Méthode diagnostique
Méthode diagnostique
Méthode diagnostique
psychopathologie
Patrick Juignet
Plan de l'article :
Texte intégral :
Le médecin apprend en fonction d'un savoir qui comporte cette double dimension de la
sémiologie et de l'étiopathogénie. Celles-ci, dans des rapports multiples et changeants,
progressent l'une à partir de l'autre en même temps qu'elles font progresser la
connaissance de l'état normal.
Cette polarité double, qui permet de distinguer un simple répertoire d'une classification
logiquement fondée, prend en psychiatrie des modalités particulières mais elle reste tout
à fait centrale » (Brusset B., Diagnostic en psychiatrie et psychopathologie, in Traité de
psychopathologie, Paris, PUF, 1994, p. 65).
Notons, concernant cette évolution, que les termes actuellement employés de « névrose » et «
psychose » ont un sens qui a varié contradictoirement avec leur étymologie. Comme leurs noms
l’indiquent, la névrose était une affection nerveuse et la psychose une maladie mentale (de la
psyché). On doit à Ernst von Feuchtersleben (1845) la paternité du terme de psychose. Il s’agit pour
cet auteur d’une « maladie de l’esprit » (Seelenkrankheit), par opposition aux névroses, maladies
nerveuses, précédemment définies comme maladies « du sentiment ou du mouvement qui sont sans
fièvre » par William Cullen, en 1776.
Ainsi, s’est créée une opposition entre psychose et névrose, mais elle s’est curieusement inversée au
XXe siècle suite à la prise en compte des travaux psychanalytiques. Surtout, elle a pris une ampleur
considérable sous la forme de l'opposition entre deux structures psychiques fondamentales. De plus,
le terme psychose désigne aussi des troubles graves et déréalisants considérés, soit comme des états
transitoires, soit comme des maladies graves à l’instar de la schizophrénie ou des troubles
bipolaires.
Un problème persiste : la perspective étiologique est certes reconnue, mais elle reste floue et
partiellement mise de côté, faute de données irréfutables. Le principal conflit a opposé les partisans
des causes biologiques à ceux évoquant des causes psychologiques et relationnelles.
À ce conflit a répondu l’arbitrage d’une pure empiricité, proposé dans les dernières moutures du
Diagnostic and Statistical Manual (versions IV et V) et la Classification Internationale des
Maladies et des problèmes de santé connexes (International Statistical Classification of Diseases
and Related Health Problems, dite encore CIM 10). Les auteurs de ces classifications ont renoncé à
s’appuyer sur la cause des troubles (l’aspect étiologique).
Pour le DSM, le critère de repérage est empirique et statistique. Le diagnostic s’établit sur la
présence simultanée des symptômes, dont la fréquence de montrée statistiquement. Il s’y ajoute la
perspective pharmacologique qui prend comme critère les effets cibles des divers médicaments. La
réponse positive d’un ensemble symptomatique à tel médicament sera considérée comme un critère
classificatoire. Il faut aussi rappeler la visée administrative et épidémiologique de cette entreprise
qui a son utilité, mais la décentre d'une recherche s'intéressant spécifiquement à la connaissance la
pathologie psychique.
Le DSM et la CIM utilisent peu les vocables de « névrose » et de « psychose » et répartissent ces
deux affections entre les troubles dissociatifs et les troubles de l’humeur. Cette ambiguïté
terminologique est un facteur de confusion majeure. Des termes aussi fondamentaux que névrose et
psychose ont un sens flou et contradictoire. Ils sont tributaires d’évolutions théoriques
contradictoires, c’est pourquoi il est nécessaire en psychopathologie de préciser le sens dans lequel
on les emploie, car il n’est pas le même pour tous.
La principale détermination
Désigner un type de causes principales, un primum movens, ne veut pas dire que l’on élimine les
autres causes moins prégnantes, mais que l’on désigne celle qui agit le plus massivement et, par
conséquent, celle sur laquelle il est nécessaire de faire porter préférentiellement l’action
thérapeutique. La détermination principale répond à deux exigences complémentaires, étiologique
et thérapeutique. L’affirmation d’un ensemble de causes principales doit être prudente, car elle se
fait au vu d’un faisceau d’arguments.
Le primum movens est un concept assez complexe, car, en plus des quatre cas vus au-dessus, pour
comprendre les déterminations qui jouent un rôle en psychopathologie, on doit tenir compte des
oppositions inné/acquis, interactif/autonome. Inné veut dire que la composante génétique
(héréditaire, transmise ou survenue par mutation) joue fortement, ce qui n'est pas le cas lorsqu'il
s'agit de conduites uniquement acquises pendant la vie. Interactif indique une détermination venue
de l’environnement relationnel et social, alors qu’autonome signifie que la dynamique est propre à
l'individu et que l’interaction ne joue pas de rôle.
Mais, de plus, les aspects relationnels interactifs dont il faut tenir compte ont deux aspects. Il y a les
interactions relationnelles répétées et continues qui ont eu lieu au cours de l’enfance et produisent
des effets à long terme ; il y a les interactions courtes et transitoires avec l'entourage familial et
social à l'âge adulte, qui ne produisent que des réactions limitées dans le temps. Il y a aussi les
actions continues de harcèlement, tant chez l'enfant que chez l'adulte.
C’est l'appréciation de la combinaison de ces différents aspects qui va permettre de désigner le
contexte étiologique pertinent. En psychopathologie, nous sommes toujours dans des situations
d’une grande complexité dont l'explication demande à combiner plusieurs facteurs, mais aussi, de
faire un choix pour désigner ce qui est le plus efficient.
Les psychosociopathies
L’homme est un être social. Le milieu social joue un rôle majeur dans l’organisation et le contrôle
des pulsions (libidinales et agressives), ainsi que dans l'intégration de la loi commune et des
normes, tout comme dans l'accès à des modes relationnels plus ou moins sophistiqués.
L’organisation psychique subit fortement l’influence sociale, si bien qu’il existe des pathologies
dont le primum movens est social.
Le psychisme intègre toujours les influences sociales, mais, dans certains cas, ces facteurs sociaux
sont pathogènes. On parle alors de pathologie socialement ou culturellement favorisée. L’aspect
pathologique vient de la perte ou à l'absence de repères culturels, d'une éducation insuffisante ou
déstructurante. Un environnement social violent provoque des réactions défensives primaires qui
viennent s’inscrire dans l’organisation psychique à plus ou moins long terme. Les effets sociaux
seront plus puissants si la structure psychique est plus archaïque (perverse, psychotique), donnant
des réactions plus immédiates sans possibilité de sublimation.
On peut désigner certains des tableaux cliniques rencontrés (mauvaise insertion, conflit, souffrance
par isolement) par le terme de sociopathie. Les formes cliniques sont variables selon le milieu et
selon le problème social (marginalité, ethnicisation, violence). L'immigration a rendu cette
pathologie fréquente du fait de la dissonance entre la culture d'origine et celle du pays actuel, des
problèmes d'identité que cela engendre et des difficultés d'intégration dans la nouvelle communauté.
Lorsque s'y associent une agressivité et des manifestations antisociales (destruction, transgression,
agressions sexuelles, meurtre), on parle de psychopathie. Les effets sociaux sont plus violents si la
structure psychique de base est plus archaïque (psychotique, perverse ou limite grave), donnant
donc des réactions plus immédiates, sans possibilité de sublimation.
- Les troubles psychosomatiques consistent en des manifestations somatiques ayant pour origine un
dysfonctionnement psychique. Ils sont innombrables et d'une extrême fréquence.
- La bouffée délirante aiguë se manifeste par un délire onirique riche et constitué d'emblée. Il est
flou et polymorphe, variable dans ses thèmes et ses mécanismes. La bouffée délirante guérit
spontanément en quelques jours ou quelques semaines.
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Tableau d'ensemble
Personnalité limite
Type intermédiaire
Personnalité perverse
Personnalité distanciée
Type psychotique Personnalité histrionique
Personnalités psychotiques graves
Les psychosociopathies
Les syndromes sociopathiques
La personnalité psychopathique
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Bibliographie :
Bergeret J., La Personnalité normale et pathologique, Paris, Dunod, 1985.
Bergeret J. et Col., Psychologie pathologique, Paris, Masson, 1986.
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PUF, 1994, pp 65-81.
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Villeurbanne, Simep Éditions, 1974.
Espasa F. P., Dufour R., Diagnostic structurel chez l’enfant, Paris, Masson, 1995.
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- Manuel de psychothérapie et psychopathologie clinique, Grenoble, PUG, 2016.
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