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Didier Morin

Dictionnaire
historique afar
(1288-1982)
Nouvelle édition augmentée

KARTHALA
Le plus souvent sous un nom d’emprunt (Adal pour les Éthiopiens,
Danâkil en arabe), les Afars ne sont connus que par raccroc. Ils n’ap-
paraissent qu’occasionnellement sous la plume des chroniqueurs et des
géographes. A partir du XIXe siècle, les voyageurs, les scientifiques
européens, les administrateurs coloniaux français et italiens fournissent
des renseignements de qualité très inégale, le plus souvent de seconde
main. L’occultation reste le régime normal de l’historien.
L’édition de 2004 visait à combler un vide majeur. La présente
édition élargit et approfondit l’inventaire. Elle rectifie nombre d’idées
reçues et apporte des informations inédites dans des domaines aussi
essentiels que la chronologie, la généalogie, les savoirs traditionnels
(calendrier, astronomie, géomancie), l’onomastique. L’afar bénéficie
pour la première fois d’une transcription rigoureuse.
En même temps, ce dictionnaire mobilise, pour les comparer aux
témoignages oraux, les sources arabes, éthiopiennes et européennes. Ce
faisant, il établit une hiérarchie des données qui jusqu’ici faisait défaut.
Rendant à l’histoire ce qui est factuel et au roman ce qui est inventé, ce
réexamen conduit à rejeter une bonne part de la littérature de voyage.
Pour autant, les traditions populaires et les légendes ne sont pas exclues
mais, clairement identifiées, elles sont seulement rappelées quand elles
contribuent au débat historique.
Cet ouvrage énonce ainsi sa constitution, ses moyens, sa méthode. A
la fois synthèse critique et livre-source, il a été conçu comme un outil
à l’usage des jeunes chercheurs au plus près du terrain d’enquête. Il
intéresse plus largement les historiens de cette partie du Continent, en
contribuant à mieux situer la place des Afars dans l’histoire régionale.

Didier Morin est l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés aux lan-


gues et aux cultures de l’Afrique du nord-est. Il a notamment publié
(chez Peeters) Le Ginnili, devin, poète et guerrier afar (1991), Des
Paroles douces comme la soie (1995), Poésie traditionnelle des Afars
(1997), Le Texte légitime (1999) ; (chez Karthala) Dictionnaire afar-
français (2012).

ISBN : 978-2-8111-1046-8

hommes et sociétés
DICTIONNAIRE
HISTORIQUE AFAR
(1288-1982)
Visitez notre site : www.karthala.com
Paiement sécurisé

Couverture : Tombeaux à Waydôlali (photo : D. Morin).

 Éditions KARTHALA, 2017


Première édition papier, 2015
ISBN : 978-2-8111-1046-8
Didier Morin

Dictionnaire
historique afar
(1288-1982)

Nouvelle édition augmentée

Éditions KARTHALA
22-24, boulevard Arago
75013 Paris
ámad-Ladé b. cheikh ásan
AVANT-PROPOS DE LA SECONDE ÉDITION

Dès sa parution en 2004, le présent dictionnaire entendait combler


un vide documentaire en se consacrant à l’histoire des Afars, largement
occultée par une tradition historiographique centrée sur l’Ethiopie des
hautes terres. Dans le même temps, l’Encyclopaedia Aethiopica, dont le
premier volume était paru en 2001, confirmait dans ses livraisons suivantes
— à quelques exceptions près qui seront discutées — son souci de
s’affranchir de ce positionnement en prenant en compte les diverses
cultures de la Corne de l’Afrique, sans pouvoir, pour des raisons
matérielles compréhensibles, inclure toutes les entrées intéressant plus
spécifiquement les Afars. Notre Dictionnaire historique s’est ainsi inscrit
dans une démarche complémentaire, pour faire partie, dès le volume III de
l’Encyclopaedia (2007 : XIV), des « frequently used bibliographic
references ». La quasi-absence d’ouvrages récents en français dans cette
liste donne la mesure du déclin de l’audience internationale des études
éthiopiennes françaises (cf. D.M., 2012d).
Cette seconde édition n’est pas une simple reprise de la première.
Elle en constitue l’approfondissement. Elle tient compte de diverses
observations de lecture (y compris d’articles de l’Encyclopaedia) pour
ajouter d’autres repères chronologiques qui confortent ceux déjà proposés.
La chronologie est ici comme ailleurs essentielle. Elle permet de
démarquer les données proprement historiques des néo-traditions citadines
qui reconstruisent le passé d’une culture agro-pastorale, brouillé chaque
jour davantage par les changements sociologiques et démographiques. Le
compte des générations reste l’un des moyens les plus sûrs pour évaluer la
vraisemblance des témoignages et vérifier que les acteurs de ces récits sont
contemporains. Les concordances proposées aident à déceler tout
anachronisme dans des discours qui invoquent trop facilement la
« tradition orale » en s’exonérant des vérifications nécessaires.
L’histoire des Afars est plurielle en étant le produit de traditions
lignagières concurrentes. Chacune a sa légitimité. Mais en devenant
aujourd’hui un enjeu communautaire cette polyphonie constitutive vit au
risque d’une réduction dans un discours univoque. Le transmetteur d’une
tradition se doit donc de préciser à quelle chaîne d’attestations il se
rattache. Dans notre cas, on l’a dit, il s’agit de la tradition Debné du
Gbaád et, au-delà, de celles des lignages ayant des liens historiques avec
celle-ci. Les informateurs cités au bas de chaque article appartiennent à la
tribu mentionnée ou ont une information directe sur elle.
Cette seconde édition parachève plusieurs décennies d’enquête, avec
l’ambition d’offrir au chercheur des moyens d’analyse et de vérification.
Même si Internet tend à faciliter le travail documentaire, ce livre conserve,
on l’espère, son utilité, en proposant une hiérarchie pour des données
hétérogènes et de qualité inégale.
D.M., le 6 novembre 2014.
AVANT-PROPOS DE LA PREMIÈRE ÉDITION

Ce livre répond à une demande et obéit à un devoir. La demande est


celle d’amis qui, au double constat des dégâts dans la mémoire collective
que produit la scolarisation à Djibouti, où la francophonie se construit
résolument sur l’amnésie, et du départ vers un monde meilleur de
l’ancienne génération encore capable d’évoquer le souvenir de úmmad b.
Looytá, de Tolá-ḥ anfaɖé et de tant d’autres, m’ont souligné la nécessité
de disposer d’un ouvrage de synthèse développant et approfondissant les
quelques données historiques déjà contenues dans mes publications
précédentes, Le Ginnili, devin, poète et guerrier afar (1991) et Poésie
traditionnelle des Afars (1997).
Faute de travaux antérieurs sur lesquels s’appuyer, l’entreprise n’était
pas sans risque. Ce dictionnaire, en mentionnant ses sources, pour
l’essentiel inédites, affirme une cohérence, en même temps qu’il privilégie
certaines traditions. Il laissait nombre de pistes ouvertes, étant conçu
comme un outil pour de jeunes chercheurs au plus près du terrain
d’enquête, mais dépourvus sur place de tout moyen documentaire.
Le devoir est celui que m’impose le souvenir d’Edouard Chedeville,
dont je fus d’abord l’élève à l’Ecole nationale des langues orientales
vivantes, puis avec lequel, en près de trente ans de conversations, de
confrontations de nos données, se sont tissés des liens étroits, sans que je
parvienne toutefois à le convaincre de mettre en ordre ses souvenirs pour
les publier. La transmission orale, de lui à moi, comme avec nos
informateurs respectifs, a été au coeur de nos recherches qui se sont
trouvées liées sur le terrain. L’un de ses informateurs fut le cheikh ásan
b ámad-Ladé. Le fils de ce dernier, le regretté ámad-Ladé, qui m’a
permis de prendre connaissance des manuscrits de son père, a été mon
informateur, entre 1978 et 1981. La demande à laquelle je faisais allusion
plus haut n’a fait qu’accélérer cette nécessaire mise en public pour
répondre à l’obligation de restituer aux Afars ce que j’ai (ce que nous
avons) appris d’eux.
A cette continuité dans la chaîne des attestations orales, s’ajoute cette
ultime coïncidence : Edouard Chedeville, décédé le 9 décembre 1996, a été
porté en terre le 16 décembre. Je suis né un 16 décembre.
Le lecteur aura la bonté de m’attribuer toutes les erreurs ou les
insuffisances, bien involontaires, qu’il relèverait dans ce livre.
Toogima tu yaaxigi yakme, tu yaaxigi Yalli yakme.
D.M., le 13 mars 2003.

2
INTRODUCTION

Population pastorale occupant globalement l’espace aride délimité,


au nord, par la péninsule de Bôri sur la mer Rouge, l’escarpement
éthiopien, à l’ouest, et le golfe de Tadjoura, au sud, les Afars, jusqu’à la
période coloniale, ne sont connus que par raccroc. Ils sont, le plus souvent,
mentionnés sous un nom d’emprunt (Adal pour les Ethiopiens, Dankil en
arabe) et n’apparaissent qu’occasionnellement sous la plume des
chroniqueurs et des géographes. A partir du XIXe siècle, les voyageurs, les
scientifiques européens, les administrateurs coloniaux italiens et français
fournissent des renseignements de qualité très inégale, le plus souvent de
seconde main1. Encore aujourd’hui, l’occultation reste le régime normal de
l’historien2. La chronologie de C. Prouty Rosenfeld (1976) ne mentionne
aucun des événements survenus en Áwsa sous le règne de Ménélik. Autre
exemple : à propos de l’arrestation, en 1917, du consul d’Allemagne von
Holtz, Labrousse écrit (1977 : 535 ) :
(...) Von Holtz décida de retourner en Ethiopie et rebroussa chemin. Mais le
Gouverneur de la Côte française des Somalis envoya une colonne armée
d’une soixantaine d’hommes qui lui coupa la retraite, et qui l’encercla à
Afási, sur le plateau de Dakka, (...) à trente kilomètres à l’intérieur du
territoire français.
En notant que la France n’occupait que nominalement l’intérieur de
sa colonie (le poste de Dikhil n’est créé qu’en 1928), on remarque que
i Ali et son frère, le sultan des Debné, dont le rôle fut décisif dans
cette arrestation qui eut lieu sur leur territoire, ne sont pas mentionnés3.
Quand les Afars sont reconnus comme acteurs de l’Histoire, c’est pour être
contestés dans leur droit à se défendre, comme lorsque Oberlé et Hugot
(1985 : 62) expliquent :
En 1875, le Suisse Munzinger, conseiller militaire du khédive, fut chargé de
se rendre à Tadjoura et d’y organiser un governorat en attendant l’heure de
la conquête de l’Aoussa et du Choa. Il débarqua à Tadjoura au début du
mois d’octobre et construisit un petit camp militaire, à côté du village, puis
un fort sur la colline commandant à la fois la rade et le puits (...) Un chef
dankali, Mohamed Walad Leheta [úmmad b. Looytá, v.], déclara se
soumettre au gouvernement khédivial et Munzinger lui fit confiance pour le
guider vers Aoussa. Mais en fait il allait être trahi quelques jours plus tard et
son expédition anéantie dans un guet-apens monté de connivence (...) avec
le sultan de l’Aoussa.

1. Lewis (1955, rééd. 1969) qui en fait la compilation en montre les limites et les lacunes.
2. Ainsi, l’entité politique Adal (voir ci-après, pages 11-13) est omise par Fauvelle-Aymar et
Hirsch dans leur « reconstruction » de 2008 et leur « retour aux sources écrites » de 2011.
3. Le gouverneur écrit pourtant (19 mai 1917) : « Le sultan de Tadjoura et la famille
Hanfaré Looyta vont nous aider » (Min. Colo. Dossier 1017). Le rapport du lieutenant
Mermet (9 septembre 1917) indique la présence du sultan Looytá dans la colonne qui a
quitté Djibouti, le 10 août 1917, pour intercepter le consul allemand. i Ali doit
fournir deux cents hommes pour le ramener en Ethiopie, via l’Áwsa.
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

Il fallait assurément que les Afars laissent passer cette force


d’invasion sans réagir ! Plus généralement, si les ouvrages consacrés à
l’histoire coloniale ou postcoloniale de la région ne manquent pas, il
n’existe pas de synthèse où soient regroupées et discutées les sources orales
et écrites touchant plus spécifiquement l’histoire des Afars. Pour expliquer
cette évidente carence, outre l’incuriosité, on peut sans doute invoquer les
difficultés, autant politiques que géographiques, toujours actuelles, d’accès
au terrain ; mais l’absence de groupes détenteurs d’un savoir officiel (la
société afare ignore les « griots ») apparaît plus essentielle en faisant de la
« tradition historique » une réalité toujours locale et fragmentaire en étant
d’abord celle d’un groupe déterminé. On voit aussi la chance que
représente ce non-aboutissement du discours historique. Pour n’avoir pas
été instrumentalisé, comme a pu l’être, par exemple, l’histoire somalie
devenue dès avant l’Indépendance un enjeu national, le matériau d’enquête
s’offre encore dans sa complexité naturelle pour qui le recueille
directement en afar. En tentant de rendre compte de cette diversité, notre
corpus, l’évaluation critique parfois contradictoire que nous en faisons,
énonce sa constitution, ses limites et son ambition : confronter les données
connues et des éléments inédits pour une histoire qui reste à écrire.

Quels matériaux pour quelle Histoire ?

a. SOURCES ET LITTÉRATURE. En privilégiant les données de


première main, une distinction est faite entre les « sources » et la
« littérature ». Dans chaque article du glossaire ci-après, (S) « source »
désigne les textes et témoignages inédits ou publiés qui ont guidé notre
rédaction. Il s’agit donc d’une sélection. (L) « littérature » renvoie à
d’autres travaux choisis, soit pour leur intérêt dans le débat historique (ex.
la position de Franchetti sur Asahyammára), soit pour leurs informations
pionnières (voir Chailley, à propos de Tadjoura), soit enfin qu’ils donnent
marginalement une indication, comme Nesbitt (1934) sur les Ská de
Baádu. On a donc volontairement exclu quantité de textes d’autres
voyageurs, sans intérêt documentaire. Pour les uns comme pour les autres
(c’est le cas de Nesbitt), il a fallu faire abstraction du mépris, voire du
racisme, qui est le trait commun de cette littérature coloniale. Marie-
Christine Aubry4 lui a fait la part belle en n’établissant aucune hiérarchie
dans sa compilation qui colporte les pires inepties comme celle de Borelli
qui rattache Dankali à donqoro « sourd, sot » en amharique5 !
La différence que nous faisons entre les « sources » et « la
littérature » s’écarte du point de vue « classique », celui d’une historio-
graphie centrée sur l’Ethiopie des hautes terres. Pour prendre deux
exemples, à l’article Amolé, rédigé par Richard Pankhurst (EA, I : 248-249),
celui-ci indique comme « sources » Francisco Alvares et Felix Rosen
(1907) et, au titre de la « littérature », Mordechai Abir, ainsi que ses

3. Djibouti, l’ignoré (1988).


4. Ibid. : 231.

4
INTRODUCTION

propres travaux. Dès la première édition du présent dictionnaire (2004 :


54), nous faisions référence, au titre des « sources », à Franchetti (1930) et
Tancredi (1910). Ces derniers ne sont pas cités par Pankhurst qui a écarté
toute information directe de terrain, à commencer par l’étymologie de ce
mot amolé. Sa rédaction concerne davantage le commerce millénaire du sel
en Ethiopie que sa zone d’extraction, d’où la référence à Alvares. Au titre
de la « littérature », nous mentionnons le récit de voyage de K. O’Mahoney
(1970), lui aussi non cité. Une bibliographie se doit de faire des choix et
d’établir une hiérarchie. Sous peine de mélanger l’essentiel et l’accessoire,
on ne saurait mettre sur le même plan des compilations et des travaux de
première main qui apportent une information inédite. A ce titre, nous avons
privilégié les « sources » que sont Abir, lequel a enquêté directement en
Áwsa, Franchetti et Tancredi qui ont physiquement été sur les lieux qu’ils
ont décrits. Pour la même raison, on a préféré la relation récente de
O’Mahoney au texte moins précis de Rosen.
La discordance méthodologique devient conceptuelle s’agissant de
Baylûl. Après consultation de la notice de Richard Pankhurst (EA, I : 508)
et de notre rédaction ci-après, qui amplifie celle de l’édition de 2004, le
lecteur jugera quelle est la notice la plus informative, et ce qui différencie
notre recension et une courte rédaction qui ne décrit ni Baylûl ni ne détaille
la relation de voyage de l’ambassadeur yéménite à la cour du roi d’Ethiopie
(1647), pourtant citée en référence. En omettant de dire que la ville « of no
more than fifty inhabitants » fut la capitale du royaume Dankáli, ce que
l’on sait par les sources portugaises et éthiopiennes, l’auteur montre sa
tendance déjà notée à minorer la place des Afars, comme d’ailleurs d’autres
peuples de la « périphérie » réduits au statut d’« hostiles tribes » dans une
Ethiopie impériale ayant son centre sur les hautes terres.
Le débat ici ouvert ne concerne pas que l’historiographie
européenne. Il concerne une présentation qui a l’apparence de la crédibilité
quand elle est due à un locuteur natif. Ainsi, en est-il d’Abdulkader Saleh
Mohammad (EA, I : 644) qui écrit que :
Most traditional Arab scholars assume that the name B[uri] (Afar: Bôri)
derives from the ancient Afar tribe who lived in the area and it is believed to
be the grand father of Bellasowa groups of Afar. (…) Other scholars say
that the name comes from the ancient province of Bur, which included the
Akkälä Guzay highland (…) and the coastal plains of northern Dänkäl.
Aucune indication n’est donnée à l’appui de ces affirmations. On ne
voit pas en quoi l’avis de « most Arab scholars » (aucun n’étant d’ailleurs
nommé) devrait prévaloir sur des données onomastiques parfaitement
retracées en afar, qui rattachent le nom de la péninsule de Bôri à la présence
Anklá, en décrivant la partie qu’ils occupent (Anklá-b br). Assimiler la
forme Buri (au lieu de Bôri) à l’ancienne région de Ziban Br sur les hautes
terres d’Erythrée est une confusion, comme de faire de « Bellasowa »
l’ancêtre des Balossuwá (v.). Nos données contredisent cette affirmation.
Un autre travers qui concerne la jeune historiographie afare consiste
à circonscrire le corpus aux recherches menées par des Afars, faisant de

5
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

l’Histoire un enjeu d’abord communautaire. Nombre de ces travaux


construisent un récit lignagier, voire national, qu’on peine à relier à des
faits connus et datés de l’histoire interne ou externe. Le dictionnaire
s’attache à établir une chronologie qui permette de vérifier la contem-
poranéité des événements et des acteurs mentionnés.
Ces récits oraux que peut encore recueillir l’enquêteur, qui souvent
renvoient à un passé hors de l’expérience du transmetteur, sont tous
susceptibles d’être apocryphes ou reconstruits, même revendiqués par le
lignage ou la tribu concernés. Ils circulent et se répondent, rendant plus
difficile l’identification de la version d’origine quand elle existe6. Cette
intertextualité générale impose de clairement identifier la tradition à
laquelle se rattache tout discours présenté comme historique. La tradition
des Debné vient ici en contrepoint de celle des Mdaytó. Cette diversité des
points de vue et l’écart qui en résulte doivent être maintenus. Chaque
tradition est susceptible de servir de matériau à l’historien, à condition
d’être clairement identifiée.
b. SOURCES ÉCRITES. Les données que nous catégorisons comme
« sources » sont écrites ou orales, internes ou externes. Les premières
offrent des repères qui, tantôt permettent de recouper une information orale,
tantôt sont susceptibles d’être réinterprétées, voire infirmées par ces mêmes
sources orales (on pense à l’ordre de succession des sultans de Tadjoura).
La documentation écrite montre le privilège accordé aux traditions
généalogiques. En cela, les sources françaises et italiennes n’ont fait que
donner droit à la représentation politique qu’ont les Afars de leur
organisation sociale, où la territorialité et la patrilinéarité sont posées
comme les deux facteurs qui déterminent les relations intra-
communautaires.
Dans la collecte des traditions historiques, il faut mentionner
l’implication de personnalités influentes ; en premier lieu i Ali, déjà
nommé, demi-frère et vizir du sultan du Gbaád, qui a renseigné tous les
officiers en poste : parmi eux, le capitaine Péri, commandant du poste de
Dikhil en 1938, et dont les informations sur les populations de son ressort
s’appuyaient sur des travaux, eux aussi, non publiés : ceux du lieutenant
Dufour, officier topographe, (Note sur les Danakils de C.F.S.) ; du
capitaine Lebrun (Notes sur le cercle de Tadjourah), comportant des
indications généalogiques fournies par la famille du sultan de Tadjoura et
par Maámmad « Datá Gúra » b. Ali (Adáli Burantó, de Raaytó), lequel
renseignera aussi le lieutenant Baudin (Généalogie des Adaël). Les
premières informations sur la démographie du cercle de Dikhil sont dues à
l’administrateur Bonthonneau, au lieutenant Brun, adjoint de Péri, à
l’adjudant-chef Brischoux commandant le peloton méhariste. Bien que
s’appuyant sur des renseignements directs, ces données ne sont pas rangées
parmi les sources orales, compte tenu de leur format, celui de rapports de
police, et de leurs approximations dues à des administrateurs généralement
ignorants de la langue et de la culture des populations de leur ressort.

6. Voir Annexe I « La formation du texte historique de style oral ».

6
INTRODUCTION

La pénétration tardive (après 1928) de l’intérieur de la colonie


française contraste avec la situation en Erythrée où, dès 1911, Odorizzi
propose un recensement exhaustif qui sera complété en 1931. Pour le cercle
de Tadjoura, à la suite de Marcel Chailley (1935-37) également renseigné
par i Ali, les enquêtes de Frison-Roche ont été poursuivies après-
guerre par Albospeyre et Muller (1959). Incontestablement datés, ces
travaux n’en restent pas moins utiles, non par les interprétations qu’ils
proposent, mais par certaines indications factuelles qui restent, comme on
l’a dit, à confronter à d’autres sources. C’est aussi le cas du Diario Eritreo
du gouverneur Martini pour la période 1898-1907. Dans le même ordre
d’idées, on doit mettre à part les descriptions ethnographiques, certes
rudimentaires, de Chailley (1980) ou de Picard (1939), mais qui contrastent
avec une littérature de voyage en mal de sensationnel. Le maître incontesté
du genre, Henry de Monfreid, n’est jamais une source fiable. A ces données
européennes, mais dont l’origine est afare, il faut ajouter les courts textes
rédigés par des Afars à la demande du père Georges Savard, dans les
années 1960, dont nous avons retrouvé des fragments touchant Tadjoura,
les Anklá, l’histoire de l’Áwsa.
Au total, on voit comment s’est créée la forte dissymétrie entre les
sources disponibles : d’un côté, des données généalogiques et historiques
recueillies auprès des Afars, de l’autre, une ethnographie vieillie7. La
situation socio-économique est quasiment absente. Le déséquilibre
thématique est aussi géographique. Quantitativement, les informations
disponibles sur les Afars du nord, souvent anciennes et antérieures au
conflit érythréen, dont les conséquences restent d’ailleurs mal connues, sont
inférieures à celles sur les Afars d’Ethiopie et de Djibouti.
Les sources écrites inédites utilisées sont composées de deux
chroniques ; l’une du cheikh ásan b. ámad-Ladé ; l’autre du cheikh
ln b. i andá8. Le cheikh ásan b. ámad-Ladé b. úmmad b.
Looytá, appartient à la famille des sultans Debné du Gbaád. Mort en
1972, il a laissé huit cahiers intitulés Nawdir, « Choses rares,
extraordinaires », que nous avons pu consulter grâce à son fils, notre
informateur et ami, le regretté ámad-Ladé b. cheikh ásan (en abrégé
HL), et dans lesquels nous avons déjà puisé des données inédites sur le
calendrier et l’astronomie traditionnels (D.M., 1988). Sous une forme qui
tient de l’aide-mémoire et du journal, le cheikh ásan a consigné en arabe,
au hasard de ses curiosités, des dates, des faits, des fragments de textes qui
l’intéressaient. Les domaines abordés : chronologie, généalogie,
astronomie, géomancie, histoire locale, météorologie, sont caractéristiques
de l’univers intellectuel d’un érudit en milieu traditionnel. D’un maniement
difficile, car sans ordre, rédigées à des époques différentes, ces notes qui
n’avaient pas été conçues pour être publiées sont souvent en style

7. L’étude d’ensemble de Chedeville (1966) continue ainsi de faire référence. La recherche


anthropologique et sociologique accuse un retard notable, que ne comble pas la
« littérature grise » initiée par les organisations humanitaires présentes en pays afar.
8. Respectivement mentionnés dans le glossaire, en abrégé, HHL et Gi.
7
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

« télégraphique » avec de nombreuses redites et additions. Il y est fait


référence, sans plus d’indication, sous la mention [Naw.]. Aux Nawdir,
s'ajoute un texte de 27 feuillets, du cheikh ln b. i andá b.
Mamd b. « kábir » andá qui, quoique sans titre, peut être intitulé
« Chronique de l’Awsa », relatant des faits survenus dans cette région entre
1763 et 1873. Ce manuscrit a été rapporté d’Áwsa, vers 1965, par le cheikh
ásan b. ámad-Ladé. Ce texte, comme le précédent, est donc non
seulement rare, mais très bien informé, ayant pour auteur un membre de la
tribu Harálla (v.), de la fraction Kabirtó, directement impliquée dans
l’histoire politique de l’Áwsa. Il a été publié sous la forme d’un « résumé
du manuscrit “Expéditions militaires [des] Mdaytó” » (mulaa min
ma maz mdt)9. Nous en proposons (voir Annexe II) une version
qui s’avère, à la fois, plus longue et plus précise. Nous n’en avions donné
qu’une traduction partielle en français en 2004.
c. SOURCES ORALES. Les sources orales sont de deux ordres, soit
directes, constituées de témoignages concernant la généalogie et la
distribution tribale ; soit fondées sur l’analyse de l’onomastique. Les
généalogies présentées sont le résultat d’une synthèse entre les notes
réunies par Edouard Chedeville (dites « Sources Chedeville », voir la
bibliographie) et mes propres données. La date de 1982 qui marque la fin
de mon dernier long séjour à Djibouti, venant après le décès brutal de
amad-Ladé (1981), a été choisie comme limite chronologique. Un certain
nombre de données complémentaires réunies depuis cette date au cours de
voyages de plus courte durée ont été incluses sans remettre en cause une
borne chronologique volontairement choisie pour se démarquer des
approches politologiques. D’une façon générale, et sauf indication
permettant une autre interprétation, la datation proposée se fonde sur une
moyenne de vingt-cinq à trente ans par génération. Ce faisant, tout en
séparant nettement histoire et légendaire, on a conservé, pour l’interpré-
tation de la généalogie, du fractionnement et de la distribution tribale, les
récits qui pouvaient éclairer indirectement l’historien, comme la légende de
aɖal-Mâis (v.) qui établit la présence de tribus afares antérieurement à
l’apparition de ce héros mythique. On assume ici l’ambiguïté intrinsèque
qu’a aydâdu « l’Histoire », en afar. Si la stricte chronologie correspond à
l’arabe t’r, le récit historique en afar est d’abord conçu comme la
certification (diggoysíyya) des événements dignes de mémoire. A ce titre, il
esquisse une périodisation, mais de façon épisodique, à travers la survenue
d’événements comme les disettes ou les guerres (v. Amána, Karmá). Celle-
ci est souvent absente ou difficile à retracer. L’histoire est ainsi plus portée
à dire comment les choses se sont passées qu’à en faire la datation précise.
La chronique, comme le missíla, terme qui désigne le proverbe et le conte
exemplaire qui le justifie, est d’abord l’exposé de la vérité (taqq). Cette
« vérité » est le résultat d’une transaction reposant sur une sélection des
faits. Le cas récurrent est l’omission dans les listes généalogiques, outre les
filles, des épouses et des fils n’ayant pas eu de descendance mâle.

9. In aml al-Dn al-Šm (1997 : 336-342)


8
INTRODUCTION

L’onomastique, et notamment la toponymie, les noms de chefferies


et de tribus, avec leur particularités morphologiques ou lexicales,
constituent un deuxième champ d’investigation permettant des déductions
quant aux conditions de formation de groupes bédouins qui, outre la
patrilinéarité, sont aussi le produit d’alliances juridiques, politiques ou
symboliques (voir infra). Les noms des chefferies et des lignages
présentent fréquemment une coordination par k() « et », prenant en compte
leurs deux composantes principales, ex. Ulutó-k Mdaytó (v.), mais aussi
des ensembles plus larges, comme les Debné-k Wíma (v.). Le nom de
chefferie peut aussi renvoyer à une particularité topographique comme Br
k Wandâba « le plateau (de Unɖá Gamárri) et la dépression (de Dôbi) »
(v.). Les noms des tribus s’offrent à la même analyse différenciée, pouvant,
entre autres, être :
— un pluriel : Dnitté « descendants de Dîni » ;
— un dérivé à suffixe -to : Mdaytó, issus de Môday ;
— à suffixe -ta, indiquant un lien plus large : Balawtá, issus des
Balaw.
Les noms composés formés avec mlá (v.), sárra (v.), buɖá (v.), sont
employés à l’endroit de groupes se définissant par une filiation (Badoytá-m
mlá, Maá-s sárra) ; un lieu (Bollí buɖá, Abá-m mlá) ; parfois une
anecdote (Farká-b buɖá). Si certains noms apparaissent être des surnoms
(ayís, Kîu, Aggínni), d'autres restent sans explication certaine (Anklá,
Dankáli). C’est souvent sur ceux-ci que se greffe un discours savant,
parfois à référents religieux, comme celui qui a produit la généalogie des
Abná (v.).
La toponymie est informative du point de vue historique. Loin d’être
figée, son renouvellement est souvent lié à la survenue d’un événement
exceptionnel. C’est le cas de Malkattó, point de débarquement de
l’expédition Napier (1868) dans le golfe de Zula, et de l’installation d’une
base logistique (le nom malkát, de l’arabe milqa désignant l’outillage,
spécialement celui de la forge)10. Mayrádi (v.) « qui a fait beaucoup
gémir », est un nom forgé à la suite du pillage de Tadjoura en 1866. Dans
certains cas, le changement ou la variation restent inexpliqués. C’est le cas,
sur l’Awash, du village de Bayyḥilé (avec [ḥ]), près de Dubté (bayyhí
désigne une zone de sable abondant). Cette variation [h/ḥ] s’observe dans
awâkil, au lieu de Hawâkil, nom d’origine de cette île. Les toponymes
sont de formes diverses :
1a. Noms simples, comme l’oued Dammáhu, point d’origine des
Dammohoytá ; comme le plateau de Gibdó « au sol dur », derrière Assab,
d’où proviennent les Gibdossó (v.) présents sur le piémont éthiopien.
1b. Noms simples avec changement d’accentuation : Wimá « oued et
région alentour », par opposition à Wíma « groupe géographique
originaire du Wimá » ;
2. Noms composés : Awsandábba (v.), de andabbá « retour », rappelle une
défaite des sédentaires de l’Awsa contre les Mdaytó ; Msaálli (v.)

10. Les Instructions nautiques (1913 : 212) indiquent qu’il s’agit du nom d’un puits.
9
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

renvoie à une tradition religieuse perdue ; Amarí gablá « la grotte des


esclaves » est un jalon sur une piste de la traite (v. Nasínna) ; Đāasbuyyi
(*ḍā as buyyi) « la mare à la pierre rouge », sur laquelle est formé le
calembour somali Daasbiyo, signale un changement linguistique lié à
un changement de population.
d. HIÉRARCHIE DES SOURCES. En rassemblant des sources
directement utiles à l’histoire des Afars, on a opéré de façon sélective à
l’intérieur d’un fonds documentaire considérable qui renvoie à l’histoire de
l’Ethiopie des hautes terres, au domaine arabo-musulman ou à l’histoire
coloniale, dont le lecteur trouvera la présentation d’ensemble dans les
ouvrages de référence11. On a, à chaque fois, privilégié, pour les corriger ou
mieux les situer, les faits moins connus, voire erronés. On insiste sur notre
projet d’apporter une information inédite, et non de reprendre des faits déjà
largement commentés. On ne répètera pas Malécot (1972) quand on
mentionnera Rochet, Combes ou Lefebvre ; comme on ne présentera pas la
conjoncture politique coloniale et postcoloniale, sur laquelle existe une
littérature abondante. Luca Lupi (2008 et 2009) mérite ici une mention
particulière. Au-delà des aspects politiques contestables que l’auteur ne
dissimule pas, l’avventura italiana trouve une nouvelle dimension dans un
récit enrichi par une très belle iconographie souvent inédite. On a
principalement eu le souci de reprendre les aspects sujets à rectification,
comme le nom des signataires des traités passés avec la France. Cette
ambiguïté n’existe pas pour les textes diplomatiques italiens (v. Asab).
Le crédit souvent excessif accordé à ces sources conduit certains
historiens de la colonisation à ne tenir compte que de ce qui est consigné
dans les « cartons » d’archives, bien que ceux-ci témoignent souvent de
l’ignorance d’une administration au recrutement fort médiocre. A titre
d’exemple, on lit au détour d’un ouvrage récent, pourtant documenté :
Au XXe siècle jusqu’aux années 1950, l’autonyme « afar » n’apparaît pas
dans les archives et la littérature. La plus ancienne mention du mot relevée
dans les archives se trouve dans un rapport de l’administrateur de Tadjoura,
Raynal, du 18/1/1955 (ANOM, 1E6/4-7, « Rapports trimestriels 1953-
1957 »). 12
Il manque, à l’évidence, dans les « cartons » d’Aix-en-Provence,
cette note d’Antoine d’Abbadie au ministre des Affaires étrangères13:
La route du Choa traverse le pays Afar. Ce nom qui rappelle l’Afer
(Africain) des Romains est celui que se donnent les nombreuses tribus dont
j’ai réussi à dénommer environ 150 sans pouvoir épuiser la liste. L’une
d’elles se dit Adali, d’où le nom Adal qui tend à disparaître de nos cartes.
Une autre tribu Afar se nomme Dankala, et les Arabes, peu soucieux
d’exactitude, appellent tous les Afar des Dankali.

11. L’Encyclopédie de l'Islam, l’Encyclopaedia Aethiopica pour les ouvrages collectifs ; les
travaux de Cerulli (1926-1964), de Trimingham (1965), notamment.
12. Imbert-Vier (2011 : 287).
13. Note du 10 août 1885, MD, vol. 66, f. 233.
10
INTRODUCTION

Si les archives coloniales peuvent contenir ici et là des données utiles


à l’historien, elles montrent plus ce que l’administration croyait savoir
qu’elles ne rendent compte d’une réalité socioculturelle trop souvent
ignorée. Cette attitude se reflète dans la notice que Colette Dubois a
consacré à Obock14, qui ne contient aucune référence linguistique,
sociologique, ou même cartographique. En écrivant : « Obock owes its
existence to French colonialism », l’auteure oublie de mentionner le village
originel de ayyú (v.) et de décrire son environnement dont la toponymie a
pourtant été relevée dès le début de la colonisation française.
Au constat de cette carence documentaire, le présent ouvrage, tout en
s’en tenant à une présentation volontairement analytique, se doit de reposer,
pour mieux la situer, la question de la place des Afars dans l’histoire de la
sous-région et ainsi clarifier deux points centraux de cette histoire : celui de
la relation entre Adal et Adáli et celui du « début » de l’histoire des Afars.
Adal et Adáli
On doit à Ioan Lewis d’avoir conforté, sinon initié, une tradition
apocryphe en confondant Adal, qui est le nom que les Ethiopiens donnent
aux Afars, et Awdal, nom du port de Zeyla en somali. Lewis entretient ici
une ambiguïté permanente. Dans A Pastoral Democracy (1961 : 15), Adal
et Awdal sont indifférenciés (voir l’index p. 313). Il convient d’ajouter les
noms de Greenfield et Huntingford dans la formation de cette tradition qui
a acquis l’autorité que donne le fait d’être imprimé à Londres ou Oxford.
L’assimilation d’Adal à Awdal, récurrente sous la plume de leurs anciens
étudiants devenus par la suite des responsables politiques ou des
universitaires, fait bon marché de deux faits établis à partir des sources
fiables (Basset, Cerulli), c'est-à-dire antérieures à l’émergence du
nationalisme somalien. 1. Le port de Zeyla n’a jamais été la capitale de
l’Adal, s’il en fut le port ; 2. L’Adal a toujours été une entité politique
multipolaire et multiethnique où les Somalis jouèrent leur rôle parmi
d’autres populations, et notamment les Afars. Sur le premier point, Ibn
Ba555a15, de passage en 1329, fait une assez piètre description du port qui
infirme l’idée de Zeyla « center of the Adal Sultanate »16. Joseph Cuoq
(1981 : 61) note avec raison que al-Umar appelle les sept royaumes
musulmans d’Abyssinie (’Ift, Dawro, Arbabni, Hadya, Šar6, Bli et
Dra) « le pays de Zayla »17. Al-Umar, qui écrit entre 1342 et 1349, est
sans équivoque (Maslik : 4-5) :
C’est là le pays que l’on appelle en Egypte et en Syrie pays de Zeila : ce
n’est pourtant qu’une de leurs villes sur la mer et une de leurs îles, dont le
nom s’est étendu à l’ensemble. (...) Le roi d’Ifat règne sur Zeila : c’est le
nom du port où abordent les marchands qui se rendent dans ce royaume.

14. EA, IV : 2-4.


15. Voyages (II : 180).
16. Lewis (1969 : 104).
17. Maslik : 1. Fauvelle-Aymar et Hirsch (2008 : 362) écrivent néanmoins : « Zeyla était la
“ capitale ” du royame de l’Ifat ».

11
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

C’est encore en ce sens qu’il faut comprendre la même liste des


mamlik bild Zayla, les « royaumes du pays de Zeyla »18, donnée par
Maqrz. Zeyla étant le port par lequel on voyageait vers le monde arabe,
Maqrz cite un Šams ad-Dn Sawh « al-Adl », ex-esclave venu de
Zeyla, nommé vers 1230 gouverneur d’une province égyptienne. Sur le
second point, qui concerne la prédominance des Somalis au sein du
royaume d’Adal, on en sait le motif : faire des Marran, qui sont nommés
dans la chronique (Basset, 1897 : 73) qui rapporte les guerres menées par le
chef de l’Adal, l’imam Amed « Grañ » (v.), les précurseurs du
nationalisme somalien, et investir d’une légitimité historique l’ex-président
Siyad Barré qui appartenait à ce clan. Pour revenir aux données
incontestables, la première mention des Afars est celle d’Ibn Sad (fin du
XIIIe siècle) :
Souakin et ses environs immédiats appartiennent aux Bedjas ; mais tout le
pays situé au-delà jusqu'au Mandib appartient à une espèce de nègres
19
appelés Dankal. Au-delà de Mandib, le pays est aux Zayla.
Ibn Sad signale donc la présence des Afars au nord de leur territoire
actuel20. Sans que l’on sache s’il désignait en l’espèce des Anklá (v.) ou
des Dankáli (v.), en interrogeant les généalogies des plus anciens lignages
qui comptent entre dix-sept et vingt-deux générations (écartant celles
reconstruites pour établir une origine arabe), on aboutit à des dates assez
voisines, faisant de la fin du XIIIe siècle et du début du XIVe siècle le
tournant de l’histoire de la sous-région. En Ethiopie, une nouvelle dynastie
se réclamant de la descendance de Salomon prend le pouvoir en 1270. La
chronique publiée par Cerulli (1931) indique la soumission d’une
principauté d’Adal par la dynastie arabe des Walasma d’Ifat, en 1288.
D’après la chronique de Amdä 9əyon, elle pourrait être plus tardive, et liée
à la défaite de la coalition Adal de 1332-33. La coïncidence chronologique
n’est pas anodine. Elle pose une borne identique pour l’histoire de
l’Ethiopie des hautes terres, dont les siècles antérieurs restent mal connus,
et pour les coalitions musulmanes des basses terres qui, jusqu’au XVIIe
siècle, vont se former contre l’Ethiopie, avec pour centres successifs, l’Ifat,
l’axe Harar-Zeyla, enfin l’Áwsa. La chronique de Cerulli fournit une autre
indication précieuse : les sultans Walasma d’Ifat en absorbant la
principauté d’Adal en prennent le nom qu’ils conserveront même après la
perte de l’Ifat. On a ainsi indirectement la preuve de la constitution
antérieure de l’Adal et, en même temps, la raison de l’absence du nom Afar
dans les sources écrites. En toute logique, ce nom Adal qui, dans la
tradition éthiopienne désigne les Afars, et qui doit être rapproché de celui

18. K. al-Ilmm : 9.
19. Ibn Sad, Géographie d'Aboulféda, trad. S. Guyard (1883, II : 128).
20. Le lexique du tigré (éthio-sémitique), notamment celui parlé par les Beni-Amers habitant
la côte de la mer Rouge entre Massawa et Tôkar, montre des similitudes avec l’afar, qui
ne s’expliquent que par emprunt à un même substrat couchitique. Ex. tigrt « récipient
pour puiser », afar tagrá, v. Tadjoura (cf. adarmó, p. 239-240).

12
INTRODUCTION

des Adáli (v.) descendants de Adâal (v.), suppose que les Afars devaient
être assez nombreux, ou d’un poids particulier, pour, dès l’origine, donner
leur nom à une entité politique qui, même lorsqu’elle intègrera des
éléments non-Afars, conservera ce nom de Adal. Symétriquement, en
entrant dans l’histoire sous un nom (Adal) qui n’était pas leur autonyme, et
en raison du caractère multi-ethnique d’une principauté commandée par
une dynastie arabe (les Walasma), les Afars n’avaient aucune raison
d’apparaître sous leur vrai nom dans les chroniques arabes ou éthiopiennes
surtout attachées à la recension des faits d’armes des premiers chefs de
l’Adal. Robert Ferry21 a émis l’hypothèse que les Argobba, dont le chef
portait le titre de walasma, étaient les descendants des chefs de l’Adal.
Cette supposition22 soulève deux objections : 1. Ce sont les Afars, et
seulement les Afars, que les Ethiopiens, de façon constante, appellent
jusqu’à aujourd’hui Adal ; 2. L’emploi d’un titre (voir celui de gard, titre
harari de certains tributaires musulmans passé en somali ou en afar) ne veut
pas nécessairement dire une filiation historique, mais peut marquer une
allégeance politique. Le titre de walasma a été donné par le roi Susənyos à
son gouverneur chrétien de l’Ifat23. Cette occultation ne signifie pas
pourtant absence. Passant de l’Ifat à l’Áwsa, via le Harar et Zeyla, la
principauté d’Adal, écrivant en arabe, devenue royaume, s’est étendue sur
un substrat afar. En l’espace de trois siècles, on observe l’assimilation
progressive de ses éléments fondateurs d’origine arabe, ou se réclamant
comme tels. L’Adal a été dirigé successivement par des Arabes ethniques
(les Walasma), puis par des arabisés d’origine bedja (les Balaw), venus,
soit du Tigré, dans le cas de la famille de l’imam Ámed « Grañ », soit de
Massawa, pour les Balawtá de Tadjoura. Le départ du Harar pour l’Awsa,
région moins salubre, au lieu, par exemple, d’une émigration, vers la zone
de moyenne altitude de Brama, à l’est de Harar, en pays somali, si d’après
Richard Greenfield24 la composante somalie était majoritaire dans le
royaume d’Adal, s’explique d’autant mieux qu’elle apparaît comme un
ultime recentrage sur le cœur du pays afar.
En combinant la chronique de Cerulli et les traditions internes, c’est
de cette région de l’Ifat que la première émigration des arla / Harálla (v.)
se produit au début du XIVe siècle, peut-être en liaison avec la soumission
de l’Adal à l’Ifat en 1288. En colonisant l’Áwsa, ils y trouvent des Adáli
déjà installés. Les noms Adáli, Adáli (v.) que l’on retrouve en Ifat dans la
région de úgub, sur la rive gauche de l’Awash, entre les rivières
Kabannâwa et Gayssán, sont la trace de cette première implantation.
Un second foyer Adáli au nord de Tadjoura concerne une dynastie
afare fermement attachée à la légende vraie de aɖal-Mâis (v.), dont la
prise de pouvoir entraînera l’éviction des Anklá du sud du Wimá (v.).
Son lien avec l’Adal dont il vient d’être question ne peut être absolument

21. Ferry (1961 : 28).


22. Elle n’est pas reprise par Svein Ege (EA, IV : 1084-1085).
23. Chron. de Susenyos, trad. Pereira : 45, 168.
24. Greenfield (1980 : 364).
13
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

prouvé, bien qu’il existe de fortes présomptions d’une localisation de la


coalition de 1333, à l’est de l’Ifat25. La détention par les chefs de Tadjoura
des tambours (dinkrá), insignes de commandement qu’ils sont les seuls à
posséder, permet de penser avec Joseph Cuoq26 que cette coalition a pu
avoir son centre dans l’actuelle République de Djibouti. L’inventaire de ses
agglomérations anciennes (v. Handgá) reste une piste incomplètement
exploitée. Le compte des générations des lignages issus de aɖal-Mâis
situe l’événement au XIVe siècle. Quoique présenté comme d’origine arabe
ou persane, aɖal-Mâis est donc à la fois l’ancêtre des dynasties
régnantes (Mdaytó, Adáli, Dammohoytá) et le père de Adâal, ancêtre
éponyme des Adáli. Ce faisant, il est placé au niveau généalogique le plus
ancien. Ce reclassement s’explique si l’on admet que l’on a là la trace d’un
« coup d’Etat » et d’une refondation politique. La même rectification
généalogique existe pour les Mdaytó dont l’ancêtre est présenté comme
l’aîné d’Adâal. C’est cinq générations après aɖal-Mâis, alors que le
premier site de Tadjoura (v.) est encore frappé d’interdit, que se constitue
sur le haut Wimá, dans la région de Adáylu, le groupe Adáli qui se
rattache à « Asá » Kâmil (groupe dit « Asá Kmilíh sárra »), fondateur du
sultanat de Tadjoura au milieu du XVe siècle ; et celui de « Datá » Gúra
(« Datá Guríh sárra »), pour le sultanat de Raaytó, formé par division du
précédent. Le lien entre ces groupes Adáli côtiers et l’Adal de l’intérieur se
précise quand ce dernier, centré sur Harar et Zeyla, passe sous
commandement Balaw. La première femme et épouse principale de l’imam
Amed « Grañ », chef de l’Adal, Balaw d’origine, était la fille de l’émir
Maf:, de Zeyla, lui aussi Balaw. Son nom Dlé-wn-baɖá (v.) était afar.
L’hypothèse d’une afarisation de ces Balaw d’origine bedja est corroborée
par la présence de Balawtá (v.) dans la région de Tadjoura, qui
constitueront la garde du sultan et prendront part à l’élimination des Songó
du Godá (v). Avec le départ de Harar vers l’Áwsa de la famille de l’imam
Amed « Grañ », en 1577, disparaît l’entité politique née de l’absorption du
premier Adal en 1288. Sur un fonds ethnique désormais homogène, qui a
intégré les groupes, peut-être de langues couchitiques, figurant dans la liste
des coalisés de l’Adal dans la chronique de Amdä 9əyon, une
recomposition territoriale s’opère, dont la division en sultanats a perduré
jusqu’à l’arrivée des Européens au XIXe siècle.
Les « premiers Afars »
Si la fin de l’Adal I et le début de l’Adal II sont datés, l’histoire des
Afars antérieurement au XIIIe siècle reste conjecturale. La seule indication
indirecte fournie par le récit de aɖal-Mâis est la présence de tribus afares
(Ablé, Anklá, adarmó, notamment) avant l’apparition miraculeuse de
celui-ci. En cela, cette légende se distingue de celles qui ont cours chez les
Somalis (;se, Isq, Samarrn, Drd), qui postulent l’existence
d’ancêtres qui, bien que déclarés « arabes », sont fondateurs de ces

25. Perruchon (1889 : 470-474).


26. Cuoq (1981 : 142).

14
INTRODUCTION

confédérations tribales somalies. Il existait sans doute des groupes de


langue somalie avant cette islamisation mais la mémoire en est perdue.

Lignée de aɖal-Mâis
Tableau d’ensemble

aɖal-Mâis

Môday Adâal « Sambollakóli » Ulután

Mdaytó Descendance Dammohoytá aysantó


Sultanat d’Áwsa Adáli Sultanat de Bíɖu Sultanat de Têru Ulutó

« Ayrolasé » ámmadu « Ðogorré » Úmar Ulêl Abûsa Arbâhim

Ayrolassó « Asá » Kâmil « Datá » Gúra ámad « arák »


Sultanat de Tadjoura Sultanat de Raaytó Sultanat Debné

Andrzej Zaborski (1997) a rapproché judicieusement le nom Afar de


Hafan, mentionné lors d’une série d’expéditions menées par les Axoumites,
sous le règne d’Ezana (IVe s. ap. J.-C.). Il existe d’autres indices, mais
toutes les hypothèses que ceux-ci suscitent restent fragiles en ne pouvant
réduire un hiatus de plusieurs siècles entre la période concernée et la
mention des « Dankal » par Ibn Sad au XIIIe siècle. Il reste vraisemblable,
sinon scientifiquement établi, que des populations parlant l’afar ont habité
le même territoire que celui que les Afars occupent encore aujourd’hui.
Etaient-ils les seuls ? Etaient-ils les mêmes ? A l’évidence, non. Le compte
des générations, à partir duquel on pose le point de départ de la
chronologie, rejoint une indication donnée par Maqrz qui écrit qu’en
1434-35, l’« Abyssinie était devenue vide d’habitants » après une peste
désastreuse27. La tradition rapporte l’existence d’une première ville de
Tadjoura, désertée à la suite d’une épidémie. D’autres lieux comme Bté
(v.) « l’Anéantie », « Bayé » Handgá (v.), « Handgá la Perdue »,
conservent la trace de calamités qui ont dramatiquement modifié la carte
ethnique et l’équilibre politique. On sait que l’Egypte a perdu un tiers de sa
population dans une courbe parallèle à celle des eaux du Nil avec, de 1022
à 1121, un déficit constant du nilomètre28. Il est concevable que l’Awash,
lui aussi tributaire de la pluviométrie sur le massif éthiopien, ait connu le
même déficit avec des conséquences démographiques identiques pour les
Afars. Sans disposer d’information précise pour les XIVe et XVe siècles, on
détient ici une explication conjecturale, mais plausible, du renouvellement
démographique d’ensemble et de l’expansion, dans cet espace laissé vide
d’habitants, de groupes afars survivants qui ont, depuis, recomposé la carte
ethnolinguistique que les Européens ont commencé à préciser au XIXe
siècle. Cette hypothèse d’un peuplement ancien, suivi d’une catastrophe

27. K. al-Ilmm : 37.


28. Courbage et Fargues (1992 : 40).

15
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

démographique, puis d’une nouvelle expansion de groupes survivants,


permet de découpler problématiques linguistique et ethno-démographique.
Trimingham est le premier à avoir bien vu dans les Afars, « a political
rather than an ethnic unit »29.
En tant que langues, l’afar et le saho, comme le bedja, se situent au
niveau le plus ancien du processus d’individualisation du couchitique à
l’intérieur de l’afro-asiatique, processus qui a pu commencer au cinquième
millénaire av. J.-C. Les Afars en tant que communautés politiquement
organisées ne peuvent être nommés et situés qu’à partir du XIIIe siècle de
notre ère ; au XVe siècle, pour le royaume de Dankáli ; au XVIe siècle pour
les Sahos. C’est dire que le processus de constitution de la langue n’opère
pas sur la même échelle de temps que celui qui, par intégrations
successives, a abouti à la formation du peuple afar, tel qu’il nous est donné
à l’époque moderne. Dans les deux cas, comme les Bedjas qui ont connu
cette évolution plus tôt, les Afars montrent des capacités d’assimilation
(qu’ils ont perdues depuis) qui ont amené des Arabes et des Bedjas à
s’« afariser » (afaris), et non le contraire. Si le nom Afár (v.) est peut-être
à rapprocher de celui, homonyme, d’une tribu de l’Oman, c’est pour
constater que, quelle qu’ait été la nature de cette émigration, elle a abouti à
l’« afarisation » de ces éléments étrangers. La pénétration de Bedjas de
Souakin (Balaw, Hadrab), le long de la côte, a fait partie de ce mouvement
qui s’est traduit par la formation des adarmó (v.), puis des Balawtá, issus
d’une élite arabisée d’origine bedja. Al-Dimašq (1256-1327) en atteste de
l’ancienneté :
Les Budja sont composés de deux groupes, à savoir les Hadriba dont le roi
réside dans la ville de Hadjar et les Zanfiqa dont le roi habite la ville de
Naqln [Bagulin, cf. Zaborski, 1984]. Les villes qu’ils possèdent sont <til
[Awtal = Zeyla] et Adal, et encore l’île de Dahlak, celle de Souakin,
Ay=b. 30
Poser la question des origines du peuple afar revient ainsi à
reconnaître la continuité d’un processus multiséculaire qui a renforcé par
strates successives des groupes autochtones dont la constitution politique
n’est pas connue avant le XIIIe siècle. L’autonyme Afár est porteur d’une
triple signification, désignant : 1. une langue ethnique, Afár af, dont la
faible dialectalisation contraste avec la diversité des types physiques de ses
locuteurs ; 2. un peuple, Afár gálli, conscient de son enracinement
immémorial dans un territoire politiquement organisé en bɖó (v.) ; 3. une
communauté de droit fondée sur le Afarré31. Ces trois traits spécifiques
prennent une dimension civilisationnelle avec un calendrier particulier (v.
Alsi-lwó) et une cosmogonie que l’islam n’a pas entièrement effacée (v.

29. Trimingham (1965 : 13).


30. Al-Dimašq (éd. Mehren, 1866 : 269, lignes 6 à 9), qui reprend des sources plus
anciennes dont al-Yaqub (Zaborski, 1970).
31. Voir madá. Le Afarré (Afar lé-m), « la coutume afare » a un contenu d’abord juridique.
Cf. l’expression en cas de différend : Afarré-l litô, litt. as-tu la chose que les Afars ont
en commun, ce qui signifie : « Acceptes-tu la coutume afare et son règlement ? »
16
INTRODUCTION

Klíb). En choisissant comme borne initiale la constitution des Afars en


communautés politiquement organisées, on écarte toute référence à
l’Egypte ancienne en la jugeant hors du champ scientifique en l’état actuel
des connaissances. On sait que le postulat fabuleux identifiant la côte nord
de la Somalie au pays de « Pount » remonte à une exposition, en 1934, de
l’Italie fasciste, au Musée de la Garesa, à Mogadiscio32 où furent exposées
des reproductions de bas-reliefs thébains du temple de Deir el-Bahari
rappelant l’expédition lancée en mer Rouge sous le règne de Hatshepsout
(1520-1484 av. J.-C.). L’Italie de Mussolini, elle-même en quête de
référents antiques, entendait rivaliser avec l’Ethiopie salomonide. Si la
diffusion des thèses de Cheikh Anta Diop n’a fait qu’élargir le nombre des
héritiers putatifs de Pharaon, il n’en reste pas moins que l’origine
européenne du mythe est prouvée par la référence constamment négative,
dans les cultures musulmanes, à celui que le Coran décrit comme un
« prince hautain et impie » (sourate XLIV, verset 30). Le témoignage du
voyageur James Bruce pour être anecdotique n’en est pas moins révélateur.
De retour d’Ethiopie, pendant son séjour au Caire en mars 1773,
découvrant que son genou est infecté, le gentilhomme écossais consulte un
médecin qui diagnostique la présence d’une filaire, ou « ver de Pharaon »,
car, dit Bruce, « en ce pays, on attribue toutes les calamités aux Anciens
Egyptiens ». Il faut conserver à Pount sa signification d’abord religieuse,
celle de « Terre du Dieu », productrice d’encens, située au sud de l’Egypte,
remontant à une époque où rien n’atteste la présence exclusive des
populations parlant actuellement des langues couchitiques, et parmi elles
les Afars et les Somalis. Les dernières découvertes archéologiques
tendraient à renouer avec l’hypothèse de Conti Rossini (1928 : 48) situant
Pount, non pas au-delà du Bab el-Mandeb, mais en deçà, sur les reliefs à
partir d’Erkowit (Soudan) et en Erythrée, là où l’arbre à encens devient
endémique. La même révision concerne l’opinion répandue qui rattache
Zeyla à l’antique Aualíts33.
Plus significatives, car dégagées de toute référence européenne,
sont les interprétations juridico-politiques, préoccupées, les unes par la
nécessité d’un compromis collectif affirmé dans le mot ɖintó, traduit en
français par « chefferie » (sur une racine ɖin « dormir, être en paix »), les
autres à visée intercommunautaire et religieuse qui étendent à l’ensemble
des lignages un principe généalogique qui ne concerne que quelques
familles effectivement arabes. Le concept de ɖintó englobe ce qui se
rapporte au droit public et à la sécurité collective. C’est, à l’état
embryonnaire, une Constitution fondée sur l’équité. Des expressions
comme : ɖintól ukum « juger en équité », ɖintó linómu « c’est notre
coutume », définissent bien le contenu d’abord juridique du ɖintó.
Historiquement, l’islam n’a fait qu’en élargir le champ en affirmant la non-
contradiction du droit pénal (madá) avec la šara. La revendication d’une
origine arabe par ceux qui ont assuré cette médiation, pour être légendaire,

32. Guida : 568.


33. Cf. l’article Zayla (EA, V).

17
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

contient une part de vérité. Les Abná (v.), les Anklá (v.) se rattachent à
Ab >lib, l’oncle du Prophète de l’islam, et notamment à un de ses fils,
Gafar, qui fut au nombre des musulmans accueillis à la cour du naši
chrétien aux premiers temps de l’Hégire. On montre volontiers dans la
péninsule de Bôri, qui fut peut-être leur point de débarquement, les tombes
de compagnons du Prophète (sabak kubûr). Un courant que l’on croit
plus récent, né dans les cercles savants connaisseurs des thèses classiques
de Ibn ?aldn, tend à en utiliser les cadres interprétatifs (cf. l’étymologie
de ammadí Srát). L’écart et les contradictions possibles entre les deux
courants cités est moins celui entre un niveau « populaire » et un niveau
« savant » que celui entre des traditions locales ethno-centrées et un
discours extra-communautaire rattachant les Afars à l’Umma des croyants.
Le livre de aml al@Dn al-Šm (1997) est représentatif de cette
intégration paradigmatique. Le choix du XIIIe siècle comme point de départ
chronologique, avec la mention des Dankal par Ibn Sad et de l’Adal
(1288) dans la chronique découverte par Cerulli (1931), a pour principale
utilité d’offrir un repère incontestable pour une histoire interne encore mal
connue, mais qui a joué un rôle important dans celle de l’Ethiopie à travers
celle des royaumes Adal et Dankáli. Des XIIIe au XVIIe siècles, partagés en
deux branches différentes, sans lien certain entre elles (et pour cela
appelées prudemment « Adal I » et « Adal II »), les Adáli ont été impliqués
dans l’évolution politique sous-régionale de façon différente. L’Adal I
absorbé par l’Ifat, devenu royaume Adal, a constitué une entité
multiethnique dominée par un lignage arabe, les Walasma, puis par des
Bedjas arabisés, les Balaw, qui se sont finalement afarisés. L’Adal II, né au
nord de Tadjoura, formé en sultanats après le déclin de l’Adal I et le
recentrage de celui-ci sur l’Áwsa en 1577, correspond à un processus de
recomposition afar.
On est conduit à reconnaître neuf groupes hétérogènes du point de
vue généalogique — cette hétérogénéité pouvant être la conséquence de la
grande peste du XVe siècle — distribués dans les différentes entités
politiques qui forment le domaine afarophone :
1. Les descendants de aɖal-Mâis (notamment les lignages
dominants Adáli, Mdaytó, Dammohoytá, Ulutó).
2. Les descendants d’Aɖaytá (Mafâ, Alaytó, Aɖkaltó, Kutublá).
3. Les descendants de Amáysi (Edderkaltó, Askakmáli, Lubak-
Kubó, Baɖittó).
4. Les Badoytá-m mlá (Hayís, Aydamní, Dhí-m mlá).
5. Les Tákil (dont les aysantó, Waddó, Subrá).
6. Les adarmó (Ablé, Abá-m mlá), dont le lien avec les Bedjas
est posé. L’antériorité des Ablé se déduit du fait qu’ils
accueillirent aɖalmâis.
7. Les Songó (aysamlé, Gittrissó), d’origine incertaine.
8. Les Baláw, d’origine bedja (Balawtá, Bollí BuCá).
9. Les Ská (groupes maraboutiques, appelés Maanɖiytá dans le
nord).

18
INTRODUCTION

Au nombre de ces tribus, se trouvent celles non rattachées généalo-


giquement mais territorialement dépendantes. Elles peuvent être les
survivantes d’une calamité naturelle, d’une épidémie (Egralâ, Misindí,
Gidintó, aɖbisó-s sárra, etc.) ; issues d’un captif de guerre (voir Aɖaytá).
Il peut aussi s’agir de groupes immigrés, comme les lignages d’origine
somalie des îles du « cercle de la mer de Bôri ». Certaines ont disparu,
victime d’une extermination (les Songó, peut-être d’origine sidamo,
détruits par les Adáli de Tadjoura).
Essai de périodisation
XIIIe s. Absorption du premier Adal dans l’Ifat qui en prend le nom
(1288). Domination Anklá sur la côte (de Bôri, ou du sud de Souakin,
jusqu’au nord de Tadjoura). Pénétration des arla (Harálla) en Áwsa.
XIVe s. Au nord de Tadjoura (Adáylu), « apparition » de aɖal-
Mâis, avec la complicité d’éléments Ablé d’origine adarmó. Evacuation
par les Anklá du territoire au sud d’une ligne joignant Warraysá Ðagád
(les salines au sud de Asáb) et le Msaálli, qui devient territoire des Adáli
(dit « Adal II »).
XVe s. Formation du royaume Dankáli (Deuchali, sur la carte de Fra
Mauro, 1460) qui supplante les Anklá, avec pour limites Bôri, au nord, et,
au sud, la ligne Asáb-Msaálli. La capitale du royaume Dankali, Baylûl,
est mentionnée par les sources externes. Au milieu du XVe siècle, fondation
du sultanat Adáli par « Asá » Kâmil.
XVIe s. Guerres du royaume d’Adal (expansion de l’Adal I aux
dépens de l’Ethiopie chrétienne). Mort de l’imam Amed « Grañ » (1543).
Emigration de sa famille en Áwsa (1577).
XVIIe s. Institution de l’alternance des lignages au pouvoir à
Tadjoura. Formation du sultanat de Raaytó (1600-1620 ?). Au nord, vers
1650, poussée des Dammohoytá de Bíɖu contre le royaume Dankáli.
XVIIIe s. Au nord, les Dammohoytá constitués en sultanat pénètrent
dans Bôri et occupent une partie des terres Anklá sur la côte orientale,
laissant à ces derniers la côte ouest moins arrosée de la péninsule. Les
Balossuwá atteignent la péninsule par le sud-ouest. Les Dankáli Fdiltó
commandent à Baylûl. Au sud, institution de l’alternance des lignages
Adáli au pouvoir à Raaytó. Période de troubles internes en Áwsa (conflits
entre sédentaires, Harálla et famille des imams arabes). Expansion des
Debné-k Wíma et des Mdaytó, venus des territoires Adal II. Début des
guerres entre Adohyammára et Asahyammára pour le contrôle de la vallée
de l’Awash.
XIXe s. Au nord, déclin des Anklá à Bôri et domination
Dammohoytá étendue. Les Nassár supplantent les Dankáli Fdiltó à Baylûl,
bientôt remplacés par les Afará. Au sud, victoire des Mdaytó sur les
sédentaires de l’Áwsa (1834) et les Debné-k Wíma. Le sultanat d’Áwsa,
sous commandement Aydḥissó, connaît son apogée. Tadjoura est
incendiée en 1866. La victoire de Ménélik à Arraddó (1896) est un désastre
pour le sultanat. Son chef (amóyta) passe sous contrôle des gouverneurs du
Wällo et se voit décerner un grade honorifique de la titulature éthiopienne.

19
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

La guerre de succession qui commence en 1898 dégénère en guerre civile


(v. Sangerrá). Elle durera jusqu’en 1917 avec, à plusieurs reprises,
l’ingérence du pouvoir impérial qui favorisera une division dynastique
(branche de Sámu). Des traités sont signés par les sultans Adáli avec la
France (1862, 1884, 1885). La Colonia Eritrea est créée par l’Italie en
1890.

II. Tableau synoptique* des descendants de aɖal-Mâis

1300 aɖal-Mâis

1330 Adâal
(Descendance Adáli)

1360 Gulub-Kêna

1390 Gallâmir

1420 « Ayrolasé » ámmadu « Ðogorré » Úmar

1450 Môday « Asá » Kâmil « Datá » Gúra « Sambollakóli »

1480 Gabaɖêri Seém úmmad « ré » ámmadu

1510 Afkié Hindiwân Dîni Ulêl Abûsa Arbâhim Srá

1540 Úmar ámad Hindiwân ámad « arák » Dammáhu

1570 Unɖá Áli úmmad Mismâr Gbalíyta Alalitó

1600 ámad Maámmad « Gibdí » ámad Algá Ellâma

1630 Maské Dîni Burán Abdúlli úmmad ásan « Dúbbi »

1660 Aydâis ámad Kâmil Kâmil Ádan « Gúra » Buríli

1690 anfaɖé Maámmad Msá ámad Áli Aaw « Gúra »

1710 Kaɖɖfó úmmad ámad Dîni Burán Arbâhim úmmad

1740 Maámmad Nassâr Maámmad Burán ámad ámad Áaw

1770 Aydâis ámad úmmad Maámmad Saddíg Arbâhim aló


ed
1800 anfaɖé Mandáytu Adállom M . Dîni Maámmad Looytá aysáma

1830 Maámmad Maámmad úmmad Maámmad Burán úmmad Áaw

1860 Aydâis úmmad Arbâhim úmmad Maámmad Looytá Igalé

1890 anfaɖé ámad Maámmad ámad Ma. Abdó Maámmad Áaw

1922 Áli-Mirá abíb úmmad Dawúd Obkári ásan Maámmad

Sultanats : Áwsa Tadjoura Raaytó Gbaád Bíɖu

* Par générations suivant les dates de naissance approximatives des chefs Aydḥissó d’Áwsa.

20
INTRODUCTION

Recompositions et spécialisations
Les repères chronologiques proposés ci-dessus veulent aider à mieux
comprendre l’ancienneté de la double définition — géographique et
agnatique — de ce que l’on appelle indifféremment tribu ou clan, soit le
groupe patrilinéaire auquel tout Afar appartient et se rattache par la
naissance. D’une histoire longue, multipolaire, résulte une distribution
complexe qui s’organise selon un système de commandement qui, malgré
des évolutions internes différentes, utilise une terminologie et une
organisation identiques. La forte hiérarchie qui la caractérise, doit être
considérée comme un legs des royaumes Adal et Dankáli. Au sein de
chaque « sultanat » (bɖó), des chefferies (ɖintó), en nombre défini,
regroupent des tribus divisées en fractions, eɖɖá ou gulúb, sous-fractions et
lignages. Chaque groupe entre ainsi dans un double réseau de solidarités
sur la base du voisinage et de la parenté. Globalement, les fonctions de
commandement du sultanat s’appuient sur des liens historiques reconnus.
Le pouvoir dévolu à la chefferie s’exerce par délégation sur un territoire
défini. Les fonctions assumées par la fimá, qui réunit des membres d’une
même classe d’âge de tribus différentes, s’exercent dans l’espace de la
chefferie. Selon les lieux, la fimá est en charge de la défense (constitution
du groupe d’alerte) ; du maintien de l’ordre, devenant le bras séculier du
sultan ; du soutien mutuel ; de l’organisation des événements majeurs de la
vie collective (naissance, mariage, décès). La fimá a une fonction
intégratrice et régulatrice. Il existe des fimá masculines et féminines. Le
partage des tâches évite les conflits de compétence. Ainsi, chez les Basmá
du Mablá, la fimá inclut des Basmá, des Ayrolassó, des Baɖittó, des
Amasá, des Mdaytó. Les quatre fractions Basmá se répartissent les
responsabilités de commandement : la fraction Abardá- ummaddó
fournit le chef général du Mablá (ummnó-h abbá) et l’adjoint au chef de
fimá (fimá-t abbá-g gubí num). Dans la fraction Afillá est choisi le chef
de troupe (gulúb abbá). Les Madnní ont la charge de percevoir l’impôt dû
au sultan, et de chef de fimá. Les Mirgantó sont chargés des relations
extérieures et de s’interposer en cas de conflit (fantí mára).
Individuellement, l’appartenance à la tribu patrilinéaire, proclamée
par la devise (itró), se double de liens avec la tribu maternelle (abnó).
Solidarités obligées et alliances choisies achèvent de composer un réseau
qui fait que chaque Afar, où qu’il se trouve, sait qu’il peut compter sur des
cousins ou des alliés. Les alliances préférentielles (mariage), les accords de
pâturage engagent, eux, les lignages et les familles conjugales.
L’impression de grande complexité, qui peut résulter de l’inventaire
détaillé des sous-divisions de la tribu patrilinéaire, provient d’abord du fait
que le nom d’une fraction subsiste (et est mentionné à tout enquêteur), tant
qu’un mâle de celle-ci survit. En second lieu, la formation de groupes de
migrations a concerné des éléments très divers, ce dont rend compte la
nomenclature traditionnelle. Les termes mára « gens descendant du même
ancêtre », buɖá « (groupe de) familles », sárra « descendance large », déjà
mentionnés, souvent accolés au nom de tribu, font apparaître les différences

21
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

constitutives des groupes concernés34. Les uns comme les autres sont
uniformément impliqués dans la structure intertribale que constitue la fimá
(v.). Les processus fédératifs identifiés sont très variables, à trois (Sidá
buɖá, v.), cinq (Kná líh Buɖá, v.), huit composantes (Mogorrós, Bará
Kadá, v.) ; parfois plus larges (v. Asahyammára). Mais la dynamique
historique, saisie dans ses aspects fondamentaux, montre partout la même
tendance à la recomposition et la spécialisation des rôles sur les plans : 1.
économique ; 2. juridique ; 3. politique.
1. Ce que les Afars appellent le « mode de vie pastoral »
correspond à l’expression daarsittóm maríh ɖintó, litt. la coutume des
gens dans l’état de faire paître dans leur intérêt personnel (daarsittó)35.
Dans ce système de production qui, il faut le noter, est celui des Bedjas, des
Beni-Amers et des Sahos, les groupes clients sont en situation de s’enrichir,
et donc de supplanter les propriétaires du sol. Le régime foncier, en raison
d’un découpage strict, ne cesse d’osciller entre deux tendances : soit la
ressource en pâturage du territoire en propriété collective (wanó) est
insuffisante, et la tribu doit négocier l’occupation temporaire du terrain
d’autrui moyennant un loyer (isó), soit c’est le déficit en hommes qui
oblige à sous-traiter la garde des bêtes. Les Afars Debné affaiblis par les
guerres pour la prise de contrôle de la vallée de l’Awash ont utilisé des
Somalis Issas comme bergers de leurs troupeaux dans le pays de Zeyla,
avant de devoir abandonner ce dernier pour se cantonner à la partie
occidentale de la plaine du Gbaád. Harris, lors de son voyage (1844 :
151), rencontre Looytá b. Arbâhim, « chef des Debné et d’une fraction
issa ». Il signale qu’à Arabdorá les Issas font paître leurs troupeaux avec les
Danâkil. Soleillet (1886 : 58) indique qu’un certain nombre d’Issas forment
la garde du sultan du Gbaád, úmmad b. Looytá. La faible pluviométrie
a fait de l’accès au seul fleuve permanent un enjeu crucial. Un dicton
affirme : « Ceux qui ont l’eau te dominent » (illálta le marí, kok nabá). Les
relations conflictuelles entre les Mdaytó, les Harálla et les sédentaires de
l’Áwsa ont pour origine le contrôle de la zone inondable fertilisée par la
crue annuelle de l’Awash.
2. L’un des problèmes constants du droit pénal afar (madá) est la
mise en oeuvre du bîlu, qui ne saurait se traduire seulement par « prix du
sang » (Parker : 71). Le terme (qui vient du saho « sang ») désigne
l’ensemble des procédures de règlement en cas de meurtre. Le code ne
reconnaissant qu’exceptionnellement des circonstances atténuantes, impose
le talion, la ané ou vengeance légale. Une compensation financière, tant
envers la famille de la victime, que vis-à-vis de l’autorité, n’exonère pas
toujours le coupable du châtiment. Dans sa mise en oeuvre, le bîlu implique
la fimá, soit les membres mâles parents ou de tribus différentes. Le bîlu a
deux issues possibles : soit la vendetta sur un membre mâle adulte du clan

34. Voir p. 9.
35. Le nom d’état daarsittó est dérivé du réfléchi du causatif de daar « garder le
troupeau », daarsit « faire garder le troupeau dans son intérêt à soi ».

22
INTRODUCTION

meurtrier, buɖɖéli, soit le paiement d’une indemnité, buɖɖelé, qui


dégage la responsabilité du groupe, mais laisse le meurtrier face à la
vengeance : bîlu kl abén, buɖɖelé yeníh kk yewén « ils ont laissé le
bîlu à sa charge ; comme ils ont payé l’indemnité, ils se sont désolidarisés
de lui ». Déclaré abéyna « abandonné », le meurtrier doit s’enfuir. La tribu
choisie pour résoudre à l’amiable une affaire de sang est dite bîlu-báyis
« extinctrice du bîlu ».
Le code afar admet ainsi éventuellement la prescription, comme il
affirme la responsabilité personnelle du coupable dont la tribu est appelée à
réparer collectivement le crime. Est bîlu-málkit « fauteur de bîlu », celui
qui interdit une route de transhumance qui traverse ses terres, risquant
sciemment de provoquer un conflit et d’y entraîner son groupe de solidarité
qui se trouve alors « pris » (bîlu abbiɖ). On constate que le sang versé
(abál bîlu) par vengeance ou son dédommagement (duyyé-b bîlu) remet à
chaque fois en question la définition du groupe co-responsable du
meurtrier. Si l’intérêt de toute fraction, est de « sortir » à l’amiable d’un
bîlu (bîlu ewé), l’idéal est de limiter un tel risque, en restreignant au
meurtrier et à sa famille proche l’obligation de fuir pour se réfugier chez
des parents d’une autre région. Si une grande tribu formait un seul bîlu,
tous ses membres seraient obligés, en cas de meurtre commis par l’un
d’eux, de quitter le pays. Cette menace qui pèse collectivement a pour effet
de faire des crimes un événement rare, contrairement à ce qu’une littérature
de voyage se complaît à propager, sans faire la différence entre l’état de
belligérance dû d’abord aux empiètements des frontaliers36 et la paix au
sein de la tribu, à laquelle tend le ɖintó.
Si le bîlu est défini comme le prix du sang, son principe est à
l’opposé de la diya arabe, comme du mag somali. Dans ces derniers, on
multiplie le nombre des individus mâles appelés solidairement à
dédommager la victime d’un meurtre commis par un contribule. Dans le
bîlu, on cherche à constituer des groupes coresponsables aussi restreints
que possible, sachant que le talion est l’issue légale. La complexité et les
variations du « maillage » socio-juridique qui en résultent peuvent être
illustrées par le schéma suivant qui prend l’exemple des Adáli.

Tribu Adáli Eléments rattachés

bîlu bîlu + bîlu bîlu bîlu bîlu

fimá fimá

Dans ce schéma, on voit qu’un groupe de bîlu peut être solidaire


(signe +) à l’intérieur d’une même tribu ou concerner des éléments
rattachés. Dans tous les cas, le groupe de bîlu participe à l’action de police
d’une fimá ; ceci, complémentairement aux liens historiques qui organisent

36. Voir l’article Waydarat.


23
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

le commandement de la tribu (kedó) et aux alliances individuelles (álla) ou


matrimoniales. Au sein de la chefferie Kabbbá (Adáli du Godá), les
Egralâ (v.) ont formé un bîlu séparé à côté des fractions Kabbbá (v.) et
amdá, d’une part, Gadiddó et Adloá, d’autre part, formant deux bîlu.
Vis-à-vis d’une menace extérieure, la solidarité est de mise. On le voit lors
de « l’affaire Thiébeau » (v. Kabbbá), où fut impliqué au premier chef un
Egralâ.
La pratique du megló qui consiste à se réfugier auprès du sultan pour
se mettre en sûreté et échapper ainsi au talion peut aboutir à un déni de
justice (waá). La fuite volontaire ou l’ostracisme sont, de fait, un mode
d’extinction, sinon de règlement des conflits. C’est le cas des Tákil de
Gandêli (v.), des Aydissó de Sámu (v.). Les Basmá Egralâ Madnní
(du Mablá, en Rép. de Djibouti) fournissent l’exemple de ce mécanisme de
recomposition. Ceux-ci comptaient quatre fractions issues de quatre frères :
Fbillá (percepteurs de l’impôt du sultan) ; Billistó (chefs de fimá) ;
Dataliytó et Galmitté. Dans les années 1960, à la suite d’un meurtre
commis par un homme des Billistó, les Dataliytó sortirent du bîlu. Puis,
les Fbillá tuèrent un Maanɖíyta. Les deux clans Fbillá et Galmitté se
désolidarisèrent et certains s’enfuirent vers le piémont éthiopien (Dóka).
Les Galmitté restants récupérèrent la charge de la perception de l’impôt et
se remirent en bîlu avec les Dataliytó, probablement diminués dans
l’intervalle. Deux bîlu furent reformés : celui des Billistó ; celui des
Galmitté-Dataliytó. Le meurtre d’Arnoux (v.) offre l’exemple de
l’imbroglio qui peut naître d’une affaire de sang jamais élucidée. Aux effets
du bîlu, il faut ajouter ceux des guerres et des disettes. La distribution
tribale, avec son maillage territorial complexe, repérable à l’identité des
noms (voir les Debné, les Badoytá-m mlá présents sur le moyen-Awash et
à Djibouti), ou au fait que des groupes se comptent avec d’autres,
géographiquement distants (comme les Takíl et les Balossuwá), montre
que cette tendance à la « scissiparité » est ancienne. Elle est inscrite dans la
langue. Le mot eɖɖá désigne à la fois l’extrémité de quelque chose et le
sous-groupe tribal : m eɖɖâ « de quelle fraction es-tu ? » C’est la partie
d’un tout, en arithmétique comme en littérature où eɖɖá désigne le
fragment récité37. La fraction, également appelée gulúb, terme qui désigne
aussi « le genou », « la force », montre sa triple nature, à la fois, segment
lignagier autonome, articulé à un ensemble plus large et en mesure de faire
valoir ses droits.
3. La hiérarchie traditionnelle distingue les tribus d’« excellence » au
pouvoir ou moddaî, les « humbles » moɖoɖɖíb, c’est-à-dire rattachées, et
les « anciennes », súget, antérieures à aɖal-Mâis, comme les Ablé.
Compte tenu des liens juridiques et de la conjoncture politique, la
prééminence entre moddaî se recompose de façon empirique, ce qu’un

37. D.M. (1997). Le lien entre eɖɖá « extrémité », « fraction » et áɖɖa « bâton, morceau de
bois ») trouve un parallèle en bedja où !áɖa(-t) signifie « bâton long » (Roper, 1928 :
143) et aussi « affiliation à une tribu » dans le nord (Mohamed-Tahir, 2005 : 72).

24
INTRODUCTION

adage souligne, en disant : Adáli br le, Debné ummnó le, Mdaytó
arkaytó le « les Adáli ont le bandeau (br), insigne du pouvoir historique
des sultans, les Debné gardent la frontière sud (ummnó), les Mdaytó ont
le trône (arkaytó) ». Les premiers nommés ont l’honneur du rang ; les
seconds occupent une position stratégique ; les troisièmes ont la puissance.
La sagesse populaire montre la claire conscience qu’ont les Afars de
l’interdépendance des groupes soumis, depuis au moins la fin du XIXe, à la
pression des frontaliers. L’intrusion européenne a eu pour effet de modifier
les rôles dans une société où sont distingués : le chef héréditaire
(makbántu) ; le riche propriétaire ou commerçant (gaddáli) ; le grand
guerrier (maggáfa). Par nature, le dernier nommé renforce la solidarité du
groupe, en incarnant les valeurs de loyauté et d’héroïsme. Le riche
commerçant est venu ouvrir une brèche dans le système des solidarités
traditionnelles. L’entrée dans l’économie monétarisée, depuis le milieu du
XIXe siècle, n’a fait qu’accroître son indépendance et son importance. C’est
Ab Bakr « Pacha » (v.) qui sera la cheville ouvrière des accords passés
avec la France à partir de 1862, bien que ne détenant aucune légitimité
traditionnelle, si ce n’est celle que les Français, après les Turcs, lui
reconnaîtront en tant que chef de Zeyla.
Solidarités obligées et choisies
Sur un territoire continu, les Afars ont développé des réseaux de
solidarité tantôt imposés par la naissance, tantôt nés d’un choix personnel.
Tout Afar considère prioritairement : la tribu de son père (kedó) ; celle de
sa mère (abnó) ; sa belle-famille, (bllá) ; les enfants des femmes de sa
tribu, épousés préférentiellement (abûsa) ; les enfants des femmes de la
tribu de sa mère, interdits (nangaltá). En second lieu, la parenté élargie
(maré) inclut les enfants des femmes de la tribu de la mère de son père :
abbá-h abnó-h agbí-h ɖayló (ses ammitté) ; les enfants des femmes de la
tribu de la mère de sa mère : iná-h abnó-h agbí-h ɖayló (ses abitté). La
parenté proche (ɖayí maré) concerne, du côté paternel et maternel, les
grands-parents, les oncles, tantes, frères, sœurs et cousins germains de
l’intéressé. Dans la génération suivante, les enfants et neveux (fils des
frères et des sœurs). Il existe deux sortes de bllá : les proches de la femme
et par extension toute sa tribu ; les épouses des frères et les maris des
soeurs. Ce sont les parents des neveux. Les seconds sont ceux des absúma.
L’appartenance à un même bîlu (voir ci-dessus) en fait des « proches ».
Les expressions ábu-k abûsa « oncle et neveux », ɖála-k ballís
« alliance de naissance », désignent des tribus qui se marient
préférentiellement entre elles, comme les Mdaytó et les Damblá.
Certaines forment des groupes solidaires jusque dans le nom, tels les
Rukbá-k Ðermlá. Il n’y a toutefois pas de tribu qui n’échange de femmes
qu’avec une seule tribu. La tendance actuelle à l’endogamie, sous l’effet du
modèle arabe, est maintenant plus directement liée à la paupérisation en
ville et à la nécessité de conserver le patrimoine au sein de la famille
proche. La solidarité (arâ, litt. « bras ») se marque par une aide réciproque
que l’on se doit en cas de mariage, de maladie, de deuil, de disette. Elle se

25
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

donne dans la famille étendue. Au sein de la communauté qui pâture sur le


même territoire, elle est appelée « parenté de foyer » (buɖá-m marînu). La
stratégie matrimoniale des lignages régnants, si elle suit la pratique
traditionnelle de l’exogamie préférentielle, répond à des impératifs plus
spécifiquement politiques. Elle diffère ainsi d’un sultanat à l’autre. Deux
tendances opposées existent : celle des Aydissó, le plus souvent mariés
aux Damblá qui les ont accueillis lors de leur progression vers l’Awsa ;
celle des Arbhintó qui, pour renforcer leur pouvoir à la tête de la
confédération Debné-k Wíma, ont pratiqué une large exogamie.
Le mot afbêa désigne des relations de réciprocité et de familiarité,
assimilables à une « parenté à plaisanterie » entre tribus formant
généralement des binômes. Deux afbáytu ne peuvent rien se refuser,
comme ils peuvent se moquer l’un de l’autre. L’alliance (álla) parfois
collective, de fraction à fraction, prend toute sa force en étant personnelle.
Elle fonctionne comme une convention orale qui engage définitivement les
protagonistes en étant considérée comme un lien plus fort que la parenté car
librement consentie. Cette dimension personnelle de la álla38 n’est pas vue
par Karim Rahem (2001). Le parent par alliance (bállu) peut ne rien
donner ; l’afbáytu est obligé de donner ; celui qui partage une álla
donnera sans arrière-pensée. Un adage dit : bîluk makittóh abêni, bâak
iɖíbuh abêni álla « refuge contre les affaires de sang, secours contre les
revers de fortune, ainsi a-t-on conçu la álla ». La álla s’hérite. Elle est
rompue par le mariage (ne pouvant impliquer la belle-famille) et par le
refus de donner ce qui est demandé. La álla peut sceller un accord de
voisinage (uggné) avec un étranger nouvellement installé. Manifestation
la plus concrète de la solidarité, le dró désigne le cri d’alerte et le groupe
de poursuite. L’un et l’autre sont à l’origine du nom de la capitale de
l’Awsa, Aysaíyta (v.). Venir au secours d’autrui (griy) est un devoir qui
s’impose à tous :
Deero kok ni morootom duudele A ton appel, nos quarante viendront à ton aide
Deero kol gafan innah luuqele Les secours tomberont sur toi comme une falaise
Masgid innah marot koo nabbixe Nous t’entourerons telle une mosquée
Ummaan abba baxah ma caba yinay Aucun père n’abandonne son fils, ô ma mère !
Abba ceela baxi elle rabam meqe Le fils digne de son père doit y mourir aussi
Ilmontah yenek deero beyam meqe Même bâtard, il est bon qu’il conduise les
secours
Une expédition guerrière est d’abord un acte d’auto-défense qui a sa
technique et son lexique. Le raid (gâdu), composé d’une vingtaine
d’hommes, est appelé gdilé. La allalé, avec symboliquement quarante
« alliés » (álla), est la formation la plus valorisée. Elle n’est qu’une section
d’une troupe (buttá) de plusieurs centaines d’hommes en Áwsa. On
compte, en outre, la réserve (sallá), les éclaireurs (illó), envoyés en
avant-garde (ylabúl), qui, en temps de paix, forment le guet (gibá).
Globalement, la forte cohésion et la hiérarchie qui caractérisent la société
afare, ajoutées au sentiment d’être les propriétaires du même sol depuis des

38. D.M. (1997 : 77-78).

26
INTRODUCTION

temps immémoriaux, expliquent les déconvenues, parfois brutales, de ceux


qui crurent pouvoir entrer en pays afar comme en pays conquis (voir
Giulietti, Bianchi, etc.). Evoquant son voyage d’exploration de la vallée de
l’Awash en 1934, Wilfred Thesiger s’interroge39 :
Le sultan finit par me permettre de traverser le territoire d’Aoussa pour suivre
tout au long le cours de la rivière. Pourquoi me donna-t-il cette autorisation
qu’il n’avait jamais encore accordée à aucun Européen, je l’ignorerai toujours.
Thesiger omet sans doute ici Nesbitt qui, sur un autre itinéraire, avait
traversé l’Áwsa en 1928. Mais la réponse est identique : l’un et l’autre
furent les seuls, au XXe siècle40, à avoir demandé cette autorisation, ce que
Werner Munzinger, et pour cause (voir p. 3), n’avait pas fait.

39. Le Désert des déserts, Plon, 1978 : 30.


40. Avant eux, nombre de voyageurs européens passèrent en lisère de l’Awsa pour atteindre
les hautes terres (voir p. 87).
27
LISTE ALPHABÉTIQUE
A
Abazêd (cheikh) v. Bayazd alBism

ABÁ-M MĒLÁ
Généalogies. Tribu descendant de Maámmad « Ardáytu » b. Ibrâhim b.
Ali (d’origine arabe), et dont les trois fils sont Ali Ablís, ancêtre des Asá
Ablé, adarmó (v.) et Abáytu qui, lui-même, a eu six fils : 1. Askôm
(fraction Askmá) ; 2. Burán (Burán-sárra) ; 3. Gêrar (Grartá) ; 4.
Barkálli ; 5. Dimís (Dimissó) ; 6. Balís (Balissó). Autre généalogie :
Badoytá, père des Badoytá-m mlá (v.), aurait épousé la soeur de Ali
Ablís. Il recueillit Ali b. Msá, adopté comme frère de Maámmad
« Ardáytu », qui devint l’ancêtre des Abá-m mlá, désormais parents des
Badoytá-m mlá. Une troisième généalogie donne úmmad « Gadlá »,
originaire du Dóka (v.), et Abá « la source », au nord de Mabúk, en
République de Djibouti, comme point d’installation. Il aurait épousé une
fille de Umar « Asgíru » (v. Absá-mára). Distribution. Angáru (Khôr
Angar, sur la côte, au nord d’Obock), région de Rsá, Dawwé (v.).
Présents parmi les Ddá, Br k Wandbá et Absá-mára. Le nom de la
tribu dérive de abá « source abondante » (verbe uub « boire »), pl. abá,
ábo. On le retrouve dans nombre de toponymes : (m.) Ába, plaine en pays
Kîuk-enkébba ; dans le anlé ; (f.) Abáf-fó (Ðy) ; (m.) Abaytáytu,
dans l’oued Agá (Goda) ; (f.) Abaytó, crête vers Khôr Angar ; (m.)
Abáytu, source près de Dikhil ; (m.) Abág gúba, île de la mer de Bôri. En
tant que nom de tribu, Abá-m mlá est lexicalisé et ne s’analyse plus
comme « gens de la source », mais « gens d’Abá ».
S : Chedeville / Yûnus b. Umar b. Dawud.

ABBÂSIYA
Cheikh Ysuf « Abbâsiya » (abbá siya, nom de sa fille). Saint
personnage venu du aramawt, mort en 1834-35 (h. 1250), dont les hauts
faits se confondent avec ceux du légendaire « cheikh Abbâsiya »,
équivalent afar de i Fai, chez les Oromos, de aw Baradle, en pays
somali, ces derniers prolongeant la légende de l’ancêtre (arabe) de la
dynastie des Walasma, Ysuf al-Akwn. Le cheikh Abbâsiya se serait fixé
à Doddóyta (Duddeyta), dans la montagne au-dessus de Dawwé, où est son
tombeau. Il y fit bâtir une mosquée faite d’énormes pierres équarries. La
zawiya principale est dirigée par les Ská qui ont une autre zawiya à
Tallahál, « sek Abbyé », également au-dessus de Dawwé. Les gens de
Tadjoura, de passage, disposent d’un emplacement réservé, Tullú-b bɖá,
sous un grand arbre. Le cheikh Abbâsiya aurait eu quelque 300 garçons,
dont seuls 99 auraient paru sur terre, recommandant de ne pas démentir
celui qui se dirait son fils. Les Ská de Baádu (Sek-Ysiftó, ou Yfistó)
s’en réclament, tout en descendant d’un cheikh agár. Son descendant
direct le plus connu est son petit-fils, cheikh ala b. afar b. Yûsuf
« Abbâsiya », qui guerroya pendant dix-sept ans contre Ménélik après avoir
ABŌNÁ

pris le parti des Mahdistes. Il semble avoir opéré en liaison avec les Italiens
avant Adoua. Le cheikh Nriyye Umar le réconcilia avec Ménélik qui
l’installa à Balá et lui donna des terres au ärär (ouest du Harar), où il
mourut peu après l’entrée des Italiens à Addis-Ababa, en juillet 1936.
Fractionnement. De sek-Abbâsiya, descendent Yôfis et le petit-fils de ce
dernier, « Kallí » agár, père de « Kaɖɖá » Ysé, Abdalla et « Uɖ »
Ysé. La descendance de ces trois frères est appelée collectivement
Bargáli, par opposition aux fractions accolées As-buɖá (v. Baádu).
S : HHL (Naw.)

ABŌNÁ
Etym. de bûnun « contribution collective pour les frais de deuil », ou de
l’amharique abuna, pour railler le fait qu’Ibrhm « Ambasa » (voir ci-
après) ne parlait pas l’afar. Tribu de la côte nord de la péninsule de Bôri,
dont la généalogie converge avec celles d’autres groupes maraboutiques du
nord comme celles de Intilé Šek (v.) et Ibrhm b. al- alîl (v.). Itró : « Ab-
ším ! ». Généalogies. L’ancêtre revendiqué, comme pour les Anklá, est
Ab lib, oncle du Prophète de l’islam. Cette généalogie compte trente-
neuf noms : sayyid Ibrhm (l’informateur en 1966) b. Abdurramn b.
Osmn « al#Alawi » b. amad b. Maammad b. amad b. Mamd b.
Isml b. kil b. « sidá sírri » Ali b. Ibrhm « Ambasá » b. Adam b.
amad b. al-wali Abdir « al-Alawi », dit « ib Harar », b. sayyid Umar
« al-Alawi » b. Amad b. Abdalla b. N%ir ad-Dn b. Sulaymn b. Idrs b.
Qsim b. Ibrhm b. mid b. Isml b. Amad b. Abdallah « an-nr » b.
Maammad b. Msa b. Abbakar b. Dawud b. Yaqub b. 'li b.
Abdallah al#Agz b. Msa al-Yawn b. Abdallah al-Maad b. sayyid asan
al-Mu(anna b. sayyid asan al-Sib) b. Ali b. Ab lib. Histoire.
L’ancêtre des Abná, Ibrhm « Ambasá » serait venu du Harar alors que le
royaume Dankáli, affaibli, était de facto aux mains des Dúlum (v.), à la fin
du XVIIIe siècle. Il épousa Madná b. Dúllum (sic), fille du chef, dont il eut
trois fils homonymes, les Sidá Sirri-Áli « les trois Áli initiés »
(détenteurs du sirr), et une fille : 1. Sirri-Áli, enterré à Tó ; 2. Sirri-Áli,
parti chez les Sahos ; 3. Sirri-Áli, mort à Tadjoura (v.), enterré au lieu-dit :
Sidá-Sirri-Alí-kábri « la tombe des trois Sirri-Áli ». L’homonymie
indique qu’ils devaient être de trois mères différentes (trois frères peuvent
porter le même nom en n’étant pas du même lit).
S : Chedeville / sayyid Ibrhm b. Abdurramn, petit-cousin de cheikh Isml b.
Maámmad, chef des Abná dans les années 1970, relecteur de la « song of accusation »
publiée par Maknun et Hayward (1981. Voir Annexe I) ; Ibrhm b. Abduramn ;
Maámmad « alfá » b. Amad b. Idrīs ; Osman b. Abdalla b. Maámmad. D.M. /
Ibrhm b. Isml.

ABRARTÓ
Nom d’une fraction des Ská, chez les aɖbisó-s sárra (v.) de la région de
l’Awash. Originaire des Kulayyá de l’Áwsa. La légende rapporte que
l’ancêtre des Kulayyá alla chez les aɖbisó-s sárra, qui lui donnèrent
comme épouse une fille aveugle. Celle-ci recouvra la vue et devint
l’ancêtre de la fraction Abrartó.

32
ABŪ BAKR « PACHA »

ABROBBAÐIFFGÉ
« Le gué (fgé) des [trois] fils d’Abro (*Abró-b baɖí-(h) → f) ». Variante
de prononciation : Abrobbaɖifgé. Nom de l’emplacement du tombeau
(waydal) à sommet triple, encore visible en 1974, qui s’élevait au
franchissement de l’Awash, en aval d’Aysaíyta. Ce monument atypique
commémorerait la mort de trois frères, tués à une époque indéterminée en
tentant de repousser des Oromos. Braca et Comolli (1939) sont les premiers
à le mentionner :
Puis, suivant la piste caravanière qui grimpe raide sur les pentes rocheuses
du Borauli, en amont du lac d’Aisaità, nous atteignîmes rapidement
Abroborifaghé. Cette localité, siège actuel de la résidence de l’Aussa et, en
outre, la plus importante du point de vue politique de la région, répond en
réalité au nom d’Aisaità, tandis que le nom d’Abroborifaghé (qui signifie
« passage des tombes des fils d’Abro ») se rapporte au gué sur l’Auasc, sur
la piste caravanière qui conduit à Furzi, et seulement à 2 kilomètres au sud
d’Aisaità. Même chez les indigènes, l’usage est désormais établi de nommer
Abroborifaghé toute la zone comprise entre le gué et la résidence qui se
dresse sur un étroit dos de terrain surplombant à l’ouest l’Auasc d’une
trentaine de mètres.
ABŪ BAKR « PACHA »
1. Généalogie. 2. Histoire coloniale. 3. Descendance. 4. Homonymie.
Abū Bakr (en afar Ôbakar) b. Ibrāhīm (afar Arbâhim) b. Šeém (arabe
Šaīm) b. Maámmad « Tamboytá ». asbá Yakubtó Ōbakartó (à
différencier du lignage homonyme Yakubtó de Dilleytí Maámmad). Né
vers 1810, à Ambabbó (v.), près de Tadjoura (Borelli lui donne soixante-
dix ans en 1885 ; Denis de Rivoyre, soixante-cinq ou soixante-dix ans en
1880). La date de sa mort à Zeyla reste conjecturale : le 6 (ou 8) février
1885 ; plus sûrement, le 6 décembre 1885 (28 'afar 1303). La rédaction de
Borelli (1890 : 28) donne à croire qu’elle a eu lieu le 8 décembre 1885.
Abū Bakr, puis son fils aîné, ont été enterrés près de la tombe d’Ibrhīm
Abū Zaḥarbi (v.), à Zeyla.
1. Généalogie. Parmi les asbá (v.) qui revendiquent une origine
yéménite ou saho, les asbá de Tadjoura et d’Ambabbó (v.) citent comme
lointain ancêtre un certain Yaqûb, enterré à rs ra, entre Cheikh-Saïd et
Aden. Après son installation au Songó-g Godá (v.), à la suite d’une
sécheresse, son petit-fils Dîni b. úmmad b. Yaqûb serait parti au Dóka
(v.) vers 1650. Un de ses descendants à la cinquième génération,
Maámmad b. Kâmil, dit Maámmad « Tambóyta », serait revenu au Godá
(v.), vers 1760, en le supposant né vers 1730. Ce surnom donné pour une
raison demeurée obscure renvoie à tambó « tortis, assemblage de plusieurs
brins tordus ensemble », ce qui suggère qu’il était artisan vannier ou cordier
dans un village de la bordure éthiopienne, et donc sédentaire. Trois des fils
de Maámmad « Tambóyta » b. Kâmil ont laissé une postérité : úmmad-
Gabá1, Šeém et ámad. La descendance de úmmad-Gabá est appelée
úmmad-Gabbí, la fraction Šeemtó (Seemtó) inclut les fils d’Arbâhim

1. On donne ici la forme étymologique. Voir p. 250.

33
ABŪ BAKR « PACHA »

b. Šeém (+bakartó) et de Kâmil (Kmiltó). Le fils de Šeém, Arbâhim,


père du futur Ab Bakr « Pacha », fut, un temps, l’homme le plus riche de
Tadjoura (v.), commercialisant notamment les dattes importées de Šir et
Mascate. Rochet mentionne son rôle actif à Tadjoura. Il est cité dans deux
lettres datées de 1850 et 1851 du roi du Choa, Häylä Mäläkot, au résident
britannique Haynes (in Rubenson, 1987 : 190, 192). Les commerçants de la
péninsule Arabique lui déposaient leurs marchandises au printemps pour en
récupérer ensuite le produit de la vente. Son action politique fut aussi
importante. Il mourut avec deux de ses fils, Mákki et Maámmad, en 1852,
à Gáfu, dans la bataille menée contre le sultan de l’Áwsa (v.) avec d’autres
Adohyammára (Debné notamment).

Généalogie d’Ab Bakr « Pacha » (Ôbakar « Bšá »)


(♀ : femme : af. : afare ; ar. : arabe ; *origine incertaine (« éthiopienne », esclave)
Maámmad « Tambóyta » (1730)

úmmad-Gabá Šeém (1760) ámad

Arbâhim (1790) Kâmil Ôbakar

Arbâhim Hámad

Áli Dîni
(c. 1810) Ab Bakr « Pacha » (signataires des Traités)
épouses
[♀ af. Adáli Banoytitté] [♀ ar. de Zeyla] [♀af.] [♀af.] [*♀] [*♀] [♀af.] [♀ar.]

Ibrâhim Maámmad úmmad Kâmil Burán (1855) Mákki Msá Abdulkâdir usên Áli Ridwân

naggadras Ôbakar ! Asummá Âref (1885)

Ftumá [! lə Iyasu] Áli (1934)

Menelík (1917)

Davin (1888 : 84) affirme qu’Ab Bakr naquit de parents réduits à une
pauvreté extrême, ce que l’observation précédente de Rochet infirme. La
mère d’Ab Bakr, andá (d’où le surnom andáytu « né de andá »
donné à Ab Bakr), était Adáli de Tadjoura. Les dates de naissance
indiquées entre parenthèses dans le tableau ci-dessus proposent des repères
chronologiques.
2. Histoire coloniale. Ab Bakr « Pacha » entre dans l’histoire coloniale à
l’occasion de la rivalité qui s’installe entre la France et la Grande-Bretagne
qui s’inquiète de ce nouveau voisin dans une région où Londres n’avait que
la Sublime Porte comme concurrent. La rivalité entre le Somali Šarma-arke
b. Ali, soutenu par les Anglais, et Ab Bakr en suit les méandres, marquée
par le meurtre d’Henri Lambert, artisan d’un projet d’implantation de la

34
ABŪ BAKR « PACHA »

France formalisé dans une lettre d’Ab Bakr au ministre français de la


Marine (4 juillet 1858, in Rubenson, 1994 : 50). Si cet épisode de l’histoire
coloniale est bien retracé (cf. Joint Daguenet, 1992), la chronologie
concernant plus directement Ab Bakr appelle quelques précisions.
CHRONOLOGIE. 1855-1859. Fontrier (2003 : 68) dit qu’Ab Bakr a été
nommé « pacha » (dawla) à la place de Šarma-arke « en 1854 ». Si l’on se
réfère à Burton (1856 : 20), le Somali a été déposé sur ordre du pacha de
udayda en juillet 1855. Détenteur des droits de douane de Zeyla,
Šarma-arke faisait l’objet de plusieurs plaintes pour corruption et pillage,
notamment, en 1853, d’une caravane d’Ab Bakr (Russel, 1884 : 216) et de
l’épave du Caïman, un bateau français échoué devant Zeyla, en janvier
1854. Henri Lambert qui y vient trois fois, en octobre 1855, avril et
septembre 1856, ne dit pas qui commande le port, mais seulement que « le
commandant de la place [est] sous les ordres du Pacha turc d’Hodeida ». Il
s’agit très certainement d’Ab Bakr puisque l’année suivante c’est en cette
qualité qu’il est incarcéré par les autorités de udayda (avril 1857) alors
que les Britanniques rétablissent Šarma’arke. Ab Bakr est libéré sur
intervention d’Henri Lambert, agent consulaire à Aden, en février 1858. En
septembre 1858, Ab Bakr est renouvelé dans sa charge à Zeyla. Le rôle
d’influence d’Ab Bakr apparaît dans une première correspondance du 16
avril 1858 du capitaine de frégate Mequet, commandant le Génie, après une
escale du 16 au 18 février à Tadjoura, qui présente Ab Bakr comme
« l’homme le plus riche et le plus influent du pays ». La situation se tend en
1859 quand Henri Lambert, après une première agression le 4 janvier, dont
il réchappe grâce à Ab Bakr, est assassiné le 4 juin 1859. 1860-1885.
Quittant La Réunion, le 30 novembre, pour en rechercher les assassins,
Alphonse Fleuriot de Langle commandant en chef de la division navale des
côtes orientales de l’Afrique, rallie le golfe d’Aden et, après enquête, arrête
Šarma’arke b. Ali en mai 1861 à Zeyla. Fleuriot de Langle réinstalle Ab
Bakr au pouvoir. Ce remplacement est confirmé par Borelli (1890 : 37).
Šarma-arke meurt ce même mois de mai 1861, d’une rupture d’anévrisme, à
bord de la Somme, à l’escale de Djeddah, avant d’avoir été livré à
Constantinople. Le développement du réseau d’influence d’Ab Bakr est
marqué par une lettre du 13 août 1862, adressée à Napoléon III, signée Al
b. Ibrhm b. Ab Bakr b. Šam, que Rubenson (op. cit. : 193) n’identifie
pas, mais qui désigne, non pas un hypothétique petit-fils de Ab Bakr
« Pacha », mais Ali, petit-fils de Ôbakar, troisième fils de Šeém b.
Maámmad « Tambóyta », agissant pour le compte du futur « pacha » de
Zeyla. Un autre exemple est fourni par Dîni b. ámad b. Ôbakar, signataire
du Traité de Paris (v.) et cousin du même Ali b. Arbâhim b. Ôbakar. Par
décision de Fleuriot de Langle, à bord de la Somme, le 31 mai 1861, la
qualité de protégé français est conférée à Ab Bakr et à toute sa famille,
« au nom de l’empereur Napoléon III ». Ab Bakr reçoit ainsi
officiellement l’appui de la France. Celui du Khédive (il est reconnu
« bāšá » de Zeyla par l’Egypte en 1869) le confirmera comme l’homme-
clef pour toute implantation étrangère dans la région. De Zeyla, où il réside
dans une vaste maison en pierre qui domine les paillotes alentour, Ab

35
ABŪ BAKR « PACHA »

Bakr va favoriser successivement la signature du Traité de Paris de 1862


avec la France (v.) et l’expédition égyptienne sur le Harar en 1875, tandis
que le sultan des Debné, úmmad b. Looytá (v.) fera échouer celle de
Munzinger. Après la signature du Traité de 1884, le gouverneur Lagarde
mentionnera Ab Bakr comme « émir » de Zeyla, titre que lui avait déjà
donné Fleuriot de Langle en 1861. Avec plusieurs de ses fils, Ab Bakr a
contrôlé pendant plus de vingt ans une part du transit caravanier entre
Tadjoura et le Choa ; et de Zeyla vers le Harar.
3. Descendance. Parmi ses enfants, le souvenir est conservé d’Ibrâhim,
l’aîné qui, selon Soleillet (1886 : 41), aurait gouverné Tadjoura avec le titre
de bey. Bardey (1981 : 71) dit qu’Ab Bakr, son père, était sultan de la
ville. Cette affirmation se retrouve dans la correspondance diplomatique
initiée par Lambert (Malécot, 1972 : 88). Il y a là une confusion. Le
« pacha » asbá de Zeyla ne peut avoir été à la tête du sultanat de
Tadjoura réservé aux seuls Adáli, quelle qu’ait été l’influence certaine de
Ab Bakr via son premier mariage et surtout l’argent tiré de la ferme de
Zeyla. Son second fils, Maámmad « Pacha », dit aussi Maámmad
« naggadras » (né en 1845, mort à Addis Ababa, le 28 mars 1915) a été le
créateur de l’agglomération de Armó, entre Gayssán et Kkáy en pays
Adáli (v.) d’Ifat, aujourd’hui disparue, et chef des commerçants afars de
Bté. Rimbaud (1954 : 447, 452) verra assez logiquement en lui « l’ennemi
des négociants et voyageurs européens ». De lui, descendent Ab Bakr, dit
« naggadras Ôbakar », et la fille de ce dernier, Ftumá, née en 1900,
première épouse (1913) du lə Iyasu (v. Ilysó), petit-fils et successeur non
couronné de l’empereur Ménélik. En fuite après la destitution de l’héritier
du trône d’Ethiopie (27 septembre 1916), Ftumá se réfugiera en territoire
français, dans le Godá, à Ddalé, wanó (v.) des asbá, où elle mettra au
monde un garçon nommé Ménélik le 20 0’ l-Qada 1335 (7 septembre
1917). Il épousera mina b. Ab Bakr b. Ali (23ème enfant d’Ab Bakr
« Pacha »). Marié ensuite à Maryan b. Abderramân b. Yûsuf (Somalie
Samarrn ibrir Ynis), il mourra sans postérité en 1991. La rumeur veut
que le futur empereur Haylä Səllase lui ait donné le choix entre la vie sauve
ou la castration. Kâmil, dit Kâmil effendi, quatrième fils d’Ab Bakr, à la
suite d’un différend avec sa tribu, quittera Urbábu, pour Erer. Ce départ en
exil semble avoir été concomitant de l’implantation française à Tadjoura en
novembre 1884 et du retrait du détachement égyptien commandé par le
même Kâmil effendi. La tradition orale conserve le souvenir d’une
personnalité remarquable qui, outre ses fonctions militaires, composait des
poésies (cf. D.M., 1997 : 118-119), dont certaines sont devenues quasi
proverbiales comme :
ibnáytow / ísit yan rígdi aballitôy / sinam orόbak mánanto
buɖálow / ibnáytut yan rígdi aballitôy / ibnáytu anábuk mánannito
Ô étranger, si tu sentais la bénédiction que tu portes en toi,
tu ne viendrais pas le soir chez les gens.
Ô maître de maison, si tu comprenais la bénédiction qu’est un hôte,
tu ne le détesterais pas.

36
ABŪ BAKR « PACHA »

La liste ci-après essaie de reconstituer la descendance d’Abu Bakr, en


énumérant ses enfants (garçons et filles), qu’ils aient ou non une
descendance mâle.

Femmes d’Ab Bakr Enfants


1. « Kaɖɖá » Ali (lignée éteinte)
2. (1) Ibrâhim bey (d. 1884)
1. Asummá b. Ali 3. (2) Maámmad naggadras ou bâa (d. 1915)
Adáli Banoytitté (1-7) 4. (3) úmmad effendi. Une de ses filles, ša, est la mère du
24ème sultan de Tadjoura, úmmed b. Maámmad
5. Seém (dba.)
6. andá (dba.). 2 filles non comptées : asna I et II (dba.)
7. Halló (dba.)
2. Zohra, Ar. de Zeyla (8-9) 8. (4) Kâmil effendi
9. (5) Burán bey (1855-1923 ?)
3. Af. Sek-Arbahinto (10) 10. (6) Makki
4. Sittani, Afare (11) 11. (7) Mūsá
5. Esclave (12-13) 12. abib
13. (8) Abdulkâdir
6. Sidiyo, Somalie (14-18) 14. Ibrâhim (II, dba.)
15. Burán (II) Sa fille, Gumá épouse Âref b. Burán bey
16. Fattó (dba.)
17. Abgan (dba.)
18. Makki (II)
7. ♀ (non ident., 19) 19. Seém (II)
8. Zéno (20-22) 20. (9) usên
Esclave éth. libérée (syta) 21. Zahra (dba.). 22. Fatto (II, dba.)
9. Ayla b. Ali (23-25) 23. (10) Ali. Son fils Ab Bakr est le père d’mina, 1ère femme
asbá Yakubtó de Ménélik Iyasu
24. Fattó (III, dba.). 25. Nasró (dba.)
10. Birillé, esclave (26) 26. Ftumá (dba.)
11. Khadīja, Arabe (27-28) 27. (11) Ridwân. 28. Abubakr
12. Esma, Turque (29) 29. Ftumá (II, dba.)
13. ♀ non ident. (30) 30. Ibrâhim (III)
14. Sara, esclave éth. (31) 31. alīmá (dba.)
15. Kerito, esclave éth. (32-33) 32. « Unɖá » Ali (II). 33. Asummá
________________
ABRÉVIATIONS : d : décédé ; dba : décédé(e) en bas âge ; Af : afare ; Ar : arabe ; Eth :
éthiopienne. Pour les épouses, les chiffres font la liste d’unions souvent simultanées. La
numérotation en gras donne l’ordre de primogéniture des 11 fils ayant eu une postérité mâle.
Les chiffres romains entre parenthèses signalent des homonymies.

Les autres indications suivant le nom de chaque femme renvoient à leurs


enfants. Ainsi, Sidiyo (épouse somalie n° 6) a eu 5 enfants (n° 14 à 18).
Sans que la liste soit close, on dénombre 15 épouses ou concubines, 11
enfants ayant eu une descendance mâle sur un total (?) de 33 enfants (dont
20 garçons).
4. Homonymie. Les éléments de généalogie connus de l’administration
coloniale ne concernent que onze des enfants d’Ab Bakr « Pacha ». Ces
onze fils, on l’a dit, sont ceux ayant eu une descendance mâle. Ainsi, se
trouvent omis ceux n’ayant pas eu de descendance ou n’ayant eu que des
filles. Au nombre de ceux-ci, se trouve Buran, ci-après nommé « Buran
II » pour le distinguer de Buran bey (v.). Ce second Burán est parfois cité
sous le nom de Burantá mais cette variante afare de l’arabe Burḥán ne
doit s’appliquer qu’à Burán bey. Buran II a eu pour mère Sidiyo b.
Buln, Somalie Samarrn Abreyn (dont le nom est conservé en afar sous

37
ABÛSA

la forme Sudiyó, ou même Suddiyó). La femme de Burán II était


également Samarrn (Gadabbūrsi). Son nom qui semble perdu est parfois
confondu avec celui de Sidiyo. Avec cette Somalie, Burán II a eu une
fille, Gumá (également imá ou umá suivant la prononciation arabisée).
Celle-ci a été mariée à Âref (Obock 1885-Djibouti 31 mars 1968), père de
Ali, l’ex-président du conseil de gouvernement du TFAI. Le tableau ci-
dessous lève l’ambiguïté née de cette homonymie qui a trompé nombre
d’auteurs qui, de bonne foi, ont cru que la mère de Buran bey était
somalie, alors qu’il s’agissait de celle de Buran II. Ce dernier est né,
semble-t-il, après Abdulkâdir et avant usên (respectivement 13ème et 20ème
dans la liste p. 37). Le tableau généalogique ci-dessous montre la mixité
des lignages. Ftumá b. Slem b. Sliḥ, mariée à Âref b. Burḥán bey, est de
père arabe et de mère afare. Ali b. Âref, de père afar, a une grand-mère
paternelle arabe (l’épouse de Burán bey) et une grand-mère maternelle
somalie Samarrn (l’épouse de Burán II).

Descendance de Burán bey et de Buran II

[Arabe de Zeyla !] Ab Bakr [! Sidiyo, Somalie Samarrn]

Slem Burán bey Burán II


[! Arabe de Mokha] [! Somalie Samarrn]

F)uma ! Âref (d. 1968) ! Gumá (d. 1945)

Maámmad Ali (présid. conseil de gouv. du TFAI)


(né en 1917) (né en 1934)

S : Chedeville / Dawud b. Abdallah / Makki b. Arbâhim b. wali Abdulqâdir ; HHL (Naw.) ;


HL (in D.M., 1997 : 16, 103, 118) ; Rubenson (1987 ; 1994). L : Bardey (1981) ; Borelli
(1890) ; Davin (1888) ; Denis de Rivoyre (1887) ; Deschamps (1948) ; Douin (1939) ;
Fontrier (2003) ; Joint Daguenet (1992) ; Rimbaud (1954 : 447, 452) Soleillet (1886). Pour
une biographie détaillée de Ménélik Iyasu : Smidt (EA, III : 927-928).

ABÛSA
Pluriel de absúma (masc.) ; fém. absumá, du verbe abus « être de tribu
maternelle » : mâ kedó abūsitô, quelle est ta tribu maternelle ? (= mâ kedó
abussâ) ; « être neveu (absuma) par les femmes, être fils d’une femme de
cette tribu » : anú Dortimlá abūsiyó « je suis neveu des Dortimla ». Le
nom a plusieurs sens, selon qu’il est au masculin ou au féminin.
MASCULIN. 1. (Sud) Neveu (fils de soeur) : yābûsew, (*yi abūsa-ow = yi
absumaw) « ô mon neveu ! » 2. Fils d’une femme du groupe. 3. (Nord et
Saho) Petit-fils (= baɖí báɖa). FÉMININ absumá. Pl. abūsá, absummí. 1.
(Sud) Nièce (fille de soeur). 2. Fille d’une femme de la tribu du père. 3.
(Nord et Saho) Petite-fille (= baɖá-b baɖá). Le mot (m.) absúma, (f.)
absumá, (pl.) abûsa, selon le placement de l’accent, désigne un neveu né
hors de la tribu patrilinéaire, c’est-à-dire les descendants d’une sœur (à la
fois pour les hommes et les femmes de la tribu). Le terme s’emploie, en
outre, au figuré, à l’échelon des tribus, les abûsa d’une tribu étant les

38
ABÛSA

descendants des filles de cette tribu mariés au dehors, ou ceux des frères
des filles d’une autre tribu épousées dans la tribu. MARIAGE PRÉFÉRENTIEL
Au sens propre, pour un garçon, les enfants de son oncle maternel ne sont
pas ses abûsa, mais seulement ses abí ɖayló. Pour une fille, les enfants de
sa tante paternelle sont seulement ses anná-ɖ ɖayló. Le mariage de la
cousine croisée patrilatérale (fille de la sœur du père, pour un homme) du
cousin croisé matrilatéral (fils du frère de la mère, pour une femme)
caractérise les Afars qui sont apparemment les seuls à pratiquer ce type de
mariage préférentiel, en Ethiopie (Savard, 1966). Son extension actuelle
reste inconnue en l’absence de recensement fiable. Il semble encore
largement pratiqué dans le sud. Ce type d’union a eu deux buts, du moins
dans sa pratique traditionnelle : d’une part, assurer à tout homme, fût-il
pauvre, la chance de se marier au moins une fois ; d’autre part, ouvrir et
étendre la parenté, alors que le mariage de la cousine parallèle paternelle
(ammí baɖá), sur le modèle arabe, restreint cette extension, d’où le
proverbe (ci-après en orthographe afare) : absumâ digib, andorri maliiy ;
qammih baxâ digib, ramad mali « le mariage de la fille de la tante
paternelle (absuma) gêne la reproduction (on ne peut faire des enfants avec
qui l’on veut) ; le mariage de la fille de l’oncle paternel (qammî baxa)
n’étend pas la parenté (maré má fɖiɖɖa) ». Les Afars ont ainsi privilégié à
des degrés divers le mariage préférentiel entre cousins croisés.

Tribu 1 Tribu 2 Tribu 1 Tribu 2 Tribu 3

usēn Maḥámmad « Ardáytu »

Ali Ftuma " Makki Ali « Ablís » ♀ " Badoytá

Mayram Dābale amad Fatto aɖal-Mâḥis " ♀


# # #

Dans le schéma de gauche ci-dessus, Dābale a pour abûsa les descendants


de sa tante paternelle Fātuma, femme de Makki : amad et Fatto. Fatto a
pour abûsa Dābale (à qui elle revient de droit) et sa sœur Mayram. Par
contre, Mayram (fille du frère de la mère) n’est pour amad que sa cousine
maternelle (abí baɖá), et lui (fils de la sœur du père) n’est pour elle qu’un
cousin maternel (anná-b báɖa) parmi d’autres, non son absúma. Ils peuvent
néanmoins se marier. En l’absence de véritable procédure d’adoption,
l’intégration au groupe par mariage est le moyen privilégié d’élargissement
des alliances entre groupes patrilinéaires. On le voit dans les récits de
fondation. Badoytá, père des Badoytá-m mlá (v.) épouse la soeur de Ali
« Ablís », dont aɖal-Mâis (v.) épousera la fille. L’adage politique
insiste sur le rôle de ces alliances matrimoniales : nugus abuusay nabna
kah Yalli abe « aux descendants du roi [aɖal-Mâis] par les femmes,
Dieu a donné la grandeur ». Le schéma de droite montre comment ce
légendaire se conforme à un système exogamique autochtone. L’exogamie
ainsi pratiquée est à comparer à celle des Somalis du nord qui admet aussi
le mariage du fils du frère de la mère (inbti) comme de la fille du frère de

39
ABŪSÁ-MÁRA

la mère, sans que cette exogamie soit préférentielle. Dans les deux cas, les
cousins parallèles matrilatéraux (fils et filles d’une femme de la tribu
maternelle) sont interdits et appelés nangaltá (somali habar wadg). Dans
le nord du pays afar, comme en Awra et au contact des Sāho ado, on ne
pratique habituellement pas le mariage de l’absuma. On le pratique ailleurs
dans le nord, à Bôri, Têru, chez les erto. Sous l’influence arabe, et aussi
du fait de la paupérisation croissante, on tend à épouser sa cousine parallèle
paternelle (ámmi baɖá) pour conserver les biens dans la famille proche.
Cette solution procède des mêmes motivations que le lévirat (cf. D.M.,
2012b : 747-48). L’importance et l’intensité des liens de parenté créés par
la répétition, de générations en générations, de mariages entre abûsa
explique l’importance de la tribu maternelle (abīnó) dans un système
lignagier qui reste fondamentalement patrilinéaire, d’où un proverbe
comme : baxi boola hinnammay, absumi boola yoh maacin « ce n’est pas la
faiblesse du fils, ne me donne pas celle du neveu. » (On recherche la source
de la valeur ou de la faiblesse d’un individu, en la comparant, selon le cas,
à celle d’un de ses oncles maternels.) Le mariage de l’absuma est l’objet de
conflits, parfois dramatiques, notamment en ville où le choix du conjoint
est davantage guidé par les sentiments. Un cas fréquent est le mariage
arrangé entre une jeune fille scolarisée et son cousin illettré vivant encore
en brousse, et qu’elle refuse d’épouser. EXOGAMIE RESTREINTE. Selon les
tribus, l’exogamie préférentielle est plus ou moins large. Deux tribus
pratiquant un échange restreint sont dites abu-k abûsa litt. « oncle maternel
et neveux » ou ɖálak-ballís litt. « alliance de naissance » (v.). Le premier
terme désigne l’état de deux familles qui s’intermarient ; le second, plus
large, de deux tribus endogames. Ainsi, les Abddá, comptés parmi les
Adorásu (v.), sont ɖálak ballís des As-Maammadó (Abddá As-
Maammadók ɖálak ballísih tan). La fréquence de ce type d’union,
caractéristique des groupes pastoraux, est moindre en ville, mais difficile à
préciser faute de statistiques fiables.
ABŪSÁMÁRA
Groupe de tribus ‘Adohyammára (v.), formé d’éléments agrégés par
mariage. Alliés aux Badoytá-m mlá de la région sud de Bté.
Fractionnement. 1. Ldí-b buɖá (fractions entre Lêdi et Yáldi) ; 2. Nahár
buɖá (sur le Bussidîma) ; 3. Koboɖɖó (sur le Fúrsa, entre les deux autres).
Fractions rattachées : Asá buɖá (abitté) ; Datá buɖá ; Asá Edderkál ;
Baláw ; Asnuntó (d’origine Nassár) ; aysamlé (Murruntó, Magdalís,
Garratá, à Fúrsa et Yáldi). L’ancêtre des Absá-mára serait Umar
« Asgíru », second fils de ayís. V. Badoytá-m mlá.
S : HHL (Naw.) ; Chedeville (Afars).

ABU ŠAWRIB
De son vrai nom, Maammad al-arar. Cheikh enterré au cimetière Est de
Tadjoura. Contemporain d’Afkáɖɖa b. ásan (vers 1750-1800), il constata
que les principes et les tarifs de compensation du madá (v.) afar étaient
conformes au droit coranique. Les Kdiytó d’Áwsa se rattachent à lui (v.
Ská).

40
ADAËL

ADÂAL
Généalogie. Père de Gulubkêna et fils de aɖal-Mâis (v.) ou fils de
Gulubkêna et petit-fils de aɖal-Mâis (Albospeyre, 1959 : 108). De
Adaâl, descendent les trois ancêtres Adáli : 1. « Ayrolasé » ámmadu,
« celui qui resta en plein soleil », fâché d’être écarté du pouvoir, père des
Ayrolassó (v.) ; 2. « Ðogorré » Úmar, Umar le Chevelu, ancêtre des Adáli
proprement dits, par ses deux fils « Asá » Kâmil (sultanat de Tadjoura, v.)
et « Datá » Gúra (sultanat de Raaytó, v.) ; 3. Ulêl Abûsa Arbâhim (v.),
ancêtre des Adorásu (v.) et des Basmá (v.) par son premier fils
« Gaddalé » Ali, « Ali le Béni » ; ancêtre des Debné (v.) par son second
fils ámad « arák » ; ancêtre des Adáli de la « Godá des Songó » (v.) par
son troisième fils angallé.

Descendance d’Adâal

aɖál-Mâis

Adâal

Gulubkêna

Gallâmir

« Ayrolasé » ámmadu « Ðogorré » Úmar Ulêl Abûsa Arbâhim

« Asá » Kâmil « Datá » Gúra

Ayrolassó Sultans de Tadjoura Sultans de Raaytó Debné

S : HL (in D.M., 1991 : 97) ; Albospeyre (1959 : 108).

ADÁLI
Adáli d’origine. La métathèse est sans explication, mais certaine (v. les
Adáli de Têru, venus de Raaytó). Un petit groupe, dit « As-Adáli »,
compté avec les Asá Ablé, habite Biɖɖóli dans l’oued Maglé près de
Tadjoura. Distribution. 1. Adáli-k Maanɖíyta de úgub (entre les rivières
Gayssán et Kabbanâwa) ; 2. Adáli-k Darumá de Kkáy et à l’est de
Farré, qui sont des Dnitté de Tadjoura ; 3. Adáli de Nhó, ou Magénta (v.)
du groupe Ablé-k aysamlé (an lé Dába) ; 4. Adáli de Têru.

ADAËL
Usage administratif en Côte française des Somalis ; de l’arabe Adil,
pluriel arabe du nom afar (invariable) Adáli (v.). Après création de la
« circonscription administrative des territoires extérieurs, dite cercle des
Adals » (décret du 24 décembre 1930), l’arrêté du 28 janvier 1931 définit
trois cercles : Djibouti, Adaëls, Dikhil-Gobad. L’arrêté du 9 avril 1931 fixe
les limites des cercles et désigne Obock comme chef-lieu provisoire du
cercle des Adaëls. Le chef-lieu du cercle est ensuite fixé à Tadjoura (18
février 1932).

41
ADAL

ADAL
1. Sources arabes. 2. Sources éthiopiennes. 3. Etymologie. 4. Toponymie.
1. Sources arabes. Sous la forme Adal, nom d’une entité (pour la première
fois chez al-Dimašq, voir p. 19), d’abord indépendante, puis soumise à
l’Ifat (Awft), dont elle devient une des « cités mères » (al-Umar : 8#9).
Les chefs successifs de l’Ifat, de la dynastie arabe des Walasma, après
avoir soumis l’Adal (1288), s’en déclareront les sultans. Suivant la
chronologie établie par Cerulli (1931), du XIIIe siècle à 1519, les Walasma
sont sultans de l’Ifat et de l’Adal. Les coalitions qui se forment sont
dirigées par des Walasma, mais aussi par d’autres chefs, dont un certain
cadi 'li, venu du Harar ou de Zeyla, qui dirigera celle de 1333 qui
impliquera des « Harla » (v. Harálla). La mort du sultan aqq ad-Dn
(1386) dans une grande bataille au Choa, puis de son frère Saad ad-Dn
(1415) poursuivi jusque dans l’île de Zeyla par le roi d’Ethiopie, signent la
perte de la rive gauche de l’Awash. Ses fils se réfugient au Yémen, tandis
que l’Ifat disparaît. Le barr Saad ad-Dn, « pays de Saad ad-Dn »,
apparaît dans les chroniques arabes, en souvenir de sa mort héroïque. C’est
toutefois le nom d’Adal qui reste en usage chez les Ethiopiens puisque la
dynastie Walasma continue. Revenus d’exil en 1416, ses fils s’installent, à
partir de 1435, près de Harar, à Dakkar, avec le titre de « sultans d’Adal »,
et non plus de « sultans d’Ifat », zone désormais perdue. Ce faisant, les
Walasma vont respecter l’autonomie de la cité et de ses émirs et échapper
aux incursions éthiopiennes. De 1519 à 1531, le sultanat partage le pouvoir
avec ces émirs, ceux de Harar et ceux de Zeyla, qui sont Baláw (v.). De
1531 à 1567, le sultanat devient un imamat, avec Amed Ibrhm « Grañ »
(v.). Après sa mort (1543), sa première épouse, Dlé-wn-baɖá (v.), qui
porte un nom afar, promettra le mariage à son successeur, Nr b. al-
Muhid, neveu de son défunt mari. Une période de troubles (1567-1576)
voit l’alternance des émirs et des sultans, ce qui entraîne le départ vers
l’Áwsa (v.) de l’imam Maḥammad b. Ibrhm-Gsa. De 1577 à 1600,
l’Áwsa (v.) est aux mains de la famille d’Amed « Grañ » ou d’émirs
arabes. A partir de 1600, les Dardrá (v.) les remplacent. 2. Sources
éthiopiennes. Dans la chronique de Amdä 'əyon (1314-1344), Adl
() désigne la même principauté musulmane en conflit avec l’Ifat. Mais
l’Adal est nettement différencié de ce dernier et souvent associé à Mra.
Après avoir défait le chef de l’Ifat, 'abr ad-Dn, et l’avoir remplacé par
aml ad-Dn, le roi éthiopien Amdä 'əyon « entre de force dans ce grand
pays que l’on nomme Adal où les autres rois n’avaient pas pénétré »
(Perruchon, 1889 : 135). Au milieu du XVe siècle, la chronique éthiopienne
(Perruchon, 1893 : 131) confère le nom de « roi d’Adal » au chef de cet
Etat (avec pour capitale Dakkar, près de Harar), héritier de l’Ifat ; ce,
jusqu’au XVIIe siècle, pendant toute la période de conflits armés avec
l’Ethiopie chrétienne. II existe une mention secondaire de Marco Polo
(1295) qui confond Adal et Aden. Ultérieurement, Adl va constamment
désigner les Afars ― et les Afars exclusivement ― dans la tradition
éthiopienne, voir l’awraa « Adl, Issa, Gra-Guraa », nom d’un district
de la province du Harärgé jusqu’en 1975, où voisinent Afars, Somalis Issas

42
ADAL

et Oromos. La forme éthiopienne est utilisée en oromo : gammí adál « le


désert afar » ; en harari adal « les Afars » (cf. le pluriel amharique
adalč). 3. Etymologie. Le nom Adl est d’abord un usage éthiopien. Le
mot vient de l’afar Adâal (v.), l’ancêtre des Adáli (v.). La réalisation
[adl] en amharique conserve la trace de la séquence [a-dâ()al],
l’amharique ne réalisant pas la pharyngale sonore. De façon constante, le
nom Adl renvoie à une seule et même entité politique structurée sur un
territoire continu, quels que soient ses centres de gravité successifs (Ifat,
Harar, Áwsa), et où les Adáli devaient peser d’un poids politique suffisant
pour lui donner leur nom. Zeyla, en liaison avec Harar, a été un des pôles
de l’Adal, elle n’en a jamais été la capitale (v. Introduction) ; tout au plus,
comme à l’époque de l’émir MafP b. Maámmad (v.), mort en 1517, la
ville a-t-elle été la résidence de certains chefs importants. La confimation
en est apportée par une mention sur la carte d’Almeida (1662) :
Auçagurrele cabeça deste reino. Reino de Adel o que chaman Zeila « Awsa
(v.) Gurrele, capitale du royaume d’Adal que l’on appelle Zeyla ». Les
différentes transcriptions en arabe Adl (Cerulli), les pluriels Ail, Adil
(v. Adáli), adal al-umar (al-Umar, Maslik : 24) font problème. Cette
dernière est comprise comme « Adal des émirs » par Trimingham (1965 :
75). Gaudefroy-Demombynes, traducteur de al-Umar, propose, avec des
réserves, de lire adal al-umar comme l’association possible des deux
noms des principautés de -Adal et Mra, lesquelles sont citées
conjointement dans la chronique de Amdä 'əyon. On peut aussi imaginer
une graphie approximative de l’afar Adál mára « les gens d’Adâal » (v.
Mára), ou Adal mára « gens de Adal ». Le titre de « roi d’Adal » fait partie
de la titulature des rois du Choa et désigne spécifiquement la région de
l’Awsa. La mention « royaume Adal (ou Adel) » perdure dans la littérature
de voyage aux XVIIIe et XIXe siècles et dans la cartographie européenne
alors que les populations des territoires concernés ont perdu le souvenir de
cette entité politique. Il a pu être conservé dans la culture populaire.
Maxime Rodinson (1967 : 67) pense possible l’origine afare de plusieurs
zar éthiopiens qui portent le nom Adal : Adal Mondala, Adal Gwäšu, Adal
Qalləčča. 4. Toponymie. Adâal est le nom donné à un massif montagneux
à l’est de la plaine de Têru (v.). Les noms de lieux de l’Adal ancien, comme
de l’Ifat, tels qu’ils apparaissent dans les documents en arabe (Basset,
Cerulli) ou les chroniques éthiopiennes (Perruchon) ne correspondent pas à
la toponymie actuelle, bien que ces textes, notamment ceux qui relatent
l’itinéraire suivi par l’imam Amed « Grañ » (v.), décrivent le même pays.
Il s’agit de la vallée de l’Awash et des contreforts de la rive gauche. On
peut rapprocher les toponymes suivants, du sud au nord : Almalé avec
Arbabni (in Umar) sur le haut Awash ; Kuljr (in Umar, entre
Baqulzr (Mullú) et Šemm, partie du Choa actuel) avec Minr ; Ift
(-Awft, in Umar : 8) avec le pays Ablé et Adáli (v.) ; Gañ (v.) avec le
pays Gibdsó (v.) ; Lwó avec Dawwé (v.) ; Mra avec la région de Millé.
Ce que l’on peut reconstituer de la route suivie par le roi d’Ethiopie, lors de
l’expédition de 1333, situe son point de départ à Gl, au Dawro, sur le
haut Awash (1er juin). Après quatre jours de marche vers le nord, il est

43
ADÁRI

attaqué par les forces de l’Adal. Le 25 juin, « il traverse la grande rivière


Y-as » (l’Awash ?) et campe à Mora, qui peut être Arbá, au nord de
l’actuelle Awash Station (non Arba, à 38 km de Dire Dawa, sur la ligne du
chemin de fer). Amdä 'əyon campe ensuite « près d’une localité nommée
Ds (...) l’eau qui l’entoure est désignée sous le nom de Fur » (Perruchon :
146). On ne peut déterminer s’il s’agit du site de Gawwâni. Il existe
actuellement deux oueds portant le nom de Fúrsa, sur la rive gauche de
l’Awash ; l’un, au nord et parallèle au Gawwís, longeant la route
Kombola-Assab (km 78), l’autre, au nord-est de Bté. Ds figure sur la
carte Chaurand (1894) à la confluence awdé-Awash. Le 3 juillet, le roi
poursuit les combats vers Talag (l’oued Tallák ?). « Il traverse la rivière
Ekwa », qui pourrait être un autre nom de l’Awash, et est vainqueur à
Marmargub (Perruchon : 185). En afar, le nom gub désigne un enclos,
marmar renvoie au verbe « s’enrouler ». Il existe un oued Marmár en
amont de l’oued Uwwá-Gêga, au nord de la rivière Millé. D’autres traces,
même si elles restent conjecturales, méritent d’être relevées. Parmi les
toponymes cités dans la chronique de Amdä 'əyon (ci-après ') et dans
celle éditée par Cerulli (1931, ci-après C) : Gamarr (afar Gamárri ?),
Wagara)ala ; ' : Waragadal (afar wagar-ɖala « qui réconcilie » ?). C :
A)q) ; ' : A)qi) (afar adó gitá « chemin blanc » ?). C : ar(r)ih ; ' :
ar(r)i, ary (afar risá ?). On peut reconnaître sous (') Denkuelu, var.
Denkwe’alo, situées dans la région de « Zaln » (amharique zällan
« nomade » ?), l’afar Ðankalló ; sous Afardabo, Affará Dbá « les quatre
cols », vers le moyen Awash et dans le Harar (in Basset) ; Dabi (dábu
« abri ») vers l’oued Talag ; Feqramara, tribu de Zaln, « gens (mára) de
Faqrá » ; Gama’ala guba : Gammí alé-g gúba « le bas de la montagne
(alé-g gúba) de Gámmu ». Globalement, l’indication de La Roque à la
suite d’Alvares, selon lesquels le « royaume d’Adel » s’étendrait jusqu’au
cap Gardafui doit être relativisée. Elle décrit toutefois une constante
historique : l’Adal, avec pour centre la vallée de l’Awash et Harar, a dû
s’étendre à un certain nombre de cantons à l’est et au sud. Curle note qu’au
nombre des villes de l’Adal brûlées par Ləbnä Dəngəl, en 1527, devaient
figurer certains sites en ruines recensés dans l’actuel Somaliland.
L’ensemble de ces indices esquisse une cartographie de l’Adal, entité
politique multilingue, à substrat en partie afar, où l’arabe avait le statut de
langue de la religion et de l’écrit.
S : al-Umar (trad. Gaudefroy-Demombynes, 1927 : 24) ; Alvares (trad. Beckingham &
Huntingford, 1961 : 453) ; Basset (1897) ; Cerulli (1931, 1941) ; Curle (1937 : 326) ; Kropp
(1994) ; La Roque (1716 : 80) ; Perruchon (1889 : 135, 146, 185 ; 1893 : 131-133) ;
Trimingham (1965 : 75). Pour la bibliographie complémentaire, voir EA I : 71-72.

ADÁRI
Nom en afar de la ville de Harar, sans doute repris de l’oromo. Désigne
métaphoriquement « le gouvernement éthiopien », l’« Ethiopie » au sens
large (D.M., 1991 : 76, 129, n. 90) : dabá tengeyyêh Adáril / Nugsá
tengeyyêh ni Kalól « Des cultivateurs d’Ethiopie se mettront en route pour
nous aider / Les chefs de la Kaló interviendront. » Survivance de l’époque
où Harar et Áwsa étaient inclus dans le territoire de l’Adal, un certain

44
AD‘ÁLI-K SĒKÁ

nombre de termes de titulature harari sont passés en afar et en somali :


malq (afar malák « vizir du sultan de l’Áwsa ») ; gard (le mot figure
dans la titulature des Harálla et en somali) ; kabr (afar kábir), avec le sens
d’« instruit, savant ». Le mot, d’origine arabe, est employé à l’endroit des
chefs religieux musulmans (v. Kabirtó). D’autres termes du lexique
commun (martó « pagne »), de botanique (sublá « jujubier ») se retrouvent
en afar et en harari. Voir également l’étymon couchitique *bad-V: afar
bɖó (v.) « pays », bedja báde (badó-b), avec le sens de sol argileux (afar
badó « terre blanche, kaolin ») ; harari badi.
ADÁLI
Tribu des sultans de Tadjoura (v.) et Raaytó (v.). Etymologie. Le nom
Adáli (dérivé d’Adâal, v.) pourrait être bedja, via le tigré (Beni-Amer).
Dans cette langue, le préfixe ad (ad, dans les variétés influencées par le
bedja qui ne réalisent pas la pharyngale sonore) entre dans les noms de
lignages (voir les Ad-Ali, Ad-amad Bat d’Agordat, qui pratiquent la
même alternance dans la dévolution du pouvoir entre deux fractions,
comme à Tadjoura (v.) et Raaytó). En bedja, áda désigne la vulve. On
voit le parallèle possible avec l’afar abûsa (v.), dérivé du verbe abús, lui-
même issu de bus « vulve, vagin ». Plusieurs tribus ou fractions (voir les
Afará) utilisent le nom sambó « bas-ventre, région pubienne », à
commencer par « Sambollakóli », l’ancêtre des Dammohoytá. On entrevoit
ici une même référence à un système matrilinéaire couchitique qui, au
contact des populations sémitisées, a pu évoluer vers la patrilinéarité, la
langue conservant toutefois la trace de ce rôle éminent de la lignée
maternelle (abnó). Cette transition était sans doute déjà en cours lorsque
les sources classiques arabes firent état du matriarcat de la société bedja,
alors qu’il fallait plutôt reconnaître un système où les biens (non le
pouvoir) étaient transmis des frères des femmes aux frères de leurs filles.
Les pluriels arabes Adl, Adil désignent les tribus bédouines qui, à partir
de la seconde moitié du XVIIe siècle, pénètrent en Áwsa, appelées par les
Harálla (v. Áwsa). La forme Al (Cerulli, 1931 : 76, 84), avec une
interdentale sans explication certaine, désigne toujours des Afars, mais
d’une autre origine que les sédentaires de l’Áwsa. La toponymie montre
que ces groupes bédouins, notamment les Mdaytó, provenaient de l’est du
territoire Adáli, dit « Adal II » (v. Introduction), qui avait donné naissance
aux sultanats de Tadjoura et Raaytó. L’autre pluriel arabe, Adil, a
influencé la forme « Adaël » (v.) utilisée par l’administration française,
parallèlement à Dankil (v.). Le somali Odáli connaît une étymologie
populaire : Odey Ali « (les enfants du) vieil Ali » (v. Adáli).
Adálik Gallaaddó v. Garaysá
AD‘ÁLIK SĒKÁ
Chefferie du sultanat de Raytó (v.) dont proviendraient la plupart des
Ská (v.) de la côte, dont les lignages Mhiytó (aînés), Sek-Aliytó, Sek-
Maammadó (branche possible des précédents), Asá Ská, Maam-
madkantó (v.).

45
AD‘ÁLLOM

AD‘ÁLLOM
Etym. *Adali lon « ceux qui ont (en commun d’être) d’Adáli ». 1. Titre
des sultans de Tadjoura et Raaytó (v.). Pl. adallmá. Le titre apparaît
dans la chronique du cheikh ln à propos des événements de 1784 en
Áwsa (v.). Il figure dès 1690 dans la généalogie des sultans de Raaytó.
Var. adállum, sans rapport avec állum « vautour Néophron » (Parker,
1985 : 30). 2. Adallóm-dbá (ou Dabbá) « le col des sultans (de
Tadjoura) », au débouché de l’oued Maglé.
ADDALEGÚB
Etym. addá le gub « camp profond ». Derrière Gargôri, au nord-est de
l’Áwsa. Résidence du sultan Maámmad « Illálta » où fut signée, le 15
mars 1883, avec le comte Pietro Antonelli (1853-1901), au nom de l’Italie,
la « convention d’amitié et de commerce de Hadelè Gubò ». Parti d’Assab,
le 10 janvier 1883, après être passé par Meɖgebɖá, Antonelli atteint
l’Áwsa, puis le Choa, et revient par la même voie, après la signature d’un
accord semblable avec Ménélik (le 22 mai 1883). La convention de 1883
avec le sultan d’Awsa est transformée en traité de protectorat, le 9
décembre 1888, ratifié le 13 novembre 1889.
S : HL (in D.M., 1991 : 33). L : la notice de Puglisi (1952 : 18-19) sur Antonelli est plus
complète que celle de Marco Lenci (EA, I : 283) ; Lupi (2008 : 663-664).

ADDÔKUM
Egalement Addûkum. Tribu à laquelle appartenait Maammadé qui
conduisit la défense de Tadjoura (v.) lors du pillage et de l’incendie de
1866 par les forces de l’Áwsa. Ce Maammadé était le père de la mère de
Maammadé b. úmmed, chef des Datá Ablé. V. Magán, Mayrádi.
S : HL (in D.M., 1997 : 36) ; D.M. / Maammadé b. úmmed.

« AD SALEH »
Terme choisi par Pollera et Odorizzi pour désigner les Somalis (v.) afarisés
installés dans les îles du Bôri-k baddí máru « le cercle de la mer de Bôri »
(v.). En 1887, le chef de Baká est un Somali, cheikh Sla b. Ámad qui a
compétence sur les îles voisines.
S : Odorizzi (1911 : 249-50) ; Pollera (1935 : 255).

AÐAYTÁ
Selon la légende, Aɖaytá, l’ancêtre des Mafâ et des Gallá (v.), aurait été
un « Galla » (v.) captif des Ayrolassó, les aînés des Adáli. Sa tombe à
Aɖaytá-k kábri (aussi Aɖaytá-k masgíd) est située au nord de la plaine de
Gaggadé. Péri (1938) conteste qu’il fût l’ancêtre des Mafâ, cette tribu étant
soumise aux Songó (v.) avant la venue de aɖal-Mâis. Le souvenir des
exploits guerriers d’Aɖaytá a été conservé. Légende. On rapporte qu’il fut
blessé au ventre dans un combat avec un « Galla » (v.) qui lui avait dit :
Gurúl tábtu, bus koh « essaie de t’approcher de ma vache Gurú (grosse
comme un rhinocéros gurú), je te transperce ». Aɖaytá fut vainqueur.
L’incident donna naissance au nom de la localité de Gorabous (Gurú-b
bús). Les intestins à vif, Aɖaytá se lia le ventre au moyen d’une bande
d’étoffe (br) qui rendait sa blessure invisible. Les Afars qu’il commandait

46
AFAMBÓ

se replièrent sur le Gaggadé où ils manquèrent d’eau. Aɖaytá frappa le sol


du talon de sa lance, au lieu-dit Gaár. L’eau jaillit. On célébra par des
chants l’endroit où le prodige avait eu lieu, comme gad ellé aben gadé
« l’oued (gadé, mot usité en saho) où l’on a fait gad », donnant son nom à
la plaine de Gaggadé2. Au nord de celle-ci, près de es Dbá « le val de la
honte » (là où un homme avait eu des rapports interdits avec sa cousine
utérine), Aɖaytá dit, de façon allusive : Bagí kak radé marí yan kâ « sans
doute y en a-t-il dont les viscères pourraient tomber ». Il dénoua sa ceinture
et dit dans un dernier souffle : « Enterrez-moi. » Généalogie. Aɖaytá est le
père de Mafáy et, après lui, Aláy, Aɖkál, sans relation précise avec
Amáysi (v.). Sa descendance inclut les Aɖkáltó, Mafâ et Dbá-m mlá.

Descendance d’Aɖaytá
Aɖaytá

Aɖkál Mafáy
Goytamáli

Adán ámad Maámmad

Ilokkotó ámaddó (Baádu)

S : HL (in D.M., 1991 : 46).


AFAMBÓ
Etym. « La porte (afa) du dourah (ambo) » : du pays du grain. L’Áwsa est
souvent surnommé (ayté bɖó « le pays rassasié »). 1. Point de passage
vers l’Áwsa, au sud du lac de Uddúmma, entre deux lignes de crête
sensiblement Nord-Sud, l’une appelée Orbekála, l’autre Witá. 2. Nom du
poste français construit sur la croupe de Badiltó, en deçà de la passe
d’Afambó. Histoire coloniale. L’occupation d’Afambó, le 8 mars 1943,
par le peloton méhariste (v.) du anlé, découle de l’interprétation par
l’administration française de la convention de 1897 signée avec l’Ethiopie,
et de l’invasion italienne rendant vulnérable la frontière de la CFS, et
nécessitant de contrôler la ligne des lacs d’Áwsa. La convention de 1897,
signée entre Lagarde et l’empereur Ménélik, établissait notamment que :
La frontière de la zone côtière conservée par la France comme possession
ou protectorat direct sera indiquée par une ligne partant de la frontière
franco-anglaise à Djalelo, passant à Rahélé, le mont Daguen, Sablola,
Gobad, Airoli, le bord du lac Abbé, Mergada, le bord du lac Alli, et de là
remontant par Daïmoli et Adghéno-Marci, puis gagnant Doumeirah par
Ettaga en côtoyant Raheita. Il reste bien entendu qu’aucune puissance
étrangère ne pourra se prévaloir de cet arrangement pour s’immiscer, sous
quelque forme que ce soit, dans les régions situées au-delà de la zone
côtière française. (...) Le lac Assal étant l’héritage de l’empire d’Ethiopie, il
est convenu que l’on ne défendra jamais de prendre dans ce lac le sel
destiné à l’Ethiopie.

2. L’éloge de l’oued (daár sré) est un genre poétique.

47
AF‘ARÁ

L’arrangement ainsi conclu reconnaissait implicitement deux zones ; l’une


dite « de protectorat direct » où la France exerçait son autorité ; l’autre,
présentée par Lagarde dans sa correspondance avec Paris comme la « zone
intérieure », de statut imprécis, confiée à l’Ethiopie et à la France, dont les
intérêts étaient communs face aux prétentions anglaises (dépêche de
Lagarde, 12 mars 1897). La convention reconnaissait, de fait, des droits de
protectorat direct sur une profondeur d’environ 100 à 150 kilomètres de
Djibouti, avec pour limite, à l’ouest, la ligne des lacs d’Áwsa, mal situés
sur une carte approximative. Cela revenait à inclure le quart oriental du
sultanat d’Áwsa, qui se trouvait de facto autonome depuis 1912, avec son
potentiel agro-pastoral qui faisait défaut au territoire français. A partir de
l’année 1928, qui marque le début de la pénétration de l’intérieur de la
colonie, la France ne se contenta plus d’occuper les gares du chemin de fer
franco-éthiopien. La ligne des lacs d’Áwsa fut considérée comme la
frontière naturelle de la C.F.S. En 1935, avec la mort de l’administrateur
Bernard (v.) au-sud-ouest de cette frontière, la question de la sécurité se
trouva posée. Le gouvernement éthiopien suggéra au gouverneur de
Djibouti l’occupation de certains points par des détachements conjoints
français et éthiopiens. Il n’y fut pas donné suite. A partir de 1938, l’Italie
qui s’appuyait aussi sur le traité de protectorat non abrogé de 1888 signé
entre le sultan d’Áwsa et Antonelli (v. Asáb) prit pied dans la « zone
intérieure ». L’armistice de juin 1940 imposa comme frontière provisoire la
ligne occupée au moment de sa signature, après un repli général dicté,
compte tenu des forces de la colonie, par la défense prioritaire de Djibouti-
ville. Après le départ des troupes italiennes d’Ethiopie (juillet 1941) et le
ralliement de la colonie à la France Libre (décembre 1942) la reprise de
contrôle des frontières fut organisée et réalisée sur le terrain par le capitaine
Chedeville, marquée par l’établissement d’un poste à Badiltó (mars 1943),
près d’Afambó, à un kilomètre de Ðer-Kmá (Mergadá) évacué en mai
1940. L’objectif était d’établir une défense sur la ligne des lacs Abbé (Abé
bad), Iita (Iiytá-b bad), Oddouma (Uddummí bad), en passant par le
rebord occidental du plateau de Gamárri (v.). Cette occupation fit l’objet
d’une contestation immédiate de l’empereur, comme du sultan d’Áwsa,
ainsi que du Political Officer d’Assab venu sur place le 22 mars 1943.
Précédé par le vizir Yayyó b. ámmadu, le 15 mars, celui-ci vint protester
en personne auprès du capitaine Chedeville. Le 5 septembre 1945, la
France et l’Ethiopie mirent en place une commission mixte de délimitation
des frontières qui aboutit au protocole du 16 janvier 1954 modifiant le tracé
frontalier, et donnant droit aux demandes éthiopiennes en faisant partout
reculer la frontière de la C. F. S., en deçà des lignes de crêtes.
S : Cercle de Dikhil (note n° 159) ; id. note du 7 avril 1943 ; Chedeville (note du 7 avril
1943). Min. Colo. Djibouti, Aff. Milit. 1006.

AF‘ARÁ
Tribu Asahyammára descendant de Môday le Arbâhim (v.), d’abord
nomade vers Têru et vers Dalí Dbá, au sud de Baylûl ; puis sédentaire à
Ðagaddó et à Baylûl où elle a supplanté les Dankáli Fdiltó, branche
héritière du royaume dont elle porte le nom connu dès le XVe siècle.

48
AF‘ARÁ

Les Afará occupent la zone de Oggánni, entre Baylûl et le bord de mer ;


Dári, sur la côte, au nord-est de Baylûl. Rs Darmá est la limite avec les
Anklá. La généalogie des Afará se confond avec celle des Aggínni (v.)
dont ils partagent le cri de ralliement (itró). A Baylûl, Aggínni s’emploie
alternativement à Afará. Les fractions Afará issues de Mmináytu « fils de
Mminá » insistent sur la lignée matrilinéaire. A part les Afnādó-s sárra
« descendance de Afnādó », les autres lignages portent, accolé, le nom
sambó « bas ventre », « région pubienne » (voir p. 45).

Généalogie et distribution des Afará-Agginní


Môday le Arbâhim

Arbâhim

Gulúb-Kêna Gulúb Maysará Sinám mudá » ámad

« Datá » Mômin

Áli Âlim Arabtá

Afaráytu (Afarár)

Arbâhim

Orrosó

Quddallá

Mmináytu

Artáa Afndó Erremagán

Ibró Glí-ámad Afasó Doyrán Wágab Solôman


(éteints ?)
Ali Afarayyúli ? Mad « Dlai » Sālím

Maámmad Ali Darsá Solôman ásan

Farradé Aytilé Īsá Maámmad Ali Ibrâhim Ali


Dató Umár Mad Solôman Mantá Mamûd Doyrán
« Adó » Ali Skó Īsá Gúra Ali Adan Ali
Kafinná Umár Ibrâhim Arbâhim Īsé Maámmad Sek-Doyrán
Mūhéyta Mad-Saīd Sek-âmid usên

Afndó-s sárra Ibró-s sambó Gli-ámad sambó Doyrán sambó


(Millé) (Baylûl) (Awrá) (Kaló) (Baylûl)
Aggínni Afará
S : Chedeville / HHL ; cheikh Doyran b. Ali b. Doyran.

49
AFBÊḤA

La liste généalogique énumère les chefs des sous-fractions, parmi lesquels


Maámmad-Saīd, chef à Baylûl en 1975, et Īsé b. Ali (Doyrán-sambó),
son wakîl à Baylûl. La branche descendante de Wágab b. Erremagán
(distribuée à Baylûl, Têru et Âdu) ne sera pas confondue avec la tribu
Wagáb (v. Allôma, Kobortó).

AFBÊḤA
Var. afbíḥa, Nord (f.) afbḥá, afbḥá. Parents à plaisanterie (litt. *afti biḥa
« pudeur orale »). Sing. afbḥáytu, affeḥáytu. Relations de réciprocité
marquées par la familiarité et l’absence de préjudice correspondant à ce que
l’ethnologie appelle « parenté à plaisanterie ». L’état d’afbánnu impose
quatre devoirs (énumérés ci-après en orthographe afare). 1. Donner tout ce
que le parent à plaisanterie demande (usuk faxinnaanim kaah abta) ; 2. Ne
pas se quereller jusqu’au sang (afbeecayti qabal ma meqe) ; 3. Ne pas
l’insulter autrement que pour plaisanter (furgatah xagtaanah nummah ma
xagtan) ; deux parents à plaisanterie ne se fâchent pas quand ils s’insultent
(afbeeca xagot ittak ma certa, prov.) ; 4. Ne pas se fâcher durablement
(kaxxa naqabu ma tanqiba). Un homme, afbáytu d’un autre, peut lui
« emprunter » ce qui lui plaît. Le mariage entre parents à plaisanterie est
généralement interdit. « Asá » Gaás, ancêtre des Dammohoytá Gaassó de
Bôri, et « Asá » Dawúd, ancêtre des Asá Waddó étaient nangalta (fils de
deux sœurs), d’où leur afbánnu passée en proverbe : Dammohoytaa kee
Waddo, afbeeca ; afbeecah yeneenik, titta xaafaanah « Dammohoyta et
Waddo sont parents à plaisanterie, ils peuvent donc s’injurier ». Celui qui
transgresse ces règles se voit accablé de malheurs : numma nangali koh
warsaah, buta afbeecayti koh warsa « ton cousin te dit la vérité, ton afbêa
te dit ton mauvais œil ». Quand ceux-ci se produiront, le fautif en conclura :
afbeecayti yoo yiqintireh « mon parent à plaisanterie m’a maudit ».
J’appelle yabsúma « mon neveu » les enfants des filles de la tribu afbêa de
la mienne. Ceux-ci m’appellent yábu « oncle maternel ». La parenté est
présentée sous la forme généralement de binômes dont la formation est
souvent inconnue. Pratiquement toutes les tribus sont afbêa d’une ou
plusieurs autres. Deux tribus peuvent l’être d’une troisième sans l’être entre
elles deux. Elle peut concerner des tribus localisées ou des groupes
territoriaux de large extension. Exemples de tribus afbêa : 1. Ablé et
Adáli, dont arká-m mlá et Ayrolassó. 2. Ulutó et Addôkum. 3. Mafâ et
sbá. 4. Adáli et Addôkum. 5. Adáli, Balawtá et Bollí buɖá. 6.
Maanɖíyta et Dhí-m mlá. 7. Mdaytó, Gambél et Ulutó. 8. Ulutó et
Gáldod. 9. Badoytá-m mlá et Maanɖíyta. 10. Abná, Dúna et Maanɖíyta.
11. ádo (Sahos), Gannintó, Dhí-m mlá, Anklá, Maanɖíyta, Misgidí.
12. aysamlé, Waddó, aysantó, Gidintó, Dammohoytá. 13. aysantó et
Mdîma. 14. Nassár et Muhtó. 15. Naggartó, As-Mmintó, Dankáli. Les
Dúlum (v.) sont sans afbêa. Les récits légendaires qui expliquent l’origine
de l’afbánnu entre deux tribus montrent sa complémentarité avec
l’alliance matrimoniale (ballís). Les Badoytá-m mlá sont parents à
plaisanterie des Maanɖíyta et absá « neveux par les femmes », des Ablé,
puisque formés d’éléments agrégés à la suite du mariage de l’ancêtre

50
AFTÁL

Badoytá avec la soeur de l’ancêtre des Ablé (v.). Dans le cas des Adáli,
Balawtá (v.) et Bollí buɖá, l’afbánnu a une origine directement politique.
Dans deux cas au moins, elle concerne des populations étrangères : les Issas
Horrné sont afbêa des Faditté. Elle a aussi concerné les Somalis Éli,
rattachés aux Gadabbrsi, et les Adáli (« Odaáli » en somali) qui, dit-on,
contractèrent une alliance (way sadqisteen).
AFÐĒRÁ-B BAD
Le lac « à la longue pointe (af ɖrá) », situé à 140 mètres au-dessous du
niveau de la mer, en pays Ðoɖóm (v. Giulietti). Afɖrá est le nom du mont
immédiatement au sud du lac. La forme « Egogi » par laquelle Nesbitt
(1934 : 394-396) désigne le lac Afɖrá n’a pu être confirmée. On la
retrouve sur la carte italienne de 1936. Peut-être, mais ce serait quoi qu’il
en soit un usage marginal, l’explorateur italien a-t-il entendu aggóli « qui
contient peu de liquide » (aggó). La découverte du lac a été revendiquée
par Franchetti, Vinassa de Regny et Nesbitt (cf. Luca Lupi, 2009 : 1099-
1104 ; 1105-1110).
L : Carta dell’Africa Orientale Italiana (1936, feuille 8).

AFFARÁ ÁWDI
« Les quatre enclos ». Groupement de tribus du Songó-g Godá incluant
Darumá, Ayrolassó, Mafâ, Garaysá, Gittrissó. Cette gestion commune du
pâturage délimité par des murettes est héritée des Songó (Chailley, 1980 :
74). D’autres tribus ou fractions s’allient à quatre. Chez les Debné : les
arká-m mlá, Ankáli, Ayrolassó et Garaysá. Chez les Adorásu : les
Mirgantó, Umartó, Fditté et aysamlé. Dans chacun de ces
groupements à quatre, ont existé des fimá, généralement deux, l’une
composée des jeunes, l’autre des adultes. Chez les Adorásu, les fimá-t
abbá étaient choisis, l’un parmi les Mirgantó, l’autre parmi les Umartó.
Chez les Songó-g Godá, les chefs des deux fimá étaient pris parmi les
Adáli : Awekála « ceux qui ne reculent pas » (les aînés), aussi appelée
kaɖɖá fimá, et Đnekála « qui ne s’endorment pas » (unɖá fimá).
AFKÁÐÐA ÁSAN
Dit « Kaɖɖá » Afkáɖɖa. De tribu Ayrolassó, Afkáɖɖa b. ásan est un des
principaux codificateurs de la madá (v.). Egalement combattant, il a
participé à l’expédition menée par un contingent yéménite en Áwsa (v.) qui
se heurta aux Mdaytó et aux Gallá en 1784-1785 (voir Annexe II,
Chronique de l’Awsa, p. 396, parag. 10). Ses fils sont les Afkaɖɖitté. Il
possède une descendance chez les Oromos où il allait rendre la justice.
S : HHL (Naw.)
Afké-k Madá v. Baḥrá Kadá
AFTÁL
Egalement Aftáli. Nom afar de Zeyla, forme identique à celle en harari.
L’autre forme, Awtál, semble ne pas se confondre avec la ville de Zeyla,
mais plutôt correspondre au « pays de Zeyla », que jouxtait au sud-est la
privince de Sm, commandée par les Balaw (v.). Áwdal, nom de Zeyla en

51
AGRÁF

somali, remplace, depuis la fin des années 1980, le góbolka Woqyi


« district du nord » et s’applique à la région de Zeyla. La région adjacente
du Somaliland est dite góbolka woqyi galbd « district du nord-ouest »
(Mogadiscio étant au centre théorique de la carte). Mais, pour les Issas
côtiers, l’Ouest (galbd « le couchant ») est la région de l’Awash. Pour les
Somalis de Hargeysa, l’Ouest correspond à la direction de Jigjiga. Quand
cette ville fut occupée en 1977 par le Western Somali Liberation Front, on
chanta Galbeed waa la xorreeyeey « on a libéré la Somalie occidentale ».
Autre topo. : Aftalí lá, puits près de Tadjoura (v. Dêla). Aftlé Ári « la
maison de Zeyla » désigne le Baudrier d’Orion (v. Mafgadá).

AGRÁF
Etym. *agrí af « le débouché du brave ». Au bas de l’oued Maglé, à
l’ouest de Tadjoura, lieu d’un incident, le 17 avril 1928, quand des soldats
de la Milice indigène, revenant de la corvée de bois à Ikkiytá, essuyèrent
les tirs d’un groupe afar commandé par Maámmad « ró » b. Seém
(Adáli Dnitté).
AḤMED « GRAÑ »
1. Origine ethnique. 2. Parentèle.
Amed b. Ibrhm « alz » (1506-1543). Connu sous le sobriquet de
« Grañ », le Gaucher (amh. Ahmäd graññ), l’imam et chef de guerre de
l’Adal (v.), dont les raids dévastateurs (1527-1543) faillirent emporter
l’Ethiopie chrétienne, intéresse l’histoire afare à deux titres : son origine
ethnique et sa parentèle. 1. Origine ethnique. La question de l’origine
d’Amed « Grañ » s’est trouvée reposée par l’historiographie anglaise,
singulièrement par Lewis et Huntingford, lequel a fait du chef de l’Adal
« a Somali leader » (Huntingford, 1955 : 19). Si l’on interroge les sources
incontestables, soit celles antérieures à la formation du nationalisme
somalien, on peut rétablir les faits suivants. Suivant le Fut al-abaa
(trad. Basset : 255), Amed « Grañ » était d’origine Balaw (v.). C’était
donc un Bedja arabisé. Il appartenait, dit le texte, à un groupe descendu du
Tigré « au temps de Saad ad-Dn » au XIVe siècle. Cette mention de son
origine géographique et tribale doit être tenue pour la seule fiable. Elle
annule toutes les interprétations postérieures1. Deux remarques peuvent être
faites à propos de ce sobriquet de « gaucher ». La première est qu’il est
d’origine éthiopienne (voir la chronique traduite par Conti Rossini en
1894). Le caractère apocryphe de la forme somalie Amed-Guray,
« Amed-Gaucher » ressort de l’analyse grammaticale en étant le décalque
de la forme adjectivée éthiopienne Amäd-Graññ. En outre, dans la
chronique arabe (Basset, ibid. : 72), le surnom de gaucher n’est pas donné à
l’imam, mais à un Somali Habar Magdi, homonyme de l’imam, Amed
« Guray » b. usayn al-mli. Dans sa communication à la première

1. Souvent fondées sur des textes apocryphes ou remaniés, comme cette édition du Fut
al-abaa, publiée au Caire vers 1970, et expurgée des mentions dépréciatives à
l’endroit des Somalis qui figurent dans l’édition originale de Basset (1897), la seule qui
fasse référence.

52
AḤMED « GRAÑ »

conférence internationale des études somalies à Mogadiscio (1980), I. M.


Lewis écrit, non sans ambiguïté, à propos des Marran, clan de l’ex-
président Siyad Barré :
The Marrehan and the Habar Magadle [Magdi] also play a very prominent
role (...). The text refers to two Ahmad’s with the nickname « Left-
handed ». One is regularly presented as « Ahmad Guray, the Somali » (...)
identified as Ahmad Guray Xuseyn, chief of the Habar Magadle. Another
reference, however, appears to link the Habar Magadle with the Marrehan.
La seconde remarque concerne la valeur dépréciative qu’a la gauche dans
un contexte musulman, notamment en somali, autre indice du caractère
tardif du calque lexical « Amed-Guray ». Par contre, si l’on retient
l’origine Balaw (donc Bedja) de l’imam, indépendamment du fait que ce
dernier était effectivement gaucher, cette mention de « Gaucher » est
conforme à la titulature ancienne, pré-islamique, des Bedjas, encore
conservée dans les contes populaires où le roi des animaux, le Lion, est
« Lion le Gaucher » (talhá-b). Il reste à déterminer ce que ce concept de
gauche recouvre. V. Klíb. On remarque que la forme bedja Ahmed-Talháb
est appositive, comme le nom du lignage afar adarmó (v.), d’origine
bedja, Awli-Gúra, littéralement « Tuteur la Gauche ». L’origine Balaw de
l’imam de l’Adal est indirectement confirmée par le fait qu’après sa défaite,
c’est dans le pays de Mazaga (de Daka), fief Balaw, sans doute dirigé par
des groupes différents de ceux qui descendirent du Tigré vers l’Adal au
temps de Saad ad-Dn, mais alliés, que sa veuve Dlé-wn-baɖá (v.) se
réfugie en tentant une nouvelle offensive. Avant de piller Axoum, l’imam
campe chez les Balaw du Tigré (Basset : 420-21). Bien qu’encore répétée
(EA, II : 1034), l’origine somalie de l’imam est ici contredite. 2. Parentèle.
Le nom afar de Dlé-wn-baɖá, qui montre l’afarisation de la classe
dirigeante de l’Adal, introduit à la seconde question de la filiation de
l’imam Amed, quand la chronique (Basset, ibid. : 111) précise :
Alors [l’imam] Amed divisa l’armée en trois parties : la première
composée de tous les Somalis, à qui il donna pour chef Mattn [« jumeau »,
en somali] ; la seconde formée par des Harlah, commandés par le sultan
Mohammed, fils d’une tante maternelle de l’imam ; la troisième, celle des
Malasaï, gens habitués aux expéditions et à la guerre sainte, en qui il avait
confiance dans le combat, vaillants héros parmi lesquels était l’imam.
On sait qu’un groupe arlá est intégré dans la descendance de l’aîné des
Issas (D. M., 1991 : 40). Mais, nettement dissociés des Somalis dans la
chronique, ces « Harlah » sont à rapprocher des Harálla (v.), Afars
sédentaires de l’Áwsa, ayant des contribules au Harar, à une époque où
Harar et Áwsa faisaient partie de l’Adal. Logiquement, c’est dans l’Áwsa
afar que le petit-cousin de l’imam Amed, Maḥammad b. Ibrhm-Gsa,
héritier d’une triple filiation, politique (Walasma), paternelle (Balaw),
maternelle (afare Harálla) se réfugie en 1577.
S : Abdallah b. Mohammed b. Kâmil (1975) ; Basset (1897 : 207) ; Conti Rossini (1894 :
24) ; D.M. (1997 : 8-13 ; 1999 : 30) ; Trimingham (1965 : 84-90).

53
AKÁDAR MAKĀNÓ

AKÁDAR MAKĀNÓ
Ancêtre des Makâni, Akádar ou, pour les arabisés, Aádar, est enterré à
Awán (v.) dans la péninsule de Bôri. Les Makâni se sont dispersés à Bté,
en Erythrée à Bôri, Baylûl, Keren et Agordat.
ALALÓ
Tribu Asahyammára du Dôbi et d’Aygāúrri près de Iddeytá. Les Alaló se
rattachent au cinquième fils d’Amáysi (v.) avec deux lignages : Asāgíru et
Sek-Alitté. Ils sont comptés dans la chefferie Lubak-Kubó-k Mdaytó avec
des éléments Darumá, Ulutó, Mādīmá. Des Alaló sont présents chez les
Arabtá de Saá et les Damblá-k Mdaytó du Kaló ; avec les Magentá. La
seconde femme du sultan Maámmad « Illálta » (v.), Fātumá, était Alaló.
ALAYTÓ
Tribu d’origine Badoytá-m mlá Adohyammára venue de la région de Adó
Alé, près d’Assab. Présente en Áwsa, parmi les Arabtá-k Asabbakári
(Asahyammára), auxquels elle paie une redevance pour le pâturage.
Alḥissó v. Ayfaraḥ
ALSILŌWÓ
1. Calendrier solaire. 2. Calendrier luni-stellaire.
« Calendrier », litt. compte (lwó) de mois (alsí). Le nom álsa « mois », pl.
alsitté, est opposable à alsá « la lune ». En se fondant prioritairement sur le
compte des mois, il ne semble pas que les Afars aient connu la division du
Temps en semaines antérieurement à l’islam. En outre, pour une population
majoritairement pastorale, la saison des pluies (karmá) étant l’événement
majeur de l’année (arabo-afar sanát ; afar liggidá, de *l-h gidá « quantité
d’eau »), c’est à l’observation de ces dernières — et trop souvent leur
absence — qu’est associé le compte des années et la remémoration des
événements principaux, dont la naissance et la mort. L’emprunt arabe
dabán (zamn) « temps » connote l’idée de disette, v. Amána. Les noms
des jours et celui de la semaine (áyyam) sont empruntés à l’arabe. Malinó
« les Sept » ne semble être le nom de la semaine que depuis peu et désigne
normalement la Grande Ourse. Áyyam « la semaine » a, par ailleurs, un
sens plus restreint, dénommant certains jours néfastes (umá’yyam) qui
varient suivant les tribus et l’objet de la superstition, ainsi que les Faraôn
konóy « les cinq jours de Pharaon », à la fin de chaque mois, pendant
lesquels il est conseillé de ne prendre aucune initiative. L’origine de cette
croyance est inconnue. Elle rappelle celle des Anciens Romains reportant
aux calendes (au début du mois) le paiement des dettes et salaires.
Indépendamment des mois, la seule division que les Afars ont utilisée est
celle du jour, dont le début, à l’origine du moins, était fixé à midi (cf. sâku
« jour » et « matin » ; et, dans les salutations, dès que le soleil est passé au
zénith, l’emploi de nagassê « comment as-tu passé la journée : comment
vas-tu ? »). La diffusion de l’islam a naturellement tendu à faire coïncider
le début du jour et le marib. Les Afars combinent plusieurs systèmes de
comput. On trouve dans leur calendrier : 1. un système stellaire, basé sur la

54
ALSI-LŌWÓ

marche dans le ciel de 28 astérismes dits « mansions lunaires » (v.


Mafgáda) ; 2. un système lunaire lié aux lunaisons pour déterminer les
mois, système qui est seul à la base du calendrier musulman. Le début du
mois, dans tous les cas, est marqué par l’apparition du premier croissant de
la nouvelle lune. Le mois lunaire est divisé en deux : « le blanc du mois
(álsa-k ídi) : du 1er au 15 du mois ; le « rouge du mois » (álsa-k ísi) : du 16
au 29 ou 30. La pleine lune est dite « lune du 15 » (tabán k konóy alsá).
Ainsi, par exemple, le dixième jour du mois est dit « dix blanc » (adó
tabán). Soddom-sagâl, litt. « neuf du trente », vingt-neuvième nuit du mois
(soddom-sagâl bar), toujours sans lune. La trentième nuit (soddom ou
soddom bar) peut être sans lune (makḥá). C’est alors la dernière du mois
qui finit. Quand il y a de la lune, c’est la première du mois suivant
Les deux systèmes, stellaire et lunaire, se relient entre eux au
système solaire par la considération des conjonctions de certaines mansions
avec le Soleil (ou plus exactement du lever héliaque qui suit ces
conjonctions), et par le rattachement des mois lunaires à ces conjonctions.
Pour les étoiles concernées, il est tenu de compte de quatre positions
astrales :
1. Le lever héliaque (dibró-m mawá), qui est l’apparition de
l’étoile, le matin, juste avant le lever du soleil, après une période
d’occultation. L’étoile devient visible entre cinq et dix jours après sa
conjonction avec le Soleil.
2. Le coucher de l’étoile, le matin, quand elle est en opposition
avec le Soleil (skí korá ; arabe suq).
3. Le lever vespéral (magrib mawá), quand l’étoile, en opposition
avec le Soleil, monte le soir à l’Est, en même temps que le Soleil décline.
C’est « l’étoile du soir ».
4. Le coucher vespéral (magríb korá) qui a lieu après le coucher du
Soleil, à l’époque de la conjonction, mais un peu avant celle-ci.
Gobalement, on obtient un calendrier luni-stellaire qui parvient à
coïncider avec le calendrier solaire par l’intercalation, certaines années,
d’un treizième mois. L’intercalation étant empirique, la répartition des
années normales et pleines n’est pas régulière, et ledit treizième mois, qui
n’a pas de nom, prolonge seulement le douzième et dernier mois de
l’année. Ce calendrier traditionnel est doublement menacé ; d’une part, par
ceux avec lesquels les Afars sont en contact : comput des Ethiopiens
chrétiens, calendrier hégirien musulman, calendrier grégorien des
Européens ; d’autre part, en raison de son maniement complexe fondé sur la
double observation de la Lune et du lever héliaque de l’étoile Dírri « l’Epi
de la Vierge » ($ Virginis). Pour cette dernière raison, il s’est de lui-même
réformé sur une base solaire, ce que retrace le tableau ci-après où figurent
cinq listes de mois :
1. celle donnée par Dimis & Reedo (1976) qui suit l’année civile du
calendrier grégorien ;
2. celle, traditionnelle, à base luni-stellaire (Naw.) ;
3. celle du calendrier lunaire hégirien, avec ses variantes en afar :
sud (3bis) ; nord dont Arratá (3ter).

55
ALSI-LŌWÓ

Listes des mois


Ordre : 1 2 3 3bis 3ter
1. Unɖá Garáblu Inanáb Muarram Daká (Ašrá)
2. Naharsí Kudó Inkibárta afar Sáfar
3. iggiltá Kudó Garáblu Rab I Awwál Gumâdi (mablúd) Ykume/Andaddaró-g G.
4. Agdá Baɖissó Yengêlen Rab II Nammahaytó-g Gumâdi Nammayhle/hn G.
5. aɖá-h Álsa Abɖôma umd I Sidoaytó-g Gumâdi Sidohn G.
6. Asá Dírri Adó Dírri umd II Hirrigá-g Gumâdi Fereyhn/hirrigá-g G.
7. Adó Dírri Asá Dírri Raab Rágab
8. Leêni Láan Šabn Walnabá (Sm-Bâhi) Sm-Bhó
9. Wáysu Wáysu Raman Sm Smêna
10. Ditéli Yangúlta Šawwl Sm-Fátri (Sm-Fútri)
11. Ðimóli Ditéli ’ l-Qada Erfá-Bhé (Erfa-Bâhi) Arafá-Bhó
12. Kaɖɖá Garáblu Ðimóli ’ l-ia Erfá (Arfá, Afrá) Arafá

1. Calendrier solaire. Ce calendrier (Dimis & Reedo, 1976) suit l’année


civile européenne. Le premier mois est le mois de janvier. Kamiisi 17
Ciggilta-Kudo 2011 « vendredi 17 iggiltá Kudó 2011 » correspond au
vendredi 17 mars 2011. Ci-dessous, le nom des mois dans l’orthographe
afare figure entre parenthèses.
Calendrier moderne (Dimis & Reedo)
1 Saisons / Pluies Calendrier grégorien
1. Unɖá Garáblu (Qunxa-Garablu) Gilál janvier
2. Naharsí Kudó (Naharsi-Kudo) id. février
3. iggiltá Kudó (Ciggilta-Kudo) Sugúm mars
4. Agdá Baɖissó (Agda-Baxisso) id. avril
5. aɖá-h Álsa (Caxah-Alsa) id. mai
6. Asá Dírri (Qasa-Dirri) agáy juin
7. Adó Dírri (Qado-Dirri) id. juillet
8. Leêni (Leqeeni) id. août
9. Wáysu (Waysu) Karmá septembre
10. Ditéli (Diteli) id. octobre
11. Ðimóli (Ximoli) id. novembre
12. Kaɖɖá Garáblu (Kaxxa-Garablu) Gilál décembre

Ce calendrier, qui est une adaptation moderne, présente comme


caractéristique d’établir une relation fixe entre les mois, le cycle des
saisons, au nombre de quatre, et les périodes de pluies. Du point de vue
climatique, les Afars distinguent deux zones : mâa « le levant » et furá, la
zone intérieure, non soumise aux pluies d’hiver (Chedeville, 1972 : 246).
Traditionnellement, on ne compte donc que deux saisons : la saison fraîche
(gilál), de mi-octobre à mi-avril, et la saison chaude (agáy), de fin avril à
octobre. La saison fraîche connaît deux périodes de pluies : kudó (v.), de la
mi-octobre à fin novembre, parfois jusqu’au 15 décembre, et dadá, de la
mi-décembre à fin février. Celles-ci peuvent être complètement absentes. Il
en est de même, en saison chaude, avec les pluies de sugúm (de mars à
avril), et celles de karmá, à partir de juillet, faisant alors de l’année une
période de disette. 2. Calendrier luni-stellaire. Les Nawdir du cheikh
ásan b. ámad-Ladé contiennent une liste de mois voisine de celle

56
ALSI-LŌWÓ

donnée par Dimis & Reedo, à la différence notable de leur mise en oeuvre,
fondée ici sur l’observation de la Lune et du lever héliaque de l’étoile Dírri
« l’Epi de la Vierge » ($ Virginis). Le calendrier traditionnel est ainsi luni-
stellaire. Le premier mois de l’année (inanáb) est le mois lunaire où est
observée la première conjonction Lune-Dírri suivie du lever héliaque de
l’étoile. La conjonction ayant lieu vers le 16 octobre pour l’ensemble du
pays afar, le lever héliaque sera visible vers le 26 octobre. Il existe ici une
divergence. Pour certains, la conjonction n’est valable que si elle a lieu la
26e ou 27e nuit d’une lunaison ; pour d’autres (cheikh ásan b. ámad-
Ladé), elle doit avoir lieu la 27e ou 28e nuit, c’est-à-dire, en pratique, être la
première conjonction observable après le lever héliaque. Pour les premiers,
quand le croissant du matin est très vague, il n’est pas tenu pour valable
(geɖok ma lowna « nous ne le comptons pas comme passé »). Le nom
maká désigne la non-apparition d’une étoile ou de la lune le matin ;
maká-b bílli est l’apparition d’un tout petit morceau de lune qui n’est pas
retenu dans le comput. Il résulte de ce désaccord la possibilité d’un
décalage d’un mois, de fin octobre à fin novembre, entre les tenants des
deux systèmes. Si la conjonction Lune-Dírri se produit vers le 27 du 13e
mois, celui-ci sera le premier mois de la nouvelle année. Si la conjonction
n’est pas valable, le 13e mois est rattaché à l’année écoulée, et la nouvelle
année commencera avec le mois suivant. On attendra néanmoins, pour être
sûr, que la conjonction ait été observée pour pouvoir dire : Dirrí alsá-l orbé
« Dírri est entré (en conjonction) avec la Lune ». Tant que la conjonction
qui détermine le début de l’année n’est pas validée, on suspend toute
entreprise, et en particulier le paiement des dettes. Quand la conjonction a
été observée et que « L’Epi a dépassé la Lune », alsá-k dirrí tatréh, on dit :
inanáb dirrí geɖéh « l’Epi de Inanáb est passé ». C’est le Premier Dírri.
C’est donc rétrospectivement que l’on constate que l’année a commencé.
Ainsi, en 1973, la conjonction Soleil-Dírri a eu lieu le 16 octobre ; la
nouvelle lune, le 26 octobre. La conjonction a été jugée non valable. Celle
du 25 novembre a été validée. C’est donc rétrospectivement que la période
du 27 octobre au 26 novembre a été déclarée « mois de Inanáb ».
L’expérience montre que la conjonction Lune-Dírri se produit dans les
derniers jours du mois lunaire qui suit cette date. La conjonction a lieu
chaque mois avec un décalage de 2, 20893 jours. La 13e conjonction étant
en retard de 0, 81450 jour, soit à peu près 1 jour sur le mois lunaire, si donc
la conjonction a eu lieu, une année, le 26 du mois lunaire, elle aura lieu le
27 l’année suivante, puis le 28, puis cessera d’être observable à cause de la
proximité du Soleil. En raison de ce décalage entre deux conjonctions
consécutives de la Lune avec la même étoile et l’année tropique (le retour
du Soleil au même point), le mois où la conjonction n’a pas été observée se
trouve annulé tous les trois ans, et l’année commence le mois suivant :
Dirrí koréh « Dírri est monté (passé) dans le mois suivant. » Le
réajustement se fait par prolongation du dernier mois, Ðimóli, jusqu’à
l’observation convenable du lever et de la conjonction de Dírri. Ce
calendrier luni-stellaire paraît exceptionnel et rappelle celui des Chaldéens
qui rattachaient les levers héliaques de deux ou trois étoiles à chaque mois.

57
ALSI-LŌWÓ

Quand ces levers tombaient dans un mois voisin, un mois intercalaire était
décrété par le roi pour rétablir la concordance entre comput solaire et
lunaire. On remarque que l’ancien calendrier harari, reprenant les noms du
calendrier zoroastrien, est fondé sur le lever héliaque de al-aww
(% & ' ( ) Virginis), fin octobre (Moktar, 1877). L’autre aspect remarquable
de ce système est la conception fixiste du Temps qui lui est sous-jacente :
c’est l’idée d’un perpétuel retour à un instant zéro correspondant au début
de l’année, ce que traduit l’expression : gatá alsittéh addát « dans les mois
qui (re)viennent ». Après la prise en compte des conjonctions de la Lune et
du lever héliaque de l’étoile l’Epi de la Vierge, viennent celles du Bélier,
des Pléiades et d’Orion, qui permettent de rattacher les mois au mouvement
du Soleil, base de répartition des pluies et des saisons. On considère
d’abord les sept premières conjonctions de Dírri avec la Lune. Ce sont les
« sept Dírri » (Maliná Dírri) qui ont lieu dans chacun des sept premiers
mois de l’année. Ils sont désignés par leur numéro d’ordre et couvrent la
période des pluies d’hiver et de printemps, soit l’ensemble de la saison
fraîche. Les sept (mois de) Dírri sont ceux où la conjonction est observée, à
un jour près, un 27, 25, 23, 20, 18, 16 et 13 du mois, la conjonction se
produisant, comme on l’a dit, avec un décalage de 2, 20893 jours par mois.
Quatorze jours après le septième Dírri, a lieu la conjonction Lune-Bélier
(Gurâlu). On dit que Gurâlu est le huitième Dírri, correspondant au mois
de Láan. La conjonction des Pléiades (Kaymá), le 20 mai, avec celle du
Bélier, signale, en outre, l’entrée dans la saison chaude. La première
conjonction Lune-Orion (Adála), après le lever héliaque de cette
constellation, a lieu en principe le 13 juin, huit mois lunaires après celle de
Dírri marquant le début de l’année. C’est le début du Karmá (juillet-
septembre).

Correspondances calendaires et astronomiques


Mois : (liste 2) Calendrier grégorien Saisons Pluies Conjonctions
avec la Lune
1. Inanáb 16 octobre
2. Inkibárta 16 novembre Kudó
3. Garáblu 16 décembre
4. Yengêlen 16 janvier Gilál Dadá Epi (Dírri)
5. Abɖôma 16 février
6. Adó Dírri 16 mars Sugúm
7. Asá Dírri 16 avril
8. Láan 16 mai Bélier (Gurâlu)
9. Wáysu 16 juin Orion (Adála)
10. Yangúlta 16 juillet agáy
11. Ditéli 16 août Karmá
12. Ðimóli 16 septembre

Selon les lieux, et compte tenu de la détermination de la fin de l’année, on


compte trois ou quatre Adála correspondant aux mois de Wáysu : 1.
Bakarré Adála « mois d’Orion de la soif » et d’attente de la pluie. Dans le
Godá, ce mois est appelé Boddayyá-h Adála « mois de la transhumance
(vers le Altá) » ; 2. Yangúlta, ou L lé Adála « mois d’Orion de l’eau » : le

58
ALSI-LŌWÓ

pâturage verdit ; 3. Ditéli, ou Gntáh Adála « mois d’Orion du grand


campement » : les troupeaux pâturent en nombre ; 4. Ðimóli, ou Marrakasí
Adála « mois d’Orion vénérable » (marrakása « bâton d’homme
vénérable »). La Grande Ourse (Malinó) est observée pendant la période
de Karmá. Quand $ et % (les « deux vaches »: nammá lâ) se lèvent le
matin, les gens de l’Áwsa labourent et sèment. Pour les pasteurs,
commence le knáytu. Quand les quatre étoiles du trapèze sont visibles le
matin, à l’heure de la prière, on dit : feréy yewéh « les quatre sont levées »,
ce qui annonce que le kudó est proche. La constellation, entièrement
visible, on dit : Malinó duddéh « (la période de) la Grande Ourse est
terminée ». Vient alors le temps de l’attente du lever héliaque de Dírri
« encore couché » (Dirrí yagillibé), marquant le début de la nouvelle année.
C’est la « marche lente de Dírri (Dirrí dókkos) ». Les noms des mois de ce
calendrier sont matière à interrogation :
1. Inanáb (16 octobre). Le nom paraît composé d’iná « mère » et nabá
« être haut », « être âgé ». Une explication pourrait être la valeur
métaphorique du nom de ce mois, quand « la mère » des étoiles serait haute
dans le ciel. On remarque que le dérivé de iná, inaytá (v.) désigne l’arbitre
d’une compétition. Inanáb serait le mois de référence, le mois aîné. Inanáb
est le Premier Dírri : kám Dírri. Chez Dimis & Reedo, le nom Unɖá
Garáblu « qui a la petite part » pourrait faire référence à la nécessité de
rattacher rétrospectivement le début de ce premier mois après l’observation
de Dírri au dernier mois Kaɖɖá Garáblu « qui a la grande part », voyant
son allongement lié à cette observation.
2. Inkibárta, également Inkibartí kudó (16 novembre) « kudó d’une nuit ».
On prétend qu’une première pluie accompagne la conjonction avec la Lune.
La liste indique Naharsí kudó « Premier kudó » en février, alors que ces
pluies ont lieu en octobre-novembre. On a ici une preuve de l’adaptation du
calendrier traditionnel à l’année civile européenne.
3. Garáblu (16 décembre) « mois de la part, de la moitié (garáb) ».
4. Yengêlen, parfois Yengêlem, Yengêlim (16 janvier). La forme Yengêlen
est la nominalisation de la troisième personne de l’accompli du verbe engel
« ils se sont rencontrés », par référence possible à la « jonction » des
périodes des pluies de dadá et de sugúm. Cette idée de « rencontre », en
raison du retard ou de la précocité des pluies, est présente au moment de la
conjonction Lune-Dírri qui marque le début de l’année et de la saison
fraîche. Si kudó est en avance et empiète sur les pluies du knáytu de
karmá (v.), on dit : kudó knáytuk raddék, amokradák kudó « kudó qui
tombe en knáytu, c’est kudó qui empiète ». De même, quand surviennent
les pluies de dadá, alors que celles de kudó ont tardé : kudô k dadá
tengeléh « kudó et dadá se sont rencontrés ».
5. Abɖôma ou Abrôma (16 février). Le mois « de mauvaise moitié » ou
« à moitié mauvais » (*abɖá umá). Le lien avec aɖá-h álsa « mois de
l’arbre » (Dimis & Reedo) n’est pas explicite. On observe que ce mois est
celui où fleurissent le éeb « Acacia spirocarpa » et le makâar « Acacia
mellifera ». La « mauvaise moitié » pourrait être aussi liée aux pluies de
sugúm en mars ; la première partie de février étant sèche.

59
AMÁNA

6. Adó Dírri (16 mars) « Epi de la Vierge, blanc ».


7. Asá Dírri (16 avril) « Epi de la Vierge, rouge ». La différence de
couleur peut être liée à celle des mansions lunaires, v. Mafgadá. A cette
époque de l’année, Dírri est à l’opposé du Soleil et est visible toute la nuit.
8. Láan (16 mai), mois du début de la chaleur (la « devenir chaud »).
Quand la pluie tombe, on l’appelle Gurlí rob « pluie du Bélier (Gurâlu) »,
en liaison avec la conjonction Lune-Bélier qui marque ce mois.
9. Wáysu (16 juin). Wáysu est le nom de la onzième mansion lunaire, mais
ses dates de conjonction avec le Soleil (le 5 septembre) ou d’opposition (le
3 mars) ne coïncident jamais avec l’été. Wáysu fait référence (verbe way
« manquer ») au manque de pluie et à l’attente de celles de karmá. Un
adage sibyllin semble rappeler la vingt-deuxième mansion lunaire (en
arabe) saad al-bi « bonheur du sacrificateur » : nsí rugá yarídi, niín
Wáysu « Wáysu de la chaleur, égorgeur des génisses confiées ». (La
technique traditionnelle appelée meré consiste à confier les petits d’une
vache à une seconde pour conserver le lait de la première. Le mois sec de
Wáysu obligerait à sacrifier ces veaux en surnombre ?).
10. Yangúlta (16 juillet). Ce nom est aussi celui de la septième mansion
(Castor et Pollux) qui est en conjonction avec le Soleil, le 14 juillet. Sa
première conjonction avec la Lune correspond plutôt au mois suivant.
Yangúlta équivaut au Second Adála.
11. Ditéli (16 août), « mois du sombre (dité) ». En période de pluies,
l’herbe fraîche du matin est considérée comme « noire ». Les dernières
pluies de Karmá (v.) sont dites dat-rób « pluies noires ».
12. Ðimóli (16 septembre) « mois des larmes ». Le nom serait dû à une
affection des yeux (intí-r ráydu), fréquente en cette saison. Mais il peut être
aussi fait référence à la fin des pluies, quand il pleuvote (rob ɖimmité).
Globalement, sur les douze mois, quatre ont des noms qui renvoient à des
noms d’étoiles : Adó Dírri, Asá Dírri, Wáysu, Yangúlta ; quatre semblent
liés au régime saisonnier : Yengêlen, Láan, Ditéli, Ðimóli ; quatre font
référence à leur rang ou à une division interne : Inanáb « haut dans le
ciel » ; Inkibárta « d’une nuit » ; Garáblu « mois de la moitié » (les pluies
de dadá tombant entre mi-décembre et mi-février) ; Abɖôma « de
mauvaise moitié » (les pluies de sugúm peuvent tomber entre mars et avril).
Pour ces deux derniers mois, il est sans doute fait référence à la division du
mois en deux quinzaines « blanche » et « rouge » (voir plus haut).
S : HHL (Naw.) ; Dimis & Reedo (1976) ; D.M. (1988).

AMÁNA
« Disette », plus courte que dabán, différenciée de famine (úlul) et de
sécheresse (abár). Les grandes disettes sont synonymes d’année (v.
Karmá). Ces périodes cycliques portent des surnoms. Plusieurs disettes
peuvent avoir le même surnom. On ne connaît pas l’extension de ces
disettes qui concernent ici la région méridionale incluant l’Awsa et la
région de Djibouti (Naw.).
1808, l’hiver 1820-20, 1825-26 (h. 1241) : Ðokat-yakámi « mangeur de
geckos » (on mangea même les geckos).

60
AM‘ÁYSI

1836-37 (h. 1252) : Yi num hínna « chacun pour soi » ou « ce n’est pas un
des nôtres » (ce n’est pas à nous de l’enterrer, il y en a trop).
1848-49 (h. 1265) : Rré « en file, comme le sont les moutons », également
Ló rbé « expédié vers l’Est » (disette générale suivie d’un exode).
1861-62 (h. 1278) : Gob-kalé « boucliers sans propriétaires » : les hommes
moururent en nombre.
1886-87 (h. 1304) : nalé « tempête de sable ».
1922 (?) (h. 1341) : Sittat-koré « la grande mêlée », disette et incursion des
Waydarát (v.).
1927-28 (h. 1346) : nalé « tempête de sable ».
1930 (h. 1349) : Ubúlli « brouillard (sans pluie) ».
1933 (h. 1352) : aɖá yargíi « élagueuse d’arbres (pour nourrir les
bêtes) ».
1938 (h. 1357) : Agráli « porteuse de gale ».
1951-52 (h. 1371) : Kaɖɖá aánli « abondance d’anoures » (disette
consécutive à des inondations).
1953 (h. 1372) : Bûti sunkúlli « marmite sur l’épaule » (il y eut un exode).
1960-61 (h. 1380) : Inki-dáwli « un seul son (celui de la mort) ».
AMASÁ
Tribu ‘Adohyammára (v.). Áli b. Afkará, qui serait venu de la mer, serait le
père des Amasá, également appelés Afkará- Aliytó. Fractions : Nbbí,
ummayssá, elentó, Arbhintó, Datukkká, Abrantó. Distribution. 1.
Dans la région de Farré-Kkáy, avec les Adáli-k Darumá ; 2. Vers Erer
(v.), chez les Ablé-k aysamlé de anlé Dába ; 3. En Áwsa. V. Dúlum.
AMASIYTÓ
Tribu des pentes ouest du Kaɖɖá Gamárri et en Áwsa, dépendante du sultan
de l’Áwsa. Fractions principales : Asagurtó, Wadîma, Takíl.
AM‘ÁYSI
Egalement Amó-le-Áysi « à la tête couronnée » ou Amo-Ado-Áysi « au
cheveux blancs couverts d’herbe » (l’intronisation des chefs de guerre était
marquée par le rituel consistant à lui déposer une touffe d’herbe sur la tête.
Ce rituel est commun aux Somalis Issas). Il existe plusieurs récits
légendaires à son sujet (source HL). Première légende. Après sa prise du
pouvoir, aɖal-Mâis (v.) vint voir Amáysi à sa résidence près de
Gurgró. Il se trouvait assis sur un tumulus (hawwló), non loin de Banɖáy,
auprès de sa réserve d’or. aɖal-Mâis lui demanda son souhait. Amáysi
lui dit qu’il voulait acheter le pays compris entre :
1. Wagren-Wagartó (près du Msaálli).
2. Lokkóli-k-Mraytó (bas de l’oued Ramád, près de Higgiɖó).
3. Alálak Ebá (partie boisée du plateau d’Aylaádu, en haut de Sgó).
4. llama-k Fatá (vers la tête de l’oued Êllam, près de Kallaasa-Dô).
5. Dsó-l (ou Dó-l) Aleytá (Dorasá-h Amó, à L-g gurbó).
6. Inki-Wayɖeɖɖolé-Alaytó (emplacement inconnu, vers Hiyó).
7. Ðiɖɖíb Lhíh Dô (sur le Wimá, vers Sidá Mengelá).

61
AM‘ÁYSI

aɖal-Mâis accepta, sauf pour les limites de Wagren-Wagartó et de


Ðiɖɖíb Lhíh Dô, qu’il ramena à : Gɖɖí-k Amaytó (au bas du Msaálli,
près de Adgnó) et Amó-t-aɖáli (près du Wimá, entre les deux
Gaértu). aɖál-Mâis prit l’or d’Amáysi et lui laissa en échange le pays
ainsi délimité qu’il se trouvait lui avoir en quelque sorte acheté. Ce pays est
exempt de tout impôt, aussi bien du côté de Raaytó que du côté des
Aydissó. Ce récit confirme la possibilité d’un achat de la terre,
antérieurement à la période coloniale (v. Wanó). Amáysi eut sept enfants
dont l’histoire donne lieu à deux autres récits. Deuxième légende. Amáysi
aurait été captif d’Aɖaytá (v.). Il est le père de nombreuses tribus
Adohyammára, suivant son mariage avec une jeune fille afare, Ftumá b.
« Unɖá » Ali, une des filles de « Unɖá » Ali b. Umar, fils de Afkié, un
des ancêtres Mdaytó (v.), confirmant ainsi le caractère tardif de
l’opposition Adohyammára / Asahyammára (v.), puisque cette origine
Mdaytó aurait dû induire une appartenance Asahyammára. Un jour, avec
ses sept enfants, Amáysi rencontra un lion. L’un le saisit aux oreilles. Il fut
le père des Alaytó, Mafâ et Kutublá. Un second le prit par la queue, en
disant : « Je veux la queue » (grá faɖá). Il fut le père des Edderkaltó et
des Askakmáli. Un troisième l’attrapa au garrot. Il fut le père des Lubak-
Kubó. Pour le quatrième, ce fut l’ensellure. Il devint le père des Dbá-m
mlá. Le cinquième appela à l’aide (dró). Il fut le père des Alaló. Le
sixième resta à regarder, déclarant : « Nous partagerons entre nous »
(baɖsitennó). Il fut le père des Baɖittó. Variante. Aɖaytá (v.),
d’origine « Galla » comme Amáysi, et père des Mafâ et des Aɖkaltó, dit à
Amáysi : « Cesse de faire la guerre et sois avec nous. » Amáysi accepta à
condition d’épouser la fille de Kaɖɖá-ámad (des Mdaytó). Aɖaytá
conclut l’alliance, en lui disant : « Prends-en possession » (édder kâ), d’où
le nom de Edderkaltó. Il eut quatre enfants. Un jour qu’ils étaient à
Immnó, ils attrapèrent un lion. L’un voulut appeler au secours, on lui
répondit : « Ne le fais pas pour nous » (nel mâllitin), d’où son surnom de
Alaló. Le cri de guerre (itró) des Alaló est « Courage ! Áysi ! » (anâ
Aysí !). Le second dit : « Nous apprendrons à partager » (baɖá
baɖsitennó). Il fut le père des Baɖittó. Les autres engendrèrent les
Askakmáli (v.) et les Lubak-Kubó (v.). La descendance de Amáysi forme
trois branches principales : 1. Alaytó, Mafâ, Kutublá ; 2. Edderkaltó,
Askakmáli ; 3. Lubak-Kubó, Baɖittó, Alaló, etc.

Descendance d’Amáysi
Afkié

Umar

« Unɖá » Áli

Amáysi ! Ftumá

Alaytó Mafâ Kutublá Edderkaltó Askakmáli Lubák-Kubó Dbá-m mlá Alaló Baɖittó

62
AMOLÉ

AMBABBÓ
Forme dérivée de ambbá lekké « là où les dattes mûres en vrac
abondent ». Transcrit Ayn Bb dans la copie arabe du Traité de Paris
(Rubenson, 1994 : 172). Village à quelques kilomètres à l’ouest de
Tadjoura. Aussi surnommé Unɖá Tagórri « Petit Tadjoura ». Arnoux en
part le 22 septembre 1874, reprenant la route de Rochet d’Héricourt,
quelque 30 ans après. En y passant (24 août 1880), Soleillet note que le
village est abandonné, tandis que Borelli (9 février 1886) n’y compte que
quatre huttes. Le site aurait été dépeuplé par les fièvres (1890 : 43). La
description qu’il en fait est surprenante au regard de ce que l’on peut
observer aujourd’hui (Borelli, 1890 : 43) : « Le sol est humide, les arbres
sont nombreux. Beaucoup de bétail. Les gommiers et les mimosas forment
de véritables forêts. » Selon Soleillet (1886b : 43), le village, entrepôt
caravanier et parc à esclaves, aurait été créé par wali Abdulqâdir, l’oncle
de Ab Bakr « Pacha » (v. asbá). D’autres sources attribuent cette
création au père de ce dernier, Arbâhim, mort au combat de Gáfu, en 1852
(v. Áwsa).
« AMFARI »
Egalement Amphari. Terme fréquent dans la littérature coloniale (cf.
Lagarde, Martini), pour désigner le sultan de l’Áwsa. Déformation de
anfaɖé « qui veut du lait », nom récurrent dans la famille des sultans
Aydissó (v.). Cet usage n’a pas disparu, voir Aubry (1988 : 30) qui écrit
Amphalé. Karim Rahem (2001 : 172) a introduit la graphie pittoresque
Honfray (« l’ancien sultan Ali Mirah Honfray »).

AMOLÉ
1. Etymologie. 2. Salines. 3. Sauniers.
Prononcé [amolye] en amharique et en tigrigna. Barre de sel gemme taillée
qui servait de monnaie en Ethiopie. Son commerce est attesté depuis le VIe
siècle ap. J.-C. (Cosmas Indicopleustès). Dans la plaine du Sel, à Adó
Ðagád (ɖagád désigne une étendue salée), les barres sont entourées de
feuilles de palmier ou de toile de jute pendant leur transport vers les hautes
terres, Mäqäle notamment. 1. Etymologie. Extraite sous la forme d’un
parallélépipède, puis fractionnée, la barre amolé « qui a une tête » renvoie à
la taille, à l’époque, d’un des côtés (amó lé asbó), « en ellipse » (Rochet,
1846 : 260) :
C’est à Aleyou-Amba que sont mises en circulation les pièces de sel qui servent
de monnaie dans le Choa ; elles sont taillées en ellipse, allongées, longues de
quatre à cinq pouces et de un pouce d’épaisseur. Elles ont dans le pays le nom
d’amouleh. Vingt amoulehs ont la valeur de 1 talaro de Marie-Thérèse, la seule
monnaie connue et reçue en Abyssinie où, à cause de son effigie, les naturels
l’appellent « la femme d’argent ».
Cette étymologie afare de l’amolé est passée sous silence par Pankhurst
(EA, I : 248-249). Franchetti qui traverse la dépression salée en mars 1929,
donne des précisions sur l’extraction du sel et sur la forme également
parallélépipédique des pièces de sel « entourées de feuilles de palmier pour

63
AMOLÉ

les protéger de la rupture » (1930 : 239). Avant lui, Ferret et Galinier,


Lefebvre, d’Abbadie, Rüppel n’avaient disposé que d’informations
indirectes. De leur côté, Sapeto (1851), Munzinger (1867), Hildebrandt
(1872), von Zichy (1880) n’avaient fait que traverser la dépression salée.
Selon Franchetti (1930 : 239), le responsable de la collecte du sel est le
balgäda, le chef de la province de l’Ǝndärta, qui forme la caravane à
Baraylé (Bärahla). Cette caravane descend chaque mois, de la mi-octobre à
juin. Le sel est acheté sur place aux Afars. Un parallélépipède correspond
en volume à huit amolé. 2. Salines. Il y a plusieurs salines. La principale
est à As Alé, au nord du lac Karúm, surtout travaillée par les Dhí-m mlá
(le sel reste toutefois propriété collective des Afars). Le sel rougeâtre de
Gebró-ɖ Ðagád, au nord de Adó Ðagád et du gisement de potasse de Ðálol
(découvert par Tullio Pastori en 1911), est utilisé pour les animaux. Avant
Franchetti, le major Tancredi avait atteint en mars 1909 la dépression salée.
Parti de Massawa, Tancredi passe par Bardôli où il constate l’abandon de la
saline exploitée par les Egyptiens. Les sauniers Waddó (v.) y préparent le
sel pour les caravaniers Sahos Asaurtá, vers l’intérieur, et pour les Anklá
qui l’acheminent jusqu’à Zolá et Iɖfálu (v.). Par Randá-k Kmá, il atteint
la plaine du Sel. Le balgäda, précise-t-il, perçoit une taxe d’un thaler par
saunier et par an, à As Alé. A Gebró-ɖ Ðagád, ce sont les caravaniers eux-
mêmes qui taillent les blocs de sel en amolé. Les sauniers se chargent de
l’emballage. A As Alé, ceux qui extraient le sel (appelé angarrbé à l’état
brut) se chargent aussi du fractionnement des barres et de leur
conditionnement. L’amolé, à usage de monnaie, en forme de grosse meule
à repasser, est de 25 cm sur 5 cm, et d’un poids moyen d’un kilo. Ce
format, que Tancredi appelle « ghielà » (tna géla), semble avoir disparu,
remplacé par la forme parallélépipédique moderne. Le aɖboytá ou abɖoytá
(coll. áɖbu) correspond à un demi-amolé. Ganfúr (sel alimentaire) désigne
un parallélépipède équivalent en poids à trois amolé. La charge de sel d’un
chameau, correspondant à celle de deux mulets ou de trois ou quatre ânes,
est vendue un thaler. Sur un chameau, les amolé sont liés par neuf ; par huit
sur un mulet ; par six sur un âne. La charge classique d’un chameau adulte,
dit Tancredi, est de 297 amolé (soit 33 paquets de 9), un ganfúr, un aɖboytá
« et un morceau de forme spéciale », cadeau destiné à quelque puissant
personnage. L’octroi est perçu en haut de l’oued Sabbá, à Maglallá « le
carrefour » (n. de lieu de engel « se rencontrer »). La taxe aurait été
imposée par l’empereur Yohannəs. Au début, d’un amolé par chameau, elle
aurait atteint quinze amolé après 1889. Le ras Mängäša, son fils, aurait
imposé le tarif d’un thaler pour deux chameaux. Le ras Tädlä Abbaguban le
fit passer à un thaler par chameau pour les chrétiens, sans l’augmenter pour
les musulmans. Faisant conduire leur marchandise par ces derniers, les
chrétiens obtinrent l’égalité fiscale. La caravane est la cible de véritables
opérations militaires. Le šum Bilál b. Abdalla, des Balossuwá (v.), a razzié
à une date non précisée par Tancredi, mais avant 1908, date de sa mort, une
caravane de 850 chameaux. 3. Sauniers. Amolé est le nom ou le surnom
d’une tribu dont d’Abbadie (1890 : 326-328) avait noté, le premier,
l’existence. Il peut s’agir initialement du surnom donné aux groupes

64
ANKĀLÁ

spécialisés dans l’extraction du sel. Certains les relient aux Ali-Goób,


fraction des Dammohoytá, ce qui semble correspondre à une relation de
dépendance économique. Il existe une liste de six fractions : Sddá,
asantó, Balá, arrissá, ummmá, Assék. Elles sont distribuées
jusqu’au massif de l’Erébti qui les sépare des ertó. Amolé et Dhí-m mlá
sont, eux, séparés par les (lá (v.).
S : Abbadie (1890 : 326-328) ; Abir (1966, 1968 : 44) ; Franchetti (1930) ; Tancredi (1910).
Ces deux sources sont à ajouter à celles citées dans EA, I : 248-249, 828 et suiv. ; IV : 500-
503. L : (sur Tancredi) Lupi (2009 : 871-882) ; O’Mahoney (1970) ; Smidt (2013).

AMÓYTA
1. Chef supérieur (dérivé de amó « tête »). 2. Titre porté par les sultans
d’Áwsa (v.) et de Bíɖu (v.). Pl. amoytitté. Amóyta désigne un pouvoir
autocéphale doté d’une autonomie que n’a pas le rdántu délégué (v.). Il
existe un écart entre le point de vue dynastique (afar) et celui de
l’administration impériale. Dans le texte amharique de la proclamation le
destituant, le 10 avril 1944 / 2 Miyazia 1936, l’amóyta Maḥámmad b.
Yayyó (1927-1944) est seulement désigné par son titre honorifique
éthiopien de däğğazmač « commandant de la porte ». Il s’agit, dans la
titulature traditionnelle, d’un officier sous commandement d’un ras, en
l’occurrence le gouverneur de la province du Wällo, dont l’Áwsa est un
district (awrağa). Maḥámmad b. Yayyó est encore connu sous le nom de
« daddas Maḥámmad », de l’amharique däğğa , abréviation de däğğaz-
ma , quoiqu’il ne semble pas avoir reçu officiellement cette distinction.
Son petit-cousin, l’amóyta Ali-Miráḥ, que Haïlé Sellasié installe en 1944
avec la mission d’administrer (mastädadär) l’Áwsa, recevra également ce
titre de däğğazmač. Il sera ensuite élevé au grade également honorifique de
bitwäddäd.
S : D.M. (1999 : 19, 22, 100). L : Aramis Houmed Soule (2011 : 195) reproduit ce qu’il
appelle le « tract annonçant la nomination du sultan Ali-Miraḥ » et qui est en fait la
proclamation (awa) du 2 Miyazia 1936 « Au peuple de l’Awsa et aux chefs coutumiers ».
Amphilla v. afallé
ANKĀLÁ
Tribu ancienne. La mention d’Ibn Sad (XIIIe siècle) indiquant la présence
de « Dankal » des environs de Souakin au Bab el-Mandeb (cf. Introduction)
laisse planer une incertitude, en ne fournissant pas d’indice permettant de
dire s’il s’agissait, en l’espèce, des Dankáli (v.) ou des Anklá. Il faut noter
que Dankál en shó désigne les Afars. Antoine d’Abbadie (1890) indique
qu’Ankla et Dankla étaient deux frères. La liste de tribus donnée à
Reinisch par nugús Bilál (v.) commence par « Ankl k Dankla ». Sans
preuve aucune, Thompson et Adloff (1968 : 4) affirment que les Ankla
ajoutèrent un d à leur nom. Etymologie. Du point de vue morphologique,
Anklá apparaît comme un pluriel possible de Ankáli, comme *Dankla
serait celui de Dankáli. Le nom Anklá / Ankáli semble contenir la racine
« un » (afar enék). Distribution. Les Anklá sont représentés à Bôri (v.),
Asáb (v.), et sous le nom Ankáli, parmi les Debné (v.). Une présence
Anklá est recensée à Dahlak (v.). Légende. Avant d’être repoussés par

65
ANKĀLÁ DE ‘ASÁB

« Gibdí » ámad (v.), les Anklá ont dominé l’ensemble de la côte de la


mer Rouge jusqu’au Wimá (la ville de Tadjoura non comprise), avec
comme centre Raaytó et Asáb (v.). Dans la descendance de aɖál-Mâis
figure « Ðogorré » Umar, « Umar le Chevelu » (v.), père des fondateurs
des sultanats de Tadjoura et et de Raaytó, respectivement « Asá » Kâmil,
l'aîné, et son cadet « Datá » Gúra. Celui-ci épousa la fille du sultan Anklá
de l’époque, Dingâi Yakámi (v.). Cette alliance semble avoir duré
jusqu’au moment où, d’après la tradition rapportée par Péri et Chailley, le
sultan Anklá (« malîk » Mismár pour Péri) aurait assassiné « Datá » Gúra,
le père de « Gibdí » ámad (v. Raaytó), alors que celui-ci était encore en
gestation. La matrone chargée de préparer l’accouchement en mourut,
donnant naissance à l’adage : ullá rabtám nɖegehî, ullát ináh rába ma
ubinnó « si l’on s’attend à la mort de la parturiente, on ne s’attend pas à
celle de la sage-femme ». « Gibdí » ámad naquit avec ses dents et l’usage
de la parole. Il demanda à sa mère qui était son père. Elle lui conseilla
d’aller le demander à son grand-père maternel. Mismár, pour toute
explication, lui montra le sabre avec lequel il avait assassiné « Datá » Gúra.
« Gibdí » ámad s’empara d’un cheval et du sabre qu’il emmena à
Tadjoura. Il commença une guerre sans merci contre les Anklá, qu’il
repoussa de Raaytó à Asáb. Il les extermina tous, sauf deux d’entre eux,
sur la demande des Alaytó (v.). C’est de ces deux survivants que
descendraient les Anklá de Asab. « Gibdí » ámad définit le territoire du
sultanat de Raaytó. La ville est restée pour moitié aux Anklá, pour moitié
au sultan de Raaytó (en deçà des salines et de Markálu, la plaine le long
de la route). La limite sur la côte avec les Afará est à Galató le bɖá ;
l’oued Allé est aux Anklá. L’itró des Anklá est « Perses, courage ! »
(anâ Frislí), v. Fúrsi. Ce cri de guerre explique la forme Fārislé
« successeurs des Perses » pour désigner communément les Anklá.
S : (Naw.) ; Chedeville / Idris b. Maámmad. L : Chailley (1980 : 16) ; Péri (1938).

ANKĀLÁ DE ‘ASÁB
Les généalogies des chefs Anklá de Asáb (et d’une façon générale de tous
les Anklá) s’accordent pour faire d’Ab ,lib, l’oncle du Prophète de
l’islam, l’ancêtre apical, tout en revendiquant, comme les autres Anklá,
une origine perse (v. Fúrsi). A cette discordance, s’ajoute le fait que le lien
entre la branche actuelle de Asáb et les Anklá exterminés par « Gibdí »
ámad avant la création du sultanat de Raaytó (v.) n’est pas clairement
établi. Úmar b. Gafar al-,ayyr pourrait être le légendaire Dingâi
Yakámi (v.). Pour la période non légendaire, soit depuis le XIXe siècle, le
tableau ci-contre permet de situer le chef Anklá de Byyá, Abdallah b.
Seém b. i Úmar b. Arbhintá, auquel les Italiens font référence
comme le « sultan de Byyá », bien qu’il n’y ait pas eu de sultanat à
proprement parler. A la même sous-fraction, continuent d’appartenir les
chefs Anklá de Asáb (numérotés de 3 à 6), dont Maámmad b. Abdálla b.
Úmar dans les années 1970. On identifie aussi les frères ásan et
Arbâhim b. ámad b. « Kaɖɖá » Seém, vendeurs de Luma à Sapeto (15
novembre 1869) et Abdalla b. Seḥém, le signataire du contrat du 11 mars

66
ANKĀLÁ DE BÔRI

1870. Ramá, fille de ásan b. ámad b. « Kaɖɖá » Seém était la mère du


cheikh ásan b. ámad-Ladé, auteur des Nawdir. Maámmad-
Hindaléyta est mort, semble-t-il assassiné, vers 1875 à Tandaó.

Généalogie des chefs Anklá de Asáb


Ab ,lib

Gafar al-,ayyr
?
Úmar

Kâsim

ilal

Seém

Maámmad

Arbhintá Unɖá Kâsim

« Kaɖɖá » Seém i Úmar (kitó Unɖá Seém

úmmad Gidár Úmar ámad Se$ém (kitó ámad

Môla ásan Arbâhim 1.Abdállah 3. Úmar (c. 1885) 2. Maámmad-Hindaléyta

usên Ramá Mūsá Kâsim 5. Maámmad 4. Abdállah (c. 1900)


(c. 1940)
āmid usên Úmar 6. Maámmad

Branche de Meɖgebɖá Branche de Byyá

S : Chedeville / Rgé b. ámad.

ANKĀLÁ DE BÔRI
Les Anklá de la péninsule de Bôri sont sans doute la branche la plus
ancienne. Les Anklá ont également des chefs à Dahlak (v.). Ils ont été
évincés du pouvoir, à la suite de la pénétration des Dammohoytá (v.) dans
la péninsule au XIXe siècle. La généalogie des Anklá de Bôri indique une
fraction issue de Ilyos, petit-fils de « Kaɖɖá » Seém, installée sur le
plateau érythréen, et qui compte quelques chrétiens. Ce changement de
religion comme la diversité des lignages caractérise cette partie de
l’Erythrée. Cette émigration vers les hautes terres ferait suite à une guerre
que mena « Kaɖɖá » Seém contre des chrétiens du Tigré (« Amartá ») et
au cours de laquelle il fut tué à Awán (v.), alors qu’il se baignait dans une
mare (atá). Ses frères l’enterrèrent au lieu-dit nugús rabeyná. L’emprunt
nugús devenu le titre des fractions au pouvoir à Bôri comme celui de šum,
indiquent l’adoption de la titulature éthiopienne par des notables, alliés aux
chefs chrétiens des hautes terres, contre la présence turque, puis égyptienne
sur la côte.

67
ANKĀLÁ DE BÔRI

Généalogie des chefs Anklá de Bôri


ère
1 femme Ská ! « Gabrérri » Gídar ! 2ème femme Argubbá

« Asá » Maámmad « Unɖá » Seém sdi úmmad « Kaɖɖá » Seém


(Seém « al-Abrr »)
Mustafa

« Unɖá » Gídar sdi Bismár sdi Kâmil Kâmil ilál


(Nugsá ou sdi Kmiltó) (allaytó)

Mustafa Maámmad « Awág » Seém « Bisâsi »

« Datá nugús » Maámmad Maámmad « Gaás »


(Nugsá) (Gaassó)

« Asá nugús » Gídar Bilál

nugús Maámmad « Urá » Maámmad nugús Bilál Seém

nugús Mustafa nugús Gídar Bilál

šum Gâbir Maámmad

Idrís

La généalogie est centrée sur les fractions régnantes à Bôri. Elle donne
notamment la filiation de l’informateur de Leo Reinisch pendant son séjour
à Massawa (novembre 1875-mars 1876), nugús Bilál (v.) b. « Asá nugús »
Gídar. Nugús Mustafa serait le « jeune frère » (en fait neveu) de nugús
Bilál qui lui aurait succédé après que ce dernier eut été frappé de cécité et
mis dans l’obligation de renoncer au pouvoir. Nugús Gídar était chef en
1890 à l’époque italienne, remplacé par son fils, šum Gâbir en 1910. Puglisi
mentionne dans la fraction issue de « Unɖá » Gídar, Kâmil b. ilál (d. en
1822), grand connaisseur de la coutume. A partir de la date de la
transaction menée par Sapeto avec Abdallah b. Seém pour l’acquisition
du site de la future Assab (1869), en supposant que ce chef Anklá
appartenait à la génération née dans les années 1840, on peut proposer la
périodisation ci-contre, qui situe le premier ancêtre Anklá au milieu du
XIIIe siècle. Cette chronologie qui reste hypothétique s’accorde toutefois
avec la périodisation qui ressort de la généalogie des Adáli. Celle des
Anklá de Bôri qui ne revendiquent pas une origine koréichite, à la
différence de la branche d’Assab, confirme le XIIIe siècle comme l’horizon
de l’histoire afare. Le titre de dardár « sultan », conféré à Ankáli Ali,
indique l’existence d’un pouvoir Anklá structuré à Bôri à la fin du XIVe
siècle. Vers 1630, naît Gabrerrí Gidár, soit Gidár « de Gabrérru », du nom
de l’oued devenu son lieu de sépulture, qui a donné lieu à un pèlerinage. Le
cours du Gabrérru est perpendiculaire à la plaine côtière d’Afdirá en
direction de Bitá, au nord de rs Kasár. L’emplacement de cette tombe

68
ANKĀLÁ DE BÔRI

montre que le retrait des Anklá, après la formation du royaume Dankáli au


XVe siècle, n’était pas encore achevé au milieu du siècle suivant ou qu’il
occasionnait encore des combats dont celui où périt Gabrerrí Gidár.

Lien généalogique entre les Anklá de Bôri et de Asáb


1240 Gídar

1270 úmmad

1300 ámmadu

1330 úmmad

1360 ámmadu

1390 Ankáli Ali dardár

1420 Maámmad

1450 Ali « Abalís »

1480 « Asá » Maámmad

1510 Mismár

1540 Ayfará

1570 Tubaheléyta

1600 malîk » Mismár Úmar

1630 Gabrerrí Gídar Kâsim

1660 « Asá » Maámmad « Unɖá » Seém sdi úmmad ilal

1690 sdi Kâmil (Seém « al-Abrr ») Kâmil Seém

1720 Mustafa Maámmad « alláy » Maámmad

1750 Datá nugús Maámmad « Girá le » Kâmil Arbhintá

1780 Asá nugús Gidár Maámmad ámad

1810 « Urá » Maámmad Kâmil Adam

1840 nugús Gidár Maámmad ámad

1870 šum Gâbir šum i Gidár Sirâg Rgé (à Dahlak)


(Nugūsá) (allaytó) (Arbhintá)
Branches de Bôri Branche de Asáb

S : Chedeville / Idrís b. Maámmad b. Bilál ; D.M. (1999 : 21-22 ; 261) ; Odorizzi (1911) ;
Puglisi (1952 : 175), qui cite (ibid. : 269) Šeḥém b. Kâmil (c. 1830-1890) « Sirraybēté [le
mangeur de blé] », de lignage allaytó, frère de Maámmad b. Kâmil (ci-dessus).

69
ANKÁLI

ANKÁLI
Fractions d’origine Anklá réparties parmi les Debné du Gōbaád (v.), les
Garrōní de Tadjoura (v.) ; à Baádu (v.), dans la chefferie Madîma-k
Msará ; parmi les Debné du sud, Sidá buɖá. Fractions principales du
Gōbaád : Datá et As amaddó, Almmá. La raison du passage d’Anklá
à Ankáli, qui ressemble à celui d’un pluriel à un singulier, n’est pas connu.

Antonelli v. Intinōlé
ARBÂHIM ḤANFAÐÉ
Arbâhim b. anfaɖé b. Looytá, dit « Ibrâhim-Balâla » (c. 1875-1962),
Ibrâhim l’Hésitant, qui ne décide pas (du verbe balal « échouer dans ses
projets »). Le surnom, sans explication précise, contraste avec la réputation
du personnage. Debné Arbhintó (v.), frère de ásan-Dîmu b. anfaɖé b.
Looytá (v. Dikhil), il est nommé « akkel » (v. makâban) des Debné en
1930, ayant pris part à la réconciliation entre sa tribu et l’administration
après les incidents de fin mars avec les Gallá (v. Dikhil). Il est, avec son
cousin i Ali, l’une des personnalités influentes parmi les Debné du
Gbaád, et l’un des interlocuteurs écoutés du poste de Dikhil dans ses
relations avec l’Áwsa, comme avec les Issas. Son nom a été donné à un
dispensaire de Djibouti.
S : HHL (Naw.) ; HL (in D.M., 1991 : 132).

ARBĀHINTÓ
Lignage des sultans Debné arká-m mlá (v.), descendant d’Arbâhim
« Gonná », fils de Ali, fils d’Ádan « Gúra ». Famille prépondérante du
Gbaád, mais aussi influente dans la région de Tadjoura et Obock,
originaire de l’oued Debné dans le Dadár, au nord de Tadjoura. L’ancêtre
ámad « Surús » est enterré à Obock.

Lignée des abbá Debné arká-m m&lá

Arbâhim « Gonná »
ámad « Surús »
2 (?)
1. Arbâhim « Gná »

3. Looytá Áli

4. usên 5. úmmad Maámmad anfaɖé úmmad


(ummád fyó) (fraction anfaɖɖá)
ámmadu ásan « Warallé »

6. ámad-Ladé 7. « Kaɖɖá » Looytá 8. Looytá ğği Ali ásan-Dîmu Ibrâhim-Balâla


(c.1880-12 octobre 1962)
cheikh ásan 9. úmmad 10. Maámmad « Bokó » Looytá

Áli (d. 25 juin 2013)

70
ARBĀHINTÓ

Histoire. Le premier à porter le titre d’abbá fut sans doute Arbâhim b.


ámad « Surús », contemporain d’Aydâis b. Maámmad, chef des
Aydissó (v.). Ce titre qui signifie d’abord « père » a été rendu par
commodité en français par « sultan », soulignant ainsi le rôle prééminent de
ses détenteurs. A la mort d’Arbâhim b. ámad « Surús », un de ses cousins
lui succèda. Quand il mourut dans une guerre contre les Issas, il fut
remplacé par Looytá b. Arbâhim (c. 1830-1863). Celui-ci fut le guide du
Français Rochet, lors de son premier voyage au Choa, en 1839. Il mourut à
Tadjoura en 1863. On l’enterra dans le cimetière des Debné qui se situait au
pied de la maison du commandant de cercle. Pour une raison inconnue, son
premier fils, usên, semble n’avoir régné qu’une année (1864). úmmad
b. Ali (Gní Alí-h úmmad), le chef de guerre et petit-cousin de Looytá
b. Arbâhim, semble avoir eu la réalité du pouvoir dès 1864 et jusqu’à sa
mort sans pour autant porter le titre d’abba. Il mourut, en 1877, à Wá,
dans un engagement contre les Issas où quatre fils de Looytá périrent, dont
usên. Son successeur, úmmad b. Looytá (1864-1902), se réconcilia
avec l’Áwsa et les Issas. Il se brouilla ensuite avec le sultan d’Áwsa,
Maámmad b. anfaɖé, lorsque celui-ci fit exécuter Abdulkâdir b.
Arbhintá (v.). úmmad b. Looytá traita à plusieurs reprises avec la
France. V. Traités. La colonie le reconnut officiellement comme « chef des
Debné » par décision du 20 juillet 1899. Représentant des Debné auprès de
Ménélik, son influence fut considérable parmi les Afars du sud. ámad-
Ladé, son fils, le remplaça, en 1902. Mais, mort prématurément à Obock,
le 31 juillet 1903, son fils ásan b. ámad-Ladé n’ayant que deux ans, le
pouvoir passa à ses oncles et à leurs descendants, « Kaɖɖá » Looytá (1903-
1905), mort à Harar ; « Unɖá » Looytá (1905-1932 ; nommé däğğazmač,
le 26 juin 1915) qui mourra en exil, à Madagascar ; puis son frère
Maámmad, décédé, le 11 octobre 1938, à Afási. Sultan sans titre, reconnu
comme simple « akkel » par l’administration, sa mort semble consécutive à
une épidémie de peste qui sévit dans le Gbaád et le Alta. Le « sultanat »
Debné n’a pas été rétabli ensuite, mais l’administration coloniale a dû tenir
compte de l’ordre successoral en nommant le fils aîné de « Kaɖɖá »
Looytá, úmmad, né à Tadjoura, « akkel » (v. makâban), le 1er janvier
1934 ; puis « akkel général des Debné », en 1939. A sa mort, le 25 avril
1963, le titre honorifique est revenu à son frère Maámmad « Boko », né
dans le Mablá, puis à ses fils. La descendance de úmmad b. Looytá est
plutôt désignée par le terme fyó : ummád fyó. Ce terme f(i)yó, outre son
sens anatomique (« orifice du méat urinaire ou de la vulve », selon les
contextes), désigne une descendance non formée en sous-fraction, auquel
cas on parlerait du gulúb ummaddó. (On corrige ici notre rédaction
antérieure sur le conseil de Sléḥ b. ásan.) La large exogamie pratiquée
par les chefs Arbhintó a visé à élargir les alliances politiques des Debné-k
Wíma, à la différence des Aydḥissó (v.), surtout mariés aux Damblá : la
mère de úmmad b. Looytá, Ibbiddó, était Asahyammára comme Iɖiglé,
une des épouses de ce dernier, de Mullú.
S : (Naw.) ; HL (in D.M., 1991 : 16-19). D.M. / Looytá b. ásan-Dîmu b. anfaɖé.

71
ARDUKÔBA

ARDUKÔBA
Toponyme sur la piste joignant Tadjoura au Choa (v.), au voisinage du lac
Asál (v.). Le nom a été choisi par Haroun Tazieff pour nommer le volcan
« Ardoukoba » entré en éruption à environ 1800 mètres au nord-ouest, en
novembre 1978. Le lieu de formation du cratère est situé à Mandá (en afar
« lave », indiquant l’existence d’éruptions antérieures). Le nom de la piste
(et du volcan) ardukôba (un seul accent) est la nominalisation de árduk bá
« il descend en courant » (la piste étant en pente sur le tronçon concerné).
L : Le Monde (éd. du 22 novembre 1978, qui indique une étymologie approximative).

ARNOUX
La tentative d’implantation commerciale de Pierre Arnoux fait partie de
l’histoire des débuts de la colonisation française. Niçois d’origine, après un
séjour en Algérie (1858-1861), Arnoux vient à Alexandrie (1867), puis
passe deux ans en Ethiopie (1874-1876), avec un projet d’alliance politique
et militaire avec Ménélik, qui demeurera sans suite. Arnoux est réputé être
le premier commerçant à s’être installé à Obock en mai ou juin 1881.
Associé à Denis de Rivoyre, sa mort, le 8 mars 1882, met fin à la
Compagnie franco-éthiopienne. Deux missions de la Marine échoueront à
établir avec précision les responsabilités de son meurtre. Il existe en fait
plusieurs récits des circonstances de ce dernier dont celui de Marc Fontrier
(2003 : 185) à partir des archives françaises :
Un incident dramatique manque cependant de remettre en cause l’existence
même de la petite colonie. Arnoux pour se protéger des larcins des Afar fait
normalement garder sa factorerie. Une nuit de la fin décembre 1881, cinq
voleurs sont surpris. L’un d’eux est tué à coups de fusil. Les colons entrent
alors dans le cycle infernal de la vandetta. Le caractère intraitable d’Arnoux
envenime suffisamment l’affaire pour que le gouvernement français
s’émeuve de la chose car, sans arrangement, la petite communauté va à une
mort certaine. La plupart de ses membres le sentent bien qui, dans le
courant du mois de janvier 1882, préfèrent à nouveau chercher refuge à
Aden. Le commandant de l’aviso le Bisson dépêché à Obock reçoit pour
mission de convaincre la Compagnie Franco-éthiopienne de verser une
indemnité. Non seulement Arnoux se fait tirer l’oreille et refuse d’acquitter
le prix du sang [af. bîlu] mais la visite du chef afar chargé de régler le
différend donne lieu à une réception particulièrement hostile. Sortant de
chez lui peu de temps après une ultime algarade, le 3 mars, le Français est
abattu à coups de lance. L’enquête française ne manque pas de discerner le
caractère ambigu de la situation, aussi les deux Afar arrêtés sont-ils
condamnés à mort mais aussitôt graciés afin d’éviter de nouvelles
représailles (…).
DEUXIEME RECIT. Arnoux a tué ámad b. Ali « Kabir », gardien de son
magasin, qu’il accusait de vol. Le meurtre a eu lieu le 14 décembre 1881.
La victime, de tribu Tákil (fraction Seém-sárra), a été vengée par ásan
b. Áli-Dbáli (nom de sa mère), également de fraction Seém-sárra. Les
Français ont exigé que le meurtrier leur soit livré, ce que les Adáli
d’Obock et les asbá (ceux-ci formant avec les Tákil la chefferie Kná

72
ARNOUX

líh Buɖá) ont accepté. Mais Áli b. Warkí, (Badoytá-m mlá, Aydamní)
s’interposa en déclarant : « Ne le livrez pas, je paierai la diya pour lui. » On
accepta ce règlement, et les quelques Français présents à Obock auraient
reçu 100 chamelles. Les asbá, en charge des affaires judiciaires,
invoquèrent la coutume qui voulait que pour un homme tué par arme à feu
on paie deux diya. Les Français remirent une peau de chèvre (galbó)
« pleine de thalers » aux Adáli. Áli b. Warkí préleva un thaler « pour
acheter du tabac » ; le reste fut redistribué aux Tákil. Dans ce récit, au
meurtre répond la vengeance légale (ané), puis un règlement financier
vient éteindre le trouble à l’ordre public. TROISIEME RECIT. Le meurtrier est
Ali « Kabir », père de celui désigné précédemment. Le motif est le même :
Arnoux, excédé par les vols dans son magasin, avait donné l’ordre au
gardien de tuer les voleurs qu’il surprendrait (ce qui incidemment montre
l’ignorance d’Arnoux du code pénal afar). Mais un jour, Arnoux surprit en
flagrant délit son gardien, en train de passer des marchandises par la fenêtre
à des complices. Arnoux tua ámad b. Ali « Kabir » et cacha son cadavre
sous un tas de bois. Les gens enfoncèrent la porte et prirent le cadavre
qu’ils enterrèrent. Dans un premier temps, les Tákil ne voulurent ni
vengeance (ané) ni compensation (diya). Puis, un complot se forma.
Quatre hommes s’embusquèrent sur le chemin du port où devait passer
Arnoux, et Ali « Kabir » le tua. Les Adáli furent en faveur d’une expulsion
des responsables Tákil pour échapper aux représailles, mais la population
d’Obock refusa cette hypothèse. Les Tákil furent disculpés quand on
déclara que, dans le groupe des quatre, le meurtrier et seul responsable,
était un aysmale, Áli « Inti-Asó » b. Kâmil, ainsi surnommé parce
qu’il était borgne. Les aysmalé n’étant pas comptés dans la chefferie
Tákil, l’affaire en resta là. VERSION DE SOLEILLET. Paul Soleillet (v.) a
recueilli d’un Arabe une autre version du meurtre (1886a : 26). Ce sont
trois hommes qui tuent Arnoux « en fort mauvais termes avec les
indigènes ».
Vers les trois heures, M. Arnoux sortait de chez lui en bras de chemise, coiffé
de son casque et fumant son cigare. Il descendit la rampe et s’arrêta à regarder,
tout en fumant, trois indigènes armés de lances et de couteaux. Ces indigènes le
suivirent, l’un d’eux lui lança sa lance par derrière. Arnoux fut atteint et tomba
en criant, immédiatement les deux autres indigènes le massacrèrent (…).
Soleillet précise que, le matin même, Arnoux avait chassé le fils du sultan
de Raaytó. Il ajoute plus loin que le meurtre avait été commandité par Abū
Bakr « Pacha ». Les circonstances précises du meurtre et l’identification
des assassins demeurent ainsi incomplètement établies. La France,
convaincue que le meurtre d’un commerçant connu pour son caractère
irascible n’était pas politique, ne chercha pas à pousser l’enquête, ne se
souciant que d’asseoir son autorité, encore largement nominale vingt ans
après le Traité de Paris ; ce, grâce à l’appui d’Abū Bakr « Pacha ».
S : (com. pers.) Chedeville / As-Arbâhim b. Maámmad, ulúlta des Hayis de rs Bir et
Maámmad b. Áli b. Wárki (deuxième récit) / ámad b. Yôfis, Tákil, ancien gardien du
phare de rs Bir (troisième récit) ; tous deux recueillis vers 1938. L : (sur Arnoux) Lande
(1878 ; 1879) ; MD, vol. 62 : 264 et suiv. ; Soleillet (1886 : 26).

73
ARRA‘TÁ

ARRA‘TÁ
Chaîne montagneuse (alt. 1270 m) au sud de Tó, surnommée par les
Italiens « Alpe Danachile ». Arratá s’étend parallèlement à la côte, de Tó
(exactement à Malágu) à Íddi. La région en bord de mer est divisée en :
Afdirá, de Tó à Sroytá ; Glimâa, de Sroytá à Kárum. Le nom Arratá
(arrí lekké « là où il y a des cailloux ») vient du collectif arrí (singul.
arrátu) « petits cailloux ». Le point culminant est le Yangúdi (alt. 1400 m
env.), dont existe un volcan homonyme au nord-est de Baádu. Sa roche est
réputée incassable et résonnerait dans l’orage (d’où son nom dérivé du
verbe « tonner »). Tribus représentées : Dammohoytá, adarmó.
ASKAKMÁLI
Tribu du groupe Sidá Buɖá (v.), répartie dans divers commandements,
généralement associée aux Mdaytó. Distribution. En Rép. de Djibouti :
Askakmáli-k Mdaytó de Ðaɖɖató (Wimá). En Ethiopie et Erythrée : 1.
avec les Dhí-m mlá (région de Awrá) ; 2. avec les Bukurré de Sullú ; 3.
avec les Askakmáli-k Mdaytó de Undurúr et du Unɖá Gamárri ; 4. en
Áwsa (Kaló) ; 5. avec les Askakmáli-k Mdaytó du Wimá (distincts des
Askakmáli-k Mdaytó de la Kaló) formant, avec les Ankáli-k Ayrolassó et
les Goftó, les Sidá buɖá (v.).
Assab v. Asáb
AWÁN
Nom d’une montagne (alt. 233 m) au centre de la péninsule de Bôri (v.), en
pays Dammohoytá (v.), au sud-est d’Ingál, près du puits de Ðrimá, que
l’on dit avoir été creusé dans la pierre par les Perses (v. Fúrsi). Nombreuses
sépultures alentour. Awán (orthographié Awn) est mentionné par Ibn
Sad, mais mal localisée. Il indique qu’à proximité du Bab el-Mandeb, qui
prend le nom de « montagne de Mandeb », séparant la grande mer des Hind
(l’océan Indien) de la mer d’El-Qulzum (mer Rouge), est la cité de Awn
par 68° de longitude et 13° 30’ de latitude. La mer entre l’Afrique et l’Asie
y est large de 60 milles (al-Qalqašand). 13° de latitude correspond
approximativement à la position d’Assab. Awán comporte deux pitons,
Marâgu, au sud ; Maléd, au nord, où est enterré Akádar Maknó (v.).
S : D. M. / Ibrhīm b. Isml ; Ibn Sad (in Youssouf Kamal, 1936, t. 4, fasc. 1 : 1083) ; al-
Qalqašand (in Youssouf Kamal, 1939, t. 4, fasc. 4 : 1399).

AWLIYÁ
Pluriel de l’arabe wal, afar walí « ami de Dieu ». Le nom qualificatif walî,
de même origine que le précédent, a le sens de « très pieux, saint » : walîk
yan « il est saint ». Dans un contexte magico-religieux, la personne réputée
walí est inspirée, douée de prémonition, souvent en relation avec un saint
ou un ancêtre intervenant dans un culte confrérique ou lignagier. Le pluriel
awliyá s’applique en afar aux grands personnages religieux du passé. Sing.
walíytu. Walí / awliyá désigne aussi celui (serpent, mendiant, etc.) dont la
présence fortuite est le signe de l’acquiescement d’une force invisible à une
prière formulée ici-bas. Michel Leiris signale qu’à Gondar awliya désigne

74
ÁWSA

« certains grands zars ou grands illuminés ; par extension les zars en


général, donc les esprits ou ceux qui en sont les manifestations »
(amharique awliyam). Topo. Awliyá Umar báɖa « « fils-de-awliyá
Umar », oratoire sur la falaise du Kaɖɖá Gamárri (v.) surplombant le lac de
Uddúmma.
S : Leiris (1934 : 101) ; HL (in D.M., 1991 : 28)

AWRÁ
Géographie. Oued se jetant dans la plaine de Têru où il prend le nom de
Trí daár « oued de Têru » (v.), après la zone de confluence de Nammalê.
Principale agglomération : Sifani (v.). Malgré les sécheresses cycliques, les
pâturages situés au pied du plateau éthiopien (v. Dóka) comptent parmi les
plus riches du pays afar. Histoire. La vallée de l’Awrá, le Âdu du nord
(Sullú- Âdu, dit aussi Milá- Âdu) et les régions qui leur font suite vers
le nord-ouest semblent avoir fait partie des régions soumises au ammadí-
Srát (v.) et peuplées initialement de Dammohoytá. Elles ont accueilli des
originaires d’autres régions, qui sont venus combler le déficit
démographique créé par les incursions de pillards Waydarát (v.) descendus
des hautes terres. Ce repeuplement a eu une conséquence politique : les
habitants se sont tournés de plus en plus vers l’Awsa. Cette tendance s’est
traduite, en 1957, par une expédition du vizir Yayyó b. ammádu (v.) qui a
proclamé les droits de l’Áwsa à Sifani, entraînant une protestation du sultan
de Bíɖu. Distribution. Les groupes de la région Âdu-Awrá sont distribués
comme suit : 1. dí-mára « gens de Âdu », clans des chefs adarmó et
Láddu qui détiennent les principaux points d’eau à Ás-lá, Sullú, près de
Magarrabá ; 2. Awrá-m mára « gens de l’Awrá », les aysantó, avec
d’autres fractions du ammadí-Srát et de l’Áwsa ; 3. Namma-Lê, groupe
du ammadí-Srát ; 4. Guleyná : Mogorrós ; 5. Têru : Mogorrós
Ibassarralé, anciens « sultans » de Têru ; 6. Adáli-k aysantó (Dabbâu) ;
Baddá-m mára : groupe de tribus autonomes mêlées aux Oromos entre
Guleyná et Maglé. 7. Asá L-k-Dhí-m mlá (régions de Ylló, Asá
buɖá, Mabáy-Boyná).
S : Chedeville / Arbâhim b. Maámmad b. Ali. HL (in D.M., 1997 : 153).

ÁWSA
A. ETYMOLOGIE. GEOGRAPHIE ET ECONOMIE TRADITIONNELLE. 1. Localisation. 2. Irrigation.
3. Régime fiscal. 4. Troupeaux du sultan. 5. Organisation militaire. B. HISTOIRE. 6. La
période des imams (1577-1750). 7. Ídi-k Ísi : les guerres pour le contrôle de la vallée de
l'Awash (1750-1834). 8. Le sultanat Mdaytó (1834-1975).
A. ETYMOLOGIE. Le nom Áwsa (’Aws dans la chronique de Amdä
əyon ?), avant de correspondre à une région, a pu désigner un groupe, ce
qui expliquerait les appellations Awsí mára (v.), Bará Áwsa (v.), chacune
désignant des tribus sédentaires. Jusqu’au XVIIe siècle (cf. la carte
d’Almeida de 1662 qui mentionne un « Auçagurrele » qui peut se lire Awsa
górra le « Áwsa intérieur »), le nom Áwsa n’apparaît pas. La carte de Fra
Mauro (1460) indique en lieu et place « Adal » (v.). Il ne se trouve pas, non
plus, dans la chronique traduite par Basset (1897). En 1631, d’après les
sources portugaises, la capitale Auçagurrele est détruite par un incendie dû
à la foudre.

75
ÁWSA

GEOGRAPHIE ET ECONOMIE TRADITIONNELLE. 1. Localisation. Plaine


cultivée, habitée par des Afars sédentaires, d’environ 20 km sur 30 km,
d’Aysaíyta aux lacs, formant le delta lacustre de l’Awash. L’Áwsa a pour
limites : au nord, la plaine de Sardó ; au nord-est, le plateau du Unɖá
Gamárri ; au sud, le cône volcanique du Damaalé. L’Áwsa est ainsi la
partie terminale de la plaine de Kaló qui commence à Tandaó (admin.
Tendaho). La zone alluviale, riche en pâturages, se compose d’une série
d’oasis. Giovanni Braca et Renzo Comolli estiment la surface cultivée en
sorgho et maïs à 20 000 ha, dans leur article de 1939 suivant leur
exploration deux ans auparavant. Celle-ci est une des premières tentées
avec des moyens scientifiques. Les indications qu’elle contient sont
précises, notamment concernant la ressource en eau et permettent des
comparaisons avec la situation actuelle. Leur mission topographique partant
d’Assab le 10 décembre 1937, ils atteindront l’Awsa en pleine saison sèche,
remarquant l’importance du débit de l’Awash en aval de Aysaíyta. Après
le gué de Mmulé (voir carte n° 5 en annexe), et suivant le cours du fleuve
qui contourne le volcan Damaalé, ils l’observent « bondissant de roche en
roche en cascatelles écumantes » jusqu’à l’oasis de Ḥarsá. Après avoir fini
de contourner le volcan, ils atteindront la rive occidentale du « lac
Gamarri » [Uddummí bad] et verront le tombeau de « Scek Adun
[Anɖaɖɖós], un des santons les plus renommés de la région ». Puis, en
longeant « les rives riantes du Gormuddli [le défluent Gurmuddáli], à
travers des champs bien cultivés et une végétation arborescente
luxuriante », ils rejoindront Abroborifaghé [le gué d’Abrobbaɖiffgé, v.] à
Aysaíyta.
La région de l’Aussa est certainement celle qui présente, à première vue, les
caractéristiques les plus belles de l’immense basse région dankalie. Limitée
à peu près au nord par la plaine de Sardo, à l’est par le majestueux plateau
de Gamarri, au sud par le massif volcanique du Damahalé ([Damaalé] et
les appendices du mont Asmara [Asmara] et de l’Ahailé [Eaylé], à l’ouest
par la ligne de l’Auasc qui court à l’occident de la grande chaîne de
Maghenté [Magénta], l’Aussa est la région la plus fertile de toute la
Dancalia.
Elevée de 3 à 400 mètres au-dessus du niveau moyen des mers, la région est
principalement composée d’une grand plaine de nature alluvionnaire, avec
d’immenses dépôts de limon, riche de gras pâturages à l’aspect de prairies
où pullulent les troupeaux de zébus et d’ovins, patrimoine incontesté du
sultan Mohamed Jaïo. Une série de larges oasis verdoyantes, de bois très
épais, de massifs puissants de plantes exotiques et de palmiers, entre
lesquelles on distingue de temps à autre le ruban luisant de l’Auasc et son
défluent artificiel, le Gormuddli [Gurmuddáli], complète le cadre
d’ensemble de la région, à laquelle les roches basaltiques du plateau de
Gamarri et les grands lacs Gamarri, Gargori et Afambo font une couronne
vers l’orient.
(…) Au nord, partant des monts Gamarri, dont le versant occidental
renferme le lac du même nom [le lac de Uddúmma], commence une série
de collines peu élevées qui, s’étendant en direction du Nord-Est-Sud-Ouest,
le long du cours de l’Auasc, atteignent leur plus grande altitude dans le

76
ÁWSA

massif du Borauli [Bráwli] qui domine de ses 922 mètres la région


d’Aissata [Aysaíyta], comprise entre le lac du même nom et les hauteurs
des monts Meschini et Culso-Coma [Maskin Kmá et Kulsí Kmá, voir
carte n° 6 en annexe], s’élevant en direction Sud-Est-Nord-Ouest, qui
dominent elles aussi le cours de l’Auasc au nord du coude d’Abroborifaghé
[Abrobbaɖiffgé].
(…) La petite colline de Gasisana [Gasí san] que nous rencontrâmes le
long de la piste caravanière, peu avant d’atteindre les pentes du Borauli, est
intéressante du point de vue historique. Sur cette colline, en position
dominante, entourée d’un triple rang de pierres sèches, s’élève le solide
fortin dans lequel fut prisonnier pendant plusieurs mois Ligg Jasu [l, Iyasu
(v. Ilysó)], prétendant naturel au trône des Négus que lui avait usurpé le
fameux Taffari [ras Täfäri].
La chaîne de Uoiscima [Data et Asa Oysimá], elle aussi de nature
calcaire, à roches stratifiées, s’élève à peu près au centre de la région, et
atteint à son plus haut sommet, le mont Foró, près de 482 mètres.
(…) Les eaux de la région sont constituées par de nombreux lacs et le
fleuve Auasc dont le cours irrégulier se déroule presque tout entier sur les
bords de la plaine fertile. Pour en corriger la bizzarerie (…), les Danakils
ont senti le besoin de construire un canal artificiel. C’est ainsi que naquit le
Gormuddli qui, en se détachant de l’Auasc au coude d’Abroborifaghé,
traverse la plaine de l’Aussa, d’Ouest en Est, en un parcours sinueux d’une
trentaine de kilomètres jusqu’à atteindre presque le lac Gamarri.
Ce défluent artificiel de l’Auasc, des rives duquel se détachent de
nombreux autres petits canaux construits et régularisés par des systèmes
primitifs, divisent nettement en deux la plaine de l’Aussa proprement dite :
au nord, la région plus sèche et plus riche en pacages formée par la plaine
d’Areietò, au sud la grande plaine marécageuse d’Ororugu Kaló, plus
sujette que la première aux inondations périodiques provoquées par l’Auasc
en crue, avec une végétation arborescente clairsemée et riche au contraire de
hautes herbes et de vigoureuses étendues de roseaux dans lesquelles les
Danakils prélèvent les matériaux de construction pour les toits et les parois
de leurs cabanes (…).
La carte annexée au récit ne fait pas mention de ces plaines d’ « Areietò »
et d’« Ororugu Kaló » (ce dernier toponyme pourrait être rapproché
d’Orroggúbi, au nord du Ḥaytankmí bad). Elles correspondent
aujourd’hui, la première, au Ðramó-k Kaló « la zone d’épandage (kaló) à
la pointe longue » ; la seconde, au Tewé Kaló « la zone d’épandage (qui
monte, tewé), de la crue ».
2. Irrigation. La mise en culture de l’Áwsa est attribuée aux Harálla (v.)
chez qui le chef de l’irrigation (baddá-h abbá) était recruté. Avant 1975 et
la période communiste, la terre était irriguée par trois défluents majeurs : 1.
Gurmuddáli (appelé Awsí dorá dans sa partie initiale ou Dananbê). 2.
Nangaltá. 3. Afal-geɖé, alimentant des canaux secondaires (dóra ou
artá), chacun ayant un responsable (dor’abbá) présidant à la distribution
de l’eau. Le Nangaltá a été creusé sous le sultan Yayyo, dans les années
1920, pour améliorer le débit du fleuve qui n’atteignait plus en saison sèche
le lac de Uddúmma. La carte de l’Áwsa (voir en annexe) situe le cours
terminal de l’Awash, tel qu’il est représenté sur la carte italienne

77
ÁWSA

(« Aussa », 1 : 100 000, 1939) et tel qu’il figure plus au sud, sur celle de
l’Awash Valley Authority (1 : 250 000, vers 1960). « Kondólta » est le nom
donné à un segment du fleuve en aval d’Aysaiytá. Le nom renvoie à
« Kondom » qui serait celui d’un employé de la compagnie cotonnière
britannique Mitchell Cotts qui fut chargé de l’aménagement hydraulique.
Certains pensent qu’il s’agit d’une déformation de kingdom. Mrs Enid
Parker (1985 : 149) indique qu’il s’agit du nom d’une entreprise. Aucune
explication ne semble décisive. Quoi qu’il en soit, ce nom énigmatique a
alimenté la poésie nationaliste en devenant le symbole de la main-mise
européenne sur les terres pastorales (cf. D.M., 1999 : 103-104) :
Neh meqe maaxigak frangiita ruuba
Laahi suga ayro hinna Kondom kalaanam (…)
Cokmih a way yemeete Kondom ma yaysa
Kee kat ufuk a baaxo Tiliyan ma gennak
Je ne veux pas savoir s’il nous est utile, chassez l’Européen
Il n’y aura plus de vaches quand Kondom partira (…)
Kondom qui est venu nous commander n’est pas plus fort qu’eux
Allons donc ! les Italiens n’ont jamais pu s’emparer de ce pays !
Cet accaparement n’était possible qu’avec l’accord du sultan Ali-Mirá
(voir p. 94). Seule zone agricole traditionnelle, l’Áwsa a tiré sa prospérité
de la culture du maïs et du sorgho, aux dépens de ses pâturages permanents.
La moisson (une par an quand sont formés les épis de maïs) commençait
traditionnellement un mercredi, d’où son nom daró-h arbaá, donnant lieu à
une offrande aux pauvres des prémices de la récolte. Le surplus agricole
permettait des échanges avec les Afars du Godá, avec lesquels étaient
troqués des produits d’altitude comme les oignons, le miel et les plantes
médicinales. Le développement de la culture du coton, à partir des années
1960, dans le cadre de l’aménagement de la vallée de l’Awash mené par
l’Awash Valley Authority, a donné des moyens financiers nouveaux au
sultan de l’Áwsa, tout en créant des conflits avec les groupes afars
strictement pastoraux qui ont vu leur accès au fleuve se réduire (Aden M.
Dilleyta, 1989 ; Bondestam, 1974 ; Harbeson, 1978). Les problèmes se sont
aggravés avec les fermes d’Etat employant de la main d’oeuvre non afare
pendant la période communiste et la prolifération de Prosopis juliflora,
surnommé wäyyané, du nom des maquisards tigréens qui ont pris le
pouvoir en 1991. (Pour un développement littéraire de ces contradictions,
voir D.M. 1999 : 109-111).
3. Régime fiscal. Avant la révolution, la récolte subit les prélèvements
suivants : deux mesures de tabantá (un grand couffin servant à séparer la
paille du grain) pour un champ moyen, destiné au chef des sédentaires ; un
tabantá pour le dor’abbá. Le propriétaire et / ou le fermier prélèvent vingt
à trente tabantá pour leur subsistance (nabsí daró). Le reste de la récolte est
conservé (mirgán). L’été, le sultan convoque les chefs pour le partage. Il
prélève un dixième du mirgán. Propriétaires et fermiers se répartissent le
reste, sauf un tabantá pour le fonctionnaire « qui reste au soleil » (ayró-s
sló-h num) pendant l’opération. Le chef des sédentaires garde la part du

78
ÁWSA

sultan dont il est comptable. Les terres du sultan font l’objet de corvées
(llá), notamment pour les labours et la moisson. Les propriétaires et les
fermiers s’associent pour leur exécution, de même qu’ils gèrent en commun
l’utilisation des boeufs. Le sultan, maître de la terre, du point de vue
politique, n’est pas propriétaire des terres agricoles qui appartiennent aux
sédentaires (v. Awsí mára). Il n’en hérite que si une fraction s’éteint (sɖ).
4. Troupeaux du sultan. Le sultan de l’Áwsa possède des troupeaux de
vaches en propre. Avant 1975, ils forment deux groupes : l’un hérité des
règnes précédents (groupe Ðiramó), composé d’une dizaine de troupeaux,
chacun de 500 à 1 000 têtes dont : Kaɖɖá-Ðiramó ; Unɖmó (vers Diyyilé
Gub) ; Unɖá-Ðiramó ; Bará Ðramó et Daháb-Đayló (vers Koród et
Walé Fánta) ; Elleádu ; Boɖôɖo (raflé au anlé pendant l’occupation
italienne). L’autre groupe est constitué de troupeaux plus récents qui
portent aussi des noms propres : Uwwáli, Kutublá, Mɖén-Addí, Aytinabá
(vers Mdús et Gayráni) ; Ayydé (Orroggúbi et Sɖekál). Garder les
troupeaux du sultan ou entrer dans sa garde personnelle étaient des emplois
recherchés. Le sultan a aussi des troupeaux de chamelles toutes identifiées
par trois marques spéciales au côté droit : allummé-t-ibá, akká et knmó.
5. Organisation militaire. On identifie deux groupes de défense. Du temps
de Maámmad b. Yyyó, une garde permanente de soixante-dix jeunes
gens, recrutés volontaires (ulláy ou ullâd), devenue wataddâr (amh.
« soldats ») sous Ali-Mirá, protège le sultan. Une force appelée Ðnekalá
« ceux qui veillent », sous Yayyó ; Simbillé « porteurs du bandeau rouge
(simbíl) », sous Maámmad ; Ambisá « les lanceurs », sous Ali-Mirá,
reçoit armes et nourriture de la récolte du sultan sur ses terres personnelles.
La Ambisá (env. 350 h.), aussi appelée « Kaɖɖá buɖá », « la grande
maison », regroupe, en premier, les Aydissó, les alliés par mariage et les
clients du sultan. Doté de moyens financiers et militaires, le sultanat
s’affirme comme une véritable autocratie (amoytînu) dont l’influence
s'étend sur l’ensemble du monde afar, jusqu’à Baylûl (v.), Bíɖu et au
territoire de Djibouti (v. Dikhil). En 1890, le sultan des Debné, úmmad b.
Looytá (v.) reconnaît à Assab la suprématie du sultan de l’Áwsa. Le 9
novembre 1909, le même sultan vient camper aux environs d’Assab avec
quelque 1500 chameaux et charger des armes pour le ras Mikael (Min.
Colo. Aff. Mil. 1899-1930). Les tribus Asahyammára (v.) en territoire
djiboutien sont sous commandement du sultan.
B : HISTOIRE. 6. La période des imams (1577-1750). L’histoire de l’Áwsa
est véritablement connue grâce à Cerulli (1931), à partir de l’émigration de
la famille de l’imam Amed « Grañ », d’origine Balaw (v.) venue de Harar,
sous la pression des Oromos. On sait qu’à la mort du sultan Barkat, en
1559, la dynastie Walasma proprement dite disparaît au profit de la famille
de l’imam Amed « Grañ ». C’est un petit-cousin de l’imam Amed,
Maammad b. Ibrhm-Gsa, concentrant une triple filiation, politique (en
héritier des Walasma), paternelle (Balaw) et maternelle (afare Harálla), qui
est intronisé imm en septembre 1576. Le tableau généalogique ci-après
montre la double alliance matrimoniale des Balaw avec un mariage
exogamique : une fille du gard Umar a épousé Ali, 25ème sultan

79
ÁWSA

Walasma ; et une union endogamique : la fille de l’émir de Zeyla,


Maḥfd b. « Balaw » Maammad, a été mariée à l’imm Amed « Grañ »,
fils du gard Ibrhīm, gouverneur du Sm, province jouxtant Zeyla, au
nord-est de Harar. Les liens entre Balaw et Afars peuvent être plus anciens
si l’on se réfère à la chronique traduite par Basset (1897 : 111), qui parle
des « Harlah [Haralla, v.], commandés par le sultan Mohammed, fils d’une
tante maternelle de l’imam ». Le tableau ci-dessous, qui interprète les
données de Cerulli (1931), montre la position symétrique de la tante
paternelle de l’imam, déjà citée et mariée au 25ème sultan Walasma, Ali.
Elle donnera naissance au suln Maammad, chef des « Zerba Haralla ». Il
est conjectural — mais logique — d’interpréter ce nom « Zerba » comme la
forme écrite correspondant à l’afar darbá « cultivateurs » (de dari [arabe
zari] bá « cultivateurs : ceux qui sèment »), renvoyant aux Afars Harálla,
chefs de la zone inondable (baddáh abbá) et ainsi cultivable de l’Áwsa.

Liens généalogiques entre Balaw et Walasma


Saad ad-Dīn Maammad
(15ème sultan Walasma, 1386-1415)

(16) Sabr ad-Dīn (17) ManEr (18) Gaml ad-dīn (19) Amad « Badlay » Ab Bakr

gard Adaš (20) Muammad Ali

Muammad (21) Ibrhīm (22) Fams ad-Dīn Azhar ad-Dīn


[Lignages Balaw]
« Balaw » Maammad gard Umar (24) Muammad

Mafd gard Ibrhīm ♀ ∞ (25) Ali (27) Ab Bakr (28) Umar-Dīn

♀ Dle-wn-baɖá ∞ imm Amad « Grañ » suln Maammad (29) Barakat


(chef des « Zerba » Haralla) (dernier sultanW.)

Le croisement lignagier entre Balaw arabisés et Afars Harálla


s’accompagne d’un renouvellement onomastique avec le passage de noms
purement arabes, ceux de la dynastie Walasma, à des formes adaptées de
l’arabe : dīn, suffixé sans article : Umar-Dīn « Umar-Religion », au lieu de
Umar ad-dīn ; mixtes : selon les lectures Maammad-Gsá ou
Muammad-Gsá « M. le Généreux (afar gsá) », ou proprement afares :
Dle-wn-baɖá (v.), La chronique de Amdä əyon mentionne une
province de Gs (qui compterait 12 chefs de tribus), sur le bassin de
l’Awash, qui peut avoir un lien avec le surnom à valeur laudative (« la
vallée fertile » ?) qui est devenu celui du lignage issu d’Ab Bakr-Gsa.

Ab Bakr-Gsa

Ibrhīm-Gsa Amad
(sultan 1585)
Maammad-Gsa I Maammad-Gsa II
(imm 1576-1583) (imm 1584-réintronisé le 24 novembre 1585-1589)

80
ÁWSA

Ce nom gsá s’applique à son fils Ibrhīm, et aux deux fils, homonymes,
de ce dernier, nés de deux mères différentes, et dits pour cette raison,
Muammad (ou Maḥammad)-Gsa I et Maammad-Gsa II b. Ibrhm-
Gsa. La chronique de Cerulli permet d’esquisser la chronologie du partage
du pouvoir entre l’Awsa et le Harar. Maammad-Gsa I, intronisé imm, le
8 ou 9 septembre 1576, quitte le Harar pour l’Áwsa où il s’installe en août-
septembre 1577. Il existe alors deux capitales en Áwsa : Farfara, avec à sa
tête le hgán (ou hganó) Jim, Adáli d’origine, et Warrba
(correspondant peut-être à Wayyirá), près du lac Iiytá. Cette installation est
précédée d’une incursion, le 13 mai 1576, du vizir Mansūr b. Muammad
b. Ayyūb, qui dirigeait la contre-offensive contre les Oromos. En tentant de
supplanter la famille des imams, il est tué. Maammad-Gsa I s’installe à
Farfara. La tâche principale reste la lutte contre les Oromos qui assiègent
l’Áwsa. L’imam lui-même est tué en combat, à Wardya, le 22 ou 23
novembre 1583, comme l’émir Amad-Dn le sera en 1590, l’imam Adan
b. Ksa, en 1648. A l’intérieur de l’oasis, la complexité de la situation résulte
des trois groupes en présence : 1. Les Harálla (v.), qu’il s’agisse des
sédentaires qui ont draîné et mis en culture l’Áwsa au XIVe siècle ou des
« gens de Harar » venus dans la mouvance de la famille de l’imam. 2. La
famille des imams arabes appelés Dardrá (v.), en désunion permanente. 3.
Les Awsí mára (v.), sédentaires, partagés entre allégeance et résistance. A
la mort de l’imam, en 1583, la population de Warrba désigne Abbs b.
« kábir » Muammad pour être sous les ordres de Maammad-Gsa II.
Celui-ci, homonyme de son frère, et qui assume les fonctions de vizir à
Harar, lui succède avec le titre d’imm le 18 juillet 1584. Le gard Umar,
commandant la province du Sm (la chronique de Cerulli l’appelle « Sm
gard » Umar) est aux côtés des gens de Warrba. Les gens de Farfara se
rallient, eux, à un émir Zal b. Abdallh al-abašī ou, dans une autre
lecture, ZuLal b. Abdallh al-asanī (Wagner, EA, III : 1053). Après une
année de confusion marquée par la trahison de Abbs qui s’empare du
pouvoir, et par la nomination au sultanat d’Amed b. AbMBakrMGsa, aidé
d’un groupe de Harálla Maammad-Gsa II reprend l’Áwsa en mains en
novembre 1585 et fait exécuter Abbs. Les Afars (« Ail » dans la
chronique de Cerulli) entrent en rébellion. L’émir Zal et le hganó Jim
sont tués. Ces désordres favorisent de nouveaux raids oromos. En 1589,
après la mort de Maammad-Gsa II, le nouvel émir AmadMDn lutte
efficacement contre eux, mais il meurt au combat, en 1590. Les nouvelles
querelles de succession (1590-1600) s’achèvent par l’intronisation de
l’imam arabe Umar-Dîn al-Madaytî aš-Šfiī (1600-1611) qui n’appartient
pas à la famille de « Grañ ». En 1607, à l’avènement de Susənyos, en signe
d’allégeance ou de volonté de paix, il envoie au roi d’Ethiopie les cadeaux
traditionnels. Sous ses successeurs, Umar b. Ziyd (1611-1620), Adr b.
Tadrs (1620-1626), les dissensions reprennent et ramènent au pouvoir un
fils de l’émir Amad-Dn, Umar-Dn (1626-1628). Si la pression des
Oromos sur l’oasis diminue, des conflits internes entraînent le déclin
irréversible du pouvoir des imams, incapables de maintenir les liens avec
les pôles historiques de l’Adal. A partir de 1647, Harar a des émirs

81
ÁWSA

indépendants. L’année 1630 marque en fait le début de cette rupture. Zeyla


passe sous le contrôle de Mokha en 1630. En Awsa, sous l’imam
Maammad b. gard Ksa (1628-36), Amad « Yâwwi », chef des Harálla
« trace les limites des champs ». Ce remaniement du système foncier
accroît les tensions entre les imams et les autochtones sédentaires dont les
Harálla (v.) deviennent les chefs de terre (baddáh abbá). On ne connaît
qu’incomplètement les stades successifs qui amènent les Debné et les
Wíma, à l’ouest et au sud de l’oasis, et les Mdaytó, au nord (v.
Asahyammára). Il semble que ce mouvement d'expansion ait été favorisé
par les Harálla en quête d’appuis extérieurs dans leur lutte contre les imams
arabes. Aidés par les Mdaytó, les Harálla provoquent l’incendie de la
résidence de l’imam Salmn, à Handág (sans doute Walé Fánta, au
confluent du Nangaltá et de l’Afal-geɖé), où il meurt en 1750. Salmn est
réputé être le dernier imam arabe. Son successeur, ancêtre de la fraction
Drussó, est Maammad « Ds » (vers 1750-1760), premier « sultan »
Harálla de l’Áwsa, appelé « ras » (voir p. 236).
7. Ídi-k Ísi : les guerres pour le contrôle de la vallée de l’Awash (1750-
1834). Un jeu complexe d’alliances se développe, où les Harálla, avec
d’autres sédentaires, notamment les Bayɖó, après avoir sollicité l’aide des
Mdaytó contre les imams Dardrá, vont se tourner vers les Debné et les
Wíma contre ces mêmes Mdaytó. Cette période, souvent confuse, est
connue sous le nom de Ídi-k Ísi « Blanche et Rouge », celle où deux
grandes coalitions se disputent le contrôle de la vallée de l’Awash et l’accès
aux pâturages du seul fleuve permanent du pays afar. Si la lutte peut être
considérée comme terminée en Áwsa avec la victoire des Mdaytó à
Darmá (1834), elle se poursuit au sud jusqu’à la bataille de Mâri (1867)2 où
Debné et Mdaytó, précédemment rivaux, feront cause commune contre les
Issas. Dès le début de cette période dite Ídi-k Ísi, incursions et trèves
alternent, pendant lesquelles les Mdaytó, postés dans la passe de Dôbi,
continuent de s’approvisionner dans l’oasis. La fréquence des disettes dues
à des invasions de criquets à partir de juillet 1763 semble avoir accéléré
l’affaiblissement de l’Áwsa, ce dont vont profiter les Mdaytó. Les
premières offensives de ceux-ci ont dû commencer avec « Datá » Kaɖɖfó
(1753-68), sans que les Mdaytó s’installent durablement. V. Awsandábba.
Harris (1844 : 179-80), qui dit tenir ses informations d’un Ablé, décrit
l’Áwsa comme leur capitale depuis « moins d’un siècle », et dont les tribus
unies « s’étendaient jusqu’à Baylûl (rs Bilool) ». A la suite d’une de ces
incursions, les sédentaires de l’oasis font une offre de soumission :
Goray-Daliy Dananbeeh yacee gaba le [défluent] Goray-Daliy donne la
main au Dananb [autre défluent],
Awsi Kaxxaafoh yacee qidô girib l’Awsa tend son outre à semis à
Data-Kaɖɖāfo
Cette formule conservée par la tradition orale (v. Annexe I) renvoie à la
prise de contrôle de l’Áwsa par les Mdaytó, qui ne sera effective qu’en

2. Mâri (Maro en somali) se situe au sud de Dulul, à une centaine de km de Djibouti.

82
ÁWSA

1834. La chronique du cheikh ln (voir Annexe II) apporte des


informations qui précisent la chronologie connue (Abir, Krapf).
[Parag. 9] : « La guerre appelée “Bré” entre les Mdaytó et les gens
d’Áwsa éclata le jour où Dieu abandonna Asá Al [le chroniqueur précise
ailleurs, fils de l’bó Bayɖó, ámad] et ses partisans, c’est-à-dire les
Daár-Mdaytó et autres. Les gens de l’Áwsa furent vainqueurs et tuèrent
environ 200 d’entre eux, dans le mois de ū’ l-ia, un jeudi, en l’année
1193 [déc. 1779-janv. 1780].
On a ici la première confirmation de la présence d’éléments Mdaytó dans
la vallée (daar) avec l’accord des sédentaires Bayɖó. En ces années 1780,
le gros des effectifs est posté à la lisière orientale de l’oasis, d’où les
Mdaytó font des incursions en profondeur :
[Parag. 3-5] Il arriva en l’année 1198 que nous quittâmes [l’Awsa] en nous
repliant jusqu’à Māšili, le mardi 14 Muarram [9 décembre 1783]. Les
Mdayto descendirent en Awsa, le dimanche 19 Muarram [14 décembre
1783]. Ils pillèrent Maarra et y tuèrent les gens. Nous revînmes de Māšili,
le vendredi 1er afar [26 décembre 1783]. Puis les gens de l’Awsa partirent
en expédition avec les Adali contre les Mdayto le 1er Rabī I [24 janvier
1784]. Ils parvinrent à Dbi, tuèrent près de cent Mdayto. Puis les gens de
l’Awsa et les Adali se dirigèrent ensemble [vers les Mdayto] et les
rencontrèrent à Gargri, le mercredi 24 de Rabī II. Les Mdayto furent
vainqueurs des gens de l’Awsa qui furent mis en déroute, et ils tuèrent 220
des gens de l’Awsa et une centaine d’Adali. Ils incendièrent les récoltes et
les maisons, et repartirent après être restés environ un mois en Awsa.
On note la présence d’Adáli, donc de Adohyammára aux côtés des
sédentaires. Le 14 novembre 1784, les Debné-k Wíma font appel à un
chérif Umar, du aramawt, et à des arquebusiers yéménites, ainsi qu’au
sultan de Tadjoura :
[Parag. 10] : [1199/1784] date de l’entrée en Awsa de l’homme complet, le
chérif, l’imām Umar, fils de notre maître le chérif al-aḍramī, d’Arabie,
pour y être investi du gouvernement, avec ses soldats de la tribu de Yāfi,
ceux-ci au nombre d’environ 107 hommes, accompagnés d’éléments des
Debné-k Wima, dont leur āqil, Afkaɖɖa [« Kaɖɖá » Afkáɖɖa, des
Ayrolassó], leur sultan Adalma [adallmá, pl. de adallom, titre du sultan
de Tadjoura] et leur banoyta [le vizir úmmad b. Maámmad et son vizir
Mandáytu b. ámad].
Isenberg et Krapf (1843 : 24), sans en préciser la date, parlent de 400
soldats venus d’Aden. Après avoir été investi à Maárra, le chérif Umar
avec ses alliés rencontre les Mdaytó à Sanulé Dbá, mais est défait.
[Parag. 13-14] : Le chérif dirigea ses soldats avec les gens de l’Awsa et la
troupe d’ALdara Umar et les Debné-k Wima, accompagnés du sultan
Adalma et du sayyid āšim pour faire face aux Mdayto et les combattre.
Ils se rencontrèrent face à face avec les Mdayto au lieu appelé Sanulé
Dābá et se combattirent. Les Mdayto furent vainqueurs, et les gens de
l’Awsa et les Debné-k Wima furent mis en déroute. (…) Ce combat eut
lieu un vendredi du mois de afar 1199 [décembre 1784-janvier 1785].

83
ÁWSA

Une période d’accalmie semble commencer (la chronique ne reprend le fil


des événements qu’en 1798). La guerre reprend avec les Mdaytó, le 3
Raab 1213 (11 déc. 1798), à l’initiative des Bayɖó, sans que les Harálla
s’impliquent :
[Parag. 16] : (…) La guerre [des Mdayto] eut lieu avec les Bayɖīo. Ils se
battirent, puis passèrent d’eux à Amado. Tandis que le combat [dit « de
Misó »] avait lieu, mourut Maammad, fils de Kaɖɖāfo [à Amadó, Naw.;
à Maárra dans une autre tradition], leur makāban. Ils repartirent après sa
mort, et nous [le rédacteur de la chronique est Harálla], nous regagnâmes
nos maisons.

Les hostilités reprennent avec le fils de Maámmad b. Kaɖɖfó, « Asá »


Aydâis, à partir de décembre 1802, marquées par trois incendies : le 12
avril 1804, chez les Kutublá ; le 7 janvier 1806 et en mars-avril 1806, dont
la chronique ne précise pas les lieux. Les Debné-k Wíma attaquent les
Mdaytó à Dôbi. Mais en janvier 1808, un second front s’ouvre au sud-
ouest, où d’autres Debné-k Wíma prennent à revers l’Áwsa.
[Parag. 18-19] : (…) Puis la guerre eut lieu à Baadu, de la part des Wima,
en ū’ l-Qada. Les Wima furent mis en déroute, nombre d’entre eux
furent tués, et l’horizon prit une teinte rouge. Puis apparut le froid (ou la
grêle). Il y eut de grandes dissensions parmi les chefs de l’Awsa. La pluie se
raréfia beaucoup, une partie de l’année fut sèche, et l’on nomma deux
imams en Awsa. Cela eut lieu en 1223 [du 28 février 1808 au 15 février
1809].
On a ici l’indication de nouvelles dissensions entre sédentaires alors que les
Debné-k Wíma ont déjà atteint le moyen Awash et tentent de prendre de
vitesse les Mdaytó, qui restent cantonnés à la lisière orientale de l’Áwsa.
La chronique mentionne des raids et des incendies, en 1808-1809, d’un
certain Maammdá b. « Asá » Alilé, non identifié, mais qui doit être des
Wíma. Harris (1844, I : 175) indique que les Mdaytó sont obligés vers
1810 de partager le pouvoir avec les Adohyammára. La guerre reprend à
l’initiative des Mdaytó, guerre dite de « Afké » (déc. 1813-déc 1814),
contre les Mmulé (v.), à Gurmuddáli, à Malíf-k Galá. Les combats se
situent désormais sur le fleuve. De Asál, les Mdaytó gagnent l’Áwsa pour
combattre les Wíma qu’ils repoussent jusqu’à Buríli. C’est un échec. Une
attaque de Tadjoura, en 1814, aboutit à l’incendie de la ville. La peste et la
disette affectent l’Áwsa de 1820 à 1826. Ces calamités pendant la saison
fraîche de 1820-1821 lui méritent le surnom de kaɖɖá gilál « le grand
hiver ». Deux imams Harálla sont nommés. Les Áwsa tentent une contre-
offensive qui échoue contre les Mdaytó, en décembre 1826. Ces derniers,
en se retirant, donnent leur butin aux Kutublá. La variole frappe l’Áwsa
jusqu’en juillet 1828. En juin 1829, la bataille de « šarb ummaysé »
(Naw.), en territoire Garratá, près du fleuve, est à l’avantage de l’Áwsa. En
1831-32, le chef de guerre des Mdaytó, Maammad b. Aydâis b.
Maammad meurt. Le 13 Rab II (9 septembre 1832), le ras Harálla
Dawúd est assassiné par les Mdaytó. Cette date est donnée (Naw.) à

84
ÁWSA

propos de Maammad b. Aydâis, fils aîné de « Asá » Aydâis qui ne


règne que quelques mois (fin 1831-début 1832) sans doute parce que les
deux décès ont eu lieu à des dates rapprochées. Des combats opposent
Wíma et Kutublá (septembre 1832), Áwsa et Mdaytó (mars 1833), Áwsa
et Gallá (mai 1833), Wíma et gens de Baádu (septembre 1833).
Finalement, les Áwsa sont écrasés à Darmá (ou Darmalé, v.), le 16 janvier
1834 (5 Raman 1249) par anfaɖé b. Aydâis, le premier à s’emparer de
l’Áwsa (HL, in D.M., 1991 : 44). Le combat aurait été précédé du pillage, à
Dl, d’une caravane de 400 chameaux envoyée par le chef des Mdaytó,
anfaɖé b. Aydâis au chef des Harálla, « Kábir andá » (v.), qui devait la
renvoyer chargée de doura (Naw.), preuve de l’alliance des Harálla avec les
Mdaytó aux dépens des Bayɖó.
8. Le sultanat M)daytó (1834-1975). Cette période peut être divisée en
trois : 1. De la victoire de Darmá sur les sédentaires (1834) à la mort de
anfaɖé b. Aydâis (1861) ; 2. De l’avénement de Maámmad « Illálta »
b. anfaɖé (1862) à la défaite de Arraddó (1896) ; 3. De la prise de
contrôle de l’Áwsa par les Ethiopiens (1897) à la fin du sultanat (1975),
suivant celle du régime impérial.
1834-1861. La victoire des Mdaytó à Darmá (v.) ne met pas fin aux
combats pour contrôler l’Áwsa et repousser toute incursion. Une offensive
Wíma contre les gens de Baádu échoue. Ces derniers séjournent et pillent
la région d’Eaylé au sud du Kaló. Une paix générale présidée par le sultan
anfaɖé, à laquelle se joignent les Kutublá et les Gallá, se conclut
pendant l’année 1835. 1836 voit une terrible disette. Les Somalis Issas
attaquent les troupeaux des Mdaytó. Harris (1844, I : 185) mentionne
pendant son voyage en 1842 une défaite des Mdaytó devant les Adáli
« three years ago », donc en 1838-39, dans la plaine de Toqošši, le puits de
Zeyla (sans autre précision). Les Mdaytó étendent progressivement leur
emprise sur l’Áwsa. D’abord, en évinçant les autres groupes afars qui
continuent de convoiter les terres fertiles de l’oasis. Les Ablé dirigés par
Maámmad b. Ali-Gára (v.) sont éliminés vers 1850. Le 25 juin 1852 (7
Raman 1268), Arbâhim b. Šeém, des asbá (v.), monte une grande
armée que les Mdaytó écrasent à Gáfu, au sud de l’Áwsa, dans le
Kutublá-k Kaló. Arbâhim b. Šeém (père de Ab Bakr « Pacha », v.) meurt
dans cette bataille. Les restes de l’armée fuient au Dóka chez les
Adohyammára. Une grande disette, appelée Rré « en file comme les
moutons », sévit en 1849-50 (h. 1265, Naw.). Les années suivantes sont
marquées par une série d’expéditions des Adohyammára en pays
Asahyammára (Naw.). A l’est, a lieu la revanche de Gáfu : le 15 octobre
1852, des Mādīmá et des Mdaytó meurent en nombre dans un engagement
à Asál. Puis, ce sont les Debné que les Mdaytó repoussent à Murúd et
Skaytó (1854), dans le Gbaád. Vaincu, Looytá b. Arbâhim se réfugie à
Gabtimá. Une paix générale est conclue avec les « Ayróyta (v.), dans le
pays des Ulutó appelé anlé », le 1er septembre 1856 (h. 1272, novembre-
décembre 1855, Naw.). Elle consacre la victoire définitive des Mdaytó sur
l’Áwsa, désormais en capacité d’intervenir à l’extérieur. De fortes pluies de
sugúm (mars-avril 1856, h. 1272) touchent l’Awsa et le Gbaád. La

85
ÁWSA

chronique indique qu’en 1858, à la suite de la destruction d’une caravane


affrétée par anfaɖé b. Aydâis, à Tiní, dans la région de Dawwé (v.), par
des Oromos et des bédouins afars, le commerce du sel est interrompu en
direction de l’Ifat. En 1858-59 (h. 1275, Naw.), Askakmáli et Karbúdda
s’opposent en Áwsa frappé de disette. L’année suivante, la récolte est
abondante. Elle occasionne un raid Waydarát sur Dagába et L-Māi-Dābá,
en septembre 1860 (h. 1277, Naw.). Cette même année, « des gens de
Tadjoura » sont tués à Baádu par des Mdîma, preuve que les guerres pour
le contrôle de la vallée de l’Awash se poursuivent sur le moyen cours,
maintenant que le delta lacustre est sous l’autorité des Mdaytó. Avec la
mort du sultan anfaɖé b. Aydâis, le 20 ou 26 Raman (1er ou 7 avril
1861) et celle du ras Harálla Bitá b. Dawúd, peut-être assassiné le 26
juillet 1862, la division des sédentaires s’accroît, tandis que les Mdaytó se
choisissent comme chef Maámmad « Illálta » b. anfaé (v.).
1862-1896. Son accession au pouvoir, après la période de deuil
conventionnelle3, fait suite à une courte guerre de succession (v.
Aydissó). La chronique (Naw.) désigne l’année (h.) 1279/1862-63
comme celle de la disette appelée Gob-kalé et Inki-ɖáwli « un seul son : le
silence des morts », pendant laquelle les gens, faute de semence, en furent
réduits à aller chercher du grain à semer dans les fourmilières. Les Intgér
et la majorité des Harálla acceptent l’emprise des Mdaytó après un rapide
combat, le 5 mai 1863. Les Bayɖó tentent de résister. Ils sont poursuivis et
battus, le 7 juin 1863, après avoir perdu soixante-dix hommes, enfants et
esclaves compris. Dès lors, le pouvoir réel est entièrement aux mains des
Mdaytó. Une paix est trouvée avec les Harálla, à Maárra, en 1865, qui,
soumis, restent chefs de l’irrigation (baddáh abbá). Les Mdaytó pillent et
incendient Tadjoura (v.), en 1866, après avoir tenté d’extraire du sel à
Asál. En (h. 1283/1866-67), probablement vers mai-juin 1866, a lieu le
combat de Wɖílu (var. Wayɖílu), au nord de Eḥaylé, où les Debné sont
attaqués et battus par les Aɖkaltó et les Gallá. Le chef Debné Ankáli,
Gná b. Saīd et Afgalád, père de usên-Bilká (Ayrolassó usentó), sont
tués (Naw.). Ce combat ne semble pas avoir de conséquence durable
puisque les mêmes Debné, sous le commandement de úmmad b. Looytá
et de son frère cadet anfaɖé, alliés aux Mdaytó, repoussent les Issas à
Mári, en juin 1867, et font un important butin. Le chef des Issas arlá,
Burle, est tué. La chronique (Naw.) signale, antérieurement à Mári, une
attaque Debné, aidés de leurs alliés Issas, sur des campements
Asahyammára à ayyú dans le Kaló. Le butin est important. A partir de la
bataille de Mári et jusqu’à la défaite de Arraddó (v.), le sultan, avec le titre
d’amóyta (de amó « tête »), qui souligne le caractère autocratique du
pouvoir Mdaytó, va développer une action diplomatique témoignant de
son influence croissante sur les sultanats afars environnants. Le sultan
d’Áwsa, Maámmad b. anfaɖé, dépêche auprès de l’agent consulaire
français à Aden son envoyé permanent Abderramân b. Yûsuf (v.), porteur
d’une lettre (datée de Raab 1298 / juin 1881), à l’intention du président de

3. D’où l’écart d’un an avec la date retenue par Aramis Houmed Soule (2011).

86
ÁWSA

la République française, Jules Grévy, demandant la protection de la France


face aux menées égyptiennes (la colonne Munzinger a été anéantie au lac
de Uddúmma (v.) en 1875). Cette lettre qui va rester sans réponse avant
celle, en termes vagues, du 23 juin 1884, favorise les entreprises de l’Italie
qui, dès 1880, a envoyé une mission politique et de reconnaissance
hydrographique dirigée par le commandant Amezzaga en Áwsa. En janvier
1883, le comte Pietro Antonelli quitte Assab pour le Choa et signe, au
passage, avec le sultan, la convention d’amitié et de commerce de Hadelè
Gubò (Addalé-Gub, v.) du 15 mars 1883, complétée par une lettre du sultan
au ministre italien des Affaires étrangères (14 ū’ l-iğğa 1310 / 5 octobre
1884), à l’évidence inspirée par Antonelli :
(…) Dans l’année 1292 de l’Hégire (1875), le gouvernement égyptien a
organisé contre moi une expédition militaire et nous nous sommes battus de
part et d’autre. Nous avons été surpris, n’ayant pas eu connaissance de leurs
intentions hostiles, mais Dieu nous a accordé la victoire [à Uddúmma, 15
novembre 1875]. (…) Les Egyptiens s’en sont retournés à Tadjoura et se
sont établis dans cette ville (…) par la force et en dépit de nous. J’ai renoncé
à continuer la guerre, mais j’ai à plusieurs reprises protesté contre ce
procédé contraire aux règles suivies par les gouvernements. Je n’ai jamais
eu de réponse. Actuellement, j’apprends que les Anglais ont l’intention
d’occuper Tadjoura qui leur serait cédé par les Egyptiens. Je suis souverain
du territoire des Danakils et personne en dehors de moi n’occupe le littoral.
Je suis parent du sultan de Tadjoura. Nous sommes du même sang, formons
un seul corps et sommes cousins germains (…). En deuxième lieu, j’ai
encore entendu dire que des personnes faisant partie du gouvernement
français ont acheté un port des Danakils. (…) Je réclamerai les documents
prouvant l’achat fait par eux, et s’ils n’en ont pas d’authentiques, qu’ils
renoncent à une prétention non justifiée et qui nous porte préjudice. Je
forme actuellement avec l’Italie un seul et même corps. Vous ne voudrez
certainement pas que je perde mes droits. De même, je ne voudrais pas que
les vôtres fussent lésés (…).

La mention de « Danakils », terme seulement utilisé par les Européens,


montre que le négociateur italien a participé à la rédaction du texte. A ce
message était d’ailleurs jointe une carte montrant les prétentions italiennes
englobant « l’Abyssinie, les pays galla et somali ». Puis la convention du 7
août 1887 entre le sultan et le commissaire italien De Simone vint garantir
la liberté de circulation sur la route d’Assab au Choa en reconnaissant la
juridiction de l’Italie sur Baylûl. En échange, le sultan d’Awsa recevait une
solde annuelle de plusieurs milliers de lires. Ce texte, inspiré, sinon rédigé,
par le résident italien, ajouté à d’autres, servit à Rome à justifier le
changement en traité de protectorat, le 9 décembre 1888, pour contrecarrer
l’influence française (le 15 novembre 1883, le sultan avait autorisé
Chefneux et Pino à passer vers le Choa ; Soleillet, rentrant du Choa, avait
traversé l’Áwsa en juillet-août 1884 avec Chefneux). Inquiet de cette
activité diplomatique, Ménélik semble avoir tenté une première incursion
en Áwsa, en 1886. Mais avec le durcissement de la politique italienne et le
conflit d’interprétation du Traité de Ucciali (Wäč’alé, 2 mai 1889), et à la

87
ÁWSA

suite de la mission Persico (1894) qui avait tenté de gagner l’Awsa à la


cause italienne, sans doute pour prévenir une offensive italienne, le 30
janvier 1896 (h. 14 Šabn 1313), deux mois avant Adoua, les troupes du
ras Wäldä Giyorgis, rassemblées par le gouverneur d’Ankobär, azza
Wäldä addəq, défont le sultan d’Áwsa, à Arraddó (v.).
1897-1975. Un second raid en Áwsa, mené par le ras Wulé, est signalé fin
avril 1897 (câble de Djibouti, 18 mai 1897). Une guerre de succession
commence, qui va dégénérer en guerre civile, dite « du trône » (v.
Sangerrá) et durer jusqu’en 1912. Vers 1898, à l’instigation de sa femme,
Rokkiyá, le sultan Maámmad « Illaltá » b. anfaé, désigne, pour lui
succéder, son neveu Maámmad, fils de son frère Aydâis, frustrant ainsi
ses fils du trône. Une guerre implacable va décimer les Aydissó (v.).
Yayyó, dernier fils survivant du sultan Maámmad « Illaltá » b. anfaɖé,
en sortira vainqueur. Cette période d’anarchie en Áwsa ne signifie pas la fin
de l’autonomie des sultans, même si la défaite de Arraddó inscrit
définitivement l’Áwsa dans la sphère d’influence de l’Ethiopie. La fin du
règne de Ménélik, sa maladie, notamment à partir de 1911 quand le sceau
de son petit-fils le ləğ Iyasu remplace le sceau impérial, la politique
controversée de celui-ci, sa destitution, le 27 septembre 1916, suivie de sa
fuite en Áwsa, contribuent à conserver au sultanat une autonomie de fait.
La longévité politique de Yayyó (1912-1927) et de son fils Maámmad
(1927-44), habilement conseillé par son vizir Yayyó b. ámmadu (v.) qui
sera aussi le vizir de Ali-Mirá, assurent à l’Áwsa une réelle stabilité, qui
permet au sultan, tout en recevant l’investiture du gouvernement éthiopien,
de prendre des initiatives politiques. Dès son début, il proteste contre
l’implantation française à Dikhil (1928) et le projet d’une piste routière
Dikhil-Áwsa ; puis, dans deux lettres (17 juin et 2 septembre 1929), le
sultan Maámmad se montre favorable aux projets français.
L’intermédiaire choisi par lui et agréé par le gouverneur de la C.F.S (24
décembre 1929) est un Debné de la famille des sultans Arbhintó (v.),
ásan-Dîmu. Une rencontre est organisée entre le sultan et le chef du poste
de Dikhil, Alphonse Lippmann (v.), à Oukkwissa (Ukkuysá), à 7 km au
sud-est d’Afambó, à la mi-février 1930. Le principe du libre passage des
caravanes et l’accord pour la piste projetée sont réaffirmés. Mais ásan-
Dîmu meurt subitement, le 4 juin 1930, en Áwsa. Des incidents émaillent
l’implantation française à Dikhil (v.) et dans le anlé, sans vraiment
interrompre le trafic frontalier. Le sultan d’Áwsa est arrêté à Däsé, en août
1932, puis relâché. Il se plaint au négus du déploiement des pelotons
méharistes (v.) au anlé (février 1933). En visite à Djibouti (5 novembre
1934), le vizir Yayyó reçoit une gifle d’un agent de l’administration des
douanes et repart sans obtenir d’excuses officielles. Le 29 juillet 1935, le
sultan proteste auprès de Djibouti contre un raid issa contre les Afars
Aɖkaltó. La proximité du déclenchement de l’agression italienne rend la
situation du sultan d’Áwsa difficile. Il est arrêté en décembre 1935, à
Dessié (Däse), soupçonné de relations secrètes avec les Italiens et
rapidement relâché. Il est repris le 7 mars 1936, mais s’évade. Après s’être
installés à Sardó, le 12 mars 1936, les Italiens occupent, en juillet, Fúrsi

88
ÁWSA

(v.), une de ses résidences. Dessié est pris par les Italiens le 15 avril.
L'Áwsa connaît une période de prospérité en approvisionnant le corps
expéditionnaire italien en viande. Le sultan séjourne en Italie, en juillet
1939. Accusé de collaboration avec l’ennemi, le sultan est fait prisonnier à
innlé, en Áwsa, et déposé par l’empereur Haylä Səllase, le 14 avril 1944.
Son trésor caché sur le mont Bráwli est confisqué. Il meurt peu après. Son
petit-cousin Ali-Mirá (v. Aydḥissó) est désigné en 1944 par l’empereur
Haïlé Sellasié. Il règnera jusqu’en 1975, sa chute suivant de peu celle de
l’empereur après avoir tenté d’organiser une résistance au nouveau pouvoir.
Après la période communiste, il rentrera de son exil en Arabie en 1991 sans
toutefois retrouver son pouvoir d’antan. Il meurt à Addis Ababa, dans la
nuit du dimanche 24 avril 2011. Son fils cadet anfaɖé a été intronisé 14ème
amóyta, à Aysaíyta, le 10 novembre 2011. District ou sultanat d’Awsa ?
La différence entre les points de vue afar et éthiopien quant au statut de
l’Áwsa a déjà été évoquée (voir p. 65). Lors de sa nomination (avril 1944),
le sultan, qui n’est pas désigné par son titre d’amóyta, est appelé à
« administrer » (amh. mastädadär) le « district d’Awsa » (yä Awsa
awrağğa). Ali-Mirá recevra le titre honorifique de däğğazmač, déjà
conféré à son prédécesseur, puis sera élevé au grade de bitwäddäd. Le
sultan ne gouverne qu’en délégation du pouvoir impérial. Il est d’autant
plus autonome qu’il suit fidèlement la ligne politique tracée à Addis Ababa.
Dans son Autobiographie (texte amharique : 132), l’empereur Haïlé
Sellasié parle de « ses soldats qui gardent les frontières de son Empire dans
les districts (awrağğa) de Dankali et d’Awsa ». Si l’on admet la solution
d’Ullendorff (1976 : 161) qui traduit ce terme par « province », on doit
garder à l’esprit que l’awrağğa est une entité administrative intermédiaire
entre le wäräda et le gouvernorat (amh. ,qlay g,zat), confiée à un ras, en
l’occurrence celui commandant la province du Wällo dont fait partie
l’Awsa ; le district Dankali dépend, lui, du ras du Tigré. On a déjà le
découpage territorial de la région fédérale qui sera instituée en 1995.
L’Awsa y est englobé dans la zone 1 qui comprend six districts, dont celui
d’Aysaíyta, sans que le chef-lieu de l’Awsa, devienne celui de la région
fédérale. La nouvelle capitale, Samara, construite près de Lógya, confirme
la fin de la suprématie des Mdaytó. Une administration décentralisée ?
Dans une nouvelle rédaction (comparer « Les territoires de l’Awsa »,
2011 : 19 et « Le fonctionnement du sultanat », 2005 : 12), Aramis
Houmed Soulé divise l’Awsa en 3 « provinces » : 1. « Bara Modayto » :
la province centrale ; 2. Bara-Awsa : la province agricole : 3. Bara
Adali-k Ayroyta : la province de la périphérie ». Curieusement, l’auteur
décrit le sultanat comme une entité décentralisée, bien que le titre même
d’amóyta renvoie à un pouvoir autocéphale. Ce caractère autocratique que
n’a pas le terme en afar du nord de rdántu, qui désigne un chef agissant en
délégation du pouvoir central, explique que, pour traduire « royaume », on
ait créé le néologisme amoytí rásu, litt. « pays de l’amóyta ». Le sultan
détenait un pouvoir absolu dont la seule limite était l’impossibilité de
prendre le contrôle de la terre qui appartenait historiquement aux Awsí
mára (v.). Si l’on peut concevoir que les Bará Áwsa (v.) sédentaires soient

89
AWSANDÁBBA

présentés comme une « province », en raison de leur autochtonie qui leur


garantissait la propriété de la terre, malgré la domination tardive des
Mdaytó, on a du mal à étendre le concept aux Adáli-k Ayróyta (v.), nom
qui renvoie à la coalition historique des Debné-k Wíma. Donner à un
apparentement lignagier, les Bará Kadá (v.), dénomination originale des
« Bara Modayto », une signification territoriale est une innovation. Sans
doute, tient-elle compte de l’ambition hégémonique des sultans Mdaytó
qui fixaient comme limite à leur influence Baylûl (v.), Têru (v.) et, à
l’époque coloniale, les tribus Asahyammára en territoire français ;
ambition contrariée par les puissances environnantes : l’Italie en Erythrée,
la France en Côte française des Somalis et la couronne éthiopienne. Un
épisode du voyage de Nesbitt prouve la présence intermittente mais bien
réelle des représentants du pouvoir central au cœur du pays afar. Alors qu’il
traverse la région de Baádu en 1928, le voyageur a deux fois la surprise de
constater la présence de danya (juges de paix éthiopiens), l’un, itinérant,
accompagné d’un détachement de police, l’autre, résidant dans le village de
Attōfán. La période précédente marquée par la guerre du Sangerrá (v.)
montre qu’Addis Ababa n’a en fait jamais cessé de surveiller la situation
politique de son « district » afar soumis depuis 1896 et la victoire de
Arraddó (v.), auquel le souverain éthiopien laissait d’autant plus
d’autonomie que ses chefs coutumiers servaient les buts de la politique
impériale.
S : Cerulli (1931) ; HHL (Naw.) ; Gi. ; Péri (1943). L : Abir (1968 : 22-26 qui utilise les
sources britanniques, dont les archives du Foreign Office) ; Aramis Houmed Soulé (2005,
2011) ; Harris (1844, I) ; Isenberg et Krapf (1843) ; Nesbitt (1934 : 146-150 ; 183-186) ;
Wagner (EA, III : 1053-1054).

AWSANDÁBBA
De *Awsí andábba « repli, retour de l’Awsa ». Awsandábba qui se situe à
l’entrée nord de l’Áwsa est le lieu d’une défaite des sédentaires de l’Áwsa
face aux troupes d’Aydâis b. anfaɖé, dit « Datá » Kaɖɖfó (1753-68).
AWSÍ MÁRA
« Les gens de l’Áwsa », désigne les treize tribus sédentaires (buré-m mára)
autochtones, et, à ce titre, interdites d’armes à feu par le sultan. 1. Dardrá
(v.), descendants des imams ayant remplacé à partir de 1600 celle se
réclamant de l’imam Amed « Grañ » ; chef en 1937 : Waggén b. Ali ; en
1981 : Mansûr b. Waggén ; 2. Harálla (Hararrá) : chef (baddáh abbá) en
1937 : Yâsin b. Dawúd ; en 1981 : abíb b. Yâsin ; 3. Intgér : chef en
1937 : soltân Waysú b. Abdulkâdir ; en 1981 : Abdulkâdir b. Waysú ; 4.
Bayɖó : chef en 1937 : bó Abdulkâdir b. Dúnna ; en 1981 : Ali b.
Abdulkâdir ; 5. Wmulé (Mmulé) ; 6. Dbaá (env. huit familles) : chef
en 1981 : Abó b. Aló ; 7. Ankattá ; 8. Songó : chef en 1981 : abíb b.
Abdulkâdir ; 9. Obrór : chef en 1981 : malák Muuddn b. Abdulkâdir
(cinq familles ?) ; 10. Brárta : chef en 1937 : malák Abdulkâdir b.
ámad ; en 1981 : Abôbakar b. Abdulkâdir ; 11. Saiddó : chef en 1981 :
Maámmad « Kellisá » b. andá ; 12. Ská-k Sarfá ; 13. Kulayyá.
S : Chedeville / HHL ; HHL (Naw.) ; HL (in D.M., 1991).

90
AYDĀḤISSÓ

AYDĀḤISSÓ
Famille des sultans Mdaytó (v.) de l’Áwsa (v.), descendant de « Asá »
Aydâis, fils de Maámmad, le premier à porter le titre d’amóyta. Il existe
une discordance quant au nombre de sultans. Aramis Houmed Soulé (2011)
qui rend compte de la tradition Mdaytó en compte 14. Il n’y en a que 11,
si l’on considère que le premier à porter le titre dynastique était « Asá »
Aydâis (1798-1831), et non l’ancêtre éponyme du lignage « Kaɖɖá »
Aydâḥis. Interrogé (op. cit. : 70), l’ex-sultan Ali-Miraḥ mentionne
« Kaɖɖfó, le fondateur de notre dynastie ». La question ne lui a pas été
posée de savoir pourquoi il ne désignait pas le grand-père de celui-ci,
« Kaɖɖá » Aydâḥis, ancêtre des Aydḥissó, ou son petit-fils « Asá »
Aydâḥis. De la réponse, dépend le nombre des « sultans » dont la liste et la
chronologie des « règnes » lors de la guerre du Sangerrá (v.) sont discutées.
L’ordre de succession est remarquable par la répétition des noms (Aydâis,
anfaɖé) et les mariages fréquents avec des femmes Damblá (c’est le cas
de « Unɖá » Ali et de ses cinq successeurs). Cette exogamie restreinte (v.
Đála-k bállis) n’exclut pas des mariages plus « éloignés » : Ftumá, la mère
de Maámmad « Illálta », d’où son surnom de Ftumáytu, était originaire
des Intilé Fek Áre (v.).
Périodisation. On propose ci-après une chronologie des règnes des chefs
Aydḥissó en liaison avec leur conquête de l’Áwsa (le mot « règne », est
seulement employé par commodité). Cette périodisation interne au lignage
complète celle qui prend en compte les autres acteurs politiques du sultanat
(cf. pages 85-90) : Adohyammára, Asahyammára, sédentaires de l’Áwsa,
Ethiopiens des hautes terres et puissances coloniales européennes.
1700-1753 : premières incursions en Áwsa. L’ancêtre éponyme du
lignage, « Kaɖɖá » Aydâis b. Maské (vers 1700), est enterré à Badaydá (v.
Badda), dans le « Kaɖɖá » Dôbi, ce qui donne une indication de la position
des Mdaytó avant leur prise de contrôle de l’Áwsa, en 1834. On ne sait
pas comment son fils anfaɖé et ensuite ses descendants se sont imposés
aux lignages issus des quatre frères Áli-Yayyó, Áli-Bísu, Afkinná et
Afkáɖɖa. Il est possible qu’une guerre intestine, semblable à celle qui
écartera plus tard la branche de Sámu, ait eu lieu. Des descendants
d’Afkáɖɖa sont comptés parmi les Lubak-Kubó (v.). Une autre incertitude
concerne les dernières décennies du XVIIIe siècle. Selon Krapf et Harris (in
Abir, 1968 : 24), le sultan de l’Áwsa est alors Yûsuf b. Ali b. Aydâis
(descendant de Ali, frère de anfaɖé b. Aydâis). Il aurait chassé le
contingent yéménite appelé par les Debné-k Wíma (1784-85). Son nom
n’apparaît pas expressément dans la liste généalogique (Naw.), ni dans la
chronique du cheikh ln (voir Annexe II). Ceci n’invalide pas pour
autant les données de Krapf et Harris. Ladite chronique (parag. 9)
mentionne des « Daar Mdaytó », soit des éléments Mdaytó, déjà
installés dans la vallée de l’Awash, auxquels peut avoir appartenu Yûsuf b.
Ali b. Aydâis, lequel aurait pris part aux combats avec ses contribules
positionnés en lisère d’une oasis qui n’était plus aux mains des imm arabes
et n’était pas encore un sultanat Aydḥissó. Il est ainsi logique que son nom

91
AYDĀḤISSÓ

ne figure, ni dans la chronique Harálla, celle du cheikh Ğīlnī, ni dans la


généalogie des amóyta Mdaytó Aydḥissó.
1753-1834 : prise de contrôle de l’Áwsa. Il est significatif que la
chronique ne mentionne pas, non plus, Aydâis b. anfaɖé, dit « Datá »
Kaɖɖfó (1753-1768), « le fondateur de notre dynastie » selon l’ex-sultan
Ali-Miraḥ, et qu’au parag. 16 la même chronique désigne son fils
Muámmad (1768-1798) comme « leur chef (makâban) », et non comme
l’amóyta de l’Áwsa. On est ici en présence de deux récits — de deux points
de vue —, celui, interne à l’Áwsa, des Harálla ; et celui, propre aux
Aydḥissó demeurés en lisière de l’oasis.

Lignée des sultans M)daytó (fraction Ayd$issó)

aɖal-Mâis

« Mdá le » Arbâhim

« Gabaɖêri » Ali

Máad Afkié, ancêtre de la fraction Afkié-s sárra

Umar

« Kaɖɖá » Ali « Unɖá » Ali

ámad anfaɖé Maámmad Ali Yayyó

Maské

« Kaɖɖá » Aydâis (vers 1700), ancêtre des Aydissó

anfaɖé Áli-Yayyó Áli-Bísu Afkinná Afkáɖɖa

Aydâis, dit « Datá » Kaɖɖfó (1753-68) Aydis-báɖa Aydis-Róyyan

Maámmad (1768-11 décembre 1798)

1. « Asá » Aydâis (1798-1831, premier amóyta) « Unɖá » Aydâis

Maámmad 2. anfaɖé (1832-61) Aló andó


(1831-32)

3. Maámmad « Illálta » (1827, amóyta 1862-mai 1902) « Unɖá » Aló Aydâis

4. Aydâis 5. Ali-Mirá 6. « Kaɖɖá » Kaɖɖfó 7. anfaɖé 8. Aló 9. Yayyó Maámmad

anfaɖé (d. 1920) 10. Maámmad Aló

11. Ali-Mirá (amóyta 1945-1975) Yayyó Maámmad (d. 1970)

Aydâis anfaɖé Ysn Ámad usên ‘Aló

Branche de l’Áwsa Branche de Sámu

92
AYDĀḤISSÓ

La troisième tradition, celle des Debné, dont nous faisons état à partir des
données chronologiques (Naw.), cite « Asá » Aydâis b. Maámmad
(1798-1831) comme le premier à avoir porté le titre d’amóyta, ce qui va à
l’encontre de l’affirmation de l’ex-sultan qui désigne « Datá » Kaɖɖfó
(1753-1768). Citer ce dernier comme le 1er amóyta, revient à dire qu’à
l’époque ses oncles Áli-Yayyó, Áli-Bísu, Afkinná, Afkáɖɖa et leurs
descendants étaient définitivement écartés de la succession. La tradition
Debné en désignant le grand-père de « Datá » Kaɖɖfó (v. tableau p. 92)
montre qu’elle devait ignorer ces dissensions internes aux clans Aydḥissó,
qui empêchaient de reconnaître « Asá » Aydâis b. Maámmad comme
leur chef (amóyta) incontesté. Le problème se reposera pendant la guerre
civile du Sangerra (v.), puis lors du remplacement du sultan en 1944.
18341912 : ambition hégémonique et guerre civile. La bataille de
Darmá (1834) marque l’établissement du sultanat Mdaytó. Elle a lieu au
début du règne de anfaɖé b. « Asá » Aydâis (1832M1861). En 1862, la
mort de anfaɖé b. Aydâis, à Gargôri d’après Antonelli, est l’occasion
d’un conflit entre son fils aîné, Maámmad, qui en sortira vainqueur, et son
frère cadet Aló, lequel s’enfuiera à Baádu en mai 1862. Maámmad
« Illálta » b. anfaɖé (1862-mai 1902), né en 1827 à Addalé-Gúb (ou
Sangerrá), d’une mère issue d’un lignage saho descendant du cheikh Intilé
šek Áre (v.), accède au pouvoir à l’âge de 35 ans. Aramis Houmed Soulé
(2011 : 24) résume ainsi les buts de son régne : « l’unification des Afars
sous une même entité et l’édification d’un Etat puissant devant lui
permettre de s’opposer [aux] visées impérialistes ». Sur le premier point,
celui d’une unification des Afars, la maxime que l’on prête au sultan :
Bádak aɖây martó le márak ḥókmi yō « depuis la côte, le commandement
des gens portant pagne [les Afars], c’est moi qui l’ai », est surtout
indicative d’une ambition hégémonique de l’Áwsa qui amènera à l’incendie
de Tadjoura en 1866 et à l’installation des Nassâr à Baylûl (v.) aux dépens
des Dankáli ; finalement, au désastre de Arraddó (v.). Aramis Houmed
Soulé (2011 : 7, note 5) insiste sur le surnom d’illálta donné au sultan :
Ce mot désigne en afar un point d’eau permanent dont l’accès est ouvert à
tout le monde. Il est employé ici dans le sens d’une autorité unique à
laquelle se réfère l’ensemble du peuple afar.
Illálta désigne certes un point d’eau permanent, mare ou puits, par
extension, une oasis prospère, ce qu’est l’Áwsa, comparée aux régions
environnantes, mais elle n’est pas ouverte à tous. Le sultan évergète ne
redistribue ses ressources qu’à ses contribules. Pour ceux qui lui sont
soumis, le mot prend un autre sens dans le proverbe : illalta le mari kok
naba « ceux qui ont l’eau te dominent ». Le contrôle de l’oasis, synonyme
de pouvoir, explique la guerre de succession qui éclate en 1898. Ce conflit
long et sanglant, qui durera jusqu’en 1910-1912, est connu comme la
« guerre du Sangerrá » (v.), d’après le nom de la résidence du sultan.
1912-1944 : autonomie de fait. La guerre civile prend progressivement fin
avec la venue au pouvoir de Yayyó, dernier fils survivant du sultan
Maámmad « Illálta ». Encore en concurrence avec ses rivaux (1913-1916),

93
AYDĀḤISSÓ

il s’impose ensuite. anfaɖé, père du futur sultan Ali-Mirá, fait prisonnier


par le sultan Yayyó, meurt en détention à Fursé en 1924. C’est sous le
« règne » de Yayyó que l’héritier déchu du trône d’Ethiopie, le ləğ Iyasu
(en afar Ilysó, v.) se réfugie en Awsa. Le fils de Yayyó, Maámmad,
succède à son père en 1927. Nesbitt (1934 : 282) qui le rencontre en 1928
lui donne 32 ans, rendant plausible sa naissance en 1896. La conquête
italienne de l’Ethiopie améliore la situation économique du sultanat qui
bénéficie aussi du découpage administratif issu de la création de l’Africa
Orientale Italiana. Le sultan rencontre le général Graziani en 1937 et le
Duce en 1939 à Rome. Il décède en 1944, peu de temps après sa déposition
pour collaboration avec les Italiens, alors qu’il n’a que 48 ans, accréditant
la rumeur de son assassinat. Yasin Mohammed Yasin (EA, III : 648M649)
fait état d’un conflit survenu en 1942 entre le sultan Maámmad et son
vizir Yayyó b. ámmadu, qui aurait entraîné le remplacement de ce
dernier par un nommé Maámmad « Āsiyáytu » Gemmessis, fils d’un
esclave originaire des hautes terres. Le vizir déchu aurait alors intrigué avec
l’empereur pour remplacer le sultan. Si ce conflit a eu lieu, il a joué un rôle
second dans l’arrestation du sultan dont la cause directe reste, sans doute
possible, son soutien apporté aux Italiens. Cette épuration, on le sait, a
concerné d’autres dignitaires de l’Empire accusés de collaboration. Nous
n’avons pu identifier ce « Gemmessis », dont le nom n’est pas afar.
1944-1975 : apogée et fin du sultanat. L’entretien que l’ex-sultan Ali-
Mirá b. anfaɖé (1944-1975) a accordé à Aramis Houmed Soulé (2011)
confirme l’enrichissement du sultan. Ce dernier précise que sa capacité
d’emprunt était passée en quelques années de 100 000 à 50 millions de
dollars éthiopiens à la veille de la révolution (op. cit. : 93), soit 25 millions
de dollars américains de l’époque, ce qui, sur la base d’une inflation
annuelle de 4%, équivaudrait à environ 100 millions de dollars
d’aujourd’hui. La question du développement des inégalités n’est pas
abordée. C’est pourtant ce déséquilibre, né d’une économie de rente, qui a
entraîné la fin du sultanat à la faveur de la révolution de 1974 et la fuite en
exil de son titulaire, présenté par Aramis Houmed Soulé comme « un de ces
dirigeant locaux ayant fait tout ce qu’il pouvait pour le bien de ses
compatriotes » (ibid. : 93, n. 310). Cette opinion n’était pas partagée par les
Afars à l’époque (voir Annexe III, p. 424). Gascon (1995 : 100) note :
un étranger ne pouvait posséder la terre (…). Il fallait également « s’associer »
à un Ethiopien, titulaire des droits sur la terre, pour en chasser les occupants :
Ali Mirah, sultan et balabbat des Afars de l’Awsa partagea les parcours de ses
sujets, éleveurs nomades, avec Mitchell Cotts et devint un riche planteur
(Dessalegn R., 1986 ; Aden, 1989).
L’entretien omet un autre fait significatif : fin 1973, pour protéger le TFAI
et répondre aux préconisations de l’OMS, c’est l’armée française stationnée
à Djibouti qui procède à la vaccination antivariolique de la population de
l’Áwsa. Le risque d’épidémie écarté, la famine de 1974 voit la mise en
cause de l’empereur pour son inaction et la fuite du sultan en 1975.
S : HHL (Naw.) ; HL (in D.M., 1991 : 39-41). L : Aramis Houmed Soulé (2005 : 51-118 ;
2011 : 63-137) ; amal al-Dn al-Šm (1997 : 342-359) ; Nesbitt (1934 : 282).

94
AYFARAḤ

AYDAMĀNÍ
Fraction des Badoytá-m mlá, issue de ámad « Áydam » (ou
« Aydamó ») b. Algó-Umar b. Dimbílu b. Badoytá. ámad « Áydam » a
eu quatre fils : 1. Alfaɖé, père de ámad-Moollím (à l’origine de la
fraction Moollintó ou Alfaɖɖá) ; 2. amdá (fraction amddí) ; 3.
aysmá : 4. Aɖás (fraction Aɖsá). Les Aydamní sont représentés aux
environs d’Obock et à Dawwé (v.). Ils ont la prééminence sur les ayís au
sein de la chefferie Badoytá-m mlá à Obock (v.). Les Aydamní ont fourni
les « akkel » rétribués par l’administration, notamment Áli b. Wárki, à
l’époque de Lagarde (v. Arnoux), son fils Maámmad (d. vers 1946), puis
Áli, mort prématurément ; un autre frère, Áli, dans les années 1970, dont
le fils Burán est décédé en 1989. L’alternance des noms Maámmad / Áli
a été une caractéristique de ce lignage.

AYFARAḤ
La généalogie de cheikh « Ayfaraḥ » le rattache à la descendance de Abd
al-Mu]]alib, dernier chérif de La Mecque (1880). Cette tradition est
contradictoire avec celle qui énumère treize générations : Abdallá, qui
serait le vrai nom de cheikh « Ayfaraḥ » b. Áḥmaddn, dit « Kurwalé »
(enterré en pays oromo Ry) b. Dawud b. ḥğğ Yûsuf, b. (dam, b.
Yûsuf, b. Muḥammad b. Abdallá, b úsen b. Abdulkâdir b. šay
Ayfaráḥ b. Áḥmaddn, b. Muḥámmad. La date de sa mort (28 juin 1784)
peut être tenue pour certaine. Elle figure dans la « Chronique de l’Awsa »
(parag. 6). Sur la base de générations de 25 ans, la généalogie précitée situe
l’origine du lignage au milieu du XVe siècle. Le cheikh Ayfaráḥ est connu
en saho sous le surnom de yi muhunduté « mon supérieur » (verbe muh
« dominer »), parce que, enfant, il avait attrapé un lion par l’oreille (surnom
donné par sa mère). Venu en Áwsa (v.), au temps de l’imam Salmân (mort
en 1750), le cheikh Ayfaráḥ et son frère, Muḥammad-Sad, sont connus, en
pays oromo Ry, sous le nom de « nammsid » (namma sayyid). C’est là,
à Hiğirá, que la tradition situe sa première prédication. Hiğirá est située au
sud-est de Mokonni (v. Waydarat), sur la route conduisant à Allamta. Les
Ská (v.) Alḥissó se réclament de lui. C’est de ces contreforts du Tigré que
partent plusieurs légendes pieuses. Il semble qu’Ayfaráḥ soit devenu un
titre porté par des chefs religieux, ce qui expliquerait la constitution de
lignages différents des descendants en Awsa du cheikh Ayfaráḥ b.
Áḥmaddīn. La légende veut qu’à la suite d’une dispute avec son père, le
cheikh Ayfaráḥ soit parti chez les Sahos, pour ensuite descendre en Áwsa,
« accompagné de quarante Dbaá » (v.). Il aurait été enterré à Kaɖɖá
Maárra, à côté du père de kábir andá (v. Kabirtó). S’y rattachent : le
lignage de Maámmad b. aml al-Anniyyī, son fils Abdusamad (mort
vers 1913), et le fils de ce dernier, Abdurramn ; ses neveux, Yûsuf
(mort à Assab vers 1935) et son fils Dawud « Ayfará ». Un autre lignage,
rattaché aux Dīnitté, comprend deux marabouts célèbres, les frères Abū
Bakr et Ibrâhim b. Muámmad, et le poète, fils du premier nommé,
ámad. Un autre cheikh Ayfará b. ámad, oncle du précédent, est mort

95
AYROLASSÓ

en 1954. La date de de la mort du « premier » Ayfará (1784) amène à


s’interroger sur plusieurs traditions (in Aramis Houmed Soulé, 2011 : 12).
L’une fait du cheikh le premier transcripteur de la langue afar en arabe « il
y a 350 ans ». Une autre en fait « le premier šay » de l’école shaféite. Ces
récits fondateurs propres aux élites arabisés reflètent la concurrence des
écoles juridiques en Áwsa.
S : D.M. / Ibrhm b. Isml.

AYROLASSÓ
Tribu issue du fils aîné de Gallâmir, « Ayrolasé » ámmadu, « Celui resté
(asé) au soleil en plein midi (ayró-l) », pour marquer son mécontentement
d’être écarté du pouvoir dévolu à son cadet « Ðogorré » Umar. V. Adâal.
L’itró (v.) des Ayrolassó est « Tawwhá ! », parfois « Tawwá-s sarrí ! »,
d’où l’autre nom donné aux Ayrolassó : Tawwhá ou Tawwá-s sárra « la
suite (lignée) de Taww(h)á ». Mohamed Aden (2006 : 80 et 96) indique
que Tawwah serait un des fils de aɖal-Mâis (c’est un petit-fils de
Gallâmir dans la généalogie ci-contre), et que son nom complet est degger
lé Tawwah « celui qui s’habillait en peau de bête tannée ». Implicitement,
un rapprochement est fait avec aɖɖáwwa « objet lié » (du verbe oɖɖowwiy).
La langue ne connaît que deux façons de porter le vêtement traditionnel,
soit en le nouant (kuntūbús), soit en s’en ceignant (marít). De ce verbe,
dérive martó qui désigne le pagne court. On est plutôt incité à considérer
Tawwah comme une variante d’Atawwá, nom dérivé du radical atáwwa
(var. watayya) : atawwa hayis « retenir quelqu’un en attendant un tiers » :
wokkel suge mari qeebi watayya heeni « les gens qui étaient là menèrent un
combat retardateur ». Ce nom Atawwá est donné à un garçon qui ne
reculera pas dans la bataille, ce qui s’accorde avec la réputation de guerrier
du personnage. Chronologie. Ecrivant la légende de son ancêtre « Roblé-k
Kamil » (fraction Msá-Umartó), Mohamed Aden donne ses dates de
naissance et de mort (c. 1836-1914), offrant un repère chronologique qui,
sur la base de 15 générations de trente ans (G1 à G15 dans le tableau ci-
contre), aboutit à la date de 1386, soit, à quatre ans près, à celle donnée (p.
20) pour la génération de Gallâmir. La fraction Roblé-Umartó a des
fonctions religieuses. Msá-Umartó et Roblé-Umartó ont des ascendants
Mağrtn, attestant de l’ancienneté de la présence somalie à Tadjoura.
Distribution. 1. Avec les Iɖiglé-k Ayrolassó de Bulgá, sur le piémont
éthiopien ; 2. Chez les Sidá buɖá (v.), formant les Ankáli-k Ayrolassó. En
République de Djibouti, les Ayrolassó n’ont que peu de terres en propre.
Les Ayrolassó ont reçu du sultan de Tadjoura pour gratification (galtó,
amh. gult) la terre d’Aysarrásu, au nord de eysítu (région de Folló-
Inifó). Le chef en brousse est le représentant des Afkaɖɖitté. Celui des
Msá-Umartó siège au conseil du sultan. Fractionnement. 1. bo-s sárra
(Afkaɖɖitté, descendants d’Afkáɖɖa b. ámmadu ; et la branche cousine,
Tabbbí) ; 2. Arbhím sárra (ásan-Maammadó, Robllá, dont Msá-
Umartó, As-Kmiltó). A Tadjoura, ils constituent la chefferie Debné. Dans
le Gbaád, ils forment le commandement en second. Dans le sultanat de
Raaytó, les Ayrolassó sont présents dans la chefferie Basmá.

96
AYSA‘ÍYTA

Généalogie des Ayrolassó

G1 Gallâmir

G2 « Ayrolasé » ámmadu « Dogorré » Úmar

G3 Atawwá

G4 « Uɖ » Maámmad

G5 Aɖás

G6 ámmadu

G7 bó Arbâhim

G8 ámmadu ásan-Baɖɖá

G9 Isml Maámmad

G10 ámmadu Arbâhim

G11 Afkáɖɖa « Datá » Aɖás « Asá » Aɖás « Asá » Kâmil

G12 Isml Saɖekál Mûsa (As-Kmiltó)

G13 ámmadu Úmar (Msá-Umartó)

G14 Isml ásan-Omboyró Roblé Mûsa

G15 ámmadu Ali Maámmad Kâmil

Lignages : Tabbbí Afkaɖɖitté ásan-Maammadó Robllá


Ebó-s sárra Arbhím sárra

S : Chedeville (Afars) ; HHL (Naw.) ; HL (in D.M., 1997 : 130). L : Mohamed Aden (2006).

AYRÓYTA
Litt. « du Midi (ayró) : méridional ». Groupe de tribus du sud de la Kaló,
avec les Magénta, comprenant des Aɖkaltó, des Gallá, des Kutublá, des
Wagbáru, des Dará-h Ulutó. Le terme est employé dans le nom composé
Adáli-k Ayróyta, qui désigne, parmi ces groupes les plus au sud, ceux
entrant dans la grande coalition des Debné-k Wíma (v.).
AYSA‘ÍYTA
Toponyme. 1. Ville sur la rive gauche de l’Awash, au sud du mont Boráwli,
qui s’est développée pendant l’occupation italienne, à partir du campement
existant. La route qui traverse la ville conduit à la passerelle qui franchit
l’Awash au « gué des fils d’Abro » (Abrobbaɖiffgé, v.). Ce tronçon
carrossable est appelé Gubgubyá. La ville est devenue la capitale de l’Áwsa
après la Seconde Guerre mondiale, avant d’être supplantée par la création
de Samara, la capitale fédérale de la région Afar (v. Rakkay).

97
AYYÁLU

ETYMOLOGIE. aysá « iy » ta « après cela, tu cries (tu peux crier) : “ Au


secours ! ” » (tu y trouves de l’aide) ; celle du groupe d’alerte, dit barr’fá,
réunissant des éléments Karbuddá, Askakmáli-k Mdaytó, Ulél, Damblá-k
úmmad-sárra, Makanniytá-w Wdîma, aɖbisó-s sárra. Le nom
« Aissáita » a été étendu à l’époque italienne aux lacs du delta de l’Awash,
dont certains formés par la crue de l’Awash. 2. Aysaiytá, oued vers
Tadjoura.
S : HL. L : Guida (345) ; EA (I : 363).

AYYÁLU
Cône volcanique remarquable du Baádu, au sud-est de Gawwâni,
pèlerinage fréquenté par les musulmans et des ermites chrétiens. Cette
fonction religieuse incite à dériver Ayyálu de l’arabe ayyál « délai accordé
par Dieu, terme de la vie ». Lieu de sépulture de cheikh Mandáytu (v.
Ibrhím « Wrufi »). V. Awliyá. Siyrá.
S : HL (in D.M., 1991 : 28). L : Buxton (1957 : 153-54) ; Reinisch (1889-90, II : 131) ;
Thesiger (1935).

AZÉNOR
(Saint-Denis de la Réunion, 1892 ; Tadjoura, 1928). Chef du poste
administratif d’Obock (9 avril 1927). Arrivé sur l’aviso Diana, Michel
Azénor prend possession de Tadjoura, courant 1927. Nommé officiellement
chef du poste, le 18 janvier 1928, en remplacement de Barthélémy, il meurt
subitement le 28 décembre 1928, à Tadjoura, dans des circonstances
obscures, après l’investiture du sultan úmmad (14 décembre), imposé par
le gouverneur Chapon-Baissac (v. Tadjoura). Son corps est transporté à
Djibouti. Il est remplacé par Christian Dupont qui lui avait succédé à
Obock (v. Lucas).
L : Cf. Archives ANOM (correspondance 1927-1945). Imbert-Vier (2011 : 137, n. 248) fait
référence à un renseignement de police qui soupçonne l’épouse somalie d’Azénor de l’avoir
empoisonné, ce qui revient, en le citant, à donner du crédit à une rumeur.

98
 1

ABDALLÂLI
Descendants de Abdallá, frère de Dîni et Burán, tous trois, fils de
« Adállom » ámad (v. p. 318, le tableau des sultans de Raaytó).
Comptés parmi les Adáli Dnitté. Distribués entre le Mablá et Raaytó.
ABDERRAḤMÂN YÛSUF
Cité généralement sous la forme Abderramân še Yûsuf, également
(chez les monolingues) Abderramân b. sk Yôsib ou « Adrumán ».
Ská de Raaytó. Envoyé permanent du sultan d’Áwsa, Maámmad b.
anfaɖé, dont il était l’interprète auprès de Ménélik (entre 1880 et 1895). Il
est mentionné par Soleillet comme l’ « Afar qui a le plus aidé les Français à
Obock ». Il a également favorisé les contacts entre Antonelli et le sultan
d’Awsa qui ont débouché sur la convention d’amitié et de commerce de
1883 (v. Addale-Gúb) et le traité de protectorat de 1888. Un temps mis en
résidence surveillée à Keren par Ménélik, puis libéré au début de la
« guerre du Sangerrá » en 1899, il informe les Italiens sur ce qui se passe
dans le sultanat. Le gouverneur de l’Erythrée, Martini, s’en fait l’écho (cf.
Il Diario Eritreo, vol. 2) pour la période 1899-1905. Il juge Abderramân
b. Yûsuf « très influent » et note, le 17 mai 1901, que « le sultan a bien
choisi son ambassadeur, courtois et insistant ». Martini note :
Au-dessus de l’Anfari [le sultan] et de ses disputes avec l’Aydahis [son
neveu et candidat à sa succession], il y a ceci : la détermination résolue des
Danakil de ne pas vouloir rester sous la domination abyssine. » (…)
Abderramân b. Yûsuf [m’a] dit : « Nous serons plus de 60 000 le jour de
la révolte. Nous sommes tous d’accord. La paix et l’alliance sont faites entre
Hummad Looita et Mohamed Anfari, et le sultan de Biru, Haissama Ahu est
d’accord avec nous. Il a 3 000 fusils. Hummad Looita, plus de 3 000.
L’Anfari, 1000. Nous vendrons des troupeaux et en achèterons d’autres.
Nous couperons la route du sel, et interromprons les communications vers le
Harar. Nous espérons que le gouvernement italien ne sera pas contre nous.
Sinon, nous céderons une partie de la Dancalia aux Français.
En plus de ce chiffre de seulement « 1 000 fusils » qui sous-estime sans
doute les forces réelles du sultan d’Awsa, il convient de noter que le
résident italien d’Assab, Felter, restait très critique sur la fiabilité de
Abderramân b. Yûsuf en qui il voyait surtout un ancien trafiquant
d’esclaves. L’Italie qui semble avoir envisagé l’annexion du sultanat ne
s’opposera pas à l’immixtion des Ethiopiens dans la guerre de succession.
Déjà, le 10 janvier 1901, Martini notait que : « Par le Traité de 1897, nous
avons renoncé au protectorat sur l’Aussa, qui fait désormais partie de
l’empire éthiopien. » Ces tractations secrètes qui avaient commencé dès la
négociation du traité d’amitié conclu entre le sultan d’Awsa et Pietro
Antonelli (1883) avaient conduit, en 1895, l’empereur Ménélik à tenter

1
Ce signe // qui note la pharyngale sonore (similaire au « ayn » arabe) est écrit q en orthographe afare.
Pour des raisons techniques, il est parfois écrit ‘ en tête des articles du dictionnaire. Ex. ci-après
‘Abdulkâdir Arbhintá.
‘ABDULKÂDIR ARBĀHINTÁ

d’arrêter Abderramân b. Yûsuf mais celui-ci avait pu s’enfuir à temps et


se réfugier en Awsa, ensuite en Erythrée où il résidait le plus souvent.
L’empereur d’Ethiopie envoya au sultan un message (in D.M., 1997 : 50).
Nugusuk : Koh cule num yoh ruuba, yexceh.
— Anu yoh cule num ruuba num hinniyo, iyye, Canfaxê Macammad.
Cilfi kibbi hee qadoddi kah ruube’yyen.
— Ama giribit yan cilfih gide akke’yye. Woo cilfi riyyi heeh ruube’yyen.
— Amannah koo heelyo’yye, Canfaxê Macammad.
L’empereur [Ménélik] : « Envoie-moi celui qui est venu chez toi.
— Je ne suis pas homme à livrer un homme qui est venu chez moi », dit
Maammad b. anfaɖe.
L’empereur lui envoya une grande outre pleine de grain avec ce message :
« Mes soldats sont aussi nombreux que le grain dans cette outre. » [Avec un
jeu de mot entre ílfi « grain » et (ar.) ílfi « alliance » par extens. « alliés,
soldats »]. Le sultan fit moudre le grain et renvoyer l’outre à l’empereur
avec cette réponse : « Voilà comment je les mettrai. »
A cette réponse insolente, Ménélik devait riposter en lançant ses troupes sur
Baádu et l’Awsa. La défaite de Arraddó (v.), le 30 janvier 1896, marque la
fin de l’indépendance de l’Awsa. Une version parallèle dans laquelle
l’empereur Yohannǝs prend la place de Ménélik et envoie un sac plein de
croix en ordonnant au sultan et à ses sujets de les porter, est proposée par
Aramis Houmed Soulé dans son chapitre intitulé « Mahammad Hanfaré
face au prosélytisme chrétien » (2011 : 33). Elle semble douteuse pour trois
raisons. En premier lieu, si la volonté de l’empereur d’unifier les hautes
terres, sous couvert d’une conversion forcée des musulmans2, est
documentée, elle a surtout concerné les Oromos, et non les Afars. Cette
tentative marginale a été le fait des protestants de la Red Sea Mission après
la Seconde Guerre mondiale. En second lieu, les Ethiopiens chrétiens
portent au cou un fil bleu, le matäb (afar matáb), mais ce sont les femmes
qui traditionnellement portent une croix, non les hommes — or on sait que
ces conversions n’ont concerné que les hommes3. Enfin, l’empereur
Yohannǝs est mort en 1889. La version d’Aramis Houmed, qui renvoie au
contexte religieux des années suivant le « concile » de 1878, est une
déclinaison de celle, strictement politique, inédite jusqu’en 1997, qui, selon
notre informateur, précède immédiatement la bataille de Arraddó.
S : HL (in D.M. (1997 : 50). L: Soleillet (1886) ; Martini (1946, vol. II).

‘ABDULKÂDIR ARBĀHINTÁ
Abdulkâdir b. Arbhintá b. Yûsuf. Originaire des Ská Saiddó de
Tadjoura, intermédiaire entre le sultan des Debné, úmmad b. Looytá (v.),
et Ménélik. Il était le cousin de Abderramân b. Yûsuf (v.). En 1894-95, il
est exécuté sur ordre du sultan de l’Áwsa, Maámmad b. anfaɖé, contre
l’avis du sultan des Debné. A l’annonce de la mort de son ami, celui-ci
déclara en forme d’épitaphe : girá witté’yyen / l bakarté’yyen / subá
ibīré’yyen « le feu est transi ; l’eau, altérée ; le beurre, séché. »
S : HHL (Naw.) ; HL.

2. Cf. le « concile de Borumieda » (1878).


3. Cf. le témoignage de Mgr Massaia, in Trimingham (1965 : 122-123).

100
‘ABLÉ

‘ABLÉ
Tribu réputée antérieure à aɖal-Mâis (v.) et d’origine adarmó (v.) qui
est le nom des groupes d’origine bedja Hadrab sur la côte érythréenne.
Légendes. L’ancêtre apical Ali « Ablís » aurait marié sa fille à aɖal-
Mâis. Une alliance identique aurait eu lieu avec Badoytá, ancêtre des
Badoytá-m mlá (v.) qui aurait épousé la soeur de Ali « Ablís ». D’autres
récits, propres aux Ablé, viennent compléter l’histoire de Ali « Ablís ».
Le premier en fait les descendants d’un Arabe, Al, dont le fils Ibrhm
donna naissance à plusieurs enfants, dont trois ont eu une postérité : 1.
Maámmad « Ardáytu », père de Ali « Ablís » (v. aɖal-Mâis) et des
Asá Ablé ; 2. Msá, père des Abá-m mlá (v.) ; 3. « Unɖá » Úmar. Le
second récit s’appuie sur la même généalogie : Ali et son fils Ibrhm,
auquel il donne un frère Úmar. A la mort d’Ibrhm, après avoir vécu
quarante-huit ans à Adáylu, son frère Úmar vint pour prendre sa part
d’héritage. On le pria de recueillir ses neveux (Maámmad « Ardáytu »,
Msá, « Unɖá » Úmar), et d’épouser la veuve de son frère. Un enfant
naquit de cette union, nommé Ali « Wáddar », ancêtre des Datá Ablé. Puis
Úmar partit avec ses enfants et s’installa à iggíy Kuún, à Mabɖá. Par la
suite, ses enfants revinrent à Adáylu, sauf « Unɖá » Úmar qui demeura
avec son oncle. Ceux qui revinrent à Adáylu devinrent les Ablé « ceux qui
ont le sang (abál) ». Les deux Úmar, l’oncle et le neveu partirent en
pèlerinage. D’où leurs surnoms, « Datá » iggíy, pour l’oncle ; Asá
iggíy, pour le neveu, pères des deux fractions adarmó (v.) pour
lesquelles il s’agit de deux frères. C’est chez les Ablé que fut accueilli
aɖal-Mâis. Leur antériorité par rapport aux Adáli les exonère de l’impôt
dû au sultan. Généalogie. La présentation généalogique, d’une part, le
mythe de fondation de aɖal-Mâis (v.), d’autre part, appartiennent à deux
traditions distinctes. Le mythe fondateur est centré sur le rattachement des
tribus régnantes Adáli, M daytó, Dammohoytá de Bíɖu, au héros mythique
(v. Introduction) : Ali « « Ablís », dont aɖal-Mâis devient le gendre,
légitime la descendance issue de cette alliance avec le clan autochtone.
Généalogie des Datá Ablé
Ali « Ablís »

Ótban (« Datá Ablé »)

Gabád Ádan « Kîu » Ádan « Sek » Alalmáku Gaás

Abbakári Asá ámad Maámmad Afkadáy Kâmil

Arbâhim « Lh » Ali-báɖa

Gabad dá Kitté Abbakritté As-amaddó Maamm dá Afkad yá Ali-Baɖitté Ga sá

Le discours généalogique des Ablé concerne, lui, le fractionnement


interne, propre à cette tribu. Ali « Ablís » est le père de deux garçons : 1.
Waddárru (*wadárlu « celui qui a des chèvres »), ancêtre des Asá Ablé ;

101
‘ADNIYTÓ

2. Otbân, père des Datá Ablé et grand-père de Gabád, Ádan « Kîu »,


Ádan « Sek », Alalmáku, Garás et Abbalés. La généalogie de
l’informateur (Abbakritté), chef du village de Adáylu en 1974, ne permet
pas de remonter au-delà de cinq générations : Maammadé b. úmmed b.
Ismiltó b. Intiad dá b. Abbakkári. Distribution. En République de
Djibouti, une partie des Datá Ablé (lignages Gadditó, Kóra, Ali-Gantá)
est restée dans sa région d’origine, dans le « triangle » Wimá-Altá-
Mgalé, formant un groupe indépendant, avec quelques fractions
disséminées dans le Godá. Les Asá Ablé (aînés) sont à Tadjoura et vers
Adáylu. Sous le nom d’Illisoltó ou de Bakrrá, des Asá Ablé sont sous
commandement Kabb bá (v.). Les Datá Ablé Kóra sont distribués de
Minangáor à agîlu (exclus). Cette zone inclut A lé, Skâlol, la plaine
de Ð dá, et Affará-Daár, « les quatre oueds » du Álta :
— Bólli (jusqu’à Abá inclus) ;
— Maláy (jusqu’à la plaine de Goráy, incluse) ;
— Dammaró (jusqu’à la plaine de Makanniytá, incluse) ;
— Gabón (jusqu’à edolé, inclus).
Le plus grand nombre des Ablé est parti en Ethiopie, réparti en trois
groupes territoriaux. 1. Ablé-k aysamlé d’Erer et Mullú. Ces Ablé
comprennent le groupe de l’oued Obnó, qui a repoussé les Oromos qui
avaient coupé l’Áwsa du Harar, au milieu du XVIIe siècle ; 2. Ablé de
Kurtúmma, près de l’Awash (groupe Magénta). Ces Ablé, d’abord sur la
bordure sud de l’Áwsa, ont été refoulés sur Kurtúmma, sans doute après
l’éviction de Maámmad b. Ali-Gára (v.) vers 1850 (v. Áwsa) ; 3. Ablé-k
Adáli de Asbári.
S : Chedeville / ásan b. Arbâhim. D.M. / Maammadé b. úmmed.

ABLISÁ
Tribu Asahyammára (v.) d’origine M daytó (v.), occupant le sud du
Siyyâru et du Gárbi, les deux massifs montagneux à l’ouest du lac Asal. V.
Gombár.
‘ADNIYTÓ
Egalement Adntó. Descendants de Msá « Adan », commerçant juif
venu d’Aden à Tadjoura, quinze générations avant Sâli b. Maammad,
cadi de Tadjoura (c. 1955), soit au milieu du XVIe s. Généalogie. Sâli b.
Maammad b. ummed-Gabá b. Sâli b. Seém b. Malkó b. Ali b.
úmmad b. Maámmad b. Abdallah (manquent les noms sur quatre
générations) b. Msá « Adan ». Les Adniytó n’ont jamais été nombreux :
environ sept familles à Tadjoura, quatre à Bté, deux à Bala (%anno au
sud-est de Däbrä Sina) dans les années 1970. Légende. Jeté au rivage par
une tempête, Msá « Adan » aurait été recueilli par Ali Ablís, chef des
Ablé (v.). Il aurait introduit l’usage des étoffes et certains ustensiles
domestiques. D’après Péri, il épousa une captive de celui-ci, qu’il obtint en
échange d’un fark, récipient en paille tressée. Elle fut la mère des Farká-b
buɖá (v.). Les Adniytó se divisent en Datá Adniytó (quelques familles) qui
transhument avec les Datá Ablé, et Asá Adniytó, à Tadjoura.
S : Chedeville / cheikh Sâli b. Maammad ; D.M. / Barkát b. Dawud. L : Péri (1938).

102
‘ADORÁSU

Adohyammára v. Asahyammára
ADÓ L
Tribu « [qui possède] des vaches blanches » de l’île de Dási (v.), d’origine
saho selon Odirizzi (1911). Leur cri de ralliement (itró) est le même que
celui des Asaurtá : « Gabârit ! ». Des Adó L sont aussi accolés aux
Alaytó (v.) et aux Dhí-m mlá (v.). Initialement, leur pays d’origine
pourrait avoir été la région de Adó Alé (v.) à l’ouest d’Assab. Les Adó L
sont ainsi considérés par Gaml al-Dīn al-Šmī (1997 : 442) comme faisant
partie des plus anciens groupes côtiers, notamment à Íddi (v.).
ADÓ LHÍ ALÉ
« La montagne de la vache blanche ». Pèlerinage au nord de Dagába, au
sud-ouest de Têru. Fréquenté par les Afars et les chrétiens. A différencier
de Ado Alé, à l’ouest d’Assab.
‘ADORÁSU
« (Ceux du) pays (rásu) blanc (adó) ». Ecrit parfois Aderassoul (encore
récemment, Fontrier, 2003 : 25 ; qui désigne aussi, à tort, l’ancien marché
de Abd al-Rasûl, ibid. : 55). Chefferie Adohyammára (v.) entrant, avec les
Bas má du Mablá, dans la descendance de « Gaddalé » Ali, ou Gaddalé
Alíh sárra « descendance de Ali le Béni », premier fils d’Ulêl Abûsa
Arbâhim. Le nom Adorásu, géographique, a tendu à se substituer à celui,
lignagier, de Gaddalé Alíh sárra quand l’administration coloniale a
encouragé ces derniers à s’émanciper de la tutelle des Debné.

Généalogie simplifiée des Adorásu

« Gaddalé Ali »

Barkat

asallé

Maámmad « Róyta »

Abbāté

úmmad « Rāé » Galmîu (ou Galbîu) Úmar

Abardá ♀ Madīná ! Mūsá ! ♀ Mayrám

ummad « Kaɖɖá » Mirgán (Mirgantó) (Mayrantó)

Galbîu Abdalla « Fêɖu » Adrú « Sallé » Maámmad « Galán » Mūsá

Abarda- ummaddó Abbttá Abdallôli Adrú-Maammaddó Galantó Alalmakitté


Mdnní

103
‘ADORÁSU

Fractionnement. Quatre sous-ensembles. Principalement : 1. Abardá-


ummaddó, fils de l’aîné úmmad, fils d’Abardá. 2. Mirgantó (fractions
aînées Abbttá et Abdallôli, descendantes de « Kaɖɖá » Mirgán,
fournissant les chefs, et Mayrantó). 3. Umartó (Datá Umartó et Asá
Umartó, descendants de Úmar ; Abd dá). 4. Fractions adjointes :
Fdiitté, Ayrolassó, Mafâ, aysamlé, Illí (Ellé)-ḥ ámmadu. Dans le
tableau précédent, les quatre générations Barkat, asallé, Maámmad
« Róyta » et Abbāté ne sont pas données par tous les informateurs. Il s’agit,
en fait, des « pères » des fractions rattachées sur le même territoire
« Adorásu » au lignage aîné Abardá ummaddó. Les Bas má (v.) ont un
lien généalogique avec ce dernier lignage. Du point de vue généalogique, et
non plus géographique, le pouvoir revient aux lignages cadets Abbttá et
Abdall lí, appelés collectivement Mādīnāní ou Wakirá, descendants de
Mdná, la première femme de Mūsá b. Galmîu. Anciennement, les
Abbttá fournissaient les chefs de guerre et assuraient la surveillance des
zones de pâturage convoitées par les Ulutó. Les Abdallôli, en charge de
la surveillance des pâturages du sud (Gaggadé, Gamárri), les
remplaçaient dans cette responsabilité, lorsque le successeur était trop
jeune ; ce qui fut le cas de Uddúm b. ámmadu (1903-1977), qui était de
lignage Abdallôli. En posant des générations de trente ans, sa généalogie
permet de situer la formation des Mirgantó au milieu du 18e siècle, soit :
Uddúm b. ámmadu b. Abdallá b. Kāmil b. « Asá » Abokkár b. Abdallá
« Fêɖu » b. « Kaɖɖá » Mirgán. Son frère et successeur, Abdallá, est né en
1935. L’ex-sénateur français et Premier ministre de la République de
Djibouti, Barkát Gurrát (né en 1932) est de la même fraction Abdallá
« Fêɖu », avec pour généalogie : Barkát b. Gurrát (tué par les Issas vers
1940) b. ámmadu b. Abdallá b. Kâmil b. « Asá » Abokkár b. Abdallá
« Fêɖu ». Les Mayrantó, issues de Mayrám, la seconde femme de Mūsá b.
Galmîu, incluent les fractions : 1. Galantó, descendants de Maámmad-
Galán : Barkattó, Gamartitté, amaroytitté. 2. Alalmakitté, descendants de
Mūsá « au cou tordu » (Alalmáku) : Abbaiddá, Maammaddó, Holl lá,
Garbollá, Ibād dá, Elaytitté. 3. Ōbakartó, descendants de Ōbakár. 4.
Arbāhintó, descendants d’Arbāhím. Les Adrú-Maammaddó sont les
descendants de Adrú « Sallé », également appelé « Kaɖɖá » Maámmad-
Adrú, et surnommé « l’ogre » (Gôna) mais qui peut être initialement
gonná « le borgne ». Ils sont parfois rapprochés des lignages Abbttá et
Abdallôli en raison de liens endogamiques particuliers. Démographie. Un
document interne au cercle de Dikhil (c. 1938), intitulé Fractionnement des
Danakil Adohyamara du cercle indique : 1892 Adorásu : 655 Mirgantó
(dont 80 Abbttá et Abdallôlí) ; 300 Mayrantó ; 202 Umartó ; 410
Fdiitté ; 35 Ayrolassó ; 215 Mafâ ; 75 aysamlé. A ce total, s’ajoutent
220 Ellé-ḥ ámmadu (v.), présents dans le anlé. Histoire. Harris (1844),
mentionne, le premier, les « Adrussi » (Adorásu) comme les « parias » des
Debné. Avec la mise en place du peloton méhariste (v.), l’administration
française donnera aux Adorásu la plaine du anlé au sud de Y bóki, en les
détachant de la tutelle politique des Debné et en repoussant les Ulutó, au
nord. Avant d’être chassés des puits de Tewó (v. Dikhil), les Ulutó, en

104
‘AFÁR

butte à l’offensive des Debné, avaient déjà abandonné la région de Gurú-b


bús (admin. Gorabous), Fró-h af, Foyyá, Adaytó le búyyi, Ktáli. Le chef
de la fraction Abdallôli, Uddúm b. ámmadu sera nommé « akkel » vers
1940 (v. Makâban). Antérieurement, le chef de poste Lippmann (v.) avait
établi des contacts avec l’Awsa en s’appuyant sur plusieurs émissaires
Adorásu, dont un milicien du secteur nomade du anlé, Áli b. úmmad b.
Áli (lignage Alalmakitté Maammadó). Un certain nombre de Adorásu
enrôlés dans la Milice indigène seront victimes des Ulutó et de leurs alliés
Aɖkaltó, dont, en 1932, Abdallá, le frère de Uddúm b. ámmadu et le fils
aîné de ce dernier, également nommé Abdallá. Avec la fin de l’incursion
italienne, la coexistence pacifique a entraîné un partage des pâturages dans
la zone disputée, mais les Adorásu sont restés sous la menace des Issas
occasionnant la mort du père et de l’oncle paternel du sénateur Barkat,
« Asá » Ádu, en 1940 ; ou, le 5 novembre 1948, de B ritó b. Maámmad
b. Eysá- ámmadu (lignage Alalmakitté Maammadó). Toponymie. Le
nom Adorásu « pays blanc, stérile » se retrouve fréquemment, par exemple
au nord-ouest de Tadjoura ; entre les oueds Maglé et Randá, au coude de
Garsalé ; en pays saho Tará, l’oued « Aidereso » sur les cartes italiennes,
au sud de Däbrä Bizän, affluent du Aligadé.
S : HL (in D.M., 1997 : 130). D.M. / Uddúm b. ámmadu ; Péri (1938) ; Picard (1939).

AÐKALTÓ
Egalement Aɖkaltó. Tribu apparentée aux Mafâ et aux Kutublá, avec le
même itró : « Gedân ! ». Gedllé « ceux qui ont gedân » désigne les
guerriers d’une de ces trois tribus. Les Aɖkaltó sont présents chez les
Ðurbá (v.), les Ulutó-k M daytó (v.), à Baádu (v.). Généalogie. Aɖkál est
un des fils d’Aɖaytá (v.). Fils de Aɖkál : 1. Baddúl (fractions Muɖitté,
Ali-Grrí) ; 2. D ró (D r rá, Kúlay) ; 3. ásan (asán-sárra).
S : HL (in D.M., 1991 : 47).

‘AFÁR
1. Ethnonyme. 2. Langue. 3. Ecriture. 4. Région géologique. 5. Région
administrative.
1. Ethnonyme. L’autonyme Afár n’a pas d’explication en afar. Franchetti
(1930 : 226), après Krapf (1860 : 21), a envisagé à tort une corruption de la
mythique Ophir (Gen. X, 29). La première mention de Afar semble figurer,
sous la forme Afara, sur le portulan attribué à Nuño Garcia de Toreno
(1522) exécuté dès le retour de Magellan. Son emploi au début de la
période coloniale (Reinisch, 1886-87) n’a pas empêché le terme arabisé
« Danakil » de rester le plus employé, notamment par l’administration
française4. Un rapprochement (Heudebert, 1901 : 84) paraît logique avec la
tribu al-Ifr (ou Afr), de l’Oman, vivant globalement à l’est de l’angle
sud-est du Rub al-/li, avec pour limites, à l’ouest, le Wd l1Umayr ; au
nord, le territoire des Dur ; et à l’est, les dunes de Waba, bien que le
souvenir éventuel d’une telle origine soit perdu. On note que l’ancêtre

4. Voir p. 10, la note du 10 août 1885 d’Antoine d’Abbadie au ministre des Affaires
étrangères français.

105
‘AFÁR

éponyme de cette tribu arabe est une femme nommée Afr, forme que l’on
retrouve sous la forme afare Afrá dans la généalogie de aɖal-Mâis (v.),
l’ancêtre des tribus régnantes afares : Abdallah « aɖal-Mâis » b. Mod
[Mu3] b. Gafar b. Mod b. Afrá (HL in D.M. 1991 : 18). Le rappro-
chement des noms Afár / al-Ifr (Afr), Afár / sudarabique fer
(Johnstone, 1987 : 14) ou ofer (Leslau, 1938) « rouge » paraît possible
mais reste incertain dans l’état actuel des connaissances. Si l’on peut
hasarder une piste, c’est pour remarquer que cette tribu de l’Oman, à la
différence des autres, est totalement enclavée, sans accès à la mer, ce qui
pourrait expliquer une émigration partielle, sur une route plus au nord que
celle suivie par les Mahra en direction de Bosso, sur la côte somalie
(Cerulli, 1926b). La tradition musulmane cite aussi un Mu3 b. Afr4
comme celui qui vendit au Prophète de l’islam, à Médine, l’emplacement
où fut élevée la première mosquée. L’homonymie est sans doute une
coïncidence. Zaborski (1997 : 88) a identifié Afar à Afan (Hafan),
territoire cité lors d’une expédition aksoumite au IVe siècle ap. J.-C. Cette
hypothèse a pour principale vertu de renforcer la probabilité d’une origine
autochtone (couchitique) des Afar dans la mesure où l’assimilation
(l’afarisation) de tous les groupes d’émigration arabes est une constante
historique jusqu’à l’époque coloniale. Le concept de Afarré (p. 12) fondé
sur l’acceptation de « ce que les Afars ont en commun (Afar lé-m) »,
insiste sur la capacité intégratrice de la société bédouine, capacité qu’elle a
perdue avec sa paupérisation croissante au contact de l’économie
monétarisée. 2. Langue. L’afar appartient à la famille des langues
couchitiques (sous-groupe oriental des basses terres). Historiquement, l’afar
est étroitement apparenté aux parlers sahos, avec lesquels il y a identité de
structures. Exemple :
saho du nord : zró-h zrán geddá ulí-marí ató-h yamtín
secours-à on appelle lorsque tous-gens aide-à ils viennent
saho du sud : dró-h drán gul ulí-marí ató-h yamtén
afar : dró-h sán wádi kullí-marí ató-h yamtén
« quand on appelle au secours, tout le monde vient à l’aide »
CHAÎNE DIALECTALE. Nombre de faits de syntaxe, de morphologie, de
vocabulaire s’expliquent en afar par le saho. C’est le cas, entre autres, du
nom des Bas má (v.). L’afar abnó « clan maternel » est le pluriel saho de
ábo « oncle maternel » (afar ábu, pl. abitté). L’idée d’une chaîne dialectale
suggérée en premier par Mahaffy (1952 : 1-2) peut être illustrée ici par trois
termes lignagiers : áre, abûsa et alé. Le saho áre « maison » a pour
correspondant en afar ári. Dans ce dernier cas, le mot renvoie à la maison
dans sa matérialité. En saho, áre désigne une fraction, comme chez les
Irob les adoḥ áre « les trois fractions » (v. Intilé Sek Áre). Le nom saho
dik correspond au campement et à la sous-fraction (afar gulúb). On a
coutume en saho de nommer les sous-fractions en les faisant précéder de
yâbo [*yi ábo] : yâbo šum asan-dik est la sous-fraction formée des
descendants de šum asan, ancêtre (ábo) d’une des dix-neuf sous-fractions
(dik) Asaurtá Asa-Lsan. En afar et en saho, le même terme abûsa (v.)

106
‘AFÁR

désigne les descendants des filles d’une tribu mariés au dehors, ou ceux des
frères des filles d’une autre tribu épousées dans la tribu. L’intensité et la
répétition de ces alliances expliquent des surnoms comme « Maad-Abûsa »
ou « Mawiyá-t-Abûsa » pour désigner solidairement les Sahos ado et
Tará, lesquels ont aussi un lien généalogique avec les Afars as bá (v.).
Abuk-abûsa « oncles et neveux » désigne les tribus pratiquant une
exogamie restreinte. Le troisième exemple concerne le nom alé
« montagne », en afar (peut-être de l’arabe al), qui a aussi le sens de
« tribu » en saho du nord, en relation avec l’habitat montagnard des clans
sahos aînés. On interroge en Asaurtá (saho du nord) : m alé kitô « de
quelle tribu es-tu ? », quand on dira en Ðasamó (saho du centre) :  kišó
kitô (également kisó « tribu » :  kišó kitô, avec pour correspondant kidó en
afar du nord, kedó en afar du sud). Un poème recueilli par Reinisch5
confirme ce double sens ancien de alé :
Mína yaníh nabá alé Les Mina sont une grande tribu
Mangó ḥal le Ils ont des dispositions nombreuses
(…) garí Komôk Aydí alé parmi eux, les Komô du mont Áyda
Là où le saho emploie alé avec le sens de « tribu, lignage patrilinéaire »
et/ou « mont », l’afar utilise, dans un cas, kedó, dans l’autre, alé ou kmá,
comme les parler sahos centre et sud, aboutissant à l’inventaire suivant :
« mont (montagne) » « tribu (lignage) »
Saho du nord (Asaurtá) alé alé, áre, kišó
Saho (centre) kmá (sud alé) áre, kisó
Afar du nord alé, kmá kidó
Afar du sud alé, kmá kedó
UN BLOC AFAROPHONE. En dehors des variantes lexicales, souvent liées à
l’éco-système ou à des emprunts, les différences en afar sont suffisamment
limitées pour ne pas gêner l’intercompréhension entre les groupes les plus
distants6. Au contraire, les mouvements migratoires, les alliances diverses
ont renforcé la cohésion du bloc afarophone, empêchant l’arabe de jouer un
rôle interdialectal. La division dialectale, avec le port de Baylûl comme
« frontière », conserve, en fait, celle entre le royaume de Dankáli (v.) et les
différentes principautés afares du sud (Adal, sultanats de Tadjoura,
Raaytó, Áwsa, notamment). L’afar (afar áf) n’a aucun statut en Rép. de
Djibouti, l’enseignement primaire et secondaire continuant de se faire
essentiellement en français. A l’époque coloniale, la seule disposition
officielle est le décret du 8 décembre 1938 (complété par l’arrêté du 19
janvier 1939) instituant une prime « pour connaissance du dialecte indigène
local dans les possessions ressortissant au ministère des Colonies ». En
Ethiopie, la création de la région Afar, dite « région n° 2 », dans le cadre du

5. Reinisch (1889 : 290), D.M. (1999 : 96). Texte intégral, p. 205.


6. Bôri et Tadjoura, par exemple. Un certain nombre de variantes lexicales et
morphologiques se retrouvent dans les parlers afars et sahos les plus éloignés
géographiquement (D.M., 1994).

107
‘AFÁR

fédéralisme ethnique institué par la Constitution de 1995, favorise l’emploi


de l’afar dans l’enseignement primaire et l’administration où l’amharique
reste toutefois la langue de référence. 3. Ecriture. L’afar, langue orale, n’a
eu qu’occasionnellement recours à l’alphabet arabe avec de nombreuses
approximations. L’emploi d’une autre transcription a été tardif. La notation
des consonnes pharyngales //, // ou /ɧ/ ; et de l’implosive rétroflexe /7/ ou
/ɖ/, conformément à la tradition académique européenne, a d’abord fait
l’objet d’une première adaptation concernant la pharyngale sonore // (IPA :
ʢ) notée ɛ dans la revue Pount, bulletin de la Société d’études de l’Afrique
orientale (SEAO), créée à Djibouti, en 1965, par Robert Ferry, comme sur
la carte de l’Institut géographique national (1 : 100 000), dont la toponymie
est l’oeuvre d’Edouard Chedeville (v.). Une seconde solution graphique
choisie par Enid Parker, dans les années 1970, à l’imitation du somali, a
amené à noter // par x, // par c et /ɖ/ par dh. Face à l’opposition suscitée
par cette orthographe, une proposition intermédiaire avait été faite en
19787, reprise dans les Contes de Djibouti (1980), dans le souci de faciliter
le passage d’une langue à l’autre pour les lecteurs trilingues (français-afar-
somali) nombreux à Djibouti. Dans l’intervalle, la notation dite « Dimis et
Reedo », définie, en 1976, par ámad b. Abdallah b. ámad, dit « Dimís »
(Debné Looyttí), et Gamladdn b. Abdulkdir b. Maámmad, dit
« Rdó » (Maanɖíyta de Rdimá, en Arratá) s’est répandue au point de
devenir l’orthographe de l’afar (Qafar katbé) à Djibouti et en Ethiopie.
Cette notation n’a pas été choisie par l’Erythrée qui a repris les conventions
inspirées du somali. 4. Région géologique. L’Afar des géologues (et des
paléontologues) désigne la zone du Rift, grossièrement triangulaire, à l’est
de l’escarpement éthiopien. Le terme apparaît, pour la première fois en
français (?) chez Deschamps (1948 : 6), et sera popularisé notamment par le
volcanologue Haroun Tazieff, lequel dirigera plusieurs missions conjointes
du CNRS français et du CNR italien (1967-73). La région du Nord Afar,
avec la « Dépression des Danakil » (Barberi et al. 1973 : 445), occupe une
superficie d’environ 75 000 km2, partagée entre l’Ethiopie (Tigré et Wällo)
et l’Erythrée, entre 15°30’ et 12° de latitude Nord. Elle comprend
notamment la chaîne montagneuse de Arratá (v.), culminant à 1270 m, la
plaine du Sel, Ðálol (– 120 m), et les plaines alluviales de Kúbar (v.) et
Ðoɖóm. La région Centre-Sud (Varet, 1978) s’étend sur près de 140 000
km2 correspondant aux deux pays sus-nommés et à la République de
Djibouti, entre les latitudes 10° et 13° Nord. L’Afar comprend quatre
grandes chaînes volcaniques : 1. Irtá (ou Ertá) Alé « la montagne qui
fume » (+ 750 m) ; 2. Tat-Alé et Alaytá ; 3. Dabbâu, avec la plaine de
Têru ; 4. L’ensemble Mandá-Inkír. La partie sud correspond au bassin de
l’Awash et à la zone d’altitude du Godá et du Mablá. Les régions
intermédiaires, peu différenciées, comportent principalement des plateaux
basaltiques très faillés, dominés par quelques cônes volcaniques : Msaálli
(v.), Ayyálu (v.). Dúbbi (+ 1200 m), dont la dernière éruption recensée,

7. Cf. D.M., 1978, « Proposition pour la transcription de l’afar », Proceedings of the 5th
International Conference on Ethiopian Studies, session B : 125-128.

108
‘ALI ḤÚMMAD

avant celle de juin 2011, remontait à 1861. 5. Région administrative. La


« Région n° 2 » englobe les territoires afarophones d’Ethiopie (voir
Rakkáy). La formation de cette entité décentralisée était attendue depuis la
conférence de Gawwâni (7-15 avril 1977, voir Annexe III), tenue sous
l’égide de l’Afar National Liberation Movement. On trouve trace de cette
revendication, dès 1963, après la rupture de la fédération avec l’Erythrée,
quand les représentants des Afars d’Ethiopie, réunis à Assab (v. Ysin b.
Maamm dá), demandèrent la formation d’un gouvernorat général. La
conférence de Gawwâni, en adoptant un projet de création d’une région
administrative autonome, affirmait la nécessité d’un développement
économique et culturel, notamment de la langue avec la diffusion d’une
norme orthographique (v. Reedo).
S : HHL (Naw.) ; Barberi (1973) ; Cerulli (1957 : 109-110) ; Chedeville (1966) ; Dimis &
Reedo (1976) ; D.M (1978 ; 1997 : 17) ; Varet (1978).

AFRA
Un « patrice Afra » (Afar-a « Afar » ?) nommé gouverneur de la province
maritime (bar nagš) est mentionné dans le Fut al-abaša (trad.
Basset : 449). Comme avec Ali Góyta (ibid. : 68), Mmoli (172 : Mmulé
en Áwsa), groupe alors au voisinage de Harar qui ravitaille l’imam Amed
« Grañ » (v.), les questions de l’onomastique afare et du rôle de ce groupe
ethnique pendant les guerres de l’Adal restent ouvertes.
AGGÍNNI
Les Aggínni sont un des huit groupes composant les Bará Kadá (v.),
appelé Afará à Baylûl (v.). Fractionnement. On distingue huit Aggínni :
1. Groupe des Afndó-s sárra (à Millé avec les Arabtá), auxquels sont
rattachés les descendants de Artáa ; 2. Arkká ; 3. Nassâr (v.) ; 4. Ská ; 5.
Ð fyâyi (ou ámmadu-k radé mára : amádda, Dumaytó, aɖannuntó,
Harr rá, Aytias sá) ; 6. Asá M daytó ; 7. Igallá ; 8. Alaytó.
kil v. Makâban
LÁ
Groupe dépendant des Dammohoytá, comprenant les tribus Adnuntó,
Gidintó, Bdál, Arbhím, Bar rá, Sumaddá, Dankáli, Maliftó. Les 8lá
sont situés au sud de la piste joignant Mäqäle à la plaine du Sel, notamment
à Hannisiró, Korá, Wambartá, Billí Dbá, jusqu’à Marór au sud de Asalé.
‘ALI ḤÚMMAD
Áli b. úmmad b. Looytá, dit « ḥğğ Áli ». Debné Arbhintó (v.), né
entre 1891 et 1895, décédé le 22 mai 1952. Fils du sultan úmmad b.
Looytá et demi-frère des sultans de la sous-fraction umaddó. L’un des
principaux acteurs de la scène politique locale et, à ce titre, l’un des
informateurs privilégiés des administrateurs et officiers français sur la
tradition et l’histoire afare. Ali b. úmmad est actif avant l’implantation
française dans le G baád (1928). Pendant la Première Guerre mondiale, il
fait capturer le consul d’Allemagne Holtz et son compatriote Karmelich, à
Afási (v. p. 3). A partir du 18 janvier 1918, il perçoit une solde de 150

109
‘ALI « BŌRÁWLI »

francs de l’administration, en tant que « akkel » des Debné. En 1923, la


légation de France à Addis Abéba signale que i Ali « est opposé à
notre pénétration dans le pays ». Après 1928, il joue un rôle de premier
plan dans la politique d’expansion des Debné, à l’ouest de la plaine du
G baád, aux dépens des Gallá. A la suite des incidents de 1930 (v.
Dikhil), il est déporté à Madagascar avec le sultan des Debné, « Unɖá »
Looytá b. úmmad. Après la mort de ce dernier, à Fort-Dauphin, le 9
juillet 1932, i Ali est grâcié et rentre, en avril 1937, à Djibouti.
Assigné à résidence, il crée une société de bienfaisance. Devenu par son
rang et son autorité l’interlocuteur obligé de l’administration, le contrôle
judiciaire auquel il est soumis est levé. Il fait le pèlerinage de La Mecque
en 1939. Il séjourne en Áwsa à partir de décembre 1941 où il épouse une
des soeurs du sultan. Son retour en C.F.S. ne se fera qu’après la guerre,
l’administration française craignant son influence et son action constantes
en faveur d’une restauration du sultanat Debné. Une note secrète des
services français de 1942 permet de mesurer à quel point l’administration
craignait l’influence de i Ali :
Personnage curieux et dangereux. Très intelligent, il témoigne souvent d’un
esprit brouillon et agité. Intrigant et dissimulé, il est sujet à des accès de
franchise (…) Très cultivé pour un Dankali, il a une bonne instruction en
arabe écrit et des clartés sur beaucoup de choses touchant au monde
extérieur (…). Tourmenté par des rêves grandioses, héritier d’une longue
tradition de trahison, il ne peut pas être et ne sera jamais pour nous un
collaborateur docile, voire même seulement de bonne foi (…). Sa
collaboration avec l’autorité administrative de Dikhil est pleine de
réticences, tous ses efforts tendent à soustraire les Danakil à notre autorité.
Sa mort en 1952 est d’origine criminelle. Il a été tué sans raison par trois
individus en quête de meurtre (un Iliglé, un aysamlé et un Darumá,
tous appartenant aux Adáli-k Darumá de D ó). i Ali qui voyageait
à mulet en Awsa fut tué par l’Iliglé. L’Ethiopien qui l’accompagnait le fut
par le aysamlé. Le Darumá blessa le fils de i Ali, tandis que le
frère de la mère du sultan de Tadjoura était épargné.
S : D.M. / HL.

‘ALI « BŌRÁWLI »
Saint enterré en haut du mont B ráwli, au nord d’Aysaíyta. On ne doit
emporter aucune nourriture quand on le visite, et se curer les dents de la
viande qui y resterait après un repas. Autour du tombeau, des vautours
viennent se servir de la viande des sacrifices. On les écarte simplement de
la main.
ALI$MIRÁ% %ANFAĐÉ
Sultan d’Awsa. Né en 1922 à Hanlé Fursé, sultan de 1944 à 1975. Fils de
anfaɖé b. « Kaɖɖá » Aydâḥis (v. Sangerrá) et de Hwá (ou Hwí) des
Asá Damblá (Damblá-k M daytó). Aux données complémentaires (voir
Awsa, Aydḥissó, Ðálak Ballís), on ajoute les éléments généalogiques
suivants. En 1981, on pouvait dénombrer 12 fils et 12 filles, issus des

110
‘ALLÔMA

mariages suivants (ci-dessous les chiffres en gras indiquent l’ordre de


primogéniture des fils. En maigre, la liste des enfants (en vis-à-vis du nom
de leur mère) compile des données d’enquête arrêtée en 1981) :
Epouses Enfants
1. Karêra b. Aydâḥis (Damblá) 1 (1). Aydâis (né vers 1940). 2. Ftumá.
2. Mayrám b. Ali (Damblá-k M daytó) 3. wí, mariée à Yayyό Alwân (Maḥammadkantó).
de K rilé (Dubté) 4 (2). anfaɖé (né vers 1947). Intronisé sultan d’Awsa
en novembre 2011 quoique le sultanat ait disparu en
1975 en même temps que le régime impérial. Marié à
Asyá b. Ábdu (des Damblá-k M daytó de K ríli), il a
eu quatre filles (Ftumá, Madīná, Mayrám, wí) et un
garçon Ali-Mirá, né à Djibouti, en 1975. 5. Amná.
3. Fté (Ftumá) b. Abdulkâdir (Kabirtó) 6 (3). Maámmad. 7 (6). Yâsin.
4. Ftumá b. Aydâis. Répudiée. 8 (4). Ámad.
5. « Unɖá » Rokkiyá b. Yayyó (Maanɖíyta) 9 (5). Aló (mort dans un accident d’avion en Arabie,
vers 1976). 10 (7). abíb. A épousé Ftumá b. Yayyó,
apparentée au vizir Yayyό b. ámmadu (v.).
11 (10). Mustafá. 12-14. Trois filles (Kulsumá, Eysá,
Ftumá).
6. Ftumá b. ámmadu b. Dató (Damblá) 15. Usmân.
Répudiée 16. Kadiddá, mariée à Amîn b. Maámmad
« 9adlī », chef du lignage Kabirtó.
17. Ukkubí, mariée à Yâsin, fils du cadi « Kaɖɖá »
ğği ámad.
7. Amná b. :sé (Askakmáli). Répudiée. 18. Ftumá, mariée à un Askakmáli.
8. Asyá b. Saîd (Lubak-Kubó-k M daytó) 19 (8). Ab bakár.
9. Alwiyyá b. Ğamladdîn 20 (9). Úmar.
21. Sarīfá « Buɖainá », mariée à cheikh Usmân b.
abíb (Intile ;ek Áre, v.) . 22. Ftumá.
10. Llí b. ğği ámad (Kadiytó) 23 (11). Ali.
11. Mayrám b. Sékti (Asá Damblá). Répudiée. 24. Madīná.

ALIYTÓ
Tribu composée de deux fractions principales : 1. Fraction rattachée aux
Dammohoytá de Bíɖu (v.), issue de deux frères, úmmad et abanná b.
Aliytó. Généalogie. 1. De úmmad (aîné) : les fractions Ksintó,
Danantó, Arbhintó ; 2. De abanná : les fractions Asá úmmad (sous-
fraction Rabin ná) ; Adráytu (sous-fractions : Bárkul, Sûna-Mômin,
Skabisó, Buttukné-úmmad, Gdá). 2. Fraction rattachée aux Ulutó-k
M daytó (v.)
‘ALLÔMA
Tribu des Adáli-k Ayroytá (v.). Les Allôma sont dits « Wagábak
Kobortó » comprenant les Wagáb et les Kobortó (v.). Le lien étroit entre les
deux lignages est illustré par l’adage « Tu as tué un Wagáb, tu n’auras pas
lieu de rire d’un Kobortó » (Wagáb iddéh, Kobortó mâslin). Légende.
Les ancêtres des Wagáb vivaient dans les pays nommés Allôma et Garáni.
A la suite d’un meurtre, pour échapper à la vengeance légale (ḥané),
úmmed b. Alisek (Ali-š) b. cheikh Adan (l’ancêtre des Wagáb) fit
creuser le puits de Adlá, aux vertus curatives. Sa descendance est donnée
dans le tableau ci-après. Datukké b. Áli était le chef dans les années 1960.
Sa généalogie incluant dix générations, le début du lignage peut être situé
au milieu du XVIIe siècle.

111
‘AMBĀDÓ

Généalogie des Wagáb


G1 Adan

G2 Meelúm Alisek

G3 Abalé úmmad (creuseur du puits de Adlá)

G4 Ali « Íssi » cheikh Maámmad

G5 Meelúm cheikh ásan

G6 Ali « Smó » cheikh Maámmad

G7 Abdallá úmmad cheikh ásan

G8 Datukké M ɖátu cheikh ámmadu

G9 Áli úmmad cheikh ásan

G10 Datukké usên Múkna

S : Chedeville / Datukké b. Áli / ámmadu b. úmmad b. « Asá » ásan.

‘AMBĀDÓ
En afar « falaise », du verbe ambad « être droit, dressé ». r Ambdó
(adminis. « Khor Ambado »), « l’anse de la falaise », nom d’un mouillage
protégé de l’alizé d’Est, sur la côte sud du golfe de Tadjoura, à env. treize
kilomètres à l’ouest de Djibouti, maintenant en pays issa (v. Traités).
« Ambado » entre dans l’histoire coloniale avec le massacre, en novembre
1886, d’une partie de l’équipage du Pingouin.
L : pour une rédaction récente, cf. Prijac, 2012 : 71-82.

ANGÁRU
Admin. Khor Angar. Localité côtière au nord d’Obock et au sud du rs
Siyyan, occupée de septembre 1884 à mai 1885 par la France. Lieu d’un
accrochage entre des Afars et une patrouille italienne qui aura 8 tués sur un
total de 10, le 23 nov. 1916 (Ahmed Dini, in Ali Coubba : 27, indique le 17
nov. 1917). L’arabe r (afar kôri) désigne un estuaire, une ria. Le nom
Angáru s’applique à la mangrove en retrait de la côte qui a pu être l’ancien
rivage avant de subir des variations statiques. Avec Godoryá au sud,
formant aussi une ria, et ayyú (v.), la végétation côtière présente quelque
analogie avec celle que l’on devine sur les bas-reliefs de Deir el-Bahari ou
avec ces « oliviers » marins qu’évoquent Agatharchide de Cnide et Pline
l’Ancien (Leclant, 1978). Ceci vaut autant pour la côte érythréenne. L’afar
distingue plusieurs variétés de palétuviers dont : tákay « Avicennia
officinalis (ou marina) », le « manglier blanc » ; kandalá « Rhyzophora
mucronata », « le manglier rouge »8. Mais ni le site de Khor Angar, ni la
mangrove n’expliquent le toponyme. Il ne semble pas que l’on puisse le
rapprocher de anar « ancre », mot venu du grec via le persan. Le nom

8. L’emploi de ces noms afars a été relevé à Zeyla (in Fauvelle-Aymar et alii : 2011 : 35).

112
‘ARRADDÓ

angáru pourrait renvoyer à ángar qui désigne le « palais de la bouche »,


par extension la proue ou la plage avant d’un bateau dont la courbe
intérieure de la coque évoquerait la voute palatine. Angáru pourrait faire
référence à une ancienne épave échouée là et aujourd’hui disparue.
S : Chedeville (1972) ; Desanges (1978) ; Leclant (1978) ; D.M. (1982). L : Ali Coubba
(1998) ; Prijac (2012 : 63 et suiv.)

ANKATTÁ
Egalement Ankattó. Ancienne tribu de l’Áwsa virtuellement disparue. Son
nom pourrait rappeler la vieille principauté d’Angot, aux sources du
Takazzé. Elle englobait probablement le pays de Waldayya, Kobbo et peut-
être la région de Z bil. L’installation de musulmans dans ce qui était un
pays amhara et l’apparition du toponyme Yäğğu sont établies (EA, I : 268).
L’une et l’autre sont la conséquence de la conquête d’Aḥmad « Grañ » (v.).
ARABTÁ
Une des huit tribus composant les Bará Kadá (v.), formant cinq
chefferies. Distribution. 1. Millé (ou Gafūrá) ; 2. Gaydárru ; 3. Saá ; 4.
Dâbu k Maská ; 5. Wáytu (région de Lógya, Tandaó). Arabtá, l’ancêtre
éponyme, est frère de Asabbakári (v.) et de Nassâr (v.). V. M daytó.
S : HHL (Naw.) ; D.M. / ámad b. Maámmad b. M tallá.

‘ARRADDÓ
Toponyme de la plaine du Kaló (v.). Le nom renvoie à l’aspect « dénudé »
(arrad) de la plaine. Ce Kaɖɖá Arraddó « grand Arraddó », à l’est de
Dubté, est à différencier du « petit Arraddó », en aval de Hayyeffagé. Le
nom Dábal « autoglorification avant un combat », employé comme
toponyme (voir carte n° 6) est associé à celui de « grand Arraddó ». C’est
là que s’est produite la défaite (h. 14 Šabn 1313 / 30 janvier 1896) des
forces du sultan d’Áwsa (v.) face aux 25 000 à 30 000 hommes, menés par
le ras Wäldä Giyorgis et le däazma (futur ras) Täsämma Nadäw,
rassemblées par le gouverneur d’Ankobär, azza Wäldä =addəq. La
chronique traduite par Maurice de Coppet, lequel donne le 26 janvier 1896
comme date de la bataille (1932 : 406), estime le nombre de morts afars à
1500 (600 selon le général Baratieri). Une tradition afare rapporte que les
ginníli (v.) des tribus S kallá, Amasá et Alaló auraient prédit la victoire à
ceux qui attaqueraient au poignard (le meurtre au gilé est traditionnellement
considéré comme seul digíf « valable », cf. D.M., 1997 : 110-112). Les
Afars laissèrent leurs fusils et s’avancèrent sur la plaine où ils furent
fauchés. Le désastre de Arraddó a eu une double conséquence : extérieure,
avec la mise sous tutelle éthiopienne de l’Áwsa ; interne, avec
l’affaiblissement des Aydḥissó : dès 1898, soit deux ans après Arraddó,
débute une guerre de succession, alors que le sultan Maḥámmad « Illálta »
est encore au pouvoir. La querelle dynastique va se transformer en guerre
du trône (v. Sangerra) et diviser l’Áwsa au moins jusqu’en 1912. Il est
possible que la bataille ait été, pout une part, le résultat d’une vengeance du
sultan du G baád, Húmmad b. Looytá, brouillé avec le sultan d’Awsa
depuis l’exécution de Abdulkâdir b. Arbāhintá (v.). Húmmad b. Looytá,

113
‘ASÁB

alors en bons termes avec Ménélik, aurait pu inciter ce dernier à attaquer le


sultan d’Awsa pour confier le pouvoir à son neveu Maámmad b. Aydâis ;
ce qui sera à nouveau tenté lors de la « guerre du Sangerrá » (v.).
‘ASÁB
HISTOIRE COLONIALE : 1. Exploration. 2. Acquisition d’Assab et de la côte. 3. Le
protectorat italien.
Port du sud de l’Erythrée, longtemps mal situé et, semble-t-il, confondu
avec Baylûl (v.). Prononcé en afar asáb, en arabe [ásab], en tigrigna
[asäb], en amharique [assäb], le nom apparaît pour la première fois (?)
dans la cartographie européenne sous la forme Azab (peut-être du guèze
azb « sud »), sur le portulan de José Fernandes (1789).
HISTOIRE COLONIALE. 1. Exploration. L’importance prise par la ville est
liée à l’implantation italienne qui en fera un de ses axes de pénétration en
Ethiopie. Rome n’intervient, en fait, que tardivement en Afrique du nord-
est, devancée par la Grande-Bretagne et la France. Le premier explorateur,
Antinori, débarqué à Assab en 1870, reconnaît Dumeira (v.) avec Beccari,
Issel et Sapeto, et entreprend une expédition chez les Bogos, à partir de
Massawa. En 1876, il part de Zeyla pour le Choa avec Chiarini et Martini et
obtient de Ménélik une concession à Let Maräfia, au nord d’Ankobär où il
mourra en 1882. En 1880, Frigerio explore la région Dumeira-Raheita,
suivis par Germano et Marchiori (1893). Carlo de Amezzaga rencontre, en
1880, à Assab, le sultan d’Áwsa. Le comte Pietro Antonelli fait une
première liaison Zeyla-Choa en 1879-81; puis, en 1883-84, il relie, pour la
première fois, Asab au Choa. Au passage, il signe la convention de
commerce de Addale-Gúb (v.) avec le sultan d’Áwsa. Il devance ainsi la
France qui ne répondra que le 23 juin 1884 au message amical que le sultan
avait adressé au président de la République, Jules Grévy, en juin 1881.
Capucci et Cicognani, avec Duilio, parcourent, en 1885, la route ainsi
ouverte, suivis par Traversi, en 1890-91. Deux explorateurs auront moins
de chance : Giulietti (v.), assassiné en 1881, Bianchi (v.), en 1884. Luca
Lupi (2008-2009) fait la recension détaillée de cette période de la
colonisation italienne.
2. Acquisition d’Assab et de la côte. Giuseppe Sapeto (1811-1895) a été
la cheville ouvrière de ce projet qui a duré plus de dix ans. Le site a été
acquis en plusieurs fois, faisant l’objet de cinq contrats de vente. Au
moment de l’implantation italienne, les chefs Anklá contrôlent encore
nominalement la côte jusqu’à Íddi (Edd). L’île de Garahasi (Karannási,
au nord de Slafí, dans la baie de Barraasôli) est la limite de leurs
possessions. C’est avec eux que les négociations sont entreprises, qui
aboutissent à la signature de 5 contrats d’acquisition.
PREMIER CONTRAT. Le 15 novembre 1869, les chefs Anklá (v.), les frères
ásan et Ibrhim b. ámad, cités comme « sultani di Assab », qui résident
à « Margabelah » (Meɖgebɖá), à 13 km au sud d’Assab, cèdent à Sapeto,
agissant pour le compte de la compagnie de navigation Rubattino, le
territoire compris entre le rs Luma (Lmá) et la petite éminence de Gangá,
immédiatement à l’intérieur, pour 6 000 thalers. Abdulkader Saleh
Mohamed (EA, I : 358) mentionne Ibrhim b. Amad (= ámad), « sultan
114
‘ASÁB

of Assab (…) and of the tribes of Ad Ali », sans doute sur la foi de la
mention par Carlo De Amezaga (1880 : 626) d’« il sultano Ibrahim » dont
il trace un portrait sympathique (cf. Lupi, 2008 : 410). Mais il n’y a jamais
eu de sultanat d’Assab, et les « Ad Ali » sont ici des Anklá.
DEUXIÈME CONTRAT. Le 11 mars 1870, Sapeto et le capitaine Buzzolino,
représentant de Rubattino, achètent la bande de terre comprise entre le
promontoire de Luma, Buia (le cap Byyá, immédiatement au sud de
l’actuelle ville d’Assab) et Gangá. Les signataires sont les deux frères
ásan et Ibrhim b. ámad et Abdallah b. Šeém, « sultan de Buia » (v.
généalogie des Anklá, p. 67). Le drapeau italien est hissé le 13 mars 1870.
Les Egyptiens protestent. Un détachement est débarqué, qui détruit la
cabane édifiée par Sapeto. Après plusieurs années d’interruption, Sapeto
reprend de nouvelles négociations qui vont durer jusqu’en mars 1882,
quand le gouvernement italien deviendra propriétaire du territoire, où est
d’abord créé le Commissariato Civile in Assab, puis la Colonia di Assab
jusqu’à l’institution de la Colonia Eritrea (1890). De septembre 1879 à
juillet 1880, une mission hydrographique étudie la faisabilité d’un port.
TROISIÈME CONTRAT. Le 30 décembre 1879, le sultan Adáli de Raaytó
(v.), Burán, dit « Asá Dardár », b. Maámmad (et non b. Dîni comme le
disent les sources coloniales qui font une confusion avec son vizir), renonce
en faveur de Sapeto aux droits sur l’île de Umm al-Bar (ou Umm al-
Ba>ar), Darmakiya et rs al-Raml. Les Anglais protestent. Le Premier
ministre, Lord Salisbury fait savoir, le 15 janvier 1880, qu’il considère
Assab comme un territoire égyptien.
QUATRIÈME CONTRAT. Le 15 mars 1880, le sultan Burán vend pour la
somme de 13 000 thalers la baie entre le cap Byyá et Santhar, au sud (rs
Sintiyân, le récif de Šantiyn), ainsi que les îles de la baie. Rome informe
Londres, le 19 avril 1880, qu’Assab ne sera jamais un établissement
gouvernemental à caractère militaire, et n’aura jamais ni garnison, ni
fortifications.
CINQUIÈME CONTRAT. Le 15 mai 1880, les notables Anklá ásan et
Ibrhim b. ámad cèdent à Sapeto une bande côtière, sur une profondeur
de six milles, de rs Luma à rs Darmá, au nord-ouest (rs Tarma sur les
cartes, au sud de Baylûl), ainsi que l’île de Sanabour (Sanabûri) au nord de
Asáb. Abdallah b. Šeém, co-signataire du 2ème contrat, approuve la
convention du 15 mai. A noter, le toponyme italien inventé « Sella », en
afar Gudlá correspondant à la cote 260 à l’ouest de la ville. Une tentative
de débarquement égyptien a lieu en décembre 1881, repoussée par les
Italiens. Le 10 mars 1882, la compagnie Rubattino cède au gouvernement
italien, pour 416 000 lires, le territoire acquis par elle depuis 1869. Le 15
mai 1882, la Grande-Bretagne reconnaît la prise de possession de l’Etat
italien, que l’Egypte conteste. L’Italie se présente au sultan de Raaytó en
protectrice contre toute nouvelle tentative égyptienne. Les Anglais, après
avoir signé un traité d’amitié et de commerce avec l’empereur Yohannəs (3
juin 1884), auquel ils remettent la zone de Massawa, évacuent leurs troupes
bloquées par l’insurrection mahdiste. Ils encouragent les Italiens à
s’implanter à Massawa, dès le départ des Egyptiens. Baylûl est

115
‘ASABBAKÁRI

définitivement occupée le 27 février 1885 ; Massawa, le 12 février ;


Arkiko, Arafali (Iɖfálu) le sont en avril ; l’archipel de Dahlak, le 8 juin.
Entre temps, à la suite du décès du sultan de Raaytó (v.), Burán « Asá
Dardár » (20 octobre 1884), le sultanat Adáli passe sous domination de
l’Italie qui s’en fait l’héritière, transformant ainsi une cession de territoire à
titre privé en protectorat, en contradiction avec ses déclarations antérieures.
3. Le protectorat italien. Le 29 novembre 1884, l’Italie proteste au nom
du sultan décédé contre l’occupation française de Khor Angar. En 1890,
Abdalla b. Šeém est appointé par les Italiens avec le titre d’« ex-sultan
d’Assab », indépendamment du chef reconnu de la tribu Anklá. Le 16 mai
1905, le sultanat de Raaytó est officiellement annexé à la Colonia Eritrea.
Du côté de l’Áwsa, le 10 janvier 1887, le sultan Maámmad b. anfaɖé
renonce à toute juridiction sur le territoire de Baylûl et jusqu’au cap
Rakma. Le 7 juillet 1887, il s’engage à faire tracer une bonne route entre
Assab et le Choa. Le 10 août 1887, le sultan d’Áwsa accorde aux Italiens la
liberté commerciale sur cet axe. Enfin, le 9 décembre 1888, le traité de
commerce de 1883 avec Antonelli est transformé en traité de protectorat.
En 1895, le général Baratieri envoie en Áwsa la mission Persico-Giannini
chargée de lui assurer l’appui du sultan dans ses futures opérations contre
les Ethiopiens. Mais les forces du sultan sont battues à Arraddó (v.), en
janvier 1896, deux mois avant la défaite d’Adoua qui met fin, pour un
temps, aux menées italiennes. Pendant la période coloniale, l’ensemble de
la côte sera administré depuis Assab (v. Dancalia). Les chefs coutumiers de
la colonie, mais pas seulement (v. Makâban), recevront une solde. Une
piste carrossable reliera d’abord Assab à Sardó pour y ravitailler la garnison
qui l’occupe en 1936. Le tronçon bitumé jusqu’au carrefour de Kombol?a
sera achevé en 1940. La construction de cette « pista di guerra » d’Assab à
l’Áwsa et du réseau routier de la Dancalia a été relatée récemment par Luca
Lupi. Après l’annexion de l’Erythrée par l’Ethiopie (1962), Tó (v.)
constitue une circonscription séparée comprenant, à l’époque impériale, un
bádak abbá « chef de la mer », un mufattiš chargé du maintien de l’ordre,
un juge en charge de la juridiction englobant Baddá (v.) et Bôri (v.) ; enfin
des notables appointés (rdántu, v.) collecteurs de l’impôt. Après la chute
de l’empire (1975), trois pouvoirs ont continué de se superposer :
l’administration d’Etat (le « mudîr » de Asab), ayant autorité sur les
mufattiš afars ; le sultan de Raaytó et ses rdántu ; la police, toute-
puissante.
L : Boll. Soc. Geogr. Italiana, XVII (1880) ; Coulbeaux (1929 : 473) ; Eusebio (1915) ;
Franchetti (1930) ; Guida (1938 : 338) ; Lupi (2008, 2009 avec une iconographie inédite).

‘ASABBAKÁRI
Généalogie. Tribu descendant de Abbakári, fils de Otbân, fils de
Egermayfellí ; fils de Môday ou « M dalé » Arbâhim, ancêtre des
M daytó. Non répertorié dans la tradition Adáli (cf. Albospeyre, 1959),
Asabbakári (de *Asá Abbakári « Abbakári, le Rouge » = le Valeureux) est
supposé avoir fourni les peaux de boeuf sur lesquelles aɖal-Mâis (v.),
juché sur l’arbre, devait descendre et poser le pied. Cette omission montre

116
‘ASAHYAMMÁRA

l’importance tardive prise par les Asabbakári liés aux Nassâr et aux Arabtá
lors de l’occupation de la vallée de l’Awash au début du XIXe siècle (v.
Bará Kadá). Le processus fédératif inclut des éléments Fantoytá (v.) et
Ulutó. La présentation de l’ancêtre des Nassâr comme frère de Asabakkári
et de Arabtá (v.) est le produit de cette agrégation. Au cours de l’histoire,
une relation a tendu à s’établir entre la distribution territoriale et l’insertion
généalogique. Ainsi, on trouve plutôt des Anbúsi, descendants de
Anbús, et des G hartó issus de Gôhar b. Yalló, à Asáb. Une tradition
interne donne Táway, sur le Đer Daár, au nord de Baylûl (v.) comme point
d’origine des Asabbakári.

Généalogie des Asabbakári


aɖál-Mâis

Môday = « M da lé » Arbâhim

Egermayfellí Arbaymáli ámad

Otbân

Asabbakári Arabtá Nassár

ámad Ali Íla Gaddahorób

Fantóyta Darraádu Anbús Gôhar Arradó :sé Msá

Abbakróyta Anbúsi G hartó Arrad dá

Distribution. 1. Fantoytá (Abbakroytá = Abbakári-k radé mára, « les


descendants de Abbakári » ; @b bá). 2. Kaló (Asnuntó). 3. Gúm k
Dagába (Alí sárra). 4. Bukkurré (Kr rá, Ilaytá, G hartó). 5. Tandaó
(M litté, Mangablé).
S : Chedeville / HHL ; Naw.

‘ASAHYAMMÁRA
1. Etymologie. 2. Distribution. 3. Deux thèses récentes.
Terme qui s’oppose à Adohyammára et sujet à plusieurs interprétations
dues, en premier lieu, à des différences de forme possibles. Variantes :
*asá-h yán mára « les gens qui sont vraiment rouges », *adó-h yán mára
« les gens qui sont vraiment blancs ». Dans ce cas, yan (* yam) est
l’inaccompli (3ème pers. sing.) du verbe en « exister ». Le sujet mára
« gens » (v.), collectif singulier, implique l’accord verbal au singulier.
Asahyammára et Adohyammára sont la nominalisation (un seul accent)
d’une proposition relative « les gens qui sont rouges », « les gens qui sont
blancs ». Seconde variante : Asayammára : *asá ya mára « les gens qui
(se) disent rouges » ; Adoyammára : *adó ya mára « les gens qui (se)
disent blancs ». Ici, ya est l’inaccompli du verbe « dire ». Variantes des
précédentes (avec h d’insistance) : Asahyammára : *asá-h ya mára « les
gens qui (se) disent effectivement rouges » ; Adohyammára : *adó-h ya

117
‘ASAHYAMMÁRA

mára « les gens qui (se) disent effectivement blancs ». Comme dans le
premier cas, il y a nominalisation d’une proposition dépendante lexicalisée
avec un seul accent pénultième. L’implication sémantique est différente :
les formes avec le verbe « exister » sous-entendent une adhésion de celui
qui parle ; celles avec « dire » sont plus neutres, et pourraient avoir été
diffusées par des afarophones en marge de cette opposition partisane.
L’explication de ces deux termes fait depuis longtemps débat. 1.
Etymologie. La division géographique et impressionniste suggérée à
Deschamps par i Ali (v.), les « Blancs » occupant la côte sableuse et
les « Rouges » l’intérieur, n’est vraie qu’en République de Djibouti. En
Ethiopie, comme l’a montré Chedeville (1966), Adohyammára et
Asahyammára sont juxtaposés le long du cours de l’Awash, et ailleurs. Le
partage fait par Odorizzi entre Rouges nobles et Blancs roturiers, repris par
Lewis (1965 : 155), est contredit par l’existence des sultanats « blancs » de
Tadjoura et Raaytó, dont les titulaires remontent au même aɖal-Mâis
(v.), dont se réclament aussi les Rouges « nobles » de l’Áwsa, les M daytó.
En outre, si ceux-ci fournissent les chefs du sultanat, il n’en est pas de
même partout : ces M daytó ont des contribules restés dans le massif de
Mablá (v.), au nord-ouest d’Obock, et passés sous commandement Bas má
(Adohyammára). Il en est de même pour les Ilinó, les M daytó, les
Askakmáli du plateau du Wimá dépendants des Badoytá-m mlá (Datá
buɖá). Enfin, les concepts de noblesse et de roture sont inadéquats
s’agissant des Afars (v. Súget). L’équation de Franchetti (1930 : 226) :
Blancs = descendants d’Arabes ; Rouges = autochtones, ne se vérifie pas
non plus. aɖal-Mâis, dont l’ascendance arabe (ou persane) est
revendiquée, est à l’origine de lignages rouges et blancs. Cette opposition
de couleurs ne concerne pas tous les Afars. Elle n’englobe pas les Ablé qui
accueillirent aɖal-Mâis, ni les Anklá chassés par ses descendants. La
division entre Adohyammára et Asahyammára, comme l’a suggéré
Chedeville (1966), n’est ni territoriale, ni sociale, ni liée à une parenté
réelle ou supposée. Elle est d’abord politique et liée aux conflits qui, à
partir de la fin du XVIIIe siècle, vont opposer deux (ou trois coalitions avec
les Debné qui auraient été les « Noirs ») pour le contrôle des terres fertiles
de la vallée de l’Awash et de l’oasis que constitue l’Áwsa (v.). Harris
(1844 : 179) parle assez justement de « Red House », à propos des
M daytó et de leur conquête de l’Áwsa. L’opposition de couleurs trouve
une de ses origines possibles dans le dráy, un bâton d’environ un mètre
cinquante, assorti d’une tresse bicolore, blanche et rouge, qui était aux
mains du chef d’expédition. Le nom dráy renvoie à dró (v.), l’appel à
l’aide. Le fait d’attacher cette tresse signalait le début des hostilités. Il
existe d’autres explications populaires dans le cadre de cette opposition
guerrière. Ainsi, la différence de couleurs aurait été liée à celle des
vêtements, plus blancs sur la côte, plus rougeâtres sur l’Awash. Elle aurait
servi à repérer l’ennemi dans la bataille. Une tradition debné rapporte que
le sultan des Debné, Looytá b. Arbâhim, à l’époque de la lutte avec
anfaɖé b. Aydâis, avait recommandé d’épargner ceux dont le vêtement
était blanc. Toujours dans le cadre de cette dualité partisane, et dans la

118
‘ASAHYAMMÁRA

mesure où la guerre a été liée à des pratiques ésotériques, l’opposition


renvoie à celle entre « mansions blanches » et mansions rouges » (v.
Mafgáda). On note que lors des guerres de l’Adal (v.), des drapeaux de
couleur servaient de signes de reconnaissance. Rouge, aux mains de
usayn al-Gatur, lors de l’expédition des Somalis conduits par Mattn
(Fut, trad. Basset : 49) ; blanc, pour le vizir Nr et les Somalis de
Addôle (ibid. : 83). A la bataille de Bet-Amhara, le drapeau de l’imam est
jaune (ibid. : 50, 173). Nr reçoit un drapeau jaune et rouge (ibid. : 87),
quand le drapeau de l’imam devient blanc à bordure rouge (ibid. : 55). Les
bannières étaient donc interchangeables et servaient à identifier les corps de
troupes dans la bataille. Ce choix de la couleur jaune reste inexpliqué. Bien
qu’il s’agisse sans doute d’une coïncidence, Antoine d’Abbadie (1890 : 5)
indique que « l’héritier des anciens rois Dankil conserve encore les
insignes royaux, qui sont de couleur jaune et les porte le jour de l’Aid el-
Kébir ». On note que c’est le jaune qui reste connu dans la tradition
populaire éthiopienne comme la couleur du drapeau de l’imam.
2. Distribution. En République de Djibouti, la limite de parcours des tribus
Asahyammára et Adohyammára laisse aux premiers nommés les zones
suivantes, du nord au sud : une partie de la rive droite de l’oued Wimá,
aux environs de Ðaɖɖató, la plaine de Dorrá, à la hauteur du mont Muyá ;
Ibná-g Gáor (Margoytá, Madgúl, Andabbá sont en pays Asahyammára) ;
la dépression d’Álol et l’oued Dubyé ; la plaine de Ðer Êla (Bukbuktó) ;
Atá ; le massif du Yagér ; la plaine du anlé, à la hauteur de Y bóki,
Tewó (cette partie de la plaine étant territoire Ulutó) ; la plaine de Biída ;
L Adó, au nord du lac Abé. Du nord au sud, on compte cinq chefferies
Asahyammára dans le district de Tadjoura :
1. Asá Ulutó, au nord et à l’est du Msaálli, jusqu’à Margoytá.
2. Maa-s sárra, de Byyá au Msaálli.
3. Ulutó-k Madîma : Madgúl, Andábba, Munkúr et les crêtes à l’est d’Álol
(la plaine de Awɖáa est en pays Ablé).
4. Gombár : le nord du Siyyâru ; sur la frontière, vers Agogyá, au nord de
Baló.
5. Ablisá : le sud du Siyyâru et du Gárbi.
Il y a quatre chefferies Asahyammára dans le district de Dikhil :
1. Ulutó-k M daytó : la plaine de Ðer Êla et celle de ábsu.
2. Ðurbá : les pentes sud-ouest du Yagér.
3. Wandâba : la dépression du Dôbi (les Lubák-Kubó, au nord-ouest,
dépendent d’eux).
4. Ulutó-k Ská : la plaine du anlé et les monts Gamárri, jusqu’à L Adó.
Le retrait (partiel) des Ulutó est lié à l’implantation française. V. Dikhil.
3. Deux thèses récentes. Dans un livre principalement consacré aux
conséquences et aux méfaits de l’agriculture planifiée dans la vallée de
l’Awash, Kassa Negussie Getachew (2001 : 60) évoque en ces termes le
dualisme entre Asahyammara et Adohyammara :
The dualism is not an issue of white and red colour. The Asahimarra and
Adohimarra are children of one father. One was born red and called

119
‘ASAHYAMMÁRA

Haralmais, the other was born black, Bedaitu. But their father died without
giving word or any message; and the two sons quarelled over inheritance.
Haralmais the younger wanted to be the elder and became Amoyta, the
king; while Badohaita or Bidaitu also wanted power. This quarel over the
share of power had to conflict and split off the family members. The elder
son and lineage of Adohiamarra group is Ad-Ali. In principle, all clan heads
(balabats) of Adohimarra sections are appointed by Ad-Ali group head. The
dualism began at that point and since then the dualism continued to exist
between the two sections of the Afar: the Asahimarra and Adohimarra.
C’est ici une origine généalogique qui est donnée à la formation de ces
deux groupes qui se définissent par une couleur, Blancs d’un côté, Rouges
de l’autre. Le fait que cette interprétation soit nouvelle (à notre
connaissance, elle n’apparaît pas dans la littérature antérieure), ne suffit pas
à la rejeter. C’est par la critique interne que sa pertinence doit être évaluée.
D’emblée, cette rivalité entre deux frères, l’un, noir, l’autre, rouge, apparaît
contradictoire avec l’opposition convenue entre Rouges et Blancs. Le nom
du premier, « Bidaitu » ou « Badohaita », paraît également douteux, dans la
mesure où ces deux formes ne sont pas afares, en tout cas, on n’en voit pas
le sens. En afar, bda est « l’étranger », bdâni désigne parfois les Arabes
des confins Yémen-aḍramawt. On laisse de côté bdá qui est le fait de
s’avouer vaincu. C’est aussi le nom d’un point d’eau à Dôbi (v.).
« Badohayta » fait penser à badoytá « zone de terre blanche » mais on ne
voit pas comment de « blanc » le mot en serait venu à désigner le fils
« noir » de aɖal-Mâḥis. Le rapprocher de Badόyta (voir p. 136) ne résout
pas le problème puisque l’anthroponyme n’a pas de lien avec le terme
topographique. En définitive, une référence explicite à la source orale
qu’utilise Kassa Negussie fournirait peut-être la clef explicative de cet
étrange récit. A cette absence des sources, s’ajoute cette remarque de
l’auteur qui montre sa perplexité quand il ajoute (op. cit. : 60) :
There is no strong evidence that demonstrates that the Asahimarra have
been politically dominant over the rest of Afar or circumstances in which
the Adohimarra Afar sections were subjected to the Asahimarra. The
relation that existed and are still maintained are not of that of conqueror /
conquered or ruler / subject. This dualism in Afar has to do, as shown
above, with a range of other factors to which oral tradition and historical
evidence alone seem to be insufficient.
On a bien lu que la tradition orale serait insuffisante pour expliquer cette
opposition entre Asahyammara et Adohyammara, au prétexte que ce
dualisme ne reposerait pas sur une relation de dominant à dominé. Mais,
qui a dit que la division entre Rouges et Blancs était de cette nature ?
Principalement, I. M. Lewis après Odorizzi, en affirmant sans preuve
(1955 : 155) : « The Afar are divided into two classes : the Asaimara (the
Red) or nobles, and the Adoimara (the White) the commoners. » Kassa
Negussie a raison de ne pas se satisfaire de cette opposition entre « nobles »
et « roturiers », qui n’a effectivement aucun sens en contexte afar. Mais il
ne peut, pour autant, se priver de cette source essentielle que constitue toute
tradition orale bien comprise. De ce point de vue, la démarche de Karim
120
‘ASAHYAMMÁRA

Rahem (2001) apparaît à l’opposé, en s’appuyant sur une succession de


récits oraux, avec un objet clairement affiché : analyser le mythe de aɖal-
Mâis en tant qu’enjeu de légitimation symbolique du politique. En
anthropologue, l’auteur qui en a enregistré plusieurs versions, dites
« moyenne », « assaimara » [sic], « ado’imara », etc., met en balance
chacun de ces récits oraux. La méthode est à chaque fois la même. D’un
récit à l’autre, les contradictions et les correspondances sont recensées et
rapportées à l’organisation sociale des Afars telle qu’il l’a observée. Mais
aucune hiérarchie dans les témoignages n’étant posée, chaque récit en
valant un autre, on aboutit à un relativisme général. Le faible rendement de
sa démarche n’est pas un jugement de notre part. Il procède de la
conclusion même de l’auteur (ibid. : 174) :
Le mythe d’Haral Mahis est un des enjeux idéologiques permettant de
mobiliser les énergies et peut-être à terme de transformer la société.
Toutefois, il n’est pas aisé, à l’heure actuelle, de faire la part des choses
entre les ambitions personnelles, les convictions idéologiques, les
oppositions tribales et claniques traditionnelles, à l’intérieur d’un pays,
l’Ethiopie, où le jeu des divisions ethniques sert les intérêts du pouvoir en
place.
L’ambition d’expliquer le politique par le mythologique aboutit à une
évidence. La société afare, l’histoire afare, comme celle de toute autre
société, sont mues par des forces contradictoires. Si le récit de aɖal-Mâis
peut être qualifié de mythique, explique-t-il pour autant la division entre
Asahyammara et Adohyammara ? Karem Rahem ne semble pas envisager
que l’un comme l’autre aient pu faire l’objet, non pas de remaniements, ce
qui est le propre de tout légendaire, mais que leurs significations et leurs
fonctions respectives aient pu varier avec le temps. Si, comme il l’affirme
(op. cit. : 162-163) :
La société afar (...) organisée en kedo ou en fi’ma (type confédération) n’est
toutefois qu’une juxtaposition de micro-unités indépendantes (...). La
création du sultanat des Moodayto avait permis l’émergence d’une
bourgeoisie sur Assaïta (...). La formation du gouvernement régional n’a pas
respecté le jeu des anciennes familles traditionnelles et a favorisé certains
lignages au détriment d’autres.
comment rapporter ces affirmations à la question des « Blancs » et des
« Rouges » ? Si la kedó et la fimá sont des formes centrifuges
« confédérales », comment alors expliquer que la même terminologie
s’applique à des institutions dont la fonction intégratrice, notamment dans
le cas de la fima, est inscrite dans son étymologie même ? N’est-on pas
plutôt en présence d’un legs ancien d’entités centralisées que furent les
royaumes Adal et Dankali ? En admettant cette formation d’une « classe
bourgeoise » en Awsa (au milieu du XXe siècle), celle-ci a-t-elle quelque
chose à voir avec l’émergence du pouvoir M daytó dont le premier amóyta,
fut « Asá » Aydâis b. Maámmad (1798-1831) ? Karem Rahem et Kassa
Negoussié ont en commun de ne pas relier leurs données à un quelconque
corpus antérieur. Cette ignorance est assumée par le premier nommé, dès le

121
‘ASÁL

début de son article : « Nous ne sommes pas spécialistes des Afars... il nous
a manqué les écrits sur cette société ». Il faut ici regretter que les auteurs
n’aient pas lu Abdallah Mohamed Kamil (1967) qui, à l’occasion d’une
analyse de la fimá, a, le premier, montré l’incidence structurelle du sous-
peuplement dans l’inachèvement de l’évolution socio-politique.
S : HL (in D.M., 1991 : 36) ; D.M. / Alóyta b. Durúy ; Chedeville (1966) ; Yâsin b.
Maamm dá. L : Deschamps (1948 : 22) ; Franchetti (1930 : 233) ; Odorizzi (1907 : 936).

‘ASÁL
Dépression atteignant – 150 mètres sous le niveau de la mer, comportant un
lac salé. D’une superficie d’environ onze mille hectares, le lac est
communément appelé lac Assal, alors que le nom Asál s’applique à
l’ensemble de la dépression, tandis que le lac stricto sensu est le lac Blanc
(adó bad), opposé parfois au lac Noir (datá bad), lequel, suivant la
cartographie française, reprenant l’usage des marins yéménites fréquentant
ces parages, est appelé « Gubbet-Kharab », en arabe ubbat al-arb « la
baie ruiniforme » (v. Rood Ali). La saline (Asál dageyná), improprement
appelée « banquise de sel » dans la littérature touristique, a longtemps été
disputée. Johnston (1844) signale que les M daytó (à Gunguntá) et les
as bá la revendiquent, à parts égales. Il ajoute qu’ils se battent entre eux,
et avec les Issas qui viennent parfois en grosses caravanes chercher du sel.
Deux lettres conjointes (1887, source Coullet) du sultan de l’Áwsa,
Maámmad « Illaltá » et du sultan du G baád, úmmad b. Looytá, pour
protester contre les projets réels ou supposés du gouverneur Lagarde
d’occuper le lac Assal, montrent que la saline était, comme celle de As
Alé (v. Amolé), l’objet d’une transaction permanente entre sauniers,
caravaniers et leurs commanditaires, n’ayant pas de propriétaire désigné.
Un proverbe dit : abbá g Dbî k abbá w Asála « Dôbi a un chef (et du
mauvais sel), Asal est sans chef, mais a du bon sel. » Géographiquement
en territoire Adorásu (v.), le lac Assal a été localement, jusqu’à l’époque
française, sous le contrôle politique des Debné quand ceux-ci, notamment
úmmad b. Looytá (v.), tenaient en tutelle les ‘Adorásu. Dans le même
temps, le sel dépendait, pour son évacuation vers l’intérieur, du bon vouloir
du sultan d’Áwsa qui, comme en 1866, n’hésitait pas à se servir
directement. En 1897 (v. Afambó), l’Ethiopie réaffirmera ses droits sur la
saline ; ce qu’elle ne cessera de faire jusqu’à l’époque la plus récente quand
l’exploitation du sel a été entreprise avec des moyens mécanisés. En 1937,
le nombre de chameaux venant mensuellement charger le sel est estimé à
cinq cents bêtes. La charge d’une bête est vendue entre 30 et 35 thalers sur
le marché de Bté (source Cède). Ce prix montre un écart important avec
celui du sel extrait de As Alé (v. Amolé). Le premier projet d’exploitation
du sel du lac Assal par un Européen revient à Léon Chefneux, venu à
Obock avec Soleillet, en 1882. En 1889, il fonde à Paris la Société
anonyme d’études du lac Assal. Un décret (4 août 1892) concède à ladite
société l’exploitation de la saline, mais les oppositions, dont celle de
Ménélik (plaintes en 1887), détournent Chefneux de ce projet, qui se lance
alors dans le commerce des armes.
S : Cercle de Dikhil [cdt. Coullet] (1943) ; cne Cède (1937) ; D.M. (1997 : 36).

122
‘ÍDDI

ASḤEDÁ
Tribu à risá (lac Abé), dont le territoire initial est maintenant propriété
des ark-m mlá (v.).
Áysi v. Amáysi
ÁYTUR
Egalement Aytrá. Terme qui désigne à Dawwé les ayís et les groupes
affiliés, par opposition aux Dorrá-Ageddó.
ERTÁ ALÉ
Egalement Irtá Alé, « la montagne qui fume ». Chaîne volcanique,
globalement comprise entre le sud du lac Marmarít, lui-même au sud du lac
Karúm, et le nord-ouest du lac Giulietti (Afɖrá-b bad), avec quatre
sommets principaux : Álu, Ðalá-f fillá, B ralé Alé, Alé-b bágu (ou
Amaytôli). Le lac de lave a été exploré par Haroun Tazieff (1967-73),
lequel écrira : « (…) « aucun Danakil n’avait jamais atteint ce cratère (…)
Tullio Pastori lui-même n’avait pu y parvenir » (1975 : 125), alors que
l’Italien a nécessairement grimpé le volcan en 1906 puisqu’il fut le premier
à y observer le lac de lave (cf. les sources citées par Lupi, 2009, II : 839).
‘ÍDDI
De *iddé-li « qui a du gravier fin » (ou indé). Sur les cartes, « Edd ».
Localité côtière érythréenne en région Dammohoytá (v.), après avoir été
aux Ab ná (v.) et aux Dhí-m mlá Kunnutó. Salt, qui y jette l’ancre (9
décembre 1809), estime à quarante le nombre de huttes à Íddi (qu’il écrit
Ayth). Le chef porte le titre de šek (plutôt que celui de rdántu), avec
comme zone de compétence vers le sud, Bardalé Ð, au nord de la baie de
Barraasôli, limite des Baɖittó ; et, vers le nord, rs Kasar. Dépend, du
point de vue afar, du sultan de Bíɖu, et, du point de vue de l’administration
italienne, puis éthiopienne, de Tó. Histoire coloniale. Pour le compte de
la Compagnie nanto-bordelaise, Edmond Combes, à bord du brick Ankober
commandé par le capitaine Broquant, débarque à Íddi et fait signer un
contrat de cession, le 12 septembre 1840, à « Mahmoud Hassan, souverain
maître de Edd » et Badderi Ali « juge et chef de religion ». Un versement
de 1500 thalers est effectué. Le traité est transmis au vice-consul de
Djeddah, Fresnel, puis au consul de France à Alexandrie, Cochelet, lequel
émet des doutes sur la validité de la démarche de Combes. L’expédition se
solde par un échec commercial et politique vis-à-vis du chef du Tigré, le
ras Wubé qui n’achète aucune des armes contenues dans la cargaison de
l’Ankober. Il apparaît assez vite (cf. rapport du Caïman, 1854) que le
cheikh « Aidu » (Êdu) a vu une partie de son territoire cédé à Combes par
deux personnes non habilitées à le faire, dont « Baderri Ali », sans doute
« As-Ali » Baddiré, cadi Dhí-m mlá, sous-fraction Kádri, de la fraction
Yaîdi. Ferret et Galinier (II : 452) comme la mission Russel (1859-60) font
douter de la validité du choix de Edd, « coupé du Tigré par le pays des
Taltals » (v.). Ce projet contesté est finalement récupéré par le vice-consul
de Massawa, Degoutin, auquel la Compagnie nanto-bordelaise vend ses
« droits » sur Íddi (1850), lequel les cèdera à la maison Pastré de Marseille

123
‘ÍDDI

(1857). Face aux difficultés de pénétration de l’intérieur, l’Egypte, installée


à Massawa, deviendra détentrice des « droits » en 1867. Dans la
correspondance diplomatique, la mention par Antoine d’Abbadie (1890) de
« la princesse d’Amphilla, Aliyah-Eidoux », soeur du « prince de Edd »
désigne Elyá b. ámad b. Êdu, Dammohoytá (v.), fraction asán Afá,
sous-fraction Addantó de Íddi (v.). Le capitaine Buret dans son rapport
du 25 avril 1862 note qu’« à Amphila, village d’une quinzaine de cases,
l’autorité est entre les mains d’une femme âgée nommée Aila qui a accepté
la protection du gouverneur de Massawa ». Le fait qu’elle soit décrite
comme âgée rend plausible sa naissance vers 1800. Une tradition interne
rapporte qu’à l’arrivée des Turcs la population côtière de Sâil, village
entre Midír et Tīó, s’enfuit, sauf Elyá b. ámad qui fut récompensée et
reconnue par les Turcs comme chef de Íddi. Mariée à Maamm dá b.
M tallá, un adarmó (v.) de la fraction Awli-Gúra, elle désigna son frère
Êdu pour exercer le commandement et s’en retourna à Sâil, jouissant du
respect général. Antérieurement à la colonisation italienne, « à l’époque des
Turcs » (mais si l’on connaît la période où ceux-ci occupent Massawa, on
ne sait pas précisément quand ils s’installent sur la côte, notamment à
Íddi), Êdu b. ámad b. Êdu est rdántu, puis son fils ámad, puis le fils
de celui-ci, Áli. Il semble qu’il y ait eu un partage de compétence entre
Êdu b. ámad b. Êdu, l’interlocuteur de l’occupant et chargé des affaires
maritimes (báddim abá num), et son neveu Alfissó b. Sle b. ámad,
chargé, lui, des affaires « en brousse » (bárri abá num).

Généalogie des chefs de Íddi


Dates de naissance approx.
1650 Ellâma

1675 Addán

1700 Áli ámmadu ámad

1725 Gibáytu ámad

1750 Êdu

1775 ámad

1800 1. Êdu Elyá (« princesse d’Amphilla ») Slé

1825 2. ámad (rdántu, en 1896-97) Gúra Alfissó


(occup. égyptienne)
1850 3. Áli 4. Mamûd

1875 Adan Mamûd 6. Maámmad 5. Êdu 7. Osmân


(colo. italienne)
1900 Maámmad 8. ámad Adan 9. Mamûd

1925 Abrâhim Êdu

1950 Msá

124
‘ÎSA

A l’époque italienne, « Wadirissó-s sâku, du temps de Baldissera » (le


général Antonio Baldissera, gouverneur de l’Erythrée de février 1896 à
mars 1897), ámad (2) devient rdántu. Ses fils Áli (3) et Mamûd (4), lui
succèdent, puis les trois fils de ce dernier : Êdu (5), Maámmad (6) et
Osmân (7), lequel serait mort en Rama7n 1353, soit entre le 8 décembre
1934 et le 7 janvier 1935. Son neveu, ámad b. Êdu (8) lui succède (1935-
46), mais les Anglais lui préfèrent son cousin Mamûd (9), qui sera
rdántu de 1946 à 1950. Plus tard, vers 1950, les Ethiopiens rétabliront
ámad b. Êdu.
S : Chedeville / Ali b. ámad b. Salé ; Maámmad b. Msá b. Ali. L : Ferret & Galinier
(1847-48, II : 452) ; Malécot (1972 : 33-41) qui reprend Lefebvre (Voyage, t. 1) et la
correspondance diplomatique, notamment Aff. étr., Mém. et doc. Afrique, vol. 13, 63.
Correspondance consulaire et commerciale, Massaouah (t. 1) ; Salt (1814).

‘ÎSA
1. Toponymie. 2. Tombes des ugs. 3. Etymologie du nom ugs.
Le nom Îsa désigne, en afar, les Somalis Issas, collectivement. Il est
prononcé et écrit différemment en somali et en afar : en somali : Îse
(orthographié Ciise ; en afar Qiisa [îsa]). Le nom collectif est masculin :
afar sí yaní « il y a des Issas » ; singulatif sáytu « un Issa » ; (f.) saytó.
Les premières traces de cette confédération tribale remontent au XIXe
siècle. Les Issas n’apparaissent pas antérieurement, par exemple dans le
Futū al-abaša (XVIe siècle) ou dans la chronique de Amdä =Gyon (v.
Adal), bien qu’une partie des événements relatés dans ces textes se déroule
dans la région habitée aujourd’hui par les Issas. Cette absence de mention
ne signifie pas pour autant que les Issas en aient été absents, malgré
l’affirmation récurrente de la littérature coloniale de l’occupation récente de
la région de Djibouti par les Issas. Leur antagonisme avec les Afars est un
autre lieu commun de la littérature de voyage et des rapports des
administrateurs. Si la réalité de ces conflits n’est pas contestable, elle ne
doit pas empêcher de prendre en compte une évolution plus complexe où
les Issas ne constituent pas une entité démographique formant un seul bloc
et où les procédures amiables permettent le règlement des conflits. La
Chronique de l’Awsa du cheikh Hīlānī (voir Annexe II) indique une
présence des Issas, au moins depuis 1838, à la frontière sud de l’Awsa.
Dans l’Introduction, mention a été faite des témoignages de Soleillet et
Harris qui attestent du voisinage des Issas avec les Debné du G baad, dont
ils furent les bergers. La bataille de Mári (1867), le combat de ādôla (mai-
juin 1879) entre Īsa et Debné, après celui de Ðābukkán en 1879 (v.
Karma), renvoient à des périodes de belligérance, suivies de trèves.
Affaiblis par leurs tentatives de conquête de la vallée de l’Awash au XVIIIe
siècle, les Debné ont progressivement abandonné la zone à l’ouest de Zeyla
à leurs voisins Issas. La toponymie montre une coterritorialité ancienne,
que confirme l’emplacement des tombes des ugs. Ce voisinage autorise
une interrogation quant à l’étymologie de ce titre coutumier.
1. Toponymie. Traditionnellement, les Issas font de Sitti (près d’Ayšāa) le
centre de leur pays. Celui-ci est décrit comme possédant 12 oueds (di). Ali
Moussa Iye (1990 : 218) énumère ainsi (les toponymes sont cités dans

125
‘ÎSA

l’orthographe normative somalie, soit dh pour [ɖ], c pour [], x pour [] ; la
longueur vocalique n’est pas systématiquement indiquée) :
Les six « oueds à boue » (…) désignent les séances tenues dans des oueds
où l’eau est boueuse quand il pleut et laisse de la boue sur le lit de l’oued.
Cette métaphore désigne en fait une unité territoriale bien déterminée à
l’intérieur du pays issa. Elle est située géographiquement entre Sitti (le lieu
originel du Xeer et en même temps le Centre du pays issa) et la ville de Dire
Dawa (région de Harar). Les six oueds à boue sont : Sitti, Hadhagala,
Habaqo, Waaruf, Candha Ubeydh et Harawa. Les six « oueds à sable » qui
se rapportent aux oueds à l’eau claire ou du moins qui laissent un sable bien
lavé et propre après la pluie. Ils sont situés entre Sitti et la côte de la mer
Rouge. Ce sont Biyo Cadday, Dhanaan, Geestiir, Heensa, Dix Barkhadlé et
Saylac ou Zeila.
Cette liste appelle les commentaires suivants. La région où se situent les
douze oueds cités ne correspond qu’à une partie du pays issa. Incidemment,
il n’existe pas d’« oued Zeila ». Ce dernier n’est que le nom donné à l’oued
Barkhadle dans la partie terminale du système orographique Hnsa-
Barkhadle-Warab ɖ-Fɖweyn. L’oued Barkhadle change de noms en
atteignant la côte. Il est appelé Byya Đaɖr « aux puisards lointains ».
Avant d’atteindre la ville de Zeila, il rencontre l’oued Byya Aday. Les
habitants de Zeila allaient chercher de l’eau au puits de Toqošši, au nord,
dans l’oued Byya Aday. Il faut ici s’arrêter sur ce nom byya
(lexicalement byyo), propre au parler des Issas (les autres Somalis du nord
utilisant, pour désigner un point d’eau, outre biyo « eau », l, ls, etc.).
ETYMOLOGIE DE B YYO. Le mot est à rattacher à l’afar byyá. Il désigne des
petits puits peu profonds, des puisards creusés à la main dans un lit d’oued,
après une crue (ar. ogla). Kta-byyá « les mares aux chiens » désigne des
mares saumâtres aux environs de As-@lá, dans le G baád. Le terme
permet de différencier un point d’eau temporaire d’un puits permanent
(êla : Tagorrí êla désigne le puits de Tadjoura). Le nom byyá (sg. afar
búyyi) est conservé dans le parler des Somalis Issas, dans la région qu’ils
habitent, suite au retrait des Afars. Il prend deux formes :
1. Confondu avec biyo « eau » : Daasbiyo, village au sud de Djibouti, est
un calembour (daas « sandale » + biyo « eau ») formé sur l’afar ɖ as
búyyi « le puisard à la pierre rouge ».
2. Sous la forme byyo, le mot désigne aussi un point d’eau qui peut être
étendu à l’oued tout entier : Byya Aday « le puisard à Salvadora persica »
(au sud-ouest de Zeyla). Le passage de byyá à byyo est régulier. Celui de
la voyelle finale [a] à [o] est constant (cf. afar magla, somali maglo). Il
entraîne le passage à la voyelle d’aperture moyenne [e], suivant l’harmonie
vocalique en somali : afar *[u] + [a] : byyá * somali [e] + [o] : byyo.
OUEDS. La liste donnée par Ali Moussa Iye est une sélection des oueds
coulant, soit vers la mer, soit vers l’intérieur des terres (globalement vers le
nord). Pour être exhaustif, il conviendrait de recenser :
I. Oueds du versant maritime (du nord au sud) : 1. umbuli. 2. Dūda
Weyn. 3. Damrjg. 4. Deydey-Antar. 5. Barisle. 6. Byya Aday-Toqošši.
7. (en aval de Hnsa et Gstir) Barkhadle-Fɖweyn. 8. Mandao-
Ašaaddo. 9. Silil. 10. Hmal.

126
‘ÎSA

II. Oueds coulant vers l’intérieur (du nord au sud) : 1. Biyo-Qabba-


Durdur. Cet oued qui passe à Sitti est aussi appelé Gudban « oblique ». 2.
Haɖɖāgāla. 3. Habaqo. 4. Anɖa Ubeyɖ (incluant Arrabi-Biyo Bahay). 5.
!rto-Millé. 6. Harrāwe. 7.  l-Bahay. 8. Hursa-Lādiballa.
Une autre particularité de la liste donnée par Ali Moussa Iye est qu’il
appelle « oueds à boue », ce que la tradition appelle à l’inverse lida did
 guban « les six oueds à sec », litt. « brûlés », qui croisent la voie ferrée.
La dénomination « oued à boue », réservée aux oueds du versant maritime,
est confirmée par l’étymologie de Toqošši, du somali doqonji « détrempé,
boueux ». L’onomastique montre un changement dans le peuplement de la
région. BILINGUISME. Des noms comme Haɖɖāgāla « la mère des Gālla »,
Harrāwe (oromo harre « ânes ») indiquent une présence antérieure des
Oromos. La conservation de noms afars dans la toponymie somalie signale
une coterritorialité ancienne, seulement retracée à partir du XIXe siècle
grâce aux relevés cartographiques. C’est le cas de umbúli (v.), de l’oued
Silil « eau stagnante » ; de Asāmó « au sommet rouge » ; de Ankābó (v.
Gabûti), petit piton à l’est de Holhól « passerelle » où se trouve le pont du
chemin de fer. Il existe aussi des formes mixtes : Anɖo Bayɖ « qui
bifurque » (afar anɖíɖ « déchirure », somali bayɖ « séparation »).
L’oued Byya Aday est « l’oued au puisard à Salvadora persica », encore
connu sous son nom afar de Waáyyi (déformation de āáy « venteux »).
A Zeyla, les noms des palétuviers (voir p. 112) sont encore ceux en afar.
2. Tombes des ugās. L’expansion des Issas est présentée depuis l’époque
coloniale comme un mouvement progressif vers le nord-est, à partir d’un
point de départ supposé, la tombe de l’ancêtre šay Îse à Mayɖ sur la côte
du Somaliland. S’il est incontestable que les Issas ont gagné des zones de
pâturage sur les Isāq et les Samarr n — ce que montre le fait que l’oued
Hmal n’est plus la limite entre les Mammāsan et les Samarr n — la
localisation des tombes des ugās issas Wardīq dans la région de Gokti,
Harrāwe, Millo désigne un second foyer historique, au nord du massif du
Harar. Sur la base de générations de trente ans, la formation du lignage de
l’ugās, notamment de la sous-fraction WaqtiLLle, rr Golowwq, au sein
de laquelle est choisi ce chef coutumier, peut être située au XVIe siècle.
Indépendamment des discordances entre les deux listes (deux ugās non
comptés allongent cette liste qui compte seize titulaires), les numéros ci-
dessous renvoient à celles de Bertin et d’Ali Moussa Iye). Suivant la liste
de ce dernier, les emplacements des tombes sont les suivants :

Bertin Ali Moussa Iye Tombes des ugās


1. Ugs b. Makkahl 1. Gld Ugɖ Ml emplacement inconnu
2. Gld b. Ugs 2. Ugs b. Makkahl Arrbi (près de Gokti)
5. Ali b. usn 5. Abdillhi b. ‘8fi Harar
7. Gld b. B N 7. Umar b. Ali Alaf-Dabayld (Andbbayɖ)
8. R ble b. Gld 8. Gld b. B N Ðag1Mad be (6 km de Harrwe)
10. Fra « Guntiweyné » b. Glle 10. R ble b. Gld Erer
11. R ble b. Ali 11. usn b. R ble Byya-Šonkorrey (20 km de Mille)
14. Gld b. R ble 14. R ble b. Fra Wrar
15. Waays b. R ble 15. Abdi b. R ble Gugguma-Ad (près de Mille)
16. asan b. irsi 16. Gld b. R ble Kulankī-ArRaa

127
‘ÎSA

3. Etymologie du nom úgs. Un point non relevé par les auteurs est la
forme exacte de ce nom écrit ugaas, dont les voyelles sont prononcées
« avancées » (avec un avancement de la masse de la langue, trait
phonétique appelé en anglo-américain « advanced tongue root » : +ATR) ou
« non avancées » (-ATR). Le somali normatif ne le note pas et écrit ugaas,
alors que la forme exacte est [ǘgääs], avec accent pénultième et
avancement vocalique noté ici par un tréma. Le fait n’est pas secondaire. Il
caractérise le système vocalique du somali, même si l’orthographe
normative l’omet. L’avancement, auquel s’oppose le non-avancement
vocalique, permet de différencier, par exemple, les impératifs : (-ATR :
rétracté) duul [duúl] « vole » et (+ATR : avancé) düül [düǘl] « attaque ». Un
rapprochement avec ul-gs « bâton du chef de guerre » (Ali Moussa Iye) ne
peut être exclu, mais il reste problématique, ni ul ni gs n’étant porteurs du
trait « avancement ». En outre, cette référence guerrière s’accorde mal avec
la fonction arbitrale de l’ugs9. Le problème principal est le sens exact et
l’origine non-somalie de gs qui désigne non un chef de guerre mais un
grand groupe de combattants10. C’est en fait un emprunt à l’arabe gš.11
Une autre incertitude concerne le nom du premier ugs, Ugs b. Makkahl,
pour Bertin ; Gld Ugɖ Ml, pour Ali Moussa Iye. Suivant cet auteur, le
1er ugs s’appelait donc ugɖ. Cette forme ugɖ est d’autant plus
intéressante qu’elle renforce la probabilité d’un voisinage avec les Afars,
antérieur au XIXe siècle. On fera ici deux hypothèses.
PREMIÈRE HYPOTHÈSE. Ugɖ est à rapprocher du somali ugɖ (var. ugār)
« gibier », « chasse ». Une évolution phonétique via le dérivé ugɖs « aller
à la chasse » serait : ugɖ → ugɖs (var. ugrsi12) → ugs. Le nom
composé Gld Ugɖ Ml peut ainsi être compris comme :
[Gld « Victorieux »] + [Ugɖ « gibier »] + [Ml « qui trait »].
« Le (chasseur) victorieux qui trait : qui se nourrit du lait du gibier ».
Ali Moussa Iye (1990 : 245) propose la traduction voisine de « Gld le
Sauvage », ce qui s’accorde avec ce que la légende rapporte. Selon la
tradition, la mère d’Ugɖ mourut quand il avait un an. Il est reputé avoir
grandi seul, vivant parmi les gazelles et allaité par elles jusqu’à l’âge de 10
ou 12 ans. Découvert par une bergère issa, il fut amené aux frères de celle-
ci. Assis au milieu de l’assemblée, sa tête fut soudain couronnée de nuages,
et la pluie longtemps attendue se mit à tomber. Sa baraka ainsi reconnue, il
fut adopté par Makkahl et apprit le somali, ce qui en fit un membre à part
entière de la communauté. Le récit légendaire confirme ainsi que Gld
« Ugɖ Ml » qui vivait en enfant sauvage n’était ni somalophone ni Issa.
La forme Ugs Makkahl, donnée par Bertin, pourrait être interprétée
comme une apposition :

9. « Homme qui conseille sa tribu » (« nin tol u taliya », Yaasin C. Keenadiid, Qaamuuska
af-soomaaliga, 1976 : 431).
10. « group of warriors » (Luling, Somali-English Dictionary, 1987 : 202) ; « qayb weyn oo
ka mid ah qaybaha ciidanka dagaalku ka kooban yahay » (Y. Keenadiid, op. cit. : 159).
11. Dans ce sens, *ul-gās rappelle la fonction du dráy afar (v. Dró).
12. Luling (op. cit. : 541) confirme ugaarsi et fait de ugāɖ la variante de ugār.

128
‘ÎSA

[nom personnel Ugs] + [surnom Makkahl]


quoiqu’elle soit comprise comme Ugs, fils de Makkahl, soit :
[« le porteur du bâton de guerre (ul-gs) »],
fils de [« celui qui prit parti pour La Mecque » (Makka-hl)].
Cette interprétation qui réaffirme le lien avéré entre somalisation et
islamisation, reste ici précaire, la liste des úgs indiquant des noms
coraniques dès l’origine du lignage. L’ancêtre apical de ce dernier est le
saint arabe, BarNadle « wal ». Surnommé Wardq « le messager », il
prolonge la légende de l’ancêtre des Walasma, Ysuf al-Akwn, chez les
Issas, mais aussi chez les autres Somalis du nord (Isq, notamment), et chez
les Oromos sous le nom de ḥğği Faği (v. Abbâsiya).
SECONDE HYPOTHÈSE. La seconde hypothèse combine l’afar et le somali
pour expliquer ce passage de [ɖ] à [s]. Ici, le lien entre ugs et ugáɖ tient
compte du sens qu’a ugáɖ() en afar où il désigne l’élégance vestimentaire
mais aussi la parade du guerrier, arme sur l’épaule. Ce lien possible entre
« élégance » et beauté du chasseur paradant avec sa prise dévoilerait le vrai
sens du proverbe afar : gaysaléh dagnáh, ugáɖ má inta « manque de
flèche n’empêche pas la chasse (et non l’élégance) ». Le passage de /ɖ/ à
/s/, anomique, est pourtant attesté dans un énoncé comme : mâlu ma loo
kallaê, ugāsak sa (= *ugɖ-ak sa) « des biens de ce monde qu’ai-je
demandé si ce n’est l’élégance ? ». Cette hypothèse offre une autre
étymologie au somali ugs et au titre donné au « roi » des Issas en
renvoyant à des chasseurs autochtones qui, en se faisant musulmans
(Makka-hl), auraient conclu une alliance avec des pasteurs somalis.
COTERRITORIALITÉ. Cette hypothèse de l’existence de groupes bilingues
postule une situation de coterritorialité ancienne dans la zone au sud de
l’Áwsa, que l’emplacement des tombes des ugs confirme. Le cas n’est pas
unique. Les chasseurs Bôn (v.), aujourd’hui disparus, restent connus, tant
chez les Afars que chez les Somalis du nord. Quand elle a eu lieu,
l’intégration de ces groupes non-Issas s’est faite par mariage. Dans le cas
des Wardq, le premier ugs, Gld Ugɖ Ml (Ugs b. Makkahl pour
Bertin) est situé par les auteurs au début du XVIIIe siècle, mais les cinq
générations antérieures : Ugɖ b. Makkahl b. ásan b. Abdallé b.
Golowwq b. Wáqtiššle, ne comblent pas un hiatus de plus d’un siècle,
puisque la même tradition rapportée par les deux auteurs précités indique
que l’ancêtre apical BarNadlé wal aurait épousé la veuve de Hólle. Ce
hiatus est sans doute plus important, puisque la chronologie de la dynastie
Walasma montre que BarNadlé wal aurait vécu au XIIe siècle (EA, I :
478). Dans le cas des arla, la multiplicité des légendes milite pour
reconnaître ici encore un groupe bilingue, dont le lien avec les Afars
Harálla (v.) ne peut être écarté. Leur rattachement à la descendance de šay
Îse est tardif, comme pour les Wardq. Sur la base de générations de 30
années, le lignage arla qui s’intègre aux Issas s’est constitué vers 1560. Il
n’englobe donc pas l’ensemble des arl qui sont mentionnés dès le XIVe
siècle dans la chronique de Amdä =Gyon, et qui, dans le Futḥ al(
abaša (XVIe siècle), sont encore nettement distingués des Somalis. Le

129
‘ÎSA

lien est d’autant plus probable avec les Harálla (v.) que c’est la forme sous
laquelle les Issas arla sont nommés en afar (D.M., 1991 : 86-87) :
Kalelon baddi kaxxa Harallak Ils dépouilleront de leurs fusils
les grands arla
Kalelon mayya kaxxa Harallak Ils dépouilleront de leurs vaches
les grands arla
Pour éteindre les querelles entre Afars et Issas, par exemple dans la zone de
l’oued Obnó, au sud-ouest du lac Abḥé, les arlá étaient encore récemment
requis comme arbitres, en raison de leur connaissance du droit coutumier
de chacune des parties en conflit. Dans la tradition rapportée par Bertin
(1973 : 37), Éli, le fils aîné d’Ibrhin, lui-même premier né du lignage
Sáad Mûse, épouse en premières noces, une femme Oromo appelée Harlé.
Leur fils Ábdi « arlá » est l’ancêtre d’un lignage plus particulièrement
chargé de rendre la justice. D’autres traditions font des Harla des
sédentaires ruinés pour leur orgueil et leur prodigalité, et dont les ruines des
villes correspondraient aux champs de lave de Metahara et au passage de
l’oued Dakkata, en montant de Dire-Dawa à Harar. Ces traditions renvoient
là à une coterritorialité conflictuelle jusqu’à l’anéantissement.

Tableau généalogique situant l’intégration aux Issas


des %arlá et des Wardq
šay Îse BarNadlé « Wardq »
(marié à la veuve de
Hólle)
1410 @lyé Ali Hólle

1440 Mûse Abdarráḥman « Mammsan » Wqr n


(posthume)
(+ 1ère femme) ?

1470 Sáad Y nis « Wákhti-ma-huré »


1500 Ibrhin Maḥámmad « Odáḥgób »

(+ 1ère femme) (+2ème femme)


1530 Éli Gláne
1560 Ábdi « %arla » « Warbe » Abbókor Waqtiššle
1590 Samaggb Áwad Fíqi Abdallé Golowwq
1620 Abdillé « Irrale » Awaddó Abdallé
1650 Sahal (fraction chez les Afars) ásan
1680 Gadîd Makkahl
1710 R ble Ugɖ (1er ugs)
1740 Gddi « Hallo »
1770 Gld
1800 Áli
1830 Ass we
1860 R ble
1890 Waays
1920 Glle asan irsi (16ème ugs)
[lignage arla] [lignage Wardq]

Dans ce tableau, les noms sont donnés suivant leur forme vernaculaire, non en somali normatif
qui écrit Ibraahiim, là où l’on prononce [Ibrâhin] ; Abdallah, au lieu de [Abdallé] ou [Abdillé].

130
‘OTBÂN ḤÁMAD

Dans le cas du récit issa, l’intégration des arlá est symétrique de celle des
Wardq. Elle est située au milieu du XVIe siècle, période où s’est opéré un
recentrage politique, et où des « Haralla » (v.) ont quitté le Harar pour
l’Awsa. D’autres ont pu rester dans la région pour finalement être intégrés
aux Issas. Les différentes traditions confirment le voisinage ancien des
Afars, des Issas et des Oromos dans cette région au nord du Harar. Le
tableau ci-contre mentionne le mouvement inverse des Awaddó,
maintenant comptés chez les Afars. Ces arlá devaient être peu nombreux
dès cette époque, peut-être décimés par de longues périodes d’affrontement.
Au 1er juillet 1936, ils étaient estimés par l’administration française à
seulement 690 personnes, dont 260 hommes.
S : Ali Moussa Iye (1990 : 256) ; Bertin (1968 : 3-10) ; 1973 : 33-38) Chedeville,
Recensement des Issas, 4 vol., 1938-1943 (non publié). D.M. (1991 : 40, 42, 86-87, 112). L :
EA, I : 478 ; II : 1034 ; IV : 1015.

ISÓ
Loyer de la terre, versé à la tribu propriétaire. La redevance prend la forme
d’un impôt annuel s’agissant des terres du sultan. En 1943, dans le Godá,
sur le dinkrá-b bɖó, les Gundūsá, sous commandement Kabb bá,
propriétaires d’un pâturage à Lglên, acquittent un loyer de 20 chèvres au
sultan de Tadjoura pour un autre terrain loué à amb ká. Quand il est
possible de le préciser, on constate la complexité du régime foncier,
notamment dans les zones riches en pâturage. Lors de l’« affaire
Thiébeau », en 1943 (v. Kabb bá), les Egralâ payent au sultan 10 chèvres
pour la location du pâturage d’Agōroggúba. Pour leur terrain de Randá, ils
reçoivent des Data Ablé, 12 chèvres, et des Idittó, 6 chèvres. Un autre
loyer en nature est perçu des Balawtá à Gablállu, et un autre des Godmallá
à Adó Dbá. Ces derniers n’ont pas d’autre pâturage. Ce système de
redevance non monétaire est modique. Le locataire doit demeurer solvable.
En même temps, il dessine une différenciation entre tribus propriétaires et
locataires, surtout quand, comme pour les Godmallá, la sous-fraction n’a
pas d’autre ressource foncière. Si la terre collective wanó (v.) demeure
inaliénable, les Bargá (v.) offrent l’exemple d’une tribu dont le pâturage,
d’abord partagé avec les Balawtá, a été accaparé par ceux-ci, plus
nombreux. Il existe ainsi des tribus sans terre comme les Ōbakartó (v. Abū
Bakr « Pacha »). C’est sans doute l’origine du nom Darumá (v.).
‘OTBÂN ḤÁMAD
Egalement Utbân b. ámad b. Klá (nom de sa grand-mère ; son grand-
père étant As-Maámmad b. Arkfár). Dammohoytá de Bôri, fraction
Arkfartó As-Maammadó. Son nom est écrit Kul UYmn dans la
version arabe du Traité de 1862 (v.), et Klu UYmn dans une lettre de Ab
Bakr (v.) adressée à Napoléon III, du 10 juin 1861 (in Rubenson, 1994 :
158-60). Dit par ironie « baysá Otbân », « Osman qui ruine », au lieu de
bša Otbân, Osman « Pacha », ou encore « firti-warâri Otbân », avec une
interprétation en forme de calembour de l’amharique fitawrari : fir
« devant », warar « donner l’assaut »), il est le co-signataire du Traité de
Paris du 11 mars 1862 (v.). Les surnoms indiqués précédemment, tantôt

131
‘UDDÚMMA

laudatifs, tantôt moqueurs, ont été propagés par ses partisans ou ses
contempteurs. Le 25 avril 1862, à bord du Curieux commandé par le
capitaine Buret, Schefer, premier secrétaire-interprète pour les langues
orientales aux Affaires étrangères, fait escale à « Amphila » (v. affalé)
pour rencontrer « Kullu Osman », qui habite « à quelques lieux à
l’intérieur ». A sa mort en Áwsa dans des conditions mal élucidées, les
Italiens donneront leur autonomie aux sous-fractions Dammohoytá de Bôri
(v.) sous tutelle des As-Maammadó (Gaás-sambó, Unɖá ammadó et
As-M mintó). Réclamant aux Italiens le pouvoir de son père, son fils
Maámmad sera enfermé au pénitencier de Noqra (Dahlak), d’où il
s’évadera en cassant le mur de sa prison. Rejoignant la côte à la nage, il
méritera le surnom de Nokrá-y Yaggíli, « le casseur de Noqra ». Son fils
Ali lui succèdera, puis son cousin, šum Ali b. Abdalla (mort en 1972).
S : Chedeville / Ali b. Umar b. ámad ; D.M. (1999 : 21) ; Rubenson (1994 : 158). Aff.
étr., Mém. et doc. Afrique, vol. 63.

‘UDDÚMMA
De Uddummí bad « le lac de ‘Uddúmma », parfois improprement appelé
lac d’Afambo (v.), lago Gammarri, par les Italiens. Le nom Uddúmma,
comme ses variantes Uddúm, Udúm, n’a pas d’étymologie connue. On
pourrait hasarder qu’il s’agit d’un nom, composé de uddá qui désigne l’état
de cheikh chez les Harálla Kabirtó + ɖummá « cachette » : le repaire
Harálla ; ou ɖūm « inondation » : la zone inondée Harálla ; ceci en liaison
avec les travaux de drainage effectués par les Harálla (voir p. 235). C’est
sur la rive sud-est du Uddummí bad, au lieu-dit Fursé (v.), que fut anéantie
la colonne égyptienne commandée par Werner Munzinger, le 15 novembre
1875. Arrivé à Tadjoura, le 4 octobre, l’expédition repart par mer le 27 et
atteint « Galahaffô » Galalé Foó, à Aɖɖáli, avec 350 hommes et 2 canons.
Munzinger poursuit sa route par Marmarissó, Agná, au nord du anlé et le
Kaɖɖá Gamárri (v.). Parvenu à la frontière de l’Áwsa, il rencontre úmmad
b. Looytá (v.) qui le guide le long du lac avant de se retirer, le 14
novembre au soir. L’attaque a lieu dans la nuit. Munzinger meurt au matin
avec son épouse et leur fils, ainsi qu’une partie de l’escorte dont le ras
Bərru et le Français Lanfray. Les survivants fuient vers Tadjoura. Parmi
ceux-ci, le secrétaire de Munzinger, Gustav Haggenmacher qui meurt
d’épuisement (EA, II : 968). Antérieurement, Munzinger (né le 21 avril
1832, à Olten, canton de Soleure, en Suisse) avait effectué un voyage
d’exploration en 1867 avec la colonne Merewether, préparant l’expédition
de Mäqdäla (1868). Munzinger est le second Européen après Sapeto (1851)
à avoir traversé la plaine du Sel (v. Amolé) dont il envisagera l’exploitation
industrielle. Parti de la baie de Midír (juin 1867), il atteint l’oued Sabbá et
Maglallá, sur les contreforts du Tigré. Il rejoint Massawa via Baddá (v.), la
plaine en aval du Rgáli, et la baie de Hawâkil, le 9 juillet.
S : Munzinger (1869). L : Keller-Zschokke (1891) ; Puglisi (1952 : 215) ; EA, III : 1071.
« UNÐÁ » KÂMIL
Cheikh des Asá Ablé, mort en 1878, enterré à Tadjoura, malgré son vœu
d’avoir sa tombe à Ambabbó. V. Gonduramn.

132
B
BA‘ÁDU
1. Localisation. 2. Histoire.
1. Localisation. Plaine du moyen Awash, dans la zone d’épandage du
fleuve. Le nom est dérivé de badá qui désigne la zone de crue d’un cours
d’eau. Région marécageuse riche en pâturages, Baádu, dans sa partie
centrale, est souvent définie comme allant du petit massif du Kurbíli, au
sud, à celui de Sibâbi, au nord (Kurbíliy Sibâbi yakké Baádu). Sur la rive
droite de l’Awash, relativement protégée de la crue annuelle,
l’agglomération principale, Gawwâni (« là où il y a des sacs de charbon de
bois », gawâni ou gowâni, pl. de gniyát) est dominée, au sud-est, par les
cônes volcaniques de l’Ayyálu (v.) et du bidá. Ce nom Gawwâni est
concurrencé par la prononciation « Géwani », influencée par la
transcription amharique  gäwané. Trois tribus principales sont en
concurrence ancienne dans la région : 1. les Ulutó (v.), qui revendiquent
l’honneur du rang en tant que descendants de aɖal-Mâis (v.). En font
partie les fractions Baddúl ; Al-sárra ; Arbbá (avec Mé-sárra) ; Datá-
Lhí mlá ; Bagullíit « né en pleine chaleur ». C’est sans doute le chef des
Ulutó que Soleillet rencontre (11 juillet 1884) à « Kodei », Kudéy, et qu’il
appelle « Ha-Hamdé, le grand chef de Baádu », en le distinguant du « chef
actuel des Baádu, un vieillard nommé Moumen ». 2. Les Msrá, qui
forment une chefferie avec les Madîma ; 3. Les Ská, accolés aux Madîma,
venus de Dawwé (v.), descendants du cheikh Abbâsiya (v.). Autres tribus :
Gallá (v.), Mdaytó de Bûri (v.).
2. Histoire. Avant la période appelée « Ídi-k Ísi » (v. Áwsa), soit au début
du XVIIIe siècle, le Baádu était occupé par les Argobbas et les Oromos.
Les Ulutó, partis de la région du Msaálli (v.), passèrent par le Dôbi et se
dirigèrent sur le moyen Awash, d’où ils chassèrent les Oromos. Sans doute
n’est-ce que la vague d’immigration la plus récente, l’histoire de l’Adal (v.)
amenant à penser que des Afars, peut-être de tribus différentes, étaient déjà
présents dans cette région de transition entre l’Ifat et l’Áwsa. Parallèlement
à ce commandement Ulutó, un lignage Ská, doté de pouvoirs magico-
religieux, semble s’être implanté à Baádu dans le dernier tiers du XIXe
siècle. Le petit-fils du cheikh Abbâsiya (v.), Abdallah b. Yôfis b. cheikh
Abbâsiya, est l’ancêtre de la fraction « Bargáli » constituée des
descendants de agár, son fils aîné d’un premier lit, dit pour cette
raison « Kallí » (du nom de sa mère, Kalâla) agár. La fraction Asbuɖá
descend de Ali b. Abdallah, aussi appelé Sasá- Ali ou Bayré- Ali (du
nom de la seconde femme de Abdallah, Sasá, ou Bayré). Ali b. Abdallah
serait arrivé à Baádu avec un chapelet (inaytá), à l’instar du sultan
Mdaytó de l’Áwsa, et une vache nommée Aballáf (*abal-lé-af) « bouche
sanglante ». Les descendantes de Aballáf regroupent des vaches de race
yéménite (non des zébus), sans cornes, qui sont propriété de la
fraction Asbuɖá. Leur beurre sert à oindre l’inaytá. Au XXe siècle, Ulutó et
Ská semblent partager le pouvoir politique, les Ská s’affirmant comme
BA‘ÁDU

les chefs de guerre grâce aux pouvoirs magiques que leur conférait la
possession de l’inaytá. La lignée des Ská de Baádu s’établit comme suit
(les chiffres précédant les noms dans le tableau ci-dessous indiquent l’ordre
de succession).

Lignée des Ská de Baádu


Abbâsiya (d. 1834-1835)

Yôfis

Abdallah

1. « Kallí » agár Sasá (Bayré)- Áli Maammaddá

2. « Kaɖɖá » Ysé Abdallah 6. « Uɖ » Ysé Foró ? ?


(chef de razzia, v. Bernard)
3. Abdallah 4. ámmadu 9. Ali-Dombollé 8. Aytilé 7. Ellâma 5. Mayrántu
(d. juillet 1930) (détenteur de l’inayta) (c. 1945-1960)
Bargáli Asbuɖá

1. Sek agár, dit « Kallí » (nom de sa mère) agár, b. Abdallah b. Yôfis


(Yûsuf), décrit par la tradition comme aveugle. Contemporain du Français
Barral (v.), qui meurt en avril 1886, à immoysá dans la région de Baádu,
il peut avoir été chef de 1880 à 1897.
2. « Kaɖɖá » Ysé b. sek agár, dit « Ðné Mômin », avec le titre de « sek
Mômin » (1897-1925). Il cumule, le premier, pouvoirs politique et spirituel
en portant ce titre de « sek mômin » et en détenant le chapelet magique
(inaytá) que l’on utilise comme un pendule. Tenu entre les doigts, on
l’interroge en disant « yi mômin ». S’il s’agite, la réponse est favorable ; s’il
reste immobile, l’issue est défavorable. Soleillet, en précisant que « le chef
actuel est un vieillard appelé Moumen, fils cadet de Mômen Ier », désigne le
père de « Kaɖɖá Ysé » ou ce dernier, lequel meurt fin avril ou mai 1925
après une expédition contre les Issas. Le problème de la succession est alors
posé.
3. Abdalla, fils aîné de « Ðné Mômin », que Nesbitt (1934 : 177) appelle
« Abdul Momi », hérite du pouvoir politique (c. 1925-27), mais un
consensus se dessine pour que le pouvoir spirituel soit dévolu, non de père
en fils, mais en fonction de l’âge. Abdalla refuse de donner l’inaytá. Il
meurt, en 1930, dans la guerre dite affí Maáɖu « coup de balai » contre
les Debné (combats de Ggálu).
4. ámmadu, frère du précédent, fils cadet de « Ðné Mômin » (c. 1930-
1934) est contraint de restituer l’inaytá. Il est tué par les Issas à róli, en
novembre 1943.
5. Maámmad dit « Mayrántu » (1934-1947). Cousin du précédent. Lors de
son passage en 1934, Thesiger (1935 : 8) note qu’il est intronisé
solennellement sous un immense sycomore (sublá, v. Adári) par les
fractions Bargáli et Asbuɖá. Les Msrá et les Asdá (Madîma) prennent

134
BA‘ÁDU

également part à la cérémonie. Il est réputé avoir été en possession de


l’inaytá « depuis un an à l’arrivée des Italiens », peu de temps après avoir
été intronisé, soit en 1935, témoignant ainsi de la fin du conflit entre
pouvoir spirituel et politique. Il meurt centenaire (à l’âge de 125 ans, dit-
on), en 1947.
6. « Uɖ » Ysé (c. 1947-48), son cousin et frère de « Kaɖɖá » Ysé, le
remplace. Avant d’avoir brièvement le pouvoir politique, « Uɖ » Ysé a été
le chef de la razzia dont fut victime Bernard (v.), en 1935.
7. Ellâma (c. 1948-58). Mort dans un engagement contre les Oromos.
8. Son successeur est sek Aytilé b. Foró b. Bayré- Ali b. Abdallah, mort
entre 1958 et 1960. Avec la restauration de l’administration impériale après
la Seconde Guerre mondiale, il semble conserver, comme son successeur,
un pouvoir surtout religieux.
9. Ali-Dombollé b. Abdallah b. « Kallí » agár (après 1960).
BELLIGERANCE (1925-1930). La région de Ba‘ádu soumise à la pression au
sud des Oromos Karayyu et des Somalis Issas est une zone de belligérance,
dont la chronique est tenue pour la période 1925-1930 (Naw.) :
Fin fév. ou début mars 1924 (h. Šabn 1343) : raid dit Galalís « casseur »
contre les Issas, dirigé par « Kaɖɖá » Ysé à Dat-Búyya.
Fin mars 1925 : expédition éthiopienne de maintien de l’ordre, dirigée par
un Argobba, Maámmad b. Amr Ali, dite aɖɖí Maáɖu « le raid du
bâton ».
Juin-juillet 1925 : 10 soldats éthiopiens et un Grec sont tués au campement
de Ðer-Maámmad, chef des asbá de Kurbíli. Après avoir vainement
demandé que les meurtriers soient livrés, le ras Tafari, futur Haylä Səllase
envoie une expédition commandée par le ras Täklä Wärd, qui arrive à
Awwré (où le cheikh ásan b. ámad-Ladé était présent) le 14 Šabn
1344. Le 8 mars 1926 (23 Šabn 1344), l’expédition parvient au lieu où
s’est retranché Ðer-Maámmad qui est tué à la suite d’une trahison.
Août-septembre 1927 : raid dit Galalisé « casseur », sous « Uɖ » Ysé, qui
attaque à Mtu, Bukkula. Le butin est abondant.
Mai-juin 1929 : guerre dite Adda-Geɖé « rentre dedans », menée contre les
Issas par Maámmad b. Hdé (Brí Mdaytó) et « Uɖ » Ysé jusqu’à
Erer, Harrwe, Klálu.
Mars 1930 : expédition dite affí Maáɖu « coup de balai », menée par
áffa b. Môla contre les Debné, avec un jeu de mot entre le nom du chef
de razzia et le verbe ḥaf (ḥaf iɖɖiḥ) « frapper ». Le chef de guerre Debné
Arbhintó (v.), ásan « Warallé » b. Maámmad b. Looytá, est tué sur
l’oued Ff, à Mullú par Bllé (Ulutó Mé-s sárra). Le surnom laudatif de
« Warallé » (somali wáranle « porteur de lance » : guerrier) lui avait été
donné par les Issas.
Comme en Côte française des Somalis, les Ulutó ont opposé une résistance
opiniâtre à l’occupant italien (v. Dikhil). Peu après la prise d’Addis-Abéba
en juillet 1936, quand un détachement italien prend position à Gawwâni.
Seul ámmadu, fils cadet de « Ðné Mômin » se rallie. Les chefs Ulutó-k
Mdaytó et Gallá refusent de se soumettre. Les Italiens poursuivent la
construction du poste de Gawwâni et ordonnent encore aux opposants de

135
BADDÁ

faire leur soumission. Ils bombardent le campement de Mandá- lá. Les


survivants se regroupent, pendant l’hiver 1937, à Addaadó. Les Italiens
convoquent les chefs et en exécutent quatre : Msá (Ulutó Yambaráddi) ;
áffa b. Môla, chef de la razzia de mars 1930 et ses adjoints Bllé (Ulutó
Mé-s sárra) ; Uggá (Gallá). Les Italiens prennent puis libérent des
otages, dont Maámmad « Mayrántu ». En échange, ils ordonnent que leurs
soient fournis 154 hommes de troupe et des travailleurs.
S : HHL (Naw.) ; HL (in D.M., 1997 : 135) ; D.M. / Adbáɖa b. usn. L : Nesbitt (1934 :
177) ; Soleillet (1886b) ; Thesiger (1935).

BADDÁ
Deux régions portent le nom de Baddá : 1. Celle sur le piémont, dite
Gllá-b Baddá « le Baddá des Galla (v.) », entre Mokónni et ’ar’ar, à
l’est de la route Mayč’äw-Alamata, au contact des Waydarat (v.) ; 2. Celle
alimentée par l’oued Rgáli, région cultivable sur la limite des Waddó et
des Dhí-m mlá, au sud du golfe de Zula. Lors des crues, l’eau du Rgáli
(« qui dure ») descendant du piémont, reflue vers l’intérieur et se perd vers
la plaine du Sel. On prête au sel d’aspect rougeâtre de cette zone des vertus
curatives. A l’époque impériale, un chef de partage des eaux « kábbo
darrâ » (ital. capo ; arabe z-r- : chef des cultures) résidait à Baddá, ainsi
que trois juges locaux dépendant de la juridiction de Tó (v.), tous
Dammohoytá. Les tribus de Baddá (Mogorrós, Amolé) ont été gardiennes
des troupeaux de vaches des Oromos et des Waydarát (v.). Etymologie. Le
nom baddá est dérivé de bad qui, indépendamment de son sens de « mer »1,
désigne : 1. une propriété rattachée au sel ; 2. une étendue plane. Ces deux
sens coexistent dans les toponymes indiqués ci-dessus. Le second se
retrouve dans baddá-h abbá, le chef Harálla (v.) de la zone inondable et
ainsi cultivable de l’Awash. Au sens 1, bad a un lien avec báda « erreur »
et s’applique à une source natronée (eau trompeuse que l’on croirait
potable), d’où les dérivés badaydá, badiyáytu, badáytu, etc. Badaydá est un
toponyme de la cuvette du Grand Dôbi (Kaɖɖá Dôbi), connu dans sa partie
centrale sous le nom de Dbí ɖagád « terre salée de Dôbi ». Aydâḥis b.
Maské y est enterré (v. Aydḥissó). Bêda, la zone de contrefort à l’est de la
zone salée, et Bdá (alt. 255 m) où se trouve le point d’eau et l’ancien poste
français, correspondent à l’ancien Badaydá. Badiyáytu et Badáytu sont les
deux variantes du nom de l’oued de Baylûl (v.), l’une et l’autre, porteuses
de l’idée d’une zone aux puisards plus ou moins saumâtres.
S : (dépression de Dôbi), carte I.G.N. (1 : 100 000, f. Gamarri).
Baddúl v. Baádu
BADOYTÁM MLÁ
Tribu représentée de la côte de la mer Rouge au piémont éthiopien
(Dawwé). Généalogie. Descendants supposés d’un Somali Warsangéli,
père de « Badóyta », ou d’un Arabe, portant ce surnom afar « Badóyta »,

1. Bad, et non l’emprunt arabe bar (voir Baári « plaine côtière ») désigne la mer en afar. Le rivage
est une frontière socio-culturelle. C’est le domaine des marins arabisés, non des pasteurs
monolingues.

136
BAÐḤITTÓ

dont sont issus trois enfants ayís, Áydam et Úlel, respectivement ancêtres
des ayís (v.), des Aydamní et des Ulél (v.). Ferry (1988) conteste que
Badóyta désigne un homme, qu’il rattache à badó « kaolin », les
Badoytá-m mlá étant « les gens des terres blanches » (c’est-à-dire : du
littoral). Toutefois, l’expression Badoytí ɖayló « enfants de Badóyta »
indique sans équivoque qu’il s’agissait d’un homme. On doit le distinguer
du toponyme badoytá. De ayís, sont nés : 1. Debél lé Uddúm, ancêtre des
Debellí-sárra de Dawwé ; 2. Úmar Asgíru, ancêtre des Absá-mára ; 3.
Umar, ancêtre des Nahár buɖá de Dawwé. De Áydam, sont nés Alfaɖé,
ancêtre supposé des Wakíra, et Ádan (ancêtre des Adán-sárra de Dawwé).
Une autre généalogie fait de Badoytá, le père de ayís, de Áydam et
úmmad, dont descendent respectivement les Aydamní et les ummád
sárra. Fractionnement. Tribus rattachées aux Aydamní : Dorráhi (Kaɖɖá
Ádan), Ageddó (Alfaɖɖá). Tribus rattachées aux ayís (Aytúr, v.) : Ddá-
m mlá (v.), Ali-Sirá, Mânat, Ðâgu, Sawal-sárra. Autres tribus du groupe
Badoytá-m mlá (ni ayís, ni Aydamní) : Abá-m mlá (v.), Ellá-m mlá,
adíyyu, Ebeddó. Distribution. I. En République de Djibouti : 1.
Aydamni (amoddí, Ageddó, Adan-Sarrá, Abá-m mlá de Khor
Angar) ; 2. ayís, a. groupe de Maámmad « Bató » : Okkó, Goftó,
aysamlé, Ulél ; b. groupe de Maámmad b. ásan « Sirriá », neveu de
Maámmad « Bató », dit « Datá Buɖá », aysamlé, Edderkaltó,
Maynabá ; c. groupe de Adan « Laga » : Edderkaltó, Ilinó et autres
groupes d’Erythrée. II. Commandement en Erythrée du sud : sous Adan
« Laga » : Wimí Ulél, Ilinó, Wimí Edderkaltó, Dorrahí, Asál buɖá.
III. Commandements en Ethiopie : 1. Bré : ayís, Balaw, Bokdirá ; 2.
Badoytá-m-mlá de l’Awash (aɖá-k Badóyta) : Adan-sárra (fraction des
chefs Alí-umaddó) ; 3. Dawwé, au sud de Bté : Dimbilí-sárra (répartis
avec les Ddá), Debellí-sárra, Ddá-m mlá. Leur territoire atteint la rivière
atáwwi (Atayyé des cartes), au sud ; au nord, les Aggínni (v.). Il englobe
le cours inférieur du Burkánna et les rives de l’Awash.
S : Chedeville / Ali b. Umar ; Umar b. Maámmad b. ámad b. Ásab ; Gaás b. Môla ;
Múɖa b. Ali b. Múɖa ; Yûnus b. Umar b. Dawud.

BÂÐA
Le bâɖa (prononcé aussi bâra) désigne la partie au centre de la tente
(daboytá) où l’on reçoit les invités. C’est aussi le nom des deux plaines
argileuses, au sud-ouest de Djibouti, sans arbres ni pierres, que les Issas,
pénétrant dans cette région en venant du Sud-Est, ont dénommé, compte
tenu de leur diamètre apparent, Bâɖa Weyn « Grand Bara » et Bâɖa Yar
« Petit Bara ». Ce dernier est appelé en afar Gamffúr, forme dérivée de
gafúr « petit talus », « berge d’une mare ». Seul le « Grand Bara » porte, en
afar, le nom de Bâɖa.

BAÐḤITTÓ
Tribu descendant d’Amáysi (v.), habitant sur la côte, de Bardalé Ð, limite
avec les Dammohoytá de Íddi (v.), à Addiddáma, au nord de Baylûl (v.).
Le long de cette côte, le puits de Bitá est en territoire Baɖittó mais son
eau est partagée avec les adarmó. Célèbre dans les années 1960, décédée

137
BĀÐÓ

en 2004, la chanteuse et poétesse, Amná b. Áli, surnommée « Datminá »,


Amná la Noire, appartenait aux Baɖittó de Bayyilé (v.), près de Dubté,
en Áwsa. Une de ses satires adressée à l’un des fils du sultan de l’Áwsa a
été conservée (Dimis & Reedo, 1976 : 42-45 ; trad. D.M., 1999 : 100).
BĀÐÓ
Pl. bɖɖá. 1. Terre (surface du sol) : bɖól geɖ « marcher sur le sol » ; 2.
Pays, territoire, région : Afár bɖó « le pays Afar ». 3. Commandement
territorial, « grande-chefferie » (Chedeville, 1966), « sultanat ». Le nom est
à rapprocher du bedja báde (forme de citation badó-b), afar badó « terre
blanche, kaolin » ; badoytá « zone de terre blanche » (voir p. 137). Un bɖó
comporte un nombre défini de chefferies appelées ɖintó. Chaque ɖintó est
constitué des groupes patrilinéaires (kedó, pl. keddá) appelés « tribus »,
ou « clans » dans l’usage anglo-américain. Le nom d’une tribu subsistant
tant que survit un mâle de celle-ci, la notion de « tribu principale » est
souvent aléatoire, faute de recensement fiable. Encore, celui-ci ne rendrait
pas compte de la prééminence politique fréquente de certains clans
minoritaires. Les indications ci-après reflètent donc une réalité tantôt
politique, tantôt démographique, tantôt territoriale ; les trois pouvant
interférer. Les commandements sont au nombre de dix-neuf, soit
Asahyammára, soit Adohyammára (v.), sauf Ddá, mixte.

Commandements territ. (bɖó) Chefferies (ɖintó) Principales tribus (kedó)


(outre celle en charge de la chefferie)
I. Afars du nord Asahyammára
1. Bíɖu Aliytó (Bîɖu) Ská-k Dammohoytá
Gardiá
adarmó (Adohyammára)
2. Bôri Dammohoytá
Anklá
« Brí-k baddí máru »
adarmó
3. ertó Dammohoytá
4. ‘Íddi Dammohoytá adarmó
5. Têru Têru Mogorrós, Abarré
Guleyná Mogorrós, Maanɖíyta
Awrá aysantó, adarmó, Nassár
Âdu adarmó, Walwállu
Adáli-k aysantó
Asa L-k Dhí-m mlá
Baddá Asdantó, Adarré
Adohyammára
6. Dhí-m mlá Dhí-m mlá
7. Balossuwá Balossuwá Waddó
II. Afars du sud Asahyammára
8. Áwsa a. groupe du nord-est (Afkié-k Máad)
Maassárra Mdaytó
Ulutó-k Mdîma
Gombár Ulutó, Mdaytó
Ablisá Mdaytó, Aɖkaltó
Ulutó-k Mdaytó
Ðurbá Mdaytó
Br k Wandbá Mdaytó, Mdîma, Gambél
Ulutó-k Ská Ulutó, Ská du anlé
Mdaytó-k Maanɖíyta
Lubák-Kubó-k Mdaytó

138
BĀÐÓ

b. groupe du nord (Arábta-k Asabbakári, Kîu-k enkébba)


Dâbu Arábta, Asabbakári, Krá
Sá Arábta, Asabbakári, Alaló
Ghúm k Dagába Arábta, Asabbakári, Nassár
Bukkurré Arábta, Asabbakári, Nassár
Millé Arábta, Asabbakári, Baɖittó
Gaydarrí buɖá Arábta, Asabbakári, Bsáli
Abá Kîu-k enkébba, aɖbisó
Gêga Kîu-k enkébba, Aɖkaltó
c. groupe du sud-est (Adáli-k Ayroytá) et sud (Magénta)
Óbno Galêla
Hdôli Galêla
Aɖkaltó
Kutublá
Wagbáru
d. groupes de la Kaló et de ses abords
Aydissó
Arabtá de Tandaó Baɖittó
d1. rive gauche : Nassár k Baɖittó
Damblá-k Mdaytó Alaló, Ali-Galitté
Nassár k Baɖittó
Asá Damblá Badoytá-m mlá
aɖbisó-s sárra Abrartó
Gambél
d2. rive droite : Arábta-k Asabbakári
Baɖittó
Arabtá
Amaró-s sárra Mafâ
aɖbisó-s sárra
Damblák Hummád-sárra Mdaytó
Makanniytá-w Wdîma
Karbúdda Mdaytó, Gáldod
Askakmáli-k Mdaytó Gaassó, Hûta
Amasá
Awsí mára Hararrá (Kabirtó), Intgér,
Bayɖó, Dardrá, Wmulé,
Saiddó, Brartá, Dbaá
Songó, Ská-k Sarfá, Kulayyá
9. Fantóyta Asabbakári
Rakbá-k Baɖittó
ársu Addôkum
10. Aggínni Barí Aggínni Aggínni, Mdaytó, Nassár
Magénta Aggínni, Gêrar, Tamít
11. Baádu Ulutó
Mdîma-k Msrá Asbuɖá (Sek-Ysiftó)
Galêla
Bûri Mdaytó
Sámu Aydissó
12. Ddá a. Asahyammára Elleaddós Mdaytó
b. Adohyammára Ská-k Badoytá-m mlá
Tamít-k aɖá-m mlá
Adohyammára
13. Raaytó Adáli-k Ská
Basmá Gaddalé Alí-h sárra, Ayrolassó
Baɖittó, Amasá, Mdaytó
Maanɖíyta Damblá, Ulutó, Ðortimlá
Kná lí-buɖá asbá, Takíl,
Mdîma, Asmlá,
ayís (Badoytá-m mlá)
Badoytá-m mlá a. Aydamâni (Badoytá-m mlá)
b. ayís (Badoytá-m mlá)

139
BÁGU

Commandements territ. (bɖó) Chefferies (ɖintó) Principales tribus (kedó)


(suite et fin)
14. Tadjoura Dardrá Adáli (Burantó, Dnitté)
Dawúd-Dnitté Adáli
Kabbbá Adáli, Idittó, Ablé, Balawtá
Ayrolassó (Debné) arká-m mlá, Garaysá
Datá Ablé
a. Gaddittó Ablé, aysamlé, Gaddá
b. Kóra Ablé, aysamlé,
c. Kitté Ablé, aysamlé
Asá Ablé Ablé, Farká-b buɖá, As-Adáli
asbá (Tadjoura) asbá (Yakubtó)
Ská-k asbá Sek-Arbhintó, Tannní
Rukbá-k Ðermlá aysamlé
Songó-g Godá Mafâ, Darumá, Fdiitté
Garrní Adáli (Anggá), aysamlé
15. Gbaád Debné arká-m mlá
16. Absá-mára Ldí-b buɖá Badoytá-m mlá (ayís)
17. Badoytá-m mlá Adán-sárra Badoytá-m mlá
Grá-b buɖá Badoytá-m mlá
Debellí-sárra Badoytá-m mlá
Garbí sidá buɖá ummád-gúra, aɖá-m mlá
18. Debné de Mullú Gní-Debné arká-m mlá, Ayrolassó
arká-m mlá
Sidá buɖá Ayrolassó, Askakmáli, Goftó
Iɖiglé-k Ayrolassó
ugúb buɖá arká-m mlá, Fdiitté
Algá-k Fadîa
19. Wíma du sud Ablé-k aysamlé
a. anlé Dab‘í buɖá Dbá-m mlá, Addôkum
b. Erér buɖá Ablé, aysamlé, Balawtá
Rukbá-k Ðermlá Awaddó
Baddá-h Adáli Darumá
Adáli-k Amasá
Ablé-k Adáli
Tákl-ik asbá

BÁGU
Litt. « ventre », « fraction » (de tribu). Ex. les Kná abbá-b bágu,
composés de cinq fractions Dhí-m mlá (v.). Le terme est voisin de buɖá.
C’est initialement les enfants en gestation : sidīá bágu ɖalteh « elle a
accouché trois fois. »
BARÁ ÁWSA
Prononcé [barâwsa]. « Les huit Áwsa ». Le terme désigne les huit groupes
sédentaires antérieurs à l’arrivée des Harálla (v.) et des Mdaytó (v.). Il ne
recoupe que partiellement la désignation Awsí mára (v.), et comprend : 1.
Ankattó ou Ankattá (v.), les plus anciens, dont le nom rappelle l’ancienne
principauté d’Angot ; 2. Kulayyá ; 3. Aleltá ; 4. Alé-m mla ; 5. Dbaá
(« Dobaa » d’Alvares, situés à cette époque sur les contreforts de
l’ecarpement éthiopien, près du lac Ašangi, et dont la venue sur l’Awash
pourrait être consécutive aux guerres sous Bä’ədä Maryam et Minas) ; 6.
Mmulé (Mmóli, in Basset : 172) ; 7. Garratá ; 8. Wíma composés
d’éléments originellement Adáli qui se trouvaient déjà en Áwsa quand
commencèrent les premières incursions Mdaytó (v. Chronique de
l’Awsa, Annexe II).
140
BALAW

BARÁ KADÁ
« Les huit lits du sultan ». Terme apparemment calqué sur Bará Áwsa,
qui énumère les huit tribus Asahyammára (v.) issues des huit descendants
de Môday (v.), dont on décline les noms dans un ordre fixe, conforme à des
liens préférentiels et généalogiques établis : Afkié-k Máada, Kîu-k
enkébba, Arábta-k Asabbakári, Nassâr k Aggínni, soit : « Afkié et
Máad, Kîu et enkébba, Arábta (v.) et Asabbakári (v.), Nassár et
Aggínni (v.) ».

Les « huit lits » du sultan d’Áwsa


Môday = « Mda lé » Arbâhim

Ámed Wahimá Otbân

Máad Afkié Kîu enkébba Asabbakári Arabtá Nassâr

Afará Aggínni

S : (Naw.) ; HL (in D.M., 1991 : 48).

BÁRI
Plaine côtière érythréenne, plaine sans arbres (Bôri). La variante Baári
s’applique à la plaine côtière au nord d’Obock. Le Bári correspond à la
région allant de Râsa, au nord-est de Ftumá- Ári (ar. Marsa-Fma), à
Midír (non inclus). Le Bári se distingue du Addaádu, zone qui lui fait
suite vers l’intérieur, de akór à Afnabó, région de plaines et de partage
des eaux. Le long de la côte, au Bári succèdent les plaines d’Afdirá et de
Glimâa, correspondant à la zone maritime d’Arratá (v.). La côte sableuse
est seulement interrompue, à la hauteur de Íddi, par des coulées de lave.
Après Asáb, la plaine devient plus large à partir de Meɖgebɖá, au sud des
salines situées sur la partie terminale de l’oued arsiléy. Le Bári se
signale par la rareté des puits permanents. Certains d’entre-eux sont
attribués aux « Perses » (v. Fúrsi). La plupart des agglomérations doivent se
ravitailler à des points d’eau souvent saumâtres, situés à distance. Celui de
Ftumá- Ári (v.) est à Ðhíyta ; celui de Midír est à Ad lá et Ray
Nába, à l’intérieur ; celui de Tó, à Kommâlis et Ðiɖɖoó. Ces derniers sont
situés sur deux bras de l’oued Adgabán (branche Ouest pour Kommâlis,
branche Est pour Ðiɖɖoó). Les habitants de Íddi ont le puits de Garraytôli.
Les autres points d’eau non saumâtre sont Sroytá et Borroytá en pays
adarmó, disputé par les Dammohoytá (v.) ; Bitá, au sud de Barraasôli,
en pays Baɖittó (v.), aux mêmes adarmó.
BALAW
Groupe arabisé d’origine bedja, de la région de Souakin, dont certains
éléments se sont dispersés en zone tigréphone dans le nord de l’Erythrée
actuelle, à Keren (Conti Rossini, 1928 : 278) ; au sud (Basset : 255), à
Zeyla, et dans la région de Harar où ils ont supplanté, au XVIe s., les
sultans Walasma arabes de l’Adal, pour finalement s’afariser (v. Balawtá).

141
BALAW

En Ethiopie, il existe une fraction Baláw chez les Badoytá-m mlá de Bré
(nord-nord-ouest du Msaálli), chez les Absá-mára (v.) et les Wíma du
sud. Histoire. On sait, par al-Yaqb notamment, que les Bedjas, encore
païens, dominaient le nord de l’Erythrée actuelle, à la fin du IXe siècle
(Zaborski, 1976). Il paraît probable que certains de leurs éléments
contribuèrent à la formation des peuples afar et saho. Sans que l’on puisse
déterminer avec certitude quels étaient ces Bedjas, on peut conjecturer que
les Bišariyyīn, plus anciennement organisés que les Afars, ont joué un rôle
déterminant. C’est, semble-t-il, l’émergence de nouveaux groupes au sud
de leur zone d’influence qui a été le facteur décisif. Ces migrations ont, en
effet, leur point de départ dans la région de Souakin, là où la fusion entre
des éléments arabes et des Bedjas avait donné naissance à une classe
dirigeante connue sous le nom de « Balaw ». L’hypothèse de l’origine
arabe de ces derniers (baláwi en bedja désigne un Arabe), comme d’un
rapprochement avec les Billī ou Ballī du iz reste ouverte. Mais la
similitude de noms avec deux tribus afares parentes, les Balawtá et les Bollí
Buɖá, permet de supposer que, sans certitude d'un groupe ethniquement
homogène, des Balaw « arabes » (se réclamant de cette origine ou perçus
comme tels), de bedjaphones dans la région de Souakin, soient devenus
tigréphones dans le Samhar, puis afarophones. Si, à l’évidence, ce ne sont
pas les descendants directs des « Ballī » du iz qui sont devenus les
« Balaw » de Souakin, ni les Bollí Buɖá ou les Balawtá de l’arrière-pays de
Tadjoura, ce que l’on peut reconstituer de l’histoire de ces migrations
confirme la constance d’un mouvement multiséculaire que des traditions
populaires ont pu réinterpréter sur la base d’homonymies douteuses sans en
remettre en cause la réalité. Pour se limiter à la période islamique, des
Baliyy sont transférés en Egypte, venant de Syrie, sous le califat de Umar,
indépendamment sans doute d’un flux naturel par mer. Ibn ubayr qui
visite Aydb en 1183 indique que les chameliers sont des Baliyy,
originaires du Yémen. Ils sont mentionnés avec les uhayna parmi les
carriers des mines de Nubie par al-Yaqūb. Ils sont aux côtés des mêmes
uhayna, en lutte contre les Arabes Rifa dans le désert de Souakin, en
1281 (Ibn al-Furt). Quelque cinquante ans plus tard, Ibn Baa trouve à
la tête de Souakin le fils du shérif de La Mecque, lequel a « hérité le
sultanat de ses oncles maternels Beaw », attestant de métissages entre
Arabes et bédouins bedjas. En chemin, il rencontre des Banū Khil
« intermariés avec des Bedjas et parlant leur langue ». En 1378, al-
Qalqašandī dit que Souakin est dirigé par des « Hadriba ». C'est ce terme,
chez les chroniqueurs arabes, qui va désigner certains chefs bedjas
parallèlement aux Balaw. Les qualités guerrières régulièrement reconnues à
ces Balaw expliquent leur rôle politique ultérieur. Werner Munzinger situe
au XVe siècle leur prise de pouvoir dans la région de Zaga (Daga ou Daka),
correspondant au bas Wälqayt. M. Abir (1968 : 5) explique la constitution
d’une aristocratie Balaw par des mariages avec des soldats ottomans. Des
Balaw participent, en 1557, alliés aux Turcs, à la prise de Massawa. Ils en
deviennent les n’ib appointés. En 1578, la région de Souakin est encore
décrite par une source italienne comme « le royaume des Bello », quoique

142
BAL‘OSSUWÁ

leur situation, en tant que groupe tribal autonome, décline en Erythrée du


nord. Bruce mentionnera, en effet, des « Beloowee » [Baláwi] comme
bergers des abab (tigréphones mais, eux aussi, Bedjas d'origine),
parcourant la région allant de Tôkar à Massawa. Evincés de Souakin à
partir du XVIe siècle, et supplantés en Erythrée du nord par les Beni-
Amers, c'est au sud que leur influence va se reporter. Dès le XIIIe siècle
(voir l’Introduction, p. 12), la présence de Bedjas est attestée à Zeyla. Une
tradition interne Adáli rapporte que les Bollí buɖá (v.) et les Baláw furent
appelés de Massawa, par les Ðermlá de Tadjoura pour lutter contre les
Songó (v.), donc dès la fondation du sultanat de Tadjoura, dont ils
formèrent la garde. Le chef de Zeyla, l’émir Maf, mort en 1517, est un
Balaw, tout comme le chef de l’Adal, Amed Ibrhīm (v.), fils du
gouverneur du Hubat, celui que la chronique éthiopienne devait affubler du
sobriquet de Grañ « le Gaucher ». En 1569, le gouverneur du Sm, région
au nord-est de Harar, jouxtant Zeyla, est « Balaw » Maammad. Les Balaw
s’affirment, dès lors, non plus comme un groupe territorial mais comme
une composante de la classe dirigeante de l’Adal. Lors des raids menés par
Amed « Grañ », les Balaw viendront à l’aide de ce dernier, notamment au
moment de l’offensive contre Axoum et le Sämen. C’est dans le pays de
Mazaga (de Daka), fief Balaw sans doute dirigé par des groupes différents
de ceux qui descendirent du Tigré vers l’Adal mais alliés, que sa veuve
Dléwnbaɖá (v.) se réfugiera avant de tenter un nouveau ihd contre
l'Ethiopie. Ainsi distribués dans l’ensemble du pays afar et saho, les Baláw
sont désignés suivant la morphologie de ces langues : Baláw-áre en saho ;
Baláw-k radé mára, Balawtá en afar.
S : Ibn Baa (Rilat II : 162) ; Ibn al-Furt (T’r VII : 226) ; Ibn ubayr (Rilat) ; al-
Qalqašandī (Sub IV : 493) ; Abir (1968 : 5) ; Boll. Soc. Geogr. Italiana (1910, XLVIII :
620) ; Bruce (1813, IV : 203) ; Munzinger (Ostafrikanische Studien : 142). Chedeville /
ásan b. Arbâhim b. Ali-Gáysa (Baláw) ; D.M. (1997 : 2-6).

BALAWTÁ
Tribu du nord de Tadjoura, qui fournit les cadis de Randá, en Rép. de
Djibouti. Il existe trois fractions : 1. Kâmil-Aliytó (fraction des chefs, à
laquelle appartenait un des inculpés dans l’« affaire Thiébeau » (v.
Kabbōbá), Dawúd b. Seém b. Arrâmis b. Kâmil b. Áli) ; 2. Fillaunɖó-
Aliytó ; 3. amanná- Aliytó. V. Bollí buɖá. Les Dbá-b Buɖá (v.) partis
en Awsa ont continué de se marier avec les Balawtá.
BAL‘OSSUWÁ
Parfois Balossúwa. Groupe afar Adohyammára (v.) le plus septentrional,
frontalier des Sahos ádo et des Afars Dhí-m mlá (v.), dans la région de
Baddá (v.). Le col d’Inkaflá marque la frontière avec les Sahos ; celui de
Seemá (Seemá-d dbá) forme la limite avec les Dammohoytá. Le nom
suwá désigne une dépression allongée, en terrain rocheux (cf. Suwâli, dans
la plaine d’Obock). Il existe deux autres toponymes, Balobbuyyí suwá litt.
« la dépression (suwá) des puisards (búyyi) de pâturage à Rhigozum
(balí) », à env. 30 km, au sud-ouest de Íddi (alt. 280), et awɖá-s suwá,
dans la même région visitée en 1920 par Vinassa de Regny (1923). Le

143
BAL‘OSSUWÁ

premier toponyme explique l’étymologie de la tribu éponyme *Balo


[buyyi]-s suwá « ceux de la dépression à Rhigozum ». Généalogies. Elles
sont multiples, voire contradictoires, pour un groupe dont la définition est
d’abord territoriale. Pollera les fait descendre d’un Arabe du Yémen,
« Gayrano » (Doyran), établi dans la région de Suwá. De cet ancêtre arabe,
seraient issus deux frères, Wáddi, aïeul de « Datá » » Dawúd et « Asá »
Dawúd, et, par une autre branche, Subúr (fraction Subrá). Une autre
généalogie remplace Gayrano par un Afar, Gúrfa, père de Ismíl
« Wáddi », lui-même père de « Datá » Dawúd et « Asá » Dawúd. Les Asá
Waddó comptent cinq générations : 1. Gúrfa ; 2. Ismíl ; 3. Áli ; 4.
Algabaytá ; 5. Dawúd « Lló ». Une troisième tradition (voir infra) donne
Ganɖéyta comme ancêtre apical, à la dixième génération. Il existe un
consensus quant au fractionnement à partir des deux Dawúd, « Datá »
Dawúd, ancêtre des Datá Waddó, et « Asá » Dawúd, ancêtre des ‘Asá
Waddó.
Deux généalogies des Waddó

1. D’après Ali b. Arbâhim b. Ismil :


Ganɖéyta

Wáddi (ou Ismâ‘il) aysamá Subúr

Waddó aysantó Subrá

2. D’après Otban b. Ali b. sirré :

Wáddi

« Datá » Dawúd « Asá » Dawúd

Angûta

Alá Arbâhim « Bûba » Domboyyá « Kaɖɖá » Abdalla « Asá » Arfáru Urdubó

Datá ámmadu Unɖá Abdalla

Abdalla Dawud Ambuddá Kullaá

Bilál Arrmisó

Ala-k-raddó Bbaytó Domboyyató alaytá Bilaltó Arrmis sá Ambudddí Kullí

Fractionnement. 1. Datá Waddó (voir le tableau généalogique ci-dessus) ;


2. Asá Waddó : fractions descendant de « Asá » Dawúd : Maámmad-
Absá, Alllutté, Subrá (peut-être aussi Datá Waddó), au Dóka.
L’hétérogénéité de la tribu explique le fort contraste entre des groupes
tantôt interdits de mariage, tantôt fortement endogamiques. Dans le premier
cas, « Asá » Dawúd et « Asá » Gaás, des Dammohoytá (v.) de Bôri, étant
fils de deux sœurs (nangaltá), ne pouvant donc se marier, sont devenus
parents à plaisanterie (v. afbêa). Hormis ce cas, les différents classements

144
BASŌMÁ

concurrents montrent une tendance à l’endogamie, marquée par une


expression comme Waddó-k Subûra, « Waddó et Subûra », ou Maámmad-
Absá (v. Absá). La fraction Bilaltó, sous domination des Dammohoytá
de Bôri, s’est émancipée en 1908, entraînant l’autonomie des autres
Balossuwá. Itró des femmes Waddó : « Gandéyti ! »
S : Chedeville / Ali b. Arbâhim b. Ismíl ; Thá b. Maámmad b. Ismíl ; D.M. (1999 :
21) ; Odorizzi / Otban b. Ali b. sirré (1911 : 241-44) ; Pollera (1935 : 253).

BANTRÓ
Fraction d’origine somalie Issa, de la chefferie Debné de Mullú. Forment,
avec les Garaysá, le groupe Garaysá-k Bantró.
BARGÁ
Le mot désigne : 1. Une tribu ancienne du Godá, dont le territoire est passé
aux Balawtá (v.). 2. La zone située après le franchissement de l’Awash à
Abrobbaɖiffgé (v.), sur la rive droite de son défluent. L’héritier du trône
impérial d’Ethiopie y possédait des champs en toute propriété.
BARRAASÔLI
Localité côtière (sans étymologie connue) et puits, originellement en
territoire Baɖittó (v.). Bardalé Đ, au nord, est la limite avec les
Dammohoytá. Barraasôli porte également le nom arabe de Rama ou
Rama, initialement donné à l’îlot et au récif au large ; l’îlot prenant
ensuite le nom de Sarfá. Autre nom en afar : Bló-g gúba « le tombant du
récif accore » (bloytá lé). En retrait et au sud du village actuel, existent
des ruines d’une localité plus ancienne appelée Anaynéf.
BARRAL
Commerçant français, mort à immoysá, en avril 1886, dans une attaque
de caravane par des Asahyammára de Baádu. L’interprétation de
l’événement illustre l’écart entre le récit colonial et celui strictement
factuel. Du point de vue européen, la mort de Barral rapportée par Audon et
Cicognagi, après celles de Munzinger (1875), de Giulietti (1881), d’Arnoux
(v.) en 1882, de Bianchi (1884), ne fait que souligner la « sauvagerie des
indigènes ». Les faits sont les suivants. Léon Barral avait pris place dans
une caravane sous la protection de ummad b. Looytá (v.). Dans le même
convoi, se trouvait le frère de ce dernier, Maámmad, porteur d’un message
à Ménélik. L’offre des Debné de garantir le passage des Français en route
vers le Choa, ce qui concurrençait l’offre des Italiens au sultan du Choa,
était interprétée comme une tentative de mainmise des Debné sur le pays
soumis aux Asahyammára ; d’où l’élimination de l’émissaire et de la
caravane où se trouvaient malheureusement Barral, son épouse et Savouré.
L : Lupi (2008 : 628-634, qui publie un portrait inédit de Barral, complété par Audon (1889)
et Cicognani (1887 : 26-27).

BASŌMÁ
Var. Basôma. 1. Région du Mablá, immédiatement au nord de Sismó,
comprenant deux oueds qui se rencontrent à Siyittó, et les régions
adjacentes : « Asá » Bas má, « Datá » Bas má. 2. Partie des Gaddalé Alíh

145
BTÉ

sárra avec les Adorásu (v.). Le nom Bas má a deux explications possibles
en saho : basó umá « au mauvais visage » (basó « front ») ou « pingres »
(on dit « basó » au moment d’offrir à manger ou à boire à quelqu’un).
Fractionnement. 1. Adáli (Bas má proprement dits) ou « Gaddale-Ali-h
sárra ». a. Abardá- ummaddó : Msasantó, Hunnní, Ass sá, Malk ká
(ancienne fraction des chefs), Hiddí ; b. Madnâni : Galmitté (fraction
fournissant le kedó-h abbá), Bar rí (chefs de fi‘má), Dataliytó ; c.
Afil lá ; d. Mirgantó. 2. Autres fractions : Dawuddó, avec les Abardá-
ummaddó ; Amasá, avec les Afil lá ; M daytó.
S : Chedeville (Afars).

BTÉ
Admin. Bati (oromo Btī). Agglomération (alt. 1637 m) située à env. 65
km de Däse, sur la route d’Assab. Le nom, formé sur bt, dérivé réfléchi du
verbe bay « être détruit », renvoie à l’idée de perte (fait de disparaître), en
souvenir de quelque disette tragique. On le retrouve dans bté ayyú (v.).
L’ancien nom de Bté, Waytlé (du verbe way « manquer » : ceux qui ont
manqué) est encore porté par une groupe afar des environs de la ville. La
ville est le point de rencontre de quatre communautés linguistiques :
amharophone, oromophone, tigrignaphone et afarophone. Important marché
afar le lundi, créé (ou recréé) en 1875 par les Ethiopiens pour établir les
commerçants afars, et notamment ceux en cheville avec Ab Bakr
« Pacha » (v.). Bté a été un des terminus caravaniers de la piste vers les
hautes terres, et le point de rupture de charges. Les marchandises
acheminées à dos de chameau continuent à dos de mule.
L : Guida (347) ; EA, I : 504-505.

BAYAZD ALBISM
Var. pop. « Abyadîd », cheikh « Abazêd ». Mystique sunnite iranien du IIIe
siècle de l’Hégire, dont le cénotaphe se trouve sur la crête principale du
massif du Godá (v.). On peut écarter Abba Yeddidi (Deschamps, 1948 : 28).
S : D.M. (1997 : 121) ; Albospeyre (1959 : 152).

BAYÐÓ
Tribu de sédentaires de l’Áwsa (v.). Les Bayɖó ont eu deux fimá : Lhatá
(pour les jeunes guerriers), Mrrá (pour les plus âgés). Le chef des Bayɖó
(de fraction Maarrá) portait le titre d’bó. Dúnna a été emprisonné lors de
la prise de contrôle de l’Áwsa par anfaɖé b. Aydâis (1832-61). L’ordre
de succession des bó semble avoir été :
Ordre de succession des bó
1. Dúnna

2. Skó

Abókkar Abdulkâdir 3. « As-bó » Maámmad

6. Arbâhim « Issóyta » 4. Maámmad (né en 1875) 5. Dúnna

7. Sayyíd (en 1969)

146
BAYLÛL

Fractionnement. Les Bayɖó sont partagés en Adohyammára et


Asahyammára (v.), séquelle des divisions et des jeux d’alliances des
sédentaires de l’Áwsa (v.). Fractions Asahyammára : Maarrá (chefs) ; Ali-
Summitté, Ad-Llé, As-Llé, Orbá-k Uddúmma. Fractions Adoh-
yammára : Gasmeé, rissó, amantó, Bargá, Waddárru. En Áwsa, les
Bayɖó possèdent, entre autres, les pâturages de Sɖekál, au nord du
aytank mí Bad « le lac de la montagne de aytám ». Ce lac porte aussi,
pour cette raison, le nom de Bayɖó-b Bad « le lac des Bayɖó ». [Dans le
nom composé aytank mí Bad, la réalisation [n] de aytám est régulière.
On ne dit pas *aytamk mí Bad.]
S : HHL (Naw.) ; HL (in D.M., 1991 : 42, 44, 45).

BAYLÛL
1. Géographie. 2. Srat al-abaša. 3. Etymologie. 4. Histoire. 5. Ile de Aykúk.
1. Géographie. Port de la mer Rouge, situé à cinquante kilomètres environ,
au nord-ouest d’Assab, qui n’est connu que tardivement. Joao de Castro
(1541, éd. Kammerer 1936) n’en fait pas mention. Le nom n’apparaît pas
avant la carte de Gastaldi (1561). Il figure ensuite sous deux formes : 1.
P(orto) Veila, à mi-chemin entre le Bab el-Mandeb et Massawa, en face
d’une « île de Pascoa ». Mais la position de « Veila » devant cette île et
entre deux localités, Cacana (?), au nord-ouest, et Docono Porto (?), au
sud-est, rend cette identification douteuse : ce pourrait être aussi bien
Ftumá- Ári (en face de Baká), Midír, Barraasôli ou Asáb. 2. Belul,
localité située sur la carte un peu à l’intérieur des terres, difficile à lire,
mais repris sous la forme Baylur, à la même place, par Ludolf (1683),
d’Anville (1707). Vella (sans Belul) figure sur la mappemonde de Gérard
Mercator de 1569, au sud de Delaccia (Dahlak) ; sur l’atlas de Livio Sanuto
(1578) ; la mappemonde de Romuldus Mercator (1587) ; la carte de
Christianus Sgrothenus (1588) : « Vella, olim [jadis] Adulis » (confusion
avec Zula ?) ; la mappemonde de Petrus Plancius (1592). On peut se
demander si la baie de Baylûl ne se confond pas avec l’Enseada da Fortuna
[baie d’Assab ?] ou l’Enseada das Palmas [Raaytó ?] de certaines cartes :
Pedro de Lemos (1580) ; Huygen de Linschoten (1598) ; Blaeu (1635), etc.
C’est, semble-t-il, en 1593 que le nom de Belul reparaît nettement, sans
Vella, sur la mappemonde (Speculum Orbis Terrae) de Cornelius de Jode ;
de même, Bebull (1599, sans Vella), sur la mappemonde de Richard
Hakluyt (1599) et sur la carte d’Almeida (1662). Le père jésuite portugais
Jerónimo Lobo qui y débarque en mai 1625, en compagnie d’Almeida et du
« patriarche » Mendez, décrit Baylûl comme une petite ville d’une
cinquantaine d’habitants. Ce tout petit nombre d’habitants est aussi relevé
par Heuglin. De passage entre le 3 et le 5 septembre 1857, il note que
« Belul (…) a 100 huttes et 7 puits ». Une autre indication est donnée par la
Srat al-abaša de asan b. Amad al-aym qui contient la relation de
son voyage en Ethiopie, envoyé par l’imam du Yémen (voir infra). Il arrive
à Baylûl à la mi-septembre 1647 et rencontre le « sultan » Šeém b. Kmil
al-Dankáli qu’il décrit comme un familier du roi d’Ethiopie et comme le
seul chef de Baylûl. A la suite de cette ambassade, le projet du roi Fasilidäs
d’ouvrir une route commerciale, via le port de Baylûl, reste sans suite. On
147
BAYLÛL

ne dispose plus d’information avant l’occupation italienne à la fin du XIXe


siècle (Baylûl est occupée le 23 janvier 1885). 2. S!rat al-abaša. Le
voyage en Abyssinie qu’entreprend asan b. Amad al-ami, l’envoyé de
l’imam du Yémen, apporte peu d’informations sur les régions traversées.
Ce voyage faisait suite à la demande du roi d’Ethiopie à l’imam
Mutawakkil de l’envoi d’un messager. Parti de Šahra, le 1er umd II
1057 (4 juillet 1647), asan b. Amad est à Mo(a à la mi-septembre.
Après deux jours de navigation, en compagnie de commerçants éthiopiens,
il arrive à Baylûl où il séjourne deux mois, dont celui de Rama)n. A son
arrivée, le sultan Seém b. Kâmil est absent. asan b. Amad lui fait
parvenir un message. La rencontre a lieu à Baylûl. Il écrit :
Lorsque ce Seém b. Kâmil arriva, il nous rencontra avec bienveillance,
nous offrit largement l’hospitalité, prit de nos nouvelles et sut que nous
voulions parvenir jusqu’au roi d’Abyssinie. Ce sultan Seém était de ceux
qui ont des liens avec le roi d’Abyssinie. Il avait en effet grandi en
Abyssinie et il avait là-bas de la famille et des enfants. Le roi le compte
parmi ses gens et ses familiers comme il est coutume là-bas pour ceux qui
se réclament de l’islam.
asan b. Amad quitte Baylûl, le 8 Šawwl 1057 (6 novembre 1647). Il est
à peu près certain que ce qu’il décrit comme « une montagne et un lac
salé » est le lac Afɖrá (Giulietti). Il y bivouaque trois jours, du 28 au 30
décembre 1647. On peut supposer les étapes suivantes (non nommées mais
parfois décrites succinctement) : départ de Baylûl, par le Đer daár, et
traversée d’un « pays plat » correspondant au sud du Adó bɖó côtier (8 et
9 Šawwl 1057 / 6 et 7 novembre 1647) ; puis entrée « dans des pays
d’oueds profonds et de hautes montagnes », ce qui correspond sans doute à
la piste actuelle par Taway et la longue vallée de Gaerré, seul passage vers
l’ouest jusqu’à Waddé ; arrivée à Ayn mali après 12 étapes, le 21 ou 22
Šawwl 1057 (20 novembre 1647). Le fait que asan b. Amad y séjourne
un mois incite à penser que ce Ayn mali est la plaine d’Aláb, au nord de la
montagne de Alimlá. Il repart le 22 *’ l-Qada (19 décembre 1647) et, en
neuf jours, atteint le lac salé où il séjourne trois jours (28-30 décembre). Il
repart le 4 *’ l-ia (31 décembre 1647) et atteint un point d’eau qui ne
peut être que le puits de Adaytó, au sud de la vallée de Đódom, face à
l’Erébti qu’il atteint le lendemain. Puis apparaît « un oued où paissent les
Galla », le 5 *’ l-ia (1er janvier 1648), sans doute l’oued Erébti. Il
rencontre « l’émir de l’Andarta [ɘndärta] », le 5 janvier 1648, et arrive « à
la limite des abaša », à l’oued Wasama et au mont Kla (toponyme
encore existant), le 10 janvier. Si l’on exclut les périodes de repos, les
caravanes mettent à l’époque un mois, de la mer (Baylûl) à la montagne
éthiopienne. Au cours de son voyage, asan b. Amad est passé par la
région de Bíɖu où il ne signale pas de pouvoir constitué, ce qui correspond
à la périodisation proposée (v. Introduction) : les Dammohoytá y étaient
présents sans être organisés en sultanat, lequel n’est institué par Buríli que
vers 1660. Après son séjour auprès du roi d’Ethiopie à Gondar, asan b.
Amad rejoint le Yémen par la route du nord (Däbarwa, Massawa,

148
BAYLÛL

Dahlak). Il rentre à Šahra, le 8 Rbi I 1059 (22 mars 1649), après 21 mois
d’absence.

3. Histoire. La chronique de Susɘnyos fait plusieurs fois mention des


Dankáli. Le 9 octobre 1618, le roi d’Ethiopie, campé à De(ana, « fait roi »,
le chef des Dankáli et le commande, comme les däazmač du Tigré et du
Godjam. Elle indique que le roi de Dankáli, nommé Kâmil, ayant combattu
contre le fils de son frère, nommé Seem, fut vaincu par celui-ci, qui
l’expulsa de son royaume. Il vint alors et se prosterna aux pieds du nɘgus
pour demander sa protection. Celui-ci « le reçut généreusement et lui
imposa tribut ». Ce Kâmil qui n’appartient pas à la liste généalogique des
Anklá de Asab ou du nord, semble être le père du « sultan » Šeém b.
Kmil al-Dankáli rencontré en septembre 1647 par l’envoyé de l’imam du
Yémen. La courte généalogie du lignage Fdiltó (v.) confirme ce
changement dynastique. Au milieu du XVIIe siècle, ont ainsi
simultanément lieu la fondation du sultanat Dammohoytá de Bíɖu par
Buríli, celle du sultanat Adáli de Raaytó par « Gibdí » ámad avec le
retrait des Anklá, lesquels se maintiennent au nord avec Gabrérri Gidár.
Cependant, les Dankáli ont pu conserver des chefferies, dont l’une a noué
une alliance avec les Dúlum (v.). Ce sont les derniers de ces Dankáli de
Baylûl, représentés par les Fdiltó (c. 1750), qui cèderont la place aux
Nassár au XIXe siècle. Ainsi, les tribus de Baylûl les plus anciennes sont

149
BAYLÛL

les Ána, les G ɖáw, ceux-ci étant détachés des aysamlé de arsiléy ; et
les Dankáli Fdiltó (v.), qui fournissaient les sultans. Ils ont été supplantés
par les Nassár (v.), soutenus par l’Áwsa, lesquels ont été à leur tour
remplacés par les Afará (v.) venus du piémont éthiopien. Les sultans
M daytó (v.), après leur prise du pouvoir en Áwsa (v.), au XIXe siècle,
considèreront Baylûl comme de leur ressort, peut-être pour disposer d’un
accès à la mer et de revenus douaniers, comme Tadjoura. Les Afará
semblent avoir eu le contrôle du bord de mer quand les Nassár occupaient
l’intérieur. Lors de leur voyage (1885), Capucci et Cicognani font état de la
détention en Áwsa du sultan de Baylûl, en raison de son attitude favorable
aux Egyptiens. Une source italienne (1880) indique que le chef de Baylûl
dépend de Laraghe (Laadé ?)-kitó, « usurpateur » du territoire de Baylûl,
qui réside à Gúbbi. Lors de l’assassinat de l’explorateur Giulietti (v.), en
1881, les gens de Baylûl sont jugés responsables. Neuf d’entre eux sont
arrêtés et déportés. Parmi eux, usén b. kitó (fils du précédent, 1850-
1934), qui deviendra à la mort de son père le chef des Nassár, est reconnu
grand connaisseur de la madá (v.) ; Sáad b. Ôbakar, chef des Dankáli (v.),
de la dynastie déchue ; Maámmad b. B ré, chef des Baɖittó. Le nom du
chef des Afará emprisonné n’est pas conservé. Les chefs des Ána et des
G ɖáw devaient être aussi du nombre. 4. Etymologie. Le nom de Baylûl
renvoie à deux origines : 1. Une déformation de l’arabe bahll en référence
à deux wal Bahll et Moqoddi, malgré le sens péjoratif de bahll « simple
d’esprit ». D’après des renseignements recueillis du cheikh amladdn aš-
Šm, en 1966, des tombes à Sek Koborti, dans l’intérieur, en face de
Kaɖɖá Gaértu (gáer ou gáor désigne le madrépore), sur la côte au sud-
est de Baylûl, et une stèle, perdue depuis, attesteraient la fondation
yéménite de la ville au Xe siècle. Baylûl comprend originellement deux
villages à 5 km de la côte : Kaɖɖá Gaértu, au sud, et Ðagaddó, au nord de
la ville actuelle qui porte aussi le nom de Gúbbi ou Kaɖɖá Baylûl,
correspondant à deux mouillages selon l’alizé. 2. Une étymologie bedja, en
liaison avec l’expansion des adarmó (v.), pourrait être b’a-i ll « la corde
(ll) longue d’une brasse (b’a) » : le puits profond, avec un sens assez
voisin de ceux de Tadjoura (v.) et Midír (v.). Cette étymologie est
plausible, compte tenu de ce que l’on sait de l’expansion de groupes
d’origine bedja au sud. Elle paraît plus satisfaisante que celle qui rattache le
nom Baylûl à l’arabe bahll. PALMERAIE. La palmeraie de Baylûl inclut de
nombreux toponymes. Le nom de l’oued, dont le cours suivant un axe Sud-
Ouest-Nord-Est atteint la côte au sud de Đagaddó, est Alláli (Allalí daár).
Badiyáytu « saumâtre » est le nom de sa partie terminale. Comme sa
variante badáytu, le mot est dérivé de báda « erreur », (fig.) « source
natronée » (v. Baddá). Les mares qui s’y forment portent les noms suivants
(en partant de son embouchure et en remontant son cours) : sîsa « à la
poussière légère » ; gilé yanɖái « plus profonde qu’une lame de couteau »,
ɖr dorá « la longue mare », arak « lagune », ladó « aiguade blanche
(peu profonde) » (v. Ládu).
5. Ile d’Aykúk. Cette île de haute mer au large de Baylûl a pour seule
originalité d’avoir inspiré le nom de Haycoks sur les cartes marines

150
BIANCHI

anglaises que les Français ont traduit par « Tas de foin ». Le nom Aykúk
comporte un radical kuk qui rappelle le cri de certains oiseaux (mouette,
corbeau, etc.)
S : Chedeville / cheikh amladdn aš-Šmī / cheikh Doyran b. Ali ; D.M. / Maámmad b.
ámad b. Kottiná ; D.M. (1998) / Ibrhm b. Isml (in D.M., 1999 : 24). L : Boll. Reale
Soc. Geogr. Italiana, XVII (1880) ; Heuglin (1860) ; IN (1913 : 231) ; Kammerer (1936 :
61) ; Morin (2012 : 224, 227) ; Peiser (1894-98) ; Puglisi (1952 : 165) ; Van Donzel (1986).

BAYYILÉ
Topo. en aval de Dubté. Etym. bayyhí désigne une zone de sable
abondant. La forme bayyilé semble influencée par bayyá « écoulement,
débordement », ce qui décrit le comportement saisonnier de l’Awash dans
cette zone sableuse. Bayyilé est le village d’origine de la poétesse Datá
Amná b. Ali (v. Baɖḥittó).
BĒDÁL
Tribu classée comme Ská (v.) représentée à Kúbar (v.). Les Waytá
descendants de Dubêr (Zubayr) b. Awwân en sont proches, formant les
Bdál-k Waytá et liés aux Sek-Maammúd-dik de Zolá (Zula).
BERNARD
Diplômé de l’Ecole coloniale. Né en 1909. Chef du poste d’Obock (2
décembre 1932), venant de Tadjoura où il succède à Lucas, courant 1931.
Nommé à Dikhil (7 juillet 1934). Albert Bernard meurt dans l’engagement
de Moraito (Modátu), au sud du lac Abé, le 18 janvier 1935, en tentant
d’arrêter une razzia commandée par « Uɖ » Y sé, des Ská de Baádu (v.).
Meurtrier identifié : Maámmad b. « Asá » Unɖé, des M daytó de Dóka
(certains affirment qu’il était du Kaló mais il était de Sámu). V. Dikhil. La
tradition Debné rapporte la vaticination du ginnili, avant le combat de
Modatu où devait mourir l’administrateur Bernard (v. Annexe I).
Prononcé baranná, le nom Bernard est l’objet d’un calembour (baranná
désigne un gros crapaud dont le ventre touche terre).
S : HL (in D.M., 1991 : 25 ; 1997 : 47). L : Monfreid, Le Drame éthiopien (1935 : 41-90).
Avec ce texte patriotique, l’auteur espérait rentrer en grâce auprès d’une administration
coloniale qu’il n’avait cessé de défier.

BIANCHI
La carrière éthiopienne du voyageur Gustavo Bianchi, né à Ferrara le 24
août 1845, assassiné à Teoao [Tīó], dans le sultanat de Bíɖu, le 7 octobre
1884, est connue ; comme sa mort qui servira de prétexte à l’Italie pour
occuper Massawa. Le 5 février 1885, l’amiral Pietro Caimi, avec une
troupe d’un millier d’hommes hissera le drapeau italien à côté du drapeau
égyptien. Le gouverneur Izret Bey cédera à ce coup de force. Dans leur
recension de la fin tragique de Bianchi, Marco Lenci et Gian Carlo Stella
(EA, I : 562-563) omettent un point essentiel relevé par Luca [Pietromarchi]
Dei Sabelli (1936, III, chap. 10) et les sources contemporaines citées par
Luca Lupi : ayant reçu du nəgus Yohannəs l’autorisation de rejoindre
Assab par la plaine du Sel, l’Italien et son escorte commencent leur
descente vers le désert. Abandonnés par leur guide, ils rebroussent chemin.
151
BÐU

Yohannəs leur ordonne alors de renoncer par sécurité. Bianchi passe outre
sans avoir d’ailleurs demandé l’autorisation au sultan de Bíɖu. Il est tué. Le
lieu du massacre, à une vingtaine de kilomètres de celui de Giulietti (v.),
sera retrouvé par Nesbitt en 1928.
L : Lupi (2008, I : 555-568, avec une iconographie inédite) ; EA, I : 562-563 (inclut une
bibliographie italienne, sauf Pietromarchi).

BÍÐU
1. Sultanat. 2. Histoire coloniale.
Egalement Bíru. Zone montagneuse intérieure, à cheval sur l’Ethiopie et
l’Erythrée, qui donne son nom au sultanat Asahyammára (v.) Dammohoytá
(v.) du même nom, fondé par Buríli « celui aux cheveux crépus ».
L’amóyta (v.) de Bíɖu est l’aîné des Dammohoytá, avec pour capitale
Girrífu (ou Girrifó), à env. 75 km à l’ouest de Baylûl.
Généalogie des Dammohoytá de Bíɖu
aɖál-Mâis

Sambollakóli

« ré » ámmadu

Sîra

Dammáhu

Alalitó

« Asá » Allâma

ásan « Dúbbi »

Buríli

Áaw « Gúra » úmmad Abbakári

ummadó « Asá » Ali Mômin Ugūɖé

« Asá » Áaw Karáf Dawud

aló ámmadu ándu

aysáma úmmad Áaw ?

Áaw Áli Antár ámmadu

Igalé Lló Áaw Áli Áli

Áaw Áli ámmadu amanná « Datá » Maámmad

aysamitté Kulá Abdulkâdir Igaló « Asá » Bórri

Aawtó Asalitté M mintó Almaliytá Asabbákri

152
BÍÐU

1. Sultanat. Le territoire de Bíɖu s’étend vers l’ouest jusqu’au lac Giulietti


(v.) et au pays Ðó)om ; et, vers l’est, à Arratá (v.), sans atteindre la mer,
quoique le sultan de Bíɖu, en concurrence avec celui d’Áwsa, revendique
Baylûl. Le sultanat comprend des Asahyammára et Adohyammára :
I. Asahyammára : Dammohoytá (Aawtó issus de Buríli,) ; Aliytó ;
Asabbákri (évincés du pouvoir par les Aawtó), Gardía. Les ertó se sont
rattachés politiquement après les désastres subis des Waydarát (v.) à partir de
1941 et du retrait italien.
II. Adohyammára : adarmó, Gidintó, aysantó, Gannintó.

L’ensemble des chefferies sous l’autorité du sultan de Bíɖu est désigné par
le terme ammadí Srát (v.) ou « chemin de ámmadu », dont la place
dans la généalogie reste à préciser. La séparation des Dammohoytá,
certains pénétrant dans la péninsule de Bôri (v.), d’autres s’implantant à
Íddi (v.), remonte au XVIIIe siècle. Le premier à porter le titre d’amóyta
est Buríli, de la fraction aînée des Aawtó. Le compte des généalogies
permet de situer l’événement au début du XVIIIe siècle (v. Introduction).
Mais l’expansion des Dammohoytá, avant leur constitution en sultanat, est
antérieure. Elle s’est faite aux dépens du roi de Dankáli en empiétant sur
son territoire. C’est vraisemblablement l’origine de la crise interne qui a
amené le roi de Dankáli (v.) à se réfugier auprès du souverain éthiopien
Susənyos. Si la datation n’est pas connue précisément avant la colonisation
de l’Erythrée, l’ordre de succession des sultans de Bíɖu (fraction Aawtó,
sous-fraction Haysamitté, soit les descendants de aysáma b. aló)
indiqué ci-dessous entre parenthèses avec, entre crochets, leurs dates de
décès fait consensus (cf. aml al-Dn al-Šm, 1997).

Lignée des amóyta aysamitté de Bíɖu


aló

aysáma

(1) Áaw

Igalé (2) aysáma [1901] Utbán anfaɖé

Áaw (3) Maámmad [1906] (4) Maámmad-Yâsin [1931] Eysá Abdulkâdir Maámmad

(5) Maámmad « andiyáytu » Ysn Utbán

Áaw Ysn Ámad Arbâhim aysáma Áli

2. Histoire coloniale. A partir de la date de naissance (c. 1889) de


Maḥámmad b. aysáma, signataire du Traité de 1904 avec les Italiens, et
sur la base de générations de 25-30 ans, on peut situer la naissance de
Haysáma b. Haló vers 1814, ce qui est cohérent avec la périodisation
proposée page 20. Sur la même base, on peut postuler la naissance de
l’amóyta Áaw b. aysáma en 1839. On ne connaît pas exactement la date
de sa prise de pouvoir, ni de sa mort. Son second fils, aysáma (né en

153
BÐU

1864 ?) lui succède et décède vraisemblablement en 1901. Son successeur


est son premier fils, Maámmad (né vers 1889), qui signera le Traité de
1904 avec les Italiens. Le Diario Eritreo du gouverneur Martini fournit,
pour la période 1898-1905, des indications sur l’état d’esprit des
colonisateurs au lendemain de la défaite d’Adoua en 1896. Le 30 octobre
1903, le gouverneur de l’Erythrée note « la sujétion » des habitants du
sultanat dont l’enclavement les rend dépendant d’Assab.
(…) Le sultan [Maámmad b. aysáma] est un jeune garçon (ragazzo), et
ce serait lui faire trop d’honneur que de traiter avec lui. Il n’y a pas de
nécessité. D’autre part, le Bí)u est très pauvre et ses habitants n’atteignent
pas 5 000.
(Ce chiffre est à comparer avec ce que úmmad b. Looytá lui dit des
forces du sultan de Bíɖu, v. Abderramân b. Yûsuf.) Le gouverneur
Martini envisage plutôt de soutenir Têru en raison de sa situation
stratégique sur l’escarpement éthiopien. A cette fin, le lieutenant Oglietti se
rend à Bíɖu mais son objectif sera de nouer « des relations aussi intimes
que possible avec Têru » (ibid., 3 novembre 1903). Les choses changent
quand, avec la disette, le sultan dépêche à Assab des envoyés pour
demander de l’aide. Un traité est préparé, qui sera signé avec le sultan
« Mohammed Hitema » [Maámmad b. Haysáma]. Le Diario (IV : 489)
donne la date du 11 Šawwāl 1321, avec cette précision : « il qual mese
corrisponde al mese europeo 1° gennaio 1904 ». Mais le 1er janvier est le
12 Šawwāl. Une autre indication (Diario, 9 janvier 1903) précise que
« Oglietti a annoncé avoir signé le 7 janvier. » C’est donc cette date du 7
janvier 1904 qui doit être retenue. Le texte du traité indique notamment que
le sultan garantit le libre passage et la protection des caravanes aux fins de
commerce. Réciproquement, le gouvernement italien protègera le sultanat,
lequel s’interdira de nouer des alliances avec d’autres puissances
[comprendre : la France]. Oglietti a dû toutefois s’engager par un acte
séparé à ce qu’aucune taxe ne soit levée sur le sultanat. Martini note (ibid.,
9 janvier 1903) qu’à Ghirifo [Girrifó], à 75 km de Baylûl, le sultan y
dispose seulement de 500 guerriers armés de fusils. « Le Biru n’a pas de
ressource. » Oglietti, dans son rapport de voyage ajoute :
Le sultan est un jeune diable d’environ 15 ans, très grand, bien développé.
Très jeune, il ne parle jamais. Celui qui a voix au chapitre est l’oncle Anfari
[le sultan d’Awsa], figure sympathique qui parle beaucoup et bien, et fait
l’impression d’un galant homme. Ce qui n’empêche pas qu’il a pris part lui
aussi au massacre de l’expédition Giulietti, il y a une vingtaine d’années.
(…) Ce traité n’a qu’une importance : celle de nous mettre en bons rapports
et, selon toute probabilité, durables, avec les gens de ce pays où jusqu’à
présent il n’y eut que des massacres de nos compatriotes.
Le gouverneur Martini (IV : 491) commente :
En fait, nos rapports avec le Biru furent, dans l’avenir, bons. C’est
seulement en 1931 que ce sultan, probablement excité par des éléments

154
BILLĀDI GODÁ

d’Addis Ababa, à nous hostiles, fit deux razzias dans notre Dancalia. Une
expédition punitive, conduite par nos bande le battit et le tua.
A cheval sur l’Ethiopie et la colonie italienne, Bíɖu est doublement
vulnérable. En janvier 1906, Maámmad b. aysáma meurt, victime d’une
razzia Waydarát descendue du Tigré (Martini, 1946). Son frère Ysn b.
aysáma, dit « Maammad-Ysn », né en 1892, lui succède en 1907
(après le deuil conventionnel d’un an). En 1931, en conflit sur la côte avec
le chef adarmó, Al šân, que les Italiens entendaient protéger, ils
capturent Maammad-Ysn dans une caverne du piton Áot, dans l’oued
Alíf (cet oued descend du Baráli et s’appelle en aval successivement
Asabakkarí-báɖa, Agriytá, Lselé, Bitîtu), guidés par un Badoyta-m mlá
nommé Maɖīé. Il est tué ainsi que sa suite. La côte (Íddi, Baylûl) est alors
rattachée à Asáb, ne laissant aux Dammohoytá que l’intérieur du pays,
Bíɖu et ses abords, et le sud de la plaine du Sel. Deux fils de anfaɖé b.
Áaw, Abdulkâdir et Maámmad sont tués par les Italiens. Le titre
d’amóyta, devenu symbolique, est dévolu à Maámmad b. Áaw dit
« andiyáytu », petit-fils d’Igalé, l’aîné du premier amóyta. Mais, harcelé
par les Italiens dans l’enclave que constitue Girrifó, il abandonne Bíɖu
avant l’occupation italienne de l’Ethiopie. L’empereur l’installe à Têru (v.)
où il demeure jusqu’en 1954, date à laquelle il rentre à Girrifó.
S : Chedeville / anfaɖé b. Maámmad b. ámmadu / ámmadu b. Maámmad b.
ámmadu ; D.M. (1999 : 20). L : amal al-Dn al-Šm (1997 : 365-86) ; Martini (1946,
IV).

BILÁL GÍDAR
« Nugús » Bilál b. « Asá nugús » Gídar. Anklá de Bôri. L’informateur de
Reinisch pendant son séjour à Massawa (nov. 1875-mars 1876). Né vers
1835 (Reinisch lui donne quarante ans lors de leur rencontre). Le « roi » de
Bôri portait le titre de nugús indiquant l’allégeance ancienne de la fraction
commandante Nugsá au pouvoir chrétien des hautes terres. Ce terme de la
titulature éthiopienne est devenu le titre dynastique des descendants de sdi
Kâmil (v. Anklá de Bôri). Après quinze ans de règne, selon ses dires, soit
env. de 1860 à 1875, Bilál a renoncé au pouvoir pour cause de cécité. C’est
en cherchant à se faire soigner qu’il s’est présenté à Reinisch. De cette
rencontre va naître une collaboration permettant au père des études
couchitiques de recueillir des données pionnières dans des domaines aussi
divers que la grammaire, la littérature orale, l’astronomie et l’astrologie où
nugús Bilál fera montre d’une érudition exceptionnelle. Ses contes
facétieux sont remarquables par leur liberté de ton.
S : Reinisch (1886-87) ; D.M. (1999 : 153-64 ; 170-253 sur les contes de Reinisch).
BILLĀDI GODÁ
Le nom de Billdí Godá « le Godá de Billâdi », parallèle à celui de Songó-g
Godá (v.), renvoie au chef Billâdi qui fit creuser le puits de Billdíyta (Péri,
1938) près de Bankwalé. Le Songó-g Godá correspond au versant sud,
tandis que le Billdí Godá désigne le versant nord et les oueds Aybôli et
Randá. Distribution. Adáli du Godá répartis en quatre groupes. 1. Adáli

155
BOLLI BUÐÁ

stricto sensu (la famille du sultan à Tadjoura) : Dawud-Dnitté ; Banoytitté,


Datagúra, Dahllitté ; 2. Groupe de « Gibdí » ámad (haut Godá) :
Kabb bá-am dá, Sabúb buɖá, Gadiddó, Ellé- ámmadu ; 3. Groupe du
Barabarré : Unɖá-Saiddó, As-Kmil lá, Maaddó, Gar dá ; 4. Groupe dit
« Abbakár nammá báɖa » : Bollí buɖá (v.), Balawtá (v.). A ces quatre
groupes sont adjointes des tribus anciennes : Bargá (avec Balawtá), Egral
(v.), Idittó et des éléments rattachés aux Ablé (Godmallá, Illisoktó,
Gunɖsá).
S : Chedeville (Afars) ; Péri (1938).

BOLLI BUÐÁ
« La maison de l’oued Bólli ». Généalogie. De même origine que les
Balawtá, mais indépendants de ceux-ci. Constituent avec eux les Abbakár
nammá báɖa « les (descendants des) deux fils d’Abbakár », nommés tous
les deux Áli. Les Bollí buɖá comme les Baláw furent appelés de Massawa
par les Ðermlá de Tadjoura pour lutter contre les Songó (v.). Dépendent
des Kabb bá (v.). Les Baláw de Bré sont des Bollí buɖá.
Fractionnement. 1. Dballá (chefs) ; 2. Dnabbá (ou Skrawtó « ceux
du versant est ») ; 3. Aliytó (ou arrrawtó « ceux du versant ouest »).
Territoire. Les Bollí buɖá possèdent un territoire d’un seul tenant,
d’environ 23 km de long sur 4 km de large, depuis Bollí Foó (Aytiadóli
près de Naggarré D ), jusqu’à Kankmá et Ribtá-L, inclus. Ce territoire
acquis pour service rendu aux Adáli est leur wanó (v.), à l’exception d’un
tronçon de l’oued Maglé et de Unɖá Éllam, qu’ils ont en location du
sultan. Ils ont également en location des terrains à Gâgu et Maɖáɖ. En
1943, en raison de la disette, une partie de la tribu s’est repliée sur l’Áwsa.
Le chef des Rukbá-k Ðermlá, Dawúd b. Seém, fut chargé de s’occuper
de ceux qui restaient. En cas de guerre, les Bollí buɖá font partie du
« groupe d’alerte des deux Adáli » (nammá Adalí-k dró), comprenant
tout ceux du Godá et les Debné (v.). Les Kabb bá ont été les chefs de
guerre (mirá) des Adáli du Godá ; les Balawtá (v.) leurs seconds
(maytáni). Balawtá et Bollí buɖá ont les mêmes marques de chameau que
les sultans Adáli. Mais, quoique comptés dans la chefferie Kabb bá,
Balawtá, Bollí buɖá et Bargá forment trois bîlu séparés (voir p. 23).
S : Chedeville / Dawud b. Orbisó ; D.M. (1997 : 5).

BÔN
Nom coll. fém. (singul. masc. Bônta ; fém. Bntá). Caste disparue de
chasseurs (et de forgerons au Dóka), correspondant aux Midgn et aux
Tuml en milieu somali, et à d’autres groupes autochtones plus au sud
(Boni, etc.). Sous des noms divers, ils ont voisiné avec différentes
populations pastorales ou sédentaires (voir les Wäyo du lac 5ana). La
présence de Bôn est attestée dans le G baád (voir le toponyme Bndará
« la mare aux Bôn »), d’où ils auraient disparu au XIXe siècle. En Áwsa, ils
étaient orfèvres (lakó-ygúri) et forgerons (kur-ygúri). Le mot a pris un
sens péjoratif : bôn gâla « des chameaux errants » ; bôn ummát « des gens
sans origine ».

156
BÔRI

BŌR
Pl. borwá. 1. Bande d’étoffe d’une pièce (saró-b br). Bandeau (coiffure)
blanc, insigne des sultans Adáli. La couleur blanche peut renvoyer à la
division entre Adohyammára et Asahyammára (v.). 2. Large ceinture de 8
b, soit env. 16 m. (Un b est la longueur égale à celle qui sépare les
extrémités des deux bras étendus, soit env. 2 mètres.) Le br s’enroule
autour de la taille et protège le ventre au combat. V. Aɖaytá, Dúlum. 3.
Lisière, bordure, rebord d’un plateau. V. Bôri, B r-k Wandâba.
BÔRI
Description. « Anklá-b br », le « versant Anklá », partie occidentale sur
le golfe de Zula, du nom de la tribu d’origine, qui donne son nom à la
péninsule. Parfois transcrit Bur, Bôri ne doit pas être confondue avec
l’ancienne province de Būr (Zibn Būr), de Saganeyti à Kaskasé, sur les
hautes terres d’Erythrée ; ce que fait pourtant Abdulkader Saleh Mohamed
(EA, I : 645). Autres tribus représentées à Bôri : Balossuwá (v.),
Dammohoytá (v.), Ská (v.), Waddó (v.). Bôri forme un commandement
territorial Dammohoytá pris aux Anklá. La résidence traditionnelle du
chef des Dammohoytá de Bôri est Midír (v.). Le rdántu de Bôri a
compétence jusqu’à rs Kasar, au sud, limite du chef de Íddi (v.) et, vers
l’intérieur, de ce point, perpendiculairement, en passant par Kbrít Alé ou
la saline de As Alé (v. Amolé). Les fractions Dammohoytá représentées
sont les Arkfartó (clan des chefs), As-Maammadó (anciens chefs),
Gaas-Sambó, Unɖá-amaddó, Asm mintó, Asabrhintó. Les Anklá
(sdi Kmiltó, clan des chefs) ont pour résidence historique Makannilé et
occupent la partie occidentale, la moins arrosée de la péninsule, à partir de
Gamfrá. La côte au sud sur le golfe de Zula, de Indêli à Inkaflá, est
territoire des Waddó (v.). Inkaflá et Iɖfálu (saho Iɖfálo) constituent la
limite avec les Sahos. Après le pillage du pays par l’empereur Yohannəs IV
(1881), la « capitale » des Anklá est fixée à Đawáy le arák. La limite
intérieure entre Waddó et Dammohoytá est à Semá-d dbá. Le centre de
la péninsule est une terre basse et salée. Au milieu, un lac qui se remplit
d’eau après les pluies forme en s’asséchant un marais salant à Fráytu
(Fraytó). L’eau qui pénètre à marée haute dans cette zone appelée ɖagád
provient en partie d’un ancien fossé partant de Gamfrár (ou Gamfrá) près
de Gurutá (var. Garutá). Son étroitesse justifie son surnom d’Alá-t
tabeyná « même les fourmis peuvent le traverser ». Long d’env. 4 km, il
aurait été creusé par les « Fursi » (v.) L’îlot de Dallamé, à la pointe nord,
seulement accessible à marée basse, a un village Ab ná (v.). Maalágu et
Râsa, sur la côte, sont la limite sud de Bôri ; Ftumá- Ári (v.) est ainsi
considérée comme faisant partie de la péninsule. Histoire. Relayant sans
doute l’information ambiguë de Ibn Sad (fin du XIIIe siècle, v.
Introduction), quant à la présence de « Dankal » (Dankáli ou Anklá ?) aux
environs de Souakin, une tradition fait référence aux Dankáli comme étant
les premiers occupants de la péninsule avant les Anklá, dont ceux-ci
descendraient. Les Dúlum auraient supplanté les Dankáli avant la prise de
contrôle Anklá de la péninsule et de la côte au sud. Peut-être favorisée par

157
B)RK* WANDÂBA

la peste dévastatrice signalée en 1627 par Almeida, la pénétration des


Dammohoytá dans la péninsule à partir de Midír commence au XVIIIe
siècle. Elle est achevée par « Klá-h » ámad b. As-Maammad (des As-
Maammadó), qui prétendra régner jusqu’à Íddi. Le puits de Borróyta, sur
la côte au sud de Tó, fut choisi comme limite sud du sultanat de Bôri. Du
côté des Dhí-m mlá, la palmeraie de Mánda, habitée par ceux-ci, devint
la frontière. Les Baddirrá de l’endroit, qui se rattachent à un ancêtre
Alâwis b. Baddiré, sont appelés Briytá « originaires de Bôri » pour les
distinguer des autres Dhi-m mlá (v.). Le fils de ámad, Otbán (v.), fut
signataire du Traité de Paris (v.). L’unité politique des Dammohoytá a été
rompue par les Italiens, à sa mort (1889).
S : Chedeville / ásan b. ámad. D.M. (1999 : 21). L : Almeida (in Beccari, VI :
503).

B)RK* WANDÂBA
« Le plateau (de Unɖá Gamárri) et la dépression (de Dôbi) ». Chefferie au
sud de Dôbi, composée des Wandâba proprement dit, ou « Asdorré » (dont
des M daytó, des Gambél), et des tribus du Unɖá Gamárri (Wadîma et
Gambél). Les B r-k Wandâba ont pour voisins : au nord, les Ulutó-k
Mdîma ; à l’est, les Ulutó-k M daytó ; au sud, les Amasiytó et Ulutó.
B r-k Wandâba et Ðurbá ont le même itró et, en cas de conflit, le même
chef de guerre (mirá). Un autre classement (non géographique) énumère :
Mdîma (Wdîma), Wandâbá (M daytó, Gambél, Glaabá, Abá-m
mlá).
S : D.M. / Góyta b. Msá b. ámad.

« B)RÍ-K BADDÍ MÁRU »


« Cercle de la mer de Bôri ». Division territoriale propre aux Afars,
englobant la zone côtière et insulaire : Dási, Baká, Abá-g gúba (ou
Abgubá), awâkil, dirigée par les Dankáli, Dúlum, Naggartó et Ab ná de
la péninsule, antérieurement à la pénétration Dammohoytá. Des marins
Somalis fréquentant ces parages de la mer Rouge à partir du Yémen ont fait
naufrage et atterri à Doló, où ils se sont installés avec l’autorisation des
Dammohoytá qui leur ont donné des épouses. Ils se sont assimilés et ont
perdu l’usage du somali. Certains se sont éparpillés dans les îles et sur la
côte de la « mer de Bôri ». Ceux de Midír (fraction « Abdurramîn ») et
de l’île de Baká sont d’origine Majrtên, divisés en deux fractions :
Abbokortó et Frá, issues de Yûsuf « Siwaqrn » ; ceux de rná sont
Warsangéli (v. « Ad Saleh », dans la nomenclature coloniale italienne). Il
existe aussi un groupe maraboutique d’origine saho Dabri-Mlá appelé
Qddá. Salt est le premier Européen à avoir exploré en 1809 certaines des
îles de la « mer de Bôri ».
S : Chedeville / Abdurramân b. Yûsuf b. ámad « Bašir ». Pollera (1938 : 255) ;
Odorizzi (1911 : 249-50) ; D.M. (1999 : 22).

BOSÂLI
Tribu qui serait originaire de l’oued B sâli et des Badoytá-m mlá,
présente en Awrá (v.) et sur l’Awash.

158
BURḤÁN BEY

BUÐÁ
Pl. buɖɖí. 1. Foyer, famille. 2. Maison, tente : inkí buɖáh tan daboytá
« une tente isolée ». Par opposition à ári, la maison dans sa matérialité,
buɖá connote une maison habitée. 3. Groupe de gens, groupe ethnique :
alé-b buɖá « les gens de la montagne : les Ethiopiens des hautes terres » ;
adó-buɖá « les Européens » ; asá-buɖá « les Arabes » ; datá-buɖá « les
Somalis ». 4. Petit groupe de tribus apparentées, ne formant généralement
pas une chefferie : Farká-b buɖá (v.), Bollí buɖá (v.), Sidá buɖá (v.) ;
opposables en cela à mlá (v. Badoytá-m mlá, Dhí-m mlá).
BURḤÁN BEY
Cinquième fils d’Abu Bakr « Pacha » (v.). Né en 1855, décédé à Tadjoura
en 1923 (?). Appelé aussi « Burantá », bien que ce surnom s’applique
parfois à son frère et homonyme. D’abord au service de l’Egypte, il
seconde son père après la mort d’Ibrhīm, l’aîné, en 1884, et acquiert la
réputation d’être l’allié des Français sur la côte, tandis que son frère
Maámmad « naggadras » est actif dans la région de Bté (v.). Burán est
désigné comme « chef du village » de Djibouti (6 septembre 1888) par le
gouverneur Lagarde. Il sera l’informateur de son interprète militaire, Louis-
Antoine Oehlschlager (v.), auteur d’un Vocabulaire dankali-français
(1891). Le petit-fils de Burán bey, Áli, deviendra président du conseil de
gouvernement du Territoire français des Afars et des Issas (1967-76). La
collaboration avec le gouverneur Lagarde a été parfois conflictuelle,
comme le 2 janvier 1885 quand il est révoqué et emprisonné pendant un an,
accusé de fomenter des troubles. Le 13 juin 1887, avec l’ugs Nūr R ble, il
vient à Obock demander la création d’un port au sud (Djibouti). En août
1888, il inaugure avec le gouverneur le marché de Djibouti. En 1889,
Burán bey visite l’Exposition universelle de Paris où il est reçu par le
président Sadi-Carnot. Son arrivée à Marseille, le 5 août, à bord du
Comorin, suscite la curiosité. Le Var Républicain écrit le même jour :
Ce matin à six heures, les passagers ont débarqué (…), parmi eux se
trouvait le bey de Gibouti, Bourhan-Abou-Beker qui se rend à l’exposition
universelle. Le bey est accompagné d’un officier-interprète en résidence à
Obock, M. Oslager [sic], et de plusieurs domestiques. Le bey de Gibouti est
un homme de 33 à 35 ans environ, du plus beau noir, à la taille élancée. Il
est vêtu d’une tunique bleu marine avec parements dorés sur fond rouge, et
d’un pantalon blanc. Il porte le fez, suivant la mode orientale.
La Petite République (8 août 1889) :
Le Bey de Djibouti (…) est l’hôte du préfet des Bouches-du-Rhône, dont le
fils, M. Lagarde, est gouverneur d’Obock. (…) Il voyage avec un seul
domestique et un officier distingué qui lui sert d’interprète, M.
Oehlschlager.
La Dépêche de Brest (8 août 1889) :
Ce petit potentat bronzé, presque noir, gouverne une région de peu
d’étendue, située au-delà d’Obock et placée sous notre protectorat. Il y a

159
BÛRI

une quarantaine d’années, en effet, lors de l’assassinat de M. Lambert ;


notre consul, le père de Bourhan Bey, qui rechercha et livra les coupables,
fut élevé au rang de sultan de Djibouti par le gouvernement français.
Bourhan Bey qui n’est pas l’aîné de ses trente-quatre frères et sœurs, dont
vingt sont encore en vie, a été désigné par son père pour lui succéder parce
qu’il était le plus intelligent de tous (…). Le Bey de Djibouti a 35 ans. Ses
yeux sont vifs et dénotent la franchise et l’intelligence. Il connaît un peu
notre langue, mais il ne se risque pas à converser sans interprète.
Les relations avec Lagarde s’enveniment à nouveau. Le 20 décembre 1894,
Burán bey est emprisonné pendant un an. Le 14 mars 1900, il sera expulsé
de Djibouti par Martineau, le successeur de Lagarde. Des troubles
« fomentés par Burán » ont lieu à Tadjoura, les 6 et 7 mai 1910.
Descendance. En recoupant les éléments d’archives et différents
témoignages (cf. Ab-Bakr « Pacha »), on peut établir la liste non limitative
suivante des enfants et des épouses ou concubines du bey de Djibouti (les
chiffres entre parenthèses renvoient à leurs enfants en vis-à-vis).

Femmes de Bur,án bey Enfants

1. Eysa b. Kâmil, Afare Ablé (1) 1. Maámmad « Nūr »


2. @ohra, Arabe de Mokha (2) 2. Âref (1885-1968)
3. Khadja b. usayn, des sda al-Musâwi 3. Abbâs
de Zeyla (mère des enfants n° 3 à 10) 4. mina. 5. Saīda. 6. mina (II). 7. emdá
8. ummad-Gaba. 9. usên. 10. Maámmad
4. Kadga b. Ruffa (11, 12), Afare Ablé 11. Kâmil. 12. Ftumá
5. ♀ Somalie (13) 13. Safiá
6. ♀ Ethiopienne (14) 14. Gamīlá
7. ♀ Ethiopienne (15) 15. Safia (II)
8. Nafīsa, Ethiopienne (16, 17) 16. Abūbakr. 17. Safiá (III)
9. Dnaba, Ethiopienne (18) 18. Fattó

Soit, au total, neuf épouses (deux Afares, une Somalie, quatre Ethiopiennes,
deux Arabes) ; huit garçons et 10 filles. Comme pour Ab-Bakr « Pacha »,
la liste n’inclut pas les garçons n’ayant pas eu de descendance mâle.
BÛRI
Terme topographique (bûri « zone sablonneuse », synonyme de bayyhí, v.
Bayyilé) qui, dans son acception géographique, désigne la bande de terre
s’étendant le long de l’Awash (Wáytu), sur la rive gauche entre le nord du
afyá bad et l’affluent atáwwi (ou atáyyi). Il se divise en quatre, les
« affará Bûri », soit, du Nord au Sud :
1. aramfáf Bûri, « du côté de atáwwi » (atáwwi le dáu), terre des Afkié-s
sárra ;
2. Aɖáli Bûri, « le beau Bûri » (áɖa), aux Maá-s sárra ;
3. ertó-b Bûri, « Bûri des ertó ». Ces ertó, distingués de ceux des
contreforts du Tigré, ont deux lignages, appelés à Baádu : Yambaráddi et
Amasiytó ;
4. Ðbbuɖí Bûri, prononcé [ɖbburí bûri], groupe des Aɖkaltó et des Gfóli.
Le Bûri du piémont éthiopien ne doit pas être confondu avec Bré, oued sur
la frontière érythréenne, ni avec la péninsule de Bôri (v.).

160


CHAILLEY
Marcel Chailley est l’auteur des Notes sur les ‘Afars de la Région de Tadjoura,
rédigées entre novembre 1935 et septembre 1937, publiées en 1980. Dans la
préface, Robert Cornevin retrace la carrière de cet officier et administrateur,
diplômé de l’Ecole nationale de la France d’outre-mer. Ces Notes, fondées sur
une observation directe, strictement descriptives, témoignent d’une qualité
informative qui tranche avec la littérature française de l’époque sur les Afars.
Elles permettent aussi de mesurer le retard des études ethnographiques et
linguistiques en Côte française des Somalis (voir la paucité de la bibliographie,
p. 9), comparativement, par exemple, à l’Erythrée italienne voisine.
L : Sur Marcel Chailley, voir la notice de P. Brasseur, Hommes et Destins, 1975, I : 135-137.


Officier français, lieutenant-colonel c.r. (Boisset-les-Prévanches, 13 décembre
1905 ; Paris, 9 décembre 1996). On maintient ici l’orthographe Chedeville
(sans accent), malgré son acte de naissance qui mentionne Chédeville, ou
Chèdeville sur la carte géologique (Barberi et al., 1973). On se conforme ainsi
au registre matriculaire du Prytanée militaire de La Flèche où il fut élève
(1916-1924), aux cartes de l’IGN, sur lesquelles son nom, sans accent, est
mentionné comme l’auteur de la toponymie, et qu’il a, de ce fait,
personnellement vérifiées ; finalement à sa recommandation expresse dont
nous n’avons pas demandé la raison. Ancien élève de Saint-Cyr (1924-1926),
Edouard Chedeville débute sa carrière en Tunisie, A.O.F., Mauritanie, Maroc.
Il est affecté à Djibouti où il arrive le 24 avril 1938. Son action principale est
de contrer les actions italiennes à l’intérieur de la colonie à la tête des pelotons
méharistes (voir ci-après sa « Note pour les Commandants de Secteur Nomade
sur les relations avec les Assahyamara »). Commandant du cercle d’Ali-Sabieh
(8 décembre 1940-22 mai 1941), puis commandant du cercle de Dikhil (23 mai
1941-31 août 1943), il cumule ces fonctions avec celles de chef du cabinet
militaire et de commandant de la Milice indigène. Il est en même temps chargé
des affaires politiques de la Colonie, son chef-lieu excepté. Il quitte Djibouti le
23 septembre 1943. Il y reviendra le 14 novembre 1952, pour participer à trois
missions ayant pour objet la question frontalière et le sort du poste d’Afambo
(1953). Il mènera une vigoureuse campagne de presse à Paris contre la
convention frontalière franco-éthiopienne de 1954. Le gouverneur de la C. F.
S., Hubert Deschamps qui l’eut sous ses ordres en 1940, écrit (1975 : 195) :
Chédeville [sic], capitaine, ancien méhariste du Sahara, de parole rare et de
volonté obstinée. Chef de mon cabinet militaire, il était fréquemment en conflit
avec les chefs de l’armée. Je lui confiai alors la direction des pelotons
méharistes et la politique indigène de la brousse. Il y fit merveille. Déjà
arabisant, il s'initia au somali et devint le grand spécialiste mondial de l’afar.
Son bureau, soigneusement clos, toujours bourré de nomades exhalait des
odeurs fauves.
A partir de 1953, et jusqu’en 1987, il reviendra presque chaque année pour un
CHEDEVILLE

séjour privé de plusieurs mois à Djibouti ; en Erythrée (1966) et en Ethiopie


(1967, 1971), avec l’équipe du volcanologue Haroun Tazieff (1972). Il
participera également aux recherches (1976, 1987) menées par les Prof.
Desanges, Leclant et le contre-amiral Henri Labrousse sur la côte nord de
Djibouti, en quête des vestiges du pays de Pount. Au gré de sa curiosité, il
effectue des travaux pionniers dans divers domaines : botanique, toponymie,
dont il renouvelle toutes les données antérieures ; généalogie, zoologie. Il
enseigne l’afar à l’Ecole nationale des langues orientales vivantes (1967-1970).
1. TRAVAUX ET ARTICLES SCIENTIFIQUES.
1938-1943, Recensement des Issas, 4 vol. [Ce travail (non publié) d’ethno-généalogie
constitue le recensement le plus important jamais entrepris sur un groupe
somalophone.]
1951-54, « Noms de parenté en afar-saho », Comptes rendus du GLECS, 6 : 57-59.
1954-57, « La formation des noms propres en afar », Comptes rendus du GLECS, 7 :
37-43.
1966, « Quelques faits de l’organisation sociale des Afars », Africa, 36 : 173-196.
1966b, « La transcription des noms propres et sa réalisation en Côte française des
Somalis », Pount, 1 : 35-39.
1967, « Note sur la transcription des toponymes dans la carte au 1 : 100.000 du
T.F.A.I. », Pount, 3 : 41-42. [E.C. est l’auteur de la toponymie de cette excellente
carte en 12 feuilles éditée par l’IGN à partir de 1952, et des cartes géologiques de
l’Afar éditées conjointement par le CNRS français et le CNR italien (1972, 1973), à
la suite des différentes missions Tazieff)].
1970 [anonyme] Liste de prénoms dans les langues afar, somali et arabe, Haut
Commissariat de la République dans le T.F.A.I., 73 p. [Ce fascicule, à l’usage des
fonctionnaires locaux, fait partie d'un ensemble de documents administratifs établis
pour normaliser le travail de l’état-civil.]
1972, « La végétation du TFAI », Webbia, Erbario Tropicale di Firenze, 26 : 243-266.
[Cet article fait suite au dépôt par E.C. de son herbier (1100 plantes) au laboratoire
des Prof. Moggi et Bavazzano. Ce dernier publiera « Contributo alla conoscenza
della flora del Territorio francese degli Afar e degli Issa (collezione E.
Chedeville) », Webbia, 26 : 267-364, reprenant l’ensemble des notices rédigées par
le donateur. Venant après les premières prospections de Faurot (1889), Aubert de la
Rüe (1937), Gory (1940), Albospeyre (1947-57), Keulemans (Rapport au Gouv. de
la C.F.S. sur l’amélioration des pâturages, Rome, F.A.O, rapport n° 1769, 1963),
cet article de 1972 contient la première liste exhaustive scientifique de noms
vernaculaires afars. Toutefois, plusieurs auteurs se sont gardés de la mentionner
tout en la reproduisant avec des fautes. Enid Parker l’utilise sans le dire dans son
dictionnaire (1985). Audru, Cesar et Lebrun (1994, Les Plantes vasculaires de la
République de Djibouti, Flore illustrée, 2 vol., CIRAD-IEMVT) la reproduisent
sans indiquer son origine. Elle est reprise dès 1987 par les mêmes auteurs (La
végétation et les potentialités pastorales de la République de Djibouti, IEMVT),
sans souci de la phonologie de la langue (notant par exemple un p qui n’existe pas
en afar). Ainsi Acacia spirocarpa donné comme Acacia tortilis est noté
successivement ehepto, ehep’, eep’to, eep, au lieu de éeb (coll.), eebtó (singul.).]
2. ARTICLES DE PRESSE. [Parfois sous un pseudonyme, Edouard Chedeville a mené une
vigoureuse campagne de presse pour tenter d’empêcher la rectification des
frontières de 1954. Si l’on peut porter une appréciation critique sur sa thèse, il faut
aussi y voir la preuve de l’attachement d’un homme de terrain, qui savait que cet
accord international privait la colonie  et ultérieurement la République de
Djibouti indépendante  d’une ressource agricole majeure.] : « Pourquoi a-t-on

162
CHEDEVILLE

cédé au négus ? », Climats (17 août 1947) ; « Il faut que cesse le scandale des
frontières de la Côte française des Somalis », Climats (23 juin 1948) ; « L’influence
française en mer Rouge », Le Monde (26 novembre 1949) ; « La France va-t-elle se
laisser complètement évincer de Djibouti ? », Climats (29 avril 1953) ; « Djibouti
doit conserver ses frontières », Climats (21-27 mai 1953) ; « Veut-on abandonner
Djibouti aux Ethiopiens ? », Climats (3-9 décembre 1953) ; « La piste Honoré
doublera le chemin de fer de Djibouti », Climats (24-30 décembre 1953) ; « La
rectification des frontières entre l’Ethiopie et la CFS », Le Monde (30 janvier 1954).
Quatre articles dans La Croix du Sud (23 février-23 mai 1954).
3. Article de vulgarisation [sous le pseudonyme de Maxime Cléret] : « Le Dankali,
éternel nomade », Connaissance du Monde, 1962, 46 : 29-37.
L : EA, I : 712 ; P. Labrousse, 1995, Langues ’O 1795-1995, Deux siècles d’histoire de
l’Ecole des langues orientales : 377.
________

[La note ci-dessous1 rédigée par Chedeville est informative de l’attitude de


l’administration coloniale à l’égard des Italiens. Au moment où elle est rédigée, la
guerre a été déclarée à l’Allemagne, le 3 septembre 1939. L’hostilité vis-à-vis de
l’Italie ne procède pas du conflit en Europe (Rome ne déclarera la guerre à la France et
à l’Angleterre que le 10 juin 1940), mais de ses intrusions, dès 1937, en Côte française
des Somalis, notamment dans la plaine du Ḥanlé, à partir de l’Awsa qu’elle occupe.]

« Note pour les Commandants de Secteur Nomade


sur les relations avec les Assahyamara »

La présente note a pout but de définir ce que doit être l’ambiance de nos rapports
avec les Assahyamara et de rappeler les principes essentiels dont doit s’inspirer
actuellement notre action sur ces tribus. Elle marque les limites à ne pas dépasser dans
ce sens sans nouvelles instructions.
Nos rapports avec les Assahyamara se sont jusqu’à présent plus ou moins
développés selon nos possibilités de contact avec leurs campements. Ils ne seront pas
les mêmes avec toutes les tribus, dont certaines n’occupent que partiellement et
irrégulièrement notre territoire : néanmoins tant qu’un règlement ne sera pas
intervenu, la présente note sera considérée comme applicable à toutes les tribus
désignées par la Décision sur les Secteurs Nomades. Les autres seront considérées
comme étrangères, tout en étant prévenues de leurs devoirs vis-à-vis de nous quand
elles circulent chez nous, et discrètement contrôlées. Plusieurs points des prescriptions
de la présente note sont encore totalement étrangers à certaines de nos tribus
Assahyamara. L’application ne devra leur en être faite que progressivement : toute
hâte à vouloir obtenir des résultats immédiats risquerait d’aller à l’encontre du but
poursuivi. Il appartient aux Commandants de Secteur Nomade de juger de
l’opportunité de cette application, et, en outre, d’en reférer chaque fois qu’une
difficulté ou une hésitation surviendra.

1. Cette note dactylographiée de 8 pages, datée du 11 décembre 1939, porte en en-tête /COTE
FRANÇAISE DES SOMALIS ET DEPENDANCES, SECRET /n° 244/CS/CMC/. Sauf erreur, elle ne se
trouve pas dans les archives (nous l’avons, pour cette raison, remise au Musée des Troupes de
Marine de Fréjus). A part l’italique employé ici pour mieux le visualiser, le texte reproduit
suit strictement la disposition et l’orthographe de l’original.

163
CHEDEVILLE

I.- ATTITUDE A L’ÉGARD DU SULTAN.- L’autorité du sultan Yayyo Mahammad est


indéniable ; on connaît d’ailleurs l’attachement des Danakil à leurs chefs héréditaires.
L’autorité du Sultan de l’Aoussa n’est pas seulement une question de tradition :
pour la plupart des tribus, elle a son origine et continue à puiser principalement sa
force dans le fait que les Assahyamara ont besoin pour leurs bœufs des pâturages du
Kalo : dans l’incertitude où ils se trouvent du lendemain en ce qui concerne
l’occupation européenne, ils tiendront à conserver au moins l’appui du Sultan, qui seul
peut actuellement leur en garantir l’usage.
Il semble d’autre part que Yayyo Mahammad ne supporte qu’avec peine, et sans
aucune sympathie pour eux, l’autorité des Italiens : il peut donc, par réaction, être
amené à faire preuve d’une certaine neutralité à notre égard ; nous avons pour notre
part intérêt à ne pas provoquer son hostilité.
Il nous est donc actuellement indispensable de reconnaître la souveraineté du
Sultan. Il faut montrer aux indigènes que nous le prenons au sérieux, affirmer que nous
ne sommes pas hostiles à son pouvoir, et que nous regrettons que les Italiens
l’empêchent de prendre contact avec nous ; ne jamais s’emporter lorsqu’ils nous
rapportent un ordre de lui qui nous est contraire : mais laisser entendre que cela nous
est indifférent par ce que nous savons qu’il ne l’a pas pris de lui-même et indiquer que
dans ces conditions, nous estimons qu’ils n’ont pas lieu de s’y conformer.
Il faut répéter aux chefs de tribus qu’ils sont pour nous les représentants du Sultan.
Toutefois, il importe de ne jamais insinuer que nous avons ou pourrions avoir des
rapports avec lui à l’insu des Italiens, et d’une façon générale, de ne rien dire ou faire
qui puisse le compromettre.

II.- CONDUITE A L’ÉGARD DES AUTORITÉS ITALIENNES.- Par contre, il convient de


n’admettre en aucune façon que les indigènes nous opposent un ordre donné
directement, au vu et au su de tous, par les autorités italiennes : il convient au
contraire de le violer ouvertement. Tout doit être mis en ouvre pour affaiblir leur
autorité.
Tout en conservant à leur égard une attitude correcte, courtoise même, il convient
de repousser toute offre, et de tenir pour nul tout acte de souveraineté de leur part,
surtout lorsqu’ils cherchent à s’interposer entre nous et les tribus. Encore moins leur
demander des services en ayant l’air d’avoir recours à leur autorité. Nous sommes
maîtres chez nous et ne pouvons admettre que nos voisins profitent de l’incertitude du
tracé de la frontière pour chercher à faire la loi dans le territoire qui nous avait
toujours été reconnu. Toute remarque faite par eux à cet égard, aussi bien sur le
principe général : Assahyamara = Italiens, Adohyamara = Français, que sur des
points de détail, doit être repoussée courtoisement mais nettement. Il convient de
préciser notamment que, d’après la loi française, tout indigène né en territoire français
est sujet français. Il en est évidemment de même de tout membre d’une tribu
stationnant en permanence ou le plus souvent sur notre territoire.

III.- CONDUITE A L’ÉGARD DES INDIGÈNES.- Dans l’impossibilité où nous sommes


d’imposer2 totalement notre autorité à des populations encore méfiantes vis-à-vis de
l’européen en général, et travaillées contre nous, sans risquer de compromettre le
succès de notre politique, il convient d’user à l’égard des indigènes de la plus grande
prudence.
Cette attitude nous est d’autre part imposée par le risque d’une réaction italienne
appuyée en apparence par le Sultan, qui pourrait nous faire perdre les résultats acquis.

2. Souligné dans le texte original.

164
CHEDEVILLE

Il convient avant tout d’avancer assez prudemment pour ne pas être obligés un jour
de faire « machine arrière ».
Nous avons suffisamment montré les limites de nos revendications territoriales pour
les maintenir d’abord, et pour affirmer ensuite que les tribus habitant l’intérieur de ces
limites dépendent de nous ou que, tout au moins, pour celles qui n’y viennent que
rarement, elles sont soumises à notre autorité pendant leur séjour chez nous.
Mais cette autorité ne devra se montrer qu’avec assez de souplesse pour éviter tout
échec nuisible à notre prestige.
Il est, en résumé, nécessaire de n’agir que progressivement, comme il a d’ailleurs
été fait depuis environ huit mois.
a/- Chefs Indigènes.
Il faut prendre les chefs indigènes tels qu’ils sont : il ne saurait d’ailleurs être
question de les changer. Si antipathiques que certains puissent paraître, et en dépit de
l’influence que les Italiens peuvent déjà avoir prise sur eux, il convient de chercher à
les gagner et à s’en faire des collaborateurs. Nous avons tout intérêt à utiliser autant
que possible leur influence : c’est probablement à l’action personnelle de Dourouy3
que nous devons d’avoir vu s’apaiser l’hostilité de Oloto [Uluto] dans le Henlé à la
suite du meurtre de Février 1939. Pour gagner les chefs indigènes, il faut surtout
reconnaître leur autorité et, ce faisant, flatter leur vanité. Il faut notamment faire appel
à eux chaque fois qu’un incident survient avec un de leurs administrés, sans attendre
qu’ils viennent protester eux-mêmes. Si une sanction doit être prise contre un
délinquant, chercher à les y associer, ou tout au moins leur expliquer la nécessité où
nous nous trouvons de les punir. Les Danakil ont le respect de l’autorité, et ils
reconnaîtront les droits que nous donnent la domination de leur territoire.
Bien entendu, les chefs ou Notables réels qui viennent au carré sont l’objet de la
part du Commandant de P. M.4 ou du chef de poste, d’attentions proportionnelles à
leur grade. Le gradé ou garde de leur préférence est chargé de veiller à leur entretien.
Les européens doivent toujours avoir le sucre, le thé et le riz nécessaires pour les
recevoir. Ils en sont remboursés s’il le faut au moyen des fonds politiques des
Commandants de Secteur Nomade. C’est après un bon repas que naissent plus
facilement les bons sentiments.
Il faut éviter avant tout de les traiter sans égard pour leur rang, et notamment de
leur imposer des attentes prolongées à la porte du carré ou du poste. Les gradés et
miliciens, notamment les sentinelles, devront connaître suffisamment les chefs
indigènes pour éviter toute méprise ou toute vexation à leur égard.
En récompense de leurs services, des cadeaux ou rétributions réguliers seront faits.
Ceux qui les refuseront ne seront l’objet d’aucune pression, à condition toutefois
qu’ils n’acceptent rien des autorités italiennes.
Dans ce cas la décision à prendre sera soumise au Gouverneur.
On a constaté en Septembre-Octobre derniers, un exode de certaines tribus,
commandé par ceux-ci. Un tel mouvement ne pourra se reproduire sans que les
coupables n’aient à s’en repentir.
Si le Sultan les convoque, ils doivent en prévenir le Commandant du Secteur
Nomade qui en rend compte au besoin.
Ils agiront de même chaque fois que des instructions visiblement inspirées par les
Italiens leur parviendront.

3. Voir sa « déclaration de guerre à la France », deux ans plus tard, p. [voir p. 189, n.d.l.r.]
4. Peloton méhariste [n.d.l.r.]

165
CHEDEVILLE

La situation actuelle nous impose néanmoins de limiter notre attraction de façon à


éviter aux chefs indigènes des représailles de la part des autorités italiennes, par
l’intermédiaire ou non du Sultan. Il faudra admettre une attitude réservée dans
certaines circonstances, et le désir de donner à leur entourage, où peuvent se trouver
des espions, l’impression qu’ils n’entrent en contact avec nous que contre leur gré.
Ce que nous leur demandons — et ils ont en général la possibilité de le donner —
c’est d’avoir et d’inciter leurs gens à avoir avec nous une attitude correcte, d’apporter
à nos postes et carrés les mêmes denrées qu’ils apportent aux Italiens (voir plus loin),
d’aider les autorités françaises à régler les questions litigieuses pouvant survenir,
enfin de ne jamais s’adresser aux Italiens pour des questions qui nous regardent ni de
s’engager vis-à-vis d’eux.
b/- Populations.
Nos rapports avec les populations doivent être basés, pour elles, sur le respect de
notre autorité et de notre prestige, et pour nous sur celui de leurs coutumes.
Les indigènes doivent conserver une attitude correcte à notre égard. Tout
manquement sciemment commis doit être l’objet d’une sanction. Celle-ci sera toutefois
aussi légère que possible et proportionnée à la faute commise : c’est à cette occasion
surtout qu’il faudra prendre liaison avec les chefs indigènes.
Pour tout fait de quelque gravité, le coupable sera déféré sans retard au
Commandant de Cercle, qui appliquera soit le code de l’Indigénat, soit la justice des
tribunaux compétents.
En dehors des cas où nous serions mélés à des litiges par la force des choses, il
convient de s’abstenir de toute intervention, hormis les conseils de modération, et ceux
de régler la question devant les chefs indigènes et le Sultan, conformément à la
coutume.
Toute occasion devra être utilisée pour prendre directement contact avec les
indigènes (visite des campements, des puits, interpellation de ceux que l’on rencontre
en cours de déplacement, etc…). De même les sentinelles devront avoir pour consigne
de ne refouler aucun indigène se dirigeant vers le carré. Tous ceux qui désirent parler
au chef de poste ou Commandant de Secteur Nomade doivent y être admis. Ils laissent
leurs armes (fusil, poignard, bâton, etc…) à l’entrée, sous la surveillance de la
sentinelle.
On s’abstiendra de châtiments corporels et de brutalités inutiles.

IV.- ÉTUDE ET RECENSEMENT DES TRIBUS.- La composition des tribus a déjà été
sérieusement dégrossie. Il importe de parfaire le travail entrepris et de chercher
notamment à comprendre exactement la hiérarchie, parfois compliquée, des
groupements, et l’organisation du commandement au double point de vue des
personnes et du territoire.
Il faudra déterminer les familles influentes, et la valeur de leur influence.
Le fonctionnement du commandement, l’existence ou non de conseils de notables, et
leur degré d’importance éventuel devront retenir l’attention.
Enfin, il est possible de compléter dès maintenant ce travail par un recensement
sommaire, comprenant la liste complète des chefs de « karya » (bouda)5, le nombre de
guerriers et d’âmes de chaque famille, et le nombre approximatif de ses chameaux, de
ses moutons et de ses bœufs. Le fait qu’une famille est uniquement moutonnière ou
possède des bœufs permet en particulier de savoir si elle a ou non intérêt à disposer
des pâturages du Kalo.

5. Afar buɖá « maison, tente ». [n.d.l.r.]

166
CHEDEVILLE

Chaque commandant de Secteur Nomade ou de poste ouvrira un contrôle portant à


l’avance les noms des tribus, fractions et sous-fractions, en ménageant l’espace
nécessaire pour inscrire les noms des chefs de famille de chacune.
A chaque occasion favorable, les indigènes rencontrés seront inscrits, ainsi que les
renseignements fournis par ceux qui seront interrogés sur leurs fractions.
Le modèle sera donné dans une instruction générale sur le recensement.
Ce travail, qui a déjà eu lieu pour certaines tribus, ne doit être fait que
progressivement, sans donner lieu à une inquisition systématique, ni gêner en quoi que
ce soit les intéressés. En cas où des difficultés se laisseraient prévoir dans une tribu, il
devrait être ajourné ou suspendu.
Il doit enfin être précisé qu’il n’a pour but que de nous permettre de connaître les
gens de notre territoire, et leurs ressources, sans aucune arrière-pensées d’impôt ou de
réquisition des uns ou des autres.
Les indigènes ayant fourni de bons renseignements recevront une récompense sur
les fonds politiques.
Fait avec prudence, le recensement donnera aux indigènes le sentiment que nous
nous intéressons à chacun d’eux et que les connaissant, nous aurons plus de facilité
pour les prendre lorsqu’ils seront en défaut.

V.- COUTUMES.- Le contact avec les indigènes, la compréhension de leurs réactions et


la détermination de la conduite à tenir à leur égard exigent la connaissance de leurs
coutumes. L’étude de celles-ci, aussi bien dans les problèmes juridiques que pour la vie
courante, sera poursuivie autant que l’occasion s’en présentera, par les Commandants
de Secteur Nomade et les chefs de poste. Les faits essentiels seront notés en vue d’un
travail d’ensemble que dirigeront les Commandements de secteur et dont ils
adresseront les résultats au Gouverneur.

VI.- INTÉRÊT DES INDIGÈNES.- L’expérience a prouvé que les Assahyamara ne sont
nullement opposés à notre médecine et à nos drogues. Le poste de Daoudaouya a
obtenu à ce point de vue des succès certains sur les Oloto-k Modaïto.
Le meilleur procédé pour attirer les indigènes est de les inviter à faire soigner les
malades, qui sont nombreux. Les P.M. et postes devront toujours disposer des
médicaments courants nécessaires et les distribuer à bon escient.
En ce qui concerne les troupeaux, toute épizootie doit être signalée sans retard au
vétérinaire, et les tournées de celui-ci signalées aux indigènes.
Commerce.- Il y a évidemment intérêt à ce que les Assahyamara soient, malgré les
ordres des Italiens, aiguillés vers notre territoire au point de vue commercial.
En raison de coût élevé de la vie en territoire italien, ils viendront rarement nous
vendre leur bétail, sauf si les débouchés venaient à leur manquer par ailleurs.
Par contre, ils ont intérêt à venir s’y approvisionner en doura et en étoffes. Une
propagande destinée à combattre l’action italienne, devra s’exercer en ce sens.
On pourra essayer ultérieurement d’utiliser certains d’entre eux pour les
transports, avec escorte, du ravitaillement des postes et P.M.
Pâturages.- Il ne peut être question de réserver, en aucun cas, une zone de
pâturage pour nos troupeaux.
Tout en utilisant le pâturage existant dans la mesure de leurs besoins, les P.M.
s’efforceront de ne pas mécontenter les indigènes par des abus. Ils s’efforceront de
répartir leurs prélèvements sur les territoires des différentes tribus, plutôt que d’en
gêner une seule. Ils ont du reste intérêt à voir le plus de campements possible, et à se
trouver là où il y en a le plus. Au reste, ils disposent d’assez de doura pour pouvoir se
passer de toute mesure excessive.

167
CHEDEVILLE

Les Assahyamara seront particulièrement sensibles à la protection que nous


assurerons à leurs zones de nomadisation. Les Debné, Adorassou et Songo-Goda ont
pris l’habitude, grâce à notre présence, de dépasser fréquemment les limites
traditionnelles. Les Commandants de Secteur Nomade délimiteront avec soin sur leur
carte, au besoin en faisant des réunions contradictoires, le territoire de chacun.
Ils n’admettront pas que les Adohyamara franchissent ces limites sans accord
préalable avec les tribus Assahyamara intéressées, et séviront contre tout empiètement.
Les mêmes accords pourront d’ailleurs intervenir pour la transhumance des
Assahyamara en pays Adohyamara et nous aurons avantage à les favoriser chaque fois
que ce sera possible.

Points d’eau.- Les mêmes problèmes se présentent pour les points d’eau.
Tout en imposant au besoin une discipline d’utilisation, les Commandants de P. M.
et de postes veilleront à ce qu’aucune entrave ne soit apportée à leur utilisation par les
tribus qui ont coutume de les utiliser.

Rapports des Miliciens avec les Nomades.- Tout incident doit être évité, notamment
en ce qui concerne les femmes. Tout abus doit être sanctionné.

VII.- VENTE DE VIVRES AUX POSTES ET P.M.- Les postes et P. M. sont ravitaillés en viande
par les soins des Commandants d’unité qui obtiennent au besoin des Commandements
de Cercle l’aide nécessaire.
Il n’y a donc pas lieu d’opérer des réquisitions dans les tribus Assahyamara.
D’autre part, les Italiens ont interdit, ou fait interdire par le Sultan, aux
Assahyamara, de nous vendre du bétail : nous ne pouvons nous plier à cette
interdiction.
En conséquence, il y aura lieu :
— de surveiller les ventes faites aux postes italiens et de noter les chefs et particuliers
qui les feront ;
— de s’informer des prix pratiqués ;
— de ne pas recourir à des réquisitions importantes, mais de s’en tenir à quelques
achats obtenus en forçant un peu, s’il le faut, la main des indigènes qui nous refusent
de bon gré toute fourniture, et de la part desquels on aura observé des livraisons aux
postes italiens, en faisant remarquer que c’est pour riposter à celles-ci, et en profitant
des cas où il n’y aura aucun risque d’incident.
— de payer au minimum au même cours que les Italiens, plutôt plus. En aucun cas il ne
sera confisqué de bétail 6.
Il n’y a pas lieu d’interdire pour l’instant la vente aux Italiens, puisque nous ne
pourrions faire observer cette prescription.
A moins d’apports volontaires, seuls les Commandants de Secteur Nomade7
pourront pour le moment procéder à des achats dans les conditions indiquées ci-
dessus.
On encouragera en outre les indigènes à apporter du lait, en échange de doura à
nos postes et carrés.

VIII.- RECRUTEMENTS D’ASKARIS PAR LES ITALIENS.- Bien que les askaris recrutés par les
Italiens chez les sujets de Yayyo Mohammed aient été libérés, de nouveau appels
peuvent être faits.

6. Cf. p. 267, « l’affaire Thiébeau ».


7. Souligné dans le texte original.

168
CHEDEVILLE

Dans ce cas, les chefs indigènes et les intéressés seraient avisés que les
ressortissants français doivent refuser d’obéir à ces ordres d’appel, et que ceux qui les
accepteraient seraient par la suite considérés comme suspects.

IX.- REPLI SUR L’AOUSSA.- Les chefs indigènes doivent être prévenus que tout exode
vers le territoire italien en dehors des nécessités de pâturage sera considéré comme un
acte d’hostilité.
On laissera planer dans ce cas la menace d’ouvrir aux Adohyamara les pâturages
désertés, et la perspective de sanctions.
Au cas où une tribu devrait franchir la frontière en totalité ou en partie pour des
raisons de pâturage, ils devront en avertir au préalable les Commandants de Secteur
Nomade.

X.- CONDUITE DES ASSAHYAMARA EN CAS DE GUERRE.- Les Italiens ont donné aux
Assahyamara des instructions pour qu’ils leur viennent en aide contre nous en cas de
guerre.
Il convient de rechercher toute information à ce sujet et de prévoir au besoin les
mesures préventives de nature à empêcher la réalisation de leur plan.
Les chefs Assahyamara recevront le ferme conseil de s’abstenir de tout acte de
cette nature. On leur conseillera de se tenir à l’écart des opérations et même de se
replier à l’intérieur de la zone occupée par nous.

XI.- CRIMES ET ATTAQUES A MAIN ARMÉE.- L’imprécision des frontières, l’incertitude qui
plane sur le rattachement officiel des tribus, l’instabilité de nos rapports avec les
Italiens et leur présence chez nous, nous rendent le plus souvent impuissants à nous
saisir des criminels, soit qu’ils se réfugient en territoire italien, soit qu’ils demandent
protection aux postes dont nos voisins ont parsemé la Colonie. Il nous est même
impossible de prendre les mesures répressives qui permettraient d’obtenir la livraison
des coupables, ou au moins de faire craindre les conséquences des crimes commis.
La justice dépend uniquement des Commandants de Cercle : Cependant, il est bien
évident que les Commandants de Secteur Nomade ont qualité pour arrêter les
délinquants.
Lorsqu’un crime est commis dans la zone de nomadisation du P. M. ou à proximité,
l’enquête doit être immédiate, ainsi que l’arrestation du ou des coupables, si possible.
Il convient d’opérer dans ce cas avec le maximum de chances, c’est-à-dire avec le
maximum de monde.
Lorsqu’il s’agit d’une action en bande de membres d’une tribu sur un campement
d’une autre tribu, la poursuite doit être entreprise avec les précautions d’usage sans
retard, s’il existe des chances de rattraper les coupables avant la frontière. L’effectif à
emmener, jamais inférieur à une section, doit être calculé en tenant compte de la
distance plus ou moins grande dont il sera nécessaire de s’approcher des campements
de la tribu des agresseurs.
Les crimes sont restés jusqu’à présent totalement impunis, sauf représailles
involontaires sur d’autres que les coupables.
En règle général, le règlement doit intervenir par châtiment du coupable superposé
au paiement de la dia traditionnelle.
Il importe que les Assahyamara, et notamment les chefs, soient informés de notre
manière de voir à ce sujet.
Le mot d’ordre reste d’éviter les incidents sanglants, susceptibles d’être exploités
par nos voisins.

169
CHEDEVILLE

Aucune répression collective — sauf en cas d’agression collective de l’autorité —


ne devra avoir lieu sans ordre.

XII.- ARMES.- Les armes des Assahyamara leur seront laissées comme d’ailleurs celles
des autres nomades. Les armes des délinquants seront le cas échéant confisquées, à
titre provisoire ou définitif.
Les Commandants de P.M. et chefs de Poste surveilleront discrètement tout trafic
d’armes et de munitions, et s’efforceront de déterminer les ressources des tribus. On
observera notamment si les distributions sont faites par les Italiens.

XIII.- PROTECTION.- Tout indigène en difficulté avec les autorités italiennes doit être
protégé par nous. L’attitude des Italiens dans l’affaire du Henlé, où ils ont favorisé la
retraite du coupable, et lui ont probablement donné asile en recueillant l’arme volée
par lui, nous autorise à la même attitude.
Il sera même bon d’intervenir, comme l’ont déjà fait les Italiens, en faveur des
indigènes ayant à se plaindre d’eux, lorsque l’occasion s’en présentera et qu’on
pourra le faire sans risquer d’inconvénients ultérieurs pour le plaignant.
Au cas où les Italiens nous réclameraient les coupables d’un crime, les
Commandants de Secteur Nomade rendront compte et demanderont des instructions.

XIV.- DÉPLACEMENTS.- Les Italiens ont l’habitude de faire suivre nos détachements par
des askaris.
Au cas où ils persévèreraient dans cette méthode, elle leur serait appliquée au
moins pour une partie de leurs détachements, notamment ceux où figureraient des
Européens.

XV.- INFORMATEURS.- Les Commandants de Secteur Nomade et chefs de poste


s’efforceront d’avoir dans les tribus de leur région des informateurs payés.

°
° °

Les Commandants de Secteur Nomade ont autorité au point de vue politique sur
tous les postes situés en pays Assahyamara dans leur cercle de rattachement. Les chefs
de poste doivent leur rendre compte de tout incident et leur communiquer tous les
renseignements d’intérêt politique recueillis par eux.
En cas de faute commise par un indigène, ils en réfèrent au Commandant de
Secteur Nomade et se conforment à ses instructions. Ils ne dirigent directement un
délinquant sur le Cercle qu’en cas d’urgence et d’éloignement du Commandant de
Secteur Nomade, et en tout cas lui rendent compte.
Les Commandants de Secteur Nomade donneront toutes instructions utiles aux
chefs de poste, les mettant en particulier au courant de ce qui concerne les tribus de
leur zone et leur donnant toutes instructions utiles sur la conduite à tenir à leur
égard./.

Djibouti, le 11 Décembre 1939


Le Capitaine CHEDEVILLE, Chargé des Secteurs Nomades

170
D
DBÁB BUÐÁ
Groupe ayís d’abord implanté au Godá (cousin des Balawtá), puis parti
au Kaló (à Diyyílu, près de Gargôri), avec des Mdîma des Gamárri.
Certains sont établis au Dóka. On appelle aussi Dbá-b buɖá la fraction
Aɖas-Aliytó des Ayrolassó.
DADÁR
Zone montagneuse au nord de Tadjoura, entre le Godá (v.), à l’ouest (alt.
1783 m), et le Mablá, à l’est (1247 m). Le Dadár est le versant sud de la
ligne de crête, de direction générale Ouest-Est, joignant la pointe nord du
Godá (v.) au Mablá. Le point culminant atteint 1382 m. Au centre du
Dadár, l’oued Debné (v.) est le point d’origine de la tribu homonyme.
DAGENNÓ
Egalement Ðagennó, Dagnó (singul. Dagnóyta). Le nom (ou surnom),
sans origine certaine (peut-être de dagá « amont » < amh. däga « zone
d’altitude supérieure à 2500 mètres »), désigne diverses populations non
afares du piémont éthiopien : Argobba (afar Argubbá) du Dóka ; Oromo
Ry.
DHÍM MLÁ
Tribu Adohyammára (v.) distribuée sur une vaste zone allant de la région
de Arratá (v.) et la côte (les Umartó y sont établis entre les adarmó et les
Dammohoytá), jusqu’à Ðálol et le bas de l’escarpement éthiopien (Dóka).
Le nom, sans origine certaine, est à rapprocher de dâha « veau sans mère »,
terme qui évoque la technique dite meré (v. Alsí lwó, Wáysu) ; ou de
dahlé « bovidés de deux ans (coll.) ». Généalogie. Se rattachent à Úmar
« Dhí » (selon Odorizzi), Dhilón (* dahlé lon « qui ont des bovins »),
selon d’autres sources, originaire des Badoytá-m mlá Aydamní de
Gontóy, au nord d’Obock. Fractionnement. Les Dhí-m mlá sont divisés
en Yaîdi (Kádri, Baddirrá) et Barkúl, avec le même cri de ralliement
(itró) : « Yaîd k Barkúl ! » ou « Aydamní ! » pour les femmes. Les
Meemâa descendent d’un ancêtre éponyme, frère (d’une autre mère) de
Barkúl et de Yaîdi. Ils vivent dans la plaine côtière entre Sroytá et
Margadó. Le fractionnement, complexe, comprend les principales divisions
suivantes.
1. Yaîdi : a. Kádri (Ellmitté, Loogguddó, Arkfartó, Asmalitté, Adoytitté,
Yaditté, Kubartá, Kunnutó, Nddá) ; b. Baddirrá (Gumeddó, Slitó,
Mlsiyá). Ad-Áwka (1746-1816), de fraction Baddirrá, est identifié (Puglisi,
1952 : 5) comme un des alliés de Subagâdis, le chef Saho Irób du Agmé, mort
en 1831. Le nationaliste Yâsin b. Maammdá (v.) était de fraction Gumeddó.
2. Barkúl « Gúra » : a. « Datá » Barkúl (Igmá Umar ; Abbayyyá, vers Aw et le
pays appelé Baɖí rásu, à l’est de la plaine du Sel ; Fantoytá) ; b. « Asá »
Barkúl (Ali-Maammadó, Ankalitté, As-Ali-Maammadó).
3. Meemâa : a. du Dóka (Ellmoytitté « Daár buɖá ») ; b. de Têru (Asalâ-k
Dhí-m mlá ; Mutó).
DAHLAK

Légende. Pour expliquer la proximité entre Yaîdi et Meemâa, la légende


raconte que la mère de Meemâa devint enceinte. Quand l’enfant naquit,
Barkúl refusa de partager l’héritage en trois et prit la moitié. Yaîdi partagea
avec le nouveau-né et lui donna son nom de Meemâa « matin de bon
augure ». Ses descendants restèrent avec ceux des Yaîdi. D’autres tribus
sont alliées aux Dhí-m mlá : les Maantó, avec les Baddirrá, et afbêa
(v.) des Dammohoytá.

Généalogie des Dhí-m mlá


Dhilón

Gonnalé ámmadu

Yaîdi Barkúl « Gúra » Meemâa

Dat-Abbakári « Asa » Igíma âmid Anâbu

« Datá » Igíma ámmadu Ossanná ámmadu

Sek-Dîni

ámmadu

Allâmoyta

Igmá Úmar Abbayyyá Fantoytá Ellmoytitté

« Datá » Barkúl « Asa » Barkúl « Daár buɖá » Groupe de Têru

Une variante généalogique est constituée par les « Sek-Dîni-Alí ɖayló »,


soit les descendants de Sek-Dîni dont un fils, Ali, est le père de quatre
sous-fractions issus de ses quatre enfants : amaddó (descendants de l’aîné
ámad b. Ali), Okóli, rattaché aux Ellmoytitté, Warartó (descendants de
Wárar b. Ali) et Dillí, issus de la dernière fille, Dilá b. Ali.
S : Chedeville / Ali b. ámad b. Ruffá ; Nâsir b. Idrs b. Abdalla ; Ysn b. Ali ; Ysn b.
áyyu. L : Odorizzi (1911 : 228-36) ; Puglisi (1952 : 5). D.M. (1999 : 26).

DAHLAK
Les quelque lignes consacrées ici à la présence afare dans les îles Dahlak ne
reprennent pas les donnée historiques concernant cet archipel connu de
longue date (EA, II : 64-70). Prononcé [dáhlag], l’archipel est composé
d’environ 125 îles. Il n’y a que quelques Afars Anklá à Dahlag-Kabr
(afar Kaɖɖá Dáhlag). Les Afars de Dahlak (Dahligá) vivant sur l’île
principale ont traditionnellement pour chef un Anklá, de fraction allaytó.
Les insulaires parlent un dialecte du tigré (təgre) fortement imprégné
d’arabe et mêlé d’emprunts à d’autres parlers éthio-sémitiques en relation
avec l’hétérogénéité des locuteurs. La population a toujours été très faible
en raison du manque chronique d’eau. Le recensement italien de 1931
indiquait un total de 2275 personnes dont 1475 de langue tigré, 475 Arabes

172
DAḤRUMÁ

et 325 Afars. Les Egyptiens avaient créé la charge de šay al-mašay qui
résidait à Dubello (Debulló), à Dahlak. En 1901, le gouverneur Martini
supprima cette charge et investit directement les chefs de village.
Toponymie. L’onomastique confirme que le territoire historique des Afars
a pour limite la péninsule de Bôri. L’îlot appelé en afar Difré (en tigré
Maddt), au nord-est, fait exception. Plus au nord, à l’est de la Grande-
Dahlak, les deux îlots : Intirrí « qui aveugle » (intirruí est un des noms de
l’aloès employé en collyre pour la conjonctivite purulente, intirráydu) et
Intidibír « qui prend l’œil » (*inti iɖibbiɖ), s’accordent avec la réputation
d’une région où les ophtalmies sont fréquentes. Deux autres îlots entre la
Grande Dahlak et la Péninsule portent des noms afars (Datá Askári
« sentinelle noire », Adó Askári « sentinelle blanche ») et sont les
toponymes les plus septentrionaux. Selon certains informateurs, ces deux
noms doivent être rattachés au saho káre « chien » et réinteprétés en Kaɖɖá
As Káre « le grand chien rouge » et Unɖá (saho Inɖá) As Káre « le petit
chien rouge ». L’îlot voisin d’Aysammūhá (*aysa mūhá « il domine
ensuite » ?) semble un calembour formé sur le nom arabe d’origine,
Šumma.
L : D.M. (2012 : 220-221).

DAHLLITTÉ
Tribu dont le nom semble dériver de dahlé « bovidés de deux ans (coll.) »
(v. Dhí-m mlá). Elle a des terrains à ankattá, aggayís, Waybuɖká et
Garratá. La tribu compte trois fractions, Idrissó, ummaddó et aruntó.
L’ancêtre des Dahllitté aurait été un chasseur Bôn (v.). Epargné lors du
massacre des Songó (v.), il aurait reçu les terrains précités. L’ancêtre des
aruntó aurait, lui, été forgeron à Tadjoura.
DAḤRUMÁ
De darí umá « de mauvais pâturage ». Nom de tribu formé à partir du
sobriquet Darumí (ou Darumó) « qui paît chez les autres », sans doute
en raison de la pauvreté de l’homme à qui il fut attribué. Généalogie.
Descendent de « Datá » Abbakári b. Nakkós b. « Darumí » b. ámad b.
aysá. L’ancêtre Nakkós fut captif de « Ayrolasé », ámmadu (v.
Ayrolassó), qui lui donna des terres dans le Mablá pour le récompenser de
son dévouement. Nakkós reçut ensuite du sultan de Tadjoura des terres
dans le Godá. Il est possible que « Darumí » dans la généalogie ne
corresponde pas au nom du père de Nakkós mais soit le surnom de ce
dernier, ce qui expliquerait ce tercet conservé, adressé par le sultan de
Tadjoura à celui qui était sans terre :
Nakkosow, naki roobow Ô Nakkos, ô pluie bienfaisante !
Sanday Lulwaani takke baaxo Tout le pays, de Sanda à Lulwâni
Koh wano takkay Qu’il devienne ta propriété !
Il y a, dans le premier vers, un jeu de mot entre Nakkós et náku « répétition
d’une pluie au même endroit » : naki rob « ce qui donne bon pâturage ».
L’itró des Darumá est « Nakkós ! ». Distribution. 1. Songó-g Godá (Asá
Darumá ; Adan-Ysiftó, aussi appelés Adoysittó) ; 2. Darumá de
173
DAMBĒLÁ

Gabrérri ; 3. Darumá avec les Garrní ; 4. Darumá avec les Lubák-Kubó


(Mdaytó). A l’ouest de Tadjoura, le puits d’Aɖɖâli et d’autres terrains
voisins entre la piste caravanière et la mer, initialement Darumá, ont été
transférés par úmmad b. Looytá (v.) aux Debné Adan-ummaddó.

Généalogie des Darumá du Songó-g Godá


aysá

ámad

« Darumí »

Nakkós

« Datá » Abbakári

Kâmil

Adán « Hayyé » As Maámmad

Kâmil Yôsif

Saíd Ali « Dattá » Adbáɖa Saíd úmmad

Kâmil ásan Addantó Adbaɖitté Dilleytitté Asawkkí As Maammadó

Saiddó Abbakritté « bbá » « Kâmil asantó »

Asá Darumá Adan-Ysiftó

S : Chedeville / Dilléyta b. Saíd b. Dilléyta.


DAMBĒLÁ
Tribu largement disséminée en Áwsa, le long du fleuve jusqu’à Baádu.
Peut-être de *Dat-mlá « les gens noirs », en référence à un troisième
groupe, en plus des Adohyammára et des Asahyammára (v.). Les
Damblá, après avoir quitté le territoire actuel de la Rép. de Djibouti, à la
suite du meurtre d’un aysamlé, se sont installés dans la région de Dôbi-
Immnó-Amrá-r rásu. Ils accueillirent les Mdaytó (v.) avec lesquels ils
s’intermarient depuis, devenant Asahyammára. Ils forment deux chefferies
dans le Kaló, sur les deux rives de l’Awash : Damblá-k Mdaytó (dont les
Asá Damblá) et Damblá-k ummád sárra (voir carte n°6).
DAMMOHOYTÁ
Egalement Dambohoytá. Tribu originaire de l’oued Dammáhu, à une
vingtaine de kilomètres à l’ouest de Mulúli. Dammáhu var. dambáhu,
désigne une graminée des steppes herbeuses, Cymbopogon schoenanthus.
Distribution. Les Dammohoytá occupent une vaste étendue, de la côte
(Bôri, Íddi, Midír) à Bíɖu, jusqu’au piémont (Têru, Awrá, Dóka) ; et au
sud, vers l’Áwsa. Une partie de leur territoire a été prise aux Dankáli (v.) et
aux Dúlum (v.). Ils voisinent avec les Dhí-m mlá en Arratá (v.). Les
174
DAMMOHOYTÁ

Dammohoytá fournissent les chefs de Bíɖu (v.) et constituent un


commandement Asahyammára (v.) dont le « sultan » porte, comme celui
d’Áwsa, le titre d’amóyta (v.). Généalogie. Les Dammohoytá se rattachent
à « Sambollakóli », troisième fils de aɖal-Mâis (v.). Les généalogies
s’accordent pour désigner la génération des trois Ellâma, comme celle à
partir de laquelle s’organise le fractionnement récent.

Généalogie des Dammohoytá


aɖál-Mâis

Môday Adâal Sambollakóli Ulután

Egramayfélli

« ré » ámmadu

« Asá » Ellâma « Ánɖaɖ » Ellâma « Datá » Ellâma

« Asá » ásan Bakitó Alalitó Gaassó anéyta Gaás anéyta Ismâil


(Bôri)

Ellâma Abbákri ásan « Dubbé » Gardía Asá abanná

Addán Adámad Boród Ali « Goób » Buríli Gardía-k radé mára


(Íddi) (Bíɖu)

Fractionnement. Les fractions Dammohoytá sont énumérées selon deux


critères :
I. Généalogique : 1. « Asá » Ellâma ou asán Afá, parfois ásan « Ðiná »,
descendants de « Asá » ásan b. « Asá » Ellâma (Addantó, Ad-ámad,
Boroddó, Ali « Goób », dits aussi « Fillaunɖá », Asabrhintó, Alekráddi,
Adnuntó).
2. « Ánɖaɖ » Ellâma : a. Bakitó (Bayɖó, Aygaláb) ; b. Alalitó (Abbákri,
ásan « Dubbé » (ou Dúbbi), dont descendent les sultans de Bíɖu ; Gardía,
Asá abanná ) ; c. Gaassó (Arkfartó, As-Mmintó, limmí, Asamma-
ditté) ; d. Asâaw (Boddá-m Msá, Asawtó).
3. « Datá » Ellâma (« Datá ásan » pour Odirizzi).
II. Distinguant les lignages régnants, une classification territoriale donne :
1. Dammohoytá de Bíɖu : a. Buríli (Aawtó, fraction des sultans ; Asalitté,
ummdí, Kulá, Almaliytá) ; b. Asabbákri (dont le nom *Asá Abbakári
s’oppose aux Databbákri : *Datá Abbakári adarmó) ; c. Aliytó ; d. Gardía.
2. Dammohoytá, chefs de Íddi (Addantó).
3. Dammohoytá de Bôri (1. Arkfartó. 2. As-Maammadó. 3. Gaás-sambó. 4.
As-Mmintó). Les trois premiers sont issus de la même mère, femme de
« Kaɖɖá » Ḥámad (voir ci-après p. 177).
Légendes. Deux récits rapportent la conquête du territoire Dankáli (v.) et
Dúlum (v.) par les Dammohoytá. Le premier met en scène un Yéménite,
Umar « Darnûgi », d’origine Zarnig, qui, après avoir épousé la fille du roi
Anklá, aurait été tué par son vizir. Celle-ci étant enceinte, l’enfant qui
naquit devint bandit d’honneur et vengea le meurtre de son père en tuant le
vizir qui était son grand-père maternel (v. Anklá, pour une légende

175
DAMMOHOYTÁ DE ‘ÍDDI

similaire). Le second récit raconte que le pays était habité « au début » par
les Dúlum, les Anklá et les Dankáli, chacun ayant son roi. Les
Dammohoytá s’emparèrent, en premier, de la région de Bíɖu. C’est de là
que partit, vers 1650 (compte tenu des générations), un certain Arkfár, fils
de As-Gaás, en quête de ses vaches qui s’étaient perdues. Il aboutit dans le
pays des Dúlum (vers Midír) où il récupéra son troupeau. On lui proposa
d’épouser une fille du roi. Celui-ci accepta qu’il épouse sa fille Ftumá,
contre l’avis des Dankáli et de la population Dúlum qui protestèrent contre
le fait que l’on puisse donner sa fille à un homme de passage. Le roi refusa
de revenir sur sa parole. Dankáli et Dúlum imposèrent à Arkfár de
constituer une dot qu’ils pensaient exorbitante : 40 génisses, 40 vaches
ayant un veau, 40 vaches adultes, 40 taureaux, un bracelet de biceps (g) et
un bâton d’argent. Arkfár paya et épousa la fille du roi des Dúlum, auquel
il succéda. Dans un troisième récit, non pas Arkfár seul, mais ses deux
frères avec lui (Gaás et As-Maámmad, v. Dammohoytá de Bôri), tous nés
de la même mère, entrèrent en pays Dúlum avec leurs vaches. Ils furent
capturés. Ils proposèrent au roi d’épouser sa fille. Ce dernier les renvoya à
la reine, sa femme, qui accepta. La fille fut mariée à Arkfár qui ensuite
hérita du trône. Les Dammohoytá reçurent le pays de Bôri à Tó, dont le
commandement passa aux Dammohoytá Arkfartó, devenu l’itró (v.) des
lignages issus de la même femme de « Kaɖɖá » ámmad (Arkfartó, As-
Maammadó, Gaás-sambó). Itró des femmes « anagurí ! ».
DAMMOHOYTÁ DE ‘ÍDDI

Généalogie des chefs de Íddi


Ellâma

Addán

Ali ámmadu ámad

Êdu

ámad

1. Êdu Elyá Slé


(« la princesse d’Amphilla »)
2. ámad

3. Ali 4. Mamûd (reconnu par les Italiens en 1885)

Mamûd 5. Êdu 6. Mamûd 7. Usmân

8. ámad 9. Mamûd Ádan


(1946-1950)
10. Êdu
(1935-1946, et après 1950)

Les chefs de Íddi (v.) portent le titre de šek et se rattachent à Addán, fils
de Ellâma, lui-même petit-fils de « Asá » Ellâma. L’interlocuteur de

176
DAMMOHOYTÁ DE BÔRI

Combes (v. Íddi), « Mahmoud Hassan, souverain maître de Edd »


n’apparaît pas dans cette généalogie, confirmant qu’il n’appartenait pas au
lignage régnant.
DAMMOHOYTÁ DE BÔRI
Généalogie des Dammohoytá de Bôri
Dates de naissance approx. Yûsuf

« Kitbá le » Úmar

[1300] « aɖal-Mâis »

[1450] « Sambollakóli »

Egramayfélli

Igmá Dubó

1505 [1480] « ré » ámmadu

1535 « Asá » Osmân

1565 « Asá » Ibrâhim

1595 « Asá » ámad

1625 « Asá » Yûsuf Boddá-m Msá

1655 « Asá » Áli

1685 « Asá » Gaás


(ancêtre de la fraction Gaassó)

1715 Arkfár « Asá » Mômin

1745 « Kaɖɖá » ámad Arbás

1775 Arkfár As-Maámmad Gaás « Unɖá » ámad

1805 Nkúda « Klá- » !ámad Ali-Gibaytó Arbás

1835 As-Maámmad Otbân Nkúda « Datá » Áli


(co-signataire du Traité de Paris de 1862)

1865 Gaás Maámmad Ambís ámmadu Gafár


(chef en 1910)
Rašid šum Áli abib Maámmad
Fractions : Arkfartó As-Maammadó Gaás-sambó « Unɖá » amaddó As-Mmintó
[Les dates entre crochets rappellent celles déjà indiquées (cf. page 20). Les autres, plus
conjecturales, déduites des données disponibles, montrent toutefois une faible discordance :
vingt-cinq ans en 14 générations.]

Les Dammohoytá de Bôri se rattachent à un ancêtre arabe Abbâs, antérieur


à aɖal-Mâis, rejoignant indirectement (via Igmá Dubó) la lignée de

177
DANCALIA

« ré » ámmadu (v. Bíɖu). Les ascendants de « Kitbá le » Umár,


Umár le Lettré, sont ainsi : Yûsuf b. Isâq b. Yaqûb b. Šâmi b. Abbâs.
Les discordances décelables par rapport à la généalogie précédemment
donnée semblent indiquer une expansion de la branche de Bôri antérieure et
indépendante de celle de Bíɖu. Elle commence au XVIIIe siècle, le long de
la côte, aux dépens des Anklá (v.). Elle est achevée au milieu du siècle
suivant. Les Arkfartó occupent la côte d’Ingál ; les Gaás-sambó sont
établis à arná ; les As-Maammadó, vers Ftumá- Ári (v.).
L’importance politique prise par les Dammohoytá explique que Otbân b.
« Klá-ḥ » ámad figure comme co-signataire du Traité de Paris de 1862
(v.) qui concernait d’abord les Afars de la côte sud. Histoire. Sous ce
« Kūlá- » ámad, le père de Otbân, soit dans le premier tiers du XIXe
siècle, les As-Maammadó régnant sur Bôri ont prétendu contrôler la côte
jusqu’à Íddi (v.). Borróyta, puits près de la côte, au sud-est de Tó, a
constitué la limite sud du sultanat Dammohoytá de Bôri. Tous les adarmó
(v.) sous l’autorité des Dammohoytá dépendent du sultan de Bíɖu ou du
chef de Íddi. « Kūlá- » ámad a revendiqué Mánda, en pays Dhí-m
mlá, riche en palmiers. Il lui fut répondu :
Mánda Bôri môbay Puisse Bôri ne pas descendre à Mánda !
Brí Mánda má yaway Puisse Mánda ne pas monter à Bôri !
Sous le fils de Otbân, Maámmad, dès le début de la colonisation italienne,
les fractions Arkfartó, As-Maammadó, Gaás-sambó et As-Mmintó,
ont été séparées. Après l’exécution du sultan de Bíɖu (v.), la fraction
Arkfartó et son chef, Gaás b. As-Maámmad b. Nkúda (décédé en
1934), ont été placés à la tête de Tó et de la Dancalia settentrionale par
les Italiens. Né à Bôri en 1865, il a assisté au mariage d’Umberto de Savoie
(1929).
S : D.M. / Abduramân b. Osmân b. Slé qui confirme Chedeville / Ámad b. Ardáytu ;
Ali b. Úmar b. ámad ; Ali b. ámad b. Sâli ; Ali b. Maámmad b. Ali ; Ali b.
Maámmad b. ámad ; Ali b. Maámmad b. Lló ; Úmar b. Sad b. Maámmad ; Idrs b.
ámad b. utbân ; Maámmad b. Arbás b. ámad ; Maámmad b. Ali b. Abrhinlé ; Tha
b. ábib b. Gaás. L : Odorizzi (1911 : 222-28) ; Puglisi (1952 : 7, 136).

DANCALIA
Nom géographique donné au pays afar en italien. Dancalia settentrionale a
été appliqué à la partie de la colonie d’Erythrée habitée par les Afars.
Dancalia settentrionale esterna a désigné la zone côtière, tandis que la
région montagneuse parallèle à la côte, dont Arratá (v.), a été appelée
Dancalia settentrionale interna. La Dancalia centrale e meridionale
correspondait à l’ensemble des régions encore mal connues en territoire
éthiopien. Les premières indications toponymiques italiennes sont dues au
voyageur et industriel Tullio Pastori (né à Padoue en 1885), découvreur du
gisement de potasse de Ðálol (v. Amolé). Après 70 jours d’expédition et 22
excursions, de fin 1919 à 1920, le long de la côte et jusqu’au lac Giulietti,
Vinassa de Regny publie en 1923 une des premières descriptions
géologiques détaillée de la Dancalia. Il constatera « à Colulli la faillite
douloureuse de l’entreprise minière de Dalol ». Enrichissant notablement la

178
DANKÁLI

toponymie, il distingue quatre régions : 1. celle, méridionale, jusqu’à Íddi,


faite de coulées anciennes au sud de Barraasôli et zone d’éruptions
récentes (Dúbbi, 1861) ; 2. une région sédimentaire, au nord de Íddi ; 3.
une plaine caillouteuse et sableuse comprenant quelques reliefs isolés, au
nord de la ligne Tó-Kullúlli ; 4. la plaine du Sel, au centre. Avant 1936, la
Dancalia de la Colonia Eritrea était partagée en deux commissariats, celui
de Massawa, avec compétence sur le littoral jusqu’à Zula (Zolá), et celui de
Assab, à partir de Iɖfálu (v.), et parallèlement à la côte, sur une profondeur
d’env. 60 km, du débouché de l’oued Rgáli (v. Baddá), vers le sud-est.
Dépendant d’Assab, le commissaire adjoint de Thio (Tó) administrait la
zone allant de Bôri à rs Busedda (Buseddá), immédiatement au nord de
Íddi. La région comprise entre Zula et Iɖfálu et le pays saho en amont
dépendaient du commissariat de Addi Qäyyə. Pendant l’occupation
italienne de l’Ethiopie (loi du 1er juin 1936 organisant l’Africa Orientale
Italiana), à l’intérieur de l’Impero d’Etiopia, la région correspondant au
pays afar d’Ethiopie prend le nom de Dancalia interna avec pour chef-lieu
Sardó, sur la route Assab-Addis Ababa, voie de pénétration en Ethiopie. En
1938, le Commissariato di Governo Dancalia e Aussa regroupe les
anciennes circonscriptions de la Dancalia méridionale, septentrionale et la
vice-résidence de Sifani. Après la défaite italienne, sous l’administration
militaire britannique (1942-52), la « Red Sea Division » inclut la plaine du
Samhar (à peuplement tɘgré et sāhó), séparée de la Dancalia sous
administration italienne. Le découpage administratif de l’époque coloniale
(d’Iɖfálu à la plaine du Sel) a été rétabli pendant la période de la
fédération avec l’Ethiopie (1952-62). Après l’annexion, la côte de
l’Erythrée, devenue la quatorzième province de l’Empire, a été partagée en
deux districts (awraa) de Massawa et d’Assab (Asäb). En 1987, celui-ci
a été rattaché au Wällo pour former la nouvelle région d’Assab. Dans
l’Erythrée indépendante (1993), le district Dänkäl (voir en saho Dankál
« les Afars ») englobe l’ensemble de la côte afare. Recensement. En 1931,
sur un total de 596 013 habitants de la Colonia Eritrea, la population de
langue afare et saho représente un peu moins de 10% de ce total : 22 172
Afars ; 37 285 Sahos. Le nord de la Dancalia (15 212 Afars, dont un tiers
de Dhí-m mlá) est deux fois plus peuplé que le sud (6 960 Afars). Le
recensement permet de calculer la densité approximative de la population
côtière (env. 2 habitants au km2) et de relativiser les évaluations publiées
par l’Erythrée indépendante et reprises sans précaution. Compte tenu de la
croissance des agglomérations, de la présence massive d’allogènes (dès
1931, Assab ne comptait que 1 080 Afars), des déplacements de population
pendant le conflit éthio-érythréen, on peut difficilement croire que les Afars
en Erythrée soient 445 000 « au début des années 2000 » (site Wikipedia).
S : Agostini (1936) ; Guida (329-331) ; Odorizzi (1911) ; Vinassa de Regny (1924). L : EA,
II : 89 ; Lupi (2009 : 959-968) ; Wikipedia (décembre 2012).

DANKÁLI
1. Nom de tribu. 2. Nom de royaume.
Dankáli, sous la forme Deuchali, figure, pour la première fois, sur la carte
de Fra Mauro (1460). Ecrit Dangali, sur celle de Mercator (1569), le nom
179
DANKÁLI

renvoie à une entité territoriale (le « Reino de Dancali » des sources


portugaises), tandis que la mention de « Dankal » (Ibn Sad, fin du XIIIe
siècle), indépendamment d’une confusion possible avec Anklá (v.),
désigne une tribu. 1. Tribu. Dankáli, comme nom de tribu, désigne celle de
l’arrière-pays d’Assab, traditionnellement en relation avec les Arabes qui
créeront le pluriel Dankil, à partir du nom afar singulier (et collectif)
masc. Dankáli ; fém. Dankalá. Le territoire des Dankáli allait, avant
l’expansion des Dammohoytá, de Íddi à Bôri, avec un noyau à Baylûl. Les
Anklá occupaient cette péninsule et la zone au sud des Dankáli, de Íddi à
Raaytó. Les Dúlum étaient disséminés parmi les Dankáli, entre Sroytá et
la montagne de Gulúb, au nord de Midír. La tribu compte quatre fractions :
1. Dawuddó, à Midír, Sarabbáy, Bôri, Baylûl. Le chef de Midír-Sarabbáy
est traditionnellement considéré comme le chef de ceux de la côte ; 2.
Umartó, clan aîné dont les derniers représentants sont à +lá (Dankalí-k
Mangaftó) ; 3. Fdiltó, lignage des sultans de Baylûl (v.), dépossédé par les
Nassâr (v.). 4. Sumiltó (partis au Soudan, à Kassala). 2. Royaume. Ce
que l’on peut reconstituer de l’histoire du royaume Dankáli montre un lien
de vassalité jamais démenti avec l’Ethiopie. A la différence des Adáli, les
Dankáli n’ont pas possédé de tambours (v. Dinkrá). La première mention
de ce royaume se trouve dans la chronique de Bäədä Maryam (1468-1478)
qui énumère les tributaires de l’Ethiopie. Preuve de sa soumission, le roi de
Dankáli refuse d’abriter des Dbaá (v.) entrés en rébellion contre le nəgus.
Ce royaume, né du retrait des Anklá, a pour limites Bôri, au nord (Alvares
indique qu’en 1520 Arkiko est aux mains du bar nagš, le gouverneur de
la province maritime, représentant du roi d’Ethiopie, v. Afra) ; au sud, une
ligne théorique, perpendiculaire, du cap Darmá (Tarma) vers l’intérieur. Sa
capitale est Baylûl (v.). Dans la seconde moitié du XVIe siècle, un nouveau
pouvoir afar apparaît au sud, à Midír, en relation avec la prise de Massawa
par les Turcs, en 1557. L’intérieur du pays est maintenant sous la pression
des Dammohoytá (v.) et des Dhí-m mlá (v.). La chronique de Susənyos
(1607-1632) semble faire écho à ces bouleversements quand elle rapporte
qu’un certain Kâmil, roi de Dankáli, défait par son neveu Šeém, s’est
présenté à la cour du nəgus, en demandant sa protection. Ce Kâmil semble
être le père de Šeém b. Kâmil al-Dankali, le « maître de Baylûl », qui
reçoit, en 1647, l’envoyé de l’imam du Yémen au nəgus Fasilidäs. La
poussée des Dammohoytá, des Dúlum, des Abná, se poursuit, cantonnant
le pouvoir des Dankáli Fdiltó à Baylûl. Au XIXe siècle, les Dankáli ne
sont pas partie prenante des accords passés avec les puissances
européennes. Ce sont les Anklá, lors de l’acquisition d’Assab (v.) par
l’Italie (1869), les Dammohoytá (v.) et les Adáli, co-signataires du Traité
de Paris (1862) qui sont les interlocuteurs reconnus. Avec la mainmise des
Mdaytó sur l’Áwsa (v.), ceux-ci, en revendiquant le contrôle de Baylûl,
vont soutenir les Nassâr qui supplanteront les Dankáli Fdiltó, pour être
eux-mêmes remplacés par les Afará. Capucci et Cicognani (1885) font état
de la détention en Áwsa du sultan de Baylûl, trop favorable aux Egyptiens.
S : Chedeville / Saad b. Mamûd b. Msa ; Capucci & Cicognagi (1885) ; Perruchon
(1893) ; Peiser (1894-98) ; Pereira (1892-1900) ; Zacchi (1935) ; D.M. (1998).

180
DARDŌRÁ

DARDÁR
Titre des sultans Adáli de Tadjoura (v.) et des chefs Anklá (v.). Sous la
forme d’un pluriel, titre des imams de l’Áwsa (dardrá, v.) et des ras
Harálla (dardortí, v.). Emprunt au persan sardr « qui tient la tête, chef »,
via sans doute une forme arabo-persane zirzr, le passage /z/ > /d/ étant
régulier en afar. La réalisation [z] peut avoir été influencée par zarzr
« d’un esprit vif et pénétrant », et zirzr par zer-dr « riche, fortuné ». La
vocalisation [a] paraît d’origine et en opposition avec une étymologie
populaire sirr-dr « maître du secret ». T.W. Haig (EI, 1934) mentionne
une lettre d’un prince yéménite (1581) où sardr est employé avec le sens
de « chef de troupes », confirmant dardár (zirzr < sardr), titre du sultan
de Tadjoura, comme un terme militaire, validant implicitement la tradition
de l’élimination des Songó par les sultans de Tadjoura. D’Abbadie (1890 :
23) emploie dardár à propos du chef des Lakiná d’Ifisó de Têru (v.) ; le
titre est donné au chef des ertó (v.), dans son Journal de voyage.
S : Belot (1928 : 1015) ; Chedeville (1966) ; EI. (1934, IV : 168) ; D.M. (1998 : 55 ; 1999 :
20) ; Savard ; Tubiana (1959 : 315).

DARDŌRÁ
Pluriel de dardár (v.). Var. Dardrí. Chefferie de la Kaló composée des
descendants de la famille des imams arabes ayant remplacé, à partir de
1600, celle apparentée à Amed b. Ibrhm « Grañ », descendue du Harar,
en 1577, et d’origine Baláw (v.). Les Dardrá seraient venus du Yémen
avec les Sarfá (v.), les premiers nommés étant les chefs, et les seconds
chargés de la prière. Endogames, Dardrá et Sarfá forment un seul groupe
politique dont le chef était celui des Dardrá. La généalogie permet de
reconnaître deux phases principales dans la détention de l’imamat. La
branche issue de gard ,sa dispose d’un pouvoir réel de 1628 à 1750, date
de la mort de l’imam Salmân, tué par les Harálla (v.) dans l’incendie de sa
résidence à Walé Fánta (v. Áwsa). Après lui, ses trois fils : imâm Ali,
l’aîné, Maámmad, le cadet, et Maámmad, le benjamin et homonyme,
forment respectivement les fractions Imm-Aliytó, Datá Buɖá et Aditté
(fraction des chefs). Après la mort de l’imam Salmân, les Aditté ne
détiendront plus qu’un pouvoir honorifique. Ils sont contestés par le
« sultan » Harálla Maammad « Ds », dont le titre de ras (vers 1750-
1760), qu’il est le premier à porter, signale la prépondérance. En 1966, le
chef des Aditté qui a succédé à son frère Maámmad est Mansûr b.
Waggên (mort en 1956) b. Ali, b. Mayyabhé b. Adan (« Innró », selon
HHL) b. Maámmad b. imâm Salmân b. imâm Adan (qui aurait vécu 100
ans) b. imâm ásan b. imâm Musin b. imâm (ou garâd) ,sa. La
chronologie établit :
1. Maámmad b. ,sa (1628-1636). Celui-ci qui porte le titre de gard
comme son père est proclamé imm à Zeyla, le jour du ,d al-Fi.r, 4 juin
1628. Il gagne ensuite l’Áwsa.
2. Ádan b. ,sa (163631648). L’intronisation pourrait avoir eu lieu en
1633 si, selon une autre tradition, son père n’a régné que 5 ans.
3. Ibrhm b. ,sa (164831656).
4. Salmân b. Maámmad b. ,sa (1656-1666).

181
DARDORTÍ

5. Abdurramân b. Ádan b. ,sa (1666-1672 / 73).


6. Umar-Dn b. Adan b. ,sa (1672 / 73-1719 ?).
7. Ádan b. Ibrhm b. ,sa (mort en 1719).
8. (?) Ibrhm b. Ádan (fils du précédent, régnait encore en 17271).
9. Salmân b. Adan b. ásan. Il est tué par les Harálla dans sa résidence de
Handág, aujourd’hui Walé Fánta. Salmân est réputé être le dernier
imam « arabe » (mort en 1750).
10. Ali b. Salmân (fils du précédent, non mentionné dans la chronique).
11. Adan b. Salmân, frère du précédent, régnait en 1763).
12. Maámmad b. Salmân (démissionné en 1777). Il semble être le dernier
imam désigné. La succession est ensuite confuse, conséquence de la
lutte d’influence menée par la fraction Drussó, descendante du premier
ras Harálla (v.), Maammad « Ds ».
Ordre de succession des imams Dard#rá d’Áwsa
(entre parenthèses les dates de décès)
garâd ,sa

1. Maámmad (1636) 2. Ádan (1648) 3. Ibrhm (1656) Musín

4. Salmân (1666) 5. Abdurramân (1672-73) 6. Úmar-Dn 7. Ádan (1719) ásan

8 (?) Ibrhm Ádan

9. Salmân (1750)

10. Áli 11. Ádan 12. Maámmad

Ádan

Mayyabhé

Áli
S: HHL (Naw.) ; Chedeville / Mansûr b. Waggên.

DARDORTÍ
Lignage des ras Harálla (v.). Les Dardortí ne doivent pas être confondus
avec les Dardrá (v.) d’origine arabe, auxquels ils se sont substitués après
la mort de l’imm Salmân en 1750.
DARMÁ
Ou Darmalé. Lieu de la défaite des sédentaires de l’Áwsa (v.), face aux
Mdaytó, le jeudi 5 RamaBn 1249 (16 janvier 1834). Darmá est situé au
sud-ouest de l’Áwsa, dans le pays appelé Albá, au sud-est d’Aysaíta
(voir carte n° 5). Depuis, on dit : « Yá Rabbow, Darmá nel má gasin ! « Ô
Dieu ! Ne nous fais plus revivre Darmá ! »
S : La Chronique de l’Awsa (voir p. 411, parag. 35) mentionne incidemment cette bataille
décisive ; HHL (Naw.) ; HL (in D.M., 1997 : 15).

1. Cf. page 395 et « Chronique de l’Awsa », p. 407, parag. 1.

182
DAWWÉ

DÁSI
Admin. Dasé. Egalement dans la littérature, Desseh, Dessi, Dessei, Dissei,
Disse(h). Ile montagneuse du Golfe de Zula. Confondue avec la pointe nord
de Bôri appelée « Pointe d’Acier » (c. 1800), Steel Point sur la carte de
Heather (oct. 1799). Des mares à fond argileux conservent l’eau de pluie
plusieurs mois. Les Adó L (qu’Odorizzi dit d’origine Saho) sont les
propriétaires du sol, avec les Sek-Adantó, sous commandement nominal
Anklá. Dási est sans lien avec l’éthio-sémitique däse « île ». Souvent
expliqué comme une variante de ds « cabane, hutte », il faut plutôt le
rapprocher de l’afar dasiytá qui désigne un bouquet isolé de palétuviers. Le
mot explique le nom de deux îles du « cercle de la mer de Bôri » : Rkíb
Dási « la mangrove des chameaux » (lesquels se nourrissent des feuilles de
palétuviers, v. ayyú) ; Egrá Dási « mangrove pauvre ».
S : Dépot général de la Marine, catalogue des cartes, Mer Rouge, portefeuille 211 (carte
102) ; Odorizzi (1911). L : D.M. (2012).

DATÁ BUÐÁ
Le terme Datá Buɖá, « maison noire » est récurrent et s’applique à de
nombreuses fractions (Badoytá-m mlá, Umartó, Ablé, Dammohoytá,
Dardrá, etc.). Le qualificatif « noir » est laudatif avec le sens d’important.
Il désigne la principale fraction Adohyammára des Adáli du Songó-g
Godá ayant un wanó (v.) à Miyóy. Ils en louent une partie aux Darkayní
Adáli. Ils louent au sultan Kontóyli, Malgá, Waybuɖká, Gaarré. Les Datá
Buɖá descendent par angallé de Ulêl Abûsa Arbâhim (v. Adâal). La
fraction soeur Asá Buɖá a disparu ou s’est fondue aux Ablisá et aux
Ulutó. « Datá Buɖá » est aussi le surnom des Somalis du nord.
DATÁ GÚRA
Second fils de « Ðogorré » Úmar (v. Adâal), dont les descendants « Datá
Guríh sárra » (également Datá Gúra) ont formé le sultanat de Raaytó (v.).
DAWWÉ
Région et agglomération du piémont éthiopien, de peuplement surtout
oromo, entre l’oued Dawwé et Bté (v.) au nord. Dawwé a quatre
chefferies afares dont les tribus sont souvent d’origine Badoytá-m mlá :
1. Debêlli-k Ali-amaddó (Alī-amaddó ou « Kaɖɖá Buɖá »),
Debellí-sárra, Ibad-umaddó, Dró- amaddó) ;
2. Dorá-Ageddó (Grá-b buɖá, Aydamāní, Ballaiytá, Ramré-s sárra,
Mānát) ;
3. Aytúr (aɖá-m mlá, Abá-m mlá, ummad-Guduntó, Kobortó,
Lāoytá) ;
4. Ddá-m mlá.
Toponymie. La toponymie afare reste importante. Tiní est la ligne de crête
séparant l’oued Dawwé, au nord, de Ebalé Daár (« l’oued à Acacia
spirocarpa »), au sud. Un cheikh des Badoytá-m mlá, « cheikh Adan b.
Maámmad », y aurait vécu dans un trou, là où est érigée la mosquée.
Korsá-Ádu est le plateau à la confluence des oueds Dawwé et Ebalé. On
trouve, en allant vers le nord, la montagne de Ganɖáwli ; l’oued Wtá,

183
DEBNÉ

affluent du Tallák (v. toponymie ancienne de l’Adal) ; le Géysu, affluent


du Wtá ; la montagne de Garfá, l’oued Gawwís, et Bté (v.). Tribus de
Dawwé : Brárta de Burkenná, Ageddó et Adan-sárra (Badoytá-m mlá).
DEBNÉ
1. Nom d’un des oueds du bassin supérieur de l’oued Sadáy, au nord de
Tadjoura, dans le massif du Dadár (v.). Le nom en relation avec debén
« barbe » insiste sur sa végétation fournie. 2. Nom d’une des tribus qui
l’ont habité avant de migrer vers le sud-ouest vers le Gbaád et, au-delà,
vers le piémont éthiopien, jusqu’à la confluence de l’Awash et du Kasam.
Le mont arká (arák) a donné son nom au lignage aîné arká-m mlá,
via celui de l’ancêtre ámad « arák », fils cadet d’Ulêl Abûsa Arbâhim
(v.). Distribution. La migration des Debné vers l’ouest n’est connue qu’à
travers celle des guerriers d’Ulêl Abûsa Arbâhim, « Arbâhim, cousin
(abûsa, v.) d’Úlel ». Il en a résulté une redistribution tribale englobant une
coalition connue sous le nom de Debné-k Wíma (v), désignant l’ensemble
des tribus Adohyammára qui, faute de pouvoir occuper l’Áwsa (v.), se sont
réparties au sud et à l’ouest de ce dernier, jusqu’au piémont éthiopien
(Dóka, Dawwé). Les Debné, en dehors de ceux du Gbaád et des tribus
Adorásu, comprennent juridiquement en Rép. de Djibouti, les lignages
Ayrolassó, Garaysá (Adáli-k Gallaḥaddó), Maanɖíyta, Basmá, Songó-g
Godá, Mafâ, représentés à l’intérieur de cet arc géographique. A la fin du
XIXe siècle, les Afars Debné, affaiblis par les guerres pour la prise de
contrôle de la vallée de l’Awash, ont dû progressivement abandonner la
partie orientale du Gbaád et le pays de Zeyla, laissant la place aux Issas,
dont certains clans étaient leurs bergers avant de devenir leurs concurrents.
Rochet d’Héricourt constate lors de son premier voyage (1841 : 79) qu’à
Arabdorá des Issas dont le territoire commence à trois lieux au sud (...)
« campent de compagnie avec les Danâkiles ». Harris, lors de son voyage
(1844 : 151) rencontre Looytá b. Arbâhim, « chef des Debné, et d’une
fraction issa ». Soleillet (1886 : 58) indique qu’un certain nombre d’Issas
forment la garde du sultan du Gbaád, úmmad b. Looytá. Il est accueilli
en territoire Debné et asbá, à Mullú, et conduit « au camp d’un chef Issa
soumis à Looytá » (op. cit. : 76). La première indication des relations
conflictuelles (v. Karmá) entre Debné et Issas remonte à 1866 (Naw.). Au
moment où les Mdaytó attaquent Tadjoura (v.), les Debné sont campés à
Gabtimá et au puits de Toqošši, le puits de Zeyla. Menés par úmmad b.
Ali (mort à Wá en 1877), ils prennent à revers et pillent les Issas à
ayyú, dans la plaine de Kaló. Lors de la cession faite à Lagarde de la côte
jusqu’à Zeyla (1884), la présence des Debné n’est plus que nominale. En
1894, la carte Chaurand indique un retrait sur l’axe rs ró-Dikhil. Il y a
simultanéité entre cette poussée venue du sud-est et celle des
Asahyammára (v.), qui a partagé les Debné en deux groupes, celui à la
confluence Kassam-Awash et celui en territoire djiboutien. Distribution (en
Ethiopie). 1. Rive gauche de l’Awash : Iɖiglé-k (ou Iliglé-k) Ayrolassó
(entre le fleuve, Bulgá, et le Ungá-b bad) ; úgub (entre Kabbanâwa et
Gayssán) ; Álga-k Fadîa ; Wandbá (avec les Gibdsó) ; Sidá buɖá de

184
DÊLA‘

Garbá. 2. Rive droite : Ammibaɖí buɖá ; Algeytá-b buɖá. V. arká-m


mlá, Looytá b. Arbâhim.
S : HHL (Naw.) ; HL (in D.M. : 1991 : 43-45) ; D.M. / Looytá b. ásan b. anfaɖé ; Slé
b. cheikh ásan. L : sur les Issas, clients des Debné, Harris (1844) ; Péri (1938) ; Rochet,
d’Héricourt (1841) ; Soleillet (1866).

DÊLA‘
Emprunt à la forme arabe Zayla, d’origine inconnue (le somali préfère la
forme Saylá). Al-Idrs (éd. Dozy & de Goeje : 30) écrit Zayla. La carte
dite « Miller », portulan de 1516 attribué à Pedro Reinel ou Lopo Homem,
indique Zella. Dlá correspond en afar à la zone côtière au sud du golfe de
Tadjoura, de Wá à Zayla. C’est le « pays de Zayla », dont l’extension à
l’est atteignait sans doute Siyyra dans l’actuel Somaliland. Au XVIe siècle
(voir le Futū al-abaša), la région de Sm désigne le pays s’étendant vers
le sud-ouest, en direction du Harar sous commandement Baláw (v.). Trois
systèmes toponymiques. Une partie de la toponymie ancienne de cette
région, maintenant de peuplement somali, conserve la trace d’une présence
afare jusqu’à la fin du XIXe siècle, tant dans la tradition orale des Debné
(v.) que dans les témoignages des voyageurs. Le comte Russel (1883) écrit
que « les populations danakils s’étendent jusqu’à Zeyla et vont commercer
à Berbera ». A cette double toponymie, s’ajoute celle en arabe, notamment
sur la côte. Parmi les noms de lieux : Sroytá (dérivé de sáru « plante
grimpante », par ex. Coccinia grandis), à l’ouest de Zeyla, désigne la partie
terminale de l’oued où se trouve le puits de Toqošši (sans doute du somali
doqoni « boueux, détrempé »). Sroytá est homonyme d’une localité sur la
côte érythréenne, au sud de Tó, et d’un petit oued en amont de Ðɖr
« pierre longue », immédiatement au sud-ouest de Loyada. La carte du
gouvernement de la C.F.S. (janvier 1940) indique Sáru entre les oueds
Barisley et Byya Aday. Les trois systèmes topographiques identifiés
répondent à trois fonctionnalités. Le premier concerne les amers vus du
large. Il emploie (voir le carte n° 4 « La côte de Djibouti à Būllar ») des
termes majoritairement arabes pour nommer les caps (rs), rias (r) et
autres récifs (šab). Ex. rās Toqoššan ; šab šayH Yaqūb. Saba-wanāg « bon
mouillage d’été » fait exception en combinant l’afar sabó « vent de
mousson » et le somali wang « bon ». Le second prend en compte la
ressource en eau et en pâturage2. Ex. Toqošši (déjà cité) ; wd 3 Silil «
oued ombragé (pourvu en arbres) » (Ar. ill, Afar sílal « ombre ») ; w.
Osoleh (af. ossolol « faire paître ») ; w. Durdur (so. « source »). Le
troisième décrit la côte telle qu’un piéton la voit en cheminant le long du
littoral. C’est ici la présence d’un arbre remarquable, d’une pierre, etc., que
retient la toponymie. Ex. Quɖaa Mandaó « murmure de l’acacia (au
vent) » (so. quɖa « Acacia sp. » ; af. mandaó, nom de lieu de anda
« faire du bruit ») ; Harrag3jid « route de la soif » (so. harrad) ;
Lān3ɖr « longue branche » ; Gobad (so. gob « jujubier ») ; Bale3Đaga

2
La mangrove en fait partie (v. Ḥayyú). A Zeyla, les palétuviers sont encore aujourd’hui
nommés en somali sous leurs noms afars kandalá et tákay (voir p. 112).
3. Au terme arabe, correspondent tog ou diḥ en somali du nord ; daár en afar.

185
DĒLA‘TÁ

« pierre de couleur » (af. balé « couleur » ; so. ɖagá « pierre ») ;


Bahun3Đre « longue faille » (af. bahúm « faille », so. ɖr « être loin » ou
af. ɖri « être long »). Relier la description de la côte aux repères qu’utilise
un piéton au cours de sa marche rend pertinente une étymologie afare pour
récuser l’interprétation aussi douteuse que vulgaire de so. Būllar, litt.
« paillotes (būllo) de m… (r) ». La zone, encore réputée pour son ambre
gris, permet l’explication bulūlá ra « excréments secs fragmentés » (af.
bulúl « tomber en morceaux, se déliter » : bulūláh tan alé une montagne
d’éboulis ») ; tels que se présentent les morceaux d’ambre provenant de
concrétions intestinales des cachalots, que l’on ramasse sur la grève. De
même, près de Djibouti, Doralé « aux mares temporaires (afar dóra) » ― et
non so. drale « pudenda foetida » !
S : Harris (1844 : 151) ; Russel (1883 : 193) ; Soleillet (1886 : 58). L : Morin (2012).

DĒLA‘TÁ
Terme désignant les Afars Debné du sud, encore présents aux abords de
Zeyla à la fin du XIXe siècle. Le dlátu est, à Tadjoura, le vent du Sud
(« vent de Zeyla »).
DĒLÉWĀNBAÐÁ
« La fille (baɖá) dont on ne peut se séparer (dlé wn) : l’Attirante ». Nom
de la fille de l’émir de Zeyla, MafN b. Maámmad, première femme et
épouse préférée de l’imam Amed b. Ibrhm « Grañ » (v.). Dans la
chronique arabe éditée par Basset, la graphie bara, avec un [r]
intervocalique, variante de baɖá, est conforme à la prononciation en Awsa.
Née Baláw (v.), son nom signale l’afarisation en cours des chefs de l’Adal,
qui se confirmera avec le départ pour l’Áwsa de la famille de l’imam, en
1577. Le sens de son nom afar révélé par Abdallah Mohamed Kamil (1975)
contredit l’interprétation convenue (Basset, 1897 : 51) de la forme
éthiopienne  dəl wämbärwa « la victoire (dəl) est son siège
(wämbärwa) ». Cette étymologie est, de fait, arbitraire, la fille de MafN
n’étant pas éthiopienne. La réalisation vibrée de l’implosive rétroflexe, à
l’intervocalique, [bará], est régulière en afar. La graphie actuelle :
dəl wänbära (cf. EA, I : 505) montre que l’étymologie donnée
par Basset n’est pas vivante, et valide une interprétation afare du nom.
S : Abdallah Mohamed Kamil (1975) ; Basset (1897 : 51).

DĒRÓ
1. Cri d’alerte, appel strident au secours, auquel on doit répondre. Celui qui
le pousse sans motif est puni. Tout le monde vient se nourrir chez lui. 2.
Groupe de poursuite répondant à une alerte (v. Aysaíyta). Le nammá
Adalí-k dró « groupe d’alerte des deux Adáli » comprend ceux du Godá
et les Debné, soit : 1. Debné (avant-garde) et Adorásu ; 2. Songó-g Godá ;
3. Kabbbá ; 4. Balawtá et Bollí buɖá. Le dró des Wíma regroupe : 1.
Ðarkáyna ; 2. Rukbá-k Ðermlá ; 3. Ablé ; 4. aysamlé. Le nom dró est
sans doute à rattacher à dráy, bâton d’environ 1, 50 m, assorti d’une tresse
bicolore, aux mains du chef d’expédition. « Attacher la tresse » (dráy
aɖúy) donnait le signal des hostilités.

186
DIKHIL

D'DÁM MLÁ
Généalogie. Tribu descendant de Úbab, fils ou petit-fils de Badoytá ; et,
dans une autre version, d’un enfant trouvé dans l’oued Ddá (région de
Ðalá). Ferry (1988) explique Ddá-m mlá par « tribu des faux-bourdons »
(dîda « abeilles mâles »). Parker (1985 : 84) traduit dîda par « taon » et
« bousier » (!). Comme pour Abá-m mlá (v.), le nom de tribu, même issu
d’un nom commun (abá « source »), perd cette valeur et n’est plus
analysable : les Abá-m mlá sont les « gens d’Abá », comme les Ddá-m
mlá sont les « gens de Ddá ». En outre, il y aurait lieu de rattacher
davantage Ddá à « rûche » (ddlé- ári litt. « maison des abeilles »).
Ddá-m mlá désignerait ainsi « la tribu des apiculteurs », indice d’une
spécialisation ancienne. Fractionnement. Se divisent en Asa Úbab
(Addallá, Ummundató-ɖ ɖayló) ; Data Úbab (Godalitté, runtó).
S : Chedeville / ámad b. Ali. L : Ferry (1988).

DIKHIL
1. L’implantation française (1928-1932). 2. L’occupation du anlé et la résistance
Ulutó (1933-1943). 3. Recensement (1943). 4. Chefs du poste de Dikhil (1928-43).
Agglomération située à 120 km environ, au sud-ouest de Djibouti et point
de rencontre entre Afars et Somalis Issas. Afar Dekél. Le nom a deux
étymologies possibles. Soit de dkáltu « vieille outre à eau » (sur des
étymologies identiques, v. Tadjoura, Baylûl, Midír) ; soit une forme issue
de dagá « partie supérieure », « en haut », dagá-l « vers l’amont »,
désignant un tronçon de l’oued qui traverse la ville. Administrativement
Dikkil, puis Dikhil (suivant la prononciation arabe [diHil]). L’étymologie
qui rattache Dikhil à nal illustre une tendance récente à rechercher une
origine arabe pour des toponymes qui sont strictement couchitiques et, dans
le cas présent, afars. L’insistance mise aussi sur la palmeraie de Dikhil —
dont le développement est lié au creusement du puits par les Français lors
de la création du poste en 1928 — a égaré Colette Dubois quand elle écrit
que le sultan Debné y avait sa résidence permanente et y percevait l’impôt
(v. p. 229). Les éléments de biographie connus des abbá Debné, leurs lieux
de sépulture, montrent qu’ils étaient itinérants. Tout comme les récits qui
mettent en scène le cheikh Mandaytu (v.), à l’origine de la source de la
palmeraie qui aurait jailli du sabot de son cheval, il s’agit là de fictions
récentes (postérieures à nos enquêtes des années 1973-1982).
1. L’implantation française (1928-1932). L’implantation française a été
entreprise en cherchant à faire coïncider les frontières de la colonie avec
celles des terrains de parcours des tribus Adohyammára (Debné, Adorásu),
repoussant d’autant les tribus Asahyammára (Ulutó et Gallá) dans la
mouvance du sultanat d’Áwsa. Il en a résulté une expansion des Debné (v.)
dans la partie occidentale de la plaine du Gbaád, contre les Gallá ; et des
Adorásu dans le nord du anlé contre les Ulutó (mais aussi une perte
d’influence des Debné qui tenaient en tutelle les Adorásu). Le poste
administratif de Dikhil est créé par arrêté du gouverneur Chapon-Baissac et
occupé le 25 mars 1928 par le commandant de la Garde indigène, Rossat
(voir infra). Le sultan d’Áwsa émet une protestation immédiate auprès du

187
DIKHIL

gouvernement éthiopien, lequel la relaie auprès de la France qui n’en tient


pas compte, préconisant des contacts directs entre la colonie et le sultan.
Dès septembre 1928, i Ali (v.), demi-frère du sultan Debné du
Gbaád, Looytá b. úmmad, incite les Debné à abandonner leurs lances
pour des fusils, apparemment sans l’accord du chef de poste de Dikhil
(source Coullet). Le projet de route Dikhil-Áwsa (mars 1929) est l’occasion
d’une seconde protestation du sultan. Fin août 1929, celui-ci apparaît plus
conciliant en envoyant en présent au gouverneur de la colonie deux
chevaux en lui demandant des mitrailleuses. Une entrevue a lieu avec le
chef du poste de Dikhil, Alphonse Lippmann (v.), à Ukkuysá, à 7 km au
sud-ouest d’Afambó (v.), le 15 février 1930, qui aboutit à un accord de
principe sur le libre passage des caravanes et le projet de route. Le 28 mars
1930, les Gallá sont attaqués à Obnó par les Debné. Le 19 avril 1930,
c’est le tour des Gambél, autres ressortissants du sultanat d’Áwsa, à risá.
Des caravanes venant d’Áwsa sont pillées. Une amende de 1000 fusils est
infligée aux Debné, qui ne les remettent qu’à la suite d’un accrochage à
Uɖúkya (12 mai 1930) avec la Garde indigène commandée par Alphonse
Lippmann. Après protestation du sultan d’Áwsa, i Ali et Looytá b.
úmmad sont convoqués à Djibouti, puis déportés à Madagascar (décision
556 du 30 août 1930). Ils quittent la C.F.S le 13 mai 1931. ásan-Dîmu,
Debné Arbhintó (v.), intermédiaire désigné entre le sultan d’Áwsa et
l’administration française, meurt dans des circonstances suspectes, à Gîfu,
le 4 juin 1930. Looytá b. úmmad décède à Fort-Dauphin, le 9 juillet
1932 ; i Ali, grâcié, rentre en avril 1937. A l’occasion du
remplacement de Lippmann, chef du poste de Dikhil, par Bodin le sultan
d’Áwsa envoie un message de bienvenue (19 septembre 1930). Les
incidents se poursuivent en 1931. Une caravane venant du Dôbi est assaillie
au lac Assal par des Songó-g Godá (2 février 1931). Une caravane Gallá
est attaquée à Gunguntá (3 février). Les Ulutó qui pillent plusieurs
caravanes dans le anlé (27 juillet, 24 octobre 1931) sont eux-mêmes
attaqués au eméd, par les Issas (14 novembre 1931). Ibrhim « Balâla »,
frère de ásan-Dîmu, s’emploie à une réconciliation avec le chef des
Ulutó-k Ská, Durúy b. Alóyta. Elle ne se concrétise pas. Le 1er janvier
1932, les Gallá, pour venger leurs morts de l’année précédente, attaquent
massivement à Sɖá, dans le Gbaád. Un détachement du peloton
méhariste seconde les Debné et a trois hommes tués. Les Gallá perdent
leur chef Ali b. ámmadu « asnáytu » et soixante-six hommes. Les
Debné ont vingt-quatre tués. Les Gallá évacuent le Gbaád.
2. L’occupation du !anlé et la résistance Ulutó (1933-1943).
L’occupation du anlé (v.) est alors entreprise. En février 1933, le peloton
méhariste commandé par l’adjudant-chef Brischoux et son adjoint, le
sergent Antonietti, pénètre pour la première fois dans le anlé et prend
contact avec les Ulutó. Les puits de « Tewao » (Twó) sont atteints le 11 ;
Ybóki, le 16. Le 18 février, le sultan d’Áwsa arrive à Twó avec une
force de trois à quatre mille guerriers. Le 19, son vizir Yayyó b. ámmadu
(v.) se présente au peloton, avec une lettre dans laquelle le sultan
revendique la propriété de Ybóki et somme les Français de se retirer. Il se

188
DIKHIL

replie, le 23 février, sans obtenir satisfaction. Le peloton abandonne la


place le 8 mars. Une seconde reconnaissance est entreprise en octobre 1934
par le lieutenant Mayer. Agná et Daggîru sont atteints le 27 octobre. Le
vizir du sultan d’Áwsa, se rendant à Djibouti, le 5 novembre, où il désire
changer 178 livres-or pour l’indemnisation d’un Afar de Tadjoura victime
d’un pillage en Áwsa, est molesté par un douanier. Après son retour à
Dikhil, puis en Áwsa, les Ulutó comblent le puits de Garbès (Garabbáyis),
en territoire Adorásu Umartó. Un échange de tirs (mi-décembre 1934) fait
trois victimes parmi les Ulutó quand le peloton méhariste reprend le
contrôle de la zone. Les relations entre les forces françaises et les Ulutó
resteront marquées par cet incident. Après la mort de l’administrateur
Bernard (v.), la circonscription est transformée en cercle militaire de
Dikkil-Gobad (arrêté du 18 mai 1935). Les travaux de la piste routière
Dikhil-anlé commencent en octobre 1935. Celle-ci atteint Garabbáyis, en
juillet 1936, alors que les Italiens occupent Fúrsi (v.) en Áwsa, après avoir
atteint Sardó, le 11 mars 1936. Un de leurs détachements nomadise sur le
plateau de Gamárri en septembre. En octobre, un message du chef des
Ulutó-k Ská, Durúy b. Alóyta, parvient au commandant de cercle de
Dikhil, avec une offre de paix. La Banda cammellata, le peloton méhariste
italien, fait une incursion à Twó (15-16 juin 1937). Les Français évacuent
Garabbáyis (1er octobre). De 1938 au début de 1940, les relations franco-
italiennes restent tendues. Un détachement italien, escorte de la mission
topographique Braca-Comolli, venant de Assab, s’installe à Twó, le 16
janvier 1938, suivi par la Banda cammellata, en juillet. La zone de Tewó et
Abá est désormais sous contrôle italien. Du côté français, le poste de
Daoudaouya (Dawdáwya) est créé en juin 1939. En novembre, une
entrevue a lieu à dôla entre le chef du poste de Dikhil, Ciccoli, le
capitaine Gory, chef du peloton méhariste, et le vizir du sultan de l’Áwsa,
Yayyó b. ámmadu. A partir de septembre 1940, une frontière provisoire
est tracée par la commission d’armistice. La rivalité franco-italienne cesse.
Le marché que constitue l’approvisionnement des troupes d’occupation
mobilise l’activité des tribus frontalières. Mais les griefs des Ulutó à
l’égard de l’occupation du anlé par la France et des empiètements de
pâturages des Adorásu, demeurent. Début 1941, une délégation Ulutó
porteuse d’une « déclaration de guerre à la France » se présente au poste de
Dikhil (témoignage d’Aloytá b. Durúy b. Aloytá, fils du chef de cette
délégation, confirmé par Chedeville). Les griefs sont exposés lors d’une
entrevue entre l’Italien Coletti et Parent, commandant du poste de Dikhil, à
Ad-lá, les 19 et 28 février 1941, en présence du vizir Yayyó. En
opposition avec le point de vue français, les tribus Adorásu Adohyammára
ne doivent pas dépasser Gorabous (Gurubbús), au nord-ouest de Dikhil.
Mais aucun accord n’est trouvé. Les accrochages reprennent dans le anlé
à la saison des pluies suivante (v. Karmá), tant avec les troupes italiennes
que françaises. Le 4 juillet, la colonne italienne Rangei est cernée par les
Asahyammára à Gîfu. Un autre accrochage a lieu à Ogág. Le 6 juillet, les
troupes italiennes quittent Daggîru pour se rendre aux Anglais. Les
méharistes français tentent d’occuper Tewó, le même jour, et se heurtent

189
DIKHIL

aux Ulutó. A Daggîru, le 9 juillet, six soldats de la Milice indigène sont


tués. Un accrochage, le 20 juillet, à Tewó, fait trois victimes chez les
Ulutó. Le vizir du sultan d’Awsa dépêche le naggadras Dúnna, karát abbá
« chef des commerçants d’Áwsa », pour une médiation entre Ulutó et
Adorásu soutenus par le poste de Dikhil (29 octobre 1941). Le blocus de
Djibouti entraîne la fermeture de la frontière et l’interruption de l’approvi-
sionnement en viande de la colonie où les besoins amènent l’administration
à procéder à des rafles. En date du 28 août 1943, le commandant de cercle
Chedeville (note n° 172) fait une rétrospective des événements, notamment
pour l’année 1942 qui voit une intensification des hostilités.
1942. Le blocus continue pendant toute l’année. Quelques caravanes Debné
peuvent se ravitailler en Aoussa, mais de façon très insuffisante.
19 janvier 1942. Rencontre du lieutenant Gory, commandant le secteur
nomade du Hanlé, avec Duruy [chef de Ulutó-k Ská] au Hanlé. Les
demandes de Duruy (retour au Hanlé, restitution de chamelles perdues,
sans compensation) sont repoussées.
3 février 1942. Razzia de troupeaux Oloto aventurés dans la plaine entre
Dawano et Ad Ela. (…) Malgré leur attitude hostile, les chefs de
l’Aoussa pensent pouvoir faire profiter leurs bœufs des pâturages du
Hanlé.
27 avril 1942. L’un des troupeaux de Dounna, fort de 91 bœufs, est saisi
dans le Hanlé avec ses deux gardiens dont un Oloto.
2 mars 1942. Un troupeau de 50 chamelles du sultan est saisi à son tour. Ces
deux troupeaux ne seront pas restitués. Les autres repartent vers le Kalo.
8 mars 1942. Le lieutenant Muller razzie à Soumé 30 bovins Oloto (…)
Après la série de razzias, le sultan envoie une nouvelle « irga »
(délégation pour la paix).
16 juin 1942. Le nagadras Dounna accompagné de quelques notables Debné
et d’une escorte Modaïto, arrive à Harrougo. Il est convié à venir à
Dikhil mais tergiverse, puis refuse (…). Il rassemble à Harrougo de
nombreux guerriers dont tous les Olotos, très excités. Sa présence
devient suspecte. Un ultimatum (venir ou repartir en Aoussa sur-le-
champ) lui est envoyé à Téoao [Tewó] dans la nuit du 28 au 29 juin. Il
renvoie une partie des guerriers mais ne bouge pas. Enfin, il accepte de
venir à Dikhil sur l’ordre du sultan. Mais il est trop tard. Il est invité à
quitter Harrougo le 30 avant l’aube. Il part vers midi. Le 1er juillet les
avions survolent la région sans rien voir et lâchent quelques bombes au
hasard. En représailles, Dounna fait massacrer par les Oloto, sans aucun
doute avec l’approbation du sultan, les caravanes Adorassou et Songo-
Goda à leur sortie d’Aoussa (…)
14 et 15 juillet 1942. Vingt-quatre de nos ressortissants sont massacrés entre
Mousseita et Hoflo Koma.
27 juillet 1942. Des lettres de Haji Ali et du sultan arrivent [au commandant
de cercle] à Dikhil : « Empêche tout acte de vengeance de la part des
tribus des victimes. »
29 juillet 1942. Dans la nuit du 28 au 29 juillet, 5 Oloto assassinent un
Adohyamara Ablé à Dahani Af (pentes du Yaguer sur le Hanlé).
4 août 1942. Dans la nuit du 3 au 4, accrochage à Meé Dora (près Agna)
entre Asahyamara et Adohyamara. Dix Oloto de tués contre deux
Adohyamara (…).

190
« DIMÍS »

La tension persiste durant l’automne avec une intensité moindre (pour les
six derniers mois de 1942, on dénombre ci-dessus 41 morts). Le poste
d’Afambó (v.) est créé en mars 1943.
3. Recensement (1943). Un document manuscrit, non daté, du cercle de
Dikhil, sans doute de 1943, intitulé « Population, dernier recensement
effectué par le cdt. Chedeville » [commandant du cercle du 23 mai 1941 au
31 août 1943] dénombre quelques-unes des tribus du cercle (les chiffres
incluent les femmes et les enfants) : Adohyammára : Adorasu (2755, dont
944 Mirgantó) ; Debné (1967, dont 728 Ḥarká-m mlá) ; Asahyammára :
Ðurbá (447) ; Uluto-k Ská (788). Dikhil compte 346 sédentaires (dont
192 Issas et 53 autres Somalis ; 54 Afars ; 37 Arabes). Ils sont 2 100 en
1976 (in Daublin, 2010) avec toujours une majorité de Somalis.
4. Chefs du poste de Dikhil (1928-1943). Comme à Tadjoura, le nombre
des titulaires (plus d’une dizaine en quinze ans) signale une grande
instabilité administrative. Avant la prise de fonction de Rossat (mars 1928),
le maréchal des logis de gendarmerie Lafrance a été en mission jusqu’en
juillet 1928 ; puis, Lippmann (11 janvier 1929). Celui-ci est relevé de ses
fonctions pour incompétence le 19 septembre 1930 et révoqué de
l’administration (29 avril 1931). Il est remplacé par Bodin (26 août 1930),
puis par Allarousse (10 avril 1931). Le 28 janvier 1931, un arrêté porte
réorganisation territoriale et crée les cercles de Djibouti, des Adaëls et de
Dikhil-Gobad. Les chefs de poste sont : Berger (12 juillet 1932) ; Bernard
(7 juillet 1934). Celui-ci meurt au combat le 18 janvier 1935. Lui succède,
Jourdain (21 janvier 1935) ; Berger (28 janvier 1935). Le 18 mai 1935, un
arrêté crée le cercle militaire de Dikhil-Gobad. Chefs de poste : le médecin-
capitaine Gauduchon (courant 1935) ; Billard (1er août 1935) ; Séguin (30
août 1935) ; Péri (10 avril 1936 et 12 juin 1936) ; Ciccoli (juillet 1938) ;
Parent (courant 1940) ; Chedeville (23 mai 1941-31 août 1943) ; Bonnefoy
(1er septembre 1943).
S : HHL (Naw.) ; HL (in D.M., 1991 : 43-45 ; 1997 : 130-133) ; Chedeville (comm. pers.) ;
Chronologie de nos rapports avec les Assahyamara et le sultan d’Aoussa (cercle de Dikhil,
note n° 172, 28 août 1943) ; Coulet (1943) ; D.M. / Aloytá b. Durúy ; Looytá b. ásan b.
anfaɖé ; Slé b. cheikh ásan ; Péri (1938). L : Braca & Comolli (1939) ; Lupi (2009,
pour l’ensemble de la période de l’occupation italienne).

« DIMÍS »
Nom dimís « homme craint et respecté ». Surnom de ámad b. Abdallah b.
ámad, Debné Looyttí, député djiboutien, co-créateur avec « Rdó » (v.)
de l’orthographe afare (Qafar katbé), en 1976. La constitution de ce tandem
avait pour principal objet de montrer le consensus transfrontalier sur
l’alphabet adopté. Ce consensus n’a pas été trouvé avec l’Erythrée qui,
après son indépendance en 1993, a repris la transcription du somali qui
avait été rejetée pour cette raison (cf. D.M. 2012 b : 44). Oaml ad-Dn
Abdulkdir « Rdó », directeur de l’ALSEC (Afar language Studies and
Enrichment Center), doit être considéré comme le principal artisan de la
modernisation de la langue. V. Afár (langue).
S : Dimis & Reedo (1976) ; D.M. (1997 : 217).

191
DINGÂḤI YAKÁMI

DINGÂḤI YAKÁMI
ou Dingâi Yakámi « mangeur de scarabées ». Chef légendaire Anklá (v.).
Son surnom inexpliqué pourrait faire référence à la consommation
d’insectes, dont les sauterelles, qui, quoique décriée, est attestée en cas de
disette, par exemple chez les habitants du Agmé.
DINKĀRÁ
Batterie de deux tambours (pl. dinkrrí), de forme sensiblement
hémisphérique, insigne de commandement des sultans Adáli (v. Dardár).
Ceux de Tadjoura sont les seuls à conserver la dinkrá (v. Raaytó). Le
nom dinkrá est à relier, soit à l’arabe n-q-r (naqqra, voir l’ancien
français nacaire), soit à l’éthio-sémitique nägarit « timbales royales ».
Nägarit gazeta désigne, en amharique, le Journal officiel. Le territoire du
sultan est dit dinkrá-b bɖó. Les tambours sont de taille différente, le plus
gros, d’environ 40 cm de diamètre, le plus petit, de 30 cm. Le premier se
place à droite, et est appelé « migdí tiyá », le second, plus petit, à gauche
« guraytó ». La peau (addáytu) est une peau d’un taureau à robe « rouge »,
tué lors de l’intronisation du nouveau sultan de Tadjoura (v.). Une seconde
peau enveloppe le fond de la caisse. C’est sous le règne de « Adállom »
Maámmad b. úmmad (1821-1859) que le cuivre aurait été introduit, au
lieu du bois, pour confectionner la caisse. Le centre du tambour porte une
tache de sang d’une douzaine de centimètres de diamètre, provenant d’un
bélier égorgé chaque année pour le ,d al-Kabr. La batterie est disposée
inclinée sur un support constitué d’un anneau en fibre de cocotier (kimbâr).
Les baguettes pour frapper sont dites dinkrá- ɖ. La dinkrá a été
utilisée tous les vendredis à onze heures, lors des grandes réjouissances.
Elle l’est, le jour de l’intronisation du nouveau sultan.
DĪR
Batterie de deux tambours, jadis en usage dans les mosquées KorPib et
Iská de Tadjoura. De même structure que la dinkrá (v.), ils mesurent env.
50 cm de hauteur, pour le plus grand, 25 cm, pour le petit. Le support est
appelé dr daffeyná. En afar du nord, l’homonyme dr désigne une grande
jarre, v. Midír.

Djibouti v. Gabûti
D*BAÁ
Tribu de l’Áwsa (v.), située à l’époque d’Alvares (XVIe siècle) à l’est du
lac Ašangi, sur le rebord de l’escarpement éthiopien. James Bruce les
signale dans le Samhar. Salt (1814 : 275) les mentionne en pays WaPerat
aux confins du Tigré. Le nom est resté au canton qu’habitent les Dbaá,
près d’Allasá-b bló, dans le Kaló. Dbaaytá est le nom d’un village sur le
cours terminal de l’Awash, en Áwsa. Il existe un oued Dbaá sur la piste
de Sardó au lac Giulietti (kilomètre 100), également au nord du massif du
Yangúdi, en Arratá (v.), prenant le nom d’Adhurtá en direction de la côte.
Des sources éthiopiennes (Trimingham, 1965 : 81) font référence à un chef
Dbaá dès le XIIIe siècle. La liste d’Alvares donne « Dobaa Seltn » parmi

192
DŌDÁ

les principautés qui composent la carte politique de l’Ethiopie du nord-est,


au XVIe siècle. La forme « Dobaa » confirme Dbaá comme plus ancienne
que Dowá, entendue aujourd’hui en Áwsa. D’après Alvares, le chef des
Dbaá était appelé Xuum Janamora, soit le šum (chef) de « žan Amor ».
Trimingham (op. cit. : 81) les considère, à juste titre, comme afars. A partir
d’une autre indication d’Alvares, qui précise que les habitants sont les
Janamori, écrit aussi Giannamori, on peut avancer une interprétation afare
du nom « žan Amor », soit : les gens (mára) de Sa Majesté (žan) ; au cas
sujet žan marí, parallèle au saho Minifiré, tribu qui se revendique de la
descendance (firé) du négus Minas. Les titres de šum ou nugús portés par
les Dammohoytá (v.) ou les Anklá (v.) sont le signe d’une allégeance
ancienne (v. nugús Bilal, l’informateur de Reinisch). Le šum des Dbaá
« de Sa Majesté » désignerait ainsi le représentant d’un groupe dépendant
de la couronne éthiopienne. Bruce rapporte que les Dbaá étaient en partie
chrétiens. En afar du nord, dbaáytu (coll. dbáay) désigne le foulard de
tête de la femme mariée (afar du sud musân).
S : HL (in D.M., 1991 : 42 ; 1997 : 11) ; Alvares (1961 : 191) ; Beccari (IV : 85, 133) ;
Beckingham & Huntingford (1954 : 10, 13 et suiv.) ; Bruce (1813, IV : 135, 204) ; Guida
(402) ; Trimingham (1965 : 81). L : Pankhurst (EA, II : 185).

DŌDÁ
Commandement territorial (bɖó) mixte formé de tribus originaires de
Dl, à une cinquantaine de kilomètres au nord-est du Msaálli, et qui se
sont constituées au moment des guerres pour le contrôle de l’Áwsa. Les
premiers venus dans la région de Waransó auraient été les aɖá-m mlá
(v.). Les Elleaddós (Asahyammára) et des Ská, venus de la région de Dl
avec les Kîu-k enkébba, s’installèrent avec eux à Gêga. Ils furent rejoints
par les Igá3mlá, les Badoytá-m mlá, les Tamít d’origine aɖá-m mlá
(v.). Tous ces éléments étaient en lutte avec les « Galla » (v.). Des alliances
furent conclues avec les Sakɖá (Adohyammára), venus de chez les
Kutublá, au lieu-dit Baɖuwlé « qui a des jeunes filles à marier ». Un
homme des Sakɖá, surnommé depuis Wagrís « faiseur de paix », devint le
premier chef du bɖó, sans doute au milieu du XIXe siècle. Il eut pour
successeurs, son fils Farasabbá, puis le frère de celui-ci, Buksá.
Apparemment, sous l’influence du sultan de l’Áwsa, Maámmad b.
anfaɖé (1862-1902), lui-même Asahyammára, le pouvoir passa aux
Elleaddós commandés par Gaddalóyta b. ámad b. Ali. A la mort de
celui-ci, le fils de Farasabbá, Mó, entra en conflit avec Kalóyta, petit-fils
de Gaddalóyta. Les Italiens, pendant leur occupation, reconnurent Kalóyta
pour chef. Son cousin Wré « Múkna » b. Wlisá b. Gaddalóyta lui
succéda. Après la mort, à Bté, de Mó, son fils, Suyúm, fut également
reconnu balabbát à l’époque impériale amenant à la formation d’un
commandement mixte, à la fois Asahyammára et Adohyammára. Les
hommes n’ont qu’un cri de guerre (itró) : « anâ Ddá ! », tandis que les
femmes Adohyammára disent : « Barí buɖá ! », et les Asahyammára :
« usên gurí ! », « usên la Gauche ! » ou « usên gúra!k radé marí ! »,
« descendants de usên la Gauche ! » (Sur cette référence à la gauche, v.
adarmó). Fractionnement. Asahyammára : 1. Elleaddós (dont Maá-s

193
DÓK‘A

sárra-Asabtó) : Igamlá, Bagadó ; 2. Sakɖá : aɖbisó-s sárra ; 3.


Karbúdda : Gáldod, Mdaytó ; 4. Oɖboɖɖá. Adohyammára : Ská
Badoytá-m mlá, Aydamní, Tamít, aɖá-m mlá, Garddá, Maanɖíyta.
DÓK‘A
1. Région située au pied de la montagne éthiopienne, notamment au sud de
Dawwé (v.), soit la zone en contrebas d’Ankobär. 2. Par extension,
l’ensemble du piémont de l’Ifat à Têru. Au Dóka, est opposé le Ló (de
lâu « petit plateau »), au nord de Tadjoura, jusqu’à l’oued Wimá. 3. En
poésie : « l’Ouest », quand le Ló est « l’Est » : Laaqoy qululuh rabta sin
camitta / Dokqay sari xarba le sin camitta « l’Est qui meurt de faim médit
de vous / L’Ouest en habits crasseux médit de vous. » Région montueuse,
Doka est à rapprocher de ɖokka « être bosselé ».
S : HL (in D.M., 1997 : 15).

DŌLÁT
Le nom emprunté à l’arabe dawla désigne, en afar, l’autorité centrale dont
les chefs locaux (rdántu dans le nord ; makâban, dans le sud, etc.)
reçoivent délégation et avec laquelle ils sont souvent confondus. Le terme
amóyta (v.), lui, désigne un pouvoir autocéphale. Le « dawla » est au sens
large l’Administration, « le Gouvernement », (essentiellement la police et
le fisc en Ethiopie). Au XIXe siècle, sur la côte, le dlát est représenté par
un gouverneur (mufiz) à Massawa, un « bāšá » à Zayla ; le premier,
dépendant de Souakin, le second, de Mokha (v. Ab Bakr « Pacha »). A
Bôri, comme en afar du sud, le nom dlát est féminin (masculin à Midír)
quand il désigne l’administration. Il est masculin à Bôri quand il désigne le
chef de l’administration, le gouverneur (cf. Reinisch, in D.M., 1999 : 202) :
w bɖól dlát yené « un gouverneur commandait le pays ».
DORTIMĒLÁ
Descendants d’un captif Anklá pris par « Gibdí » ámad lors de la
conquête. Représentés dans la chefferie Basmá.
DULMÁ
« Epidémie » (de l’arabe ulm « injustice » ?). Le mot tabouïsé désigne les
calamités meurtrières (peste, choléra, variole), les pluies tombant en
trombes. Le site du premier Tadjoura (v.), longtemps frappé d’interdit, est
réputé avoir été victime d’une peste, comme Handgá (v.). Le dérivé dúlmi
a le sens d’« injustice », d’« oppression ». Les chroniques (Gi, Naw.)
donnent des indications sur les épidémies frappant l’Áwsa et les zones
environnantes au XIXe siècle :
1820-26 : peste accompagnée de disette.
1828 : épidémie de variole.
1830 (juin) : peste apportée par des pèlerins revenus de La Mecque.
1887 (hiver) : année dite asbát gilál « l’hiver de la variole », dont meurt
le vizir de Tadjoura, Arbâim b. úmmad.
1892 (7 juillet) : épidémie de choléra. Mort du gouverneur par intérim,
Joseph Deloncle ; 14 juillet, mort du Dr Aubry, médecin de la Marine.

194
DULUM

L’épidémie venue de Harar prend fin le 10 août à Djibouti.


1918 (octobre-novembre / Muarram-Rafar 1337) : épidémie mortelle
importante en Awsa (Naw.), peut-être de grippe espagnole.
1938 : épidémie de peste dans le Gbaád et le Altá. Le sultan des Debné,
en meurt le 11 octobre 1938, à Afási.
DULUM
Dúlum ou Dulúm (l’accent initial serait étymologique s’il existe un lien
avec Dêlam, v. ci-après). Ils sont mentionnés pour la première fois par Salt
(1814) sous le nom Adoule et estimé à quelque 200 personnes à Íddi (v.).
Distribution. De Tó à Bôri, notamment sur le bord de la mer (Bári), près
de Ftumá- Ári (v.) ; à Dóka (v.), avec les Kádri (fraction ummmá),
appelés aussi Kubartá, pour être passés par la région de Kúbar (v.), à
Áysit ; et chez les Sahos ádo (où ils sont connus sous le nom de Boyá).
Groupes encore transhumants récemment. Les Dúlum sont Adohyammára
(v.). Itró : « ammadó ! ». Leur ancêtre « Dúllum » ámad est enterré à
Bardôli. Tribu sans afbêa (v.). Fractionnement. amaddó et Bidartó
(Bári), Amassá (à Bôri, Galálu). Les Boyá sont comptés avec les
Amássa ; les Bidartó sont représentés au Dóka (v.). Légende. Une
tradition fait venir les Dúlum de « Dêlam », Dailem, province de Gln, en
Perse (v. Fúrsi). Les sources arabes classiques indiquent que les Dailem
fournirent de nombreux mercenaires aux khalifes Abbassides, ce qui rend
possible la venue d’un de ces soldats de fortune en pays afar. Une autre
hypothèse serait le développement de cette tradition en liaison avec les
progrès de la confrérie Qdiriyya et de la dévotion à son saint Abdulqdir
Oln (1077-1166), né à Nf, dans le district de Gln. L’ancêtre des
Dúlum aurait trouvé à son arrivée à Bôri (v.) les Dankáli et les Anklá, en
place. Faisant souche dans le royaume Dankáli (v.), les Dúlum, plus
prospères, prirent le dessus au début du XVIIe siècle, de sorte que lorsque
les Dammohoytá (v.), au milieu du XVIIe siècle, commencèrent leur
poussée vers le nord, ils trouvèrent les Dankáli soumis au pouvoir du
« roi » des Dúlum, As-Arbâhim (fraction Amássa). Aussi connu sous le
nom de Osí Arbâhim, il serait le dernier roi des Dúlum. Un proverbe dit :
Dúlum dôruh linó, Dankáli bôruh linóh « les Dulúm, nous les avons pour le
cadeau ; les Dankáli, pour la ceinture », faisant ainsi allusion à une alliance
entre ces deux tribus, permettant aux Dankáli de redorer leur blason en
acceptant l’argent des Dúlum. Le proverbe utilise le terme saho dr (dor en
saho du nord) qui désigne le présent (en bétail) du père du marié après la
noce. L’emploi de br (v.) joue de l’ambiguïté en afar du mot qui, dans le
sud, désigne le bandeau blanc des chefs Adáli, mais aussi la bande d’étoffe
nouée à la taille de la mariée, symbole de virginité dans le nord. L’adage ci-
dessus se comprend comme une formule croisée en réplique. [Les Dankáli,
de dire] : « Les Dúlum, nous les avons eus pour l’argent »; [et les Dúlum,
de répondre] : « Les Dankáli, nous les avons eus pour l’honneur ». Une
tradition Adáli de Raaytó fait des Dúlum les prédécesseurs des Anklá à
Bôri, accréditant l’idée d’une présence perse antérieure.
S : Chedeville / Sariyá b. Saad b. Faɖná. D.M. / Ibrhm b. Isml (1999 : 20, 22, 97).
L : EI (1913, I : 919) ; Salt (1814).

195
DUMĒRÁ

DUMĒRÁ
Admin. Douméra (Doumeïra). Désigne l’île sur la frontière entre l’Erythrée
et la Rép. de Djibouti. Peut-être de la racine arabe d-m-r « ruiniforme ».
Gablá « la grotte » désigne la chaîne continentale et la pointe de l’île
confondues, vues du large. Aubert de la Rüe (1939 : 79-80) écrit :
Doumeïra (...) est le nom de la zone littorale où vient aboutir la frontière
franco-italienne, et celui de l’île située juste en face. Plusieurs collines, qui
de loin ne semblaient former qu’un seul chaînon, se confondant avec l’île
voisine, surgissent brusquement au milieu de la plaine côtière qui s’étend
presque sans interruption d’Obock à la baie d’Assab. (...) La colline de
Gabla, la plus orientale, éperon allongé s’avançant quelque peu dans la mer
Rouge, forme la limite avec l’Erythrée.
Un lien (et une confusion) sont possibles entre le da furna des cartes et
Meɖgablá ou Meɖgebɖá4, à 13 km au sud d’Assab (v.). TRACÉ
FRONTALIER. Prijac (2012 : 133) indique que Lagarde a décidé à l’automne
1890 de concrétiser la prise de possession française, notant la « difficulté à
trouver un emplacement pour la borne frontière à Dumrá » (ibid. : 135).
Cette disposition figure dans la déclaration du 10 janvier 1885 (ci-après, p.
360). La tradition orale indique que vers 1900 le drapeau tricolore aurait été
planté au puits de Gawwé- Ammurtá. Son autre nom d’Afɖrá semble
plutôt désigner un relief et pouvoir correspondre à la cote 61 sur la carte de
1899 ; à la cote 63 sur celle de l’IGN. La carte italienne (c. 1935) montre
l’emplacement du drapeau italien au nord du tracé partageant la presqu’île
(cote 60, carte de 1899), confirmant ainsi que « la frontière suit la crête du
Ras Dumeïra (…) indiqué par deux bornes-frontières, l’une construite sur
l’île et l’autre sur le cap » (IN, 1913 : 342). La question frontalière italo-
française, devenue érythréo-djiboutienne, demeure disputée (v. Ðer Elwá).
S : Carte de l’île et du cap Doumeïrah (juillet-août 1899) ; f. Doumêra (IGN, 1952-1967).
Carte de Ras Dumeira, levée par H. Renente, facsimile R. E. de Vila (1 : 5 000, c. 1935).

DÚNA
Ou Sek-Adantó. Tribu de la région de Dmó, au sud de la péninsule de Bôri
et à l’est de Iɖfálu, qui descendrait d’après Odorizzi d’un « sek Ádan »,
frère de Dlái, ancêtre supposé des Maanɖíyta (v.). Pollera dit que
l’ancêtre « Ibrahim Dùnna » est venu de udayda. Classés comme Ská
(v.), d’abord dépendants des Balossuwá (v.), ses descendants devenus
pasteurs dans la région de Dmó ont été rendus autonomes par les Italiens
en 1907. Les Dúna (fractions ummadddí et Duní As-Maámmad), sont
afbêa (v.) des Abná, autres Ská. Le premier fils de sek Ádan, sek
Hegém, a des descendants à Massawa, Embremi, Aylat. De son second
fils Abrâhim, dit « Dúnna », descendent la majorité des fractions des
régions de Dmó et Ðlé. Les Dúna se marient avec les Sahos ádo.
S : Pollera (1935 : 253) ; Odorizzi (1911 : 245-47) ; D.M (1999 : 21) / Ibrhm b. Isml.

4. De meɖgéb ɖ « la pierre (ɖ) au sang noir » (meɖgéb « sang impur » comme celui qui est
dans les tiques). Meɖ-gablá, interprété comme composé de gablá, nom qui a le sens de
« grotte » en afar, mais aussi en guèze, pourrait expliquer sa transposition en da furna
dans la cartographie européenne (comme azb serait à l’origine de Asab).

196
Ð1
ÐBUKKÁN
De ɖ búkka « pierre collée de terre », puits sur la côte nord du ubbat al-
arb. Lieu d’un combat en 1879 (v. p. 275).
ÐÁGAD
Terme topographique qui désigne un terrain salin, une terre salée (ar. dial.
seba). C’est aussi le nom véritable de la « Plaine du Sel », englobant Asalé
(où est la saline) et Ðálol : Ðágad asbó désigne le sel de As Alé. La plaine de
Baddá, alimentée par l’oued Rgáli, est la limite nord de la dépression de
Ðágad. Egalement : Warraysá ɖágad, saline « qui fait passer au loin », au sud
de Asab. Dbí ɖágad désigne la cuvette (passe) de Dôbi où se trouvent des
mares saumâtres. La cuvette porte en son centre le nom de Badaydá, lui-même
dérivé de báda « erreur » (fig.) « source natronée » (v. Baddá, Baylûl).
ÐÁLAK BALLÍS
Alternativement à ábuk abûsa « oncle maternel et neveux » (afar du nord ábuk
abussó : ábuk abussóh nan « nous sommes cousins »), le nom composé ɖálak
ballís « alliance de naissance » (ou ɖálay ballís), parfois ɖálak ballisénta,
désigne des tribus qui pratiquent une exogamie restreinte à une tribu avec
laquelle se font préférentiellement les alliances matrimoniales : Madnnî k
Maanɖiyta ɖálak ballísi « les Madnâni et les Maanɖíyta s’intermarient » ;
Certaines tribus forment des groupes solidaires jusque dans le nom, comme les
Rukbá-k Đermlá (v.). Dans le cas des Mdaytó, et notamment du lignage
Aydissó fournissant les sultans, l’intensité des liens matrimoniaux avec les
Damblá est esquissée ci-dessous sur trois générations.

[Damblá-k [Aydissó] [Damblá et Damblá-k ummad-sárra]


Mdaytó] Maámmad « Illálta » (sultan 1862-1902)

Umar Aydâis « Kaɖɖá » Ali-Mirá (1902) Dató x

wá anfaɖé Ukkubí ammádu Amaddîn x

Ali-Mirá (194475) Madīná Ftumá Amná Abdó Aydâis

Ftumá Aydâis anfaɖé Karêra

Dans ce schéma, les lignes en gras indiquent les mariages. Ex. celui de Ali-
Mirá avec Karêra, dont sont nés Aydâis, son premier fils, et Ftumá, sa fille
aînée. De celui avec Ftumá b. ámmadu b. Dató, dont sont issus Usmân,
Kadiddá et Ukkubí (voir p. 111). La multiplication de génération en génération
de ces unions endogamiques est à l’origine d’un nom composé comme
1
Implosive rétroflexe. Ecrite en minuscule ɖ (x en orthographe afare).
ÐARKÁYNA

Damblá-k Mdaytó « Damblá et Mdaytó », illustré ici par le mariage entre


wá b. Umár et anfaɖé, dont est issu le dernier sultan d’Awsa (sa sœur
Madīná étant d’un autre lit). Cette exogamie restreinte n’est pas exclusive
d’alliances plus lointaines, avec les tribus en concurrence pour les pâturages
d’Áwsa ou avec des lignages ayant quelque prestige. Ces alliances sont
esquissées ici où la tribu de chaque épouse est indiquée entre crochets.

Pratique du ɖáLA k báLLIS (exemple des Aydissó)


« Kaɖɖá » Aydâis

! [♀ Damblá] ! anfaɖé ! [♀ Lubak-Kubó] ! [♀ Alaló]

Aydâis, dit « Datá » Kaɖɖfó (1753-68) Aydis-báɖa Aydis-Róyyan


! [♀ Damblá]

Maámmad (1768-98)
! [1 : ♀ Damblá] ! [2 : ♀ Indigló ?]

« Asá » Aydâis (1798-1831, premier amóyta) « Unɖá » Aydâis


! [1 : ♀ Damblá] ! [2 : ♀ Indigló]

Maámmad (1831-32) anfaɖé (1832-61) Aló andó


! [1 : ♀ Intile &ek Áre] ! [2 : ♀ Damblá]

Maámmad « Illálta » (1862-1902) « Unɖá » Aló Aydâis


! [1 : ♀ Alaló] ! [2 : ♀ Damblá] ! [3 : ♀ Maanɖíyta]

« Kaɖɖá » Aydâis « Kaɖɖá » Ali-Mirá « Kaɖɖá » Kaɖɖfó anfaɖé Aló


! [♀ Damblá]

anfaɖé (d. 1920) ! [♀ Damblá]

Ali-Mirá (1922-amóyta 1945-75)


! [1 : ♀ Damblá-k ummad-sárra] ! [2 : ♀ Damblá-k Mōdaytó]

Aydâis anfaɖé

ÐARKÁYNA
Egalement Ðarkayní Adáli « Adáli de Ðarkáyna », près de Adáylu (parfois
Ðarkéyna). Le toponyme est dérivé de ɖárken « euphorbe géante » :
Ðarkéyna « lieu à euphorbe ». 1. Région et population ancienne de Heddén,
Aêl, Mayrádi (v.), à l’est de l’oued Debné (v.), territoires du sultan de
Tadjoura, donnés en wanó (v.) aux Debné arká-m mlá (v.). 2. Nom d’une
montagne au sud-est de Adáylu, déjà citée. Légende. Les Ðarkayní Adáli,
appelés aussi Gaddá, descendent d’un berger « Galla » (v.) et d’une femme
nommée Gadí. Initialement dans le pays de Sokotá, au sud de arká, ils
l’ont quitté pour la montagne de Ðarkáyna qu’ils ont en propriété (wanó).
S : Chedeville / Gabadó.

198
ÐÓÐOM

ÐENKELLÓ
Ou Ðankalló (carte IGN, 1 : 100 000, f. Tadjoura). Déformé en Dankaleelo
(« Dankalêlo » sur la carte générale « Djibouti » (1992, IGN, 1 : 200 000) ou
rapproché de Dankali (Fontrier, 2003 : 33), le nom désigne en fait : 1. Ce que
l’on aperçoit partiellement, en raison d’un champ visuel limité (fente, trou de
serrure) : ɖenkelloh tambull « on l’aperçoit en très petite part ». 2. Une petite
quantité de liquide (par dérision). 3. (Topo.) Point d’eau (au fond d’un trou),
sur la rive sud-ouest du ubbat al-arb.
ÐER ELWÁ
Puits immédiatement au sud de Mulúli dont la position géographique sur le
Bab el-Mandeb explique l’inclusion dans le projet d’échange de territoire entre
Laval et Mussolini en 1935. Ce projet non ratifié prévoyait de céder le
« triangle » Ðaɖɖató-Dumrá-Ðer Elwá à l’Italie contre une zone frontalière
de la Tunisie. L’inclusion de Ðer Elwá dans le territoire de la Colonia Eritrea
aurait donné à l’Italie un libre accès au Golfe d’Aden, conformément au droit
de la mer. Ce but est poursuivi par l’Erythrée indépendante. La carte officielle
Eritrea National Map (1 : 1 000 000, 1995), publiée avec l’aide de l’Institut de
géographie de l’Université de Berne, inclut Ðer Elwá dans le territoire
érythréen. A l’instar de la carte italienne de 1937, une ligne joignant « Dar-
Elwa » et « Deda’etu [Ðaɖɖató] » représente la frontière méridionale avec la
République de Djibouti, en violation du tracé international qui passe à Dumrá,
quelque 16 km au nord.
S : carte 1 : 1 000 000 (1937), de l’Africa Orientale Italiana (f. 8). L : EA, IV : 333-334.

ÐERMLÁ
Tribu du Billdí Godá (v.), dont le chef commande aux Rukbá, dans le sultanat
de Tadjoura, et aux mêmes Rukbá, dans la chefferie Ablé-k aysamlé de Erer
(v.), avec laquelle Lagarde signe en 1890 un traité (v.). Une tradition précise
que ce sont les Ðermlá qui ont appelé de Massawa les Baláw (v.) et les Bollí
buɖá (v.), pour venir défendre le sultanat de Tadjoura et combattre les Songó.
S : HL (in D.M., 1997 : 5).
« ÐOGORRÉ » ‘UMAR
Umar « le Velu (ɖogor-lé) ». Second fils de Gallâmir (v.) à qui le sultanat fut
donné aux dépens de son aîné, « Ayrolasé » ámmadu. Après la querelle qui
lui valut ce surnom de « Ayrolasé » (v. Ayrolassó), la concorde s’installa entre
les deux frères. Celle-ci suscita l’inquiétude du troisième, Ulêl Abûsa Arbâhim
(v.) qui guerroyait contre les « Gllá » (v.). « Ayrolasé » ámmadu se porta
au-devant de lui. Le partage des terres fut redéfini. « Ðogorré » Umar conserva
la côte, Ulêl Abûsa Arbâhim eut l’intérieur jusqu’à Maró-s Sublá (à côté de
Kusrá), dont arká dans le Dadár.
S : HL (in D.M., 1991 : 37) ; Albospeyre (1959) ; Péri (1938).

ÐÓÐOM
Egalement prononcé [rórom]. Plaine alluviale, d’env. 10 km de large, au pied
du massif de Ertá Alé (v.), à l’ouest. Les terrasses qui séparent Ðóɖom de la
montagne s’appellent Dáan. La plaine elle-même est également appelée

199
ÐURBÁ

badaydá (v. Ðágad), en raison de la présence de natron. Le côté Est (vers la


mer) est gúba « l’aval », tandis que l’Ouest montagneux est « l’amont », dagá.
ÐURBÁ
Tribu Asahyammára (v.) du nord de la plaine du anlé, centrée sur le puits de
Daggîru et les contreforts du Yagér, comprenant des Mdaytó (chefs de la
fraction Unɖá Alí sárra) et des Aɖkaltó (fractions Aytirá, Helaftó). Certains
pensent le nom formé sur ɖur abá « poseur de ventouses », indiquant une
spécialisation traditionnelle mais péjorée comme le peu vraisemblable kūr abá
« qui manient la forge ». A ces hypothèses, on préfèrera celle qui renvoie à
ɖró « secours donné à qui a perdu tous ses biens » (verbe ɖr). Les Ðurbá
seraient ainsi les « secourables » (ɖūr’abá). Ce surnom serait ainsi devenu le
nom de la tribu ou de son chef sans que l’on en connaisse l’époque. En 1940,
en raison de leur « soumission manifestée aux Italiens », alors que le puits de
Daggîru était occupé par la Banda Cammellata, le chef des Ðurbá est un des
seuls chefs Asahyammára à ne pas percevoir de solde de l’administration
française. Cette allocation mensuelle allait de 10 à 30 thalers pour les autres
notables. L’administration a eu ici une attitude variable selon les services
rendus, non sans contradictions en rétribuant (30 thalers) Durúy b. Alóyta, le
chef des Ulutó-k Ská, bien qu’il ait été un des acteurs principaux de la
résistance à la présence française (v. Dikhil), sans doute dans l’espoir de se le
rallier.
S : D.M. / Góyta b. M+sá b. ámad ; notes de service aux secteurs nomades (n° 35 du 19 février
1940 ; n° 38 du 23 février 1940).

200
E
BÓ
Le titre d’bó est celui du chef de fimá (v.) à Tadjoura. C’est aussi celui du
chef des Bayɖó (v.). Le mot est commun à plusieurs langues couchitiques
(voir en somali be « Seigneur » au sens religieux). En afar, ēbó, avec la valeur
non religieuse de « maître », double celle d’abbá « père », « chef (de tribu) » ;
par extension « sultan » chez les Debné. Ce nom pansémitique abbá semble
aussi à l’origine de l’oromo abb, titre des détenteurs des différentes fonctions
politiques et rituelles. La tribu afare Ebōbá est constituée des descendants
d’une femme Garaysá (v.), de fraction Seweddó, appelée Gumatí, qui mit au
monde un enfant appelé bó. Les Ebbá forment trois fractions dont les noms
sont dérivés de ceux des trois épouses du même bó : Gassá, Addá,
Mminní.
EDDERKALTÓ
Les Edderkaltó sont frères des Askakmáli, descendants de Amáysi (v.). Divisés
en deux fractions : Uɖ-Alitté et As-Alittó. Aux Uɖ-Alitté, se rattachent les
Wabíy. Ce groupe, outre ses terrains de Korróli, occupe une petite zone de
Ðalá, dans la région de Ðaɖɖató, propriété des Mdîma qui l’ont reçue du
sultan de Tadjoura. Fractions As-Alittó : Obbotó, Gaassó.
EGRALÂ
« Pauvres en vaches ». Tribu de Gemeɖɖá, Ewwáli, dans le Godá, fractionnée
en Asá Egralâ et Datá Egralâ. Les Egralâ sont antérieurs à aɖal-Mâis (v.) et
intégrés aux Kabbbá. A Agōroggúba, les Egralâ sont sur une terre du sultan de
Tadjoura auquel ils payaient un loyer annuel de 10 chèvres en 1943 (v.
Kabbbá). Légende. A l’époque d’Arbâhim « Gonná », quand les Debné
transhumaient du Mablá aux régions situées au-delà du lac Asál, une fille
Debné fut mariée à un Asá Egralâ qui vint habiter dans le pays de ses beaux-
parents. C’est de cette famille que descend la fraction principale des ásan-
Ballató. Les Asá Egralâ du Godá sont surnommés sé-ɖ ɖayló « enfants de
sé », sans raison connue. Ils ont des terres en propre et d’autres, louées au
sultan. Les Datá Egralâ descendent, eux, d’un groupe réfugié chez les Asá
Egralâ de la région de Asɖaɖɖaolé, à la suite du meurtre d’un Ablé. Ils
venaient de Gafállu et de Makartó, au nord de Adáylu. L’un d’eux, Ummá-m
Maámmad, épousa une femme des As-amád-Áli, des Ndó-asantó. Ils
eurent des jumeaux, ásan et usên. C’est d’eux que descendent les Datá
Egralâ actuels.
ELLÉ ÁMMADU
Chefferie du Makarrásu (Altmó) ayant des contribules parmi les Adorásu (v.)
du anlé comportant deux fractions : Lubaktó, d’origine Adáli, et Lolloktó. Le
nom serait une déformation de illí ámmadu « ámmadu des moutons »,
enfant trouvé dont le sobriquet fut déformé en ellé- ámmadu « ámmadu de
la région lombaire (ellé) », sans doute en liaison avec le rituel après la
naissance, dit, en afar du sud, fára ou farankó (Nord farggaó) « écartement
des jambes ». Le bébé, jusque-là porté dans les bras de sa mère, est mis, pour la
ERER

première fois, sur le dos de celle-ci. Auparavant, l’enfant, s’il s’agit d’un
garçon, sera placé sur les épaules d’un homme et, s’il s’agit d’une fille, sur la
hanche d’une femme de la famille. La référence à ce rituel pourrait conserver la
trace d’une adoption symbolique d’un membre désormais intégré dans le
lignage.
ERER
Localité sur le chemin de fer, à env. 9 km de Dire-Dawa, dont Borelli (1890 :
118) évalue la population à une cinquantaine de tentes. A la jonction des pistes
de Zeyla et Tadjoura, Erer est, à l’époque, un point neutre où Issas et Afars
asbá et Debné-k Wíma voisinent. De tribu asbá, le quatrième fils de
Abū Bakr « Pacha » (v.), Kâmil effendi s’y exilera avec son troupeau, sans
doute fin 1884 (voir le poème composé à cette occasion, in D.M., 1997 : 118-
119). Le nom Erer (admin.  Erär) doit être rattaché à l’afar erér, nom
d’action de rriy « charger une bête ». Les caravanes venant du pays issa
transféraient leurs charges sur des chameaux afars pour continuer leur route
vers Bali (Vigneras, 1897). L’autre forme amharique  Erär Gota
renvoie à l’oromo qota « cultiver ». Le nom composé fait ici référence à la
riche zone agricole alentour créée en 1923 (Guida : 420). En août 1902,
Moammed Tambakó, « sultan » de Erer-Gota, est défait par le däğğazmač
Wäldä addəq. Il meurt à Ankobär fin 1902.
L : EA, II : 353-354 (sur le développement contemporain de la ville).

Esclavage v. Nasínna

202
F
FADITTÉ
Tribu du Godá, rattachée aux Debné. Légende. Un Arabe venu d’Aden
commercer à Sgállu fut accueilli par les Mirgantó. Pour l’empêcher de
repartir, on usa d’un stratagème. Une jeune fille vint s’étendre près de lui
pendant la nuit. On cria au scandale (« ya faa ! »). Le commerçant dut
l’épouser et fit souche (source Péri). Un récit voisin rapporte qu’une jeune fille
du aramawt, Fima b. Badar, devenue enceinte, fut emportée par son frère
Amad, afin qu’elle ne soit pas tuée pour cette « honte ». Parvenus sur la côte,
vers Aɖɖâli, ils furent recueillis par Álga, des arká-m mlá (v.). D’elle,
descendent les Faditté Skká, dont ceux du Ðay, répartis en 4 sous-fractions
principales : 1. Bulllá. 2. Kmiltó. 3. Dgá-Farrá. 4. Gmmá. Itró : « Algí
! ». Du frère, descendent les autres Faditté, nombreux en Ethiopie (fractions
chez les Debné de l’Awash, chez les ugúb buɖá ; Algá-k Fadá ; Ammibaɖí
buɖa). Une néo-tradition (Mohamed Aden, 2006 : 74) associe non plus la
fondation de la tribu à un scandale sexuel mais à un changement de marque de
chameaux par un étranger accueilli dans la tribu. La description qui est faite de
cette marque, dite « kbbó », diffère du croquis qu’en a donné Albospeyre
(1959 : 107, 109), dont nous avons pu vérifier l’exactitude en 1973.
S : Péri (1938) ; HL (in D. M., 1991 : 127). L : Ferry (1988).

FDILTÓ
Lignage des chefs Dankáli de Baylûl (v.), héritiers des rois Dankáli, dépossédés
de leur commandement par les Aydissó (v.) au profit des Nassâr (v.).
Certains de ces Fdiltó se sont dispersés vers Barraasôli et ailleurs.
Lignage des chefs Dankáli de Baylûl

Fâdil

« áyyi » ámad

Fâdil Maámmad

Ôbakar Úmar

Sáad sé Kottiná

Áli Ôbakar ámad

Arbâhim Ali Maámmad

S : D.M. / Maámmad b. ámad b. Kottiná.

L’ancêtre du lignage, Fâdil (c. 1750), est le contemporain de Maámmad b.


« Datá » Kaɖɖfó. Le nom du père de Fâdil n’a pas été conservé, confirmant un
changement dynastique dont la chronique de Susɘnyos se fait l’écho au siècle
précédent (v. Baylûl). La succession de Fâdil n’est pas clairement établie, le
FADSĒ

seul fait certain étant l’emprisonnement du « sultan » Sáad b. Ôbakar, après


l’assassinat de l’explorateur Giulietti (v.), en 1881.
FADSĒ
Canton de l’Adal (v.), pillé par Amdä əyon, cité dans la coalition menée par
le cadi li (1333). Il semble situé entre Kubat et Qads. Fads est à
rapprocher de Farsis, au nord (carte ital. au 1 : 1 000 000).
L : Basset (1897 : 147) ; Carta dell’Africa Orientale Italiana, 1936, 1 : 100 000, f. 16.

FAÐEKBÉ
Mort vers 1867-1868, le poète saho Faɖekbé b. Maámmad illustre le lien
historique entre Sahos et Afars en étant réputé être le chorégraphe de la danse
des mariages (mará-d digír) dite llé également pratiquée chez les Afars. De
tribu Shó Ðasamó, certains de ses poèmes ont été conservés grâce à Reinisch
(1889). Ils n’ont pas fait depuis l’objet d’une collecte systématique. Le renom
dont il jouit n’a pas suffi à le faire reconnaître dans l’Erythrée indépendante,
sans doute parce qu’il n’a pas déclamé en tigrigna, ni même dans le dialecte
septentrional du saho, le seul à avoir un statut semi-officiel (c’est celui dans
lequel a été traduite la Constitution). Abdulkader Saleh (EA, II : 483) se fait
l’écho des critiques que suscite le poète, qu’il attribue à son caractère difficile
(« It is said that F’s behaviour was unpredictable and flexible. ») Les variantes
supposées de son nom et les divergences quant à son origine lignagière
achèvent de brouiller la trace du poète. Abdulkader Saleh (ibid.) écrit :
F. (Faɽakbé, Flakbé, Farhakbé) known also as Ðasamó or as Muammad
Farakobe Abū Bakr asan b. alfa from the clan of assan Geyša (the Gaaso
subgroup of the Minifire (…).
Le lieu d’inhumation du poète, Iɖfálo, en territoire Ðasamó (D.M., 1995 : 64),
confirme qu’il n’était pas de tribu Gaasó, mais Ðasamó, comme mentionné
dans le poème ci-dessous recueilli par Reinisch (1889 : 291) un peu plus de
vingt ans après sa mort avec l’aide de son informateur, lui-même Ðasamó.
L’analyse lexicologique permet aussi d’écarter les pseudo-variantes Faɽakbé,
Flakbé, Farhakbé1. Plutôt que le sens fárhak oobe « wanting, he came
down » (Abdulkader Saleh, ibid.), Faɖe-k bé est « celui qu’Il [Dieu] a voulu
qu’il s’accomplisse ». Le nom, s’il est mal compris aujourd’hui, est pourtant
bien attesté. Il est parallèle à Faɖe-báɖa « Désiré » (litt. le fils qu’Il [Dieu] a
voulu). Dans ces locutions, faɖé « il voulut » désigne le Tout-Puissant. La
morphologie régulière de ces deux noms propres se retrouve dans la forme
archaïque Faɖé-n-Geyó (v.). Il faut voir dans les hésitations à propos de celui
qui reste considéré comme « le plus grand poète saho » le signe de l’embarras
que suscite encore aujourd’hui un homme qui s’était affranchi des conventions
de son temps, ce dont il se glorifiait :

1. La norme orthographique du saho en Erythrée suit la prononciation des bilingues tigrigna-


saho, promoteurs de cette orthographe. Au lieu d’être phonologique et de transcrire
uniformément le /ɖ/ rétroflexe, l’orthographe tient compte des réalisations spirantisées à
l’intervocalique, d’où [rh], etc. Une graphie comme andharho « être vert », à prononcer
[anɖaɖó] n’est guère lisible, comme le montrent les évaluations pédagogiques faites depuis la
mise en place de cette orthographe.

204
FAÐE-n-GEYÓ

Faɖekbe ángi gidé Faɖekbé est comme le fauve


Ma yarusé Il n’est pas cultivateur
Ma yangidé Il n’est pas caravanier
Garín sinrâ yakidkidé Il mange le pain des gens
Marád ḳdíh yammiggidé Il ressemble à un cadi dans un mariage
Rêdod nugúsuh yammiggidé Il ressemble à un roi à son mariage
Dakáko inkí luḳmaytó2 k gidé Du plat commun, il ne prend que sa part
Te išel adaré yen Voici ce que chantait sur lui-même, dit-on
Ðasamóm margáda Le rythmeur Ðasamo
Faɖekbe Maámmad Faɖekbé, fils de Maámmad

L’éloge par le même Faɖekbé des Mína (auxquels appartient son clan
Ðasamó), et qui, pour certains, collaborèrent plus tard avec les Italiens, gêne le
récit national fondé sur la résistance sans faille de tous les Erythréens :
Mína yníh nabá alé Les Mína sont une grande tribu
Mangó al le Ils ont des dispositions nombreuses
Garí stál mullūḥá le Certains sont habiles à manier le couteau
Garí dakaní būhá le Certains barissent comme l’éléphant
Garí lubák kulūá le Certains ont le regard féroce du lion
Garí kítob k lūá le Certains ont des livres et des écritoires
Garí Gábgab k Yalé Ceux de Gabgab et de Yale [Gaasó]
Garí Ḥáde k Galále Ceux de Ḥáde et de Galále [Ðasamó]
Garí Komô-k Inɖía le Les Komô d’Inɖía [Ðasamó]
Garí Komô-k Aydí alé Les Komô du mont Ayda [Faqat Ḥarák]
Mína yníh nabá alé Les Mína sont une grande tribu
Diverses pièces poétiques circulent, qui achèvent de rendre indésirable
l’anticonformisme de Faɖekbé. Dans la composition inédite ci-dessous3, le
dernier vers n’absout pas son auteur du péché de blasphème.
azi nabâ Yallí nabâ ? Des Ḥázu ou de Dieu, lequel est le plus grand ?
Yallí ta iɖɖá meém mâba Dieu ne fait pas tant de bonnes choses
Gáro bḥá fakîr abá A certains la misère, à d’autres la pauvreté
Gáro dúrre ramîm abá A certains une maladie bénigne, à d’autres l’agonie
Astagfurallah ! Yallí nabá ! Dieu me pardonne ! Dieu est le plus grand !

Abdulkader Saleh (ibid.: 481) peut ainsi conclure que « quoique renommé,
Faɖekbé a été traité par la société saho avec suspicion et dédain », au point
d’avoir une fin particulièrement misérable, comme l’avait noté Leo Reinisch :
« Trotz seine hohen ansehens als dichter hatte Falakobe ein sehr dürftiges und
ärmliches auskommen (…) ».
S : Reinisch (1889-90, I : 290-291). L : D.M. (1999 : 84-97 ; 2012c : 37) / Ibrhīm b. Isml.

FAÐEnGEYÓ
Litt. « Celui qu’Il [Dieu] a voulu (faɖé) qu’il obtienne (géyu) », nominalisé
Faɖe-n-Geyó. Saint des Bayɖó (v.) ayant vécu à une époque indéterminée,

2. Reinisch (1889 : 291) écrit qŭlmantṓ (ḳulmantó), auquel notre informateur préfère luḳmaytó.
3. Ici dans le dialecte ado de l’informateur, ailleurs au gré du transmetteur (voir la version plus
consensuelle d’Abraahim Maxammad Cali, dans son recueil Silo, 2009).

205
FANTOYTÁ

dont le surnom est expliqué par cette périphrase : « Parce que, quand tu le
visites, tu obtiens tout ce que tu désires » (fáɖɖa haytám geytá). Plusieurs
oratoires lui sont dédiés en Áwsa : à Bhá, au bord du lac de Uddúmma ; à
Gayyalé, au nord du mont Bráwli ; au bas de Uddalé Grá.
FANTOYTÁ
Commandement indépendant, de la région d’Awash-Millé, principalement
constitué de fractions Arábta et Asabbakári. Le commandement doit son nom,
soit à sa localisation entre (fánta « intervalle ») le Adó Alé, au nord, et le
Msaálli, au sud ; soit à sa distribution originelle entre les adarmó, au nord,
et les Anklá et les Adáli, au sud d’Assab, avec pour territoire Gibdó qu’ils ont
partagé avec les Gibdsó (v.). Centrés sur cette région de Gibdó, les Fantoytá
sont, avant la constitution du sultanat de Raaytó (v.) et le retrait des Anklá
(v.) initié par « Gibdí » ámad (v.), indifférenciés d’avec les Asabbakári (v.).
Lorsque vers 1930, le chef des Asabbakári, Wlísa, tentera de se défaire de la
tutelle du sultan de l’Áwsa, il se déclarera Fantoytá. Avant leur expansion vers
l’Áwsa, les Mdaytó étaient locataires de pâturages Fantoytá. Ceux-ci ont
contribué démographiquement à la constitution du groupe emmené par Maské
(des Mdaytó Aydissó), désormais appelés Asabbakári (v.). Augmentés
d’éléments Ulutó, ils ont investi l’Áwsa (v.), à la fin du XVIIIe s.

Croquis de situation des Fantoytá


adarmó

Ado Alé Asab

Fantoytá oued Gibdo

Adáli / Anklá
Msaálli

FARAÔN
Emprunté à l’arabe, le nom et ses variantes, dont firôn, faraûn, farôn (pl.
fariná, firuná), renvoient à « Pharaon », synonyme d’orgueil et d’impiété
(Coran, s. XLIV), auquel on attribue l’« excision pharaonique » (firawni salot ;
ar. tatr farn). Les Faraôn Konóy « les cinq jours de Pharaon » désignent
les cinq derniers jours du mois lunaire (v. Alsi-lwó). Ces références
populaires connaissent de nouveaux développements depuis la diffusion des
thèses de Cheikh Anta Diop. La quête des traces de la civilisation égyptienne
concerne aussi la côte afare de la mer Rouge. On a déjà cité le cas de *Nehesu
(v. Nasínna). Divers indices sont privilégiés, dont le caractère
subalterne contraste avec la preuve recherchée : comptine chez Ali Coubba
(2004 : 88) ; proverbe rappelé par Cassim Ahmed Dini (1984 : 44) ; étymologie
en forme de calembour4, chacun entend prouver que « contrairement à la
tradition islamique, le pharaon était une référence positive dans la culture

4. Ainsi : « Le mot nabi (…) signifie « maître » en ancien égyptien et se décompose en ni


« notre » et abi « ancêtre » (in Ali Coubba, op. cit. : 89, reprenant Cassim, op. cit. : 47) !

206
FI‘MÁ

préislamique du peuple [afar] » (Ali Coubba, ibid. : 89). Les enquêtes menées
par Jean Leclant, Henri Labrousse et Jehan Desanges, sans résultats notables,
ont involontairement donné naissance à ces néo-traditions après l’indépendance
de Djibouti. La Somalie avait connu un phénomène semblable. Pour
concurrencer la référence de l’Ethiopie chrétienne à Salomon, on avait vu
Mogadiscio développer très officiellement la théorie d’une continuité
historique avec l’Egypte ancienne. On a dit le point de départ de ce postulat
fabuleux (voir p. 17). La représentation de la flore et de la faune du pays de
Pount, du prince Parehou, et de son épouse à la stéatopygie remarquable,
continuent de susciter l’imagination. « [Cassim Ahmed Dini], écrit Mohamed
Hassan Kamil (2004 : 16), a vu dans le nom de Parehou une similitude avec le
nom de la tribu afar Barihó, cultivatrice et habitant des maisons sur pilotis à
l’époque des grandes crues dans l’Awsa. Il se déclare persuadé que le prince
Parehou aurait pu être l’ancêtre éponyme de cette tribu. » Cette tribu « Barihó »
d’Awsa, qui n’existe pas, est sans doute celle des Bayɖó (v.), évidemment
sans lien avec l’Egypte pharaonique. Il est remarquable que ces chercheurs
n’interrogent jamais l’Ancien Yémen.
L : pour une synthèse sur les relations entre l’Egypte ancienne et l’Ethiopie (EA, II : 240-241).
Sur les recherches scientifiques sur la côte africaine de la mer Rouge (Desanges, 1978, 1982 ;
Leclant 1978 ; Labrousse, 1978). Sur les traces archéologiques, v. ci-après « Galla », p. 219.

FARKÁB BUÐÁ
D’après Péri (1938), tribu issue de Msá « Adan » qui épousa une captive de
Ali Ablís, chef des Ablé (v.). L’anecdote dit qu’il l’obtint en échange d’un
fark, récipient en paille tressée. La tribu Farká-b Buɖá est disséminée à
Tadjoura, à Dawwé avec les Rakbá (Gaértu, Bololisá). V. Adniytó.
FTUMÁ‘ ‘ÁRI
« Maison de Ftumá ». Arabe Marsa-Fma. Ancien nom Abbákri. Village
côtier avec appontement, au fond de la baie de Hawkil, à l’embouchure de
l’oued Síyok. La localité fait partie de la péninsule de Bôri (v.). Point de départ
du decauville (terminus à Kullúlli) et de la piste italienne qui conduisait au
gisement de potasse de Ðálol. Lieu de la mort par suicide de Dante Odorizzi
(1867-1917), auteur de travaux sur la Dancalia settentrionale (v. Taltal).
L : sur le projet italien de canal de la « mare dancalo », Guida (334) ; Lupi (2009, II : 841-842).

FI‘MÁ
1. Intégration. 2. Ordre public. 3. Alliances transversales.
Société d’entraide, masculine ou féminine, qui, selon les lieux et les époques, a
connu des formes et des fonctions diverses : groupe de sécurité extérieure ou de
maintien de l’ordre ; bras séculier du sultan (en Áwsa notamment) ; club festif
(seul rôle de la fimá en pays saho). La fimá (pl. fimāmí), généralement formée
par classes d’âges (ressemblant ainsi au gad oromo), a une fonction
intégratrice en regroupant les membres des tribus d’une même chefferie ou
d’un même territoire (Dratlé d’Obock), parfois seulement les membres d’une
tribu (cas des Mdîma). La règle partout respectée est la prohibition de toute
querelle dans l’intérêt de la fimá et l’entraide obligatoire. 1. Intégration. La
fonction intégratrice et l’entrée dans la fimá étaient marquées par la

207
FI‘MÁ

circoncision collective (vers la douzième année), sauf pour certains orphelins


circoncis vers 5 ans. L’offrande faite à cette occasion était parfois appelée
aɖinta, l’animal donné étant le fimât agléh reytá « la chèvre de réunion à la
fimá », dans le cas d’une chèvre. Ceux qui attendent d’y entrer forment la
gubâk attá fimá, la fimá en second. Selon Ahmed Dini (1967 : 32), ceux et
celles dont l’âge diffère d’une année sont dits rwí ; nés dans la même année,
wáday ; dans le même mois, dó ; la même semaine, fd. Une autre
terminologie se limite à employer wadáy ou fd, pour ceux approximativement
du même âge ; dó, pour ceux de même génération (ex. en parlant de jeunes
qui ont joué ensemble étant enfants : inkdóh yanín). La fima ainsi constituée
selon l’âge approximatif de ses membres explique le double sens potentiel d’un
énoncé comme : y k k inkí fimáh nan, qui peut signifier « nous sommes de
la même fimá » ou « nous sommes semblables ». 2. Ordre public. Une fois
formée, la fimá « sort » (ewé) pour veiller à l’ordre public au cours de
tournées périodiques. En tant que bras séculier de l’autorité, la fimá peut
infliger des châtiments (diglá) comme : lier le coupable (aɖáw) ; lui plonger la
tête dans une citerne jusqu’à suffocation (ufkūá) ; le frapper (aguryá) avec une
baguette (faɖítu) ; lancer une expédition punitive (ranná) suivie de
l’égorgement du troupeau. Lorsque le coupable se trouve complètement ruiné,
la même fimá se cotise pour lui redonner de quoi vivre (iɖíbu). A Bôri, il existe
une fimá qui ne s’occupe que de l’organisation des joutes poétiques. Les noms
des fimá correspondent en général à un collectif du type « ceux qui »,
s’agissant de formations masculines (ex. Simbillé « ceux au bandeau
(simbíl) » ; « celles qui », pour les fimá féminines : Maaysá « celles qui ne
rassasient pas ». Dans les années 1980, les fimá en République de Djibouti
étaient les suivantes (beaucoup n’ayant plus qu’une existence vestigielle) :
I. AGGLOMERATION DE TADJOURA. Deux fimá masculines, une par quartier :
Ðīnekalá « les veilleurs », à Galató ; Farradá « qui s’interposent », à Saarriytó,
avec en commun un bó des Nassár (Maámmad b. Garád, à l’époque de sa pleine
activité dans les années 1950). Fimá féminines : Amrisá « commandantes » à
Galató ; Maaysá à Saarriytó.
II. COTE D’OBOCK A TADJOURA : Alláli « les alliés » (asbá, Takil, Asmlá,
Mādîma, Ali-Dullá) ; Dimbīhisá « qui font transpirer l’adversaire » (Baɖittó,
Gnaniyto, partie des Mādîma et des asbá).
III. DU GODA AU W%IMA : Fergeɖá « qui franchissent tout » (Datá Ablé Kīitté,
aysamālé, Gaādīdá) ; Moggolá « les intraitables » (Datá Ablé Abbakritté,
Dābammlá, Rubá-k Đermlá). Ces deux fimá répondent à la même alerte (dró) et
sont sous commandement Datá Ablé ; Affaráwdi « les quatre enclos » (Songo-g
Goda : Mafâ, Darumá, Gittīrissó, etc.). Une autre tradition prend en compte « huit
enclos » (Baḥráwdi) et ajoute aux trois précédents : Adáli, Fadīḥitté, asbá,
Ablé. Arbáytu (Adáli-k asbá et Kabbbá). Les Adali-k asbá comprennent
des Dawud-Dīnitté, Dahlalitté, Banoytitté, asbá et Ská. Cette fimá a été active,
notamment lors de « l’affaire Thiébeau » (v. Kabbbá), en 1943. Une fimá Ablék-
aysamlé appelée Haffalit-Manfafdó (?) aurait regroupé des Asá Ablé, Farká-b
buɖá, Darumá de Ballâal et Gebrérri.
IV. COTE AU NORD D’OBOCK (pays Badoytammlá) : Ðāulá « qui s’enfoncent dans les
pierres » (Adan-sarra, Gubbi-Hayís) ; Ðīnekalá « les veilleurs » (ayis de Mulúli ;
Gannintó) ; Dīdālé « les abeilles » (Ageddó, Ulél et Hayis du Wimá). Cette fimá

208
FÚRSI

s’est appelée Latá, puis Mabuká ; Daratlê (a. Okkó, Gofto, Ulél du sud ; b. Data
Buɖá, Edderkaltó, Ilīnó ; Simbillé (Askakmalik Mdayto) ; Farrada (a.
Edderkalto ; b. Asál Buɖá, Misindí de Ásbol) ; Bokdirá (Abá'm mlá).
V. INTERIEUR (Asahyammára) : Graása (Anɖaá, Maá-s sárra) ; Krdá (Ulutó-k
Mādīmá de l’ouest) ; Barrikafá (Gombar, Akaltó ; Dangabá, jeunes) ; Farradá et
Mabuká (tribus du Dôbi : Wandâba, Mdaytó) ; Bukkusá (Ulutó-k Mādīmá de
Gawwá). Parmi ces tribus, les Đurbá, les Wandbá (Asahyammára), mais aussi
les Songó-g Godá (Adohyammára) n’avaient que deux fimá : celle des vétérans
(Kaɖɖá fimá) et celle des jeunes adultes (Unɖá fimá), la seule opérationnelle.
VI. Chez les Debné, une fimá était formée tous les 15 ans environ avec une fonction
directement militaire. L’entraide y était absolue, toute querelle interne proscrite.
Les futurs fimmí étaient généralement circoncis en même temps, vers 12 ans, sauf
les orphelins, circoncis vers 5 ans. Le circoncis devait, malgré la douleur, courir la
lance la main vers la hutte où il avait attendu l’opération et en traverser de sa lance
les deux parois. Dans les années 1940 (témoignage de ##i Ali recueilli par
Chedeville), ces fimá étaient, par ordre d’ancienneté : Moggolá « qui n’acceptent
pas » et Farradá « qui s’interposent » (chef : ásan-Witi), regroupées en raison de
leurs faibles effectifs. 3. Ambisá « lanceurs » (chef : ásan-Dîmu). 4. Gutublá
(chef : Arbâhim-Balala). 5. Bsittá (de ummad b. Looytá, avec autorité sur les
autres). 6. Graasá « queue rouge » (formée en 1917 ; chef : Guráli b. Looytá).
Avant le combat, ils se couvraient la tête d’herbe et d’une peau de gazelle. 7. Barri-
faká « éclaireurs », également appelés Yangulmolé « têtes d’hyène », formée en
1928 (chef : usên b. Looytá, frère du précédent). Ce sont les guerriers de cette
fimá qui ont définitivement chassé les Gallá du Gbaád. V. Affará-áwdi.
3. Alliances transversales. On cite dans les années 1930 la formation de deux
fimá, communes aux Adohyammára et Asahyammára, pour le partage
pacifique du pâturage du Ḥanlé : 1. Regroupant Ulutó, Ðurbá et Ellé-
Ḥammádu (v.). 2. Regroupant Ulutó-k Mdaytó (v.), Ablisá (v.), Gombár (v.),
Datá Umartó (v. Adorásu), Ḥaysamlé (v.) et une partie des Faditté Skká.
S : Abdallah Mohamed Kamil (1967) ; Ahmed Dini Ahmed (1967) ; Chedeville (com. pers.) ; D.
M. (1997 : 103-04). L : Chailley (1980 : 68-75).

FÍGU
Nom pré-islamique de Dieu en afar et en saho : yi Fígow « Mon Dieu ! ». Var.
afar du nord Fúga ; sud Fígi, Fígu ; Doka Fúgu. Avant d’être l’équivalent
d’Allah avec l’islamisation, Fígu a été un des noms du dieu du Ciel pan-
couchitique Wāq. Syn. Degelta, Goyta, Rabbi. La mémoire collective conserve
plus le souvenir d’une puissance vengeresse que compatissante : Figí ayté
buɖát ané lé « Dieu a une vengeance à tirer de ceux qui sont repus. » (Prov.)
Fígu peut avoir un lien avec l’oromo fagu « prédire ».
S : HL (in D. M., 1991 : 28) ; Reinisch (in D.M., 1999 : 180).

FÚRSI
1. Toponyme. Fúrsi, var. Fursé ; égalt. « anlé » Fursé, « Fursé pourvu en
lait », toponyme d’Áwsa, à env. sept kilomètres au sud-est d’Aysaíyta (v.), sur
la rive gauche du Gurmuddáli. Le nom existe sous la forme Furzi sur la carte
italienne (1939, f. Aussa). Il est signalé par Nesbitt (1928 : 267). Un lieu-dit
Fursé a été créé à la suite de l’anéantissement de la colonne Munzinger au lac
de Uddúmma (v.). 2. Présence perse. Fúrsi « Perses », nom appliqué
indistinctement en afar aux Perses, aux Turcs et aux troupes égyptiennes. Cette

209
FÚRSI

généralisation existe dans la tradition éthiopienne où « Turcs » désigne autant


les Ottomans que les Egyptiens (Bahru Zewde, 1992 : 26). Elle trouve son
origine dans l’occupation réelle ou nominale de la côte, après la prise de
Massawa (1557), successivement par les Turcs, puis par les troupes du
Khédive. Deux firmans du sultan ottoman (13 févier 1841) confèrent à
Mehemet Ali, l’un le gouvernement de l’Egypte, l’autre celui des provinces du
Soudan conquis à partir de 1820. En mai 1866, un nouveau firman donne au
khédive Ismaïl l’administration de Souakin et de Massawa. La signature du
Traité de Paris (1862) mécontente les Anglais installés à Aden qui incitent le
sultan turc à réclamer Obock. Celui-ci dépêche une délégation devant Raaytó.
Elle est éconduite par les notables afars (rapport du Curieux du 14 août 1862).
A partir de 1874, les Egyptiens établissent des garnisons sur la côte. Ils
l’abandonneront aux Italiens (v. Bianchi). L’assimilation des Turcs aux Perses,
sous la forme générique (Fúrsi) renvoie à la présence probable des Perses sur la
côte, à la suite de l’expédition menée par le roi Caleb au Yémen (523). Après
avoir débarqué à Aden (572), les Perses occupent la péninsule Arabique,
menant des raids sur la côte africaine de la mer Rouge. Il existe des traces
archéologiques (citernes de Dahlak) ou légendaires, de cette présence perse :
— A BÔRI, ces traces sont au nombre de 4 : 1. Ðrimá, le puits maçonné d’Awán (v.).
2. Celui de Kollâdi, sur la côte est. 3. Le fossé d’env. 4 km d’Alá-t tabeyná (v.
Bôri), qui part de Gamfrá vers le sud-est et se remplit à marée haute en inondant
une vaste zone de Ðágad. 4. La tradition orale rapporte la tentative de creusement
d’un canal entre Gamfrá et Ḥarná par Fráytu. L’îlot inhabité de Ḥdá, en face de
Gamfrá, est compris dans ce territoire Anklá où les Perses se seraient implantés.
— COTE NORD. Il existe d’autres sites côtiers : affalé (v.), cap à l’est de Midír (à
différencier du « Hanfala » ou « Amphilla » des Européens, au XIXe siècle, qui
désigne l’anse de Midír) ; au sud-est de affalé, le puits de Kommâlis ; à l’est de
Tó, les puits de Diɖɖoó, sur la branche Est de l’oued Adgabán, et Dobáyu.
— COTE SUD. Angoulvant et Vigneras (1902 : 153) se font l’écho de cette rumeur
d’une présence perse, en attribuant aux Songó (v.), « de très haute taille et d’origine
perse » le creusement du puits de Tadjoura et de deux grandes citernes dans l’île de
Saad ad-Dn. L’îlot de « Waramous », près de Djibouti, en afar Hármus, rappelle
celui de Hormuz. L’itró des Anklá : anâ Frísli ! « Perses ! Courage ! »,
l’étymologie du nom des Dúlum (v.), l’ascendance perse de aɖal-Mâis (v.) sont
autant d’indices, malgré tout disparates, d’une présence ancienne ou d’un flux
migratoire épisodique. A noter un toponyme, Fâris-ti « celui des Perses », petit
sommet (433 m.) au sud-ouest du lac Asal.
Une autre explication prend en compte ce caractère générique qu’a le terme
Fúrsi, pour observer qu’en arabe al-Furs désigne les Persans de l’époque anté-
islamique ou les parties de la population ayant conservé leurs anciennes
traditions religieuses. Dans ce sens, al-Furs devient synonyme de al-A#am,
« étranger, non arabe ». Fúrsi en afar pourrait être la conversion de cette
tradition savante pour désigner les étrangers non arabes et musulmans du
« barr a#am », la côte africaine de la mer Rouge ; à savoir : les Turcs et leurs
successeurs, les Egyptiens, à l’exclusion constante des Yéménites. Comme
« Galla » (v.), Fúrsi est plus un terme politique que géographique ou ethnique.
L : D’Abbadie (1890 : 24) ; Conti Rossini (Storia : 295) ; EI (1936, III : 1110) ; D.M. et G.
Fiaccadori (EA, III : 185).

210
G
GABALA
Région ou tribus de l’Adal (« Adal I », v. Introduction), situées sur le haut
Awash, actuellement en territoire Debné-k Wíma. En afar, la forme
prédicative Gabál-a « (ce sont) les Gabál » pourrait expliquer la forme écrite
des chroniques. Présentés comme des nomades et des guerriers réputés, avec
leurs voisins Warge (ou Ware, Perruchon : 122), les Gabala, ainsi que les
« Zaln » (amh. zällan « nomade » ?), plus au sud, ne dépendaient
probablement pas du sultan d’Adal, mais plutôt de l’Ifat, ou, pour certains, du
Dawro. La chronique de Amdä əyon mentionne les Gabala parmi les
coalisés de 1333 (Perruchon : 138) avec les arla (v.), ’Aws (Áwsa ?),
Garba’ado (afar Garbaaddó « zone à Solanum somalense » ?). Cerulli en
donne une interprétation somalie (Garbaadd « épaule blanche »).
Garbaaddó est aussi le nom d’un affluent de l’oued Ḥarsiléy. Des Gabala sont
recensés au nord d’Axoum à l’époque antique.
L : Cerulli (Somalia I : 111 et suiv.) ; Perruchon (1889 : 122, 138) ; D.A.E. (I : 42-43).

GABBALTÓ
Tribu de l’oasis de risá, dont le nom rappelle celui des Gabala dans la
chronique de Amdä əyon (voir ci-dessus).
GABÛTI
1. Etymologie. 2. Topographie coloniale. 3. Cartes marines. 4. Edifices religieux.
Nom de Djibouti en afar. Capitale de la République de Djibouti. On ne
reprendra pas ici des faits d’histoire coloniale largement développés ailleurs,
pour se concentrer sur deux points moins connus qui, par leur lien partiel avec
l’histoire des Afars, méritent d’être précisés. Le premier concerne l’origine du
nom Djibouti ; le second, l’inventaire de ses bâtiments religieux dont la
construction suit l’évolution démographique de la ville. La liste de ceux-ci,
dont le plus ancien d’entre-eux, la mosquée construite par le Somali Samarrn
i Dde, en 1891, montre que si Djibouti est née d’une volonté politique,
son essor démographique, commercial, immobilier est initialement le fruit
d’initiatives privées, européennes autant qu’africaines. Avec la signature, le 25
mars 1885, à Zeyla, par le consul de France Henry, d’un traité d’amitié avec
l’ugs Samarrn Nr b. Rble et le lendemain, 26 mars 1885, à Obock, par le
gouverneur Lagarde, d’un traité similaire avec dix-neuf chefs Issas (se) venus
de Zeyla, le site de Djibouti s’affirme comme le nouveau pôle de la colonie. En
fait, depuis 1883, ce sont les initiatives de commerçants comme Brémond ou
Eloi Pino, qui font transiter des marchandises depuis rs « Djiboutil », qui ont
amené l’installation d’un caravansérail où les habitants de Zeyla et de ses
environs sont majoritaires. L’approvisionnement en viande de la colonie se fait
essentiellement par l’importation de vaches du Somaliland, de la région de
Brama, zone de peuplement somali Isq et Samarrn. Le 6 mars 1888, le
gouverneur Lagarde ouvre officiellement le marché de Djibouti. Il écrit, le 6
août, qu’il a nommé Burán, fils d’Ab Bakr « Pacha » (v.), bey de Djibouti.
L’existence de Djibouti est ainsi officiellement reconnue quatre ans avant le
GABÛTI

transfert administratif d’Obock (1892-1897). C’est donc avec raison que la


ville de Djibouti a pu célébrer son centenaire en 1987 et non en 1992. 1.
Etymologie. Parmi les diverses étymologies en vigueur, dont certaines, de
création récente (somali jab-Buti « la défaite du Bouti ») ou en forme de
calembour (arabe  al-bt « le boutre est arrivé »), il convient de privilégier
celle, topographique, qui prend en compte l’aspect de la côte, soit vue de la
mer, telle qu’elle fut repérée par les marins, avant la construction de la ville,
soit décrite par les populations pastorales fréquentant saisonnièrement ces
parages. Le somali gabd « (pays) ingrat » décrit la zone côtière stérile, celle
des anciennes « Salines de l’est », constituée de remblais de l’oued Ambouli.
L’afar, lui, considère les îlots madréporiques accores (blóyta le), maintenant
reliés entre eux et au continent. Avec, à marée basse, un profil dit en « visor »
(allemand Brandungskehle, Guilcher 1953), ces îlots, notamment celui du
Héron, ont pu être comparés à des plateaux de vannerie (gábod, pl. de gabdó)
posés sur l’eau. Dans un environnement plat, sans arbres, ces îlots (notamment
celui du Héron) dépassant à peine le niveau des plus hautes marées
constituaient le seul relief caractéristique. On note que l’assimilation à un
récipient en vannerie n’est pas unique. Un petit piton jaunâtre, à l’est de
Holhol, porte le nom de Ankbó « couffin à sel tressé ». La forme gábod
« plateaux de vannerie », gábod-ti « l’endroit aux plateaux de vannerie » (v.
Fâris-ti, article Fúrsi), passant en arabe à Gabti, Gibti (ibūti), jab-buti, en
somali, apparaît comme un calembour tardif. Du côté européen, le premier
document probant est le « Trigonometrical Survey of the Mussahh Islands »,
levé à l’occasion de la prise de possession des îles du Golfe de Tadjoura par le
lieut. col. W.C. Barker, commandant le brick Euphrates (septembre 1840). Le
plateau du Héron est esquissé au bas de la carte avec l’indication « Jibooli 30
to 35 feet coral ». En 1841, Barker et Christopher dressent le « Trigonometrical
Survey of the African Coast from Jibul Jarne [plus tard « Djebel Sejarn », soit
rs Siyyan] to Sayara » [Siyra, à l’est de Berbera]. Jibootil figure sur ce qui
est la première carte exacte du Golfe de Tadjoura, également sur la carte de
Haines « Gulf of Aden » (1847). Désormais (cf. Admiralty Chart 293, 1844), et
jusqu’en 1862, les cartes anglaises utiliseront le terme Jibootil. Puis ras Jibuti,
à partir de 1862. La graphie française Djibouti sera adoptée par l’Amirauté en
1944. La carte qui accompagne le voyage de Heuglin (1 : 250 000, Karte der
Somali Küste und des Golfs von Aden, 1857), indique « ras Djibuti, oder
Djibutil ». La cartographie française utilise l’orthographe Djiboutil, voir le
« croquis du port de Djiboutil » du lieutenant de vaisseau Morin, sur le
Primauguet (1889) ; le croquis de la « baie de Djiboutil » (Cacqueray, à bord
du Météore, 1889). C’est ici l’îlot du Héron qui est désigné, comme le confirme
cette précision de Bardey (entre 1880 et 1887, Barr-Adjam : 308) :
Nous apercevons distinctement une langue de terre qui s’avance droit au nord.
Nous demandons le nom de cette pointe au Dankali qui nous accompagne et
pour la première fois nous entendons le nom « Guibouti » ou Djibouti.
Cette forme « Guibouti » justifie de rapprocher gabti de gábod-ti.
Incidemment, la présence d’un l dans Jibootil peut s’expliquer par la valeur de
situatif spatial « du côté », « auprès de » de cette postposition (v. aɖal-

212
GABÛTI

Mâis). L’orthographe Djiboutil peut aussi avoir été développée à l’imitation


de la graphie il du [i] final dans persil ou gentil. Voir aussi Aderassoul
(Adorásu). (Le surnom de la tribu Samarrn « Gadabbrsi » a été longtemps
orthographié Gadabourcy, comme Chambourcy.)
2. Topographie coloniale. Ce qui précède confirme que « Guibouti / Jibootil »
a désigné initialement un amer sur les premières cartes marines : la pointe du
Héron ou « cap Djibouti ». L’usage colonial a tendu à y adjoindre les trois îlots.
Cet usage se prolonge jusqu’à aujourd’hui (Imbert-Vier, 2010 : 92) :
Dès 1888, un relais commercial (…) est installé au lieu-dit « Jiboutil »,
ensemble de plusieurs élévations plates qui s’avancent dans la mer, entourées de
zones inondables à marée haute.
Dans ce sens, « Jiboutil » ne différencie plus la langue de terre du Héron, le
« cap (rās) Djibouti » proprement dit, des autres îlots et de la terre ferme où le
marché de Djibouti est inauguré en 1888. Pourtant, pour les commerçants du
« Bander Salam » (le Quartier 2) et du « Bender Djedid », le nouveau comptoir
(ou Quartier 3), aucune confusion n’était possible avec le cap Djibouti. L’usage
français a tendu à coïncider toujours davantage avec celui des Somalis Issas, à
mesure que la ville s’étendait au sud, faisant tomber en désuétude l’ancien
amer des marins.
3. Cartes marines. L’étude des premières cartes marines fournit quelques
précisions sur les premiers établissements sur les îlots madréporiques et sur la
côte. Sur le Croquis du port de Jibouti (Morin, février 1889), les 4 plateaux
sont indiqués sans noms avec une altitude de 8 m. La Baie de Djibouti
(Cacqueray, mai 1889, 1 : 10 000) montre le plateau du Serpent presque séparé
du Marabout. Sur la côte, la « maison Bourhan » (de Burḥan bey), est visible
avec deux corps de garde. La Baie de Djiboutil (1 : 20 000), issue de la même
carte, montre bien que les plateaux étaient complétement séparés les uns des
autres et coupés de la terre à marée haute. Une ligne au bas de la carte figure la
limite des terrains noyés aux grandes marées. Le Plan du mouillage de Djibouti
(1893) indique les tombes de Deloncle et Aubry morts du choléra en 1892, la
maison du gouverneur et la résidence ; la maison Bourane ; celle de Savouré à
proximité. (Une vue panoramique de Djibouti, prise du sud-ouest par Cotigny,
à bord de l’Etoile en 1894, relève les deux tombes à l’extrémité sud du
« plateau de Djibouti », la maison Bourane étant au centre.) La Topographie de
la ville de Djibouti (Courtier et officiers de la Rance, 1907) montre la ville et la
jetée du Marabout. Autre description du site (IN, 1913 : 365-370).
4. Edifices religieux. Les mosquées considérées comme « historiques », bâties
en dur (ciment et planches), datant de la période de fondation (1891-1897), sont
au nombre de trois. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la
modernisation du port et du chemin de fer, la création du Franc Djibouti
(1949), entraînent un essor commercial et démographique qui va se traduire par
l’édification de nouvelles mosquées, onze au total, auxquelles s’ajoutent
différents abris précaires servant d’oratoires.
1. Mosquée « Gmi ar-Rama », la plus ancienne (1891), sise Quartier 2,
construite par i Dde, notable Somali Samarrn et commerçant
prospère de Zeyla (décédé en 1928), artisan de l’accord du 25 mars 1885

213
GABÛTI

avec l’ugs Nr b. Rble. Le nom de Côte française des Somalis (créée par
décret du 20 mai 1896) aurait été inspiré par i Dde à l’imitation du
British Somaliland. Le premier imam nommé en 1926 est al- Amad
Moqbl, né en 1881 à Aqbari (Yémen). Le premier cadi de Djibouti a été
Maammad asan al-Drni, natif de Dran, dans la région de Īlis, sur la
route de San , après Mabar.
2. Mosquée « Gmi ar-R!a », construite par sayyid asan al-Bz en 1894, au
lendemain de l’installation de l’administration venue d’Obock (1892).
Située avenue Georges-Clemenceau, Trampont (1990 : 35) la signale
comme la première mosquée de Djibouti, mais il s’agit bien de la seconde
après celle de i Dde. Le premier imam est Abd al-Ramn B
Ma"rama, né à Mukall, sur la côte méridionale de la péninsule Arabique
(1879). D’abord imam de la mosquée amdi (voir infra) dès son arrivée à
dix-huit ans à Djibouti, Abd al-Ramn B Ma"rama est devenu ensuite
imam de Gmi ar-R!a à une date indéterminée, mais avant 1926, ce qui
explique la réputation de « première mosquée de Djibouti » de la mosquée
fondée par sayyid asan al-Bz. Ce dernier (décédé vers 1911) était un
commerçant arabe de Massawa, venu s’installer à Djibouti. Les al-Bz (sans
doute initialement al-Ba’z), famille de sayyid (v.) originaire de al-ibši (al-
abaši) au a!ramawt, présents à Zeyla dès la plus haute époque, étaient
affiliés à la confrérie Mir%aniyya (ou &atmiyya), bien implantée à Kassala
(Soudan) et en Erythrée (cf. Trimingham, 1949 : 231-235 et Miran, 2009 :
178-180). Le fils du fondateur, sdi šim b. Muammad U'mn al-
Mir%an, est enterré à Otumlo (v. uɖúmlu, Sayyid).
3. Mosquée Gmi an-Nr, dite « Mosquée amdi », la plus grande de la ville,
située place du Marché, construite en 1897 par al- amdi b. Amad,
Arabe originaire de udayda, navigateur et commerçant, décédé en 1927.
Outre la mosquée, il a financé le terrain du cimetière musulman d’Ambouli
et créé la palmeraie d’Ambouli en 1892. Trampont donne successivement
1906 (1990 : 35) et 1897 (1990 : 65) comme dates de construction de la
mosquée que Rouaud (1997 : 338) situe « dans les années 20 ». La date de
1897 est confirmée par les archives du cercle de Djibouti.
4. Mosquée Abdulqdir ln (Quartier 4), fondée par les habitants (Somalis
Issas) du quartier, rebâtie en dur par Maammd Bre vers 1950. La
mosquée a d’abord été un maqm.
5. Mabad devenu la mosquée « Gmi šay Isq » (Quartier 4), fondé vers
1950 par les fidèles de la fraction Habar Awal de Djibouti.
6. Mosquée Širi (quartier 4), construite vers 1950 par un entrepreneur arabe.
7. Mosquée Maammad Fra (Quartier 3), fondée vers 1950 par un
commerçant Somali Isq Habar Awal.
8. Mosquée Ismiliyya (Quartier 5), fondée par un Somali Drd, i asan
b. Al, dédiée à Isml abarti.
9. Mosquée Amadiyya (Quartier 4), fondée par un groupe de Somalis Isq
Habar alo, dite aussi « mosquée Dliyya ».
10. Mosquée de šay Sir), construite au plateau du Marabout par al-
Sli Qaf (mort en 1957), à l’usage des dockers des Messageries
maritimes. Une légende veut que le mabad devenu mosquée ait été

214
GADIDDÓ

implanté là où vivait en ermite un « šay Sir) », qui aurait donné son nom
au Plateau du Marabout.
11. Mosquée de umbúli (v.), dans la palmeraie d’Ambouli, fondée par
Amed b. Amed, rénovée par al- Mamd Ibrhm Mubn (décédé
en 1957), entrepreneur de la Compagnie de l’Afrique orientale (C.A.O.).
12. Mosquée Gmi At-Tba (Quartier 3), fondée en 1957 par al- *bit b.
Al b. Slim.
13. Mosquée Ðarr Waays (Dharaar Wacays), fondée en 1961 (Quartier 6,
avenue 26), par Ðarr b. Waays, Issa Frlaba.
14. Mosquée dite « še Samarrn » (Quartier 5), fondée vers 1960.
Il existe de nombreux oratoires dédiés à Abdulqdir ln, le saint vénéré de
la Qdiriyya, l’une des principales confréries de la région. De multiples
« stations » ont été créées : dans l’enceinte de l’Hôpital Peltier ; au port ; place
des Chameaux (mabad adra) ; à la station de pompage d’Ambouli. Le
premier maqm dédié à Abdulqdir ln, Bd. Bonhoure, a été délimité par
Moammed b. Gafar al-Bz (voir p. 333), détenteur du sirr, dans ce qui était le
quartier « soudanais », face au palais du gouverneur. Son fils asan a bâti la
qubba de l’oratoire devenu mosquée de Abdulqdir ln, Avenue-13
(mosquée n°4, ci-dessus). « Še Gabd », au nord de la station de pompage,
entre les anciennes Salines de l’est et la mer, est le nom donné par les Somalis
au lieu de la tombe supposée d’Amed b. Al « Sayyidn », évolution populaire
(?) du nom de Zeyn al-+bidn (v. Msaálli). La coupole argentée a été érigée
vers 1955, soit une dizaine d’années après le décès, en 1946 à Hargeysa, de
cheikh ge b. Driye, fondateur de la zwiya qu’il y dirigea pendant plus de
quarante ans. Le premier maqm du cheikh Mse b. Isml b. Lbn (se
Mammsan, rr Awl, fraction Bah Gurgurá), vivant dans les années 1940 dans
la région d’Ēlo (Somaliland), a été construit vers 1950 (?) à l’extrémité sud du
boulevard Bonhoure, du côté de l’ancienne mangrove, puis transféré à l’angle
de la rue des Issas et de la route d’Ethiopie. Vers 1970, un oratoire lui a été
dédié à Bura Kibir, au sud de Djibouti. Ses propagandistes, de la confrérie
Qdiriyya, devinrent actifs à Djibouti et Dikhil dans les années 1940.
S : sayyid Al b. Abbakar as-Saqaf (1961) ; cercle de Djibouti (1946) ; Chedeville (EI., 1961,
I : 548-549) ; Kern (1965) ; D.M. (1981, 2012).

GADIDDÓ
1. Fractionnement. 2. Territoire.
Tribu dont « Gibdí » ámad (v. Raaytó) est considéré comme le fondateur et
compté parmi les Adáli du Billdí Godá (v.). 1. Fractionnement. Des deux
« fils » de « Gibdí » ámad, Adloó (ou Adlaó, de Ado loó ou laó) et Dnó
descendent : 1. De Adloó, les fractions Adlaá (ou Sabúb-buɖá : Buhitté,
Aynná, Ftummí) ; 2. De Dnó, les Kabbbá (v.), les amdá et les Ellé-
ámmadu (v.). La généalogie montre une discordance. La génération de Gadíd
qui donne son nom aux Gadiddó, et réputée être l’aînée de celle de Adloó et
de Dnó, se trouve postérieure à ces derniers. Une comparaison synoptique est
proposée ci-après sur la base de génération de 30 ans et des datations proposées
à propos des Adáli de Tadjoura et de Raḥaytó.

215
GADIDDÓ

Tableau généalogique synoptique des


Gadiddó et des lignages régnants Adáli
1570 úmmad Mismâr

1600 Maámmad « Gibdí » ámad

1630 Dîni Burán Abdúlli

1660 ámad Kâmil Kâmil

1690 Maámmad Msá Rôbo ! Adlaó Dnó « Adállom » ámad


[Adlaá]
1710 úmmad ámad Gadíd Birrgó Garbdó Ellé- Ḥammádu Dîni Burán

1740 Nassâr Maámmad Asa-Maámmad Áli-Bató Kabbó Burán ámad


[Kabbbá]
1770 ámad úmmad Gédda Maámmad Kâmil Maámmad Burán

1800 Mandáytu Adállom Med. Áli-Môla Dawúd Baraggoyta Dîni Maámmad

1830 Maámmad úmmad Ēbilé Aynán ámad Maámmad Burán

1860 úmmad Arbâhim Muskúlta Dawúd Maámmad úmmad Maámmad

1890 ámad Maámmad Aɖás Maámmad-Gura usên ámad Ma. Abdó

1920 abíb úmmad Áli Búha ámad Dawúd .bkári

Adáli de Tadjoura Gadiddó Adáli de Raaytó

Le fractionnement interne et la formation des deux fractions sœurs Gadiddó,


descendantes directes de Gadíd, et Adlaá (désormais appelés Sabú-b buɖá)
permettent de faire remonter au début du XVIIIe siècle la prééminence des
derniers nommés. Le fait que Gadíd figure une génération après les deux
précités signale l’hétérogénéité constitutive de ce groupe tribal formé
d’éléments divers (notamment de captifs de guerre) rassemblés par « Gibdí »
ámad, ou dont certains se sont réclamés de la descendance de « Gibdí »
ámad (« Gibdi » Ḥámadak radé mára). Comptés parmi les Adáli du Billdí
Godá (v.) ils poussent leur itró : « Adáli ! ». Cette hypothèse est renforcée par
la tradition qui fait de Gadíd le fils d’une femme somalie nommée Rôbo (en
afar Rôbi), de tribu « Egagob » [Odagob], capturée et épousée par Adlaó.
Gadíd a la réputation d’avoir été absúma (v.) des Issas. Sa sœur qui portait le
nom somali Gddiyó a été mariée à un Kóra (v.) sans avoir de descendance
mâle. Descendants de Gadíd et Sabú-b buɖá, qui sont des fractions sœurs, se
versent le lôgi en vue des fiançailles de leurs filles. Les Gadiddó empochent le
lôgi des filles Sabú-b buɖá et inversement. Dans les années 1930, les Gadiddó
étaient évalués à 150 personnes dont 70 hommes. La fraction des chefs Ēbillá
(ou Datnuntó) descend de Ēbilé b. Áli-Môla, donc de Gadíd. 2. Territoire. Le
territoire partagé entre Gadiddó est en gros triangulaire et s’étend du sud de la
plaine de Ðôɖa, à Randá (Godá exclu). Cette vaste zone est territoire du sultan
(dinkrá-b bɖó). La montagne de Makaarrásu, au nord d’Asal et au nord-
ouest du Godá, en fait partie. Les oueds Awdí Adaytó et Sabúb sont territoire
commun de tout le groupe (Gadiddó, Kabbbá, Ḥamdá, Ellé- ámmadu,

216
GAL‘ĒLÁ

Adlaá). Le reste est partagé entre Gadiddó et Ellé- ámmadu, seuls. A


l’ouest, ces derniers vont jusqu’à Básu, oɖɖáli, Arbalé (inclus), et occupent,
vers l’est, Kuláyyu, Ballá-g Garéntu. Les Gadiddó possèdent le reste, entre
cette dernière limite, et Amáylu, englobant les Affará-Daár « les quatre
oueds » (Bólli, Maláy, Dammaró et Gabón), jusqu’à la bordure sud de la plaine
de Ðôɖa, depuis Sudúd jusqu’à Dat-Baári.
Fractionnement et distribution des Gadiddó

« Gibdí » ámad

Adlaó Dnó

Gadíd Birrgó Garbdó Lúbak Ellé- Ḥammádu

Kaɖɖá Buɖá Áli-Bató Kabbó Ḥámad Áli-Egérra


Fractionnement : Adlaá = Sabú-b Buɖá Kabbbá Ḥamdá Áli-Egerrrí Lubaktó
Haut Godá
Distribution : Randá-Haut Bólli Ḥanlé Makarrásu

Dans le nord, ils partagent ce territoire avec les Kóra (v.). Les Gadiddó ont en
propre un pâturage à Sûra (Sūrí Randá). Il existe une relation entre
l’occupation du pâturage en propriété collective (wanó) cette vaste zone et le
fractionnement tribal. Les Lubaktó sont ceux qui ont migré le plus loin. Ils
constituent le gros des Ellé- Ḥammádu de la plaine du Ḥanlé. Certains sont
mentionnés à Baádu. La seule fimá constituée des éléments mâles présents sur
la face Est du Godá a un rôle défensif qui se retrouve dans son nom Bdisá
« ceux qui chassent (l’ennemi) ». Elle regroupe, en plus des Gadiddó, des
Balawtá (v.), Bargá (v.), Bollí Buɖá (v.) La direction de la guerre est dévolue
aux Kabbbá (v.). Les Balawtá (v.) sont leurs seconds (maytáni). Les Adlaá
ont la charge de maɖí-gubá « sous-chef d’expédition », qui est de rassembler
le troupeau du butin.
S : (vers 1940) Chedeville / Búha b. Maámmad-Gura b. Dawúd ; Áli b. Aɖás b. Muskúlta.

GAFRÁ
Tribu de la partie occidentale du Siyyâru d’où son surnom de Siyyrí mára, qui
pâture, au besoin, plus à l’est chez les Gombár. Les Gafrá seraient originaires
du Mablá. Ils incluent des Aɖkaltó. Le nom originel serait garfá (voir garaftó
« parasitisme »). Péri (1938) fait de Gafrá un meurtrier Asahyammára venu se
réfugier chez les Mirgantó. Ferry (1988) indique une origine Galla (v.). La
légende rattache les deux ancêtres annakís et Abbakári à Uɖ-Máad, ancêtre,
lui-même, d’une partie des Maá-s sárra (v.). annakís qui avait déjà un enfant,
étant parti au pâturage, sa femme, restée avec Abbakári, tomba enceinte. Celui-
ci lui donna le nécessaire. Elle accoucha d’un garçon. annakís réclama son
premier-né, demandant que le second demeure avec ses oncles.
GAL‘ĒLÁ
Egalement Galêla. Nom d’une tribu originaire du plateau homonyme, au nord-
ouest du col de Garbanabá, dans le massif du Dadár, avec pour principal point
d’eau, Margaassá. Le fractionnement retient quatre composantes principales :

217
« GALLA »

1. Gallá de Obnó : a. Asurré (Gallá proprement dits : ammadí-baɖitté, Siggantó,


Awliyyí, Wadar-ummaddó, Udyaytó, Bus-Gaditté) ; b. Damblá ; c. Asá
Gambél (v.).
2. Gallá de dôla.
3. Datá Gallá (Gallá de Uddúmma ; Askmá ; Gallá de Grá).
4. Gallá de Baádu (Uggí Ali, Asmaammadó).

La devise (itró) : « Sûna ! » ou « Sní ! » est commune aux Tákil et Wagbáru.


L’autre cri de ralliement, « Asurré ! » (v.), renvoie au nom du pays où
l’ancêtre, Ðagórri, « le Chevelu », est supposé avoir débarqué (Asurré, à une
trentaine de kilomètres, au nord-ouest de Íddi). Partout où elle se trouve, la
tribu se divise en « Kaɖɖá » Asurré et « Unɖá » Asurré. Les « Kaɖɖá » Asurré,
lignages des chefs, comprennent notamment les Asmaammadó, Siggantó,
Ambartó, Sattantó, Adbaɖitté, Sabantó. Les « Unɖá » Asurré sont les Kábir
ummaddó, Udyaytó, Asyaytitté, Bkallá, Gssí, Gayy(í) Arbhintó (Ská),
Dat-buɖá, Asaliytó. Les ammadí-baɖitté, chefs des Gallá d’Obnó, forment
un groupe à part. L’un de leurs chefs, Ali b. ámmadu « asnáytu », a été tué
à Sɖá (v.), en 1932. Histoire. La première migration aurait atteint le plateau de
Gallá dont la tribu alors formée prit le nom. Sous la conduite de Goobó, ils
gagnèrent le lieu-dit Goobó-d damúm « la pointe de Goobó » à Agná, puis
entrèrent dans le « Kaɖɖá » Gamárri (v.), occupé alors par les Allôma, des
Wíma et des Badoytá-m mlá (Ayri-Mákker). Ils s’installèrent à Absaló. A
Uddúmma (v.), ils repoussèrent les Wíma et occupèrent Ðaattó et la passe
d’Afambó. De là, ils gagnèrent Grá, au sud du lac Iiytá, puis Ðiyyá, au sud
du lac de aytamkôma, et dôla, point de passage au nord du lac Abé.
Ensuite, ils contournèrent ce dernier par Fɖá, à l’est et Ladó ; et par risá, à
l’ouest. Ils parvinrent au débouché de l’oued Obnó (Obnó-h af), que les Dará-h
Ulutó leur cédèrent. Harris les mentionne à Ktá-b byyá. Ils s’installèrent
dans cette partie occidentale (la plus riche en pâturages) de la plaine du
Gbaád et à Ayrorré, le plateau, au sud. Une partie des Gallá poussa jusqu’à
Baádu. D’après le compte des générations, le départ des Gallá de leur région
d’origine peut avoir eu lieu vers 1780 ; l’occupation de Grá, vers 1830-1840,
donc contemporaine de la bataille de Darmá. A la suite de la poussée des
Debné (v. Dikhil), les Gallá ont abandonné le Gbaád en 1932.
S : HL (in D.M., 1991 : 46-47) ; Chedeville / Maámmad b. úmmad b. Maámmad.
« GALLA »
1. Assimilation de « Galla » à Oromo. 2. Contre-arguments : a. chronologique ; b.
archéologiques ; c. linguistiques.
Nombre de traditions orales relevées à l’époque coloniale renvoient à la
présence de « Glla », c’est-à-dire d’Oromos, antérieurement aux Afars, dans
ce qui est aujourd’hui le territoire de la République de Djibouti. Ces traditions
comportent une part de vraisemblance, s’agissant d’individus qui ont pu être
des captifs de guerre. V. Aɖaytá, Ðarkáyna. Elles semblent douteuses, dès lors
qu’elles s’appliquent à des sites anciens et à leurs occupants supposés, pris
collectivement. En effet, si l’antériorité des Oromos est prouvée par la
toponymie en Somalie du nord (Cerulli, 1926, 1957-59 ; Lewis, 1959), elle
n’est en rien certaine au nord du golfe de Tadjoura.

218
« GALLA »

1. Assimilation de « Galla » à Oromo. Aubert de la Rüe, un des premiers


scientifiques à parcourir la CFS entre nov. 1937 et mai 1938, écrit (1939 : 19) :
Avant les Danakil et les Issa, le pays paraît avoir été habité par les Galla qu’ils
ont refoulés plus au sud-ouest dans le Harrar, pour prendre leur place. Les Galla,
qui étaient des agriculteurs et des sédentaires, semblent avoir laissé dans toute la
Côte française des Somalis des traces nombreuses de leur occupation, en
particulier des monuments très fréquents. (...) Ces constructions, parmi
lesquelles j’ai parfois relevé des enceintes avec miram [mirhab], qui devaient
être des mosquées, paraissent faire défaut dans les régions occupées aujourd’hui
par les Galla.
Découvrant les ruines de Handgá (v.), à env. dix kilomètres à l’ouest de
Dikhil (ibid. : 34-35) :
L’ancienne cité de Gallagota, appelée Handouga [Handgá] a été créée jadis, il
peut y avoir sept ou huit siècles de cela, par les Galla.
Egalement (ibid. : 72-73) :
Dans la vallée de Laassa [Lassá, au nord d’Obock], ouverte dans le flanc d’un
imposant massif en forme de table, le djebel Goutouali [Gutúli], je découvre
(...) les restes très bien conservés d’une cité galla (?), comprenant des vestiges
d’habitation en gros blocs de basalte et des monuments d’un type commun dans
toute la Somalie (...). Ils consistent en un monticule de pierre, haut de trois
mètres, situé sur une plateforme circulaire de quinze mètres de diamètre, bordée
de dalles dressées. Ces monuments, d’après les Danakil, ne sont pas des tombes.
De son côté, l’officier français Péri écrit (1938) :
Le pays, d’après les traditions Danakil, a été à l’origine peuplé par les Galla (les
Songo n’ont été sans doute qu’une fraction), dont on peut trouver à peu près
partout de nombreuses traces (grandes enceintes en pierres de formes diverses,
tombeaux). L’orientation des corps, dans les tombeaux que les indigènes
reconnaissent comme Galla, semble faire remonter la présence de ces
populations à une époque anté-islamique. Les dimensions de ces enceintes, leur
nombre, indiquent une densité de population incompatible avec les exigences du
climat actuel (...). L’emplacement et la forme des ruines permettent d’affirmer
que les Galla constituaient une population d’agriculteurs ou, en tous cas, de
semi-nomades possédant des boeufs.
Présentés traditionnellement comme « grands, stupides et chrétiens », les
Songó (v.) de la Songó-g Godá (v) sont mentionnés par Harris (1844) dans la
région de Hai (y, au nord de l’oued Skaytó où se situe Handgá). Johnston
(1844) indique là des tombes circulaires avec une ouverture dirigée vers le Sud,
attribuées à des « Sabian Kâfir, former owners of the country ». Des
informations similaires se trouvent chez Angoulvant et Vigneras (1902 : 153)
qui donnent une origine perse à ces Songó, localisés près de Zeyla :
Puis, à Tadjourah, une autre race complètement disparue, les Songo : d’après
une légende, ils étaient de très haute taille et d’origine perse. On leur attribue la
construction des puits de Tadjourah et de deux grandes citernes dans l’île Saad
ed-Din, en face de Zeyla. Ils furent chassés du pays qu’ils occupaient et
massacrés par les Ankellos [Anklá].

219
« GALLA »

Jusqu’à une époque récente (Ferry, 1988), l’existence de vestiges « Galla » a


été soutenue par la découverte de différents sites archéologiques : Guédi Allalé,
le tumulus de Lngoblé, au nord d’Obock (Bouvier & Miche, 1974), tous
incluant des stèles et des mortiers semblant indiquer des populations plus
sédentaires et agricoles que strictement pastorales. Ce serait l’explication des
huit puits à soutènement de pierres de Dawdáwya (Bésairie 1949 : 17).
L’assimilation de ces « Galla » aux Oromos fait toutefois bon marché de trois
séries de contre-arguments : chronologique, archéologiques et linguistiques.
2. Contre-arguments : A . chronologique. Les Oromos ne sont recensés en
Ethiopie, singulièrement dans la vallée de l’Awash, qu’au XVIe siècle. Le
premier engagement avec les imams de l’Áwsa est daté de 1583 (Cerulli,
1931). Par le compte des généalogies, l’arrivée des Afars Debné (v.), venus du
Dadár, sur le site précité de Handgá daté du XIIIe siècle, qu’ils disent avoir
trouvé déserté à la suite d’une peste, remonte au début du XVIe siècle.
B . archéologiques. Les Afars différencient sans hésitation les tumuli de pierres
(hawwló, pl. háwwel) des tombes (kábri), notamment celles dites « Galla »
(gllá-k kábri). Le nom hawwló doit être rapproché du guèze awɘlt
« monument dressé », qui désigne les obélisques d’Axum. En afar, le radical
hawwél renvoie à l’idée d’être en l’air : báɖa háwwêlil abbáɖuk sugté « elle
tenait son enfant bras tendus en l’air » ; gabá hawwlís « haut les mains ! » Les
tumuli ont généralement une forme hémisphérique, pouvant être :
– simple (de un à trois ou quatre mètres de diamètre), comme à Lassá,
au nord d’Obock ; ou sur la falaise au bord de la mer entre Obock et rs agág.
Certains tumuli atteignent des dimensions supérieures, comme celui à
l’embouchure de l’oued Barkállu couvert de coquillages blancs.
– double (Ðaɖɖató, Sagár, à 42 km au nord d’Obock) ou même triple
(Barrá-w waydál, Bsâli, chacun d’eux constitué d’une plate-forme reliée par
une allée de pierres). Une structure identique aujourd’hui disparue à Obock est
décrite par F. Jousseaume (1914, II : 145). Lesdites tombes « Galla », par
exemple à Waydláli, près de erkálu, au sud-ouest de rs Siyyan, à
Aburgúba, sur la côte près de Baylûl, consistent en banquettes rectangulaires de
sable (H. 0,50 / 0,70 cm ; L. 3 / 4 à 8 m), les plus longues pouvant être des
sépultures collectives. Henri Bésairie (1949 : 17) a observé d’autres tombes
« Galla » rectangulaires à Lassá, à 55 km au nord d’Obock, « avec de petites
pierres debout (1 m) » qui peuvent avoir été des stèles. Elles sont orientées vers
le nord-ouest ou l’ouest (sans lien avec la qibla). A Mudúdli, au nord-ouest de
rs Siyyan, on trouve de nombreuses tombes circulaires en pierres, d’un
diamètre de quatre à cinq mètres (Desanges & Reddé, 1994 : 167), elles aussi
non orientées vers La Mecque. Les tombes dites « Songo » sont de structure
très différente. Tracées à angle droit, formées de dalles placées sur champ, elles
comportent quatre piliers, d’un mètre de haut environ, ornés de pierres bleues.
Jusque dans les années 1970, une de ces tombes (également signalées par
Lucas, 1935 : 192 ; Chailley, 1980 : 66) était encore visible près de la résidence
du commandant de cercle de Tadjoura et dans l’oued Iddeytá, à env. 3 km de
Marrâ, sur le flanc sud du Godá (alt. 650 m). Toutes étaient différenciées des
tombes musulmanes habituelles, comme des tombeaux de guerriers (waydál).
A Rabnó (var. en forme d’anagramme Nabró), dans le Godá, se trouvaient des

220
GALLÂMIR

tombes de forme particulière, consistant en un enclos de pierre, avec une entrée


matérialisée par deux piliers, plus haute que la partie arrière. Ces tombes
étaient jugées d’origine inconnue. Sur la piste de Barraasôli à Íddi, passé
l’oued Addúllu (km 54), Vinassa de Regny (1923) a décrit des tombes de forme
voisine, à enceintes ou couvertes. C. contre-arguments linguistiques. En afar,
« Galla » renvoie à deux noms homonymes : 1. gllá (coll.), singul. glláytu
« Oromo » ; fém. gllaytó. 2. gálli, pl. gllá. Le nom a alors deux significations
: a. « foule » : gállik galgalalów mássa hínna « le chef d’une foule n’est pas
l’égal de n’importe qui » ; gallí ansát « en public ». Le singulier est souvent
employé dans une alternative : gálli...gálli « l’un...l’autre ». Gálli, singulier de
gllá (comme Ankáli, pl. Anklá) oppose unité et pluralité. Gallâmir (*gallí
âmir), le chef de guerre Debné (v.) était le « chef de la multitude » ; gallí mára
traduit « les étrangers », « peuple(s) étranger(s) » ; b. Le néologisme gallí maró
« cercle des nations » désigne l’Organisation des Nations Unies ; gallí ɖâgu
« les nouvelles internationales ». Le nom de Gallagota donné à Handgá
pourrait s’expliquer par : 1. *Gllá-g gtá « revanche sur les étrangers », du
verbe gt « désirer se venger » : gûtuh k ygoré « il l’a frappé pour se
venger » ; 2. *Gllá-g gutá « l’expulsion des étrangers », de gutu « frapper,
chasser » ; 3. Gllá-g gáta « la terre (gáta) des étrangers ». Le nom gáta
« extérieur », « étranger » (gáta-t yan « il est hors de la tribu ») s’emploie dans
le néologisme : gatí gidíh ministír « ministère des Affaires étrangères ». Pour
les trois raisons précitées, l’équivalence « Galla » = Oromo ne peut être
acceptée a priori. D’une façon générale, « Galla », en afar, apparaît être un
terme plus politique qu’ethnique, appliqué aux groupes considérés comme
étrangers, ou d’« étrange » coutume, non unis, comme pouvaient l’être les
Afars avant que Gallâmir (v.) ne les rassemble. « Etranger » se comprend ainsi
comme extérieur à toute organisation connue (d’un point de vue afarocentré).
Les tombes dites « Galla » correspondent à des sépultures non musulmanes.
Gllá, en s’appliquant aux « nations » voisines, a pour pendant Fúrsi (v.) qui
désigne les étrangers musulmans, occupants de la côte venus d’au-delà de la
mer Rouge (Arabes exclus). Géographiquement, gllá concerne les régions
continentales à l’ouest et au sud-ouest de Tadjoura ; Fúrsi, la zone côtière, à
l’est. Historiquement, les Debné qui, dans leur progression vers l’ouest, ont
pénétré chez les Songó, au début du XVIe siècle, et ont eu à affronter les
Oromos, au XVIIIe siècle, peuvent avoir contribué à confondre les uns et les
autres sous le terme générique « Galla ». Ce dernier, dans une acception
politique (non ethnique), appliqué à des groupes non afars, pourrait se rapporter
à ceux, peut-être de langues couchitiques, énumérés dans la coalition de l’Adal
(1333). Malheureusement, aucun d’eux n’est rattachable à une population
existante, empêchant ainsi d’établir de façon absolue une période « Songó-
Galla », malgré les indices précités.
GALLÂMIR
« Chef de la multitude » (*gallí âmir). Fils de Gulub-Kêna, petit-fils de aɖal-
Mâis, dans certaines généalogies (non dans celle d’Albospeyre). Rassemblant
les Afars, il repoussa les Anklá de Ðaɖɖato à Raaytó, puis signa une trêve
avec eux. Il est le père de : 1. « Ayrolasé » ámmadu, ancêtre des Ayrolassó

221
GAMÁRRI

(v.) ; 2. « Ðogorré » Umar (v.) qui vint résider à Tadjoura et dont les
descendants, auxquels furent réservés les sultanats Ad‘áli, occupèrent
Tadjoura, Raaytó et l’oued Bólli ; 3. Ulél Abûsa Arbâhim (v.), chef de la
coalition des Debné. V. Galla.
S : Albospeyre (1959) ; HL (in D.M., 1991 : 37) ; Péri (1938).

GAMÁRRI
De *gámar-li « qui a Acacia oerfota ». Plateaux basaltiques caractérisés par la
présence de cette mimosée séparant la plaine de l’Áwsa (v.) de celle du anlé
(v.). La topographie traditionnelle distingue le Petit Gamárri (« Unɖá
Gamárri »), le plus au nord, et le Grand Gamárri (« Kaɖɖá Gamárri ») qui
domine à l’est le lac de Uddúmma (v.). La passe du Petit Dôbi (Unɖá Dôbi),
par Gláfi, a été le point de passage principal des groupes Asahyammára (v.),
Gallá (v.), Mdaytó (v.), notamment en direction de l’Áwsa. Il existe des
pistes caravanières à travers le Grand Gamárri, comme celle suivie par
Munzinger en 1875, permettant d’entrer en Áwsa en longeant la rive orientale
du lac de Uddúmma (v.). V. Afambó.
GAMBÉL
Tribu Asahyammára, les Gambél seraient venus à l’origine de Genserrá, à l’est
de Amrá-r rásu, vers umbáb. Ils se seraient d’abord établis à Abána, puis
de là à Bdá dans la passe de Dôbi (v. Baddá). Les Asá Gambél, partie des
Galêla (v.), auraient ensuite émigré vers l’ouest. Légende. L’ancêtre des
Gambél, áred, Gibiyá le áred « áred, couvert de tiques » vivait en homme
des bois. usên « Gúra », des aɖbisó-s sárra (d’origine Asabbakári), se
servit d’une femme, du nom de Lakó « Goroyyá » pour l’attirer. Celle-ci fit
brûler de l’encens. Quand, attiré par le parfum, il se fut approché, on le captura
et on l’attacha. Un homme des Ulutó lui arracha une tique et lui dit :
afbeánnuh kok kalé « je te l’ai ôtée, en signe de notre afbeánnu » (parenté à
plaisanterie). Depuis, les Gambél sont afbêa (v.) des Ulutó et des Mdaytó.
S : HL (in D.M., 1991 : 47).
GANNINTÓ
Tribu de la côte au nord d’Obock, comprise entre Ado-Namma-Bûri, au nord,
et Adêla, au sud, où ils voisinent avec les Tákil. A l’intérieur, la limite passe
par l’oued Biɖɖâ, au nord du massif du Ibíra, Asgablá, et l’est de Asa
Ginneytá. Le nord est propriété des ayís de Mulúli et le sud, des Adán sárra,
Abá-m mlá et Gelellé. Itró des femmes : « Dhilí ! » Les Gannintó se
divisent en trois fractions : Drittó, fraction des percepteurs (ullá) de l’impôt
du sultan de Raaytó ; Mmintó et Gariytitté (cette dernière, issue de Garíyta,
sans doute éteinte). Les Gannintó ont formé une fimá (v.) avec les Hayís de
Mulúli appelée Ðnekalá. A la suite d’une affaire de sang, des Gannintó ont
émigrés vers le Bôrik baddi máru (v.) et se sont implantés à Dagabtá sur la côte
orientale de la péninsule de Bôri et dans les îles.
GAÑ
Province de l’Adal (v.), à l’ouest de l’Awash, sur les pentes de la crête
orientale du Choa, probablement située entre le Burkanná et le Arsó, au sud de
Dawwé (v.), en face du Baádu, globalement en pays Gibdsó actuel (v.), peut-

222
GĒNANIYTÓ

être vers Karrkori. Dans la chronique de Iyasu Ier, il fait suite à l’Azalo (plaine
au bas de l’Ifat), et celui-ci à l’Awash. Dans les listes portugaises, Gañ (peut-
être du verbe gn « se couvrir de pâturage (en étant vide d’habitants et de
troupeaux) » : bɖó gânut tan « le pays est couvert d’une herbe abondante »)
est associé à d’autres régions ou groupes dont l’origine afare est probable :
Dobaa, Doba Seltn (v. Dbaá), « Auçagurrele » (v. Áwsa). Dans la chronique
traduite par Basset, l’imam Amed « Grañ » (v.), du Gadám où il stationne, y
envoie un messager.
S : Basset (1897 : 81) ; Guidi (1903-05).
GARAYSÁ
Tribu sur laquelle n’existe apparemment qu’un récit légendaire de sa
formation. L’absence d’une quelconque trace historique est l’indice d’une
catastrophe démographique dont la mémoire est perdue. Légende. Les Garaysá
sont réputés descendre d’une fille nommée asná « Bitikká », tombée enceinte,
alors qu’elle allait au puits. Son fils fut nommé Galád, d’où le surnom
Galaddó de la tribu. Un récit rapporté par Péri raconte que la fille d’Ulêl
Abûsa Arbâhim avait conduit ses troupeaux au pâturage. Elle y rencontra le
diable qui, pour la séduire, avait pris forme humaine. Il lui promit le mariage à
condition qu’Ulêl Abûsa Arbâhim consente à lui construire une maison qui
n’aurait d’autre ouverture qu’un trou pratiqué à la partie supérieure, et dans
laquelle la future épousée resterait à la disposition de son mari pendant sept
jours, comme le veut la coutume. Le père accepta de construire une telle
maison et au bout de quelque temps vint s’enquérir de son beau-fils. Sa fille ne
put lui répondre, affirmant que chaque fois qu’il la visitait elle fermait les yeux.
Le père lui conseilla, la fois suivante, de garder les yeux ouverts. Ce qu’elle fit,
découvrant ainsi qu’il était le diable, lequel, prenant la fuite, affirma :
« L’enfant que tu portes s’appellera Gallaád. » Il fut finalement nommé
Galád et fut l’ancêtre des Garaysá (également nommé Adáli-k Gallaaddó).
Sa tombe est à Aláy Dbá, près du puits d’Ongoór. Les Garaysá restèrent sous
la protection du sultan de Tadjoura quand les Debné commencèrent leur
progression vers le sud (pays de Zeyla) et le sud-ouest de la vallée de l’Awash.
Pour certains Debné, Adáli-k Gallaaddó désigne solidairement les Garaysá et
les arka-m mlá. Principales fractions Garaysá du Gbaád : Maḥammakkká,
Alī-Bidartó, Tnná.
S : Albospeyre (1959) ; Péri (1938) ; D.M. / Sālé b. ásan.
GARBALÉ
Fraction adarmó, distribuée au nord-est de Íddi. Compte une fraction
Garbaaddó (v. Gabál).
GĒNANIYTÓ
Egalement Gnanintó (à différencier des Gannintó, v.). Descendants d’un
captif de « Gibdí » ámad, fondateur du sultanat de Raaytó (v.), appelé
Gênan. Apparentés aux Unɖá Saiddó et aux Askmillá du Godá, les
Gnaniytó dépendaient des Dnitté Dawúd-amaddó, branche dont le dernier
représentant, Kannó b. ámad, mort en 1938, a transmis ses droits nominaux
aux Debné.
S : Chedeville / Ali b. Abdalla.

223
GIBDŌSÓ

GIBDŌSÓ
Egalement Gidbsó. Tribu du Dóka (v.). Distribution. Originaires de l’oued
Gibdó, à environ 25 km, à l’ouest d’Assab, et de souches diverses (Ablé,
Ayrolassó, arká-m mlá). Distribués entre les deux affluents de l’Awash,
Arsó, au nord de Sámu ; Hawdé, au sud ; en incluant, la zone de Álta adossée
à Rsá-Sámu, territoire Aydissó (v.), et les deux rives de l’Awash, en aval de
Fantí Ð. La limite, à la confluence Arsó-Awash, est appelée Daní Gibdsó.
Fractionnement. Le chef de la fraction Adaylé et celui des Burá (d’origine
Mdaytó), commande aux « cinq (kná) Gibdsó » : 1. Tgúr ; 2. Wandâba
(incluant des Debné Arbhintó et Looyttí, notam. à Ussó, près de la
montagne de Sámu) ; 3. Adbaɖitté ; 4. éray ; 5. Adaylé. Les groupes accolés
sont notamment les ayymitté, Bidartó, iltitté, Gibdsó de la Kaló (à la
confluence Arsó-Awash). Les Bidartó et les éray (homonyme de éray
« phacochères ») sont réputés anciennement chrétiens. On peut penser qu’il
s’agit d’une insulte et non de la référence à un quelconque mode de
consommation antérieur à leur conversion, les chrétiens d’Ethiopie observant
strictement l’interdit du Lévitique. Tgúr et Wandâba seraient d’origine
Mdaytó. Les iltitté, liés aux aysamlé (v.), sont les seuls Gibdsó
Adohyammára. En conflit de pâturages avec les Argubbá (Argobba), les
Gibdsó ont été décimés par la variole dans les années 1960 et par la famine de
1974.
S : D.M. / Ali b. Looytá.

GIDINTÓ
Egalement Gadintó. Tribu Adohyammára, distribuée en Arratá (v.) et jusqu’à
Đóɖom et Ālá (v.). La tribu est rattachée à la descendance de úmmad b.
Áaw « Gúra » des Dammohoytá (v.) et au sultanat de Bíɖu.

Généalogie des Gidintό


« Gidím »

Ugɖé

Utbân

úmmad

Gabád

Bórri úmmad Áli Maámmad

Áli (chef vers 1910)

Gamúr

Áli (chef des Gidintó d’Arratá vers 1960)

Légende. L’explication du nom serait onomatopéique. La fille de úmmad,


Kadgá, aurait découvert un djinn qui, une fois capturé, ne savait que dire

224
GINNILI

« gidim...gidim ». On les maria ensemble, d’où les Gidintó. (Sur une légende
similaire, v. Garaysá.) Pollera les fait descendre de Gidintó úmmad venu de
Baádu et installé à Alablé (Bíɖu) où il épousa une Dammohoytá, de la fraction
Asabbakári. Les Gidintó sont afbêa des Dammohoytá. Itró : « reré ! ». Le
sens de cette devise (reré désignant la cuisse) reste obscur. Son sens figuré de
« sexe » (voir en amharique   yä č’ən gäräd « servante de cuisse »)
pourrait renvoyer à cette union avec une femme Dammohoytá.
S : Chedeville / Áli b. Gamúr. L : Pollera (1935: 254). Sur les démons bruyants, D.M. (1997:
152).

GINNILI
1. Spécificités de la vaticination afare. 2. Rituel. 3. Noms de ginnili.
Personnage qui concentre la triple qualité de guerrier, de poète et de devin
capable de vaticiner (ádal). Contrairement à une opinion partagée par les
milieux religieux (missionnaires européens compris), le ginníli n’est pas « a
man possessed by an evil spirit » (Parker, 1985 : 114), ni comme « celui qui est
possédé par le Djinn » (Mohamed Hassan Kamil, 2004 : 163). Les références à
l’arabe sont ici trompeuses. Si le nom gínni (collectif en afar) est emprunté au
singulier arabe et désigne l’ensemble des esprits malins (le singulier étant ginní
num « un individu des djinns »), le ginníli n’est pas un possédé, au sens de
l’arabe mağnūn, ni un malade souffrant de troubles de la personnalité. C’est un
médium en rapport avec les puissances numineuses, et parmi celles-ci la
ginneytá, sa compagne intime que le ginníli appelle « ma tante » (y’anná). 1.
Spécificité de la vaticination afare. La vaticination (ádal) fait partie de ces
pratiques qui, en raison même de leur caractère secret, risquent de rester mal
connues. Sans qu’il soit possible de préciser l’état psychique du médium, ce
genre de crise constitue un comportement normal, intervenant dans deux
moments cruciaux de la vie communautaire : la guerre et la transhumance. La
vaticination se différencie ainsi de trois rituels ; ceux de possession à vocation
thérapeutique pratiqués entre femmes, venus de la tradition éthiopienne du zar
(afár dr et baddí kúbur), et de « redressement de direction » (klíb gása) qui
redonne force au guerrier en chassant le mauvais œil. Prenant comme termes de
référence la distinction faite par Gilles Rouget entre transe chamanique et
transe de possession, le ginníli se rattache à cette dernière en étant « visité » par
un esprit sans qu’il en ait la maîtrise. On pourrait chercher des analogies avec
la transe théâtralisée des Mofou du Cameroun (Vincent, 1971) comme avec la
transe religieuse (díkri, ar. ḏikr) des soufis, mais la vaticination afare est, on l’a
dit, antérieure à l’islam et proscrite par lui. En même temps, l’accompagnement
musical de la possession médiumnique, incompatible selon Rouget (op. cit. :
197), incite à un rapprochement avec la classification du Phèdre de Platon. Au
« délire » (mania) prophétique correspond l’ádal qui est une polémikè mania
quand elle a pour objet la guerre. Le afár dr, le baddí kúbur et le klíb gása
entrent dans la mania télestique (à base de rituels teletai). Enfin, la mania
poétique est représentée par le digír, le jeu collectif des chants et des danses
(gad). Après Licata (1885) et Borelli (1890 : 84) qui avait mentionné un
« ghénileh », Thesiger (1935) a été le premier à assister à cette cérémonie au
cours de laquelle le ginníli vaticine, mais, faute de connaître l’afar, la
description qu’il en donne est sommaire. Aubry (1988 : 149) est abusée par
225
GINNILI

l’évidente affabulation de Lippmann qui aurait « participé et pas seulement


assisté (…) à la cérémonie du possédé du diable ». 2. Rituel. Le rituel de la
vaticination comprend trois phases : abána, litt. « ce que l’on fait » :
l’introductif stéréotypé ; ybissó, « pour faire parler le devin » ; ádal, la
vaticination, proprement dite. L’ensemble est précédé du dabrus, l’appel chanté
du ginnili à venir engager la vaticination. Le devin, inspiré par un démon
particulier, la ginneytá, qu’il appelle sa « tante », annonce les événements à
venir en répondant aux interpellations (sabó) de l’assistance formant cercle
autour de lui. On distingue deux types de vaticinations : robtí ádal, annonçant
l’issue de la transhumance ; bí ádal, prédisant l’issue du combat à venir. Le
premier moment du rituel (abána) comporte un récitatif commun à tous les
ginníli. Celui reproduit ici en orthographe afare a été proféré par ámad-Laé,
des Gallá, mort au combat, en 1973, sur le plateau d’Ayrorré, au sud du
Gbaád (D.M., 1991 : 54-59) :
Anu yaabay ixxicay labhay O hommes, faites que je parle !
Anu yanna yok tem axceyyo Moi, mon démon, je dirai ce que tu m’auras dit
Dirab yab ma yaabinay yannay Ne me dis pas de mensonges, ô mon démon !
Diraabah nee faxelon yannay On nous accusera de mentir, ô mon démon !
Yannay baru edde haay baahey O mon démon, mets-y ta marque de vérité
Yannay xaagu turaay baahey O mon démon, apporte des nouvelles vraies !
Kassoowe Qasalak dageyna J’ai fait la veillée à la mine de sel de Asál
Kassoowe Doobik Camilto J’ai fait la veillée à amiltó de Dôbi
Kassoowe Ererik Xangalto J’ai fait la veillée à Ðangaltó de Erer
Kassoowe anu way Siraaqir J’ai fait la veillée à Sirir [la caldeira du Damaalé]
Xiine yi badak Caraata J’ai dormi à artá, de mon pays immense
Taarrellow yi baadaw Caraata O artá, mon pays immense où nomadiser !
Taduurellow yi baadaw maaca O toi où revenir au matin après la pluie !
Mellekkiy le yi caxay carra Mon arbre penche le soir
Caamaysuk le yi caxay maaca Mon arbre s’agite au matin
Gayyaytoy guriibat samla le O flamant à l’étoffe écarlate à la patte gauche !
Gayyaytoy galih yoo xagaay gexey O flamant, informe-moi et pars !
Gayyaytoy yaamo koraay gexey O flamant, survole-moi et pars !
Gayyaytoy amok kolfalow O flamant à la tête crossée !
Gayyaytoy badal inkiiba le O flamant qui poses une seule patte sur le lac !
Yannay dirab yab ma yaabinay Ne me dis pas de mensonge, ô mon démon !
Gombol liy yi qale awliya Ma montagne, toi qui as des Saints au sommet !
Ragiidal liy yi qale seeka Ma montagne, toi qui as des marabouts à ta base !
Gibaagib le amo kak koran Aux tambourins sur lesquels passent les démons
Cuxaacud le gubak kak culan Toi qui as des buissons sous lesquels ils entrent
Koo mooba kutiiba yi caxay O mon arbre ! Qui n’a pas bon pied t’évite
Kok lee le irawti yi caxay O mon arbre ! Ton ombre a la fraîcheur de l’eau
Yarde alayla qasunuk yan mari Crevasse profonde où courent des gens nus
Alaylay sola ceela xaa qaxal le O crevasse aux pierres rouges comme le gril
Xiine baginnah yaaba coox J’ai dormi près d’arbres qui dorment réellement
Xiine qarinnah qiira coox J’ai dormi près d’arbres fumant comme des maisons
Xiine amanah saada coox J’ai dormi près d’arbres verts dans la sécheresse
Xiine xale kal xaaxa coox J’ai dormi près d’arbres qui embaumaient la nuit
Xiine gimo kanniy ya coox J’ai dormi près d’arbres qui résonnent en fin de nuit
Xiine rade kal gey ya coox J’ai dormi près d’arbres qui s’agitent sans tomber
Xiine amanah saada coox J’ai dormi près d’arbres verts dans la sécheresse
Yannay yannay garbi suruy mantu Mon démon ! Tu n’as pas l’odeur de la panse
Ma dugdugta camilat damum Tu ne te grattes pas le nez dans Sporobolus robustus
Maloy yannay okoolit xaanu O mon démon, toi qui ne te ravitailles pas au puits

226
GINNILI

Maloy yannay baranit silal Tu ne gîtes pas dans l’ombre de la poche des eaux
Maloy yannay erenit sirag Tu ne suspends pas ta lampe à l’arceau faîtier de la tente
Maloy yannay nafurut xaagu Tu ne t’informes pas auprès des lycanthropes
Yalli sin mâba niya le urru Dieu n’a pas fait de vous des enfants ardents au combat
A way axxigille sin mayyuu Maintenant, ne vais-je pas répondre à vos questions ?
Abanat biyaake sin raare J’ai failli vous lasser avec mon « abána »
Siinih umam baatay dokoney Que le malheur vous épargne, jeunes gens !

On voit que la distinction doit être strictement maintenue entre l’inspiratrice,


« la tante » du ginníli, et le monde démoniaque, comme avec une quelconque
pathologie psychique. A cette vaticination inspirée, sont associées des pratiques
astrologiques (v. Mafgadá) et géomantiques (v. Rámri). Chaque tribu
Asahyammára ou Adohyammára, notamment dans les zones de belligérance, a
possédé son ginníli jusqu’à une époque récente. 3. Noms de ginníli. La liste ci-
après énumère les ginníli encore cités, par zones géographiques. On note
l’hétérogénéité onomastique, les ginníli étant nommés, tantôt sous leur seul
nom personnel, tantôt suivi du nom paternel ou maternel. Certains n’ont qu’un
surnom ou ne sont connus que comme « fils d’un tel », « fils d’une telle » ; ex.
alleysá=b báɖa « fils de alleysá ». La période où a vécu le ginníli, d’après
les textes recueillis, et sa tribu, quand l’une et l’autre ont pu être précisées, sont
indiquées ci-dessous entre parenthèses.
FRONTIERE SUD (ummūnó) avec les Issas : Looytá b. Abbakári, dit « Gālé le
Abbakári » (Ankáli) ; Maámmad b. elém, dit « Aytinabó » (Debné Illīlitté,
vivant en 1898 (v. Karma) ; ámad b. Aytilé (Ayrolassó du Gbaád) ; Asāsolé
(Takíl des Gallá, 1967); amad-Laé (Gallá, mort en 1973 sur le plateau
d’Ayrorré) ; Dalgaló.
ZONES DE BELLIGERANCE Asahyammára ou Adohyammára (anlé, Baádu) : Ádan b.
Kuɖāsó (Gallá, 1932) ; Dôlab (Ulutó, 1938) ; Dro b. Ali (Mirgantó) ; amad-
Lúwa (Ayrolassó) ; Maámmad « Bilka » b. Kaɖɖá- asanlé (Mirgantó) ; Matré
(Debné Looytātí, 1928) ; Múɖa « Kūlé » (1930) ; Róyta b. Arbâhim (Garaysá,
1930) ; Saīd b. ásan (Garaysá) ; Yakub b. usên ; Uɖībá=b báɖa (Ská de
Baádu, 1932) ; Mômin b. Gédda (1930) ; Boyná b. Alī (Ulutó Maé-s sárra,
encore vivant en 1980) ; Maámmad b. Áli (sa mort au combat en 1942 explique le
surnom donné à cette année chez ses contribules Baddúl) : Alí Maámmad rabé
karmá « année de la mort de Maámmad b. Áli », concurremment à l’autre surnom
connu pour 1942 (v. Karma).
ESCARPEMENT ÉTHIOPIEN (zone du Dóka) : Adan « Ballísa » (Gibdsó) ; Aklé
(Gibdsó) ; alleysá=b báɖa ; ámad-Absúma (Gibdsó) ; á-b báɖa.

La pratique de la vaticination est aujourd’hui vestigielle en étant passée de la


quasi officialité (v. Arraddó) à la clandestinité. Non pas qu’une de ses causes,
la guerre, ait disparu, mais parce que cette dernière a changé de nature en
répondant à des enjeux qui ne sont plus strictement tribaux. Changement de
nature mais aussi changement de forme avec l’introduction des armes
automatiques qui transforment le moindre affrontement en massacre au mépris
de toute humanité et d’un code de l’honneur qui faisait combattre l’ennemi tout
en en faisant l’éloge (v. p. 130). Le style oral caractéristique de la vaticination
est virtuellement perdu, comme son univers de référence, celui du pastoralisme
devenu incompréhensible avec les changements sociologiques et idéologiques.
S : HL (in D.M., 1991 ; 1997 : 127-146).

227
GITTĪRISSÓ

GITTĪRISSÓ
Tribu du Godá, peut-être vestige des Songó (v.). Fractions principales :
Sanfaritté, As-ammadó. La légende dit qu’après l’élimination de ceux-ci
(voir p. 338), deux enfants Songó, de mère Ayrolassó, furent cachés dans la
grotte de Rirá (Rāirá-g gablá), vers Gabtimá. Recueillis par les Ablé, un des
enfants devint le père des aysamlé (v.) ; le second, Ayyúb Songó « Songó,
fils d’Ayyúb », grandit dans la grotte de Gittîru, près de Tadjoura, et devint
l’ancêtre des Gittrissó. Ceux-ci ont en wanó (v.) Ogóg (loué aux Asá Buɖá),
Marád (var. Moród, Murúd), Sissí, Gablá-g grá, Ðalú Grá, Addamaggó. La
dévolution de ce territoire ne s’est pas faite naturellement, sachant l’origine
contestée de Songó ; à preuve, cet échange, encore cité, le jour où Ayyúb
Songó se présenta devant le sultan de Tadjoura :
[Le sultan :] Ayyub Songo, waddar caraama ! « Songo, fils d’Ayyub, bâtard de ta mère ! »
[Tirant son sabre, celui-ci répondit :]
— Ayyub Songo Yalli yoo maaba « Dieu ne m’a pas fait que le fils d’Ayyub :
Saga yok Boora, ina yok Sitti Ma vache s’appelle Brá, ma mère, Sitti
Afti googar re, amô ciyyar re Propriétaire de la haute vallée encaissée1
Baaxo yi baaxo, Yall’aaba Ce pays est mon pays, Dieu me l’a dévolu.
— Koh takkayik, haysit, yexce’yyen dardar Puisqu’il te revient, conserve-le ! », dit sultan.

Ce faisant, le sultan reconnaissait l’antériorité des droits sur la terre des Songó
quasiment exterminés. Comme pour les Ablé (v. aɖal-Mâḥis), la légende
confirme la présence de tribus (et peut-être d’un peuple non afar s’agissant des
Songó) antérieurement à la formation des sultanats Adáli (v. « Galla »).
(1) Désignant ainsi Raríg, Eméllu, Alliltá, Asmél, Daggulbú, Itkí.

GIULIETTI
En afar, Kuldá. Explorateur italien, Giuseppe Maria Giulietti est né à
Casteggio (province de Pavie), en 1847 et mort à Egréri, en 1881. Son nom a
été donné au lac Afɖrá (Afɖrá-b bad), « le lac à la pointe longue », au sud de
la chaîne du Ertá Alé. Assassiné avec Biglieri et leur escorte militaire, le 25
mai 1881, sur le territoire du sultan de Bíɖu. Les restes de Giulietti, recueillis
par Franchetti au lieu-dit Đaɖɖató, près d’Egréri, les 23 et 24 mai 1929, ont été
ramenés en Italie.
L : Puglisi (1952: 150) indique sa naissance le 18 décembre 1847 et sa mort à « Daddatu »
(Ðaɖɖató) ; la Guida (340) donne la date de 1848. Plusieurs documents publiés par Luca Lupi
(2008 : 463) confirment sa naissance le 28 décembre 1847. G. Fiaccadori (EA, II : 809-810)
maintient la date du 18 décembre 1847. Luca Lupi fait le récit détaillé de la fin tragique de
l’expédition Giulietti (op. cit. : 463-483).

GŌBAÁD
1. Situation. 2. Etymologie. 3. Sultanat. 4. Démographie.
1. Situation. Plaine et oued s’étendant au sud-ouest de la République de
Djibouti. La plaine est délimitée par le plateau basaltique de Dakká au nord,
ceux de Dikhil à l’est et d’Ayrorré au sud, par le lac Abé, à l’ouest. Borelli a
été le premier voyageur à découvrir que « Gobad » n’était pas un point sur la
carte mais une région (v. Tadjoura-Choa). La première description précise issue

228
GODÁ

d’une mission de terrain est due à Bésairie (1949)1. Il identifie trois oueds
principaux : l’oued Gbaád, où se trouvent le village de As-ēlá et les jardins
créés par l’adjudant Antonietti ; l’oued Skaytó (somali Šeti), sur la rive
gauche duquel se trouve le site de Handōgá (v.) et qui se prolonge dans la
plaine du anlé au nord ; l’oued Ðagadlé, descendu du Dakká, qui se termine
aux puisards saumâtres de Kūta-Būyyá, entre As-ēlá et le lac Abé. La plaine
du Gbaád permet d’atteindre l’Awsa par le sud en contournant le lac et
l’embouchure de l’oued Obnó à Anɖaɖkálu. 2. Etymologie. Gbaád est un
nom composé formé de gbá « boucliers », métaphoriquement « plaques
d’argile (semblables à des boucliers ») + ad « blanc » : la plaine aux plaques
d’argile blanche ». L’afar décrit ainsi les « dépôts lacustres représentés par des
argiles gypseuses et salifères, des calcaires en plaquettes et des vases calcaires
consolidés, contenant en grande quantité Melania tuberculata Müller (…) »
(Aubert de la Rüe, 1939b : 360. Egalement Bésairie, 1949 : 41). 3. Sultanat. La
chefferie Debné (v.), formée en sultanat du Gbaád, se compose de cinq tribus
principales. 1. arká-m mlá (la fraction Arbhintó fournissant les chefs
(abba) ; Looyttí, Mssí, Illlitté, Adantó, Furté, Bbbá). 2. Ayrolassó
(fractions Tabbbí, usentó, Afkaɖɖitté, Ynussó, Abbastó, Dballá) 3.
Ankáli (Ubbbá, comprenant Dat-amaddó et As-amaddó ; Almmá). 4.
Garaysá (Maḥammakkká, Ali-Bidartó, Tanná). 5. Mafâ (asantó, Saiddó
« Waytammalé »). L’article « Gbaád » (EA, II : 816-817) rédigé par C.
Dubois mérite d’être rectifié au moins sur un point quand elle écrit :
the suln [Debné] had a fixed residence in the date-grove of Dikhil. (…) The
suln, as a protector of the country, was also a landlord. After payment for a right
of use and keeping for himself a right of way on the caravan traffic, he granted the
use of the lands to tribes and factions.
Cette présentation est inspirée du régime foncier et fiscal du sultanat de
Tadjoura (v.). L’abbá des Debné n’a jamais été propriétaire (landlord) de terres
qu’il aurait distribuées « aux tribus et factions ». Sa résidence n’a jamais été
non plus dans la palmeraie de Dikhil. Les références bibliographiques citées
(d’ailleurs sans lien direct avec le sujet) ne comportent aucune indication
venant à l’appui des affirmations de l’auteure. 4. Démographie. Un document
interne au cercle de Dikhil (1938 ?), intitulé « Fractionnement des Danakil
Adohyamara du cercle » indique un total de 1185 Debné habitant le
Gbaád : 378 arká-m mlá (dont 100 Arbhintó) ; 220 Ayrolassó (dont 120
Tabbbí) ; 395 Ankáli (dont 120 Almmá) ; 140 Garaysá ; 52 Mafâ.
S : HL (in D.M., 1991 : 34 et suiv.). L : article Debné (EA, vol. V).

GODÁ
Massif montagneux situé à environ 25 km à l’est de Tadjoura, d’une superficie
d’une vingtaine de kilomètres carrés et d’une altitude moyenne de 1500 mètres.
(Les graphies Gouda, Goudah sont erronées.) Agglomérations principales :

1. Le rapport dactylographié de Bésairie (Haut-Commissariat de Madagascar, 1949) contient


ses observations de missions de 1939 et 1945-46. Il ne mentionne pas le livre, également
documenté mais moins précis, d’Aubert de la Rüe (Gallimard, 1939) qui faisait suite à son
exploration de la CFS (de novembre 1937 à mai 1938).

229
GOMBÁR

Bankwalé (600 m) « qui a Lannea triphylla » ; Randá (900 m), exactement Srí
Randá « la croupe de Sûra ». Le point culminant du massif est appelé
Egeraleytá (1783 m). Celui-ci se prolonge par la crête de Barabarré « là où il y
a de la mousse (barabár) », orientée Est-Ouest. Une étymologie populaire
interprète bara ya bárri « la brousse qui fait un bruit de gouttes (bara) »,
tandis que baraybárri « vue trouble, brouillard dans la vue » amène Laurent
(2002) à traduire par « pays du brouillard ». Cette crête se termine à l’est par le
pic Diyrá (Pic Lagarde, 1715 m) où se trouve une mosquée de pierres sèches,
au sommet couvert de drapeaux et de feuilles, l’oratoire de Bayazd al-BisGm
(v.). Le pic Deloncle (1678 m) correspond à la crête secondaire de Karêru, au
nord de Diyrá (mal située sur la carte IGN). Le nom de Songó-g Godá « la
Godá des Songó (v.) » s’applique plus spécialement au versant sud et sud-ouest
du massif, zone où se trouvent des vestiges dits « Galla » (v.). En afar, godá
désigne l’état de ce qui est replié, contourné, et s’applique spécifiquement à
une crête géographique sinueuse. Le nom de Dbá « col » ou de Ðay
« proche » est réservé à la ligne de cols au nord délimitant le Billdí Godá (v.),
zone sèche et dénudée dont le nom s’est étendu à la zone boisée qui n’a pas de
nom à proprement parler. La « forêt du Ðay » correspond en gros à un triangle
dont la base est le Barabarré et le sommet le massif d’Adontá (1446 m). Dans
cette zone menacée par la coupe de bois à destination de Djibouti, trois
essences dominent : le genévrier Juniperus procera Hochst (sirîda), un buis
Buxus Hildebrandtii Baill. (gaydár) et une composée Tarchonanthus
camphoratus (galâad). Les deux premières nommées, impropres à la
consommation du bétail, sont de fait relativement protégées d’une disparition
complète. Le miel et des produits d’altitude, comme les oignons sauvages et les
plantes médicinales, étaient traditionnellement troqués en Áwsa. Dans la zone
forestière, notamment le ravin de ambôka, le puits d’Urnó et la profonde
vallée de l’oued Go, l’oiseau endémique remarquable est kukkaé
« Francolinus ochropectus », surnommé « poule du Day », et récemment
répertorié comme « francolin somali », bien qu’il ne se trouve pas en Somalie
(Noms français des oiseaux du monde, éd. Chabaud, 1993).
S : Chedeville (1972). L : Bésairie (1949 : 98-103) ; carte IGN (1 : 100 000), f. Tadjoura.

GOMBÁR
Egalement Gumbár (parfois Gummár). En botanique, gómbar désigne une
pousse (comestible) de palmier-doum (ungá) ou de Phoenix reclinata (aybá)
encore enterrée. Les Gombár sont sédentaires et forment un commandement
indépendant de leurs voisins. Ils incluent des Ulutó, des Mdaytó, des
Aɖkaltó, tous Asahyammára. Les premiers sont les chefs du pays, les seconds
fournissent le chef de la fimá. Il existe deux fimá. Celle des anciens, appelée
Barrik afá ; celle des jeunes, appelée Dangabá. Les Gombár possèdent deux
des plaines de la dépression d’Álol : ayyú « Rassasié » et arr-Âlol
« Pâturage du soir », ainsi que l’ouest du Siyyâru. Le nord de arr-Âlol est
occupé par la palmeraie de agandé, réputée pour ses palmiers-doum et leur
vin de palme (dmá). Leur limite avec les Gafrá, au nord-ouest, paraît être
Alaytolé Boyná, Maɖɖá-d dábba, et un point à l’est du puits de Illiûka

230
GULFÁ

« portez les moutons » (en raison de son accès difficile). Les Ablisá kíyta
leur servaient d’intermédiaires dans leurs relations avec le sultan d’Awsa.
S : D.M. / « Data » Isé ; Galmi-Áli.

« GONDURAḤMÁN »
Le cheikh und ur=Ramn (var. Gonduramán, Gonduramân) est un saint
du XIXe s., dont existent deux cénotaphes : à Ambabbó (pèlerinage le 27 de
Rama!n), ainsi qu’à Bala (Ianno, au sud-est de Däbrä Sina). Sa réapparition
(comme à Massawa) est fréquemment attestée. Albospeyre (1959 : 153) dit
cheikh Gonduramán originaire du Soudan. Doté du don d’automultiplication
(arabe taannud), la légende rapporte que, mis un jour en présence d’un
homme qui voulait le tuer, le cheikh se dédoubla. L’agresseur appela un
complice, mais le cheikh fit apparaître une troisième image de lui-même, et
ainsi de suite, en sorte qu’il se trouva toujours à égalité avec ses agresseurs ;
d’où son nom de und ur=Ramn. Le saint a la réputation d’avoir converti le
pays swahili. Il y demanda une femme pour se marier. On la lui accorda, à
condition qu’il soit enterré avec elle si elle mourait en premier, ou avec lui, s’il
décédait d’abord. Il accepta. La femme étant morte peu après, on déposa son
cadavre dans une caverne, et lui-même entra dans celle-ci, avant qu’elle ne soit
murée par une énorme pierre. Un animal monstrueux apparut alors au fond de
la caverne et dévora le corps, puis rentra dans le trou d’où il était sorti. und
ur=Ramn le suivit et parvint à l’air libre. Il se purifia dans un fleuve à
proximité, puis reprit son chemin. A Ambabbó, où il vécut avant de mourir, il
se lia avec deux hommes pieux de Tadjoura, Unɖá Kâmil, des Asá Ablé,
oncle du père de Sira) Barkat, et Abdulqâdir b. ummad-Gabá b. Maámmad
« Tamboytá » (v. p. 250). Ceux-ci exprimèrent le désir d’être enterrés auprès de
lui. Le cheikh Gonduramán leur répondit : « Je sais que mon tombeau sera
près d’ici (non loin de Tadjoura), mais je ne sais pas où sera le vôtre. » Il
mourut le premier et fut enterré à Ambabbó. Sa prévision se trouva réalisée.
Plus tard, on ouvrit sa tombe, son corps était intact. Unɖá Kâmil mourut deux
ou trois ans plus tard, vers 1878. Ses proches l’inhumèrent à Tadjoura. Le ciel
s’obscurcit, les étoiles restèrent invisibles la nuit suivante. Reconnu wali,
Abdulqâdir b. úmmad-Gabá mourut vers 1883 et fut enterré à Tadjoura (v.
Awliyá).
S : Chedeville / HHL / Makki b. Arbhim b. Abdulqâdir b. úmmad-Gabá b. Maámmad
« Tamboytá » (Naw.). L : Albospeyre (1959 : 153).

GULFÁ
« Foule », anciennement « cavalerie », « grand nombre de chevaux », pl.
gulffí. Il existe de nombreuses attestations au XIXe siècle et jusqu’en 1951 (v.
Karmá) de l’emploi de chevaux à la guerre. Mais leur possible confusion avec
des mules (bâkil, sg. bakíl), comme aux combats de Sɖá (v.), en 1931-32, et la
date exacte de leur extinction restent une énigme. Une enquête menée en 2006
en Awsa nous a montré que le sens de « cavalerie » de gulfá était inconnu. Une
source européenne comme Edmond de Poncins, dont on peut supposer qu’il
faisait la différence entre des mules et des chevaux, confirme pourtant
l’existence de ces derniers quand il écrit (1898 : 450) :

231
GULFÁ

Les Danakils Adoïmara sont très belliqueux et font leurs razzias de jour et le plus
souvent à cheval. L’herbe abondante de leurs plaines leur permet d’avoir des
chevaux et ils aiment à s’en servir ; on les emploie non seulement pour la guerre,
mais aussi pour la chasse ; ils attaquent quelquefois l’éléphant de cette façon et
tuent le zèbre, l’oryx à la lance et à cheval. Ils sont passionnés pour ces sports. On
voit souvent des chevaux le cou orné de lambeaux de peaux et de trophées
desséchés provenant de ces chasses heureuses. Un jour où, suivi de quelques-uns
d’entre eux, j’avais tué un oryx, le fils d’Ali-Falo prit le sang de l’animal et en
couvrit non seulement la queue et la crinière de son cheval, mais encore tout le
corps et rentra au camp avec son cheval rouge de sang, portant la peau d’oryx
comme une couverture et des lambeaux de chair attachés à la bride et sur les
naseaux, afin de l’habituer à l’odeur du sang. Quand cette année commença la
guerre aux Somalis2, de tous les points du territoire les Danakils partaient à cheval
pour se rendre à la frontière. (…) A Amoïssa3, l’endroit où fut tué Barral, je me
trouvai en présence de 23 cavaliers (…). Encore près de Metto [à l’est d’Erer], je
crus à une attaque imminente. Près de 1 000 cavaliers danakils en razzia chez les
Somalis buvaient aux sources, on disait même 1 500.
Une épidémie de peste bovine est recensée en 1876 en pays saho, en 1877 en
pays afar ; à nouveau en août 1889, venant de Massawa, qui touche le Dóka et
l’Áwsa. S. Serels (2012 : 85) en signale le début en 1887 et la rapide extension
au Soudan oriental, en Erythrée et en Ethiopie dès juillet-septembre 1888. Il est
possible que l’épizootie signalée par Hunter (1951 : 116), qui frappe le
Somaliland au début du XXe siècle, ait atteint la vallée de l’Awash. L’enquête
menée à Jigjiga en 2006 nous a permis de recueillir des témoignages parallèles
à ceux donnés à propos du pays afar et sur l’utilisation courante des chevaux
jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale en zone somalie de semi-
altitude. Identifiée comme une peste bovine qui aurait notamment fait
disparaître les bubales (encore cités par Poncins en 1898, op. cit. : 486), elle a
pu aussi décimer les chevaux, dont ne seraient restés que quelques unités qui
auraient continué de jouer un rôle symbolique (lors de son intronisation, le
sultan d’Áwsa faisait traditionnellement présent au roi du Choa de deux
chevaux) et d’alimenter l’imaginaire poétique. Un vocabulaire littéraire
spécifique, maintenant inusité, s’est appliqué aux chevaux (appelés dmá), dont
les robes sont différenciées : bulé « pie : blanc tacheté de noir » ; ib-adín
« balzan : avec des taches blanches aux pattes » (D.M. 1997 : 145). Le genre
« Eloge des chevaux » (farás sré) est marqué par cette disparition physique.
Si le nom est conservé, sa mélodie, avant semble-t-il d’être complètement
oubliée, a accompagné d’autres chants d’éloges, comme celui composé par le
quatrième fils d’Ab Bakr « Pacha » (v.), Kâmil effendi (in D.M., 1997 : 117-
119). Le cavalier et sa monture restent toutefois bien présents dans l’imaginaire
héroïque, comme dans le récit recueilli de Ḥámad-Ladé (ibid. : 77-78).
L : Hunter (1951 : 116) ; Pankhurst (1985 : 58) ; Poncins (1898 : 450) ; Serels (2012 : 73-94).

2. Poncins qui voyage entre octobre 1897 et juin 1898 peut faire ici référence à la guerre qui a
fait suite à la disette « Karús » de 1897 (v. Karma).
3. Ḥimmoysá, au nord de Mullú (v. Barral).

232
H
HANDGÁ
1. Site archéologique (Handgá). 2. Type de tente (handág). 3. Résidence des
sédentaires (Áwsa, Tadjoura).
1. Site archéologique. Handgá est le nom d’une agglomération ancienne,
reconnue en premier par Aubert de la Rüe (1939 : 34-35), à environ dix
kilomètres à l’ouest de Dikhil, sur l’oued Chekeiti (afar Skáyti, Skaytó,
Škaytó ; somali Šeti) :
L’ancienne cité de Gallagota, appelée Handouga a été créée jadis, il peut y avoir
sept ou huit siècles de cela par les Galla.
Harris (1844 : 146-47) est passé près du site sans le nommer :
On the banks of Chekaïto, many acres of ground are covered with stones of
memorial (...) each surrounded by a circular cordon.
Attribué aux « Galla » (v.), Handgá se trouve dans une zone riche en
industries lithiques (Asá Kmá) et en gravures rupestres. L’étymologie handág
« une faille », « un creux », « une maison bien construite en creux »,
rapprochée de l’afar dag « creuser » (Kern, 1969), est contestable. Si handág
(pl. handgá) signifie bien « une excavation », « un fossé », c’est sans doute un
emprunt à l’arabo-persan handaq. De plus, le nom n’évoque pas précisément
les constructions circulaires en pierre, mais plutôt la zone tourmentée au nord, à
la confluence des oueds Skaytó et Ab Yûsuf où se trouve le site
archéologique. Les fouilles entreprises à deux reprises par Roger Grau,
notamment celles menées en 1979, ont permis la datation de cendres du XIIIe
siècle de notre ère. Ces cendres situées sous les fondations de deux habitations,
correspondant sans doute à un rite de purification préalable à leur construction,
rendent plausible l’inclusion de Handgá au nombre des « cités » de l’Adal
coalisées en 1333. 2. Type de tente. A Raaytó, handág désigne un type de
tente de grande taille. Un changement de sens : fossé → fondation → abri →
maison pourrait être ici encore envisagé (cf. Kern supra) via l’indication
donnée par Leroi-Gourhan et Poirier de « puits-abris » dans la région du Bab
el-Mandeb, « maisons enterrées à ouverture très étroite, protégées contre
l’invasion des sables par un petit rempart de terre ». Mais les auteurs, que nous
avions interrogés, nous ont confirmé que cette information était douteuse
n’étant pas le fruit d’une observation directe. 3. Résidence des sédentaires.
Handág a été le nom de la résidence des imams Dardrá (v.) d’Áwsa
(correspondant aujourd’hui à Walé Fánta). Handág prend le sens de « lieu
habité par des sédentaires » dans le dicton attribué à Afkáɖɖa b. ásan (v.)
enjoignant de ne pas passer la nuit sur l’ancien site de Tadjoura, victime d’un
interdit : Tagorrí bayé handágammay, loóllâsay, bar ellé má ɖīnina « Tadjoura
est un lieu maudit, passez-y le jour, mais n’y dormez point. » La présence
multiséculaire de sédentaires en milieu pastoral est ainsi confirmée.
S : D.M. (1977 ; 2012b : 475) ; HL (in D. M., 1997 : 18) ; Grau (1976, 1981). L : Aubert de la
Rüe (1939 : 34-35) ; Kern (1969) ; Leroi-Gourhan & Poirier (1953, I : 430).
HARÁLLA

HARÁLLA
1. Etymologie. 2. Première émigration (à partir du XIVe siècle). 3. Deuxième
émigration (à partir du XVIe siècle). 4. Toponymie.
Harallí (en fonction de sujet), Hararrá (prononciation en Áwsa), cf. également
Harrára (Cerulli, 1931 : 75). Forme écrite arl (in Basset, 1897). La
variation h / , commune (voir la graphie de la ville de arär en amharique,
Harar en arabe) se retrouve en somali (arlá), pour désigner ceux intégrés
dans la descendance de l’aîné de cheikh se (v.), Ēlye « Bullle » (D.M.,
1991 : 40). Ils figurent aussi dans certaines généalogies des Drd (arlá, fils
de Kombe, fils de Kablalla ; donc frère de Géri et de artí). C’est sous la
forme Harálla que les Issas arlá sont mentionnés en afar (D.M., op. cit. : 70).
Le Fut al-abaša (trad. Basset : 111) distinguant constamment les arl des
Somalis (voir ci-dessous et l’article Ahmed « Grañ »), on doit admettre que
leur inclusion dans la généalogie des Issas est postérieure au XVIe siècle (date
de la rédaction du Fut). Dans la chronique de Amdä əyon, donc au XIVe
siècle, les arl apparaissent comme une population indépendante sédentaire
qui voisine avec les pasteurs Ware et Gabal (v.). Plusieurs noms de clans
arl cités dans le Fut (p. 116-118) semblent encore interprétables en afar :
Zemubarah (*Sámu-báɖa « fils de Sámu ») ; Barzarah (brí-sárra « les
forts » ?) :
L’imam [manda] toutes les tribus des Harlas, tels que les Zemoubarah, les Barzarah
avec leur chef : les Yagolas, les Djāsar, les Arab Takha [de la région de Kassala],
les Alqa ; tous étaient des Harlas [souligné par nous]. Puis il rassembla les tribus
somalies, les Girri [Géri], les Merraïān [Marreān], les Yibberi [Yibir], avec leur
chef Amed Geri, les Harti, gens de Maï [Mayɖ], les Djerān [girān, leurs voisins],
les Mazarr, les Bersoub [Bursuk], tous Somalis.
Le Fut (ibid. : 130) distingue encore « la qabīla māl, la qabīla arla, la
qabīla Malasāy ». 1. Etymologie. Les variantes Harálla, Hararrá montrent une
double acception du nom. Les formes à accent final Hararrá, arlá, arl
renvoient à un gentilé, celui du groupe descendu en Áwsa, au XIVe siècle. La
forme à accent pénultième Harálla (de *Harar + lé ou *Harar + li) est formée
sur le modèle de Tuurra (Tagor(r)a sur les cartes anciennes), de l’afar tágor +
li > Tagórri « Tadjoura »), où les suffixes le, li expriment une qualité,
l’appartenance à quelque chose. Cette seconde étymologie renvoie à une
acception politique plus large, celle de « gens du Harar », émigrés en Áwsa
dans la mouvance de la famille des imams, en 1577. Dans les deux cas, Harálla
/ arlá confirme (comme Balaw ou Adal) une continuité politique passant de
l’Ifat, à l’Adal et à l’Áwsa. Les deux formes correspondent à deux périodes de
peuplement distincts, mais la mention, dans les sources éthiopiennes, de arl
parmi les forces coalisées en 1333 rend plausible un lien originel.
2. Première émigration (à partir du XIVe siècle). Suivant la chronique de
Amdä əyon, les arl () représentent un groupe de l’Adal ancien
(Perruchon, 1890 : 147). Ils sont mentionnés parmi dix-sept « rois »
musulmans, avec Fads (v.), Mra, Dawro, regroupés derrière le cadi li.
La chronique (ibid. : 135) précise que le souverain éthiopien entra « de force
dans le grand pays que l’on nomme Adal où les autres rois n’avaient pas
pénétré ». D’après une tradition interne afare, les Harálla seraient descendus en
234
HARÁLLA

Áwsa, alors dirigé par un imam « Gb », en l’an 700 de l’Hégire (soit en 1300-
1301). Ce nom est assez vraisemblablement un surnom formé sur gabá
« autorité » : ku gabák máwa « je n’échappe pas à ton autorité » (v. p. 250).
Une tradition des Adáli affirme la présence de ces derniers, en Áwsa,
antérieurement à l’arrivée des Harálla. Ce mouvement migratoire peut avoir été
la conséquence directe de la soumission de l’Adal en 1288 (Cerulli, 1931) ou
de la campagne de Amdä əyon (1332-33). Les Harálla auraient entrepris
l’assèchement du lac que constituait alors l’Áwsa pour y développer
l’agriculture. Mais cette activité existait déjà, puisque le nom de Bará Áwsa
(v.) désigne les groupes sédentaires qui constituent le peuplement le plus
ancien. Jusqu’à aujourd’hui, l’Áwsa est la seule région où des Afars sont
cultivateurs. La zone aurait été drainée, quand fut ôtée une roche (peut-être à la
suite d’un mouvement tellurique) qui obstruait le passage des eaux vers le lac
Abé, non par le cours actuel de l’Awash, mais sous terre, par un autre trajet.
Le lieu où se trouvait cette pierre se situerait près du volcan Damaalé. (Cette
légende repose sur une réalité, comme le montrent des clichés de l’époque
italienne qui attestent de modifications ayant encore récemment affecté le
delta.) Le nouveau tracé des limites des champs est attribué au petit-fils de
Galás, Ámed « Yâwwi », Áhmed le Fuyard, vers 1660. Les Harálla
deviennent alors chefs de terre. Ils prennent le titre de baddáh abbá « chef de la
zone inondable » (baddá), pl. baddáh abbobtí. Ils contrôlent la séguia de
Gurmuddáli, l’un des défluents de l’Awash irriguant la plaine de l’Áwsa.

Succession des BADDáH ABBOBT d’Áwsa


Maámmad « Harariyyi »

Galás (c. 1600)

Egrašíf (= Egrá Yôsif = al-Harallí)

1. Ámed « Yâwwi » (c. 1660)

2. Ab Bakr rís Al+ó


(rissó) (Al+á)
3. Maámmad « Ds »

kábir Áli Dawúd Ibrâhim Ádan

(d. 1828) kábir Mamûd ámad Maámmad ásan Abró

(d. 1862) kábir andá 4. Dawúd (1832) 5. Ds Áli 6. Maámmad (1834-40)

ī Mamûd 8. Bitá (1862) 7. igg+ló (1840)

ī andá Dawúd

(d. 1973) šay -+ln+ Ys+n (chef en 1937)

ábib (chef en 1975)

Fraction Kabirtó Fraction Dardortí

235
HARÁLLA

3. Deuxième émigration (à partir du XVIe siècle). La venue de « Harálla » du


Harar semble s’être déroulée en deux temps. En 1577, une première émigration
vers l’Áwsa accompagne le départ du petit-cousin de l’imam Amed « Grañ »,
Maámmad-Gsa I, qui laisse à son frère la charge de vizir de Harar. En
octobre 1585, a lieu la fuite définitive de Harar des « alliés et amis de l’imam ».
Les Harálla distinguent les premiers arrivés (Sullá, Drussó) de ceux arrivés
après (sarrí ári « la maison d’après ») : Dággal, Aydamó. L’arrivée de l’imam
Maámmad-Gsa I et de ces Harálla va générer une double tension ; d’une
part, avec les imams arabes (v. Dardrá) ; d’autre part, avec les Harálla déjà
installés et chefs de terre. On ne connaît qu’incomplètement les étapes de cette
rivalité interne. On sait seulement que le chef des Harálla, Maámmad « Ds »
(abréviation de Drús), ancêtre de la fraction Drussó, a, vers 1750-60, le titre
de ras. L’entrée en usage de ce titre est concomitant de la mort de Salmân,
dernier imam Dardrá, arabe, auquel Maámmad « Ds » prit l’Awsa. Ce
changement apparaît explicitement dans la chronique de l’Áwsa (voir Annexe)
à partir de 1824-1825. Le tableau synoptique ci-dessous illustre la
concomitance de ce changement dans les années 1750-60.

Tableau synoptique des chefs Harálla, Dardrá et Mdaytó


(les dates à gauche correspondent principalement à la chronologie Harálla)
Harálla (Dardortí) imams Dardrá chefs Mdaytó
c. 1600 Galás sa Afkié
c. 1630 Egrašíf Maámmad (1628) Úmar
Ibrh+m (1648) « Unɖá » Áli
c. 1660 Ámed « Yâwwi » Salmân (1656) Ámad
c. 1672 Ab Bakr Úmar-D+n Maské
Ádan « Kaɖɖá » Aydâis (1700)
c. 1719 Ibrh+m anfaɖé
1750-60 Maámmad « Ds » Salmân (1750) Aydâis « Kaɖɖfó »
(premier « ras ») (dernier imm « arabe »)
c. 1777 Dawúd Maámmad b. Salmân Maámmad (1768)
c. 1790 Maámmad b. Dawúd « Asá » Aydâis (1798)
(premier amóyta)
1832 Dawúd « Digir-ma-yɖígi » Ádan anfaɖé (1832)
1862 Bitá Mayyabhé Maámmad « Illálta »
c. 1890 Dawúd Áli
1912 Yayyó (1912)
1937 Ys+n Waggên Maámmad b. Yayyó
1975 ábib Maámmad Ali-Mirá

En 1808, deux « imams » sont en présence, sans que l’on sache si l’un était
Dardrá et l’autre Harálla. Il en est de même, en 1820-21. En 1824-25, Dawud
b. Maámmad (Dawud dit Digir-ma-yɖígi « celui qui ne plaisante pas »),
arrière-petit-fils de Maammad « Ds », et Ali, fils de Maámmad, un de ses
frères ou cousins sont au pouvoir. Dawud est destitué, puis rétabli en 1828. Il
meurt en 1832, assassiné à l’instigation des Mdaytó. Il est remplacé par Ds
Ali qui est évincé en 1834 et meurt peu après la bataille de Darmá. Son
successeur est inconnu mais, en 1840-41, les Harálla, dans une dernière
tentative, renversent leur ras, Maámmad, fils de ásan, et le remplacent par
le fils de Ds Ali, igg+ló. En 1865, son cousin Bitá b. Dawúd est désigné et

236
HARRIS

assassiné la même année. Après la défaite de Darmá, en 1834, puis, en 1862, la


mise sous tutelle des Harálla par les Mdaytó Aydissó (v.), à l’avènement de
Maámmad « Illálta », la division des Harálla en deux branches, l’une
maraboutique (Kabirtó, v.), l’autre (Dardortí, v.), dépositaire théorique du
pouvoir politique, est acquise. 4. Toponymie. La tradition populaire fait des
champs de lave de Metahara et de celui au passage de l’oued appelé Dato en
somali, en montant de Dire Dawa à Harar, les vestiges de villes « Harla »,
détruites par une éruption volcanique au XIIIe siècle (Da Thiene 1939 : 242).
S : HHL (Naw.) ; HL (in D.M., 1991: 39-43) ; Cerulli (1931) ; Perruchon (1889 : 147 ;
texte éthiopien : 110). L : EA, II : 1034 (qui ignore l’existence des « Harálla » dans la
tradition afare).
HÁRMUS
Hormuz. Nom originel de l’îlot de Harâmous, près de Djibouti. Sur la présence
perse, v. Fursi.
HARRIS
Sir William Cornwallis Harris. Officier du Génie de l’armée des Indes et
voyageur anglais (Wittersham, Kent ; 1807 ; Surwur, Inde, 1848). Il effectue la
première mission politico-commerciale pour la Compagnie des Indes auprès du
roi du Choa, Sahlä Səllase. Parti d’Aden, le 24 décembre 1841, il rejoint
Tadjoura qu’il quitte pour Ankobär, le 27 mars 1842, et d’où il reviendra à la
fin de la même année. Richard Pankhurst (EA, II : 103671037) critique
Harris (« this work is marred by its florid style ») et n’aborde que les
aspects diplomatiques de sa mission, éludant les étapes de son voyage en
pays afar et les précisions que l’on peut déduire de son récit. A Tadjoura, il
rencontre notamment : « Mahammad b. Mahammad », le sultan de Tadjoura
(v.), c’est-à-dire Maámmad b. úmmad ; son vizir « Hamad Bunayto », le
banóyta Maámmad b. Mandáytu ; « Ali Abi », i Ali b. Maámmad, chef
des Rukbá-k Ðermlá ; « Mahammad Ali, dont la tribu a une place importante
sur la route d’Abyssinie », sans doute Maámmad b. Ali-Gára (v. infra). A
Ambabbó : Mohammed Mohammed (lire úmmad b. Maámmad), fils,
quoique non héritier, du sultan. En route, il rencontre le chef des Debné,
Looytá b. Arbâhim (v.) ; « l’akel des Dar[drá ?], Digger Myárgui ». Harris,
qui mentionne aussi les « Issehiraba Modayto » (Asahyammára Mdaytó),
confond ici le Harálla Dawúd « Digir-ma-yɖígi » et le qil des Dardrá (v.),
Ádan. Après Amádu, commence la tribu des « Woema » (Wíma), dont le
chef « Mohamed Ali » se joint à la caravane. Il signale le chef des Ablé
« surnommé Jeróaa, le Voleur ». Il s’agit de Maámmad b. Ali-Gára (v.),
qu’il a rencontré à Tadjoura, avec une interprétation erronée du mot gára. Vers
K+lálu, Harris (1844: 219) reçoit la visite de « Ibrahim Hameido » (Ibrâhim b.
ámmadu), chef de la tribu nomade des « Hy Somauli » (aysamlé), qu’a
rencontré Rochet d’Héricourt (v.), et dont le territoire va de Ramdáli à
Sagaggdán (v. piste Tadjoura-Ankobär). Harris rencontre Waáys b. agayó, à
K+lálu. « Il a abandonné la région de Bndará à cause des razzias des Issas. » Il
retrouve à Erer « Ali Abi » qu’il a connu à Tadjoura ; « Beedur », « Bidár, chef
des Debnés », à Sultélli ; son gendre « Boobekr Sumbhool », Sumbúl b.

237
HAWÂKIL

Abbakári, chef des Debné « Sidi Hábros » (Sid+á buɖá, v.), à immoysá (déjà
rencontrés par Rochet).

HAWÂKIL
Ile du « cercle de la mer de Bôri » (v.), à peuplement Dankáli (v.), détaché du
commandement des Dammohoytá par les Italiens. Le nom, d’origine arabe,
connaît une variante locale awâkil, plus répandue que la forme d’origine. La
variation [ / h] est libre : ex. Hwá ou wá (ou wí) « Ève » (ar. aww).
S : Odorizzi (1911 : 251).

Hawweeló v. « Galla ».
HAYTANKŌMÍ BAD
« Lac (bad) de la montagne (kmí) de Haytám », situé au nord du volcan
Damaalé (voir carte n° 5). La réalisation [n] : haytan kmá est régulière au
voisinage de [k]. On ne dit pas *Haytamkmí bad. La raison de l’emploi de ce
nom (arabe Haytam) dans ce toponyme est inconnue. En tant que nom
personnel, Haytám est peu usité aujourd’hui. Sachant la fréquence des
montagnes associées au culte d’un saint, on peut hasarder qu’un walî Haytám a
eu son oratoire sur les pentes du volcan, lequel n’est connu que sous le nom de
Damaalé « montagne des cynocéphales ». On ne peut non plus exclure que
cette forme Haytám soit une évolution de al-aw$a, « nom qui désigne un
territoire sacré de l’Arabie méridionale servant d’asile. Le substantif al-aw$a
signifie : un lieu entouré d’un mur, puis, généralement, un lieu placé sous le
patronage d’un saint qui y est enterré (…) » (J. Schleifer, EI, II : 313). Sur
d’autres saints oubliés de cette région, voir par exemple Faɖé-n-Geyó, awliyá
Umar báɖa.

238

ABBBÁ
Famille maraboutique de Wmulé (v. Mmulé), en Áwsa, descendant du
cheikh abíb b. cheikh Maámmad « Turb », de la tribu Asá Ablé, Muyyá-g
Gritté. Le cheikh abíb a été cadi de Tadjoura, dans les années 1920. Son fils,
également nommé Maámmad « Turb » et cheikh comme son grand-père est
décédé vers 1942, à Bté. Abdurramân b. cheikh Maámmad « Turb » est
un des signataires de la lettre de 1887 envoyée conjointement par úmmad b.
Looytá (v.), sultan des Debné et le sultan de l’Áwsa, au sujet du lac Asál (v.).
D’après une source complémentaire, l’arrière-grand-père du cheikh abíb,
serait décédé en 1862, laissant supposer la généalogie suivante :
Maámmad

Maámmad « Turb » (d. 1862)

Abdurramân (signataire de la lettre de 1887)

cheikh Maámmad « Turb »

cheikh abíb (cadi de Tadjoura dans les années 1920)

cheikh Maámmad « Turb » (né en 1870 à Tadjoura (?), d. 1942)

Sirraáli abíb

S : D.M. / cheikh Adan b. Dîni ; ábib b. ámad ; Chedeville (comm. pers.).

ḤADARMÓ
Egalement adrém (ar. arim), adréb. Tribu afare dont l’étymologie
populaire du nom, critiquée à juste raison par Zaborski (2011 ; 572), renvoie à
aramawt (Pollera, 1935 : 253 ; Odorizzi, 1911 : 237). Distribution. Les
adarmó sont disséminés à Bôri (parmi les Dammohoytá), Bári, Arratá,
Mabɖá-Bíɖu, dans le triangle Dúbbi-Bitá-Salasimá ; la région de Kôri,
árak ; le Âdu (Awrá). La possibilité d’une immigration par la mer d’éléments
originaires de l’autre rive de la mer Rouge reste seconde par rapport à un autre
courant migratoire le long de la côte africaine, venu du sud du Soudan
maritime. La problématique est ici voisine de celle des Baláw (v.). Etymologie.
L’ancienneté du nom Hadrab, cité par al-Yaqubī dès la seconde moitié du IXe
siècle (cf. Zaborski, 1965), explique le nombre de variantes recensées, parmi
lesquelles adrib(a), arib(a), ədaräb, ədareb, Hadareb. La forme
arabe adrib(a) est utilisée jusqu’au XIVe siècle, relayée ensuite par
ariba, perçue comme la corruption de arima en renvoyant à
aramawt (EA, III : 7). Du point de vue diachronique, on doit, avant les
formes écrites en arabe avec [] pharyngal et [] emphatique, phonèmes
inexistants en bedja, privilégier Hadrab, dont dérivent les diverses formes
mentionnées, et notamment adriba, nom des chefs de Souakin, en 1378,
ḤADARMÓ

parallèlement aux Balaw, (al-Qalqašand!, Sub al-aša, IV : 493). En bedja, -b


est la marque de l’accusatif, forme de citation des noms masculins. La forme
lexicale de Hadrab est donc Hadra. Quoique l’étymologie háda ar « fils de
chefs » (in Zaborski, 2011) demeure possible, et en écartant haɖt ar « fils de
la lionne », dans le conte transcrit par Roper (1928 : 123), on est incité à
rattacher Hadrab au bedja hadáre avec le sens de « civilisé » (cf. également
Blažek, EA, I : 2003 : 519), de préférence à « noble », « généreux » (Reinisch,
1895 : 112 ; Almkvist, 1885, III : 28 ; Roper, 1928 : 192). Emprunté à l’arabe
ara « civilisation », hadáre marque l’opposition entre Hadrab « urbains »,
donc « civilisés » (arabe aar), et « bédouins ». Cette opposition socio-
linguistique existe en tigré (sab bar « habitants de la brousse » / sab madina
« citadins »), comme en afar, langue dans laquelle l’ethnonyme peut aussi
connoter l’idée de « bédouin » (D.M., 2012b : 151). Les Hadrab ont constitué
un groupe bedja arabisé à Souakin. Certains éléments ont émigré au sud (v. p.
16), expliquant les formes afarisées adréb, adrém et adarmó. adréb
(Hidrab chez les bilingues tigré-bedja) désigne en Erythrée les Bedjas.
adarmó montre une évolution comparable à celle d’autres étymons communs
à l’afar, au bedja mais aussi éthio-sémitiques, comme dans le dialecte tigré des
Beni Amər d’origine bedja1. A la finale consonantique de l’accusatif masculin
bedja –Vb (-ab, -ob), correspond en afar une finale -éb, -ém ou -mó2, soit :

bedja → bedja → afar


(f. lexicale) (accusatif)
→ (masc. -ab) → -éb → -ém → -mó
« civilisés » hadáre Hadráb adréb adrém Ḥadarmó « nom de tribu »
,
Légende. Les différents récits confirment la présence des adarmó qui
prennent le nom de Ablé (v.) au nord de Tadjoura, avant l’« apparition » de
aɖal-Mâis (v.) qu’ils accueillirent. La migration de ces groupes bedjas est
ainsi nécessairement antérieure au XIVe siècle. Elle se produit dans ce qui
deviendra le royaume Dankáli (v.), tandis qu’en pays Adáli, dans la région de
Tadjoura, les immigrants Balaw resteront connus sous le nom de Balawtá (v.).
Fractionnement. Les adarmó forment trois fractions dont deux issues de
deux frères homonymes nommés Úmar b. Bassá ámad. Le père de ce dernier
est appelé i Úmar (ou Am"d al-D!n B Saffr, venu du aramawt). 1.
Úmar, dit « Datá iggíy » (fractions Awli-Gúra, ou Ali-Gúra ; Garbalé,
Bitáytu, am#ddí fournissant les rdántu, v.). A cette fraction aînée,
appartenait le mari de la « princesse d’Amphilla » (v. Íddi), Maamm#dá b.
Áli, avec pour généalogie (les chiffres dans le tableau ci-contre indiquent
l’ordre de succession des chefs du lignage). Le mariage de Maamm#dá b.

1. La mention par Ibn Saīd de « Dankal » aux environs de Souakin (voir p. 12) renforce
l’hypothèse d’un développement du tigré sur un substrat afar en relation avec la présence de
Bedjas arabisés (Balaw, Hadrab), devenus tigréphones et finalement afarisés (Balawtá,
adarmó). Elle explique des similarités lexicales qui certes procèdent d’étymons communs
mais se signalent par leur morphologie bedja. Ex. [bedja -e → -ob → afar -bo] : bedja gál-e
« peau », accusatif gal-ób ; tigré gar-ōb ; afar galb-ó (cf. d’autres exemples in D.M., 1996).
2. La correspondance [m/b] est régulière en afar comme en bedja, langues qui n’ont que trois
consonnes labiales en l’absence de /p/ : la sourde /f/, la sonore /b/ et la nasale /m/.

240
ḤADARMÓ

M#tallá avec Elyá b. ámad, de la fraction Dammohoytá commandant à Íddi


(v.), a amené la dévolution du pouvoir à leur petit-fils Alīló qui reçut le
commandement des adarmó Awli-Gúra des mains du frère de son grand-père.
La fraction Datá iggíy est plus particulièrement représentée sur la côte, à
Sroytá, Nammeytá et Mabɖá.

Ordre de succession des chefs Awli-Gúra

Dates de naissance approximatives Gúra

1675 ámad

1700 Gúra

1725 M#tallá

1750 Êdu ummó

1775 ámad (1) ámad (2) M#tallá

1800 Elya ! (3) Maamm#dá (4) ámad

1825 Áli

1850 (5) Alīló

1875 urbé

En 1910, Abrâhim b. Ismâil (Umar « Datá iggíy », fraction Bitáytu) est


devenu le premier chef rendu autonome par les Italiens.

Généalogie des adarmó


i Úmar

Bassá ámad

Úmar (Datá iggíy) Úmar (Asá iggíy) Datá Áli

« Ôna » Ófti

inkkó

« Kit#bá le » Áli

Gúra ásan « Garbalé » Bitáytu ámad

Awli-Gúra Garbalé am#ddí

2. Úmar, dit « Asá iggíy » : Ali Góhli (fraction aînée) ; Asá Uddúm ; Datá
Uddúm ; úmmad-Dâba ; B#raadó, connus aussi sous le nom de Gurmató
ou B#liytá. Odorizzi a recensé des Asá iggíy à Bíɖu qui sont peut-être
apparentés aux Asá Ibád de Sid!á Alé. 3. Datá Áli, dont la descendance est

241
ḤAÐAL-MÂḤIS

chez les Waydarát (v.). Les noms des fractions ont subi des réfections suivant
les différentes interprétations précitées. On note celle d’Awli-Gúra « Tuteur la
Gauche » en Ali-Gúra, qui pourrait rappeler la valeur symbolique de la gauche
dans la titulature bedja, encore conservée dans les contes populaires où le lion
est talhá-b « gaucher » (v. Klíb). Le titre saho ôna (Ôna Ófti) explique le nom
de fraction Unúfta. Nombre de Sahos se donnent une origine bedja. Itró des
femmes : « Maynabá ! »
S : Chedeville / Ali b. ayyîta b. ámmadu ; ámad b. Maamm#dá b. M#tallá ; ásan b.
ámad b. urúb ; M"sá b. Ali b. Nkúda ; HHL (Naw.) ; HL (in D.M., 1997 : 3, 5, 7, 12) ;
Odorizzi (1911) ; L : Dans le débat étymologique, les analyses du regretté Andrzej Zaborski font
référence ; de celle, pionnière, de 1965, à sa synthèse de 2011 qui passe en revue EA, I : 516-
521 (Be'a) ; 527-529 (Beni Amər) ; II : 958-59 (adrém) ; III : 7-9 (ədaräb).

ḤAÐALMÂḤIS
1. Etymologie. 2. Légende. 3. Généalogies.
« Celui qui fut sur (ou par rapport à) l’arbre au matin » est apparu dans un
jujubier (kusrá), dont le tronc desséché fut longtemps visible à Šek Abbwin,
près de Adáylu, au nord de Tadjoura, en pays Ablé. 1. Etymologie. Le surnom
aɖal-Mâis est la nominalisation de l’énoncé verbal aɖá-l misé « il fut par
rapport à l’arbre au matin ». La postposition -l ayant plusieurs sens possibles
(« près », « à », « sur ») permet plusieurs traductions, dont l’une insiste sur le
fait que le héros légendaire était près de l’arbre sans le toucher, renforçant le
caractère prodigieux de l’apparition. (Sur ce rapport symbolique à l’arbre, cf.
D.M., 1991 : 31-32.) 2. Légende. C’est en se penchant sur le puits, pour
prendre de l’eau, qu’une esclave de Ali « Ablís » vit l’ombre d’un homme
dans l’arbre qui surplombait le puits. Croyant à un djinn, elle s’enfuit.
Ameutés, les gens du village se rendirent au lieu de l’apparition et découvrirent
un jeune homme richement habillé de soie. On l’interrogea pour savoir s’il était
homme ou démon (atu, ginniinnaa insii ?). Il fit savoir qu’il était un homme,
envoyé de Dieu (Muller, 1959 : 47)3. On lui proposa de descendre de l’arbre, ce
qu’il refusa tant qu’on n’aurait pas étendu sur le sol des peaux de boeufs.
Toutes les peaux blanches ou rouges que l’on put trouver furent rassemblées
pour former un tapis. Descendant de l’arbre, aɖal-Mâis posa le pied sur une
peau rouge. Alors, les terres alentour reverdirent, les animaux sauvages se
mirent à hurler, et un vol de tourterelles passa au-dessus de sa tête. aɖal-
Mâis fut conduit au campement du adarmó (v.) Ali « Ablís », père des
Ablé, où il fut reconnu chef de toutes les tribus existantes, sauf des Anklá
contre lesquels devait être menée la lutte. Il épousa la fille de Ali « Ablís » et
devint l’ancêtre de la plupart des lignages régnants actuels, issus de ses fils :
Môday (M#daytó), Adâal (Adáli), « Sambollakóli » (Dammohoytá,
aysantó), Ulután. Deschamps (1948 : 40, n. 1) prétend qu’une légende
similaire a cours sur la côte sud-est de Madagascar, région qui a reçu des
immigrants arabisés. L’enquête n’a pas permis de trouver la trace d’un tel récit.
3. Généalogies. Le compte des générations des tribus (et des lignages régnants)

3. Cette mention n’apparaît pas dans toutes les versions de la légende. Dans celles discutées
récemment par Karim Rahem (2001), la figure du missionnaire de l’islam est devenue
prépondérante.

242
ḤAÐAL-MÂḤIS

qui se réclament de aɖal-Mâis aboutit peu ou prou à situer cet événement


fondateur à la fin du XIVe siècle (sur la base de 20 générations de vingt-cinq
ans, comptées d’aujourd’hui), au début du XIVe siècle (en comptant des
générations de trente ans, v. Introduction). Le récit légendaire, à la fois
généalogique et politique, repose sur cette épiphanie de « l’homme sur (ou près
de) l’arbre » et sur l’alliance par mariage avec la fille de Ali « Ablís » ou
« Ablisá », (qui fait saigner), en raison, dit-on, du sang versé pour chasser les
Anklá. Ce sera, en effet, le premier rôle des descendants Adáli de aɖal-
Mâis, Gallâmir (v.) et « Gibdí » ámad (v. Anklá). Le mythe fondateur
retrace en fait un coup d’Etat. Pour mettre un terme à l’occupation des Anklá,
certains éléments Ablé auraient suscité un renversement politique, avec,
semble-t-il, une aide extérieure. L’origine arabe (ou perse) de aɖal-Mâis,
dont le vrai nom aurait été Yûsuf ou Abdallah, pourrait être la trace de cette
intervention étrangère. Un récit donne à Yûsuf « aɖal-Mâis » un père arabe,
« Asá » Úmar, qui serait venu d’Arabie et aurait épousé la fille du sultan
Anklá. Il serait devenu populaire en enseignant le Coran ce qui aurait
indisposé le sultan, lequel l’aurait fait tuer. Son fils, le futur aɖal-Mâis se
serait soulevé contre son grand-père maternel (v. Anklá, pour un motif
identique expliquant l’origine du sultanat de Raaytó).

Descendance de aɖal-Mâis
(l’astérisque signale les Asahyammára)

Afrá

Moad (Mu()

Gáfar

Moad (Mu()

Abdallah

aɖal-Mâis

Môday Adâal « Sambollakóli » Ulután

Descendance Descendance Dammohoytá aysantó


d’Afkié Adáli Sultanat de Bíɖu* Sultanat de Têru* Ulutó*

Sultanat d’Áwsa* Gulubkêna

Gallâmir

« Ayrolasé » ámmadu « Ðogorré » Úmar Ulêl Abûsa Arbâhim

Ayrolassó « Asá » Kâmil « Datá » Gúra


Sultanat de Tadjoura Sultanat de Raaytó

Gaddalé Ali ámad « arák » angallé

Adorásu Bas#má du Mablá arká-m mlá Adáli du Songó-g Godá

243
ḤAÐÁ-M MĒLÁ

Contre ce récit que l’on pense tardif, qui institue la tradition d’une origine
arabe des Afars, le récit légendaire montre que plusieurs tribus afares étaient
déjà présentes dans la région, parmi lesquelles les Anklá, les Ablé et les
adarmó qui suscitèrent la venue de aɖal-Mâis, les Badoytá-m mlá,
d’autres encore comme les Egralâ (v.). Les quatre dernières citées sont, pour
cette raison, considérées comme súget (v.). Les combats pour la prise de
contrôle de la vallée de l’Awash et la formation des coalitions Adohyammára
et Asahyammára (v.) ont amené un troisième développement. Refusant de
descendre de l’arbre, tant que l’on n’étendrait pas des peaux sur le sol, aɖal-
Mâis, en choisissant de poser le pied sur une peau rouge apportée par un
Asabbakári (v.), aurait justifié la prééminence des Asahyammára. Bien que
contredite par le fait que la division entre « Blancs » et « Rouges » remonte au
XVIIIe siècle, donc quatre siècles après l’apparition de « Celui qui fut par
rapport à l’arbre au matin », cette interprétation a pu être proposée pour
légitimer l’ancêtre des M#daytó (Asahyammára, v.), présenté comme l’aîné de
aɖal-Mâis et l’emportant politiquement sur les Adáli. Le tableau
généalogique précédent récapitule ainsi les bouleversements politiques qui
s’opèrent entre les XIVe et XVIIIe siècles. La centralité du mythe va de pair
avec cette double articulation dans le temps que constitue l’avènement d’un
nouveau pouvoir afar, celui des Adáli ; puis l’expansion de groupes, tous
originaires du Ló, région située au nord de Tadjoura jusqu’à l’oued Wimá,
formés en coalitions « Blanches » et « Rouges », se revendiquant comme les
« enfants de aɖal-Mâis ».
S : HL (in D.M., 1991 : 37) ; Albospeyre (1959 : 103-161) ; Chailley (1980 : 15-17) ; Deschamps
(1948 : 40) ; Lucas (1935 : 182) ; Péri (1938). L : Ferry (1988, n. 26) ; Rahem (2001).

ḤAÐÁM MĒLÁ
Etym. aɖá-m mlá « gens de l’arbre » (la référence à l’arbre semblant
renvoyer à un pacte fondateur). Tribu accolée aux Badoytá-m mlá de Dawwé,
d’où le nom aɖá-k Badóyta. Elle participe à la fédération formée à Baɖuwlé
« là où des femmes furent données pour sceller l’alliance entre tribus »,
donnant naissance au commandement D#dá (v.). Distribution. Quatre
groupes : 1. D#dá (Tamít k aɖá-m mlá) ; 2. Gárba (Dorráhi-k aɖá-m
mlá) ; 3. Arsó (Arsó-h aɖá-m mlá) ; 4. K!lálu (B#r aɖá-m mlá).

Généalogie de Gamúrta B . ámmadu


Mirgán

Áli Adan Nasri

? Ḥámad

Kommolé « Kaɖɖá » Gáas


Gúra
Ḥámmadu
Gamúrta
Áli Urrigobmáli
Kalóyta Farasabbá

244
ḤÁMAD-LA‘DÉ

Généalogie. Les aɖá-m mlá de D#dá se rattachent à Mirgán et à ses trois


fils : Ali (fractions Mirgan-Alittó), Adan (Mirgan-Ádan ou Mirgantó), Nasri
(Mirgan-Násri). Le guerrier Gamúrta b. ámmadu b. Gúra, célèbre pour ses
tirades (dábal) appartient à la sous-fraction amaddó (Mirgan-Alittó) comptée
parmi les Maa-s sárra Elleaddós, chefs de D#dá (HL, in D.M., 1997 : 159).

AÐBISÓ-S SÁRRA
Tribu dont le nom proviendrait de aɖá-b bísu le « de la couleur des arbres »,
sans plus d’explication. V. Abrartó, Sakɖá.
AÐMÁLI
Fraction descendante de aɖmáli b. Utbân (Ismân) b. « Unɖá » Alí, des
M#daytó (Unɖá Alí-sárra). aɖmáli est un surnom donné par la mère à son
fils (de aɖit máli « infatigable »). V. M#daytó-k Maanɖíyta.
AFFALÉ
Cap inhabité, à l’est de Midír. Le nom provient de affá, nom d’action du
verbe « frapper » (af iɖɖí), en raison de sa haute falaise battue par la mer et
le vent (affá le « qui a le battement »). L’« Amphilla » (« Hanfala ») des
explorateurs : « Anfila » pour Salt qui y passe le premier le 11 décembre 1809,
« Amphilla » pour Munzinger, correspondent plutôt à l’anse de Midír (v.). Von
Zichy (1880) l’atteint le 22 mars 1875. Après le cap de affalé, le puits de
Kommâlis, au sud, sur la côte, est ancien. D’Abbadie rapporte la tradition qui
atteste d’une installation des « Perses » à affalé, ainsi qu’à « Gammela »
(Gimmâɖi), un îlot à l’est de Íddi. V. Fúrsi. Petit village de pêcheurs adarmó
(v.) à Sâil.
L : D’Abbadie (1890 : 24) ; Conti Rossini (1928 : 295) ; Munzinger (1869 : 190).

i Ali v. Ali B. Hummad


AKÁLA
Anciens habitants de la région de Sutalé, Lafoflé, Gaddé, partis vers le nord.

AKÍR
Ancien nom de Sanafé (saho Sanâfe, afar Sanâfi ou akír). Une étymologie
en saho explique que le nom proviendrait de Saná ifé « sorti de )an’ », lieu
d’origine de Abdallah b. M"sá, auquel se rattachent des habitants de la ville.
ḤÁMAD-LA‘DÉ
Le poète ámad-Ladé b. cheikh ásan b. ámad-Ladé (As-+lá, 1940 ;
Djibouti, 29 juin 1981) est issu de la fraction Debné arká-m mlá Arbhintó
(v.), qui fournit la lignée des sultans du G#baád. La rumeur veut qu’il soit né
dans le Goda en 1941 (mais nous avons eu la confirmation directe des date et
lieu indiqués). Généalogie. ámad-Ladé avait reçu un nom double, de type :
nom arabe + qualificatif, traditionnel dans sa famille, puisque ce nom de Ladé
(de laad) « être ridé », « être fané », se retrouve chez ses ascendants, son
grand-père paternel et le grand-père maternel de ce dernier. Le trisaïeul de
ámad-Ladé, le sultan Looytá b. Arbâhim, avait guidé Rochet, lors de son

245
ḤÁMAD-LA‘DÉ

premier voyage au Choa en 1839. L’arrière-grand-père de ámad-Ladé,


úmmad (v.), signa avec Léonce Lagarde le traité de 1884 (v.). Son grand-
père, ámad-Ladé, fils cadet de úmmad et jugé le plus brillant et qui,
pendant un temps, fut le représentant des Debné de l’Awash auprès de Ménélik,
reçut le titre d’abbá, de « sultan », en 1902. Mais le sultan ámad-Ladé
mourut prématurément le 31 juillet 1903, à Obock. Son fils ásan, le père de
ámad-Ladé, n’ayant que deux ans, le pouvoir passa à ses oncles et à leurs
descendants. Biographie. ámad-Ladé est une des personnalités majeures de
la vie culturelle djiboutienne, à partir des années 1960. Compositeur d’un
nombre considérable (non encore recensé) de chansons, il est l’animateur de la
première association théâtrale Daté Maó [la bonne pensée, 1963-73] sur le
modèle de laquelle vont se former Mer Rouge (1964), Egla Mao [La bonne
union, 1965], Dokon Arkeyna [Le havre de la jeunesse, 1965], Kaḥni Raḥeyna
[La source de l’amour], Club du Mont-Goda (1966), Ras Bir (1973). Il est à
l’origine de plusieurs émissions de la Radio-Télévision de Djibouti, dont Sábtik
Sábti [D’un samedi à l’autre] et Sabtí wné [Causerie du samedi], où son
importance en tant que traditionniste a vite été reconnue. En même temps, sa
préoccupation réformiste transparaissait dans les leitmotiv de ses émissions :
Áysuk aysé geytânak, sugtém inkíh má baysina, ou encore : N’aysém inkíh neh
ayselék, sugtém inkih baysé wáynay « cherchons l’amélioration sans tout abolir
du passé ». ámad-Ladé est également l’auteur de plusieurs pièces de théatre
(voir ci-dessous). Esprit éclairé et sensible, d’une érudition hors du commun,
ámad-Ladé a inspiré trois livres attachés à rendre compte de ce qu’il savait
du style oral traditionnel. Auteur et transmetteur des textes contenus dans la
partie afare des Contes de Djibouti (1980) et de ceux in D.M. (1991, 1997), il
est le fondateur des études afares à Djibouti (voir p. 397). ámad-Ladé est une
personnalité hors-série à deux titres : d’abord, en ne vivant que de sa plume, en
poète, chose inouïe pour l’époque. En second lieu, en ne composant qu’en afar,
sans référence particulière à l’arabe ou à l’islam. Ici, ámad-Ladé s’est
distingué de son père, le cheikh ásan dont la parfaite maîtrise de l’arabe
l’avait conduit à n’écrire que dans cette langue, suivant en cela la tradition des
élites bilingues.
THÉÂTRE. La recension de l’œuvre théâtrale, dont n’existe qu’une publication avec
traduction, est gênée par la disparition ou la rétention des manuscrits de l’auteur. C’est
ici l’occasion de souligner la négligence sans faille de la Radio-Télévision de Djibouti
qui n’a pas conservé les enregistrements des émissions de ámad-Ladé, lesquelles
auraient dû être considérées comme faisant partie du patrimoine radiophonique
national. Sans que l’inventaire soit clos, on peut mentionner les 5 pièces suivantes : 1.
Naharsi maaqatta [Premier pas, 1965]. C’est la première pièce jamais jouée en afar à
Djibouti — et sans doute ailleurs. Pour la mettre en scène, les acteurs créent
l’association Daté Maó en octobre 1963. 2. Yakku waa baxi kas qunxuk geya [Le fils
appelé à devenir quelqu’un fait preuve d’esprit dès sa jeunesse, 1965]. Cette seconde
pièce jouée à Djibouti a pour titre un proverbe ; de même : 3. Taqbe kal ma yaymaqan
[Pas de joie sans effort, 1966], jouée par le club Dokon Arkeyna. 4. Akaalaf tooboko
baxsa [La discorde sépare les frères, 1974. L’auteur est alors associé au club Ras Bir].
5. Sooxaay, cabuuy, sabar, forta [Trois folies au départ, 1975. C’est, à ce jour, l’unique
pièce dont le texte ait été recueilli et traduit (D.M., 1997 : 169-211)].
L : L’Atout (1989, voir p. 23 une liste non exhaustive des titres des chansons de l’auteur) ; EA,
II : 981-982 ; Le Réveil de Djibouti (14 août 1965 ; 26 mars 1966 ; 9 juillet 1981).

246
ḤAMMADÍ-SĪRÁT

ḤAMMADÍ-SĪRÁT
« Le commandement de ámmadu ». Nom de l’ensemble des groupes
dépendants et alliés du sultan Dammohoytá de Bíɖu (v.). Distribution. I. Sous
commandement direct du sultan de Bíɖu : 1. Asahyammára : a. Dammohoytá ;
b. Aliytó ; c. Gúdd k Gardía ; 2. Adohyammára : a. adarmó ; b. Gidintó ;
c. Asa L-k Dhí-m mlá. II. Commandement de Têru : a. Adáli (Adoh-
yammára. La métathèse Adáli au lien d’Adáli est pertinente, v. p. 41) ; b.
Mogorros (Ibassaralé, Asahyammára) ; Abarré (Adohyammára). III. ertó
(v.). IV. Commandement de Íddi (v.). V. Commandement de Bôri : a.
Dammohoytá (Asahyammára) ; b. adarmó (Adohyammára) ; c. « B#rí-k
baddí máru » (v.) ; d. Anklá ; e. Dhí-m mlá (Adohyammára) ; f.
Balossuwá. Les frontières du ammadí-S!rát ont été entamées par le sultanat
d’Áwsa et le colonisateur italien.
Généalogie de « ré » ámmadu

« aɖal-Mâis »

« Sambollakóli »

« ré » ámmadu

« Sîra »

« Dammáhu »

Alalitó

« Asá » Ellâma « Ánɖaɖ » Ellâma « Datá » Ellâma

Etymologie. Sur le vrai surnom du chef Dammohoytá (v.), « ré »


ámmadu, « ámmadu le Coléreux », a été formé un second sobriquet « S!rá
lé » ámmadu, « ámmadu qui commande », avec plusieurs étymologies, dont
deux arabes : 1. ra « enclos, bergerie »; 2. sra, au sens de « conduite »,
« manière de vivre ». Imitant les siyar al-mulk d’origine persane, au sens
d’expéditions militaires. Soit l’accent est mis sur le caractère bédouin, soit c’est
l’expansion des Dammohoytá qui est référée. L’étymologie savante suppose
une réfection de lettrés connaisseurs des thèses d’Ibn 1ald"n sur la sociologie
bédouine ou l’exercice du pouvoir. Ce lien étymologique a son pendant dans la
généalogie où sont introduites deux générations complémentaires « Sîra » et
« Dammáhu », lieu d’origine des Dammohoytá (v.).
S : HHL (Naw). D.M. (1999 : 22-23).

ANFAÐÉ b. TOLÁ
anfaɖé, fils de Tolá (nom de sa mère), Darumá, des Lubák-Kubó (v.) de
l’Áwsa. Dans l’ordre syntaxique afar : Tolá- anfaɖé. Suivant l’orthographe
afare : Tolâ Canfaxe. Maknun et Hayward (1981) indique Tolo anfaɖé, ce qui
est inexpliquable. Poète contemporain du sultan d’Áwsa (v.), Maámmad
« Illálta » b. anfaɖé, Tolá- anfaɖé est célèbre pour ses poèmes, dont une
adresse à l’encontre du sultan qu’il accuse de s’être laissé corrompre par les
247
ḤANLÉ

Italiens représentés par « Intinlé », le comte Pietro Antonelli (1883). Les


différentes versions de cette adresse reproduites (voir Annexe I, p. 377) sont
indicatives d’une relecture anachronique de l’Histoire et de la façon dont le
texte oral formé en centon n’en finit pas de se recomposer. Au fil des ans et au
gré des auditoires (ou des lectorats), le diseur-transmetteur s’oblige à un
exercice périlleux visant à donner à entendre ou à lire la version « légitime »
que son public attend.
S : HL (in D.M., 1997 : 161, 163, 167-168).

ḤANLÉ
Egalement allé. La plaine « de lait » (qui procure du lait (an) en raison de
son pâturage abondant). Plaine au nord-ouest de Dikhil (v.), dont les pâturages
sont partagés entre Adohyammára Adorásu (v.) et Asahyammára Ulutó (v.).
Ces derniers ont été repoussés par l’administration coloniale (v. Dikhil).
arla v. Harálla
ḤARKÁM MĒLÁ
Descendants ou rattachés à ámad « arák » second fils d’Ulêl Abûsa
Arbâhim (v.). La fraction commandante Arbhintó (v.), qui fournit les sultans
Debné, descend d’Arbâhim « Gonná » b. Ali b. Ádan « Gúra », aussi appelée
Adán « Gurí » Alíh ɖayló « les enfants de Ali, fils de Ádan “la Gauche” » (sur
ce concept de « gauche », v. Klíb).
Généalogie des arká-m mlá
aɖal-Mâis

Adâal

Gulubkêna

Gallâmir

Ulêl Abûsa Arbâhim

ámad « arák »
(Descendance arká-m mlá)

G#balíyta

Álga

úmmad

Ádan « Gúra »

Áli
(Adán « Gurí » Álih ɖayló)

M"sá Arbâhim « Gonná » Looytá úmmad b. elém Ádan


(M"ssí) (Arbhintó) (Looyttí) (Ill!litté) (Ádantó)

248
ḤASŌBÁ

Fractionnement. Principales fractions descendantes des six fils de Ali b. Ádan


« Gúra » : 1. M"ssí (de l’aîné M"sá) ; 2. Arbhintó (du cadet Arbâhim, chefs
du G#baád) ; 3. L#oyttí (de Looytá) ; 4. Ill!litté (de elém) ; 5. Adantó (de
Ádan) ; 6. Ali-Fristó (de Fâris, fraction des chefs de Mullú « G#ní Debné »).
En Ethiopie, les arká-m mla sont aussi répartis chez les Debné de úgub
(fraction Ská) ; chez les Álga-k Fadîa (fraction chef des Arbhintó) ; chez
les Ammibaɖí buɖá (Looyttí, chefs). En Rép. de Djibouti, aux arká-m mla
se rattachent les Garaysá (v.), les Eb#bá (v.), Skó-s sárra. Territoire. De leur
lieu d’origine, les arká-m mla conservent en wanó (v.) : 1. arká, dans le
massif du Dadár, au nord de Tadjoura, bande de terre de 15 km env. de long sur
3 à 5 km de large, à l’ouest de l’oued Debné ; 2. Gbaliytí rásu « le pays de
G#balíyta » : zone d’environ dix km de long sur 4 à 7 km de large, comprise
entre Lubáklu et Bokól Garbó, à l’est ; à l’ouest, la tête de l’oued Terdó (Inkí-
Sublá) et Ayrorré-k Kusrá (Adró-h Af) ; de ce point, jusqu’à l’oued Áyi et
Gdán-Lâu, à l’ouest de Bokól Garbó. Ce territoire des arká-m mla qui
aurait été conquis par G#balíyta sur les Ablisá (v.) et les Asedá (v.), se
prolongeait plus au sud, englobant le territoire actuel des Garaysá.
S : HL (in D.M., 1991 : 17-42).

ḤÁRSU
Egalement arsí (en fonction de sujet). Groupe afar bilingue oromophone (à
ne pas confondre avec Ársu ou Arsó, qui est le nom d’un affluent de la rive
gauche de l’Awash, au sud-ouest de Baádu) au contact des Oromos, à Dawwé
(v.), entre Bté et Fúrsa ; vers Millé et vers Awrá. Les ársu forment les arsí-
mlá, issus des Fantoytá (v.), et distribués de l’oued Grárru à l’oued Mayrámi,
en franchissant l’Awash au nord de Bahád.
ḤASŌBÁ
Egalement assbá. Distribution. En Rép. de Djibouti : 1. Sek-Arbhintó du
Mabla (fraction des chefs de l’ensemble de la tribu), formant avec les Tann#ní
(ou Uɖ as#bá) les As-Dawuddó et des Ská (ermitté, Kamiltó) la chefferie
Ská-k as#bá. 2. Yaqubtó (Šeemtó) de Tadjoura : 5bakartó descendants de
Ab" Bakr « Pacha » (v.), Kmiltó ; úmmad-Gab#bí ; Sa!d#dá, transhumants
du Songó-g Godá ; 5bakartó (famille de Maámmad b. Dilléyta, qui fut un des
informateurs de Marcel Chailley). La présence de as#bá parmi les Ulutó-k
Madîma (Albospeyre 1959 : 130) n’est pas certaine. Sur la côte d’Obock, les
as#bá forment avec quatre autres tribus (Tákil, Mdîma, As-Mlá, ayís)
les Kná líh buɖá, « la maison des cinq puits » (ayyú, Alá-t +lá, Tagarré,
Datá-+lá, Oɖôboɖ) et ont autorité sur l’ensemble. Les Has#bá (fractions
Bililtó, Gabartó, M#mintó, Adantó, Darbiy#yá, Kat#á) sont en charge du
règlement des affaires judiciaires (v. Arnoux). Le commandement appartient
aux Sa!dáytu des Umar-Aliytó, dont Abdó b. Burán était le chef du temps
de Lagarde. Son fils ásan b. Abdó lui succéda et mourut environ « deux ans
avant l’arrivée du gouverneur Deschamps », soit en 1936. Les as#bá sont
aussi distribués en Ethiopie. A Erer, où a émigré Kâmil effendi, quatrième des
onze fils d’Ab" Bakr « Pacha » ; à Kurbíli (Ták!l-ik as#bá) ; à Bté (v.) et
Farré (5bakartó), à une vingtaine de kilomètres à l’est d’Ankobär, tête de la
piste caravanière aboutissant à Ambabbó (v.), à quelques kilomètres à l’ouest

249
ḤASŌBÁ

de Tadjoura. Généalogie. Les tenants d’une origine arabe (racine -s-b « idée
de bonne origine ») font remonter les as#bá à la tribu yéménite des )abb!a
et à un certain Yakûb (ar. Yaqûb), enterré à rs 7ra, entre Cheikh-Said et
Aden. Débarqués à quatre dans la région d’Obock, deux descendants dits
« Yakubtó » s’établirent là, tandis que les deux autres partaient vers Tadjoura.
Des deux premiers, un seul survécut qui devint le père des as#bá Sek-
Arbhintó du Mablá. Ceux qui étaient partis à Tadjoura reçurent du sultan des
terrains ; l’un qui en épousa une des filles, à D!dalé, dans le Songó-g Godá
(v.) ; l’autre, dans le Billdí Godá (v.).
Généalogie des as"bá
úmmad

Dîni

Maámmad

Kâmil

Maámmad « Tambóyta »

úmmad-Gába Šeém ámad

Maámmad wali Abdulqâdir (d. 1883) Dawúd Arbâhim Kâmil Ôbakar Abdallah

Arbâhim Ôbakar « Bšá » Arbâhim ámad ámad

Mákki (1887-1959) Ali Dîni Abdallah

úmmad-Gab#bí 5bakartó Kmiltó amaddó

Seemtó

D!ni-ummaddó ou Yakubtó

Les as#bá (Yakubtó) d’Ambabbó, avec le même ancêtre yéménite, Yakûb,


enterré à rs 7ra, sont considérés comme venant d’Ethiopie, par opposition
aux Sek-Arbhintó du Mablá. La tradition fait état du départ, à la suite d’une
sécheresse, de Dîni b. úmmad qui aurait quitté le Songó-g Godá pour le
Dóka, en Ethiopie. Le nom de D!ni-ummaddó est ainsi appliqué à l’ensemble
des fractions qui s’en réclament, alternativement à Yakubtó. Un de ses
descendants, Maámmad « Tambóyta », père de úmmad-Gába4 et de la
fraction úmmad-Gab#bí, revint au Godá. Le frère de úmmad-Gába, Šeém,
est le père de la fraction Šeemtó et des sous-fractions 5bakartó, celle d’Ab"

4. Le nom composé figé, étymologiquement úmmad-Gabá, prononcé [ummaggába], avec une


accentuation pénultième, n’entraîne pas la marque d’annexion í, puisque l’accentuation
étymologique finale sous-jacente prévaut. On dit : ummaggába-h ɖayló « les fils de
ummaggába (non *ummaggabí-h ɖayló). De même, en fonction de sujet : ummaggába
rabé « ummaggába est mort » (non *ummaggabí rabé). Gába est dérivé de gabá
« autorité » (cf. D.M., 2012b : 408, sens 13) ; abrégé en gb (cf. supra, p. 235).

250
ḤAYÍS

Bakr « Pacha » (v.) et de Kâmil (Kmiltó), notamment. La fraction úmmad-


Gab#bí descend de úmmad-Gába b. Maámmad « Tambóyta ». Une tradition
généalogique rattache les as#bá, ainsi que les Ab#ná (v.), aux Sahos ádo.
L’onomastique et la dialectologie confirment un apport ancien du nord. Dans le
tableau ci-dessous, firé, gaysá signifient « fraction » en saho.

Lien généalogique entre as"bá et Shó


Sulmân « Arab! »

Mary Mansa Umar « Tar"á » Surrukûso Amad azwn


(tigré) (tigré) (Shó Tar$á) (biling. tigrigna) (Shó ádo)

« Ududdá » Kunsúba Waaysá ámmado « Garónta »

(Kunsubí firé) Amad

Idr!s

« Nabá » Šerîf

Maammûd

« Inɖá » Šerîf

Ism!l-Šerîf « Debenhágga »

ôna Ámad Ab-Ámad

as"bá Abdallah « Bidár » Ibrâhim « akába » Asá Alí gaysá

ammadí gaysá Umar « akába »

akabí gaysá

Ism!l Ab#ná
(Asaal!lá)
(fraction de l’informateur Shó ádo)

S : Chedeville / Mákki b. Arbâhim b. Abdulkâder ; D.M. / Ibrhīm b. Ism!l.

ḤAYÍS
Fraction aînée des Badoytá-m mlá (v.), répartie en territoire djiboutien et
érythréen. Généalogie. Les ayís se rattachent à deux ancêtres, Debéllu et
Asgíru, fils de ayís, fils de Badóyta. Bien que issue du cadet Debéllu, la
fraction Debellí sárra a pris le pas sur celle de l’aîné Asgíru. 1. Branche
descendant de Debéllu (« Debellí sárra ») : lignages Nasrí-Aliytó, Subbí-
Maammadó, Subbí-Aliytó, Subbí-umaddó, Okkó, Dará-b buɖá (ou Allallé
buɖá) ; 2. Branche descendant de Asgíru : lignages Asál buɖá, Mululí
ayís, ayís d’Innahó ; 3. Gubbí ayís et Ali-D"llá. 4. Datá buɖá : Mabúk,
Nahár buɖá, Asnuntó, Afádda, Datóyta. Les ayís, partie des Kná lh
buɖá, « la maison des cinq puits » (v.), descendent d’un certain Kâmil. Ils ont
été installés dans la région d’Obock par les sultans de Raaytó (v. Tákil), et

251
ḤAYSAMĀLÉ

comprennent : 1. Gubbí ayís « ayís de la plaine » (Uɖsan!ná, Dahbí ou


Dahb!bá, Uduntó, Kmiltó) ; 2. Ali-D"llá, venus, semble-t-il, à la suite d’un
meurtre, sur des terres Has#bá et Mdîma. Ils dépendent de ceux-ci, et non de
la chefferie K#ná +líh buɖá.
S : Chedeville / Umar b. Maámmad b. ámad b. Ásab.

ḤAYSAMĀLÉ
Tribu très disséminée, formant deux groupes géographiques distincts. 1.
Répartie avec les Ablé, les Badoytá-m mlá du Wimá, et à ce titre comptés
comme Adohyammára. 2. Avec les M#daytó, Afkié-s sárra, Unɖá Al!-sárra
(Asahyammára). Une partie des aysamlé serait d’origine Songó (v.).
Généalogie. Le nom aysamlé, indépendamment de cette origine Songó, est
rattaché à Arbâhim « aysamállu », Arbâhim aux cheveux longs et lisses, dont
les trois fils seraient les ancêtres de l’ensemble des fractions : 1. ammadí
« Mirá » : (agaytá, Lubak-Aliytó, Ali-ará, Sanmalitté) ; 2. Murrún
(Gulub-Sárra, D!nitté, D!dí-amaddó) ; 3. Magdalís (Magdalís mlá). Les
aysamlé ont utilisé comme pâturage d’hiver la région de Artá à Zeyla. Il en
reste un toponyme : la colline de aysaml(é), près du Petit Bâɖa (v.).

AYSANTÓ
Tribu présente à Bíɖu (avec les Dammohoytá) ; Têru (v.), avec les Adáli (v.)
de Dabbâu ; chez les ertó. Généalogie. De Ali b. Frayâɖi b. aysamá
(d’où aysantó) b. Bilál, descendent les Ali « Frá », les deux fractions Asá et
Datá aysantó. 1. Asá aysantó (à Muslé, Aláb, Bárri, au nord de Ðoɖób) ; 2.
Datá aysantó (fraction aînée ammaditté de Gadêlu ; oroddó de Bóyna ;
Nuitté ; Ksintó). La généalogie remontant à « Sambollakóli » semble perdue.
ḤAYYÚ
1. Toponymie. 2. Chefs de poste (1927-1938). 3. Obock et sa région en 1946.
Litt. « Rassasié(e) » (*ayí-lu). Nom afar d’Obock. Le nom est lié à la
mangrove qui existait avant le développement de la ville coloniale et qui
assurait la subsistance des chamelles en cas de disette. Les palétuviers ont
progressivement été coupés pour fournir le bois à usage domestique (cuisine,
etc.). Le toponyme est aussi attesté dans la plaine de Kaló et à Álol. 1.
Toponymie. Les noms donnés en français au site de la première implantation
coloniale sont largement arbitraires, à l’exception du terme de « plateau »,
choisi sans doute sous l’influence des interprètes arabe-afar de l’administration.
L’occultation du contexte environnemental et culturel est une constante, encore
perceptible dans une rédaction récente (voir Colette Dubois, EA, IV : 2-4), qui
ne prend en compte que l’histoire de la présence française à Obock. Pourtant, le
site offre l’exemple de l’extrême précision de la toponymie et de sa capacité à
détailler chaque particularité topographique.
PLATEAU ET OUED D’OBOCK. La forme française du nom Obock dérive du nom
Obo des marins arabes, lui-même déformation du nom de l’oued bóki (As
bóki), dans sa partie moyenne peu visible de la côte, en amont de son delta.
bóki correspond au débouché de l’oued « des jardins », Dári (ar. zari). Le
verbe ubúk (à la racine de l’oued bóki) n’a pas ici son sens commun
« naître », mais signifie « s’élever » (s’agissant du sol, par apport d’alluvions).

252
ḤAYYÚ

Cette acception topographique se combine à úgub ou ugbú, qui désigne un


tertre, un petit plateau rocheux, lisse et nu, limité par des talus abrupts. Le
« Plateau des Gazelles », où sont la ville et, plus à l’est, le terrain d’aviation, est
Ðalá- úgub. Le nom ɖalá désigne soit une cucurbitacée, soit les oeufs
d’autruche. Ðalá- ugúb est ainsi assez vraisemblablement le « Plateau des
oeufs d’autruche ». En arrière de ce dernier, le « Plateau du Lièvre » porte deux
noms : Masgdáli « qui a des mosquées » ou Maskiná- úgub « Plateau des
Sacrifices » (maskiná est un des pluriels de maskín « sacrifice, offrande », v.
Siyrá). La ville européenne a porté le nom de Farangiytí Alé en raison de sa
situation en surplomb, le fossé alentour étant le Handág (v. Hand#gá). Au bas
de celui-ci, immédiatement au nord du cap Obock s’est développé le premier
village indigène, tel qu’indiqué sur la carte du Port d’Obock (1894).
BASSIN DE L’ŌBOKI. L’oued Ōbóki suit un cours globalement Nord-Sud,
parallèle à celui de l’oued Sáday plus à l’ouest. Son tracé prend une orientation
Ouest en longeant la falaise de Kákom le Br « le versant des damans » et la
zone boisée de Foró, en aval duquel commence la Fantí Ḥêru ou « Vallée des
Jardins » (voir carte n° 7 en annexe). La toponymie (non reprise sur les cartes
existantes) énumère les affluents de la rive droite de l’oued Ōbóki en amont de
Foró où il prend le nom de Ḥilléy, successivement les oueds : Bagadó (ou
Bakadó), Robtí Rabéyna, Eger Gadí, Kasal le Dábba. Affluents de la rive
gauche : Ado Dábba (en face de Robtí Rabéyna), Allá (groupe d’affluents
dont les principaux sont, du nord au sud : Kaɖɖlál, Amottabissó, Mawrá.
Ceux-ci confluent près de Garsá le Tabeyná avant de rejoindre l’Ōbóki). Le
segment Dári correspond à la partie moyenne de l’oued Ōbóki, passé Foró et
avant son embouchure.
NORD ET EST DE LA VILLE. La « Vallée des Jardins », dans le lit du Kasal lé
Dábba « le petit oued (ou ravin) à Acacia arabica », est Fantí êru « qui
serpente (erriy) ». En son milieu se dresse l’oratoire de cheikh Burán,
fréquenté à l’époque par les Tákil. Ce « marabout », comme ceux disparus de
« cheikh Nasser » et « cheikh Saīd », ne font plus l’objet de pèlerinage. La
zone de jardins a compté deux puits : Tikibléyta et Sandá à l’est. Au nord, le
pied du « Plateau des Sources » est Kadá. Ce plateau est Bté ayyú « Obock
la Perdue », au sud duquel a été installé le pénitencier, là où Soleillet avait
érigé une tour jetée à terre par le coup de vent de 1885. Au bas de ce plateau,
sur le bord de mer, « l’anse des Pêcheurs » correspond au site de la principale
palétuveraie qui a donné son nom à ayyú. La carte de Vallon (1881) permet
d’évaluer que la mangrove avait 420 mètres de long. A l’est, l’anse Buret, du
nom du capitaine de frégate qui reconnut le site en mai 1862, s’appelle en afar
ugéf. Plus à l’est, à env. 4 km, le phare de rs Bir, appelé communément
Fnus, est encadré sur le côté ouest par l’oued Ðábuɖ et à l’est par le
Gardiyá-g goló.
OUEST DE LA VILLE. La source chaude en bord de mer près du débouché Sud
du fossé est Niinlé (calque de l’arabe ammm). Plus à l’ouest, le champ de tir
de « la Butte aux cailles » est gira ellé ygurén kmá « la colline sur laquelle
on tire ». Aminɖ est le petit ravin à l’ouest du cimetière marin (kfir
mahlaká). Le grand ravin à l’ouest du précédent est le Baginɖ (ou Bakinɖ)
dont le promontoire à env. 400 mètres à l’ouest est le Bakinɖ dámum. Asa

253
ḤAYYÚ

dámum est l’autre promontoire à env. 1,5 km à l’ouest du Baginɖ. Ayyabttá


désigne toute la zone comprise entre ces deux promontoires dont l’oued du
champ de tir. A l’ouest de Asa dámum, se trouve l’oued Ḥayyūká le goló « le
petit ravin à Cocculus pendulus » et sa mare temporaire. Alaytó le goló « le
petit ravin à Balanites » est le nom de l’oued débouchant sur la mer à « Kiki
plage ». Plus loin, vers l’ouest, Sammokttí désigne la zone côtière de
l’embouchure de l’oued Sáday, là où se trouve le puits d’Alá-t lá appartenant
aux Asmlá (v. K#ná +líh Buɖá). 2. Chefs de poste (1927-1938). Par dates de
nomination : Azénor (9 avril 1927). A cette date, le poste administratif (un chef
de poste et un interprète) compte en tout et pour tout 55 gardes (dont 14 au
chef-lieu, le reste dans les 5 postes côtiers). Le transfert d’Azénor à Tadjoura
(18 janvier 1928) amène son remplacement par Dupont. Quand celui-ci
remplace Azénor à Tadjoura, Daney est nommé (2 mai 1928) ; suivi par
Barthélémy (18 novembre 1928). Avec la création du « cercle des Adaëls » (24
décembre 1930), Barthélémy a compétence sur tout le cercle du nord dont le
chef-lieu est Obock où il réside. Il est suivi par Bernard (2 décembre 1932).
Obock n’est plus chef-lieu du cercle des Adaëls à partir du 18 février 1932.
Petit, nommé le 1er avril 1938, est remplacé par l’adjudant-chef Desmars à une
date indéterminée. 3. Obock et sa région en 1946. Obock qui n’est encore
qu’une subdivision du cercle de Tadjoura fait l’objet d’un rapport administratif
du chef de poste Georges Larangé. Ce qui est décrit reste très proche des débuts
de la colonisation. La Milice indigène (v.) se compose d’une section de 40
hommes, dont la moitié est répartie dans les postes du littoral. Les 6 chefs
coutumiers rétribués représentent les principales tribus de l’endroit : 3 sont
Badoytá-m mlá : Maámmad b. Áli b. Wárki (fraction Aydamní) ; Batió b.
Maámmad et Gaás b. Áli (fraction ayís) ; 2 sont Has#bá (fraction K#ná
+líh buɖá) : Banoytó « India » et Hrūn b. ásan. Le sixième, Đagé b. Yûsuf
(Tákil) est né à Obock en 1900. Cet ancien gardien du phare de rs Bir a été
nommé chef du village d’Obock en 1924. Le cadi Idris b. Gibrîl (Aydamní),
nommé en 1939, est né vers 1882 à Obock. La population reste très faible : 4
106 habitants (dont 6 Somalis et 58 Arabes, principalement commerçants). En
1886, elle était de 1186 personnes dont 410 Arabes, 168 Somalis et seulement
320 « Danakils ». Les activités productives restent quasi inexistantes. La
principale récolte est celle du miel du Mabla (env. 80 kg). Le cheptel compte
400 bovins, 19 000 caprins et ovins, 1340 chameaux. 5 boutres seulement ont
leur port d’attache à Obock. Ils assurent principalement la liaison avec
Djibouti.
S : Rapport Larangé (19 sept. 1946 ; non publ.) ; D.M. (1982) ; cartes d’Obock : Plan des
environs du Port d’Obock, 1881 ; Port d’Obock, 1 : 15 000, Service hydrographique de la
Marine, 1894). L : Jourdain & Dupont (1933 : 49-55).

ERTÓ
Tribu également désignée par le terme générique Taltal (v.). D’Abbadie (1890 :
5) signale que les ertó (Hirto), au moment de son voyage d’avril 1838,
contrôlent « tout le sud du Samhar ». Paulitschke (1893 : 36) les signale entre
les baies de Zula et de Hawâkil. La carte italienne de Chaurand (1894) montre
encore leur distribution à Bôri, entre la plaine du Sel et le plateau (Ssó,

254
ḤUÐÚMLU

Daratakná, arsumá). Le pays ertó est connu sous le nom de Klá-k Ablá
(point d’eau près du mont Kla, v. p. 148). Au XXe siècle, la tribu semble en
déclin démographique, sous l’effet des raids des frontaliers Waydarát (v.) après
la défaite des Italiens (1941). La tribu avait été désarmée pendant leur
occupation. Le lien lignagier des Dammohoytá présents en pays ertó et des
Dammohoytá de Bíɖu (v.) n’est pas clairement établi. Dardár b. Asmaró, dans
une généalogie fréquente des ertó, pourrait désigner « Dardar, chef Taltal »
(v.) mentionné par d’Abbadie, dans son Journal de voyage publié en 1959.

Généalogie des Dammohoytá (branche ertó)

Allâma

ásan « Dúbbi »
?
Buríli « Asá » Ali M"sá

« Asá » Áaw

úmmad

M#tálla

Asmaró

Dardár

Sirri-Áli

Ykúmi

Add#wé
(chef vers 1890)
Branches de : Bíɖu Bôri ertó

S : Chedeville / anfaɖé b. Maámmad b. ámmadu / ámmadu b. Maámmad b. ámmadu.


HL (D.M., 1997 : 17, 143, 158 ; D.M. (1999 : 20). L : Tubiana (1959 : 315).

ḤUÐÚMLU
Localité à 5 km de Massawa, « qui a Suaeda fruticosa ; afar uɖúm) », saho
uɖúmlo, arabe u"umlū. La forme Otumlo entre en usage à l’époque
italienne. Elle influence la forme administrative récente (tigrigna) ə"umlo.
Autre forme récente (?) recensée um"ublo. Le toponyme est la trace d’une
présence ancienne (v. Ibn Sa!d, Introduction) des Afars et des Sahos dans une
région maintenant à dominante tigrignaphone et précédemment tigréphone. Il
existe d’autres toponymes afars dans les environs, comme Dogáli, à 25 km env.
de Massawa, (de dogá « zone sinueuse », en tigrigna Tädäali), lieu de la
bataille des 25 et 26 janvier 1887 où le ras Alula défit les troupes italiennes.
Cette toponymie multilingue s’explique aussi par la présence ancienne de
lignages yéménites liés aux Ab#ná et aux Anklá (v. Sayyid).
L : EA, III : 23-24.

255
ḤUMBÚLI

ḤUMBÚLI
Nom de l’oued Ambouli et du quartier où se trouvent la palmeraie et la station
agricole, maintenant incluses dans l’agglomération de Djibouti. Le nom,
d’origine couchitique, a le même sens en somali et en afar désignant l’oued
« qui écume » (somali úmbo, afar imbó). Cette explication s’accorde bien
avec la violence des crues de ce cours d’eau temporaire qui se jette aujourd’hui
dans le golfe de Tadjoura, mais dont l’ancienne embouchure a pu se trouver sur
le golfe d’Aden avant de se combler progressivement de remblais, déplaçant
son lit vers l’ouest pour se jeter dans la mer immédiatement au sud-ouest de
Djibouti. umbúli semble être une forme mixte avec une terminaison afare (li),
le somali supposant plutôt umboley. De telles interférences ne sont pas rares.
La toponymie de la région (v. Dêla) incite à penser qu’il s’agit de la
somalisation d’un nom afar. Le toponyme est fréquent en afar sous la forme
imbó ou immó. Ex. le puits imbôli et la source imboysá ou immoysá
« qui fait de l’écume » dans le Mablá et à Baádu. A noter, la vocalisation /a/
chez les jeunes urbains somalophones, de amboley (évolution non répertoriée
de umbo « écume »). On doit écarter l’étymologie proposée par Mohamed
Hassan Kamil (2004 : 183) qui relie imbó à l’abondance de lait des troupeaux
de moutons et de chèvres paissant sur le site de la future ville de Djibouti,
plutôt connu pour sa stérilité (gabōd).

ḤÚMMAD LO‘OYTÁ
úmmad b. Looytá est vers 1830 à Afási. Intronisé abbá « sultan » des
Debné, en 1864, il est décédé le 17 octobre 1902, à Ð#ɖá (exactement
Lokm#ná), près de Dorrá. De lignage Arbhintó (v.), la sous-fraction
ummaddó qui en descend n’est pas reconnu comme une « sous-fraction »
(gulúb) à proprement parler par tous les Arbhintó qui préfèrent le terme de
f(i)yó (ummád fyó) pour désigner le lignage issu de úmmad b. Looytá. Ceci
s’accorde avec l’importance d’un notable dont l’influence politique au-delà de
son terroir d’origine — on disait que le pouvoir du sultan de Tadjoura s’arrêtait
aux cases des miliciens du village — procédait plus de sa personnalité que de
sa position généalogique. úmmad b. Looytá n’a d’ailleurs jamais revendiqué
le titre d’abbá, titre des chefs, non de son lignage, mais des Debné arká-m
mlá dans leur ensemble. úmmad b. Looytá a été partie prenante de plusieurs
événements majeurs. En liaison avec le sultan d’Áwsa, il attire Werner
Munzinger dans le guet-apens du lac de Uddúmma (v.). Il le quitte le 14
novembre 1875, à la veille de l’attaque menée par les troupes du sultan qui
causeront l’anéantissement de la colonne égyptienne et de son chef. Il signe
avec Léonce Lagarde le traité de 1884 (v.), ce qui lui vaut des critiques en
Áwsa (cf. D.M., 1997 : 65, 68). On accusera « le Kálu » (oued au sud du lac
Assal, symbolisant les Debné) de vouloir contrôler « le Kaló », c’est-à-dire la
vallée de l’Awash. Un ginníli (v.) des Aɖkaltó l’avertira :
Looyta ummady O úmmad, fils de Looytá,
Asahyammaríh abbá mábta tu n’« auras » pas le chef des Asahyammára
lubak báɖa lhí moynób mábta du fils du Lion, tu ne feras pas un taureau
pour tes vaches

256
ḤÚMMAD LO‘OYTÁ

Le « fils du Lion » désignait le sultan M#daytó d’Áwsa dont la fraction


Aydissó (v.) se rattache à Aydâis, « celui qui rugit ». A la suite de l’attaque
par des Asahyammára de Baádu, à immoysá (avril 1886), au nord de Mullú,
de la caravane qu’il guidait, et où périt son frère Maámmad ainsi que le
Français Barral (v.), une expédition éthiopienne surnommée Dgá-k Bey
« Bouscule devant soi », commandée par le däazma$ Mäkwännən Wäldä
Mikael (futur ras Mäkwännən et père de l’empereur Haïlé Sellasié), razzie
Baádu, avec l’accord de úmmad b. Looytá. Un ginníli avait prédit5 :
Baádu inkí num ḥanéh baysé Par la vengeance d’un seul, Baadu sera ruiné
Ni Kaló Turkí gabát baysé Par la force, les Turcs ruineront notre Kalo
Pour répondre à ces accusations d’ingérence, úmmad b. Looytá fait une
déclaration le 9 juillet 1890, à Assab, dont la spontanéité paraît douteuse, où il
reconnaît l’autorité du sultan de l’Áwsa, Maámmad b. anfaɖé, sur les
« Danâkil » en général, et sur les Debné en particulier. Davin (1888) estime
qu’il commande « à 2000 lances ». Il se brouille ensuite avec le sultan d’Áwsa,
lorsque celui-ci fait exécuter Abdulkâdir b. Arbhintá (v.). On l’accusera
d’avoir encouragé les Issas à lancer des raids sur l’Áwsa pour affaiblir les
M#daytó, bien qu’il ait contribué dès 1867 (bataille de Mári) à la défense de
l’oasis. úmmad b. Looytá aura 9 frères tués par les Issas. Représentant des
Debné auprès de Ménélik, la colonie française le reconnaît officiellement
comme « chef des Debné » par décision du 20 juillet 1899. Dans son Diario en
date du 27 juin 1899, le gouverneur Martini écrit avoir reçu « le nationaliste
fameux de la Dancalie qui massacra l’expédition Munzinger », et note que son
interlocuteur lui a dit : « En Dancalie, personne avant vous n’a pu mettre
impunément les pieds. » On a sur úmmad b. Lo‘oytá des jugements
contradictoires, dans le droit fil d’une littérature de voyage toujours
superficielle dans ses « impressions ». Paul Soleillet qui lui doit l’acquisition
de Sgállu (v.) écrit (1886 : 46) :
Nous sommes rejoints par le sultan Homed Loïta. Ce chef afar est un grand
guerrier. C’est lui qui commandait les Afars quand ils ont défait, dans le
Haoussa, Musinguer Pacha [sic] et sa petite armée. Il est, comme notre Turenne,
bon homme, simple à vivre, tout à la main. Il vient à pied, portant sur l’épaule,
comme un fusil, une longue gaule de bois blanc et son parapluie. Un enfant de
dix ans au plus, son neveu, le suit portant sa lance et son bouclier, en tirant par
la longe un petit mulet blanc.
Jules Borelli ne voit que « tracasseries et guet-apens des Adal » (1890 : 9) :
Nous voyons approcher Mohamed Loëta, également Dankali, plus grand et plus
vigoureux que la plupart des gens de sa tribu. Son maintien est grave, son geste
a de l’ampleur. A quelque distance, ses traits paraissent beaux ; en l’observant,
on devine qu’il est fourbe et cruel. C’est lui qui a coupé la tête à Munzinger
pacha, avec le sabre dont l’infortuné général égyptien avait fait présent à
Amphari [le sultan d’Áwsa].

5. Le ginnili prédit au passé les événements à venir. Turki est le terme générique qui indifférencie
les Turcs et les Egyptiens (v. Fursi), encore présents sur la côte et dont la menace persistante
après l’échec de Munzinger, explique l’accord passé avec l’Italien Antonelli en 1883.

257
ḤÚMMAD « KAÐÐÁ » LO‘OYTÁ

Plus subtil est ce fragment conservé de anfaɖé b. Tolá (v.) à l’adresse du


sultan des Debné qui souligne d’abord l’habileté politique d’un homme
d’influence :
Qiisa fan gexek Qiisi lum kaak iyyaana
Fursi fan gexek Fursi lum kaak iyyaana
Nek gexek gile samlisak kaah sugna
Nek gacek gaba lamma way kaak xagna
Nublek inti wagittu niqba nef hinna
Yaabek afqado kah wagarta yab hinna
Kok bag’elle yani’kke waynehik mankee
Qu’il aille chez les Issas, on le dit l’homme des Issas
Qu’il aille chez les Turcs, on le dit celui des Turcs
Qu’il nous quitte, on l’attend le couteau sanglant
Qu’il revienne, on lui baise deux fois la main
Qu’on l’observe, son visage n’est pas déplaisant
Qu’il parle, on reste sur sa faim
Puisque l’on ne connaît pas le fond de ta pensée, quel est-il ?

Ce fragment que nous a transmis Ḥámad-Ladé (in D.M., 1997 : 61) se retrouve
chez Ahmed Malko Ahmed (2003 : 46), lequel ajoute au dernier vers :
Kok bagi elle yani’kké waynehik manke ?
An Qasawká guubunut [lire gubuunut] ablem aysuk ten
O toi, qu’on n’a pas pu bien connaître qui es-tu ?
J’aurais aimé voir Assawka parmi les veuves.

Aramis Houmed Soulé surenchérit. Ce n’est pas une mais deux veuves que
selon lui le poète a souhaité au chef debné (2005 : 47) :
Namma barra gubuunut ablem aysuk ten
An Qasawka gubuunut ablem aysuk ten
An Madiina gubuunut ablem aysuk ten
J’aurais aimé voir deux femmes faire partie des veuves
J’aurais aimé voir Assawka faire partie des veuves
J’aurais aimé voir Madina faire partie des veuves.
On a ici un exemple de recomposition ad libitum du fragment poétique
prolongeant, par publication interposée, les assauts d’éloquence des joutes
traditionnelles (v. Annexe 1 : « Formation du texte historique de style oral »).
S : HL (in D.M., 1991 : 19 ; 1997 : 60-61, 65, 68) ; Martini (1946).

ḤÚMMAD « KAÐÐÁ » LO‘OYTÁ


Né en 1899, fils aîné du sultan Debné « Kaɖɖá » Looytá (1903-05). Nommé
« akel » des Debné par l’administration française (janvier 1934) après la
suppression du sultanat Arbhintó (v.). Décédé le 25 avril 1963, úmmad b.
« Kaɖɖá » Looytá a été enterré dans le cimetière des Arbhintó, à Iy-yá-
Kimbíru « là où l’oiseau pousse un cri aigu » (Katumbâti), près de As-+lá.

258
I
IBRHM AB ZAARBI
Connu également sous les noms de cheikh Ibrhm Ab Zarbay (ou Zaarbūy,
Zerbayn, Ewald Wagner, EA, III : 110), ce saint est considéré dans la tradition
de Harar comme un des quarante-quatre saints du aramawt qui, après une
réunion solennelle à Awliya-Kombo, décidèrent de propager l’islam dans la
sous-région. Selon Richard Burton, il aurait parcouru le Harar vers 1430 pour
mourir à Zeyla. Burton signale le pèlerinage des Afars sur sa tombe. Il est
réputé être l’introducteur du qt « Catha edulis Forskal » au Yémen. Il est
connu, en afar, sous le nom de cheikh Maámmad « Darbên ». Sa biographie
exacte comme la raison de ce changement de nom (cf. son mablúd, in D.M.,
1997 : 122-124), restent obscures. Ewald Wagner (op. cit.) suggère que cette
différence onomastique renvoie à deux figures historico-religieuses différentes.
D’autres saints (voir aw Barkhadlé chez les Somalis du nord), sont l’objet de
récits de vie parallèles qui témoignent de la vigueur de l’ancienne dévotion
populaire. Une généalogie de Zeyla en fait le père du cheikh Intilé (v.). Une
légende rapportée par Albospeyre lui attribue le jet d’une lance entre cette ville
et Tadjoura. L’oratoire compté comme la septième mosquée de Tadjoura (v.) se
trouve à l’endroit où la lance aurait atterri. Ce geste symbolique unissant la cité
ainée, Tadjoura, et sa cadette Zeyla (saál k maanɖá), renvoie à une tradition
antérieure au XVe siècle, si l’on retient la date indiquée par Burton, avant donc
la fondation du sultanat Adáli. Si l’on reconnaît Ibrhm Ab Zaarbi
comme un des propagateurs de l’islam dans la sous-région, cette date devrait
être encore repoussée dans le temps, les villes de Zeyla et Harar étant sans
doute fondées dès le VIIIe-IXe siècle. Une telle hypothèse induit en outre que la
ville « aînée », Tadjoura, ait été fondée plus anciennement que Zeyla, ce qui
accrédite l’interprétation de sa mention sur la carte d’al-Bīrūnī (v. p. 341).
S : HL (in D.M., 1997 : 18, 103, 121-24). L : Albospeyre (1959 : 153) ; Burton (1856 : 74-76) ;
Trimingham (1965 : 228) ; EA, III : 110-111 (et la bibliographie référencée).

IBRĀHM ALḪALL
Membre de la famille du saint Abdulqdir al-ln, selon la généalogie
suivante : Ibrhm b. al-all b. Qsim b. Ibrhm b. Muammad aš-Šm b.
sayyid Amad b. sayyid Muammad b. sayyid al-all b. sayyid asan b.
sayyid Abdallah b. sayyid Abdurramn b. sayyid all b. Muammad-šay
b. sayyid Ysin b. usayn b. Abdallah b. Muammad b. Sli b. Abdulqdir
al-ln. A partir de Muammad aš-Šm b. sayyid Amad, ce lignage Ská
(d’origine arabe yéménite), venu de Damar, est installé à Dawwé (v.) où il est
lié à la zawiya de cheikh Abbsiya (v.). Ibrhm b. al-all est né à Dawwé
vers 1865 et est décédé à Tó, en 19271. Son arrière-grand-père et
homonyme, le fils de Muammad aš-Šmi, Ibrhm, son fils Qsim (enterré à
Warra Babbo), le fils de ce dernier, al-all, sont enterrés à Dawwé (al-all
au lieu-dit Mfá). Quittant Dawwé, le cheikh Ibrhm al&all a vécu à Baylûl,
au début de la colonisation italienne, et est mort à Tó, en 1927. « šintó »
(« d’ascendance hachémite ») désigne, à Tó, les descendants de ce lignage
IBRĀHÍM AL-ḪALÍL

maraboutique. Auteur d’un livret à l’usage des pèlerins de La Mecque, le


cheikh Ibrhm fut déclaré « qḍ al-quḍt » et « cadi de la Dancalia » pour les
Italiens en 1897. Il prédit au sultan de Bíɖu (v.), Yâsin b. aysamá, qu’il
mourrait trois ans après lui. Ce qui se produisit. ENDOGAMIE. Le tableau ci-
après donne un exemple concret des liens matrimoniaux étroits entre un lignage
Afará (v.), celui de cheikh Doyran, et un lignage Ská (celui de Ibrhm b. al&
all), marqués par le mariage de la sœur de cheikh Doyran avec
Maámmad aš&Šmī, fils du cheikh Ibrhm b. al&all et d’une femme
Dammohoytá (Aawtó). La mère du cheikh Ibrhm al&all était la sœur du
père de ğği Maámmad, père de la mère de cheikh Doyrán.

[lignage Afará] [lignage Sēká ]


Saīd Qāsim

♂ ♀ ! al&all

ğği Maámmad cheikh Ibrhm ! ♀ Dammohoytá

cheikh Doyran ♀ ! Maámmad aš-Šm

La pratique de l’arabe dans ce lignage bilingue explique les variations de


forme. Tel qui est reconnu šay sera aussi appelé ši, sek ou šek selon le degré
de bilinguisme du locuteur. La forme aml ud-Dn alterne ainsi librement
avec la vocalisation [a] de l’afar. On prononce [gamladdīn] ou [2amladdīn],
écrit Jamal al-Dîn. Le cheikh Ibrhm a eu six fils, chacun de mère différente
1. Maammad aš-Šm, l’aîné, a vécu à Sardó. De mère Dammohoytá Aawtó,
il est né à Baylûl en 1901. Il conseilla au sultan de Bíɖu (v.), Ysn b.
aysamá, de se livrer aux Italiens, alors qu’ils étaient encerclés. Dans
l’édition de 2004, nous écrivions qu’il périt avec lui, en 1931, sur la foi de la
source (Naw.). Gamladdīn « Rdó », après lecture, nous a certifié qu’il
était mort en 1980, à Asáb où il était cadi.
2. Šay Abdulkâdir. Né à Midír en 1904 ; mort en Arratá en 1985. De mère
somalie de Baká. A vécu à Suwá (ammartís Suwá). Son fils sayyid
Ámad a vécu à Têru.
3. Šay al-Amîn. Né à Íddi en 1906 ; mort à Djibouti, à Blaws, en 1990. De
mère Ab<ná. A vécu en reclus (alwati) à Íddi.
4., Le grand érudit que fut šay amladdn aš-Šm a vécu à Tó où il est né
en 1907 et est mort le « mardi 1er Šawwal 1380/28 mars 1961 »1. De mère
Dammohoytá Gaás-Sambó, il est le transmetteur des renseignements
concernant l’histoire de Baylûl (v.). Il sera l’intermédiaire en 1928 entre
Franchetti et le sultan de Bíɖu pour obtenir de ce dernier l’autorisation de
traverser son territoire, ce qui évitera à l’Italien de subir le sort de son
compatriote Giulietti. Alwiyyá, une des filles de amladdn aš-Šm a

1. (Al-Manhal : 1). A noter que le « mardi 1er Šawwal 1380 » correspond au dimanche 19 mars
1961 et que le 28 mars 1961 correspond au mardi 10 Šawwal 1380.

260
IBRĀHÍM AL-ḪALÍL

été au nombre des épouses du sultan Ali-Mirá (v.). Parmi ses fils, on
compte Abdalláh qui fut député au parlement érythréen ; Maknún qui a été
l’informateur de Richard Hayward, professeur à la School of Oriental
Languages and African Studies de Londres (SOAS), à qui il a donné la
première version publiée du « chant d’accusation » de anfaɖé b. Tolá
(1981)2 ; Hâšim, co-auteur de Al-Manhal f tr wa abar al-Afar (1997).
5. Šay Ámad (Midír, 1908 ; Tó, 1981). De mère somalie de Baká, mais
différente de celle de son frère Abdulkâdir. Ámad et son autre frère
amladdn sont enterrés de chaque côté de la tombe de leur père, à Tīó.
6. Šay Slé, de mère Dammohoytá de Íddi, sur lequel n’existe aucun
renseignement, si ce n’est son départ au Hedjaz à une date indéterminée.

Descendance du cheikh Ibrhīm al-alīl

Qsim

Al-alīl
Ibrhīm (1865-1927)
Maámmad-aš Šmi Abdulkâdir Amîn amladdn aš-Šm Ámad Slé
(1901-1980) (1904-1985) (1906-1990) (1907-1961) (1908-1981)

Ámad Dr šim Abdallah Maknun

Une fille d’Ibrhm al-all a épousé Abdulkâdir b. Maámmad, de tribu


Maanɖíyta. Il fut l’interprète de Nesbitt lors de sa traversée sud-nord du pays
afar (1928). Son fils, Gamladdn, dit « Rdó » (v.), est le co-créateur de
l’orthographe afare et le directeur de l’ALSEC (Afar Language Studies and
Enrichment Center, Samara, Ethiopie). Le lien avec le lignage du cheikh
Ibrhīm al-alīl s’établit comme suit :

[Lignage Sēká] [Lignage Maanɖíyta]


Ibrhīm b. al-alīl Maámmad « Rdó »

amladdn aš-Šm ♀ ! Abdulkâdir (interprète de Nesbitt)

šim Abdallah Maknun Gamladdīn « Rdó »


[Manhal] [député] [info. Pr. Hayward] [créateur de l’orthographe afare]

________________
1. A la suite de Sean O’Fahey (Arabic Literature of Africa, vol. 3, 2003 : 10-11), Jean-Charles
Ducène (2012 : 13) écrit : « (…) Jamâl al-Dîn ibn Ibrâhîm ibn Khalîl (c. 1865-1961) fut nommé
en 1897 cadi des tribus afars. Fort de son expérience, il laissa un ouvrage sur l’histoire et les
mœurs afars — al-Manhal fî ta’rîkh wa akhbâr al-‘Afar (…), publié au Caire en 1997 ». Il faut
bien distinguer Ibrâhîm b. al-Khalîl (1865-1927), qui fut nommé cadi par les Italiens ; son fils, le
cheikh Jamâl al-Dîn (1907-1961), auteur d’un manuscrit, à partir duquel le fils de ce dernier, le
Dr. Ḥāšim rédigea le Manhal qu’il fit publier au Caire sous son nom et celui de son père (voir
Bibliographie).
2. Voir ci-après Annexe I, p. 377-393.
S : HHL (Naw.). D.M. / Gamladdīn « Rdó ». Puglisi (1952 : 167).

261
IBRĀHÍM « WĀRUFI »

IBRĀHM « WĀRUFI »
Cheikh enterré à Warúf (actuellement en pays issa, voir carte n° 3). De lui,
descendraient nombre des saints du sud du pays afar. Légende. Comme
presque tous les Ská, Ibrhm « Wrufi » est rattaché à la descendance de
@qil b. Ab Alib. Il laissa en mourant son tapis de prière (sağğdá), appelé
musalla en Áwsa et dihá « dans la langue d’alors » (dumí áfat), à son plus
jeune fils Ali. Les trois autres frères Kuláy, Bórri et ammd (?) en furent
fâchés et voulurent le lui arracher, mais il leur échappa et se colla à Ali. Il en
fut de même pour son turban et son bâton. Il fut convenu que chacun jetterait sa
lance et s’établirait là où elle retomberait. Celle de ammd atteignit Walti,
dans la plaine de Saá, au nord de Logyá. Il y fut enterré. Son fils Umar est
enterré sur le Kaɖɖá Gamárri (v. Awliyá Umar báɖa). Ses descendants forment
les Waltó-s Ská. Celle de Bórri atterrit dans le nord, à Aláyta, près du lac
Afɖrá (v.). Ses descendants forment les Boritté en Áwsa et sont inclus dans les
Intilé Šek Áre (v.) chez les Sahos. La lance de Kuláy se planta on ne sait où. Il
fut le père de Ali « Borwáli » (le wali porteur du br, le bandeau blanc,
honorifique), enterré sur le mont B<ráwli, au nord d’Aysaíyta (v.). Ses
descendants sont les Kulayyá (v. Awsí mára). La lance de Ali atteignit Galató,
dans le pays Magénta. Il est enterré au lieu-dit Awliyá-Ali. Ses descendants
sont appelés Dahan-Ská. Le chef des Dahan-Ská, en 1957, était Sayyidī b.
Umar b. Abdulkâdir b. Maámmad (1857 ?) b. Tâhir b. Yûsuf b. Ali b.
Mandáytu (1757 ?) b. Yûsuf « Nsulé » b. Sâbir, b. Ali b. Ibrhm « Wrufi »
(1657 ?). Le cheikh Sâbir b. Ali b. Ibrhm « Wrufi » est enterré près de
Gurúbbus (admin. Gorabous, Rép. de Djibouti). Le cheikh Yûsuf « Nsulé » b.
Sâbir donne son nom au lieu-dit Ab-Yûsuf, et au cimetière autour de son
oratoire (maqam). Bésairie signale la tombe d’un cheikh « B<ráwli » entre
mallé et Gâmi du Ðay que nous n’avons pu retrouver. Lignages. Quatre
lignages appelés « Ská-k Sarfá » se réclament d’Ibrhm « Wrufi »,: 1.
AltoššîBa (de ši [cheikh] Altó). 2. Bórri (Borritté en Awsa) ; rattachés aux
Intilé šek Áre (v.). 3. Dahan-šiB. 4. Máad « Kuláy », père des Kulayyá (v.).
S : HHL (Naw.) ; Bésairie (1949 : 102).

IÐĀFÁLU
Saho Iɖfálo. Arafali sur les cartes italiennes. Peut-être sous la forme Elafal,
sur la carte de Fra Mauro (1460), Defalo (Almeida, 1662), Dafalo (Ludolf,
1683). Adminis. (tigrigna) Irafayle ou Irafalo, reprise en saho normatif. Village
au fond du golfe de Zula, limite des Afars du nord de l’ancien royaume Dankáli
(v.) et des Sahos Đasamó. V. Bôri. La montagne qui domine Iɖfálu comporte
une coulée de lave appelée Anklá-sarisé-ɖ « la montagne vêtue par les
Anklá », que la tradition présente comme un point de rassemblement Anklá.
Etymologie. Iɖfálu s’analyse comme *ɖhi af-lu « avec une frange
coralienne », toponyme qui se retrouve dans ɖfó qui désigne le bord de mer,
de Tadjoura à Sgállu, et dans « Mangadafo », manga ɖfó « avec beaucoup de
bordure coralienne », pointe basse à l’ouest de Doralé. Cette étymologie paraît
meilleure que celle (EA, III : 181) qui analyse eela-dde falo « célèbre pour son
palmier-doum » (lá est le fruit, non le palmier qui se dit ungá).
S : D.M. / Ibrhm b. Isml ; Beccari (V : 325) ; EA, III : 181.

262
ILYĀSÓ

ILYĀSÓ
Le ləğ Iyasu, petit-fils de l’empereur Ménélik, héritier désigné du trône, né en
1897, déposé en 1916, mort en captivité en novembre 1935. La forme afare
Ilysó ne dissocie pas le nom personnel du titre de ləğ « infant ». Ses
sympathies pour l’islam, qui ont conduit à sa destitution, comme son union
avec une arrière-petite-fille d’Abū Bakr « Pacha », Ftumá b. naggadras
Ôbakar, expliquent que le ləğ Iyasu se soit réfugié en Áwsa, au plus près donc
du Choa, région moins excentrée que le pays somali où le ləğ avait aussi des
soutiens. Pendant cinq ans, avant sa capture en janvier 1921 au Tigré, il errera
en pays afar en tentant d’échapper à son cousin, le ras Täfäri. Sa mort en
détention, juste avant la victoire italienne, a sans doute été motivée par le
risque de son retour au pouvoir soutenu par les Italiens. Cette hypothèse est
renforcée par la rumeur du baptème secret de son épouse afare, Ftumá, dans
l’église d’Abo (Juniac, 1979 : 63), derrière l’ambassade d’Italie. Si la rivalité
dynastique est bien connue (pour une synthèse récente, voir EA, III : 253-256),
le récit recueilli de Sālé b. ásan apporte quelques précisions dans ce que
l’on sait déjà de la vie du fugitif2 dans une région en guerre civile (v. Sangerrá).
En avril 1919 (h. fin umād II ou début Rağab), guidée par anfaɖé b.
Maámmad « Illálta », une troupe éthiopienne sous le commandement du ras
Käbbädä Mängäša Atikäm, le gouverneur du Wällo, et d’Abbäbä DDmEäw,
descend en Awsa pour s’emparer du ləğ Iyasu, alors réfugié chez le sultan
Yayyó. Cette expédition faisait suite au refus du même Yayyó de livrer le petit-
fils de Ménélik. Le frère et concurrent du sultan, anfaɖé, avait là l’occasion
de faire coup double : prendre le pouvoir en Áwsa en aidant les Ethiopiens à
capturer Iyasu. L’armée éthiopienne campa un mois à Gālí-Fāgé sur l’Awash.
Mais le ləğ demeura introuvable comme le sultan lui-même. Ceux-ci s’étaient
repliés vers Ayrolé Ðūɖ ; le sultan Yayyó, vers Mandá, sur la frontière de la
Côte française des Somalis. Cet épisode est connu sous le nom de Kabbadé-d
dabbó « le repli tactique devant Käbbädä ». Selon la même source, le ras
Käbbädä, secrètement pro-Iyasu, et opposé au parti dynastique représenté par la
fille de Ménélik, Zäwditu, et le ras Täfäri, aurait informé le ləğ Iyasu, lui
permettant ainsi de fuir à temps. Une seconde troupe, venue d’Ankobär par
Baádu, dirigée par un Argubbá, Sālé b. Gangá, campe alors à Eaylé, sans
entrer, non plus, en conflit ouvert avec la population. C’est en se retirant début
mai 1919 (h. Šabān 1337, Naw.), en traversant le Dóka, qu’ont lieu plusieurs
accrochages. Le sultan Yayyó rentré en Awsa attaque son frère anfaɖé, lequel
est tué en combat à Baádu en juin 1919. Un fragment conservé de la kalluwallé
Galêla, « Sûni » Eysá (1932) montre que la présence du ləğ Iyasu en Awsa
était loin de faire l’unanimité, comme dans cette réponse à l’interpellation (vers
7 ci-dessous) :
1. Moomin inayta lek edde maysa
2. Saalec walaaba lek edde maysa
3. Kaamiliy abuusa lek edde maysa
4. Ilyaaso sabanna le qeebi baahe

2. Il reste des zones d’ombre comme son incarcération signalée par Braca et Comolli (voir p. 77).

263
INAYTA

5. Ilyaaso sabanna le farmo ruube


6. Ilyaaso yaniimii baaxo xin mali
7. [Interpellation] Ilyaaso catay baaxo xin mali
8. [Réponse] Ilyaaso yaniimik rabam maquk ten
9. Ilyaaso bukah yewqek geeri gibdih
1. Que Mômin [de Baádu,v.] ait un chapelet magique, je n’y peux rien
2. Que Haylä Səllase envoie une force armée, je n’y peux rien
3. Que Kmil [le sultan de Tadjoura1] ait des alliés, je n’y peux rien
4. Le ləğ Iyasu a provoqué une guerre qui a suscité la curiosité
5. Le ləğ Iyasu a envoyé un message qui a suscité la curiosité
6. Le ləğ Iyasu, tant qu’il vivra, le pays ne sera pas en paix
7. — Qu’il [le sultan d’Awsa] secoure le leğ Iyasu, le pays ne connaîtra pas la paix
8. — Plutôt que d’exister, mieux aurait valu qu’il meure
9. Si le ləğ Iyasu se lève contre le pouvoir central, la conséquence sera dure
_____
1. De la descendance de « Asá » Kâmil (voir p. 345). S : D.M. / Sālé b. ásan ; D.M. (2005 :
118). L : EA, III : 253-256.

INAYTA
Le nom a plusieurs sens et deux formes : (fém.) inaytá (sens 1 à 5) ; (masc.)
ináyta (sens 6 à 8). Dérivé d’iná « mère », il connote généralement l’idée de
« générer », « produire ». 1. Maîtresse de maison (buɖáh inaytá). Dans la
société traditionnelle, la résidence est uxorilocale, l’espace privé est féminin,
par opposition à l’espace public, masculin. La tente conjugale lui appartient. 2.
Chapelet magique (« mère des présages ») utilisé par le chef spirituel des Ská
(v.) de Baádu. 3. Vers du soliste (qui génère la reprise en refrain par le chœur).
4. Arbitre d’une compétition ; chef d’équipe dont procède la mise en jeu de la
balle au kosó. 5. Néol. inaytáh (inaytóh) tan magaala « capitale, chef-lieu ». 6.
Gros tambour de la batterie giyâgib des rituels de possession (« qui génère le
rituel d’exorcisme »). Par extension, la batterie de tambours. 7. Partie non
mobile du briquet traditionnel « qui produit le feu ». 8. (Mullu) Flèche de l’arc.
Lors de son premier voyage, Rochet (1841 : 79) signale leur usage au combat
par les Afars.

INDIGĀLÓ
Tribu en voie de disparition, comptée avec les Askakmáli-k M<daytó. Se
mariaient avec les sultans. La mère de i Áli (v.) et de ses deux frères était
Indigló.

INGĀLÓ
Confrérie religieuse se réclamant de cheikh Mandáytu (v.). Le nom est peut-
être à rattacher au verbe íngal « avancer dans une vallée (troupeau) ». Íngal est
aussi le nom d’une localité de la péninsule de Bôri (v. carte n° 4).

INTILÉ ŠEK #ÁRE


Descendance d’un cheikh faisant partie d’un groupe de sept hommes pieux
venus du Yémen, via Zeyla (v. Maliná Miimbará). Intilé Šek Áre désigne les
lignages descendant du cheikh Intilé, transposition de ’Ab Aynn. En saho,

264
INTINŌLÉ

áre « maison », comme bayt au Yémen, désigne, à la fois une entité lignagière
et territoriale (Beeston, 1972 : 256). Les Intilé Šek Áre se rattachent à Amad
b. Umar « al-Zayla », parallèlement à la généalogie ci-après. On les dit
originaires d’Iɖfálo, en pays Ðasamó, qui semble être leur première
implantation venant de Zeyla ; à Makannilé, chez les Afars Anklá de Bôri ; en
pays chrétien, près de Sanafé, sous le nom de Dangultá. Une autre tradition
les rattache à Bórri, fils d’Ibrhm « Wrufi » (v.).

Généalogie de cheikh Intilé

Ab Alib

@qil
?
Kulay

Sad

cheikh Maámmad « Darbên »

cheikh Ibrhm « Ab Aynn » (« Intilé » Ibrhm)

Idris

Ábdu

sek Mamûd

i úmmad

maallim Idris

Îsa

Ábdu

Abôbakar Dawúd
(Branche de Iɖfálu)
usên Ali

Ftumá Ábdu
(mère du sultan d’Áwsa (fraction Abddá)
Maammad b. anfaɖé)

S : Chedeville / Usman b. abib. D.M. / Ibrhīm b. Ismíl. D.M. (1999 : 24). L : Odorizzi
(1911 : 259-60).

INTINŌLÉ
Nom en afar du comte Pietro Antonelli (1859-1901), voyageur et diplomate
impliqué dans la négociation avec le sultan d’Awsa qui devait aboutir à la
Convention d’amitié et de commerce d’Hadelè Gubo (v. Addale-Gúb) du 3
mars 1883, également signée par le roi du Choa à Ankobär, le 22 mai 1883. La

265
IRONNÁBA

convention visait principalement à assurer la sécurité des caravanes montant


d’Assab vers le Choa. Les variations et les changements de sens qu’a connus le
nom Intinōlé suivent les méandres du jeu diplomatique. Ainsi, Intilmó (in
Hayward et Maknun, 1981 : 330) est analysé comme formé de intí « œil » + le
« qui a » + (i)m « chose » : « la chose qui a des yeux : l’avide (greedy) et
désigne, non pas le comte Antonelli, mais le sultan d’Awsa accusé par anfaɖé
b. Tolá d’accepter l’argent des Italiens. Cette idée d’avidité se retrouve dans un
fragment du même anfaɖé b. Tolá, daté de 1896, avant la bataille de Arraddό
(v.) et s’applique à l’empereur Ménélik accusé de convoiter l’oasis de l’Awsa.
Sur ces variations, voir le texte oral analysé p. 377-393.
S : HL in D.M. (1997 : 49-51). L : Lupi (2008 : 502-504) ; Puglisi (1952 : 18-19).

IRONNÁBA
« Large quant au dos » (*iro-nabá). Légende. Groupe d’origine maraboutique
(v. Ská), dont l’ancêtre serait arrivé par la mer. Les explications généralement
fournies prennent la forme d’un calembour. Comme on demandait à cet ancêtre
du lignage comment il avait atteint la côte, il aurait dit : « Ma largeur de dos
m’a porté » (y’iroh nabí y bhé). Une autre anecdote explique qu’un cheikh,
venu en boutre de Zayla, serait monté sur les épaules d’un autre pour
débarquer. Quand on lui demanda qui l’avait sorti de l’eau, il aurait répondu :
« C’est (mon ami) Dos-Large qui m’a sorti » (y’ironnabí y yeyyé). Leurs
descendants Ironnába (notamment du cheikh Mawaró, chez les Sahos ádo
Asaallá et chez les Afars Waddó), font partie des Maliná Miimbará (v.).
S : Chedeville / Umar b. Slé b. Ámad. D.M. / Ibrhm b. Isml.

ITRÓ
L’itró est tantôt cri de ralliement, tantôt devise, assez comparable à l’ancien
slogorn, le cri de guerre des clans écossais. Chaque tribu a son itró, parfois
commun à plusieurs d’entre elles. On ne pousse jamais l’itró d’une tribu qui
n’est pas la sienne (isi kedol itritak kal, marin kedol mitrita). On pousse l’itró
sous l’effet de la suprise ; quand on est blessé au combat ; quand on est réveillé
en sursaut ; à la circoncision. Le nom itró est à relier à tirtirá
« autoglorification du guerrier », comme à l’amharique ṭärra « appeler ».

266
K
KABBŌBÁ
Chefferie Adáli du Godá. Descendants de « Gibdí » ámad (v.) par ses deux
fils Dnó et Adloó (ou Adlaó). Possèdent des terres dans le Godá et jusqu’à
Álol. Marabouts à Dawwé (v.). Distribution. 1. Adáli (Kabbbá) et Ablé
(Gundsá, Bakrrá, Illisoltó) ; 2. Bárga-k Adbáɖa (Balawtá, Bárga, Dbá-b
buɖá) ; 3. Dbá-h Adáli (Gadiddó, Adlaá, Ellé- ámmadu) ; 4. Faditté
(Albintó, Gidddá) et Adáli (amdá, Gardá, Unɖá-Saiddó, As-
Kmillá). Solidarités. Les Kabbbá forment une fimá avec les Adáli-k
asbá (Adáli de Tadjoura et Ská-k asbá), appelée « Arbáytu »,
comprenant des membres des fractions Sabúb buɖá, Idittó de Randá, Balawtá,
Bargá, Egralâ, cités dans « l’affaire Thiébeau » (v. ci-après), notamment. A
l’époque, les Kabbbá, descendants de Kabbó et les amdá, forment un bîlu,
les Gadiddó et Adloá, un second (déjà signalé p. 24). Les Egralâ (v.)
quoique intégrés aux Kabbbá, forment un troisième bîlu, tout comme les
Idittó de Randá. Ces quatre bîlu, bien que distincts, sont solidaires au sein de la
fimá « Arbáytu ». En 1943, Les Kmiltó et les Īsé-Aliytó, descendants de
Kabbó, forment deux lignages principaux qui comptent environ une dizaine
d’hommes. Cette faible importance numérique contraste avec les moyens
employés par l’administration coloniale lors de « l’affaire Thiébeau ».

Généalogie des Kabbbá


« Gibdí » ámad

Adlaó Dnó

Gadíd Birrgó Garbdó Lúbak Ellé- Ḥammádu

Kaɖɖá Buɖá Áli-Bató Kabbó Ḥámad Áli-Egérra


Lignages : Adlaá = Sabú-b Buɖá Kabbbá Ḥamdá Áli-Egerrrí Lubaktó

Histoire coloniale : « l’affaire Thiébeau ». Les Kabbbá entrent dans


l’histoire coloniale avec la mort du sergent Thiébeau1, en 1943. Sous-officier
français, né à Fourmies (départ. du Nord) le 24 mai 1918, Marceau Thiébeau
est tué par un tir hostile, le 24 janvier 19432, à Birsaḥá dans le Godá. Cet
incident est évoqué dans ces termes par Oberlé et Hugot (1985 : 112-113) :
(…) Les antagonismes entre Français vichystes et gaullistes, les pressions
étrangères, avaient quelque peu amoindri l’autorité de la France sur les
populations autochtones. Des agitateurs surent profiter de la situation. En 1943,
une importante tribu dankalie de la région de Tadjoura, les Kaboba, entra en
rébellion. Une énergique intervention armée y mit fin rapidement, mais elle
coûta la vie à un militaire français, le sergent Thiébaut.
Les auteurs ne mentionnent pas le point de départ de cet incident : la rumeur du
meurtre d’un déserteur italien venu d’Ethiopie, qui aurait été assassiné, le 11
KABBŌBÁ

décembre 1942, à Damboro Buyya (Dambaró-b búyyi), au sud de Dorra, dans


le nord du cercle de Tadjoura. Un Egralâ (v.), Issa Agayta (agaytá b. Īsé) est
rapidement soupçonné sur la base de témoignages indirects (lettre du cne
Coullet, commandant le cercle de Tadjoura, au gouverneur de la CFS, du 20
décembre). Coullet y souligne « la nécessité de sévir avec la dernière rigueur »
contre « cette population turbulente, jamais militairement conquise, toujours
prête à relever la tête ». Dans un télégramme du 2 février, il affirmera qu’« au
minimum 6 fusils avaient tiré simultanément quand Thiébeau est tombé ». Un
mandat d’amener est délivré le 30 décembre. Sans que le corps de l’Italien soit
retrouvé, ni qu’aucun interrogatoire ait été mené pour répondre aux questions
précises prévues dans la commission rogatoire du 2 janvier 1943, Coullet
décide d’expulser les Kabbbá de leur zone de pâturage. C’est en tentant de
confisquer un de leurs troupeaux de vaches, le 23 janvier, que le sergent
Thiébeau est mortellement blessé, le 24 janvier, à Birsaá, dans le Godá, en
aval de Dittílu. Dans son rapport du 27 janvier au gouverneur, Coullet propose
« une répression impitoyable ». Il envisage même un bombardement aérien.
L’assassin présumé, agaytá b. Īsé, reste introuvable. On le dit en fuite en
Áwsa ou emprisonné après son arrestation à Elidar (lí daár) par le sultan. Le
22 avril, des membres de la chefferie Kabbbá sont arrêtés. Au cours de
l’enquête sur place, le 17 juin, une tentative de fuite aboutit à la mort de Seém
b. Abdalla, de Arbâhim b. Maámmad et de usên b. Maámmad, (en gras ci-
dessous), de lignages Kmiltó et Īsé-Aliytó. Ali-Gibá b. Dawúd (Banoytitté),
blessé, parvient à s’enfuir.

Liens généalogiques des chefs Kabbbá (1943)

Kabbó

Kâmil Áli
(Kmiltó)
Baraggóyta Īsé
(Īsé-Aliytó)
ámad Áli
Kâmil Maámmad ámad Īsé Abdallá Maámmad
usên Mūsá úmmad (déporté à Madagascar) Seém Arbâhim

Coullet est sanctionné, officiellement pour « incorrections répétées » à l’égard


du gouverneur, en fait pour sa gestion sans discernement de la crise. Les 3 et 4
mai, une enquête est diligentée, menée par le chef de bataillon Chedeville,
inspecteur des Affaires administratives des cercles. Les chefs coutumiers Ablé,
Balawtá, Kabbbá sont interrogés, ainsi que 12 « prévenus » et le sultan. Le
rapport indique que :
(…) d’après le sultan [de Tadjoura], les coupables sont les suivants : I. Fusillade
où fut blessé le sergent Thiébeau : Issé Hagayta (Egueréla), Dimo Ali
Mahammad (Daba Bouda), Sehem Daoud (Balaouta), Abdalla Sehem
(Kabboba). II. Venus se joindre aux premiers pendant la poursuite du convoi

268
KABIRTÓ

regagnant Alailou avec le blessé : Adas Hamad (Gadiddo), Daoud Ali « Guiba »
(Banoititté), Abro Mahammad (Daoudinitté).
L’appartenance tribale des sept accusés correspond à la double composante de
la fimá « Arbáytu » : 1. Kabbbá et tribus alliées : agayta b. Īsé (Egralâ) ;
Maámmad b. Ali b. Dīmó (Dbá-b buɖá) ; Dawúd b. Seém b. Arrâmis
(Balawtá) ; Seém b. Abdalla (Kabbbá Īsé-Aliytó) ; ámad b. Aɖás
(Gadiddó). 2. Adáli-k asbá : Maámmad b. Abró b. ámad (Dawud-Dīnitté
Skitté) ; Ali-Giba b. Dawud (Banoytitté). Chedeville propose une réorga-
nisation du commandement tribal au détriment des Kabbbá, avec l’accord du
sultan, lequel est propriétaire d’une partie de leurs terres (notamment Agōró-g
gúba dans le Godá). Il conclut, en désaveu de l’attitude de Coullet :
Il conviendrait que le commandant de cercle de Tadjouraa parfasse sa
connaissance de cette région (…) en dressant un véritable cadastre de la
répartition des terrains, cadastre complété par des renseignements précis sur les
droits coutumiers et la législation foncière du Goda.
Cinq des sept accusés sont condamnés à mort par contumace par la cour
criminelle de Djibouti, le 1er décembre 1943. Le chef des Kabbbá, Húmmad b.
Maámmad b. ámad, « considéré comme dangereux pour la sécurité
publique », alors qu’il a été établi qu’il n’était pas présent à Birsaḥá, est déporté
en septembre 1943 à Madagascar. Il en reviendra cinq ans après.
__________
NOTES : 1. L’orthographe exacte du patronyme est Thiébeau malgré ses variations dans les
archives (Thiébau, Thiebaut, etc.). Voir l’acte de naissance signé par son père « Thiébaut
Marceau ». 2. Sa mort est datée officiellement du 25 janvier 1943.
S : HHL (Naw.) ; Chedeville (Afars). Documents archivés au Musée des troupes de Marine
(Fréjus).

KABIRTÓ
De l’arabe kabr, la forme afare kábir est employée au sud avec le sens de
« savant », « maître en religion ». Dans le nord, l’équivalent est maallím. La
fraction Kabirtó est issue de kábir Áli b. Maámmad « Ds » (v. Harálla). La
constitution maraboutique de cette fraction, séparée de la fraction des Dardortí
(v.) qui fournit les chefs de terre baddá-h abbóbti, issue de Dawúd, le second
fils de Maámmad « Ds », est tantôt rapportée à la mort du cheikh amza, dit
kábir andá, tantôt à la victoire des Mdaytó, à Darmá, en 1834, en Áwsa (v.).
D’après la généalogie du cheikh ln, auteur de la chronique de l’Áwsa (cf.
Annexe II) : ln b. i andá b. i Mamd b. cheikh amza, dit
kábir andá, b. kábir Mamd b. kábir Ali b. Maámmad « Ds », la mort de
kábír andá est datée du 28 septembre 1862 (au lieu de 1828, HL, in D.M.,
1997 : 55). Cet écart peut s’expliquer si l’on se réfère à la chronologie de la
succession des chefs Harálla, qui indique, à partir de 1824-1826, une division
en deux branches, que la mort de kábir andá a scellée. La tombe de kábir
andá est à Unɖá Maárra, au sud du lac de Uddúmma (v.), à l’est de celle de
cheikh Ayfará (v.) à Kaɖɖá Maárra, où est également enterré le cheikh
Mamd, père de kábir andá. La uddá désigne l’état de cheikh, notamment
de chef religieux chez les Kabirtó. Il est porté par l’héritier de kábir andá.
S : HHL (Naw.) ; HL (in D.M., 1997 : 55).

269
KĀLÍB

KĀLÍB
« Point cardinal », « direction ». Synonyme dagá. Le nom apparaît notamment
dans le rituel dit du « redressement de direction » (klíb gasá) destiné à
redonner des forces et à éloigner le mauvais oeil. On le pratique lors du rasage
de la nuque (darré-k kálti), qui marque le passage au statut de guerrier. La
direction vers laquelle est orienté l’initié pendant le rituel est le Sud, qu’il faut
regarder fixement (Chailley, 1980 : 51), appelé gabbaári, terme non élucidé.
L’étymologie *gabbí ári « maison de gábba » est obscure. Les trois autres
points cardinaux sont kilbát « le nord » (arabe qibla) ; ayro-m mawá « le
levant » ; ayró-k kormá « le couchant ». En dehors de la direction, apprise, de
la prière, l’Est et l’Ouest sont nommés à partir du mouvement apparent du
Soleil. Avec le Sud « la maison de gábba », on entre, semble-t-il, dans une
cosmogonie antérieure à l’islam. Il faut rapprocher cette forme gábba de gabbá
qui désigne une espèce de python, laquelle renvoie à gabbáy, le serpent
mythique afar qui sécrète un liquide qui tue celui qui le touche. Monstre
cannibale muni d’une lumière avec laquelle il aveugle ses victimes la nuit, il
rappelle le serpent Arwe des légendes du Tigré et d’Axoum. Il reste à
comprendre comment a pu s’opérer ce renversement au sud puisque la région
concernée correspond approximativement au nord ou au nord-ouest pour les
Afars. Y a-t-il eu incompatibilité avec la direction sacrée de la prière au
moment de l’islamisation ? De fait, le Nord n’a pas de nom en afar en dehors
de l’emprunt arabe. On imagine que le pôle éloignant le mauvais oeil ait pu être
situé à l’opposé de celui réservé à l’invocation divine. Le sens de
« redressement de direction » qu’a klíb gasá en porterait la trace. A cette
opposition Nord (sacré) / Sud (ésotérique), on peut ajouter celle entre la droite
(valorisée par la tradition arabe) et la gauche. Les traces éparses de cette
prévalence qui reste inexpliquée sont nombreuses. Le flamant invoqué par le
ginníli (v.) porte une étoffe écarlate nouée à la patte gauche (D.M., 1991 : 56).
Le djinn qui rend malade frappe du côté gauche. La première mansion lunaire
est celle « qui a la Gauche » Gurâlu « le Bélier » (v. Mafgadá, l’itró des Ddá
ou le lignage Awli-Gúra des adarmó). La métathèse lexicalisée (mídga
« droite » / mígda « voie », « direction astrologique ») est indicatrice de ce
dédoublement. Sans en tirer quelque conclusion, on remarque que, pour un
observateur de Tadjoura, gabbí ári désigne le Sud-Est, non le Sud, soit l’exact
opposé de l’orientation Nord-Ouest des tombes dites « Galla » (v.) de Lassá
(Bésairie, 1949 : 17). L’importance symbolique de ce Sud, comme de la gauche
(v. en bedja), n’a pas d’explication. La question paraît ancienne. Desanges
(1982 : 219) écrit à propos des scorpions qui, en Ethiopie (au sens antique : les
pays au sud d’Assouan), sont appelés Sibritae (ou Sebridae) :
D’après Hérodote, II, 30, ceux-ci étaient aussi nommés Asmach, autrement dit
« ceux qui se tiennent à la main gauche du roi ». Ce peut être une dénomination
purement péjorative en raison de la valeur de la gauche pour les Egyptiens. (...)
On a aussi rapproché Asmach de n‘sm, pays mentionné par des sources
égyptiennes. Il y aurait donc une fausse étymologie par rapprochement avec
l’égyptien sm. Il est curieux que Ptolémée IV, 7, 9, p. 783, mentionne avant les
Sebridae, des Ethiopiens Euonymitae (...) c’est-à-dire des Ethiopiens de la
gauche (de la rive gauche ?)

270
KALLUWALLÉ

KALLUWALLÉ
Pythonisse. Equivalent féminin du ginníli (v.), et pour cela également appelée
ginnileytá « celle qui a les démons ». Comme pour le ginníli, l’assimilation à
une sorcière (éthio-sémitique sɘray) ou à une possédée du démon (arabe
mağnūna) est fréquente, alors qu’il ne s’agit nullement d’une déséquilibrée
mais d’une femme qui vaticine, certes en transe, mais nullement « folle ». Il
faut, en outre, noter, parallèlement à ce rôle d’annonciatrice, celui de
contemptrice des actions du pouvoir en place (voir ci-dessous des exemples de
ces deux rôles). Kalluwallé est souvent interprété comme un composé kállu
(sémitique qal « parole » ?) qui désignerait anciennement la cloche, le
phonolithe + wan « son » + lé « qui a (fém.) » : celle qui a le son et la cloche.
L’origine du nom serait liée à l’emploi par ces femmes d’une cloche (bdónta,
pl. bâdon) pour vaticiner. Une autre étymologie propose « celle qui a
Kalluwán » ; ce dernier étant l’esprit possesseur dont le nom évoque l’idée de
résonnance (voir dawwân « écho », *ɖā-w wan « son de la pierre » ; cf. aussi
arabe daw « résonner »). La kalluwwallé serait celle en contact avec
Kalluwán, l’Esprit qui résonne. Celui-ci ne visite que les femmes. Le chant qui
accompagne les prédictions de la pythonisse est dit turá, à comparer à túra
« vérité », « parole vraie ». Les hommes font cercle autour de la kalluwallé.
Dans son introductif (abána), elle énumère les lieux où elle est allée et les
arbres qu’elle a visités, et où sont des gínni : ginní madêra « Cordia Gharaf »
(bois qui entre dans la construction de la tente, daboytá) ; ámay « Delonix
elata » ; wagár « Olea africana ». Ensuite, a lieu la phase d’interpellation
(sabó) au cours de laquelle la kalluwallé répond aux questions des assistants
concernant la guerre, la paix, la maladie, etc. Notoriété et rôle. Jusqu’à
aujourd’hui, le nom (ou le seul surnom) de certaines kalluwallé est conservé,
soit qu’elles soient encore vivantes, ou que leur nom soit associé au souvenir
d’événements marquants. On indique ci-après, entre parenthèses, leur tribu ou
région d’origine. L’une et l’autre montrent, comme pour les ginníli, un lien
étroit entre vaticination et belligérance : Andiyá (Bagullíit) ; Ayyūm-baɖá
(var. Ayyūb-baɖá : « la fille d’Ayyūb ») ; Aādí Amná (Baɖittó) ; Bírru
(Maanɖíyta) ; asná « Dābáli », Kusraytí Moyyá, Dil le Asyá (Gibdsó) ;
Asyá Ēgá (ammadi-sárra) ; Sittiyyú, Garadd(í)awká (Dóka) ; Fātumá
« Nfó- asaníh baɖá » (Gambél) ; asná « Walābáli » (Amasá) ; Sûni
Eysa, « Aïcha, des Gallá de Obnó », dite aussi Eysa-Boddáyya, « Aïcha-
sans-lait (sans progéniture) ». A notre connaissance, l’existence de pythonisses
intervenant dans des conflits impliquant prioritairement des hommes n’existe
pas dans les cultures environnantes ; aussi, est-il probable que la chronique de
Amdä ɘyon (1314-1344, trad. Perruchon) fasse référence à une kalluwallé
lorsqu’elle rapporte (texte français : 174 ; guèze : 86-87) :
On avait aussi tué une sorcière qui précédait les Musulmans pour jeter des
maléfices et tirer des présages en consultant la poussière et le sable [v. ramri] ; elle
était de haute taille, sa tête était chauve et les poils de son corps, blancs comme la
neige, étaient longs comme des crins.
De Bírru, on conserve ces vers où elle admoneste la garde du sultan d’Awsa,
Maámmad b. Yayyó, pour n’avoir pas empêché sa capture par les autorités

271
KALLUWALLÉ

éthiopiennes en 1944 :
Laaqoy qululuh rabta sin camitta L’Est qui meurt de faim médit de vous
Dokqay sari xarba le sin camitta L’Ouest en habits crasseux médit de vous
Qidiy sara meekisa sin camitta Les Adoyammára vaticinent sur vous
Kalo galto malim barinneh Nous savons que la Kalo est ingrate
Rubteenim karaarit xagar le misli Celui que vous avez congédié est un
souverain de grand prix
Sin hinna sin abbobti yeynebeh Ce n’est pas seulement vous mais vos pères
qu’il avait élevés
Xul kee naqasul mango Cinnaaleytay O pays d’esclaves dont les hippopotames
[abondants en Awsa] sont la seule richesse !
Comme le ginníli, la kalluwallé n’incite pas à la guerre, elle avertit de ses
conséquences ; ici Andiyá s’adressant à un chef de guerre des Arabtá, des
Mokonní (c. 1920-1922) :
Yaaba yab Baliico-b baxaw taabbee O fils de Balīó, entends-tu le sens de mes
paroles ?
inkinnah ma gaadina tee Mokonniy N’allez pas en guerre, Mokonni !
gaadaay wadir ixxica tee Mokonniy Ou allez-y et revenez vite, Mokonni !
Mokonniy yi yaabih qakuh gaadda O Mokonni, que ma faible voix ne peut
retenir de partir au combat !
Comme le ginníli, la kalluwallé prédit souvent au passé, déroulant le fil des
événements à venir qu’elle « voit » avant qu’ils ne se produisent. Ainsi, dans ce
quatrain, Ayyūm-baɖá « la fille d’Ayyūb » décrit le stratagème par lequel Ðer
Maámmad sera trahi et tué le 8 mars 1926 (v. Baádu) :
Ayro tiggimek, talaatah ayro Tu ignores quel jour, ce sera un mardi
Boodo cullek, baye waa migaqlow Tu te cacheras dans un trou, ô toi dont le
nom ne périra pas !
Boodok bukkek baye waa migaqlow Tu penseras t’en sortir, ô toi dont le nom
ne périra pas !
Agbi koh yemeeteh, gufne makkalin Des femmes viendront te visiter, ne crois
pas qu’il s’agira d’une simple visite
Comme le ginníli, la pythonisse, ici Andiyá, est interpellée par le guerrier
avant le combat :
— Ibqadin faras : Furse yoo beya’yya Mon cheval à balzanes me dit-il :
« Emmène-moi à Fursé [dois-je aller y
combattre] ? »
Furse yoo beya’yya qaruumalaali Mon cheval harnaché me dit-il :
« Emmène-moi à Fursé ? »
Kiilalul yaqadd’awka yoh yaqadda A Kīlálu, il y a une fille qui se fumige
à mon intention
Moyyaalê baxih martoh yoh ribaana On est en train de coudre le pagne du
fils de Moyyālé
Handagal talool addi yoh taloole La génisse qui paît dans le vallon est pour
moi
— Gacta gita kayballayu waa [Andiya] Je vais te montrer le chemin par
où tu passeras

272
KALÓ

Radda faage kayballayu waa Je vais te montrer le gué que tu traverseras


Kiilalul ibah xikki xic Entre à pied à Kīlálu
Fursê gude coodarra xic Avance-toi au milieu de Fursé
Orbiseh maq’adda elle tan Une génisse belle à ravir s’y trouve
Seelabeh maq’oor elle yan De bons guerriers à évirer s’y trouvent
Cigsiteh maq’agbi elle yan Dépouille de son pagne le fils de Moyyālé
Faras Qaliik buxxe kalla has Evire Faras Ali
Xaagu gacta saaku kok abba haynu waa Je te demanderai des nouvelles à ton retour
Et c’est la femme autant que la devineresse qui est louée et remerciée :
Qandiyay Gargoorî gasoh mininliy O Andiya, ô toi aux sourcils fournis
comme un enclos de Gargrí !
Qandiyay Tagorri musanih afliy O Andiya, ô toi à la bouche grande comme
un voile de Tadjoura !
Daffeynah aben kamusliy O toi au séant fait pour trôner !
Wagittoh aben miniliy O toi aux sourcils faits pour être admirés !
Fuguttoh aben xebesliy O toi aux joues faites pour le baiser !
Caxak gubi raare ceelay O toi comme l’herbe-de-dessous-l’arbre !
Canak gubi leemo ceelay O toi comme le petit-lait-sous-le-lait !
Leek gubi dorra ceelay O toi comme la mare-sous-l’eau !
Boddayyi baxih halangay O toi bien droite comme le bâton du fils
de Boddáyya !
Atu itte’nni yekkeh immay A part que tout s’est passé comme tu
l’avais dit
Koh gaceh Yallah gaceh Me revoilà devant toi, grâce à Dieu
je suis revenu

L’hommage s’explique par la liberté de mœurs de la kalluwallé (que n’a pas le


ginníli), comme dans ce vers de « Sûni » Eysa : bus busti tuuroh maacaay /
barramali elle ma liggaysa « du sexe, je n’en donne pas à qui en veut
occasionnellement (un homme marié) / mais je n’en prive pas le célibataire ».
S : HL (in D.M., 1991 : 23 ; 1997 : 21, 42, 52, 141-145 ; D.M., 2005 : 98).

KALÓ
Terme topographique qui décrit une région inondable, principalement la région
marécageuse de la zone d’épandage de l’Awash, de Tandaó à Bhá, qui
marque le début du delta formé par les lacs de l’Áwsa proprement dit. Le mot
est aussi attesté à la confluence Awash-Arsó, en pays Gibdsó (v.). Sous la
forme Ðeramó-k Kaló, il correspond à la partie terminale de l’Awash, en Áwsa,
jusqu’à la rive occidentale du Uddummí bad « lac de Uddúmma ». On trouve
également Tewé Kaló et Kutublá-k Kaló, au sud du défluent principal, le
Gurmuddáli (voir carte n° 5). Etym. kaló est à rattacher à kal « qui ôte
(emporte) » (comme le courant de crue) et à kálu, appliqué à diverses vallées
humides en permanence (voir kló « conservation du lait »). Le régime des
transhumances est : en saison froide, sur le fleuve ; en été, vers l’ouest (Awrá,
Magénta). Distribution. Chefferies de la rive gauche de l’Awash : 1. Arábta-k
Asabbákari (de Tandaḥó à Dḥó) ; 2. et 4. Nassâr k Baɖittó (centrés sur
Bayyḥilé, Ḥannakís, Hayyé-f fgé) ; 3. Damblá-k Mdaytó (de Krilé) ; 5.
Asá Damblá (Unɖá Arraddó) ; 6. aɖbisó-s sárra ou « Gli-f fgé mára » ;

273
KARBÚDDA

7. Gambél (Lhí fgé) ; 8. Ulél (en aval d’Aysaíyta). Chefferies de la rive


droite : 1. Arábta-k Asabbakári ; 2. Baɖittó (de Alaló-b bad au fleuve) ; 3.
Arabtá (Amoysinna Gsúrri) ; 4. Amaró-s sárra (de Alallo-f fgé et entre
Ureyna et Hayyé-f fgé) ; 5. aɖbisó-s sárra (oued anbókli) ; 6. Damblá-k
Hummád-sárra ; 7. Makanniytá-w Wdîma (Ðlefgé, Abbiɖaffáḥ) ; 8.
Karbúdda (voir cidessous) ; 9. Askakmáli-k Mdaytó.

KARBÚDDA
Région de la Kaló (de l’oued Huyyé au fleuve, à Urdifgé), devenue le nom
d’une tribu Asahyammára, mais d’origine mixte, composée de Mdaytó,
Gáldod, Wdîma, Grár. Il a existé anciennement un groupement de « huit
Karbúdda » (bará Karbúdda), dont la composition fondée sur des accords de
pâturage semble perdue.
KARMÁ
1. Grande saison des pluies (juillet-septembre) divisée en quatre périodes :
kuyyá « premières pluies » (fin du mois de wáysu et début de yangúlta) ; karmá
proprement dit (août-septembre, yangúlta et ditéli) ; knáytu, vers la mi-
septembre ; dat-rób, les dernières pluies. 2. « Karmá d’un jour » signalant des
précipitations exceptionnelles : arbaá-k karmá « karmá du mercredi 12 !ū’ l-
i""a 1339 » (soit le mercredi 17 août 1921. Les pluies ont en fait commencé
le lundi 15 août, jour du Id al-Kabr) ; gumát karmá « karmá du vendredi 7
Ra"ab 1357 » (vendredi 2 septembre 1938. Les pluies ont duré juqu’au 4
septembre 1938). 3. Karmá, synonyme d’année. Leur souvenir est associé à
celui des événements les plus importants, comme les disettes (v. Amána). Les
dates et noms donnés ci-après, qui concernent les Debné du Gbaád et les
régions avoisinantes, proviennent essentiellement des notes du cheikh ásan
(Naw.). On y a adjoint marginalement des indications fournies par les sources
européennes jugées fiables. La recension des faits montre le lien intrinsèque
entre déficit pluviométrique, famine et belligérance. La raréfaction du pâturage,
notamment à la période charnière de mars-avril, quand les pluies de sugúm sont
insuffisantes, entraîne des heurts avec les frontaliers. Un proverbe dit
excellemment : l rabék, bí yakké ; bí yekkék, labhá rabtá « si les vaches
meurent, c’est la guerre ; si c’est la guerre, les hommes meurent. » A rebours
de ce constat factuel, toute une littérature de voyage, prompte à colporter des
histoires de Phéniciens, a fait du prétendu atavisme sanguinaire des Afars son
leitmotiv, sans éviter les commentaires malveillants, voire racistes, résolument
erronés. D’abord, en ne différenciant pas un banditisme dont les Afars n’ont
pas le monopole, notamment sur les confins (v. Amolé. Waydarát) pendant les
périodes où l’administration a été défaillante : de 1899 à 1912, pendant la
guerre civile du Sangerrá (v.) ; en 1935-36, entre le départ en exil du négus et
la prise de contrôle effective du pays par les Italiens ; lors du retrait de ces
derniers (1941) et jusqu’à la reprise en main par l’administration impériale
(1943-45). Ensuite, en ne rendant jamais compte des procédures
d’interposition, parfois de réglements des conflits, suivis de périodes de paix,
comme celles qui ont duré de 1905 à 1910 ; de fin 1916 à 1927, entre Debné et
Somalis Issas.

274
KARMÁ

Eléments de chronologie :
1879 : mai-juin : Les Issas contournent le #ubbat al-$arb et attaquent les
Garrôni, mais ils sont battus à Ðbukkán (v.). Plusieurs meurent noyés. Le
combat dure six jours. Les Debné contre-attaquent à Wa, en juillet, combat
dit de « Gâla le Wa », en raison de la capture de nombreux chameaux. A
la fin de l’été ou à l’automne, à l’époque des dattes mûres, bataille de
dôla, entre Issas et Debné, où meurt Abbâs « Gurrané », frère de Witi
úmmad (arká-m mlá Looyttí). Les Debné sont battus.
1885 (27 nov.) : Borelli signale une grande réunion à Ambdó entre Issas,
Debné et Mdaytó.
1886 (21 mars) : Borelli apprend que les Afars ont été attaqués par une
expédition dirigée par Moammed Kanke, un Oromo de Dawwé (v.) au
service de l’empereur Yohannǝs, et le däazma Mäšäša Säyfu, cousin et
général de Ménélik. Les vainqueurs marchent sur l’Áwsa, préfigurant la
victoire décisive dix ans plus tard à Arraddó (v.). Comme en 1879, mais
venant de Tadjoura une expédition attaque les Issas à Wa. Des Songó-g
Godá attaquent, eux, à Daddaálu.
1898-99 (h. 1316) : Grande disette, dite Karús « pris à la gorge », qui a
commencée en juin 1897. En octobre 1898, combat de Byya Aday, oued
aux abords de Zeyla. Une razzia afare attaque une caravane d’armes et
d’étoffes précieuses destinées à Ménélik. L’incident est signalé à Paris
(lettre du gouverneur, datée d’Obock, du 2 novembre 1898). La plupart des
armes sont rendues par le futur sultan debné, ámad-Ladé. Les Issas
razzient les Gallá à Biída et prennent de nombreux troupeaux. Une
expédition de représailles est levée par les Debné. Y participe le ginníli
Maámmad b. elém, dit « Aytinabó ». Le guerrier Debné, Ali-Dró, est
tué dans un des deux engagements suivants en pays issa (notés dans les
Naw.) : soit à Bolé, sur l’oued Durdúr en amont de Saba-Wanāg, soit près
de Ayšaa. Les Issas ont une cinquantaine de tués. En représailles, les Issas
font une incursion à Skaytó et tuent 10 Debné.
1904-05 (h. 1322) : aɖamlé « arbre élagué » (on dut couper le feuillage
pour nourrir les troupeaux). Mai-juin 1904 : une razzia issa atteint Álol où
les vaches ont été rassemblées en nombre en raison de la sécheresse. Après
le combat auquel participait asan-Dîmu, Debné Arbhintó (v.), cousin du
sultan, les vaches capturées sont emmenées vers Asál. Elles meurent pour
une bonne part en chemin. Incidents à Galalé, Ado Búyyi (près de Holhol).
Mort de Ali « Boré » b. Arrâmis (Balawtá). Fin juin : combat de Ladó.
Les Issas dirigés par Fra d « Fra le Velu » attaquent les Debné au
nord du lac Abé. A iglow, une contre-offensive est menée par le sultan
du Gbaád, « Kaɖɖá » Looytá, et des Asahyammára. Elle sera appelée
abiyyé « ramassage », en raison de l’ampleur du butin rapporté. « Kaɖɖá »
Looytá parcourt deux mois le pays issa et descend vers Djibouti. Le
gouverneur lui inflige une amende. Une trève s’installe qui dure jusqu’en
1910.
1908-09 : Bota karmá « le karmá sec » : l’Awash, à sec deux mois auparavant,
cause la mort de nombreux hippopotames dans les lacs d’Áwsa. Puis, le
karmá se transforme en inondation.

275
KARMÁ

1910 (7 mars) : au nombre de 3800 env., des Afars sont aux abords de Djibouti,
au kilomètre 19. Ibrâhim « Balâla » (v.), frère de asan-Dîmu, s’interpose.
Des Debné et des Adorásu (les asbá ayant refusé) sont rassemblés à
Tadjoura et se mettent en route vers le pays issa, le 28 avril 1910 (17 Rab
1328). Une partie des combattants gagne Djibouti où ils sont désarmés. Un
télégramme du gouverneur Pascal du 7 mai 1910 fait état de l’événement.
Le reste de la troupe avance jusqu’à Ayšaa. Une trève est conclue, fin mai
(umd I). Fin 1910, attaque d’une caravane à Gdáni par les Issas.
1912-13 : « Ugúbli » karmá, appelée à son début « Unɖá » Ugúbli et ensuite
« Kaɖɖá » Ugúbli, ayant commencé à l’été 1912 et duré jusqu’en 1913
(ugúb désigne une grosse mouche fréquente sur les charognes).
1915 (27 mars) : combats Afars-Issas à Dikhil. Un épisode que la chronique
(Naw.) situe en février-mars 1915 et appelle Uɖalí dabbó « le repli sur Uɖ
Alé » signale la retraite des Debné dans les Gamarri pour échapper à des
représailles des Issas. Le 5 juillet : attaque des Debné sur Ramódli, dans le
Gbaád, où des Issas ont regroupé des troupeaux. Une attaque issa a lieu à
Gdáni contre une caravane Asahyammára. Nov.-déc. 1915 : combat de
Skaytó à l’initiative des gens de Tadjoura, alors que les Debné et les Issas
avaient trouvé un accord de voisinage. L’incident est signalé par le
gouverneur. Les Debné se retranchent dans les Gamárri.
1916 (janv.-fév.) : les Issas font des représailles au Siyyâru. Mort de úmmad
b. Kabbó. Médiation de ásan-Dîmu. Les archives de la colonie signalent
des incidents en pays issa vers Harrwe (7 février et 8 mars). A Arrá et
Adó Búyyi, une expédition rafle des moutons (raid dit Illí Maáɖu « raid
des moutons »). Mai ou juin 1916 : disette chez les Issas qui sont accueillis
par les Debné. Engagement de Uɖukyá entre des Debné et un raid Issa
dirigé par Fra d, en route vers Ladó contre des Aɖkaltó. Le 25 juin,
les Debné font un raid sur l’oued Ðanân où ils trouvent les troupeaux de
moutons sans leurs gardiens qui ont fui (Naw.). Le lendemain, 26 juin, les
Debné attaquent à Holhól et ont sept tués dont le chef de razzia, « an-
iné » ásan, un ginníli Ankáli, à l’origine de l’attaque de Skaytó. Les
Issas ont, eux aussi, 7 morts, dont Awāle Gadbūr, chef de Ali-Sābi, le fils
de Gamba-Add et Ali-Bū (Naw.). Juillet : raid de Tadjoura sur Holhól.
Août : combats à Dawwanlé et Bâɖa (v.) dirigés par le sultan « Unɖá »
Looytá b. úmmad. Combat à Galêmu (actuellement Gelêmi entre les deux
plaines de Bâɖa, v.), puis paix en août-septembre. Au cours de cette même
année 1916, a lieu un raid issa sur +lí-Daár où le chef des Skallá,
úmmad b. Kabbó est tué.
1917-18 : grande disette étta Yúri « on se cachait pour mâcher (manger) » ;
également Bod-yé « on a cassé les os (pour en manger la moelle) ».
1919 : la disette se prolonge et prend le nom de Angaytu Yúri « cache
chique » (on chiquait pour tromper sa faim). Les pluies de sugúm (mars-
avril) sont générales. L’année est appelée Gumá-s sugúm. Une importante
épidémie (choléra ?) affecte l’Awsa en octobre et novembre 1919.
1921 (23 juin) : attaque des Waydarát (v.) sur l’Áwsa.
1927 : karmá absent. Disette appelée nalé « tourbillons de poussière ». Elle
se poursuit en 1928. Les ‘Asahyammára attaquent les Issas à Siid Gban ;

276
KARMÁ

les Aɖkaltó, à Balamballey. L’administrateur Lippmann (v.) les accroche au


retour.
1934 : Agbí gúbunuh ré karmá « année qui réduisit les femmes au veuvage »,
année de la mort de ámmadu b. Mômin (v. Baádu).
1935 : Abálli karmá « année des selles sanglantes » (choléra ?) ; Gbaád
karmá « l’année du raid sur le Gbaád », v. Bernard.
1936 : Irgisá le karmá « année où l’on revêtit les insignes de meurtriers
(irgisá) » ; peut-être identique à Mdayt k adíyyu tmé karmá « année
de la guerre entre Mdaytó et adíyyu (des Badoytá-m mlá) ».
1937 : Urrí rabíh karmá « année de la mort des enfants ».
1938 : Anaytí karmá « année du criquet » ; également appelée Agráli (de
agára « gale »). Egalement appelée Lhí gubló bhé karmá « année qui
causa la pneumonie des vaches », après la pluie torrentielle du vendredi 2
septembre (v. plus haut).
1939 : Bakarté gulfih karmá « année de la cavalerie morte de soif ».
1940 : Alsárra-k anfaɖ k Gllá tmé karmá « année des hostilités entre
les Oromos et anfaɖé des (Mdaytó) Alsárra » ; Wagrí yekké karmá
« année de la paix (avec les Issas) ».
1941 : Tif ta karmá « année de petites pluies ».
1942 : Waydarát tmé karmá « année de la guerre avec les Waydarát ».
1943 : Hirrgá-w Waydarát tmé karmá « année suivant les hostilités avec les
Waydarát » (v.).
1945 : Bté karmá « année sans pluie ».
1946 : Abálli karmá « année des selles sanglantes » (choléra ?).
1947 : Hdé Maámmad rabé karmá « année où mourut Hdé Maámmad ».
1948 : Bɖó tengeyyé karmá « année où la terre a tremblé ».
1949 : andé-b baɖí rabé karmá « année de la mort du fils de andé (des
allató).
1950 : Alí-Ballatí baɖíh gulfá-h karmá « année (de la défaite) de la cavalerie
du fils de Alí-Ballátu (des Goftó) ». V. Gulfá.
1951 : Eysáh Adaníh baɖíh gulfáh karmá « année (de la défaite) de la cavalerie
du fils de Ádan, fils de Eysá ».
1952 : Mullúl eb radé karmá « année de la guerre sur Mullú ».
1953 : N k ‘Adohyammára nmé karmá « année de la guerre entre nous [les
Debné] et les Adohyammára ». La disette qui dure depuis 1952 est appelée
Gadánli « année des taons » ou Būti sunkúlli « marmite sur l’épaule »
1957 : Inkí num karmá « année où ne mourut qu’un seul homme ».
1958 : Bté karmá « année sans pluie ».
1959 : Glík drók karmá « année de l’alerte des chameaux ».
1960 : Labhá dré karmá « année des hommes désignés (pour mourir) ».
1961 : isík ya glíh karmá « année des chameaux en alerte ».
1962 : Edéd idén karmá « année où ils (les Issas) franchirent les limites ».
1966 : Bté karmá « année sans pluie ».
1969 : Kaɖɖá sugúm karmá « année du grand sugúm (v.) ».
1970 : Lhí rába « (année de) la mort des vaches » ; Bníli « on acheta du pain
(bâni) en troquant des peaux des vaches ».
S : (Naw.) ; Min. Colo. Aff. militaires, Corresp. gén. (1899-1930).

277
KEDÓ

KEDÓ
Afar du nord kidó, saho du nord kišó (le nom bedja apparenté kíšia désigne les
esclaves, v. Naōsínna). Groupe patrilinéaire (clan ou tribu) établi sur le
territoire d’une chefferie (bɖó). On préfère ne pas utiliser « clan » au sens de
lignage, soit la fraction ou la sous-fraction d’un clan ou tribu, ce que fait
Mohamed Aden (2006 : 222) en parlant du clan « Moussah-Oumarto ». Les
Mūsá-Umartó sont une fraction de la tribu Ayrolassó. Le chef de tribu
(kedó-h abbá) gère et tranche les affaires internes. La forte hiérarchie entre
tribu, chefferie et commandement général bɖó, v.) est marquée tradition-
nellement par une spécialisation des responsabilités et des rôles. Le ou les
lignages où sont choisis les chefs de tribu ne sont pas ceux qui dirigent les
sociétés d’entraide (fimá-t abbá). Cette spécialisation (v. Introduction)
implique plusieurs fractions. Chez les Debné arká-m mlá (v.) du Gbaád,
les Arbhintó assurent le commandement de la chefferie (abbînu) ; les
Loyttí, la conduite de la guerre (miránna) ; les Illlitté, le maintien de
l’ordre parmi les guerriers. Les Adantó font la prière avant le départ. Cette
spécialisation peut être globale. Les Ayrolassó sont les juristes des Debné. Les
Harálla (v.) se sont divisés en un groupe maraboutique et un autre assumant le
rôle politique. V. Kabirtó. Onomastique. Les noms des tribus, très diversifiés,
sont une source d’information indirecte sur leur formation. Des régularités
peuvent être observées ; d’une part, en séparant ce qui historiquement
ressemble à des noms et des surnoms ; d’autre part, en considérant leur
étymologie. Les noms présentent les traits communs suivants :
— noms simples : Ulél « descendants d’Úlel » (avec accent final) ; radical + to
: Burantó « descendants de Burán » ; + ta : Balawtá « rattachés à
Balaw » ; liés à un lieu : Triytá « de Têru » ; + tté (pluriel) : Dnitté
« descendants de Dîni » ; + ()ni : Aydamní « descendants d’Áydam » ;
— noms composés figés : Maá-s sárra « la suite (sárra) de Máad » ; appositif
: Absá-mára « les gens cousins ». Le nom mára prend un sens seulement
politique dans Asahyammára, comme mlá qui souligne l’hétérogénéité
constitutive des arká-m mlá. Le nom buɖá « foyer, maison » insiste sur
l’apparentement interne de ses membres : Bollí buɖá « la maison de l’oued
Bólli ». La périphrase -k radé mára désigne les descendants au sens large :
« Kaɖɖá » šek Áli-k radé mára « ceux qui viennent après šek Áli le
Grand » (v. Mdaytó-k Maanɖíyta).
Les surnoms sont également simples, dérivés ou complexes. Simples : formés à
partir d’un nom de lieu : Wíma « ceux du Wimá » (gentilé avec changement
d’accent). Dérivés : + t > (s) + o : Gibdsó « ceux de Gibdó » ;
― en référence à un événement : + tté : Fadīitté (v.) ;
― à une particularité physique : + lé : aysamlé « descendants de celui aux
cheveux longs et lisses (aysamá) » ;
― à un trait socio-culturel : Gombár (v.) « mangeurs de pousses de palmier
(gombár) » ; + máli « sans » : Askakmáli, parfois réduit à Asmáli, ce qui
induit une étymologie « sans séjour au pâturage (v. as) : sans pâturage en
propre » ;
― lié à la hiérarchie lignagière : + (iy)ta : Maanɖíyta « cadets ».

278
KOBORTÓ

Complexes : le gentilé peut être : un complément de nom (avec changement


d’accent) : Gallá (de glí êla « le puits des chameaux ») ; la nominalisation
d’une forme verbale simple : Ablísa « qui font saigner » (ablisá) ; issu d’un
énoncé indépendant : Darumá (de *darí umá « de mauvais pâturage ») ;
qualificatif : Adorásu « ceux du pays blanc (stérile) ». Les combinaisons sur la
base d’une coordination ou d’un complément de nom sont multiples : Br k
Wandâba (v.) ; Asá L-k Dhí-m mlá « les Dhí-m mlá aux vaches rouges ».
Il peut s’agir d’un énoncé nominalisé : Asabbakárri, de « Asá » Abbákar + li
« (ceux) qui ont (pour ancêtre) Abbákar le Rouge = le Valeureux » ; Ayrolassó,
de ayro-l asé « il passa le jour au soleil » (v.) ; aɖal-Mâis « celui qui fut sur
l’arbre au matin » (v.), accompagné d’un changement d’accent. Les noms
ethniques comme Anklá (v.), Dankáli (v.), Dúna (v.), Mafâ (v.), sans
explication étymologique ou socio-culturelle sont, en définitive, rares.

KÎ!U"K ḤENKÉBBA
Fort groupement Asahyammára descendant de deux frères, Kîu « aux oreilles
entaillées » et enkébba « au torse atrophié ». L’origine de ces noms qui
ressemblent à des surnoms est sans explication. Légende. enkébba était l’aîné
et le préféré de sa mère ; Kîu était le plus brave et le préféré de son père. Le
père envoya enkébba abreuver les vaches. Il ne put y parvenir, et elles
revinrent en ayant encore soif. On envoya Kîu, le lendemain. Il égorgea un
boeuf et le mangea. De la peau du boeuf, il fit un récipient où les vaches
burent. Le père en mourut de rire, dit-on. Distribution. Les Kîu et les
enkébba occupent le bassin de l’oued Gêga, au nord de Millé et atteindraient
vers le nord-est la plaine de Saá. 1. Groupe d’Ába, au nord d’Immnó, dit
« Ayyammíi » (ce surnom n’est utilisé que par leurs parents à plaisanterie et
leurs cousins interdits de mariage, nangálta) ; 2. Groupe de Gêga (Ggí buɖá),
région du haut Lógya, sous dépendance de l’Áwsa ; 3. Groupe de Saá
(dépendant de Gêga). Les Kîu-k enkébba dépendent du sultan d’Áwsa et
entrent dans le processus fédératif appelé Bará Kadá (v.) que traduit la
généalogie qui les rattache à la descendance de Môday, ancêtre des Mdaytó.

Généalogie des Kî!u-k enkébba

Môday

Asabbakári Nassar Afkié Máad Mahúba

Kîu enkébba

S : HHL (Naw.).

KOBORTÓ
Tribu ‘Adohyammára accolée aux Wagáb à Dawwé (v.) et formant les Wagâb-
ak Kobortó. Distribution. 1. Bíɖu ; vers Gaarré, avec les adarmó ; 2. Chez
les Arábta-k Asabbákari (à Dídólli, avec les Warrá) ; 3. Chez les Allôma
(v.) ; 4. Chez les Bdoytá-m mlá de Dawwé.

279
KŌNÁ ‘ĒLIH BUÐÁ

KŌNÁ ‘ĒLIH BUÐÁ


« la maison des cinq puits ». Ensemble des asbá (v.) du Mablá oriental et
des tribus voisines, formant une chefferie du sultanat de Raaytó, dont les puits
sur la côte, à l’ouest d’Obock, sont appropriés : asbá (Oɖôboɖ), Mdîma
(Dat-lá), Asmlá (Alá-t lá), Tákil (Obock), ayís (Tagarré).
KÓRA
Fraction de la chefferie Datá Ablé, au nord du sultanat de Tadjoura. Comprend
des non Ablé (aysamlé, Dbá-m mlá). Les Kóra sont aussi présents chez
les Bdoytá-m mlá. Leur pays d’origine est Bisdiró, au nord de Ðer Góli.
KOR()IB
Cheikh venu « de la mer », selon la légende ; mort sur son tapis de prière.
Etym. koró aib « levé(e) par miracle » ou korá aib « événement étonnant ».
Enterré, on le retrouva debout, le lendemain. On l’enterra à nouveau. Il se
releva encore. Il informa les gens qu’il n’accepterait d’être enterré que si une
mosquée était construite au-dessus de sa tombe. On bâtit alors la mosquée
« Korib » (date inconnue). Tombée en ruines, vers le milieu du XIXe siècle,
elle fut relevée par Umar « Baádu », Ská, originaire, dit-on, de la famille du
fondateur de la confrérie Rfiyya. Son fils, allóyta, trafiquant en mer Rouge,
fut capturé par les Anglais et mourut en prison. L’appartenance à la famille de
« cheikh Kor"ib » est revendiquée par les Gonnitté.
KÚBAR
Egalement Kubár. Région à l’est de Kullúli, parallèle et à l’ouest de Arratá
(v.). Le palmier-doum abonde en plusieurs endroits (Alfillá). Kúbar englobe
toute la plaine du Sel. Le versant de celle-ci, à partir de Adaytó, est appelé
Addaadí Kúbar « Kúbar de Addaádu » (v. Bári). Le nom Kúbar est à
rapprocher de l’arabe ubr « poussière », qui peut aussi donner son nom à
l’îlot de Kubâri (var. Gubré) dans l’archipel de Dahlak (v.).
KUDÓ
Premières pluies dans le calendrier traditionnel après l’établissement de l’alizé
d’est (saison de gílal, dans la seconde moitié de novembre, correspondant aux
mois de inkibárta et inannáb, v. Alsi-lōwó). Les premières précipitations sont
appelées káyra, suivies de dadá. Kudó est parfois associé à un jour de la
semaine pour marquer le souvenir de précipitations exceptionnelles. Telles sont
les Arbaá-k kudó « pluies du mercredi » (ayant commencé le mercredi 23
novembre 1949) ; précédemment arbaáytu, pluie générale dans la nuit du 16
au 17 décembre 1947 (correspondant au vendredi 3 afar 1367, mais datée du
mercredi 1er afar, Naw.). En République de Djibouti, des pluies de kudó
suffisantes sont le signal de la transhumance des vaches du Godá, vers le Ló,
la région correspondant au nord de la Rép. de Djibouti, entre l’oued Wimá et
l’oued Sadáy jusqu’aux contreforts du Dadár et du Mablá (v. Karmá).
KULAYYÁ
Lignage descendant de Kuláy, fils de cheikh Ibrhm « Wrufi » (v.). Le chef
porte le titre de kuláy (v. Abrartó).

280
L
LAD UMN
Dans une autre lecture (EA, III : 471) Lada Umn. Gouverneur de l’Adal (v.),
en 1471. Son nom conservé dans la translittération arabe pourrait correspondre
à la métathèse de l’afar ladé « celui au visage ridé, fané (laad) ». Cette
hypothèse d’une influence afare croissante (marquée par l’afarisation des noms
personnels) est renforcée par l’analyse de cette période de l’histoire de l’Adal.
En 1415, après la mort du sultan arabe Walasma, Saad ad-Dn, dans l’île de
Zeyla où il est poursuivi et défait par le négus Yəsaq, ses fils se réfugient au
Yémen. Revenus d’exil en 1416, après avoir débarqué à Siyrá, sur la côte du
Somaliland actuel, ils s’installent, à partir de 1435, près de Harar, à Dakkar,
avec le titre de « sultan d’Adal ». La peste de 1434-1436, dont est peut-être
mort le négus Amdä Yäsus, et qui « vide l’Abyssinie de ses habitants »
(Maqrz, K. al-Ilmm : 37), montre un déplacement du centre de gravité de
l’Adal laissant supposer un renouvellement démographique. La rive gauche de
l’Awash et l’Ifat, définitivement perdus, les Walasma s’installent à distance
des incursions éthiopiennes dans une zone où ils disposent de forces nouvelles.
On peut penser que l’axe Harar-Zeyla a impliqué des éléments côtiers (dont des
Afars) de la région de Zeyla et de la ville de Tadjoura (v. Ibrhm Ab
Zaarbi). Des Somalis ont pu s’y joindre, quoique leur nom n’apparaisse pas
encore et que leur présence à Zeyla ne soit signalée qu’en 1585 lors du pillage
de la ville (Cerulli, 1931). Alvares (in Beckingham & Huntingford : 452)
précise la carte politique au début du XVIe siècle. Il distingue les « Maures
chrétiens » (les Sahos) ; les Dankáli (v.), avec le port de Baylûl (v.) comme
capitale ; le royaume d’Adal, qui comprend « Zeyla et Barbora (Berbera) ; à
l’intérieur, les Dobaa (Dbaá, v.) et leurs vingt-quatre grandes chefferies. » La
chronique de Bä’ədä Maryam indique que Lad Umn les soutint dans leur
rébellion contre le roi d’Ethiopie. Cette indication et le fait qu’une partie des
Dbaá se réfugieront ensuite en Áwsa confirment que ceux-ci étaient des Afars
implantés anciennement sur les contreforts éthiopiens, à la limite du Tigré et du
Wällo. L’implication de ces Afars est allée de pair avec l’entrée en lice des
Balaw (v.), dont l’émir Maf, le gouverneur de Zeyla, père de Dlé-wn-
baɖá (v.), première épouse du chef Balaw Amed « Grañ » (v.). Ce dernier, à
partir de 1529, prendra la tête d’un parti de la guerre, de tendance théocratique,
rival et successeur de la dynastie Walasma, affaiblie et encline au compromis.
S : Cerulli (1931) qui reprend les sources arabes ; Beckingham & Huntingford (1954 : 452) ;
Perruchon (1893 : 132, 143 et suiv., 150) ; Trimingham (1965 : 74-76).

LÁDU
« Aiguade blanche » (comprendre : peu profonde), toponyme afar au sud-est de
Djibouti, maintenant en pays issa sur la frontière entre la République de
Djibouti et le Somaliland. Admin. Loyada. Sur la forme afare, consignée dans
la cartographie ancienne de Djibouti (cf. « Plan du Petit Lehadu ou Lawada »,
vers 1890), a été créé le calembour somali Lyya ádd « aux mollets blancs »
(Lawya caddo sur les cartes en somali normatif). Angoulvant et Vigneras
LIPPMANN

donnent Hadou (ou Lawada). Il existe d’autres Ládu, par exemple à l’est du
lac Abé. Var. Ladó. Le même « Plan du Petit Lehadu ou Lawada » indique
« Sareita, eau douce » qui est à rapprocher de Sroyta, sur la côte érythréenne,
de Sroyta, partie terminale de l’oued de Zeyla ; tous noms dérivés de sâru,
plante grimpante (cucurbitacée, asclépiadée, euphorbiacée), dont Coccinia
grandis).
S : HL (in D.M., 1997 : 16). Dépôt général de la Marine, catalogue des cartes, Mer Rouge,
portefeuille 211. CPAOM, AP, 141, annexe à la dépêche du 7/11/1890. L : Angoulvant et
Vigneras (1902 : 37).

LIPPMANN
Alphonse, Paul, Edmond Lippmann (né à Nouméa, le 3 juillet 1899, décédé à
une date incertaine (dans les années 1960 ?) et dans un lieu non déterminé).
Connu parmi les Issas sous le surnom en forme de calembour d’ina Lbn « le
fils Lippmann » (en somali lbn signifiant « victoire », « prospérité »), il est
commis stagiaire du cadre local des douanes de Djibouti en juillet 1921.
Alphonse Lippmann est le fils du secrétaire général de la colonie, Edmond
Lippmann, qui sera deux fois gouverneur par intérim de la colonie (du 29 juin
au 29 novembre 1920 et du 25 mai 1922 au 8 janvier 1923). C’est sans doute
grâce son père qu’il est venu à Djibouti et qu’il a gravi les échelons de
l’administration locale, malgré diverses péripéties qui entraînent sa
rétrogradation en avril 1926, officiellement pour malversation aux
hypothèques. La rumeur veut qu’il ait été le fils naturel de Jules Lauret
(gouverneur par intérim en 1918-1920 ; de mai 1920 à mai 1922 et du 8 janvier
1923 au 22 février 1924). Berhanou Abebe s’en fait l’écho (Annales
d’Ethiopie, 2001 : 325) en écrivant qu’Alphonse Lippmann était un
pseudonyme. L’état-civil de Nouméa prouve que c’était bien son patronyme.
Alphonse Lippmann devient chef du poste de Dikhil (11 janvier 1929). Il
semble être arrivé à Dikhil vers avril-mai 1928, comme l’indique une lettre en
date du 8 août adressée au gouverneur de la C.F.S. dans laquelle il fait rapport
de la situation politique locale (source Coullet). A la tête du poste administratif,
il établit des contacts avec le sultan d’Áwsa. Relevé de ses fonctions le 19
septembre 1930 en raison de sa mauvaise gestion, il est affecté à Djibouti, qu’il
ne rejoint pas, partant pour Dire Dawa (sa première immatriculation au
consulat français date du 8 juin 1931) où il sera employé par Henry de
Monfreid. Révoqué le 29 avril 1931, il quitte la région après la Seconde Guerre
mondiale (vers 1948 ?). Sa trace se perd ensuite jusqu’à sa mort à une date, on
l’a dit, incertaine (elle ne figure pas sur le registre de l’état-civil de Nouméa).
Lippmann est l’auteur d’une mauvaise fable, Guerriers et sorciers en Somalie
(1953) qui relate son action pour la défense de la colonie. Marie-Christine
Aubry (1988) relève certains de ses mensonges mais se montre bien indulgente
pour celui qui aurait « approché d’assez près les populations pour les décrire
avec précision » (op. cit. : 50). Une seule citation suffit à donner le ton du livre.
A propos des « Danakils », Lippmann écrit (1953 : 25) « Le seul métier qui
leur plaît est celui de boucher. Egorger, humer le sang, voilà toute leur raison
de vivre. » C. Chaillet, dirigé par C. Dubois, qualifie de « fondamental » ce
témoignage au « lyrisme parfois exagéré » (p. 94), sans souligner qu’il s’agit

282
LUCAS

d’abord des mémoires d’un homme déchu en quête de réhabilitation. Thomson


et Adloff (1968 : 10-11) les jugent « obviously self-laudatory ». Son action est
jugée assez négligeable pour qu’Oberlé et Hugot ne la mentionnent pas.
S : Centre des archives des Affaires étrangères de Nantes. L : Imbert-Vier (1991 : 379-384) ;
Chaillet C., « La Garde indigène de la Côte française des Somalis (1901-1939), un facteur
d’intégration » (mém. de maîtrise), Université de Provence, 1998-1999 (non publ.).

LOOYTÁ ARBÂHIM
Sultan Debné Arbhintó (v.) du Gbaád (c. 1800, mort à Tadjoura en 1866 ou
1867). Il est le guide de Rochet, lors de son premier voyage (1839-40), qu’il
rencontrera à nouveau pendant son second voyage (1842-43). Du haut de
Sankál, il montre à Johnston (1842) l’endroit où se rassemblent les guerriers
Debné. Looytá b. Arbâhim a dirigé la tentative de prise de contrôle de l’Áwsa
contre les Mdaytó. Johnston y fait écho, signalant que quelques années avant
son passage il avait conduit les forces « Dankalli » contre les « Assahemerah
Muditu » (Asahyammára Mdaytó). Le contingent comprenait des Somalis
Issas, « dont une grande partie reconnaissent Looytá comme chef, et portent
sur leur poitrine la marque des Debné », des Wíma, des aysamlé, des gens
de Tadjoura et Ambabbó. Les Mdaytó furent mis en déroute (la date n’est pas
répertoriée, v. Áwsa). Les sources internes indiquent que, après la bataille de
Gáfu contre les asbá, les Mdaytó écrasèrent les Debné à Murúd et Skaytó,
en 1852. Looytá se réfugia à Gabtimá. aytankôma, au seuil de l’Áwsa, sera
cité par Soleillet comme propriété et résidence du fils de Looytá, úmmad,
lors de ses visites au sultan d’Áwsa.
S : HHL (Naw.) ; HL (in D.M., 1991 : 17).

Loyada v. Ládu

LUBÁKKUBÓ
Tribu de la région du Kaɖɖá Dôbi, accolée aux Mdaytó d’Áwsa, dont ils sont
abûsa (v.), formant la chefferie Lubák-Kubó-k Mdaytó. Légende. Le nom
serait dérivé de lubák kibó « repaire de lion » (non « crinière du lion », lubak
alál, Ahmed Malko, 2003 : 34), désignant un des fils d’Amáysi (v.), captif
de Aɖaytá (v.). Un autre récit indique que la veuve d’Amáysi fut épousée par
un Darumá (v.). Leur fils fut l’ancêtre des Lubák-Kubó. Aux Mdaytó, sont
rattachées les fractions Aydisbaɖitté (des « Unɖá » Alíh-sárra, chefs de
l’ensemble), Utbantó ; et le groupe aysamlé dit Sidá Buɖá « trois
maisons » : amád-sárra, Dbí-sárra, bakartó. Les Lubák-Kubó comprennent
des Darumá (voir ci-dessous) et des Ulutó avec lesquels ils se marient
préférentiellement. L’ensemble Aydisbaɖitté, Sidá Buɖá, Darumá,
Lubák-Kubó, Ulutó, est appelé Kná Áwdi, « les cinq enclos ». Le poète
anfaɖé b. Tolá (v.) était des Darumá, des Lubák-Kubó d’Áwsa. Itró des
Lubák-Kubó : « Aysí ! » ou « Grá faɖá ! ».

LUCAS
Maurice Lucas, chef du poste de Tadjoura (10 août 1931). Après un bref
passage de Bernard (v.), il est renommé le 8 novembre 1932 et remplacé par le
lieutenant Rodolphe (28 juin 1933). Il est de retour à Tadjoura (juin 1935), et

283
LUCAS

entre février 1936 et avril 1937. Sa publication de 1935 utilise des


renseignements réunis par Azénor (v.). La note préliminaire de cet article
précise que l’auteur « publie ici (…) les documents recueillis à Tadjourah en
1933-1934 », période pendant laquelle Lucas était en partie absent de Tadjoura.
Les quelques renseignements ethnographiques obtenus d’informateurs de la
famille du sultan contiennent le récit légendaire d’« Aral Mahès » [Ḥaɖal-
Mâis] et la première mention des limites du territoire du sultan « de Soba
Adoba à Assal Fouroussado » [de Sebbó-d dbá à Asál Fūɖusá-Ð],
proclamées lors de l’intronisation du sultan (cf. D.M. 1997 : 54 et ci-après p.
343). Les institutions politiques et la règle de l’alternance de deux lignages
Adáli sont décrites sur la base des « renseignements recueillis par feu M.
l’Administrateur Azénor ». Les rubriques touchant les coutumes, l’habitat, les
jeux traditionnels se retrouvent développées par Chailley (v.) qui fit ses
enquêtes dans la même région entre 1935 et 1937. Lucas mentionne des tombes
de forme particulière, à Tadjoura même, qu’il dit avoir été bâties par les Songó
(v. « Galla ») comme le puits qui donne son nom à la ville. PRIX DU SANG.
Concernant le montant du prix du sang de 733 thalers dû en cas de meurtre (v.
Madá), Lucas fournit une information qui laisse dubitatif, d’autant que ce
montant, écrit-il, est remis à la famille de la victime alternativement à 100
chamelles. On sait que ce tarif de « 100 chamelles » est fictif et correspond en
fait à la traite d’une chamelle pendant 100 jours, ce qui ne valait sans doute pas
7, 33 thalers par jour. Lucas indique que cette diya est remise par le sultan « à
la tribu qui a pardonné son acte au meurtrier », mais il ne fournit pas d’exemple
précis d’un tel versement. On en est réduit à penser que la somme indiquée
correspond au maximum de l’indemnité théorique. LEXIQUE. Les transcriptions
du court relevé lexical (ibid. : 192-201) établi, comme l’affirme Lucas, en
suivant les Instructions d’enquête linguistique de Marcel Cohen (1928) sont en
retrait par rapport au Vocabulaire français-dankali de Oehlschlager (v.). Lucas
cite en bibliographie les travaux des Italiens Capomazza (1907), Colizza
(1887), Serra Caracciolo (1883) et Die Afar-Sprache de Reinisch (1886-87)
mais ni l’accent phonologique, ni la longueur vocalique qui figurent dans ces
ouvrages ne sont notés. Du point de vue sociolinguistique, les données
recueillies par Lucas confirment indirectement celles d’Oehlschlager, renseigné
par Burán bey qui était bilingue afar-arabe. Le glossaire de Lucas, établi
également avec un informateur « parlant afar et arabe, par l’intermédiaire de
l’interprète Abeba Mocrea1 parlant arabe, afar et français », ne comporte
pratiquement pas d’interférence de l’arabe (le lexique omet le domaine des
techniques et de la religion). Cette situation tranche avec ce que l’on constate
aujourd’hui à Tadjoura où le vocabulaire de base, et même la syntaxe,
empruntent à l’arabe, au français, voire au somali. La rupture linguistique
observable à Djibouti s’étend de nos jours à une ville qui n’est plus « à 4 heures
de navigation à voile de ce port », comme à l’époque de Lucas (ibid. : 181),
depuis qu’elle est reliée à la capitale par la route nationale appelée « route de
l’Unité ».

1. Au vu de son nom à lire Abbäbä Mäkwɘriya,  , on peut supposer que cet interprète
parlait aussi l’amharique.

284
M
MAALALTÁ
« Sans rival » (de alal « concourir »). Massif montagneux (lat. 13°10’ ; long.
40° 05’), alt. 5 955 pieds, au sud de l’Erébti, et bordant au nord la plaine de
Têru, rebaptisé par le volcanologue Haroun Tazieff, « massif Pierre-Pruvost »,
du nom d’un de ses amis récemment disparu, malgré la recommandation de
Chedeville, auteur de la toponymie de la carte, de ne faire figurer que les noms
vernaculaires.
S : Carte géologique de la Dépression des Danakils (Afar septentrional — Ethiopie), 1 : 500 000,
CNRS-CNR (1973) ; Tazieff (1975 : 63).

MAANÐÍYTA
Groupe en partie d’origine maraboutique, appelé Ská (v.) dans le nord. Les
Maanɖíyta sont comptés comme Debné quand ils participent à la guerre.
Légendes. Une première tradition les rattache à un cheikh « Dlái » venu de
Zeyla (v. Maliná Miimbará) qui se serait installé à Bíɖu, et dont les
descendants se seraient ensuite disséminés. Dans une seconde version, cet
ancêtre est considéré comme originaire de Bíɖu. Appelé ámmadu, il aurait
donné naissance aux Maanɖíyta du Mablá et de Immnó (lesquels sont connus
comme Sek-Ḥámmaduk radé mára « les descendants de Sek-Ḥámmadu »). Une
troisième tradition retient comme ancêtre Gurú, avec deux fils Bórri et Ali (v.
Ibrhím « Wrufi »). Les Naw. indiquent comme ancêtre Maḥámmad « Faqh »
izi, venu à Zolá (Zula) en pays saho, et qui donna naissance à sept enfants,
dont descendent les Maanɖíyta, qui se dispersèrent ensuite. Le premier alla
vers Bíɖu, puis vers Immnó ; le second vers le lac Giulietti. Une quatrième
tradition fait des Maanɖíyta les descendants de trois hommes appelés
ámmadu. L’homonymie indique qu’ils sont nés de trois mères différentes
(pour un cas identique, v. Yâsin b. Maammdá). En fonction des alliances
nouées, ceux-ci ont été différenciés en trois groupes : 1. Takíl abûsa (v.)
ámmadu « ámmadu, cousin des Tákil », désignant les Maanɖíyta de
Immínó ; 2. Argén abûsa ámmadu « ámmadu, cousin des Argén », pour les
Maanɖíyta de Bíɖu ; 3. Adalí abûsa ámmadu, « ámmadu, cousin des
Adáli », pour les Maanɖíyta, descendants d’une femme Adáli Datá Gúra de
Raaytó. Ces derniers se subdivisent en deux fractions issues, l’une de Aâdi :
les ámadLoggá, Ysibtó ; l’autre de Agôra : les Agritté. Etymologie. Le
nom Maanɖíyta (maánɖa « cadet ») est expliqué par une généalogie qui fait
des Maanɖíyta les seconds des Dhí-m mlá (v.) avec lesquels ils sont parents
à plaisanterie (afbêḥá). Les Maanɖíyta sont présents partout, souvent accolés à
une tribu dominante. En Rép. de Djibouti, les Maanɖíyta forment une chefferie
dans la région Dadár-Mablá, avec des non-Maanɖíyta, groupe dit « Alé-b
buɖá » (Damblá, Ulutó, Ská, etc.). Ils étaient estimés à une quarantaine
d’hommes adultes dans les années 1970. Datén (plaine du haut Dôbi, au
confluent de l’oued Anɖísu venant de ayyú, et de l’oued Ayrolé-Grá venant
d’Abána) est l’objet d’un litige avec les Lubak-Kubó des Mdaytó. En
Ethiopie, ils forment une chefferie Mdaytó-k Maanɖíyta (v.), dont était
originaire le vizir Yayyó b. ámmadu (v.).
MA‘ANTÓ

MA‘ANTÓ
Tribu supposée ancienne, contemporaine de la période Dankáli-Ankla.
Réputée détentrice de pouvoirs magiques, avec les Waytá (v.) et les
Askakmáli (v.). La fraction aînée Maróli Bsiyó porte le nom d’une femme.

MAÁRRA
Agglomération ancienne (cf. Chronique de l’Awsa, p. 395, parag. 3), au sud du
lac de Uddúmma, et dont les deux cimetières UnɖáMaárra et KaɖɖáMaárra
(v. Kabirtó) conservent la trace. Maarrá (avec accent final) est le nom de la
fraction des chefs Bayɖīó (v.). Maárra est à distinguer de Mallá, toponyme
au nord de la plaine du Dramok Kaló, près de la petite éminence d’Uɖkilá.

MAÁ-S SÁRRA
Les Maá-s sárra (*Maád sárra, « la descendance de Máad ») sont des
Mdaytó, descendants de Môday par Máad, frère aîné d’Afkié b. « Gabaɖêri »
Áli. Les Maa-s sárra ont supplanté les Ulutó, puis ont été eux-mêmes dominés
par les Mdaytó. Fractionnement. Les nombreuses fractions rattachées sont
prises en compte selon deux critères : généalogique (le tableau ci-dessous) ;
géographique (voir la distribution indiquée ci-après).

Généalogie simplifiée des Maá-s sárra


aɖal-Mâis

« Gabaɖêri » Áli

Máad Afkié

annakís úmmad

úmmad Abbakári

Ásab Áli Saíd Uɖ-Máad Maámmad Wré Aɖwá Gobó Albáɖa

Asabtó Áli-Bdaytí Saiddó Uɖ-Maaddó Kabirtó Wrrá

annakís-sárra Abbakarí-sárra

Le fractionnement généalogique énumère : 1. Les descendants de úmmad b.


annakís (aînés) : Asabtó, Alí-Bdaytí, Saiddó, Uɖ-Maaddó, Kabirtó,
Wrrá ; 2. Les Abbakarí-sárra (chefs) : Aɖwá, Gobó, Albáɖa,
ammaddín, Ðalé Maámmad ; le groupe Adantó, issu de Aráf ; 3. Les
Gangóyta ou Gangá-s sárra ou Adrúmmi (dont la fraction Burá était réputée
en sorcellerie), vers le M4saálli (v.) ; 4. Anɖáa (Anɖaalé Úmar). 5. Un
groupe Baláw (v.), rattaché. Distribution. 1. Abbakarí-sárra (région de
Esélu) ; 2. Asabtó (émigrés vers Dóka) ; 3. Saiddó (Gablálu) ; 4. Aɖwá
(Fɖó) ; 5. Aráf (arsá, M4saálli). Les Maá-s sárra possèdent Atá et Garáblu.
Garáblu est un bassin fermé, à env. 30 km à l’ouest d’Immnó, qui reçoit l’eau
de Máska par l’oued Alfén, et d’Abána par l’oued Galá-k Dulándul. Il y a ainsi

286
MAD‘Á

deux groupes de Maá-s sárra : 1. le groupe Abána-Garáblu (Asabtó, Saiddó,


Uɖ-Maaddó) ; 2. le groupe Esélu-M4saálli, soit le reste. Ils sont séparés par
les aɖbisó-s sárra (v.) et les Maanɖíyta (v.).
S : Chedeville / Afkié b. ámad.

MABLUD
De l’arabe mawlid. Le mablúd est d’abord un poème à la louange du Prophète
de l’islam, une lecture pieuse, en principe au sujet de sa naissance, par
extension une réunion à cette fin et toute prière commémorative. Une des
caractéristiques de ces prières de style oral est le mélange de segments en arabe
et en afar. Le nom mablúd désigne aussi quatre mois du calendrier hégirien des
Afars (n° 3 à 6, voir Alsi-lwó), appelés mabâlid, correspondant à Rab I et II
et 5umd I et II. V. Siyrá.
S : HL (in D.M., 1997 : 121-125).

MAD‘Á
Pl. mad. Prix fixé, taux, tarif de vente ou de toute autre transaction. Tarif de
compensation pour les crimes et délits (voir ci-après). Montant d’une peine. Par
extension, loi, code. La madá est l’ensemble des règles orales ayant pour but la
sanction des infractions. A ce titre, la madá relève autant de la coutume non
écrite (dá) que du code stipulé (ággi). La afár dá (ou afár ɖintó) désigne
« la coutume afare », « le mode de vie », avec cette préoccupation du maintien
de la tranquillité publique (ɖintó qui désigne la chefferie est dérivé du verbe ɖin
« dormir »). L’emprunt arabe ággi (ákki à Baádu, ar. aqq) connote, lui,
l’idée de justice (ággi-t yab « dire la vérité »). L'écart possible entre la
coutume et le droit est exprimé par cet adage : Wíma madá le, Debné ɖintó le
« aux Wíma, le droit ; aux Debné, la chefferie », qui souligne, à l’intérieur de
la même coalition des Debné-k Wíma, un respect à la lettre de la
jurisprudence chez les premiers, un plus grand pragmatisme chez les seconds
qui en formaient l’avant-garde lors des guerres de conquête de l’Awash (v.
Áwsa). La madá fixe des tarifs. Celui reconnu madá le est habilité à juger.
L'exécution de la sanction est garantie par la fimá (v.). En tant que droit pénal,
la madá est une institution originale à l'élaboration de laquelle le nom de
plusieurs codificateurs est attaché (v. Ab4 Šawrib, Afkáɖɖa b. ásan,
Maámmad b. Ali-Gára, pour les Afars du sud). Dans le nord, la madá
principale est dite Burilí madá « code de Buríli » (du nom du lignage des
sultans de Bíɖu). Déclarée conforme à la loi coranique, la madá reste
conceptuellement et pratiquement liée à un mode de vie (pastoral) partout
menacé. DROIT TRADITIONNEL. La madá a normalement une base régionale,
qui peut inclure un ou plusieurs commandements territoriaux (bɖó), avec des
variantes locales, comme celle dite « des enfants de Budditó ». Quelle que soit
sa version (on évoque ci-après spécifiquement celle du nord (dite « de
Buríli »), la madá s’appuie sur les mêmes principes et les mêmes moyens. Les
crimes et délits n’ont que trois agents corporels : la main (gabá), la langue
(arrabá) et les parties génitales (sambó). La décision judiciaire suit les huit
étapes suivantes : 1. Définition de la nature du délit (bâtil ɖála) : entre-t-il ou
non dans le champ de la loi ? 2. Catégorisation (bâtil aynát) : la madá
reconnaît cinq types de délits et crimes : le meurtre (idím), la blessure (aymá),

287
MAD‘Á

le pillage (radók-gará), la fornication (dalwá) et l’insulte (ɖâfu). 3. La


reconnaissance du délit ou du crime (abittó) appelle la réponse à une question :
celui-ci a-t-il été commis intentionnellement (góri) ou sans préméditation
(gári) ? 4. Responsabilité du délit (bâtil orbá) : même commis par un seul
individu, tout délit implique le lignage et appelle une réparation collective
(afár addál, bâtil númut má ydiyáy, kedó inkíh orbá). En cas de crime de
sang, les tentatives de règlement sont longues et complexes (voir p. 22-23). 5.
Il existe quatre types de châtiments (diglá), du plus grave au plus bénin : la
vengeance légale (ané), soit le droit de tuer reconnu à l’offensé (tel celui que
l’on a privé du droit d’épouser son absumá) ou aux proches de la victime ; le
dédommagement pécuniaire (gidíy) en cas de crime ; la compensation payée
(ɖiká, iɖíbu, madlnó) à la victime pour un dommage corporel ; l’amende
complémentaire infligée par le tribunal (marussó, doró). 6. Evaluation des
dommages physiques : la madá distingue les blessures nécessitant un
traitement médical (wará) et celles, bénignes (waranná). Relèvent du wará, les
blessures dites sirriblé (contusion sans épanchement de sang), anɖaá (cicatrice
visible après guérison), aymá (lésion durable) et erkenná (invalidité). Sont dites
waranná, les blessures aró (superficielle), musó (écorchure), endibó (blessure
superficielle au couteau) et kmá (bosse). La bastonnade (lusá) relève tantôt du
wará, tantôt du waranná. 7. La compensation (iɖíbu, ɖiká) est exprimée en
chèvres (bakló), qu’il s’agisse d’un animal sur pied (ufuy le bakló) ou de son
équivalent au prix du marché (ufuy sinni bakló). D’autres animaux ou d’autres
modalités entrent dans le calcul de l’indemnité (voir p. 284). Du sultan de Bíɖu,
on dit : rakúb k reytá le, il a le pouvoir d’infliger des peines en chèvres et en
chameaux. Théoriquement, 40 chèvres valent une vache ; 6 vaches valent une
chamelle. 8. L’exécution de la sentence (abnissó) est à l’initiative de la fimá de
l’offensé, en l’absence d’une force publique à Raaytó et Tadjoura ; celle-ci
ayant été combattue dès le début de la colonisation. Ce pouvoir de police a
subsisté en Awsa jusqu’à la fin du sultanat Mdaytó. CODIFICATION. En 1973-
1974, chargé par le tribunal d’instance de Djibouti d’une « mission de
codification des coutumes » dans ce qui était encore le Territoire français des
Afars et des Issas, j’ai rédigé une note de synthèse remise au juge Jambon. De
cette note qui faisait un état du droit des personnes, sont extraits ci-après les
passages concernant la réparation en cas d’homicide. L’événement déclencheur
de cette « mission de codification » avait été l’incarcération d’un assassin à
Obock, qui de sa cellule criait son innocence, ne pouvant être inculpé pour le
meurtre de l’homme qui lui avait pris son absumá. Intrigué par cette
proclamation de non-culpabilité, feu le juge Jambon, s’apercevant qu’il
n’existait aucune documentation sur le droit pénal afar (et somali) après plus de
cent ans de présence française, avait diligenté cette enquête de terrain pour
comprendre les raisons de l’incompatibilité de la coutume et du code pénal
français. La liste des notables interrogés est donnée en bibliographie. A la
lecture de l’extrait ci-après, on voit que la rudesse de la réponse judiciaire
prévue par la coutume doit être rapportée à la rareté des crimes et délits dans
une société, à l’époque encore largement agro-pastorale et demeurée en marge
de l’économie monétarisée et des inégalités qu’elle a générées depuis (voir le
montant des amendes payables en nature, en thalers, non en monnaie courante).

288
MAD‘Á

TITRE 2 : DES RÉPARATIONS. CHAPITRE 1 : De la réparation en cas d’homicide.


Art. 176. En cas d’homicide, la responsabilité est collective : la tribu et plus
particulièrement la fraction du meurtrier encourt la vengeance (ané) de la tribu
du mort.
Art. 177. Si l’homicide est volontaire, le talion peut être exercé par un proche
parent du mort sur un proche parent de l’assassin ou sur ce dernier.
Art. 178. Le droit de vengeance ne connaît pas de prescription.
Art. 179. En cas d’homicide involontaire, chaque homme de la tribu du meurtrier
dégage sa responsabilité en donnant à celle du mort une compensation. La famille
du meurtrier acquitte une réparation fixée par les juges.
Art. 180. En cas d’homicide volontaire concernant deux tribus, une troisième tribu
doit s’interposer et arrêter une compensation mettant un terme aux représailles.
Art. 181. En cas d’homicide volontaire et involontaire, le droit de vengeance peut
être exercé tant qu’il n’y a pas eu arbitrage ou règlement complet de la réparation.
Art. 182. La mort causée par un animal n’est pas soumise à vengeance.
Art. 183. En cas d’homicide involontaire d’une femme, la réparation sera la moitié
de celle prévue pour le meurtre d’un homme (art. 179) ; pour un enfant circoncis,
la réparation sera égale à celle prévue pour le meurtre d’un homme ; pour un
enfant incirconcis, la réparation sera le double de celle prévue pour le meurtre
d’un homme.
CHAPITRE 2. De la réparation en cas de viol.
Art. 184. Le viol de la femme mariée ou non mariée et de la veuve est soumis à une
même réparation : 120 thalers, sans préjudice d’une amende supplémentaire si
l’acte a été commis en public (art. 171 : Les infractions commises en public sont
sujettes à une aggravation de la peine.) ou sur une veuve ou une femme mariée.
Art. 185. Si l’auteur du viol refuse d’acquitter la réparation ou de se rendre au
tribunal, le mari ou le père de la victime du viol a droit de vengeance (art. 178).
CHAPITRE 3. De la réparation en cas d’adultère.
Art. 186. L’auteur de l’adultère doit réparation à la tribu lésée et à sa fimá. La
réparation due à cette dernière est double en cas d’aveu. L’adultère est une cause
de répudiation (art. 61 : L’adultère est une des quatre causes de répudiation :
incapacité du mari, coups et blessures répétés, adultère, consentement mutuel.)
[En Awsa, l’adultère est jugé avec davantage de mansuétude cf. les articles
aysinu, qagu, sadu, D.M., 2012b.]
CHAPITRE 4. De la réparation en cas de vol.
Art. 187. Le vol d’un animal retrouvé vivant est soumis à une réparation arrêtée par
les juges.
Art. 188. Le vol d’un animal retrouvé mort ou introuvable est soumis à la réparation
prévue à l’art. 187. A cette réparation, s’ajoute le don de quatre animaux de
même espèce que celui volé.
Art. 189. Le vol d’un objet ou d’espèces monétaires est soumis à une réparation
équivalente.
Art. 190. L’enlèvement de l’absuma [art. 26 : Tout homme peut par préférence
épouser la fille de sa tante paternelle (absumá). Tout femme peut par préférence
être mariée au fils de son oncle maternel (absúma, abí báɖa). Toute union avec
une tierce personne, conclue sans l’accord des parties ayant par la parenté
vocation au mariage, ni indemnisation, est entachée de nullité relative.] réservée à
un autre homme est soumis à réparation déterminée par les juges. En dépit de leur

289
MAD‘Á

arbitrage, le vol de l’absuma peut être considéré comme une affaire de sang.
L’homme lésé a droit de vengeance (art. 178).

CHAPITRE 5. De la réparation en cas de dommage matériel et corporel.


Art. 191. Tout dommage matériel est soumis à une réparation équivalente
permettant la restauration ou le remplacement de ce qui a été détruit.
Art. 192 En cas de dommage corporel, la réparation due par l’auteur ou le
responsable du dommage correspond à la prise en charge du blessé jusqu’à sa
guérison, sans préjudice d’une amende.
Art. 193. Tout dommage matériel ou corporel causé volontairement ou
involontairement, en état de légitime défense ou non, avec ou sans armes, est
soumis à la même réparation.

CHAPITRE 6. Montant des réparations minimales.

Homme Femme Enfant circoncis Enfant incirconcis


Homicide volontaire Talion Talion Talion Talion
Homicide involontaire art. 179 la moitié du id. pour un homme le double de ce qui
+ 5 à 50 vaches tarif pour est prévu pour
un homme un homme

Viol Sur femme mariée Femme non marié Veuve


120 thalers id. id.

Adultère 2 vaches si la femme appartient


à la même tribu. 1 vache, sinon.
12 chèvres à la fima. 24 en cas d’aveu

Vol Animal retrouvé vivant Animal mort ou introuvable


Chameau 24 thalers 24 thalers + 4 chameaux
Chèvre 1 thaler 1 thaler + 4 chèvres
Ane 12 thalers 12 thalers + 4 ânes
Cheval, mulet 120 thalers 120 thalers + 4 chevaux
Vache 12 thalers 12 thalers + 4 vaches

Séquelles à 5 jours A 10 jours De 6 mois à 1 an après


Coups chèvre + beurre id. 1 chameau ou 1 vache
farine, etc. selon la cicatrice (l’unité de
longueur est la phalange)

Blessures Nez coupé 1 chamelle


Oreille, main, bras coupés 5 chamelles
Œil crevé 12 chamelles
Jambe coupée 12 chamelles

— ○ —

Les indications ci-dessus correspondent à l’état de la coutume en 1974, encore


très proche de celui décrit succinctement par Albospeyre ou Muller (1959).
Mais, comme noté en préliminaire à la Note de synthèse, « la coutume repose
sur un système de production fondé sur l’autoconsommation. Le
développement du travail salarié va à l’évidence provoquer une rupture.
L’évolution est déjà sensible en milieu urbain (…) où les droits de la personne
en dehors de toute considération tribale iront en s’affirmant ».
S : Jamaladin A. Reedo (1973) ; D.M. (1974 ; 1997 : 17-19).

290
MAFÂ

MĀDÎMA
Parfois Wdîma. Tribu antérieure à la venue de aɖal-Mâis (v.) qui occupait
la plaine d’Obock sous l’autorité des Ablé. Une petite fraction est demeurée
avec les asbá (chefferie Kná 8líh Buɖá, v.). Tous les Mdîma remontent à
un certain Bâtil b. ámmadu avec le même itró « Bâtil ! ». Les Mdîma de
Madgúl (chefferie Ulutó-k Mdîma) descendraient de ses cinq fils : Skalé
(fraction Skallá), Asád (Asdá), Yâsin, Intaássa, Mômin (Mmín sárra). Le
reste est passé sous commandement Asahyammára en Ethiopie. Les Mdîma
de Baádu sont adjoints des Ská de Dawwé (v.) fournissant les chefs de Baádu
(v.). Au Kaló, des Asá Wdîma sont présents à Agbí Foɖó, près de Glí Fgé.

MAFÂ
Compl. n. Mafáy : Mafáy abbá « le chef des Mafâ ». De la descendance de
Aɖaytá (v.). Tribu du Songó-g Godá (fraction aînée Ilokkotó) commandant
aux Darumá, Gittirsó, Faditté. Les Mafâ sont en Ethiopie dans la région de
Fantalé (groupe Iɖiglé-k Ayrolassó) ; avec les Debné de Mullú où ils sont les
plus méridionaux des Afars. Les Mafâ sont ainsi présents dans différentes
chefferies : les Maāfóyta (voir ci-après) parmi les Data Ablé et dans le Songó-
g Godá ; les asantó et les Waytammālé parmi les Debné et ceux du Adorásu.
Itró : « Gedân ! » (v. Aɖkaltó). Légendaire. Cette dispersion signale aussi
l’hétérogénéité constitutive des Mafâ, qu’illustre le récit de fondation des
« Maāfóyta » (également appelés Adawurtó « ceux du taureau blanc »). Ceux-
ci étaient encore dans la région de eméd quand un taureau blanc et une vache
appelée Skaytó s’échappèrent de l’enclos. On les poursuivit et l’on retrouva la
vache au lieu-dit aujourd’hui Skaytó ; et le taureau, à Kusráli. Les deux bêtes
furent présentées au sultan de Tadjoura qui trouva une belle voix au taureau.
Désormais surnommé Maāfó (*mee af-lu), le sultan conserva la bête et donna
en échange à son propriétaire Mafâ « Maāfóyta », les terres que l’animal avait
parcourues. Les Mafâ, alors au nombre de quarante, devinrent ainsi maîtres de
la région de Biɖá-g gúba, Edád, Ayyánu, Bulbuló, Skaytó et le haut du Godá.
Par la suite, Mafâ et Gittīrissó (v.) se battirent. Un Maāfóyta fut tué. Pour se
venger (ané), les Mafâ tuèrent un vieillard, un jeune garçon et un chameau des
Gittīrissó. Ceux-ci ne comptaient alors que trois adultes : Ayyúb « Beytó », Ali
b. asná et Ránu b. Adan « Smālí ». Les Maāfóyta tuèrent et mangèrent le
chameau au lieu-dit Īsó-g gablá. Ayyúb « Beytó » partit venger les trois morts
et, de nuit, blessa à la lance un guerrier Maāfóyta, nommé Umbúd ; puis il prit
la fuite. Umbúd courut à ses trousses, mais tomba en haut de la côte de Muɖúy
et mourut. On bâtit son tombeau (Umbud waydál), encore visible dans les
années 1980, là où il était tombé. Les gens du Godá se demandèrent s’ils
devaient prendre le parti des 40 Maāfóyta ou des 3 Gittīrissó. Ils choisirent de
venger ces derniers et tuèrent les Maāfóyta, sauf deux d’entre eux : l’un est
réputé le père des Mafâ vivant parmi les Wíma (dits « Magālé-m Mafâ ») ;
l’autre, des Maāfóyta qui naquirent après dans le Songó-g Godá. Ceux-ci firent
la paix avec les Gittīrissó et offrirent aux Umartó leurs terres en location (isó),
de Biɖá-g gúba à Iddéyta. Régime foncier. Ces péripéties historico-
légendaires expliquent la complexité du régime foncier où l’usage du pâturage
obéit à des raisons autant climatiques que de bon voisinage ; les uns comme les

291
MAFGADÁ

autres sont susceptibles d’être modifiés, notamment en fonction de l’évolution


démographique de chaque tribu. Ainsi, les Mafâ ont en location du sultan de
Tadjoura admá, soit la zone allant de la mer à Feɖɖá. Ils ont acheté aux
Watnīsá les deux Anɖɖálu. D’un autre côté, les Maāfóyta ont donné Ukwáli
en location aux Ilokkotó, mais leur ont cédé le versant occidental (ḥarrí iráw)
de Ðiɖɖintó. Dans le Songó-g Godá, les Mālikaytitté (Adáli Datá Buɖá) ont en
wanó Fantí Alé (versant Est), donné par un Datá Buɖá à sa fille mariée à un
Maāfóyta.
S : D.M. / HL.

MAFGADÁ
Pl. mafgaddí. Les mansions lunaires (arabe manzil, sg. manzil). Les Arabes,
on le sait, connaissent traditionnellement sur l’Ecliptique une série de vingt-
huit étoiles ou groupes d’étoiles, qui jalonnent, avec des écarts variables, le
trajet apparent de la Lune. Ce sont les mansions ou stations lunaires. L’afar
mafgadá « gîte d’étape », « lieu où l’on délie les chameaux » (verbe ifgid)
reproduit l’arabe manzil. Chacune de ces mansions représente, en moyenne,
12° 6 / 7 de l’Ecliptique (mintaká, arabe minaqa). Chaque signe du Zodiaque
couvre approximativement, en surface, deux mansions un tiers. Ce sont les
groupes d’étoiles situés dans ces vingt-huit mansions que les Afars appellent
collectivement útuk (sg. utuktá, pl. utká), avant que ce mot ne désigne
l’ensemble des étoiles qui, au moins traditionnellement, n’ont pas d’importance
au plan astrologique. Les vingt-huit mafgadá sont divisées en deux groupes,
celui comprenant les mansions « blanches » (adó utká), en majorité au nord
de l’Equateur céleste ; et les mansions « rouges » (asá utká), au sud de ce
dernier (sauf Pégase et Andromède). Cerulli (1929 : 78) fait état, citant
Reinisch, d’une division en trois groupes de mansions incluant des mansions
« noires », inconnue de HHL (Naw.), mais qui a pu exister en relation avec la
division entre Adohyammára et Asahyammára (v.). Dans la mesure où l’art de
la guerre a été lié à des pratiques ésotériques (v. Dró), il est plausible de voir
dans le clivage qui a opposé « Rouges », « Blancs » et « Noirs », lors de la
conquête de la vallée de l’Awash, le décalque d’un « découpage » du zodiaque
fournissant à chaque coalition des indications pour la poursuite des combats
(D.M., 1997 : 156). Reinisch précise que les trois ensembles de mansions ont
chacune une constellation de tête, suivie de ses « soldats » (askár). Les
mansions 2 à 12 sont les soldats de Gurâlu ; les mansions 13 et 15 à 20, sont
les soldats de Dírri (mansion 14) ; les mansions 22 à 27 sont les soldats de
Aníd. La première mansion « blanche » est celle « qui a la gauche » (gurálu)
soulignant la prévalence ancienne de la gauche (v. Klíb).

LISTE DES MANSIONS :


I. Mansions « blanches » : Adó utká
1. Gurâlu « le Bélier » ($ % ' Arietis) ; arabe al-šaran(i) « les deux signes » ;
2. Laysán « Blancheur » () ( + Arietis) ; arabe al-buayn « le petit ventre du
Bélier ».
3. Kaymá « les Pléiades » ; Kaymát à Bíɖu (& Tauri) ; arabe al-urayy « le
luminaire ».

292
MAFGADÁ

4. Sawúr « Aldébaran et les Hyades » ($ Tauri) ; arabe al-dabarn « celui qui


pousse les astres devant lui ». La forme sawúr est apparemment empruntée
à l’arabe al-awr « le taureau ».
5. Adála « la tête d’Orion » (, -1 -2 Orionis) ; trois petites étoiles à peine
visibles au nord du rectangle ; arabe al-haqa « la rosace de crins en haut du
poitrail du cheval ». Adála désigne aujourd’hui le Baudrier d’Orion, usage
populaire en marge de la définition savante. L’ancien nom du Baudrier
d’Orion est Aftlé Ári « la maison de Zeyla ». L’expression Adaly Kaymá
yakké bar, litt. la période de la nuit, de l’apparition d’Orion à celle des
Pléiades, signifie curieusement « toute la nuit ».
6. Sáɖɖan (' . Geminorum) ; arabe al-hana « marque au cou du chameau ».
Cette mansion serait aussi connue sous le nom de Damátu « cynocéphale
Hamadryas » ; ou encore Bakká. Le nom sáɖɖan renvoie à l’idée de
mollesse : geɖó má yɖígi sáɖɖan-a « il ne sait pas marcher correctement, il
est mou ».
7. Yangúlta « Castor et Pollux » ($ % Geminorum) ; arabe al-ir al-mabsa
« la patte étendue (du Lion) ». Le nom Yangultá rappelle celui de l’hyène
tachetée yangulá.
8. Datá Áran « le ciel noir » (' ( Cancri) ; arabe al-nara « le cartilage du nez
(du Lion) ». Comme le dit explicitement l’afar, le nom de la mansion
désigne la partie du « ciel noir » du Cancer.
9. Kadá (, Loenis) ; arabe al-arf « le regard (du Lion) ». HHL (Naw.) donne
kudó (v.), qui paraît erroné, désignant les petites pluies d’octobre-novembre
et le second mois de l’année (v. Álsa). Reinisch donne andár-gada, où l’on
pourrait reconnaître l’arabe qa « arrêt divin, destin ». En admettant une
réalisation anɖaɖ > anɖar-kad, le sens d’étoile « du destin vert » (de la
prospérité) pourrait se comprendre, compte tenu de ce que cette étoile se
lève le matin pendant la saison des pluies.
10. Dirá (. ' & $ Leonis) ; arabe al-abha « le front du Lion ». On peut se
demander s’il n’y a pas eu, pour une raison inconnue, réemploi de la forme
arabe de la septième mansion al-ir.
11. Wáysu (( / Leonis) ; arabe al-zubra « la crinière (du Lion) ». V. Alsi-lwó
et le mois homonyme.
12. Danáb (% Leonis) ; arabe al-arfa « le changement de temps ». Peut-être de
Ð nabá « beaucoup de pierres ».
13. Wambár « le siège » (% & ' ( ) Virginis) ; arabe al-aww « les
aboyeurs ». Ces cinq étoiles forment une courbe ressemblant à un siège.
14. Dírri « l’Epi de la Vierge » ($ Virginis) ; arabe al-simk al-azal ou al-
sunbula « ce qui élève, surpasse ». Cette étoile joue un rôle majeur dans le
calendrier traditionnel afar, v. Alsi-lwó.

II. Mansions « rouges » : Asá utká


15. Sálman (0 1 , Virginis) ; al-afr.
16. Mamú « la Balance » ($ % Librae) ; arabe al-zabny (al-aqrab) « le dard
double (du scorpion) ».
17. Sudâdu (% ( 2 Scorpii) ; arabe al-iklil « la couronne, la tête du
Scorpion ». Reinisch donne Sdadahô. Sudâdu « troisième toron d’une

293
MAGÁN

corde » est dérivé de sidó « trois ». Le doublet sudadó a le sens de


« surliure » sur une corde ou un tressage. Autre nom, Angúli « qui a un
sein ».
18. Lúbbi « coeur, le Scorpion » ($ Scorpii : Antares) ; arabe al-qalb.
19. Adím « le tannage » (, 3 Scorpii) ; arabe al-šawla « la queue du
Scorpion ».
20. Adrán, les deux quadrilatères voisins du Sagittaire (' ( ) & et
4 - 5 . Sagittarii) ; arabe al-naim « les autruches ».
21. Aníd, zone située plus à l’est, pauvre en étoiles, près de 2 Sagittarii ; arabe
al-balda.
22. Géydi ($ % Capricorni) ; arabe saad al-bi « bonheur du sacrificateur ».
Reinisch signale cette mansion sous la forme gîd comme la vingt-troisième
de la série, ce qui paraît douteux, si ce n’est pas un usage propre aux Afars
de Bôri (région d’origine de son informateur). Cerulli rapproche ce gîd de
gitá « le chemin » en afar et du somali id. Cette étymologie paraît moins
probable qu’une déformation de géydi (de l’arabe al-ad « le chevreau »,
nom de la constellation du Capricorne).
23. Kákil, Kukél à Bíɖu () µ 6 Aquarii) ; arabe saad bula « bonheur du
glouton ». Cette mansion est, pour Reinisch, gakêli et la vingt-deuxième.
24. Kéysi, également Káysi (% 7 Aquarii) ; arabe saad al-sud « bonheur
suprême ». La forme garba donnée par Reinisch n’est pas citée par HHL.
25. Búlfan (' 2 . & Aquarii) ; arabe saad al-abiya « bonheur des tentes ».
26. Kúrbi « Pégase » ($ % Pegasi) ; arabe al-far al-muqaddam « l’orifice de
devant de l’outre ». En afar, kúrbi désigne ordinairement l’une des variétés
produisant la myrrhe fáli.
27. Afgíra « bouche de feu », également Afgíri (( ' Pegasi, $ Andromedae) ;
arabe al-far al-muaar « l’orifice arrière de l’outre ». Les vingt-sixième
et vingt-septième mansions sont regroupées en afar du nord (dont Bíɖu),
sous la forme apparemment pluriel afêger qui correspond au Carré de
Pégase. La forme afêgeri est donnée par Reinisch en vingt-sixième position,
de sorte qu’il ne fournit pas de nom pour la vingt-huitième mansion.
28. Basmaád, Buseymaád à Bíɖu, vaste zone près de % Andromedae, au sud,
formant un ovale ; arabe al-ban al-t « le ventre du poisson ». Reinisch
signale comme vingt-septième mansion bussu maad, ce qui rend
vraisemblable, sinon heureux, un rapprochement avec la vulve (bus) perçue
comme ovale. On note que maad est un des surnoms du sexe féminin en
afar. On peut toutefois suggérer une explication moins triviale en
reconnaissant dans Basmaád un composé : basó « visage » (en saho) ma
adó « qui n’est pas blanc » ; cette mansion ne figurant pas, comme les
précédentes, au Sud de l’Ecliptique, mais faisant partie néanmoins des
mansions « rouges ».
S : HHL (Naw.) ; Cerulli (1929) ; Reinisch (1886-87 : 64 ; 128-160) ; D.M. (1988).

MAGÁN
Pl. magná. « Aide », « demande de secours », « protection » ; en particulier
d’un grand chef. Une telle demande s’accompagne d’une formule, comme :
dardár magán « aide du sultan ! » ; ku magán, y’álow « pitié, mon ami ! ». On

294
MAḤÁMMAD ‘ALI-GÁR‘A

implore : Yallíh magán ! Nabî magán, sadgát ! « Protection de Dieu !


Protection du Prophète ! Aumône ! » Ne pas respecter le magán revient à
transgresser un interdit (magán digló). En prononçant le magán, le sultan étend
sa protection sur un terrain, un homme, dans le cadre de la procédure du megló
et du règlement des crimes (v. p. 24). Le magán équivaut à une demande de
grâce. Lors de l’attaque de Tadjoura (1866) par les gens de l’Áwsa, qui devait
aboutir à l’incendie de la ville, les assaillants surpris par la contre-attaque de
Maammdé des Addôkum (v.) demandèrent grâce en étalant à terre leur toge
(v. Mayrádi).
MAGÉNTA
Région de la rive droite de l’Awash, au sud de Tandaó. Par extension, désigne
les groupes pastoraux implantés : 1. Les Ablé-k aysamlé (ceux de
Kurtúmma ; an lé Dába) provenant de l’évacuation de groupes Adohyam-
mára devant les Mdaytó après la défaite de Gáfu, en 1852 (v. Áwsa) ; 2. Les
Adáli (Unɖá buɖá, Nhó-b buɖá) ; 3. Localement, des Darumá, Amsá, Ulél
(d’origine Badoytá-m mlá). Sidá Magénta désigne plus spécifiquement les
fractions Amsá, aysamlé et Datoytá.

MAÁMMAD AYDÂḤIS
Maámmad b. Aydâis, dit « Datá Kaɖɖfó ». Chef des Aydissó (1768-11
décembre 1798) avant la prise de contrôle de l’Awsa (v.) consécutive à la
bataille de Darmá (v.). Deux de ses descendants comptés dans le lignage
régnant sont issus de mariages avec des femmes Damblá.
1. ♀ Damblá (nom inconnu) 1. « Asá » Aydâis (son successeur et 1er amóyta).
2. Madīná (Damblá) 2. « Unɖá » Aydâis, dit « Madīnáytu », du nom de sa
mère. Il fut fimát abbá, comme ses descendants, appelés
Madīnaytitté « descendants de Madīnáytu », ou fimát
abbobtí (pl. de fimát abbá) ; ou encore Mirató, car
assumant la fonction de chef de raid (mirá).
S : HL, Naw.

MAḤÁMMAD ‘ÁLI-DAWWĀNÓ
Badoytá-m mlá de l’Awash (fraction Debellí-sárra, sous-fraction Subbitté).
Maámmad b. Áli-Dawwnó, guerrier célèbre, grand chasseur de lions et
d’éléphants, à la générosité proverbiale, vécut à la fin du XIXe siècle. Il avait
pour devise : máysina, má ondita, má mataksita « je ne commets pas
d’adultère, je ne crains personne, je ne refuse pas l'hospitalité ». Voulant le
mettre à l’épreuve sur ce dernier point, des hôtes se présentèrent chez lui
chaque soir, obligeant Ali-Dawwnó à prélever à chaque fois une bête de son
troupeau. Après avoir épuisé le bois de sa réserve pour la cuisson, il en fut
réduit à brûler les arceaux de sa tente et finit ruiné. Mais il n’avait pas trahi sa
parole. Le surnom apposé Dawwnó désigne la constellation du Scorpion.
S : HL (in D.M., 1991 : 98).

MAḤÁMMAD ‘ALIGÁR‘A
Egal. Maámmad b. Ali-Gári. Dans l’ordre syntaxique afar : Ali-Garí
Maámmad. Etymologie. Le surnom apposé « Gári », qui connaît plusieurs
variantes (Gára, Gári), désigne une opération pratiquée sur les oreilles. Ce

295
MAḤÁMMAD « ILLÁLTA »

nom gári ne doit pas être confondu avec l’homonyme gára (garí, en fonction
de sujet ou de complément de nom) « voleur », erreur commise par Harris (v.).
Le changement de gára en gári ou gári peut être dû à cette homonymie.
Quand tous les enfants d’une femme sont morts sauf un, pour préserver celui-
ci, on lui perce le haut du lobe des oreilles, où l’on place un bout de bois pour
empêcher que le trou ainsi pratiqué ne se referme. Il est alors « gári » et
déclaré yaslié « préservé (de mourir jeune) ». L’opération se pratique aussi
sur les veaux. De la tribu des Ablé, Ali-Garí Maámmad est un des juristes
auxquels on attribue nombre des dispositions du code pénal Wíma (v. Madá).
Né au début du XIXe siècle, contemporain de anfaɖé b. Aydâis (chef des
Mdaytó) et de Looytá b. Arbâhim (chef des Debné), il est l’auteur du conte
politique des Trois Bœufs qui dénonce le jeu d’alliances des sédentaires de
l’Áwsa qui devait conduire à la victoire des Mdaytó (D.M. 1991 : 45). Il fut
chassé par ceux-ci, après leur conquête de l’Áwsa (v.) au milieu du XIXe siècle.
La disette dura, dit-on, quatre ans après son expulsion. On dit que kábir Ḥandá
(v. Harálla) déclara que ses prières ne pourraient faire revenir la pluie si Ali-
Garí Maámmad n’était pas rappelé. Mais celui-ci mourut entre temps, à
Waná, dans le pays de Gerrá, à l’ouest du pays Kutublá, au temps de
Maámmad b. anfaɖé. Le ciel fut obscurci toute la journée. Il avait demandé
à être enterré près du aytankmí bad « le lac de la montagne de aytám »
(v.). On l’y transporta à Ðiyyá, au sud, à travers l’inondation.

Maámmad « Darbên » v. Ibrhm Ab Zaarbi


MAḤÁMMAD « ILLÁLTA »
Maámmad b. anfaɖé, dit « Illálta ». Sultan Aydissó (1862-mai 1902). V.
Awsa. Egalement appelé « Ftumáytu », du nom de sa mère Ftumá b. usên
des Intilé Šek Áre (v.). Son surnom politique, « illálta », terme qui désigne une
oasis, une mare permanente, renvoie à la prospérité de l’Awsa sous son
sultanat, mais aussi à la domination des Mdaytó, illustrée par l’adage : illálta
le marí, kok nabá « ceux qui ont l’eau te dominent ». Sa descendance,
nombreuse, est entrée dans une guerre de succession à partir de 1898, connue
sous le nom de « guerre du Sangerrá » (v.). Les renseignements généalogiques
présentés ici sont donnés à titre exploratoire. La tendance à une exogamie
restreinte (v. Đálak bállis) y est remarquable. Les chiffres ci-dessous en maigre
dénombrent ses enfants. Ceux en gras indiquent l’ordre de primogéniture des
fils. Cette liste demeure partielle.
Epouses Enfants
1. Ftuma b. asná 1. Ayyánti. Une fille, « Kaɖɖá » Madīná, mariée à Abd
(Alaló, Lubak-Kubó-k Mdaytó) elraḥmân b. Yûsuf (v.). Pas d’enfants (mâles) connus.
2 (1). « Kaɖɖá » Aydâis (d. 1918 ; enterré à Abrobbaɖif-
fgé). Son fils, anfaɖé, est mort en prison en 1924, sans
doute sur ordre du sultan Yayyó. Marié à wá b. Umar
(Damblá-k Mdaytó). 3 enfants : 1. Ftumá, mariée au
vizir Yayyó b. ámmadu. 2. Madīná. 3. Ali-Mirá,
dernier sultan d’Áwsa (v.)
3 (3). « Kaɖɖá » Ali-Mirá (d. juillet 1902). A eu trois
filles : « Kaɖɖá » Ftumá, mariée à Maámmad b. =sa (v.

296
MAḤÁMMAD YAYYÓ

Maammadkantó) ; « Unɖá » Ftumá, mariée à un


Askakmáli (v.) comme la troisième, Madīná.
4 (6). anfaɖé. Sa fille, Ftuma, mariée à un Mdîma (v.)
n’a pas eu de postérité mâle, de sorte que anfaɖé
n’apparaît généralement pas dans le décompte de la
descendance mâle de « Illálta ».
5 (7). « Datá » Aló (d. 1898). Tué avec 2 de ses 3 enfants
au début de la guerre du Sangerrá (v.). 6 (9). Kabir.
7 (8). Yayyó (v.). Sultan d’Áwsa (1916/17-1927).
8 (2). « Asá » Aló. Tué en 1896, à Arraddó (v.).
2. Ukkubí (Aydissó-k Damblá) 9 (5). « Kaɖɖá » Kaɖɖfó. Marié à Ftumá (Lubák-Kubók
Mdaytó). Leur fille, Ukkubí, a eu deux filles : Ftumá,
mariée au sultan Ali-Mirá, et Madīná, mariée à
Aydâis, fils aîné de celui-ci.
10. agí. Mariée à un Damblá.
3. Sadá (Askakmáli-k Mdaytó) 11 (4). Aló. Tué au début de la guerre du Sangerrá.
4. Rokkiyá (Maanḍíyta) 12 (10). anfaɖé (sultan pour les Ethiopiens, entre 1903
et 1907. Mort à Baádu en 1919). Son fils Maámmad a
épousé Gasí b. Moggolá (des Aɖkaltó). Leur fils
anfaɖé était réputé pour sa force (maar re numu).
13 (11). Aydâis. Sa fille, Rokkiyá a épousé un Oromo
intégré au lignage Mdaytó.
14 (12). Aló. Trois fils : Maámmad, Yâsin, Kaɖɖfó.
15 (13). « Unɖá » Kaɖɖfó. Mort en prison à Massawa.
Sans descendance connue.
16. Ftumá et 17. Ukkubí, mariées à deux Damblá.
5. Asyá (Damblá) 18 (14). Ali-Mirá. 19 (15). Aydâis. Tous deux tués
par Yayyo (8).
6. Ftuma b. ló (Damblá, Ilawli) 20-22 : trois enfants non recensés.
7. Amdó (Damblá) 23. Madīná, mariée à un Damblá.
8. Salmá 24. « Unɖá » Madīná, mariée à Maámmad, frère de
ğği Áli (v. Ali b. úmmad).
25. Ftumá, mariée à ğği Áli.

S : HHL (Naw.) ; Chedeville (comm. pers.) et sources citées dans l’article Sangerra (v.).

MAḤÁMMAD YAYYÓ
Sultan d’Áwsa (v.) 1927-1944. Maámmad b. Yayyó, dit « Daddás »
Maámmad. Daddás est emprunté à l’amharique däğğazmač, bien qu’il ne
semble pas avoir reçu officiellement ce titre. Dans l’inventaire ci-dessous,
proposé à titre exploratoire, les chiffres en maigre dénombrent ses enfants.
Ceux en gras indiquent l’ordre de primogéniture des mâles.
Epouses Enfants
1. ♀ Anklá de Asab enfants non recensés.
2. ♀ Ethiopienne de Däse 5 garçons et filles non recensés.
3. Asyá b. Gaás (Lubak-Kubó) 1 (1). « Kaɖɖá » Yayyó (né vers 1913).
2. Ftumá. 3. Madīná, mariée à un Lubak-Kubó.
4 (3). Aydâis. En résidence surveillée (1944-1978).
5 (4). « Unɖá » Aló.
6 (8). « Unɖá » Ali-Mirá (né vers 1939).
7. Ukkubí.
4. Madīná b. =sé (Askakmáli) 8 (2). « Kaɖɖá » Ali-Mirá.
9. anfaɖé. 10. « Unɖá » Yayyó.
11-14. Quatre filles (Ftumá, Eysa, asná, Ukubbí).

297
MAḤAMMADKANTÓ

5. Mayrám b. Maámmad (Askakmáli) 15 (5). Aydâis. 16 (6). Afkié (descendance nombreuse


d’au moins dix garçons). 17 (9). Yâsin.
6. Makkiyá b. Abdulkâdir (Kabirtó) 18 (7). Maámmad « abib ».
(fille d’un frère du cheikh Ğīlnī) 19. Kulsumá.
7. Gaddá (Damblá) 20 (11). Abdulkâdir « Abdi ».
21. Ftumá.
8. Amná b. sek Mômin (de Baádu) 22. « Unɖá » Yayyó (né en 1939).
9. Gasí b. Moggolá (des Aɖkaltó)1. 23 (10). Yâsin.
Remariée à anfaɖé, le premier fils que le sultan Maámmad « Illálta » (v.) a eu avec Rokkiyá
(n° 12 de la liste p. 297).
S : Chedeville (comm. pers.). 1Remariée à Maámmad b. anfaɖé (voir p. 297, n° 12).

MAḤAMMADKANTÓ
Descendants d’un Indien arrivé sur la côte, à Dumrá, du temps du sultan
Burán b. Dîni (c. 1755), sur un lit, précise la légende, en se déclarant cheikh,
sous le nom de « Maámmad Khan ». Le lit, très solide, a longtemps servi de
siège au sultan lors des séances du conseil (miglís). Les Maammadkantó
comptent des Ská (v.) et des Abrrá. En 1971, le troisième personnage de
l’Áwsa, Yayyó b. Alwân, était des Ská-Maammadkantó, avec pour
généalogie : Yayyó b. Alwân b. Maámmad b. Īsa b. Alwân b. Īsa b.
Maámmad b. Alwân b. « Maámmad Khan ». Son grand-père Maámmad b.
=sa a épousé « Kaɖɖá » Ftumá, fille de « Kaɖɖá » Ali-Mirá b. Maámmad
« Illálta ». Yayyó b. Alwân a épousé wí, fille du sultan Ali-Mirá.
MAKÂBAN
Nord makâbon, sg. makbántu « chef » (amh. mäkwännən), titre porté par les
chefs des ertó et de Têru, et ceux du groupe de commandement de Bíɖu ; plus
généralement, par les notables appointés par l’administration éthiopienne (qui
emploie aussi l’amharique blabbât). Les Français ont privilégié « akel » ou
« akkel », pl. « okal », empruntés à la racine arabe -q-l. En afar, kíl ou gíl,
pl. okkâl. L’afar ákli recouvre l’idée d’intelligence, de raison, de sagesse.
RÉMUNÉRATIONS. La rétribution des chefs coutumiers a été employée par
l’administration française pour obtenir le ralliement des populations à sa
politique. On peut en suivre les revirements en reprenant le Journal Officiel de
la Côte Française des Somalis qui publie la rémunération appelée « coutume »
et le nom des bénéficiaires. L’exemple est pris ici des Debné et des Adorásu
dont l’émancipation de la tutelle des premiers a été recherchée par
l’administration, avant même la création du poste de Dikhil en 1928. A la mort
du sultan debné amad-Ladé (31 juillet 1903), celui-ci est remplacé par
« Kaɖɖá » Looytá qui reçoit mensuellement la « coutume » de 100 thalers à
compter du 1er octobre 1903. Le 23 janvier 1905, cette solde est portée à 150
francs par mois, puis à 200 francs, le 6 février 1908. Le 1er mars 1909, le chef
Adorásu, Mirgán, reçoit « la coutume » ; celle du sultan Looytá est supprimée,
le 17 juin 1910. Elle est rétablie, le 13 février 1911, puis à nouveau coupée le
1er avril 1915. L’aide fournie par le sultan des Debné dans la capture du consul
d’Allemagne en août 1917 (voir Introduction : 3) explique que sa « coutume »
soit rétablie le 1er septembre. Le 25 février 1918, le chef des Adorásu, Mirgán,
qui n’a plus d’utilité, est révoqué. Auparavant, le demi-frère du sultan,
« āğği » Ali (v.), a été nommé « vizir » du sultan Debné (poste jusque-là

298
MALḤINÁ MI‘IMBARÁ

inconnu, créé à l’imitation du banóyta de Tadjoura), le 1er janvier 1918. Il


deviendra ultérieurement suspect à l’administration qui le déportera à
Madagascar. A la même époque, la politique est identique du côté italien, avec
toutefois des rémunérations plus élevées, et des bénéficiaires dont certains
vivent hors des frontières de la Colonia Eritrea, et dont Rome espère l’appui
dans sa politique expansionniste. Le budget de l’Erythrée de 1890 prévoit des
dons et pensions d’un montant de 6 000 lires pour les nā’ib d’Arkiko, de
Muncullo et Otumlo ; le sultan d’Awsa reçoit 12 750 lires pour assurer la
protection et le libre transit des caravanes au titre de la convention du 9
décembre 1888 ; le sultan de Raaytó, 600 thalers, soit 2 400 lires ; son vizir,
360 thalers (1 440 lires). Les différents chefs de la côte touchent un montant
voisin ou inférieur avec une exception : 1 440 thalers (5 760 lires) pour
Abderramân b. Yûsuf (v.) en tant que « capo caravana interna ». Le sultan
du Gbaád, úmmad b. Looytá (v.), est inscrit pour 600 thalers (2 400 lires),
autant que Abdallah b. Šeém, « ex-sultan d’Assab ».
S : Atti parlementari della Camera dei Deputati, n° 2 quater, 22 avril 1890.

MALASAÏ
Dans la chronique traduite par Basset (1897 : 84), les « Malasaï » forment une
milice hétérogène, à base religieuse, que commande l’imam Amed « Grañ »
La chronique donne le nom de leurs chefs suivant, semble-t-il, leur origine
ethnique : absame Nūr (absáme désigne les Somalis Dārd sédentaires du
Harar : notam. les tribus énumérées dans la chronique) ; balaw Abd (v.
Balaw). Le terme est conservé en harari (mäläsay) et désigne « les guerriers »,
« les braves ». Basset, suivant la chronique éthiopienne, y a vu une forme
éthio-sémitique dérivée du verbe mälläsä « faire retour », avec le sens de « se
convertir ». Il faut plutôt penser à une forme dérivée de l’afar malás (ou
maláys) « viser pour tuer » ; afar actuel malaséy(na) « le tireur ».
S : Basset (1882 : 14, 15, 106 ; 1897 : 84) ; D.M. (1997 : 12). L : Kropp (1990). Muth (EA, III :
693-694) qui fait l’inventaire des étymologies de Mäläsay conclut après lecture de notre
rédaction de 2004 : « The etymology recently suggested by Morin seems worth consideration. »

MALḤINÁ MI‘IMBARÁ
Groupe de lignages afars et sahos, qui se réclament des « sept porteurs de
talismans » (bará), soit de sept cheikhs venus du Yémen. La liste afare
comprend : 1. des Maanɖíyta (v.) ; 2. des Dúna (v.) ; 3. des Sek-Maammadó ;
4. des Bêdal ; 5. des Iyyîta ; 6. des Oronnabá (Ironnabá) ; 7 des Wáyta (v.).
Miimbará est le nom d'un village en ruines près de Adáylu, au nord de
Tadjoura. En pays saho, la liste des différents lignages diffère quant à leur
implantation d’origine, et comprend : 1. les Intilé Sek-Áre (v.) ; 2. les
« Ironnába » (v.) avec les ádo Asáallá du Agmé (ou les Afars Waddó) ; 3.
les sek Lalaá, avec les Tar4á, vers Aylat ; 4. les i Ábkur, avec les
Tar4á (ou les Asaurtá) ; 5. les i sek Dimbágo, avec les Asaurtá Asa
Lsán ; 6. les Asá Ská, avec les Afars Dammohoytá, les Dhí-m mlá (ou les
Balossuwá) et les Sahos ádo (ou Asaurtá Lliš-Áre) ; 7. les Das Šká (ou
Šk Maammud) avec les ádo Asáallá. Le lien lignagier proclamé relève,
dans certains cas, de l’affiliation confrérique.
S : D.M (1999 : 24) / Ibrhm b. Isml ; Sâle b. Osman.

299
MĀMULÉ

MĀMULÉ
1. Tribu mentionnée au XVIe siècle, sous la forme Mmóli, alors au voisinage
du Harar. Variante Wmulé. 2. Agglomération et gué du Gurmuddáli, défluent
principal de l’Awash. Mmulé est au carrefour de deux pistes : vers le sud,
risá et le lac Abé ; vers l’est, Afambó (v.) et le anlé. A l’est des Mmulé,
les autres Awsí mára (v.) sont distribués le long du Gurmuddáli, les Saiddó
étant implantés aux abords du lac de Uddúmma.
S : Fut, trad. Basset : 172 ; Chr. Awsa : parag. 39, 83.

MANDÁYTU YÛSUF « N*SULÉ »


Mandáytu b. Yûsuf « Nsulé » b. Sâbir, b. Ali. Saint de la lignée Dahan-Ská
(v. Ibrhm « Wrufi). Le cheikh Mandáytu, enterré à Ayyálu (mort vers
1729), a un oratoire dans la palmeraie de Dikhil ; un autre à risá où a lieu un
pèlerinage à l’époque de la récolte des dattes. En Áwsa, certaines tribus, dont
les Kutublá, ont des confréries dites « Ingló », se réclamant de cheikh
Mandáytu et qui font, sous ses auspices, des exercices religieux en utilisant des
batteries de quatre tambours (nsirá), qui donnent leur nom à ces cérémonies
pieuses. Ces Ingló sont répandues dans le Magénta (v.) et à Têru (v.).
S : (Naw.).

MÁRA
Litt. « les gens », « un groupe de gens » (coll.). Le nom, relativement rare dans
l’onomastique, entre dans des composés pour spécifier le lien fondateur du
groupe qui peut être l’alliance par mariage : Absá-mára (v.) ; l’alliance
politique : Asahyammára (v.) ; un lieu : Awsí mára (v.). Synonyme de gálli
(v.), sinám. La périphrase -k radé mára « les gens qui descendent de » est
utilisée parfois pour désigner la fraction rattachée à un ancêtre éponyme :
Gardía-k radé mára (v. tableau p. 175) ; Baláw-k radé mára (v. Baláw).
S : Alvares (1881 : 191) ; HL (in D.M., 1997 : 11).

Maskali v. Musḥá
MAYR*ÁDI
Lieu de la bataille entre les troupes du sultan de l’Awsa et la résistance
organisée par Maammdé, des Addôkum (v.), à la suite de l’incendie de
Tadjoura (10 août 1866). Le toponyme conserve le souvenir d’un combat
incertain avec la fuite du sultan de Tadjoura à Zeyla. Mayrádi (coordonnées
hectométriques KJ815181) se situe dans l’ouest du massif du Mablá, au nord-
ouest de Bokol Garbó et au nord de l’oued Heddén. Le lieu de la bataille appelé
exactement Kaɖɖá Mayrádi » (du verbe uyruúd « faire gémir ») est le « haut
lieu qui a beaucoup fait gémir ». Le texte oral (maɖó) conservé, qui évoque la
bataille, est construit en polyphonie :
Qunxa Tagorril buxa hayne [Premier récitant] « Nous avons campé à Ambabbo
Kaxxa Tagorril gira rubne Nous avons porté le feu à Tadjoura
Sin inaanil buxxeexa hayne Nous avons violé vos mères
Sin abbobtil gileela hayne Nous avons égorgé vos pères. »
Qado qasbol loqo yekkeh [Second récitant] « Ils ont passé le jour à la saline
Qali-Fuxyê baxi baahe Le fils de Ali-Fuɖyé en a emporté
Afqasô baxi deero baahe Le fils d’Afaso a donné l’alerte »

300
MEHARISTE

« Saabo yoo » yeh yemeeté Il est revenu en disant : « Je suis survivant. »


Mayraaqadil loqo yekke Ils ont passé le jour à Mayrádi.
« Macammaadew » saabo yeeneh « O Maammadé ! », ont dit les survivants
Maganah soro fisseeneh Ils ont demandé grâce
Magan ye mara caba’yye Il a épargné ceux qui demandaient grâce.
« Wagri sin maganal yekke » « La paix procède de votre demande. »
[dit Maammdé, des Addôkum].

Maammdé épargnera les agresseurs après que ceux-ci auront étalé leur toge
au sol en signe de soumission. Le récit que Mohamed Aden (2006 : 155-163)
fait de cette bataille prend la forme d’un conte merveilleux où son ancêtre
Roblék Kâmil prend la place du chef Addôkum.
S : D.M. / Maammdé b. ummed. Apparenté à l’auteur du texte ci-dessus (v. Addôkum), il
nous a fait le récit de la bataille de Mayrádi, à Adáylu, en 1974, soulignant le rôle de son
ancêtre Maammdé des Addôkum. Le texte oral nous a été transmis par Ḥámad-Ladé en 1980
(in D.M., 1997 : 36 et 2005 : 68-69). L : Carte IGN (1 : 100 000), feuille « Tadjoura ».

MEHARISTE (peloton)
La pénétration de l’intérieur de la colonie, due au gouverneur Chapon-Baissac
(1928), a fait apparaître la nécessité d’une force de surveillance mobile.
Jusqu’à cette date, la présence française n’était perceptible qu’aux abords de la
voie ferrée. L’arrêté du 6 novembre 1928 (modifié le 4 septembre 1929) crée
un Peloton méhariste autonome composé d’un sous-officier français et de
cinquante recrutés locaux. Il est formé en 1930. Commandement. Le premier
commandant du peloton méhariste est Salmon, suivi d’Antonietti (18 juin
1932) ; Brischoux (19 juillet 1932) ; Mayer (25 juillet 1934) ; à nouveau
Brischoux (1er juillet 1936) ; Gory (1er décembre 1937) ; Coullet (1938). Le
décret du 28 janvier 1933 promulgué le 6 mai 1933 (complété par le décret du
24 juin 1933) fond en une seule « Milice indigène » (v.) la Garde indigène,
dont le cadre était civil depuis 1924 et le Peloton. La Milice indigène ainsi
unifiée devait comprendre : 1 capitaine ; une brigade à pied (1 lieutenant, son
adjoint, 4 sergents et 180 indigènes) ; 1 peloton méhariste avec un encadrement
équivalent et 44 méharistes. Le commandement redevient ainsi militaire.
L’arrêté du 22 février 1935 met sur pied la nouvelle structure. Après diverses
modifications d’effectifs, un nouveau décret (9 mars 1938) augmente
considérablement ce dernier porté à deux compagnies d’infanterie et deux
pelotons méharistes, l’un opérant dans le « secteur nomade du anlé » (SNH) ;
le second, dans celui du Altá (SNA), au nord de la colonie. Commandants du
peloton méhariste du anlé : Faure, Gory, Antonietti, à nouveau Gory.
Commandants du secteur du Alta : Oliver, puis Périquet, dont le détachement
est l’objet de tirs hostiles dans le Godá entraînant la mort du sergent Thiébeau
en 1943 (v. Kabbbá). Le nombre des sous-officiers européens est augmenté
par décret du 24 janvier 1939. Une note du 25 novembre 1939 du cabinet du
gouverneur précise la mission principale des « secteurs nomades » du anlé et
du Altá, formés par un arrêté d’octobre 1939 : contrôler les tribus
Asahyammára des frontières nord et ouest et leur relations avec les Italiens,
dont les incursions dans le anlé (v. Dikhil) ont commencé en 1937. Les postes
de Dawdáwya, Tewó, Dagírru sont créés en juin 1939 par le peloton méhariste
du anlé ; ceux de Dorrá, Madgúl, Baló sont créés par le peloton du Altá.

301
MĒLÁ

MĒLÁ
Litt. « les gens » avec une idée d’hétérogénéité. « (Groupement de) gens
d’origines diverses », rattachés à un lieu (v. arká-m mlá), formant souvent
une chefferie ; en cela, opposable à kedó où la patrilinéarité est plus nettement
affirmée. Mlá ne peut être assimilé à un lignage (Karim Rahem, 2001 : 156).
Le rattachement à un lieu existe en saho, voir les Dabrí-mlá, tribu
partiellement chrétienne, centrés sur le mont Dábra. Sing. Dabri-mélto « un
Dabrí-mlá » (l’afar ne forme pas de singulier sur mlá).
M5S*RÁ
Tribu de Baádu (v.), au nord de Gawwâni, vers Attfán. Elle serait originaire
du Mablá et de même souche que les Amsá (v.), seuls restés dans le Mablá
(chefferie Basmá). Les Msrá incluent des Ulél (v.) et s’intermarient avec les
Mdîma (v.). Itró : « anâ Msrá ! ». Fractions : Argaí-sárra, Burúkta, Wisír.
MIDÍR
Sur les cartes Meder (par analogie à l’amharique mədər ?), Midhir (suivant
l’arabe, Rubenson, 1994 : 160, 173). Agglomération côtière sur la baie dite
d’Amphilla, où mouille le capitaine Russel en février 1860 venant de Dási (v.).
Capitale des Dammohoytá, avant leur expansion vers Bôri. Résidence du
rdántu (v.) de Bôri. L’histoire de la ville est inconnue. Elle est citée comme le
point de débarquement des compagnons du Prophète venus se réfugier auprès
du nag$i éthiopien aux premiers temps de l’Hégire. Ses six mosquées attestent
de son importance comparable à celle de Tadjoura. Etymologie. De meé dīr
« bonne jarre » : à l’eau non saumâtre. En afar du nord, dr, pl. dritté, dirwá
désigne un grand récipient à eau en argile, à différencier de dr (v.) en afar du
sud. Sur des étymologies similaires, v. Tadjoura, Baylûl.

MILICE INDIGENE
Périodisation : 1. 1884-1891. 2. 1892-1900. 3. Après 1900.
La Milice indigène précède le Peloton méhariste (v.), formation née de la
nécessité de contrôler l’intérieur de la CFS à partir de la création en 1928 du
poste militaire et administratif de Dikhil (v.). Il sera préfiguré par les
dromadaires (chameaux de monte) achetés à Aden (mentionnés dans la
correspondance de Lagarde au Département en 1901). Les éléments de
chronologie ci-après complètent ceux cités par Chaillet (1998-99), pour la
période postérieure à 1901, et par Prijac (2012) qui n’évoque l’existence d’une
milice indigène qu’à partir de 1888. 1884-1891. L’une des premières
instructions ministérielles adressées au gouverneur Lagarde (9 juillet 1884), qui
prévoyait l’augmentation de troupes de la Colonie, indique :
Quand le moment sera venu, il sera préférable d’organiser une police composée
d’Abyssins et d’utiliser à cet effet les fusils et les baïonnettes ainsi que les
revolvers prêtés par l’Etat aux factoreries, et qui se trouvent actuellement sans
emploi.
En fait, il ne semble pas qu’il existe un texte organique initial qui définisse
cette police locale et son recrutement. Le terme de « milice indigène » entre en

302
MILICE INDIGENE

usage, sans base légale précise, quand Lagarde fait occuper en 1884 les villages
côtiers de la colonie. Le 26 septembre, il rend compte de l’installation de 5
agents arabes à Khor Angar. Une décision ministérielle prévoit l’implantation
d’un blockhaus à Rood-Ali (v.) « avec six hommes de la Milice indigène ».
Après la prise de possession de Sagallo, cédé par Soleillet (octobre 1884), un
poste est créé avec un sous-officier, 6 soldats d’infanterie de marine et 6
« miliciens indigènes ». Un détachement hisse le drapeau tricolore à Tadjoura
(v.), le 17 novembre 1884. La décision du 18 décembre 1884 semble ignorer
l’existence de cette première force de police, puisqu’elle projette « l’armement
du corps de troupe de police dont le développement de notre occupation ne
peut manquer d’amener la création. » Le recrutement de la milice est
hétérogène, composé d’Arabes, d’Africains (Sénégalais, Soudanais, Abyssins),
et ne compte pas, semble-t-il, de Somalis, ni de « Danakils ». Ce sont des
« indigènes » — allogènes — qui assurent la garde des postes avancés, dont
deux miliciens soudanais à Tadjoura (16 août 1885). Plusieurs textes sont
publiés concernant les salaires (arrêté du 17 août 1885) ; le recrutement de 27
miliciens et 4 plantons dans le corps des « miliciens de police » (1er septembre
1885). Le budget de 1886 prévoit pour la milice une dépense de 4 000 francs.
Dans un rapport sur la situation de la colonie (1er janvier 1887), Lagarde
mentionne une « milice indigène » formée en deux sections distinctes : agents
de police, d’une part, miliciens chargés de la sécurité générale et de fournir des
escortes au-delà du périmètre immédiat d’Obock, d’autre part. Un arrêté du
gouverneur (30 avril 1887) prévoit une rémunération journalière pour le
caporal d’infanterie de marine qui instruit les recrues à Obock, mesure
supprimée le 1er mai 1888, sans doute parce que la formation des « indigènes »
est jugée suffisante. D’ailleurs, le 16 octobre 1890, deux caporaux de la
« Garde indigène » [sic] sont nommés sergents. Le 20 décembre 1890, le
gouverneur décide qu’Abdoulaye N’Diaye, le clairon soudanais (sénégalais) de
la milice recevra une solde de 40 fr. par mois, comme les autres miliciens.
C’est sans doute à cette époque qu’une section sénégalaise (« gardes indigènes
de sûreté ») est incorporée à la milice. LA GARDE INDIGÈNE CIVILE (1890-
1892). Cette appellation, annoncée dans la décision du 16 octobre 1890,
remplace celle de « milice indigène ». Le salaire annuel de ces gardes est de
480 fr. (ar. 10 janvier 1891). La section sénégalaise reçoit une gratification « en
raison de travaux extraordinaires exécutés à Djibouti en juin 1891 » (30 juin
1891). Le terme de « milicien » reste toutefois employé concurremment à celui
de « garde » (voir le licenciement de 5 miliciens de la Garde civile d’Obock, 5
octobre 1891). 1892-1900. En 1892, le transfert du siège du gouvernement
d’Obock à Djibouti est décidé. Il sera effectif en 1897. Une réorganisation
s’ensuit. Les 160 agents locaux de police sont versés dans un nouveau corps, le
« service des Affaires indigènes de la Colonie et des Protectorats » (1er
novembre 1892). Le début du chantier du chemin de fer en 1897 entraîne une
croissance rapide de la ville de Djibouti (6 000, en 1897 ; 10 000, l’année
suivante). Une police urbaine se met en place (ar. 25 mai 1899). Le budget de
1899 distingue la rémunération des agents aux Affaires indigènes (100
Haoussas, Abyssins, Somalis) et les 50 agents affectés à la police urbaine.
Plusieurs arrêtés sont pris : organisation du « cadre indigène local de la police

303
MISINDI‘

urbaine et suburbaine » (27 août 1900) ; du « cadre indigène local du service


des Douanes et Contributions » (24 septembre 1900) ; de la « Milice indigène
rurale » (27 septembre 1900 ; JO CFS 23 octobre 1900). On note
l’hétérogénéité du recrutement des 69 miliciens africains et arabes et toujours
l’absence d’Afars. Ces agents sont déployés le long de la voie de chemin de fer
bien que l’administration de la colonie considère que la sécurité en revienne à
la compagnie ferroviaire. Après 1900. La police de la colonie est assurée par la
« police urbaine et suburbaine » et « la police rurale », avec, à Obock, un petit
détachement autonome, « la police d’Obock ». Le budget de 1901 fait encore
mention de la Milice rurale créée en 1900. Mais celle-ci est supprimée par le
gouverneur Bonhoure (arrêté du 1er juin 1901 ; JO CFS 15 août 1901), le
tronçon français de la voie ferrée étant achevé. Des « postes de police rurale »
sont créés simultanément avec la mission de surveiller la voie jusqu’au km 108
(Daouenlé). Les agents sont sous les ordres du chef de poste européen du km
90 (Ali-Sabieh). Le gouverneur Pascal organise, en 1910, la première force de
police à caractère militaire. L’arrêté du 2 juin crée une « Brigade indigène » ou
« Brigade de gardes indigènes » (…) « pour assurer la police intérieure de la
colonie ». Elle fonctionnera jusqu’à la formation du Peloton méhariste (v.) en
1928. Une période de transition de cinq ans verra coexister le Peloton et la
Milice avant leur réunion (28 janvier 1933).
S : Journal Officiel de la CFS, CAOM (AP). L : Bertin (1979). Chaillet, 1998-1999, « La Garde
indigène de la Côte française des Somalis (1901-1939), un facteur d’intégration » (mém. de
maîtrise), Université de Provence, (non publ.) ; capitaine Prax, 1954, « La milice de la CFS »,
Tropiques ; L. Prijac (2012 : 113-114).

Mirganto v. Adorasu

MISINDI‘
Variante Misgidí (prononciation à Bôri). Tribu Adohyammára (v.) du sultanat
de Raaytó (région de Ásbol, Meɖgebɖá), leur région d’origine, présente à
Bôri, à Dawwé avec les Ddá-m mlá. Itró : « Datá Áysi ! », « Ayroytí ! », du
nom de l’ancêtre Ayróyta.
S : Chedeville / Umar b. ámad b. Abrâhim.

MÍSLI
« Chef supérieur ». Le titre de mísli n’était originellement porté que par les
chefs Dammohoytá et Dhí-m mlá. Il est employé à l’endroit du sultan
d’Áwsa avec un sens laudatif dans la critique adressée par la kalluwallé Bírru à
ses soldats qui ne l’ont pas défendu lors de son arrestation par les autorités
éthiopiennes en 1944 (voir ci-dessus le texte p. 272). Un emprunt à l’arabe mil
« image de » paraît improbable. Le synonyme en afar du nord halángi
« (possesseur du) fouet » chez les Dammohoytá incite à dériver mísli de
*mássa-li « qui détient la justice, l’ordre ». Les descendants de aɖal-Mâis
(v.) sont les míslih yan mára « les grands chefs » ; mísli tik « sois le sultan (au
sens de chef suprême, supérieur à abbá) » ; kaɖɖá mísli mali « il n’a pas grand
pouvoir ». Mísli a un sens voisin de moddaî (v.).
S : D.M. (1997 : 142) ; 2012b : 728.

304
MŌDAYTÓ

MŌDAYTÓ
Tribu dominante du cours moyen et inférieur de l’Awash, dont l’Áwsa (v.
Aydissó), originaire du Mablá où il reste des éléments sous commandement
Basmá. Distribution. 1. Baádu ; 2. Sur la rive gauche de l’Awash :
Aydissó de Sámu (les descendants de Maámmad b. Aydâis, réfugiés là
depuis le conflit de succession, v. Sangerrá) ; 3. Mdaytó de Dóka, au nord de
Sámu ; 4. Mdaytó de Bûri, au confluent atáwwi-Awash. Généalogie. Se
rattachent à Môday ou « Mdá le » Arbâhim « Arbâhim avec une taie sur
l’œil » ; aussi Mdá-l-Arbâhim (la forme Môday semblant la plus récente), fils
de aɖal-Mâis (v.). Môday est tantôt présenté comme l’aîné de aɖal-Mâis,
quand d’autres généalogies considèrent que Adâal est le premier dans l’ordre
de succession (v. Introduction), les Adáli étant attestés avant les Mdaytó.
Associés à d’autres groupes Asahyammára (v.), les Mdaytó forment les
chefferies Mdaytó-k Maandíyta (v.), Ulutó-k Mdaytó (v.) et Askakmáli (v.).

Généalogie des Mdaytó

aɖal-Mâis

Môday

« Gabaɖêri » Áli

Máad Afkié

Úmar

« Kaɖɖá » Áli « Unɖá » Áli

ámad Útban Dâba

Maské anfaɖé Maámmad Áli Yayyó Saddík aɖmáli

Maskká

Aydâissó anfaɖés-sárra Maammád-sárra Alsárra Yayyós-sárra Saddiktó Dbí-sárra


(Aydisbaɖitté)
amád-sárra Utbán-sárra
« Unɖá » Alí-h sárra
Afkié-s sárra

Fractionnement. Les deux principales divisions sont celles entre la


descendance de « Kaɖɖá » Áli, dite « Kaɖɖá » Alí (l'expression « Kaɖɖá »
Alí-h sárra semble inusitée), et celle de « Unɖá » Ali, dite « Unɖá » Alí-h
sárra, toutes deux de la descendance de Afkié, ou Afkié-s sárra. Chacune se
divise en sous-fractions portant le nom de l’ancêtre éponyme. Les « Unɖá »
Ali-h sárra, politiquement dominants, comprennent les descendants de ses fils
ámad, Utbân, Dâba, soit : 1. amád-sárra (Maskká, issus de Maské ;

305
MŌDAYTÓ-K MA‘ANÐÍYTA

Aydissó, v.) ; Al-sárra ou Aydisbaɖitté (issus de Aydis-báɖa b.


anfaɖé) ; 2. Utbán-sárra (Saddiktó avec les Lubak-Kubó, aɖmáli avec les
Mdaytó-k Maanɖíyta) ; 3. Dbí sárra (Wandbá, Ðurbá). Une variante, plus
politique, qui est celle la plus souvent proposée (D.M., 1991 : 41), privilégie la
descendance d’Afkié. Celui-ci est détaché de Máad et est relié à Môday via
Arbâhim.
aɖal-Mâis

Môday

Arbâhim

Asabbakári Nassâr Afkié Ulutan

Úmar

« Kaɖɖá » Áli « Únɖá » Alí-h sárra

MŌDAYTÓ-K MA‘ANÐÍYTA
Le territoire de cette chefferie est le bassin ouest de la plaine d’Immnó, avec,
au sud, Issó, et la zone s'étendant au nord vers Tênik (aux aɖmáli). Au-delà
de la plaine, les points d’eau de Búrran et Adaytoh-af sont aux Lubák-Kubó.
Principaux points d’eau des Mdaytó-k Maanɖíyta : Kokkobáytu, Widdó,
Issó, Guddáli. Les Maanɖíyta (v.) de la région d’Immnó, qui seraient là
depuis le XVIIIe siècle, se disent issus des deux fils d’un cheikh ámmadu,
« Kaɖɖá » Guméd et « Kaɖɖá » šek Ali. De « Kaɖɖá » Guméd proviennent
les fractions amaditté, Igallá, incluant la fraction Abdallôli de l’ex-vizir
Yayyó b. ámmadu b. Abdallá (v.), Aɖ4santó (ou Al4santó), Sek-Alitté. Les
trois premières fractions sont réputées endogames (sauf les amaditté et les
Aɖ4santó dont la proximité interdit le mariage). De « Kaɖɖá » šek Ali est issu
le groupe appelé « Kaɖɖá » šek Ali-k-radé-mára « descendants de šek Ali le
Grand ». Elles forment un seul bîlu (v. Introduction, p. 22-24). Les Mdaytó
comprennent les Aytillá (chefs), les aɖmáli-k amaddintó (à Tênik), les
Ali-Galitté (fraction détachée des aɖbisó-s sárra comptée avec les Kîu-k
enkébba), chacune formant un bîlu. Mdaytó et Maanɖíyta répondent à
l’appel au secours (dró) avec une seule fimá appelée Ðnekalá.

MODDAÎ
Coll. fém. (afar du sud) : « tribus de haut rang » : a num moddaî-k yan « cet
homme appartient à une tribu noble ». Egalement moddaíy. Parker (1985 :
170) donne muddaí et muɖɖaí, formes qui paraissent douteuses, peut-être
influencées par l’arabe muddaî « demandeur, plaignant en justice ». Le nom
moddaî s'oppose à moɖoɖɖíb « humble ». C'est sans doute ce sens de
« noblesse », pris littéralement par l’ethnographie européenne, qui a orienté les
interprétations données de Asahyammára et Adohyammára (v.), amenant à
opposer de façon inappropriée des tribus nobles, les Asahyammára, et des
tribus « roturières » (« commoners », Lewis 1955 : 155), les Adohyammára.
Moddaî, qui s’applique aux unes comme aux autres, renvoie à l’idée de

306
MŪSA‘ÁLLI

revendication sur la terre, soit au titre de l’honneur du rang, comme les Adáli,
marqué par le port du bandeau blanc (br) ; soit de la puissance, comme les
Mdaytó. Le terme de moddaî doit être ainsi compris associé à lafá, « os »,
« noyau », « force », « importance », métaphoriquement « l’honneur » (de la
tribu) : lafállé tan mára « la classe dirigeante » ; lafál rabettó « tu mourras pour
l’honneur ». On dit des Mdaytó qu’ils ont conquis la première place par la
force : aylí lafá lônu « ils ont l’importance que confère la force » ; ce qui, par
extension, peut se comprendre comme : ils sont nobles parce qu’ils sont forts.
Les lignages Asabbakári sont leurs égaux. Viennent ensuite les Arábta (v.),
Kîu-k enkébba (v.), Nassâr (v.). V. Súget.
MOGORRÓS
Tribu Asahyammára (v.) parfois englobée dans les Dammohoytá, représentée à
Têru (v.). Le pays Mogorrós correspond au haut Guleyná, en amont d’Awrá
(v.). Un regroupement politique fédère les « huit Mogorros » (Bará
Mogorrós) comprenant : Ibassaralé, aneytá-Gaás, Glbattó, Asadantó,
aysantó Sbóli, Abarré, Aynamáli.
S : Chedeville / Suleyman b. Hârun.

MUHTÓ
Du verbe muh « montrer sa supériorité ». Tribu de la région de Âdu (sud de
Têru) partiellement intégrée aux Dhí-m mlá. Parents à plaisanterie des
Nassâr.
MŪSA‘ÁLLI
Ou Musálli « M4sa-en-sa-montagne » (de *M4sa alé-li), et non « la montagne
de M4sá », ce qui donnerait la forme Mūsá- alé. Les formes Mūsaálli ou
Musálli sont d’origine, ce que n’est pas la réfection Mūs Alī (Colette
Dubois, EA, III : 1080). Cette interprétation obéit à la tendance fâcheuse
actuelle à citer conformément à l’arabe un terme qui, comme ici, bien que
ressemblant à de l’arabe, suit strictement la morphologie de l’afar1. Le volcan
Musálli a la forme d’un cône (alt. 2020 m), appelé Gâgu à son sommet.
L’endroit sans sépulture conserve le nom du saint M4sa al-KFim, arrière-
petit-fils de Al al-AsGar (Zayn al-Hbidn), aussi appelé par les monolingues
« Msa-l-Knti Dn al-%bidn », septième imam alide. Le lien ancien entre
certaines montagnes et la dévotion populaire sous la forme de pèlerinages ou de
séjours prolongés d’ermites a déjà été noté (v. Ayyálu, Faɖé-n-Geyó,
Haytankmí bad). M4sa al-KFim est le père de Ali ar-RiF, son successeur
(765-818) et d’Ibrhm al5azzr qui séjourna à Ian’. Il avait la réputation
de parler plusieurs langues, dont « la langue éthiopienne » et « la langue des
oiseaux ». L’extension de cette tradition pieuse sur la rive africaine de la mer
Rouge est inconnue mais la présence de Šites à Zeyla est attestée par Maqrz
(K. al-Ilmm : 13). Le pèlerinage est suivi par les Anɖáa-k Maá-sárra. Les
tribus occupant la zone du Mūsaálli au ársa sont des Maá-sárra et des
Anɖáa. L’ensemble est appelé « Adrúmmi » (*Adó Rúm-li « blancs comme

1. Alé « montagne » est assimilée à l’arabe Alī ! Quelques éléments de toponymie arabe se
trouvent sur la côte de la mer Rouge (D.M., 2012), non dans l’intérieur.

307
MUSḤÁ

des Byzantins ») pour la blancheur supposée de leur peau. Ils forment une seule
fimá. Les Anɖáa disent n’avoir jamais migré et être seulement apparentés aux
Maá-s sárra. TOPONYMIE COLONIALE. Glí Adgnó, litt. « lieu à Acacia Seyal
(adgén) pour les chameaux », au pied du M4saálli, correspond à « Marci
Ageeno », également écrit « Maroy Ageeno » dans l’accord frontalier franco-
éthiopien du 20 mars 1897.
L : EA, III : 1080. Dans cet article, Colette Dubois inclut le « Mūs Alī » dans la bande de
territoire, objet de l’échange prévu dans l’accord non ratifié Ciano-Laval (1935), alors que la
zone triangulaire concernée allait de Đaɖɖató (à l’est du volcan) à Dumra (v.) et Đer Elwa sur
la côte au sud de Mulḥúli (voir notre rédaction rectificative en collab. avec W. Smidt, EA, IV :
333-334).

MUSḤÁ
Emprunt à l’arabe masá. Var. musá. Désigne l’état d’un récipient plein
jusqu’au bord : masá kinní « il est plein à ras bord ». C’est le nom du groupe
de trois îles et cinq îlots coraliens, au nord de Djibouti, élevés de 9 à 12 mètres
au-dessus du niveau de la mer, et de la principale d’entre elles. Deux
étymologies sont possibles : soit l’île « plate, au ras de l’eau » ; soit celle « au
large ». Dans l’arabe connu des marins afars souvent bilingues, musá désigne
« le large » (opposé à « la côte ») : musal yan « il est au large ». La forme
francisée « Moucha » vient d’une mauvaise lecture des cartes dressées par
l’Amirauté britannique et utilisées lors de l’implantation française, soit :
Musa * Mu-sha * « Moucha ». Cette dernière forme est encore inusitée en
1913 dans les Instructions nautiques qui, en décrivant le platier récifal, font
préférer l’explication d’« île plate, au ras de l’eau » (IN : 364-365) :
L’approche des îles Musha est dangereuse, car elles sont entourées de récifs de corail,
asséchant en partie à marée basse, qui s’étendent jusqu’à la distance de 1 mille ½ à 2 milles.
A l’Est des îles, les sondes sont très irrégulières ; on y trouve de très grands ressauts de fonds
jusqu’à la distance de 4 milles ½. (…) Le récif des îles Musha s’étend à 2 milles ½ au large
du plateau du Scorpion. Il est dangereux d’approcher des îles par l’Est, l’accore de ce récif
étant peu visible et prolongé par un grand nombre de pâtés de corail sur lesquels il reste à
mer basse 3 mètres d’eau environ.

L’île convoitée par la Grande-Bretagne et la France a été bornée par Lagarde,


alors à Obock, en avril 1888. MASKALI. Le nom de l’îlot voisin de Maskali
reste inexpliqué. On doit évidemment écarter l’amharique mäsqäl « croix »
comme le calembour somali mas qale « égorgeur de serpents ». Maskali
semble à relier à l’afar maskál (pl. masklá) qui désigne le filet de corde
suspendu, comme nous l’avons vu, au plafond d’un abri sommaire de pêcheurs,
aux Sept-Frères en 1974. On y place ce que l’on veut mettre à l’abri des
animaux nuisibles, par exemple du poisson séché ou des œufs de tortue. Le
journal de bord du Curieux incite à ce rapprochement quand il note à la date du
30 décembre 1708 que le canot envoyé sur sur ce qui semble être l’île de
Musá a observé « des espèces de cazes où des gens pêchaient la tortue ; qu’ils
y trouvèrent deux œufs d’autruche (…) ». *Maskál-li pourrait être l’endroit
caractérisé par la présence de ces filets dans une île fréquentée par des pêcheurs
saisonniers et infestée de rats comme le sont souvent les îles.
S : D.M. (2012 : 231) ; Archives nationales, Voyages à Mokha et dans la mer Rouge, 1708-1757.
Cité dans D.M., 2014 : 104.

308
N

NA‘ŌSÍNNA
1. Etymologie. 2. Trafic. 2a. Capture. 2b. Exportation. 3. Abolition.
« Esclavage, servitude ». Dérivé de nasá, pluriel de naásu « esclave mâle »
(fém. naasó, var. sud nasó), le nom a pour synonyme amára qui renvoie aux
Amharas, aux Ethiopiens chrétiens, mais aussi aux esclaves importés des
hautes terres. En afar, amartáh désigne quelque chose de péjoré. La
distinction n’est pas faite entre esclaves domestiques et captifs de guerre, sêwa
(v. Aɖaytá). Certains ont été intégrés dans la généalogie de clans importants,
comme les Dat-Afké-s sárra (v. Gnaniytó). La fréquence des noms de
lieux faisant référence aux esclaves est une indication des multiples routes et
points d’embarquement de ces « exportations ». Ex. Amartá, montagne près
du lac Giulietti (v.) ; Amar’mó, mont vers le lac Assal ; Nasóɖ ɖ « la
pierre de la femme esclave », à Galá le Foó1, oued par lequel, venant de
Dafarré, on rejoint la côte au sud de S!gállu. 1. Etymologie. Les héritiers de
Cheikh Anta Diop n’hésitent pas à rapprocher naásu de *Ne"esu qui désigne
en égyptien les « races noires au sud ». Comme pour les Bōn (v.), dont le nom
conserverait le souvenir du pays de Pount, tous les arguments sont bons, même
l’invocation d’une origine esclave ou castée, pour établir un lien avec l’Egypte
ancienne2. Sans référence à ce passé mythifié, on peut comparer : afar du sud
kedó « tribu » ; afar du nord kidó ; saho du sud kisó ; saho du nord kió ; bedja
kíia « esclaves » et supposer que cette proximité porte la trace d’un trafic lié à
la présence ancienne des Bedjas sur la côte. Leo Reinisch (Die Afar-Sprache,
II : 887) a rapproché naásu du guèze nə’əs « être moindre, inférieur », ce
qui s’accorde avec le statut de l’esclave. Le nom naásu est autant à rapprocher
du somali náas « sot », stigmatisation qui rejoint en bedja la « lourdeur »
d’esprit proverbiale des esclaves (i-kíia winnét diga blîba). 2. Trafic. La
participation active des Afars au commerce des esclaves est un des thèmes de
la littérature de voyage des XIXe et XXe siècles. Ce trafic a d’abord été le fait
de certaines familles spécialisées dans diverses activités de transit, dont celui
des êtres humains. C’est le cas d’Abū Bakr « Pacha » (v.), dont la parentèle
était présente aux deux bouts de la piste joignant la côte à B!té. L’étude
d’ensemble de l’esclavage en Ethiopie (EA, IV : 673-681) montre que les Afars
étaient loin d’en avoir le monopole, d’autant que le statut juridique de l’esclave
au regard du Fətha Nägäst demeurait ambigu. Le commerce — non la
possession — en théorie interdit aux chrétiens d’Ethiopie par décret royal,
explique que la traite ait surtout été le fait des musulmans. Bahru Zewde (1991)
a conforté la thèse qui fait du développement de l’esclavage au XIXe siècle une
conséquence de la politique d’expansion de Ménélik au sud, donnant naissance
à une nouvelle classe sociale réclamant une domesticité toujours plus
nombreuse. Bahru Zewde cite le cas d’Abba Jifar II qui payait ses frais
médicaux en esclaves. CRITIQUE DES DONNÉES. Pour se limiter à

1. Carte IGN, 1 : 100 000 (f. Tadjoura) ; (f. Dumera) Naásu ; (f. Khor Angar) Nasí báɖa « petit
esclave » ; (f. Ðaɖɖató) Nasí kmá « colline de l’esclave » ; (f. Dikhil) l’oued Nasó, etc.
2. Cf. Ciise M. Siyaad (1989) ; Ali Coubba (2004 : 119).
NA‘ŌSÍNNA

l’acheminement vers la côte des caravanes d’esclaves, un double problème est


posé : a. celui des conditions de leur capture ; b. des quantités « exportées ».
2A . Capture. Contre l’idée de rafles opérées par les trafiquants afars (Fontrier,
2003 : 51), les esclaves destinés à être transportés, enfermés dans des enclos
aux limites du désert (Alíyyu Amba, Abderrasūl, Farré), venaient de zones
plus lointaines, comme Rogé, à l’ouest de Däbrä-Bərhan. Ar!mó, près de
Farré, sera créé par Ma"ámmad « naggadras », second fils d’Abū Bakr
« Pacha ». Cecchi (1886-87, I : 489-490) indique qu’à Abderrasūl le cuivre qui
sert aux Oromos à confectionner des bracelets est importé de Tadjoura et de
Zeyla et est échangé contre des esclaves. La traite relevait d’un système
d’échanges d’abord fondé sur le troc et où l’argent a longtemps joué un rôle
secondaire. Le trafic d’esclaves, une fois devenu un des secteurs les plus
lucratifs de l’économie monétarisée (celui des armes l’était tout autant), n’a
jamais été l’unique finalité du commerce caravanier. Le capitaine Buret qui
voit arriver de Harar deux caravanes de 100 chameaux (sans esclaves)3 montre
bien que Zeyla et Abū Bakr ne vivaient pas que du trafic d’êtres humains. 2B.
Exportation. La question du volume de la traite demeure ouverte. A part
l’estimation nécessairement empirique de Combes (1841) à propos de Tadjoura
(in Fontrier : 59), il n’y a guère de statistiques précises. Richard Burton (1856)
estimait que 600 à 1 000 esclaves transitaient annuellement par Zeyla. Chailley
(1980 : 120) a interrogé « cheikh Issa », dans les années 1930. On trouve trace
de cette source (voir ci-dessous) chez Fontrier4 sans qu’il la cite explicitement.
Ralph Austen (1979) a évalué à plus de 474 000 le nombre des esclaves
exportés au XIXe siècle pour l’ensemble de la mer Rouge (soit 86 000 pour
Saw!kin ; 103 500 pour Massawa ; 52 500 pour Ra"aytó, Asab et Baylûl) et
232 500 pour les trois ports de Tadjoura, Zeyla et Berbera. Le gouverneur
Lagarde, dans une correspondance de décembre 1889, évalue à 2 000 le
nombre d’esclaves exportés annuellement par Tadjoura, soit exactement le
chiffre donné par Combes en 1841. Le chiffre est encore repris par Colette
Dubois (2013). En extrapolant, ce serait donc 200 000 esclaves qui y auraient
été exportés pendant le XIXe siècle, soit autant que pour l’ensemble du Golfe
d’Aden. Sans minimiser l’ampleur du trafic, on voit qu’il existe un problème
statistique dû à des sources qui sont demeurées des évaluations et dont la
compilation n’a fait qu’accroître le caractère approximatif. L’ENQUÊTE DE
CHAILLEY. En 1935-1937, Marcel Chailley séjourne dans la région de
Tadjoura. Il y rédige des Notes (publiées en 1980) où il consigne ce qui, à notre
connaissance, est la première enquête directe d’un administrateur colonial. Elle
mérite toutefois d’être reprise avec précaution. Chailley dit avoir interrogé
« cheikh Issa », personnage qui apparaît dans les Secrets de la mer Rouge de
Monfreid. Chailley écrit notamment (p. 119) :
Le commerçant de Tadjoura, par exemple, qui se proposait d’exercer ce
commerce, montait une caravane de plusieurs chameaux et se munissait de
marchandises diverses (…) ; puis, traversant l’Awsa, il se rendait vers les
marchés d’esclaves réputés comme Dawwé et B!té (…). Là, il s’installait puis

3. Fontrier (op. cit. : 117-118).


4. Fontrier (op. cit. : 56-57, 247).

310
NA‘ŌSÍNNA

allait écouler sa marchandise ; au cours de ses tractations, le négociant entrait en


relations, dans les cafés de la ville, avec les marchands d’esclaves abyssins.
Ceux-ci étaient à proprement parler des revendeurs ; ils s’approvisionnaient
auprès des soldats éthiopiens qui, au service d’un chef ou du Négus lui-même,
profitaient des expéditions militaires pour razzier les villages et s’emparer des
habitants (…). Les captifs étaient ainsi centralisés par les revendeurs : ceux-ci
les enfermaient dans une maison spéciale attenante à leur demeure, pêle-mêle,
sous la surveillance de quelques solides courbaches (…). Ils prenaient grand
soin de leur marchandises : il fallait pouvoir présenter au client des muscles
solidement dessinés, des peaux bien luisantes et des appâts bien ronds : la
nourriture était abondante (…).
On a la confirmation que les esclaves amenés à la côte étaient déjà en captivité.
Chailley indique ensuite (p. 120) que les esclaves « provenaient surtout des
races suivantes : G!lla, Kaffa, Koulo, Sid!ma, Walamo, Gurage, Jinjero (…) ».
L’énumération est empruntée à la nomenclature ethnographique européenne.
Pour donner le prix de vente des esclaves, « cheikh Issa » se réfère à « la
mercuriale moyenne sous Ménélik ». On doute de cette référence ancienne qui
semble davantage relever des lectures de Chailley que provenir de son
informateur, d’autant que la suite du texte (p. 120-121) contient des différences
sur les tarifs avec la raréfaction de l’offre après le traité d’abolition :
Les captifs servaient de convoyeurs, ce qui, en diminuant les frais de main
d’œuvre, rendait [dans] une certaine mesure les évasions plus difficiles (…).
Dans les ports, Tadjoura, Ra"ayto, Massawa…le caravanier parquait ses
esclaves à côté de sa maison dans un enclos muré (…) en attendant le départ
vers l’Arabie. (..) Le cours des jeunes vierges était de 5 000 à 6 000 thalers
[Fontrier (2003 : 247) indique 500/600 thalers], la fillette en atteignait 400, le
jeune garçon (…) 300, l’homme montait à 400, la femme déjà mariée ne cotait
plus que 250 thalers (…).
Le trajet des caravanes indiqué par Chailley est exact. Concernant l’étape
Dafarré-Allûli, en tête de l’oued Kálu, Chailley omet la halte quasi obligatoire
dans cet oued à Amarí gablá « la caverne des esclaves ». La piste rejoint
l’Awsa (v. piste Tadjoura-Choa) par le Ḥanlé, puis Ogág dans le Kaɖɖá
Gamárri, moins en vue que celle qui remonte la plaine du Ḥanlé. Le sultan
d’Awsa percevait à l’entrée et à la sortie de son territoire un impôt de 40 thalers
par captif, ce qui paraît beaucoup, si l’on y ajoute 4 thalers par chameau. Les
points d’embarquement étaient, entre autres, Ambabbó, S!gállu, loin des
regards indiscrets. 3. Abolition. Le traité d’abolition de l’esclavage signé entre
Lagarde et le sultan de Tadjoura (28 octobre 1889), 33 ans près celui signé en
1856 par le Britannique Coghlan avec les Habar Awal à Berbera, qui avait gêné
le trafic à Zeyla, a fortement réduit celui en territoire français. Il ne l’a pas
supprimé. Faute de moyens de surveillance, problème chronique d’une colonie
réduite à la portion congrue, la traite a perduré jusque dans les années 1930,
même si elle a diminué. La cause abolitionniste servira de prétexte à l’Italie
pour justifier sa conquête de l’Ethiopie (cf. Rouaud 1997b).
L : Austen (1979) ; Combes (MD, vol. 13 : 225) ; Fontrier (2003) ; Pankhurst (1964) ; D.M.
(2007). Dubois (2013) répète ce qu’elle avait écrit en 1997 et 1999, en s’en tenant aux
archives coloniales françaises. Elle y ajoute des « sources » romanesques (Monfreid) et
journalistiques (Kessel, guidé par le même Monfreid).

311
NASSÂR


Egalement Nassár. Peut-être de l’arabe anr. Tribu de la région de Sifani (v.),
dont certains éléments sont venus à Baylûl (v.) pour en prendre le contrôle avec
le soutien des M,daytó (v. Dankáli). Fractionnement. Les Nassâr descendent
de l’ancêtre éponyme, Nassâr b. Usmân b. Arbâhim b. Môday, ancêtre des
M,daytó. Sans commandement autonome, les Nassâr sont associés aux
Aggínni (v.), parmi les Asahyammára formant les Ba"rá Ka!dá (v.). Les
diverses fractions descendent des deux fils de Nassâr, Áli et Âlim. Ce dernier
est le père de Afaráytu (aussi Afarayyúli), ancêtre des Afará. La généalogie
des Nassâr s’intègre à celle des Asabbakári (v.), mais est contestée par les
Afará (v.). Légende. Âlim, qui était muet, fut envoyé par Nassâr étudier à
Tadjoura. Il en rapporta deux livres initiatiques : « le livre de l’Homme »
(Kitb al-ins) et « le livre des djinns ». Comme il était toujours muet, on
l’envoya à Baylûl. On égorgea trois taureaux, un noir, un rouge, un blanc, et il
se mit à parler. A son retour, on demanda à Âlim où il était allé. Il répondit :
« A Agá » (forêt près de Baylûl où les djinns et le vin de palme sont réputés
en abondance). On le surnomma « Agá-g gínni », donnant Aggínni. Une
variante dit que Âlim fut emmené dans une forêt par un djinn. Son frère Ali le
retrouva et lui dit, en le voyant s’enfuir : Idiy ag-gínnow (= Ad-gínnow)
« Arrête-toi, djinn blanc ! » ; d’où le surnom de Aggínni, qui est aussi le cri de
guerre (itró) des Afará (v.) Une autre généalogie fait de Nassár l’ancêtre des
Afará (v.), tandis qu’une troisième fait de Mômin le père de ‘Âlim.
Généalogie des Nassâr
Gulúb Maysará

Asabbakári Arabtá Nassâr

Áli Âlim

Mômin (Afará)

Distribution. 1. Entre les rivières Tal!lák et Gawwís (entre les Badoytá-m


mlá de l’Áwsa et les Ab-sá-Mára) : a. Aggínni de Ba"ári (Afnadó-s sárra,
Arkká, Tákil, Ð,fy!yí, As-M,daytó, Dat-M,daytó) ; b. Aggínni de Magénta
(.aysam!dantó, Grár, Tamít). c. Village de Baylûl ; 2. Chez les Arábta-k
Asabbakári (.aysantó, région de Aláb-Mabáy ; Bolkotó des Mogorrós) ; 3.
Chez les Kîu-k .enkébba (Asmandôli de Abá ; Bukurré de Áwra-Guleyná) ;
4. G-"úm k Dagába (.!míd-ik radé mára ; Se"ém-ik radé mára ;
Ma"amm,d!dí) ; 5. Nassâr k Baɖ"ittó (à .annakís, sur l’Awash) ; 6. Ab-sá-
mára (Ldí Nassâr, Bilí Nassâr) ; 7. Wíma (Ablé-k .aysam!lé).
S : Chedeville / Umar b. .ays!má ; HHL (Naw.) ; HL (in D.M., 1991 : 48).


Egalement Nassár. Petite tribu comptée parmi les Adáli Bur"antó de Tadjoura,
mais issue des Nassâr (v.). Fournissaient les bó, chefs des fimá masculines et
féminines, nommés par le sultan. Propriétaires du terrain où a été construite la
mission catholique.

312
O


L’interprète militaire Louis-Antoine Oehlschlager est né à Médéa (département
d’Alger), le 27 juin 1857. Il était le fils d’un originaire de Franche-Comté, venu
en Algérie, au début de la colonisation française, peut-être dès 1839. La
première orthographe du nom semble avoir été Öhlschläger avec deux trémas.
Carrière. La biographie du bras droit de Lagarde, sur laquelle n’existe que peu
d’indications (voir la notice succincte de Prijac, 2012 : 337) est résumée ci-
après. Oehlschlager commence sa carrière en 1883 comme interprète militaire
auxiliaire de 1ère classe en service à la subdvision du Kef (Tunisie). On ne sait
pas comment il s’est perfectionné en arabe au point de devenir interprète. Sans
doute en avait-il acquis les rudiments dans son enfance en Algérie. Il est
nommé officier dans l’ordre du Nichan Iftikhar, par le bey Ali Pacha en
septembre 1883. Devenu interprète militaire titulaire de 3ème classe, il est
désigné pour servir hors-cadres à Obock et prend son service auprès du
gouverneur Lagarde, le 22 septembre 1884. Il conservera cette affectation
jusqu’au 23 octobre 1893. Compte tenu de ses périodes de congés,
Oehlschlager aura séjourné un peu plus de 6 ans à Obock. A chacun de ses
congés, il partagera son temps entre la métropole et l’Algérie où il avait
conservé des liens familiaux. Le 4 mai 1893, il est fait commandeur du Nichan
al-Anwâr, ordre créé par le sultan de Tadjoura en 1887, non à titre honorifique,
comme beaucoup de fonctionnaires, mais « pour services rendus comme
intérimaire du gouvernement lors de l’épidémie de choléra » de l’année 1892.
Lorsque l’épidémie s’est déclarée le gouverneur Lagarde était en congé en
France. Joseph Deloncle, sous-commissaire de la Marine, qui assurait l’intérim,
est mort du choléra à Djibouti le 7 juillet 1892, puis le médecin de la Marine, le
docteur Aubry le 14 juillet. Oehlschlager s’est trouvé de facto en charge de la
colonie. Epuisé, un certificat médical lui octroie un an de repos. Il quitte Obock
le 10 janvier 1893 pour prendre les eaux à Vichy. Sa date de départ définitif
d’Obock (le 10 janvier 1894), où il ne revient pas en fin de congé, correspond
en fait à son retour en Algérie où il servira jusqu’à sa retraite en 1909. Il est fait
officier de la Légion d’Honneur en juillet de la même année. Il meurt à Paris en
août 1921, titulaire de plusieurs décorations, dont l’Ordre du Cambodge,
l’Ordre éthiopien de Salomon dont il avait été fait chevalier de 5ème classe en
1892 sur recommandation de Lagarde à l’empereur Ménélik. Marié en 1894, la
descendance directe d’Oehlschlager semble aujourd’hui éteinte. Vocabulaire
français-dankali. Oehlschlager est l’auteur du seul glossaire publié en français
sur la langue afare pendant la colonisation. La différence est ici nette avec
l’Italie dont l’implantation en Erythrée est l’occasion de nombreux travaux de
lexicographie1. Paru en 1891 (Oehlschlager en relit les épreuves pendant son
congé en France), l’ouvrage de 109 pages, qui compte près de 1700 entrées, est
composé à l’Imprimerie administrative (la prison) de Melun. Les 250

1. On ajoutera ici le retard dans la reconnaissance géographique de la colonie. Quand Vinassa de


Regny parcourt l’Erythrée dès la fin de 1919, les premières descriptions scientifiques de la
CFS d’Aubert de la Rüe et Bésairie datent seulement de la fin des années 1930.
OEHLSCHLAGER

exemplaires sont livrés au sous-secrétariat du ministère des Colonies pour un


coût de 152 francs. Le livre comporte un vocabulaire (pages 7-69), et une partie
grammaticale, principalement constituée de conjugaisons de verbes usuels.
Oehlschlager a bénéficié de l’aide de Burḥán bey (v.) avec lequel il pose sur
une photo prise par Alphonse Liebert, sans doute lors de leur séjour avec le
gouverneur Lagarde à Paris pour l’Exposition universelle (6 mai-31 octobre
1889). Cette collaboration avec Burḥán bey donne un ouvrage qui, au-delà de la
médiocrité des transcriptions, contient plus que le « vocabulaire simple et
complet » des ouvrages du genre. Il est remarquable que ce dernier n’a pas été
repris systématiquement dans les travaux ultérieurs, qu’ils aient été menés à
Djibouti (Luc Kern), en Ethiopie (Enid Parker) ou en Erythrée (Ilario
Capomazza2 ne le mentionne pas dans sa bibliographie). Quoique référencé par
Enid Parker (1985 : 305), le Vocabulaire d’Oehlschlager n’est pas analysé.
REINISCH ET OEHLSCHLAGER. Il est intéressant de comparer les deux ouvrages
contemporains que sont le Dictionnaire de Leo Reinisch3 et le Vocabulaire de
Oehlschlager. Malgré leurs différences de fond, d’un côté, un ouvrage
académique à visée comparatiste, de l’autre, un glossaire à l’usage des
administrateurs coloniaux, les deux livres rendent compte du registre élevé
dans les deux dialectes de la même langue. Cette exigence commune est à
mettre au compte de la qualité de leurs informateurs respectifs. Leo Reinisch a
eu pour interlocuteur le « roi » de Bôri, Bilál b. « Asá nugús » Gidár (v.),
Oehlschlager a eu pour informateur Burán bey. Les deux ouvrages font
souvent référence aux vocabulaires spécialisés de l’agro-pastoralisme ou plus
généralement du domaine savant. Le glossaire d’Oehlschlager est parfois le
mieux informé quand il donne okoubbé [ukubbé] « feuillet, troisième poche de
l’estomac des ruminants ». Le terme n’est pas mentionné par Reinisch. Parker
(1985 : 203) le traduit improprement par « duodenum ». Oehlschlager est le
seul à donner des termes comme konnaba « honneur, considération », baḥákku
« amont », termes inconnus de Reinisch et Parker. Oehlschlager qui devait
converser le plus souvent en arabe avec Burḥán bey, tous deux étant des
arabisants confirmés, n’a introduit que peu d’arabismes. Il écarte les plus
évidents (ceux de la technique) pour privilégier ceux, plus rares, du registre
haut, comme asmá « terme de la vie, heure suprême ». Le trilinguisme de
Burán bey (celui-ci avait plus que des rudiments de français) n’a pas influé sur
ce qu’il a transmis de sa langue maternelle, et qui est encore attesté dans les
textes de style oral. On trouve consigné des mots comme « rhinocéros »,
« trompe d’éléphant », qui n’étaient pas encore des archaïsmes dans la vallée
de l’Awash, et qui maintenant ne se rencontrent que dans les contes populaires.
Le Wörterbuch de Reinisch demeure naturellement l’ouvrage le plus complet
en fournissant des contextes d’emploi et en rendant compte d’un savoir
traditionnel tombé depuis dans un quasi-oubli, celui de l’astronomie (v.
Mafgadá).

2. La lingua degli Afar, 1907.


3. Leo Reinisch, 1886-87, Die ‘Afar-Sprache, Sitzungberichte der Kaiserlichen Akademie der
Wissenschaft, Philos.-hist. Klasse, II (Afar-deutsches Wörterbuch) 113, 795-916 ; (Deutsch-
Afar’sches Wörterverzeichniss) 114, 89-168, Wien, Carl Gerold’s Sohn.

314
R
RABEYNÁ
Pl. rabeynní. Cérémonie mortuaire du bout de l’an. Elle a lieu de préférence
pendant les mois de Rabī II et umād I (2ème et 3ème mablūd), Šabān (Sm-
bâhi), Šawwāl (Sm-fátri) et ū’ l-Qada (Qerfa-bâhi). Elle dure généralement
trois jours et commence le dimanche après-midi (orbé etnên), à Tadjoura. Un
de ses rites consiste à apporter des cailloux (iddé) de la plage pour le tahll.
Chaque participant-récitant en déplace une pierre du tas disposé devant lui,
chaque fois qu’il prononce « l illh illllh », jusqu’à atteindre le chiffre de
1000. Les pierres ayant servi à comptabiliser la récitation sont ensuite mises
dans des paniers, puis disposées sur la tombe du défunt (tahlīl iddé hayís). La
tenue de la rabeyná, un an environ après le décès du sultan, retarde d’autant
l’intronisation du successeur. La détermination exacte de la date de début de
règne en est rendue parfois malaisée (voir le cas de Maámmad b. Mandáytu,
n° 20 dans la liste des sultans de Tadjoura, ou la succession de Dîni b.
Maámmad et de Burán « Asá Dardár », respectivement n° 11 et 12 de la
liste de Raaytó, pour lesquels les dates de rabeyná ne sont pas connues).
Rabeyná est l’autre nom d’une figure géomantique (v. p. 323).

RAḤAYTÓ
1. Situation géographique. 2. Territoire du sultanat. 3. Régime fiscal. 4. Lignée des
sultans. 5. Chefferies et tribus du sultanat.
Admin. Raheita. 1. Situation géographique. Agglomération à env. 55 km au
sud d’Assab (Asáb), résidence du sultanat Adáli. Le nom Raaytó est formé
sur le verbe ra « sourdre », « jaillir » : raeyná « griffon (d’une source) ». La
référence toponymique a la ressource en eau est conforme à ce que l’on
observe en de nombreux points de la côte (v. Midír, Baylûl, Tadjoura, etc.).
Elle diffère de ce que la cartographie a pris en compte. La première indication
européenne est peut-être da furna « la caverne » sur la carte de Lazaro Luis
(1563), au sud de « Masua », correspondant à Gablá « grotte », la chaîne
continentale de l’île de Dumrá (v.). La carte qui accompagne le récit de Bruce
(1790) indique Raheeda, [un peu trop à l’ouest, à l’intérieur du] K [ingdom] of
Dankali. Conti Rossini (1928 : 58, 60, 102 sq.) a identifié Raheita au site
antique de Deir Epi Dires (Bté Raaytó, au nord du village actuel ?). Des
blocs de basalte ressemblant à des meules et des trous qui pourraient être
d’anciens silos accréditent cette hypothèse qui reste ouverte (Desanges, 1982,
1994). Au début du XXe siècle, Raaytó compte « 70 huttes bien construites [v.
Handag] habitées par environ 300 habitants » (IN, 1913 : 240). 2. Territoire
du sultanat. La limite part de Sasalé (v. Traité de Paris de 1862), sur la côte,
vers Aláy Dbá, Bokól Garbó, Nab-êeb, au nord-est de Dawá (Wakilt’abá) ;
puis gagne le Wimá qui fait frontière jusqu’à Ðaɖɖató, par Aftí Ðaɖató, dans
l’oued, au nord de Yaygóri. Elle continue jusqu’au Msaálli (Wagrén
Wagartó) et Bré. Ðaɖɖató, avant d’être un toponyme, désigne une plaque
rocheuse imperméable ou un obstacle infranchissable, un précipice, ce qui est
la situation de Ðaɖɖató sur l’escarpement surplombant l’oued Wimá. Ðaɖató
RAḤAYTÓ

est le fait de couler en continu, ce que le nom Wimá (v.) sous-entend : Aftí
Ðaɖató (avec un seul ɖ) est « l’écoulement de l’embouchure » de cet oued
maintenant quasi à sec. 3. Régime fiscal. L’impôt dû au sultan (isó) est payé
en chèvres ou en thalers à 36 percepteurs (ulūlá, sg. ulúltu ou ulúlta). A
l’époque italienne, le sultanat payait 700 lires par an. Pour donner un ordre de
grandeur, l’exercice financier 1938-1939 de l’administration italienne indique
un total de 11 000 lires pour la « Dancalia meridionale », donc une contribution
marginale du sultanat en liaison avec son très faible peuplement. L’impôt de
capitation à l’époque éthiopienne reste modique (0,5 dollar par tête). La
chefferie Adáli-k-Ská payait 63 dollars éthiopiens par an (en 1956). Une
partie des Farká-b buɖá, qui avait refusé de payer le isó, a été chassée, et s’est
installée chez les Darumá de Ballâal. 4. Lignée des sultans. L’alternance du
pouvoir, comme à Tadjoura (v.), n’apparaît qu’après le quatrième sultan,
« Adállom » ámad, à la suite, semble-t-il, d’une décision de Dîni b.
« Adállom » ámad d’associer son frère Burán au pouvoir (ou ámad b.
Burán). Cette alternance entre Dīnitté, descendants de Dîni, et Burḥantó, issus
de Burán, est mentionnée ci-après respectivement D. et B. En supposant des
générations de trente ans, on obtient une chronologie qui confirme la tradition
d’une fondation du sultanat de Raaytó, vers 1600, postérieure à celle de
Tadjoura, par division de ce dernier, alors seul existant. Les récits de fondation
se superposent ici, dus à l’homonymie entre « malîk » Mismár, le sultan Anklá
(v.) meurtrier de « Datá » Gúra, père de « Gibdí » ámad, et Mismár, père du
même « Gibdí » ámad dans la tradition Adáli de Raaytó. Celui-ci, après le
retrait des Anklá de Raaytó à Asáb, revint à Tadjoura pour réclamer un
territoire. La tradition rapportée par Péri raconte qu’il frappa de sa lance une
grosse pierre située près de la maison du vizir de l’époque et la perça en
déclarant : « Mes terres s’étendent de Warraysá Ðagád [zone des salines
d’Assab] jusqu’ici », définissant ainsi le territoire du sultanat. Ce motif connoté
de la lance plantée dans une pierre (maáɖu désigne « la lance », mais aussi
« la troupe en expédition guerrière ») se retrouve dans la légende
d’« Ayrolasé » ámmadu, racontée par Mohamed Aden (2006 : 23). « Gibdí »
ámad reçut un lot, globalement à l’est de la ligne Raysáli-Msaálli, de même
étendue, mais plus riche en isó que Tadjoura, pour compenser l’absence de
revenus portuaires. Il se rasa, prit le turban et fit faire la cérémonie
d’investiture, se proclamant sultan. Il épousa une fille Ablé dont il eut un fils
Abdúlli, qui fut son successeur.
Liste des sultans Adáli de Raaytó
1. « Gibdí » ámad (c. 1600). 2. Abdúlli (c. 1630). 3. Kâmil (c. 1660). L’aîné
du sultan Kâmil, amâsi, qui devait être le troisième successeur de
« Gibdí » ámad, refusa de rester au pays et s’enfuit, dit-on, à
Mogadiscio, avec les dinkrá (v.), insignes du pouvoir des sultans. Son
frère « Adállom » ámad voulut aussi partir, mais les Badoytá-m mlá
s’y opposèrent. Il n’accepta de rester que si on lui rasait la tête, ce que fit
le chef des Badoytá-m mlá, qui sont en charge de ce rituel à chaque
intronisation du sultan.
4. « Adállom » ámad (c. 1690).

316
RAḤAYTÓ

5. Dîni b. « Adállom » ámad (c.1705), D. Viz. Burán b. « Adallóm »


ámad (ou ámad b. Burán).
6. ámad b. Burán b. « Adállom » ámad (c. 1755), B. Viz. Burán b. Dîni
b. « Adallóm » ámad.
7. Burán b. Dîni (c. 1755), D. Viz. Burán « Saddik » b. ámad.
8. Burán « Saddik » b. ámad (c. 1780), B. Viz. Maámmad b. Burán b.
Dîni.
9. Maámmad b. Burán b. Dîni, D. (c. 1815). Viz. Maámmad b. Burán
« Saddik ».
10. Maámmad b. Burán « Saddik » (1839), B. Viz. Dîni b. Maámmad.
11. Dîni b. Maámmad (1862-1863), D. [Co-signataire du Traité de Paris (v.)].
Viz. Burán b. Maámmad b. Burán « Saddik ». A la mort de Dîni, il y
a eu compétition entre son fils aîné Burán, de mère Ská, et ses enfants
d’un autre lit, Maámmad et ámad, nés de Asawká b. Ali-Wárki
(Aydamní, voir infra).
12. Burán, dit « Asá Dardár », b. Maámmad (1863-20 octobre 1884), B. [A
vendu Assab aux Italiens en 1879]. A eu neuf épouses, toutes Ská. Viz.
Burán b. Dîni. Ce dernier a été écarté du pouvoir, accusé d’avoir fait tuer
par le sultan d’Áwsa, anfaɖé, ses frères Maámmad « Asawkáytu » qui
s’était proclamé sultan dans le Mablá, et ámad, en 1863 (?) Un rapport du
Surcouf (17 décembre 1864) indique que le sultan Dîni était mort 18 mois
auparavant (vers août 1863 ?) et que l’affaire de la succession, soumise au
sultan de l’Awsa, n’était toujours pas réglée. L’arbitrage du sultan des
Debné úmmad b. Looytá (v.) étant demandé, celui-ci déclara que la
couronne ne pouvait aller sur la même tête que la plume (insigne du
meurtrier). Le titre de vizir fut alors conféré à úmmad b. Maámmad.
Avec l’acquisition d’Assab (v.), le sultanat, dont le territoire est partagé
entre la colonie d’Erythrée et la colonie d’Obock, devient l’enjeu de la
rivalité franco-italienne. A la mort du sultan Burán, le sultanat passe sous
protectorat de l’Italie qui s’en institue l’héritière. Le 29 novembre 1884,
Rome proteste au nom du sultan (mort le 20 octobre) contre l’occupation
française de Khor Angar. Le vizir Burán b. Dîni a mis en cause la validité
de la cession de territoire de 1862. Cette contestation est mentionnée par
Borelli (1890 : 4). Elle est reprise par Ahmed Dini (in Ali Coubba, 1998 :
26-27), au motif juridiquement fondé que la terre wanó (v.) est inaliénable.
Mais le 25 janvier 1887, suite à l’annexion italienne, le sultan de Raaytó,
réconcilié avec Lagarde, signe une déclaration confirmant la cession faite
par son père en 1862. L’administration française considérera désormais
comme sa propriété le territoire ainsi vendu, déniant au sultan le droit d’y
percevoir l’impôt. Cette interdiction deviendra effective à partir de 1943
(corresp. Crouan, 23 novembre 1945). On note que Lagarde a accusé
Burán b. Dîni d’avoir empoisonné le sultan l’« année précédente »
(correspondance du 6 septembre 1884, Affaires étrangères, MD, 3, 65),
alors que les sources italiennes indiquent sa mort le 20 octobre 1884. Un
autre contestataire de la cession d’Obock et de la côte est Ali-Wárki, le père
de Asawká, mère de Maámmad et ámad. L’anecdote veut qu’il ait refusé
de servir le souper (ašá) au sultan Dîni, co-signataire du Traité de Paris,

317
RAḤAYTÓ

lors de son passage dans la région ; plus tard, il cessera de lui payer l’impôt
(isó), déclarant ne pas reconnaître « les descendants de aɖal-Mâis », soit
les Adáli qu’il accusait de brader la terre ancestrale.

Lignée des sultans de Raaytó

1300 aɖal-Mâis

1330 Gulub-Kêna

1360 Adâal

1390 Gallâmir

1420 « Ðogorré » Umar

1450 « Datá » Gúra

1480 úmmad

1510 Dîni

1540 Hindiwân

1570 Mismár

1600 1. « Gibdí » ámad

1630 2. Abdúlli

1660 3. Kâmil

1690 amâsi 4. « Adállom » ámad Ramân

1705 5. Dîni Burán Abdallá

1755 7. Burán 6. ámad [fraction Abdallâli]

1780 8. Burán « Saddik »

1815 9. Maámmad 10. Maámmad (1839)

1862 11. Dîni 12. Burán « Asá Dardár »

Burán Maámmad ámad 14. « Kaɖɖá » Maámmad ámad Áli


(destitué)
1887 13. Mdiná-ḥ úmmad Dîni (d. en 1939) Maámmad
(informateur de Lebrun)
c. 1944 15. ámad Maámmad 16. Abdó
(d. 1944)
1952 17. Dawúd 18. bkári Burán Dawúd

19. Abdulkâder
Dnitté Burantó

318
RAḤAYTÓ

Ce reproche de collaboration, y compris des Adáli de Tadjoura, avec


l’occupant européen ne cessera pas (voir l’adresse de Matré (Debné
Looyttí) à la fin des années 1920, in D.M., 1997 : 129) :
Gaá yab Tagórri fillál relé De mauvaises choses se produiront à Tadjoura
Bɖó Adáli bâtih bayelé Le pays sera détruit par les Adáli

Convoqué en Awsa pour s’expliquer, Ali-Wárki s’y rend et précise au


sultan que ce qu’il ne reconnaît pas, ce sont les « giralé aɖal-mâis »,
les aɖal-mâis en armes : les Français qui se sont substitués aux Adáli
descendants de aɖal-Mâis.
13. úmmad b. Maámmad b. Dîni (1887-1910), D. Viz. (en 1890) ámad
« Asá Banóyta » b. Burán « Asá Dardár », puis en 1899 (?), « Kaɖɖá »
Maámmad b. Burán « Asá Dardár ». Le sultan úmmad, dit
« Madná- úmmad » (du nom de sa mère, Madná), refusera de
reconnaître toute cession de territoire aux Italiens. Il résidera en CFS en
1899, puis rentrera en Erythrée en avril 1900 et sera incarcéré. Il ne
sortira de prison qu’en 1910, pour mourir, après qu’on lui eut fait inhaler
un gaz toxique. L’ordre de succession entre 1910 et 1945 n’est pas
clairement établi. On peut supposer la chronologie suivante :
14. « Kaɖɖá » Maámmad b. Burán (1941- ?), B. Viz. ámad b. úmmad.
15. ámad b. úmmad (1936-1944), D. [Pour l’administration française, il ne
peut être que le « sultan d’Obock » et non de Raaytó, agglomération en
territoire italien.] Viz. Abdó b. « Kaɖɖá » Maámmad.
16. Abdó b. « Kaɖɖá » Maámmad (1945-janvier 1950), B. Viz. Dawúd b.
Maámmad b. úmmad. La rabeyná de fin de deuil a eu lieu le 24 mars
1951.
17. Dawúd b. Maámmad (né vers 1910 ; sultan en mai 1950 ; mort à Obock,
le 20 décembre 1982), D. Viz. bkári b. Abdó b. « Kaɖɖá »
Maámmad. Sur la période 1934-1945, une correspondance du
commandant de cercle de Tadjoura, Crouan (23 novembre 1945), donne
quelques précisions chronologiques :
En 1934, Dawud Mohamed, tribu Adali, sous-tribu Dinitté, a été nommé
sultan de Raheita, en remplacement de son oncle Ahmed Houmed Dini
[ámad b. úmmad — n° 15 dans l’ordre de succession]. Ce dernier, chassé
de son pays, vint habiter chez nous. En mai 1945, Abdou Mohamed, tribu
Adali, sous-tribu Bourhanto, vizir, a été nommé sultan de Raheita, en
remplacement de Daoud Mohamed. En 1934, la coutume n’avait pas été
repectée par les Italiens, Daoud Mohamed a été nommé sultan alors que le
véritable sultan n’était pas décédé. Actuellement, Daoud Mohamed est vizir
de Raheita.
Dans une lettre au gouverneur de la Côte française des Somalis (9 janv.
1945), le sultan Dawúd b. Maámmad se plaint de n’avoir pu se rendre
dans le Mablá depuis 1942 et d’avoir été expulsé d’Obock l’année
suivante. En février 1965, à l’occasion du passage d’une commission de
l’O.U.A. en Áwsa, le sultan Dawúd se déclare « représentant des Afars
de Raaytó et d’Obock ». L’administration française supprime sa solde,
ainsi que celle de son vizir et leur réitère l’interdiction d’entrer en CFS.
319
RAKĀKÁY

18. bkári b. Abdó b. « Kaɖɖá » Maámmad, B. Intronisé le 5 février 1984.


Viz. Abdulkâdir b. Dawúd.
5. Chefferies et tribus du sultanat. Le sultanat comprend cinq ɖintó qui
transgressent la frontière djibouto-érythréenne : 1. Chefferie Adáli-k Ská
(dont les Adáli dits « Datá Gúra », Dnitté et Burantó, lignages des sultans) :
Ramantó, Seemtó, Dnibaɖitté, Banoytitté, Ská ; 2. Chefferie Basmá (v.)
comprenant les Adáli, dits Gaddalé Ali-s sárra (Abardá--umaddó, Afillá,
Madnní, Mirgantó), Ayrolassó, Baɖittó, Amasá, Mdaytó ; 3. Chefferie
Maanɖíyta (Ysibtó, ámad-Loggá, Agoritté, Unɖá-Utbantó, Dat-
Maammadó, ásan-Baglitté, Dawuddó, Umartó, Ygúri) ; Alé-b buɖá
(Damblá, Ulutó, Dortimlá) ; 4. Chefferie Kná líh buɖá (v.) « maison des
cinq puits » : asbá du Mablá, Mdîma, Tákil, Asmlá, Ḥayís ; 5. Badoytá-
m mlá (v.) de la plaine d’Obock (dénombrés en trois groupes à l’époque
française) et dits : Badoytá-m mlá Aydamní (fractions de Ali Wárki) ;
Badoytá-m mlá II (Okkó, ou ayis I) ; Badoytá-m mlá III (ayis II).
S : Albospeyre (1959) ; Affaires étrangères, MD, 3, 65 ; Baudin, Lebrun (in Péri, 1938) ; lettre
du cne Crouan au gouv. de la CFS (23 novembre 1945) ; Chedeville (Afars), comm. pers. L : Ali
Coubba (1998 : 26-27) ; Borelli (1890 : 4) ; Eusebio (1915).

RAKĀKÁY
Néologisme formé sur riké-h akkáy « lieu ancestral ». Pl. rakkayitté (ci-après
en orthographe afare). 1. Région : rakaakay maro, conseil régional (au sens
fr.) ; waqlâ rakaakay, fuseau horaire (calque ang. time zone). 2. (Ethiopie)
Région fédérale (depuis 1995) : qafar agattiinoh rakaakayih doolat (QARD),
gouvernement de la région de la nationalité Afar. D’après les statistiques
officielles, la région, d’une superficie de 160 000 km2, représente 1/8ème de
l’Ethiopie et 4 % de sa population totale. Sa capitale a été créée à Samara. La
région est bornée au nord et à l’est par la frontière érythréenne, la République
de Djibouti ; au sud par la région Oromo ; à l’ouest par les régions Amhara et
Təgray. Dans la traduction afare de la Constitution (art. 9, 39, etc.), rakaakayal
yan mara « les gens de la région » se comprend comme les originaires de celle-
ci, avec donc une divergence potentielle au regard de la Constitution
fédérale qui fait référence aux « citoyens d’Ethiopie » sans distinction (cf. art.
41, amh. yä Itiop’iya zegoč). Une nouvelle terminologie énumère les
subdivisions du rakaakay : rasu, zone (= doon) ; daar, district (= warada ;
amh. wäräda) ; awda, quartier ; mekefta, bloc d’habitations. La région afare
comprend cinq zones (rasu), vingt-neuf districts (daar) dont un « séparé » (dit
« Argobba-liyu » : amh. ləyyu « spécial ») et 358 quartiers (awda). ZONES ET
DISTRICTS (en orthographe afare). Zone 1 : districts de Aysaqíyta ; Afambó ;
Dubté ; Qeeli Daqár ; Millé ; Sifrá. Zone 2 : districts de Abqaalá ; Niqinlee ;
Afxeerá ; Baraclé ; Konnába ; Erebtí ; Qado Kúwa (Xalol). Zone 3 : districts de
Gawwaaní ; Galáqlu (= Buuri Moodayto warada) ; Qanxixxó (= Qammi Baxi
w.) ; Hawwaas (= Fanti-Qaleh w.) ; Dullassá ; Qargóbba (= Qargubbi w ;
Qargobbi w. = Argobba-liyu). Zone 4 : districts de Kalluwan (= Guuleenâ w.) ;
Daráytu (= Awrâ w.) ; Alale Sublá (= Uwwâ w.) ; Yalló, Guuc (= Teeri w.).
Zone 5 : districts de Nammaleeffan (= Talaalak w.) ; Xaale-Faagé ; Wada-
Raagé (= Dawwê w.) ; Caxa le Qeela (= Furse w.) ; Koomaami (= Samu

320
RÁMRI

Roobih w.). La liste des 29 wäräda translittérés approximativement en


amharique ne note pas les voyelles longues. Elle est employée dans les textes
en anglais et influe sur l’usage afar (v. Gawwâni). Elle comprend : 1. Dalol
(sans ɖ rétroflexe) ; 2. Koneba ; 3. Berhale ; 4. Ab-Alla ; 5. Afdera ; 6.
Arabati ; 7. Megale ; 8. Yallo ; 9. Teru ; 10. Elidar ; 11. Dubti ; 12. Awra ; 13 ;
Gulina ; 14. Ewa ; 15. Chifra ; 16. Mille ; 17. Asaita ; 18. Afambo ; 19.
Telalak ; 20. Dewie ; 21. Artuma ; 22. Gewane ; 23. Buremudaitu ; 24. Fursi ;
25. Semurobina (Galealo) ; 26. Amibara ; 27. Dalecha ; 28. Argobba-Liyu ; 29.
Awash-Fantale où la limite administrative avec la région Oromo est entre
Metahara et « Awash Lodge ».
RÁMRI
1. Règles. 2. Applications. 3. Formulaire.
« Duomancie ». La duomancie (terme préféré à géomancie) désigne le système
formé de seize vecteurs binaires de dimensions quatre, ou figures résultant de
l’aménagement de deux signes par groupe de quatre (Jaulin, 1966 : 11-12). De
l’arabe raml (arb al-raml), le rámri désigne la technique divinatoire,
largement répandue en Afrique, fondée ici sur l’emploi de 34 petites pierres
(ɖet, sg. ɖ) ou d’objets équivalents (grains de maïs, coquillages) par les
Adohyammára, 44 cailloux par les Asahyammára (v.), comme les Somalis.
Certains Oromos en emploient 64. Les règles diffèrent d’une communauté à
l’autre. Celles indiquées ici sont appliquées chez les Debné. L’opération
comporte deux étapes, appelées Geɖsó et Amokradá. Le devin qui pratique la
géomancie est le ramri-baáli « maître en ramri » (cf. Reinisch, in D.M., 1999 :
226).

Les huit figures du RáM RI


Afar : Gíta Gamá Oklá Kitmá Busgibdá Nefádu Rakub-Ári Sankafɖáyi
• • • • • • • • • • • •
• • • • • • • • • • • •
• • • • • • • • • • • •
• • • • • • • • • • • •
Arabe : !arq al-ama "ik I#tim Nu$ra Nu$ra Ašqar Qab% adD(il
(= Uqla) al-)ri#a ad-D(ila (= Qab% )ri#)

1. Règles. A . Geɖsó. L’opérateur s’assied face au Sud le matin, de façon à ce


qu’aucune ombre ne se projette sur les figures. Avant le tirage, l’opérateur
dit trois fois sidīá way sári « justice par trois fois », sidīá way sáddi
« certitude par trois fois » (cette répétition par trois fois conférant à l’opération
une valeur solennelle). Il prélève en une fois, de la main droite, les pierres d’un
tas. Prendre exactement 34 pierres est un présage de réussite. Après avoir
prononcé la formule voulue (voir ci-après), il pose (« frappe », agur) les pierres
de haut en bas, sur une surface propre en un rang de quatre tas. Puis, il les retire
2 à 2 jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’une ou deux par tas. Comme les pierres sont
en nombre pair (34), et qu’on en a retiré un nombre pair (2 par 2), il ne peut en
rester qu’un nombre pair : 4, 6, ou 8, c’est-à-dire 4 8 1 ou (2 8 2) + (2 8 1) ou
4 8 2. Il n’existe donc que huit combinaisons (ári « maison ») possibles sur les
seize que reconnaît la géomancie arabe (al-Bn). Cette opération est

321
RÁMRI

renouvelée trois fois, produisant en tout quatre figures. Pour que l’opération
réussisse, l’opérateur doit dire quel est l’objet du tirage. Il dira, s’agissant de
pluie : rob radínnah « la pluie tombera-t-elle ? » ; pour un malade : heklí
aftínnah ? A biyâkat rabé wânnah « un tel guérira-t-il ? Ne mourra-t-il pas de
cette maladie ? ». Le temps de la prédiction est le non-concomitant sans
antériorité relative1. L’opérateur pose l’hypothèse comme réalisée : en disant
(litt.) « la pluie (rob) étant tombée (radínnah) » ; « un tel (heklí) étant guéri
(aftínnah) ». Constatant la figure obtenue, on dit à l’opérateur : rob, dirâbat
má ybin « ne mens pas concernant la pluie ».
B . Amokradá. L’opérateur reconstitue quatre tas correspondant aux quatre
figures trouvées. Dans la variante A ci-dessous, les tas 1 (le plus à gauche de
l’opérateur) et 3 sont « la tête » (amó). Les tas 2 et 4 (le plus à droite) sont « la
suite » (saláf ou dgá). Dans la variante B, la « lecture » se fait verticalement
dans chaque colonne.
Colonnes 1 2 3 4 Colonnes 1 2 3 4
Var. A. • • • • Var. B. • • • •
amó • amó •
daffeyná • daffeyná •
• amó saláf •

Chaque figure est aussi considérée verticalement, suivant sa tête et sa « base »


(daffeyná). On note les totaux concernant amó et saláf. On en fait le total
(gudé). On retire les pierres 2 par 2 de chaque tas en ne laissant qu’une ou deux
pierres. On obtient ainsi une nouvelle figure. Si celle-ci est déjà « tombée »
(raddé) dans la phase 1 (Geɖsó), on dira, s’agissant par ex. de Kitmá : yewé
Kitmá « Kitmá déjà sorti ». Si elle ne l’est pas encore, on dira qu’elle est
« Kitmá de Amokradá » (Amokradá-k Kitmá). Compte tenu d’interprétations
propres à chaque devin, les figures sont associées aux présages suivants :
Gíta (ou Tarík ou Tarék) : nouvelle(s).
Gamá : pluie, arrivée d’homme(s) important(s), le gouvernement.
Oklá : pluie, arrivée d’un véhicule, femme, troupeau.
Kitmá : pluie, arrivée d’un homme, guerre, sang, prison.
Busgibdá : arrivée d’un véhicule, femme, troupeau.
Nefádu (ou Nefâdu) : pluie, rire, contentement.
Rakub-Ári : portage, transport, arrivée d’un colis.
Sankafɖáyi : figure défavorable, fatigue, échec.

Si une combinaison répétée a plus de force, elle peut aussi se gâter (yafsidé).
Quatre fois la même figure est un mauvais présage. Quatre fois Gíta indiquent
la peur, l’égarement hors du chemin à suivre. La concordance ou discordance
pair / impair influe sur l’interprétation du chiffre obtenu en tête, à la base.
2. Applications (variante A) : EXEMPLE 1. « Que va-t-il se passer ? ». En
Geɖsó, on a obtenu : Oklá (un véhicule va arriver) ; Gamá (avec un homme
important) ; Gíta (qui apporte des nouvelles) ; à nouveau Gíta. En Amokradá,
on obtient quatre tas : amó en col. 1 + 3 = 5 ; en col. 2 + 4 = 6 ; daffeyná en col.

1. Cf. D.M. (2012b : 38).

322
RÁMRI

1 + 3 = 5 ; en col. 2 + 4 = 6. L’opérateur énoncera : amó : tabán k ɖ « tête :


dix et une pierre » ; saláf : tabán k ɖ « suite : dix et une pierre ». L’égalité de
la « tête » et de la « suite » est considérée comme favorable (amô k saláf títtal
missowté). En enlevant un nombre pair de chaque tas, la figure obtenue est
Busgibdá (1-1-2-2). C’est un bon présage : la figure obtenue en Amokradá
(arrivée d’un véhicule, femme, troupeau) confime le tirage en Geɖsó. Ce que
l’on attend se produira rapidement (kah gurinnânim, ɖáyuk geytá).
Oklá Gamá Gíta Gíta
• •• • •
amó •• •• • •
•• •• • •
daffeyná • •• • •

5 5 6 6 Total (gudé) = 22
amó
saláf

EXEMPLE 2. Voulant savoir si la pluie va tomber, on obtient en Geɖsó, les


quatre figures suivantes : 1. Kitmá (pluie) ; 2. Busgibdá (troupeau). 3. Nefádu
(pluie). 4. Rakub-Ári (transport), soit : amó (7 + 5 = 12) ; saláf (5 + 7 = 12) ;
gudé : 24. Le tirage en Amokradá produit Gíta (1-1-1-1), indiquant un
déplacement pour trouver une pluie qui sera abondante. Il existe naturellement
des variantes dont celle, qui semble une évolution récente, qui ne différencie
pas les deux termes du tirage (amô et saláf). Pour reprendre le premier
exemple, après addition à droite et déduction 2 à 2, on obtient la figure tewé
Oklá (1-2-2-1) « Oklá déjà sorti ».

Oklá Gamá Gíta Gíta


• •• • • = 5, soit : 1
amó •• •• • • = soit
6, : 2
•• •• • • = 6,soit : 2
daffeyná • •• • • = soit
5, : 1

Indépendamment du système de tirage choisi, certaines combinaisons sont


investies d’une valeur ésotérique qui varie selon les opérateurs : 10 + 10 = 20
(afdûd) est considéré comme mauvais. 14 + 14 (dâs ou rabeyná) annonce un
décès, ou des enfants à qui n’en a pas ; des biens, à qui a déjà des enfants, etc.
Chaque tribu a une figure de rámri dont l’apparition lors de la consultation
apporte un pronostic fatal, notamment pour la maladie (comme nefádu en
geɖsó, signe de maladie chez les Darumá). Le rámri fait partie des techniques
divinatoires employées au moment d’un conflit, pour en pronostiquer l’issue.
Outre le rámri, la divination a recours au chapelet (inaytá). V. Baádu.
3. Formulaire. La signification des figures est donnée sous une forme rythmée
quasi proverbiale (les exemples sont donnés ici dans l’orthographe afare) :
Gíta (Tarék) : yewqe Tarek : xixxibuk kulsi qari « si Tarék est sorti en geɖsó,
c’est bien en apparence (au début), et mauvais à la fin ». Amokradâ Tarek :
gitak adda gexa xaagu le « Tarék, sorti en amokradá, des nouvelles
arrivent. »

323
RAYSÁLI

Gamá : tewqe Gamaaqa : moddaqî qari « il (celui au sujet duquel on fait le


ramri) est dans une grande ville ou très entouré ». Amokradâ Gamaaqa :
Adqalik absuma wagitta « (celui pour qui on fait le ramri), attendez-vous à
ce qu’il devienne absuma (v.) des Adali. »
Oklá : tewqe Qokla : arhor ramri « bon pour les caravanes » ; également
« annonciateur de naissances dans le troupeau ». Amokradâ Qokla : gulub
maysaraq le « ce qui est convoité n’est pas sur votre route. »
Kitmá : yewqe Kitmaq : qado dacayri le baaxo gacissa haa « retour au pays
d’origine ». Amokradâ Kitmaq : amog garuq yaaxige « il aura à se
raccourcir les cheveux (signe de deuil). »
Busgibdá : tewqe Busgibda : barrâ raba aabbee kee sagâ raba aabbe
« j’entends le trépas d’une femme, j’entends le trépas d’une vache ».
Amokradâ Busgibda : maxax addah laca « l’animal est dans la matrice (pas
de changement). »
Nefádu : yewqe Nefqadi : faxxa haannaanim elle geyta « tu obtiendras tout ce
que tu veux ». Amokradâ Nefqadi : nefti wagar le, faxak sugtem edde geyta
« descendance paisible, tu obtiendras ce que tu veux. »
Rakub-Ári : yewqe Rakuubih qari : faxxa haytam elle geytah « on obtient tout
ce que l’on veut ». Amokradâ Rakuubih qari : akaalaf le, geytam takkaleh
wayya haytah « il y a une contradiction : on n’obtient pas ce que l’on
pensait avoir. »
Sankafɖáyi : yewqe Sankafxayi : kuyya qar’afal leeli, kayra qar’afal lafali
« les pluies en kuyya seront abondantes ; en kayra, ce sera le contraire ».
Amokradâ Sankafxayi : sankakaw le « on n’obtiendra pas ce qui est
attendu ».
S : HL (Naw.). Sur le fâl (D.M., 1997 : 172, sq.). L : al-Bn (1950) ; Jaulin (1966) ; Savage-
Smith (1980).

RAYSÁLI
« Ras Ali », dans la littérature coloniale. En afar, Raysáli, choisi comme limite
du territoire d’Obock cédé à la France par le sultan de Raaytó (1862), est « la
baie des Trépassés » (raysá « cadavre : là où il y a des cadavres » : là où les
courants déportent les cadavres des naufragés).

RDÁNTU
Titre en afar du nord des chefs détenteurs d’un pouvoir par délégation (verbe
rd « commander »). Pl. rêdon. Equivalent de nib, titre donné par les Turcs
aux Balaw (v.) d’Arkiko, Massawa, notamment. A Íddi, le rdántu porte le
nom de k comme le chef des Anklá de Dahlak (v.).
« RĒDÓ »
Du verbe rd « commander ». Surnom de Gamladdn b. Abdulkdir b.
Maámmad « Rdo », directeur de l’Afar Language Studies and Enrichment
Center (ALSEC), de Samara. Né à Midír (v.) en 1948. D’origine Maanɖíyta de
Rdimá, en Arratá (v.), co-créateur de l’orthographe afare (Qafar katbé) avec
Dimis (v.) et auteur d’un mémoire sur le droit pénal (1973) et du premier texte
de fiction publié : Agattinan essero wagsiisak Ityoppiyah Imbaratooriyyatal.

324
ROKKIYÁ

Teneeh, tanim macaay ? Aneh meqem macaay ? [La question nationale dans
l’Ethiopie impériale. Qu’en a-t-il été et qu’en est-il ? Que peut-il en être ?],
Djibouti, 2006. Son père Abdulkdir (1909-1971) fut l’interprète de Nesbitt,
lors de sa traversée à pied du pays afar (1928), à laquelle prirent part le
voyageur Tullio Pastori (v. Amolé) et le commerçant Giuseppe Rosina. Sa
mère était la sœur du cheikh amladdn aš-Šm, fils du cheikh Ibrhm al-
)all (v.). Après des études secondaires à Assab, puis universitaires en
Allemagne de l’Est, Gamladdn « Rdó » participe à la révolution éthiopienne
et occupe des responsabilités administratives dans le Wällo. Victime d’une
cabale, il est incarcéré une dizaine d’années puis libéré après avoir été
innocenté. Le complot avait consisté à l’accuser d’un double meurtre. Malgré
la présentation des deux supposées victimes bien vivantes, le juge éthiopien qui
l’avait condamné refusa toute révision du procès. Le changement de régime
suivant la fuite de Mengistu Haïle Mariam permit la libération de Gamladdn
« Rdó ». A partir de cette date, celui-ci poursuivra son action infatigable en
faveur de la modernisation de la langue afare.
ORTHOGRAPHE. La translittération de l’arabe Gaml, Gamladdn, tel que prononcé par les Afars
monolingues, et Ğamluddn suivant la norme écrite et la prononciation de certains bilingues,
pose problème. En raison de la proximité ressentie avec  gämäl « chameau », la solution
retenue en amharique est d’écrire ämäl (), amluddn () et de lire Gaml,
Gamluddn, etc., comme dans la traduction en amharique (2007) d’Al-Manhal f t’r wa
abar al-‘Afar (Dankil). Dans l’usage courant, on emploie aussi j (pour [#]) ; voir :
Jamaaluddiin Q. Reedo, 2007, Qafar afak yabti-rakiibo [Grammaire de la langue afare], Samara.

ROCHET, D’HÉRICOURT
Charles-François-Xavier Rochet, dit « d’Héricourt ». Voyageur français (né à
Héricourt, le 11 mai 1801). Lors de son premier voyage (1839-40), il rencontre
successivement Looytá b. Arbâhim, sultan des Debné, qui le guide vers le
Choa ; Ibrâhim b. ámmadu (aysamlé, à Ðawayliká et Barudaddá), que
Harris (1844) mentionne sous la forme « Ibrahim b. Hameido, akel des Hy
Somauli » (= aysamlé) ; Waáys b. agayó (Debné-k Wíma, à asanɖrá).
« Bidár » (asbá, à Metta), Sumbul Abbakári, son gendre, à Kúmmi ; ras
Úmar-Bata (Tákil, à Bordóda) ; ras Maámmad-Dîn (Debné, entre Awash et
Hawdé). Lors du second voyage (1842, publié en 1846), il rencontre
Maámmad b. Ibrâhim b. Seém, frère de Ab Bakr « Pacha » ; et le père de ce
dernier, Ibrâhim b. Seém ; Waáys b. agyó, dont le petit-fils Bitá b. Ali b.
Waáys, « cheikh des cheikhs d’Erer », signera une déclaration de protectorat
avec Lagarde (v. Traités) et Úmar-Bata (à Bordóda, vus lors du précédent
voyage). V. Harris, Tadjoura-Choa (piste).
S : HL (in D.M., 1991). L : Malécot (1972 : 51-62 ; 67-71). Ce dernier (op. cit. : 52, n. 1) note
avec raison que l’ajout de la particule (non nobiliaire) n’a pas été le fait de Rochet qui signait
toujours « Rochet, d’Héricourt » avec une virgule.

ROKKIYÁ
De tribu Maanɖíyta, troisième épouse du sultan de l’Áwsa, Maámmad
« Illálta » b. anfaɖé (1862-1902). En poussant ce dernier à désigner son neveu
Maámmad b. Aydâis, réputé être aussi son amant, comme son successeur, au
lieu de respecter l’ordre de primogéniture, elle déclenchera un conflit sanglant

325
ROOD ALI

connu sous le nom de « guerre du Sangerrá » (v.). Une kalluwallé (v.) lui avait
prédit :
Rokkiyay, iba gexxa innih uble Ô Rokkiya que je vois s’en aller à pied
Rokkiyay, walaabak kalah gexetto Ô Rokkiya, tu ne trouveras pas le rassasiement
Rokkiyay, hadaamê gubah gacelto Ô Rokkiya qui t’en iras sous une euphorbe
Rokkiyay, qadambô gabah gacelto Ô Rokkiya qui en viendras à mendier ta doura
Après l’échec de ses intrigues, Rokkiyá quittera, en 1912, l’Áwsa, pour Dawwé
où, dit-on, elle est morte de faim pendant la famine Ugúbli (v. Karmá). Ses os
furent recueillis dans un waydál (v.), comme on le fait pour un guerrier.
S : D.M. / HL.

ROOD ALI
Dans la cartographie anglaise, le nom désigne la baie qui ferme le Golfe de
Tadjoura à l’ouest, qui est connue en arabe comme le ubbat al- arb « baie
ruiniforme », en afar Datá Bad « mer Noire ». Sa passe s’appelle Namma num
Simá « là où deux hommes peuvent s’interpeller » (en raison de son
étroitesse, voir l’étymologie similaire du nom en tigré de Massawa, in D.M.,
2012c : 223-224). Le correspondant en somali Is-kaga-yɖ 2 copie l’afar. La
littérature touristique en a fait le « gouffre des démons ». Harris (1844 : 44)
mentionne quatre îlots :
deux rocheux ; le Bood Ali [Kaɖɖá Ginní Kmá « Grande île des Diables »], haut
de 300 pieds, parfaitement inaccessible étant couvert d’une épaisse matière
végétale, tandis que les flancs de son voisin, le Hood Ali [Uɖ Alé « le petit piton »,
surnom du Unɖá Ginní Kmá « Petite île des Diables] sont nus.
Harris écrit également Bood Ali, Good Ali. Bood pourrait venir de b!d « bosse,
enflure énorme » ; b!dóli « chamelle à très grosse bosse », ce qui s’accorde
avec le profil de la Grande île des Diables où, d’après les traditions populaires,
les djinns ont leur camp (gub).
RUKBÁ#K ÐERMĒLÁ
Pour Rukbâ k Ðermlá « Rukbá et Ðermlá ». Egalement Rakbá sur l’Awash,
chez les Fantoytá (v.). Tribus endogames qui se divisent en Rukbá, peu
nombreux en Rép. de Djibouti (fractions Datá Rukbá et Asá Rukbá),
aysamlé (avec les Rukbá) et Ðermlá, venus pour certains de Íddi. Etablis
dans la zone de Boolé à Makdá. Ils sont afbêa (v.) avec les Badoytá-m
mlá. Une autre tradition, qui souligne les qualités guerrières des Rukbá et
celles, plus politiques, des Ðermlá, les rattache, à Baádu (v.), aux Ská
auxquels ils auraient transmis le chapelet magique (inaytá, v.). La marque de
chameau des Rukbá, appelée rukbáytu, consiste en un arc de cercle sur la
croupe de la bête.

2. Le syntagme nominal est formé de : is [se] ka-ga [dans (locatif)-de (ablatif)] yēɖ [appeler] : de
là où l’on s’interpelle ».

326
S
SGÁLLU
Admin. Sagallo. De *sgánlu « qui a du Tamarix nilotica ». Village côtier, à
l’ouest de Tadjoura, qui servait de point de regroupement des caravanes
d’esclaves (v. Nasínna), avant leur embarquement pour la côte arabe.
Territoire partagé entre aysamlé (v.) et Darumá (v.) qui l’ont en isó des
Gittrissó (v.). Le bord de mer entre Tadjoura et Sgállu est appelé Ðfó (de
ɖhí af « bord pierreux », v. Iɖfálu). L’explorateur Paul Soleillet, le 30 juillet
1882, signe avec le sultan des Debné, úmmad b. Looytá (v.), une convention
par laquelle Sagallo et sa rade lui sont concédés à titre gracieux, avec droit de
pâturer et de se ravitailler en bois et en eau. C’est la bonne manière appelée
aysó-f fáyɖi « droit de pacage ». A son retour d’Ethiopie (1er août 1884),
Soleillet signale qu’un fortin y a été construit par les Egyptiens, qui l’occupent
depuis fin décembre 1882. Il donne Sagallo à la France, le 1er octobre 1884. En
mars 1888, Atchinoff, ataman des cosaques du Terek, débarque une première
fois à Tadjoura et part en Ethiopie. Le 18 janvier 1889, il parvient à nouveau à
Tadjoura et occupe Sagallo. Bombardé, le 17 février, par une flotte française, il
fait sa reddition.
S : Affaires étrangères, MD, 4, 66. L : sur l’épisode Atchinoff : Labrousse (1969) ; Soleillet
(1886b : 54).

SÁKÐA
Groupe Asahyammára (v.), issu des Kutublá, jadis détenteur du
commandement chez les Ddá (v.). Comprend des aɖbisó-s sárra (v.) et des
Maá-s sárra (v.).
SÁMU
Région orientale de l’Ifat, sur la rive gauche de l’Awash, au nord de Rsá et
Asgafán et à l’est de Rôbi où ont émigré les Mdaytó Aydissó partisans de
Maámmad b. Aydâis lors de la guerre du Sangerrá (voir tableau p. 374).
Egalement connus comme Kaɖɖá buɖá « la grande famille (ou maison) ».

SANGERRÁ
I. Chronologie de la succession. II. Intrigues de Rokkiyá.
Sangerrá (de *san-gra-ta « la pointe de la croupe inclinée »), lieu-dit du Kaló,
sur le versant nord-est du mont Bráwli, résidence de la famille du sultan
d’Áwsa (v.), Maámmad « Illálta » b. anfaɖé (1862-mai 1902). Sangerrá est
voisin d’un autre lieu de résidence du sultan, Addale-gúb (v.). Par extension, le
nom en est venu à désigner « le trône », « le gouvernement » : le pouvoir
Mdaytó. C’est le terme choisi pour traduire « cour suprême » dans la version
afare de la Constitution éthiopienne de 1995. Un adage dit : nek inén yâb,
Sangerráh beyá ; Sangerrá inén yâb, waydláh beyá « un jugement récusé
conduit à Sangerrá ; Sangerrá récusé conduit à la guerre. » La « guerre du
Sangerrá » est le nom donné au conflit meurtrier qui a opposé les enfants du
sultan Maámmad « Illálta » et ceux de son frère, Aydâis b. anfaɖé, et les
enfants du sultan Maámmad « Illálta » entre eux.
SANGERRÁ

Succession du sultan Maámmad « Illálta »


« Datá » Kaɖɖfó

Maámmad

Aydâis

anfaɖé

Maámmad « Illálta » « Unɖá » Aló Aydâis


[! 1. Ftumá] [! 2. Ukkubí] [! 3. Rokkiyá]

Kaɖɖá-Aydâis Kaɖɖá-Ali-Mirá Datá-Aló Yayyó Kaɖɖá-Kaɖɖfó anfaɖé Aló Maámmad

anfaɖé Maámmad anfaɖé Aló

Ali-Mirá Yayyó Maámmad Maámmad Aydâis

Le tableau ci-dessus simplifie la liste des épouses et des enfants (pages


296 et 297). La cause directe de la guerre civile a été la dévolution du sultanat,
non à « Kaɖɖá » Aydâis, son fils aîné, né de sa première femme Ftumá, mais
à son neveu Maámmad b. Aydâis b. anfaɖé, réputé être l’amant de la
troisième femme du sultan, Rokkiyá (v.) de tribu Maanɖíyta. La présentation
des faits suit une double chronologie ; l’une, fondée sur la dévolution du
pouvoir en termes de progéniture ; l’autre, qui retrace les intrigues de Rokkiyá.
I. Chronologie de la succession. Avec la mort de Maámmad « Illálta » (21
mai 1902, à Gargôri), suivant l’ordre de succession, l’héritier légitime est le fils
aîné du sultan, « Kaɖɖá » Aydâis. Ne tenant pas au pouvoir, celui-ci le remet
à son frère cadet « Kaɖɖá » Ali-Mirá, lequel meurt assassiné en juillet 1902.
Les autres héritiers mâles ayant été tués (voir infra), la succession revient à son
plus jeune frère, Yayyó, dernier fils survivant de Ftumá. Celui-ci entre en
conflit avec un de ses frères plus âgé, « Kaɖɖá » Kaɖɖfó, né de Ukkubí,
seconde femme du sultan « Illaltá ». De Sardó, où il est installé, Yayyó
entreprend une expédition contre « Kaɖɖá » Kaɖɖfó, qu’il surprend à Akullé.
Kaɖɖfó parvient à quitter l’Áwsa, mais ses enfants sont tués. Après avoir erré
quelque temps dans le sultanat de Bíɖu, il disparaît de la scène politique
courant 1903. Le 4 mai 1903, dans son Diario, le gouverneur Martini fait
référence à ces événements impliquant Kaɖɖfó lorsqu’il note qu’un combat a
eu lieu en Áwsa avec « les fils de Rokkiyá ». Il écrit le 21 mai 1903 : « (…) Il a
dû fuir vers Bíɖu avec plus de 1 000 chameaux, pris à ces derniers, qu’il cède
en échange de vivres pour ses gens. » Jusqu’en 1912, Yayyó sera en
concurrence avec d’autres prétendants, pour finalement l’emporter et réunifier
l’Áwsa. Une chronologie (source Naw.) permet de préciser l’ordre de
prééminence des principaux protagonistes pendant cette période troublée :
1. Maámmad « Illálta » b. anfaɖé : 1862-mai 1902 ;
2. « Kaɖɖá » Ali-Mirá (fils de Ftumá) » : mai-juillet 1902 ;
3. « Kaɖɖá » Kaɖɖfó (fils d’Ukkubí) : 1902-fin avril ou début mai 1903, ensuite en
brousse jusqu’en 1910 ;

328
SANGERRÁ

4. anfaɖé (fils de Rokkiyá) : 1903-1907 ;


5. Aló (fils de Rokkiyá) : 1907-1910 ;
6. anfaɖé et Aló concurremment à Yayyo (fils de Ftumá) : 1910-1916 ou 1917 ;
7. Yayyo (seul à partir de 1916 ou 1917, et sauf quelques mois en 1919 avec le
retour de anfaɖé (fils de Rokkiyá). Mort en 1927, à Gargôri.

La période (ci-dessus, 6) est parfois appelée namma misli dabaana « époque


des deux sultans » (Aramis Houmed Soulé, 2005 : 23) : « Pendant plus de cinq
ans, de 1912 à 1917, l’Aoussa fut gouverné par deux amoytas, Hanfare
Mahamad Hanfare et Yayyo Mahamad Hanfare (…) ». Cette appellation
n’inclut pas le frère de ce dernier, Alo b. Maámmad. Pour sa part, le
gouverneur de l’Erythrée, Martini (Diario, 18 mai 1905) observe :
Celui qui commande en Awsa, ce n’est ni l’Aydahis, fils aîné de l’Anfari et son
légitime successeur, ni Kaddafo le rebelle, ni aucun des fils de Rokia : après tant
de carnages, dignes des Atrides, c’est le Dedjaz Omar [officier oromo du ras
Mikael] qui commande. La liste des sultans de l’Aoussa est probablement close
pour toujours.
(Ibid., 30 mars 1906) :
Ces jours derniers, Kaddafo [n° 3 de la liste ci-dessus] a reçu une mission
abyssine envoyée par le ras Mikael qui lui apportait l’acte d’investiture du
gouvernement de la Dancalia au nord de l’Aoussa, ainsi que les cadeaux
habituels, à savoir un mulet sellé, avec un collier d’argent, le sabre, le bouclier,
la tunique de soie, etc. (…) L’Aoussa et les pays dancalis au sud sont sous
l’administration directe du Dedjaz Omar qui se sert des fils de Rokiya comme
lieutenants.

II. Intrigues de Rokkiyá. Les intrigues de la troisième femme du sultan


Maámmad « Illálta » pour imposer le neveu de ce dernier, Maámmad b.
Aydâis b. anfaɖé, sont à l’origine de cette querelle dynastique qui a débuté
dès 1898 quand, soutenu par Rokkiyá, Maámmad b. Aydâis b. anfaɖé a
fait tuer « Datá » Aló, fils de Ftumá, première épouse du sultan (v. p. 297). Le
14 février 1899, Maámmad b. Aydâis b. anfaɖé est lui-même victime
d’une tentative d’assassinat, en représailles, perpétrée par les fils restants de
Ftumá, à Addale-Gúb. Réussissant à se cacher dans un trou creusé sous son
lit, blessé, il échappe au massacre, mais sa femme et ses enfants périssent. Il
s’enfuit vers les hautes terres pour y chercher de l’aide. En mars 1899, le ras
Mikael, représenté par le däazma Šibäši, est nommé gouverneur de l’Áwsa.
Le 10 mars 1900, une expédition est menée par le gouverneur d’Ankobär,
Wäldä addəq, pour imposer Maámmad b. Aydâis en Áwsa. En mars 1901,
le vieux sultan Maámmad « Illalta » et ses fils « Kaɖɖá » Aydâis et
« Kaɖɖá » Ali-Mirá, battus à Gîfu (sans doute le 14 février 1901) par le parti
de Maámmad b. Aydâis, se réfugient à Álol, puis à Tadjoura, en territoire
français. Le sultan des Debné, úmmad b. Looytá (v.), menace Ménélik
d’interdire l’accès à la saline du lac Assal si Maámmad b. Aydâis est
maintenu au pouvoir par les Ethiopiens. Opportunément, celui-ci est blessé et
battu dans un autre combat et s’enfuit, tandis que « Kaɖɖá » Ali-Mirá, réfugié
à Tadjoura, rentre en Áwsa où il est tué à Gf-Af avec 12 des siens. Le Diario
du gouverneur Martini date du 23 juillet 1902 cet assassinat commandité par

329
SARĪFÁ

Rokkiyá. Maámmad b. Aydâis, après une nouvelle tentative, recevra du


négus, vers 1910, un fief près de Rôbi, à Sámu (v.), dans les environs de Rsá,
où résideront ses descendants et partisans. Pendant ce temps, les fils du sultan,
Yayyó et « Kaɖɖá » Aydâis, passés en territoire français avec le sultan en
1901, puis en Arabie, reviennent en Ethiopie par Djibouti en 1907. Ils sont
arrêtés à Bté, transférés à Däse et mis en résidence surveillée par le ras
Mikael. Transférés à Djimma avec anfaɖé, fils de « Kaɖɖá » Aydâis (et père
du futur sultan Ali-Mirá), ils sont ramenés à Bté, à la suite d’une démarche
conjointe du sultan des Debné, « Kaɖɖá » Looytá b. úmmad, et des asbá
auprès de l’empereur Ménélik. Ils y restent assignés à résidence jusqu’en 1910.
Un partage de l’Áwsa est alors envisagé par l’Ethiopie entre Yayyó (le fils de
Ftumá) et les fils de Rokkiyá, anfaɖé et Aló. Le ras Mikael dépêche dans le
même temps un émissaire qui prend contact avec « Kaɖɖá » Kaɖɖāfó, le fils de
Ukkubí, la seconde femme du sultan Maámmad « Illálta ». Il lui est proposé
le commandement de la « Dancalia », au nord de l’Áwsa, cette dernière région
restant aux mains des fils de Rokkiyá. Il décline cette offre et demeure en
Erythrée. La fuite et la mort de Rokkiyá (v.) en 1912, la maladie de Ménélik
qui meurt en 1913, vont laisser Yayyó de facto seul maître de l’Áwsa jusqu’à
sa mort en 1927, date à laquelle son fils Maámmad lui succède. Délaissant
Sangerrá, Yayyó installe sa capitale à Fúrsi (v.), protégé de toute incursion par
le delta de l’Awash. La guerre de succession se poursuit, quoique avec une
intensité moindre. Elle implique les deux fils de Rokkiyá, anfaɖé et Aló.
Ceux-ci, passés en Erythrée (1916), espérant le secours des Italiens par
l’intermédiaire de l’interprète et envoyé officieux, Ismân « Pacha » b.
Maámmad b. ámad, sont faits prisonniers. anfaɖé et sa suite sont enfermés
à Massawa à la demande de Yayyó. Après s’être évadé, en 1917-1918, et être
passé en territoire français, au Mablá, anfaɖé repart en Ethiopie. Il obtient du
gouverneur du Wällo (voir p. 263) une troupe qui effectue une expédition, en
Áwsa, obligeant Yayyó à se réfugier à distance de l’Áwsa, à Ayrolé Ðɖ, près
du Msaálli. Celle-ci repartie, Yayyó reparaît à Gargôri et bouscule la troupe
de anfaɖé, qui gagne Eaylé et le Baádu. anfaɖé y est tué (juin 1919). Aló
se réfugie chez le sultan de Bíɖu, Ysn, et épouse une de ses soeurs. Il quitte la
scène politique. Yayyó est désormais le seul maître en Áwsa, n’ayant plus de
concurrent. Une note anonyme des services de la C.F.S. (voir Bibliographie)
donne des informations concordantes qui font apparaître le rôle actif du
gouvernement éthiopien soutenant successivement Maámmad b. Aydâis,
puis anfaɖé b. Maámmad, le fils de Rokkiyá. Ce rôle a décru avec la
maladie et la mort de l’empereur Ménélik (1913), suivie du conflit successoral
entre le l Iyasu et le ras Täfäri, laissant une autonomie de fait au sultan
Yayyó.
S : HHL (Naw.) ; Min. Colo., dossier 2004 ; anonyme CFS. L : Angoulvant et Vigneras (1902 :
22, n. 2) ; !aml al"Dn al-Šm (1997 : 347-57) ; Martini (1946, 3).

SARĪFÁ
Groupe maraboutique, formé d’éléments venus d’Aden, agrégé aux Dardrá
(v.) d’Áwsa, avec lesquels ils s’intermarient. Les sources utilisées ne
confirment pas l’affirmation d’Abir (1978, IV : 554) selon laquelle ces

330
SAYYID

immigrants yéménites auraient été de la famille des B Alaw du a#ramawt.


Il semble qu’il y ait là une confusion avec le groupe d’arquebusiers Yfi
appelés en 1784 pour défendre l’Áwsa (v. « Chronique de l’Awsa », Annexe
II : p. 396, parag. 10).
AWBI
Ensemble de six îles au large du rs Siyyan. Bien que celles-ci aient chacune
un nom en afar, il ne semble pas que la langue les désigne collectivement. Ces
îles sont connues sous le nom d’archipel des Sept-Frères ou « al-
Suba », transcription approximative de saba « sept » en arabe, alors que
awbi (carte I.G.N., 1 : 100 000) renvoie à la racine arabe $-b- « montrer
avec le doigt ». Dans la tradition des marins yéménites fréquentant ces parages,
l’archipel compte sept îles car un navire les aperçoit en même temps que le
cône du rs Siyyan qui émerge telle une île. Une autre tradition maritime (celle
que prend en compte la carte au 1 : 100 000) ne retient que cinq des six îles
(d’Ouest en Est : amrá « la Rouge », Unɖá Dbáli « Petite Concave »,
Kaɖɖá Dbáli « Grande Concave », oród le Alé « montagne Bossue », Unɖá
Kmáytu « Petit Pic ») dont le relief les fait apparaître à l’horizon comme les
doigts d’une main, tandis que la sixième, Tolká (entre Unɖá Dbáli et Kaɖɖá
Dbáli), la plus plate (alt. 17 m), reste invisible.
S : D.M. (1982) ; carte I.G.N. (1 : 100 000), f. Khor Angar.

SAWÁL SÁRRA
Tribu faisant partie du groupe dit Aytúr (v.), formant avec les Ðâgu un
groupement séparé de Dawwé.
SAYYID
1. Définition. 2. Famille des al-Bz. 3. Famille des al-Bqer.
1. Définition. Les descendants du Prophète de l’Islam par sa fille F%ima,
épouse du quatrième calife, Ali, sont dits traditionnellement sda (sing.
sayyid) ou ašraf (sg. šarf). Dans la région de la mer Rouge concernée, de
Zeyla et vers le nord, le titre de sayyid est plutôt réservé aux descendants de
l’aîné de F%ima, asan, et celui de šarf aux descendants de usayn, le cadet.
La présence à Zeyla de familles ašraf, originaires de a#ramawt, est
immémoriale, liée entre autre, au fait que la ville était jusqu’au XIXe siècle
dans la dépendance du Yémen. Parmi les principales familles, on compte les al-
Bār (Maammad al-Br était le chef de Zeyla en 1840), les Sādat Maknn, al-
Musāwi, al-Bāz et al-Bāqer. Famille des Al-Bāz. Dans la généalogie des al-
Bāz, on trouve un sayyid Alī, dit Qawqab « crevette », mort en 1470/71 (h.
875) qui fut gouverneur de Zeyla. La famille al-Bāz aurait pris ce nom de « al-
Bāz » (sans doute initialement al-Ba’z) avec la venue sur la côte africaine de
sayyid Amad « al-muāğir », puis l’installation d’autres membres de la
famille depuis Otumlo (v. uɖúmlu), où s’installe la branche des al-Bqer,
jusqu’à Mogadiscio. La branche des al-Bāz se rattache à Abbakr al-ibši du
village de al-'orfa au a#ramawt. Celui-ci partit d’abord en Ethiopie où il se
maria puis revint à al-'orfa où il mourut en 1368/69 (h. 770). La famille des
al-Bāz est impliquée dans le développement de la ville de Djibouti (v.). La
généalogie compte 40 générations jusqu’à Ab"(ālib, soit :

331
SAYYID

Généalogie des al-Bz

Ab"(ālib
Alī
usayn
Alī Zayn al-Abidīn
Muammad al-Bāqir
!afar al-Sādīq
Alī al-Arī# (ou al"Uraydi)
Muammad
Īsa
sayyid Amad « al-muāğir » (venu de Ba$ra au Ḥaḑramawt en 929/930, h. 317)
Ubayd-Allah
Alawi
Muammad
Alawi
Alī
Maammad « saīb Sinā »
Alī
Maammad « faqī al muqaddam, al-ustā al-aam »
Alī
asan
Maammad « sall’Allah »
Amad
Alī
Abbakr al-ibši (d. al-'orfa, en 1368/69, h. 770)
Alawi
Alī « Qawqab » (d. à Zeyla, dont il était le chef, en 1470-71)
Amad
Alī
usayn
Šay,ān
Maammad
Alī
Amad
asan
usayn
Yaqb
Gafar al-Bāz (le premier à porter le nom al-Bz)
sayyid Maammad al-Bāz (guide du consul Henry, détenteur du sirr)
sayyid usayn, dit « sayyid Bābr »

sayyid Idrīs (nom de l’informateur, d. vers 1980)

La légende familiale veut que Maammad b. Gafar al-Bz, venu à Djibouti


avec son frère Ḥasan, ait planté une pierre peinte en tricolore à l’emplacement
du futur palais du gouverneur et qu’il ait délimité le maqm du Boulevard

332
SAYYID

Bonhoure à la suite d’une vision d’un pieux Soudanais, qu’il interpréta comme
la volonté du saint Abdulqdir Ğīlnī d’avoir un oratoire à cet endroit. On note
que la construction de ce premier lieu de prière destiné aux membres de la
Qdiriyya est due à un affilié à la confrérie Mirġaniyya (voir p. 214). Sans
raison connu, le nom al-Bz ne semble plus porté à la 3ème génération.
Descendance simplifiée de Gafar al-Bz
Gafar al-Bz

sayyid Ḥasan1 sayyid Maámmad al-Bz2

♀ Gafar3 sayyid Ḥusayn4 sayyid Abū Bakr5 sayyid Īsa Abdir [♀ mariée à
Ali"Turgumn]
Ḥasan Ḥusayn sayyid Idris6 sayyid Maámmad6 Arafa
__________
1. Constructeur de la mosquée Gmi ar-Rda (1894, Djibouti). Décédé en 1911. Une de ses filles a
épousé sayyid Abū Bakr et est la mère de sayyid Maámmad.
2. Guide du consul français Henry en 1885 sur la côte somalie. Détenteur du sirr, il a délimité le
premier maqm dédié à Abdulqdir Ğīlnī, Bd. Bonhoure à Djibouti (v.). A été chef d’équipe au
Chemin de fer franco-éthiopien (CFE).
3. Décédé vers 1961. Une fille de son fils Ḥusayn a été mariée à sayyid Maámmad b. sayyid Abū
Bakr. L’autre fils, Ḥasan, a été assassiné.
4. Dit « sayyid Bbūr ». Ancien chef de la mosquée Abdulqdir, Avenue 13 (ex-maqm, après
érection de la qubba par son oncle Ḥasan). Mort à Zeyla, vers 1925.
5. Décédé en 1942.
6. Informateurs. La fille de sayyid Īsa, Arafa, était réputée détenir les archives de la famille.

Famille des al-Bqer. Cette branche des al-Bz s’est installée à Otumlo.
Implantés anciennement, avec d’autres familles dans la région de Massawa
(Miran, 2009 : 238), les al-Bqer (al-Bqir à Massawa) illustrent ce
mouvement d’émigration de la péninsule Arabique vers la côte érythréenne ou
Zeyla, puis Djibouti. Originaire de cette famille de sda de Zeyla, sayyid Ali b.
Maammad al-Bqer, dit « sayyid Ali-Turgumn » (1870-1935), qui a épousé
une des filles de Maammad al-Bz, devient l’interprète arabe de Lagarde en
mai 1885, à l’âge de 15 ans. Il reçoit de la colonie des marques de
reconnaissance, comparables à celles que reçoit parallèlement le Français
Oehlschlager (v.) l’autre interprète du commandant d’Obock. Sayyid Ali-
Turgumn se voit décerner les décorations et diplômes suivants :
— 1894 (Paris) : diplôme du Nichan al-Anouar (ordre créé par Lagarde en 1887 pour
le sultan de Tadjoura).
— 1896 : Mérite agricole.
— 21 juillet 1909 : Nichan al-Iftikhâr (chevalier).
— 10 mai 1911 : témoignage de satisfaction du ministre des Colonies pour « bonne
conduite pendant les troubles suscités par Bourhan à Tadjoura les 6 et 7 mai
1910 ».
— 25 mars 1912 : Etoile d’Anjouan (chevalier).
— 6 janvier 1922 : Nichan al-Anouar (chevalier).
— 22 avril 1925 : Légion d’Honneur (chevalier).
Loin d’être anecdotique, cette énumération montre que Ali-Turgumn aura tout
au long de sa carrière jouit de l’estime des autorités coloniales.
S : Chedeville / sayyid Idrīs b. sayyid usayn ; sayyid Maámmad b. sayyid Ab Bakr. L : sur
ces élites religieuses à Massawa, Miran (2009 : 237 et suiv.).

Secteurs nomades v. Méhariste (peloton)

333
SĒKÁ

SĒKÁ
Sek, pl. ská (les bilingues arabe-afar prononcent šká), désigne tout homme à
qui un pouvoir surnaturel est reconnu ou les membres d’un groupe
maraboutique, parfois d’origine arabe. Les Ská, sous des noms divers (v.
Maanɖíyta), sont disséminés dans l’ensemble du pays afar, souvent accolés à
une tribu. Trois centres historiques peuvent être identifiés, à partir desquels
l’islam s’est propagé : 1. Bôri, avec le cheikh Intilé (v.) et six autres « porteurs
de talismans » venus du Yémen, via Zeyla (v. Maliná Miimbará). 2. Harar-
Zeyla, centres de diffusion de l’islam prosélyte pour toute la sous-région, dès
les VIIIe ou IXe siècles, et relayés par l’Áwsa lors de l’émigration de la famille
des imams en 1577. 3. Raaytó, centre du pouvoir des Anklá (v.), dont le
rayonnement s’étendit aux groupes pastoraux alentour, en se renforçant avec sa
constitution en sultanat autonome au XVIIe siècle, à l’instar de Tadjoura. Une
généalogie des Ská, recueillie par Chedeville en 1966 de Sullé b. sek
Ḥúmmad, montre que le terme de « généalogie » doit être surtout compris
comme une affiliation spirituelle entre des missionnaires se réclamant, dans le
cas présent, d’un « sek Buran » sur lequel n’existe aucun renseignement précis
sauf son oratoire à Obock (v. ayyú). Cette généalogie des Ská de Raaytó
est ainsi (lignages et affiliations sont indiqués entre crochets) :

Une généalogie des Ská de Raaytó


sek Buran (oratoire à Obock)

sek Adan (parti à Massawa) sek Maámmad (à Raaytó) sek Mé (au Mabla)

[sek Adantó] sek Abdalla sek Kâsim (Ḥankattí Ská)


[sek Má dispersés
sek Maámmad au Mabla, à Dawwé]

sek Áli sek Gadditó sek Kâsim

Iyyé Skó Drán


Ḥámad
Ḥasên Geyyé

Áli
sek Maámmad
sek Ḥúmmad

Sullé
[sek Aliytó en partie avec les Abūsá-mára, v.]

Distribution. 1. Groupes du nord : Abná de Dallamé ; Bdál (v.) de Kúbar ;


Dúna (v.) de Ðimó ; Ðiittó de Bíɖu ; Intilé Šek Áre (v.) de Zolá (chez les
Sahos) ; Ironnabá ; Sek-Adantó de l’île de Dási et de Wadató (Adó Alé) ; le
groupe de Tó se réclamant de Ibrhm al"3all (v.). 2. Groupes de Tadjoura
et Raaytó : Miytó (les plus anciens) ; Sek-Aliytó, Sek-Maammadó de
Mablá (descendants de Maámmad « Darbên », v. Ibrhm Ab Zaarbi),

334
SIYĀRÁ

Amaytó ; As-ammaddó de ankattá ; ermitté ; Kmiltó des Ská-k


asbá ; Maammadkantó (v.). 3. Groupes de l’Áwsa : Abrartó (v.) ; Alissó
(rattachés au cheikh Ayfará b. Amaddîn de Addi-Qabri) ; Amaytó (venus de
Raaytó) ; abbbá (v.) ; Kabirtó (v.) ; Dahán-Ská et Kulayyá (v. Ibrhm
« Wrufi ») ; Kdiytó (v. Abu Šawrib) ; Sarfá (v.) ; Ulutó-k Ská (v.) :
Lakóli et Giraddorí Ská. 4. Groupe de Baádu (v.).

SIDĪḤÁ BUÐÁ
« Les trois maisons ». Groupe mixte, composé d’Ankáli-k Ayrolassó, Goftó et
Askakmáli, partagé entre plusieurs commandements : 1. Debné de Mullú ; 2.
Algá-k Fadá (au confluent Gayssán-Awash) ; 3. Sidá Buɖá de Gárbi,
lesquels ne sont pas des Debné, mais du groupe úmmad-Gúra (Badoytá-m
mlá). 4. Algeytá-b buɖá.

SÐÁ
Toponyme au sud-ouest de la plaine du Gbaád, exactement Sɖá-b byyá
« les puisards de la lanière » : sīɖá désigne la lanière pendante à l’oreille
entaillée des chèvres, marque de propriété ; le pluriel (afar du sud) byyá (sg.
búyyi ; afar du nord buyyá, pl. buyyitté, búyyay) désigne des trous creusés dans
le lit des oueds à sec pour recueillir de l’eau (ar. ogla). Lieu de plusieurs
engagements, en 1931 et 1932, entre Debné et Gal‘lá (v.), dont celui, décisif,
aurait eu lieu le 1er ou le 11 janvier 1932 (66 Gallá tués, sur un total estimé de
600 hommes, dont 200 cavaliers ; 56 Debné).
S : HL (in D.M., 1991 : 35 ; 1997 : 61-62, 133-134) ; HHL (Naw.).

SIFANI
Ancien poste italien, à la confluence des oueds Asadorá et Awrá ; lequel se
perd dans la plaine de Têru (v.). En afar Digdigá (de digdîgu « Commiphora
habessinica »). Sifani est aussi appelé antillé « qui a des vaches à lait ». Le
nom Digdigá est également celui d’un lieu-dit à env. 13 km en amont de Sifani,
à hauteur de l’oued Gasrálu.

SIYĀRÁ
Cet emprunt à l’arabe (également siyyrá ; monolingues diyyrá) est employé à
propos de différentes cérémonies et rituels religieux, rogations pour la pluie,
pèlerinages votifs, commémorations au tombeau d’un saint, accompagnés
fréquemment d’un sacrifice. A l’endroit de ces « visites », on trouve souvent
une mosquée (il existe en afar une proximité ressentie entre masgid
« mosquée » et usgud « égorger rituellement »). Les mosquées sont
généralement des enceintes basses en pierres sèches. La plupart des « hauts
lieux » (voir le Siyyâru « mont du Pèlerinage », à l’ouest de la dépression de
Álol) ont leur mosquée, s’ils n’ont pas, comme au sommet du Godá, un
cénotaphe qui est un oratoire (maqm). Les principaux pèlerinages en Rép. de
Djibouti sont celui du Msaálli (v.), de Simbilléyta, chez les Ðortimlá ; celui,
conjoint, sur le mont Gárbi, des Mdaytó, près du sommet, et des Aɖkaltó en
contrebas. Dans ces deux cas, ces réunions claniques semblent prolonger des
rituels préislamiques. Des mosquées sont placées à des points remarquables,

335
SOLEILLET

comme au col de Wagrabá, près de Aríyyi. Depuis les années 1960 et l’époque
nassérienne, les mouvements prosélytes sont présents dans les agglomérations
d’Áwsa, parfois en brousse, comme à Istamír, dans l’oued Gubangúb, chez les
Mdaytó, Warâba (Andabbá), mais avec une pérennité variable. Certaines de
ces enceintes sont bâties et couvertes (Aláylu, au nord d’Ambabbó, aujourd’hui
abandonnée). Les oratoires auprès de tombeaux de saints dont l’origine et la
biographie sont obscures sont nombreux : en Áwsa, cheikh Faɖé-n-Geyó (v.),
Šek Abbawn, près du puits historique de Adáylu. La tombe de cheikh
Anɖaɖɖós « celui qui fait reverdir », qui se trouvait sur le bord du lac de
Uddúmma, a disparu. Elle a été vue par Braca et Comolli (1939) qui
décrivent « un petit tumulus de pierres » :
Nous sûmes ensuite que ce que nous considérions comme une tombe dénuée
d’importance représentait, en fait, un lieu où, selon la légende, se rendait pour
prier dans une parfaite solitude un des santons les plus renommés de la région :
le fameux scek Adun (…). A peu de distance, au bout de la colline, au point où
la piste rejoint la vallée de l’Awash, notre vieux guide nous fit remarquer une
petite construction formant muraille de forme rectangulaire, une espèce de petit
sanctuaire qui gardait la dépouille mortelle de Scek Adun.
Il n’a pas été possible de recueillir une quelconque information sur ce cheikh
Anɖaɖɖós, pourtant fameux, mais dont le nom « Adun », semblait déjà
confondu, en 1939, avec celui du garad Adan (1636-1648), fils et successeur
du garad ;sa (v. Dardrá). C’est aujourd’hui le nom de l’émissaire sud du lac
de Uddúmma (voir carte n°5). Un autre groupe est constitué par les oratoires
dédiés à des saints de l’islam mondial ou régional, comme Bayazd al-Bis%m
(v.) au Godá, Abdulqdir !ln (v. Gabûti), cheikh Mandáytu (v.) à Dikhil,
en Áwsa, à Baádu. Il existe enfin des pèlerinages auprès de vraies tombes,
comme à Ambabbó, cheikh Gonduramán (v.) ; cheikh Abu Šawrib (v.) à
Tadjoura. La pratique de cultes ancestraux sur les montagnes a été notée par
Reinisch et Conti Rossini, par exemple sur le mont Falúm et le Ðagárri en
Erythrée, le cône volcanique de l’Ayyálu, au sud-est de Gawwâni. Ces
montagnes sont le siège d’une puissance suprême dont le nom, Fígu (v.), est
devenu synonyme d’Allah avec l’islamisation. Henry Salt a constaté des
offrandes de pain au sommet du mont Assauli (As awliyá ?), près de Däbrä
Bizän en pays saho où est enterré un cheikh ámmadu. Ayyálu et Gurraalé
sont des pèlerinages fréquentés par des musulmans et des ermites chrétiens. Les
offrandes au défunt (fró) sont aussi constituées de lait (far désigne le premier
lait resté dans le trayon donné à la traite), voire de tabac ou d’eau, toutes
provisions dont l’absent ne saurait manquer. Les offrandes sont parfois
disposées dans des trous creusés dans la pierre (ɖhí krá).
S : Conti Rossini (« Al Ràgali », 1903 : 243) ; Reinisch (1890, II : 131) ; Salt (1814 : 444) ; HL
(in D.M., 1991 : 28-29 ; 1997 : 121 ; 153-56).

SOLEILLET
La carrière dans le nord-est de l’Afrique de Paul Soleillet, négociant et
voyageur français (1842-1886), déjà célèbre pour ses explorations au Sahara et
au Sénégal, débute à Obock en janvier 1881. Ses principaux épisodes sont
connus. Créateur de la Société des factoreries françaises, Soleillet prend
336
SOMALI

possession de Sagallo (v. Sgállu). Le 12 janvier 1882 (1886 : 16), il plante le


drapeau français sur « l’île au nord-est [Kaɖɖá Dbáli] de l’archipel de Suba »
(v. awbi). Il y enterre dans une bouteille un message où il indique que « le
nom de Soleillet » est donné à cette île. Marie-Christine Aubry admire les
talents de découvreur d’un aventurier assez imprécis dans ses relevés. Elle écrit
(1988 : 28) que « son journal de voyage, “Itinéraire d’Obock à Ankober”
[1886b1] fourmille d’observation pertinentes, tant géographiques qu’ethno-
graphiques ». Certes, celui-ci contient quelques indications utiles, comme la
trace archéologique au sud du Gaggadé (v. p. 339), mais la plupart sont
approximatives. On a vu que sa version de la mort d’Arnoux (v.) ne permettait
pas de tirer de conclusion décisive. Soleillet quitte Tadjoura le 24 août 1882 et
note à Ambabbó (v.) la tombe d’« Abdel Kader, l’oncle d’Abū Bakr, qui
construisit le village ». L’information n’est pas certaine, on l’a dit. Dans
l’édition de Rouen (1886b : 37) qui fait le récit détaillé de son voyage, Soleillet
décrit en date du 23 août 1882 son départ d’Obock puis « un ravin qui aboutit
au lit de la grande rivière Allatbella, où nous faisons halte ». Il faut comprendre
le puits d’Alá-t Ēlá (v. Kná Ēlíh Buɖá), au débouché de l’oued Sadáy. A
partir de la page 306, son « Itinéraire d’Ankober à Obock (1884) » relate son
retour par Farré, Dawwé, Baádu (v.). Le 12 juillet, il mentionne « le village de
Aitou, nom danakil de l’Aouache ». Il faut lire Wáytu (qui n’est nulle part le
nom d’un village). Plus loin, il voit le « mont Azalo ». C’est le volcan Ayyálu.
A plusieurs endroits, les indications données sont simplement erronées. Ex.
Soleillet (1886b : 338) indique le 23 juillet qu’il rencontre « Amphalé, fils aîné
de Houmed Loita, venu nous saluer ». Cet « Amphalé » (terme générique
colonial pour désigner les sultans d’Áwsa) désigne ici Ḥámad-Ladé qui mourra
prématurément en 1903 (v. Arbhintó). Le 17 septembre, il dit prendre la
direction du « mont Guéréné ». Ce mont semble être le Allmí Alé. Malgré ces
imprécisions, on peut reconstituer les étapes de ce voyage sur une piste bien
connue (v. Piste Tadjoura-Choa) : Yangúdi (15 juillet), Kutublá-k Kaló (20
juillet), Ḥaytankmí Bad (« Aiten Kouma », 21 juillet), le volcan Damaalé
(« Dehmale », 22 juillet), Tewó (25 juillet), Allúlli (28 juillet), Oɖɖói
(« Edeita », 31 juillet), Sgállu (1er août), puis Obock (4 août), terme de son
voyage. Soleillet meurt à Aden en septembre 1886 d’une embolie (Aubry,
1888 : 29) ou d’une insolation (Prijac, 2012 : 342).
1. Le voyage de Soleillet (1882-1884) est relaté dans deux ouvrages parus en 1886 : l’un, à Paris,
chez M. Dreyfous, moins informatif que celui, chez E. Cagniard, à Rouen (Soleillet, 1886b).
Biographie d’après les sources administratives in Prijac (2012 : 341-342).

SOMALI
En somali : soomáali, pl. soomaalí. En afar, coll. smlí ; singul. smlíyta. La
présence de Somalis (Issas non compris, v. Îsa) parmi les Afars revêt
traditionnellement trois formes. 1. Généalogique : l’ancêtre des Badoytá-m
mlá (v.) aurait été somali ; 2. Occasionnelle : les Somalis, maintenant afarisés
du Brík baddí máru « le cercle de la mer de Bôri » (v.), sont les descendants
de marins naufragés, accueillis par les Dammohoytá. Leur présence explique
une toponymie partiellement somalie, comme, au sud de l’île de Baka, les îles
de Kaɖɖá Idán « grande armée » (so. idn « armée ». Sur les cartes, Hedan) ;

337
SONGÓ-G GODÁ

Unɖá Idán. A l’est de Hawâkil, Dalgúban « pays brûlé » (carte :


Dalgummum) ; irsí-d Dahrát « récif de irsi » (Ar. Umm-Sayil) est un nom
composé afar comprenant un nom déterminant somali irsi, un connectif afar
(-d) et un nom déterminé arabe dahrat « récif ». 3. Urbaine : à Tadjoura, la
fraction Roblé-Umartó, d’origine MaDrtn, a des fonctions religieuses (cadi) ;
les Datá-umaddó sont des forgerons d’origine Tml descendants d’un
certain Abdi « Yare » venu au début du XVIIIe siècle. L’afarisation de ces
Somalis comptés parmi les tribus de Tadjoura a effacé leur origine allogène, ce
dont rend compte le récit légendaire que Mohamed Aden (2006) fait de son
lignage « afar somali » issu de la fraction Roblé-Umartó.
S : D.M. / cheikh Ádan b. Dîni ; Chailley (1980) ; Odorizzi (1911 : 249-50). L : D.M. (2012).

SONGÓG GODÁ
1. Onomastique. 2. Fractionnement. 3. Extermination.
1. Onomastique. Le nom du massif montagneux, Songó-g Godá « la Godá
des Songó », est associé à celui d’un groupe non afar, les Songó (le nom songo
se retrouve, par exemple, en sidamo, pour désigner l’assemblée traditionnelle
des chefs). On distingue le toponyme (2 accents) Songó-g Godá, de la tribu des
Songoggóda (un seul accent). Les traditions sont ici contradictoires. L’une
d’elles affirme que les Songó, premiers occupants du massif du Godá, d’abord
envahis par les « Glla » (v.), s’allièrent aux Debné pour les repousser, puis
passèrent sous commandement de ces derniers. Lucas (1935 : 191) leur attribue
le creusement du puits de Tadjoura, quand Angoulvant et Vigneras (1902 :
153) associent les Songo aux Perses. 2. Fractionnement. La chefferie dirigée
par les Mafâ (v.) comprend 9 tribus principales. 1. Mafâ (fractions Ilokkoḥtó,
Waytammalé, Mafoytá) ; 2. Darumá (Asá Daḥrumá, Adoysittó ou Aden-
Ysiftó, As-Maḥammaddó) ; 3. Gittrissó d’origine Songó (Sanfaritté, As-
amaddó) ; 4. Adáli (Datá buɖá : Ibassá, asantó, Mlikaytitté, asan-
Kiitté ; Asá buɖá : aysamitté) ; 5. Ayrolassó ; 6. Fadīitté ; 7. Ablé ; 8.
asbá (Saīddá) ; 9. Garrní. 3. Extermination. Ce fractionnement
complexe fait suite à une histoire presque effacée mais dont les rares souvenirs
conservés attestent de la violence. Une tradition rapporte que les Songó
« grands, bêtes et chrétiens » furent emmenés par un esclave du sultan de
Tadjoura sur la plaine de Awɖáa, près de Dorrá, où ils moururent de soif. On
cite aussi la plaine de Ðɖá. Partis de Gabón, les Songó s’y épuisèrent, dit-on,
à y courir après un mirage. Les tombes dites « Songó » (voir « Galla »), à
Tadjoura, sont l’indication d’une présence antérieure aux Afars, que la tradition
orale évoque dans cet appel à l’extermination proféré par un Ablé à l’adresse
des Songó :
Yaabe num, Yalla yaabay xiica Celui qui parle, le fait sérieusement
Soole num, salaatah soolay xiica Celui ici debout, le fait en homme pieux
Iyye num, geeracasá yaxcay xiica Celui qui parle, parle de piller les chameaux
Abi edde rabay xiica Qu’y périssent leurs oncles maternels !
Absumi edde rabay xiica Qu’y périssent leurs neveux !
Gafan edde xuumay Qu’ils sombrent tous dans l’abîme !
Cette référence faite au lignage maternel se retrouve dans un vers comme
(Poésie : 119) : sirr’aaba saaxat aboyya le « ceux qui pratiquent le secret

338
SUBLÁ

finissent par périr » (litt. les faiseurs de secret s’éteignent jusqu’au dernier
ancêtre maternel — compte tenu de ce que la généalogie est comptée en lignée
masculine). Harris (1844 : 147) mentionne le pays de Hai (plateau de y au
nord de l’oued Skaytó) comme le pays des Gittrissó et de leur chef Sango :
« The Gitteréza, a gigantic pastoral race, who, under the chief Sango, were at
enmity with all the surrounding, are now extinct. » Johnston (1844) y situe des
tombes de « Kafir, anciens possesseurs du pays ». Angoulvant et Vigneras
(1902) leur donnent une origine perse, avec une implantation devant Zeyla. V.
Fúrsi. Après leur élimination, qu’Angoulvant et Vigneras attribuent aux
« Ankellos » (Anklá), ne serait restée qu’une femme qui aurait donné
naissance à un garçon qu’elle aurait surnommé Abalakráti (de abál-ak raté)
« (tu es) ce qui reste de mon sang ». La chronique de l’Áwsa (cheikh !ln)
indique, en août 1857, un combat opposant des Songó et, semble-t-il, des
Mdaytó, où fut tué Msá b. Barádo, indiquant indirectement qu’à l’époque
les Songó étaient devenus musulmans et portaient des noms afars. Il existe des
Songó parmi les Awsí mára (v.). La défaite finale des Songó est attribuée à
Asá Abbakári (Darumá) et ásan Baɖɖá (Ayrolassó). Elle fut suivie de
l’occupation du Godá (v.). La distribution primitive des Songó est incertaine.
Elle semble avoir inclus le Godá, jusqu’à l’oued Randá au nord ; le versant
sud-ouest (Iddeytá, Marr, où existent des tombes), jusqu’au lac Assal et au
Adorásu. Soleillet (1886 : 53), après « être entré dans le pays de Loita »
[úmmad b. Looytá (v.)] signale :
au pied du mont Ingamara, un plateau pierreux à travers lequel coule la Galla-
Songo. Sur cette rivière se trouvent des constructions en pierre sèches, des
ruines et des murs réguliers. Sur le second gradin de Ingamara, les tombeaux des
chefs afars de la famille de Houmed Loita.
Soleillet se trouve en fait au pied de l’escarpement qui longe la piste appelée
Ungá-m maríh-dô « le chemin montant des gens du doum » (ungá), partant du
sud-ouest de l’oued Kôri, au sud de la plaine de Gaggadé, et s’enfonçant dans
le plateau du Gabaádu. Les terres des Songó (la mention « Galla-Songo » de
Soleillet renforce l’hypothèse selon laquelle ces « Galla » (v.) n’étaient pas des
Oromo) semblent avoir été principalement données aux Darumá (v.) et aux
Adorásu (les Mirgantó ont les terres au-delà de l’oued Iddeytá). Reste possible
de la puissance des Songó, un découpage prend le lac Assal comme centre et
distingue : au nord-est, le Godá ; au nord-ouest, les trois montagnes (Sidá
Alé) : Gárbi, Siyyâru, Yagér ; au sud-ouest, le Wandâba, « la zone basse » (par
rapport au Godá) incluant la plaine du anlé et le plateau de Dakká.
S : HHL (Naw.) ; HL (in D.M., 1991 : 27, 28, sq) ; Chedeville / Dilléyta b. Maámmad b. Msá.
L : Albospeyre (1959) ; Angoulvant & Vigneras (1902) ; Lucas (1935 : 181).

SUBLÁ
Ficus sycomorus. Arbre remarquable dans plusieurs cultures d’Ethiopie (EA,
IV : 779). Fréquent dans la toponymie (voir dans le Godá, Sublá-l-abá « la
source près du sycomore » ; vers Obock, l’oued Sublálli ; vers Sidīḥá Mengelá,
Sublá-f faɖó « le passage du sycomore »,). Sublá (nom commun à l’afar et au
harari) désigne la clairière où se trouve une maison de l’ex-sultan Ali-Miráḥ,
sur la rive droite de l’Awash, un peu en amont d’Abrobbaɖíffgé.

339
SUGET

SUGET
En fonction prédicative : súgt-i « ce sont des tribus anciennes ». Tribus
antérieures à celles ayant eu jusqu’à une époque récente un pouvoir politique,
et, à ce titre, considérées comme « demeurées en place » (súget). Le
néologisme sugeet [sugêt] traduit assez judicieusement le concept de
« culture », soit « ce qui est resté » du passé, en liaison avec l’héritage ancestral
(abukráti). Sont considérées comme súget : les Ablé et les adarmó dont
l’origine bedja a été signalée et qui suscitèrent le coup d’Etat de aɖal-Mâis
(v.) contre les Anklá (v.) ; les Badoytá-m mlá qui s’allièrent aux Ablé (v.).
Certaines tribus, les Damblá (v.), les Ulutó (v.), les Maantó (v.), les Madîma
(v.) sont reconnues, sans plus de précision, comme « anciennes ». Le terme de
súget n’est pas exactement symétrique de moddaî (v.). Il se comprend si l’on
prend en compte quatre périodes successives : 1. Jusqu’au XIVe siècle (soit
avant l’apparition de aɖal-Mâis), des tribus afares, dont celles précitées,
coexistent depuis une période indéterminée. Súget est ici lié à l’idée
d’autochtonie. 2. Avec la prise de pouvoir de aɖal-Mâis et jusqu’au XVIIe
siècle, période doublement marquée par le déclin de l’Adal I et l’émergence de
l’Adal II (v. Introduction), les lignages Adáli de Tadjoura et Raaytó,
Dammohoytá de Bíɖu (v.), Dankáli de Baylûl (v.) créent de nouvelles entités
(toutes assimilées à des sultanats). Ce sont les tribus d’« excellence »
(moddaî). Le principe dynastique se superpose à l’idée d’antériorité. 3. Avec
les guerres pour le contrôle de la vallée de l’Awash (c. 1750-1850), qui
consacrent la victoire des Mdaytó en Áwsa (v.), la distinction pertinente
devient celle entre ‘Adohyammára et Asahyammára (v.). La conquête
renouvelle la notion d’ « excellence », ajoutant aux anciennes dynasties, celle
des Mdaytó « Rouges » qui sortent vainqueurs d’un conflit qui a affaibli
démographiquement l’ensemble des belligérants. 4. Depuis la seconde moitié
du XIXe siècle et au XXe siècle, l’opposition Adohyammára / Asahyammára
tend à disparaître, à mesure que le souvenir des conflits qui l’ont suscitée
s’efface. Le terme moddaî inclut les tribus anciennement détentrices d’un
sultanat (les Adáli), mais sans ressources notables, et celles plus récentes
enrichies par la monoculture du coton (les Mdaytó). Le critère décisif est
désormais économique. Le terme de moɖoɖɖíb désigne autant les tribus
pauvres que celles qui s’inscrivent politiquement dans la mouvance d’un clan
dominant.

SUGÚM
Période pluvieuse (mars-avril, v. Álsa, Karmá). Certains sugúm ont été
particulièrement abondants, et ont mérité un surnom. Vers avril 1890, pluies
dites liggaysé « qui empêchent de dîner avant de dormir » (liggay). 1891,
pluies meurtrières dites dulmá (v.) ou alliyó « vomissements » dus au choléra.
Après l’hiver 1918-1919 (Naw.), en mars-avril 1919 (h. 1337 / 7 octobre 1918-
25 septembre 1919), pluies de sugúm très abondantes et générales, dites
gumá-s sugúm (v. Karma). Avril 1927 (h. 1345), grandes pluies : la ville de
Djibouti est inondée. Il s’agit d’une des premières mentions d’une calamité
cyclique en raison de la situation de la ville, au niveau de la mer, empêchant
l’évacuation des eaux de pluie.

340
T
TADJOURA
1. Situation géographique. 2. Etymologie. 3. Exploration européenne. 4. Histoire de la
ville. 5. Plan de la ville. 6. Mosquées. 7. Territoire du sultanat. 8. Régime fiscal. 9.
Histoire du sultanat. 10. Lignée des sultans. 11. Tribunal du sultan.
1. Situation géographique. Ville ancienne située sur la côte nord du golfe
auquel elle donne son nom, et au sud du massif du Dadár (v.). Le site se trouve
au débouché de deux oueds, Maglé, à l’ouest, dont la zone d’épandage s’étend
en bord de mer, de Gaórta à Aláylu, et Marsâki, à l’est.
2. Etymologie. Le nom afar de la ville de Tadjoura (Tadjourah) est Tagórri (de
tágor ou tógor, pl. de tagrá « outre à puiser » : *tagór-li > tagórri « qui a des
outres à puiser » = abondante en eau). Ce n’est pas « en raison du nombre de
ces récipients encombrant le fonds du puits » (Mohamed Aden : 2006 : 38) que
le nom Tagórri s’est fixé, mais pour signaler la permanence d’une ressource
aussi rare que vitale. En arabe, Taurra, Tuurra. La reconnaissance du golfe
de Tadjoura, et plus encore de la ville, est incertaine et tardive. La première
mention de Taurra figure sur la carte d’al-Idrs (datée de 1154), mais mal
placée à la latitude de Djeddah. La ville pourrait se trouver sur celle de al-
Brn (973-1048), si l’on admet de lire ‫رة‬ sous ‫دة‬‫ « ذ‬n--d », par 12° de
latitude, au nord-ouest de Zayla.
3. Exploration européenne. La première mention européenne du golfe : « este
rio entra quatro jornadas » (cette rivière pénètre de quatre journées), d’où le
nom de « Rivière des quatre journades » ou de « Baie des quatre journaux »,
que lui donnent au XVIIIe s. les géographes et les marins français, figure sur la
carte de Lopo Homem (1554), reprise par Almeida (1662). Le rs Bir (rs al-
Barr « promontoire, cap du continent » ? Chumowski, 1960 : 135) est
également mentionné, si l’indication « C. Robel » correspond au rs Bir.
Tagora apparaît, pour la première fois sur une carte européenne, sur celle de
Diego Homem (1565), et est repris ensuite épisodiquement. L’exploration de la
mer Rouge menée par Estevão de Gama et João de Castro (1541), semble avoir
ignoré le golfe de Tadjoura auquel on donne jusqu’au XIXe siècle des surnoms
fantaisistes : Bahr al-Bánateen « the sea of the two nymphs » (Harris, 1844 :
43), « the sea of the maidens » (Johnston, 1844 : 5). Les premières
informations françaises proviennent du récit publié par le chevalier de La
Roque en 1715 de l’expédition française partie, au début de l’année 1708,
acheter du café à Mokha. Cette expédition était constituée de deux bateaux, le
Diligent et le Curieux, commandés respectivement par Julien de Champloret et
Godefroy Gollet de la Merveille, le subrécargue de l’expédition. Les deux
bateaux sont devant l’entrée du golfe de Tadjoura, le 28 décembre 1708. Sans
que le journal de bord permette d’établir sa position avec précision, le Curieux
est abordé le 30 décembre par un boutre dépêché par le sultan de Tadjoura,
Maámmad b. Dni. Celui-ci lui remet un message contenant une invitation à
se rendre à Tadjoura. Mais la sonde donnant des fonds insuffisants, le navire
vire de bord et repart au large. Il rejoint le Diligent, et tous deux atteindront
Mokha, le 3 janvier 1709. La Roque n’ayant pas participé au voyage, son récit
TADJOURA

contient des approximations dont la plus notable se trouve sur la carte de


Guillaume Delisle (écrit De l’Isle) qui illustre le texte et qui place « Tagora »
sur la rive sud du Golfe appelé « baie de Zeila ». Cette erreur répétée ensuite
montre que Tadjoura n’a pas été visitée au XVIIIe s., même si la Carte
d’Abyssinie de Bourguignon d’Anville (1727), reprenant la carte de Ludolf
(1683), montre Tadjoura, bien placée au nord du golfe. La même carte fait
déboucher le « Hanazo » (Awash ?) dans la « Baye de Zeïla ».
4. Histoire de la ville. Le passé de Tadjoura n’est connu qu’indirectement à
partir du XIXe siècle. Les Européens qui y ont séjourné n’ont vu qu’un village,
sans percevoir son caractère historique marqué par une architecture
traditionnelle identique à celle de l’ancienne Zeyla. Une tradition locale
rapporte qu’un interdit a longtemps frappé le site du « premier » Tadjoura,
déserté à la suite d’une peste. On prête à Afkáɖɖa b. ásan (v.) cet adage :
Tagorrí bayé handágammay, loóllâsay, bar ellé má ɖīnina « Tadjoura est un
lieu maudit, passez-y le jour, mais n’y dormez point. » Aucune fouille
archéologique n’ayant été menée, on ne peut se représenter ce qu’a pu être la
ville originelle. Un premier établissement Adáli a pu se situer vers l’oued
Marsâki. Seule, la tradition d’un lien entre Tadjoura, la ville « aînée » (sáal), et
Zeyla, sa « cadette » (maánɖa, v. Ibrhm Ab Zaarbi) rappelle le souvenir
de cette période, antérieure à la fondation du sultanat. Tadjoura a été incendiée
au moins cinq fois : en 1814 (v. Áwsa) ; le vendredi 10 août 1866 (28 Rab I
1283), à l’occasion d’un raid du sultan de l’Áwsa (source Dawúd b. Abdallah,
arrière-petit-fils d’Ab Bakr « Pacha ») ; le 22 octobre 1893 (9 Rab II 1311).
Le sinistre détruit en grande partie la ville. Le chef de poste d’Obock ne rend
compte de cet événement que le 13 décembre. Dans la nuit du 2 au 3 août 1897
(3 Rab I 1315), incendie partiel dû à la foudre, confirmé par les archives de la
colonie. Le 27 août (ou septembre) 1905, l’incendie commence à Galató où se
trouve la mosquée Šdilí. Henri Lambert, venu à trois reprises à Tadjoura (les
17 septembre 1855, 16 avril et 4 septembre 1856, soit avant le second incendie
recensé, estime alors la population à 3 000 habitants. Soleillet (1886 : 41)
indique 700 à 800 habitants, ce qui laisse à penser que la ville n’a pas retrouvé
son activité antérieure à l’attaque de 1866. Les secousses telluriques de mars et
avril 1973 ont causé des dégâts importants à la ville.
5. Plan de la ville. Au moment du passage de Rochet (1839), la ville compte
une centaine d’habitations. La ville comprend deux quartiers : Galató (de galá
« Calotropis procera »), en haut ; et Saarriytó (du nom des cases des marins
yéménites venus de Šir, région d’où les dattes et l’encens étaient importés),
près de la mer, avec chacun leur fimá masculine : Ðnekála « qui tiennent
éveillés » (pour Galató), Farradá « qui s’interposent » (pour Saarriytó) ;
fimá féminines : Amrisá « commandantes » (pour Galató), Maaysá « qui ne
rassasient pas » (Saarriytó).
6. Mosquées. Le nom des sept mosquées de Tadjoura (dont un oratoire à ciel
ouvert), les différences entre Albospeyre (1959 : 151) et Mohamed Aden
(2006 : 53-54) quant à la tribu donatrice ou chargée de l’entretien du bâtiment
trouvent leur explication dans l’histoire tourmentée d’une ville plusieurs fois
incendiée et victime de tremblements de terre. Le légendaire religieux n’a cessé
de s’enrichir, avec parfois des affirmations surprenantes comme d’associer « la

342
TADJOURA

plus ancienne » mosquée à la tribu Adniytó (v.) dont l’ancêtre apical était un
Juif du Yémen venu à Tadjoura au milieu du XVIe siècle. Si Tadjoura a été
fondée au IXe siècle, on peut supposer que des mosquées ont été édifiées dès
cette époque. Charles Johnston (1844 : 48 et suiv.) est le premier à fournir
quelques indications. La mosquée principale, écrit-il, est de forme carrée, avec
des murs formés de branches et avec un toit en feuilles de palmier, maintenues
par des cordes en doum. Son emplacement n’étant pas précisé, son
identification est incertaine. Les deux autres mosquées sont « les seuls
bâtiments de pierre de Tadjoura ». Elles sont plus petites et à toit plat, blanchies
à la chaux. L’une est proche de la case du sultan, écrit-il. On peut penser qu’il
s’agit de Šek úmmad. La seconde, carrée, en bord de mer, avec, à son
extrémité opposée, les ruines d’un bâtiment en pierre, pourrait être Cheikh
Ibrâhim. Faute d’autres documents sans doute disparus lors des incendies
successifs de la ville, on doit se contenter des indications succinctes suivantes :
1. Šek úmmad (« Cheikh Mohamed » pour Albospeyre), qui serait la plus
ancienne (donateur Adniytó), aujourd’hui détruite. Mohamed Aden (op. cit. : 53)
précise que les sultans y étaient enterrés à proximité.
2. Iska ou Sissiká, dont le nom est aujourd’hui reformé en « cheikh Isaq »
(S!ká et s"bá). Mohamed Aden (op. cit. : 54) indique que le minaret s’est
effondré à la suite d’un tremblement de terre au début du XXe siècle.
3. Gmi ou ma (s"bá). Mohamed Aden (ibid. : 54) précise que c’est là que
« tous les vendredis, se rassemblent les croyants ». Albospeyre (ibid. : 151) écrit
que ce rassemblement hebdomadaire avait lieu à la mosquée « Cheikh
Mohamed ».
4. Cheikh Ibrâhim (S!ká). Mohamed Aden (ibid. : 54) dit qu’elle a été construite
par l’arrière-grand-père de l’ex-député Ḥas"bá Mohamed Ali Gadilé. Albospeyre
donne le nom du donateur S!ká, originaire d’Awsa.
5. Korğib (d’abord Adáli, construite par le sultan úmmad b. Maámmad, grand-
père du sultan abíb, puis Ðerm!lá). Suivant le légendaire, Kor"ğib (v.) serait le
nom d’un cheikh surgi de la la mer, qui aurait demandé qu’une mosquée soit
érigée sur sa tombe.
6. Šdilí (Adáli), qui aurait été fondée par le cheikh al$Š%il, lui-même (Šams al-
Dn b. Ali b. Umar al$Š%il, mort en 1512-13, instaurateur de la confrérie
Š%iliyya, au Yémen).
7. La mosquée dite « du bord de mer » ou « Šek Maámmad » est le maqm de
cheikh Maámmad « Darbên » (v. Ibrhm Ab Zaarbi).
7. Territoire du sultanat. Les frontières du sultanat sont rappelées lors de la
proclamation du nouveau sultan (kúkta) : Asál-Fɖusá-ɖ « la pierre sifflante
de Asál », à Dabrimá, au nord-ouest de Skálol correspondant à la cote 262 sur
la carte IGN (coordonnées hectométriques JJ942441) ; Sebbó-d dbá « le col
de Sebbó », entre le petit massif de Gangá derrière Asab et le eltági, sur le
territoire du sultanat de Raaytó. Le crieur avertit :
« Qasal Fuuxusa-xaa kee Sebbaaqô daaba,
kay wano kinnim oobiyooy cintem baadday, oggoltem gibirtay »
« Apprenez que son domaine va de Fɖusá-ɖ au col de Sebbó
Que ceux qui refusent s’expatrient ! Que ceux qui acceptent paient l’impôt ! »

343
TADJOURA

On a indirectement la confirmation que le sultanat de Raaytó a été créé par


amputation du sultanat de Tadjoura. Celui-ci comprend, avec la ville
proprement dite, des chefferies en territoire Adáli ; des chefferies Ablé
(exonérées de l’impôt dû au sultan) et une chefferie Debné (Ayrolassó).
Chefferies Adáli : 1. Dardortí (chefferie des fractions Burantó et Dnitté
fournissant le sultan et son vizir) ; 2. Ská ; 3. asbá (v.) et Ská-k asbá ;
4. Adniytó (v.) ; 5. Dawúd-Dnitté ; 6. Kabbbá (v) ; 7. Gadiddó ; 8. Balawtá
(v.) ; 9. Bollí buɖá (v.) ; 10. Rukbá-k Ðermlá ; 11. Faditté (v.). Chefferies
Datá Ablé (Gadditó, Kóra, Ali-Gantá), Asá Ablé.
8. Régime fiscal. Vers 1956, l’impôt foncier (isó ou gibír) dû en début d’année
(v. Alsi-l"wó) au sultan était de 207 chèvres pour vingt-trois zones de taxation
sur le territoire de la dinkrá (v. infra), dont cinq, propriétés personnelles du
sultan Burhantó. La plupart d’entre elles sont à distance de Tadjoura, les
environs de la ville ayant été cédés aux Adáli ou aux Asá Ablé, exonérés. La
nature et la modicité de cette taxation s’expliquent par leur objet principal :
assurer au sultan les moyens de faire table ouverte. 1. admá (aux Songo-g
Godá, Mafâ) : 12 chèvres. 2. Ðobróy (Songo-g Godá, Ayrolassó) : 10 chèvres.
3. Kontóyli (Datá buɖá) : 10 chèvres. 4. Ðay (Fdiitté) : 15 chèvres. 5.
Muɖɖaá (au pied du Barabarré, propriété du sultan) : 10 chèvres. 6. Lgâlen
(Gundsá) : 20 chèvres. 7. Agrό-g gúba (Egralâ, propriété du sultan) : 10
chèvres. 8. Assó (aysamlé) : 10 chèvres. 9. Maglé (Bollí buɖá, propriété
du sultan) : 5 chèvres. 10. Gâgu (Bollí buɖá) : 5 chèvres. 11. Maadál (Bollí
buɖá) : 5 chèvres. 12. Sabaltó (Dbá-m!lá) : 5 chèvres. 13. Adoylá (Dbá-
m!lá) : 5 chèvres. 14. Ðaanlé (Dbá-m!lá, propriété du sultan) : 5 chèvres. 15.
Gumó (Addôkum) : 10 chèvres. 16. Debné (Asá Iliglé) : 5 chèvres. 17. Áyi-k
Gaddé (Egralâ) : 5 chèvres. 18. Ruêli (Garaysá) : 20 chèvres. 19. Darumá-g
garbó (Darumá, propriété du sultan) : 5 chèvres. 20. Adallóm Dbá (Asá
Ablé) : 5 chèvres. 21. Arán Tôor (Asá Ablé, propriété du sultan) : 5 chèvres.
22. Aláyta (as"bá, des S!ká-k as"bá) : 5 chèvres. 23. Farká-b buɖá : 10
chèvres. A cette redevance, s’ajoutent les taxes sur les marchandises de
passage : un rial par tanika de beurre, une roupie par sac de doura. Davin
(1888) indique que le sultan prélève sur les caravanes un thaler par chameau.
Fleuriot de Langle (1861), sans que cela signifie une quelconque allégeance du
sultan de Tadjoura, signale qu’à la suite de l’assassinat de soldats yéménites à
Tadjoura une rente perpétuelle aurait été imposée par l’imam, gérée par le
gouverneur de Zeyla. La coupe de bois vif de la forêt du Ðay à destination de
Djibouti, dommageable du point de vue écologique, n’a, semble-t-il, jamais fait
l’objet d’une imposition ou d’un contrôle malgré des dispositions
réglementaires qui se voulaient contraignantes (JO CFS, 1938 : 41) en
interdisant « d’abattre et d’ébrancher les arbres sans un permis du gouverneur
ou de son délégué » (art. 1) ; interdisant l’exportation du bois et du charbon de
bois, lesquels, apportés à Djibouti, doivent être contrôlés par le service des
Douanes » (art. 5 & 6). Antérieurement, la destruction de la mangrove des
environs d’Obock (v.) avait justifié l’arrêté du 3 janvier 1919, lequel prohibait
« la coupe de bois vert, palétuvier, mimosa, ou autre (…) sans autorisation
écrite du gouverneur ». L’arrêté du 6 octobre 1917 avait toutefois accordé à
« M. de Monfreid l’autorisation de couper des palétuviers aux îles Musha ».

344
TADJOURA

9. Histoire du sultanat. a. Légende. D’après la tradition recueillie par Péri, la


région située au nord du golfe de Tadjoura jusqu’à Ðaɖɖató, correspondant au
Ló, était initialement occupée par des Ablé et des Badoytá-m m!lá, sur la
côte. Au sud, se trouvaient les Songó, dans le massif du Godá, et les s"bá, le
long de la côte sud. Au-delà d’une ligne qui devait passer par le Msaálli,
commençait le pays Anklá. A la fin du XIVe siècle, les Anklá furent refoulés
par Gallâmir (v.), fils d’Adâal (v.), arrière-petit-fils de aɖal-Mâis (v.),
jusqu’à Raaytó. Le second fils de Gallâmir, « Ðogorré » Úmar vint s’installer
à Tadjoura, sans encore fonder le sultanat. La charge de chef de guerre, dévolue
au troisième fils, Ulêl Abûsa Arbâhim (v.), explique que le sultan de Tadjoura
n’ait pas historiquement eu de force de police en propre, à la différence du
sultan d’Awsa1. A son arrivée, Johnston (1844) note que l’autorité du sultan est
contestée (disclaimed) :
« and in fact it was very evident that to hold quiet possession of the town, a species
of black mail was extorted from him and the inhabitants by the Beduins of the
surrounding country ».
On peut supposer que ce « chantage » auquel était soumis le sultan était le
résultat de son affaiblissement après l’incendie de 1814, consécutif à un raid de
l’Awsa (v.). Pour rester maître en ville, le sultan devait composer avec les
tribus alentour, nominalement sous son commandement.
b. Système institutionnel. Le sultanat de Tadjoura s’appuie sur une dynastie,
celle des Adáli, avec un territoire défini appelé dinkrá-b bɖó ou « territoire
des tambours (du sultan) ». Le sultan est appelé dardár (v.), son vizir banóyta,
ses percepteurs ullá (sing. ulúlta). Le pouvoir alterne entre les deux
fractions Burhantó et Dnitté. Lorsque le sultan Burhantó décède, le vizir
Dīnitté lui succède. Un fils (qui n’est pas automatiquement l’aîné) du sultan
défunt devient le nouveau vizir. Originellement, cette solution aurait été choisie
pour régler une querelle de succession entre les deux fils de « Asá » Kâmil,
Dîni et Burán (Albospeyre, 1959 : 103). Les Dnitté et les Burantó sont les
deux fractions issues de ces deux frères. La généalogie montre que cette
alternance n’apparaît qu’à la septième génération après « Asá » Kâmil. L’âge,
la pleine capacité physique et intellectuelle sont pris en compte dans le choix
final. Si l’on se réfère au rituel de désignation du sultan actuel, après la période
de deuil suivant la mort du sultan abíb le 29 septembre 1983 et la rabeyná du
10 mars 1985, la candidature officielle du successeur, reçue par le chef des
Ayrolassó, a été transmise, le samedi 23 mars 1985, au chef du miglís
(l’assemblée) composée des représentants des sept tribus de la ville :
Ayrolassó, Adáli (ou Dardortí), Asá Ablé (président de la cérémonie),
Adniytó, as"bá, S!ká et S"mlí (« Roblé-Umartó »), sous commandement
Ayrolassó du Mablá. L’intronisation solennelle a eu lieu le lundi 8 avril 1985,
marquée par le rituel suivant auquel participèrent les différentes tribus
considérées comme fondatrices de Tadjoura : 1. abattage, à l’aube, d’un taureau
dont la peau va servir à recouvrir les deux tambours (dinkrá), insigne du

1. Ainsi, par exemple, une décision prise au tribunal du sultan, à l’encontre d’un mari qui ne paie
pas sa pension alimentaire à son ex-épouse, ne peut être suivie d’exécution.

345
TADJOURA

pouvoir des sultans ; 2. exhumation de ceux-ci, crevés au couteau et enterrés le


jour du décès du sultan ; 3. leur transport chez le nouveau promu, recouverts
d’une peau neuve ; 4. ablutions et rasage des nouveaux sultan et vizir ; 5.
proclamation de ceux-ci (kúkta) clôturant la cérémonie. Une fois intronisé, on
ne doit normalement s’adresser au sultan qu’en l’appelant par son titre de
dardár, sous peine d’amende.
10. Lignée des sultans. Dans l’établissement de la succession des sultans, deux
séries de problèmes se posent qui concernent les noms et les dates. Dans la
transcription des premiers, la difficulté provient des nombreuses homonymies
et de la tendance actuelle à l’arabisation. Les formes afares ámad, úmmed,
úmmad sont souvent données sous la forme arabe normative Amad. Il en est
de même pour Arbâhim, rétabli en Ibrhm. Les sources coloniales confondent
allègrement ces formes voisines, toutes susceptibles de désigner des individus
différents. Si les noms sont presque toujours donnés sous une forme erronée,
les dates de règne ne peuvent pas être précisées avant le XIXe siècle et le 19ème
sultan. On a cependant une indication de La Roque (1715), à propos du 14ème
sultan « Mehemed b. Deiny » [Maámmad b. Dîni b. ámad] qui permet
d’établir une chronologie assez précise après cette date. Pour les sultans
antérieurs, on a retenu une moyenne de vingt-cinq à trente ans par génération,
donnant les mêmes dates aux sultans et vizirs de même génération. Malgré les
incertitudes qui subsistent, la datation obtenue correspond assez bien à la
périodisation d’ensemble (voir p. 20). La période de fondation par « Asá »
Kâmil et ses six successeurs est celle d’une dynastie locale Adáli, implantée
sur le territoire laissé vacant par les Anklá (v.). Avant le septième sultan,
l’alternance dynastique n’est pas confirmée. Cet écart est attesté également
dans la généalogie relevée par Albospeyre (dont la liste diffère ensuite). La
décision de conférer le pouvoir en alternance aux fractions Dnitté et Burantó
témoigne d’une modification institutionnelle majeure, qui ouvre la seconde
période du sultanat (à partir de 1620). La variante, pour les sultans 9 à 12, est
peut-être la trace d’un conflit dynastique. A partir de 1680 environ, l’alternance
est rétablie et désormais régulière. Le pouvoir Adáli est autonome. Après
1862, le sultanat passe progressivement sous influence française.
Liste des sultans Adáli de Tadjoura
1. Asa Kâmil (c. 1450). 2. Šeém (c. 1480). 3. Hindiwân (c. 1510). 4. ámad
(c. 1540). 5. úmmad (c. 1570). 6. Maámmad (c. 1600).
7. Burán b. Maámmad (c. 1620), premier sultan Burantó (B). Viz. Dîni b.
Maámmad. [ou l’inverse, bien que l’existence de terrains propres aux
sultans Burantó laisse penser que ceux-ci ont été les premiers].
8. Dîni b. Maámmad (c. 1620), D (Dīnitté). Viz. Kâmil b. Burán.
9. Kâmil b. Burán (c. 1655), B. Viz. ámad b. Dîni.
10. ámad b. Dîni (c. 1655), D. Viz. Mûsa b. Kâmil
11. Mûsa b. Kâmil (c. 1680), B. Viz. Dîni b. ámad.
12. Dîni b. ámad (c. 1680), D. Viz. ámad b. Mûsa.
Variante : 9. Kâmil b. Burán, B. Viz. Maámmad b. Dîni. 10. Maámmad b.
Dîni, D. Viz. Mûsa b. Kâmil. 11. Mûsa b. Kâmil, B. Viz. Nassâr b.
ámad. 12. Nassâr b. ámad, D. Viz. ámad b. Mûsa.

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13. ámad b. Mûsa (c. 1705), B. Viz. Maámmad b. Dîni.


14. Maámmad b. Dîni (1705), D. C’est le sultan « Mehemed ben Deiny »
mentionné par La Roque (1715 : 72). On a, par hypothèse, supposé qu’il
régnait depuis 1705. Viz. Maámmad b. ámad.
15. Maámmad b. ámad (c. 1740), B. Viz. ámad b. Nassâr.
16. ámad b. Nassâr (c. 1770), D. Viz. úmmad b. Maámmad.
17. úmmad b. Maámmad (c. 1770), B. Viz. Mandáytu b. ámad.
18. Mandáytu b. ámad (c. 1800-1820), D. Viz. Maámmad b. úmmad
19. « Adállom » Maámmad b. úmmad (1821-1859), B. Né c. 1783-89. En
1839, Rochet (qui l’appelle Mahamet-Mahamet) lui donne 50 ans ;
Johnston, au moins soixante ans ; d’Abbadie, soixante-cinq ans en 1839. Il
serait donc né vers 1778 ; en 1783, pour Lambert qui lui donne 75 ans dans
sa lettre de transmission (5 août 1858) de la lettre d’Abū Bakr à Napoléon
III (datée du 4 juillet 1858). Il l’appelle Mahamed Mahamed (comme
Rochet). Viz. Maámmad b. Mandáytu (que Harris appelle par erreur
Hummed).
20. Maámmad b. Mandáytu (1860-9 mars 1862), D. Russel (1860) mentionne
seulement un « Mohammed ». La date de décès est donnée par Schefer
(compte rendu de mission, daté d’Aden, 23 mai 1862). Lors de l’escale du
Surcouf (1865) son fils úmmad b. Maámmad b. Mandáytu est mentionné.
L’art. V du Traité de Paris (1862) indique, pour la forme, le « sultan
Mohamed Ben Mohamed » [Maámmad b. Mandáytu b. ámad tout juste
décédé], « le vizir Mohammed, fils de sultan Hammed » [úmmad b.
« Adallóm » Maámmad], né vers 1810, marié en 1839, d’après Rochet,
seul signataire, mais non encore intronisé sultan, en raison du deuil
conventionnel d’une année].
21. úmmad b. « Adallóm » Maámmad (1863-1879), B. Né vers 1815. Le 10
août 1866 a lieu l’incendie de Tadjoura par les troupes de l’Áwsa et la
bataille de Mayrádi (v.). Le sultan s’enfuit à Zeyla. On remarque que la
proclamation des sultans (v. supra) est prononcée en référence au fils de
« Adallóm » Maámmad, semblant indiquer le début d’une nouvelle
période caractérisée par un territoire et un régime fiscal modifiés par
l’implantation française (Traité de Paris de 1862). Viz. úmmad b.
Maámmad, b. Mandáytu.
22. ummad b. Maámmad b. Mandáytu (1880-24 août 1912), D. Il est le
sultan contemporain de Lagarde. Faurot le photographie sous le nom de
« Ahmed b. Mohammed ». Viz. Arbâhim b. úmmad (mort en septembre
1887 de la variole), remplacé par son fils, Maámmad b. Arbâhim.
23. Maámmad b. Arbâhim (2 décembre 1913-6 août 1927), B. Viz. abíb b.
úmmad b. Maámmad b. Mandáytu. Le gouverneur Chapon-Baissac, en
conflit avec le vizir, s’oppose à sa nomination comme sultan. Il vient en
personne, à Tadjoura, conférer l’investiture à l’un des fils du sultan défunt,
úmmed b. Maámmad b. Arbâhim, le 14 décembre 1928, violant ainsi la
règle de l’alternance.
24. úmmed b. Maámmad (14 décembre 1928-17 avril 1962, à Djibouti), B.
Viz. abíb b. úmmad b. Maámmad b. Mandáytu (mort à Tadjoura le 24
décembre 1970 ; selon certains, à l’âge de 118 ans).

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25. abíb b. ámad b. úmmad b. Maámmad, b. Mandáytu (désigné le 16


mai 1964 ; intronisé le 18 mai 1964 ; décédé le 29 septembre 1983 à l’âge
de 46 ans), D. Viz. Abdulkâdir dit « Abdó » b. úmmed b. Maámmad.
26. Abdulkâdir dit « Abdó » b. úmmed b. Maámmad (intronisé le lundi 8
avril 1985 après la rabeyná du sultan abíb, le 10 mars 1985), B. Viz.
Šeém b. Amed [ámad] b. úmmad (le plus jeune frère du défunt
abíb).

Lignée des sultans de Tadjoura

1600 Maámmad

1620 8. Dîni 7. Burán

1655 10. ámad 9. Kâmil Barkát

1680 12. Dîni Maámmad 11. Msá

1705 14. Maámmad úmmad 13. ámad

Nassâr 15. Maámmad

1760 16. ámad 17. úmmad Arbâhim

1800 18. Mandáytu 19. « Adállom » Maámmad Isáq

1860 20. Maámmad 21. úmmad Dawúd Burán

1880 22. úmmad* Arbâhim* (*signataires du T. de 1884)

abíb ámad 23. Maámmad banoytí úmmad

1964 úmmad 25. abíb Seém 24. úmmed

1985 26. Abdulkâdir

Dnitté Burantó

Asá Kmilíh sárra

Le tableau ci-dessus indique l’ordre de succession des sultans à partir du


septième, Burán b. Maámmad. Ce chiffre de 26 sultans est parfois remis en
cause par ceux qui en comptent 33, 31 (Rahem, 2001 : 168), voire 30 (l’actuel
sultan, cité par Mohamed Aden, 2006 : 18). Ces différences qui restent à
préciser ― encore faudrait-il que d’autres listes soient publiées ― peuvent
trouver leur origine dans la variante dans l’ordre de succession, indiquée après
le 12ème sultan. Les dates choisies comme repères correspondent à celles
d’intronisation des sultans Dnitté. Quoique approximatives, elles confirment
l’institution de l’alternance entre les fractions Burantó et Dnitté au tout début
du XVIIe siècle.

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11. Tribunal du sultan. Le mot mabló qui signifie « procès, litige, » désigne
aussi le tribunal (v. ubul « voir »). C’est l’audience publique du sultan, assisté
de makâban (v.) réputés pour leur connaissance de la madá (v.). Elle suit un
déroulement et un cérémonial particuliers. Outre ces membres du tribunal,
l’audience requiert la présence d’un assesseur chargé d’ouvrir et clore les
débats en récitant la Ftiá et des représentants des parties (awlá) ou les
plaignants eux-mêmes ; enfin, les interlocuteurs muets de ceux-ci (hayyé-n
num). Chacun des deux plaideurs choisit son hayyé yabbíɖi « celui qui
acquiesce », qui va ponctuer la déposition en reprenant un mot ou une phrase
de celle-ci, à chaque pause de l’orateur. Exemple d’une telle audience (telle que
nous y avons assisté en 1974) :
Le sultan ou son assistant : Hekeluu kee hekelu mablo lekii keenih oobbiya « Apprenez
qu’un tel et un tel ont un procès ». Puis, il demande à chacun quel est son
représentant (awlá), et à celui-ci s’il accepte. Il invite alors le chargé de la Ftiá à
ouvrir la séance : Tu lem tu taxxacay ixxicaay, Faatica hayis « Dis : “Que ceux qui
ont quelque grief le disent”, et fais la Ftiá ». L’assesseur répète : Tu lem taxxacay
« Que ceux qui ont quelque grief le disent, Ftiá » (sans toujours réciter la sourate
liminaire du Coran).
Le premier makbántu poursuit : Yab iyyah nacoo ? « A qui dois-je donner la
parole ? »
Le second makbántu : Hebeluh acuwa « Donnez-la à un tel ».
Le premier makbántu s’adressant à la personne désignée : Hebelu yab koh yeceenihik
exxecciy « Un tel, puisque l’on t’a donné la parole, parle ». Le plaideur fait son
exposé. Il commence par prendre dans l’assistance un interlocuteur muet (hayyé yoh
ibbix « fais-moi hayyé »), à qui il s’adressera en apparence, et qui ponctuera
chacune de ses phrases en disant : « Hayyé ? — Et puis ? » ou en répétant le dernier
mot ou même la totalité de celles-ci pour être sûr d’avoir bien compris et que tout le
monde a bien compris. Le second plaideur procède de la même façon. Ils
reparleront au besoin à leur tour jusqu’à épuisement de leurs arguments. Pendant
ces dépositions, les juges n’interviennent pas, sauf pour de brèves mises au point.
Lorsqu’ils ont terminé, on fait comparaître les témoins (wadi num). Seuls les
hommes peuvent être cités comme témoins. Les femmes peuvent être interrogées à
titre d’information. Lorsque toutes les dépositions sont achevées, le premier juge
désigne un des assistants qui peut être un des hayyé-yabbixi pour répéter in extenso
tout ce qui a été dit. C’est la répétition (maaqo ou gabbaaqo). Après que le
répétiteur (maaqi num) a terminé, a lieu le jugement proprement dit ou mekla
« répartition (des torts) » dans une affaire civile ; cokmi « commandement », dans
une audience pénale. Les juges sont appelés à faire connaître publiquement leur
opinion. Ils discutent, « observent » (wagtaanah). Quand ils se sont mis d’accord, le
sultan peut se rallier à leur point de vue ou, s’il est en désaccord ou a vu un défaut
dans leur décision (dardar mokodde yublekii), leur reposer le problème (keenit
gacsa). Ils acceptent son point de vue ou restent sur leur position (sarra, dardar
iyyeemih gaciy, makaaban itteemih gaciy). L’accord intervenu ou l’audience
reportée, le sultan ordonne à celui chargé de la Ftiá de clore la séance.
Chef de postes (1927-1943). Venant d’Obock, Azénor prend le
commandement du cercle en mai 1927 avec l’appui de l’aviso Diana. Il est
officiellement nommé le 18 janvier 1928. Lui succèdent (dates de nomination) :
Dupont (2 mai 1928) ; Barthélémy (30 octobre 1928) ; à nouveau Azénor (18
novembre 1928), qui meurt le 28 décembre 1928, après l’investiture du sultan

349
TADJOURA-CHOA (piste)

úmmed b. Maámmad, le 14 décembre ; Laîné (11 janvier 1929). Le 24


décembre 1930, est créée la circonscription administrative des territoires
extérieurs dite « cercle des Adaëls ». Le 9 avril 1931, un arrêté divise la colonie
en trois cercles (Djibouti, Dikhil-Gobad et Adaëls avec comme chef-lieu
Obock). Sont nommés : Lucas (10 août 1931. Le 18 février 1932, le chef-lieu
du cercle des Adaëls est fixé à Tadjoura) ; après un court intérim de Bernard,
courant 1932, à nouveau Lucas (8 novembre 1932) ; Rodolphe (28 juin 1933) ;
Lebrun (date indét.) ; Rodolphe (31 décembre 1934) ; Ouvrard (date indét.) ;
Lucas (1er juin 1935) ; Chavonin (25 février 1936) ; Lucas (février 1936-avril
1937) ; Cède (1er avril 1937) ; Sanner (1er avril 1938) ; Lanlo (1940) ; Coullet
(1941). C’est sous son commandement que se produit la mort de l’adjudant
Thiébeau (janvier 1943, v. Kabb"bá) ; Périquet (septembre 1943). L’énumé-
ration qui précède montre la fréquence des changements de titulaires. Cette
instabilité signale le désintérêt d’administrateurs, surtout soucieux d’une
mutation rapide, loin d’un territoire jugé sans intérêt ; d’où la quasi-absence
d’études ethnographiques ou linguistiques en Côte française des Somalis.
S : Sur l’histoire de la ville : Chedeville / Dawúd b. Abdallah ; HL (in D.M., 1997: 14-18 ; 36 ;
103-107). Sur l’architecture : Chailley (1952). Sur l’incendie de 1893 : Min. Colo., corresp. gén.
dossier 1016. Sur le territoire du sultanat, proclamé lors de la kúkta : HL (in D.M., 1997 : 54).
Sur le fractionnement des tribus : Albospeyre (1959) ; Chedeville (Afars). Sur le régime fiscal :
Chedeville (comm. pers.). Sur la lignée des sultans : HHL (Naw.) ; D.M. / cheikh Ádan b. Dîni ;
sultan abíb b. ámad. L : Albospeyre (1959) ; Aramis Houmed Soule (1986) ; Chailley
(1980) ; Faurot (1886) ; Fontrier (2003 : 44-45) : Johnston (1844) ; La Roque (1715 : 72) ; Lucas
(1935) ; Min. Colo. dossier 1006, affaires militaires (1899-1930) ; Morin (2014) ; Rochet (1841).

TADJOURACHOA (piste)
Tadjoura a constitué l’un des principaux points de débarquement des voyageurs
européens en route vers le Choa et l’Ethiopie. Au XIXe siècle, le commerçant
Jules-Nicolas Dufey (1811-1839) est le premier à accomplir ce trajet qui sera
suivi en sens inverse par les deux missionnaires allemands Karl-Wilhelm
Isenberg et Ludwig Krapf. Après un voyage en Ethiopie au départ de Massawa,
Dufey regagne la côte à Tadjoura, venant d’Ankobär, après 43 jours de marche
(6 août-19 septembre 1838). Karl-Wilhelm Isenberg et Ludwig Krapf, que
Rochet a rencontrés au Caire, mais qui l’ont devancé, débarquent à Tadjoura en
avril 1839. Rochet y arrive, le 4 juin. Au terme de son premier voyage au Choa,
il reviendra à Tadjoura en avril 1840. Le voyageur anglais Charles Beke quitte
Tadjoura en décembre 1840 et atteint l’Ethiopie. Ce qui n’est pas le cas des
frères Antoine et Arnauld d’Abbadie (janvier 1841) et Edmond Combes,
lesquels, en application d’un accord passé entre le sultan et le gouverneur
d’Aden, Haynes, ne pourront obtenir le sauf-conduit nécessaire à leur voyage.
En mai 1841, la mission officielle de Harris (v.), venant de Bombay, débarque
à Tadjoura. Après un séjour au Choa (signature d’un traité d’amitié et de
commerce avec le roi Sahlä Səllase), il regagne l’Inde par Tadjoura en 1843.
Entre temps, une gabare française, la Prévoyante (cdt Jehenne), visite Tadjoura
(21-23 déc. 1841). Après une première escale de quatre jours en février 1842,
le voyageur anglais Johnston débarque, le 27 mars 1842, suivi de Rochet pour
son second voyage (mai 1842), lequel se heurte aux mêmes obstacles que les
frères d’Abbadie, et part à Mokha. Un mois plus tard, il reçoit la visite de

350
TADJOURA-CHOA (piste)

Maámmad b. Arbâhim b. Šeém, frère du futur Ab Bakr « Pacha ». Il


conduit Rochet à Ambabbó (6 septembre 1842). Son père, Arbâhim b. Šeém
arrive du Choa avec deux lettres du roi Sahlä Səllase, l’une pour Rochet, l’autre
pour le sultan de Tadjoura, qu’il menace d’une intervention s’il ne laisse pas le
Français poursuivre son voyage. Le 15 septembre, Rochet quitte Ambabbó et
sera de retour à Tadjoura en octobre 1843. Après plusieurs tentatives
d’Isenberg pour entreprendre le voyage vers l’Ethiopie (1842), la situation
intérieure due aux conflits en Áwsa (v.) interrompt la venue des Européens par
Tadjoura. Les contacts reprendront avec la visite du Caïman (12-15 mars 1854)
qui s’échouera à Zeyla le 16 mars, puis avec les nouvelles relations que nouera
Lambert, agent consulaire de la France à Aden, en 1858. Successivement, des
bâtiments français relâchent à Tadjoura : le Génie (cne Mequet), du 16 au 18
février 1858, le Curieux (12-16 mai 1862), le Surcouf (5-10 octobre 1865). On
note ensuite le passage de Mgr Massaïa et de son co-adjuteur Mgr Taurin-
Cahagne, par Ambabbó (fév. 1868), Arnoux (sept. 1874), Munzinger (v.
Uddúmma) qui débarque avec une troupe qui sera anéantie aux portes de
l’Áwsa (15 nov. 1875). La ville est alors occupée par une petite garnison
égyptienne détachée de Zeyla. Le gouverneur Lagarde n’en négociera pas
moins avec le sultan dont l’indépendance politique restait entière (v. Traités).
Le 17 novembre 1884, le drapeau français est hissé à Tadjoura, évacué par les
soldats égyptiens. Rimbaud y séjourne (3 déc. 1885) dans le but de former une
caravane d’armes pour le Choa. Il devra patienter près d’un an pour réaliser son
projet commercial qui s’avèrera un échec. Soleillet (1882-1884) et Borelli (en
1885-86) qui revient par Djibouti (en 1888) font partie de la liste des
principaux voyageurs qui passent par Tadjoura. Il existe, en fait, deux pistes
principales vers l’Ethiopie, passé le lac Assal. La première, au lieu d’obliquer
vers le sud, rejoint Mutrús, au nord de la plaine de Gaggadé, puis la plaine du
anlé, la passe du Dôbi. L’entrée habituelle en Áwsa se fait par Awsandabbá
(v.) et Gargôri. Une variante est la piste suivie par Werner Munzinger, par
Agná, le Kaɖɖá Gamárri (v.) et la rive orientale du lac de Uddúmma (v.).
Après Glí Fgé « le gué des chameaux », sur l’Awash, la piste remonte vers
Tandaó, Millé et Bté. Les difficultés politiques internes, et l’insécurité qui en
a résulté, ont incité la majorité des voyageurs à opter pour la seconde piste au
sud du pays afar. Ses principales étapes, qui connaissent des variantes de détail,
sont données avec leur orthographe exacte et, entre parenthèses, les formes les
plus erronées citées par les auteurs (B. = Borelli ; H. = Harris ; J. = Johnston ;
R. = Rochet ; S. = Soleillet).
De Tadjoura au lac Assal. Tadjoura, Ambabbó, Dulúl, Sgállu, Aɖɖâli
(*Addá-t Ð-li) « (puits) qui a des pierres au fond » (S. « Adalli ») ; Galalé
Foó « le défilé à Calotropis procera » (J. « Galla Lafue ») ; Wayɖeɖli Sán « la
pointe aux gazelles de Sömmering » (J. « Wadalissan » ; B. « Ouad el Issah ») ;
Risá « eau stagnante » (J. « Rah Issah » ; B. « Ras Issah le Grand ») ;
alaksitán « où prendre ses aises » (J. « Aleex Shaitan, the devil water ») ;
Horón D" « le chemin montant de Horón » (B. « Orrendo »).
De la pointe d’Assal à l’oued Gbaád. Par l’oued Kálu (Kalfá, Gunguntá,
Amḥarí gablá), Allúli (H. « Alooli » ; J. « Allullee »), point d’eau (de allullé
« sangsues »), début du territoire Debné ; Anɖaɖ aɖɖí Daár « l’oued de

351
TÁK‘IL

l’arbre vert » (H. « Henraddee Dowar ») ; Bidí Koró « la montée de l’oryx »


(H. « Bedi Kurroof ») ; Gaggadé (H. « Guguddee » ; J. « Gurguddee »). On
montre à Johnston, le 10 avril 1842, deux grandes tombes, dont celle d’un
« cheikh » qui doit être Aɖaytá (v.). Ab Yûsuf (où R. reçoit la visite du sultan
du G"baád, Looytá b. Arbâhim ; J. « Abiheosoph ») ; Sabállu (de samállu
« qui a une corde à puiser » (samál), l’oued G"baád (v.) « aux plaques d’argile
blanches (gōbá) » (R. Gaubade ; J. Gobard). Borelli est le premier voyageur à
s’apercevoir que « Gobat » est le nom d’une plaine, non d’un point.
De Sankal à Klálu. Sankál « Pointe coupée » (H. « Sankul » ; J. « Sankarl ») ;
Uɖ Alé « mont Court » (H. « Hood Ali » ; S. « Uralli » ; B. « Houll-Hallé ») ;
Arabdorá (H. et J. « Arabedera »), où R. signale que les Issas y font paître « à
trois lieux, avec les Danakil ». Sagagg!dán (H. « Suggagédan », J. « Saga-
gahdah »). Ðawaylíka (H. « Dawaylaka » ; S. « Daouileka » ; B. « Daloïleka ».
R. indique que c’est le début du territoire aysamlé du ras Ibrâhim b.
ámmadu). Il y prend congé de Looytá qui l’a guidé jusque-là ; Baruruddá (R.
Barudda ; J. Barradudda ; B. Barodadda) ; Klálu « qui a Terminalia
brevipes » (H. « Killullu ». R. indique le début de la « cabile Debené-Buéma »,
comprendre : les Debné-k W!íma).
De Klálu à Erer et Mullú. Warambilá (R. « Warammelle » ; H.
« Waramilli » ; J. « Wahahumbilla ») ; Kudité ou Koddotó (R. « Quodhoté » ;
H. « Kordeyte » ; J. « Kuditee ») ; Erér (R. « Heraire » ; B. « Herrer ») ; Berilla
(S. indique que c’est le grand camp de Bitá, chef des Debné-k W!íma) ;
Y"orén maró « le cercle cachée » (R. « Maro le Grand » ; J. « Murroo »,
résidence du chef des Sidá buɖá) ; Mullú (R. début des Tákil et des as"bá
jusqu’à l’Awash).
De Mullú à Ankobär. Les dernières étapes sont connues et les mieux citées :
Bordodá (J. « Berdudda ») ; Garsá ; Allatá, début de la plaine de Baádu (R. y
passe l’Awash au voyage d’aller en 1839) ; Uddalé Tabeyná (S.
« Oudelatabina ») ; lac Dubbélli (H. y passe à gué l’Awash) ; Malkakúyyu (R.
« Malkakuyyat ». R. y traverse l’Awash, à son retour en 1840 et lors de son
second voyage ; H. Mulku-Kuyyu). S. et B. semblent y passer le fleuve. B.
indique Boulohama ; lacs de Ellobelló (H. « Ailabello ») ; Azboti (bien noté
par S ; R. « Hasboutha » ; au retour, Asbouti ; H. « wadi Azboti » ; J.
« Azbotee ») ; Farré, « premier village d’Ifat », écrit Rochet au retour de son
premier voyage ; H. « Farri » (J., S., B. : Farré) ; Danno, afar Tannó, Balá
(Rochet : « premier village d’Ifat », lors du voyage d’aller en 1839) ; Alíyyu
Amba, « première marche commerciale du Choa » où Rochet décrit l’amolé
(v.) ; Ankobär.
L : Borelli (1890) ; Harris (1844) ; Johnston (1844) ; Rochet d’Héricourt (1841, 1846).

TÁK‘IL
En syllabe ouverte : Tákli « ce sont des Tákil. » Tribu originaire de la région
d’Obock (ayyú) à Godoryá et de la mer au moyen Sadáy. Propriétaires du
puits d’Obock, les Tákil, sont ensuite passés au Gaggadé, puis, plus à l’ouest,
sous commandement Asahyammára (v.). Ce déplacement vers l’ouest a été
concurrent du « retour » de certains lignages vers Obock. Il existe deux
présentations concurrentes de la tribu. L’une, à base généalogique, distingue

352
TELLURISME

trois fractions : 1. ullá (lignages aînés qui collectent l’impôt pour le sultan
de Raaytó sur les Badoytá-m m!lá) ; 2. S!ém-sárra (les plus nombreux) ; 3.
Gibābí. Les Balossuwá (v.) se comptent parmi eux quand ils viennent à Obock.
La seconde présentation prend en compte la distribution territoriale. En Rép. de
Djibouti, les Tákil sont sous l’autorité des as"bá au sein de la chefferie Kná
líh buá (v.). Les Gubí Tákil (ou ayyú-t-Tákil) « Tákil de la plaine
d’Obock » sont les propriétaires du terrain occupé par les ayís de rs Bir.
Leurs terres vont de ce point à Olmá. Les Gubí Tákil ont été déplacés par les
sultans, semble-t-il pour donner des terres à des Adáli près de Raaytó. De
1924 jusqu’à sa mort vers 1977, le chef du village d’Obock a été Đagé b. Yôfis
(né vers 1900, gardien du phare de rs Bir), des Gubí Tákil. Les Dagá-t-Tákil
« Tákil de l’amont » (Gandêli, sur l’oued Sadáy) ou megló-b buɖá constituent
un groupe ostracisé après un meurtre commis à Obock. En Ethiopie, les Tákil
avec les Datá Gal!lá (v.) n’ont pas de terrains en propre. Les Tákil de Baádu
comprennent les fractions Ganɖé, Burantó, Abá-m m!lá, Mirató, Yrr"rí,
Edí buɖá. Itró commun aux Gal!lá, Tákil et Wagbáru : « Sûna ! » ou
« Sûni ! », également « Asurré ! » ; « anâ, Tákīli ! » est propre aux Tákil.
TALAG
Province de l’Adal (v.). Le nom peut aussi renvoyer à l’oued Tallák, affluent
de l’Awash. Dans la chronique de Amdä Fəyon c’est la résidence du roi de
l’Adal.
S : Perruchon (1889 : 181).

TALTAL
Nom en tigrigna (var. äl!al, än!al, ən!al) des Afars (non des Sahos) de
l’escarpement du Tigré, principalement ertó (v.). Le nom est une déformation
de Dankál qui désigne, en saho, les Afars. D’Abbadie cite Bilal ámmadu
comme le chef des Taltal commandant à neuf tribus afares : Balossuwá, Dúna,
alaytá, Samûti, Bubattó, ertó, Anklá, Dammohoytá, Danklá. Bilal
ámmadu (1828-1908) a été l’informateur d’Odorizzi. Dans son Journal de
voyage, d’Abbadie cite « Dardar, le chef Taltal ». Le titre afar dardár (v.)
confirme que « Taltal » ne désigne pas ici un chef saho, ce que le commentaire
de Tubiana laisse penser quand il écrit à propos de Taltal : « nom que les
Ethiopiens du plateau donnent aux Saho ; “Adal” désigne les Afar ». Taltal est
un usage tigrigna, parallèle à Adal employé en amharique.
S : D.M. (1999 : 20) ; Reinisch (1890 : 354). L : Abbadie (1890 : 10, 328) ; Odorizzi (1911) ;
Plowden (in Hotten, 1868 : 205) ; Tubiana (1959 : 315, note 20).

TAMT
Tribu Adohyammára accolée aux aɖá-m m!lá (v.), chez les D"dá (v.).
Présente aussi parmi les Aggínni (v.).

TELLURISME
La mémoire précise des éruptions volcaniques ou des séismes (les unes et les
autres pouvant être concomitantes, comme lors de l’éruption de l’Ardukôba en
novembre 1978, près du lac Assal), est rarement conservée, bien que présente
dans la tradition orale (D.M., 1997 : 125) :

353
TÊRU

Baaxok bukultam nel awqe waytay Qu’aucune éruption du sol ne survienne


Qaran nee qambise waay Que le ciel ne nous lance rien (...)
Ardi nel angayyee waay Que le sol ne tremble pas
Baaxo nanxuqe waytay Que la terre ne nous avale pas
Avec les disettes (v. Amána), ces cataclysmes affectent régulièrement le pays
afar. La chronique de Cerulli (1931) indique à Warbá une explosion « de
fumées près d’un lac », sans doute près du lac Iiytá. Celle du cheikh Ğīlānī (p.
402) signale que la terre commence à trembler, du milieu du RamaIn (8 avril
1860) au milieu du mois de juin. Le Dúbbi entre en éruption deux jours après la
mort du sultan anfaɖé b. Aydâis, le 7 avril 1861 (v. Áwsa). Ses
conséquences écologiques par retombées de cendres sont inconnues. En 1905
(ou 1907), le feu (nuées ardentes) est tombé du ciel pendant sept mois à árak
k! Gabúɖɖi, brûlant la terre et tout ce qui s’y trouvait (Naw.). Le Dúbbi a
connu une nouvelle éruption le 10 juin 2011. Un séisme est signalé en 1948
mais sans autre précision (v. Karmá). Sardó a été détruit par un tremblement de
terre en 1965. Tadjoura a été sévèrement touchée par le séisme de 1973. Les
multiples visites faites des gravures rupestres dans l’oued de Baló, entre 1973
et 1979, nous ont permis de constater leur quasi-disparition, la gorge où elles se
trouvaient s’étant enfoncée de plusieurs mètres pour former aujourd’hui un
chaos d’éboulis (v. Ardukôba).
S : Cerulli (1931) ; Gi ; HHL (Naw.).

TÊRU
Région au nord-est de Waldayyá, incluant la plaine de Têru proprement dite, la
région des oueds Guleyná (ou Golimá), Awrá (v.) et le pays qui les sépare des
montagnes à l’est de Dabúb (Zobil). TOPONYMIE. La piste qui part de Č’ärč’är2
(km 1) vers cette région enclavée descend sur Addis-Kätäma (km 16) en
suivant l’oued omortó (km 17), lequel prend le nom de Yalló. A Guggubtó
(km 20) se tient un marché (Guggubtó-g Gabyá) dans l’oued Yalló. Adk"má
(km 28) est un campement Dhí-m m!lá. A partir de la plaine de Butá (km 36),
commence une zone de cratères appelée uleyná avec un piton remarquable,
Amadé Hará (km 47) dans la zone de lave. Contournant par le sud le massif du
Dabayrá, la piste traverse l’oued Wannsá au lieu-dit (km 53) Wannsá-k
Kasaltó-d dorá « la mare à Acacia nilotica du Wannsá »3. La confluence
Guleyná-Awrá est appelée Nammalê (km 69). La piste, après Digdigá (km 87),
longe la croupe de Dagím sur le flanc nord-est du Dabayrá (km 95) et atteint
(km 100) Sifani (v.) entrant dans la plaine de Têru proprement dite (km 108).
Après Tiftá Buyyá « le petit puits au goutte à goutte » (km. 115), un puits
permanent est à Satamáli « qui rassasie » (km 124). La piste longe ensuite la
face Ouest du Dabbâu et s’arrête à la zone basaltique d’Abdí (km 148) et à la
plaine de aytám. COMMANDEMENT. Le centre du « sultanat » correspond à la
zone d’épandage au-delà de la confluence des deux oueds précités, appelée

2. Č’ärč’är () est aussi le nom d’une zone montagneuse à l’est du Harar (EA, I : 685). Le
village de Č’ärč’är (Cercèr, Guida : 315) cité ici est situé sur la piste au départ de arlé, à 9
km au sud d’Allamâta (relevé toponymique fait dans les années 1970).
3. Ce type de locution n’est pas unique : ex. Mokónni-k kusrá le gabyá (v. Waydarat).

354
TRAITÉS SIGNÉS AVEC LA FRANCE

Nammalê « les deux eaux ». Le titre de bɖó-h abbá « chef du pays » revient
historiquement au lignage Ibassaralé (*iba-t sára le « ceux dont le pagne
couvre les pieds ») des Mogorrós (v.). Font partie des Trí mára ou « gens sous
commandement de Têru » : les Adáli (v.) de Dabbâu, venus de Raaytó, au
XVIIIe siècle, les Bukkurré, les Arabtá-k Asabbakári et les Asá L-k Dhí-m
m!lá. Le lignage Asammussó présent à Têru est d’origine Dhí-m m!lá. Le
dépeuplement consécutif aux raids des frontaliers (v. Waydarát) et aux disettes
a favorisé la prise de contrôle par le sultan de l’Áwsa. Sur l’escarpement
éthiopien, la distribution comprend : 1. les Baddá-m mára « gens de Baddá
(v.) ». D’Abbadie (1890 : 328) signale que les Lakiná d’Ifisó ont été
anciennement chrétiens ; 2. le groupe du Âdu (Edí mára) ; 3. Les aysantó de
l’Awrá (v.).
Thiébeau v. Kabbōbá

TÓ
Le toponyme est fréquent et désigne notamment : 1. Le mouillage au sud-est de
Midír, avec trois puits à proximité, sur la côte au sud-est : Ðiɖɖoó (sur le bras
oriental de l’oued Adgabán), Dabáyu et Borróyta. L’agglomération est une
création italienne. Au nord de Tó, le principal puits d’eau douce est situé à
Kommâlis. L’agglomération est également connue sous le nom de Bló
(comprendre bloytá le « au récif accore »). La prononciation [tó] est sans
doute le résultat d’une évolution de l’usage administratif italien (orthographié
Thio), à partir de l’arabe. 2. La forme en afar du sud Tewó, de *tewé l! lu
« qui a de l’eau qui sort », désigne les puits du anlé (v.), connus à l’époque
coloniale sous le nom de « Tewao », occupés un temps par les Italiens lors de
leurs incursions à partir de 1937 (v. Dikhil). Quelle que soit la forme (afar du
sud) Tewó, (nord) Tó, le nom renvoie à une zone où l’eau affleure
naturellement (ewé). Le chef de Tó a porté le titre de kabbó markát (ital. capo
di mercato). 3. Tó est le lieu de la mort de Bianchi (v.) dans le sultanat de
Bíɖu (v.), que Nesbitt (1934 : 354-356) retrouve et où il entreprend d’ériger un
monument commémoratif du massacre de l’expédition italienne, avant
d’abandonner ce projet qui suscite l’hostilité des gens de l’endroit.

TRAITÉS SIGNÉS AVEC LA FRANCE


1. Traité de Paris (11 mars 1862). 2. Traité d’amitié avec le sultan du Gobad (9 août
1884). 3. Traité d’amitié et de cession avec le sultan de Tadjoura (21 septembre 1884).
4. Traité de cession et de protectorat du pays du sultan de Gobad (2 janvier 1885). 5.
Déclaration du sultan de Raheitah reconnaissant les îles des Frères comme françaises
depuis la création d’Obock (30 août 1890). 6. Traité de cession de territoire au mont
Goodah (5 septembre 1890).
1. Traité de Paris (11 mars 1862). Ce traité fondateur signé à Paris existe dans
deux versions en arabe et en français. Cette dernière comporte les principales
clauses suivantes. Les crochets signalent les ratures de la copie CAOM, série
Traités, ou explicitent des transcriptions erronées :

355
TRAITÉS SIGNÉS AVEC LA FRANCE

Entre le Ministre Secrétaire d’Etat du Département des Affaires étrangères, Diny


Ahmed Aboubekr, délégué par le sultan Mohammed ben Mohammed, sultan Diny
Koullou Osman Aly Ibrahim Aboubekr Chahm, sultan Loeita, chefs des tribus de
Danakils, Adalys et Debeneks et investis de leurs pleins pouvoirs, il a été convenu
ce qui suit :
Art. I. Il y aura paix et amitié perpétuelle entre Sa Mé l’Empereur des Français
Napoléon III et ses successeurs et les tribus danakils établies sur la côte d’Adel.
Art. II. Les Chefs Danakils et nommément sultan Diny cèdent à Sa Majesté
l’Empereur les port, rade et mouillage d’Obock situés près du Cap Ras Bir et le
phare [raturé et remplacé par Territoire] qui s’étend depuis Ras Aly [lire : Raysáli]
au sud jusqu’à Ras Doumeirah au nord.
Art III. Cette cession est faite moyennant le prix stipulé et convenu de dix mille
talaris soit cinquante mille cinq cents francs.
Art IV. Le paiement de cette somme sera effectué, la première partie après que
la présente convention aura été notifiée par les chefs ci-dessus et ci-après désignés,
l’autre moitié, trois mois après le jour de la prise de possession faite au nom de Sa
Majesté Impériale.
Art. V. Cette cession est garantie solidairement par tous les chefs de Danakils,
savoir Sultan Mohamed Ben Mohamed, sultan Diny Koullou Osman, Ali Ibrahim
Aboubekr Chahm, par sultan Loeita, chef de la tribu de Debenecks représenté par
leur envoyé Diny Ahmed Aboubekr.
Art. VI. Les Chefs ci-dessus nommés s’engagent isolément et solidairement à
faciliter par tous les moyens en leurs pouvoirs les relations des Français établis à
Obock avec l’intérieur du pays soit par terre soit par eau en remontant le cours des
fleuves Amazo et Haouach. Ils leur concèdent le droit d’exploiter dans les forêts le
bois nécessaire à leur usage et celui d’user des Aiguades et eaux courantes qui
existent sur la côte à proximité du territoire d’Obock (...)
Art. VII. Les Français établis à Obock pourront faire pâturer leurs bestiaux à
Ambabbo sur la montagne de Tadjoura, à Hassaslé, Obock et à Elo [raturé et taché,
remplacé par Ero] près du cap Jiboutil sans que ce droit entraîne contestation ou
demande d’indemnité.

Dans la copie des traductions envoyées à Rome en 1899, on lit (Art. VII), sans
aucune rature : « à Ambabou [Ambabbó], sur la montagne de Tadjoura, à
Hassassazélé [Asá Sasalé, la plage des Galets (sasalé), à l’est de Tadjoura,
entre Lubtallé et Raysáli], à Elo [rs Jró], près du cap Jaboutil. » Dans la
version française, les signataires sont ainsi indiqués (les chiffres entre crochets,
ajoutés au texte reproduit exactement, veulent aider à la lecture) :
[1] Diny Ben sultan Mohammed [3] Hammed fils de feu sultan Mohammed
[2] Le Vizir Mohammed fils de sultan Hammed
[4] l'Emir El Hadj Aboubekr Ibrahim Chahm.
[1] « Diny Ben sultan Mohammed » est le sultan de Raaytó, Dni b.
Maámmad b. Burán.
[2] « Le vizir Mohammed, fils de sultan Hammed » est úmmad b.
« Adallóm » Maámmad, seul signataire du traité, non encore sultan en titre,
en raison du deuil conventionnel d’une année suivant la mort de Maámmad b.
Mandáytu b. ámad, décédé le 9 mars 1862.
[3] « Hammed, fils de feu sultan Mohammed » est úmmad b. Maámmad, b.
Mandáytu, le futur vizir de úmmad b. « Adallóm » Maámmad, à introniser.
[4] « L’émir El Hadj Aboubekr Ibrahim Chahm » est Ab Bakr « Pacha » (v.).

356
TRAITÉS SIGNÉS AVEC LA FRANCE

Dans la version arabe (Rubenson, 1994 : 168-173), les signataires afars sont :
[1] cheikh Dîni Ámad Ab Bakr, représentant de Son Excellence le sultan
Muammad ibn Muammad, [2] le sultan Dni, [3] Kul U%mn,
[4] šay( Al Ibrhm Ab Bakr Šam, et [5] le sultan Lata.
[1] Dîni b. ámad b. Ôbakar b. Šeém, [petit-cousin de Ab Bakr] et
représentant du sultan [de Tadjoura] Maámmad b. Mandáytu b. ámad
(décédé le 9 mars 1862) ;
[2] Dni b. Maámmad b. Burán [le sultan de Raaytó] ;
[3] Otbân b. ámad b. Klá [le chef des Dammohoytá de Bôri (v.)].
Comparativement au texte en arabe, le traité en français (voir p. 356, ligne 3)
omet la virgule entre « le sultan Dni » et « Kul UMmn », pouvant entraîner
une mauvaise lecture Dni b. Kul b. UMmn (comme chez Oberlé & Hugot,
1985 : 58, n. 5). A bord de la Somme, commandée par Fleuriot de Langle, Dîni
b. ámad b. Ôbakar b. Šeém, petit-cousin de Ab Bakr « Pacha », et non
cousin du sultan de Tadjoura (Deschamps, 1948 : 43 ; Thomson & Adloff,
1968 : 6 ; Oberlé & Hugot, op. cit. : 58), vient à Paris où il est le seul Afar
présent pour signer le traité de cession au nom des sultans de Tadjoura et de
Raaytó. Cette cession sera plus tard contestée.
[4] « Ali Ibrahim Aboubekr Chahm » désigne « šek » Ali b. Arbâhim b.
Ôbakar b. Šeém, cousin germain de l’envoyé à Paris, Dîni b. ámad (ci-
dessus [1] b. Ôbakar b. Šeém.
[5] Le sultan « Loeita » (en arabe Lata) est Looytá b. Arbâhim (v.), le guide
de Rochet d’Héricourt (v.), lors de son premier voyage (1839), chef des Debné
du G"baád, mort à Tadjoura, sans doute en 1866-1867.
La traduction en arabe n’est pas exactement celle du texte original en français.
Non seulement, il doit correspondre à un projet antérieur du ministère français,
mais encore un article additionnel portant la même date que le Traité de Paris,
seulement signé du commandant du Seignelay, prévoit que :
Dans le cas où les rades, port et mouillage d’Obock seraient reconnus impropres à
la tenue de bâtiments d'un fort tonnage, Diny Ahmed, s’engage au nom du Cheick
Ali Ibrahim Aboubekr Chahm et des chefs désignés au traité, à céder au prix stipulé
dans l’art. III, les port, rade et mouillage du Gubbet-Kharab ou tous autres avec le
territoire qui en dépend et sous toutes les conditions insérées au présent traité.
La prise de possession d’Obock a été faite par Charles Schefer, 1er secrétaire-
interprète pour les langues orientales au ministère des Affaires étrangères, à
bord du brick le Curieux (cdt. Buret). Le Traité a d’abord été présenté pour
ratification conditionnelle au sultan de Raaytó, Dni, dont le territoire faisait
l’objet de la cession consentie, les deux autres sultans (Tadjoura et G"baád)
n’apparaissant que comme garants. Buret étudia le mouillage d’Obock, qu’il
jugea bon. Le Curieux se rendit ensuite à Zeyla où Schefer versa, le 6 mai, au
fils du sultan Dîni, la moitié des 10 000 thalers. Le 19 mai, eut lieu la prise de
possession effective. Peu après le départ de Schefer, les Anglais vinrent à
Raaytó pour chercher à traiter avec le sultan. Puis, le fils du n*ib de Massawa
tenta de hisser le drapeau turc, mais le sultan Dîni s’y opposa. Conformément à
l’art. IV du traité, les 5 000 thalers restants furent versés, le 11 août 1862, à
Zeyla. Le même jour, Ab Bakr « Pacha » écrivait à l’empereur que la France
avait effectivement rempli les conditions du traité. L’accord de 1862 a fait

357
TRAITÉS SIGNÉS AVEC LA FRANCE

l’objet de plusieurs contestations. Le sultan de Raaytó s’était engagé à ne rien


céder de son territoire sans l’autorisation de la France, rendant ainsi nul l’achat
par Sapeto de la baie d’Assab (v.) aux chefs Anklá (1869), comme le contrat
de mars 1880 entre la compagnie Rubattino et le sultan Adáli, Buran. Le 10
janvier 1885, Dîni b. ámad b. Ôbakar, petit-cousin de Ab Bakr « Pacha », le
signataire de l’accord de 1862, confirme dans une déclaration que ce traité
donnait bien toute la côte à la France. Interprétant l’accord Rubattino-Buran
comme un protectorat, le gouverneur italien d’Assab, Pestalozza, proteste, le 29
novembre 1884, au nom du sultan décédé le 20 octobre, contre l’occupation
française de Khor Angar. Pestalozza renouvelle cette prétention, écrivant à
Lagarde (mars 1885) que le sultan de Raaytó, « protégé italien », revendiquait
la côte jusqu’à Obock. Au début de juin 1885, Lagarde évacue Khor Angar
pour mieux défendre Obock. Le 25 janvier 1887, le nouveau sultan de Raaytó
signe avec Lagarde une déclaration confirmant la cession faite par son grand-
père en 1862 (MD 6, 1887, f. 93). En octobre 1898, un aviso italien débarque
une troupe armée au rs Dum!rá, pendant que le sultan de Raaytó prend la
fuite après avoir été sommé de se rendre à Assab. Après un débarquement
identique de troupes françaises (13 novembre 1898 ?), des négociations fixent
le tracé frontalier (mission Blondiaux ; protocoles de janvier 1900 et juillet
1901). Ce tracé donne droit aux demandes de l’Italie qui réussit à faire admettre
qu’elle devait disposer des pistes conduisant d’Assab à l’Áwsa, qui n’était
pourtant plus sous son protectorat (déclaration de Martini, début 1901) et que
ces pistes passaient au sud du Msaálli, alors que la piste directe (comme la
route construite depuis) passe au nord. Le gouverneur de l’Erythrée devait
s’appuyer ensuite sur cette convention frontalière pour annexer (décret de mai
1905) la région et le sultanat de Raaytó à la Colonia Eritrea.
S : Aff. étrangères ; Rubenson (1994 : 168, 173). L : Sur une contestation récente de l'accord de
1862, Ali Coubba (1998 : 26-27)

2. Traité d’amitié avec le sultan du Gobad (9 août 1884). Ce traité est signé
à Obock entre Lagarde et Ahmed Loïtah. Il s’agit de úmmad b. Looytá (v.),
fils du co-signataire du Traité de 1862. L’article I affirme l’amitié entre les
parties. úmmad b. Looytá s’engage à protéger les Français et leurs caravanes,
depuis la colonie d’Obock jusqu’à l’Áwsa (art. II). L’abbá Debné se réserve un
droit de caravane fixé à un thaler par chameau et par Européen (art III).
3. Traité d’amitié et de cession avec le sultan de Tadjoura (21 sept. 1884).
Entre M. Lagarde (A.M.J.L.), Commandant d’Obock, agissant au nom du Gouvernement
français et Houmed Ben Mohammed, sultan de Tadjourah qui commande de ras Ali à Gubbet
Karab et dans l’intérieur jusqu’à Assab, a été conclu le traité suivant :
Art. I. Il y aura désormais entre la France et le Sultan Houmed une amitié éternelle.
Art. II. Le Sultan Houmed donne son pays à la France pour qu’elle le protège contre tout
étranger.
Art. III. Le gouvernement français ne changera rien aux lois établies dans le pays du
sultan Mahamed.
Art. IV. Le sultan Houmed, en son nom et au nom de ses successeurs, s’engage à aider
les Français dans la construction de maisons et achats de terrains.
Art. V. Le sultan Houmed s’engage à ne signer de traité avec aucun autre pays sans
l’assentiment du Commandant d’Obock.

358
TRAITÉS SIGNÉS AVEC LA FRANCE

Art. VI. Le Gouvernement français s’engage à servir mensuellement une pension de cent
thalers au sultan Houmed et quatre-vingts au vizir.
Art. VII. En cas de contestation, le texte français seul fera foi.

Indépendamment de cette clause, le texte arabe (ou la traduction en arabe du


texte français) a continué de jouer un rôle dans l’interprétation du traité. Dans
une note au gouverneur de la C.F.S (5 mars 1921), le chef du bureau des
Affaires politiques et indigènes de la colonie fait une comparaison entre la
traduction faite en 1884 et une plus récente. Il souligne « la difficulté à
déchiffrer l’écriture arabe de 1884 » et remarque : 1. que seul le vizir a signé le
traité, le sultan n’y apposant que son cachet ; 2. que l’article I stipule
l’engagement du sultan et de ses successeurs. 3. que l’art. II indique que le
sultan donne son pays à la France « en dépôt ». 4. Que les Français y sont libres
de construire des maisons, mais après en avoir acheté les terrains. Le traité
signé le 21 septembre 1884, à Obock, et approuvé et ratifié par le décret du 10
décembre 1884, a pour signataires, le gouverneur Lagarde et le sultan de
Tadjoura, dont le nom varie dans le texte français. Dans la version arabe,
« sultan amad b. sultan Muammad, sultan de Tadjoura » désigne exactement
en afar úmmad b. Maámmad, b. Mandáytu (1880-1912). Son vizir,
effectivement seul signataire du traité, est Arbhim b. úmmad, qui mourra de
la variole en 1887, et sera remplacé par Maámmad b. Arbhim. Leurs noms
figurent sur l’acte de cession signé à bord du Seignelay, le 18 octobre 1884, par
lequel le sultan de Tadjoura « donne à la France par amitié, Raz Ali [Raysáli],
Sagallo et Rood Ali (Gubbet Karab) ». Ce nom Rood Ali (v.) ne figure pas
dans le texte arabe du traité du 21 septembre, où on lit à la place +ubbat al,
-arb. Le sultan de Tadjoura se présente dans le texte en arabe comme
« commandant de Rayšle [Raysáli] jusqu’à Nubbat al$Oarb [écrit qubbat
.arb] et, dans l’intérieur, Asal [écrit A/al « miel » en arabe !] ».
4. Traité de cession et de protectorat du pays du sultan de Gobad (2
janvier 1885). Faisant suite au Traité d’amitié du 9 août 1884, ce nouveau
traité est signé par le même úmmad b. Looytá, orthographié « Ohmed Loitah,
sultan indépendant du Gobad ». Cet accord a été précédé d’une
« Déclaration », en date du 14 décembre 1884 (sans lieu de signature indiqué),
co-signé par le sultan de Tadjoura, ummad b. Maámmad, et de son vizir
« Ibrhm sul!n » (signature en arabe). Le texte en arabe, qui doit être de la
plume de úmmad b. Looytá, stipule :
Comme ummad, sultan de Tadjoura, a donné son pays au gouvernement
français jusqu’à Adli [en français Adaélé, lire Aɖɖâli], moi, úmmad b.
Looytá [la traduction française ajoute « sultan du Gobad »], je donne aussi au
gouvernement français de Adli jusqu’à Ambado.
Une « déclaration de Dini Ahmed sur les limites des territoires cédés à la
France » est signée, le 10 janvier 1885. Il s’agit de Dîni b. ámad b. Ôbakar b.
Šeém, petit-cousin de Ab Bakr « Pacha » et représentant du sultan de
Tadjoura. Le texte est signé par le gouverneur Lagarde, l’interprète civil Henry
et l’interprète militaire Oehlschlager. Le texte en arabe avec traduction
française affirme :

359
TRAITÉS SIGNÉS AVEC LA FRANCE

Moi, Dini Ahmed, signataire du traité qui a donné Obock à la France [le Traité
de Paris], je déclare que tout le territoire qui s’étend de Ras Ali [Raysáli] à Ras
Doumeirah est français. Tous ceux qui l’ont cédé ont entendu donner le terrain
qui va jusqu’au haut des grandes montagnes de l’intérieur, et moi-même j’ai mis
avec les officiers français et Monsieur Schefer, représentant S.M. l’empereur
Napoléon une borne à Ras Doumeirah [v.] et une autre en face, sur la grande
montagne, pour prouver que le terrain entier appartenait à la France.
Une troisième déclaration (Obock, le 5 avril 1890), clairement inspirée par
l’administration, co-signée par le sultan du G"baád, úmmad b. Looytá, et
úmmad b. Maámmad b. Dîni, sultan de Raaytó, « se portant garants pour
les Debnés et les Adaels », précise :
Dans l’intérêt du territoire, nous nous portons garants de ce qui pourra survenir
de la part de nos cheikhs, de nos administrés Debenehs et Adaels en fait de
délits et crimes (...) commis sur le territoire dépendant du gouvernement
français, et nous ferons notre possible pour maintenir la paix.
Complémentairement, une « déclaration de protectorat faite et signée par le
cheikh des cheiks de Erer », du 2 septembre 1890, Betea, fils de Ali Ouais »,
[Bitá b. Ali b. Waáys b. agyó] affirme :
Mon pays est indépendant et relève de notre autorité de père en fils à titre
héréditaire. Personne n’a de pouvoir sur nous, si ce n’est Dieu (...) A ma
connaissance, mon pays était autrefois ami du glorieux gouvernement français et
cela depuis l’époque du passage à Erer de M. Rochet d’Héricourt qui a conclu
un arrangement avec mon grand aïeul Hakaiou [agyó]. (...) Je désire que mon
pays reste sous la protection de la France (...).
Rochet (v.) est passé à Erer, au retour de son second voyage, en juillet ou août
1843. V. W!íma.
5. Déclaration du sultan de Raheitah reconnaissant les îles des Frères
comme françaises depuis la création d'Obock (traduction). 30 août 1890.
Moi, Homed ben Mohammed Diny, Sultan de Raheïtah, déclare que depuis que
le Gouvernement français est installé à Obock l'amitié n'a jamais cessé de régner
entre lui et mes aïeux, et j’ajoute qu'il est reconnu que les îles El Souba [v.
Fawbi] dépendent d’Obock territoire français.
Les signataires sont : le sultan de Raaytó, úmmad b. Maámmad b. Dîni ;
« Hibrahim Abou Beker » Ibrhm b. Ab Bakr, fils de Ab Bakr « Pacha ».
Burán bey figure sur l’acte à titre de témoin.
6. Traité de cession de territoire au mont Goodah (5 septembre 1890). Le
traité porte « donation des terrains nécessaires pour un établissement au mont
Goodah [Godá] », en vue de faire des constructions et de l’agriculture. Le texte
est signé du sultan de Tadjoura Homed b. Mohamed [ummad b. Maámmad,
b. Mandáytu] ; du vizir Mohamed Ibrahim [Maámmad b. Arbâhim], qui a
remplacé Arbâhim b. úmmad (mort en 1887).

360
U
ULÉL
Egalement Ulêl. Tribu du groupe Badoytá-m mlá (v.), descendante de Úlel,
distribuée sur l’oued Wimá (Rép. de Djibouti) ; en Ethiopie, à Dawwé et
Baádu (v.), avec les Msrá, Ggá (Kîu-k enkébba).
ULÊL ABÛSA ARBÂHIM
« Arbâhim, des abûsa (v.) de Úlel » (Arbâhim, cousin de Úlel), troisième fils
de Gallâmir et de mère Ulél ; père des arká-m mlá. Tandis que le sultanat de
Tadjoura, puis de Raaytó allait échoir aux descendants du second fils,
« Ðogorré » Umár, Ulêl Abûsa Arbâhim reçut la responsabilité de « faire la
guerre, faire la paix et être le chef des guerriers » (wiilisay, wagrisay,
martoleemih abba tik). Il se trouva ainsi investi du rôle de protecteur du
territoire du sultan de Tadjoura. Aidé des Songó, la tradition rapportée par Péri
lui attribue la victoire sur les « Glla » (v.) qu’il aurait combattus dans la plaine
de Gaggadé et repoussés vers Zeyla et dans le Gbaád. La légende rapporte
qu’au cours de la campagne les guerriers faillirent mourir de soif. C’est alors
qu’Aɖaytá (v.), chef des Mafâ (v.), ayant planté sa lance en terre, fit jaillir l’eau
au lieu-dit Gaár. Les guerriers purent se désaltérer et battirent les « « Glla »,
mais Aɖaytá mourut au combat.
S : HHL (Naw.) ; HL (in D.M. ,1991: 46).

ULUTÓ
Tribu Asahyammára (v.) descendant de Ulután, quatrième fils de aɖal-
Mâis (v.), de même mère que Môday, père des Mdaytó (Albospeyre), mais
dont le lien généalogique est contredit par la tradition qui en fait une des tribus
dites súget (v.) les plus anciennes avec les Ablé (v.). Un adage dit : allák
Msaálli nabá, sinâmak Ulutó nabá « de toutes les montagnes, c’est le
Msaálli la plus grande ; de tous les hommes, ce sont les Ulutó les plus
élevés » (ici nabá, qui peut avoir un lien étymologique avec l’amharique amba
« mont-fort », prend le sens d’être de haute lignée : lafáh nabá). « Ulután »
semble un terme générique pour marquer un rattachement politique à aɖal-
Mâis. En effet, une tradition cite trois frères, ancêtres des Ulutó : Kaɖɖá
Ḥámad, l’aîné, Udúm et Otbân. Les Dará-h Ulutó se rattachent à ce dernier
(Otbân sárra). Ils possèdent Obnó et une partie de l’oasis de Ḥrisá, « là où
s’arrête l’Awash » (dorí risát ḥabá). Distribution. La région d’origine des
Ulutó est celle du Msaálli. Ils sont distribués dans une large zone incluant
Obnó, rolí, anlé, lí-Daár, Ðer-lá, Andábba, Saá, Yalló, Datá Baári.
A Baádu (v.), ils ne semblent pas avoir formé de bɖó politiquement organisé.
Fractionnement. La généalogie des Ulutó est mal connue, comme l’origine de
leur nom qu’on peine à rapprocher de ulé « milieu de la plante du pied » ou
de ulutá « tabatière ». Les subdivisions de la tribu en Áwsa sont présentées par
ordre d’aînesse, en quatre branches : 1. Datá-Alíh sárra (ou Al-sárra) ; 2.
Dahár sárra (ou « Unɖá » Alíh sárra) ; 3. Mé-s sárra (ou Sabbllí), à
Baádu ; 4. Adán sárra, avec les Ulutó-k Mdaytó (v.). A Baádu, on compte
cinq fractions : Baddúl, Alī-sárra, Arābbá (comptés comme Mé-s sárra),
ULU‘TÓ-K MĀDÎMA

Datá Lāhíh mlá « gens possesseurs de vaches noires », Bagullíit « né d’un


accouchement en pleine chaleur ». Les Gombár (v.) sont un groupe détaché,
d’origine Ulutó. Les Ulutó sont associés en Rép. de Djibouti à trois tribus
récentes (non súget), les Madîma, les Mdaytó et les Ská.
S : D.M. / Alóyta b. Durúy ; Adbáɖa b. usn.

ULU‘TÓK MĀDÎMA
Chefferie Asahyammára dépendante du sultanat de l’Áwsa, centrée sur
Andábba, Madgúl, Munkúr (Rép. de Djibouti), où les Ulutó se trouvent
territorialement associés aux Mdîma (v.) en quatre groupes territoriaux : 1.
lí Ulutó et Rbībá ; 2. Gawwá Ulutó (ou Ulutó-k Gafrá) ; 3. Dabrimáh
Ulutó (Sabblôli ou Mhé"s sárra) ; 4. Andabbí Ulutó (d’Andabbá à
Wabbeytá), dont ammadí Ambbá, Ibīddó. Les Mdîma associés à ces
Ulutó forment trois groupes : 1. lí Mdîma (parmi eux, les Skallá réputés
pour leurs pouvoirs occultes, v. Arraddó) ; 2. Mdîma de Léyi et Múnkur ; 3.
Mdîma de Madgúl à Gabálti (dont les Asdá).
S : D.M. / Alóyta b. Durúy ; Maámmad b. ámad ; Chedeville (Afars).

ULU‘TÓK MDAYTÓ
Chefferie Asahyammára du anlé (Rép. de Djibouti), dépendante du sultanat
de l’Áwsa, associant Mdaytó (fractions Saddiktó, Aɖkaltó) et Ulutó
(Muɖitté, Dnná, Ummūnná, Asá Ulutó), établie sur le Yagér (aux
Mdaytó), Dawdáwya, ábsu.
S : D.M. / Alóyta b. Durúy ; Chedeville (Afars).

ULUTÓK SKÁ
Chefferie Asahyammára du Unɖá Gamárri, de Wandâba et du nord du anlé,
dépendante du sultanat de l’Áwsa, comprenant des Ulutó (fractions Kaɖɖá
amaddó, Uddúm-sárra) et des Ská (Sek-Má, Mssá, Bullá,
Debellitté, Oriyyá, Kayyí). Les fractions Ulutó (Unɖá Ulutó) et Ská
(Gabaddó, amiddó) forment le groupe dit Lalá. De 1940 à 1942, menés
notamment par Durúy b. Alóyta, les Ulutó-k Ská ont opposé une vigoureuse
résistance à la pénétration française dans le anlé, au nord-ouest de Dikhil (v.)
S : D.M. / Alóyta b. Durúy ; Chedeville (Afars).

UMMNÓ
Var. ummûna. Le mot désigne : 1. l’ombre. 2. le fait d’être vaguement visible,
de se silhouetter : yaaloy, loqo diimooy, bar ummuuna « mon amie, luisante de
jour, silhouette dans la nuit » (ummuná est le surnom d’une belle femme mince
et noire). 3. Ce que l’on aperçoit à l’horizon : ummnóh abbá « chef général
des Debné » (dont le pouvoir s’étend jusqu’à la frontière, le plateau d’Ayrorré
au sud du Gbaád). 4. La frontière sud de la République de Djibouti. A ce sens
qui est un usage Debné (v.), se rattachent deux néologismes : 5. Etat :
ummnóh abbá « chef de l’Etat, président (en Rép. de Djibouti) » ; 6.
République (préféré à l’arabe umhuriyya) : Ityoppiah Federaal Dimokraa-
siyyoh Ummuuno « République démocratique fédérale d’Ethiopie ». Le
composé emprunte deux de ses composantes aux langues européennes, dont le
mot « démocratie » qui n’a de traduction ni en arabe ni en amharique.

362
W
WAYTÁ
Descendants de Dubêr (Zubayr) b. Awwân. Ská, proches des Bdál (v.).
Fractions : 1. Abdallâli et Lubaktó (à Arratá) ; Rbittá (au Dóka) ; 2.
Alladâdi (à Gaórri) ; 3. Sek-Arbhintó (à Adgában), dont le nom est le cri de
ralliement des Waytá ; 4. Aáw-Duduntó et Adantó (Kúbar) ; 5. FakíAlitté
(Dodó, un des affluents du haut de l’oued Adgabán, près de Tó).
Waddó v. Bal‘ossuwá
Wdîma v. Mdîma

WGARÉK AMASIYTÓ
Chefferie entre Gargôri, en Áwsa, et Gîfu, sur les pentes du Kaɖɖá Gamárri,
comprenant des Wgaré associés à des Amasiytó (v.). Sous commandement
Wgaré : Ḥasná (chefs), Ḥayistó, Baɖittó (v.), Dulitté, Mafâ (v.). Sous
commandement Amasiytó : Yambaraddí, Gdán.
WAGÁRI
« Paix ». Ce sens de « paix » se comprend par comparaison avec l’antonyme
wīl [wil(ī)] « état de belligérance », « guerre », « hostilité ». La « paix » est ici
davantage synonyme de « tranquillité » (ɖintó), de « sécurité » (cf. arabe amân)
qu’un accord durable : Qafar kee Qiisa, wagarih tan « les Afars et les Issas
sont en bons termes ». La même opposition se retrouve en somali entre nabád
« paix » et old « inimitié », « belligérance ». Dérivé de l’arabe, l’afar salmát
désigne le salut (la sécurité et la santé espérées pour autrui). Pour signifier la
« paix » au sens politique, l’emprunt à l’arabe súli est employé, mais le mot
désigne d’abord « la trève », « la réconciliation » (cf. p. 399, le parag. 37 de la
« Chronique de l’Awsa » où la paix conclue entre Wíma et Mdaytó est à
l’évidence temporaire). Ce sens d’un arrangement toujours révocable se
retrouve dans le somali hīs. Les termes êbi, adáb désignent la guerre, au
sens du conflit ouvert. Les deux mots, dont le premier est emprunté à l’arabe,
désignent autant la querelle verbale entre deux personnes que la bataille
générale, comme dans le proverbe : qafar qadab yaabal maqeh, qeebil ma
meqe « une bataille entre Afars est bonne tant qu’elle reste verbale, elle est
mauvaise quand on en vient aux mains ». Le sens de « carnage » proposé par
Aramis Houmed Soule (2011 : 45) montre le caractère potentiellement illimité
de la violence collective (ambaxe sinni qeebi), faute de médiation ou de
demande de grâce (v. Mayrádi).
Wajerat v. Waydarát
WANDÂBA
Tribu de la dépression (wandâba) du Dôbi, formant, avec les Mdîma, le
groupement Bôr-k Wandâba (v.). Les Wandâba comprennent des Mdaytó
(Unɖá Alíh sárra, fraction des chefs), des Gambél, Glaabá, Abá-m mlá.
WANÓ

WANÓ
1. Acquisition et cession de la terre. 2. Loyer. 3. Etymologie. 4. « Ouanno ».
Propriété collective et inaliénable du sol. Le terrain propre d’une tribu est agát,
nom qui désigne aujourd’hui la patrie (agattnó « nationalité »). 1. Acquisition
et cession de la terre. La terre est obtenue par quatre voies : 1. la conquête. On
est propriétaire des terrains pris à l’ennemi, lesquels sont assimilés à un bien
personnel (ikoytá), avec ainsi un régime dérogatoire au regard du droit foncier.
La conquête peut concerner des tribus voisines comme la terre prise de force
par les Umartó aux Elle-h ammádu (v.), et appelée gulúb nugús. 2. par
confiscation du sultan ; 3. par don de ce dernier (arsá) : la terre de Ddlé a été
donnée par le sultan de Tadjoura aux asbá Yaqubtó ; celle de Mánda, aux
asbá des Ská-k asbá ; Ambabbó et Miytó, aux asbá de Tadjoura ;
4. par décision judiciaire, à la suite d’un meurtre, notamment. Ainsi, Galalé et
Baárru, maintenant aux Ulél (v.), jadis aux aysamlé (v.), ont été cédés aux
Ageddó. Dans les récits légendaires, la prise de possession peut être la
conséquence d’un incident apparemment mineur comme Ayyánu que les
Abddá reçurent des Maāfóyta (v. Mafâ) : au puits de Marrā, deux taureaux se
battirent. Celui des Maāfóyta blessa celui des Abddá. En dédommagement,
ces derniers reçurent en wanó Ayyánu. Les conflits ont quatre causes
principales : 1. le déficit pluviométrique (v. Karmá). 2. La transgression des
limites de pâturage, comme les empiètements, soutenus par l’administration
coloniale, des Adorásu sur les terres des Ulutó (v. Dikhil). Les pays qui n’ont
plus d’appropriation précise sont dits wakfá ; 3. Le non-respect des zones en
défens (dsó) ; 4. Le non-respect des droits de passage sur les pistes et vers
les puits lors de la transhumance (boddayyá), loin des tentes du campement
permanent. La location de la terre (isó, v.) peut être saisonnière ou
exceptionnelle. On donne souvent l’herbe à pâturer gratuitement quand elle est
abondante. La sous-location est une cause de reprise du pâturage par la tribu
propriétaire. La terre n’est qu’exceptionnellement vendue. Les cessions
décidées par les Traités de 1862 et 1884 (v.) sont exorbitantes du droit commun
et considérées tardivement comme illégales (Ahmed Dini, in Ali Coubba,
1998 : 26-27). On cite cependant divers cas. En République de Djibouti,
Gurulé, vendu aux asbá par les Dahlâli ; les deux Anɖɖálu (Songó-g
Godá), achetés par les Mafâ aux Watnsá (v.), tribu partie vers le sud. Il n’y a
guère que les très petits groupes en voie d’extinction qui vendent leur terre. A
Tadjoura même, le sol est inaliénable entre fractions. Si une fraction s’éteint
(ou s’absente), la jouissance passe à la fraction parente la plus proche. 2.
Loyer. Le prix est convenu en argent ou en animaux. Un loyer (isó) peut être
perçu sur ces terres données en location. Le ulúlta (également ulúltu), mot
qui désigne le percepteur des impôts du sultan sur ses terres, désigne ailleurs le
mandataire foncier, soit l’homme de la tribu propriétaire qui reçoit le loyer.
Exemple : les Darumá possèdent, au Mablá, arká et Uɖɖí, terres sous la
garde du ulúlta des Madnní. enfá, sous la garde de celui des sbá, est
aux Adan-Ysiftó (Datá Darumá). Lorsque les Darumá n’utilisent pas arká
et Uɖɖí, les Mdînaní y stationnent moyennant un loyer. Quand ils reviennent,
les Mdînaní peuvent pâturer gratuitement ce qu’il reste d’herbe après le

364
WAYDÁL

passage des troupeaux Darumá. La demande d’autorisation de pâture dans la


terre d’une autre tribu est dit aysó-f fáyɖi. Le stationnement, nuit comprise, au
pâturage est orbá. Le passage dans le territoire d’une autre tribu a deux motifs :
la transhumance (dúla) et le déplacement en direction du point d’eau (aráki).
Conventionnellement, le ulúlta conserve, pour prix de ses services, le ɖébra
(également ɖibír), un chameau ou son équivalent, tandis que le loyer est
partagé entre tous les ayants droit. 3. Etymologie. Le nom de l’oued Wannsá
(v. Têru), du verbe wannsít « acquérir en toute propriété », dérivé de wánna
« possesseur » est lui-même formé sur wanó. Ce nom est dérivé du verbe wan
« devenir propriétaire d’un terrain » (iyyi k wanê « qui t’en a donné la
propriété ?) ; « battre quelqu’un au jeu » ; « être plus fort que ». Du verbe wan,
dérive wân(i) « la langue », « le discours sérieux », en saho, qui sous-entend
l’idée d’avoir droit de cité. Parmi les traditions qui rapportent la formation du
groupe Minifiré (litt. « la descendance de Mína »), outre celle qui le rattache à
la descendance du nəgus Minas (1559-1563), le récit recueilli par Leo Reinisch
fait de l’ancêtre éponyme le rejeton d’un roi qui aurait pillé le pays d’un certain
Asá Braytó et qui aurait emmené sa mère en captivité. Celle-ci mit au monde
un garçon appelé Wn, dit aussi « Mína », parce que, à Asá Braytó qui le
traitait de bâtard, elle aurait dit :
Yi báɖak akk mína, Wn akk eɖé
« Ne dis pas (mína) cela à mon fils (báɖa-k), appelle-le Wn [donne-lui la parole] »

Wn est ainsi un étymon afar-saho. En afar, wn est davantage ambivalent,
portant, à la fois, l’idée de « parler, causer » (wné « causerie » ) ; d’être en
capacité de délibérer (ink’fá wanná « décisions unanimes ») ; de jurer (kaa
ma wan « ne jure pas sur sa mort »). L’autre dérivé wánna (saho wanná)
« possesseur, propriétaire » incite, en outre, à un rapprochement avec le bedja
kéna « maître, propriétaire », var. aŋkwána (parler du Gš). 4. « Ouanno ». Il
est possible que le toponyme colonial « Ouanno », « baie d’Ouanno », employé
aux débuts de l’implantation française pour désigner la baie d’Obock, ait un
lien avec wanó, montrant le souci de l’informateur de réaffirmer la propriété
inaliénable du sol en désignant à son interlocuteur le site de Ḥayyú (v.).
S : D.M. (1999 : 25) ; Reinisch (1889-90 : 11).

WATNĪSÁ
Fraction Adáli de Tadjoura, disparue (v. Wano, Mafâ).
WAYDÁL
Tombe du guerrier décédé de mort violente (guerre, soif). Pl. waydlá. La
construction, creuse, en forme de tronc de cône, à base généralement ovoïde,
est élevée autour du cadavre posé à même le sol dans la même position que
dans une tombe musulmane ordinaire. Une couche de terre le recouvre pour le
mettre à l’abri des prédateurs. La partie supérieure du waydál est formée par la
dernière assise de pierres. Dans le nord, une fois la vengeance légale (ané)
exercée, le waydál est détruit. Dans le sud, un second tronc de cône plus petit
est élevé sur le premier. Il est normalement muni de deux šhid. Preuve de
cette permanence, le waydál est connu dans le parler somali des Issas sous

365
WAYDARÁT

l’expression habal-ma-gūro, litt. « la tombe inamovible ». Certains waydál


portent la trace d’une couche d’argile lissée (comme à Waydláli). Comme sur
la piste en amont de Ogág, dans les Gamárri, on rencontre de véritables
cimetières de waydál, restes de combats oubliés. Ils sont plus fréquemment
isolés. Borelli (1890 : 84) en signale un à Bilén, avant le gué de l’Awash, entre
Farsis (v. Fads) et Kīlálu. Celui d’Abrobbaɖíffgé (v.), près d’Aysaíyta, était
remarquable par sa structure triple, encore visible en 1972. Jousseaume (1914,
II : 163) en décrit deux dans l’ancien cimetière d’Ambouli, antérieurs à
l’implantation française. L’origine et l’ancienneté du waydál sont inconnues.
Le récit de voyage de Révoil (1882) en Somalie comporte des reproductions de
constructions (non somalies), de structure très voisine du waydál afar, qui
pourraient accréditer l’affirmation d’Alvares, d’une extension de l’Adal
« jusqu’au cap Gardafui » (v. « Galla », Adal). L’origine de ces constructions
en pierre est inconnue. Wilfred Thesiger (1978 : 107) fait un intéressant
rapprochement, en signalant au Dhofar des tombes « surmontées de dalles de
pierre dressées, telles que les Danakil en placent sur des tumuli tout
semblables ». TYPOLOGIE. Il convient de différencier le waydal, tombe afare
traditionnelle, et les tumuli des sites préhistoriques. Cette distinction n’est pas
clairement faite par Ali Coubba (2004 : 55-60). Ainsi, il n’y a aucune preuve
que erkálu ou Langoblé soient des tombes (Ali Coubba, ibid. : 60). Ce sont
des tumuli préhistoriques dont la fonction est, jusqu’à aujourd’hui, inconnue
(cf. Barthoux, 2007). Le waydal n’est pas un tumulus, terme qui doit être
réservé au hawwló. Il convient de différencier : 1. la tombe ordinaire (kábri,
magá ou ɖīkó). Ali Coubba (op. cit. : 56) rapproche dīko « tombe » (avec un d
dental) du saho dik qui désigne l’habitat traditionnel des transhumants. 2. le
waydál, monument commémoratif de la mort violente d’un guerrier, édifié dans
des cas exceptionnels pour une femme (v. Rokkiyá). Celui-ci ne peut être
assimilé à un usūsó qui est, localement, dans le Mablá, le nom du hawwló. 3.
Le ákki, tas de pierres élevé à l’endroit où un mort a été lavé (elle yoqkoken
rike). On procède généralement à la toilette du défunt, là où il est décédé. Le
ákki diffère ainsi du waydál, réservé à un combattant. Ce n’est en rien « un
mausolée ou un cénotaphe » (Ali Coubba, ibid. : 61). Ce sens de « tas de
pierres commémoratif élevé à l’endroit où un mort a été lavé » rejoint celui
justement noté par Thesiger (1935) :
A l’endroit où l’homme perd son dernier souffle, le Danakil élève une pile de
pierres, appelé Aki qui est généralement un simple tas avec une pierre dressée
au centre.

WAYDARÁT
1. Localisation. 2. Raids. 3. Chronologie des razzias. 4. Du banditisme à la révolte des
wäyyané (1943).
1. Localisation. Groupe tigrignaphone incluant des Oromo Ry, appelé, selon
les prononciations : Waärat, Waǝrat, Wağerat ; afar : Waydarát, et centré
sur Dabúb, Corbetta (alt. 1740 m) et le versant à l’est du tronçon de la route
My Č’äw-Mäqälé. Ce village de Corbetta (dans l’orthographe italienne) est

366
WAYDARÁT

appelé en afar Kurbattá ou Mokónni, var. Mohonní1. Il est situé à env. 20 km à


l’est de My Č’äw. Dans le parler waydarat, konkorbát-a désigne le jujubier,
correspondant à son autre nom (kusrá) en afar : Mokónni-k kusrá le gabya « le
marché des Mokónni qui a un jujubier». Mokónni désigne ainsi la région2 et les
groupes afars au contact des Waydarát (et parfois ceux-ci). D’autres villages
des environs portent ces noms : Addi Mangašša Mohonni, à env. 21 km de
Kurbattá ; Addi Wağğɘrat, à 4 km du précédent. L’organisation sociale
traditionnelle des Waydarát est mal connue jusqu’à Franchetti (1930 : 334 et
suiv.) qui les dit divisés en 20 amba ou « groupes de familles », dont 3 mosno
(ou musno, en plus de ceux énumérés). Cette organisation en 20 amba (ɘsra
amba ou ɘsra addi « les vingt villages », ce terme étant ici synonyme
d’amba3), est confirmée par Tarekegn Gebreyesus Kaba (EA, IV : 1075). 2.
Raids. Les Waydarát, voisins des Afars ertó (v.) et du sultanat de Têru, ont
décimé ces derniers. En tigrigna, gaz désigne les raids des Wağğärat. Il renvoie
à l’afar gâdu, dérivé du verbe gd, lequel est emprunté à l’arabe az. Le
rapprochement proposé tient compte du bilinguisme et du voisinage entre
Afars et tigrignaphones. Dans le cas des Issas (v.) et du nom gs (ugs <
*ul gs), le lien avec l’arabe gš est privilégié. Le point important, qui
n’apparaît pas assez dans les recensions4, est la différence entre la nature
agressive du gaz Wağğärat sur le territoire d’autrui et le caractère défensif du
gâdu afar. Tarekegn Gebreyesus Kaba donne à ces expéditions une dimension
anthropologique quand il écrit (EA, II : 718) :
Socially, Gaz was a stabilizing factor. A « hero » as reported in Wağğärat, who had
killed and mutilated an Afar, extended his prestige over his family, especially his
wife, who would, for example, receive priority over all other women when fetching
water at a spring (…). Traditionally a raider had to present mutilated male organs to
his wife (…). A “cowardly” raider, who had deserted his fellow raiders during the
Gaz, would be dressed as and considered as a woman and his property would be
destroyed (his cattle slaughtered and house burned). As a consequence, even his
family could disintegrate (…).

L’auteur présente comme normales des pratiques qu’on aurait pu supposer


marginales. Sa description d’une société pratiquant le meurtre et la prédation, y
compris aux dépens de ses propres membres, est, à notre connaissance, sans
équivalent en Ethiopie. L’auteur ne fournit pas de dates précises de ces raids. Il
existe toutefois des éléments de chronologie du côté afar. 3. Chronologie. Le
premier recensé remonte à août-septembre 1860, avec une attaque sur Dagába,
et Dbá (Lmaí Dbá). En nov. 1905, un raid sur Bíɖu, « de Tigréens guidés
par des Wogerat, razzient 1500 chameaux et 100 bovins. On craint d’autres
razzias » (Martini, 1946). Celui-ci note (Diario, 11 septembre 1905) que la
moitié de la population de la plaine du Sel a fui jusqu’à Midír.

1. Avec une différence d’accent. Celle-ci peut être liée à la différence (perdue) entre toponyme et
gentilé (avec accent pénultième) voir ci-dessous Wíma.
2. A l’époque impériale, My Č’äw est le chef-lieu du wäräda de ǝnda Mä*oni (EA, III : 882).
3. Parallèlement au sens de « mont-fort », amba, suivant la situation de ces villages, désigne des
groupements d’habitations sur un versant montagneux (Guida, 1938 : 305).
4. Cf. la bibliographie citée (EA, IV : 718).

367
WAYDARÁT

23 juin 1921 : grande tuerie appelée Kamís agáy, parce que survenue un jeudi
de la saison sèche (agáy).
1922-23 : guerre générale contre les Afars, menée par des Waydarát
commandés par Kasay Gumá. Le chef afar des Arábta, Arbisé, est tué.
Année appelée Sittat-koré « les uns sur les autres ».
1929 : année nommée d’après la bataille de Adó Bló, ou Kuran-máli « pas de
Coran pour les morts », suite à un raid Waydarát commandé par Abärra
Guddá qui détruit une caravane afare d’Áwsa. Un autre combat important a
lieu à Bté pour récupérer le butin. Très nombreuses victimes, jusqu’à
Baádu. Franchetti a été attaqué par un raid W. le 18 avril 1929, en pays
ertó, à Dargaá, sur le cours supérieur de l’Erébti. Il y découvre un
charnier (20 avril) de ertó « abondamment pillés par les Waydarát : les
survivants se sont dirigés vers Awu et +la ». Le lendemain, sur l’oued
« Pakaru », Franchetti voit de nombreux ossements de ertó « massacrés là
deux mois plus tôt par les Azebo et les Wağerat ». Le 14 mai, dans l’oued
Bukári, il rencontre un groupe de razzia Wağerat de 200 hommes en route
pour aller piller Têru. Il note le 17 mai que le pays jusqu’alors prospère a été
razzié à fond cette année par les Wağerat et les Azebo. Suivant l’usage, le
chef de razzia reçoit le quart du butin (Franchetti, 1930 : 122 et suiv.).
Déc. 1929-janv. 1930 : attaque des W. sur l’Awsa, à Ittálu, où une cinquan-
taine de Mdaytó sont tués.
Juillet-août 1936 : profitant du vide politique créé par le départ en exil de Haylä
Səllase, avant la prise de contrôle des Italiens, les attaques W. se multiplient
sur l’Áwsa. Le retrait italien (mai-juin 1941) va relancer le banditisme.
1942 : Waydarát tmé karmá « l’année de la guerre avec les Waydarát » : raids
sur Baádu, l’Áwsa. Un de leurs chefs de razzia, Barkah Abulé est tué.
1943 : La veuve de Barkah Abulé lève une expédition punitive qui pille Bté et
Dawwé. L’année est appelée Hirrgá-w Waydarát tmé karmá « l’année
suivante des hostilités avec les Waydarát ». Avec le retour de l’empereur,
une sévère répression menée par le ras Abbäbä Aräggay réduit
momentanément le banditisme Waydarát.
4. Du banditisme à la révolte des W äyyané. Ce terme de banditisme, employé
dans notre édition de 2004, avant la publication du volume II de
l’Encyclopaedia Aethiopica (2005), est d’autant plus justifié qu’il est assumé
par Tarekegn Gebreyesus Kaba quand il écrit (EA, II : 718) :
Gaz were carried out periodically until the early 1940s, when they were interdicted
and raiders persecuted5. One of the starting points for the 1943 Wäyyane rebellion
was the government campaigns against local raiding in Wäğğärat and Raya.
Anything from 100 to as many as 50 000 males (gazäyte, “raiders”)6, comprising a
whole region’s confederacy of related communities, could participate in a Gaz,
which could take months to complete. There have been reports of Gaz travelling by
foot from Mokonni, Wäğğärat or Alamata up to Mä’isso [afar Missó] near Assäbe
Täfäri or the Awash river7.

5. On relève que l’auteur parle étrangement de persécution des pillards.


6. On peut s’interroger sur l’énormité du chiffre (peut-être faut-il lire 5 000 hommes) sans douter
de la réalité des crimes de masse commis et qui ont abouti à la quasi-extinction des ertó.
7. Ces raids à très grande distance confirment le caractère agressif du gaz.

368
WĒ‘IMÁ

Le lien établi par l’auteur entre le soulèvement des Wäyyané et la répression


par le gouvernement central des auteurs de ces razzias qui ravageaient le nord-
est de l’Ethiopie se retrouve à l’article Wäyyanä (EA, IV : 1164-1165) où le
rédacteur Momoka Maki écrit :
Before the Wäyyanä, two remarkable incidents occurred in southern Tǝgray : First,
residents of the Wağğärat and Rayya Azäbo raided (Gaz) the Afar soon after the
Italian withdrawal causing social disorder in eastern Ethiopia from 1941 to 1942.
Second was the the ensuing conflict between the Tɘgrayan administration and the
Wağğärat people, who were trying to keep their autonomy against the provincial
administration. The intention of the Tɘgray sub-provincial administrator of southern
Tɘgray to govern and punish the Wağğärat for the gaz was foiled by a surprising
attack by the Wağğärat in May 1943 (…) against the sub-provincial administration
led by däğğazmač Abbay Kasay; they captured him and his subordinate local
administrators, and killed some of his followers. Both incidents, especially the
latter, highlight the social disorder and the lack of effective administration.

On voit que le « manque d’Etat » invoqué pour expliquer ce déplacement de la


violence sociale traditionnelle vers des formes plus politiques est d’abord celui
résultant du retrait italien. Si Rome a pu s’enorgueillir d’avoir mis fin au
banditisme pendant sa période d’occupation (Guida, 1938 : 305), la sous-
administration chronique de ce canton reculé de l’Empire a laissé le champ
libre aux exactions meurtrières après 1941.
S : Coulet (1943) ; Franchetti (1930) ; HHL (Naw.) ; HL (in D.M., 1997 : 17 ; 143). L : Guida,
1938 ; 305-310 ; EA II : 717-718 ; IV : 1075-1076.

WĒ‘IMÁ
1. Wimá (toponyme). 2. Wíma (groupe géographique). 3. Etymologie.
1. Wimá (avec accent final) désigne l’oued qui descend du Dadár en direction
du nord, puis du nord-est, en formant la frontière entre la Rép. de Djibouti et
l’Erythrée à la hauteur de Ðaɖɖató. Ce devait être, à l’origine, le nom de la
haute vallée où se trouve le puits de Adáylu, près duquel apparut aɖal-Mâis
(v.). Il s’est étendu à la région à l’est de Asá Gaylá (le plateau à l’ouest de
l’axe Randá-Dorrá jusqu’à la dépression de Álol portant le nom de Altá). 2.
Wíma (accent pénultième), groupe géographique de la région de l’oued
Wimá. Les Wíma comprennent notamment, en Rép. de Djibouti, les Adáli
(v.), Ablé (v.), aysamlé (v.), Rukbá-k Ðrmlá (v.) du Billdí Godá (v.).
Les Badoytá-m mlá (v.) qui ont émigré vers le moyen Awash ne font pas
partie des Wíma, alors qu’en République de Djibouti ils se situent dans la
région du Wimá, montrant ainsi qu’il convient de dissocier le lien historique
et l’origine géographique. Les Wíma ont suivi une progression migratoire
vers l’Awash, concurrente de celle des Debné (v.), toutes tribus
Adohyammára. Leur échec commun devant les Mdaytó Asahyammára (v.) a
recomposé une alliance stratégique, d’où l’appellation Debné-k Wíma, qui, en
contournant par le sud la vallée de l’Awash, a atteint la montagne éthiopienne,
organisant les chefferies suivantes :
1. à l’ouest, Adáli (v.) associés aux Amasá (v.) ;
2. au nord, Gibdsó (originaires de Gibdó, aux environs d’Assab) ;

369
WĒ‘IMÁ

3. Tákl-ik asbá (de Kurbíli) ;


4. Maanɖíyta (de Dbíyta) ;
5. Au sud, Ablé-k aysamlé (vers Erer, groupe dit « anlé Dabíh buɖá »),
Darumá-k Lubakaliytó de Mullú.
Le plus ancien chef des Debné-k Wíma mentionné dans les sources
européennes est Bitá b. Ali b. Waáys b. agyó, signataire de la « déclaration
de protectorat faite et signée par le cheikh des cheiks de Erer », du 2 septembre
1890 (v. Traités). Soleillet signale que « Bitta, chef de la tribu afar Ouïma et
fils du vieil Agado [agyó], mort il y a quelques mois, est un enfant de 15 à
16 ans ». Il désigne sans doute Ali b. Waáys b. agyó, qui serait mort en
1882 (quand écrit Soleillet), tandis que son père Waáys b. agyó était le
contemporain de Rochet (v.). En comptant des générations de vingt-cinq ans,
Bitá serait né vers 1867, son père Ali vers 1842, Waáys en 1817. Le
campement de Bitá, à l’époque de Soleillet, est situé à Kúmmi, entre Erer et
Mullú. 3. Etymologie. Le nom Wimá est dérivé du verbe we « couler en
permanence ». C’est le nom de l’Awash, Wáytu ; de l’oued Wá, à l’ouest de
Djibouti en pays issa. Il existe un campement Wá au nord-ouest de Sgállu
(v.). Comme pour le Wimá, on a ici l’indication d’un changement climatique
qui expliquerait la contradiction apparente entre les faibles densités humaines
actuelles et le nombre des sites archéologiques (dont beaucoup restent à
fouiller). Celui de Handgá (v.), au vu des premiers relevés, montre une
importante présence de sédentaires qui contraste avec la quasi-absence de
potentiel agricole aujourd’hui. La distinction entre le toponyme (à accent final)
Wimá et le groupe géographique (à accent pénultième) des Wíma n’est
apparemment pas faite par Mohamed Hassan Kamil quand il écrit (2004 :
184) :
Weeqima (Weima) : C’est le nom d’un oued qui forme la frontière entre l’Erythrée
et la République de Djibouti. (…) C’est un lieu chargé d’histoire. C’est à Weima
qu’a été codifié le droit jurisprudentiel appelé Debnek-weeqimih madqa en vigueur
en République de Djibouti. Debné est une confédération des tribus au sud-ouest de
la République de Djibouti.
Ce droit jurisprudentiel (v. madá) n’a nullement été codifié sur les rives de
l’oued Wimá, ni n’est attachée à un lieu en particulier. Cette législation
coutumière, sujette à des changements de jurisprudence liés à un état de
belligérance quasi permanent (wîli, v. Wagari), est celle des tribus appartenant
au groupe géographique des Debné-k Wíma, qui a débordé largement les
frontières de ce qui devait devenir la République de Djibouti en atteignant les
contreforts de l’escarpement éthiopien dès le XVIIIe siècle. Dans la citation ci-
dessus, Debnek-weeqimih madqa veut dire « code des Debné-k Wíma ». Si
c’était, comme le dit l’auteur, « le droit jurisprudentiel du Wimá », le topo-
nyme étant à accentuation finale, l’afar dirait nécessairement : Weeqimâ madqa
[Wimá-m madá].
S : Albospeyre (1959 : 113) ; Péri (1938 : 20) ; Rochet (1841) ; Soleillet (1886 : 70).

370
Y
YÂSIN MAḤAMMŌDÁ
Fitawrari Yâsin b. Maammdá [ci-après Y.M.] b. Guméd b. Dannabá.
Dhí-m mlá (Baddirrá, Gumeddó). Né en 1910, près de Tīó ; décédé à
Asmara en 1969. Yasin Mohamed Yasin (EA, V) relate sa carrière politique.
On y ajoute ci-après quelques données complémentaires. Y.M. fut, à la fois,
défenseur de l’unité des Afars et de l’union de l’Ethiopie et de l’Erythrée. A ce
titre, il choisit le parti unioniste (Andənnət) et ne rejoignit pas le mouvement
indépendantiste. Gouverneur du district de Tīó, en 1952, confronté à la
présence de la Red Sea Mission, il en combat la propagande religieuse dans son
poème Yaacayya Allah Diinal Islaam. Dans ce poème, Y.M. reprend
l’argumentaire religieux convenu. Le texte circule dans une version dactylo-
graphiée, datée de 1964, mais dans l’orthographe afare entrée en usage à partir
de 1975-1976 :
Qiisa Yallih baxa yaanam, ni yab hinna Que Jésus est fils de Dieu, nous ne le
disons pas (…)
Qiisa Yalla yok inxica maxaccinna Jésus n’a pas dit : « Dites de moi que je
suis Dieu »
Qiisa nabiiy, kaa xalteena Maryamâ na Le prophète Jésus n’est-il pas né de
Marie ?
Qiisa nabiyyun mursalaay rabbi hinna Jésus n’est ni le Messager, et encore moins
Dieu

Deux autres poèmes, également datés de 1964, dénoncent les travers de la


société : Gocoyu fait la critique attendue de la consommation d’alcool :
Qadli malon, xagna malon gocoy mari Ceux qui s’adonnent à la boisson n’ont ni
sens de la justice, ni respect
Aben makkol ma yaduuran, gocoy mari Ceux qui s’adonnent à la boisson ne
reconnaissent jamais leurs torts
Saaku yaysen, carra gacan, gocoy mari Ceux qui s’adonnent à la boisson, quand
ils vont mieux le matin, sont pires le soir

« Djinn amhara » (Amcari ginni)1 confond, dans un même rejet, superstitions et


vaticinations du ginnili :
Woh inkih sheytaan abaamak Yallaw naja Contre les œuvres du Malin, donne-nous,
ô Dieu, plein succès !
Sheytaan kee agbi ginnik Yallaw naja Contre le Diable et ses créatures, donne-
nous, ô Dieu, plein succès !
Ginnili saami nabtaamak Yallaw naja Contre les prédictions du ginnili, donne-
nous, ô Dieu, plein succès !

1. A noter, cette curiosité : en conclusion de chacun des trois poèmes cités, Y.M. signe : Qafarak
Yuusfitteh abba, Yalli kaa kee kay xaleenah cabay « père des [3] Joseph afars, que Dieu
l’épargne ainsi que sa progéniture ». En hommage à un ami, Y.M. a donné le même nom
Yûsuf à trois de ses fils, nés de trois mères différentes.
YÂSIN MAḤAMMŌDÁ

En cela, Y.M. rejoint le point de vue des missionnaires protestants (voir


Ginnili). Y.M. est aussi sur une ligne moderniste qui se traduira par une action
originale dans le domaine éducatif. En 1967, il convainc les sauniers Anklá
d’Assab de lui donner 2000 sacs de sel par an. Ayant obtenu de l’empereur
qu’ils soient détaxés, il assure ainsi le financement d’un premier pensionnat à
Assab où 50 élèves seront scolarisés. Le nationalisme de Y.M. s’exprime dans
son poème Yi fima « Mes semblables » :
Jabuuti ni baaxo, Zeelaq ni deesaasa Djibouti est notre pays, Zeyla, notre
pâturage
Booriiy, Ixaafaluuy, Zolaa kee Caddasa De Bôri, Iɖfálu, Zola et l’oued addas
Bad kee Awaashaay, Erer kee Laaqasa De la mer à l’Awash, d’Erer à Lasa
Qafar iyyan marak maadi yaanim kasa Souvenez-vous jusqu’où vont les Afars !
Cette définition extensive a été interprétée comme la revendication d’une
« grande Afarie » transgressant les frontières internationales. Dans les faits, le
propos était différent. On en a la vérification en 1962, quand Y.M., à l’issue
d’une réunion à Tīó, présentera son projet politique à l’empereur dans une
pétition pour la création d’une province administrative en Ethiopie. Ce projet
repris en 1977, lors de la réunion de Gawwâni (v. Afar, section 5 et Annexe
III) aboutira à la création définitive de la région Afar en 1995 (v. Rakkáy).
Son texte majeur est un poème où s’exprime la crainte d’une dépossession de la
terre ancestrale (in Dimis et Reedo, 1976 : 48) :
Yinay yi baaxo ya qassiinay O ma mère-patrie ! Ma mère chérie !
Yinay axce way maca koh xiqa Même si je t’appelle ma mère,
que puis-je pour toi ?
An baxay boolate kinniyo Je ne suis qu’un de tes enfants désormais
affaibli
Is celtam yeffere kinniyo Je n’ai pas réussi à devenir ce qu’il
convenait que je sois
Koo cineeh marah xiqe kinniyo Après t’avoir reniée, je me suis mis au
service des étrangers
Muxxi muxxi xarraqa yol tekkem Ce qui me fait toujours plus honte
Kiften awqa tekke Qafar baaxoy C’est de te voir les viscères découpés en
morceaux, ô mon pays !
Cuggi cugga tekke Qafar xaylo Les Afars sont les serviteurs de leurs
voisins
Baaxoy yemeeti dabqi tekke O mon pays ! Tu es devenu la demeure de
nouveaux venus !
Le segment Yinay yi baaxo est devenu le titre de l’hymne nationaliste afar
Yinay yi baaxo yankacis !, composé par Gamladdīn b. Abdulkâdir
« Reedo » (v.) vers 1974 (voir le texte complet, in D.M, 2012b : 563). En
promouvant l’unité des Afars, tout en refusant la sécession en ralliant le parti
unioniste, Y. M., quoique né en Erythrée, n’a pas de place dans le récit national
érythréen, ni de visibilité du côté éthiopien. La raison en est simple. En 1976, le
gouvernement communiste qui avait renversé deux ans auparavant l’empereur
Haïlé Sélassié ne pouvait admettre qu’apparaisse le nom d’un homme de
l’ancien régime. L’autre obstacle était sa dénonciation de la mainmise sur le
pays afar par des originaires des hautes terres. Cette crainte s’exprime encore

372
YAYYÓ ḤÁMMADU

dans le surnom de Prosopis juliflora, l’espèce qui colonise et stérilise les sols
de la vallée de l’Awash. Son sobriquet « wayyané » renvoie à la rébellion (en
tigrigna wäyyané, v. Waydarat) qui a commencé au Tǝgray en 1941 et à la
guérilla du TPLF qui a pris le pouvoir à Addis Ababa en 1991. Ce texte où Y.M.
dénonce l’envahissement du pays afar a été publié sans mention de son auteur,
à Paris en 1976, dans un livret d’alphabétisation ; ce qui peut surprendre dans
la mesure où le niveau de langue du texte dépasse largement les compétences
des apprenants. Mais le premier ouvrage jamais écrit en afar par des Afars ne
pouvait omettre ce poème emblématique. Sous la forme d’un dialogue, le
poème (dont le début a été cité p. 372), se poursuit en confrontant les points de
vue du pasteur vivant selon le mode de vie ancestral et celui de l’auteur, Y.M.,
appelé « le réprobateur », qui stigmatise son insouciance (ibidem : 49) .
Le réprobateur : O vacher, toi qui fais l’élégant !
Toi qui retouches ta coiffure après avoir bu du lait !
Toi qui ne sais que te coucher quand tu es rassasié !
Notre impuissance nous vient surtout de gens comme toi
De ceux qui se font apporter du lait et de la viande
Des gens qui passent leur temps à dormir et à manger !
Le pasteur : O toi le réprobateur ! Toi qui es fâché !
Ce que tu mets en cause, c’est notre mode de vie ancestral
Saisis un tribunal plus compétent que moi, nous t’écouterons
Pose la question publiquement, nous la considérerons (…)
Le réprobateur : O vacher, toi qui fais l’élégant !
Je ne vois pas l’intérêt du débat que tu réclames
Regarde l’époque où tu vis et tu comprendras
Regarde la terre où tu vis, considère ton époque
(…) Aucun de vous ne veut éduquer ses enfants
Aucun de vous ne veut travailler la terre
Qui donc après cela soutiendra mes idées ?
O ma mère patrie ! Ma mère chérie !
A force de refuser la réalité, le pays est au plus bas
A force de ne pas nous entendre, nos projets ont échoué
La maladie revient comme un mal incurable
Les premiers faux-pas dus à notre ignorance sont maintenant notre habitude
Quant à la faiblesse, de quoi sommes-nous encore capables ?
O Dieu qui Vois tout, Fais en sorte que l’issue nous soit favorable !
Le pessimisme du poème, inacceptable pour une idéologie progressiste,
explique que le livret, achevé en septembre 1975 à Djibouti, édité à Paris en
1976 ait surtout été diffusé à Djibouti. Il était en outre porteur d’une
contestation prémonitoire de la colonisation agricole que le régime communiste
d’Addis Ababa devait soutenir en créant dans les années 1980 des fermes
d’Etat, avec le slogan :   märet lä arašu « la terre à qui la
travaille ! », devenu en afar : saí daarsittómuhu « le bétail à qui le garde ! ».
S : Dimis & Reedo (1976b : 48-50, traduction en français, D.M. 1999 : 109-111).

YAYYÓ ḤÁMMADU
Yayyó b. 1ámmadu b. Abdallá b. Ali b. Gádda b. Ali b. Igalé b. 1úmmad.
Généralement cité dans l’ordre syntaxique afar : ammadí Yyyó « Yyyó

373
YAYYÓ MAḤÁMMAD « ILLÁLTA »

[fils] de 1ámmadu ». Né en 1885 ; décédé le 9 avril 1972 à Addis-Ababa,


enterré à Aysaíyta. Originaire d’un lignage Maanɖíyta (v.) Igallá de
Imm2nó, venu de Bíɖu en Áwsa, au temps du sultan Aydâis b. Maámmad.
Pendant près de cinquante ans, il fut le second personnage du sultanat. Vizir du
sultan Ali-Mirá, il en devint le beau-frère en épousant sa soeur Ftumá vers
1928. Lorsque Maámmad b. Yayyó fut destitué par les Ethiopiens en 1944,
ceux-ci envisagèrent de le remplacer par Maámmad b. Aló, fils de
Maámmad b. Aydâis, réfugié à Sámu après la guerre du Sangerrá (v.).
Yayyó b. 1ámmadu recommanda la nomination de Ali-Mirá (dans le tableau
ci-dessous la mention s. suivie d’une date indique la date de nomination au
sultanat), ce que l’empereur Haïlé Sellasié accepta.

Tableau généalogique des Aydḥissó (Áwsa et Sámu)

1anfaɖé (s. 1832)

Maámmad « Illálta » (s. 1862) Aydâis

Kaɖɖá-Aydâis Yayyó (s. 1917) 1anfaɖé (s. 1903) Aló (s. 1907) Maámmad

1anfaɖé Daddas Maámmad (s. 1927) Aló

Ali-Mirá Yayyó Maámmad Aydâis Maḥámmad Kaɖɖfó Afkīé


(s. 1944) (d. sept. 1975) chef à Rôbi chef à Sámu
Branche d’Áwsa Branche de Sámu

Le père de Yayyó, 1ámmadu, avait d’abord été simple garde des pâturages en
défens (dsó), puis « chef des bouviers » (la-t abbá) du troupeau Elleádu,
avant d’être distingué par le sultan Maámmad b. Yayyó qui en fit son « vizir »
(malák), charge transmise à son fils Yayyó (v. Aydissó ; Dikhil).
S : HL ; Chedeville (Réveil de Djibouti, 15 avril 1972).

YAYYÓ MAḤÁMMAD « ILLÁLTA »


Sultan de l’Áwsa, fils de Maámmad « Illálta », 8ème dans l’ordre de
progéniture (v. p. 297). En conflit dynastique avec ses frères 1anfaɖé et Aló,
notamment, à partir de 1910-1912 (v. Sangerrá). Seul au pouvoir en 1917 après
l’élimination de la quasi-totalité de ses concurrents. Décédé le 5 janvier 1927
(30 5umd II 1345). Sa première épouse, Ftumá b. 1ummó (Maanɖíyta), est
la mère de « Daddás » Maámmad (sultan 1927-1944). La seconde, Ftumá, de
lignage Ubbōbá des Lubak-Kubó (v.) est la mère de « Kaɖɖá » Maḥámmad,
tué par les Italiens en 1939. La troisième, Eysá, était une kalluwallé (v.),
également des Lubak-Kubó, mère de « Unɖá » Maḥámmad, dit aussi
« Bárule » Maḥámmad. En conflit avec le sultan « Daddás » Maámmad,
« Unɖá » Maḥámmad se réfugia un temps en Côte française des Somalis, sans
que cette fois la rivalité ne dégénère en guerre fratricide (v. Sangerrá).

374
ANNEXES

I. Formation du texte historique de style oral (pages 377-393)


II. « Chronique de l’Awsa (1763-1873) » (pages 395-406)
Texte arabe (pages 407-422)
III. Conférence de Gawwani (pages 423-424)
Texte amharique (pages 425-434)
Annexe I.
Formation du texte historique de style oral

1. Reprise, p. 378. 2. Recomposition, p. 378. 3. Relations de coprésence, p. 390. 4.


Circulation des textes publiés, p. 392.

On a déjà eu l’occasion d’expliquer1 comment la poésie, forme


supérieure de l’éloquence, en concentrant la véridicité du discours, était la
forme la plus élaborée de la narration historique en afar. Elle se démarque
en cela de la poésie arabe sur laquelle pèse toujours le soupçon du
mensonge2. Cette poésie est chantée. Le texte historique de style oral suit le
« trajet » de la poésie traditionnelle (gad) en étant fondée sur une
circulation générale de fragments (eɖɖá) qui justifient l’emploi du terme de
centon. Hormis le cas où le texte consiste en un énoncé à valeur d’adage, le
centon (du latin cento « assemblage de morceaux d’étoffes cousus
ensemble ») désigne une pièce composée de vers pris çà et là, dont on ne
cite pas explicitement les auteurs. L’intertextualité prend la forme d’un
emprunt plus ou moins direct3. La concurrence qui s’instaure entre des
versions réminiscentes les unes des autres, prolonge la joute traditionnelle.
Elle influe sur la forme même du texte rythmé ou versifié, sur sa longueur,
y compris pour les plus récemment imprimés, où le principe de la reprise
confine au plagiat, sans nécessité ressentie de nommer le transmetteur dont
la version a été empruntée et modifiée. Le verbe unkul (ar. naqala) illustre
cette confusion en ayant, selon les contextes, le sens de « transférer »,
« copier », « recopier » et « composer ». Etre poète, c’est être capable
d’imiter les vers d’autrui et de les mêler aux siens. Dans ce contexte, le
fragment voulu hic et nunc n’est pas le résultat d’une déperdition, mais au
contraire une actualisation par reproduction (et éventuellement
déformation) volontaire. Dans un trajet inverse, la source historique a
priori unique se ramifie en plusieurs versions-clichés réutilisables. En
même temps, la création poétique, par principe génératrice de plusieurs
versions, tend vers l’homogénéité par la sélection qu’opère le groupe qui
rejette ou conserve ce qui est « mémorable ». Chaque tradition lignagière
ne cesse de construire et remanier ce qu’elle tient pour le texte légitime,
lequel diffère d’un protagoniste à l’autre. Le texte oral n’est ainsi éligible
au rang de source que si le transmetteur dit clairement à quelle tradition il
se rattache. Le centon prend plusieurs formes et peut se présenter comme :
— une reprise simple (exemple 1a, ci-après) ;
— comporter une variante (1b) ;
— conduire à une recomposition (2), avec :
— variante apocryphe (2a) ;
— changement d’énonciateur (2b) ;
— changement de destinataire (2c).

1. D.M. (1997, 1999).


2. Coran, XXVI, 221-224.
3. A la suite de Gérard Genette (Palimpsestes, 1982) on définit ces relations comme relevant
d’une coprésence entre deux ou plusieurs textes.
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

A chaque fois, à défaut de pouvoir certifier la « version originale »,


l’analyse peut évaluer si le texte rapporté est plausible au regard de ce que
l’on sait par le contexte historico-politique, une constante culturelle, la
chronologie ou l’onomastique.
1. Reprise. 1a. SIMPLE. L’adage Baxak qaxaay marto le marak cokmi yoo
« depuis la côte, le commandement des gens portant pagne [les Afars], c’est
moi qui l’ai » est un exemple de réemploi à usage politique. Attribué au
sultan Maḥámmad b. Ḥanfaɖé, mais aussi à Maámmad b. Yayyo (Aramis
Houmed Soule & Piguet, 2009 : 259), il a pour fonction de réaffirmer
l’ambition hégémonique de ces deux sultans d’Awsa.
1b. AVEC VARIANTE. C’est la forme prévisible des adages judiciaires à
valeur jurisprudentielle : Aado qaada qiddek, abba madqa muda « si la
nouvelle génération adopte une nouvelle manière de vivre, le chef prend un
décret en conséquence » (Ḥanfaɖé b. Looytá) ; Aadooy qaada qiddek,
abbaay madqa muda « si chaque génération met en usage une coutume
(nouvelle), chaque chef instituera un tarif nouveau » (Ḥúmmad b. Looytá).
2. Recomposition. 2a. VARIANTE APOCRYPHE. La manipulation du texte
peut conduire à une recomposition substantielle de l’emprunt. Avant le
combat de Modáḥtu (1935) où devait périr l’administrateur Bernard (v.), le
ginnili Mômin b. Gédda avait vaticiné (D.M, 1991 : 25) :
Sagah innah qado num maacisa Un homme blanc comme une vache sera
là au matin
Af kaak aaxige waynah girak kalah Nous ne connaissons pas sa langue ni son
arme à feu
Nek bogul bice waytah gilek kalah Accroché au ventre, inutile, en outre, nous
est le couteau
Ce texte est repris par Mohamed Hassan Kamil (2004 : 164) avec les
modifications suivantes :
Sagah innah qado num maacisa Un homme blanc comme une vache sera
là au matin
Af kak aaxige waynaah gira kalna Nous nous emparons d’un fusil que nous
ne connaissons point4
Nek bagul bice waytaah, gile kalna Nous nous emparons d’un couteau qu’il
nous est impossible de porter
Il est attribué par Mohamed Hassan Kamil à Ḥámad-Laé, ginnili mort en
1973. Celui-ci ne peut donc avoir été présent au combat de 1935, alors que
Mômin b. Gédda vivait certainement dans les années 1930. Il est identifié
lors du combat de Ggálu (vers mars 1930, cf. D.M., 1997 : 135). Une
mauvaise lecture de notre livre de 1991, le premier à mentionner Ḥamad-
Laé, semble à l’origine de ce quiproquo. Pour l’essentiel, ce tercet nous a
été transmis par Sléḥ b. Ḥásan, frère de Ḥámad-Ladé, lequel a aussi

4. Le segment af ka[a]k aaxige waynaah « dont nous ne connaissons pas la langue » ne


peut que renvoyer à qado num « un homme blanc ».

378
FORMATION DU TEXTE HISTORIQUE DE STYLE ORAL

confirmé l’information. Il s’agit d’une tradition propre aux Debné du


Gbaád. Mohamed Hassan Kamil n’étant pas originaire du Gbaád, alors
que nos deux informateurs le sont, on est fondé à privilégier notre version
dont dérive celle de Mohamed Hassan Kamil.

2b. CHANGEMENT D’ENONCIATEUR. L’offre de soumission aux Mdayto


(v. Awsa) des sédentaires de l’oasis est conservée sous la forme d’un
distique de onze syllabes :
Goray-Daliy Dananbeeh yacee gaba Le [défluent] Goray-Daliy donne la
main au Dananb [autre défluent5],
Awsi Kaxxaafoh yacee qidô girib l’Awsa tend son outre à semis à Data-
Kaɖɖāfo
Compte tenu de la position géographique des deux défluents, le sens du
distique est : « D’ouest en est, toute la population agricole d’Awsa se
soumet à Data-Kaɖɖāfo. » Dans ce qui présenté comme une variante
Mdayto, la formule est mise dans la bouche, non des sédentaires de
l’Awsa, mais de la mère de l’imam Salmn, chef de la dynastie arabe alors
au pouvoir, pour le prévenir de ce qui se trame (Aramis Houmed Soule,
2011 : 13). Le distique de onze syllabes est présenté sous la forme d’un
énoncé en prose :
Nangalta Guraygalih tacee gaba6 kee Awsi Kaxxaafôh yacee qido-g girib
qarkaytol koo macabta
« Le changement de la direction d’écoulement5 d’un bras de la rivière Awash et
cette contribution en maïs que les Awsa donnent à Kaḍḍâfo vont conduire à ta
chute. »

La réfection ressort de trois constatations : 1. le défluent Nangaltá a été


creusé sous le sultan Yayyo, dans les années 1920, or l’imam Salman est
mort en 1750. 2. Guraygali que nous n’avons pu situer semble être une
déformation de Goray-Daliy. 3. La forme non versifiée confirme qu’il ne
s’agit pas du texte de style oral d’origine.
2c. CHANGEMENT DE DESTINATAIRE. Les étapes de la manipulation d’un
texte oral qui se présente toujours sous une forme fragmentaire, n’ayant pas
de véritable clôture, et qui mêle ici recomposition par ajout et changement
de destinataire, peuvent être retracées depuis la publication par Maknun et
Hayward (1981) d’un texte oral, peu après l’indépendance de Djibouti
(1977), et alors que montait en Ethiopie la revendication d’une région
autonome après la conférence de Gawwâni, la même année (voir Annexe
III). Ce texte est d’autant plus intéressant qu’il est considéré par le
transmetteur comme « le plus connu des poèmes chantés du peuple afar »7.

5. Dananb est l’ancien nom du Gurmuddáli.


6. On ne comprend pas comment tacee gaba « donne la main » est interprétable comme « le
changement de direction d’écoulement ».
7. « the most widely known sung poems of the Afar people », Maknun et Hayward (1981 :
327).

379
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

Il existe dans les six versions publiées suivantes :


A. Maknun [b. %aml al&D(n al-Šm(] et Hayward (1981)8
B. Ḥámad-Ladé et Morin (1997)
C. )šim b. %aml al&D(n al-Šm( (1997)9
D. Ahmed Malko (2003) ; D’. Mohamed Hassan Kamil (2004)
E. Aramis Houmed Soulé (2005, 2011).
Dans ce qui est présenté par Maknun et Hayward comme « a song of
accusation », le poète )anfaɖé b. Tolá prend à partie le sultan d’Áwsa en
lui reprochant de s’être laissé corrompre par les Italiens en la personne du
comte Pietro Antonelli venu en 1883 signer une convention de commerce et
d’amitié (v. Addale-Gúb). Toutefois, les deux derniers vers montrent un
apparent défaitisme qui contredit l’objet même du poème : inciter à la
résistance. On a là une illustration déjà notée du mode formatif du poème
oral, celui du centon qui autorise toutes les manipulations au gré des
transmetteurs. La version de 10 vers que nous avons publiée en 1997 (ci-
après B) est plus courte que celle de 13 vers de Hayward et Maknun (A) et
ne contient pas ces deux vers. Les versions ultérieures : E d’Aramis
Houmed Soule et D d’Ahmed Malko montrent, comme l’écrit Aramis
Houmed (op. cit. : 44), une « forte connotation patriotique », à l’évidence,
anachronique, si l’on considère qu’en 1883 les Italiens, seulement
implantés sur la côte, avec l’accord des chefs Anklá et Adáli, n’ont pas
encore créé la Colonia Eritrea (1890), ni engagé la politique d’occupation
qui justifiera l’accusation de colonialisme. Cette « connotation patriotique »
est présente dans la version de 23 vers de )šim b. %aml al&D(n al-Šm(
(1997). Aucun des transmetteurs des versions citées ne fait référence au
rôle joué par Abderraḥmân b. Yûsuf (v.) dans la négociation de la
convention de 1883. De fait, le personnage contrarie la vision binaire :
les Afars, tous unis pour résister aux Italiens.
A. « Song of accusation ». Centon de 13 vers (Maknun & Hayward, 1981).
Ce chant d’accusation est défini par les auteurs comme un kássow de 12
syllabes. Sans entrer dans le débat de cette définition métrique (voir les vers
5 et 6 de 13 syllabes), on retiendra que ce texte historique est, comme on l’a
dit, une poésie chantée, ce qui, d’un point de vue européen, peut
surprendre. On lira ci-dessous le texte de cette version10 et sa traduction
anglaise, sous laquelle nous proposons la nôtre en français à partir de l’afar.
1. Intilêmo bàgut le angarat ybo ?
May I speak about the intentions of the Greedy ?11
Puis-je parler des intentions d’Antonelli ?
2. Tibba-’ttek Kalo kok gabak kalam lōwa
If you keep quiet he plans to take Kalo from you
Si tu te tais, il médite de te prendre le Kalo

8. Maknun et Hayward (ibid. : 327) indiquent que le cheikh « Ismael Abna » (Ism(l b.
Maámmad, de tribu Sēká Abná) a revu leur version et en détient une autre.
9. )šim b. %aml al&D(n al-Šm( est le frère de Maknun, transmetteur de la version A.
10. Ici et ensuite dans la transcription des auteurs.
11. Les auteurs n’ont pas identifié le comte Antonelli sous Intileemo, variante de Intinlé.

380
FORMATION DU TEXTE HISTORIQUE DE STYLE ORAL

3. Yabtek ambaḍe-sinni ‘êbi koh lōwa


If you speak out, he plans endless war against you
Si tu protestes, il médite contre toi une guerre sans fin
4. Fakteh immay aliftu tḍigem tayse
You opened indeed : it were better to know how to shut !
[La porte que] tu lui as ouverte, mieux vaudrait que tu la refermes
5. Koh kalih mari ‘anda akah12 geyam hinna
None but you would have the authority for it
Nul à part toi n’aura la force pour cela
6. Mangaḥin mari ḥàyla akah geyam hinna
The Little Ones would not have strength for it
Tes sujets13 ne pourront rien contre lui
7. ‘bi dagnay akah bololta mantu ’mmay
But you do not bow your head for want of valour !
Tu ne manques pas de guerriers pour le craindre
8. Mli dagnay akah ḥeyitta mantu ’mmay
Neither are you straitened by lack of money !
Tu ne manques pas d’argent pour le craindre
9. Mulki dagnay akak bohoyta mantu ’mmay
Nor do you hesitate as if short of kingly power !
Tu ne manques pas de pouvoir pour le craindre
10. Lak‘o n’edde ‘idōnu mkisan [ḍ]ti
Money is the stones they carry about for your destruction
Cet argent, ce sont des pierres qu’ils font circuler pour nous détruire
11. Lak‘o tuble ’nti rabta way ma baka‘tay
There is no end to the love of money !
L’œil qui a convoité de l’argent, même mort, n’éclate pas
12. Bḍo baytem an ’ḍaguk geḍa ’yye ’ḍḍiḥ
Tell him ! I go knowing the country to be lost !
Dis-lui que je m’en vais en sachant que le pays est perdu !
13. Bḍo baytem at’ ’ḍaguk r‘a ’yye ’ḍḍiḥ
Tell him ! Stay ! But know the country to be lost !
Dis-lui que tu es resté en sachant que le pays est perdu !

Maknun et Hayward proposent un certain nombre d’explications utiles.


Ainsi, cette opposition entre (v. 5) andé « force », « pouvoir officiel », et
(v. 6) aylá « force physique » qui définit exactement la nature du pouvoir
Mdaytó, qui tirait sa légitimité de sa force militaire. Leur version
comporte deux indices morphologiques anormaux non relevés : la forme
tibba’ttek « si tu te tais » (vers 2) est employée en afar du nord, alors que
)anfaɖé b. Tolá qui parlait l’afar du sud a nécessairement dit tibbi’tték14.
Vers 9, mulki (au lieu de milki en afar du sud). Dans les deux cas, ces
variantes sont dues au fait que Maknun, transmetteur du texte, est originaire
du nord, comme le cheikh Ismīl Abná, des Ská de la péninsule de Bôri,

12. Pour qandé akah.


13. Glosé par les auteurs (op. cit. : 330) « little people ». Sur notre traduction de mangacin
mari, voir plus loin, p. 389.
14. Il faut distinguer le nom tibbá « silence », commun aux deux dialectes, et le radical du
verbe descriptif « faire silence » : (nord) tíbba / (sud) tíbbi, d’où en afar du nord
tíbba’tték ; en afar du sud tíbbi’tték (cf. D.M., 2012b : 855).
381
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

qui a « revu » le poème et proposé des variantes à partir de sa version du


texte15. Chaque lignage recompose, dans son dialecte, la version du
texte qu’il juge légitime.
B. Centon de 10 vers (D.M., 1997 : 49)16. Les similitudes avec la version A
sont indiquées entre crochets. Ainsi, le vers c renvoie au vers 2 (en gras) de
la version A de Maknun et Hayward.
a. Intinoole koh edde yot malat yaaboo
Dois-je parler de ce qu’Antonelli projette contre toi ?
b. [ = 1] Intinoole gabat le [A : Intileemo bagut le] qangarat yaaboo
Dois-je parler des paroles de la main d’Antonelli ?17
c. [= 2] tibbi-ttek Kalo kok gabak kalam loowa
Si tu te tais, il médite de te prendre la Kalo
d. [= 3] yabtek ambaxe sinni qeebi kok loowa
Si tu protestes, il médite contre toi une guerre sans fin
e. Intinooleh aben dáasa fáxah máana
La hutte pour recevoir Antonelli, je ne l’aime pas
f. [= 4] fakteh ímmay alíftu taaxigem tayseh
La porte que tu lui as ouverte, mieux vaudrait que tu la refermes
g. [= 6] mangacin mari cáyla kaak geyam [A : akah geyam] hinna
Tes sujets ne pourront rien contre lui
h. rabtek urr-aamol tu cábtu waytah taniih
Si tu meurs, laisseras-tu cette charge à tes enfants ?
i. [= 11] lakqo tuble-ntii rabta way má suruyta [A : ma bakaqtay]
L’œil qui a convoité des pièces d’argent, même mort, sent mauvais
j. [= 10] lakqo ne-dde selóonu [A : qidoonu] meekisan xéeti
Cet argent, ce sont des pierres qu’ils font circuler pour nous détruire

C. Centon de 23 vers (al-Manhal, 1997 : 274-279). Cette version est


donnée en arabe, et en afar transcrit en arabe, par )šim b. %aml al&D(n
al-Šm( (al-Manhal, 1997 : 275-279). Cet ouvrage, écrit-il, a été rédigé à
partir d’un manuscrit de 91 feuillets de son père, le cheikh %aml al&D(n
al-Šm(, mais on ne sait s’il incluait le texte de 23 vers. La version
produite par son fils )šim conserve les deux indices lexicaux propre à
l’afar du nord, signalés précédemment (v. 13 tibba ; v. 18 mulki).
On trouvera ci-dessous la translittération du texte afar écrit en arabe de
)šim b. %aml al&D(n (avec notre traduction en français) où figurent entre
crochets les similitudes avec la version A. Ainsi, le vers 6 (٦) est identique
au vers 4 (en gras) de la version de Maknun et Hayward (1981).
١. Koona misli kasah duma aaxigem mayyu
Mes souvenirs ne remontent pas au-delà de cinq sultans
٢. Inni muggaaqak tu kassitak raaqe
Je garde le souvenir de mon homonyme

15. Cf. Maknun et Hayward (op. cit. : 331-332).


16. Publié en 1997, le texte a été recueilli de Ḥamad-Ladé avant son décès en 1981, sans
connaître donc l’article de Maknun et Hayward publié en 1981, ni a fortiori la version
du Manhal (1997).
17. Comprendre : de ce qui est écrit dans le projet de traité qu’Antonelli a en main.

382
FORMATION DU TEXTE HISTORIQUE DE STYLE ORAL

٣. Sinni barsaanam mali marin kasle


On ne doit pas se familiariser avec les étrangers
٤. Koo barite mari tu koh malsa
Les gens qui te connaissent complotent contre toi
٥. Kok kalih mari daaba nel fakak manannâmmay
Quels autres gens que toi lui auraient ouvert la voie contre nous
٦. [= 4] Fakteh immay aliftu taaxigem tayse
[La porte que] tu lui as ouverte, mieux vaudrait que tu la refermes
٧. Kaa ma taaxigak m’iyyi sin fanat yaabe
Puisque tu ne le connaissais pas qui a été votre intermédiaire ?
٨. Kas litoh tan usuk yem aaxaguk raqteh
Tu es intelligent et tu sais à quoi t’en tenir
٩. Yaabek afqado kah ruwawta yab hinna
S’il parle, ses propos ne sont pas compatissants
١٠. Wagga heek bagi kah ruwawa nef hinna
S’il te regarde, son visage n’exprime pas de la compassion
١١. [= 1] Intileemo bagut le qangaarat yaaboo
Dois-je parler des intentions d’Antonelli ?
١٢. [= 3] Yabtek ambaxe sinni qeebi koh loowa
Si tu te protestes, il médite contre toi une guerre sans fin
١٣. [= 2] Tibba’ttek18 rasu [A : Kalo] kok gabak kalam loowa
Si tu te tais, il médite de te prendre le pays
١٤. [= 5] Koh kalih mari qande kah geyam [A : akah geyam] hinna
Nul à par toi n’aura la force pour cela
١٥. Rabtek urri bagul tu cabtu waytah tan
Si tu meurs tu laisseras à tes enfants une lourde responsabilité
١٦. [= 6] Mangacin mari cayla akah geyam hinna
Tes sujets ne pourront rien contre lui
١٧. [= 7] Qeebi dagnay akah bololta mantu’mmay
Tu ne manques pas de guerriers pour le craindre
١٨. [= 9] Mulki dagnay akah bohoyta [A : akak bololta] mantu’mmay
Tu ne manques pas de pouvoir pour le craindre
١٩. [= 8] Maali dagnay akah [A : akak] ceyitta mantu’mmay
Tu ne manques pas d’argent pour le craindre
٢٠. [= 10] Lakqo nedde bakoonu [A : qidoonu] meekisan xeeti
Cet argent, ce sont des pièces qu’ils font circuler pour nous détruire
٢١. [= 11] Lakqo tuble inti rabta way ma bakaqta
L’œil qui a convoité l’argent, même mort, n’éclate pas
٢٢. [= 12] Baaxo baytem anu aaxaguk gexe’yye ixxic
Dis-lui que je suis parti sachant que le pays est perdu !
٢٣. [= 13] Baaxo baytem atu aaxaguk raaqa’yye ixxic
Dites-lui de rester sachant que le pays est perdu !

Dans cette version C, les 5 premiers vers innovent, quand les vers 9 et 10 :
٩. Yaabek afqado kah ruwawta yab hinna
S’il parle, ses propos ne sont pas compatissants
١٠. Wagga heek bagi kah wagra nef hinna
S’il te regarde, son visage n’exprime pas de la compassion

18. On a écrit tibba à partir du texte afar en caractères latins (al-Manhal : 279), l’arabe
n’indiquant pas les voyelles brèves.

383
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

en rappellent deux autres (voir précédemment p. 258) du même poète, à


l’adresse du chef Debné, )úmmad b. Looytá :
Nublek inti wagittu niqba nef hinna
Qu’on l’observe, son visage n’est pas déplaisant
Yaabek afqado kah wagarta yab hinna
Qu’il parle, on reste sur sa faim
Ils illustrent le principe du centon fait de reprises et d’innovations. Tout
gadabé, « poète, faiseur de gad », dispose d’un stock de vers bien « rodés »
qu’il assemble et récite librement en diverses occasions. Le même fragment
peut ainsi recourir à des vers composés à des époques diverses et à propos
d’événements différents, au risque de ruptures logiques. Par rapport à la
version A, il y a rupture du parallélisme de l’assonance (vers 12 gexe’yye ;
vers 13 raaqa’yye). Cette dissonance se retrouve dans la version D.

D. Centon de 24 vers, intitulé « Le colonialisme » (Ahmed Malko, 2003 :


49-50). Les similitudes avec la version C sont signalées entre crochets. On
remarque une différence majeure qui concerne le nom du poète, appelé du
nom de sa mère, Tolá, alors que son nom personnel était )anfaɖé ! En
afar : Tolá- anfaɖé « )anfaɖé, fils de Tolá »19. Cette version D est
reproduite à l’identique par Mohamed Hassan Kamil (2004 : 177-178),
sous le même intitulé. Elle est mentionnée ci-après D’.
1. [= ٢] Inni muggaaqak tu kassitak raaqe
Je garde des souvenirs de mon homonyme
2. [= ٣] Sinni barsaanam mali marin kasle
On ne doit pas se familiariser avec les dirigeants étrangers
(D’) On ne doit pas se faire connaître aux dirigeants étrangers
3. [= ٤] Koo baritta hee mari [C : koo barite mari] tú koh malsa
Qui te connaît commence à préparer des plans pour te détruire
4. [= ٥] Kok kalih mari daabá nel fakak m’anaa [C : manannâmay]
Personne d’autre que toi n’aurait ouvert la voie pour eux
5. [= ٦] Fakteh immay aliftu taaxigem tayse
J’espère que tu sauras la fermer
6. [= ٧] Kaa ma taaxigak m’iyyi sin fanat yaabe
Puisque tu ne le connais pas qui était votre médiateur ?
7. [= ٨] Kas litoh tan usuk yem aaxaguk raqteh
Si tu as saisi le fond de sa pensée c’est que tu es vraiment intelligent
8. [= ٩] Yaabek afqadό kah xuwawta yab hinna
Sa parole suscite la révolte20
9. [= ١٠] Wagga heek bagi kah wagra nef hinna
Son regard suscite la répugnance
10. Intinooleh aben doos [daasa ?] way faxah maana
L’accueil réservé à Antonelli me révolte

19. L’article d’Ahmed Malko est intitulé « Tola le maître de la poésie afare ». L’erreur de
l’appeler « Tola » est répétée par Mohamed Hassan Kamil (2004 : 175). Elle commence
avec Maknun et Hayward (1981) qui intitulent leur article « Tolo Ḥanfaɖé’s song of
acccusation : an Afar text ».
20. Idem D’. La traduction exacte est : Qu’il parle, ses propos ne sont pas compatissants.

384
FORMATION DU TEXTE HISTORIQUE DE STYLE ORAL

11. [= ١١] Intinoole [A et C : Intileemo] bagut le qangarat yaaboo


Dois-je te dévoiler le secret d’Antonelli ?
12. Intinoole koh eddé yot malát yaaboo
Dois-je t’expliquer le projet d’Antonelli ?
13. Tibba’ttek Kalό kok gabák kalam loowa
Si tu te soumets, il veut te prendre Kalo
14. [= ١٢] Yabtek ambaxe sinni qeebi koh loowa
Si tu te révoltes, il veut t’imposer une guerre interminable
15. redite du vers 5 [= ٦] Fakteh immay aliftu taaxigem tayseh
Toi qui l’as accueilli tu dois le maîtriser
16. [= ١٤] Kok kalih mari qandé kah geyam hinna
Personne d’autre que toi ne peut lui faire face
17. [= ١٦] Mangacin mari cayla kah geyam hinna
Les jeunes ne pourront pas affronter cette situation
18. [= ١٥] Rabtek urri amόl [C : bagul] tu cabtu waytah tan
Si tu meurs tu laisseras aux jeunes une lourde responsabilité
19. [= ١٨] Qeebi dagnay akah bolo[l]ta mantu’mmay
Tu ne manques pas de guerriers valeureux pour redouter la guerre
20. [= ١٩] Maali dagnay akah bohoyta mantu’mmay
Tu ne manques pas de moyens financiers pour redouter la guerre
21. [= ٢٠] Lakqό baaxό bayissu meekisan xeeti
C’est l’argent de [la] corruption qui détruit le pays
22. Avec inversion [= ٢١] Rabta way ma bak[a]qta lakqo tuble intí
La corruption rend aveugle les responsables
23. [= ٢٢] Baaxo baytem anu aaxaguk gexe’yye ixxic
Dites-lui que je suis parti conscient du malheur du pays
24. [= ٢٣] Baaxo baytem atu aaxaguk raaqa’yye ixxic21
Dites-lui que tu es resté conscient du malheur du pays
E. Centon de 13 vers d’Aramis Houmed Soulé (2005 : 44-45 ; rééd. 2011 :
53-54). Celle-ci est voisine de Hayward et Maknun (1981) avec le même
indice tibba propre à l’afar du nord. Comme précédemment, dans le texte
reproduit ci-dessous, les chiffres en gras en tête des vers renvoient à
Maknun et Hayward (version A), les lettres à )ámad-Ladé (version B, in
Morin, 1997), les chiffres en maigre à Ahmed Malko (version D, 2003). Le
signe d’égalité indique une identité entre deux versions. On précise entre
crochets des variantes internes.
[1= b] Intileemo bagut le qangarat yaaboo ?
Puis-je parler des intentions d’Antonelli ?
[trad. 2011] Puis-je te parler des intentions d’Antonelli ?
[2 = c : Tibbi] Tibba’ttek rasu kok gabak kalam loowa
Si tu gardes le silence, il pense te déposséder du pays
[3 = d] Yabtek ambaxe sinni qeebi koh loowa
Si tu protestes, il compte te faire une guerre sans fin
[e = 10]. Intileemoh [e : Intinoole] aben daas faxah maana
Je n’aime pas la hutte construite pour Antonelli
[4 = f = 4] Fakteh immay aliftu taaxigem tayse
Tu as ouvert une brèche, il vaut mieux que tu saches la refermer

21. Pour l’analyse grammaticale de ce vers et du précédent, voir p. 388.


385
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

[5 = 16] Koh kalih mari qande akah geyam hinna


Une menace que nul autre que toi n’a la force de contrer
[6 = g = 17] Mangacin mari cayla akah geyam hinna
Une menace que les jeunes, sans expérience, n’auront pas la force
d’affronter22
[11 = i = 22] Lakqo tuble’nti rabtaway ma bakaqta [B : ma suruyta]
L’avidité d’argent est sans limite
[10 = j = 21] Lakqo nedde qidoonu [B : seloonu. C : bayissu] meekisan xeeti
L’argent, ce sont des pièces dont on se sert pour causer notre perte
[12 = 23] Baaxo baytem anu aaxigak gexa’yye’xxic
Dites-lui que je pars en sachant que le pays est perdu23
[13 = 24] Baaxo baytem atu aaxigak raaqa’yye ixxic
[trad. 2005] Dites-lui de rester en sachant que le pays est perdu
[trad. 2011] Dites-lui de me survivre en sachant que le pays est perdu
Cette dernière version (du point de vue chronologique) permet de reposer
les deux grandes questions posées par le texte historique de style oral formé
en centon : celle de son instabilité formelle et de sa non-clôture. Dans les
deux cas, la performance l’emporte sur la métrique. Elle explique que le
fragment concerné soit d’abord défini comme un « chanson d’accusation »,
insistant sur l’intention du poète, et non comme un kássow.
INSTABILITÉ FORMELLE. Dans les deux derniers vers de la version E, la
forme aaxigak « en sachant », au lieu d’aaxaguk [ɖáguk], correspond à un
usage urbain récent qui ne peut être celui d’origine24. Le changement
d’Intinoole en Intileemo, sans que le nom d’Antonelli soit identifié (version
A), la confusion entre le nom du poète et celui de sa mère (version D et
D’), sont autant d’indices d’une foklorisation de la « song of accusation ».
La mémoire du contexte qui l’a motivée, seulement connu grâce aux
archives coloniales italiennes, est perdue. Dans la version D (et D’), la
traduction de :
6. Kaa ma taaxigak m’iyyi sin fanat yaabe
Puisque tu ne le connais pas qui était votre médiateur ?
au lieu de (cf. notre traduction de la version C) : Puisque tu ne le
connaissais pas qui a été votre intermédiaire ? montre que la personne
désignée par le poète, Abderramân b. Yûsuf (v.), comme son rôle de
facilitateur, sont ignorés. Les « pièces » d’argent mentionnées au vers 10
font sans doute référence aux contrats d’acquisition déjà signés avec
Giuseppe Sapeto à Asab. Ces contrats ont été conclus à l’amiable. Aussi,
« médiateur » qui sous-entend un conflit paraît moins approprié
qu’« intermédiaire » qui désigne le rôle exact de Abderramân b. Yûsuf
mettant en contact l’envoyé italien Antonelli et le sultan d’Áwsa. Cette

22. Dans sa rédaction de 2011, l’auteur précise que ces enfants sont les héritiers du sultan.
23. La traduction montre la même interprétation que la version A de gexa’yye (voir p. 388).
24. Les descripteurs s’accordent sur la forme aaxaguk ([ɖáguk]). Voir Hayward (« The K-
Participle, in Parker, 1985 : 256) ; Bliese (A Generative Grammar of Afar,
1981 (« Imperfect participle » : 72). La forme aaxaguk est rétablie dans la version
d’Ahmed Malko (version D).
386
FORMATION DU TEXTE HISTORIQUE DE STYLE ORAL

implantation s’est faite d’autant plus pacifiquement en 1883 que les Afars,
redoutant une occupation égytienne (voir la tentative d’invasion de Werner
Munzinger en 1875), voyaient dans les Européens le moyen de s’en
protéger. C’est pourtant l’idée d’une médiation que l’on trouve dans la
traduction arabe25:  ‫و‬ ‫ذي‬‫ن ھوا‬ .."#$% & ; comme dans celle en
amharique26:  .Le verbe šämäggälä
signifie « rétablir l’entente », « réconcilier ».
NON-CLÔTURE. Il est conforme à la nature fragmentaire de cette poésie de
n’avoir pas de clôture. Aramis Houmed Soulé (version E) précise que le
texte qu’il a transcrit est un extrait (2011 : 53). On voit comment la version
« longue » de 1997 ()šim b. %aml al&D(n al-Šm() a inspiré celles de
2003 (Ahmed Malko) et 2004 (Mohamed Hassan Kamil) ; comment celle
plus courte de 1981 (Maknun et Hayward) se retrouve dans celle de 2005-
2011 (Aramis Houmed Soulé). Le poète Ḥanfaɖé b. Tolá n’est, au total, que
le premier maillon (au sens chronologique) d’une chaîne qui n’a pas de fin.
Le principe organisateur du centon permet la reprise ou le rejet de tel ou tel
vers. On le constate dès la première version présentée par Maknun et
Hayward. Ceux-ci27 écartent le vers suivant de 16 syllabes existant dans la
version connue du cheikh Ism(l des Abná.
Talo tahaysah baɖisen awa tekke Afar ɖaylo
From today onwards the Children of the Afar are a broken pot
Le refus est doublement motivé, à la fois, parce qu’extramétrique et en
raison du caractère invraisemblable (« unlikehood » écrivent les co-auteurs)
de l’expression « Children of the Afar ». Cette locution, qu’il faudrait
plutôt traduire : « Aujourd’hui et désormais, les Afars et leurs descendants
ont leurs viscères répandus (baɖisen awa : leur pays est démembré) », se
retrouve dans un poème composé en 1964 par Yâsin b. Maammdá (v.) et
publié en 1976 dans le premier livret d’alphabétisation écrit en afar, preuve
de l’importance que les auteurs28 attachaient à ce texte :
Muxxi muxxi xarraqa yol tekkem Ce qui me fait toujours plus honte
Kitfen awqa tekke Qafar baaxoy C’est de te voir les viscères découpés
en morceaux, ô mon pays !
Cuggi cugga tekke Qafar xaylo Les Afars sont les serviteurs de leurs
voisins
Maknun et Hayward signalent que le cheikh Ismīl pensait que la première
récitation de la « song of accusation » pouvait avoir été faite au cours d’une
des nombreuses réunions de pourparlers avec les Italiens à Assab entre
1882 et 188829, empêchant donc de dater précisément le morceau qui peut
avoir eu plusieurs versions voisines chez le même « auteur ». Pourtant, si
l’on prend en compte le vers de la version B :

25. al-Manhal (1997 : 276, vers 7).


26. Edition en amharique (2007 : 356).
27. Maknun et Hayward (op. cit. : 332).
28. Dimis & Reedo, Qafar afih baritto (1976 : 48). Voir supra, p. 372.
29. Maknun et Hayward (op. cit. : 329).

387
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

Intinoole-h aben daasa fáxah máana


Antonelli-pour [qu’] ils ont faite la hutte voulant je ne suis pas
La hutte pour recevoir Antonelli, je ne l’aime pas

la valeur exacte de fáxah máana (litt. « voulant je ne suis pas30 : je ne veux


pas ici et maintenant ») incite à penser que ce texte a été dit quand
Antonelli était présent en Awsa, donc début 1883. Mais l’éventualité d’une
reprise du poème en diverses occasions pourrait expliquer l’insertion
tardive de l’avant-dernier vers (déjà cité) où le poète, jusque-là censé
s’adresser directement au sultan, interpelle des tiers (suivant les versions A,
D, E) chargés de porter son message au même sultan :
Baaxo baytem anu aaxaguk gexe’yye ixxic
Dites-lui que je suis parti conscient du malheur du pays
Cette hypothèse est renforcée par le vers suivant : Baaxo baytem atu
aaxaguk raaqa’yye ixxic que Maknun et Hayward comprennent bien
comme : « Dites (au sultan) qu’il (le poète) lui a dit : “Reste en sachant que
le pays est perdu.” »31. Leur traduction confirme la présence de tiers dont le
poète Ḥanfaɖé fait ses messagers. Il faut toutefois préciser leur glose sur
deux points. 1. La voyelle -a de raaq-a clôt le discours enclavé à
l’impératif (et n’est pas la terminaison de l’impératif pluriel « restez »)32. 2.
L’impératif ixxic a une valeur insistée « dis bien » qui porte sur l’ensemble
de l’énoncé. On analyse donc :
« ‟ Baaxo bayte-m atu aaxaguk raaq ”-a yye » ixxic
pays il est perdu-que toi sachant reste il a dit dis bien
Dis bien : « il a dit : “Reste, toi, sachant que le pays est perdu” »
qu’il faut comprendre : « Dis bien [et non dites33] au sultan que Ḥanfaɖé lui
a dit de rester, tout en sachant que le pays est perdu. » Le changement de
destinataire avec un énonciateur qui se cite en troisième personne signale
selon nous une adjonction.
Ces deux vers ne figurent pas dans notre version B qui, en outre, est la
seule à être strictement dodécasyllabique conformément à la définition du
mètre du kássow. Ainsi, le vers de 13 syllabes de la version A : Koh kalih
mari qanda akah geyam hinna, absent de notre version, est présent dans la
version E. Un autre exemple de vers « boiteux », de 14 syllabes, est
(version C) : Kok kalih mari daaba nel fakak manannâmmay. Ce non-
respect de la métrique est d’autant plus pratiqué par des transmetteurs (qui

30. Mohamed Hassan Kamil (version D’) glose (2004 : 177) /faxah/maana/ /je veux/je ne
suis pas/, mais faxah est nécessairement un « concomitant » (cf. D.M., 2012b : 37-38) :
« je ne suis pas voulant » avec accent sur l’avant-dernière syllabe (fáxah) et non un
inaccompli (faxáh).
31. Say to him (i. e. the Sultan) that he (i. e. the singer) said (to him), “ Stay, knowing that
the land is lost ” (ibid. : 332). Les co-auteurs (ibid., note w) pensent que ce qu’ils croient
être un impératif pluriel pourrait avoir une valeur « honorifique ».
32. Sur cette confusion possible, cf. D.M. (2012b : 26).
33. Voir les traductions des versions D et E.
388
FORMATION DU TEXTE HISTORIQUE DE STYLE ORAL

s’accordent pourtant sur la définition métrique du kássow) que la mélodie


de la « song of accusation » est perdue.
La différence de traduction est à rattacher au mode formatif du centon qui
fait inclure ou exclure tel ou tel segment. Le verbe mangacina (v. 7) a deux
acceptions. Au premier sens, il signifie « être petit » (au-dessous de 5-6
ans) : mangacin urru « tout petits enfants ». Par extension « être faible ».
Au sens figuré, « être sujet (au sens politique) ». Dans la version B, nous
traduisons : « tes sujets ne pourront rien contre lui ». Hayward & Maknun
(version A ; ibid. : 49) traduisent : the Little Ones would not have the
strength for it, ce qu’Aramis Houmed Soulé (version E) spécifie en
désignant les fils du sultan : « Une menace que les jeunes (tes enfants), sans
expérience, n’auront pas la force d’affronter. » La différence constatée
s’explique ainsi : des deux vers (g et h) de notre version B :
g. mangacin mari cayla kaak geyam hinna
Tes sujets ne pourront rien contre lui
h. rabtek urr’aamol tu cabtu waytah taniih
Si tu meurs, laisseras-tu cette charge à tes enfants ?

seul le premier figure dans les versions A et E, ce qui explique les


hésitations entre « enfants » ou « sujets ». De même (versions A et C) :
3. Yabtek ambaxe-sinni qeebi koh loowa
Si tu protestes, il médite contre toi une guerre sans fin
4. Fakteh immay aliftu taaxigem tayse
[La porte que] tu lui as ouverte, mieux vaudrait que tu la refermes

peut se comprendre aussi : « le conflit que tu as ouvert, mieux vaudrait que


tu y mettes un terme. » Version D, la séquence :
4. Kok kalih mari daaba nel fakak m’anaa
Personne d’autre que toi n’aurait ouvert la voie pour eux34
5. Fakteh immay aliftu taaxigem tayse
J’espère que tu sauras la fermer
se comprend mieux si l’on se réfère à la version B :
e. Intinooleh aben daasa faxah maana
La hutte pour recevoir Antonelli, je ne l’aime pas
f. Fakteh immay aliftu taaxigem tayseh
La porte que tu lui as ouverte, mieux vaudrait que tu la refermes
Le segment du vers 4 (version D) daaba nel fakak m’anaa apparaît comme
une déformation de (version B) daasa faxah maana. Le compte des
syllabes, dans un vers de 12 syllabes, définitoire du kássow, impose de lire
(version E) : Intinooleh aben daasa faxah maana, et non : Intileemoh aben
daas faxah maana (11 syllabes). Les versions D et D’ : Intinooleh aben
doos way faxah manaa rétablissent le compte des syllabes au prix d’une

34. On comprend : « contre nous » (ne-l).


389
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

innovation : le pluriel doos35. La référence à la hutte construite pour


recevoir l’envoyé italien permet de comprendre qu’il s’agit de refermer une
porte, non une brèche (version E) :
Fakteh immay aliftu taaxigem tayse
Tu as ouvert une brèche, il vaut mieux que tu saches la refermer.
Pourtant, cette idée figure dans la traduction arabe (al-Manhal : 276). Mais
dans l’édition amharique (2007 : 356), qädada « déchirure » renforce l’idée
déjà émise d’une désunion interne de l’Awsa, créée par la bienveillance du
sultan à l’égard des Italiens. L’orientation du texte comme le changement
de destinataire aboutissent à une reformation du poème à des fins politiques
contemporaines dont le caractère apocryphe se déduit du commentaire de
Mohamed Hassan Kamil (2004 : 176) quand il écrit :
Tola était un nationaliste intraitable, un patriote farouche et irréductible. Il a
mis en relief dans ce poème les visées colonialistes d’Antonelli (…) Il a
critiqué aussi l’allégeance du sultan aux étrangers (…)
Mais si Ḥanfaɖé b. Tolá était ce nationaliste irréductible, on comprend mal
les vers des versions A, C, D et E où s’exprime son défaitisme :
Baaxo baytem anu aaxaguk gexa/gexe’yye’xxic
A : Tell him ! I go [gexa] knowing the country to be lost
C : Dis-lui que je suis parti [gexe] sachant que le pays est perdu !
D (et D’) : Dites-lui que je suis parti [gexe] conscient du malheur du pays
E : Dites-lui que je pars [gexa] en sachant [aaxigak] que le pays est perdu
La contradiction entre les transmetteurs apparaît dans l’explication donnée
par Aramis Houmed Soulé (2011 : 53) de la désertion annoncée du poète
qu’il dit avoir été « à l’époque sur [son] lit de mort ». Ce « départ », de fait
gênant venant d’un « nationaliste intransigeant », aurait fait référence à son
décès imminent. Pourtant, Ahmed Malko (2003 : 33) affirme que « Tola » a
vécu jusqu’en 1930 !
Le contexte de la profération une fois perdu, l’instabilité de sa destination
est inhérente au texte oral : la mise en cause des Anklá et des Adáli de la
côte, accusés de brader la terre ancestrale, a été répétée contre le sultan
d’Awsa qui ne concluait qu’une convention de commerce avec les Italiens.
3. Relations de coprésence. Le tableau ci-contre retrace les
métamorphoses du texte, depuis sa publication en 1981 à Londres, sa
variante longue publiée en 1997 au Caire, jusqu’à sa diffusion en milieu
francophone à Djibouti, la même année. Ces relations de coprésence sont
repérables, on l’a vu, aux contradictions indiciaires précitées. Le fait que
toutes les versions, sauf celle de )ámad-Ladé, éludent le vrai sens du vers
11 de la version A (1981) est un autre indice selon nous décisif :
(A. v. 11). Lak‘o tuble ’nti rabta way ma baka‘tay
There is no end to the love of money !

35. Les seuls pluriels répertoriés de daas sont : daasowá, daaswá, daasitté, daasoosá,
dasitté (D.M., 2012b : 280).

390
FORMATION DU TEXTE HISTORIQUE DE STYLE ORAL

(B) Lakqo tuble-ntii rabta way má suruyta


L’œil qui a convoité des pièces d’argent, même mort, sent mauvais
(C) Lakqo tuble inti rabta way ma bakaqta
L’œil qui a convoité l’argent, même mort, n’éclate pas
(D) Rabta way ma bak[a]qta lakqo tuble inti
La corruption rend aveugle les responsables
(E) Lakqo tuble’nti rabtaway ma bakaqta
L’avidité d’argent est sans limite
On voit que la version E suit la version A. Le mot « corruption » apparaît
dans la traduction de la version D, alors que la version C dit seulement :
L’œil qui a convoité l’argent, même mort, n’éclate pas36. Hayward et
Maknun (op. cit. : 322) n’ont pas la bonne explication quand ils écrivent :
The expression is (…) literally : « The eye that has seen money may die but
will not burst ». It is clearly idiomatic. The meaning is that someone who is
addicted to the love of money is insatiable.
Seule, la version B qui utilise le verbe suruy « sentir, exhaler une odeur »
permet de comprendre le vrai sens du vers. Une croyance propre aux Debné
du Gbaád ()anfaɖé b. Tolá vivait à leur contact) veut que l’œil des
défunts éclate le quatorzième jour (rabé maríh intí tában kê fareyhaytόh
sâku bakatá). La mort est alors complète. A défaut, l’œil — le mauvais
œil — du fond de la tombe reste porteur d’un pourrissement maléfique37.
N’étant pas Debné comme l’était )ámad-Ladé, les transmetteurs des autres
versions ne pouvaient contextualiser ce vers sibyllin.

Relations de coprésence entre les


versions de la « song of accusation »
VERSIONS
[1882-88 ?] Texte d’origine (contenu et longueur inconnus)
Auteur : Ḥanfaɖé b. Tolá (dAFS, iAFS)38

A [1981] Maknun (dAFN, iAFN + cd)

B [1997] Ḥámad-Ladé (dAFS, iAFS −)

C [1997] )šim b. %aml al&D(n al-Šm( (dAFN, iAFN + cd)


D [2003] Ahmed Malko (dAFS, iAFN + cd)
D’ [2004] Mohamed Hassan Kamil (dAFS, iAFN + cd)
E [2004 & 2011] Aramis Houmed Soule (dAFS, iAFN + cd)

36. Notre traduction en français suit exactement l’afar comme la traduction en amharique
(2002 : 356) : 
37. Explication donnée in D.M. (1997 : 49, note 3).
38. Abréviations et symboles : + : version augmentée par rapport à celle de 1981 ; − :
version plus courte que celle de 1981 ; i : indice lexical ; AFN : afar du nord ; AFS : afar
du sud ; d : dialecte d’origine du transmetteur ; cd : changement de destinataire.
391
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

CONCLUSION DU SOUS-TITRE 3. L’adresse de Ḥanfaɖé b. Tolá au sultan


d’Awsa, proférée en afar du sud, nous est ainsi connue grâce à deux
originaires du nord, qui, on l’a dit, sont frères, Maknun (version A) et
)šim (version C) b. %aml al&D(n al-Šm(, naturellement enclins à réciter
le texte en afar du nord. De ces deux versions découlent les versions D, D’
et E où l’on retrouve les mêmes indices lexicaux en afar du nord.
Des six versions recensées, on voit que celle que nous a transmise
Ḥámad-Ladé, la plus courte, est la seule à ne comporter aucun indice en
afar septentrional, en contradiction avec un texte nécessairement récité en
afar du sud. Elle est aussi la seule à ne pas reprendre les deux derniers vers
qui signalent un changement de destinataire. L’explicitation du vers 11
(L’œil qui a convoité des pièces d’argent, même mort, sent mauvais) incite
à penser que cette version B est la plus fidèle au texte oral originel.
Sa lecture montre que si le poète accuse le sultan, il le fait de façon
oblique en l’avertissant surtout des conséquences de ses actes : Si tu te tais
(…), Si tu protestes (…). En cela, il utilise un procédé rhétorique déjà
observé dans les vaticinations (voir p. 272). Le mode verbal choisi, que
nous appelons « consultatif »39 (Dois-je parler de ce qu’Antonelli projette
contre toi ?) exprime la sollicitation d’un ordre40 (version E : Puis-je
parler…?), et appelle l’impératif en réponse : « Exprime-toi (eɖɖeíy) ».
L’accusateur demande l’autorisation de prendre la parole. Sa « chanson »
n’est en rien satirique. Le poète-chanteur qui n’est pas un chansonnier
adopte le ton de la plaidoirie (voir p. 349).

4. Circulation des textes publiés. Les relations de coprésence retracées à


partir du texte de 1981 peuvent être appréhendées dans un cadre élargi
depuis la publication du Ginnili, devin, poète et guerrier afar (1991). Ce
travail de recherche, on le sait, a pu être mené grâce à Ḥámad-Ladé.
Héritier d’une longue tradition d’érudition, il est, de fait, le pionnier des
études afares modernes — historiques et littéraires — qu’il a fondées à
Djibouti. Il est remarquable que depuis Leo Reinisch la littérature afare a
été quasi abandonnée par les différents descripteurs de la langue qui ont
constamment écarté le corpus oral, à l’exception de quelques articles de
Loren F. Bliese. On peine à trouver dans les travaux menés sur l’afar par
les Italiens des textes oraux. Mrs Enid Parker a surtout publié des textes
écrits par elle à des fins pédagogiques.
La parution de Poésie traditionnelle des Afars (1997), à partir du
répertoire de Ḥámad-Ladé, est le deuxième moment de cette renaissance.
Le livre a depuis suscité nombre de contributions, où le lecteur constate, ici
une reprise, là une réminiscence, toutes pratiques caractéristiques du
centon. La nécessité de mentionner les travaux antérieurs n’est pas ressentie
quand il s’agit de s’approprier des données dont chacun s’inspire pour

39. D.M. (2012b : 35).


40. Le « consultatif » est en anglais un « requestive » (cf. Parker & Hayward, 1985 : 265). Il
est traduit par le verbe modal may qui exprime une demande de permission. Dans la
traduction de la version A, il nous semble que le verbe shall aurait mieux rendu la
volonté propre du poète : « Shall I speak (…) » / Dois-je parler (…).

392
FORMATION DU TEXTE HISTORIQUE DE STYLE ORAL

rivaliser d’érudition vis-à-vis de ses contribules, ou dans la même famille


(on l’a vu à propos des version A et C de Maknun et )šim b. %aml al&
D(n al-Šm(). Cela ne va pas sans approximations, telle la confusion
précédemment notée des deux ginníli Ḥámad-Laé et Mômin b. Gédda.
Mais le résultat est là. Le texte transmis par Maknun (en 1981) au
professeur Hayward a initié une nouvelle curiosité chez les Afars urbains,
ce, en liaison avec la définition d’une orthographe en caractères latins
faisant consensus en Ethiopie et à Djibouti. A côté d’une production
coloniale et post-coloniale, caractérisée par le seul recours aux sources
administratives, l’intérêt pour les sources orales est né à Djibouti des
travaux de Ḥámad-Ladé. On a cité les dates de 1991, concernant la
vaticination du ginnili ; de 1997, s’agissant de la poésie traditionnelle, il
faut rappeler celle de 1980, s’agissant des Contes de Djibouti41 qui ont
aussi donné naissance depuis à une petite production écrite, hélas encore
marquée par le modèle scolaire français, donc sans respect du rythme du
contage propre à l’afar42.
CONCLUSION D’ENSEMBLE. La « song of accusation » de Maknun et
Hayward, publiée en 1981 dans le bulletin de la School of Oriental and
African Languages de Londres est demeurée inconnue d’un lectorat
djiboutien essentiellement francophone jusqu’à son commentaire en
français dans notre ouvrage de 1997, à l’occasion de sa comparaison avec
la version connue de Ḥámad-Ladé. La diffusion de Poésie traditionnelle
des Afars à Djibouti est à l’origine d’un intérêt inédit pour la littérature
orale. Conformément au mode traditionnel de circulation des textes, les
poèmes que Ḥámad-Ladé connaissait de Ḥanfaɖé b. Tolá (in D.M., 1997,
chapitre 10) sont repris sans mention de cette source par Ahmed Malko
Ahmed (2003) qui ajoute ses propres données. Celui-ci est à son tour
recopié par Mohamed Hassan Kamil (voir par exemple La Mouche et le
Moustique, 2005 : 179). L’assertion du début selon laquelle être poète, c’est
être capable d’imiter les vers d’autrui et d’y ajouter les siens est ainsi
vérifiée. Le centon, mode formatif de tous les genres poétiques, n’a pas de
nom en afar puisque chaque poème (gad) est perçu comme le morceau
(eɖɖá) d’un autre. Chaque version se nourrit d’emprunts et se transforme.
Les omissions et les ajouts sont aussi nombreux que le sont les
transmetteurs-interprètes qui produisent chacun leur version. Sans doute, la
« song of accusation » mérite-t-elle d’être reconnue comme « the most
widely known sung poems of the Afar people », comme le notaient Maknun
et Hayward. Elle est de fait emblématique des virtualités — et des
incertitudes — du texte historique de style oral. Pour en faire l’analyse, ici
encore, la contribution de Ḥámad-Ladé aura été décisive.

41. Textes afars de Ḥámad-Ladé, textes somalis de Hassan Shekh Mûmin.


42. Thématique développée en 1995 dans « Des Paroles douces comme la soie »,
Introduction aux contes dans l’aire couchitique (bedja, afar, saho, somali), Paris.

393
Annexe II.
« Chronique de l’Awsa (1763-1873) »

[On donne le nom de « Chronique de l’Awsa (1763-1873) » au manuscrit de 26


feuillets, sans titre, du cheikh īlānī b. āi andá (1908-1973), rapporté d’Áwsa
vers 1965 par le cheikh ásan b. ámad-Ladé (1901-1972) et adjoint à ses
Nawādir. Les dates indiquées situent le début et la fin des événements auxquels ont
pris part les Harálla Kabirtó, lignage du cheikh īlānī. On n’a pas pris en compte la
mention d’un événement astronomique survenu en 1727 qui ouvre la chronique.
Cette dernière est le seul texte connu, contemporain des événements qui montrent la
mise en coupe réglée des sédentaires de l’Áwsa par les envahisseurs Mdaytó. Elle
a été partiellement reproduite in aml al-Dn al-Šm (1997 : 336-342), sous la
forme d’un « résumé du manuscrit des “Expéditions militaires [des] Mdaytó” »
(mulaa min ma maz mdt).]

1. Sous le règne de l’imām Ibrāhīm, fils de l’imām dami1, dans la huitième


année de son règne, il y eut une éclipse de soleil, le jour devint sombre
comme la nuit, les étoiles furent visibles du lever au coucher du soleil. Cela
eut lieu en l’an 1140, dans le mois de Muarram, le 18e jour, un lundi [5
septembre 1727]2.
2. La date de l’apparition des sauterelles qui mangèrent les cultures, la valeur
d’environ la moitié de Adaylu, est l’année 1177 de l’Hégire [1763-1764],
sous le règne de l’imām Adan, fils de l’imām Salmān, à Maarra3.
3. Il arriva en l’année 1198 que nous quittâmes [l’Awsa] en nous repliant
jusqu’à Māšili, le mardi 14 Muarram [9 décembre 1783]. Les Mdayto
descendirent en Awsa, le dimanche 19 Muarram [14 décembre 1783]. Ils
pillèrent Maarra et y tuèrent les gens. Nous revînmes de Māšili, le vendredi
1er afar [26 décembre 1783].
4. Puis les gens de l’Awsa partirent en expédition avec les Adali contre les
Mdayto le 1er Rabī I [24 janvier 1784]. Ils parvinrent à Dbi, tuèrent près
de cent Mdayto.
5. Puis les gens de l’Awsa et les Adali se dirigèrent ensemble [vers les
Mdayto] et les rencontrèrent à Gargri, le mercredi 24 de Rabī II. Les
Mdayto furent vainqueurs des gens de l’Awsa qui furent mis en déroute, et
ils tuèrent 220 des gens de l’Awsa et une centaine d’Adali. Ils incendièrent
les récoltes et les maisons, et repartirent après être restés environ un mois en
Awsa.
6. Cette année-là, mourut le cheikh al-ā Abū Bakr, le 14 Raab [3 juin
1784]. Le cheikh Ayfara mourut le 9 Šabān [28 juin 1784].

* Je remercie le professeur Alessandro Gori de ses remarques à la lecture d’un texte et de sa


traduction qui appelaient son expertise d’arabisant.
1. Sic. Il faut lire dan (en afar Ádan, voir la généalogie, p. 182).
2. On donne, entre crochets, les correspondances dans le comput grégorien, ou toute
indication utile à la compréhension du texte.
3. Le texte reproduit par šim b. aml al-Dn al-Šm indique Maqarri (toponyme qui
n’existe pas) ; Mäqqära dans la traduction amharique (2000). Le copiste a-t-il été
influencé par la transcription orthographique q de la pharyngale [] ? D’autres détails de
lecture amènent au constat que la version que nous reproduisons est meilleure.
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

7. L’entrée [de l’armée] de Asa Ali, fils de bo amad, eut lieu à Adaylu.
Ils tuèrent beaucoup de monde à Do. On se battit le lundi 15 de Rabī II
1191 [23 mai 1777].
8. Puis A1dar4 les poursuivit jusqu’à Millé, résidence de Asa Alī. Ils tuèrent
et incendièrent leurs maisons, et A1dar rentra vainqueur. Et tout le peuple
pleura après que l’imām eut abandonné le commandement, Muammad5, fils
de l’imām Salmn.
9. La guerre appelée « Bré », entre les Mdayto et les gens de l’Awsa,
éclata le jour où Dieu abandonna Asa Alī et ses partisans, c’est-à-dire les
Daar Mdayto et autres. Les gens de l’Awsa furent vainqueurs et tuèrent
environ 200 d’entre eux, dans le mois de 2ū’ l-ia, un jeudi, en l’année
1193 [décembre 1779-janvier 1780].
10. [1199/1784] date de l’entrée en Awsa de l’homme complet, le chérif,
l’imām Umar, fils de notre maître le chérif al-aḍramī, d’Arabie, pour y
être investi du gouvernement, avec ses soldats de la tribu de Yāfi, ceux-ci au
nombre d’environ 107 hommes, accompagnés d’éléments des Debné-k
W3ima, dont leur āqil, Afkaɖɖa, leur sultan Adalma [adallom, titre du
sultan de Tadjoura] et le banoyta [vizir du sultan de Tadjoura].
11. Ils entrèrent en Awsa au mois de Muarram 1199 [novembre-décembre
1784]. Ils y entrèrent par la route du Damāeli [le volcan Damaalé] et
passèrent vers Bada-Karanboyta. Ils pillèrent les troupeaux des Baɖitto et
des Garrata, puis traversèrent vers les environs de Laafto et vers M3go,
puis ils entrèrent dans la ville de Maarra. Le chérif Umar fut investi à
Maarra.
12. Les Mdayto partirent en expédition à Māri et Ahul sans rencontrer
personne, sauf de rares troupeaux et revinrent. Puis, après leur retour de
Māri, ils se dirigèrent vers Maarra pour combattre le sayyid et ses soldats.
Ils le combattirent à Maarra, et Allah donna la victoire au sayyid. Environ
cent et quelque Mdayto furent tués par les fusils, et les Mdayto furent mis
en déroute.
13. Puis les Mdayto partirent en guerre vers l’Awsa. Le chérif dirigea ses
soldats avec les gens de l’Awsa et la troupe d’A1dara Umar et les Debné-k
W3ima, accompagnés du sultan Adalma et du sayyid āšim pour faire
face aux Mdayto et les combattre. Ils se rencontrèrent face à face avec les
Mdayto au lieu appelé Sanulé Dābá et se combattirent. Les Mdayto furent
vainqueurs, et les gens de l’Awsa et les Debné-k W3ima furent mis en
déroute. Quant aux soldats Yāfi du sayyid, ils se battirent contre les
Mdayto sans abandonner leur position. Environ 45 d’entre eux furent tués.
A1dar, le sayyid āšim et le sultan passèrent vers Garāid et se tirèrent
d’affaire, sains et saufs.
14. Après cela, le chérif sortit de Maarra avec Afkáɖɖa et le reste des soldats
Yāfi, avec leurs biens et le restant de l’armement vers la région des Debné-k

4. Aussi Adara (parag. 13), Akādar (parag. 35). Akádar (voir p. 54) est la forme la plus
fréquente chez les non-arabisés.
5. On transcrit ici et ensuite Muḥammad, bien que Maḥammad soit la vocalisation constante
en afar (v. Dardōrá).
396
CHRONIQUE DE L’AWSA (1763-1873)

W3ima. Les Gal3la leur firent face près de ārisa ; ils les attaquèrent,
s’emparèrent de tout ce qu’ils avaient de biens. Le sayyid rentra en Arabie.
Ce combat eut lieu un vendredi du mois de afar 1199 [décembre 1784-
janvier 1785].
15. Puis les Mdayto s’emparèrent de tous les biens des gens de l’Awsa et
de leurs troupeaux — et Dieu le sait mieux.
16. La guerre éclata en Awsa et ils se battirent. Nous nous enfuîmes à Tewé
Kalo le mardi 3 Raab 1213 [11 décembre 1798]. La guerre [des Mdayto]
eut lieu avec les Bayɖīo. Ils se battirent, puis passèrent d’eux à Amado.
Tandis que le combat avait lieu, mourut Muammad, fils de Kaɖɖāfó, leur
makāban. Ils repartirent après sa mort, et nous, nous regagnâmes nos
maisons.
17. La guerre d’Aydāis eut lieu au mois de Ramaḍān 1217 [décembre
1802-janvier 1803]. Le premier incendie [lieu non précisé] eut lieu une nuit
du mardi en Šawwāl, après que fussent passés 16 jours du mois6 — O Dieu,
garde-nous d’une chose semblable ! — et cela en 1220. L’incendie chez les
Kutubla eut lieu en 1219 [1804-1805]. Puis la guerre eut lieu à Kma et il
mourut un grand nombre d’hommes des W3ima et de l’Awsa, et aussi des
Mdayto. Puis les Debné-k W3ima partirent cette année-là en expédition
contre les Mdayto. Ils se combattirent à Beyawsa7 en 2ū l-Qada, puis enfin
à Dbi. Tout cela eut lieu en 1221 [2ū’ l-Qada 1221 = janvier-février 1807].
18. Cette même année eut lieu le second incendie en Muarram 1221 [mars-
avril 1806]. Cette année-là encore eut lieu la guerre. On se battit à Do et
beaucoup d’hommes moururent. Puis les Debné-k W3ima attaquèrent une
première fois et on se battit à Bayawsa. Puis ils allèrent en expédition au
Dbi8. Puis les Mdayto attaquèrent, et le combat eut lieu à Ado G3ra, et
des gens de l’Awsa moururent. Puis la guerre eut lieu à Ado G3ra en afar
1222 [avril-mai 1807]. Puis la guerre eut lieu à Baadu, de la part des
W3ima, en 2ū’ l-Qada. Les W3ima furent mis en déroute, nombre d’entre
eux furent tués, et l’horizon prit une teinte rouge.
19. Puis apparut le froid (ou la grêle). Il y eut de grandes dissensions parmi
les chefs de l’Awsa. La pluie se raréfia beaucoup, une partie de l’année fut
sèche, et l’on nomma deux imams en Awsa. Cela eut lieu en 1223 [du 28
février 1808 au 15 février 1809].
20. Puis eut lieu la guerre de Maammda, fils de Asa Ali, le vendredi 1er
umād I. Il incendia les maisons de Māmule et il ne les attaqua pas. Cela, en
1224 [le 1er umād I, 14 juin 1809, est un mercredi].
21. Maammda descendit encore une fois et arriva à Kokobya et en repartit
cette même année [1224/1809]. De même, en 24’ l-Qada ; et nous fîmes les
prières de la fête [d alAḍa] en brousse. Puis eut lieu, au mois de Arafa,
la guerre d’Afkié. Il combattit à Gurmud[da]li9 avec [les gens de] Māmule,
et beaucoup d’hommes moururent.

6. Donc, la nuit du 16 Šawwal 1220 [nuit du lundi 6 au mardi 7 janvier 1806]. En réalité, 15
jours seulement étaient passés.
7. Ecrit Beyawsa (parag. 17). Lire Bayé Áwsa (sur des formes similaires, voir p. 146).
8. Redite du parag. 17.
9. Défluent de l’Awash.

397
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

22. Après cela, les gens de l’Awsa partirent en expédition à Malif-k3-


Galāa. Cette année là eut lieu en Awsa la fuite injustifiée [?] connue de tous
un jeudi de 1229 [24 décembre 1813-1814]. Puis eut lieu cette année-là
l’attaque des Mdayto contre Tadjoura. Ils brûlèrent les maisons. Ils
passèrent pour y aller par le lieu nommé Asal, et les W3ima se réfugièrent
dans la vallée de Burili.
23. Les gens de l’Awsa combattirent contre les Mdayto à Arraddo, et
nombre des Mdayto furent tués ; cela avec une bande d’Afkié-k Maad qui
partait faire la guerre à Tadjoura. Puis eut lieu le « pèlerinage du Vendredi »
au cours duquel moururent de nombreux pèlerins de l’Awsa et de Tadjoura,
en 1233 [24’ l-ia 1233 correspond à octobre 1818. Le 8 24’ l-ia est
le vendredi 9 octobre 1818].
24. Puis eut lieu le « grand hiver »10 pendant lequel beaucoup de gens
moururent de faim en 1236 [vers décembre 1820-janvier 1821] — et Dieu le
sait mieux. Puis eut lieu « le grand hiver » où moururent de faim beaucoup
de gens de l’Awsa11. On nomma cet hiver-là deux sultans et deux raīs, en
1236.
25. Puis eut lieu la peste. De nombreux habitants de l’Awsa moururent. La
plupart vomissaient du sang et mouraient ainsi. Ce fut en 1238 [1822-1823].
26. Des dissensions en Awsa, et l’on nomma deux raīs, D’ūd b.
Muammad et Alī b. Muammad, en 1240 [1824-1825]. Les pluies se
raréfièrent beaucoup.
27. Puis les gens de l’Awsa partirent en expédition contre les Mdayto. Les
Mdayto furent vainqueurs des gens de l’Awsa. Ils firent une incursion à
Māmule et emportèrent leurs troupeaux ; des gens furent tués. Ils passèrent
en poursuivant les gens de l’Awsa chez les Kutubla et leur donnèrent les
animaux de l’Awsa : ânes, bœufs, chèvres. Cette guerre eut lieu le lundi 4 du
mois de umād I 1242 [lundi 4 décembre 1826].
28. La variole fit son apparition parmi les gens la même année [1826] et fit
des morts. Le cheikh connu, pieux et illustre, Kulāy Abdal, fils du cheikh
Kulāy, mourut le lundi 23 umād II 1242 [lundi 22 janvier 1827]. Dieu lui
accorde la miséricorde des justes. D’ūd fut rétabli dans son commandement
de raīs en 1243 [1827-1828]. La variole dura jusqu’à la fin de l’année
[1243 : vers juillet 1828].
29. La grande fuite injustifiée (due à de fausses rumeurs) devant (une fausse
agression) des Daar Mdayto eut lieu le 8 umād II 1244 [mardi 16
décembre 1828]. Les gens restèrent douze nuits hors de chez eux.
30. La guerre eut lieu chez les Awsa et les Daar Mdayto au lieudit « Šarb
ummaysé ». Les gens de l’Awsa furent vainqueurs. [Cela en] 124412. Le
dimanche 16 du mois de Šabān 1246 [dimanche 30 janvier 1831], on
entendit un grand fracas semblable au bruit d’un canon venant du ciel, et les
gens crurent que c’était un canon, c’est-à-dire qu’on tirait le canon.

10. Saison froide et sèche (afar kaɖɖá gilál).


11. Redite.
12. Le cheikh asan b. ámad-Ladé (Nawādir) indique le vendredi 23 2ū’ l-ia 1244
[vendredi 26 juin 1829].
398
CHRONIQUE DE L’AWSA (1763-1873)

31. Le wuqūf des pèlerins [de La Mecque] eut lieu un samedi [le 9 2u’ l-
ia est bien un samedi : 21 mai 1831]. La peste atteignit les gens,
beaucoup moururent parmi les habitants du aram et des environs. [Cela en]
1246.
32. Muammad b. Aydāis b. Muammad, raīs des Mdayto, mourut en
1247 [1831-1832]. Le meurtre de D’ūd b. Maammad, raīs de l’Awsa, par
les Mdayto eut lieu le dimanche 14 Rabī II 1248 au début de la matinée [le
14 est un lundi : dimanche 13 Rabī II 1248 correspond au 9 septembre
1832].
33. La guerre des W3ima et des Kutubla eut lieu le lundi précédant le
dimanche où fut assassiné Dawud [lundi 7 Rabī II 1248 / 3 septembre
1832]. La guerre des Mdayto, à l’époque de leur raīs anfaɖé, commença
le mardi 12 Šawwāl 1248 [5 mars 1833]. Les gens restèrent en fuite quatorze
jours.
34. La guerre des gens de l’Awsa contre les Gal3la eut lieu le mercredi 12
du mois de šūrā 124913. La guerre éclata entre les gens de Baadu et les
W3ima. Les gens du W3ima furent vainqueurs de ceux de Baadu et en
tuèrent beaucoup. Cette rencontre eut lieu le samedi 13 umād I de la même
année [samedi 28 septembre 1833].
35. Le noble agāyo b. Akādar b. Umar mourut dans le mois de umād II,
le 1er du mois, après le retour des gens du W3ima de la guerre [en] 1249
[mercredi 16 octobre 1833]. La même année éclata la guerre entre les gens
de l’Awsa et les Mdayto au lieu appelé Darmalé14, le jeudi 5 Ramaḍān
1249 [16 janvier 1834].
36. En 1250 [1834-1835] eut lieu la mort de Dās Alī b. Muammad, chef de
l’Awsa ; et il y eut des malades et des morts dans toutes les régions. La
guerre fut apportée de Baadu en Awsa faisant suite à la guerre des W3ima.
Ils s’entretuèrent et les gens de Baadu prirent les troupeaux des W3ima.
Puis ils séjournèrent près de Eaylé environ 20 jours et retournèrent ensuite
à Baadu avec les troupeaux. Leur entrée, c’est-à-dire le combat, eut lieu le
lundi 29 24’ l-Qada 1250 [30 mars 1835].
37. Ensuite, les W3ima firent la paix avec anfaɖé, raīs des Mdayto, pour
les gens de Baadu, les Kutubla, les Gal3la et les Mdayto en général dans le
mois de šūrā de l’année 1251 en question [soit entre le 29 avril et le 28
mai 1835]. Puis les Kutubla firent une seconde fois la paix avec les W3ima
le 1er umād I de l’année en question [mardi 25 août 1835].
38. La sécheresse survint en Abyssinie et les terres de l’Awsa furent peu
arrosées. Les bédouins descendirent en Awsa à la recherche de leur
subsistance venant de toutes les directions. Les Somalis furent nombreux,
comme les bédouins [afars ?] aussi, et les vols devinrent nombreux, même
par la violence et la contrainte — que Dieu nous préserve et préserve les
musulmans et les guide dans le bien en leur donnant l’abondance de la pluie

13. Le 12 Muarram 1249 (1er juin 1833) était un samedi. Les plus proches mercredis sont le
9 et le 16 Muarram (29 mai et 5 juin 1833). Peut-être faut-il lire 18 Muarram, avec une
erreur de deux jours. Selon le cheikh asan b. ámad-Ladé (Nawādir), ce serait le
mercredi 2 Muarram 1249 (21 mai 1833 qui était en effet un mercredi).
14. Sur cette bataille décisive, voir l’article Darmá.

399
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

et l’amélioration de leur état, et qu’il nous considère avec l’œil de la


sollicitude en nous donnant une bonne fin de vie. Cela en l’année 1251
[1835]. Dans cette même année mourut l’objet de la miséricorde divine, le
véridique15, Šay1, fils de Muammad-Šay1, une nuit de lundi.
39. En 1252 eut lieu le voyage pour le pèlerinage de La Mecque de nos amis
dont : Muammad b. Mamūd avec sa femme mina b. usayn ; le ā, le
faqīh Alī de Māmulé ; ā Yūsuf b. :āhir Dahā-Š31i ; Muammad b. al-
ā āmid et des gens nombreux parmi les cheikhs et les gens de l’Awsa,
hommes et femmes.
40. Les Issas attaquèrent les Mdayto plusieurs fois et prirent leurs
troupeaux, les obligeant à se réfugier près de l’Awsa. Les Mdayto
attaquèrent les Issas deux fois pour venger leurs morts. Les Issas tuèrent
beaucoup de monde et ils repartirent comme des fuyards.
41. Les gens de l’Abyssinie moururent en grand nombre de faim et de
maladie, au point que les fractions de certains16 disparurent ainsi que les
hommes de savoir. Ils descendirent pour cette raison en Awsa et mangèrent
parfois les charognes, les mulets, les ânes. Une grande famine atteignit les
gens de l’Awsa. Tout cela eut lieu la même année, en 1252 [entre novembre
1836 et mars-avril 1837].
42. Cette année-là mourut Muammad b. Mamūd, le grand cheikh savant et
noble, connu par ses écrits — Dieu lui accorde la miséricorde des justes ! Il
mourut en 24’ l-ia, le 25 de ce mois, à La Mecque, la ville illustre —
que Dieu ajoute à sa grandeur ! — et fut enterré à Maalla — que Dieu lui
pardonne ainsi qu’à nous ! C’était en 1252 [25 2 1252 / 2 avril 1837].
43. En 1253, les Mdayto firent à deux reprises une expédition contre les
Issas dont une à la fin de Šabān [31 octobre-28 novembre 1837]. Les Issas
attaquèrent à leur tour plusieurs fois les Mdayto et les forcèrent à se
réfugier à proximité de l’Awsa ; ils s’emparèrent de beaucoup de leurs
troupeaux et en tuèrent un grand nombre.
44. Cette même année de nombreux pèlerins partirent de l’Awsa [pour La
Mecque]. Parmi eux, figurait al-ā amza b. al-ā Mamūd ; le noble
qil b. Muammad ; usayn b. Garād, des Dbaa ; Bilāl b. al-ā
Mamūd, et de nombreux autres. C’était en 1253 [1er 2 1253 = 26
février 1838].
45. En 1255 [mars 1839-mars 1840], mourut Ibrāhīm b. Dāmo, des gens de
Baadu. Il fut tué par Uɖ Hāwaytu et il en résulta un désaccord [des troubles]
dans la population. On prétendit que sa tribu attaquerait l’Awsa.
46. En 1256, les Haralla renversèrent leur raīs, Muammad b. asan et
l’éloignèrent à ugaytu. Ils intronisèrent à sa place [iggīlo b. Dās]17. La
querelle s’intensifia à cause de cela, et l’on prétendit que l’imām Ibrāhīm
avait ordonné de tuer Alī b. Muammad, qui avait tué D’ūd, raīs de
l’Awsa, pour le compte des Mdayto.

15. Le texte arabe est ambigu. Peut-être faudrait-il interpréter al-addiq comme un nom
propre.
16. L’auteur vise ici davantage les tribus du piémont que les Ethiopiens en général.
17. Selon le cheikh asan b. ámad-Ladé (Nawādir).
400
CHRONIQUE DE L’AWSA (1763-1873)

47. La querelle s’intensifia à cause de cela entre l’imām Ibrāhīm et le raīs


anfaɖé b. Aydāis. Puis la paix se fit, et le mensonge des gens apparut [au
grand jour].
48. Cette même année, c’est-à-dire en 1256, les pèlerins de l’Awsa, et parmi
eux : Muammad afī b. šay qāḍī U<mān ; Garād b. Abdso, partirent en
Šawwāl [novembre-décembre 1840]. En ce qui concerne Garād, il mourut à
Līs, au retour du pèlerinage, à la nouvelle lune de Muarram, le 2 de ce
mois, en 1257 [mercredi 24 février 1842].
49. Cette année-là [1257 / 1841], mourut al-ā Yāsīn b. al-ā D’ūd b.
al-ā abīb, le bien connu, la vingtième nuit de Raab [mardi 7
septembre 1841]. Le fils béni et fortuné Alī-Šay1 b. Muammad afī b. al-
šay, al-qāḍī U<mān, le bien connu, naquit à l’aube du samedi 27 du mois
de Šabān 1259 [22 septembre 1843]. Que Dieu le fasse vertueux !
50. Le cheikh, le vertueux, savant et excellent, al-ā Abdarramān b. al-
ā Muammad-Šay1 mourut le mardi 21 de 2ū’ l-ia 1260 [mardi 31
décembre 1844], au début du temps du ar.
51. Notre cheikh savant, pieux, abstinent de ce qui est défendu ou suspect, le
phare, Muammad afī, fils de l’érudit, du savant cheikh et cadi U<mān, le
cadi des Créatures, mourut le dimanche 9 afar 1261 [16 février 1845], à
l’heure de la prière de ẓuhr. Notre cheikh savant, abstinent de ce qui est
défendu, le cheikh D’ūd, fils de notre cheikh mentionné ci-dessus, la nuit
du samedi 8 Šawwāl 1261 [10 octobre 1845] — que Dieu lui accorde la
miséricorde des justes !
52. Années 1262 ; 1263 ; 1264 ; 1265 ; 1266 ; 1267 ; 1268 ; 1269.
53. Notre cheikh et maître, le savant, l’érudit, l’océan de science, le très
intelligent, la perle de son temps, le cheikh Abbās, fils du savant, de l’érudit,
du pôle de l’époque, la perle de son temps, al-ā Muammad, fils du
savant, de l’érudit, le précepteur de ceux qui s’instruisent, le saint, le pieux
des pays, l’étalon dans le domaine de la religion, le cheikh des cheikhs, al-
ā Mamūd, fils de kabīr Alī mourut dans le mois de Muarram, le
mercredi 1er du mois [en 127018 = 5 octobre 1853].
54. Dans cette année [1270 ou 1271], des Mādima surtout, et avec eux des
Mdayto, furent tués à Asal, c’est-à-dire à l’endroit du sel. Après cela, les
Mdayto partirent en expédition contre les Debné. Ils en tuèrent environ
trente et revinrent par une chaleur mortelle, de laquelle moururent quelques-
uns en 1271[1854]. Dans cette année, le cadi Muammad b. Abdulqāḍir se
transporta à Dāli dans la juridiction du sultan anfaɖé. Cette année-là eut
lieu la paix entre les W3ima et les Mdayto en Rabī I19 [Rabī I 1272, du 11
novembre au 10 décembre 1855]. Cette année-là, le cheikh Ismāīl mourut
par la destruction d’une construction du fait de cette pluie. Cette année-là
survinrent aussi les pluies du premier printemps20. Il faillit y avoir des dégâts
dans les récoltes et les animaux. Le soleil disparut à cause d’elles. Cela

18. La date de 1270 / 1853 est inférée de l’énumération du parag. 52.


19. Le cheikh asan b. ámad-Ladé (Nawādir) indique l’année 1272, date retenue ici.
20. Dans le texte : « les pluies de rabī al-awwal » correspondant à celles appelées en afar
dada tombant de la mi-décembre à fin février.
401
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

commença le 29 Rabī II [1272 : mardi 8 janvier 1856]. O Dieu, fais-les pour


nous bienfaisantes et salubres ! Ne les fais pas destructrices ! Ne nous les
fais pas [porteuses] de malheur, ni de discorde ! Par l’honneur du noble
prophète et du Livre de sagesse.
55. En 127321 eut lieu la paix entre Looyta et les Ayroyta, dans le pays des
Uluto appelé anlé. Cette même année, les terres furent bien arrosées dans
le pays d’Awsa — O Dieu, fais-les nous salubres et bienfaisantes ! Ne nous
les fais pas [porteuses] de malheur, ni de discorde ! Par l’honneur du
prophète.
56. Cette année-là fut tuée une caravane des gens de l’Awsa, environ 30
[personnes] y compris les hommes d’escorte à Makātineh22 entre les Gālla et
les bédouins [afars], à la limite du pays23. Ils en tuèrent de nouveau
beaucoup, au point que le trafic caravanier fut arrêté. A la seconde, le sultan,
c’est-à-dire anfaḍé, interdit toute caravane de sel. Les gens se trouvèrent
très gênés. Le sultan ordonna que toutes les régions d’Ifāt envoient chercher
le sel sous la direction de Osa b. Sammátta, en force — O Dieu, dissipe nos
soucis et ceux des musulmans ! Ainsi soit-il, ô maître des mondes !
57. En 1274, eut lieu un combat entre les Songo et les fils de āī Gordo, et
Abdalmalik b. āī Gordo fut tué ainsi que Mūs b. Barado de la tribu des
Songo — Que Dieu leur accorde la miséricorde des justes ! Cela eut lieu
dans le mois de Ašūrā, le mercredi 12 [12 Muarram 1274 / 2 septembre
1857].
58. Cette même année, les Askakmali et les Karbudda se firent la guerre.
Deux hommes des Karbudda furent tués et un des Askakmali nommé
amdu b. ummad b. Adābo, de la fraction des amadsadd24. Cela, au
mois de afar, le 28, un dimanche de 127525.
59. Cette année [1275 / août 1858-juillet 1859] apparut une comète dans la
direction de l’ouest. Elle se coucha à côté du Scorpion. En cette année, il y
eut très peu de grain et aussi très peu de pluie. Les nomades descendirent de
tous côtés en Awsa à cause de la famine — O Dieu, donne-nous de bons
conseils, ainsi qu’aux musulmans ! Par l’honneur du noble prophète et du
Livre de sagesse.
60. [Année 1276]. En cette année eut lieu une éclipse de lune la nuit, de
l’heure du coucher du soleil jusqu’au tiers de la nuit du mercredi 14 du mois
de Ašūrā26. Cette année aussi la terre trembla à partir du milieu de Ramaḍān,
un dimanche, au milieu de la matinée [le 17 Ramaḍān 1276 / 8 avril 1860

21. Confirmé par le cheikh asan (Nawādir), soit entre septembre 1856 et août 1857.
22. Il faut lire fī makān Tini « dans le lieu appelé Tini » [près de Dawwé, v.].
23. D’après le cheikh asan (Nawādir), l’incident daterait du mardi 28 Raab 1273 / 24 mars
1857. Selon son fils amad-Ladé, se référant à d’autres notes de son père, ce serait en
1274 (mardi 30 Raab / 16 mars 1858).
24. Il faut lire amad-sárra.
25. Il y a ici une ambiguïté. Le début du parag. « cette même année » implique que la date soit
le 28 afar 1274/ 18 octobre 1857, d’autant que cette date correspond bien à un dimanche
(le 28 afar 1275 / 7 octobre 1858 est un jeudi).
26. En 1276, la nuit du 14 Muarram était celle du vendredi 13 au samedi 14 (13 août 1859.
Le mercredi correspondrait au 18 Muarram. D’après Hamad-Ladé, l’événement rapporté
a bien eu lieu le 14, donc le samedi 14.
402
CHRONIQUE DE L’AWSA (1763-1873)

était un dimanche]. Nous n’avons rien vu de semblable, d’un pareil


tremblement. Les arbres furent sur le point d’être arrachés. Les constructions
s’écroulèrent. Les gens furent très effrayés, et l’agitation des gens ne cessa
pas jusqu’en >4’ l-Qada — O Dieu, sauve-nous ainsi que la communauté de
Muammad, ton prophète ! O Dieu !
61. En 1276, des gens de Tadjoura furent tués à Baadu par des Mādîma, et il
y eut peu de survivants — Dieu leur accorde la miséricorde des justes !
62. 1277 [20 juillet 1860-8 juillet 1861]. En cette année, la vie connut
l’abondance en montagne et en plaine, c’est-à-dire en Awsa et dans ses
environs. Cette année-là, en afar, furent tués les gens de Dagaba et de
[L3mii] Dāba en quantité innombrable par les Gālla.
63. Cette année-là mourut le vertueux, le savant, l’érudit par sa science, le
cheikh Muammad, surnommé Kabīr yangudéh, le fils du cheikh asan —
Que Dieu lui accorde le pardon des justes ! Il mourut à la fin du temps du
ar, un jour du mois de umād II, après qu’eurent passé 16 jours [soit le 16
ou 17 umād / 30 ou 31 décembre 1860].
64. La même année mourut le « roi » Ibrāhīm, fils du « roi », al-ā Garād
— Que Dieu lui accorde le pardon des justes !, à l’heure du ẓuhr, un mardi
du mois de Rabī II, après qu’en eurent passé 26 jours [soit mardi 28 Rabī II
1277 / 13 novembre 1860].
65. La même année [1277] moururent les lettrés suivants : al-ā Amad b.
Dawud as-Sali ; ummad [ou amad], fils du faqīh Muammad — Que
Dieu lui accorde le pardon des justes ! La même année mourut le « roi »
pacifique, le bien connu, l’habile, le conseiller loyal pour tous les
musulmans, particulièrement pour les hommes de religion : savants,
étudiants, cheikhs et derviches, dont la souveraineté s’étendait du rivage de
la mer, de la ville de Raayto, jusqu’à la tribu des Issas, jusqu’à Baadu, Ifāt
et l’Abyssinie ; le roi d’Abyssinie, Bašīr b. Amad l’écoute et lui obéit27 ; et
jusqu’au erto, pays des Bédouins, — telle fut sa souveraineté avec ses
limites — c’est-à-dire anfaɖé, fils du « roi » Aydāis — Que Dieu lui
accorde la miséricorde des justes ! Il mourut le soir, à l’heure de la prière,
dans la nuit du mardi 20 (ou 26 ?) Ramaḍān28.
66. Dans la nuit du mercredi, le feu descendit du ciel dans le pays de Dubbi,
dans le pays de Iddi et Baylūl ; le feu brûla beaucoup (de gens) et de
troupeaux. Cela eut lieu après la mort du « roi » anfaɖé, le 27 Šawwāl29.
67. Ensuite, nous vous informerons, mes frères, de la discorde qui s’éleva
dans sa famille et son royaume à propos de son pouvoir, c’est-à-dire pour sa
succession. Son fils Muammad et son frère Alo se firent la guerre. On tua
du côté de Alo environ six hommes, et on en blessa un septième (de la

27. A l’évidence, il ne s’agit pas du roi d’Ethiopie, mais sans doute, quoique non identifié,
d’un chef oromo du piémont.
28. Le 20 Ramaḍān 1277 est le lundi 1er avril 1861 ; le 26 Ramaḍān, le 8 avril. amad-Ladé
tenait d’une autre source : dans la nuit du 28 Ramaḍān 1277 qui est en effet un mardi. Le
décès serait donc intervenu le soir du lundi 8 avril 1861.
29. Le 27 Šawwāl 1277, un mois après la mort en Ramaḍān du sultan d’Awsa, est un
mercredi et correspond au 8 mai 1861. L’éruption du volcan Dúbbi peut être datée avec
certitude de la nuit du 7 au 8 mai 1861.

403
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

lance), qui guérit par la suite. Leurs noms sont : Muammad et Aydāis, fils
de Alo ; et le blessé, son fils anfaɖé ; Ali, fils de @ayrilé ; Aaw et
Muammad, fils de iggīlo ; et celui qui reste, nous n’en connaissons pas le
nom — Que Dieu leur accorde le pardon des justes ! Cela eut lieu à l’aube,
au début du temps de cette prière, le dimanche 28 24’ l-Qada 1278 [qui est
un mardi. Le dimanche correspond au 26 2Q / 25 mai 1862].
68. Cette année-là fut tué le savant qui travaillait par sa science, le vertueux,
le pieux Muammad Turāb, fils du cadi al-ā Maammad — Dieu lui
accorde le pardon des justes !, ainsi que Bita b. D’ūd « roi » de l’Awsa, la
nuit du samedi 28 du mois de Ašūrā 1279 [nuit du 25 au 26 juillet 1862] —
Dieu lui accorde la miséricorde des justes !
69. Cette année-là [1279] éclata la guerre du côté des gens de l’Awsa, à
l’époque des pluies. Ils tuèrent quatre ou cinq personnes, puis firent la paix
entre les gens de l’Awsa et le « roi » Muammad b. anfaɖé, par versement
de troupeaux et d’argent ; et les tués furent vengés par le talion exercé contre
les gens d’Awsa, auteurs des meurtres. Ceci eut lieu le vendredi 6 Rabī I
[qui est un lundi. Le vendredi précédent, 3 Rabī I 1279, correspond au 29
août 1862].
70. En cette année mourut le savant, l’érudit, l’océan de science, le très
intelligent, le saint, le pieux, à savoir notre cheikh, al-ā amza, fils du
cheikh savant et érudit, l’océan des océans dans les sciences du droit,
l’éducateur de ceux qui s’instruisent, c’est-à-dire le cheikh al-ā Mamūd
— Que Dieu lui accorde le pardon des justes ! [Il mourut] à l’heure du ẓuhr,
le dimanche 3 Rabī II 1279 [28 septembre 1862].
. La même année, il y eut désaccord entre les gens de l’Awsa. La tribu des
Int3ger dit : « Nous ne pouvons faire la guerre », et certains des Hararra
dirent de même. Et une partie d’entre eux, ainsi que les Bayɖio, entrèrent en
guerre avec le sultan Muammad. Il commença la guerre un vendredi. Ils
entrèrent du côté des Mdayto et le cheikh et fqī Amad Kamali fut tué
dans la matinée de ce vendredi, environ le 16 du mois de 24’ l-Qada [le 16
2Q / 5 mai 1863 est un mardi. Le vendredi 12 24’ l-Qada 1279 correspond
au 1er mai 1863].
72. [Les Awsa] rentrèrent chez eux. Le « roi » Muammad b. anfaɖé se mit
en colère, rassembla l’armée et dit : « O Int3ger, si vous voulez être sauvés,
je vous sauverai : venez chez moi. Certains des Bayḍio, si vous voulez une
protection, faites de même ; certains des Hararra, la même chose. »
73. Après cela, il envoya l’armée, le dimanche après qu’eurent passé 19
jours de 24 l-ia en direction des Bayɖīó [dimanche 19 2 1279 / 7 juin
1863]. L’armée arriva à leur pays. Ils ne les virent pas, ils les cherchèrent et
les trouvèrent en fuite. Environ 70 d’entre eux furent tués, y compris les
esclaves et les jeunes garçons — Dieu leur accorde la miséricorde des
justes ! C’était en 1279.
74. Le vertueux, le croyant, le conseiller sincère, l’intelligent al-ā Alī,
de Māmulé, fils de Muammad, mourut à l’heure de la prière du soir, la nuit
du mardi 15 Rabī II 1280 [28 septembre 1863]. Cette année éclata la peste
dans le mois de 2ū’ l-ia [du 8 mai au 5 juin 1864], dans le aram de
La Mecque et ses environs. De là, elle s’étendit à de nombreux pays. Elle

404
CHRONIQUE DE L’AWSA (1763-1873)

s’installa en Awsa, l’année suivante, en Ramaḍān, le 1er de ce mois —


Dieu nous préserve et préserve les musulmans ! C’était en 1281 [1er
Ramaḍān / 28 janvier 1865].
. En 1281 [6 juin 1864-26 mai 1865], le wuqūf [à Arafa] eut lieu un
vendredi [9 24’ l-ia 1281 / 5 mai 1865]. Cette année-là, la paix fut faite
entre les enfants de notre cheikh, le cheikh amza, fils du cheikh al-ā
Mamūd, après qu’ils se fussent trouvés en désaccord et fâchés les uns
contre les autres d’une haine violente, à tel point qu’ils faillirent entrer en
lutte armée — Abdulqādir et Numān — à cause des livres de leur père
susnommé. Ils se mirent d’accord et rentrèrent en confiance réciproque un
jeudi en une assemblée nombreuse et firent un pèlerinage au célèbre cheikh
en question, à Maarra, c’est-à-dire au lieu de son tombeau, le samedi — O
Dieu, accorde-lui la miséricorde des justes !
76. Date de la naissance de l’enfant bienheureux, Muammad-Nūr b. al-
ā, al-faqīh Alī b. Muammad. Cette naissance eut lieu dans la matinée
du jeudi 23 umād II 128230 — Que Dieu le fasse pousser en une belle
plante !
77. Cette année 1283 [16 mai 1866-5 mai 1867], Alo, fils du « roi »
Aydāis, vint demander la paix.
78. Cette année-là, le « roi » Muammad b. anfaɖé envoya l’armée contre
les Issas et les Debné. Ils tuèrent des hommes en petit nombre et
s’emparèrent de nombreux troupeaux. Cela en afar 1284 [4 juin-2 juillet
1867]. Cette même année survint la sécheresse. Les gens moururent de faim
depuis le Lāo [l’Est] jusqu’en Awsa. Quant aux gens de l’Awsa, ils faillirent
mourir — O Dieu, préserve-nous de la faim car c’est un mauvais camarade
de lit ! O Dieu, arrose-nous d’une pluie abondante, salubre et bienfaisante !
Dans cette année-là encore, les Gālla se battirent avec les aɖa-k Badoyta et
en tuèrent beaucoup, et même dans la famille de Ali Mūsa amad, qui
perdit 5 hommes. Ainsi des Dda : beaucoup d’entre eux furent tués.
79. Le cheikh savant et érudit, le faqīh, al-ā Alī b. Muammad mourut
subitement — O Seigneur, préserve-nous et préserve les musulmans ! — à
midi le mardi 16 24’ l-ia 1285 [30 mars 1869]. Cette même année, au
début, la sécheresse eut lieu et, à la fin, la pluie tomba comme l’eau tombe
par la bouche des outres31. La vie, c’est-à-dire la végétation, fut prospère
dans tous les pays dont nous avons entendu parler, de l’Ifāt et de l’Abyssinie
jusqu’à l’Arabie, et Dieu la fit [la pluie] bienfaisante et salubre.
80. Cette année-là, le croyant Dla ummad, dont le surnom était ibn
Muammad, mourut dans la matinée du samedi 25 Ramaḍān 1285 [9 janvier
1869].
81. Le croyant vertueux Sulayman, fils du ā faqīh Alī, mourut — Dieu
lui accorde le pardon des justes ! En 1287 [3 avril 1870-22 mars 1871].
82. Cette année 1288 [23 mars 1871-10 mars 1872] apparut la variole dans
notre pays, l’Awsa. Beaucoup en moururent comme de la peste. Elle fut plus

30. C’est le 26 umād II qui était un jeudi (16 novembre 1865).


31. « Début 1285 » [en avril 1868], il n’y a donc pas eu de pluies de sugum, normalement de
mars à avril), lesquelles ont été abondantes « fin 1285 » [avril 1869].
405
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

terrible que celle-ci et sévit jusqu’à l’année suivante 1289 [11 mars 1872-28
février 1873].
83. Cette année-là mourut le cheikh dédié à son travail, célèbre, fameux sous
le nom de Amaytu32, de la tribu de Māmulé. Il mourut la nuit de la pleine
lune de Ramaḍān, à l’heure de suūr [collation du matin du 16 novembre
1872]. De même, le cheikh Adan b. abīb mourut à l’heure du ẓuhr, un
samedi du mois de umād I [7 juillet-5 août 1872]. L’année 1289 est
terminée.
84. Cette année-là33 eut lieu une éclipse de lune dans la nuit de la pleine
lune. Cette année-là eut lieu un combat entre les Int3ger et les Bayɖīó, le
jour de la fête de la rupture du jeûne [1er Šawwāl 1290 / samedi 22 novembre
1873]. Deux jeunes gens de ces tribus furent tués, l’un nommé Abdo b.
Tayso, et le second Raho U<mān b. Unɖa Muammad — Que Dieu fasse la
paix entre eux et entre les musulmans, par l’honneur du seigneur des enfants
de Adnān ! C’était dans l’année 1290 de l’Hégire. La paix et le salut soient
sur le Prophète !

32. Afar « bienfaiteur ».


33. 1290 [1er mars 1873-17 février 1874], d’après la fin du paragraphe.
406
CHRONIQUE DE L’AWSA (1763-1873)

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407
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

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408
CHRONIQUE DE L’AWSA (1763-1873)

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409
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

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410
CHRONIQUE DE L’AWSA (1763-1873)

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411
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

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412
CHRONIQUE DE L’AWSA (1763-1873)

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413
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

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414
CHRONIQUE DE L’AWSA (1763-1873)

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415
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

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‫ ـ‬١٢٦٨ ‫ ـ‬١٢٦٧ ‫ ـ‬١٢٦٦ ‫ ـ‬١٢٦٥ ‫ ـ‬١٢٦٤ ‫ ـ‬١٢٦٣ ‫ ـ‬١٢٦٢ & [52]


١٢٦٩

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416
CHRONIQUE DE L’AWSA (1763-1873)

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417
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

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418
CHRONIQUE DE L’AWSA (1763-1873)

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419
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

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420
CHRONIQUE DE L’AWSA (1763-1873)

ّ F‫ و‬*‫ و‬.!A‫ و‬[‫ أ‬.<‫= و‬#‫ ا‬١٢٨١ & [75]


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421
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

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![‫ ﷲ ر‬-![‫ ر‬7B -, ‫ج‬:#‫ ا‬‫ن إ‬!7 â#N#‫ ا‬í!#‫ ا‬3H F‫[ و‬81]
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422
Annexe III. Conférence de Gawwani
(7-15 avril 1977 / 30 mäggabit-7 miyazia 1969)

« Les aspirations afars pour une émancipation


économique et sociale »1

La conférence des représentants du groupe afar réunie à Guewané [du 7 au 15


avril 1977 / 30 mäggabit-7 miyazia 1969] a terminé ses travaux la semaine dernière
en adoptant un projet de création d’une réunion administrative afar en vue de
favoriser l’autonomie régionale, stimuler le développement écononomique de cette
ethnie et d’intensifier la lutte des classes dans la région. Il s’agit de traduire dans
les faits le rôle de la population afar dans le processus révolutionnaire et de
favoriser la coordination des efforts du groupe afar dans le combat contre les
réactionnaires de la région.
L’assemblée générale a décidé que le terme afar désignera les membres de ce
groupe, connu sous l’ancien régime sous les noms de Denkel, Adal ou Toultoul.
Elle a reconnu l’importance stratégique de la mer Rouge (l’Ethiopie possède mille
kilomètres de côte sur cette mer). Ont été également évoqués : la vallée de
l’Aouache, la partie africaine du détroit de Bab el-Mendeb et les itinéraires de
transport Addis-Abeba-Assab, Addis-Abeba-Djibouti. Vu le caractère vulnérable
de la région, la conférence a préconisé la formation d’une milice populaire, ainsi
que d’un détachement spécial de garde-côte pour compléter les mesures de
défense.
La conférence a qualifié d’insuffisants les efforts de sédentarisation entrepris
par l’Office du Bassin de l’Aouache (85 % des Afars sont nomades),
recommandant un autre programme de réinstallation dans le moyen Aouache,
précédé d’une étude détaillée sur les conditions d’aménagement (abris, écoles,
hôpitaux, pâturages), si possible à proximité des fermes d’Etat. L’intégration
poussée des enfants afars dans le système scolaire, la construction de nouvelles
écoles et l’amélioration du service sanitaire ont été particulièrement retenues par
les participants de la conférence qui a recommandé la formation de personnel
sanitaire, d’équipes médicales mobiles, ainsi que la promotion de la médecine
traditionnelle afar.
Les participants ont également préconisé la mise au point d’un programme
d’élevage moderne de bétail au profit des Afars en général. A cette fin, le forage
de puits et l’aménagement de pâturages seront nécessaires, ainsi que la diffusion de
cours pratiques et théoriques d’élevage et l’implantation d’une industrie légère. Les
Afars comptant une importante communauté de pêcheurs, la conférence a
préconisé des mesures urgentes pour étudier les voies et moyens d’utiliser d’une
façon rationnelle le potentiel de la mer Rouge en poissons, ainsi que toute
l’assistance requise dans le domaine et les possibilités d’implantation d’une
industrie de pêcheries sur la côte.

1. Communiqué officiel en français publié dans Le Progrès socialiste (23 avril 1977 / 15
miyazia 1969) qui reprend les points principaux du compte rendu officiel en amharique
ci-après (il ne semble pas qu’il ait existé une version en afar).
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

Les salines, qui constituent l’un des gagne-pain des Afars, exigent également
une modernisation technique et matérielle puisqu’elles représentent une source
appréciable de devises étrangères pour l’Ethiopie. La conférence s’est aussi
prononcée pour un développement des moyens de transport et de communication
dans les zones habitées par le groupe afar (chemins vicinaux, réseaux
téléphoniques et postaux, « consolidation » du dialecte afar, exécution de projets
de développement en général).
La conférence de Guewané s’est prononcée pour l’abolition des mœurs
ancestrales auxquelles la femme afar doit son statut d’infériorité. Les dissensions
entre groupe afar et ethnies voisines ne seront pas résolues par des actes
d’agression et de pillage, mais par la voie d’un dialogue démocratique, dans le
cadre de l’égalité et de la compréhension mutuelle.
Sur le plan de la politique nationale, les Afars ont identifié le féodalisme,
l’impérialisme et la bureaucratie capitaliste en tant qu’ennemis des masses
opprimées. Ils ont condamné l’Union Démocratique Ethiopienne, le Front de
Libération de l’Erythrée, le Parti Révolutionnaire du Peuple d’Ethiopie, de même
que le vieux seigneur féodal Ali Mirah, lequel est d’ailleurs définitivement exclu
de la communauté afar. La conférence a demandé à ses partisans de rejoindre leurs
compatriotes et de participer aux efforts de reconstruction nationale, proposant la
formation d’une commission spéciale chargée de réhabiliter et de politiser les
nouveaux venus.
Dénonçant l’arrogance et le nationalisme étroit, les Afars se sont déclarés prêts
à sauvegarder l’unité de l’Ethiopie et sa Révolution. Ils ont exprimé leur
détermination d’écraser les forces réactionnaires et les agents de l’impérialisme qui
complotent contre l’unité nationale et la Révolution. Ils ont demandé à tous les
Etats africains indépendants de condamner les forces réactionnaires arabes
cherchant à réaliser leurs rêves expansionnistes avec le soutien des impérialistes, et
ont exprimé leur conviction que toutes les forces progressistes du monde se
tiendront aux côtés de la Révolution éthiopienne.
La conférence afar a dénoncé les démarches de la France en vue de freiner la
marche du Territoire des Afars et des Issas vers l’indépendance2 en créant des
divergences entre les groupes ethniques, ainsi que la politique d’expansion adoptée
par la Somalie3. Indiquant que les Afars éthiopiens suivent avec attention le
processus d’indépendance de Djibouti, indépendance qu’ils soutiennent, la
conférence a demandé à la Somalie de renoncer à ses revendications sur le
Territoire et de respecter l’indépendance et l’intégrité territoriale d’un Djibouti
libre.

2. L’indépendance de le République de Djibouti sera proclamée le 27 juin 1977 [NDR].


3. Allusion à la propagande du Front de libération de la Somalie occcidentale, soutenu par
Mogadiscio. La guerre somalo-éthiopienne éclate cette même année 1977 [NDR].
424
Annexe III.
« Décisions de la première conférence de la nationalité Afar »
(Gawwani, 7-15 avril 1977 / 30 mäggabit-7 miyazia 1969)
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

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CONFÉRENCE DE GAWWANI (1977)

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DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

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DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

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CONFÉRENCE DE GAWWANI (1977)

433
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

434
BIBLIOGRAPHIE ET SOURCES

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cas de Maḥámmad b. anfaɖé sont celles de son règne quand la seconde
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

concernant Ali-Miráḥ b. anfaɖé correspond à celle de sa mort. Le dernier


sultan d’Awsa a été chassé du pouvoir en 1975.]
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nommés, il doit s’agir des deux chefs Anklá, les frères ásan et Ibrhim b.
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444
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445
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

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1913-19, 14 vol. Cf. F. Wüstenfeld, « Die Geographie und Verwaltung von
Ägypten », Abh. d. Kgl. Gesellsch. d. Wiss. zu Göttingen, phil.-hist., Cl.,
XXV (1879).
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Leiden, Lugduni Batavorum, 1892. T’r ibn Wi, éd. M. Th. Houtsma,
t. 1., Lugduni Batavorum, 1883.
Yqūt b. Abdallh al-amawī, Kitb al-Muam al-buldn, Leipzig, 1866-70, 6
vol.

1.3. Chroniques éthiopiennes.


Conti Rossini C., 1894, « La storia di Libna Dingil, re d’Etiopia », Rendiconti della
Reale Accademia dei Lincei, 5, vol. 3 : 617-40.
Guidi I., 1903-05, « Annales Iohannis I, Iyasu I, Bakaffa », Corpus Scriptorum
Christianorum Orientalium, Scriptores Aethiopici, series altera V.
Kropp M., 1994, Der siegreiche Feldzug des Königs mda-eyon gegen die
Muslime in Adal im Jahre 1332 N.Chr., Lovanii.
Pereira E., 1892-1900, Chronica de Susneyos Rey d’Ethiopia, Lisbonne.
Perruchon J., 1890, Histoire des guerres d’Amda iyôn, roi d’Ethiopie. Extrait du
Journal asiatique, (1889), 8, vol. 14 ; texte éthiopien : 9-115 ; traduction
française : 116-195, Paris, Imprimerie nationale.
Perruchon J., 1893, Les Chroniques de Zar’a Ya’eqob et de Ba’eda Maryam, Paris.

1.4. Littérature afare (en afar et en arabe).


Dimis & Reedo, 1976, Qafar afak : yabti-rakiibo, 1to buuk [Langue afare,
grammaire, 1er livre].
Dimis & Reedo, 1976b, Qafar afih baritto [Apprentissage de la langue afare],
Paris. [Ce livret contient le texte de Yâsin Ma ammōdá, cité pp. 372-373.]
$aml alDn al-Šm b. Ibrhm b. šay (all al-Šm & duktr šim b. $aml
alDn al-Šm, 1997 (h. 1418), Al-Manhal f t’r wa abar al-‘Afar
(Dankil) [La source inépuisable de l’Histoire et des relations sur les Afars
(Danâkil)], Le Caire. Cette somme en arabe de 890 pages s’appuie sur un
manuscrit longtemps caché par la famille, de 91 feuillets recto-verso, du
père du co-auteur, organisé en trois parties : l’histoire préislamique et
islamique des Afars (chap. 1) ; l’organisation des sultanats et des confréries
(chap. 2) ; l’origine des Afars (chap. 3). Cette thématique a été reprise et
développée par le Dr. šim, en onze chapitres (avec des annexes) qui
proposent une fresque évolutionnaire « sur une période de cinq mille ans ».
Les données chronologiques concernant les sultanats (Áwsa : 342-59 ; Bíɖu
: 365-386) recoupent, pour l’essentiel, celles contenues dans les Nawādir du
cheikh ásan b. ámad-Ladé (voir infra). [En citation $aml alDn al-
Šm, 1997]

2. SOURCES AFARES INÉDITES.


2.1. Chroniques (en arabe et en afar).
$ln b. i andá, « Chronique de l’Awsa » (h. 1177-1290 / 1763/64-1873),
26 p. [Manuscrit rapporté d’Áwsa vers 1965 par le cheikh ásan b. ámad-
Ladé et adjoint à ses Nawdir. Le cheikh $ln (c. 1908-début janvier
1973) appartient à la branche Kabirtó (v.) des Harálla. Voir sa généalogie
dans le tableau de la page 235, 1ère colonne. [Cité en abrégé Gi.]
ásan b. ámad-Ladé (né le 23 janvier 1901 ; décédé à Djibouti, le 18 mars
1972), Nawdir [« Choses rares, extraordinaires ». 8 cahiers format écolier,
manuscrits ; cahier 1 (144 p.) ; cahier 2 (27 p.) ; cahier 3 (12 p.) ; cahier 4
(9 p.) ; cahier 5 (23 p.) ; cahier 6 (108 p.) ; cahier 7 (15 p.) ; cahier 8 (20 p.)
[HHL].
Savard G., s.d. [c. 1965], « Notes de terrain ». [Fragments retrouvés à Djibouti en
1980].

446
BIBLIOGRAPHIE ET SOURCES

2.2. Témoignages oraux. 2.2.1. Sources Chedeville.


[En fin de chaque article du dictionnaire, le symbole / désigne l’informateur.]
CHEDEVILLE E., 1938-80, « Recherches généalogiques » [Notes d’enquêtes réunies
de 1938 à 1980 (voir sa notice biographique, p. 161). Les personnes-sources
citées à la fin des articles du dictionnaire sont celles dont les généalogies,
telles que E.C. nous les a livrées au cours d’entretiens privés, ont permis
d’établir le fractionnement de leur tribu.]
— A Djibouti et en Ethiopie : Afkié b. ámad (Abbakarí sárra). Arbâhim b.
Ma ámmad b. Ali (Datá aysantó de Têru). Ali b. Umar (Badoytá-m
m,lá, Debellé Udum). Otban b. Ali b. Asirré (Balossuwá, Arrmis-sá).
As-Arbâhim b. Ma ámmad (Hayís de rs Bir). Umar b. Ma ámmad b.
ámad b. Ás ab (Badoytá-m m,lá, Hayís). Umar b. aysmá (Nassâr).
Baddúl b. Gôhar (Ablisá). Dbalé b. ámad (Gittrissó). Dawud b.
Abdallah (arrière-petit-fils d’Ab Bakr « Pacha »). Dawud b. Orbisó (Bollí
buɖá, D,nabbá). Dilléyta b. Ma ámmad b. Msá (Songó-g Godá). Dilléyta
b. Saíd b. Dilléyta (Da rumá). Durúy b. Aloytá (Ulutó-k Mōdaytó) ; Gaás
b. Môla (Badoytá-m m,lá, Adan-sárra). Gabadó (Ðarkayní Adáli). ábib
b. ámad (sultan de Tadjoura). ámad b. Ali (Ddá-m m,lá, Addal,lá).
ámad-Dn b. Msá (Farká-b buɖá). ámmadu b. úmmad b. Asa-ásan
(Allôma). ámmadu b. Ma ámmad b. ámmadu (Dammohoytá Asalitté).
anfaɖé b. Ma ámmad b. ámmadu (Dammohoytá Asalitté). ásan b.
Arbâhim (Ablé). ásan b. Arbâhim b. Ali-Gáysa (Baláw). Ma ámmad b.
úmmad b. Ma ámmad (Gal,lá de G,rá). Ma ámmad « Khalfa » b.
A mad b. Idrs (Ab-ná). Ma ámmad b. Msá b. Ali (Dammohoytá
Addantó). Ma amm-dá b. Msá « Gulbé » (Bas-má du Mablá). Mákki b.
Arbâhim b. Abdulkâder (s-bá, Kmiltó). Sullé b. sek úmmad (S,ká).
Yôfis b. ámad (Tákil). Yûnus b. Umar b. Dawud (Badoytá-m m,lá, Abá-
m m,lá, de Arsó).
— En Erythrée. Informateurs afars : Á mad b. Ardáytu b. Ksa
(Dammohoytá, Ali « Goob). Ali b. Arbâhim b. Ismil (Asá Waddó).
Abdurra mân b. Yûsuf b. ámad « Bašir » (Abbokortó, de Baká). Ali b.
Umar b. ámad (Dammohoytá, As-Ma ámmadó). Ali b. ámad b.
B-klyá (Waytá, Abdallâli). Ali b. ámad b. Sâli (Dammohoytá de
Íddi). Ali b. ámad b. Ruffá (Dhí-m m,lá, umm-má). Ali b. ayyîta b.
ámmadu (adarmó). Ali b. Ma ámmad b. Ali (Dammohoytá, Gannintó).
Ali b. Ma ammad b. amad (Dammohoytá, Awliytó). Ali b. Ma ammad
b. L,ló (Dammohoytá, A awtó). Umar b. Sad b. Ma ámmad
(Dammohoytá, As-M-minto). Umar b. amad b. Abrâhim (Misgidí).
Umar b. Slé b. Á mad (S,ka, Ironnabá). Usman b. abib (Intilé Šek-
áre, Abddá). Usman b. Abdalla b. Ma ámmad (Ab-ná). Dawud b. Sli
(Maanɖíyta). Cheikh Doyran b. Ali b. Doyran (Afará de Baylûl). ámad b.
Idrs b. Ma ámmad (Adó L). ámad b. Ma amm-dá b. M-tallá
(adarmó, Ali-Gúra). ásan b. ámad b. urúb (adarmó, Bitáytu de
Bôri). Ibrâhim b. Abdura mân b. Osman (Ab-ná). Idrs b. ámad b.
Utban (Dammohoytá, Ark,farto). Idrs b. Ma ámmad b. Bilal (Anklá,
Gaassó). Cheikh $aml adDn aš-Šmī b. Ibrâhim (v. Baylûl). Ma ámmad
b. Arbás b. ámad (Dammohoytá, Unɖa ámaddu). Ma ámmad b. Ali b.
Abrhinlé (Dammohoytá, Gaas-sambo). Múɖ a b. Ali b. Múɖ a
(Badoytá-m m,lá, Debéllu). Msá b. Ali b. Nkúda (adarmó, Ad-
úmmad). Nâsir b. Idrs b. Abdalla (Dhí-m m,lá, Datá Barkúl). Rgé b.
ámad (Anklá). Saad b. Ma mûd b. Msa (Dankáli). Sa riyá b. Saad b.
Faɖná (Dúlum). Suleyman b. Hârun (Mogorrós, sultan de Têru). Thá b.
Ma ámmad b. Ismil (Waddó). Thá b. abib b. Gaas (Dammohoytá,
Gaas-sambó). Ys,n b. Ali b. Ma ámmad (Dhí-m m,lá, Baddir,rá).
Ys,n b. áyyu (Dhí-m m,lá).
— Informateurs Sahos : Abdó b. ‘Umar b. Á (Ðasamó). Ma ámmad b.
Abdalla b. Umar (Gasó).

447
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

2.2.2. Sources D.M. [DIDIER MORIN]. Les informations ont été recueillies entre
1970 et 1982, en Ethiopie, en Erythrée, en Rép. de Djibouti. Notamment :
en 1973-1974, missionné par le Tribunal d’instance de Djibouti pour une
enquête en vue de la codification des coutumes (la « codification »
consistant à consigner par écrit l’état de la madá (v.) dans ce qui était
encore le Territoire français des Afars et des Issas). En 1978-1982,
responsable de la section des sciences humaines à l’ISERST (Djibouti).
Informateurs principaux : le premier d’entre-eux (1978-1981), ámad-Ladé
b. cheikh ásan b. ámad-Ladé, in D.M. (1980, 1991, 1995, 1997, 2012b).
Cheikh Ádan b. A med-Dîni (cadi de Tadjoura, 1973). Alóyta b. Durúy b.
Alóyta (chef des Ulutó-k S,ká, 1973-74). Abdallah b. Mohammed b. Kâmil
(Adáli ‘Abdallâli, 1974). Abdulkâdir b. úmmed (vizir du sultan de
Tadjoura, 1973). Abdurra mn b. Osmân b. Slé (petit-fils du dernier
sultan Dammohoytá de Bôri, 1978). Ádu b. 8bó (Debné Mafâ). Barkát b.
Dawúd (Adniytó). Adbáɖa b. us,n (Ðurbá, chamelier, guide de D.M.,
Gamárri, anlé, Dôbi, frontière de l’Áwsa, 1973-74). Galmi-Áli (chef des
Gombár, 1974). Ali b. Looytá (Debné), [sur les Gibdossó, chez qui il vécut
deux ans, 1972]. Uddúm b. ámmadu (chef des Mirgantó Abdallôli,
Y-bóki, 1973-74). « Datá » ‘Isé (chef des Gombár, Álol, 1979). Góyta b.
Msá b. ámad (chef des Ðurbá, 1974). ábib b. ámad (sultan de
Tadjoura, 1973). ámad b. Ma ámmad b. M-tallá (Arabtá, aysantó).
ámmadu b. Ali (M-daytó-k Maanɖiytá, « Kaɖɖá » Gum éd), [également
info. sur les Lubak-Kubó]. Ibrâhim b. Á med Dîni [amaddîn] (Debné,
1979-80). Ibrâhim « M,kó » b. Á mad (Saiddó, Oroddí Dbá, 1973).
Looytá b. ásan-Dîmu b. anfaɖé (Debné, cadi de As-8lá, 1974).
Ma ámmad « Bíla » b. ámad (chef des Ulutó-k Madîma, 1974).
Ma ámmad « Bokó » b. « Kaɖɖá » Looytá (sultan des Debné, 1973).
Ma ámmad b. Saíd (Asá ‘Ablé, guide chamelier, Maglé, Ðay, Adáylu,
Dadár, Álta). Ma ammadé b. úmmed (chef des Datá Ablé Abbakári,
Adáylu, 1974). Slé b. cheikh ásan b. ámad-Ladé (Debné, Djibouti,
As-8lá, 1973-74). Ma ámmad b. ámad b. Kottiná (Dankáli de Baylûl,
1972).
Les articles sans source précise sont la synthèse, de mémoire, d’informations
obtenues à une époque où le présent ouvrage n’avait pas encore été
envisagé. Des données se rapportant à la période avant et après 1982 ont été
collectées au Caire (1991-94) auprès des informateurs sahos Ibrhīm b.
Isml (ádo Asaallá, de Sanafé), Sâle b. Osmân (Tará du Samhar) ;
à Djibouti (1996-98) ; en Erythrée (2000) ; en Awsa (2001, 2006 et 2007).

3. DOCUMENTATION ADMINISTRATIVE.
3. 1. Archives du ministère français des Affaires étrangères.
Archives du ministère des Colonies, correspondance générale, Obock : dossier
1015 (1886-1888) ; 1016 (1888-1889) ; Djibouti : affaires militaires 1006
(1899-1930) ; 1017 (affaire Carmelich) ; 1025 (1861-1885) ; 1026 (1890-
1891) ; 1027 (1896) ; 2004 (1899-1918).
Centre des Archives d’Outre-Mer (CAOM) des Archives nationales d’outre-mer
(ANOM), Aix-en-Provence. Série Affaires politiques (AP), notam. Fonds
ministériels (cotes C), territoriaux (cotes 5G) ; série Traités.
Correspondance consulaire et commerciale. Massaouah (t. 1 : 1840-1859 : t. 2 :
1860-1885).
Mémoires et documents, série Afrique (MD) : vol. 13, Abyssinie (1), 1838-1850 ;
vol. 61, Abyssinie (2), 1839-1866 ; vol. 62, Abyssinie 3, 1867-1883 ; vol.
63, Mer Rouge 1, 1839-1880 ; vol. 64, Mer Rouge 2, 1881-1882 ; vol. 65,
Mer Rouge 3, 1883-1884 ; vol. 66, Mer Rouge 4, 1885 ; vol. 106, Mer
Rouge 5, 1886 ; 107, Mer Rouge 6, 1887 ; vol. 130, 135, Mer Rouge 7,
1887-1888 ; vol. 136, Mer Rouge 8, 1889-1891 ; vol. 137, Mer Rouge 9,
1892-1895.

448
BIBLIOGRAPHIE ET SOURCES

3.2. Archives du Musée des troupes de Marine de Fréjus.


Rapports sur la mort du sergent Thiébeau, notamment : Lettres du 20 décembre
1942 et du 27 janvier 1943 du cne Coullet, commandant le cercle de
Tadjourah, au gouverneur de la CFS ; Lettre du lieutenant Perriquet,
commandant le secteur nomade de l’Alta au capitaine commandant le
Peloton méhariste (25 janvier 1943) ; Dépositions recueillies les 2 et 4 mai
1943 au sujet du meurtre du sergent Thiébeau ; Rapport sur les
conséquences, au point de vue du commandement indigène, du meurtre du
sergent Thiébeau (11 août 1943).

3. 3. Autre documentation administrative.


La documentation provient de deux sources principales. 1. Les premières synthèses
rédigées par le poste de Dikhil, principalement par le capitaine Péri, reprises par le cabinet
militaire du gouverneur de la Côte française des Somalis (capitaine Chedeville) ; 2. Les
synthèses établies à partir des précédentes ou des documents originaux à l’intention des
chefs des pelotons méharistes des deux « secteurs nomades » du anlé et du Alta, organisés
à partir de 1938, et des administrateurs des cercles de l’intérieur. En font partie les rapports
du lieutenant Dufour, officier topographe, (Note sur les Danakils de C.F.S.) ; du capitaine
Lebrun (Notes sur le cercle de Tadjourah), comportant des indications généalogiques
fournies par la famille du sultan de Tadjoura et par Ma ámmad « Datá Gúra » b. Ali (Adáli
Bur antó, de Ra aytó), lequel renseignera aussi le lieutenant Baudin (Généalogie des
Adaël). [Ci-après, l’astérisque signale des documents remis par D.M. en août 2013 au
Musée des troupes de Marine de Fréjus. Cote archivistique 18 H 559.]

Albospeyre M., 1950 (8 décembre), Tableau de commandement des tribus du


cercle de Tadjoura, n° 421, 9 p. [dactylo. Ce tableau contient des données
chiffrées sur le nombre des habitants. Il est repris dans Albospeyre, 1959.]
[Anonyme, cabinet militaire du gouverneur de la C.F.S.], Dossier n° 3,
Constitution des sultanats Danakil, 7 p. + carte, s.d. [1938 ?], [dactylo.]
[Anonyme, cabinet militaire du gouverneur de la C.F.S.], Dossier n° 4, Relations
entre Adoïamara et Asaïamara, 4 p., s.d. [1938 ?], [dactylo.]
[Anonyme, cabinet militaire du gouverneur de la C.F.S.], Dossier n° 11, Aoussa
Mara, 2 p., s.d. [1938 ?], [dactylo.]
[Anonyme, cabinet militaire du gouverneur de la C.F.S.], Dossier n° 12, Tribus
Assaïamara nomadisant en territoire français, 13 p., s.d. [1938], [dactylo.]
[Anonyme, cabinet militaire du gouverneur de la C.F.S.], Dossier n° 13, Etude du
capitaine Péri sur les Oloto, 3 p., s.d. [1938], [dactylo.]
Cède (cne), 1937, Rapport de reconnaissance effectué au lac Assal (13-22 mars
1937), 6 p. [dactylo.]
Cercle de Dikhil [Péri], [s.d.], Tableau de commandement des tribus Danakil du
cercle et des frontières, 6 p. [dactylo.]
Cercle de Dikhil [Péri], [s.d.], Fractionnement des Danakil Adohyamara du cercle,
5 p. [dactylo.]
Cercle de Dikhil, s.d. [7 avril 1943], Note au sujet du plan au 1 / 20 000 de la
région d’Afambo, note n° 159, 2 p.
Cercle de Dikhil, s.d. [7 avril 1943], Note au sujet de la demande d’évacuation
d’Afambo, 4 p. [dactylo.]
*Cercle de Dikhil [Chedeville], 28 août 1943, Chronologie de nos rapports avec
les Assahyamara et le Sultan de l’Aoussa, note n° 172, 14 p. [dactylo.]
*[Cercle de Dikhil], s. d. [c. 1943], Population, dernier recensement effectué par le
cdt. Chedeville. Données chiffrées manuscrites recensant les tribus Adorasu
et Debné du cercle (14 p.) et la population sédentaire de Dikhil (1 p.)
Cercle militaire de Dikkil-Gobad [cne Péri], 15 mai 1938, Danakil Adoiamara du
cercle militaire de Dikkil-Gobad, 34 p. (dactylo.). [Document reproduit sous
l’intitulé Dossier n° 2, Danakil Adoiamara du cercle militaire de Dikkil-
Gobad, 31 p.]
Cercle de Djibouti, 1946, Renseignements sur le culte musulman, mosquées et
imams, 6 p. [dactylo.].

449
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

*Chedeville E., 1939, Note pour les commandants de secteur nomade sur les
relations avec les Asahyamara, note n° 244, 8 p. [dactylo.]
*Chedeville E., 1940, notes de service à l’attention des chefs de secteur nomade :
n° 35 (19 février 1940) ; n° 38 (23 février 1940).
Chedeville E., 1943 (7 avril), Note sur une entrevue du lieutenant Gory,
commandant le P.M.H. [peloton méhariste du Hanlé] avec le Political
Officer d’Assab, cercle de Dikhil, 2 p. [dactylo.]
[Chedeville E.,], s.d. [c. 1965], Afars du T.F.A.I., 12 p. (dactylo.). [Chefferies et
fractionnement des Afars]. [Afars]
*Coullet P., [c. 1938], Tableau de commandement des Olotok Madima, secteur
nomade de l’Alta, note n° 3, 1 p.
*Coullet P., 1940 (26 mars), Note pour les Chefs de sous-Secteur nomade, 3 p.
(dactylo.).
*Gory (lieut.), 1942 (20 mars), note n° 283 manuscr. « Liste des Principaux bandits
Olotos », 1er peloton méhariste, section nomade du Hanlé (3 p.), « Liste des
Morts Oloto » et « Liste des assassins Oloto » (1 p.).
Ministère des colonies, 1938, Index des noms contenus dans la carte au 1/
200.000e de la Côte française des Somalis, Paris.
[Morin D.], 1974, Note de synthèse, Rapport à la Commission en vue de la
codification des coutumes, ministère des Affaires intérieures et musulmanes,
34 p. (dactylo.).
[Note remise au juge Jambon, président du Tribunal d’Instance de Djibouti,
président de ladite commission. La note reprend les informations recueillies
concernant le droit des personnes. Les réponses aux 12 questionnaires (Du mariage,
de l’obligation alimentaire, du divorce, de l’autorité parentale, de la dot, de la
filiation, de l’adultère, des régimes matrimoniaux, de l’absence, des incapables, de
la responsabilité, de l’expression de la coutume) ont été obtenues au cours d’une
enquête de terrain (1973-1974) effectuée à pied, accompagné de guides chameliers.
Liée au temps de service de l’auteur, volontaire de l’Aide technique, cette enquête
n’a pu se faire qu’en pays afar. La note inclut toutefois quelques remarques
comparatives avec la coutume somalie Issa.]
Picard (lieutenant), 1939, Remarques sur les Debene et Adourassou du cercle de
Dikhil, 62 p. [dactylo.]
Sayyid Al b. Abbakar as-Saqaf [cadi de Djibouti], 1961, Liste des mosquées et
de certains oratoires de Djibouti, 4. p. [dactylo.]

4. CARTES, DOCUMENTS NAUTIQUES.


Awash Valley Authority, [c. 1966], Awash River Basin, Land Use Map. Sheet 3,
DR 294. 1 : 250 000.
Barberi et al., 1973, Carte géologique de la Dépression des Danakil (Afar
septentrional-Ethiopie), CNRS, CNR (Italie). 1 : 500 000. In Geology of
northern Ethiopia, repris de Revue de Géographie physique et de Géologie
dynamique, vol. XV, fasc. 4 : 433-490. [Toponymie Chedeville].
Barberi, Marinelli, Tazieff, Varet et al., 1972, Carte géologique de la chaîne
volcanique de l’Erta ‘Ale, CNRS (France), CNR (Italie). 1 : 100 000.
Bibliothèque nationale de France : « Carte dressée au dépôt général de la Marine et
des Colonies d’après les observations faites en 1787 sur la Frégate la Vénus
par le capitaine Rosili, vice-amiral, et publiée par ordre du ministre de la
Marine pour le Service des vaisseaux de la République, l’an VII de la
République » (3 feuilles), portfolio 211, division 1, pièce 7 ; « Carte marine
de la mer Rouge tirez [sic] d’après l’original anglais avec des nouvelles
observations, dédiée à Mgr. De Sartine, ministre de la Marine, par Mr.
Camairan, officier de vaisseau particulier, quartier de la Ciotat, paroisse de
Bandol » [1777], portefeuille 210, division 2.
Catalogue of Admiralty Charts, 1923, Red Sea sheets I to V ; Marsa Darur (1 :
190 000) ; Massawa Channel (1: 290 000) ; Jebel Djan to Shab Kulangarit
(1 : 284 000) ; Hanfela Bay (1 : 36 300). Shab Karungarit, map Africa sheet
6 “From Juba islands to Muscat with the entrance of the Red Sea, capt.

450
BIBLIOGRAPHIE ET SOURCES

W.F.W. Owen (1822-1826. Corrections: 1859-1866)” ; Shab Karungareet


(“Trigonometrical Survey of the African Coast from Jibul Jarne [Ras Siyan]
to Sayara” executed in the H.C. Brig of War “Euphrates” by her
Commander lieut. W.C. Barker assisted by Lieut. W. Christopher of the
Indian Navy, 1841 ; Map of the Red Sea by Dalrymple (1782) ; Suez (1777,
after the journey of the Swallow) ; Bab al-Mandeb (Thornton, 1703) ; Aden
by Cornwall.
Chaurand, E. de., 1894, Carta dimostrativa della Etiopia. 1 : 1 000 000.
Etat-major général de la Marine-Service hydrographique, 1913, Instructions
nautiques. Océan Indien, Mer Rouge et Golfe d’Aden, n° 960, Paris. [IN]
Hydrographic Department (Londres), Trigonometrical Survey of the Mussahh
Islands, Barker, 1840.
Institut géographique national (France), 1952-1967, Carte de la Côte française des
Somalis (Rép. de Djibouti), 12 f. 1 : 100 000 [Remplace le 1 : 200 000,
1936-38]. C’est la seule carte dont la toponymie soit fiable et bien transcrite.
La carte Djibouti (1 : 200 000), à vocation touristique, éditée en 1992, est
une simplification du 1 : 100 000. Elle marque un recul du point de vue des
transcriptions.
Istituto geografico militare, 1939, f. Aussa, Mussalli, Assab, 1 : 100 000.
Kammerer A., 1952, La mer Rouge, l’Abyssinie et l’Arabie depuis l’Antiquité,
Mémoires de la Société géographique d’Egypte, vol. 15-17, Le Caire.
Ministère de la Marine, catalogue des cartes, Mer Rouge, portefeuille 211, Dépôt
général de la Marine.
Service géographique des Colonies, Carte de l’île et du cap Doumeïrah, levée et
dressée par le lieutenant Blondiaux (1 : 10 000, juillet-août 1899).
Service hydrographique de la Marine, Cartes mer Rouge : portefeuilles 210 :
Obock, 1879 ; Karte des Somali Küste, von Heuglin, 1857. 211 : Baie
d’Obock (le Curieux, mai 1862) ; Plan des environs du port d’Obock (1 :
10 000, levé en 1881 d’après les ordres de M. Vallon, capitaine de
vaisseau) ; Plan de Khor Ambadu (1 : 5 000, par le Météore, lieut. de
vaisseau Germinet [1888 ?]) ; Plan du Petit Lehadou ou Lawada, 1890, mer
Rouge). 212 : Trigonometrical Survey... from Jibul Jarne to Sayara, Barker
& Christopher, 1841). 213 : Croquis du mouillage de Tadjoura (le Surcouf,
1866) ; Croquis du port de Jiboutil (le Primauguet, février 1889) ; Baie de
Djibouti (1 : 10 000, Cacqueray, mai 1889) ; Baie de Djiboutil (1 : 20 000,
tiré de la précédente) ; Baie de Djibouti (1 : 10 000, idem) ; Ras Bir-Obock
(1 : 25 000, 1888) ; Obock (Carfort, 1889) ; Plan du mouillage de Djibouti
(l’Etoile, 1893 [on y voit la route d’Ambouli et le decauville] ; Port
d’Obock (1894, d’après les levés effectués par Salmon et Lartigue en 1864
et 1881) ; Vue panoramique de Djibouti (Cotigny, à bord de l’Etoile) ;
Topographie de la ville de Djibouti (1 : 10400, Courtier et officiers de la
Rance, décembre 1907). 214 : A New Chart of the Indian Ocean (Heather,
1799) ; « Djibouti » (1 : 10 000, ministère des Colonies, « J. Paloux 2.1945-
11-1959 d’après les travaux du capitaine Chavat, 1942 »).
Touring Club Italiano, 1936, Carta dell’Africa Orientale Italiana in 37 fogli (1 :
1 000 000), supplément n° 10 (octobre 1936) de la revue Le Vie d’Italia.
Notamment les feuilles Assab, Dessie, Gibuti, Erigavo, L’Harrar.
War Office and Air Ministry, 1960, f. Aiscia, ser. 1404, sheet 789-B (1 : 500 000).
Youssouf Kamal, 1926-51, Monumenta cartographica Africae et Aegypti, Le
Caire, 5 tomes, 16 vol.

451
CARTES*

1. L’Adal au XVIe siècle et l’aire afarophone actuelle (page 455)


2. Territoires Adohyammara et Asahyammara à la fin du XIXe siècle
(page 456)
3. La côte somalie de Djibouti à Bllar (page 457)
4. « Cercle de la mer de Bôri » (page 458)
5. L’Awsa (page 459)
6. Tribus du Kalo (page 460)
7. Site d’Obock (page 461)

* Ces sept cartes dessinées sur mes indications sont dues au talent de
Mme Danielle Castex. Qu’elle trouve ici l’expression de mes
remerciements. Les deux premières figurent dans la première édition
(2004) du dictionnaire. La troisième et la quatrième ont été publiées
dans « Arabic and Cushitic Toponymy : one Coast with two Maps »,
Northeast African Studies, vol. 12, n. 1 : 217-242.
Carte n° 1. L’Adal au XVIe siècle et l’aire afarophone actuelle

455
Carte n° 2. Territoires ‘Adohyammara et ‘Asahyammara
à la fin du XIXe siècle

456
Carte n° 3. La côte somalie de Djibouti à Būllaḥār
Carte n° 4. « Cercle de la mer de Bôri »

458
459
Carte n° 6. Tribus du Kalo
NOTATION

Le terme de notation est proposé au singulier pour marquer le souci


d’une interprétation unique d’un corpus diversifié. On se limitera ici à
présenter les principaux cas rencontrés dans le glossaire et les conventions
adoptées1.
FRANÇAIS
Pour des raisons de lisibilité, on n’a pas systématiquement procédé à
l’élision de l’e muet devant voyelle. Ainsi, on écrit (p. 38) : « abûsa,
pluriel de absuma », non « pluriel d’absuma ».
AFAR
L’afar est une langue accentuelle. L’accent phonologique, à fonction
culminative, est noté par un trait oblique suscrit : báɖa « fils » ; baɖá
« fille » ; et par un accent circonflexe quand la syllabe accentuée comporte
une voyelle longue : bâɖa « partie de la tente où l’on reçoit les invités ». Le
trait horizontal suscrit note la longueur vocalique dans une syllabe non
accentuée : bɖó « pays ». Le signe Ð représente l’implosive rétroflexe /ɖ/
en majuscule : Ðay, en français « la forêt du Day ».
Les verbes sont cités à la forme impérative (2ème pers. sg.) et sont
conventionnellement traduits par l’infinitif en français.
Pour des raisons pratiques, notamment dans les textes, l’orthographe afare
définie par Dimis & Reedo (1976) a été parfois utilisée. Elle se caractérise
par un redoublement du signe vocalique pour noter la longueur vocalique
et l’emploi de x, q et c pour noter respectivement /ɖ/, //2 et //, soit baaxo ;
Qafar « Afár » ; Camad « ámad ». Dans cette orthographe, Ðay est écrit
Xay. La valeur non conventionnelle accordée aux lettres x, q et c,
déroutantes pour un lecteur non familier avec l’afar, a empêché que l’on
étende leur emploi aux entrées du glossaire. Dans nos transcriptions, la
seule modification opérée a été la notation du nom Yayyó (écrit Yyyó dans
l’édition de 2004 d’après nos informations recueillies dans les années
1980). Il semble qu’une évolution se soit produite et que la voyelle longue
(cf. D.M., 2012b : 927), ne soit plus prononcée.

Archaïsmes, arabismes, usage administratif


Les formes citées respectent strictement les variantes locales ou
dialectales. Il n’y a pas là de parti pris archaïsant mais seulement le respect
de particularités phonétiques ou morphologiques historiquement

1. Pour une explication détaillée et une justification de la notation adoptée, on se reportera à


D.M. (1997 : 217-220 ; 1999 : 262-265 ; 2012b).
2. Parfois, et pour des raisons techniques, [‘] remplace [].
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

pertinentes (voir la différence entre Adáli et Adáli). La tendance moderne


à la normalisation des noms (ex. amza au lieu de andá), qui est autant
le fait des milieux bilingues qu’un legs de l’administration coloniale
composée de nombreux arabisants, a été systématiquement discutée. Une
des difficultés rencontrées dans l’établissement de la liste des sultans de
Tadjoura provient de cette habitude des voyageurs d’appeler tout le monde
Mohamed ou Houmed, alors que les formes Maámmad, Maammûd,
úmmad, úmmed, ámmadu, entre autres, sont susceptibles de désigner
des individus différents au sein d’une même famille. Une fois le nom
personnel exact établi, le chercheur est souvent confronté à des cas
d’homonymies, comme, au sein d’une même famille, des enfants de lits
différents. Ainsi en est-il des trois fils de Yâsin Maammdá (v.), tous
appelés Yûsuf.
Ab Bakr « Pacha », que la translittération des sources écrites en
arabe (v. Rubenson) amène à citer sous la forme Ab Bakr b. Ibrhm b.
Šam, est mentionné comme Ôbakar b. Arbâhim b. Šeém, conformément
à l’usage afar3. On a, bien sûr, conservé la forme arabisée quand elle était
revendiquée par la personne elle-même. Un de mes informateurs sahos non
arabophone demande que son nom soit écrit et prononcé Ibrhm, plutôt
qu’Arbâhim. Il en est de même pour les titres où on emploie šay, šek ou
sek conformément aux trois situations sociolinguistiques recensées : celle
d’un connaisseur de la norme (šay) ; celle d’un bilingue parlant l’arabe
dialectal (šek) ; celle d’un Afar monolingue (sek). Le français cheikh, oued
(plutôt que daár), et plus généralement les termes francisés courants,
lorsqu’ils ne prêtent pas à ambiguïté (Issas, Tadjoura, Afar sans la
pharyngale initiale, Aden, Cheikh Saïd, Zeyla, Choa) ont été utilisés
comme une convention générale d’écriture.
On a veillé à toujours distinguer, pour les noms coraniques, forme
arabe (li), forme afare (Slé) et somalie (Sla) ; de même
Muammad coexiste avec la forme orale à vocalisation [a] Maammad,
commune aux langues couchitiques. L’usage administratif, en Ethiopie
comme à Djibouti (v. Raheita, Day), qui peut apparaître aujourd’hui
comme la norme pour des locuteurs citadins qui ont un rapport distant
avec « la brousse », a été mentionné comme tel, à côté de la forme
originelle (Raaytó, Ðay), seule porteuse d’une information étymologique.
L’ordre du complément de nom en afar étant l’inverse de celui en
arabe et en français, ce qui est une source de confusion, on a introduit
l’abréviation b. que l’on lira ibn « fils », s’il s’agit d’un Arabe, ou báɖa
« fils », pour un Afar, permettant de différencier systématiquement nom
individuel et nom du père. Ainsi, on trouvera, dans l’ordre syntaxique du
français, l’article anfaɖé b. Tolá « anfaɖé, fils de Tolá », correspondant,
en afar, à Tolá- anfaɖé (voir ci-après les variations morphologiques).

3. Pour les différents exemples cités ici, se reporter au glossaire.

464
NOTATION

Points de morphologie
Le changement d’accent est fréquent et productif. Il oppose le
masculin au féminin pour les noms sexués : áwka / awká ; nom de lieu
(Wimá) et nom de tribu (Wíma) ; nom de l’ancêtre éponyme (Úlel) et
de la tribu qui en descend (Ulél). Il existe quelques cas où la variation est
perdue : Áwsa (région) ne se différencie plus de Awsá qui a pu être le nom
des originaires de l’oasis. Ulél, également Ulêl, tribu issue de Úlel, montre
une tendance à l’allongement final qui est lexicalisé dans Mafâ. A chaque
fois, un strict respect des formes entendues nous a guidés, espérant
restituer la langue dans sa richesse et sa diversité.
Dans les compléments de nom (ordre déterminant-déterminé), le
connectif est postposé au déterminant. Il existe quelques formations
inverses figées : déterminé-déterminant, souvent à valeur qualificative,
comme Gbaád « blanc (ad) quant aux plaques d’argiles (gba) ». Le
connectif -h est assimilé par la consonne initiale du déterminé : Abá-m
mlá (de *Abá-h mlá /Abá-de gens/) ; précédemment Tolá- anfaɖé.
Le connectif -h se maintient si le déterminé a une voyelle initiale : kedó-h
abbá « chef de tribu ». Quand le nom déterminant est lexicalement à
voyelle finale non accentuée, cette voyelle est de timbre /i/ et accentuée :
Billâdi > Billdí Godá ; ammadí Yyyó « Yyyó b. ámmadu ». Dans les
noms composés, la marque de détermination n’affecte que le second
composant du déterminant : Ali-Gára > Ali-Garí Maámmad
« Maámmad, fils de Ali-Gára ». Quand le déterminant à consonne finale
est lexicalement accentué sur la syllabe pénultième, l’accent frappe la
syllabe finale : aɖal-Mâis > aɖal-Mís ɖayló « les enfants de aɖal-
Mâis ». Les noms employés comme cri de guerre (itró) sont généralement
accentués sur la syllabe finale : anâ Takíl ! « Courage ! Tákil ! ».
La carte de l’I.G.N. (1 : 100 000) de la République de Djibouti ne
tient pas compte, pour des raisons de lisibilité, de la présence du connectif.
On rétablit celui-ci. Ex. Iiytá-b bad « le lac de Iiytá », admin. Lac Iita (v.
Afambó).
Un certain nombre de noms à finale consonantique (v. Tákil,
dardár), en syllabe ouverte, notamment en fonction prédicative, présente
un allongement de la voyelle de la syllabe finale : Tákl-i ; dardâr-a4.
AUTRES LANGUES COUCHITIQUES
Les exemples donnés en bedja et en saho suivent les conventions
adoptées pour l’afar concernant l’accent et la longueur vocalique. En
somali et en oromo, la longueur vocalique est notée [] et l’accent [á].
Dans quelques cas, pour des raisons de lisibilité, on a introduit le
redoublement du signe vocalique.

4. Cf. sur ce point, D.M., 2012b : 9.

465
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

ARABE ET ÉTHIO-SÉMITIQUE
La notation se conforme à celle de Régis Blachère dans ses
Eléments de l’arabe classique (Paris, Maisonneuve et Larose, 1958). La
pharyngale sourde est notée //, son correspondant sonore //, permettant la
comparaison avec les phonèmes similaires en afar. L’emphatique dentale
// est distinguée de l’implosive couchitique /ɖ/. La prépalatale sonore est
notée //. Ex. i. Pour l’amharique et les autres langues éthio-
sémitiques citées, on reprend les conventions du Traité de langue
amharique de Marcel Cohen (Paris, Institut d’ethnologie, 1936), sauf pour
la voyelle du « premier ordre » notée /ä/. Accessoirement, l’éjective //
əyon ne sera pas confondue avec l’emphatique arabe de awbi.
PRINCIPALES ABRÉVIATIONS ET SYMBOLES
admin. administrativement, nom administratif
amh. amharique
ar. arabe
b. « fils » (arabe ibn ; afar báɖa)
c. circa, environ
cf. confer, comparez
chron. chronique
col. colonne
coll. collectif
comm. pers. communication personnelle
d. décédé, date de décès
e. c. Ethiopian calendar (dans le comput éthiopien)
EA Encyclopaedia Aethiopica
égal. également
EI Encyclopédie de l’Islam
env. environ
éth. éthiopien
étym. étymologie
ex. exemple
fém. féminin
h. dans le calendrier hégirien
i. indice
intr. date d’intronisation
l. ligne
litt. littéralement
masc. masculin
n. note (en bas de page)
[ndr] note du rédacteur (D.M.)
néol. néologisme
nord en afar du nord
pers. personne
pl. pluriel
pop. populaire
s. siècle
sg. singulier
singul. singulatif (nom d’unité)
sq. sequantiaque, et pages suivantes
sud en afar du sud
tna tigrigna
v. vers
(v.), V. voir
var. variante
(…) partie de citation non reproduite
[ ] commentaire, ajout à la citation
♀ femme
! marié(e) à

466

(Les chiffres en romain renvoient aux pages de l’ouvrage, ceux
en italique aux pages contenant des mentions complémentaires)


ABAZÊD (cheikh) v. BAYAZĪD ASKAKMÁLI, 74
ABÁM MLÁ, 31 ASSAB v. ASÁB
ABBÂSIYA, 31 AWÁN, 74
ABNÁ, 32, 381 AWLIYÁ, 74
ABRARTÓ, 32 AWRÁ, 75
ABROBBAÐIFF"GÉ, 33, 145 ÁWSA, 75, 395-406, 459
AB% BAKR « PACHA », 33-38, 310 AWSANDÁBBA, 9, 90
ABÛSA, 25, 38, 107 AWSÍ MÁRA, 90
AB%SÁ-MÁRA, 40 AYD"1ISSÓ, 91, 197
ABU ŠAW"RIB, 40 AYDAM"NÍ, 95
ADÂAL, 41 AYFARÁ1, 95
ADÁLI, 41 AYKÚK, 150
ADAËL, 41 AYROLASSÓ, 96, 172
ADAL, 11, 13, 42, 353 AYRÓYTA, 97
ADÁRI, 44 AYSAÍYTA, 97
ADÁLI, 45, 155, 216 AYYÁLU, 98
ADÁLIK GALLA1ADÓ v. GARAYSÁ AZÉNOR, 98
ADÁLI-K SKÁ, 45
ADÁLLOM, 46 ABDALLÂLI, 99
ADDALEGÚB, 46 ABDERRA1MÂN YÛSUF, 99, 380, 386
ADDÔKUM, 46, 295 ABDULKÂDIR ARB"HINTÁ, 100, 257
« AD SALEH », 46 ABLÉ, 101, 228
AÐAYTÁ, 46 ABLISÁ, 102
AFAMBÓ, 47 ADNIYTÓ, 102, 343
AFARÁ, 48 ADOHYAMMÁRA v ASAHYAMMÁRA
AFBÊ1Á, 26, 50, 144 ADÓ L", 103
AFÐRÁB BAD, 51 ADÓ L"HÍ ALÉ, 103
AFFARÁ ÁWDI, 51 ADORÁSU, 103, 189
AFKAÐÐÁ 1ÁSAN, 51 AÐKALTÓ, 105, 200
AFKĪÉ-K MA"DÁ v. BA1RÁ KA"DÁ AFÁR, 16, 105
AFTÁL, 51 AFRA, 109
AGRÁF, 52 AGGÍNNI, 109
A1MED « GRAÑ », 52 "KIL v. MAKÂBAN
AKÁDAR MAK"NÓ, 54 "LÁ, 109
ALALÓ, 54 ALI 1ÚMMAD, 3, 6, 109
ALAYTÓ, 54 ALI « BRÁWLI », 110
AL1ISSÓ, v. AYFARA1 ALIMIRÁ1 1ANFAÐÉ, 110, 424
ALSILWÓ, 54 ALIYTÓ, 111
AMÁNA, 60 Álla, 26
AMASÁ, 61 ALLÔMA, 111
AMASIYTÓ, 61 AMB"DÓ, 112
AMÁYSI, 61 ANGÁRU, 112
AMBABBÓ, 63, 231, 311, 337 ANKATTÁ, 113
« AMFARI », 63 ARABTÁ, 113
AMOLÉ, 4, 63 ARRADDÓ, 113, 266
AMÓYTA, 65, 152 ASÁB, 114
AMPHILLA v. 1AFFALÉ ASABBAKÁRI, 116, 206
ANK"LÁ, 65, 262 ASAHYAMMÁRA, 82, 85, 117, 119, 120,
ANK"LÁ DE ASÁB, 66 138, 152, 163-170, 174, 187, 209, 306,
ANK"LÁ DE BÔRI, 67 456
ANKÁLI, 70 ASÁL, 122
ANTONELLI v. INTINŌLÉ AS1EDÁ, 123
ARBÂHIM 1ANFAÐÉ, 70 ÁYSI v. AMÁYSI
ARB"HINTÓ, 70 ÁYTUR, 123, 331
ARDUKÔBA, 72 ERTÁ ‘ALÉ, 123
ARNOUX, 72 ÍDDI, 123, 141, 324
ARRATÁ, 74 ÎSA, 125
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

ISÓ, 22, 131, 292, 364 DANCALIA, 178


OTBÂN 1ÁMAD, 131, 158 DANKÁLI, 149, 176, 179, 195, 203
UDDÚMMA, 132, 269, 351 DARDÁR, 181
« UNÐÁ » KÂMIL, 132 DARDRÁ, 181
DARDORTÍ, 182
BAÁDU, 133 DARMÁ, 85, 182, 269, 399
BADDÁ, 136, 150 DÁSI, 183
BADDÚL v. BAÁDU DATÁ BUÐÁ, 183
BADOYTÁ-M MLÁ, 136 DATÁ GÚRA, 183
BÂÐA, 137 DAWWÉ, 123, 183
BAÐ1ITTÓ, 123, 137 DEBNÉ, 184
B"ÐÓ, 21, 138 DÊLA, 185
BÁGU, 140 DLATÁ, 186
BA1RÁ ÁWSA, 140, 235 DLÉW"NBAÐÁ, 186
BA1RÁ KA"DÁ, 141 DRÓ, 26, 118, 156, 186
BÁ1RI, 141 D=DÁ-M MLÁ, 187, 304
BALAW, 80, 141, 186 DIKHIL, 187, 229
BALAWTÁ, 143 DIMÍS, 191
BALOSSUWÁ, 5, 143 DINGÂ1I YAKÁMI, 192
BANT%RÓ, 145 DINK"RÁ, 192
BARGÁ, 145 D=R, 192
BARRAASÔLI, 123, 145 DJIBOUTI v. GABÛTI
BARRAL, 145 DBAÁ, 140, 192, 281
BASMÁ, 21, 145 DDÁ, 193
B"TÉ, 146 DÓKA, 194
BAYAZ=D AL-BIS>"M=, 146 DLÁT, 194
BAYÐ=‘Ó, 146, 207 DORTIMLÁ, 194
BAYLÛL, 5, 147, 312 DULMÁ, 194
BAYY"1ILÉ, 138, 151 DÚLUM, 157, 195
BDÁL, 151 DUMRÁ, 196
BERNARD, 151, 378 DÚNA, 196
BIANCHI, 151
BÍÐU, 152, 228 Ð"BUKKÁN, 197
BILÁL b. GIDÁR, 155 ÐÁGAD, v. 197
BILL"DÍ GODÁ, 155 ÐÁLAK BALLÍS, 197
Bîlu, 22-24, 72, 267, 284, 306 ÐARKÁYNA, 198
BOLLÍ BUÐÁ, 156 ÐENKELLÓ, 199
BÔN, 156 ÐER ELWÁ, 199
BR, 157 ÐERMLÁ, 199
BÔRI, 5, 157, 207 « ÐOGORRÉ » UMAR, 199
BR-K WANDÂBA, 158 ÐÓDOM, 199
« BRÍ-K BADDÍ MÁRU », 158, 337, 458 ÐURBÁ, 200
BOSÂLI, 158
BUÐÁ, 159 BÓ, 146, 201
Būllar, 186, 457 EDDERKALTÓ, 201
BUR1ÁNBEY, 37, 159, 314 EGRALÂ, 201, 267
BÛRI, 160 ELLÉ-1 1ÁMMADU, 201
Buyyá (byyo), 126, 143 ERER, 202
ESCLAVAGE, v. NASÍNNA
CHAILLEY, 161
CHEDEVILLE, 161 FAD=1ITTÉ, 203
F"DILTÓ, 149, 203
D"BÁ-B BUÐÁ, 171 FADSĒ, 204
DADÁR, 171 FAÐEKBÉ, 204
DAGENNÓ, 171 FAÐÉ-n-GEYÓ, 205
D"HÍ-M MLÁ, 171 FANTOYTÁ, 206
DAHLAK, 172 FARAÔN, 206
DAHL"LITTÉ, 173 FARKÁB BUÐÁ, 207
DA1RUMÁ, 173, 364 F"TUMÁ ÁRI, 207
DAMBLÁ, 174, 198 FIMÁ, 207
DAMMOHOYTÁ, 152, 158, 174, 225, 255 FÍGU, 209
DAMMOHOYTÁ DE ‘ÍDDI, 176 FÚRSI, 209
DAMMOHOYTÁ DE BÔRI, 177 GABALA, 211

468
INDEX

GABBALTÓ, 211 IBR"H=M ALBAL=L, 259


GABÛTI, 211, 457 IBR"H=M « W"RUFI », 262, 300
GADIDDÓ, 215 IÐ"FÁLU, 157, 204, 262
Gâdu, 26, 366 ILYĀSÓ, 263
GAFRÁ, 217 INAYTÁ, 134, 264, 326
GALLÁ, 217 INDIGĀLÓ, 264
« GALLA », 218, 361 INGĀLÓ, 264, 300
GALLÂMIR, 221 INTILÉ ŠEK ÁRE, 264
GAMÁRRI, 222 INTINLÉ, 265
GAMBÉL, 222 IRONNÁBA, 266
GANNINTÓ, 222 ITRÓ, 266
GAÑ, 222
GARAYSÁ, 201, 223 KABBBÁ, 267
GARBALÉ, 223 KABIRTÓ, 269
GNANIYTÓ, 223, 309 K"LÍB, 270
GIBDSÓ, 224 KALLUWALLÉ, 263, 271, 374
GIDINTÓ, 224 KALÓ, 273, 460
GINNÍLI, 151, 225, 270 KARBÚDDA, 274
GITT=RISSÓ, 228, 291 KARMÁ, 274
GIULIETTI, 228 KEDÓ, 278
GBAÁD, 226, 228, 362 KΑU-K 1ENKÉBBA, 279
GODÁ, 146, 229 KOBORTÓ, 279
GOMBÁR, 230 KNÁ ‘LIH BUÐÁ, 280, 337
« GONDURA1MÁN », 231 KÓR1A, 280
GULFÁ, 231 KORDIB, 280
KÚBAR, 280
HANDGA, 15, 219, 233 KUDÓ, 280
HARÁLLA, 130, 136, 234 KULAYYÁ, 280
HÁRMUS, 237
HARRIS, 237 LAD"= UEM"N, 281
HAWÂKIL, 238 LÁDU, 281
HAWWĒLÓ v. « G"LLA » LIPPMANN, 282
HAYTANKM= BAD, 238 LOOYTÁ ARBÂHIM, 22, 283
LOYADA v. LÁDU
1AB=BBÁ, 239 LUBÁK-KUBÓ, 283
1ADARMÓ, 16, 239 LUCAS, 283
1AÐAL-MÂ1IS, 14-15, 242
1AÐÁ-M MLÁ, 244 MAALALTÁ, 285
1AÐBISÓ-S SÁRRA, 245 MAANÐÍYTA, 285
1AÐMÁLI, 245 MAANTÓ, 286
1AFFALÉ, 245 MAÁRRA, 286
1"ĞĞI ÁLI v. ALI 1ÚMMAD MAÁ-S SÁRRA, 286, 307
1AKÁLA, 245 MABLÚD, 287
1AKÍR, 245 MADÁ, 22, 287
1ÁMADLADÉ, 245 M"DÎMA, 291
1AMMADÍ S=RÁT, 247 MAFÂ, 291, 364
1ANFAÐÉ b. TOLÁ, 247, 380-393 MAFGADÁ, 292
1ANLÉ, 248 MAGÁN, 294
1ARLA v. HARÁLLA MAGÉNTA, 295
1ARKÁ-M MLÁ, 248 MA1ÁMMAD AYDÂ1IS, 295
1ÁRSU, 249 MA1ÁMMAD ÁLI-DAWW"NÓ, 295
1ASBÁ, 249, 280 MA1ÁMMAD ALIGÁRA, 295
1AYÍS, 123, 251 MA1ÁMMAD « DARBÊN », v.
1AYSAM"LÉ, 252 IBR"H=M AB% ZA1ARB%I
1AYSANTÓ, 252 MA1ÁMMAD « ILLÁLTA », 296
1AYYÚ, 252, 461 MA1ÁMMAD YAYYÓ, 297
1ERTÓ, 160, 254, 367 MA1AMMADKANTÓ, 298
1UÐÚMLU, 255 MAKÂBAN, 298
1UMBÚLI, 256 MALASAÏ, 299
1ÚMMAD LO‘OYTÁ, 22, 100, 256, 327, MAL1INÁ MI‘IMBARÁ, 299
378 Malkattό, 9
1ÚMMAD « KAÐÐÁ » LOOYTÁ, 258 M"MULÉ, 300
IBR"H=M AB% ZA1ARB%I, 259

469
DICTIONNAIRE HISTORIQUE AFAR

MANDÁYTU YÛSUF « NAS%LÉ », 264, TÁKIL, 352


300 TALAG, 353
MÁRA, 300 TALTAL, 353
MASKALI v. MUS1Á TAMÍT, 353
MAYRĀÁDI, 9, 295, 300 TELLURISME, 353
MÉHARISTE (peloton), 301 TÊRU, 285, 354, 367
MLÁ, 302 THIÉBEAU v. KABBBÁ
MS"RÁ, 302 T=Ó, 141, 260, 355
MIDÍR, 141, 245, 260, 302 Toqošši, 127, 185
MILICE INDIGÈNE, 302 TRAITÉS signés avec la France, 355
MIRGANTÓ v. ADORÁSU
MISINDÍ, 304 ULÉL, 361
MÍSLI, 304 ULÊL ABÛSA ARBÂ1IM, 361
MDAYTÓ, 85, 91, 305 ULUTÓ, 361
MDAYTÓK MAANÐÍYTA, 306 ULUTÓK M"DÎMA, 362
MODDAÎ, 24, 306, 340 ULUTÓK MDAYTÓ, 362
MOGORRÓS, 307 ULUTÓK SKÁ, 362
MUHTÓ, 307 UMM%NÓ, 362
M%SAÁLLI, 307
MUS1Á, 308 W"AYTÁ, 363
WADDÓ v. BALOSSUWÁ
NASÍNNA, 309 W"DÎMA v. M"DÎMA
NASSÂR, 312 W"GARÉK AM‘ASIYTÓ, 363
NASSARTÓ, 312 WAGÁRI, 363
WANDÂBA, 363
OBOCK v. 1AYYÚ WANÓ, 364
OEHLSCHLAGER, 313 WATN=SÁ, 365
WAYDÁL, 365
RABEYNÁ, 315 WAYDARÁT, 366
RA1AYTÓ, 234, 315 WIMÁ, 369
RAK"KÁY, 320
RÁMRI, 321 YÂSIN MA1AMMDÁ, 171, 371, 387
RAYSÁLI , 324 Y"YYÓ 1ÁMMADU, 373
RDÁNTU, 324 Y"YYÓ MA1ÁMMAD, 374
« RDÓ », 191, 324
ROCHET, D’HÉRICOURT, 325
ROKKIYÁ, 325
ROOD ALI, 326
RUKBÁ-K ÐERMLÁ, 156, 326

S"GÁLLU, 327
SAKÐÁ, 327
SÁMU, 327
SANGERRÁ, 327
SAR=FÁ, 330
OAW"BI, 331
SAWÁL SÁRRA, 331
SAYYID, 331
SECTEURS NOMADES v. MÉHARISTE
SKÁ, 134, 151, 285, 266, 298, 334
SID=1Á BUÐÁ, 335
S=ÐÁ, 188, 335
SIFANI, 335
SIY"RÁ, 335
SOLEILLET, 336
SOMALI, 158, 337
SONGÓG GODÁ, 155, 174, 219, 338
SUBLÁ, 339
SÚGET, 340
SUGÚM, 340

TADJOURA, 341
TADJOURACHOA (piste), 350

470
TABLE DES MATIÈRES

AVANT-PROPOS DE LA SECONDE ÉDITION………………………………. 1


AVANT-PROPOS DE LA PREMIÈRE ÉDITION…………………………………. 2
INTRODUCTION………………………………………………………….. 3
Quels matériaux pour quelle Histoire ? a. Sources et littérature, 4 ;
b. Sources écrites, 6 ; c. Sources orales, 8 ; d. Hiérarchie des sources, 10.
Adal et Adáli, 11 ;
Les « premiers Afars », 14 ;
Essai de périodisation, 19 ;
Recompositions et spécialisations, 21 ;
Solidarités obligées et choisies, 25.
LISTE ALPHABÉTIQUE…………………………………………………… 29
A…………………………………………………………………………….. 31
……………………………………………………………………………… 99
B…………………………………………………………………………….. 133
C…………………………………………………………………………….. 161
D…………………………………………………………………………….. 171
Ð…………………………………………………………………………….. 197
E…………………………………………………………………………….. 201
F…………………………………………………………………………….. 203
G……………………………………………………………………………. 211
H…………………………………………………………………………….. 233
…………………………………………………………………………….. 239
I……………………………………………………………………………… 259
K…………………………………………………………………………….. 267
L……………………………………………………………………………... 281
M……………………………………………………………………………. 285
N…………………………………………………………………………….. 309
O…………………………………………………………………………….. 313
R…………………………………………………………………………….. 315
S……………………………………………………………………………... 327
T…………………………………………………………………………….. 341
U…………………………………………………………………………….. 361
W……………………………………………………………………………. 363
Y…………………………………………………………………………….. 371
ANNEXES………………………………………………………………………. 375
I. Formation du texte historique de style oral, 377 ; II. « Chronique de
l’Awsa (1763-1873) », 395 ; texte arabe, 407. III. Conférence de Gawwâni
(1977), 423 ; texte amharique, 425.
BIBLIOGRAPHIE ET SOURCES……………………………………………….... 435
CARTES………………………………………………………………………… 453
1. L’Adal au XVIe siècle et l’aire afarophone actuelle, 455.
2. Territoires Adohyammara et Asahyammara à la fin du XIXe siècle, 456.
3. La côte somalie de Djibouti à Bllar, 457.
4. « Cercle de la mer de Bôri », 458.
5. L’Awsa, 459.
6. Tribus du Kalo, 460.
7. Site d’Obock, 461.
NOTATION……………………………………………………………………... 463
INDEX…………………………………………………………………………... 467
Le plus souvent sous un nom d’emprunt (Adal pour les
Ethiopiens, Danâkil en arabe), les Afars ne sont connus que par
raccroc. Ils n’apparaissent qu’occasionnellement sous la plume des
chroniqueurs et des géographes. A partir du XIXe siècle, les
voyageurs, les scientifiques européens, les administrateurs coloniaux
français et italiens fournissent des renseignements de qualité très
inégale, le plus souvent de seconde main. L’occultation reste le
régime normal de l’historien.
L’édition de 2004 visait à combler un vide majeur. La présente
édition élargit et approfondit l’inventaire. Elle rectifie nombre
d’idées reçues et apporte des informations inédites dans des
domaines aussi essentiels que la chronologie, la généalogie, les
savoirs traditionnels (calendrier, astronomie, géomancie),
l’onomastique.
En même temps, ce dictionnaire mobilise, pour les comparer aux
témoignages oraux, les sources arabes, éthiopiennes et européennes.
Ce faisant, il établit une hiérarchie des données qui trop souvent fait
défaut. Rendant à l’histoire ce qui est factuel et au roman ce qui est
inventé, ce réexamen conduit à rejeter une bonne part de la littérature
de voyage. Pour autant, les traditions populaires et les légendes ne
sont pas exclues mais, clairement identifiées, elles sont seulement
rappelées quand elles contribuent au débat historique.
Cet ouvrage énonce ainsi sa constitution, ses moyens, sa méthode.
A la fois synthèse critique et livre-source, il a été conçu comme un
outil à l’usage des jeunes chercheurs au plus près du terrain
d’enquête. Il intéresse plus largement les historiens de cette partie du
Continent, en contribuant à mieux situer la place des Afars dans
l’histoire régionale.

Didier Morin est l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés aux langues et


aux cultures de l’Afrique du nord-est. Il a notamment publié (chez Peeters)
Le Ginnili, devin, poète et guerrier afar (1991), Des Paroles douces
comme la soie (1995), Poésie traditionnelle des Afars (1997), Le Texte
légitime (1999) ; (chez Karthala) Dictionnaire afar-français (2012).

Imprimé en France
par Arts’Print Numeric - 24, rue de Vire - 14110 Condé-sur-Noireau
N° d’Imprimeur : 01025 - Dépôt légal : août 2015

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