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Dictionnaire
historique afar
(1288-1982)
Nouvelle édition augmentée
KARTHALA
Le plus souvent sous un nom d’emprunt (Adal pour les Éthiopiens,
Danâkil en arabe), les Afars ne sont connus que par raccroc. Ils n’ap-
paraissent qu’occasionnellement sous la plume des chroniqueurs et des
géographes. A partir du XIXe siècle, les voyageurs, les scientifiques
européens, les administrateurs coloniaux français et italiens fournissent
des renseignements de qualité très inégale, le plus souvent de seconde
main. L’occultation reste le régime normal de l’historien.
L’édition de 2004 visait à combler un vide majeur. La présente
édition élargit et approfondit l’inventaire. Elle rectifie nombre d’idées
reçues et apporte des informations inédites dans des domaines aussi
essentiels que la chronologie, la généalogie, les savoirs traditionnels
(calendrier, astronomie, géomancie), l’onomastique. L’afar bénéficie
pour la première fois d’une transcription rigoureuse.
En même temps, ce dictionnaire mobilise, pour les comparer aux
témoignages oraux, les sources arabes, éthiopiennes et européennes. Ce
faisant, il établit une hiérarchie des données qui jusqu’ici faisait défaut.
Rendant à l’histoire ce qui est factuel et au roman ce qui est inventé, ce
réexamen conduit à rejeter une bonne part de la littérature de voyage.
Pour autant, les traditions populaires et les légendes ne sont pas exclues
mais, clairement identifiées, elles sont seulement rappelées quand elles
contribuent au débat historique.
Cet ouvrage énonce ainsi sa constitution, ses moyens, sa méthode. A
la fois synthèse critique et livre-source, il a été conçu comme un outil
à l’usage des jeunes chercheurs au plus près du terrain d’enquête. Il
intéresse plus largement les historiens de cette partie du Continent, en
contribuant à mieux situer la place des Afars dans l’histoire régionale.
ISBN : 978-2-8111-1046-8
hommes et sociétés
DICTIONNAIRE
HISTORIQUE AFAR
(1288-1982)
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Dictionnaire
historique afar
(1288-1982)
Éditions KARTHALA
22-24, boulevard Arago
75013 Paris
ámad-Ladé b. cheikh ásan
AVANT-PROPOS DE LA SECONDE ÉDITION
2
INTRODUCTION
1. Lewis (1955, rééd. 1969) qui en fait la compilation en montre les limites et les lacunes.
2. Ainsi, l’entité politique Adal (voir ci-après, pages 11-13) est omise par Fauvelle-Aymar et
Hirsch dans leur « reconstruction » de 2008 et leur « retour aux sources écrites » de 2011.
3. Le gouverneur écrit pourtant (19 mai 1917) : « Le sultan de Tadjoura et la famille
Hanfaré Looyta vont nous aider » (Min. Colo. Dossier 1017). Le rapport du lieutenant
Mermet (9 septembre 1917) indique la présence du sultan Looytá dans la colonne qui a
quitté Djibouti, le 10 août 1917, pour intercepter le consul allemand. i Ali doit
fournir deux cents hommes pour le ramener en Ethiopie, via l’Áwsa.
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
4
INTRODUCTION
5
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
6
INTRODUCTION
10. Les Instructions nautiques (1913 : 212) indiquent qu’il s’agit du nom d’un puits.
9
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
11. L’Encyclopédie de l'Islam, l’Encyclopaedia Aethiopica pour les ouvrages collectifs ; les
travaux de Cerulli (1926-1964), de Trimingham (1965), notamment.
12. Imbert-Vier (2011 : 287).
13. Note du 10 août 1885, MD, vol. 66, f. 233.
10
INTRODUCTION
11
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
18. K. al-Ilmm : 9.
19. Ibn Sad, Géographie d'Aboulféda, trad. S. Guyard (1883, II : 128).
20. Le lexique du tigré (éthio-sémitique), notamment celui parlé par les Beni-Amers habitant
la côte de la mer Rouge entre Massawa et Tôkar, montre des similitudes avec l’afar, qui
ne s’expliquent que par emprunt à un même substrat couchitique. Ex. tigrt « récipient
pour puiser », afar tagrá, v. Tadjoura (cf. adarmó, p. 239-240).
12
INTRODUCTION
des Adáli (v.) descendants de Adâal (v.), suppose que les Afars devaient
être assez nombreux, ou d’un poids particulier, pour, dès l’origine, donner
leur nom à une entité politique qui, même lorsqu’elle intègrera des
éléments non-Afars, conservera ce nom de Adal. Symétriquement, en
entrant dans l’histoire sous un nom (Adal) qui n’était pas leur autonyme, et
en raison du caractère multi-ethnique d’une principauté commandée par
une dynastie arabe (les Walasma), les Afars n’avaient aucune raison
d’apparaître sous leur vrai nom dans les chroniques arabes ou éthiopiennes
surtout attachées à la recension des faits d’armes des premiers chefs de
l’Adal. Robert Ferry21 a émis l’hypothèse que les Argobba, dont le chef
portait le titre de walasma, étaient les descendants des chefs de l’Adal.
Cette supposition22 soulève deux objections : 1. Ce sont les Afars, et
seulement les Afars, que les Ethiopiens, de façon constante, appellent
jusqu’à aujourd’hui Adal ; 2. L’emploi d’un titre (voir celui de gard, titre
harari de certains tributaires musulmans passé en somali ou en afar) ne veut
pas nécessairement dire une filiation historique, mais peut marquer une
allégeance politique. Le titre de walasma a été donné par le roi Susənyos à
son gouverneur chrétien de l’Ifat23. Cette occultation ne signifie pas
pourtant absence. Passant de l’Ifat à l’Áwsa, via le Harar et Zeyla, la
principauté d’Adal, écrivant en arabe, devenue royaume, s’est étendue sur
un substrat afar. En l’espace de trois siècles, on observe l’assimilation
progressive de ses éléments fondateurs d’origine arabe, ou se réclamant
comme tels. L’Adal a été dirigé successivement par des Arabes ethniques
(les Walasma), puis par des arabisés d’origine bedja (les Balaw), venus,
soit du Tigré, dans le cas de la famille de l’imam Ámed « Grañ », soit de
Massawa, pour les Balawtá de Tadjoura. Le départ du Harar pour l’Awsa,
région moins salubre, au lieu, par exemple, d’une émigration, vers la zone
de moyenne altitude de Brama, à l’est de Harar, en pays somali, si d’après
Richard Greenfield24 la composante somalie était majoritaire dans le
royaume d’Adal, s’explique d’autant mieux qu’elle apparaît comme un
ultime recentrage sur le cœur du pays afar.
En combinant la chronique de Cerulli et les traditions internes, c’est
de cette région de l’Ifat que la première émigration des arla / Harálla (v.)
se produit au début du XIVe siècle, peut-être en liaison avec la soumission
de l’Adal à l’Ifat en 1288. En colonisant l’Áwsa, ils y trouvent des Adáli
déjà installés. Les noms Adáli, Adáli (v.) que l’on retrouve en Ifat dans la
région de úgub, sur la rive gauche de l’Awash, entre les rivières
Kabannâwa et Gayssán, sont la trace de cette première implantation.
Un second foyer Adáli au nord de Tadjoura concerne une dynastie
afare fermement attachée à la légende vraie de aɖal-Mâis (v.), dont la
prise de pouvoir entraînera l’éviction des Anklá du sud du Wimá (v.).
Son lien avec l’Adal dont il vient d’être question ne peut être absolument
14
INTRODUCTION
Lignée de aɖal-Mâis
Tableau d’ensemble
aɖal-Mâis
15
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
17
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
contient une part de vérité. Les Abná (v.), les Anklá (v.) se rattachent à
Ab >lib, l’oncle du Prophète de l’islam, et notamment à un de ses fils,
Gafar, qui fut au nombre des musulmans accueillis à la cour du naši
chrétien aux premiers temps de l’Hégire. On montre volontiers dans la
péninsule de Bôri, qui fut peut-être leur point de débarquement, les tombes
de compagnons du Prophète (sabak kubûr). Un courant que l’on croit
plus récent, né dans les cercles savants connaisseurs des thèses classiques
de Ibn ?aldn, tend à en utiliser les cadres interprétatifs (cf. l’étymologie
de ammadí Srát). L’écart et les contradictions possibles entre les deux
courants cités est moins celui entre un niveau « populaire » et un niveau
« savant » que celui entre des traditions locales ethno-centrées et un
discours extra-communautaire rattachant les Afars à l’Umma des croyants.
Le livre de aml al@Dn al-Šm (1997) est représentatif de cette
intégration paradigmatique. Le choix du XIIIe siècle comme point de départ
chronologique, avec la mention des Dankal par Ibn Sad et de l’Adal
(1288) dans la chronique découverte par Cerulli (1931), a pour principale
utilité d’offrir un repère incontestable pour une histoire interne encore mal
connue, mais qui a joué un rôle important dans celle de l’Ethiopie à travers
celle des royaumes Adal et Dankáli. Des XIIIe au XVIIe siècles, partagés en
deux branches différentes, sans lien certain entre elles (et pour cela
appelées prudemment « Adal I » et « Adal II »), les Adáli ont été impliqués
dans l’évolution politique sous-régionale de façon différente. L’Adal I
absorbé par l’Ifat, devenu royaume Adal, a constitué une entité
multiethnique dominée par un lignage arabe, les Walasma, puis par des
Bedjas arabisés, les Balaw, qui se sont finalement afarisés. L’Adal II, né au
nord de Tadjoura, formé en sultanats après le déclin de l’Adal I et le
recentrage de celui-ci sur l’Áwsa en 1577, correspond à un processus de
recomposition afar.
On est conduit à reconnaître neuf groupes hétérogènes du point de
vue généalogique — cette hétérogénéité pouvant être la conséquence de la
grande peste du XVe siècle — distribués dans les différentes entités
politiques qui forment le domaine afarophone :
1. Les descendants de aɖal-Mâis (notamment les lignages
dominants Adáli, Mdaytó, Dammohoytá, Ulutó).
2. Les descendants d’Aɖaytá (Mafâ, Alaytó, Aɖkaltó, Kutublá).
3. Les descendants de Amáysi (Edderkaltó, Askakmáli, Lubak-
Kubó, Baɖittó).
4. Les Badoytá-m mlá (Hayís, Aydamní, Dhí-m mlá).
5. Les Tákil (dont les aysantó, Waddó, Subrá).
6. Les adarmó (Ablé, Abá-m mlá), dont le lien avec les Bedjas
est posé. L’antériorité des Ablé se déduit du fait qu’ils
accueillirent aɖalmâis.
7. Les Songó (aysamlé, Gittrissó), d’origine incertaine.
8. Les Baláw, d’origine bedja (Balawtá, Bollí BuCá).
9. Les Ská (groupes maraboutiques, appelés Maanɖiytá dans le
nord).
18
INTRODUCTION
19
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
1300 aɖal-Mâis
1330 Adâal
(Descendance Adáli)
1360 Gulub-Kêna
1390 Gallâmir
* Par générations suivant les dates de naissance approximatives des chefs Aydḥissó d’Áwsa.
20
INTRODUCTION
Recompositions et spécialisations
Les repères chronologiques proposés ci-dessus veulent aider à mieux
comprendre l’ancienneté de la double définition — géographique et
agnatique — de ce que l’on appelle indifféremment tribu ou clan, soit le
groupe patrilinéaire auquel tout Afar appartient et se rattache par la
naissance. D’une histoire longue, multipolaire, résulte une distribution
complexe qui s’organise selon un système de commandement qui, malgré
des évolutions internes différentes, utilise une terminologie et une
organisation identiques. La forte hiérarchie qui la caractérise, doit être
considérée comme un legs des royaumes Adal et Dankáli. Au sein de
chaque « sultanat » (bɖó), des chefferies (ɖintó), en nombre défini,
regroupent des tribus divisées en fractions, eɖɖá ou gulúb, sous-fractions et
lignages. Chaque groupe entre ainsi dans un double réseau de solidarités
sur la base du voisinage et de la parenté. Globalement, les fonctions de
commandement du sultanat s’appuient sur des liens historiques reconnus.
Le pouvoir dévolu à la chefferie s’exerce par délégation sur un territoire
défini. Les fonctions assumées par la fimá, qui réunit des membres d’une
même classe d’âge de tribus différentes, s’exercent dans l’espace de la
chefferie. Selon les lieux, la fimá est en charge de la défense (constitution
du groupe d’alerte) ; du maintien de l’ordre, devenant le bras séculier du
sultan ; du soutien mutuel ; de l’organisation des événements majeurs de la
vie collective (naissance, mariage, décès). La fimá a une fonction
intégratrice et régulatrice. Il existe des fimá masculines et féminines. Le
partage des tâches évite les conflits de compétence. Ainsi, chez les Basmá
du Mablá, la fimá inclut des Basmá, des Ayrolassó, des Baɖittó, des
Amasá, des Mdaytó. Les quatre fractions Basmá se répartissent les
responsabilités de commandement : la fraction Abardá- ummaddó
fournit le chef général du Mablá (ummnó-h abbá) et l’adjoint au chef de
fimá (fimá-t abbá-g gubí num). Dans la fraction Afillá est choisi le chef
de troupe (gulúb abbá). Les Madnní ont la charge de percevoir l’impôt dû
au sultan, et de chef de fimá. Les Mirgantó sont chargés des relations
extérieures et de s’interposer en cas de conflit (fantí mára).
Individuellement, l’appartenance à la tribu patrilinéaire, proclamée
par la devise (itró), se double de liens avec la tribu maternelle (abnó).
Solidarités obligées et alliances choisies achèvent de composer un réseau
qui fait que chaque Afar, où qu’il se trouve, sait qu’il peut compter sur des
cousins ou des alliés. Les alliances préférentielles (mariage), les accords de
pâturage engagent, eux, les lignages et les familles conjugales.
L’impression de grande complexité, qui peut résulter de l’inventaire
détaillé des sous-divisions de la tribu patrilinéaire, provient d’abord du fait
que le nom d’une fraction subsiste (et est mentionné à tout enquêteur), tant
qu’un mâle de celle-ci survit. En second lieu, la formation de groupes de
migrations a concerné des éléments très divers, ce dont rend compte la
nomenclature traditionnelle. Les termes mára « gens descendant du même
ancêtre », buɖá « (groupe de) familles », sárra « descendance large », déjà
mentionnés, souvent accolés au nom de tribu, font apparaître les différences
21
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
constitutives des groupes concernés34. Les uns comme les autres sont
uniformément impliqués dans la structure intertribale que constitue la fimá
(v.). Les processus fédératifs identifiés sont très variables, à trois (Sidá
buɖá, v.), cinq (Kná líh Buɖá, v.), huit composantes (Mogorrós, Bará
Kadá, v.) ; parfois plus larges (v. Asahyammára). Mais la dynamique
historique, saisie dans ses aspects fondamentaux, montre partout la même
tendance à la recomposition et la spécialisation des rôles sur les plans : 1.
économique ; 2. juridique ; 3. politique.
1. Ce que les Afars appellent le « mode de vie pastoral »
correspond à l’expression daarsittóm maríh ɖintó, litt. la coutume des
gens dans l’état de faire paître dans leur intérêt personnel (daarsittó)35.
Dans ce système de production qui, il faut le noter, est celui des Bedjas, des
Beni-Amers et des Sahos, les groupes clients sont en situation de s’enrichir,
et donc de supplanter les propriétaires du sol. Le régime foncier, en raison
d’un découpage strict, ne cesse d’osciller entre deux tendances : soit la
ressource en pâturage du territoire en propriété collective (wanó) est
insuffisante, et la tribu doit négocier l’occupation temporaire du terrain
d’autrui moyennant un loyer (isó), soit c’est le déficit en hommes qui
oblige à sous-traiter la garde des bêtes. Les Afars Debné affaiblis par les
guerres pour la prise de contrôle de la vallée de l’Awash ont utilisé des
Somalis Issas comme bergers de leurs troupeaux dans le pays de Zeyla,
avant de devoir abandonner ce dernier pour se cantonner à la partie
occidentale de la plaine du Gbaád. Harris, lors de son voyage (1844 :
151), rencontre Looytá b. Arbâhim, « chef des Debné et d’une fraction
issa ». Il signale qu’à Arabdorá les Issas font paître leurs troupeaux avec les
Danâkil. Soleillet (1886 : 58) indique qu’un certain nombre d’Issas forment
la garde du sultan du Gbaád, úmmad b. Looytá. La faible pluviométrie
a fait de l’accès au seul fleuve permanent un enjeu crucial. Un dicton
affirme : « Ceux qui ont l’eau te dominent » (illálta le marí, kok nabá). Les
relations conflictuelles entre les Mdaytó, les Harálla et les sédentaires de
l’Áwsa ont pour origine le contrôle de la zone inondable fertilisée par la
crue annuelle de l’Awash.
2. L’un des problèmes constants du droit pénal afar (madá) est la
mise en oeuvre du bîlu, qui ne saurait se traduire seulement par « prix du
sang » (Parker : 71). Le terme (qui vient du saho « sang ») désigne
l’ensemble des procédures de règlement en cas de meurtre. Le code ne
reconnaissant qu’exceptionnellement des circonstances atténuantes, impose
le talion, la ané ou vengeance légale. Une compensation financière, tant
envers la famille de la victime, que vis-à-vis de l’autorité, n’exonère pas
toujours le coupable du châtiment. Dans sa mise en oeuvre, le bîlu implique
la fimá, soit les membres mâles parents ou de tribus différentes. Le bîlu a
deux issues possibles : soit la vendetta sur un membre mâle adulte du clan
34. Voir p. 9.
35. Le nom d’état daarsittó est dérivé du réfléchi du causatif de daar « garder le
troupeau », daarsit « faire garder le troupeau dans son intérêt à soi ».
22
INTRODUCTION
fimá fimá
37. D.M. (1997). Le lien entre eɖɖá « extrémité », « fraction » et áɖɖa « bâton, morceau de
bois ») trouve un parallèle en bedja où !áɖa(-t) signifie « bâton long » (Roper, 1928 :
143) et aussi « affiliation à une tribu » dans le nord (Mohamed-Tahir, 2005 : 72).
24
INTRODUCTION
adage souligne, en disant : Adáli br le, Debné ummnó le, Mdaytó
arkaytó le « les Adáli ont le bandeau (br), insigne du pouvoir historique
des sultans, les Debné gardent la frontière sud (ummnó), les Mdaytó ont
le trône (arkaytó) ». Les premiers nommés ont l’honneur du rang ; les
seconds occupent une position stratégique ; les troisièmes ont la puissance.
La sagesse populaire montre la claire conscience qu’ont les Afars de
l’interdépendance des groupes soumis, depuis au moins la fin du XIXe, à la
pression des frontaliers. L’intrusion européenne a eu pour effet de modifier
les rôles dans une société où sont distingués : le chef héréditaire
(makbántu) ; le riche propriétaire ou commerçant (gaddáli) ; le grand
guerrier (maggáfa). Par nature, le dernier nommé renforce la solidarité du
groupe, en incarnant les valeurs de loyauté et d’héroïsme. Le riche
commerçant est venu ouvrir une brèche dans le système des solidarités
traditionnelles. L’entrée dans l’économie monétarisée, depuis le milieu du
XIXe siècle, n’a fait qu’accroître son indépendance et son importance. C’est
Ab Bakr « Pacha » (v.) qui sera la cheville ouvrière des accords passés
avec la France à partir de 1862, bien que ne détenant aucune légitimité
traditionnelle, si ce n’est celle que les Français, après les Turcs, lui
reconnaîtront en tant que chef de Zeyla.
Solidarités obligées et choisies
Sur un territoire continu, les Afars ont développé des réseaux de
solidarité tantôt imposés par la naissance, tantôt nés d’un choix personnel.
Tout Afar considère prioritairement : la tribu de son père (kedó) ; celle de
sa mère (abnó) ; sa belle-famille, (bllá) ; les enfants des femmes de sa
tribu, épousés préférentiellement (abûsa) ; les enfants des femmes de la
tribu de sa mère, interdits (nangaltá). En second lieu, la parenté élargie
(maré) inclut les enfants des femmes de la tribu de la mère de son père :
abbá-h abnó-h agbí-h ɖayló (ses ammitté) ; les enfants des femmes de la
tribu de la mère de sa mère : iná-h abnó-h agbí-h ɖayló (ses abitté). La
parenté proche (ɖayí maré) concerne, du côté paternel et maternel, les
grands-parents, les oncles, tantes, frères, sœurs et cousins germains de
l’intéressé. Dans la génération suivante, les enfants et neveux (fils des
frères et des sœurs). Il existe deux sortes de bllá : les proches de la femme
et par extension toute sa tribu ; les épouses des frères et les maris des
soeurs. Ce sont les parents des neveux. Les seconds sont ceux des absúma.
L’appartenance à un même bîlu (voir ci-dessus) en fait des « proches ».
Les expressions ábu-k abûsa « oncle et neveux », ɖála-k ballís
« alliance de naissance », désignent des tribus qui se marient
préférentiellement entre elles, comme les Mdaytó et les Damblá.
Certaines forment des groupes solidaires jusque dans le nom, tels les
Rukbá-k Ðermlá. Il n’y a toutefois pas de tribu qui n’échange de femmes
qu’avec une seule tribu. La tendance actuelle à l’endogamie, sous l’effet du
modèle arabe, est maintenant plus directement liée à la paupérisation en
ville et à la nécessité de conserver le patrimoine au sein de la famille
proche. La solidarité (arâ, litt. « bras ») se marque par une aide réciproque
que l’on se doit en cas de mariage, de maladie, de deuil, de disette. Elle se
25
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
26
INTRODUCTION
ABÁ-M MĒLÁ
Généalogies. Tribu descendant de Maámmad « Ardáytu » b. Ibrâhim b.
Ali (d’origine arabe), et dont les trois fils sont Ali Ablís, ancêtre des Asá
Ablé, adarmó (v.) et Abáytu qui, lui-même, a eu six fils : 1. Askôm
(fraction Askmá) ; 2. Burán (Burán-sárra) ; 3. Gêrar (Grartá) ; 4.
Barkálli ; 5. Dimís (Dimissó) ; 6. Balís (Balissó). Autre généalogie :
Badoytá, père des Badoytá-m mlá (v.), aurait épousé la soeur de Ali
Ablís. Il recueillit Ali b. Msá, adopté comme frère de Maámmad
« Ardáytu », qui devint l’ancêtre des Abá-m mlá, désormais parents des
Badoytá-m mlá. Une troisième généalogie donne úmmad « Gadlá »,
originaire du Dóka (v.), et Abá « la source », au nord de Mabúk, en
République de Djibouti, comme point d’installation. Il aurait épousé une
fille de Umar « Asgíru » (v. Absá-mára). Distribution. Angáru (Khôr
Angar, sur la côte, au nord d’Obock), région de Rsá, Dawwé (v.).
Présents parmi les Ddá, Br k Wandbá et Absá-mára. Le nom de la
tribu dérive de abá « source abondante » (verbe uub « boire »), pl. abá,
ábo. On le retrouve dans nombre de toponymes : (m.) Ába, plaine en pays
Kîuk-enkébba ; dans le anlé ; (f.) Abáf-fó (Ðy) ; (m.) Abaytáytu,
dans l’oued Agá (Goda) ; (f.) Abaytó, crête vers Khôr Angar ; (m.)
Abáytu, source près de Dikhil ; (m.) Abág gúba, île de la mer de Bôri. En
tant que nom de tribu, Abá-m mlá est lexicalisé et ne s’analyse plus
comme « gens de la source », mais « gens d’Abá ».
S : Chedeville / Yûnus b. Umar b. Dawud.
ABBÂSIYA
Cheikh Ysuf « Abbâsiya » (abbá siya, nom de sa fille). Saint
personnage venu du aramawt, mort en 1834-35 (h. 1250), dont les hauts
faits se confondent avec ceux du légendaire « cheikh Abbâsiya »,
équivalent afar de i Fai, chez les Oromos, de aw Baradle, en pays
somali, ces derniers prolongeant la légende de l’ancêtre (arabe) de la
dynastie des Walasma, Ysuf al-Akwn. Le cheikh Abbâsiya se serait fixé
à Doddóyta (Duddeyta), dans la montagne au-dessus de Dawwé, où est son
tombeau. Il y fit bâtir une mosquée faite d’énormes pierres équarries. La
zawiya principale est dirigée par les Ská qui ont une autre zawiya à
Tallahál, « sek Abbyé », également au-dessus de Dawwé. Les gens de
Tadjoura, de passage, disposent d’un emplacement réservé, Tullú-b bɖá,
sous un grand arbre. Le cheikh Abbâsiya aurait eu quelque 300 garçons,
dont seuls 99 auraient paru sur terre, recommandant de ne pas démentir
celui qui se dirait son fils. Les Ská de Baádu (Sek-Ysiftó, ou Yfistó)
s’en réclament, tout en descendant d’un cheikh agár. Son descendant
direct le plus connu est son petit-fils, cheikh ala b. afar b. Yûsuf
« Abbâsiya », qui guerroya pendant dix-sept ans contre Ménélik après avoir
ABŌNÁ
pris le parti des Mahdistes. Il semble avoir opéré en liaison avec les Italiens
avant Adoua. Le cheikh Nriyye Umar le réconcilia avec Ménélik qui
l’installa à Balá et lui donna des terres au ärär (ouest du Harar), où il
mourut peu après l’entrée des Italiens à Addis-Ababa, en juillet 1936.
Fractionnement. De sek-Abbâsiya, descendent Yôfis et le petit-fils de ce
dernier, « Kallí » agár, père de « Kaɖɖá » Ysé, Abdalla et « Uɖ »
Ysé. La descendance de ces trois frères est appelée collectivement
Bargáli, par opposition aux fractions accolées As-buɖá (v. Baádu).
S : HHL (Naw.)
ABŌNÁ
Etym. de bûnun « contribution collective pour les frais de deuil », ou de
l’amharique abuna, pour railler le fait qu’Ibrhm « Ambasa » (voir ci-
après) ne parlait pas l’afar. Tribu de la côte nord de la péninsule de Bôri,
dont la généalogie converge avec celles d’autres groupes maraboutiques du
nord comme celles de Intilé Šek (v.) et Ibrhm b. al- alîl (v.). Itró : « Ab-
ším ! ». Généalogies. L’ancêtre revendiqué, comme pour les Anklá, est
Ab lib, oncle du Prophète de l’islam. Cette généalogie compte trente-
neuf noms : sayyid Ibrhm (l’informateur en 1966) b. Abdurramn b.
Osmn « al#Alawi » b. amad b. Maammad b. amad b. Mamd b.
Isml b. kil b. « sidá sírri » Ali b. Ibrhm « Ambasá » b. Adam b.
amad b. al-wali Abdir « al-Alawi », dit « ib Harar », b. sayyid Umar
« al-Alawi » b. Amad b. Abdalla b. N%ir ad-Dn b. Sulaymn b. Idrs b.
Qsim b. Ibrhm b. mid b. Isml b. Amad b. Abdallah « an-nr » b.
Maammad b. Msa b. Abbakar b. Dawud b. Yaqub b. 'li b.
Abdallah al#Agz b. Msa al-Yawn b. Abdallah al-Maad b. sayyid asan
al-Mu(anna b. sayyid asan al-Sib) b. Ali b. Ab lib. Histoire.
L’ancêtre des Abná, Ibrhm « Ambasá » serait venu du Harar alors que le
royaume Dankáli, affaibli, était de facto aux mains des Dúlum (v.), à la fin
du XVIIIe siècle. Il épousa Madná b. Dúllum (sic), fille du chef, dont il eut
trois fils homonymes, les Sidá Sirri-Áli « les trois Áli initiés »
(détenteurs du sirr), et une fille : 1. Sirri-Áli, enterré à Tó ; 2. Sirri-Áli,
parti chez les Sahos ; 3. Sirri-Áli, mort à Tadjoura (v.), enterré au lieu-dit :
Sidá-Sirri-Alí-kábri « la tombe des trois Sirri-Áli ». L’homonymie
indique qu’ils devaient être de trois mères différentes (trois frères peuvent
porter le même nom en n’étant pas du même lit).
S : Chedeville / sayyid Ibrhm b. Abdurramn, petit-cousin de cheikh Isml b.
Maámmad, chef des Abná dans les années 1970, relecteur de la « song of accusation »
publiée par Maknun et Hayward (1981. Voir Annexe I) ; Ibrhm b. Abduramn ;
Maámmad « alfá » b. Amad b. Idrīs ; Osman b. Abdalla b. Maámmad. D.M. /
Ibrhm b. Isml.
ABRARTÓ
Nom d’une fraction des Ská, chez les aɖbisó-s sárra (v.) de la région de
l’Awash. Originaire des Kulayyá de l’Áwsa. La légende rapporte que
l’ancêtre des Kulayyá alla chez les aɖbisó-s sárra, qui lui donnèrent
comme épouse une fille aveugle. Celle-ci recouvra la vue et devint
l’ancêtre de la fraction Abrartó.
32
ABŪ BAKR « PACHA »
ABROBBAÐIFFGÉ
« Le gué (fgé) des [trois] fils d’Abro (*Abró-b baɖí-(h) → f) ». Variante
de prononciation : Abrobbaɖifgé. Nom de l’emplacement du tombeau
(waydal) à sommet triple, encore visible en 1974, qui s’élevait au
franchissement de l’Awash, en aval d’Aysaíyta. Ce monument atypique
commémorerait la mort de trois frères, tués à une époque indéterminée en
tentant de repousser des Oromos. Braca et Comolli (1939) sont les premiers
à le mentionner :
Puis, suivant la piste caravanière qui grimpe raide sur les pentes rocheuses
du Borauli, en amont du lac d’Aisaità, nous atteignîmes rapidement
Abroborifaghé. Cette localité, siège actuel de la résidence de l’Aussa et, en
outre, la plus importante du point de vue politique de la région, répond en
réalité au nom d’Aisaità, tandis que le nom d’Abroborifaghé (qui signifie
« passage des tombes des fils d’Abro ») se rapporte au gué sur l’Auasc, sur
la piste caravanière qui conduit à Furzi, et seulement à 2 kilomètres au sud
d’Aisaità. Même chez les indigènes, l’usage est désormais établi de nommer
Abroborifaghé toute la zone comprise entre le gué et la résidence qui se
dresse sur un étroit dos de terrain surplombant à l’ouest l’Auasc d’une
trentaine de mètres.
ABŪ BAKR « PACHA »
1. Généalogie. 2. Histoire coloniale. 3. Descendance. 4. Homonymie.
Abū Bakr (en afar Ôbakar) b. Ibrāhīm (afar Arbâhim) b. Šeém (arabe
Šaīm) b. Maámmad « Tamboytá ». asbá Yakubtó Ōbakartó (à
différencier du lignage homonyme Yakubtó de Dilleytí Maámmad). Né
vers 1810, à Ambabbó (v.), près de Tadjoura (Borelli lui donne soixante-
dix ans en 1885 ; Denis de Rivoyre, soixante-cinq ou soixante-dix ans en
1880). La date de sa mort à Zeyla reste conjecturale : le 6 (ou 8) février
1885 ; plus sûrement, le 6 décembre 1885 (28 'afar 1303). La rédaction de
Borelli (1890 : 28) donne à croire qu’elle a eu lieu le 8 décembre 1885.
Abū Bakr, puis son fils aîné, ont été enterrés près de la tombe d’Ibrhīm
Abū Zaḥarbi (v.), à Zeyla.
1. Généalogie. Parmi les asbá (v.) qui revendiquent une origine
yéménite ou saho, les asbá de Tadjoura et d’Ambabbó (v.) citent comme
lointain ancêtre un certain Yaqûb, enterré à rs ra, entre Cheikh-Saïd et
Aden. Après son installation au Songó-g Godá (v.), à la suite d’une
sécheresse, son petit-fils Dîni b. úmmad b. Yaqûb serait parti au Dóka
(v.) vers 1650. Un de ses descendants à la cinquième génération,
Maámmad b. Kâmil, dit Maámmad « Tambóyta », serait revenu au Godá
(v.), vers 1760, en le supposant né vers 1730. Ce surnom donné pour une
raison demeurée obscure renvoie à tambó « tortis, assemblage de plusieurs
brins tordus ensemble », ce qui suggère qu’il était artisan vannier ou cordier
dans un village de la bordure éthiopienne, et donc sédentaire. Trois des fils
de Maámmad « Tambóyta » b. Kâmil ont laissé une postérité : úmmad-
Gabá1, Šeém et ámad. La descendance de úmmad-Gabá est appelée
úmmad-Gabbí, la fraction Šeemtó (Seemtó) inclut les fils d’Arbâhim
33
ABŪ BAKR « PACHA »
Arbâhim Hámad
Áli Dîni
(c. 1810) Ab Bakr « Pacha » (signataires des Traités)
épouses
[♀ af. Adáli Banoytitté] [♀ ar. de Zeyla] [♀af.] [♀af.] [*♀] [*♀] [♀af.] [♀ar.]
Ibrâhim Maámmad úmmad Kâmil Burán (1855) Mákki Msá Abdulkâdir usên Áli Ridwân
Menelík (1917)
Davin (1888 : 84) affirme qu’Ab Bakr naquit de parents réduits à une
pauvreté extrême, ce que l’observation précédente de Rochet infirme. La
mère d’Ab Bakr, andá (d’où le surnom andáytu « né de andá »
donné à Ab Bakr), était Adáli de Tadjoura. Les dates de naissance
indiquées entre parenthèses dans le tableau ci-dessus proposent des repères
chronologiques.
2. Histoire coloniale. Ab Bakr « Pacha » entre dans l’histoire coloniale à
l’occasion de la rivalité qui s’installe entre la France et la Grande-Bretagne
qui s’inquiète de ce nouveau voisin dans une région où Londres n’avait que
la Sublime Porte comme concurrent. La rivalité entre le Somali Šarma-arke
b. Ali, soutenu par les Anglais, et Ab Bakr en suit les méandres, marquée
par le meurtre d’Henri Lambert, artisan d’un projet d’implantation de la
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ABŪ BAKR « PACHA »
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ABŪ BAKR « PACHA »
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ABŪ BAKR « PACHA »
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ABÛSA
ABÛSA
Pluriel de absúma (masc.) ; fém. absumá, du verbe abus « être de tribu
maternelle » : mâ kedó abūsitô, quelle est ta tribu maternelle ? (= mâ kedó
abussâ) ; « être neveu (absuma) par les femmes, être fils d’une femme de
cette tribu » : anú Dortimlá abūsiyó « je suis neveu des Dortimla ». Le
nom a plusieurs sens, selon qu’il est au masculin ou au féminin.
MASCULIN. 1. (Sud) Neveu (fils de soeur) : yābûsew, (*yi abūsa-ow = yi
absumaw) « ô mon neveu ! » 2. Fils d’une femme du groupe. 3. (Nord et
Saho) Petit-fils (= baɖí báɖa). FÉMININ absumá. Pl. abūsá, absummí. 1.
(Sud) Nièce (fille de soeur). 2. Fille d’une femme de la tribu du père. 3.
(Nord et Saho) Petite-fille (= baɖá-b baɖá). Le mot (m.) absúma, (f.)
absumá, (pl.) abûsa, selon le placement de l’accent, désigne un neveu né
hors de la tribu patrilinéaire, c’est-à-dire les descendants d’une sœur (à la
fois pour les hommes et les femmes de la tribu). Le terme s’emploie, en
outre, au figuré, à l’échelon des tribus, les abûsa d’une tribu étant les
38
ABÛSA
descendants des filles de cette tribu mariés au dehors, ou ceux des frères
des filles d’une autre tribu épousées dans la tribu. MARIAGE PRÉFÉRENTIEL
Au sens propre, pour un garçon, les enfants de son oncle maternel ne sont
pas ses abûsa, mais seulement ses abí ɖayló. Pour une fille, les enfants de
sa tante paternelle sont seulement ses anná-ɖ ɖayló. Le mariage de la
cousine croisée patrilatérale (fille de la sœur du père, pour un homme) du
cousin croisé matrilatéral (fils du frère de la mère, pour une femme)
caractérise les Afars qui sont apparemment les seuls à pratiquer ce type de
mariage préférentiel, en Ethiopie (Savard, 1966). Son extension actuelle
reste inconnue en l’absence de recensement fiable. Il semble encore
largement pratiqué dans le sud. Ce type d’union a eu deux buts, du moins
dans sa pratique traditionnelle : d’une part, assurer à tout homme, fût-il
pauvre, la chance de se marier au moins une fois ; d’autre part, ouvrir et
étendre la parenté, alors que le mariage de la cousine parallèle paternelle
(ammí baɖá), sur le modèle arabe, restreint cette extension, d’où le
proverbe (ci-après en orthographe afare) : absumâ digib, andorri maliiy ;
qammih baxâ digib, ramad mali « le mariage de la fille de la tante
paternelle (absuma) gêne la reproduction (on ne peut faire des enfants avec
qui l’on veut) ; le mariage de la fille de l’oncle paternel (qammî baxa)
n’étend pas la parenté (maré má fɖiɖɖa) ». Les Afars ont ainsi privilégié à
des degrés divers le mariage préférentiel entre cousins croisés.
39
ABŪSÁ-MÁRA
la mère, sans que cette exogamie soit préférentielle. Dans les deux cas, les
cousins parallèles matrilatéraux (fils et filles d’une femme de la tribu
maternelle) sont interdits et appelés nangaltá (somali habar wadg). Dans
le nord du pays afar, comme en Awra et au contact des Sāho ado, on ne
pratique habituellement pas le mariage de l’absuma. On le pratique ailleurs
dans le nord, à Bôri, Têru, chez les erto. Sous l’influence arabe, et aussi
du fait de la paupérisation croissante, on tend à épouser sa cousine parallèle
paternelle (ámmi baɖá) pour conserver les biens dans la famille proche.
Cette solution procède des mêmes motivations que le lévirat (cf. D.M.,
2012b : 747-48). L’importance et l’intensité des liens de parenté créés par
la répétition, de générations en générations, de mariages entre abûsa
explique l’importance de la tribu maternelle (abīnó) dans un système
lignagier qui reste fondamentalement patrilinéaire, d’où un proverbe
comme : baxi boola hinnammay, absumi boola yoh maacin « ce n’est pas la
faiblesse du fils, ne me donne pas celle du neveu. » (On recherche la source
de la valeur ou de la faiblesse d’un individu, en la comparant, selon le cas,
à celle d’un de ses oncles maternels.) Le mariage de l’absuma est l’objet de
conflits, parfois dramatiques, notamment en ville où le choix du conjoint
est davantage guidé par les sentiments. Un cas fréquent est le mariage
arrangé entre une jeune fille scolarisée et son cousin illettré vivant encore
en brousse, et qu’elle refuse d’épouser. EXOGAMIE RESTREINTE. Selon les
tribus, l’exogamie préférentielle est plus ou moins large. Deux tribus
pratiquant un échange restreint sont dites abu-k abûsa litt. « oncle maternel
et neveux » ou ɖálak-ballís litt. « alliance de naissance » (v.). Le premier
terme désigne l’état de deux familles qui s’intermarient ; le second, plus
large, de deux tribus endogames. Ainsi, les Abddá, comptés parmi les
Adorásu (v.), sont ɖálak ballís des As-Maammadó (Abddá As-
Maammadók ɖálak ballísih tan). La fréquence de ce type d’union,
caractéristique des groupes pastoraux, est moindre en ville, mais difficile à
préciser faute de statistiques fiables.
ABŪSÁMÁRA
Groupe de tribus ‘Adohyammára (v.), formé d’éléments agrégés par
mariage. Alliés aux Badoytá-m mlá de la région sud de Bté.
Fractionnement. 1. Ldí-b buɖá (fractions entre Lêdi et Yáldi) ; 2. Nahár
buɖá (sur le Bussidîma) ; 3. Koboɖɖó (sur le Fúrsa, entre les deux autres).
Fractions rattachées : Asá buɖá (abitté) ; Datá buɖá ; Asá Edderkál ;
Baláw ; Asnuntó (d’origine Nassár) ; aysamlé (Murruntó, Magdalís,
Garratá, à Fúrsa et Yáldi). L’ancêtre des Absá-mára serait Umar
« Asgíru », second fils de ayís. V. Badoytá-m mlá.
S : HHL (Naw.) ; Chedeville (Afars).
ABU ŠAWRIB
De son vrai nom, Maammad al-arar. Cheikh enterré au cimetière Est de
Tadjoura. Contemporain d’Afkáɖɖa b. ásan (vers 1750-1800), il constata
que les principes et les tarifs de compensation du madá (v.) afar étaient
conformes au droit coranique. Les Kdiytó d’Áwsa se rattachent à lui (v.
Ská).
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ADAËL
ADÂAL
Généalogie. Père de Gulubkêna et fils de aɖal-Mâis (v.) ou fils de
Gulubkêna et petit-fils de aɖal-Mâis (Albospeyre, 1959 : 108). De
Adaâl, descendent les trois ancêtres Adáli : 1. « Ayrolasé » ámmadu,
« celui qui resta en plein soleil », fâché d’être écarté du pouvoir, père des
Ayrolassó (v.) ; 2. « Ðogorré » Úmar, Umar le Chevelu, ancêtre des Adáli
proprement dits, par ses deux fils « Asá » Kâmil (sultanat de Tadjoura, v.)
et « Datá » Gúra (sultanat de Raaytó, v.) ; 3. Ulêl Abûsa Arbâhim (v.),
ancêtre des Adorásu (v.) et des Basmá (v.) par son premier fils
« Gaddalé » Ali, « Ali le Béni » ; ancêtre des Debné (v.) par son second
fils ámad « arák » ; ancêtre des Adáli de la « Godá des Songó » (v.) par
son troisième fils angallé.
Descendance d’Adâal
aɖál-Mâis
Adâal
Gulubkêna
Gallâmir
ADÁLI
Adáli d’origine. La métathèse est sans explication, mais certaine (v. les
Adáli de Têru, venus de Raaytó). Un petit groupe, dit « As-Adáli »,
compté avec les Asá Ablé, habite Biɖɖóli dans l’oued Maglé près de
Tadjoura. Distribution. 1. Adáli-k Maanɖíyta de úgub (entre les rivières
Gayssán et Kabbanâwa) ; 2. Adáli-k Darumá de Kkáy et à l’est de
Farré, qui sont des Dnitté de Tadjoura ; 3. Adáli de Nhó, ou Magénta (v.)
du groupe Ablé-k aysamlé (an lé Dába) ; 4. Adáli de Têru.
ADAËL
Usage administratif en Côte française des Somalis ; de l’arabe Adil,
pluriel arabe du nom afar (invariable) Adáli (v.). Après création de la
« circonscription administrative des territoires extérieurs, dite cercle des
Adals » (décret du 24 décembre 1930), l’arrêté du 28 janvier 1931 définit
trois cercles : Djibouti, Adaëls, Dikhil-Gobad. L’arrêté du 9 avril 1931 fixe
les limites des cercles et désigne Obock comme chef-lieu provisoire du
cercle des Adaëls. Le chef-lieu du cercle est ensuite fixé à Tadjoura (18
février 1932).
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ADAL
ADAL
1. Sources arabes. 2. Sources éthiopiennes. 3. Etymologie. 4. Toponymie.
1. Sources arabes. Sous la forme Adal, nom d’une entité (pour la première
fois chez al-Dimašq, voir p. 19), d’abord indépendante, puis soumise à
l’Ifat (Awft), dont elle devient une des « cités mères » (al-Umar : 8#9).
Les chefs successifs de l’Ifat, de la dynastie arabe des Walasma, après
avoir soumis l’Adal (1288), s’en déclareront les sultans. Suivant la
chronologie établie par Cerulli (1931), du XIIIe siècle à 1519, les Walasma
sont sultans de l’Ifat et de l’Adal. Les coalitions qui se forment sont
dirigées par des Walasma, mais aussi par d’autres chefs, dont un certain
cadi 'li, venu du Harar ou de Zeyla, qui dirigera celle de 1333 qui
impliquera des « Harla » (v. Harálla). La mort du sultan aqq ad-Dn
(1386) dans une grande bataille au Choa, puis de son frère Saad ad-Dn
(1415) poursuivi jusque dans l’île de Zeyla par le roi d’Ethiopie, signent la
perte de la rive gauche de l’Awash. Ses fils se réfugient au Yémen, tandis
que l’Ifat disparaît. Le barr Saad ad-Dn, « pays de Saad ad-Dn »,
apparaît dans les chroniques arabes, en souvenir de sa mort héroïque. C’est
toutefois le nom d’Adal qui reste en usage chez les Ethiopiens puisque la
dynastie Walasma continue. Revenus d’exil en 1416, ses fils s’installent, à
partir de 1435, près de Harar, à Dakkar, avec le titre de « sultans d’Adal »,
et non plus de « sultans d’Ifat », zone désormais perdue. Ce faisant, les
Walasma vont respecter l’autonomie de la cité et de ses émirs et échapper
aux incursions éthiopiennes. De 1519 à 1531, le sultanat partage le pouvoir
avec ces émirs, ceux de Harar et ceux de Zeyla, qui sont Baláw (v.). De
1531 à 1567, le sultanat devient un imamat, avec Amed Ibrhm « Grañ »
(v.). Après sa mort (1543), sa première épouse, Dlé-wn-baɖá (v.), qui
porte un nom afar, promettra le mariage à son successeur, Nr b. al-
Muhid, neveu de son défunt mari. Une période de troubles (1567-1576)
voit l’alternance des émirs et des sultans, ce qui entraîne le départ vers
l’Áwsa (v.) de l’imam Maḥammad b. Ibrhm-Gsa. De 1577 à 1600,
l’Áwsa (v.) est aux mains de la famille d’Amed « Grañ » ou d’émirs
arabes. A partir de 1600, les Dardrá (v.) les remplacent. 2. Sources
éthiopiennes. Dans la chronique de Amdä 'əyon (1314-1344), Adl
() désigne la même principauté musulmane en conflit avec l’Ifat. Mais
l’Adal est nettement différencié de ce dernier et souvent associé à Mra.
Après avoir défait le chef de l’Ifat, 'abr ad-Dn, et l’avoir remplacé par
aml ad-Dn, le roi éthiopien Amdä 'əyon « entre de force dans ce grand
pays que l’on nomme Adal où les autres rois n’avaient pas pénétré »
(Perruchon, 1889 : 135). Au milieu du XVe siècle, la chronique éthiopienne
(Perruchon, 1893 : 131) confère le nom de « roi d’Adal » au chef de cet
Etat (avec pour capitale Dakkar, près de Harar), héritier de l’Ifat ; ce,
jusqu’au XVIIe siècle, pendant toute la période de conflits armés avec
l’Ethiopie chrétienne. II existe une mention secondaire de Marco Polo
(1295) qui confond Adal et Aden. Ultérieurement, Adl va constamment
désigner les Afars ― et les Afars exclusivement ― dans la tradition
éthiopienne, voir l’awraa « Adl, Issa, Gra-Guraa », nom d’un district
de la province du Harärgé jusqu’en 1975, où voisinent Afars, Somalis Issas
42
ADAL
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ADÁRI
ADÁRI
Nom en afar de la ville de Harar, sans doute repris de l’oromo. Désigne
métaphoriquement « le gouvernement éthiopien », l’« Ethiopie » au sens
large (D.M., 1991 : 76, 129, n. 90) : dabá tengeyyêh Adáril / Nugsá
tengeyyêh ni Kalól « Des cultivateurs d’Ethiopie se mettront en route pour
nous aider / Les chefs de la Kaló interviendront. » Survivance de l’époque
où Harar et Áwsa étaient inclus dans le territoire de l’Adal, un certain
44
AD‘ÁLI-K SĒKÁ
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AD‘ÁLLOM
AD‘ÁLLOM
Etym. *Adali lon « ceux qui ont (en commun d’être) d’Adáli ». 1. Titre
des sultans de Tadjoura et Raaytó (v.). Pl. adallmá. Le titre apparaît
dans la chronique du cheikh ln à propos des événements de 1784 en
Áwsa (v.). Il figure dès 1690 dans la généalogie des sultans de Raaytó.
Var. adállum, sans rapport avec állum « vautour Néophron » (Parker,
1985 : 30). 2. Adallóm-dbá (ou Dabbá) « le col des sultans (de
Tadjoura) », au débouché de l’oued Maglé.
ADDALEGÚB
Etym. addá le gub « camp profond ». Derrière Gargôri, au nord-est de
l’Áwsa. Résidence du sultan Maámmad « Illálta » où fut signée, le 15
mars 1883, avec le comte Pietro Antonelli (1853-1901), au nom de l’Italie,
la « convention d’amitié et de commerce de Hadelè Gubò ». Parti d’Assab,
le 10 janvier 1883, après être passé par Meɖgebɖá, Antonelli atteint
l’Áwsa, puis le Choa, et revient par la même voie, après la signature d’un
accord semblable avec Ménélik (le 22 mai 1883). La convention de 1883
avec le sultan d’Awsa est transformée en traité de protectorat, le 9
décembre 1888, ratifié le 13 novembre 1889.
S : HL (in D.M., 1991 : 33). L : la notice de Puglisi (1952 : 18-19) sur Antonelli est plus
complète que celle de Marco Lenci (EA, I : 283) ; Lupi (2008 : 663-664).
ADDÔKUM
Egalement Addûkum. Tribu à laquelle appartenait Maammadé qui
conduisit la défense de Tadjoura (v.) lors du pillage et de l’incendie de
1866 par les forces de l’Áwsa. Ce Maammadé était le père de la mère de
Maammadé b. úmmed, chef des Datá Ablé. V. Magán, Mayrádi.
S : HL (in D.M., 1997 : 36) ; D.M. / Maammadé b. úmmed.
« AD SALEH »
Terme choisi par Pollera et Odorizzi pour désigner les Somalis (v.) afarisés
installés dans les îles du Bôri-k baddí máru « le cercle de la mer de Bôri »
(v.). En 1887, le chef de Baká est un Somali, cheikh Sla b. Ámad qui a
compétence sur les îles voisines.
S : Odorizzi (1911 : 249-50) ; Pollera (1935 : 255).
AÐAYTÁ
Selon la légende, Aɖaytá, l’ancêtre des Mafâ et des Gallá (v.), aurait été
un « Galla » (v.) captif des Ayrolassó, les aînés des Adáli. Sa tombe à
Aɖaytá-k kábri (aussi Aɖaytá-k masgíd) est située au nord de la plaine de
Gaggadé. Péri (1938) conteste qu’il fût l’ancêtre des Mafâ, cette tribu étant
soumise aux Songó (v.) avant la venue de aɖal-Mâis. Le souvenir des
exploits guerriers d’Aɖaytá a été conservé. Légende. On rapporte qu’il fut
blessé au ventre dans un combat avec un « Galla » (v.) qui lui avait dit :
Gurúl tábtu, bus koh « essaie de t’approcher de ma vache Gurú (grosse
comme un rhinocéros gurú), je te transperce ». Aɖaytá fut vainqueur.
L’incident donna naissance au nom de la localité de Gorabous (Gurú-b
bús). Les intestins à vif, Aɖaytá se lia le ventre au moyen d’une bande
d’étoffe (br) qui rendait sa blessure invisible. Les Afars qu’il commandait
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AFAMBÓ
Descendance d’Aɖaytá
Aɖaytá
Aɖkál Mafáy
Goytamáli
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AF‘ARÁ
AF‘ARÁ
Tribu Asahyammára descendant de Môday le Arbâhim (v.), d’abord
nomade vers Têru et vers Dalí Dbá, au sud de Baylûl ; puis sédentaire à
Ðagaddó et à Baylûl où elle a supplanté les Dankáli Fdiltó, branche
héritière du royaume dont elle porte le nom connu dès le XVe siècle.
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AF‘ARÁ
Arbâhim
« Datá » Mômin
Afaráytu (Afarár)
Arbâhim
Orrosó
Quddallá
Mmináytu
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AFBÊḤA
AFBÊḤA
Var. afbíḥa, Nord (f.) afbḥá, afbḥá. Parents à plaisanterie (litt. *afti biḥa
« pudeur orale »). Sing. afbḥáytu, affeḥáytu. Relations de réciprocité
marquées par la familiarité et l’absence de préjudice correspondant à ce que
l’ethnologie appelle « parenté à plaisanterie ». L’état d’afbánnu impose
quatre devoirs (énumérés ci-après en orthographe afare). 1. Donner tout ce
que le parent à plaisanterie demande (usuk faxinnaanim kaah abta) ; 2. Ne
pas se quereller jusqu’au sang (afbeecayti qabal ma meqe) ; 3. Ne pas
l’insulter autrement que pour plaisanter (furgatah xagtaanah nummah ma
xagtan) ; deux parents à plaisanterie ne se fâchent pas quand ils s’insultent
(afbeeca xagot ittak ma certa, prov.) ; 4. Ne pas se fâcher durablement
(kaxxa naqabu ma tanqiba). Un homme, afbáytu d’un autre, peut lui
« emprunter » ce qui lui plaît. Le mariage entre parents à plaisanterie est
généralement interdit. « Asá » Gaás, ancêtre des Dammohoytá Gaassó de
Bôri, et « Asá » Dawúd, ancêtre des Asá Waddó étaient nangalta (fils de
deux sœurs), d’où leur afbánnu passée en proverbe : Dammohoytaa kee
Waddo, afbeeca ; afbeecah yeneenik, titta xaafaanah « Dammohoyta et
Waddo sont parents à plaisanterie, ils peuvent donc s’injurier ». Celui qui
transgresse ces règles se voit accablé de malheurs : numma nangali koh
warsaah, buta afbeecayti koh warsa « ton cousin te dit la vérité, ton afbêa
te dit ton mauvais œil ». Quand ceux-ci se produiront, le fautif en conclura :
afbeecayti yoo yiqintireh « mon parent à plaisanterie m’a maudit ».
J’appelle yabsúma « mon neveu » les enfants des filles de la tribu afbêa de
la mienne. Ceux-ci m’appellent yábu « oncle maternel ». La parenté est
présentée sous la forme généralement de binômes dont la formation est
souvent inconnue. Pratiquement toutes les tribus sont afbêa d’une ou
plusieurs autres. Deux tribus peuvent l’être d’une troisième sans l’être entre
elles deux. Elle peut concerner des tribus localisées ou des groupes
territoriaux de large extension. Exemples de tribus afbêa : 1. Ablé et
Adáli, dont arká-m mlá et Ayrolassó. 2. Ulutó et Addôkum. 3. Mafâ et
sbá. 4. Adáli et Addôkum. 5. Adáli, Balawtá et Bollí buɖá. 6.
Maanɖíyta et Dhí-m mlá. 7. Mdaytó, Gambél et Ulutó. 8. Ulutó et
Gáldod. 9. Badoytá-m mlá et Maanɖíyta. 10. Abná, Dúna et Maanɖíyta.
11. ádo (Sahos), Gannintó, Dhí-m mlá, Anklá, Maanɖíyta, Misgidí.
12. aysamlé, Waddó, aysantó, Gidintó, Dammohoytá. 13. aysantó et
Mdîma. 14. Nassár et Muhtó. 15. Naggartó, As-Mmintó, Dankáli. Les
Dúlum (v.) sont sans afbêa. Les récits légendaires qui expliquent l’origine
de l’afbánnu entre deux tribus montrent sa complémentarité avec
l’alliance matrimoniale (ballís). Les Badoytá-m mlá sont parents à
plaisanterie des Maanɖíyta et absá « neveux par les femmes », des Ablé,
puisque formés d’éléments agrégés à la suite du mariage de l’ancêtre
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AFTÁL
Badoytá avec la soeur de l’ancêtre des Ablé (v.). Dans le cas des Adáli,
Balawtá (v.) et Bollí buɖá, l’afbánnu a une origine directement politique.
Dans deux cas au moins, elle concerne des populations étrangères : les Issas
Horrné sont afbêa des Faditté. Elle a aussi concerné les Somalis Éli,
rattachés aux Gadabbrsi, et les Adáli (« Odaáli » en somali) qui, dit-on,
contractèrent une alliance (way sadqisteen).
AFÐĒRÁ-B BAD
Le lac « à la longue pointe (af ɖrá) », situé à 140 mètres au-dessous du
niveau de la mer, en pays Ðoɖóm (v. Giulietti). Afɖrá est le nom du mont
immédiatement au sud du lac. La forme « Egogi » par laquelle Nesbitt
(1934 : 394-396) désigne le lac Afɖrá n’a pu être confirmée. On la
retrouve sur la carte italienne de 1936. Peut-être, mais ce serait quoi qu’il
en soit un usage marginal, l’explorateur italien a-t-il entendu aggóli « qui
contient peu de liquide » (aggó). La découverte du lac a été revendiquée
par Franchetti, Vinassa de Regny et Nesbitt (cf. Luca Lupi, 2009 : 1099-
1104 ; 1105-1110).
L : Carta dell’Africa Orientale Italiana (1936, feuille 8).
AFFARÁ ÁWDI
« Les quatre enclos ». Groupement de tribus du Songó-g Godá incluant
Darumá, Ayrolassó, Mafâ, Garaysá, Gittrissó. Cette gestion commune du
pâturage délimité par des murettes est héritée des Songó (Chailley, 1980 :
74). D’autres tribus ou fractions s’allient à quatre. Chez les Debné : les
arká-m mlá, Ankáli, Ayrolassó et Garaysá. Chez les Adorásu : les
Mirgantó, Umartó, Fditté et aysamlé. Dans chacun de ces
groupements à quatre, ont existé des fimá, généralement deux, l’une
composée des jeunes, l’autre des adultes. Chez les Adorásu, les fimá-t
abbá étaient choisis, l’un parmi les Mirgantó, l’autre parmi les Umartó.
Chez les Songó-g Godá, les chefs des deux fimá étaient pris parmi les
Adáli : Awekála « ceux qui ne reculent pas » (les aînés), aussi appelée
kaɖɖá fimá, et Đnekála « qui ne s’endorment pas » (unɖá fimá).
AFKÁÐÐA ÁSAN
Dit « Kaɖɖá » Afkáɖɖa. De tribu Ayrolassó, Afkáɖɖa b. ásan est un des
principaux codificateurs de la madá (v.). Egalement combattant, il a
participé à l’expédition menée par un contingent yéménite en Áwsa (v.) qui
se heurta aux Mdaytó et aux Gallá en 1784-1785 (voir Annexe II,
Chronique de l’Awsa, p. 396, parag. 10). Ses fils sont les Afkaɖɖitté. Il
possède une descendance chez les Oromos où il allait rendre la justice.
S : HHL (Naw.)
Afké-k Madá v. Baḥrá Kadá
AFTÁL
Egalement Aftáli. Nom afar de Zeyla, forme identique à celle en harari.
L’autre forme, Awtál, semble ne pas se confondre avec la ville de Zeyla,
mais plutôt correspondre au « pays de Zeyla », que jouxtait au sud-est la
privince de Sm, commandée par les Balaw (v.). Áwdal, nom de Zeyla en
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AGRÁF
AGRÁF
Etym. *agrí af « le débouché du brave ». Au bas de l’oued Maglé, à
l’ouest de Tadjoura, lieu d’un incident, le 17 avril 1928, quand des soldats
de la Milice indigène, revenant de la corvée de bois à Ikkiytá, essuyèrent
les tirs d’un groupe afar commandé par Maámmad « ró » b. Seém
(Adáli Dnitté).
AḤMED « GRAÑ »
1. Origine ethnique. 2. Parentèle.
Amed b. Ibrhm « alz » (1506-1543). Connu sous le sobriquet de
« Grañ », le Gaucher (amh. Ahmäd graññ), l’imam et chef de guerre de
l’Adal (v.), dont les raids dévastateurs (1527-1543) faillirent emporter
l’Ethiopie chrétienne, intéresse l’histoire afare à deux titres : son origine
ethnique et sa parentèle. 1. Origine ethnique. La question de l’origine
d’Amed « Grañ » s’est trouvée reposée par l’historiographie anglaise,
singulièrement par Lewis et Huntingford, lequel a fait du chef de l’Adal
« a Somali leader » (Huntingford, 1955 : 19). Si l’on interroge les sources
incontestables, soit celles antérieures à la formation du nationalisme
somalien, on peut rétablir les faits suivants. Suivant le Fut al-abaa
(trad. Basset : 255), Amed « Grañ » était d’origine Balaw (v.). C’était
donc un Bedja arabisé. Il appartenait, dit le texte, à un groupe descendu du
Tigré « au temps de Saad ad-Dn » au XIVe siècle. Cette mention de son
origine géographique et tribale doit être tenue pour la seule fiable. Elle
annule toutes les interprétations postérieures1. Deux remarques peuvent être
faites à propos de ce sobriquet de « gaucher ». La première est qu’il est
d’origine éthiopienne (voir la chronique traduite par Conti Rossini en
1894). Le caractère apocryphe de la forme somalie Amed-Guray,
« Amed-Gaucher » ressort de l’analyse grammaticale en étant le décalque
de la forme adjectivée éthiopienne Amäd-Graññ. En outre, dans la
chronique arabe (Basset, ibid. : 72), le surnom de gaucher n’est pas donné à
l’imam, mais à un Somali Habar Magdi, homonyme de l’imam, Amed
« Guray » b. usayn al-mli. Dans sa communication à la première
1. Souvent fondées sur des textes apocryphes ou remaniés, comme cette édition du Fut
al-abaa, publiée au Caire vers 1970, et expurgée des mentions dépréciatives à
l’endroit des Somalis qui figurent dans l’édition originale de Basset (1897), la seule qui
fasse référence.
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AḤMED « GRAÑ »
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AKÁDAR MAKĀNÓ
AKÁDAR MAKĀNÓ
Ancêtre des Makâni, Akádar ou, pour les arabisés, Aádar, est enterré à
Awán (v.) dans la péninsule de Bôri. Les Makâni se sont dispersés à Bté,
en Erythrée à Bôri, Baylûl, Keren et Agordat.
ALALÓ
Tribu Asahyammára du Dôbi et d’Aygāúrri près de Iddeytá. Les Alaló se
rattachent au cinquième fils d’Amáysi (v.) avec deux lignages : Asāgíru et
Sek-Alitté. Ils sont comptés dans la chefferie Lubak-Kubó-k Mdaytó avec
des éléments Darumá, Ulutó, Mādīmá. Des Alaló sont présents chez les
Arabtá de Saá et les Damblá-k Mdaytó du Kaló ; avec les Magentá. La
seconde femme du sultan Maámmad « Illálta » (v.), Fātumá, était Alaló.
ALAYTÓ
Tribu d’origine Badoytá-m mlá Adohyammára venue de la région de Adó
Alé, près d’Assab. Présente en Áwsa, parmi les Arabtá-k Asabbakári
(Asahyammára), auxquels elle paie une redevance pour le pâturage.
Alḥissó v. Ayfaraḥ
ALSILŌWÓ
1. Calendrier solaire. 2. Calendrier luni-stellaire.
« Calendrier », litt. compte (lwó) de mois (alsí). Le nom álsa « mois », pl.
alsitté, est opposable à alsá « la lune ». En se fondant prioritairement sur le
compte des mois, il ne semble pas que les Afars aient connu la division du
Temps en semaines antérieurement à l’islam. En outre, pour une population
majoritairement pastorale, la saison des pluies (karmá) étant l’événement
majeur de l’année (arabo-afar sanát ; afar liggidá, de *l-h gidá « quantité
d’eau »), c’est à l’observation de ces dernières — et trop souvent leur
absence — qu’est associé le compte des années et la remémoration des
événements principaux, dont la naissance et la mort. L’emprunt arabe
dabán (zamn) « temps » connote l’idée de disette, v. Amána. Les noms
des jours et celui de la semaine (áyyam) sont empruntés à l’arabe. Malinó
« les Sept » ne semble être le nom de la semaine que depuis peu et désigne
normalement la Grande Ourse. Áyyam « la semaine » a, par ailleurs, un
sens plus restreint, dénommant certains jours néfastes (umá’yyam) qui
varient suivant les tribus et l’objet de la superstition, ainsi que les Faraôn
konóy « les cinq jours de Pharaon », à la fin de chaque mois, pendant
lesquels il est conseillé de ne prendre aucune initiative. L’origine de cette
croyance est inconnue. Elle rappelle celle des Anciens Romains reportant
aux calendes (au début du mois) le paiement des dettes et salaires.
Indépendamment des mois, la seule division que les Afars ont utilisée est
celle du jour, dont le début, à l’origine du moins, était fixé à midi (cf. sâku
« jour » et « matin » ; et, dans les salutations, dès que le soleil est passé au
zénith, l’emploi de nagassê « comment as-tu passé la journée : comment
vas-tu ? »). La diffusion de l’islam a naturellement tendu à faire coïncider
le début du jour et le marib. Les Afars combinent plusieurs systèmes de
comput. On trouve dans leur calendrier : 1. un système stellaire, basé sur la
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ALSI-LŌWÓ
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ALSI-LŌWÓ
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ALSI-LŌWÓ
donnée par Dimis & Reedo, à la différence notable de leur mise en oeuvre,
fondée ici sur l’observation de la Lune et du lever héliaque de l’étoile Dírri
« l’Epi de la Vierge » ($ Virginis). Le calendrier traditionnel est ainsi luni-
stellaire. Le premier mois de l’année (inanáb) est le mois lunaire où est
observée la première conjonction Lune-Dírri suivie du lever héliaque de
l’étoile. La conjonction ayant lieu vers le 16 octobre pour l’ensemble du
pays afar, le lever héliaque sera visible vers le 26 octobre. Il existe ici une
divergence. Pour certains, la conjonction n’est valable que si elle a lieu la
26e ou 27e nuit d’une lunaison ; pour d’autres (cheikh ásan b. ámad-
Ladé), elle doit avoir lieu la 27e ou 28e nuit, c’est-à-dire, en pratique, être la
première conjonction observable après le lever héliaque. Pour les premiers,
quand le croissant du matin est très vague, il n’est pas tenu pour valable
(geɖok ma lowna « nous ne le comptons pas comme passé »). Le nom
maká désigne la non-apparition d’une étoile ou de la lune le matin ;
maká-b bílli est l’apparition d’un tout petit morceau de lune qui n’est pas
retenu dans le comput. Il résulte de ce désaccord la possibilité d’un
décalage d’un mois, de fin octobre à fin novembre, entre les tenants des
deux systèmes. Si la conjonction Lune-Dírri se produit vers le 27 du 13e
mois, celui-ci sera le premier mois de la nouvelle année. Si la conjonction
n’est pas valable, le 13e mois est rattaché à l’année écoulée, et la nouvelle
année commencera avec le mois suivant. On attendra néanmoins, pour être
sûr, que la conjonction ait été observée pour pouvoir dire : Dirrí alsá-l orbé
« Dírri est entré (en conjonction) avec la Lune ». Tant que la conjonction
qui détermine le début de l’année n’est pas validée, on suspend toute
entreprise, et en particulier le paiement des dettes. Quand la conjonction a
été observée et que « L’Epi a dépassé la Lune », alsá-k dirrí tatréh, on dit :
inanáb dirrí geɖéh « l’Epi de Inanáb est passé ». C’est le Premier Dírri.
C’est donc rétrospectivement que l’on constate que l’année a commencé.
Ainsi, en 1973, la conjonction Soleil-Dírri a eu lieu le 16 octobre ; la
nouvelle lune, le 26 octobre. La conjonction a été jugée non valable. Celle
du 25 novembre a été validée. C’est donc rétrospectivement que la période
du 27 octobre au 26 novembre a été déclarée « mois de Inanáb ».
L’expérience montre que la conjonction Lune-Dírri se produit dans les
derniers jours du mois lunaire qui suit cette date. La conjonction a lieu
chaque mois avec un décalage de 2, 20893 jours. La 13e conjonction étant
en retard de 0, 81450 jour, soit à peu près 1 jour sur le mois lunaire, si donc
la conjonction a eu lieu, une année, le 26 du mois lunaire, elle aura lieu le
27 l’année suivante, puis le 28, puis cessera d’être observable à cause de la
proximité du Soleil. En raison de ce décalage entre deux conjonctions
consécutives de la Lune avec la même étoile et l’année tropique (le retour
du Soleil au même point), le mois où la conjonction n’a pas été observée se
trouve annulé tous les trois ans, et l’année commence le mois suivant :
Dirrí koréh « Dírri est monté (passé) dans le mois suivant. » Le
réajustement se fait par prolongation du dernier mois, Ðimóli, jusqu’à
l’observation convenable du lever et de la conjonction de Dírri. Ce
calendrier luni-stellaire paraît exceptionnel et rappelle celui des Chaldéens
qui rattachaient les levers héliaques de deux ou trois étoiles à chaque mois.
57
ALSI-LŌWÓ
Quand ces levers tombaient dans un mois voisin, un mois intercalaire était
décrété par le roi pour rétablir la concordance entre comput solaire et
lunaire. On remarque que l’ancien calendrier harari, reprenant les noms du
calendrier zoroastrien, est fondé sur le lever héliaque de al-aww
(% & ' ( ) Virginis), fin octobre (Moktar, 1877). L’autre aspect remarquable
de ce système est la conception fixiste du Temps qui lui est sous-jacente :
c’est l’idée d’un perpétuel retour à un instant zéro correspondant au début
de l’année, ce que traduit l’expression : gatá alsittéh addát « dans les mois
qui (re)viennent ». Après la prise en compte des conjonctions de la Lune et
du lever héliaque de l’étoile l’Epi de la Vierge, viennent celles du Bélier,
des Pléiades et d’Orion, qui permettent de rattacher les mois au mouvement
du Soleil, base de répartition des pluies et des saisons. On considère
d’abord les sept premières conjonctions de Dírri avec la Lune. Ce sont les
« sept Dírri » (Maliná Dírri) qui ont lieu dans chacun des sept premiers
mois de l’année. Ils sont désignés par leur numéro d’ordre et couvrent la
période des pluies d’hiver et de printemps, soit l’ensemble de la saison
fraîche. Les sept (mois de) Dírri sont ceux où la conjonction est observée, à
un jour près, un 27, 25, 23, 20, 18, 16 et 13 du mois, la conjonction se
produisant, comme on l’a dit, avec un décalage de 2, 20893 jours par mois.
Quatorze jours après le septième Dírri, a lieu la conjonction Lune-Bélier
(Gurâlu). On dit que Gurâlu est le huitième Dírri, correspondant au mois
de Láan. La conjonction des Pléiades (Kaymá), le 20 mai, avec celle du
Bélier, signale, en outre, l’entrée dans la saison chaude. La première
conjonction Lune-Orion (Adála), après le lever héliaque de cette
constellation, a lieu en principe le 13 juin, huit mois lunaires après celle de
Dírri marquant le début de l’année. C’est le début du Karmá (juillet-
septembre).
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ALSI-LŌWÓ
59
AMÁNA
AMÁNA
« Disette », plus courte que dabán, différenciée de famine (úlul) et de
sécheresse (abár). Les grandes disettes sont synonymes d’année (v.
Karmá). Ces périodes cycliques portent des surnoms. Plusieurs disettes
peuvent avoir le même surnom. On ne connaît pas l’extension de ces
disettes qui concernent ici la région méridionale incluant l’Awsa et la
région de Djibouti (Naw.).
1808, l’hiver 1820-20, 1825-26 (h. 1241) : Ðokat-yakámi « mangeur de
geckos » (on mangea même les geckos).
60
AM‘ÁYSI
1836-37 (h. 1252) : Yi num hínna « chacun pour soi » ou « ce n’est pas un
des nôtres » (ce n’est pas à nous de l’enterrer, il y en a trop).
1848-49 (h. 1265) : Rré « en file, comme le sont les moutons », également
Ló rbé « expédié vers l’Est » (disette générale suivie d’un exode).
1861-62 (h. 1278) : Gob-kalé « boucliers sans propriétaires » : les hommes
moururent en nombre.
1886-87 (h. 1304) : nalé « tempête de sable ».
1922 (?) (h. 1341) : Sittat-koré « la grande mêlée », disette et incursion des
Waydarát (v.).
1927-28 (h. 1346) : nalé « tempête de sable ».
1930 (h. 1349) : Ubúlli « brouillard (sans pluie) ».
1933 (h. 1352) : aɖá yargíi « élagueuse d’arbres (pour nourrir les
bêtes) ».
1938 (h. 1357) : Agráli « porteuse de gale ».
1951-52 (h. 1371) : Kaɖɖá aánli « abondance d’anoures » (disette
consécutive à des inondations).
1953 (h. 1372) : Bûti sunkúlli « marmite sur l’épaule » (il y eut un exode).
1960-61 (h. 1380) : Inki-dáwli « un seul son (celui de la mort) ».
AMASÁ
Tribu ‘Adohyammára (v.). Áli b. Afkará, qui serait venu de la mer, serait le
père des Amasá, également appelés Afkará- Aliytó. Fractions : Nbbí,
ummayssá, elentó, Arbhintó, Datukkká, Abrantó. Distribution. 1.
Dans la région de Farré-Kkáy, avec les Adáli-k Darumá ; 2. Vers Erer
(v.), chez les Ablé-k aysamlé de anlé Dába ; 3. En Áwsa. V. Dúlum.
AMASIYTÓ
Tribu des pentes ouest du Kaɖɖá Gamárri et en Áwsa, dépendante du sultan
de l’Áwsa. Fractions principales : Asagurtó, Wadîma, Takíl.
AM‘ÁYSI
Egalement Amó-le-Áysi « à la tête couronnée » ou Amo-Ado-Áysi « au
cheveux blancs couverts d’herbe » (l’intronisation des chefs de guerre était
marquée par le rituel consistant à lui déposer une touffe d’herbe sur la tête.
Ce rituel est commun aux Somalis Issas). Il existe plusieurs récits
légendaires à son sujet (source HL). Première légende. Après sa prise du
pouvoir, aɖal-Mâis (v.) vint voir Amáysi à sa résidence près de
Gurgró. Il se trouvait assis sur un tumulus (hawwló), non loin de Banɖáy,
auprès de sa réserve d’or. aɖal-Mâis lui demanda son souhait. Amáysi
lui dit qu’il voulait acheter le pays compris entre :
1. Wagren-Wagartó (près du Msaálli).
2. Lokkóli-k-Mraytó (bas de l’oued Ramád, près de Higgiɖó).
3. Alálak Ebá (partie boisée du plateau d’Aylaádu, en haut de Sgó).
4. llama-k Fatá (vers la tête de l’oued Êllam, près de Kallaasa-Dô).
5. Dsó-l (ou Dó-l) Aleytá (Dorasá-h Amó, à L-g gurbó).
6. Inki-Wayɖeɖɖolé-Alaytó (emplacement inconnu, vers Hiyó).
7. Ðiɖɖíb Lhíh Dô (sur le Wimá, vers Sidá Mengelá).
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AM‘ÁYSI
Descendance d’Amáysi
Afkié
Umar
« Unɖá » Áli
Amáysi ! Ftumá
Alaytó Mafâ Kutublá Edderkaltó Askakmáli Lubák-Kubó Dbá-m mlá Alaló Baɖittó
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AMOLÉ
AMBABBÓ
Forme dérivée de ambbá lekké « là où les dattes mûres en vrac
abondent ». Transcrit Ayn Bb dans la copie arabe du Traité de Paris
(Rubenson, 1994 : 172). Village à quelques kilomètres à l’ouest de
Tadjoura. Aussi surnommé Unɖá Tagórri « Petit Tadjoura ». Arnoux en
part le 22 septembre 1874, reprenant la route de Rochet d’Héricourt,
quelque 30 ans après. En y passant (24 août 1880), Soleillet note que le
village est abandonné, tandis que Borelli (9 février 1886) n’y compte que
quatre huttes. Le site aurait été dépeuplé par les fièvres (1890 : 43). La
description qu’il en fait est surprenante au regard de ce que l’on peut
observer aujourd’hui (Borelli, 1890 : 43) : « Le sol est humide, les arbres
sont nombreux. Beaucoup de bétail. Les gommiers et les mimosas forment
de véritables forêts. » Selon Soleillet (1886b : 43), le village, entrepôt
caravanier et parc à esclaves, aurait été créé par wali Abdulqâdir, l’oncle
de Ab Bakr « Pacha » (v. asbá). D’autres sources attribuent cette
création au père de ce dernier, Arbâhim, mort au combat de Gáfu, en 1852
(v. Áwsa).
« AMFARI »
Egalement Amphari. Terme fréquent dans la littérature coloniale (cf.
Lagarde, Martini), pour désigner le sultan de l’Áwsa. Déformation de
anfaɖé « qui veut du lait », nom récurrent dans la famille des sultans
Aydissó (v.). Cet usage n’a pas disparu, voir Aubry (1988 : 30) qui écrit
Amphalé. Karim Rahem (2001 : 172) a introduit la graphie pittoresque
Honfray (« l’ancien sultan Ali Mirah Honfray »).
AMOLÉ
1. Etymologie. 2. Salines. 3. Sauniers.
Prononcé [amolye] en amharique et en tigrigna. Barre de sel gemme taillée
qui servait de monnaie en Ethiopie. Son commerce est attesté depuis le VIe
siècle ap. J.-C. (Cosmas Indicopleustès). Dans la plaine du Sel, à Adó
Ðagád (ɖagád désigne une étendue salée), les barres sont entourées de
feuilles de palmier ou de toile de jute pendant leur transport vers les hautes
terres, Mäqäle notamment. 1. Etymologie. Extraite sous la forme d’un
parallélépipède, puis fractionnée, la barre amolé « qui a une tête » renvoie à
la taille, à l’époque, d’un des côtés (amó lé asbó), « en ellipse » (Rochet,
1846 : 260) :
C’est à Aleyou-Amba que sont mises en circulation les pièces de sel qui servent
de monnaie dans le Choa ; elles sont taillées en ellipse, allongées, longues de
quatre à cinq pouces et de un pouce d’épaisseur. Elles ont dans le pays le nom
d’amouleh. Vingt amoulehs ont la valeur de 1 talaro de Marie-Thérèse, la seule
monnaie connue et reçue en Abyssinie où, à cause de son effigie, les naturels
l’appellent « la femme d’argent ».
Cette étymologie afare de l’amolé est passée sous silence par Pankhurst
(EA, I : 248-249). Franchetti qui traverse la dépression salée en mars 1929,
donne des précisions sur l’extraction du sel et sur la forme également
parallélépipédique des pièces de sel « entourées de feuilles de palmier pour
63
AMOLÉ
64
ANKĀLÁ
AMÓYTA
1. Chef supérieur (dérivé de amó « tête »). 2. Titre porté par les sultans
d’Áwsa (v.) et de Bíɖu (v.). Pl. amoytitté. Amóyta désigne un pouvoir
autocéphale doté d’une autonomie que n’a pas le rdántu délégué (v.). Il
existe un écart entre le point de vue dynastique (afar) et celui de
l’administration impériale. Dans le texte amharique de la proclamation le
destituant, le 10 avril 1944 / 2 Miyazia 1936, l’amóyta Maḥámmad b.
Yayyó (1927-1944) est seulement désigné par son titre honorifique
éthiopien de däğğazmač « commandant de la porte ». Il s’agit, dans la
titulature traditionnelle, d’un officier sous commandement d’un ras, en
l’occurrence le gouverneur de la province du Wällo, dont l’Áwsa est un
district (awrağa). Maḥámmad b. Yayyó est encore connu sous le nom de
« daddas Maḥámmad », de l’amharique däğğa , abréviation de däğğaz-
ma , quoiqu’il ne semble pas avoir reçu officiellement cette distinction.
Son petit-cousin, l’amóyta Ali-Miráḥ, que Haïlé Sellasié installe en 1944
avec la mission d’administrer (mastädadär) l’Áwsa, recevra également ce
titre de däğğazmač. Il sera ensuite élevé au grade également honorifique de
bitwäddäd.
S : D.M. (1999 : 19, 22, 100). L : Aramis Houmed Soule (2011 : 195) reproduit ce qu’il
appelle le « tract annonçant la nomination du sultan Ali-Miraḥ » et qui est en fait la
proclamation (awa) du 2 Miyazia 1936 « Au peuple de l’Awsa et aux chefs coutumiers ».
Amphilla v. afallé
ANKĀLÁ
Tribu ancienne. La mention d’Ibn Sad (XIIIe siècle) indiquant la présence
de « Dankal » des environs de Souakin au Bab el-Mandeb (cf. Introduction)
laisse planer une incertitude, en ne fournissant pas d’indice permettant de
dire s’il s’agissait, en l’espèce, des Dankáli (v.) ou des Anklá. Il faut noter
que Dankál en shó désigne les Afars. Antoine d’Abbadie (1890) indique
qu’Ankla et Dankla étaient deux frères. La liste de tribus donnée à
Reinisch par nugús Bilál (v.) commence par « Ankl k Dankla ». Sans
preuve aucune, Thompson et Adloff (1968 : 4) affirment que les Ankla
ajoutèrent un d à leur nom. Etymologie. Du point de vue morphologique,
Anklá apparaît comme un pluriel possible de Ankáli, comme *Dankla
serait celui de Dankáli. Le nom Anklá / Ankáli semble contenir la racine
« un » (afar enék). Distribution. Les Anklá sont représentés à Bôri (v.),
Asáb (v.), et sous le nom Ankáli, parmi les Debné (v.). Une présence
Anklá est recensée à Dahlak (v.). Légende. Avant d’être repoussés par
65
ANKĀLÁ DE ‘ASÁB
ANKĀLÁ DE ‘ASÁB
Les généalogies des chefs Anklá de Asáb (et d’une façon générale de tous
les Anklá) s’accordent pour faire d’Ab ,lib, l’oncle du Prophète de
l’islam, l’ancêtre apical, tout en revendiquant, comme les autres Anklá,
une origine perse (v. Fúrsi). A cette discordance, s’ajoute le fait que le lien
entre la branche actuelle de Asáb et les Anklá exterminés par « Gibdí »
ámad avant la création du sultanat de Raaytó (v.) n’est pas clairement
établi. Úmar b. Gafar al-,ayyr pourrait être le légendaire Dingâi
Yakámi (v.). Pour la période non légendaire, soit depuis le XIXe siècle, le
tableau ci-contre permet de situer le chef Anklá de Byyá, Abdallah b.
Seém b. i Úmar b. Arbhintá, auquel les Italiens font référence
comme le « sultan de Byyá », bien qu’il n’y ait pas eu de sultanat à
proprement parler. A la même sous-fraction, continuent d’appartenir les
chefs Anklá de Asáb (numérotés de 3 à 6), dont Maámmad b. Abdálla b.
Úmar dans les années 1970. On identifie aussi les frères ásan et
Arbâhim b. ámad b. « Kaɖɖá » Seém, vendeurs de Luma à Sapeto (15
novembre 1869) et Abdalla b. Seḥém, le signataire du contrat du 11 mars
66
ANKĀLÁ DE BÔRI
Gafar al-,ayyr
?
Úmar
Kâsim
ilal
Seém
Maámmad
ANKĀLÁ DE BÔRI
Les Anklá de la péninsule de Bôri sont sans doute la branche la plus
ancienne. Les Anklá ont également des chefs à Dahlak (v.). Ils ont été
évincés du pouvoir, à la suite de la pénétration des Dammohoytá (v.) dans
la péninsule au XIXe siècle. La généalogie des Anklá de Bôri indique une
fraction issue de Ilyos, petit-fils de « Kaɖɖá » Seém, installée sur le
plateau érythréen, et qui compte quelques chrétiens. Ce changement de
religion comme la diversité des lignages caractérise cette partie de
l’Erythrée. Cette émigration vers les hautes terres ferait suite à une guerre
que mena « Kaɖɖá » Seém contre des chrétiens du Tigré (« Amartá ») et
au cours de laquelle il fut tué à Awán (v.), alors qu’il se baignait dans une
mare (atá). Ses frères l’enterrèrent au lieu-dit nugús rabeyná. L’emprunt
nugús devenu le titre des fractions au pouvoir à Bôri comme celui de šum,
indiquent l’adoption de la titulature éthiopienne par des notables, alliés aux
chefs chrétiens des hautes terres, contre la présence turque, puis égyptienne
sur la côte.
67
ANKĀLÁ DE BÔRI
Idrís
La généalogie est centrée sur les fractions régnantes à Bôri. Elle donne
notamment la filiation de l’informateur de Leo Reinisch pendant son séjour
à Massawa (novembre 1875-mars 1876), nugús Bilál (v.) b. « Asá nugús »
Gídar. Nugús Mustafa serait le « jeune frère » (en fait neveu) de nugús
Bilál qui lui aurait succédé après que ce dernier eut été frappé de cécité et
mis dans l’obligation de renoncer au pouvoir. Nugús Gídar était chef en
1890 à l’époque italienne, remplacé par son fils, šum Gâbir en 1910. Puglisi
mentionne dans la fraction issue de « Unɖá » Gídar, Kâmil b. ilál (d. en
1822), grand connaisseur de la coutume. A partir de la date de la
transaction menée par Sapeto avec Abdallah b. Seém pour l’acquisition
du site de la future Assab (1869), en supposant que ce chef Anklá
appartenait à la génération née dans les années 1840, on peut proposer la
périodisation ci-contre, qui situe le premier ancêtre Anklá au milieu du
XIIIe siècle. Cette chronologie qui reste hypothétique s’accorde toutefois
avec la périodisation qui ressort de la généalogie des Adáli. Celle des
Anklá de Bôri qui ne revendiquent pas une origine koréichite, à la
différence de la branche d’Assab, confirme le XIIIe siècle comme l’horizon
de l’histoire afare. Le titre de dardár « sultan », conféré à Ankáli Ali,
indique l’existence d’un pouvoir Anklá structuré à Bôri à la fin du XIVe
siècle. Vers 1630, naît Gabrerrí Gidár, soit Gidár « de Gabrérru », du nom
de l’oued devenu son lieu de sépulture, qui a donné lieu à un pèlerinage. Le
cours du Gabrérru est perpendiculaire à la plaine côtière d’Afdirá en
direction de Bitá, au nord de rs Kasár. L’emplacement de cette tombe
68
ANKĀLÁ DE BÔRI
1270 úmmad
1300 ámmadu
1330 úmmad
1360 ámmadu
1420 Maámmad
1510 Mismár
1540 Ayfará
1570 Tubaheléyta
S : Chedeville / Idrís b. Maámmad b. Bilál ; D.M. (1999 : 21-22 ; 261) ; Odorizzi (1911) ;
Puglisi (1952 : 175), qui cite (ibid. : 269) Šeḥém b. Kâmil (c. 1830-1890) « Sirraybēté [le
mangeur de blé] », de lignage allaytó, frère de Maámmad b. Kâmil (ci-dessus).
69
ANKÁLI
ANKÁLI
Fractions d’origine Anklá réparties parmi les Debné du Gōbaád (v.), les
Garrōní de Tadjoura (v.) ; à Baádu (v.), dans la chefferie Madîma-k
Msará ; parmi les Debné du sud, Sidá buɖá. Fractions principales du
Gōbaád : Datá et As amaddó, Almmá. La raison du passage d’Anklá
à Ankáli, qui ressemble à celui d’un pluriel à un singulier, n’est pas connu.
Antonelli v. Intinōlé
ARBÂHIM ḤANFAÐÉ
Arbâhim b. anfaɖé b. Looytá, dit « Ibrâhim-Balâla » (c. 1875-1962),
Ibrâhim l’Hésitant, qui ne décide pas (du verbe balal « échouer dans ses
projets »). Le surnom, sans explication précise, contraste avec la réputation
du personnage. Debné Arbhintó (v.), frère de ásan-Dîmu b. anfaɖé b.
Looytá (v. Dikhil), il est nommé « akkel » (v. makâban) des Debné en
1930, ayant pris part à la réconciliation entre sa tribu et l’administration
après les incidents de fin mars avec les Gallá (v. Dikhil). Il est, avec son
cousin i Ali, l’une des personnalités influentes parmi les Debné du
Gbaád, et l’un des interlocuteurs écoutés du poste de Dikhil dans ses
relations avec l’Áwsa, comme avec les Issas. Son nom a été donné à un
dispensaire de Djibouti.
S : HHL (Naw.) ; HL (in D.M., 1991 : 132).
ARBĀHINTÓ
Lignage des sultans Debné arká-m mlá (v.), descendant d’Arbâhim
« Gonná », fils de Ali, fils d’Ádan « Gúra ». Famille prépondérante du
Gbaád, mais aussi influente dans la région de Tadjoura et Obock,
originaire de l’oued Debné dans le Dadár, au nord de Tadjoura. L’ancêtre
ámad « Surús » est enterré à Obock.
Arbâhim « Gonná »
ámad « Surús »
2 (?)
1. Arbâhim « Gná »
3. Looytá Áli
70
ARBĀHINTÓ
71
ARDUKÔBA
ARDUKÔBA
Toponyme sur la piste joignant Tadjoura au Choa (v.), au voisinage du lac
Asál (v.). Le nom a été choisi par Haroun Tazieff pour nommer le volcan
« Ardoukoba » entré en éruption à environ 1800 mètres au nord-ouest, en
novembre 1978. Le lieu de formation du cratère est situé à Mandá (en afar
« lave », indiquant l’existence d’éruptions antérieures). Le nom de la piste
(et du volcan) ardukôba (un seul accent) est la nominalisation de árduk bá
« il descend en courant » (la piste étant en pente sur le tronçon concerné).
L : Le Monde (éd. du 22 novembre 1978, qui indique une étymologie approximative).
ARNOUX
La tentative d’implantation commerciale de Pierre Arnoux fait partie de
l’histoire des débuts de la colonisation française. Niçois d’origine, après un
séjour en Algérie (1858-1861), Arnoux vient à Alexandrie (1867), puis
passe deux ans en Ethiopie (1874-1876), avec un projet d’alliance politique
et militaire avec Ménélik, qui demeurera sans suite. Arnoux est réputé être
le premier commerçant à s’être installé à Obock en mai ou juin 1881.
Associé à Denis de Rivoyre, sa mort, le 8 mars 1882, met fin à la
Compagnie franco-éthiopienne. Deux missions de la Marine échoueront à
établir avec précision les responsabilités de son meurtre. Il existe en fait
plusieurs récits des circonstances de ce dernier dont celui de Marc Fontrier
(2003 : 185) à partir des archives françaises :
Un incident dramatique manque cependant de remettre en cause l’existence
même de la petite colonie. Arnoux pour se protéger des larcins des Afar fait
normalement garder sa factorerie. Une nuit de la fin décembre 1881, cinq
voleurs sont surpris. L’un d’eux est tué à coups de fusil. Les colons entrent
alors dans le cycle infernal de la vandetta. Le caractère intraitable d’Arnoux
envenime suffisamment l’affaire pour que le gouvernement français
s’émeuve de la chose car, sans arrangement, la petite communauté va à une
mort certaine. La plupart de ses membres le sentent bien qui, dans le
courant du mois de janvier 1882, préfèrent à nouveau chercher refuge à
Aden. Le commandant de l’aviso le Bisson dépêché à Obock reçoit pour
mission de convaincre la Compagnie Franco-éthiopienne de verser une
indemnité. Non seulement Arnoux se fait tirer l’oreille et refuse d’acquitter
le prix du sang [af. bîlu] mais la visite du chef afar chargé de régler le
différend donne lieu à une réception particulièrement hostile. Sortant de
chez lui peu de temps après une ultime algarade, le 3 mars, le Français est
abattu à coups de lance. L’enquête française ne manque pas de discerner le
caractère ambigu de la situation, aussi les deux Afar arrêtés sont-ils
condamnés à mort mais aussitôt graciés afin d’éviter de nouvelles
représailles (…).
DEUXIEME RECIT. Arnoux a tué ámad b. Ali « Kabir », gardien de son
magasin, qu’il accusait de vol. Le meurtre a eu lieu le 14 décembre 1881.
La victime, de tribu Tákil (fraction Seém-sárra), a été vengée par ásan
b. Áli-Dbáli (nom de sa mère), également de fraction Seém-sárra. Les
Français ont exigé que le meurtrier leur soit livré, ce que les Adáli
d’Obock et les asbá (ceux-ci formant avec les Tákil la chefferie Kná
72
ARNOUX
líh Buɖá) ont accepté. Mais Áli b. Warkí, (Badoytá-m mlá, Aydamní)
s’interposa en déclarant : « Ne le livrez pas, je paierai la diya pour lui. » On
accepta ce règlement, et les quelques Français présents à Obock auraient
reçu 100 chamelles. Les asbá, en charge des affaires judiciaires,
invoquèrent la coutume qui voulait que pour un homme tué par arme à feu
on paie deux diya. Les Français remirent une peau de chèvre (galbó)
« pleine de thalers » aux Adáli. Áli b. Warkí préleva un thaler « pour
acheter du tabac » ; le reste fut redistribué aux Tákil. Dans ce récit, au
meurtre répond la vengeance légale (ané), puis un règlement financier
vient éteindre le trouble à l’ordre public. TROISIEME RECIT. Le meurtrier est
Ali « Kabir », père de celui désigné précédemment. Le motif est le même :
Arnoux, excédé par les vols dans son magasin, avait donné l’ordre au
gardien de tuer les voleurs qu’il surprendrait (ce qui incidemment montre
l’ignorance d’Arnoux du code pénal afar). Mais un jour, Arnoux surprit en
flagrant délit son gardien, en train de passer des marchandises par la fenêtre
à des complices. Arnoux tua ámad b. Ali « Kabir » et cacha son cadavre
sous un tas de bois. Les gens enfoncèrent la porte et prirent le cadavre
qu’ils enterrèrent. Dans un premier temps, les Tákil ne voulurent ni
vengeance (ané) ni compensation (diya). Puis, un complot se forma.
Quatre hommes s’embusquèrent sur le chemin du port où devait passer
Arnoux, et Ali « Kabir » le tua. Les Adáli furent en faveur d’une expulsion
des responsables Tákil pour échapper aux représailles, mais la population
d’Obock refusa cette hypothèse. Les Tákil furent disculpés quand on
déclara que, dans le groupe des quatre, le meurtrier et seul responsable,
était un aysmale, Áli « Inti-Asó » b. Kâmil, ainsi surnommé parce
qu’il était borgne. Les aysmalé n’étant pas comptés dans la chefferie
Tákil, l’affaire en resta là. VERSION DE SOLEILLET. Paul Soleillet (v.) a
recueilli d’un Arabe une autre version du meurtre (1886a : 26). Ce sont
trois hommes qui tuent Arnoux « en fort mauvais termes avec les
indigènes ».
Vers les trois heures, M. Arnoux sortait de chez lui en bras de chemise, coiffé
de son casque et fumant son cigare. Il descendit la rampe et s’arrêta à regarder,
tout en fumant, trois indigènes armés de lances et de couteaux. Ces indigènes le
suivirent, l’un d’eux lui lança sa lance par derrière. Arnoux fut atteint et tomba
en criant, immédiatement les deux autres indigènes le massacrèrent (…).
Soleillet précise que, le matin même, Arnoux avait chassé le fils du sultan
de Raaytó. Il ajoute plus loin que le meurtre avait été commandité par Abū
Bakr « Pacha ». Les circonstances précises du meurtre et l’identification
des assassins demeurent ainsi incomplètement établies. La France,
convaincue que le meurtre d’un commerçant connu pour son caractère
irascible n’était pas politique, ne chercha pas à pousser l’enquête, ne se
souciant que d’asseoir son autorité, encore largement nominale vingt ans
après le Traité de Paris ; ce, grâce à l’appui d’Abū Bakr « Pacha ».
S : (com. pers.) Chedeville / As-Arbâhim b. Maámmad, ulúlta des Hayis de rs Bir et
Maámmad b. Áli b. Wárki (deuxième récit) / ámad b. Yôfis, Tákil, ancien gardien du
phare de rs Bir (troisième récit) ; tous deux recueillis vers 1938. L : (sur Arnoux) Lande
(1878 ; 1879) ; MD, vol. 62 : 264 et suiv. ; Soleillet (1886 : 26).
73
ARRA‘TÁ
ARRA‘TÁ
Chaîne montagneuse (alt. 1270 m) au sud de Tó, surnommée par les
Italiens « Alpe Danachile ». Arratá s’étend parallèlement à la côte, de Tó
(exactement à Malágu) à Íddi. La région en bord de mer est divisée en :
Afdirá, de Tó à Sroytá ; Glimâa, de Sroytá à Kárum. Le nom Arratá
(arrí lekké « là où il y a des cailloux ») vient du collectif arrí (singul.
arrátu) « petits cailloux ». Le point culminant est le Yangúdi (alt. 1400 m
env.), dont existe un volcan homonyme au nord-est de Baádu. Sa roche est
réputée incassable et résonnerait dans l’orage (d’où son nom dérivé du
verbe « tonner »). Tribus représentées : Dammohoytá, adarmó.
ASKAKMÁLI
Tribu du groupe Sidá Buɖá (v.), répartie dans divers commandements,
généralement associée aux Mdaytó. Distribution. En Rép. de Djibouti :
Askakmáli-k Mdaytó de Ðaɖɖató (Wimá). En Ethiopie et Erythrée : 1.
avec les Dhí-m mlá (région de Awrá) ; 2. avec les Bukurré de Sullú ; 3.
avec les Askakmáli-k Mdaytó de Undurúr et du Unɖá Gamárri ; 4. en
Áwsa (Kaló) ; 5. avec les Askakmáli-k Mdaytó du Wimá (distincts des
Askakmáli-k Mdaytó de la Kaló) formant, avec les Ankáli-k Ayrolassó et
les Goftó, les Sidá buɖá (v.).
Assab v. Asáb
AWÁN
Nom d’une montagne (alt. 233 m) au centre de la péninsule de Bôri (v.), en
pays Dammohoytá (v.), au sud-est d’Ingál, près du puits de Ðrimá, que
l’on dit avoir été creusé dans la pierre par les Perses (v. Fúrsi). Nombreuses
sépultures alentour. Awán (orthographié Awn) est mentionné par Ibn
Sad, mais mal localisée. Il indique qu’à proximité du Bab el-Mandeb, qui
prend le nom de « montagne de Mandeb », séparant la grande mer des Hind
(l’océan Indien) de la mer d’El-Qulzum (mer Rouge), est la cité de Awn
par 68° de longitude et 13° 30’ de latitude. La mer entre l’Afrique et l’Asie
y est large de 60 milles (al-Qalqašand). 13° de latitude correspond
approximativement à la position d’Assab. Awán comporte deux pitons,
Marâgu, au sud ; Maléd, au nord, où est enterré Akádar Maknó (v.).
S : D. M. / Ibrhīm b. Isml ; Ibn Sad (in Youssouf Kamal, 1936, t. 4, fasc. 1 : 1083) ; al-
Qalqašand (in Youssouf Kamal, 1939, t. 4, fasc. 4 : 1399).
AWLIYÁ
Pluriel de l’arabe wal, afar walí « ami de Dieu ». Le nom qualificatif walî,
de même origine que le précédent, a le sens de « très pieux, saint » : walîk
yan « il est saint ». Dans un contexte magico-religieux, la personne réputée
walí est inspirée, douée de prémonition, souvent en relation avec un saint
ou un ancêtre intervenant dans un culte confrérique ou lignagier. Le pluriel
awliyá s’applique en afar aux grands personnages religieux du passé. Sing.
walíytu. Walí / awliyá désigne aussi celui (serpent, mendiant, etc.) dont la
présence fortuite est le signe de l’acquiescement d’une force invisible à une
prière formulée ici-bas. Michel Leiris signale qu’à Gondar awliya désigne
74
ÁWSA
AWRÁ
Géographie. Oued se jetant dans la plaine de Têru où il prend le nom de
Trí daár « oued de Têru » (v.), après la zone de confluence de Nammalê.
Principale agglomération : Sifani (v.). Malgré les sécheresses cycliques, les
pâturages situés au pied du plateau éthiopien (v. Dóka) comptent parmi les
plus riches du pays afar. Histoire. La vallée de l’Awrá, le Âdu du nord
(Sullú- Âdu, dit aussi Milá- Âdu) et les régions qui leur font suite vers
le nord-ouest semblent avoir fait partie des régions soumises au ammadí-
Srát (v.) et peuplées initialement de Dammohoytá. Elles ont accueilli des
originaires d’autres régions, qui sont venus combler le déficit
démographique créé par les incursions de pillards Waydarát (v.) descendus
des hautes terres. Ce repeuplement a eu une conséquence politique : les
habitants se sont tournés de plus en plus vers l’Awsa. Cette tendance s’est
traduite, en 1957, par une expédition du vizir Yayyó b. ammádu (v.) qui a
proclamé les droits de l’Áwsa à Sifani, entraînant une protestation du sultan
de Bíɖu. Distribution. Les groupes de la région Âdu-Awrá sont distribués
comme suit : 1. dí-mára « gens de Âdu », clans des chefs adarmó et
Láddu qui détiennent les principaux points d’eau à Ás-lá, Sullú, près de
Magarrabá ; 2. Awrá-m mára « gens de l’Awrá », les aysantó, avec
d’autres fractions du ammadí-Srát et de l’Áwsa ; 3. Namma-Lê, groupe
du ammadí-Srát ; 4. Guleyná : Mogorrós ; 5. Têru : Mogorrós
Ibassarralé, anciens « sultans » de Têru ; 6. Adáli-k aysantó (Dabbâu) ;
Baddá-m mára : groupe de tribus autonomes mêlées aux Oromos entre
Guleyná et Maglé. 7. Asá L-k-Dhí-m mlá (régions de Ylló, Asá
buɖá, Mabáy-Boyná).
S : Chedeville / Arbâhim b. Maámmad b. Ali. HL (in D.M., 1997 : 153).
ÁWSA
A. ETYMOLOGIE. GEOGRAPHIE ET ECONOMIE TRADITIONNELLE. 1. Localisation. 2. Irrigation.
3. Régime fiscal. 4. Troupeaux du sultan. 5. Organisation militaire. B. HISTOIRE. 6. La
période des imams (1577-1750). 7. Ídi-k Ísi : les guerres pour le contrôle de la vallée de
l'Awash (1750-1834). 8. Le sultanat Mdaytó (1834-1975).
A. ETYMOLOGIE. Le nom Áwsa (’Aws dans la chronique de Amdä
əyon ?), avant de correspondre à une région, a pu désigner un groupe, ce
qui expliquerait les appellations Awsí mára (v.), Bará Áwsa (v.), chacune
désignant des tribus sédentaires. Jusqu’au XVIIe siècle (cf. la carte
d’Almeida de 1662 qui mentionne un « Auçagurrele » qui peut se lire Awsa
górra le « Áwsa intérieur »), le nom Áwsa n’apparaît pas. La carte de Fra
Mauro (1460) indique en lieu et place « Adal » (v.). Il ne se trouve pas, non
plus, dans la chronique traduite par Basset (1897). En 1631, d’après les
sources portugaises, la capitale Auçagurrele est détruite par un incendie dû
à la foudre.
75
ÁWSA
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ÁWSA
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ÁWSA
(« Aussa », 1 : 100 000, 1939) et tel qu’il figure plus au sud, sur celle de
l’Awash Valley Authority (1 : 250 000, vers 1960). « Kondólta » est le nom
donné à un segment du fleuve en aval d’Aysaiytá. Le nom renvoie à
« Kondom » qui serait celui d’un employé de la compagnie cotonnière
britannique Mitchell Cotts qui fut chargé de l’aménagement hydraulique.
Certains pensent qu’il s’agit d’une déformation de kingdom. Mrs Enid
Parker (1985 : 149) indique qu’il s’agit du nom d’une entreprise. Aucune
explication ne semble décisive. Quoi qu’il en soit, ce nom énigmatique a
alimenté la poésie nationaliste en devenant le symbole de la main-mise
européenne sur les terres pastorales (cf. D.M., 1999 : 103-104) :
Neh meqe maaxigak frangiita ruuba
Laahi suga ayro hinna Kondom kalaanam (…)
Cokmih a way yemeete Kondom ma yaysa
Kee kat ufuk a baaxo Tiliyan ma gennak
Je ne veux pas savoir s’il nous est utile, chassez l’Européen
Il n’y aura plus de vaches quand Kondom partira (…)
Kondom qui est venu nous commander n’est pas plus fort qu’eux
Allons donc ! les Italiens n’ont jamais pu s’emparer de ce pays !
Cet accaparement n’était possible qu’avec l’accord du sultan Ali-Mirá
(voir p. 94). Seule zone agricole traditionnelle, l’Áwsa a tiré sa prospérité
de la culture du maïs et du sorgho, aux dépens de ses pâturages permanents.
La moisson (une par an quand sont formés les épis de maïs) commençait
traditionnellement un mercredi, d’où son nom daró-h arbaá, donnant lieu à
une offrande aux pauvres des prémices de la récolte. Le surplus agricole
permettait des échanges avec les Afars du Godá, avec lesquels étaient
troqués des produits d’altitude comme les oignons, le miel et les plantes
médicinales. Le développement de la culture du coton, à partir des années
1960, dans le cadre de l’aménagement de la vallée de l’Awash mené par
l’Awash Valley Authority, a donné des moyens financiers nouveaux au
sultan de l’Áwsa, tout en créant des conflits avec les groupes afars
strictement pastoraux qui ont vu leur accès au fleuve se réduire (Aden M.
Dilleyta, 1989 ; Bondestam, 1974 ; Harbeson, 1978). Les problèmes se sont
aggravés avec les fermes d’Etat employant de la main d’oeuvre non afare
pendant la période communiste et la prolifération de Prosopis juliflora,
surnommé wäyyané, du nom des maquisards tigréens qui ont pris le
pouvoir en 1991. (Pour un développement littéraire de ces contradictions,
voir D.M. 1999 : 109-111).
3. Régime fiscal. Avant la révolution, la récolte subit les prélèvements
suivants : deux mesures de tabantá (un grand couffin servant à séparer la
paille du grain) pour un champ moyen, destiné au chef des sédentaires ; un
tabantá pour le dor’abbá. Le propriétaire et / ou le fermier prélèvent vingt
à trente tabantá pour leur subsistance (nabsí daró). Le reste de la récolte est
conservé (mirgán). L’été, le sultan convoque les chefs pour le partage. Il
prélève un dixième du mirgán. Propriétaires et fermiers se répartissent le
reste, sauf un tabantá pour le fonctionnaire « qui reste au soleil » (ayró-s
sló-h num) pendant l’opération. Le chef des sédentaires garde la part du
78
ÁWSA
sultan dont il est comptable. Les terres du sultan font l’objet de corvées
(llá), notamment pour les labours et la moisson. Les propriétaires et les
fermiers s’associent pour leur exécution, de même qu’ils gèrent en commun
l’utilisation des boeufs. Le sultan, maître de la terre, du point de vue
politique, n’est pas propriétaire des terres agricoles qui appartiennent aux
sédentaires (v. Awsí mára). Il n’en hérite que si une fraction s’éteint (sɖ).
4. Troupeaux du sultan. Le sultan de l’Áwsa possède des troupeaux de
vaches en propre. Avant 1975, ils forment deux groupes : l’un hérité des
règnes précédents (groupe Ðiramó), composé d’une dizaine de troupeaux,
chacun de 500 à 1 000 têtes dont : Kaɖɖá-Ðiramó ; Unɖmó (vers Diyyilé
Gub) ; Unɖá-Ðiramó ; Bará Ðramó et Daháb-Đayló (vers Koród et
Walé Fánta) ; Elleádu ; Boɖôɖo (raflé au anlé pendant l’occupation
italienne). L’autre groupe est constitué de troupeaux plus récents qui
portent aussi des noms propres : Uwwáli, Kutublá, Mɖén-Addí, Aytinabá
(vers Mdús et Gayráni) ; Ayydé (Orroggúbi et Sɖekál). Garder les
troupeaux du sultan ou entrer dans sa garde personnelle étaient des emplois
recherchés. Le sultan a aussi des troupeaux de chamelles toutes identifiées
par trois marques spéciales au côté droit : allummé-t-ibá, akká et knmó.
5. Organisation militaire. On identifie deux groupes de défense. Du temps
de Maámmad b. Yyyó, une garde permanente de soixante-dix jeunes
gens, recrutés volontaires (ulláy ou ullâd), devenue wataddâr (amh.
« soldats ») sous Ali-Mirá, protège le sultan. Une force appelée Ðnekalá
« ceux qui veillent », sous Yayyó ; Simbillé « porteurs du bandeau rouge
(simbíl) », sous Maámmad ; Ambisá « les lanceurs », sous Ali-Mirá,
reçoit armes et nourriture de la récolte du sultan sur ses terres personnelles.
La Ambisá (env. 350 h.), aussi appelée « Kaɖɖá buɖá », « la grande
maison », regroupe, en premier, les Aydissó, les alliés par mariage et les
clients du sultan. Doté de moyens financiers et militaires, le sultanat
s’affirme comme une véritable autocratie (amoytînu) dont l’influence
s'étend sur l’ensemble du monde afar, jusqu’à Baylûl (v.), Bíɖu et au
territoire de Djibouti (v. Dikhil). En 1890, le sultan des Debné, úmmad b.
Looytá (v.) reconnaît à Assab la suprématie du sultan de l’Áwsa. Le 9
novembre 1909, le même sultan vient camper aux environs d’Assab avec
quelque 1500 chameaux et charger des armes pour le ras Mikael (Min.
Colo. Aff. Mil. 1899-1930). Les tribus Asahyammára (v.) en territoire
djiboutien sont sous commandement du sultan.
B : HISTOIRE. 6. La période des imams (1577-1750). L’histoire de l’Áwsa
est véritablement connue grâce à Cerulli (1931), à partir de l’émigration de
la famille de l’imam Amed « Grañ », d’origine Balaw (v.) venue de Harar,
sous la pression des Oromos. On sait qu’à la mort du sultan Barkat, en
1559, la dynastie Walasma proprement dite disparaît au profit de la famille
de l’imam Amed « Grañ ». C’est un petit-cousin de l’imam Amed,
Maammad b. Ibrhm-Gsa, concentrant une triple filiation, politique (en
héritier des Walasma), paternelle (Balaw) et maternelle (afare Harálla), qui
est intronisé imm en septembre 1576. Le tableau généalogique ci-après
montre la double alliance matrimoniale des Balaw avec un mariage
exogamique : une fille du gard Umar a épousé Ali, 25ème sultan
79
ÁWSA
(16) Sabr ad-Dīn (17) ManEr (18) Gaml ad-dīn (19) Amad « Badlay » Ab Bakr
Mafd gard Ibrhīm ♀ ∞ (25) Ali (27) Ab Bakr (28) Umar-Dīn
Ab Bakr-Gsa
Ibrhīm-Gsa Amad
(sultan 1585)
Maammad-Gsa I Maammad-Gsa II
(imm 1576-1583) (imm 1584-réintronisé le 24 novembre 1585-1589)
80
ÁWSA
Ce nom gsá s’applique à son fils Ibrhīm, et aux deux fils, homonymes,
de ce dernier, nés de deux mères différentes, et dits pour cette raison,
Muammad (ou Maḥammad)-Gsa I et Maammad-Gsa II b. Ibrhm-
Gsa. La chronique de Cerulli permet d’esquisser la chronologie du partage
du pouvoir entre l’Awsa et le Harar. Maammad-Gsa I, intronisé imm, le
8 ou 9 septembre 1576, quitte le Harar pour l’Áwsa où il s’installe en août-
septembre 1577. Il existe alors deux capitales en Áwsa : Farfara, avec à sa
tête le hgán (ou hganó) Jim, Adáli d’origine, et Warrba
(correspondant peut-être à Wayyirá), près du lac Iiytá. Cette installation est
précédée d’une incursion, le 13 mai 1576, du vizir Mansūr b. Muammad
b. Ayyūb, qui dirigeait la contre-offensive contre les Oromos. En tentant de
supplanter la famille des imams, il est tué. Maammad-Gsa I s’installe à
Farfara. La tâche principale reste la lutte contre les Oromos qui assiègent
l’Áwsa. L’imam lui-même est tué en combat, à Wardya, le 22 ou 23
novembre 1583, comme l’émir Amad-Dn le sera en 1590, l’imam Adan
b. Ksa, en 1648. A l’intérieur de l’oasis, la complexité de la situation résulte
des trois groupes en présence : 1. Les Harálla (v.), qu’il s’agisse des
sédentaires qui ont draîné et mis en culture l’Áwsa au XIVe siècle ou des
« gens de Harar » venus dans la mouvance de la famille de l’imam. 2. La
famille des imams arabes appelés Dardrá (v.), en désunion permanente. 3.
Les Awsí mára (v.), sédentaires, partagés entre allégeance et résistance. A
la mort de l’imam, en 1583, la population de Warrba désigne Abbs b.
« kábir » Muammad pour être sous les ordres de Maammad-Gsa II.
Celui-ci, homonyme de son frère, et qui assume les fonctions de vizir à
Harar, lui succède avec le titre d’imm le 18 juillet 1584. Le gard Umar,
commandant la province du Sm (la chronique de Cerulli l’appelle « Sm
gard » Umar) est aux côtés des gens de Warrba. Les gens de Farfara se
rallient, eux, à un émir Zal b. Abdallh al-abašī ou, dans une autre
lecture, ZuLal b. Abdallh al-asanī (Wagner, EA, III : 1053). Après une
année de confusion marquée par la trahison de Abbs qui s’empare du
pouvoir, et par la nomination au sultanat d’Amed b. AbMBakrMGsa, aidé
d’un groupe de Harálla Maammad-Gsa II reprend l’Áwsa en mains en
novembre 1585 et fait exécuter Abbs. Les Afars (« Ail » dans la
chronique de Cerulli) entrent en rébellion. L’émir Zal et le hganó Jim
sont tués. Ces désordres favorisent de nouveaux raids oromos. En 1589,
après la mort de Maammad-Gsa II, le nouvel émir AmadMDn lutte
efficacement contre eux, mais il meurt au combat, en 1590. Les nouvelles
querelles de succession (1590-1600) s’achèvent par l’intronisation de
l’imam arabe Umar-Dîn al-Madaytî aš-Šfiī (1600-1611) qui n’appartient
pas à la famille de « Grañ ». En 1607, à l’avènement de Susənyos, en signe
d’allégeance ou de volonté de paix, il envoie au roi d’Ethiopie les cadeaux
traditionnels. Sous ses successeurs, Umar b. Ziyd (1611-1620), Adr b.
Tadrs (1620-1626), les dissensions reprennent et ramènent au pouvoir un
fils de l’émir Amad-Dn, Umar-Dn (1626-1628). Si la pression des
Oromos sur l’oasis diminue, des conflits internes entraînent le déclin
irréversible du pouvoir des imams, incapables de maintenir les liens avec
les pôles historiques de l’Adal. A partir de 1647, Harar a des émirs
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ÁWSA
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3. D’où l’écart d’un an avec la date retenue par Aramis Houmed Soule (2011).
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(v.), une de ses résidences. Dessié est pris par les Italiens le 15 avril.
L'Áwsa connaît une période de prospérité en approvisionnant le corps
expéditionnaire italien en viande. Le sultan séjourne en Italie, en juillet
1939. Accusé de collaboration avec l’ennemi, le sultan est fait prisonnier à
innlé, en Áwsa, et déposé par l’empereur Haylä Səllase, le 14 avril 1944.
Son trésor caché sur le mont Bráwli est confisqué. Il meurt peu après. Son
petit-cousin Ali-Mirá (v. Aydḥissó) est désigné en 1944 par l’empereur
Haïlé Sellasié. Il règnera jusqu’en 1975, sa chute suivant de peu celle de
l’empereur après avoir tenté d’organiser une résistance au nouveau pouvoir.
Après la période communiste, il rentrera de son exil en Arabie en 1991 sans
toutefois retrouver son pouvoir d’antan. Il meurt à Addis Ababa, dans la
nuit du dimanche 24 avril 2011. Son fils cadet anfaɖé a été intronisé 14ème
amóyta, à Aysaíyta, le 10 novembre 2011. District ou sultanat d’Awsa ?
La différence entre les points de vue afar et éthiopien quant au statut de
l’Áwsa a déjà été évoquée (voir p. 65). Lors de sa nomination (avril 1944),
le sultan, qui n’est pas désigné par son titre d’amóyta, est appelé à
« administrer » (amh. mastädadär) le « district d’Awsa » (yä Awsa
awrağğa). Ali-Mirá recevra le titre honorifique de däğğazmač, déjà
conféré à son prédécesseur, puis sera élevé au grade de bitwäddäd. Le
sultan ne gouverne qu’en délégation du pouvoir impérial. Il est d’autant
plus autonome qu’il suit fidèlement la ligne politique tracée à Addis Ababa.
Dans son Autobiographie (texte amharique : 132), l’empereur Haïlé
Sellasié parle de « ses soldats qui gardent les frontières de son Empire dans
les districts (awrağğa) de Dankali et d’Awsa ». Si l’on admet la solution
d’Ullendorff (1976 : 161) qui traduit ce terme par « province », on doit
garder à l’esprit que l’awrağğa est une entité administrative intermédiaire
entre le wäräda et le gouvernorat (amh. ,qlay g,zat), confiée à un ras, en
l’occurrence celui commandant la province du Wällo dont fait partie
l’Awsa ; le district Dankali dépend, lui, du ras du Tigré. On a déjà le
découpage territorial de la région fédérale qui sera instituée en 1995.
L’Awsa y est englobé dans la zone 1 qui comprend six districts, dont celui
d’Aysaíyta, sans que le chef-lieu de l’Awsa, devienne celui de la région
fédérale. La nouvelle capitale, Samara, construite près de Lógya, confirme
la fin de la suprématie des Mdaytó. Une administration décentralisée ?
Dans une nouvelle rédaction (comparer « Les territoires de l’Awsa »,
2011 : 19 et « Le fonctionnement du sultanat », 2005 : 12), Aramis
Houmed Soulé divise l’Awsa en 3 « provinces » : 1. « Bara Modayto » :
la province centrale ; 2. Bara-Awsa : la province agricole : 3. Bara
Adali-k Ayroyta : la province de la périphérie ». Curieusement, l’auteur
décrit le sultanat comme une entité décentralisée, bien que le titre même
d’amóyta renvoie à un pouvoir autocéphale. Ce caractère autocratique que
n’a pas le terme en afar du nord de rdántu, qui désigne un chef agissant en
délégation du pouvoir central, explique que, pour traduire « royaume », on
ait créé le néologisme amoytí rásu, litt. « pays de l’amóyta ». Le sultan
détenait un pouvoir absolu dont la seule limite était l’impossibilité de
prendre le contrôle de la terre qui appartenait historiquement aux Awsí
mára (v.). Si l’on peut concevoir que les Bará Áwsa (v.) sédentaires soient
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AWSANDÁBBA
AWSANDÁBBA
De *Awsí andábba « repli, retour de l’Awsa ». Awsandábba qui se situe à
l’entrée nord de l’Áwsa est le lieu d’une défaite des sédentaires de l’Áwsa
face aux troupes d’Aydâis b. anfaɖé, dit « Datá » Kaɖɖfó (1753-68).
AWSÍ MÁRA
« Les gens de l’Áwsa », désigne les treize tribus sédentaires (buré-m mára)
autochtones, et, à ce titre, interdites d’armes à feu par le sultan. 1. Dardrá
(v.), descendants des imams ayant remplacé à partir de 1600 celle se
réclamant de l’imam Amed « Grañ » ; chef en 1937 : Waggén b. Ali ; en
1981 : Mansûr b. Waggén ; 2. Harálla (Hararrá) : chef (baddáh abbá) en
1937 : Yâsin b. Dawúd ; en 1981 : abíb b. Yâsin ; 3. Intgér : chef en
1937 : soltân Waysú b. Abdulkâdir ; en 1981 : Abdulkâdir b. Waysú ; 4.
Bayɖó : chef en 1937 : bó Abdulkâdir b. Dúnna ; en 1981 : Ali b.
Abdulkâdir ; 5. Wmulé (Mmulé) ; 6. Dbaá (env. huit familles) : chef
en 1981 : Abó b. Aló ; 7. Ankattá ; 8. Songó : chef en 1981 : abíb b.
Abdulkâdir ; 9. Obrór : chef en 1981 : malák Muuddn b. Abdulkâdir
(cinq familles ?) ; 10. Brárta : chef en 1937 : malák Abdulkâdir b.
ámad ; en 1981 : Abôbakar b. Abdulkâdir ; 11. Saiddó : chef en 1981 :
Maámmad « Kellisá » b. andá ; 12. Ská-k Sarfá ; 13. Kulayyá.
S : Chedeville / HHL ; HHL (Naw.) ; HL (in D.M., 1991).
90
AYDĀḤISSÓ
AYDĀḤISSÓ
Famille des sultans Mdaytó (v.) de l’Áwsa (v.), descendant de « Asá »
Aydâis, fils de Maámmad, le premier à porter le titre d’amóyta. Il existe
une discordance quant au nombre de sultans. Aramis Houmed Soulé (2011)
qui rend compte de la tradition Mdaytó en compte 14. Il n’y en a que 11,
si l’on considère que le premier à porter le titre dynastique était « Asá »
Aydâis (1798-1831), et non l’ancêtre éponyme du lignage « Kaɖɖá »
Aydâḥis. Interrogé (op. cit. : 70), l’ex-sultan Ali-Miraḥ mentionne
« Kaɖɖfó, le fondateur de notre dynastie ». La question ne lui a pas été
posée de savoir pourquoi il ne désignait pas le grand-père de celui-ci,
« Kaɖɖá » Aydâḥis, ancêtre des Aydḥissó, ou son petit-fils « Asá »
Aydâḥis. De la réponse, dépend le nombre des « sultans » dont la liste et la
chronologie des « règnes » lors de la guerre du Sangerrá (v.) sont discutées.
L’ordre de succession est remarquable par la répétition des noms (Aydâis,
anfaɖé) et les mariages fréquents avec des femmes Damblá (c’est le cas
de « Unɖá » Ali et de ses cinq successeurs). Cette exogamie restreinte (v.
Đála-k bállis) n’exclut pas des mariages plus « éloignés » : Ftumá, la mère
de Maámmad « Illálta », d’où son surnom de Ftumáytu, était originaire
des Intilé Fek Áre (v.).
Périodisation. On propose ci-après une chronologie des règnes des chefs
Aydḥissó en liaison avec leur conquête de l’Áwsa (le mot « règne », est
seulement employé par commodité). Cette périodisation interne au lignage
complète celle qui prend en compte les autres acteurs politiques du sultanat
(cf. pages 85-90) : Adohyammára, Asahyammára, sédentaires de l’Áwsa,
Ethiopiens des hautes terres et puissances coloniales européennes.
1700-1753 : premières incursions en Áwsa. L’ancêtre éponyme du
lignage, « Kaɖɖá » Aydâis b. Maské (vers 1700), est enterré à Badaydá (v.
Badda), dans le « Kaɖɖá » Dôbi, ce qui donne une indication de la position
des Mdaytó avant leur prise de contrôle de l’Áwsa, en 1834. On ne sait
pas comment son fils anfaɖé et ensuite ses descendants se sont imposés
aux lignages issus des quatre frères Áli-Yayyó, Áli-Bísu, Afkinná et
Afkáɖɖa. Il est possible qu’une guerre intestine, semblable à celle qui
écartera plus tard la branche de Sámu, ait eu lieu. Des descendants
d’Afkáɖɖa sont comptés parmi les Lubak-Kubó (v.). Une autre incertitude
concerne les dernières décennies du XVIIIe siècle. Selon Krapf et Harris (in
Abir, 1968 : 24), le sultan de l’Áwsa est alors Yûsuf b. Ali b. Aydâis
(descendant de Ali, frère de anfaɖé b. Aydâis). Il aurait chassé le
contingent yéménite appelé par les Debné-k Wíma (1784-85). Son nom
n’apparaît pas expressément dans la liste généalogique (Naw.), ni dans la
chronique du cheikh ln (voir Annexe II). Ceci n’invalide pas pour
autant les données de Krapf et Harris. Ladite chronique (parag. 9)
mentionne des « Daar Mdaytó », soit des éléments Mdaytó, déjà
installés dans la vallée de l’Awash, auxquels peut avoir appartenu Yûsuf b.
Ali b. Aydâis, lequel aurait pris part aux combats avec ses contribules
positionnés en lisère d’une oasis qui n’était plus aux mains des imm arabes
et n’était pas encore un sultanat Aydḥissó. Il est ainsi logique que son nom
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AYDĀḤISSÓ
aɖal-Mâis
« Mdá le » Arbâhim
« Gabaɖêri » Ali
Umar
Maské
92
AYDĀḤISSÓ
La troisième tradition, celle des Debné, dont nous faisons état à partir des
données chronologiques (Naw.), cite « Asá » Aydâis b. Maámmad
(1798-1831) comme le premier à avoir porté le titre d’amóyta, ce qui va à
l’encontre de l’affirmation de l’ex-sultan qui désigne « Datá » Kaɖɖfó
(1753-1768). Citer ce dernier comme le 1er amóyta, revient à dire qu’à
l’époque ses oncles Áli-Yayyó, Áli-Bísu, Afkinná, Afkáɖɖa et leurs
descendants étaient définitivement écartés de la succession. La tradition
Debné en désignant le grand-père de « Datá » Kaɖɖfó (v. tableau p. 92)
montre qu’elle devait ignorer ces dissensions internes aux clans Aydḥissó,
qui empêchaient de reconnaître « Asá » Aydâis b. Maámmad comme
leur chef (amóyta) incontesté. Le problème se reposera pendant la guerre
civile du Sangerra (v.), puis lors du remplacement du sultan en 1944.
18341912 : ambition hégémonique et guerre civile. La bataille de
Darmá (1834) marque l’établissement du sultanat Mdaytó. Elle a lieu au
début du règne de anfaɖé b. « Asá » Aydâis (1832M1861). En 1862, la
mort de anfaɖé b. Aydâis, à Gargôri d’après Antonelli, est l’occasion
d’un conflit entre son fils aîné, Maámmad, qui en sortira vainqueur, et son
frère cadet Aló, lequel s’enfuiera à Baádu en mai 1862. Maámmad
« Illálta » b. anfaɖé (1862-mai 1902), né en 1827 à Addalé-Gúb (ou
Sangerrá), d’une mère issue d’un lignage saho descendant du cheikh Intilé
šek Áre (v.), accède au pouvoir à l’âge de 35 ans. Aramis Houmed Soulé
(2011 : 24) résume ainsi les buts de son régne : « l’unification des Afars
sous une même entité et l’édification d’un Etat puissant devant lui
permettre de s’opposer [aux] visées impérialistes ». Sur le premier point,
celui d’une unification des Afars, la maxime que l’on prête au sultan :
Bádak aɖây martó le márak ḥókmi yō « depuis la côte, le commandement
des gens portant pagne [les Afars], c’est moi qui l’ai », est surtout
indicative d’une ambition hégémonique de l’Áwsa qui amènera à l’incendie
de Tadjoura en 1866 et à l’installation des Nassâr à Baylûl (v.) aux dépens
des Dankáli ; finalement, au désastre de Arraddó (v.). Aramis Houmed
Soulé (2011 : 7, note 5) insiste sur le surnom d’illálta donné au sultan :
Ce mot désigne en afar un point d’eau permanent dont l’accès est ouvert à
tout le monde. Il est employé ici dans le sens d’une autorité unique à
laquelle se réfère l’ensemble du peuple afar.
Illálta désigne certes un point d’eau permanent, mare ou puits, par
extension, une oasis prospère, ce qu’est l’Áwsa, comparée aux régions
environnantes, mais elle n’est pas ouverte à tous. Le sultan évergète ne
redistribue ses ressources qu’à ses contribules. Pour ceux qui lui sont
soumis, le mot prend un autre sens dans le proverbe : illalta le mari kok
naba « ceux qui ont l’eau te dominent ». Le contrôle de l’oasis, synonyme
de pouvoir, explique la guerre de succession qui éclate en 1898. Ce conflit
long et sanglant, qui durera jusqu’en 1910-1912, est connu comme la
« guerre du Sangerrá » (v.), d’après le nom de la résidence du sultan.
1912-1944 : autonomie de fait. La guerre civile prend progressivement fin
avec la venue au pouvoir de Yayyó, dernier fils survivant du sultan
Maámmad « Illálta ». Encore en concurrence avec ses rivaux (1913-1916),
93
AYDĀḤISSÓ
94
AYFARAḤ
AYDAMĀNÍ
Fraction des Badoytá-m mlá, issue de ámad « Áydam » (ou
« Aydamó ») b. Algó-Umar b. Dimbílu b. Badoytá. ámad « Áydam » a
eu quatre fils : 1. Alfaɖé, père de ámad-Moollím (à l’origine de la
fraction Moollintó ou Alfaɖɖá) ; 2. amdá (fraction amddí) ; 3.
aysmá : 4. Aɖás (fraction Aɖsá). Les Aydamní sont représentés aux
environs d’Obock et à Dawwé (v.). Ils ont la prééminence sur les ayís au
sein de la chefferie Badoytá-m mlá à Obock (v.). Les Aydamní ont fourni
les « akkel » rétribués par l’administration, notamment Áli b. Wárki, à
l’époque de Lagarde (v. Arnoux), son fils Maámmad (d. vers 1946), puis
Áli, mort prématurément ; un autre frère, Áli, dans les années 1970, dont
le fils Burán est décédé en 1989. L’alternance des noms Maámmad / Áli
a été une caractéristique de ce lignage.
AYFARAḤ
La généalogie de cheikh « Ayfaraḥ » le rattache à la descendance de Abd
al-Mu]]alib, dernier chérif de La Mecque (1880). Cette tradition est
contradictoire avec celle qui énumère treize générations : Abdallá, qui
serait le vrai nom de cheikh « Ayfaraḥ » b. Áḥmaddn, dit « Kurwalé »
(enterré en pays oromo Ry) b. Dawud b. ḥğğ Yûsuf, b. (dam, b.
Yûsuf, b. Muḥammad b. Abdallá, b úsen b. Abdulkâdir b. šay
Ayfaráḥ b. Áḥmaddn, b. Muḥámmad. La date de sa mort (28 juin 1784)
peut être tenue pour certaine. Elle figure dans la « Chronique de l’Awsa »
(parag. 6). Sur la base de générations de 25 ans, la généalogie précitée situe
l’origine du lignage au milieu du XVe siècle. Le cheikh Ayfaráḥ est connu
en saho sous le surnom de yi muhunduté « mon supérieur » (verbe muh
« dominer »), parce que, enfant, il avait attrapé un lion par l’oreille (surnom
donné par sa mère). Venu en Áwsa (v.), au temps de l’imam Salmân (mort
en 1750), le cheikh Ayfaráḥ et son frère, Muḥammad-Sad, sont connus, en
pays oromo Ry, sous le nom de « nammsid » (namma sayyid). C’est là,
à Hiğirá, que la tradition situe sa première prédication. Hiğirá est située au
sud-est de Mokonni (v. Waydarat), sur la route conduisant à Allamta. Les
Ská (v.) Alḥissó se réclament de lui. C’est de ces contreforts du Tigré que
partent plusieurs légendes pieuses. Il semble qu’Ayfaráḥ soit devenu un
titre porté par des chefs religieux, ce qui expliquerait la constitution de
lignages différents des descendants en Awsa du cheikh Ayfaráḥ b.
Áḥmaddīn. La légende veut qu’à la suite d’une dispute avec son père, le
cheikh Ayfaráḥ soit parti chez les Sahos, pour ensuite descendre en Áwsa,
« accompagné de quarante Dbaá » (v.). Il aurait été enterré à Kaɖɖá
Maárra, à côté du père de kábir andá (v. Kabirtó). S’y rattachent : le
lignage de Maámmad b. aml al-Anniyyī, son fils Abdusamad (mort
vers 1913), et le fils de ce dernier, Abdurramn ; ses neveux, Yûsuf
(mort à Assab vers 1935) et son fils Dawud « Ayfará ». Un autre lignage,
rattaché aux Dīnitté, comprend deux marabouts célèbres, les frères Abū
Bakr et Ibrâhim b. Muámmad, et le poète, fils du premier nommé,
ámad. Un autre cheikh Ayfará b. ámad, oncle du précédent, est mort
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AYROLASSÓ
AYROLASSÓ
Tribu issue du fils aîné de Gallâmir, « Ayrolasé » ámmadu, « Celui resté
(asé) au soleil en plein midi (ayró-l) », pour marquer son mécontentement
d’être écarté du pouvoir dévolu à son cadet « Ðogorré » Umar. V. Adâal.
L’itró (v.) des Ayrolassó est « Tawwhá ! », parfois « Tawwá-s sarrí ! »,
d’où l’autre nom donné aux Ayrolassó : Tawwhá ou Tawwá-s sárra « la
suite (lignée) de Taww(h)á ». Mohamed Aden (2006 : 80 et 96) indique
que Tawwah serait un des fils de aɖal-Mâis (c’est un petit-fils de
Gallâmir dans la généalogie ci-contre), et que son nom complet est degger
lé Tawwah « celui qui s’habillait en peau de bête tannée ». Implicitement,
un rapprochement est fait avec aɖɖáwwa « objet lié » (du verbe oɖɖowwiy).
La langue ne connaît que deux façons de porter le vêtement traditionnel,
soit en le nouant (kuntūbús), soit en s’en ceignant (marít). De ce verbe,
dérive martó qui désigne le pagne court. On est plutôt incité à considérer
Tawwah comme une variante d’Atawwá, nom dérivé du radical atáwwa
(var. watayya) : atawwa hayis « retenir quelqu’un en attendant un tiers » :
wokkel suge mari qeebi watayya heeni « les gens qui étaient là menèrent un
combat retardateur ». Ce nom Atawwá est donné à un garçon qui ne
reculera pas dans la bataille, ce qui s’accorde avec la réputation de guerrier
du personnage. Chronologie. Ecrivant la légende de son ancêtre « Roblé-k
Kamil » (fraction Msá-Umartó), Mohamed Aden donne ses dates de
naissance et de mort (c. 1836-1914), offrant un repère chronologique qui,
sur la base de 15 générations de trente ans (G1 à G15 dans le tableau ci-
contre), aboutit à la date de 1386, soit, à quatre ans près, à celle donnée (p.
20) pour la génération de Gallâmir. La fraction Roblé-Umartó a des
fonctions religieuses. Msá-Umartó et Roblé-Umartó ont des ascendants
Mağrtn, attestant de l’ancienneté de la présence somalie à Tadjoura.
Distribution. 1. Avec les Iɖiglé-k Ayrolassó de Bulgá, sur le piémont
éthiopien ; 2. Chez les Sidá buɖá (v.), formant les Ankáli-k Ayrolassó. En
République de Djibouti, les Ayrolassó n’ont que peu de terres en propre.
Les Ayrolassó ont reçu du sultan de Tadjoura pour gratification (galtó,
amh. gult) la terre d’Aysarrásu, au nord de eysítu (région de Folló-
Inifó). Le chef en brousse est le représentant des Afkaɖɖitté. Celui des
Msá-Umartó siège au conseil du sultan. Fractionnement. 1. bo-s sárra
(Afkaɖɖitté, descendants d’Afkáɖɖa b. ámmadu ; et la branche cousine,
Tabbbí) ; 2. Arbhím sárra (ásan-Maammadó, Robllá, dont Msá-
Umartó, As-Kmiltó). A Tadjoura, ils constituent la chefferie Debné. Dans
le Gbaád, ils forment le commandement en second. Dans le sultanat de
Raaytó, les Ayrolassó sont présents dans la chefferie Basmá.
96
AYSA‘ÍYTA
G1 Gallâmir
G3 Atawwá
G4 « Uɖ » Maámmad
G5 Aɖás
G6 ámmadu
G7 bó Arbâhim
G8 ámmadu ásan-Baɖɖá
G9 Isml Maámmad
S : Chedeville (Afars) ; HHL (Naw.) ; HL (in D.M., 1997 : 130). L : Mohamed Aden (2006).
AYRÓYTA
Litt. « du Midi (ayró) : méridional ». Groupe de tribus du sud de la Kaló,
avec les Magénta, comprenant des Aɖkaltó, des Gallá, des Kutublá, des
Wagbáru, des Dará-h Ulutó. Le terme est employé dans le nom composé
Adáli-k Ayróyta, qui désigne, parmi ces groupes les plus au sud, ceux
entrant dans la grande coalition des Debné-k Wíma (v.).
AYSA‘ÍYTA
Toponyme. 1. Ville sur la rive gauche de l’Awash, au sud du mont Boráwli,
qui s’est développée pendant l’occupation italienne, à partir du campement
existant. La route qui traverse la ville conduit à la passerelle qui franchit
l’Awash au « gué des fils d’Abro » (Abrobbaɖiffgé, v.). Ce tronçon
carrossable est appelé Gubgubyá. La ville est devenue la capitale de l’Áwsa
après la Seconde Guerre mondiale, avant d’être supplantée par la création
de Samara, la capitale fédérale de la région Afar (v. Rakkay).
97
AYYÁLU
AYYÁLU
Cône volcanique remarquable du Baádu, au sud-est de Gawwâni,
pèlerinage fréquenté par les musulmans et des ermites chrétiens. Cette
fonction religieuse incite à dériver Ayyálu de l’arabe ayyál « délai accordé
par Dieu, terme de la vie ». Lieu de sépulture de cheikh Mandáytu (v.
Ibrhím « Wrufi »). V. Awliyá. Siyrá.
S : HL (in D.M., 1991 : 28). L : Buxton (1957 : 153-54) ; Reinisch (1889-90, II : 131) ;
Thesiger (1935).
AZÉNOR
(Saint-Denis de la Réunion, 1892 ; Tadjoura, 1928). Chef du poste
administratif d’Obock (9 avril 1927). Arrivé sur l’aviso Diana, Michel
Azénor prend possession de Tadjoura, courant 1927. Nommé officiellement
chef du poste, le 18 janvier 1928, en remplacement de Barthélémy, il meurt
subitement le 28 décembre 1928, à Tadjoura, dans des circonstances
obscures, après l’investiture du sultan úmmad (14 décembre), imposé par
le gouverneur Chapon-Baissac (v. Tadjoura). Son corps est transporté à
Djibouti. Il est remplacé par Christian Dupont qui lui avait succédé à
Obock (v. Lucas).
L : Cf. Archives ANOM (correspondance 1927-1945). Imbert-Vier (2011 : 137, n. 248) fait
référence à un renseignement de police qui soupçonne l’épouse somalie d’Azénor de l’avoir
empoisonné, ce qui revient, en le citant, à donner du crédit à une rumeur.
98
1
ABDALLÂLI
Descendants de Abdallá, frère de Dîni et Burán, tous trois, fils de
« Adállom » ámad (v. p. 318, le tableau des sultans de Raaytó).
Comptés parmi les Adáli Dnitté. Distribués entre le Mablá et Raaytó.
ABDERRAḤMÂN YÛSUF
Cité généralement sous la forme Abderramân še Yûsuf, également
(chez les monolingues) Abderramân b. sk Yôsib ou « Adrumán ».
Ská de Raaytó. Envoyé permanent du sultan d’Áwsa, Maámmad b.
anfaɖé, dont il était l’interprète auprès de Ménélik (entre 1880 et 1895). Il
est mentionné par Soleillet comme l’ « Afar qui a le plus aidé les Français à
Obock ». Il a également favorisé les contacts entre Antonelli et le sultan
d’Awsa qui ont débouché sur la convention d’amitié et de commerce de
1883 (v. Addale-Gúb) et le traité de protectorat de 1888. Un temps mis en
résidence surveillée à Keren par Ménélik, puis libéré au début de la
« guerre du Sangerrá » en 1899, il informe les Italiens sur ce qui se passe
dans le sultanat. Le gouverneur de l’Erythrée, Martini, s’en fait l’écho (cf.
Il Diario Eritreo, vol. 2) pour la période 1899-1905. Il juge Abderramân
b. Yûsuf « très influent » et note, le 17 mai 1901, que « le sultan a bien
choisi son ambassadeur, courtois et insistant ». Martini note :
Au-dessus de l’Anfari [le sultan] et de ses disputes avec l’Aydahis [son
neveu et candidat à sa succession], il y a ceci : la détermination résolue des
Danakil de ne pas vouloir rester sous la domination abyssine. » (…)
Abderramân b. Yûsuf [m’a] dit : « Nous serons plus de 60 000 le jour de
la révolte. Nous sommes tous d’accord. La paix et l’alliance sont faites entre
Hummad Looita et Mohamed Anfari, et le sultan de Biru, Haissama Ahu est
d’accord avec nous. Il a 3 000 fusils. Hummad Looita, plus de 3 000.
L’Anfari, 1000. Nous vendrons des troupeaux et en achèterons d’autres.
Nous couperons la route du sel, et interromprons les communications vers le
Harar. Nous espérons que le gouvernement italien ne sera pas contre nous.
Sinon, nous céderons une partie de la Dancalia aux Français.
En plus de ce chiffre de seulement « 1 000 fusils » qui sous-estime sans
doute les forces réelles du sultan d’Awsa, il convient de noter que le
résident italien d’Assab, Felter, restait très critique sur la fiabilité de
Abderramân b. Yûsuf en qui il voyait surtout un ancien trafiquant
d’esclaves. L’Italie qui semble avoir envisagé l’annexion du sultanat ne
s’opposera pas à l’immixtion des Ethiopiens dans la guerre de succession.
Déjà, le 10 janvier 1901, Martini notait que : « Par le Traité de 1897, nous
avons renoncé au protectorat sur l’Aussa, qui fait désormais partie de
l’empire éthiopien. » Ces tractations secrètes qui avaient commencé dès la
négociation du traité d’amitié conclu entre le sultan d’Awsa et Pietro
Antonelli (1883) avaient conduit, en 1895, l’empereur Ménélik à tenter
1
Ce signe // qui note la pharyngale sonore (similaire au « ayn » arabe) est écrit q en orthographe afare.
Pour des raisons techniques, il est parfois écrit ‘ en tête des articles du dictionnaire. Ex. ci-après
‘Abdulkâdir Arbhintá.
‘ABDULKÂDIR ARBĀHINTÁ
‘ABDULKÂDIR ARBĀHINTÁ
Abdulkâdir b. Arbhintá b. Yûsuf. Originaire des Ská Saiddó de
Tadjoura, intermédiaire entre le sultan des Debné, úmmad b. Looytá (v.),
et Ménélik. Il était le cousin de Abderramân b. Yûsuf (v.). En 1894-95, il
est exécuté sur ordre du sultan de l’Áwsa, Maámmad b. anfaɖé, contre
l’avis du sultan des Debné. A l’annonce de la mort de son ami, celui-ci
déclara en forme d’épitaphe : girá witté’yyen / l bakarté’yyen / subá
ibīré’yyen « le feu est transi ; l’eau, altérée ; le beurre, séché. »
S : HHL (Naw.) ; HL.
100
‘ABLÉ
‘ABLÉ
Tribu réputée antérieure à aɖal-Mâis (v.) et d’origine adarmó (v.) qui
est le nom des groupes d’origine bedja Hadrab sur la côte érythréenne.
Légendes. L’ancêtre apical Ali « Ablís » aurait marié sa fille à aɖal-
Mâis. Une alliance identique aurait eu lieu avec Badoytá, ancêtre des
Badoytá-m mlá (v.) qui aurait épousé la soeur de Ali « Ablís ». D’autres
récits, propres aux Ablé, viennent compléter l’histoire de Ali « Ablís ».
Le premier en fait les descendants d’un Arabe, Al, dont le fils Ibrhm
donna naissance à plusieurs enfants, dont trois ont eu une postérité : 1.
Maámmad « Ardáytu », père de Ali « Ablís » (v. aɖal-Mâis) et des
Asá Ablé ; 2. Msá, père des Abá-m mlá (v.) ; 3. « Unɖá » Úmar. Le
second récit s’appuie sur la même généalogie : Ali et son fils Ibrhm,
auquel il donne un frère Úmar. A la mort d’Ibrhm, après avoir vécu
quarante-huit ans à Adáylu, son frère Úmar vint pour prendre sa part
d’héritage. On le pria de recueillir ses neveux (Maámmad « Ardáytu »,
Msá, « Unɖá » Úmar), et d’épouser la veuve de son frère. Un enfant
naquit de cette union, nommé Ali « Wáddar », ancêtre des Datá Ablé. Puis
Úmar partit avec ses enfants et s’installa à iggíy Kuún, à Mabɖá. Par la
suite, ses enfants revinrent à Adáylu, sauf « Unɖá » Úmar qui demeura
avec son oncle. Ceux qui revinrent à Adáylu devinrent les Ablé « ceux qui
ont le sang (abál) ». Les deux Úmar, l’oncle et le neveu partirent en
pèlerinage. D’où leurs surnoms, « Datá » iggíy, pour l’oncle ; Asá
iggíy, pour le neveu, pères des deux fractions adarmó (v.) pour
lesquelles il s’agit de deux frères. C’est chez les Ablé que fut accueilli
aɖal-Mâis. Leur antériorité par rapport aux Adáli les exonère de l’impôt
dû au sultan. Généalogie. La présentation généalogique, d’une part, le
mythe de fondation de aɖal-Mâis (v.), d’autre part, appartiennent à deux
traditions distinctes. Le mythe fondateur est centré sur le rattachement des
tribus régnantes Adáli, M daytó, Dammohoytá de Bíɖu, au héros mythique
(v. Introduction) : Ali « « Ablís », dont aɖal-Mâis devient le gendre,
légitime la descendance issue de cette alliance avec le clan autochtone.
Généalogie des Datá Ablé
Ali « Ablís »
101
‘ADNIYTÓ
ABLISÁ
Tribu Asahyammára (v.) d’origine M daytó (v.), occupant le sud du
Siyyâru et du Gárbi, les deux massifs montagneux à l’ouest du lac Asal. V.
Gombár.
‘ADNIYTÓ
Egalement Adntó. Descendants de Msá « Adan », commerçant juif
venu d’Aden à Tadjoura, quinze générations avant Sâli b. Maammad,
cadi de Tadjoura (c. 1955), soit au milieu du XVIe s. Généalogie. Sâli b.
Maammad b. ummed-Gabá b. Sâli b. Seém b. Malkó b. Ali b.
úmmad b. Maámmad b. Abdallah (manquent les noms sur quatre
générations) b. Msá « Adan ». Les Adniytó n’ont jamais été nombreux :
environ sept familles à Tadjoura, quatre à Bté, deux à Bala (%anno au
sud-est de Däbrä Sina) dans les années 1970. Légende. Jeté au rivage par
une tempête, Msá « Adan » aurait été recueilli par Ali Ablís, chef des
Ablé (v.). Il aurait introduit l’usage des étoffes et certains ustensiles
domestiques. D’après Péri, il épousa une captive de celui-ci, qu’il obtint en
échange d’un fark, récipient en paille tressée. Elle fut la mère des Farká-b
buɖá (v.). Les Adniytó se divisent en Datá Adniytó (quelques familles) qui
transhument avec les Datá Ablé, et Asá Adniytó, à Tadjoura.
S : Chedeville / cheikh Sâli b. Maammad ; D.M. / Barkát b. Dawud. L : Péri (1938).
102
‘ADORÁSU
Adohyammára v. Asahyammára
ADÓ L
Tribu « [qui possède] des vaches blanches » de l’île de Dási (v.), d’origine
saho selon Odirizzi (1911). Leur cri de ralliement (itró) est le même que
celui des Asaurtá : « Gabârit ! ». Des Adó L sont aussi accolés aux
Alaytó (v.) et aux Dhí-m mlá (v.). Initialement, leur pays d’origine
pourrait avoir été la région de Adó Alé (v.) à l’ouest d’Assab. Les Adó L
sont ainsi considérés par Gaml al-Dīn al-Šmī (1997 : 442) comme faisant
partie des plus anciens groupes côtiers, notamment à Íddi (v.).
ADÓ LHÍ ALÉ
« La montagne de la vache blanche ». Pèlerinage au nord de Dagába, au
sud-ouest de Têru. Fréquenté par les Afars et les chrétiens. A différencier
de Ado Alé, à l’ouest d’Assab.
‘ADORÁSU
« (Ceux du) pays (rásu) blanc (adó) ». Ecrit parfois Aderassoul (encore
récemment, Fontrier, 2003 : 25 ; qui désigne aussi, à tort, l’ancien marché
de Abd al-Rasûl, ibid. : 55). Chefferie Adohyammára (v.) entrant, avec les
Bas má du Mablá, dans la descendance de « Gaddalé » Ali, ou Gaddalé
Alíh sárra « descendance de Ali le Béni », premier fils d’Ulêl Abûsa
Arbâhim. Le nom Adorásu, géographique, a tendu à se substituer à celui,
lignagier, de Gaddalé Alíh sárra quand l’administration coloniale a
encouragé ces derniers à s’émanciper de la tutelle des Debné.
« Gaddalé Ali »
Barkat
asallé
Maámmad « Róyta »
Abbāté
103
‘ADORÁSU
104
‘AFÁR
AÐKALTÓ
Egalement Aɖkaltó. Tribu apparentée aux Mafâ et aux Kutublá, avec le
même itró : « Gedân ! ». Gedllé « ceux qui ont gedân » désigne les
guerriers d’une de ces trois tribus. Les Aɖkaltó sont présents chez les
Ðurbá (v.), les Ulutó-k M daytó (v.), à Baádu (v.). Généalogie. Aɖkál est
un des fils d’Aɖaytá (v.). Fils de Aɖkál : 1. Baddúl (fractions Muɖitté,
Ali-Grrí) ; 2. D ró (D r rá, Kúlay) ; 3. ásan (asán-sárra).
S : HL (in D.M., 1991 : 47).
‘AFÁR
1. Ethnonyme. 2. Langue. 3. Ecriture. 4. Région géologique. 5. Région
administrative.
1. Ethnonyme. L’autonyme Afár n’a pas d’explication en afar. Franchetti
(1930 : 226), après Krapf (1860 : 21), a envisagé à tort une corruption de la
mythique Ophir (Gen. X, 29). La première mention de Afar semble figurer,
sous la forme Afara, sur le portulan attribué à Nuño Garcia de Toreno
(1522) exécuté dès le retour de Magellan. Son emploi au début de la
période coloniale (Reinisch, 1886-87) n’a pas empêché le terme arabisé
« Danakil » de rester le plus employé, notamment par l’administration
française4. Un rapprochement (Heudebert, 1901 : 84) paraît logique avec la
tribu al-Ifr (ou Afr), de l’Oman, vivant globalement à l’est de l’angle
sud-est du Rub al-/li, avec pour limites, à l’ouest, le Wd l1Umayr ; au
nord, le territoire des Dur ; et à l’est, les dunes de Waba, bien que le
souvenir éventuel d’une telle origine soit perdu. On note que l’ancêtre
4. Voir p. 10, la note du 10 août 1885 d’Antoine d’Abbadie au ministre des Affaires
étrangères français.
105
‘AFÁR
éponyme de cette tribu arabe est une femme nommée Afr, forme que l’on
retrouve sous la forme afare Afrá dans la généalogie de aɖal-Mâis (v.),
l’ancêtre des tribus régnantes afares : Abdallah « aɖal-Mâis » b. Mod
[Mu3] b. Gafar b. Mod b. Afrá (HL in D.M. 1991 : 18). Le rappro-
chement des noms Afár / al-Ifr (Afr), Afár / sudarabique fer
(Johnstone, 1987 : 14) ou ofer (Leslau, 1938) « rouge » paraît possible
mais reste incertain dans l’état actuel des connaissances. Si l’on peut
hasarder une piste, c’est pour remarquer que cette tribu de l’Oman, à la
différence des autres, est totalement enclavée, sans accès à la mer, ce qui
pourrait expliquer une émigration partielle, sur une route plus au nord que
celle suivie par les Mahra en direction de Bosso, sur la côte somalie
(Cerulli, 1926b). La tradition musulmane cite aussi un Mu3 b. Afr4
comme celui qui vendit au Prophète de l’islam, à Médine, l’emplacement
où fut élevée la première mosquée. L’homonymie est sans doute une
coïncidence. Zaborski (1997 : 88) a identifié Afar à Afan (Hafan),
territoire cité lors d’une expédition aksoumite au IVe siècle ap. J.-C. Cette
hypothèse a pour principale vertu de renforcer la probabilité d’une origine
autochtone (couchitique) des Afar dans la mesure où l’assimilation
(l’afarisation) de tous les groupes d’émigration arabes est une constante
historique jusqu’à l’époque coloniale. Le concept de Afarré (p. 12) fondé
sur l’acceptation de « ce que les Afars ont en commun (Afar lé-m) »,
insiste sur la capacité intégratrice de la société bédouine, capacité qu’elle a
perdue avec sa paupérisation croissante au contact de l’économie
monétarisée. 2. Langue. L’afar appartient à la famille des langues
couchitiques (sous-groupe oriental des basses terres). Historiquement, l’afar
est étroitement apparenté aux parlers sahos, avec lesquels il y a identité de
structures. Exemple :
saho du nord : zró-h zrán geddá ulí-marí ató-h yamtín
secours-à on appelle lorsque tous-gens aide-à ils viennent
saho du sud : dró-h drán gul ulí-marí ató-h yamtén
afar : dró-h sán wádi kullí-marí ató-h yamtén
« quand on appelle au secours, tout le monde vient à l’aide »
CHAÎNE DIALECTALE. Nombre de faits de syntaxe, de morphologie, de
vocabulaire s’expliquent en afar par le saho. C’est le cas, entre autres, du
nom des Bas má (v.). L’afar abnó « clan maternel » est le pluriel saho de
ábo « oncle maternel » (afar ábu, pl. abitté). L’idée d’une chaîne dialectale
suggérée en premier par Mahaffy (1952 : 1-2) peut être illustrée ici par trois
termes lignagiers : áre, abûsa et alé. Le saho áre « maison » a pour
correspondant en afar ári. Dans ce dernier cas, le mot renvoie à la maison
dans sa matérialité. En saho, áre désigne une fraction, comme chez les
Irob les adoḥ áre « les trois fractions » (v. Intilé Sek Áre). Le nom saho
dik correspond au campement et à la sous-fraction (afar gulúb). On a
coutume en saho de nommer les sous-fractions en les faisant précéder de
yâbo [*yi ábo] : yâbo šum asan-dik est la sous-fraction formée des
descendants de šum asan, ancêtre (ábo) d’une des dix-neuf sous-fractions
(dik) Asaurtá Asa-Lsan. En afar et en saho, le même terme abûsa (v.)
106
‘AFÁR
désigne les descendants des filles d’une tribu mariés au dehors, ou ceux des
frères des filles d’une autre tribu épousées dans la tribu. L’intensité et la
répétition de ces alliances expliquent des surnoms comme « Maad-Abûsa »
ou « Mawiyá-t-Abûsa » pour désigner solidairement les Sahos ado et
Tará, lesquels ont aussi un lien généalogique avec les Afars as bá (v.).
Abuk-abûsa « oncles et neveux » désigne les tribus pratiquant une
exogamie restreinte. Le troisième exemple concerne le nom alé
« montagne », en afar (peut-être de l’arabe al), qui a aussi le sens de
« tribu » en saho du nord, en relation avec l’habitat montagnard des clans
sahos aînés. On interroge en Asaurtá (saho du nord) : m alé kitô « de
quelle tribu es-tu ? », quand on dira en Ðasamó (saho du centre) : kišó
kitô (également kisó « tribu » : kišó kitô, avec pour correspondant kidó en
afar du nord, kedó en afar du sud). Un poème recueilli par Reinisch5
confirme ce double sens ancien de alé :
Mína yaníh nabá alé Les Mina sont une grande tribu
Mangó ḥal le Ils ont des dispositions nombreuses
(…) garí Komôk Aydí alé parmi eux, les Komô du mont Áyda
Là où le saho emploie alé avec le sens de « tribu, lignage patrilinéaire »
et/ou « mont », l’afar utilise, dans un cas, kedó, dans l’autre, alé ou kmá,
comme les parler sahos centre et sud, aboutissant à l’inventaire suivant :
« mont (montagne) » « tribu (lignage) »
Saho du nord (Asaurtá) alé alé, áre, kišó
Saho (centre) kmá (sud alé) áre, kisó
Afar du nord alé, kmá kidó
Afar du sud alé, kmá kedó
UN BLOC AFAROPHONE. En dehors des variantes lexicales, souvent liées à
l’éco-système ou à des emprunts, les différences en afar sont suffisamment
limitées pour ne pas gêner l’intercompréhension entre les groupes les plus
distants6. Au contraire, les mouvements migratoires, les alliances diverses
ont renforcé la cohésion du bloc afarophone, empêchant l’arabe de jouer un
rôle interdialectal. La division dialectale, avec le port de Baylûl comme
« frontière », conserve, en fait, celle entre le royaume de Dankáli (v.) et les
différentes principautés afares du sud (Adal, sultanats de Tadjoura,
Raaytó, Áwsa, notamment). L’afar (afar áf) n’a aucun statut en Rép. de
Djibouti, l’enseignement primaire et secondaire continuant de se faire
essentiellement en français. A l’époque coloniale, la seule disposition
officielle est le décret du 8 décembre 1938 (complété par l’arrêté du 19
janvier 1939) instituant une prime « pour connaissance du dialecte indigène
local dans les possessions ressortissant au ministère des Colonies ». En
Ethiopie, la création de la région Afar, dite « région n° 2 », dans le cadre du
107
‘AFÁR
7. Cf. D.M., 1978, « Proposition pour la transcription de l’afar », Proceedings of the 5th
International Conference on Ethiopian Studies, session B : 125-128.
108
‘ALI ḤÚMMAD
AFRA
Un « patrice Afra » (Afar-a « Afar » ?) nommé gouverneur de la province
maritime (bar nagš) est mentionné dans le Fut al-abaša (trad.
Basset : 449). Comme avec Ali Góyta (ibid. : 68), Mmoli (172 : Mmulé
en Áwsa), groupe alors au voisinage de Harar qui ravitaille l’imam Amed
« Grañ » (v.), les questions de l’onomastique afare et du rôle de ce groupe
ethnique pendant les guerres de l’Adal restent ouvertes.
AGGÍNNI
Les Aggínni sont un des huit groupes composant les Bará Kadá (v.),
appelé Afará à Baylûl (v.). Fractionnement. On distingue huit Aggínni :
1. Groupe des Afndó-s sárra (à Millé avec les Arabtá), auxquels sont
rattachés les descendants de Artáa ; 2. Arkká ; 3. Nassâr (v.) ; 4. Ská ; 5.
Ð fyâyi (ou ámmadu-k radé mára : amádda, Dumaytó, aɖannuntó,
Harr rá, Aytias sá) ; 6. Asá M daytó ; 7. Igallá ; 8. Alaytó.
kil v. Makâban
LÁ
Groupe dépendant des Dammohoytá, comprenant les tribus Adnuntó,
Gidintó, Bdál, Arbhím, Bar rá, Sumaddá, Dankáli, Maliftó. Les 8lá
sont situés au sud de la piste joignant Mäqäle à la plaine du Sel, notamment
à Hannisiró, Korá, Wambartá, Billí Dbá, jusqu’à Marór au sud de Asalé.
‘ALI ḤÚMMAD
Áli b. úmmad b. Looytá, dit « ḥğğ Áli ». Debné Arbhintó (v.), né
entre 1891 et 1895, décédé le 22 mai 1952. Fils du sultan úmmad b.
Looytá et demi-frère des sultans de la sous-fraction umaddó. L’un des
principaux acteurs de la scène politique locale et, à ce titre, l’un des
informateurs privilégiés des administrateurs et officiers français sur la
tradition et l’histoire afare. Ali b. úmmad est actif avant l’implantation
française dans le G baád (1928). Pendant la Première Guerre mondiale, il
fait capturer le consul d’Allemagne Holtz et son compatriote Karmelich, à
Afási (v. p. 3). A partir du 18 janvier 1918, il perçoit une solde de 150
109
‘ALI « BŌRÁWLI »
‘ALI « BŌRÁWLI »
Saint enterré en haut du mont B ráwli, au nord d’Aysaíyta. On ne doit
emporter aucune nourriture quand on le visite, et se curer les dents de la
viande qui y resterait après un repas. Autour du tombeau, des vautours
viennent se servir de la viande des sacrifices. On les écarte simplement de
la main.
ALI$MIRÁ% %ANFAĐÉ
Sultan d’Awsa. Né en 1922 à Hanlé Fursé, sultan de 1944 à 1975. Fils de
anfaɖé b. « Kaɖɖá » Aydâḥis (v. Sangerrá) et de Hwá (ou Hwí) des
Asá Damblá (Damblá-k M daytó). Aux données complémentaires (voir
Awsa, Aydḥissó, Ðálak Ballís), on ajoute les éléments généalogiques
suivants. En 1981, on pouvait dénombrer 12 fils et 12 filles, issus des
110
‘ALLÔMA
ALIYTÓ
Tribu composée de deux fractions principales : 1. Fraction rattachée aux
Dammohoytá de Bíɖu (v.), issue de deux frères, úmmad et abanná b.
Aliytó. Généalogie. 1. De úmmad (aîné) : les fractions Ksintó,
Danantó, Arbhintó ; 2. De abanná : les fractions Asá úmmad (sous-
fraction Rabin ná) ; Adráytu (sous-fractions : Bárkul, Sûna-Mômin,
Skabisó, Buttukné-úmmad, Gdá). 2. Fraction rattachée aux Ulutó-k
M daytó (v.)
‘ALLÔMA
Tribu des Adáli-k Ayroytá (v.). Les Allôma sont dits « Wagábak
Kobortó » comprenant les Wagáb et les Kobortó (v.). Le lien étroit entre les
deux lignages est illustré par l’adage « Tu as tué un Wagáb, tu n’auras pas
lieu de rire d’un Kobortó » (Wagáb iddéh, Kobortó mâslin). Légende.
Les ancêtres des Wagáb vivaient dans les pays nommés Allôma et Garáni.
A la suite d’un meurtre, pour échapper à la vengeance légale (ḥané),
úmmed b. Alisek (Ali-š) b. cheikh Adan (l’ancêtre des Wagáb) fit
creuser le puits de Adlá, aux vertus curatives. Sa descendance est donnée
dans le tableau ci-après. Datukké b. Áli était le chef dans les années 1960.
Sa généalogie incluant dix générations, le début du lignage peut être situé
au milieu du XVIIe siècle.
111
‘AMBĀDÓ
G2 Meelúm Alisek
‘AMBĀDÓ
En afar « falaise », du verbe ambad « être droit, dressé ». r Ambdó
(adminis. « Khor Ambado »), « l’anse de la falaise », nom d’un mouillage
protégé de l’alizé d’Est, sur la côte sud du golfe de Tadjoura, à env. treize
kilomètres à l’ouest de Djibouti, maintenant en pays issa (v. Traités).
« Ambado » entre dans l’histoire coloniale avec le massacre, en novembre
1886, d’une partie de l’équipage du Pingouin.
L : pour une rédaction récente, cf. Prijac, 2012 : 71-82.
ANGÁRU
Admin. Khor Angar. Localité côtière au nord d’Obock et au sud du rs
Siyyan, occupée de septembre 1884 à mai 1885 par la France. Lieu d’un
accrochage entre des Afars et une patrouille italienne qui aura 8 tués sur un
total de 10, le 23 nov. 1916 (Ahmed Dini, in Ali Coubba : 27, indique le 17
nov. 1917). L’arabe r (afar kôri) désigne un estuaire, une ria. Le nom
Angáru s’applique à la mangrove en retrait de la côte qui a pu être l’ancien
rivage avant de subir des variations statiques. Avec Godoryá au sud,
formant aussi une ria, et ayyú (v.), la végétation côtière présente quelque
analogie avec celle que l’on devine sur les bas-reliefs de Deir el-Bahari ou
avec ces « oliviers » marins qu’évoquent Agatharchide de Cnide et Pline
l’Ancien (Leclant, 1978). Ceci vaut autant pour la côte érythréenne. L’afar
distingue plusieurs variétés de palétuviers dont : tákay « Avicennia
officinalis (ou marina) », le « manglier blanc » ; kandalá « Rhyzophora
mucronata », « le manglier rouge »8. Mais ni le site de Khor Angar, ni la
mangrove n’expliquent le toponyme. Il ne semble pas que l’on puisse le
rapprocher de anar « ancre », mot venu du grec via le persan. Le nom
8. L’emploi de ces noms afars a été relevé à Zeyla (in Fauvelle-Aymar et alii : 2011 : 35).
112
‘ARRADDÓ
ANKATTÁ
Egalement Ankattó. Ancienne tribu de l’Áwsa virtuellement disparue. Son
nom pourrait rappeler la vieille principauté d’Angot, aux sources du
Takazzé. Elle englobait probablement le pays de Waldayya, Kobbo et peut-
être la région de Z bil. L’installation de musulmans dans ce qui était un
pays amhara et l’apparition du toponyme Yäğğu sont établies (EA, I : 268).
L’une et l’autre sont la conséquence de la conquête d’Aḥmad « Grañ » (v.).
ARABTÁ
Une des huit tribus composant les Bará Kadá (v.), formant cinq
chefferies. Distribution. 1. Millé (ou Gafūrá) ; 2. Gaydárru ; 3. Saá ; 4.
Dâbu k Maská ; 5. Wáytu (région de Lógya, Tandaó). Arabtá, l’ancêtre
éponyme, est frère de Asabbakári (v.) et de Nassâr (v.). V. M daytó.
S : HHL (Naw.) ; D.M. / ámad b. Maámmad b. M tallá.
‘ARRADDÓ
Toponyme de la plaine du Kaló (v.). Le nom renvoie à l’aspect « dénudé »
(arrad) de la plaine. Ce Kaɖɖá Arraddó « grand Arraddó », à l’est de
Dubté, est à différencier du « petit Arraddó », en aval de Hayyeffagé. Le
nom Dábal « autoglorification avant un combat », employé comme
toponyme (voir carte n° 6) est associé à celui de « grand Arraddó ». C’est
là que s’est produite la défaite (h. 14 Šabn 1313 / 30 janvier 1896) des
forces du sultan d’Áwsa (v.) face aux 25 000 à 30 000 hommes, menés par
le ras Wäldä Giyorgis et le däazma (futur ras) Täsämma Nadäw,
rassemblées par le gouverneur d’Ankobär, azza Wäldä =addəq. La
chronique traduite par Maurice de Coppet, lequel donne le 26 janvier 1896
comme date de la bataille (1932 : 406), estime le nombre de morts afars à
1500 (600 selon le général Baratieri). Une tradition afare rapporte que les
ginníli (v.) des tribus S kallá, Amasá et Alaló auraient prédit la victoire à
ceux qui attaqueraient au poignard (le meurtre au gilé est traditionnellement
considéré comme seul digíf « valable », cf. D.M., 1997 : 110-112). Les
Afars laissèrent leurs fusils et s’avancèrent sur la plaine où ils furent
fauchés. Le désastre de Arraddó a eu une double conséquence : extérieure,
avec la mise sous tutelle éthiopienne de l’Áwsa ; interne, avec
l’affaiblissement des Aydḥissó : dès 1898, soit deux ans après Arraddó,
débute une guerre de succession, alors que le sultan Maḥámmad « Illálta »
est encore au pouvoir. La querelle dynastique va se transformer en guerre
du trône (v. Sangerra) et diviser l’Áwsa au moins jusqu’en 1912. Il est
possible que la bataille ait été, pout une part, le résultat d’une vengeance du
sultan du G baád, Húmmad b. Looytá, brouillé avec le sultan d’Awsa
depuis l’exécution de Abdulkâdir b. Arbāhintá (v.). Húmmad b. Looytá,
113
‘ASÁB
of Assab (…) and of the tribes of Ad Ali », sans doute sur la foi de la
mention par Carlo De Amezaga (1880 : 626) d’« il sultano Ibrahim » dont
il trace un portrait sympathique (cf. Lupi, 2008 : 410). Mais il n’y a jamais
eu de sultanat d’Assab, et les « Ad Ali » sont ici des Anklá.
DEUXIÈME CONTRAT. Le 11 mars 1870, Sapeto et le capitaine Buzzolino,
représentant de Rubattino, achètent la bande de terre comprise entre le
promontoire de Luma, Buia (le cap Byyá, immédiatement au sud de
l’actuelle ville d’Assab) et Gangá. Les signataires sont les deux frères
ásan et Ibrhim b. ámad et Abdallah b. Šeém, « sultan de Buia » (v.
généalogie des Anklá, p. 67). Le drapeau italien est hissé le 13 mars 1870.
Les Egyptiens protestent. Un détachement est débarqué, qui détruit la
cabane édifiée par Sapeto. Après plusieurs années d’interruption, Sapeto
reprend de nouvelles négociations qui vont durer jusqu’en mars 1882,
quand le gouvernement italien deviendra propriétaire du territoire, où est
d’abord créé le Commissariato Civile in Assab, puis la Colonia di Assab
jusqu’à l’institution de la Colonia Eritrea (1890). De septembre 1879 à
juillet 1880, une mission hydrographique étudie la faisabilité d’un port.
TROISIÈME CONTRAT. Le 30 décembre 1879, le sultan Adáli de Raaytó
(v.), Burán, dit « Asá Dardár », b. Maámmad (et non b. Dîni comme le
disent les sources coloniales qui font une confusion avec son vizir), renonce
en faveur de Sapeto aux droits sur l’île de Umm al-Bar (ou Umm al-
Ba>ar), Darmakiya et rs al-Raml. Les Anglais protestent. Le Premier
ministre, Lord Salisbury fait savoir, le 15 janvier 1880, qu’il considère
Assab comme un territoire égyptien.
QUATRIÈME CONTRAT. Le 15 mars 1880, le sultan Burán vend pour la
somme de 13 000 thalers la baie entre le cap Byyá et Santhar, au sud (rs
Sintiyân, le récif de Šantiyn), ainsi que les îles de la baie. Rome informe
Londres, le 19 avril 1880, qu’Assab ne sera jamais un établissement
gouvernemental à caractère militaire, et n’aura jamais ni garnison, ni
fortifications.
CINQUIÈME CONTRAT. Le 15 mai 1880, les notables Anklá ásan et
Ibrhim b. ámad cèdent à Sapeto une bande côtière, sur une profondeur
de six milles, de rs Luma à rs Darmá, au nord-ouest (rs Tarma sur les
cartes, au sud de Baylûl), ainsi que l’île de Sanabour (Sanabûri) au nord de
Asáb. Abdallah b. Šeém, co-signataire du 2ème contrat, approuve la
convention du 15 mai. A noter, le toponyme italien inventé « Sella », en
afar Gudlá correspondant à la cote 260 à l’ouest de la ville. Une tentative
de débarquement égyptien a lieu en décembre 1881, repoussée par les
Italiens. Le 10 mars 1882, la compagnie Rubattino cède au gouvernement
italien, pour 416 000 lires, le territoire acquis par elle depuis 1869. Le 15
mai 1882, la Grande-Bretagne reconnaît la prise de possession de l’Etat
italien, que l’Egypte conteste. L’Italie se présente au sultan de Raaytó en
protectrice contre toute nouvelle tentative égyptienne. Les Anglais, après
avoir signé un traité d’amitié et de commerce avec l’empereur Yohannəs (3
juin 1884), auquel ils remettent la zone de Massawa, évacuent leurs troupes
bloquées par l’insurrection mahdiste. Ils encouragent les Italiens à
s’implanter à Massawa, dès le départ des Egyptiens. Baylûl est
115
‘ASABBAKÁRI
‘ASABBAKÁRI
Généalogie. Tribu descendant de Abbakári, fils de Otbân, fils de
Egermayfellí ; fils de Môday ou « M dalé » Arbâhim, ancêtre des
M daytó. Non répertorié dans la tradition Adáli (cf. Albospeyre, 1959),
Asabbakári (de *Asá Abbakári « Abbakári, le Rouge » = le Valeureux) est
supposé avoir fourni les peaux de boeuf sur lesquelles aɖal-Mâis (v.),
juché sur l’arbre, devait descendre et poser le pied. Cette omission montre
116
‘ASAHYAMMÁRA
l’importance tardive prise par les Asabbakári liés aux Nassâr et aux Arabtá
lors de l’occupation de la vallée de l’Awash au début du XIXe siècle (v.
Bará Kadá). Le processus fédératif inclut des éléments Fantoytá (v.) et
Ulutó. La présentation de l’ancêtre des Nassâr comme frère de Asabakkári
et de Arabtá (v.) est le produit de cette agrégation. Au cours de l’histoire,
une relation a tendu à s’établir entre la distribution territoriale et l’insertion
généalogique. Ainsi, on trouve plutôt des Anbúsi, descendants de
Anbús, et des G hartó issus de Gôhar b. Yalló, à Asáb. Une tradition
interne donne Táway, sur le Đer Daár, au nord de Baylûl (v.) comme point
d’origine des Asabbakári.
Môday = « M da lé » Arbâhim
Otbân
‘ASAHYAMMÁRA
1. Etymologie. 2. Distribution. 3. Deux thèses récentes.
Terme qui s’oppose à Adohyammára et sujet à plusieurs interprétations
dues, en premier lieu, à des différences de forme possibles. Variantes :
*asá-h yán mára « les gens qui sont vraiment rouges », *adó-h yán mára
« les gens qui sont vraiment blancs ». Dans ce cas, yan (* yam) est
l’inaccompli (3ème pers. sing.) du verbe en « exister ». Le sujet mára
« gens » (v.), collectif singulier, implique l’accord verbal au singulier.
Asahyammára et Adohyammára sont la nominalisation (un seul accent)
d’une proposition relative « les gens qui sont rouges », « les gens qui sont
blancs ». Seconde variante : Asayammára : *asá ya mára « les gens qui
(se) disent rouges » ; Adoyammára : *adó ya mára « les gens qui (se)
disent blancs ». Ici, ya est l’inaccompli du verbe « dire ». Variantes des
précédentes (avec h d’insistance) : Asahyammára : *asá-h ya mára « les
gens qui (se) disent effectivement rouges » ; Adohyammára : *adó-h ya
117
‘ASAHYAMMÁRA
mára « les gens qui (se) disent effectivement blancs ». Comme dans le
premier cas, il y a nominalisation d’une proposition dépendante lexicalisée
avec un seul accent pénultième. L’implication sémantique est différente :
les formes avec le verbe « exister » sous-entendent une adhésion de celui
qui parle ; celles avec « dire » sont plus neutres, et pourraient avoir été
diffusées par des afarophones en marge de cette opposition partisane.
L’explication de ces deux termes fait depuis longtemps débat. 1.
Etymologie. La division géographique et impressionniste suggérée à
Deschamps par i Ali (v.), les « Blancs » occupant la côte sableuse et
les « Rouges » l’intérieur, n’est vraie qu’en République de Djibouti. En
Ethiopie, comme l’a montré Chedeville (1966), Adohyammára et
Asahyammára sont juxtaposés le long du cours de l’Awash, et ailleurs. Le
partage fait par Odorizzi entre Rouges nobles et Blancs roturiers, repris par
Lewis (1965 : 155), est contredit par l’existence des sultanats « blancs » de
Tadjoura et Raaytó, dont les titulaires remontent au même aɖal-Mâis
(v.), dont se réclament aussi les Rouges « nobles » de l’Áwsa, les M daytó.
En outre, si ceux-ci fournissent les chefs du sultanat, il n’en est pas de
même partout : ces M daytó ont des contribules restés dans le massif de
Mablá (v.), au nord-ouest d’Obock, et passés sous commandement Bas má
(Adohyammára). Il en est de même pour les Ilinó, les M daytó, les
Askakmáli du plateau du Wimá dépendants des Badoytá-m mlá (Datá
buɖá). Enfin, les concepts de noblesse et de roture sont inadéquats
s’agissant des Afars (v. Súget). L’équation de Franchetti (1930 : 226) :
Blancs = descendants d’Arabes ; Rouges = autochtones, ne se vérifie pas
non plus. aɖal-Mâis, dont l’ascendance arabe (ou persane) est
revendiquée, est à l’origine de lignages rouges et blancs. Cette opposition
de couleurs ne concerne pas tous les Afars. Elle n’englobe pas les Ablé qui
accueillirent aɖal-Mâis, ni les Anklá chassés par ses descendants. La
division entre Adohyammára et Asahyammára, comme l’a suggéré
Chedeville (1966), n’est ni territoriale, ni sociale, ni liée à une parenté
réelle ou supposée. Elle est d’abord politique et liée aux conflits qui, à
partir de la fin du XVIIIe siècle, vont opposer deux (ou trois coalitions avec
les Debné qui auraient été les « Noirs ») pour le contrôle des terres fertiles
de la vallée de l’Awash et de l’oasis que constitue l’Áwsa (v.). Harris
(1844 : 179) parle assez justement de « Red House », à propos des
M daytó et de leur conquête de l’Áwsa. L’opposition de couleurs trouve
une de ses origines possibles dans le dráy, un bâton d’environ un mètre
cinquante, assorti d’une tresse bicolore, blanche et rouge, qui était aux
mains du chef d’expédition. Le nom dráy renvoie à dró (v.), l’appel à
l’aide. Le fait d’attacher cette tresse signalait le début des hostilités. Il
existe d’autres explications populaires dans le cadre de cette opposition
guerrière. Ainsi, la différence de couleurs aurait été liée à celle des
vêtements, plus blancs sur la côte, plus rougeâtres sur l’Awash. Elle aurait
servi à repérer l’ennemi dans la bataille. Une tradition debné rapporte que
le sultan des Debné, Looytá b. Arbâhim, à l’époque de la lutte avec
anfaɖé b. Aydâis, avait recommandé d’épargner ceux dont le vêtement
était blanc. Toujours dans le cadre de cette dualité partisane, et dans la
118
‘ASAHYAMMÁRA
119
‘ASAHYAMMÁRA
Haralmais, the other was born black, Bedaitu. But their father died without
giving word or any message; and the two sons quarelled over inheritance.
Haralmais the younger wanted to be the elder and became Amoyta, the
king; while Badohaita or Bidaitu also wanted power. This quarel over the
share of power had to conflict and split off the family members. The elder
son and lineage of Adohiamarra group is Ad-Ali. In principle, all clan heads
(balabats) of Adohimarra sections are appointed by Ad-Ali group head. The
dualism began at that point and since then the dualism continued to exist
between the two sections of the Afar: the Asahimarra and Adohimarra.
C’est ici une origine généalogique qui est donnée à la formation de ces
deux groupes qui se définissent par une couleur, Blancs d’un côté, Rouges
de l’autre. Le fait que cette interprétation soit nouvelle (à notre
connaissance, elle n’apparaît pas dans la littérature antérieure), ne suffit pas
à la rejeter. C’est par la critique interne que sa pertinence doit être évaluée.
D’emblée, cette rivalité entre deux frères, l’un, noir, l’autre, rouge, apparaît
contradictoire avec l’opposition convenue entre Rouges et Blancs. Le nom
du premier, « Bidaitu » ou « Badohaita », paraît également douteux, dans la
mesure où ces deux formes ne sont pas afares, en tout cas, on n’en voit pas
le sens. En afar, bda est « l’étranger », bdâni désigne parfois les Arabes
des confins Yémen-aḍramawt. On laisse de côté bdá qui est le fait de
s’avouer vaincu. C’est aussi le nom d’un point d’eau à Dôbi (v.).
« Badohayta » fait penser à badoytá « zone de terre blanche » mais on ne
voit pas comment de « blanc » le mot en serait venu à désigner le fils
« noir » de aɖal-Mâḥis. Le rapprocher de Badόyta (voir p. 136) ne résout
pas le problème puisque l’anthroponyme n’a pas de lien avec le terme
topographique. En définitive, une référence explicite à la source orale
qu’utilise Kassa Negussie fournirait peut-être la clef explicative de cet
étrange récit. A cette absence des sources, s’ajoute cette remarque de
l’auteur qui montre sa perplexité quand il ajoute (op. cit. : 60) :
There is no strong evidence that demonstrates that the Asahimarra have
been politically dominant over the rest of Afar or circumstances in which
the Adohimarra Afar sections were subjected to the Asahimarra. The
relation that existed and are still maintained are not of that of conqueror /
conquered or ruler / subject. This dualism in Afar has to do, as shown
above, with a range of other factors to which oral tradition and historical
evidence alone seem to be insufficient.
On a bien lu que la tradition orale serait insuffisante pour expliquer cette
opposition entre Asahyammara et Adohyammara, au prétexte que ce
dualisme ne reposerait pas sur une relation de dominant à dominé. Mais,
qui a dit que la division entre Rouges et Blancs était de cette nature ?
Principalement, I. M. Lewis après Odorizzi, en affirmant sans preuve
(1955 : 155) : « The Afar are divided into two classes : the Asaimara (the
Red) or nobles, and the Adoimara (the White) the commoners. » Kassa
Negussie a raison de ne pas se satisfaire de cette opposition entre « nobles »
et « roturiers », qui n’a effectivement aucun sens en contexte afar. Mais il
ne peut, pour autant, se priver de cette source essentielle que constitue toute
tradition orale bien comprise. De ce point de vue, la démarche de Karim
120
‘ASAHYAMMÁRA
121
‘ASÁL
début de son article : « Nous ne sommes pas spécialistes des Afars... il nous
a manqué les écrits sur cette société ». Il faut ici regretter que les auteurs
n’aient pas lu Abdallah Mohamed Kamil (1967) qui, à l’occasion d’une
analyse de la fimá, a, le premier, montré l’incidence structurelle du sous-
peuplement dans l’inachèvement de l’évolution socio-politique.
S : HL (in D.M., 1991 : 36) ; D.M. / Alóyta b. Durúy ; Chedeville (1966) ; Yâsin b.
Maamm dá. L : Deschamps (1948 : 22) ; Franchetti (1930 : 233) ; Odorizzi (1907 : 936).
‘ASÁL
Dépression atteignant – 150 mètres sous le niveau de la mer, comportant un
lac salé. D’une superficie d’environ onze mille hectares, le lac est
communément appelé lac Assal, alors que le nom Asál s’applique à
l’ensemble de la dépression, tandis que le lac stricto sensu est le lac Blanc
(adó bad), opposé parfois au lac Noir (datá bad), lequel, suivant la
cartographie française, reprenant l’usage des marins yéménites fréquentant
ces parages, est appelé « Gubbet-Kharab », en arabe ubbat al-arb « la
baie ruiniforme » (v. Rood Ali). La saline (Asál dageyná), improprement
appelée « banquise de sel » dans la littérature touristique, a longtemps été
disputée. Johnston (1844) signale que les M daytó (à Gunguntá) et les
as bá la revendiquent, à parts égales. Il ajoute qu’ils se battent entre eux,
et avec les Issas qui viennent parfois en grosses caravanes chercher du sel.
Deux lettres conjointes (1887, source Coullet) du sultan de l’Áwsa,
Maámmad « Illaltá » et du sultan du G baád, úmmad b. Looytá, pour
protester contre les projets réels ou supposés du gouverneur Lagarde
d’occuper le lac Assal, montrent que la saline était, comme celle de As
Alé (v. Amolé), l’objet d’une transaction permanente entre sauniers,
caravaniers et leurs commanditaires, n’ayant pas de propriétaire désigné.
Un proverbe dit : abbá g Dbî k abbá w Asála « Dôbi a un chef (et du
mauvais sel), Asal est sans chef, mais a du bon sel. » Géographiquement
en territoire Adorásu (v.), le lac Assal a été localement, jusqu’à l’époque
française, sous le contrôle politique des Debné quand ceux-ci, notamment
úmmad b. Looytá (v.), tenaient en tutelle les ‘Adorásu. Dans le même
temps, le sel dépendait, pour son évacuation vers l’intérieur, du bon vouloir
du sultan d’Áwsa qui, comme en 1866, n’hésitait pas à se servir
directement. En 1897 (v. Afambó), l’Ethiopie réaffirmera ses droits sur la
saline ; ce qu’elle ne cessera de faire jusqu’à l’époque la plus récente quand
l’exploitation du sel a été entreprise avec des moyens mécanisés. En 1937,
le nombre de chameaux venant mensuellement charger le sel est estimé à
cinq cents bêtes. La charge d’une bête est vendue entre 30 et 35 thalers sur
le marché de Bté (source Cède). Ce prix montre un écart important avec
celui du sel extrait de As Alé (v. Amolé). Le premier projet d’exploitation
du sel du lac Assal par un Européen revient à Léon Chefneux, venu à
Obock avec Soleillet, en 1882. En 1889, il fonde à Paris la Société
anonyme d’études du lac Assal. Un décret (4 août 1892) concède à ladite
société l’exploitation de la saline, mais les oppositions, dont celle de
Ménélik (plaintes en 1887), détournent Chefneux de ce projet, qui se lance
alors dans le commerce des armes.
S : Cercle de Dikhil [cdt. Coullet] (1943) ; cne Cède (1937) ; D.M. (1997 : 36).
122
‘ÍDDI
ASḤEDÁ
Tribu à risá (lac Abé), dont le territoire initial est maintenant propriété
des ark-m mlá (v.).
Áysi v. Amáysi
ÁYTUR
Egalement Aytrá. Terme qui désigne à Dawwé les ayís et les groupes
affiliés, par opposition aux Dorrá-Ageddó.
ERTÁ ALÉ
Egalement Irtá Alé, « la montagne qui fume ». Chaîne volcanique,
globalement comprise entre le sud du lac Marmarít, lui-même au sud du lac
Karúm, et le nord-ouest du lac Giulietti (Afɖrá-b bad), avec quatre
sommets principaux : Álu, Ðalá-f fillá, B ralé Alé, Alé-b bágu (ou
Amaytôli). Le lac de lave a été exploré par Haroun Tazieff (1967-73),
lequel écrira : « (…) « aucun Danakil n’avait jamais atteint ce cratère (…)
Tullio Pastori lui-même n’avait pu y parvenir » (1975 : 125), alors que
l’Italien a nécessairement grimpé le volcan en 1906 puisqu’il fut le premier
à y observer le lac de lave (cf. les sources citées par Lupi, 2009, II : 839).
‘ÍDDI
De *iddé-li « qui a du gravier fin » (ou indé). Sur les cartes, « Edd ».
Localité côtière érythréenne en région Dammohoytá (v.), après avoir été
aux Ab ná (v.) et aux Dhí-m mlá Kunnutó. Salt, qui y jette l’ancre (9
décembre 1809), estime à quarante le nombre de huttes à Íddi (qu’il écrit
Ayth). Le chef porte le titre de šek (plutôt que celui de rdántu), avec
comme zone de compétence vers le sud, Bardalé Ð, au nord de la baie de
Barraasôli, limite des Baɖittó ; et, vers le nord, rs Kasar. Dépend, du
point de vue afar, du sultan de Bíɖu, et, du point de vue de l’administration
italienne, puis éthiopienne, de Tó. Histoire coloniale. Pour le compte de
la Compagnie nanto-bordelaise, Edmond Combes, à bord du brick Ankober
commandé par le capitaine Broquant, débarque à Íddi et fait signer un
contrat de cession, le 12 septembre 1840, à « Mahmoud Hassan, souverain
maître de Edd » et Badderi Ali « juge et chef de religion ». Un versement
de 1500 thalers est effectué. Le traité est transmis au vice-consul de
Djeddah, Fresnel, puis au consul de France à Alexandrie, Cochelet, lequel
émet des doutes sur la validité de la démarche de Combes. L’expédition se
solde par un échec commercial et politique vis-à-vis du chef du Tigré, le
ras Wubé qui n’achète aucune des armes contenues dans la cargaison de
l’Ankober. Il apparaît assez vite (cf. rapport du Caïman, 1854) que le
cheikh « Aidu » (Êdu) a vu une partie de son territoire cédé à Combes par
deux personnes non habilitées à le faire, dont « Baderri Ali », sans doute
« As-Ali » Baddiré, cadi Dhí-m mlá, sous-fraction Kádri, de la fraction
Yaîdi. Ferret et Galinier (II : 452) comme la mission Russel (1859-60) font
douter de la validité du choix de Edd, « coupé du Tigré par le pays des
Taltals » (v.). Ce projet contesté est finalement récupéré par le vice-consul
de Massawa, Degoutin, auquel la Compagnie nanto-bordelaise vend ses
« droits » sur Íddi (1850), lequel les cèdera à la maison Pastré de Marseille
123
‘ÍDDI
1675 Addán
1750 Êdu
1775 ámad
1950 Msá
124
‘ÎSA
‘ÎSA
1. Toponymie. 2. Tombes des ugs. 3. Etymologie du nom ugs.
Le nom Îsa désigne, en afar, les Somalis Issas, collectivement. Il est
prononcé et écrit différemment en somali et en afar : en somali : Îse
(orthographié Ciise ; en afar Qiisa [îsa]). Le nom collectif est masculin :
afar sí yaní « il y a des Issas » ; singulatif sáytu « un Issa » ; (f.) saytó.
Les premières traces de cette confédération tribale remontent au XIXe
siècle. Les Issas n’apparaissent pas antérieurement, par exemple dans le
Futū al-abaša (XVIe siècle) ou dans la chronique de Amdä =Gyon (v.
Adal), bien qu’une partie des événements relatés dans ces textes se déroule
dans la région habitée aujourd’hui par les Issas. Cette absence de mention
ne signifie pas pour autant que les Issas en aient été absents, malgré
l’affirmation récurrente de la littérature coloniale de l’occupation récente de
la région de Djibouti par les Issas. Leur antagonisme avec les Afars est un
autre lieu commun de la littérature de voyage et des rapports des
administrateurs. Si la réalité de ces conflits n’est pas contestable, elle ne
doit pas empêcher de prendre en compte une évolution plus complexe où
les Issas ne constituent pas une entité démographique formant un seul bloc
et où les procédures amiables permettent le règlement des conflits. La
Chronique de l’Awsa du cheikh Hīlānī (voir Annexe II) indique une
présence des Issas, au moins depuis 1838, à la frontière sud de l’Awsa.
Dans l’Introduction, mention a été faite des témoignages de Soleillet et
Harris qui attestent du voisinage des Issas avec les Debné du G baad, dont
ils furent les bergers. La bataille de Mári (1867), le combat de ādôla (mai-
juin 1879) entre Īsa et Debné, après celui de Ðābukkán en 1879 (v.
Karma), renvoient à des périodes de belligérance, suivies de trèves.
Affaiblis par leurs tentatives de conquête de la vallée de l’Awash au XVIIIe
siècle, les Debné ont progressivement abandonné la zone à l’ouest de Zeyla
à leurs voisins Issas. La toponymie montre une coterritorialité ancienne,
que confirme l’emplacement des tombes des ugs. Ce voisinage autorise
une interrogation quant à l’étymologie de ce titre coutumier.
1. Toponymie. Traditionnellement, les Issas font de Sitti (près d’Ayšāa) le
centre de leur pays. Celui-ci est décrit comme possédant 12 oueds (di). Ali
Moussa Iye (1990 : 218) énumère ainsi (les toponymes sont cités dans
125
‘ÎSA
l’orthographe normative somalie, soit dh pour [ɖ], c pour [], x pour [] ; la
longueur vocalique n’est pas systématiquement indiquée) :
Les six « oueds à boue » (…) désignent les séances tenues dans des oueds
où l’eau est boueuse quand il pleut et laisse de la boue sur le lit de l’oued.
Cette métaphore désigne en fait une unité territoriale bien déterminée à
l’intérieur du pays issa. Elle est située géographiquement entre Sitti (le lieu
originel du Xeer et en même temps le Centre du pays issa) et la ville de Dire
Dawa (région de Harar). Les six oueds à boue sont : Sitti, Hadhagala,
Habaqo, Waaruf, Candha Ubeydh et Harawa. Les six « oueds à sable » qui
se rapportent aux oueds à l’eau claire ou du moins qui laissent un sable bien
lavé et propre après la pluie. Ils sont situés entre Sitti et la côte de la mer
Rouge. Ce sont Biyo Cadday, Dhanaan, Geestiir, Heensa, Dix Barkhadlé et
Saylac ou Zeila.
Cette liste appelle les commentaires suivants. La région où se situent les
douze oueds cités ne correspond qu’à une partie du pays issa. Incidemment,
il n’existe pas d’« oued Zeila ». Ce dernier n’est que le nom donné à l’oued
Barkhadle dans la partie terminale du système orographique Hnsa-
Barkhadle-Warab ɖ-Fɖweyn. L’oued Barkhadle change de noms en
atteignant la côte. Il est appelé Byya Đaɖr « aux puisards lointains ».
Avant d’atteindre la ville de Zeila, il rencontre l’oued Byya Aday. Les
habitants de Zeila allaient chercher de l’eau au puits de Toqošši, au nord,
dans l’oued Byya Aday. Il faut ici s’arrêter sur ce nom byya
(lexicalement byyo), propre au parler des Issas (les autres Somalis du nord
utilisant, pour désigner un point d’eau, outre biyo « eau », l, ls, etc.).
ETYMOLOGIE DE B YYO. Le mot est à rattacher à l’afar byyá. Il désigne des
petits puits peu profonds, des puisards creusés à la main dans un lit d’oued,
après une crue (ar. ogla). Kta-byyá « les mares aux chiens » désigne des
mares saumâtres aux environs de As-@lá, dans le G baád. Le terme
permet de différencier un point d’eau temporaire d’un puits permanent
(êla : Tagorrí êla désigne le puits de Tadjoura). Le nom byyá (sg. afar
búyyi) est conservé dans le parler des Somalis Issas, dans la région qu’ils
habitent, suite au retrait des Afars. Il prend deux formes :
1. Confondu avec biyo « eau » : Daasbiyo, village au sud de Djibouti, est
un calembour (daas « sandale » + biyo « eau ») formé sur l’afar ɖ as
búyyi « le puisard à la pierre rouge ».
2. Sous la forme byyo, le mot désigne aussi un point d’eau qui peut être
étendu à l’oued tout entier : Byya Aday « le puisard à Salvadora persica »
(au sud-ouest de Zeyla). Le passage de byyá à byyo est régulier. Celui de
la voyelle finale [a] à [o] est constant (cf. afar magla, somali maglo). Il
entraîne le passage à la voyelle d’aperture moyenne [e], suivant l’harmonie
vocalique en somali : afar *[u] + [a] : byyá * somali [e] + [o] : byyo.
OUEDS. La liste donnée par Ali Moussa Iye est une sélection des oueds
coulant, soit vers la mer, soit vers l’intérieur des terres (globalement vers le
nord). Pour être exhaustif, il conviendrait de recenser :
I. Oueds du versant maritime (du nord au sud) : 1. umbuli. 2. Dūda
Weyn. 3. Damrjg. 4. Deydey-Antar. 5. Barisle. 6. Byya Aday-Toqošši.
7. (en aval de Hnsa et Gstir) Barkhadle-Fɖweyn. 8. Mandao-
Ašaaddo. 9. Silil. 10. Hmal.
126
‘ÎSA
127
‘ÎSA
3. Etymologie du nom úgs. Un point non relevé par les auteurs est la
forme exacte de ce nom écrit ugaas, dont les voyelles sont prononcées
« avancées » (avec un avancement de la masse de la langue, trait
phonétique appelé en anglo-américain « advanced tongue root » : +ATR) ou
« non avancées » (-ATR). Le somali normatif ne le note pas et écrit ugaas,
alors que la forme exacte est [ǘgääs], avec accent pénultième et
avancement vocalique noté ici par un tréma. Le fait n’est pas secondaire. Il
caractérise le système vocalique du somali, même si l’orthographe
normative l’omet. L’avancement, auquel s’oppose le non-avancement
vocalique, permet de différencier, par exemple, les impératifs : (-ATR :
rétracté) duul [duúl] « vole » et (+ATR : avancé) düül [düǘl] « attaque ». Un
rapprochement avec ul-gs « bâton du chef de guerre » (Ali Moussa Iye) ne
peut être exclu, mais il reste problématique, ni ul ni gs n’étant porteurs du
trait « avancement ». En outre, cette référence guerrière s’accorde mal avec
la fonction arbitrale de l’ugs9. Le problème principal est le sens exact et
l’origine non-somalie de gs qui désigne non un chef de guerre mais un
grand groupe de combattants10. C’est en fait un emprunt à l’arabe gš.11
Une autre incertitude concerne le nom du premier ugs, Ugs b. Makkahl,
pour Bertin ; Gld Ugɖ Ml, pour Ali Moussa Iye. Suivant cet auteur, le
1er ugs s’appelait donc ugɖ. Cette forme ugɖ est d’autant plus
intéressante qu’elle renforce la probabilité d’un voisinage avec les Afars,
antérieur au XIXe siècle. On fera ici deux hypothèses.
PREMIÈRE HYPOTHÈSE. Ugɖ est à rapprocher du somali ugɖ (var. ugār)
« gibier », « chasse ». Une évolution phonétique via le dérivé ugɖs « aller
à la chasse » serait : ugɖ → ugɖs (var. ugrsi12) → ugs. Le nom
composé Gld Ugɖ Ml peut ainsi être compris comme :
[Gld « Victorieux »] + [Ugɖ « gibier »] + [Ml « qui trait »].
« Le (chasseur) victorieux qui trait : qui se nourrit du lait du gibier ».
Ali Moussa Iye (1990 : 245) propose la traduction voisine de « Gld le
Sauvage », ce qui s’accorde avec ce que la légende rapporte. Selon la
tradition, la mère d’Ugɖ mourut quand il avait un an. Il est reputé avoir
grandi seul, vivant parmi les gazelles et allaité par elles jusqu’à l’âge de 10
ou 12 ans. Découvert par une bergère issa, il fut amené aux frères de celle-
ci. Assis au milieu de l’assemblée, sa tête fut soudain couronnée de nuages,
et la pluie longtemps attendue se mit à tomber. Sa baraka ainsi reconnue, il
fut adopté par Makkahl et apprit le somali, ce qui en fit un membre à part
entière de la communauté. Le récit légendaire confirme ainsi que Gld
« Ugɖ Ml » qui vivait en enfant sauvage n’était ni somalophone ni Issa.
La forme Ugs Makkahl, donnée par Bertin, pourrait être interprétée
comme une apposition :
9. « Homme qui conseille sa tribu » (« nin tol u taliya », Yaasin C. Keenadiid, Qaamuuska
af-soomaaliga, 1976 : 431).
10. « group of warriors » (Luling, Somali-English Dictionary, 1987 : 202) ; « qayb weyn oo
ka mid ah qaybaha ciidanka dagaalku ka kooban yahay » (Y. Keenadiid, op. cit. : 159).
11. Dans ce sens, *ul-gās rappelle la fonction du dráy afar (v. Dró).
12. Luling (op. cit. : 541) confirme ugaarsi et fait de ugāɖ la variante de ugār.
128
‘ÎSA
129
‘ÎSA
lien est d’autant plus probable avec les Harálla (v.) que c’est la forme sous
laquelle les Issas arla sont nommés en afar (D.M., 1991 : 86-87) :
Kalelon baddi kaxxa Harallak Ils dépouilleront de leurs fusils
les grands arla
Kalelon mayya kaxxa Harallak Ils dépouilleront de leurs vaches
les grands arla
Pour éteindre les querelles entre Afars et Issas, par exemple dans la zone de
l’oued Obnó, au sud-ouest du lac Abḥé, les arlá étaient encore récemment
requis comme arbitres, en raison de leur connaissance du droit coutumier
de chacune des parties en conflit. Dans la tradition rapportée par Bertin
(1973 : 37), Éli, le fils aîné d’Ibrhin, lui-même premier né du lignage
Sáad Mûse, épouse en premières noces, une femme Oromo appelée Harlé.
Leur fils Ábdi « arlá » est l’ancêtre d’un lignage plus particulièrement
chargé de rendre la justice. D’autres traditions font des Harla des
sédentaires ruinés pour leur orgueil et leur prodigalité, et dont les ruines des
villes correspondraient aux champs de lave de Metahara et au passage de
l’oued Dakkata, en montant de Dire-Dawa à Harar. Ces traditions renvoient
là à une coterritorialité conflictuelle jusqu’à l’anéantissement.
Dans ce tableau, les noms sont donnés suivant leur forme vernaculaire, non en somali normatif
qui écrit Ibraahiim, là où l’on prononce [Ibrâhin] ; Abdallah, au lieu de [Abdallé] ou [Abdillé].
130
‘OTBÂN ḤÁMAD
Dans le cas du récit issa, l’intégration des arlá est symétrique de celle des
Wardq. Elle est située au milieu du XVIe siècle, période où s’est opéré un
recentrage politique, et où des « Haralla » (v.) ont quitté le Harar pour
l’Awsa. D’autres ont pu rester dans la région pour finalement être intégrés
aux Issas. Les différentes traditions confirment le voisinage ancien des
Afars, des Issas et des Oromos dans cette région au nord du Harar. Le
tableau ci-contre mentionne le mouvement inverse des Awaddó,
maintenant comptés chez les Afars. Ces arlá devaient être peu nombreux
dès cette époque, peut-être décimés par de longues périodes d’affrontement.
Au 1er juillet 1936, ils étaient estimés par l’administration française à
seulement 690 personnes, dont 260 hommes.
S : Ali Moussa Iye (1990 : 256) ; Bertin (1968 : 3-10) ; 1973 : 33-38) Chedeville,
Recensement des Issas, 4 vol., 1938-1943 (non publié). D.M. (1991 : 40, 42, 86-87, 112). L :
EA, I : 478 ; II : 1034 ; IV : 1015.
ISÓ
Loyer de la terre, versé à la tribu propriétaire. La redevance prend la forme
d’un impôt annuel s’agissant des terres du sultan. En 1943, dans le Godá,
sur le dinkrá-b bɖó, les Gundūsá, sous commandement Kabb bá,
propriétaires d’un pâturage à Lglên, acquittent un loyer de 20 chèvres au
sultan de Tadjoura pour un autre terrain loué à amb ká. Quand il est
possible de le préciser, on constate la complexité du régime foncier,
notamment dans les zones riches en pâturage. Lors de l’« affaire
Thiébeau », en 1943 (v. Kabb bá), les Egralâ payent au sultan 10 chèvres
pour la location du pâturage d’Agōroggúba. Pour leur terrain de Randá, ils
reçoivent des Data Ablé, 12 chèvres, et des Idittó, 6 chèvres. Un autre
loyer en nature est perçu des Balawtá à Gablállu, et un autre des Godmallá
à Adó Dbá. Ces derniers n’ont pas d’autre pâturage. Ce système de
redevance non monétaire est modique. Le locataire doit demeurer solvable.
En même temps, il dessine une différenciation entre tribus propriétaires et
locataires, surtout quand, comme pour les Godmallá, la sous-fraction n’a
pas d’autre ressource foncière. Si la terre collective wanó (v.) demeure
inaliénable, les Bargá (v.) offrent l’exemple d’une tribu dont le pâturage,
d’abord partagé avec les Balawtá, a été accaparé par ceux-ci, plus
nombreux. Il existe ainsi des tribus sans terre comme les Ōbakartó (v. Abū
Bakr « Pacha »). C’est sans doute l’origine du nom Darumá (v.).
‘OTBÂN ḤÁMAD
Egalement Utbân b. ámad b. Klá (nom de sa grand-mère ; son grand-
père étant As-Maámmad b. Arkfár). Dammohoytá de Bôri, fraction
Arkfartó As-Maammadó. Son nom est écrit Kul UYmn dans la
version arabe du Traité de 1862 (v.), et Klu UYmn dans une lettre de Ab
Bakr (v.) adressée à Napoléon III, du 10 juin 1861 (in Rubenson, 1994 :
158-60). Dit par ironie « baysá Otbân », « Osman qui ruine », au lieu de
bša Otbân, Osman « Pacha », ou encore « firti-warâri Otbân », avec une
interprétation en forme de calembour de l’amharique fitawrari : fir
« devant », warar « donner l’assaut »), il est le co-signataire du Traité de
Paris du 11 mars 1862 (v.). Les surnoms indiqués précédemment, tantôt
131
‘UDDÚMMA
laudatifs, tantôt moqueurs, ont été propagés par ses partisans ou ses
contempteurs. Le 25 avril 1862, à bord du Curieux commandé par le
capitaine Buret, Schefer, premier secrétaire-interprète pour les langues
orientales aux Affaires étrangères, fait escale à « Amphila » (v. affalé)
pour rencontrer « Kullu Osman », qui habite « à quelques lieux à
l’intérieur ». A sa mort en Áwsa dans des conditions mal élucidées, les
Italiens donneront leur autonomie aux sous-fractions Dammohoytá de Bôri
(v.) sous tutelle des As-Maammadó (Gaás-sambó, Unɖá ammadó et
As-M mintó). Réclamant aux Italiens le pouvoir de son père, son fils
Maámmad sera enfermé au pénitencier de Noqra (Dahlak), d’où il
s’évadera en cassant le mur de sa prison. Rejoignant la côte à la nage, il
méritera le surnom de Nokrá-y Yaggíli, « le casseur de Noqra ». Son fils
Ali lui succèdera, puis son cousin, šum Ali b. Abdalla (mort en 1972).
S : Chedeville / Ali b. Umar b. ámad ; D.M. (1999 : 21) ; Rubenson (1994 : 158). Aff.
étr., Mém. et doc. Afrique, vol. 63.
‘UDDÚMMA
De Uddummí bad « le lac de ‘Uddúmma », parfois improprement appelé
lac d’Afambo (v.), lago Gammarri, par les Italiens. Le nom Uddúmma,
comme ses variantes Uddúm, Udúm, n’a pas d’étymologie connue. On
pourrait hasarder qu’il s’agit d’un nom, composé de uddá qui désigne l’état
de cheikh chez les Harálla Kabirtó + ɖummá « cachette » : le repaire
Harálla ; ou ɖūm « inondation » : la zone inondée Harálla ; ceci en liaison
avec les travaux de drainage effectués par les Harálla (voir p. 235). C’est
sur la rive sud-est du Uddummí bad, au lieu-dit Fursé (v.), que fut anéantie
la colonne égyptienne commandée par Werner Munzinger, le 15 novembre
1875. Arrivé à Tadjoura, le 4 octobre, l’expédition repart par mer le 27 et
atteint « Galahaffô » Galalé Foó, à Aɖɖáli, avec 350 hommes et 2 canons.
Munzinger poursuit sa route par Marmarissó, Agná, au nord du anlé et le
Kaɖɖá Gamárri (v.). Parvenu à la frontière de l’Áwsa, il rencontre úmmad
b. Looytá (v.) qui le guide le long du lac avant de se retirer, le 14
novembre au soir. L’attaque a lieu dans la nuit. Munzinger meurt au matin
avec son épouse et leur fils, ainsi qu’une partie de l’escorte dont le ras
Bərru et le Français Lanfray. Les survivants fuient vers Tadjoura. Parmi
ceux-ci, le secrétaire de Munzinger, Gustav Haggenmacher qui meurt
d’épuisement (EA, II : 968). Antérieurement, Munzinger (né le 21 avril
1832, à Olten, canton de Soleure, en Suisse) avait effectué un voyage
d’exploration en 1867 avec la colonne Merewether, préparant l’expédition
de Mäqdäla (1868). Munzinger est le second Européen après Sapeto (1851)
à avoir traversé la plaine du Sel (v. Amolé) dont il envisagera l’exploitation
industrielle. Parti de la baie de Midír (juin 1867), il atteint l’oued Sabbá et
Maglallá, sur les contreforts du Tigré. Il rejoint Massawa via Baddá (v.), la
plaine en aval du Rgáli, et la baie de Hawâkil, le 9 juillet.
S : Munzinger (1869). L : Keller-Zschokke (1891) ; Puglisi (1952 : 215) ; EA, III : 1071.
« UNÐÁ » KÂMIL
Cheikh des Asá Ablé, mort en 1878, enterré à Tadjoura, malgré son vœu
d’avoir sa tombe à Ambabbó. V. Gonduramn.
132
B
BA‘ÁDU
1. Localisation. 2. Histoire.
1. Localisation. Plaine du moyen Awash, dans la zone d’épandage du
fleuve. Le nom est dérivé de badá qui désigne la zone de crue d’un cours
d’eau. Région marécageuse riche en pâturages, Baádu, dans sa partie
centrale, est souvent définie comme allant du petit massif du Kurbíli, au
sud, à celui de Sibâbi, au nord (Kurbíliy Sibâbi yakké Baádu). Sur la rive
droite de l’Awash, relativement protégée de la crue annuelle,
l’agglomération principale, Gawwâni (« là où il y a des sacs de charbon de
bois », gawâni ou gowâni, pl. de gniyát) est dominée, au sud-est, par les
cônes volcaniques de l’Ayyálu (v.) et du bidá. Ce nom Gawwâni est
concurrencé par la prononciation « Géwani », influencée par la
transcription amharique gäwané. Trois tribus principales sont en
concurrence ancienne dans la région : 1. les Ulutó (v.), qui revendiquent
l’honneur du rang en tant que descendants de aɖal-Mâis (v.). En font
partie les fractions Baddúl ; Al-sárra ; Arbbá (avec Mé-sárra) ; Datá-
Lhí mlá ; Bagullíit « né en pleine chaleur ». C’est sans doute le chef des
Ulutó que Soleillet rencontre (11 juillet 1884) à « Kodei », Kudéy, et qu’il
appelle « Ha-Hamdé, le grand chef de Baádu », en le distinguant du « chef
actuel des Baádu, un vieillard nommé Moumen ». 2. Les Msrá, qui
forment une chefferie avec les Madîma ; 3. Les Ská, accolés aux Madîma,
venus de Dawwé (v.), descendants du cheikh Abbâsiya (v.). Autres tribus :
Gallá (v.), Mdaytó de Bûri (v.).
2. Histoire. Avant la période appelée « Ídi-k Ísi » (v. Áwsa), soit au début
du XVIIIe siècle, le Baádu était occupé par les Argobbas et les Oromos.
Les Ulutó, partis de la région du Msaálli (v.), passèrent par le Dôbi et se
dirigèrent sur le moyen Awash, d’où ils chassèrent les Oromos. Sans doute
n’est-ce que la vague d’immigration la plus récente, l’histoire de l’Adal (v.)
amenant à penser que des Afars, peut-être de tribus différentes, étaient déjà
présents dans cette région de transition entre l’Ifat et l’Áwsa. Parallèlement
à ce commandement Ulutó, un lignage Ská, doté de pouvoirs magico-
religieux, semble s’être implanté à Baádu dans le dernier tiers du XIXe
siècle. Le petit-fils du cheikh Abbâsiya (v.), Abdallah b. Yôfis b. cheikh
Abbâsiya, est l’ancêtre de la fraction « Bargáli » constituée des
descendants de agár, son fils aîné d’un premier lit, dit pour cette
raison « Kallí » (du nom de sa mère, Kalâla) agár. La fraction Asbuɖá
descend de Ali b. Abdallah, aussi appelé Sasá- Ali ou Bayré- Ali (du
nom de la seconde femme de Abdallah, Sasá, ou Bayré). Ali b. Abdallah
serait arrivé à Baádu avec un chapelet (inaytá), à l’instar du sultan
Mdaytó de l’Áwsa, et une vache nommée Aballáf (*abal-lé-af) « bouche
sanglante ». Les descendantes de Aballáf regroupent des vaches de race
yéménite (non des zébus), sans cornes, qui sont propriété de la
fraction Asbuɖá. Leur beurre sert à oindre l’inaytá. Au XXe siècle, Ulutó et
Ská semblent partager le pouvoir politique, les Ská s’affirmant comme
BA‘ÁDU
les chefs de guerre grâce aux pouvoirs magiques que leur conférait la
possession de l’inaytá. La lignée des Ská de Baádu s’établit comme suit
(les chiffres précédant les noms dans le tableau ci-dessous indiquent l’ordre
de succession).
Yôfis
Abdallah
134
BA‘ÁDU
135
BADDÁ
BADDÁ
Deux régions portent le nom de Baddá : 1. Celle sur le piémont, dite
Gllá-b Baddá « le Baddá des Galla (v.) », entre Mokónni et ’ar’ar, à
l’est de la route Mayč’äw-Alamata, au contact des Waydarat (v.) ; 2. Celle
alimentée par l’oued Rgáli, région cultivable sur la limite des Waddó et
des Dhí-m mlá, au sud du golfe de Zula. Lors des crues, l’eau du Rgáli
(« qui dure ») descendant du piémont, reflue vers l’intérieur et se perd vers
la plaine du Sel. On prête au sel d’aspect rougeâtre de cette zone des vertus
curatives. A l’époque impériale, un chef de partage des eaux « kábbo
darrâ » (ital. capo ; arabe z-r- : chef des cultures) résidait à Baddá, ainsi
que trois juges locaux dépendant de la juridiction de Tó (v.), tous
Dammohoytá. Les tribus de Baddá (Mogorrós, Amolé) ont été gardiennes
des troupeaux de vaches des Oromos et des Waydarát (v.). Etymologie. Le
nom baddá est dérivé de bad qui, indépendamment de son sens de « mer »1,
désigne : 1. une propriété rattachée au sel ; 2. une étendue plane. Ces deux
sens coexistent dans les toponymes indiqués ci-dessus. Le second se
retrouve dans baddá-h abbá, le chef Harálla (v.) de la zone inondable et
ainsi cultivable de l’Awash. Au sens 1, bad a un lien avec báda « erreur »
et s’applique à une source natronée (eau trompeuse que l’on croirait
potable), d’où les dérivés badaydá, badiyáytu, badáytu, etc. Badaydá est un
toponyme de la cuvette du Grand Dôbi (Kaɖɖá Dôbi), connu dans sa partie
centrale sous le nom de Dbí ɖagád « terre salée de Dôbi ». Aydâḥis b.
Maské y est enterré (v. Aydḥissó). Bêda, la zone de contrefort à l’est de la
zone salée, et Bdá (alt. 255 m) où se trouve le point d’eau et l’ancien poste
français, correspondent à l’ancien Badaydá. Badiyáytu et Badáytu sont les
deux variantes du nom de l’oued de Baylûl (v.), l’une et l’autre, porteuses
de l’idée d’une zone aux puisards plus ou moins saumâtres.
S : (dépression de Dôbi), carte I.G.N. (1 : 100 000, f. Gamarri).
Baddúl v. Baádu
BADOYTÁM MLÁ
Tribu représentée de la côte de la mer Rouge au piémont éthiopien
(Dawwé). Généalogie. Descendants supposés d’un Somali Warsangéli,
père de « Badóyta », ou d’un Arabe, portant ce surnom afar « Badóyta »,
1. Bad, et non l’emprunt arabe bar (voir Baári « plaine côtière ») désigne la mer en afar. Le rivage
est une frontière socio-culturelle. C’est le domaine des marins arabisés, non des pasteurs
monolingues.
136
BAÐḤITTÓ
dont sont issus trois enfants ayís, Áydam et Úlel, respectivement ancêtres
des ayís (v.), des Aydamní et des Ulél (v.). Ferry (1988) conteste que
Badóyta désigne un homme, qu’il rattache à badó « kaolin », les
Badoytá-m mlá étant « les gens des terres blanches » (c’est-à-dire : du
littoral). Toutefois, l’expression Badoytí ɖayló « enfants de Badóyta »
indique sans équivoque qu’il s’agissait d’un homme. On doit le distinguer
du toponyme badoytá. De ayís, sont nés : 1. Debél lé Uddúm, ancêtre des
Debellí-sárra de Dawwé ; 2. Úmar Asgíru, ancêtre des Absá-mára ; 3.
Umar, ancêtre des Nahár buɖá de Dawwé. De Áydam, sont nés Alfaɖé,
ancêtre supposé des Wakíra, et Ádan (ancêtre des Adán-sárra de Dawwé).
Une autre généalogie fait de Badoytá, le père de ayís, de Áydam et
úmmad, dont descendent respectivement les Aydamní et les ummád
sárra. Fractionnement. Tribus rattachées aux Aydamní : Dorráhi (Kaɖɖá
Ádan), Ageddó (Alfaɖɖá). Tribus rattachées aux ayís (Aytúr, v.) : Ddá-
m mlá (v.), Ali-Sirá, Mânat, Ðâgu, Sawal-sárra. Autres tribus du groupe
Badoytá-m mlá (ni ayís, ni Aydamní) : Abá-m mlá (v.), Ellá-m mlá,
adíyyu, Ebeddó. Distribution. I. En République de Djibouti : 1.
Aydamni (amoddí, Ageddó, Adan-Sarrá, Abá-m mlá de Khor
Angar) ; 2. ayís, a. groupe de Maámmad « Bató » : Okkó, Goftó,
aysamlé, Ulél ; b. groupe de Maámmad b. ásan « Sirriá », neveu de
Maámmad « Bató », dit « Datá Buɖá », aysamlé, Edderkaltó,
Maynabá ; c. groupe de Adan « Laga » : Edderkaltó, Ilinó et autres
groupes d’Erythrée. II. Commandement en Erythrée du sud : sous Adan
« Laga » : Wimí Ulél, Ilinó, Wimí Edderkaltó, Dorrahí, Asál buɖá.
III. Commandements en Ethiopie : 1. Bré : ayís, Balaw, Bokdirá ; 2.
Badoytá-m-mlá de l’Awash (aɖá-k Badóyta) : Adan-sárra (fraction des
chefs Alí-umaddó) ; 3. Dawwé, au sud de Bté : Dimbilí-sárra (répartis
avec les Ddá), Debellí-sárra, Ddá-m mlá. Leur territoire atteint la rivière
atáwwi (Atayyé des cartes), au sud ; au nord, les Aggínni (v.). Il englobe
le cours inférieur du Burkánna et les rives de l’Awash.
S : Chedeville / Ali b. Umar ; Umar b. Maámmad b. ámad b. Ásab ; Gaás b. Môla ;
Múɖa b. Ali b. Múɖa ; Yûnus b. Umar b. Dawud.
BÂÐA
Le bâɖa (prononcé aussi bâra) désigne la partie au centre de la tente
(daboytá) où l’on reçoit les invités. C’est aussi le nom des deux plaines
argileuses, au sud-ouest de Djibouti, sans arbres ni pierres, que les Issas,
pénétrant dans cette région en venant du Sud-Est, ont dénommé, compte
tenu de leur diamètre apparent, Bâɖa Weyn « Grand Bara » et Bâɖa Yar
« Petit Bara ». Ce dernier est appelé en afar Gamffúr, forme dérivée de
gafúr « petit talus », « berge d’une mare ». Seul le « Grand Bara » porte, en
afar, le nom de Bâɖa.
BAÐḤITTÓ
Tribu descendant d’Amáysi (v.), habitant sur la côte, de Bardalé Ð, limite
avec les Dammohoytá de Íddi (v.), à Addiddáma, au nord de Baylûl (v.).
Le long de cette côte, le puits de Bitá est en territoire Baɖittó mais son
eau est partagée avec les adarmó. Célèbre dans les années 1960, décédée
137
BĀÐÓ
138
BĀÐÓ
139
BÁGU
BÁGU
Litt. « ventre », « fraction » (de tribu). Ex. les Kná abbá-b bágu,
composés de cinq fractions Dhí-m mlá (v.). Le terme est voisin de buɖá.
C’est initialement les enfants en gestation : sidīá bágu ɖalteh « elle a
accouché trois fois. »
BARÁ ÁWSA
Prononcé [barâwsa]. « Les huit Áwsa ». Le terme désigne les huit groupes
sédentaires antérieurs à l’arrivée des Harálla (v.) et des Mdaytó (v.). Il ne
recoupe que partiellement la désignation Awsí mára (v.), et comprend : 1.
Ankattó ou Ankattá (v.), les plus anciens, dont le nom rappelle l’ancienne
principauté d’Angot ; 2. Kulayyá ; 3. Aleltá ; 4. Alé-m mla ; 5. Dbaá
(« Dobaa » d’Alvares, situés à cette époque sur les contreforts de
l’ecarpement éthiopien, près du lac Ašangi, et dont la venue sur l’Awash
pourrait être consécutive aux guerres sous Bä’ədä Maryam et Minas) ; 6.
Mmulé (Mmóli, in Basset : 172) ; 7. Garratá ; 8. Wíma composés
d’éléments originellement Adáli qui se trouvaient déjà en Áwsa quand
commencèrent les premières incursions Mdaytó (v. Chronique de
l’Awsa, Annexe II).
140
BALAW
BARÁ KADÁ
« Les huit lits du sultan ». Terme apparemment calqué sur Bará Áwsa,
qui énumère les huit tribus Asahyammára (v.) issues des huit descendants
de Môday (v.), dont on décline les noms dans un ordre fixe, conforme à des
liens préférentiels et généalogiques établis : Afkié-k Máada, Kîu-k
enkébba, Arábta-k Asabbakári, Nassâr k Aggínni, soit : « Afkié et
Máad, Kîu et enkébba, Arábta (v.) et Asabbakári (v.), Nassár et
Aggínni (v.) ».
Afará Aggínni
BÁRI
Plaine côtière érythréenne, plaine sans arbres (Bôri). La variante Baári
s’applique à la plaine côtière au nord d’Obock. Le Bári correspond à la
région allant de Râsa, au nord-est de Ftumá- Ári (ar. Marsa-Fma), à
Midír (non inclus). Le Bári se distingue du Addaádu, zone qui lui fait
suite vers l’intérieur, de akór à Afnabó, région de plaines et de partage
des eaux. Le long de la côte, au Bári succèdent les plaines d’Afdirá et de
Glimâa, correspondant à la zone maritime d’Arratá (v.). La côte sableuse
est seulement interrompue, à la hauteur de Íddi, par des coulées de lave.
Après Asáb, la plaine devient plus large à partir de Meɖgebɖá, au sud des
salines situées sur la partie terminale de l’oued arsiléy. Le Bári se
signale par la rareté des puits permanents. Certains d’entre-eux sont
attribués aux « Perses » (v. Fúrsi). La plupart des agglomérations doivent se
ravitailler à des points d’eau souvent saumâtres, situés à distance. Celui de
Ftumá- Ári (v.) est à Ðhíyta ; celui de Midír est à Ad lá et Ray
Nába, à l’intérieur ; celui de Tó, à Kommâlis et Ðiɖɖoó. Ces derniers sont
situés sur deux bras de l’oued Adgabán (branche Ouest pour Kommâlis,
branche Est pour Ðiɖɖoó). Les habitants de Íddi ont le puits de Garraytôli.
Les autres points d’eau non saumâtre sont Sroytá et Borroytá en pays
adarmó, disputé par les Dammohoytá (v.) ; Bitá, au sud de Barraasôli,
en pays Baɖittó (v.), aux mêmes adarmó.
BALAW
Groupe arabisé d’origine bedja, de la région de Souakin, dont certains
éléments se sont dispersés en zone tigréphone dans le nord de l’Erythrée
actuelle, à Keren (Conti Rossini, 1928 : 278) ; au sud (Basset : 255), à
Zeyla, et dans la région de Harar où ils ont supplanté, au XVIe s., les
sultans Walasma arabes de l’Adal, pour finalement s’afariser (v. Balawtá).
141
BALAW
En Ethiopie, il existe une fraction Baláw chez les Badoytá-m mlá de Bré
(nord-nord-ouest du Msaálli), chez les Absá-mára (v.) et les Wíma du
sud. Histoire. On sait, par al-Yaqb notamment, que les Bedjas, encore
païens, dominaient le nord de l’Erythrée actuelle, à la fin du IXe siècle
(Zaborski, 1976). Il paraît probable que certains de leurs éléments
contribuèrent à la formation des peuples afar et saho. Sans que l’on puisse
déterminer avec certitude quels étaient ces Bedjas, on peut conjecturer que
les Bišariyyīn, plus anciennement organisés que les Afars, ont joué un rôle
déterminant. C’est, semble-t-il, l’émergence de nouveaux groupes au sud
de leur zone d’influence qui a été le facteur décisif. Ces migrations ont, en
effet, leur point de départ dans la région de Souakin, là où la fusion entre
des éléments arabes et des Bedjas avait donné naissance à une classe
dirigeante connue sous le nom de « Balaw ». L’hypothèse de l’origine
arabe de ces derniers (baláwi en bedja désigne un Arabe), comme d’un
rapprochement avec les Billī ou Ballī du iz reste ouverte. Mais la
similitude de noms avec deux tribus afares parentes, les Balawtá et les Bollí
Buɖá, permet de supposer que, sans certitude d'un groupe ethniquement
homogène, des Balaw « arabes » (se réclamant de cette origine ou perçus
comme tels), de bedjaphones dans la région de Souakin, soient devenus
tigréphones dans le Samhar, puis afarophones. Si, à l’évidence, ce ne sont
pas les descendants directs des « Ballī » du iz qui sont devenus les
« Balaw » de Souakin, ni les Bollí Buɖá ou les Balawtá de l’arrière-pays de
Tadjoura, ce que l’on peut reconstituer de l’histoire de ces migrations
confirme la constance d’un mouvement multiséculaire que des traditions
populaires ont pu réinterpréter sur la base d’homonymies douteuses sans en
remettre en cause la réalité. Pour se limiter à la période islamique, des
Baliyy sont transférés en Egypte, venant de Syrie, sous le califat de Umar,
indépendamment sans doute d’un flux naturel par mer. Ibn ubayr qui
visite Aydb en 1183 indique que les chameliers sont des Baliyy,
originaires du Yémen. Ils sont mentionnés avec les uhayna parmi les
carriers des mines de Nubie par al-Yaqūb. Ils sont aux côtés des mêmes
uhayna, en lutte contre les Arabes Rifa dans le désert de Souakin, en
1281 (Ibn al-Furt). Quelque cinquante ans plus tard, Ibn Baa trouve à
la tête de Souakin le fils du shérif de La Mecque, lequel a « hérité le
sultanat de ses oncles maternels Beaw », attestant de métissages entre
Arabes et bédouins bedjas. En chemin, il rencontre des Banū Khil
« intermariés avec des Bedjas et parlant leur langue ». En 1378, al-
Qalqašandī dit que Souakin est dirigé par des « Hadriba ». C'est ce terme,
chez les chroniqueurs arabes, qui va désigner certains chefs bedjas
parallèlement aux Balaw. Les qualités guerrières régulièrement reconnues à
ces Balaw expliquent leur rôle politique ultérieur. Werner Munzinger situe
au XVe siècle leur prise de pouvoir dans la région de Zaga (Daga ou Daka),
correspondant au bas Wälqayt. M. Abir (1968 : 5) explique la constitution
d’une aristocratie Balaw par des mariages avec des soldats ottomans. Des
Balaw participent, en 1557, alliés aux Turcs, à la prise de Massawa. Ils en
deviennent les n’ib appointés. En 1578, la région de Souakin est encore
décrite par une source italienne comme « le royaume des Bello », quoique
142
BAL‘OSSUWÁ
BALAWTÁ
Tribu du nord de Tadjoura, qui fournit les cadis de Randá, en Rép. de
Djibouti. Il existe trois fractions : 1. Kâmil-Aliytó (fraction des chefs, à
laquelle appartenait un des inculpés dans l’« affaire Thiébeau » (v.
Kabbōbá), Dawúd b. Seém b. Arrâmis b. Kâmil b. Áli) ; 2. Fillaunɖó-
Aliytó ; 3. amanná- Aliytó. V. Bollí buɖá. Les Dbá-b Buɖá (v.) partis
en Awsa ont continué de se marier avec les Balawtá.
BAL‘OSSUWÁ
Parfois Balossúwa. Groupe afar Adohyammára (v.) le plus septentrional,
frontalier des Sahos ádo et des Afars Dhí-m mlá (v.), dans la région de
Baddá (v.). Le col d’Inkaflá marque la frontière avec les Sahos ; celui de
Seemá (Seemá-d dbá) forme la limite avec les Dammohoytá. Le nom
suwá désigne une dépression allongée, en terrain rocheux (cf. Suwâli, dans
la plaine d’Obock). Il existe deux autres toponymes, Balobbuyyí suwá litt.
« la dépression (suwá) des puisards (búyyi) de pâturage à Rhigozum
(balí) », à env. 30 km, au sud-ouest de Íddi (alt. 280), et awɖá-s suwá,
dans la même région visitée en 1920 par Vinassa de Regny (1923). Le
143
BAL‘OSSUWÁ
Wáddi
Angûta
Bilál Arrmisó
144
BASŌMÁ
BANTRÓ
Fraction d’origine somalie Issa, de la chefferie Debné de Mullú. Forment,
avec les Garaysá, le groupe Garaysá-k Bantró.
BARGÁ
Le mot désigne : 1. Une tribu ancienne du Godá, dont le territoire est passé
aux Balawtá (v.). 2. La zone située après le franchissement de l’Awash à
Abrobbaɖiffgé (v.), sur la rive droite de son défluent. L’héritier du trône
impérial d’Ethiopie y possédait des champs en toute propriété.
BARRAASÔLI
Localité côtière (sans étymologie connue) et puits, originellement en
territoire Baɖittó (v.). Bardalé Đ, au nord, est la limite avec les
Dammohoytá. Barraasôli porte également le nom arabe de Rama ou
Rama, initialement donné à l’îlot et au récif au large ; l’îlot prenant
ensuite le nom de Sarfá. Autre nom en afar : Bló-g gúba « le tombant du
récif accore » (bloytá lé). En retrait et au sud du village actuel, existent
des ruines d’une localité plus ancienne appelée Anaynéf.
BARRAL
Commerçant français, mort à immoysá, en avril 1886, dans une attaque
de caravane par des Asahyammára de Baádu. L’interprétation de
l’événement illustre l’écart entre le récit colonial et celui strictement
factuel. Du point de vue européen, la mort de Barral rapportée par Audon et
Cicognagi, après celles de Munzinger (1875), de Giulietti (1881), d’Arnoux
(v.) en 1882, de Bianchi (1884), ne fait que souligner la « sauvagerie des
indigènes ». Les faits sont les suivants. Léon Barral avait pris place dans
une caravane sous la protection de ummad b. Looytá (v.). Dans le même
convoi, se trouvait le frère de ce dernier, Maámmad, porteur d’un message
à Ménélik. L’offre des Debné de garantir le passage des Français en route
vers le Choa, ce qui concurrençait l’offre des Italiens au sultan du Choa,
était interprétée comme une tentative de mainmise des Debné sur le pays
soumis aux Asahyammára ; d’où l’élimination de l’émissaire et de la
caravane où se trouvaient malheureusement Barral, son épouse et Savouré.
L : Lupi (2008 : 628-634, qui publie un portrait inédit de Barral, complété par Audon (1889)
et Cicognani (1887 : 26-27).
BASŌMÁ
Var. Basôma. 1. Région du Mablá, immédiatement au nord de Sismó,
comprenant deux oueds qui se rencontrent à Siyittó, et les régions
adjacentes : « Asá » Bas má, « Datá » Bas má. 2. Partie des Gaddalé Alíh
145
BTÉ
sárra avec les Adorásu (v.). Le nom Bas má a deux explications possibles
en saho : basó umá « au mauvais visage » (basó « front ») ou « pingres »
(on dit « basó » au moment d’offrir à manger ou à boire à quelqu’un).
Fractionnement. 1. Adáli (Bas má proprement dits) ou « Gaddale-Ali-h
sárra ». a. Abardá- ummaddó : Msasantó, Hunnní, Ass sá, Malk ká
(ancienne fraction des chefs), Hiddí ; b. Madnâni : Galmitté (fraction
fournissant le kedó-h abbá), Bar rí (chefs de fi‘má), Dataliytó ; c.
Afil lá ; d. Mirgantó. 2. Autres fractions : Dawuddó, avec les Abardá-
ummaddó ; Amasá, avec les Afil lá ; M daytó.
S : Chedeville (Afars).
BTÉ
Admin. Bati (oromo Btī). Agglomération (alt. 1637 m) située à env. 65
km de Däse, sur la route d’Assab. Le nom, formé sur bt, dérivé réfléchi du
verbe bay « être détruit », renvoie à l’idée de perte (fait de disparaître), en
souvenir de quelque disette tragique. On le retrouve dans bté ayyú (v.).
L’ancien nom de Bté, Waytlé (du verbe way « manquer » : ceux qui ont
manqué) est encore porté par une groupe afar des environs de la ville. La
ville est le point de rencontre de quatre communautés linguistiques :
amharophone, oromophone, tigrignaphone et afarophone. Important marché
afar le lundi, créé (ou recréé) en 1875 par les Ethiopiens pour établir les
commerçants afars, et notamment ceux en cheville avec Ab Bakr
« Pacha » (v.). Bté a été un des terminus caravaniers de la piste vers les
hautes terres, et le point de rupture de charges. Les marchandises
acheminées à dos de chameau continuent à dos de mule.
L : Guida (347) ; EA, I : 504-505.
BAYAZD ALBISM
Var. pop. « Abyadîd », cheikh « Abazêd ». Mystique sunnite iranien du IIIe
siècle de l’Hégire, dont le cénotaphe se trouve sur la crête principale du
massif du Godá (v.). On peut écarter Abba Yeddidi (Deschamps, 1948 : 28).
S : D.M. (1997 : 121) ; Albospeyre (1959 : 152).
BAYÐÓ
Tribu de sédentaires de l’Áwsa (v.). Les Bayɖó ont eu deux fimá : Lhatá
(pour les jeunes guerriers), Mrrá (pour les plus âgés). Le chef des Bayɖó
(de fraction Maarrá) portait le titre d’bó. Dúnna a été emprisonné lors de
la prise de contrôle de l’Áwsa par anfaɖé b. Aydâis (1832-61). L’ordre
de succession des bó semble avoir été :
Ordre de succession des bó
1. Dúnna
2. Skó
146
BAYLÛL
BAYLÛL
1. Géographie. 2. Srat al-abaša. 3. Etymologie. 4. Histoire. 5. Ile de Aykúk.
1. Géographie. Port de la mer Rouge, situé à cinquante kilomètres environ,
au nord-ouest d’Assab, qui n’est connu que tardivement. Joao de Castro
(1541, éd. Kammerer 1936) n’en fait pas mention. Le nom n’apparaît pas
avant la carte de Gastaldi (1561). Il figure ensuite sous deux formes : 1.
P(orto) Veila, à mi-chemin entre le Bab el-Mandeb et Massawa, en face
d’une « île de Pascoa ». Mais la position de « Veila » devant cette île et
entre deux localités, Cacana (?), au nord-ouest, et Docono Porto (?), au
sud-est, rend cette identification douteuse : ce pourrait être aussi bien
Ftumá- Ári (en face de Baká), Midír, Barraasôli ou Asáb. 2. Belul,
localité située sur la carte un peu à l’intérieur des terres, difficile à lire,
mais repris sous la forme Baylur, à la même place, par Ludolf (1683),
d’Anville (1707). Vella (sans Belul) figure sur la mappemonde de Gérard
Mercator de 1569, au sud de Delaccia (Dahlak) ; sur l’atlas de Livio Sanuto
(1578) ; la mappemonde de Romuldus Mercator (1587) ; la carte de
Christianus Sgrothenus (1588) : « Vella, olim [jadis] Adulis » (confusion
avec Zula ?) ; la mappemonde de Petrus Plancius (1592). On peut se
demander si la baie de Baylûl ne se confond pas avec l’Enseada da Fortuna
[baie d’Assab ?] ou l’Enseada das Palmas [Raaytó ?] de certaines cartes :
Pedro de Lemos (1580) ; Huygen de Linschoten (1598) ; Blaeu (1635), etc.
C’est, semble-t-il, en 1593 que le nom de Belul reparaît nettement, sans
Vella, sur la mappemonde (Speculum Orbis Terrae) de Cornelius de Jode ;
de même, Bebull (1599, sans Vella), sur la mappemonde de Richard
Hakluyt (1599) et sur la carte d’Almeida (1662). Le père jésuite portugais
Jerónimo Lobo qui y débarque en mai 1625, en compagnie d’Almeida et du
« patriarche » Mendez, décrit Baylûl comme une petite ville d’une
cinquantaine d’habitants. Ce tout petit nombre d’habitants est aussi relevé
par Heuglin. De passage entre le 3 et le 5 septembre 1857, il note que
« Belul (…) a 100 huttes et 7 puits ». Une autre indication est donnée par la
Srat al-abaša de asan b. Amad al-aym qui contient la relation de
son voyage en Ethiopie, envoyé par l’imam du Yémen (voir infra). Il arrive
à Baylûl à la mi-septembre 1647 et rencontre le « sultan » Šeém b. Kmil
al-Dankáli qu’il décrit comme un familier du roi d’Ethiopie et comme le
seul chef de Baylûl. A la suite de cette ambassade, le projet du roi Fasilidäs
d’ouvrir une route commerciale, via le port de Baylûl, reste sans suite. On
147
BAYLÛL
148
BAYLÛL
Dahlak). Il rentre à Šahra, le 8 Rbi I 1059 (22 mars 1649), après 21 mois
d’absence.
149
BAYLÛL
les Ána, les G ɖáw, ceux-ci étant détachés des aysamlé de arsiléy ; et
les Dankáli Fdiltó (v.), qui fournissaient les sultans. Ils ont été supplantés
par les Nassár (v.), soutenus par l’Áwsa, lesquels ont été à leur tour
remplacés par les Afará (v.) venus du piémont éthiopien. Les sultans
M daytó (v.), après leur prise du pouvoir en Áwsa (v.), au XIXe siècle,
considèreront Baylûl comme de leur ressort, peut-être pour disposer d’un
accès à la mer et de revenus douaniers, comme Tadjoura. Les Afará
semblent avoir eu le contrôle du bord de mer quand les Nassár occupaient
l’intérieur. Lors de leur voyage (1885), Capucci et Cicognani font état de la
détention en Áwsa du sultan de Baylûl, en raison de son attitude favorable
aux Egyptiens. Une source italienne (1880) indique que le chef de Baylûl
dépend de Laraghe (Laadé ?)-kitó, « usurpateur » du territoire de Baylûl,
qui réside à Gúbbi. Lors de l’assassinat de l’explorateur Giulietti (v.), en
1881, les gens de Baylûl sont jugés responsables. Neuf d’entre eux sont
arrêtés et déportés. Parmi eux, usén b. kitó (fils du précédent, 1850-
1934), qui deviendra à la mort de son père le chef des Nassár, est reconnu
grand connaisseur de la madá (v.) ; Sáad b. Ôbakar, chef des Dankáli (v.),
de la dynastie déchue ; Maámmad b. B ré, chef des Baɖittó. Le nom du
chef des Afará emprisonné n’est pas conservé. Les chefs des Ána et des
G ɖáw devaient être aussi du nombre. 4. Etymologie. Le nom de Baylûl
renvoie à deux origines : 1. Une déformation de l’arabe bahll en référence
à deux wal Bahll et Moqoddi, malgré le sens péjoratif de bahll « simple
d’esprit ». D’après des renseignements recueillis du cheikh amladdn aš-
Šm, en 1966, des tombes à Sek Koborti, dans l’intérieur, en face de
Kaɖɖá Gaértu (gáer ou gáor désigne le madrépore), sur la côte au sud-
est de Baylûl, et une stèle, perdue depuis, attesteraient la fondation
yéménite de la ville au Xe siècle. Baylûl comprend originellement deux
villages à 5 km de la côte : Kaɖɖá Gaértu, au sud, et Ðagaddó, au nord de
la ville actuelle qui porte aussi le nom de Gúbbi ou Kaɖɖá Baylûl,
correspondant à deux mouillages selon l’alizé. 2. Une étymologie bedja, en
liaison avec l’expansion des adarmó (v.), pourrait être b’a-i ll « la corde
(ll) longue d’une brasse (b’a) » : le puits profond, avec un sens assez
voisin de ceux de Tadjoura (v.) et Midír (v.). Cette étymologie est
plausible, compte tenu de ce que l’on sait de l’expansion de groupes
d’origine bedja au sud. Elle paraît plus satisfaisante que celle qui rattache le
nom Baylûl à l’arabe bahll. PALMERAIE. La palmeraie de Baylûl inclut de
nombreux toponymes. Le nom de l’oued, dont le cours suivant un axe Sud-
Ouest-Nord-Est atteint la côte au sud de Đagaddó, est Alláli (Allalí daár).
Badiyáytu « saumâtre » est le nom de sa partie terminale. Comme sa
variante badáytu, le mot est dérivé de báda « erreur », (fig.) « source
natronée » (v. Baddá). Les mares qui s’y forment portent les noms suivants
(en partant de son embouchure et en remontant son cours) : sîsa « à la
poussière légère » ; gilé yanɖái « plus profonde qu’une lame de couteau »,
ɖr dorá « la longue mare », arak « lagune », ladó « aiguade blanche
(peu profonde) » (v. Ládu).
5. Ile d’Aykúk. Cette île de haute mer au large de Baylûl a pour seule
originalité d’avoir inspiré le nom de Haycoks sur les cartes marines
150
BIANCHI
anglaises que les Français ont traduit par « Tas de foin ». Le nom Aykúk
comporte un radical kuk qui rappelle le cri de certains oiseaux (mouette,
corbeau, etc.)
S : Chedeville / cheikh amladdn aš-Šmī / cheikh Doyran b. Ali ; D.M. / Maámmad b.
ámad b. Kottiná ; D.M. (1998) / Ibrhm b. Isml (in D.M., 1999 : 24). L : Boll. Reale
Soc. Geogr. Italiana, XVII (1880) ; Heuglin (1860) ; IN (1913 : 231) ; Kammerer (1936 :
61) ; Morin (2012 : 224, 227) ; Peiser (1894-98) ; Puglisi (1952 : 165) ; Van Donzel (1986).
BAYYILÉ
Topo. en aval de Dubté. Etym. bayyhí désigne une zone de sable
abondant. La forme bayyilé semble influencée par bayyá « écoulement,
débordement », ce qui décrit le comportement saisonnier de l’Awash dans
cette zone sableuse. Bayyilé est le village d’origine de la poétesse Datá
Amná b. Ali (v. Baɖḥittó).
BĒDÁL
Tribu classée comme Ská (v.) représentée à Kúbar (v.). Les Waytá
descendants de Dubêr (Zubayr) b. Awwân en sont proches, formant les
Bdál-k Waytá et liés aux Sek-Maammúd-dik de Zolá (Zula).
BERNARD
Diplômé de l’Ecole coloniale. Né en 1909. Chef du poste d’Obock (2
décembre 1932), venant de Tadjoura où il succède à Lucas, courant 1931.
Nommé à Dikhil (7 juillet 1934). Albert Bernard meurt dans l’engagement
de Moraito (Modátu), au sud du lac Abé, le 18 janvier 1935, en tentant
d’arrêter une razzia commandée par « Uɖ » Y sé, des Ská de Baádu (v.).
Meurtrier identifié : Maámmad b. « Asá » Unɖé, des M daytó de Dóka
(certains affirment qu’il était du Kaló mais il était de Sámu). V. Dikhil. La
tradition Debné rapporte la vaticination du ginnili, avant le combat de
Modatu où devait mourir l’administrateur Bernard (v. Annexe I).
Prononcé baranná, le nom Bernard est l’objet d’un calembour (baranná
désigne un gros crapaud dont le ventre touche terre).
S : HL (in D.M., 1991 : 25 ; 1997 : 47). L : Monfreid, Le Drame éthiopien (1935 : 41-90).
Avec ce texte patriotique, l’auteur espérait rentrer en grâce auprès d’une administration
coloniale qu’il n’avait cessé de défier.
BIANCHI
La carrière éthiopienne du voyageur Gustavo Bianchi, né à Ferrara le 24
août 1845, assassiné à Teoao [Tīó], dans le sultanat de Bíɖu, le 7 octobre
1884, est connue ; comme sa mort qui servira de prétexte à l’Italie pour
occuper Massawa. Le 5 février 1885, l’amiral Pietro Caimi, avec une
troupe d’un millier d’hommes hissera le drapeau italien à côté du drapeau
égyptien. Le gouverneur Izret Bey cédera à ce coup de force. Dans leur
recension de la fin tragique de Bianchi, Marco Lenci et Gian Carlo Stella
(EA, I : 562-563) omettent un point essentiel relevé par Luca [Pietromarchi]
Dei Sabelli (1936, III, chap. 10) et les sources contemporaines citées par
Luca Lupi : ayant reçu du nəgus Yohannəs l’autorisation de rejoindre
Assab par la plaine du Sel, l’Italien et son escorte commencent leur
descente vers le désert. Abandonnés par leur guide, ils rebroussent chemin.
151
BÐU
Yohannəs leur ordonne alors de renoncer par sécurité. Bianchi passe outre
sans avoir d’ailleurs demandé l’autorisation au sultan de Bíɖu. Il est tué. Le
lieu du massacre, à une vingtaine de kilomètres de celui de Giulietti (v.),
sera retrouvé par Nesbitt en 1928.
L : Lupi (2008, I : 555-568, avec une iconographie inédite) ; EA, I : 562-563 (inclut une
bibliographie italienne, sauf Pietromarchi).
BÍÐU
1. Sultanat. 2. Histoire coloniale.
Egalement Bíru. Zone montagneuse intérieure, à cheval sur l’Ethiopie et
l’Erythrée, qui donne son nom au sultanat Asahyammára (v.) Dammohoytá
(v.) du même nom, fondé par Buríli « celui aux cheveux crépus ».
L’amóyta (v.) de Bíɖu est l’aîné des Dammohoytá, avec pour capitale
Girrífu (ou Girrifó), à env. 75 km à l’ouest de Baylûl.
Généalogie des Dammohoytá de Bíɖu
aɖál-Mâis
Sambollakóli
« ré » ámmadu
Sîra
Dammáhu
Alalitó
« Asá » Allâma
ásan « Dúbbi »
Buríli
152
BÍÐU
L’ensemble des chefferies sous l’autorité du sultan de Bíɖu est désigné par
le terme ammadí Srát (v.) ou « chemin de ámmadu », dont la place
dans la généalogie reste à préciser. La séparation des Dammohoytá,
certains pénétrant dans la péninsule de Bôri (v.), d’autres s’implantant à
Íddi (v.), remonte au XVIIIe siècle. Le premier à porter le titre d’amóyta
est Buríli, de la fraction aînée des Aawtó. Le compte des généalogies
permet de situer l’événement au début du XVIIIe siècle (v. Introduction).
Mais l’expansion des Dammohoytá, avant leur constitution en sultanat, est
antérieure. Elle s’est faite aux dépens du roi de Dankáli en empiétant sur
son territoire. C’est vraisemblablement l’origine de la crise interne qui a
amené le roi de Dankáli (v.) à se réfugier auprès du souverain éthiopien
Susənyos. Si la datation n’est pas connue précisément avant la colonisation
de l’Erythrée, l’ordre de succession des sultans de Bíɖu (fraction Aawtó,
sous-fraction Haysamitté, soit les descendants de aysáma b. aló)
indiqué ci-dessous entre parenthèses avec, entre crochets, leurs dates de
décès fait consensus (cf. aml al-Dn al-Šm, 1997).
aysáma
(1) Áaw
Áaw (3) Maámmad [1906] (4) Maámmad-Yâsin [1931] Eysá Abdulkâdir Maámmad
153
BÐU
154
BILLĀDI GODÁ
d’Addis Ababa, à nous hostiles, fit deux razzias dans notre Dancalia. Une
expédition punitive, conduite par nos bande le battit et le tua.
A cheval sur l’Ethiopie et la colonie italienne, Bíɖu est doublement
vulnérable. En janvier 1906, Maámmad b. aysáma meurt, victime d’une
razzia Waydarát descendue du Tigré (Martini, 1946). Son frère Ysn b.
aysáma, dit « Maammad-Ysn », né en 1892, lui succède en 1907
(après le deuil conventionnel d’un an). En 1931, en conflit sur la côte avec
le chef adarmó, Al šân, que les Italiens entendaient protéger, ils
capturent Maammad-Ysn dans une caverne du piton Áot, dans l’oued
Alíf (cet oued descend du Baráli et s’appelle en aval successivement
Asabakkarí-báɖa, Agriytá, Lselé, Bitîtu), guidés par un Badoyta-m mlá
nommé Maɖīé. Il est tué ainsi que sa suite. La côte (Íddi, Baylûl) est alors
rattachée à Asáb, ne laissant aux Dammohoytá que l’intérieur du pays,
Bíɖu et ses abords, et le sud de la plaine du Sel. Deux fils de anfaɖé b.
Áaw, Abdulkâdir et Maámmad sont tués par les Italiens. Le titre
d’amóyta, devenu symbolique, est dévolu à Maámmad b. Áaw dit
« andiyáytu », petit-fils d’Igalé, l’aîné du premier amóyta. Mais, harcelé
par les Italiens dans l’enclave que constitue Girrifó, il abandonne Bíɖu
avant l’occupation italienne de l’Ethiopie. L’empereur l’installe à Têru (v.)
où il demeure jusqu’en 1954, date à laquelle il rentre à Girrifó.
S : Chedeville / anfaɖé b. Maámmad b. ámmadu / ámmadu b. Maámmad b.
ámmadu ; D.M. (1999 : 20). L : amal al-Dn al-Šm (1997 : 365-86) ; Martini (1946,
IV).
BILÁL GÍDAR
« Nugús » Bilál b. « Asá nugús » Gídar. Anklá de Bôri. L’informateur de
Reinisch pendant son séjour à Massawa (nov. 1875-mars 1876). Né vers
1835 (Reinisch lui donne quarante ans lors de leur rencontre). Le « roi » de
Bôri portait le titre de nugús indiquant l’allégeance ancienne de la fraction
commandante Nugsá au pouvoir chrétien des hautes terres. Ce terme de la
titulature éthiopienne est devenu le titre dynastique des descendants de sdi
Kâmil (v. Anklá de Bôri). Après quinze ans de règne, selon ses dires, soit
env. de 1860 à 1875, Bilál a renoncé au pouvoir pour cause de cécité. C’est
en cherchant à se faire soigner qu’il s’est présenté à Reinisch. De cette
rencontre va naître une collaboration permettant au père des études
couchitiques de recueillir des données pionnières dans des domaines aussi
divers que la grammaire, la littérature orale, l’astronomie et l’astrologie où
nugús Bilál fera montre d’une érudition exceptionnelle. Ses contes
facétieux sont remarquables par leur liberté de ton.
S : Reinisch (1886-87) ; D.M. (1999 : 153-64 ; 170-253 sur les contes de Reinisch).
BILLĀDI GODÁ
Le nom de Billdí Godá « le Godá de Billâdi », parallèle à celui de Songó-g
Godá (v.), renvoie au chef Billâdi qui fit creuser le puits de Billdíyta (Péri,
1938) près de Bankwalé. Le Songó-g Godá correspond au versant sud,
tandis que le Billdí Godá désigne le versant nord et les oueds Aybôli et
Randá. Distribution. Adáli du Godá répartis en quatre groupes. 1. Adáli
155
BOLLI BUÐÁ
BOLLI BUÐÁ
« La maison de l’oued Bólli ». Généalogie. De même origine que les
Balawtá, mais indépendants de ceux-ci. Constituent avec eux les Abbakár
nammá báɖa « les (descendants des) deux fils d’Abbakár », nommés tous
les deux Áli. Les Bollí buɖá comme les Baláw furent appelés de Massawa
par les Ðermlá de Tadjoura pour lutter contre les Songó (v.). Dépendent
des Kabb bá (v.). Les Baláw de Bré sont des Bollí buɖá.
Fractionnement. 1. Dballá (chefs) ; 2. Dnabbá (ou Skrawtó « ceux
du versant est ») ; 3. Aliytó (ou arrrawtó « ceux du versant ouest »).
Territoire. Les Bollí buɖá possèdent un territoire d’un seul tenant,
d’environ 23 km de long sur 4 km de large, depuis Bollí Foó (Aytiadóli
près de Naggarré D ), jusqu’à Kankmá et Ribtá-L, inclus. Ce territoire
acquis pour service rendu aux Adáli est leur wanó (v.), à l’exception d’un
tronçon de l’oued Maglé et de Unɖá Éllam, qu’ils ont en location du
sultan. Ils ont également en location des terrains à Gâgu et Maɖáɖ. En
1943, en raison de la disette, une partie de la tribu s’est repliée sur l’Áwsa.
Le chef des Rukbá-k Ðermlá, Dawúd b. Seém, fut chargé de s’occuper
de ceux qui restaient. En cas de guerre, les Bollí buɖá font partie du
« groupe d’alerte des deux Adáli » (nammá Adalí-k dró), comprenant
tout ceux du Godá et les Debné (v.). Les Kabb bá ont été les chefs de
guerre (mirá) des Adáli du Godá ; les Balawtá (v.) leurs seconds
(maytáni). Balawtá et Bollí buɖá ont les mêmes marques de chameau que
les sultans Adáli. Mais, quoique comptés dans la chefferie Kabb bá,
Balawtá, Bollí buɖá et Bargá forment trois bîlu séparés (voir p. 23).
S : Chedeville / Dawud b. Orbisó ; D.M. (1997 : 5).
BÔN
Nom coll. fém. (singul. masc. Bônta ; fém. Bntá). Caste disparue de
chasseurs (et de forgerons au Dóka), correspondant aux Midgn et aux
Tuml en milieu somali, et à d’autres groupes autochtones plus au sud
(Boni, etc.). Sous des noms divers, ils ont voisiné avec différentes
populations pastorales ou sédentaires (voir les Wäyo du lac 5ana). La
présence de Bôn est attestée dans le G baád (voir le toponyme Bndará
« la mare aux Bôn »), d’où ils auraient disparu au XIXe siècle. En Áwsa, ils
étaient orfèvres (lakó-ygúri) et forgerons (kur-ygúri). Le mot a pris un
sens péjoratif : bôn gâla « des chameaux errants » ; bôn ummát « des gens
sans origine ».
156
BÔRI
BŌR
Pl. borwá. 1. Bande d’étoffe d’une pièce (saró-b br). Bandeau (coiffure)
blanc, insigne des sultans Adáli. La couleur blanche peut renvoyer à la
division entre Adohyammára et Asahyammára (v.). 2. Large ceinture de 8
b, soit env. 16 m. (Un b est la longueur égale à celle qui sépare les
extrémités des deux bras étendus, soit env. 2 mètres.) Le br s’enroule
autour de la taille et protège le ventre au combat. V. Aɖaytá, Dúlum. 3.
Lisière, bordure, rebord d’un plateau. V. Bôri, B r-k Wandâba.
BÔRI
Description. « Anklá-b br », le « versant Anklá », partie occidentale sur
le golfe de Zula, du nom de la tribu d’origine, qui donne son nom à la
péninsule. Parfois transcrit Bur, Bôri ne doit pas être confondue avec
l’ancienne province de Būr (Zibn Būr), de Saganeyti à Kaskasé, sur les
hautes terres d’Erythrée ; ce que fait pourtant Abdulkader Saleh Mohamed
(EA, I : 645). Autres tribus représentées à Bôri : Balossuwá (v.),
Dammohoytá (v.), Ská (v.), Waddó (v.). Bôri forme un commandement
territorial Dammohoytá pris aux Anklá. La résidence traditionnelle du
chef des Dammohoytá de Bôri est Midír (v.). Le rdántu de Bôri a
compétence jusqu’à rs Kasar, au sud, limite du chef de Íddi (v.) et, vers
l’intérieur, de ce point, perpendiculairement, en passant par Kbrít Alé ou
la saline de As Alé (v. Amolé). Les fractions Dammohoytá représentées
sont les Arkfartó (clan des chefs), As-Maammadó (anciens chefs),
Gaas-Sambó, Unɖá-amaddó, Asm mintó, Asabrhintó. Les Anklá
(sdi Kmiltó, clan des chefs) ont pour résidence historique Makannilé et
occupent la partie occidentale, la moins arrosée de la péninsule, à partir de
Gamfrá. La côte au sud sur le golfe de Zula, de Indêli à Inkaflá, est
territoire des Waddó (v.). Inkaflá et Iɖfálu (saho Iɖfálo) constituent la
limite avec les Sahos. Après le pillage du pays par l’empereur Yohannəs IV
(1881), la « capitale » des Anklá est fixée à Đawáy le arák. La limite
intérieure entre Waddó et Dammohoytá est à Semá-d dbá. Le centre de
la péninsule est une terre basse et salée. Au milieu, un lac qui se remplit
d’eau après les pluies forme en s’asséchant un marais salant à Fráytu
(Fraytó). L’eau qui pénètre à marée haute dans cette zone appelée ɖagád
provient en partie d’un ancien fossé partant de Gamfrár (ou Gamfrá) près
de Gurutá (var. Garutá). Son étroitesse justifie son surnom d’Alá-t
tabeyná « même les fourmis peuvent le traverser ». Long d’env. 4 km, il
aurait été creusé par les « Fursi » (v.) L’îlot de Dallamé, à la pointe nord,
seulement accessible à marée basse, a un village Ab ná (v.). Maalágu et
Râsa, sur la côte, sont la limite sud de Bôri ; Ftumá- Ári (v.) est ainsi
considérée comme faisant partie de la péninsule. Histoire. Relayant sans
doute l’information ambiguë de Ibn Sad (fin du XIIIe siècle, v.
Introduction), quant à la présence de « Dankal » (Dankáli ou Anklá ?) aux
environs de Souakin, une tradition fait référence aux Dankáli comme étant
les premiers occupants de la péninsule avant les Anklá, dont ceux-ci
descendraient. Les Dúlum auraient supplanté les Dankáli avant la prise de
contrôle Anklá de la péninsule et de la côte au sud. Peut-être favorisée par
157
B)RK* WANDÂBA
B)RK* WANDÂBA
« Le plateau (de Unɖá Gamárri) et la dépression (de Dôbi) ». Chefferie au
sud de Dôbi, composée des Wandâba proprement dit, ou « Asdorré » (dont
des M daytó, des Gambél), et des tribus du Unɖá Gamárri (Wadîma et
Gambél). Les B r-k Wandâba ont pour voisins : au nord, les Ulutó-k
Mdîma ; à l’est, les Ulutó-k M daytó ; au sud, les Amasiytó et Ulutó.
B r-k Wandâba et Ðurbá ont le même itró et, en cas de conflit, le même
chef de guerre (mirá). Un autre classement (non géographique) énumère :
Mdîma (Wdîma), Wandâbá (M daytó, Gambél, Glaabá, Abá-m
mlá).
S : D.M. / Góyta b. Msá b. ámad.
BOSÂLI
Tribu qui serait originaire de l’oued B sâli et des Badoytá-m mlá,
présente en Awrá (v.) et sur l’Awash.
158
BURḤÁN BEY
BUÐÁ
Pl. buɖɖí. 1. Foyer, famille. 2. Maison, tente : inkí buɖáh tan daboytá
« une tente isolée ». Par opposition à ári, la maison dans sa matérialité,
buɖá connote une maison habitée. 3. Groupe de gens, groupe ethnique :
alé-b buɖá « les gens de la montagne : les Ethiopiens des hautes terres » ;
adó-buɖá « les Européens » ; asá-buɖá « les Arabes » ; datá-buɖá « les
Somalis ». 4. Petit groupe de tribus apparentées, ne formant généralement
pas une chefferie : Farká-b buɖá (v.), Bollí buɖá (v.), Sidá buɖá (v.) ;
opposables en cela à mlá (v. Badoytá-m mlá, Dhí-m mlá).
BURḤÁN BEY
Cinquième fils d’Abu Bakr « Pacha » (v.). Né en 1855, décédé à Tadjoura
en 1923 (?). Appelé aussi « Burantá », bien que ce surnom s’applique
parfois à son frère et homonyme. D’abord au service de l’Egypte, il
seconde son père après la mort d’Ibrhīm, l’aîné, en 1884, et acquiert la
réputation d’être l’allié des Français sur la côte, tandis que son frère
Maámmad « naggadras » est actif dans la région de Bté (v.). Burán est
désigné comme « chef du village » de Djibouti (6 septembre 1888) par le
gouverneur Lagarde. Il sera l’informateur de son interprète militaire, Louis-
Antoine Oehlschlager (v.), auteur d’un Vocabulaire dankali-français
(1891). Le petit-fils de Burán bey, Áli, deviendra président du conseil de
gouvernement du Territoire français des Afars et des Issas (1967-76). La
collaboration avec le gouverneur Lagarde a été parfois conflictuelle,
comme le 2 janvier 1885 quand il est révoqué et emprisonné pendant un an,
accusé de fomenter des troubles. Le 13 juin 1887, avec l’ugs Nūr R ble, il
vient à Obock demander la création d’un port au sud (Djibouti). En août
1888, il inaugure avec le gouverneur le marché de Djibouti. En 1889,
Burán bey visite l’Exposition universelle de Paris où il est reçu par le
président Sadi-Carnot. Son arrivée à Marseille, le 5 août, à bord du
Comorin, suscite la curiosité. Le Var Républicain écrit le même jour :
Ce matin à six heures, les passagers ont débarqué (…), parmi eux se
trouvait le bey de Gibouti, Bourhan-Abou-Beker qui se rend à l’exposition
universelle. Le bey est accompagné d’un officier-interprète en résidence à
Obock, M. Oslager [sic], et de plusieurs domestiques. Le bey de Gibouti est
un homme de 33 à 35 ans environ, du plus beau noir, à la taille élancée. Il
est vêtu d’une tunique bleu marine avec parements dorés sur fond rouge, et
d’un pantalon blanc. Il porte le fez, suivant la mode orientale.
La Petite République (8 août 1889) :
Le Bey de Djibouti (…) est l’hôte du préfet des Bouches-du-Rhône, dont le
fils, M. Lagarde, est gouverneur d’Obock. (…) Il voyage avec un seul
domestique et un officier distingué qui lui sert d’interprète, M.
Oehlschlager.
La Dépêche de Brest (8 août 1889) :
Ce petit potentat bronzé, presque noir, gouverne une région de peu
d’étendue, située au-delà d’Obock et placée sous notre protectorat. Il y a
159
BÛRI
Soit, au total, neuf épouses (deux Afares, une Somalie, quatre Ethiopiennes,
deux Arabes) ; huit garçons et 10 filles. Comme pour Ab-Bakr « Pacha »,
la liste n’inclut pas les garçons n’ayant pas eu de descendance mâle.
BÛRI
Terme topographique (bûri « zone sablonneuse », synonyme de bayyhí, v.
Bayyilé) qui, dans son acception géographique, désigne la bande de terre
s’étendant le long de l’Awash (Wáytu), sur la rive gauche entre le nord du
afyá bad et l’affluent atáwwi (ou atáyyi). Il se divise en quatre, les
« affará Bûri », soit, du Nord au Sud :
1. aramfáf Bûri, « du côté de atáwwi » (atáwwi le dáu), terre des Afkié-s
sárra ;
2. Aɖáli Bûri, « le beau Bûri » (áɖa), aux Maá-s sárra ;
3. ertó-b Bûri, « Bûri des ertó ». Ces ertó, distingués de ceux des
contreforts du Tigré, ont deux lignages, appelés à Baádu : Yambaráddi et
Amasiytó ;
4. Ðbbuɖí Bûri, prononcé [ɖbburí bûri], groupe des Aɖkaltó et des Gfóli.
Le Bûri du piémont éthiopien ne doit pas être confondu avec Bré, oued sur
la frontière érythréenne, ni avec la péninsule de Bôri (v.).
160
CHAILLEY
Marcel Chailley est l’auteur des Notes sur les ‘Afars de la Région de Tadjoura,
rédigées entre novembre 1935 et septembre 1937, publiées en 1980. Dans la
préface, Robert Cornevin retrace la carrière de cet officier et administrateur,
diplômé de l’Ecole nationale de la France d’outre-mer. Ces Notes, fondées sur
une observation directe, strictement descriptives, témoignent d’une qualité
informative qui tranche avec la littérature française de l’époque sur les Afars.
Elles permettent aussi de mesurer le retard des études ethnographiques et
linguistiques en Côte française des Somalis (voir la paucité de la bibliographie,
p. 9), comparativement, par exemple, à l’Erythrée italienne voisine.
L : Sur Marcel Chailley, voir la notice de P. Brasseur, Hommes et Destins, 1975, I : 135-137.
Officier français, lieutenant-colonel c.r. (Boisset-les-Prévanches, 13 décembre
1905 ; Paris, 9 décembre 1996). On maintient ici l’orthographe Chedeville
(sans accent), malgré son acte de naissance qui mentionne Chédeville, ou
Chèdeville sur la carte géologique (Barberi et al., 1973). On se conforme ainsi
au registre matriculaire du Prytanée militaire de La Flèche où il fut élève
(1916-1924), aux cartes de l’IGN, sur lesquelles son nom, sans accent, est
mentionné comme l’auteur de la toponymie, et qu’il a, de ce fait,
personnellement vérifiées ; finalement à sa recommandation expresse dont
nous n’avons pas demandé la raison. Ancien élève de Saint-Cyr (1924-1926),
Edouard Chedeville débute sa carrière en Tunisie, A.O.F., Mauritanie, Maroc.
Il est affecté à Djibouti où il arrive le 24 avril 1938. Son action principale est
de contrer les actions italiennes à l’intérieur de la colonie à la tête des pelotons
méharistes (voir ci-après sa « Note pour les Commandants de Secteur Nomade
sur les relations avec les Assahyamara »). Commandant du cercle d’Ali-Sabieh
(8 décembre 1940-22 mai 1941), puis commandant du cercle de Dikhil (23 mai
1941-31 août 1943), il cumule ces fonctions avec celles de chef du cabinet
militaire et de commandant de la Milice indigène. Il est en même temps chargé
des affaires politiques de la Colonie, son chef-lieu excepté. Il quitte Djibouti le
23 septembre 1943. Il y reviendra le 14 novembre 1952, pour participer à trois
missions ayant pour objet la question frontalière et le sort du poste d’Afambo
(1953). Il mènera une vigoureuse campagne de presse à Paris contre la
convention frontalière franco-éthiopienne de 1954. Le gouverneur de la C. F.
S., Hubert Deschamps qui l’eut sous ses ordres en 1940, écrit (1975 : 195) :
Chédeville [sic], capitaine, ancien méhariste du Sahara, de parole rare et de
volonté obstinée. Chef de mon cabinet militaire, il était fréquemment en conflit
avec les chefs de l’armée. Je lui confiai alors la direction des pelotons
méharistes et la politique indigène de la brousse. Il y fit merveille. Déjà
arabisant, il s'initia au somali et devint le grand spécialiste mondial de l’afar.
Son bureau, soigneusement clos, toujours bourré de nomades exhalait des
odeurs fauves.
A partir de 1953, et jusqu’en 1987, il reviendra presque chaque année pour un
CHEDEVILLE
162
CHEDEVILLE
cédé au négus ? », Climats (17 août 1947) ; « Il faut que cesse le scandale des
frontières de la Côte française des Somalis », Climats (23 juin 1948) ; « L’influence
française en mer Rouge », Le Monde (26 novembre 1949) ; « La France va-t-elle se
laisser complètement évincer de Djibouti ? », Climats (29 avril 1953) ; « Djibouti
doit conserver ses frontières », Climats (21-27 mai 1953) ; « Veut-on abandonner
Djibouti aux Ethiopiens ? », Climats (3-9 décembre 1953) ; « La piste Honoré
doublera le chemin de fer de Djibouti », Climats (24-30 décembre 1953) ; « La
rectification des frontières entre l’Ethiopie et la CFS », Le Monde (30 janvier 1954).
Quatre articles dans La Croix du Sud (23 février-23 mai 1954).
3. Article de vulgarisation [sous le pseudonyme de Maxime Cléret] : « Le Dankali,
éternel nomade », Connaissance du Monde, 1962, 46 : 29-37.
L : EA, I : 712 ; P. Labrousse, 1995, Langues ’O 1795-1995, Deux siècles d’histoire de
l’Ecole des langues orientales : 377.
________
La présente note a pout but de définir ce que doit être l’ambiance de nos rapports
avec les Assahyamara et de rappeler les principes essentiels dont doit s’inspirer
actuellement notre action sur ces tribus. Elle marque les limites à ne pas dépasser dans
ce sens sans nouvelles instructions.
Nos rapports avec les Assahyamara se sont jusqu’à présent plus ou moins
développés selon nos possibilités de contact avec leurs campements. Ils ne seront pas
les mêmes avec toutes les tribus, dont certaines n’occupent que partiellement et
irrégulièrement notre territoire : néanmoins tant qu’un règlement ne sera pas
intervenu, la présente note sera considérée comme applicable à toutes les tribus
désignées par la Décision sur les Secteurs Nomades. Les autres seront considérées
comme étrangères, tout en étant prévenues de leurs devoirs vis-à-vis de nous quand
elles circulent chez nous, et discrètement contrôlées. Plusieurs points des prescriptions
de la présente note sont encore totalement étrangers à certaines de nos tribus
Assahyamara. L’application ne devra leur en être faite que progressivement : toute
hâte à vouloir obtenir des résultats immédiats risquerait d’aller à l’encontre du but
poursuivi. Il appartient aux Commandants de Secteur Nomade de juger de
l’opportunité de cette application, et, en outre, d’en reférer chaque fois qu’une
difficulté ou une hésitation surviendra.
1. Cette note dactylographiée de 8 pages, datée du 11 décembre 1939, porte en en-tête /COTE
FRANÇAISE DES SOMALIS ET DEPENDANCES, SECRET /n° 244/CS/CMC/. Sauf erreur, elle ne se
trouve pas dans les archives (nous l’avons, pour cette raison, remise au Musée des Troupes de
Marine de Fréjus). A part l’italique employé ici pour mieux le visualiser, le texte reproduit
suit strictement la disposition et l’orthographe de l’original.
163
CHEDEVILLE
164
CHEDEVILLE
Il convient avant tout d’avancer assez prudemment pour ne pas être obligés un jour
de faire « machine arrière ».
Nous avons suffisamment montré les limites de nos revendications territoriales pour
les maintenir d’abord, et pour affirmer ensuite que les tribus habitant l’intérieur de ces
limites dépendent de nous ou que, tout au moins, pour celles qui n’y viennent que
rarement, elles sont soumises à notre autorité pendant leur séjour chez nous.
Mais cette autorité ne devra se montrer qu’avec assez de souplesse pour éviter tout
échec nuisible à notre prestige.
Il est, en résumé, nécessaire de n’agir que progressivement, comme il a d’ailleurs
été fait depuis environ huit mois.
a/- Chefs Indigènes.
Il faut prendre les chefs indigènes tels qu’ils sont : il ne saurait d’ailleurs être
question de les changer. Si antipathiques que certains puissent paraître, et en dépit de
l’influence que les Italiens peuvent déjà avoir prise sur eux, il convient de chercher à
les gagner et à s’en faire des collaborateurs. Nous avons tout intérêt à utiliser autant
que possible leur influence : c’est probablement à l’action personnelle de Dourouy3
que nous devons d’avoir vu s’apaiser l’hostilité de Oloto [Uluto] dans le Henlé à la
suite du meurtre de Février 1939. Pour gagner les chefs indigènes, il faut surtout
reconnaître leur autorité et, ce faisant, flatter leur vanité. Il faut notamment faire appel
à eux chaque fois qu’un incident survient avec un de leurs administrés, sans attendre
qu’ils viennent protester eux-mêmes. Si une sanction doit être prise contre un
délinquant, chercher à les y associer, ou tout au moins leur expliquer la nécessité où
nous nous trouvons de les punir. Les Danakil ont le respect de l’autorité, et ils
reconnaîtront les droits que nous donnent la domination de leur territoire.
Bien entendu, les chefs ou Notables réels qui viennent au carré sont l’objet de la
part du Commandant de P. M.4 ou du chef de poste, d’attentions proportionnelles à
leur grade. Le gradé ou garde de leur préférence est chargé de veiller à leur entretien.
Les européens doivent toujours avoir le sucre, le thé et le riz nécessaires pour les
recevoir. Ils en sont remboursés s’il le faut au moyen des fonds politiques des
Commandants de Secteur Nomade. C’est après un bon repas que naissent plus
facilement les bons sentiments.
Il faut éviter avant tout de les traiter sans égard pour leur rang, et notamment de
leur imposer des attentes prolongées à la porte du carré ou du poste. Les gradés et
miliciens, notamment les sentinelles, devront connaître suffisamment les chefs
indigènes pour éviter toute méprise ou toute vexation à leur égard.
En récompense de leurs services, des cadeaux ou rétributions réguliers seront faits.
Ceux qui les refuseront ne seront l’objet d’aucune pression, à condition toutefois
qu’ils n’acceptent rien des autorités italiennes.
Dans ce cas la décision à prendre sera soumise au Gouverneur.
On a constaté en Septembre-Octobre derniers, un exode de certaines tribus,
commandé par ceux-ci. Un tel mouvement ne pourra se reproduire sans que les
coupables n’aient à s’en repentir.
Si le Sultan les convoque, ils doivent en prévenir le Commandant du Secteur
Nomade qui en rend compte au besoin.
Ils agiront de même chaque fois que des instructions visiblement inspirées par les
Italiens leur parviendront.
3. Voir sa « déclaration de guerre à la France », deux ans plus tard, p. [voir p. 189, n.d.l.r.]
4. Peloton méhariste [n.d.l.r.]
165
CHEDEVILLE
IV.- ÉTUDE ET RECENSEMENT DES TRIBUS.- La composition des tribus a déjà été
sérieusement dégrossie. Il importe de parfaire le travail entrepris et de chercher
notamment à comprendre exactement la hiérarchie, parfois compliquée, des
groupements, et l’organisation du commandement au double point de vue des
personnes et du territoire.
Il faudra déterminer les familles influentes, et la valeur de leur influence.
Le fonctionnement du commandement, l’existence ou non de conseils de notables, et
leur degré d’importance éventuel devront retenir l’attention.
Enfin, il est possible de compléter dès maintenant ce travail par un recensement
sommaire, comprenant la liste complète des chefs de « karya » (bouda)5, le nombre de
guerriers et d’âmes de chaque famille, et le nombre approximatif de ses chameaux, de
ses moutons et de ses bœufs. Le fait qu’une famille est uniquement moutonnière ou
possède des bœufs permet en particulier de savoir si elle a ou non intérêt à disposer
des pâturages du Kalo.
166
CHEDEVILLE
VI.- INTÉRÊT DES INDIGÈNES.- L’expérience a prouvé que les Assahyamara ne sont
nullement opposés à notre médecine et à nos drogues. Le poste de Daoudaouya a
obtenu à ce point de vue des succès certains sur les Oloto-k Modaïto.
Le meilleur procédé pour attirer les indigènes est de les inviter à faire soigner les
malades, qui sont nombreux. Les P.M. et postes devront toujours disposer des
médicaments courants nécessaires et les distribuer à bon escient.
En ce qui concerne les troupeaux, toute épizootie doit être signalée sans retard au
vétérinaire, et les tournées de celui-ci signalées aux indigènes.
Commerce.- Il y a évidemment intérêt à ce que les Assahyamara soient, malgré les
ordres des Italiens, aiguillés vers notre territoire au point de vue commercial.
En raison de coût élevé de la vie en territoire italien, ils viendront rarement nous
vendre leur bétail, sauf si les débouchés venaient à leur manquer par ailleurs.
Par contre, ils ont intérêt à venir s’y approvisionner en doura et en étoffes. Une
propagande destinée à combattre l’action italienne, devra s’exercer en ce sens.
On pourra essayer ultérieurement d’utiliser certains d’entre eux pour les
transports, avec escorte, du ravitaillement des postes et P.M.
Pâturages.- Il ne peut être question de réserver, en aucun cas, une zone de
pâturage pour nos troupeaux.
Tout en utilisant le pâturage existant dans la mesure de leurs besoins, les P.M.
s’efforceront de ne pas mécontenter les indigènes par des abus. Ils s’efforceront de
répartir leurs prélèvements sur les territoires des différentes tribus, plutôt que d’en
gêner une seule. Ils ont du reste intérêt à voir le plus de campements possible, et à se
trouver là où il y en a le plus. Au reste, ils disposent d’assez de doura pour pouvoir se
passer de toute mesure excessive.
167
CHEDEVILLE
Points d’eau.- Les mêmes problèmes se présentent pour les points d’eau.
Tout en imposant au besoin une discipline d’utilisation, les Commandants de P. M.
et de postes veilleront à ce qu’aucune entrave ne soit apportée à leur utilisation par les
tribus qui ont coutume de les utiliser.
Rapports des Miliciens avec les Nomades.- Tout incident doit être évité, notamment
en ce qui concerne les femmes. Tout abus doit être sanctionné.
VII.- VENTE DE VIVRES AUX POSTES ET P.M.- Les postes et P. M. sont ravitaillés en viande
par les soins des Commandants d’unité qui obtiennent au besoin des Commandements
de Cercle l’aide nécessaire.
Il n’y a donc pas lieu d’opérer des réquisitions dans les tribus Assahyamara.
D’autre part, les Italiens ont interdit, ou fait interdire par le Sultan, aux
Assahyamara, de nous vendre du bétail : nous ne pouvons nous plier à cette
interdiction.
En conséquence, il y aura lieu :
— de surveiller les ventes faites aux postes italiens et de noter les chefs et particuliers
qui les feront ;
— de s’informer des prix pratiqués ;
— de ne pas recourir à des réquisitions importantes, mais de s’en tenir à quelques
achats obtenus en forçant un peu, s’il le faut, la main des indigènes qui nous refusent
de bon gré toute fourniture, et de la part desquels on aura observé des livraisons aux
postes italiens, en faisant remarquer que c’est pour riposter à celles-ci, et en profitant
des cas où il n’y aura aucun risque d’incident.
— de payer au minimum au même cours que les Italiens, plutôt plus. En aucun cas il ne
sera confisqué de bétail 6.
Il n’y a pas lieu d’interdire pour l’instant la vente aux Italiens, puisque nous ne
pourrions faire observer cette prescription.
A moins d’apports volontaires, seuls les Commandants de Secteur Nomade7
pourront pour le moment procéder à des achats dans les conditions indiquées ci-
dessus.
On encouragera en outre les indigènes à apporter du lait, en échange de doura à
nos postes et carrés.
VIII.- RECRUTEMENTS D’ASKARIS PAR LES ITALIENS.- Bien que les askaris recrutés par les
Italiens chez les sujets de Yayyo Mohammed aient été libérés, de nouveau appels
peuvent être faits.
168
CHEDEVILLE
Dans ce cas, les chefs indigènes et les intéressés seraient avisés que les
ressortissants français doivent refuser d’obéir à ces ordres d’appel, et que ceux qui les
accepteraient seraient par la suite considérés comme suspects.
IX.- REPLI SUR L’AOUSSA.- Les chefs indigènes doivent être prévenus que tout exode
vers le territoire italien en dehors des nécessités de pâturage sera considéré comme un
acte d’hostilité.
On laissera planer dans ce cas la menace d’ouvrir aux Adohyamara les pâturages
désertés, et la perspective de sanctions.
Au cas où une tribu devrait franchir la frontière en totalité ou en partie pour des
raisons de pâturage, ils devront en avertir au préalable les Commandants de Secteur
Nomade.
X.- CONDUITE DES ASSAHYAMARA EN CAS DE GUERRE.- Les Italiens ont donné aux
Assahyamara des instructions pour qu’ils leur viennent en aide contre nous en cas de
guerre.
Il convient de rechercher toute information à ce sujet et de prévoir au besoin les
mesures préventives de nature à empêcher la réalisation de leur plan.
Les chefs Assahyamara recevront le ferme conseil de s’abstenir de tout acte de
cette nature. On leur conseillera de se tenir à l’écart des opérations et même de se
replier à l’intérieur de la zone occupée par nous.
XI.- CRIMES ET ATTAQUES A MAIN ARMÉE.- L’imprécision des frontières, l’incertitude qui
plane sur le rattachement officiel des tribus, l’instabilité de nos rapports avec les
Italiens et leur présence chez nous, nous rendent le plus souvent impuissants à nous
saisir des criminels, soit qu’ils se réfugient en territoire italien, soit qu’ils demandent
protection aux postes dont nos voisins ont parsemé la Colonie. Il nous est même
impossible de prendre les mesures répressives qui permettraient d’obtenir la livraison
des coupables, ou au moins de faire craindre les conséquences des crimes commis.
La justice dépend uniquement des Commandants de Cercle : Cependant, il est bien
évident que les Commandants de Secteur Nomade ont qualité pour arrêter les
délinquants.
Lorsqu’un crime est commis dans la zone de nomadisation du P. M. ou à proximité,
l’enquête doit être immédiate, ainsi que l’arrestation du ou des coupables, si possible.
Il convient d’opérer dans ce cas avec le maximum de chances, c’est-à-dire avec le
maximum de monde.
Lorsqu’il s’agit d’une action en bande de membres d’une tribu sur un campement
d’une autre tribu, la poursuite doit être entreprise avec les précautions d’usage sans
retard, s’il existe des chances de rattraper les coupables avant la frontière. L’effectif à
emmener, jamais inférieur à une section, doit être calculé en tenant compte de la
distance plus ou moins grande dont il sera nécessaire de s’approcher des campements
de la tribu des agresseurs.
Les crimes sont restés jusqu’à présent totalement impunis, sauf représailles
involontaires sur d’autres que les coupables.
En règle général, le règlement doit intervenir par châtiment du coupable superposé
au paiement de la dia traditionnelle.
Il importe que les Assahyamara, et notamment les chefs, soient informés de notre
manière de voir à ce sujet.
Le mot d’ordre reste d’éviter les incidents sanglants, susceptibles d’être exploités
par nos voisins.
169
CHEDEVILLE
XII.- ARMES.- Les armes des Assahyamara leur seront laissées comme d’ailleurs celles
des autres nomades. Les armes des délinquants seront le cas échéant confisquées, à
titre provisoire ou définitif.
Les Commandants de P.M. et chefs de Poste surveilleront discrètement tout trafic
d’armes et de munitions, et s’efforceront de déterminer les ressources des tribus. On
observera notamment si les distributions sont faites par les Italiens.
XIII.- PROTECTION.- Tout indigène en difficulté avec les autorités italiennes doit être
protégé par nous. L’attitude des Italiens dans l’affaire du Henlé, où ils ont favorisé la
retraite du coupable, et lui ont probablement donné asile en recueillant l’arme volée
par lui, nous autorise à la même attitude.
Il sera même bon d’intervenir, comme l’ont déjà fait les Italiens, en faveur des
indigènes ayant à se plaindre d’eux, lorsque l’occasion s’en présentera et qu’on
pourra le faire sans risquer d’inconvénients ultérieurs pour le plaignant.
Au cas où les Italiens nous réclameraient les coupables d’un crime, les
Commandants de Secteur Nomade rendront compte et demanderont des instructions.
XIV.- DÉPLACEMENTS.- Les Italiens ont l’habitude de faire suivre nos détachements par
des askaris.
Au cas où ils persévèreraient dans cette méthode, elle leur serait appliquée au
moins pour une partie de leurs détachements, notamment ceux où figureraient des
Européens.
°
° °
Les Commandants de Secteur Nomade ont autorité au point de vue politique sur
tous les postes situés en pays Assahyamara dans leur cercle de rattachement. Les chefs
de poste doivent leur rendre compte de tout incident et leur communiquer tous les
renseignements d’intérêt politique recueillis par eux.
En cas de faute commise par un indigène, ils en réfèrent au Commandant de
Secteur Nomade et se conforment à ses instructions. Ils ne dirigent directement un
délinquant sur le Cercle qu’en cas d’urgence et d’éloignement du Commandant de
Secteur Nomade, et en tout cas lui rendent compte.
Les Commandants de Secteur Nomade donneront toutes instructions utiles aux
chefs de poste, les mettant en particulier au courant de ce qui concerne les tribus de
leur zone et leur donnant toutes instructions utiles sur la conduite à tenir à leur
égard./.
170
D
DBÁB BUÐÁ
Groupe ayís d’abord implanté au Godá (cousin des Balawtá), puis parti
au Kaló (à Diyyílu, près de Gargôri), avec des Mdîma des Gamárri.
Certains sont établis au Dóka. On appelle aussi Dbá-b buɖá la fraction
Aɖas-Aliytó des Ayrolassó.
DADÁR
Zone montagneuse au nord de Tadjoura, entre le Godá (v.), à l’ouest (alt.
1783 m), et le Mablá, à l’est (1247 m). Le Dadár est le versant sud de la
ligne de crête, de direction générale Ouest-Est, joignant la pointe nord du
Godá (v.) au Mablá. Le point culminant atteint 1382 m. Au centre du
Dadár, l’oued Debné (v.) est le point d’origine de la tribu homonyme.
DAGENNÓ
Egalement Ðagennó, Dagnó (singul. Dagnóyta). Le nom (ou surnom),
sans origine certaine (peut-être de dagá « amont » < amh. däga « zone
d’altitude supérieure à 2500 mètres »), désigne diverses populations non
afares du piémont éthiopien : Argobba (afar Argubbá) du Dóka ; Oromo
Ry.
DHÍM MLÁ
Tribu Adohyammára (v.) distribuée sur une vaste zone allant de la région
de Arratá (v.) et la côte (les Umartó y sont établis entre les adarmó et les
Dammohoytá), jusqu’à Ðálol et le bas de l’escarpement éthiopien (Dóka).
Le nom, sans origine certaine, est à rapprocher de dâha « veau sans mère »,
terme qui évoque la technique dite meré (v. Alsí lwó, Wáysu) ; ou de
dahlé « bovidés de deux ans (coll.) ». Généalogie. Se rattachent à Úmar
« Dhí » (selon Odorizzi), Dhilón (* dahlé lon « qui ont des bovins »),
selon d’autres sources, originaire des Badoytá-m mlá Aydamní de
Gontóy, au nord d’Obock. Fractionnement. Les Dhí-m mlá sont divisés
en Yaîdi (Kádri, Baddirrá) et Barkúl, avec le même cri de ralliement
(itró) : « Yaîd k Barkúl ! » ou « Aydamní ! » pour les femmes. Les
Meemâa descendent d’un ancêtre éponyme, frère (d’une autre mère) de
Barkúl et de Yaîdi. Ils vivent dans la plaine côtière entre Sroytá et
Margadó. Le fractionnement, complexe, comprend les principales divisions
suivantes.
1. Yaîdi : a. Kádri (Ellmitté, Loogguddó, Arkfartó, Asmalitté, Adoytitté,
Yaditté, Kubartá, Kunnutó, Nddá) ; b. Baddirrá (Gumeddó, Slitó,
Mlsiyá). Ad-Áwka (1746-1816), de fraction Baddirrá, est identifié (Puglisi,
1952 : 5) comme un des alliés de Subagâdis, le chef Saho Irób du Agmé, mort
en 1831. Le nationaliste Yâsin b. Maammdá (v.) était de fraction Gumeddó.
2. Barkúl « Gúra » : a. « Datá » Barkúl (Igmá Umar ; Abbayyyá, vers Aw et le
pays appelé Baɖí rásu, à l’est de la plaine du Sel ; Fantoytá) ; b. « Asá »
Barkúl (Ali-Maammadó, Ankalitté, As-Ali-Maammadó).
3. Meemâa : a. du Dóka (Ellmoytitté « Daár buɖá ») ; b. de Têru (Asalâ-k
Dhí-m mlá ; Mutó).
DAHLAK
Gonnalé ámmadu
Sek-Dîni
ámmadu
Allâmoyta
DAHLAK
Les quelque lignes consacrées ici à la présence afare dans les îles Dahlak ne
reprennent pas les donnée historiques concernant cet archipel connu de
longue date (EA, II : 64-70). Prononcé [dáhlag], l’archipel est composé
d’environ 125 îles. Il n’y a que quelques Afars Anklá à Dahlag-Kabr
(afar Kaɖɖá Dáhlag). Les Afars de Dahlak (Dahligá) vivant sur l’île
principale ont traditionnellement pour chef un Anklá, de fraction allaytó.
Les insulaires parlent un dialecte du tigré (təgre) fortement imprégné
d’arabe et mêlé d’emprunts à d’autres parlers éthio-sémitiques en relation
avec l’hétérogénéité des locuteurs. La population a toujours été très faible
en raison du manque chronique d’eau. Le recensement italien de 1931
indiquait un total de 2275 personnes dont 1475 de langue tigré, 475 Arabes
172
DAḤRUMÁ
et 325 Afars. Les Egyptiens avaient créé la charge de šay al-mašay qui
résidait à Dubello (Debulló), à Dahlak. En 1901, le gouverneur Martini
supprima cette charge et investit directement les chefs de village.
Toponymie. L’onomastique confirme que le territoire historique des Afars
a pour limite la péninsule de Bôri. L’îlot appelé en afar Difré (en tigré
Maddt), au nord-est, fait exception. Plus au nord, à l’est de la Grande-
Dahlak, les deux îlots : Intirrí « qui aveugle » (intirruí est un des noms de
l’aloès employé en collyre pour la conjonctivite purulente, intirráydu) et
Intidibír « qui prend l’œil » (*inti iɖibbiɖ), s’accordent avec la réputation
d’une région où les ophtalmies sont fréquentes. Deux autres îlots entre la
Grande Dahlak et la Péninsule portent des noms afars (Datá Askári
« sentinelle noire », Adó Askári « sentinelle blanche ») et sont les
toponymes les plus septentrionaux. Selon certains informateurs, ces deux
noms doivent être rattachés au saho káre « chien » et réinteprétés en Kaɖɖá
As Káre « le grand chien rouge » et Unɖá (saho Inɖá) As Káre « le petit
chien rouge ». L’îlot voisin d’Aysammūhá (*aysa mūhá « il domine
ensuite » ?) semble un calembour formé sur le nom arabe d’origine,
Šumma.
L : D.M. (2012 : 220-221).
DAHLLITTÉ
Tribu dont le nom semble dériver de dahlé « bovidés de deux ans (coll.) »
(v. Dhí-m mlá). Elle a des terrains à ankattá, aggayís, Waybuɖká et
Garratá. La tribu compte trois fractions, Idrissó, ummaddó et aruntó.
L’ancêtre des Dahllitté aurait été un chasseur Bôn (v.). Epargné lors du
massacre des Songó (v.), il aurait reçu les terrains précités. L’ancêtre des
aruntó aurait, lui, été forgeron à Tadjoura.
DAḤRUMÁ
De darí umá « de mauvais pâturage ». Nom de tribu formé à partir du
sobriquet Darumí (ou Darumó) « qui paît chez les autres », sans doute
en raison de la pauvreté de l’homme à qui il fut attribué. Généalogie.
Descendent de « Datá » Abbakári b. Nakkós b. « Darumí » b. ámad b.
aysá. L’ancêtre Nakkós fut captif de « Ayrolasé », ámmadu (v.
Ayrolassó), qui lui donna des terres dans le Mablá pour le récompenser de
son dévouement. Nakkós reçut ensuite du sultan de Tadjoura des terres
dans le Godá. Il est possible que « Darumí » dans la généalogie ne
corresponde pas au nom du père de Nakkós mais soit le surnom de ce
dernier, ce qui expliquerait ce tercet conservé, adressé par le sultan de
Tadjoura à celui qui était sans terre :
Nakkosow, naki roobow Ô Nakkos, ô pluie bienfaisante !
Sanday Lulwaani takke baaxo Tout le pays, de Sanda à Lulwâni
Koh wano takkay Qu’il devienne ta propriété !
Il y a, dans le premier vers, un jeu de mot entre Nakkós et náku « répétition
d’une pluie au même endroit » : naki rob « ce qui donne bon pâturage ».
L’itró des Darumá est « Nakkós ! ». Distribution. 1. Songó-g Godá (Asá
Darumá ; Adan-Ysiftó, aussi appelés Adoysittó) ; 2. Darumá de
173
DAMBĒLÁ
ámad
« Darumí »
Nakkós
« Datá » Abbakári
Kâmil
Kâmil Yôsif
Egramayfélli
« ré » ámmadu
175
DAMMOHOYTÁ DE ‘ÍDDI
similaire). Le second récit raconte que le pays était habité « au début » par
les Dúlum, les Anklá et les Dankáli, chacun ayant son roi. Les
Dammohoytá s’emparèrent, en premier, de la région de Bíɖu. C’est de là
que partit, vers 1650 (compte tenu des générations), un certain Arkfár, fils
de As-Gaás, en quête de ses vaches qui s’étaient perdues. Il aboutit dans le
pays des Dúlum (vers Midír) où il récupéra son troupeau. On lui proposa
d’épouser une fille du roi. Celui-ci accepta qu’il épouse sa fille Ftumá,
contre l’avis des Dankáli et de la population Dúlum qui protestèrent contre
le fait que l’on puisse donner sa fille à un homme de passage. Le roi refusa
de revenir sur sa parole. Dankáli et Dúlum imposèrent à Arkfár de
constituer une dot qu’ils pensaient exorbitante : 40 génisses, 40 vaches
ayant un veau, 40 vaches adultes, 40 taureaux, un bracelet de biceps (g) et
un bâton d’argent. Arkfár paya et épousa la fille du roi des Dúlum, auquel
il succéda. Dans un troisième récit, non pas Arkfár seul, mais ses deux
frères avec lui (Gaás et As-Maámmad, v. Dammohoytá de Bôri), tous nés
de la même mère, entrèrent en pays Dúlum avec leurs vaches. Ils furent
capturés. Ils proposèrent au roi d’épouser sa fille. Ce dernier les renvoya à
la reine, sa femme, qui accepta. La fille fut mariée à Arkfár qui ensuite
hérita du trône. Les Dammohoytá reçurent le pays de Bôri à Tó, dont le
commandement passa aux Dammohoytá Arkfartó, devenu l’itró (v.) des
lignages issus de la même femme de « Kaɖɖá » ámmad (Arkfartó, As-
Maammadó, Gaás-sambó). Itró des femmes « anagurí ! ».
DAMMOHOYTÁ DE ‘ÍDDI
Addán
Êdu
ámad
Les chefs de Íddi (v.) portent le titre de šek et se rattachent à Addán, fils
de Ellâma, lui-même petit-fils de « Asá » Ellâma. L’interlocuteur de
176
DAMMOHOYTÁ DE BÔRI
« Kitbá le » Úmar
[1300] « aɖal-Mâis »
[1450] « Sambollakóli »
Egramayfélli
Igmá Dubó
177
DANCALIA
DANCALIA
Nom géographique donné au pays afar en italien. Dancalia settentrionale a
été appliqué à la partie de la colonie d’Erythrée habitée par les Afars.
Dancalia settentrionale esterna a désigné la zone côtière, tandis que la
région montagneuse parallèle à la côte, dont Arratá (v.), a été appelée
Dancalia settentrionale interna. La Dancalia centrale e meridionale
correspondait à l’ensemble des régions encore mal connues en territoire
éthiopien. Les premières indications toponymiques italiennes sont dues au
voyageur et industriel Tullio Pastori (né à Padoue en 1885), découvreur du
gisement de potasse de Ðálol (v. Amolé). Après 70 jours d’expédition et 22
excursions, de fin 1919 à 1920, le long de la côte et jusqu’au lac Giulietti,
Vinassa de Regny publie en 1923 une des premières descriptions
géologiques détaillée de la Dancalia. Il constatera « à Colulli la faillite
douloureuse de l’entreprise minière de Dalol ». Enrichissant notablement la
178
DANKÁLI
DANKÁLI
1. Nom de tribu. 2. Nom de royaume.
Dankáli, sous la forme Deuchali, figure, pour la première fois, sur la carte
de Fra Mauro (1460). Ecrit Dangali, sur celle de Mercator (1569), le nom
179
DANKÁLI
180
DARDŌRÁ
DARDÁR
Titre des sultans Adáli de Tadjoura (v.) et des chefs Anklá (v.). Sous la
forme d’un pluriel, titre des imams de l’Áwsa (dardrá, v.) et des ras
Harálla (dardortí, v.). Emprunt au persan sardr « qui tient la tête, chef »,
via sans doute une forme arabo-persane zirzr, le passage /z/ > /d/ étant
régulier en afar. La réalisation [z] peut avoir été influencée par zarzr
« d’un esprit vif et pénétrant », et zirzr par zer-dr « riche, fortuné ». La
vocalisation [a] paraît d’origine et en opposition avec une étymologie
populaire sirr-dr « maître du secret ». T.W. Haig (EI, 1934) mentionne
une lettre d’un prince yéménite (1581) où sardr est employé avec le sens
de « chef de troupes », confirmant dardár (zirzr < sardr), titre du sultan
de Tadjoura, comme un terme militaire, validant implicitement la tradition
de l’élimination des Songó par les sultans de Tadjoura. D’Abbadie (1890 :
23) emploie dardár à propos du chef des Lakiná d’Ifisó de Têru (v.) ; le
titre est donné au chef des ertó (v.), dans son Journal de voyage.
S : Belot (1928 : 1015) ; Chedeville (1966) ; EI. (1934, IV : 168) ; D.M. (1998 : 55 ; 1999 :
20) ; Savard ; Tubiana (1959 : 315).
DARDŌRÁ
Pluriel de dardár (v.). Var. Dardrí. Chefferie de la Kaló composée des
descendants de la famille des imams arabes ayant remplacé, à partir de
1600, celle apparentée à Amed b. Ibrhm « Grañ », descendue du Harar,
en 1577, et d’origine Baláw (v.). Les Dardrá seraient venus du Yémen
avec les Sarfá (v.), les premiers nommés étant les chefs, et les seconds
chargés de la prière. Endogames, Dardrá et Sarfá forment un seul groupe
politique dont le chef était celui des Dardrá. La généalogie permet de
reconnaître deux phases principales dans la détention de l’imamat. La
branche issue de gard ,sa dispose d’un pouvoir réel de 1628 à 1750, date
de la mort de l’imam Salmân, tué par les Harálla (v.) dans l’incendie de sa
résidence à Walé Fánta (v. Áwsa). Après lui, ses trois fils : imâm Ali,
l’aîné, Maámmad, le cadet, et Maámmad, le benjamin et homonyme,
forment respectivement les fractions Imm-Aliytó, Datá Buɖá et Aditté
(fraction des chefs). Après la mort de l’imam Salmân, les Aditté ne
détiendront plus qu’un pouvoir honorifique. Ils sont contestés par le
« sultan » Harálla Maammad « Ds », dont le titre de ras (vers 1750-
1760), qu’il est le premier à porter, signale la prépondérance. En 1966, le
chef des Aditté qui a succédé à son frère Maámmad est Mansûr b.
Waggên (mort en 1956) b. Ali, b. Mayyabhé b. Adan (« Innró », selon
HHL) b. Maámmad b. imâm Salmân b. imâm Adan (qui aurait vécu 100
ans) b. imâm ásan b. imâm Musin b. imâm (ou garâd) ,sa. La
chronologie établit :
1. Maámmad b. ,sa (1628-1636). Celui-ci qui porte le titre de gard
comme son père est proclamé imm à Zeyla, le jour du ,d al-Fi.r, 4 juin
1628. Il gagne ensuite l’Áwsa.
2. Ádan b. ,sa (163631648). L’intronisation pourrait avoir eu lieu en
1633 si, selon une autre tradition, son père n’a régné que 5 ans.
3. Ibrhm b. ,sa (164831656).
4. Salmân b. Maámmad b. ,sa (1656-1666).
181
DARDORTÍ
9. Salmân (1750)
Ádan
Mayyabhé
Áli
S: HHL (Naw.) ; Chedeville / Mansûr b. Waggên.
DARDORTÍ
Lignage des ras Harálla (v.). Les Dardortí ne doivent pas être confondus
avec les Dardrá (v.) d’origine arabe, auxquels ils se sont substitués après
la mort de l’imm Salmân en 1750.
DARMÁ
Ou Darmalé. Lieu de la défaite des sédentaires de l’Áwsa (v.), face aux
Mdaytó, le jeudi 5 RamaBn 1249 (16 janvier 1834). Darmá est situé au
sud-ouest de l’Áwsa, dans le pays appelé Albá, au sud-est d’Aysaíta
(voir carte n° 5). Depuis, on dit : « Yá Rabbow, Darmá nel má gasin ! « Ô
Dieu ! Ne nous fais plus revivre Darmá ! »
S : La Chronique de l’Awsa (voir p. 411, parag. 35) mentionne incidemment cette bataille
décisive ; HHL (Naw.) ; HL (in D.M., 1997 : 15).
182
DAWWÉ
DÁSI
Admin. Dasé. Egalement dans la littérature, Desseh, Dessi, Dessei, Dissei,
Disse(h). Ile montagneuse du Golfe de Zula. Confondue avec la pointe nord
de Bôri appelée « Pointe d’Acier » (c. 1800), Steel Point sur la carte de
Heather (oct. 1799). Des mares à fond argileux conservent l’eau de pluie
plusieurs mois. Les Adó L (qu’Odorizzi dit d’origine Saho) sont les
propriétaires du sol, avec les Sek-Adantó, sous commandement nominal
Anklá. Dási est sans lien avec l’éthio-sémitique däse « île ». Souvent
expliqué comme une variante de ds « cabane, hutte », il faut plutôt le
rapprocher de l’afar dasiytá qui désigne un bouquet isolé de palétuviers. Le
mot explique le nom de deux îles du « cercle de la mer de Bôri » : Rkíb
Dási « la mangrove des chameaux » (lesquels se nourrissent des feuilles de
palétuviers, v. ayyú) ; Egrá Dási « mangrove pauvre ».
S : Dépot général de la Marine, catalogue des cartes, Mer Rouge, portefeuille 211 (carte
102) ; Odorizzi (1911). L : D.M. (2012).
DATÁ BUÐÁ
Le terme Datá Buɖá, « maison noire » est récurrent et s’applique à de
nombreuses fractions (Badoytá-m mlá, Umartó, Ablé, Dammohoytá,
Dardrá, etc.). Le qualificatif « noir » est laudatif avec le sens d’important.
Il désigne la principale fraction Adohyammára des Adáli du Songó-g
Godá ayant un wanó (v.) à Miyóy. Ils en louent une partie aux Darkayní
Adáli. Ils louent au sultan Kontóyli, Malgá, Waybuɖká, Gaarré. Les Datá
Buɖá descendent par angallé de Ulêl Abûsa Arbâhim (v. Adâal). La
fraction soeur Asá Buɖá a disparu ou s’est fondue aux Ablisá et aux
Ulutó. « Datá Buɖá » est aussi le surnom des Somalis du nord.
DATÁ GÚRA
Second fils de « Ðogorré » Úmar (v. Adâal), dont les descendants « Datá
Guríh sárra » (également Datá Gúra) ont formé le sultanat de Raaytó (v.).
DAWWÉ
Région et agglomération du piémont éthiopien, de peuplement surtout
oromo, entre l’oued Dawwé et Bté (v.) au nord. Dawwé a quatre
chefferies afares dont les tribus sont souvent d’origine Badoytá-m mlá :
1. Debêlli-k Ali-amaddó (Alī-amaddó ou « Kaɖɖá Buɖá »),
Debellí-sárra, Ibad-umaddó, Dró- amaddó) ;
2. Dorá-Ageddó (Grá-b buɖá, Aydamāní, Ballaiytá, Ramré-s sárra,
Mānát) ;
3. Aytúr (aɖá-m mlá, Abá-m mlá, ummad-Guduntó, Kobortó,
Lāoytá) ;
4. Ddá-m mlá.
Toponymie. La toponymie afare reste importante. Tiní est la ligne de crête
séparant l’oued Dawwé, au nord, de Ebalé Daár (« l’oued à Acacia
spirocarpa »), au sud. Un cheikh des Badoytá-m mlá, « cheikh Adan b.
Maámmad », y aurait vécu dans un trou, là où est érigée la mosquée.
Korsá-Ádu est le plateau à la confluence des oueds Dawwé et Ebalé. On
trouve, en allant vers le nord, la montagne de Ganɖáwli ; l’oued Wtá,
183
DEBNÉ
184
DÊLA‘
DÊLA‘
Emprunt à la forme arabe Zayla, d’origine inconnue (le somali préfère la
forme Saylá). Al-Idrs (éd. Dozy & de Goeje : 30) écrit Zayla. La carte
dite « Miller », portulan de 1516 attribué à Pedro Reinel ou Lopo Homem,
indique Zella. Dlá correspond en afar à la zone côtière au sud du golfe de
Tadjoura, de Wá à Zayla. C’est le « pays de Zayla », dont l’extension à
l’est atteignait sans doute Siyyra dans l’actuel Somaliland. Au XVIe siècle
(voir le Futū al-abaša), la région de Sm désigne le pays s’étendant vers
le sud-ouest, en direction du Harar sous commandement Baláw (v.). Trois
systèmes toponymiques. Une partie de la toponymie ancienne de cette
région, maintenant de peuplement somali, conserve la trace d’une présence
afare jusqu’à la fin du XIXe siècle, tant dans la tradition orale des Debné
(v.) que dans les témoignages des voyageurs. Le comte Russel (1883) écrit
que « les populations danakils s’étendent jusqu’à Zeyla et vont commercer
à Berbera ». A cette double toponymie, s’ajoute celle en arabe, notamment
sur la côte. Parmi les noms de lieux : Sroytá (dérivé de sáru « plante
grimpante », par ex. Coccinia grandis), à l’ouest de Zeyla, désigne la partie
terminale de l’oued où se trouve le puits de Toqošši (sans doute du somali
doqoni « boueux, détrempé »). Sroytá est homonyme d’une localité sur la
côte érythréenne, au sud de Tó, et d’un petit oued en amont de Ðɖr
« pierre longue », immédiatement au sud-ouest de Loyada. La carte du
gouvernement de la C.F.S. (janvier 1940) indique Sáru entre les oueds
Barisley et Byya Aday. Les trois systèmes topographiques identifiés
répondent à trois fonctionnalités. Le premier concerne les amers vus du
large. Il emploie (voir le carte n° 4 « La côte de Djibouti à Būllar ») des
termes majoritairement arabes pour nommer les caps (rs), rias (r) et
autres récifs (šab). Ex. rās Toqoššan ; šab šayH Yaqūb. Saba-wanāg « bon
mouillage d’été » fait exception en combinant l’afar sabó « vent de
mousson » et le somali wang « bon ». Le second prend en compte la
ressource en eau et en pâturage2. Ex. Toqošši (déjà cité) ; wd 3 Silil «
oued ombragé (pourvu en arbres) » (Ar. ill, Afar sílal « ombre ») ; w.
Osoleh (af. ossolol « faire paître ») ; w. Durdur (so. « source »). Le
troisième décrit la côte telle qu’un piéton la voit en cheminant le long du
littoral. C’est ici la présence d’un arbre remarquable, d’une pierre, etc., que
retient la toponymie. Ex. Quɖaa Mandaó « murmure de l’acacia (au
vent) » (so. quɖa « Acacia sp. » ; af. mandaó, nom de lieu de anda
« faire du bruit ») ; Harrag3jid « route de la soif » (so. harrad) ;
Lān3ɖr « longue branche » ; Gobad (so. gob « jujubier ») ; Bale3Đaga
2
La mangrove en fait partie (v. Ḥayyú). A Zeyla, les palétuviers sont encore aujourd’hui
nommés en somali sous leurs noms afars kandalá et tákay (voir p. 112).
3. Au terme arabe, correspondent tog ou diḥ en somali du nord ; daár en afar.
185
DĒLA‘TÁ
DĒLA‘TÁ
Terme désignant les Afars Debné du sud, encore présents aux abords de
Zeyla à la fin du XIXe siècle. Le dlátu est, à Tadjoura, le vent du Sud
(« vent de Zeyla »).
DĒLÉWĀNBAÐÁ
« La fille (baɖá) dont on ne peut se séparer (dlé wn) : l’Attirante ». Nom
de la fille de l’émir de Zeyla, MafN b. Maámmad, première femme et
épouse préférée de l’imam Amed b. Ibrhm « Grañ » (v.). Dans la
chronique arabe éditée par Basset, la graphie bara, avec un [r]
intervocalique, variante de baɖá, est conforme à la prononciation en Awsa.
Née Baláw (v.), son nom signale l’afarisation en cours des chefs de l’Adal,
qui se confirmera avec le départ pour l’Áwsa de la famille de l’imam, en
1577. Le sens de son nom afar révélé par Abdallah Mohamed Kamil (1975)
contredit l’interprétation convenue (Basset, 1897 : 51) de la forme
éthiopienne dəl wämbärwa « la victoire (dəl) est son siège
(wämbärwa) ». Cette étymologie est, de fait, arbitraire, la fille de MafN
n’étant pas éthiopienne. La réalisation vibrée de l’implosive rétroflexe, à
l’intervocalique, [bará], est régulière en afar. La graphie actuelle :
dəl wänbära (cf. EA, I : 505) montre que l’étymologie donnée
par Basset n’est pas vivante, et valide une interprétation afare du nom.
S : Abdallah Mohamed Kamil (1975) ; Basset (1897 : 51).
DĒRÓ
1. Cri d’alerte, appel strident au secours, auquel on doit répondre. Celui qui
le pousse sans motif est puni. Tout le monde vient se nourrir chez lui. 2.
Groupe de poursuite répondant à une alerte (v. Aysaíyta). Le nammá
Adalí-k dró « groupe d’alerte des deux Adáli » comprend ceux du Godá
et les Debné, soit : 1. Debné (avant-garde) et Adorásu ; 2. Songó-g Godá ;
3. Kabbbá ; 4. Balawtá et Bollí buɖá. Le dró des Wíma regroupe : 1.
Ðarkáyna ; 2. Rukbá-k Ðermlá ; 3. Ablé ; 4. aysamlé. Le nom dró est
sans doute à rattacher à dráy, bâton d’environ 1, 50 m, assorti d’une tresse
bicolore, aux mains du chef d’expédition. « Attacher la tresse » (dráy
aɖúy) donnait le signal des hostilités.
186
DIKHIL
D'DÁM MLÁ
Généalogie. Tribu descendant de Úbab, fils ou petit-fils de Badoytá ; et,
dans une autre version, d’un enfant trouvé dans l’oued Ddá (région de
Ðalá). Ferry (1988) explique Ddá-m mlá par « tribu des faux-bourdons »
(dîda « abeilles mâles »). Parker (1985 : 84) traduit dîda par « taon » et
« bousier » (!). Comme pour Abá-m mlá (v.), le nom de tribu, même issu
d’un nom commun (abá « source »), perd cette valeur et n’est plus
analysable : les Abá-m mlá sont les « gens d’Abá », comme les Ddá-m
mlá sont les « gens de Ddá ». En outre, il y aurait lieu de rattacher
davantage Ddá à « rûche » (ddlé- ári litt. « maison des abeilles »).
Ddá-m mlá désignerait ainsi « la tribu des apiculteurs », indice d’une
spécialisation ancienne. Fractionnement. Se divisent en Asa Úbab
(Addallá, Ummundató-ɖ ɖayló) ; Data Úbab (Godalitté, runtó).
S : Chedeville / ámad b. Ali. L : Ferry (1988).
DIKHIL
1. L’implantation française (1928-1932). 2. L’occupation du anlé et la résistance
Ulutó (1933-1943). 3. Recensement (1943). 4. Chefs du poste de Dikhil (1928-43).
Agglomération située à 120 km environ, au sud-ouest de Djibouti et point
de rencontre entre Afars et Somalis Issas. Afar Dekél. Le nom a deux
étymologies possibles. Soit de dkáltu « vieille outre à eau » (sur des
étymologies identiques, v. Tadjoura, Baylûl, Midír) ; soit une forme issue
de dagá « partie supérieure », « en haut », dagá-l « vers l’amont »,
désignant un tronçon de l’oued qui traverse la ville. Administrativement
Dikkil, puis Dikhil (suivant la prononciation arabe [diHil]). L’étymologie
qui rattache Dikhil à nal illustre une tendance récente à rechercher une
origine arabe pour des toponymes qui sont strictement couchitiques et, dans
le cas présent, afars. L’insistance mise aussi sur la palmeraie de Dikhil —
dont le développement est lié au creusement du puits par les Français lors
de la création du poste en 1928 — a égaré Colette Dubois quand elle écrit
que le sultan Debné y avait sa résidence permanente et y percevait l’impôt
(v. p. 229). Les éléments de biographie connus des abbá Debné, leurs lieux
de sépulture, montrent qu’ils étaient itinérants. Tout comme les récits qui
mettent en scène le cheikh Mandaytu (v.), à l’origine de la source de la
palmeraie qui aurait jailli du sabot de son cheval, il s’agit là de fictions
récentes (postérieures à nos enquêtes des années 1973-1982).
1. L’implantation française (1928-1932). L’implantation française a été
entreprise en cherchant à faire coïncider les frontières de la colonie avec
celles des terrains de parcours des tribus Adohyammára (Debné, Adorásu),
repoussant d’autant les tribus Asahyammára (Ulutó et Gallá) dans la
mouvance du sultanat d’Áwsa. Il en a résulté une expansion des Debné (v.)
dans la partie occidentale de la plaine du Gbaád, contre les Gallá ; et des
Adorásu dans le nord du anlé contre les Ulutó (mais aussi une perte
d’influence des Debné qui tenaient en tutelle les Adorásu). Le poste
administratif de Dikhil est créé par arrêté du gouverneur Chapon-Baissac et
occupé le 25 mars 1928 par le commandant de la Garde indigène, Rossat
(voir infra). Le sultan d’Áwsa émet une protestation immédiate auprès du
187
DIKHIL
188
DIKHIL
189
DIKHIL
190
« DIMÍS »
La tension persiste durant l’automne avec une intensité moindre (pour les
six derniers mois de 1942, on dénombre ci-dessus 41 morts). Le poste
d’Afambó (v.) est créé en mars 1943.
3. Recensement (1943). Un document manuscrit, non daté, du cercle de
Dikhil, sans doute de 1943, intitulé « Population, dernier recensement
effectué par le cdt. Chedeville » [commandant du cercle du 23 mai 1941 au
31 août 1943] dénombre quelques-unes des tribus du cercle (les chiffres
incluent les femmes et les enfants) : Adohyammára : Adorasu (2755, dont
944 Mirgantó) ; Debné (1967, dont 728 Ḥarká-m mlá) ; Asahyammára :
Ðurbá (447) ; Uluto-k Ská (788). Dikhil compte 346 sédentaires (dont
192 Issas et 53 autres Somalis ; 54 Afars ; 37 Arabes). Ils sont 2 100 en
1976 (in Daublin, 2010) avec toujours une majorité de Somalis.
4. Chefs du poste de Dikhil (1928-1943). Comme à Tadjoura, le nombre
des titulaires (plus d’une dizaine en quinze ans) signale une grande
instabilité administrative. Avant la prise de fonction de Rossat (mars 1928),
le maréchal des logis de gendarmerie Lafrance a été en mission jusqu’en
juillet 1928 ; puis, Lippmann (11 janvier 1929). Celui-ci est relevé de ses
fonctions pour incompétence le 19 septembre 1930 et révoqué de
l’administration (29 avril 1931). Il est remplacé par Bodin (26 août 1930),
puis par Allarousse (10 avril 1931). Le 28 janvier 1931, un arrêté porte
réorganisation territoriale et crée les cercles de Djibouti, des Adaëls et de
Dikhil-Gobad. Les chefs de poste sont : Berger (12 juillet 1932) ; Bernard
(7 juillet 1934). Celui-ci meurt au combat le 18 janvier 1935. Lui succède,
Jourdain (21 janvier 1935) ; Berger (28 janvier 1935). Le 18 mai 1935, un
arrêté crée le cercle militaire de Dikhil-Gobad. Chefs de poste : le médecin-
capitaine Gauduchon (courant 1935) ; Billard (1er août 1935) ; Séguin (30
août 1935) ; Péri (10 avril 1936 et 12 juin 1936) ; Ciccoli (juillet 1938) ;
Parent (courant 1940) ; Chedeville (23 mai 1941-31 août 1943) ; Bonnefoy
(1er septembre 1943).
S : HHL (Naw.) ; HL (in D.M., 1991 : 43-45 ; 1997 : 130-133) ; Chedeville (comm. pers.) ;
Chronologie de nos rapports avec les Assahyamara et le sultan d’Aoussa (cercle de Dikhil,
note n° 172, 28 août 1943) ; Coulet (1943) ; D.M. / Aloytá b. Durúy ; Looytá b. ásan b.
anfaɖé ; Slé b. cheikh ásan ; Péri (1938). L : Braca & Comolli (1939) ; Lupi (2009,
pour l’ensemble de la période de l’occupation italienne).
« DIMÍS »
Nom dimís « homme craint et respecté ». Surnom de ámad b. Abdallah b.
ámad, Debné Looyttí, député djiboutien, co-créateur avec « Rdó » (v.)
de l’orthographe afare (Qafar katbé), en 1976. La constitution de ce tandem
avait pour principal objet de montrer le consensus transfrontalier sur
l’alphabet adopté. Ce consensus n’a pas été trouvé avec l’Erythrée qui,
après son indépendance en 1993, a repris la transcription du somali qui
avait été rejetée pour cette raison (cf. D.M. 2012 b : 44). Oaml ad-Dn
Abdulkdir « Rdó », directeur de l’ALSEC (Afar language Studies and
Enrichment Center), doit être considéré comme le principal artisan de la
modernisation de la langue. V. Afár (langue).
S : Dimis & Reedo (1976) ; D.M. (1997 : 217).
191
DINGÂḤI YAKÁMI
DINGÂḤI YAKÁMI
ou Dingâi Yakámi « mangeur de scarabées ». Chef légendaire Anklá (v.).
Son surnom inexpliqué pourrait faire référence à la consommation
d’insectes, dont les sauterelles, qui, quoique décriée, est attestée en cas de
disette, par exemple chez les habitants du Agmé.
DINKĀRÁ
Batterie de deux tambours (pl. dinkrrí), de forme sensiblement
hémisphérique, insigne de commandement des sultans Adáli (v. Dardár).
Ceux de Tadjoura sont les seuls à conserver la dinkrá (v. Raaytó). Le
nom dinkrá est à relier, soit à l’arabe n-q-r (naqqra, voir l’ancien
français nacaire), soit à l’éthio-sémitique nägarit « timbales royales ».
Nägarit gazeta désigne, en amharique, le Journal officiel. Le territoire du
sultan est dit dinkrá-b bɖó. Les tambours sont de taille différente, le plus
gros, d’environ 40 cm de diamètre, le plus petit, de 30 cm. Le premier se
place à droite, et est appelé « migdí tiyá », le second, plus petit, à gauche
« guraytó ». La peau (addáytu) est une peau d’un taureau à robe « rouge »,
tué lors de l’intronisation du nouveau sultan de Tadjoura (v.). Une seconde
peau enveloppe le fond de la caisse. C’est sous le règne de « Adállom »
Maámmad b. úmmad (1821-1859) que le cuivre aurait été introduit, au
lieu du bois, pour confectionner la caisse. Le centre du tambour porte une
tache de sang d’une douzaine de centimètres de diamètre, provenant d’un
bélier égorgé chaque année pour le ,d al-Kabr. La batterie est disposée
inclinée sur un support constitué d’un anneau en fibre de cocotier (kimbâr).
Les baguettes pour frapper sont dites dinkrá- ɖ. La dinkrá a été
utilisée tous les vendredis à onze heures, lors des grandes réjouissances.
Elle l’est, le jour de l’intronisation du nouveau sultan.
DĪR
Batterie de deux tambours, jadis en usage dans les mosquées KorPib et
Iská de Tadjoura. De même structure que la dinkrá (v.), ils mesurent env.
50 cm de hauteur, pour le plus grand, 25 cm, pour le petit. Le support est
appelé dr daffeyná. En afar du nord, l’homonyme dr désigne une grande
jarre, v. Midír.
Djibouti v. Gabûti
D*BAÁ
Tribu de l’Áwsa (v.), située à l’époque d’Alvares (XVIe siècle) à l’est du
lac Ašangi, sur le rebord de l’escarpement éthiopien. James Bruce les
signale dans le Samhar. Salt (1814 : 275) les mentionne en pays WaPerat
aux confins du Tigré. Le nom est resté au canton qu’habitent les Dbaá,
près d’Allasá-b bló, dans le Kaló. Dbaaytá est le nom d’un village sur le
cours terminal de l’Awash, en Áwsa. Il existe un oued Dbaá sur la piste
de Sardó au lac Giulietti (kilomètre 100), également au nord du massif du
Yangúdi, en Arratá (v.), prenant le nom d’Adhurtá en direction de la côte.
Des sources éthiopiennes (Trimingham, 1965 : 81) font référence à un chef
Dbaá dès le XIIIe siècle. La liste d’Alvares donne « Dobaa Seltn » parmi
192
DŌDÁ
DŌDÁ
Commandement territorial (bɖó) mixte formé de tribus originaires de
Dl, à une cinquantaine de kilomètres au nord-est du Msaálli, et qui se
sont constituées au moment des guerres pour le contrôle de l’Áwsa. Les
premiers venus dans la région de Waransó auraient été les aɖá-m mlá
(v.). Les Elleaddós (Asahyammára) et des Ská, venus de la région de Dl
avec les Kîu-k enkébba, s’installèrent avec eux à Gêga. Ils furent rejoints
par les Igá3mlá, les Badoytá-m mlá, les Tamít d’origine aɖá-m mlá
(v.). Tous ces éléments étaient en lutte avec les « Galla » (v.). Des alliances
furent conclues avec les Sakɖá (Adohyammára), venus de chez les
Kutublá, au lieu-dit Baɖuwlé « qui a des jeunes filles à marier ». Un
homme des Sakɖá, surnommé depuis Wagrís « faiseur de paix », devint le
premier chef du bɖó, sans doute au milieu du XIXe siècle. Il eut pour
successeurs, son fils Farasabbá, puis le frère de celui-ci, Buksá.
Apparemment, sous l’influence du sultan de l’Áwsa, Maámmad b.
anfaɖé (1862-1902), lui-même Asahyammára, le pouvoir passa aux
Elleaddós commandés par Gaddalóyta b. ámad b. Ali. A la mort de
celui-ci, le fils de Farasabbá, Mó, entra en conflit avec Kalóyta, petit-fils
de Gaddalóyta. Les Italiens, pendant leur occupation, reconnurent Kalóyta
pour chef. Son cousin Wré « Múkna » b. Wlisá b. Gaddalóyta lui
succéda. Après la mort, à Bté, de Mó, son fils, Suyúm, fut également
reconnu balabbát à l’époque impériale amenant à la formation d’un
commandement mixte, à la fois Asahyammára et Adohyammára. Les
hommes n’ont qu’un cri de guerre (itró) : « anâ Ddá ! », tandis que les
femmes Adohyammára disent : « Barí buɖá ! », et les Asahyammára :
« usên gurí ! », « usên la Gauche ! » ou « usên gúra!k radé marí ! »,
« descendants de usên la Gauche ! » (Sur cette référence à la gauche, v.
adarmó). Fractionnement. Asahyammára : 1. Elleaddós (dont Maá-s
193
DÓK‘A
DŌLÁT
Le nom emprunté à l’arabe dawla désigne, en afar, l’autorité centrale dont
les chefs locaux (rdántu dans le nord ; makâban, dans le sud, etc.)
reçoivent délégation et avec laquelle ils sont souvent confondus. Le terme
amóyta (v.), lui, désigne un pouvoir autocéphale. Le « dawla » est au sens
large l’Administration, « le Gouvernement », (essentiellement la police et
le fisc en Ethiopie). Au XIXe siècle, sur la côte, le dlát est représenté par
un gouverneur (mufiz) à Massawa, un « bāšá » à Zayla ; le premier,
dépendant de Souakin, le second, de Mokha (v. Ab Bakr « Pacha »). A
Bôri, comme en afar du sud, le nom dlát est féminin (masculin à Midír)
quand il désigne l’administration. Il est masculin à Bôri quand il désigne le
chef de l’administration, le gouverneur (cf. Reinisch, in D.M., 1999 : 202) :
w bɖól dlát yené « un gouverneur commandait le pays ».
DORTIMĒLÁ
Descendants d’un captif Anklá pris par « Gibdí » ámad lors de la
conquête. Représentés dans la chefferie Basmá.
DULMÁ
« Epidémie » (de l’arabe ulm « injustice » ?). Le mot tabouïsé désigne les
calamités meurtrières (peste, choléra, variole), les pluies tombant en
trombes. Le site du premier Tadjoura (v.), longtemps frappé d’interdit, est
réputé avoir été victime d’une peste, comme Handgá (v.). Le dérivé dúlmi
a le sens d’« injustice », d’« oppression ». Les chroniques (Gi, Naw.)
donnent des indications sur les épidémies frappant l’Áwsa et les zones
environnantes au XIXe siècle :
1820-26 : peste accompagnée de disette.
1828 : épidémie de variole.
1830 (juin) : peste apportée par des pèlerins revenus de La Mecque.
1887 (hiver) : année dite asbát gilál « l’hiver de la variole », dont meurt
le vizir de Tadjoura, Arbâim b. úmmad.
1892 (7 juillet) : épidémie de choléra. Mort du gouverneur par intérim,
Joseph Deloncle ; 14 juillet, mort du Dr Aubry, médecin de la Marine.
194
DULUM
195
DUMĒRÁ
DUMĒRÁ
Admin. Douméra (Doumeïra). Désigne l’île sur la frontière entre l’Erythrée
et la Rép. de Djibouti. Peut-être de la racine arabe d-m-r « ruiniforme ».
Gablá « la grotte » désigne la chaîne continentale et la pointe de l’île
confondues, vues du large. Aubert de la Rüe (1939 : 79-80) écrit :
Doumeïra (...) est le nom de la zone littorale où vient aboutir la frontière
franco-italienne, et celui de l’île située juste en face. Plusieurs collines, qui
de loin ne semblaient former qu’un seul chaînon, se confondant avec l’île
voisine, surgissent brusquement au milieu de la plaine côtière qui s’étend
presque sans interruption d’Obock à la baie d’Assab. (...) La colline de
Gabla, la plus orientale, éperon allongé s’avançant quelque peu dans la mer
Rouge, forme la limite avec l’Erythrée.
Un lien (et une confusion) sont possibles entre le da furna des cartes et
Meɖgablá ou Meɖgebɖá4, à 13 km au sud d’Assab (v.). TRACÉ
FRONTALIER. Prijac (2012 : 133) indique que Lagarde a décidé à l’automne
1890 de concrétiser la prise de possession française, notant la « difficulté à
trouver un emplacement pour la borne frontière à Dumrá » (ibid. : 135).
Cette disposition figure dans la déclaration du 10 janvier 1885 (ci-après, p.
360). La tradition orale indique que vers 1900 le drapeau tricolore aurait été
planté au puits de Gawwé- Ammurtá. Son autre nom d’Afɖrá semble
plutôt désigner un relief et pouvoir correspondre à la cote 61 sur la carte de
1899 ; à la cote 63 sur celle de l’IGN. La carte italienne (c. 1935) montre
l’emplacement du drapeau italien au nord du tracé partageant la presqu’île
(cote 60, carte de 1899), confirmant ainsi que « la frontière suit la crête du
Ras Dumeïra (…) indiqué par deux bornes-frontières, l’une construite sur
l’île et l’autre sur le cap » (IN, 1913 : 342). La question frontalière italo-
française, devenue érythréo-djiboutienne, demeure disputée (v. Ðer Elwá).
S : Carte de l’île et du cap Doumeïrah (juillet-août 1899) ; f. Doumêra (IGN, 1952-1967).
Carte de Ras Dumeira, levée par H. Renente, facsimile R. E. de Vila (1 : 5 000, c. 1935).
DÚNA
Ou Sek-Adantó. Tribu de la région de Dmó, au sud de la péninsule de Bôri
et à l’est de Iɖfálu, qui descendrait d’après Odorizzi d’un « sek Ádan »,
frère de Dlái, ancêtre supposé des Maanɖíyta (v.). Pollera dit que
l’ancêtre « Ibrahim Dùnna » est venu de udayda. Classés comme Ská
(v.), d’abord dépendants des Balossuwá (v.), ses descendants devenus
pasteurs dans la région de Dmó ont été rendus autonomes par les Italiens
en 1907. Les Dúna (fractions ummadddí et Duní As-Maámmad), sont
afbêa (v.) des Abná, autres Ská. Le premier fils de sek Ádan, sek
Hegém, a des descendants à Massawa, Embremi, Aylat. De son second
fils Abrâhim, dit « Dúnna », descendent la majorité des fractions des
régions de Dmó et Ðlé. Les Dúna se marient avec les Sahos ádo.
S : Pollera (1935 : 253) ; Odorizzi (1911 : 245-47) ; D.M (1999 : 21) / Ibrhm b. Isml.
4. De meɖgéb ɖ « la pierre (ɖ) au sang noir » (meɖgéb « sang impur » comme celui qui est
dans les tiques). Meɖ-gablá, interprété comme composé de gablá, nom qui a le sens de
« grotte » en afar, mais aussi en guèze, pourrait expliquer sa transposition en da furna
dans la cartographie européenne (comme azb serait à l’origine de Asab).
196
Ð1
ÐBUKKÁN
De ɖ búkka « pierre collée de terre », puits sur la côte nord du ubbat al-
arb. Lieu d’un combat en 1879 (v. p. 275).
ÐÁGAD
Terme topographique qui désigne un terrain salin, une terre salée (ar. dial.
seba). C’est aussi le nom véritable de la « Plaine du Sel », englobant Asalé
(où est la saline) et Ðálol : Ðágad asbó désigne le sel de As Alé. La plaine de
Baddá, alimentée par l’oued Rgáli, est la limite nord de la dépression de
Ðágad. Egalement : Warraysá ɖágad, saline « qui fait passer au loin », au sud
de Asab. Dbí ɖágad désigne la cuvette (passe) de Dôbi où se trouvent des
mares saumâtres. La cuvette porte en son centre le nom de Badaydá, lui-même
dérivé de báda « erreur » (fig.) « source natronée » (v. Baddá, Baylûl).
ÐÁLAK BALLÍS
Alternativement à ábuk abûsa « oncle maternel et neveux » (afar du nord ábuk
abussó : ábuk abussóh nan « nous sommes cousins »), le nom composé ɖálak
ballís « alliance de naissance » (ou ɖálay ballís), parfois ɖálak ballisénta,
désigne des tribus qui pratiquent une exogamie restreinte à une tribu avec
laquelle se font préférentiellement les alliances matrimoniales : Madnnî k
Maanɖiyta ɖálak ballísi « les Madnâni et les Maanɖíyta s’intermarient » ;
Certaines tribus forment des groupes solidaires jusque dans le nom, comme les
Rukbá-k Đermlá (v.). Dans le cas des Mdaytó, et notamment du lignage
Aydissó fournissant les sultans, l’intensité des liens matrimoniaux avec les
Damblá est esquissée ci-dessous sur trois générations.
Dans ce schéma, les lignes en gras indiquent les mariages. Ex. celui de Ali-
Mirá avec Karêra, dont sont nés Aydâis, son premier fils, et Ftumá, sa fille
aînée. De celui avec Ftumá b. ámmadu b. Dató, dont sont issus Usmân,
Kadiddá et Ukkubí (voir p. 111). La multiplication de génération en génération
de ces unions endogamiques est à l’origine d’un nom composé comme
1
Implosive rétroflexe. Ecrite en minuscule ɖ (x en orthographe afare).
ÐARKÁYNA
Maámmad (1768-98)
! [1 : ♀ Damblá] ! [2 : ♀ Indigló ?]
Aydâis anfaɖé
ÐARKÁYNA
Egalement Ðarkayní Adáli « Adáli de Ðarkáyna », près de Adáylu (parfois
Ðarkéyna). Le toponyme est dérivé de ɖárken « euphorbe géante » :
Ðarkéyna « lieu à euphorbe ». 1. Région et population ancienne de Heddén,
Aêl, Mayrádi (v.), à l’est de l’oued Debné (v.), territoires du sultan de
Tadjoura, donnés en wanó (v.) aux Debné arká-m mlá (v.). 2. Nom d’une
montagne au sud-est de Adáylu, déjà citée. Légende. Les Ðarkayní Adáli,
appelés aussi Gaddá, descendent d’un berger « Galla » (v.) et d’une femme
nommée Gadí. Initialement dans le pays de Sokotá, au sud de arká, ils
l’ont quitté pour la montagne de Ðarkáyna qu’ils ont en propriété (wanó).
S : Chedeville / Gabadó.
198
ÐÓÐOM
ÐENKELLÓ
Ou Ðankalló (carte IGN, 1 : 100 000, f. Tadjoura). Déformé en Dankaleelo
(« Dankalêlo » sur la carte générale « Djibouti » (1992, IGN, 1 : 200 000) ou
rapproché de Dankali (Fontrier, 2003 : 33), le nom désigne en fait : 1. Ce que
l’on aperçoit partiellement, en raison d’un champ visuel limité (fente, trou de
serrure) : ɖenkelloh tambull « on l’aperçoit en très petite part ». 2. Une petite
quantité de liquide (par dérision). 3. (Topo.) Point d’eau (au fond d’un trou),
sur la rive sud-ouest du ubbat al-arb.
ÐER ELWÁ
Puits immédiatement au sud de Mulúli dont la position géographique sur le
Bab el-Mandeb explique l’inclusion dans le projet d’échange de territoire entre
Laval et Mussolini en 1935. Ce projet non ratifié prévoyait de céder le
« triangle » Ðaɖɖató-Dumrá-Ðer Elwá à l’Italie contre une zone frontalière
de la Tunisie. L’inclusion de Ðer Elwá dans le territoire de la Colonia Eritrea
aurait donné à l’Italie un libre accès au Golfe d’Aden, conformément au droit
de la mer. Ce but est poursuivi par l’Erythrée indépendante. La carte officielle
Eritrea National Map (1 : 1 000 000, 1995), publiée avec l’aide de l’Institut de
géographie de l’Université de Berne, inclut Ðer Elwá dans le territoire
érythréen. A l’instar de la carte italienne de 1937, une ligne joignant « Dar-
Elwa » et « Deda’etu [Ðaɖɖató] » représente la frontière méridionale avec la
République de Djibouti, en violation du tracé international qui passe à Dumrá,
quelque 16 km au nord.
S : carte 1 : 1 000 000 (1937), de l’Africa Orientale Italiana (f. 8). L : EA, IV : 333-334.
ÐERMLÁ
Tribu du Billdí Godá (v.), dont le chef commande aux Rukbá, dans le sultanat
de Tadjoura, et aux mêmes Rukbá, dans la chefferie Ablé-k aysamlé de Erer
(v.), avec laquelle Lagarde signe en 1890 un traité (v.). Une tradition précise
que ce sont les Ðermlá qui ont appelé de Massawa les Baláw (v.) et les Bollí
buɖá (v.), pour venir défendre le sultanat de Tadjoura et combattre les Songó.
S : HL (in D.M., 1997 : 5).
« ÐOGORRÉ » ‘UMAR
Umar « le Velu (ɖogor-lé) ». Second fils de Gallâmir (v.) à qui le sultanat fut
donné aux dépens de son aîné, « Ayrolasé » ámmadu. Après la querelle qui
lui valut ce surnom de « Ayrolasé » (v. Ayrolassó), la concorde s’installa entre
les deux frères. Celle-ci suscita l’inquiétude du troisième, Ulêl Abûsa Arbâhim
(v.) qui guerroyait contre les « Gllá » (v.). « Ayrolasé » ámmadu se porta
au-devant de lui. Le partage des terres fut redéfini. « Ðogorré » Umar conserva
la côte, Ulêl Abûsa Arbâhim eut l’intérieur jusqu’à Maró-s Sublá (à côté de
Kusrá), dont arká dans le Dadár.
S : HL (in D.M., 1991 : 37) ; Albospeyre (1959) ; Péri (1938).
ÐÓÐOM
Egalement prononcé [rórom]. Plaine alluviale, d’env. 10 km de large, au pied
du massif de Ertá Alé (v.), à l’ouest. Les terrasses qui séparent Ðóɖom de la
montagne s’appellent Dáan. La plaine elle-même est également appelée
199
ÐURBÁ
200
E
BÓ
Le titre d’bó est celui du chef de fimá (v.) à Tadjoura. C’est aussi celui du
chef des Bayɖó (v.). Le mot est commun à plusieurs langues couchitiques
(voir en somali be « Seigneur » au sens religieux). En afar, ēbó, avec la valeur
non religieuse de « maître », double celle d’abbá « père », « chef (de tribu) » ;
par extension « sultan » chez les Debné. Ce nom pansémitique abbá semble
aussi à l’origine de l’oromo abb, titre des détenteurs des différentes fonctions
politiques et rituelles. La tribu afare Ebōbá est constituée des descendants
d’une femme Garaysá (v.), de fraction Seweddó, appelée Gumatí, qui mit au
monde un enfant appelé bó. Les Ebbá forment trois fractions dont les noms
sont dérivés de ceux des trois épouses du même bó : Gassá, Addá,
Mminní.
EDDERKALTÓ
Les Edderkaltó sont frères des Askakmáli, descendants de Amáysi (v.). Divisés
en deux fractions : Uɖ-Alitté et As-Alittó. Aux Uɖ-Alitté, se rattachent les
Wabíy. Ce groupe, outre ses terrains de Korróli, occupe une petite zone de
Ðalá, dans la région de Ðaɖɖató, propriété des Mdîma qui l’ont reçue du
sultan de Tadjoura. Fractions As-Alittó : Obbotó, Gaassó.
EGRALÂ
« Pauvres en vaches ». Tribu de Gemeɖɖá, Ewwáli, dans le Godá, fractionnée
en Asá Egralâ et Datá Egralâ. Les Egralâ sont antérieurs à aɖal-Mâis (v.) et
intégrés aux Kabbbá. A Agōroggúba, les Egralâ sont sur une terre du sultan de
Tadjoura auquel ils payaient un loyer annuel de 10 chèvres en 1943 (v.
Kabbbá). Légende. A l’époque d’Arbâhim « Gonná », quand les Debné
transhumaient du Mablá aux régions situées au-delà du lac Asál, une fille
Debné fut mariée à un Asá Egralâ qui vint habiter dans le pays de ses beaux-
parents. C’est de cette famille que descend la fraction principale des ásan-
Ballató. Les Asá Egralâ du Godá sont surnommés sé-ɖ ɖayló « enfants de
sé », sans raison connue. Ils ont des terres en propre et d’autres, louées au
sultan. Les Datá Egralâ descendent, eux, d’un groupe réfugié chez les Asá
Egralâ de la région de Asɖaɖɖaolé, à la suite du meurtre d’un Ablé. Ils
venaient de Gafállu et de Makartó, au nord de Adáylu. L’un d’eux, Ummá-m
Maámmad, épousa une femme des As-amád-Áli, des Ndó-asantó. Ils
eurent des jumeaux, ásan et usên. C’est d’eux que descendent les Datá
Egralâ actuels.
ELLÉ ÁMMADU
Chefferie du Makarrásu (Altmó) ayant des contribules parmi les Adorásu (v.)
du anlé comportant deux fractions : Lubaktó, d’origine Adáli, et Lolloktó. Le
nom serait une déformation de illí ámmadu « ámmadu des moutons »,
enfant trouvé dont le sobriquet fut déformé en ellé- ámmadu « ámmadu de
la région lombaire (ellé) », sans doute en liaison avec le rituel après la
naissance, dit, en afar du sud, fára ou farankó (Nord farggaó) « écartement
des jambes ». Le bébé, jusque-là porté dans les bras de sa mère, est mis, pour la
ERER
première fois, sur le dos de celle-ci. Auparavant, l’enfant, s’il s’agit d’un
garçon, sera placé sur les épaules d’un homme et, s’il s’agit d’une fille, sur la
hanche d’une femme de la famille. La référence à ce rituel pourrait conserver la
trace d’une adoption symbolique d’un membre désormais intégré dans le
lignage.
ERER
Localité sur le chemin de fer, à env. 9 km de Dire-Dawa, dont Borelli (1890 :
118) évalue la population à une cinquantaine de tentes. A la jonction des pistes
de Zeyla et Tadjoura, Erer est, à l’époque, un point neutre où Issas et Afars
asbá et Debné-k Wíma voisinent. De tribu asbá, le quatrième fils de
Abū Bakr « Pacha » (v.), Kâmil effendi s’y exilera avec son troupeau, sans
doute fin 1884 (voir le poème composé à cette occasion, in D.M., 1997 : 118-
119). Le nom Erer (admin. Erär) doit être rattaché à l’afar erér, nom
d’action de rriy « charger une bête ». Les caravanes venant du pays issa
transféraient leurs charges sur des chameaux afars pour continuer leur route
vers Bali (Vigneras, 1897). L’autre forme amharique Erär Gota
renvoie à l’oromo qota « cultiver ». Le nom composé fait ici référence à la
riche zone agricole alentour créée en 1923 (Guida : 420). En août 1902,
Moammed Tambakó, « sultan » de Erer-Gota, est défait par le däğğazmač
Wäldä addəq. Il meurt à Ankobär fin 1902.
L : EA, II : 353-354 (sur le développement contemporain de la ville).
Esclavage v. Nasínna
202
F
FADITTÉ
Tribu du Godá, rattachée aux Debné. Légende. Un Arabe venu d’Aden
commercer à Sgállu fut accueilli par les Mirgantó. Pour l’empêcher de
repartir, on usa d’un stratagème. Une jeune fille vint s’étendre près de lui
pendant la nuit. On cria au scandale (« ya faa ! »). Le commerçant dut
l’épouser et fit souche (source Péri). Un récit voisin rapporte qu’une jeune fille
du aramawt, Fima b. Badar, devenue enceinte, fut emportée par son frère
Amad, afin qu’elle ne soit pas tuée pour cette « honte ». Parvenus sur la côte,
vers Aɖɖâli, ils furent recueillis par Álga, des arká-m mlá (v.). D’elle,
descendent les Faditté Skká, dont ceux du Ðay, répartis en 4 sous-fractions
principales : 1. Bulllá. 2. Kmiltó. 3. Dgá-Farrá. 4. Gmmá. Itró : « Algí
! ». Du frère, descendent les autres Faditté, nombreux en Ethiopie (fractions
chez les Debné de l’Awash, chez les ugúb buɖá ; Algá-k Fadá ; Ammibaɖí
buɖa). Une néo-tradition (Mohamed Aden, 2006 : 74) associe non plus la
fondation de la tribu à un scandale sexuel mais à un changement de marque de
chameaux par un étranger accueilli dans la tribu. La description qui est faite de
cette marque, dite « kbbó », diffère du croquis qu’en a donné Albospeyre
(1959 : 107, 109), dont nous avons pu vérifier l’exactitude en 1973.
S : Péri (1938) ; HL (in D. M., 1991 : 127). L : Ferry (1988).
FDILTÓ
Lignage des chefs Dankáli de Baylûl (v.), héritiers des rois Dankáli, dépossédés
de leur commandement par les Aydissó (v.) au profit des Nassâr (v.).
Certains de ces Fdiltó se sont dispersés vers Barraasôli et ailleurs.
Lignage des chefs Dankáli de Baylûl
Fâdil
« áyyi » ámad
Fâdil Maámmad
Ôbakar Úmar
FAÐEKBÉ
Mort vers 1867-1868, le poète saho Faɖekbé b. Maámmad illustre le lien
historique entre Sahos et Afars en étant réputé être le chorégraphe de la danse
des mariages (mará-d digír) dite llé également pratiquée chez les Afars. De
tribu Shó Ðasamó, certains de ses poèmes ont été conservés grâce à Reinisch
(1889). Ils n’ont pas fait depuis l’objet d’une collecte systématique. Le renom
dont il jouit n’a pas suffi à le faire reconnaître dans l’Erythrée indépendante,
sans doute parce qu’il n’a pas déclamé en tigrigna, ni même dans le dialecte
septentrional du saho, le seul à avoir un statut semi-officiel (c’est celui dans
lequel a été traduite la Constitution). Abdulkader Saleh (EA, II : 483) se fait
l’écho des critiques que suscite le poète, qu’il attribue à son caractère difficile
(« It is said that F’s behaviour was unpredictable and flexible. ») Les variantes
supposées de son nom et les divergences quant à son origine lignagière
achèvent de brouiller la trace du poète. Abdulkader Saleh (ibid.) écrit :
F. (Faɽakbé, Flakbé, Farhakbé) known also as Ðasamó or as Muammad
Farakobe Abū Bakr asan b. alfa from the clan of assan Geyša (the Gaaso
subgroup of the Minifire (…).
Le lieu d’inhumation du poète, Iɖfálo, en territoire Ðasamó (D.M., 1995 : 64),
confirme qu’il n’était pas de tribu Gaasó, mais Ðasamó, comme mentionné
dans le poème ci-dessous recueilli par Reinisch (1889 : 291) un peu plus de
vingt ans après sa mort avec l’aide de son informateur, lui-même Ðasamó.
L’analyse lexicologique permet aussi d’écarter les pseudo-variantes Faɽakbé,
Flakbé, Farhakbé1. Plutôt que le sens fárhak oobe « wanting, he came
down » (Abdulkader Saleh, ibid.), Faɖe-k bé est « celui qu’Il [Dieu] a voulu
qu’il s’accomplisse ». Le nom, s’il est mal compris aujourd’hui, est pourtant
bien attesté. Il est parallèle à Faɖe-báɖa « Désiré » (litt. le fils qu’Il [Dieu] a
voulu). Dans ces locutions, faɖé « il voulut » désigne le Tout-Puissant. La
morphologie régulière de ces deux noms propres se retrouve dans la forme
archaïque Faɖé-n-Geyó (v.). Il faut voir dans les hésitations à propos de celui
qui reste considéré comme « le plus grand poète saho » le signe de l’embarras
que suscite encore aujourd’hui un homme qui s’était affranchi des conventions
de son temps, ce dont il se glorifiait :
204
FAÐE-n-GEYÓ
L’éloge par le même Faɖekbé des Mína (auxquels appartient son clan
Ðasamó), et qui, pour certains, collaborèrent plus tard avec les Italiens, gêne le
récit national fondé sur la résistance sans faille de tous les Erythréens :
Mína yníh nabá alé Les Mína sont une grande tribu
Mangó al le Ils ont des dispositions nombreuses
Garí stál mullūḥá le Certains sont habiles à manier le couteau
Garí dakaní būhá le Certains barissent comme l’éléphant
Garí lubák kulūá le Certains ont le regard féroce du lion
Garí kítob k lūá le Certains ont des livres et des écritoires
Garí Gábgab k Yalé Ceux de Gabgab et de Yale [Gaasó]
Garí Ḥáde k Galále Ceux de Ḥáde et de Galále [Ðasamó]
Garí Komô-k Inɖía le Les Komô d’Inɖía [Ðasamó]
Garí Komô-k Aydí alé Les Komô du mont Ayda [Faqat Ḥarák]
Mína yníh nabá alé Les Mína sont une grande tribu
Diverses pièces poétiques circulent, qui achèvent de rendre indésirable
l’anticonformisme de Faɖekbé. Dans la composition inédite ci-dessous3, le
dernier vers n’absout pas son auteur du péché de blasphème.
azi nabâ Yallí nabâ ? Des Ḥázu ou de Dieu, lequel est le plus grand ?
Yallí ta iɖɖá meém mâba Dieu ne fait pas tant de bonnes choses
Gáro bḥá fakîr abá A certains la misère, à d’autres la pauvreté
Gáro dúrre ramîm abá A certains une maladie bénigne, à d’autres l’agonie
Astagfurallah ! Yallí nabá ! Dieu me pardonne ! Dieu est le plus grand !
Abdulkader Saleh (ibid.: 481) peut ainsi conclure que « quoique renommé,
Faɖekbé a été traité par la société saho avec suspicion et dédain », au point
d’avoir une fin particulièrement misérable, comme l’avait noté Leo Reinisch :
« Trotz seine hohen ansehens als dichter hatte Falakobe ein sehr dürftiges und
ärmliches auskommen (…) ».
S : Reinisch (1889-90, I : 290-291). L : D.M. (1999 : 84-97 ; 2012c : 37) / Ibrhīm b. Isml.
FAÐEnGEYÓ
Litt. « Celui qu’Il [Dieu] a voulu (faɖé) qu’il obtienne (géyu) », nominalisé
Faɖe-n-Geyó. Saint des Bayɖó (v.) ayant vécu à une époque indéterminée,
2. Reinisch (1889 : 291) écrit qŭlmantṓ (ḳulmantó), auquel notre informateur préfère luḳmaytó.
3. Ici dans le dialecte ado de l’informateur, ailleurs au gré du transmetteur (voir la version plus
consensuelle d’Abraahim Maxammad Cali, dans son recueil Silo, 2009).
205
FANTOYTÁ
dont le surnom est expliqué par cette périphrase : « Parce que, quand tu le
visites, tu obtiens tout ce que tu désires » (fáɖɖa haytám geytá). Plusieurs
oratoires lui sont dédiés en Áwsa : à Bhá, au bord du lac de Uddúmma ; à
Gayyalé, au nord du mont Bráwli ; au bas de Uddalé Grá.
FANTOYTÁ
Commandement indépendant, de la région d’Awash-Millé, principalement
constitué de fractions Arábta et Asabbakári. Le commandement doit son nom,
soit à sa localisation entre (fánta « intervalle ») le Adó Alé, au nord, et le
Msaálli, au sud ; soit à sa distribution originelle entre les adarmó, au nord,
et les Anklá et les Adáli, au sud d’Assab, avec pour territoire Gibdó qu’ils ont
partagé avec les Gibdsó (v.). Centrés sur cette région de Gibdó, les Fantoytá
sont, avant la constitution du sultanat de Raaytó (v.) et le retrait des Anklá
(v.) initié par « Gibdí » ámad (v.), indifférenciés d’avec les Asabbakári (v.).
Lorsque vers 1930, le chef des Asabbakári, Wlísa, tentera de se défaire de la
tutelle du sultan de l’Áwsa, il se déclarera Fantoytá. Avant leur expansion vers
l’Áwsa, les Mdaytó étaient locataires de pâturages Fantoytá. Ceux-ci ont
contribué démographiquement à la constitution du groupe emmené par Maské
(des Mdaytó Aydissó), désormais appelés Asabbakári (v.). Augmentés
d’éléments Ulutó, ils ont investi l’Áwsa (v.), à la fin du XVIIIe s.
Adáli / Anklá
Msaálli
FARAÔN
Emprunté à l’arabe, le nom et ses variantes, dont firôn, faraûn, farôn (pl.
fariná, firuná), renvoient à « Pharaon », synonyme d’orgueil et d’impiété
(Coran, s. XLIV), auquel on attribue l’« excision pharaonique » (firawni salot ;
ar. tatr farn). Les Faraôn Konóy « les cinq jours de Pharaon » désignent
les cinq derniers jours du mois lunaire (v. Alsi-lwó). Ces références
populaires connaissent de nouveaux développements depuis la diffusion des
thèses de Cheikh Anta Diop. La quête des traces de la civilisation égyptienne
concerne aussi la côte afare de la mer Rouge. On a déjà cité le cas de *Nehesu
(v. Nasínna). Divers indices sont privilégiés, dont le caractère
subalterne contraste avec la preuve recherchée : comptine chez Ali Coubba
(2004 : 88) ; proverbe rappelé par Cassim Ahmed Dini (1984 : 44) ; étymologie
en forme de calembour4, chacun entend prouver que « contrairement à la
tradition islamique, le pharaon était une référence positive dans la culture
206
FI‘MÁ
préislamique du peuple [afar] » (Ali Coubba, ibid. : 89). Les enquêtes menées
par Jean Leclant, Henri Labrousse et Jehan Desanges, sans résultats notables,
ont involontairement donné naissance à ces néo-traditions après l’indépendance
de Djibouti. La Somalie avait connu un phénomène semblable. Pour
concurrencer la référence de l’Ethiopie chrétienne à Salomon, on avait vu
Mogadiscio développer très officiellement la théorie d’une continuité
historique avec l’Egypte ancienne. On a dit le point de départ de ce postulat
fabuleux (voir p. 17). La représentation de la flore et de la faune du pays de
Pount, du prince Parehou, et de son épouse à la stéatopygie remarquable,
continuent de susciter l’imagination. « [Cassim Ahmed Dini], écrit Mohamed
Hassan Kamil (2004 : 16), a vu dans le nom de Parehou une similitude avec le
nom de la tribu afar Barihó, cultivatrice et habitant des maisons sur pilotis à
l’époque des grandes crues dans l’Awsa. Il se déclare persuadé que le prince
Parehou aurait pu être l’ancêtre éponyme de cette tribu. » Cette tribu « Barihó »
d’Awsa, qui n’existe pas, est sans doute celle des Bayɖó (v.), évidemment
sans lien avec l’Egypte pharaonique. Il est remarquable que ces chercheurs
n’interrogent jamais l’Ancien Yémen.
L : pour une synthèse sur les relations entre l’Egypte ancienne et l’Ethiopie (EA, II : 240-241).
Sur les recherches scientifiques sur la côte africaine de la mer Rouge (Desanges, 1978, 1982 ;
Leclant 1978 ; Labrousse, 1978). Sur les traces archéologiques, v. ci-après « Galla », p. 219.
FARKÁB BUÐÁ
D’après Péri (1938), tribu issue de Msá « Adan » qui épousa une captive de
Ali Ablís, chef des Ablé (v.). L’anecdote dit qu’il l’obtint en échange d’un
fark, récipient en paille tressée. La tribu Farká-b Buɖá est disséminée à
Tadjoura, à Dawwé avec les Rakbá (Gaértu, Bololisá). V. Adniytó.
FTUMÁ‘ ‘ÁRI
« Maison de Ftumá ». Arabe Marsa-Fma. Ancien nom Abbákri. Village
côtier avec appontement, au fond de la baie de Hawkil, à l’embouchure de
l’oued Síyok. La localité fait partie de la péninsule de Bôri (v.). Point de départ
du decauville (terminus à Kullúlli) et de la piste italienne qui conduisait au
gisement de potasse de Ðálol. Lieu de la mort par suicide de Dante Odorizzi
(1867-1917), auteur de travaux sur la Dancalia settentrionale (v. Taltal).
L : sur le projet italien de canal de la « mare dancalo », Guida (334) ; Lupi (2009, II : 841-842).
FI‘MÁ
1. Intégration. 2. Ordre public. 3. Alliances transversales.
Société d’entraide, masculine ou féminine, qui, selon les lieux et les époques, a
connu des formes et des fonctions diverses : groupe de sécurité extérieure ou de
maintien de l’ordre ; bras séculier du sultan (en Áwsa notamment) ; club festif
(seul rôle de la fimá en pays saho). La fimá (pl. fimāmí), généralement formée
par classes d’âges (ressemblant ainsi au gad oromo), a une fonction
intégratrice en regroupant les membres des tribus d’une même chefferie ou
d’un même territoire (Dratlé d’Obock), parfois seulement les membres d’une
tribu (cas des Mdîma). La règle partout respectée est la prohibition de toute
querelle dans l’intérêt de la fimá et l’entraide obligatoire. 1. Intégration. La
fonction intégratrice et l’entrée dans la fimá étaient marquées par la
207
FI‘MÁ
208
FÚRSI
s’est appelée Latá, puis Mabuká ; Daratlê (a. Okkó, Gofto, Ulél du sud ; b. Data
Buɖá, Edderkaltó, Ilīnó ; Simbillé (Askakmalik Mdayto) ; Farrada (a.
Edderkalto ; b. Asál Buɖá, Misindí de Ásbol) ; Bokdirá (Abá'm mlá).
V. INTERIEUR (Asahyammára) : Graása (Anɖaá, Maá-s sárra) ; Krdá (Ulutó-k
Mādīmá de l’ouest) ; Barrikafá (Gombar, Akaltó ; Dangabá, jeunes) ; Farradá et
Mabuká (tribus du Dôbi : Wandâba, Mdaytó) ; Bukkusá (Ulutó-k Mādīmá de
Gawwá). Parmi ces tribus, les Đurbá, les Wandbá (Asahyammára), mais aussi
les Songó-g Godá (Adohyammára) n’avaient que deux fimá : celle des vétérans
(Kaɖɖá fimá) et celle des jeunes adultes (Unɖá fimá), la seule opérationnelle.
VI. Chez les Debné, une fimá était formée tous les 15 ans environ avec une fonction
directement militaire. L’entraide y était absolue, toute querelle interne proscrite.
Les futurs fimmí étaient généralement circoncis en même temps, vers 12 ans, sauf
les orphelins, circoncis vers 5 ans. Le circoncis devait, malgré la douleur, courir la
lance la main vers la hutte où il avait attendu l’opération et en traverser de sa lance
les deux parois. Dans les années 1940 (témoignage de ##i Ali recueilli par
Chedeville), ces fimá étaient, par ordre d’ancienneté : Moggolá « qui n’acceptent
pas » et Farradá « qui s’interposent » (chef : ásan-Witi), regroupées en raison de
leurs faibles effectifs. 3. Ambisá « lanceurs » (chef : ásan-Dîmu). 4. Gutublá
(chef : Arbâhim-Balala). 5. Bsittá (de ummad b. Looytá, avec autorité sur les
autres). 6. Graasá « queue rouge » (formée en 1917 ; chef : Guráli b. Looytá).
Avant le combat, ils se couvraient la tête d’herbe et d’une peau de gazelle. 7. Barri-
faká « éclaireurs », également appelés Yangulmolé « têtes d’hyène », formée en
1928 (chef : usên b. Looytá, frère du précédent). Ce sont les guerriers de cette
fimá qui ont définitivement chassé les Gallá du Gbaád. V. Affará-áwdi.
3. Alliances transversales. On cite dans les années 1930 la formation de deux
fimá, communes aux Adohyammára et Asahyammára, pour le partage
pacifique du pâturage du Ḥanlé : 1. Regroupant Ulutó, Ðurbá et Ellé-
Ḥammádu (v.). 2. Regroupant Ulutó-k Mdaytó (v.), Ablisá (v.), Gombár (v.),
Datá Umartó (v. Adorásu), Ḥaysamlé (v.) et une partie des Faditté Skká.
S : Abdallah Mohamed Kamil (1967) ; Ahmed Dini Ahmed (1967) ; Chedeville (com. pers.) ; D.
M. (1997 : 103-04). L : Chailley (1980 : 68-75).
FÍGU
Nom pré-islamique de Dieu en afar et en saho : yi Fígow « Mon Dieu ! ». Var.
afar du nord Fúga ; sud Fígi, Fígu ; Doka Fúgu. Avant d’être l’équivalent
d’Allah avec l’islamisation, Fígu a été un des noms du dieu du Ciel pan-
couchitique Wāq. Syn. Degelta, Goyta, Rabbi. La mémoire collective conserve
plus le souvenir d’une puissance vengeresse que compatissante : Figí ayté
buɖát ané lé « Dieu a une vengeance à tirer de ceux qui sont repus. » (Prov.)
Fígu peut avoir un lien avec l’oromo fagu « prédire ».
S : HL (in D. M., 1991 : 28) ; Reinisch (in D.M., 1999 : 180).
FÚRSI
1. Toponyme. Fúrsi, var. Fursé ; égalt. « anlé » Fursé, « Fursé pourvu en
lait », toponyme d’Áwsa, à env. sept kilomètres au sud-est d’Aysaíyta (v.), sur
la rive gauche du Gurmuddáli. Le nom existe sous la forme Furzi sur la carte
italienne (1939, f. Aussa). Il est signalé par Nesbitt (1928 : 267). Un lieu-dit
Fursé a été créé à la suite de l’anéantissement de la colonne Munzinger au lac
de Uddúmma (v.). 2. Présence perse. Fúrsi « Perses », nom appliqué
indistinctement en afar aux Perses, aux Turcs et aux troupes égyptiennes. Cette
209
FÚRSI
210
G
GABALA
Région ou tribus de l’Adal (« Adal I », v. Introduction), situées sur le haut
Awash, actuellement en territoire Debné-k Wíma. En afar, la forme
prédicative Gabál-a « (ce sont) les Gabál » pourrait expliquer la forme écrite
des chroniques. Présentés comme des nomades et des guerriers réputés, avec
leurs voisins Warge (ou Ware, Perruchon : 122), les Gabala, ainsi que les
« Zaln » (amh. zällan « nomade » ?), plus au sud, ne dépendaient
probablement pas du sultan d’Adal, mais plutôt de l’Ifat, ou, pour certains, du
Dawro. La chronique de Amdä əyon mentionne les Gabala parmi les
coalisés de 1333 (Perruchon : 138) avec les arla (v.), ’Aws (Áwsa ?),
Garba’ado (afar Garbaaddó « zone à Solanum somalense » ?). Cerulli en
donne une interprétation somalie (Garbaadd « épaule blanche »).
Garbaaddó est aussi le nom d’un affluent de l’oued Ḥarsiléy. Des Gabala sont
recensés au nord d’Axoum à l’époque antique.
L : Cerulli (Somalia I : 111 et suiv.) ; Perruchon (1889 : 122, 138) ; D.A.E. (I : 42-43).
GABBALTÓ
Tribu de l’oasis de risá, dont le nom rappelle celui des Gabala dans la
chronique de Amdä əyon (voir ci-dessus).
GABÛTI
1. Etymologie. 2. Topographie coloniale. 3. Cartes marines. 4. Edifices religieux.
Nom de Djibouti en afar. Capitale de la République de Djibouti. On ne
reprendra pas ici des faits d’histoire coloniale largement développés ailleurs,
pour se concentrer sur deux points moins connus qui, par leur lien partiel avec
l’histoire des Afars, méritent d’être précisés. Le premier concerne l’origine du
nom Djibouti ; le second, l’inventaire de ses bâtiments religieux dont la
construction suit l’évolution démographique de la ville. La liste de ceux-ci,
dont le plus ancien d’entre-eux, la mosquée construite par le Somali Samarrn
i Dde, en 1891, montre que si Djibouti est née d’une volonté politique,
son essor démographique, commercial, immobilier est initialement le fruit
d’initiatives privées, européennes autant qu’africaines. Avec la signature, le 25
mars 1885, à Zeyla, par le consul de France Henry, d’un traité d’amitié avec
l’ugs Samarrn Nr b. Rble et le lendemain, 26 mars 1885, à Obock, par le
gouverneur Lagarde, d’un traité similaire avec dix-neuf chefs Issas (se) venus
de Zeyla, le site de Djibouti s’affirme comme le nouveau pôle de la colonie. En
fait, depuis 1883, ce sont les initiatives de commerçants comme Brémond ou
Eloi Pino, qui font transiter des marchandises depuis rs « Djiboutil », qui ont
amené l’installation d’un caravansérail où les habitants de Zeyla et de ses
environs sont majoritaires. L’approvisionnement en viande de la colonie se fait
essentiellement par l’importation de vaches du Somaliland, de la région de
Brama, zone de peuplement somali Isq et Samarrn. Le 6 mars 1888, le
gouverneur Lagarde ouvre officiellement le marché de Djibouti. Il écrit, le 6
août, qu’il a nommé Burán, fils d’Ab Bakr « Pacha » (v.), bey de Djibouti.
L’existence de Djibouti est ainsi officiellement reconnue quatre ans avant le
GABÛTI
212
GABÛTI
213
GABÛTI
avec l’ugs Nr b. Rble. Le nom de Côte française des Somalis (créée par
décret du 20 mai 1896) aurait été inspiré par i Dde à l’imitation du
British Somaliland. Le premier imam nommé en 1926 est al- Amad
Moqbl, né en 1881 à Aqbari (Yémen). Le premier cadi de Djibouti a été
Maammad asan al-Drni, natif de Dran, dans la région de Īlis, sur la
route de San , après Mabar.
2. Mosquée « Gmi ar-R!a », construite par sayyid asan al-Bz en 1894, au
lendemain de l’installation de l’administration venue d’Obock (1892).
Située avenue Georges-Clemenceau, Trampont (1990 : 35) la signale
comme la première mosquée de Djibouti, mais il s’agit bien de la seconde
après celle de i Dde. Le premier imam est Abd al-Ramn B
Ma"rama, né à Mukall, sur la côte méridionale de la péninsule Arabique
(1879). D’abord imam de la mosquée amdi (voir infra) dès son arrivée à
dix-huit ans à Djibouti, Abd al-Ramn B Ma"rama est devenu ensuite
imam de Gmi ar-R!a à une date indéterminée, mais avant 1926, ce qui
explique la réputation de « première mosquée de Djibouti » de la mosquée
fondée par sayyid asan al-Bz. Ce dernier (décédé vers 1911) était un
commerçant arabe de Massawa, venu s’installer à Djibouti. Les al-Bz (sans
doute initialement al-Ba’z), famille de sayyid (v.) originaire de al-ibši (al-
abaši) au a!ramawt, présents à Zeyla dès la plus haute époque, étaient
affiliés à la confrérie Mir%aniyya (ou &atmiyya), bien implantée à Kassala
(Soudan) et en Erythrée (cf. Trimingham, 1949 : 231-235 et Miran, 2009 :
178-180). Le fils du fondateur, sdi šim b. Muammad U'mn al-
Mir%an, est enterré à Otumlo (v. uɖúmlu, Sayyid).
3. Mosquée Gmi an-Nr, dite « Mosquée amdi », la plus grande de la ville,
située place du Marché, construite en 1897 par al- amdi b. Amad,
Arabe originaire de udayda, navigateur et commerçant, décédé en 1927.
Outre la mosquée, il a financé le terrain du cimetière musulman d’Ambouli
et créé la palmeraie d’Ambouli en 1892. Trampont donne successivement
1906 (1990 : 35) et 1897 (1990 : 65) comme dates de construction de la
mosquée que Rouaud (1997 : 338) situe « dans les années 20 ». La date de
1897 est confirmée par les archives du cercle de Djibouti.
4. Mosquée Abdulqdir ln (Quartier 4), fondée par les habitants (Somalis
Issas) du quartier, rebâtie en dur par Maammd Bre vers 1950. La
mosquée a d’abord été un maqm.
5. Mabad devenu la mosquée « Gmi šay Isq » (Quartier 4), fondé vers
1950 par les fidèles de la fraction Habar Awal de Djibouti.
6. Mosquée Širi (quartier 4), construite vers 1950 par un entrepreneur arabe.
7. Mosquée Maammad Fra (Quartier 3), fondée vers 1950 par un
commerçant Somali Isq Habar Awal.
8. Mosquée Ismiliyya (Quartier 5), fondée par un Somali Drd, i asan
b. Al, dédiée à Isml abarti.
9. Mosquée Amadiyya (Quartier 4), fondée par un groupe de Somalis Isq
Habar alo, dite aussi « mosquée Dliyya ».
10. Mosquée de šay Sir), construite au plateau du Marabout par al-
Sli Qaf (mort en 1957), à l’usage des dockers des Messageries
maritimes. Une légende veut que le mabad devenu mosquée ait été
214
GADIDDÓ
implanté là où vivait en ermite un « šay Sir) », qui aurait donné son nom
au Plateau du Marabout.
11. Mosquée de umbúli (v.), dans la palmeraie d’Ambouli, fondée par
Amed b. Amed, rénovée par al- Mamd Ibrhm Mubn (décédé
en 1957), entrepreneur de la Compagnie de l’Afrique orientale (C.A.O.).
12. Mosquée Gmi At-Tba (Quartier 3), fondée en 1957 par al- *bit b.
Al b. Slim.
13. Mosquée Ðarr Waays (Dharaar Wacays), fondée en 1961 (Quartier 6,
avenue 26), par Ðarr b. Waays, Issa Frlaba.
14. Mosquée dite « še Samarrn » (Quartier 5), fondée vers 1960.
Il existe de nombreux oratoires dédiés à Abdulqdir ln, le saint vénéré de
la Qdiriyya, l’une des principales confréries de la région. De multiples
« stations » ont été créées : dans l’enceinte de l’Hôpital Peltier ; au port ; place
des Chameaux (mabad adra) ; à la station de pompage d’Ambouli. Le
premier maqm dédié à Abdulqdir ln, Bd. Bonhoure, a été délimité par
Moammed b. Gafar al-Bz (voir p. 333), détenteur du sirr, dans ce qui était le
quartier « soudanais », face au palais du gouverneur. Son fils asan a bâti la
qubba de l’oratoire devenu mosquée de Abdulqdir ln, Avenue-13
(mosquée n°4, ci-dessus). « Še Gabd », au nord de la station de pompage,
entre les anciennes Salines de l’est et la mer, est le nom donné par les Somalis
au lieu de la tombe supposée d’Amed b. Al « Sayyidn », évolution populaire
(?) du nom de Zeyn al-+bidn (v. Msaálli). La coupole argentée a été érigée
vers 1955, soit une dizaine d’années après le décès, en 1946 à Hargeysa, de
cheikh ge b. Driye, fondateur de la zwiya qu’il y dirigea pendant plus de
quarante ans. Le premier maqm du cheikh Mse b. Isml b. Lbn (se
Mammsan, rr Awl, fraction Bah Gurgurá), vivant dans les années 1940 dans
la région d’Ēlo (Somaliland), a été construit vers 1950 (?) à l’extrémité sud du
boulevard Bonhoure, du côté de l’ancienne mangrove, puis transféré à l’angle
de la rue des Issas et de la route d’Ethiopie. Vers 1970, un oratoire lui a été
dédié à Bura Kibir, au sud de Djibouti. Ses propagandistes, de la confrérie
Qdiriyya, devinrent actifs à Djibouti et Dikhil dans les années 1940.
S : sayyid Al b. Abbakar as-Saqaf (1961) ; cercle de Djibouti (1946) ; Chedeville (EI., 1961,
I : 548-549) ; Kern (1965) ; D.M. (1981, 2012).
GADIDDÓ
1. Fractionnement. 2. Territoire.
Tribu dont « Gibdí » ámad (v. Raaytó) est considéré comme le fondateur et
compté parmi les Adáli du Billdí Godá (v.). 1. Fractionnement. Des deux
« fils » de « Gibdí » ámad, Adloó (ou Adlaó, de Ado loó ou laó) et Dnó
descendent : 1. De Adloó, les fractions Adlaá (ou Sabúb-buɖá : Buhitté,
Aynná, Ftummí) ; 2. De Dnó, les Kabbbá (v.), les amdá et les Ellé-
ámmadu (v.). La généalogie montre une discordance. La génération de Gadíd
qui donne son nom aux Gadiddó, et réputée être l’aînée de celle de Adloó et
de Dnó, se trouve postérieure à ces derniers. Une comparaison synoptique est
proposée ci-après sur la base de génération de 30 ans et des datations proposées
à propos des Adáli de Tadjoura et de Raḥaytó.
215
GADIDDÓ
216
GAL‘ĒLÁ
« Gibdí » ámad
Adlaó Dnó
Dans le nord, ils partagent ce territoire avec les Kóra (v.). Les Gadiddó ont en
propre un pâturage à Sûra (Sūrí Randá). Il existe une relation entre
l’occupation du pâturage en propriété collective (wanó) cette vaste zone et le
fractionnement tribal. Les Lubaktó sont ceux qui ont migré le plus loin. Ils
constituent le gros des Ellé- Ḥammádu de la plaine du Ḥanlé. Certains sont
mentionnés à Baádu. La seule fimá constituée des éléments mâles présents sur
la face Est du Godá a un rôle défensif qui se retrouve dans son nom Bdisá
« ceux qui chassent (l’ennemi) ». Elle regroupe, en plus des Gadiddó, des
Balawtá (v.), Bargá (v.), Bollí Buɖá (v.) La direction de la guerre est dévolue
aux Kabbbá (v.). Les Balawtá (v.) sont leurs seconds (maytáni). Les Adlaá
ont la charge de maɖí-gubá « sous-chef d’expédition », qui est de rassembler
le troupeau du butin.
S : (vers 1940) Chedeville / Búha b. Maámmad-Gura b. Dawúd ; Áli b. Aɖás b. Muskúlta.
GAFRÁ
Tribu de la partie occidentale du Siyyâru d’où son surnom de Siyyrí mára, qui
pâture, au besoin, plus à l’est chez les Gombár. Les Gafrá seraient originaires
du Mablá. Ils incluent des Aɖkaltó. Le nom originel serait garfá (voir garaftó
« parasitisme »). Péri (1938) fait de Gafrá un meurtrier Asahyammára venu se
réfugier chez les Mirgantó. Ferry (1988) indique une origine Galla (v.). La
légende rattache les deux ancêtres annakís et Abbakári à Uɖ-Máad, ancêtre,
lui-même, d’une partie des Maá-s sárra (v.). annakís qui avait déjà un enfant,
étant parti au pâturage, sa femme, restée avec Abbakári, tomba enceinte. Celui-
ci lui donna le nécessaire. Elle accoucha d’un garçon. annakís réclama son
premier-né, demandant que le second demeure avec ses oncles.
GAL‘ĒLÁ
Egalement Galêla. Nom d’une tribu originaire du plateau homonyme, au nord-
ouest du col de Garbanabá, dans le massif du Dadár, avec pour principal point
d’eau, Margaassá. Le fractionnement retient quatre composantes principales :
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« GALLA »
218
« GALLA »
219
« GALLA »
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GALLÂMIR
221
GAMÁRRI
(v.) ; 2. « Ðogorré » Umar (v.) qui vint résider à Tadjoura et dont les
descendants, auxquels furent réservés les sultanats Ad‘áli, occupèrent
Tadjoura, Raaytó et l’oued Bólli ; 3. Ulél Abûsa Arbâhim (v.), chef de la
coalition des Debné. V. Galla.
S : Albospeyre (1959) ; HL (in D.M., 1991 : 37) ; Péri (1938).
GAMÁRRI
De *gámar-li « qui a Acacia oerfota ». Plateaux basaltiques caractérisés par la
présence de cette mimosée séparant la plaine de l’Áwsa (v.) de celle du anlé
(v.). La topographie traditionnelle distingue le Petit Gamárri (« Unɖá
Gamárri »), le plus au nord, et le Grand Gamárri (« Kaɖɖá Gamárri ») qui
domine à l’est le lac de Uddúmma (v.). La passe du Petit Dôbi (Unɖá Dôbi),
par Gláfi, a été le point de passage principal des groupes Asahyammára (v.),
Gallá (v.), Mdaytó (v.), notamment en direction de l’Áwsa. Il existe des
pistes caravanières à travers le Grand Gamárri, comme celle suivie par
Munzinger en 1875, permettant d’entrer en Áwsa en longeant la rive orientale
du lac de Uddúmma (v.). V. Afambó.
GAMBÉL
Tribu Asahyammára, les Gambél seraient venus à l’origine de Genserrá, à l’est
de Amrá-r rásu, vers umbáb. Ils se seraient d’abord établis à Abána, puis
de là à Bdá dans la passe de Dôbi (v. Baddá). Les Asá Gambél, partie des
Galêla (v.), auraient ensuite émigré vers l’ouest. Légende. L’ancêtre des
Gambél, áred, Gibiyá le áred « áred, couvert de tiques » vivait en homme
des bois. usên « Gúra », des aɖbisó-s sárra (d’origine Asabbakári), se
servit d’une femme, du nom de Lakó « Goroyyá » pour l’attirer. Celle-ci fit
brûler de l’encens. Quand, attiré par le parfum, il se fut approché, on le captura
et on l’attacha. Un homme des Ulutó lui arracha une tique et lui dit :
afbeánnuh kok kalé « je te l’ai ôtée, en signe de notre afbeánnu » (parenté à
plaisanterie). Depuis, les Gambél sont afbêa (v.) des Ulutó et des Mdaytó.
S : HL (in D.M., 1991 : 47).
GANNINTÓ
Tribu de la côte au nord d’Obock, comprise entre Ado-Namma-Bûri, au nord,
et Adêla, au sud, où ils voisinent avec les Tákil. A l’intérieur, la limite passe
par l’oued Biɖɖâ, au nord du massif du Ibíra, Asgablá, et l’est de Asa
Ginneytá. Le nord est propriété des ayís de Mulúli et le sud, des Adán sárra,
Abá-m mlá et Gelellé. Itró des femmes : « Dhilí ! » Les Gannintó se
divisent en trois fractions : Drittó, fraction des percepteurs (ullá) de l’impôt
du sultan de Raaytó ; Mmintó et Gariytitté (cette dernière, issue de Garíyta,
sans doute éteinte). Les Gannintó ont formé une fimá (v.) avec les Hayís de
Mulúli appelée Ðnekalá. A la suite d’une affaire de sang, des Gannintó ont
émigrés vers le Bôrik baddi máru (v.) et se sont implantés à Dagabtá sur la côte
orientale de la péninsule de Bôri et dans les îles.
GAÑ
Province de l’Adal (v.), à l’ouest de l’Awash, sur les pentes de la crête
orientale du Choa, probablement située entre le Burkanná et le Arsó, au sud de
Dawwé (v.), en face du Baádu, globalement en pays Gibdsó actuel (v.), peut-
222
GĒNANIYTÓ
être vers Karrkori. Dans la chronique de Iyasu Ier, il fait suite à l’Azalo (plaine
au bas de l’Ifat), et celui-ci à l’Awash. Dans les listes portugaises, Gañ (peut-
être du verbe gn « se couvrir de pâturage (en étant vide d’habitants et de
troupeaux) » : bɖó gânut tan « le pays est couvert d’une herbe abondante »)
est associé à d’autres régions ou groupes dont l’origine afare est probable :
Dobaa, Doba Seltn (v. Dbaá), « Auçagurrele » (v. Áwsa). Dans la chronique
traduite par Basset, l’imam Amed « Grañ » (v.), du Gadám où il stationne, y
envoie un messager.
S : Basset (1897 : 81) ; Guidi (1903-05).
GARAYSÁ
Tribu sur laquelle n’existe apparemment qu’un récit légendaire de sa
formation. L’absence d’une quelconque trace historique est l’indice d’une
catastrophe démographique dont la mémoire est perdue. Légende. Les Garaysá
sont réputés descendre d’une fille nommée asná « Bitikká », tombée enceinte,
alors qu’elle allait au puits. Son fils fut nommé Galád, d’où le surnom
Galaddó de la tribu. Un récit rapporté par Péri raconte que la fille d’Ulêl
Abûsa Arbâhim avait conduit ses troupeaux au pâturage. Elle y rencontra le
diable qui, pour la séduire, avait pris forme humaine. Il lui promit le mariage à
condition qu’Ulêl Abûsa Arbâhim consente à lui construire une maison qui
n’aurait d’autre ouverture qu’un trou pratiqué à la partie supérieure, et dans
laquelle la future épousée resterait à la disposition de son mari pendant sept
jours, comme le veut la coutume. Le père accepta de construire une telle
maison et au bout de quelque temps vint s’enquérir de son beau-fils. Sa fille ne
put lui répondre, affirmant que chaque fois qu’il la visitait elle fermait les yeux.
Le père lui conseilla, la fois suivante, de garder les yeux ouverts. Ce qu’elle fit,
découvrant ainsi qu’il était le diable, lequel, prenant la fuite, affirma :
« L’enfant que tu portes s’appellera Gallaád. » Il fut finalement nommé
Galád et fut l’ancêtre des Garaysá (également nommé Adáli-k Gallaaddó).
Sa tombe est à Aláy Dbá, près du puits d’Ongoór. Les Garaysá restèrent sous
la protection du sultan de Tadjoura quand les Debné commencèrent leur
progression vers le sud (pays de Zeyla) et le sud-ouest de la vallée de l’Awash.
Pour certains Debné, Adáli-k Gallaaddó désigne solidairement les Garaysá et
les arka-m mlá. Principales fractions Garaysá du Gbaád : Maḥammakkká,
Alī-Bidartó, Tnná.
S : Albospeyre (1959) ; Péri (1938) ; D.M. / Sālé b. ásan.
GARBALÉ
Fraction adarmó, distribuée au nord-est de Íddi. Compte une fraction
Garbaaddó (v. Gabál).
GĒNANIYTÓ
Egalement Gnanintó (à différencier des Gannintó, v.). Descendants d’un
captif de « Gibdí » ámad, fondateur du sultanat de Raaytó (v.), appelé
Gênan. Apparentés aux Unɖá Saiddó et aux Askmillá du Godá, les
Gnaniytó dépendaient des Dnitté Dawúd-amaddó, branche dont le dernier
représentant, Kannó b. ámad, mort en 1938, a transmis ses droits nominaux
aux Debné.
S : Chedeville / Ali b. Abdalla.
223
GIBDŌSÓ
GIBDŌSÓ
Egalement Gidbsó. Tribu du Dóka (v.). Distribution. Originaires de l’oued
Gibdó, à environ 25 km, à l’ouest d’Assab, et de souches diverses (Ablé,
Ayrolassó, arká-m mlá). Distribués entre les deux affluents de l’Awash,
Arsó, au nord de Sámu ; Hawdé, au sud ; en incluant, la zone de Álta adossée
à Rsá-Sámu, territoire Aydissó (v.), et les deux rives de l’Awash, en aval de
Fantí Ð. La limite, à la confluence Arsó-Awash, est appelée Daní Gibdsó.
Fractionnement. Le chef de la fraction Adaylé et celui des Burá (d’origine
Mdaytó), commande aux « cinq (kná) Gibdsó » : 1. Tgúr ; 2. Wandâba
(incluant des Debné Arbhintó et Looyttí, notam. à Ussó, près de la
montagne de Sámu) ; 3. Adbaɖitté ; 4. éray ; 5. Adaylé. Les groupes accolés
sont notamment les ayymitté, Bidartó, iltitté, Gibdsó de la Kaló (à la
confluence Arsó-Awash). Les Bidartó et les éray (homonyme de éray
« phacochères ») sont réputés anciennement chrétiens. On peut penser qu’il
s’agit d’une insulte et non de la référence à un quelconque mode de
consommation antérieur à leur conversion, les chrétiens d’Ethiopie observant
strictement l’interdit du Lévitique. Tgúr et Wandâba seraient d’origine
Mdaytó. Les iltitté, liés aux aysamlé (v.), sont les seuls Gibdsó
Adohyammára. En conflit de pâturages avec les Argubbá (Argobba), les
Gibdsó ont été décimés par la variole dans les années 1960 et par la famine de
1974.
S : D.M. / Ali b. Looytá.
GIDINTÓ
Egalement Gadintó. Tribu Adohyammára, distribuée en Arratá (v.) et jusqu’à
Đóɖom et Ālá (v.). La tribu est rattachée à la descendance de úmmad b.
Áaw « Gúra » des Dammohoytá (v.) et au sultanat de Bíɖu.
Ugɖé
Utbân
úmmad
Gabád
Gamúr
224
GINNILI
« gidim...gidim ». On les maria ensemble, d’où les Gidintó. (Sur une légende
similaire, v. Garaysá.) Pollera les fait descendre de Gidintó úmmad venu de
Baádu et installé à Alablé (Bíɖu) où il épousa une Dammohoytá, de la fraction
Asabbakári. Les Gidintó sont afbêa des Dammohoytá. Itró : « reré ! ». Le
sens de cette devise (reré désignant la cuisse) reste obscur. Son sens figuré de
« sexe » (voir en amharique yä č’ən gäräd « servante de cuisse »)
pourrait renvoyer à cette union avec une femme Dammohoytá.
S : Chedeville / Áli b. Gamúr. L : Pollera (1935: 254). Sur les démons bruyants, D.M. (1997:
152).
GINNILI
1. Spécificités de la vaticination afare. 2. Rituel. 3. Noms de ginnili.
Personnage qui concentre la triple qualité de guerrier, de poète et de devin
capable de vaticiner (ádal). Contrairement à une opinion partagée par les
milieux religieux (missionnaires européens compris), le ginníli n’est pas « a
man possessed by an evil spirit » (Parker, 1985 : 114), ni comme « celui qui est
possédé par le Djinn » (Mohamed Hassan Kamil, 2004 : 163). Les références à
l’arabe sont ici trompeuses. Si le nom gínni (collectif en afar) est emprunté au
singulier arabe et désigne l’ensemble des esprits malins (le singulier étant ginní
num « un individu des djinns »), le ginníli n’est pas un possédé, au sens de
l’arabe mağnūn, ni un malade souffrant de troubles de la personnalité. C’est un
médium en rapport avec les puissances numineuses, et parmi celles-ci la
ginneytá, sa compagne intime que le ginníli appelle « ma tante » (y’anná). 1.
Spécificité de la vaticination afare. La vaticination (ádal) fait partie de ces
pratiques qui, en raison même de leur caractère secret, risquent de rester mal
connues. Sans qu’il soit possible de préciser l’état psychique du médium, ce
genre de crise constitue un comportement normal, intervenant dans deux
moments cruciaux de la vie communautaire : la guerre et la transhumance. La
vaticination se différencie ainsi de trois rituels ; ceux de possession à vocation
thérapeutique pratiqués entre femmes, venus de la tradition éthiopienne du zar
(afár dr et baddí kúbur), et de « redressement de direction » (klíb gása) qui
redonne force au guerrier en chassant le mauvais œil. Prenant comme termes de
référence la distinction faite par Gilles Rouget entre transe chamanique et
transe de possession, le ginníli se rattache à cette dernière en étant « visité » par
un esprit sans qu’il en ait la maîtrise. On pourrait chercher des analogies avec
la transe théâtralisée des Mofou du Cameroun (Vincent, 1971) comme avec la
transe religieuse (díkri, ar. ḏikr) des soufis, mais la vaticination afare est, on l’a
dit, antérieure à l’islam et proscrite par lui. En même temps, l’accompagnement
musical de la possession médiumnique, incompatible selon Rouget (op. cit. :
197), incite à un rapprochement avec la classification du Phèdre de Platon. Au
« délire » (mania) prophétique correspond l’ádal qui est une polémikè mania
quand elle a pour objet la guerre. Le afár dr, le baddí kúbur et le klíb gása
entrent dans la mania télestique (à base de rituels teletai). Enfin, la mania
poétique est représentée par le digír, le jeu collectif des chants et des danses
(gad). Après Licata (1885) et Borelli (1890 : 84) qui avait mentionné un
« ghénileh », Thesiger (1935) a été le premier à assister à cette cérémonie au
cours de laquelle le ginníli vaticine, mais, faute de connaître l’afar, la
description qu’il en donne est sommaire. Aubry (1988 : 149) est abusée par
225
GINNILI
226
GINNILI
Maloy yannay baranit silal Tu ne gîtes pas dans l’ombre de la poche des eaux
Maloy yannay erenit sirag Tu ne suspends pas ta lampe à l’arceau faîtier de la tente
Maloy yannay nafurut xaagu Tu ne t’informes pas auprès des lycanthropes
Yalli sin mâba niya le urru Dieu n’a pas fait de vous des enfants ardents au combat
A way axxigille sin mayyuu Maintenant, ne vais-je pas répondre à vos questions ?
Abanat biyaake sin raare J’ai failli vous lasser avec mon « abána »
Siinih umam baatay dokoney Que le malheur vous épargne, jeunes gens !
227
GITTĪRISSÓ
GITTĪRISSÓ
Tribu du Godá, peut-être vestige des Songó (v.). Fractions principales :
Sanfaritté, As-ammadó. La légende dit qu’après l’élimination de ceux-ci
(voir p. 338), deux enfants Songó, de mère Ayrolassó, furent cachés dans la
grotte de Rirá (Rāirá-g gablá), vers Gabtimá. Recueillis par les Ablé, un des
enfants devint le père des aysamlé (v.) ; le second, Ayyúb Songó « Songó,
fils d’Ayyúb », grandit dans la grotte de Gittîru, près de Tadjoura, et devint
l’ancêtre des Gittrissó. Ceux-ci ont en wanó (v.) Ogóg (loué aux Asá Buɖá),
Marád (var. Moród, Murúd), Sissí, Gablá-g grá, Ðalú Grá, Addamaggó. La
dévolution de ce territoire ne s’est pas faite naturellement, sachant l’origine
contestée de Songó ; à preuve, cet échange, encore cité, le jour où Ayyúb
Songó se présenta devant le sultan de Tadjoura :
[Le sultan :] Ayyub Songo, waddar caraama ! « Songo, fils d’Ayyub, bâtard de ta mère ! »
[Tirant son sabre, celui-ci répondit :]
— Ayyub Songo Yalli yoo maaba « Dieu ne m’a pas fait que le fils d’Ayyub :
Saga yok Boora, ina yok Sitti Ma vache s’appelle Brá, ma mère, Sitti
Afti googar re, amô ciyyar re Propriétaire de la haute vallée encaissée1
Baaxo yi baaxo, Yall’aaba Ce pays est mon pays, Dieu me l’a dévolu.
— Koh takkayik, haysit, yexce’yyen dardar Puisqu’il te revient, conserve-le ! », dit sultan.
Ce faisant, le sultan reconnaissait l’antériorité des droits sur la terre des Songó
quasiment exterminés. Comme pour les Ablé (v. aɖal-Mâḥis), la légende
confirme la présence de tribus (et peut-être d’un peuple non afar s’agissant des
Songó) antérieurement à la formation des sultanats Adáli (v. « Galla »).
(1) Désignant ainsi Raríg, Eméllu, Alliltá, Asmél, Daggulbú, Itkí.
GIULIETTI
En afar, Kuldá. Explorateur italien, Giuseppe Maria Giulietti est né à
Casteggio (province de Pavie), en 1847 et mort à Egréri, en 1881. Son nom a
été donné au lac Afɖrá (Afɖrá-b bad), « le lac à la pointe longue », au sud de
la chaîne du Ertá Alé. Assassiné avec Biglieri et leur escorte militaire, le 25
mai 1881, sur le territoire du sultan de Bíɖu. Les restes de Giulietti, recueillis
par Franchetti au lieu-dit Đaɖɖató, près d’Egréri, les 23 et 24 mai 1929, ont été
ramenés en Italie.
L : Puglisi (1952: 150) indique sa naissance le 18 décembre 1847 et sa mort à « Daddatu »
(Ðaɖɖató) ; la Guida (340) donne la date de 1848. Plusieurs documents publiés par Luca Lupi
(2008 : 463) confirment sa naissance le 28 décembre 1847. G. Fiaccadori (EA, II : 809-810)
maintient la date du 18 décembre 1847. Luca Lupi fait le récit détaillé de la fin tragique de
l’expédition Giulietti (op. cit. : 463-483).
GŌBAÁD
1. Situation. 2. Etymologie. 3. Sultanat. 4. Démographie.
1. Situation. Plaine et oued s’étendant au sud-ouest de la République de
Djibouti. La plaine est délimitée par le plateau basaltique de Dakká au nord,
ceux de Dikhil à l’est et d’Ayrorré au sud, par le lac Abé, à l’ouest. Borelli a
été le premier voyageur à découvrir que « Gobad » n’était pas un point sur la
carte mais une région (v. Tadjoura-Choa). La première description précise issue
228
GODÁ
d’une mission de terrain est due à Bésairie (1949)1. Il identifie trois oueds
principaux : l’oued Gbaád, où se trouvent le village de As-ēlá et les jardins
créés par l’adjudant Antonietti ; l’oued Skaytó (somali Šeti), sur la rive
gauche duquel se trouve le site de Handōgá (v.) et qui se prolonge dans la
plaine du anlé au nord ; l’oued Ðagadlé, descendu du Dakká, qui se termine
aux puisards saumâtres de Kūta-Būyyá, entre As-ēlá et le lac Abé. La plaine
du Gbaád permet d’atteindre l’Awsa par le sud en contournant le lac et
l’embouchure de l’oued Obnó à Anɖaɖkálu. 2. Etymologie. Gbaád est un
nom composé formé de gbá « boucliers », métaphoriquement « plaques
d’argile (semblables à des boucliers ») + ad « blanc » : la plaine aux plaques
d’argile blanche ». L’afar décrit ainsi les « dépôts lacustres représentés par des
argiles gypseuses et salifères, des calcaires en plaquettes et des vases calcaires
consolidés, contenant en grande quantité Melania tuberculata Müller (…) »
(Aubert de la Rüe, 1939b : 360. Egalement Bésairie, 1949 : 41). 3. Sultanat. La
chefferie Debné (v.), formée en sultanat du Gbaád, se compose de cinq tribus
principales. 1. arká-m mlá (la fraction Arbhintó fournissant les chefs
(abba) ; Looyttí, Mssí, Illlitté, Adantó, Furté, Bbbá). 2. Ayrolassó
(fractions Tabbbí, usentó, Afkaɖɖitté, Ynussó, Abbastó, Dballá) 3.
Ankáli (Ubbbá, comprenant Dat-amaddó et As-amaddó ; Almmá). 4.
Garaysá (Maḥammakkká, Ali-Bidartó, Tanná). 5. Mafâ (asantó, Saiddó
« Waytammalé »). L’article « Gbaád » (EA, II : 816-817) rédigé par C.
Dubois mérite d’être rectifié au moins sur un point quand elle écrit :
the suln [Debné] had a fixed residence in the date-grove of Dikhil. (…) The
suln, as a protector of the country, was also a landlord. After payment for a right
of use and keeping for himself a right of way on the caravan traffic, he granted the
use of the lands to tribes and factions.
Cette présentation est inspirée du régime foncier et fiscal du sultanat de
Tadjoura (v.). L’abbá des Debné n’a jamais été propriétaire (landlord) de terres
qu’il aurait distribuées « aux tribus et factions ». Sa résidence n’a jamais été
non plus dans la palmeraie de Dikhil. Les références bibliographiques citées
(d’ailleurs sans lien direct avec le sujet) ne comportent aucune indication
venant à l’appui des affirmations de l’auteure. 4. Démographie. Un document
interne au cercle de Dikhil (1938 ?), intitulé « Fractionnement des Danakil
Adohyamara du cercle » indique un total de 1185 Debné habitant le
Gbaád : 378 arká-m mlá (dont 100 Arbhintó) ; 220 Ayrolassó (dont 120
Tabbbí) ; 395 Ankáli (dont 120 Almmá) ; 140 Garaysá ; 52 Mafâ.
S : HL (in D.M., 1991 : 34 et suiv.). L : article Debné (EA, vol. V).
GODÁ
Massif montagneux situé à environ 25 km à l’est de Tadjoura, d’une superficie
d’une vingtaine de kilomètres carrés et d’une altitude moyenne de 1500 mètres.
(Les graphies Gouda, Goudah sont erronées.) Agglomérations principales :
229
GOMBÁR
Bankwalé (600 m) « qui a Lannea triphylla » ; Randá (900 m), exactement Srí
Randá « la croupe de Sûra ». Le point culminant du massif est appelé
Egeraleytá (1783 m). Celui-ci se prolonge par la crête de Barabarré « là où il y
a de la mousse (barabár) », orientée Est-Ouest. Une étymologie populaire
interprète bara ya bárri « la brousse qui fait un bruit de gouttes (bara) »,
tandis que baraybárri « vue trouble, brouillard dans la vue » amène Laurent
(2002) à traduire par « pays du brouillard ». Cette crête se termine à l’est par le
pic Diyrá (Pic Lagarde, 1715 m) où se trouve une mosquée de pierres sèches,
au sommet couvert de drapeaux et de feuilles, l’oratoire de Bayazd al-BisGm
(v.). Le pic Deloncle (1678 m) correspond à la crête secondaire de Karêru, au
nord de Diyrá (mal située sur la carte IGN). Le nom de Songó-g Godá « la
Godá des Songó (v.) » s’applique plus spécialement au versant sud et sud-ouest
du massif, zone où se trouvent des vestiges dits « Galla » (v.). En afar, godá
désigne l’état de ce qui est replié, contourné, et s’applique spécifiquement à
une crête géographique sinueuse. Le nom de Dbá « col » ou de Ðay
« proche » est réservé à la ligne de cols au nord délimitant le Billdí Godá (v.),
zone sèche et dénudée dont le nom s’est étendu à la zone boisée qui n’a pas de
nom à proprement parler. La « forêt du Ðay » correspond en gros à un triangle
dont la base est le Barabarré et le sommet le massif d’Adontá (1446 m). Dans
cette zone menacée par la coupe de bois à destination de Djibouti, trois
essences dominent : le genévrier Juniperus procera Hochst (sirîda), un buis
Buxus Hildebrandtii Baill. (gaydár) et une composée Tarchonanthus
camphoratus (galâad). Les deux premières nommées, impropres à la
consommation du bétail, sont de fait relativement protégées d’une disparition
complète. Le miel et des produits d’altitude, comme les oignons sauvages et les
plantes médicinales, étaient traditionnellement troqués en Áwsa. Dans la zone
forestière, notamment le ravin de ambôka, le puits d’Urnó et la profonde
vallée de l’oued Go, l’oiseau endémique remarquable est kukkaé
« Francolinus ochropectus », surnommé « poule du Day », et récemment
répertorié comme « francolin somali », bien qu’il ne se trouve pas en Somalie
(Noms français des oiseaux du monde, éd. Chabaud, 1993).
S : Chedeville (1972). L : Bésairie (1949 : 98-103) ; carte IGN (1 : 100 000), f. Tadjoura.
GOMBÁR
Egalement Gumbár (parfois Gummár). En botanique, gómbar désigne une
pousse (comestible) de palmier-doum (ungá) ou de Phoenix reclinata (aybá)
encore enterrée. Les Gombár sont sédentaires et forment un commandement
indépendant de leurs voisins. Ils incluent des Ulutó, des Mdaytó, des
Aɖkaltó, tous Asahyammára. Les premiers sont les chefs du pays, les seconds
fournissent le chef de la fimá. Il existe deux fimá. Celle des anciens, appelée
Barrik afá ; celle des jeunes, appelée Dangabá. Les Gombár possèdent deux
des plaines de la dépression d’Álol : ayyú « Rassasié » et arr-Âlol
« Pâturage du soir », ainsi que l’ouest du Siyyâru. Le nord de arr-Âlol est
occupé par la palmeraie de agandé, réputée pour ses palmiers-doum et leur
vin de palme (dmá). Leur limite avec les Gafrá, au nord-ouest, paraît être
Alaytolé Boyná, Maɖɖá-d dábba, et un point à l’est du puits de Illiûka
230
GULFÁ
« portez les moutons » (en raison de son accès difficile). Les Ablisá kíyta
leur servaient d’intermédiaires dans leurs relations avec le sultan d’Awsa.
S : D.M. / « Data » Isé ; Galmi-Áli.
« GONDURAḤMÁN »
Le cheikh und ur=Ramn (var. Gonduramán, Gonduramân) est un saint
du XIXe s., dont existent deux cénotaphes : à Ambabbó (pèlerinage le 27 de
Rama!n), ainsi qu’à Bala (Ianno, au sud-est de Däbrä Sina). Sa réapparition
(comme à Massawa) est fréquemment attestée. Albospeyre (1959 : 153) dit
cheikh Gonduramán originaire du Soudan. Doté du don d’automultiplication
(arabe taannud), la légende rapporte que, mis un jour en présence d’un
homme qui voulait le tuer, le cheikh se dédoubla. L’agresseur appela un
complice, mais le cheikh fit apparaître une troisième image de lui-même, et
ainsi de suite, en sorte qu’il se trouva toujours à égalité avec ses agresseurs ;
d’où son nom de und ur=Ramn. Le saint a la réputation d’avoir converti le
pays swahili. Il y demanda une femme pour se marier. On la lui accorda, à
condition qu’il soit enterré avec elle si elle mourait en premier, ou avec lui, s’il
décédait d’abord. Il accepta. La femme étant morte peu après, on déposa son
cadavre dans une caverne, et lui-même entra dans celle-ci, avant qu’elle ne soit
murée par une énorme pierre. Un animal monstrueux apparut alors au fond de
la caverne et dévora le corps, puis rentra dans le trou d’où il était sorti. und
ur=Ramn le suivit et parvint à l’air libre. Il se purifia dans un fleuve à
proximité, puis reprit son chemin. A Ambabbó, où il vécut avant de mourir, il
se lia avec deux hommes pieux de Tadjoura, Unɖá Kâmil, des Asá Ablé,
oncle du père de Sira) Barkat, et Abdulqâdir b. ummad-Gabá b. Maámmad
« Tamboytá » (v. p. 250). Ceux-ci exprimèrent le désir d’être enterrés auprès de
lui. Le cheikh Gonduramán leur répondit : « Je sais que mon tombeau sera
près d’ici (non loin de Tadjoura), mais je ne sais pas où sera le vôtre. » Il
mourut le premier et fut enterré à Ambabbó. Sa prévision se trouva réalisée.
Plus tard, on ouvrit sa tombe, son corps était intact. Unɖá Kâmil mourut deux
ou trois ans plus tard, vers 1878. Ses proches l’inhumèrent à Tadjoura. Le ciel
s’obscurcit, les étoiles restèrent invisibles la nuit suivante. Reconnu wali,
Abdulqâdir b. úmmad-Gabá mourut vers 1883 et fut enterré à Tadjoura (v.
Awliyá).
S : Chedeville / HHL / Makki b. Arbhim b. Abdulqâdir b. úmmad-Gabá b. Maámmad
« Tamboytá » (Naw.). L : Albospeyre (1959 : 153).
GULFÁ
« Foule », anciennement « cavalerie », « grand nombre de chevaux », pl.
gulffí. Il existe de nombreuses attestations au XIXe siècle et jusqu’en 1951 (v.
Karmá) de l’emploi de chevaux à la guerre. Mais leur possible confusion avec
des mules (bâkil, sg. bakíl), comme aux combats de Sɖá (v.), en 1931-32, et la
date exacte de leur extinction restent une énigme. Une enquête menée en 2006
en Awsa nous a montré que le sens de « cavalerie » de gulfá était inconnu. Une
source européenne comme Edmond de Poncins, dont on peut supposer qu’il
faisait la différence entre des mules et des chevaux, confirme pourtant
l’existence de ces derniers quand il écrit (1898 : 450) :
231
GULFÁ
Les Danakils Adoïmara sont très belliqueux et font leurs razzias de jour et le plus
souvent à cheval. L’herbe abondante de leurs plaines leur permet d’avoir des
chevaux et ils aiment à s’en servir ; on les emploie non seulement pour la guerre,
mais aussi pour la chasse ; ils attaquent quelquefois l’éléphant de cette façon et
tuent le zèbre, l’oryx à la lance et à cheval. Ils sont passionnés pour ces sports. On
voit souvent des chevaux le cou orné de lambeaux de peaux et de trophées
desséchés provenant de ces chasses heureuses. Un jour où, suivi de quelques-uns
d’entre eux, j’avais tué un oryx, le fils d’Ali-Falo prit le sang de l’animal et en
couvrit non seulement la queue et la crinière de son cheval, mais encore tout le
corps et rentra au camp avec son cheval rouge de sang, portant la peau d’oryx
comme une couverture et des lambeaux de chair attachés à la bride et sur les
naseaux, afin de l’habituer à l’odeur du sang. Quand cette année commença la
guerre aux Somalis2, de tous les points du territoire les Danakils partaient à cheval
pour se rendre à la frontière. (…) A Amoïssa3, l’endroit où fut tué Barral, je me
trouvai en présence de 23 cavaliers (…). Encore près de Metto [à l’est d’Erer], je
crus à une attaque imminente. Près de 1 000 cavaliers danakils en razzia chez les
Somalis buvaient aux sources, on disait même 1 500.
Une épidémie de peste bovine est recensée en 1876 en pays saho, en 1877 en
pays afar ; à nouveau en août 1889, venant de Massawa, qui touche le Dóka et
l’Áwsa. S. Serels (2012 : 85) en signale le début en 1887 et la rapide extension
au Soudan oriental, en Erythrée et en Ethiopie dès juillet-septembre 1888. Il est
possible que l’épizootie signalée par Hunter (1951 : 116), qui frappe le
Somaliland au début du XXe siècle, ait atteint la vallée de l’Awash. L’enquête
menée à Jigjiga en 2006 nous a permis de recueillir des témoignages parallèles
à ceux donnés à propos du pays afar et sur l’utilisation courante des chevaux
jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale en zone somalie de semi-
altitude. Identifiée comme une peste bovine qui aurait notamment fait
disparaître les bubales (encore cités par Poncins en 1898, op. cit. : 486), elle a
pu aussi décimer les chevaux, dont ne seraient restés que quelques unités qui
auraient continué de jouer un rôle symbolique (lors de son intronisation, le
sultan d’Áwsa faisait traditionnellement présent au roi du Choa de deux
chevaux) et d’alimenter l’imaginaire poétique. Un vocabulaire littéraire
spécifique, maintenant inusité, s’est appliqué aux chevaux (appelés dmá), dont
les robes sont différenciées : bulé « pie : blanc tacheté de noir » ; ib-adín
« balzan : avec des taches blanches aux pattes » (D.M. 1997 : 145). Le genre
« Eloge des chevaux » (farás sré) est marqué par cette disparition physique.
Si le nom est conservé, sa mélodie, avant semble-t-il d’être complètement
oubliée, a accompagné d’autres chants d’éloges, comme celui composé par le
quatrième fils d’Ab Bakr « Pacha » (v.), Kâmil effendi (in D.M., 1997 : 117-
119). Le cavalier et sa monture restent toutefois bien présents dans l’imaginaire
héroïque, comme dans le récit recueilli de Ḥámad-Ladé (ibid. : 77-78).
L : Hunter (1951 : 116) ; Pankhurst (1985 : 58) ; Poncins (1898 : 450) ; Serels (2012 : 73-94).
2. Poncins qui voyage entre octobre 1897 et juin 1898 peut faire ici référence à la guerre qui a
fait suite à la disette « Karús » de 1897 (v. Karma).
3. Ḥimmoysá, au nord de Mullú (v. Barral).
232
H
HANDGÁ
1. Site archéologique (Handgá). 2. Type de tente (handág). 3. Résidence des
sédentaires (Áwsa, Tadjoura).
1. Site archéologique. Handgá est le nom d’une agglomération ancienne,
reconnue en premier par Aubert de la Rüe (1939 : 34-35), à environ dix
kilomètres à l’ouest de Dikhil, sur l’oued Chekeiti (afar Skáyti, Skaytó,
Škaytó ; somali Šeti) :
L’ancienne cité de Gallagota, appelée Handouga a été créée jadis, il peut y avoir
sept ou huit siècles de cela par les Galla.
Harris (1844 : 146-47) est passé près du site sans le nommer :
On the banks of Chekaïto, many acres of ground are covered with stones of
memorial (...) each surrounded by a circular cordon.
Attribué aux « Galla » (v.), Handgá se trouve dans une zone riche en
industries lithiques (Asá Kmá) et en gravures rupestres. L’étymologie handág
« une faille », « un creux », « une maison bien construite en creux »,
rapprochée de l’afar dag « creuser » (Kern, 1969), est contestable. Si handág
(pl. handgá) signifie bien « une excavation », « un fossé », c’est sans doute un
emprunt à l’arabo-persan handaq. De plus, le nom n’évoque pas précisément
les constructions circulaires en pierre, mais plutôt la zone tourmentée au nord, à
la confluence des oueds Skaytó et Ab Yûsuf où se trouve le site
archéologique. Les fouilles entreprises à deux reprises par Roger Grau,
notamment celles menées en 1979, ont permis la datation de cendres du XIIIe
siècle de notre ère. Ces cendres situées sous les fondations de deux habitations,
correspondant sans doute à un rite de purification préalable à leur construction,
rendent plausible l’inclusion de Handgá au nombre des « cités » de l’Adal
coalisées en 1333. 2. Type de tente. A Raaytó, handág désigne un type de
tente de grande taille. Un changement de sens : fossé → fondation → abri →
maison pourrait être ici encore envisagé (cf. Kern supra) via l’indication
donnée par Leroi-Gourhan et Poirier de « puits-abris » dans la région du Bab
el-Mandeb, « maisons enterrées à ouverture très étroite, protégées contre
l’invasion des sables par un petit rempart de terre ». Mais les auteurs, que nous
avions interrogés, nous ont confirmé que cette information était douteuse
n’étant pas le fruit d’une observation directe. 3. Résidence des sédentaires.
Handág a été le nom de la résidence des imams Dardrá (v.) d’Áwsa
(correspondant aujourd’hui à Walé Fánta). Handág prend le sens de « lieu
habité par des sédentaires » dans le dicton attribué à Afkáɖɖa b. ásan (v.)
enjoignant de ne pas passer la nuit sur l’ancien site de Tadjoura, victime d’un
interdit : Tagorrí bayé handágammay, loóllâsay, bar ellé má ɖīnina « Tadjoura
est un lieu maudit, passez-y le jour, mais n’y dormez point. » La présence
multiséculaire de sédentaires en milieu pastoral est ainsi confirmée.
S : D.M. (1977 ; 2012b : 475) ; HL (in D. M., 1997 : 18) ; Grau (1976, 1981). L : Aubert de la
Rüe (1939 : 34-35) ; Kern (1969) ; Leroi-Gourhan & Poirier (1953, I : 430).
HARÁLLA
HARÁLLA
1. Etymologie. 2. Première émigration (à partir du XIVe siècle). 3. Deuxième
émigration (à partir du XVIe siècle). 4. Toponymie.
Harallí (en fonction de sujet), Hararrá (prononciation en Áwsa), cf. également
Harrára (Cerulli, 1931 : 75). Forme écrite arl (in Basset, 1897). La
variation h / , commune (voir la graphie de la ville de arär en amharique,
Harar en arabe) se retrouve en somali (arlá), pour désigner ceux intégrés
dans la descendance de l’aîné de cheikh se (v.), Ēlye « Bullle » (D.M.,
1991 : 40). Ils figurent aussi dans certaines généalogies des Drd (arlá, fils
de Kombe, fils de Kablalla ; donc frère de Géri et de artí). C’est sous la
forme Harálla que les Issas arlá sont mentionnés en afar (D.M., op. cit. : 70).
Le Fut al-abaša (trad. Basset : 111) distinguant constamment les arl des
Somalis (voir ci-dessous et l’article Ahmed « Grañ »), on doit admettre que
leur inclusion dans la généalogie des Issas est postérieure au XVIe siècle (date
de la rédaction du Fut). Dans la chronique de Amdä əyon, donc au XIVe
siècle, les arl apparaissent comme une population indépendante sédentaire
qui voisine avec les pasteurs Ware et Gabal (v.). Plusieurs noms de clans
arl cités dans le Fut (p. 116-118) semblent encore interprétables en afar :
Zemubarah (*Sámu-báɖa « fils de Sámu ») ; Barzarah (brí-sárra « les
forts » ?) :
L’imam [manda] toutes les tribus des Harlas, tels que les Zemoubarah, les Barzarah
avec leur chef : les Yagolas, les Djāsar, les Arab Takha [de la région de Kassala],
les Alqa ; tous étaient des Harlas [souligné par nous]. Puis il rassembla les tribus
somalies, les Girri [Géri], les Merraïān [Marreān], les Yibberi [Yibir], avec leur
chef Amed Geri, les Harti, gens de Maï [Mayɖ], les Djerān [girān, leurs voisins],
les Mazarr, les Bersoub [Bursuk], tous Somalis.
Le Fut (ibid. : 130) distingue encore « la qabīla māl, la qabīla arla, la
qabīla Malasāy ». 1. Etymologie. Les variantes Harálla, Hararrá montrent une
double acception du nom. Les formes à accent final Hararrá, arlá, arl
renvoient à un gentilé, celui du groupe descendu en Áwsa, au XIVe siècle. La
forme à accent pénultième Harálla (de *Harar + lé ou *Harar + li) est formée
sur le modèle de Tuurra (Tagor(r)a sur les cartes anciennes), de l’afar tágor +
li > Tagórri « Tadjoura »), où les suffixes le, li expriment une qualité,
l’appartenance à quelque chose. Cette seconde étymologie renvoie à une
acception politique plus large, celle de « gens du Harar », émigrés en Áwsa
dans la mouvance de la famille des imams, en 1577. Dans les deux cas, Harálla
/ arlá confirme (comme Balaw ou Adal) une continuité politique passant de
l’Ifat, à l’Adal et à l’Áwsa. Les deux formes correspondent à deux périodes de
peuplement distincts, mais la mention, dans les sources éthiopiennes, de arl
parmi les forces coalisées en 1333 rend plausible un lien originel.
2. Première émigration (à partir du XIVe siècle). Suivant la chronique de
Amdä əyon, les arl () représentent un groupe de l’Adal ancien
(Perruchon, 1890 : 147). Ils sont mentionnés parmi dix-sept « rois »
musulmans, avec Fads (v.), Mra, Dawro, regroupés derrière le cadi li.
La chronique (ibid. : 135) précise que le souverain éthiopien entra « de force
dans le grand pays que l’on nomme Adal où les autres rois n’avaient pas
pénétré ». D’après une tradition interne afare, les Harálla seraient descendus en
234
HARÁLLA
Áwsa, alors dirigé par un imam « Gb », en l’an 700 de l’Hégire (soit en 1300-
1301). Ce nom est assez vraisemblablement un surnom formé sur gabá
« autorité » : ku gabák máwa « je n’échappe pas à ton autorité » (v. p. 250).
Une tradition des Adáli affirme la présence de ces derniers, en Áwsa,
antérieurement à l’arrivée des Harálla. Ce mouvement migratoire peut avoir été
la conséquence directe de la soumission de l’Adal en 1288 (Cerulli, 1931) ou
de la campagne de Amdä əyon (1332-33). Les Harálla auraient entrepris
l’assèchement du lac que constituait alors l’Áwsa pour y développer
l’agriculture. Mais cette activité existait déjà, puisque le nom de Bará Áwsa
(v.) désigne les groupes sédentaires qui constituent le peuplement le plus
ancien. Jusqu’à aujourd’hui, l’Áwsa est la seule région où des Afars sont
cultivateurs. La zone aurait été drainée, quand fut ôtée une roche (peut-être à la
suite d’un mouvement tellurique) qui obstruait le passage des eaux vers le lac
Abé, non par le cours actuel de l’Awash, mais sous terre, par un autre trajet.
Le lieu où se trouvait cette pierre se situerait près du volcan Damaalé. (Cette
légende repose sur une réalité, comme le montrent des clichés de l’époque
italienne qui attestent de modifications ayant encore récemment affecté le
delta.) Le nouveau tracé des limites des champs est attribué au petit-fils de
Galás, Ámed « Yâwwi », Áhmed le Fuyard, vers 1660. Les Harálla
deviennent alors chefs de terre. Ils prennent le titre de baddáh abbá « chef de la
zone inondable » (baddá), pl. baddáh abbobtí. Ils contrôlent la séguia de
Gurmuddáli, l’un des défluents de l’Awash irriguant la plaine de l’Áwsa.
(d. 1862) kábir andá 4. Dawúd (1832) 5. Ds Áli 6. Maámmad (1834-40)
235
HARÁLLA
En 1808, deux « imams » sont en présence, sans que l’on sache si l’un était
Dardrá et l’autre Harálla. Il en est de même, en 1820-21. En 1824-25, Dawud
b. Maámmad (Dawud dit Digir-ma-yɖígi « celui qui ne plaisante pas »),
arrière-petit-fils de Maammad « Ds », et Ali, fils de Maámmad, un de ses
frères ou cousins sont au pouvoir. Dawud est destitué, puis rétabli en 1828. Il
meurt en 1832, assassiné à l’instigation des Mdaytó. Il est remplacé par Ds
Ali qui est évincé en 1834 et meurt peu après la bataille de Darmá. Son
successeur est inconnu mais, en 1840-41, les Harálla, dans une dernière
tentative, renversent leur ras, Maámmad, fils de ásan, et le remplacent par
le fils de Ds Ali, igg+ló. En 1865, son cousin Bitá b. Dawúd est désigné et
236
HARRIS
237
HAWÂKIL
Abbakári, chef des Debné « Sidi Hábros » (Sid+á buɖá, v.), à immoysá (déjà
rencontrés par Rochet).
HAWÂKIL
Ile du « cercle de la mer de Bôri » (v.), à peuplement Dankáli (v.), détaché du
commandement des Dammohoytá par les Italiens. Le nom, d’origine arabe,
connaît une variante locale awâkil, plus répandue que la forme d’origine. La
variation [ / h] est libre : ex. Hwá ou wá (ou wí) « Ève » (ar. aww).
S : Odorizzi (1911 : 251).
Hawweeló v. « Galla ».
HAYTANKŌMÍ BAD
« Lac (bad) de la montagne (kmí) de Haytám », situé au nord du volcan
Damaalé (voir carte n° 5). La réalisation [n] : haytan kmá est régulière au
voisinage de [k]. On ne dit pas *Haytamkmí bad. La raison de l’emploi de ce
nom (arabe Haytam) dans ce toponyme est inconnue. En tant que nom
personnel, Haytám est peu usité aujourd’hui. Sachant la fréquence des
montagnes associées au culte d’un saint, on peut hasarder qu’un walî Haytám a
eu son oratoire sur les pentes du volcan, lequel n’est connu que sous le nom de
Damaalé « montagne des cynocéphales ». On ne peut non plus exclure que
cette forme Haytám soit une évolution de al-aw$a, « nom qui désigne un
territoire sacré de l’Arabie méridionale servant d’asile. Le substantif al-aw$a
signifie : un lieu entouré d’un mur, puis, généralement, un lieu placé sous le
patronage d’un saint qui y est enterré (…) » (J. Schleifer, EI, II : 313). Sur
d’autres saints oubliés de cette région, voir par exemple Faɖé-n-Geyó, awliyá
Umar báɖa.
238
Ḥ
ABBBÁ
Famille maraboutique de Wmulé (v. Mmulé), en Áwsa, descendant du
cheikh abíb b. cheikh Maámmad « Turb », de la tribu Asá Ablé, Muyyá-g
Gritté. Le cheikh abíb a été cadi de Tadjoura, dans les années 1920. Son fils,
également nommé Maámmad « Turb » et cheikh comme son grand-père est
décédé vers 1942, à Bté. Abdurramân b. cheikh Maámmad « Turb » est
un des signataires de la lettre de 1887 envoyée conjointement par úmmad b.
Looytá (v.), sultan des Debné et le sultan de l’Áwsa, au sujet du lac Asál (v.).
D’après une source complémentaire, l’arrière-grand-père du cheikh abíb,
serait décédé en 1862, laissant supposer la généalogie suivante :
Maámmad
Sirraáli abíb
ḤADARMÓ
Egalement adrém (ar. arim), adréb. Tribu afare dont l’étymologie
populaire du nom, critiquée à juste raison par Zaborski (2011 ; 572), renvoie à
aramawt (Pollera, 1935 : 253 ; Odorizzi, 1911 : 237). Distribution. Les
adarmó sont disséminés à Bôri (parmi les Dammohoytá), Bári, Arratá,
Mabɖá-Bíɖu, dans le triangle Dúbbi-Bitá-Salasimá ; la région de Kôri,
árak ; le Âdu (Awrá). La possibilité d’une immigration par la mer d’éléments
originaires de l’autre rive de la mer Rouge reste seconde par rapport à un autre
courant migratoire le long de la côte africaine, venu du sud du Soudan
maritime. La problématique est ici voisine de celle des Baláw (v.). Etymologie.
L’ancienneté du nom Hadrab, cité par al-Yaqubī dès la seconde moitié du IXe
siècle (cf. Zaborski, 1965), explique le nombre de variantes recensées, parmi
lesquelles adrib(a), arib(a), ədaräb, ədareb, Hadareb. La forme
arabe adrib(a) est utilisée jusqu’au XIVe siècle, relayée ensuite par
ariba, perçue comme la corruption de arima en renvoyant à
aramawt (EA, III : 7). Du point de vue diachronique, on doit, avant les
formes écrites en arabe avec [] pharyngal et [] emphatique, phonèmes
inexistants en bedja, privilégier Hadrab, dont dérivent les diverses formes
mentionnées, et notamment adriba, nom des chefs de Souakin, en 1378,
ḤADARMÓ
1. La mention par Ibn Saīd de « Dankal » aux environs de Souakin (voir p. 12) renforce
l’hypothèse d’un développement du tigré sur un substrat afar en relation avec la présence de
Bedjas arabisés (Balaw, Hadrab), devenus tigréphones et finalement afarisés (Balawtá,
adarmó). Elle explique des similarités lexicales qui certes procèdent d’étymons communs
mais se signalent par leur morphologie bedja. Ex. [bedja -e → -ob → afar -bo] : bedja gál-e
« peau », accusatif gal-ób ; tigré gar-ōb ; afar galb-ó (cf. d’autres exemples in D.M., 1996).
2. La correspondance [m/b] est régulière en afar comme en bedja, langues qui n’ont que trois
consonnes labiales en l’absence de /p/ : la sourde /f/, la sonore /b/ et la nasale /m/.
240
ḤADARMÓ
1675 ámad
1700 Gúra
1725 M#tallá
1825 Áli
1875 urbé
Bassá ámad
« Ôna » Ófti
inkkó
« Kit#bá le » Áli
2. Úmar, dit « Asá iggíy » : Ali Góhli (fraction aînée) ; Asá Uddúm ; Datá
Uddúm ; úmmad-Dâba ; B#raadó, connus aussi sous le nom de Gurmató
ou B#liytá. Odorizzi a recensé des Asá iggíy à Bíɖu qui sont peut-être
apparentés aux Asá Ibád de Sid!á Alé. 3. Datá Áli, dont la descendance est
241
ḤAÐAL-MÂḤIS
chez les Waydarát (v.). Les noms des fractions ont subi des réfections suivant
les différentes interprétations précitées. On note celle d’Awli-Gúra « Tuteur la
Gauche » en Ali-Gúra, qui pourrait rappeler la valeur symbolique de la gauche
dans la titulature bedja, encore conservée dans les contes populaires où le lion
est talhá-b « gaucher » (v. Klíb). Le titre saho ôna (Ôna Ófti) explique le nom
de fraction Unúfta. Nombre de Sahos se donnent une origine bedja. Itró des
femmes : « Maynabá ! »
S : Chedeville / Ali b. ayyîta b. ámmadu ; ámad b. Maamm#dá b. M#tallá ; ásan b.
ámad b. urúb ; M"sá b. Ali b. Nkúda ; HHL (Naw.) ; HL (in D.M., 1997 : 3, 5, 7, 12) ;
Odorizzi (1911) ; L : Dans le débat étymologique, les analyses du regretté Andrzej Zaborski font
référence ; de celle, pionnière, de 1965, à sa synthèse de 2011 qui passe en revue EA, I : 516-
521 (Be'a) ; 527-529 (Beni Amər) ; II : 958-59 (adrém) ; III : 7-9 (ədaräb).
ḤAÐALMÂḤIS
1. Etymologie. 2. Légende. 3. Généalogies.
« Celui qui fut sur (ou par rapport à) l’arbre au matin » est apparu dans un
jujubier (kusrá), dont le tronc desséché fut longtemps visible à Šek Abbwin,
près de Adáylu, au nord de Tadjoura, en pays Ablé. 1. Etymologie. Le surnom
aɖal-Mâis est la nominalisation de l’énoncé verbal aɖá-l misé « il fut par
rapport à l’arbre au matin ». La postposition -l ayant plusieurs sens possibles
(« près », « à », « sur ») permet plusieurs traductions, dont l’une insiste sur le
fait que le héros légendaire était près de l’arbre sans le toucher, renforçant le
caractère prodigieux de l’apparition. (Sur ce rapport symbolique à l’arbre, cf.
D.M., 1991 : 31-32.) 2. Légende. C’est en se penchant sur le puits, pour
prendre de l’eau, qu’une esclave de Ali « Ablís » vit l’ombre d’un homme
dans l’arbre qui surplombait le puits. Croyant à un djinn, elle s’enfuit.
Ameutés, les gens du village se rendirent au lieu de l’apparition et découvrirent
un jeune homme richement habillé de soie. On l’interrogea pour savoir s’il était
homme ou démon (atu, ginniinnaa insii ?). Il fit savoir qu’il était un homme,
envoyé de Dieu (Muller, 1959 : 47)3. On lui proposa de descendre de l’arbre, ce
qu’il refusa tant qu’on n’aurait pas étendu sur le sol des peaux de boeufs.
Toutes les peaux blanches ou rouges que l’on put trouver furent rassemblées
pour former un tapis. Descendant de l’arbre, aɖal-Mâis posa le pied sur une
peau rouge. Alors, les terres alentour reverdirent, les animaux sauvages se
mirent à hurler, et un vol de tourterelles passa au-dessus de sa tête. aɖal-
Mâis fut conduit au campement du adarmó (v.) Ali « Ablís », père des
Ablé, où il fut reconnu chef de toutes les tribus existantes, sauf des Anklá
contre lesquels devait être menée la lutte. Il épousa la fille de Ali « Ablís » et
devint l’ancêtre de la plupart des lignages régnants actuels, issus de ses fils :
Môday (M#daytó), Adâal (Adáli), « Sambollakóli » (Dammohoytá,
aysantó), Ulután. Deschamps (1948 : 40, n. 1) prétend qu’une légende
similaire a cours sur la côte sud-est de Madagascar, région qui a reçu des
immigrants arabisés. L’enquête n’a pas permis de trouver la trace d’un tel récit.
3. Généalogies. Le compte des générations des tribus (et des lignages régnants)
3. Cette mention n’apparaît pas dans toutes les versions de la légende. Dans celles discutées
récemment par Karim Rahem (2001), la figure du missionnaire de l’islam est devenue
prépondérante.
242
ḤAÐAL-MÂḤIS
Descendance de aɖal-Mâis
(l’astérisque signale les Asahyammára)
Afrá
Moad (Mu()
Gáfar
Moad (Mu()
Abdallah
aɖal-Mâis
Gallâmir
243
ḤAÐÁ-M MĒLÁ
Contre ce récit que l’on pense tardif, qui institue la tradition d’une origine
arabe des Afars, le récit légendaire montre que plusieurs tribus afares étaient
déjà présentes dans la région, parmi lesquelles les Anklá, les Ablé et les
adarmó qui suscitèrent la venue de aɖal-Mâis, les Badoytá-m mlá,
d’autres encore comme les Egralâ (v.). Les quatre dernières citées sont, pour
cette raison, considérées comme súget (v.). Les combats pour la prise de
contrôle de la vallée de l’Awash et la formation des coalitions Adohyammára
et Asahyammára (v.) ont amené un troisième développement. Refusant de
descendre de l’arbre, tant que l’on n’étendrait pas des peaux sur le sol, aɖal-
Mâis, en choisissant de poser le pied sur une peau rouge apportée par un
Asabbakári (v.), aurait justifié la prééminence des Asahyammára. Bien que
contredite par le fait que la division entre « Blancs » et « Rouges » remonte au
XVIIIe siècle, donc quatre siècles après l’apparition de « Celui qui fut par
rapport à l’arbre au matin », cette interprétation a pu être proposée pour
légitimer l’ancêtre des M#daytó (Asahyammára, v.), présenté comme l’aîné de
aɖal-Mâis et l’emportant politiquement sur les Adáli. Le tableau
généalogique précédent récapitule ainsi les bouleversements politiques qui
s’opèrent entre les XIVe et XVIIIe siècles. La centralité du mythe va de pair
avec cette double articulation dans le temps que constitue l’avènement d’un
nouveau pouvoir afar, celui des Adáli ; puis l’expansion de groupes, tous
originaires du Ló, région située au nord de Tadjoura jusqu’à l’oued Wimá,
formés en coalitions « Blanches » et « Rouges », se revendiquant comme les
« enfants de aɖal-Mâis ».
S : HL (in D.M., 1991 : 37) ; Albospeyre (1959 : 103-161) ; Chailley (1980 : 15-17) ; Deschamps
(1948 : 40) ; Lucas (1935 : 182) ; Péri (1938). L : Ferry (1988, n. 26) ; Rahem (2001).
ḤAÐÁM MĒLÁ
Etym. aɖá-m mlá « gens de l’arbre » (la référence à l’arbre semblant
renvoyer à un pacte fondateur). Tribu accolée aux Badoytá-m mlá de Dawwé,
d’où le nom aɖá-k Badóyta. Elle participe à la fédération formée à Baɖuwlé
« là où des femmes furent données pour sceller l’alliance entre tribus »,
donnant naissance au commandement D#dá (v.). Distribution. Quatre
groupes : 1. D#dá (Tamít k aɖá-m mlá) ; 2. Gárba (Dorráhi-k aɖá-m
mlá) ; 3. Arsó (Arsó-h aɖá-m mlá) ; 4. K!lálu (B#r aɖá-m mlá).
? Ḥámad
244
ḤÁMAD-LA‘DÉ
AÐBISÓ-S SÁRRA
Tribu dont le nom proviendrait de aɖá-b bísu le « de la couleur des arbres »,
sans plus d’explication. V. Abrartó, Sakɖá.
AÐMÁLI
Fraction descendante de aɖmáli b. Utbân (Ismân) b. « Unɖá » Alí, des
M#daytó (Unɖá Alí-sárra). aɖmáli est un surnom donné par la mère à son
fils (de aɖit máli « infatigable »). V. M#daytó-k Maanɖíyta.
AFFALÉ
Cap inhabité, à l’est de Midír. Le nom provient de affá, nom d’action du
verbe « frapper » (af iɖɖí), en raison de sa haute falaise battue par la mer et
le vent (affá le « qui a le battement »). L’« Amphilla » (« Hanfala ») des
explorateurs : « Anfila » pour Salt qui y passe le premier le 11 décembre 1809,
« Amphilla » pour Munzinger, correspondent plutôt à l’anse de Midír (v.). Von
Zichy (1880) l’atteint le 22 mars 1875. Après le cap de affalé, le puits de
Kommâlis, au sud, sur la côte, est ancien. D’Abbadie rapporte la tradition qui
atteste d’une installation des « Perses » à affalé, ainsi qu’à « Gammela »
(Gimmâɖi), un îlot à l’est de Íddi. V. Fúrsi. Petit village de pêcheurs adarmó
(v.) à Sâil.
L : D’Abbadie (1890 : 24) ; Conti Rossini (1928 : 295) ; Munzinger (1869 : 190).
AKÍR
Ancien nom de Sanafé (saho Sanâfe, afar Sanâfi ou akír). Une étymologie
en saho explique que le nom proviendrait de Saná ifé « sorti de )an’ », lieu
d’origine de Abdallah b. M"sá, auquel se rattachent des habitants de la ville.
ḤÁMAD-LA‘DÉ
Le poète ámad-Ladé b. cheikh ásan b. ámad-Ladé (As-+lá, 1940 ;
Djibouti, 29 juin 1981) est issu de la fraction Debné arká-m mlá Arbhintó
(v.), qui fournit la lignée des sultans du G#baád. La rumeur veut qu’il soit né
dans le Goda en 1941 (mais nous avons eu la confirmation directe des date et
lieu indiqués). Généalogie. ámad-Ladé avait reçu un nom double, de type :
nom arabe + qualificatif, traditionnel dans sa famille, puisque ce nom de Ladé
(de laad) « être ridé », « être fané », se retrouve chez ses ascendants, son
grand-père paternel et le grand-père maternel de ce dernier. Le trisaïeul de
ámad-Ladé, le sultan Looytá b. Arbâhim, avait guidé Rochet, lors de son
245
ḤÁMAD-LA‘DÉ
246
ḤAMMADÍ-SĪRÁT
ḤAMMADÍ-SĪRÁT
« Le commandement de ámmadu ». Nom de l’ensemble des groupes
dépendants et alliés du sultan Dammohoytá de Bíɖu (v.). Distribution. I. Sous
commandement direct du sultan de Bíɖu : 1. Asahyammára : a. Dammohoytá ;
b. Aliytó ; c. Gúdd k Gardía ; 2. Adohyammára : a. adarmó ; b. Gidintó ;
c. Asa L-k Dhí-m mlá. II. Commandement de Têru : a. Adáli (Adoh-
yammára. La métathèse Adáli au lien d’Adáli est pertinente, v. p. 41) ; b.
Mogorros (Ibassaralé, Asahyammára) ; Abarré (Adohyammára). III. ertó
(v.). IV. Commandement de Íddi (v.). V. Commandement de Bôri : a.
Dammohoytá (Asahyammára) ; b. adarmó (Adohyammára) ; c. « B#rí-k
baddí máru » (v.) ; d. Anklá ; e. Dhí-m mlá (Adohyammára) ; f.
Balossuwá. Les frontières du ammadí-S!rát ont été entamées par le sultanat
d’Áwsa et le colonisateur italien.
Généalogie de « ré » ámmadu
« aɖal-Mâis »
« Sambollakóli »
« ré » ámmadu
« Sîra »
« Dammáhu »
Alalitó
ANFAÐÉ b. TOLÁ
anfaɖé, fils de Tolá (nom de sa mère), Darumá, des Lubák-Kubó (v.) de
l’Áwsa. Dans l’ordre syntaxique afar : Tolá- anfaɖé. Suivant l’orthographe
afare : Tolâ Canfaxe. Maknun et Hayward (1981) indique Tolo anfaɖé, ce qui
est inexpliquable. Poète contemporain du sultan d’Áwsa (v.), Maámmad
« Illálta » b. anfaɖé, Tolá- anfaɖé est célèbre pour ses poèmes, dont une
adresse à l’encontre du sultan qu’il accuse de s’être laissé corrompre par les
247
ḤANLÉ
ḤANLÉ
Egalement allé. La plaine « de lait » (qui procure du lait (an) en raison de
son pâturage abondant). Plaine au nord-ouest de Dikhil (v.), dont les pâturages
sont partagés entre Adohyammára Adorásu (v.) et Asahyammára Ulutó (v.).
Ces derniers ont été repoussés par l’administration coloniale (v. Dikhil).
arla v. Harálla
ḤARKÁM MĒLÁ
Descendants ou rattachés à ámad « arák » second fils d’Ulêl Abûsa
Arbâhim (v.). La fraction commandante Arbhintó (v.), qui fournit les sultans
Debné, descend d’Arbâhim « Gonná » b. Ali b. Ádan « Gúra », aussi appelée
Adán « Gurí » Alíh ɖayló « les enfants de Ali, fils de Ádan “la Gauche” » (sur
ce concept de « gauche », v. Klíb).
Généalogie des arká-m mlá
aɖal-Mâis
Adâal
Gulubkêna
Gallâmir
ámad « arák »
(Descendance arká-m mlá)
G#balíyta
Álga
úmmad
Ádan « Gúra »
Áli
(Adán « Gurí » Álih ɖayló)
248
ḤASŌBÁ
ḤÁRSU
Egalement arsí (en fonction de sujet). Groupe afar bilingue oromophone (à
ne pas confondre avec Ársu ou Arsó, qui est le nom d’un affluent de la rive
gauche de l’Awash, au sud-ouest de Baádu) au contact des Oromos, à Dawwé
(v.), entre Bté et Fúrsa ; vers Millé et vers Awrá. Les ársu forment les arsí-
mlá, issus des Fantoytá (v.), et distribués de l’oued Grárru à l’oued Mayrámi,
en franchissant l’Awash au nord de Bahád.
ḤASŌBÁ
Egalement assbá. Distribution. En Rép. de Djibouti : 1. Sek-Arbhintó du
Mabla (fraction des chefs de l’ensemble de la tribu), formant avec les Tann#ní
(ou Uɖ as#bá) les As-Dawuddó et des Ská (ermitté, Kamiltó) la chefferie
Ská-k as#bá. 2. Yaqubtó (Šeemtó) de Tadjoura : 5bakartó descendants de
Ab" Bakr « Pacha » (v.), Kmiltó ; úmmad-Gab#bí ; Sa!d#dá, transhumants
du Songó-g Godá ; 5bakartó (famille de Maámmad b. Dilléyta, qui fut un des
informateurs de Marcel Chailley). La présence de as#bá parmi les Ulutó-k
Madîma (Albospeyre 1959 : 130) n’est pas certaine. Sur la côte d’Obock, les
as#bá forment avec quatre autres tribus (Tákil, Mdîma, As-Mlá, ayís)
les Kná líh buɖá, « la maison des cinq puits » (ayyú, Alá-t +lá, Tagarré,
Datá-+lá, Oɖôboɖ) et ont autorité sur l’ensemble. Les Has#bá (fractions
Bililtó, Gabartó, M#mintó, Adantó, Darbiy#yá, Kat#á) sont en charge du
règlement des affaires judiciaires (v. Arnoux). Le commandement appartient
aux Sa!dáytu des Umar-Aliytó, dont Abdó b. Burán était le chef du temps
de Lagarde. Son fils ásan b. Abdó lui succéda et mourut environ « deux ans
avant l’arrivée du gouverneur Deschamps », soit en 1936. Les as#bá sont
aussi distribués en Ethiopie. A Erer, où a émigré Kâmil effendi, quatrième des
onze fils d’Ab" Bakr « Pacha » ; à Kurbíli (Ták!l-ik as#bá) ; à Bté (v.) et
Farré (5bakartó), à une vingtaine de kilomètres à l’est d’Ankobär, tête de la
piste caravanière aboutissant à Ambabbó (v.), à quelques kilomètres à l’ouest
249
ḤASŌBÁ
de Tadjoura. Généalogie. Les tenants d’une origine arabe (racine -s-b « idée
de bonne origine ») font remonter les as#bá à la tribu yéménite des )abb!a
et à un certain Yakûb (ar. Yaqûb), enterré à rs 7ra, entre Cheikh-Said et
Aden. Débarqués à quatre dans la région d’Obock, deux descendants dits
« Yakubtó » s’établirent là, tandis que les deux autres partaient vers Tadjoura.
Des deux premiers, un seul survécut qui devint le père des as#bá Sek-
Arbhintó du Mablá. Ceux qui étaient partis à Tadjoura reçurent du sultan des
terrains ; l’un qui en épousa une des filles, à D!dalé, dans le Songó-g Godá
(v.) ; l’autre, dans le Billdí Godá (v.).
Généalogie des as"bá
úmmad
Dîni
Maámmad
Kâmil
Maámmad « Tambóyta »
Maámmad wali Abdulqâdir (d. 1883) Dawúd Arbâhim Kâmil Ôbakar Abdallah
Seemtó
D!ni-ummaddó ou Yakubtó
250
ḤAYÍS
Idr!s
« Nabá » Šerîf
Maammûd
« Inɖá » Šerîf
Ism!l-Šerîf « Debenhágga »
akabí gaysá
Ism!l Ab#ná
(Asaal!lá)
(fraction de l’informateur Shó ádo)
ḤAYÍS
Fraction aînée des Badoytá-m mlá (v.), répartie en territoire djiboutien et
érythréen. Généalogie. Les ayís se rattachent à deux ancêtres, Debéllu et
Asgíru, fils de ayís, fils de Badóyta. Bien que issue du cadet Debéllu, la
fraction Debellí sárra a pris le pas sur celle de l’aîné Asgíru. 1. Branche
descendant de Debéllu (« Debellí sárra ») : lignages Nasrí-Aliytó, Subbí-
Maammadó, Subbí-Aliytó, Subbí-umaddó, Okkó, Dará-b buɖá (ou Allallé
buɖá) ; 2. Branche descendant de Asgíru : lignages Asál buɖá, Mululí
ayís, ayís d’Innahó ; 3. Gubbí ayís et Ali-D"llá. 4. Datá buɖá : Mabúk,
Nahár buɖá, Asnuntó, Afádda, Datóyta. Les ayís, partie des Kná lh
buɖá, « la maison des cinq puits » (v.), descendent d’un certain Kâmil. Ils ont
été installés dans la région d’Obock par les sultans de Raaytó (v. Tákil), et
251
ḤAYSAMĀLÉ
ḤAYSAMĀLÉ
Tribu très disséminée, formant deux groupes géographiques distincts. 1.
Répartie avec les Ablé, les Badoytá-m mlá du Wimá, et à ce titre comptés
comme Adohyammára. 2. Avec les M#daytó, Afkié-s sárra, Unɖá Al!-sárra
(Asahyammára). Une partie des aysamlé serait d’origine Songó (v.).
Généalogie. Le nom aysamlé, indépendamment de cette origine Songó, est
rattaché à Arbâhim « aysamállu », Arbâhim aux cheveux longs et lisses, dont
les trois fils seraient les ancêtres de l’ensemble des fractions : 1. ammadí
« Mirá » : (agaytá, Lubak-Aliytó, Ali-ará, Sanmalitté) ; 2. Murrún
(Gulub-Sárra, D!nitté, D!dí-amaddó) ; 3. Magdalís (Magdalís mlá). Les
aysamlé ont utilisé comme pâturage d’hiver la région de Artá à Zeyla. Il en
reste un toponyme : la colline de aysaml(é), près du Petit Bâɖa (v.).
AYSANTÓ
Tribu présente à Bíɖu (avec les Dammohoytá) ; Têru (v.), avec les Adáli (v.)
de Dabbâu ; chez les ertó. Généalogie. De Ali b. Frayâɖi b. aysamá
(d’où aysantó) b. Bilál, descendent les Ali « Frá », les deux fractions Asá et
Datá aysantó. 1. Asá aysantó (à Muslé, Aláb, Bárri, au nord de Ðoɖób) ; 2.
Datá aysantó (fraction aînée ammaditté de Gadêlu ; oroddó de Bóyna ;
Nuitté ; Ksintó). La généalogie remontant à « Sambollakóli » semble perdue.
ḤAYYÚ
1. Toponymie. 2. Chefs de poste (1927-1938). 3. Obock et sa région en 1946.
Litt. « Rassasié(e) » (*ayí-lu). Nom afar d’Obock. Le nom est lié à la
mangrove qui existait avant le développement de la ville coloniale et qui
assurait la subsistance des chamelles en cas de disette. Les palétuviers ont
progressivement été coupés pour fournir le bois à usage domestique (cuisine,
etc.). Le toponyme est aussi attesté dans la plaine de Kaló et à Álol. 1.
Toponymie. Les noms donnés en français au site de la première implantation
coloniale sont largement arbitraires, à l’exception du terme de « plateau »,
choisi sans doute sous l’influence des interprètes arabe-afar de l’administration.
L’occultation du contexte environnemental et culturel est une constante, encore
perceptible dans une rédaction récente (voir Colette Dubois, EA, IV : 2-4), qui
ne prend en compte que l’histoire de la présence française à Obock. Pourtant, le
site offre l’exemple de l’extrême précision de la toponymie et de sa capacité à
détailler chaque particularité topographique.
PLATEAU ET OUED D’OBOCK. La forme française du nom Obock dérive du nom
Obo des marins arabes, lui-même déformation du nom de l’oued bóki (As
bóki), dans sa partie moyenne peu visible de la côte, en amont de son delta.
bóki correspond au débouché de l’oued « des jardins », Dári (ar. zari). Le
verbe ubúk (à la racine de l’oued bóki) n’a pas ici son sens commun
« naître », mais signifie « s’élever » (s’agissant du sol, par apport d’alluvions).
252
ḤAYYÚ
253
ḤAYYÚ
ERTÓ
Tribu également désignée par le terme générique Taltal (v.). D’Abbadie (1890 :
5) signale que les ertó (Hirto), au moment de son voyage d’avril 1838,
contrôlent « tout le sud du Samhar ». Paulitschke (1893 : 36) les signale entre
les baies de Zula et de Hawâkil. La carte italienne de Chaurand (1894) montre
encore leur distribution à Bôri, entre la plaine du Sel et le plateau (Ssó,
254
ḤUÐÚMLU
Daratakná, arsumá). Le pays ertó est connu sous le nom de Klá-k Ablá
(point d’eau près du mont Kla, v. p. 148). Au XXe siècle, la tribu semble en
déclin démographique, sous l’effet des raids des frontaliers Waydarát (v.) après
la défaite des Italiens (1941). La tribu avait été désarmée pendant leur
occupation. Le lien lignagier des Dammohoytá présents en pays ertó et des
Dammohoytá de Bíɖu (v.) n’est pas clairement établi. Dardár b. Asmaró, dans
une généalogie fréquente des ertó, pourrait désigner « Dardar, chef Taltal »
(v.) mentionné par d’Abbadie, dans son Journal de voyage publié en 1959.
Allâma
ásan « Dúbbi »
?
Buríli « Asá » Ali M"sá
« Asá » Áaw
úmmad
M#tálla
Asmaró
Dardár
Sirri-Áli
Ykúmi
Add#wé
(chef vers 1890)
Branches de : Bíɖu Bôri ertó
ḤUÐÚMLU
Localité à 5 km de Massawa, « qui a Suaeda fruticosa ; afar uɖúm) », saho
uɖúmlo, arabe u"umlū. La forme Otumlo entre en usage à l’époque
italienne. Elle influence la forme administrative récente (tigrigna) ə"umlo.
Autre forme récente (?) recensée um"ublo. Le toponyme est la trace d’une
présence ancienne (v. Ibn Sa!d, Introduction) des Afars et des Sahos dans une
région maintenant à dominante tigrignaphone et précédemment tigréphone. Il
existe d’autres toponymes afars dans les environs, comme Dogáli, à 25 km env.
de Massawa, (de dogá « zone sinueuse », en tigrigna Tädäali), lieu de la
bataille des 25 et 26 janvier 1887 où le ras Alula défit les troupes italiennes.
Cette toponymie multilingue s’explique aussi par la présence ancienne de
lignages yéménites liés aux Ab#ná et aux Anklá (v. Sayyid).
L : EA, III : 23-24.
255
ḤUMBÚLI
ḤUMBÚLI
Nom de l’oued Ambouli et du quartier où se trouvent la palmeraie et la station
agricole, maintenant incluses dans l’agglomération de Djibouti. Le nom,
d’origine couchitique, a le même sens en somali et en afar désignant l’oued
« qui écume » (somali úmbo, afar imbó). Cette explication s’accorde bien
avec la violence des crues de ce cours d’eau temporaire qui se jette aujourd’hui
dans le golfe de Tadjoura, mais dont l’ancienne embouchure a pu se trouver sur
le golfe d’Aden avant de se combler progressivement de remblais, déplaçant
son lit vers l’ouest pour se jeter dans la mer immédiatement au sud-ouest de
Djibouti. umbúli semble être une forme mixte avec une terminaison afare (li),
le somali supposant plutôt umboley. De telles interférences ne sont pas rares.
La toponymie de la région (v. Dêla) incite à penser qu’il s’agit de la
somalisation d’un nom afar. Le toponyme est fréquent en afar sous la forme
imbó ou immó. Ex. le puits imbôli et la source imboysá ou immoysá
« qui fait de l’écume » dans le Mablá et à Baádu. A noter, la vocalisation /a/
chez les jeunes urbains somalophones, de amboley (évolution non répertoriée
de umbo « écume »). On doit écarter l’étymologie proposée par Mohamed
Hassan Kamil (2004 : 183) qui relie imbó à l’abondance de lait des troupeaux
de moutons et de chèvres paissant sur le site de la future ville de Djibouti,
plutôt connu pour sa stérilité (gabōd).
ḤÚMMAD LO‘OYTÁ
úmmad b. Looytá est vers 1830 à Afási. Intronisé abbá « sultan » des
Debné, en 1864, il est décédé le 17 octobre 1902, à Ð#ɖá (exactement
Lokm#ná), près de Dorrá. De lignage Arbhintó (v.), la sous-fraction
ummaddó qui en descend n’est pas reconnu comme une « sous-fraction »
(gulúb) à proprement parler par tous les Arbhintó qui préfèrent le terme de
f(i)yó (ummád fyó) pour désigner le lignage issu de úmmad b. Looytá. Ceci
s’accorde avec l’importance d’un notable dont l’influence politique au-delà de
son terroir d’origine — on disait que le pouvoir du sultan de Tadjoura s’arrêtait
aux cases des miliciens du village — procédait plus de sa personnalité que de
sa position généalogique. úmmad b. Looytá n’a d’ailleurs jamais revendiqué
le titre d’abbá, titre des chefs, non de son lignage, mais des Debné arká-m
mlá dans leur ensemble. úmmad b. Looytá a été partie prenante de plusieurs
événements majeurs. En liaison avec le sultan d’Áwsa, il attire Werner
Munzinger dans le guet-apens du lac de Uddúmma (v.). Il le quitte le 14
novembre 1875, à la veille de l’attaque menée par les troupes du sultan qui
causeront l’anéantissement de la colonne égyptienne et de son chef. Il signe
avec Léonce Lagarde le traité de 1884 (v.), ce qui lui vaut des critiques en
Áwsa (cf. D.M., 1997 : 65, 68). On accusera « le Kálu » (oued au sud du lac
Assal, symbolisant les Debné) de vouloir contrôler « le Kaló », c’est-à-dire la
vallée de l’Awash. Un ginníli (v.) des Aɖkaltó l’avertira :
Looyta ummady O úmmad, fils de Looytá,
Asahyammaríh abbá mábta tu n’« auras » pas le chef des Asahyammára
lubak báɖa lhí moynób mábta du fils du Lion, tu ne feras pas un taureau
pour tes vaches
256
ḤÚMMAD LO‘OYTÁ
5. Le ginnili prédit au passé les événements à venir. Turki est le terme générique qui indifférencie
les Turcs et les Egyptiens (v. Fursi), encore présents sur la côte et dont la menace persistante
après l’échec de Munzinger, explique l’accord passé avec l’Italien Antonelli en 1883.
257
ḤÚMMAD « KAÐÐÁ » LO‘OYTÁ
Ce fragment que nous a transmis Ḥámad-Ladé (in D.M., 1997 : 61) se retrouve
chez Ahmed Malko Ahmed (2003 : 46), lequel ajoute au dernier vers :
Kok bagi elle yani’kké waynehik manke ?
An Qasawká guubunut [lire gubuunut] ablem aysuk ten
O toi, qu’on n’a pas pu bien connaître qui es-tu ?
J’aurais aimé voir Assawka parmi les veuves.
Aramis Houmed Soulé surenchérit. Ce n’est pas une mais deux veuves que
selon lui le poète a souhaité au chef debné (2005 : 47) :
Namma barra gubuunut ablem aysuk ten
An Qasawka gubuunut ablem aysuk ten
An Madiina gubuunut ablem aysuk ten
J’aurais aimé voir deux femmes faire partie des veuves
J’aurais aimé voir Assawka faire partie des veuves
J’aurais aimé voir Madina faire partie des veuves.
On a ici un exemple de recomposition ad libitum du fragment poétique
prolongeant, par publication interposée, les assauts d’éloquence des joutes
traditionnelles (v. Annexe 1 : « Formation du texte historique de style oral »).
S : HL (in D.M., 1991 : 19 ; 1997 : 60-61, 65, 68) ; Martini (1946).
258
I
IBRHM AB ZAARBI
Connu également sous les noms de cheikh Ibrhm Ab Zarbay (ou Zaarbūy,
Zerbayn, Ewald Wagner, EA, III : 110), ce saint est considéré dans la tradition
de Harar comme un des quarante-quatre saints du aramawt qui, après une
réunion solennelle à Awliya-Kombo, décidèrent de propager l’islam dans la
sous-région. Selon Richard Burton, il aurait parcouru le Harar vers 1430 pour
mourir à Zeyla. Burton signale le pèlerinage des Afars sur sa tombe. Il est
réputé être l’introducteur du qt « Catha edulis Forskal » au Yémen. Il est
connu, en afar, sous le nom de cheikh Maámmad « Darbên ». Sa biographie
exacte comme la raison de ce changement de nom (cf. son mablúd, in D.M.,
1997 : 122-124), restent obscures. Ewald Wagner (op. cit.) suggère que cette
différence onomastique renvoie à deux figures historico-religieuses différentes.
D’autres saints (voir aw Barkhadlé chez les Somalis du nord), sont l’objet de
récits de vie parallèles qui témoignent de la vigueur de l’ancienne dévotion
populaire. Une généalogie de Zeyla en fait le père du cheikh Intilé (v.). Une
légende rapportée par Albospeyre lui attribue le jet d’une lance entre cette ville
et Tadjoura. L’oratoire compté comme la septième mosquée de Tadjoura (v.) se
trouve à l’endroit où la lance aurait atterri. Ce geste symbolique unissant la cité
ainée, Tadjoura, et sa cadette Zeyla (saál k maanɖá), renvoie à une tradition
antérieure au XVe siècle, si l’on retient la date indiquée par Burton, avant donc
la fondation du sultanat Adáli. Si l’on reconnaît Ibrhm Ab Zaarbi
comme un des propagateurs de l’islam dans la sous-région, cette date devrait
être encore repoussée dans le temps, les villes de Zeyla et Harar étant sans
doute fondées dès le VIIIe-IXe siècle. Une telle hypothèse induit en outre que la
ville « aînée », Tadjoura, ait été fondée plus anciennement que Zeyla, ce qui
accrédite l’interprétation de sa mention sur la carte d’al-Bīrūnī (v. p. 341).
S : HL (in D.M., 1997 : 18, 103, 121-24). L : Albospeyre (1959 : 153) ; Burton (1856 : 74-76) ;
Trimingham (1965 : 228) ; EA, III : 110-111 (et la bibliographie référencée).
IBRĀHM ALḪALL
Membre de la famille du saint Abdulqdir al-ln, selon la généalogie
suivante : Ibrhm b. al-all b. Qsim b. Ibrhm b. Muammad aš-Šm b.
sayyid Amad b. sayyid Muammad b. sayyid al-all b. sayyid asan b.
sayyid Abdallah b. sayyid Abdurramn b. sayyid all b. Muammad-šay
b. sayyid Ysin b. usayn b. Abdallah b. Muammad b. Sli b. Abdulqdir
al-ln. A partir de Muammad aš-Šm b. sayyid Amad, ce lignage Ská
(d’origine arabe yéménite), venu de Damar, est installé à Dawwé (v.) où il est
lié à la zawiya de cheikh Abbsiya (v.). Ibrhm b. al-all est né à Dawwé
vers 1865 et est décédé à Tó, en 19271. Son arrière-grand-père et
homonyme, le fils de Muammad aš-Šmi, Ibrhm, son fils Qsim (enterré à
Warra Babbo), le fils de ce dernier, al-all, sont enterrés à Dawwé (al-all
au lieu-dit Mfá). Quittant Dawwé, le cheikh Ibrhm al&all a vécu à Baylûl,
au début de la colonisation italienne, et est mort à Tó, en 1927. « šintó »
(« d’ascendance hachémite ») désigne, à Tó, les descendants de ce lignage
IBRĀHÍM AL-ḪALÍL
♂ ♀ ! al&all
1. (Al-Manhal : 1). A noter que le « mardi 1er Šawwal 1380 » correspond au dimanche 19 mars
1961 et que le 28 mars 1961 correspond au mardi 10 Šawwal 1380.
260
IBRĀHÍM AL-ḪALÍL
été au nombre des épouses du sultan Ali-Mirá (v.). Parmi ses fils, on
compte Abdalláh qui fut député au parlement érythréen ; Maknún qui a été
l’informateur de Richard Hayward, professeur à la School of Oriental
Languages and African Studies de Londres (SOAS), à qui il a donné la
première version publiée du « chant d’accusation » de anfaɖé b. Tolá
(1981)2 ; Hâšim, co-auteur de Al-Manhal f tr wa abar al-Afar (1997).
5. Šay Ámad (Midír, 1908 ; Tó, 1981). De mère somalie de Baká, mais
différente de celle de son frère Abdulkâdir. Ámad et son autre frère
amladdn sont enterrés de chaque côté de la tombe de leur père, à Tīó.
6. Šay Slé, de mère Dammohoytá de Íddi, sur lequel n’existe aucun
renseignement, si ce n’est son départ au Hedjaz à une date indéterminée.
Qsim
Al-alīl
Ibrhīm (1865-1927)
Maámmad-aš Šmi Abdulkâdir Amîn amladdn aš-Šm Ámad Slé
(1901-1980) (1904-1985) (1906-1990) (1907-1961) (1908-1981)
________________
1. A la suite de Sean O’Fahey (Arabic Literature of Africa, vol. 3, 2003 : 10-11), Jean-Charles
Ducène (2012 : 13) écrit : « (…) Jamâl al-Dîn ibn Ibrâhîm ibn Khalîl (c. 1865-1961) fut nommé
en 1897 cadi des tribus afars. Fort de son expérience, il laissa un ouvrage sur l’histoire et les
mœurs afars — al-Manhal fî ta’rîkh wa akhbâr al-‘Afar (…), publié au Caire en 1997 ». Il faut
bien distinguer Ibrâhîm b. al-Khalîl (1865-1927), qui fut nommé cadi par les Italiens ; son fils, le
cheikh Jamâl al-Dîn (1907-1961), auteur d’un manuscrit, à partir duquel le fils de ce dernier, le
Dr. Ḥāšim rédigea le Manhal qu’il fit publier au Caire sous son nom et celui de son père (voir
Bibliographie).
2. Voir ci-après Annexe I, p. 377-393.
S : HHL (Naw.). D.M. / Gamladdīn « Rdó ». Puglisi (1952 : 167).
261
IBRĀHÍM « WĀRUFI »
IBRĀHM « WĀRUFI »
Cheikh enterré à Warúf (actuellement en pays issa, voir carte n° 3). De lui,
descendraient nombre des saints du sud du pays afar. Légende. Comme
presque tous les Ská, Ibrhm « Wrufi » est rattaché à la descendance de
@qil b. Ab Alib. Il laissa en mourant son tapis de prière (sağğdá), appelé
musalla en Áwsa et dihá « dans la langue d’alors » (dumí áfat), à son plus
jeune fils Ali. Les trois autres frères Kuláy, Bórri et ammd (?) en furent
fâchés et voulurent le lui arracher, mais il leur échappa et se colla à Ali. Il en
fut de même pour son turban et son bâton. Il fut convenu que chacun jetterait sa
lance et s’établirait là où elle retomberait. Celle de ammd atteignit Walti,
dans la plaine de Saá, au nord de Logyá. Il y fut enterré. Son fils Umar est
enterré sur le Kaɖɖá Gamárri (v. Awliyá Umar báɖa). Ses descendants forment
les Waltó-s Ská. Celle de Bórri atterrit dans le nord, à Aláyta, près du lac
Afɖrá (v.). Ses descendants forment les Boritté en Áwsa et sont inclus dans les
Intilé Šek Áre (v.) chez les Sahos. La lance de Kuláy se planta on ne sait où. Il
fut le père de Ali « Borwáli » (le wali porteur du br, le bandeau blanc,
honorifique), enterré sur le mont B<ráwli, au nord d’Aysaíyta (v.). Ses
descendants sont les Kulayyá (v. Awsí mára). La lance de Ali atteignit Galató,
dans le pays Magénta. Il est enterré au lieu-dit Awliyá-Ali. Ses descendants
sont appelés Dahan-Ská. Le chef des Dahan-Ská, en 1957, était Sayyidī b.
Umar b. Abdulkâdir b. Maámmad (1857 ?) b. Tâhir b. Yûsuf b. Ali b.
Mandáytu (1757 ?) b. Yûsuf « Nsulé » b. Sâbir, b. Ali b. Ibrhm « Wrufi »
(1657 ?). Le cheikh Sâbir b. Ali b. Ibrhm « Wrufi » est enterré près de
Gurúbbus (admin. Gorabous, Rép. de Djibouti). Le cheikh Yûsuf « Nsulé » b.
Sâbir donne son nom au lieu-dit Ab-Yûsuf, et au cimetière autour de son
oratoire (maqam). Bésairie signale la tombe d’un cheikh « B<ráwli » entre
mallé et Gâmi du Ðay que nous n’avons pu retrouver. Lignages. Quatre
lignages appelés « Ská-k Sarfá » se réclament d’Ibrhm « Wrufi »,: 1.
AltoššîBa (de ši [cheikh] Altó). 2. Bórri (Borritté en Awsa) ; rattachés aux
Intilé šek Áre (v.). 3. Dahan-šiB. 4. Máad « Kuláy », père des Kulayyá (v.).
S : HHL (Naw.) ; Bésairie (1949 : 102).
IÐĀFÁLU
Saho Iɖfálo. Arafali sur les cartes italiennes. Peut-être sous la forme Elafal,
sur la carte de Fra Mauro (1460), Defalo (Almeida, 1662), Dafalo (Ludolf,
1683). Adminis. (tigrigna) Irafayle ou Irafalo, reprise en saho normatif. Village
au fond du golfe de Zula, limite des Afars du nord de l’ancien royaume Dankáli
(v.) et des Sahos Đasamó. V. Bôri. La montagne qui domine Iɖfálu comporte
une coulée de lave appelée Anklá-sarisé-ɖ « la montagne vêtue par les
Anklá », que la tradition présente comme un point de rassemblement Anklá.
Etymologie. Iɖfálu s’analyse comme *ɖhi af-lu « avec une frange
coralienne », toponyme qui se retrouve dans ɖfó qui désigne le bord de mer,
de Tadjoura à Sgállu, et dans « Mangadafo », manga ɖfó « avec beaucoup de
bordure coralienne », pointe basse à l’ouest de Doralé. Cette étymologie paraît
meilleure que celle (EA, III : 181) qui analyse eela-dde falo « célèbre pour son
palmier-doum » (lá est le fruit, non le palmier qui se dit ungá).
S : D.M. / Ibrhm b. Isml ; Beccari (V : 325) ; EA, III : 181.
262
ILYĀSÓ
ILYĀSÓ
Le ləğ Iyasu, petit-fils de l’empereur Ménélik, héritier désigné du trône, né en
1897, déposé en 1916, mort en captivité en novembre 1935. La forme afare
Ilysó ne dissocie pas le nom personnel du titre de ləğ « infant ». Ses
sympathies pour l’islam, qui ont conduit à sa destitution, comme son union
avec une arrière-petite-fille d’Abū Bakr « Pacha », Ftumá b. naggadras
Ôbakar, expliquent que le ləğ Iyasu se soit réfugié en Áwsa, au plus près donc
du Choa, région moins excentrée que le pays somali où le ləğ avait aussi des
soutiens. Pendant cinq ans, avant sa capture en janvier 1921 au Tigré, il errera
en pays afar en tentant d’échapper à son cousin, le ras Täfäri. Sa mort en
détention, juste avant la victoire italienne, a sans doute été motivée par le
risque de son retour au pouvoir soutenu par les Italiens. Cette hypothèse est
renforcée par la rumeur du baptème secret de son épouse afare, Ftumá, dans
l’église d’Abo (Juniac, 1979 : 63), derrière l’ambassade d’Italie. Si la rivalité
dynastique est bien connue (pour une synthèse récente, voir EA, III : 253-256),
le récit recueilli de Sālé b. ásan apporte quelques précisions dans ce que
l’on sait déjà de la vie du fugitif2 dans une région en guerre civile (v. Sangerrá).
En avril 1919 (h. fin umād II ou début Rağab), guidée par anfaɖé b.
Maámmad « Illálta », une troupe éthiopienne sous le commandement du ras
Käbbädä Mängäša Atikäm, le gouverneur du Wällo, et d’Abbäbä DDmEäw,
descend en Awsa pour s’emparer du ləğ Iyasu, alors réfugié chez le sultan
Yayyó. Cette expédition faisait suite au refus du même Yayyó de livrer le petit-
fils de Ménélik. Le frère et concurrent du sultan, anfaɖé, avait là l’occasion
de faire coup double : prendre le pouvoir en Áwsa en aidant les Ethiopiens à
capturer Iyasu. L’armée éthiopienne campa un mois à Gālí-Fāgé sur l’Awash.
Mais le ləğ demeura introuvable comme le sultan lui-même. Ceux-ci s’étaient
repliés vers Ayrolé Ðūɖ ; le sultan Yayyó, vers Mandá, sur la frontière de la
Côte française des Somalis. Cet épisode est connu sous le nom de Kabbadé-d
dabbó « le repli tactique devant Käbbädä ». Selon la même source, le ras
Käbbädä, secrètement pro-Iyasu, et opposé au parti dynastique représenté par la
fille de Ménélik, Zäwditu, et le ras Täfäri, aurait informé le ləğ Iyasu, lui
permettant ainsi de fuir à temps. Une seconde troupe, venue d’Ankobär par
Baádu, dirigée par un Argubbá, Sālé b. Gangá, campe alors à Eaylé, sans
entrer, non plus, en conflit ouvert avec la population. C’est en se retirant début
mai 1919 (h. Šabān 1337, Naw.), en traversant le Dóka, qu’ont lieu plusieurs
accrochages. Le sultan Yayyó rentré en Awsa attaque son frère anfaɖé, lequel
est tué en combat à Baádu en juin 1919. Un fragment conservé de la kalluwallé
Galêla, « Sûni » Eysá (1932) montre que la présence du ləğ Iyasu en Awsa
était loin de faire l’unanimité, comme dans cette réponse à l’interpellation (vers
7 ci-dessous) :
1. Moomin inayta lek edde maysa
2. Saalec walaaba lek edde maysa
3. Kaamiliy abuusa lek edde maysa
4. Ilyaaso sabanna le qeebi baahe
2. Il reste des zones d’ombre comme son incarcération signalée par Braca et Comolli (voir p. 77).
263
INAYTA
INAYTA
Le nom a plusieurs sens et deux formes : (fém.) inaytá (sens 1 à 5) ; (masc.)
ináyta (sens 6 à 8). Dérivé d’iná « mère », il connote généralement l’idée de
« générer », « produire ». 1. Maîtresse de maison (buɖáh inaytá). Dans la
société traditionnelle, la résidence est uxorilocale, l’espace privé est féminin,
par opposition à l’espace public, masculin. La tente conjugale lui appartient. 2.
Chapelet magique (« mère des présages ») utilisé par le chef spirituel des Ská
(v.) de Baádu. 3. Vers du soliste (qui génère la reprise en refrain par le chœur).
4. Arbitre d’une compétition ; chef d’équipe dont procède la mise en jeu de la
balle au kosó. 5. Néol. inaytáh (inaytóh) tan magaala « capitale, chef-lieu ». 6.
Gros tambour de la batterie giyâgib des rituels de possession (« qui génère le
rituel d’exorcisme »). Par extension, la batterie de tambours. 7. Partie non
mobile du briquet traditionnel « qui produit le feu ». 8. (Mullu) Flèche de l’arc.
Lors de son premier voyage, Rochet (1841 : 79) signale leur usage au combat
par les Afars.
INDIGĀLÓ
Tribu en voie de disparition, comptée avec les Askakmáli-k M<daytó. Se
mariaient avec les sultans. La mère de i Áli (v.) et de ses deux frères était
Indigló.
INGĀLÓ
Confrérie religieuse se réclamant de cheikh Mandáytu (v.). Le nom est peut-
être à rattacher au verbe íngal « avancer dans une vallée (troupeau) ». Íngal est
aussi le nom d’une localité de la péninsule de Bôri (v. carte n° 4).
264
INTINŌLÉ
áre « maison », comme bayt au Yémen, désigne, à la fois une entité lignagière
et territoriale (Beeston, 1972 : 256). Les Intilé Šek Áre se rattachent à Amad
b. Umar « al-Zayla », parallèlement à la généalogie ci-après. On les dit
originaires d’Iɖfálo, en pays Ðasamó, qui semble être leur première
implantation venant de Zeyla ; à Makannilé, chez les Afars Anklá de Bôri ; en
pays chrétien, près de Sanafé, sous le nom de Dangultá. Une autre tradition
les rattache à Bórri, fils d’Ibrhm « Wrufi » (v.).
Ab Alib
@qil
?
Kulay
Sad
Idris
Ábdu
sek Mamûd
i úmmad
maallim Idris
Îsa
Ábdu
Abôbakar Dawúd
(Branche de Iɖfálu)
usên Ali
Ftumá Ábdu
(mère du sultan d’Áwsa (fraction Abddá)
Maammad b. anfaɖé)
S : Chedeville / Usman b. abib. D.M. / Ibrhīm b. Ismíl. D.M. (1999 : 24). L : Odorizzi
(1911 : 259-60).
INTINŌLÉ
Nom en afar du comte Pietro Antonelli (1859-1901), voyageur et diplomate
impliqué dans la négociation avec le sultan d’Awsa qui devait aboutir à la
Convention d’amitié et de commerce d’Hadelè Gubo (v. Addale-Gúb) du 3
mars 1883, également signée par le roi du Choa à Ankobär, le 22 mai 1883. La
265
IRONNÁBA
IRONNÁBA
« Large quant au dos » (*iro-nabá). Légende. Groupe d’origine maraboutique
(v. Ská), dont l’ancêtre serait arrivé par la mer. Les explications généralement
fournies prennent la forme d’un calembour. Comme on demandait à cet ancêtre
du lignage comment il avait atteint la côte, il aurait dit : « Ma largeur de dos
m’a porté » (y’iroh nabí y bhé). Une autre anecdote explique qu’un cheikh,
venu en boutre de Zayla, serait monté sur les épaules d’un autre pour
débarquer. Quand on lui demanda qui l’avait sorti de l’eau, il aurait répondu :
« C’est (mon ami) Dos-Large qui m’a sorti » (y’ironnabí y yeyyé). Leurs
descendants Ironnába (notamment du cheikh Mawaró, chez les Sahos ádo
Asaallá et chez les Afars Waddó), font partie des Maliná Miimbará (v.).
S : Chedeville / Umar b. Slé b. Ámad. D.M. / Ibrhm b. Isml.
ITRÓ
L’itró est tantôt cri de ralliement, tantôt devise, assez comparable à l’ancien
slogorn, le cri de guerre des clans écossais. Chaque tribu a son itró, parfois
commun à plusieurs d’entre elles. On ne pousse jamais l’itró d’une tribu qui
n’est pas la sienne (isi kedol itritak kal, marin kedol mitrita). On pousse l’itró
sous l’effet de la suprise ; quand on est blessé au combat ; quand on est réveillé
en sursaut ; à la circoncision. Le nom itró est à relier à tirtirá
« autoglorification du guerrier », comme à l’amharique ṭärra « appeler ».
266
K
KABBŌBÁ
Chefferie Adáli du Godá. Descendants de « Gibdí » ámad (v.) par ses deux
fils Dnó et Adloó (ou Adlaó). Possèdent des terres dans le Godá et jusqu’à
Álol. Marabouts à Dawwé (v.). Distribution. 1. Adáli (Kabbbá) et Ablé
(Gundsá, Bakrrá, Illisoltó) ; 2. Bárga-k Adbáɖa (Balawtá, Bárga, Dbá-b
buɖá) ; 3. Dbá-h Adáli (Gadiddó, Adlaá, Ellé- ámmadu) ; 4. Faditté
(Albintó, Gidddá) et Adáli (amdá, Gardá, Unɖá-Saiddó, As-
Kmillá). Solidarités. Les Kabbbá forment une fimá avec les Adáli-k
asbá (Adáli de Tadjoura et Ská-k asbá), appelée « Arbáytu »,
comprenant des membres des fractions Sabúb buɖá, Idittó de Randá, Balawtá,
Bargá, Egralâ, cités dans « l’affaire Thiébeau » (v. ci-après), notamment. A
l’époque, les Kabbbá, descendants de Kabbó et les amdá, forment un bîlu,
les Gadiddó et Adloá, un second (déjà signalé p. 24). Les Egralâ (v.)
quoique intégrés aux Kabbbá, forment un troisième bîlu, tout comme les
Idittó de Randá. Ces quatre bîlu, bien que distincts, sont solidaires au sein de la
fimá « Arbáytu ». En 1943, Les Kmiltó et les Īsé-Aliytó, descendants de
Kabbó, forment deux lignages principaux qui comptent environ une dizaine
d’hommes. Cette faible importance numérique contraste avec les moyens
employés par l’administration coloniale lors de « l’affaire Thiébeau ».
Adlaó Dnó
Kabbó
Kâmil Áli
(Kmiltó)
Baraggóyta Īsé
(Īsé-Aliytó)
ámad Áli
Kâmil Maámmad ámad Īsé Abdallá Maámmad
usên Mūsá úmmad (déporté à Madagascar) Seém Arbâhim
268
KABIRTÓ
regagnant Alailou avec le blessé : Adas Hamad (Gadiddo), Daoud Ali « Guiba »
(Banoititté), Abro Mahammad (Daoudinitté).
L’appartenance tribale des sept accusés correspond à la double composante de
la fimá « Arbáytu » : 1. Kabbbá et tribus alliées : agayta b. Īsé (Egralâ) ;
Maámmad b. Ali b. Dīmó (Dbá-b buɖá) ; Dawúd b. Seém b. Arrâmis
(Balawtá) ; Seém b. Abdalla (Kabbbá Īsé-Aliytó) ; ámad b. Aɖás
(Gadiddó). 2. Adáli-k asbá : Maámmad b. Abró b. ámad (Dawud-Dīnitté
Skitté) ; Ali-Giba b. Dawud (Banoytitté). Chedeville propose une réorga-
nisation du commandement tribal au détriment des Kabbbá, avec l’accord du
sultan, lequel est propriétaire d’une partie de leurs terres (notamment Agōró-g
gúba dans le Godá). Il conclut, en désaveu de l’attitude de Coullet :
Il conviendrait que le commandant de cercle de Tadjouraa parfasse sa
connaissance de cette région (…) en dressant un véritable cadastre de la
répartition des terrains, cadastre complété par des renseignements précis sur les
droits coutumiers et la législation foncière du Goda.
Cinq des sept accusés sont condamnés à mort par contumace par la cour
criminelle de Djibouti, le 1er décembre 1943. Le chef des Kabbbá, Húmmad b.
Maámmad b. ámad, « considéré comme dangereux pour la sécurité
publique », alors qu’il a été établi qu’il n’était pas présent à Birsaḥá, est déporté
en septembre 1943 à Madagascar. Il en reviendra cinq ans après.
__________
NOTES : 1. L’orthographe exacte du patronyme est Thiébeau malgré ses variations dans les
archives (Thiébau, Thiebaut, etc.). Voir l’acte de naissance signé par son père « Thiébaut
Marceau ». 2. Sa mort est datée officiellement du 25 janvier 1943.
S : HHL (Naw.) ; Chedeville (Afars). Documents archivés au Musée des troupes de Marine
(Fréjus).
KABIRTÓ
De l’arabe kabr, la forme afare kábir est employée au sud avec le sens de
« savant », « maître en religion ». Dans le nord, l’équivalent est maallím. La
fraction Kabirtó est issue de kábir Áli b. Maámmad « Ds » (v. Harálla). La
constitution maraboutique de cette fraction, séparée de la fraction des Dardortí
(v.) qui fournit les chefs de terre baddá-h abbóbti, issue de Dawúd, le second
fils de Maámmad « Ds », est tantôt rapportée à la mort du cheikh amza, dit
kábir andá, tantôt à la victoire des Mdaytó, à Darmá, en 1834, en Áwsa (v.).
D’après la généalogie du cheikh ln, auteur de la chronique de l’Áwsa (cf.
Annexe II) : ln b. i andá b. i Mamd b. cheikh amza, dit
kábir andá, b. kábir Mamd b. kábir Ali b. Maámmad « Ds », la mort de
kábír andá est datée du 28 septembre 1862 (au lieu de 1828, HL, in D.M.,
1997 : 55). Cet écart peut s’expliquer si l’on se réfère à la chronologie de la
succession des chefs Harálla, qui indique, à partir de 1824-1826, une division
en deux branches, que la mort de kábir andá a scellée. La tombe de kábir
andá est à Unɖá Maárra, au sud du lac de Uddúmma (v.), à l’est de celle de
cheikh Ayfará (v.) à Kaɖɖá Maárra, où est également enterré le cheikh
Mamd, père de kábir andá. La uddá désigne l’état de cheikh, notamment
de chef religieux chez les Kabirtó. Il est porté par l’héritier de kábir andá.
S : HHL (Naw.) ; HL (in D.M., 1997 : 55).
269
KĀLÍB
KĀLÍB
« Point cardinal », « direction ». Synonyme dagá. Le nom apparaît notamment
dans le rituel dit du « redressement de direction » (klíb gasá) destiné à
redonner des forces et à éloigner le mauvais oeil. On le pratique lors du rasage
de la nuque (darré-k kálti), qui marque le passage au statut de guerrier. La
direction vers laquelle est orienté l’initié pendant le rituel est le Sud, qu’il faut
regarder fixement (Chailley, 1980 : 51), appelé gabbaári, terme non élucidé.
L’étymologie *gabbí ári « maison de gábba » est obscure. Les trois autres
points cardinaux sont kilbát « le nord » (arabe qibla) ; ayro-m mawá « le
levant » ; ayró-k kormá « le couchant ». En dehors de la direction, apprise, de
la prière, l’Est et l’Ouest sont nommés à partir du mouvement apparent du
Soleil. Avec le Sud « la maison de gábba », on entre, semble-t-il, dans une
cosmogonie antérieure à l’islam. Il faut rapprocher cette forme gábba de gabbá
qui désigne une espèce de python, laquelle renvoie à gabbáy, le serpent
mythique afar qui sécrète un liquide qui tue celui qui le touche. Monstre
cannibale muni d’une lumière avec laquelle il aveugle ses victimes la nuit, il
rappelle le serpent Arwe des légendes du Tigré et d’Axoum. Il reste à
comprendre comment a pu s’opérer ce renversement au sud puisque la région
concernée correspond approximativement au nord ou au nord-ouest pour les
Afars. Y a-t-il eu incompatibilité avec la direction sacrée de la prière au
moment de l’islamisation ? De fait, le Nord n’a pas de nom en afar en dehors
de l’emprunt arabe. On imagine que le pôle éloignant le mauvais oeil ait pu être
situé à l’opposé de celui réservé à l’invocation divine. Le sens de
« redressement de direction » qu’a klíb gasá en porterait la trace. A cette
opposition Nord (sacré) / Sud (ésotérique), on peut ajouter celle entre la droite
(valorisée par la tradition arabe) et la gauche. Les traces éparses de cette
prévalence qui reste inexpliquée sont nombreuses. Le flamant invoqué par le
ginníli (v.) porte une étoffe écarlate nouée à la patte gauche (D.M., 1991 : 56).
Le djinn qui rend malade frappe du côté gauche. La première mansion lunaire
est celle « qui a la Gauche » Gurâlu « le Bélier » (v. Mafgadá, l’itró des Ddá
ou le lignage Awli-Gúra des adarmó). La métathèse lexicalisée (mídga
« droite » / mígda « voie », « direction astrologique ») est indicatrice de ce
dédoublement. Sans en tirer quelque conclusion, on remarque que, pour un
observateur de Tadjoura, gabbí ári désigne le Sud-Est, non le Sud, soit l’exact
opposé de l’orientation Nord-Ouest des tombes dites « Galla » (v.) de Lassá
(Bésairie, 1949 : 17). L’importance symbolique de ce Sud, comme de la gauche
(v. en bedja), n’a pas d’explication. La question paraît ancienne. Desanges
(1982 : 219) écrit à propos des scorpions qui, en Ethiopie (au sens antique : les
pays au sud d’Assouan), sont appelés Sibritae (ou Sebridae) :
D’après Hérodote, II, 30, ceux-ci étaient aussi nommés Asmach, autrement dit
« ceux qui se tiennent à la main gauche du roi ». Ce peut être une dénomination
purement péjorative en raison de la valeur de la gauche pour les Egyptiens. (...)
On a aussi rapproché Asmach de n‘sm, pays mentionné par des sources
égyptiennes. Il y aurait donc une fausse étymologie par rapprochement avec
l’égyptien sm. Il est curieux que Ptolémée IV, 7, 9, p. 783, mentionne avant les
Sebridae, des Ethiopiens Euonymitae (...) c’est-à-dire des Ethiopiens de la
gauche (de la rive gauche ?)
270
KALLUWALLÉ
KALLUWALLÉ
Pythonisse. Equivalent féminin du ginníli (v.), et pour cela également appelée
ginnileytá « celle qui a les démons ». Comme pour le ginníli, l’assimilation à
une sorcière (éthio-sémitique sɘray) ou à une possédée du démon (arabe
mağnūna) est fréquente, alors qu’il ne s’agit nullement d’une déséquilibrée
mais d’une femme qui vaticine, certes en transe, mais nullement « folle ». Il
faut, en outre, noter, parallèlement à ce rôle d’annonciatrice, celui de
contemptrice des actions du pouvoir en place (voir ci-dessous des exemples de
ces deux rôles). Kalluwallé est souvent interprété comme un composé kállu
(sémitique qal « parole » ?) qui désignerait anciennement la cloche, le
phonolithe + wan « son » + lé « qui a (fém.) » : celle qui a le son et la cloche.
L’origine du nom serait liée à l’emploi par ces femmes d’une cloche (bdónta,
pl. bâdon) pour vaticiner. Une autre étymologie propose « celle qui a
Kalluwán » ; ce dernier étant l’esprit possesseur dont le nom évoque l’idée de
résonnance (voir dawwân « écho », *ɖā-w wan « son de la pierre » ; cf. aussi
arabe daw « résonner »). La kalluwwallé serait celle en contact avec
Kalluwán, l’Esprit qui résonne. Celui-ci ne visite que les femmes. Le chant qui
accompagne les prédictions de la pythonisse est dit turá, à comparer à túra
« vérité », « parole vraie ». Les hommes font cercle autour de la kalluwallé.
Dans son introductif (abána), elle énumère les lieux où elle est allée et les
arbres qu’elle a visités, et où sont des gínni : ginní madêra « Cordia Gharaf »
(bois qui entre dans la construction de la tente, daboytá) ; ámay « Delonix
elata » ; wagár « Olea africana ». Ensuite, a lieu la phase d’interpellation
(sabó) au cours de laquelle la kalluwallé répond aux questions des assistants
concernant la guerre, la paix, la maladie, etc. Notoriété et rôle. Jusqu’à
aujourd’hui, le nom (ou le seul surnom) de certaines kalluwallé est conservé,
soit qu’elles soient encore vivantes, ou que leur nom soit associé au souvenir
d’événements marquants. On indique ci-après, entre parenthèses, leur tribu ou
région d’origine. L’une et l’autre montrent, comme pour les ginníli, un lien
étroit entre vaticination et belligérance : Andiyá (Bagullíit) ; Ayyūm-baɖá
(var. Ayyūb-baɖá : « la fille d’Ayyūb ») ; Aādí Amná (Baɖittó) ; Bírru
(Maanɖíyta) ; asná « Dābáli », Kusraytí Moyyá, Dil le Asyá (Gibdsó) ;
Asyá Ēgá (ammadi-sárra) ; Sittiyyú, Garadd(í)awká (Dóka) ; Fātumá
« Nfó- asaníh baɖá » (Gambél) ; asná « Walābáli » (Amasá) ; Sûni
Eysa, « Aïcha, des Gallá de Obnó », dite aussi Eysa-Boddáyya, « Aïcha-
sans-lait (sans progéniture) ». A notre connaissance, l’existence de pythonisses
intervenant dans des conflits impliquant prioritairement des hommes n’existe
pas dans les cultures environnantes ; aussi, est-il probable que la chronique de
Amdä ɘyon (1314-1344, trad. Perruchon) fasse référence à une kalluwallé
lorsqu’elle rapporte (texte français : 174 ; guèze : 86-87) :
On avait aussi tué une sorcière qui précédait les Musulmans pour jeter des
maléfices et tirer des présages en consultant la poussière et le sable [v. ramri] ; elle
était de haute taille, sa tête était chauve et les poils de son corps, blancs comme la
neige, étaient longs comme des crins.
De Bírru, on conserve ces vers où elle admoneste la garde du sultan d’Awsa,
Maámmad b. Yayyó, pour n’avoir pas empêché sa capture par les autorités
271
KALLUWALLÉ
éthiopiennes en 1944 :
Laaqoy qululuh rabta sin camitta L’Est qui meurt de faim médit de vous
Dokqay sari xarba le sin camitta L’Ouest en habits crasseux médit de vous
Qidiy sara meekisa sin camitta Les Adoyammára vaticinent sur vous
Kalo galto malim barinneh Nous savons que la Kalo est ingrate
Rubteenim karaarit xagar le misli Celui que vous avez congédié est un
souverain de grand prix
Sin hinna sin abbobti yeynebeh Ce n’est pas seulement vous mais vos pères
qu’il avait élevés
Xul kee naqasul mango Cinnaaleytay O pays d’esclaves dont les hippopotames
[abondants en Awsa] sont la seule richesse !
Comme le ginníli, la kalluwallé n’incite pas à la guerre, elle avertit de ses
conséquences ; ici Andiyá s’adressant à un chef de guerre des Arabtá, des
Mokonní (c. 1920-1922) :
Yaaba yab Baliico-b baxaw taabbee O fils de Balīó, entends-tu le sens de mes
paroles ?
inkinnah ma gaadina tee Mokonniy N’allez pas en guerre, Mokonni !
gaadaay wadir ixxica tee Mokonniy Ou allez-y et revenez vite, Mokonni !
Mokonniy yi yaabih qakuh gaadda O Mokonni, que ma faible voix ne peut
retenir de partir au combat !
Comme le ginníli, la kalluwallé prédit souvent au passé, déroulant le fil des
événements à venir qu’elle « voit » avant qu’ils ne se produisent. Ainsi, dans ce
quatrain, Ayyūm-baɖá « la fille d’Ayyūb » décrit le stratagème par lequel Ðer
Maámmad sera trahi et tué le 8 mars 1926 (v. Baádu) :
Ayro tiggimek, talaatah ayro Tu ignores quel jour, ce sera un mardi
Boodo cullek, baye waa migaqlow Tu te cacheras dans un trou, ô toi dont le
nom ne périra pas !
Boodok bukkek baye waa migaqlow Tu penseras t’en sortir, ô toi dont le nom
ne périra pas !
Agbi koh yemeeteh, gufne makkalin Des femmes viendront te visiter, ne crois
pas qu’il s’agira d’une simple visite
Comme le ginníli, la pythonisse, ici Andiyá, est interpellée par le guerrier
avant le combat :
— Ibqadin faras : Furse yoo beya’yya Mon cheval à balzanes me dit-il :
« Emmène-moi à Fursé [dois-je aller y
combattre] ? »
Furse yoo beya’yya qaruumalaali Mon cheval harnaché me dit-il :
« Emmène-moi à Fursé ? »
Kiilalul yaqadd’awka yoh yaqadda A Kīlálu, il y a une fille qui se fumige
à mon intention
Moyyaalê baxih martoh yoh ribaana On est en train de coudre le pagne du
fils de Moyyālé
Handagal talool addi yoh taloole La génisse qui paît dans le vallon est pour
moi
— Gacta gita kayballayu waa [Andiya] Je vais te montrer le chemin par
où tu passeras
272
KALÓ
KALÓ
Terme topographique qui décrit une région inondable, principalement la région
marécageuse de la zone d’épandage de l’Awash, de Tandaó à Bhá, qui
marque le début du delta formé par les lacs de l’Áwsa proprement dit. Le mot
est aussi attesté à la confluence Awash-Arsó, en pays Gibdsó (v.). Sous la
forme Ðeramó-k Kaló, il correspond à la partie terminale de l’Awash, en Áwsa,
jusqu’à la rive occidentale du Uddummí bad « lac de Uddúmma ». On trouve
également Tewé Kaló et Kutublá-k Kaló, au sud du défluent principal, le
Gurmuddáli (voir carte n° 5). Etym. kaló est à rattacher à kal « qui ôte
(emporte) » (comme le courant de crue) et à kálu, appliqué à diverses vallées
humides en permanence (voir kló « conservation du lait »). Le régime des
transhumances est : en saison froide, sur le fleuve ; en été, vers l’ouest (Awrá,
Magénta). Distribution. Chefferies de la rive gauche de l’Awash : 1. Arábta-k
Asabbákari (de Tandaḥó à Dḥó) ; 2. et 4. Nassâr k Baɖittó (centrés sur
Bayyḥilé, Ḥannakís, Hayyé-f fgé) ; 3. Damblá-k Mdaytó (de Krilé) ; 5.
Asá Damblá (Unɖá Arraddó) ; 6. aɖbisó-s sárra ou « Gli-f fgé mára » ;
273
KARBÚDDA
KARBÚDDA
Région de la Kaló (de l’oued Huyyé au fleuve, à Urdifgé), devenue le nom
d’une tribu Asahyammára, mais d’origine mixte, composée de Mdaytó,
Gáldod, Wdîma, Grár. Il a existé anciennement un groupement de « huit
Karbúdda » (bará Karbúdda), dont la composition fondée sur des accords de
pâturage semble perdue.
KARMÁ
1. Grande saison des pluies (juillet-septembre) divisée en quatre périodes :
kuyyá « premières pluies » (fin du mois de wáysu et début de yangúlta) ; karmá
proprement dit (août-septembre, yangúlta et ditéli) ; knáytu, vers la mi-
septembre ; dat-rób, les dernières pluies. 2. « Karmá d’un jour » signalant des
précipitations exceptionnelles : arbaá-k karmá « karmá du mercredi 12 !ū’ l-
i""a 1339 » (soit le mercredi 17 août 1921. Les pluies ont en fait commencé
le lundi 15 août, jour du Id al-Kabr) ; gumát karmá « karmá du vendredi 7
Ra"ab 1357 » (vendredi 2 septembre 1938. Les pluies ont duré juqu’au 4
septembre 1938). 3. Karmá, synonyme d’année. Leur souvenir est associé à
celui des événements les plus importants, comme les disettes (v. Amána). Les
dates et noms donnés ci-après, qui concernent les Debné du Gbaád et les
régions avoisinantes, proviennent essentiellement des notes du cheikh ásan
(Naw.). On y a adjoint marginalement des indications fournies par les sources
européennes jugées fiables. La recension des faits montre le lien intrinsèque
entre déficit pluviométrique, famine et belligérance. La raréfaction du pâturage,
notamment à la période charnière de mars-avril, quand les pluies de sugúm sont
insuffisantes, entraîne des heurts avec les frontaliers. Un proverbe dit
excellemment : l rabék, bí yakké ; bí yekkék, labhá rabtá « si les vaches
meurent, c’est la guerre ; si c’est la guerre, les hommes meurent. » A rebours
de ce constat factuel, toute une littérature de voyage, prompte à colporter des
histoires de Phéniciens, a fait du prétendu atavisme sanguinaire des Afars son
leitmotiv, sans éviter les commentaires malveillants, voire racistes, résolument
erronés. D’abord, en ne différenciant pas un banditisme dont les Afars n’ont
pas le monopole, notamment sur les confins (v. Amolé. Waydarát) pendant les
périodes où l’administration a été défaillante : de 1899 à 1912, pendant la
guerre civile du Sangerrá (v.) ; en 1935-36, entre le départ en exil du négus et
la prise de contrôle effective du pays par les Italiens ; lors du retrait de ces
derniers (1941) et jusqu’à la reprise en main par l’administration impériale
(1943-45). Ensuite, en ne rendant jamais compte des procédures
d’interposition, parfois de réglements des conflits, suivis de périodes de paix,
comme celles qui ont duré de 1905 à 1910 ; de fin 1916 à 1927, entre Debné et
Somalis Issas.
274
KARMÁ
Eléments de chronologie :
1879 : mai-juin : Les Issas contournent le #ubbat al-$arb et attaquent les
Garrôni, mais ils sont battus à Ðbukkán (v.). Plusieurs meurent noyés. Le
combat dure six jours. Les Debné contre-attaquent à Wa, en juillet, combat
dit de « Gâla le Wa », en raison de la capture de nombreux chameaux. A
la fin de l’été ou à l’automne, à l’époque des dattes mûres, bataille de
dôla, entre Issas et Debné, où meurt Abbâs « Gurrané », frère de Witi
úmmad (arká-m mlá Looyttí). Les Debné sont battus.
1885 (27 nov.) : Borelli signale une grande réunion à Ambdó entre Issas,
Debné et Mdaytó.
1886 (21 mars) : Borelli apprend que les Afars ont été attaqués par une
expédition dirigée par Moammed Kanke, un Oromo de Dawwé (v.) au
service de l’empereur Yohannǝs, et le däazma Mäšäša Säyfu, cousin et
général de Ménélik. Les vainqueurs marchent sur l’Áwsa, préfigurant la
victoire décisive dix ans plus tard à Arraddó (v.). Comme en 1879, mais
venant de Tadjoura une expédition attaque les Issas à Wa. Des Songó-g
Godá attaquent, eux, à Daddaálu.
1898-99 (h. 1316) : Grande disette, dite Karús « pris à la gorge », qui a
commencée en juin 1897. En octobre 1898, combat de Byya Aday, oued
aux abords de Zeyla. Une razzia afare attaque une caravane d’armes et
d’étoffes précieuses destinées à Ménélik. L’incident est signalé à Paris
(lettre du gouverneur, datée d’Obock, du 2 novembre 1898). La plupart des
armes sont rendues par le futur sultan debné, ámad-Ladé. Les Issas
razzient les Gallá à Biída et prennent de nombreux troupeaux. Une
expédition de représailles est levée par les Debné. Y participe le ginníli
Maámmad b. elém, dit « Aytinabó ». Le guerrier Debné, Ali-Dró, est
tué dans un des deux engagements suivants en pays issa (notés dans les
Naw.) : soit à Bolé, sur l’oued Durdúr en amont de Saba-Wanāg, soit près
de Ayšaa. Les Issas ont une cinquantaine de tués. En représailles, les Issas
font une incursion à Skaytó et tuent 10 Debné.
1904-05 (h. 1322) : aɖamlé « arbre élagué » (on dut couper le feuillage
pour nourrir les troupeaux). Mai-juin 1904 : une razzia issa atteint Álol où
les vaches ont été rassemblées en nombre en raison de la sécheresse. Après
le combat auquel participait asan-Dîmu, Debné Arbhintó (v.), cousin du
sultan, les vaches capturées sont emmenées vers Asál. Elles meurent pour
une bonne part en chemin. Incidents à Galalé, Ado Búyyi (près de Holhol).
Mort de Ali « Boré » b. Arrâmis (Balawtá). Fin juin : combat de Ladó.
Les Issas dirigés par Fra d « Fra le Velu » attaquent les Debné au
nord du lac Abé. A iglow, une contre-offensive est menée par le sultan
du Gbaád, « Kaɖɖá » Looytá, et des Asahyammára. Elle sera appelée
abiyyé « ramassage », en raison de l’ampleur du butin rapporté. « Kaɖɖá »
Looytá parcourt deux mois le pays issa et descend vers Djibouti. Le
gouverneur lui inflige une amende. Une trève s’installe qui dure jusqu’en
1910.
1908-09 : Bota karmá « le karmá sec » : l’Awash, à sec deux mois auparavant,
cause la mort de nombreux hippopotames dans les lacs d’Áwsa. Puis, le
karmá se transforme en inondation.
275
KARMÁ
1910 (7 mars) : au nombre de 3800 env., des Afars sont aux abords de Djibouti,
au kilomètre 19. Ibrâhim « Balâla » (v.), frère de asan-Dîmu, s’interpose.
Des Debné et des Adorásu (les asbá ayant refusé) sont rassemblés à
Tadjoura et se mettent en route vers le pays issa, le 28 avril 1910 (17 Rab
1328). Une partie des combattants gagne Djibouti où ils sont désarmés. Un
télégramme du gouverneur Pascal du 7 mai 1910 fait état de l’événement.
Le reste de la troupe avance jusqu’à Ayšaa. Une trève est conclue, fin mai
(umd I). Fin 1910, attaque d’une caravane à Gdáni par les Issas.
1912-13 : « Ugúbli » karmá, appelée à son début « Unɖá » Ugúbli et ensuite
« Kaɖɖá » Ugúbli, ayant commencé à l’été 1912 et duré jusqu’en 1913
(ugúb désigne une grosse mouche fréquente sur les charognes).
1915 (27 mars) : combats Afars-Issas à Dikhil. Un épisode que la chronique
(Naw.) situe en février-mars 1915 et appelle Uɖalí dabbó « le repli sur Uɖ
Alé » signale la retraite des Debné dans les Gamarri pour échapper à des
représailles des Issas. Le 5 juillet : attaque des Debné sur Ramódli, dans le
Gbaád, où des Issas ont regroupé des troupeaux. Une attaque issa a lieu à
Gdáni contre une caravane Asahyammára. Nov.-déc. 1915 : combat de
Skaytó à l’initiative des gens de Tadjoura, alors que les Debné et les Issas
avaient trouvé un accord de voisinage. L’incident est signalé par le
gouverneur. Les Debné se retranchent dans les Gamárri.
1916 (janv.-fév.) : les Issas font des représailles au Siyyâru. Mort de úmmad
b. Kabbó. Médiation de ásan-Dîmu. Les archives de la colonie signalent
des incidents en pays issa vers Harrwe (7 février et 8 mars). A Arrá et
Adó Búyyi, une expédition rafle des moutons (raid dit Illí Maáɖu « raid
des moutons »). Mai ou juin 1916 : disette chez les Issas qui sont accueillis
par les Debné. Engagement de Uɖukyá entre des Debné et un raid Issa
dirigé par Fra d, en route vers Ladó contre des Aɖkaltó. Le 25 juin,
les Debné font un raid sur l’oued Ðanân où ils trouvent les troupeaux de
moutons sans leurs gardiens qui ont fui (Naw.). Le lendemain, 26 juin, les
Debné attaquent à Holhól et ont sept tués dont le chef de razzia, « an-
iné » ásan, un ginníli Ankáli, à l’origine de l’attaque de Skaytó. Les
Issas ont, eux aussi, 7 morts, dont Awāle Gadbūr, chef de Ali-Sābi, le fils
de Gamba-Add et Ali-Bū (Naw.). Juillet : raid de Tadjoura sur Holhól.
Août : combats à Dawwanlé et Bâɖa (v.) dirigés par le sultan « Unɖá »
Looytá b. úmmad. Combat à Galêmu (actuellement Gelêmi entre les deux
plaines de Bâɖa, v.), puis paix en août-septembre. Au cours de cette même
année 1916, a lieu un raid issa sur +lí-Daár où le chef des Skallá,
úmmad b. Kabbó est tué.
1917-18 : grande disette étta Yúri « on se cachait pour mâcher (manger) » ;
également Bod-yé « on a cassé les os (pour en manger la moelle) ».
1919 : la disette se prolonge et prend le nom de Angaytu Yúri « cache
chique » (on chiquait pour tromper sa faim). Les pluies de sugúm (mars-
avril) sont générales. L’année est appelée Gumá-s sugúm. Une importante
épidémie (choléra ?) affecte l’Awsa en octobre et novembre 1919.
1921 (23 juin) : attaque des Waydarát (v.) sur l’Áwsa.
1927 : karmá absent. Disette appelée nalé « tourbillons de poussière ». Elle
se poursuit en 1928. Les ‘Asahyammára attaquent les Issas à Siid Gban ;
276
KARMÁ
277
KEDÓ
KEDÓ
Afar du nord kidó, saho du nord kišó (le nom bedja apparenté kíšia désigne les
esclaves, v. Naōsínna). Groupe patrilinéaire (clan ou tribu) établi sur le
territoire d’une chefferie (bɖó). On préfère ne pas utiliser « clan » au sens de
lignage, soit la fraction ou la sous-fraction d’un clan ou tribu, ce que fait
Mohamed Aden (2006 : 222) en parlant du clan « Moussah-Oumarto ». Les
Mūsá-Umartó sont une fraction de la tribu Ayrolassó. Le chef de tribu
(kedó-h abbá) gère et tranche les affaires internes. La forte hiérarchie entre
tribu, chefferie et commandement général bɖó, v.) est marquée tradition-
nellement par une spécialisation des responsabilités et des rôles. Le ou les
lignages où sont choisis les chefs de tribu ne sont pas ceux qui dirigent les
sociétés d’entraide (fimá-t abbá). Cette spécialisation (v. Introduction)
implique plusieurs fractions. Chez les Debné arká-m mlá (v.) du Gbaád,
les Arbhintó assurent le commandement de la chefferie (abbînu) ; les
Loyttí, la conduite de la guerre (miránna) ; les Illlitté, le maintien de
l’ordre parmi les guerriers. Les Adantó font la prière avant le départ. Cette
spécialisation peut être globale. Les Ayrolassó sont les juristes des Debné. Les
Harálla (v.) se sont divisés en un groupe maraboutique et un autre assumant le
rôle politique. V. Kabirtó. Onomastique. Les noms des tribus, très diversifiés,
sont une source d’information indirecte sur leur formation. Des régularités
peuvent être observées ; d’une part, en séparant ce qui historiquement
ressemble à des noms et des surnoms ; d’autre part, en considérant leur
étymologie. Les noms présentent les traits communs suivants :
— noms simples : Ulél « descendants d’Úlel » (avec accent final) ; radical + to
: Burantó « descendants de Burán » ; + ta : Balawtá « rattachés à
Balaw » ; liés à un lieu : Triytá « de Têru » ; + tté (pluriel) : Dnitté
« descendants de Dîni » ; + ()ni : Aydamní « descendants d’Áydam » ;
— noms composés figés : Maá-s sárra « la suite (sárra) de Máad » ; appositif
: Absá-mára « les gens cousins ». Le nom mára prend un sens seulement
politique dans Asahyammára, comme mlá qui souligne l’hétérogénéité
constitutive des arká-m mlá. Le nom buɖá « foyer, maison » insiste sur
l’apparentement interne de ses membres : Bollí buɖá « la maison de l’oued
Bólli ». La périphrase -k radé mára désigne les descendants au sens large :
« Kaɖɖá » šek Áli-k radé mára « ceux qui viennent après šek Áli le
Grand » (v. Mdaytó-k Maanɖíyta).
Les surnoms sont également simples, dérivés ou complexes. Simples : formés à
partir d’un nom de lieu : Wíma « ceux du Wimá » (gentilé avec changement
d’accent). Dérivés : + t > (s) + o : Gibdsó « ceux de Gibdó » ;
― en référence à un événement : + tté : Fadīitté (v.) ;
― à une particularité physique : + lé : aysamlé « descendants de celui aux
cheveux longs et lisses (aysamá) » ;
― à un trait socio-culturel : Gombár (v.) « mangeurs de pousses de palmier
(gombár) » ; + máli « sans » : Askakmáli, parfois réduit à Asmáli, ce qui
induit une étymologie « sans séjour au pâturage (v. as) : sans pâturage en
propre » ;
― lié à la hiérarchie lignagière : + (iy)ta : Maanɖíyta « cadets ».
278
KOBORTÓ
KÎ!U"K ḤENKÉBBA
Fort groupement Asahyammára descendant de deux frères, Kîu « aux oreilles
entaillées » et enkébba « au torse atrophié ». L’origine de ces noms qui
ressemblent à des surnoms est sans explication. Légende. enkébba était l’aîné
et le préféré de sa mère ; Kîu était le plus brave et le préféré de son père. Le
père envoya enkébba abreuver les vaches. Il ne put y parvenir, et elles
revinrent en ayant encore soif. On envoya Kîu, le lendemain. Il égorgea un
boeuf et le mangea. De la peau du boeuf, il fit un récipient où les vaches
burent. Le père en mourut de rire, dit-on. Distribution. Les Kîu et les
enkébba occupent le bassin de l’oued Gêga, au nord de Millé et atteindraient
vers le nord-est la plaine de Saá. 1. Groupe d’Ába, au nord d’Immnó, dit
« Ayyammíi » (ce surnom n’est utilisé que par leurs parents à plaisanterie et
leurs cousins interdits de mariage, nangálta) ; 2. Groupe de Gêga (Ggí buɖá),
région du haut Lógya, sous dépendance de l’Áwsa ; 3. Groupe de Saá
(dépendant de Gêga). Les Kîu-k enkébba dépendent du sultan d’Áwsa et
entrent dans le processus fédératif appelé Bará Kadá (v.) que traduit la
généalogie qui les rattache à la descendance de Môday, ancêtre des Mdaytó.
Môday
Kîu enkébba
S : HHL (Naw.).
KOBORTÓ
Tribu ‘Adohyammára accolée aux Wagáb à Dawwé (v.) et formant les Wagâb-
ak Kobortó. Distribution. 1. Bíɖu ; vers Gaarré, avec les adarmó ; 2. Chez
les Arábta-k Asabbákari (à Dídólli, avec les Warrá) ; 3. Chez les Allôma
(v.) ; 4. Chez les Bdoytá-m mlá de Dawwé.
279
KŌNÁ ‘ĒLIH BUÐÁ
280
L
LAD UMN
Dans une autre lecture (EA, III : 471) Lada Umn. Gouverneur de l’Adal (v.),
en 1471. Son nom conservé dans la translittération arabe pourrait correspondre
à la métathèse de l’afar ladé « celui au visage ridé, fané (laad) ». Cette
hypothèse d’une influence afare croissante (marquée par l’afarisation des noms
personnels) est renforcée par l’analyse de cette période de l’histoire de l’Adal.
En 1415, après la mort du sultan arabe Walasma, Saad ad-Dn, dans l’île de
Zeyla où il est poursuivi et défait par le négus Yəsaq, ses fils se réfugient au
Yémen. Revenus d’exil en 1416, après avoir débarqué à Siyrá, sur la côte du
Somaliland actuel, ils s’installent, à partir de 1435, près de Harar, à Dakkar,
avec le titre de « sultan d’Adal ». La peste de 1434-1436, dont est peut-être
mort le négus Amdä Yäsus, et qui « vide l’Abyssinie de ses habitants »
(Maqrz, K. al-Ilmm : 37), montre un déplacement du centre de gravité de
l’Adal laissant supposer un renouvellement démographique. La rive gauche de
l’Awash et l’Ifat, définitivement perdus, les Walasma s’installent à distance
des incursions éthiopiennes dans une zone où ils disposent de forces nouvelles.
On peut penser que l’axe Harar-Zeyla a impliqué des éléments côtiers (dont des
Afars) de la région de Zeyla et de la ville de Tadjoura (v. Ibrhm Ab
Zaarbi). Des Somalis ont pu s’y joindre, quoique leur nom n’apparaisse pas
encore et que leur présence à Zeyla ne soit signalée qu’en 1585 lors du pillage
de la ville (Cerulli, 1931). Alvares (in Beckingham & Huntingford : 452)
précise la carte politique au début du XVIe siècle. Il distingue les « Maures
chrétiens » (les Sahos) ; les Dankáli (v.), avec le port de Baylûl (v.) comme
capitale ; le royaume d’Adal, qui comprend « Zeyla et Barbora (Berbera) ; à
l’intérieur, les Dobaa (Dbaá, v.) et leurs vingt-quatre grandes chefferies. » La
chronique de Bä’ədä Maryam indique que Lad Umn les soutint dans leur
rébellion contre le roi d’Ethiopie. Cette indication et le fait qu’une partie des
Dbaá se réfugieront ensuite en Áwsa confirment que ceux-ci étaient des Afars
implantés anciennement sur les contreforts éthiopiens, à la limite du Tigré et du
Wällo. L’implication de ces Afars est allée de pair avec l’entrée en lice des
Balaw (v.), dont l’émir Maf, le gouverneur de Zeyla, père de Dlé-wn-
baɖá (v.), première épouse du chef Balaw Amed « Grañ » (v.). Ce dernier, à
partir de 1529, prendra la tête d’un parti de la guerre, de tendance théocratique,
rival et successeur de la dynastie Walasma, affaiblie et encline au compromis.
S : Cerulli (1931) qui reprend les sources arabes ; Beckingham & Huntingford (1954 : 452) ;
Perruchon (1893 : 132, 143 et suiv., 150) ; Trimingham (1965 : 74-76).
LÁDU
« Aiguade blanche » (comprendre : peu profonde), toponyme afar au sud-est de
Djibouti, maintenant en pays issa sur la frontière entre la République de
Djibouti et le Somaliland. Admin. Loyada. Sur la forme afare, consignée dans
la cartographie ancienne de Djibouti (cf. « Plan du Petit Lehadu ou Lawada »,
vers 1890), a été créé le calembour somali Lyya ádd « aux mollets blancs »
(Lawya caddo sur les cartes en somali normatif). Angoulvant et Vigneras
LIPPMANN
donnent Hadou (ou Lawada). Il existe d’autres Ládu, par exemple à l’est du
lac Abé. Var. Ladó. Le même « Plan du Petit Lehadu ou Lawada » indique
« Sareita, eau douce » qui est à rapprocher de Sroyta, sur la côte érythréenne,
de Sroyta, partie terminale de l’oued de Zeyla ; tous noms dérivés de sâru,
plante grimpante (cucurbitacée, asclépiadée, euphorbiacée), dont Coccinia
grandis).
S : HL (in D.M., 1997 : 16). Dépôt général de la Marine, catalogue des cartes, Mer Rouge,
portefeuille 211. CPAOM, AP, 141, annexe à la dépêche du 7/11/1890. L : Angoulvant et
Vigneras (1902 : 37).
LIPPMANN
Alphonse, Paul, Edmond Lippmann (né à Nouméa, le 3 juillet 1899, décédé à
une date incertaine (dans les années 1960 ?) et dans un lieu non déterminé).
Connu parmi les Issas sous le surnom en forme de calembour d’ina Lbn « le
fils Lippmann » (en somali lbn signifiant « victoire », « prospérité »), il est
commis stagiaire du cadre local des douanes de Djibouti en juillet 1921.
Alphonse Lippmann est le fils du secrétaire général de la colonie, Edmond
Lippmann, qui sera deux fois gouverneur par intérim de la colonie (du 29 juin
au 29 novembre 1920 et du 25 mai 1922 au 8 janvier 1923). C’est sans doute
grâce son père qu’il est venu à Djibouti et qu’il a gravi les échelons de
l’administration locale, malgré diverses péripéties qui entraînent sa
rétrogradation en avril 1926, officiellement pour malversation aux
hypothèques. La rumeur veut qu’il ait été le fils naturel de Jules Lauret
(gouverneur par intérim en 1918-1920 ; de mai 1920 à mai 1922 et du 8 janvier
1923 au 22 février 1924). Berhanou Abebe s’en fait l’écho (Annales
d’Ethiopie, 2001 : 325) en écrivant qu’Alphonse Lippmann était un
pseudonyme. L’état-civil de Nouméa prouve que c’était bien son patronyme.
Alphonse Lippmann devient chef du poste de Dikhil (11 janvier 1929). Il
semble être arrivé à Dikhil vers avril-mai 1928, comme l’indique une lettre en
date du 8 août adressée au gouverneur de la C.F.S. dans laquelle il fait rapport
de la situation politique locale (source Coullet). A la tête du poste administratif,
il établit des contacts avec le sultan d’Áwsa. Relevé de ses fonctions le 19
septembre 1930 en raison de sa mauvaise gestion, il est affecté à Djibouti, qu’il
ne rejoint pas, partant pour Dire Dawa (sa première immatriculation au
consulat français date du 8 juin 1931) où il sera employé par Henry de
Monfreid. Révoqué le 29 avril 1931, il quitte la région après la Seconde Guerre
mondiale (vers 1948 ?). Sa trace se perd ensuite jusqu’à sa mort à une date, on
l’a dit, incertaine (elle ne figure pas sur le registre de l’état-civil de Nouméa).
Lippmann est l’auteur d’une mauvaise fable, Guerriers et sorciers en Somalie
(1953) qui relate son action pour la défense de la colonie. Marie-Christine
Aubry (1988) relève certains de ses mensonges mais se montre bien indulgente
pour celui qui aurait « approché d’assez près les populations pour les décrire
avec précision » (op. cit. : 50). Une seule citation suffit à donner le ton du livre.
A propos des « Danakils », Lippmann écrit (1953 : 25) « Le seul métier qui
leur plaît est celui de boucher. Egorger, humer le sang, voilà toute leur raison
de vivre. » C. Chaillet, dirigé par C. Dubois, qualifie de « fondamental » ce
témoignage au « lyrisme parfois exagéré » (p. 94), sans souligner qu’il s’agit
282
LUCAS
LOOYTÁ ARBÂHIM
Sultan Debné Arbhintó (v.) du Gbaád (c. 1800, mort à Tadjoura en 1866 ou
1867). Il est le guide de Rochet, lors de son premier voyage (1839-40), qu’il
rencontrera à nouveau pendant son second voyage (1842-43). Du haut de
Sankál, il montre à Johnston (1842) l’endroit où se rassemblent les guerriers
Debné. Looytá b. Arbâhim a dirigé la tentative de prise de contrôle de l’Áwsa
contre les Mdaytó. Johnston y fait écho, signalant que quelques années avant
son passage il avait conduit les forces « Dankalli » contre les « Assahemerah
Muditu » (Asahyammára Mdaytó). Le contingent comprenait des Somalis
Issas, « dont une grande partie reconnaissent Looytá comme chef, et portent
sur leur poitrine la marque des Debné », des Wíma, des aysamlé, des gens
de Tadjoura et Ambabbó. Les Mdaytó furent mis en déroute (la date n’est pas
répertoriée, v. Áwsa). Les sources internes indiquent que, après la bataille de
Gáfu contre les asbá, les Mdaytó écrasèrent les Debné à Murúd et Skaytó,
en 1852. Looytá se réfugia à Gabtimá. aytankôma, au seuil de l’Áwsa, sera
cité par Soleillet comme propriété et résidence du fils de Looytá, úmmad,
lors de ses visites au sultan d’Áwsa.
S : HHL (Naw.) ; HL (in D.M., 1991 : 17).
Loyada v. Ládu
LUBÁKKUBÓ
Tribu de la région du Kaɖɖá Dôbi, accolée aux Mdaytó d’Áwsa, dont ils sont
abûsa (v.), formant la chefferie Lubák-Kubó-k Mdaytó. Légende. Le nom
serait dérivé de lubák kibó « repaire de lion » (non « crinière du lion », lubak
alál, Ahmed Malko, 2003 : 34), désignant un des fils d’Amáysi (v.), captif
de Aɖaytá (v.). Un autre récit indique que la veuve d’Amáysi fut épousée par
un Darumá (v.). Leur fils fut l’ancêtre des Lubák-Kubó. Aux Mdaytó, sont
rattachées les fractions Aydisbaɖitté (des « Unɖá » Alíh-sárra, chefs de
l’ensemble), Utbantó ; et le groupe aysamlé dit Sidá Buɖá « trois
maisons » : amád-sárra, Dbí-sárra, bakartó. Les Lubák-Kubó comprennent
des Darumá (voir ci-dessous) et des Ulutó avec lesquels ils se marient
préférentiellement. L’ensemble Aydisbaɖitté, Sidá Buɖá, Darumá,
Lubák-Kubó, Ulutó, est appelé Kná Áwdi, « les cinq enclos ». Le poète
anfaɖé b. Tolá (v.) était des Darumá, des Lubák-Kubó d’Áwsa. Itró des
Lubák-Kubó : « Aysí ! » ou « Grá faɖá ! ».
LUCAS
Maurice Lucas, chef du poste de Tadjoura (10 août 1931). Après un bref
passage de Bernard (v.), il est renommé le 8 novembre 1932 et remplacé par le
lieutenant Rodolphe (28 juin 1933). Il est de retour à Tadjoura (juin 1935), et
283
LUCAS
1. Au vu de son nom à lire Abbäbä Mäkwɘriya, , on peut supposer que cet interprète
parlait aussi l’amharique.
284
M
MAALALTÁ
« Sans rival » (de alal « concourir »). Massif montagneux (lat. 13°10’ ; long.
40° 05’), alt. 5 955 pieds, au sud de l’Erébti, et bordant au nord la plaine de
Têru, rebaptisé par le volcanologue Haroun Tazieff, « massif Pierre-Pruvost »,
du nom d’un de ses amis récemment disparu, malgré la recommandation de
Chedeville, auteur de la toponymie de la carte, de ne faire figurer que les noms
vernaculaires.
S : Carte géologique de la Dépression des Danakils (Afar septentrional — Ethiopie), 1 : 500 000,
CNRS-CNR (1973) ; Tazieff (1975 : 63).
MAANÐÍYTA
Groupe en partie d’origine maraboutique, appelé Ská (v.) dans le nord. Les
Maanɖíyta sont comptés comme Debné quand ils participent à la guerre.
Légendes. Une première tradition les rattache à un cheikh « Dlái » venu de
Zeyla (v. Maliná Miimbará) qui se serait installé à Bíɖu, et dont les
descendants se seraient ensuite disséminés. Dans une seconde version, cet
ancêtre est considéré comme originaire de Bíɖu. Appelé ámmadu, il aurait
donné naissance aux Maanɖíyta du Mablá et de Immnó (lesquels sont connus
comme Sek-Ḥámmaduk radé mára « les descendants de Sek-Ḥámmadu »). Une
troisième tradition retient comme ancêtre Gurú, avec deux fils Bórri et Ali (v.
Ibrhím « Wrufi »). Les Naw. indiquent comme ancêtre Maḥámmad « Faqh »
izi, venu à Zolá (Zula) en pays saho, et qui donna naissance à sept enfants,
dont descendent les Maanɖíyta, qui se dispersèrent ensuite. Le premier alla
vers Bíɖu, puis vers Immnó ; le second vers le lac Giulietti. Une quatrième
tradition fait des Maanɖíyta les descendants de trois hommes appelés
ámmadu. L’homonymie indique qu’ils sont nés de trois mères différentes
(pour un cas identique, v. Yâsin b. Maammdá). En fonction des alliances
nouées, ceux-ci ont été différenciés en trois groupes : 1. Takíl abûsa (v.)
ámmadu « ámmadu, cousin des Tákil », désignant les Maanɖíyta de
Immínó ; 2. Argén abûsa ámmadu « ámmadu, cousin des Argén », pour les
Maanɖíyta de Bíɖu ; 3. Adalí abûsa ámmadu, « ámmadu, cousin des
Adáli », pour les Maanɖíyta, descendants d’une femme Adáli Datá Gúra de
Raaytó. Ces derniers se subdivisent en deux fractions issues, l’une de Aâdi :
les ámadLoggá, Ysibtó ; l’autre de Agôra : les Agritté. Etymologie. Le
nom Maanɖíyta (maánɖa « cadet ») est expliqué par une généalogie qui fait
des Maanɖíyta les seconds des Dhí-m mlá (v.) avec lesquels ils sont parents
à plaisanterie (afbêḥá). Les Maanɖíyta sont présents partout, souvent accolés à
une tribu dominante. En Rép. de Djibouti, les Maanɖíyta forment une chefferie
dans la région Dadár-Mablá, avec des non-Maanɖíyta, groupe dit « Alé-b
buɖá » (Damblá, Ulutó, Ská, etc.). Ils étaient estimés à une quarantaine
d’hommes adultes dans les années 1970. Datén (plaine du haut Dôbi, au
confluent de l’oued Anɖísu venant de ayyú, et de l’oued Ayrolé-Grá venant
d’Abána) est l’objet d’un litige avec les Lubak-Kubó des Mdaytó. En
Ethiopie, ils forment une chefferie Mdaytó-k Maanɖíyta (v.), dont était
originaire le vizir Yayyó b. ámmadu (v.).
MA‘ANTÓ
MA‘ANTÓ
Tribu supposée ancienne, contemporaine de la période Dankáli-Ankla.
Réputée détentrice de pouvoirs magiques, avec les Waytá (v.) et les
Askakmáli (v.). La fraction aînée Maróli Bsiyó porte le nom d’une femme.
MAÁRRA
Agglomération ancienne (cf. Chronique de l’Awsa, p. 395, parag. 3), au sud du
lac de Uddúmma, et dont les deux cimetières UnɖáMaárra et KaɖɖáMaárra
(v. Kabirtó) conservent la trace. Maarrá (avec accent final) est le nom de la
fraction des chefs Bayɖīó (v.). Maárra est à distinguer de Mallá, toponyme
au nord de la plaine du Dramok Kaló, près de la petite éminence d’Uɖkilá.
MAÁ-S SÁRRA
Les Maá-s sárra (*Maád sárra, « la descendance de Máad ») sont des
Mdaytó, descendants de Môday par Máad, frère aîné d’Afkié b. « Gabaɖêri »
Áli. Les Maa-s sárra ont supplanté les Ulutó, puis ont été eux-mêmes dominés
par les Mdaytó. Fractionnement. Les nombreuses fractions rattachées sont
prises en compte selon deux critères : généalogique (le tableau ci-dessous) ;
géographique (voir la distribution indiquée ci-après).
« Gabaɖêri » Áli
Máad Afkié
annakís úmmad
úmmad Abbakári
annakís-sárra Abbakarí-sárra
286
MAD‘Á
MABLUD
De l’arabe mawlid. Le mablúd est d’abord un poème à la louange du Prophète
de l’islam, une lecture pieuse, en principe au sujet de sa naissance, par
extension une réunion à cette fin et toute prière commémorative. Une des
caractéristiques de ces prières de style oral est le mélange de segments en arabe
et en afar. Le nom mablúd désigne aussi quatre mois du calendrier hégirien des
Afars (n° 3 à 6, voir Alsi-lwó), appelés mabâlid, correspondant à Rab I et II
et 5umd I et II. V. Siyrá.
S : HL (in D.M., 1997 : 121-125).
MAD‘Á
Pl. mad. Prix fixé, taux, tarif de vente ou de toute autre transaction. Tarif de
compensation pour les crimes et délits (voir ci-après). Montant d’une peine. Par
extension, loi, code. La madá est l’ensemble des règles orales ayant pour but la
sanction des infractions. A ce titre, la madá relève autant de la coutume non
écrite (dá) que du code stipulé (ággi). La afár dá (ou afár ɖintó) désigne
« la coutume afare », « le mode de vie », avec cette préoccupation du maintien
de la tranquillité publique (ɖintó qui désigne la chefferie est dérivé du verbe ɖin
« dormir »). L’emprunt arabe ággi (ákki à Baádu, ar. aqq) connote, lui,
l’idée de justice (ággi-t yab « dire la vérité »). L'écart possible entre la
coutume et le droit est exprimé par cet adage : Wíma madá le, Debné ɖintó le
« aux Wíma, le droit ; aux Debné, la chefferie », qui souligne, à l’intérieur de
la même coalition des Debné-k Wíma, un respect à la lettre de la
jurisprudence chez les premiers, un plus grand pragmatisme chez les seconds
qui en formaient l’avant-garde lors des guerres de conquête de l’Awash (v.
Áwsa). La madá fixe des tarifs. Celui reconnu madá le est habilité à juger.
L'exécution de la sanction est garantie par la fimá (v.). En tant que droit pénal,
la madá est une institution originale à l'élaboration de laquelle le nom de
plusieurs codificateurs est attaché (v. Ab4 Šawrib, Afkáɖɖa b. ásan,
Maámmad b. Ali-Gára, pour les Afars du sud). Dans le nord, la madá
principale est dite Burilí madá « code de Buríli » (du nom du lignage des
sultans de Bíɖu). Déclarée conforme à la loi coranique, la madá reste
conceptuellement et pratiquement liée à un mode de vie (pastoral) partout
menacé. DROIT TRADITIONNEL. La madá a normalement une base régionale,
qui peut inclure un ou plusieurs commandements territoriaux (bɖó), avec des
variantes locales, comme celle dite « des enfants de Budditó ». Quelle que soit
sa version (on évoque ci-après spécifiquement celle du nord (dite « de
Buríli »), la madá s’appuie sur les mêmes principes et les mêmes moyens. Les
crimes et délits n’ont que trois agents corporels : la main (gabá), la langue
(arrabá) et les parties génitales (sambó). La décision judiciaire suit les huit
étapes suivantes : 1. Définition de la nature du délit (bâtil ɖála) : entre-t-il ou
non dans le champ de la loi ? 2. Catégorisation (bâtil aynát) : la madá
reconnaît cinq types de délits et crimes : le meurtre (idím), la blessure (aymá),
287
MAD‘Á
288
MAD‘Á
289
MAD‘Á
arbitrage, le vol de l’absuma peut être considéré comme une affaire de sang.
L’homme lésé a droit de vengeance (art. 178).
— ○ —
290
MAFÂ
MĀDÎMA
Parfois Wdîma. Tribu antérieure à la venue de aɖal-Mâis (v.) qui occupait
la plaine d’Obock sous l’autorité des Ablé. Une petite fraction est demeurée
avec les asbá (chefferie Kná 8líh Buɖá, v.). Tous les Mdîma remontent à
un certain Bâtil b. ámmadu avec le même itró « Bâtil ! ». Les Mdîma de
Madgúl (chefferie Ulutó-k Mdîma) descendraient de ses cinq fils : Skalé
(fraction Skallá), Asád (Asdá), Yâsin, Intaássa, Mômin (Mmín sárra). Le
reste est passé sous commandement Asahyammára en Ethiopie. Les Mdîma
de Baádu sont adjoints des Ská de Dawwé (v.) fournissant les chefs de Baádu
(v.). Au Kaló, des Asá Wdîma sont présents à Agbí Foɖó, près de Glí Fgé.
MAFÂ
Compl. n. Mafáy : Mafáy abbá « le chef des Mafâ ». De la descendance de
Aɖaytá (v.). Tribu du Songó-g Godá (fraction aînée Ilokkotó) commandant
aux Darumá, Gittirsó, Faditté. Les Mafâ sont en Ethiopie dans la région de
Fantalé (groupe Iɖiglé-k Ayrolassó) ; avec les Debné de Mullú où ils sont les
plus méridionaux des Afars. Les Mafâ sont ainsi présents dans différentes
chefferies : les Maāfóyta (voir ci-après) parmi les Data Ablé et dans le Songó-
g Godá ; les asantó et les Waytammālé parmi les Debné et ceux du Adorásu.
Itró : « Gedân ! » (v. Aɖkaltó). Légendaire. Cette dispersion signale aussi
l’hétérogénéité constitutive des Mafâ, qu’illustre le récit de fondation des
« Maāfóyta » (également appelés Adawurtó « ceux du taureau blanc »). Ceux-
ci étaient encore dans la région de eméd quand un taureau blanc et une vache
appelée Skaytó s’échappèrent de l’enclos. On les poursuivit et l’on retrouva la
vache au lieu-dit aujourd’hui Skaytó ; et le taureau, à Kusráli. Les deux bêtes
furent présentées au sultan de Tadjoura qui trouva une belle voix au taureau.
Désormais surnommé Maāfó (*mee af-lu), le sultan conserva la bête et donna
en échange à son propriétaire Mafâ « Maāfóyta », les terres que l’animal avait
parcourues. Les Mafâ, alors au nombre de quarante, devinrent ainsi maîtres de
la région de Biɖá-g gúba, Edád, Ayyánu, Bulbuló, Skaytó et le haut du Godá.
Par la suite, Mafâ et Gittīrissó (v.) se battirent. Un Maāfóyta fut tué. Pour se
venger (ané), les Mafâ tuèrent un vieillard, un jeune garçon et un chameau des
Gittīrissó. Ceux-ci ne comptaient alors que trois adultes : Ayyúb « Beytó », Ali
b. asná et Ránu b. Adan « Smālí ». Les Maāfóyta tuèrent et mangèrent le
chameau au lieu-dit Īsó-g gablá. Ayyúb « Beytó » partit venger les trois morts
et, de nuit, blessa à la lance un guerrier Maāfóyta, nommé Umbúd ; puis il prit
la fuite. Umbúd courut à ses trousses, mais tomba en haut de la côte de Muɖúy
et mourut. On bâtit son tombeau (Umbud waydál), encore visible dans les
années 1980, là où il était tombé. Les gens du Godá se demandèrent s’ils
devaient prendre le parti des 40 Maāfóyta ou des 3 Gittīrissó. Ils choisirent de
venger ces derniers et tuèrent les Maāfóyta, sauf deux d’entre eux : l’un est
réputé le père des Mafâ vivant parmi les Wíma (dits « Magālé-m Mafâ ») ;
l’autre, des Maāfóyta qui naquirent après dans le Songó-g Godá. Ceux-ci firent
la paix avec les Gittīrissó et offrirent aux Umartó leurs terres en location (isó),
de Biɖá-g gúba à Iddéyta. Régime foncier. Ces péripéties historico-
légendaires expliquent la complexité du régime foncier où l’usage du pâturage
obéit à des raisons autant climatiques que de bon voisinage ; les uns comme les
291
MAFGADÁ
MAFGADÁ
Pl. mafgaddí. Les mansions lunaires (arabe manzil, sg. manzil). Les Arabes,
on le sait, connaissent traditionnellement sur l’Ecliptique une série de vingt-
huit étoiles ou groupes d’étoiles, qui jalonnent, avec des écarts variables, le
trajet apparent de la Lune. Ce sont les mansions ou stations lunaires. L’afar
mafgadá « gîte d’étape », « lieu où l’on délie les chameaux » (verbe ifgid)
reproduit l’arabe manzil. Chacune de ces mansions représente, en moyenne,
12° 6 / 7 de l’Ecliptique (mintaká, arabe minaqa). Chaque signe du Zodiaque
couvre approximativement, en surface, deux mansions un tiers. Ce sont les
groupes d’étoiles situés dans ces vingt-huit mansions que les Afars appellent
collectivement útuk (sg. utuktá, pl. utká), avant que ce mot ne désigne
l’ensemble des étoiles qui, au moins traditionnellement, n’ont pas d’importance
au plan astrologique. Les vingt-huit mafgadá sont divisées en deux groupes,
celui comprenant les mansions « blanches » (adó utká), en majorité au nord
de l’Equateur céleste ; et les mansions « rouges » (asá utká), au sud de ce
dernier (sauf Pégase et Andromède). Cerulli (1929 : 78) fait état, citant
Reinisch, d’une division en trois groupes de mansions incluant des mansions
« noires », inconnue de HHL (Naw.), mais qui a pu exister en relation avec la
division entre Adohyammára et Asahyammára (v.). Dans la mesure où l’art de
la guerre a été lié à des pratiques ésotériques (v. Dró), il est plausible de voir
dans le clivage qui a opposé « Rouges », « Blancs » et « Noirs », lors de la
conquête de la vallée de l’Awash, le décalque d’un « découpage » du zodiaque
fournissant à chaque coalition des indications pour la poursuite des combats
(D.M., 1997 : 156). Reinisch précise que les trois ensembles de mansions ont
chacune une constellation de tête, suivie de ses « soldats » (askár). Les
mansions 2 à 12 sont les soldats de Gurâlu ; les mansions 13 et 15 à 20, sont
les soldats de Dírri (mansion 14) ; les mansions 22 à 27 sont les soldats de
Aníd. La première mansion « blanche » est celle « qui a la gauche » (gurálu)
soulignant la prévalence ancienne de la gauche (v. Klíb).
292
MAFGADÁ
293
MAGÁN
MAGÁN
Pl. magná. « Aide », « demande de secours », « protection » ; en particulier
d’un grand chef. Une telle demande s’accompagne d’une formule, comme :
dardár magán « aide du sultan ! » ; ku magán, y’álow « pitié, mon ami ! ». On
294
MAḤÁMMAD ‘ALI-GÁR‘A
MAÁMMAD AYDÂḤIS
Maámmad b. Aydâis, dit « Datá Kaɖɖfó ». Chef des Aydissó (1768-11
décembre 1798) avant la prise de contrôle de l’Awsa (v.) consécutive à la
bataille de Darmá (v.). Deux de ses descendants comptés dans le lignage
régnant sont issus de mariages avec des femmes Damblá.
1. ♀ Damblá (nom inconnu) 1. « Asá » Aydâis (son successeur et 1er amóyta).
2. Madīná (Damblá) 2. « Unɖá » Aydâis, dit « Madīnáytu », du nom de sa
mère. Il fut fimát abbá, comme ses descendants, appelés
Madīnaytitté « descendants de Madīnáytu », ou fimát
abbobtí (pl. de fimát abbá) ; ou encore Mirató, car
assumant la fonction de chef de raid (mirá).
S : HL, Naw.
MAḤÁMMAD ‘ÁLI-DAWWĀNÓ
Badoytá-m mlá de l’Awash (fraction Debellí-sárra, sous-fraction Subbitté).
Maámmad b. Áli-Dawwnó, guerrier célèbre, grand chasseur de lions et
d’éléphants, à la générosité proverbiale, vécut à la fin du XIXe siècle. Il avait
pour devise : máysina, má ondita, má mataksita « je ne commets pas
d’adultère, je ne crains personne, je ne refuse pas l'hospitalité ». Voulant le
mettre à l’épreuve sur ce dernier point, des hôtes se présentèrent chez lui
chaque soir, obligeant Ali-Dawwnó à prélever à chaque fois une bête de son
troupeau. Après avoir épuisé le bois de sa réserve pour la cuisson, il en fut
réduit à brûler les arceaux de sa tente et finit ruiné. Mais il n’avait pas trahi sa
parole. Le surnom apposé Dawwnó désigne la constellation du Scorpion.
S : HL (in D.M., 1991 : 98).
MAḤÁMMAD ‘ALIGÁR‘A
Egal. Maámmad b. Ali-Gári. Dans l’ordre syntaxique afar : Ali-Garí
Maámmad. Etymologie. Le surnom apposé « Gári », qui connaît plusieurs
variantes (Gára, Gári), désigne une opération pratiquée sur les oreilles. Ce
295
MAḤÁMMAD « ILLÁLTA »
nom gári ne doit pas être confondu avec l’homonyme gára (garí, en fonction
de sujet ou de complément de nom) « voleur », erreur commise par Harris (v.).
Le changement de gára en gári ou gári peut être dû à cette homonymie.
Quand tous les enfants d’une femme sont morts sauf un, pour préserver celui-
ci, on lui perce le haut du lobe des oreilles, où l’on place un bout de bois pour
empêcher que le trou ainsi pratiqué ne se referme. Il est alors « gári » et
déclaré yaslié « préservé (de mourir jeune) ». L’opération se pratique aussi
sur les veaux. De la tribu des Ablé, Ali-Garí Maámmad est un des juristes
auxquels on attribue nombre des dispositions du code pénal Wíma (v. Madá).
Né au début du XIXe siècle, contemporain de anfaɖé b. Aydâis (chef des
Mdaytó) et de Looytá b. Arbâhim (chef des Debné), il est l’auteur du conte
politique des Trois Bœufs qui dénonce le jeu d’alliances des sédentaires de
l’Áwsa qui devait conduire à la victoire des Mdaytó (D.M. 1991 : 45). Il fut
chassé par ceux-ci, après leur conquête de l’Áwsa (v.) au milieu du XIXe siècle.
La disette dura, dit-on, quatre ans après son expulsion. On dit que kábir Ḥandá
(v. Harálla) déclara que ses prières ne pourraient faire revenir la pluie si Ali-
Garí Maámmad n’était pas rappelé. Mais celui-ci mourut entre temps, à
Waná, dans le pays de Gerrá, à l’ouest du pays Kutublá, au temps de
Maámmad b. anfaɖé. Le ciel fut obscurci toute la journée. Il avait demandé
à être enterré près du aytankmí bad « le lac de la montagne de aytám »
(v.). On l’y transporta à Ðiyyá, au sud, à travers l’inondation.
296
MAḤÁMMAD YAYYÓ
S : HHL (Naw.) ; Chedeville (comm. pers.) et sources citées dans l’article Sangerra (v.).
MAḤÁMMAD YAYYÓ
Sultan d’Áwsa (v.) 1927-1944. Maámmad b. Yayyó, dit « Daddás »
Maámmad. Daddás est emprunté à l’amharique däğğazmač, bien qu’il ne
semble pas avoir reçu officiellement ce titre. Dans l’inventaire ci-dessous,
proposé à titre exploratoire, les chiffres en maigre dénombrent ses enfants.
Ceux en gras indiquent l’ordre de primogéniture des mâles.
Epouses Enfants
1. ♀ Anklá de Asab enfants non recensés.
2. ♀ Ethiopienne de Däse 5 garçons et filles non recensés.
3. Asyá b. Gaás (Lubak-Kubó) 1 (1). « Kaɖɖá » Yayyó (né vers 1913).
2. Ftumá. 3. Madīná, mariée à un Lubak-Kubó.
4 (3). Aydâis. En résidence surveillée (1944-1978).
5 (4). « Unɖá » Aló.
6 (8). « Unɖá » Ali-Mirá (né vers 1939).
7. Ukkubí.
4. Madīná b. =sé (Askakmáli) 8 (2). « Kaɖɖá » Ali-Mirá.
9. anfaɖé. 10. « Unɖá » Yayyó.
11-14. Quatre filles (Ftumá, Eysa, asná, Ukubbí).
297
MAḤAMMADKANTÓ
MAḤAMMADKANTÓ
Descendants d’un Indien arrivé sur la côte, à Dumrá, du temps du sultan
Burán b. Dîni (c. 1755), sur un lit, précise la légende, en se déclarant cheikh,
sous le nom de « Maámmad Khan ». Le lit, très solide, a longtemps servi de
siège au sultan lors des séances du conseil (miglís). Les Maammadkantó
comptent des Ská (v.) et des Abrrá. En 1971, le troisième personnage de
l’Áwsa, Yayyó b. Alwân, était des Ská-Maammadkantó, avec pour
généalogie : Yayyó b. Alwân b. Maámmad b. Īsa b. Alwân b. Īsa b.
Maámmad b. Alwân b. « Maámmad Khan ». Son grand-père Maámmad b.
=sa a épousé « Kaɖɖá » Ftumá, fille de « Kaɖɖá » Ali-Mirá b. Maámmad
« Illálta ». Yayyó b. Alwân a épousé wí, fille du sultan Ali-Mirá.
MAKÂBAN
Nord makâbon, sg. makbántu « chef » (amh. mäkwännən), titre porté par les
chefs des ertó et de Têru, et ceux du groupe de commandement de Bíɖu ; plus
généralement, par les notables appointés par l’administration éthiopienne (qui
emploie aussi l’amharique blabbât). Les Français ont privilégié « akel » ou
« akkel », pl. « okal », empruntés à la racine arabe -q-l. En afar, kíl ou gíl,
pl. okkâl. L’afar ákli recouvre l’idée d’intelligence, de raison, de sagesse.
RÉMUNÉRATIONS. La rétribution des chefs coutumiers a été employée par
l’administration française pour obtenir le ralliement des populations à sa
politique. On peut en suivre les revirements en reprenant le Journal Officiel de
la Côte Française des Somalis qui publie la rémunération appelée « coutume »
et le nom des bénéficiaires. L’exemple est pris ici des Debné et des Adorásu
dont l’émancipation de la tutelle des premiers a été recherchée par
l’administration, avant même la création du poste de Dikhil en 1928. A la mort
du sultan debné amad-Ladé (31 juillet 1903), celui-ci est remplacé par
« Kaɖɖá » Looytá qui reçoit mensuellement la « coutume » de 100 thalers à
compter du 1er octobre 1903. Le 23 janvier 1905, cette solde est portée à 150
francs par mois, puis à 200 francs, le 6 février 1908. Le 1er mars 1909, le chef
Adorásu, Mirgán, reçoit « la coutume » ; celle du sultan Looytá est supprimée,
le 17 juin 1910. Elle est rétablie, le 13 février 1911, puis à nouveau coupée le
1er avril 1915. L’aide fournie par le sultan des Debné dans la capture du consul
d’Allemagne en août 1917 (voir Introduction : 3) explique que sa « coutume »
soit rétablie le 1er septembre. Le 25 février 1918, le chef des Adorásu, Mirgán,
qui n’a plus d’utilité, est révoqué. Auparavant, le demi-frère du sultan,
« āğği » Ali (v.), a été nommé « vizir » du sultan Debné (poste jusque-là
298
MALḤINÁ MI‘IMBARÁ
MALASAÏ
Dans la chronique traduite par Basset (1897 : 84), les « Malasaï » forment une
milice hétérogène, à base religieuse, que commande l’imam Amed « Grañ »
La chronique donne le nom de leurs chefs suivant, semble-t-il, leur origine
ethnique : absame Nūr (absáme désigne les Somalis Dārd sédentaires du
Harar : notam. les tribus énumérées dans la chronique) ; balaw Abd (v.
Balaw). Le terme est conservé en harari (mäläsay) et désigne « les guerriers »,
« les braves ». Basset, suivant la chronique éthiopienne, y a vu une forme
éthio-sémitique dérivée du verbe mälläsä « faire retour », avec le sens de « se
convertir ». Il faut plutôt penser à une forme dérivée de l’afar malás (ou
maláys) « viser pour tuer » ; afar actuel malaséy(na) « le tireur ».
S : Basset (1882 : 14, 15, 106 ; 1897 : 84) ; D.M. (1997 : 12). L : Kropp (1990). Muth (EA, III :
693-694) qui fait l’inventaire des étymologies de Mäläsay conclut après lecture de notre
rédaction de 2004 : « The etymology recently suggested by Morin seems worth consideration. »
MALḤINÁ MI‘IMBARÁ
Groupe de lignages afars et sahos, qui se réclament des « sept porteurs de
talismans » (bará), soit de sept cheikhs venus du Yémen. La liste afare
comprend : 1. des Maanɖíyta (v.) ; 2. des Dúna (v.) ; 3. des Sek-Maammadó ;
4. des Bêdal ; 5. des Iyyîta ; 6. des Oronnabá (Ironnabá) ; 7 des Wáyta (v.).
Miimbará est le nom d'un village en ruines près de Adáylu, au nord de
Tadjoura. En pays saho, la liste des différents lignages diffère quant à leur
implantation d’origine, et comprend : 1. les Intilé Sek-Áre (v.) ; 2. les
« Ironnába » (v.) avec les ádo Asáallá du Agmé (ou les Afars Waddó) ; 3.
les sek Lalaá, avec les Tar4á, vers Aylat ; 4. les i Ábkur, avec les
Tar4á (ou les Asaurtá) ; 5. les i sek Dimbágo, avec les Asaurtá Asa
Lsán ; 6. les Asá Ská, avec les Afars Dammohoytá, les Dhí-m mlá (ou les
Balossuwá) et les Sahos ádo (ou Asaurtá Lliš-Áre) ; 7. les Das Šká (ou
Šk Maammud) avec les ádo Asáallá. Le lien lignagier proclamé relève,
dans certains cas, de l’affiliation confrérique.
S : D.M (1999 : 24) / Ibrhm b. Isml ; Sâle b. Osman.
299
MĀMULÉ
MĀMULÉ
1. Tribu mentionnée au XVIe siècle, sous la forme Mmóli, alors au voisinage
du Harar. Variante Wmulé. 2. Agglomération et gué du Gurmuddáli, défluent
principal de l’Awash. Mmulé est au carrefour de deux pistes : vers le sud,
risá et le lac Abé ; vers l’est, Afambó (v.) et le anlé. A l’est des Mmulé,
les autres Awsí mára (v.) sont distribués le long du Gurmuddáli, les Saiddó
étant implantés aux abords du lac de Uddúmma.
S : Fut, trad. Basset : 172 ; Chr. Awsa : parag. 39, 83.
MÁRA
Litt. « les gens », « un groupe de gens » (coll.). Le nom, relativement rare dans
l’onomastique, entre dans des composés pour spécifier le lien fondateur du
groupe qui peut être l’alliance par mariage : Absá-mára (v.) ; l’alliance
politique : Asahyammára (v.) ; un lieu : Awsí mára (v.). Synonyme de gálli
(v.), sinám. La périphrase -k radé mára « les gens qui descendent de » est
utilisée parfois pour désigner la fraction rattachée à un ancêtre éponyme :
Gardía-k radé mára (v. tableau p. 175) ; Baláw-k radé mára (v. Baláw).
S : Alvares (1881 : 191) ; HL (in D.M., 1997 : 11).
Maskali v. Musḥá
MAYR*ÁDI
Lieu de la bataille entre les troupes du sultan de l’Awsa et la résistance
organisée par Maammdé, des Addôkum (v.), à la suite de l’incendie de
Tadjoura (10 août 1866). Le toponyme conserve le souvenir d’un combat
incertain avec la fuite du sultan de Tadjoura à Zeyla. Mayrádi (coordonnées
hectométriques KJ815181) se situe dans l’ouest du massif du Mablá, au nord-
ouest de Bokol Garbó et au nord de l’oued Heddén. Le lieu de la bataille appelé
exactement Kaɖɖá Mayrádi » (du verbe uyruúd « faire gémir ») est le « haut
lieu qui a beaucoup fait gémir ». Le texte oral (maɖó) conservé, qui évoque la
bataille, est construit en polyphonie :
Qunxa Tagorril buxa hayne [Premier récitant] « Nous avons campé à Ambabbo
Kaxxa Tagorril gira rubne Nous avons porté le feu à Tadjoura
Sin inaanil buxxeexa hayne Nous avons violé vos mères
Sin abbobtil gileela hayne Nous avons égorgé vos pères. »
Qado qasbol loqo yekkeh [Second récitant] « Ils ont passé le jour à la saline
Qali-Fuxyê baxi baahe Le fils de Ali-Fuɖyé en a emporté
Afqasô baxi deero baahe Le fils d’Afaso a donné l’alerte »
300
MEHARISTE
Maammdé épargnera les agresseurs après que ceux-ci auront étalé leur toge
au sol en signe de soumission. Le récit que Mohamed Aden (2006 : 155-163)
fait de cette bataille prend la forme d’un conte merveilleux où son ancêtre
Roblék Kâmil prend la place du chef Addôkum.
S : D.M. / Maammdé b. ummed. Apparenté à l’auteur du texte ci-dessus (v. Addôkum), il
nous a fait le récit de la bataille de Mayrádi, à Adáylu, en 1974, soulignant le rôle de son
ancêtre Maammdé des Addôkum. Le texte oral nous a été transmis par Ḥámad-Ladé en 1980
(in D.M., 1997 : 36 et 2005 : 68-69). L : Carte IGN (1 : 100 000), feuille « Tadjoura ».
MEHARISTE (peloton)
La pénétration de l’intérieur de la colonie, due au gouverneur Chapon-Baissac
(1928), a fait apparaître la nécessité d’une force de surveillance mobile.
Jusqu’à cette date, la présence française n’était perceptible qu’aux abords de la
voie ferrée. L’arrêté du 6 novembre 1928 (modifié le 4 septembre 1929) crée
un Peloton méhariste autonome composé d’un sous-officier français et de
cinquante recrutés locaux. Il est formé en 1930. Commandement. Le premier
commandant du peloton méhariste est Salmon, suivi d’Antonietti (18 juin
1932) ; Brischoux (19 juillet 1932) ; Mayer (25 juillet 1934) ; à nouveau
Brischoux (1er juillet 1936) ; Gory (1er décembre 1937) ; Coullet (1938). Le
décret du 28 janvier 1933 promulgué le 6 mai 1933 (complété par le décret du
24 juin 1933) fond en une seule « Milice indigène » (v.) la Garde indigène,
dont le cadre était civil depuis 1924 et le Peloton. La Milice indigène ainsi
unifiée devait comprendre : 1 capitaine ; une brigade à pied (1 lieutenant, son
adjoint, 4 sergents et 180 indigènes) ; 1 peloton méhariste avec un encadrement
équivalent et 44 méharistes. Le commandement redevient ainsi militaire.
L’arrêté du 22 février 1935 met sur pied la nouvelle structure. Après diverses
modifications d’effectifs, un nouveau décret (9 mars 1938) augmente
considérablement ce dernier porté à deux compagnies d’infanterie et deux
pelotons méharistes, l’un opérant dans le « secteur nomade du anlé » (SNH) ;
le second, dans celui du Altá (SNA), au nord de la colonie. Commandants du
peloton méhariste du anlé : Faure, Gory, Antonietti, à nouveau Gory.
Commandants du secteur du Alta : Oliver, puis Périquet, dont le détachement
est l’objet de tirs hostiles dans le Godá entraînant la mort du sergent Thiébeau
en 1943 (v. Kabbbá). Le nombre des sous-officiers européens est augmenté
par décret du 24 janvier 1939. Une note du 25 novembre 1939 du cabinet du
gouverneur précise la mission principale des « secteurs nomades » du anlé et
du Altá, formés par un arrêté d’octobre 1939 : contrôler les tribus
Asahyammára des frontières nord et ouest et leur relations avec les Italiens,
dont les incursions dans le anlé (v. Dikhil) ont commencé en 1937. Les postes
de Dawdáwya, Tewó, Dagírru sont créés en juin 1939 par le peloton méhariste
du anlé ; ceux de Dorrá, Madgúl, Baló sont créés par le peloton du Altá.
301
MĒLÁ
MĒLÁ
Litt. « les gens » avec une idée d’hétérogénéité. « (Groupement de) gens
d’origines diverses », rattachés à un lieu (v. arká-m mlá), formant souvent
une chefferie ; en cela, opposable à kedó où la patrilinéarité est plus nettement
affirmée. Mlá ne peut être assimilé à un lignage (Karim Rahem, 2001 : 156).
Le rattachement à un lieu existe en saho, voir les Dabrí-mlá, tribu
partiellement chrétienne, centrés sur le mont Dábra. Sing. Dabri-mélto « un
Dabrí-mlá » (l’afar ne forme pas de singulier sur mlá).
M5S*RÁ
Tribu de Baádu (v.), au nord de Gawwâni, vers Attfán. Elle serait originaire
du Mablá et de même souche que les Amsá (v.), seuls restés dans le Mablá
(chefferie Basmá). Les Msrá incluent des Ulél (v.) et s’intermarient avec les
Mdîma (v.). Itró : « anâ Msrá ! ». Fractions : Argaí-sárra, Burúkta, Wisír.
MIDÍR
Sur les cartes Meder (par analogie à l’amharique mədər ?), Midhir (suivant
l’arabe, Rubenson, 1994 : 160, 173). Agglomération côtière sur la baie dite
d’Amphilla, où mouille le capitaine Russel en février 1860 venant de Dási (v.).
Capitale des Dammohoytá, avant leur expansion vers Bôri. Résidence du
rdántu (v.) de Bôri. L’histoire de la ville est inconnue. Elle est citée comme le
point de débarquement des compagnons du Prophète venus se réfugier auprès
du nag$i éthiopien aux premiers temps de l’Hégire. Ses six mosquées attestent
de son importance comparable à celle de Tadjoura. Etymologie. De meé dīr
« bonne jarre » : à l’eau non saumâtre. En afar du nord, dr, pl. dritté, dirwá
désigne un grand récipient à eau en argile, à différencier de dr (v.) en afar du
sud. Sur des étymologies similaires, v. Tadjoura, Baylûl.
MILICE INDIGENE
Périodisation : 1. 1884-1891. 2. 1892-1900. 3. Après 1900.
La Milice indigène précède le Peloton méhariste (v.), formation née de la
nécessité de contrôler l’intérieur de la CFS à partir de la création en 1928 du
poste militaire et administratif de Dikhil (v.). Il sera préfiguré par les
dromadaires (chameaux de monte) achetés à Aden (mentionnés dans la
correspondance de Lagarde au Département en 1901). Les éléments de
chronologie ci-après complètent ceux cités par Chaillet (1998-99), pour la
période postérieure à 1901, et par Prijac (2012) qui n’évoque l’existence d’une
milice indigène qu’à partir de 1888. 1884-1891. L’une des premières
instructions ministérielles adressées au gouverneur Lagarde (9 juillet 1884), qui
prévoyait l’augmentation de troupes de la Colonie, indique :
Quand le moment sera venu, il sera préférable d’organiser une police composée
d’Abyssins et d’utiliser à cet effet les fusils et les baïonnettes ainsi que les
revolvers prêtés par l’Etat aux factoreries, et qui se trouvent actuellement sans
emploi.
En fait, il ne semble pas qu’il existe un texte organique initial qui définisse
cette police locale et son recrutement. Le terme de « milice indigène » entre en
302
MILICE INDIGENE
usage, sans base légale précise, quand Lagarde fait occuper en 1884 les villages
côtiers de la colonie. Le 26 septembre, il rend compte de l’installation de 5
agents arabes à Khor Angar. Une décision ministérielle prévoit l’implantation
d’un blockhaus à Rood-Ali (v.) « avec six hommes de la Milice indigène ».
Après la prise de possession de Sagallo, cédé par Soleillet (octobre 1884), un
poste est créé avec un sous-officier, 6 soldats d’infanterie de marine et 6
« miliciens indigènes ». Un détachement hisse le drapeau tricolore à Tadjoura
(v.), le 17 novembre 1884. La décision du 18 décembre 1884 semble ignorer
l’existence de cette première force de police, puisqu’elle projette « l’armement
du corps de troupe de police dont le développement de notre occupation ne
peut manquer d’amener la création. » Le recrutement de la milice est
hétérogène, composé d’Arabes, d’Africains (Sénégalais, Soudanais, Abyssins),
et ne compte pas, semble-t-il, de Somalis, ni de « Danakils ». Ce sont des
« indigènes » — allogènes — qui assurent la garde des postes avancés, dont
deux miliciens soudanais à Tadjoura (16 août 1885). Plusieurs textes sont
publiés concernant les salaires (arrêté du 17 août 1885) ; le recrutement de 27
miliciens et 4 plantons dans le corps des « miliciens de police » (1er septembre
1885). Le budget de 1886 prévoit pour la milice une dépense de 4 000 francs.
Dans un rapport sur la situation de la colonie (1er janvier 1887), Lagarde
mentionne une « milice indigène » formée en deux sections distinctes : agents
de police, d’une part, miliciens chargés de la sécurité générale et de fournir des
escortes au-delà du périmètre immédiat d’Obock, d’autre part. Un arrêté du
gouverneur (30 avril 1887) prévoit une rémunération journalière pour le
caporal d’infanterie de marine qui instruit les recrues à Obock, mesure
supprimée le 1er mai 1888, sans doute parce que la formation des « indigènes »
est jugée suffisante. D’ailleurs, le 16 octobre 1890, deux caporaux de la
« Garde indigène » [sic] sont nommés sergents. Le 20 décembre 1890, le
gouverneur décide qu’Abdoulaye N’Diaye, le clairon soudanais (sénégalais) de
la milice recevra une solde de 40 fr. par mois, comme les autres miliciens.
C’est sans doute à cette époque qu’une section sénégalaise (« gardes indigènes
de sûreté ») est incorporée à la milice. LA GARDE INDIGÈNE CIVILE (1890-
1892). Cette appellation, annoncée dans la décision du 16 octobre 1890,
remplace celle de « milice indigène ». Le salaire annuel de ces gardes est de
480 fr. (ar. 10 janvier 1891). La section sénégalaise reçoit une gratification « en
raison de travaux extraordinaires exécutés à Djibouti en juin 1891 » (30 juin
1891). Le terme de « milicien » reste toutefois employé concurremment à celui
de « garde » (voir le licenciement de 5 miliciens de la Garde civile d’Obock, 5
octobre 1891). 1892-1900. En 1892, le transfert du siège du gouvernement
d’Obock à Djibouti est décidé. Il sera effectif en 1897. Une réorganisation
s’ensuit. Les 160 agents locaux de police sont versés dans un nouveau corps, le
« service des Affaires indigènes de la Colonie et des Protectorats » (1er
novembre 1892). Le début du chantier du chemin de fer en 1897 entraîne une
croissance rapide de la ville de Djibouti (6 000, en 1897 ; 10 000, l’année
suivante). Une police urbaine se met en place (ar. 25 mai 1899). Le budget de
1899 distingue la rémunération des agents aux Affaires indigènes (100
Haoussas, Abyssins, Somalis) et les 50 agents affectés à la police urbaine.
Plusieurs arrêtés sont pris : organisation du « cadre indigène local de la police
303
MISINDI‘
Mirganto v. Adorasu
MISINDI‘
Variante Misgidí (prononciation à Bôri). Tribu Adohyammára (v.) du sultanat
de Raaytó (région de Ásbol, Meɖgebɖá), leur région d’origine, présente à
Bôri, à Dawwé avec les Ddá-m mlá. Itró : « Datá Áysi ! », « Ayroytí ! », du
nom de l’ancêtre Ayróyta.
S : Chedeville / Umar b. ámad b. Abrâhim.
MÍSLI
« Chef supérieur ». Le titre de mísli n’était originellement porté que par les
chefs Dammohoytá et Dhí-m mlá. Il est employé à l’endroit du sultan
d’Áwsa avec un sens laudatif dans la critique adressée par la kalluwallé Bírru à
ses soldats qui ne l’ont pas défendu lors de son arrestation par les autorités
éthiopiennes en 1944 (voir ci-dessus le texte p. 272). Un emprunt à l’arabe mil
« image de » paraît improbable. Le synonyme en afar du nord halángi
« (possesseur du) fouet » chez les Dammohoytá incite à dériver mísli de
*mássa-li « qui détient la justice, l’ordre ». Les descendants de aɖal-Mâis
(v.) sont les míslih yan mára « les grands chefs » ; mísli tik « sois le sultan (au
sens de chef suprême, supérieur à abbá) » ; kaɖɖá mísli mali « il n’a pas grand
pouvoir ». Mísli a un sens voisin de moddaî (v.).
S : D.M. (1997 : 142) ; 2012b : 728.
304
MŌDAYTÓ
MŌDAYTÓ
Tribu dominante du cours moyen et inférieur de l’Awash, dont l’Áwsa (v.
Aydissó), originaire du Mablá où il reste des éléments sous commandement
Basmá. Distribution. 1. Baádu ; 2. Sur la rive gauche de l’Awash :
Aydissó de Sámu (les descendants de Maámmad b. Aydâis, réfugiés là
depuis le conflit de succession, v. Sangerrá) ; 3. Mdaytó de Dóka, au nord de
Sámu ; 4. Mdaytó de Bûri, au confluent atáwwi-Awash. Généalogie. Se
rattachent à Môday ou « Mdá le » Arbâhim « Arbâhim avec une taie sur
l’œil » ; aussi Mdá-l-Arbâhim (la forme Môday semblant la plus récente), fils
de aɖal-Mâis (v.). Môday est tantôt présenté comme l’aîné de aɖal-Mâis,
quand d’autres généalogies considèrent que Adâal est le premier dans l’ordre
de succession (v. Introduction), les Adáli étant attestés avant les Mdaytó.
Associés à d’autres groupes Asahyammára (v.), les Mdaytó forment les
chefferies Mdaytó-k Maandíyta (v.), Ulutó-k Mdaytó (v.) et Askakmáli (v.).
aɖal-Mâis
Môday
« Gabaɖêri » Áli
Máad Afkié
Úmar
Maskká
305
MŌDAYTÓ-K MA‘ANÐÍYTA
Môday
Arbâhim
Úmar
MŌDAYTÓ-K MA‘ANÐÍYTA
Le territoire de cette chefferie est le bassin ouest de la plaine d’Immnó, avec,
au sud, Issó, et la zone s'étendant au nord vers Tênik (aux aɖmáli). Au-delà
de la plaine, les points d’eau de Búrran et Adaytoh-af sont aux Lubák-Kubó.
Principaux points d’eau des Mdaytó-k Maanɖíyta : Kokkobáytu, Widdó,
Issó, Guddáli. Les Maanɖíyta (v.) de la région d’Immnó, qui seraient là
depuis le XVIIIe siècle, se disent issus des deux fils d’un cheikh ámmadu,
« Kaɖɖá » Guméd et « Kaɖɖá » šek Ali. De « Kaɖɖá » Guméd proviennent
les fractions amaditté, Igallá, incluant la fraction Abdallôli de l’ex-vizir
Yayyó b. ámmadu b. Abdallá (v.), Aɖ4santó (ou Al4santó), Sek-Alitté. Les
trois premières fractions sont réputées endogames (sauf les amaditté et les
Aɖ4santó dont la proximité interdit le mariage). De « Kaɖɖá » šek Ali est issu
le groupe appelé « Kaɖɖá » šek Ali-k-radé-mára « descendants de šek Ali le
Grand ». Elles forment un seul bîlu (v. Introduction, p. 22-24). Les Mdaytó
comprennent les Aytillá (chefs), les aɖmáli-k amaddintó (à Tênik), les
Ali-Galitté (fraction détachée des aɖbisó-s sárra comptée avec les Kîu-k
enkébba), chacune formant un bîlu. Mdaytó et Maanɖíyta répondent à
l’appel au secours (dró) avec une seule fimá appelée Ðnekalá.
MODDAÎ
Coll. fém. (afar du sud) : « tribus de haut rang » : a num moddaî-k yan « cet
homme appartient à une tribu noble ». Egalement moddaíy. Parker (1985 :
170) donne muddaí et muɖɖaí, formes qui paraissent douteuses, peut-être
influencées par l’arabe muddaî « demandeur, plaignant en justice ». Le nom
moddaî s'oppose à moɖoɖɖíb « humble ». C'est sans doute ce sens de
« noblesse », pris littéralement par l’ethnographie européenne, qui a orienté les
interprétations données de Asahyammára et Adohyammára (v.), amenant à
opposer de façon inappropriée des tribus nobles, les Asahyammára, et des
tribus « roturières » (« commoners », Lewis 1955 : 155), les Adohyammára.
Moddaî, qui s’applique aux unes comme aux autres, renvoie à l’idée de
306
MŪSA‘ÁLLI
revendication sur la terre, soit au titre de l’honneur du rang, comme les Adáli,
marqué par le port du bandeau blanc (br) ; soit de la puissance, comme les
Mdaytó. Le terme de moddaî doit être ainsi compris associé à lafá, « os »,
« noyau », « force », « importance », métaphoriquement « l’honneur » (de la
tribu) : lafállé tan mára « la classe dirigeante » ; lafál rabettó « tu mourras pour
l’honneur ». On dit des Mdaytó qu’ils ont conquis la première place par la
force : aylí lafá lônu « ils ont l’importance que confère la force » ; ce qui, par
extension, peut se comprendre comme : ils sont nobles parce qu’ils sont forts.
Les lignages Asabbakári sont leurs égaux. Viennent ensuite les Arábta (v.),
Kîu-k enkébba (v.), Nassâr (v.). V. Súget.
MOGORRÓS
Tribu Asahyammára (v.) parfois englobée dans les Dammohoytá, représentée à
Têru (v.). Le pays Mogorrós correspond au haut Guleyná, en amont d’Awrá
(v.). Un regroupement politique fédère les « huit Mogorros » (Bará
Mogorrós) comprenant : Ibassaralé, aneytá-Gaás, Glbattó, Asadantó,
aysantó Sbóli, Abarré, Aynamáli.
S : Chedeville / Suleyman b. Hârun.
MUHTÓ
Du verbe muh « montrer sa supériorité ». Tribu de la région de Âdu (sud de
Têru) partiellement intégrée aux Dhí-m mlá. Parents à plaisanterie des
Nassâr.
MŪSA‘ÁLLI
Ou Musálli « M4sa-en-sa-montagne » (de *M4sa alé-li), et non « la montagne
de M4sá », ce qui donnerait la forme Mūsá- alé. Les formes Mūsaálli ou
Musálli sont d’origine, ce que n’est pas la réfection Mūs Alī (Colette
Dubois, EA, III : 1080). Cette interprétation obéit à la tendance fâcheuse
actuelle à citer conformément à l’arabe un terme qui, comme ici, bien que
ressemblant à de l’arabe, suit strictement la morphologie de l’afar1. Le volcan
Musálli a la forme d’un cône (alt. 2020 m), appelé Gâgu à son sommet.
L’endroit sans sépulture conserve le nom du saint M4sa al-KFim, arrière-
petit-fils de Al al-AsGar (Zayn al-Hbidn), aussi appelé par les monolingues
« Msa-l-Knti Dn al-%bidn », septième imam alide. Le lien ancien entre
certaines montagnes et la dévotion populaire sous la forme de pèlerinages ou de
séjours prolongés d’ermites a déjà été noté (v. Ayyálu, Faɖé-n-Geyó,
Haytankmí bad). M4sa al-KFim est le père de Ali ar-RiF, son successeur
(765-818) et d’Ibrhm al5azzr qui séjourna à Ian’. Il avait la réputation
de parler plusieurs langues, dont « la langue éthiopienne » et « la langue des
oiseaux ». L’extension de cette tradition pieuse sur la rive africaine de la mer
Rouge est inconnue mais la présence de Šites à Zeyla est attestée par Maqrz
(K. al-Ilmm : 13). Le pèlerinage est suivi par les Anɖáa-k Maá-sárra. Les
tribus occupant la zone du Mūsaálli au ársa sont des Maá-sárra et des
Anɖáa. L’ensemble est appelé « Adrúmmi » (*Adó Rúm-li « blancs comme
1. Alé « montagne » est assimilée à l’arabe Alī ! Quelques éléments de toponymie arabe se
trouvent sur la côte de la mer Rouge (D.M., 2012), non dans l’intérieur.
307
MUSḤÁ
des Byzantins ») pour la blancheur supposée de leur peau. Ils forment une seule
fimá. Les Anɖáa disent n’avoir jamais migré et être seulement apparentés aux
Maá-s sárra. TOPONYMIE COLONIALE. Glí Adgnó, litt. « lieu à Acacia Seyal
(adgén) pour les chameaux », au pied du M4saálli, correspond à « Marci
Ageeno », également écrit « Maroy Ageeno » dans l’accord frontalier franco-
éthiopien du 20 mars 1897.
L : EA, III : 1080. Dans cet article, Colette Dubois inclut le « Mūs Alī » dans la bande de
territoire, objet de l’échange prévu dans l’accord non ratifié Ciano-Laval (1935), alors que la
zone triangulaire concernée allait de Đaɖɖató (à l’est du volcan) à Dumra (v.) et Đer Elwa sur
la côte au sud de Mulḥúli (voir notre rédaction rectificative en collab. avec W. Smidt, EA, IV :
333-334).
MUSḤÁ
Emprunt à l’arabe masá. Var. musá. Désigne l’état d’un récipient plein
jusqu’au bord : masá kinní « il est plein à ras bord ». C’est le nom du groupe
de trois îles et cinq îlots coraliens, au nord de Djibouti, élevés de 9 à 12 mètres
au-dessus du niveau de la mer, et de la principale d’entre elles. Deux
étymologies sont possibles : soit l’île « plate, au ras de l’eau » ; soit celle « au
large ». Dans l’arabe connu des marins afars souvent bilingues, musá désigne
« le large » (opposé à « la côte ») : musal yan « il est au large ». La forme
francisée « Moucha » vient d’une mauvaise lecture des cartes dressées par
l’Amirauté britannique et utilisées lors de l’implantation française, soit :
Musa * Mu-sha * « Moucha ». Cette dernière forme est encore inusitée en
1913 dans les Instructions nautiques qui, en décrivant le platier récifal, font
préférer l’explication d’« île plate, au ras de l’eau » (IN : 364-365) :
L’approche des îles Musha est dangereuse, car elles sont entourées de récifs de corail,
asséchant en partie à marée basse, qui s’étendent jusqu’à la distance de 1 mille ½ à 2 milles.
A l’Est des îles, les sondes sont très irrégulières ; on y trouve de très grands ressauts de fonds
jusqu’à la distance de 4 milles ½. (…) Le récif des îles Musha s’étend à 2 milles ½ au large
du plateau du Scorpion. Il est dangereux d’approcher des îles par l’Est, l’accore de ce récif
étant peu visible et prolongé par un grand nombre de pâtés de corail sur lesquels il reste à
mer basse 3 mètres d’eau environ.
308
N
NA‘ŌSÍNNA
1. Etymologie. 2. Trafic. 2a. Capture. 2b. Exportation. 3. Abolition.
« Esclavage, servitude ». Dérivé de nasá, pluriel de naásu « esclave mâle »
(fém. naasó, var. sud nasó), le nom a pour synonyme amára qui renvoie aux
Amharas, aux Ethiopiens chrétiens, mais aussi aux esclaves importés des
hautes terres. En afar, amartáh désigne quelque chose de péjoré. La
distinction n’est pas faite entre esclaves domestiques et captifs de guerre, sêwa
(v. Aɖaytá). Certains ont été intégrés dans la généalogie de clans importants,
comme les Dat-Afké-s sárra (v. Gnaniytó). La fréquence des noms de
lieux faisant référence aux esclaves est une indication des multiples routes et
points d’embarquement de ces « exportations ». Ex. Amartá, montagne près
du lac Giulietti (v.) ; Amar’mó, mont vers le lac Assal ; Nasóɖ ɖ « la
pierre de la femme esclave », à Galá le Foó1, oued par lequel, venant de
Dafarré, on rejoint la côte au sud de S!gállu. 1. Etymologie. Les héritiers de
Cheikh Anta Diop n’hésitent pas à rapprocher naásu de *Ne"esu qui désigne
en égyptien les « races noires au sud ». Comme pour les Bōn (v.), dont le nom
conserverait le souvenir du pays de Pount, tous les arguments sont bons, même
l’invocation d’une origine esclave ou castée, pour établir un lien avec l’Egypte
ancienne2. Sans référence à ce passé mythifié, on peut comparer : afar du sud
kedó « tribu » ; afar du nord kidó ; saho du sud kisó ; saho du nord kió ; bedja
kíia « esclaves » et supposer que cette proximité porte la trace d’un trafic lié à
la présence ancienne des Bedjas sur la côte. Leo Reinisch (Die Afar-Sprache,
II : 887) a rapproché naásu du guèze nə’əs « être moindre, inférieur », ce
qui s’accorde avec le statut de l’esclave. Le nom naásu est autant à rapprocher
du somali náas « sot », stigmatisation qui rejoint en bedja la « lourdeur »
d’esprit proverbiale des esclaves (i-kíia winnét diga blîba). 2. Trafic. La
participation active des Afars au commerce des esclaves est un des thèmes de
la littérature de voyage des XIXe et XXe siècles. Ce trafic a d’abord été le fait
de certaines familles spécialisées dans diverses activités de transit, dont celui
des êtres humains. C’est le cas d’Abū Bakr « Pacha » (v.), dont la parentèle
était présente aux deux bouts de la piste joignant la côte à B!té. L’étude
d’ensemble de l’esclavage en Ethiopie (EA, IV : 673-681) montre que les Afars
étaient loin d’en avoir le monopole, d’autant que le statut juridique de l’esclave
au regard du Fətha Nägäst demeurait ambigu. Le commerce — non la
possession — en théorie interdit aux chrétiens d’Ethiopie par décret royal,
explique que la traite ait surtout été le fait des musulmans. Bahru Zewde (1991)
a conforté la thèse qui fait du développement de l’esclavage au XIXe siècle une
conséquence de la politique d’expansion de Ménélik au sud, donnant naissance
à une nouvelle classe sociale réclamant une domesticité toujours plus
nombreuse. Bahru Zewde cite le cas d’Abba Jifar II qui payait ses frais
médicaux en esclaves. CRITIQUE DES DONNÉES. Pour se limiter à
1. Carte IGN, 1 : 100 000 (f. Tadjoura) ; (f. Dumera) Naásu ; (f. Khor Angar) Nasí báɖa « petit
esclave » ; (f. Ðaɖɖató) Nasí kmá « colline de l’esclave » ; (f. Dikhil) l’oued Nasó, etc.
2. Cf. Ciise M. Siyaad (1989) ; Ali Coubba (2004 : 119).
NA‘ŌSÍNNA
310
NA‘ŌSÍNNA
311
NASSÂR
Egalement Nassár. Peut-être de l’arabe anr. Tribu de la région de Sifani (v.),
dont certains éléments sont venus à Baylûl (v.) pour en prendre le contrôle avec
le soutien des M,daytó (v. Dankáli). Fractionnement. Les Nassâr descendent
de l’ancêtre éponyme, Nassâr b. Usmân b. Arbâhim b. Môday, ancêtre des
M,daytó. Sans commandement autonome, les Nassâr sont associés aux
Aggínni (v.), parmi les Asahyammára formant les Ba"rá Ka!dá (v.). Les
diverses fractions descendent des deux fils de Nassâr, Áli et Âlim. Ce dernier
est le père de Afaráytu (aussi Afarayyúli), ancêtre des Afará. La généalogie
des Nassâr s’intègre à celle des Asabbakári (v.), mais est contestée par les
Afará (v.). Légende. Âlim, qui était muet, fut envoyé par Nassâr étudier à
Tadjoura. Il en rapporta deux livres initiatiques : « le livre de l’Homme »
(Kitb al-ins) et « le livre des djinns ». Comme il était toujours muet, on
l’envoya à Baylûl. On égorgea trois taureaux, un noir, un rouge, un blanc, et il
se mit à parler. A son retour, on demanda à Âlim où il était allé. Il répondit :
« A Agá » (forêt près de Baylûl où les djinns et le vin de palme sont réputés
en abondance). On le surnomma « Agá-g gínni », donnant Aggínni. Une
variante dit que Âlim fut emmené dans une forêt par un djinn. Son frère Ali le
retrouva et lui dit, en le voyant s’enfuir : Idiy ag-gínnow (= Ad-gínnow)
« Arrête-toi, djinn blanc ! » ; d’où le surnom de Aggínni, qui est aussi le cri de
guerre (itró) des Afará (v.) Une autre généalogie fait de Nassár l’ancêtre des
Afará (v.), tandis qu’une troisième fait de Mômin le père de ‘Âlim.
Généalogie des Nassâr
Gulúb Maysará
Áli Âlim
Mômin (Afará)
Egalement Nassár. Petite tribu comptée parmi les Adáli Bur"antó de Tadjoura,
mais issue des Nassâr (v.). Fournissaient les bó, chefs des fimá masculines et
féminines, nommés par le sultan. Propriétaires du terrain où a été construite la
mission catholique.
312
O
L’interprète militaire Louis-Antoine Oehlschlager est né à Médéa (département
d’Alger), le 27 juin 1857. Il était le fils d’un originaire de Franche-Comté, venu
en Algérie, au début de la colonisation française, peut-être dès 1839. La
première orthographe du nom semble avoir été Öhlschläger avec deux trémas.
Carrière. La biographie du bras droit de Lagarde, sur laquelle n’existe que peu
d’indications (voir la notice succincte de Prijac, 2012 : 337) est résumée ci-
après. Oehlschlager commence sa carrière en 1883 comme interprète militaire
auxiliaire de 1ère classe en service à la subdvision du Kef (Tunisie). On ne sait
pas comment il s’est perfectionné en arabe au point de devenir interprète. Sans
doute en avait-il acquis les rudiments dans son enfance en Algérie. Il est
nommé officier dans l’ordre du Nichan Iftikhar, par le bey Ali Pacha en
septembre 1883. Devenu interprète militaire titulaire de 3ème classe, il est
désigné pour servir hors-cadres à Obock et prend son service auprès du
gouverneur Lagarde, le 22 septembre 1884. Il conservera cette affectation
jusqu’au 23 octobre 1893. Compte tenu de ses périodes de congés,
Oehlschlager aura séjourné un peu plus de 6 ans à Obock. A chacun de ses
congés, il partagera son temps entre la métropole et l’Algérie où il avait
conservé des liens familiaux. Le 4 mai 1893, il est fait commandeur du Nichan
al-Anwâr, ordre créé par le sultan de Tadjoura en 1887, non à titre honorifique,
comme beaucoup de fonctionnaires, mais « pour services rendus comme
intérimaire du gouvernement lors de l’épidémie de choléra » de l’année 1892.
Lorsque l’épidémie s’est déclarée le gouverneur Lagarde était en congé en
France. Joseph Deloncle, sous-commissaire de la Marine, qui assurait l’intérim,
est mort du choléra à Djibouti le 7 juillet 1892, puis le médecin de la Marine, le
docteur Aubry le 14 juillet. Oehlschlager s’est trouvé de facto en charge de la
colonie. Epuisé, un certificat médical lui octroie un an de repos. Il quitte Obock
le 10 janvier 1893 pour prendre les eaux à Vichy. Sa date de départ définitif
d’Obock (le 10 janvier 1894), où il ne revient pas en fin de congé, correspond
en fait à son retour en Algérie où il servira jusqu’à sa retraite en 1909. Il est fait
officier de la Légion d’Honneur en juillet de la même année. Il meurt à Paris en
août 1921, titulaire de plusieurs décorations, dont l’Ordre du Cambodge,
l’Ordre éthiopien de Salomon dont il avait été fait chevalier de 5ème classe en
1892 sur recommandation de Lagarde à l’empereur Ménélik. Marié en 1894, la
descendance directe d’Oehlschlager semble aujourd’hui éteinte. Vocabulaire
français-dankali. Oehlschlager est l’auteur du seul glossaire publié en français
sur la langue afare pendant la colonisation. La différence est ici nette avec
l’Italie dont l’implantation en Erythrée est l’occasion de nombreux travaux de
lexicographie1. Paru en 1891 (Oehlschlager en relit les épreuves pendant son
congé en France), l’ouvrage de 109 pages, qui compte près de 1700 entrées, est
composé à l’Imprimerie administrative (la prison) de Melun. Les 250
314
R
RABEYNÁ
Pl. rabeynní. Cérémonie mortuaire du bout de l’an. Elle a lieu de préférence
pendant les mois de Rabī II et umād I (2ème et 3ème mablūd), Šabān (Sm-
bâhi), Šawwāl (Sm-fátri) et ū’ l-Qada (Qerfa-bâhi). Elle dure généralement
trois jours et commence le dimanche après-midi (orbé etnên), à Tadjoura. Un
de ses rites consiste à apporter des cailloux (iddé) de la plage pour le tahll.
Chaque participant-récitant en déplace une pierre du tas disposé devant lui,
chaque fois qu’il prononce « l illh illllh », jusqu’à atteindre le chiffre de
1000. Les pierres ayant servi à comptabiliser la récitation sont ensuite mises
dans des paniers, puis disposées sur la tombe du défunt (tahlīl iddé hayís). La
tenue de la rabeyná, un an environ après le décès du sultan, retarde d’autant
l’intronisation du successeur. La détermination exacte de la date de début de
règne en est rendue parfois malaisée (voir le cas de Maámmad b. Mandáytu,
n° 20 dans la liste des sultans de Tadjoura, ou la succession de Dîni b.
Maámmad et de Burán « Asá Dardár », respectivement n° 11 et 12 de la
liste de Raaytó, pour lesquels les dates de rabeyná ne sont pas connues).
Rabeyná est l’autre nom d’une figure géomantique (v. p. 323).
RAḤAYTÓ
1. Situation géographique. 2. Territoire du sultanat. 3. Régime fiscal. 4. Lignée des
sultans. 5. Chefferies et tribus du sultanat.
Admin. Raheita. 1. Situation géographique. Agglomération à env. 55 km au
sud d’Assab (Asáb), résidence du sultanat Adáli. Le nom Raaytó est formé
sur le verbe ra « sourdre », « jaillir » : raeyná « griffon (d’une source) ». La
référence toponymique a la ressource en eau est conforme à ce que l’on
observe en de nombreux points de la côte (v. Midír, Baylûl, Tadjoura, etc.).
Elle diffère de ce que la cartographie a pris en compte. La première indication
européenne est peut-être da furna « la caverne » sur la carte de Lazaro Luis
(1563), au sud de « Masua », correspondant à Gablá « grotte », la chaîne
continentale de l’île de Dumrá (v.). La carte qui accompagne le récit de Bruce
(1790) indique Raheeda, [un peu trop à l’ouest, à l’intérieur du] K [ingdom] of
Dankali. Conti Rossini (1928 : 58, 60, 102 sq.) a identifié Raheita au site
antique de Deir Epi Dires (Bté Raaytó, au nord du village actuel ?). Des
blocs de basalte ressemblant à des meules et des trous qui pourraient être
d’anciens silos accréditent cette hypothèse qui reste ouverte (Desanges, 1982,
1994). Au début du XXe siècle, Raaytó compte « 70 huttes bien construites [v.
Handag] habitées par environ 300 habitants » (IN, 1913 : 240). 2. Territoire
du sultanat. La limite part de Sasalé (v. Traité de Paris de 1862), sur la côte,
vers Aláy Dbá, Bokól Garbó, Nab-êeb, au nord-est de Dawá (Wakilt’abá) ;
puis gagne le Wimá qui fait frontière jusqu’à Ðaɖɖató, par Aftí Ðaɖató, dans
l’oued, au nord de Yaygóri. Elle continue jusqu’au Msaálli (Wagrén
Wagartó) et Bré. Ðaɖɖató, avant d’être un toponyme, désigne une plaque
rocheuse imperméable ou un obstacle infranchissable, un précipice, ce qui est
la situation de Ðaɖɖató sur l’escarpement surplombant l’oued Wimá. Ðaɖató
RAḤAYTÓ
est le fait de couler en continu, ce que le nom Wimá (v.) sous-entend : Aftí
Ðaɖató (avec un seul ɖ) est « l’écoulement de l’embouchure » de cet oued
maintenant quasi à sec. 3. Régime fiscal. L’impôt dû au sultan (isó) est payé
en chèvres ou en thalers à 36 percepteurs (ulūlá, sg. ulúltu ou ulúlta). A
l’époque italienne, le sultanat payait 700 lires par an. Pour donner un ordre de
grandeur, l’exercice financier 1938-1939 de l’administration italienne indique
un total de 11 000 lires pour la « Dancalia meridionale », donc une contribution
marginale du sultanat en liaison avec son très faible peuplement. L’impôt de
capitation à l’époque éthiopienne reste modique (0,5 dollar par tête). La
chefferie Adáli-k-Ská payait 63 dollars éthiopiens par an (en 1956). Une
partie des Farká-b buɖá, qui avait refusé de payer le isó, a été chassée, et s’est
installée chez les Darumá de Ballâal. 4. Lignée des sultans. L’alternance du
pouvoir, comme à Tadjoura (v.), n’apparaît qu’après le quatrième sultan,
« Adállom » ámad, à la suite, semble-t-il, d’une décision de Dîni b.
« Adállom » ámad d’associer son frère Burán au pouvoir (ou ámad b.
Burán). Cette alternance entre Dīnitté, descendants de Dîni, et Burḥantó, issus
de Burán, est mentionnée ci-après respectivement D. et B. En supposant des
générations de trente ans, on obtient une chronologie qui confirme la tradition
d’une fondation du sultanat de Raaytó, vers 1600, postérieure à celle de
Tadjoura, par division de ce dernier, alors seul existant. Les récits de fondation
se superposent ici, dus à l’homonymie entre « malîk » Mismár, le sultan Anklá
(v.) meurtrier de « Datá » Gúra, père de « Gibdí » ámad, et Mismár, père du
même « Gibdí » ámad dans la tradition Adáli de Raaytó. Celui-ci, après le
retrait des Anklá de Raaytó à Asáb, revint à Tadjoura pour réclamer un
territoire. La tradition rapportée par Péri raconte qu’il frappa de sa lance une
grosse pierre située près de la maison du vizir de l’époque et la perça en
déclarant : « Mes terres s’étendent de Warraysá Ðagád [zone des salines
d’Assab] jusqu’ici », définissant ainsi le territoire du sultanat. Ce motif connoté
de la lance plantée dans une pierre (maáɖu désigne « la lance », mais aussi
« la troupe en expédition guerrière ») se retrouve dans la légende
d’« Ayrolasé » ámmadu, racontée par Mohamed Aden (2006 : 23). « Gibdí »
ámad reçut un lot, globalement à l’est de la ligne Raysáli-Msaálli, de même
étendue, mais plus riche en isó que Tadjoura, pour compenser l’absence de
revenus portuaires. Il se rasa, prit le turban et fit faire la cérémonie
d’investiture, se proclamant sultan. Il épousa une fille Ablé dont il eut un fils
Abdúlli, qui fut son successeur.
Liste des sultans Adáli de Raaytó
1. « Gibdí » ámad (c. 1600). 2. Abdúlli (c. 1630). 3. Kâmil (c. 1660). L’aîné
du sultan Kâmil, amâsi, qui devait être le troisième successeur de
« Gibdí » ámad, refusa de rester au pays et s’enfuit, dit-on, à
Mogadiscio, avec les dinkrá (v.), insignes du pouvoir des sultans. Son
frère « Adállom » ámad voulut aussi partir, mais les Badoytá-m mlá
s’y opposèrent. Il n’accepta de rester que si on lui rasait la tête, ce que fit
le chef des Badoytá-m mlá, qui sont en charge de ce rituel à chaque
intronisation du sultan.
4. « Adállom » ámad (c. 1690).
316
RAḤAYTÓ
317
RAḤAYTÓ
lors de son passage dans la région ; plus tard, il cessera de lui payer l’impôt
(isó), déclarant ne pas reconnaître « les descendants de aɖal-Mâis », soit
les Adáli qu’il accusait de brader la terre ancestrale.
1300 aɖal-Mâis
1330 Gulub-Kêna
1360 Adâal
1390 Gallâmir
1480 úmmad
1510 Dîni
1540 Hindiwân
1570 Mismár
1630 2. Abdúlli
1660 3. Kâmil
19. Abdulkâder
Dnitté Burantó
318
RAḤAYTÓ
RAKĀKÁY
Néologisme formé sur riké-h akkáy « lieu ancestral ». Pl. rakkayitté (ci-après
en orthographe afare). 1. Région : rakaakay maro, conseil régional (au sens
fr.) ; waqlâ rakaakay, fuseau horaire (calque ang. time zone). 2. (Ethiopie)
Région fédérale (depuis 1995) : qafar agattiinoh rakaakayih doolat (QARD),
gouvernement de la région de la nationalité Afar. D’après les statistiques
officielles, la région, d’une superficie de 160 000 km2, représente 1/8ème de
l’Ethiopie et 4 % de sa population totale. Sa capitale a été créée à Samara. La
région est bornée au nord et à l’est par la frontière érythréenne, la République
de Djibouti ; au sud par la région Oromo ; à l’ouest par les régions Amhara et
Təgray. Dans la traduction afare de la Constitution (art. 9, 39, etc.), rakaakayal
yan mara « les gens de la région » se comprend comme les originaires de celle-
ci, avec donc une divergence potentielle au regard de la Constitution
fédérale qui fait référence aux « citoyens d’Ethiopie » sans distinction (cf. art.
41, amh. yä Itiop’iya zegoč). Une nouvelle terminologie énumère les
subdivisions du rakaakay : rasu, zone (= doon) ; daar, district (= warada ;
amh. wäräda) ; awda, quartier ; mekefta, bloc d’habitations. La région afare
comprend cinq zones (rasu), vingt-neuf districts (daar) dont un « séparé » (dit
« Argobba-liyu » : amh. ləyyu « spécial ») et 358 quartiers (awda). ZONES ET
DISTRICTS (en orthographe afare). Zone 1 : districts de Aysaqíyta ; Afambó ;
Dubté ; Qeeli Daqár ; Millé ; Sifrá. Zone 2 : districts de Abqaalá ; Niqinlee ;
Afxeerá ; Baraclé ; Konnába ; Erebtí ; Qado Kúwa (Xalol). Zone 3 : districts de
Gawwaaní ; Galáqlu (= Buuri Moodayto warada) ; Qanxixxó (= Qammi Baxi
w.) ; Hawwaas (= Fanti-Qaleh w.) ; Dullassá ; Qargóbba (= Qargubbi w ;
Qargobbi w. = Argobba-liyu). Zone 4 : districts de Kalluwan (= Guuleenâ w.) ;
Daráytu (= Awrâ w.) ; Alale Sublá (= Uwwâ w.) ; Yalló, Guuc (= Teeri w.).
Zone 5 : districts de Nammaleeffan (= Talaalak w.) ; Xaale-Faagé ; Wada-
Raagé (= Dawwê w.) ; Caxa le Qeela (= Furse w.) ; Koomaami (= Samu
320
RÁMRI
321
RÁMRI
renouvelée trois fois, produisant en tout quatre figures. Pour que l’opération
réussisse, l’opérateur doit dire quel est l’objet du tirage. Il dira, s’agissant de
pluie : rob radínnah « la pluie tombera-t-elle ? » ; pour un malade : heklí
aftínnah ? A biyâkat rabé wânnah « un tel guérira-t-il ? Ne mourra-t-il pas de
cette maladie ? ». Le temps de la prédiction est le non-concomitant sans
antériorité relative1. L’opérateur pose l’hypothèse comme réalisée : en disant
(litt.) « la pluie (rob) étant tombée (radínnah) » ; « un tel (heklí) étant guéri
(aftínnah) ». Constatant la figure obtenue, on dit à l’opérateur : rob, dirâbat
má ybin « ne mens pas concernant la pluie ».
B . Amokradá. L’opérateur reconstitue quatre tas correspondant aux quatre
figures trouvées. Dans la variante A ci-dessous, les tas 1 (le plus à gauche de
l’opérateur) et 3 sont « la tête » (amó). Les tas 2 et 4 (le plus à droite) sont « la
suite » (saláf ou dgá). Dans la variante B, la « lecture » se fait verticalement
dans chaque colonne.
Colonnes 1 2 3 4 Colonnes 1 2 3 4
Var. A. • • • • Var. B. • • • •
amó • amó •
daffeyná • daffeyná •
• amó saláf •
Si une combinaison répétée a plus de force, elle peut aussi se gâter (yafsidé).
Quatre fois la même figure est un mauvais présage. Quatre fois Gíta indiquent
la peur, l’égarement hors du chemin à suivre. La concordance ou discordance
pair / impair influe sur l’interprétation du chiffre obtenu en tête, à la base.
2. Applications (variante A) : EXEMPLE 1. « Que va-t-il se passer ? ». En
Geɖsó, on a obtenu : Oklá (un véhicule va arriver) ; Gamá (avec un homme
important) ; Gíta (qui apporte des nouvelles) ; à nouveau Gíta. En Amokradá,
on obtient quatre tas : amó en col. 1 + 3 = 5 ; en col. 2 + 4 = 6 ; daffeyná en col.
322
RÁMRI
5 5 6 6 Total (gudé) = 22
amó
saláf
323
RAYSÁLI
RAYSÁLI
« Ras Ali », dans la littérature coloniale. En afar, Raysáli, choisi comme limite
du territoire d’Obock cédé à la France par le sultan de Raaytó (1862), est « la
baie des Trépassés » (raysá « cadavre : là où il y a des cadavres » : là où les
courants déportent les cadavres des naufragés).
RDÁNTU
Titre en afar du nord des chefs détenteurs d’un pouvoir par délégation (verbe
rd « commander »). Pl. rêdon. Equivalent de nib, titre donné par les Turcs
aux Balaw (v.) d’Arkiko, Massawa, notamment. A Íddi, le rdántu porte le
nom de k comme le chef des Anklá de Dahlak (v.).
« RĒDÓ »
Du verbe rd « commander ». Surnom de Gamladdn b. Abdulkdir b.
Maámmad « Rdo », directeur de l’Afar Language Studies and Enrichment
Center (ALSEC), de Samara. Né à Midír (v.) en 1948. D’origine Maanɖíyta de
Rdimá, en Arratá (v.), co-créateur de l’orthographe afare (Qafar katbé) avec
Dimis (v.) et auteur d’un mémoire sur le droit pénal (1973) et du premier texte
de fiction publié : Agattinan essero wagsiisak Ityoppiyah Imbaratooriyyatal.
324
ROKKIYÁ
Teneeh, tanim macaay ? Aneh meqem macaay ? [La question nationale dans
l’Ethiopie impériale. Qu’en a-t-il été et qu’en est-il ? Que peut-il en être ?],
Djibouti, 2006. Son père Abdulkdir (1909-1971) fut l’interprète de Nesbitt,
lors de sa traversée à pied du pays afar (1928), à laquelle prirent part le
voyageur Tullio Pastori (v. Amolé) et le commerçant Giuseppe Rosina. Sa
mère était la sœur du cheikh amladdn aš-Šm, fils du cheikh Ibrhm al-
)all (v.). Après des études secondaires à Assab, puis universitaires en
Allemagne de l’Est, Gamladdn « Rdó » participe à la révolution éthiopienne
et occupe des responsabilités administratives dans le Wällo. Victime d’une
cabale, il est incarcéré une dizaine d’années puis libéré après avoir été
innocenté. Le complot avait consisté à l’accuser d’un double meurtre. Malgré
la présentation des deux supposées victimes bien vivantes, le juge éthiopien qui
l’avait condamné refusa toute révision du procès. Le changement de régime
suivant la fuite de Mengistu Haïle Mariam permit la libération de Gamladdn
« Rdó ». A partir de cette date, celui-ci poursuivra son action infatigable en
faveur de la modernisation de la langue afare.
ORTHOGRAPHE. La translittération de l’arabe Gaml, Gamladdn, tel que prononcé par les Afars
monolingues, et Ğamluddn suivant la norme écrite et la prononciation de certains bilingues,
pose problème. En raison de la proximité ressentie avec gämäl « chameau », la solution
retenue en amharique est d’écrire ämäl (), amluddn () et de lire Gaml,
Gamluddn, etc., comme dans la traduction en amharique (2007) d’Al-Manhal f t’r wa
abar al-‘Afar (Dankil). Dans l’usage courant, on emploie aussi j (pour [#]) ; voir :
Jamaaluddiin Q. Reedo, 2007, Qafar afak yabti-rakiibo [Grammaire de la langue afare], Samara.
ROCHET, D’HÉRICOURT
Charles-François-Xavier Rochet, dit « d’Héricourt ». Voyageur français (né à
Héricourt, le 11 mai 1801). Lors de son premier voyage (1839-40), il rencontre
successivement Looytá b. Arbâhim, sultan des Debné, qui le guide vers le
Choa ; Ibrâhim b. ámmadu (aysamlé, à Ðawayliká et Barudaddá), que
Harris (1844) mentionne sous la forme « Ibrahim b. Hameido, akel des Hy
Somauli » (= aysamlé) ; Waáys b. agayó (Debné-k Wíma, à asanɖrá).
« Bidár » (asbá, à Metta), Sumbul Abbakári, son gendre, à Kúmmi ; ras
Úmar-Bata (Tákil, à Bordóda) ; ras Maámmad-Dîn (Debné, entre Awash et
Hawdé). Lors du second voyage (1842, publié en 1846), il rencontre
Maámmad b. Ibrâhim b. Seém, frère de Ab Bakr « Pacha » ; et le père de ce
dernier, Ibrâhim b. Seém ; Waáys b. agyó, dont le petit-fils Bitá b. Ali b.
Waáys, « cheikh des cheikhs d’Erer », signera une déclaration de protectorat
avec Lagarde (v. Traités) et Úmar-Bata (à Bordóda, vus lors du précédent
voyage). V. Harris, Tadjoura-Choa (piste).
S : HL (in D.M., 1991). L : Malécot (1972 : 51-62 ; 67-71). Ce dernier (op. cit. : 52, n. 1) note
avec raison que l’ajout de la particule (non nobiliaire) n’a pas été le fait de Rochet qui signait
toujours « Rochet, d’Héricourt » avec une virgule.
ROKKIYÁ
De tribu Maanɖíyta, troisième épouse du sultan de l’Áwsa, Maámmad
« Illálta » b. anfaɖé (1862-1902). En poussant ce dernier à désigner son neveu
Maámmad b. Aydâis, réputé être aussi son amant, comme son successeur, au
lieu de respecter l’ordre de primogéniture, elle déclenchera un conflit sanglant
325
ROOD ALI
connu sous le nom de « guerre du Sangerrá » (v.). Une kalluwallé (v.) lui avait
prédit :
Rokkiyay, iba gexxa innih uble Ô Rokkiya que je vois s’en aller à pied
Rokkiyay, walaabak kalah gexetto Ô Rokkiya, tu ne trouveras pas le rassasiement
Rokkiyay, hadaamê gubah gacelto Ô Rokkiya qui t’en iras sous une euphorbe
Rokkiyay, qadambô gabah gacelto Ô Rokkiya qui en viendras à mendier ta doura
Après l’échec de ses intrigues, Rokkiyá quittera, en 1912, l’Áwsa, pour Dawwé
où, dit-on, elle est morte de faim pendant la famine Ugúbli (v. Karmá). Ses os
furent recueillis dans un waydál (v.), comme on le fait pour un guerrier.
S : D.M. / HL.
ROOD ALI
Dans la cartographie anglaise, le nom désigne la baie qui ferme le Golfe de
Tadjoura à l’ouest, qui est connue en arabe comme le ubbat al- arb « baie
ruiniforme », en afar Datá Bad « mer Noire ». Sa passe s’appelle Namma num
Simá « là où deux hommes peuvent s’interpeller » (en raison de son
étroitesse, voir l’étymologie similaire du nom en tigré de Massawa, in D.M.,
2012c : 223-224). Le correspondant en somali Is-kaga-yɖ 2 copie l’afar. La
littérature touristique en a fait le « gouffre des démons ». Harris (1844 : 44)
mentionne quatre îlots :
deux rocheux ; le Bood Ali [Kaɖɖá Ginní Kmá « Grande île des Diables »], haut
de 300 pieds, parfaitement inaccessible étant couvert d’une épaisse matière
végétale, tandis que les flancs de son voisin, le Hood Ali [Uɖ Alé « le petit piton »,
surnom du Unɖá Ginní Kmá « Petite île des Diables] sont nus.
Harris écrit également Bood Ali, Good Ali. Bood pourrait venir de b!d « bosse,
enflure énorme » ; b!dóli « chamelle à très grosse bosse », ce qui s’accorde
avec le profil de la Grande île des Diables où, d’après les traditions populaires,
les djinns ont leur camp (gub).
RUKBÁ#K ÐERMĒLÁ
Pour Rukbâ k Ðermlá « Rukbá et Ðermlá ». Egalement Rakbá sur l’Awash,
chez les Fantoytá (v.). Tribus endogames qui se divisent en Rukbá, peu
nombreux en Rép. de Djibouti (fractions Datá Rukbá et Asá Rukbá),
aysamlé (avec les Rukbá) et Ðermlá, venus pour certains de Íddi. Etablis
dans la zone de Boolé à Makdá. Ils sont afbêa (v.) avec les Badoytá-m
mlá. Une autre tradition, qui souligne les qualités guerrières des Rukbá et
celles, plus politiques, des Ðermlá, les rattache, à Baádu (v.), aux Ská
auxquels ils auraient transmis le chapelet magique (inaytá, v.). La marque de
chameau des Rukbá, appelée rukbáytu, consiste en un arc de cercle sur la
croupe de la bête.
2. Le syntagme nominal est formé de : is [se] ka-ga [dans (locatif)-de (ablatif)] yēɖ [appeler] : de
là où l’on s’interpelle ».
326
S
SGÁLLU
Admin. Sagallo. De *sgánlu « qui a du Tamarix nilotica ». Village côtier, à
l’ouest de Tadjoura, qui servait de point de regroupement des caravanes
d’esclaves (v. Nasínna), avant leur embarquement pour la côte arabe.
Territoire partagé entre aysamlé (v.) et Darumá (v.) qui l’ont en isó des
Gittrissó (v.). Le bord de mer entre Tadjoura et Sgállu est appelé Ðfó (de
ɖhí af « bord pierreux », v. Iɖfálu). L’explorateur Paul Soleillet, le 30 juillet
1882, signe avec le sultan des Debné, úmmad b. Looytá (v.), une convention
par laquelle Sagallo et sa rade lui sont concédés à titre gracieux, avec droit de
pâturer et de se ravitailler en bois et en eau. C’est la bonne manière appelée
aysó-f fáyɖi « droit de pacage ». A son retour d’Ethiopie (1er août 1884),
Soleillet signale qu’un fortin y a été construit par les Egyptiens, qui l’occupent
depuis fin décembre 1882. Il donne Sagallo à la France, le 1er octobre 1884. En
mars 1888, Atchinoff, ataman des cosaques du Terek, débarque une première
fois à Tadjoura et part en Ethiopie. Le 18 janvier 1889, il parvient à nouveau à
Tadjoura et occupe Sagallo. Bombardé, le 17 février, par une flotte française, il
fait sa reddition.
S : Affaires étrangères, MD, 4, 66. L : sur l’épisode Atchinoff : Labrousse (1969) ; Soleillet
(1886b : 54).
SÁKÐA
Groupe Asahyammára (v.), issu des Kutublá, jadis détenteur du
commandement chez les Ddá (v.). Comprend des aɖbisó-s sárra (v.) et des
Maá-s sárra (v.).
SÁMU
Région orientale de l’Ifat, sur la rive gauche de l’Awash, au nord de Rsá et
Asgafán et à l’est de Rôbi où ont émigré les Mdaytó Aydissó partisans de
Maámmad b. Aydâis lors de la guerre du Sangerrá (voir tableau p. 374).
Egalement connus comme Kaɖɖá buɖá « la grande famille (ou maison) ».
SANGERRÁ
I. Chronologie de la succession. II. Intrigues de Rokkiyá.
Sangerrá (de *san-gra-ta « la pointe de la croupe inclinée »), lieu-dit du Kaló,
sur le versant nord-est du mont Bráwli, résidence de la famille du sultan
d’Áwsa (v.), Maámmad « Illálta » b. anfaɖé (1862-mai 1902). Sangerrá est
voisin d’un autre lieu de résidence du sultan, Addale-gúb (v.). Par extension, le
nom en est venu à désigner « le trône », « le gouvernement » : le pouvoir
Mdaytó. C’est le terme choisi pour traduire « cour suprême » dans la version
afare de la Constitution éthiopienne de 1995. Un adage dit : nek inén yâb,
Sangerráh beyá ; Sangerrá inén yâb, waydláh beyá « un jugement récusé
conduit à Sangerrá ; Sangerrá récusé conduit à la guerre. » La « guerre du
Sangerrá » est le nom donné au conflit meurtrier qui a opposé les enfants du
sultan Maámmad « Illálta » et ceux de son frère, Aydâis b. anfaɖé, et les
enfants du sultan Maámmad « Illálta » entre eux.
SANGERRÁ
Maámmad
Aydâis
anfaɖé
328
SANGERRÁ
329
SARĪFÁ
SARĪFÁ
Groupe maraboutique, formé d’éléments venus d’Aden, agrégé aux Dardrá
(v.) d’Áwsa, avec lesquels ils s’intermarient. Les sources utilisées ne
confirment pas l’affirmation d’Abir (1978, IV : 554) selon laquelle ces
330
SAYYID
SAWÁL SÁRRA
Tribu faisant partie du groupe dit Aytúr (v.), formant avec les Ðâgu un
groupement séparé de Dawwé.
SAYYID
1. Définition. 2. Famille des al-Bz. 3. Famille des al-Bqer.
1. Définition. Les descendants du Prophète de l’Islam par sa fille F%ima,
épouse du quatrième calife, Ali, sont dits traditionnellement sda (sing.
sayyid) ou ašraf (sg. šarf). Dans la région de la mer Rouge concernée, de
Zeyla et vers le nord, le titre de sayyid est plutôt réservé aux descendants de
l’aîné de F%ima, asan, et celui de šarf aux descendants de usayn, le cadet.
La présence à Zeyla de familles ašraf, originaires de a#ramawt, est
immémoriale, liée entre autre, au fait que la ville était jusqu’au XIXe siècle
dans la dépendance du Yémen. Parmi les principales familles, on compte les al-
Bār (Maammad al-Br était le chef de Zeyla en 1840), les Sādat Maknn, al-
Musāwi, al-Bāz et al-Bāqer. Famille des Al-Bāz. Dans la généalogie des al-
Bāz, on trouve un sayyid Alī, dit Qawqab « crevette », mort en 1470/71 (h.
875) qui fut gouverneur de Zeyla. La famille al-Bāz aurait pris ce nom de « al-
Bāz » (sans doute initialement al-Ba’z) avec la venue sur la côte africaine de
sayyid Amad « al-muāğir », puis l’installation d’autres membres de la
famille depuis Otumlo (v. uɖúmlu), où s’installe la branche des al-Bqer,
jusqu’à Mogadiscio. La branche des al-Bāz se rattache à Abbakr al-ibši du
village de al-'orfa au a#ramawt. Celui-ci partit d’abord en Ethiopie où il se
maria puis revint à al-'orfa où il mourut en 1368/69 (h. 770). La famille des
al-Bāz est impliquée dans le développement de la ville de Djibouti (v.). La
généalogie compte 40 générations jusqu’à Ab"(ālib, soit :
331
SAYYID
Ab"(ālib
Alī
usayn
Alī Zayn al-Abidīn
Muammad al-Bāqir
!afar al-Sādīq
Alī al-Arī# (ou al"Uraydi)
Muammad
Īsa
sayyid Amad « al-muāğir » (venu de Ba$ra au Ḥaḑramawt en 929/930, h. 317)
Ubayd-Allah
Alawi
Muammad
Alawi
Alī
Maammad « saīb Sinā »
Alī
Maammad « faqī al muqaddam, al-ustā al-aam »
Alī
asan
Maammad « sall’Allah »
Amad
Alī
Abbakr al-ibši (d. al-'orfa, en 1368/69, h. 770)
Alawi
Alī « Qawqab » (d. à Zeyla, dont il était le chef, en 1470-71)
Amad
Alī
usayn
Šay,ān
Maammad
Alī
Amad
asan
usayn
Yaqb
Gafar al-Bāz (le premier à porter le nom al-Bz)
sayyid Maammad al-Bāz (guide du consul Henry, détenteur du sirr)
sayyid usayn, dit « sayyid Bābr »
332
SAYYID
Bonhoure à la suite d’une vision d’un pieux Soudanais, qu’il interpréta comme
la volonté du saint Abdulqdir Ğīlnī d’avoir un oratoire à cet endroit. On note
que la construction de ce premier lieu de prière destiné aux membres de la
Qdiriyya est due à un affilié à la confrérie Mirġaniyya (voir p. 214). Sans
raison connu, le nom al-Bz ne semble plus porté à la 3ème génération.
Descendance simplifiée de Gafar al-Bz
Gafar al-Bz
♀ Gafar3 sayyid Ḥusayn4 sayyid Abū Bakr5 sayyid Īsa Abdir [♀ mariée à
Ali"Turgumn]
Ḥasan Ḥusayn sayyid Idris6 sayyid Maámmad6 Arafa
__________
1. Constructeur de la mosquée Gmi ar-Rda (1894, Djibouti). Décédé en 1911. Une de ses filles a
épousé sayyid Abū Bakr et est la mère de sayyid Maámmad.
2. Guide du consul français Henry en 1885 sur la côte somalie. Détenteur du sirr, il a délimité le
premier maqm dédié à Abdulqdir Ğīlnī, Bd. Bonhoure à Djibouti (v.). A été chef d’équipe au
Chemin de fer franco-éthiopien (CFE).
3. Décédé vers 1961. Une fille de son fils Ḥusayn a été mariée à sayyid Maámmad b. sayyid Abū
Bakr. L’autre fils, Ḥasan, a été assassiné.
4. Dit « sayyid Bbūr ». Ancien chef de la mosquée Abdulqdir, Avenue 13 (ex-maqm, après
érection de la qubba par son oncle Ḥasan). Mort à Zeyla, vers 1925.
5. Décédé en 1942.
6. Informateurs. La fille de sayyid Īsa, Arafa, était réputée détenir les archives de la famille.
Famille des al-Bqer. Cette branche des al-Bz s’est installée à Otumlo.
Implantés anciennement, avec d’autres familles dans la région de Massawa
(Miran, 2009 : 238), les al-Bqer (al-Bqir à Massawa) illustrent ce
mouvement d’émigration de la péninsule Arabique vers la côte érythréenne ou
Zeyla, puis Djibouti. Originaire de cette famille de sda de Zeyla, sayyid Ali b.
Maammad al-Bqer, dit « sayyid Ali-Turgumn » (1870-1935), qui a épousé
une des filles de Maammad al-Bz, devient l’interprète arabe de Lagarde en
mai 1885, à l’âge de 15 ans. Il reçoit de la colonie des marques de
reconnaissance, comparables à celles que reçoit parallèlement le Français
Oehlschlager (v.) l’autre interprète du commandant d’Obock. Sayyid Ali-
Turgumn se voit décerner les décorations et diplômes suivants :
— 1894 (Paris) : diplôme du Nichan al-Anouar (ordre créé par Lagarde en 1887 pour
le sultan de Tadjoura).
— 1896 : Mérite agricole.
— 21 juillet 1909 : Nichan al-Iftikhâr (chevalier).
— 10 mai 1911 : témoignage de satisfaction du ministre des Colonies pour « bonne
conduite pendant les troubles suscités par Bourhan à Tadjoura les 6 et 7 mai
1910 ».
— 25 mars 1912 : Etoile d’Anjouan (chevalier).
— 6 janvier 1922 : Nichan al-Anouar (chevalier).
— 22 avril 1925 : Légion d’Honneur (chevalier).
Loin d’être anecdotique, cette énumération montre que Ali-Turgumn aura tout
au long de sa carrière jouit de l’estime des autorités coloniales.
S : Chedeville / sayyid Idrīs b. sayyid usayn ; sayyid Maámmad b. sayyid Ab Bakr. L : sur
ces élites religieuses à Massawa, Miran (2009 : 237 et suiv.).
333
SĒKÁ
SĒKÁ
Sek, pl. ská (les bilingues arabe-afar prononcent šká), désigne tout homme à
qui un pouvoir surnaturel est reconnu ou les membres d’un groupe
maraboutique, parfois d’origine arabe. Les Ská, sous des noms divers (v.
Maanɖíyta), sont disséminés dans l’ensemble du pays afar, souvent accolés à
une tribu. Trois centres historiques peuvent être identifiés, à partir desquels
l’islam s’est propagé : 1. Bôri, avec le cheikh Intilé (v.) et six autres « porteurs
de talismans » venus du Yémen, via Zeyla (v. Maliná Miimbará). 2. Harar-
Zeyla, centres de diffusion de l’islam prosélyte pour toute la sous-région, dès
les VIIIe ou IXe siècles, et relayés par l’Áwsa lors de l’émigration de la famille
des imams en 1577. 3. Raaytó, centre du pouvoir des Anklá (v.), dont le
rayonnement s’étendit aux groupes pastoraux alentour, en se renforçant avec sa
constitution en sultanat autonome au XVIIe siècle, à l’instar de Tadjoura. Une
généalogie des Ská, recueillie par Chedeville en 1966 de Sullé b. sek
Ḥúmmad, montre que le terme de « généalogie » doit être surtout compris
comme une affiliation spirituelle entre des missionnaires se réclamant, dans le
cas présent, d’un « sek Buran » sur lequel n’existe aucun renseignement précis
sauf son oratoire à Obock (v. ayyú). Cette généalogie des Ská de Raaytó
est ainsi (lignages et affiliations sont indiqués entre crochets) :
sek Adan (parti à Massawa) sek Maámmad (à Raaytó) sek Mé (au Mabla)
Áli
sek Maámmad
sek Ḥúmmad
Sullé
[sek Aliytó en partie avec les Abūsá-mára, v.]
334
SIYĀRÁ
SIDĪḤÁ BUÐÁ
« Les trois maisons ». Groupe mixte, composé d’Ankáli-k Ayrolassó, Goftó et
Askakmáli, partagé entre plusieurs commandements : 1. Debné de Mullú ; 2.
Algá-k Fadá (au confluent Gayssán-Awash) ; 3. Sidá Buɖá de Gárbi,
lesquels ne sont pas des Debné, mais du groupe úmmad-Gúra (Badoytá-m
mlá). 4. Algeytá-b buɖá.
SÐÁ
Toponyme au sud-ouest de la plaine du Gbaád, exactement Sɖá-b byyá
« les puisards de la lanière » : sīɖá désigne la lanière pendante à l’oreille
entaillée des chèvres, marque de propriété ; le pluriel (afar du sud) byyá (sg.
búyyi ; afar du nord buyyá, pl. buyyitté, búyyay) désigne des trous creusés dans
le lit des oueds à sec pour recueillir de l’eau (ar. ogla). Lieu de plusieurs
engagements, en 1931 et 1932, entre Debné et Gal‘lá (v.), dont celui, décisif,
aurait eu lieu le 1er ou le 11 janvier 1932 (66 Gallá tués, sur un total estimé de
600 hommes, dont 200 cavaliers ; 56 Debné).
S : HL (in D.M., 1991 : 35 ; 1997 : 61-62, 133-134) ; HHL (Naw.).
SIFANI
Ancien poste italien, à la confluence des oueds Asadorá et Awrá ; lequel se
perd dans la plaine de Têru (v.). En afar Digdigá (de digdîgu « Commiphora
habessinica »). Sifani est aussi appelé antillé « qui a des vaches à lait ». Le
nom Digdigá est également celui d’un lieu-dit à env. 13 km en amont de Sifani,
à hauteur de l’oued Gasrálu.
SIYĀRÁ
Cet emprunt à l’arabe (également siyyrá ; monolingues diyyrá) est employé à
propos de différentes cérémonies et rituels religieux, rogations pour la pluie,
pèlerinages votifs, commémorations au tombeau d’un saint, accompagnés
fréquemment d’un sacrifice. A l’endroit de ces « visites », on trouve souvent
une mosquée (il existe en afar une proximité ressentie entre masgid
« mosquée » et usgud « égorger rituellement »). Les mosquées sont
généralement des enceintes basses en pierres sèches. La plupart des « hauts
lieux » (voir le Siyyâru « mont du Pèlerinage », à l’ouest de la dépression de
Álol) ont leur mosquée, s’ils n’ont pas, comme au sommet du Godá, un
cénotaphe qui est un oratoire (maqm). Les principaux pèlerinages en Rép. de
Djibouti sont celui du Msaálli (v.), de Simbilléyta, chez les Ðortimlá ; celui,
conjoint, sur le mont Gárbi, des Mdaytó, près du sommet, et des Aɖkaltó en
contrebas. Dans ces deux cas, ces réunions claniques semblent prolonger des
rituels préislamiques. Des mosquées sont placées à des points remarquables,
335
SOLEILLET
comme au col de Wagrabá, près de Aríyyi. Depuis les années 1960 et l’époque
nassérienne, les mouvements prosélytes sont présents dans les agglomérations
d’Áwsa, parfois en brousse, comme à Istamír, dans l’oued Gubangúb, chez les
Mdaytó, Warâba (Andabbá), mais avec une pérennité variable. Certaines de
ces enceintes sont bâties et couvertes (Aláylu, au nord d’Ambabbó, aujourd’hui
abandonnée). Les oratoires auprès de tombeaux de saints dont l’origine et la
biographie sont obscures sont nombreux : en Áwsa, cheikh Faɖé-n-Geyó (v.),
Šek Abbawn, près du puits historique de Adáylu. La tombe de cheikh
Anɖaɖɖós « celui qui fait reverdir », qui se trouvait sur le bord du lac de
Uddúmma, a disparu. Elle a été vue par Braca et Comolli (1939) qui
décrivent « un petit tumulus de pierres » :
Nous sûmes ensuite que ce que nous considérions comme une tombe dénuée
d’importance représentait, en fait, un lieu où, selon la légende, se rendait pour
prier dans une parfaite solitude un des santons les plus renommés de la région :
le fameux scek Adun (…). A peu de distance, au bout de la colline, au point où
la piste rejoint la vallée de l’Awash, notre vieux guide nous fit remarquer une
petite construction formant muraille de forme rectangulaire, une espèce de petit
sanctuaire qui gardait la dépouille mortelle de Scek Adun.
Il n’a pas été possible de recueillir une quelconque information sur ce cheikh
Anɖaɖɖós, pourtant fameux, mais dont le nom « Adun », semblait déjà
confondu, en 1939, avec celui du garad Adan (1636-1648), fils et successeur
du garad ;sa (v. Dardrá). C’est aujourd’hui le nom de l’émissaire sud du lac
de Uddúmma (voir carte n°5). Un autre groupe est constitué par les oratoires
dédiés à des saints de l’islam mondial ou régional, comme Bayazd al-Bis%m
(v.) au Godá, Abdulqdir !ln (v. Gabûti), cheikh Mandáytu (v.) à Dikhil,
en Áwsa, à Baádu. Il existe enfin des pèlerinages auprès de vraies tombes,
comme à Ambabbó, cheikh Gonduramán (v.) ; cheikh Abu Šawrib (v.) à
Tadjoura. La pratique de cultes ancestraux sur les montagnes a été notée par
Reinisch et Conti Rossini, par exemple sur le mont Falúm et le Ðagárri en
Erythrée, le cône volcanique de l’Ayyálu, au sud-est de Gawwâni. Ces
montagnes sont le siège d’une puissance suprême dont le nom, Fígu (v.), est
devenu synonyme d’Allah avec l’islamisation. Henry Salt a constaté des
offrandes de pain au sommet du mont Assauli (As awliyá ?), près de Däbrä
Bizän en pays saho où est enterré un cheikh ámmadu. Ayyálu et Gurraalé
sont des pèlerinages fréquentés par des musulmans et des ermites chrétiens. Les
offrandes au défunt (fró) sont aussi constituées de lait (far désigne le premier
lait resté dans le trayon donné à la traite), voire de tabac ou d’eau, toutes
provisions dont l’absent ne saurait manquer. Les offrandes sont parfois
disposées dans des trous creusés dans la pierre (ɖhí krá).
S : Conti Rossini (« Al Ràgali », 1903 : 243) ; Reinisch (1890, II : 131) ; Salt (1814 : 444) ; HL
(in D.M., 1991 : 28-29 ; 1997 : 121 ; 153-56).
SOLEILLET
La carrière dans le nord-est de l’Afrique de Paul Soleillet, négociant et
voyageur français (1842-1886), déjà célèbre pour ses explorations au Sahara et
au Sénégal, débute à Obock en janvier 1881. Ses principaux épisodes sont
connus. Créateur de la Société des factoreries françaises, Soleillet prend
336
SOMALI
SOMALI
En somali : soomáali, pl. soomaalí. En afar, coll. smlí ; singul. smlíyta. La
présence de Somalis (Issas non compris, v. Îsa) parmi les Afars revêt
traditionnellement trois formes. 1. Généalogique : l’ancêtre des Badoytá-m
mlá (v.) aurait été somali ; 2. Occasionnelle : les Somalis, maintenant afarisés
du Brík baddí máru « le cercle de la mer de Bôri » (v.), sont les descendants
de marins naufragés, accueillis par les Dammohoytá. Leur présence explique
une toponymie partiellement somalie, comme, au sud de l’île de Baka, les îles
de Kaɖɖá Idán « grande armée » (so. idn « armée ». Sur les cartes, Hedan) ;
337
SONGÓ-G GODÁ
SONGÓG GODÁ
1. Onomastique. 2. Fractionnement. 3. Extermination.
1. Onomastique. Le nom du massif montagneux, Songó-g Godá « la Godá
des Songó », est associé à celui d’un groupe non afar, les Songó (le nom songo
se retrouve, par exemple, en sidamo, pour désigner l’assemblée traditionnelle
des chefs). On distingue le toponyme (2 accents) Songó-g Godá, de la tribu des
Songoggóda (un seul accent). Les traditions sont ici contradictoires. L’une
d’elles affirme que les Songó, premiers occupants du massif du Godá, d’abord
envahis par les « Glla » (v.), s’allièrent aux Debné pour les repousser, puis
passèrent sous commandement de ces derniers. Lucas (1935 : 191) leur attribue
le creusement du puits de Tadjoura, quand Angoulvant et Vigneras (1902 :
153) associent les Songo aux Perses. 2. Fractionnement. La chefferie dirigée
par les Mafâ (v.) comprend 9 tribus principales. 1. Mafâ (fractions Ilokkoḥtó,
Waytammalé, Mafoytá) ; 2. Darumá (Asá Daḥrumá, Adoysittó ou Aden-
Ysiftó, As-Maḥammaddó) ; 3. Gittrissó d’origine Songó (Sanfaritté, As-
amaddó) ; 4. Adáli (Datá buɖá : Ibassá, asantó, Mlikaytitté, asan-
Kiitté ; Asá buɖá : aysamitté) ; 5. Ayrolassó ; 6. Fadīitté ; 7. Ablé ; 8.
asbá (Saīddá) ; 9. Garrní. 3. Extermination. Ce fractionnement
complexe fait suite à une histoire presque effacée mais dont les rares souvenirs
conservés attestent de la violence. Une tradition rapporte que les Songó
« grands, bêtes et chrétiens » furent emmenés par un esclave du sultan de
Tadjoura sur la plaine de Awɖáa, près de Dorrá, où ils moururent de soif. On
cite aussi la plaine de Ðɖá. Partis de Gabón, les Songó s’y épuisèrent, dit-on,
à y courir après un mirage. Les tombes dites « Songó » (voir « Galla »), à
Tadjoura, sont l’indication d’une présence antérieure aux Afars, que la tradition
orale évoque dans cet appel à l’extermination proféré par un Ablé à l’adresse
des Songó :
Yaabe num, Yalla yaabay xiica Celui qui parle, le fait sérieusement
Soole num, salaatah soolay xiica Celui ici debout, le fait en homme pieux
Iyye num, geeracasá yaxcay xiica Celui qui parle, parle de piller les chameaux
Abi edde rabay xiica Qu’y périssent leurs oncles maternels !
Absumi edde rabay xiica Qu’y périssent leurs neveux !
Gafan edde xuumay Qu’ils sombrent tous dans l’abîme !
Cette référence faite au lignage maternel se retrouve dans un vers comme
(Poésie : 119) : sirr’aaba saaxat aboyya le « ceux qui pratiquent le secret
338
SUBLÁ
finissent par périr » (litt. les faiseurs de secret s’éteignent jusqu’au dernier
ancêtre maternel — compte tenu de ce que la généalogie est comptée en lignée
masculine). Harris (1844 : 147) mentionne le pays de Hai (plateau de y au
nord de l’oued Skaytó) comme le pays des Gittrissó et de leur chef Sango :
« The Gitteréza, a gigantic pastoral race, who, under the chief Sango, were at
enmity with all the surrounding, are now extinct. » Johnston (1844) y situe des
tombes de « Kafir, anciens possesseurs du pays ». Angoulvant et Vigneras
(1902) leur donnent une origine perse, avec une implantation devant Zeyla. V.
Fúrsi. Après leur élimination, qu’Angoulvant et Vigneras attribuent aux
« Ankellos » (Anklá), ne serait restée qu’une femme qui aurait donné
naissance à un garçon qu’elle aurait surnommé Abalakráti (de abál-ak raté)
« (tu es) ce qui reste de mon sang ». La chronique de l’Áwsa (cheikh !ln)
indique, en août 1857, un combat opposant des Songó et, semble-t-il, des
Mdaytó, où fut tué Msá b. Barádo, indiquant indirectement qu’à l’époque
les Songó étaient devenus musulmans et portaient des noms afars. Il existe des
Songó parmi les Awsí mára (v.). La défaite finale des Songó est attribuée à
Asá Abbakári (Darumá) et ásan Baɖɖá (Ayrolassó). Elle fut suivie de
l’occupation du Godá (v.). La distribution primitive des Songó est incertaine.
Elle semble avoir inclus le Godá, jusqu’à l’oued Randá au nord ; le versant
sud-ouest (Iddeytá, Marr, où existent des tombes), jusqu’au lac Assal et au
Adorásu. Soleillet (1886 : 53), après « être entré dans le pays de Loita »
[úmmad b. Looytá (v.)] signale :
au pied du mont Ingamara, un plateau pierreux à travers lequel coule la Galla-
Songo. Sur cette rivière se trouvent des constructions en pierre sèches, des
ruines et des murs réguliers. Sur le second gradin de Ingamara, les tombeaux des
chefs afars de la famille de Houmed Loita.
Soleillet se trouve en fait au pied de l’escarpement qui longe la piste appelée
Ungá-m maríh-dô « le chemin montant des gens du doum » (ungá), partant du
sud-ouest de l’oued Kôri, au sud de la plaine de Gaggadé, et s’enfonçant dans
le plateau du Gabaádu. Les terres des Songó (la mention « Galla-Songo » de
Soleillet renforce l’hypothèse selon laquelle ces « Galla » (v.) n’étaient pas des
Oromo) semblent avoir été principalement données aux Darumá (v.) et aux
Adorásu (les Mirgantó ont les terres au-delà de l’oued Iddeytá). Reste possible
de la puissance des Songó, un découpage prend le lac Assal comme centre et
distingue : au nord-est, le Godá ; au nord-ouest, les trois montagnes (Sidá
Alé) : Gárbi, Siyyâru, Yagér ; au sud-ouest, le Wandâba, « la zone basse » (par
rapport au Godá) incluant la plaine du anlé et le plateau de Dakká.
S : HHL (Naw.) ; HL (in D.M., 1991 : 27, 28, sq) ; Chedeville / Dilléyta b. Maámmad b. Msá.
L : Albospeyre (1959) ; Angoulvant & Vigneras (1902) ; Lucas (1935 : 181).
SUBLÁ
Ficus sycomorus. Arbre remarquable dans plusieurs cultures d’Ethiopie (EA,
IV : 779). Fréquent dans la toponymie (voir dans le Godá, Sublá-l-abá « la
source près du sycomore » ; vers Obock, l’oued Sublálli ; vers Sidīḥá Mengelá,
Sublá-f faɖó « le passage du sycomore »,). Sublá (nom commun à l’afar et au
harari) désigne la clairière où se trouve une maison de l’ex-sultan Ali-Miráḥ,
sur la rive droite de l’Awash, un peu en amont d’Abrobbaɖíffgé.
339
SUGET
SUGET
En fonction prédicative : súgt-i « ce sont des tribus anciennes ». Tribus
antérieures à celles ayant eu jusqu’à une époque récente un pouvoir politique,
et, à ce titre, considérées comme « demeurées en place » (súget). Le
néologisme sugeet [sugêt] traduit assez judicieusement le concept de
« culture », soit « ce qui est resté » du passé, en liaison avec l’héritage ancestral
(abukráti). Sont considérées comme súget : les Ablé et les adarmó dont
l’origine bedja a été signalée et qui suscitèrent le coup d’Etat de aɖal-Mâis
(v.) contre les Anklá (v.) ; les Badoytá-m mlá qui s’allièrent aux Ablé (v.).
Certaines tribus, les Damblá (v.), les Ulutó (v.), les Maantó (v.), les Madîma
(v.) sont reconnues, sans plus de précision, comme « anciennes ». Le terme de
súget n’est pas exactement symétrique de moddaî (v.). Il se comprend si l’on
prend en compte quatre périodes successives : 1. Jusqu’au XIVe siècle (soit
avant l’apparition de aɖal-Mâis), des tribus afares, dont celles précitées,
coexistent depuis une période indéterminée. Súget est ici lié à l’idée
d’autochtonie. 2. Avec la prise de pouvoir de aɖal-Mâis et jusqu’au XVIIe
siècle, période doublement marquée par le déclin de l’Adal I et l’émergence de
l’Adal II (v. Introduction), les lignages Adáli de Tadjoura et Raaytó,
Dammohoytá de Bíɖu (v.), Dankáli de Baylûl (v.) créent de nouvelles entités
(toutes assimilées à des sultanats). Ce sont les tribus d’« excellence »
(moddaî). Le principe dynastique se superpose à l’idée d’antériorité. 3. Avec
les guerres pour le contrôle de la vallée de l’Awash (c. 1750-1850), qui
consacrent la victoire des Mdaytó en Áwsa (v.), la distinction pertinente
devient celle entre ‘Adohyammára et Asahyammára (v.). La conquête
renouvelle la notion d’ « excellence », ajoutant aux anciennes dynasties, celle
des Mdaytó « Rouges » qui sortent vainqueurs d’un conflit qui a affaibli
démographiquement l’ensemble des belligérants. 4. Depuis la seconde moitié
du XIXe siècle et au XXe siècle, l’opposition Adohyammára / Asahyammára
tend à disparaître, à mesure que le souvenir des conflits qui l’ont suscitée
s’efface. Le terme moddaî inclut les tribus anciennement détentrices d’un
sultanat (les Adáli), mais sans ressources notables, et celles plus récentes
enrichies par la monoculture du coton (les Mdaytó). Le critère décisif est
désormais économique. Le terme de moɖoɖɖíb désigne autant les tribus
pauvres que celles qui s’inscrivent politiquement dans la mouvance d’un clan
dominant.
SUGÚM
Période pluvieuse (mars-avril, v. Álsa, Karmá). Certains sugúm ont été
particulièrement abondants, et ont mérité un surnom. Vers avril 1890, pluies
dites liggaysé « qui empêchent de dîner avant de dormir » (liggay). 1891,
pluies meurtrières dites dulmá (v.) ou alliyó « vomissements » dus au choléra.
Après l’hiver 1918-1919 (Naw.), en mars-avril 1919 (h. 1337 / 7 octobre 1918-
25 septembre 1919), pluies de sugúm très abondantes et générales, dites
gumá-s sugúm (v. Karma). Avril 1927 (h. 1345), grandes pluies : la ville de
Djibouti est inondée. Il s’agit d’une des premières mentions d’une calamité
cyclique en raison de la situation de la ville, au niveau de la mer, empêchant
l’évacuation des eaux de pluie.
340
T
TADJOURA
1. Situation géographique. 2. Etymologie. 3. Exploration européenne. 4. Histoire de la
ville. 5. Plan de la ville. 6. Mosquées. 7. Territoire du sultanat. 8. Régime fiscal. 9.
Histoire du sultanat. 10. Lignée des sultans. 11. Tribunal du sultan.
1. Situation géographique. Ville ancienne située sur la côte nord du golfe
auquel elle donne son nom, et au sud du massif du Dadár (v.). Le site se trouve
au débouché de deux oueds, Maglé, à l’ouest, dont la zone d’épandage s’étend
en bord de mer, de Gaórta à Aláylu, et Marsâki, à l’est.
2. Etymologie. Le nom afar de la ville de Tadjoura (Tadjourah) est Tagórri (de
tágor ou tógor, pl. de tagrá « outre à puiser » : *tagór-li > tagórri « qui a des
outres à puiser » = abondante en eau). Ce n’est pas « en raison du nombre de
ces récipients encombrant le fonds du puits » (Mohamed Aden : 2006 : 38) que
le nom Tagórri s’est fixé, mais pour signaler la permanence d’une ressource
aussi rare que vitale. En arabe, Taurra, Tuurra. La reconnaissance du golfe
de Tadjoura, et plus encore de la ville, est incertaine et tardive. La première
mention de Taurra figure sur la carte d’al-Idrs (datée de 1154), mais mal
placée à la latitude de Djeddah. La ville pourrait se trouver sur celle de al-
Brn (973-1048), si l’on admet de lire رة sous دة « ذn--d », par 12° de
latitude, au nord-ouest de Zayla.
3. Exploration européenne. La première mention européenne du golfe : « este
rio entra quatro jornadas » (cette rivière pénètre de quatre journées), d’où le
nom de « Rivière des quatre journades » ou de « Baie des quatre journaux »,
que lui donnent au XVIIIe s. les géographes et les marins français, figure sur la
carte de Lopo Homem (1554), reprise par Almeida (1662). Le rs Bir (rs al-
Barr « promontoire, cap du continent » ? Chumowski, 1960 : 135) est
également mentionné, si l’indication « C. Robel » correspond au rs Bir.
Tagora apparaît, pour la première fois sur une carte européenne, sur celle de
Diego Homem (1565), et est repris ensuite épisodiquement. L’exploration de la
mer Rouge menée par Estevão de Gama et João de Castro (1541), semble avoir
ignoré le golfe de Tadjoura auquel on donne jusqu’au XIXe siècle des surnoms
fantaisistes : Bahr al-Bánateen « the sea of the two nymphs » (Harris, 1844 :
43), « the sea of the maidens » (Johnston, 1844 : 5). Les premières
informations françaises proviennent du récit publié par le chevalier de La
Roque en 1715 de l’expédition française partie, au début de l’année 1708,
acheter du café à Mokha. Cette expédition était constituée de deux bateaux, le
Diligent et le Curieux, commandés respectivement par Julien de Champloret et
Godefroy Gollet de la Merveille, le subrécargue de l’expédition. Les deux
bateaux sont devant l’entrée du golfe de Tadjoura, le 28 décembre 1708. Sans
que le journal de bord permette d’établir sa position avec précision, le Curieux
est abordé le 30 décembre par un boutre dépêché par le sultan de Tadjoura,
Maámmad b. Dni. Celui-ci lui remet un message contenant une invitation à
se rendre à Tadjoura. Mais la sonde donnant des fonds insuffisants, le navire
vire de bord et repart au large. Il rejoint le Diligent, et tous deux atteindront
Mokha, le 3 janvier 1709. La Roque n’ayant pas participé au voyage, son récit
TADJOURA
342
TADJOURA
plus ancienne » mosquée à la tribu Adniytó (v.) dont l’ancêtre apical était un
Juif du Yémen venu à Tadjoura au milieu du XVIe siècle. Si Tadjoura a été
fondée au IXe siècle, on peut supposer que des mosquées ont été édifiées dès
cette époque. Charles Johnston (1844 : 48 et suiv.) est le premier à fournir
quelques indications. La mosquée principale, écrit-il, est de forme carrée, avec
des murs formés de branches et avec un toit en feuilles de palmier, maintenues
par des cordes en doum. Son emplacement n’étant pas précisé, son
identification est incertaine. Les deux autres mosquées sont « les seuls
bâtiments de pierre de Tadjoura ». Elles sont plus petites et à toit plat, blanchies
à la chaux. L’une est proche de la case du sultan, écrit-il. On peut penser qu’il
s’agit de Šek úmmad. La seconde, carrée, en bord de mer, avec, à son
extrémité opposée, les ruines d’un bâtiment en pierre, pourrait être Cheikh
Ibrâhim. Faute d’autres documents sans doute disparus lors des incendies
successifs de la ville, on doit se contenter des indications succinctes suivantes :
1. Šek úmmad (« Cheikh Mohamed » pour Albospeyre), qui serait la plus
ancienne (donateur Adniytó), aujourd’hui détruite. Mohamed Aden (op. cit. : 53)
précise que les sultans y étaient enterrés à proximité.
2. Iska ou Sissiká, dont le nom est aujourd’hui reformé en « cheikh Isaq »
(S!ká et s"bá). Mohamed Aden (op. cit. : 54) indique que le minaret s’est
effondré à la suite d’un tremblement de terre au début du XXe siècle.
3. Gmi ou ma (s"bá). Mohamed Aden (ibid. : 54) précise que c’est là que
« tous les vendredis, se rassemblent les croyants ». Albospeyre (ibid. : 151) écrit
que ce rassemblement hebdomadaire avait lieu à la mosquée « Cheikh
Mohamed ».
4. Cheikh Ibrâhim (S!ká). Mohamed Aden (ibid. : 54) dit qu’elle a été construite
par l’arrière-grand-père de l’ex-député Ḥas"bá Mohamed Ali Gadilé. Albospeyre
donne le nom du donateur S!ká, originaire d’Awsa.
5. Korğib (d’abord Adáli, construite par le sultan úmmad b. Maámmad, grand-
père du sultan abíb, puis Ðerm!lá). Suivant le légendaire, Kor"ğib (v.) serait le
nom d’un cheikh surgi de la la mer, qui aurait demandé qu’une mosquée soit
érigée sur sa tombe.
6. Šdilí (Adáli), qui aurait été fondée par le cheikh al$Š%il, lui-même (Šams al-
Dn b. Ali b. Umar al$Š%il, mort en 1512-13, instaurateur de la confrérie
Š%iliyya, au Yémen).
7. La mosquée dite « du bord de mer » ou « Šek Maámmad » est le maqm de
cheikh Maámmad « Darbên » (v. Ibrhm Ab Zaarbi).
7. Territoire du sultanat. Les frontières du sultanat sont rappelées lors de la
proclamation du nouveau sultan (kúkta) : Asál-Fɖusá-ɖ « la pierre sifflante
de Asál », à Dabrimá, au nord-ouest de Skálol correspondant à la cote 262 sur
la carte IGN (coordonnées hectométriques JJ942441) ; Sebbó-d dbá « le col
de Sebbó », entre le petit massif de Gangá derrière Asab et le eltági, sur le
territoire du sultanat de Raaytó. Le crieur avertit :
« Qasal Fuuxusa-xaa kee Sebbaaqô daaba,
kay wano kinnim oobiyooy cintem baadday, oggoltem gibirtay »
« Apprenez que son domaine va de Fɖusá-ɖ au col de Sebbó
Que ceux qui refusent s’expatrient ! Que ceux qui acceptent paient l’impôt ! »
343
TADJOURA
344
TADJOURA
1. Ainsi, par exemple, une décision prise au tribunal du sultan, à l’encontre d’un mari qui ne paie
pas sa pension alimentaire à son ex-épouse, ne peut être suivie d’exécution.
345
TADJOURA
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TADJOURA
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TADJOURA
1600 Maámmad
Dnitté Burantó
348
TADJOURA
11. Tribunal du sultan. Le mot mabló qui signifie « procès, litige, » désigne
aussi le tribunal (v. ubul « voir »). C’est l’audience publique du sultan, assisté
de makâban (v.) réputés pour leur connaissance de la madá (v.). Elle suit un
déroulement et un cérémonial particuliers. Outre ces membres du tribunal,
l’audience requiert la présence d’un assesseur chargé d’ouvrir et clore les
débats en récitant la Ftiá et des représentants des parties (awlá) ou les
plaignants eux-mêmes ; enfin, les interlocuteurs muets de ceux-ci (hayyé-n
num). Chacun des deux plaideurs choisit son hayyé yabbíɖi « celui qui
acquiesce », qui va ponctuer la déposition en reprenant un mot ou une phrase
de celle-ci, à chaque pause de l’orateur. Exemple d’une telle audience (telle que
nous y avons assisté en 1974) :
Le sultan ou son assistant : Hekeluu kee hekelu mablo lekii keenih oobbiya « Apprenez
qu’un tel et un tel ont un procès ». Puis, il demande à chacun quel est son
représentant (awlá), et à celui-ci s’il accepte. Il invite alors le chargé de la Ftiá à
ouvrir la séance : Tu lem tu taxxacay ixxicaay, Faatica hayis « Dis : “Que ceux qui
ont quelque grief le disent”, et fais la Ftiá ». L’assesseur répète : Tu lem taxxacay
« Que ceux qui ont quelque grief le disent, Ftiá » (sans toujours réciter la sourate
liminaire du Coran).
Le premier makbántu poursuit : Yab iyyah nacoo ? « A qui dois-je donner la
parole ? »
Le second makbántu : Hebeluh acuwa « Donnez-la à un tel ».
Le premier makbántu s’adressant à la personne désignée : Hebelu yab koh yeceenihik
exxecciy « Un tel, puisque l’on t’a donné la parole, parle ». Le plaideur fait son
exposé. Il commence par prendre dans l’assistance un interlocuteur muet (hayyé yoh
ibbix « fais-moi hayyé »), à qui il s’adressera en apparence, et qui ponctuera
chacune de ses phrases en disant : « Hayyé ? — Et puis ? » ou en répétant le dernier
mot ou même la totalité de celles-ci pour être sûr d’avoir bien compris et que tout le
monde a bien compris. Le second plaideur procède de la même façon. Ils
reparleront au besoin à leur tour jusqu’à épuisement de leurs arguments. Pendant
ces dépositions, les juges n’interviennent pas, sauf pour de brèves mises au point.
Lorsqu’ils ont terminé, on fait comparaître les témoins (wadi num). Seuls les
hommes peuvent être cités comme témoins. Les femmes peuvent être interrogées à
titre d’information. Lorsque toutes les dépositions sont achevées, le premier juge
désigne un des assistants qui peut être un des hayyé-yabbixi pour répéter in extenso
tout ce qui a été dit. C’est la répétition (maaqo ou gabbaaqo). Après que le
répétiteur (maaqi num) a terminé, a lieu le jugement proprement dit ou mekla
« répartition (des torts) » dans une affaire civile ; cokmi « commandement », dans
une audience pénale. Les juges sont appelés à faire connaître publiquement leur
opinion. Ils discutent, « observent » (wagtaanah). Quand ils se sont mis d’accord, le
sultan peut se rallier à leur point de vue ou, s’il est en désaccord ou a vu un défaut
dans leur décision (dardar mokodde yublekii), leur reposer le problème (keenit
gacsa). Ils acceptent son point de vue ou restent sur leur position (sarra, dardar
iyyeemih gaciy, makaaban itteemih gaciy). L’accord intervenu ou l’audience
reportée, le sultan ordonne à celui chargé de la Ftiá de clore la séance.
Chef de postes (1927-1943). Venant d’Obock, Azénor prend le
commandement du cercle en mai 1927 avec l’appui de l’aviso Diana. Il est
officiellement nommé le 18 janvier 1928. Lui succèdent (dates de nomination) :
Dupont (2 mai 1928) ; Barthélémy (30 octobre 1928) ; à nouveau Azénor (18
novembre 1928), qui meurt le 28 décembre 1928, après l’investiture du sultan
349
TADJOURA-CHOA (piste)
TADJOURACHOA (piste)
Tadjoura a constitué l’un des principaux points de débarquement des voyageurs
européens en route vers le Choa et l’Ethiopie. Au XIXe siècle, le commerçant
Jules-Nicolas Dufey (1811-1839) est le premier à accomplir ce trajet qui sera
suivi en sens inverse par les deux missionnaires allemands Karl-Wilhelm
Isenberg et Ludwig Krapf. Après un voyage en Ethiopie au départ de Massawa,
Dufey regagne la côte à Tadjoura, venant d’Ankobär, après 43 jours de marche
(6 août-19 septembre 1838). Karl-Wilhelm Isenberg et Ludwig Krapf, que
Rochet a rencontrés au Caire, mais qui l’ont devancé, débarquent à Tadjoura en
avril 1839. Rochet y arrive, le 4 juin. Au terme de son premier voyage au Choa,
il reviendra à Tadjoura en avril 1840. Le voyageur anglais Charles Beke quitte
Tadjoura en décembre 1840 et atteint l’Ethiopie. Ce qui n’est pas le cas des
frères Antoine et Arnauld d’Abbadie (janvier 1841) et Edmond Combes,
lesquels, en application d’un accord passé entre le sultan et le gouverneur
d’Aden, Haynes, ne pourront obtenir le sauf-conduit nécessaire à leur voyage.
En mai 1841, la mission officielle de Harris (v.), venant de Bombay, débarque
à Tadjoura. Après un séjour au Choa (signature d’un traité d’amitié et de
commerce avec le roi Sahlä Səllase), il regagne l’Inde par Tadjoura en 1843.
Entre temps, une gabare française, la Prévoyante (cdt Jehenne), visite Tadjoura
(21-23 déc. 1841). Après une première escale de quatre jours en février 1842,
le voyageur anglais Johnston débarque, le 27 mars 1842, suivi de Rochet pour
son second voyage (mai 1842), lequel se heurte aux mêmes obstacles que les
frères d’Abbadie, et part à Mokha. Un mois plus tard, il reçoit la visite de
350
TADJOURA-CHOA (piste)
351
TÁK‘IL
TÁK‘IL
En syllabe ouverte : Tákli « ce sont des Tákil. » Tribu originaire de la région
d’Obock (ayyú) à Godoryá et de la mer au moyen Sadáy. Propriétaires du
puits d’Obock, les Tákil, sont ensuite passés au Gaggadé, puis, plus à l’ouest,
sous commandement Asahyammára (v.). Ce déplacement vers l’ouest a été
concurrent du « retour » de certains lignages vers Obock. Il existe deux
présentations concurrentes de la tribu. L’une, à base généalogique, distingue
352
TELLURISME
trois fractions : 1. ullá (lignages aînés qui collectent l’impôt pour le sultan
de Raaytó sur les Badoytá-m m!lá) ; 2. S!ém-sárra (les plus nombreux) ; 3.
Gibābí. Les Balossuwá (v.) se comptent parmi eux quand ils viennent à Obock.
La seconde présentation prend en compte la distribution territoriale. En Rép. de
Djibouti, les Tákil sont sous l’autorité des as"bá au sein de la chefferie Kná
líh buá (v.). Les Gubí Tákil (ou ayyú-t-Tákil) « Tákil de la plaine
d’Obock » sont les propriétaires du terrain occupé par les ayís de rs Bir.
Leurs terres vont de ce point à Olmá. Les Gubí Tákil ont été déplacés par les
sultans, semble-t-il pour donner des terres à des Adáli près de Raaytó. De
1924 jusqu’à sa mort vers 1977, le chef du village d’Obock a été Đagé b. Yôfis
(né vers 1900, gardien du phare de rs Bir), des Gubí Tákil. Les Dagá-t-Tákil
« Tákil de l’amont » (Gandêli, sur l’oued Sadáy) ou megló-b buɖá constituent
un groupe ostracisé après un meurtre commis à Obock. En Ethiopie, les Tákil
avec les Datá Gal!lá (v.) n’ont pas de terrains en propre. Les Tákil de Baádu
comprennent les fractions Ganɖé, Burantó, Abá-m m!lá, Mirató, Yrr"rí,
Edí buɖá. Itró commun aux Gal!lá, Tákil et Wagbáru : « Sûna ! » ou
« Sûni ! », également « Asurré ! » ; « anâ, Tákīli ! » est propre aux Tákil.
TALAG
Province de l’Adal (v.). Le nom peut aussi renvoyer à l’oued Tallák, affluent
de l’Awash. Dans la chronique de Amdä Fəyon c’est la résidence du roi de
l’Adal.
S : Perruchon (1889 : 181).
TALTAL
Nom en tigrigna (var. äl!al, än!al, ən!al) des Afars (non des Sahos) de
l’escarpement du Tigré, principalement ertó (v.). Le nom est une déformation
de Dankál qui désigne, en saho, les Afars. D’Abbadie cite Bilal ámmadu
comme le chef des Taltal commandant à neuf tribus afares : Balossuwá, Dúna,
alaytá, Samûti, Bubattó, ertó, Anklá, Dammohoytá, Danklá. Bilal
ámmadu (1828-1908) a été l’informateur d’Odorizzi. Dans son Journal de
voyage, d’Abbadie cite « Dardar, le chef Taltal ». Le titre afar dardár (v.)
confirme que « Taltal » ne désigne pas ici un chef saho, ce que le commentaire
de Tubiana laisse penser quand il écrit à propos de Taltal : « nom que les
Ethiopiens du plateau donnent aux Saho ; “Adal” désigne les Afar ». Taltal est
un usage tigrigna, parallèle à Adal employé en amharique.
S : D.M. (1999 : 20) ; Reinisch (1890 : 354). L : Abbadie (1890 : 10, 328) ; Odorizzi (1911) ;
Plowden (in Hotten, 1868 : 205) ; Tubiana (1959 : 315, note 20).
TAMT
Tribu Adohyammára accolée aux aɖá-m m!lá (v.), chez les D"dá (v.).
Présente aussi parmi les Aggínni (v.).
TELLURISME
La mémoire précise des éruptions volcaniques ou des séismes (les unes et les
autres pouvant être concomitantes, comme lors de l’éruption de l’Ardukôba en
novembre 1978, près du lac Assal), est rarement conservée, bien que présente
dans la tradition orale (D.M., 1997 : 125) :
353
TÊRU
TÊRU
Région au nord-est de Waldayyá, incluant la plaine de Têru proprement dite, la
région des oueds Guleyná (ou Golimá), Awrá (v.) et le pays qui les sépare des
montagnes à l’est de Dabúb (Zobil). TOPONYMIE. La piste qui part de Č’ärč’är2
(km 1) vers cette région enclavée descend sur Addis-Kätäma (km 16) en
suivant l’oued omortó (km 17), lequel prend le nom de Yalló. A Guggubtó
(km 20) se tient un marché (Guggubtó-g Gabyá) dans l’oued Yalló. Adk"má
(km 28) est un campement Dhí-m m!lá. A partir de la plaine de Butá (km 36),
commence une zone de cratères appelée uleyná avec un piton remarquable,
Amadé Hará (km 47) dans la zone de lave. Contournant par le sud le massif du
Dabayrá, la piste traverse l’oued Wannsá au lieu-dit (km 53) Wannsá-k
Kasaltó-d dorá « la mare à Acacia nilotica du Wannsá »3. La confluence
Guleyná-Awrá est appelée Nammalê (km 69). La piste, après Digdigá (km 87),
longe la croupe de Dagím sur le flanc nord-est du Dabayrá (km 95) et atteint
(km 100) Sifani (v.) entrant dans la plaine de Têru proprement dite (km 108).
Après Tiftá Buyyá « le petit puits au goutte à goutte » (km. 115), un puits
permanent est à Satamáli « qui rassasie » (km 124). La piste longe ensuite la
face Ouest du Dabbâu et s’arrête à la zone basaltique d’Abdí (km 148) et à la
plaine de aytám. COMMANDEMENT. Le centre du « sultanat » correspond à la
zone d’épandage au-delà de la confluence des deux oueds précités, appelée
2. Č’ärč’är () est aussi le nom d’une zone montagneuse à l’est du Harar (EA, I : 685). Le
village de Č’ärč’är (Cercèr, Guida : 315) cité ici est situé sur la piste au départ de arlé, à 9
km au sud d’Allamâta (relevé toponymique fait dans les années 1970).
3. Ce type de locution n’est pas unique : ex. Mokónni-k kusrá le gabyá (v. Waydarat).
354
TRAITÉS SIGNÉS AVEC LA FRANCE
Nammalê « les deux eaux ». Le titre de bɖó-h abbá « chef du pays » revient
historiquement au lignage Ibassaralé (*iba-t sára le « ceux dont le pagne
couvre les pieds ») des Mogorrós (v.). Font partie des Trí mára ou « gens sous
commandement de Têru » : les Adáli (v.) de Dabbâu, venus de Raaytó, au
XVIIIe siècle, les Bukkurré, les Arabtá-k Asabbakári et les Asá L-k Dhí-m
m!lá. Le lignage Asammussó présent à Têru est d’origine Dhí-m m!lá. Le
dépeuplement consécutif aux raids des frontaliers (v. Waydarát) et aux disettes
a favorisé la prise de contrôle par le sultan de l’Áwsa. Sur l’escarpement
éthiopien, la distribution comprend : 1. les Baddá-m mára « gens de Baddá
(v.) ». D’Abbadie (1890 : 328) signale que les Lakiná d’Ifisó ont été
anciennement chrétiens ; 2. le groupe du Âdu (Edí mára) ; 3. Les aysantó de
l’Awrá (v.).
Thiébeau v. Kabbōbá
TÓ
Le toponyme est fréquent et désigne notamment : 1. Le mouillage au sud-est de
Midír, avec trois puits à proximité, sur la côte au sud-est : Ðiɖɖoó (sur le bras
oriental de l’oued Adgabán), Dabáyu et Borróyta. L’agglomération est une
création italienne. Au nord de Tó, le principal puits d’eau douce est situé à
Kommâlis. L’agglomération est également connue sous le nom de Bló
(comprendre bloytá le « au récif accore »). La prononciation [tó] est sans
doute le résultat d’une évolution de l’usage administratif italien (orthographié
Thio), à partir de l’arabe. 2. La forme en afar du sud Tewó, de *tewé l! lu
« qui a de l’eau qui sort », désigne les puits du anlé (v.), connus à l’époque
coloniale sous le nom de « Tewao », occupés un temps par les Italiens lors de
leurs incursions à partir de 1937 (v. Dikhil). Quelle que soit la forme (afar du
sud) Tewó, (nord) Tó, le nom renvoie à une zone où l’eau affleure
naturellement (ewé). Le chef de Tó a porté le titre de kabbó markát (ital. capo
di mercato). 3. Tó est le lieu de la mort de Bianchi (v.) dans le sultanat de
Bíɖu (v.), que Nesbitt (1934 : 354-356) retrouve et où il entreprend d’ériger un
monument commémoratif du massacre de l’expédition italienne, avant
d’abandonner ce projet qui suscite l’hostilité des gens de l’endroit.
355
TRAITÉS SIGNÉS AVEC LA FRANCE
Dans la copie des traductions envoyées à Rome en 1899, on lit (Art. VII), sans
aucune rature : « à Ambabou [Ambabbó], sur la montagne de Tadjoura, à
Hassassazélé [Asá Sasalé, la plage des Galets (sasalé), à l’est de Tadjoura,
entre Lubtallé et Raysáli], à Elo [rs Jró], près du cap Jaboutil. » Dans la
version française, les signataires sont ainsi indiqués (les chiffres entre crochets,
ajoutés au texte reproduit exactement, veulent aider à la lecture) :
[1] Diny Ben sultan Mohammed [3] Hammed fils de feu sultan Mohammed
[2] Le Vizir Mohammed fils de sultan Hammed
[4] l'Emir El Hadj Aboubekr Ibrahim Chahm.
[1] « Diny Ben sultan Mohammed » est le sultan de Raaytó, Dni b.
Maámmad b. Burán.
[2] « Le vizir Mohammed, fils de sultan Hammed » est úmmad b.
« Adallóm » Maámmad, seul signataire du traité, non encore sultan en titre,
en raison du deuil conventionnel d’une année suivant la mort de Maámmad b.
Mandáytu b. ámad, décédé le 9 mars 1862.
[3] « Hammed, fils de feu sultan Mohammed » est úmmad b. Maámmad, b.
Mandáytu, le futur vizir de úmmad b. « Adallóm » Maámmad, à introniser.
[4] « L’émir El Hadj Aboubekr Ibrahim Chahm » est Ab Bakr « Pacha » (v.).
356
TRAITÉS SIGNÉS AVEC LA FRANCE
Dans la version arabe (Rubenson, 1994 : 168-173), les signataires afars sont :
[1] cheikh Dîni Ámad Ab Bakr, représentant de Son Excellence le sultan
Muammad ibn Muammad, [2] le sultan Dni, [3] Kul U%mn,
[4] šay( Al Ibrhm Ab Bakr Šam, et [5] le sultan Lata.
[1] Dîni b. ámad b. Ôbakar b. Šeém, [petit-cousin de Ab Bakr] et
représentant du sultan [de Tadjoura] Maámmad b. Mandáytu b. ámad
(décédé le 9 mars 1862) ;
[2] Dni b. Maámmad b. Burán [le sultan de Raaytó] ;
[3] Otbân b. ámad b. Klá [le chef des Dammohoytá de Bôri (v.)].
Comparativement au texte en arabe, le traité en français (voir p. 356, ligne 3)
omet la virgule entre « le sultan Dni » et « Kul UMmn », pouvant entraîner
une mauvaise lecture Dni b. Kul b. UMmn (comme chez Oberlé & Hugot,
1985 : 58, n. 5). A bord de la Somme, commandée par Fleuriot de Langle, Dîni
b. ámad b. Ôbakar b. Šeém, petit-cousin de Ab Bakr « Pacha », et non
cousin du sultan de Tadjoura (Deschamps, 1948 : 43 ; Thomson & Adloff,
1968 : 6 ; Oberlé & Hugot, op. cit. : 58), vient à Paris où il est le seul Afar
présent pour signer le traité de cession au nom des sultans de Tadjoura et de
Raaytó. Cette cession sera plus tard contestée.
[4] « Ali Ibrahim Aboubekr Chahm » désigne « šek » Ali b. Arbâhim b.
Ôbakar b. Šeém, cousin germain de l’envoyé à Paris, Dîni b. ámad (ci-
dessus [1] b. Ôbakar b. Šeém.
[5] Le sultan « Loeita » (en arabe Lata) est Looytá b. Arbâhim (v.), le guide
de Rochet d’Héricourt (v.), lors de son premier voyage (1839), chef des Debné
du G"baád, mort à Tadjoura, sans doute en 1866-1867.
La traduction en arabe n’est pas exactement celle du texte original en français.
Non seulement, il doit correspondre à un projet antérieur du ministère français,
mais encore un article additionnel portant la même date que le Traité de Paris,
seulement signé du commandant du Seignelay, prévoit que :
Dans le cas où les rades, port et mouillage d’Obock seraient reconnus impropres à
la tenue de bâtiments d'un fort tonnage, Diny Ahmed, s’engage au nom du Cheick
Ali Ibrahim Aboubekr Chahm et des chefs désignés au traité, à céder au prix stipulé
dans l’art. III, les port, rade et mouillage du Gubbet-Kharab ou tous autres avec le
territoire qui en dépend et sous toutes les conditions insérées au présent traité.
La prise de possession d’Obock a été faite par Charles Schefer, 1er secrétaire-
interprète pour les langues orientales au ministère des Affaires étrangères, à
bord du brick le Curieux (cdt. Buret). Le Traité a d’abord été présenté pour
ratification conditionnelle au sultan de Raaytó, Dni, dont le territoire faisait
l’objet de la cession consentie, les deux autres sultans (Tadjoura et G"baád)
n’apparaissant que comme garants. Buret étudia le mouillage d’Obock, qu’il
jugea bon. Le Curieux se rendit ensuite à Zeyla où Schefer versa, le 6 mai, au
fils du sultan Dîni, la moitié des 10 000 thalers. Le 19 mai, eut lieu la prise de
possession effective. Peu après le départ de Schefer, les Anglais vinrent à
Raaytó pour chercher à traiter avec le sultan. Puis, le fils du n*ib de Massawa
tenta de hisser le drapeau turc, mais le sultan Dîni s’y opposa. Conformément à
l’art. IV du traité, les 5 000 thalers restants furent versés, le 11 août 1862, à
Zeyla. Le même jour, Ab Bakr « Pacha » écrivait à l’empereur que la France
avait effectivement rempli les conditions du traité. L’accord de 1862 a fait
357
TRAITÉS SIGNÉS AVEC LA FRANCE
2. Traité d’amitié avec le sultan du Gobad (9 août 1884). Ce traité est signé
à Obock entre Lagarde et Ahmed Loïtah. Il s’agit de úmmad b. Looytá (v.),
fils du co-signataire du Traité de 1862. L’article I affirme l’amitié entre les
parties. úmmad b. Looytá s’engage à protéger les Français et leurs caravanes,
depuis la colonie d’Obock jusqu’à l’Áwsa (art. II). L’abbá Debné se réserve un
droit de caravane fixé à un thaler par chameau et par Européen (art III).
3. Traité d’amitié et de cession avec le sultan de Tadjoura (21 sept. 1884).
Entre M. Lagarde (A.M.J.L.), Commandant d’Obock, agissant au nom du Gouvernement
français et Houmed Ben Mohammed, sultan de Tadjourah qui commande de ras Ali à Gubbet
Karab et dans l’intérieur jusqu’à Assab, a été conclu le traité suivant :
Art. I. Il y aura désormais entre la France et le Sultan Houmed une amitié éternelle.
Art. II. Le Sultan Houmed donne son pays à la France pour qu’elle le protège contre tout
étranger.
Art. III. Le gouvernement français ne changera rien aux lois établies dans le pays du
sultan Mahamed.
Art. IV. Le sultan Houmed, en son nom et au nom de ses successeurs, s’engage à aider
les Français dans la construction de maisons et achats de terrains.
Art. V. Le sultan Houmed s’engage à ne signer de traité avec aucun autre pays sans
l’assentiment du Commandant d’Obock.
358
TRAITÉS SIGNÉS AVEC LA FRANCE
Art. VI. Le Gouvernement français s’engage à servir mensuellement une pension de cent
thalers au sultan Houmed et quatre-vingts au vizir.
Art. VII. En cas de contestation, le texte français seul fera foi.
359
TRAITÉS SIGNÉS AVEC LA FRANCE
Moi, Dini Ahmed, signataire du traité qui a donné Obock à la France [le Traité
de Paris], je déclare que tout le territoire qui s’étend de Ras Ali [Raysáli] à Ras
Doumeirah est français. Tous ceux qui l’ont cédé ont entendu donner le terrain
qui va jusqu’au haut des grandes montagnes de l’intérieur, et moi-même j’ai mis
avec les officiers français et Monsieur Schefer, représentant S.M. l’empereur
Napoléon une borne à Ras Doumeirah [v.] et une autre en face, sur la grande
montagne, pour prouver que le terrain entier appartenait à la France.
Une troisième déclaration (Obock, le 5 avril 1890), clairement inspirée par
l’administration, co-signée par le sultan du G"baád, úmmad b. Looytá, et
úmmad b. Maámmad b. Dîni, sultan de Raaytó, « se portant garants pour
les Debnés et les Adaels », précise :
Dans l’intérêt du territoire, nous nous portons garants de ce qui pourra survenir
de la part de nos cheikhs, de nos administrés Debenehs et Adaels en fait de
délits et crimes (...) commis sur le territoire dépendant du gouvernement
français, et nous ferons notre possible pour maintenir la paix.
Complémentairement, une « déclaration de protectorat faite et signée par le
cheikh des cheiks de Erer », du 2 septembre 1890, Betea, fils de Ali Ouais »,
[Bitá b. Ali b. Waáys b. agyó] affirme :
Mon pays est indépendant et relève de notre autorité de père en fils à titre
héréditaire. Personne n’a de pouvoir sur nous, si ce n’est Dieu (...) A ma
connaissance, mon pays était autrefois ami du glorieux gouvernement français et
cela depuis l’époque du passage à Erer de M. Rochet d’Héricourt qui a conclu
un arrangement avec mon grand aïeul Hakaiou [agyó]. (...) Je désire que mon
pays reste sous la protection de la France (...).
Rochet (v.) est passé à Erer, au retour de son second voyage, en juillet ou août
1843. V. W!íma.
5. Déclaration du sultan de Raheitah reconnaissant les îles des Frères
comme françaises depuis la création d'Obock (traduction). 30 août 1890.
Moi, Homed ben Mohammed Diny, Sultan de Raheïtah, déclare que depuis que
le Gouvernement français est installé à Obock l'amitié n'a jamais cessé de régner
entre lui et mes aïeux, et j’ajoute qu'il est reconnu que les îles El Souba [v.
Fawbi] dépendent d’Obock territoire français.
Les signataires sont : le sultan de Raaytó, úmmad b. Maámmad b. Dîni ;
« Hibrahim Abou Beker » Ibrhm b. Ab Bakr, fils de Ab Bakr « Pacha ».
Burán bey figure sur l’acte à titre de témoin.
6. Traité de cession de territoire au mont Goodah (5 septembre 1890). Le
traité porte « donation des terrains nécessaires pour un établissement au mont
Goodah [Godá] », en vue de faire des constructions et de l’agriculture. Le texte
est signé du sultan de Tadjoura Homed b. Mohamed [ummad b. Maámmad,
b. Mandáytu] ; du vizir Mohamed Ibrahim [Maámmad b. Arbâhim], qui a
remplacé Arbâhim b. úmmad (mort en 1887).
360
U
ULÉL
Egalement Ulêl. Tribu du groupe Badoytá-m mlá (v.), descendante de Úlel,
distribuée sur l’oued Wimá (Rép. de Djibouti) ; en Ethiopie, à Dawwé et
Baádu (v.), avec les Msrá, Ggá (Kîu-k enkébba).
ULÊL ABÛSA ARBÂHIM
« Arbâhim, des abûsa (v.) de Úlel » (Arbâhim, cousin de Úlel), troisième fils
de Gallâmir et de mère Ulél ; père des arká-m mlá. Tandis que le sultanat de
Tadjoura, puis de Raaytó allait échoir aux descendants du second fils,
« Ðogorré » Umár, Ulêl Abûsa Arbâhim reçut la responsabilité de « faire la
guerre, faire la paix et être le chef des guerriers » (wiilisay, wagrisay,
martoleemih abba tik). Il se trouva ainsi investi du rôle de protecteur du
territoire du sultan de Tadjoura. Aidé des Songó, la tradition rapportée par Péri
lui attribue la victoire sur les « Glla » (v.) qu’il aurait combattus dans la plaine
de Gaggadé et repoussés vers Zeyla et dans le Gbaád. La légende rapporte
qu’au cours de la campagne les guerriers faillirent mourir de soif. C’est alors
qu’Aɖaytá (v.), chef des Mafâ (v.), ayant planté sa lance en terre, fit jaillir l’eau
au lieu-dit Gaár. Les guerriers purent se désaltérer et battirent les « « Glla »,
mais Aɖaytá mourut au combat.
S : HHL (Naw.) ; HL (in D.M. ,1991: 46).
ULUTÓ
Tribu Asahyammára (v.) descendant de Ulután, quatrième fils de aɖal-
Mâis (v.), de même mère que Môday, père des Mdaytó (Albospeyre), mais
dont le lien généalogique est contredit par la tradition qui en fait une des tribus
dites súget (v.) les plus anciennes avec les Ablé (v.). Un adage dit : allák
Msaálli nabá, sinâmak Ulutó nabá « de toutes les montagnes, c’est le
Msaálli la plus grande ; de tous les hommes, ce sont les Ulutó les plus
élevés » (ici nabá, qui peut avoir un lien étymologique avec l’amharique amba
« mont-fort », prend le sens d’être de haute lignée : lafáh nabá). « Ulután »
semble un terme générique pour marquer un rattachement politique à aɖal-
Mâis. En effet, une tradition cite trois frères, ancêtres des Ulutó : Kaɖɖá
Ḥámad, l’aîné, Udúm et Otbân. Les Dará-h Ulutó se rattachent à ce dernier
(Otbân sárra). Ils possèdent Obnó et une partie de l’oasis de Ḥrisá, « là où
s’arrête l’Awash » (dorí risát ḥabá). Distribution. La région d’origine des
Ulutó est celle du Msaálli. Ils sont distribués dans une large zone incluant
Obnó, rolí, anlé, lí-Daár, Ðer-lá, Andábba, Saá, Yalló, Datá Baári.
A Baádu (v.), ils ne semblent pas avoir formé de bɖó politiquement organisé.
Fractionnement. La généalogie des Ulutó est mal connue, comme l’origine de
leur nom qu’on peine à rapprocher de ulé « milieu de la plante du pied » ou
de ulutá « tabatière ». Les subdivisions de la tribu en Áwsa sont présentées par
ordre d’aînesse, en quatre branches : 1. Datá-Alíh sárra (ou Al-sárra) ; 2.
Dahár sárra (ou « Unɖá » Alíh sárra) ; 3. Mé-s sárra (ou Sabbllí), à
Baádu ; 4. Adán sárra, avec les Ulutó-k Mdaytó (v.). A Baádu, on compte
cinq fractions : Baddúl, Alī-sárra, Arābbá (comptés comme Mé-s sárra),
ULU‘TÓ-K MĀDÎMA
ULU‘TÓK MĀDÎMA
Chefferie Asahyammára dépendante du sultanat de l’Áwsa, centrée sur
Andábba, Madgúl, Munkúr (Rép. de Djibouti), où les Ulutó se trouvent
territorialement associés aux Mdîma (v.) en quatre groupes territoriaux : 1.
lí Ulutó et Rbībá ; 2. Gawwá Ulutó (ou Ulutó-k Gafrá) ; 3. Dabrimáh
Ulutó (Sabblôli ou Mhé"s sárra) ; 4. Andabbí Ulutó (d’Andabbá à
Wabbeytá), dont ammadí Ambbá, Ibīddó. Les Mdîma associés à ces
Ulutó forment trois groupes : 1. lí Mdîma (parmi eux, les Skallá réputés
pour leurs pouvoirs occultes, v. Arraddó) ; 2. Mdîma de Léyi et Múnkur ; 3.
Mdîma de Madgúl à Gabálti (dont les Asdá).
S : D.M. / Alóyta b. Durúy ; Maámmad b. ámad ; Chedeville (Afars).
ULU‘TÓK MDAYTÓ
Chefferie Asahyammára du anlé (Rép. de Djibouti), dépendante du sultanat
de l’Áwsa, associant Mdaytó (fractions Saddiktó, Aɖkaltó) et Ulutó
(Muɖitté, Dnná, Ummūnná, Asá Ulutó), établie sur le Yagér (aux
Mdaytó), Dawdáwya, ábsu.
S : D.M. / Alóyta b. Durúy ; Chedeville (Afars).
ULUTÓK SKÁ
Chefferie Asahyammára du Unɖá Gamárri, de Wandâba et du nord du anlé,
dépendante du sultanat de l’Áwsa, comprenant des Ulutó (fractions Kaɖɖá
amaddó, Uddúm-sárra) et des Ská (Sek-Má, Mssá, Bullá,
Debellitté, Oriyyá, Kayyí). Les fractions Ulutó (Unɖá Ulutó) et Ská
(Gabaddó, amiddó) forment le groupe dit Lalá. De 1940 à 1942, menés
notamment par Durúy b. Alóyta, les Ulutó-k Ská ont opposé une vigoureuse
résistance à la pénétration française dans le anlé, au nord-ouest de Dikhil (v.)
S : D.M. / Alóyta b. Durúy ; Chedeville (Afars).
UMMNÓ
Var. ummûna. Le mot désigne : 1. l’ombre. 2. le fait d’être vaguement visible,
de se silhouetter : yaaloy, loqo diimooy, bar ummuuna « mon amie, luisante de
jour, silhouette dans la nuit » (ummuná est le surnom d’une belle femme mince
et noire). 3. Ce que l’on aperçoit à l’horizon : ummnóh abbá « chef général
des Debné » (dont le pouvoir s’étend jusqu’à la frontière, le plateau d’Ayrorré
au sud du Gbaád). 4. La frontière sud de la République de Djibouti. A ce sens
qui est un usage Debné (v.), se rattachent deux néologismes : 5. Etat :
ummnóh abbá « chef de l’Etat, président (en Rép. de Djibouti) » ; 6.
République (préféré à l’arabe umhuriyya) : Ityoppiah Federaal Dimokraa-
siyyoh Ummuuno « République démocratique fédérale d’Ethiopie ». Le
composé emprunte deux de ses composantes aux langues européennes, dont le
mot « démocratie » qui n’a de traduction ni en arabe ni en amharique.
362
W
WAYTÁ
Descendants de Dubêr (Zubayr) b. Awwân. Ská, proches des Bdál (v.).
Fractions : 1. Abdallâli et Lubaktó (à Arratá) ; Rbittá (au Dóka) ; 2.
Alladâdi (à Gaórri) ; 3. Sek-Arbhintó (à Adgában), dont le nom est le cri de
ralliement des Waytá ; 4. Aáw-Duduntó et Adantó (Kúbar) ; 5. FakíAlitté
(Dodó, un des affluents du haut de l’oued Adgabán, près de Tó).
Waddó v. Bal‘ossuwá
Wdîma v. Mdîma
WGARÉK AMASIYTÓ
Chefferie entre Gargôri, en Áwsa, et Gîfu, sur les pentes du Kaɖɖá Gamárri,
comprenant des Wgaré associés à des Amasiytó (v.). Sous commandement
Wgaré : Ḥasná (chefs), Ḥayistó, Baɖittó (v.), Dulitté, Mafâ (v.). Sous
commandement Amasiytó : Yambaraddí, Gdán.
WAGÁRI
« Paix ». Ce sens de « paix » se comprend par comparaison avec l’antonyme
wīl [wil(ī)] « état de belligérance », « guerre », « hostilité ». La « paix » est ici
davantage synonyme de « tranquillité » (ɖintó), de « sécurité » (cf. arabe amân)
qu’un accord durable : Qafar kee Qiisa, wagarih tan « les Afars et les Issas
sont en bons termes ». La même opposition se retrouve en somali entre nabád
« paix » et old « inimitié », « belligérance ». Dérivé de l’arabe, l’afar salmát
désigne le salut (la sécurité et la santé espérées pour autrui). Pour signifier la
« paix » au sens politique, l’emprunt à l’arabe súli est employé, mais le mot
désigne d’abord « la trève », « la réconciliation » (cf. p. 399, le parag. 37 de la
« Chronique de l’Awsa » où la paix conclue entre Wíma et Mdaytó est à
l’évidence temporaire). Ce sens d’un arrangement toujours révocable se
retrouve dans le somali hīs. Les termes êbi, adáb désignent la guerre, au
sens du conflit ouvert. Les deux mots, dont le premier est emprunté à l’arabe,
désignent autant la querelle verbale entre deux personnes que la bataille
générale, comme dans le proverbe : qafar qadab yaabal maqeh, qeebil ma
meqe « une bataille entre Afars est bonne tant qu’elle reste verbale, elle est
mauvaise quand on en vient aux mains ». Le sens de « carnage » proposé par
Aramis Houmed Soule (2011 : 45) montre le caractère potentiellement illimité
de la violence collective (ambaxe sinni qeebi), faute de médiation ou de
demande de grâce (v. Mayrádi).
Wajerat v. Waydarát
WANDÂBA
Tribu de la dépression (wandâba) du Dôbi, formant, avec les Mdîma, le
groupement Bôr-k Wandâba (v.). Les Wandâba comprennent des Mdaytó
(Unɖá Alíh sárra, fraction des chefs), des Gambél, Glaabá, Abá-m mlá.
WANÓ
WANÓ
1. Acquisition et cession de la terre. 2. Loyer. 3. Etymologie. 4. « Ouanno ».
Propriété collective et inaliénable du sol. Le terrain propre d’une tribu est agát,
nom qui désigne aujourd’hui la patrie (agattnó « nationalité »). 1. Acquisition
et cession de la terre. La terre est obtenue par quatre voies : 1. la conquête. On
est propriétaire des terrains pris à l’ennemi, lesquels sont assimilés à un bien
personnel (ikoytá), avec ainsi un régime dérogatoire au regard du droit foncier.
La conquête peut concerner des tribus voisines comme la terre prise de force
par les Umartó aux Elle-h ammádu (v.), et appelée gulúb nugús. 2. par
confiscation du sultan ; 3. par don de ce dernier (arsá) : la terre de Ddlé a été
donnée par le sultan de Tadjoura aux asbá Yaqubtó ; celle de Mánda, aux
asbá des Ská-k asbá ; Ambabbó et Miytó, aux asbá de Tadjoura ;
4. par décision judiciaire, à la suite d’un meurtre, notamment. Ainsi, Galalé et
Baárru, maintenant aux Ulél (v.), jadis aux aysamlé (v.), ont été cédés aux
Ageddó. Dans les récits légendaires, la prise de possession peut être la
conséquence d’un incident apparemment mineur comme Ayyánu que les
Abddá reçurent des Maāfóyta (v. Mafâ) : au puits de Marrā, deux taureaux se
battirent. Celui des Maāfóyta blessa celui des Abddá. En dédommagement,
ces derniers reçurent en wanó Ayyánu. Les conflits ont quatre causes
principales : 1. le déficit pluviométrique (v. Karmá). 2. La transgression des
limites de pâturage, comme les empiètements, soutenus par l’administration
coloniale, des Adorásu sur les terres des Ulutó (v. Dikhil). Les pays qui n’ont
plus d’appropriation précise sont dits wakfá ; 3. Le non-respect des zones en
défens (dsó) ; 4. Le non-respect des droits de passage sur les pistes et vers
les puits lors de la transhumance (boddayyá), loin des tentes du campement
permanent. La location de la terre (isó, v.) peut être saisonnière ou
exceptionnelle. On donne souvent l’herbe à pâturer gratuitement quand elle est
abondante. La sous-location est une cause de reprise du pâturage par la tribu
propriétaire. La terre n’est qu’exceptionnellement vendue. Les cessions
décidées par les Traités de 1862 et 1884 (v.) sont exorbitantes du droit commun
et considérées tardivement comme illégales (Ahmed Dini, in Ali Coubba,
1998 : 26-27). On cite cependant divers cas. En République de Djibouti,
Gurulé, vendu aux asbá par les Dahlâli ; les deux Anɖɖálu (Songó-g
Godá), achetés par les Mafâ aux Watnsá (v.), tribu partie vers le sud. Il n’y a
guère que les très petits groupes en voie d’extinction qui vendent leur terre. A
Tadjoura même, le sol est inaliénable entre fractions. Si une fraction s’éteint
(ou s’absente), la jouissance passe à la fraction parente la plus proche. 2.
Loyer. Le prix est convenu en argent ou en animaux. Un loyer (isó) peut être
perçu sur ces terres données en location. Le ulúlta (également ulúltu), mot
qui désigne le percepteur des impôts du sultan sur ses terres, désigne ailleurs le
mandataire foncier, soit l’homme de la tribu propriétaire qui reçoit le loyer.
Exemple : les Darumá possèdent, au Mablá, arká et Uɖɖí, terres sous la
garde du ulúlta des Madnní. enfá, sous la garde de celui des sbá, est
aux Adan-Ysiftó (Datá Darumá). Lorsque les Darumá n’utilisent pas arká
et Uɖɖí, les Mdînaní y stationnent moyennant un loyer. Quand ils reviennent,
les Mdînaní peuvent pâturer gratuitement ce qu’il reste d’herbe après le
364
WAYDÁL
Wn est ainsi un étymon afar-saho. En afar, wn est davantage ambivalent,
portant, à la fois, l’idée de « parler, causer » (wné « causerie » ) ; d’être en
capacité de délibérer (ink’fá wanná « décisions unanimes ») ; de jurer (kaa
ma wan « ne jure pas sur sa mort »). L’autre dérivé wánna (saho wanná)
« possesseur, propriétaire » incite, en outre, à un rapprochement avec le bedja
kéna « maître, propriétaire », var. aŋkwána (parler du Gš). 4. « Ouanno ». Il
est possible que le toponyme colonial « Ouanno », « baie d’Ouanno », employé
aux débuts de l’implantation française pour désigner la baie d’Obock, ait un
lien avec wanó, montrant le souci de l’informateur de réaffirmer la propriété
inaliénable du sol en désignant à son interlocuteur le site de Ḥayyú (v.).
S : D.M. (1999 : 25) ; Reinisch (1889-90 : 11).
WATNĪSÁ
Fraction Adáli de Tadjoura, disparue (v. Wano, Mafâ).
WAYDÁL
Tombe du guerrier décédé de mort violente (guerre, soif). Pl. waydlá. La
construction, creuse, en forme de tronc de cône, à base généralement ovoïde,
est élevée autour du cadavre posé à même le sol dans la même position que
dans une tombe musulmane ordinaire. Une couche de terre le recouvre pour le
mettre à l’abri des prédateurs. La partie supérieure du waydál est formée par la
dernière assise de pierres. Dans le nord, une fois la vengeance légale (ané)
exercée, le waydál est détruit. Dans le sud, un second tronc de cône plus petit
est élevé sur le premier. Il est normalement muni de deux šhid. Preuve de
cette permanence, le waydál est connu dans le parler somali des Issas sous
365
WAYDARÁT
WAYDARÁT
1. Localisation. 2. Raids. 3. Chronologie des razzias. 4. Du banditisme à la révolte des
wäyyané (1943).
1. Localisation. Groupe tigrignaphone incluant des Oromo Ry, appelé, selon
les prononciations : Waärat, Waǝrat, Wağerat ; afar : Waydarát, et centré
sur Dabúb, Corbetta (alt. 1740 m) et le versant à l’est du tronçon de la route
My Č’äw-Mäqälé. Ce village de Corbetta (dans l’orthographe italienne) est
366
WAYDARÁT
1. Avec une différence d’accent. Celle-ci peut être liée à la différence (perdue) entre toponyme et
gentilé (avec accent pénultième) voir ci-dessous Wíma.
2. A l’époque impériale, My Č’äw est le chef-lieu du wäräda de ǝnda Mä*oni (EA, III : 882).
3. Parallèlement au sens de « mont-fort », amba, suivant la situation de ces villages, désigne des
groupements d’habitations sur un versant montagneux (Guida, 1938 : 305).
4. Cf. la bibliographie citée (EA, IV : 718).
367
WAYDARÁT
23 juin 1921 : grande tuerie appelée Kamís agáy, parce que survenue un jeudi
de la saison sèche (agáy).
1922-23 : guerre générale contre les Afars, menée par des Waydarát
commandés par Kasay Gumá. Le chef afar des Arábta, Arbisé, est tué.
Année appelée Sittat-koré « les uns sur les autres ».
1929 : année nommée d’après la bataille de Adó Bló, ou Kuran-máli « pas de
Coran pour les morts », suite à un raid Waydarát commandé par Abärra
Guddá qui détruit une caravane afare d’Áwsa. Un autre combat important a
lieu à Bté pour récupérer le butin. Très nombreuses victimes, jusqu’à
Baádu. Franchetti a été attaqué par un raid W. le 18 avril 1929, en pays
ertó, à Dargaá, sur le cours supérieur de l’Erébti. Il y découvre un
charnier (20 avril) de ertó « abondamment pillés par les Waydarát : les
survivants se sont dirigés vers Awu et +la ». Le lendemain, sur l’oued
« Pakaru », Franchetti voit de nombreux ossements de ertó « massacrés là
deux mois plus tôt par les Azebo et les Wağerat ». Le 14 mai, dans l’oued
Bukári, il rencontre un groupe de razzia Wağerat de 200 hommes en route
pour aller piller Têru. Il note le 17 mai que le pays jusqu’alors prospère a été
razzié à fond cette année par les Wağerat et les Azebo. Suivant l’usage, le
chef de razzia reçoit le quart du butin (Franchetti, 1930 : 122 et suiv.).
Déc. 1929-janv. 1930 : attaque des W. sur l’Awsa, à Ittálu, où une cinquan-
taine de Mdaytó sont tués.
Juillet-août 1936 : profitant du vide politique créé par le départ en exil de Haylä
Səllase, avant la prise de contrôle des Italiens, les attaques W. se multiplient
sur l’Áwsa. Le retrait italien (mai-juin 1941) va relancer le banditisme.
1942 : Waydarát tmé karmá « l’année de la guerre avec les Waydarát » : raids
sur Baádu, l’Áwsa. Un de leurs chefs de razzia, Barkah Abulé est tué.
1943 : La veuve de Barkah Abulé lève une expédition punitive qui pille Bté et
Dawwé. L’année est appelée Hirrgá-w Waydarát tmé karmá « l’année
suivante des hostilités avec les Waydarát ». Avec le retour de l’empereur,
une sévère répression menée par le ras Abbäbä Aräggay réduit
momentanément le banditisme Waydarát.
4. Du banditisme à la révolte des W äyyané. Ce terme de banditisme, employé
dans notre édition de 2004, avant la publication du volume II de
l’Encyclopaedia Aethiopica (2005), est d’autant plus justifié qu’il est assumé
par Tarekegn Gebreyesus Kaba quand il écrit (EA, II : 718) :
Gaz were carried out periodically until the early 1940s, when they were interdicted
and raiders persecuted5. One of the starting points for the 1943 Wäyyane rebellion
was the government campaigns against local raiding in Wäğğärat and Raya.
Anything from 100 to as many as 50 000 males (gazäyte, “raiders”)6, comprising a
whole region’s confederacy of related communities, could participate in a Gaz,
which could take months to complete. There have been reports of Gaz travelling by
foot from Mokonni, Wäğğärat or Alamata up to Mä’isso [afar Missó] near Assäbe
Täfäri or the Awash river7.
368
WĒ‘IMÁ
WĒ‘IMÁ
1. Wimá (toponyme). 2. Wíma (groupe géographique). 3. Etymologie.
1. Wimá (avec accent final) désigne l’oued qui descend du Dadár en direction
du nord, puis du nord-est, en formant la frontière entre la Rép. de Djibouti et
l’Erythrée à la hauteur de Ðaɖɖató. Ce devait être, à l’origine, le nom de la
haute vallée où se trouve le puits de Adáylu, près duquel apparut aɖal-Mâis
(v.). Il s’est étendu à la région à l’est de Asá Gaylá (le plateau à l’ouest de
l’axe Randá-Dorrá jusqu’à la dépression de Álol portant le nom de Altá). 2.
Wíma (accent pénultième), groupe géographique de la région de l’oued
Wimá. Les Wíma comprennent notamment, en Rép. de Djibouti, les Adáli
(v.), Ablé (v.), aysamlé (v.), Rukbá-k Ðrmlá (v.) du Billdí Godá (v.).
Les Badoytá-m mlá (v.) qui ont émigré vers le moyen Awash ne font pas
partie des Wíma, alors qu’en République de Djibouti ils se situent dans la
région du Wimá, montrant ainsi qu’il convient de dissocier le lien historique
et l’origine géographique. Les Wíma ont suivi une progression migratoire
vers l’Awash, concurrente de celle des Debné (v.), toutes tribus
Adohyammára. Leur échec commun devant les Mdaytó Asahyammára (v.) a
recomposé une alliance stratégique, d’où l’appellation Debné-k Wíma, qui, en
contournant par le sud la vallée de l’Awash, a atteint la montagne éthiopienne,
organisant les chefferies suivantes :
1. à l’ouest, Adáli (v.) associés aux Amasá (v.) ;
2. au nord, Gibdsó (originaires de Gibdó, aux environs d’Assab) ;
369
WĒ‘IMÁ
370
Y
YÂSIN MAḤAMMŌDÁ
Fitawrari Yâsin b. Maammdá [ci-après Y.M.] b. Guméd b. Dannabá.
Dhí-m mlá (Baddirrá, Gumeddó). Né en 1910, près de Tīó ; décédé à
Asmara en 1969. Yasin Mohamed Yasin (EA, V) relate sa carrière politique.
On y ajoute ci-après quelques données complémentaires. Y.M. fut, à la fois,
défenseur de l’unité des Afars et de l’union de l’Ethiopie et de l’Erythrée. A ce
titre, il choisit le parti unioniste (Andənnət) et ne rejoignit pas le mouvement
indépendantiste. Gouverneur du district de Tīó, en 1952, confronté à la
présence de la Red Sea Mission, il en combat la propagande religieuse dans son
poème Yaacayya Allah Diinal Islaam. Dans ce poème, Y.M. reprend
l’argumentaire religieux convenu. Le texte circule dans une version dactylo-
graphiée, datée de 1964, mais dans l’orthographe afare entrée en usage à partir
de 1975-1976 :
Qiisa Yallih baxa yaanam, ni yab hinna Que Jésus est fils de Dieu, nous ne le
disons pas (…)
Qiisa Yalla yok inxica maxaccinna Jésus n’a pas dit : « Dites de moi que je
suis Dieu »
Qiisa nabiiy, kaa xalteena Maryamâ na Le prophète Jésus n’est-il pas né de
Marie ?
Qiisa nabiyyun mursalaay rabbi hinna Jésus n’est ni le Messager, et encore moins
Dieu
1. A noter, cette curiosité : en conclusion de chacun des trois poèmes cités, Y.M. signe : Qafarak
Yuusfitteh abba, Yalli kaa kee kay xaleenah cabay « père des [3] Joseph afars, que Dieu
l’épargne ainsi que sa progéniture ». En hommage à un ami, Y.M. a donné le même nom
Yûsuf à trois de ses fils, nés de trois mères différentes.
YÂSIN MAḤAMMŌDÁ
372
YAYYÓ ḤÁMMADU
dans le surnom de Prosopis juliflora, l’espèce qui colonise et stérilise les sols
de la vallée de l’Awash. Son sobriquet « wayyané » renvoie à la rébellion (en
tigrigna wäyyané, v. Waydarat) qui a commencé au Tǝgray en 1941 et à la
guérilla du TPLF qui a pris le pouvoir à Addis Ababa en 1991. Ce texte où Y.M.
dénonce l’envahissement du pays afar a été publié sans mention de son auteur,
à Paris en 1976, dans un livret d’alphabétisation ; ce qui peut surprendre dans
la mesure où le niveau de langue du texte dépasse largement les compétences
des apprenants. Mais le premier ouvrage jamais écrit en afar par des Afars ne
pouvait omettre ce poème emblématique. Sous la forme d’un dialogue, le
poème (dont le début a été cité p. 372), se poursuit en confrontant les points de
vue du pasteur vivant selon le mode de vie ancestral et celui de l’auteur, Y.M.,
appelé « le réprobateur », qui stigmatise son insouciance (ibidem : 49) .
Le réprobateur : O vacher, toi qui fais l’élégant !
Toi qui retouches ta coiffure après avoir bu du lait !
Toi qui ne sais que te coucher quand tu es rassasié !
Notre impuissance nous vient surtout de gens comme toi
De ceux qui se font apporter du lait et de la viande
Des gens qui passent leur temps à dormir et à manger !
Le pasteur : O toi le réprobateur ! Toi qui es fâché !
Ce que tu mets en cause, c’est notre mode de vie ancestral
Saisis un tribunal plus compétent que moi, nous t’écouterons
Pose la question publiquement, nous la considérerons (…)
Le réprobateur : O vacher, toi qui fais l’élégant !
Je ne vois pas l’intérêt du débat que tu réclames
Regarde l’époque où tu vis et tu comprendras
Regarde la terre où tu vis, considère ton époque
(…) Aucun de vous ne veut éduquer ses enfants
Aucun de vous ne veut travailler la terre
Qui donc après cela soutiendra mes idées ?
O ma mère patrie ! Ma mère chérie !
A force de refuser la réalité, le pays est au plus bas
A force de ne pas nous entendre, nos projets ont échoué
La maladie revient comme un mal incurable
Les premiers faux-pas dus à notre ignorance sont maintenant notre habitude
Quant à la faiblesse, de quoi sommes-nous encore capables ?
O Dieu qui Vois tout, Fais en sorte que l’issue nous soit favorable !
Le pessimisme du poème, inacceptable pour une idéologie progressiste,
explique que le livret, achevé en septembre 1975 à Djibouti, édité à Paris en
1976 ait surtout été diffusé à Djibouti. Il était en outre porteur d’une
contestation prémonitoire de la colonisation agricole que le régime communiste
d’Addis Ababa devait soutenir en créant dans les années 1980 des fermes
d’Etat, avec le slogan : märet lä arašu « la terre à qui la
travaille ! », devenu en afar : saí daarsittómuhu « le bétail à qui le garde ! ».
S : Dimis & Reedo (1976b : 48-50, traduction en français, D.M. 1999 : 109-111).
YAYYÓ ḤÁMMADU
Yayyó b. 1ámmadu b. Abdallá b. Ali b. Gádda b. Ali b. Igalé b. 1úmmad.
Généralement cité dans l’ordre syntaxique afar : ammadí Yyyó « Yyyó
373
YAYYÓ MAḤÁMMAD « ILLÁLTA »
Kaɖɖá-Aydâis Yayyó (s. 1917) 1anfaɖé (s. 1903) Aló (s. 1907) Maámmad
Le père de Yayyó, 1ámmadu, avait d’abord été simple garde des pâturages en
défens (dsó), puis « chef des bouviers » (la-t abbá) du troupeau Elleádu,
avant d’être distingué par le sultan Maámmad b. Yayyó qui en fit son « vizir »
(malák), charge transmise à son fils Yayyó (v. Aydissó ; Dikhil).
S : HL ; Chedeville (Réveil de Djibouti, 15 avril 1972).
374
ANNEXES
378
FORMATION DU TEXTE HISTORIQUE DE STYLE ORAL
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DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
8. Maknun et Hayward (ibid. : 327) indiquent que le cheikh « Ismael Abna » (Ism(l b.
Maámmad, de tribu Sēká Abná) a revu leur version et en détient une autre.
9. )šim b. %aml al&D(n al-Šm( est le frère de Maknun, transmetteur de la version A.
10. Ici et ensuite dans la transcription des auteurs.
11. Les auteurs n’ont pas identifié le comte Antonelli sous Intileemo, variante de Intinlé.
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FORMATION DU TEXTE HISTORIQUE DE STYLE ORAL
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FORMATION DU TEXTE HISTORIQUE DE STYLE ORAL
Dans cette version C, les 5 premiers vers innovent, quand les vers 9 et 10 :
٩. Yaabek afqado kah ruwawta yab hinna
S’il parle, ses propos ne sont pas compatissants
١٠. Wagga heek bagi kah wagra nef hinna
S’il te regarde, son visage n’exprime pas de la compassion
18. On a écrit tibba à partir du texte afar en caractères latins (al-Manhal : 279), l’arabe
n’indiquant pas les voyelles brèves.
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DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
19. L’article d’Ahmed Malko est intitulé « Tola le maître de la poésie afare ». L’erreur de
l’appeler « Tola » est répétée par Mohamed Hassan Kamil (2004 : 175). Elle commence
avec Maknun et Hayward (1981) qui intitulent leur article « Tolo Ḥanfaɖé’s song of
acccusation : an Afar text ».
20. Idem D’. La traduction exacte est : Qu’il parle, ses propos ne sont pas compatissants.
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FORMATION DU TEXTE HISTORIQUE DE STYLE ORAL
22. Dans sa rédaction de 2011, l’auteur précise que ces enfants sont les héritiers du sultan.
23. La traduction montre la même interprétation que la version A de gexa’yye (voir p. 388).
24. Les descripteurs s’accordent sur la forme aaxaguk ([ɖáguk]). Voir Hayward (« The K-
Participle, in Parker, 1985 : 256) ; Bliese (A Generative Grammar of Afar,
1981 (« Imperfect participle » : 72). La forme aaxaguk est rétablie dans la version
d’Ahmed Malko (version D).
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FORMATION DU TEXTE HISTORIQUE DE STYLE ORAL
implantation s’est faite d’autant plus pacifiquement en 1883 que les Afars,
redoutant une occupation égytienne (voir la tentative d’invasion de Werner
Munzinger en 1875), voyaient dans les Européens le moyen de s’en
protéger. C’est pourtant l’idée d’une médiation que l’on trouve dans la
traduction arabe25: و ذين ھوا .."#$% & ; comme dans celle en
amharique26: .Le verbe šämäggälä
signifie « rétablir l’entente », « réconcilier ».
NON-CLÔTURE. Il est conforme à la nature fragmentaire de cette poésie de
n’avoir pas de clôture. Aramis Houmed Soulé (version E) précise que le
texte qu’il a transcrit est un extrait (2011 : 53). On voit comment la version
« longue » de 1997 ()šim b. %aml al&D(n al-Šm() a inspiré celles de
2003 (Ahmed Malko) et 2004 (Mohamed Hassan Kamil) ; comment celle
plus courte de 1981 (Maknun et Hayward) se retrouve dans celle de 2005-
2011 (Aramis Houmed Soulé). Le poète Ḥanfaɖé b. Tolá n’est, au total, que
le premier maillon (au sens chronologique) d’une chaîne qui n’a pas de fin.
Le principe organisateur du centon permet la reprise ou le rejet de tel ou tel
vers. On le constate dès la première version présentée par Maknun et
Hayward. Ceux-ci27 écartent le vers suivant de 16 syllabes existant dans la
version connue du cheikh Ism(l des Abná.
Talo tahaysah baɖisen awa tekke Afar ɖaylo
From today onwards the Children of the Afar are a broken pot
Le refus est doublement motivé, à la fois, parce qu’extramétrique et en
raison du caractère invraisemblable (« unlikehood » écrivent les co-auteurs)
de l’expression « Children of the Afar ». Cette locution, qu’il faudrait
plutôt traduire : « Aujourd’hui et désormais, les Afars et leurs descendants
ont leurs viscères répandus (baɖisen awa : leur pays est démembré) », se
retrouve dans un poème composé en 1964 par Yâsin b. Maammdá (v.) et
publié en 1976 dans le premier livret d’alphabétisation écrit en afar, preuve
de l’importance que les auteurs28 attachaient à ce texte :
Muxxi muxxi xarraqa yol tekkem Ce qui me fait toujours plus honte
Kitfen awqa tekke Qafar baaxoy C’est de te voir les viscères découpés
en morceaux, ô mon pays !
Cuggi cugga tekke Qafar xaylo Les Afars sont les serviteurs de leurs
voisins
Maknun et Hayward signalent que le cheikh Ismīl pensait que la première
récitation de la « song of accusation » pouvait avoir été faite au cours d’une
des nombreuses réunions de pourparlers avec les Italiens à Assab entre
1882 et 188829, empêchant donc de dater précisément le morceau qui peut
avoir eu plusieurs versions voisines chez le même « auteur ». Pourtant, si
l’on prend en compte le vers de la version B :
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DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
30. Mohamed Hassan Kamil (version D’) glose (2004 : 177) /faxah/maana/ /je veux/je ne
suis pas/, mais faxah est nécessairement un « concomitant » (cf. D.M., 2012b : 37-38) :
« je ne suis pas voulant » avec accent sur l’avant-dernière syllabe (fáxah) et non un
inaccompli (faxáh).
31. Say to him (i. e. the Sultan) that he (i. e. the singer) said (to him), “ Stay, knowing that
the land is lost ” (ibid. : 332). Les co-auteurs (ibid., note w) pensent que ce qu’ils croient
être un impératif pluriel pourrait avoir une valeur « honorifique ».
32. Sur cette confusion possible, cf. D.M. (2012b : 26).
33. Voir les traductions des versions D et E.
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FORMATION DU TEXTE HISTORIQUE DE STYLE ORAL
35. Les seuls pluriels répertoriés de daas sont : daasowá, daaswá, daasitté, daasoosá,
dasitté (D.M., 2012b : 280).
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FORMATION DU TEXTE HISTORIQUE DE STYLE ORAL
36. Notre traduction en français suit exactement l’afar comme la traduction en amharique
(2002 : 356) :
37. Explication donnée in D.M. (1997 : 49, note 3).
38. Abréviations et symboles : + : version augmentée par rapport à celle de 1981 ; − :
version plus courte que celle de 1981 ; i : indice lexical ; AFN : afar du nord ; AFS : afar
du sud ; d : dialecte d’origine du transmetteur ; cd : changement de destinataire.
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DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
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FORMATION DU TEXTE HISTORIQUE DE STYLE ORAL
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Annexe II.
« Chronique de l’Awsa (1763-1873) »
7. L’entrée [de l’armée] de Asa Ali, fils de bo amad, eut lieu à Adaylu.
Ils tuèrent beaucoup de monde à Do. On se battit le lundi 15 de Rabī II
1191 [23 mai 1777].
8. Puis A1dar4 les poursuivit jusqu’à Millé, résidence de Asa Alī. Ils tuèrent
et incendièrent leurs maisons, et A1dar rentra vainqueur. Et tout le peuple
pleura après que l’imām eut abandonné le commandement, Muammad5, fils
de l’imām Salmn.
9. La guerre appelée « Bré », entre les Mdayto et les gens de l’Awsa,
éclata le jour où Dieu abandonna Asa Alī et ses partisans, c’est-à-dire les
Daar Mdayto et autres. Les gens de l’Awsa furent vainqueurs et tuèrent
environ 200 d’entre eux, dans le mois de 2ū’ l-ia, un jeudi, en l’année
1193 [décembre 1779-janvier 1780].
10. [1199/1784] date de l’entrée en Awsa de l’homme complet, le chérif,
l’imām Umar, fils de notre maître le chérif al-aḍramī, d’Arabie, pour y
être investi du gouvernement, avec ses soldats de la tribu de Yāfi, ceux-ci au
nombre d’environ 107 hommes, accompagnés d’éléments des Debné-k
W3ima, dont leur āqil, Afkaɖɖa, leur sultan Adalma [adallom, titre du
sultan de Tadjoura] et le banoyta [vizir du sultan de Tadjoura].
11. Ils entrèrent en Awsa au mois de Muarram 1199 [novembre-décembre
1784]. Ils y entrèrent par la route du Damāeli [le volcan Damaalé] et
passèrent vers Bada-Karanboyta. Ils pillèrent les troupeaux des Baɖitto et
des Garrata, puis traversèrent vers les environs de Laafto et vers M3go,
puis ils entrèrent dans la ville de Maarra. Le chérif Umar fut investi à
Maarra.
12. Les Mdayto partirent en expédition à Māri et Ahul sans rencontrer
personne, sauf de rares troupeaux et revinrent. Puis, après leur retour de
Māri, ils se dirigèrent vers Maarra pour combattre le sayyid et ses soldats.
Ils le combattirent à Maarra, et Allah donna la victoire au sayyid. Environ
cent et quelque Mdayto furent tués par les fusils, et les Mdayto furent mis
en déroute.
13. Puis les Mdayto partirent en guerre vers l’Awsa. Le chérif dirigea ses
soldats avec les gens de l’Awsa et la troupe d’A1dara Umar et les Debné-k
W3ima, accompagnés du sultan Adalma et du sayyid āšim pour faire
face aux Mdayto et les combattre. Ils se rencontrèrent face à face avec les
Mdayto au lieu appelé Sanulé Dābá et se combattirent. Les Mdayto furent
vainqueurs, et les gens de l’Awsa et les Debné-k W3ima furent mis en
déroute. Quant aux soldats Yāfi du sayyid, ils se battirent contre les
Mdayto sans abandonner leur position. Environ 45 d’entre eux furent tués.
A1dar, le sayyid āšim et le sultan passèrent vers Garāid et se tirèrent
d’affaire, sains et saufs.
14. Après cela, le chérif sortit de Maarra avec Afkáɖɖa et le reste des soldats
Yāfi, avec leurs biens et le restant de l’armement vers la région des Debné-k
4. Aussi Adara (parag. 13), Akādar (parag. 35). Akádar (voir p. 54) est la forme la plus
fréquente chez les non-arabisés.
5. On transcrit ici et ensuite Muḥammad, bien que Maḥammad soit la vocalisation constante
en afar (v. Dardōrá).
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CHRONIQUE DE L’AWSA (1763-1873)
W3ima. Les Gal3la leur firent face près de ārisa ; ils les attaquèrent,
s’emparèrent de tout ce qu’ils avaient de biens. Le sayyid rentra en Arabie.
Ce combat eut lieu un vendredi du mois de afar 1199 [décembre 1784-
janvier 1785].
15. Puis les Mdayto s’emparèrent de tous les biens des gens de l’Awsa et
de leurs troupeaux — et Dieu le sait mieux.
16. La guerre éclata en Awsa et ils se battirent. Nous nous enfuîmes à Tewé
Kalo le mardi 3 Raab 1213 [11 décembre 1798]. La guerre [des Mdayto]
eut lieu avec les Bayɖīo. Ils se battirent, puis passèrent d’eux à Amado.
Tandis que le combat avait lieu, mourut Muammad, fils de Kaɖɖāfó, leur
makāban. Ils repartirent après sa mort, et nous, nous regagnâmes nos
maisons.
17. La guerre d’Aydāis eut lieu au mois de Ramaḍān 1217 [décembre
1802-janvier 1803]. Le premier incendie [lieu non précisé] eut lieu une nuit
du mardi en Šawwāl, après que fussent passés 16 jours du mois6 — O Dieu,
garde-nous d’une chose semblable ! — et cela en 1220. L’incendie chez les
Kutubla eut lieu en 1219 [1804-1805]. Puis la guerre eut lieu à Kma et il
mourut un grand nombre d’hommes des W3ima et de l’Awsa, et aussi des
Mdayto. Puis les Debné-k W3ima partirent cette année-là en expédition
contre les Mdayto. Ils se combattirent à Beyawsa7 en 2ū l-Qada, puis enfin
à Dbi. Tout cela eut lieu en 1221 [2ū’ l-Qada 1221 = janvier-février 1807].
18. Cette même année eut lieu le second incendie en Muarram 1221 [mars-
avril 1806]. Cette année-là encore eut lieu la guerre. On se battit à Do et
beaucoup d’hommes moururent. Puis les Debné-k W3ima attaquèrent une
première fois et on se battit à Bayawsa. Puis ils allèrent en expédition au
Dbi8. Puis les Mdayto attaquèrent, et le combat eut lieu à Ado G3ra, et
des gens de l’Awsa moururent. Puis la guerre eut lieu à Ado G3ra en afar
1222 [avril-mai 1807]. Puis la guerre eut lieu à Baadu, de la part des
W3ima, en 2ū’ l-Qada. Les W3ima furent mis en déroute, nombre d’entre
eux furent tués, et l’horizon prit une teinte rouge.
19. Puis apparut le froid (ou la grêle). Il y eut de grandes dissensions parmi
les chefs de l’Awsa. La pluie se raréfia beaucoup, une partie de l’année fut
sèche, et l’on nomma deux imams en Awsa. Cela eut lieu en 1223 [du 28
février 1808 au 15 février 1809].
20. Puis eut lieu la guerre de Maammda, fils de Asa Ali, le vendredi 1er
umād I. Il incendia les maisons de Māmule et il ne les attaqua pas. Cela, en
1224 [le 1er umād I, 14 juin 1809, est un mercredi].
21. Maammda descendit encore une fois et arriva à Kokobya et en repartit
cette même année [1224/1809]. De même, en 24’ l-Qada ; et nous fîmes les
prières de la fête [d alAḍa] en brousse. Puis eut lieu, au mois de Arafa,
la guerre d’Afkié. Il combattit à Gurmud[da]li9 avec [les gens de] Māmule,
et beaucoup d’hommes moururent.
6. Donc, la nuit du 16 Šawwal 1220 [nuit du lundi 6 au mardi 7 janvier 1806]. En réalité, 15
jours seulement étaient passés.
7. Ecrit Beyawsa (parag. 17). Lire Bayé Áwsa (sur des formes similaires, voir p. 146).
8. Redite du parag. 17.
9. Défluent de l’Awash.
397
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
31. Le wuqūf des pèlerins [de La Mecque] eut lieu un samedi [le 9 2u’ l-
ia est bien un samedi : 21 mai 1831]. La peste atteignit les gens,
beaucoup moururent parmi les habitants du aram et des environs. [Cela en]
1246.
32. Muammad b. Aydāis b. Muammad, raīs des Mdayto, mourut en
1247 [1831-1832]. Le meurtre de D’ūd b. Maammad, raīs de l’Awsa, par
les Mdayto eut lieu le dimanche 14 Rabī II 1248 au début de la matinée [le
14 est un lundi : dimanche 13 Rabī II 1248 correspond au 9 septembre
1832].
33. La guerre des W3ima et des Kutubla eut lieu le lundi précédant le
dimanche où fut assassiné Dawud [lundi 7 Rabī II 1248 / 3 septembre
1832]. La guerre des Mdayto, à l’époque de leur raīs anfaɖé, commença
le mardi 12 Šawwāl 1248 [5 mars 1833]. Les gens restèrent en fuite quatorze
jours.
34. La guerre des gens de l’Awsa contre les Gal3la eut lieu le mercredi 12
du mois de šūrā 124913. La guerre éclata entre les gens de Baadu et les
W3ima. Les gens du W3ima furent vainqueurs de ceux de Baadu et en
tuèrent beaucoup. Cette rencontre eut lieu le samedi 13 umād I de la même
année [samedi 28 septembre 1833].
35. Le noble agāyo b. Akādar b. Umar mourut dans le mois de umād II,
le 1er du mois, après le retour des gens du W3ima de la guerre [en] 1249
[mercredi 16 octobre 1833]. La même année éclata la guerre entre les gens
de l’Awsa et les Mdayto au lieu appelé Darmalé14, le jeudi 5 Ramaḍān
1249 [16 janvier 1834].
36. En 1250 [1834-1835] eut lieu la mort de Dās Alī b. Muammad, chef de
l’Awsa ; et il y eut des malades et des morts dans toutes les régions. La
guerre fut apportée de Baadu en Awsa faisant suite à la guerre des W3ima.
Ils s’entretuèrent et les gens de Baadu prirent les troupeaux des W3ima.
Puis ils séjournèrent près de Eaylé environ 20 jours et retournèrent ensuite
à Baadu avec les troupeaux. Leur entrée, c’est-à-dire le combat, eut lieu le
lundi 29 24’ l-Qada 1250 [30 mars 1835].
37. Ensuite, les W3ima firent la paix avec anfaɖé, raīs des Mdayto, pour
les gens de Baadu, les Kutubla, les Gal3la et les Mdayto en général dans le
mois de šūrā de l’année 1251 en question [soit entre le 29 avril et le 28
mai 1835]. Puis les Kutubla firent une seconde fois la paix avec les W3ima
le 1er umād I de l’année en question [mardi 25 août 1835].
38. La sécheresse survint en Abyssinie et les terres de l’Awsa furent peu
arrosées. Les bédouins descendirent en Awsa à la recherche de leur
subsistance venant de toutes les directions. Les Somalis furent nombreux,
comme les bédouins [afars ?] aussi, et les vols devinrent nombreux, même
par la violence et la contrainte — que Dieu nous préserve et préserve les
musulmans et les guide dans le bien en leur donnant l’abondance de la pluie
13. Le 12 Muarram 1249 (1er juin 1833) était un samedi. Les plus proches mercredis sont le
9 et le 16 Muarram (29 mai et 5 juin 1833). Peut-être faut-il lire 18 Muarram, avec une
erreur de deux jours. Selon le cheikh asan b. ámad-Ladé (Nawādir), ce serait le
mercredi 2 Muarram 1249 (21 mai 1833 qui était en effet un mercredi).
14. Sur cette bataille décisive, voir l’article Darmá.
399
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
15. Le texte arabe est ambigu. Peut-être faudrait-il interpréter al-addiq comme un nom
propre.
16. L’auteur vise ici davantage les tribus du piémont que les Ethiopiens en général.
17. Selon le cheikh asan b. ámad-Ladé (Nawādir).
400
CHRONIQUE DE L’AWSA (1763-1873)
21. Confirmé par le cheikh asan (Nawādir), soit entre septembre 1856 et août 1857.
22. Il faut lire fī makān Tini « dans le lieu appelé Tini » [près de Dawwé, v.].
23. D’après le cheikh asan (Nawādir), l’incident daterait du mardi 28 Raab 1273 / 24 mars
1857. Selon son fils amad-Ladé, se référant à d’autres notes de son père, ce serait en
1274 (mardi 30 Raab / 16 mars 1858).
24. Il faut lire amad-sárra.
25. Il y a ici une ambiguïté. Le début du parag. « cette même année » implique que la date soit
le 28 afar 1274/ 18 octobre 1857, d’autant que cette date correspond bien à un dimanche
(le 28 afar 1275 / 7 octobre 1858 est un jeudi).
26. En 1276, la nuit du 14 Muarram était celle du vendredi 13 au samedi 14 (13 août 1859.
Le mercredi correspondrait au 18 Muarram. D’après Hamad-Ladé, l’événement rapporté
a bien eu lieu le 14, donc le samedi 14.
402
CHRONIQUE DE L’AWSA (1763-1873)
27. A l’évidence, il ne s’agit pas du roi d’Ethiopie, mais sans doute, quoique non identifié,
d’un chef oromo du piémont.
28. Le 20 Ramaḍān 1277 est le lundi 1er avril 1861 ; le 26 Ramaḍān, le 8 avril. amad-Ladé
tenait d’une autre source : dans la nuit du 28 Ramaḍān 1277 qui est en effet un mardi. Le
décès serait donc intervenu le soir du lundi 8 avril 1861.
29. Le 27 Šawwāl 1277, un mois après la mort en Ramaḍān du sultan d’Awsa, est un
mercredi et correspond au 8 mai 1861. L’éruption du volcan Dúbbi peut être datée avec
certitude de la nuit du 7 au 8 mai 1861.
403
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
lance), qui guérit par la suite. Leurs noms sont : Muammad et Aydāis, fils
de Alo ; et le blessé, son fils anfaɖé ; Ali, fils de @ayrilé ; Aaw et
Muammad, fils de iggīlo ; et celui qui reste, nous n’en connaissons pas le
nom — Que Dieu leur accorde le pardon des justes ! Cela eut lieu à l’aube,
au début du temps de cette prière, le dimanche 28 24’ l-Qada 1278 [qui est
un mardi. Le dimanche correspond au 26 2Q / 25 mai 1862].
68. Cette année-là fut tué le savant qui travaillait par sa science, le vertueux,
le pieux Muammad Turāb, fils du cadi al-ā Maammad — Dieu lui
accorde le pardon des justes !, ainsi que Bita b. D’ūd « roi » de l’Awsa, la
nuit du samedi 28 du mois de Ašūrā 1279 [nuit du 25 au 26 juillet 1862] —
Dieu lui accorde la miséricorde des justes !
69. Cette année-là [1279] éclata la guerre du côté des gens de l’Awsa, à
l’époque des pluies. Ils tuèrent quatre ou cinq personnes, puis firent la paix
entre les gens de l’Awsa et le « roi » Muammad b. anfaɖé, par versement
de troupeaux et d’argent ; et les tués furent vengés par le talion exercé contre
les gens d’Awsa, auteurs des meurtres. Ceci eut lieu le vendredi 6 Rabī I
[qui est un lundi. Le vendredi précédent, 3 Rabī I 1279, correspond au 29
août 1862].
70. En cette année mourut le savant, l’érudit, l’océan de science, le très
intelligent, le saint, le pieux, à savoir notre cheikh, al-ā amza, fils du
cheikh savant et érudit, l’océan des océans dans les sciences du droit,
l’éducateur de ceux qui s’instruisent, c’est-à-dire le cheikh al-ā Mamūd
— Que Dieu lui accorde le pardon des justes ! [Il mourut] à l’heure du ẓuhr,
le dimanche 3 Rabī II 1279 [28 septembre 1862].
. La même année, il y eut désaccord entre les gens de l’Awsa. La tribu des
Int3ger dit : « Nous ne pouvons faire la guerre », et certains des Hararra
dirent de même. Et une partie d’entre eux, ainsi que les Bayɖio, entrèrent en
guerre avec le sultan Muammad. Il commença la guerre un vendredi. Ils
entrèrent du côté des Mdayto et le cheikh et fqī Amad Kamali fut tué
dans la matinée de ce vendredi, environ le 16 du mois de 24’ l-Qada [le 16
2Q / 5 mai 1863 est un mardi. Le vendredi 12 24’ l-Qada 1279 correspond
au 1er mai 1863].
72. [Les Awsa] rentrèrent chez eux. Le « roi » Muammad b. anfaɖé se mit
en colère, rassembla l’armée et dit : « O Int3ger, si vous voulez être sauvés,
je vous sauverai : venez chez moi. Certains des Bayḍio, si vous voulez une
protection, faites de même ; certains des Hararra, la même chose. »
73. Après cela, il envoya l’armée, le dimanche après qu’eurent passé 19
jours de 24 l-ia en direction des Bayɖīó [dimanche 19 2 1279 / 7 juin
1863]. L’armée arriva à leur pays. Ils ne les virent pas, ils les cherchèrent et
les trouvèrent en fuite. Environ 70 d’entre eux furent tués, y compris les
esclaves et les jeunes garçons — Dieu leur accorde la miséricorde des
justes ! C’était en 1279.
74. Le vertueux, le croyant, le conseiller sincère, l’intelligent al-ā Alī,
de Māmulé, fils de Muammad, mourut à l’heure de la prière du soir, la nuit
du mardi 15 Rabī II 1280 [28 septembre 1863]. Cette année éclata la peste
dans le mois de 2ū’ l-ia [du 8 mai au 5 juin 1864], dans le aram de
La Mecque et ses environs. De là, elle s’étendit à de nombreux pays. Elle
404
CHRONIQUE DE L’AWSA (1763-1873)
terrible que celle-ci et sévit jusqu’à l’année suivante 1289 [11 mars 1872-28
février 1873].
83. Cette année-là mourut le cheikh dédié à son travail, célèbre, fameux sous
le nom de Amaytu32, de la tribu de Māmulé. Il mourut la nuit de la pleine
lune de Ramaḍān, à l’heure de suūr [collation du matin du 16 novembre
1872]. De même, le cheikh Adan b. abīb mourut à l’heure du ẓuhr, un
samedi du mois de umād I [7 juillet-5 août 1872]. L’année 1289 est
terminée.
84. Cette année-là33 eut lieu une éclipse de lune dans la nuit de la pleine
lune. Cette année-là eut lieu un combat entre les Int3ger et les Bayɖīó, le
jour de la fête de la rupture du jeûne [1er Šawwāl 1290 / samedi 22 novembre
1873]. Deux jeunes gens de ces tribus furent tués, l’un nommé Abdo b.
Tayso, et le second Raho U<mān b. Unɖa Muammad — Que Dieu fasse la
paix entre eux et entre les musulmans, par l’honneur du seigneur des enfants
de Adnān ! C’était dans l’année 1290 de l’Hégire. La paix et le salut soient
sur le Prophète !
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407
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
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408
CHRONIQUE DE L’AWSA (1763-1873)
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409
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
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410
CHRONIQUE DE L’AWSA (1763-1873)
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411
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
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412
CHRONIQUE DE L’AWSA (1763-1873)
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413
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
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414
CHRONIQUE DE L’AWSA (1763-1873)
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415
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
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416
CHRONIQUE DE L’AWSA (1763-1873)
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417
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
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418
CHRONIQUE DE L’AWSA (1763-1873)
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DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
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420
CHRONIQUE DE L’AWSA (1763-1873)
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DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
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Annexe III. Conférence de Gawwani
(7-15 avril 1977 / 30 mäggabit-7 miyazia 1969)
1. Communiqué officiel en français publié dans Le Progrès socialiste (23 avril 1977 / 15
miyazia 1969) qui reprend les points principaux du compte rendu officiel en amharique
ci-après (il ne semble pas qu’il ait existé une version en afar).
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
Les salines, qui constituent l’un des gagne-pain des Afars, exigent également
une modernisation technique et matérielle puisqu’elles représentent une source
appréciable de devises étrangères pour l’Ethiopie. La conférence s’est aussi
prononcée pour un développement des moyens de transport et de communication
dans les zones habitées par le groupe afar (chemins vicinaux, réseaux
téléphoniques et postaux, « consolidation » du dialecte afar, exécution de projets
de développement en général).
La conférence de Guewané s’est prononcée pour l’abolition des mœurs
ancestrales auxquelles la femme afar doit son statut d’infériorité. Les dissensions
entre groupe afar et ethnies voisines ne seront pas résolues par des actes
d’agression et de pillage, mais par la voie d’un dialogue démocratique, dans le
cadre de l’égalité et de la compréhension mutuelle.
Sur le plan de la politique nationale, les Afars ont identifié le féodalisme,
l’impérialisme et la bureaucratie capitaliste en tant qu’ennemis des masses
opprimées. Ils ont condamné l’Union Démocratique Ethiopienne, le Front de
Libération de l’Erythrée, le Parti Révolutionnaire du Peuple d’Ethiopie, de même
que le vieux seigneur féodal Ali Mirah, lequel est d’ailleurs définitivement exclu
de la communauté afar. La conférence a demandé à ses partisans de rejoindre leurs
compatriotes et de participer aux efforts de reconstruction nationale, proposant la
formation d’une commission spéciale chargée de réhabiliter et de politiser les
nouveaux venus.
Dénonçant l’arrogance et le nationalisme étroit, les Afars se sont déclarés prêts
à sauvegarder l’unité de l’Ethiopie et sa Révolution. Ils ont exprimé leur
détermination d’écraser les forces réactionnaires et les agents de l’impérialisme qui
complotent contre l’unité nationale et la Révolution. Ils ont demandé à tous les
Etats africains indépendants de condamner les forces réactionnaires arabes
cherchant à réaliser leurs rêves expansionnistes avec le soutien des impérialistes, et
ont exprimé leur conviction que toutes les forces progressistes du monde se
tiendront aux côtés de la Révolution éthiopienne.
La conférence afar a dénoncé les démarches de la France en vue de freiner la
marche du Territoire des Afars et des Issas vers l’indépendance2 en créant des
divergences entre les groupes ethniques, ainsi que la politique d’expansion adoptée
par la Somalie3. Indiquant que les Afars éthiopiens suivent avec attention le
processus d’indépendance de Djibouti, indépendance qu’ils soutiennent, la
conférence a demandé à la Somalie de renoncer à ses revendications sur le
Territoire et de respecter l’indépendance et l’intégrité territoriale d’un Djibouti
libre.
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BIBLIOGRAPHIE ET SOURCES
1. OUVRAGES ET ARTICLES IMPRIMÉS. 1.1 Publications dans une langue européenne. 1.2.
Sources arabes. 1.3. Chroniques éthiopiennes. 1.4. Littérature afare. 2. SOURCES AFARES
INÉDITES. 2.1 Chroniques. 2.2. Témoignages oraux. 2.2.1. Sources Chedeville. 2.2.2.
Sources D.M. 3. DOCUMENTATION ADMINISTRATIVE. 3.1. Archives du ministère français des
Affaires étrangères. 3.2. Archives du Musée des troupes de Marine de Fréjus. 3.3. Autre
documentation administrative. 4. CARTES, DOCUMENTS NAUTIQUES.
1. OUVRAGES ET ARTICLES IMPRIMÉS.
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montrant deux hommes porteurs du couteau et du pagne traditionnels. Non
nommés, il doit s’agir des deux chefs Anklá, les frères ásan et Ibrhim b.
ámad (également in Lupi, 2008, p. 165).]
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(I : 527 : 529) ; Dänkäl (II 89) ; Dankali (II 89-90) ; Haɖanɖowa language
(2 : 957) ; Hadrém (II : 958-959) ; amad-Lade (II : 981-982) ; asan b.
Amad (II : 1039-1040) ; asōba (II : 1044-1045) ; ummad b. Looyta (III
: 90) ; Kaɖɖfo (III : 321) ; Maammad “Illalta” anfaɖe (III : 647-648) ;
Maammad Ōbakar (III : 648) ; Minifire (III : 974-975) ; Mōdayto (III :
984) ; Raayto (IV : 324) ; Saho Literature (IV: 473-475) ; Tağūra (IV :
819-820) ; Tīo (IV : 963) ; Morin & Abdulkader Saleh : Saho Ethnography
(IV : 471-473). Morin & Getachew Kasa : Adohyamara & Asahyamara (I :
103-104) ; Morin & Fiaccadori : The “Furs” in North-East Africa (III :
186-187) ; Morin & Smidt : Ras Dumra (IV : 333) ; Morin & Gori : Zayla
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445
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
446
BIBLIOGRAPHIE ET SOURCES
447
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
2.2.2. Sources D.M. [DIDIER MORIN]. Les informations ont été recueillies entre
1970 et 1982, en Ethiopie, en Erythrée, en Rép. de Djibouti. Notamment :
en 1973-1974, missionné par le Tribunal d’instance de Djibouti pour une
enquête en vue de la codification des coutumes (la « codification »
consistant à consigner par écrit l’état de la madá (v.) dans ce qui était
encore le Territoire français des Afars et des Issas). En 1978-1982,
responsable de la section des sciences humaines à l’ISERST (Djibouti).
Informateurs principaux : le premier d’entre-eux (1978-1981), ámad-Ladé
b. cheikh ásan b. ámad-Ladé, in D.M. (1980, 1991, 1995, 1997, 2012b).
Cheikh Ádan b. A med-Dîni (cadi de Tadjoura, 1973). Alóyta b. Durúy b.
Alóyta (chef des Ulutó-k S,ká, 1973-74). Abdallah b. Mohammed b. Kâmil
(Adáli ‘Abdallâli, 1974). Abdulkâdir b. úmmed (vizir du sultan de
Tadjoura, 1973). Abdurra mn b. Osmân b. Slé (petit-fils du dernier
sultan Dammohoytá de Bôri, 1978). Ádu b. 8bó (Debné Mafâ). Barkát b.
Dawúd (Adniytó). Adbáɖa b. us,n (Ðurbá, chamelier, guide de D.M.,
Gamárri, anlé, Dôbi, frontière de l’Áwsa, 1973-74). Galmi-Áli (chef des
Gombár, 1974). Ali b. Looytá (Debné), [sur les Gibdossó, chez qui il vécut
deux ans, 1972]. Uddúm b. ámmadu (chef des Mirgantó Abdallôli,
Y-bóki, 1973-74). « Datá » ‘Isé (chef des Gombár, Álol, 1979). Góyta b.
Msá b. ámad (chef des Ðurbá, 1974). ábib b. ámad (sultan de
Tadjoura, 1973). ámad b. Ma ámmad b. M-tallá (Arabtá, aysantó).
ámmadu b. Ali (M-daytó-k Maanɖiytá, « Kaɖɖá » Gum éd), [également
info. sur les Lubak-Kubó]. Ibrâhim b. Á med Dîni [amaddîn] (Debné,
1979-80). Ibrâhim « M,kó » b. Á mad (Saiddó, Oroddí Dbá, 1973).
Looytá b. ásan-Dîmu b. anfaɖé (Debné, cadi de As-8lá, 1974).
Ma ámmad « Bíla » b. ámad (chef des Ulutó-k Madîma, 1974).
Ma ámmad « Bokó » b. « Kaɖɖá » Looytá (sultan des Debné, 1973).
Ma ámmad b. Saíd (Asá ‘Ablé, guide chamelier, Maglé, Ðay, Adáylu,
Dadár, Álta). Ma ammadé b. úmmed (chef des Datá Ablé Abbakári,
Adáylu, 1974). Slé b. cheikh ásan b. ámad-Ladé (Debné, Djibouti,
As-8lá, 1973-74). Ma ámmad b. ámad b. Kottiná (Dankáli de Baylûl,
1972).
Les articles sans source précise sont la synthèse, de mémoire, d’informations
obtenues à une époque où le présent ouvrage n’avait pas encore été
envisagé. Des données se rapportant à la période avant et après 1982 ont été
collectées au Caire (1991-94) auprès des informateurs sahos Ibrhīm b.
Isml (ádo Asaallá, de Sanafé), Sâle b. Osmân (Tará du Samhar) ;
à Djibouti (1996-98) ; en Erythrée (2000) ; en Awsa (2001, 2006 et 2007).
3. DOCUMENTATION ADMINISTRATIVE.
3. 1. Archives du ministère français des Affaires étrangères.
Archives du ministère des Colonies, correspondance générale, Obock : dossier
1015 (1886-1888) ; 1016 (1888-1889) ; Djibouti : affaires militaires 1006
(1899-1930) ; 1017 (affaire Carmelich) ; 1025 (1861-1885) ; 1026 (1890-
1891) ; 1027 (1896) ; 2004 (1899-1918).
Centre des Archives d’Outre-Mer (CAOM) des Archives nationales d’outre-mer
(ANOM), Aix-en-Provence. Série Affaires politiques (AP), notam. Fonds
ministériels (cotes C), territoriaux (cotes 5G) ; série Traités.
Correspondance consulaire et commerciale. Massaouah (t. 1 : 1840-1859 : t. 2 :
1860-1885).
Mémoires et documents, série Afrique (MD) : vol. 13, Abyssinie (1), 1838-1850 ;
vol. 61, Abyssinie (2), 1839-1866 ; vol. 62, Abyssinie 3, 1867-1883 ; vol.
63, Mer Rouge 1, 1839-1880 ; vol. 64, Mer Rouge 2, 1881-1882 ; vol. 65,
Mer Rouge 3, 1883-1884 ; vol. 66, Mer Rouge 4, 1885 ; vol. 106, Mer
Rouge 5, 1886 ; 107, Mer Rouge 6, 1887 ; vol. 130, 135, Mer Rouge 7,
1887-1888 ; vol. 136, Mer Rouge 8, 1889-1891 ; vol. 137, Mer Rouge 9,
1892-1895.
448
BIBLIOGRAPHIE ET SOURCES
449
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
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relations avec les Asahyamara, note n° 244, 8 p. [dactylo.]
*Chedeville E., 1940, notes de service à l’attention des chefs de secteur nomade :
n° 35 (19 février 1940) ; n° 38 (23 février 1940).
Chedeville E., 1943 (7 avril), Note sur une entrevue du lieutenant Gory,
commandant le P.M.H. [peloton méhariste du Hanlé] avec le Political
Officer d’Assab, cercle de Dikhil, 2 p. [dactylo.]
[Chedeville E.,], s.d. [c. 1965], Afars du T.F.A.I., 12 p. (dactylo.). [Chefferies et
fractionnement des Afars]. [Afars]
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*Coullet P., 1940 (26 mars), Note pour les Chefs de sous-Secteur nomade, 3 p.
(dactylo.).
*Gory (lieut.), 1942 (20 mars), note n° 283 manuscr. « Liste des Principaux bandits
Olotos », 1er peloton méhariste, section nomade du Hanlé (3 p.), « Liste des
Morts Oloto » et « Liste des assassins Oloto » (1 p.).
Ministère des colonies, 1938, Index des noms contenus dans la carte au 1/
200.000e de la Côte française des Somalis, Paris.
[Morin D.], 1974, Note de synthèse, Rapport à la Commission en vue de la
codification des coutumes, ministère des Affaires intérieures et musulmanes,
34 p. (dactylo.).
[Note remise au juge Jambon, président du Tribunal d’Instance de Djibouti,
président de ladite commission. La note reprend les informations recueillies
concernant le droit des personnes. Les réponses aux 12 questionnaires (Du mariage,
de l’obligation alimentaire, du divorce, de l’autorité parentale, de la dot, de la
filiation, de l’adultère, des régimes matrimoniaux, de l’absence, des incapables, de
la responsabilité, de l’expression de la coutume) ont été obtenues au cours d’une
enquête de terrain (1973-1974) effectuée à pied, accompagné de guides chameliers.
Liée au temps de service de l’auteur, volontaire de l’Aide technique, cette enquête
n’a pu se faire qu’en pays afar. La note inclut toutefois quelques remarques
comparatives avec la coutume somalie Issa.]
Picard (lieutenant), 1939, Remarques sur les Debene et Adourassou du cercle de
Dikhil, 62 p. [dactylo.]
Sayyid Al b. Abbakar as-Saqaf [cadi de Djibouti], 1961, Liste des mosquées et
de certains oratoires de Djibouti, 4. p. [dactylo.]
450
BIBLIOGRAPHIE ET SOURCES
451
CARTES*
* Ces sept cartes dessinées sur mes indications sont dues au talent de
Mme Danielle Castex. Qu’elle trouve ici l’expression de mes
remerciements. Les deux premières figurent dans la première édition
(2004) du dictionnaire. La troisième et la quatrième ont été publiées
dans « Arabic and Cushitic Toponymy : one Coast with two Maps »,
Northeast African Studies, vol. 12, n. 1 : 217-242.
Carte n° 1. L’Adal au XVIe siècle et l’aire afarophone actuelle
455
Carte n° 2. Territoires ‘Adohyammara et ‘Asahyammara
à la fin du XIXe siècle
456
Carte n° 3. La côte somalie de Djibouti à Būllaḥār
Carte n° 4. « Cercle de la mer de Bôri »
458
459
Carte n° 6. Tribus du Kalo
NOTATION
464
NOTATION
Points de morphologie
Le changement d’accent est fréquent et productif. Il oppose le
masculin au féminin pour les noms sexués : áwka / awká ; nom de lieu
(Wimá) et nom de tribu (Wíma) ; nom de l’ancêtre éponyme (Úlel) et
de la tribu qui en descend (Ulél). Il existe quelques cas où la variation est
perdue : Áwsa (région) ne se différencie plus de Awsá qui a pu être le nom
des originaires de l’oasis. Ulél, également Ulêl, tribu issue de Úlel, montre
une tendance à l’allongement final qui est lexicalisé dans Mafâ. A chaque
fois, un strict respect des formes entendues nous a guidés, espérant
restituer la langue dans sa richesse et sa diversité.
Dans les compléments de nom (ordre déterminant-déterminé), le
connectif est postposé au déterminant. Il existe quelques formations
inverses figées : déterminé-déterminant, souvent à valeur qualificative,
comme Gbaád « blanc (ad) quant aux plaques d’argiles (gba) ». Le
connectif -h est assimilé par la consonne initiale du déterminé : Abá-m
mlá (de *Abá-h mlá /Abá-de gens/) ; précédemment Tolá- anfaɖé.
Le connectif -h se maintient si le déterminé a une voyelle initiale : kedó-h
abbá « chef de tribu ». Quand le nom déterminant est lexicalement à
voyelle finale non accentuée, cette voyelle est de timbre /i/ et accentuée :
Billâdi > Billdí Godá ; ammadí Yyyó « Yyyó b. ámmadu ». Dans les
noms composés, la marque de détermination n’affecte que le second
composant du déterminant : Ali-Gára > Ali-Garí Maámmad
« Maámmad, fils de Ali-Gára ». Quand le déterminant à consonne finale
est lexicalement accentué sur la syllabe pénultième, l’accent frappe la
syllabe finale : aɖal-Mâis > aɖal-Mís ɖayló « les enfants de aɖal-
Mâis ». Les noms employés comme cri de guerre (itró) sont généralement
accentués sur la syllabe finale : anâ Takíl ! « Courage ! Tákil ! ».
La carte de l’I.G.N. (1 : 100 000) de la République de Djibouti ne
tient pas compte, pour des raisons de lisibilité, de la présence du connectif.
On rétablit celui-ci. Ex. Iiytá-b bad « le lac de Iiytá », admin. Lac Iita (v.
Afambó).
Un certain nombre de noms à finale consonantique (v. Tákil,
dardár), en syllabe ouverte, notamment en fonction prédicative, présente
un allongement de la voyelle de la syllabe finale : Tákl-i ; dardâr-a4.
AUTRES LANGUES COUCHITIQUES
Les exemples donnés en bedja et en saho suivent les conventions
adoptées pour l’afar concernant l’accent et la longueur vocalique. En
somali et en oromo, la longueur vocalique est notée [] et l’accent [á].
Dans quelques cas, pour des raisons de lisibilité, on a introduit le
redoublement du signe vocalique.
465
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
ARABE ET ÉTHIO-SÉMITIQUE
La notation se conforme à celle de Régis Blachère dans ses
Eléments de l’arabe classique (Paris, Maisonneuve et Larose, 1958). La
pharyngale sourde est notée //, son correspondant sonore //, permettant la
comparaison avec les phonèmes similaires en afar. L’emphatique dentale
// est distinguée de l’implosive couchitique /ɖ/. La prépalatale sonore est
notée //. Ex. i. Pour l’amharique et les autres langues éthio-
sémitiques citées, on reprend les conventions du Traité de langue
amharique de Marcel Cohen (Paris, Institut d’ethnologie, 1936), sauf pour
la voyelle du « premier ordre » notée /ä/. Accessoirement, l’éjective //
əyon ne sera pas confondue avec l’emphatique arabe de awbi.
PRINCIPALES ABRÉVIATIONS ET SYMBOLES
admin. administrativement, nom administratif
amh. amharique
ar. arabe
b. « fils » (arabe ibn ; afar báɖa)
c. circa, environ
cf. confer, comparez
chron. chronique
col. colonne
coll. collectif
comm. pers. communication personnelle
d. décédé, date de décès
e. c. Ethiopian calendar (dans le comput éthiopien)
EA Encyclopaedia Aethiopica
égal. également
EI Encyclopédie de l’Islam
env. environ
éth. éthiopien
étym. étymologie
ex. exemple
fém. féminin
h. dans le calendrier hégirien
i. indice
intr. date d’intronisation
l. ligne
litt. littéralement
masc. masculin
n. note (en bas de page)
[ndr] note du rédacteur (D.M.)
néol. néologisme
nord en afar du nord
pers. personne
pl. pluriel
pop. populaire
s. siècle
sg. singulier
singul. singulatif (nom d’unité)
sq. sequantiaque, et pages suivantes
sud en afar du sud
tna tigrigna
v. vers
(v.), V. voir
var. variante
(…) partie de citation non reproduite
[ ] commentaire, ajout à la citation
♀ femme
! marié(e) à
466
(Les chiffres en romain renvoient aux pages de l’ouvrage, ceux
en italique aux pages contenant des mentions complémentaires)
ABAZÊD (cheikh) v. BAYAZĪD ASKAKMÁLI, 74
ABÁM MLÁ, 31 ASSAB v. ASÁB
ABBÂSIYA, 31 AWÁN, 74
ABNÁ, 32, 381 AWLIYÁ, 74
ABRARTÓ, 32 AWRÁ, 75
ABROBBAÐIFF"GÉ, 33, 145 ÁWSA, 75, 395-406, 459
AB% BAKR « PACHA », 33-38, 310 AWSANDÁBBA, 9, 90
ABÛSA, 25, 38, 107 AWSÍ MÁRA, 90
AB%SÁ-MÁRA, 40 AYD"1ISSÓ, 91, 197
ABU ŠAW"RIB, 40 AYDAM"NÍ, 95
ADÂAL, 41 AYFARÁ1, 95
ADÁLI, 41 AYKÚK, 150
ADAËL, 41 AYROLASSÓ, 96, 172
ADAL, 11, 13, 42, 353 AYRÓYTA, 97
ADÁRI, 44 AYSAÍYTA, 97
ADÁLI, 45, 155, 216 AYYÁLU, 98
ADÁLIK GALLA1ADÓ v. GARAYSÁ AZÉNOR, 98
ADÁLI-K SKÁ, 45
ADÁLLOM, 46 ABDALLÂLI, 99
ADDALEGÚB, 46 ABDERRA1MÂN YÛSUF, 99, 380, 386
ADDÔKUM, 46, 295 ABDULKÂDIR ARB"HINTÁ, 100, 257
« AD SALEH », 46 ABLÉ, 101, 228
AÐAYTÁ, 46 ABLISÁ, 102
AFAMBÓ, 47 ADNIYTÓ, 102, 343
AFARÁ, 48 ADOHYAMMÁRA v ASAHYAMMÁRA
AFBÊ1Á, 26, 50, 144 ADÓ L", 103
AFÐRÁB BAD, 51 ADÓ L"HÍ ALÉ, 103
AFFARÁ ÁWDI, 51 ADORÁSU, 103, 189
AFKAÐÐÁ 1ÁSAN, 51 AÐKALTÓ, 105, 200
AFKĪÉ-K MA"DÁ v. BA1RÁ KA"DÁ AFÁR, 16, 105
AFTÁL, 51 AFRA, 109
AGRÁF, 52 AGGÍNNI, 109
A1MED « GRAÑ », 52 "KIL v. MAKÂBAN
AKÁDAR MAK"NÓ, 54 "LÁ, 109
ALALÓ, 54 ALI 1ÚMMAD, 3, 6, 109
ALAYTÓ, 54 ALI « BRÁWLI », 110
AL1ISSÓ, v. AYFARA1 ALIMIRÁ1 1ANFAÐÉ, 110, 424
ALSILWÓ, 54 ALIYTÓ, 111
AMÁNA, 60 Álla, 26
AMASÁ, 61 ALLÔMA, 111
AMASIYTÓ, 61 AMB"DÓ, 112
AMÁYSI, 61 ANGÁRU, 112
AMBABBÓ, 63, 231, 311, 337 ANKATTÁ, 113
« AMFARI », 63 ARABTÁ, 113
AMOLÉ, 4, 63 ARRADDÓ, 113, 266
AMÓYTA, 65, 152 ASÁB, 114
AMPHILLA v. 1AFFALÉ ASABBAKÁRI, 116, 206
ANK"LÁ, 65, 262 ASAHYAMMÁRA, 82, 85, 117, 119, 120,
ANK"LÁ DE ASÁB, 66 138, 152, 163-170, 174, 187, 209, 306,
ANK"LÁ DE BÔRI, 67 456
ANKÁLI, 70 ASÁL, 122
ANTONELLI v. INTINŌLÉ AS1EDÁ, 123
ARBÂHIM 1ANFAÐÉ, 70 ÁYSI v. AMÁYSI
ARB"HINTÓ, 70 ÁYTUR, 123, 331
ARDUKÔBA, 72 ERTÁ ‘ALÉ, 123
ARNOUX, 72 ÍDDI, 123, 141, 324
ARRATÁ, 74 ÎSA, 125
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
468
INDEX
469
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR
S"GÁLLU, 327
SAKÐÁ, 327
SÁMU, 327
SANGERRÁ, 327
SAR=FÁ, 330
OAW"BI, 331
SAWÁL SÁRRA, 331
SAYYID, 331
SECTEURS NOMADES v. MÉHARISTE
SKÁ, 134, 151, 285, 266, 298, 334
SID=1Á BUÐÁ, 335
S=ÐÁ, 188, 335
SIFANI, 335
SIY"RÁ, 335
SOLEILLET, 336
SOMALI, 158, 337
SONGÓG GODÁ, 155, 174, 219, 338
SUBLÁ, 339
SÚGET, 340
SUGÚM, 340
TADJOURA, 341
TADJOURACHOA (piste), 350
470
TABLE DES MATIÈRES
Imprimé en France
par Arts’Print Numeric - 24, rue de Vire - 14110 Condé-sur-Noireau
N° d’Imprimeur : 01025 - Dépôt légal : août 2015