bateau. La VHF permet aux navires de communiquer
entre eux, soit sur un canal « navire à navire » convenu à l’avance, soit sur une voie
de dégagement choisie en commun après un premier appel sur le 16 (cas d’un cargo
que l’on contacte pour éviter une collision). Les canaux réservés à ces
communications de navire à navire sont le 6, le 8, le 72 et le 77.

■ VHF mode d’emploi


Que l’appareil soit fixe ou portable, rudimentaire ou sophistiqué, il n’y
a pour les opérations de base que quelques fonctions à connaître et à
repérer.
– Bouton « Marche-arrêt ». Souvent couplé à l’amplificateur de
volume.
– Pédale d’émission. La conversation se faisant en simplex (émission
et réception sur la même fréquence), on ne peut pas parler et écouter en
même temps, aussi les conversations sont-elles ponctuées de : « À
vous », « Bien reçu », « Terminé », etc. Le combiné raccordé au poste fixe
(ou le corps de la VHF portable) possède une touche « PTT » (Push to
talk) : on appuie pour parler, on relâche pour écouter.
– Sélecteur de canal. Il existe toujours par ailleurs une touche
dédiée au 16, permettant de sélectionner directement le canal de
détresse.
– Squelch. C’est un réglage de la sensibilité de réception. On le règle
sur le canal 16, en le manipulant jusqu’à entendre des parasites ou un
souffle. Puis on revient juste ce qu’il faut en arrière pour supprimer ce
bruit de fond.
– Double veille. Nommée « Dual » ou « DW » (pour Double watch),
cette commande permet de veiller simultanément un canal particulier
(exemple le 72 de navire à navire) et le canal de détresse.
– Puissance de sortie. Repérée généralement par l’indication Hi/Lo
(High/Low), cette fonction permet d’adapter la puissance d’émission aux
circonstances : jusqu’à 25 watts à forte puissance contre 1 watt à faible
puissance. Dans les zones portuaires et pour les communications à faible
distance (navire à navire) il est conseillé d’émettre à faible puissance de
façon à économiser les batteries, tout en ne brouillant pas les
communications de stations plus éloignées.
– Touche d’appel de détresse ASN. Déclenche un MAYDAY par
message numérique.
Les principales fonctions d’une VHF ASN. Couplée au GPS, elle indique à l’écran
la position du navire, ainsi que le canal activé (ici le 16). Sur ce modèle, le micro
comporte, outre la classique pédale d’émission (Push To Talk) une série de touches
dupliquant quelques-unes des commandes de l’appareil.

Lancer en phonie un appel de détresse, d’urgence


ou de sécurité
■ Appel de détresse
Le message de détresse (MAYDAY) est émis lorsqu’un navire ou une
personne est sous la menace d’un danger grave ou imminent. Le
naufrage, l’incendie, l’homme à la mer, la blessure grave d’un équipier
justifiant une évacuation dans les meilleurs délais, relèvent de cette
catégorie. Le message de détresse émis sur le canal 16 de la VHF
commence par « MAYDAY, MAYDAY, MAYDAY » (prononcer « m’aider »).
Voici un exemple de signal de détresse émis à la VHF par le voilier
Orion, indicatif GH 321 :
« MAYDAY, MAYDAY, MAYDAY. Ici Orion, Orion, Orion. Golf, Hôtel, 3-
2-1. MAYDAY Orion Golf Hôtel 3-2-1 ». « Position 46° 02 Nord 003° 08
Ouest. Importante voie d’eau, je demande assistance immédiate,
3 personnes à bord voilier coque blanche. À vous. » 31
Dans les eaux internationales, Orion émettrait son MAYDAY en
anglais :
« MAYDAY, MAYDAY, MAYDAY. This is Orion, Orion, Orion. Golf,
Hotel, 3-2-1. MAYDAY Orion Golf Hotel 3-2-1 ». « Position 46° 02 North
003° 08 West. Flooding, require immediate assistance, 3 persons on board,
white hull sailing yacht. Over. »
Pour conserver en tête la structure d’un message de détresse, on
pourra se rappeler l’acronyme M.I.P.D.A.N.I.O., qui ne signifie rien de
particulier, mais se mémorise aisément.
M pour MAYDAY (à répéter trois fois).
I pour identité du navire (nom répété trois fois, suivi de l’indicatif).
Répéter une fois MAYDAY-nom du navire-indicatif.
P pour position. Transmise en coordonnées géographiques (latitude
et longitude) ou en position relative (par rapport à un point fixe connu).
Une position relative peut être plus aisément comprise par le destinataire
qu’un long énoncé de chiffres.
D pour détresse. Nature de la détresse (voie d’eau, incendie, homme
à la mer…).
A pour assistance : « Nous demandons assistance immédiate. »
N pour nombre : indiquer combien de personnes sont à bord.
I pour informations : tous renseignements pouvant faciliter
l’intervention des secours, depuis l’identification du navire (voilier, coque
blanche) jusqu’aux intentions de son responsable (nous préparons
l’évacuation, nous évacuons le navire, etc.).
O pour Over, ou « À vous » en français.
Le message sera répété autant de fois qu’il sera possible, jusqu’à ce
qu’une station côtière ou un navire ait répondu 32.

■ Appel d’urgence
Le PAN PAN est un message destiné à signaler une urgence
concernant la sécurité d’un navire ou d’une personne. C’est celui qu’on
émettra, par exemple, pour une demande de remorquage, ou pour
solliciter une consultation médicale à distance. Le PAN PAN convient
parfaitement aux avaries préoccupantes, alors que l’équipage contrôle la
situation, fait face avec les moyens du bord et ne réclame pas
d’intervention extérieure. Il permet de mettre en alerte la chaîne des
secours pour l’éventualité où cette situation s’aggraverait. Le message
d’urgence commence par la phrase « PAN PAN, PAN PAN, PAN PAN »
(prononcer « pane »).
« PAN PAN, PAN PAN, PAN PAN. À tous, à tous, à tous. Ici Orion,
Orion, Orion, Golf, Hôtel, 3-2-1. Position 27 milles dans l’ouest-sud-ouest
du plateau de Rochebonne. Gouvernail rompu, à la dérive, nous
demandons un remorquage. Voilier, coque blanche, 3 personnes à bord.
À vous. »
En anglais, « À tous » se dira « All stations ».

■ Message de sécurité
Enfin, le message de sécurité (« SÉCURITÉ, SÉCURITÉ, SÉCURITÉ »)
signale un danger lié à la sécurité de la navigation. C’est celui qu’on
utilisera pour signaler une bille de bois à la dérive, un feu en panne ou
une bouée déradée. C’est aussi sous cette forme que les CROSS et les
sémaphores communiquent les bulletins météo. En anglais, « SÉCURITÉ »
se prononce de la même manière qu’en français.
« SÉCURITÉ, SÉCURITÉ, SÉCURITÉ. À tous, à tous, à tous. Ici Orion,
Orion, Orion, Golf, Hôtel, 3-2-1. Bille de bois à la dérive à 2 milles dans le
sud de la Jument des Glénan. »

Le message de détresse par VHF ASN


Une VHF ASN (en anglais DSC, Digital select calling) permet d’adresser
un message de détresse numérique, incluant le numéro MMSI du navire,
l’heure initiale de l’appel et la position (grâce au couplage avec le GPS).
L’alerte est donnée par un appui prolongé (plusieurs secondes) sur la
touche « Distress ».
Pour inclure dans le message de détresse la nature du sinistre (si l’on
dispose du temps nécessaire !), on se contente d’un appui bref
permettant d’accéder au menu « Call », puis on suit le cheminement
proposé par l’écran 33.

L’alerte de détresse par VHF ASN.

L’alerte de détresse ASN est un message numérique au format « À


tous », ce qui signifie qu’elle s’adresse à tous les navires, autant qu’aux
stations côtières. Au besoin elle est relayée par un navire proche, et
retransmise vers d’autres stations jusqu’à réception par le centre de
secours maritime. C’est cette station côtière, dont le numéro MMSI
commence par 00, qui expédiera l’accusé de réception. Une fois celui-ci
reçu, on coupe l’alarme sonore et on bascule sur le 16, pour émettre de
nouveau un MAYDAY, mais cette fois-ci en phonie, comme décrit plus
haut. Le contact s’établit désormais en mode vocal avec les secours.
La VHF ASN permet par ailleurs de contacter une station en
particulier (par exemple un cargo identifié à l’AIS ►) ou un groupe de
stations (par exemple une liste de bateaux amis), mais ces
fonctionnalités n’entrent pas dans le cadre de ce chapitre. On se
reportera à la documentation de son appareil. L’ASN autorise de la même
manière les appels numériques « À tous les navires » (« All ships » dans les
menus en anglais) pour des messages d’urgence (« Urgency ») ou de
sécurité (« Safety »).

Quelques précisions indispensables sur la VHF


La VHF utilise des ondes de très haute fréquence (de 156 à 162 MHz
environ), d’où son nom : Very High Frequency. Les ondes VHF se
propagent uniquement en vue directe (elles sont arrêtées par les
obstacles), ce qui limite leur portée, similaire à la portée visuelle. Une
antenne VHF doit donc se placer assez haut et sa puissance doit être
suffisante pour assurer une portée maximale. De bateau à bateau, avec
des antennes en tête de mât, cette portée est de 10 à 15 milles. Celle
des stations terrestres est de 30 à 50 milles (en fonction de la hauteur de
l’antenne et de la configuration de la côte).
La réglementation impose au bateau qui embarque et utilise une VHF
(fixe ou portable) :
– qu’une personne à bord soit titulaire du CRR ou Certificat de
radiotéléphoniste restreint ;
– d’avoir une licence de station de bord, délivrée en France par
l’Agence nationale des fréquences (ANFR) 34.

LA VHF PORTATIVE
Une VHF portative est un complément utile à une VHF fixe : on peut l’utiliser
depuis le cockpit, une annexe, un radeau de survie. Elle se recharge régulièrement,
et se protège avec une housse étanche si l’appareil lui-même ne résiste pas à
l’immersion. Elle peut aujourd’hui être ASN si elle est équipée d’un GPS intégré. Si la
station du navire possède un numéro MMSI, il suffit d’entrer le même numéro dans
le portable. Si la station du navire ne possède pas de numéro MMSI, il suffit d’en
demander un à l’ANFR ou aux autorités du pays concerné.
Au ras de l’eau, la portée d’une VHF portative est limitée par la rotondité de la
Terre et elle est de surcroît de puissance limitée, elle doit donc être uniquement
considérée comme un équipement supplétif – mais ô combien précieux en termes
de sécurité. En 2015, la réglementation a imposé la VHF portative étanche en
navigation hauturière, en complément d’une installation fixe.

Les balises de détresse


Plus au large, hors de portée VHF des stations côtières et des navires
engagés sur les grandes voies de circulation, le message de détresse est
émis par une Radiobalise de localisation des sinistres (RLS ou EPIRB en
anglais, Emergency position indicating radio beacon). Depuis mai 2015, la
Division 240 réglementant les navires de plaisance de moins de
24 mètres impose d’embarquer une RLS en navigation hauturière, c’est-
à-dire à plus de 60 milles d’un abri 35.

Les balises de détresse RLS sont de couleur jaune ou orange, étanches jusqu’à
10 mètres de profondeur, et doivent assurer un minimum de 48 heures en émission.
Elles disposent d’une procédure d’autotest permettant de contrôler leur
fonctionnement sans déclencher l’alerte.
Lorsqu’on les déclenche, ces balises de détresse sont repérées et
localisées par le système Cospas-Sarsat, qui renvoie l’alerte aux services
de recherche et de secours compétents 36. Elles émettent simultanément
sur deux fréquences : 406 MHz, pour l’alerte transmise par satellite aux
centres de secours, et 121,5 MHz, qui est une fréquence aviation utilisée
pour la localisation en approche finale par les moyens de secours,
maritimes et aériens.
On distingue deux types de balises RLS, avec ou sans GPS.
– Dans le premier cas, le message de détresse transmis intègre la
position de la balise, et il est récupéré sans délai par un ensemble de
deux constellations de satellites, dont l’une est composée de stations
géostationnaires. L’alerte est quasi immédiate, et le positionnement du
navire en détresse particulièrement précis.
– Dans le cas d’une RLS sans GPS, il faut attendre qu’un satellite en
orbite basse passe au-dessus de la balise pour la repérer, ce délai
pouvant atteindre une heure. La technique de positionnement utilisée
dans ce système est d’une précision toute relative, de l’ordre de 3 milles.
Ces données militent clairement en faveur de la balise de détresse
avec GPS. Signalons par ailleurs l’existence de RLS dites « de pont », à
largage et déclenchement automatiques en cas de naufrage, par système
hydrostatique.

■ Les balises individuelles


Les balises Cospas-Sarsat individuelles, désignées sous l’acronyme
PLB (Personal locator beacon), tiennent dans une poche de ciré,
s’accrochent à la ceinture, ou encore mieux, s’intègrent au gilet de
sauvetage.
Lorsque l’on s’équipe de balises individuelles dans la perspective
principale du repérage de l’homme à la mer, il faudra choisir entre une
PLB (balise de détresse par satellite) et une balise AIS. La première alerte
les organismes officiels et met en branle la chaîne des secours, qui ne
pourra jamais intervenir sur place avant un certain délai, lequel reste
fonction de l’éloignement. La deuxième ne signale l’homme à la mer que
pour les navires à portée d’émission (portée relativement limitée compte
tenu de la faible hauteur de l’antenne au-dessus de l’eau), mais ceux-ci
sont avertis sans délai et peuvent agir immédiatement. Le premier
bateau en capacité d’intervenir est d’ailleurs celui dont le naufragé est
tombé. Si la balise « satellitaire » individuelle (PLB) est l’option logique du
navigateur solitaire, la solution AIS devra être étudiée dans la perspective
d’une navigation en équipage.

Une balise AIS, à gauche, et à droite une PLB. Avec la première, on peut espérer
une assistance immédiate des navires sur zone ; la deuxième alerte les organismes
officiels, mais les secours peuvent être plus longs à intervenir.

Le téléphone portable
Il a été dit plus haut que le téléphone portable ne peut pas être
considéré en mer comme un moyen sûr et fiable d’alerter les secours,
pour des raisons d’autonomie, de portée limitée en mer, de non-
marinisation de ses composants. Une autre de ses limites est qu’il ne
permet d’entrer en contact qu’avec un seul interlocuteur : les navires sur
zone ne sont pas alertés d’un éventuel problème. Il ne s’agit donc que
d’un pis-aller, dont on aurait toutefois bien tort de se passer en dernier
recours. Les CROSS sont joignables par un numéro abrégé unique,
valable pour toutes urgences en mer, le 196.

Le téléphone satellitaire
Le téléphone satellitaire dispose d’une couverture quasi mondiale. Sa
miniaturisation et son adaptation aux bateaux de plaisance en ont fait un
équipement quasi incontournable en croisière océanique. Si les
communications phoniques sont chères, la transmission de données par
e-mail devient abordable, et c’est ainsi que l’Iridium (du nom de
l’opérateur dominant sur le marché) est un formidable outil de sécurité,
ne serait-ce que pour la capture des données météo, ou pour les
consultations médicales à distance.
En cas de détresse, il constitue un relais naturel au déclenchement
de la balise Cospas-Sarsat, qui par nature ne fournit aucun détail sur la
situation concrète du navire et de l’équipage. Une fois la balise activée, le
téléphone satellitaire permet de joindre le MRCC en charge de la zone,
ou encore le CROSS Gris-Nez, dont on aura pris soin d’afficher les
coordonnées à la table à cartes ou dans le livre de bord (à côté de la
procédure MAYDAY).
Dans des situations de crise, il est bon de préserver ses batteries
pour la sécurité et de ne pas l’utiliser plus que de raison pour des
communications familiales ou pour se rassurer. Ne pas perdre de vue
que la mise en relation avec des familles inquiètes et néophytes peut
aussi entraîner des perturbations majeures dans les décisions à prendre.

Les signaux sonores et visuels


Les signaux sonores et visuels sont des compléments indispensables
des moyens de détresse radio-électriques ou électroniques. Ils
fonctionnent sans piles ni batteries, se mettent en œuvre aussi bien
depuis un radeau de survie que du cockpit d’un voilier. Ils permettent
d’alerter les navires ou les observateurs sur zone, et peuvent contribuer à
guider les secours.

■ Les signaux sonores


Émission d’un son continu (sifflet, corne de brume, casserole), tirs ou
explosions espacés d’une minute (bien entendu ce n’est pas depuis notre
voilier que nous produirons ce type de sons, mais il convient de les
connaître, car on les entendra peut-être un jour).

November et Charlie, deux pavillons qui devraient toujours figurer dans


l’armement de sécurité. Isolément, ils signifient respectivement « Non » et « Oui ».
Hissés l’un sur l’autre et dans cet ordre, ils composent un signal de détresse.

■ Les signaux visuels


Feu de goudron ou d’huile à bord (même remarque que
précédemment).
Pavillons N sur C du code international des signaux.
Boule ou objet analogue hissé au-dessus ou au-dessous d’un pavillon
carré (de couleur indifférente).
Bras en Y simultanément agités de bas en haut (c’est un geste
d’appel au secours universel).
Morceau de toile orange, marquée ou non d’un carré et d’un rond de
couleur noire, pour le repérage aérien.
Diffusion de colorant (fluorescéine).
Le miroir de signalisation s’apprivoise plus facilement qu’il n’y
paraît. On vise le soleil à travers l’œilleton, puis on oriente le reflet vers
sa main, sur laquelle apparaît un point lumineux rouge. Reste à orienter
le miroir de façon à diriger ce point rouge vers l’observateur dont on veut
attirer l’attention, puis à le faire bouger légèrement pour générer des
éclats. Ce dispositif inusable permet d’envoyer des signaux à bonne
distance jusqu’à 80° de la direction du soleil… pourvu qu’il y en ait.

■ Les moyens pyrotechniques


L’équipement pyrotechnique obligatoire est défini par la
réglementation, en fonction de la zone de navigation. Ce matériel doit
être soigneusement entreposé, au sec, dans un lieu facilement
accessible (bien souvent le siège de la table à cartes), et régulièrement
contrôlé. On fera bien d’ajouter, dans le coffre ou le sac étanche où ils
sont entreposés, un gant de travaux en cuir ou grosse toile et des
lunettes de protection, de façon à pouvoir les déclencher sans s’exposer.
– Les fumigènes flottants s’utilisent de jour, on les jette à l’eau sous
le vent du voilier ou du radeau, après avoir tiré la goupille.
Fumigènes et feux ont une date de péremption. Une fois qu’elle est dépassée,
ils doivent être repris par le diffuseur.

– Les fusées parachutes se tirent sous le vent, car elles tendent à


s’orienter dans le lit du vent : si on les tire au vent, elles ont tendance à
se coucher ; sous le vent, à se redresser. La poussée au moment de la
mise à feu est de l’ordre de 5 kg, tenir le tube fermement et à bout de
bras. Lire attentivement le mode d’emploi avant utilisation.
– Les feux à main se tirent aussi sous le vent, pour éviter de
récupérer des escarbilles sur le voilier ou le radeau. La lumière et la
chaleur dégagées sont importantes, tendre le bras et détourner le regard.
Le feu à main dégage une chaleur intense, il se manie bras tendu, et il faut éviter,
à la différence de cet utilisateur, de le regarder directement. Lorsqu’il parvient à
extinction, ce qui reste du tube est brûlant : le laisser tomber directement à l’eau.

L’ÉVACUATION DU BATEAU
Lorsque arrivent les secours, une personne ou l’équipage tout entier
peuvent être amenés à quitter le bord. La préparation de cette
évacuation ressemble beaucoup à celle évoquée dans « Embarquer sur
un radeau de survie » ►. Elle se fait par bateau (bateau de pêche, de
plaisance, SNSM, remorqueur, Douanes, Marine nationale, cargo, etc.),
ou par hélitreuillage.

Évacuer le bord par bateau


L’organisation de l’évacuation dépend du navire venu assurer le
sauvetage : de la hauteur de son franc-bord, de sa manœuvrabilité et
surtout de la compétence et de l’entraînement de l’équipage. Les
bateaux et les équipages de la SNSM, de la Marine nationale, les
remorqueurs, les pêcheurs savent gérer ce genre de situation et il faut se
laisser guider par leurs directives.
Quant à l’évacuation sur un cargo, elle est beaucoup moins évidente
et la manœuvre est souvent périlleuse.

■ Évacuer sur un cargo


La récupération se fait sous le vent du cargo car la mer et le vent y
sont moins forts. En principe, le cargo manœuvre en marche arrière pour
placer son arrière au vent du voilier en difficulté et lui lance une amarre.
Le cargo continue sa marche arrière et récupère l’épave ou le radeau au
milieu de sa muraille, le long de laquelle sont déroulés des filets – ou une
échelle de pilote – dont on se saisit sur la crête d’une vague. On escalade
ensuite le long du bordé du cargo, avec les deux mains libres –
impossible d’emporter avec soi autre chose qu’un sac à dos très léger.
L’embarquement sur un cargo depuis une épave de voilier est
dangereux : non seulement un équipier peut lâcher prise et tomber entre
le bordé et la coque, mais le voilier et son gréement peuvent aussi se
disloquer contre la muraille du cargo. Aussi vaut-il mieux transférer
l’équipage en se servant du radeau de survie, méthode que préconisera
peut-être le navire sauveteur. Une fois l’équipage à bord du radeau, il
frappe l’amarre du cargo et largue l’épave.

Les secours aériens


Au large, un avion de patrouille maritime peut intervenir. Au premier
passage à très basse altitude, l’avion balise la zone en larguant
fluorescéine et fumigène ; au second passage, il largue une chaîne SAR
(Search And Rescue) composée en général de deux radeaux reliés par un
filin et censés dériver vers l’épave pour offrir un refuge à l’équipage,
accompagnés de divers équipements de sécurité : balise de détresse,
VHF, eau, médicaments, etc. L’avion entre ensuite en communication
avec l’équipage du bateau en détresse, et le renseigne sur la suite des
opérations.
■ L’hélitreuillage
Certaines situations (accident grave, important problème de santé,
etc.) se soldent par un hélitreuillage – si toutefois le rayon d’action des
hélicoptères le permet (jusqu’à 180 milles autour de leurs bases).
Compte tenu de la vitesse de l’hélicoptère, le délai entre l’alerte et
l’intervention est assez court, mais de nuit, pour des raisons de sécurité,
l’équipage de l’hélicoptère respecte un délai de 45 minutes entre son
réveil et le décollage.
■ Les dispositions préalables à l’hélitreuillage
– Informer l’hélicoptère. Le CROSS alerté par VHF sur le canal 16
(ou par téléphone portable) a déjà transmis les éléments initiaux à
l’hélicoptère : position, cap et vitesse, couleur et type du voilier (cotre,
sloop, ketch, etc. 37), nombre de personnes à évacuer, poids
approximatif des bagages à embarquer le cas échéant. Le CROSS peut
fournir un canal VHF de dégagement (autre que le canal 16) pour assurer
la liaison radio entre le voilier et l’hélicoptère, ce qui leur permettra de
préciser les modalités de la phase de treuillage. L’hélicoptère peut
demander (en cas de mauvaise visibilité, si de nombreux navires se
trouvent sur zone, etc.) un retour temporaire sur le canal 16 de façon à
pouvoir se diriger par relèvement sur l’émetteur radio du voilier en
difficulté. Si le voilier ne dispose pas de VHF en état mais seulement d’un
téléphone portable, la communication se fait via le CROSS.
– Préparer la personne à évacuer. Rassembler dans une pochette
étanche ses papiers (carte Vitale, documents d’identité, etc.), le rapport
médical rédigé avec l’aide du CCMM et les effets personnels dont elle
aura besoin.
– Préparer le voilier. Les pales d’un hélicoptère produisent un vent
de force 6 à 10. Rabattre et amarrer le capot de descente, baisser les
antennes, ranger le matériel léger, saisir sur le pont tout ce qui ne peut
être rangé à l’intérieur (l’annexe gonflée, par exemple). Affaler et
rabanter (ferler, serrer au moyen de rabans) soigneusement les voiles,
sécuriser les bômes. De nuit, allumer le feu de mouillage pour se faire
repérer, n’éclairer que le pont et ne pas diriger de projecteur vers
l’hélicoptère.
Naviguer au moteur à cap constant (en principe tribord amure à 30°
du vent environ) et à vitesse réduite (suffisante pour conserver le cap). Si
le moteur est en panne, rester à sec de toile. Par mer forte, le plongeur
ne pourra peut-être pas descendre directement sur le pont. Pour lui
permettre de monter à bord, près de l’échelle de bain, fixer un bout à
l’arrière du bateau (halin du feu à retournement, écoute munie d’un pare-
battage). Il est possible que le pilote demande à l’équipage du voilier de
démâter, se préparer à cette éventualité.
Pendant toute l’opération, le radeau de survie est prêt à servir.
■ La phase de treuillage
– Chronologie de principe. Descente du plongeur, descente du
médecin, descente du matériel (civière, matériel médical). Remontée du
médecin, remontée des personnes à évacuer, remontée du plongeur.
– Consignes. Tenir la route et la vitesse réclamées par le pilote. Un
équipier assure la veille radio permanente. Il y a un bout, le « faux bras »,
amarré sous le plongeur (ou la civière) qui descend de l’hélicoptère. En
se servant du faux bras, un équipier tire le plongeur quand il parvient à
proximité du pont. Attention ! Laisser le faux bras, ou le croc, toucher
l’eau avant de s’en saisir afin qu’il se décharge de son électricité statique.
Et ne jamais amarrer au bateau le croc du treuil ou un bout qui
descendrait directement de l’hélicoptère. Une fois à bord, le plongeur
prend en main la suite des opérations : se laisser guider.
– Hélitreuillage à partir d’un radeau de survie. La première des
consignes, c’est de rester impérativement dans le radeau ! Tirer sur le
faux bras sans le rentrer dans le radeau pour amener le plongeur, mettre
les mains sur la tête pour laisser passer la sangle et se laisser guider.
– Hélitreuillage d’un naufragé tombé à l’eau. Se placer dos aux
embruns (souffle de l’hélicoptère), ne pas bouger, mettre les mains sur la
tête à l’arrivée du plongeur et se laisser guider.
EMBARQUER SUR UN RADEAU DE SURVIE
L’abandon du navire a déjà été évoqué… Il faut l’envisager en effet
quand une voie d’eau ou un incendie est impossible à maîtriser. Mais la
première règle des marins en cette matière, c’est que l’on n’abandonne
jamais un voilier, on ne quitte qu’une épave qui ne peut plus flotter.
Combien de bateaux délaissés par leur équipage ont été retrouvés
longtemps après, flottant seuls à la dérive ! Il faut se dire que si la mer
malmène inconfortablement le voilier, sur le radeau ce ne sera guère
mieux, voire pire, et la pénurie viendra plus vite et sera plus sévère. Un
voilier, même désemparé, est une embarcation de fortune plus vaste,
plus sûre, plus stable, plus confortable et plus manœuvrable qu’un
radeau de survie…
Au moment de quitter le bord, il y a beaucoup de choses auxquelles il
faut penser et que l’on doit prévoir. Autant avoir pris les devants et avoir
réfléchi à l’organisation et à la préparation de l’évacuation du bateau
avant qu’elle devienne une urgence.
Vient ensuite la survie en mer, car après l’abandon du bord
commence une épreuve tout aussi redoutable : la dérive à bord d’un
radeau de survie.
Il n’est pas question de proposer ici un traité complet de survie, mais
plus modestement de sensibiliser le lecteur à cet aspect de la vie en mer
que personne ne souhaite connaître, mais auquel il vaut mieux s’être un
tant soit peu préparé.

LE RADEAU DE SURVIE ET SES ÉQUIPEMENTS


À l’heure où nous écrivons ces lignes, la réglementation impose un
radeau de survie pour les navigations à plus de 6 milles d’un abri. Les
exigences concernant les caractéristiques techniques des radeaux sont
par ailleurs renforcées en navigation hauturière, c’est-à-dire à plus de
60 milles d’un abri. La norme ISO 9650 permet de distinguer deux
catégories de radeaux :
Type 1 : radeau pour navigation hauturière
– Capacité : 4 à 12 personnes maximum.
– Conception : radeau adapté aux risques encourus lors de longs
voyages, impliquant la possibilité de vents forts et de hauteurs de vagues
significatives. Deux types de radeaux sont proposés en fonction de la
température ambiante de l’air :
• Groupe A : radeau conçu pour se gonfler correctement dans une
température ambiante comprise entre – 15 et + 65 °C.
• Groupe B : radeau conçu pour se gonfler correctement dans une
température ambiante comprise entre 0 et + 65 °C.
– Armement : le radeau de type 1, quel que soit son groupe, est
disponible avec deux niveaux d’équipement, qui diffèrent selon le temps
estimé par le plaisancier pour recevoir des secours : inférieur ou
supérieur à 24 heures.
Type 2 : radeau pour navigation côtière et semi-hauturière
– Capacité : 4 à 10 personnes maximum.
– Conception : radeau adapté à la navigation proche des côtes, dans
des conditions de mer modérées. Ce radeau est conçu pour se gonfler
correctement dans une température ambiante de l’air comprise entre 0
et + 65 °C.

Moins de 24 heures et plus de 24 heures


Le radeau de survie est équipé d’un armement de base permettant
d’attendre les secours pendant 24 heures. Il comprend : 1 ancre flottante
et son orin, 1 bouée flottante et son halin de 30 mètres, 1 couteau
flottant au bout arrondi, 1 écope, 2 éponges, 1 paire de pagaies
flottantes, 1 kit de réparation, 1 gonfleur, 1 notice d’utilisation ; du
matériel de signalisation : 3 feux à main, 2 fusées parachutes, sifflet,
miroir de signalisation, 2 lampes torches, 2 jeux de piles et 1 ampoule de
rechange ; du matériel pharmaceutique : comprimés contre le mal de
mer (6 par personne), sacs à vomissement (1 par personne) ; aliments de
survie, eau en sachet (0,5 litre par personne).
Quand le bateau navigue dans des zones fréquentées et que la balise
de détresse est déclenchée à temps, l’arrivée des secours peut être
assez rapide et cet équipement minimal est suffisant. Mais évidemment,
rien ne garantit cette célérité. Autant s’équiper de l’armement
complémentaire pour la survie « plus de 24 heures ». Ce matériel
supplémentaire comprend : une trousse de premier secours, trois feux à
main, deux couvertures isolantes, un litre d’eau par personne et 2 400
calories de ration alimentaire par personne.
Pour cet armement complémentaire « plus de 24 heures », deux
options sont envisageables :
– Il est inclus dans l’emballage du radeau.
– Il est fourni à part, dans un sac de survie, ou grab-bag. Cette
configuration permet de réduire le volume et le poids du radeau, plus
facile à entreposer mais aussi à manipuler pour le mettre à l’eau.

Stockage et révision
Les radeaux sont vendus dans deux types de conditionnements. Si le
radeau est stocké en plein air (sur le rouf, dans le cockpit, la jupe arrière,
dans le balcon arrière sur un berceau éventuellement muni d’un dispositif
de largage hydrostatique), il doit impérativement être emballé dans un
conteneur rigide. Les radeaux en sac, plus compacts, sont destinés à
être rangés dans un coffre de cockpit. Mais attention, le radeau doit
demeurer accessible en toutes circonstances, et doit pouvoir être mis à
l’eau très rapidement. À titre de référence, les règlements de sécurité
pour la course au large (RSO) prévoient que le radeau puisse « être
amené au niveau des filières ou mis à l’eau en moins de quinze
secondes… ».

Ce coffre de cockpit dédié au rangement du radeau est particulièrement bien


conçu : son fond est au niveau du plancher et il est dépourvu de rebords verticaux, si
bien que le sac se traîne sans efforts vers l’arrière. De plus en plus de constructeurs
prévoient un emplacement spécifique pour le radeau, ouvert ou fermé, bien souvent
dans la jupe arrière.

L’extrémité de la bosse de percussion doit être en permanence fixée


au bateau, sur un ancrage solide. Enfin, le radeau doit être révisé tous les
trois ans selon la réglementation en vigueur à la rédaction de ce Cours.
Chaque révision est portée sur le carnet d’entretien qui doit être
conservé à bord du voilier.

Le sac d’abandon
Au moment d’abandonner le voilier, il faudra pouvoir embarquer avec
soi, sans tergiverser, tout ce qui au-delà de l’armement fourni avec le
radeau hauturier pourra faciliter la survie mais aussi le retour à la vie
civile. Ces équipements seront rassemblés dans un sac d’abandon (on
parlera indifféremment de drome d’emport, ou de grab-bag). Il peut s’agir
du grab-bag fourni avec le radeau, dont on complètera le contenu, ou d’un
contenant spécifique : un sac étanche renforcé, ou un bidon cylindrique
étanche, type sports d’eaux-vives, que l’on munira de poignées avec deux
longueurs de garcette.
Il n’existe pas de liste exhaustive pour le sac d’abandon, à chacun de
le concevoir selon ses convictions et son bon sens. On pourra y ranger
les passeports, une copie (sur papier ou clé USB) des papiers du bateau
et des documents administratifs importants, l’argent liquide et les cartes
de crédit, une batterie de rechange (chargée) pour la VHF portable, le
GPS de secours (à piles), une ou deux bouteilles d’eau minérale, des
biscuits à haute teneur énergétique, des couvertures de survie. Au
moment de quitter le bord, on y ajoutera le journal de bord
(obligatoirement), les équipements pyrotechniques non utilisés, les
lampes torches ou frontales (avec piles de rechange), les médicaments
personnels et la pharmacie de bord, etc.
Si c’est trop pour un seul sac, il suffit d’en prévoir plusieurs, étant
entendu qu’il vaut mieux ne pas mettre tous ses œufs dans le même
panier. Ce sac, comme les éléments évoqués ci-dessous, doit être muni
d’un bout terminé par un mousqueton – pour l’assurer au moment du
transfert sur le radeau et pour l’y amarrer : par mer formée, le radeau
peut fort bien se retourner…

L’eau douce
La quantité d’eau douce prévue dans l’armement du radeau est très
faible. L’option « sac de survie et rien d’autre » permet de tenir une
semaine environ (avec 0,25 litre par jour et par personne, soit le seuil de
survie). Il faut donc prévoir dans l’armement du bateau au moins un
jerrican d’eau douce de 10 litres, qu’on ne remplira qu’à 90 % pour lui
permettre de flotter. En option, on peut prendre un désalinisateur à
main, qui trouvera lui aussi sa place dans le sac d’abandon (voir l’encadré
sur l’eau douce ►).

L’avitaillement
Comme pour l’eau douce, les rations du radeau plus de 24 heures ne
permettent de tenir que 4 ou 5 jours. En vue d’une traversée océanique,
on pourra embarquer un conteneur particulier renfermant des aliments
spécifiquement conçus pour la survie (compter idéalement
24 000 calories par personne pour tenir 15 jours).

Le sac individuel de survie


Chacun des équipiers préparera dans un sac : ses cachets contre le
mal de mer (très fréquent sur un radeau, même pour les équipiers les
plus amarinés), des sous-vêtements chauds en polaire, un chapeau, des
lunettes de soleil, une lampe étanche, un couteau, un sifflet.

L’ÉVACUATION ET LA VIE À BORD


Boire le plus d’eau possible avant d’embarquer. S’équiper de manière
complète (ciré, brassière), mais préférer les chaussures basses aux
bottes. Déclencher la balise de détresse. Si l’on doit tirer des fusées 38, le
faire tant qu’on est encore à bord du voilier, car ce sera plus dangereux
sur le radeau. Une fois que tout le matériel est prêt à être embarqué,
larguer le radeau sous le vent (amarré), tirer sur la bosse de percussion,
attendre qu’il ait fini de se gonfler. Important : en cas d’incendie, le
larguer au vent. Le premier équipier à embarquer est assuré par une
amarre qu’il frappe ensuite au radeau pour doubler la drisse de
percussion (qui sert également d’amarre au radeau) et assurer le
transfert du matériel et du reste de l’équipage.

Le transpondeur SART est un émetteur-récepteur, à embarquer sur le radeau de


sauvetage, qui produit un écho sur les écrans radar des navires à portée de réception,
et qui de surcroît émet un signal sonore et lumineux lorsqu’un radar le détecte.
Obligatoire sur les bateaux à passagers et les grands navires, ce type d’équipements
est accessible à la plaisance.

Les brassières autogonflables se seront sans doute percutées dans


l’embarquement et deviendront inconfortables : on pourra les dégonfler
légèrement, par leur pipette, sur laquelle on appuie avec le bouchon
retourné à l’envers.
À bord du radeau, chacun porte sur soi une lampe individuelle, et
garde sa brassière. Chacun frappe son harnais au radeau sur la guirlande
intérieure, près de la sortie de la tente. Installer l’ancre flottante,
s’asseoir dos au vent pour éviter le retournement du radeau. Prendre
sans attendre les médicaments contre le mal de mer, lire la notice
imperméable découverte à l’intérieur du radeau, et s’organiser pour la
survie.
Survivre, c’est entretenir sa santé, sans laquelle le moral disparaît
vite (il est la première des conditions de la survie). Il s’agit de durer et
d’endurer au cours d’une lutte de chaque instant contre ce qui favorise
l’épuisement : froid ou chaleur, humidité et déshydratation, mal de mer…
Règle importante : s’arrêter de manger dès qu’il n’y a plus d’eau
douce. Quant à la possibilité de boire ou non de l’eau de mer, c’est un
sujet très controversé sur lequel nous ne nous prononcerons pas.
Sur un radeau de survie, il importe aussi d’être le moins discret
possible et tout est bon pour se faire remarquer : miroirs, lampes, fusées
(à réserver aux moments où elles ont une chance d’être repérées),
pavillons de fortune de couleur vive, bruits de toute sorte si l’on est à
portée de son.
Notes

1. Une pinoche est une cheville de bois, de forme tronconique, permettant


d’obturer une voie d’eau lorsqu’elle résulte de la rupture d’un tube à collerette
traversant la coque – un passe-coque – ou de la déconnexion du tuyau
d’évacuation (évier, WC) ou de la prise d’eau (refroidissement moteur) qui y est
relié. ◄

2. La Sylzig est un système cumulant trois fonctions : aide à la flottaison, tractage


de l’homme à la mer jusqu’au bateau, et hissage à bord. Il se présente comme un
boudin flottant, se refermant à la manière d’un harnais lorsque la personne à l’eau
s’en est saisie. Elle est homologuée en remplacement de la bouée fer à cheval.
Signalons aussi le Lifesling, composé d’un harnais flottant souple et d’une ligne de
récupération. ◄

3. La perche de repérage (dan buoy en anglais) est parfois appelée « perche IOR »,
du nom de la jauge (système de handicap) sous l’égide de laquelle elle avait été
imposée en course au large. Télescopique, elle se déploie à un minimum de
2 mètres au-dessus de l’eau, elle porte à son extrémité supérieure un pavillon O
(Oscar) et elle est, idéalement, munie d’un éclairage. On l’associe généralement à
un dispositif flottant – type bouée fer à cheval – auquel elle est reliée par un orin
flottant. Elle existe sous forme gonflable, à déclenchement automatique. Sa
flottabilité est alors suffisante pour aider un naufragé à surnager. ◄

4. Sur les bateaux bien équipés, une ligne de vie en fond de cockpit, ou un padeye
judicieusement placé, permet de s’attacher depuis l’intérieur de la cabine.
S’amarrer depuis la descente avant même de franchir le seuil est un impératif par
mauvais temps, et une bonne habitude à prendre en toutes circonstances, dès
lors que le port du harnais a été décidé. ◄
5. Sur la plupart des GPS de table à cartes, et le cas échéant les répétiteurs de
cockpit, la touche « homme à la mer » est un bouton rouge marqué MOB. Parfois,
cette touche est commune à la fonction MARK : un appui simple crée un waypoint
(MARK) à la position du bateau, un appui prolongé – ou plusieurs appuis
successifs – active la fonction MOB. Lorsque cette dernière est enclenchée, le
GPS enregistre la position à l’instant T et passe immédiatement en mode
« GoTo », affichant le cap et la distance au point enregistré. Sur les GPS traceurs,
dotés d’une cartographie électronique, l’écran zoome automatiquement sur la
zone de l’accident. La position enregistrée ne tient évidemment pas compte de la
dérive à laquelle l’homme à la mer est soumis, ni de la distance parcourue entre
sa chute et le moment où la touche MOB a été activée. ◄

6. Le cercle de sécurité à respecter doit être suffisamment large pour écarter le


risque de heurter le naufragé – surtout s’il y a de la mer – mais son rayon
suffisamment court (2 à 15 mètres) pour qu’on puisse l’atteindre avec la ligne de
jet. Cette « bonne » distance varie en fonction des circonstances et de nombreux
paramètres comme la force du vent et des vagues, la manœuvrabilité du bateau,
les compétences de l’équipage, etc. C’est un des talents du chef de bord que de
savoir l’apprécier à sa juste valeur. ◄

7. En l’absence de gilet, le naufragé pourra réaliser un nœud de chaise autour de


sa poitrine avec la ligne de jet, mais il ne sera guère facile de le remonter à bord
ainsi. On mesure ici l’intérêt des dispositifs type Sylzig ou Lifesling, qui intègrent
un harnais de hissage. On conçoit aussi… toute l’importance du gilet. ◄

8. Le maître-bau est l’endroit du navire où il est le plus large. ◄

9. Une victime récupérée à la mer est au minimum choquée, éventuellement


épuisée, voire en hypothermie. Sa situation justifie une consultation télémédicale
via le CROSS ou directement au CCMM. Sur ce sujet, ainsi que sur les soins
immédiats à lui prodiguer, on se reportera aux pages suivantes, qui décrivent les
aspects essentiels du secourisme en mer. ◄
10. Il n’existe pas de demande inutile, un médecin du CCMM ne vous reprochera
jamais de l’avoir dérangé pour une question qui vous préoccupe. A contrario, ne
vous lancez pas tête baissée dans des initiatives mal maîtrisées, et notamment
dans l’automédication. Un traitement ne doit pas être administré sans avis
médical. Gardez à l’esprit qu’une recommandation du médecin du CCMM vaut
ordonnance : il ne vous sera jamais reproché d’avoir délivré un médicament à un
de vos équipiers si le CCMM vous l’a demandé. ◄

11. La croisière n’est pas une punition. Changer de plan de route et d’allure suffira
souvent à améliorer très nettement le confort de navigation, calmer les estomacs
et ramener les sourires dans l’équipage. Bien souvent en croisière, l’avenir est
dans les allures portantes. ◄

12. Le cardan d’un réchaud est le dispositif mécanique permettant à ce dernier de


conserver son axe vertical indépendamment de la gîte et du roulis. ◄

13. Porter des gants de manœuvre sur le pont et dans le cockpit relève d’une
excellente habitude. Mais en passant à la cuisine, il faut impérativement les
retirer : si l’on se renverse un liquide brûlant sur les mains, ils se transforment en
éponge et aggravent sérieusement la situation. ◄

14. Un coup de soleil est une brûlure du premier degré s’il n’y a que des rougeurs.
Avec des cloques, c’est une brûlure de deuxième degré. L’étendue détermine la
gravité. ◄

15. L’électrisation définit l’accident électrique dû au passage de l’électricité dans


l’organisme. L’électrocution est une électrisation fatale. ◄

16. Par principe, toujours relier la ligne de quai au bateau avant de la connecter à
la borne : si l’extrémité nous échappe et tombe à l’eau, les conséquences seront
potentiellement moins graves. Lors du branchement, porter des chaussures et
avoir les mains sèches, la borne pouvant être défectueuse (défaut de mise à la
terre). Installer la ligne électrique de façon à ce qu’elle ne soit pas pincée par une
amarre dans un chaumard, ni plus tendue que les aussières ! ◄

17. Le coussin hémostatique compte parmi les rares éléments obligatoires de la


trousse de secours à bord d’un voilier de plaisance de moins de 24 mètres. ◄

18. Il n’y a aucune contre-indication à un massage cardiaque, pas même le risque


de perturber un cœur qui resterait fonctionnel alors qu’on le croit en arrêt. Il n’y a
pas à craindre de blesser la victime ou d’aggraver son état en lui brisant par
exemple des côtes : elle est sur le point de mourir. Le massage cardiaque est un
geste qui sauve des vies. ◄

19. L’alcool ne réchauffe absolument pas. Pire, il contribue au refroidissement de


l’organisme, par vasodilatation des extrémités. ◄

20. Lorsqu’un ou plusieurs équipiers souhaitent se baigner, une personne doit


toujours rester à bord pour assurer la surveillance. Une défense est mise à l’eau à
l’extrémité d’une aussière, de manière à ce que les équipiers puissent plus
facilement revenir sur le bateau, l’échelle de bain est dépliée à l’eau. Le bateau
est toujours mouillé et donc à l’arrêt, moteur éteint. Attention au courant de
marée. On peut rester relié au bateau par une aussière en cas de doute. ◄

21. Le renflouement désigne l’opération de remise à flot d’un navire, que celui-ci
soit coulé ou échoué. Le terme d’épave décrit la situation d’un navire naufragé,
mais aussi celle de tout navire ou objet naufragé abandonné en mer. ◄

22. La carène liquide désigne un volume de liquide significatif susceptible de se


déplacer à la gîte à l’intérieur d’un navire, pouvant aller jusqu’à le faire
chavirer. ◄

23. Un gendarme est une pointe de métal rebiquant sur un câble, et témoignant
de la rupture d’un brin au sein d’un toron. ◄

24. Les modèles basiques de pince coupe-hauban, avec une articulation simple à
la manière d’une paire de cisailles, s’avèrent totalement inopérants pour couper
un hauban, à plus forte raison sur le pont d’un voilier chahuté. Seules les pinces
dotées d’une démultiplication de l’effort, façon « coupe-boulon », sont efficaces.
La scie à métaux représente une autre solution sérieuse, sous réserve d’avoir
prévu une quantité suffisante de lames, de bonne qualité. ◄

25. Les analyses du Bureau d’enquêtes sur les événements de mer (BEAmer),
accessibles sur Internet, sont souvent enrichissantes. ◄

26. La théorie sur les accidents distingue les facteurs « déterminants » de


l’accident et les facteurs « contributifs », qui favorisent sa survenue. ◄

27. Une couverture antifeu se saisit par ses sangles, et s’utilise de façon à
protéger ses poignets et ses mains. On la brandit devant soi, avant-bras verticaux,
en tenant son buste en retrait et en cachant son visage derrière la couverture. On
l’applique sur le foyer en prenant soin, s’il s’agit d’un récipient de cuisine, de bien
recouvrir les bords pour ne laisser aucune entrée d’air. On ne l’enlève surtout pas
brusquement à la première impression que l’incendie s’est éteint… le risque étant
de créer un appel d’air le faisant repartir de plus belle. ◄

28. Quand le feu prend dans le compartiment moteur, une aggravation de la


situation par l’ouverture d’une voie d’eau est fréquente : la vanne d’admission
d’eau de mer et les tuyaux du circuit de refroidissement peuvent fondre. ◄
29. Un nable est un bouchon de vidange situé dans le tableau arrière d’un canot
ou d’un dériveur. Ici il s’agit d’un trou dans le capot moteur, obturé selon les cas
par un volet de bois ou un bouchon plat – une tape. ◄
30. Le CROSS Gris-Nez propose aux équipages envisageant une navigation
océanique de remplir une « fiche de traversée », dont les informations
permettront de faciliter et d’accélérer les opérations de recherche et de
sauvetage. Ce document est téléchargeable sur le site du CROSS. ◄

31. La phrase « MAYDAY, MAYDAY, MAYDAY », ne doit pas être énoncée de façon
monocorde, mais au contraire être modulée. Cette répétition du mot clé sur des
tonalités différentes augmente précisément les chances qu’il soit bien perçu sur
les ondes. ◄

32. À la réception d’un message de détresse, tout navire doit : cesser toute
transmission et écouter ; noter soigneusement le contenu du message ; attendre
un certain temps pour permettre à une station côtière de répondre ; si aucune
station n’a répondu dans un délai de cinq minutes, indiquer au navire en détresse
que son appel a été entendu et qu’il peut lui porter secours ; essayer, lorsque cela
est possible, d’alerter une station côtière ou un centre de secours. ◄

33. Si la VHF ASN n’est pas reliée à un GPS (ou si ce dernier dysfonctionne),
l’activation de la touche « Distress » ne pourra suffire à inclure la position du
bateau dans le message numérique de détresse. Il faudra passer par les sous-
menus d’appel ASN pour y inscrire manuellement la position. ◄

34. Les communications radio sont couvertes par le secret des correspondances,
et il est rigoureusement interdit de faire quelque référence que ce soit à un
échange entre tiers entendu sur les ondes. Les sanctions encourues sont celles
prévues par l’article 226-15 du Code pénal. ◄

35. Aux termes de la réglementation, un abri se définit comme un « endroit de la


côte où tout engin, embarcation ou navire et son équipage peuvent se mettre en
sécurité en mouillant, atterrissant ou accostant, et en repartir sans assistance.
Cette notion tient compte des conditions météorologiques du moment ainsi que
des caractéristiques de l’engin, de l’embarcation ou du navire ». La limite de
navigation « à plus de 60 milles d’un abri » ne doit surtout pas s’interpréter
comme « à plus de 60 milles des côtes ». On gardera par ailleurs à l’esprit que la
notion d’abri est relative et évolue selon les circonstances, météorologiques
notamment. ◄

36. Une balise de détresse doit être codée à l’achat par un professionnel,
revendeur ou installateur en radiocommunications. En France, c’est le MMSI du
navire où elle est installée qui y est encodé. Pour des raisons évidentes, une
RLS/EPIRB ne se prête pas. ◄

37. Sur l’identification des différents types de voiliers en fonction de leur voilure
et de leur gréement, se reporter à l’encadré du chapitre 5, « Les différentes
familles de gréements » ►.

38. Le nombre des fusées n’est pas infini : ne les tirer qu’en vue d’un navire ou
d’une côte. ◄
VIE À BORD, MAINTENANCE
Vie à bord
L’organisation du bord
L’équipage vis-à-vis du monde extérieur

La maintenance du voilier
Le gréement
Le matelotage
Les voiles
L’accastillage et l’équipement de pont
La coque, la structure du bateau et les appendices
Réparer avec de la résine polyester
L’électricité
L’électronique
Le compas
Le moteur Diesel
Le moteur hors-bord
La plomberie
Réparer l’annexe
U nenéquipage en forme et bien organisé ainsi qu’un bateau
bon état et scrupuleusement contrôlé sont les clés
d’une navigation réussie. Au même titre qu’un voilier
s’entretient régulièrement et sous toutes les coutures, la
bonne tenue de l’équipage ne saurait être laissée au hasard et
mérite d’être l’objet de soins attentifs.
Les premières pages de ce chapitre, consacrées à « La vie
à bord », traitent de sujets aussi essentiels que l’avitaillement
et les repas, la répartition des périodes d’activité et de
repos – les quarts –, les relations avec les voisins au port et
au mouillage, l’environnement légal et juridique dans lequel
évolue le plaisancier, qui couvre en particulier la question
essentielle de la responsabilité du chef de bord.
On s’intéressera ensuite, dans la partie « Maintenance », à
tous les aspects de l’équipement et de l’entretien du voilier,
jusqu’aux interventions à la portée d’un non-professionnel.
Traitant aussi bien des voiles que du moteur, du gréement,
des cordages, de la plomberie et de l’électricité, ou encore de
l’électronique de bord, ce chapitre représente un véritable
manuel du parfait bricoleur marin. Il permettra non seulement
de procéder efficacement aux révisions et réparations que
tout bon plaisancier devrait savoir effectuer lui-même, mais
aussi de suivre en connaissance de cause les opérations
confiées à un chantier naval.
Vie à bord

L’ORGANISATION DU BORD
En croisière au large, barrer, manœuvrer, entretenir son bateau,
prendre la météo, faire le point, sont des actes quotidiens au même titre
que manger, dormir, ranger, nettoyer de jour comme de nuit : vivre et
naviguer sont une seule et même chose. On en rêvait : nous y voici !
Le principe du roulement préside à l’organisation de la vie à bord.
Pendant que certains s’occupent de la navigation, de la manœuvre et des
tâches journalières, une partie de l’équipage se repose en attendant son
quart (son tour de prendre en charge la bonne marche du navire). Des
groupes d’équipiers (les bordées ou les quarts) se relaient ainsi pendant
les 24 heures que dure la journée. Ce système de quarts est d’autant
plus nécessaire que la navigation est longue et que le bateau navigue
jour et nuit.
Il n’existe pas de système idéal, mais des systèmes convenant aux
équipages qui les appliquent. C’est affaire de programme de navigation,
d’effectif, de durée de la traversée, de somme et de répartition des
compétences à bord. Chaque équipage s’organise pour assurer une veille
permanente, dans des conditions qui diffèrent selon le bassin de
navigation, l’époque de l’année, la latitude (la nuit est plus longue en
hiver qu’en été, elle varie aussi en fonction du lieu géographique…), la
météo observée ou prévue, etc. Au chef de bord de mettre en place un
principe de rotation et de répartition des tâches compris et accepté par
tous, et de l’inscrire (au sens propre aussi, il mérite d’être affiché en
bonne place) dans la vie du bord.

LES BORDÉES
Prenons l’exemple d’une croisière côtière, exclusivement composée
de navigations diurnes de quelques heures. Inutile d’instaurer un système
de quarts pour la barre, les réglages et la veille : chacun pourra
s’impliquer sur le pont en fonction de ses envies du moment, et si la
démotivation menace, il sera bien temps de responsabiliser sur le
moment deux ou trois personnes dans le cockpit. On peut parfaitement,
en revanche, réaliser un tableau quotidien de tâches distribuées par
rotation au cours de la semaine : préparation du petit déjeuner et des
repas, vaisselle, rangement du carré, contrôle du pont et du gréement
avant appareillage, etc. Il existe, certes, des équipages où ces tâches se
répartissent naturellement, sans même qu’on ait à en parler. Il en est
d’autres où ce sont toujours les mêmes qui travaillent pour la collectivité.
Non seulement ce n’est pas tout à fait le partage qu’on est en droit
d’attendre à bord d’un voilier, mais cela peut devenir également source
de tensions à la longue, et cela gâche pour tout le monde le plaisir de la
croisière : autant fixer d’emblée un cadre.
Si les étapes se prolongent, si les journées sous voiles dépassent la
demi-douzaine d’heures, et à plus forte raison si l’on doit naviguer de
nuit, il est temps de composer des bordées au sens rigoureux du terme.
On pourra composer ces bordées par affinités, on cherchera surtout à
répartir harmonieusement les compétences : on ne met pas deux
débutants dans un quart et deux marins chevronnés dans l’autre !
La durée des périodes de repos (« le quart de bannette 1 ») sera
généralement de 3 ou 4 heures, le temps nécessaire pour retrouver
l’espace douillet du carré ou de sa couchette, se changer ou se
déshabiller, s’enfiler dans son duvet, cumuler plusieurs cycles de
sommeil, se réveiller un peu avant l’heure fatidique et s’équiper pour
remonter sur le pont, en ayant préalablement pris si besoin un en-cas ou
une boisson chaude.
Chaque bordée peut prendre son quart à heure fixe, tous les jours
que dure la croisière. À l’inverse, on peut préférer les bordées mobiles,
avec rotation des équipiers et des horaires, pour que ce ne soient pas
toujours les mêmes qui assurent le quart le plus dur, celui de la fin de
nuit. Bref, on peut tout imaginer et c’est à chacun de mettre au point le
système qui lui convient le mieux – pourvu qu’il respecte les cycles du
sommeil des équipiers (voir « Dormir » ►).
On peut cependant identifier deux schémas très simples et
fonctionnels :
– Composer deux bordées, chacune ayant à tour de rôle la
responsabilité de la marche du bateau. Les temps de repos et d’activité
sont égaux. Pour éviter que chaque jour les mêmes retrouvent les
mêmes tranches horaires, il est possible de « casser » la répétition en
instaurant deux demi-périodes autour de l’heure du déjeuner. Sur un
rythme de quart de 4 heures, on insère ainsi deux quarts de 2 heures, à
12-14 heures et 14-16 heures. Sur un rythme de quarts de trois heures,
ce sera 12 heures-13 h 30 et 13 h 30-15 heures.

L’insertion de deux demi-quarts en milieu de journée rompt la répétition. En


jour 1, la bordée B est sur le pont entre 4 h et 8 h, quart se situant en fin de nuit
réputé le plus difficile. En jour 2, cette même tranche horaire revient à la bordée A.
– Si l’effectif le permet, composer trois bordées. Les équipiers qui
achèvent leur quart vont se reposer, pour deux fois plus de temps que n’a
duré leur veille. Ils sont remplacés sur le pont par ceux qui sortent d’une
période de repos complet. Ceux qui n’ont dormi que la moitié de leur
quota sont considérés en stand-by, c’est-à-dire que ce sont eux qui
seront réveillés en premier s’il faut des bras supplémentaires à la
manœuvre. Dans le gros temps, on pourra demander aux équipiers en
veille de s’habiller et se harnacher pour pouvoir intervenir très vite sur le
pont, mais tant qu’on n’a pas besoin d’eux ils restent au sec et au chaud.
Les corvées quotidiennes peuvent être aussi réparties en journée sur les
périodes de stand-by. L’intérêt de ce système de quarts impairs est que
le temps de repos est suffisant, il permet de profiter de longs repos sans
qu’en contrepartie les heures de barre ou de veille s’allongent
désespérément. On pourra s’organiser sur des quarts de 2 heures (pour
4 heures de repos consécutif) ou de 3 heures (pour 6 heures de repos) 2.

L’organisation du bord en trois bordées assure des temps de repos ou de


farniente suffisants, et des quarts de veille plus courts.

Le tout, c’est qu’à chaque quart, qu’il soit d’une durée de 2, 3,


4 heures ou 6 heures, soient réunies les compétences nécessaires en
navigation et en manœuvre du voilier. Quand il y a assez de monde pour
que les bordées soient homogènes, il est préférable que le chef de bord
soit hors quart, ce qui ne signifie pas qu’il en fait moins que les autres,
mais qu’il peut être sollicité à chaque heure du jour et de la nuit.
Le quart descendant (la bordée qui termine son quart) peut préparer
quelques boissons chaudes et autres grignotages pour le plus grand
plaisir de ceux qu’il va réveiller : c’est en général assez bien perçu. Puis il
va se reposer, mais seulement après avoir transmis tout ce qui s’est
passé pendant les heures qui viennent de s’écouler. Il n’abandonne pas
son rôle sans avoir vérifié que chaque chose est à sa place et que ceux
qui le remplacent ont parfaitement compris tout ce qu’il leur a dit 3.
Le quart montant (la bordée qui commence son quart) consulte le
livre de bord où le chef de bord a noté ses consignes, puis il prend la
relève 4. Il assure à son tour la sécurité de ceux qui se reposent. La
délicatesse étant une vertu cardinale, il évite de modifier aussitôt les
réglages du quart précédent, d’autant que pour intervenir intelligemment
il vaut mieux d’abord se mettre à l’écoute du bateau et s’imprégner des
conditions du moment…

Si le quart de l’aube est réputé le plus long, certains ciels sont de belles
récompenses.
Le chef de bord
Si c’est possible, le chef de bord est hors quart, bénéficiant ainsi de
la vue d’ensemble nécessaire à la bonne marche de la croisière.
Disponible à tout moment, loin d’être un privilégié, il est en somme
taillable et corvéable à merci.
On doit pouvoir compter sur lui dans les moments difficiles ou au
moindre doute. Souvent, son activité nocturne est abondante – certains
se font réveiller à chaque changement de quart –, il remplace un équipier
défaillant, monte sur le pont dès qu’une manœuvre réclame une paire de
bras supplémentaire… Mais quand tout va bien, que les dangers sont
lointains, les instructions bien comprises et les règles de sécurité
respectées, il n’a pas besoin de prouver qu’il est capable de résister au
sommeil ! Il va dormir. Tout le monde a besoin qu’il soit en pleine forme.
Mais le chef de bord ne dormira pas vraiment s’il n’est pas certain
qu’on le réveillera à la moindre alerte, ce qu’il a le devoir d’exiger. Et tant
pis s’il est réveillé cinq fois de suite pour rien, du moment qu’on le
réveille aussi quand il se passe vraiment quelque chose.

Le navigateur
L’importance du rôle de l’équipier en charge de la navigation lui
donne droit à quelques privilèges. Il peut monter et descendre à sa guise
sans trébucher sur un équipier désœuvré. Il trouve sur le pont la place
stratégique pour observer autant que nécessaire la marche du bateau, la
route, le paysage, les éléments environnants. La table à cartes étant son
domaine réservé, les autres équipiers évitent de l’encombrer d’objets
hétéroclites – à commencer par leurs restes de repas – et ne se font pas
prier pour lui céder cette place stratégique. La nuit, une petite lumière
rouge lui permet de travailler sans dénaturer les qualités de sa vision
nocturne. La table à cartes des voiliers modernes ayant une fâcheuse
tendance à rétrécir, le navigateur a parfois besoin d’utiliser la table du
carré pour déplier ses cartes : l’organisation de l’espace commun doit en
tenir compte – c’est une bonne raison supplémentaire de maintenir le
bateau en ordre.
Le navigateur guide le bateau sur une route sûre et rapide, prend la
météo, s’informe des messages de sécurité, fait le point. C’est lui qui
assume l’essentiel de la tenue du livre de bord. Il échange très
régulièrement avec le barreur. Quand il a un problème, il se fait aider par
le chef de bord. C’est parfois la même personne qui cumule les deux
fonctions, d’autant plus aisément que les aides électroniques ont allégé
et simplifié le travail à la table à cartes.

Le barreur
Le barreur tient le cap donné par le navigateur ou maintient le voilier
au meilleur près. Il informe le navigateur de ce qu’il voit : tourelles,
perches et bouées (qu’il ne confond pas les unes avec les autres), amers,
feux, évolutions du système nuageux. Il signale les changements du vent,
de la vitesse ou du cap tenu.
Il maintient une bonne communication avec les autres équipiers pour
que le voilier reste équilibré à la barre et conserve son meilleur potentiel
de vitesse. Comme eux, il surveille en permanence les autres bateaux.
Avant de prendre son poste, le barreur s’assure d’avoir tout ce qu’il
lui faut à portée de main, prend des précautions afin de ne pas avoir à
réclamer une relève au bout de quelques minutes – pour assouvir un
besoin pressant ou s’équiper d’une garde-robe adaptée au temps qu’il
fait !
De nuit, il a besoin, comme les autres équipiers de son quart, d’une
bonne dizaine de minutes pour adapter sa vision à l’obscurité, ce qui se
prépare également en évitant les éclairages trop puissants au réveil.
Le quart reçoit parfois de la visite.

L’équipier de pont
Réglages, manœuvres et veille permanente sont les principales
occupations de l’équipier de pont. En régate, il se sert de son poids pour
assurer le meilleur rappel au voilier (ce qui ne veut pas forcément dire
qu’en croisière il lézarde sous le vent lorsque le bateau aurait besoin de
naviguer un peu moins gîté !). Il passe son temps libre à observer la mer,
à rêver les yeux ouverts, à lire et à discuter – activité bien utile au barreur
quand les paupières s’alourdissent au milieu de la nuit… Il ajuste les
réglages de voiles, à son initiative ou à la demande du barreur.

Le cuisinier
Le cuisinier contribue à la bonne humeur du bord. Il s’arrange pour
que les repas soient prêts à temps afin de ne pas perturber l’organisation
des bordées.
Pour une sortie à la journée, prévoyant, il prépare le repas de midi
avant de quitter le port. Au large, bien avant de se mettre au travail, il
réfléchit à un menu adapté à l’état de la mer et des troupes. Quand les
vagues se mettent de la partie, la purée tient mieux dans l’assiette que
les petits pois !
Il s’interroge aussi sur ce qui est susceptible de tenir dans l’estomac
des équipiers et, plus prosaïquement, se demande si le temps autorise
l’utilisation de la casserole et des poêles. Il a parfois intérêt à fixer son
menu en fonction de la batterie de cuisine de gros temps : Cocotte-
Minute, bouilloire pour les soupes en sachet. Mais s’il opte pour les
sandwichs, c’est que le grand mauvais temps s’est installé !
Bref ! le marin cuisinier est un penseur. Il fait aussi un métier à risque.
Voir le chapitre « Sécurité » ► sur les incendies, les blessures et les
risques de brûlures devant les fourneaux. Car un cuisinier averti en vaut
deux !
Au début de la croisière, chacun dispose ou non de talents culinaires,
mais de bien piètres cuisiniers à terre se révèlent à bord dignes des plus
grands chefs. Leur secret tient à peu de chose : maîtriser une ou deux
recettes fétiches (patates au lard, pain perdu…) et s’arranger pour être
de quart quand elles sont au menu…

DORMIR, BOIRE ET MANGER

Dormir
Il est fondamental que chacun ait sa dose de sommeil réparateur
(l’expression prend ici toute sa valeur) et il faut créer les conditions pour
l’obtenir. Au début, le plus difficile est de modifier son rythme biologique,
mais dormir sur commande est une qualité qui généralement s’acquiert
assez vite au cours d’une croisière.
L’ambiance doit être paisible. Ceux qui sont de quart doivent rester
les plus discrets possible. C’est un ensemble d’habitudes à prendre, de
bonnes habitudes bien sûr.
Il vaut mieux éviter de : descendre dans la cabine toutes les
5 minutes parce qu’on a oublié quelque chose (un pull, un casse-croûte,
de l’eau, ses pilules contre le mal de mer) ; chanter ou donner des ordres
trop fort ; laisser traîner le mousqueton de son harnais sur le pont,
entreprendre le grand rangement de son sac en froissant des sacs
plastique qui font un vacarme infernal…
Dans la mesure du possible, il est préférable d’attendre le
changement de quart pour faire les manœuvres : tout le monde est
réveillé et il y a plus de bras disponibles.
Les conditions d’un silence relatif étant réunies, il faut encore, pour
bien dormir, être correctement installé. Si toutes les couchettes du
bateau sont bonnes, tant mieux : chacun aura la sienne.

LES CYCLES DU SOMMEIL


Une bonne nuit comporte une succession de plusieurs cycles de sommeil,
souvent cinq, répartis sur 7 à 8 heures.
En moyenne, la durée de chaque cycle est d’1 h 30, au cours de laquelle se
succèdent plusieurs stades : endormissement, sommeil léger, sommeil profond
(favorisant la récupération physique), sommeil paradoxal (ou phase de rêve qui
correspondrait, selon les spécialistes, à une phase de récupération psychique).
La fin de chaque cycle peut être suivie d’un réveil.
Si le réveil spontané a lieu dans les minutes qui précèdent le début du quart,
autant ne pas se rendormir et ne pas commencer un nouveau cycle de sommeil.
Celui-ci aurait toutes les chances d’être interrompu brutalement par les incitations
de plus en plus persuasives des équipiers du quart descendant. Ce réveil forcé peut
entraîner mal de mer, maux de tête, ralentissement des temps de réaction,
difficultés de concentration – ainsi qu’une envie incoercible de dormir.
Selon ces principes, une organisation des quarts par roulement permettant des
cycles de 3 heures de sommeil semble la solution la plus consensuelle. Cela peut
s’interpréter et s’adapter de différentes façons. D’aucuns traduiront cela par
l’instauration de quarts de 3 heures. D’autres considéreront qu’une période de
4 heures hors quart garantit 3 vraies heures de sommeil effectif précédées et suivies
de quelques dizaines de minutes de transition bien appréciables pour se changer, se
restaurer, faire son nid, émerger tranquillement…
Si les horaires mis en place sont respectés, l’horloge biologique interne de
chaque équipier s’accommode petit à petit et les réveils, de plus en plus spontanés,
se font quelques minutes avant la sonnerie du réveil.

Mais si, comme c’est souvent le cas, certaines couchettes ne


peuvent pas être utilisées en mer (celles qui n’ont pas de toile antiroulis,
celles du poste avant s’il y a du tangage), il serait idiot de condamner
quelqu’un à dormir là, alors que les couchettes des équipiers de quart
sont vides (aussi range-t-on sa couchette quand on la quitte). À
l’exception du chef de bord qui, en raison de son rythme de vie
particulier, a besoin d’une couchette personnelle, on a tout intérêt à
adopter le principe de la « bannette chaude » – entendez : bannette qui
n’a pas le temps de refroidir entre le départ de l’équipier montant et
l’arrivée de l’équipier descendant…

Boire
À bord, l’eau douce est un bien précieux : approvisionnement et
consommation font l’objet d’un suivi minutieux. Elle sert à boire et à
cuisiner, mais aussi à la toilette et au rinçage des vêtements.
Le corps humain a besoin de 1,5 litre par jour 5, mais dans les faits,
du moins aux Glénans, on note une consommation totale d’eau douce
d’environ 3 litres par jour, quantité permettant une légère toilette au
lavabo. Si douches et rinçages à bord sont au programme, il faut compter
8 litres par jour.
Au cours des longues croisières, un contrôle du stock d’eau limite la
consommation. On se contente – si le stock le permet – de se doucher
pour le rinçage, on utilise un cinquième d’eau de mer pour cuire les pâtes
et le riz. L’économie de sel est symbolique, l’économie d’eau douce l’est
moins.
Pour l’approvisionnement, on évite de mettre tous ses œufs dans le
même panier. Si le voilier n’a qu’un seul réservoir fixe, une partie de
l’avitaillement se fait dans des jerricans ou des bidons. Particulièrement
utiles pour faire le plein dans les ports et les mouillages dépourvus de
point d’eau, les bidons – à condition de veiller à leur propreté – résolvent
avantageusement la question des déchets en plastique des packs d’eau
minérale.
Lors d’une transatlantique Glénans (croisière de 20 jours sans escale,
équipage de huit personnes), 225 litres d’eau de boisson ont été
embarqués en bidons et en bouteilles, soit 1,4 litre par personne et par
jour. La consommation a oscillé entre 1 et 2,5 litres par jour et par
personne en fonction du temps, couvert ou ensoleillé (dans ces
moments-là, on s’inquiète pour le stock !). L’utilisation de 1,5 litre d’eau
de boisson pour la toilette était une tolérance occasionnelle. Sans que
personne se soit privé, il restait 9 litres d’eau à boire à l’arrivée. 280
autres litres d’eau (tirés des vaches à eau 6), soit 1,75 litre par personne
et par jour, ont également été consommés pour la cuisson des aliments,
le café, le rinçage de la vaisselle.
Au total, au cours de cette croisière, la consommation d’eau douce
s’est élevée à 3,1 litres par personne et par jour. Avant le départ, une
seule personne avait déclaré boire du jus de fruits et du Coca, mais une
fois en mer tout le monde en a eu envie : d’après le témoignage de cet
équipage, il aurait fallu l’équivalent d’une canette par jour et par
personne.
Comme cela se fait toujours pour ce type de croisière, le bateau
disposait aussi d’un stock d’eau complémentaire, réservé à l’hypothèse
d’une évacuation de l’équipage sur le radeau de survie : trois bidons de
15 litres, soit 45 litres pour une autonomie d’environ 4 jours à 1,5 litre
par personne et par jour. Embarquée bien avant la traversée de
l’Atlantique, stockée à bord pendant deux mois, cette eau était meilleure
que celle des pontons locaux et s’était donc très bien conservée dans ce
conditionnement.

DEUX OU TROIS CHOSES À PROPOS DE L’EAU


Avant de remplir le réservoir, il faut goûter l’eau : on accuse trop souvent les
réservoirs et les vaches de donner à l’eau un goût de plastique qu’elle avait déjà
avant d’intégrer le bord. Un long tuyau d’arrosage chauffé au soleil suffit pour la
rendre imbuvable : les jus de citron, les sirops et les soupes peineront à en masquer
le goût. Il faut dans ce cas, avant de faire le plein, laisser couler le tuyau de
l’équivalent de son contenu.
Éviter, par ailleurs, de remplir les réservoirs jusqu’au nable de pont (orifice de
remplissage du réservoir), ce qui les met en pression, fait fuir les regards de visite 7
et peut endommager sérieusement le réservoir.
Un nable de pont mal resserré rend l’eau du réservoir saumâtre et imbuvable,
réduit son usage au lavage, au rinçage et à la cuisson des pâtes et du riz. Mais si ça
vous arrive, consolez-vous : vous n’êtes pas les premiers !
Les bidons, les jerricans, les bouteilles en plastique réutilisables sont lavés et
désinfectés avant réutilisation. Ils ne sont pas stockés au soleil.
Pour un long périple, le désalinisateur manuel n’est pas un luxe. Bien entendu,
on l’embarquera le cas échéant dans le radeau de survie, mais il peut aussi servir si
la traversée s’éternise à la suite de problèmes matériels.
Ce type de désalinisateur fournit jusqu’à 0,89 litre d’eau à l’heure… sous réserve de
se relayer. La fréquence de pompage optimale est de 30 coups par minute.
LES BOISSONS ALCOOLISÉES
Celui qui a défini les marins comme des « êtres extraordinaires ne se
nourrissant que de tabac et d’alcool » n’a sans doute jamais partagé leur vie en
mer.
Pour beaucoup, la vie en mer, synonyme de liberté, est assimilée à une
consommation excessive d’alcool. Or il suffit de considérer en détail la liste
e
d’avitaillement des grands voiliers du XIX siècle pour se rendre compte que cette
tradition n’est qu’une vue de l’esprit. Ce qui est bien réel en revanche, c’est la
corrélation entre certains accidents et l’alcoolémie de l’équipage au moment des
faits.
Si nombre d’équipages apprécient un peu de vin pour les moments conviviaux
au port et les rencontres avec les voisins de ponton, la grande majorité de ceux
qui naviguent ne boivent pas du tout d’alcool en mer.
Ces quelques lignes devraient permettre de distinguer ce qu’il est raisonnable
d’emporter et de consommer.

La caisse de bord
Le chef de bord peut suggérer un principe préalable à la constitution de la
caisse de bord : « On fait une caisse de bord séparée pour les boissons
alcoolisées. » Ainsi, ceux qui ne veulent pas participer peuvent s’abstenir de
s’associer à une contribution collective.

Le verre standard
La notion de verre standard permet d’obtenir une base de calcul très pratique
en établissant pour la quantité d’alcool une équivalence entre différentes
boissons. Le critère d’une consommation acceptable, au regard de l’alcoolémie et
de la dépendance, peut être ainsi libellé : « Il ne faut pas dépasser 2,5 verres
standard par personne et par jour. » En cette matière, hommes et femmes ne sont
pas égaux : on compte deux verres standard pour une femme et trois pour un
homme. Ce qui fait une moyenne de 2,5 verres standard par personne et par jour.
À ce critère, ajoutons qu’il est bon de s’abstenir au minimum un jour par
semaine. Cela constitue en outre un excellent moyen de faire le point sur sa
propre dépendance.

L’avitaillement
Prenons un exemple pratique : une croisière de 6 jours et demi avec un
équipage de 6 personnes déclarant toutes boire des boissons alcoolisées. Le
nombre de verres standard s’établit à 6 × 6 × 2,5 = 90. La quantité d’alcool
embarquée doit être inférieure à cent verres standard. Soit six bouteilles de vin
plus deux bouteilles de whisky (de 75 centilitres) en tout et pour tout et pour tout
l’équipage. Bigre !
Faites vos comptes !

Un verre de vin, un demi de bière, un whisky, un pastis ou une coupe de


champagne tels qu’ils sont servis dans un bar contiennent la même quantité
d’alcool : 10 grammes. Allonger sa boisson avec de l’eau ne change pas la
quantité d’alcool absorbée.
Le bateau était également équipé d’un désalinisateur manuel
produisant 1 litre par quart d’heure. 15 litres ont été produits de la sorte
par ceux qui voulaient rincer leur lessive à l’eau de mer désalinisée (sans
rinçage à l’eau douce, ça ne sèche pas et ça finit par sentir !).

Manger
En mer, l’alimentation ressemble fort à celle de la vie quotidienne. Un
minimum de trois repas, un même souci d’équilibre (protides, glucides,
lipides, sels minéraux, etc.), mais aussi un minimum de plaisir : légumes
variés, fruits, viande, poisson, laitages, féculents…
Il faut cependant prendre en compte un certain nombre de
particularités de l’alimentation en mer.
– La conservation des denrées alimentaires est limitée par les
capacités de production de froid du bord. Les réfrigérateurs se
multiplient sur les bateaux (les congélateurs, plus rares, ne sont pas
incongrus sur les bateaux de voyage), mais ils sont énergivores, de
capacité restreinte et plus fréquemment en panne que leurs homologues
terriens.
– Les apports caloriques journaliers dont a besoin un équipage à la
manœuvre sont supérieurs à la moyenne.
– Pour les longues traversées, il faut prévoir… l’imprévisible. Avaries,
manque de vent, pannes de moteur, peuvent sérieusement prolonger la
traversée. Il faut donc emporter un surcroît d’avitaillement de longue
conservation (conserves, pâtes, denrées lyophilisées, etc.). Après la
croisière (car heureusement tout se sera déroulé comme prévu), on
pourra les rapporter à terre ou les laisser à bord du bateau pour de
nouveaux périples.
■ Les besoins énergétiques
De quoi a-t-on besoin chaque jour ? D’un apport énergétique
d’environ 2 200 calories (pour une femme) à 2 500 calories (pour un
homme). La vie à bord étant l’heureuse occasion de dépenses
énergétiques supplémentaires (on passe son temps à se maintenir en
équilibre, à lutter contre le froid, à changer de rythme de sommeil et à
faire aussi un peu de sport…), le marin a besoin d’un apport
complémentaire d’environ 20 %, soit 2 600 à 3 000 calories par jour 8.
On considère en général que le petit déjeuner fournit 25 % de
l’énergie quotidienne, le déjeuner 40 % et le repas du soir 35 %. En mer,
les en-cas et les collations fournissent facilement les 20 % de calories
supplémentaires nécessaires au marin.

Certains équipiers ont ce talent de réaliser des merveilles avec trois fois rien.

■ L’équilibre des menus


Les apports alimentaires doivent être équilibrés, c’est-à-dire répartis
selon la règle suivante : « GPL = 421 », soit quatre parts de glucides
(environ 55 % de la ration calorique quotidienne), deux parts de protéines
(30 %) et une part de lipides (15 %). Ces quantités ne sont pas
proportionnelles au poids des aliments : 1 gramme de protéines ou
1 gramme de glucides apportent 4 calories, alors que 1 gramme de
lipides apporte 9 calories. Dès lors, perdu dans tous ces chiffres, on peut
être tenté de déclarer forfait. Mais la variété des menus suffira à fournir
cet équilibre sans qu’il soit besoin de grande réflexion !
Les fruits et légumes apportent fibres, vitamines et sels minéraux.
Indispensables à une bonne santé, en bateau comme à terre, ils peuvent
être consommés sans modération.
Voici quelques repères pour ceux qui n’ont pas l’habitude de faire les
courses ou la cuisine.
Les protéines sont culturellement et traditionnellement fournies par
le poisson, la viande, les œufs et les produits laitiers. 350 grammes de
produits laitiers par personne en fourniraient une quantité suffisante pour
la journée. Mais on trouve tout autant de protéines dans le monde
végétal : haricots, fèves, pois secs, lentilles et céréales complètes.
100 grammes de viande ou de poisson n’apportent que 15 à 20 grammes
de protéines, contre 25 grammes de protéines pour 100 grammes de
lentilles.
Les glucides lents sont en majeure partie apportés par les féculents
(pommes de terre, riz, pâtes), le pain, les produits céréaliers (céréales,
barres, biscottes) ou les légumes secs. On prévoira 200 à 400 grammes
de pain par personne et par jour, et environ 300 grammes de féculents
cuits. Le sucre et les produits sucrés sont des glucides rapides, source
d’énergie immédiate, généralement source de plaisir, mais ils ne sont pas
indispensables à une alimentation équilibrée.
Les lipides (plus connus sous le nom de graisses) se trouvent dans le
beurre, l’huile, la crème fraîche, mais aussi le fromage et les
charcuteries. Une alimentation variée les apporte en quantité suffisante,
sans qu’il soit nécessaire d’en rajouter.

■ Principes de base de l’avitaillement


Tout commence par un tour de table pour connaître les goûts, les
aversions et les habitudes alimentaires de chacun, parfois impossibles à
bousculer. C’est très important pour le petit déjeuner, mais aussi pour
certains besoins individuels – d’aucuns ne peuvent se passer d’une
alimentation carnée –, d’autres sont végétariens.
Puis vient la mise en place d’une caisse de bord, d’expérience la
meilleure des méthodes. La caisse de bord servira à payer la nourriture,
mais aussi les frais de port, de gazole, de gaz, tout ce dont aura besoin la
communauté (on l’a déjà évoqué : mettre à l’aise ceux qui ne boivent pas
en proposant une caisse de bord différente pour les boissons
alcoolisées.)
Enfin, vient l’élaboration des menus, leur conversion en liste de
courses, les achats et le stockage des vivres à bord, qui tiennent compte
des contraintes du bateau (taille de la glacière, présence ou non d’un
four, etc.).

■ Élaborer des menus


Élaborer des menus à l’avance permet d’équilibrer l’alimentation, de
ne pas acheter plus que nécessaire mais aussi de planifier la
consommation des produits frais, qu’on peut renouveler à chaque escale.
Pour les repas, comme à terre, on prévoit entrée, plat principal, fromage
et dessert.
Les menus tiennent compte de la conservation des aliments.
Poisson frais, poulet, viande, légumes et fruits fragiles (salade,
tomates, pêches, bananes, avocats, kiwis, etc.) seront consommés au
cours des premiers repas. Ensuite viendront les denrées qui se
conservent relativement bien : choux, navets, oignons, betteraves rouges
sous vide, carottes, pommes de terre, citrons, oranges, pommes, poisson
séché ou fumé et – si l’on ne peut s’en passer – viande cuite, sous vide,
salée ou fumée. Les conserves serviront aux repas de fin de croisière et
resteront dans leurs boîtes si la pêche est bonne. Quant aux conserves
de légumes, elles permettront de varier les accompagnements et de ne
pas manger que du riz et des pâtes.
Dans de nombreux ports français et étrangers, on peut demander la
livraison à bord, après passage au supermarché, mais aussi sur
commande (par fax, e-mail, etc.). C’est une formule très pratique qui fait
gagner du temps le premier jour.

La livraison à bord version mouillage antillais.

■ Compléter la liste de courses


Dans la liste de courses, il faut penser à l’huile, à la moutarde, au sel,
au poivre et aux épices, aux cornichons, au persil, à l’ail et aux oignons, à
la farine, à la levure, au pain, et ne pas oublier gaz, papier aluminium,
allumettes, pinces à linge, liquide vaisselle, papier toilette, papier essuie-
tout, sacs-poubelle, éponges et serpillières.
Les en-cas sont fort appréciés en croisière. Il faut prévoir d’alterner
plaisirs salés et plaisirs sucrés : boissons chaudes, tisanes et soupes
minute (individuelles), gâteaux salés et sucrés, saucissons et rillettes,
tablettes de chocolat, fruits secs. Les compotes individuelles et les
barres de céréales sont pratiques et très appréciées.
Tableau permettant d’établir la liste des achats en fonction des
menus envisagés. Il faut d’abord échanger avec l’équipage au sujet des différents
repas et des en-cas, puis recenser les besoins du bord et noter dans le tableau les
quantités à acheter.

■ L’achat et le stockage des vivres


Les emballages qui encombrent la poubelle du bord doivent être
limités au strict minimum. Certains produits sont répartis dans des
boîtes, des bidons ou des sacs hermétiques. On évite dans la mesure du
possible les emballages en verre, fragiles et dangereux. Pour les jus de
fruits et le lait, les briques avec bouchons sont préférables.
Avant de commencer le stockage, on peut faire un plan des équipets
en les numérotant et en précisant leur contenu. C’est le moment de
repérer les oublis majeurs. Ce plan ainsi qu’une liste précise de ce qui a
été embarqué permettent de suivre l’état du stock au fil de la croisière.
Les fonds sont relativement frais, mais ils sont humides et peu aérés.
On y stocke les conserves sans leurs étiquettes (qui peuvent se décoller),
le contenu étant reproduit au feutre indélébile. Tout ce qui doit rester sec
est stocké plus haut : fruits et légumes dans des équipets aérés et
facilement accessibles (il faut les contrôler régulièrement). Ce qui sert
souvent va dans les équipets les plus accessibles.

■ Le pain
Un marin désabusé l’a dit un jour : « Rien de plus horrible que de ne
plus avoir de pain quand on a du pâté… »
Le pain coupé en tranches sous cellophane ayant une tendance
prononcée à la moisissure (à l’exception de certains pains emballés au
moment de la fabrication), on lui préfèrera du pain en miche. Certains
boulangers fabriquent du pain de mer sur commande : cuit en deux fois, il
tient facilement 15 jours. À bord, le pain frais est le premier des régals,
alors pourquoi ne pas emporter farines diverses, levure de boulanger et
quelques recettes secrètes pour aiguiser les papilles ? Le pain se cuit
parfaitement dans un four, mais aussi dans la Cocotte-Minute ou dans la
poêle.
Quant au pain sec, il n’est pas perdu ! Ou plutôt si, car le « pain
perdu » fait la joie du matelot.
■ Les fruits et légumes
Ils se conservent correctement s’ils ne sont pas entassés, et à
condition d’être bien calés (les entourer éventuellement, un par un, dans
du papier journal – mais il faut alors les laver ou les éplucher avant
consommation). En outre, le « fruitier » doit faire l’objet d’une visite
quotidienne et d’une sélection drastique. Les sujets douteux sont
consommés tout de suite ou éliminés sans pitié, car l’odeur de pourriture
est terrible sur un bateau ! Certains fruits (les pommes par exemple)
dégagent en mûrissant un gaz qui fait pourrir les autres fruits, aussi vaut-
il mieux séparer les essences.
LE PAIN À BORD
Fabriquer son pain
Ingrédients : 600 à 700 grammes de farine (on peut mélanger plusieurs sortes
de farine), un sachet de levure de boulanger, sel, épices (cumin, cannelle,
muscade, safran), eau et fruits secs (raisins, noisettes, graines de tournesol, de
sésame).
Mettre la levure dans un bol avec un peu d’eau ou de lait tiède pendant
10 minutes. Préparer dans un grand plat la farine avec le sel et les ingrédients. Y
verser la levure en ajoutant un peu d’eau pour faire une pâte qui ne colle pas aux
doigts.
Pétrir lentement puis mettre la pâte dans un plat plutôt étroit et haut recouvert
d’un torchon. Le poser dans un endroit à température ambiante. Laisser lever la
pâte, la pétrir de nouveau, la mettre dans un moule, laisser encore lever puis
enfourner.
Le pain cuit sonne creux. Le sortir dès que la cuisson est terminée. C’est
tellement bon que c’est souvent mangé tout de suite, aussi ne faut-il pas en faire
trop souvent (ou discipliner les troupes !).

Le pain perdu
Ingrédients : des tranches de pain sec, 4 œufs, 1 litre de lait, du sucre en
poudre.
Mélanger dans un récipient (plat à four ou casserole) : le lait, les œufs et
quatre bonnes cuillerées à soupe de sucre en poudre. Laisser reposer une demi-
heure. Dans le mélange, faire tremper les tartines jusqu’à ce qu’elles soient
complètement imbibées. Les mettre à égoutter dans une assiette creuse pour
éliminer le surplus de mélange. Les faire cuire à la poêle à feu modéré en les
retournant délicatement. Lorsque les deux faces sont brun foncé, c’est prêt.
Accompagner comme on veut, mais manger chaud. Les petits plus : ajouter de
la vanille à la préparation ; utiliser du pain brioché ; saupoudrer de sucre après
cuisson.
La mitonnée ou soupe au pain
Ingrédients : 500 grammes de pain sec, un gros oignon, un jaune d’œuf, une
tasse de lait, une bonne cuillerée à café de sucre en poudre, 75 grammes de
beurre.
Porter à ébullition 1 litre d’eau ; pendant ce temps, éplucher l’oignon et le
hacher finement. Quand l’eau bout, y jeter le pain et l’oignon, puis le sucre et le
sel.
Poivrer légèrement, laisser cuire à feu moyen sans cesser de remuer avec une
cuillère en bois. Il faut que le mélange devienne homogène et onctueux sans trop
épaissir (ajouter éventuellement un peu d’eau bouillante).
Au moment de servir, lier cette panade avec le lait, le jaune d’œuf battu et le
beurre. Ajouter des fines herbes si on en a à bord (elles se conservent très bien
dans du beurre fondu) ou utiliser des herbes lyophilisées.
Ranger les fruits dans des filets est une excellente idée. Mais il ne faut pas leur
laisser de ballant comme ici : les filets doivent être tendus dans le plan horizontal.

■ Les produits laitiers


Le secret de conservation des fromages tient dans leur emballage : ni
plastique ni papier aluminium mais du papier paraffiné. Les répartir en
plusieurs lots pour limiter les risques.
Le beurre (salé de préférence), conservé dans de l’eau, donc à l’abri
de l’air, ne rancit pas. Aux Canaries et aux Antilles, le beurre peut être
fourni en boîte : s’il fait très chaud, avant d’ouvrir la boîte, on la refroidit
en l’enfonçant profondément dans l’eau de mer.

■ Les produits qui se conservent bien


Citons entre autres : le jambon cru à découper (sec ou fumé), les
oignons, les oranges, les citrons, les œufs. Pour tester la fraîcheur d’un
œuf, le plonger dans un bol d’eau douce. S’il reste au fond, c’est bon, s’il
flotte, il est inconsommable. Les œufs se conservent mieux entourés de
margarine ou de papier journal.

■ Aliments lyophilisés ou déshydratés


La lyophilisation consiste en l’extraction par sublimation (à basse
température et sous vide) de l’eau contenue dans les aliments. Les
aliments se conservent ainsi dans de très bonnes conditions, avec un
gain de poids considérable (de plus de 70 %). Les propriétés
organoleptiques (goût, odeur, aspect) sont préservées, mais les
vitamines, volatiles, disparaissent en grande partie. On lyophilise des
produits cuits et des produits crus (légumes ou fruits), les plats cuisinés
sont très pratiques.
PARLER « MARIN »
La marine a son propre langage. Le débutant peut trouver ça pédant, snob,
voire inutile. Comme tous les vocabulaires techniques, celui des marins offre une
concision et une précision intraduisibles en langage courant.
Ainsi, l’ordre Abats ! se traduit par une périphrase bien longue : « Manœuvre la
barre de telle manière que la direction du navire s’éloigne de la direction du
vent ! » Quant au mot bâbord, il ne veut pas tout à fait dire « gauche » : certes
bâbord désigne le côté gauche du bateau, mais quand on regarde l’arrière du
bateau, bâbord se retrouve à droite ! Choquer se traduirait par « diminuer la
tension d’une amarre ou d’une écoute » ; mollir par « enlever de la tension » ;
larguer, qui est plus définitif que « choquer » ou « mollir » donnerait « détacher,
désamarrer et laisser aller ».

Évolution du langage marin


Comme tous les langages, celui des marins évolue. Des mots nouveaux font
leur apparition : pétole (absence ou extrême faiblesse du vent), baston (conditions
très difficiles de mer et de vent) ; certains sont hérités d’une langue étrangère :
ainsi de shore break, vague très puissante qui éclate près du rivage et qui n’est pas
tout à fait la même chose que le ressac (aller et retour violent des vagues sur elles-
mêmes, quand elles se brisent sur un obstacle).
Certains mots disparaissent. On ne parle plus guère de poulaines pour les lieux
d’aisances des matelots à bord et à terre (la poulaine était une plate-forme
triangulaire qui se trouvait à l’avant du navire et dont la forme évoquait celle,
relevée et pointue, des chaussures « à la poulaine »).
La présence importante de termes anglo-saxons est une évolution assez
récente. En 1982, l’Organisation hydrographique internationale a défini la liste des
abréviations figurant sur les cartes marines : ainsi « Ep. » pour « épave » a disparu
au profit de « Wk » pour wreck. L’utilisation du GPS a introduit des acronymes très
utilisés : SOG (pour Speed over ground, vitesse de fond), VMG, ETA, etc. sont ainsi
couramment utilisés et définis dans les pages de ce Cours. Les normes et les
usages ont mis en place une sorte de langage marin international largement fondé
sur l’anglais maritime. Faut-il le déplorer ?
Au cours d’une opération de sauvetage, on communique fréquemment avec
des navires d’autres pays et ce langage international, sorte d’espéranto de la mer,
fait partie de la formation de base de bien des marins à travers le monde.
Aussi ce Cours donne-t-il la traduction de nombreux termes de marine dans la
langue de Shakespeare, ce qui ne doit pas être interprété comme une trahison du
français de Molière, mais comme une initiation à ce langage maritime
international.

Dialectes
Le langage marin connaît également des dialectes. Dessaler est un mot que se
réservent les pratiquants de voile légère et dont l’équivalent en croisière est
chavirer. Il trouve sans doute son origine dans la phrase « Il va dessaler », c’est-à-
dire : le voilier va chavirer et l’équipage devra tout rincer à l’eau douce.

Origines cosmopolites
L’origine des termes marins est cosmopolite, ce qui laisse présumer échanges
et influences entre les différents peuples de marins.
– Certains mots sont issus de l’ancien norrois, la langue du pays viking : bau
(largeur du bateau) ; bitte (de biti : une poutre transversale dans le toit d’une
maison) ; bord (de bord : bord, arête, bord de navire) ; étambrai (une pièce de
soutien du mât sous le pont, de timbr : bois de construction) ; étrave (de stafn :
étrave) ; gréer, gréement, hauban (de höfudbendur : tête, lien, câble principal d’un
navire) ; carlingue (une grosse pièce à section rectangulaire placée à l’intérieur du
navire sur les varangues et parallèlement à la quille pour la renforcer, de kerling :
femme, contre-quille d’un navire où vient s’implanter le mât) ; étambot (de
stafnbord) ; itague (de útstag : filin d’acier relié à la charge) ; quille (de kilir, pluriel
de kjolr : quille de bateau) ; tillac, touer (se déhaler sur sa chaîne d’ancre, de
toga) ; racage (de rakki : anneau de cordage reliant la vergue au mât) ; ralingue (de
rárlík : bord d’une voile de vergue) ; ris, rouf, varangue (de varong : pièce de bois
courbe renforçant la coque d’un bateau) ; etc.
– D’autres mots ont une origine néerlandaise : bâbord (de bakboord : le pilote
gouvernait avec un aviron situé à tribord et tournait le dos [bak] à l’autre bord
[boord]) ; drome (de drommer : poutre) ; épisser (de splissen) ; foc (de fok) ; lof (de
loef : côté du vent) ; sloop (de sloep) ; tribord (de stierboord, variante de
stuurboord, composé de stuur « gouvernail » et de boord « bord, côté » :
littéralement le côté où se trouve le gouvernail, autrefois placé du côté droit des
navires) ; faseyer (de faselen : se mouvoir violemment).
– Origine danoise : louvoyer (de lovere) ; yachting (de jaghen : nom des navires
e
de poursuite et de chasse qui a donné au XVI siècle jaght : navire rapide destiné au
commerce, à la guerre ou à la plaisance).
– Origine scandinave : hune (de hûnn : plate-forme fixée sur les bas-mâts).
– Du vieil anglais : winch (de wince : bobine, enrouleur, puis treuil à manivelle).
– De l’anglais plus récent : spinnaker (de spinniker, apparu en 1866 dans un
texte définissant cette voile comme un grand foc ballon équipant le bateau
Sphinx).
– Du latin : carène (de carina : demi-coquille de noix) ; voile (de vela).
– Du grec : poulie (de πολος : pivot).
– Du génois : palan (de paranchus : appareil de levage).
– De l’italien : carguer (ferler les voiles, de cargare).
– De l’arabe : alidade (de al idhala : goniomètre). L’alidade est un goniomètre
permettant de mesurer les angles.
– De l’égyptien antique : phare (du nom de l’île de Pharos, où Ptolémée fit
construire en marbre blanc une tour de 135 mètres portant un feu : l’une des Sept
merveilles du monde).
Pagaie est emprunté au malais des Moluques (pengajong, pengajoe : rame à
pirogue, à double pelle). Canot vient de l’arawak des Bahamas (canoa) ; il a
également donné canoë : dans la plaisance, ce mot se prononce « canote » à la
bretonne. Catamaran est issu de la langue tamoule (de katta, lien, et de maram,
bois).
LIRE À BORD
La bibliothèque du bord est composée d’ouvrages réglementaires et
obligatoires. Mais certains grands classiques peuvent la compléter
avantageusement : ceux qui sont présentés ici racontent les débuts de la
navigation de plaisance et sont à l’origine de bien des vocations de marins
plaisanciers.

Seul autour du monde sur un voilier de onze mètres, de Joshua


Slocum
Première relation d’une circumnavigation à la voile en solitaire. C’est par ce
livre que tout commence. Après avoir perdu un grand voilier dans un naufrage au
Brésil, Joshua Slocum revient dans son pays en Nouvelle-Écosse, mais ne trouve
pas de travail. Un de ses amis lui offre un voilier de pêche en très mauvais état, le
Spray, qu’il reconstruit de ses propres mains, « ne conservant que la cloche et le
guindeau » du bateau d’origine. Instructif sur la manière de naviguer en 1850, sur
le choix des routes, le matériel utilisé, etc., ce livre est très agréable à lire et plein
d’humour : dans le détroit de Magellan, Slocum avise une petite île absente de la
carte, dont il se déclare propriétaire par plaisanterie. Il débarque et plante une
pancarte : « Défense de marcher sur la pelouse. »

Victoire en solitaire, d’Éric Tabarly


Récit du vainqueur de la deuxième course transatlantique en solitaire (1964).
Une émouvante occasion de revenir quelques décennies en arrière pour suivre le
défi de ce grand navigateur. On apprend que sa mère avait préparé des petits sacs
de charbon de bois pour alimenter le poêle du bord, qu’un petit tonneau de vin
rouge lui servait de remontant dans les moments difficiles. Mais au-delà des
anecdotes, ce livre rappelle quelle aventure a d’abord été cette course devenue
classique et permet de mesurer l’ingéniosité et la détermination de Tabarly.

La Longue Route,
de Bernard Moitessier
Également récit d’une course en solitaire, mais cette fois autour du monde.
Une course qui ne s’achève pas car l’auteur renonce à atterrir en Angleterre et
continue son périple pour rejoindre les îles du Pacifique. Poète, inventeur, marin
génial et vagabond, Moitessier montre comment la plénitude de la vie en mer lui
permet de trouver la paix intérieure et de construire sa liberté.
Il faut encore citer Aux quatre vents de l’aventure, de Marcel Bardiaux, Une fois
suffit, de Smeeton Miles, Navigation par gros temps, d’Adlard Coles, Par les
quarantièmes rugissants, de Vito Dumas, Damien, de Gérard Janichon et Jérôme
Poncet… Mais commencer une liste, c’est prendre le risque d’un oubli majeur,
aussi, en ce qui concerne les ouvrages et récits de navigation, il vaut mieux
s’arrêter là. Ne pas oublier le Cours des Glénans : « Un livre qui ne se lit pas, mais
qui se relit. » Pas besoin de l’acheter, puisque vous l’avez en main.
Une bibliothèque bien garnie est toujours appréciée d’un équipage et c’est
une question à aborder au moment de la préparation d’une longue croisière. Il y a
toujours un livre qu’on a aimé, pourquoi ne pas l’inviter à bord plutôt que de
l’abandonner à la maison ?

Pour les aliments déshydratés, l’extraction de l’eau se fait dans un


tunnel d’air chaud (entre 25 et 50 °C). La chaleur entraîne une altération
des vitamines et des minéraux plus importante que la lyophilisation. En
bateau, les aliments déshydratés servent habituellement d’ingrédients
complémentaires dans la préparation de plats plus élaborés.

■ Conserves et plats préparés


Ce sont de bonnes denrées quand les conditions météorologiques
limitent les séjours à la cuisine. Il faut toutefois éviter les « navigations de
conserves » lors desquelles on ne se nourrit que de boîtes. Par ailleurs,
les conserves dites « allégées » ne fournissent pas assez d’énergie.

NETTOYER, RANGER, CONTRÔLER


Il ne s’agit pas seulement de la vaisselle, mais de l’ensemble du
bateau. Le nettoyage et le rangement réguliers rendent la vie à bord plus
agréable et plus sûre, car ils sont l’occasion de procéder aux opérations
quotidiennes de contrôle et de maintenance.
Nettoyer et ranger
Mieux vaut programmer à l’avance nettoyage et rangement complet
du bateau tout au long de la croisière, en répartissant ce travail par
portion de bateau et par bordée. Un plan fixé à l’avance prévoit les
tâches quotidiennes de chaque bordée : le local moteur, les fonds du
carré, les toilettes, les coffres de cockpit, la cuisine, etc. Le nettoyage de
fin de croisière en sera réduit d’autant et l’équipier qui quittera le bord
précipitamment pour prendre son train sera considéré d’un œil plus
indulgent.

Deux théories s’affrontent à propos de la vaisselle : celle de la


vaisselle sale et celle de la vaisselle propre. Première école : « On verra
plus tard, on fera la vaisselle au port, etc. » et la vaisselle sale traîne
partout, on ne sait plus où la mettre et elle gêne les manœuvres. L’autre
école nettoie la vaisselle après usage. Les deux équipages passent
exactement le même temps à nettoyer les assiettes et les couverts, mais
l’un navigue sur un bateau toujours en désordre, l’autre sur un navire
toujours rangé. On raconte toutefois qu’en navigation de nuit les
partisans de la seconde école se laissent parfois dériver vers la
première !
« Ranger un voilier, ce n’est pas seulement tout mettre à sa place,
mais aussi tout caler à sa place. » À l’arrivée du mauvais temps, cet
adage prend toute sa valeur. Quand plus rien ne tombe, c’est que le vent
est au plus fort. D’un certain point de vue, c’est rassurant, car c’est bien
le signe qu’il va se calmer ! Mais c’est parfois désastreux : il faudra tout
ranger et tout nettoyer… Sauf sur le pont : la mer s’en est chargée.
Avec un peu d’expérience, on apprend ainsi que le pot de cornichons
ne se range pas forcément sur l’étagère supérieure du vaisselier, que le
riz gagne à être stocké ailleurs que dans le sachet ouvert avec les dents
pendant la nuit, qu’il y a des étagères mal conçues sur lesquelles rien ne
tient et que, c’est promis, la prochaine fois on les équipera de fargues
(rebords d’étagères) adaptées.
Par mauvais temps, les objets mal rangés ne se contentent pas de
tomber, ils peuvent devenir des projectiles dangereux. Le rangement à
bord est aussi une question de sécurité.

Contrôler
Les opérations de contrôle 9 sont multiples. Elles peuvent être
systématiques, routinières ou aléatoires. On vérifie systématiquement la
fermeture des hublots, des équipets, des vannes de W-C, de lavabos et
d’éviers après usage.
En routine, c’est-à-dire chaque jour, on vérifie la consommation
d’eau, l’état et le stockage des vivres, en particulier des fruits et légumes.
On contrôle les niveaux d’huile, d’eau et de gazole du moteur, la tension
des batteries, la présence d’eau dans les fonds. On fait une inspection
visuelle du gréement et de l’accastillage du pont : tension des haubans,
fixation des filières, des balcons, des manœuvres courantes.
Enfin, de manière aléatoire, chacun à bord garde l’œil ouvert et fait
part de tout ce qui lui semble curieux, anormal (bruits, odeurs, vibrations,
chocs, mouvements). Cette façon de contrôler ne se substitue pas aux
autres, mais n’en est pas moins primordiale. Tout problème fait l’objet
d’une note dans le journal de bord.

PÉRIPÉTIES ET RÉGULATION DE LA VIE DU BORD

Homme libre, toujours tu chériras la mer !


La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame…
CHARLES BAUDELAIRE
Beaucoup ressentent la vie en mer comme un modèle de simplicité et
de liberté retrouvées. Passé quelques jours, on se prend à se demander
ce qu’on pouvait bien faire avant, sans même imaginer ce qu’on fera
après – ce qui n’est pas sans analogie avec l’état amoureux. Tout le
plaisir de naviguer, ces émotions qui laissent des souvenirs inoubliables
ne peuvent se raconter, surtout dans un Cours.
Mais la vie reste la vie, et la vie en mer ne fait pas exception.
L’inattendu peut surgir et troubler la sérénité du bord. L’inattendu, ce
peut être la tempête, bien sûr, mais aussi l’avarie sournoise, une blessure
ou, plus prosaïquement, le mal de mer, « cette toux de l’âme », selon les
mots d’un poète inconnu. Mais ces incidents matériels et humains
(abordés dans le chapitre « Sécurité ») ne sont pas seuls à troubler la vie
du bord… Il en existe d’autres, plus quotidiens, plus sournois : les
tensions à l’intérieur d’un équipage…

Ne jamais perdre de vue que ce sont d’abord des vacances, et qu’on est là pour se
faire plaisir.

La nature et l’origine des tensions à bord


Comme son nom l’indique, une tension tire en même temps d’un côté
et de l’autre. « Je n’ai pas envie de manger la soupe, mais si je ne la
mange pas je suis privé de dessert » est un exemple de tension bien
connu. À bord, la difficulté face à telle ou telle tâche crée chez l’équipier
une tension entre ce qu’il voudrait faire, l’image qu’il veut donner de lui et
la réalité. « Je voudrais conduire le bateau au près sans qu’il tosse
systématiquement dans la vague. On m’a montré comment faire mais je
n’y arrive pas ! » Les situations de ce type ne manquent pas pour
l’apprenti marin en butte, au début, à des images de lui fort peu
valorisantes – jusqu’à ce qu’apprentissage et réussite finissent par les
embellir.
Le mal de mer (quand il est là) ou l’état nauséeux persistant,
l’équilibre précaire imposé par les mouvements du bateau, les odeurs
qu’on finit par dégager se conjuguent parfois pour que les tensions
s’accumulent entre l’image qu’on souhaite donner de soi et celle à
laquelle la vie en mer semble nous avoir contraints.
La vie sociale d’un équipage a bien des points communs avec celle
d’un groupe de randonneurs terriens. Comme partout, des tensions
naissent entre les individus, mais l’espace restreint du bateau a plutôt
tendance à les exacerber.
Un équipier – parfois à juste titre – trouve que les tours de vaisselle
ou les quarts de milieu de nuit retombent sur lui plus souvent qu’à son
tour. S’il ne dit rien, parce qu’il ne se sent pas suffisamment légitime
pour le faire, ou plus simplement parce qu’il estime que chacun devrait
s’en apercevoir sans qu’il ait besoin d’en parler, alors son comportement
a toutes les chances d’être incompris et mal vécu par les autres.
Dans un espace relativement exigu et isolé du reste du monde,
chacun à bord doit pouvoir concilier navigation et cohabitation, vie intime
et vie sociale. Les expériences, les émotions, la fatigue sont nouvelles,
différentes. Le rythme biologique de chacun se trouve bouleversé :
chacun essaie d’inventer son propre équilibre entre périodes de repos et
d’activité. Récupérer et se ressourcer sont en effet des choses
indispensables à qui veut rester efficace (et prendre du plaisir, car la
croisière est avant tout un loisir).
Ces fatigues émotionnelles sont naturelles – et n’épargnent pas non
plus le chef de bord. Il faut les prendre en compte, et les éventuelles
tensions doivent être régulées pour préserver la sérénité de la croisière.

Facteur de tensions.

La genèse d’un conflit


On peut schématiquement réduire à trois les conditions d’apparition
des conflits :
– Si un groupe ou un individu, après des tensions auxquelles il a été
soumis, se trouve dans une situation de surcharge émotionnelle parce
qu’il n’a pas eu la possibilité de récupérer.
– Si un individu se trouve dans une situation de frustration (s’il se
sent victime d’une injustice).
– Si son système de valeurs est l’objet d’une attaque directe ou
indirecte dans ce qu’il a de plus intime (par exemple si ses capacités sont
systématiquement remises en cause : « Il vaut mieux que tu tiennes la
barre, parce que tu ne sais rien faire d’autre. »)
Si ces trois conditions sont réunies, le conflit devient quasiment
inévitable.

Quels conflits pour quels équipages ?


Tous les équipages ne se ressemblent pas et les risques de tensions
et de conflits diffèrent en fonction de leur composition.
Dans un équipage géré à la manière d’un « commando », les
consignes descendent mais ne remontent pas. Avec cette forme
hiérarchique de commandement, les tensions sont rares ou mènent vite
à la rupture – avec éventuellement un équipier qui s’en va. Cette
ambiance n’est pas très appréciée en croisière.
Dans un équipage constitué d’amis, de copains, de couples habitués
les uns aux autres, le groupe est déjà soudé au départ et les décisions se
prennent collégialement. Quand surgit un problème – le bateau chasse
sur son ancre ou ne peut pas rejoindre le port, tout le monde a le mal de
mer, la grand-voile se déchire, etc. –, il est déjà trop tard pour se
demander qui décide quoi. Ce type de situation étant fréquent, il faut se
souvenir que l’autorité d’un chef de bord est indispensable à la sécurité
de tous. L’équilibre des relations entre amis est donc remis en cause par
l’indispensable relation chef de bord-équipiers – qui n’est pas du tout du
même ordre.
Enfin, certains équipages sont le fruit du hasard – c’est le cas aux
Glénans. Les fonctions d’équipiers (stagiaires) et de chef de bord
(moniteur) sont clairement définies, ainsi que les grandes lignes du projet
de navigation. Ces équipages sont souvent disparates (âge, sexe, milieu
social, activité professionnelle) et composés de gens qui avaient fort peu
de chances de se rencontrer ou de se parler dans la vie de tous les jours.
On pourrait craindre le pire de ces situations. Or il se produit une
certaine alchimie, favorisée par le fait même que personne ne se
connaissait : embarqués dans une même aventure, les équipiers sont
sans doute moins soucieux de défendre leur image vis-à-vis d’autrui.
Chacun, surpris et ravi, découvre une image de soi sans artifices, mais
appréciée et respectée. À bord, chacun est le miroir de l’autre. Ces
équipages voient naître de solides relations qui débouchent parfois sur
de profondes amitiés.
En somme, le secret pour trouver sa place dans un équipage, c’est
peut-être simplement de croire dans le potentiel de chacun et de
reconnaître qu’il est plus important d’être que de paraître.

Conduite à tenir pour maîtriser les tensions


et prévenir les conflits
■ Il faut définir un projet
Un projet de croisière est à la fois un projet de vie collective, de
destination, éventuellement une occasion d’apprentissage. La part des
rêves individuels peut être source de frustration si le projet collectif n’a
pas été suffisamment défini. Mais aussi bien défini soit-il, un projet doit
intégrer les aléas indissociables de toute aventure maritime. « Si l’on ne
peut atteindre cette île, on ira là, ou encore ici… »

■ Le chef de bord doit tenir son rôle


Le chef de bord doit veiller à ce que les tâches soient réparties
équitablement, s’assurer de la bonne qualité de la communication entre
les membres de l’équipage (au minimum, chacun doit pouvoir signaler un
souci, quel qu’il soit) et adopter un comportement conforme à ce qu’il
préconise. Le chef de bord ne se contente pas d’assurer la bonne marche
du bateau et de transmettre ses compétences techniques. Il prend
également en charge l’organisation sociale du bateau.
Aux escales, le chef de bord reste le chef de bord, mais il n’a plus les
mêmes fonctions. Seules les questions de maintenance et d’avitaillement
du bateau le concernent encore. Il n’a pas à décider, par exemple, des
sorties et des activités récréatives. Pour lui comme pour le reste de
l’équipage, l’escale est un moment de détente, de décompression
salutaire et de repos.

■ Fixer des règles de vie


Les règles de sécurité fixées par le chef de bord ne sont pas
négociables, mais ce ne sont pas les seules règles du bord.
Pour maîtriser les tensions, il faut établir des règles de vie collective
propres à l’équipage. Par exemple et dans le désordre : plages
d’utilisation du lecteur mp3, gestion de la caisse de bord, des en-cas
pendant les quarts de nuit, utilisation des toilettes (les messieurs, pour le
plus grand bonheur des dames, peuvent accepter de s’asseoir en toutes
circonstances), détermination d’un coin fumeur (limité au cockpit et sous
le vent), propreté générale du bateau, etc. Bref, il faut organiser tout ce
qui va sans dire, mais va bien mieux en le disant.
Chacun doit respecter les règles élémentaires du savoir-vivre. Les
réflexions machistes du genre « Les filles… à la cuisine ! » ne détendent
pas l’atmosphère et doivent être tuées dans l’œuf sans aucune
indulgence.
Certains souffrent du manque d’activité, aussi faut-il veiller à répartir
les rôles et les responsabilités et à éviter les trop longues périodes
d’oisiveté. Mais il faut aussi porter beaucoup d’attention aux temps de
récupération nécessaires à chacun. Les lectures et les rêveries
gagneront à ne pas être interrompues par un groupe trop accaparant. Le
lecteur et le rêveur ne fuient pas les autres, ils récupèrent. Aussi,
lorsqu’une personne se repose, réduira-t-on le volume sonore de
l’équipage et du bateau : on s’approchera du barreur plutôt que de
hurler : « Qu’est-ce que tu veux ? » ; on fera la chasse aux bruits parasites
du pont qui résonnent à l’intérieur (une écoute qui bat, une drisse qui
frappe, un pied qui tambourine)… Vivre en mer, ça s’apprend !

■ Prévenir les conflits


D’abord, il faut compenser sa propre fatigue : se reposer, se mettre à
l’écart, se ressourcer dans une autre activité qui permettra de relativiser
l’emprise des tensions. Cette phase de compensation est parfois assez
longue (ce qui justifie tout ce qui a été dit sur la qualité du sommeil à
bord) et l’équipage la respecte. Est-il besoin de repréciser qu’un bateau
propre et bien rangé est plus reposant qu’un capharnaüm nauséabond ?
Malgré tout, si les tensions à bord deviennent trop importantes, il faut
savoir, avant qu’un conflit n’éclate, remettre en cause le projet initial de
croisière et reconnaître que l’équipage n’est pas en état de le mener à
bien. Il est évidemment très difficile de juger du niveau de fatigue et de
ce que chacun ressent – d’autant plus que certains dissimulent ce qu’ils
préfèrent garder dans leur jardin secret.
Les équipages ont donc tout intérêt à mettre en place un temps de
discussion formalisée. Régulièrement organisés (au minimum en milieu
de croisière), ces moments d’échange sont l’occasion d’un bilan collectif
sur l’avancée du projet, l’état de l’équipage et du matériel. Ils sont la
meilleure garantie contre une montée en pression d’une Cocotte-Minute
sociale oubliée sur le feu. Pour être efficaces, ils sont exclusivement
consacrés à ce sujet.

■ Gérer les conflits éventuels


« Chaque matin au réveil, le bateau avait l’air d’être plus petit que la
veille ! » Ainsi s’exprimait un équipier à son retour d’une croisière
transatlantique. Les autres membres de l’équipage n’avaient rien
remarqué…
Une discussion bilan aurait peut-être permis de mieux cerner le sens
de cette phrase sibylline. Est-ce que les autres prenaient trop de place ?
Est-ce l’immensité de la mer qui faisait peu à peu rétrécir le bateau ?
Bref, pouvait-on, fallait-il faire quelque chose ? Ou juste considérer cette
phrase comme un petit morceau de poésie ?
Si, malgré toutes les précautions prises, un conflit éclate à bord, sans
mettre en cause la sécurité du bateau – on peut se mettre à la cape ou
s’arrêter dans un port –, il faut tout interrompre et consacrer son énergie
à résoudre le conflit. C’est à cette condition qu’on rétablira un bon climat
et qu’on reprendra le contrôle de la situation. Sans attendre, les
principes suivants sont mis en œuvre : bilan le plus objectif possible de la
situation (« Que se passe-t-il ? ») ; respect de l’expression de chacun
(rancœurs, griefs, plaisirs, dégoûts…) ; estimation de la gravité du
problème ; inventaire des ressources disponibles (on n’hésite pas à faire
appel à des tiers, par téléphone ou par tout autre moyen).
Là aussi, il faudra peut-être redéfinir le projet et se rabattre sur un
itinéraire de croisière moins ambitieux mais plus réaliste, dans lequel
chacun trouvera son compte. Mais avant de modifier le projet de
navigation, l’équipage devra avoir convenu que son projet initial n’est
plus viable en l’état actuel des choses.
War lec’h an trec’h a deuio al lano ! disent les Bretons dans ces cas-là
(« C’est quand la mer est basse qu’elle recommence à monter »), et ils
ont bien raison !

L’ÉQUIPAGE VIS-À-VIS DU MONDE EXTÉRIEUR


LE PORT ET SES RÈGLES : LA COURTOISIE
Connues sous le nom d’« étiquette navale », les règles de courtoisie
au port n’ont rien d’un cérémonial désuet issu de quelque ancienne
marine royale, mais sont tout simplement ce que chacun est en droit
d’attendre de l’autre. « L’autre », cet autre nous-même, placé dans un
milieu inhabituel, exalté par de grands moments de liberté, oublie parfois
qu’il n’est pas le centre du monde. Et à ce petit jeu, la victime d’hier se
fait souvent le persécuteur de demain. Mais plutôt que d’osciller entre
ces deux rôles, autant prendre connaissance des quelques règles de
base exposées ci-dessous et… les respecter.

L’arrivée
Tout navire doit maintenir en permanence une vitesse de sécurité lui
permettant d’éviter un abordage. Dans un port et dans un mouillage,
cette vitesse est la plus faible possible. En effet, le batillage des bateaux,
c’est-à-dire les remous produits par leur passage, crée des vagues et
perturbe les autres navigateurs et tous ceux qui profitent de la quiétude
du plan d’eau : éventuels nageurs, petites embarcations manœuvrées par
des débutants ou par des enfants et, dans les lieux isolés, la tranquillité
de la faune sauvage. C’est un des éléments qui justifient les limitations
de vitesse strictes dans certains ports et chenaux.
Quand plusieurs bateaux arrivent en même temps au port, on laisse
largement de la place et du temps au bateau qui précède – quitte à en
perdre un peu soi-même. Gérer le croisement de deux voiliers qui
manœuvrent entre des pannes principales demande beaucoup de
dextérité et tout le monde n’est pas expert en manœuvre.
Si l’on n’a pas pu joindre la capitainerie par VHF avant l’arrivée au
port, on s’amarre au ponton d’accueil en évitant de prendre une place qui
a l’air libre mais qui est peut-être réservée.

■ L’amarrage
Parfois il faut se mettre « à couple », c’est-à-dire s’amarrer sur un
autre bateau. Les aspects techniques ont été étudiés dans la partie du
chapitre 1 consacrée aux manœuvres de port ►, nous rappellerons
seulement ici les règles de courtoisie élémentaires en pareille
circonstance. C’est tout d’abord au nouvel arrivant de prendre contact
avec le bateau sur lequel il souhaite s’amarrer, en s’inquiétant en
particulier de l’heure d’appareillage qu’envisage celui-ci. Si elle est plus
matinale que celle du nouveau venu, mieux vaut s’amarrer à l’intérieur
(entre lui et le quai), voire ailleurs !
C’est toujours à l’arrivant de protéger les coques avec ses défenses,
d’établir ses propres amarres. Tout le mou des amarres doit être ramené
à bord ; il n’est jamais lové sur le quai, sur le ponton ou sur le bateau du
voisin. À l’inverse, si un bateau manœuvre pour venir s’amarrer à couple
du sien, on doit l’aider à frapper les amarres qu’il passe. C’est une bonne
façon de rendre la politesse !
Pour débarquer, on passe sur le pont du voisin, en avant de son mât,
à pas légers, et lorsqu’on reviendra à bord, on s’assurera que ses
semelles sont propres.

■ Au port
Utiliser les toilettes du port, pas celles du bord. Déposer ses
poubelles aux endroits adéquats. Solliciter l’avis de ses voisins avant de
se servir d’une prise d’eau ou d’une prise de courant déjà utilisée 10,
avant d’encombrer provisoirement une partie du ponton, avant de
l’utiliser pour bricoler, pour étaler ses coussins, ses matelas ou d’autres
éléments du bord. On fait sécher les matelas sur le pont du bateau et non
à même le ponton, en les coinçant verticalement entre les haubans, les
planchers sont posés en appui sur les rails de fargue – cette disposition
sort du domaine de la courtoisie mais évite aux planchers de filer à l’eau.

■ Le bruit
Si la tempête fait rage, si le vent hurle dans les haubans, personne n’y
peut rien. Mais tous les bruits qui peuvent être évités doivent l’être. On
écarte les drisses du mât pour qu’elles ne battent pas ; le pavillon est
ferlé avec une garcette, le linge rentré, l’éolienne bloquée. Bien préparer
les manœuvres d’arrivée et de départ, définir le rôle de chacun évite de
faire subir aux voisins les éclats de voix d’un équipage mal coordonné.
Quant aux débordements sonores tardifs (fêtes et autres anniversaires),
il vaut mieux les éviter : les mouillages isolés conviennent beaucoup
mieux à ce genre de réjouissances.
Pour recharger ses batteries au moteur, on attend d’être en dehors
du port, l’idéal étant de disposer d’un chargeur de quai. Inutile de faire
chauffer le moteur avant de quitter sa place : dès qu’il est en route, il faut
commencer à larguer les amarres.

■ Au mouillage
Le nouvel arrivant fait en sorte de ne pas gêner les premiers arrivés.
Les bateaux au mouillage ne doivent pas avoir besoin d’allonger ou de
raccourcir leur mouillage.
Si le mouillage chasse, ce n’est pas aux autres de s’écarter, mais au
navire qui chasse de régler le problème… en relevant son mouillage.
Éviter de faire de la cuisine au barbecue à charbon, pas seulement à
cause de l’odeur, mais des braises qui volent au vent, percent les tauds,
les voiles et détériorent les ponts.

■ La pavillonnerie
Le pavillon national se hisse à l’arrière du bateau sur une hampe, plus
généralement il est établi sur le pataras. Au port ou en rade, il est arboré
les dimanches, jours fériés et fêtes légales, du lever au coucher du soleil.
En mer, il faut hisser le pavillon national quand un bateau officiel
approche (police, Douane, etc.).
Le salut à un navire dont le pavillon est hissé se fait à l’aide du
pavillon national. L’usage veut que les couleurs soient lentement
rentrées jusqu’au couronnement puis hissées à nouveau (trois fois pour
saluer un navire militaire, une fois pour les autres). Un bateau militaire
répondra très certainement à un salut aussi réglementaire !
Le pavillon de courtoisie (le pavillon national du pays visité) se porte à
tribord, sous les barres de flèche.
Le pavillon jaune se porte à bâbord quand on arrive dans un port
étranger (hors Europe) sans avoir encore obtenu la clearance, c’est-à-dire
avant d’avoir effectué toutes les formalités administratives.

L’ENVIRONNEMENT LÉGAL DU PLAISANCIER


L’environnement du marin plaisancier, ce sont aussi toutes les
instances nationales et internationales, les lois, les règlements et les
décrets qui encadrent son activité.
Les administrations nationales françaises (Douanes, Affaires
maritimes, gendarmerie maritime) et la Marine nationale interviennent
dans les opérations de police et de contrôle et assurent d’autres
missions (sécurité en mer par exemple). Chez les Britanniques, les
Américains, les Canadiens et les Australiens, ces services sont regroupés
dans une seule administration, les coast guards. La réglementation en
vigueur et mise à jour est publiée chaque année dans l’Almanach du marin
breton et le Bloc Marine, pour ne citer qu’eux.
Moins connues sont les instances qui gèrent l’activité maritime
internationale, en particulier l’OMI (IMO en anglais), présentée à la page
suivante.

LES AUTORITÉS DE LA MER


Les préfets maritimes coordonnent les actions de l’État, en mer, par le biais :
– des Affaires maritimes, chargées d’établir tous les documents qui identifient
un navire et autorisent sa circulation dans le respect de la législation et des règles
de sécurité ;
– des Douanes, qui assurent la surveillance générale de l’espace économique
français. Ce service effectue des contrôles dans les eaux territoriales (12 milles au
large des côtes françaises) et jusqu’à 24 milles. Leurs compétences s’étendent à la
zone économique des 200 milles pour ce qui concerne l’exploitation des ressources
et la pollution. Jauge et fiscalité des navires, établissement et contrôle des titres de
navigation, mouvements des biens et des personnes, pêche et chasse maritime sont
aussi de leur ressort ;
– de la gendarmerie maritime, qui assure des missions de service public jusqu’à
200 milles au large. Elle participe notamment au renforcement de la sécurité des
plaisanciers (vols, plaintes diverses, recherches pour sauvetage) ;
– de la Marine nationale, qui protège les eaux territoriales françaises et effectue
une surveillance maritime, notamment pour les pollutions et le respect de navigation
dans les dispositifs de séparation de trafic (comme celui du rail d’Ouessant par
exemple) ;
– des CROSS (Centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage),
qui coordonnent ces différents moyens, en particulier ceux de la SNSM (Société
nationale de sauvetage en mer 11).
Enfin, polices nationale, municipale et portuaire interviennent dans les zones
proches du rivage, en particulier dans la zone des 300 mètres.

L’ORGANISATION MARITIME INTERNATIONALE (OMI)


La mer, en dehors des eaux territoriales de chaque pays, est un domaine
international. Il était donc naturel qu’une organisation fût chargée des problèmes
maritimes communs à de nombreux pays. L’Organisation maritime internationale a
été créée en 1948 par l’ONU, pour améliorer la sécurité en mer et prévenir la
pollution du milieu marin. Elle comptait, en 2016, 171 États membres (dont la
France) et 3 États associés. Elle a été à l’origine de plusieurs textes.
– La convention SOLAS (Safety of life at sea) ►.
– La convention MARPOL 73/78 (International convention for the prevention of
pollution from ships) ratifiée par les États membres en 1973 et 1978, entrée en
vigueur en 1983 et régulièrement amendée ►.
– De nombreux recueils, règles et recommandations tels que : le Code
international des signaux, le Règlement international pour prévenir les abordages en
mer (RIPAM), les dispositifs de séparation du trafic (qui consistent à séparer les
navires faisant route dans des directions opposées grâce à la mise en place d’une
zone d’interdiction centrale).
– Des manuels techniques, tels que le Vocabulaire normalisé de la navigation
maritime.
Sur son site www.imo.org, on peut trouver une présentation en français de « ce
qu’elle est et ce qu’elle fait ».

La responsabilité juridique du chef de bord


Force est de constater qu’il y a chaque année peu d’accidents graves
entraînant naufrage ou décès dans l’activité de plaisance à la voile, si l’on
compare les chiffres au nombre de pratiquants concernés. Cependant,
coups de bôme ou de palan de grand-voile, empannages intempestifs,
chutes sur le pont, avaries ou manœuvres hasardeuses sont des choses
qui arrivent et peuvent provoquer des dommages plus ou moins
importants aux personnes ou aux biens.
Le plus souvent, la Sécurité sociale, les mutuelles, ou les compagnies
d’assurances se chargent d’indemniser les victimes, surtout quand
celles-ci ont eu la sagesse de souscrire une assurance individuelle
accident.
Pour le chef de bord, la prise de responsabilité participe de
l’épanouissement de sa propre personnalité, mais elle l’amène également
à assumer les conséquences de ses décisions dans la conduite du navire.

■ Qui est le chef de bord ?


Avant d’examiner la portée de la responsabilité du « chef de bord », il
convient de déterminer ce que l’on entend par cette expression. Le chef
de bord est parfois dénommé « skipper », voire capitaine ou patron. Il est
celui qui a la maîtrise du bateau, notamment parce qu’il a le choix de la
route et l’autorité sur les personnes qui se trouvent à bord. C’est lui qui
décide des conditions de navigation. Il est responsable de la tenue du
livre de bord, sur lequel sont inscrites toutes les indications relatives à la
navigation et relatés tous les incidents éventuels. Le chef de bord peut
être le propriétaire du bateau. Mais il peut aussi s’agir, par exemple,
d’une personne à qui le propriétaire a prêté le navire. L’essentiel est que
le chef de bord soit celui qui dirige le navire, conformément à ce que
prévoit le Code disciplinaire et pénal de la marine marchande, selon
lequel est considérée comme capitaine la personne « qui exerce
régulièrement, en fait, le commandement du navire » (article 2).

■ En cas d’accident, qui est responsable ?


Le pouvoir de décision reconnu au chef de bord explique la
responsabilité importante qui est la sienne. Plusieurs fondements sont,
en effet, envisageables pour mettre en jeu cette responsabilité. Il faut, en
particulier, distinguer la mise en œuvre de la responsabilité sur le
fondement du droit commun et l’application des règles spécifiques à
l’activité maritime, notamment celles relatives à l’abordage.
Sur le terrain du droit commun, le chef de bord peut être responsable
à deux égards : quand il a commis une faute d’une part, parce qu’il est
« gardien du bateau » d’autre part.
■ Si le chef de bord a commis une faute
La faute peut prendre divers visages : faute de manœuvre, mauvais
entretien du navire, non-respect des règles de route ou de barre… Elle
peut être consciente et/ou intentionnelle ou commise par simple
imprudence ou négligence (article 1383 du Code civil). Il suffit à la
victime d’établir qu’il y a eu faute et que cette faute est à l’origine de son
dommage pour obtenir la condamnation du chef de bord à le réparer.
Il est donc nécessaire que celui-ci soit bien formé et préparé à
l’exercice du commandement qu’il assume et qu’il ait souscrit une
assurance personnelle en responsabilité civile, mentionnant bien la
couverture de la pratique de la voile (à ne pas confondre avec l’assurance
du bateau lui-même).
Dans quelques cas d’accidents graves, l’enquête peut démontrer des
carences importantes du chef de bord, et celui-ci peut être poursuivi
dans un cadre pénal. Une poursuite pénale peut résulter d’une plainte
d’une victime devant le procureur ou le juge d’instruction, ou d’une
initiative du ministère public (représentant la société). Rappelons ici
qu’aucune assurance ne peut couvrir une responsabilité pénale.
■ Si aucune faute n’a été commise
Dans bien des cas, aucune faute n’a été commise, mais une personne
de l’équipage ou une personne extérieure à celui-ci est blessée (ou ses
biens sont endommagés) par le voilier lui-même ou ses accessoires. Par
exemple, une drisse cède, ou encore un tiroir se déboîte dans un coup de
gîte, et un équipier se trouve sérieusement blessé : c’est le voilier lui-
même qui a causé le dommage. En droit, on parle du « fait de la chose »,
la chose étant le navire. La responsabilité en incombe alors à celui que le
droit détermine comme en étant le « gardien ».
■ Qui est le « gardien de la chose » ?
– C’est le chef de bord, s’il est le propriétaire bien sûr, mais
également s’il est le locataire ou l’emprunteur du bateau. Dans ces deux
derniers cas, il bénéficie, par le contrat établi, d’un transfert de la garde
du navire, ici définie comme étant le pouvoir de maîtrise et de direction.
Le chef de bord a alors à répondre des dommages qui résultent du fait du
navire.
– Si le bateau a été confié au chef de bord pour exercer une activité
bénévole ou salariée pour le compte d’un organisme ou d’un employeur
qui possède le bateau, qui l’a loué ou s’il lui a été prêté, c’est cet
organisme ou employeur (commettant) qui est réputé en avoir la garde.
Ce cas est expliqué ci-dessous.
■ Responsabilité du commettant
Dans certains cas, le chef de bord peut ne pas être purement
indépendant. Il en sera ainsi chaque fois qu’il sera le préposé de fait ou
de droit d’un organisme ou d’un employeur (par exemple moniteur
bénévole d’une école de voile ou skipper salarié pour une société de
location). Cet organisme ou employeur est alors appelé « commettant ».
En effet, dans cette situation, le chef de bord engage la responsabilité
de son employeur ou de la personne morale pour laquelle il agit. Cette
solution vaut dans tous les cas de figure où peut être caractérisé un lien
de préposition entre le chef de bord et une personne physique ou morale.
Il convient en particulier de dire quelques mots de la responsabilité
des écoles de voile. Ces dernières sont considérées comme des
établissements d’enseignement et sont tenues à une obligation de
sécurité à l’égard des élèves. Cette obligation de sécurité vaut pour
l’école de voile elle-même et pour les moniteurs. L’école peut être
sanctionnée en cas de mauvaise organisation, de mauvais choix de ses
moniteurs ou de mauvaise décision. Les moniteurs sont eux aussi tenus
à une obligation de sécurité qui implique qu’ils doivent donner des
conseils (voire des ordres), surveiller les manœuvres, corriger les erreurs
et utiliser des moyens de surveillance appropriés. Les moniteurs sont
responsables des conséquences de leurs fautes, sauf s’ils prouvent qu’ils
n’en ont pas commis. Ils sont généralement considérés comme préposés
de l’école de voile et engagent la responsabilité de cette dernière. Enfin,
l’école de voile est responsable des dommages causés aux tiers par les
élèves pendant les leçons, dès lors que c’est l’un de ses bateaux qui est
intervenu dans la réalisation du dommage : l’école de voile est, en effet,
réputée être restée gardienne du bateau.
■ Limitation de responsabilité
Dans ce contexte de responsabilité importante, le chef de bord peut
toutefois opposer différents motifs d’exonération ou de limitation de sa
responsabilité. Il peut d’abord invoquer l’acceptation des risques par la
victime. Par exemple, le membre d’équipage blessé par un coup de bôme
serait réputé avoir accepté les risques de la navigation en mer. Il faut
savoir que le juge contrôle étroitement l’usage de cet argument. En
général, les juges considèrent que les risques acceptés sont les risques
normalement prévisibles (risque d’avarie ou de naufrage) dont ils
excluent notamment le risque de mort, qui constitue selon eux un risque
anormal.
Il est également envisageable pour le chef de bord d’invoquer
d’autres événements à l’origine du dommage : le fait de la victime elle-
même, le fait d’un tiers, la force majeure (vague scélérate, conteneur
dérivant entre deux eaux et non signalé…), voire ce que l’on appelle la
cause étrangère.
■ La prise en charge du risque et l’importance de l’assurance
Tout navire, qu’il navigue ou non, devrait être couvert par une police
d’assurance, même si ce n’est pas une obligation légale. Il devrait s’agir
d’une préoccupation élémentaire pour tout propriétaire ou gardien d’un
navire.
Et par ailleurs, le chef de bord ne doit pas attendre qu’un accident ou
incident se produise pour s’informer des conditions d’assurance
concernant sa propre responsabilité civile.

■ Réglementation maritime
La navigation de plaisance étant une activité maritime à part entière,
elle se trouve aussi régie par le droit maritime chaque fois qu’il édicte un
régime spécifique. Ainsi en va-t-il en particulier du « statut du navire 12 »
et de « l’épave », de la sécurité des navires, du principe de limitation de
responsabilités, ou encore des événements de mer, à savoir l’abordage
et l’assistance.
■ Cas de l’abordage
Si le dommage a été provoqué par une collision entre deux navires,
ce sont les règles relatives à l’abordage qui s’appliquent, c’est-à-dire les
dispositions du Code des transports relatives aux événements de mer. À
dire vrai, le terme de « collision » est sans doute trop restrictif : on
considère que ces règles s’appliquent dès lors que l’accident maritime a
impliqué deux navires, que l’action de l’un a réagi sur l’action de l’autre
sans qu’il y ait nécessairement eu contact. Peu importent les
particularités des embarcations impliquées pourvu que l’accident se soit
produit en mer : il peut donc s’agir, par exemple, d’une collision entre un
voilier et une planche à voile ou un canot semi-rigide. Cela dit, ces règles
relatives à l’abordage maritime peuvent aussi trouver à s’appliquer en
cas d’abordage à quai, au cas où, par exemple, un bateau insuffisamment
amarré est projeté sur le bateau voisin sous l’effet du vent.
Les textes applicables à la navigation vont permettre d’apprécier
l’éventuelle faute du chef de bord à l’origine de l’abordage. Les
conventions internationales sur l’abordage, transcrites dans le droit
français par le Code des transports, prévoient en effet que les dommages
résultant de l’abordage doivent être réparés par celui qui a commis la
faute à l’origine de la collision. S’il y a eu faute de part et d’autre, la
responsabilité du chef de bord de chaque navire est proportionnelle à la
gravité des fautes commises.
Enfin, si la collision apparaît comme la conséquence d’un cas de
force majeure, ou si ses causes sont inconnues, les dommages seront
assumés « par ceux qui les ont éprouvés ». Il faut souligner que la
jurisprudence est sévère quant à l’appréciation de la force majeure : elle
a par exemple jugé qu’un vent de force 10 ne constituait pas un cas de
force majeure dans l’hypothèse d’un bateau insuffisamment amarré.
■ Une particularité du droit maritime international : il intègre
une limitation de responsabilité
Cette réglementation institue au bénéfice des utilisateurs du navire,
capitaine et chef de bord, des propriétaires ou affréteurs, et de leurs
assureurs, une limitation pécuniaire de la réparation des dommages
(historiquement basée sur la valeur du navire). Cette limitation ne peut
dépasser un plafond dont le calcul repose sur la jauge du navire et sur un
certain nombre d’unités de compte correspondant aux droits de tirage
spéciaux définis par le Fonds monétaire international (et dont la valeur en
euros varie). Le plafond le plus bas en droit interne concerne les navires
de moins de 300 tonneaux (pour mémoire, un voilier de 45 pieds –
13,72 mètres – jauge environ 20 tonneaux) ; il était, au moment de la
rédaction de cette huitième édition, d’environ 250 000 euros. Cela
signifie que ce régime de limitation ne sera en pratique appliqué en
plaisance que lorsque les dommages à indemniser seront très
importants. Dans une seule hypothèse, il ne sera pas possible au chef de
bord d’invoquer la limitation prévue : c’est le cas où il aura commis une
faute dolosive, donc intentionnelle, ou une faute inexcusable définie
comme « la faute commise témérairement et avec conscience que le
dommage en résulterait ».
■ Respect de la réglementation maritime
Le chef de bord est bien entendu responsable du respect de cette
réglementation maritime, et répondra personnellement en cas
d’infraction.
Ces infractions peuvent être :
– Des contraventions, sanctionnées par une amende (par exemple :
gilets de sauvetage inadaptés ou en nombre insuffisant, défaut
d’identification de la coque par une plaque constructeur…).
– Des délits passibles d’une amende et d’une peine de prison (par
exemple : navigation de nuit sans feux, vitesse supérieure à 5 nœuds à
moins de 300 mètres du rivage, pêche de poisson ne respectant pas la
taille autorisée…).
Pour les voiliers de plaisance, les infractions les plus fréquemment
relevées par les autorités concernent les règles de barre et de route
(RIPAM), l’armement des navires (Division 240), les règles concernant la
pêche de plaisance, l’utilisation des moyens de communication (VHF), ou
les arrêtés fixant les conditions de navigation dans les zones portuaires.

■ La tenue des documents


■ Le livre de bord
Au regard de la loi, le livre de bord 13 fait foi, « jusqu’à preuve du
contraire, des événements et des circonstances qui y sont relatés ». La
bonne tenue de ce document, dont nous avons présenté l’intérêt au sujet
de la sécurité de la navigation, est aussi une pièce administrative
officielle, mais également, le cas échéant, sur le plan judiciaire. C’est
pourquoi il faut tout mettre en œuvre pour tenir à jour de façon précise
et préserver en toutes circonstances ce document (sur lequel d’ailleurs le
chef de bord doit être nommément désigné).
■ Le rapport de mer
En cas d’accident, le chef de bord a obligation d’établir un rapport de
mer, lequel doit être déposé pour authentification au greffe du tribunal de
commerce ou d’instance du lieu d’escale. Ce rapport est d’autant plus
important qu’il fait foi sur les circonstances de l’événement.

■ La situation du chef de bord face à l’exercice


de ses responsabilités
Les évolutions récentes de la société mettent de plus en plus en
avant la recherche de la responsabilité et des indemnisations qui
pourraient en découler. Ce processus a pu susciter quelques inquiétudes
parmi les chefs de bord, mais n’a pas modifié la nature de leurs
responsabilités.
Les obligations fondamentales du chef de bord n’ont pas changé et
concernent avant tout sa formation théorique et pratique, le respect des
principes de prudence et de précaution, la connaissance de ses propres
limites, de celles de son équipage, de son voilier et de ses équipements.
Autant d’éléments qui déterminent l’aptitude au commandement.
Ces qualités n’interdisent d’ailleurs pas au chef de bord de
s’intéresser aux conditions d’assurance du navire et de sa propre
responsabilité civile…
La maintenance du voilier

S avoir maintenir le bateau en bon état de fonctionnement est un


élément clé de la sécurité. C’est aussi l’une des qualités d’un chef
de bord et de son équipage.
Les pages qui suivent présentent une à une les différentes parties du
bateau pour aider le lecteur à comprendre les pièces qui méritent une
attention particulière. Pour chaque élément ou ensemble d’éléments du
bord, une liste d’opérations de maintenance, classées en fonction de leur
périodicité, donne à ce chapitre une dimension essentiellement pratique :
chacun pourra se faire sa propre liste de points à contrôler en fonction
de son équipement.

LE GRÉEMENT
Le mot gréement, pris dans son sens le plus général, désigne
l’ensemble des dispositifs qui participent à la propulsion du bateau :
espars, haubans, voiles, manœuvres. Une partie de ce gréement, à peu
près immobile (essentiellement le mât et les haubans), est qualifiée de
« dormant ». La bonne qualité des réglages du gréement dormant joue un
rôle essentiel dans le bon fonctionnement du bateau…

LE GRÉEMENT DORMANT

Les pièces du gréement dormant


■ Le mât et la bôme
Le mât et la bôme sont généralement constitués d’un profil creux en
aluminium anodisé, plus léger et plus solide que les profils en bois (même
creux). Les mâts et bômes en carbone sont encore plus solides et plus
légers, et finiront sans doute par s’imposer quand leur coût sera moins
élevé.

■ Le haubanage
Le haubanage comprend les haubans assurant la tenue latérale du
mât, l’étai et le pataras pour la tenue longitudinale. Parfois l’étai est
doublé d’un bas-étai, et le pataras associé à des bastaques.
Dans le haubanage, l’acier inoxydable a remplacé depuis longtemps
l’acier galvanisé, pourtant plus solide mais d’un entretien plus délicat. Le
Rod, formé d’un seul fil inox, constitue le meilleur compromis
solidité/diamètre (fardage minimal), mais ce type de hauban est cher,
fragile, sensible à la fatigue et ne supporte pas la courbure. Pour qui se
soucie de la fiabilité de son gréement à long terme, le câble monotoron
19 fils est un meilleur compromis que le Rod. On peut estimer la durée
de vie du monotoron à 7 ou 10 ans (ou un tour du monde), selon
l’intensité de l’utilisation. Le Dyform est un peu supérieur au monotoron
du point de vue de la relation diamètre/résistance, car il dispose d’un
coefficient de remplissage supérieur.

À gauche, le Rod, pour « barre » ou « tringle » en anglais, garantit un très


faible allongement et une traînée aérodynamique réduite. Le câble monotoron,
au centre, est composé de 19 fils. La couche supérieure est torsadée dans le sens
inverse de celui de la couche sous-jacente. Si l’un des fils casse, la résistance du
câble ne diminue que de 20 %, là où pour le Rod, c’est tout ou rien. Le câble Dyform, à
droite, plus fin à résistance égale, supplante progressivement le monotoron.
Matériau très haut de gamme, la fibre textile PBO (voir les
caractéristiques techniques des fibres textiles ►) offre un ratio
poids/résistance imbattable. Elle demeure aujourd’hui réservée au
haubanage des voiliers de très haute compétition, en raison de son prix
particulièrement élevé, mais aussi des contraintes liées à sa mise en
œuvre et au contrôle de sa longévité. Le PBO est en effet sensible à la
dégradation par les UV, dont il doit impérativement être protégé par un
revêtement étanche à la lumière.

■ Les cadènes et les ridoirs


Haubans, étais et pataras sont tenus au pont ou à la coque par des
ferrures dénommées cadènes, un mot qui renvoie aux chaînes fixées sur
le bordé des voiliers de la marine ancienne, et sur lesquelles étaient ridés
(tendus) les haubans. Si une cadène n’est pas fixée sur le bordé du
bateau, elle doit être solidaire d’une cloison structurelle à l’intérieur du
voilier, ou encore reprise dans les fonds ou sur la quille par un tirant
métallique, sans quoi elle s’arracherait du pont.
Les éléments du gréement dormant sont raccordés à leur cadène
respective par un ridoir, qui permet d’en régler la tension.

■ Les embouts des câbles du haubanage


Pour les extrémités des câbles, le manchonnage sur une cosse a
longtemps prédominé. Mais ce type de montage suppose une courbure
possible uniquement avec des câbles souples : ceux dont le nombre de
torons est important et dont les torons sont eux-mêmes composés d’une
grande quantité de fils (on trouve du 7 × 7 = 49 fils, du 7 × 19 et du câble
extra-souple de 7 × 39). Le câble souple est réservé au haubanage des
gréements traditionnels, ou au gréement courant (partie métallique d’une
drisse).
L’extrémité des haubans de type Rod est constituée d’un
emboutissage en forme de clou repris dans une coupelle. Celle du
monotoron doit être sertie (à défaut, on peut visser dessus un embout de
type Norseman).

Les embouts sertis sont courants à l’extrémité des haubans. On trouve des
embouts à boule (1), ou à œil (2). L’embout Norseman (3) est réservé au
dépannage : on le monte avec beaucoup de soin pour ne pas créer de faiblesse dans
le haubanage à ce niveau. L’œil sur cosse et manchon serti (4) est un montage
réservé au câble souple ou ultra-souple. On le retrouve plutôt dans le domaine du
gréement courant (partie métallique d’une drisse, estrope, itague) que dans celui du
haubanage.

■ L’enrouleur, l’emmagasineur
Sur de nombreux voiliers, l’étai est enfilé dans un profilé muni d’un
tambour dans sa partie basse : l’enrouleur. Ce dispositif permet de
réduire la surface de la voile d’avant (foc ou génois) ou de la ferler
entièrement sans encombrer soute et plage avant.
Un emmagasineur, avec sa roue crantée et sa bosse en continu. Ce dispositif
d’enroulement est utilisé pour des voiles non endraillées : les « codes zéro », qui sont
de grands génois volants, et autres gennakers, ou parfois le foc sur de petites unités.

Un emmagasineur fonctionne différemment, sur un principe de « tout


ou rien » : manipulé par un bout en continu, il ne permet pas le réglage de
la surface de voilure. La voile est roulée ou établie intégralement.
L’emmagasineur est plus souvent employé comme une simple pièce
d’accastillage pour rouler sur elle-même une voile d’avant qui n’est pas
endraillée sur l’étai.

■ Le bout-dehors
Le bout-dehors sert à établir le spi asymétrique et le gennaker
(parfois baptisé code zéro) en avant du voilier. Souvent rétractable, il est
fréquemment muni d’une sous-barbe fixée en bas de l’étrave, qui le
haubane vers le bas.
Sur certains voiliers de course, comme les Mini 6.50, il est conçu de
façon à pivoter latéralement, ce qui permet d’ouvrir davantage le passage
entre la voile qu’il porte et la grand-voile, et par conséquent de
descendre plus bas dans le vent.
Sur de nombreux voiliers de croisière, plutôt qu’un long bout-dehors,
on trouve une delphinière, qui est une courte plate-forme supportant le
davier d’ancre, et souvent assez solide pour y amurer un spi asymétrique.

Ce Pogo 30 porte un grand spi asymétrique sur son bout-dehors rétractable.

Les caractéristiques et les fonctions du gréement


dormant
Le gréement doit être le plus léger possible, pour des questions de
stabilité et surtout pour que les poids soient davantage centrés et que le
moment d’inertie du voilier soit réduit. Son fardage est minimal, c’est-à-
dire qu’il présente le moins de prise au vent possible.

■ La tenue latérale du mât


Pour un meilleur rendement au près, foc et grand-voile sont plus
hauts que larges et, en général, le foc recouvre partiellement la grand-
voile. En tenant compte de ces contraintes, comment concevoir le
gréement pour assurer la tenue latérale du gréement dormant ?
Des haubans partant directement du pont vers la tête de mât
formeraient avec ce dernier un angle trop faible, ils manqueraient de
« pied » pour assurer une bonne tenue latérale. Aussi dote-t-on le mât de
barres de flèche qui, en écartant les haubans vers l’extérieur, vont ouvrir
cet angle. Des bas-haubans ancrés sous les barres de flèche assurent la
tenue de la partie inférieure du mât. Lorsque la hauteur du mât
augmente, ou que pour une même hauteur on souhaite implanter un mât
plus fin et plus léger, on multiplie les étages de barres de flèche.
On distingue deux cas de figure :
– Barres de flèche « dans l’axe », ou encore « dans le plan ». Les
haubans sont implantés à 90° de l’axe longitudinal du mât, barres de
flèche bâbord et tribord sont dans le prolongement l’une de l’autre. Les
haubans n’ont alors d’impact que sur la tenue latérale du mât. Des
éléments de gréement dormant complémentaires assurent la tenue
longitudinale.
Dans cette configuration « barres de flèche dans l’axe », le point
d’écoute du génois revient en arrière des haubans, et c’est le contact de
la voile avec le hauban qui fixe au régleur la limite au-delà de laquelle il
ne peut plus border. La position des cadènes de haubans va donc
déterminer le plus petit angle voile-bateau permettant le près le plus
serré possible. Cet angle voisine les 11° à 12° sur les voiliers
performants, et s’ouvre jusqu’à 20° ou 25° sur ceux dont les prétentions
au près sont plus modestes. Pour ces derniers, les cadènes pourront être
fixées au bordé.
À gauche, un gréement à barres de flèche dans l’axe. À droite, un gréement à
barres de flèche angulées, autrement dit « gréement poussant ».

Pour les bateaux de course, ou à visée de performance, les cadènes


sont rentrées sur le pont. En contrepartie, le haubanage a moins de
« pied » latéral, il faut en compensation augmenter le nombre d’étages de
barres de flèche, sauf à réaliser le mât dans un tube de section plus forte,
et par conséquent plus lourd, ce qui est contradictoire avec l’objectif
poursuivi. Ainsi, sur les voiliers performants, les gréements à barres de
flèche dans l’axe sont-ils souvent complexes.
– Barres de flèche « poussantes » ou angulées. Ce type de
gréement, plus simple, s’est généralisé sur les bateaux de croisière dans
les années 2000. Les barres de flèche présentent un angle vers l’arrière,
et, lors de la mise en tension des haubans elles « poussent » le mât vers
l’avant.
Dans cette configuration, les haubans contribuent non seulement au
maintien latéral du mât, mais aussi à son contrôle longitudinal. Le
recouvrement du foc sur la grand-voile est limité, 105 à 110 % en
général, l’intégralité de la voile d’avant reste en avant des barres de
flèche, la position des cadènes est sans impact sur l’angle voile-bateau
au près. Le plus souvent elles sont fixées sur le bordé, ce qui donne un
maximum de pied latéral au gréement dormant, tout en simplifiant la
construction des bateaux : plus besoin de reprendre les cadènes sur des
cloisons ou des tirants. Cette disposition a, pour les mêmes raisons,
donné plus de souplesse et de liberté dans la conception des intérieurs
et la répartition des volumes d’aménagement.

LE LANGAGE DU DORMANT LATÉRAL


Pour mieux les reconnaître, on distingue les galhaubans, qui sont les haubans
montant le plus haut, les bas-haubans ancrés sous le premier étage de barres de
flèche, et le cas échéant les intermédiaires.
Sur un haubanage discontinu, on désigne plus volontiers chaque section de
hauban par sa caractéristique verticale ou diagonale, et l’étage (en partant du bas).
On retrouve ainsi, par exemple les V1, V2, associés au D1, D2 et D3.

Les câbles de haubans n’aiment pas les angles. Or le passage d’un


hauban par le bout d’une barre de flèche le courbe sur un petit rayon, ce
qui le fragilise (le rayon minimal tolérable est de 260 mm pour un hauban
en monotoron de 7 mm). Le système de haubanage discontinu contourne
cet écueil : le hauban se termine sous la barre de flèche ; un autre ou
deux autres le prolongent au-dessus. Le revers de la médaille est que
pour régler les intermédiaires, il faut monter dans le mât.

On donne le nom de panneau à chacune des parties de mât


délimitées par les barres de flèche ; si le mât se prolonge au-dessus du
plus haut capelage, le dernier des panneaux s’appelle le « panneau
libre ». Lorsque le mât a un panneau libre, le gréement est dit fractionné.
La fraction dont il est question correspond au rapport hauteur du mât
e
sous le capelage sur hauteur totale du mât. Aux gréements 7/8 des
e
années 1980 a succédé le 9/10 des années 2000. Le gréement
fractionné permet le cintrage des mâts souples de régate par
l’intermédiaire du pataras : cette courbure participe au réglage des
voiles. Sur les croiseurs dotés de mâts de section importante, cet effet
est beaucoup moins sensible.

■ La tenue longitudinale du mât


■ Avec des barres de flèche dans l’axe
Sur les mâts raides non conçus pour le cintrage, les bas-haubans
vont en principe par paires, ancrées en avant et en arrière des cadènes
de haubans 14. Un bas-étai peut remplacer la paire de bas-haubans avant.
Ce capelage est parfaitement fixe et le mât toujours droit comme un « i ».
Sur les mâts de régate, plus souples, le cintre est contrôlé par des
bastaques. Ces câbles « volants », mi-haubans mi-pataras, sont fixés au
mât à la hauteur de chaque étage de barres de flèche (et à hauteur du
capelage d’étai pour les gréements fractionnés). Réglées par des palans,
éventuellement reprises au winch, les bastaques sont à chaque
changement d’amure reprises côté au vent, et choquées sous le vent,
pour libérer bôme et grand-voile. Leur gestion complique les virements
de bord, et encore plus les empannages. Très utilisé sur les bateaux de
course, ce système n’a finalement équipé que très peu de bateaux de
croisière. On retrouve cependant des bastaques de brise sur les bateaux
munis d’une trinquette : elles compensent alors la traction de cette voile
sur la partie basse du mât.

LE GRÉEMENT AUTOPORTÉ
Les mâts « autoportés » haubanés sont typiques des multicoques. Le mât est
maintenu par l’étai et les haubans, mais la rectitude du profil est assurée par
d’autres moyens. Pour les mâts ailes pivotants, le plus souvent fabriqués en carbone
comme sur les multicoques de course au large, la rigidité de l’espar se suffit à elle-
même. Les mâts fixes des catamarans de croisière sont équipés de losanges
latéraux et de guignols frontaux, mis en tension à terre avant le mâtage.
Gréement autoporté sur un catamaran de croisière.

■ Avec des barres de flèche poussantes


Haubans et bas-haubans assurent simultanément la tenue latérale et
une partie de la tenue longitudinale du mât. Poussé en avant par les
barres de flèche, tenu latéralement et sur l’arrière par les bas-haubans, le
point d’ancrage des bas-haubans sur le mât est immobilisé.
Les barres de flèche poussantes permettent par conséquent de se
passer de bas-haubans avant ou de bas-étai.

Vérifier et entretenir le gréement


Le gréement doit être contrôlé très régulièrement (au moins toutes
les semaines en grande navigation), mais aussi après un vilain départ au
lof sous spi, un talonnage, ou avant et après un coup de vent. L’hivernage
est l’occasion d’une vérification plus complète.

■ Les vérifications courantes


■ Les câbles
Il faut rechercher une éventuelle rupture de toron ou déformation du
câble. La plupart du temps, c’est à la sortie des embouts sertis que se
produisent les ruptures de toron. L’endroit de la rupture se situant un
peu à l’intérieur de l’embout, elle est plus facile à repérer quand le mât
est en place et le hauban sous tension.
Il faut se livrer à un examen tout particulier du câble de l’étai sous le
sertissage de l’embout supérieur – surtout si l’étai est équipé d’un
enrouleur de génois. Quand on force sur la bosse de l’enrouleur et que la
rotation du profil ne se fait pas correctement, le câble de l’étai peut en
effet s’ouvrir en chou-fleur, ce qui le prive d’une grande partie de sa
résistance.
Vérification du gréement avant un départ en croisière, au moyen d’une chaise
de calfat ou d’un baudrier d’alpinisme. La drisse est fixée à la chaise par un nœud de
chaise, et surtout pas par le mousqueton, auquel on ne fera confiance en aucun cas.
Une deuxième drisse assure le grimpeur, pour le cas où la première céderait.

■ Le vit-de-mulet
Le vit-de-mulet travaille beaucoup. Il faut graisser ses paliers,
contrôler la fixation de son axe. Il ne doit pas y avoir de jeu dans la
platine de fixation sur le mât. Le débattement de la bôme doit pouvoir se
faire latéralement et verticalement, mais aussi en rotation, ce qui est
rarement le cas. L’absence de liberté de rotation est la cause de
nombreuses avaries (arrachement, rupture du vit-de-mulet) : ce type de
montage demande donc une surveillance accrue.
■ Les ridoirs et leurs axes
La vérification des ridoirs doit être quotidienne. On assure les ridoirs
(avec des contre-écrous, des goupilles, du fil d’inox, éventuellement des
brêlages en garcette) pour que la cage ne se dévisse pas avec les
vibrations et les mouvements du gréement. La vérification visuelle du
serrage des contre-écrous est difficile et il vaut mieux compléter cette
façon d’assurer par une méthode plus facilement contrôlable. On
maintient les axes de ridoirs en place avec des goupilles, correctement
recourbées sous peine d’agresser voiles, cordages…, voire pantalons de
cirés.
■ L’enrouleur
On doit pouvoir faire tourner facilement le tube de l’enrouleur à la
main, même quand il est en tension. S’il ne tourne pas bien, c’est peut-
être que les roulements se sont encrassés. Ceux-ci, en principe
étanches, se trouvent en bas et en haut du tube. On réglera
provisoirement ce problème avec du dégrippant, mais il faudra tout
démonter sans tarder pour traiter la cause. Un enrouleur qui force abîme
le câble de l’étai.

■ Hiverner et préparer le gréement dormant avant


de mâter
■ Règles générales
Le bateau est démâté : c’est l’occasion d’un certain nombre de
vérifications indispensables.
Remplacer toutes les goupilles démontées. Les rabattre
correctement. Leur diamètre doit être le plus gros possible (celui qui
pénètre au plus juste dans le trou de l’axe). Couper les pattes de
goupilles trop longues. Remplacer tous les anneaux brisés par des
goupilles.
Démonter et remonter les boulons et les axes verticaux, en plaçant le
côté où se trouve l’écrou ou la goupille vers le bas (vit-de-mulet, fixations
des barres de flèche, etc.).
Si l’on doit démonter les rivets pour changer une ferrure ou une pièce
rapportée au mât : couper les têtes au burin et en commençant par
chasser le rivet avec un chasse-goupille et un marteau. Il ne faut pas
insister si ça ne sort pas (c’est ainsi qu’on casse les pattes en alu moulé,
les embouts de bôme, les pieds de mât, etc.) et percer le rivet avec une
perceuse.
Pour dévisser les vis en inox bloquées dans l’alu, les chauffer, par
exemple à la lampe à souder, et les refroidir. Pour qu’elles ne se bloquent
pas à l’avenir, les enduire de graisse au graphite.
■ Vérifier les feux
Au pied du mât, brancher les fils des feux de mât sur une batterie et
mesurer la tension entre les bornes de la batterie et de l’ampoule de tête
de mât. La différence entre les deux tensions doit être inférieure à 3 %.
Par exemple, si la tension aux bornes de la batterie est de 12,8 volts, la
différence doit être inférieure à 0,4 volt. Si l’on mesure 11,6 volts aux
bornes de l’ampoule, il y a trop de pertes (12,8 – 11,6 = 1,2 volt) : il faut
changer le câble, car une grande partie de l’énergie se perd en chaleur
(voir « L’électricité » ►).
■ Vérifier les réas
S’assurer du bon état des poulies, pas de creusement de la gorge,
pas d’aspérités sur les joues, pas de jeu anormal autour de l’axe, rotation
fluide. Sur les caractéristiques et le diamètre des réas, voir plus loin ►.
■ Vérifier les axes de ridoirs à lattes
Si les axes sont trop longs, ils peuvent porter en biais et l’effort se
reporte sur la goupille, ce qui est dangereux. Il faut les changer, sinon les
couper et les repercer. Si des axes sont de diamètre inférieur à celui du
trou où ils passent, il faut les changer (c’est très dangereux car l’axe est
ainsi beaucoup plus fragile). Ne jamais remplacer un axe par un boulon
fileté sur toute sa longueur : le diamètre utile se mesure en fond de filet,
ce qui est insuffisant. De plus, le filetage forme une amorce de rupture,
et il use par sa présence les pièces qui y sont fixées, même pour de très
petits mouvements.
Une fois démontées, rappelons-le, toutes les goupilles doivent être
changées. Nul ne sait en effet combien de fois elles ont été ouvertes et
fermées, sauf le métal qui finit par casser sans autre forme de procès.
■ Vérifier les capelages
Les haubans sont généralement ancrés sur le mât à l’aide d’embouts
à boules ou en T qui leur permettent de rester dans l’axe de la traction
pendant les mouvements du mât. Même si le mouvement est très faible,
les embouts doivent être graissés. Les coquilles dans lesquelles viennent
porter les embouts, ainsi que la portion de mât sur laquelle elles
s’appuient, ne doivent pas être fissurées. On peut arrêter une fissure en
faisant un petit trou de 2 millimètres à son extrémité, mais il faut faire
appel à un spécialiste très rapidement.
■ Vérifier la fixation de l’accastillage
Souvent fixées à l’aide de rivets Pop qui finissent par se corroder, les
platines, embases, ferrures, etc., peuvent finir par présenter du jeu. Il
faut alors déposer les pièces, les nettoyer et les « repoper » en
intercalant si possible un isolant entre elles et le mât (voir « Contrôler la
corrosion » ►).
■ Vérifier les barres de flèche
Un soin particulier doit être porté à l’assujettissement des haubans
en bout de barres de flèche. La fixation doit résister à un équipier
prenant appui sur la barre de flèche en montant au mât. Cette fixation
est en général assurée par une vis ; sur les petites unités, par un brêlage
de fil à surlier suiffé sur le hauban.
Il peut arriver que le profil de la barre de flèche soit fissuré : il doit
être changé. Vérifier aussi les ancrages sur le mât (barreaux ou platines).
Une règle à retenir : un mât ne doit pas cintrer à l’envers en faisant
ventre vers l’arrière. Il est parfois nécessaire d’établir un bas-étai quand
on prend des ris dans la grand-voile.
■ Vérifier les ridoirs
Les tiges filetées ne doivent pas être tordues. Leur filetage n’est pas
identique de chaque côté d’un ridoir : le pas à droite se visse dans le
sens conventionnel, le pas à gauche dans le sens inverse, ce qui permet
au ridoir de fonctionner. Le pas à gauche est systématiquement placé
vers le haut. Ainsi le hauban se tend-il toujours en tournant la cage du
ridoir dans le sens des aiguilles d’une montre, lorsqu’on la regarde du
dessus.
■ Vérifier les cadènes
La fixation d’un hauban sur une cadène doit être montée « à la
cardan », c’est-à-dire qu’elle doit présenter deux axes de rotation
perpendiculaires. Cela évite aux tiges filetées du ridoir de se tordre si
l’orientation de la traction change sensiblement.
■ Vérifier les drisses
Les drisses font partie du gréement courant, mais puisqu’on a le mât
sous les yeux, autant en profiter pour les examiner.

Mâter
Pour mâter, on a recours aux services d’un chantier équipé d’une
grue, de la grue du port destinée au levage des petits bateaux, ou l’on fait
preuve de débrouillardise comme sur l’illustration.
La fixation d’un câble sur une cadène doit garantir deux axes de mouvement
(deux degrés de liberté).

Le mât est équipé d’une cravate (une erse) fixée au niveau des barres
de flèche et assujettie vers le haut par une drisse. La cravate sert de
prise à la grue. Le mât est mis à la verticale, puis amené par sa base vers
le bateau.
Une fois étai, haubans et pataras en place, il faut régler la position du
mât.
Pour mâter sans frais un petit voilier (jusqu’à 8 ou 10 mètres), on peut profiter
de la complicité de deux bateaux voisins. On hissera le mât par leur drisse de spi, qui,
à la différence des drisses de grand-voile ou de foc, travaille dans toutes les
directions.

Régler la position du mât


Vu de côté, le mât doit avoir une légère quête arrière (1° à 2°, la tête
du mât étant de 15 à 35 cm plus en arrière que le pied pour un mât de
10 mètres). On peut se servir de la drisse de grand-voile lestée comme
d’un fil à plomb, pour mesurer la quête.
Vu de l’arrière, le mât doit être vertical. Pour vérifier sa verticalité
latérale, la technique du fil à plomb ne convient pas. En effet, au port, un
voilier a rarement une assiette parfaitement horizontale. On se sert
encore de la drisse de grand-voile, mais pour s’assurer que la longueur
entre la tête du mât et les livets est la même à bâbord et à tribord. En
mer, les propriétaires des voiliers dont l’assiette latérale n’était pas
parfaite au moment du mâtage se disent : « Tiens ! Il marche mieux sur
un bord que sur l’autre. » Curieusement, ils remarquent moins souvent
qu’il marche moins bien sur l’autre bord…
Ainsi réglé et sommairement tenu avec quelques kilos de tension
dans le haubanage, le mât ne doit pas avoir de cintre (si ce n’est un léger
cintre vers l’avant). Si le mât est cintré latéralement, on mollit le hauban
trop tendu en reprenant de la tension sur l’autre bord.
Reste maintenant à résoudre une délicate question : quelle tension
donner au gréement ?

Les haubans sont préréglés au port. Une observation depuis le pied de mât
permet de s’assurer de l’absence de cintre latéral.

Régler la tension des haubans


La règle qui préside au réglage de la tension des haubans est simple :
en navigation, le haubanage sous le vent ne doit pas être mou. Par mer
agitée, cela donnerait au gréement un débattement à l’origine de forces
colossales et destructrices. La tension du gréement ne doit pas non plus
être trop importante (il est tendu au minimum nécessaire), pour que ni lui
ni la coque ne soient soumis à des tensions démesurées. En s’appuyant
sur ces principes, le réglage de la tension est simple.

■ Régler la tension au port


Le mât est préréglé au port, avant la première sortie, en gardant en
tête qu’un hauban est conçu pour être tendu entre 15 % et 25 % de sa
tension de rupture. Pour s’en assurer, voici une méthode simple et
efficace. En tendant un hauban monotoron à 10 % de sa tension de
rupture, on l’allonge de 1 millimètre par mètre, et ceci quel que soit son
diamètre 15. On scotche donc un mètre à ruban sur le hauban à peine
tendu (ridoir serré à la main), de façon à ce que la marque des 2 mètres
se place à hauteur du sertissage du câble. Quand celui-ci sera tendu à
15 %, le sertissage sera en face de la marque 2 mètres et 3 millimètres. À
20 %, on lira 2 mètres et 4 millimètres. Etc. Une méthode plus précise
consiste à utiliser un tensiomètre.
– Avec des barres de flèche dans l’axe. Galhaubans et bas-haubans
sont tendus à 15 %, pataras à 20 %, le bas-étai à 15 %, en donnant un
léger pré-cintre au mât (lorsque le tube le permet).
– Avec des barres de flèche poussantes. Galhaubans et haubans
sont d’abord tendus à 15 %. Puis l’on porte à 20 % la tension des
galhaubans. Tendre ensuite le pataras à 20 %, ce qui va détendre
légèrement les galhaubans. Reprendre la tension de ces derniers à 20 %.
Relâcher le pataras à 15 % de tension, ce qui va retendre les galhaubans.
– Avec plusieurs étages de barres de flèche. Les intermédiaires
sont juste mis en tension ce qu’il faut pour assurer la rectitude du mât.
– Avec un gréement discontinu. Tendre les V1 à 25 % car ils
supportent la charge des D2 (intermédiaires fixés en bout de premier
étage de barres de flèche).
Un moyen simple pour régler la tension des haubans au port, mais qui ne
dispense pas d’un contrôle ultérieur en mer. Au près avec toute la toile par vent
médium, le haubanage sous le vent doit être juste un peu tendu, mais pas mou.

■ Régler la tension en mer


Le réglage s’affine sous voiles, au près bon plein, avec toute la toile,
par 15 à 18 nœuds de vent, 20° de gîte environ (il s’agit de faire parler
toute la puissance du plan de voilure, pour solliciter le plus fortement
possible le gréement). On s’assure de la tenue latérale du mât, le
haubanage sous le vent ne doit pas être mou. Le cas échéant, on le
reprend de la moitié de ce qu’il serait nécessaire pour le tendre (s’il faut
six tours pour reprendre le mou, on n’en prend que trois par exemple).
On vire et on reprend le mou de l’autre côté.
Dans un deuxième temps, prendre un ris et s’assurer que le mât reste
rectiligne. Sinon, reprendre les bas-haubans.
Avec un gréement neuf, retendre après quelques sorties ventées, en
contrôlant l’allongement des câbles au moyen de la méthode précitée.

LE VÉRIN DE PIED DE MÂT


Sur certains bateaux, notamment des voiliers de course très sophistiqués ou de
très grosses unités supportant des charges considérables dans le gréement, celui-ci
est mis en tension à l’aide d’un vérin de pied de mât (on parle couramment de mast-
jack). Une fois le mât dans sa position initiale, avec quelques kilos de tension dans
le haubanage, le mât est poussé vers le haut, jusqu’à un niveau de compression
prédéterminé. Puis des cales d’épaisseur sont glissées sous le pied du mât, pour le
maintenir en position. On mollit et on retire le vérin : le mât est réglé.

LE GRÉEMENT COURANT
Le gréement dormant se règle mais ne se « manœuvre » pas. Le
gréement courant, quant à lui, est constitué de tout ce qui contribue au
réglage des voiles et se « manœuvre » : drisses, écoutes, amarres,
balancines, hale-bas, bosses et autres bouts.
La quantité de bouts contribuant à la bonne marche du bateau est
impressionnante. Si l’on nouait ensemble les cordages d’un petit voilier
de 6,5 mètres, on arriverait à une longueur totale de 300 mètres. Les
bouts sont de diamètre, de longueur, de matière et de fabrication très
différents selon les usages qui leur sont affectés.
Les lignes qui suivent donnent quelques pistes pour y voir plus clair.
Après une présentation des grandes familles de matières et de
technologies utilisées pour fabriquer les cordages, on apprendra
comment choisir le bon cordage (sa matière, sa résistance, sa longueur),
comment le surveiller, l’entretenir, et comment améliorer le gréement
courant.
À la fin du chapitre, la description de nœuds spécialisés et des
épissures complétera les quelques notions déjà abordées au chapitre 1
dans « Matelotage de base » ►.

Les matériaux
■ Les fibres naturelles
Les marins ont fait preuve d’une imagination débordante dans le
choix des matières premières du gréement courant : peau de
mammifères marins (les Vikings), papyrus (les Égyptiens), fibre de coco
(les Perses), écorce de bois (les Indiens d’Amérique pour la pêche à la
baleine), chanvre de Manille ou « manille » (aux Philippines), chanvre (en
Russie, en Italie), sisal (Java, Tanzanie, Kenya), raphia (côte de Malabar,
Ceylan), laine et soie, etc. Mais les cordages en fibres naturelles ont
toujours eu beaucoup d’inconvénients. Quand ils sont humides, ils
enflent, perdent de leur résistance, cassent plus facilement, et les nœuds
coincent. Ils pourrissent et ils moisissent, sont attaqués par le soleil, les
intempéries, les produits chimiques et même les rongeurs. Leur rapport
poids-résistance est faible, ce qui les rend volumineux et encombrants.
Ils blessent les mains des marins et deviennent dangereux quand ils sont
gelés. Aussi, même les bateaux du patrimoine ne poussent pas le souci
de la reconstitution jusqu’à la réutilisation de ces matériaux anciens.
De nos jours, les fabricants ne parcourent plus le monde à la
recherche de plantes, mais visitent les laboratoires en espérant trouver
de nouvelles fibres synthétiques répondant à un certain nombre de
qualités.

■ Les fibres synthétiques usuelles


Ces fibres synthétiques de première génération sont apparues dans
les années 1950. Nous les avons classées ici par ordre de résistance.
Les chiffres sont donnés en décanewtons (daN) pour un cordage de
8 millimètres de diamètre dont l’âme est faite dans le matériau en
question.
– Le polypropylène. Résistance : 700 à 1 040 daN. Densité : 0,91.
Allongement à la rupture : 14 à 24 %. C’est le moins résistant des trois
mais le plus économique. Il est issu du pétrole et dégage une odeur de
cire en brûlant. Il ne retient pas l’eau. Il flotte, ce qui est un avantage
pour certains usages. On l’utilise notamment pour les halins de bouée-
couronne (flottabilité) et les amarres des petites embarcations.
– Le polyamide (marque Nylon). Résistance : 1 000 à 1 500 daN.
Densité : 1,14. Allongement à la rupture : 16 à 27 %. Il est issu du
charbon. En brûlant, il dégage une fumée blanche et une odeur de céleri.
On l’utilise pour les amarres, les mouillages, les bouts de remorquage en
raison de son élasticité. Il est assez lourd une fois qu’il est mouillé, car il
retient l’eau.
– Le polyester (marques Tergal, Dacron et autres). Résistance :
1 050 à 1 700 daN. Densité : 1,38. Allongement à la rupture : 10 à 16 %.
Il est issu du pétrole. Sa flamme dégage une fumée noire. Son préétirage
à la fabrication limite son élasticité déjà peu importante, et il résiste bien
au ragage (raguer veut dire s’user par frottement). Son excellent rapport
qualité-prix en fait le matériau usuel des drisses, des écoutes et du
gréement courant en général. Le polyester est aussi souvent utilisé pour
les gaines de cordage à haute résistance et faible allongement dont l’âme
est composée de fibres à hautes performances.

■ Les fibres à hautes performances


Aussi désignés comme fibres haut module, leur « module » de
résistance s’avérant singulièrement élevé, ces textiles de deuxième
génération sont nés une trentaine d’années après les fibres dites
usuelles. Apanage à l’origine des voiliers de haute compétition, elles ont
progressivement été adoptées par tous les coureurs, puis par les
plaisanciers exigeants.
– Les aramides (marques Kevlar, Twaron, Technora). Résistance :
2 000 à 3 000 daN. Densité : 1,44. Allongement à la rupture : 2,4 à 4,4 %.
Elles sont de couleur jaune-beige, ne fondent pas. Supplantées par le
Dyneema pour l’âme des écoutes et des drisses, elles restent très
appréciées pour la composition des gaines en raison de leur très forte
résistance à l’abrasion et à l’échauffement. On les utilise aussi pour
« surgainer » les drisses au passage dans les bloqueurs, où elles les
protègent de l’usure et des glissements. Elles sont sensibles aux UV. Le
Technora black, enrichi de particules de carbone, vise à pallier cet
inconvénient, au prix d’une résistance légèrement moindre.
– Le polyéthylène haut module (marques Spectra, Dyneema).
Résistance : 3 600 à 3 900 daN. Densité : 0,97. Allongement à la
rupture : 3,5 %. Il brûle en dégageant une odeur de cire. C’est le matériau
roi pour l’âme des drisses et écoutes haut de gamme. À l’état naturel, il
est de couleur blanche, il a tendance à pelucher, mais un ensimage
(enduction des fibres avec du polyuréthane coloré) lui donne une
meilleure résistance à l’abrasion, ce qui rend les épissures plus faciles et
améliore sa résistance aux ultraviolets. Attention ! Les nœuds faits sur un
bout de polyéthylène ont tendance à glisser, il faut les bloquer avec un
nœud d’arrêt, ou mieux, préférer les épissures. Le Dyneema est aussi
parfait pour les surgaines de drisse au passage des réas, en raison de sa
grande facilité de glissement. Il est produit sous plusieurs qualités. Les
Dyneema DSK (ou SK) 75 et DSK 78 sont les plus utilisés en corderie, les
DSK 90 et 99 étant destinés aux cordages très haut de gamme.
– La fibre de marque Vectran est filée à partir de polymère à cristaux
liquides (LCP). De très faible allongement, il est de couleur jaune. Ses
caractéristiques en termes de résistance et d’élasticité le rapprochent
des aramides, mais il fond à température élevée (330 °C). Utilisé dans les
âmes de certains cordages, il peut aussi être associé au Dyneema pour
en bloquer le fluage 16. Il est aussi adapté au surgainage au passage des
drisses dans les bloqueurs.
– Le PBO (marque Zylon). Résistance : 6 000 daN. C’est la dernière-
née des fibres haut-module. Sa résistance à la traction est supérieure
aux aramides, son allongement à la rupture est équivalent à celui du
Dyneema, et même moindre (2,5 %) pour le PBO haut module. On le met
sous gaine, car il craint les ultraviolets et l’abrasion. C’est la fibre des
gréements dormants très haut de gamme : comparativement au Rod, un
hauban PBO est trois fois plus léger, et 25 à 30 % plus cher, pour une
durée de vie un peu moindre. On le retrouve aussi, associé à d’autres
matériaux, dans les gaines de cordages de très gros bateaux, pour son
confort en main et surtout sa résistance aux températures très élevées
qui se produisent lors des choqués brutaux sur les winchs (il ne se
dégrade qu’au-delà de 650 °C).

Différents types de fibres. De haut en bas : Technora black, Technora, Dyneema


imprégné de polyuréthane (ensimé), Dyneema pur, polyester, polyamide.

■ Les caractéristiques générales des cordages


Voici les différents éléments à prendre en compte pour comparer les
bouts.
– L’allongement. C’est le pourcentage d’accroissement de la longueur
à la charge de rupture.
– La densité (ou poids spécifique) permet surtout de savoir si le bout
flotte (ce qui se produit quand sa densité est inférieure à 1, qui est la
densité de l’eau).
– Le rayon de courbure minimal supporté par le cordage permet de
choisir le diamètre du réa de la poulie qui lui convient.
– La résistance à la rupture. Elle s’exprime en décanewtons.
– Le poids au mètre.
– Le fluage, allongement irréversible de la fibre sous l’action d’une
charge constante.
– La température d’usage. En fonction des fibres, c’est la
température de ramollissement, de fusion ou de dégradation. C’est un
point important : l’augmentation de température provoquée par le
frottement sur une poupée de winch peut être considérable.
– La résistance à l’eau de mer.
– La résistance résiduelle avec un nœud. C’est le pourcentage de
résistance conservé par le bout avec un nœud (la courbure lui fait perdre
une partie de sa résistance mécanique).
– La reprise d’humidité. C’est le pourcentage d’eau retenu par la fibre
après immersion.
– La résistance à l’abrasion.
– La résistance aux UV.

■ Les techniques d’assemblage


Les cordages sont fabriqués à partir de fils de duite (dont la longueur
définit celle du câble fabriqué). Ces fils sont fabriqués en fibres continues
ou discontinues de diverses matières (naturelles, polyamide, polyester,
aramide, etc.) assemblées ensuite selon deux méthodes : le câblage, qui
produit un cordage toronné, et le tressage.
– Le cordage câblé ou toronné. Pour réaliser un cordage toronné, on
utilise plusieurs duites que l’on retord pour obtenir un fil de caret…
L’assemblage de plusieurs fils de caret donne un toron, et il faut au
moins trois torons pour faire un cordage toronné. Pour chacune de ces
quatre opérations, la torsion est inversée pour éviter le décommettage
(séparation de ses torons). Les cordages toronnés sont essentiellement
destinés aux aussières et aux lignes de mouillage, car par construction ils
sont plus élastiques que leurs équivalents tressés. En effet, la longueur
de fil utilisé est très supérieure à celle du cordage fini, et lorsque ce
dernier s’écrase à la mise en tension, la fibre tend à retrouver sa
longueur initiale.
– Le cordage tressé. Pour réaliser une tresse, on entrelace deux
groupes égaux de duites provenant des fuseaux alimentant le métier à
tresser. Ces duites sont plus ou moins épaisses. La moitié des fuseaux
tourne dans le sens des aiguilles d’une montre (torsion en Z), l’autre dans
le sens inverse (torsion en S). Un cordage tressé est généralement
constitué d’une âme, qui peut être elle-même tressée et recouverte
d’une ou de deux gaines tressées. Les fibres haut module comme le
Dyneema peuvent cependant être utilisées en âme pure, non gainée,
notamment lorsqu’il n’y a pas d’exigence particulière de tenue en main.
Les cordages flottants en polypropylène se retrouvent aussi souvent
sous forme de tresse creuse, sans gaine.
Trois types de construction de cordage, parmi d’autres. De haut en bas : âme
câblée et gaine tressée, double tresse, triple tresse. Dans ce troisième cas de figure,
une tresse intermédiaire, dite « gaine d’interface », améliore la cohésion entre âme et
gaine extérieure.

Ces deux cordages sont gainés de polyester. En haut, il s’agit d’une drisse, dont
la gaine est tressée à partir de fibre continue. La gaine de l’écoute, en bas, est réalisée
en fibre discontinue, pour un toucher plus agréable et une meilleure tenue en main.
QUELQUES FIBRES

L’âme du cordage est l’élément qui subit la quasi-totalité des efforts,


la gaine assurant plutôt un rôle de protection. Réalisée en fibre
discontinue, pour les écoutes par exemple, la gaine apporte un confort
exceptionnel de préhension (aspect feutré et toucher « coton »).

QUELQUES MOTS DU VOCABULAIRE DES BOUTS


Fibre continue. Matière première constituée de fibres de très grande longueur
appelées « filaments ».
Fibre discontinue. Matière première constituée de fibres courtes (quelques
centimètres) : toucher « coton ».
Duite. Ensemble de fibres plus ou moins tordues, selon que les fibres sont
continues ou discontinues. Elle est l’élément premier de toute fabrication de
cordage.
Fil de caret. Assemblage de duites par torsion inversée. Sert à faire un toron.
Toron. Assemblage de plusieurs fils de caret de très grande longueur, appelés
« filaments retordus ».
Cordage (ou câble). Assemblage de trois ou quatre torons.
Fuseau. Support d’une bobine remplie d’une duite.
Tresse. Sur un métier à tresser, entrelacement de duites par le croisement des
fuseaux.
Âme. Partie centrale d’une tresse ou d’un cordage à quatre torons, composée
de fibres, de duites, de torons ou d’une tresse.
Décommettre. Séparer des torons d’un cordage.

Choisir un bout
■ Première étape : déterminer la tension
d’utilisation du cordage
Le diagramme page suivante indique les tensions approximatives des
manœuvres sur un bateau. Ce genre de tableau est généralement
disponible chez les fournisseurs.
À partir du déplacement du bateau (son poids), qui se lit sur l’axe
horizontal, une verticale permet de lire les valeurs correspondantes sur
l’axe des tensions. Les multiplier par le coefficient de sécurité croisière
(4 : utilisation à 25 % de la charge de rupture) ou compétition (3 :
utilisation à 35 % de la charge de rupture). Les tensions sont données
avant les éventuelles démultiplications (palans). On obtient ainsi la
charge de rupture du cordage dont on a besoin. Pour un bateau de
10 tonnes, on lit 500 décanewtons de tension pour la drisse de foc ou de
spi. En croisière (coefficient 4), on choisira donc un cordage dont la
résistance de rupture est de 2 000 décanewtons (environ 2 tonnes).
C’est la recherche du poids minimal qui amène les régatiers à préférer un
coefficient de sécurité plus faible (certaines jauges imposent un type de
cordage particulier pour chaque manœuvre afin d’éviter les dérives en la
matière).

■ Deuxième étape : savoir à quoi va servir


le cordage, pour déterminer ses qualités
– Drisse. Faible allongement. Résistance aux UV (ultraviolets) et à
l’abrasion. Légèreté (faible densité). Le diamètre doit être suffisant pour
une bonne prise en main et adapté au diamètre des réas. Pas de Kevlar
pour la drisse de spi : il n’a quasiment pas d’allongement et transmettrait
de trop grandes tensions dans le mât quand le spi bat.
– Écoute. Résistance à la rupture, à l’abrasion et aux UV. Toucher
agréable. Diamètre important. Forte adhérence. Gaine résistant à la
chaleur générée par les frottements sur le winch quand on choque
l’écoute.
– Bosse de ris. Légèreté. Faible diamètre. Résistance aux UV et aux
nœuds.
– Amarre. Élasticité relative. Souplesse. Résistance à l’eau et aux UV.
Éventuellement flottabilité.
– Mouillage. Allongement important. Élasticité. Résistance au ragage
et à l’eau.
– Haubanage. Pas d’allongement. Faible diamètre. Résistance aux UV
et à l’abrasion.

■ Troisième étape : déterminer la longueur


du cordage
On calcule la longueur d’un bout en comptant quatre tours sur le
winch et 1,5 m de plus côté équipier. Puis on ajoute 1,5 à 2 m pour
pouvoir couper de temps en temps les extrémités (qui se fatiguent dans
le nœud).
Voici quelques éléments pour approcher la bonne longueur (non
comptée la longueur de 1,5 à 2 m qui vient d’être évoquée).
– Écoute de foc : 2 fois la longueur depuis la base de l’étai jusqu’au
winch.
– Bras et écoutes de spi : 2 fois la longueur du bateau.
– Écoute de grand-voile : longueur de la bôme multipliée par le
nombre de brins du palan de grand-voile.
– Drisse de spi : 3 fois la hauteur du mât.
– Drisse de foc (en tête) et de grand-voile : 2,5 fois la hauteur du mât.
– Amarres : 4 amarres de la longueur du bateau + 1 m ; 2 amarres de
2 fois la longueur du bateau.
– Aussière de remorquage, permettant aussi de porter une longue
amarre à terre : 40 à 60 mètres.
Pour le reste, il faut mesurer ! Ou vérifier grâce aux indications
suivantes :
– Barre d’écoute : choquée sous le vent, elle doit pouvoir être utilisée
depuis le rappel.
– Balancine de tangon : elle doit pouvoir rester frappée sur le tangon
posé à plat-pont et ramenée au pied de mât ou sur la cadène de hauban
pour laisser passer l’écoute de foc.
– Hale-bas de tangon : mesuré en fonction de sa démultiplication.
– Bosses de ris : elles sont suffisamment longues pour rester à poste
sur la grand-voile haute (au moins pour les ris 1 et 2), et revenir au piano.
– Bastaque : choquée, elle doit venir aux cadènes de haubans, pour
ne pas entraver la grand-voile.

Améliorer le gréement courant


Une fois digéré tout ce qui précède, un lecteur attentif devrait pouvoir
se rendre compte que sa drisse de grand-voile pourrait être en Kevlar de
6 mm au lieu d’être en polyester de 12 mm. Pris par l’envie d’améliorer
son bateau ou par quelque secret désir de performances, s’il passe à
l’acte, il constatera assez vite que ça fait très mal aux mains. Mais il
pourra alors surgainer la partie qui se manipule pour en augmenter le
diamètre.
Sur un bateau de 10 mètres, un rapide calcul montre qu’on peut
gagner à peu près 7 kg dans le gréement en optant pour le meilleur
rapport résistance-poids au moment du choix des bouts. On peut espérer
que ces kilos en moins dans le haut de la mâture amélioreront
substantiellement la marche du bateau.
Un coup d’œil sur le gréement courant des voiliers de course
contemporains pourrait faire croire à un retour en arrière : des erses à
bouton remplacent les mousquetons, des transfilages font office de
ridoirs, le brêlage se substitue aux manilles, les padeyes sont en
textile, etc., autant d’éléments issus du matelotage à l’ancienne.
L’utilisation du Dyneema ou du Vectran à la place de l’inox permet en fait
de gagner ici ou là quelques centaines de grammes…
Un padeye est un pontet articulé comme une poignée de valise. Son avantage
sur les autres pontets est qu’il peut travailler dans toutes les directions sans perte de
résistance, tout en sachant se faire oublier une fois rabattu. Notons qu’ici la manille
de cette poulie d’écoute de spi est montée à l’envers : la tête du manillon devrait
sortir par le haut, pour éviter tout conflit avec le pont.
La version moderne et haut de gamme du padeye, le padeye textile réalisé en
fibre à haut module de résistance.

RÉAS 17 ET POULIES, TAQUETS ET BLOQUEURS


Les réas et les poulies dévient la trajectoire des cordages et des
câbles. Ils ne doivent pas créer un point de faiblesse dans les
manœuvres, les freiner le moins possible, tout en restant légers.

Le diamètre des réas et des gorges de réas


Au passage sur un réa, la partie extérieure du cordage est contrainte
de s’allonger par rapport à celle située en fond de gorge. Ainsi les
flexions et déflexions successives fatiguent les fibres et favorisent à la
longue leur affaiblissement puis leur rupture. C’est la raison pour
laquelle, lorsqu’un cordage sous tension circule sur un réa ou une poulie,
il faut respecter un rayon de courbure minimal. Les fabricants
recommandent un diamètre de réa au moins huit fois supérieur à celui du
cordage, davantage si le bout supporte mal la courbure (douze fois avec
du Kevlar). Dans la pratique, cette règle ne s’impose de manière stricte
que lorsque le cordage effectue un aller-retour à 180° sur la poulie, ce
qui est assez rare sur le pont d’un voilier. S’il s’agit juste d’une poulie de
renvoi déviant le trajet du cordage, ce dernier fera un angle relativement
ouvert, et les conditions de courbure maximale demeureront respectées
même si le diamètre du réa est plus petit. Dans la pratique, les
équipementiers prévoient des diamètres de réa cinq à dix fois supérieurs
à ceux des cordages qu’ils accueillent.
Au passage d’un réa, la partie extérieure du cordage est contrainte de s’allonger
par rapport à celle située en fond de gorge. Selon le matériau, il y a un rapport à
respecter entre le diamètre du cordage et le rayon de flexion qu’on lui impose.
Lorsque le cordage effectue un aller-retour à 180°, cette règle se traduit par un
rapport entre diamètre du cordage et diamètre du réa. C’est notamment le cas pour
les réas de drisse en tête de mât et les poulies d’écoute de spi.

Le diamètre de la gorge du réa doit lui aussi être adapté au cordage


qu’il accueille : son diamètre est supérieur de 10 % à celui du bout. Si la
gorge est trop grande, le cordage y creusera son trou ; si elle est trop
petite, il sera pincé sur les bords. Dans les deux cas, le ragage fera son
œuvre destructrice à plus ou moins long terme.
Les réas sur lesquels circule du câble métallique ont un rayon d’au
moins deux cents fois le diamètre des fils qui composent celui-ci. Par
exemple, un câble extra-souple de 6 mm formé de 7 × 19 fils de 0,25 mm
ne doit pas travailler avec un rayon de courbure inférieur à 50 mm. Ce
serait donc une erreur de remplacer un câble métallique par un câble de
plus gros diamètre sans changer le réa : ça casserait plus vite. Ce
paradoxe apparent vaut pour les cordages textiles : si un bout s’use
exagérément vite, ce n’est pas forcément parce qu’il est sous-
dimensionné, mais éventuellement parce que le diamètre du réa est trop
petit !

La technologie des réas


Les poulies montées sur roulement à billes ou à aiguilles diminuent
les frictions et fluidifient les manœuvres. Leur emploi se justifie en
particulier pour les cordages circulant très rapidement, comme les
écoutes de spi. Les poulies à friction, dont le réa tourne sur un axe, sont
plus simples de conception. Elles occasionnent une perte de traction de
10 % pour une déviation de 180°, ce qui se traduit par la nécessité de
fournir plus d’efforts pour un même résultat. Mieux adaptées aux fortes
charges, elles sont privilégiées lorsque l’importance de l’effort prime sur
la rapidité (poulie principale de hale-bas de bôme, renvoi de balancine,
bastaques).

Les performances des cordages modernes autorisent la fixation des poulies


par transfilage, en lieu et place des liaisons métalliques comme les manilles. Ici, une
poulie d’écoute de foc.

De même que les fibres textiles modernes ont remis au goût du jour
le matelotage, les réas à friction, qui fleurissent sur les plans de pont, ne
sont que la version moderne du margouillet de l’ancienne marine. On
peut les utiliser pour les simples déviations (barber de spi), le rayon de
courbure minimal étant respecté, mais aussi pour les manœuvres en
aller-retour lorsqu’elles sont quasi immobiles et que les enchaînements
de flexion-déflexion demeurent limités (palan en cascade de pataras ou
de hale-bas, éventuellement palan de bastaques). Bon marché, ils
présentent en outre un avantage certain : en cas de rupture du réa, la
chaîne structurelle de l’effort est préservée. On les trouve sous forme
d’anneaux à gorge, ou de boules à deux gorges opposées.

Les taquets et les bloqueurs de drisses et écoutes


Les taquets de type « clam », inventés et popularisés par la marque
Clamcleat, se présentent comme des gorges rainurées. Ils existent en
différents matériaux (nylon, éventuellement renforcé carbone, ou
aluminium) et de nombreuses variantes : avec ou sans filoirs, munis d’un
dégagement sur le côté. Leur fonctionnement correct suppose que la
largeur de la gorge soit adaptée au diamètre du bout.
En gréant ainsi un Sandow sur la filière, on maintient la poulie dégagée du pont.

À la sortie d’un winch, on tourne les écoutes sur des taquets


disposant d’un sifflet et que l’on appelle « taquets d’écoute ». L’écoute
passe le côté arrondi et on la bloque du côté en sifflet. S’il y a assez de
tours sur la poupée du winch, la tenue de l’écoute est suffisante. Le
taquet d’écoute est d’un usage plus simple et plus rapide que le taquet à
tourner, mais ne peut le remplacer quand la manœuvre ne passe pas
préalablement autour d’un winch (sur les taquets et les clams ►).
Les bloqueurs ne demandent pas d’autre entretien que des rinçages
réguliers. On ne les laisse pas grands ouverts, manette vers l’avant : si
quelqu’un marchait dessus, c’en serait fini de la poignée. Bien respecter
le diamètre de bout prévu.
Les taquets coinceurs à mâchoires pivotantes (par exemple celui de
la poulie d’écoute de grand-voile) s’entretiennent comme les winchs.
Mais la plupart sont rivés et indémontables : les nettoyer et les graisser
de l’extérieur.
Le piano d’un voilier de course-croisière, avec sa batterie de bloqueurs et ses
réas permettant de renvoyer indifféremment chaque bosse ou drisse sur un winch
bâbord ou un winch tribord. Le hale-bas de bôme et la bordure de grand-voile
reviennent sur de simples taquets coinceurs, à gauche de l’image.

Vérifier et entretenir le gréement courant


Le contrôle le plus important consiste à vérifier que toutes les
manœuvres travaillent correctement, qu’elles ne s’usent pas et qu’elles
sont pleinement efficaces.

■ Vérifier les réas, éviter les portages, contrôler


les angles de tire
Les réas doivent tourner librement, ne pas présenter d’ovalisation ni
de facettes. Les joues ne doivent pas être coupantes, le jeu autour de
l’axe et dans la cage doit rester minimal.
Au travail le cordage ne doit pas porter sur les joues de la cage d’un
réa ou de la poulie. Sinon le bout et les joues de la poulie s’usent ; plus
ennuyeux encore, les bords extérieurs du réa s’affûtent et deviennent
coupants. Et quand les parois de la cage s’usent, le cordage finit par se
coincer. Pour que les poulies travaillent correctement, il faut parfois
modifier leur fixation : changer une manille droite pour une manille torse,
opter pour une poulie sur émerillon, modifier l’orientation de la platine s’il
s’agit d’une poulie à plat pont, etc.
On vérifie l’angle de travail des manœuvres. Quelques exemples :
– La première poulie du circuit de la bosse du foc à enrouleur est
perpendiculaire au tambour de l’enrouleur.
– Les pontets sur lesquels on frappe des bosses de ris sous la bôme
permettent une tension correcte de la bordure de la voile au moment des
prises de ris.
– Les pontets d’ancrage des poulies d’écoute de grand-voile
favorisent une traction verticale quand le chariot est en bout de course ;
faute de quoi la tension supplémentaire de l’écoute de grand-voile
empêchera le chariot d’écoute de descendre tout seul sous le vent quand
on le choquera.
Enfin, pour l’entretien courant, il convient de rincer à l’eau douce et
de graisser (graisse silicone par exemple) tous les endroits où il y a
frottement (axes de réas, joues, etc.), autant pour faciliter la manœuvre
que pour éviter l’usure.

■ Éviter les frottements entre les bouts


Cachés dans la bôme ou dans le mât, les bouts ont une vie secrète et
s’entortillent parfois un peu trop langoureusement. Comment débusquer
les embrouilles ? Tendre fermement toutes les manœuvres sauf une. Si la
manœuvre molle ne circule pas librement, c’est qu’elle fait un tour autour
d’une autre. Il faut la repasser.

■ Repasser une drisse ou une manœuvre dans


un espar
Pour repasser une drisse dans le mât, faire glisser à partir de la tête
de mât un petit messager (un bout bon marché de 2 à 3 mm), en le
lestant avec des petits écrous ou manillons, puis fixer à son extrémité la
drisse à repasser.
La bôme étant difficile à mettre à la verticale, il faut recourir à une
autre méthode. Pour y passer une ou plusieurs bosses, réaliser une
aiguille avec du tube plastique d’électricien, placer des petites attaches
en fil à surlier pour accrocher les bosses au bout du tube, passer le tout
au travers de l’espar. Les risques d’emberlificotage sont nuls.

■ Surveiller l’état des bouts


Enfin, le marin prête attention à ses cordages.
– Rincer les bouts à l’eau douce les fait durer plus longtemps et les
rend doux et faciles à manipuler.
– Inspecter les points de rétrécissement du cordage permet de
déterminer si c’est l’âme ou seulement la gaine qui est endommagée.
Vérifier particulièrement les zones de portage sur les poulies et les points
de fixation des mousquetons et des manilles.
– Lorsqu’ils sont stockés entre deux sorties, les bouts correctement
lovés sont suspendus de façon à ce que l’air circule entre eux, et qu’ils ne
soient pas entassés.
On peut retourner une drisse qui s’est fatiguée sur un portage, mais il
faut dans un premier temps repasser un messager.

■ Avoir des bouts de rechange


Avant d’entreprendre une traversée, il faut vérifier que l’on dispose de
manœuvres de rechange à bord, et donc embarquer un assortiment des
types de bouts les plus utilisés.

■ Hiverner les bouts


À l’hivernage, il vaut mieux retirer les drisses du mât et les remplacer
par des messagers. Les bouts sont entreposés à l’abri des rayons UV,
dans un endroit sec et aéré. On peut les laver à la machine à laver, à
30 °C sans détergent. Au moment du remontage, retourner les bouts
pour alterner les efforts.

■ Épisser les terminaisons


Pour fixer manilles et mousquetons en bout de drisse ou d’écoute,
réaliser des épissures plutôt que des nœuds, qui affaiblissent la
résistance des cordages. Le Dyneema, par exemple, voit sa résistance
diminuer de 75 à 92 % avec la plupart des nœuds usuels, de 60 % avec un
nœud de chaise et de 48 % avec nœud étrangleur (ces deux derniers
nœuds étant les seuls acceptables). Par comparaison, la perte due à une
épissure correctement réalisée n’est que de 10 %.

■ Surgainer
Les cordages gagnent à être surgainés dans les zones où ils sont
soumis au ragage : réa de mât et bloqueurs pour les drisses, mâchoire de
tangon pour les bras de spi, etc. Par ses capacités de glissement, le
Dyneema est adapté au surgainage dans les zones où l’on veut
combattre les frottements (réas, tangons), mais il est à proscrire au
passage des bloqueurs, sous peine de voir ceux-ci ne pas assurer leur
fonction : on lui préfère dans ce cas des fibres qui « accrochent » comme
le Technora ou le Vectran.

LE MATELOTAGE
Depuis l’avènement des fibres textiles haut module, le matelotage a
opéré un retour en force. Non seulement les performances des cordages
modernes leur permettent de concurrencer les fixations métalliques,
mais leurs caractéristiques ont considérablement simplifié les travaux qui
pouvaient présenter une certaine complexité, comme les épissures. Les
pages suivantes détaillent les techniques les plus accessibles et les plus
courantes.
LE MATÉRIEL
La trousse du gréeur comprend au minimum :
– Une ou plusieurs aiguilles à grand chas, ou bien un jeu d’aiguilles
creuses. Toutes les techniques de matelotage présentées dans le Cours
ont été réalisées avec une aiguille à grand chas.
– Un épissoir (creux de préférence).
– Du fil à surlier, de préférence ciré.
– Des aiguilles à coudre de voilerie.
– Une paumelle.
– Un couteau au tranchant efficace.
– Un briquet tempête, qui fonctionne même en plein vent.
– Un mètre ruban.
– Un crayon gras, à défaut un feutre, mais il risque de baver.
– Un ruban d’adhésif.
– Une masselotte de bois, pour marteler cordage ou épissure dans
certaines circonstances.
– Un anneau de fine cordelette.

Les indispensables.

ŒIL ÉPISSÉ SUR ÂME PURE


Lorsqu’une tresse creuse est dépourvue de gaine, on parle d’âme
pure, qu’elle ait été vendue directement sous cette forme ou qu’elle soit
issue d’un cordage qu’on a dégainé. Pour former un œil à son extrémité,
on préfère l’épisser plutôt que de réaliser un nœud qui fragilise le
cordage (et qui, dans le cas du Dyneema, glisse). La réalisation d’un œil
épissé consiste à rentrer une extrémité de la tresse, le courant, dans elle-
même. Quand on tire, la tresse extérieure se serre et comprime la tresse
intérieure.
L’épissure tient par constriction, sous réserve qu’elle soit
suffisamment longue, selon la nature des fibres qui constituent la tresse
et du pas de tressage. Pour ne pas se tromper, on épisse sur 100 fois le
diamètre de la tresse pour du Dyneema, 50 fois le diamètre pour du
polyester (les deux fibres principalement utilisées de nos jours pour le
gréement courant d’un bateau). Dans cet exemple, on épisse une tresse
simple en Dyneema, au pas de tresse serré, comportant 16 fuseaux et
faisant 4 mm de diamètre.

Mesurer depuis l’extrémité 100 fois le Repérer cette distance au crayon gras :
diamètre de la tresse : soit 40 cm pour ce sera notre marque A.
une tresse en Dyneema de 4 mm 18.
Pour un œil de 5 cm de long, mesurer Simuler l’épissure : tenir le futur œil dans
10 cm vers la gauche à partir de A, et la main gauche et le courant et le
placer une marque B. Pour faire un œil dormant parallèlement l’un à l’autre.
plus petit ou plus grand, on
rapprocherait ou on éloignerait ces deux
repères.

On va enfiler l’aiguille à long chas dans la Placer le chas de l’aiguille entre deux
tresse, à une cinquantaine de fuseaux et insérer l’aiguille à l’intérieur
centimètres en arrière de la marque B. de la tresse.
Commencer par comprimer la tresse,
pour écarter les fuseaux.
Faire remonter l’aiguille à travers la Sortir l’aiguille entre deux fuseaux à
tresse en veillant à bien rester à hauteur de la marque B.
l’intérieur. Pour s’aider, on peut
comprimer la tresse pour l’élargir juste
avant le passage de l’aiguille.

Insérer l’extrémité de la tresse dans le Replier l’extrémité autour du chas.


chas. Quelques centimètres suffisent.

Tirer doucement l’aiguille. Pour faciliter La tresse s’insère en elle-même.


l’insertion de la tresse, on peut
comprimer la tresse extérieure, et
tourner l’aiguille à long chas sur elle-
même de façon à ménager une place
entre les fuseaux.
L’aiguille et l’extrémité du cordage L’œil est formé. Reste à réaliser les
ressortent. finitions, et notamment à dégraisser le
dernier tiers (l’effiler) pour éviter une
rupture franche de diamètre et un point
dur qui fragiliserait l’épissure.

À 13 cm de l’extrémité et en allant vers Avec l’épissoir, tirer un par un les


elle, marquer un fuseau sur deux, quatre fuseaux marqués. Attention, il ne faut
fois. En sauter deux pour passer aux tirer les fuseaux que du côté de
fuseaux tournant en sens inverse, en l’extrémité, sous peine de déstructurer la
marquer à nouveau un sur deux, quatre tresse.
fois.
Les huit fuseaux marqués sont sortis. Couper ce qui dépasse. On vient de
diminuer de moitié l’épaisseur de la
tresse. Finir de dégraisser vers
l’extrémité, en coupant à intervalles
réguliers la moitié des fuseaux restants.

L’épissure et sa « chicotte », dont la En maintenant l’œil, lisser la tresse


pointe est bien effilée comme on le extérieure à plusieurs reprises,
souhaitait, ce qui garantira une en serrant fortement. Elle absorbe le
diminution régulière du diamètre de courant. L’épissure est terminée.
l’épissure.

ÉPISSURE COUSUE
Plus on tire sur une épissure et mieux elle tient. Mais si le cordage
n’est pas en permanence sous tension, le courant peut glisser lorsqu’il
n’est pas comprimé. C’est pourquoi on préfère bloquer l’épissure par un
point de couture : c’est une précaution pour les cordages qui ne sont pas
constamment soumis à une traction, et pour les autres c’est un impératif.
Ce point de couture sera placé au point neutre de l’épissure, c’est-à-dire
à l’endroit où la tresse intérieure et la tresse extérieure restent fixes l’une
par rapport à l’autre. C’est de part et d’autre de ce point, situé à environ
un tiers de la longueur épissée depuis l’œil, que la tresse extérieure
s’étire lorsque l’épissure est mise sous tension.
Enfiler sur une aiguille à coudre une Piquer en biais dans la tresse, à environ
longueur de fil (20 cm minimum pour un tiers de la longueur épissée en
être à l’aise). Réaliser un nœud simple à partant de l’œil.
un petit centimètre de l’extrémité.

Amener le nœud au contact de la tresse. Tirer plus fortement sur le fil pour que le
nœud rentre au cœur de la tresse, et que
l’extrémité du fil disparaisse.

Repiquer, cette fois-ci à la Faire un point en aller-retour : piquer


perpendiculaire de la tresse, dans plus loin, et revenir.
le même trou que celui d’où sort le fil.
On va arrêter ce point par un nœud. Écarter la boucle avec les doigts d’une
Passer l’aiguille dans la boucle du fil. main, de manière à plaquer le
croisement des brins au ras du cordage.

Poser un doigt sur le croisement pour le Repiquer en biais, dans le même trou
maintenir au ras du cordage. Tirer sur le que celui d’où sort le fil.
fil pour serrer le nœud.

Tirer pour que le nœud disparaisse au Couper le fil au ras. Pour ne pas abîmer
cœur de la tresse. la tresse, faire glisser la lame le long du
fil à surlier jusqu’à rencontrer la tresse,
puis couper.
TRANSFILAGE
Transfiler, c’est relier une pièce à une autre (une poulie à une cadène
textile dans notre exemple), au moyen d’un bout qui passe
alternativement dans ces deux pièces 19. On peut réaliser différents
transfilages (ou lashing) selon les points d’accroche disponibles, la
résistance recherchée, la nécessité de réaliser le transfilage sous tension
ou de pouvoir le tendre. La méthode présentée ici est la plus polyvalente,
et elle offre probablement le meilleur compromis entre la facilité de
réalisation et la résistance.

Comme on lacera la tresse en aller- Passer la tresse dans le point fixe, ici une
retour sur de petites distances et qu’elle cadène textile, puis passer à travers l’œil
ne bougera pas, on réalise un œil en de façon à réaliser une tête d’alouette.
épissant sur 50 fois le diamètre du
cordage (et non plus 100 fois).
On aurait pu épisser directement sur la En repassant dans la cadène, on a réalisé
cadène, mais ainsi le transfilage reste le premier tour du transfilage, dont la
entièrement démontable. Serrer la tête longueur définira celle du transfilage
d’alouette, puis passer la tresse dans le définitif. Ajuster donc sa longueur en
système d’accroche de la poulie. fonction de ce qui est prévu.

Effectuer un deuxième tour, équilibrer la Les tours tiendront la tension, les nœuds
tension des quatre brins. n’ont qu’une fonction de blocage. On
forme une première demi-clé avec le
courant, en passant autour des quatre
brins du transfilage.

Vérifier que les quatre brins sont Effectuer une deuxième demi-clé en
toujours équilibrés, puis serrer la demi- l’inversant (en tournant dans l’autre sens
clé. autour du transfilage). On devrait obtenir
le motif d’une tête d’alouette.
Réaliser ainsi un minimum de trois demi- Réaliser un nœud d’arrêt (un nœud
clés. Les inverser permet de mieux simple) derrière la dernière demi-clé.
bloquer les nœuds entre eux, évite qu’ils
ne tournent autour du transfilage, et
confère à ce dernier une forme plate.

Serrer soigneusement ce nœud d’arrêt Couper l’extrémité de la tresse en


au ras du transfilage. laissant dépasser quelques millimètres,
que l’on brûle de façon à souder le nœud
d’arrêt.

TERMINER UN BOUT AVEC UN NŒUD DE MEUNIER


Pour éviter que les bouts ne s’effilochent, il faut mateloter leur
extrémité. Il existe différentes techniques, dont les surliures (cousues ou
non cousues). Nous avons préféré présenter ici une terminaison très
simple et très rapide à réaliser, esthétique, qui fonctionne sur tous les
cordages dont la gaine est composée de matériaux fondant à la flamme.
C’est notamment le cas du polyester et du Dyneema, qui composent
l’essentiel du gréement courant.
Le nœud de meunier était autrefois utilisé pour fermer les sacs de
farine. Il est souvent rebaptisé nœud constrictor en référence à sa
caractéristique principale, qui est de serrer très fortement (attention, il
peut être difficile, voire impossible, à défaire). On l’utilise en bricolage,
pour serrer deux pièces ensemble. Pour les terminaisons de cordage, on
utilisera préférentiellement un fil à surlier ciré.

Scotcher l’extrémité du cordage et Extraire 2 à 3 cm d’âme. Il sera peut-être


couper au ras de l’adhésif. Puis piquer nécessaire de desserrer le tour de
une quinzaine de centimètres en arrière, scotch si l’âme refuse de sortir.
de façon à bloquer ensemble l’âme et la
gaine.

Couper la partie de l’âme qui dépasse. Le nœud constrictor débute par une
Lisser ensuite fortement la gaine vers demi-clé.
l’extrémité : toute l’âme disparaît sous la
gaine, cette dernière étant bien tendue.
Initier une deuxième demi-clé, comme Mais à la différence du cabestan, au lieu
pour réaliser un nœud de cabestan. de refermer la demi-clé sur elle-même,
glisser le fil par-dessus le dormant, puis
par-dessous tous les brins (penser « sous
la croix »).

Serrer légèrement. Le nœud constrictor Faire glisser le nœud vers l’extrémité, à


ressemble à ceci. l’endroit où l’âme s’arrête. Au cours du
serrage, le nœud va glisser vers
l’extrémité de façon à enserrer la gaine
(vide) au ras de l’extrémité (cachée) de
l’âme.
Serrer à fond, jusqu’à ce que la cire Couper et brûler les deux brins du fil.
exsude du fil à surlier.

Brûler et écraser l’extrémité de la gaine Le résultat final donne un aspect très


coupée à un demi centimètre du nœud. propre à l’extrémité du cordage.

ŒIL ÉPISSÉ SUR CORDAGE DOUBLE TRESSE


Dans un cordage double tresse – une drisse ou une écoute par
exemple –, l’âme est le plus souvent une tresse structurelle, dont la
fonction est de tenir la tension. La gaine est une tresse creuse dont le
rôle est à la fois de protéger l’âme (du ragage et des UV notamment),
mais aussi de favoriser la tenue en main 20.
Après avoir vu en début de ce chapitre « Matelotage » comment
épisser une tresse en âme pure, nous allons maintenant aborder
l’épissure sur double tresse, plus exigeante.
L’objectif est de réaliser avec l’âme un œil structurel de façon à ce
qu’il reste protégé par la gaine. Il existe différentes techniques, celle-ci
est la plus accessible. Rappelons que par convention, lors des mesures,
le courant est à notre droite et le dormant à gauche.

Marquer à 15 cm de l’extrémité du
cordage un point A. 12 cm plus loin, vers
la gauche, placer une marque B. L’œil
sera formé par la section A B. Si l’on veut
faire varier la taille de l’œil, il suffit de
modifier la distance entre A et B.
À 2 cm à droite de A, ménager une Insérer l’épissoir dans l’ouverture et le
ouverture dans la gaine : glisser l’épissoir glisser sous l’âme pour l’extraire.
sous un fuseau pour l’écarter Attention à tirer sur l’âme entière, et à ne
délicatement vers l’extérieur de la pas attraper des fuseaux isolés, sous
tresse, puis répéter l’opération sur les peine de la déstructurer.
fuseaux voisins.

Âme et gaine sont ainsi séparées sur Depuis l’extrémité de l’âme, mesurer
l’extrémité du cordage. On va ensuite 100 fois le diamètre pour une âme en
tirer l’âme sur 1 m hors de la gaine, cette Dyneema, 50 fois pour du polyester :
dernière se retroussant d’elle-même. marquer un repère A′. Mesurer 12 cm
plus loin vers la gauche, et placer une
marque B′.

Au point B de la gaine, extraire l’âme Superposer les marques B′ (âme) et B


avec la même méthode que (gaine). Les maintenir accolées, tirer sur
précédemment. Tirer une boucle, sans l’âme pour faire venir ce qui est sur la
avaler l’extrémité de l’âme dans la gaine gauche. La gaine se retrousse encore
(qui doit toujours sortir à droite de A). plus, si besoin la faire coulisser.

On distingue : la partie (gainée et Vérifier (à gauche) que B′ (âme) et B


incurvée) qui constituera l’œil et à sa (gaine) restent ensemble. Pincer à cet
droite l’extrémité de la gaine (la endroit et lisser la gaine vers la droite.
chicotte) ; le courant de l’âme ; à sa Piquer une aiguille près de la marque A.
gauche, la partie de l’âme dans laquelle La gaine ne peut plus glisser sur l’âme et
on va insérer le courant pour réaliser la les marques de l’âme, A et A′ (caché)
partie structurelle de l’épissure. sont collées.
On dégraisse ensuite la chicotte à droite Couper à ras les fuseaux précédemment
de l’âme. Repérer les fuseaux qui sortis. On vient de réaliser un demi-
tournent dans un sens. En marquer 1 sur dégressif.
2. Repérer les fuseaux qui vont dans
l’autre sens et en marquer 1 sur 2. Sortir
les fuseaux marqués.

Avec l’aiguille à long chas, épisser la Dégager quelques centimètres de


chicotte dans l’âme. chicotte pour pouvoir finir de dégraisser.

La moitié des fuseaux ont déjà été La chicotte ainsi grossièrement


coupés lors du demi-dégressif. Couper dégraissée suffit à éviter un changement
les fuseaux restants par paquets de deux de diamètre brutal au niveau de
ou trois, à intervalles réguliers et jusqu’à l’épissure, aussi bien pour des raisons
l’extrémité, de manière à effiler la esthétiques que structurelles.
chicotte en pointe.

Lisser fortement l’âme autour de la Placer les marques A et B de la gaine


chicotte : toute la gaine doit disparaître l’une contre l’autre. Maintenir l’œil ainsi
dans l’âme. Le dégressif de la gaine ne formé par un tour de scotch.
doit commencer que sous l’âme, et l’âme
doit être assez tendue autour de la
gaine.

On peut maintenant épisser l’âme sur L’âme est passée. Comme pour toute
elle-même. Après avoir étalé courant et épissure, il faut dégraisser. À un tiers de
dormant l’un contre l’autre, on insère la longueur à partir de l’extrémité, on
l’aiguille à long chas une dizaine de marque un fuseau sur deux, puis on en
centimètres en arrière sur le dormant, fait autant avec ceux qui tournent en
puis on la fait sortir 2 cm avant B′ pour sens inverse. On sort les fuseaux
se saisir du courant, et l’avaler dans la marqués, on coupe, avant d’effiler
tresse. comme d’habitude la pointe.
Lisser plusieurs fois l’épissure, d’abord à Faire coulisser la gaine vers l’œil de
la main, puis au moyen de l’anneau de manière à faire disparaître l’épissure
cordelette avec lequel on réalise un dans la gaine et à fermer l’œil.
nœud de Prusik ►.

On devrait en arriver ici. Pour absorber C’est cet endroit que l’on veut assouplir :
ce qui reste de l’épissure, plusieurs c’est donc là qu’on tape à la masse ou
astuces à alterner. Fixer le dormant du qu’on tord le cordage pour l’assouplir.
cordage à un point fixe, de façon à tirer
fermement. Tordre le cordage au niveau
du point dur de manière à l’assouplir.
Taper le point dur à la masselotte.
L’œil épissé est maintenant fermé, les Terminer par une couture au point neutre
marques A et B sur la gaine sont visibles, de l’épissure (voir « Épissure
l’une en face de l’autre. cousue » ►). Au besoin tordre et
marteler le cordage pour l’assouplir.
Utiliser une paumelle et une aiguille
adéquate : trop fine, elle casse ; trop
épaisse, elle rentre mal.

ASTUCES ET TOURS DE MAIN


Pour couper un bout proprement, une méthode simple consiste à le scotcher au
préalable, pour couper au ras de la bande d’adhésif. Ainsi, le bout ne se détressera
pas (surtout pour le polyester, qui a tendance à très vite se détresser).
Quand on travaille sur l’extrémité d’un cordage, on peut piquer une aiguille dans
le cordage pour bloquer l’âme et la gaine. Ainsi, on pourra tirer l’âme hors de la
gaine et travailler l’âme et la gaine séparément en aval de l’aiguille ; en amont de
l’aiguille, le cordage conserve la même structure (la gaine garde sa tension autour de
l’âme).
La distance à laquelle on pique l’aiguille dépend de la longueur d’âme à
travailler. Plus on veut extraire d’âme de la gaine, plus il faudra repousser la gaine,
plus l’aiguille sera loin de l’extrémité. On trouve la bonne distance par tâtonnement
et expérience.
Lorsqu’on travaille avec un fil enfilé sur une aiguille, pour éviter qu’il ne
s’échappe, une fois qu’on l’a passé dans le chas, on revient piquer l’aiguille au cœur
du fil, à quelques centimètres de son extrémité. Puis on serre bien le tout au ras de
l’aiguille, comme ci-dessous.
PRUSIKER UN CORDAGE OU UNE ÉPISSURE
Plus une épissure est tendue, plus elle est résistante, c’est pourquoi il faut
parfois « prusiker », c’est-à-dire la lisser très fortement au moyen d’un nœud de
Prusik, nœud autobloquant issu du monde de l’alpinisme, où il est utilisé pour
sécuriser les descentes en rappel. Pour réaliser ce nœud de Prusik, on utilise un
anneau de garcette de diamètre inférieure à celui du cordage sur lequel on travaille.
On effectue avec cette garcette plusieurs tours autour du cordage, avant de la
repasser dans sa propre boucle, et de serrer.

On fait ensuite coulisser ce nœud en maintenant les tours sous les doigts, tout
en régulant de la même main la tension sur la garcette, qui détermine le serrage des
tours. Pour ne pas faire vriller la tresse que l’on prusike, il faut l’avoir lissé fortement
à la main au préalable.
ÉPISSURE CHAÎNE-CÂBLOT
Pour assurer la liaison entre la chaîne et le câblot textile d’une ligne
mixte de mouillage, l’épissure est une solution plus élégante et
fonctionnelle qu’un nœud (qui affaiblit le cordage et risque de glisser), et
même qu’un œil épissé avec une manille. Non seulement l’épissure
textile-chaîne préserve au maximum la résistance structurelle de
l’assemblage, mais au moment de mouiller ou de déraper au guindeau
elle passera sans heurt dans le barbotin. Nous présentons ici la
technique à mettre en œuvre avec un cordage en tresse carrée, plus
facile à épisser sur une chaîne qu’un cordage à trois torons, mais aussi
plus sûr car moins vulnérable au ragage. Lors de la réalisation de
l’épissure, on veillera à ce que la chaîne reste bien en ligne et qu’un
maillon ne se mette pas de travers, ce qui se produit lorsqu’on tend trop
fort un ou plusieurs torons.

On mesure une longueur de câblot On décommet ensuite les quatre torons


équivalente à quinze maillons de la du câblot, et on les identifie par paires
chaîne, et on entoure d’un morceau de constituées de brins opposés, avec des
scotch. adhésifs de couleurs différentes. On
détoronne sur toute la longueur repérée
initialement, jusqu’au premier scotch.
On passe une première paire de torons On tire brin par brin, jusqu’à rapprocher
dans le premier maillon de la chaîne. Les le maillon du point marqué par le scotch,
deux brins se croisent en sens inverse où les quatre torons du câblot sont
l’un de l’autre. restés solidaires.

On va continuer de la même façon, avec On serre soigneusement, brin par brin,


l’autre paire de torons, deux maillons après chaque passe.
plus loin. On remarque que chaque toron
se couche sur la chaîne parallèlement à
un maillon.
On poursuit jusqu’à ne plus disposer que On coupe une paire au ras (ici la noire),
de quoi faire une passe avec ce qui reste et on la soude sur la chaîne en la brûlant
de torons. au briquet.

On effectue une passe supplémentaire On coupe et on brûle à son tour la


avec la deuxième paire de torons. On a dernière paire de torons. La liaison
ainsi assuré le caractère dégressif de chaîne-câblot est terminée. On pourra
l’épissure. l’étaler sur le quai ou le ponton, et la
rouler en la piétinant, pour améliorer
son homogénéité.
LES VOILES
Les pressions et dépressions produites par l’écoulement du vent
dans les voiles sont à l’origine de tensions dans le tissu, qui s’exercent
principalement aux points d’écoute, d’amure et de drisse. Pour que la
voile conserve la forme voulue par le maître voilier et par conséquent son
efficacité, le tissu ne doit pas se déformer, ou très peu.
Le tissu d’une voile, comme celui d’un mouchoir en textile, ne résiste
pas de la même façon à toutes les sollicitations. Tiré de biais, le tissu se
déforme beaucoup plus que s’il est tiré dans le sens des fils de la chaîne
ou de la trame, ce qui explique la disposition des laizes (ou panneaux) de
tissu. Elles sont orientées perpendiculairement aux efforts principaux qui
portent sur la chute de la grand-voile ou sur la chute et sur la bordure du
foc. Aux endroits où les efforts sont maximaux – sur les points de drisse,
d’amure, d’écoute et de ris de la grand-voile –, les tissus sont doublés,
triplés ou plus.

LES COUPES ORIENTÉES


Tous les efforts ne sont pas stricto sensu perpendiculaires aux laizes d’une voile
à coupe horizontale (les maîtres voiliers utilisent aussi le terme anglais cross-cut).
Pour que les tensions s’inscrivent au mieux dans le droit fil, on recourt à des
constructions plus complexes, où les pans de tissu sont orientés dans la direction
des efforts. Les coupes orientées réclament plus de main-d’œuvre et sont
naturellement plus onéreuses. La plus répandue est la coupe triradiale, dont les
panneaux sont orientés vers le point de drisse, le point d’amure et le point d’écoute.

LES VOILES TISSÉES


Quelle que soit la coupe, il demeure toujours des efforts s’exerçant
dans le biais du tissu. Aussi le tissage des voiles est-il compact et serré,
toujours dans l’objectif de réduire les déformations.
Les voiles « plates » ordinaires sont composées de polyester
tressé 21. Le polyester basique est utilisé pour les voiles de grande série,
pour une meilleure tenue dans le temps on lui préfère le polyester haute
ténacité, dont la dénomination commerciale la plus connue est le Dacron
de Dupont de Nemours.
Lorsque le Dacron est destiné à des voiles de régate, le tissu reçoit
une enduction polyester qui bloque les fibres entre elles et limite les
déformations. En contrepartie, l’enduction est relativement cassante, et
fragilise le tissu aux plis : c’est la raison pour laquelle certains coureurs
préfèrent rouler leurs voiles lorsqu’ils les dégréent. Ces voiles sont aussi
plus sensibles au faseyement et au ragage. Une simple imprégnation de
polyester convient mieux aux voiles de croisière.

LES VOILES LAMINÉES


Les matériaux laminés emprisonnent entre deux parois de taffetas ou
de film polyester (Mylar) des fibres à haute résistance orientées
principalement dans le sens de la chaîne, des fibres secondaires
apportant une tenue moindre en trame et dans le biais. Ces matériaux
laminés sont utilisés dans des coupes orientées, pour des voiles
destinées à la performance ou des programmes de navigation au long
cours.

LES MEMBRANES
Nous sommes là dans le domaine de la performance résolue et du
très haut de gamme. Les fibres à haute résistance (Kevlar, Technora,
Dyneema ou Spectra, carbone) ne sont plus tissées, mais disposées par
drapage dans le sens des efforts. Elles sont choisies sur des critères de
faible allongement et de légèreté. On assemble éventuellement des
fibres différentes, de façon à améliorer la tenue d’ensemble aux UV, au
pliage, au faseyement, et à la déformation sous charge. Les membranes
sont fabriquées et laminées à plat, puis les panneaux sont découpés et
assemblés par collage, les pinces assurant la forme de la voile comme
sur une coupe horizontale classique. Dans une approche encore plus
élaborée, grâce à des procédés que ne maîtrisent qu’une poignée de
voileries dans le monde, les membranes sont directement réalisées en
volume : les voiles sont d’une seule pièce, et les fibres conservent leur
continuité.

Trois types de construction. Dans la coupe horizontale, ou cross-cut, la trame est


placée dans le sens des tensions maximales. Les panneaux d’une coupe triradiale sont
plus précisément orientés dans le sens des efforts. Dans une voile à membrane les
fibres orientées sont « drapées » sur un support, film ou taffetas.

LES SPIS
Le tissu employé pour les spis est le plus communément du
polyamide (nom commercial Nylon), qui associe les qualités de légèreté,
de résistance à l’abrasion et au pliage. Sa faible résistance à la
déformation condamne en revanche le Nylon pour les voiles de près. Il a
tendance à stocker l’humidité, c’est pourquoi il est souvent enduit. Un spi
qui a trop faseyé perd son enduit, devient poreux et perd par conséquent
de son rendement. Cela se contrôle en plaquant un morceau de tissu
devant sa bouche pour aspirer ou souffler au travers. Le polyester, plus
léger, plus raide, moins résistant et plus coûteux, est réservé aux voiles
de portant haut de gamme.
Les spis modernes sont taillés dans une coupe orientée, de façon à
ce qu’ils conservent leur forme à l’effort. La coupe iso-cut (ou V-cut,
selon la terminologie des voileries) comporte des panneaux verticaux
dans le milieu de la voile, pour une meilleure répartition du creux. Sa
variante simplifiée, la star-cut, est destinée aux spis de brise étroits ou
aux petites unités.

Avec la généralisation du dessin des voiles par ordinateur, la coupe


triradiale a cédé du terrain à la coupe iso-cut. La star-cut est une simplification de la
précédente, par suppression des panneaux verticaux au cœur du spi.

VÉRIFIER ET ENTRETENIR LES VOILES


Comme la peau humaine, la voile est sensible aux ultraviolets, mais
elle ne sait pas se défendre toute seule. Sans taud de protection (pour la
grand-voile), sans bande anti-UV (pour le génois sur enrouleur), une voile
vieillit très vite.
Pour éviter que la voile rague, garnir de cuir les endroits où elle
appuie (extrémités de barres de flèche, têtes de chandeliers, etc.). On
peut aussi poser sur la voile un renfort de protection là où elle porte : se
procurer en voilerie du Dacron autocollant (Insignia), repérer et marquer
les zones où la grand-voile s’appuie au portant sur les extrémités de
barres de flèche ; découper des patchs ronds proprement dessinés au
moyen d’une assiette ou d’un saladier ; mettre en place.
Une voile en tissu n’aime pas : être chargée de cristaux de sel ; battre
violemment ou longtemps dans le vent ; être traînée sur du sable ou sur
un sol en ciment ; être stockée quand elle est mouillée (sinon des points
de moisissure font leur apparition et le tissu, en particulier celui des spis,
perd peu à peu ses qualités mécaniques) ; être rentrée en force et
bouchonnée dans son sac.
Elle apprécie le rinçage à l’eau de pluie (à défaut à l’eau douce) et
surtout un bon séchage avant le rangement au sec et à l’abri de la
lumière. Les taches de rouille et les salissures peuvent s’enlever avec des
produits spécialisés. Pour les taches de goudron, les frotter avec du
beurre, puis nettoyer la tache de beurre !
Pour plier une grand-voile (ou un génois portant des lattes sur la
chute), l’étaler sur le ponton. Un équipier se place au point d’écoute, un
autre au point d’amure, et ils réalisent des plis en accordéon. L’équipier
de la chute ne bouge presque pas, l’équipier du guindant avance peu à
peu. Une fois la voile pliée, le guindant est en zigzag et les lattes
disposées dans le sens des plis, toutes regroupées dans la même zone,
ce qui permet de replier l’ensemble en trois ou quatre dans le sens de la
longueur, pour le rangement ou le transport.
Pour plier un foc non latté, c’est l’équipier de guindant qui ne bouge
pas : tous les mousquetons se retrouvent au même endroit (et si c’est un
génois pour enrouleur, la ralingue sera de cette même façon repliée sur
elle-même). Ainsi cette voile d’avant sera-t-elle plus facile à installer et à
envoyer. Pour que le guindant se replie sur lui-même et que la chute
« avance », il faut réaliser des plis plus larges au guindant qu’à la chute.
Replier ensuite le boudin en commençant par le point d’écoute de
façon à garder le point d’amure à l’extérieur et mettre la voile dans son
sac sans forcer sur les pliures. Les sacs banane suppriment cette
dernière étape du pliage et sont plus faciles à faire passer par les capots
de pont. Ils sont très bien adaptés aux voiles enduites ou composites.

Le génois est plié en accordéon sur le ponton. Côté guindant les plis sont plus
larges, de façon à ce que les mousquetons soient placés les uns sur les autres.
L’équipier en charge de la chute fait des plis plus étroits, et c’est lui qui avance au fur
et à mesure. Ne pas hésiter au fil du temps à varier l’emplacement des plis pour ne
pas marquer et fragiliser la voile.

En navigation, après un changement de voile d’avant, on plie de la


même manière, en s’installant sur le passavant au vent, en arrière des
cadènes (voir l’illustration ►). Il n’y a aucune excuse, en dehors des
situations d’urgence, pour bourrer une voile dans son sac ou par le capot.
Au port, lorsque la propreté du ponton est douteuse, ou lorsqu’on est
accosté à un quai en ciment, on préfère plier ses voiles à bord.

Réparer une déchirure ou un accroc


Coudre dans un tissu moderne ne s’improvise pas. Dans les Dacron
enduits, les fibres sont tellement serrées qu’une aiguille triangulaire
risque de couper des fils et d’affaiblir encore plus la voile. Sans parler
des membranes, à travers lesquelles on ne perce pas impunément. La
technique ancienne de la videlle, qui consistait à réaliser rapidement un
point de fortune rapprochant les deux lèvres d’une déchirure, n’est plus
adaptée. On effectue une réparation provisoire avec des patchs
autocollants, en Insignia pour les voiles Dacron, en film renforcé pour les
membranes.
Le matériau, livré en panneaux, se stocke en rouleau sous emballage
imperméable et étanche à la lumière (pour le préserver de la dégradation
des UV), et se découpe à la demande. Tailler des empiècements
supérieurs à la déchirure, rincer et sécher la zone de collage (ou
dégraisser la voile avec de l’alcool) avant collage, en travaillant à plat sur
la table du carré ou un panneau de descente.
Mettre en boule le support détachable du matériau de réparation, et
l’utiliser pour frotter énergiquement la pièce : la chaleur réactive la colle.
Coller au verso une pièce de taille légèrement différente, de façon à ne
pas créer de point dur. Pour des déchirures importantes, ou dans des
zones très sollicitées, on peut superposer plusieurs empiècements, de
taille croissante : chaque pièce superposée à la précédente va chercher
« plus loin » les efforts sur la partie saine de la voile.
Les petits accrocs dans les spis se réparent facilement avec un Nylon
adhésif de faible largeur, communément baptisé « scotch à spi ».
À la première occasion, la voile est amenée en voilerie pour une
réparation professionnelle et définitive.
L’ACCASTILLAGE ET L’ÉQUIPEMENT DE PONT
LES CAPOTS DE PONT ET LES HUBLOTS
Les capots de pont ont trois ennemis : les bouts qui se coincent près
des charnières à la fermeture ; les grands coups de bottes que leur
assènent de vigoureux équipiers pour les fermer ; l’acétone que d’autres
utilisent pour les nettoyer de leurs taches de peinture. L’acétone
(ennemie que le capot partage avec son voisin le hublot) craquelle le
Plexiglas et le transforme en verre cathédrale – fort poétique au
demeurant, mais en contradiction flagrante avec une des principales
qualités des capots et des hublots : la transparence.
Un capot doit être fermé ou entrouvert (au maximum à 90°) et
maintenu par ses chandelles. Rabattu à plat-pont, il est dangereux. Les
tibias et les côtes de certains équipiers en gardent un souvenir cuisant,
voire cassant.
Quand les joints de fermeture de capot vieillissent, les remplacer par
des pièces détachées fournies par les fabricants : ces joints sont faciles
à poser.
Quant aux joints qui assurent l’étanchéité avec le pont, leur pose est
plus délicate et ne s’improvise pas : il y a des sous-couches d’accroche à
passer, une épaisseur de joint minimale à respecter, une visserie assez
particulière à employer. Ne pas hésiter à demander conseil avant de se
lancer.
Le Plexiglas rayé superficiellement se rénove par ponçages avec des
feuilles de papier de verre de plus en plus fin, entrecoupés de rinçages
abondants. On finit par un polissage et un lustrage. En cas de fissures ou
de ruptures récurrentes (le Plexiglas se fend quand les vis sont trop
serrées), on peut remplacer le Plexiglas par du Makrolon, un
polycarbonate beaucoup plus solide qui se plie à froid sans casser et
résiste à des chocs très violents (les boucliers de CRS sont en Makrolon).
Malheureusement, il devient légèrement opaque avec le temps, sauf si
on le protège des ultraviolets par la pose d’un film adéquat.

LES LIGNES DE VIE


On y accroche le mousqueton de son harnais pour se déplacer en
sécurité de l’arrière à l’avant du bateau. Le câble métallique roule sous
les pieds, il mérite d’être oublié. On préfèrera la sangle plate de
polyamide (Nylon), un matériau relativement élastique. En cas de chute à
la mer, l’allongement de la sangle la préservera de la rupture.
Choisir une position relativement centrale pour les lignes de vie, pour
que les chutes éventuelles se fassent à l’intérieur des filières et non dans
l’eau, mais ce n’est pas toujours possible ni pratique. Selon la
configuration du pont, on est parfois obligé de fractionner la ligne de vie
en plusieurs tronçons, un sur le rouf, un autre en avant, parfois un autre
en travers à l’arrière du bateau. Tout point du pont doit pouvoir être
atteint par un équipier amarré, même s’il doit s’amarrer à la ligne de vie
suivante avant de se larguer de la première – aussi les longes des harnais
sont-elles munies de deux mousquetons. Dans le cockpit, on a intérêt à
installer des padeyes, dont un immédiatement à la sortie du rouf, pour
éviter d’avoir à se pencher en abord pour s’amarrer sur les lignes de vie.
Un montage à proscrire : les mouvements de la poulie et de sa manille de fixation
vont à la longue blesser la sangle de la ligne de vie et la fragiliser.

Comme sur une chaîne, la résistance de la ligne de vie ne vaut que ce


que vaut son plus faible maillon. En bout de ligne, les boucles sont
soigneusement cousues et les fixations en adéquation avec la tension de
rupture de la sangle. Pour les fixations sur le pont, les padeyes sont
préférables aux pitons à œil – qui supportent très mal les tractions
latérales et blessent les pieds. Pour amarrer la ligne de vie, nul besoin de
manilles : un nœud de tête d’alouette d’un côté, un transfilage
correctement échantillonné de l’autre sont suffisants – le transfilage
permet aussi de régler la tension de la ligne.
Les padeyes de ligne de vie ne servent à rien d’autre qu’à la ligne de
vie. Frapper autre chose dessus risque de diminuer sa solidité. Ainsi ne
faut-il pas fixer une ligne de vie sur un ancrage de poulie. Utiliser les
pieds du balcon avant est aussi une mauvaise idée : en cas de démâtage,
si l’étai arrachait le balcon, on serait privé au plus mauvais moment de
tout moyen de sécuriser les déplacements sur le pont.
Comme toute chose en ce monde, une ligne de vie n’est pas
éternelle. Le polyamide, mouillé constamment et soumis aux ultraviolets
du soleil, vieillit vite. Il faut changer les sangles tous les 3 ans, et les
recycler éventuellement à des tâches moins essentielles que la sécurité
des équipiers.

LES FILIÈRES
Les filières peuvent s’amarrer sur les balcons avec des ridoirs si ceux-
ci sont assurés correctement (pour que la cage du ridoir ne se dévisse
pas). Attention, les contre-écrous peuvent se desserrer insidieusement
quand les filières sont soumises à des torsions et à des vibrations (au
port sous l’action des garants de défenses, en mer sous celle des
écoutes).
L’axe qui tient le ridoir sur le balcon est souvent assuré par un
anneau brisé enroulé de scotch pour qu’il soit protégé. On peut aussi
remplacer l’anneau brisé par une goupille aux bras correctement
rabattus. Un fourrage en cuir vaut par ailleurs tous les mètres de scotch
du monde.
Une promenade sur les pontons offre en général un spectacle
désolant de ridoirs non assurés (contre-écrous desserrés) ou d’anneaux
brisés en train de se faire la belle.
Pour éviter ces déconvenues, on peut préférer le montage suivant :
un écrou à œil, assuré par un contre-écrou et brêlé 22 sur l’anneau de
filière du balcon. Ce montage est sûr et la filière rapidement largable d’un
seul coup de couteau – quand on a besoin de remonter un équipier
tombé à l’eau, par exemple.
Brêlage d’une filière sur un balcon arrière. Le nœud est assuré par du ruban
adhésif.

LES WINCHS
Le bout doit arriver sur la poupée en formant un angle de 5° à 10°
avec la base du winch. Quand une poulie renvoie un bout vers le winch
sous un mauvais angle (juste perpendiculaire à l’axe du winch ou un peu
au-dessous), il faut déplacer la poulie ou modifier le calage du winch,
sinon il y a risque de surpatter. Sous tension, le tour qui surpatte appuie
sur les autres tours de bout, bloque le cordage sur la poupée et peut
provoquer de sérieuses difficultés au moment du virement de bord ou de
l’affalage du spi. Quoi qu’il arrive, ne jamais essayer de débloquer les
tours sous tension avec les doigts !
Cette écoute arrive au winch avec le bon angle. Les winchs à plusieurs vitesses
offrent différents rapports (deux le plus souvent : un par sens de rotation de la
manivelle). Celui-ci est équipé d’un self-tailing. Ce dispositif couronnant le winch à un
double rôle : il bloque le cordage, ce qui dispense de taquet ; il entraîne
automatiquement la drisse ou l’écoute lorsqu’on tourne la manivelle, ce qui libère une
main pour celui qui manœuvre.
Un cordage surpatté sur son winch. Les tours se chevauchent, il devient
impossible de border ou de choquer.

Que faire quand un cordage surpatte ? Si l’on ne parvient pas à


décoincer une écoute ou une drisse, il faut arriver à libérer le bout de sa
tension en amont du winch, et profiter du mou obtenu pour décoincer le
cordage : on utilise pour ça un autre petit cordage, dit « bosse ». Bosser
la manœuvre en faisant un nœud de bosse ou un nœud de Machard,
mettre la bosse en tension à l’aide d’un autre winch (au besoin en
guidant la bosse vers le winch avec une poulie ouvrante). Quand la
manœuvre coincée n’est plus sous tension, la libérer. Autre solution, la
seule envisageable en cas d’extrême urgence : le couteau.

Il existe plusieurs façons de bosser un cordage lorsqu’il a surpatté sur un winch.


Cette variante élégante et très efficace associe le principe du nœud de Machard (des
tours autobloquants) à un nœud de chaise. Ici, en mettant en tension la bosse noire,
on va pouvoir libérer l’écoute blanche et verte.

Surveiller et entretenir les winchs


Un winch s’entretient environ deux fois par saison.
Tout ce qui bouge à l’intérieur d’un winch doit être graissé. Mais au fil
du temps, la graisse vieillit, se charge de cristaux de sel, devient
collante : les pièces mécaniques manquent de graisse et le winch vieillit
mal ; sa manipulation est de plus en plus athlétique, une bonne partie de
l’huile de coude se perdant dans les frottements ; enfin, le winch devient
chaque jour plus dangereux, les cliquets peuvent rester collés et
provoquer de violents retours de manivelle.
Le diagnostic d’entretien d’un winch est simple : le faire tourner à
vide avec la main. Si l’on entend un seul clic très franc, tout va bien. Si
l’on entend presque aussitôt un deuxième clic, il faut entretenir le winch
(l’un des cliquets a tendance à coller !).
Démonter, nettoyer, graisser et remonter le winch ne présente guère
de difficultés, demande peu de matériel mais beaucoup de soin. Pour ne
pas perdre de pièces par-dessus bord, placer au fur et à mesure les
pièces démontées dans un seau. Si le winch est en abord (sur le côté) du
pont, placer un linge dans la filière.
Selon le modèle de winch (self-tailing ou non), le démontage est un
peu différent, mais toujours relativement simple. Si l’on a des doutes sur
le montage, on peut toujours photographier chacune des étapes du
démontage.

Retrait de l’axe central. Démontage du self-tailing.


Dépose de la poupée. Le dispositif d’entraînement de la
poupée, avec ses engrenages et ses
cliquets antiretour.

Nettoyer soigneusement les pièces avec du gazole, ou encore mieux


de l’essence, les sécher, les graisser très légèrement. La graisse doit être
assez fluide (utiliser de la graisse ordinaire diluée avec un peu d’huile ou
de la graisse spéciale pour winchs). Éviter le dégrippant : sur le moment
c’est très efficace, mais il dépose sur les axes une saleté infernale à
nettoyer et l’entretien suivant prendra beaucoup plus de temps.
Un cliquet et son ressort. Ne pas mettre de graisse en excès, au risque de créer
des amas avec le sel, qui corrompraient le fonctionnement du winch.

LES TAQUETS D’AMARRAGE


Les taquets d’un bateau de croisière sont souvent sous-
dimensionnés, leurs fixations peu résistantes. On s’en rend compte
quand on essaie de frapper deux aussières sur un taquet et que la place
manque, ou quand les fixations prennent du jeu après un coup de vent au
port.
Le jour où il faut se faire remorquer et qu’il y a de la mer, on regrette
– mais un peu tard – de ne pas avoir consacré un peu plus de temps à
ces pièces importantes.
Vérifier en tout cas régulièrement qu’ils ne prennent pas de jeu. Les
déposer si nécessaire et les remonter en supprimant le jeu – par exemple
avec de l’époxy chargé.
Le meilleur emplacement d’un taquet d’amarrage, en abord de la
coque, évite de faire passer les amarres par des chaumards qui usent les
bouts – surtout si elles sont élastiques, comme elles doivent l’être.
En l’absence de cale-pied ou de pavois à l’emplacement des taquets d’amarrage,
plus besoin de chaumards. Un martyr métallique protège la coque du ragage de la
pointe avant.

LA COQUE, LA STRUCTURE DU BATEAU


ET LES APPENDICES
Après un choc, les fissures et les délaminages sont à prendre très au
sérieux, surtout s’ils se situent près des zones qui travaillent le plus. Avec
le temps, les dégâts ne peuvent que s’étendre et mettre la sécurité du
bateau et de l’équipage en péril.

CONTRÔLER LA STRUCTURE

Les points à surveiller


Surveiller de près les points soumis à de fortes contraintes,
particulièrement après un talonnage. En cas de doute, consulter un
spécialiste.
Tous les points où s’exercent de fortes contraintes sont à surveiller
régulièrement sur la structure du voilier, et de façon systématique après un talonnage.

■ Les varangues
Les varangues sont les pièces qui forment l’ossature transversale du
bateau dans les fonds. Sur la partie supérieure de celles-ci, rechercher
les fissures du gelcoat 23. Ce n’est pas forcément très grave, mais les
fissures montrent que la varangue s’est suffisamment déformée pour
casser le gelcoat. Vérifier qu’il n’y a pas de décollement, de délaminage
ou de fissures aux points faibles : à proximité des anguillers (trous de
communication pour l’écoulement de l’eau entre les varangues) ou aux
extrémités de la varangue.

■ Les boulons de quille et les fonds du bateau


Les boulons de quille sont tenus par des écrous reposant sur des
rondelles. Un talonnage peut faire pivoter la quille vers l’arrière.
Conséquence possible : un enfoncement des écrous les plus en avant.
Observer de près la forme des rondelles et l’état du gelcoat. L’arrière de
la quille peut aussi enfoncer la coque vers l’intérieur, ce qui cause sur les
varangues les dégâts évoqués plus haut. Dans les deux cas, la coque
peut présenter un délaminage en deux ou plusieurs feuillets, ce qui
diminue considérablement sa résistance : les travaux de remise en état
seront importants.
Varangues et boulons de quille. Les rondelles ne doivent pas présenter de
déformation, ni les varangues de fissure, de faïençage ou de décollement. Penser à
bien vérifier que les anguillers ne sont pas bouchés.

■ Les reprises de cadènes


Dans le cas de cadènes de haubans « rentrées » (et non fixées au
bordé), des tirants assurent généralement la reprise des efforts sur la
coque. On les trouve au-dessus des banquettes du carré, et un tirant
similaire peut équiper la cadène de bas-étai, dans la cabine avant. Après
un talonnage, vérifier l’état de ces tirants et de leur fixation sur la coque,
les tensions sur le gréement très importantes au moment du choc
pouvant provoquer déchirures ou décollements. Si les cadènes sont
seulement reprises sur les cloisons intérieures, contrôler l’état de ces
dernières.
■ Repérer un délaminage
Enlever la couche de gelcoat en ponçant. Si le stratifié en dessous est
blanchâtre, il y a délaminage. Si le stratifié est vert translucide, il est
intact. Une différence de son au tapotage donne des indications, mais
c’est un contrôle insuffisant pour un stratifié épais, que seul un
spécialiste pourra vérifier correctement.

■ Le tube de jaumière
Le tube de jaumière permet à la mèche de safran de passer du fond
de la coque au plancher du cockpit. Il est situé dans un endroit peu
accessible, qui mérite des visites régulières.

La mèche de safran est insérée dans un tube de jaumière, ici coiffé d’un soufflet
d’étanchéité. Sur ce bateau gouverné par une barre à roue, on identifie très bien le
secteur de barre auquel sont fixées les drosses métalliques, ainsi qu’un deuxième
secteur, sur lequel se connecte le vérin du pilote automatique.

■ La chaise d’arbre
La chaise d’arbre maintient l’arbre d’hélice sous la coque. Quand un
bout s’est pris dans l’hélice, en contrôler la fixation.

Contrôler la corrosion
La corrosion est un mal insidieux. Son action est lente, mais elle met
la coque et l’équipement du voilier en péril. Il existe plusieurs formes de
corrosion, et quelques connaissances de base sont nécessaires pour s’en
prémunir.

■ La corrosion galvanique
La corrosion galvanique est produite par la différence
d’électropositivité entre les différents matériaux ou les différentes pièces
de la coque. Deux métaux plongés dans l’eau de mer forment une sorte
de pile électrique dans laquelle le courant électrique passe en rongeant
le métal le plus faible. Ainsi, le magnésium est rongé par le zinc, lui-
même rongé par l’aluminium, qui est rongé par l’acier… puis viennent,
dans l’ordre du rongé au rongeur : l’acier inox actif, le plomb, le cuivre, le
bronze (ou laiton), le nickel, le titane, l’argent, l’acier inox passif, l’or, le
graphite (ou carbone). Dans ce classement des métaux en fonction de
leur électropositivité, c’est celle du magnésium qui est la plus forte.
Le principe de la corrosion galvanique.

Pour qu’il y ait corrosion galvanique il faut que les métaux :


– Présentent une différence non négligeable d’électropositivité.
– Soient plongés dans un électrolyte (liquide conduisant l’électricité :
l’eau de mer en est un ; l’eau douce est relativement isolante si elle
contient peu de sels minéraux).
– Présentent entre eux un contact électrique. Le métal dont
l’électropositivité est la plus forte est rongé en premier. Il joue le rôle
d’anode et subit une électrolyse qui provoque la corrosion galvanique.

QUELQUES EXEMPLES DE CORROSION GALVANIQUE


Une hélice en bronze montée sur une coque en aluminium et en contact avec
elle via l’arbre d’hélice. L’hélice ronge la coque.
Une pièce en inox montée sur un mât en aluminium. La pièce ronge le mât.
Un arbre d’hélice en inox ronge le zinc d’une hélice en bronze (le zinc est l’un
des composants du bronze). L’hélice devient rouge, spongieuse et friable.
Une coque en carbone a très vite raison d’une pièce d’accastillage en aluminium
(non isolée).
Une chaîne galvanisée (recouverte de zinc) protège une coque en aluminium
mais, une fois usée, finit par l’attaquer.
■ Contrôler et prévenir la corrosion galvanique
Les bateaux sont très généralement pourvus d’anodes situées en
divers endroits : sur la carène, l’arbre d’hélice, en bout d’hélice, etc. Le
principal contrôle est simple, il faut observer les anodes : elles doivent
être attaquées, signe qu’elles préservent bien les pièces qu’elles ont à
protéger. Si elles ne sont pas attaquées, c’est qu’elles sont mal montées
(il faut qu’elles soient en contact électrique avec la pièce à protéger).
Autre possibilité : elles ont disparu ! Il faut les remplacer.
Sur un bateau en aluminium, au port ou au mouillage, il faut plonger
des anodes de zinc le long de la coque pour prévenir le risque de
corrosion liée à l’environnement (pontons métalliques, autres
bateaux, etc.). Il ne faut pas les suspendre avec de la garcette comme on
le voit parfois (!), mais avec un câble électriquement relié à la coque.
■ Changer une anode
Une anode se change quand elle est presque entièrement rongée. Il
ne doit pas y avoir d’interstice entre l’anode et la pièce à isoler : l’eau
pourrait y pénétrer et les rôles s’inverseraient. C’est l’anode qui
mangerait la pièce ! Il faut donc intercaler un isolant entre l’anode et la
pièce à protéger, la liaison électrique se faisant grâce au boulonnage.
Ce bateau porte deux anodes, sur l’arbre d’hélice et derrière l’hélice elle-même.
Cette dernière anode est sérieusement rongée, il est temps de la changer.

■ Montage de l’accastillage
Pour protéger les pièces d’accastillage et leurs supports (coque,
mât…), les pièces doivent être isolées les unes des autres, afin qu’un film
d’eau de mer ne se forme pas entre elles (on peut isoler une pièce en
inox posée sur un mât en aluminium avec du chromate de zinc en
bombe). Quant au rinçage des pièces d’accastillage à l’eau douce, il n’a
pas d’autre but que de chasser le film d’eau de mer qui se glisse entre les
métaux dont elles sont constituées.

■ La corrosion électrique
La corrosion électrique est une corrosion tout aussi redoutable que la
première et plus agressive, provoquée par une fuite du circuit électrique
vers la coque, peu à peu rongée par le courant qui la traverse (voir
« L’électricité » ►).
Pour épargner la corrosion électrique à un bateau en aluminium, le
moteur doit être isolé de la coque. Faute de ce montage, la carène d’un
Glénans 33 (coque en aluminium) s’est recouverte en 3 mois de
« piqûres » d’un bon millimètre de profondeur…

Les dégâts provoqués par une fuite électrique sur un bateau en polyester. En
l’occurrence, le problème venait d’un feu de route défaillant monté sur le balcon
avant. Toutes les pièces d’inox se sont corrodées et ont été envahies par la rouille. Il a
fallu, une fois la panne électrique corrigée, « repassiver » tous les inox à l’acide.

■ Autres types de corrosion


Il existe bien des genres de corrosion, dont la corrosion par piqûres,
pour ne citer qu’elle, qui se produit sur une pièce d’aluminium non peinte
ou non anodisée. Le mode de développement de ce type de corrosion
permet d’ailleurs de comprendre pourquoi toutes les pièces métalliques
où stagne l’humidité marine sont en danger.
La corrosion progresse par différence de potentiel entre le fond de la cavité et son
pourtour.

La corrosion par piqûres se produit sans qu’il y ait circulation du


courant entre deux métaux. En effet, l’intérieur d’une cavité et son
pourtour n’ont pas le même potentiel électrolytique, et cela suffit pour
qu’une goutte d’eau qui stagne sur une microcavité finisse toujours par y
creuser son trou.
Pour protéger l’aluminium de la corrosion par piqûres, il faut le
peindre, ce qui réclame six petites opérations seulement : 1 – nettoyage,
2 – dérochage (avec de l’acide phosphorique), 3 – rinçage à l’eau douce,
4 – séchage, 5 – application de chromate de zinc, 6 – peinture.
Une coque de voilier en aluminium est cependant d’un alliage qui
résiste bien à ce type de corrosion et elle peut rester sans peinture sans
que cela pose de problème particulier – autre que la question esthétique,
objet de débats par ailleurs ! Si l’on se décide à la peindre, il faut savoir
que les limites de peinture, angles et autres recoins de la coque et du
pont, sont très sensibles à ce type de corrosion qui ne manquera pas de
faire des cloques sous la peinture. Il conviendra de poncer les cloques
avant de procéder aux six petites opérations précédemment énoncées.

CONTRÔLER L’OSMOSE
L’osmose est un phénomène qui s’attaque à la carène des coques en
verre polyester, matériau qui n’est pas réellement étanche à l’eau. Celle-
ci le pénètre très lentement, un peu comme une éponge. Les
microcavités du stratifié de la carène ont une fâcheuse propension à
gonfler sous l’effet de la pression osmotique. Faible mais constante, la
pression osmotique est due à un phénomène physique qui veut qu’un
liquide peu concentré ait tendance à migrer vers un autre plus concentré
pour le diluer. Or, dans les cavités du plastique, des molécules issues de
la fabrication créent un milieu très concentré, vers lequel l’eau même
salée a tendance à migrer. Le phénomène est analogue à celui qui se
produit quand on trempe la chair d’un poisson dans l’eau douce : celle-ci
dilue l’eau salée contenue dans la chair du poisson, fait éclater ses
cellules et dénature sa texture – et provoque les foudres de tout marin
pêcheur qui se respecte. Sous la pression, des cloques (visibles à la
surface du gelcoat) font leur apparition. Localisées sous le gelcoat, elles
peuvent également se développer plus profondément, endommager le
stratifié et compromettre à terme la solidité de la coque.
Heureusement, l’osmose se traite. Enlever les couches atteintes par
l’osmose et sécher la coque, ce qui est très long, et prend quelques mois.
Effectuer ensuite les éventuelles réparations, poser un revêtement
isolant (en général à base d’époxy). Lisser parfaitement la surface de la
carène et poser l’antifouling 24.
Un contrôle visuel permet généralement de détecter les cloques,
mais on peut faire mesurer le taux d’humidité de la coque au moment de
l’hivernage. Au-delà d’un certain taux d’humidité, il y a risque d’osmose.
Peut-être faut-il traiter la coque préventivement. Cela dit, tant qu’il n’y a
aucune cloque visible, sa solidité n’est pas affectée.

CONTRÔLER LES APPENDICES : LA QUILLE ET LE SAFRAN


La quille est boulonnée sous la coque. Entre les deux, un joint
élastomère écrasé par le boulonnage, qui évite tout débattement. Si, à
l’occasion d’un échouage, on constate que le joint est ouvert, c’est très
probablement que la quille a subi un choc. Mieux vaut faire contrôler le
bateau par un spécialiste.
Aujourd’hui, la plupart des voiliers sont équipés d’un safran
suspendu. L’état de la mèche, à la sortie de la pelle, doit être contrôlé
tous les ans. Dans les aciers spéciaux et très résistants des mèches, une
sorte de corrosion caverneuse peut venir affaiblir le métal à l’endroit où il
travaille le plus.
Le safran est constitué de deux peaux enveloppant une mousse à
cellules fermées, qui malgré tout se charge fréquemment d’eau. En soi,
ce n’est pas un drame. On peut faire un petit trou à l’extrémité inférieure
du safran, laisser s’écouler l’eau et reboucher le trou.
L’extrémité arrière des safrans présente une section carrée ou en
pente pour éviter les tourbillons alternatifs. Ne surtout pas arrondir cette
partie du safran, sinon on l’entendra vibrer à grande vitesse.

RÉPARER AVEC DE LA RÉSINE POLYESTER


La simplicité des réparations est l’un des grands avantages du
polyester. On peut réparer soi-même les éclats de gelcoat et même, si le
cœur y est, des avaries un peu plus importantes – un trou dans la coque
creusé par un ponton trop agressif, par exemple.
Quant à l’époxy, on verra qu’il faut le réserver aux petites réparations
de fortune.

LA RÉSINE
La résine polyester est formée de longues chaînes de molécules,
s’assemblant entre elles par des liaisons sous l’action d’un catalyseur
dosé à 2 % environ (du PMEC ou MEC : peroxyde de méthyléthylcétone).
En s’assemblant, les molécules de polyester n’utilisent pas toutes les
liaisons disponibles, aussi une réparation sur de l’ancienne résine poncée
adhère-t-elle parfaitement. Cette réaction chimique dégageant de la
chaleur, on la dit « exothermique ».
Les équipements indispensables pour travailler avec de la résine ou poncer du
polyester, produits hautement toxiques et nocifs pour la peau et les poumons :
combinaison de protection, masque à cartouche, gants. Les chaussures sont aussi de
rigueur.

La résine polyester se comporte comme un ciment : employée seule,


elle ne résiste guère à la flexion. Comme pour le béton armé, renforcé
par des tiges de fer, on adjoint à la résine de la fibre de verre pour
conférer à l’ensemble une grande résistance mécanique. Le béton armé
comme la résine armée sont donc des matériaux composites formés de
deux constituants : fibres (acier ou verre) et « matrice » (béton ou résine).
Ce couple matrice-fibres est commun à de nombreux matériaux
composites : les adobes (les briques de terre et de paille, presque aussi
vieilles que l’humanité), le béton armé, le verre-polyester, le carbone-
époxy, etc.
Il existe deux grands types de résine polyester. La résine isophtalique
utilisée pour les gelcoats, plus étanche, plus solide et un peu plus chère,
est chargée de pigments qui la colorent et la protègent des ultraviolets
(auxquels toute résine polyester est sensible). La résine orthophtalique
est communément utilisée pour la construction. Le diluant des résines
est le styrène, qui leur donne cette odeur si prégnante.
On se sert aussi en construction de la résine vinylester, plus solide et
relativement plus étanche à l’eau que la résine polyester – dotée du
grand avantage de dégager moins d’odeur.
La prise de la résine ne se fait pas à l’air libre, aussi la résine de
réparation est-elle additionnée de paraffine. En migrant vers l’extérieur,
celle-ci isole la résine de l’air au moment de la polymérisation. D’autres
charges peuvent être ajoutées à la résine : de la silice pour faire du
mastic polyester (bien connu des carrossiers), des fibres pour réaliser de
la choucroute polyester (destinée à boucher les trous, faire des
chanfreins, etc.), mais aussi des agents de thixotropie, qui rendent la
résine moins coulante au moment des réparations, ou de l’accélérateur
(oxyde de cobalt) qui réduit le temps de prise. On ne s’étonnera donc pas
de lire sur une boîte de résine : « Résine orthophtalique de réparation
pré-accélérée, paraffinée et thixotropée » !
On évitera d’accélérer soi-même la résine pour qu’elle prenne plus
vite… le mélange accélérateur-catalyseur est un explosif.

LE TISSU
Le tissu de verre se présente sous différentes formes : mat, tissé,
directionnel. Le mat est constitué de courtes fibres de verre : il évite les
interstices de résine pure et cassante entre les couches tissées. Aussi
une réparation polyester doit-elle alterner mat et tissé (elle commence et
se finit par du mat). Un tissu constitué de fibres longues est plus
résistant que le mat (comme le contreplaqué est plus résistant que
l’aggloméré), mais sans mat intercalé, les couches de tissu ont tendance
à se séparer sous la contrainte (à se « délaminer »).
Il existe plusieurs sortes de tissu : le taffetas (tissé comme une toile
ordinaire), le sergé, le satin, etc. Plus les fibres sont orientées dans le
sens de l’effort, meilleure sera la résistance à la traction. Dans un
stratifié, les fibres se comportent comme des ressorts qui s’étendent
sous traction en déformant légèrement la matrice (on parle
d’embuvage).

La déformation des fibres d’un tissu sous l’effet de la traction est due au
croisement des fibres. Elle est faible pour le sergé et le satin, nulle
pour l’unidirectionnel.

Certains « tissus » n’en sont pas réellement : les fibres ne sont pas
tissées mais disposées en couches dans des directions données (on
parle d’unidirectionnel ou UD, de bidirectionnel, etc.). Les couches sont
liées entre elles par des fils de couture très fins. Ce genre de « tissu »,
destiné à résister à des tractions de direction déterminée, est de plus en
plus employé dans la construction des voiliers. On l’utilise pour certaines
pièces, notamment des zones ou renforts de la coque ou du pont, qui
sont ainsi plus solides, plus légères et plus raides.
Les tissus se stockent dans leur emballage initial et à l’abri de
l’humidité. Les fibres et les tissus de verre stockés dans un lieu humide
perdent en effet peu à peu leurs propriétés (ils perdent environ 25 % de
leur résistance initiale à la rupture s’ils sont stockés pendant 3 mois à
65 % d’hygrométrie). En outre, si le tissu est humide, l’accroche sur la
matrice sera de mauvaise qualité.

ET L’ÉCOLOGIE ?
Depuis les années 2010, les expériences de construction de voiliers à base de
« composites biosourcés » se développent. Les fibres végétales – en particulier le lin,
mais aussi le chanvre, le jute, la fibre de coco – sont à l’honneur. Des essais ont été
réalisés avec des résines composées pour moitié de sève de pin, mais sans pouvoir
encore éliminer totalement le recours au polyester.

Six tissus utilisés en fabrication ou en réparation. De gauche à droite et de haut


en bas : 1 Tissu mat (fibre non tissée), bonne résistance en compression, utilisé pour
des réparations ou pour la construction de coque polyester en alternance avec le
roving. 2 Tissu roving (fibre de verre de tissage taffetas), résistance mécanique en
traction et flexion, utilisé pour des réparations ou pour la construction de coque
polyester en alternance avec le mat. 3 Tissu mat-roving, deux tissus à stratifier en
même temps permettant un gain de temps. 4 Tissu sergé, souple, utilisé pour des
formes complexes. Plus les formes à stratifier présentent des courbures prononcées,
plus le tissu doit être de grammage réduit. 5 Tissu bi-biais formé de couches de fibres
unidirectionnelles, orientées à plus ou moins 45°. Il répartit les efforts sur une plus
grande longueur. Il peut par exemple être utilisé en bande pour stratifier en interne et
en externe les bouchains d’une coque en CP. 6 Tissu d’arrachage. En nylon, il permet
en fin de réparation d’arracher la peau de la résine, sinon, il faut poncer avant toute
autre stratification ou peinture.
RÉPARER UN ÉCLAT DE GELCOAT
Pour combler un éclat sur le stratifié, on utilise du gelcoat de
réparation. Avec du gelcoat de moulage, c’est-à-dire non paraffiné,
recouvrir la réparation d’un film plastique, de façon à ce qu’il prenne.
Poncer le trou de l’éclat de gelcoat ou ouvrir la fissure avec une griffe.
Nettoyer soigneusement à l’acétone. Appliquer le gelcoat catalysé. S’il
coule trop, l’épaissir avec de la silice ou procéder en plusieurs passes.
Après la prise (au bout de 2 à 3 heures), poncer avec du papier de verre
de grain 80, puis du papier de verre de plus en plus fin, jusqu’au
grain 600. Rincer à l’eau douce à chaque changement de papier de verre
et veiller à ne pas rayer le gelcoat autour de la réparation (surtout au
début du ponçage, quand le grain est gros 25). Passer enfin de la pâte à
polir, jusqu’à ce que la réparation devienne invisible…

RÉPARER AVEC DU VERRE POLYESTER

Les principes de base


La polymérisation de la résine fraîche la fait adhérer à l’ancienne
résine et assure une continuité dans le matériau. Mais les fibres de verre
ne se raboutent pas aussi facilement, il faut pour cela utiliser la
technique du scarf (ou enture).
Explications. Quand on colle deux morceaux de bois bout à bout, il y a
discontinuité des fibres : même avec une très bonne colle, la réparation
cassera. Mais si la jonction se fait avec un biais (pour du bois la longueur
du biais doit être d’environ dix fois l’épaisseur de la pièce), avec une
bonne colle la réparation est aussi solide que le matériau d’origine, car
les fibres sont collées l’une à l’autre sur une longueur suffisante.
Pour du stratifié polyester, le biais est au minimum de quinze fois
l’épaisseur de la pièce. Sur une coque de bateau de 4 millimètres, le
scarf sera d’au moins 15 × 4 = 60 millimètres.
Il ne faut pas réparer en faisant « plus solide qu’avant », au contraire.
On créerait un point dur et le stratifié casserait juste à côté. En revanche,
il faut repérer quel type de tissu a été employé à la construction et se
servir de matériaux de même nature – surtout s’il s’agit d’un tissu spécial
comme le directionnel.

La réalisation d’un scarf sur un bordé en bois.

Réparation d’une coque polyester. On commence par un mat, puis un rowing,


etc., et on finit par un mat. L’épaisseur totale doit être légèrement supérieure à celle
de la pièce à réparer. Ensuite on ponce en laissant de la place pour le nouveau
gelcoat. Penser à protéger sur les bords le gelcoat existant.
Avec du sandwich 26, plusieurs cas peuvent se présenter, mais le principe
demeure le même. Un morceau d’âme doit être collé bout à bout, mais le stratifié
doit être réparé avec un scarf.

Conseils pratiques
Avant de commencer, penser à son environnement de travail (le
temps ne doit être ni trop humide ni trop froid). Se munir de pinceaux,
chiffons, diluant, gants, protéger la zone de travail (carton, journaux). Se
servir d’un récipient large et plat pour la résine (elle prend trop vite dans
un pot conventionnel à cause de la chaleur dégagée par la réaction
chimique). Si la pièce à stratifier est grande, choisir de la résine long pot
life. La quantité de résine est d’environ une fois et demie le poids des
tissus, mais il vaut mieux la préparer en plusieurs fois si la pièce à
réparer est grande. Commencer en plaçant de la résine sur le haut de la
pièce – une partie de la résine va descendre de toute façon. Tapoter le
tissu avec le pinceau, les poils bien perpendiculaires à la stratification :
ce geste chasse les bulles, garde le tissu en place et élimine l’excédent
de résine vers le dessus du stratifié. S’il fait chaud, il faut se hâter sans
précipitation – mais faire vite quand même ! Dès que la résine commence
à prendre dans le récipient, faire un nouveau mélange dans un autre
récipient (en réutilisant l’ancien, ça ferait des grumeaux). Finir par un
tissu d’arrachage pour un meilleur aspect extérieur – le tissu d’arrachage
permet aussi et surtout de ne pas poncer, lorsqu’on prévoit de stratifier
un autre élément sur la stratification que l’on vient de réaliser, ou
lorsqu’on veut peindre.

RÉPARER AVEC DE L’ÉPOXY ?


Réparer une avarie sur un bateau en polyester avec de l’époxy, il faut avouer que
c’est très tentant ! L’époxy est en effet beaucoup plus solide (et aussi plus cher) que
la résine polyester. Mais c’est en général une erreur. La résine époxy est une colle
qui adhère effectivement bien sur le polyester, mais la réparation crée une
différence de rigidité qui affaiblit l’ensemble. En outre, on ne peut plus utiliser de
résine polyester sur une réparation en époxy : la résine polyester n’y adhère pas ou
très mal.
En revanche, l’époxy peut être très utile pour les réparations de fortune.
Certaines variétés vendues sous forme de pâte à mélanger (résine + durcisseur) ont
la particularité de prendre sous l’eau (elles durcissent aussi hors de l’eau !). Disposer
de ce type d’époxy à bord est donc un gage de sécurité.

Sur le pont (retourné) d’un voilier en construction, stratification de renforts au


pinceau. On distingue bien les pavés de balsa qui constituent l’âme du sandwich.

L’ÉLECTRICITÉ
Quand elle a fait son apparition à bord des voiliers, la fée électricité
avait le mal de mer : l’envers du tableau électrique ressemblait à un plat
de spaghettis bolognaise, les fuites et les pannes étaient monnaie
courante – d’aucuns rêvaient en silence de lampe à pétrole et de bougie.
Aujourd’hui, tout va mieux. Mais le circuit électrique n’en demande pas
moins soins et compétences, le voilier étant de plus en plus dépendant
de l’électricité pour le confort et la navigation, mais aussi pour les
équipements utiles à la sécurité. Cependant, ce que la technologie a
gagné en performance et en efficacité, elle l’a en partie perdu en
simplicité. Pour entretenir et surveiller l’électricité du bord, la
connaissance de certains principes et particularités des circuits
électriques d’un voilier est indispensable. Après quelques pages sur le
sujet, ce chapitre se consacre ensuite au bilan énergétique du voilier, à
son amélioration et à la gestion du parc de batteries et des recharges du
bord. Enfin, le lecteur découvrira quelques moyens de détecter les
pannes les plus courantes et d’y remédier.

LES CIRCUITS ÉLECTRIQUES

Particularités du circuit électrique sur un bateau


Le bateau est en mouvement, l’atmosphère y est humide et saline, ce
que n’apprécient guère les circuits électriques en général : les
mouvements provoquent des faux contacts ; le milieu salin, qui est
conducteur, engendre des fuites et de l’oxydation. Les circuits
électriques d’un bateau ont d’autres caractéristiques notables.

Le tableau électrique centralise l’alimentation des appareils du bord. Ce


voilier est équipé d’un témoin de charge (cadran circulaire au centre) qui fournit des
indications plus complètes et détaillées que le simple voltage donné par les jauges
classiques.

■ Par rapport à une maison


Dans une maison, où le courant électrique est alternatif et la tension
de 220 volts, l’alimentation d’une lampe de 24 watts crée une intensité
de 0,1 ampère dans le circuit. Pour alimenter la même lampe sur un
bateau, le courant continu de 12 volts nécessite une intensité de
2 ampères. Un fil de cuivre est un excellent conducteur, mais il a quand
même une certaine résistance. Pour qu’une trop grande partie de la
puissance électrique ne s’y perde pas en le chauffant (par effet Joule), le
fil sur un bateau doit être vingt fois plus gros que dans une maison, la
conductivité des interrupteurs et des connexions vingt fois supérieure,
les fusibles doivent laisser passer vingt fois plus de courant, et ainsi de
suite…
Autre différence entre le bateau et la maison, la question de la
sécurité s’y pose différemment. À la maison, la manipulation d’un
appareil électrique avec les pieds dans l’eau est extrêmement
dangereuse – et c’est encore plus vrai sur un bateau, quand l’appareil est
alimenté en 220 volts à partir d’un ponton –, mais avec du courant de 12
volts il n’y a plus rien à craindre. Avec du 24 volts non plus d’ailleurs,
mais la plaisance utilise plus volontiers le 12 volts, issu de l’industrie
automobile, ce qui lui permet de profiter de ses avancées
technologiques.

QUELQUES RAPPELS
À l’attention de ceux dont les cours de lycée consacrés à l’électricité sont un
peu loin, voici un petit dessin où le circuit électrique est comparé à un circuit d’eau.
La hauteur du château d’eau correspond à la différence de potentiel U exprimée
en volts (la tension). La quantité d’eau passant par le tuyau correspond à l’intensité
du courant I, exprimée en ampères. La puissance du jet à la sortie du tuyau
correspond à la puissance P, exprimée en watts. Le frein constitué par les
frottements à l’intérieur du tuyau correspond à la résistance R, exprimée en ohms.
On exprime les relations entre ces différentes quantités par les formules
suivantes :
P = UI
U = RI

■ Par rapport à une voiture


Sur une voiture, le pôle positif de la batterie est relié aux appareils
par du fil de cuivre, mais le retour vers le pôle négatif se fait par le
moteur et la carrosserie. Sur un bateau, ce montage est absolument
proscrit. Il pourrait provoquer des phénomènes de corrosion
électrolytique susceptibles de détériorer très sérieusement toutes les
parties métalliques en contact avec l’eau (arbre d’hélice, passe-
coque, etc., la coque elle-même sur les bateaux métalliques). Le montage
du circuit sur un bateau est dit « isolé ».

■ Les interrupteurs
Pour limiter les risques de fuite électrique (surtout sur les bateaux
métalliques), les interrupteurs bipolaires sont donc préférables – c’est-à-
dire ceux qui ferment en même temps le circuit négatif et le circuit
positif. Quel que soit le bateau, ce dispositif est d’ailleurs obligatoire pour
les batteries.

■ La taille des conducteurs


La taille des conducteurs est calculée en fonction de l’intensité : la
perte de tension due au circuit doit être inférieure à 3 %.
Voici une formule simple à retenir : la section du fil en millimètres
carrés doit être supérieure ou égale à 5 % de la longueur du fil multipliée
par l’intensité du courant qui le traverse. Ainsi, pour une lampe de
24 watts alimentée en 12 volts (intensité de 2 ampères), située à
12,5 mètres de la batterie (soit 25 mètres de fil) :
2
Section du fil = longueur × 5 % × intensité = 25 × 5 % × 2 = 2,5 mm ,
soit une section équivalente à celle d’un fil alimentant un radiateur
électrique dans une maison !
La qualité d’un circuit électrique ne dépend pas seulement des
conducteurs mais aussi des connexions et de l’ancienneté du fil. Voici un
exemple pratique pour contrôler son circuit : allumer le feu de tête de
mât, mesurer la tension aux bornes de l’ampoule et la comparer à celle
de la batterie. La différence entre les deux tensions doit être inférieure à
3 %. Les quelques formules ci-dessus permettent de mesurer la quantité
d’énergie perdue inutilement à chauffer l’intérieur du mât.
Une fois le diagnostic posé, et si la perte électrique est trop
importante, on peut remplacer l’ampoule de 24 watts du feu de tête de
mât par une ampoule à LED 27, car celle-ci fonctionnera avec une
intensité de 0,2 ampère au lieu des 2 ampères de la précédente : inutile
alors de remplacer le fil d’alimentation. En revanche, si le circuit est
2
prévu pour une ampoule à LED, le fil de 0,25 mm (le dixième de la
2
section du fil de 2,5 mm ) ne supportera pas les 2 ampères nécessaires à
une lampe à incandescence.
Ampoule de feu de tête de mât à incandescence, à gauche, et son homologue à
LED, à droite. À intensité lumineuse égale, les LED consomment dix fois moins que
les ampoules traditionnelles.

■ Les fusibles et les disjoncteurs


Un fusible ou un disjoncteur est destiné à couper le circuit si
le courant qui le traverse est supérieur à une limite fixée, de façon
à protéger le circuit d’une surchauffe pouvant le faire brûler.
L’intensité nominale d’un fusible doit être 1,25 fois supérieure
à l’intensité du courant du circuit qu’il protège. Ainsi, pour protéger une
lampe de 24 watts en 12 volts (2 ampères), le fusible doit être de
2,5 ampères (1,25 × 2 ampères). On préfère aujourd’hui remplacer les
fusibles par des disjoncteurs, qui coupent le courant quand le débit est
trop important et qu’il suffit de réenclencher une fois le problème résolu.

■ La couleur des fils


Il faut respecter la convention des couleurs pour les fils électriques.
Rouge pour le fil qui relie le pôle positif de la batterie à l’appareil, marron
ou noir pour celui qui le relie au pôle négatif.
Sur le moteur : marron pour le démarrage de l’alternateur ; bleu ciel
pour la pression d’huile ; rose pour la jauge du carburant ; violet pour le
circuit à instrument ; gris foncé pour le compte-tours ; jaune pour la
ventilation de la cale moteur ; jaune à bande rouge pour le circuit de
démarreur.

Les batteries
La batterie permet de stocker l’électricité sous forme chimique. Il
existe plusieurs types de batteries, très différentes les unes des autres :
celles des perceuses sans fil (batterie au Ni-MH), des téléphones
portables (batteries au lithium), des bateaux de course, des satellites,
etc. Les batteries les plus utilisées sur les voiliers de croisière sont des
batteries au plomb avec électrolyte (mélange eau et acide sulfurique)
dont la gamme est assez étendue : batteries sans entretien, de
démarrage et de servitude, avec un électrolyte liquide ou gélifié, ou inclus
dans des fibres (AGM).

■ La tension d’une batterie


Une batterie est dite de 12 volts par convention. Sa tension est
d’environ 13,5 volts quand elle est chargée et elle diminue au cours de la
décharge. Utile à savoir : si la tension de la batterie est supérieure à 13,5
volts, de 14 volts ou plus, c’est que la batterie est en charge (elle est en
train de se charger grâce au moteur ou au chargeur de quai).

■ La capacité d’une batterie


La capacité, exprimée en ampères-heures (Ah), est notée sur le corps
de la batterie. Une batterie de 100 ampères-heures peut théoriquement
fournir 5 ampères pendant 20 heures, 10 ampères pendant 10 heures,
etc. Cette capacité est toute théorique car, pour ne pas se détériorer
trop vite, une batterie ne doit pas se décharger au-delà de 80 % de sa
capacité (à ce stade, sa tension est d’environ 11,4 volts et il vaut mieux
ne pas descendre plus bas). Une batterie de 100 ampères-heures
chargée peut donc réellement fournir 5 ampères pendant 16 heures,
10 ampères pendant 8 heures, etc.
Pour la longévité de la batterie – c’est-à-dire pour qu’elle puisse être
chargée et déchargée le plus de fois possible –, l’idéal c’est de ne pas la
décharger au-delà de 50 %, à savoir la maintenir au-dessus de 12,1 volts.

■ La bonne batterie
Pour déterminer de quelle batterie on a besoin, il faut se procurer une
documentation précisant le détail de ses performances : combien de
cycles de charge et de décharge supportera-t-elle, quelle intensité
maximale fournit-elle et pendant combien de temps, quelle intensité de
courant de recharge supporte-t-elle, combien de temps peut-elle tenir
sans être chargée, etc.

■ La charge
Dans l’idéal, on charge avec un courant électrique dont l’intensité est
égale à 10 % de la capacité en ampères-heures de la batterie : à
10 ampères pour une batterie de 100 Ah par exemple. Compte tenu des
pertes, il faut fournir à la batterie 110 % de ses besoins en ampères-
heures : pour 80 Ah consommés, il faut charger 88 Ah, ce qui prend
8,8 heures. C’est très long ! Aussi régule-t-on le courant, pour réduire le
temps de charge. Un régulateur de charge est un instrument intelligent
et perfectionné qui découpe la charge en plusieurs cycles (cycle à
courant constant, puis à tension constante, puis de stabilisation – boost,
equalization, floating), ce qui réduit jusqu’à quatre fois le temps de charge,
améliore la capacité réelle de la batterie et augmente sa durée de vie.

■ L’installation
Une batterie doit en principe être placée dans un bac étanche (elle
contient de l’acide !), elle doit être ventilée (elle peut dégager de
l’hydrogène qui, combiné avec l’oxygène de l’air, forme un mélange
explosif), isolée de l’habitacle (elle peut dégager d’autres gaz toxiques),
sanglée (elle est très lourde : environ 30 kg pour 100 ampères-heures) et
son bac doit être muni d’un couvercle (la chute d’un outil sur les bornes
d’une batterie peut la faire exploser).

Produire de l’électricité
Le bilan énergétique ► permet de se faire une idée des besoins du
bateau. Pour produire l’électricité du bord et la stocker, plusieurs
solutions sont possibles, chacune d’elles ayant ses avantages et ses
inconvénients. Quel que soit le système choisi, la production doit
toujours être régulée avant que le courant ne parvienne aux batteries,
sous peine de les endommager. On aura recours à un spécialiste pour le
choix du système de régulation.

■ Le chargeur de quai
Un chargeur de quai possède au moins deux sorties, ce qui lui permet
d’alimenter indépendamment des packs de batteries de besoins et de
caractéristiques différents (moteur, service…). Alimentée par le quai ou
le ponton en 220 volts, l’installation doit être munie d’un disjoncteur
différentiel protégeant les équipiers des chocs électriques dangereux. On
commence par brancher sur le bateau, puis sur le quai. Pour débrancher,
on fait le contraire : d’abord le quai, puis le bateau.
Chargeur de quai et circuit 220 V.

■ L’alternateur
L’alternateur est un périphérique du moteur qui produit du courant
électrique.
La puissance de l’alternateur couplé au moteur du voilier est
comprise entre un tiers et un quart de la capacité du parc de batteries à
recharger.

■ Et la pile à combustible ?
Peut-être la pile à combustible s’imposera-t-elle un jour sur tous les
voiliers ? Elle produit de l’électricité à partir d’une réaction
électrochimique entre l’oxygène de l’air et un carburant (méthanol,
hydrogène…).
■ Ses avantages
Silencieuse, sans pièces en mouvement, sans entretien, peu
encombrante, la pile à combustible rejette beaucoup moins de CO2 et de
particules dans l’atmosphère qu’un moteur thermique. Les piles qui
fonctionnent à l’hydrogène ne rejettent que de l’eau !
Disponibles dans toutes les gammes de puissance (du milliwatt à la
centaine de kilowatts), elles sont d’un meilleur rendement que les
moteurs thermiques, et ce rendement demeure stable même quand la
puissance demandée à la pile décroît. Au moment où nous écrivons ces
lignes, le rapport entre électricité produite et quantité de carburant
embarqué est meilleur pour une pile au méthanol que pour un moteur
couplé à un alternateur.
Ainsi, quatre bidons de 15 litres de méthanol permettent d’assurer le
fonctionnement du pilote électrique, de la VHF, de l’électronique, etc.,
pour une traversée de l’Atlantique à bord d’un Mini-transat 6.50. Un
simple bouton on/off fait démarrer la pile qui, commandée par un
système électronique simple, peut aussi se mettre en marche toute seule
en fonction des besoins.
■ Ses inconvénients
La mise en place de la pile à bord demande quelques précautions :
elle doit être suspendue (à l’abri des chocs) dans un endroit sec (en
hauteur) et ventilé. Il faut assurer l’évacuation de l’eau qu’elle produit.
Certes, le rendement de la pile à combustible est meilleur que celui
d’un moteur thermique et elle rejette moins de CO2 dans l’atmosphère
(voire pas du tout en cas d’utilisation d’hydrogène). Mais son bilan global
de production électrique, du point de vue tant énergétique qu’écologique,
est moins favorable : le combustible est essentiellement produit grâce à
de l’énergie fossile (toutefois, une usine de production d’hydrogène à
partir d’énergie solaire a vu le jour en novembre 2008 au pays de
Galles) ; les matériaux qui composent la pile sont sophistiqués et doivent
être recyclés ; sa durée de vie est encore assez brève (de l’ordre de
3 000 heures). Enfin, une pile à combustible coûte relativement cher.
■ L’énergie renouvelable à bord
Éoliennes, panneaux solaires, hydrogénérateurs, respectent
l’environnement et assurent en partie l’indépendance énergétique du
bateau avec des avantages et des inconvénients divers.
Chaque jour, une éolienne produit environ 25 Ah, un panneau solaire
de 100 watts fournit en Bretagne entre 10 et 33 Ah selon la saison. Un
hydrogénérateur moderne développe 120 watts à partir de 5 nœuds de
vitesse ; sa traînée est quasi insignifiante. L’éolienne fait du bruit. Le
panneau solaire est très silencieux, mais ne fonctionne que de jour.
Quant à l’hydrogénérateur, il ne débite qu’en navigation. Toutes ces
ressources « propres » maintiennent les batteries en charge et
augmentent leur durée de vie. Grâce à elles, on peut, si l’on est
suffisamment économe, couvrir une bonne partie des besoins,
éventuellement emporter davantage d’appareils électriques.

L’éolienne débite au mouillage comme en navigation, mais son rendement est


médiocre aux allures portantes, où le vent apparent diminue.
Les panneaux solaires doivent être placés à des endroits du pont où le risque de
les piétiner est moindre.

FAIRE LE BILAN ÉNERGÉTIQUE DE SON BATEAU


Les deux tableaux ► présentent la consommation électrique de deux
voiliers pendant 24 heures – navigation de nuit comprise par conséquent.
Ces chiffres sont purement indicatifs, puisqu’ils dépendent du matériel
utilisé, dont les performances évoluent au fil des années. Il ne s’agit donc
pas d’une mesure exacte de la consommation d’un voilier, mais de la
présentation d’un principe de bonne gestion de l’énergie du bord. On ne
saurait d’ailleurs trop conseiller de faire systématiquement le tableau de
la consommation électrique de son voilier !

À bord de la Cigale
La Cigale est un voilier qui consomme chaque jour 135 Ah. Il a besoin
au minimum d’une batterie de 170 Ah (elle ne doit pas se décharger à
plus de 80 %), soit un temps de charge moteur de plus de 3 heures. Ce
temps peut être réduit si l’on fait tourner le moteur aux moments de forte
consommation (au début de la nuit par exemple), ce qui rechargera la
batterie, mais fournira aussi l’électricité du bord sans la vider – ce
principe reste valable sur tous les voiliers, même sur la Fourmi, surtout
s’il y a un ordinateur à bord.
Le tableau permet de repérer les gros postes de dépense
énergétique : ordinateur, réfrigérateur, feu tricolore à incandescence.
La colonne « intensité » montre qu’au moment où tous les appareils
sont allumés, la batterie débite environ 40 ampères : le fusible ou le
disjoncteur général de la batterie de service doivent donc être de 50
ampères (si l’on a bien suivi ce qui précède).

À bord de la Fourmi
La Fourmi est équipée d’une lampe à LED en tête de mât, de lampes
basse consommation à l’intérieur, choix dont on mesure l’influence très
positive sur la consommation électrique. Sur la Fourmi, on économise sur
tous les tableaux : l’ordinateur n’est plus branché sur un onduleur
transformant les 12 volts de la batterie en 220 volts, mais sur un
adaptateur de tension de 12 volts en 19 volts (c’est la tension dont il a
besoin ; l’idéal aurait été de trouver un ordinateur fonctionnant
directement en 12 volts) ; le mode « mise en veille automatique » a été
paramétré ; on a gardé le réfrigérateur en marche, bien que ce ne soit
pas nécessaire (si l’avitaillement est prévu en conséquence, des blocs de
froid suffisent pour les premiers jours), mais quelqu’un à bord avait des
médicaments à stocker au frais.
L’équipage de la Fourmi ne se sert ni du pilote automatique, ni du
radar, sa VHF n’émet pas et se contente de recevoir. En 24 heures, la
Fourmi consomme 47 Ah, soit 30 % seulement de la capacité de sa
batterie (la même que celle de la Cigale : 170 Ah) : il suffira d’un peu plus
de 1 heure pour la recharger avec le moteur.
Comme les deux bateaux sont en navigation, ni la Cigale ni la Fourmi
n’ont utilisé leur guindeau ce jour-là. Un guindeau de 1 000 watts a
besoin d’un peu plus de 80 ampères. En 3 minutes, il consomme 4 Ah,
soit 3 % de la consommation quotidienne de la Cigale, 9 % de celle de la
Fourmi. Mais l’usage du guindeau suppose que le moteur soit en route, de
façon à ce qu’il fournisse directement l’essentiel de l’énergie électrique :
les batteries ne sont pas toujours conçues pour débiter de telles
intensités sans s’abîmer.

VÉRIFIER ET ENTRETENIR L’ÉLECTRICITÉ DU BORD

Les connexions
La plupart du temps, ce sont les connexions qui portent la
responsabilité des pannes du circuit. Dans l’atmosphère humide et saline
du bateau, les fils de cuivre s’oxydent, deviennent noirs et cassants, ne
laissent plus ou laissent mal passer le courant. Aussi, au montage,
chaque extrémité de fil doit-elle être étamée (recouverte d’une mince
couche d’étain évitant l’oxydation). Le fil « aviation », étamé sur toute la
longueur, est à ce titre idéal pour le bateau.
Nettoyer les bornes et les cosses de batterie à la toile émeri à chaque
démontage et les recouvrir de graisse ou de vaseline après remontage.
Sur une batterie, la borne positive est un peu plus grosse que la borne
négative, pour garantir que la bonne cosse sera branchée sur la bonne
borne : on appelle ça respecter la polarité. Si elle n’est pas respectée (ce
qui arrive de temps en temps !), tous les appareils marcheront quand
même, sauf l’électronique du bord.
Toute nouvelle connexion se fait à l’intérieur d’une boîte de dérivation
(boîte étanche en plastique) avec des dominos ou des cosses vissées.
Faire pénétrer les fils par le bas de la boîte de dérivation pour éviter que
l’inévitable goutte d’eau ne la pénètre en se glissant le long du fil.
BILANS ÉNERGÉTIQUES
Repérer les pannes du circuit
Utiliser un multimètre pour mesurer résistance, voltage et intensité. À
défaut, une petite lampe 12 volts montée sur deux longs fils terminés par
des pinces crocodiles fera l’affaire. Cette sonnette (car tel est le nom de
ce petit appareil de fortune) permet de détecter les pannes. La brancher
sur les bornes de la batterie : elle doit s’allumer. La placer sur les bornes
positive et négative du tableau électrique, sur les bornes qui partent vers
l’appareil, puis à l’arrivée du courant sur l’appareil. Si la sonnette s’allume
partout et que l’appareil ne fonctionne pas, c’est lui qui est défectueux.
Sinon, c’est que le circuit est interrompu quelque part.

Les fuites de courant à la coque


Sonnette ou multimètre détectent également les fuites électriques
sur une coque métallique. Placer un fil sur une borne de la batterie et
l’autre sur la coque. Si l’ampoule s’allume, c’est qu’il y a une fuite de
courant sur la coque. On éteint alors tous les appareils et on les rallume
un à un pour déterminer le circuit responsable de la fuite : il s’agit de
celui dont la mise sous tension allumera l’ampoule. Le multimètre (réglé
en courant continu) s’utilise de la même façon mais il est beaucoup plus
précis et détecte les fuites les plus infimes.

On teste l’une des bornes de la batterie (la borne – par exemple) et la borne
opposée du tableau (la borne + par conséquent). On répète si nécessaire l’opération
aux autres bornes. Ici, la sonnette allumée témoigne que le conducteur reliant le + de
la batterie au + du tableau est bon. La sonnette restant éteinte signale que le
conducteur reliant le – de la batterie au – du tableau est défectueux.

Ajouter un appareil, modifier le circuit


Le circuit d’un tout nouvel appareil électrique installé à bord doit être
muni d’un fusible ou d’un disjoncteur adapté. Son absence pourrait
déclencher un incendie en cas de court-circuit (c’est arrivé aux Glénans
avec une pompe de cale automatique !).
Toute modification du circuit doit tenir compte des caractéristiques
précitées de l’électricité à bord d’un voilier : diamètre des conducteurs
en fonction de l’intensité prévue, branchement, analyse du bilan
énergétique.

Hiverner le circuit électrique


Retirer les verrines des lampes et les couvercles des boîtes de
dérivation pour éviter la condensation. Pulvériser éventuellement de
l’hydrofuge en bombe dans le tableau et sur les connexions. Charger
régulièrement les batteries en fonction de leurs caractéristiques
d’autodécharge. Retirer les piles des appareils, car elles gonflent, se
percent et répandent des produits corrosifs.

L’ÉLECTRONIQUE
Ce chapitre ne s’intéresse qu’à l’entretien courant des appareils
électroniques. On se reportera au chapitre 2 pour ce qui concerne leur
paramétrage ►.
Le milieu humide, salin et en mouvement n’est pas l’environnement
idéal pour la longévité de l’électronique du bord. Selon le cahier des
charges des GPS portables, ceux-ci sont censés tenir 1 heure sous un
mètre d’eau, mais c’est loin d’être le cas des autres appareils
électroniques. C’est donc cette caractéristique qui guidera le choix de
leur emplacement. Et même s’ils sont placés derrière un panneau, un
petit toit en feuille de plastique les protégera de la fameuse et inévitable
goutte d’eau de mer ou de condensation. Les répétiteurs de cockpit
seront protégés des chocs par un emplacement judicieux ou par une
protection en Plexiglas.
Au moment de l’hivernage, c’est en débarquant tous les appareils
qu’on leur garantira longue vie et bonne santé.
Autre règle importante : toujours mettre le circuit électrique général
en fonction avant d’allumer les appareils, jamais l’inverse.

LE SONDEUR ET LE LOCH-SPEEDOMÈTRE
Les capteurs du sondeur et du loch-speedomètre se trouvent sous la
ligne de flottaison, dans des passe-coques, généralement en avant de la
quille – à peu près au tiers avant de la carène. Le capteur du loch-
speedomètre peut et doit être régulièrement retiré du passe-coque : on
vérifie ainsi le fonctionnement de la roue à aubes ou à godets dont la
végétation sous-marine finit par entraver le mouvement – ce qui fausse
les données et la bloque parfois complètement.
Retirer un capteur d’un passe-coque est une expérience
impressionnante, car un geyser jaillit de l’orifice, mais ce n’est pas
dangereux. On aveugle la voie d’eau en y posant la main ou en utilisant le
bouchon livré avec le passe-coque : il est parfaitement adapté à son
diamètre. Il est plus que recommandé en tout cas de retirer tous les
capteurs des passe-coques et de les remplacer par leurs bouchons avant
de gruter le bateau, avant nettoyage au jet haute pression, et avant
échouage pour les dériveurs intégraux.
Une fois le capteur retiré, on a tout loisir de le contrôler et de le
nettoyer avant de le remettre en place. Pour contrôler l’aube du
speedomètre, souffler dessus : l’affichage monte à 15 ou 20 nœuds !
Avant de remonter un capteur, enduire son corps de graisse spéciale ou
encore de vaseline. Ça l’aide à glisser dans le passe-coque, lui évite de se
gripper, tout en assurant l’étanchéité du joint. Faute de cette précaution,
des suintements ou une petite fuite peuvent se produire.
On peut recouvrir d’antifouling le capteur du sondeur, ce qui
n’atténue pratiquement pas le signal (pas plus que des algues en tout
cas), mais jamais celui du loch-speedomètre, pour ne pas entraver le
mouvement de la roue à aubes.
Le câble du sondeur est un câble coaxial : l’erreur provoquée par une
modification de sa longueur est parfaitement négligeable, mais toutes les
jonctions doivent être particulièrement soignées.
Si la batterie est chargée et que sondeur et loch-speedomètre ne
fonctionnent pas, il est fort probable que la batterie est mal branchée et
que sa polarité n’est pas respectée. Si la polarité l’est, que la tension aux
bornes de la batterie est correcte et que ça ne marche toujours pas,
alors il faut vérifier la tension aux bornes d’alimentation des appareils. En
deçà d’une certaine tension en effet, leur fonctionnement est
compromis : et l’on sait que des pertes dans le circuit, à cause de
mauvaises connexions ou de fils oxydés, suffisent à faire baisser la
tension électrique.

Ce combiné loch-sondeur réunit les capteurs des deux instruments. D’autres


installations s’appuient sur deux capteurs séparés, logés chacun dans leur passe-
coque. Lorsqu’on remonte le loch, un repère ou un détrompeur permet de s’assurer
que la roue à godets est bien dans l’axe, faute de quoi les mesures de vitesse et de
distance sont erronées.

LA VHF
Vérifier le fonctionnement de la VHF en réception et en émission
avant toute croisière, en convenant d’un canal d’appel avec un voilier
ami, en appelant la capitainerie ou un sémaphore pour contrôle.
Contrairement à un usage répandu, le canal 16 n’est pas destiné à ce
type d’appel…
Si la VHF ne marche pas, faire comme pour le sondeur et le loch-
speedomètre : vérifier la polarité de la batterie et la tension aux bornes
de l’appareil.
Se souvenir que le fil de la VHF est équipé d’un petit fusible, ce qui
est une sage précaution car on peut vouloir brancher la VHF directement
sur la batterie pour qu’elle fonctionne encore quand tout est coupé. Avec
ce montage, le fusible est indispensable : il prévient le risque d’incendie
par court-circuit.
Un poste VHF transforme l’énergie électrique en énergie
électromagnétique émise par l’antenne. Vérifier que celle-ci est bien
branchée à la VHF, sous peine de griller l’émetteur.

LE GPS
Avant d’acheter un GPS, s’assurer qu’il dispose de la touche MOB
(homme à la mer). Prévoir des piles de rechange si c’est un GPS portable,
ainsi qu’une prise allume-cigare sur le tableau électrique s’il s’agit de
piles rechargeables. Même avec un GPS portable, une antenne extérieure
est utile, la réception des ondes à l’intérieur de l’habitacle pouvant être
gênée par le rouf.
L’antenne du GPS doit être placée à au moins un mètre au-dessus de
l’eau, dégagée sur 360° de la bôme et des autres portiques. Elle doit être
éloignée des antennes émettant des fréquences élevées (radar, VHF).
Quand on change l’antenne, il faut aussi changer le câble. Le faire passer
dans une gaine permet de le changer plus facilement.

Cet afficheur de cockpit est relié au GPS et à la centrale de navigation, et


peut délivrer les informations de n’importe quel capteur du bord. Il est équipé d’une
touche MOB (petit bouton rouge en bas à droite) qui marque la position de l’homme à
la mer et bascule l’afficheur en mode « Recherche ».

L’ORDINATEUR DE BORD
L’ordinateur, on l’a vu, est grand consommateur d’électricité, ce que
son système d’alimentation ne fait qu’aggraver. Il n’apprécie pas
l’humidité et la salinité, déteste les mouvements du bateau qui
soumettent à de fortes contraintes l’axe du disque dur en rotation rapide.
La navigation est sans doute l’un des usages justifiant pleinement le
remplacement des disques durs « classiques » par des mémoires flash
type SSD (Solid stade drive). Garder à l’esprit que la panne d’un ordinateur
ne prévient pas, même s’il est parfaitement entretenu. Il faut
impérativement prévoir une solution de repli (ordinateur de rechange,
tablette, ou cartes et documents papier).
Les logiciels de navigation ont atteint un degré de sophistication dont on ne
se lasse plus une fois qu’on y a goûté. Mais l’ordinateur n’est pas à l’abri d’une panne,
liée à l’alimentation électrique ou au système informatique lui-même.

LE COMPAS
S’il est un instrument de navigation qui reste toujours opérationnel,
même quand l’électricité fait défaut, c’est bien le compas. Aussi faut-il lui
vouer une vigilance toute particulière, l’entretenir et le régler avec soin :
veiller à sa régulation (mesure des écarts entre cap compas et cap
magnétique réel), éventuellement à sa compensation (réduction de ces
écarts).

RÉGLER LE COMPAS

La régulation du compas
Réguler un compas, c’est construire sa courbe de déviation, c’est-à-
dire noter les écarts entre cap compas et cap magnétique (Cc et Cm). Si
les écarts dépassent 7° à 10°, il faut compenser le compas.
Pour construire cette courbe de déviation, on mesure le cap
magnétique réel avec le compas de relèvement, qu’il faut lui-même
contrôler dans un premier temps, car il peut être soumis lui aussi à
quelques perturbations magnétiques. Voici comment procéder : par mer
calme et bonne visibilité, faire faire au bateau plusieurs cercles de
diamètre restreint à vitesse lente, au moteur pendant que, debout à
l’arrière, un équipier relève un amer lointain (à plus de 3 milles). Si le
relèvement est constant, le compas de relèvement est fiable compte
tenu de l’endroit où se tient celui qui opère. Sinon, il faut choisir un autre
emplacement sur le bateau et recommencer la visée.
Une fois que l’équipier a trouvé le bon emplacement pour son
relèvement, tenir une succession de caps compas espacés de 30° les uns
des autres. À chaque étape, soustraire le cap compas (celui du compas
de route) du cap magnétique (celui dont on est certain, c’est-à-dire celui
du compas de relèvement) : déviation = Cm – Cc.
Attention, on n’établit pas la compensation de son compas pour la vie
(ni pour tout lieu, ni pour toujours). Avec le temps, les propriétés
magnétiques des masses métalliques du bord se modifient, l’équipement
du voilier évolue. Il faut donc refaire la courbe de déviation tous les ans
et la vérifier au cours des longs périples. En outre, quand le bateau gîte,
la position des éléments qui perturbent le champ magnétique change : un
petit contrôle du cap au compas de relèvement ne fait jamais de mal, et
chaque fois que le bateau est en route stable sur un alignement, il faut
savoir aussi en profiter.

La compensation du compas
Compenser un compas, c’est réduire sa déviation.
Certains métaux (l’aluminium, le cuivre, le laiton, certaines variétés
d’inox) sont amagnétiques. Comme le plastique et le bois, ils n’ont
aucune influence sur le compas, mais c’est loin d’être le cas de tout ce
qui se trouve à bord.
Sur les petits bateaux, on estime que les perturbations de la coque et
des équipements sont négligeables. Sur les autres voiliers, en observant
de près le compas de route, on constatera la présence de deux petits
trous dans le fût du compas. Le trou de droite est noté N/S, le trou de la
face arrière E/W. Ces trous sont prévus pour livrer passage à un petit
tournevis avec lequel on procède aux réglages nécessaires.
Le tournevis, de petite taille, doit évidemment être amagnétique. S’il
n’y en a pas à bord, il faudra éloigner le tournevis après chaque
intervention et avant de lire la mesure sur le compas. Une infime rotation
du tournevis suffit.
Orienter le bateau dans la direction du nord magnétique (on utilise
pour cela le compas de relèvement). Tourner la vis N/S jusqu’à ce que le
compas indique le nord magnétique. Puis faire route vers le sud
magnétique et régler la vis jusqu’à ce que l’erreur du compas de route
soit diminuée de moitié. On a commencé par régler le nord exactement
sur le 0° ; en faisant cap au sud magnétique (180°), si le compas de route
indique 185° : on le règle à 182,5° ; s’il indique 175° : à 177,5°. Procéder
de la même manière avec la vis E/W en faisant cap à l’est puis à l’ouest
(ou inversement). Ces deux réglages ont pour but de minimiser la
déviation à tous les autres caps.
Reste encore à réguler le compas, c’est-à-dire à établir sa courbe de
déviation ►.
Et si la manipulation des aimants N/S et E/W est inopérante, le
moment est venu de se demander s’il ne serait pas judicieux de déplacer
le haut-parleur haute-fidélité qu’on vient d’installer à côté du compas ! Et
si ça ne marche toujours pas, il ne reste plus qu’à faire appel à un
spécialiste. Les opticiens de marine agréés sont habilités pour ces
opérations parfois complexes, dont la difficulté dépend du type du voilier
et de la précision souhaitée.

Sur certains compas, une paire de barreaux magnétiques permet de


compenser la déviation à l’aide de deux petites vis. Sur ce modèle destiné à une
colonne de barre à roue, une fois le compas en place les deux vis viennent affleurer le
fût.

La courbe de déviation
Une fois la compensation réalisée, il demeure de petites déviations,
variables selon les caps, et qui peuvent être retranscrites sous forme
d’une courbe de déviation, affichée à la table à cartes. Les valeurs de
cette courbe sont ajoutées au cap compas pour déterminer le cap
magnétique (ou bien, lorsqu’on a déterminé le cap magnétique à suivre,
on les retranche pour traduire la consigne en cap compas). Les
déviations « est » ont une valeur positive, les déclinaisons « ouest » une
valeur négative (voir le tableau d’enchaînement du chapitre
« Navigation » ►). Dans la pratique, l’usage de cette courbe de déviation,
obligatoire sur les grands navires, a plus ou moins été délaissé en
plaisance. Les corrections dépassent rarement 2 ou 3 degrés, et
demeurent inférieures au degré de précision que la plupart des barreurs
sont capables d’observer. On s’en dispense d’autant plus volontiers que
l’avènement de l’électronique a considérablement simplifié le travail à la
table à cartes. Le navigateur rigoureux et soucieux de tenir une estime
précise continuera pour sa part à s’y référer, et il n’aura sûrement pas
tort. Songeons simplement qu’une déviation de 3 degrés se cumulant à
une déclinaison de même sens de 2 degrés (déclinaison qu’on a aussi
tendance à négliger sur les côtes métropolitaines tant elle est devenue
faible ces dernières années) se traduit par une correction de 5 degrés
dans la consigne transmise depuis la table à cartes au barreur. Et
5 degrés, cela correspond bel et bien à une subdivision du compas de
route !

LE COMPAS ÉLECTROMAGNÉTIQUE ET SA COMPENSATION


Dès lors que le voilier est équipé d’une centrale de navigation et/ou d’un pilote
automatique fixe, il est muni d’un compas électromagnétique. C’est ce dernier qui
fournit au processeur de la centrale les données indispensables au calcul du vent
réel, et qui assigne au pilote son cap. Si l’on parle parfois de gyrocompas, il s’agit
d’un abus de langage : les systèmes à gyroscope, lourds et volumineux, sont
réservés aux grands navires. Sur nos petits bateaux, il s’agit de compas fluxgate (à
vanne de flux). Sans entrer dans tous les détails pas forcément indispensables ici,
leur principe consiste à mesurer, par des capteurs électroniques, l’influence du
champ magnétique terrestre sur une bobine parcourue par un courant électrique.
Le capteur du compas électromagnétique se monte à l’intérieur du voilier, sur
une cloison verticale, à l’écart autant que possible des masses métalliques et
champs magnétiques propres au bateau (moteur, radio…). Certains modèles
disposent d’une procédure d’offset, qui équivaut à caler la ligne de foi du capteur.
On procède en naviguant au moteur, par mer plate et sans courant, en se repérant
sur le compas de relèvement ou, encore mieux, sur un alignement dont le
relèvement est donné par la carte marine.
Tous les compas fluxgate ont une procédure d’autocompensation, qui permet
au capteur de se caler précisément, degré par degré. Une fois le mode
compensation (ou calibrage, selon le vocabulaire des fabricants) enclenché depuis le
cadran répétiteur, on effectue au moteur des cercles larges et lents, à rayon de
virage constant, à vitesse stabilisée entre deux et trois nœuds. Il faut généralement
accomplir deux tours complets pour mener à terme la procédure, qui est aboutie…
lorsque l’appareil le signale. Chez certains constructeurs, lorsque la courbe de
déviation ainsi réalisée automatiquement inclut des valeurs de compensation trop
élevées, une alarme signale que le capteur doit être repositionné dans un lieu moins
sensible aux influences magnétiques.
ÉTABLIR UNE COURBE DE DÉVIATION
Dans cet exemple, on a utilisé non pas le compas de relèvement, mais le GPS,
en s’assurant qu’il n’y avait pas de dérive due au vent ni au courant. Le GPS fournit
un cap vrai (Cv), dont il faut soustraire la déviation (D) pour obtenir un cap
magnétique (Cm). Ce cap magnétique est à comparer au cap compas (Cc) pour
calculer la déviation (dev).
dev = Cm – Cc = Cv – D – Cc.
Pour rendre le calcul plus rapide, on écrira l’équation ainsi : dev = Cv – Cc – D
VÉRIFIER ET ENTRETENIR LE COMPAS
Les problèmes du compas sont de plusieurs types : les perturbations
magnétiques bien entendu, mais pas seulement. Le liquide qu’il contient,
son équipage magnétique (rose et aimants) et son dôme sont également
à surveiller.

Contrôle des perturbations magnétiques


Un conducteur électrique formant une boucle et parcouru par un
courant crée un champ magnétique. Tout champ magnétique étant
susceptible de perturber les indications du compas, il faut vérifier
l’influence éventuelle du circuit électrique du bateau sur le cap compas.
La solution : bateau amarré à quai, noter le cap, allumer tout. Le cap a-t-il
changé ? Réitérer l’expérience, moteur stoppé ou en marche.
Les fils d’alimentation de l’ampoule du compas laissent passer un
faible courant électrique quand la rose est éclairée. Si ces fils sont
torsadés, ce n’est pas pour faire joli… La torsade réduit l’influence du
champ magnétique en l’inversant à chaque spire. Pour se faire une idée
de l’influence d’un courant électrique sur le compas, approcher une
lampe de poche allumée et observer le comportement de la rose 28.
L’influence des aimants (ceux des haut-parleurs en particulier) ou
d’autres objets est tout aussi perfide (voir « Quelques histoires » plus
loin).

Le liquide et le pivot du compas


La rose du compas baigne dans un liquide. Une membrane semblable
à celle des capsules de baromètre absorbe les différences de pression
atmosphérique pour éviter que l’air pénètre dans le compas. Il arrive
malgré tout qu’une bulle apparaisse dans le liquide de la rose. Un orifice
permet généralement de compléter le niveau. Mais attention ! Le liquide
qu’on ajoute ne doit ni corroder les pièces métalliques, ni effacer les
graduations, ni attaquer la peinture ou les joints. Sa viscosité doit être
adaptée et il doit être antigel. En somme, mieux vaut contacter le
fabricant pour savoir quel produit utiliser…
Ce liquide sert de stabilisateur et d’amortisseur. S’il n’est pas assez
visqueux, la rose oscille à droite et à gauche et le cap est difficile à lire ;
s’il est trop visqueux, la rose met trop de temps pour atteindre sa
position. Approcher un objet magnétique du compas et faire tourner la
rose de 10°. Écarter l’objet et observer le mouvement de la rose qui se
replace sur le cap initial : il ne doit comporter qu’une seule oscillation
amortie. Si la rose ne revient pas à sa position initiale, c’est que le pivot
est usé.

QUELQUES HISTOIRES
« Chaque fois que Louis prend son quart avec son lecteur mp3, le vent tourne.
Curieux, non ? »
« Heureusement que j’ai fixé un étui sur la colonne du compas pour ma VHF
portable. Depuis, je me perds tout le temps et je m’en sers sans arrêt ! »
« La lampe du compas a grillé, j’ai dû me lever pour scotcher une lampe de
poche dessus en pleine nuit, mais le barreur a quand même réussi à se tromper de
cap ! »
« Admirez le rangement : le compas de relèvement est juste derrière le compas
de route… Je l’ai sous la main pour vérifier le cap : ça tombe bien, le compas de
route s’est déréglé depuis ! Astucieux, non ? »

L’aimant et la rose
La partie aimantée située sous la rose est formée d’aiguilles
aimantées (en général deux) qui équilibrent la rose de part et d’autre de
l’axe. Dans certains cas, il s’agit d’une rondelle aimantée.
C’est bien connu : « L’aiguille du compas est attirée vers le nord. »
Alors pourquoi une aiguille aimantée placée dans un baquet ne se
déplace-t-elle pas vers le nord ? Parce que le champ magnétique
terrestre attire l’aiguille autant qu’il la repousse. En fait, il oriente
l’aiguille, il ne l’attire pas. Autre particularité importante du champ
magnétique terrestre : il n’est pas parallèle au sol. Ainsi, un compas
équilibré dans l’hémisphère Nord piquera du nez dans l’hémisphère Sud.

En plaisance, les compas de route sont généralement gradués de 5 en


5 degrés. La présence d’alidades de part et d’autre de la ligne de foi (à + 45° et – 45°)
permet au barreur de lire un cap juste, sans erreur de parallaxe, lorsqu’il n’est pas
assis en face du compas. Lorsque le bateau gîte, la rose demeure horizontale et la
ligne de foi suit le mouvement grâce au système de cardan sur lequel est monté le
pivot de la rose.

Sur les bateaux métalliques en acier ou en aluminium, les soudures à


l’arc créent des champs magnétiques très intenses qui peuvent
démagnétiser le compas. Le débarquer avant toute opération de soudure
et contrôler sa régulation après.

Le dôme du compas
Aujourd’hui, tous les compas sont munis d’un dôme en polycarbonate
dont l’effet loupe facilite la lecture. À cause de sa relative fragilité, le
dôme reçoit une protection quand le compas ne sert pas. Il peut se ternir
à force d’usure ou de rayures. On peut le polir de nouveau en utilisant la
même technique que pour réparer un éclat de gelcoat ►, ou avec des
produits spécialisés.

LE MOTEUR DIESEL
Un moteur Diesel tourne avec du gazole. Cette particularité bien
connue l’a fait adopter par la quasi-totalité des voiliers de croisière, car
les risques d’incendie sont beaucoup moins importants avec du gazole
qu’avec de l’essence.
Ce sont des mécaniques robustes, relativement simples, dont
l’entretien courant est à la portée de tout bon chef de bord, pourvu qu’il
s’intéresse un minimum à ce qui se passe sous ce capot de descente,
que l’on n’ouvre pas forcément assez souvent.
Après la lecture de quelques rappels sur le fonctionnement général
du moteur, une présentation circuit par circuit des bases de l’entretien
courant et de l’utilisation du moteur devrait l’aider dans les tâches
élémentaires. Seules les opérations de maintenance les plus simples ont
en effet été retenues, car rien n’est plus néfaste à une mécanique qu’une
intervention excédant les compétences de l’opérateur.
On n’a pas non plus détaillé les outils nécessaires, car ils sont
propres à chaque moteur. On retiendra cependant qu’il faut s’équiper
d’outils adaptés. La pince multiprise par exemple, même si elle n’est pas
inutile à bord, est déconseillée en mécanique : elle abîme les têtes de vis
et les écrous. Quant aux tournevis, étant donné l’imagination débordante
des concepteurs de moteur en matière de têtes de vis, il en faudra
toujours plusieurs…

QUELQUES RAPPELS SUR LA VIE DES MOTEURS


Comprimez de l’air, il se mettra à chauffer (les sceptiques peuvent
aller vérifier avec une pompe à vélo.) L’air est fortement comprimé par la
remontée du piston dans le cylindre du moteur Diesel, sa température
monte à plus de 450 °C (c’est la température du bout rougeoyant d’une
allumette en fin de combustion). À cette température, le gazole, injecté
en brouillard dans le cylindre, s’enflamme spontanément.

Le cycle de fonctionnement du moteur Diesel se décompose en quatre


phases. 1 Admission : aspiration d’air dans le cylindre par l’intermédiaire d’une
soupape. 2 Compression : l’air contenu dans le cylindre est comprimé par la remontée
du piston. 3 Détente : l’air chaud et le gazole injectés provoquent une combustion
rapide entraînant la détente du volume contenu dans le cylindre ; le piston redescend.
4 Échappement : évacuation des gaz brûlés.

La combustion air-gazole se fait à pression constante. La pression fait


descendre le piston, qui entraîne la bielle, qui fait tourner le vilebrequin.
La rotation est transmise à l’hélice.
Une fois le piston descendu, il remonte pour chasser les gaz
d’échappement avant de redescendre pour aspirer de nouveau de l’air
frais.
La chaleur dégagée par la combustion est intense (2 000 °C à
l’intérieur du cylindre en fin de combustion). Un circuit d’eau assure le
refroidissement du moteur, pour que les pièces ne se déforment pas
sous l’effet de la dilatation.
Pour que les pièces mécaniques puissent se mouvoir sans souci les
unes contre les autres, un circuit d’huile les lubrifie. Sans huile, les
métaux s’érodent en se frottant et se détériorent, la chaleur engendrée
par les frottements déforme les pièces mécaniques qui finissent par
bloquer tout le mécanisme (c’est ce qui s’appelle serrer un moteur).
Enfin, au démarrage, la plupart des moteurs doivent être préchauffés
(interrupteur glow en anglais).

LES CIRCUITS

Le circuit de gazole
Le circuit de gazole se compose d’éléments qui amènent du réservoir
aux injecteurs une quantité de combustible suffisante, parfaitement
filtrée, sans émulsion et sous une pression déterminée. Il faut apprendre
à identifier les différentes parties du circuit : le réservoir, le circuit
d’aspiration, le circuit basse pression, le circuit haute pression et le
circuit de retour.
■ Le réservoir
Le réservoir comporte un tube plongeur ou une sortie basse d’où part
le gazole en direction du moteur. Sur les sorties basses, une vanne
permet de fermer le circuit et d’isoler le réservoir (notamment en cas
d’incendie). Cette vanne peut être manœuvrée à l’aide d’une tirette
située près du stop moteur et qu’on a intérêt à ne pas confondre avec
elle.
Le tuyau pour remplir le réservoir est relié à un nable sur le pont.
Parfois, une vis de purge placée sous le réservoir permet de vider
l’eau de condensation ou les impuretés.
Une prise d’air débouche à l’extérieur du bateau, en général sur le
tableau arrière, et évite qu’une dépression se forme dans le réservoir au
fur et à mesure que le gazole passe dans le moteur.
Une trappe de visite permet de nettoyer l’espèce de vase qui se
dépose au fil des années à l’intérieur du réservoir et encrasse les filtres.
Certaines bactéries peuvent aussi se développer dans le gazole, lui
donner une couleur jaunâtre ou orangée et faire des dépôts de boues. Il y
a des traitements préventifs et curatifs pour lutter contre ce problème.
Un autre orifice au-dessus du réservoir est réservé à la jauge, dont le
flotteur transmet électriquement le niveau de gazole au tableau de bord.
Enfin, certains réservoirs disposent d’un septième et ultime orifice
pour le retour du surplus de gazole non consommé par le moteur – ce
surplus provient des injecteurs.

■ Le circuit d’aspiration
Le circuit d’aspiration part du réservoir, comprend un préfiltre
décanteur et aboutit à la pompe d’alimentation. Ses canalisations sont
souples et les raccords sont maintenus par des colliers de serrage. Ce
circuit est en dépression et il peut être à l’origine de la panne appelée
« prise d’air ». Comme après un changement de filtre gazole, après une
panne sèche ou à la première mise en route, il faut alors purger l’air du
circuit de gazole (procédure décrite plus loin.)
Le préfiltre décanteur piège l’eau contenue dans le gazole par gravité
(l’eau est plus lourde que le gazole). Il est muni d’une évacuation basse
pour vider l’eau et, en haut, d’un bouchon de purge pour évacuer l’air.
Les modèles récents sont munis d’une pompe intégrée permettant un
réamorçage rapide du circuit de gazole.

■ Le circuit basse pression


Le circuit basse pression part de la pompe d’alimentation, passe par
le filtre fin et va jusqu’à la pompe à injection. La pompe d’alimentation
propulse, sous une pression de 2 bars environ, le carburant aspiré dans
le réservoir. Elle possède une commande manuelle qui permet
l’amorçage et la purge des circuits. Si le circuit basse pression n’est pas
étanche, il y a fuite de gazole (aux raccords entre les durites souples qui
le constituent).
Le filtre fin arrête jusqu’aux impuretés de 2 à 3 microns. Il se trouve
dans la partie haute du circuit basse pression et est muni d’une vis de
purge d’air.

■ Le circuit haute pression


Le circuit haute pression part de la pompe à injection et va vers les
injecteurs, comporte les tuyauteries haute pression et leurs raccords, les
injecteurs et leur porte-injecteur. Le gazole est envoyé par à-coups dans
ces canalisations métalliques, dont les fixations sont antivibratoires.
Sur la pompe haute pression, appelée également pompe à injection, il
y a deux leviers qu’il faut savoir reconnaître. Le premier levier,
l’accélérateur, dispose de deux vis de butées de réglage. Le second
levier, la commande du stop moteur, interrompt l’envoi de gazole vers les
injecteurs. Avec ces deux manettes, on peut commander le moteur en
cas de défaillance de la manette d’inverseur du cockpit.
Un injecteur. Attention ! Le gazole sous haute pression peut pénétrer la peau : ne
pas mettre ses doigts devant les injecteurs pour vérifier qu’ils débitent bien.

Les injecteurs sont des pièces mécaniques usinées et réglées très


précisément qui se stockent et se manipulent avec précaution. L’aiguille
qui contrôle la sortie du gazole en tête d’injecteur est ajustée au
centième de millimètre près. Il est bon de disposer d’un ou de plusieurs
injecteurs de rechange pour les grandes traversées.

■ Le circuit de retour gazole


Tout le gazole qui arrive aux injecteurs ne passe pas dans le cylindre :
le trop-plein est renvoyé vers le réservoir ou vers un point quelconque du
circuit.

■ Entretenir le circuit de gazole


■ Le réservoir
Pour éviter la condensation de l’eau sur les parois intérieures du
réservoir, le laisser plein en cas d’absence prolongée de l’équipage.
Tous les deux ans, ouvrir la trappe du réservoir et le nettoyer
entièrement.
■ Le préfiltre
Chaque semaine, vérifier qu’il n’y a pas d’eau en bas de la cuve du
préfiltre.
Toutes les cinquante heures-moteur, nettoyer le préfiltre et
remplacer la cartouche.
Remplacement d’un préfiltre. Mettre un récipient sous le filtre, vidanger avec la
vis inférieure 1 desserrer la vis centrale 2 démonter et nettoyer la cuve, remplacer la
cartouche filtrante, remonter.

■ Le filtre fin
Le filtre fin 29 se change toutes les 250 à 500 heures-moteur selon
les constructeurs – ou au moins une fois par an. Bien qu’il soit assez
difficile à démonter, il se visse uniquement à la main. Sur le dessus du
filtre, une vis de purge permet d’évacuer l’air du circuit si nécessaire.
Remplacement du filtre fin de gazole. Pour déposer le filtre, utiliser une clé à
filtre ou le percer avec un tournevis de façon à pouvoir le dévisser. Un sac de
protection évite de renverser le gazole qui s’échappe pendant l’opération. Nettoyer
avec un chiffon propre la surface d’appui du filtre sur le moteur. Déposer un peu
d’huile sur le joint caoutchouc du nouveau filtre, remonter celui-ci à la main jusqu’au
contact, puis serrer un demi-tour de plus, toujours à la main.

■ Purger le circuit de gazole


Une prise d’air sur le circuit de gazole empêche le moteur de
démarrer ? Il faut intervenir. Vérifier que le stop moteur est bien
repoussé. Purger le circuit en partant du réservoir : purger d’abord le
préfiltre par sa vis supérieure, puis le filtre fin ; enfin, si besoin est,
passer au circuit haute pression.
Purger le circuit basse pression. 1 Desserrer très légèrement la vis située sur le
filtre fin. 2 Actionner le bouton-poussoir (ou sur certains moteurs la manette de la
pompe) jusqu’à écoulement sans bulles du gazole, resserrer la vis de purge. Si ça ne
démarre pas après sollicitation du démarreur, purger le circuit haute pression.

Purger le circuit haute pression. Manette de régime en position maximale,


desserrer les écrous de circuit de retour en haut des injecteurs. Faire tourner le
moteur avec le démarreur par périodes de 5 à 10 secondes jusqu’à ce que le gazole
s’écoule sans émulsion. Attention ! Faire tourner le moteur trop longtemps sous la
seule action du démarreur peut remplir d’eau de mer le conduit d’échappement et
même un cylindre, qui risque de ne pas apprécier la plaisanterie ! En principe, on n’a
pas besoin d’insister à ce point sur le démarreur. Mais si c’est nécessaire, fermer la
vanne d’arrivée d’eau de mer : le moteur ne risque pas de chauffer quand il tourne
uniquement avec le démarreur.

■ De l’eau dans le gazole


Ça arrive… D’abord aux distraits qui se trompent de nable et font le
plein de gazole avec de l’eau, plus fréquemment à ceux qui oublient de
purger le préfiltre gazole de son eau. Vider le circuit de gazole pour
éliminer l’eau qui, a priori, a pénétré jusqu’à la pompe à injection et aux
injecteurs. Une fois le circuit purgé, démarrer le moteur, mais il faudra le
faire contrôler par un spécialiste.

QUELQUES CONSEILS SUR LE CIRCUIT DE GAZOLE


Penser à fermer la vanne de sortie du réservoir et à protéger les fonds avant
toute opération de changement du filtre à gazole.
Marquer à la peinture les différentes vis de purge du circuit gazole, pour être
plus rapide et plus efficace.
Pour finir, une petite information qui peut éviter une panne sèche. À plein
régime, la consommation du moteur est à peu près de 180 grammes (0,21 litre) de
gazole par cheval et par heure. Un moteur de 30 chevaux à mi-régime consomme
quinze fois 0,21 litre, soit 3,15 litres par heure.

■ Des odeurs de gazole


Dans un bateau, une odeur de gazole persistante est particulièrement
désagréable. Elle a toujours une cause : une fuite même infime sur le
circuit. Vérifier tous les joints des conduites avec du papier toilette qui
ne doit jamais s’imbiber, sauf là où il y a une fuite…

Le circuit d’eau de mer


L’eau de mer est aspirée par la crépine qui recouvre un passe-coque
muni d’une vanne (placée sous la coque, la crépine est la pièce qui
ressemble à une écumoire.) Un tuyau flexible amène l’eau vers un
préfiltre qui arrête les algues et les débris ; le couvercle de ce préfiltre
est un peu au-dessus de la flottaison. Le circuit continue avec la pompe à
eau de mer, constituée d’un rouet en caoutchouc (impeller en anglais).
Ce rouet doit être en parfait état pour assurer un débit d’eau suffisant.
Le circuit d’eau de mer se prolonge par un coude anti-siphon dont le
rôle est d’éviter que, une fois le moteur arrêté, l’eau de mer ne soit
siphonnée vers le pot d’échappement et finisse par remplir un cylindre
par une soupape d’échappement.

Pour vérifier le coude anti-siphon, boucher un côté et souffler dedans par l’autre
côté : l’air ne doit pas passer. Aspirer : l’air doit passer. Plus simplement, avec des
tuyaux translucides, repérer la baisse du niveau à l’arrêt du moteur.
Le circuit d’eau de mer arrive ensuite à l’échangeur de température
eau de mer/eau douce, aujourd’hui présent sur la majorité des moteurs.
Avant, l’eau de mer circulait directement dans le moteur pour le refroidir.
Mais les moteurs récents, comme ceux des voitures, sont refroidis par un
liquide de refroidissement dont on contrôle le niveau régulièrement.
Moteur en marche, la température de l’eau doit se stabiliser à 85 °C
environ.
Sortie de l’échangeur, l’eau de mer arrive dans le conduit
d’échappement, qu’elle refroidit en même temps que les gaz
d’échappement, auxquels elle se mélange dans le pot à barbotage (ou
waterlock), sorte de boîte fermée équipée de chicanes. En fin de circuit,
l’eau et les gaz passent par un col-de-cygne (qui monte le plus haut
possible sous le pont du bateau) avant d’être évacués vers la mer.

Un moteur, vu de trois-quart avant.


Arrière du moteur. 1 Tourteau. 2 Arbre d’hélice. 3 Presse-étoupe. 4 Chasse d’air
du presse-étoupe. 5 Tube d’étambot. 6 Vanne d’arrivée d’eau de mer moteur. 7 Clés
de contact (on les range ici pour ne pas oublier d’ouvrir et de fermer les vannes !).
8 Tuyau d’échappement des gaz moteur. 9 Pot à barbotage (ou waterlock). 10 Conduit
d’aération du compartiment moteur.

■ Entretenir le circuit d’eau de mer


■ Vanne à eau de mer
Vérifier régulièrement le fonctionnement de la vanne d’arrivée d’eau
de mer. Comme toutes les autres vannes du bateau, si elle est peu
utilisée, elle finit par se gripper.
■ Préfiltre eau de mer
Vérifier et éventuellement nettoyer le préfiltre eau de mer, toutes les
semaines.
■ Rouet de pompe
Contrôler quotidiennement et à chaque mise en route le débit d’eau
de mer à l’échappement. Changer le rouet en cas de mauvaise
circulation.
■ Liquide de refroidissement
Vérifier quotidiennement le niveau de liquide de refroidissement.
Attention ! Le liquide peut être très chaud. Attendre que le moteur ait
refroidi pour faire ce contrôle.

Un rouet de pompe à eau de mer, avec son kit de lubrifiant et son joint. Pour le
remplacement, retirer le couvercle de la pompe, sortir le rouet usagé en faisant au
besoin levier avec deux tournevis. Nettoyer les portées. Graisser rouet, joint et vis
avec de la vaseline ou de la glycérine avant le remontage. Les vis sont très fragiles :
les serrer à peine puis lancer le moteur et resserrer légèrement si ça fuit. À moins
d’aimer les bains de pieds, on ferme l’arrivée d’eau de mer avant le démontage.

■ Coude anti-siphon
Vérifier le coude anti-siphon une fois par an. Souffler dedans avec
l’autre extrémité bouchée : la pression monte. Aspirer : l’air entre par la
partie supérieure du coude. Le petit tuyau de la partie supérieure de la
vanne sert à guider les quelques gouttes qui peuvent s’en échapper au
démarrage : il ne doit pas être bouché ►.

■ Conseils pratiques
■ Le moteur chauffe
Si le moteur chauffe, le mettre au ralenti et débrayer. Rechercher la
cause de la surchauffe, mais très rapidement. Couper le moteur en cas
de recherche infructueuse (ou pour intervenir si le problème a été
repéré). Le moteur ne doit pas tourner en surchauffe. Quand on constate
une surchauffe, ne surtout pas attendre que le voyant et/ou l’alarme
température se mettent en marche avant de couper.
Précaution importante : au démarrage, vérifier systématiquement la
sortie d’eau à l’échappement. Si rien ne sort, couper le moteur et vérifier
l’ouverture de la vanne d’arrivée d’eau de mer. Si la vanne est ouverte,
vérifier le circuit d’eau de mer.
■ Le moteur refroidit mal
Souvent, en rivière ou dans un estuaire, mais également en mer, la
crépine s’obstrue en aspirant un sac plastique, des feuilles ou des algues.
La température d’eau, à surveiller très régulièrement, s’élève alors assez
vite. Le débit à l’échappement est plus faible que d’habitude.
Premier remède : stopper le moteur. Sur son erre, le bateau
débarrasse la crépine de ce qui l’obstrue. Si cela marche, la température
du moteur doit chuter rapidement à la remise en route.
Si la température de l’eau ne baisse pas, vérifier que le problème ne
vient pas d’une prise d’air dans le circuit (qui ralentit le débit d’eau de
mer) : contrôler qu’il n’y a pas de bulles dans l’eau de mer qui circule
dans les tuyaux (en général ces derniers sont transparents). Vérifier
également que le préfiltre n’est pas obstrué.
Important : tous les raccords du circuit eau de mer doivent être
munis de deux colliers de serrage montés en sens inversés ou d’un collier
large. Cette obligation concerne également les raccords utilisés pour la
plomberie à bord.

Le circuit d’huile
De l’extérieur du moteur, à part le bouchon de remplissage, la jauge
et le filtre, on ne voit pas grand-chose du circuit d’huile ! L’huile est
contenue dans le carter qui se trouve dans la partie basse du moteur. Elle
est aspirée par une pompe constituée d’engrenages qui envoient l’huile
vers le filtre à huile. L’huile circule ensuite vers tout ce qui bouge avant
de redescendre dans le carter par gravitation.
Si la gîte du bateau est trop importante, l’aspiration d’huile dans le
carter peut ne plus être assez régulière. Normalement, le témoin de
pression d’huile et l’alarme doivent se déclencher, mais il faut éviter de
jouer avec le feu ! Autant limiter la gîte quand on utilise le moteur.

■ Entretenir le circuit d’huile


■ Le niveau d’huile
Contrôler le niveau d’huile très régulièrement. Il ne doit pas dépasser
le niveau maximal de la jauge. Si l’on met trop d’huile, en retirer une
partie sans attendre que le niveau baisse tout seul !
■ La propreté du moteur
L’huile moteur noircit après quelques heures-moteur et c’est normal !
Sous le moteur, une zone cloisonnée et étanche (la gatte-moteur)
récupère les suintements d’huile, de gazole ou d’eau. Tenir cet endroit
très propre (comme l’ensemble du moteur) : repérer l’origine et
l’importance d’éventuels suintements sera plus facile.
■ Le filtre à huile
Changer le filtre à huile toutes les 250 à 500 heures-moteur (au
moment de la vidange de l’huile), selon les constructeurs.
Pour vidanger, faire d’abord tourner le moteur pour que l’huile à température soit
plus facile à extraire. Puis pomper au travers de la conduite de vidange, ou, à défaut, à
travers le conduit de la jauge, au moyen d’une pompe-seringue. Changer le filtre à
huile, en nettoyant la surface de contact sur le moteur et en déposant une goutte
d’huile sur le filtre.

■ Conseils pratiques
Lors de l’achat d’un bateau d’occasion ou au début d’une location de
longue durée, faire procéder à une analyse d’huile. L’analyse de l’huile
donne une bonne idée de l’état du moteur : si elle contient du sel, c’est
que de l’eau de mer a pénétré dans le carter ; si elle contient du fer, c’est
qu’un défaut de lubrification a détérioré paliers ou pièces en
mouvement ; si elle contient de l’eau, c’est qu’il y a, ou qu’il y a eu, une
fuite du circuit de refroidissement vers le circuit d’huile ; si elle contient
du carburant, c’est qu’il existe un défaut d’étanchéité des segments du
piston et une mauvaise alimentation des injecteurs, etc.
Le circuit d’air
Sur le moteur, le circuit d’air est extrêmement simple. L’air du
compartiment moteur est aspiré par un simple filtre. Il est renouvelé en
permanence par une arrivée et une sortie munies d’un ventilateur. On
doit entendre le démarrage du ventilateur à la mise sous tension du
moteur au tableau de bord.

■ Conseil pratique
Ne pas négliger cette ventilation forcée : sans elle, le moteur marche
encore, mais l’atmosphère devient vite irrespirable et dangereuse pour la
santé de l’équipage.

■ Entretenir le circuit d’air


Nettoyer la mousse du filtre à air à l’eau savonneuse, toutes les
100 heures-moteur.

Le circuit de préchauffage
Moteur froid, l’air comprimé se réchauffe mais sa température reste
insuffisante pour provoquer l’auto-inflammation. Aussi l’air d’admission
est-il réchauffé avant le démarrage, la plupart du temps grâce à une
bougie de préchauffage dont l’extrémité pénètre la chambre de
combustion. Le temps de préchauffage nécessaire, d’environ
10 secondes, est indiqué par un voyant.
Si le moteur rechigne à démarrer, vérifier que la tension aux bornes
des bougies de préchauffage est bien de 12 volts au moment du
préchauffage.

LES PÉRIPHÉRIQUES DU MOTEUR

Le tableau de contrôle
La disposition du tableau des instruments de contrôle varie d’un
bateau à un autre.
On y retrouve couramment les éléments suivants, cités dans leur
ordre d’utilisation :
– La clé ou le bouton de mise sous tension.
– Le bouton permettant de tester le fonctionnement de l’alarme
sonore.
– Le bouton permettant d’actionner le préchauffage (glow).
– La clé ou le bouton de démarrage du moteur.
– Le témoin de charge de l’alternateur.
– Le témoin de pression d’huile.
– Le tachymètre affichant le régime moteur.
– La température du liquide de refroidissement.

Le boîtier de commande du moteur et de l’inverseur


Les commandes de l’inverseur (avant/arrière) et du régime du
moteur sont regroupées dans un seul levier.
Protéger avec un boîtier le mécanisme situé derrière le boîtier de
commande, la plupart des constructeurs n’installant pas cette
protection.
Si le mécanisme du boîtier ou les câbles de transmission se grippent,
l’accélération du moteur peut se commander depuis la pompe à
injection, l’inverseur depuis l’inverseur lui-même.

■ Entretenir le boîtier de commande


Vérifier et graisser les câbles de transmission du boîtier moteur
toutes les 100 heures-moteur.

L’alternateur
Il produit le courant continu de 12 volts nécessaire à la recharge des
batteries. Un dispositif répartit la charge entre les batteries en fonction
du niveau de charge de chacune d’entre elles. En fonction de la
consommation prévue des batteries de service, il convient parfois de
remplacer l’alternateur standard par un modèle plus puissant (voir
« Produire de l’électricité » ► et pour les consommations ►).

■ Entretenir l’alternateur
La courroie doit avoir une tension correcte (1 cm de flèche en
appuyant avec le doigt).

Deux méthodes pour contrôler la bonne tension de la courroie. Sous la


pression du pouce, elle ne doit pas prendre une flèche supérieure à un centimètre.
Sous la torsion, elle ne doit pas afficher plus d’un quart de tour. Avec la première
méthode, l’appréciation du bon réglage est plus difficile. La deuxième méthode a
l’inconvénient, à la longue, de distendre les fibres composant l’âme de la courroie.

■ Les principales pannes de l’alternateur


– Le pont de diode est grillé. C’est lui qui transforme le courant
alternatif en courant continu. Si le contact électrique est mis sur off alors
que le moteur continue de tourner, l’alternateur continue de débiter à
travers le pont de diode et le fait « griller ».
– Rupture de la courroie. En général, la rupture est due à une usure
prématurée, elle-même liée à une tension insuffisante.
■ Conseils pratiques
– Au démarrage, monter suffisamment le régime du moteur pour que
le témoin de charge de batterie s’éteigne.
– Garder le moteur sous tension électrique jusqu’à l’arrêt complet.
– Avoir une courroie de rechange à bord.
– S’assurer que le moteur ne peut se mettre en route
accidentellement pendant qu’on travaille sur l’alternateur.
■ Attention !
Une surface luisante sur le côté de la courroie de l’alternateur signale
qu’elle a patiné sur la poulie et qu’il faut la changer.
Une courroie trop tendue détériore les paliers de l’alternateur ou de
la pompe à eau de mer.

Réglage de la tension de la courroie d’alternateur. 1 Desserrer la vis de serrage


de l’alternateur. 2 Puis desserrer la vis de pivot. 3 Réglage : s’aider d’un manche de
marteau ou de tournevis pour tendre la courroie en déplaçant l’alternateur.
4 Resserrer les vis l’une après l’autre. Lors du montage d’une courroie neuve, penser à
nettoyer les gorges des poulies.

Le démarreur
Le démarreur est alimenté par la batterie moteur et consomme
beaucoup de courant. Le diamètre des fils électriques qui l’alimentent est
donc important, les contacts doivent être de très bonne qualité.

Un démarreur. Le cylindre supérieur contient un électroaimant qui actionne une


fourchette, laquelle avance le petit pignon vers la grande roue dentée du moteur.

Monter de préférence la batterie moteur de manière indépendante


(ne relier les batteries que par la borne négative). Ce dispositif permet,
même si la batterie de service a été trop sollicitée, de démarrer le
moteur et de la recharger.
Une tension insuffisante de la batterie moteur ou un mauvais contact
(bornes ou fils d’alimentation) sont les causes les plus fréquentes des
pannes de démarreur.

L’inverseur
L’inverseur (ou « inverseur-réducteur » car il réduit le nombre de
tours/minute transmis par le moteur à l’hélice) se trouve à l’arrière du
moteur.
Avec une hélice sur ligne d’arbre, le moteur doit être bien ligné, c’est-
à-dire se trouver exactement dans le prolongement de la ligne d’arbre.
Sinon, l’axe de sortie du réducteur force sur l’arbre, ce qui peut détruire
le joint et provoquer une fuite de l’huile dont l’inverseur a besoin pour la
lubrification de ses engrenages.

■ Entretenir l’inverseur
Vérifier le niveau d’huile toutes les semaines et faire la vidange toutes
les 250 heures-moteur.

L’arbre d’hélice, le presse-étoupe, la bague


hydrolube, l’hélice
L’arbre d’hélice est fixé par un tourteau sur l’arbre de sortie de
l’inverseur.
Le presse-étoupe assure l’étanchéité entre l’arbre d’hélice et le tube
d’étambot qui est solidaire de la coque, et par lequel passe l’arbre. Les
joints d’étoupe suiffée dont il tire son nom ont maintenant disparu.
L’étanchéité est assurée aujourd’hui par deux disques – l’un solidaire du
tube d’étambot, l’autre de l’arbre d’hélice – ou par un joint caoutchouc.
L’arbre d’hélice est relié au moteur par un tourteau. Il passe à travers la coque par
le tube d’étambot, l’étanchéité étant assurée par le presse-étoupe.

Normalement, ce système est sans entretien, la lubrification étant


assurée par l’eau de mer. Important : à la mise à l’eau du bateau, presser
le joint caoutchouc pour chasser l’air du tube d’étambot, jusqu’à faire
gicler de l’eau. Certains modèles sont munis d’un dispositif permettant
de chasser l’air automatiquement ou à l’aide d’une vanne.
Comme son nom l’indique, la bague hydrolube est lubrifiée à l’eau de
mer. En général située sur la chaise d’arbre à l’extérieur du bateau, elle
est maintenue en place par une simple vis. Il ne doit pas y avoir de jeu
entre cette bague et l’arbre d’hélice. S’il y a du jeu, changer la bague.
Plusieurs paramètres définissent le type d’une hélice : le nombre de
pales, leur forme, le diamètre, le pas (la progression que ferait l’hélice en
un tour dans une motte de beurre), le sens du pas. Un professionnel
(l’hélicier) détermine l’hélice la plus adaptée en fonction des
caractéristiques du bateau, de son utilisation et des besoins du
propriétaire (bonne vitesse de croisière ou efficacité en manœuvre de
port). Pour réduire la traînée du bateau quand il marche à la voile (et si
les finances le permettent), on gagne beaucoup en choisissant une hélice
à pales repliables (en bec de canard par exemple) ou une hélice dont les
pales s’effacent dans l’axe de l’écoulement (Max-Prop). Mais l’entretien
de ces mécanismes doit être méticuleux.

Hélice bec de canard (ici ouverte) sur ligne d’arbre carénée, sur un voilier de
course de type Figaro 2. Un hublot en fond de coque permet de s’assurer en
navigation que l’hélice est bien fermée et en position verticale.
Une hélice tripale assure une propulsion maximale, avec pour contrepartie une
traînée importante, qui se ressent dans les performances sous voiles.

Cette hélice se met en drapeau à l’arrêt du moteur, de façon à réduire sa traînée.


À noter l’état de l’anode, qu’il serait temps de remplacer.
Les hélices sont généralement en bronze. Quel que soit le métal qui
les compose, les protéger de l’électrolyse par des anodes (anodes de
type noix fixées sur l’arbre d’hélice ou anodes de bout d’arbre fixées
derrière l’hélice). Sans anode, l’hélice passe d’une teinte bronze à une
couleur rougeâtre et devient cassante (voir « La corrosion
galvanique » ►).

■ Un bout dans l’hélice


Après avoir pris un bout dans l’hélice ou s’il y a un bruit anormal,
vérifier l’état du matériel. Pour contrôler l’arbre d’hélice, poser en fond de
coque une cale suffisamment épaisse pour qu’elle vienne à fleur du
milieu de l’arbre, puis embrayer, elle ne doit pas venir en contact avec
l’arbre. Vérifier aussi les Silentbloc (blocs de caoutchouc qui soutiennent
le moteur). En cas d’anomalie de lignage (si tout ça ne tourne pas rond),
ne pas utiliser le moteur embrayé.
À l’échouage, vérifier le joint hydrolube, la fixation de la chaise
d’arbre et l’hélice. Une hélice endommagée peut être rectifiée et
rééquilibrée par un spécialiste.

■ Faut-il bloquer l’arbre d’hélice sous voiles ?


Quand on navigue à la voile, l’écoulement de l’eau fait tourner l’arbre
d’hélice : non seulement ça fait du bruit, mais ça use inutilement le
moteur. Certes, en embrayant, on fait disparaître le bruit, mais à très
grande vitesse, la force de l’eau sur l’hélice peut faire passer un temps au
moteur. Si le circuit d’eau est resté ouvert, il aspire une petite quantité
d’eau de mer que ne chasseront pas les gaz d’échappement. À terme, le
waterlock, puis un cylindre, peuvent se remplir d’eau. Pire encore, le
moteur cassera quand on le démarrera. Conclusion : sous voiles, par vent
fort et moteur à l’arrêt embrayé, il faut soit couper l’arrivée d’eau de mer-
moteur, soit utiliser un frein d’arbre (et ne pas embrayer). Bien
évidemment, le problème ne se pose pas avec une hélice bec-de-canard.
Sans voiles, le moteur peut causer d’autres soucis au marin. Malgré
le col-de-cygne, par forte mer de l’arrière, de l’eau peut pénétrer dans le
circuit d’échappement. Aussi est-il conseillé de munir le circuit d’un
clapet de sortie.

■ Entretenir l’ensemble hélice-arbre d’hélice


Vérifier et changer les anodes de l’hélice au moins une fois par an.
Monter un coupe-orin sur l’arbre d’hélice juste en avant de celle-ci
évitera en grande partie à l’hélice de se bloquer dans un cordage.
Monter les vis du tourteau avec de la graisse au graphite (graisse
Belleville). Ces pièces d’acier situées près des fonds rouillent vite et
deviennent parfois indémontables.

Avec un Saildrive
Le Saildrive, ou S-drive, est un moyen de transmission particulier,
dans lequel l’hélice est directement reliée au moteur par une embase qui
intègre un ensemble d’engrenages. Le système supprime les problèmes
d’alignement, et dispense de presse-étoupe. Par rapport à une
transmission sur ligne d’arbre, il a pour avantages de réduire le bruit et
les vibrations, tout en garantissant un couple supérieur ; l’axe d’hélice est
horizontal, pour une meilleure propulsion. L’étanchéité est assurée par
un joint sphérique Néoprène, dont l’intégrité mérite d’être vérifiée à
chaque hivernage ou mise au sec, les constructeurs prescrivant en
général son changement tous les 5 ans.
Une embase de Saildrive. S’assurer régulièrement que les ouïes de prise d’eau de
refroidissement ne sont pas obstruées.

Le Saildrive est équipé d’une prise d’eau de mer intégrée à l’embase,


dont les ouïes sont parfois colonisées par des petits coquillages. Pour
s’en débarrasser, on les dissout avec de l’acide chlorhydrique dilué à
50 % : le bateau étant au sec, boucher les ouïes avec de l’adhésif ;
débrancher la durite de refroidissement au niveau de la vanne d’eau de
mer, injecter le mélange au moyen d’un tuyau et d’un entonnoir, laisser
agir 15 minutes puis rincer soigneusement à l’eau claire ; reconnecter le
circuit de refroidissement.

LE DIAGNOSTIC MOTEUR ET QUELQUES PISTES DE SOLUTIONS


Tous les sens restent en éveil pour assurer longue vie au moteur. Un
changement de bruit, une vibration inhabituelle à un régime donné, une
odeur de chaud ou d’huile chaude, des fumées d’échappement d’aspect
inhabituel, conduisent aussitôt à vérifier l’écoulement de l’eau de
refroidissement, à regarder le tableau de contrôle, ou à ouvrir le capot du
moteur.
À chaque symptôme (voir les principaux ci-dessous) correspondent
une ou plusieurs causes possibles et une ou plusieurs interventions. Les
plus simples ont été présentées précédemment au cours de l’analyse des
circuits du moteur, les autres sont affaire de spécialiste.

Le démarreur ne marche pas


– La batterie est insuffisamment chargée.
– La qualité des contacts est médiocre aux bornes de la batterie ou
aux branchements sur le démarreur.

Le moteur refuse de démarrer


– Le stop moteur n’a pas été repoussé.
– Le préchauffage n’a pas été actionné ou est en panne.

Le moteur a des ratés


– Le filtre à gazole est encrassé.
– Un peu d’eau ou d’air arrive avec le gazole.

Le moteur s’arrête
– Panne sèche.
– Filtre obstrué.
– Tuyau colmaté.
– Bactéries dans le gazole.
– Eau dans le gazole.
– Injecteur défectueux : consulter un spécialiste.

Le moteur s’étouffe
C’est assez rare, mais si la mise à l’air du réservoir gazole est
bouchée, le moteur s’étouffe car il a du mal à aspirer le carburant. Ouvrir
le nable de remplissage : s’il repart normalement, c’est que la mise à l’air
était bel et bien obstruée.
Le moteur ne tourne pas rond
Un injecteur ne fonctionne pas. Pour savoir lequel, desserrer et
resserrer les injecteurs un à un. Le fautif est celui qui ne modifie pas le
régime du moteur. Pour aller plus loin, à moins d’avoir de bonnes
connaissances en mécanique, il faut consulter un spécialiste.

Le moteur cogne ou vibre


– Suspension par Silentbloc défectueuse (le moteur peut être
désaligné ou l’arbre d’hélice tordu à la suite d’une prise de bout dans
l’hélice) : consulter un spécialiste.
– Problème d’injecteur ou de pompe à injection : consulter un
spécialiste.

Le moteur fume blanc


De l’eau vaporisée sort à l’échappement. S’il fait très froid, c’est peut-
être normal (comme de la buée qui sort de la bouche). Sinon, il peut
s’agir d’une chauffe moteur, de bactéries dans le gazole (consulter un
spécialiste) ou d’une rupture du joint de culasse qui laisse entrer l’eau de
refroidissement dans les cylindres.

Le moteur fume noir


Tout le gazole n’est pas brûlé :
– Soit le moteur n’a pas assez d’air : nettoyer le filtre à air. Soit le
moteur force : un bout ou un filet s’est coincé dans l’hélice.
– Soit c’est un problème d’injecteur (pompe à injection mal réglée,
injecteur mal taré qui injecte trop de gazole) : consulter un spécialiste.

Le moteur fume bleu


– Il y a trop d’huile : vérifier le niveau et en retirer, au moyen d’une
pompe de vidange (pompe-seringue).
– Usure des cylindres, segments cassés, jeu dans les guides de
soupapes : consulter un spécialiste.

L’alarme de température d’eau s’allume


– Problème dans le circuit eau de mer. La vanne d’arrivée d’eau de
mer est fermée, la crépine ou le préfiltre est obstrué, il y a une prise d’air
dans le circuit d’eau de mer, des pales du rouet de pompe sont cassées
ou encore le niveau du liquide de refroidissement est trop bas.
– Problème de thermostat, d’encrassement de l’échangeur de
température : consulter un spécialiste.

L’alarme de pression d’huile s’allume


Le niveau d’huile est trop bas ou la gîte du bateau est trop importante
(le plongeur qui aspire l’huile ne trempe plus dans le carter). Arrêter
immédiatement le moteur 30.
LE MOTEUR HORS-BORD
Les moteurs hors-bord équipent essentiellement les annexes et plus
rarement les voiliers. Ils sont alors installés sur le tableau arrière ou dans
un puits. Les moteurs hors-bord à deux temps qui fonctionnaient avec un
mélange d’huile et d’essence, relativement polluants, ont été remplacés
par des moteurs à quatre temps, plus lourds mais plus silencieux, moins
gourmands et moins polluants. Ils fonctionnent à l’essence pure et sont
lubrifiés par une réserve d’huile interne. Ce Cours se contente de
présenter le moteur hors-bord à quatre temps.

UTILISER UN HORS-BORD

Démarrer
– Vérifier le serrage des pinces de fixation du moteur.
– Vérifier que le moteur est amarré avec un bout de sécurité.
– Vérifier que la vis de mise à l’air libre du réservoir est ouverte.
– Mettre en place le coupe-circuit rouge et le relier à son poignet.
– Vérifier que le moteur est au point mort.
– Placer la commande des gaz sur « start ».
– Si le moteur est froid, tirer la manette du starter (choke) et la
repousser dès que le moteur a démarré.
– Tirer doucement le cordon du lanceur jusqu’à trouver la résistance
d’une compression, vérifier que personne ne se trouve sur la trajectoire
de son coude, tirer franchement.
– Vérifier le fonctionnement du refroidissement : un petit jet d’eau (la
« pissette ») doit sortir à l’arrière du moteur.
PLANNING D’ENTRETIEN DU MOTEUR DIESEL
Les moteurs Diesel de nos voiliers sont fiables et solides, il n’empêche que
pour éviter les mauvaises surprises, il faut savoir en prendre soin : ils nous le
rendront bien. Ce pense-bête donne quelques points de repère quant à la
fréquence et à la nature des opérations de maintenance. Celles-ci doivent être
accompagnées d’une grande intimité avec le moteur, dont on surveille odeurs,
vibrations, fumées colorées, taches, coulées, suintement, température. L’odorat,
la vue, le toucher sont d’excellents outils de prévention et de diagnostic.

Chaque jour, vérifier :


– L’ouverture de la vanne d’eau de mer.
– Le niveau d’huile moteur et d’eau de refroidissement.
– Le niveau de gazole et l’ouverture du robinet de sortie du réservoir.
– L’absence d’eau dans les fonds et la propreté de la gatte-moteur.
– La sortie de l’eau de mer à l’échappement après le démarrage moteur.
– Le fonctionnement du ventilateur de circulation d’air du compartiment
moteur.
– La tension de la batterie moteur, l’allumage du témoin de charge de la
batterie.

Chaque semaine, vérifier :


– Le niveau d’huile du réducteur-inverseur.
– La propreté du filtre à eau de mer.
– L’absence d’eau dans le préfiltre gazole.
– L’étanchéité de l’échappement.
– La tension de la courroie de l’alternateur : un quart de tour, pas plus, ou une
flèche de 1 cm maximum quand on appuie avec le doigt.
– L’absence de fuite au presse-étoupe.

Toutes les 50 à 500 heures-moteur :


En fonction des indications du motoriste, ou au moins une fois par an…
– Nettoyer le préfiltre gazole ; changer de cartouche.
– Vidanger l’huile moteur.
– Remplacer la cartouche du filtre à gazole.
– Remplacer la cartouche du filtre à huile.
– Changer si nécessaire le rouet de pompe à eau.
– Graisser les câbles sous gaine et les articulations.
– Vérifier l’état des anodes.
– Vérifier les cosses batteries.
– Vérifier la propreté du filtre à air.
– Vérifier le graissage des vannes.
– Vérifier le coude anti-siphon.
– Vidanger l’huile de l’inverseur (fréquence en fonction des indications du
motoriste).

Au moment de l’hivernage :
Faire toutes les opérations détaillées sous l’intitulé « Toutes les 50 à
500 heures-moteur ». Rincer le circuit d’eau de mer à l’eau douce juste avant
d’hiverner.

Tous les 2 ans :


Vidanger et nettoyer le réservoir à gazole.

Tous les 5 ans, changer :


– Le joint d’embase pour les moteurs Saildrive.
– Le caoutchouc du presse-étoupe.
Tirer dans un premier temps le lanceur jusqu’à sentir le point de compression du
moteur.

Naviguer
Vérifier que l’embase du moteur (là où se trouvent l’hélice,
l’aspiration d’eau de refroidissement et l’échappement) ne se retrouve
pas hors de l’eau, ce qui arrive lorsqu’on charge l’avant du bateau pour
relever le mouillage, par exemple : le bruit de l’échappement change
alors nettement. Sans refroidissement, le moteur grille très vite.
En route, contrôler la pissette très régulièrement.
Ne pas mettre pleins gaz : la consommation de carburant augmente
énormément quand on se rapproche de la puissance maximale et
l’accélération obtenue est finalement très faible.

Arrêter
Pour un arrêt prolongé, retirer le cordon d’alimentation d’essence si
le moteur en est équipé : le carburateur se videra. Au quotidien, retirer le
coupe-circuit suffit. Fermer la mise à l’air libre du réservoir. Relever le
moteur pour que les algues n’élisent pas domicile sur l’embase et
n’obstruent pas la prise d’eau.

STOCKER ET MANIPULER UN HORS-BORD


La tête motrice du moteur ne doit jamais être plus basse que l’hélice.
Stocker et manipuler de préférence le moteur verticalement. Sinon, l’eau
de refroidissement peut remonter par l’échappement et pénétrer dans
les cylindres ; l’essence peut s’échapper du carburateur.
Éviter de stocker le moteur à l’intérieur du voilier : risques d’incendie
et odeur insupportable d’essence. La meilleure place du hors-bord de
l’annexe est sur le balcon arrière.
Par sécurité, démonter la bougie avant d’intervenir sur l’hélice.

LES PANNES DU HORS-BORD

La qualité de l’essence
La qualité de l’essence est fréquemment en cause : eau au fond du
réservoir, sable fin, dépôts dans l’essence elle-même, impuretés diverses
bouchent les conduits très fins du carburateur. Filtrer l’essence au
remplissage du réservoir. Après une période d’inactivité ou en cas de
panne, inspecter soigneusement l’intérieur du réservoir : s’il y a de l’eau
ou le moindre dépôt, le vidanger et le nettoyer avant de le remettre en
service. En cas de panne, nettoyer également le circuit (tuyau
d’alimentation, filtre et carburateur).

L’alimentation
Si le tuyau d’alimentation est mal branché, le moteur refusera de
fonctionner. Ça semble évident, mais il s’agit pourtant d’une panne très
fréquente. Si le moteur s’arrête au bout de quelque temps, c’est le plus
souvent parce que le réservoir s’est mis en dépression (il ne faut pas
oublier d’ouvrir la vis de mise à l’air libre du réservoir).

Le refroidissement
Si la pissette ne débite plus, arrêter le moteur ou il grillera en moins
d’une minute. La pissette se bouche généralement avec des cristaux de
sel. La déboucher avec une allumette ou un trombone. Si ça ne donne
rien, démonter ou faire démonter l’embase pour vérifier et changer le
rouet de pompe à eau.

Quand le moteur tombe à l’eau


Eh oui ! ça arrive, que le moteur soit amarré ou non par un bout de
sauvegarde. Pour peu que les vis de fixation aient pris du jeu, que le
moteur échappe des mains au moment de la mise en place, etc.
Soit on peut intervenir tout de suite (rinçage à l’eau douce,
démontage des bougies, vidange de l’huile moteur et de l’essence,
séchage…). Soit c’est impossible dans l’immédiat (c’est la nuit, la mer
est agitée, on n’a pas les outils, etc.), auquel cas il faut laisser le moteur
dans l’eau de mer ou immerger la tête motrice dans un seau d’eau douce
ou une grande poubelle (elle s’oxydera moins qu’à l’air libre). Ne la
ressortir qu’au moment où l’on est prêt à intervenir.

Le bout du lanceur est cassé


En principe, le lanceur se démonte avec un minimum d’outils. On peut
alors lancer le moteur en enroulant un bout muni d’un nœud en huit sur
le volant moteur. Pour réparer le lanceur, ne pas démonter le logement
du ressort : ça ne sert à rien et c’est très difficile à remettre en place.
Tourner simplement la cage pour remettre le ressort en tension avant
d’enfiler et de nouer le nouveau bout.

L’HIVERNAGE DU HORS-BORD
Rincer le moteur en le faisant tourner dans de l’eau douce, en le
montant sur une chaise et en immergeant l’embase dans un grand bac.
Puis le laver soigneusement. Vidanger l’huile de l’embase. Mettre un peu
d’huile dans les cylindres en démontant les bougies. Purger le
carburateur. Nettoyer le filtre à essence. Nettoyer les bougies et vérifier
leurs électrodes. Contrôler l’état de l’anode qui se trouve sur l’embase
au-dessus de l’hélice. Graisser les articulations et les vis des pinces de
fixation.
Avant la mise en service, démonter les bougies, faire tourner le
moteur au lanceur pour chasser l’huile des cylindres, et remonter les
bougies.

LA PLOMBERIE
Le mot est resté mais plus rien n’est en plomb, ni dans une maison ni
dans un voilier – sauf quelquefois le lest. Ce n’est donc pas de plomb,
mais bien de la tuyauterie du bord et de ses particularités qu’il va être
question ici. La coque d’un voilier, percée de nombreux trous reliés à des
tuyaux (toujours trop nombreux au goût du marin), se doit pour le moins
d’être étanche. Cette règle s’étend à la plomberie du bord, dont
l’entretien et la surveillance demandent une attention soutenue.

LES RÈGLES DE MONTAGE ET LES MATÉRIAUX UTILISÉS


Tous les raccords situés sous la flottaison doivent être munis de
colliers de serrage inoxydables (deux côte à côte ou un seul collier large
à deux vis). Les extrémités des colliers de serrage doivent être munies de
préférence d’un embout de protection. Les tuyaux qui débouchent sous
la coque doivent être solides : éviter les tuyaux annelés en spirale de
faible épaisseur et utiliser plutôt des tuyaux armés de marque Tricoclair
par exemple.
Pour les pompes de cale, placer de préférence un clapet antiretour
dans la cale, après la crépine de prise d’eau, sinon il y a toujours de l’eau
qui redescend du tuyau.

VÉRIFIER ET ENTRETENIR LES CIRCUITS


Les vannes, en bronze ou en plastique, doivent être régulièrement
contrôlées (vérifier qu’elles s’ouvrent et se ferment correctement,
qu’elles sont exemptes de corrosion, de suintement, etc.).
Pour changer une vanne à flot (c’est possible !) : plonger et mettre
une pinoche dans le passe-coque par l’extérieur de la coque. Changer la
vanne en prenant soin de ne pas faire tourner le passe-coque. Ouvrir la
nouvelle vanne, chasser la pinoche avec une tige et la récupérer avec la
ficelle qu’on a pris la précaution de fixer dessus. Refermer la vanne avant
de remonter le tuyau.
Ne pas tenter de resserrer un passe-coque qui fuit légèrement : ça
détruit le joint d’étanchéité élastomère entre la coque et le passe-coque.
Attendre que le bateau soit au sec pour changer les passe-coques.
Contrôler aussi les passe-coques du sondeur et du speedomètre.

LES W-C MARINS


D’abord en porcelaine et munis de vannes en bronze, les W-C marins
ont subi quelques cures d’amaigrissement au fil du temps. Avant tout
robustes aux temps héroïques, ils sont devenus légers mais souvent
fragiles. Dernière grande évolution : la récente adjonction des cuves à
eaux noires imposées par la réglementation.
Une panne de W-C étant toujours assez mal vécue à bord, ce qui suit
veut expliquer comment l’éviter mais aussi comment dépanner. Sans
oublier la délicate question de l’utilisation des W-C marins, qui change
quelque peu le néophyte de ses habitudes terrestres…
Sur un W-C marin standard, une même pompe est en charge de deux
actions, remplir la cuvette pour le rinçage, et la vidanger.
Mode d’emploi, donc. Ouvrir les vannes. La cuvette est vide. Placer le
levier en position « Flush » pour la remplir d’eau propre en pompant.
Officier. Pomper jusqu’à ce qu’il ne reste que de l’eau propre dans tout le
circuit. Le corps de pompe fait environ 20 centimètres. Si le tuyau fait
2 mètres, le tout se nettoie en un minimum de dix coups de pompe.
Placer le levier en position « Dry » pour vider la cuvette. Pomper pour
vider, puis fermer les vannes.

Les cuves à eaux noires


Le montage le plus simple, c’est de placer la cuve à eaux noires au-
dessus de la flottaison pour pouvoir la vidanger à la mer par gravitation
quand le bateau est suffisamment loin des côtes (voir le chapitre
« Environnement marin » et l’encadré sur les rejets en mer ►).
Le tuyau de sortie des W-C arrive dans la partie haute de la cuve,
également munie d’une évacuation de pompage par un nable de pont et
d’une mise à l’air libre débouchant le plus souvent sous le livet (jonction
coque-pont). La mise à l’air libre peut être équipée d’un filtre anti-odeurs.
Une évacuation basse est reliée à un passe-coque muni d’une vanne et
placé sous la flottaison.
Au large, vanne basse ouverte, le W-C se déverse dans la cuve qui se
vide elle-même dans la mer. Près des côtes, au mouillage et au port,
fermer cette vanne. La cuve peut être vidée au port par pompage depuis
le nable du pont.
Si la cuve n’est pas au-dessus de la flottaison, le montage est
beaucoup plus complexe. Il faut une pompe de vidange de la cuve vers la
mer. À la sortie des W-C, une vanne trois voies oriente le flux soit vers la
cuve, soit vers la mer via un col-de-cygne traditionnel.
Le fonctionnement d’une vanne trois voies.

■ L’autonomie des cuves à eaux noires


L’expérience montre qu’avec un équipage de six personnes,
l’autonomie d’une cuve à eaux noires de 50 litres est d’environ deux
jours en utilisation exclusive.

Les principales pannes des W-C marins


La plupart des pannes sont provoquées par une mauvaise utilisation –
en particulier quand quelqu’un oublie de remplir la cuvette avant usage.
D’où l’importance de l’affichage du mode d’emploi : il évite aussi des
ennuis à ceux qui savent déjà se servir des W-C…
Fonctionnement d’un W-C marin. 1 Lorsqu’on monte le levier, le contenu de la
cuvette est aspiré dans le bas de la pompe. 2 On appuie sur le levier de la pompe. Le
clapet inférieur se referme, le contenu du bas de la pompe est chassé via le clapet en
« bec de canard ». 3 L’eau de rinçage est aspirée lors de la descente du levier. En
effet, le clapet gauche se referme, aidé en cela par un lest situé dans sa partie
inférieure. La dépression ouvre le clapet de droite qui amène l’eau à la cuvette.
4 Dans le même mouvement de remontée du levier, la cuvette se vide. Le « bec de
canard » est fermé par la dépression. 5 Pour assécher la cuvette, il faut empêcher
l’arrivée d’eau en haut de la cuvette, en basculant sur « dry » le petit levier placé sur le
haut du corps de la pompe, et qui maintient le clapet gauche ouvert. Désormais,
lorsque le piston descend, il n’aspire plus d’eau de mer, mais l’air de la cuvette. En
dessous, la pompe continue de vider la cuvette : lorsque le piston remonte, sa partie
supérieure envoie de l’air dans la cuvette, sa partie inférieure aspire son contenu et
l’évacue.

Les pannes sont également favorisées par des montages de


tuyauterie dont les coudes sont trop serrés, mais aussi par l’utilisation
trop intense de papier-toilette (qu’il est conseillé de stocker dans la
poubelle du bord).

■ On ne pompe pas assez et ça se bouche


Si l’utilisateur ne pompe pas assez, le contenu de la cuvette
redescend du col-de-cygne vers la pompe et empêche le clapet de sortie
de la pompe des W-C de fonctionner. L’utilisateur force sur la pompe qui
se met à fuir. Tout le système se bouche ! Il faut démonter la bride qui
maintient le clapet en « bec de canard » de sortie de la pompe.

■ L’arrivée d’eau propre ne se fait pas


Se munir d’un ou de deux seaux d’eau de mer avant d’utiliser les W-C,
sinon la panne du W-C bouché est imminente… Si l’eau n’arrive pas,
c’est qu’au lieu d’aspirer de l’eau de mer en position « Flush », la pompe
aspire de l’air. Deux causes possibles :
– Le joint qui se trouve entre la tige et le haut de la pompe s’est
détérioré : recréer provisoirement l’étanchéité avec un chiffon mouillé.
– Une algue empêche le clapet de sortie d’eau claire de se refermer :
à la descente du levier, pincer le tuyau qui relie le haut de la pompe au W-
C (ou boucher la sortie du tuyau en haut de la cuvette) puis pomper.

■ La cuve à eaux noires reste pleine et ne se vide


pas
On a ouvert (au large) la vanne d’évacuation des eaux noires, et on
pense que la cuve s’est vidée. Erreur, il y a un bouchon dans un coude de
la plomberie, et la cuve est restée pleine. On s’en aperçoit par
transparence de ladite cuve si l’on a la curiosité d’ouvrir la trappe
derrière laquelle est cachée, mais le plus souvent c’est un écoulement
par l’évent sur le bordé qui signalera le problème. Il existe différents
remèdes, intervention par l’extérieur avec un instrument coudé, insertion
dans la cuve de tablettes de bactéries pour fosse septique. Avant de se
lancer dans les travaux pénibles, on pourra essayer de manœuvrer la
pompe des toilettes tandis qu’un deuxième équipier obture l’évent avec
le plat de la main (gantée !). La surpression dans la cuve suffit bien
souvent à évacuer le problème.

■ Les vis ne tiennent plus dans le plastique


de l’embase du W-C
Une malheureuse tentative de réparation se termine parfois par une
nouvelle fuite car une vis trop serrée peut casser le pas de vis fragile des
pièces en plastique. La seule solution, c’est de mettre une vis plus grosse
(mais on n’en a pas toujours sous la main) ou de faire un boulonnage. Se
souvenir en tout cas qu’il ne faut pas forcer sur les vis : si le contact se
fait mal et que le montage fuit, c’est peut-être parce qu’un joint est mal
placé.

Dépanner et entretenir les W-C


■ Dépannage
Pour déboucher, on peut utiliser un débouche-évier ou la pression
d’un tuyau d’arrosage, mais la plupart du temps il faut démonter. Se
munir de gants, de seaux, d’éponges, de tournevis, de clés et…
d’abnégation.

■ Entretien
En se déposant sur le clapet « bec de canard », le tartre calcaire a
tendance à le rigidifier. Mettre les restes de vinaigre à mijoter dans le W-
C avant l’hivernage.
Le caoutchouc se détériore. Il vaut mieux l’huiler pour l’hiver. Finir la
bouteille d’huile dans les W-C après avoir vidé le vinaigre ! Plus
sérieusement, avec les W-C de mer, mieux vaut avoir un jeu de joints de
rechange.
RÉPARER L’ANNEXE
L’annexe fuit ! Mais elle n’est pas forcément crevée. Rincer
régulièrement les valves de gonflage à l’eau douce : des cristaux de sel
peuvent provoquer des fuites légères. Et puis, il y a fuite et fuite… Est-ce
une fuite d’air ou une fuite d’eau dans le fond ? La réparation est la
même, mais la façon de chercher la fuite est différente.

LES DEUX TISSUS DONT ON FAIT LES ANNEXES :


– Le tissu en caoutchouc synthétique (Hypalon-Néoprène par exemple). Quand
on le ponce, il se dépolit en surface. Plus solide, plus résistant que le PVC, mais
également plus cher.
– Le PVC ou chlorure polyvinylique. Quand on le ponce, il se raye sans se
dépolir. La plupart des annexes sont en PVC.
Ces tissus (surtout le Néoprène) craignent les ultraviolets. Ne pas s’étonner, aux
Antilles ou en Méditerranée, de voir les annexes équipées de housses comme de
petits chiens : cette protection augmente leur longévité.

Disposer de : savon, marqueur, chiffon, acétone, papier de verre,


colle spécifique (la choisir en fonction du tissu de l’annexe).
Actuellement, pour les deux types de tissu, les colles se présentent sous
forme de deux composants.
Pour réparer, il ne doit faire ni froid ni humide. Il faut disposer
d’environ 45 minutes et ne pas avoir à se servir de l’annexe pendant
24 heures.
Gonfler l’annexe et détecter les fuites avec de l’eau savonneuse.
Dégonfler l’annexe. Dessiner et découper les pièces de réparation.
Dessiner l’emplacement de la pièce sur l’annexe. Malaxer le mélange
dissolution-durcisseur pendant 2 minutes. Poncer puis dépoussiérer la
surface à réparer. Passer une couche d’acétone puis attendre 5 minutes.
Passer une deuxième couche d’acétone. Appliquer une couche fine et
régulière de colle sur chaque face de contact. Laisser 5 minutes.
Appliquer une deuxième couche fine et régulière sur chaque face. Laisser
5 minutes. Appliquer une troisième couche fine et régulière sur chaque
face. Laisser 10 minutes. Rapprocher les deux surfaces et lisser en
appuyant (on dit « maroufler »). Attendre 24 heures avant de gonfler.
PLANNING D’ENTRETIEN
AU FIL DE L’EAU

Règles de base
Repérer et signaler toute anomalie même insignifiante en apparence.
L’esprit doit rester en éveil, épier tout ce qui peut arriver. Noter tous les
problèmes dans le livre de bord, sa mémoire est infaillible.

Chaque jour
– Sur le pont. Contrôler la tension des haubans, des filières, des lignes de vie.
Vérifier que les ridoirs sont assurés, qu’une goupille est présente sur chaque axe.
Contrôler le vit-de-mulet. Vérifier du regard que les haubans sont assurés sur les
barres de flèche. Vérifier l’amarrage du tangon et de l’ancre. Contrôler les
coutures des voiles.
– À l’intérieur. Vérifier l’absence d’eau dans les fonds, la charge des
batteries, le niveau de gazole, le bon fonctionnement de l’électronique. Nettoyer.

Chaque semaine
– Sur le pont. Monter au mât. Contrôler poulies, manilles, axes, goupilles,
haubans, ancrage des ferrures. Contrôler l’usure des drisses et des écoutes au
portage sur les poulies et aux zones de frottement. Contrôler le bon
fonctionnement des feux de route (s’ils n’ont pas été utilisés).
Contrôler que le halin du feu à retournement se déroule correctement, que
son feu fonctionne.
– À l’intérieur. Contrôler le bon fonctionnement des lampes de poche et des
projecteurs, des pompes de cale.

Chaque mois
Contrôler le fonctionnement des vannes, l’absence de jeu des taquets, l’usure
des mâchoires des bloqueurs, l’état des winchs et la déviation du compas de
route.

Chaque année, à l’hivernage


– Vidanger, nettoyer et traiter le réservoir d’eau.
– Électricité et électronique. Mesurer les pertes du circuit électrique, déposer
les couvercles des boîtes de dérivation et les verrines des lampes, débarquer le
matériel électronique, protéger les connexions avec de l’hydrofuge.
– Annexe. Nettoyer, sécher, talquer et stocker au sec.
– Voiles. Rincer à l’eau douce, faire sécher, stocker dans un endroit aéré à
l’abri de la lumière.
– Habitacle. Créer une circulation d’air (aérateur fonctionnant à l’énergie
solaire par exemple, ou plus simplement capots entrouverts au cran de sécurité)
pour éviter l’apparition de moisissures. Débarquer la sellerie.
– Protection contre la corrosion. Vérifier l’état des anodes, l’hélice.
– Matériel de sécurité. Vérifier les dates de péremption de tout le matériel de
sécurité (pyrotechnie, radeau de survie, extincteurs, pharmacie, gilets de sécurité,
etc.). Contrôler le mouillage et son amarrage.
– Moteur. Voir « Planning d’entretien du moteur Diesel » ►.

Tous les 7 ans


Changer le gréement dormant tous les 7 ans ou tous les 20 000 milles. Cette
durée sera réduite à 5 ans pour les étais à enrouleur.
Notes

1. Banette ou bannette est issu de « bane » ou « banne », qui désignait une cosse,
ou encore un panier oblong, un tombereau destiné au transport de marchandises.
Longue et étroite, éventuellement munie de bords relevés, la bannette est la
couchette du marin. ◄

2. Quel que soit le système de quart retenu, il est toujours préférable de


s’organiser pour que les deux principaux repas de la journée, qui demeurent des
moments privilégiés de la vie en communauté, soient systématiquement pris en
commun. ◄

3. Il est fréquent, et souvent légitime, de différer une réduction de voilure à


l’heure du changement de quart. Dans ce cas le quart descendant, qui a l’esprit
plus vif et une meilleure perception des événements dont il suit l’évolution depuis
un bon moment, confie la barre et les écoutes au quart montant, pour se coltiner
sur le pont le plus dur de la manœuvre. ◄

4. Par courtoisie, et pour éviter les malentendus, on se réveille suffisamment tôt


avant son quart pour relever à l’heure dite ceux qui là-haut, parfois, commencent
à trouver le temps long. ◄

5. Les pertes en eau pour un sédentaire sont de l’ordre de 2,5 à 3 litres par jour.
L’alimentation apportant 1 à 1,5 litre au corps, il faut boire un peu plus de 1,5 litre
d’eau par jour. Quand on perd 2 % de son poids en eau, on perd 20 % de son
énergie : il faut donc boire 0,5 à 1 litre d’eau par heure au cours d’un effort
soutenu. Quand la perte est supérieure à 4 %, le risque de coup de chaleur n’est
pas loin. ◄
6. Le contenu total des vaches à eau était de 280 litres à l’avant et de 250 litres à
l’arrière, 530 litres au total, soit 3,3 litres par personne et par jour. Il y avait donc
une bonne marge de réserve ! ◄

7. Regards de visite : trappes d’inspection. ◄

8. En mer, on grossit ou on maigrit ? Pour en avoir le cœur net, les Glénans ont
fait une expérience : peser une centaine de stagiaires hommes et femmes de tous
âges, avant et après des croisières d’une semaine et de 15 jours. Résultat : à
quelques très rares exceptions individuelles près, il n’y a eu aucune variation
significative, que les résultats soient considérés dans leur ensemble ou qu’ils
soient classés par équipage, par sexe ou par tranche d’âge. Pourtant, chacun a
estimé avoir bénéficié d’une alimentation plus riche qu’à l’ordinaire. ◄

9. Les opérations de contrôle du matériel et du bateau sont détaillées dans « La


maintenance du voilier » ►.

10. Les bornes sur les pontons ne sont pas naturellement équipées de manches à
eau et de rallonges électriques. Celles qui sont en place appartiennent donc à l’un
de vos voisins. Un emprunt même provisoire ne peut être envisagé qu’avec leur
accord. ◄

11. La Société nationale de sauvetage en mer est une association loi 1901, dont
les acteurs sont en grande partie bénévoles et qui assure des missions de service
public dans le domaine du sauvetage en mer et de la surveillance des
baignades. ◄

12. Le Code des transports (article 5114-1) stipule notamment que tout acte de
vente d’un navire doit être écrit, « à peine de nullité ». ◄
13. Au moment où nous rédigeons cette huitième édition du Cours, la Division 240
n’impose de livre de bord, dénommé « journal de bord », que dans le cadre d’un
armement semi-hauturier (au-delà de 6 milles d’un abri) ou hauturier. Cela
n’interdit pas d’en utiliser un pour tous les types de navigation. ◄

14. Les tensions qui s’exercent sur les bas-haubans étant plus importantes que
celles qui s’exercent sur les haubans, leurs caractéristiques et la solidité de leurs
fixations sur le pont et sur le mât doivent en tenir compte. ◄

15. Le monotoron s’allonge de 1 mm sur 2 m lorsqu’on augmente sa tension


d’une valeur équivalant à 5 % de la charge de rupture. Pour le Dyform on
appliquera 0,95 mm, et pour le Rod 0,7 mm. ◄

16. Une définition plus complète et précise du fluage nous est fournie par le
dictionnaire : c’est « la déformation lente et retardée d’un corps soumis à une
contrainte constante, provoquée par la durée d’application de cette contrainte »
(Larousse). Le fluage est par exemple une caractéristique bien connue du
Dyneema, et c’est ce qui rend cette fibre particulière impropre au haubanage
latéral, à la différence de certaines autres fibres haut module. ◄

17. Réa : roue à gorge d’une poulie, sur laquelle circule un cordage, un câble ou
une chaîne. ◄

18. Pour cette épissure, ainsi que pour toutes les techniques à venir dans ce
Cours, lorsque nous effectuons des mesures, par convention la tresse est posée
devant soi avec le courant à droite et le dormant à gauche. Rappelons que le
courant est la partie du cordage qu’on manipule pour le nouage, le dormant étant
la partie fixe ou à fixer. ◄
19. Plus le transfilage comportera de brins, plus il sera solide, mais ne pas
dépasser deux tours ou deux tours et demi (4 ou 5 brins). Au-delà, les tensions ne
peuvent s’équilibrer, et le transfilage perd en résistance. ◄

20. En réalisant ce type d’épissure, on garde à l’esprit que l’âme et la gaine


composent deux tresses indépendantes, libres de bouger l’une par rapport à
l’autre. Dans notre exemple, le cordage gainé mesure 8 mm de diamètre, l’âme
seule mesure donc 6 mm de diamètre. On peut de manière approximative
considérer que pour un cordage donné le diamètre de l’âme est inférieur de 2 mm
à celui du bout gainé. ◄

21. Par voiles plates, on désigne les voiles adaptées aux allures proches du vent,
comme les focs et les grand-voiles, par opposition aux voiles de portant comme
les spis, à la coupe par nature beaucoup plus creuse. ◄

22. L’action de brêler consiste à fixer un chargement, ou à assembler des pièces,


au moyen de cordages. ◄

23. Le gelcoat est le matériau lisse, à base de résine polyester, formant la partie
visible d’une construction stratifiée. Il a un rôle de finition et de protection. Lors
de la construction dans un moule femelle d’une coque, d’un pont, ou d’un élément
structurel comme une varangue, c’est le premier matériau qui est appliqué sur le
moule. ◄

24. Peinture évitant la colonisation des œuvres vives par les algues et micro-
organismes. ◄

25. Commencer le polissage par un grain trop fin, c’est comme travailler un
champ labouré au râteau de jardin : on y parviendra mais ça sera long ! Bien
rincer à chaque changement de grain : qu’un petit grain du papier précédent se
mélange au papier suivant et tout est à recommencer. ◄

26. Dans une construction en sandwich, une âme constituée d’un matériau léger
(balsa, mousse, ou encore nid d’abeille) est emprisonnée entre deux « peaux » de
fibres de verre (voire fibre de carbone dans les constructions très haut-de-
gamme). Le procédé est gage de raideur et de légèreté. On parle aussi, pour les
sandwichs, de matériaux « composites ». ◄

27. LED : light-emitting diode, ou diode électroluminescente. Composant


électronique émettant de la lumière lorsqu’il est alimenté par une source
électrique. Les LED sont des sources lumineuses particulièrement sobres fiables
et durables. ◄

28. Si l’éclairage du compas est en panne, la meilleure solution pour l’éclairer


sans le perturber est de lui accoler, avec du ruban adhésif, un bâton de
Cyalume. ◄

29. Le filtre fin est souvent cité sous l’appellation simple de « filtre à
carburant ». ◄

30. Sur certains moteurs un peu anciens, l’alarme de pression d’huile peut se
manifester au démarrage. Pas de panique, mettre un peu de gaz suffit en général
à faire monter la pression d’huile et désactiver l’alarme. ◄
ENVIRONNEMENT MARIN
Océanographie
La planète mer
Les courants
Les marées
Les vagues et la houle
À la rencontre de la biodiversité marine et du littoral
Les oiseaux, compagnons de route
La richesse des bords de mer rocheux
Le monde du sable et de la vase
La vie du large
À la découverte des gens de mer et du patrimoine maritime
Sur le chemin, des bateaux et des hommes
Sur les traces des bâtisseurs
À la rencontre des usages maritimes
P arce que le plaisancier ne saurait ignorer le monde qui
l’entoure et au sein duquel il évolue, cette dernière partie
du Cours est consacrée à l’environnement maritime.
Nous nous intéresserons dans un premier temps à cet
univers mouvant et fascinant que constituent les mers et les
océans. Au chapitre « Navigation », nous nous étions frottés
au calcul de marées, pour tenir compte des hauteurs d’eau et
des courants dans le tracé et le suivi de la route. Nous nous
immergeons ici dans la genèse de ces phénomènes qui
rythment nos pérégrinations. Il sera aussi question des grands
courants océaniques, de l’influence des vents sur les courants
de surface, de la mécanique de la houle et des vagues.
Dans un deuxième chapitre dédié aux écosystèmes, nous
irons à la rencontre de la flore et de la faune du large et des
bords de mer. On apprendra à reconnaître quelques-unes des
espèces les plus représentatives de nos côtes, on visitera
l’estran qui grouille de vie, et dont la lecture fournit par
ailleurs de précieux enseignements sur les limites des
marées. On se sensibilisera en même temps à la fragilité d’un
milieu pour lequel nos activités ne sont pas anodines.
Nous parlerons enfin des hommes et des femmes que nous
côtoyons au port ou que nous croisons en navigation, des
métiers de la mer tels qu’ils se pratiquent aujourd’hui mais
aussi tels qu’ils se vivaient hier, et du riche patrimoine qui en
témoigne.
Océanographie

LA PLANÈTE MER
L’ensemble des mers et des océans couvre les trois quarts (70,8 %)
de la surface du globe, avec une profondeur moyenne de 3 800 mètres.
La Terre comportant plus de creux, plus de fosses abyssales que de
hautes montagnes, si l’on procédait à un nivellement général de la
planète, celle-ci ne serait qu’un vaste et unique océan de plus de
2 000 mètres de fond.
La répartition des terres et des mers change en permanence et de
façon cyclique. Les continents s’éparpillent à la manière d’un puzzle
pour, 500 millions d’années plus tard, se réunir en un seul bloc.
L’épisode le mieux connu est le plus récent. Il date de 250 millions
d’années et marque le début de la dislocation de la Pangée, unique
continent entouré d’un seul océan nommé Panthalassa. Ce mouvement
se poursuit encore : l’Amérique s’éloigne de l’Europe à la vitesse de
5 centimètres par an, l’Australie se rapproche des Philippines, la
Méditerranée et la mer Rouge se referment inexorablement… Bref, en
l’état actuel des choses – et à l’échelle de l’histoire humaine ! –, les
océans occupent 80 % de la place dans l’hémisphère Sud. Dans le Nord,
la terre prend de l’importance (40 % de la surface), enserrant parfois des
parties d’océans auxquelles on donne le nom de « mers » lorsqu’elles
présentent des caractéristiques qui leur confèrent une certaine
individualité.
L’EAU DE MER
L’eau de mer est une solution saline et aqueuse complexe qui se
serait formée à partir des gaz et de la vapeur d’eau émis lors du
refroidissement de la Terre. Sa composition a peu évolué depuis son
origine et elle demeure indispensable à la vie, apparue dans l’océan il y a
4 milliards d’années. En Atlantique, l’eau est très salée dans des régions
comme les tropiques, où l’évaporation est très intense et où il ne pleut
guère ; elle est très salée aussi dans les mers chaudes et presque
fermées comme la Méditerranée ou la mer Rouge. Elle l’est nettement
moins à l’équateur, là où les pluies sont abondantes et où débouchent de
grands fleuves. Elle est peu salée dans les mers froides comme la
Baltique, car l’évaporation y est faible et les apports d’eau douce
importants 1.
L’énergie solaire est de loin la source principale du réchauffement
des eaux de mer, ce qui explique les fluctuations de température selon la
latitude. Les eaux de surface varient de 30 °C à « l’équateur thermique »
(situé vers 10° Nord, latitude des températures maximales) à – 2 °C dans
les régions polaires. En moyenne, l’hémisphère nord est plus chaud que
l’hémisphère sud. Les variations annuelles suivent les saisons, mais sont
nettement moins importantes que celles que l’on constate sur terre : on
dit que la mer a un « volant thermique » important, ce qui explique déjà
en bonne partie la différence entre climat maritime et climat continental.
Par ailleurs, d’une façon générale, l’eau se refroidit avec la profondeur,
jusqu’à atteindre un minimum de 1,5 à 2 °C, température de la plus
grande partie du volume des océans.
Température et salinité déterminent la densité de l’eau. L’eau froide
est plus lourde que l’eau chaude. L’eau très salée est plus lourde que
celle qui l’est peu. Cela signifie en définitive que l’eau de mer n’est pas
du tout la même partout. En fonction de ces multiples influences –
différences de température aux pôles et à l’équateur, en surface et en
profondeur, formation ou fonte des glaces, profondeur et profils des
fonds, apports fluviaux, évaporation, pluie –, on constate l’existence de
véritables masses d’eau très différentes les unes des autres, et qui
répugnent manifestement à se mélanger.

LA TEMPÉRATURE DE LA MER
La température de la mer est une question importante, ne serait-ce qu’en raison
de son influence sur le confort qui règne dans un bateau. Dans l’hémisphère Nord, le
maximum de température est atteint en août-septembre et le minimum en février-
mars. Les variations à grande échelle dépendent des saisons, de la latitude, des
courants et de la configuration de la mer (bassin fermé ou non).

Températures océaniques au mois d’août : moyenne interannuelle de 1993 à


2011.

En été, l’eau est plus chaude près des côtes et dans une mer fermée. Mais,
même en été, certaines zones côtières de l’Atlantique sont plus fraîches que les
régions voisines, à cause de remontées d’eau profonde, donc plus froide
(phénomène d’upwelling) : la mer d’Iroise (courants de marée à l’entrée de la
Manche), l’ouest de la péninsule Ibérique et la côte atlantique du Maroc (les eaux de
surface sont entraînées vers le large par des vents de nord ou de nord-est
persistants et remplacées par les eaux profondes). Ces zones sont sujettes au
brouillard d’advection quand l’atmosphère est chaude et humide. Si les envies de
baignade s’en trouvent refroidies elles aussi, ces eaux froides sont riches en
éléments nutritifs appréciés des poissons : attention dans ces régions aux bateaux
de pêche !
Si l’on recherche une mer chaude, il faut aller en Méditerranée. Mais la Grande
Bleue réserve également quelques surprises. Le fond du golfe du Lion, par exemple,
n’est pas plus chaud que le fond du golfe de Gascogne devant Biarritz (22-23 °C).
Les côtes sud de la Sicile et de la Crète sont refroidies par des remontées d’eau
profonde (les fonds peuvent y dépasser 5 000 mètres de profondeur). D’ailleurs,
conséquence du meltem (vent de nord), toute la mer Égée et son prolongement
jusqu’à la côte libyenne sont plus froids que les régions voisines, à l’est ou à l’ouest.
Enfin, l’eau de l’Atlantique pénètre en Méditerranée par le détroit de Gibraltar.
Relativement froide, cette eau tourbillonne en mer d’Alborán, puis progresse vers
l’est en longeant la côte algérienne.

Températures océaniques au mois de février : moyenne interannuelle de 1993 à


2011.

En hiver, la mer est d’autant plus froide que l’on se rapproche de la côte et que
e
la mer est fermée. Ainsi, en suivant le 45 parallèle, la température de la mer passe
de 12 °C au large dans le golfe de Gascogne à 9 °C à l’embouchure de la Gironde ou
au nord de l’Adriatique.

LES COURANTS
Chaque seconde, des milliards de mètres cubes d’eau se déplacent à
travers les océans, en surface et en profondeur. Ils plongent dans les
abysses, tourbillonnent, s’affrontent et ressurgissent en un mouvement
perpétuel : l’océan mondial est une immense machine thermique. Sa
source d’eau chaude se trouve à l’équateur et sa source d’eau froide
dans les zones polaires, où se forment les eaux profondes. Après un lent
voyage, ces eaux froides remontent, se réchauffent et restent en surface.
Entraînée dans les courants généraux, tel le Gulf Stream, qui agissent en
interaction avec la circulation des vents, cette eau chaude revient peu à
peu vers les hautes latitudes pour un nouveau cycle 2.

La machine thermique océanique.

Commençons par les eaux profondes. Elles demeurent en immersion


pendant des centaines d’années et ne retrouvent la surface qu’au niveau
des résurgences. Ces courants – dont la vitesse est de l’ordre du
centimètre par seconde – permettent le renouvellement des eaux
océaniques des grands fonds à une échelle de temps de l’ordre du millier
d’années. Dans l’Atlantique, les eaux situées entre 3 000 et
4 000 mètres de profondeur ont un âge de 600 à 700 ans. Celles du
Pacifique ont 1 300 ans. À ce rythme, même les plus contemplatifs
admettront que ce phénomène a une faible incidence sur la marche d’un
voilier !
Le marin n’est directement soumis qu’aux courants engendrés par les
marées (dont nous parlerons à part) et aux courants de surface, c’est-à-
dire ceux générés par le vent, tels les courants de dérive, les courants de
pente et les courants de surface généraux.
Immenses ou très localisés, réguliers ou occasionnels, lents ou
rapides, chauds ou froids : on étudie les courants grâce à l’emploi de
bouées dérivantes autonomes, de courantomètres à effet Doppler et
grâce aux satellites qui détectent des différences de température
infimes, visualisées sur des cartes en couleurs. Pour préparer une
croisière hauturière, on a tout intérêt à regarder les cartes de courants
prévisionnelles modélisées ainsi (consultables librement sur le site en
anglais du programme européen Copernicus). Ces informations seront à
compléter par l’étude des fameuses pilot charts, atlas américain
compilant, par mois et par océan, les relevés statistiques d’observations
météorologiques et océanographiques faites sur plusieurs décennies (en
téléchargement sur le site de la NGA, National geospatial-intelligence
agency).

LES COURANTS DE DÉRIVE


Un courant de dérive apparaît quand un vent constant souffle
plusieurs jours d’affilée. Les molécules d’air entraînant les molécules
d’eau, l’eau de mer en surface se déplace. Il suffit d’ailleurs de comparer
la carte des courants généraux avec celle de la circulation
atmosphérique générale pour voir que les grands courants océaniques
sont liés aux vents permanents du globe, comme les alizés.
Bien sûr, la force de Coriolis, due à la rotation de la Terre, fait dévier
le courant de dérive vers la droite dans l’hémisphère Nord et vers la
gauche dans l’hémisphère Sud. Au large, en eaux libres et avec des fonds
supérieurs à 200 mètres, on considère en théorie que ce courant fait un
angle de 45° avec la direction du vent. Mais, comme l’a expliqué
l’océanographe suédois Walfrid Ekman, plus on s’enfonce, plus cet angle
augmente et, à une certaine profondeur, le courant est quasiment
opposé au courant de surface, avec une vitesse très faible.

La spirale d’Ekman. En surface, pourvu que les fonds soient suffisamment


importants, le courant s’oriente à 45° à droite du vent.

Par petits fonds, près des côtes par conséquent, la direction du


courant de dérive s’approche de celle du vent avec une déviation de 20°
à 25° en moyenne. En zone littorale, la vitesse du courant de dérive
représente en moyenne 3 % de celle du vent, mais en présence de houle,
elle peut atteindre 5 %. Plus la hauteur d’eau est faible, plus le courant
s’établit vite et plus il est rapide. En navigation côtière, particulièrement
dans des bassins fermés comme la Méditerranée, il est utile d’avoir
présentes à l’esprit les conditions météorologiques des jours précédents
(tel un épisode de mistral ou de tramontane) pour tenir compte de ces
courants qui persistent un certain temps après que le vent s’est arrêté.

LES COURANTS DE PENTE


Le long des côtes comme au large, l’apparition d’un courant de dérive
créé par un vent prolongé provoque une accumulation ou un retrait
d’eau. La mer n’est plus horizontale, elle forme une pente à laquelle est
lié un autre courant qui tend à rétablir l’équilibre. Ce courant de pente a
naturellement tendance à suivre la déclivité mais, comme les autres, il
est dévié par la force de Coriolis. Ainsi au large le courant de pente est-il
parallèle aux lignes de niveau, et donc perpendiculaire à la pente. Près de
la côte, le frottement sur le fond infléchit sa direction dans le sens de la
pente. Dans le cas d’un afflux d’eau sur une côte, on peut ainsi constater
l’apparition de courants de pente plus ou moins parallèles au littoral.
Les pentes créées près du rivage sont surtout sensibles dans les
mers à faible marée. En Méditerranée, où la marée est à peine
perceptible, les dénivellations de la mer dues au vent peuvent atteindre 1
ou même 2 mètres aux extrémités du bassin. Quand le vent cesse, le
courant créé par la pente peut rester très fort jusqu’à ce que les niveaux
s’équilibrent.
À l’échelle d’un océan, les inégalités de la pression atmosphérique
peuvent aussi être à l’origine de pentes de la surface marine. Dans
l’hémisphère Nord, le niveau de la mer a tendance à s’abaisser sous une
dépression, engendrant un creux (zone de divergence et de remontée
des eaux profondes). Au centre d’un anticyclone, le vent engendre un
dôme (zone de convergence et de plongée des eaux de surface). Ce
phénomène est inversé dans l’hémisphère Sud.
LA CIRCULATION LITTORALE
La circulation littorale découle de l’action conjuguée des courants de
pente et des courants de dérive. Le long d’une côte rectiligne que borde
une mer profonde, le courant de dérive provoque – selon le sens du
vent – soit une accumulation d’eau (afflux), soit un retrait d’eau (reflux).
Une pente apparaît ainsi, orientée du large vers la côte ou de la côte vers
le large. Un équilibre va alors s’établir entre le flux du courant de dérive
et du courant de pente. Deux cas se présentent :
– Par vents de terre. Ce sont des vents de reflux, puisqu’ils
entraînent les eaux de surface vers le large. Ainsi, le niveau de la mer
baisse près de la côte, et les eaux superficielles entraînées vers le large
sont remplacées le long du littoral par des eaux froides montées du fond
(upwelling).
– Par vents de mer. Les vents d’afflux provoquent une montée des
eaux vers la côte. Lorsque les fonds sont suffisamment importants, les
eaux superficielles plongent dans les profondeurs (downwelling).
Lorsque la profondeur est faible, l’eau ne peut s’échapper que par le
côté, formant alors un courant de pente.
Les vents soufflant de la mer vers la terre ne sont pas tous des vents
d’afflux car les courants qu’ils suscitent sont déviés par la force de
Coriolis. Imaginons, dans l’hémisphère Nord, un observateur situé en mer
et regardant le rivage. Les vents venant de sa droite sont des vents
d’afflux, car le courant qu’ils créent, dévié vers la droite, se dirige vers la
côte. Mais les vents venant de sa gauche sont des vents de reflux : le
courant vient longer la côte et, dévié vers la droite, s’éloigne vers le
large.
Courants induits par un vent d’afflux.

D’une manière générale, l’élévation de niveau due aux vents d’afflux


est peu sensible : dans une mer à marées, elle se traduit simplement par
une marée haute un peu prolongée et une marée basse moins importante
que ne l’indique l’annuaire (quelques décimètres). Peut encore s’ajouter
l’effet d’aspiration dû au passage d’une dépression (environ 30 cm pour
une dépression de 980 hPa). Mais l’effet de violents vents d’afflux, liés à
une forte dépression atmosphérique sur une mer peu profonde, peut être
spectaculaire ; on nomme ondes de tempête (storm surges) les ondes
marines exceptionnelles soulevées dans ces conditions. On les appelle
aussi « marées anormales ». C’est souvent le cas en mer du Nord, dont
toute la partie méridionale n’atteint pas 50 mètres de fond et subit le
passage de nombreuses perturbations. Une zone de très basses
pressions atmosphériques fait gonfler la mer au-dessous d’elle au cours
de son déplacement ; l’onde marine formée peut être alors entretenue et
accélérée par un vent violent et causer des dégâts importants à la
navigation et au rivage. Ce phénomène s’est produit le 28 février 2010,
lors du passage de la tempête Xynthia, en France. La concomitance d’un
vent très violent (rafales à 86 nœuds au phare des Baleines dans le nord-
ouest de l’île de Ré) avec une pleine mer de coefficient 102 et une
pression atmosphérique très basse (976 hPa) a provoqué une importante
surcote submergeant les digues en Vendée, Charente-Maritime et
Gironde, provoquant la mort de 47 personnes et d’importants dégâts
matériels. Avec l’augmentation inéluctable du niveau moyen des mers
due au réchauffement climatique, la mise en place d’un système d’alerte
efficace et la remise en état des digues sont devenues des priorités.

L’UPWELLING
L’upwelling (ou remontée d’eau profonde) est un mouvement de remontée d’eau
froide, par exemple le long d’une côte. Sous l’effet d’un vent de terre ou parallèle au
littoral et soufflant de manière durable, l’eau de surface est entraînée vers le large ;
le niveau de la mer s’en trouve abaissé le long de la côte. Les eaux froides des
grandes profondeurs remontent en surface pour combler ce déficit. Ce phénomène
est classique sur les côtes de la Galice et du Portugal, où l’anticyclone des Açores
est à l’origine d’un vent du nord, dominant le long de la côte ibérique orientée nord-
sud. Les courants qui en résultent, conjugués à la force de Coriolis, éloignent l’eau
de surface vers le large. Ce phénomène ne se fait plus sentir le long de la côte
d’Algarve (sud du Portugal), puisque l’eau de surface y est remplacée par des
apports venus de l’est.
Les zones d’upwelling sont favorables à la pêche côtière. L’eau de fond qui
afflue à la surface est riche en sels nutritifs (nitrates, phosphates…), résultats de la
décomposition des organismes marins. Or ces éléments contribuent au
développement du phytoplancton, base de la chaîne alimentaire de la vie végétale et
animale.
Le phénomène d’upwelling s’observe en de nombreux lieux du monde (Chili,
Nouvelle-Zélande, mer d’Oman...) et, plus près de chez nous, sur les côtes portugaises.

LES COURANTS DE SURFACE GÉNÉRAUX


Les océans sont constitués de grandes masses d’eau de densité
variée qui se mélangent avec difficulté. Elles parcourent souvent des
milliers de milles en conservant leurs caractéristiques propres, avant de
se confondre peu à peu avec les eaux voisines. Nous l’avons dit, le grand
responsable de ces mouvements est le Soleil : l’incidence de ses rayons
variant selon la latitude et la saison, il ne réchauffe pas équitablement
tous les points de la planète. C’est pour tenter de rétablir l’équilibre que
les masses d’eau se déplacent, les unes de l’équateur vers les pôles, les
autres des pôles vers l’équateur, selon le principe de la convection.
Les grands courants de surface mondiaux sont initiés par des vents
réguliers comme les alizés ou la mousson, qui entraînent les molécules
d’eau par frottement. Immergés jusqu’à 300 mètres de profondeur, ces
flux réguliers et permanents s’écoulent d’un continent à l’autre. Ils ont au
cours des âges influencé les climats et favorisé les migrations des
peuplades aventureuses 3.
Comme le montre la carte générale, on constate que les principaux
courants sont circulaires dans chaque partie d’océan et affichent une
symétrie assez remarquable de part et d’autre de l’équateur. Dans
l’hémisphère nord, sous l’effet de la force de Coriolis, les courants
tournent bien vers la droite ; on note aussi qu’ils laissent sur leur droite
les eaux les plus légères, sur leur gauche les eaux les plus denses.

Carte des courants dans le monde (moyenne annuelle).


Un des traits caractéristiques que révèle la carte des courants est
l’existence, de part et d’autre de l’équateur, de courants froids sur la
bordure occidentale des continents. Ils sont liés à la présence des alizés
de nord-est dans l’hémisphère Nord et de sud-est dans l’hémisphère Sud
e e
entre le 15 et le 35 parallèle, et correspondent à une ascendance d’eau
profonde froide (upwelling) : c’est là l’origine des températures basses de
certains courants comme celui des Canaries, du courant australien ou
encore du courant de Humboldt, le long du Pérou.
Chaque grand bassin océanique a ses courants chauds, ses courants
froids, ses alizés, ses tourbillons, ses zones de calmes… On ne note que
deux exceptions : dans le nord de l’océan Indien, le régime des courants,
comme celui des vents, est alterné (c’est le phénomène de la mousson).
Au sud, l’océan glacial Antarctique est soumis à des vents d’ouest
persistants qui engendrent une dérive générale des eaux d’ouest en est
autour du pôle Sud, dont certaines branches, déviées vers la gauche,
remontent très loin sur la face ouest des différents continents.
La connaissance des courants généraux est fondamentale pour toute
navigation transocéanique. Atlas, prévisions numériques, Instructions
nautiques et même présence d’un thermomètre à bord sont utiles pour
mieux bénéficier de leurs effets ou les anticiper. Voici les brefs portraits
des grands courants qui bordent le continent européen : ceux de
Méditerranée d’une part, et le Gulf Stream d’autre part.

Les courants en Méditerranée


À part dans les détroits, les courants de surface généraux en
Méditerranée ne dépassent pas 1 nœud, en raison de l’absence de vents
soutenus établis sur une longue durée.
Le niveau de l’Atlantique dépasse de 30 centimètres environ celui de
la Méditerranée. Cette différence donne naissance, dans le détroit de
Gibraltar, à un courant de pente de 1,8 nœud faisant pénétrer les eaux
plus légères de l’Atlantique. Ce courant poursuit son chemin vers l’est en
longeant la côte nord-africaine. En retour, il existe un courant profond,
orienté vers l’ouest, entraînant les eaux salées et plus lourdes vers
l’Atlantique à une vitesse de 2,3 nœuds. Ces courants varient en fonction
de la marée.

Les courants en Méditerranée et en mer Noire.

Dans le détroit de Messine, l’effet de la marée (dont les marnages


n’excèdent pourtant pas 20 centimètres) est sensible et se superpose au
courant général. On observe un courant alternatif variant de 2 à
4 nœuds.
Dans les bouches de Bonifacio, les Instructions nautiques signalent un
courant d’une vitesse maximum de 2 nœuds, portant vers l’est. Branche
d’un courant général remontant le long des côtes ouest de la Sardaigne
et de la Corse, il n’est pas la cause des fortes vagues soulevées dans ce
détroit. Elles naissent par mauvais temps en raison de la configuration
des côtes des deux îles.
Dans le détroit du Bosphore, un fort courant (3 à 4 nœuds) porte au
sud : la mer Noire, qui bénéficie d’un important apport d’eau douce, se
déverse dans la Méditerranée. Seul un courant de profondeur remonte la
mer de Marmara, sans pouvoir atteindre la mer Noire.

Le Gulf Stream
Le Gulf Stream est un courant chaud (25-28 °C) qui prend naissance
dans le golfe du Mexique. Formé par les courants de dérive induits par
les alizés de nord-est, il longe la côte américaine, entre la Floride et le
cap Hatteras, avec la puissance d’un fleuve : profond de 800 mètres,
large de 100 kilomètres, il peut alors atteindre 9 nœuds. Cette vitesse
élevée est redoutable par mauvais temps dans les parages, quand le vent
est orienté contre lui 4. En s’incurvant vers le nord-est, en direction des
bancs de Terre-Neuve, le Gulf Stream s’élargit et rencontre le courant du
Labrador, plus froid et plus dense, ce qui entraîne la formation fréquente
de bancs de brume. Ensemble complexe au tracé changeant, le Gulf
Stream se déplace vers l’est en formant des méandres aléatoires, des
veines, des boucles et des retours en arrière. Il est relayé par le courant
d’Atlantique Nord, dont l’une des branches tourne à droite pour
redescendre le long des côtes d’Afrique ; à ce moment, le courant est
« pris en charge » par les alizés, vents réguliers soufflant d’est en ouest,
et devient le grand courant nord-équatorial qui ferme la boucle.
Le Gulf Stream, ses méandres et ses tourbillons. Les chiffres indiquent les
températures à la surface de l’eau, les flèches le sens du courant, et les pointillés la
limite du plateau continental.

Le courant qui prolonge le Gulf Stream transporte très loin vers le


nord de l’Europe la chaleur des mers tropicales. Le courant froid du
Labrador, obstinément plaqué contre la côte nord-américaine, y
entretient des conditions de temps détestables, alors que de l’autre côté
de l’océan, aux mêmes latitudes, tout va très bien : il fait bien meilleur en
Manche que sur le Saint-Laurent, à Lisbonne qu’à New York.

LES COURANTS DE MARÉE


Les courants de marée sont générés par l’onde de marée. Ils ne
deviennent sensibles qu’à l’approche du plateau continental, à partir de
200 mètres de fond. Au large, là où ils peuvent se déployer librement, ils
sont giratoires et font le tour de l’horizon pendant une marée complète.
Dans l’hémisphère Nord, les courants de marée tournent dans le sens
des aiguilles d’une montre, dans l’hémisphère Sud en sens inverse
(toujours Coriolis). La proximité du continent transforme
progressivement le courant giratoire en courant alternatif, c’est-à-dire
qu’il se propage dans une direction déterminée pendant la moitié de la
période de la marée puis, après la renverse (courte période de courant
nul), dans la direction opposée pendant l’autre moitié. La direction et la
vitesse du courant de marée varient selon le dessin de la côte et la
profondeur du fond. Il existe des contre-courants (derrière un cap ou une
île ou dans une baie), des phénomènes de remplissage ou de vidange,
des superpositions d’ondes de marée différentes, ce qui explique la
complexité et parfois la violence de certains courants.
Alors que stricto sensu les termes de montant et de perdant
caractérisent les mouvements verticaux de la marée, on parle de flot et
de jusant pour les mouvements horizontaux de l’eau, les courants de
marée. Le flot est associé à la marée montante, le jusant à la marée
descendante.
Les renverses de courant et les étales de niveau ne coïncident pas
nécessairement, sauf à proximité de la côte. Plus on s’en éloigne, plus le
décalage est sensible. En pratique, la renverse se fait plus tard au large
qu’à proximité des côtes. Les régatiers sont particulièrement conscients
de ce phénomène, qu’ils savent exploiter en finesse 5.
D’une manière générale, la vitesse d’un courant de marée est
proportionnelle à l’amplitude de la marée. Elle varie, bien sûr, selon les
endroits. Ainsi cette vitesse est-elle plus grande au milieu d’un chenal
que le long des rives. Aller chercher les courants plus faibles et les
contre-courants va souvent de pair avec le rase-cailloux, ce qui exige une
bonne préparation et une excellente connaissance du terrain. On sait
bien aussi que les courants sont plus rapides dans les passages
resserrés. Ils sont également plus rapides au passage de certaines
pointes : déviés, ils se trouvent en quelque sorte comprimés et donc
accélérés, cas fréquent en Manche, dans le raz de Portland, au cap Lizard
ou aux Héaux de Bréhat… Les courants de marée créent dans certaines
circonstances des mers difficiles, surtout après le passage d’un seuil : si
le courant est rapide et la hauteur d’eau peu importante, les inégalités du
fond se traduisent en surface par des remous, marmites, bouilloires,
toujours déplaisants quel que soit le nom qu’on leur donne.
Deux logiques distinctes. La direction du courant giratoire tourne d’heure en
heure vers la droite et présente un minimum à l’heure de la pleine mer (PM) du port de
référence. Le courant alternatif s’oriente en revanche dans deux directions bien
déterminées, selon la période de flot ou de jusant.
Le courant à – 6 heures et + 6 heures n’est pas le même, car les données sont en
heures rondes et non en heures marée.
SAVOIR APPRIVOISER LES RAZ
Dans les passages resserrés – en largeur ou en profondeur – que sont les raz ou
les goulets, la vitesse des flux de courant de marée peut augmenter de 50 % par
rapport à la normale. Atlas des courants du SHOM, annuaire des marées et bulletin
météo sont les trois outils indispensables afin de choisir le bon moment pour les
franchir. À la consultation de ces documents, on ajoutera trois règles : ne pas
s’engager par vent fort contre courant, ce qui peut lever une mer dangereuse ; ne
pas compter sur le moteur pour forcer le passage, au risque d’une panne ; ne pas
oublier qu’un fort courant portant modifie la vitesse du vent apparent (il le renforce
lorsqu’on navigue contre le vent), d’où la nécessité d’adapter sa voilure. En vives-
eaux, la vitesse du courant atteint 10 nœuds dans le raz Blanchard, 7 nœuds dans le
Grand Russel (entre Sercq et Guernesey), 7 nœuds dans le raz de Sein, 6 à 8 nœuds
à l’entrée du golfe du Morbihan. On ne se risquera dans le passage du Fromveur (8 à
9 nœuds) que par beau temps établi. Le goulet de Brest, le chenal du Four ou le
passage de la Teignouse sont aussi animés de courants puissants. Dans la gamme
des tapis roulants à négocier avec circonspection, on peut aussi citer le raz de
Barfleur, le goulet de Fromentine, ou encore le pertuis de Maumusson et, dans une
moindre mesure, toutes les embouchures de fleuves et de rivières. Sur la côte sud
de l’Angleterre, le raz (race en anglais) de Portland Bill mérite lui aussi d’être connu.

Le bon usage du courant


Le courant que l’on observe est rarement parfaitement identique à
celui qui est donné par la carte ►. Il faut donc apprendre à regarder, à
détecter soi-même la présence et l’importance d’un courant. Ainsi, en
mer du Nord, où les anomalies de marées sont fréquentes, les
Instructions nautiques recommandent d’observer le courant pour savoir où
en est la marée. Les points de repère ne manquent pas : comparaison
route-fond et route-surface à l’aide d’un GPS, mais aussi d’un compas de
relèvement, défilement d’un alignement dans l’axe du bateau, friselis de
l’eau contre une bouée, inclinaison des orins de casiers, différence de
clapot, traînée de mousse, etc. Le courant est sans doute l’élément le
moins évident du paysage marin : dans certaines régions, il en constitue
pourtant la dominante essentielle, rythmant toute vie et toute
navigation 6.

LES MARÉES
Quiconque se rend sur les rivages de la Manche ou de l’Atlantique
perçoit immédiatement la lente pulsation des marées. Entre pleine et
basse mer, la variation du niveau d’eau (le marnage) bouleverse aussi le
paysage maritime. Dans l’archipel de Chausey, la surface émergée des
terres, îles et îlots passe d’environ 4 000 hectares à la basse mer à
65 hectares au plein. Plus au nord, dans les ports normands, la
différence de niveau entre pleine et basse mer atteint régulièrement la
hauteur d’un immeuble de trois étages.
Ce phénomène était connu bien avant notre ère. Grecs et Romains
ont très tôt franchi le détroit de Gibraltar pour les besoins de la guerre et
du commerce. Vers 325 avant J.-C., l’explorateur grec Pythéas s’aventure
en Europe du Nord et note le lien entre les mouvements de la Lune et la
marée : il écrit aussi que l’amplitude des marées dépend des phases de
la Lune. Pendant les siècles qui suivent, navigateurs et pilotes de toutes
origines accumulent les expériences, se transmettent leurs
connaissances, mais aucune explication n’est trouvée. Il faudra encore
attendre deux millénaires pour comprendre l’origine des marées.
C’est Isaac Newton qui, en publiant la théorie de la gravitation en
1687, donne la première explication scientifique du phénomène des
marées. Synthétisant de façon géniale les travaux de ses prédécesseurs
(Copernic, Kepler, Galilée, Descartes ou Wallis), il comprend que la force
génératrice de la marée vient de la différence entre d’une part
l’attraction exercée sur l’océan par la Lune et le Soleil, et d’autre part
celle qu’exercent les mêmes astres sur le centre de la Terre. Dans sa
pensée et ses calculs, il n’intègre pas l’inertie des océans et la vitesse du
mouvement des planètes. Ce que va faire un siècle après, en 1775, le
mathématicien français Pierre Simon de Laplace. Celui-ci raisonne alors
en termes de dynamique et explique que la force génératrice de la marée
se transforme en ondes se diffusant à travers les océans. La formule qu’il
élabore va servir à prédire les marées jusqu’en 1992.
Aujourd’hui, la capacité de calcul informatique permet de prendre en
compte les composantes élémentaires de l’onde de marée, qu’on appelle
composantes harmoniques. Pour les calculs de prédiction des courants,
une liste de 143 composantes différentes a été établie.

LA FORCE GÉNÉRATRICE DE LA MARÉE


La Terre est soumise aux forces d’attraction de deux astres : le Soleil
à cause de sa masse et la Lune en raison de sa faible distance à notre
planète. Cette proximité donne à la Lune un rôle prépondérant dans le
phénomène des marées : son action est en moyenne 2,15 fois plus
puissante que celle du Soleil.
Mais tout n’est pas si simple ! Ces deux forces d’attraction viennent
aussi interagir avec une force d’inertie (dite force centrifuge) créée par la
rotation de l’ensemble Terre-Lune autour de son centre de gravité, dont
la valeur est identique en tout point du globe. Forces d’attraction et force
centrifuge se combinent pour donner naissance à la force génératrice de
la marée.
La force génératrice de la marée agit sur toutes les particules
terrestres. Les particules solides offrant une grande inertie, leur
déplacement reste faible : les marées terrestres ont une amplitude de
l’ordre de 35 centimètres. Les molécules d’eau de mer, de faible inertie,
sont mises en mouvement de manière beaucoup plus significative. Elles
se déplacent sous l’action des astres et tendent à former deux
« renflements » liquides diamétralement opposés, qui correspondent aux
pleines mers. Les deux « affaissements » correspondent aux basses
mers, et sont décalés de 90° par rapport aux renflements des pleines
mers.

La force centrifuge produite par la rotation de la Terre autour du centre de


gravité Terre-Lune est constante partout sur la planète. La force d’attraction, qui
l’équilibre au centre de la Terre, est plus grande aux points de la Terre situés plus près
de la Lune, moins grande aux points qui en sont éloignés. Pour les points de la Terre
où l’on voit la Lune à l’horizon, ces deux forces n’ont pas tout à fait la même direction
et leur addition donne une composante verticale (schéma du haut). Le schéma du bas
présente la direction de la force résultante en différents endroits de la Terre.
La force génératrice de la marée représente un dix millionième de la
pesanteur terrestre, ce qui semble infime, mais, étant en mouvement
permanent, elle génère une onde qui se déplace à une vitesse liée à la
rotation de la Terre sur elle-même.

L’ONDE DE MARÉE
À la latitude de l’Europe, l’onde de marée progresse à une vitesse
proche de 600 km/heure, avec une amplitude de quelques dizaines de
centimètres. Sa longueur d’onde (distance entre deux crêtes) est très
grande (environ 9 000 kilomètres par 4 000 mètres de fond). Mais tout
change quand l’onde de marée aborde le plateau continental. Cette onde
principale (dite « progressive ») ralentit et son amplitude augmente, dans
un mouvement analogue à la houle qui ralentit et grossit à son arrivée sur
des hauts-fonds. L’onde progressive se réfléchit alors sur la côte et
engendre des ondes secondaires. La marée est donc l’assemblage de ces
multiples ondes.
Nous l’avons évoqué plus haut, une onde de marée peut être
considérée comme la somme d’ondes simples, de fréquences et
d’amplitudes différentes, les composantes harmoniques. Chaque port est
caractérisé par un ensemble de composantes spécifiques, constituant le
spectre de marée. Celui-ci constitue la carte d’identité de la marée du
lieu. Pour un calcul de prédiction précis, dans un endroit où la marée est
liée à des enjeux importants, il peut être nécessaire de prendre en
compte jusqu’à une centaine de composantes.

Propagation de l’onde de marée


Sur les cartes, la propagation de l’onde de marée est représentée
pour la hauteur d’eau par les lignes d’isomarnage (de même marnage) et
pour la périodicité par les lignes cotidales (de l’anglais tidal : qui a trait à
la marée). Les lignes cotidales relient les points atteints à une même
heure par l’onde de marée.
Grâce à cette représentation graphique, on voit facilement (page
suivante) que l’onde de marée met environ 8 heures pour remonter la
Manche d’un bout à l’autre, avec un fort ralentissement à l’étroit passage
entre Cherbourg et l’île de Wight. On constaterait de la même manière
que la pleine mer survient à peu près à la même heure sur toute la côte
du golfe de Gascogne, de Penmarc’h à la frontière espagnole 7.

La propagation de la marée dans la Manche, illustrée par ses lignes cotidales (en
rouge) et ses lignes d’isomarnage (en bleu).

La configuration des côtes peut avoir une grande influence sur


l’amplitude de la marée : en Nouvelle-Écosse, dans le nord-ouest des
États-Unis, à cause de la forme de la baie de Fundy ouverte vers le sud-
ouest, l’onde de marée qui y pénètre se réfléchit en phase avec la marée,
ce qui double l’amplitude. Au fond de la baie, le marnage atteint
17 mètres, l’un des plus importants du monde 8. Dans la baie du Mont-
Saint-Michel, l’onde de marée est réfléchie par la côte du Cotentin, d’où
les marnages de 14 mètres. Enfin, dans les estuaires comme ceux de la
Loire ou de la Gironde, l’amplitude de la marée croît au tout début de
l’estuaire par effet d’entonnoir, puis décroît par dissipation de l’énergie
de l’onde en turbulences et en frottements, pour pratiquement
disparaître très en amont.
Il existe quelques endroits, dits points amphidromiques (du grec
amphi, deux ou double, et dromos, route ou trajectoire), autour desquels
l’onde de marée – stationnaire – semble tourner et où l’amplitude est
très faible, voire nulle. Ces points viennent des défauts de la propagation
de l’onde de marée sur les océans : elle est ralentie par les fonds marins,
détournée par la force de Coriolis et entravée par les continents qui font
barrière.
La baie de Fundy. Le temps que la marée met à la remonter est équivalent à
l’intervalle de temps séparant deux marées hautes. Les deux systèmes entrent en
résonance, dans un phénomène nommé « seiche », ce qui accroît le marnage.

Propagation de la marée à travers les océans. Cette carte dessine les lignes
cotidales des marées semi-diurnes, les couleurs décrivant l’importance du marnage.
Des points amphidromiques apparaissent là où le marnage est quasi nul. On en
dénombre, pour ce qui concerne les régions proches de nos côtes, trois en mer du
Nord et un en Atlantique Nord.

PROPAGATION DE L’ONDE DE MARÉE PRINCIPALE DANS


NOS RÉGIONS
Prépondérante dans nos régions, l’onde de marée M2 est la composante
principale de la marée à Brest. Elle est calculée en considérant une Lune « fictive »
tournant autour de la Terre dans le plan de l’équateur. La représentation visuelle du
parcours de l’onde M2 à travers les océans est tout à fait étonnante. La marée haute
sur les côtes d’Afrique remonte vers le nord, en Espagne, en Angleterre, en Islande,
elle part ensuite vers le Groenland, redescend vers les Antilles, puis elle continue
vers le Brésil et revient de nouveau en Afrique (le tout en 12 heures et 20 minutes
environ). L’onde de marée est soumise à la force de Coriolis, qui la tire vers la droite
au cours de son voyage océanique. Elle est ainsi tirée vers l’est quand elle va vers le
nord, vers l’ouest quand elle revient vers le sud.

L’onde M2 met environ 12 heures et 20 minutes pour faire le tour de l’Atlantique Nord.
En 1 la marée est haute des Antilles à l’Afrique, en 2 elle est haute en Espagne puis en
France, en 3 en Islande puis au Groenland.

LES TYPES DE MARÉES


On distingue quatre types de marées, que l’on classe suivant le
nombre et la hauteur des pleines et basses mers chaque jour.
– Si, dans une même journée, l’on compte deux marées hautes et
deux marées basses ayant à peu près la même hauteur, c’est une marée
semi-diurne. Ce type de marée est le plus fréquent en Europe et sur les
côtes de l’Atlantique.
– Si l’on est dans le cas précédent, mais que dans le même temps
l’on constate de grandes différences entre les hauteurs de pleines et
basses mers d’une même journée, c’est une marée semi-diurne à
inégalité diurne. Elle est fréquente dans l’océan Indien et certaines zones
du Pacifique.
– La marée diurne, qui ne compte qu’une pleine mer et une basse
mer par jour, est observée dans le Pacifique, en particulier sur les côtes
de Sibérie orientale, mais aussi dans le golfe du Mexique et à
Copenhague.
– Si la marée alterne entre un rythme diurne, semi-diurne ou à
inégalité diurne, il s’agit d’une marée mixte. Elle est présente en
Indonésie, au Vietnam, aux Antilles (baie de Fort-de-France), en Sibérie et
en Alaska.

Les principaux types de marées. Le cycle se reproduit tous les 29 jours environ.

La marée semi-diurne
Le long de nos côtes, la marée est de type semi-diurne, c’est-à-dire
que, dans une même journée, le niveau de la mer atteint deux minimums
et deux maximums. Lorsqu’on retranscrit sur un graphique les variations
de hauteur de la marée sur une journée, on obtient une courbe
sinusoïdale dont les hauteurs d’eau à marées haute et basse sont
symétriques par rapport au niveau de mi-marée.
La différence de hauteur entre une marée haute et une marée basse
consécutives s’appelle le marnage. Celui-ci varie de jour en jour. La
différence de hauteur entre le niveau de mi-marée et la marée haute ou
basse (demi-marnage) se nomme l’amplitude. La hauteur d’eau varie
moins vite aux alentours de la pleine mer et de la basse mer, et plus vite
à mi-marée.

■ Rythme journalier
En raison de la rotation de la Terre autour de son axe, la Lune passe
en une journée du midi lunaire au minuit lunaire, générant deux pleines
mers et deux basses mers. Nous avons vu que le courant de marée
constitue la composante horizontale des marées. Lorsque avec le flot (ou
montant, ou flux) la mer monte à son maximum, la marée est haute :
c’est la pleine mer (PM).
Lorsqu’elle finit de descendre (avec le perdant ou reflux, ou encore le
jusant) la marée est basse : c’est la basse mer (BM). Aux extrêmes
survient l’étale, ce court intervalle de temps (15 à 20 minutes) où le
niveau de la pleine ou de la basse mer semble retenu, comme suspendu.
Dans certains cas, l’onde de marée se déforme en se propageant sur des
petits fonds, et on peut observer à la pleine mer un phénomène de tenue
de plein (en particulier au Havre et à La Rochelle), c’est-à-dire un long
moment où l’eau ne monte ni ne descend. La courbe de marée est alors
asymétrique, et présente à pleine mer un palier plus ou moins important.
Exemple de marée semi-diurne donnant la hauteur d’eau sur environ 48 heures.
Le zéro sur l’axe des hauteurs d’eau correspond au zéro hydrographique (le zéro des
cartes).

■ Décalage des horaires de marée


D’un jour sur l’autre, les heures de pleine mer et de basse mer se
décalent de 50 minutes environ. La raison vient du fait que, sur les côtes
de l’Atlantique et de la Manche, la marée dépend du cycle lunaire qui
dure en moyenne 24 heures 50 minutes 28 secondes. Ne croyez donc
pas retrouver la Lune au méridien sur lequel vous vous trouvez pile
24 heures après son premier passage ! C’est que pendant ce temps, elle
s’est déplacée sur son orbite, dans le sens de rotation de la Terre :
il faudra donc attendre que la Terre tourne de 12,5° pour rattraper ce
décalage, ce qui correspond à une durée d’à peu près 50 minutes.
À chaque rotation de la Terre, la Lune se déplace légèrement sur son orbite.
La Terre doit encore tourner une cinquantaine de minutes pour rattraper ce décalage
de 12,5°.

■ Coefficient de marée
La notion de coefficient de marée est typiquement française, et n’a
pas son équivalent à l’étranger. Elle a été imaginée par le mathématicien
Laplace pour caractériser les marnages des marées semi-diurnes. C’est
un nombre sans unité variant de 20 à 120, qui permet de connaître
approximativement l’importance de la marée pour un jour donné.
45 est ainsi le coefficient d’une marée de morte-eau moyenne et 95
celui d’une marée de vive-eau moyenne. Avec un coefficient de 70, une
marée est d’amplitude intermédiaire. Les coefficients figurant dans
l’annuaire des marées édité par le SHOM sont ceux du port de Brest. Ils
sont valables sans correction pour une même marée sur toutes les côtes
de France et sans erreurs conséquentes pour la plupart des ports où la
marée est semi-diurne.
Les coefficients 20 (morte-eau la plus faible) et 120 (plus grande
marée possible) ne sont jamais atteints.

■ Rythme mensuel
En observant l’évolution des hauteurs de marée pendant un mois, on
constate des variations sensibles du marnage. Il y a des périodes où la
mer monte de plus en plus haut et descend de plus en plus bas, et
d’autres où le phénomène s’inverse, la mer montant de moins en moins
haut et descendant de moins en moins bas. Le revif correspond à la
phase d’augmentation du marnage, ce que signale aussi l’accroissement
du coefficient de la marée. Le déchet caractérise la phase de diminution
du marnage, indiquée par la baisse du coefficient de la marée. Lorsque le
marnage est minimal, c’est une marée de morte-eau (ou de mortes-eaux :
ME) ; inversement, lorsqu’il est maximal, c’est une marée de vive-eau (ou
de vives-eaux : VE).
En période de déchet, le marnage diminue. Puis on remonte des mortes-eaux
vers les vives-eaux, le marnage augmente, c’est le revif.

L’importance de la montée et de la baisse des eaux dépend de la


position du Soleil et de la Lune, l’action du Soleil pouvant amplifier ou
réduire celle de la Lune. La Lune faisant le tour de la Terre en 29,5 jours,
on compte deux vives-eaux (nouvelle et pleine Lune) et deux mortes-eaux
(premier et dernier quartier) pendant cette période.
– Nouvelle Lune. Lune et Soleil sont en conjonction. Les deux astres
sont alignés (on parle de syzygie) du même côté par rapport à la Terre.
Leurs forces d’attraction s’ajoutent : on est en vive-eau. La Lune est
noire, quasi invisible depuis la Terre. Soleil et Lune se lèvent aux mêmes
heures.
– Premier quartier. Sept jours plus tard, Lune et Soleil se trouvent à
90° l’un de l’autre par rapport à la Terre (on parle de quadrature). Leurs
actions attractives se retranchent : on est en morte-eau. On ne voit que
le croissant droit de la Lune. Le Soleil se lève 6 heures avant la Lune.
– Pleine Lune. Sept jours après le premier quartier, Lune et Soleil
sont en opposition, c’est-à-dire alignés (syzygie) de part et d’autre de la
Terre. Leurs forces d’attraction sur la mer s’additionnent. On est en vive-
eau. La Lune forme un disque entièrement éclairé. Le Soleil se couche
quand la Lune se lève.
– Dernier quartier. Sept jours après la pleine Lune, Soleil et Lune
forment un angle droit par rapport à la Terre (quadrature). Leurs forces
d’attraction se retranchent : on est en morte-eau. On ne voit que le
croissant gauche de la Lune. Le Soleil se lève 6 heures après la Lune.
Les marées de vives-eaux et de mortes-eaux ne se produisent pas
exactement à la syzygie et à la quadrature, mais environ un jour et demi
après, sur les côtes françaises. Cet écart de temps, dénommé âge de la
marée, est provoqué par les obstacles (îles, continent, fonds marins…)
que rencontre l’onde de la marée dans sa propagation. Il est déterminé
en faisant des observations sur de longues périodes. Par exemple, à
Brest, les marées les plus fortes ont lieu 36 heures après les syzygies.

Quadrature et syzygie. En quadrature (à gauche), les astres sont à angle droit par
rapport à la Terre, leurs actions se contrarient. En syzygie (au centre et à droite) : les
astres sont dans le prolongement l’un de l’autre, leurs actions s’additionnent.

■ Rythmes annuels
En observant pendant un an le rythme des marées semi-diurnes, on
constate que les plus importantes vives-eaux ont lieu au moment des
équinoxes de printemps et d’automne, en mars et en septembre. À
l’opposé, les mortes-eaux les plus fortes ont lieu au moment des
solstices d’été et d’hiver, en juin et décembre 9.
– Marées de vives-eaux d’équinoxe. Elles correspondent au passage
du Soleil dans le plan de l’équateur terrestre (déclinaison nulle). Dans
cette position, l’influence du Soleil sur les ondes de marée semi-diurne
est maximale. Les marnages sont alors plus importants que le reste de
l’année. Les équinoxes ont lieu le 20 ou le 21 mars et le 22 ou le
23 septembre.
– Marées de vives-eaux de solstice. Lorsque la déclinaison du Soleil
est de 23° 27’, son éloignement du plan de l’équateur terrestre est à son
maximum, donc son influence sur l’onde de marée semi-diurne est la plus
réduite. Les marées de vives-eaux sont faibles, celles de mortes-eaux
sont fortes. Les solstices ont lieu le 22 ou 23 décembre ou le 22 ou
23 juin.

LES VAGUES ET LA HOULE


Les vagues et la houle sont les deux composantes de l’état de la mer.
Elles correspondent à deux phases successives d’un même phénomène.
Les vagues forment la réponse à court terme de l’océan à l’action du
vent. La houle est constituée de vagues générées ailleurs, lors d’un coup
de vent, et qui se sont propagées loin de leur zone de formation. La houle
résulte donc d’une sorte de filtrage effectué par la mer.

ORIGINE DES VAGUES


Lorsque le vent souffle sur une mer calme, le frottement de l’air crée
de petites rides sur l’eau. Celles-ci peuvent être très fugitives. Mais si le
vent insiste un peu, des ondulations, des vaguelettes se forment, puis
des vagues, qui courent sur l’eau dans le sens du vent. Avec moins de
brutalité, le vent a le même effet sur la mer qu’un pavé lancé dans une
mare : il y fait naître des trains d’ondes. Il faut préciser d’emblée que ce
sont ces ondes qui se déplacent, pas l’eau. Les particules liquides se
contentent d’accomplir sur place, au passage de chaque ondulation, un
mouvement orbital, mouvement dont on peut se faire une idée en
regardant une bouteille se balancer au gré des flots : lorsque la vague
arrive, la bouteille s’élève sur la pente et part un peu en avant ; la crête
passée, elle descend et repart en arrière pour se retrouver finalement à
peu près à son point de départ. On ressent d’ailleurs quelque chose de ce
mouvement à bord d’un bateau courant dans le sens des vagues, lorsque
celles-ci sont suffisamment importantes : le bateau accélère sur l’avant
de la vague, puis semble nettement freiné à l’arrière de celle-ci. Les
vagues n’ont donc rien à voir avec ce déplacement horizontal de l’eau
que notre œil nous fait imaginer.

Au large, en eaux profondes, la bouteille ballottée par une vague revient à son
point de départ après avoir décrit un cercle.

CARACTÉRISTIQUES DES VAGUES


On peut décrire une vague à l’aide de ses dimensions : sa hauteur,
c’est-à-dire la distance verticale entre le sommet de la crête et le fond du
creux ; sa longueur, c’est-à-dire la distance entre deux creux ou entre
deux crêtes (on parle très exactement de longueur d’onde). Le rapport
entre sa hauteur et sa longueur détermine sa cambrure. Une vague est
toujours beaucoup plus longue que haute ; sa cambrure devient critique
lorsque le rapport entre sa hauteur et sa longueur d’onde est de l’ordre
de 1 pour 7. Si la hauteur augmente encore, la vague se cambre et
déferle au moment où sa crête « rattrape » son creux freiné par les fonds
ou par la viscosité de l’eau sous-jacente. Une fois la vague devenue
déferlante, il y a bien déplacement d’eau dans le sens horizontal !
Autre aspect venant compléter les précédents, une vague se
caractérise également par la profondeur jusqu’où son mouvement se fait
sentir. Son amplitude diminue très rapidement avec la profondeur (3 m
d’amplitude en surface correspondent à 75 cm d’amplitude à 12 m de
profondeur et à 35 cm à 20 m de profondeur) : en pleine tempête, dans
un sous-marin naviguant par 100 m de fond, c’est le calme plat.
La vague, enfin, se déplace (précisons-le encore une fois, seule la
forme de la vague se déplace, il n’y a pas de transport de molécules
d’eau). Elle fait partie d’un train de vagues (série de vagues ayant
approximativement la même direction) qui a son rythme propre,
caractérisé par sa période (le temps qui s’écoule entre le passage de
deux crêtes en un même point) et par sa célérité (vitesse de propagation
d’un phénomène ondulatoire).
Près de la terre, au contraire, l’influence du fond devient
prédominante, aussi l’état de la mer change-t-il à proximité des côtes.
Quand la profondeur de l’eau est inférieure à une demi-longueur de
vague, la vitesse diminue. Le mouvement des particules n’est plus
circulaire, mais devient une ellipse qui s’aplatit progressivement, jusqu’à
devenir un mouvement de va-et-vient dans les toutes petites
profondeurs. Alors la vitesse de la vague ne dépend plus que de la
profondeur de l’eau à l’endroit où elle passe : ainsi, par petits fonds, en
un même lieu, toutes les houles se propagent à la même vitesse, tout en
conservant leur période initiale. Moins la profondeur est importante, plus
la vitesse des vagues diminue. Leur longueur se réduit
proportionnellement et elles deviennent abruptes, ce qui les fait déferler
près du rivage et sur les hauts-fonds.
Près des côtes, quand la profondeur est inférieure à une demi-longueur de
vague, le mouvement des molécules d’eau devient elliptique. Dans la déferlante,
l’ellipse suit la courbure de la vague et s’interrompt au moment où elle brise.

LA MER DU VENT
On appelle mer du vent le système de vagues qui se forment sur
place, sous l’action et dans la direction du vent, à l’endroit même où il
souffle.
Si le vent se met à souffler sur une mer calme, l’importance des
vagues se formant sous son influence dépend de trois facteurs qui
caractérisent le fetch ► : la force du vent, le temps pendant lequel
s’exerce son action et la distance sur laquelle il ne rencontre pas
d’obstacle ou ne change pas de direction.
Les vagues commencent par se développer en hauteur. À leur
naissance, elles sont fortement cambrées, car leur vitesse est encore
faible par rapport à celle du vent. Si le vent persiste, elles s’allongent peu
à peu : hauteur, longueur, période et vitesse augmentent
progressivement, pour atteindre un maximum qui dépend de la force du
vent. S’il continue de souffler pendant des jours et des jours, mais que sa
force ne change pas, les caractéristiques des vagues resteront les
mêmes.
Toutefois, si le fetch est trop court, la forme des vagues ne se
déploiera pas pleinement. Quand les premières vagues (nées à l’endroit
où le vent s’est mis à souffler) atteignent le bout du fetch (la côte par
exemple), un équilibre s’établit : ici non plus, le temps pendant lequel le
vent continue de souffler n’a pas d’influence, pourvu que sa puissance
soit stable. Plus le fetch est court, moins les vagues prennent de
l’ampleur (elles s’allongent peu, la distance entre les crêtes reste faible).
Aussi, sur un plan d’eau fermé, la navigation n’est pas forcément plus
agréable qu’au large : les vagues ne peuvent pas s’allonger, elles sont
courtes, abruptes, et elles cognent…
Remarquons enfin que le vent n’est jamais parfaitement régulier, ni
en force ni en direction, si bien que l’aspect de la mer du vent est
rarement très homogène : il y a des vagues plus courtes que d’autres et
certaines viennent plus ou moins de travers. Lorsque le vent change
franchement de direction, le premier système de vagues s’atténue
lentement, tout en se combinant avec le nouveau système en formation ;
ces vagues, qui n’ont ni le même âge ni la même direction, se
rencontrent et s’enchevêtrent. La mer, croisée, devient désordonnée, ce
qui est souvent la caractéristique du passage d’un front froid avec
bascule du vent du sud-ouest au nord-ouest ►.

LE FETCH
À défaut de terme français correspondant, on emploie le mot anglais fetch pour
désigner le temps (ou la distance) pendant lequel un même vent souffle dans une
direction stable sur une mer libre ; si le mot est difficile à traduire, c’est qu’il exprime
tout à la fois une durée et une distance. C’est ainsi que l’on dit indifféremment : un
fetch de 24 heures ou un fetch de 500 milles, le résultat sur l’état de la mer étant en
l’occurrence à peu près identique.
Les vagues grossissent en fonction de la durée du vent. Un vent de force 4 lève
en quelques heures une « mer belle », qui devient « agitée » si le vent se maintient.
Un vent de force 7 établit rapidement une « mer agitée », qui devient « très forte »
par la suite. La période des vagues (le temps qui s’écoule entre le passage de deux
crêtes en un même point) s’allonge en proportion.
Diagramme de prévision de la hauteur des vagues (en mètres), en fonction du
fetch et de la vitesse du vent.

Courant et vent
Un courant opposé au vent forme souvent une mer hachée, très
abrupte et qui peut être dangereuse : un courant contraire de 5 nœuds
fait briser pratiquement toutes les vagues 10. Dans le raz Blanchard par
exemple, les courants de marée sont très rapides (de 6 à 10 nœuds) et il
est formellement déconseillé de naviguer quand le vent souffle contre le
courant. Un vent frais à fort peut y lever des vagues très escarpées et
désordonnées de plusieurs mètres de hauteur, dangereuses pour le
voilier, qui, croyant pouvoir profiter d’un bon vent arrière, devient soudain
trop petit et se trouve au milieu d’une mer infranchissable. Il est
également recommandé, quand vent et courant sont de sens contraire,
de passer bien au large des caps longés par les courants. En revanche,
lorsque courant et vent vont dans le même sens, les vagues s’allongent
et s’arrondissent : en général, elles ne déferlent pas.

LA HOULE
Parfois, distincte du désordre de la mer du vent, une pulsation plus
lente, plus ample, se propage dans une direction souvent très différente
de celle du vent qui souffle. Elle semble douée d’une vie autonome : c’est
la houle.
Les vagues deviennent de la houle à partir du moment où elles
sortent de la zone où souffle le vent qui les a fait naître – pour parler plus
savamment : lorsqu’elles quittent leur aire génératrice. Nées d’un vent
qui a soufflé très loin dans l’Atlantique Nord par exemple, qui est tombé
ou a changé de direction, ces vagues ont emmagasiné une énergie
considérable (ce sont des millions de chevaux-vapeur qui caracolent
ainsi !). Elles s’atténuent très lentement. Les vagues les plus courtes
disparaissent les premières, un mouvement régulier et harmonieux
s’établit progressivement. La hauteur des vagues diminue peu à peu
tandis que leur longueur augmente. Tout cela explique pourquoi la
longueur d’onde d’une houle est généralement supérieure à celle des
vagues de la mer du vent.
La houle peut parcourir des centaines, voire des milliers de milles.
Elle persiste d’autant plus longtemps que sa longueur d’onde est grande.
La houle annonce parfois le mauvais temps. Bien souvent, elle
précède les perturbations qui l’ont engendrée. Aussi faut-il être sur ses
gardes quand, dans un temps serein, on voit le ressac s’établir – bien que
dans nos régions la houle serve rarement d’augure, car les dépressions
voyagent plus vite qu’elle. Elle fournit cependant de bons
renseignements sur les conditions météorologiques générales. Ainsi,
lorsqu’une perturbation venant du large aborde l’Irlande, la mer devient
houleuse au fond du golfe de Gascogne dans les 24 ou 48 heures qui
suivent. La houle progresse en effet pour son propre compte, indifférente
au vent local…

LA HAUTEUR DES VAGUES


Depuis le pont d’un petit bateau, il est très difficile d’estimer la
hauteur réelle des vagues, d’abord à cause de l’angle depuis lequel on
aperçoit leur crête quand on est dans un creux, mais aussi parce qu’on
ne voit pas l’horizon. Aussi a-t-on trop vite l’impression qu’elles
atteignent la hauteur du mât !
L’échelle de Beaufort ► permet une estimation de la force du vent
(de moins de 1 nœud à 64 nœuds, force 0 à 12) et lui fait correspondre la
forme et la hauteur des vagues. Cette dernière est imprécise, parce que
la hauteur dépend non seulement de la force instantanée du vent, mais
aussi du fetch. Ainsi, un vent de 20 à 25 nœuds (force 5 à 6) soulève au
large, selon la durée du vent, des vagues crêtées d’écume de 1,5 à
3,5 mètres. D’après l’échelle de Beaufort, un vent de force 8 crée des
vagues (ou « lames ») de « hauteur moyenne » : sous cette imprécision
volontaire, il faut entendre 4 mètres après 2 heures de vent, 6 mètres
après 4 heures, la hauteur augmentant lentement par la suite (jusqu’à
7 mètres).
Les bulletins météorologiques font référence à l’échelle de Douglas,
composée de 10 degrés décrivant l’état physique de la mer.
Océanographes et météorologues se servent de cette échelle en prenant
pour référence la hauteur significative des vagues (ou H1/3), soit la
moyenne de la hauteur du tiers des vagues les plus hautes. L’utilisation
de houlographes, de l’altimétrie spatiale et de l’imagerie radar pour
mesurer les vagues alimente les modèles numériques capables de fournir
trois types de prévision concernant l’état de la mer : la mer du vent, la
hauteur de la houle et la mer totale (qui intègre les deux facteurs
précédents).

L’échelle de Douglas.

Quand la météo annonce une hauteur significative des vagues, cela


n’empêche pas d’en rencontrer de plus hautes que la moyenne. Ainsi,
dans l’Atlantique Nord, au large, on rencontre couramment des lames de
3 à 5 mètres en été et de 5 à 7 mètres en hiver. En général, les vagues ne
dépassent pas une dizaine de mètres, mais des lames de 20 mètres sont
assez fréquentes en hiver dans cette région (on a noté des valeurs de 21
à 24 mètres). D’ailleurs, des études laissent penser que la hauteur des
vagues en Atlantique Nord a augmenté de 1 mètre en 30 ans, en lien
avec le réchauffement planétaire. Dans les quarantièmes rugissants, une
houle supérieure à 20 mètres est courante, mais elle est plus longue que
celle de l’Atlantique Nord.

LES VAGUES PHÉNOMÉNALES


Les vagues scélérates (rogue waves ou freak waves en anglais) ont provoqué la
perte de nombreux navires et la destruction d’installations offshore. Ces murs d’eau
imprévisibles qui se caractérisent par une hauteur deux à trois fois supérieures à
celles qui les entourent, peuvent mesurer plus de 30 mètres. Solitaires ou – plus
souvent – par groupe de trois, elles sont précédées d’un creux marqué à une
cinquantaine de mètres sur leur avant. Le 14 février 2011, lors de la tempête Quirin
en Atlantique Nord, l’altimètre radar du satellite Jason-2 a enregistré la plus forte
hauteur significative (H1/3) mesurée depuis la fin des années 1980 : 20,1 mètres.
La plus haute vague de Quirin mesurait sans doute plus de 36 mètres de haut,
équivalente à un immeuble de 12 étages. Des vagues plus hautes ont sans doute
existé, mais elles n’ont pas été mesurées au large. Dans le cas de cette tempête, les
très fortes hauteurs avaient été rendues possibles par le déplacement de la
dépression à la même vitesse que les vagues, les vents violents continuant ainsi à
les amplifier. D’autres raisons peuvent donner naissance à ces vagues géantes : la
rencontre de deux houles progressant en sens inverse ; la fusion de plusieurs lames
par la rencontre avec un fort courant, la conjugaison de vagues de vitesses
différentes ou la topographie du fond, notamment au niveau de la rupture du plateau
continental. Ces « lames monstrueuses », pour reprendre le mot d’Adlard Coles,
auteur de Navigation par gros temps, restent extrêmement rares. Elles naissent de
façon aléatoire, sont éphémères et disparaissent aussi vite qu’elles se sont formées.
Adlard Coles fait aussi remarquer que, pour le navigateur, une lame est monstrueuse
bien avant d’atteindre 30 mètres…

LA MER ET LES OBSTACLES


L’état de la mer, qu’il s’agisse de houle ou de mer du vent, peut varier
considérablement au gré des obstacles qu’elle rencontre sur son chemin.
La mer crée d’ailleurs elle-même ses propres obstacles : loin des
côtes, houles croisées et courant opposé au vent désorganisent les
vagues et la houle. Ces points ont déjà été évoqués. Dans les lignes qui
suivent, on envisage quelques obstacles plus solides…

Hauts-fonds
Les fonds sous-marins agissent sur la surface des eaux. En remontant
brusquement, ils freinent violemment les vagues selon le mécanisme
suivant : le mouvement de l’eau en bas de la vague étant ralenti par les
frottements avec le fond, la vitesse du creux par rapport aux crêtes
diminue. Les vagues se cambrent et la distance entre elles se réduit
(effet similaire à un courant contraire au vent). Une houle qui
apparaissait au large comme une légère déformation de la mer devient
parfaitement visible, plus courte et plus cambrée. Les vagues se brisent
et déferlent, balayant tout ce qui n’est pas amarré sur le pont, couchant
les voiliers les moins stables. Ces brisants, caractéristiques des hauts-
fonds ou « basses », font régner des mers difficiles. Par mer formée,
même des fonds de 10 à 40 mètres sont dangereux et il faut les éviter.
Près des côtes, par vent fort opposé au courant, les lignes parallèles de
hauts-fonds lèvent des mers particulièrement dures, face à l’estuaire de
la Gironde, dans le pas de Calais et en mer du Nord par exemple.

LE DÉFERLEMENT SUR LE RIVAGE


Lors du déferlement sur un rivage, l’énergie des vagues se transforme en un
déplacement d’eau. On identifie trois grands types de déferlement, qui dépendent
de la pente des fonds situés devant la plage (avant-plage) et de la plage.
Le déferlement glissant (spilling breaker) se produit en crête de vague et glisse
progressivement sur la face avant de la vague. Il est caractéristique des pentes
d’avant-côte faibles et des plages presque plates où le déferlement peut se produire
loin du rivage. Sur de telles côtes, plusieurs lignes de déferlement peuvent coexister.
Le déferlement plongeant (plunging breaker) se produit sous forme de volutes.
Ce sont les « tubes » recherchés par les surfeurs. Le déferlement est brutal et
l’énergie de la vague est libérée soudainement, la crête de la vague monte
relativement haut au-dessus de la face avant de la vague puis chute violemment en
créant un rouleau. Ce type de déferlement est plutôt caractéristique des avant-côtes
à pente moyenne.
Le déferlement gonflant (surging breaker) est associé à des pentes d’avant-côte
fortes. Ce déferlement débute comme un déferlement plongeant, mais la vague
rattrape la crête et parvient sur la plage comme un mur d’eau. Ce type de
déferlement est bien connu des planchistes et des pratiquants de voile légère pour
sa puissance et les difficultés qu’il produit lors des mises à l’eau : c’est le brisant de
rivage ou shore break.

Les barres
Le terme de barre désigne aussi bien les amas de sable ou de vase se
créant le long du littoral par apport de sédiments poussés par les vagues
que le déferlement violent de la houle sur ces bancs. Certaines barres
s’établissent sur des distances considérables, par exemple sur la côte
occidentale de l’Afrique. D’autres sont très localisées, circonscrites à
l’entrée d’un estuaire, d’un bassin ou d’un pertuis, où les sédiments
rejetés à la mer par le courant de jusant, sont repoussés par la houle et
s’accumulent face à la sortie du cours d’eau. Mouvantes et fluctuantes
selon l’amplitude de la marée et la météo, les barres constituent une
barrière temporaire sur laquelle les vagues viennent déferler.
Franchir une barre est impensable par mauvais temps, par visibilité
réduite ou au voisinage de la basse mer. Le passage sur ces bancs
changeants nécessite prudence, appel le cas échéant au sémaphore
d’entrée et usage d’un sondeur. Les plus célèbres barres sont celles
d’Étel, de l’estuaire de la Gironde (banc de la Mauvaise) et des passes
d’Arcachon. On prendra aussi garde à l’entrée par mauvais temps dans
les ports de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, Les Sables-d’Olonne, Saint-Jean-de-
Luz et Capbreton. De manière générale, le moment le plus favorable au
franchissement d’une barre (pourvu que la météo l’autorise !) se situe
dans les deux dernières heures de flot, c’est-à-dire à un moment où la
hauteur d’eau est relativement importante, tandis que le courant de
marée ne vient pas s’opposer à la houle venue du large.

QUELQUES BARRES PEU CONNUES


Les ridens – dunes sous-marines – devant Calais, Le Tréport ou Dieppe (riden
en galets) forment une barre par mauvais temps. Les jetées de Gravelines (par vent
fort de nord) et Fécamp (par vent fort d’ouest-nord-ouest) sont entravées par une
barre. L’hiver, une barre se forme aussi à l’entrée du chenal de Carteret. Dans les
coups de tabac, on prendra aussi garde aux barres de Ploumanac’h, de Doëlan, et
de l’embouchure des rivières de l’Aven et du Belon, sans parler du pertuis de
Maumusson, particulièrement dangereux. En Méditerranée, la barre de Gruissan se
forme par fort vent d’est à sud et houle de sud-est. Au Grau-du-Roi, une barre
apparaît entre les jetées par grande houle d’ouest-sud-ouest s’opposant au courant.
Sur la Giscle, à l’entrée de Port-Cogolin, la barre est générée par fort vent d’est.

Réflexion, réfraction et diffraction


En abordant une île ou une roche, on constate que l’onde de la houle
est soumise à d’importantes déformations. On observe alors des
phénomènes de réflexion, de réfraction et de diffraction
(remarquablement mis en évidence par les photos aériennes), tout à fait
analogues à ceux qui affectent les ondes acoustiques et lumineuses. La
houle passe de part et d’autre de l’île et se reforme derrière elle. À cet
endroit, l’interférence des deux trains de houle engendre souvent une
mer confuse, même à faible distance du rivage.
L’extrémité d’une jetée aux parois verticales (un musoir) provoque
une « diffraction » de la houle qui pivote allègrement : près du musoir,
l’eau est agitée. Cependant, la diffraction s’accompagne d’une dispersion
de l’énergie et la houle perd une grande partie de sa puissance. Même
phénomène juste derrière un cap : si le cap plonge plus verticalement ou
quasi verticalement dans la mer (c’est-à-dire qu’il est accore), la houle
pivote autour de lui comme autour d’un musoir et on trouvera une zone
abritée juste sous le vent du cap ; si le cap est prolongé par des rochers
plus ou moins immergés, ceux-ci brisent la houle : on ne trouvera pas
d’abri, juste une diminution de l’amplitude ; si les fonds sont en pente
douce autour de la pointe, il n’y a pas d’abri, même assez loin de la
pointe.

Comme toutes les ondes, les vagues connaissent des phénomènes de réfraction
(elles se concentrent et grossissent autour des pointes, s’évasent dans les baies), de
diffraction (elles tournent autour des pointes) et de réflexion (elles se réfléchissent sur
les obstacles accores). Sur cette vue aérienne des Tas de Pois, au sud-ouest de la
presqu’île de Crozon, on observe très bien la réflexion et la diffraction des vagues
incidentes.

Profil des fonds et choix d’un abri


Près du rivage, l’influence du fond sur le trajet des vagues se traduit
par une réfraction de la houle, c’est-à-dire un changement de direction
semblable à la déviation de rayons optiques qui traversent des milieux
différents. La houle oblique, pivote progressivement : les crêtes des
vagues deviennent peu à peu parallèles aux lignes de niveau, elles-
mêmes parallèles au rivage.
On étudie le trajet des vagues grâce à des modèles en bassin et à des
vues aériennes, et en traçant des lignes perpendiculaires aux crêtes : les
orthogonales de houle.

Dans une baie, même ouverte sur le large, les crêtes de la houle s’espacent
progressivement, les orthogonales se déploient en éventail, la mer se calme. Sur une
pointe, la houle se concentre, les orthogonales se resserrent, la mer est plus dure.

Ces orthogonales sont très serrées devant les pointes, ce qui indique
une concentration d’énergie ; elles sont au contraire très écartées au
fond des baies, où la houle s’amortit. Leur lecture permet de comprendre
l’influence du relief sous-marin sur l’état de la mer. Ainsi, lorsque la houle
arrive à l’aplomb d’une vallée sous-marine, on constate des divergences :
la zone est plus calme qu’aux alentours. Au contraire, il y a concentration
au-dessus des crêtes sous-marines perpendiculaires à la côte : un
endroit où il faut éviter de mouiller, et où il vaut mieux ne pas construire
des jetées ou des ouvrages portuaires (pourtant, cela s’est fait, faute
d’études préliminaires !). En revanche, l’énergie des vagues se dissipe sur
les hauts-fonds, derrière lesquels on peut ainsi bénéficier d’une bonne
protection.
En étudiant soigneusement le profil des fonds sur une carte, et en
fonction de la direction du vent, on peut ainsi prévoir l’état de la mer en
tel ou tel point de la côte. Cette méthode sera particulièrement utile
lorsqu’il s’agit de dénicher un mouillage moins remuant pour un quillard,
ou encore une plage tranquille sur laquelle accoster avec un bateau de
camping nautique à faible tirant d’eau.
À la rencontre de la biodiversité marine
et du littoral

LES OISEAUX, COMPAGNONS DE ROUTE


Dans les ports, sur la grève de mise à l’eau ou en mer, les oiseaux
sont omniprésents. Les audacieux n’hésitent pas choisir les barres de
flèche comme perchoir ou à mendier quelques restes alimentaires, et ils
participent à l’ambiance sonore du lieu. Les plus timides ne s’observent
que de loin, posés sur l’eau ou marchant d’un pas rapide en suivant le
mouvement des vaguelettes qui déferlent sur la grève, ils ne sont visibles
que si on les cherche du regard. À force d’observer ces oiseaux marins,
on commence à distinguer des différences.

APPRENDRE À LES RECONNAÎTRE


La couleur du plumage donnera des indices sur l’espèce rencontrée,
mais en mer, les contre-jours et la fugacité de la rencontre rendent
difficile l’observation des détails. La taille, la silhouette des oiseaux en
vol, leur façon de voler et de plonger, sont alors des éléments
importants. Tandis que les cormorans sont de grands oiseaux noirs
pourvus d’un long cou et d’ailes larges, les sternes ont un corps petit
pour leur envergure, de longues ailes effilées et un plumage clair (blanc
et gris sur le dessus des ailes). Les cormorans, les sternes et les petits
pingouins comme le pingouin torda battent des ailes inlassablement et
ne pratiquent pas le vol plané propre aux puffins, aux fulmars, aux fous
de Bassan ou aux goélands. Les sternes sont capables de voler sur place
avant de plonger en piqué pour attraper avec leur bec un poisson de
surface. Les fous de Bassan amorcent leur plongeon depuis une trentaine
de mètres au-dessus de la mer et produisent en percutant la surface une
gerbe d’eau bien reconnaissable. Certains oiseaux posés sur l’eau,
comme les cormorans ou les guillemots de Troïl plongent depuis la
surface de la mer.
Lorsqu’ils se reposent sur un rocher isolé par la pleine mer, face au
vent de façon à ne pas ébouriffer leurs plumes, les tournepierres à
collier, les bécasseaux ou les huîtriers pie s’identifient clairement aux
couleurs du plumage, des pattes et du bec. Un oiseau noir et blanc au
corps massif, armé d’un long bec rouge et porté par des pattes de la
même couleur, est probablement un huîtrier pie. Certains ont de longues
pattes et un long bec comme l’aigrette garzette, tandis que des oiseaux
plus courtauds arborent de courtes pattes palmées et un bec aplati de
canard, tel le tadorne de Belon. Le chant ou cri de certains oiseaux est
facilement reconnaissable, comme pour le goéland, l’huîtrier pie ou la
sterne caugek.

Le fou de Bassan. Son vol plané lui permet d’économiser de l’énergie et de


parcourir quelque 60 milles pour pêcher des poissons du large et nourrir ses petits.
Roi des plongeons en piqué, il peut atteindre une vitesse avoisinant les 100 km/h
lorsqu’il pénètre dans l’eau, pour atteindre des poissons entre 5 et 15 mètres de
profondeur.

L’huîtrier pie. À marée basse, il arpente l’estran et fouille le sable, la laisse de mer
ou les algues fixées aux rochers. Grâce à son long bec robuste, il capture des coques
enfouies dans le sable, de petits crustacés et des petits coquillages accrochés aux
rochers.

De nombreux oiseaux ont un plumage plus sombre sur le dessus du


corps, comme les goélands, les sternes, les tournepierres à collier ou
l’huîtrier pie et bien d’autres. Ainsi se confondent-ils, depuis le ciel, avec
la couleur de la mer. Symétriquement, un plumage clair les camoufle, vu
du dessous. Ces espèces tirent avantage de leur camouflage aussi bien
vis-à-vis de leurs prédateurs que de leurs proies. D’autres oiseaux se
dotent d’un plumage de couleur gris-brun ou brun tacheté, une couleur
parfois difficile à définir, une couleur… caillou. C’est le cas du chevalier
gambette, du pipit maritime, mais aussi d’une grande partie des oisillons
et des jeunes oiseaux n’ayant pas atteint l’âge de se reproduire, qui se
fondent ainsi plus aisément dans le paysage.
PÊCHEURS DE FOND ET DE SURFACE
Les oiseaux croisés au large sont de fabuleux pêcheurs, et ils sont le
plus souvent spécialisés dans un type de ressource. Certains volent au
raz de l’eau et picorent en vol leur pêche composée de petits poissons et
crustacés, de seiches, de méduses miniatures. C’est le cas de l’océanite
tempête – bien connu des marins –, des puffins ou du fulmar boréal. Le
fou de Bassan consomme des maquereaux et des sardines, qu’il peut
atteindre jusqu’à 15 mètres de profondeur. D’autres encore, comme les
sternes, pêchent plus près des côtes des poissons de surface, tels les
lançons. Enfin les spécialistes de la chasse sous-marine côtière s’aident
de leurs ailes pour littéralement voler sous l’eau : le guillemot de Troïl et
le pingouin torda, mangeurs de sardines et de vieilles.
Ces oiseaux marins séjournent de longs moments en mer. Certains y
passent l’automne et l’hiver sans revenir à terre. Ils boivent l’eau de mer
sans risque de déshydratation, grâce à un organe dédié leur permettant
de se débarrasser du sel excédentaire contenu dans leur sang. Ils se
reposent aussi en se posant sur l’eau, leur plumage imperméable
maintenant une couche d’air sec entre leur peau et la mer, de façon à
limiter la perte de chaleur au contact de l’eau mais aussi à améliorer la
flottabilité de ces espèces qui ont de fait une « ligne de flottaison » assez
basse. À l’inverse, les cormorans ont une ligne de flottaison très haute :
lorsqu’ils nagent en surface, l’eau recouvre presque leur dos et leurs
ailes, seuls le cou et la tête dépassent. Leur stratégie de pêche sous-
marine consiste à diminuer leur flottabilité pour dépenser moins
d’énergie en nageant sous l’eau à l’aide de leurs robustes pattes
palmées, les ailes plaquées contre leur corps. En contrepartie ils se
refroidissent vite et doivent retourner à terre après chaque partie de
pêche. Ils y étendent leurs ailes et on ne sait si c’est pour finir d’assécher
leur plumage, se réchauffer au soleil ou favoriser la digestion des
poissons qu’ils ont avalés tout rond comme la plupart des oiseaux
marins.

Le cormoran huppé. Très agile sous l’eau grâce à son corps hydrodynamique et ses
puissantes pattes palmées, il cherche des poissons de fond, telles les vieilles qu’il
harponne du bec en dépliant son long cou.

LA VIE SUR L’ESTRAN AU RYTHME DE LA MARÉE


À marée basse, les oiseaux sont en quête de nourriture. Les goélands
sont peu difficiles et mangent de tout, autant les crustacés et les étoiles
de mer cachés sous les algues que les moules, les cadavres d’animaux
ou les rejets de pêche. Les coquilles de moules cassées que nous voyons
souvent sur les pontons leur sont dues : après les avoir arrachées aux
rochers, ils les laissent tomber d’une dizaine de mètres, jusqu’à ce que la
coquille se casse et qu’ils puissent les consommer. Les tournepierres à
collier, quant à eux, retournent les algues de la laisse de mer et des
rochers à la recherche de crustacés, de puces de mer et de coquillages
dont ils broient la coquille dans leur puissant gésier. L’aigrette garzette
arpente les eaux peu profondes à la recherche de petits poissons et de
crustacés qu’elle harponne du bec en dépliant son long cou. L’huîtrier
pie, qui porte mal son nom puisqu’il ne mange pas d’huîtres, consomme
des petites moules, des crustacés et des coques qu’il parvient à dénicher
en plongeant son long bec dans le sable vaseux. Les flamants roses, qui
passent l’hiver en Méditerranée, filtrent la vase et l’eau de mer pour
capturer crustacés, larves de poissons et d’insectes, coquillages, vers et
algues.
Plus spécialisés, les habitants des vasières fouillent les sédiments à
la recherche de vers de vase, de crustacés et de coquillages enfouis. Plus
leur bec est long, mieux ils peuvent attraper des proies enfouies
profondément, et c’est ainsi qu’on pourra repérer le courlis cendré et le
chevalier gambette.
À marée haute, les oiseaux de l’estran cherchent la tranquillité sur les
îlots bordant la côte et les rochers isolés à marée haute, à l’abri des
prédateurs et des badauds. Ils sont parfois nombreux sur ces reposoirs,
installés face au vent, attendant la prochaine basse mer. Leur séjour orne
ces rochers d’un chapeau blanc de déjections, qui signale au navigateur
que cette partie du paysage maritime demeure toujours émergée.
La spatule blanche n’est pas un ustensile de cuisine, mais bien un oiseau ! Sur ses
longues pattes, elle accède aux fonds peu profonds sans mouiller son plumage, pour
fouiller la vase de son bec si particulier, à la forme duquel elle doit son nom.

LA NIDIFICATION À TERRE ET AU CALME


Qu’ils se nourrissent sur l’estran ou en pleine mer, les oiseaux marins
reviennent sur la terre ferme pour se reproduire. Ils ont alors besoin
d’endroits calmes et protégés. La plupart d’entre eux construisent leur
nid et élèvent leurs petits au printemps et au cours de l’été dans les
interstices des falaises rocheuses, sur les rochers, les pelouses littorales,
sur la dune ou en haut de plage. Les œufs et les oisillons sont très
vulnérables aux raids des animaux sauvages, qu’il s’agisse des rats, des
renards, ou encore d’autres oiseaux comme les goélands, mais aussi aux
incursions des animaux domestiques. Le comportement d’un huîtrier pie
inquiété par un promeneur sur le haut de la grève est caractéristique. Il
vole en criant, multipliant les acrobaties aériennes jusqu’à frôler la tête
de l’intrus. L’huîtrier cherche simplement à éloigner l’importun de son
nid, construit à même le sol. Ce dérangement peut en effet amener les
oisillons à sortir du nid ou à s’en éloigner suffisamment pour être la proie
d’un prédateur.
D’autres espèces comme le tadorne de Belon, l’océanite tempête et
le puffin cendré nidifient dans des terriers, ce qui les protège de certains
prédateurs. Le puffin cendré, qui passe l’hiver en mer au large de
l’Afrique australe, se reproduit dans des terriers du littoral de
Méditerranée et des îles des Açores, des Canaries et du Cap-Vert. Il ne
rejoint sa cache que la nuit, afin d’échapper aux agresseurs comme le
goéland leucophée. D’autres encore se rassemblent en colonies de
plusieurs centaines d’individus, le temps de la reproduction. Cette
stratégie de groupe permet de réduire leur vulnérabilité : si l’un d’eux
détecte un danger, l’alerte est donnée et tous profitent de l’information.
Différentes espèces peuvent coexister dans une même colonie, ce qui
favorise la prédation entre oiseaux marins, notamment de la part des
goélands. Ces derniers s’attaquent non seulement aux œufs et aux
poussins, mais aussi aux adultes d’autres espèces que sont les puffins,
les océanites tempête, les sternes ou encore les mouettes tridactyles,
voire à d’autres goélands.

SÉDENTAIRES ET VOYAGEURS
Certains oiseaux sont présents sur nos côtes toute l’année. Le
cormoran huppé fait partie de ces sédentaires. Il ne s’éloigne guère de
l’endroit où il niche, que ce soit pour ses trajets journaliers à la recherche
de nourriture au cours de l’été ou pour passer l’hiver. D’autres oiseaux ne
sont présents sur nos côtes qu’une partie de l’année et réalisent de
grands voyages. Les sternes pierregarins et les sternes caugek, que l’on
observe pêcher des petits poissons de surface au printemps et en été le
long de nos côtes, nous rendent visite pour se reproduire sur des îlots
isolés et séjournent l’hiver le long de la côte africaine (elles peuvent aller
jusqu’en Afrique du Sud). À l’inverse, les bernaches cravants passent
l’hiver le long de nos côtes atlantiques et de la Manche, où elles broutent
paisiblement les herbiers de zostère découverts à marée basse dans les
baies et les estuaires abrités des vents dominants et de la houle. Autour
du mois de mars, elles migrent pour rejoindre leur site de reproduction
situé au nord de la Sibérie. Se déplaçant en grands groupes, elles
parcourent 5 000 kilomètres en un peu moins d’un mois et en plusieurs
étapes.

Pour leur migration estivale vers la Sibérie, les bernaches cravants ne


suivent pas la route la plus courte. Le suivi de huit oies portant des balises Argos
(et ne se déplaçant pas ensemble) a mis en évidence la façon dont elles ponctuent
leur voyage de nombreuses étapes pour se reposer et se nourrir. Ces pauses
représentent 90 % de la durée de leur trajet.

L’ÉTAGEMENT DE L’ESTRAN ET SON UTILITÉ POUR LA NAVIGATION


Lorsque l’équipage cherche un abri, il se rapproche de l’estran, cette
zone que la mer couvre et découvre au rythme des marées. Représenté
en vert sur la carte marine, entre le zéro des cartes (zéro
hydrographique) et le trait de côte, l’estran prend des formes variées
dans le paysage selon sa nature géologique (roche, sable, vase), sa pente
et l’exposition aux vagues. L’amplitude de la marée et la pente
déterminent l’étendue de l’estran : dans les régions de fort marnage,
comme la Bretagne Nord, la mer peut se retirer sur plusieurs milles,
découvrant des grèves humides et des chaos au relief incertain. En
revanche, en Méditerranée où la marée est pratiquement inexistante,
l’estran n’est qu’un mince liseré sur les plages et les rochers.
Dans les régions où le marnage est important, les espèces vivant sur
les estrans constitués de roches peuvent nous fournir de précieuses
informations. En effet, les végétaux et les animaux peuplant l’estran
rocheux ne sont pas les mêmes du haut vers le bas. Les organismes se
répartissent selon leur capacité à supporter l’émersion, formant des
ceintures horizontales de différentes couleurs, chacune correspondant à
des espèces différentes. Si l’on connaît leur étagement, l’observation de
l’estran donne des indications sur la hauteur d’eau du moment, et vient
ainsi conforter le calcul de marée.
En dessous des plantes ayant réussi à coloniser les rochers, la limite
entre la ceinture jaune et la ceinture noire, formées de lichens jaunes et
noirs, donne une bonne indication de la limite supérieure de l’estran. Elle
matérialise dans le paysage le trait de côte représenté sur la carte
marine. Si l’eau affleure ces ceintures, c’est l’heure de la pleine mer de
vives-eaux. En pilotage au milieu des cailloux, cette observation est
précieuse, dans la mesure où elle fournit un indice supplémentaire pour
l’identification des îlots ayant une partie toujours émergée, au même titre
que les déjections d’oiseaux à leur sommet.
En dessous des lichens, les algues se développent sur les estrans
rocheux peu exposés aux vagues et à la houle, dans les creux de la côte.
Elles s’agrippent aux rochers grâce à leurs crampons puissants et
forment des ceintures. Les pelvéties, capables de survivre hors de l’eau
pendant plus de 15 jours, colonisent les rochers au-dessus du niveau des
pleines mers de mortes-eaux moyennes. Plus bas apparaît le tapis
glissant des algues brunes : fucus spiralés aux lanières torsadées, fucus
vésiculeux (Fucus vesiculus) et ascophylles noueux (Ascophyllum nodosum)
reconnaissables à leurs vésicules remplies de gaz, qui claquent sous les
doigts et leur servent de flotteur. Ces espèces forment une ceinture
autour du niveau de mi-marée. Plus bas, les fucus dentelés (Fucus
serratus) aux bords en dents de scie. Plus bas encore les himanthales
(Himanthalia elongata), appelées aussi « spaghettis de mer » ou « haricots
de mer », ne découvrent qu’aux basses mers de vives-eaux moyennes. Au
plus bas de l’estran mais aussi sous le zéro des cartes, jusqu’à plusieurs
mètres de profondeur, c’est le monde des laminaires. Elles possèdent de
grandes lanières se rassemblant autour d’une tige flexible ou stipe,
parfois ramifiée en forme de main (comme Laminaria digitata) et pouvant
mesurer plusieurs mètres ou dizaines de mètres. Dans nos régions,
lorsque l’on voit émerger les stipes recourbés sous le poids des frondes
de ces laminaires, c’est généralement l’heure d’une marée basse de
vives-eaux et la hauteur d’eau est de moins d’un mètre à cet endroit.
« Laminaires hors de l’eau, marée basse de vives-eaux ! » La présence de ce
type d’algues indique que les fonds sont constitués de roche, et lorsqu’elles émergent
ainsi, c’est qu’il n’y a plus beaucoup d’eau.

Des rochers chauves, dépourvus d’algues, indiquent une côte


exposée à la houle ou aux mers formées par les vents dominants. Seuls
résistent à ces conditions mouvementées quelques animaux de petite
taille, bien accrochés à la roche. Les balanes, blotties dans leur carapace
en forme de cratère de volcan (ce sont des crustacés), recouvrent les
rochers depuis la ceinture de lichens jusqu’au niveau des basses mers de
vives-eaux. S’ils éraflent les pieds nus, leurs carapaces accrochent bien
les semelles des bottes et le promeneur averti préfèrera longer le bord
de l’eau sur la ceinture des balanes afin d’éviter les glissades. Ces
balanes colonisent aussi les coques des bateaux au carénage trop
longtemps différé. Quelques patelles (ou berniques) résistent aussi à la
force des vagues grâce à leur coquille en forme de chapeau chinois et à
leur pied musclé. Autour du niveau de mi-marée, on trouve une ceinture
de moules (Mytilus edulis) se développant dans les fissures des rochers et
qui forme sur les roches et sur les tourelles une bande noire bien
distincte.

LA RICHESSE DES BORDS DE MER ROCHEUX


Débarquer lorsque le bateau est au mouillage est l’occasion d’une
partie de pêche à pied dans les rochers ou simplement d’une promenade
curieuse. Peuplé de plusieurs centaines d’espèces différentes aux
relations complexes et variées, le monde caché de l’estran rocheux est
particulièrement riche.
Les moules et les huîtres à flanc de rocher consomment les algues
microscopiques (le phytoplancton) présentes dans l’eau de mer. Ces
coquillages, tout comme les diverses espèces d’éponges que l’on trouve
sous les petits cailloux et dans les fentes des gros blocs et qui peuvent
arborer des couleurs jaunes ou orange éclatantes, filtrent de grandes
quantités d’eau de mer chaque jour.
En soulevant délicatement les algues et les cailloux, le promeneur
trouvera des espèces aussi nombreuses qu’intrigantes. Cette grande
diversité des estrans rocheux est due à la présence des grandes algues
vertes, brunes et rouges qui, grâce à la lumière du soleil, se développent
en absorbant l’eau chargée de gaz carbonique et de sels minéraux.
Consommées par une grande variété d’herbivores eux-mêmes absorbés
par des carnivores, ces algues sont la base de toute une chaîne
alimentaire de l’estran.
Les algues sont broutées par des escargots marins (gastéropodes
pour les intimes) de toutes formes et couleurs. Parmi eux les bigorneaux
comestibles, les littorines obtuses aux coquilles jaunes ou orange, les
patelles. À marée haute, ces escargots sortent la tête de leur coquille et
s’élancent à la recherche d’algues fraîches qu’ils attaquent patiemment
de leur langue râpeuse.
À marée basse, ils se recroquevillent dans leur coquille qu’ils ferment
d’un opercule pour garder leur humidité. La patelle met en œuvre une
stratégie spécifique : le bord de sa coquille s’adapte parfaitement au
rocher sur lequel elle est fixée, ce qui lui permet de conserver de l’eau
sous sa coquille. Autre singularité de la patelle : les dents de sa langue
sont faites d’une matière qui est la plus résistante connue aujourd’hui,
devant la toile d’araignée.
LES ESPÈCES PROTÉGÉES
Parmi les espèces que nous côtoyons sur le littoral et en mer, certaines sont
protégées, parce qu’elles sont rares ou menacées, parce qu’elles suscitent un
intérêt scientifique, ou encore parce qu’elles sont considérées comme
importantes pour le patrimoine biologique.
Cette protection s’inscrit dans une réglementation au niveau national (Code
de l’environnement), européen (directives-cadres) ou international (conventions). Il
est interdit de détruire, de capturer, de déranger ou de commercialiser ces
espèces. C’est le cas des oiseaux et des mammifères marins que nous
rencontrons en mer ou sur le littoral.
Les oiseaux marins sont particulièrement vulnérables pendant la période de
reproduction, leur nid étant le plus souvent construit sur le sol. Un animal sauvage,
comme un oiseau, qui s’enfuit à notre approche ou qui devient agressif est
probablement dérangé. Si un goéland marin se met à voler au-dessus de notre tête
en criant tandis que l’on se promène en haut des rochers de l’estran, c’est sans
doute que l’on s’est approché trop près de son nid.
Dauphins, phoques et baleines rencontrés en mer sont des animaux sauvages.
La plupart préfèrent garder une distance de sécurité entre eux et les bateaux, afin
de pouvoir échapper à d’éventuelles attaques. Si l’on souhaite les approcher sans
les déranger, il convient d’adopter une trajectoire progressivement parallèle à leur
route. Des changements brutaux de cap ou de vitesse les font assimiler les navires
à des prédateurs, et ils disparaissent illico. En naviguant à la même vitesse que les
individus les plus lents, on évite de fatiguer les jeunes, et pour préserver l’intimité
de ces grands timides, on garde une distance minimale de 100 mètres. Si par
bonheur ils se rapprochent volontairement du bateau, conserver le cap !
La bonne façon d’approcher un mammifère marin sans le déranger, avec
une trajectoire tangentielle à sa route et sans jamais le côtoyer à moins de
100 mètres (d’après une recommandation du sanctuaire Pelagos pour la
protection des mammifères marins en Méditerranée).
Ces escargots et les jeunes moules sont à marée basse des proies de
choix pour les oiseaux comme les tournepierres à collier et les huîtriers
pie. À marée haute, ils sont consommés par les poissons armés de dents
comme la vieille ou la dorade, ainsi que par l’étoile de mer. Cette
dernière enveloppe de son bras les bivalves, colle sa puissante ventouse
sur les deux parties de la coquille et ouvre par la force les moules, et
même les coquilles Saint-Jacques. Les moules et les huîtres sont aussi
l’objet d’attaques du bigorneau perceur, escargot marin capable de forer
leur coquille grâce à sa langue râpeuse et sa salive acide (4 jours de
travail pour un trou de 1 millimètre de diamètre) avant de les digérer
vivantes (en 6 jours de plus) ! Sur l’estran, les relations de consommation
font rage.
Les grandes algues de l’estran jouent un autre rôle essentiel dans la
vie locale. À marée haute elles forment une forêt dressée vers la surface,
qui ondule au rythme des vagues, et dans laquelle les animaux peuvent
se cacher de leur prédateur. À marée basse, elles s’étalent sur les
rochers et forment un épais tapis permettant aux escargots marins et
aux crabes de se dissimuler et de mieux garder l’eau dont ils ont besoin
pour résister jusqu’à la prochaine marée. Les algues facilitent ainsi par
leur seule présence la survie de nombreuses espèces, en les dotant d’un
habitat favorable. Elles sont qualifiées d’espèces « ingénieurs des
écosystèmes ».
Divers animaux planqués à marée basse sous les algues et sous les
rochers se nourrissent de cadavres apportés par les vagues : la nasse
réticulée, un escargot marin, le bernard-l’ermite, crabe qui utilise les
coquilles vides d’escargots morts, se joindront au festin, ainsi que les
crevettes. Les crabes, comme les jeunes tourteaux, sont aussi des
détritivores, mais certains utilisent aussi leurs puissantes pinces pour
capturer de petits poissons et des crevettes, ou pour casser la coquille
des moules.
Dans les flaques à marée basse séjournent aux côtés des crabes les
anémones de mer, vertes, rouges, rouges à pois blancs. À marée haute,
ces animaux attrapent larves de poissons, crevettes et autres crustacés
à l’aide de leurs tentacules. Les anémones ont une particularité : elles
hébergent dans leur corps des algues microscopiques (zooxanthelles)
leur fournissant des sucres qu’elles fabriquent à partir de la lumière du
soleil. Gîte contre couvert (comme pour le corail). Voici un exemple de
mutualisme, de facilitation réciproque entre espèces.
LA PÊCHE ET LA CUEILLETTE
Un bon pêcheur-cueilleur n’est pas nécessairement celui qui ramène les seaux
les plus remplis. Il saura préserver l’habitat et les espèces qu’il recherche, en ne
pêchant que la quantité dont il a besoin pour sa propre consommation, en laissant
les espèces interdites ou protégées, en remettant les cailloux à leur place et dans
leur sens initial (algues au-dessus). Il aura aussi le souci de rejeter à la mer tout ce
qui n’a pas atteint la taille légale.

La pêche de loisir
La pêche maritime de loisir est une pêche dont le produit est interdit à la
vente, et destiné à la consommation exclusive du pêcheur et de sa famille. C’est
dans ce cadre que nous pêchons en mer depuis nos bateaux ou à pied, sur
l’estran, espérant nous régaler de poissons, de coquillages ou de crustacés.
Certains sont protégés par des tailles minimales de capture et des quantités
maximales. À titre d’exemples, en 2016, les tailles minimales étaient en Atlantique
et en mer du Nord de 36 cm pour le bar, 30 cm pour le maquereau, de 13 à 14 cm
pour le tourteau (selon la latitude), 12 cm pour l’araignée de mer et 8,5 cm pour le
homard (liste non exhaustive). Pour les espèces très prisées, les périodes de
pêche sont de surcroît limitées. Elles peuvent aussi faire l’objet d’un quota par
pêcheur et par jour. La taille minimale de capture permet que les individus
puissent se reproduire au moins une fois auparavant. La pêche se concentre sur
les individus les plus grands (c’est-à-dire les plus âgés) afin de préserver les jeunes
qui seront les adultes de demain. Les petits individus doivent être remis à l’eau,
avec d’autant moins de regrets qu’ils n’offrent pas grand-chose à manger.
La façon de mesurer les espèces pour respecter les tailles minimales.

Le matériel de pêche est réglementé :


– Pour la pêche en mer, la totalité des lignes de traîne en action ne doit pas
comporter plus de 12 hameçons ; seuls deux casiers sont autorisés par bateau ; la
réglementation concernant les filets varie selon les bassins de navigation.
– Pour la pêche à pied, le matériel autorisé dépend de l’espèce pêchée, mais
avec un couteau à cran de sécurité, une grande cuillère, un seau et du sel (pour les
couteaux) on est sûr d’être dans les clous.

Les risques sanitaires


Le mode de vie de beaucoup de coquillages prisés des pêcheurs explique le
risque sanitaire encouru lors de leur consommation. En effet, les animaux filtreurs
(comme les moules) absorbent de grandes quantités d’eau pour respirer et se
nourrir. Lorsque l’eau est polluée, ces animaux concentrent jusqu’à 100 fois les
polluants ! Les coquillages peuvent être contaminés par des micro-organismes
(bactéries, virus) pathogènes pour l’homme : on parle de contamination
microbiologique. Ces microbes sont essentiellement d’origine fécale (miam !) et ce
type de contamination survient principalement lors de dysfonctionnements de
stations d’épuration. Certaines espèces du phytoplancton produisent des toxines
capables de nuire à la santé humaine : on parle de contamination par les
phycotoxines.

La cueillette des algues


Sur les estrans rocheux, le cueilleur trouve de nombreuses algues
comestibles, qu’il utilisera pour cuisiner tartares d’algues, tartines au beurre de
poivre de mer, flans au pioka (Chondrus crispus)… Il connaîtra les bons coins et
les meilleurs moments de l’année, selon les conditions préférées de ces algues.
Cette cueillette n’est pas soumise à une réglementation particulière pour les
plaisanciers, contrairement aux professionnels. Cependant, afin que les algues
puissent repousser, le cueilleur coupera les algues au-dessus du crampon, en
laissant quelques rameaux.

La pêche aux informations


La Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) publie chaque
année la réglementation de la pêche de loisir (tailles minimales, matériel, quantités
maximales) et les interdictions permanentes et temporaires de pêche auxquelles
sont soumis les professionnels et les plaisanciers.
En Bretagne, les sites de pêche à pied utilisés par les plaisanciers font
également l’objet d’un suivi sanitaire par l’Ifremer et par l’Agence régionale de
santé (ARS). Le classement sanitaire des sites qui en découle est disponible sur le
site www.pecheapied-responsable.fr.

Pour de nombreuses espèces, la réglementation oblige le pêcheur de


loisir à « marquer » le poisson dès sa capture, ceci afin d’éviter le
braconnage et sa revente. Cette opération, qui consiste en l’ablation de la partie
inférieure de la nageoire caudale, concerne notamment le bar, la bonite, le
cabillaud, le maquereau, le sar, mais aussi le homard et la langouste. La liste,
fixée par arrêté ministériel, est disponible sur les sites des administrations
concernées.
LES GRANDS ANIMAUX MARINS
DE NOS CÔTES ET DU LARGE
Comment les reconnaître ? Observez la taille, la couleur du corps, la taille du bec
(du « museau »), la dimension et la forme de l’aileron, le comportement. Si l’animal
vient respirer régulièrement à la surface, c’est un mammifère marin, sinon il s’agit
d’un poisson ou d’un requin. Voici quelques exemples…

Grand dauphin. Corps robuste et trapu d’une taille maximale de 3 m. Couleur


gris à gris sombre s’éclaircissant sur les flancs. Aileron dorsal triangulaire et
pointu. S’approche facilement des bateaux.

Rorqual commun. Corps très allongé gris sombre à brun noir d’une taille
moyenne de 20 m. Aileron dorsal petit et courbé vers l’arrière. Souffle haut (4-
8 m) généralement droit. Mâchoire inférieure blanche à droite et grise à gauche.
Globicéphale noir. Corps noir en forme de torpille d’une taille moyenne de
5,5 m. Aileron dorsal court recourbé vers l’arrière. Pas de bec. Nage
tranquillement.

Poisson-lune. Poisson au corps quasi circulaire et aplati latéralement, d’une


taille moyenne de 50 cm à 1 m. Les nageoires dorsales oscillent en surface
lorsque la mer est calme. Nage tranquillement.

Requin-pèlerin. Corps fusiforme d’une taille moyenne de 6 m. Couleur noir à


gris-brun. Lorsqu’il nage en surface, l’aileron principal triangulaire émerge, suivi
de l’extrémité supérieure de la queue qui bat de droite à gauche. Cinq longues
fentes branchiales à l’arrière de la tête. Nage la gueule béante quand il se
nourrit (de plancton).
Marsouin commun. Corps d’une taille moyenne de 1,5 m. Aileron court et
triangulaire. Pas de bec. Observation souvent très brève. Évite les bateaux.

Dauphin commun. Corps d’une taille moyenne de 2 m. Dos gris sombre et


flancs nettement plus clairs. La ligne de séparation forme un V sous l’aileron
triangulaire et pointu. Nage rapidement, souvent en grands groupes.

Dauphin bleu et blanc. Corps d’une taille moyenne de 2 m. Dos gris sombre et
flancs nettement plus clairs avec une flamme de couleur claire sous l’aileron
dorsal. Nage rapidement, souvent en grands groupes.
Dauphin de Risso. Corps robuste et compact d’une taille moyenne de 4 m.
Couleur gris moyen à gris très clair selon l’âge de l’animal. Corps marqué de
nombreuses cicatrices claires. Aileron long et pas de bec. Peu démonstratif.

Phoque gris. Corps d’une taille moyenne de 2 m. Museau droit en forme de


« tête de cheval ». Vu de face, narines parallèles. Robe tachetée variable souvent
gris sombre, les mâles étant plus foncés et plus gros que les femelles. Se
repose le plus souvent sur les rochers.
LE MONDE DU SABLE ET DE LA VASE
LES LAISSES DE MER
En débarquant sur la plage (l’estran sableux), l’équipage ayant laissé
son bateau au mouillage observera la laisse de mer déposée par la
marée, et qui marque le niveau de chaque pleine mer. C’est une
indication très précieuse, notamment en ce qui concerne la hauteur à
laquelle poser l’annexe si on tient à la retrouver après la marée haute…
De manière plus générale, la laisse de mer marque le niveau de la marée
haute, et les laisses de mer de vives-eaux rejetées sur le haut de la plage
correspondent au trait de côte sur la carte marine.
La laisse de mer fournit pour la navigation d’autres renseignements
précieux, moins évidents au premier abord. Ainsi une accumulation
importante témoigne-t-elle de l’orientation et de la force du vent les jours
précédents.
La composition de la laisse de mer est variable. Elle peut être
constituée de débris de végétaux marins ou terrestres, de quelques
restes de cadavres d’animaux morts, de méduses échouées et de
déchets multicolores issus des activités humaines maritimes de la zone.
Les débris végétaux, qui sont ses composants majoritaires, reflètent la
végétation sous-marine autour de la plage et donnent des informations
sur la nature des fonds environnants. Des algues signalent la présence
de fonds rocheux au vent et au courant de la plage. Des plantes à fleurs,
posidonie endémique de la Méditerranée ou zostère en Atlantique et en
Manche, indiquent des fonds sableux ou sablo-vaseux.

BALADE DANS LES DUNES


En remontant la plage vers la terre ferme, on découvre la dune
littorale sur laquelle s’accrochent des plantes minces, parfois charnues,
parfois piquantes, aux fleurs étonnantes, qui constituent un monde
fragile. En empruntant les chemins déjà tracés, on traversera la dune
embryonnaire de l’été et ses pourpiers de mer friands des sels minéraux
issus de la décomposition de la laisse de mer. Puis la dune blanche et ses
oyats, ses panicauts. Enfin on arrivera, là où le vent est plus calme, sur la
pelouse rase de la dune fixée. La végétation dunaire permet la fixation de
la dune, son feuillage freinant le vent au ras du sol, ses racines
maintenant les grains de sable accumulés. Piétiner la végétation conduit
à un recul du littoral, c’est pourquoi on s’interdit de poser ses pas hors
des sentiers aménagés.

LES HERBIERS MARINS


Les herbiers marins forment des prairies sous-marines sur les fonds meubles.
Les posidonies et les zostères, comme toutes les plantes à fleurs, possèdent des
racines, et des feuilles en forme de ruban, ainsi qu’une tige – ici souterraine –
appelée rhizome. Elles sont capables, contrairement aux algues, de coloniser les
fonds sableux et sablo-vaseux en s’ancrant dans le sédiment. Comme les algues,
ces plantes à fleurs jouent un rôle important pour de nombreuses espèces,
auxquelles elles fournissent abri et zone de reproduction ou d’alimentation. Elles
aussi sont des espèces ingénieurs. De plus, les posidonies et les zostères stabilisent
les fonds meubles grâce à leurs racines.
Les posidonies colonisent les fonds sableux jusqu’à 40 m de profondeur. Le
long des côtes françaises, on rencontre deux espèces de zostères : la zostère
marine se développe sur les fonds sableux entre 0 et 10 m de profondeur, tandis
que la zostère naine occupe les fonds sablo-vaseux depuis le bas de l’estran jusqu’à
5 m de profondeur.
L’herbier de posidonies est un habitat fragile typique des fonds sableux de
Méditerranée, qui fournit gîte et couvert à de nombreuses espèces, pour le plaisir de nos
yeux.

Les ancres ont tendance à déraciner les zostères et les posidonies car elles
saisissent, lors de leur remontée, les rhizomes reliant les pieds entre eux. Or un
herbier abîmé met des dizaines d’années à se reconstituer. Le plaisancier soucieux
de ces écosystèmes fragiles évite de mouiller sur les herbiers et cherche à poser son
ancre sur les zones de sable nu qu’il repère facilement à la couleur du fond. En
appareillant, il remonte sur son mouillage au moteur, plutôt que de se tracter
passivement au guindeau, ce qui revient à « passer la charrue » sur les plantes.
La plage et la dune. La laisse de mer encore humide marque le niveau de la
dernière pleine mer. Plus haut, la laisse de mer d’équinoxe indique la limite haute de
l’estran (trait de côte), au niveau de la dune embryonnaire. Cette dernière est couverte
d’une végétation rase type pourpier de mer, tandis que la dune blanche héberge une
végétation d’oyats et de panicauts maritimes, la dune fixée est couverte de végétation
rase.

LES VASIÈRES
Dans les estuaires abrités se trouvent des estrans vaseux. Ils sont
marqués par deux zones bien distinctes, la zone de prés salés (aussi
appelée le « schorre »), prairie inondée par les pleines mers de vives-
eaux, à la végétation si particulière (y pousse notamment la salicorne).
Plus bas, à partir du niveau des pleines mers de mortes-eaux s’étend la
vasière (ou slikke) qui découvre à marée basse son étendue lisse, ravinée
par les chenaux profonds et sinueux. La vase est formée de particules
extrêmement fines apportées par la marée et qui adhèrent au sol au
moment de l’étale de pleine mer, dans les endroits très calmes, fonds de
baies abrités, estuaires, arrière-ports… Les débris organiques
fermentant en l’absence d’oxygène expliquent l’odeur caractéristique. La
vase peut être dure, tassée ou mêlée de sable ou de gravier. Le plus
souvent, c’est une matière molle où tout s’enfonce. C’est un lieu
d’échouage à flanc, parfait pour l’hivernage.

L’estran vaseux. Sa lecture attentive fournit des indications précieuses pour la


navigation.

Enfouis dans la vase plus ou moins sableuse vivent des vers de vase,
repérables grâce aux monticules qu’ils créent au-dessus du trou qu’ils
occupent, et les fameux bibis, très prisés pour leur qualité d’appâts de
pêche. Les couteaux, les coques, les palourdes et autres coquillages se
dissimulent aussi dans ses fonds meubles, attendant que la marée monte
pour filtrer l’eau.

LA VIE DU LARGE
Le bateau s’éloigne de la côte et gagne la mer. La côte est encore
visible, le paysage semble se vider, seuls quelques voiliers et bateaux de
pêche à l’ouvrage apparaissent au loin. Depuis cette zone côtière
jusqu’au milieu de l’océan, les rencontres se limiteront au souffle d’un
dauphin, aux amas d’algues dérivant au gré des courants, aux oiseaux
marins. Parfois la nuit, le sillage du navire se colore d’un vert
luminescent. Plus attendues sont les « rencontres » que l’on provoque en
filant une ligne de traîne. Toutes ces apparitions sont les signes
émergents d’un monde sous-marin que souvent on ignore, car on ne le
voit pas, la mer vue depuis le bateau étant une vaste étendue bleu
sombre.

LE PLANCTON ET L’UNIVERS DE L’INVISIBLE


Le plancton est constitué d’un ensemble d’êtres vivants à la dérive.
Généralement microscopiques ou de petite taille, invisibles à l’œil nu, ils
sont doués de mouvements limités, mais incapables de se déplacer à
contre-courant. Il s’agit de milliards de milliards d’individus qui peuplent
nos océans et nos mers. Dans le détail, le plancton est composé de
petites algues microscopiques, dont l’ensemble est appelé
phytoplancton, et d’animaux, crustacés microscopiques, œufs et larves
de poisson, coquillages, crustacés qui deviendront plus grands (s’ils ne
se font pas manger avant), dont l’ensemble est appelé zooplancton. Les
méduses sont les plus gros représentants du zooplancton.
La plupart du temps, le plancton est invisible et nous ne percevons
pas sa présence, bien qu’il représente la majeure partie du poids total
des habitants des mers et des océans ! Il se rappelle parfois à notre
souvenir, lors des proliférations de certaines espèces au printemps et en
été. Les algues bioluminescentes, portant le nom de Noctiluca scintillans,
émettent de la lumière la nuit sous l’effet de l’agitation de l’eau, dans le
sillage et la vague d’étrave des bateaux. De jour, lorsqu’elles sont très
abondantes, ces algues peuvent aussi colorer les eaux du large et à la
côte et se manifester sous la forme d’« eaux rouges » spectaculaires et
de courte durée.
La mer et les espèces qui la peuplent constituent un écosystème marin, siège
d’une chaîne alimentaire complexe, qui nourrit aussi l’homme par la pêche. Les
interventions humaines modifient cet écosystème et perturbent sa chaîne alimentaire.
Dans les écosystèmes, tout est lié et tout est question d’équilibre.

Le phytoplancton fournit près des deux tiers de l’oxygène de l’air que


nous respirons et absorbe plus de la moitié du gaz carbonique de
l’atmosphère, il est donc un élément déterminant du climat. De plus, le
phytoplancton est à la base de toute la chaîne alimentaire des
organismes marins.

UN MONDE DE PRÉDATEURS
Le zooplancton, dont les composants consomment le phytoplancton,
est le deuxième maillon de cette chaîne alimentaire des écosystèmes
marins. Le zooplancton herbivore est lui-même ingéré par le zooplancton
carnivore, à son tour absorbé par les petits carnivores comme les
sardines, les harengs et les jeunes maquereaux. Ces petits poissons sont
eux-mêmes consommés par d’autres plus gros, tels les thons et les
bonites à l’aspect cuirassé, les espadons et les dauphins, mais aussi par
les oiseaux marins pêcheurs. Les animaux marins meurent rarement de
vieillesse et sont mangés plus ou moins tôt dans leur vie, mis à part ceux
qui n’ont pas de prédateurs naturels : les super-carnivores, parmi
lesquels de nombreux mammifères marins.
Tous ces organismes produisent des débris de matière organique
morte de taille variable soit en mourant, soit lorsqu’ils sont consommés,
soit au travers de leurs déjections. Ces débris sont eux-mêmes
consommés par des charognards, tels les crabes et les crevettes vivant
sur les fonds marins, et décomposés par les bactéries marines en sels
minéraux. Ces sels minéraux pourront être assimilés par le
phytoplancton et ainsi recyclés.

LE LARGE, DÉSERT DE VIE ?


Les océans peuvent être considérés comme de grands déserts de vie.
Au large, on croise certes baleines et poissons volants, mais les êtres
vivants marins sont bien moins nombreux que le long des côtes. En effet,
les écosystèmes de pleine eau reposent sur le phytoplancton qui se
développe lorsque les conditions de lumière, la quantité de sels minéraux
dissous dans l’eau de mer (nitrate, phosphate, silicate) et la température
sont suffisantes. Si l’une de ces composantes est insuffisante, le
phytoplancton ne prolifère pas et en conséquence la chaîne alimentaire
ne se développe pas. Les sels minéraux dissous dans l’eau proviennent
de la décomposition de matière organique morte, mais aussi (et surtout)
des continents et des remontées d’eaux profondes. L’eau des fleuves et
des rivières apporte avec elle des sels minéraux issus de la
décomposition des roches et des activités humaines (engrais, rejets
domestiques…). Cette eau forme un panache riche en sels minéraux le
long du littoral. Les sels minéraux peuvent aussi provenir de remontées
d’eaux profondes dues à des vents de terre forts : c’est le phénomène
d’upwelling ►. Au niveau des pôles, la fonte des glaces conduit à des
rejets de saumures et d’organismes piégés dans la glace. Les
ruissellements enrichissent en éléments minéraux les eaux en bordure
de banquise. Avec le retour du soleil, la vie marine se réveille.

Répartition du phytoplancton dans les océans. Les zones rouges marquent une
forte abondance de plancton, synonyme d’une vie marine particulièrement dense ;
dans les zones vertes, il est soixante fois moins présent. Les régions identifiées en
bleu en sont particulièrement pauvres, la concentration y est dix fois moindre que
dans les parties du globe représentées en vert. Elle devient infinitésimale dans les
taches pourpres, comme celle qui figure au cœur du Pacifique Sud.

À l’inverse, les parties centrales des océans Atlantique et Pacifique


sont des déserts océaniques. Les baleines ou les tortues marines que
l’on croise au grand large ne sont le plus souvent qu’en transit vers des
régions où les ressources seront riches. L’arrivée dans les eaux chaudes
sera marquée par l’apparition des poissons volants, qui
s’échouent parfois sur le pont. Le bateau peut recevoir des visites
insolites, comme celle d’un pipit épuisé et affolé de se retrouver aussi
loin de ses falaises. Ces rencontres semblent anodines pour un terrien,
mais elles prennent en mer une soudaine importance, car elles
annoncent l’approche de la terre, bien avant que l’œil ne l’ait repérée.
LES ZONES PROTÉGÉES SUR LE LITTORAL
ET EN MER
Pour préserver les mers et les océans, et continuer à les apprécier dans toute
leur richesse, il nous faut réguler l’effet de nos pratiques.
La carte marine représente – en magenta – les zones où certaines activités
sont interdites. Ainsi le mouillage est-il très réglementé autour de l’île de Port-Cros
afin de préserver les herbiers et la faune qu’ils hébergent. La pêche peut être
prohibée dans les zones de reproduction des crustacés et des poissons, comme à
Bonifacio ou aux îles Chausey. Ailleurs le débarquement est proscrit, de façon à ne
pas déranger les oiseaux pendant leur période de reproduction. C’est le cas de
l’archipel des Sept-Îles en Bretagne Nord, qui héberge la seule colonie de fous de
Bassan en France. Certaines de ces interdictions ne s’appliquent qu’une partie de
l’année, comme pour la réserve naturelle de l’île aux Moutons, qui est un site de
reproduction des sternes.

Le Conservatoire du littoral
En débarquant sur certaines plages, on trouvera des panneaux indiquant que
les dunes appartiennent au Conservatoire du littoral, qui sauvegarde des espaces
naturels du bord de mer en y empêchant toute construction nouvelle, mais en
assurant leur accès aux promeneurs. Les Glénans occupent pour leurs activités
plusieurs sites et bâtiments (maison de gardiens de phare, sémaphore, fort)
devenus propriétés du Conservatoire, sur l’archipel breton des Glénan (Penfret,
Drenec et Cigogne) ainsi qu’en Corse. Des générations d’amoureux de la mer et
de ses rivages se sont succédé pour apprendre la voile ou se perfectionner, dans
des lieux parmi les mieux préservés du littoral français, tout en se sensibilisant à la
protection de l’environnement et des écosystèmes marins. À l’occasion des
70 ans de notre association, les Glénans et le Conservatoire ont conclu une
convention formalisant leur partenariat pour les 30 prochaines années. Les
Glénans se sont également engagés dans la démarche « Petites îles durables »,
une initiative internationale portée par le Conservatoire du littoral pour une gestion
durable des espaces insulaires.
Représentation sur la carte marine des « zones maritimes vulnérables du
point de vue de l’environnement ». D’autres silhouettes d’animaux peuvent être
utilisées : phoque, hippocampe, pingouin, pétrel. La carte fournit éventuellement
des indications complémentaires, par exemple sur les périodes auxquelles
l’accès est interdit.

D’autres panneaux identifient des sites relevant du réseau Natura 2000, d’un
parc naturel régional, ou encore d’un parc naturel marin. Sur ces territoires
pouvant inclure des zones maritimes et terrestres, la biodiversité est gérée en
synergie et en concertation avec les différents acteurs : pêcheurs professionnels,
plaisanciers, agriculteurs, associations de défense de la nature.
LES REJETS EN MER

La convention MARPOL et la loi sur l’eau


Le rejet des déchets en mer est réglementé par la convention internationale
MARPOL (pour « MARine POLlution »), concernant les navires de commerce et de
plaisance de plus de quinze passagers. Depuis 2013, l’annexe V révisée interdit de
manière générale le rejet à la mer de toutes les ordures (notamment les
plastiques, cartons, verres, tissus et métaux), sauf les déchets alimentaires, les
résidus de cargaison, les agents et les additifs de nettoyage et les carcasses
d’animaux, dans certaines conditions. L’annexe IV, révisée depuis 2011, autorise
le rejet des eaux noires à plus de 3 milles d’une côte si les effluents sont broyés et
désinfectés ou à plus de 12 milles d’une côte dans le cas contraire. Dans les deux
cas, les rejets doivent être effectués en naviguant à plus de 4 nœuds.

Résumé de la convention MARPOL. Les zones spéciales sont la mer Méditerranée,


la mer Noire, la mer Rouge, la zone du golfe Persique, la mer du Nord, la région des
Grandes Caraïbes, l’Antarctique et les eaux d’Europe du nord-ouest, la mer Baltique.

En ce qui concerne les plus petites unités, la loi de décembre 2006 sur l’eau
et les milieux aquatiques impose quant à elle un équipement spécifique, la cuve à
eaux noires : « Afin d’assurer la protection de la santé publique et du milieu
aquatique, les navires de plaisance équipés de toilettes et construits après le
er
1 janvier 2008, qui accèdent aux ports maritimes et fluviaux ainsi qu’aux zones
de mouillages et d’équipement léger, sont munis d’installations permettant soit de
stocker, soit de traiter les eaux usées de ces toilettes. »

Dans la pratique…
Si la réglementation sur le rejet de déchets en mer concerne les grosses
unités, cela n’empêche pas le plaisancier de l’appliquer, ou de s’en approcher
autant que faire se peut.
Les rejets alimentaires, même lorsqu’ils sont biodégradables, peuvent avoir
une durée de dégradation assez longue, pendant laquelle ils s’accumulent sur les
fonds marins (pour ceux qui coulent) ou sont portés à la côte par les courants
(pour ceux qui flottent). On les retrouve ainsi accumulés à la surface de l’eau dans
les ports, dans les criques et sur les plages. C’est le cas notamment des
épluchures d’agrumes (5 mois), des peaux de banane (8 à 10 mois) et des
trognons de pomme (4 à 6 mois).
Afin que les usagers puissent évacuer les déchets correctement triés, les
ports s’équipent progressivement en installant des conteneurs ainsi que des
dispositifs permettant le pompage des eaux noires. Cette mise en conformité est
loin d’être généralisée, mais quoi qu’il en soit, douches, toilettes, lavabos et éviers
de vaisselle des sanitaires portuaires sont reliés à des stations d’épuration : autant
les utiliser plutôt que traiter les eaux noires (et grises) de son propre bateau.
On appelle eaux grises les eaux issues des douches, des éviers et des lavages.
L’utilisation de détergents réellement biodégradables permet de réduire leur
impact sur l’environnement. Les eaux noires sont les eaux issues des W-C du bord.
Elles sont biodégradables, mais peuvent présenter un risque sanitaire en raison
des bactéries fécales qu’elles contiennent et dont elles favorisent la prolifération.
Lorsque de nombreux bateaux sont au mouillage dans un endroit où l’eau est peu
renouvelée, la qualité des eaux de baignade peut être affectée. Les coquillages
filtreurs (certains peuvent filtrer 10 à 15 litres d’eau de mer par heure), qui ont
tendance à accumuler ces bactéries, peuvent de surcroît devenir impropres à la
consommation.
En l’absence le plus souvent de règles 11 sur l’utilisation des cuves à eaux
noires des petites unités, le plaisancier choisira avec soin et bon sens les zones où
il doit stocker (notamment au mouillage et au port) et celles où il peut vidanger,
quand ce n’est pas possible au port. L’évacuation en mer se fera suffisamment au
large et en tenant compte du courant.

Les mouillages forains nous offrent ainsi de véritables moments de grâce.


Raison de plus pour préserver ces lieux dont nous ne sommes que des visiteurs
privilégiés. L’usage de la cuve à eaux noires, notamment, s’impose lorsque le
voilier est à l’ancre.
DURÉE DE DÉGRADATION DES DÉCHETS
À la découverte des gens
de mer et du patrimoine maritime

E n 1964, Éric Tabarly remportait à bord de Pen Duick II la course


transatlantique qui le rendit instantanément célèbre. Peu après son
arrivée à Newport, il se rendit à Mystic Seaport (Connecticut – entre New
York et Boston). Immense marin s’il en fut, génial innovateur en
architecture navale, précurseur et modèle de la course au large, Tabarly
allait admirer les bateaux d’hier et d’avant-hier, soigneusement
conservés et entretenus dans ce port-musée par excellence, créé en
1929 et qui reste la référence dans le domaine. Le récit de cette visite
figurera en bonne place dans son livre Victoire en solitaire (Arthaud).
Le Mystic Seaport Museum. En 1929, alors que la voile de commerce disparaît,
les trois fondateurs décident d’en préserver la mémoire en collectant archives, plans,
modèles et objets maritimes. En 1931, des terrains sont acquis sur la rivière Mystic.
Aujourd’hui, ce musée à ciel ouvert est un village maritime animé par des bénévoles,
avec échoppes d’époque, ateliers reconstitués et une fabuleuse collection de bateaux.

Outre la course au large, son intérêt se concentrait sur la restauration


du voilier familial, Pen Duick, premier du nom, un plan Fife de 1898. Cette
entreprise de longue haleine menée sur plusieurs années permettra au
cotre, totalement refait, de retrouver son élément. Homme du passé,
Tabarly ? Certainement pas. Plutôt un homme du présent et du futur et,
en tant que tel, respectueux du passé.
En matière de bateaux, il serait peu réaliste de croire que « tout était
mieux avant… ». Jadis, les navires étaient moins sûrs que ceux
d’aujourd’hui, la navigation était plus incertaine, la sécurité moindre. Les
journaux de bord, les rapports de mer, les articles de presse, débordent
de récits d’avaries ou de naufrages, subis dans les marines de pêche, de
commerce et d’État. Les conditions de travail et de vie, l’inconfort le
disputant à la promiscuité, étaient d’une dureté extrême. La noirceur du
tableau n’efface pas pour autant la beauté des bateaux d’hier, ni le
romantisme des départs, des arrivées, des ports et du voyage en général,
images qui se racontent, si bien décrites et transmises par tant de pages
de littérature.
Des siècles durant, ceux qui construisaient les bateaux et ceux qui
les faisaient naviguer n’ont eu de cesse de les améliorer. S’intéresser à
cette histoire riche et captivante, ce n’est pas forcément faire preuve de
nostalgie. C’est avoir conscience que la voile n’a pas toujours été un
loisir, que la navigation de plaisance demeure une héritière de la marine
de labeur. C’est en somme se rappeler d’où l’on vient, et comment on en
est arrivé aux voiliers et aux techniques de maintenant.
Affranchi (ou supposé tel) des contraintes de la navigation d’antan,
notre plaisancier reste en mesure de découvrir, mille après mille, escale
après escale, un environnement maritime lié à la présence ou à l’action
humaines, passées ou actuelles. De s’intéresser à celles et ceux qui
partagent les mêmes eaux que lui, pour leur travail ou leurs loisirs, à bord
de bateaux qualifiés de traditionnels ou de modernes, ainsi qu’à tout un
bâti jalonnant le littoral, en service ou désaffecté. De découvrir la
mémoire des gens de mer, d’hier et d’aujourd’hui.

SUR LE CHEMIN, DES BATEAUX ET DES HOMMES


Tout étant paré, on appareille. Bien vite, tout chef de bord ou équipier
est curieux de déterminer le type d’un bateau rencontré, de plaisance ou
de travail, et quel est son « métier ». Il observera les formes du navire,
son gréement, les engins visibles sur le pont et poussera l’exercice en
cherchant à discerner de quel matériau il est fait. Autant d’indices lui
permettant de deviner l’usage de ce bateau et les compromis
d’architecture navale adoptés pour faciliter le travail ou le loisir de ceux
et celles qui l’utilisent.
Des navires, l’équipage en rencontrera de toutes tailles, aux rôles les
plus divers. Entre la côte et les îles, il pourra observer les courriers qui
ravitaillent ces dernières. Allant d’une rive à l’autre d’un estuaire, les
bacs comme ceux de la Seine, de la Loire et de la Gironde. En sortant du
port, les bateaux de pêche côtière partant pour la journée ou pour la
semaine, chalutiers, fileyeurs, palangriers, ainsi que les barges
ostréicoles qui se rendent sur les parcs à huîtres le temps d’une marée.
Les unités de service ou de servitude des ports et de leurs abords,
bateaux-pilotes, lamaneurs, remorqueurs portuaires, qui assistent les
grands navires lors de leur atterrissage et de leur amarrage. Les
remorqueurs de haute mer et de sauvetage, comme Abeille Bourbon à
Brest, Abeille Liberté à Cherbourg, Abeille Flandre à Toulon, Abeille
Languedoc à Dunkerque, en mesure d’appareiller en 45 minutes par tous
les temps.
NAVIRES CÔTIERS ET DE HAUTE MER
Comment les reconnaître ? Quelques exemples de navires de travail
Plus au large, sur le rail, l’équipage croisera des navires au long
cours, des pétroliers, des vraquiers (transportant des matières
premières), des porte-conteneurs. Et puis les navires de l’État – Marine
nationale, Affaires maritimes, Douanes, gendarmerie – qui ont pour
mission de protéger les frontières maritimes et de faire respecter la loi
dans les eaux françaises, des bateaux peints tout en gris et dont on
craint l’approche si l’on ne se sent pas tout à fait en règle mais dont on
ne perdra pas de vue qu’ils savent aussi prendre en cas de besoin une
place – décisive – dans la chaîne des secours en mer.

BATEAUX TRADITIONNELS D’HIER ET D’AUJOURD’HUI


Les bateaux ont longtemps été construits à partir des matériaux
naturels disponibles à proximité des habitats humains. Parmi ceux-ci, le
bois a été sans conteste le plus utilisé, et ce dès la période préhistorique.
Encore nombreux jusque dans les années 1980, les chantiers
traditionnels travaillant le bois se sont raréfiés. Dans le domaine de la
pêche, les bateaux en bois ont longtemps été majoritaires mais, crise de
l’activité oblige, la réduction des flottilles a participé à leur désaffection.
Sans compter avec l’attrait des professionnels pour des matériaux tels
que le polyester ou les alliages d’aluminium pour les petites unités – les
grosses étant depuis longtemps essentiellement construites en acier.
Certains restent cependant fidèles au bois. Par ailleurs, s’il se
construit moins de bateaux de plaisance neufs en bois massif que
naguère, il s’en restaure beaucoup, ainsi que d’anciens bateaux de
travail. Le métier séduit toujours, plusieurs établissements techniques
forment quelques dizaines de charpentiers de marine chaque année.
L’intérêt pour la construction traditionnelle touche aussi les domaines de
la forge, du gréement et de la voilerie. Patrimoine maritime et métiers de
la mer s’avèrent indissociables.
Les chantiers « classiques » ont bénéficié d’un grand souffle d’air frais
au début des années 1990. Après la remarquable construction de la
bisquine La Cancalaise, mise à l’eau en 1987, de nouvelles unités
traditionnelles ont été lancées dans le cadre du concours « Bateaux des
côtes de France », initié 2 ans plus tard par la revue Le Chasse-Marée.
Point de départ d’un grand mouvement de renouveau – essentiellement
associatif –, ce formidable élan a donné naissance à quantité de
constructions neuves, parfois de grande taille : goélette Recouvrance,
lougre Corentin, bisquine La Granvillaise, cotre roscovite Reder Mor, cotre
corsaire Le Renard, bac à voile d’Arcachon Président Pierre-Mallet. Dans le
domaine de la restauration, l’élan s’est avéré tout aussi remarquable.
Citons pour exemple le cotre pilote Marie-Fernand ou encore la barque
catalane Espérance. Sans oublier l’importante flottille de bateaux plus
modestes sauvés de la destruction par des passionnés (canots
goémoniers, canots à misaine, cotres langoustiers, barquettes
marseillaises, bateaux ostréicoles charentais…).
Le mouvement ne s’est pas arrêté, d’autres projets ont vu le jour au
fil des ans. Parmi ceux-ci, on notera la restauration de la gabare de
l’Iroise Notre-Dame de Rumengol ou celle du trois-mâts goélette morutier
Marité. Plus récemment, se sont achevées la construction de l’Hermione –
réplique de la frégate ayant transporté La Fayette aux États-Unis – et la
restauration de Biche, dernier thonier-dundee de Groix. Conséquence des
constructions et restaurations de bateaux traditionnels, le besoin en
équipages capables de les manœuvrer et de les faire naviguer a créé un
engouement pour redécouvrir ou apprendre des méthodes, techniques et
savoir-faire traditionnels.

Réplique de la frégate du marquis de La Fayette parti soutenir les insurgés


e
américains, l’Hermione a redonné vie à la marine du XVIII siècle. Son voyage outre-
Atlantique en 2015 a consacré la réussite d’un projet exceptionnel qui a
enthousiasmé le public et conquis les plus sceptiques des marins.
LES DIFFÉRENTES FAMILLES DE GRÉEMENTS
LES NAVIRES-ÉCOLES, DERNIERS GRANDS VOILIERS
Inspirée de la technique du franc-bord en bois, la construction en fer,
e
puis en acier, s’est développée au cours du XIX siècle 12. Elle s’est avérée
bien adaptée à des navires de plus en plus grands, à propulsion
mécanique (vapeur d’abord puis moteurs thermiques), pour toutes les
marines (militaire, commerce, pêche, etc.). Cependant, à la fin de ce
même siècle, ont été mis en chantier de grands voiliers dépassant parfois
100 mètres de longueur. Il en subsiste quelques-uns, pour la plupart
d’anciens navires de commerce allemands, récupérés en tant que
dommages de guerre par différentes nations après la Seconde Guerre
mondiale. Parmi ceux-ci, citons les quatre-mâts barques Kruzenshtern (ex-
Padua, 1926) et Sedov (ex-Magdalene Vinnen, 1921), ce dernier restant le
plus grand voilier au monde, avec 117 m de longueur. Reconvertis en
navires-écoles, battant pavillon russe, ces deux vétérans sont très
présents dans les rassemblements de bateaux traditionnels (Brest,
Douarnenez, Rouen, Sète…).
La France possède aussi un beau trois-mâts barque en acier : Belem,
construit en 1896 à Nantes. Navire de charge de 58 m de longueur,
reconverti en yacht sous pavillon britannique, puis voilier-école italien, il
a rejoint la France en 1979. Restauré, regréé, il embarque des stagiaires
de tous âges 9 mois par an. Commerçant à l’origine avec les Antilles,
Belem avait, faute de place, mouillé le 8 mai 1902 à une quinzaine de
milles de la rade de Saint-Pierre (Martinique) où il devait se rendre.
Contretemps salutaire, car ce jour-là, l’éruption de la montagne Pelée
détruisait la ville. Une dizaine de navires au mouillage, incendiés par la
nuée de cendres, ont sombré sur place. Leurs épaves sont toujours là et
sont mentionnées sur la carte marine.
Alors que la propulsion mécanique a étendu son emprise sur toutes
les mers du globe, certains pays continuent à former leurs marins sur de
grands voiliers, anciens ou récents, considérés comme les outils
nécessaires au développement du sens marin, du courage, de
l’endurance et de l’apprentissage du travail collectif. Parmi ces pays,
citons les États-Unis, la Russie, le Venezuela, le Japon, le Danemark, la
Pologne, la Norvège… En France, les choix ont été différents. Cependant,
dans le cadre de la formation, la Marine nationale fait naviguer et
entretient les deux goélettes à hunier Étoile et Belle Poule, le dundee
Mutin, et le yawl Grande Hermine.

L’ÉVOLUTION DE LA PLAISANCE
Le voilier d’aujourd’hui n’est pas un aboutissement, mais une étape.
Au cours des cinquante dernières années, la plaisance a connu un
développement sans précédent. Ce qui était, encore au début du
e
XX siècle, un loisir que se réservait une certaine élite – on parlait alors et
surtout de yachting – s’est ouvert au plus grand nombre, les Glénans
(créés en 1947) ayant tenu un rôle considérable dans cette
démocratisation. Les voiliers d’alors s’appelaient Vaurien, Caravelle,
Corsaire, Mousquetaire, signés Jean-Jacques Herbulot ou encore
Muscadet, Cognac et autre Armagnac, dessinés par Philippe Harlé, tous
construits en contreplaqué.
Il subsiste de magnifiques bateaux du temps du yachting, le plus
souvent construits en bois, amoureusement restaurés. Doyen de la flotte
des Glénans (avec le bateau de liaisons Archipel), classé monument
historique, le cotre Sereine fait partie de cette famille. Tout membre de
l’association peut poser son sac à bord et espérer le commander.
Sereine est le plus ancien voilier des Glénans encore en service pour
l’association. Construite sur plan Dervin et lancée en 1952, elle représentait alors la
quintessence du voilier de plaisance hauturier. Philippe Viannay, fondateur des
Glénans, imaginait qu’elle ferait le tour du monde. À défaut, Sereine a formé des
milliers de stagiaires. Entièrement restaurée au chantier du Guip en 2005, classée
monument historique, elle poursuit inlassablement sa route.

Les bateaux de plaisance n’ont eu de cesse d’évoluer, de nombreux


compromis ont été explorés, chacun adapté à un usage et un projet de
navigation, côtier, hauturier, que ce soit pour participer à des régates,
pour réaliser des déambulations contemplatives ou pour le voyage au
long cours. Si les matériaux de construction ont changé, les formes elles
aussi ont évolué, qu’elles soient adaptées ou non à l’échouage. Ainsi, sur
les voiliers traditionnels, la quille était-elle très longue. Cette pièce
maîtresse du bateau, sur laquelle il reposait à l’échouage, se traduisait
par une surface mouillée considérable, ce qui limitait ses capacités de
vitesse.
L’évolution des carènes et des plans antidérive au fil du temps.

La diminution de la longueur de quille a permis de meilleures


performances, notamment au près, ainsi qu’une amélioration notable de
la manœuvrabilité. En contrepartie, ces quilles étroites et profondes ne
favorisent pas l’échouage, que ce soit à quai ou sur béquilles, en raison
d’une mauvaise tenue longitudinale. Sans le développement des ports à
flot et des moyens de levage, ces appendices modernes n’auraient sans
doute pas rencontré le même succès auprès des plaisanciers.
SUR LES TRACES DES BÂTISSEURS
DES PHARES DANS LA NUIT
Amers remarquables de jour, identifiables la nuit grâce aux
caractéristiques du feu émis, les phares ont une longue histoire où se
mêlent passé, présent, patrimoine bâti, métiers de la mer et avenir. Si les
origines des phares remontent à l’Antiquité, le besoin impérieux
d’éclairer les côtes de France afin de se prémunir des naufrages s’est
e
vraiment développé au cours du XIX siècle. Les travaux entrepris pour
ériger certains de ces édifices – Armen, La Jument, Kéréon, La Vieille,
Tévennec –, dans des zones parcourues de très forts courants, sur des
roches n’émergeant parfois qu’à basse mer, relèvent de l’exploit
technologique tout autant qu’humain. Courage, abnégation,
persévérance des ingénieurs, des contremaîtres, des ouvriers et des
marins ravitailleurs, tout a été rassemblé pour forger une réelle épopée
entreprise pour le bien collectif.
De tout temps les phares ont été gardés. Puis l’automatisation a
remplacé l’homme. Aujourd’hui, les phares fonctionnent et sont
surveillés depuis la terre. Le dernier gardien a quitté Cordouan, dans
l’estuaire de la Gironde, en juin 2012. Le métier n’a pas totalement
disparu, quelques établissements « à terre » sont encore occupés. Pièces
maîtresses du patrimoine maritime, les phares et leurs gardiens ont
donné naissance à quantité d’ouvrages de référence et inspiré de
nombreux écrivains (La Tour d’amour, de Rachilde ; Armen, de Jean-Pierre
Abraham ; Feux de mer, de Louis Le Cunff…). Une escale à Ouessant
permettra de visiter le Créac’h et le Stiff, ainsi que le remarquable musée
des Phares et Balises.

LES PHARES ET BALISES


Le service des Phares et Balises est en charge de l’entretien de tout le parc de
balisage du littoral français (bouées, perches, tourelles et phares). Des équipages
particulièrement aguerris effectuaient naguère les relèves de gardiens, souvent dans
des conditions extrêmes. Aujourd’hui, on peut encore avoir la chance de surprendre
un hélicoptère survolant un phare pour y déposer (ou y reprendre) les techniciens
assurant désormais la maintenance. Ce qu’on peut toujours en revanche voir et
reconnaître, ce sont les navires baliseurs amarrés sur les tonnes au nom des Phares
et Balises, positionnées à proximité des phares en mer. De tailles diverses, les
navires baliseurs ont notamment pour mission de poser, relever et entretenir les
centaines de bouées, de perches et de tourelles. Trois navires baliseurs réformés
ont été sauvegardés. Deux d’entre eux, Clapotis et Martroger, basés respectivement
à Oléron et Noirmoutier, ont la particularité d’être des voiliers, et ils naviguent. Roi
Gradlon est une unité motorisée, qui a rejoint le Port-musée de Douarnenez. Dans le
domaine de la signalisation maritime, on notera la multitude de points remarquables
du littoral reportés sur la carte marine (clochers, châteaux d’eau, etc.), amers
particulièrement fiables, ne tombant jamais en panne… Parmi ceux-ci, le clocher
d’Ars-en-Ré, peint en blanc et noir.

D’UN PORT À L’AUTRE


Hors les mouillages forains, les plaisanciers font principalement
escale dans les marinas qui leur sont réservées. Il est de plus en plus
rare de pouvoir se mettre à couple d’un bateau de pêche, dont
l’équipage, à 4 heures du matin, appareillera sans réveiller quiconque,
après avoir réamarré le visiteur. Les ports de commerce, bardés de
grilles, sont le plus souvent inaccessibles au promeneur.
Déambuler le long des quais, d’un navire en escale à l’autre, voyager
à la lecture de leurs noms et ports d’attache, observer le travail des
lamaneurs et des dockers, les mouvements de haute précision des grues,
fréquenter les bistrots et restaurants des quais, tout ceci est désormais
relégué dans la case « romantisme portuaire ».
Pour rêver sur ce que pouvait être l’ambiance d’un port autrefois, on
se plongera dans la littérature, une foule d’écrivains y ayant puisé une
part de leur inspiration (Cendrars, Conrad, Peisson, Simenon, Vercel –
auteur de Capitaine Conan…).
Le ballet des portiques à conteneurs vidant ou chargeant en quelques
heures des navires peut néanmoins être observé de loin depuis la mer
dans certains ports comme celui de Lorient. Et rien n’interdit au
plaisancier de découvrir les minuscules ports-abris du cap Sizun ou les
marines du cap Corse, à l’opposé de grands centres de la construction
navale, présents ou passés, tels Saint-Nazaire ou La Ciotat.
Il peut aussi se faufiler dans les estuaires des fleuves, explorer ces
abris naturels protégés des vents forts et de la mer et apprécier
l’atmosphère bucolique de ces havres qui étaient, avant la construction
des ports en eau profonde construits de toutes pièces le long des côtes,
les seuls refuges pour les caboteurs et les pêcheurs lors des tempêtes. Il
peut s’intéresser aux ports ostréicoles (à Oléron notamment), aux ports
de pêche, aux ports militaires aperçus de loin (Brest, Toulon et leurs
bases sous-marines). Il découvrira les bassins d’échouage très utilisés au
temps des bateaux à quille longue et les bassins à flot fermés par un
seuil ou par une porte basculante, mais aussi ceux fermés par une porte-
écluse ou une écluse manœuvrée par l’éclusier, comme à Paimpol,
ancien port morutier de la pêche en Islande.
Dans l’écluse de Paimpol, un RM 1050 des Glénans.

SOUS L’ŒIL DES SÉMAPHORES


Tout plaisancier peut faire l’objet d’une surveillance de la part d’un
guetteur sémaphorique. Les sémaphores ont été érigés au cours du
e
XIX siècle en des points remarquables du littoral, afin de surveiller les
mouvements des navires. Équipées de systèmes de langages optiques
codés – pavillons, signaux lumineux –, armées par des guetteurs de la
Marine nationale, ces installations ont été utilisées pour la
communication entre les navires et la terre, tant pour la Marine d’État
que de commerce. Avec le développement de la radiotélégraphie,
certains établissements ont été progressivement fermés, surtout après
1950. Leur sort semblait définitivement scellé à la fin du siècle dernier,
mais les autorités s’étant aperçues que la surveillance humaine
présentait des atouts irremplaçables, le désarmement a cessé, et, qui
plus est, les périodes d’ouverture ont été portées à 24 h/24 pour la
quasi-totalité d’entre eux.
Mis à part les sémaphores actifs, il en subsiste de nombreux,
désaffectés, reconnaissables à leur architecture singulière en « T »,
souvent transformés en habitations. Aujourd’hui, si les principaux
contacts de notre plaisancier avec les sémaphores se font lors de la
vérification du fonctionnement de sa VHF, il est d’usage, lorsque l’on a le
moindre sujet d’inquiétude, d’annoncer ses intentions et son périmètre
de navigation au sémaphore, qui garde ainsi un œil sur notre voilier. Les
sémaphores fournissent aussi très volontiers leurs observations météo
locales, sur appel VHF ou par téléphone.

Le sémaphore de Créac’h à Ouessant, accolé au phare du même nom (dont la


partie sommitale était en travaux à l’époque de la photo), a été désarmé en 2000 par
la Marine nationale et transformé en résidence d’artistes, sous l’égide du
département.

On rapprochera des sémaphores les tours génoises qui jalonnent le


pourtour de la Corse et constituaient un collier de défense contre les
incursions barbaresques. Les guetteurs des tours génoises surveillaient
les bateaux alentour et utilisaient des signaux visuels pour annoncer
l’arrivée des navires ennemis à la tour suivante astucieusement
construite à portée de vue, ainsi qu’aux bergers et paysans qui pouvaient
se replier dans les terres.

DÉFENSES ET FORTIFICATIONS
Objet de menaces réelles ou supposées, les côtes ont été défendues
par un réseau de fortifications qui défient le temps. Il serait illusoire de
dresser ici l’inventaire de celles imaginées, bâties ou améliorées sous la
direction de Vauban. Mais au hasard d’escales, on pourra s’intéresser à
certaines d’entre elles. Citons la tour de Camaret, la ville close de
Concarneau, la citadelle de Belle-Île-en-Mer et celle de Port-Louis qui
abrite, outre un sémaphore, le musée de la Compagnie des Indes et une
antenne du musée de la Marine. Plus au sud, les pertuis charentais
offrent un festival d’ouvrages fortifiés, édifiés pour la défense des abords
de La Rochelle et de l’estuaire de la Charente, qui constituait un point
stratégique. Ce fleuve côtier abritait la ville-arsenal de Rochefort-sur-Mer.
e
Elle était entièrement vouée dès le XVII siècle à la Marine d’État, on y
trouve encore la Corderie royale, de remarquables formes de radoub –
dans l’une d’elles a été construite l’Hermione –, plusieurs bâtiments
désaffectés liés à la Marine – l’un d’eux est occupé par une autre
antenne du musée de la Marine. Sans oublier la maison de Pierre Loti. La
remontée de la Charente, qui fait passer sous le dernier pont
transbordeur de France, restauré et en état de marche, peut amener à
rencontrer des caboteurs – battant généralement pavillon étranger – se
rendant à Tonnay-Charente (ou en venant). Le cabotage… un autre
métier de la mer.
e
D’autres fortifications littorales bâties au cours du XIX siècle
présentent la particularité d’être devenues obsolètes à peine achevées.
Ainsi du fort Boyard, entre les îles de Ré et d’Oléron. Ou d’autres,
construits d’après une même série de plans, devenus pour la plupart des
propriétés privées. Tel le fort de Sarah Bernhardt, à la pointe des
Poulains, à Belle-Île. Un équipage à la fibre historique pourra s’intéresser
à d’autres vestiges d’un bâti littoral entré dans l’histoire : les blockhaus
allemands de la Seconde Guerre mondiale, qu’on trouve parfois échoués
sur l’estran, tombés d’une dune ou d’une falaise qui a reculé.
De passage à l’archipel des Glénan, l’équipage s’interrogera aussi sur
l’utilité et l’origine de la tour du fort de l’île Cigogne, balise de la « base de
vitesse » aujourd’hui déclassée, mais naguère fréquentée par des navires
en cours d’essais, tant civils que militaires. Et puis, il cherchera et
imaginera ces forts positionnés sur la carte marine, mais invisibles du
large.

Au sein de l’archipel des Glénan, la tour de Fort-Cigogne était une balise « base
de vitesse », ensemble d’amers permettant aux navires en essai d’étalonner leur loch.
Identifiable de loin, elle est l’amer postérieur de l’alignement à 283°5 avec l’amer de
Guéotec de la base de vitesse. Cet alignement peut être utilisé pour repérer le chenal
des Méaban et pénétrer dans l’archipel par l’est.
À LA RENCONTRE DES USAGES MARITIMES
RENCONTRES À TERRE
Au gré des escales, le navigateur s’intéressera au patrimoine local,
qui reflète des usages maritimes passés et présents. Il pourra découvrir
des moulins à marée. Il s’en trouve un restauré sur l’île d’Arz, surnommée
« l’île des Capitaines » parce qu’elle en a donné beaucoup, au temps de la
marine à voile. Cherchant à comprendre le fonctionnement des marais
salants, il pourra observer le travail des paludiers lors d’une escale au
Croisic, l’activité des sauniers à Noirmoutier ou sur l’île de Ré. De même
s’interrogera-t-il sur la présence de polders, non seulement aux Pays-Bas
mais aussi en France (Noirmoutier, Ré). Il découvrira des fours à goémon
– il y en a tout autour de la pointe de Bretagne –, comme celui de l’île du
Loc’h, sur l’archipel des Glénan, dont la cheminée est un amer
remarquable. Des abris côtiers – cabanes ostréicoles, carrelets des
estuaires de la Loire et de la Gironde… Dans une douzaine de ports
bretons, notre équipage retrouvera les Abris du Marin, édifiés sous
l’égide du philanthrope Jacques de Thézac, également inventeur de
l’Almanach du marin breton. Facilement reconnaissables à leur couleur
rose, tous réaffectés à d’autres usages, ces bâtiments comprenaient non
seulement des chambres pour les marins en escale, mais aussi une salle
de cours et de conférences, une bibliothèque, un dispensaire, des
ateliers pour réparer ses équipements et un préau muni de matériel de
gymnastique.

ENTRAIDES MARITIMES
Les bâtiments côtiers reliés à la mer par des rails sont d’anciens abris
de canot de sauvetage – comme celui de Saint-Nicolas, celui de Penfret
qui a perdu ses rails ou celui de Bréhat. C’était du temps du sauvetage à
voile et à avirons, organisé par deux sociétés philanthropiques, la Société
centrale de sauvetage des naufragés, créée en 1865, et les Hospitaliers
sauveteurs bretons, fondé en 1873. En quelques années, l’ensemble du
littoral sera équipé de postes de secours et de canots, dont la plupart
des abris subsistent aujourd’hui. Quelques stations gardent leurs anciens
canots motorisés, mais celles de Penmarc’h (Finistère) et Cayeux
(Somme) ont retrouvé et restauré parfaitement les leurs, à voile et à
avirons.
En 1967, les deux sociétés mères fusionnaient pour former la Société
nationale de sauvetage en mer – SNSM –, fonctionnant grâce à
l’engagement de plus de 6 500 membres. Pas moins de 1 500 nageurs
sauveteurs assurent la sécurité sur plus de 270 plages. Et environ
3 500 sauveteurs embarqués composent les équipages des canots tous
temps, vedettes et autres embarcations, répartis sur plus de
220 stations. Ces unités, reconnaissables à leurs couleurs (coque verte
ou bleue et superstructures orange), ont longtemps été armées
bénévolement par des marins, issus de la pêche ou d’autres marines,
actifs ou retraités. Aujourd’hui, parce que les professionnels sont moins
nombreux que naguère, la SNSM enrôle de plus en plus de plaisanciers.
L’intégration dans la chaîne du sauvetage est une autre façon de
naviguer et d’approcher d’autres métiers de la mer.

PARTAGER LA MER
Au long de ce parcours, nous avons évoqué certains métiers, actuels
ou disparus depuis peu. On en découvrira d’autres. Le plaisancier, qui
navigue pour son plaisir, croise ou côtoie des personnes pour qui
naviguer est un travail, un gagne-pain. D’où le besoin de connaissance,
de respect, au large comme au port. Amené à croiser la route de bateaux
de toutes tailles et de toutes fonctions, il devra apprendre à les
reconnaître.

Le canot tous temps Amiral Amman de la station d’Audierne témoigne comme


tous les navires de la SNSM de la tradition d’entraide des gens de mer.

Retour sur la pêche… L’activité est en crise, et pourtant les bateaux


de pêche seront sans doute les navires de travail que l’on croisera le plus
souvent sur l’eau. Chalutiers latéraux (devenus rares) ou à pêche arrière ;
chalutiers pélagiques (qui tractent en pleine eau) ; fileyeurs, caseyeurs,
dragueurs de coquilles, ligneurs du raz de Sein (qui pêchent le bar) ;
palangriers, ligneurs à la canne (dans les eaux basques)…
Reconnaître les métiers pratiqués n’est pas facile. Mieux vaut
apprendre à les identifier au port, car au large, il est discourtois et
quelque peu risqué de caracoler devant l’étrave ou juste au cul d’un
navire en pêche. De même qu’en traversant la Manche à la voile, on ne
tente pas de faire se dérouter un porte-conteneurs – le type de bâtiment
marchand qu’on a le plus de « chance » de croiser aujourd’hui.
Même s’il se considère, à bon droit, comme privilégié 13, et même s’il
accorde sa confiance aux appareillages modernes dont il est pourvu,
l’équipage d’un bateau de plaisance doit s’efforcer de se mettre à la
place de « l’autre », le marin qui peut ne pas l’avoir aperçu ou être en
difficulté pour manœuvrer.

IL RESTE TOUJOURS À APPRENDRE


L’équipier désireux d’en savoir plus approfondira ses connaissances
par la lecture d’ouvrages, la consultation de sites informatiques et par la
visite de musées. Il pourra garder l’esprit ouvert et curieux à ce qu’il voit,
à ce qui se dit et se raconte autour de lui, au bout du quai, au bistrot du
port, sur le ponton, sur le bateau d’à côté. Il pourra lire, aussi. Des récits
de mer ou d’anciens manuels de navigation, de manœuvre, de
construction navale. Il découvrira des trésors.
Le Pilote des côtes Ouest de France d’Anatole Bouquet de la Grye
(1869), dans le chapitre relatif au golfe du Morbihan, préconise aux
capitaines de voiliers cherchant à passer les goulets avec le courant par
brise établie contre le courant de « marcher l’arrière en avant en se
servant de la puissance du vent sur une voilure diminuée pour mieux
gouverner » et ainsi maîtriser sa vitesse. Une technique dite « du
louvoyage à culer », toujours valable, amusante et utile, si tant est qu’on
en a connaissance… Redisons-le, s’intéresser au patrimoine maritime
n’est pas forcément affaire de nostalgie, c’est surtout une source
d’enrichissement permanent.
Notes

1. Mesurée à partir de la conductivité électrique, la salinité est exprimée en psu


(practical salinity unit), nombre sans symbole, équivalent à un gramme de sel par
kilo d’eau de mer. La salinité moyenne de l’ensemble des océans est 34,72, mais
il y a de fortes variations. Mer Baltique : 3,5 à 10 ; mer Noire : 16 à 18 ; mer
Méditerranée : 39 à 40 ; mer Rouge : 40 à 41 ; mer Morte : 200 ; océan
Atlantique : 34,90 ; océan Indien : 34,76 ; océan Pacifique : 34,62. ◄

2. « À 500 milles de la Nouvelle-Écosse, alors que le speedo affichait 11 nœuds, le


GPS se met à indiquer 5 à 6 nœuds… Une panne ? Non, j’étais dans une eau à
24 °C, un courant chaud de 5 nœuds, exactement opposé à ma route : une
branche du Gulf Stream. Pendant 12 heures, il m’a été impossible de me dégager
d’une zone qui pouvait faire 200 milles. Aussi loin des côtes, je ne m’attendais
pas à un tel jus. C’est rageant. » Un coureur au large. ◄

3. La vitesse des courants océaniques est de l’ordre du demi-nœud, ce qui n’est


pas négligeable lors d’une traversée de l’Atlantique dans le sens est-ouest. Dans
le Pacifique, ces courants peuvent atteindre 3 nœuds sur des centaines de milles.
Le long de Terre-Neuve, le Gulf Stream s’écoule à des vitesses de 3 à 5 nœuds,
après être monté à 9 nœuds vers la Floride. Au large de Socotra, à l’entrée du
golfe d’Aden, le courant de Somalie peut dépasser 7 nœuds. ◄

4. « J’ai connu mon plus fort coup de vent entre les Bermudes et Halifax. En plein
Gulf Stream, un vent de 55 nœuds, opposé au courant, levait une mer terrible.
Des vagues de sept à huit mètres, raides, déferlant avec violence, impossibles à
négocier, nous ont obligés à mettre en fuite. » Un chef de bord. ◄

5. « En partant de Perros-Guirec, nous nous sommes dégagés de la côte. La


renverse étant plus tardive au large, nous voulions profiter du jus favorable le plus
longtemps possible. Mais il fallait revenir vers la terre avant que le courant,
devenu contraire et plus fort qu’au ras des cailloux, ne nous pénalise. Les
neurones ont chauffé toute la nuit pour calculer ce moment-là. À Portsall, nous
étions en tête, mais ça s’est joué à une demi-heure près ». Un coureur. ◄

6. En Manche, dans la préparation de la navigation, on privilégie de façon


générale le courant avant le vent, notamment – mais pas seulement – lorsqu’il
s’agit d’anticiper l’heure de l’appareillage. En Atlantique on procède à l’inverse,
excepté lorsqu’on emprunte les chenaux ou les raz. ◄

7. Il existe bien des marées en Méditerranée, mais leur marnage se limite à


40 centimètres. Quatre raisons à ce phénomène.
– Les longueurs d’onde des ondes de marées sont proches de la largeur du bassin
méditerranéen.
– Dans cette mer fermée, les masses d’eau ne peuvent se déplacer.
– Le plateau continental étant étroit, l’amplitude de la marée ne peut pas être
accentuée comme en Manche.
– Les effets de la marée sont souvent annulés par les effets météorologiques. ◄

8. Le record mondial, 20 mètres de marnage, est détenu par la baie Ungava (baie
aux Feuilles), au nord du Québec. ◄

9. Le Saros, ou période chaldéenne, est la période de 223 lunaisons, soit 18 ans


et 10 jours, au terme de laquelle les éclipses se reproduisent dans le même ordre.
Il en résulte que la force génératrice de la marée reprend à peu près les mêmes
valeurs. Cette propriété était utilisée pour vérifier les calculs d’annuaires réalisés
manuellement. Mais le Saros ne signifie pas que la marée soit périodique, car
après plusieurs Saros, la ressemblance avec la marée de référence initiale se
dégrade de plus en plus. ◄

10. Exemple d’une vague modifiée par un courant contraire de 3 nœuds. La


longueur d’onde de la vague passe de 60 à 33 mètres, sa vitesse de 18 à
14 nœuds, sa hauteur de 1,20 à 1,80 mètre : la vague se cambre. ◄

11. On pourra parfois se trouver soumis en la matière à des législations


contraignantes, par exemple dans les eaux turques. ◄

12. Technique du franc-bord : la coque est constituée de bordages (planches)


disposés les uns à côté des autres, sans chevauchement, et fixés sur les éléments
de la charpente. ◄

13. Privilégié au sens du RIPAM. ◄


DOCUMENTATION PRATIQUE,
TABLE ET INDEX
Les Glénans aujourd’hui
Bibliographie
Adresses utiles
Lexique franco-anglais
Table des matières
Index
Celles et ceux qui ont participé à cette édition
Crédits iconographiques
Les Glénans aujourd’hui

E n 2017, les Glénans fêtaient leur soixante-dixième anniversaire. Sept


décennies durant lesquelles ont été formés près de
400 000 pratiquants ; c’est riche de cette histoire et de cette expérience
que notre association accueille chaque année 15 000 stagiaires,
encadrés par plus de 1 200 bénévoles, dont 900 monitrices et moniteurs
diplômés. Ensemble et avec la collaboration des équipes salariées, ils
totalisent annuellement 120 000 journées de stage. À chaque instant de
l’année, il est probable qu’un ou plusieurs équipages des Glénans soient
en mer.
Depuis sa création, l’association des Glénans offre à chacun de ses
adhérents les moyens de devenir un marin autonome, responsable et
solidaire. Chacun y développe ses projets de formation et peut, à son
tour, transmettre et partager sa passion en devenant moniteur bénévole.
Nombreux sont ceux qui participent à l’enrichissement d’un savoir
collectif et mettent en œuvre de nouvelles pratiques en s’appuyant sur
l’expérience acquise ensemble pour bâtir les Glénans de demain. Innover
est pour nous une éternelle quête, tant en ce qui concerne la formation,
la sécurité, la vie en communauté que la protection de l’environnement.

ÉCOLE DE VOILE, DE MER, DE VIE


C’est le socle qui préside à l’organisation de chaque stage des
Glénans ou se décline plus spécifiquement pour répondre à des objectifs
précis.
Une école de voile pour apprendre à naviguer en sécurité de façon
performante, une école de mer pour développer la connaissance de
l’environnement marin et adopter des comportements responsables et
une école de vie pour vivre ensemble, solidaires à terre comme en mer.

LES SITES DE NAVIGATION DES GLÉNANS


Cinq bases des Glénans sont établies sur des sites uniques, classés
ou protégés, où la magie des paysages se conjugue à l’intérêt maritime
de bassins de navigation exceptionnels :
– En Bretagne : Paimpol et l’île Verte au cœur de l’archipel de Bréhat ;
Concarneau et l’archipel des îles de Glénan ; Vannes et l’île d’Arz, dans le
golfe du Morbihan.
– En Méditerranée : Marseillan, en bordure de l’étang de Thau, et
Bonifacio en Corse.
Les Glénans proposent également différents stages depuis les
Antilles, l’Italie, la Grèce, la Croatie, l’Écosse, la Suède, la Norvège ou
l’Islande, ainsi que des traversées transatlantiques.

LA FLOTTE
Les Glénans comptent plus de 500 embarcations réparties entre de
petits quillards de sortie à la journée, des voiliers de croisière côtière ou
hauturière et des voiliers légers : catamarans, dériveurs, planches à voile.
Chaque embarcation est choisie en fonction des objectifs pédagogiques
et des projets de navigation, puis adaptée par les Glénans pour répondre
à ses exigences particulières de sécurité, de vie à bord et d’optimisation
des formations.
Remontée sur la cale de Drenec, dans la belle lumière d’une fin de journée
estivale. Un stage aux Glénans est bien sûr le moyen d’apprendre la navigation ou de
se perfectionner, mais aussi le lieu d’une vie de groupe riche et passionnante.
BIBLIOGRAPHIE
La bibliographie que nous proposons se limite aux éditions du Cours
et à une sélection d’ouvrages techniques et de sites Internet
opérationnels en 2017. En cas de changement d’URL, on devrait
aisément retrouver le lien à l’aide d’un moteur de recherche.

Les dix éditions du Cours des Glénans


De 1952 à 2017, Le Cours des Glénans a fait l’objet de dix éditions
successives, en comptant celle-ci. Les deux premières (non numérotées)
se présentaient sous forme de polycopiés à usage interne pour la
formation des moniteurs de l’association.
1952 : Cours de navigation du CFI (Centre de formation internationale),
rédigé par un groupe de moniteurs sous la houlette de Jean-Marie
Gandelin et Jean Lepape.
1954 : nouvelle version, qui porte le nom de Cours du Centre nautique
des Glénans, augmentée et mise à jour sous la responsabilité générale de
Philippe Harlé, présentation et édition de Maurice Laval, dessins de Jean-
Paul Delhumeau et Philippe Harlé.
Les Glénans ont ensuite confié à des éditeurs la publication de huit
éditions successives du Cours.
re
1961 : Cours de navigation des Glénans, 1 édition, tome I,
coordination Philippe Harlé et Claude Rougevin-Baville, illustrations et
mise en pages de Jean-Paul Delhumeau, préface de Jean-Jacques
Herbulot, fabrication d’Armelle Jobelin, éditions du Compas.
re
1962 : Cours de navigation des Glénans, 1 édition, tome II,
coordination Jean-Louis Goldschmid et Marie-Ange d’Adler, illustrations
et mise en pages de Jean-Paul Delhumeau, introduction de Philippe
Viannay, éditions du Compas.
e
1972 : Nouveau Cours de navigation des Glénans, 2 édition,
coordination Jean-Louis Goldschmid et Jean-Pierre Abraham, éditions du
Compas et éditions du Seuil.
e
1982 : Cours de navigation des Glénans, nouvelle version, 3 édition,
coordination Jean-Louis Goldschmid et Jean-Pierre Abraham, éditions du
Seuil.
e
1990 : Le Cours des Glénans, 4 édition, coordination Jean Ginod,
éditions du Seuil.
e
1995 : Le Nouveau Cours des Glénans, 5 édition, coordination Jean-
Louis Guéry, éditions du Seuil.
e
2002 : Le Cours des Glénans, 6 édition, coordination Annette Lahaye-
Collomb et Alain Malgoyre, éditions du Seuil.
e
2010 : Le Cours des Glénans, 7 édition, coordination René Coléno,
éditions du Seuil.
e
2017 : Le Cours des Glénans, 8 édition, coordination Frédéric
Augendre, éditions du Seuil.
Sans oublier le grand livre ouvert qu’est la mémoire collective des
Glénans…

Quelques livres techniques et sites Internet


de référence
Outre les ouvrages présentés dans les « Instructions et guides
nautiques » du chapitre « Navigation » ►, la bibliothèque du marin
plaisancier peut s’enrichir de quelques livres et sites de référence qui lui
permettront d’approfondir tel ou tel aspect des notions abordées dans ce
Cours.

■ Grande croisière
COLES, Adlard, et BRUCE, Peter, Navigation par gros temps, Gallimard et
Fédération française de voile, 2010.
CORNELL, Jimmy, Routes de grande croisière, Vagnon, 2015.

■ Guides de navigation pour les côtes de France


Bloc marine Antilles, collectif, Figaro Nautisme.
Guides Imray. Éditions conjointes Imray-Vagnon pour les versions
françaises, mises à jour régulières.
RONDEAU, Alain et rédaction Voiles et Voiliers, Pilote côtier. Pour la
o o o o o o o
Manche, n 6, n 7 et n 10. Pour l’Atlantique : n 4, n 5A, n 5B, n 6.
o o o o o
Pour la Méditerranée : n 1, n 2, n 3, n 12. Pour les Caraïbes, n 16.
Voiles et Voiliers, mises à jour régulières.

■ Manœuvres de port
BAUDU, Hervé, Traité de manœuvre, Infomer, 2015.

■ Matelotage
ASHLEY, Clifford, Le Grand livre des nœuds, Gallimard, 2012.

■ Météorologie
BERNOT, Jean-Yves, Météo et stratégie. Croisière et course au large,
Gallimard et Fédération française de voile, 2004.
BERNOT, Jean-Yves, Météo locale. Croisière et régate, Gallimard et
Fédération française de voile, 2007.
BERNOT, Jean-Yves, Les routages, en course et en croisière, Voiles et
Voiliers, 2015.
■ Sources météo sur Internet
http://www2.wetter3.de/fax.xhtml : cartes allemandes et
anglaises bien mises à jour et rapides à charger, y compris des archives.
http://meteofrance.com : site de Météo France. On y trouve les
prévisions marines, des cartes météorologiques, des photos satellite. On
y trouvera également, à l’onglet « Publications », l’édition annuelle du
Guide marine de Météo France, qui comprend notamment les cartes des
zones météo françaises et internationales, et détaille tous les modes de
réception des bulletins (fréquences, horaires, etc.).
http://www.metoffice.gov.uk/public/weather/marine : site du
Met Office britannique. Il fournit les prévisions marines, des cartes
météorologiques, des photos satellite.
http://tgftp.nws.noaa.gov/fax/marine.shtml : site météo marine
de la NOAA (organisme fédéral américain), avec de nombreuses cartes
d’analyses et de prévisions gratuites à quatre jours (surface, altitude,
vent, mer, glaces…) pour l’Atlantique Nord et le Pacifique.
http://weather.gmdss.org : site du SMDSM (Système mondial de
détresse et de sécurité en mer) avec bulletins officiels pour le monde
entier.
http://marine.meteoconsult.fr/meteo-marine/previsions-meteo-
marine.php : la rubrique marine du site de Météo Consult. Bulletins large
et côte, prévisions surf et windsurf gratuites à six jours et accès à des
services payants.
http://www.wetterzentrale.de : site de l’université de Karlsruhe.
Remarquable. Beaucoup de données sur l’Europe et l’Atlantique Nord-
Est.
http://www.windguru.com : observations et prévisions en zone
côtière sous forme de météogramme.
https://www.windfinder.com : observations et prévisions en zone
côtière.
http://meteocentre.com/toulouse : observations sur l’Europe
régulièrement mises à jour.
http://www.sat.dundee.ac.uk : photos satellite émises par les
satellites défilant sur l’Europe ainsi que par des satellites
géostationnaires. Excellente qualité. Il faut s’enregistrer, mais c’est
gratuit.
http://fr.sat24.com/fr : photos satellite Europe avec animations.

■ Océanographie
GEISTDOERFER Patrick, Océanographie générale, Infomer, 2002.
SIMON, Bernard et LAHAYE-COLLOMB, Annette, La Marée, Les guides du
SHOM, 1997.

■ Publications annuelles
Almanach du marin breton, collectif, Œuvre du marin breton.
Bloc marine (Atlantique, Méditerranée), collectif, Figaro Nautisme.
Reeds nautical almanac, Adlard Coles Nautical (en anglais).

■ Soins à bord
CHAUVE, Jean-Yves, Le Guide de la médecine à distance, vol. 1 Consulter
un médecin à distance, Distance Assistance, 2012.
CHAUVE, Jean-Yves, Le Guide de la médecine à distance, vol. 2 Soigner
avec un médecin à distance, Distance Assistance, 2012.

■ Voiles et gréement
CHÉRET, Bertrand, Les Voiles. Comprendre, régler, optimiser, Gallimard et
Fédération française de voile, 2000.

■ Voile légère et multicoques


CHÉRET, Bertrand, Voile légère. Techniques et sensations, Gallimard et
Fédération française de voile, 2006.
ADRESSES UTILES
Les Glénans
Siège social. Ponton les Glénans, quai Louis-Blériot,
75781 Paris Cedex 16. Tél. : 01 53 92 86 00.
www.glenans.asso.fr

Service hydrographique et océanographique


de la marine (SHOM)
CS 92803, 29228 Brest Cedex 2.
Tél. : 02 56 31 23 12.
www.shom.fr

Société nationale de sauvetage en mer (SNSM)


31, cité d’Antin, 75009 Paris.
Tél. : 01 56 02 64 64.
www.snsm.org

Centres régionaux opérationnels de surveillance et de


sauvegarde (CROSS) et Maritime Rescue
Coordination Center (MRCC)
À contacter en cas d’urgence avec un téléphone fixe ou mobile au
o
n 196 ou bien avec une radio VHF sur le canal 16.

■ CROSS Gris-Nez (Manche Est-Pas de Calais)


Gris-Nez est le correspondant français auprès des centres de
recherche et de sauvetage étrangers. Il centralise et traite les alertes
émises par les navires français naviguant sur toutes les mers du monde.
Il coopère avec les MRCC, ses homologues dans le cadre du Système
mondial de détresse et de sécurité en mer (SMDSM).
Audinghen, 62179 Wissant.
Tél. : 03 21 87 21 87.
[email protected]

■ CROSS Jobourg (Manche Centrale)


Au-delà de ses missions traditionnelles, sa position au cœur de la
Manche en fait un site orienté fortement vers le suivi de la circulation
maritime. Il est le centre référent principal pour la surveillance des
pollutions marines.
Route d’Auderville, 50440 Jobourg Cedex.
Tél. : 02 33 52 16 16.
[email protected]

■ CROSS Corsen (Manche Ouest-Mer d’Iroise)


Outre ses missions de coordination des opérations de sauvetage en
mer, Corsen est notamment chargé de la surveillance de la circulation
des navires dans le dispositif de séparation de trafic d’Ouessant à la
pointe de la Bretagne, cette zone dangereuse à forte densité de trafic où
se rencontrent les eaux de l’océan Atlantique et de la Manche. Il dispose,
pour assurer cette mission, de moyens de détection importants installés
sur l’île d’Ouessant à la tour du Stiff.
360 route de la pointe de Corsen, 29229 Plouarzel.
Tél. : 02 98 89 61 55.
[email protected]

■ CROSS Étel (Golfe de Gascogne)


Au-delà de ses missions polyvalentes, et d’une activité de recherche
et de sauvetage fortement consacrée à la plaisance, le CROSS Étel
accueille le Centre national de surveillance des pêches (CNSP), point de
contact opérationnel unique chargé de la coordination des moyens
aériens et nautiques de l’État qui concourent à la surveillance des pêches
maritimes.
40, avenue Louis-Bougo, Château de la Garenne, 56410 Étel.
Tél. : 02 97 55 35 35.
[email protected]

■ CROSS La Garde (Méditerranée Nord-Ouest)


Centre principal du CROSS Méditerranée, implanté à proximité de
Toulon, le CROSS La Garde a une importante activité de recherche et de
sauvetage, essentiellement tournée vers la plaisance et les loisirs
nautiques. Il opère sur l’ensemble de la zone de responsabilité française
en Méditerranée, avec l’appui, en journée, du CROSS Med en Corse.
Chemin du Fort Sainte-Marguerite, BP 70069, 83130 La Garde.
Tél. : 04 94 61 16 16.
[email protected]

■ CROSS Med en Corse (Méditerranée Nord-Ouest)


Implanté au fond du golfe d’Ajaccio, il assure l’ensemble des missions
dévolues aux CROSS sur une bande de 20 milles autour de la Corse, de
7 h 30 à 21 h (23 h en été). La nuit, le CROSS Med en Corse est désarmé
au profit du CROSS La Garde, qui assure alors la veille et la coordination
des opérations sur l’ensemble de la zone de responsabilité française en
Méditerranée.
BP 50968, 20700 Ajaccio, Cedex 9.
Tél. : 04 95 20 13 63.
[email protected]

■ CROSS Antilles-Guyane (Atlantique tropical)


Le CROSS Antilles-Guyane assure dans une zone de responsabilité
2
d’environ 3 millions de km la coordination des secours et de l’assistance
en mer. Il effectue également toutes les missions visant à protéger le
milieu et les ressources maritimes en lien avec les centres nationaux :
détection des pollutions, police des pêches en mer, surveillance de la
navigation maritime, surveillance du milieu marin.
16, boulevard de la Marne, 97200 Fort-de-France.
Tél. : (+ 596) (0) 596 70 92 92.
[email protected]

■ CROSS de la Réunion (Sud Océan Indien)


Implanté au port des Galets à la Réunion, le CROSS de la Réunion
exerce depuis 2004 toutes les missions d’un CROSS dans une zone de
2
5,6 millions de km .
Le PC SECMAR de Mayotte opère dans la zone du MRCC de
Madagascar. Il est rattaché de fait au CROSS de la Réunion.
Base Navale, Port des Galets, Rond-point de la Glacière, BP 80061,
97822 Le Port Cedex.
Tél. : 02 62 43 43 43.
[email protected]

■ MRCC Nouméa
Le Maritime Rescue Coordination Center (MRCC) Nouméa exerce ses
2
compétences sur une zone de 2,5 millions de km dans le Pacifique Sud
et bénéficie des moyens matériels et humains des forces armées. Il
assure la coordination des opérations de recherche et de sauvetage, la
diffusion des renseignements sur la sécurité maritime, ainsi que la
surveillance et la lutte contre les pollutions maritimes.
Quartier Alleyron, BP 38, 98843 Nouméa Cedex
(Nouvelle-Calédonie).
Tél. : (687) 29 23 32.
[email protected]

■ MRCC Papeete
Le MRCC Papeete exerce ses compétences sur une zone de plus de
2
11 millions de km dans le Pacifique Sud et bénéficie des moyens
matériels et humains des forces armées. Il assure la coordination des
opérations de recherche et de sauvetage, ainsi que la diffusion des
renseignements sur la sécurité maritime.
Tél. : (687) 29 23 03.
[email protected]

Fédération française de voile (FFVoile)


La FFVoile a pour mission de développer et d’organiser la pratique de
la voile en France. Autorité nationale, elle est membre de la Fédération
internationale de voile : World Sailing. Elle est délégataire des pouvoirs
accordés par le ministère chargé des Sports : elle organise les
compétitions sportives et en définit les règles. La FFVoile a pour but de
promouvoir et développer toutes les formes de pratique de la voile. Elle
organise et encadre la formation au monitorat fédéral de voile et au
certificat de qualification professionnelle d’assistant moniteur de voile.
17, rue Henri-Bocquillon, 75015 Paris.
Tél. : 01 40 60 37 00. Fax. : 01 40 60 37 37.
www.ffvoile.net

World Sailing
World Sailing (ex-ISAF) est l’instance sportive internationale de la
voile. À ce titre, elle édicte et fait évoluer les règles de course à la voile,
est responsable de la promotion de ce sport au niveau international. Elle
organise, entre autres, les championnats internationaux de voile, gère les
compétitions de voile aux Jeux olympiques. World Sailing a pour but
premier de faire participer le plus grand nombre possible de personnes à
la pratique du sport de la voile.
Ariadne House Town Quay Southampton, Hampshire, SO14, 2 AQ,
United Kingdom.
Tél. : (+ 44) (0) 2380 635111.
www.sailing.org

International sailing schools association (ISSA)


L’ISSA a été créée en 1969 à l’initiative des Glénans avec l’objectif de
donner une reconnaissance internationale à un nombre croissant
d’écoles de voile de différents pays. L’ISSA permet d’établir des
échanges entre ses membres, ce qui leur donne l’occasion de discuter et
de travailler ensemble au développement de la voile à travers son
enseignement.
www.sailingschools.org

Fédération des industries nautiques (FIN)


La Fédération des industries nautiques a pour mission principale de
défendre, représenter et promouvoir tous les métiers du secteur
nautique français, sur le territoire national et à l’étranger.
Port de Javel-Haut, 75015 Paris.
Tél. : 01 44 37 04 00.
www.fin.fr

Conseil supérieur de la navigation de plaisance


et des sports nautiques
Ce conseil est constitué de représentants de l’ensemble des acteurs
du nautisme : utilisateurs, constructeurs, professionnels, sportifs, élus,
administrations. Il a une vocation de conception, de coordination, de
concertation et d’impulsion, et donne son avis sur toutes les questions
qui lui sont soumises concernant la navigation de plaisance, les loisirs et
les sports nautiques. Institution de la République, il émet, dans le
domaine de ses compétences, des propositions et recommandations qui
sont transmises aux ministres concernés (chargés de la Mer et des Voies
navigables, de la Jeunesse, des Sports et du Tourisme).
3, place Fontenoy, 75007 Paris.
Tél. : 01 44 49 89 71.
www.csnpsn.developpement-durable.gouv.fr

Conservatoire du littoral
L’État a décidé de créer en 1975 le Conservatoire du littoral, un
établissement public sans équivalent en Europe, dont la mission est
d’acquérir des parcelles du littoral menacées par l’urbanisation ou
dégradées pour en faire des sites restaurés, aménagés, accueillants,
dans le respect des équilibres naturels.
Corderie Royale, CS 10137, 17306 Rochefort Cedex.
Tél. : 05 46 84 72 50.
www.conservatoire-du-littoral.fr

École nationale de voile et des sports nautiques


(ENVSN)
L’École nationale de voile et des sports nautiques est un
établissement public du ministère chargé des Sports, implanté à Saint-
Pierre-Quiberon (Morbihan). Ses missions principales sont, en lien avec la
Fédération française de voile : le développement sportif de la voile, la
formation professionnelle, la recherche et le développement.
Beg Rohu, 56510 Saint-Pierre-Quiberon.
Tél. : 02 97 30 30 30.
www.env.jeunesse-sports.fr
Ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports
95, avenue de France, 75013 Paris Cedex 13.
Tél. : 01 40 45 90 00.
www.sports.gouv.fr

Direction des affaires maritimes – Mission


de la navigation de plaisance et des loisirs nautiques
Rattachée au ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer
et à la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer.
92055 Paris-La Défense Cedex.
www.mer.gouv.fr
LEXIQUE FRANCO-ANGLAIS
Gréement, voiles, coque et appendices
Baille à mouillage : anchor locker
Balancine de bôme : topping lift
Balancine de tangon : spinnaker pole uphaul
Balcon arrière : stern pulpit
Balcon avant : bow pulpit
Barre de flèche : spreader, crosstree
Barre (en général) : helm ; franche : tiller ; à roue : wheel
Bas-étai : baby stay
Bas-hauban : lower shroud
Bastaque : running backstay, runner
Bôme : boom
Bordure : foot
Bosse d’amure : tack line
Bosse de bordure ou d’empointure : outhaul
Bout-dehors : flying jib boom, bow-sprit
Bras de spi : spinnaker guy
Cadène : chain plate
Chute : leech
Coque : hull
Dérive : centerboard
Dérive sabre : daggerboard
Drisse : halyard
Écoute : sheet
Écoute de spi : spinnaker sheet
Étai : forestay
Étrave : bow
Foc : jib
Galhauban : upper shroud
Génois : genoa
Grand-voile : main sail
Gréement : rig
Guindant : luff
Hale-bas de bôme : kicker, boom vang
Hale-bas de tangon : spinnaker pole downhaul
Mât : mast
Pataras : backstay
Pavois, rail de fargue : toe rail
Penons : tell tales
Point d’amure : tack
Point d’écoute : clew
Point de drisse : head
Poupe : stern
Quille : keel
Ridoir : bottlescrew, turnbackle
Safran : rudder
Spinnaker : spinnaker
Tangon : spinnaker pole
Taquet : cleat
Tête de mât : masthead
Tourmentin : storm jib
Trinquette : staysail, foresail
Vit-de-mulet : gooseneck

Conduite, manœuvre
À bâbord : to port
À la dérive : adrift
À tribord : to starboard
Abattre : to bear away
Accoster : to come alongside
Affaler : to drop, to drop up, to lower
Amarre : line
Amarrer un bateau : to moor a boat, to berth a boat
Ancre : anchor
Appareiller : to get under way, to sail out, to put to sea
Border : to harden, to sheet in
Brasse ! : guy in!
Brasser : to harden guy
Changer de voile : to change a sail
Choquer : to ease out, to free off, to sheet out
Débarquer : to disembark
Défense : fender
Dériver : to drift
Donner du mou : to give some slack, to slacken
Embarquer : to embark
Embraquer : to haul in, to sheet in
Empanner : to gybe
Endrailler une voile : to hank on a sail, to clip the jib hanks
Établir la toile : to bend on sails
Être à l’ancre : to be anchored
Être à la cape sèche : to lie ahull
Être bout au vent : to be head to wind
Être sur la fausse panne : to be by the lee
Être surtoilé : to be overcanvassed
Faseyer : to flap
Garde : spring
Garde arrière : afterspring
Garde avant : forespring
Gîter : to heel, to list
Guindeau : windlass
Hélice : propeller
J’empanne : gybe ho!
Larguer les amarres : to cast off
Larguer un coffre : to cast off a mooring buoy
Larguer un ris : to shake out a reef
Lofer : to luff up
Manœuvrer : to manoeuvre
Manœuvres de port : harbour manoeuvres
Manque à virer : fluffed tack ; faire un manque à virer : to make a
false tack
Marche arrière : reverse
Marche avant : forward
Mettre la voile à contre : to back the sail
Mettre les gaz : to open the throttle
Mouille ! : anchor !
Paré à empanner ? : ready to gybe? standby gybe!
Paré à mouiller ? : ready to anchor?
Paré à virer ? : standby tack?
Partir au lof : to broach, to windward
Passer une amarre en double : to double a warp
Point mort : neutral
Pointe arrière : stern line
Pointe avant : bow line
Pousse la barre ! : push the tiller!
Prendre la barre : to take the tiller
Prendre un ris : to take in a reef
Régler les voiles : to adjust the sails, to trim the sails
Relever le mouillage : to haul up the anchor
Renvoyer de la toile : to make more sails
S’amarrer : to tie up
Se mettre à couple : to come alongside
Se mettre à la cape : to heave to
Tire la barre ! : pull the tiller!
Venir au vent : to point high
Virement de bord en gardant le foc à contre : crash tack
Virer de bord : to go about
Virez !, on vire !, je vire ! : lee ho!
Voile bordée à plat : sail full in
Voile creuse : belly sail
Wincher : to grind

La sécurité
Abordage : collision
Boîte à pharmacie : first aid box
Canal de détresse : emergency channel
Couler : to sink
Échouage : beaching
Échouement : grounding
Extincteur : fire extinguisher
Feu à main : hand flare
Feu, explosion : fire, explosion
Filière : lifeline
Fumigène : smoke signal
Fusée parachute : parachute flare
Gilet de sauvetage : life jacket
Harnais : harness
Indicatif radio : call sign
Le blessé doit être conduit à l’hôpital : the injured person must be
taken to hospital
Le médicament est efficace : the medecine is working
Ligne de vie : jackstay
Nous avons un malade à bord : someone is ill on board
Perche de repérage : manoeuvreboard pole
Quels sont les symptômes ? : what do you feel?
Radeau de survie : life raft
Récupérer l’équipier : to pick up the crew, to recover the crew
S’échouer : to go aground
Un homme à la mer ! : man overboard!
Voie d’eau : flooding
Table des matières
Avant de larguer les amarres

CONDUITE, MANŒUVRE
Le voilier, ses équipements, et ceux du marin
ENCADRÉS
Quelques ridoirs (fixer, ajuster, tendre)
Manilles et mousquetons (frapper, accrocher)
Quelques poulies (dévier, guider)
Taquets et winchs (freiner, bloquer, coincer)
Le matelotage de base

La coque et ses appendices


Le gréement
Le gréement dormant
Les voiles
Le gréement courant
L’accastillage
L’équipement individuel du marin
Assurer la flottabilité en cas de chute à la mer
Disposer d’un outillage portatif minimal
Disposer d’un moyen de repérage lumineux individuel
Se protéger du froid
Protéger les extrémités
La tête
Les mains
Les pieds

Se protéger du soleil
Le sac du marin
Le contenu du sac

Les principes de la conduite et de la manœuvre communs à tous les voiliers


ENCADRÉS
« Au vent », « sous le vent », des notions tout en nuances
Bateau privilégié
Le vent apparent
Louvoyer, lofer, abattre
Faseyer
Bâbord, tribord
Ranger les bouts
Nouer les bouts
Les bons repères
« Démêler un coquetier »
Plier le spi
L’avaleur de spi
La chaussette à spi
Le réglage du nerf de chute
Le langage des penons
Le vrillage
Frein et retenue de bôme
Et si on prenait un ris ?
Les outils du réglage
Le VMG
Les polaires

Les premiers bords


Les bonnes conditions
Le choix du plan d’eau
Le choix de la météo et de la zone de départ

Savoir se repérer et s’orienter, les allures


S’orienter sur le plan d’eau
S’orienter par rapport au vent : les allures, les amures

Une fois sur l’eau, l’apprentissage


Équilibrer le bateau
Diriger le bateau
Utiliser le safran
Quelques lacets…
Un virement… vent debout
Un autre virement… l’empannage
Utiliser les voiles
Utiliser le poids de l’équipage
Naviguer sans safran
Utiliser la dérive
Pour résumer
Contrôler la vitesse du bateau
Accélérer
Ralentir
S’arrêter
Utiliser ses sens
Se situer par rapport au vent, estimer sa direction, sa vitesse
Estimer les changements de vitesse du bateau
Estimer l’allure du bateau
Rudiments de conduite
Le près
Les autres allures
Le bon équilibre du voilier
Naviguer à plat
Centrer les poids

Les manœuvres de base


Préparer le bateau à la manœuvre
La notion de toile du temps
Les bouts

Virer de bord
Virer de bord vent debout
« Paré à virer ? »
« On vire ! »
Le barreur
Le focquier
« Manque à virer ! »
Empanner : virer de bord vent arrière
Empannage largue-largue pour voilier léger ou par vent faible
Bateau plus gros, vent plus fort ou spi symétrique

Faire marche arrière


Hisser et affaler le spi
Préparer le gréement de spi
Hisser le spi symétrique
Le spi asymétrique
Affaler le spi
La cape
La cape sèche et la fuite
Améliorer le rendement de son voilier
Régler : retour sur les allures
Régler les voiles en écoulement laminaire
Régler la position longitudinale du creux d’une voile
Régler le creux des voiles
Le foc
La grand-voile
Adapter les réglages
Le creux des voiles
Adapter les réglages à l’équilibre de route

Régler les voiles en écoulement décollé (ou décroché)


Régler le spi symétrique
Développer la prise au vent du spi
Développer la force exercée sur le spi
Diriger la force du spi vers l’avant
Régler verticalement la position du creux du spi
Affiner les réglages
Régler le spi asymétrique

Contrôler la trajectoire sous spi


Départ au lof
Départ à l’abattée
Stabilité de route au vent arrière

Conduire
Conduire au près
Tactique et stratégie de la conduite au près
Vent faible : conduire en sous-puissance
Vent faible : conduire dans les risées
Conduire par vent plus frais
Conduire au près avec un vent de direction variable
Conduire au près avec un vent présentant une courbure
Conduire au près dans le clapot
Conduire dans les vagues, barrer à la lame
Conduire du bon plein au largue
Conduire du largue au grand largue
Gérer les surventes et les vagues du largue au grand largue
Conduire aux allures proches du vent arrière
Conduire dans le roulis au vent arrière

Les spécificités de la voile légère


ENCADRÉS
Le hook sans hic
Monter un catamaran
Les emmagasineurs de foc
Vider le bateau
Remonter par l’avant
Surfer, planer

Mâter
Assurer le gréement
Gréer les voiles
Gréer la grand-voile
Gréer le foc
Préparer la dérive et le(s) safran(s)
Départs et arrivées de plage
Manœuvres de plage
Départs
Départ vent arrière
Départ vent de travers et sur l’avant du travers
Appareiller sans safran
Arrivées
Au vent de travers ou sur l’avant du travers
Au vent arrière
Au vent de travers
Arrivée vent debout
En guise de résumé…

Manœuvres de sécurité
Dessaler et redresser le bateau
Le dessalage
Redresser un dériveur
Si le dériveur fait chapeau
Redresser un catamaran
Si le catamaran fait chapeau

Conduite et manœuvres en voile légère


Conduire au près en dériveur
Conduire au portant en dériveur
L’abattée
La conduite au largue
La conduite au vent arrière

Virer de bord en dériveur


Le virement bascule

Empanner en dériveur
Conduire au près en catamaran
Conduire au portant en catamaran
Le vent arrière

Virer de bord en catamaran


Virer de bord dans les vagues

Empanner en catamaran
Empanner dans la brise

Le trapèze
Avec deux trapèzes

Les spécificités du croiseur


ENCADRÉS
La commande de l’inverseur
Effet de pas et bord favorable
Le coup de fouet
Le cas des bi-safrans
La touline et sa pomme
Haler, déhaler
L’amarre d’embelle
Manœuvrer avec un catamaran
Les bandes de ris
Quelle politique pour les garcettes ?
Le cunningham de troisième ris
Des enrouleurs de grand-voile peu convaincants
Qu’est-ce qu’un solent ?
Enrouleur : rien ne va plus !
La trinquette
La voile de cape
Le coup du lasso
Les qualités indispensables d’une ligne de mouillage
Manœuvrer au guindeau
Mouiller au vent arrière
Au mouillage avec un multicoque
Les apparaux de mouillage

Les manœuvres de port


Entrer au port
Choisir son port
Étudier, anticiper et observer
Quand le voilier devient bateau à moteur
Le tour d’observation

Manœuvrer au moteur
Démarrage d’un moteur diesel
Arrêt du moteur
Accoster un quai en marche avant, sans vent ni courant
Maîtriser l’erre et la vitesse
Safran, trajectoire et giration
Exécuter un demi-tour sur place
Accoster un quai en marche arrière, sans vent ni courant
Les amarres
Les cas particuliers
Frapper une amarre
Manœuvrer par vent fort
Accoster en marche avant, par vent fort de l’avant
Accoster avec un vent de travers portant contre le quai
Accoster en marche avant, par vent de l’arrière
Accoster par vent de travers éloignant d’un quai
Manœuvrer avec du courant
Accoster un quai face au courant : faire un bac
Accoster un quai avec courant de l’arrière
Accoster un catway
En marche avant
En marche arrière

Le départ
Départ d’un quai sur garde, en marche arrière
Départ d’un quai sur garde, en marche avant
Départ d’un catway par fort vent ou courant
Éviter autour d’un catway

L’amarrage sur pendille


Les autres amarrages méditerranéens

S’amarrer à couple
Et si le moteur tombe en panne ?
Appareiller
Mettre en place la voilure
Préparer la grand-voile
Préparer le foc ou le génois

Sortir du port
Établir la grand-voile
Établir la voile d’avant

Réduire la voilure
Quand faut-il réduire ?
Comment réduire, par où commencer à réduire ?
Prendre un ris dans la grand-voile
La prise de ris classique
Larguer un ris
La prise de ris automatique

Réduire la voile d’avant, changer de foc


Rouler le génois
Gréer un solent sur un étai largable
Changer de foc sur un étai classique
Prendre un ris dans le solent
Établir le tourmentin

Les particularités sous voiles des multicoques de croisière


Prendre conscience des efforts

Réductions de voilure
Joies et risques du vent de travers
La gestion des dérives dans la brise
Les stratégies dans le gros temps
Au près, voile-moteur
La fuite
La cape

Prendre un coffre, quitter un coffre


S’amarrer à un coffre
Prendre un coffre à la voile
Principe de la manœuvre
Prendre un coffre sans courant
Prendre un coffre avec courant et vent dans le même sens
Prendre un coffre avec un courant travers ou contraire au vent

Prendre un coffre au moteur


Prendre un coffre en marche arrière

Appareiller depuis un coffre


Le mouillage
La ligne de mouillage
L’ancre
Échantillonner son mouillage
La manœuvre de mouillage
Choisir un endroit pour mouiller
Approche
Quelle ligne de mouillage utiliser ?
Calculer la hauteur d’eau
Longueur de la ligne de mouillage
Observer
Se préparer
On mouille !
Étaler la ligne de mouillage sur le fond
Se signaler
Contrôler la bonne tenue du mouillage
Assurer le mouillage

Les autres façons de mouiller


Embosser
Porter un mouillage
Mouiller en plomb de sonde
Mouiller par grand fond dans le courant

Relever le mouillage
Le guindeau
Haute et claire !

Résoudre les problèmes de mouillage


On est engagé !
Pour ne pas engager : oringuer
Frapper l’orin sur la chaîne
On chasse !
Relever le mouillage sans moteur et sans guindeau

Les manœuvres d’annexe


L’annexe
En remorque ou rangée ?
Amarrer l’annexe
Équiper l’annexe
Appareiller en annexe
Naviguer en annexe
Atterrir en annexe
La godille
Le principe
Utilité de la godille
Le remorquage
À bord du remorqueur
À bord du remorqué
Remorquer à couple
Remorquer avec l’annexe

Quelques notions théoriques


ENCADRÉS
Le tirant d’eau
La valeur de la force vélique

Comment un bateau flotte-t-il ?


Les principaux paramètres
Le poids et le centre de gravité
La poussée d’Archimède et le déplacement

La stabilité des voiliers


La stabilité du couple (de forces)
Différentes stratégies de redressement
Rester stable aux grands angles de gîte

Les forces générées par un voilier en route


Forces aérodynamique et hydrodynamique
Action-réaction
Intensité des forces aérodynamique et hydrodynamique
La traînée hydrodynamique
La notion de vitesse limite
Le surf et le planing

L’équilibre du voilier
Un principe physique
L’équilibre au vent arrière
L’équilibre au près
La vitesse d’abord

Le couple de chavirage
La stabilité, facteur de performance

Les tournants dans la vie des couples


Le rôle du safran
La position du centre de voilure
La gîte et la contre-gîte
La dissymétrie de carène

MÉTÉOROLOGIE, NAVIGATION
Météo
Prendre la météo
ENCADRÉS
L’échelle de Beaufort
Force Beaufort et vitesse en nœuds
Commander des cartes à la NOAA
Internet en mer

Les bulletins météorologiques


La structure d’un bulletin
L’en-tête
Les avis de vent fort (gale warning)
La situation générale et son évolution (general synopsis)
Les prévisions par zones (area forecast)
La direction et la force du vent
L’état de la mer
Le temps significatif
La visibilité
La tendance ultérieure
Les observations

Les sources des bulletins


Prendre un bulletin météorologique
La transcription du bulletin

Récupérer l’information météorologique


Récupérer des bulletins à terre et dans la zone côtière
Les radios nationales
La presse quotidienne et la télévision
Les capitaineries
Les répondeurs téléphoniques
La VHF
Internet

Récupérer des bulletins au large


La BLU
Le Navtex et Inmarsat C
Internet
Les cartes isobariques
Les fichiers numériques au format Grib
L’organisation à bord de la prise d’informations
Les informations climatologiques
Les Instructions nautiques
Les pilot charts

Comprendre la météo
ENCADRÉS
Mesurer le gradient de pression
Le vocabulaire du vent
Les conditions d’établissement de la brise de mer
Les alizés portugais
La Méditerranée et le mistral

Le système couplé océan-atmosphère


Position du problème
Équilibre global, déséquilibre local
La circulation générale
L’Atlantique
La prévision météorologique
Les données issues des modèles
Couverture et résolution des modèles
Quelques modèles globaux
Quelques modèles locaux

Les échéances disponibles


Les modèles globaux
Les modèles locaux

La fréquence de mise à jour


Les limites des modèles numériques
Les modèles locaux à haute résolution

Représentation des paramètres météorologiques


La pression et les cartes isobariques
La pression
Les cartes isobariques
Que trouve-t-on sur une carte isobarique ?
Couche n° 1 : le « fond de carte »
Couche n° 2 : les isobares
Couche n° 3 : les centres d’action et les fronts
Couche n° 4 : les observations et le vent
Couche n° 5 : divers
Les individus isobariques

Le vent et les isobares


Unités utilisées
La loi de Buys-Ballot
Les exceptions à la loi de Buys-Ballot

Les champs de vent


Les fichiers numériques au format Grib
Lire des fichiers Grib
Les caractéristiques des fichiers Grib
Interpréter un champ de vent

Les météogrammes
Le langage des nuages
Formation des nuages
La classification des nuages
Les préfixes ou suffixes de texture
Les préfixes ou suffixes d’altitude
Les noms des nuages
Étage supérieur
Étage moyen
Étage inférieur
Les monstres

L’observation du ciel
Les photos satellite
Perturbations et dépressions des régions tempérées
Cycle de vie des perturbations des régions tempérées
Formation de la perturbation
Creusement et jeunesse des dépressions
Maturité de la dépression
Vieillissement de la dépression
Disparition de la dépression

Physionomie d’une dépression extratropicale


Passage d’une dépression mature
Approche de la dépression
Le secteur chaud
Approche et passage du front froid
La traîne
La marge froide et le centre dépressionnaire
Les fronts froids secondaires
Les dépressions secondaires
Les talwegs

Dépression extratropicale et prévisions


Les bulletins
Les cartes isobariques
Les champs de vent
Les photos satellite

Les zones de haute pression


Le temps au voisinage des anticyclones
La zone centrale
Les bords est
Les bords ouest

Les dorsales
Les orages
Le cycle de vie des orages
Les situations orageuses
Marais barométrique et forte chaleur
Orages par soulèvement orographique
Orages précédant l’arrivée d’une dépression d’altitude froide ou d’un talweg
Orages frontaux

Les index numériques de prévision des orages


La prévision des orages
Le brouillard
Le brouillard de rayonnement
Le brouillard d’advection
La brume de chaleur, la brume sèche
Brume sous une inversion
Particules transportées par le vent

La prévision de la brume et du brouillard


Traduire les prévisions

La météorologie locale
Les effets de site
Différence de rugosité entre terre et mer
Canalisation par les reliefs
Modification du champ de pression
Différence de température air-mer dans la zone littorale
Hiérarchisation des phénomènes
Amplitude des effets de site
Obstacles dans le vent
Obstacle isolé de petite taille
Barrière de petite taille
Au vent d’une côte rectiligne
Vent soufflant du large perpendiculairement à une côte rectiligne
Vent soufflant du large obliquement par rapport à une côte rectiligne
Sous le vent d’une côte rectiligne
Vent soufflant de terre perpendiculairement à une côte rectiligne
Vent relativement fort et faible stabilité verticale
Vent fort au niveau des sommets et forte stabilité verticale
Vent soufflant de terre obliquement par rapport à une côte rectiligne
Vent quasiment parallèle à la côte
Côte à gauche du vent
Côte à droite du vent
Côtes complexes
Vent au voisinage des pointes moyennement élevées
Vent perpendiculaire à l’axe de la pointe : effet d’éventail
Vent parallèle à l’axe de la pointe : effet de coin et effet de sillage
Dans les baies
Effets de canalisation entre des reliefs
Les îles
Vent dans l’axe d’une île basse ou moyennement élevée
Vent perpendiculaire à une île basse ou moyennement élevée
Îles élevées de taille moyenne
Association d’îles élevées
Îles étendues et élevées

Les effets thermiques


La brise de mer ou brise diurne
Comment s’établit la brise de mer
La brise de terre ou brise nocturne

Les effets dus aux nuages


Les nuages cumuliformes et les grains
Formation des cumulus et grains
Déplacement des cumulus et des grains
Modifications apportées par les cumulus au champ de vent local

Les effets locaux à l’échelle régionale


L’effet de dépression thermique
Les dépressions thermiques fermées à l’échelle régionale
Les vents catabatiques
Effet de contournement à moyenne échelle
Barrière orographique
Dépression orographique
Effet d’aile
Les détroits
Blocage entre un front froid et un relief

Observer et prévoir le temps


ENCADRÉ
Conduire une réflexion stratégique

Utiliser les paramètres de contrôle


La pression et le baromètre
Les variations de force et de direction du vent
Les nuages
Passages dépressionnaires
Passage de front chaud
Passage de front froid (ou de front froid secondaire)
Dans la traîne
Situations anticycloniques
Bordures anticycloniques
Approche d’anticyclone et de dorsale
Ciels d’orages
Effets de site
Effets thermiques
Effets de site à l’échelle régionale
Reconnaître les indices essentiels
Faire sa propre prévision
Le service minimum
Stratégie élaborée pour une sortie en zone côtière
Variation synoptique du vent
Type de bascules
Effets thermiques
Effets de site
Les nuages
Le courant
Les vagues, le clapot

Stratégie pour une traversée de quelques jours


Et plus loin, au large…

Navigation
La carte marine
ENCADRÉS
La règle du pouce
La carte Mercator : comment c’est fait ?
Les AVURNAV
Phare ou feu ?
Naviguer la nuit et reconnaître les feux
Où est passé ce fichu feu ?
La signalisation maritime par temps de brume
Les limites de l’édition privée
L’accident de team vestas, un cas d’école
L’origine des renseignements hydrographiques, la grande absente
La carte augmentée
Examen d’une carte marine
Comprendre la signification des sondes et des altitudes
Le symbolisme des cartes
L’échelle de la carte
Les informations particulières de la carte
Le cartouche
Les notes marginales
Les tableaux de marée et de courants
Le diagramme de l’origine des renseignements hydrographiques
L’époque
L’échelle du levé
La méthode

Mise à jour des cartes papier


La signalisation maritime
La signalisation maritime de jour
Le système international de balisage
Les marques de balisage latéral
Les marques de balisage cardinal
Marques diverses
Les marques de danger isolé
Les marques spéciales
Le balisage des plages
Les marques d’eaux saines
Les bouées d’épaves en cas d’urgence

La signalisation maritime de nuit


Les feux de signalisation maritime
Le caractère d’un feu
La couleur, le rythme et la période d’un feu
La portée d’un feu
Les feux à secteurs
Les feux directionnels et les alignements
Le balisage de nuit
Les marques de balisage latéral
Les marques de balisage cardinal
Les autres marques
Les feux particuliers
Savoir utiliser le livre des feux

La numérisation des cartes


La carte raster
Les limites de la carte raster

La carte vectorielle
Une base de données
Apprendre à utiliser les fonctions de votre logiciel

Les services hydrographiques et les éditeurs privés


Un marché spécifique à la plaisance

Échelle des cartes numériques et principe du zoom


Le cas des cartes raster
La complexité des cartes vectorielles
L’overzoom
L’illusion de la perfection
Le cadre légal
L’encryptage des données

Naviguer à proximité des côtes : le pilotage


ENCADRÉ
L’inestimable valeur des alignements officiels

Relier le paysage et la carte


La préparation et les outils
Reconnaître les amers
Le balayage circulaire
Les différents plans

Les alignements
Les trois types d’alignements et leurs usages
Choisir ses alignements
La sensibilité d’un alignement
Nommer les alignements

Les aides au pilotage


Le compas de relèvement
Le gps
Évoluer en sécurité
Le pied de pilote
Les conditions du pilotage
Un exemple de pilotage : dans les chenaux de Bréhat
Décryptage de la carte
Les données d’origine de la carte

Le plan de pilotage
De la théorie à la pratique
Quelques leçons essentielles

Naviguer en vue des côtes


ENCADRÉS
Paramétrer l’électronique
Les dangers de l’automatisation
Méfiez-vous des bouées !
Évaluer sa dérive
Le bon usage du COG
Nord en haut, tête à l’endroit

Les outils de la navigation près des côtes


Le compas de route et le compas de relèvement
La déclinaison magnétique (D)
La déviation (dev)
Les outils et la carte
Mesurer un angle avec la règle Cras
Mesurer une route fond
Porter un relèvement vrai
Mesurer une distance
Le GPS
Le principe de fonctionnement d’un GPS
Architecture du système
La trilatération
Mesurer une distance
Des horloges de précision
La synchronisation horaire en pratique
Le système de coordonnées : GPS et WGS 84
La corrélation carte-GPS et le système géodésique
L’initialisation du GPS
La précision du système GPS
Amélioration de la précision

L’électronique au service du navigateur


Un système connecté
Les logiciels de navigation
Les écrans du bord
La taille de l’écran
Le type d’écran

Dépendance énergétique et redondance


Faire le point en vue des côtes
Point par position référencée
Point par relèvements
La carte et le paysage
Relever un amer, tracer la ligne de position
Point par deux relèvements
Point par trois relèvements
Point par alignement et relèvements

Critiquer le point
Le point GPS
Prévoir sa route
Parer les dangers
Le cercle de sécurité
Le choix de la carte
La route et ses points de passage
Tracer la route idéale, un exemple de préparation
Déterminer les grandes lignes du plan de route
Analyser le secteur de vent
Consulter les documents nautiques
Définir les priorités
Décomposer les différents segments du plan de navigation
Segment 1 : Audierne – le raz de Sein
Segment 2 : franchissement du raz de Sein
Segment 3 : la mer d’Iroise
Segment 4 : le goulet de Brest
Le port de repli

Faire valoir sa route


L’influence de la dérive
Faire valoir sa route sans courant
Faire valoir sa route avec du courant
Avec un courant constant
Avec un courant variable
Avec un courant alternatif
Parer les dangers
Lorsqu’on subit le courant

Le suivi de la navigation
Des angles et des vitesses (ou encore des distances)
Le temps
Le triangle du vent
Les bords du cadre
L’estime
Apprécier les données
Le cap suivi
La dérive
La distance parcourue
Le courant
Le livre de bord
L’incertitude

Un exemple d’estime
Collecter les données de l’estime
Le tracé

Faire le point par « transport d’un lieu »


Un exemple de point par relèvements successifs du même amer
La situation
La procédure

Naviguer sans visibilité

Naviguer au large
ENCADRÉS
La première horloge marine
Une somme d’incertitudes peut mener à bon port
Le principe du sextant
S’entraîner à terre
Les Éphémérides nautiques annuelles
Une manière empirique de connaître l’heure de la méridienne
Récapitulatif
Les tables précalculées
Utiliser un canevas Mercator
Les dispositifs de séparation du trafic

L’estime au large
La navigation astronomique : naviguer au Soleil avec le sextant
Le sextant
Régler les miroirs
La collimation
Prendre une hauteur

Quelques définitions et notions essentielles


La position géographique du Soleil et la déclinaison
L’angle horaire du Soleil
La hauteur et ses corrections
L’azimut
Point de calcul

Faire le point en pratique


La latitude par la méridienne
Un exemple de calcul de méridienne
La longitude par la méridienne
La droite de hauteur
Les références
Un exemple de calcul de droite de hauteur
Faire le point par succession de droites

L’atterrissage
Prévenir les collisions
La veille et le tour d’horizon
Identifier le risque de collision
Les privilèges
Les règles de barre pour les voiliers

Les signaux de brume


L’AIS
Le radar
Principe
Portée
Utilisation en anticollision

Mettre au point son projet de navigation


ENCADRÉ
Les logiciels de calcul de marée

Déterminer la route
La météo
Le courant et la marée
Les zones à éviter
Ne pas rater les correspondances
Faire valoir la route
Préparer les points futurs
Prévoir le pire… pour le meilleur
Calculer la marée et les courants
Le calcul de marée
La pêche aux informations
Variation de la hauteur d’eau : la méthode des douzièmes
Tracer la courbe de marée
Les limites du calcul de marée

Les courants
Les données de la carte marine
Les atlas des courants
Les atlas numériques
Les Gribs de courant

Tenir le livre de bord


Avant l’appareillage
En route
Au retour à terre
S’informer sur la zone de navigation
Instructions et guides nautiques
Les almanachs
Les guides côtiers

Les pilot charts


Un exemple de projet de navigation : de la Vilaine à Belle-Île
Première situation
Seconde situation
Comparaison des routes

Deuxième exemple : de Concarneau à Royan

Le routage
ENCADRÉS
La méthode des isochrones
Routage avec contraintes
L’optimisation de l’heure de départ

Un outil de simulation et d’aide à la décision


Comment fonctionne un routage
Les données d’entrée
Les données météorologiques
Les données océanographiques
Les performances du bateau

Les caractéristiques du parcours à étudier


Le résultat du calcul
La route optimale
Le tableau de marche
Le réseau d’isochrones
Les simulations et animations

Précision du routage
Précision absolue
Précision relative

L’échelle du routage
Le routage en zone côtière
Le routage au large
Le routage océanique

La prise de décision
Rendement sur la polaire
Tester le déplacement des systèmes météo

Les solutions alternatives


Le routage océanique
Exploiter les prévisions à long terme
Le test de la dernière isochrone

SÉCURITÉ
ENCADRÉS
Les balises de géolocalisation
La sécurité en voile légère
Le briefing sécurité en croisière
Le plan b
Se former pour savoir agir
Les contacts à retenir
Les messages types d’alerte médicale VHF
L’intervention des secours
Les pathologies individuelles
Le défibrillateur, utilisable même par un enfant
La noyade
Comment prévenir les accidents
Estimer l’éloignement d’un orage
MMSI et indicatif d’appel
Les usages de la VHF
La VHF portative

Naviguer, c’est prévoir


Mieux vaut prévenir que guérir
Connaître et savoir utiliser le matériel de sécurité
Disposer d’un ange gardien
Évaluer ses capacités
L’homme à la mer
Prévenir la chute d’un équipier à la mer
Équiper le bateau
Équiper les équipiers
Se protéger

Former l’équipage
Le choix d’une méthode de récupération de l’homme à la mer
Les objectifs de la manœuvre
Les caractéristiques structurantes de la méthode Quick Stop
Les prérequis fondamentaux à la manœuvre

La Quick Stop en détail


Les dix étapes de la manœuvre

Pour réussir la Quick Stop


Prendre les vagues en compte
S’organiser et communiquer
La bonne utilisation du moteur

Les circonstances exceptionnelles


Sous spi
En équipage réduit
Naufragé inconscient

Si le naufragé a été perdu de vue


Remonter l’homme à la mer
Le dispositif spécial de remontée

Ce que doit savoir l’homme à la mer


Les pathologies et les blessures courantes à bord
Le voilier, un monde à part
Les accidents corporels
La protection d’un accident
Pratiquer un dégagement d’urgence
L’alerte médicale
Le traitement de l’accidenté
La victime présente une lésion de la peau
Agir face à une lésion de la peau
La victime présente un traumatisme d’un membre
Agir face au traumatisme d’un membre
La personne présente un choc de la colonne vertébrale
Agir face à un traumatisme de la colonne vertébrale

Le mal de mer
Prévenir le mal de mer
Lorsque le mal de mer s’installe
Agir face au mal de mer

Les problèmes médicaux


Coup de soleil, insolation, coup de chaleur
Prévention de la chaleur et du soleil
Les brûlures
Agir sur une brûlure
Les accidents électriques
Prise en charge d’une victime d’électrisation

Les premiers soins


Étouffement brutal
Agir sur un étouffement
Agir sur une réaction allergique grave
Plaie abondante
Agir sur une plaie
La victime est inconsciente et respire
Signes observés
Agir sur une victime inconsciente et qui respire
La victime est inconsciente et ne respire pas : elle est en arrêt cardiaque
Signes observés
Agir en présence d’une victime qui est inconsciente et ne respire pas
Les pathologies liées au froid
Prévention contre le froid
L’hydrocution
Les premiers signes d’hydrocution
L’hypothermie
Agir sur une personne récupérée à la mer

La pharmacie de bord
Composer sa pharmacie
Organiser sa pharmacie

Les accidents matériels et les avaries


L’échouement
Prévenir l’échouement
Traiter l’échouement
Lorsque le bateau est renfloué avec les moyens du bord
Lorsque l’équipage ne parvient pas à renflouer

La voie d’eau
Éviter les voies d’eau
Que faire en cas de voie d’eau ?
La voie d’eau ordinaire
La voie d’eau extraordinaire

L’avarie de gréement
Éviter le démâtage
En cas de démâtage

Le bout dans l’hélice


Les bouts liés au bateau
Les bouts externes au bateau
Trop tard…
Contrôles ultérieurs

L’incendie
Ce qu’il faut savoir du feu à bord
Prévenir les incendies
Agir face à un incendie
Départ d’incendie : règles générales
Départ d’incendie en cuisine
Départ d’incendie dans le compartiment moteur

Le coup de foudre
La prévention en matière d’orage

L’assistance extérieure
La chaîne des secours
Les CROSS

Les moyens d’alerte et de communication


La VHF
VHF mode d’emploi
Lancer en phonie un appel de détresse, d’urgence ou de sécurité
Appel de détresse
Appel d’urgence
Message de sécurité
Le message de détresse par VHF ASN
Quelques précisions indispensables sur la VHF
Les balises de détresse
Les balises individuelles
Le téléphone portable
Le téléphone satellitaire
Les signaux sonores et visuels
Les signaux sonores
Les signaux visuels
Les moyens pyrotechniques

L’évacuation du bateau
Évacuer le bord par bateau
Évacuer sur un cargo
Les secours aériens
L’hélitreuillage
Les dispositions préalables à l’hélitreuillage
La phase de treuillage

Embarquer sur un radeau de survie


Le radeau de survie et ses équipements
Moins de 24 heures et plus de 24 heures
Stockage et révision
Le sac d’abandon
L’eau douce
L’avitaillement
Le sac individuel de survie

L’évacuation et la vie à bord

VIE À BORD, MAINTENANCE


Vie à bord
ENCADRÉS
Les cycles du sommeil
Deux ou trois choses à propos de l’eau
Les boissons alcoolisées
Le pain à bord
Parler « marin »
Lire à bord
Les autorités de la mer
L’organisation maritime internationale (omi)

L’organisation du bord
Les bordées
Le chef de bord
Le navigateur
Le barreur
L’équipier de pont
Le cuisinier

Dormir, boire et manger


Dormir
Boire
Manger
Les besoins énergétiques
L’équilibre des menus
Principes de base de l’avitaillement
Élaborer des menus
Compléter la liste de courses
L’achat et le stockage des vivres
Le pain
Les fruits et légumes
Les produits laitiers
Les produits qui se conservent bien
Aliments lyophilisés ou déshydratés
Conserves et plats préparés

Nettoyer, ranger, contrôler


Nettoyer et ranger
Contrôler

Péripéties et régulation de la vie du bord


La nature et l’origine des tensions à bord
La genèse d’un conflit
Quels conflits pour quels équipages ?
Conduite à tenir pour maîtriser les tensions et prévenir les conflits
Il faut définir un projet
Le chef de bord doit tenir son rôle
Fixer des règles de vie
Prévenir les conflits
Gérer les conflits éventuels

L’équipage vis-à-vis du monde extérieur


Le port et ses règles : la courtoisie
L’arrivée
L’amarrage
Au port
Le bruit
Au mouillage
La pavillonnerie

L’environnement légal du plaisancier


La responsabilité juridique du chef de bord
Qui est le chef de bord ?
En cas d’accident, qui est responsable ?
Si le chef de bord a commis une faute
Si aucune faute n’a été commise
Qui est le « gardien de la chose » ?
Responsabilité du commettant
Limitation de responsabilité
La prise en charge du risque et l’importance de l’assurance
Réglementation maritime
Cas de l’abordage
Une particularité du droit maritime international : il intègre une limitation de responsabilité
Respect de la réglementation maritime
La tenue des documents
Le livre de bord
Le rapport de mer
La situation du chef de bord face à l’exercice de ses responsabilités

La maintenance du voilier
ENCADRÉS
Le langage du dormant latéral
Le gréement autoporté
Le vérin de pied de mât
Quelques fibres
Quelques mots du vocabulaire des bouts
Astuces et tours de main
Prusiker un cordage ou une épissure
Les coupes orientées
Quelques exemples de corrosion galvanique
Et l’écologie ?
Réparer avec de l’époxy ?
Quelques rappels
Bilans énergétiques
Le compas électromagnétique et sa compensation
Établir une courbe de déviation
Quelques histoires
Quelques conseils sur le circuit de gazole
Planning d’entretien du moteur Diesel
Les deux tissus dont on fait les annexes
Planning d’entretien au fil de l’eau

Le gréement
Le gréement dormant
Les pièces du gréement dormant
Le mât et la bôme
Le haubanage
Les cadènes et les ridoirs
Les embouts des câbles du haubanage
L’enrouleur, l’emmagasineur
Le bout-dehors
Les caractéristiques et les fonctions du gréement dormant
La tenue latérale du mât
La tenue longitudinale du mât
Avec des barres de flèche dans l’axe
Avec des barres de flèche poussantes
Vérifier et entretenir le gréement
Les vérifications courantes
Les câbles
Le vit-de-mulet
Les ridoirs et leurs axes
L’enrouleur
Hiverner et préparer le gréement dormant avant de mâter
Règles générales
Vérifier les feux
Vérifier les réas
Vérifier les axes de ridoirs à lattes
Vérifier les capelages
Vérifier la fixation de l’accastillage
Vérifier les barres de flèche
Vérifier les ridoirs
Vérifier les cadènes
Vérifier les drisses
Mâter
Régler la position du mât
Régler la tension des haubans
Régler la tension au port
Régler la tension en mer
Le gréement courant
Les matériaux
Les fibres naturelles
Les fibres synthétiques usuelles
Les fibres à hautes performances
Les caractéristiques générales des cordages
Les techniques d’assemblage
Choisir un bout
Première étape : déterminer la tension d’utilisation du cordage
Deuxième étape : savoir à quoi va servir le cordage, pour déterminer ses qualités
Troisième étape : déterminer la longueur du cordage
Améliorer le gréement courant

Réas et poulies, taquets et bloqueurs


Le diamètre des réas et des gorges de réas
La technologie des réas
Les taquets et les bloqueurs de drisses et écoutes
Vérifier et entretenir le gréement courant
Vérifier les réas, éviter les portages, contrôler les angles de tire
Éviter les frottements entre les bouts
Repasser une drisse ou une manœuvre dans un espar
Surveiller l’état des bouts
Avoir des bouts de rechange
Hiverner les bouts
Épisser les terminaisons
Surgainer

Le matelotage
Le matériel
Œil épissé sur âme pure
Épissure cousue
Transfilage
Terminer un bout avec un nœud de meunier
Œil épissé sur cordage double tresse
Épissure chaîne-câblot
Les voiles
Les voiles tissées
Les voiles laminées
Les membranes
Les spis
Vérifier et entretenir les voiles
Réparer une déchirure ou un accroc

L’accastillage et l’équipement de pont


Les capots de pont et les hublots
Les lignes de vie
Les filières
Les winchs
Surveiller et entretenir les winchs

Les taquets d’amarrage


La coque, la structure du bateau et les appendices
Contrôler la structure
Les points à surveiller
Les varangues
Les boulons de quille et les fonds du bateau
Les reprises de cadènes
Repérer un délaminage
Le tube de jaumière
La chaise d’arbre
Contrôler la corrosion
La corrosion galvanique
Contrôler et prévenir la corrosion galvanique
Changer une anode
Montage de l’accastillage
La corrosion électrique
Autres types de corrosion

Contrôler l’osmose
Contrôler les appendices : la quille et le safran
Réparer avec de la résine polyester
La résine
Le tissu
Réparer un éclat de gelcoat
Réparer avec du verre polyester
Les principes de base
Conseils pratiques

L’électricité
Les circuits électriques
Particularités du circuit électrique sur un bateau
Par rapport à une maison
Par rapport à une voiture
Les interrupteurs
La taille des conducteurs
Les fusibles et les disjoncteurs
La couleur des fils
Les batteries
La tension d’une batterie
La capacité d’une batterie
La bonne batterie
La charge
L’installation
Produire de l’électricité
Le chargeur de quai
L’alternateur
Et la pile à combustible ?
Ses avantages
Ses inconvénients
L’énergie renouvelable à bord

Faire le bilan énergétique de son bateau


À bord de la Cigale
À bord de la Fourmi

Vérifier et entretenir l’électricité du bord


Les connexions
Repérer les pannes du circuit
Les fuites de courant à la coque
Ajouter un appareil, modifier le circuit
Hiverner le circuit électrique

L’électronique
Le sondeur et le loch-speedomètre
La VHF
Le GPS
L’ordinateur de bord
Le compas
Régler le compas
La régulation du compas
La compensation du compas
La courbe de déviation

Vérifier et entretenir le compas


Contrôle des perturbations magnétiques
Le liquide et le pivot du compas
L’aimant et la rose
Le dôme du compas

Le moteur Diesel
Quelques rappels sur la vie des moteurs
Les circuits
Le circuit de gazole
Le réservoir
Le circuit d’aspiration
Le circuit basse pression
Le circuit haute pression
Le circuit de retour gazole
Entretenir le circuit de gazole
Le réservoir
Le préfiltre
Le filtre fin
Purger le circuit de gazole
De l’eau dans le gazole
Des odeurs de gazole
Le circuit d’eau de mer
Entretenir le circuit d’eau de mer
Vanne à eau de mer
Préfiltre eau de mer
Rouet de pompe
Liquide de refroidissement
Coude anti-siphon
Conseils pratiques
Le moteur chauffe
Le moteur refroidit mal
Le circuit d’huile
Entretenir le circuit d’huile
Le niveau d’huile
La propreté du moteur
Le filtre à huile
Conseils pratiques
Le circuit d’air
Conseil pratique
Entretenir le circuit d’air
Le circuit de préchauffage

Les périphériques du moteur


Le tableau de contrôle
Le boîtier de commande du moteur et de l’inverseur
Entretenir le boîtier de commande
L’alternateur
Entretenir l’alternateur
Les principales pannes de l’alternateur
Conseils pratiques
Attention !
Le démarreur
L’inverseur
Entretenir l’inverseur
L’arbre d’hélice, le presse-étoupe, la bague hydrolube, l’hélice
Un bout dans l’hélice
Faut-il bloquer l’arbre d’hélice sous voiles ?
Entretenir l’ensemble hélice-arbre d’hélice
Avec un Saildrive

Le diagnostic moteur et quelques pistes de solutions


Le démarreur ne marche pas
Le moteur refuse de démarrer
Le moteur a des ratés
Le moteur s’arrête
Le moteur s’étouffe
Le moteur ne tourne pas rond
Le moteur cogne ou vibre
Le moteur fume blanc
Le moteur fume noir
Le moteur fume bleu
L’alarme de température d’eau s’allume
L’alarme de pression d’huile s’allume

Le moteur hors-bord
Utiliser un hors-bord
Démarrer
Naviguer
Arrêter

Stocker et manipuler un hors-bord


Les pannes du hors-bord
La qualité de l’essence
L’alimentation
Le refroidissement
Quand le moteur tombe à l’eau
Le bout du lanceur est cassé

L’hivernage du hors-bord
La plomberie
Les règles de montage et les matériaux utilisés
Vérifier et entretenir les circuits
Les W-C marins
Les cuves à eaux noires
L’autonomie des cuves à eaux noires
Les principales pannes des W-C marins
On ne pompe pas assez et ça se bouche
L’arrivée d’eau propre ne se fait pas
La cuve à eaux noires reste pleine et ne se vide pas
Les vis ne tiennent plus dans le plastique de l’embase du W-C
Dépanner et entretenir les W-C
Dépannage
Entretien

Réparer l’annexe

ENVIRONNEMENT MARIN
Océanographie
ENCADRÉS
La température de la mer
L’upwelling
Savoir apprivoiser les raz
Propagation de l’onde de marée principale dans nos régions
Le fetch
Les vagues phénoménales
Le déferlement sur le rivage
Quelques barres peu connues

La planète mer
L’eau de mer
Les courants
Les courants de dérive
Les courants de pente
La circulation littorale
Les courants de surface généraux
Les courants en Méditerranée
Le Gulf Stream

Les courants de marée


Le bon usage du courant

Les marées
La force génératrice de la marée
L’onde de marée
Propagation de l’onde de marée

Les types de marées


La marée semi-diurne
Rythme journalier
Décalage des horaires de marée
Coefficient de marée
Rythme mensuel
Rythmes annuels

Les vagues et la houle


Origine des vagues
Caractéristiques des vagues
La mer du vent
Courant et vent

La houle
La hauteur des vagues
La mer et les obstacles
Hauts-fonds
Les barres
Réflexion, réfraction et diffraction
Profil des fonds et choix d’un abri

À la rencontre de la biodiversité marine et du littoral


ENCADRÉS
Les espèces protégées
La pêche et la cueillette
Les grands animaux marins de nos côtes et du large
Les herbiers marins
Les zones protégées sur le littoral et en mer
Les rejets en mer
Durée de dégradation des déchets

Les oiseaux, compagnons de route


Apprendre à les reconnaître
Pêcheurs de fond et de surface
La vie sur l’estran au rythme de la marée
La nidification à terre et au calme
Sédentaires et voyageurs
L’étagement de l’estran et son utilité pour la navigation
La richesse des bords de mer rocheux
Le monde du sable et de la vase
Les laisses de mer
Balade dans les dunes
Les vasières
La vie du large
Le plancton et l’univers de l’invisible
Un monde de prédateurs
Le large, désert de vie ?

À la découverte des gens de mer et du patrimoine maritime


ENCADRÉS
Navires côtiers et de haute mer
Les différentes familles de gréements
Les phares et balises

Sur le chemin, des bateaux et des hommes


Bateaux traditionnels d’hier et d’aujourd’hui
Les navires-écoles, derniers grands voiliers
L’évolution de la plaisance
Sur les traces des bâtisseurs
Des phares dans la nuit
D’un port à l’autre
Sous l’œil des sémaphores
Défenses et fortifications
À la rencontre des usages maritimes
Rencontres à terre
Entraides maritimes
Partager la mer
Il reste toujours à apprendre
DOCUMENTATION PRATIQUE, TABLE ET INDEX
Les Glénans aujourd’hui
Bibliographie
Adresses utiles
Lexique franco-anglais
Table des matières
Index
Celles et ceux qui ont participé à cette édition
Crédits iconographiques
INDEX

Les numéros de page en couleur renvoient à une définition (chaque


couleur correspondant à une partie du Cours), les numéros de page
soulignés à une illustration.

A
abattée, 45, 165, départ à l’abattée 111, 148, 168, 319
abattre, 45, 47
abordage, 40, 457, 526, 610, 737, 792
abri, 443, 471, 621, 633, 738, 739, 746
accastillage, 19, 806, 852, 865
accident, 633, 720, (corporel) 685, 686, 687, 691, 693, (électrique) 700, (matériel)
711, 789
accore, 549, 550, 607
accoster, 149, 189, 190, 194, 202-205, 214-216
accroc, 851
adonnante, 114, 118, 119, 124, 409
adonner, 59, 102, 114, 117, 122, 125, 303, 402
affaler, le spi 81, 84, (avec un hook) 136
affourcher, 268
AIS, 525, 527, 612, 739, 740
algues, 983-989
alidade, 507, 509, 583, 583, 586, 615, 775, 897
alignement, 445, 480, 481-489, (de garde ou de sécurité) 479, 481, (de route) 434,
479
alimentation, 763-773
alizés, 343, 344, 345, 360, 659-661, 946-949, (portugais) 411
allures, 38-40, 39, 91-93, (portantes) 17
alternateur, 189, 878, 880, 907, 912-914
altitude, 431-432
altocumulus, 365, 366, 368
altostratus, 366, 369
amarrage (à couple), 214, (sur pendille) 212-213, (méditerranéen) 213
amarre, 67, 192, 195-200, 196, (d’embelle) 202
âme (de cordage), 815, 817, 828, (de construction sandwich) 873
amer, 434, 476-477, 531, 533-535, (transport d’un) 573-575
amure, 38, 39, 40, 66, 224, (point d’amure) 17, 20, 82, 84, 137, (bosse d’amure)
19, 84, 86, 87
ancre, 214, 254-261, 269, (flottante) 246, 722, 747, 751
angle d’incidence, 54, 55, 93, 94, 97-101, 104, 302-306, 312-313, 318
angle horaire, 588, 589, 600
anguiller, 860
annexe, 269, 279-283, 290-291, 931
anode, 863-864, 918-919, 926, 932
anticyclone, 329, 343-346, 353-356, 359, 381-382, 419
appel d’urgence, de détresse, 735-737
appendice, 15, 114, 139, 171, 301, 305, 308, 311, 315, 867
aramide, 812-814, 816
arc de grand cercle, 437
ardent, 47, 48, 104, 111, 127, 145, 319, 320
assiette, 64, 157, 164, 166, 173, 177, 317, 319
assistance maritime, 288
attelle, 693
auloffée, 45
avaleur de spi, 86
AVURNAV, 336, 442, 457, 545, 620
azimut, 590-591, 598-603, 606

B
bâbord, 44
bac (faire un), 204
bactérie, 901, 921, 989, 996-997, 1001
bague hydrolube, 916, 918
baille à mouillage, 273
balise, balisage, 443-448, 477, (de nuit), 455-457, (régions A et B) 444
balise de détresse, EPIRB, RLS, 667, 738, 739
barber-hauler, 82, 107-109, 120
barbotin, 271, 272, 273, 845
baromètre, 416-417
barre (franche, à roue), 14, 46, 47, 80, 189, 862
barre de flèche, 18, 799-804, 806-807, 809, (dans l’axe) 799, (poussante) 800
barrer à la lame, 122-123
barres (phénomènes de), 972-973
barrière orographique, 393, 396, 413
bas-hauban, 16, 18, 134, 799-803, 809-810
basses pressions, 343, 345, 353-357, 358, 359
bastaque, 242, 795, 802, 819
batillage, 784
batterie, 878-879, 886
Beaufort (échelle de), 328
bilans énergétiques, 883-885
bilan secouriste, 701
biodiversité, 976
bi-safran, 15, 195
bitture, 262, 264, 270
bloqueur, 21, 23, 812-813, 821, 823, 824, 826
BLU, 332, 336, 337-339, 578, 600, 688
bôme, 17, 18, 21, 50, 795, (retenue de) 75, 111, 112
bon plein, 39, 124
bordée (de quart), 755, 756, 758, 777
border, 44, 82
bords carrés, 236
bord du cadre, 566 (voir aussi layline)
bordure, 19, 20, 21, 95, 101-106, 108-109, 116, 121, 228
bordure anticyclonique, 419
bosse d’amure, 19, 84, 87
bosse d’empointure (ou de bordure), 19, 121
bosse d’enrouleur, 218, 220, 234-236, 241, 803, 825
bosse de manœuvre, 252, 253
bosser, 277, 278, 856, 857
bosses de ris, 19, 225-234, 818-819, 825
bouées, 443, 448
bouée fer à cheval, 670, 674
bouge, 301
boulons de quille, 861
bout-dehors, 83, 798
bras de spi, 77, 82, 83-84, 85, 107, 826
brasser, 82, 107
brêlage, 855
bringuebale, 264, 273, 716, 717
brise de mer (ou diurne), 406
brise de terre (ou nocturne), 407
brise thermique, 38, 348, 405
brouillard, 331, 334, 364, 369, 377, 382, 388, 391, 392, 939, (d’advection) 389-390
brûlure, 696-701
brume, 331, 388-391, 575-576, 949
bulletin météorologique, 326-336, 380
bulletin météorologique spécial (BMS), 326, 335-336
Buys-Ballot (loi de), 356, 357, 359, 360

C
cabestan, 254, 273
câblage, 814
câble, 796-797, 801, 803
câblot, 67, 254, 256-258, 267, 270, 272-273, 845, 846
cadène, 22, 134, 237, 796, 799-801, 806, 807, 861, (textile) 834
caisson, 63, 164
canalisation par les reliefs, 393, 394, 395, 399, 400-401, 403-404
canevas Mercator, 604
cap compas, 507, 510, 511, 551, 553, 554, 558, 564, 568, 580, 621, 628, 891-893,
895-896
cap magnétique, 511, 553, 558, 564, 891-893, 895
cap vrai, 510-511, 551, 552, 553, 558, 560, 565, 568, 575, 628, 895
cape, capeyer, 88, 89, 246, (voile de) 242
CAPE, 385, 386
capelage, 801-802, 805
capot de pont, 852-853
cardan, 697, 806, 897
cardinale (marque), 434, 435, 445, 446
carène, 14, 319-320, 1012, (liquide) 715
carroyage, 536
carte, 436, 441, 460, 469, 491, 493, 511, 539
carte isobarique, 337-339, 351, 352-354, 380
carte marine, 429, 430, 430, 434, 435, 436-442, 629, (augmentée) 473, (Mercator)
437, (numérique) 458, 466, (papier) 440, (Raster) 449, 458, 459-451, 466, 468,
(vectorielle) 460, 461, 462-466
carte pointée, 351-352, 353, 354, 355
cartouche, (carte isobarique), 352, 356, 361, (carte marine) 436, 629
catamaran, 13, 140, 216, 310, 802
cat-boat, 16, 127
catway, 197, 205-206, 209-211
CCMM, 686
centrale de navigation, 128, 245, 524, 890
centre d’action, 344, 353
centre de carène, 144, 168, 224, 296, 297-299, 307, 319
centre de gravité, 293, 294, 296-299, 316-317
centre dépressionnaire, 374, 376-378, 380
centre de voilure, 316, 318-319
CEP, 338, 340, 347, 349, 361
cercle de sécurité, 468, 538-541, (homme à la mer) 675-676, 678, 679, 681
chaîne, 257-258, 262-264, 266-267, 272-273, 845, 846, (mère) 212, 247
chaise d’arbre, 862, 916
champ (de vent), 356, 360, 361, 370 (de pression) 352, 356, 393
chapeau (faire), 152, 153, 156, 161
chargeur de quai, 880
chasser, 255, 266, 270
chaumard, 199, 289
chaussette à spi, 87
chavirage, 151, 153, 300, 315-317
chef de bord, 758, 782, 788-789, 794
chenal, 445, 446-448, 454-455, 610
chèvre, 722
choquer, 42, 82
chute, 19, 20, 85, 93, 96, 98, 99, 120-121
circuit (d’air), 911-912, (d’aspiration) 901, (basse pression) 901, 904, (d’eau de
mer) 906-908, (électrique) 874-876, 886-887, (gazole) 900, 904, (haute pression)
902, 905
ciré, 29
cirrostratus, 366, 366, 369
cirrus, 365, 366, 369
clapot, 119, 424
cliquet, 857, 858
CMG, 565, 566
cockpit, 14
code zéro, 124, 125
coefficient de marée, 431, 623, 961
coffre, 247-253
COG, 487, 564-565
coinceur, 21, 23
collimation, 584
collision, 608
compas, 891-893, (électromagnétique) 894, (à pointes sèches) 513, 514, 515, (de
relèvement) 485-486, 508, (de route) 510-511, 893, 897
conflit, 780-784
contre-écoute, 66
contre-gîte, 52, 319
convection, 364
convergence, 400
coquetier, 84
cordage, 810-819
corps-mort, 247
corrosion, 865, (caverneuse) 867, (électrique) 865, (galvanique) 862-864
cotre, 242, 1008-1009, 1011
couche limite, 307
coup de fouet, 189
coupée, 213
couple (de chavirage), 315, (de redressement) 297
courants, 622, 628, 629, 630, (alternatif) 559, 950, 951, (constant) 555, (de dérive)
941, (généraux) 940, (giratoire) 950, 951, (de pente) 942, (variable) 556
courbe (de déviation), 510, 511, 893, 895, (de marée) 625-626, 627, 960, (de
stabilité) 300
courbure, 118, 119, 394, 401
courroie, 907, 913
courtoisie, 784
coussin (effet de), 396, (hémostatique) 703
CPA, 612
Cras (règle), 511, 512, 513, 514
crépine, 906, 909-910, 922, 927
croc (de mouillage), 266, 267, (de ris) 21, (pélican) 22, 237
CROSS, 335, 731
CRR, 738
culmination, 592
cumulonimbus, 367, 368
cumulus, 365, 368
cunningham, 94, 121, 137
cuve à eaux noires, 928, 930, 1000-1001
cyclogénèse, 372
cyclone, 345, 350

D
danger isolé, 447
darse, 183, 210
davier, 254, 273
dead reckoning, 580
débrasser, 82, 107
déchet (marée), 962, (pollution) 1000-1002
déclinaison (magnétique), 508, 509, 551, (du Soleil) 587, 588, 593
décommettre, 817
défense, 184, 185
déferlante, 965, 966
déferlement, 972
défibrillateur, 705-706
dégagement d’urgence, 687
déhaler, 200
délaminage, 861
delphinière, 84, 798
démarreur, 915, 915, 920
démâtage, 718-719
demi-clés, 24
départ au lof, 75, 110
déplacement, 243
dépression, 329, 344, 354, 371-375, (extratropicale) 375, 379-380, (mature) 373,
376, (occluse) 374, (secondaire) 378, 379, (thermique) 410-411, (orographique) 413
déraper, 270, 271
dérive, 14, 16
dériveur, 14, 16, 19
désalinisateur, 749, 764, 766
dessaler, 151
détresse (appel de), 735, (message de) 737, (signaux de) 741
détroit, 414
dévent, 105, 393, 395
déventer, 55, 81, 84, 102, 676
déviation, 510
diffraction, 973, 974
dispositif de séparation du trafic (DST), 527, 611
distance zénithale, 592, 593
divergence, 400
division, 240, 471
dormant (d’un cordage), 828
dorsale, 354, 355, 382, 416, 419
dotation médicale, 709
Douglas (échelle de), 326, 331, 970
downwelling, 943
drisse, 19, 69, 120, 818-819, 825 (point de) 19, 20
droite de hauteur, 581, 598, 601, 603, 606
drome d’emport, 748
duc d’Albe, 186
duite, 814, 817

E
EBL, 615
ECDIS, 464
échelle (de la carte), 433, 439, 466
échouage, 711
échouement, 711, 712-714
ECMWF, 340, 347
écope, 157, 747
écoulement, 92, (décollé ou décroché) 91, 92, 104-109, 305, (laminaire) 91, 92, 99,
303, 305
écoute, 19, (point d’écoute) 19, 20
écran, 528, (d’état) 522
ECS, 465
écubier, 254, 273
effet de pas, 190
effet de pointe, 401
électrisation, 700
électrocution, 700
électronique, 524, 887, (paramétrer) 525
embelle, 197, 200, 202, 211
embase (de Saildrive), 919
embosser, 268
embraquer, 42
embuvage, 870
emmagasineur, 141, 797
empannage, empanner, 48, 51, 171, 176, (chinois) 73, (sous spi) 76, 77, 172, 177
empenneler, 268
ENC, 462, 464
enfourner, 157
enrouleur (de génois), 95, 220, 234-236, 241, 797, 803-804, 825, (de grand voile)
233
ensimage, 812
éolienne, 882, 882
épave, 434, 448, 456, 715, 774, 791
éphémérides nautiques, 581, 591
épissure, 826, (sur âme pure) 828-831, (chaîne-câblot) 845-846, (cousue) 831-833,
(sur double tresse) 838-843
épontiller, 717, 718
époxy, 873
équipet, 34, 771
erre, 66
erreur instrumentale, 584, 585
erse, 266, (à bouton) 22
espar, 17, 722
espèces protégées, 986
estime, 568
estran, 431, 979, 985, 994
estrope, 84, 240, 797
étai, 17, 18, 803, (bas étai) 241, 801, 806, 809, (largable) 237
étale, 546, 950, 960
étalingure, 273
étambrai, 16, 17, 134
étamer, 884
étarquer, 94, 221
étouffement, 701, 702

F
fardage, 201
fargue, 778
faseyer, 44
faveur, 57, 94, 98, 305
fetch, 967, 968
feu (à bord), 725
feu à main, 742, 743
feux de route, 609-611
feux de signalisation maritime, 448-453, (à secteurs) 453, 454, (directionnels) 454
fibre, 811, 816, (continue-discontinue) 815, 817, (à haut module), 812-813
fil de caret, 817
filière, 854
filtre (à air), 907, 921, (fin) 900, 901, 903, 904, (à huile) 910, 911, (préfiltre) 901,
903
flash-light, 670
flot, 560, 950, 951, 960
flottaison, 298, 309-310
fluage, 813, 814
fluide, 302
fluxgate, 894
foc, 17, 19, 20, 137, 236, 1008-1009, (en ciseau-tangonné) 105
foil, 114
force (aérodynamique), 301, 302-306, 318, (hydrodynamique) 301, 318, (vélique)
303, 304, 306
force génératrice de la marée, 953, 954-955
foudre, 728-729
frapper, 22, 199
frein de bôme, 112
front, 353, 354, (chaud) 375, 418, (froid) 331, 372, 377, 414, (occlus) 373, 374
front (de rafales) 384, (de brise) 407
frontolyse, 354, 375
fuite (allure de), 90, 240, 246
fuite électrique, 865, 876, 886
fumigène, 742
fuseau, 817
fusée parachute, 742
fusible, 878

G
gaffe, 185, 692, 717
galhauban, 18, 800, 809
garcette, 229-230, 239
garde, 196, 202
gatte, 726, 910
gelcoat, 860, 871
gendarme, 718
gennaker, 105, 243
génois, 70
géoréférencement, 458
géostrophique, 357, 360, 604
GFS, 340, 347, 348, 349, 361
gilet, 26, (automatique) 671
girouette-anémomètre, 113, 566
gisement, 609, 615
gîte, 15, 319
GNSS, 516
godille, 283-285
gouvernail, 15
GPS, 487, 516
grab-bag, 747, 748
gradient de pression, 356, 357-358
grain, 408, 409-410
grand-voile, 17, 19, 20, 1008-1009
grappin, 281
gréement, 17, 18, (autoporté) 802, (continu-discontinu) 801, (courant) 19,
(dormant) 17, 18, 795, (de fortune) 722, (fractionné) 801, (de spi) 82
Greenwich, 430, 588, 589, 591
gréer, 135
Grib, 338, 361, 362, (de courant) 631, 632
groupes d’avis aux navigateurs (GAN), 441
guignol, 802
guindant, 19, 20, (rond de) 93, 95, 136, 221, 240
guindeau, 214, 254, 263, 271, 273
Gulf Stream, 948-950

H
H 1/3, 331, 970
hale-bas, 21, 121, 220
haler, 200
harmoniques, 622, 953, 955
hauban, haubanage, 17, 18, 795-797, 800-801, (tension de) 809-810
haut module, 240, 812, 813, 815, 816, 820, 827
haute(s) pression(s), 344, 358, 381
hauteur, (angulaire) 582, (droite de) 598, (instrumentale) 589, (observée) 589,
(vraie) 590, 592
hauteur des vagues, 968, 969, (significative) 970
haut-fond, 971-972
Heimlich (méthode de), 702
hélice, 917, 917-918
hélitreuillage, 744-745
Hirlam, 347
HO249, 599
homme à la mer, 670, (dispositif) 683
hook, 136
hors-bord, 922
houle, 421, 969
hydrocution, 707, 708
hypothermie, 708

I
impeller, 906
incendie, 724-728
index orageux, 386
individu isobarique, 351, 353, 354, 355
injecteur, 902
insolation, 696
intercept, 598
intermédiaire (hauban), 18, 800, 809
inverseur, 187, 916
isobare, 351, 352-354
isobathe, 432, 575, 576
isochrone, 650-651
isomarnage, 955, 956
itague, 137, 138, 240, 797

J
jusant, 560, 950, 951, 960

L
laisse de mer, 992, 994
laize, 20 , 847
laminaires (algues), 984
largue (allure de), 39
lashing, 834
latitude, 430, 431
layline, 566, 567
lazy-bag, 214, 220
lazy-jack, 185, 219, 220, 230
LED, 877
lest, 14
lichens, 983, 984
ligne cotidale, 955, 956, 957
ligne de foi, 507, 552, 897
ligne de sonde, 575, 576
ligne de vie, 853
limbe, 583, 584, 585, 586
limitation de responsabilité, 791, 792
liston, 97
livre de bord, 570, 634, 635, 793
loch, 535, 569, (-speedomètre) 888, (-sondeur) 889
lofer, 45, 47
lof pour lof, 51, 66
longitude, 430, 431
longueur d’onde, 965
losange, 802
louvoyage-louvoyer, 42, 43, 44
lover, 67
loxodromique, 437
lyre du compas, 514

M
M2 (onde), 958
maille, 347, 348
maître-bau, 683
maîtresse ancre, 258
mal de mer, 694, 695
manille, 22
manœuvre, 19
manque à virer, 72, 73
marais barométrique, 354, 355
marée, 952, (calcul de) 622-628, (onde de) 955, 958, (semi-diurne), 958, 959, 960
marge froide, 377
marnage, 197, 260, 625, 962
massage cardiaque, 705-706, 708
mast-jack, 810
mât, 18
mâtage, mâter, 133, 134, 806, 807
matelotage, 24, 25, 827
MAYDAY, 735
meltem, 939
membrane (voile à), 848-849
Mercator (carte), 437
mer du vent, 967
mer significative, 331
mer totale, 970
méridienne, 577, 581, 592, 597
météogramme, 362
miroir de signalisation, 741
mistral, 415
MMSI, 733
MOB, 672, 674, 890
modèle numérique, 346, 347
montant, 560, 950, 960
morte(s)-eau(x), 432, 438, 961-964, 994
moteur Diesel, 898, 899, 907
mou, 47, 53, 127
mouillage, 254, (forain) 259, (en plomb de sonde) 269
mousqueton, 20, 22
MRCC, 688
multimètre, 886-887

N
nable, 764, 900
navire astreint, 733
Navtex, 336
nerf de chute, 96
NOAA, 338, 347
nœud (d’amarre) 24, (de cabestan) 25, (de chaise) 25, (constrictor ou de
meunier) 836, 837, (gansé) 229, (en huit) 25, (de Prusik) 844, (de taquet) 24
nord géographique, nord vrai, 430, 509
nord magnétique, 508, 509
NMEA, 524, 525
noyade, 708
nuages d’onde, 420

O
occlusion, 374
œil épissé, 828, 838
œuvres mortes, 201
ondes de tempête, 944
orage, 383
organisation maritime internationale (OMI), 730, 788
orin, oringuer, 275, 276-277
orthodromique, 437
osmose, 866, 867
overzoom, 468

P
padeye, 246, 820, (textile) 820
paillet, 717, 718
pain (recette du), 772
palan, 21, (d’écoute) 21, 121, (de cunningham) 137, (de trapèze) 179
panne, (fausse) 78, 84
panneau, (gréement) 801, (voile) 847-849, (solaire) 882
PAN PAN, 736
pantoire, 16
passe-coque, 665, 716, 927
pataras, 17, 18, 103, 121
pavillonnerie, 786, (de détresse) 741
PBO, 796, 813, 816
pendille, 212, 213
penon, 57, 93, 98-99
perche de repérage, 670
perdant, 560, 950, 960
perturbation, (météorologique) 371, 372, (magnétique) 896
pharmacie, 709, 710
photo satellite, 370, 391, 392
phytoplancton, 985, 996, 998
piano, 229, 824
pied de pilote, 260, 488, 622, 628
pilot charts, 340
pilotage, 474
pince (rond de), 93
pinoche, 665, 716
plan antidérive (ou de dérive), 14, 114, 1012
plancton, 995
planer, planing, 165, 166, 167, 310, 311
PLB, 739, 740
plus basse mer astronomique (PBMA), 431, 432
point amphidromique, 956, 957
point de calcul, 590
point de tire, 120
point triple, 374
pointe (amarre), 196
polaire (de vitesse), 130, 131
polyamide, 811, 813, 816
polyester, 812, 813, 815, 816, 872, (résine) 868
polyéthylène haut module, 812, 813, 816
polypropylène, 811, 816
pomme de touline, 198
portée d’un feu, 451, (géographique) 452, 453, (nominale) 452
posidonie, 993, 993
position latérale de sécurité (PLS), 696, 704
pot à barbotage, 907, 908
pot au noir, 345
poulie, 23, 822
poussée d’Archimède, 294, 296
préchauffage, 912
près (allure du), 39, 40
presse-étoupe, 908, 916
prévisions, 421, 651, 658, par zones (area forecast) 329
privilégié, 40
profil (d’une voile), 94
Q
quadrature, 963
quart, 755, 756, 757, 762
quête, 134, 319, 808
Quick Stop, 672, 675
quillard, 14, 15
quille, 14, 15

R
raban, 218, 229
radar, 614, 616
radeau de survie, 746
radionavigation, 516
rafale, 360
ragage, 260
ralingue, 20
rapport de mer, 794
raz, 952
réa, 23, 231, 821-822, (à friction) 823
recouvrement, 224
réduire (la voilure), 222
réflexion, 973, 974
réfraction, 973
refus, refuser, 59
règles de barre, 610
règle du pouce, 436, 538
règle des douzièmes, 625, 627
règle des neuf de Wallace, 699
règle (Cras), 511, 512, 513, 514
régulateur de charge, 879
relèvement (de garde ou de sécurité), 485, (de route) 486
remorque et remorquer, 286, (avec l’annexe) 290, 291, (à couple) 289, 290
renflouement, 713-714, 715
renverse, 545, 950
resaler, 152
résistance de vague, 307
revif, 962
ridens, 973
ridoir, 21, 22, (à levier) 237
RIPAM, 608
ris (prise de), 225, 226, 227, 228, (automatique) 231-233
risée, 114
RNC, 462
Rod, 795, 796
rose de la carte, 508-509
rouet de pompe, 906, 909
roulis rythmique, 132
routage, 647
route, 537, (fond, surface) 553, 556, (optimale) 650
RSO, 709
S
safran, 14, 15, 16
Saildrive ou S-drive, 190, 919
salinité, 937
sancir, 161
SAR, 730, (chaîne) 744
SBAS, 522, 523
scarf, 872, 873
secteur chaud, 375, 377
self-tailing, 23, 72, 856, 858
sextant, 581, 583-586
SHOM, 429
shore break, 972
silentbloc, 907, 918
sloop, 17, 1008
SMDSM, 730
SNSM, 1019
SOG, 564
SOLAS, 730
solent, 236
sonde, 431, 432, 434, 435
souquer, 24
sous-barbe, 83, 798
sous-puissance, 63
spectre de marée, 955
speedomètre, 113
spi, spinnaker, 17, 849, (asymétrique) 19, 83, (symétrique) 76, 77
spirale carrée, 682
spirale d’Ekman, 942
stabilité, 296, (courbe de) 300, (de forme) 297, 298, (de poids) 298
stick, 139
stratus, 365
subsidence, 364
surf, surfer, surfing, 166
surface mouillée, 62, 307
surgainer, 826
surpatter, 855, 856
surpuissance, 63
système géodésique, 520
syzygie, 962, 963

T
tableau d’enchaînement, 554, 558
talonnage, 711, 860-861
talweg, 354, 355, 379
tangage, 64
tangon, 17, 76, 77
taquet, 21, 23
taud, 214, 215
TCPA, 612
temps significatif (temps sensible), 331
tête d’alouette, 199, 267, 278, 834
tirant, 796
tirant d’eau, 295
tissu (de verre), 869, 871
toile du temps, 65
toron, 817, 845, 846
tosser, 142
touée, 265
tourmentin, 240
tour mort, 24, 192, 199
traceur, 458
traînard, 90, 246, 722
traîne, 377
traînée, 105, (aérodynamique) 312, (de frottement) 307, (hydrodynamique) 174,
307, 314, 318
trampoline, 140
transfilage, 834-836
transpondeur, 612
trapèze, 177, 178-181
traversier, 196
tresse, tressage, 814, 815, (carrée) 273
triangle d’incertitude, 534
tribord, 44
trilatération, 517
trinquette, 242, 1008-1009
tropopause, 342, 343, 384
troposphère, 341
tube de jaumière, 862
U
upwelling, 945
UTC, 326

V
vague, 964, 965, 966, (phénoménale ou scélérate) 971
vanne trois voies, 928
varangue, 860, 861
vasière, 994
veille, 608
vent (apparent, vitesse, réel), 41, (catabatique) 412, (calculé, géostrophique,
instantané, météorologique, observé, synoptique) 360
vent arrière, vent de travers (allures de), 39
vent debout, 39, 40
vent (d’afflux, de reflux), 943
VHF, 732-738, 734, (ASN) 737
vidange, 911
vide-vite, 157
virement, virer, 48, 49, 66, (bascule) 170
visibilité, 331
vit-de-mulet, 21, 227
vitesse (cible), 128, (limite) 308
vive(s)-eau(x), 431, 432, 961-964, 994
VMG, 113, 128-129, 131, 174, 565-566
voie d’eau, 715-718
voile, 17, 1008-1009, (entretien) 850-852, (laminée), 848, (tissée) 847
voile de quille, 14, 316, 317
vortex, 375, 376
VPP, 131
vrillage, 100, 102
VRM, 615

W
waterlock, 907, 908
waypoint, 538, 541, 542, 565-566, 567, 637
W-C marin, 927-930, 929
winch, 15, 21, 23, 72, 855-858
WGS, 84, 459, 519, 536
WRF, 347

Z
zénith, 587, 593
zéro des cartes, 431, 432, 623, 960
zone de convergence inter-tropicale (ZCIT), 344, 345
zones météo, 327
zones protégées, 999
zostère, 992, 993
CELLES ET CEUX QUI ONT PARTICIPÉ À CETTE ÉDITION

Chef de projet
Yann Lenotte.

Responsable des contenus


Pascal Binet.

Coordination rédactionnelle
Frédéric Augendre.

Contributions rédactionnelles et conseils techniques


Cédric Barbeyron, Jean-Yves Béquignon, Pascal Binet, Pierre-Marie
Bourguinat, Anthony Bovet, Jérôme Brillant, Laurent Charpentier,
Christian Chiquet, Henri Choueri, Jean-Philippe Colas, Damien Comiti,
Michel Cornevin, Sébastien Coupez, Pierre-Yves Durand, Antoine
Goarant, Thierry Fuzellier, Céline Hauzy, Alain Hénaff, Philippe Laborie,
André Linard, Thierry Losser, Yoann Menot, Alain Mercier, Éric Perego,
Thierry Philippe, Camille Seassau, Jacopo Seiwert.
Cette huitième édition du Cours est aussi un héritage des
précédentes éditions de l’ouvrage, ainsi que des dizaines d’années
d’expériences accumulées par des générations d’encadrants et de
stagiaires des Glénans. Nous tenons donc à remercier toutes celles et
ceux qui, de près ou de loin, de manière directe ou indirecte, ont ainsi
contribué à cette aventure éditoriale. Nous remercions également celles
et ceux qui se sont prêtés avec patience aux séances de prises de vues
mises en œuvre pour illustrer cette nouvelle édition.

Schémas, cartes et illustrations techniques


Aurélie Boissière et Margot Lecointre.

Révision et relecture
Frédéric Augendre, Pascal Binet et Yann Lenotte.

Conseil éditorial et relation avec les éditions du Seuil


Laurent Martini et Jean-Marc Pilpoul.

Nous remercions également, pour leur concours


technique
Adrena, Aigle, B&G, Big Ship Port la Forêt, Cousin-Trestec, Cybelle
Planète, GECC (Groupe d’études des cétacés du Cotentin), Helly Hansen,
Ino Rope, Mazura Marine, Mercator Océan, Obs en mer, Plastimo,
Raymarine, SHOM, Volvo Penta.
CRÉDITS ICONOGRAPHIQUES

Crédits photographiques
Marc Arzel/SNSM : page 1019 ; Jean-Yves Béquignon : pages 1007, 1011 ;
Jean-Yves Bernot : pages 365, haut gauche, haut droite, bas gauche, 366
gauche, 367, 388, 389, 395, 420 haut gauche, bas gauche, bas droit ;
Nicolas Barraqué : page 993 ; Erlend Bjøertvedt : page 984 ; Laurent
Charpentier : pages 245, 1003 ; Laurent Cuminal : page 74 ; Jean-Louis
Guéry : page 974 ; B.Y. Leglatin/Plastimo : page 893 ; MyOcean :
page 632 ; Onera : page 305 ; Andreas Trepte : pages 977 (haut et bas),
979 et 980 ; Volvo Penta page 907.
Toutes les autres photographies sont de Frédéric Augendre.

Dessins
Chloé Yzoard : pages 990-991.

Images illustrant la météo et l’océanographie


Dundee : pages 391 et 392 ; DWD : pages 353, 358 gauche, 371 gauche,
375 gauche, 379 gauche bas, 385 gauche, 386, 413 haut gauche, 647
gauche, centre et droite, 656 gauche ; GOES Est : page 379 haut droite ;
Mercator Océan : pages 938 et 939 ; Météo France : pages 337, 348, 405,
412, 413 haut droite, et bas ; Météosat : pages 371 centre, 375 centre, 379
bas droite, 385 droite ; Modis : page 420 haut droite ; NASA : page 998 ;
NOAA : pages 348, 358 droite, 371 droite, 375 droite, 378 droite, 379 haut
gauche, 385 centre ; UK Met Office : 378 centre.

Conception des schémas météo


Jean-Yves Bernot.

Origine des cartes marines


Carte C-Map : page 567.
Carte Map-Media : pages 473, 527, 564.
Cartes Navionics : pages 460 bas, 469 bas, 539.
Cartes SHOM : pages 403, 414, 430, 434-435, 440, 441, 449, 454, 460 haut,
463 haut et bas, 469 haut, 473, 490, 492, 494, 495, 496-497, 506, 527, 530,
532, 543, 547, 549, 550, 553, 559, 561, 562, 564, 572, 574, 576, 620, 629, 630,
640-641, 644.
Les produits dérivés proposés, élaborés à partir des cartes marines du
SHOM ne remplacent par les produits officiels d’un service
hydrographique. Ces produits n’ont pas fait l’objet de vérification de la
part du SHOM et ne doivent pas être utilisés en navigation.

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