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La normalisation de l’anticipation du risque environnemental en


droit minier camerounais

Diane TAPIMALI MAFOLIGANG


Doctorante en droit minier - Université Dschang (Cameroun)
Chercheure
Centre Africain de Recherches sur les Politiques Énergétiques et minières
Courriel: [email protected]

RÉSUMÉ

Le risque environnemental est inhérent au développement de l’activité minière ; il doit être maîtrisé pour assurer la
protection des personnes et des biens et pour garantir l’exploitation durable. L’anticipation du risque est encadrée par
les principes de précaution et de prévention dès la conception d’un projet minier. Perçue formellement dans la loi envi-
ronnementale et implicitement dans le code minier, l’anticipation du dommage est une quasi-utopie en droit camerou-
nais parce qu’elle exige une sécurité absolue dans un contexte où l’on recherche encore le minimum vital. Néanmoins,
le législateur organise la prévention environnementale suivant une double logique ; il autorise l’exploitation dont les
impacts environnementaux peuvent être maîtrisés et il interdit l’exploitation lorsque les incidences environnementales
seraient imprévisibles et irréversibles. Malgré cette consécration, les règles de sécurisation de l’environnement physique
et humain sont sans cesse défaillantes. Il faut donc penser à normaliser les bonnes pratiques qui pourraient être adop-
tées dans un pays à faible législation environnementale.

Mots-clés : Normalisation, risque environnemental, anticipation.

ABSTRACT

Environmental risk is inherent in the development of mining activity; it must be controlled to ensure the safety of people
and property and to guarantee sustainable exploitation. The anticipation of risk is framed by the principles of precaution
and prevention from the design of a mining project. Formally perceived in the environmental law and implicitly in the
mining code, the anticipation of damage is a quasi-utopia in Cameroonian law because it requires absolute security in a
context where the minimum subsistence is still sought. Nevertheless, the legislator organizes environmental prevention
according to a double logic; it authorizes exploitation whose environmental impacts can be controlled and it prohibits
exploitation when the environmental effects would be unforeseeable and irreversible. Despite this consecration, the
rules for securing installations and preserving the health and safety of people and the environment are constantly fai-
ling. It is therefore necessary to think about standardizing good practices that could be adopted in a country with weak
environmental legislation.

Keywords: Standardization, environmental risk, anticipation.

78 Revue Pluridisciplinaire Africaine de l’Environnement - N°5 Avril 2022


�NT���UC���N Aussi la responsabilité sociale de l’entreprise désigne-t-

L
elle « l’intégration volontaire des préoccupations sociales
’essence même de l’exploitation minière consistant et écologiques des entreprises à leurs activités commer-
en l’extraction d’une composante intrinsèque d’une ciales et à leurs relations avec les parties prenantes »7.
zone géographique, elle induit nécessairement une Le principe de subsidiarité dégagé de la loi environnemen-
modification permanente de la structure de celle-ci1. Ainsi tale autorise la substitution des règles coutumières aux
donc, le risque environnemental est inhérent au dévelop- lois défaillantes pour la protection de l’environnement8.
pement de l’activité minière ; le risque désigne un événe- Les opérateurs sont donc tenus d’améliorer leur système
ment dommageable dont la survenance est incertaine, de management environnemental lorsque les exigences
quant à sa réalisation ou à la date de cette réalisation2. La nationales sont inférieures à celles qu’ils pratiquent habi-
prise en compte du danger potentiel intrinsèquement lié tuellement. Par ce processus, l’on en arrive à la création de
à l’exploitation environnementale permet d’appréhender normes. C’est en ce sens que la RSE est une source indi-
le risque environnemental qui doit être contenu. Le code recte ou matérielle du droit, par opposition aux sources
minier et les lois environnementales3 constituent l’essen- formelles9. Cette activité créatrice ne peut plus être igno-
tiel des sources formelles d’encadrement juridique de l’an- rée ; les bonnes pratiques sont de plus en plus codifiées
ticipation du risque environnemental au plan national. En dans l’optique d’harmoniser les standards minima de pro-
se basant sur les principes fondamentaux de précaution et tection environnementale. La normalisation ambitionne
de prévention du droit coutumier international, ces textes alors de rechercher et de trouver, dans des conditions éco-
autorisent l’exploitation dont les impacts peuvent être nomiquement acceptables, des réponses effectives aux
maîtrisés et l’interdisent lorsque les incidences environne- problématiques environnementales.
mentales seraient imprévisibles, irréversibles et particuliè- Dès lors, dans quelle mesure peut-on améliorer la préven-
rement graves. tion du risque environnemental en droit minier camerou-
Nonobstant ces orientations, de nombreuses contraintes nais ?
limitent l’effectivité de la législation minière. La faiblesse L’importance d’une telle étude peut doublement se décli-
du dispositif légal, la défaillance dans le contrôle du sec- ner. D’une part, la protection de la nature permet de pré-
teur, la difficulté qu’il y a à établir les responsabilités et à server les écosystèmes, la biodiversité, la qualité de vie et la
appliquer les sanctions correspondantes sont autant de santé de l’Homme ; ceci est d’autant plus vrai que les droits
facteurs favorables au développement d’une exploitation humains essentiels sont irréalisables dans un environne-
anarchique écologiquement irresponsable. L’anticipation ment insalubre et dégradé. Le droit à un environnement
du dommage devient quasi-utopique, puisqu’elle exige sain, africanisé en droit à un environnement satisfaisant
une sécurité absolue dans un contexte où l’on recherche et global10, est indivisible des autres droits de l’homme.
encore le minimum vital4. Dans ce contexte où l’encadre- D’autre part, la défaillance dans l’anticipation des risques
ment formel a démontré ses limites, il faut donc penser à fragilise la sécurisation des investissements miniers et ne
des bonnes pratiques auxquelles les opérateurs marquent garantit pas l’exploitation durable. Les catastrophes envi-
leur adhésion pour compléter la réglementation et en ronnementales peuvent perturber, ralentir ou annuler le
compenser les lacunes5. À la faveur de ce mouvement, la calendrier des travaux, toute chose jouant en défaveur de
responsabilité sociale de l’exploitant minier participe d’une la rentabilité économique des investissements miniers. Il
approche globale de gestion de tous les risques induits de est donc dans l’intérêt de l’exploitant de prendre des me-
son activité ; elle dépasse le cadre des exigences légales sures pour prévenir la survenance d’incidents de nature à
pour s’inscrire dans une logique interne de performance6. engager sa responsabilité11. Pour ce faire, il faut renforcer
1 LAURIOL T., et RAYNAUD E., Le droit pétrolier et minier en les garanties procédurales d’évitement du risque environ-
Afrique, L.G.D.J édition lextenso, Paris 2016, p. 390, n°881. nemental (I) tout en respectant le contenu de l’exploita-
2 CORNU G. (Dir), Vocabulaire Juridique, 13ème éd., PUF, 2020, tion autorisée (II).
p. 923, V. Risque, 1.
3 L’exploitation de la mine solide est régie au Cameroun par la nou- I. LE R�N�OR��M�NT D�S �A��N�I�S
velle Loi n°2016-17 du 14 décembre 2016 portant code minier et la P�O���U��L�S D’É�IT�M�NT �U ����UE
loi n°96/12 du 05 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion �N�I���N�M�N��L
de l’environnement, entres autres.
4 TJOUEN A.-F., « La réception du principe de précaution dans 7 Commission européenne, Promouvoir un cadre européen pour la
le droit camerounais de la responsabilité », Penant n° 893, 2015, responsabilité sociale des entreprises, Livre vert, COM/2001/0366.
p. 515. 8 Article 9 de la loi n°96/12 du 05 août 1996 portant loi-cadre re-
5 BALLANDRAS-ROZET C., « La contractualisation du risque en- lative à la gestion de l’environnement au Cameroun, V. Principe de
vironnemental », CHASSAGNARD-PINET S. et HIEZ D., (Dir.), subsidiarité.
Approche renouvelée de la contractualisation, PUAM, Droit des 9 BARRAUD B., « Les nouveaux défis de la recherche sur les sources
affaires, 2007, p. 114. du droit », Revue de la recherche juridique-Droit prospectif, 2016,
6 AKAM AKAM A., « La responsabilité sociale de l’entreprise : n°164, pp. 4-9.
Entre légalisme et volontarisme », Mélanges en l’honneur du pro- 10 Article 24 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des
fesseur François ANOUKAHA, L’effectivité du droit, De l’aptitude Peuples.
du droit objectif à la satisfaction de l’intérêt particulier, L’Harmat- 11 LAURIOL T., et RAYNAUD E., Le droit pétrolier et minier en
tan, Paris, 2021, p. 104. Afrique, Op. cit., p. 390, n°880.

Revue Pluridisciplinaire Africaine de l’Environnement - N°5 Avril 2022 79


Le principe de prévention est un principe primitif données à l’établissement d’une étude d’impact dans les condi-
du droit de l’environnement ; il est présenté comme tions requises. Aussi est-il surprenant de découvrir des sociétés
celui qui vient au-devant du trouble écologique et d’exploitation n’ayant pas réalisé l’étude d’impact spécifique à
comme tel, il irrigue tous les corpus juridiques en laquelle leur activité serait assujettie, ou encore sans observation
la matière12. Il consiste à empêcher la survenance des termes de référence exigés. Ces études d’impact réalisées à la
d’atteintes à l’environnement par des mesures ap- hâte sont facilitées par l’autoévaluation des dangers de l’activité
propriées pendant toutes les étapes de l’activité par l’exploitant.
minière13. Le renforcement des mesures d’évitement L’autoévaluation des passifs environnementaux par l’exploitant
du risque peut se concevoir avant le lancement de favorise la dissimulation des faibles capacités techniques et fi-
l’activité minière (1.1) et pendant son déroulement nancières des détenteurs des titres dont l’objectif n’est pas tou-
(1.2). jours de parvenir à l’exploitation ; ils projettent quelques fois la
spéculation des titres miniers obtenus. En outre, il a toujours été
1.1. Les garanties procédurales préalables à l’exploi- décrié la faible participation des populations impactées, dont la
tation minière constatation n’a jamais été un obstacle sérieux à la poursuite des
projets miniers18; elle aurait pourtant dû entrainer l’irrecevabilité
Les limites de la réponse aux risques d’une activité du projet d’étude et la mise en œuvre d’une procédure de régu-
par l’indemnisation ont induit un changement d’at- larisation. De cet abus découle nécessairement une sous-évalua-
titude vis-à-vis du risque ; il vaut mieux prévenir les tion des impacts socio-économiques des droits affectés et une
conséquences dommageables d’un danger avant sa compensation insignifiante des droits coutumiers perdus.
réalisation14. À ce titre, l’amélioration des procédures Dès lors, l’on gagnerait à attribuer l’évaluation environnementale
d’évaluation environnementale (a) et du plan de à l’organisme qui devra autoriser le projet, ou à un organisme
gestion environnementale (b) devraient permettre spécialisé dans l’environnement19. Cette solution est nouvelle
d’anticiper les dangers potentiels de l’activité mi- en droit camerounais puisque la société des mines récemment
nière. créée ambitionne de conduire les études relatives à l’exploration
et à l’exploitation des substances minérales en liaison avec les
a. L’amélioration des procédures d’évaluation envi- administrations concernées20. Il nous semble qu’elle devrait par
ronnementale la même occasion prendre des mesures effectives pour assurer
la participation des populations, garantir l’information et l’éduca-
L’étude d’impact environnemental est l’examen tion environnementale quant aux dangers de l’exploitation mi-
systématique en vue de déterminer si un projet nière et au changement de leur cadre de vie21.
serait susceptible de produire ou non un effet dé-
favorable sur l’environnement15. Il existe plusieurs b. Le contrôle a posteriori du projet d’évaluation environnemen-
types d’études d’impact arrimées à la réalité suivant tale
laquelle un risque élevé exige un degré élevé de
prudence. Ainsi, entre l’étude d’impact environne- L’enquête environnementale des administrations compétentes
mental et social, l’évaluation environnementale stra- est une étape qui se déclenche après le dépôt du projet d’étude
tégique et la notice d’impact environnementale16, il d’impact réalisé par le candidat à l’exploitation. Cette enquête est
existe une différence « non de nature mais de degré en principe facilitée par l’approbation préalable des termes de
dans l’approfondissement de l’appréciation de l’im- référence de l’étude. L’instruction environnementale a pour ob-
pact environnemental du projet »17. jectif principal de vérifier les termes de référence de l’étude et les
À l’exclusion de l’exploitation minière artisanale, capacités techniques et financières de l’exploitant avant l’appro-
toutes les autres formes d’exploitation sont subor- bation ou non de l’activité projetée22.
La délivrance du certificat ou de l’attestation de conformité en-
12 NAIM-GESBERT E., « Article 34 de la Constitution- vironnementale marque la fin de l’instruction environnementale
Charte de l’environnement- Principe de prévention… »,
et l’approbation du projet d’étude d’impact soumis à l’adminis-
Obs. sous CE ass., 12 juillet 2013, N°344522, Fédération na-
tionale de la pêche en France, In BILLET Ph. et NAIM-GES-
BERT E. (Dir.), Les grands arrêts du droit de l’environne-
ment, Dalloz, 1ère édition, 2017, p. 41 et ss.
13 NDOUTOUM J.-P. (Dir.), Manuel judiciaire de droit 18 EBANG U. N., L’encadrement juridique de l’exploitation minière au Ca-
de l’environnement en Afrique, Institut de la francophonie meroun, L’Harmattan Cameroun, 2015, p. 168.
pour le développement durable, 2018, p. 8. 19 KAMTO M., Droit de l’environnement en Afrique, Op. cit., p. 97.
14 NDOUTOUM J.-P. (Dir.), Manuel judiciaire de droit de 20 Article 4 al 1 Décret n°2020/749 du 14 décembre 2020 portant création
l’environnement en Afrique, Op. cit., p. 8. de la Société Nationale des Mines.
15 Article 4, Définitions loi-cadre sur l’environnement. 21 Responsible Mining Index Report 2022, Responsible Mining Foun-
16 Article 2 du Décret n°2013/0171/PM du 14 février 2013 dation, Résultats clés, observations et recommandations, Disponible sur
fixant les modalités de réalisation des études d’impact envi- https://2022.responsibleminingindex.org/en, (consulté le 11 avril 2022).
ronnemental et social. 22 MOUSTARDIER A., « Justification des capacités techniques et finan-
17 KAMTO M., Droit de l’environnement en Afrique, cières dans le dossier de demande d’autorisation », Note sous TA Nantes,
EDICEF/AUPELF, 1996, p. 95. 20 septembre 2005, N°054272, Besson : JurisData n°2005-294065, p.423.

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tration23. A contrario, la découverte des insuffisances Cameroun, le Ministère de l’Environnement, de la Protection
pendant l’instruction environnementale devrait faire de la Nature et du Développement Durable a mis sur pied un
obstacle à la délivrance de ladite attestation. Eu égard Guide de bonnes pratiques de gestion environnementale des
aux anomalies précédemment relevées dans les éva- sites d’exploitation minière27. Il institue des mesures de protec-
luations environnementales au Cameroun, il est dif- tion de l’air et de l’atmosphère, des sols et des sous-sols, des
ficile de maitriser le processus par lequel les attesta- ressources en eau et de gestion des déchets.
tions auraient pu être délivrées nonobstant ces vices. Par addition, il doit être aménagé un droit de consultation
spécifique au profit des employés dans la mise en œuvre des
1.2. Les garanties procédurales pendant l’exploitation mesures sécuritaires28. L’employeur doit s’abstenir de prendre
minière des mesures disciplinaires ou de rétorsion à l’encontre d’un tra-
vailleur signalant un risque de sinistre minier. Pareillement, de
La veille environnementale permet d’étudier straté- telles mesures ne sauraient être prises à l’égard du travailleur
giquement le déroulement de l’activité minière pour exerçant un droit de retrait face à une prestation mettant sa
faciliter l’anticipation des dommages éventuels. Elle santé et sa sécurité en péril29. Ce droit de retrait doit suffisam-
est faite sur la base du cahier de charges environne- ment être organisé ; ce faisant, le salarié prendrait l’initiative de
mentales contenant l’ensemble des mesures que le suspendre la prestation de travail et non le contrat de travail ;
nouvel exploitant doit respecter pour la protection de l’employeur ne saurait exiger qu’il reprenne le travail si le dan-
l’environnement. Aussi faut-il s’intéresser au plan de ger persiste30. La persistance de la violation des conditions d’ex-
gestion (a) et aux contrôles environnementaux (b). ploitation commande que l’on s’appesantisse sur les contrôles
environnementaux.
a. Le plan de gestion environnemental
b. Les contrôles environnementaux
À l’exception de l’autorisation d’exploitation artisa-
nale, du permis de recherche et de l’exploitation ar- Les contrôles environnementaux peuvent être effectués à l’ini-
tisanale des carrières à des fins domestiques, l’octroi tiative des administrations compétentes ou de l’exploitant.
des titres miniers est également subordonné à la pro- Dans le premier cas, la loi prescrit l’audit d’environnement et
duction d’une étude des dangers et des risques et à les contrôles environnementaux ordinaires. L’audit environne-
la fourniture d’un plan de gestion environnemental24. mental et social est une évaluation systématique, documentée
Le plan de gestion environnemental intègre toutes et objective des activités d’une entité, d’une structure et des
les mesures prises pendant et à la fin de l’exploitation installations d’un établissement, de leur fonctionnement et de
pour éviter ou minimiser le risque environnemental. leur système de gestion environnementale en vue de s’assurer
La loi se contente de définir les orientations favorables de la protection de l’environnement. Il permet d’apprécier de
à l’exploitation durable ; elle doit être complétée par manière périodique l’impact que tout ou partie de l’entreprise
les outils conventionnels de gestion du secteur et les a, ou est susceptible d’avoir sur l’environnement31; ce contrôle
bonnes pratiques des exploitants miniers. Un plan de environnemental approfondi est imposé par la loi et supporté
vigilance raisonnable devrait intégrer quatre points financièrement par l’exploitant. L’audit, plus important qu’un
: une cartographie des risques identifiés, analysés et simple contrôle environnemental de routine, est un outil d’aide
hiérarchisés, les procédures d’évaluation constante à la décision d’arrêt ou de poursuite de l’activité minière32.
des filiales, fournisseurs/sous-traitants réguliers, des L’opacité dans la réalisation de l’audit environnemental et l’in-
mesures d’atténuation des risques ou d’anticipation complétude du régime juridique correspondant ne permettent
des atteintes graves, un mécanisme d’alerte et de pas de maîtriser les conditions dans lesquelles le certificat de
recueil des signalements liés à l’apparition ou à la conformité environnementale serait délivré à la fin du contrôle.
réalisation des risques25. Les résultats de la mise en
œuvre de ce plan devraient être publiés. À ce propos, 27 Guide de bonnes pratiques de gestion environnementale des sites
d’exploitation minière, MINEPDED Cameroun, Mai 2016, 20 p.
les entreprises devraient s’aligner sur les Objectifs du
28 Lire dans cette optique la Recommandation de l’OIT n°183 sur la sé-
Développement Durable (ODD) et intégrer les critères
curité et la santé dans les mines de 1995.
responsabilité sociale des entreprises (RSE) dans la 29 Article 3 a) iv) et suivants du Protocole de l’OIT de 2002 relatif à la
rémunération des gérants des sociétés minières26. Au convention sur la sécurité et la santé des travailleurs, Entré en vigueur le
23 Lire conjointement les articles 9, 10, 11,12 du Décret n° 09 février 2005.
2013/0171/PM du 14 février 2013 fixant les modalités de ré- 30 MINÉ M. et MARCHAND D., Le grand livre du droit du travail en
alisation des études d’impact environnemental et social et les pratique, 28ème édition, Eyrolles, 2016, p. 365.
articles 3 et ss. de l’Arrêté N°00002/MINEPDED du 08 février 31 Article 2 dans tous ses alinéas du Décret n°2013/0172/PM du 14 fé-
2016 définissant le canevas type des termes de référence et le vrier 2013 fixant les modalités de réalisation de l’audit environnemental
contenu de la Notice d’impact environnemental. et social.
24 Article 135 du nouveau code minier camerounais. 32 SALEY SIDIBE H., « L’analyse du contenu des législations minières
25 QUEINNEC Y. et LONDON A., « Mines responsables, vers africaines en matière de préservation de l’environnement », NGNINTE-
une filière exemplaire ? », RLDA, N° 128, Juillet/Août 2017, DEM J.C. et ONDOUA A. (Dir), Le droit minier africain : regards croi-
p. 30. sés, Éditions de l’Institut Québécois des Affaires Internationales, 2020,
26 Supra., note 21. p. 287.

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Dans le second cas, il faut admettre que peu de so- a. La délimitation spatiotemporelle de l’exploitation
ciétés disposent en interne de l’expertise requise
pour effectuer une surveillance environnementale : L’exploitation minière est limitée dans l’espace et dans le temps ;
il faut avoir recours aux services des consultants et elle ne saurait être pérenne. Au-delà de ces frontières, les condi-
des organisations écologistes33. La mise en œuvre tions d’exploitation sont modifiées et les risques environnemen-
des bonnes pratiques de veille environnementale taux décuplés. La recherche de la sécurité environnementale a
nécessite des moyens financiers et techniques as- justifié l’incrimination des comportements irresponsables obser-
sez importants ; en outre, la volatilité des cours des vés dans ce contexte. Il s’agit essentiellement de la fraude sur le
matières premières peut justifier l’adoption d’une périmètre d’exploitation et du dépassement non autorisé de la
approche à court terme dans l’implémentation des profondeur d’extraction.
mesures de vigilance34. L’entreprise réduit ainsi les D’entrée de jeu, la fraude sur le périmètre d’exploitation consiste
coûts normaux que la mise en œuvre de sa politique en la modification, la destruction ou le déplacement des bornes36.
de prévention aurait sollicités. Elle est difficile à caractériser parce que les exploitants clandestins
La faible fréquence des contrôles environnemen- nombreux dans les localités minières ne possèdent pas souvent
taux ordinaires en raison de la dispersion des sites d’autorisation d’exploitation. La constatation des éléments maté-
d’exploitation et du manque de ressources logis- riel et intentionnel de la fraude sur le périmètre par les agents de
tiques et financières ne permet pas à l’administra- contrôle conduit à l’application des peines prévues par le code
tion d’appliquer strictement les sanctions légales. minier37.
Nonobstant les sanctions administratives, il serait En outre, le périmètre attribué à un exploitant minier n’est pas
possible d’engager la responsabilité pénale et civile seulement limité à la surface mais aussi en profondeur. La limita-
de l’exploitant qui ne respecterait ni les garanties tion de l’exploitation en profondeur obéit entre autres à un souci
procédurales exigées, ni le contenu de l’exploitation de protection de la nappe phréatique. Elle est une couche sou-
autorisée. terraine à faible profondeur, contenant de l’eau et qui alimente
traditionnellement les puits et les sources en eau potable ; il s’agit
�I. LE R��PECT �U C�NT��U DE L’�X- donc des masses d’eau souterraines proches de la surface de la
���I�A���N �U�O��S�E croûte terrestre et exploitables par les Hommes38. La profondeur
maximale d’une exploitation artisanale est fixée à dix mètres39;
Il existe deux catégories de ressources minérales quant aux autres formes d’exploitation, la loi subordonne la ré-
notamment les ressources renouvelables et les res- alisation de tout sondage, ouvrage souterrain, travail de fouille,
sources non renouvelables. Les premières sont des quel qu’en soit l’objet, dont la profondeur dépasse vingt mètres
ressources qui ne sont pas détruites lors de leur uti- à l’approbation préalable de l’administration, sous peine de sanc-
lisation ou qui disposent de la capacité de se renou- tion pénale40. Il ressort que la profondeur d’exploitation pourrait
veler naturellement35, tandis que les mines, appar- aller au-delà de la limite des vingt mètres ; l’on se demande s’il
tenant à la seconde catégorie sont des ressources ne s’agirait pas d’une manière déguisée de consacrer au profit de
épuisables. L’encadrement de l’activité doit prendre l’opérateur un droit exclusif d’exploitation indéfiniment en pro-
en compte ces préoccupations en précisant les fondeur41. Il est à déplorer que l’incrimination du dépassement
seuils d’exploitation autorisés (2.1) et en interdisant de la profondeur d’extraction n’intègre que la limite de vingt
l’exploitation particulièrement dangereuse pour la mètres ; conformément au principe de la légalité des infractions
biodiversité (2.2). et des peines, cette précision fait obstacle à la sanction pénale
des infractions des artisans consistant à dépasser la limite de dix
2.1. Le respect des seuils d’exploitation

L’exploitation minière durable nécessite un contrôle


du rythme d’exploitation dont le dépassement tra-
duit un comportement anormal. L’autorisation d’ex-
36 Article 227 al. 2 de la Loi n°2016-17 du 14 décembre 2016 précitée.
ploiter détermine les seuils d’exploitation dans le 37 L’article 227 al. 2 du nouveau code minier prévoit un emprisonnement
but de maitriser progressivement le développement de cinq à dix ans et une amende de dix millions à cinquante millions de
du secteur et l’impact socio environnemental qui en francs CFA ou l’une de ces deux peines seulement.
découlerait. C’est dans ce contexte qu’interviennent 38 JACQUEMOT P., Le dictionnaire encyclopédique du Développement
la délimitation spatiotemporelle de l’exploitation (a) Durable, Editions sciences humaines, Rantheaume (Auxerre), 2017, p. 459,
et la détermination de la limite de production (b). V. Nappe phréatique.
39 Article 4 du nouveau code minier camerounais, définitions artisanat mi-
33 Conseil international des mines et métaux, Guide de nier et article 78.
bonnes pratiques : exploitation minière et biodiversité, 40 Articles 201 et 218 al. 3 du nouveau code minier camerounais.
ICMM, Londres, 2006, p. 61. 41 Article 20 de la loi n°2006-17 du 17 octobre 2006 portant code minier
34 BRABANT S. & HEURZEAU N., « Les mesures de vigi- et fiscalités minières en République du Bénin : « Le permis de recherche
lance du secteur extractif », RLDA, N° 104, Mai 2015, p. 85. confère, dans les limites de son périmètre et indéfiniment en profondeur,
35 LAURIOL T. et RAYNAUD E., Le droit pétrolier et mi- le droit exclusif de prospection et de recherche de toutes les substances
nier en Afrique, Op.cit., p. 57, N° 71. minières ou de carrière qui en font l’objet ».

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mètres autorisés- sans toutefois atteindre la marge des ment risquée
vingt mètres42.
L’encadrement de l’activité minière ambitionne aussi de sup-
b. La détermination de la limite de production primer les comportements déviants des exploitants suscep-
tibles d’avoir des retombées environnementales démesurées.
La limite de production n’est pas spécifiquement dé- Ainsi donc, l’évaluation environnementale ne suffit pas tou-
terminée dans la législation minière camerounaise ; jours pour garantir l’exploitation des ressources minérales.
jusqu’ici, elle est organisée conventionnellement avec Il existe des minerais et des méthodes d’exploitation dont la
l’exploitant en fonction des réserves minérales estimées. dangerosité établie justifie l’interdiction formelle d’exploi-
Dans le cadre de l’exploitation semi mécanisée, la seule ter ou d’y recourir, sous réserve des exceptions limitative-
occurrence liée au niveau de production intervient ment énumérées par la loi. Ces interdictions ont toutes une
lorsque le législateur détermine le type d’évaluation finalité écologique et commandent de s’abstenir d’exploiter
environnementale à laquelle l’activité serait assujettie lorsque les impacts environnementaux seraient particuliè-
; en effet, l’exploitation semi industrielle de substances rement graves. Pour l’essentiel, il s’agit de l’exploitation dans
minérales et de carrière dont la production journalière les zones interdites (a) et de l’exploitation par des méthodes
serait supérieure à 250 tonnes par jour est soumise à une dangereuses (b).
étude d’impact environnemental sommaire43. Quant à
l’exploitation industrielle, la convention minière de Mba- a. L’exploitation dans les zones interdites
lam peut être assez illustrative ; la maîtrise des volumes
de production passe par la détermination de la capacité Encore appelées zones de protection, les zones d’interdic-
de production initiale et de la capacité d’expansion de tion sont des espaces fragiles limitativement énumérés et
la production permettant d’atteindre le niveau de pro- contrôlés par la loi, qui ne devraient pas subir l’invasion de
duction ciblé qui est de trente-cinq millions de tonnes l’industrie extractive46, sous peine de sanction pénale47. Elles
de minerais de fer par an44. En l’absence de précisions lé- sont établies par le ministre chargé des mines en liaison avec
gales, il revient à l’exploitant de contrôler l’intensité de les administrations concernées. La sensibilité des zones cor-
la production dans les conditions de nature à garantir la respondantes justifie l’adoption des mesures particulières de
sécurité environnementale. protection, différentes de celles habituellement utilisées pour
En pratique, l’on observe une dénaturation du type d’ac- le reste de l’environnement et l’incrimination de la violation
tivité autorisé pour maximiser la production. Il s’agit des prescriptions légales48. Il s’agit des aires protégées au sens
entre autres de l’exploitation artisanale non déclarée des lois forestières et environnementales et des aggloméra-
dans un permis de recherche et de la mutation illégale tions, des lieux d’endémisme, des points d’eau entre autres49.
de l’artisanat en exploitation semi mécanisée, dont les Cependant, la loi admet que, à la faveur de l’évolution des
impacts environnementaux n’ont pas été préalablement objectifs de protection environnementale et de la santé hu-
évalués. Le développement de ce type de fraude a jus- maine50, le classement d’une zone interdite soit réversible. S’il
tifié la suspension de certains permis de recherche en est vrai que la sensibilité écologique d’une zone peut évoluer
Janvier 2021 et l’audit annoncé des permis de recherche avec le temps, au même titre que les connaissances scienti-
actifs, pour l’identification de tous les exploitants artisa- fiques51, il n’en demeure pas moins vrai que le législateur au-
naux non déclarés y opérant avec la complicité du titu- rait dû prévoir les conditions précises de déclassement des
laire du permis45. Qu’en est-il des formes d’exploitation zones protégées. Sans garde-fous efficaces, on peut craindre
particulièrement risquée ? le développement d’un extractivisme toujours plus invasif au
préjudice des populations et de l’environnement52. Ainsi donc,
2.2. L’évitement des formes d’exploitation particulière- le juge de l’excès de pouvoir devrait analyser la réunion des
conditions de classement ou de déclassement d’une zone.
42 MAHOUVE M. (In Mémoriam), « Les infractions en latence
dans le code de justice militaire : Un obstacle à l’effectivité du droit 46 Telle est la substance de l’article 126 du nouveau code minier ca-
pénal », Mélanges en l’honneur du professeur François ANOU- merounais.
KAHA, L’effectivité du droit, De l’aptitude du droit objectif à la sa- 47 Article 221 al. 3 du nouveau code minier.
tisfaction de l’intérêt particulier, L’Harmattan, Paris, 2021, p. 591. 48 Article 221 al 3 et 4 du nouveau code minier camerounais.
43 Article 5 IV F. de l’Arrêté N°00001/MINEPDED du 08 février 49 Article 126 al 2 du nouveau code minier camerounais.
2016 fixant les différentes catégories d’opérations dont la réalisa- 50 Article 22 al 3 de la Loi n°96/12 du 05 août 1996 portant loi-cadre
tion est soumise à une évaluation environnementale stratégique relative à la gestion de l’environnement au Cameroun.
ou à une étude d’impact environnemental et social. 51 PEIGNOT B., HERNANDEZ-ZAKINE C. et FALQUE M., « le
44 Article 2, puis articles 18 et ss. de la convention minière de principe de non-régression saisi par le droit de l’environnement »,
Mbalam, signée entre la République du Cameroun et CAM Droit rural, N° 457, Novembre 2017, Étude 30, p. 2.
IRON S.A., le 29 novembre 2012. 52 BILLET P., « D’or, de nickel et de larmes », Focus sous CNCDH,
45 La suspension ressort d’une décision du 04 janvier 2021 du Avis, 17 octobre 2017 sur le droit à un environnement sain dans les
ministre des Mines, de l’industrie et du développement techno- Outre-mer : la question des activités extractives en Guyane et en Nou-
logique, Gabriel Dodo Ndoke, Lire le Quotidien L’Economie, N° velle-Calédonie : JO 25 nov. 2017, Énergie Environnement-Infrastruc-
02129 du mercredi 10 février 2021, p. 3, Et n°02125 du mercredi tures n°1, Janvier 2018, Alerte 1, p. 396 et ss. disponible sur https://
03 février 2021, p. 3. www.lexis360.fr, consulté le 12/09/2019.

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Cette réversibilité serait une atteinte au principe de les engagements et l’efficacité reste important ; les exploi-
non-régression permettant au droit de l’environnement tants devraient fixer des objectifs et faire part de leurs pro-
de résister aux pressions des lobbies qui s’activent pour en grès. Au final, la RSE n’est pas totalement une responsabilité
rabaisser le niveau réglementaire53. À l’occasion, le Conser- juridique au sens strict du terme. Un système de responsa-
vateur de la Réserve de Faune de Ngoyla dans l’Adamaoua bilité sans sanction, excepté celle du marché équivaudrait
présentait les menaces de l’exploitation minière dans le à « un discours creux à portée publicitaire »57. À la réflexion,
massif forestier dont il a la charge54. la contractualisation des bonnes pratiques leur conférerait
plus d’obligatoriété.
b. L’exploitation par des méthodes dangereuses

Une substance est dite dangereuse lorsqu’elle possède


des propriétés constituant un risque significatif pour
l’homme, l’environnement ou les biens. La qualification de
substance dangereuse peut être limitée à certaines quan-
tités ou certaines concentrations, certains risques ou cer-
taines situations55.
Les exploitants utilisent le mercure et l’arsenic pour opti-
miser les opérations de lavage de minerais extraits et pour
l’affinage de l’or principalement, en dépit des interdictions
légales. Il est encore reproché aux artisans l’utilisation
des techniques qu’ils peuvent difficilement contrôlées
telles que le recours aux explosifs. Une Décision interdit
pourtant formellement l’utilisation des broyeurs et des
substances explosives et détonantes dans les activités mi-
nières artisanales et artisanales peu mécanisées sur toute
l’étendue du territoire56. Au final, seul un contrôle effectif
du secteur pourrait permettre l’incitation au respect de loi
et l’éviction des récalcitrants.

C�N������N

La normalisation de l’anticipation du risque environne-


mental serait de faible portée sans une intégration des
bonnes pratiques garantissant l’exploitation durable. À la
faveur de la RSE, la minimisation des risques guiderait les
choix de l’opérateur s’insérant dans le cadre d’un calcul
économique rationnel ; il s’agit de réaliser un savant com-
promis entre le coût de la prévention et la gravité du pré-
judice écologique d’une part, et d’autre part, son imputa-
tion sur les résultats d’exploitation. Il reste que l’écart entre
53 PRIEUR M., « Le principe de non régression au cœur du droit
de l’environnement », PRIEUR M. et SOZZO G. (Dir.), La non-ré-
gression en droit de l’environnement, Bruylant, Édition 2012, p.
133 et ss.
54 Il s’agit de la question de pollution des écosystèmes, du bra-
connage des espèces fauniques et emblématiques à l’instar du go-
rille, de la destruction des couloirs de migrations des éléphants et
de la dégradation des forêts, lire MOUGOU J., Rapport sur l’Atelier
d’échange sur la politique nationale pour la promotion d’un secteur
minier artisanal et à petite échelle durable au Cameroun (PRO-
MESS), Bertoua du 10 au 12 mai 2017, WWF, FODER, Mai 2017,
p. 17 et ss.
55 Article 2 al 2 de la Convention de Lugano sur la responsabilité
civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’envi-
ronnement du 21 juin 1993.
56 Article 1er de la Décision n°001028/DC/MINMIDT/SG/DM/ 57 AKAM AKAM A., « La responsabilité sociale de l’entreprise :
DAJ/BNCAM/CAPAM du 21 octobre 2016 portant interdiction de Entre légalisme et volontarisme », Mélanges en l’honneur du profes-
l’utilisation des broyeurs et des substances explosives et détonantes seur François ANOUKAHA, L’effectivité du droit, De l’aptitude du
dans les activités minières artisanales et artisanales peu mécani- droit objectif à la satisfaction de l’intérêt particulier, L’Harmattan,
sées. Paris, 2021, p. 104.

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