Les politiques de l'UNION Européenne

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Philippe Delivet

Les politiques
de l’Union
européenne 2e édition
5

SOMMAIRE

INTRODUCTION........................................................................................................................9

PARTIE 1
Les politiques européennes : histoire et mode d’élaboration...........13
CHAPITRE 1
Histoire des politiques de l’Union européenne (1945-2024)........................ 15
Section 1 – Les prémices (1945-1954)............................................................................15
Section 2 – Le déploiement (1955-1992).......................................................................19
Section 3 – L’approfondissement (1992-2024).............................................................25

CHAPITRE 2
La prise de décision, les stratégies et les financements................................... 35
Section 1 – La prise de décision........................................................................................36
Section 2 – Les stratégies.....................................................................................................65
Section 3 – Les financements...............................................................................................72

PARTIE 2
Des politiques au service d’une intégration économique
et monétaire.............................................................................................................................93
CHAPITRE 3
Les politiques économique et monétaire................................................................. 95
Section 1 – La politique de la concurrence.....................................................................95
Section 2 – L’Union économique et monétaire..............................................................119
Section 3 – La politique industrielle..................................................................................140
Section 4 – La politique commerciale commune...........................................................165
6 Les politiques de l’Union européenne

CHAPITRE 4
La construction du marché unique et les politiques sectorielles................ 179
Section 1 – Le marché unique et la libre circulation....................................................179
Section 2 – La politique agricole commune (PAC).......................................................197
Section 3 – La politique de cohésion économique, sociale et territoriale.............208
Section 4 – La politique des transports et des réseaux...............................................222
Section 5 – La politique de la recherche.........................................................................235
Section 6 – La politique de l’énergie................................................................................244

PARTIE 3
Des politiques au service de l’approfondis­sement
du ­projet européen.............................................................................................................259
CHAPITRE 5
Une Europe plus proche des citoyens......................................................................... 261
Section 1 – L’espace de liberté, de sécurité et de justice............................................261
Section 2 – La politique sociale..........................................................................................283
Section 3 – L a politique de l’environnement et la lutte contre le changement
climatique...........................................................................................................293
Section 4 – L’Europe de la culture et de l’éducation....................................................309

CHAPITRE 6
L’action extérieure et l’élargissement......................................................................... 325
Section 1 – La politique étrangère et de sécurité commune (PESC)........................325
Section 2 – La politique de sécurité et de défense commune (PSDC).....................334
Section 3 – La politique européenne de coopération au développement.............346
Section 4 – L’élargissement..................................................................................................357

CONCLUSION.............................................................................................................................371
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE..............................................................................................375
PRINCIPALES ABRÉVIATIONS..........................................................................................379
LISTE DES ENCADRÉS, DES TABLEAUX, DES SCHÉMAS
ET DES GRAPHIQUES............................................................................................................381
TABLE DES MATIÈRES...........................................................................................................383
36 Les politiques de l’Union européenne

>>> Section 1
La prise de décision

Le cadre d’élaboration des politiques européennes pose des questions cruciales et com-
plexes qui portent notamment sur la répartition des compétences et l’évaluation de la
« plus-value » européenne, à travers l’application des principes de subsidiarité et de pro-
portionnalité. En pratique, elles peuvent faire intervenir une méthode « communautaire »
ou une méthode « intergouvernementale », dont chacune reflète une conception différente
de la construction européenne. Les acteurs nationaux (administrations, parlements…) ont
dû adapter leur mode de fonctionnement à l’impact croissant de ces politiques dans la
vie nationale. La différenciation et les souplesses institutionnelles ont par ailleurs souvent
été des instruments déterminants pour faire avancer le projet européen.

I. Le cadre d’élaboration des politiques européennes


A. La répartition des compétences, la subsidiarité
et la proportionnalité
Trois principes permettent d’encadrer les initiatives de l’Union européenne : le principe
d’attribution des compétences, le principe de subsidiarité et le principe de proportionnalité.

1. Le principe d’attribution des compétences


Le traité de Lisbonne a entendu mettre un terme à l’extension non maîtrisée des com-
pétences de l’Union, ouvrant aussi la voie à la restitution de certaines compétences aux
États membres.
L’article 5 TUE dispose que « l’Union n’agit que dans les limites des compétences que les États
membres lui ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent ».
Il énonce aussi que « toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux
États membres ».
Un protocole (no 25), annexé au traité, sur l’exercice des compétences partagées entre
l’Union et les États membres précise que, « lorsque l’Union mène une action dans un certain
domaine, le champ d’application de cet exercice de compétence ne couvre que les éléments régis
par l’acte de l’Union en question et ne couvre donc pas tout le domaine ».
Le traité distingue trois grandes catégories de compétences de l’Union :
– les compétences exclusives. Dans ce cadre, les États membres ont pour seul rôle de mettre
en œuvre les actes de l’Union, à moins qu’ils ne reçoivent une habilitation de celle-ci
pour adopter eux-mêmes certains actes ;
Partie 1. Les politiques européennes : histoire et mode d’élaboration 37

– les compétences partagées. Les États membres sont alors compétents pour tout ce que
l’Union n’a pas décidé de régler elle-même ;
– les compétences d’appui. Dans ce cadre, l’Union ne peut intervenir que pour soutenir,
coordonner ou compléter l’action des États membres, sans pouvoir exercer un rôle légis-
latif, ni limiter leurs compétences.
Deux domaines font l’objet d’un traitement particulier :
– la coordination des politiques économiques et de l’emploi. Une compétence est en effet
reconnue à l’Union pour lui permettre de définir les modalités de cette coordination ;
– la politique étrangère et de sécurité commune, qui fait l’objet d’un régime spécifique.

Les catégories de compétences au sein de l’Union européenne

Compétences partagées Compétences d’appui,


Compétences exclusives
de l’UE de coordination ou de
de l’UE
(Principaux domaines) complément de l’UE
« – l’union douanière ; – le marché intérieur ; – la protection et l’amélioration de la
– l’établissement des règles – la politique sociale, pour les aspects santé humaine ;
de concurrence nécessaires au définis dans le présent traité ; – l’industrie ;
fonctionnement du marché intérieur ; – la cohésion économique, sociale et – la culture ;
– la politique monétaire pour les États territoriale ; – le tourisme ;
membres dont la monnaie est l’euro ; – l’agriculture et la pêche, à l’exclusion – l’éducation, la formation
– la conservation des ressources de la conservation des ressources professionnelle, la jeunesse et le sport ;
biologiques de la mer dans le cadre de biologiques de la mer ; – la protection civile ;
la Politique commune de la pêche ; – l’environnement ; – la coopération administrative. »
– la politique commerciale commune. – la protection des consommateurs ;
– les transports ;
– les réseaux transeuropéens ;
– l’énergie ;
– l’espace de liberté, de sécurité et de
justice ;
– les enjeux communs de sécurité en
matière de santé publique, pour les
aspects définis dans le présent traité.

Source : traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), art. 3, 4 et 6.

Les projets de révision des traités peuvent, entre autres, avoir pour objet d’accroître
mais aussi de réduire les compétences attribuées à l’Union (art. 48 TUE). En outre, une
déclaration annexée au traité (déclaration no 18) ouvre la possibilité, pour le Conseil,
de demander à la Commission d’abroger un acte législatif, notamment en vue de mieux
garantir le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité.
Ces règles d’attribution de compétences sont essentielles car elles fondent la compétence
de l’Union. Elles constituent donc la base juridique indispensable aux initiatives de la
Commission européenne, sous le contrôle de la Cour de justice.
38 Les politiques de l’Union européenne

2. Le principe de subsidiarité
Le principe de subsidiarité signifie que, quand l’Union dispose d’une compétence, elle ne
doit l’exercer que lorsque l’objectif concerné peut être mieux réalisé au niveau européen
qu’au niveau des États membres. Ce principe est énoncé en ces termes par l’article 5 TUE :
« En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence
exclusive, l’Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée
ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central
qu’au niveau régional et local, mais peuvent l’être mieux, en raison des dimensions ou des effets
de l’action envisagée, au niveau de l’Union. »
C’est donc un principe régulateur dans l’exercice de la compétence, qui s’applique dans
tous les cas où l’Union dispose de compétences non exclusives. Il n’a pas pour effet de
remettre en cause la répartition des compétences, qui est organisée par le traité, mais il
conduit à se poser la question essentielle de savoir si l’intervention du niveau européen
est appropriée. Il permet donc d’évaluer la réalité de la « plus-value » que peut apporter
cette intervention par rapport à ce qui pourrait résulter de celle des États membres. Cette
appréciation peut se fonder sur un certain nombre de critères objectifs. Néanmoins,
elle résulte aussi d’un choix politique sur le bon niveau de l’action publique à même de
répondre à une situation donnée.

3. Le principe de proportionnalité
Également énoncé à l’article 5 TUE, le principe de proportionnalité exige que « le contenu
et la forme de l’action de l’Union n’excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs
des traités ».
Ce principe agit donc aussi comme un régulateur des compétences, mais, cette fois-ci,
en faisant porter l’attention sur l’intensité de l’intervention européenne : si celle-ci doit
permettre de réaliser l’objectif poursuivi, elle ne doit en revanche pas aller au-delà de
ce qui est nécessaire pour l’atteindre. Ce principe s’applique à tous les types de compé-
tences, y compris celles exclusives. Il se prête, plus que le principe de subsidiarité – qui
fait davantage intervenir un élément d’opportunité –, à un contrôle juridictionnel par la
Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
Le protocole no 2 sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité,
annexé au traité, prévoit que les projets d’actes législatifs sont motivés au regard de ces
principes. Ils doivent « comporter une fiche contenant des éléments circonstanciés permettant
d’apprécier » leur respect. « Les raisons permettant de conclure qu’un objectif de l’Union peut
être mieux atteint au niveau de celle-ci s’appuient sur des indicateurs qualitatifs et, chaque
fois que c’est possible, quantitatifs ». Le protocole reconnaît de nouvelles prérogatives aux
parlements nationaux pour veiller au respect du principe de subsidiarité (cf., plus loin,
Partie 1. Les politiques européennes : histoire et mode d’élaboration 39

la section « Le dialogue politique et le contrôle du principe de subsidiarité »). Le Comité


des régions peut également former des recours devant la Cour de justice « contre des actes
législatifs pour l’adoption desquels le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit
sa consultation ».

B. Les actes juridiques d’exercice des compétences européennes


Pour exercer les compétences de l’UE, les institutions de l’Union adoptent des règlements,
des directives, des décisions, des recommandations et des avis.
Le règlement est le principal instrument de législation de l’Union. Il a une portée géné-
rale ; il est obligatoire dans tous ses éléments ; il est directement applicable dans tout État
membre (sans qu’il soit besoin d’un acte de transposition en droit national).
La directive est utilisée essentiellement dans les domaines où l’Union a une compétence
d’harmonisation des législations et des réglementations nationales. Elle lie les États membres
quant au résultat à atteindre, mais elle leur laisse une certaine marge de manœuvre quant
à la forme et aux moyens pour y parvenir. Les États membres ont une obligation de
transposition de la directive dans leur droit national dans le délai prescrit, sauf si le droit
national est déjà conforme à la directive et à condition que soient respectées des règles
de transparence, de clarté et de publicité. Dans ce cas, c’est à l’État membre d’apporter la
preuve de la conformité de son droit national. La liberté quant à la forme et aux moyens
est limitée : l’exigence de loyauté impose aux États membres de « s’abstenir de prendre des
dispositions de nature à compromettre sérieusement le résultat » (ex. : CJUE, 18 décembre
1997, no C-129/96) pendant ce délai. Dans le cadre de la transposition, les États membres
doivent respecter le sens communautaire des dispositions (certaines notions juridiques
n’ayant pas le même sens en droit interne et en droit de l’Union). Ils doivent par ailleurs
communiquer à la Commission les mesures de transposition.
La décision est obligatoire dans tous ses éléments. Lorsqu’elle désigne des destinataires,
elle n’est obligatoire que pour ceux-ci.
Les recommandations et les avis ne lient pas les États membres.
Un acte législatif peut aussi déléguer à la Commission le pouvoir d’adopter des actes non
législatifs (actes d’application) de portée générale (« actes délégués ») « qui complètent ou
modifient certains éléments non essentiels de l’acte législatif » (art. 290 TFUE).
La Commission est par ailleurs souvent habilitée (art. 291 TFUE) à mettre en œuvre des
actes législatifs (« actes d’exécution »). Elle est assistée par un comité d’experts des États
membres dans le cadre de la procédure dite de « comitologie ».
214 Les politiques de l’Union européenne

– 250,6 milliards d’euros (soit 39 % des 643 milliards d’euros de la dotation totale) ont
été alloués à la croissance durable (économie à faible intensité de carbone, changement
climatique et environnemental et réseaux de transport et d’énergie) ;
– les fonds européens avaient par ailleurs apporté 12,6 milliards d’euros en appui aux
programmes de coopération territoriale qui investissent dans des projets transfrontaliers,
transnationaux et interrégionaux ;
– la crise sanitaire survenue en 2020 a contraint l’UE à réorienter une partie des ressources
liées à la politique de cohésion via deux paquets de mesures en réaction au coronavi-
rus : l’initiative d’investissement (CRII) et l’initiative d’investissement+ (CRII+) 61 : à la
fin 2020, la reprogrammation avait concerné le secteur de la santé, qui s’était ainsi vu
allouer 7 milliards d’euros, le soutien aux entreprises, 11 milliards et le soutien direct
aux personnes (y compris aux travailleurs et aux groupes vulnérables), 3,1 milliards. Fin
2020, ces dispositifs anti-crise avaient mobilisé 19,7 milliards d’euros de ressources au
titre de la politique de cohésion, auxquels il convient d’ajouter 47,5 milliards relevant
du paquet REACT-EU.

Les fonds structurels, un enjeu financier important pour la France


Les fonds structurels européens représentent un enjeu financier important pour la France,
qui a bénéficié, au titre de la programmation 2014-2020, de près de 15,6 milliards d’euros
de fonds FEDER-FSE (politique européenne de cohésion économique, sociale et terri-
toriale) et de 0,588 milliard de FEAMP (1). Pour la période 2021-2027, la France devrait
bénéficier de 16,8 milliards d’euros au titre de la politique de cohésion.
83 programmes européens ont été prévus au cours de la période de programmation. Les
fonds européens permettent des réalisations très concrètes dans les régions françaises
et constituent bien souvent un levier décisif pour mettre en œuvre certains projets.
L’Union européenne a ainsi soutenu (à hauteur de 21,1 millions d’euros sur un total de
200 millions), via le FEDER, les travaux autour du Mont Saint-Michel (achevés en 2015),
avec la construction d’un nouveau barrage et d’un pont passerelle de plus de 750 mètres
de long, ou encore une production énergétique marine écologique et durable à Marseille
(1 million d’euros sur un montant total de 8,8 millions).
Dans le cadre de l’initiative « REACT-EU », à l’échelle de l’Union européenne, la France a
bénéficié d’une enveloppe de 3,9 milliards d’euros en 2021 et 2022 au titre des fonds de la
politique de cohésion : FEDER (2,6 milliards), FSE (1,2 milliard) et FEAD (104 millions).
(1) La France a bénéficié par ailleurs de 11,4 milliards d’euros du FEADER.

61. Règlement (UE) 2020/460 du Parlement européen et du Conseil du 30 mars 2020 et règlement (UE) 2020/558
du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2020.
226 Les politiques de l’Union européenne

L’ouverture à la concurrence du réseau ferroviaire français (chronologie)


– 31 mars 2006 : fret ferroviaire international et domestique (loi no 2006-10 du 5 janvier
2006 relative à la sécurité et au développement des transports) ;
– 13 décembre 2009 : transport ferroviaire international de voyageurs (loi no 2009-1503
du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires
et portant diverses dispositions relatives aux transports) ;
– 3 décembre 2019 : transport intérieur de voyageurs pour les services conventionnés
(transports express régionaux ou TER et trains d’équilibre du territoire ou TET – loi
no 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire et ordonnance no 2018-
1135 du 12 décembre 2018) ;
– 12 décembre 2020 : transport intérieur de voyageurs pour les services non conven-
tionnés (trains à grande vitesse ou TGV – idem) ;
– 25 décembre 2023 : obligation, pour les régions ou l’État, de lancer des appels d’offres
pour l’exploitation des lignes et de laisser un libre accès à la concurrence (idem) ;
– du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2039 : ouverture à la concurrence des lignes d’Île-
de-France (Transilien et réseau express régional ou RER – idem).

3. Les cas particuliers des services publics et du fret


Dans ce contexte de libéralisation, le règlement 1370/2007 du Parlement européen et du
Conseil du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs, dit
règlement « OSP » (obligations de service public), fait bénéficier d’un régime particulier
les services dont l’équilibre économique ne peut être assuré sans soutien public, même
si la concurrence doit rester la règle.
En outre, le règlement 913/2010 du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre
2010 relatif au réseau ferroviaire européen pour un fret compétitif a précisé les objectifs
des États membres pour stimuler le trafic fret et rehausser sa compétitivité. Les gestion-
naires d’infrastructures devaient mettre en place neuf corridors prioritaires de fret (au plus
tard le 10 novembre 2013 pour six d’entre eux, et le 10 novembre 2015 pour les trois
autres). Cette formule devrait permettre une intégration plus forte du réseau européen.
De plus, afin de renforcer l’interopérabilité et la sécurité du système ferroviaire européen,
une Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer (ERA) a été créée en 2004.
Depuis 2016, celle-ci est seule compétente pour délivrer des autorisations de véhicules
(locomotives et wagons) destinés aux activités transfrontalières, et des certificats de sécurité
uniques aux entreprises ferroviaires opérant dans plusieurs États membres.
Enfin, l’accès des entreprises ferroviaires aux infrastructures est régi par la directive
95/18/CE du Conseil du 19 juin 1995, qui exige la possession, par l’entreprise, d’une
licence d’exploitation octroyée par l’État membre dans lequel l’entreprise est établie, sous
362 Les politiques de l’Union européenne

La capacité à assumer les obligations découlant de l’appartenance à l’Union impose


notamment que l’administration et le système judiciaire du pays candidat soient en
mesure de mettre effectivement en œuvre le droit de l’Union.
Le pays candidat doit aussi accepter les objectifs de « l’union politique, économique et
monétaire ».
Le dernier critère porte sur la prise en compte de la « capacité d’intégration » de l’Union.
Sa signification a été précisée dans une communication de la Commission européenne
du 8 novembre 2006. Ce critère a d’abord une dimension institutionnelle : l’Union doit
avoir des règles de fonctionnement telles que sa capacité à prendre des décisions et à
aller de l’avant soit préservée en cas d’élargissement, ce qu’exprime la dialectique « élar-
gissement/approfondissement ». Ce critère implique aussi de vérifier que les nouvelles
adhésions ne vont pas affecter la viabilité des politiques de l’Union, ni compromettre sa
capacité à les financer. La « capacité d’intégration » a également une dimension relative
à l’état des opinions publiques : l’élargissement doit être compris et accepté ; c’est un
préalable pour que le traité d’adhésion soit ratifié.

Si le traité prévoit des règles d’adhésion, il prévoit aussi, depuis le traité de Lisbonne, un
droit de retrait de l’Union. Conformément à ses règles constitutionnelles, un État membre
peut décider de se retirer de l’Union (art. 50 TUE), ce qu’a fait le Royaume-Uni en 2020.
En revanche, il n’existe pas de procédure d’exclusion de l’Union européenne, contraire-
ment à ce qui est prévu pour d’autres organisations internationales comme les Nations
unies (art. 6 de la Charte) ou le Conseil de l’Europe (art. 8 du statut) 53.

III. Les perspectives d’élargissement de l’Union


Les perspectives de l’élargissement peuvent être envisagées en prenant pour base les dix-
huit – depuis l’adhésion de la Croatie (au 1er juillet 2013) et l’exclusion de la Fédération
de Russie en mars 2022 – États membres du Conseil de l’Europe qui n’appartiennent
pas à l’Union.

A. Les pays européens qui devraient rester hors de l’Union


Parmi ces dix-huit États membres du Conseil de l’Europe, l’adhésion de six d’entre eux
semble pouvoir être écartée :
– quatre micro-États (Andorre, Liechtenstein, Monaco et Saint-Marin), dont l’adhésion
ne paraît pas envisageable ;

53. Le traité ne permet qu’une simple suspension des droits d’un État membre en cas de risque clair de violation
grave, par cet État, des valeurs de l’Union (art. 7 TUE).
Partie 3. Des politiques au service de l’approfondis­sement du ­projet européen 363

– deux autres États (la Norvège et la Suisse), dont la population a jusqu’à présent refusé
d’adhérer à l’Union.
S’agissant de la Russie, on doit observer que, avant même son exclusion du Conseil de
l’Europe, ses liens avec l’Union européenne paraissaient devoir prendre d’autres formes
que l’adhésion. La Russie n’avait jamais elle-même manifesté l’intention d’adhérer ; en
toute hypothèse, elle est aujourd’hui en conflit ouvert avec l’Union européenne.

B. Les pays européens qui pourraient adhérer à l’Union


Sur les douze États subsistants, trois ont engagé des négociations en vue de leur adhésion :
– la Turquie est officiellement candidate depuis le 10 décembre 1999 ; bien qu’ouvertes
le 3 octobre 2005, les négociations sont au point mort depuis 2019 et sont hypothéquées
par la persistance du conflit chypriote ;
– le Monténégro, candidat depuis le 17 décembre 2010, a engagé des négociations le
29 juin 2012 ;
– l’adhésion de l’Islande, dans un délai relativement bref, serait envisageable, car ce pays
remplit déjà la plupart des critères. Mais l’adhésion fait débat en Islande et le pays a décidé
d’abandonner les négociations.
La Macédoine du Nord est officiellement candidate depuis le 17 décembre 2005, mais les
négociations n’ont débuté que le 19 juillet 2022.
Deux États balkaniques ont présenté une candidature : l’Albanie (28 avril 2009) et la Serbie
(22 décembre 2009). Officiellement candidate depuis le 27 juin 2014, l’Albanie a débuté
des négociations d’adhésion le 19 juillet 2022 (comme la Macédoine du Nord) ; la Serbie,
officiellement candidate depuis le 1er mars 2012, a entamé les négociations le 21 janvier
2014. Outre la poursuite des réformes nécessaires, leur avancée est aussi subordonnée à
une normalisation progressive des relations avec le Kosovo.
La Bosnie-Herzégovine a signé un accord de stabilisation et d’association (ASA) avec l’Union
le 16 juin 2008. Elle est officiellement candidate depuis le 15 décembre 2022, mais elle
a peu progressé vers les critères politiques fixés par l’Union et manque toujours de struc-
tures institutionnelles coordonnées et durables. Des négociations d’adhésion restaient
conditionnées au respect du degré nécessaire de conformité aux critères d’adhésion : la
Commission européenne a toutefois recommandé, le 12 mars 2024 [COM(2024) 129
final], l’ouverture des négociations d’adhésion avec cet État, procédure autorisée par le
Conseil européen de Bruxelles des 21-22 mars suivants.
Le Kosovo, dont l’indépendance n’a pas été reconnue par tous les États membres et
qui ne fait pas encore partie du Conseil de l’Europe, s’est vu ouvrir une « perspective
européenne ». Un accord d’association et de stabilisation entre l’Union européenne et le
364 Les politiques de l’Union européenne

Kosovo a été signé le 27 octobre 2015, et cet État a présenté sa candidature à l’adhésion
le 15 décembre 2022 54.
Pour ces pays de l’ex-Yougoslavie, des exigences particulières portent notamment sur la
coopération avec le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) 55.
Le 8 novembre 2023 [COM(2023) 690 final], la Commission européenne a adopté un
nouveau plan afin de permettre aux pays concernés d’intensifier les réformes et les inves-
tissements, et d’accélérer le processus d’adhésion et la croissance de leurs économies. Une
nouvelle facilité de 6 milliards d’euros pour les Balkans occidentaux a ainsi été proposée
pour la période 2024-2027.
Enfin, jusqu’à tout récemment, l’Union n’avait pas reconnu une « vocation à l’adhésion »
à cinq États d’Europe orientale (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Moldavie et Ukraine).
D’éventuelles adhésions ne pouvaient donc être qu’une perspective d’assez long terme,
et ne paraissaient, de toute manière, réellement envisageables que dans le cadre d’une
évolution constructive des relations entre l’Union européenne et la Russie.
Le conflit ukrainien a modifié profondément l’approche de l’Union européenne pour
certains de ces États. Quatre jours après l’offensive lancée par la Russie, le 28 février
2022, l’Ukraine a déposé sa demande d’adhésion. Après un avis positif de la Commission
européenne le 17 juin [COM(2022) 407 final], le Conseil européen de Bruxelles a validé
à son tour la candidature ukrainienne le 23 juin 2022. Il a également suivi l’avis de la
Commission européenne en décidant, le 15 décembre 2023, d’ouvrir des négociations
d’adhésion avec ce pays.
Soumise à la pression de l’invasion russe de l’Ukraine, dont elle est frontalière, la Moldavie
a déposé sa candidature à l’adhésion le 3 mars 2022, comme la Géorgie et quelques jours
seulement après l’Ukraine. Le 23 juin 2022, le Conseil européen lui a reconnu le statut de
pays candidat et, le 15 décembre 2023, il a décidé d’ouvrir les négociations d’adhésion.
La Géorgie a présenté sa candidature le 3 mars 2022. Cependant, contrairement à l’Ukraine
et à la Moldavie, qui ont candidaté au même moment, elle n’avait pas obtenu le statut de
candidat à l’adhésion, des efforts supplémentaires lui étant demandés. Le 14 décembre

54. Le 16 avril 2024, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a recommandé que le Kosovo soit invité à
devenir membre du Conseil de l’Europe, tout en décidant de contrôler une longue liste d’engagements et d’obliga-
tions, dès son adhésion. Cette recommandation a été dénoncée par la Serbie, qui n’a pas reconnu l’indépendance du
Kosovo. La décision finale relèvera du Comité des ministres, qui est composé des ministres des Affaires étrangères
des 46 États membres.
55. Des contentieux bilatéraux entre pays candidats ou déjà membres peuvent aussi freiner les négociations : le
processus avec la Macédoine du Nord a ainsi longtemps buté sur le contentieux avec la Grèce concernant la dénomi-
nation définitive de cet État en remplacement de l’acronyme ARYM (Ancienne république yougoslave de Macédoine),
qui avait été utilisé à titre transitoire. De même, le contentieux sur la délimitation de la frontière entre la Slovénie et
la Croatie dans la baie de Piran a freiné les négociations d’adhésion de la Croatie jusqu’à la conclusion d’un accord
d’arbitrage, le 4 novembre 2009.
Partie 3. Des politiques au service de l’approfondis­sement du ­projet européen 365

2023, elle s’est finalement vu reconnaître ce statut, sous réserve qu’elle mette en œuvre
« les mesures pertinentes énoncées dans la recommandation de la Commission du 8 novembre
2023 » [SWD(2023) 697 final] notamment en matière de respect des droits fondamentaux.
Cependant, l’UE a dénoncé, le 15 mai 2024, l’adoption en dernière lecture, au Parlement
géorgien, d’un projet de loi controversé censé contrer les « influences étrangères ».
Inspiré de la législation russe, ce texte aurait pour but, selon l’opposition géorgienne, de
museler les voix dissidentes. Dans un communiqué commun, le Haut Représentant et
la Commission européenne ont souligné que l’adoption de cette loi impactait de façon
négative les progrès de la Géorgie dans le processus d’adhésion à l’Union européenne. Ils
ont rappelé que l’UE avait clairement, et de façon répétée, établi que l’esprit et le contenu
de cette loi n’étaient pas en ligne avec le cœur de ses normes et valeurs.
Du point de vue démographique, aucune des adhésions concevables des pays des Balkans
occidentaux ne sera comparable à l’impact de l’élargissement de 2004 aux dix pays
d’Europe centrale (qui représentaient ensemble un quart de la population de l’Union
de l’époque, et un cinquième après leur adhésion). Elles auront aussi une portée bien
moindre que l’adhésion en 1973 du Royaume-Uni, du Danemark et de l’Irlande, qui
représentaient ensemble un tiers de la population de la Communauté de l’époque, et un
quart après leur adhésion.
Par comparaison, l’adhésion de la Turquie ou des cinq États d’Europe orientale aurait un
impact bien supérieur : en effet, la Turquie comptait quelque 86 millions d’habitants, soit
environ 19 % de la population actuelle de l’Union, et l’Ukraine, environ 33 millions en 2023.
La perspective d’adhésion de ce second pays pose inévitablement la question de ses effets
sur la politique agricole commune et sur la politique de cohésion de l’Union européenne.
Elle doit aussi être appréhendée au regard des enjeux géopolitiques, avec notamment
l’application potentielle de la « clause de solidarité » instituée par l’article 42, § 7 TUE.
Ainsi, l’élargissement soulève des questions majeures pour l’Union européenne :
– celle de ses limites géographiques, mises notamment en évidence par les débats autour
de l’adhésion de la Turquie ;
– celle de l’impact des adhésions sur le fonctionnement même de l’Union européenne
et sur sa capacité à poursuivre un projet ambitieux 56 ;

56. Dans un rapport (Naviguer en haute mer. Réforme et élargissement de l’UE au xxie siècle) remis, le 19 septembre
2023, aux ministres des Affaires européennes, un groupe d’experts franco-allemand a considéré que l’Union européenne
« n’est pas prête à accueillir de nouveaux membres, ni sur le plan institutionnel ni sur le plan politique ».
Les experts ont formulé plusieurs recommandations pour préparer l’Union à un nouvel élargissement, notamment le
passage de l’unanimité à la majorité qualifiée dans tous les domaines où l’unanimité demeure applicable (la majorité
qualifiée impliquerait de réunir 60 % des États membres représentant 60 % de la population) et une différenciation,
avec quatre cercles d’intégration des pays européens et des pays candidats à l’adhésion.
Dans une communication [COM(2024) 146 final] du 20 mars 2024, la Commission européenne a elle-même souligné
que l’UE devait s’approfondir en même temps qu’elle s’élargit.
366 Les politiques de l’Union européenne

– celle de la propre capacité des États candidats à reprendre un acquis communautaire


très fourni et à mettre en œuvre les obligations que suppose l’adhésion ;
– celle du soutien des opinions publiques dans les États candidats mais aussi dans les
États membres, qui peuvent vivre l’élargissement comme une menace pour leur propre
situation.

La politique de voisinage de l’Union européenne


Finalités
L’Union européenne a lancé en 2004 une politique de voisinage avec des pays qui lui
sont limitrophes mais qui n’ont pas vocation à l’intégrer. Cette politique vise à mettre en
place un espace de prospérité et de stabilité aux frontières de l’Union élargie. Elle doit
renforcer la coopération politique, sécuritaire, économique et culturelle.
Une politique consacrée par le traité de Lisbonne
Le traité de Lisbonne (2007) a expressément consacré l’existence de cette politique, qui
doit permettre « d’établir un espace de prospérité et de bon voisinage, fondé sur les valeurs
de l’Union et caractérisé par des relations étroites et pacifiques reposant sur la coopération »
(art. 8 TUE). Dans ce but, l’Union peut conclure avec les pays concernés des accords
spécifiques qui peuvent comporter des droits et obligations réciproques ainsi que la
possibilité de conduire des actions en commun. Leur mise en œuvre fait l’objet d’une
concertation périodique.
Pays concernés et partenariats signés
À l’origine, la politique de voisinage ne concernait que les pays situés à l’est de l’Europe
(Ukraine, Moldavie, Biélorussie, Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie). À la demande de la
France, elle fut étendue aux pays du sud de la Méditerranée (Maroc, Algérie, Tunisie,
Libye, Égypte, Israël, Autorité palestinienne, Liban, Jordanie et Syrie).
Tous ces pays méditerranéens participent, à l’exception de la Libye, au processus de
Barcelone, lancé en 1995 et qui a mis en œuvre un partenariat euroméditerranéen (l’Union
pour la Méditerranée est désormais intégrée à ce processus).
En mars 2009, le Conseil européen a par ailleurs décidé de développer le partenariat
oriental avec six pays de l’Est (Ukraine, Moldavie, Biélorussie, Arménie, Azerbaïdjan et
Géorgie), afin de renforcer la coopération avec ces pays, de même que l’Union pour la
Méditerranée doit favoriser une coopération accrue avec les pays du sud de la Méditerranée.
Le Partenariat oriental permet la conclusion d’accords d’association, mais il n’ouvre pas
de perspective spécifique d’adhésion à ces pays.

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