Dictionnaire Des Hiéroglyphes (IA b22006862)

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DICTIONNAIRE
DES

HIÉROGLYPHES
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Tout exemplaire non revêtu de la signature de l’auteur sera réputé contrefaçon :

le distributeur et le contrefacteur seront poursuivis conformément aux lois sur les

propriétés littéraires. /
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A BORDEAUX, DE L’IMPRIMERIE ET LITHOGRAPHIE DE A. CASTILLON, RUE DU PETIT-CANCER A, 15.


DICTIONNAIRE
DES

HIÉROGLYPHES
PAR

Camille DUTEIL.

Melior omnino magistra veritatis natura est.

Div. Ambrosius, Hexaemer, L. vi.

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PREMIER VOLUME.
i>Q4;

A BORDEAUX,
Chez Charles LAWALLE, Libraire, allées de Tourna, 20.

1839
PRÉFACE.

« Si nous avions un dictionnaire qui nous donnât la sigmfi


Dupuis a dit (1) :

composition de ces êtres


chaque caractère simple qui entre dans
la
« cation de

ne nous serait pas plus difficile d’en ex-


« monstrueux (divinités égyptiennes),
il

de traduire une
« pliquer le sens composé et de les traduire en quelque sorte, que

ou une période d’un orateur à l’aide du dic-


« tirade de vers d’un poète ancien

chaque mot qui entre dans les vers et dans la


« tionnaire qui contient le sens de

Mais n’y a guère lieu d’espérer que nous puissions jamais recom-
« période. il

la Nature et les
poser ce dictionnaire, si ce n’est peut-être en étudiant bien
«
». Cet auteur avait
« propriétés des choses
qui en forment les éléments premiers

du caractère et des qualités des differents


déjà dit (2) : « C’est l’observation suivie

« animaux, des propriétés ou des


formes des plantes, des pierres, et des métaux,

qui leur a servi à écrire


« qui a fourni aux savants égyptiens l’immense dictionnaire

« l’histoire de la Nature et à la graver


dans leurs temples, sur leurs obélisques,

sans
monuments qui ont échappé aux temps et aux barbares
« et sur cette foule de
Nature pour recomposer
pour nous qui n’avons pas assez étudié
la
« aucun fruit

« leur dictionnaire sacré ».

hiéroglyphes est exacte car elle s accorde


L’idée que Dupuis s’était faite des ,

mystérieuse de l’Egypte.
avec l’opinion des anciens, touchant l’écriture

du dictionnaire sacré ; puissent les vrais


J’ose entreprendre la recomposition

Religion universelle, liv. iv, chap. 5.


(1)

(2) Chap. 4.
à ,

vj PRÉFACE.
amis de la science m’aider à lire dans le livre de la Nature que la plupart des sa-
vants négligent aujourd’hui !

Un auteur que j’ai accusé déjà de n’avoir rien compris aux


hiéroglyphes et

de ne pas même avoir eu la connaissance exacte et complète


d’un symbole (1),
M. Chamfollion le jeune, passe généralement dans l’esprit
des érudits pour avoir
trouvé la clef du trésor hiéroglyphique. Si l’on doit juger de l’homme par ses écrits,

personne plus que M. Champollion n’a eu foi dans son système


;
pour moi qui ai

médite cet auteur, j


ai acquis la triste conviction que non-seulement il n’entendait
rien aux hiéroglyphes mais encore que cet archéologue dogmatique
,
savait fort
bien qu’il ne les comprenait pas, et que par conséquent son dernier ouvrage,
sa Grammaire égyptienne sa Carte , a la postérité, n’est qu’une mystification
jetée
au monde savant.

Les dupes littéraires de M. Champollion me pardonneront-elles ma franchise ?


en doute est des fanatiques en archéologie
j ;
il
comme en religion : aussi ai-je pris
mon parti, et le suffrage d’un homme de bon sens suffira pour me consoler de la

critique amère d’une coterie scientifique.

Je ne veux point passer en revue tous


mes prédécesseurs dans la carrière téné-
breuse des hiéroglyphes paix à Kircher, paix aux
:
hommes de bonne foi! mais pour
M. Champollion qui trouve des bucoliques
dans l’hypogée des rois de Thèbes, qui
voit dans une baignoire de la
moyenne pyramide de Memphis un cercueil
contenant
le nom et les qualités d’un certain Imaï qui aurait cumulé les emplois d’orateur
royal de royal pontife et
,
, d’intendant général des bâtiments d’un prétendu
Pharaon Schoufô (2), certes il ne mérite pas de grâce; et dussent
tous les dieux

(1) Traité du Zodiaque de Dendérah, i


re
partie.

(2) Pour ne pas invoquer ici les témoignages d’Hérodote , de Diodore de Sicile , etc. nous citerons
.
Roll.n que tout le monde connaît.
Dans son Histoire des Egyptiens, chap. v,
page 99, cet auteur qui
avait compulse les auteurs anciens dit La loi en Egypte :
( ) assignait à chacun son emploi qui le perpé-
tua, t de pcre en On ne
fils. pomx.it en avoir deux ni changer de
profession. Et je le demande d'ailleurs
les prétendus titres du prétendu Imaï sont-ils compatibles quel
? est le cumulard qui , en France osera,
,
,

rij
PRÉFACE.

hauteur pour le défendre je ne


égyptiens qu’il a créés se dresser de toute leur ,

car pour moi la raison et l’histoire.


reculerai pas ,
j’ai

soutient pas l’examen; je vais le démontrer :

Le système de M. Champollion ne
auteur ne diffère en rien d’essentiel de la
« La langue égyptienne, dit cet (1),

copte ou copktke les mots égyptiens écrits en ca-


« langue vulgairement appelée
:

monuments les plus antiques de Thèbes et en


« ractères hiéroglyphiques sur les

coptes ont une valeur identique et ne diffèrent


« caractères grecs dans les livres

certaines voyelles médiales omises, selon la


o en général que par l’absence de

orientale, dans l’orthographe


primitive ».
« méthode
voilà ce qu’il ne prouve pas, et cepen-
Voilà ce qu’affirme M. Champollion, mais

dant c’est la base de son système.

Saint-Brisson avait avant moi adressé ce


reproche à Fauteur de la
M. Seguier de
lecteurs à la lettre de ce savant helléniste (2)
Grammaire égyptienne. Je renvoie mes
les différentes opinions des érudits du seizième
dans laquelle on trouvera réunies
copte,
du dix-septième siècle qui ne s’avisèrent point de métamorphoser le
et
Pharaons
baragouin, ou pour le moins langue hybride, en langue sacrée des (3).

la liste civile et de procureur général à


cumuler les fonctions d’archevêque de Paris, d’intendant de ,

la cour de cassation?

(1) Grammaire égyptienne. Introduction, page xviii.

Insérée dans le journal l Institut. Janviei 1856.


(2)
langues bâtardes vient du progrès de l'instruction
marne de donner nne haute impor.anee aux
(3) Celle
était savant
savait lire et écrire compter et chiBrer on
publique. Autrefois on était instruit lorsqu'on
, ;

nec plus ultra litté-


lorsqu'on connaissait le la.in, etlomqu’on savait le grec on pouvait se déclarer un
écrier
certain d’entendre tous les savants s .

raire ,

Quoi! Monsieur sait du grec; ah! permettez, de grâce,

Que pour l’amour du grec, Monsieur, on vous embrasse.

grec on ne
monde a la prétention de savoir le latin et le ,

Aujourd’hui que malheureusement tout le

l’hébreu le sanscrit ou
peut pas décemment se poser comme érudit à moins qu’on ne sache le copte ou ,

tombé en discrédit, puisqu’on ne retrouve cette langue


le chinois; mais comme le copte serait bientôt
relever
nous possédons les originaux on s’avisa pour
que dans des traductions d’ouvrages religieux dont
, ,

C’est ainsi que par excès d’amour pour son pays ,

son importance d’en faire la langue des Pharaons.


,
,
4
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PRÉFACE.

Et comment cette langue qu’on parlait encore dans les premiers temps de l’ère

chrétienne aurait-elle pu se conserver intacte ? tant de siècles et tant d’invasions

auraient-ils pu lui laisser jusqu’au pioment de sa mort la fraîcheur et la pureté

quelle avait au temps d’ Abraham et de Sésostris? Il faut, pour admettre un pareil

fait ,
supposer un miracle car l’expérience et l’étude nous démontrent que
, les lan-

gues naissent, grandissent, vieillissent, et meurent comme les hommes : l’Aca-

démie française a proclamé cette vérité : « L’altération du langage, dit-elle (1),

« s’est rencontrée même sans les causes qui hâtent la barbarie et le déclin social.

« Les idiomes cessent de vibrer pour l’imagination et le goût, lorsqu’ils servent

« encore à la civilisation et à la vie ,


ils meurent enfin comme les hommes ,
ils

« meurent avant l’extinction même des races qui les ont parlés L’érudition

« moderne nous atteste que dans une contrée de l’immobile Orient où nulle in-

« vention n’a pénétré ,


où nulle barbarie n’a prévalu ,
une langue parvenue à sa

« perfection s’est déconstruite et altérée d’elle-même par la seule loi de changé-

es ment natutelle à l’esprit humain ».

Ainsi donc les amateurs du système de M. Champollion doivent commencer par

déclarer que les érudits du seizième et du dix-septième siècle, qui connaissaient

le copte tout aussi bien que les savants d’aujourd’hui, n’étaient pas assez avancés

pour apprécier cette langue sublime que nous ont conservée les liturgies ;
qu’Ho-

race (2) et l’Académie française n’entendaient rien en ce qui concerne le langage ,


et

que l’étude et l’expérience doivent se taire devant l’assertion positive de M. Cham-

pollion qui affirme que les hiéroglyphes qu’il traduit au moyen du copte lui ont

démontré que le copte était la langue transmise par les hiéroglyphes.

le brave La Tour d’Auvergne prouva que le bas-breton était la langue des druides et même la langue

primitive et universelle.

(1) Préface du Dictionnaire de l’Académie française. 1855.

(2) Horace a dit dans son art poétique :

Ut silvœ foins pronos mutantur in annos,


Prima cadunt : ita verborum vêtus interit œtas.
«
PRÉFACE. IX

Admettons cependant que le copte soit la langue des Pharaons :


je dis que le

système de M. Champollion ne peut pas nous conduire à la lecture des hiérogly-

phes.

Cet auteur divise l’écriture sacrée en trois classes de caractères bien tranchés (1) :

1° Caractères mimiques ou figuratifs;

2° Caractères tropiques ou symboliques ;

3° Caractères phonétiques ou signes de son.

Les caractères figuratifs sont ceux (2) « qui expriment précisément l’objet dont

« ils présentent à l’œil l’image plus ou moins fidèle et plus ou moins détaillée ;

« ainsi

« signifient soleil, lune, étoile, homme, cheval.

Les caractères tropiques ou symboliques (3) sont un nouvel ordre de signes au-

quel on fut obligé de recourir dans l’impossibilité où l’on était d’exprimer les idées

abstraites par des caractères figuratifs. « (4) On procéda à la création des signes

« tropiques ,
1° par synecdoche en peignant la partie pour le tout ;
mais la plupart

« des signes formés d’après cette méthode ne sont, au fond, que de pures abré-

« viations de caractèrès figuratifs : ainsi une tête de bœuf

« signifiait boeuf ;
une tête d’oie

(1) Grammaire égyptienne ,


page 22.

(2) Logo cit. Tout ce qui se trouve entre guillemets est extrait de la Grammaire égyptienne.
(5) Voyez Grammaire égyptienne, page 25.

(4) Grammaire égyptienne ,


pages 25 et suivantes.
,

PRÉFACE.

« signifiait oie (1) ;


2° en procédant par métonymie, on peignait la cause pour

« l’effet, l’effet pour la cause, ou l’instrument pour l’ouvrage produit. Ainsi on

« exprima le mois par le croissant de la lune,

« les cornes en bas et tel qu’il se montre vers la fin du mois ;


l’action de voir

« par l’image de deux yeux humains;

« le jour par le caractère figuratif du soleil

« qui en est l’auteur et la cause ;


3° en usant de métaphores on peignait un

« objet qui avait quelque similitude réelle ou généralement supposée avec l’objet

« de l’idée à exprimer. Ainsi on notait la sublimité par un épervier.

« à cause du vol élevé de cet oiseau (2) ; un hiérogrammate ou scribe sacré

« par un chacal,

« parce que ce fonctionnaire sacerdotal devait veiller avec sollicitude sur les

« choses sacrées, comme un chien fidèle (3) ;


4° on procédait enfin par éniy-

« mes en employant, pour exprimer une idée, l’image d’un objet physique n’ayant

« que des rapports très-cachés, excessivement éloignés, souvent même de pure

« convention, avec l’objet même de l’idée à noter. D’après cette méthode, fort

(1) Pourvu toutefois que ces abréviations ne représentassent pas, la première, une tête de vache, et

la seconde une tête de canard ou de cygne.

(2) M. Champollion, ou pour mieux dire Horus-Apollon ,


est ici dans le vrai.

(ô) M. Champollion, ou pour mieux dire Horus-Apollon, est ici dans le faux, et la raison qu’il donne

est absurde. Voyez chacal.


,

PRÉFACE. XJ

« vague de sa nature ,
une plume d autruche

« signifiait justice ,
parce que ,
disait-on ,
toutes les plumes de cet oiseau sont

« égales (1) Le serpent uræus,

« quelquefois paré de différentes coiffures symboliques, devint le signe de l’idée

« de déesse en général, d’une déesse mère et nourrice (2),

TT

« d’une déesse ou reine de la région supérieure ,

« ou enfin d’une déesse ou reine de la région inférieure

« suivant le sens particulier de l’insigne qui surmonte la tête du reptile

« Les caractères de la troisième classe, la plus importante puisque les signes

« qui la composent sont d’un usage bien plus fréquent que les deux premiers

« dans les textes hiéroglyphiques de tous les âges, ont reçu la qualification de

« phonétiques parce qu’ils représentent en réalité, non des idées, mais des sons

« ou des prononciations.

« La méthode phonétique procédait par la notation des voix et des articulations

« exprimées isolément au moyen de caractères particuliers et non par la notation

(1) Ceci est pris dans Horus-Apollon ,


liv. 1. Cette prétendue plume d’autruche est une grande plume
d’ibis. Voyez ibis.

(2) Ici M. Champollion laisse agir son imaginative et appuie la valeur énigmatique du premier uræus

coiffé par la traduction d’un prétendu titre de Domitien à Dendérah ,


dont le lecteur ne peut pas appré-

cier la fidélité. Cet auteur n’échafaude son système qu’avec des pétitions de principe.
xij PRÉFACE.

« des syllabes. La série des signes phonétiques constitue un véritable alphabet

« et non un syllabaire.

« Le principe fondamental de la méthode phonétique consista à représenter une

« voix ou une articulation par l’imitation d’un objet physique dont le nom en

« langue égyptienne parlée avait pour initiale la voix ou l’articulation qu’il s’agis-

« sait de noter ». Ainsi un aigle,

en copte <5.£(JU JU. (


ahôm ), sera la lettre hiéroglyphique A;

Un champ ainsi figuré selon M. Champollion,

et qui se nomme en copte KOI (


koi ), peindra l’articulation K;

Une bouche,

appelée pu) (
rô )
en prétendu égyptien, sera l’R de l’écriture sacrée ;
ainsi des

autres.

« Du principe phonétique ainsi posé il résulta la faculté de représenter une

« même voix ou une même articulation par plusieurs caractères différents de

« forme comme de proportion. Ainsi, par exemple, un scribe égyptien, usant de

« cette latitude inhérente à la méthode phonétique, pouvait à son choix représen-

te ter indifféremment :

« L’articulation P (R) par une bouche,

« püJ (rô), par une fleur de grenade,

« pOJULAfl (roman), ou par une larme,


, ,

PREFACE. Xll]

« pülG (rime) ».

Le nombre de ces différents caractères qui servaient à noter une même voix

ou une même articulation, et que M. Champollion appelle homophônes avait été,

dit cet auteur, fixé d’avance et consacré par l’usage; il ne pouvait nullement dé-

pendre du caprice d’un scribe d’en introduire de nouveaux dans le texte, et il est

évident, selon lui, que la plupart de ces homophônes furent adoptés « (1) pour

« faciliter la disposition et l’arrangement régulier des caractères en colonnes ver-

ci. ticales ou en lignes horizontales, selon la forme de l’espace destiné à recevoir

« un texte écrit ou sculpté ».

Tel est le précis du système Champollion extrait de la Grammaire égyptienne.

Examinons d’abord le principe phonétique des Egyptiens selon M. Champollion.

Si cet auteur avait dit :

= Comme les caractères figuratifs et les caractères tropiques étaient insuffisants


lorsqu’il s’agissait de rendre en écriture sacrée les noms de rois, de pays, de vil-

les, etc., les Egyptiens furent obligés d’employer une méthode phonétique, qui

consistait à représenter les différentes syllabes qui entrent dans un nom propre
par des objets physiques dont les noms en langue égyptienne commençaient par

ces mêmes syllabes, et en les plaçant côté à côté ou au-dessous les uns des autres

selon leur ordre, ils parvenaient ainsi à rendre phonétiquement un nom ou une
idée qui n’aurait pu l’être par la méthode ordinaire (2), ayant soin de renfermer

dans un cartouche ces nouveaux hiéroglyphes, afin qu’on ne les confondît pas

avec les autres =.

(1) Grammaire égyptienne, page 29.

(2) Pour bien comprendre ce système supposons qu’il s’agisse d’écrire en hiéroglyphes phonétiques

français le nom de Caton ,


nous pourrions peindre un canon qui ,
d’après ce principe ,
noterait la syl-

labe Ca, et en mettant à côté ou au-dessous un tonneau qui serait l’expression de la syllabe ton, nous

parviendrions ainsi à écrire hiéroglyphiquement le nom propre Caton. Ce même nom pourrait s’écrire

en peignant une cage à côté de laquelle serait une tonnelle. On comprendra facilement que les homo-
phones n’auraient pas besoin ici d’être fixés d’avance ni consacrés par l’usage, ils seraient limités par la

quantité d’objets physiques qui , en français, ont un nom commençant par les syllabes ca et ton.
, , , , ,

xiv PRÉFACE.

Alors, concevant l’alliance naturelle (1) des caractères phonétiques et des ca-

ractères idéographiques, je m’expliquerais leur présence dans un même texte de

l’écriture sacrée. D’ailleurs, la simplicité de ces deux modes d’écriture (2) serait

pour moi un cachet d’antiquité qui pourrait me faire souscrire à un système hié-

roglyphique ainsi présenté (3).

Mais, selon M. Champollion, ce n’est point par la notation des syllabes ,

c’est par la notation des voix et des articulations que procède la méthode

égyptienne.

Les Egyptiens connaissaient donc la méthode alphabétique? car l’idée de retirer

une première lettre des mots qui n’ont pas été formés par une agrégation de lettres

est impraticable comme le dit fort bien M. Seguier de Saint-Rrisson (4). Pourquoi

les Egyptiens auraient-ils donc préféré se servir de leurs hiéroglyphes plutôt que

de leur alphabet? cela s’explique, il est vrai, en admettant que les hiéroglyphes

sont une écriture mystérieuse, inventée par les prêtres, afin de cacher leur doc-

trine qui ne devait être révélée qu’aux initiés, en supposant que ces mêmes prêtres

(1) Ce système justifie effectivement l’emploi des caractères figuratifs et des caractères tropiques; car

(
en nous servant encore d’hiéroglyphes français )
on pourrait rendre phonétiquement l’idée de moulin

par la peinture d’un mouton avec celle d’un lingot d’or ou d’argent. Mais la peinture d’un mouton pou-

vant se confondre avec celle d’un agneau, comme la peinture d’un lingot peut se confondre avec celle

d’une barre, il s’ensuit que la peinture d’un moulin, caractère figuratif de moulin, sera préférable, et

que les caractères phonétiques ne seront employés que lorsqu’il y aura impossibilité de faire autrement,

c’est-à-dire lorsqu’il s’agira d’un nom propre comme celui de Caton.

(2) Le système d’écriture phonétique que nous avons présenté est aussi simple que celui de l’écriture

idéographique. Un homme qui ne saurait pas lire l’écriture alphabétique dès l’instant qu’il sera prévenu

de la convention syllabaire, lira notre écriture phonétique si les figures sont exactement dessinées, tout

aussi bien que le premier érudit du monde.

(3) Je dois prévenir mes lecteurs que cette méthode phonétique n’est point celle des Egyptiens : c’est

la méthode des Chinois. Je ne l’ai présentée que pour faire entrevoir cette vérité : En archéologie un
système peut être ingénieux et simple, et cependant être faux. C’est l’application qui en est la véritable

pierre de touche.

(4) Dans sa lettre à propos de la Grammaire égyptienne ,


insérée dans .le journal l’Institut et dont

j’ai déjà parlé.


, \ ,

PRÉFACE. xv

agissent absolument comme nos diplomates qui, dans leur correspondance, se

servent de chiffres au lieu d’employer les caractères alphabétiques, pour ne pas

hasarder le secret de l’Etat dans les dépêches qu’ils sont obligés de confier à des

mains étrangères.

Mais M. Champollion partage l’opinion du savant Zoëga et pense comme lui (1)

« que cette écriture est celle des monuments publics, connue et pratiquée par la

« partie éclairée de la nation égyptienne ;


qu’elle fut employée à la rédaction ha-

« bituelle des textes relatifs à toutes les matières, objets spéciaux des sciences

« sacrées et profanes », et en outre que cette même écriture est antérieure à

l’écriture alphabétique.

M. Champollion n’est pas conséquent avec lui-même.

Autrefois, pour faciliter la connaissance des lettres et surtout pour en faire re-

tenir le nom (
a, bé, cé, dé, é, ef, etc. ), on peignait au-dessous un âne, un bélier

uu célébrant (
prêtre disant la messe ), le démon (
être fantastique ), une étable

un effrayé (
enfant épouvanté ) ,
etc. Le magister qui enseignait les lettres expli-

quait les figures, et comme le nom de chacune d’elles commençait précisément par

la syllabe qui sert à dénommer la lettre placée au-dessus, un enfant, en voyant

l’image d’un bélier par exemple, se rappelait à l’instant même que le nom de la

lettre qui surmontait cette figure était bé, première syllabe du mot bé-lier. Bientôt

on perdit de vue le véritable motif qui avait engagé les pauvres magisters de nos

pères à placer des figures sous les lettres pour aider la mémoire des enfants ,
on

trouva ridicules ces alphabets gothiques dont les figures n’avaient aucun rapport

les unes avec les autres, et qui d’ailleurs paraissaient fautifs, on s’imagina de les

perfectionner en créant des alphabets où il n’y entrerait que des figures d’animaux

ou d’armes, ou toute autre série symétrique, et en conséquence au-dessous des

lettres a, b, c, etc., on plaça un âne, un bœuf un cheval, ou bien un arc, un

(1) Introduction ,
page xn.
;

xvj PRÉFACE.

bouclier, un casque une figure étant toujours acceptée pourvu que son nom com-

mençât par la lettre sous laquelle elle était placée, et qu’elle entrât dans la série

qu’on avait choisie. Ces alphabets, si en vogue aujourd’hui, ne sont d’aucune uti-

lité pour les enfants, car ils ne peuvent servir à leur rappeler le nom des lettres.

Et cependant les novateurs abécédaires pensent (


sans chercher à se l’expliquer
)

que les alphabets d’animaux ou de guerre doivent aider prodigieusement la mé-

moire des enfants et leur faire retenir d’une manière facile et agréable le nom des

lettres dénommées selon l’ancienne ou la nouvelle méthode (1); ces braves gens ne

doutent nullement que la peinture d’un arc ou d’un cheval ne rappelle d’une ma-

nière ingénieuse l’idée de la voyelle A et de la consonne C.

Ces messieurs sont de petits Champollions.

Mais supposons que le principe phonétique de M. Champollion soit vrai, je

maintiens que la Grammaire égyptienne ne nous fera pas lire les hiéroglyphes.

En effet :

« Comme les caractères phonétiques, considérés dans leur forme matérielle, ne

« sont absolument, ainsi que les caractères figuratifs et les caractères tropiques,

« que des images d’objets physiques plus ou moins développés (2), et d’ailleurs une

« certaine série de caractères sacrés étant susceptibles, en leur qualité d’images

« d’un objet réel, d’être pris dans leur acception figurative, et en d’autres cas, dans

« une acception phonétique; quelques-uns même pouvant être employés tantôt

« comme figuratifs et tantôt comme phonétiques ou symboliques (3) » , le lecteur

candide est en droit de s’attendre qu’une méthode certaine lui sera donnée pour

reconnaître à priori ces différentes classes de caractères dans tous les textes

C’est à quoi M. Champollion n’a pas songé (4).

(1) Expressions de la préface d’un Alphabet que j’ai sous la main.

(2) Grammaire égyptienne, page 27.

(5) Grammaire égyptienne ,


page 58.

(4) M. Champollion ,
il est vrai , a donné un tableau renfermant tous les hiéroglyphes phonétiques dont
, , , , , ,

PRÉFACE. XVlj

Et cependant si Ton jette les yeux sur la dernière ligne de l’inscription de Ro-

sette (1), dans laquelle cet archéologue distingue par la couleur rouge, bleue, et

jaune, les caractères figuratifs, tropiques, et phonétiques , on concevra que leur

position respective n’est pas ce qui a pu les lui faire distinguer, car dans cette

la valeur exprimée en letires coptes est incontestablement reconnue (a) : mais ce tableau contient-il seu-

lement les hiéroglyphes ordinairement employés comme phonétiques ou contient-il aussi des hiéroglyphes

figuratifs et tropiques qui, lorsqu’on les emploie comme phonétiques ont cette prétendue valeur alpha-

bétique incontestablement reconnue? Dans le premier cas je dirai que M. Champollion ,


qui prétend

(
Introduction ,
page xvm) que les caractères phonétiques forment en réalité les trois quarts au moins de

chaque texte hiéroglyphique se trouve en contradiction avec la plupart des textes qui ne contiennent pas

un sixième de caractères hiéroglyphiques appartenants aux deux cent soixante du tableau. Dans le se-

cond cas, le reproche que j’adresse à la Grammaire égyptienne reste mérité; et alors à quoi servent

ces notes (page 58) affectées aux caractères phonétiques et tropiques lorsqu’ils deviennent figuratifs,

et aux caractères figuratifs lorsqu’ils deviennent tropiques ou phonétiques? Avant tout, M. Champollion

aurait dû nous donner un tableau général des hiéroglyphes divisés en caractères ordinairement figuratifs,

tropiques, et phonétiques ; et en outre la valeur alphabétique des caractères figuratifs et tropiques lorsque

extraordinairement ils deviennent phonétiques. Ce vice capital de la Grammaire égyptienne n’a point

échappé à la sagacité de M. Seguier de Saint-Brisson :


Que signifient, m’écrivait ce savant académicien,

ces trois quarts de caractères qui sont phonétiques et ce quart qui ne l’est pas? à quoi les reconnaitr a-t-on?

Sont-ce les mêmes qui sont tantôt phonétiques et tantôt idéologiques , ou bien existe-t-il entre eux une ligne

tracée de séparation? voilà ce que la Grammaire égyptienne devrait nous dire et ce qu’elle ne nous dit pas.

(1) Grammaire égyptienne, page kl.

(a) Ce tableau des caractères hiéroglyphiques, dont la valeur en lettres coptes est incontestablement reconnue au dire

de M. Champollion, pourrait donner matière à bien des discussions. Je ne veux point demander pourquoi le signe figu-

ratif du chacal, qui énigmatiquement (


page 24 )
représente un hiérogrammate peut devenir phonétiquement (page 36)

la notation de la voix i ou de la diphthongue ei et ensuite (page 43) celle de l’articulation s; je ne veux pas chicaner

sur les différentes valeurs d’un même signe phonétique comme articulation, car les défenseurs de M. Champollion pour-
raient à toute force le justifier en alléguant les dialectes coptes qui sont confondus dans l’écriture sacrée à peu prés comme
,les dialectes grecs le sont dans l’Iliade. Je me contenterai ipi de faire observer à mes lecteurs que toutes les fois qu’on
parle du copte comme langue antique de l’Egypte, il s’agit d’une langue qui se divise en trois dialectes, savoir : le

bahuuque ou memphitique le thébaïque ou saïdiqüe, et le bascbmoürique ;


lesquels dialectes, sans s’altérer ni se

confondre, se sont conservés depuis Jacob jusqu’à S. Pacôme. J’adresserai aussi cette petite question aux partisans du

système que je combats : Comment 3H. Champollion est-il parvenu à reconnaître d’une manière incontestable les diffé-

rentes valeurs comme articulations de ces caractères hiéroglyphiques

lorsque lui-même est contenu (page 5) que ce sont des formes géométriques ou plutôt des caractères, images d’objets

peu reconnaissables pour nous qui sommes si étrangers à tant de détails égyptiens, et auxquels il n’ose donner aucun
nom en français?
,

xviij PRÉFACE.

même ligne horizontale on trouve le phonétique sur le tropique, le tropique sur le

figuratif, et vice versâ.

M. Champollion ne craint pourtant pas de dire « (1) qu’un texte hiéroglyphique

« pouvait être lu tout aussi couramment qu’un traité d’algèbre qui offre, comme
« un texte égyptien, un mélange continu de caractères phonétiques et idéogra-

« phiques ».

Comparons :

Dans un traité d’algèbre les mots qui composent la phrase sont séparés ;
dans

un texte hiéroglyphique les caractères se suivent et se superposent sans qu’aucun

espace ne différencie les divers groupes phonétiques qui forment les mots. Dans un

traité d’algèbre les signes dé abréviation et les chiffres ne peuvent jamais être des

lettres; les caractères employés déjà comme figuratifs et comme tropiques dans

un texte sacré peuvent devenir phonétiques dans ce même texte. Les lettres

signes de convention en algèbre pour représenter des quantités connues ou in-

connues, convention qu’on a soin de bien expliquer préalablement, sont toujours

séparées des lettres qui composent les mots de la phrase, et en outre on pousse

l’attention jusqu’à les distinguer en employant un caractère différent, tel que le

majuscule ou l 'italique; dans les hiéroglyphes rien ne distingue les caractères figu-

ratifs et les caractères tropiques des caractères phonétiques avec lesquels ils sont

mêlés. Or n’est-il pas naturel de penser que là où rien n’est distingué, tout est

égal, et qu’en conséquence un texte hiéroglyphique doit être ou tout phonétique

ou tout idéographique?

Il est évident, selon M. Champollion, ’que la plupart des homophones furent in-‘

ventés pour faciliter l’arrangement régulier des caractères en colonnes verticales

ou en lignes horizontales.

Je ne vois rien d’évident dans tout cela que la nécessité d’expliquer comment il

(1) Grammaire égyptienne, page 49.


PRÉFACE. xix

peut se faire que dans un texte hiéroglyphique où l’on ne trouve pas quelquefois

deux caractères qui se ressemblent, il s’en trouve néanmoins les trois quarts de

phonétiques, lesquels doivent correspondre aux trente et un caractères alphabéti-

ques des Coptes. Si ces homophones avaient été inventés pour cet arrangement

prétendu ,
il
y aurait deux espèces de caractères bien tranchés : caractères affectés

aux inscriptions verticales et caractères affectés aux inscriptions horizontales; c’est

bien ce que M. Champollion cherche à insinuer (1), mais malheureusement la

simple inspection des textes sacrés suffit pour le démentir. Cette création dé homo-

phones ne peut donc devoir naissance qu’à l’envie démesurée qu’auraient eue les

Egyptiens de remplir exactement d’hiéroglyphes l’espace destiné à recevoir une

inscription; mais alors était-il besoin d’embrouiller un système graphique? Quoi!

les Sages de l’Egypte n’auraient pas eu l’avisement du dernier peintre-vitrier qui,

pour faire tomber juste une inscription, a soin de proportionner la force des let-

tres à l’espace donné? et d’ailleurs les textes hiéroglyphiques viendraient encore

démentir cette hypothèse, car dans les inscriptions verticales on trouve souvent la

dernière ligne qui ne descend pas jusqu’à la fin de l’espace tracé par l’encadre-

ment (2), et dans les inscriptions horizontales on trouve parfois une ou plusieurs

lignes qui ne sont pas remplies (3).

Ce même amour de la symétrie faisait, toujours selon M. Champollion, qu’aucun

ordre constant n’était gardé dans l’arrangement des caractères phonétiques com-

posant un nom ou les mots d’une phrase. Ainsi, au lieu de placer les caractères

hiéroglyphiques qui composent en copte le nom de Tibère César, les uns à la suite

des autres dans une inscription horizontale, ou les uns sous les autres dans une

inscription verticale, on pouvait, dans l’un et l’autre cas, l’écrire avec les hiéro-

glyphes, à peu près comme si nous l’écrivions ainsi avec nos caractères :

(1) Grammaire égyptienne, page 50.

(2) Voir les Tables hiéroglyphiques du Zodiaque circulaire de Dendérah.

(5) Voir Caylus, Antiquité égyptienne, tome y, planche vu, fîg. v.


XX PRÉFACE.

TIB
È
RE
CA
ÉSr (1)

ou de toute autre manière, cela dépendait du goût ou du caprice d’un scribe qui,

pour bien encadrer les caractères, choisissait d’abord ceux qui lui convenaient

dans la série des homophônes, et ensuite les plaçait dans l’ordre qui lui paraissait

le plus favorable pour le coup d’œil.

N. B. Malgré toutes ces précautions, on ne trouve rien de symétrique dans les

textes sacrés. Il faut avouer que les Egyptiens de M. Champollion étaient bien

maladroits.

Pour moi qui ne vois dans tous ces hiéroglyphes que du figuratif et du tropi-

que, je m’explique les différentes positions des caractères sacrés les uns par rap-

port aux autres, en admettant que les Egyptiens, au moyen de la combinaison de

deux ou de plusieurs caractères, parvenaient à rendre une idée unique qui, pour

être notée, aurait demandé la création d’un nouvel hiéroglyphe. Un exemple va


me faire comprendre.

Cette figure

n’est autre chose que la représentation d’un vase destiné à contenir l’eau sacrée,

l’eau du Nil recueillie pendant le débordement; c’est enfin une espèce de bénitier

qui, étant toujours sensé rempli d’eau, exprime tropiquement l’idée d’EAu, le con-

tenant pour le contenu, par métonymie, comme disent les rhéteurs.

Cette autre figure

est la représentation de l’eau et rend iconographiquement l’idée d’EAu.

(1) Cette manière d’écrire rappelle la fameuse inscription : Ici est le chemin des ânes.
^ ,

PRÉFACE. xxj

Si l’on place ces deux figures l’une sous l’autre dans cet ordre,

ce groupe hiéroglyphique signifiera absence d’eau oy sécheresse ;


car, en figurant

l’eau sous le vase, on indique par là que l’eau, toujours sensée contenue dans ce

même vase ,
s’en est écoulée, et que par conséquent le bénitier est à sec (1).

Mais si on les place dans un ordre opposé,

alors c’est l’eau qui surmonte le vase, qui déborde : ce groupe signifiera inonda-

tion, débordement.

C’est ce qui fait qu’on retrouve si souvent ces deux groupes dans les textes

hiéroglyphiques; car le premier servait à indiquer la rentrée du Nil dans son lit,

comme le second servait à noter le débordement de ce fleuve; et de là, par exten-

sion, le vase devint le symbole du Nil lui-même.

Si l’on place le caractère figuratif de l’eau à côté du vase,

ce n’est plus un groupe; ces deux hiéroglyphes signifient eau et Nil, eau du Nil.

Si l’on place, au contraire, le vase avant le caractère figuratif de l’eau,

\ -yx >
vww\
nous aurons alors Nil et eau, Nil de l’eau, ce qui ne présente aucun sens raison-

nable. Aussi dans les textes sacrés ne trouve-t-on jamais ces deux symboles placés

dans cet ordre; car, pour qu’ils pussent signifier quelque chose, il faudrait tra-

duire le vase par eau, ainsi que le caractère iconographique ce qui ferait alors

eau, eau; eau double. Mais pourquoi employer deux caractères différents lorsqu’il

s’agit d’exprimer une même idée?

re
(1) Voir Traité du Zodiaque de Dendérah, l partie, note 12.
xxij PRÉFACE.

Pour rendre cette idée, eau double, les Egyptiens employaient la peinture de

deux vases placés côté à côté,

ou l’un sous l’autre.

ou bien encore deux caractères iconographiques de l’eau, mais alors toujours pla-

cés l’un sous l’autre.

/WvW
On disait en Egypte que l’eau était double lorsque le Nil était à plein bord.

Si l’on place trois vases l’un sous l’autre,

ou l’un à côté de l’autre.

y-

ces vases signifieront eau, eau, eau (eau triple). On disait en Egypte que l’eau

était triple lorsque le Nil était débordé : ces trois vases signifieront donc débor-

dement, tout aussi bien que le vase seul surmonté du caractère iconographique

de l’eau. Horus-Àpollon nous dit (1) que les Egyptiens notaient l’idée de débor-

dement en peignant trois vases; il pouvait ajouter que cette même idée était sou-

vent rendue aussi par trois ibis, trois crocodiles, ou trois caractères iconographi-

ques de l’eau.

L’ibis étant le symbole de l’eau (2), on pouvait noter l’idée de débordement en

plaçant un ibis sur un vase, au lieu d’y figurer le caractère iconographique de

(1) Liv. 1 , chap. 21.

(2) Voyez IBIS.


PRÉFACE. XXllj

Veau. C’est ainsi que le débordement est indiqué dans le Zodiaque circulaire de

Dendérah par les hiéroglyphes placés devant le premier génie de la Balance (1).

ibis
|

sur > débordement,


vase )

JL. alors.
étoile

Dans ce même Zodiaque le plein bord du Nil se trouve désigné par deux vases

devant le troisième génie de la Vierge. Ici, au lieu de deux vases ronds et vus de

côté, on a représenté le plan de deux vases carrés, dans lesquels on figure ordi-

nairement de l’eau agitée,

mais que la petitesse des hiéroglyphes a fait omettre dans cette circonstance ;

aigle d’Abyssinie (2) eau de l’abîme.

fôl El eau double ou Nil double., plein bord du Nil.

f
est (phonétique) est.

ik étoile alors.

ce qui veut dire :


par Veau de l’abîme le plein bord du Nil est alors ; en d’autres

termes : l’eau du débordement met le Nil à plein bord à cette épogue.

(1) Les hiéroglyphes placés devant les génies du Zodiaque circulaire de Dendérah sont la notation

idéographique des paroles que prononcent ces mêmes génies; c’est ainsi que dans nos vieilles estampes

les paroles que débite un personnage sont écrites dans une flamme qui sort de sa bouche. Quoique le

nombre des génies de ce Zodiaque soit de trente-six ,


ces génies ne sont point des Décans comme on l’a

cru. (Voyez ZODIAQUE).

(2) Dans le Traité du Zodiaque de Dendérah, où j’ai donné déjà la traduction de ces hiéroglyphes,

j’ai pris pour un bihoreau à manteau noir, ardea nycticorax, de Linnée, cet aigle d’Abyssinie. Je m’em-
presse de reconnaître mon erreur et d’expliquer ici pourquoi cet aigle est le symbole de l’abîme. Les
Egyptiens appelaient Abym ou Abys l’eau éternelle, infinie ,
et principe de tout, dans laquelle ils suppo-
saient le monde plongé. (
Voyez SYSTÈME DU MONDE ). Ils plaçaient les sources du Nil (
voyez NIL ) à

la cataracte du sud , c’est-à-dire à l’une des ouvertures du ciel de cristal qui correspondent aux quatre

points cardinaux. Ils s’expliquaient le débordement du Nil au solstice d’été, par l’attention que Dieu

avait de lever tous les ans à cette époque la pèle céleste pour donner issue à l’eau de Y Abym, qui conte-
nait de toute éternité les germes créateurs, lesquels en se déposant sur le sol de l’Egypte fécondaient
,

xxiv PRÉFACE.

Ce que je viens de dire doit faire comprendre que ce n’était point le caprice

des scribes qui groupait les hiéroglyphes, comme le pensait M. Champollion. La

combinaison des caractères idéographiques pour exprimer une idée unique consti-

tue dans les textes égyptiens la grande difficulté pour les comprendre ;
et il m’ar-

rive souvent qu’avec la connaissance exacte et complète des caractères iconogra-

phiques et symboliques qui composent un groupe, je ne peux arriver à soupçonner

même l’idée qu’on a voulu exprimer par leur combinaison.

Et M. Champollion ne voyait là que de l’arbitraire ou de la symétrie !

Si toutes les difficultés que présente le système Champollion pour lire les hiéro-

glyphes se bornaient là, on pourrait encore ne pas trop se récrier; mais « (1)

« comme la plupart des voyelles médiales sont habituellement omises dans les

« portions des textes hiéroglyphiques, formés de signes phonétiques », et qu’en

outre « (2) on avait contracté l’habitude d’omettre souvent les voyelles I et E qui

« terminent une foule de mots de la langue égyptienne, telle qu’elle a été écrite

cette terre sacrée, Piert (voyez Sphinx). Osiris, Apis, et Abym, sont une et. même chose : c’est la

grande mer qui enveloppe le monde; aussi disait-on que le Nil était un écoulement d’Osiris (a).

L ’ aigle d’Abyssinie, oiseau qui s’élève le plus haut dans les airs ,
et qui, pour me servir des expres-

sions poétiques des Egyptiens , effleure de ses ailes étendues le cristal azuré du ciel et boit l’eau pure de

V Abym pour conserver son immortalité (6); l’aigle devint le symbole de Y Abym, d 'Apis (c), et d’Osiris.

L’étymologie de ce nom Aigle ,


décomposé par la langue sacrée, indique la valeur symbolique de l’oi-

seau qui le porte; Aig, eau, l, élevée ou divine (eau du ciel). Les Latins appelaient Y aigle, aquila

racine l
re
,
aqua ,
eau. Diodore de Sicile ( d ) nous apprend que le Nil ,
qui était un écoulement de Y Abym

portait le nom d’ Aigle en Egypte.

(1) Grammaire égyptienne, page 31.

(2) Grammaire égyptienne, page 70.

(a) Plutarque ,
Traité dTsis et d’Osiris.

(b) Inscription du grand aigle au temple d’AiG à Esné. Cette inscription explique le proverbe Aquilœ senectus qu’on

appliquait aux vieillards qui conservaient leur vigueur en buvant beaucoup. Voyez Y Hautontimorumenos de Térence et

la remarque de Mme Dacier, acte ni, scène n.

(c) C’est pour cela que sur les représentations d’Apis les Egyptiens gravaient un aigle. Voyez Caylus, Antiquité

égyptienne, tome 1 er ,
planche xii.

(
d) Liv. 1, chap. 36.
,,,

PRÉFACE. xxv

« par les Coptes (1) », comment saura-t-on précisément quelles seront les voyelles

médiales ou finales qu’il faudra substituer? M. Champollion les substitue selon le

besoin qu’il en a pour trouver un sens quelconque clans les textes hiéroglyphiques

qu’il prétend traduire; il s’appuie par analogie sur la méthode des hébraïsants

modernes qui, ne voyant que des consonnes et des aspirations dans un texte hé-

breu non ponctué, le lisent selon la tradition des Massorettes. Mais est-il bien

certain que les rabbins sachent lire l’hébreu? ne paraît-il pas absurde qu’un texte

ait jamais pu être écrit sans voyelles, et qu’enfin, lorsque certaines voyelles se

trouvent omises, il n’y ait pas eu un motif qui les ait fait omettre, et par suite

une méthode facile et certaine pour les substituer dans la lecture (2)? Abandon-

(1) M. Champollion prétend (Introduction, pageix) que les voyelles médiales ne furent substituées

dans les textes qu’après l’adoption de l’alphabet copte qui remplaça les caractères hiéroglyphiques

lorsque les Egyptiens eurent embrassé le christianisme; alphabet qui, d’ailleurs, n’est autre que l’al-

phabet grec accru de quelques signes. Cependant ,


selon M. Sylvestre de Sacy, dont l’opinion doit peser

dans la balance scientifique ,


il paraîtrait que les Egyptiens auraient eu une écriture purement alpha-

bétique avant l’adoption des caractères coptes; c’est ce qui résulte du travail consciencieux de ce savant

orientaliste sur le texte démotique de la trop célèbre inscription de Rosette ,


laquelle remonte à près

de deux cents ans avant l’ère chrétienne. M. de Sacy, en recherchant les groupes de caractères qui

dans ce texte ,
devaient correspondre à peu près aux noms propres qui se trouvent dans le texte grec

et en comparant les lettres informes de l’écriture vulgaire des Egyptiens avec les lettres hébraïques,

est parvenu à retrouver dans ce texte infernal les noms d'Alexandre, d'Alexandrie, de Ptolémée
d'Arsinoë, et d'Epiphane, le tout sans aucune omission de voyelles médiales. C’est pour n’avoir pas

soupçonné cette absence de voyelles médiales (


voyez Introduction ,
page xv )
que M. de Sacy ,
et,

après lui ,
M. Ackerblad , se sont vus arrêtés dans la lecture du texte intermédiaire de l’inscription

de Rosette. Quant à M. Champollion , avec l’absence des voyelles et beaucoup de ca/actères symbo-

liques, il est parvenu à lire ce texte couramment : on peut voir un échantillon de son savoir-faire,

page oè»7.

(2) Quoique ce ne soit point ici le lieu d’exposer et de justifier la méthode que j’emploie pour la

lecture d’un texte hébreu; comme je donnerai dans les notes de cet ouvrage plusieurs mots hébraïques

dérivés de la langue sacrée ,


afin de justifier les noms onomatopiques et mystiques de certains caractères

hiéroglyphiques, je pense qu’il ne sera pas inutile de faire entrevoir à mes lecteurs le motif qui fit

omettre par les Hébreux certaines voyelles médiales dans les textes, et le moyen que j’emploie pour

les restituer sans avoir recours à l’ imbroglio massorétique. Et d’abord je commencerai par déclarer que

je partage l’opinion des savants qui, depuis Origène jusqu’à l’abbé Barthélemy, ont reconnu des
voyelles dans l’alphabet hébreu ;
je diffère seulement avec eux sur le nombre ,
car je n’en compte que

D
xxvj PRÉFACE.

nant cette difficulté, je demanderai encore pourquoi l’absence des voyelles mé-

diales dans les mêmes mots écrits en caractères phonétiques dans les textes sacrés

cinq :N,i,n,’,y,A,u,E,i,o;et pour cette lettre n que ces mêmes savants prétendent corres-

pondre «à l’e muet, je la considère comme correspondant parfaitement à notre aspirée, h. Maintenant

je vais expliquer comment il se fait que ,


malgré l’emploi des voyelles dans les textes bibliques
,
quan-
tités de voyelles médiales se trouvent omises, mais d’une manière constante ,
dans la plupart des mots.

Je tâcherai ici d’être d’accord avec le bon sens, puisque je n’ai pas le bonheur de l’être avec S. Jé-

rôme (ci).

L’homme est un animal essentiellement orgueilleux ;


l’amour de la célébrité qu’engendre l’orgueil

est donc inné chez lui. Croire que ses idées sont les meilleures, vouloir les faire adopter par tout le

monde, chercher tous les moyens possibles pour les éterniser, c’est une manie qui fut, est, et sera.

Avant l’invention de l’imprimerie, pour que les idées écrites fussent conservées et répandues on les

gravait sur marbre et on les exposait sur la voie publique : car alors la solidité de la matière et l’expo-

sition des écrits remplaçaient la multiplicité des copies ,


et tel qui ,
de nos jours ,
a la fureur de se faire

imprimer aurait eu dans l’antiquité celle de se faire graver sur marbre ;


mais cette gravure était dis-

pendieuse et demandait beaucoup de temps. Aussi les auteurs d’autrefois, quoique bavards, selon toute

probabilité, comme ceux d’aujourd’hui, furent-ils forcés de rendre leurs idées avec le moins de mots

possibles; de là le style concis et par suite sentencieux de l’antiquité (b). D’un autre côté, pour ména-

ger encore la dépense . on abrégea certains mots lorsqu’on présumait que les premières lettres qui en-

traient dans leur composition, ou même les seules initiales, suffisaient pour les rappeler à l’esprit du

lecteur. Ce sont ces abréviations si fréquentes sur les monuments antiques de la Grèce et de l’Italie que

nos antiquaires modernes comprennent facilement ,


mais qui ne laissaient pas d’être parfois énigmatiques

pour les anciens (c)..

Parmi les différents modes d’abréviations il en est un surtout dont on ne tient pas compte, mais qui

doit fixer particulièrement notre attention.

Comme une consonne ne peut être exprimée qu’avec le concours d’une voyelle, on en affecte une à

chaque consonne pour la dénommer, en la plaçant soit avant soit après. Ainsi la lettre D est appelée

dé; celle-ci, F, est appelée ef, etc. Lorsque dans un mot une consonne est précédée ou suivie d’une
*

(a) Ce saint personnage qui reconnaissait des voyelles dans l’alphabet hébreu pensait que l’absence de voyelles médiales

dans certains mots provenait de ce que ces mêmes mots avaient été prononcés différemment selon les temps et les lieux,

et que cette diversité de prononciation était précisément ce qui avait fait adopter la méthode de ne pas écrire les voyelles

douteuses, laissant ainsi à chaque peuple la faculté de les substituer selon l’usage établi chez lui. (Voyez S. Jérôme,

lettre 126 ).

(b) Du temps de Ménandre, cette mode de graver et d'exposer des sentences sur la voie publique et surtout dans les car-

refours des bourgades d’Athènes existait encore; aussi, comme le remarque fort bien M me Dacier, dans sa traduction

de Plaute, le type du campagnard était-il de débiter des proverbes et des sentences à tout propos.

(c) Un antiquaire distingué ,


qui avait eu la complaisance de m’expliquer toutes les abréviations des cippes et des massas

que possède Bordeaux dans une salle ténébreuse où ils sont entassés pêle-mêle, fut arrêté par une inscription française

abrégée que nous trouvâmes sur un monument placé devant la boutique d’un fabricant de tombeaux funèbres.
; ,

PRÉFACE. xxv ij

ne se trouve pas constante comme dans les mêmes mots écrits avec les caractères

hébraïques dans la langue d’Israël? car, selon M. Champollion, tantôt on les voit

voyelle qui lui est affectée ,


on peut supprimer cette voyelle. Pour écrire par exemple , ,
DECEDE comme ,

chaque consonne est suivie précisément de la voyelle qui lui est affectée ,
si l’on voulait écrire ce mot

avec le moins de lettres possibles, on pourrait se borner aux trois consonnes DCD (a). Le mot OCCUPE ne
pourrait s’abréger que de cette manière OCCUP. : Il ne faut pas confondre ces abréviations avec les jeux

de lettres qui rentrent dans le domaine du rébus ,


et qui ferait que le mot occupé pourrait s’écrire OQP.

Les Grecs employaient parfois ce mode d’abréviation. On trouve souvent le nom d’Alexandre écrit

ainsi :

AlsEXîANAM
ALEXANDRS.

Ici la voyelle manquante est un O mais comme


;
c’est précisément la voyelle que les Grecs affectaient

à la consonne P (R) ,
on voit évidemment qu ’Alexandrs est ici pour Alexandros (b).

Ce mode d’abréviation, assez rare chez les Grecs et les Latins, était très-usité chez les Orientaux, et

(
le papyrus étant fort cher) fut employé dans l’écriture courante comme dans celle des monuments.

Exemple : La voyelle N, qui correspond à notre A, était appelée par les Hébreux alef (al, grande ef,

voix), et par les Grecs alpha, nom qui, décomposé par les racines de la langue sacrée, donne la même
signification. Pour écrire le nom de cette voyelle en hébreu on ne se sert que de trois lettres : tfitt (ALF)
et on le prononce comme s’il était écrit ALEF. La voyelle manquante est précisément la voyelle n (E)

affectée par les Hébreux à la consonne s (F); voyelle qu’ils faisaient précéder lorsqu’il s’agissait de dé-

nommer cette lettre, absolument comme nous qui appelons ef la consonne F.

Un autre exemple servira à montrer la différence de mon système avec celui des hébraïsants, qui adop-

tent la tradition rabbinique.

Le mot *]» (CNF) se lit ,


selon les Massorettes ,
Canaph; je le lis Cnef : ce mot signifie une aile d’oiseau.

Ici je suis obligé ,


pour prouver que j’ai raison ,
d’exhumer l’antiquité égyptienne.

Les Egyptiens appelaient le Dieu unique, le seul que reconnaissaient les initiés, d’un nom qui a tra-

versé les siècles : ils l’appelaient le Très-Haut. Dans l’écriture hiéroglyphique ,


l’épervier, oiseau qui

() A\i milieu du pont de Bordeaux, sur les deux terre-pleins des parapets, on trouve écrit en mosaïque les initiale* du
nom de l’ingénieur qui a présidé à sa construction : M. Charles Deschamps. Aussi disait-on en plaisantant : Le pont de
Bordeaux n’est pas solide, car il a déjà cédé au milieu. CD.

() A l’époque où ces abréviations étaient en usage, les lettres doubles n’étaient pas connues. Aussi X2 est-il dans le

mot Alexandros pour E ;


je n’ai trouvé l’omission de la voyelle o dans le nom d’ Alexandros, écrit avec un E ,
que sur

un tableau d ’Herculanum. A l’époque où remonte l’inscription que nous avons citée, l’oméga (œ) n’était pas non plus

usité; ainsi la consonne P (R) était dite j>o, et non pas p», comme dans nos grammaires. De la différence de voyelle

affectée à la consonne R chez les Grecs et chez les Latins, et de la position de ces mêmes voyelles, provient la différence

de la prononciation finale de ce nom chez les deux peuples : Alexandros et Alexander, qu’on écrivait primitivement

Alexanders, la consonne R étant appelée er par les Latins, comme dans nos écoles. Les Celtes, qui l’appelaient re,

prononçaient ce même nom : Alexandre.


; )

xxviij PREFACE.

et tantôt on ne les voit pas; ainsi le nom de Bérénice se trouve écrit dans un

plane au-dessus de tous les autres dans le ciel de l’Egypte ,


devint le symbole de l’élévation, et par suite
de celui qui est élevé par-dessus toute chose ,
du Très-Haut. Exemple (a) :

Un homme accroupi, les mains tendues vers le ciel, est l’image de l’homme qui prie , et se traduit par

homme priant; l’épervier, symbole de l’élévation et par suite du Très-Haut, se traduit par Dieu; un
lièvre, symbole de l’audition (b), se traduit par écoute : ces hiéroglyphes doivent donc se traduire par

Homme priant Dieu éeoute et comme lorsqu’il s’agit de Dieu, qui est la ronté par excellence, écouter
est synonyme d’exaucer, nous traduirons ces hiéroglyphes par

Dieu exauce l’homme qui prie.

Dans l’abréviation des symboles, au lieu de peindre un épervier tout entier pour transmettre hiéro-
glyphiquement l’idée d élévation ou de Dieu, on se contenta de peindre une

aile d’épervier, l’aile éten-
due de cet oiseau étant précisément ce qui lui donne la faculté de s’élever dans les airs. Une aile

d’épervier devint donc dans la suite, comme l’épervier lui-même, le symbole de l’élévation et de Dieu.
En Egypte on rappelait un précepte aux initiés en leur rappelant seulement le nom des objets qui

servaient à le peindre hiéroglyphiquement, et cela pour que les profanes ne pénétrassent pas l’idée vé-

ritable enveloppée dans l’écriture mystérieuse. C’est ainsi que les préceptes de Pythagore, élève des

prêtres égyptiens, ne peuvent être compris que de ceux qui connaissent la valeur des symboles qu’il

rappelle ,
comme Ne : vous asseyez point sur le boisseau, ne plantez pas de palmier, etc. (c). Ainsi , lors-

qu’on disait que les Thébains ne reconnaissaient d’autre dieu que le Cnef (d ,
c’est-à-dire l’aile d’oiseau

ou d' épervier, comme cette aile d’épervier est le symbole du Très-Haut, du Dieu unique ,
c’est comme si

Ton avait dit : Les Thébains ne reconnaissent qu’un seul Dieu, TEtre Suprême. Or Plutarque nous a con-

(«) Ces hiéroglyphes se trouvent gravés sur la plinthe d’un Apis en bronze ayant appartenu à Caylus et font partie

d’une inscription qu’on trouve, Antiquité égyptienne, tome vi, planche iv, fig. 11, dont le sens total est: Homme vic-

time, sa voix juste qui coule vers Dieu s’élève. Homme priant Dieu écoute; en d’autres termes: Le cri de l'innocence

persécutée s’élève vers Dieu, et Dieu exauce sa prière. Ces hiéroglyphes calqués sur la planche de Caylus sont ce que

M. Champollion appelle hiéroglyphes réduits, qui, dans tous leurs détails, se trouvent ainsi rendus en s£ns contraire sur

plusieurs monuments consacrés à Isis.

(b) « Lorsque les Egyptiens veulent rendre l’idée d'ouïe avec leurs caractères hiéroglyphiques, ils peignent un lièvre ».

(
Plutarque, Propos de table, liv. iv, 5 e question ).

(c) Aussi Plutarque dit-il (Traité d’Isis et d’Osiris) que les préceptes de Pythagore sont en tout semblables aux hié-

roglyphes. Voyez Modius.


PRÉFACE. xxix

cartouche (l) Brnice et dans un autre (2) Bernic, le tout avec variation d’homo-

phônes.

Cette omission de voyelles médiales et finales dans la transcription des mots de

la langue parlée au moyen des signes phonétiques dut nécessairement pré-

senter beaucoup d’obscurité et d’incertitude, comme le dit M. Champollion (3),

« puisqu’un très-grand nombre de mots égyptiens, étant formés des mêmes con-
te sonnes disposées dans un ordre semblable, expriment cependant des idées très-

« différentes ».

servé la véritable manière de prononcer le mot tps (


CNF ) ,
qu’il écrit KNEPH. Les astrologues ont

ensuite estropié ce nom sur les abraxas en l’écrivant en caractères grecs KNUPHI (a) ,
parce qu’ils ont

substitué, non pas les voyelles hébraïques affectées aux consonnes j (N) et (F) par les Egyptiens, et

qui sont l’une et l’autre n (E) précédant la consonne (b), mais bien les voyelles affectées par les Grecs

aux consonnes correspondantes N et (p (c).

Tous les savants qui se sont évertués à chercher sous quelle forme les Egyptiens représentaient leur

dieu Cnef ou Knuphi ne se sont jamais avisés de le représenter sous la forme d’une aile d’oiseau. Et ce-

pendant , s’ils avaient fait attention que sur les abraxas où sont représentées une ou trois ailes unies on

trouve presque toujours sur le revers le nom de Knuphi écrit en grec, ils auraient pu arriver par là au
véritable symbole du grand dieu des initiés. Ainsi s’évanouit la fameuse étymologie de Koclier, qui fait

dériver le nom de Cneph ou Cnuphis du copte flQïqj (noufi) (bon), auquel il joint le X article (cl) :

étymologie que M. Champollion ,


qui base son système sur le copte ,
et qui représente le dieu Knouphi
sous la forme d’un homme à tête de bélier, a dû nécessairement s’empresser d’adopter; car le mot
copte 'je/rg (tenh) ,
qui signifie aile d’oiseau , ne pouvait pas l’amener à reconnaître le symbole du Cnef
des Thébains.

(1) Grammaire égyptienne, page 143.

(2) Grammaire égyptienne, page 144.

(5) Grammaire égyptienne, page 70.

(a) KNOY4>L
(b) Cnef se prononce absolument comme s’il était écrit KENÉF ou QÜENÉF. Je n’ai pas substitué la première voyelle

parce que je voulais me trouver d’accord lettre pour lettre avec Plutarque, et en outre, comme je fais correspondre la

lettre hébraïque 3 à notre consonne c, j’aurais craint que mes lecteurs ne prononçassent cenéf, comme s’il avait été écrit

senéf.

(c) La consonne N s’appelle vu ou va en grec (nu). IJ ne faut pas croire que « soit une diphthongue, écrite ainsi par
abréviation pour ou; c’est une lettre antique correspondant parfaitement à notre voyelle u, prononcée, il est vrai, ou,
comme chez les Italiens. C’est ce qu’attestent les inscriptions de Lacédémone ;
et pour la consonne elle s’appelle <?i (phi).

Primitivement on l’appelait <?«. (pha).

(d) De elymol. nominum Cnuphis aliorumque, apud Miscellan. observât, nov. T. u, pag. 70.
XXX PRÉFACE.

Pour obvier à cet inconvénient on eut recours à deux moyens :

« (1) Le premier semble avoir été d’affecter tel caractère de son, plutôt que ses

« autres homophônes, à la notation spéciale de tous les mots qui, dérivant d’une

« même racine, se rapportent à une même idée primitive »

« Mais on atteignit bien mieux ce but en traçant, à la suite du mot écrit en

« signes phonétiques, un caractère additionnel qui déterminerait à la fois l’accep-

« tion du mot et sa prononciation elle-même, en indiquant ainsi, d’une manière

« indirecte, les voyelles à suppléer dans la lecture du mot ».

Jusqu’ici on croyait en être quitte avec le phonétique, le tropique, et le figura-

tif; mais voici une quatrième classe de caractères qui vient encore compliquer le

système déjà si obscur des Egyptiens. Je ne parlerai pas du premier moyen em-
ployé pour fixer l’esprit du lecteur sur la valeur des mots devenus amphibologiques

par l’absence des voyelles médiales et finales, moyen dont l’existence n’est qu’une

probabilité pour M. Champollion lui-même; je ne m’attacherai qu’à démontrer

l’inutilité, pour ne rien dire de plus, des nouveaux caractères que l’auteur appelle

caractères déterminatifs. Et pour cela on n’a qu’à s’adresser cette question : Pour-

quoi les Egyptiens qui avaient une multitude de caractères notant les voix omet-

taient-ils parfois les voyelles dans leur écriture phonétique? évidemment c’était

pour abréger cette même écriture ou pour arranger leur texte d’une manière sy-

métrique. Mais lorsqu’un mot écrit avec les consonnes seulement pouvait présenter

plusieurs sens dans la langue parlée, pourquoi les Egyptiens n’employèrent-ils

pas les voyelles qui auraient positivement fixé le sens du mot, plutôt que d’inventer

une quatrième classe de caractères, qui devait nécessairement se confondre avec

le tropique et le figuratif? Et d’ailleurs un déterminatif soit de genre soit d’espèce

remplissait-il parfaitement le but que se proposaient les Egyptiens? car de deux

choses l’une : ou ce caractère était exactement rendu ou il ne l’était pas. Dans la

(i) Grammaire égyptienne, page 71.


PRÉFACE. •
xx \j

première hypothèse, comme ce caractère suffisait pour rendre figurativement et

d’une manière très-claire ce qui était exprimé d’une manière obscure avec les

caractères phonétiques, à quoi servaient donc alors les caractères phonétiques?

Dans la seconde on manquait le but pour lequel on avait inventé les caractères

déterminatifs. Quoique dans l’hébreu les voyelles médiales se trouvent souvent

omises, rien n’indique qu’on se soit jamais avisé d’employer des mterminatifs pour

en faciliter la lecture : les Massorettes ont tout bonnement mis des points-voyelles

toutes les fois qu’ils ont cru devoir fixer la prononciation d’un mot à leur

manière.

En jetant les yeux sur les séries de mots hiéroglyphiques déterminés ,


accom-

pagnés de leur transcription en lettres coptes ,


avec le mot copte correspondant et

leur signification en français (1), on s’aperçoit en outre que M. Champollion

n’est pas conséquent avec lui-même ;


car on trouve que les mots hiéroglyphiques

déterminés, qui expriment phonétiquement les noms de vache, de cheveux, d’aspic,

de balance, etc., sont écrits sans absence de voyelles médiales ou finales :


pour-

quoi donc des déterminatifs dans cette circonstance ? ce ne peut être que pour le

remplissage.

Ce qu’on trouve de plus curieux dans tout le système, ce sont les noms pho-

nétiques abrégés (2). Dans ces abréviations non-seulement les voyelles manquent,

mais encore la plupart des consonnes sont omises; quelquefois même une seule

voyelle ou une seule consonne suffit pour rendre un nom qui, sans abréviation,

aurait nécessité, pour être transcrit, une certaine quantité de caractères phonéti-

ques, même en omettant les voyelles médiales et finales; et cependant dans cette

circonstance on ne se sert pas de déterminatif pour en faciliter la lecture. M. Cham-

pollion donne un tableau de ces abrévations « qu’on rencontre le plus habituelle-

« ment dans les textes égyptiens des divers âges » ;


tableau qui est bien loin d’être

(1) Grammaire égyptienne, pages 72 et suivantes.

(2) Grammaire égyptienne, page 64.


xxxij PRÉFACE.

complet, et que personne, selon toute apparence, n’essaiera de compléter. Les


« (1)

« abréviations qui existent en grande abondance dans les textes de toutes les épo-

« ques », ont été d’une immense ressource pour M. Champollion, toutes les fois

qu’il s’est mis en tête de traduire les hiéroglyphes.

Maintenant, pour avoir une idée exacte du système complet de M. Champol-

lion, qu’on essaie, comme M. Arago (2), de composer les hiéroglyphes de la langue

française en suivant le système prétendu des Egyptiens que pour chacune des
;

vingt-cinq lettres de notre alphabet on choisisse seulement dix homophones, total

deux cent cinquante ;


que certains homophones puissent devenir symboliques ou

figuratifs, comme serait, par exemple, la balance, qui noterait phonétiquement l’ar-

ticulation B, exprimerait tropiquement l’idée d v justice, et rendrait figurativement

l’idée de balance, au moyen d’un signe quelconque placé au-dessus ou au-dessous ;

qu’on adopte une minime quantité de caractères symboliques, cinquante si l’on

veut, comme serait un taureau pour peindre la force, un âne pour peindre X entê-

tement ; lesquels caractères symboliques pourraient néanmoins devenir phonéti-

ques au moyen de l’adjonction d’un signe convenu, et noter par conséquent,

le premier, l’articulation T, et le second, la voix A; enfin, qu’il soit permis de

noter figurativement toute idée d’un objet qui peut être rendu par la peinture

lidèle de ce même objet : deux hommes qui se seraient bien entendus à cet

égard et qui auraient étudié pendant dix ans leurs conventions, lors même que
dans leur écriture ils sépareraient toujours le tropique, le figuratif, et le phoné-

tique, s’ils avisaient de vouloir correspondre entre eux avec cette même écriture,

je prétends qu’ils ne parviendraient jamais à se lire couramment. Mais si l’on con-

vient qu’il sera permis d’omettre ou de ne pas omettre tout ou partie des voyelles

médiales ou finales, si l’on ajoute, pour éclaircir cette manière d’écrire, des ca-

ractères déterminatifs qu’on pourra mettre ou omettre à volonté, si l’on écrit les

(1) Grammaire égyptienne, page 65.

(2) Annuaire du bureau des longitudes, 1856, page 3'i7.


,

PRÉFACE. xxxiij

mots rendus avec ces hiéroglyphes phonétiques tantôt en plaçant les mêmes hiéro-

glyphes à côté les uns des autres, tantôt au-dessous les uns des autres, et le plus

souvent partie à côté et partie au-dessous dans un même mot, si les groupes de

caractères phonétiques qui composent les mots ne sont point séparés les uns des

autres ni des caractères figuratifs et tropiques ,


si enfin on convient d’une centaine

d’abréviations seulement :
quoique ici les bases de cette écriture soient bien

établies, tandis que M. Champollion, dans sa Grammaire égyptienne, ne nous

donne que des aperçus, je maintiens qu’il n’existe pas d’homme dont la tête soit

assez forte pour pouvoir se servir d’une pareille écriture ;


d’où je conclus que le

système de M. Champollion est absurde, et par conséquent qu’il ne peut jamais

avoir existé.

Quand on part d’un principe faux on arrive à des conséquences absurdes.

M. Champollion ,
se voyant arrêté dès les premiers pas lorsqu’il voulut appliquer

son système à la lecture des hiéroglyphes, fut obligé d’abord de lui donner de

l’extension pour y faire entrer les premières difficultés ;


puis de nouvelles diffi-

cultés se présentant en foule, il se vit nécessairement forcé, pour ne pas reculer,

de lui donner une élasticité telle qu’on peut avec ce système faire dire aux hiéro-

glyphes, à peu près comme au son des cloches, tout ce qui vient dans l’imagina-

tion. M. Champollion a fait comme Ptolémée : cet astronome ne pouvant avec son

système se rendre compte du mouvement scandaleux des planètes, au lieu de l’a-

bandonner, il lui adjoignit les épicycles qu’il combina, entassa, multiplia, entre-

croisa, pour expliquer les différentes marches des astres retardataires; et il finit

enfin par faire de ce même système un véritable chaos qui justifie la plaisanterie

d’Alphonse (1).

(1) Alphonse, roi de Castille ,


disait, pour critiquer le système de Ptolémée qu’il feignait de regarder
comme vrai : Pourquoi Dieu ne m'a-t-il pas consulté lorsqu'il créa le monde? j’aurais pu lui donner de
bons conseils. C’est une plaisanterie et non une impiété, comme l’a très-bien vu M. Moustey dans son

excellente Géographie astronomique re


l partie, page 211.

E
,

xxxiv PRÉFACE.

Mais enfin je veux tout ce qu’on voudra :


je veux que le copte soit la langue

perpétuelle des Pharaons, et que le système de M. Champollion soit praticable

vrai, exact, et complet; cependant je maintiens encore que M. Champollion ne

lisait pas les hiéroglyphes, et que par conséquent il ne peut pas nous les faire lire.

Un exemple suffira pour démontrer ce que j’avance.

M. Champollion nous donne ,


dans le tableau des hiéroglyphes phonétiques

dont la valeur exprimée en lettres coptes est incontestablement reconnue ,


cette

figure (1)

6
comme notant l’articulation P (R) (2), et cela parce qu’elle est la représentation

d’une larme qui se dit en copte piUG. Je ne conteste pas que cette figure n’ait

beaucoup de rapport avec les larmes argentées qu’on place sur les catafalques et

sur les draps mortuaires, mais était-ce bien une larme que les Egyptiens voulaient

représenter par cette image ? A la page 1


1
je trouve un vase surmonté de cette

larme prétendue :

M. Champollion, qui ne s’est point avisé d’en faire un lacrymatoire, nous dit que

c’était un vase en terre cuite « dont la destination fut de contenir des matières so-

« lides, telles que des pains, des viandes, des fruits, etc. ». Notre première figure

n’est donc plus ici une larme, qui n’est pas une matière solide, c’est alors un pain,

un fruit ,
ou un morceau de viande. Page 53 nous trouvons une figure

(1) Voyez Grammaire égyptienne, page 4t.

(2) Cette figure est aussi la notation de


l’articulation L, attendu que, selon notre auteur, page 52,

a ces deux consonnes liquides s’échangent d’habitude l’une pour 1 autre », et qu en hiéroglyphes on

peut écrire le nom d’Alexandre ,


Alexandros ou Arexandros , sans inconvénient.
PRÉFACE. xxxv

que M. Champollion appelle un encensoir (1), et dans laquelle se trouve une larme,

ou un pain, ou un fruit, ou un morceau de viande, c’est absurde; cette figure ne

peut être ici que la représentation de la fumée. Or, puisque « (2) le principe fon-

ce damental de la méthode phonétique des Egyptiens consista à représenter une

« voix ou une articulation par l’imitation d’un objet physique dont le nom en lan-

ce gue égyptienne parlée avait pour initiale la voix ou l’articulation qu’il s’agissait

ce de noter », on conçoit que M. Champollion ne pouvait pas assigner à cette pré-

tendue larme une valeur incontestable comme lettre, puisqu’il ne savait pas au

juste ce quelle représentait. Je ferai en outre remarquer à mes lecteurs que la

figure dont il s’agit, soit qu’on la représente isolée, ou surmontant un vase, ou

placée sur le fourneau d’un encensoir, est toujours peinte en jaune dans les textes

coloriés (3). Ce que je viens de dire ici pour l’hiéroglyphe qui noterait l’articula-

tion P (R) dans l’écriture primitive des Egyptiens je pourrais le dire de presque

toutes les figures qui entrent dans le tableau dont nous a gratifiés M. Champollion ;

donc, la classe des hiéroglyphes les plus importants pour la lecture des textes sa-
i

crés lui étant totalement inconnue, il s’ensuit que M. Champollion ne pouvait pas

les lire. MM. les Professeurs de collèges, qui pour la plupart enseignent ce qu’ils

ne savent pas, pourraient bien m’objecter que ce n’est pas un motif pour que

M. Champollion ne puisse pas nous enseigner à les lire : à cet égard je m’en ré-

fère complètement au génie de ces Messieurs pour lesquels je professe la plus

haute admiration.

Enfin admettons, pour en finir, que la valeur comme lettre des hiéroglyphes

phonétiques qui composent le tableau de la Grammaire égyptienne soit incontes-

tablement reconnue, ainsi que la vérité du système, j’en reviens toujours à mon

(1) C’est une lampe de Phtha.

(2) Grammaire égyptienne ,


page 28.
(o) Cette figure est la représentation d’une flamme et peint iconographiquement l’idée de feu. Voyez

Modius.
xxxvj PRÉFACE.

dire : M. Champollion ne pouvait pas lire les hiéroglyphes, car il s’y prenait au

rebours. « On reconnaîtra, dit cet auteur (1), dans quelle direction marchent les

« caractères composant un texte hiéroglyphique, en observant le côté vers lequel

« sont tournées les têtes des figures d’hommes et d’animaux ou les parties saillantes,

« anguleuses, renflées, ou courbées, des objets inanimés qui font partie de l’ins-

« cription », et, cette observation faite, on doit, selon lui, lire l’écriture sacrée

de droite à gauche lorsque les têtes des figures d’hommes, d’animaux, ainsi que

les parties saillantes, anguleuses, etc., sont dirigées vers la droite, et de gauche

à droite lorsqu’elles sont dirigées vers la gauche. Dans les textes sculptés et dans

les manuscrits en colonnes verticales le même principe sert à faire reconnaître la

colonne par laquelle il faut commencer la lecture ,


sauf quelques rares exceptions

que présentent les papyrus du Louvre, à ce que prétend M. Champollion.

Pour comprendre ici que notre auteur se trompe il n’est pas nécessaire de savoir

lire les hiéroglyphes ,


il suffit de jeter les yeux sur un texte.

Les textes hiéroglyphiques sont très-rarement écrits en boustrophédon ,


et à

quelques légères exceptions qu’on s’explique facilement en considérant cette écri-

ture comme idéographique, la direction des figures est généralement constante

dans les inscriptions horizontales comme dans les inscriptions verticales.

Il semble que ,
contradictoirement à l’opinion bien arrêtée de fauteur de la

Grammaire égyptienne, il est naturel de suivre dans la lecture des textes sacrés

la marche indiquée par la direction des figures ;


mais ce n’est qu’une présomption.

Voyons si, jugeant par analogie, cette présomption ne se transformera pas en cer-

titude.

Je suppose d’abord, pour bien être compris, qu’il s’agisse de faire déterminer

par une personne qui n’aurait jamais vu de caractères sanscrits ni strangèles, le

sens dans lequel on doit lire l’écriture sacrée des Brahmes ou les inscriptions an-

tiques de la Chaldée : la seule inspection des manuscrits suffira pour la fixer à cet

(1) Grammaire égyptienne, page 19.


PRÉFACE. xxxvij

égard. En effet, comme elle trouvera nécessairement quelques lignes qui ne seront

pas remplies, voyant dans le chaldéen que les portions de lignes écrites sont à

droite, elle en conclura que ces caractères ont été écrits en allant de droite à

gauche, comme l’hébreux ou l’arabe, et que par conséquent on doit lire le stran-

gèle comme on lit la plupart des écritures orientales; pour le sanscrit, comme les

portions de lignes se trouvent à gauche, elle en conclura par cela même qu’on l’a

écrit et qu’on doit le lire dans le même sens que le grec et le français. Il en serait

de même pour toutes les écritures, tant anciennes que modernes, s’il s’agissait de

décider à priori le sens dans lequel on doit les lire.

Et maintenant ,
si nous trouvons un texte hiéroglyphique disposé en lignes ho-

rizontales et dans lequel une ou plusieurs lignes ne sont pas remplies (chose assez

rare, mais qu’on peut trouver (1) ), la portion écrite de ces mêmes lignes se trouve

être à gauche lorsque la direction des figures est à droite, et à droite lorsque les

figures sont profilées à gauche ; d’où nous pouvons conclure par analogie que l’on

doit lire les textes hiéroglyphiques dans le sens indiqué par les figures, ou, pour

parler plus exactement, par la majorité des figures.

Dans les textes en colonnes verticales, pour s’assurer que le principe est vrai,

on n’a qu’à jeter les yeux sur les tables hiéroglyphiques du Zodiaque de Dendérah.

On concevra tout d’abord que la lecture de ces tables doit commencer par la plus

grande colonne, celle qui est la plus près des différentes figures d’ER (2), attendu

que ces colonnes sont exactement remplies d’hiéroglyphes ,


tandis que dans les

dernières l’espace tracé par l’encadrement laisse apercevoir des vides à la fin. Or,

dans ces différentes tables, la direction des figures s’accorde parfaitement avec

le principe auquel nous avons été amené par analogie (3).

(1) Voir Caylus, Antiquité égyptienne, tome v, planche vu, fig. v.

(2) Les figures de femmes qui soutiennent le Zodiaque circulaire de Dendérah sont la représentation de

l’élément de I’Air , du genre féminin en langue sacrée et en langue égyptienne. Voir Traité du Zodiaque
re
de Dendérah ,
l partie , note 5.

(5) En dehors des colonnes de la quatrième table du Zodiaque circulaire de Dendérah on trouve des
,

xxxviij PRÉFACE.

Le système Champollion ne s’appuie sur le témoignage d’aucun auteur an-

cien (1). Peu importe, disent ses partisans, puisqu’il est fondé sur le granit de

Rosette.

J’en appelle ici au sang-froid des savants : ce monument bilingue pouvait-il

amener un homme, quel que fût d’ailleurs son génie, à la lecture et à l’interpré-

tation de tous les textes sacrés, et par suite à la création d’une Grammaire égyp-

tienne? Admettons un instant que la langue hébraïque et la valeur de ses carac-

tères soient perdus : on retrouve un monument bien conservé sur lequel est inscrit

un décret en hébreu, en grec, et en latin, l’inscription latine correspond mot pour

mot à l’inscription grecque, ce qui fait supposer par analogie que l’inscription hé-

braïque correspond aussi mot pour mot aux deux autres, eh bien, je le demande,

pourrait-on avec ce monument parvenir à lire et comprendre tous les textes bi-

bliques ? mais si l’inscription grecque ne correspond pas littéralement à l'inscrip-

tion latine (2), s’il manque sur le monument mutilé un bon tiers du texte hébreu (3),

hiéroglyphes tournés dans un sens contraire à celles de cette même table ;


ces hiéroglyphes se rapportent

à la première table et en font partie. Dire pourquoi on les a mis là au lieu de les mettre à la suite de la

première table, c’est ce que je ne peux pas m’expliquer.

(1) Le témoignage unanime des auteurs de l’antiquité ,


sans en excepter Clément d’Alexandrie ,
dont

M. Letronne a voulu faire un défenseur du système Champollion ,


contredit formellement ce même sys-

tème. Il n’y a que la prétendue interprétation d’un obélisque par un maladroit faussaire (a) qui vienne

à l’appui de l’auteur que je combats, et qui soit invoquée par lui.

(2) La position des noms propres dans le texte démotique de l’inscription de Rosette ,
comparée à la

position de ces mêmes noms dans le texte grec ,


a fait présumer avec raison à M. Sylvestre de Sacy que

le dernier texte ne pouvait pas être la traduction littérale du précédent.

(3) Un bon tiers du texte hiéroglyphique manque dans la célèbre inscription de Rosette.

(a) Cette traduction nous a été conservée par Ammien Marcelin. « Il est aisé de voir que l’imposteur maladroit qui a voulu

« faire croire qu’il entendait et traduisait les hiéroglyphes d’un obélisque, Hermapion n’a fait qu’adapter à un ancien

« roi et copier le style emphatique, les protocoles, les formules ordinaires, la langue des inscriptions bien postérieures

« consacrées à la gloire des Ptolémées : c’est comme si l’on donnait à Pharamond les titres de Louis XIV. Cette prétendue

« traduction est faite à plaisir, et aussi fausse que l'inscription égyptienne d’Osiris, rapportée par Théon de Smyrne,

« etc. » (Villoison, 2= lettre à M. Ackerblad).


PRÉFACE. xxxix

la seule tentative de ressusciter avec un pareil monument les principes généraux

de l’écriture sacrée des juifs ne serait-elle pas taxée de folie?

J’ai dit et je crois avoir prouvé que M. Champollion n’entendait rien aux hié-

roglyphes. Je prouverai aussi jusqu’à l’évidence, dans le corps de cet ouvrage, que

l’auteur de la Grammaire égyptienne ne se faisait point scrupule d’altérer les for-

mes de certains caractères sacrés pour donner une apparence de vérité à ses tra-

ductions prétendues : et d’ailleurs ces mêmes traductions ne démontrent-elles pas

que leur créateur laissait vagabonder son imagination pour trouver des phrases

originales qui, la plupart, n’ont pas le sens commun (1)?

(1) M. Champollion qui parle (Introduction, page viii) des phrases incohérentes de Kircher, remplies

de mysticisme à la fois ridicule et obscur, traduit ainsi une portion de ce qu’il appelle la dédicace du grand

obélisque de Karnac, dans laquelle se trouvent contenus, selon lui ,


les titres de la reine Amensé (a).

L’Horus femelle, le soutien de son père, l’aînée fille du mari de sa mère, Amon-Ra.

Harsaphès.

Qu’est-ce que cela signifie?

Il lit sur les obélisques de Louqsor (6) :

Celui qui décore Thèbes, comme la montagne solaire du ciel, par des monuments considérables.
Qu’entendait-on par cette montagne solaire du ciel?

Sur le temple d’Edfou il retrouve cette inscription relative au dieu Hath que je n’ai pas l’honneur de

connaître (c) :

Il fait tenir le monde en équilibre par ses doigts.

La formule dédicatoire des stèles funéraires ,


ainsi que les inscriptions qui accompagnent les statuettes

des tombeaux , sont ainsi conçues selon notre archéologue ( d ) :

Glorification au dieu Phré, l’âme vivante d’Osiris, dame vivante de la maison Thentamoun.
N’est-ce pas se moquer du public?
Si l’on doit juger de la clarté et de l’importance des textes sacrés pour l’étude de l’histoire et de la

religion égyptienne par ces échantillons pris au hasard ,


tous les autres étant à peu près taillés sur ce

même patron, il faut avouer que c’est bien vouloir perdre son temps que de s’occuper de l’étude des

hiéroglyphes.

() Grammaire égyptienne, page 117. On ne consacrait les obélisques à personne ;


c’étaient des monuments astrono-
miques qui tout au plus pouvaient être consacrés au soleil.

() Grammaire égyptienne, page 205.


(c) Grammaire égyptienne, page 200,
(d) Ibidem.
xl PRÉFACE.

Pauvres Egyptiens, ce n’était pas assez que Cambyse livrât aux sables du désert

la terre sainte sur laquelle doit reposer le trône lumineux d’iEsou lorsqu’il viendra

juger les vivants et les morts, il fallait encore que, sans égard à la cherté du

papyrus et à la simplicité de vos monuments, on vous supposât, comme à nos

académiciens de province, le talent de parler pour ne rien dire!

Et cependant M. Champollion nous assure (


Introduction ,
page xxi ) « qu’on s’instruira en étudiant

« les longues inscriptions sculptées sur les murailles du palais des rois, et contenant le détail circonstan-

« cié des expéditions militaires, le poids des pierreries et des divers métaux imposés à l’ennemi ,
l'enu-

« mération des animaux domestiques, celle des denrées et des objets d’art que les pays conquis devaient

« régulièrement livrer au vainqueur. Ces inscriptions monumentales furent expliquées à Germanicus,


« visitant les ruines de Thèbes ,
par les plus âgés d’entre les prêtres du pays : elles existent encore en

« grande partie, et Tacite ,


racontant le séjour du fils adoptif de Tibère au milieu des débris de la vieille

« capitale des Pharaons, a donné du contenu de ces textes historiques une analyse surprenante par son

« exactitude. L’historien romain semble avoir écrit en ayant sous les yeux une traduction littérale de
« ces antiques textes :
je les ai retrouvés dans les décombres du palais de Karnac ».

Mais est-il bien certain que ces vénérables prêtres, rusés comme de vieux charlatans, n’aient pas

cherché dans cette circonstance à se jouer de la crédulité de Germanicus pour donner de l’importance à

leur pays et se rendre intéressants en feignant d’expliquer à un héros l’histoire d’un héros imaginaire?

Voici ce que dit Tacite :

Mox visit ( Germanicus ) veterum Thebarum magna vestigia : et manebant structis molibus litterœ

Ægyptiœ, priorem opulentiam complexæ : jussusque é senioribus sacerdotum patrium sermon em interpre-

tari, referebat habitasse quondam septingenta millia ætate militari ;


atque eo cum exercitu regem
Rhamsen Libyâ, Æthiopiâ, Medisque et Persis, et Bactriano ,
ac Scythà potitum, quasque terras Syri,

Armeniique et contigui Cappadoces colunt, inde Bithynum ,


bine Lycium ad mare imperio tenuisse :

legebantur et indicta gentibus tributa, pondus argenti et auri, numerus armorum equorumque ,
et doua

templis ,
ebur atque odores, quasque copias frumenti et omnium utensilium quœque natio penderet, aut

minùs magnifica, quàm vi Parthorum ,


aut potentiâ romanâ jubentur.

Malgré le certificat délivré par M. Champollion à Tacite, je déclare qu’il ne peut pas exister de pa-

reilles inscriptions soit à Karnac ,


soit ailleurs. Si les inscriptions hiéroglyphiques étaient des monuments
historiques, les Egyptiens eussent toujours été d’accord avec eux-mêmes lorsqu’il se serait agi de leur

histoire, mais pas du tout : à Solon ils la racontèrent d’une certaine manière (a); à Hérodote c’est tout

différent (b) ; à Diodore ce n’est plus la même chose (c) ,


et jamais les prêtres historiens n’alléguèrent les

inscriptions hiéroglyphiques de monuments, c’étaient toujours des annales manuscrites qu’ils citaient

(a) Voyez le Timée et le Critias de Platon.

(b) Voyez Euterpe, chap. xeix et suivants.

(c) Diodore de Sicile, liv. 1, sect. h.


) ;

PRÉFACE. xlj

A moi maintenant l’Egypte et ses mystères.

La terre d’Egypte était appelée Cous (1) par les Egyptiens, et eux-mêmes dans

leur langue s’appelaient Cousians (2).

comme source de leur histoire. Les prêtres de Thèbes ne montrèrent point à Hérodote le palais de

Karnac comme témoin irrécusable des contes qu’ils lui débitèrent ,


ils se contentèrent seulement de
présenter à l’appui de leurs dires trois cent quarante-cinq colosses de bois qu’ils avaient déjà montrés

à Hécatée ,
lesquels représentaient trois cent quarante-cinq grands prêtres qui s’étaient succédé de père

en fils (a).

Lorsque Manéthon ,
prêtre égyptien, se chargea, par ordre de Ptolémée Philadelphe, d’écrire l’his-

toire de son pays ,


pourquoi ne se servit-il pas de ces monuments élevés par les contemporains pour en

extraire les faits historiques qu’on prétend y trouver encore relatés? et pourquoi préférait-il se servir

des livres apocryphes d’Agathodæmon (6)?

Il s’agit dans Tacite d’un roi appelé Rhamsès eh bien ,


le nom de Rhamsès était un nom commun à

tous les rois de Thèbes ,


comme celui de Pharaon à ceux de Memphis ,
et celui d’Iram à ceux de Tyr.

(
Voyez Bélier ).

De tout cela j’en conclus que les prêtres égyptiens se moquèrent de Germanicus, et que M. Champol-

lion , en prétendant avoir retrouvé ces mêmes textes à Karnac ,


se moque de nous.

(1) Cous en langue égyptienne D'D (eus) signifie un vase. Or la terre d’Egypte, étant comme un vase

destiné à contenir l’eau pure de l’abym, c’est-à-dire l’eau du débordement, prit le nom de vase par

excellence, et ensuite par extension ce même nom cous (vase) finit par signifier le limon, la terre va-

seuse, l’Egypte (c). Dans la dernière époque des hiéroglyphes ,


c’est-à-dire sous les Ptolémées, et seule-

ment dans la Basse-Egypte , où les prêtres ignorants employaient beaucoup de rébus ,


la figure d’un vase

cous ,
servait à transmettre l’idée de terre (l’Egypte. C’est ainsi qu’on retrouve le nom d’Egypte sur

l’inscription hiéroglyphique de la pierre de Rosette; mais dans les hiéroglyphes du bon temps l’idée de

terre d’Egypte est rendue par une lionne couchée ou par un sphinx (voyez Sphinx).
(2) Cousian, décomposé par la langue sacrée, signifie divin enfant de la terre (cous -terre, i- divin,

an - enfant ) (d).

(a) Voyez Euterpe, chap. cxliii.

(h) Voyez le Syncelle.

(c) En grec le mot %*! signifie vase, conge (mesure de liquide), et en même temps peut signifier poussière, terre, et

même homme, comme étant formé du limon de la terre.

(d) Ce nom d'enfant de la terre fut le nom adopté par les peuples primitifs pour désigner un habitant de la plaine;

l’habitant des montagnes était dit enfant du ciel. Nos habitants des landes s'appellent encore Cousiots ( ot comme an si-

gnifie petit, enfant ,


et ce nom remonte à l’antiquité la plus reculée, puisque leur capitale, Bazas, est appelée Kocwov

par Ptolomée et Cossium vasatum par Ausone. Le mot cousin, qui signifie maintenant un parent plus ou moins éloigné,

signifiait primitivement compatriote ou compagnon. Nous appelons indifféremment nos Landais des Cousiots ou des

Parents.
; , ,

xlij PRÉFACE.

Si l’Egypte ne fut pas le berceau de la civilisation du monde, toujours est-il que

c’est en Egypte seulement qu’on peut retrouver les annales de son enfance; car

les prêtres égyptiens conservèrent dans leurs mystères et la langue universelle et

l’écriture primitive, écriture et langage qu’on retrouve sur les monuments qui ont

échappé au fanatisme des premiers chrétiens (1), à la cupidité des Arabes, et au

vandalisme des savants.

Hérodote, Clément d’Alexandrie, et Porphyre, nous parlent de trois sortes

d’écritures employées par les Egyptiens.

La première, appelée profane ou démotique, n’est autre qu’une écriture alpha-

bétique qui ,
au moyen de vingt-deux caractères ,
servait à la transcription de la

langue vulgaire des Egyptiens : cette langue, du temps des Pharaons, était ce que

nous appelons aujourd’hui la langue hébraïque ,


telle qu’on la retrouve conservée

dans la Genèse de Moïse (2).

(1) Les premiers chrétiens qui retrouvaient les mystères de leur religion expliqués sur les temples de

l’Egypte cherchèrent, autant que possible ,


à effacer tout ce qui pouvait rendre suspecte l’origine mo-
derne de cette même religion. Sur le Zodiaque rectangulaire de Dendérah la Vierge céleste tenant Horus,

figures que les Egyptiens appelaient Marim et Iesou dans la langue mystique, ont été mutilés avec un

ciseau ,
de telle sorte qu’on ne retrouve que la tête des deux personnages, et cela parce que, selon toute

probabilité ,
il s’y trouvait des hiéroglyphes qui auraient pu ,
comme certains abraxas attribués aux
disciples de Basilide, faire reconnaître dans l’ancien collège des prêtres de Tentyris ce qu’on appelle des

hérésiarques.

(2) La Genèse de Moïse n’est qu’une traduction en langue égyptienne vulgaire de la Genèse de Thout.

J’ai trouvé sur un Pi de la Bibliothèque nationale les deux premiers chapitres de la Genèse de Thout,

avec un commentaire expliquant cette même Genèse écrite en langue et en caractères sacrés; aussi

pourrai-je expliquer clairement la fameuse création qui a paru si absurde à tant d’érudits et à S. Augus-

tin lui-même. (Voyez Système du monde).

Le mot Egypte, en latin Ægyptus, en grec AirYIITO’S ( Aigyptos) indique, non pas la terre d’Egypte, mais le

fleuve de l’Egypte lorsqu’il est débordé. Homère appelle le Nil Aïywrc;, nom qui ne convient qu’au débordement ,
comme
l’indique sa décomposition Aïy-eau, vit -divine consécratrice t -de la vie ( eau sainte de purification , eau sainte

du baptême ) c’était l’eau pure de l'abym, l’eau du débordement, qui avait la propriété de laver les souillures du corps

et de l’âme. Par extension on donna à la terre que recouvre YAigypt, le nom d’Egypte (voyez Nil). F aigle d’Abyssinie,

que nous avons vu être le symbole de l’abym, était appelé par les Grecs Alyvmôs, dont la racine première n’est pas yv4-,

comme on le prétend dans nos dictionnaires. La constellation de Y Aigle est appelée indifféremment parHesychius Agor

et Aigyptos.
, ,

PRÉFACE. xliij

La seconde, appelée sacrée ou hiératique, est encore une écriture alphabétique

qui ,
au moyen de vingt-cinq caractères, servait à la transcription de la langue pri-

mitive ou sacrée, conservée par les prêtres dans les mystères (1*).

La troisième enfin était une écriture appelée symbolique ou hiéroglyphique qui,

au moyen de la représentation d’un objet physique, exprimait l’idée de l’objet lui-

même ou une idée abstraite ,


mais ayant toujours un rapport direct avec l’objet

représenté.

Ces deux dernières écritures sont mêlées sur les monuments sculptés : sur les

papyrus on ne retrouve ordinairement que l’écriture sacrée (2).

Le but de ce Dictionnaire est d’expliquer seulement les caractères de l’écriture

symbolique ou hiéroglyphique : dans un autre ouvrage je traiterai de l’écriture sacrée

et de la langue primitive. Mais ici, pour bien faire comprendre la différence qui

existe entre ces deux écritures qui se confondent dans les textes sacrés, je vais

reprendre une inscription du Zodiaque circulaire de Dendérah que j’ai déjà expli-

quée, et dans laquelle se trouve un caractère de l’écriture sacrée que j’ai désigné

sous le nom de phonétique; la voici :

aigle d’Abyssinie.... eau de l’abym.

[ü El Nil Nil Nil double.

(phonétique) est.

ik étoile alors.

(1) Les prêtres ont toujours eu une langue mystique ou sacrée : la langue vulgaire des Egyptiens devint

la langue sacrée des Lévites ,


l’ancienne langue des Toscans fut la langue sacrée des augures de Rome
et la langue vulgaire des Romains d’alors est aujourd’hui la langue sacrée de nos prêtres. Tutto il mondo
è fatto corne la nostra famiglia.

(2) Les écritures qu’on retrouve sur les bandelettes des momies contiennent généralement ou le thème
astrologique de l’individu qu’elles enveloppent, ou un certificat de bonnes vie et mœurs pour servir

devant qui de droit à la résurrection générale, ou enfin des invocations magiques pour éloigner le mau-
vais principe ,
c’est-à-dire la corruption du corps qu’elles étaient chargées de conserver sain et sauf

jusqu’au moment où la trompette céleste annoncerait le lever du soleil éternel.


xliv PRÉFACE.

Cette figure

est un des caractères alphabétiques de l’écriture sacrée qu’on appelle premières

lettres , et qui correspond à notre consonne B. Sur les papyrus cette lettre est

ainsi rendue :

ces caractères dérivent de cette figure hiéroglyphique,

le phallus ( membrum virile intentum J, symbole de la génération (1).

Si, au lieu du caractère sacré, on avait mis la figure hiéroglyphique, j’aurais

traduit les paroles du génie :

aigle d’Abyssinie... . eau de l’abym.

GD CH Nil Nil .
plein bord du Nil.

phallus . génération.

"ïr étoile . alors.

L’eau du débordement engendre le plein bord du Nil à cette époque.

(1) Notre lettre B dérive aussi de ce phallus :

réduit au simple trait, il donne cette figure

qui n’est autre que le $ ( bêta )


grec.

Les Egyptiens appelaient cette lettre n*3 (BIT) ,


et le 3 étant chez eux articulé comme notre V, nous

devons prononcer ce mot VIT, nom du phallus en langue sacrée. Les amateurs de la massore le pro-

noncent BETH (a).

(a) C’est ainsi que dans nos écoles le nom de cette même lettre, en grec /SSï*, est prononcé BÊTA, tandis que les

Grecs anciens et les Grecs modernes prononçaient et prononcent VITA, racine VIT.
PRÉFACE.

La lettre B de l’écriture sacrée, dérivant du phallus, exprime l’idée de généra-

tion, et par extension l’idée d’ existence, résultat de la génération; de là vient que

cette lettre est employée pour exprimer l’idée du verbe être dans l’écriture hiéra-

tique.

Sur les monuments, au lieu du caractère sacré, on emploie le plus souvent

cette figure

ZI
pour rendre l’idée du verbe être dans les groupes hiéroglyphiques, figure qui n’est

autre que la lettre B de l’écriture profane ou démotique : cette lettre exprime

aussi l’idée de génération ,


car elle dérive du ctéis et du phallus unis par un lien,

la génération étant le résultat de l’union des deux sexes.

Pour se convaincre que la première figure dérive de la seconde, on n’a qu’à

prendre les lettres orientales, et surtout les lettres hébraïques qui ne sont autres

que les lettres vulgaires des Egyptiens.

Voici la lettre B de l’hébreu des médailles (1) :

altérée ainsi dans l’inscription phénicienne de Malte (2) ;

plus altérée encore dans l’alphabet samaritain ;

3
(1) Voyez Court de Gebelin ,
Monde primitif, planche tv.

(2) Ibidem.
,

rivj PRÉFACE,

ainsi rendue sur les inscriptions de Paimyre (1) ;

J
ainsi figurée dans les caractères d’Esdras dont se servent encore les rabbins,

n
et enfin réduite à cette forme dans l’hébreu carré (2).

Pour ce qui est des caractères hébraïques, qu’on fait remonter au temps de

Moïse, le B est absolument celui de l’écriture démotique (3).

Si l’on pouvait avoir quelque doute sur le lien qui unit le ctéis et le phallus, il

serait levé par la lettre B appartenante aux caractères alphabétiques qu’on pré-

tend avoir été transmis par les anges (4),

laquelle dérive du phallus et du ctéis ainsi unis.

Si l’origine de la lettre B ne suffisait pas pour démontrer que, considérée seule,

cette lettre exprime l’idée de génération et par suite d’ existence, je pourrais encore

invoquer le témoignage des cabalistes qui, ayant conservé quelques idées tradition-

(1) Voyez Court de Gebelin, Monde primitif, planche xvn.

(2) Loco citato planche xv. Les Etrusques se servaient indifféremment de ce caractère et du caractère
grec.

(3) Kircher, OEdip. Ægypt., tome iii, page 434.

(4) Kircher, ibidem.


, ,

PRÉFACE. xlvij

nelles de la langue sacrée, font du B égyptien, ou, si l’on veut, hébraïque, le

signe de la vie dans leurs tables mystiques (1).

Sur les papyrus des momies c’est très-souvent la croix ou to non ansé (
lettre

correspondante à notre T )
qui sert à exprimer l’idée d’ existence ou de vie. Cette

lettre, d’un usage très-fréquent dans les textes hiéroglyphiques de la première

époque, remplace souvent le B de l’écriture sacrée et se confond avec le B de

l’écriture démotique, son origine étant la même (2).

Pour donner dès à présent à mes lecteurs une idée précise de la langue et de

l’écriture primitive conservées dans les sanctuaires de la haute initiation , je vais

raisonner deux racines de cette langue sacrée qui feront comprendre le rapport

direct qui existe entre l’écriture symbolique et l’écriture alphabétique.

Les voyelles, qui seules expriment une voix ou un son, peignent, consi-

dérées seules dans l’écriture sacrée, des idées positives, comme homme, femme,
soleil, etc.

Les consonnes, qui ne peuvent être exprimées qu’avec le concours d’une voyelle,

et qui ne sont pour mieux dire que des signes modifiant des voix, ne peignent,

considérées seules dans cette même écriture, que des idées relatives, comme géné-

ration, grandeur, force, etc.

La voix A en langue primitive ou sacrée signifie homme (3).

Pour rendre l’idée d’A (homme), dans l’enfance de l’écriture on peignit un

homme, soit en face, soit en profil, avec ou sans barbe; c’est l’écriture naturelle.

Mais comme la voix A signifie homme en général homme ,


fait, homme dans la

force de l’âge, et que la peinture d’un homme avec barbe peut se confondre avec

la représentation d’un vieillard, comme celle d’un homme imberbe peut se confondre

re
(1) Voyez Kircher, OEdip. Ægypt. tome n, partie l ,
page 553.

(2) Voyez Croix.

(3) La voix A est le nom onomatopique de l’homme, car c’est la première voix que fait entendre
l’homme en naissant ,
et celle que lui arrache toujours une douleur ou une joie : c’est ce qu'avait entrevu
Lamprias ,
aïeul de Plutarque. (Voyez Plutarque, Propos de table
e
2 question).
;

xlyiij PRÉFACE.

avec celle d’un enfant, pour rendre d’une manière précise l’idée d’A (
homme fait
)

on peignit un homme armé, car il n’y a que l'homme fait, l’homme dans la force de

l’âge, qui puisse porter les armes, et par conséquent cette représentation ne pou-

vait plus se confondre avec celle d 'enfant ou de vieillard c’est l’écriture naturelle

perfectionnée.

Pour abréger, au lieu de peindre un homme tout entier avec ses armes, on se

contenta, pour rendre l’idée d’A, de peindre une tête d’homme casquée; c’est l’écri-

ture naturelle abrégée.

Enfin on se contenta de peindre seulement un casque pour rendre l’idée d’A, le

casque rappelant l’idée de guerrier, et l’idée de guerrier rappelant l’idée d’homme

fait.

C’est du casque ou coiffure militaire des différents peuples que dérivent les dif-

férentes formes adoptées par eux pour rendre l’idée d’A, comme on pourra s’en

convaincre en jetant les yeux sur le tableau paléographique de la voyelle A dans

mon Etude de la langue sacrée. Ici je prie mes lecteurs de vouloir bien me croire

un peu sur parole. D’ailleurs on voit évidemment que la lettre latine

a
dérive du casque à cimier

réduit à sa plus simple expression; comme ce B latin

(,

dérive aussi du phallus

1
réduit au simple trait.
,

PRÉFACE. xlix

Si dans les hiéroglyphes on trouve la figure d’un homme suivie de celle d’un

phallus, ce groupe signifie homme générateur, l’homme qui engendre le père ou

par extension I’inventeür, celui qui invente, qui crée. Ce même groupe peut signi-

fier chef, maître, et seigneur, titres inhérents au père de famille.

Si au lieu des figures symboliques nous substituons les lettres qui en dérivent,

nous aurons cette racine

ab
qui signifie en langue sacrée : père, inventeur, chef, maître, et seigneur (1).

Si dans un texte hiéroglyphique la figure du phallus précède celle de I’homme,

on traduira ce groupe par génération de l’homme, ce qui est engendré par l’homme,

î’enfant, et par extension tout ouvrage fait par la main de l’homme. La racine

ba
signifie en langue sacrée enfant, fils, petit (2), faible, esclave, et par extension

maison, édifice, etc. (3).

Dans mon Traité du Zodiaque de Dendérah (4) j’ai donné une idée de l’origine

de la consonne D, dont les différentes formes dérivent de la peinture de l’arc, de

la fronde, ou du fustibale, symboles du mouvement dans l’écriture hiéroglyphique.

Si dans un texte on trouve la figure d’un homme suivie de celle d’un arc, on

traduira ce groupe par homme-mouvement, l’homme qui se meut, le voyageur.

(1) En hébreu 3N (ab) signifie père, chef, maître, et inventeur. La langue hébraïque étant, comme
je l’ai déjà dit, la langue vulgaire des Egyptiens au temps des Pharaons, elle doit nécessairement avoir

conservé mieux que toute autre les racines pures de la langue sacrée.

(2) C’est l’étymologie de noire adjectif bas ,


qui est synonyme de petit et de vil.

(5) D’où Ba-bel ,


temple de Bel. (
Voyez Bélier ).

(4) Première partie, note 13.


1 PRÉFACE.

La racine

ad
signifie voyageur en langue sacrée (1).

Mais si la peinture de I’arc précède celle de I’homme, nous traduirons mouvement

de l’homme, ce qui donne le mouvement à /’ homme, ou ce qui lui sert à se transporter

d’un lieu dans un autre, le soleil et le cheval.

En langue sacrée la racine

da
signifie soleil (2) et cheval (3).

Mes lecteurs voudront bien me tenir compte de l’impossibilité où je suis de dé-

velopper ici d’une manière large et lumineuse les principes qui m’ont amené à la

(1) C’est la racine de la préposition latine ad.

(2) Dans le culte primitif I’homme s’était mis exclusivement sous le patronage du soleil ; c’était cet

astre qui lui ayant fait le don de l'intelligence dirigeait toutes ses pensées et toutes ses actions. La femme

était sous le patronage de la lune : aussi la voix E signifiant femme dans la langue sacrée ,
De signifie

mouvement de la femme ou lune, comme Da signifie soleil. Diane, nom donné par les Celtes à la lune

nouvelle, est par contraction pour Deian (De -lune, i- divine, an - enfance) , divine enfance de la lune,

la lune vierge. A son premier quartier elle prenait le nom de Déianir (Déjanire), lune nouvelle, mais

nubile. Voilà pourquoi à cette époque (


le sixième jour de la lune )
on célébrait dans la Celtique ses noces

avec le soleil. ^

(5) Dans la langue enfantine dada signifie un cheval. Lorsque le fils d’Hyslaspe fut élu roi des Perses

par la ruse de son écuyer qui fit hennir son cheval avant celui de ses concurrents ,
il prit le nom de

Darius en commémoration de l’animal auquel il devait l’honneur d’être assis sur le trône. La première

racine de ce nom est da ,


cheval.

L’homonymie de soleil et de cheval en langue sacrée fit que le cheval par rébus fut le symbole du

soleil. Aussi sur les antiques médailles des Gaules trouve-t-on toujours un cheval sur le revers des mon-
naies qui portent pour effigie l’image du soleil sous la forme d’un homme à cornes de bélier, et ces

monnaies s’appelaient sols (sol-soleil).


)

PRÉFACE. lj

connaissance de la langue sacrée (1). Dans mon Etude de la langue primitive

(langue sacrée des mystères je tâcherai de lever tous les doutes, aidé par les

tableaux paléographiques ,
car dans cette science nouvelle il faut parler aux yeux

•pour pouvoir être bien compris.

Comme j’aurai occasion de citer souvent des noms onomatopiques et mystiques

de la langue sacrée, un exemple est nécessaire pour préciser la différence qui existe

entre eux.

Lorsque les premiers hommes voulurent donner un nom aux animaux, ils firent

d’abord ce que font encore les petits enfants : ils imitèrent le cri de ces mêmes

animaux; ainsi, par exemple, un agneau fut appelé bai, ou bei, ou mai, ou mei; ce

sont là ses différents noms onomatopiques puisque ce sont précisément ,


les diffé-

rents bêlements de 1’
agneau. Le bélier ayant la voix plus forte, pour distinguer dans

la langue naturelle le bélier de 1’


agneau on appuya sur les voyelles, et les noms

de b aaî ,
beeî, maaî, et meeî, désignèrent le bélier. La lettre L étant une consonne

correspondante à FI long et souvent même à FI bref (2), dans l’écriture primitive,

(1) L’existence de cette langue ne peut pas être problématique : la Genèse nous dit d’une manière
explicite qu'il fut un temps où les hommes n’avaient qu’un seul langage. Platon, qui avait étudié en

Egypte > P^te de cette langue naturelle. Les Pythagoriciens prétendaient que leur maître l’avait étu-
diée ,
et il est hors de doute qu 'Homère en avait connaissance (a).

(2) La voix I en langue primitive signifie Dieu. Pour matérialiser l’idée de Dieu (
le Très-Haut ) ,
les

premiers hommes dressèrent verticalement les troncs équarris des arbres les plus élevés, tels que 1e

chêne ,
le pin , et le peuplier ;
dans la suite on remplaça ces troncs d’arbres par des obélisques de granit :

telle est l’origine des menhirs celtiques dont l’antiquité remonte aux premiers âges. Lorsqu’on voulut
peindre l’idée d’I (Dieu), on figura sa représentation matérielle, un menhir; de là l’origine de la lettre I.

(a) C’est précisément cette langue qu’Homère appelle la langue des dieux et qu'il distingue de la langue des hommes.

— Ov Bfiafsaiv Y.a\iovn ?5iol, a.vS'fi! Si te 7r«VT£f

Aiya/fflv’ — (
IXiaf . A )
.

« Celui que les dieux appellent Briarée et tous les hommes Egéon ».

Il s agit ic>. du fils de Neptune ou de l’abym, d’Egéon, géant aux cent bras, de la mer dont les fleuves forment les

bras, et qui est fille de la grande mer qui enveloppe le monde; l’eau étant du genre masculin en égyptien et en langue
sacrée. La racine première du nom d'Egéon, en grec Aigaiôn, se trouve être Aig, eau. Pour ce qui est du nom de
Briarée décomposé par la langue sacrée, il signifie forte puissance puissance indomptable, la mer, à laquelle il n’ap-
,

partient qu'à Dieu de dire : Tu n’iras pas plus loin!


;

lij PRÉFACE.

au lieu de baaî, beeî, maaî et meeî, on écrivit baal, beel, maal et meel, ou bien

bal, bêl, mal et MÈL, qu’on prononçait cependant baî, beî, maî et meî.

Comme le bélier, chef d’un troupeau, marche toujours à la tête, dans les hiéro-

glyphes le bélier devint le symbole du chef, du maître, du guide, et par conséquent

son nom onomatopique servit à exprimer dans la langue première l’idée de chef, de

maître, et de guide. Aussi baal et beel, qualifications qui précèdent toujours le nom
de la divinité chez les Orientaux (1), correspondent à seigneur dans notre langue.

Maî, le mois de mai, signifie le mois du maître (2); dans le mot maître lui-même

La lettre 1 est une consonne qui peint l’idée relative d’élévation. Son origine est la même que celle de
l’I
(
il ne s’agit ici que de la minuscule latine 1 ;
dans mon Etude de la langue sacrée je démontrerai que

la forme de cette consonne dans les alphabets anciens et modernes est toujours l’abréviation d’un sym-

bole de l’élévation). La lettre 1 est précisément la lettre que les Latins appelaient magna littera, et qui

remplaçait dans leur écriture l’i long lorsqu’ils voulaient marquer la quantité; aussi écrivaient-ils

Ædllis, Plso, pour ædilis et Piso.

Nous avons vu déjà (a) que l’idée de Dieu (


le Très-Haut )
était figurée en écriture symbolique par le

Cnef ,
l’aile cl’épervier. L ’iouda (’) ,
I égyptien, dérive de la peinture du Cnef , ainsi que le lemda (b) ,
L
égyptien; c’est pour cela qu’on trouve souvent en égyptien (hébreu) le b pour 1’* long, exemple :

btri (tsltsl) signifie cigale les rabbins lisent tselatsal, et moi tsitsî; or, comme tsîtsîiiiiiiitsîiiii est

précisément le chant de la cigale (b), je dis que bitb's est le nom onomatopique de l’insecte chéri des

muses, de même qu’en français le mot coq, abréviation du mot coquerico ,


nom que les petits enfants

donnent au coq, est le nom onomatopique du roi de la basse-cour.

(1) Baal-Phégor ,
Beel-Zéboub.

(2) On écrivait autrefois : le mois de may. Les Romains appelaient ce même mois maius, du mot majus

pour magnus dans l’ancienne latinité. Ce nom lui aurait été donné par Romulus, si nous en croyons

l’histoire ,
en l’honneur des sénateurs et des nobles appelés majores : toujours est-il que dès la plus haute

antiquité ,
au premier jour de ce mois, les clients paraient de fleurs et de rameaux verts la porte de leurs

patrons, usage qui s’est encore conservé dans nos campagnes, où l’on plante des maïs devant la porte des

autorités constituées. Les anciens considéraient le mois de mai comme malheureux pour le mariage, et

cela parce que la femme en ,


se mariant sous l’influence du mois du maître, ne pouvait pas espérer être

(a) Page xxvii.

(b) C’est à ce chant, qui consiste dans les différentes modulations de la voix I (Dieu en langue sacrée), que la cigale

doit sa consécration à la divinité et l’enthousiasme traditionnel que les Grecs avaient conservé pour sa musique monotone.

Anacréon a célébré sur sa lyre l’amie des muses, l'élève d'Apollon, la douce prophétesse de l’été; et les nobles Athéniens

portaient, comme signe de distinction, une cigale d’or dans leurs cheveux. Ce sont des cigales d’or qu’on a trouvé dans

le tombeau de Childéric.
, ,

PRÉFACE. liij

la racine première est maî (1). Enfin notre mot mâle, qui désigne le sexe le plus

noble et le plus fort, dérive aussi du nom onomatopique du bélier.

L’agneau, dont les noms onomatopiques sont bai, bei, mai et mei, ou bal, bel,

mal et mel, étant dans les hiéroglyphes le symbole de la faiblesse de la douceur

de l’innocence, et de la jeunesse, de là l’étymologie de bal (


sauts, bonds, comme
I’agneau qui bondit ), de bel ( jeunesse, fleur de jeunesse, beauté ), de mal (
fai-

blesse ), et de mel, qui en latin signifie miel ( douceur J, racine première de melon

dans notre langue. Toutes les syllabes qui dérivent du nom onomatopique de

I’agneau sont brèves, celles qui dérivent du nom onomatopique du bélier sont

longues ;
c’est ainsi que nous nous rendrons toujours raison de la quantité en re-

cherchant l’origine des mots avec les racines de la langue sacrée.

Nous venons de voir les noms onomatopiques du bélier, maintenant je dis que

les noms mystiques de ce même bélier sont l’énonciation en langue sacrée de sa

valeur symbolique.

Le bélier est le symbole du chef, du maître, et du guide; toute racine qui, dans

la langue sacrée, signifiera chef, maître, et guide, sera un des noms mystiques du

maîtresse à la maison, ce qui devait nécessairement occasionner des querelles et par suite le divorce;

car les anciens ne voyaient de bonne union que lorsqu’il y avait égalité parfaite de pouvoir entre la

femme et le mari. Aussi les premières paroles de la nouvelle mariée à son époux étaient-elles : Ubi tu

Caius et ego Caia ; là où tu seras maître, moi je serai maîtresse. Aujourd’hui ce n’est plus cela ;
la femme
doit obéissance à son mari (a).

(1) Maî - seigneur, tre -trois fois, trois fois chef, chef suprême. La racine finale tre est par inversion

celtique pour ter : aussi les Celtes disaient-ils tertre pour terter ( terre sur terre, élévation, montagne );
ils disaient encore Jssi pour Isis (
la nature ). La connaissance de la loi des inversions celtiques est de la

plus haute importance lorsqu’il s’agit de décomposer les mots de la langue française avec les racines de

la langue sacrée. Le mot latin magis-ter répond parfaitement à notre mot maî-tre. La racine maî se

retrouve encore dans maison, en latin domus, par la même raison que maî-tre répond à dom-inus.

Nous retrouverions encore le nom onomatopique du bélier dans bellum (


la guerre ) ,
dans mêlée (
un
combat); ma (mei) en égyptien signifie bélier, percussion, et militaire, celui dont le métier est de

frapper.

(a) Code civil, art. 213.


- , , , ,,

li Y PRÉFACE.

bélier. Exemple : la voyelle A signifie homme la consonne R signifie direction (1),

homme qui dirige chef, le maître, le


la racine AR signifie homme-directeur ,
le

AR signifie bélier (2). Cette racine se retrouve dans le mot


guide; en conséquence

comme la racine onomatopique bêl se retrouve dans le mot


ar-ies chez les Latins,

bèl-ier, qui lui correspond en français.

A signifiant homme, L signifiant élévation, la racine AL signifie homme élevé,

homme grand, le maître, le chef; AL est encore un nom mystique du bélier (3).

AR et AL, qui signifient bélier, sont aussi les noms de la divinité (4), puisqu’ils

peinture du fouet symbole de la direction dans les hiéroglyphes


(1) La consonne R dérive de la ,

démontrerai dans mon Etude de la langue primitive en traitant de l’origine des lettres.
comme je le
le lion étant devenu dans les hiéroglyphes des
En égyptien nu (ari) signifie quelquefois lion,
(2)

du maître, du chef, et du roi. L’ara, ou table de l’autel sur laquelle on sa-


derniers temps le symbole

agneau ou bélier tire son étymologie du nom mystique AR on : figurait aux trois
crihait la victime (
) ,

même table une tête de bélier décharnée. 11 ne faut pas confondre l’ara avec Yaltare,
angles de cette

qui est le corps de l’autel.


qu’on représente dans les hiéroglyphes
(3) <7**t ( ail) ,
qui en égyptien signifie force, puissance, et Dieu

par une aile d’épervier, signifie aussi belier (a).

de IEAOU (la Nature) tiennent d’une main un alef et


(
4) L e S statues de IEOUA (Etre Suprême) et

consonne R, ce qui donne la racine AR; mot qui indique


de l’autre un fouet, figure première de
la

sont la représentation de la divinité suprême, «jk (AL) signifie


d’une manière positive que ces statues
Cette racine se retrouve dans mbn ( ALHI) le grand Dieu (b)
élévation, seigneur, et Dieu en égyptien.
,

Dieu grand et fort l’Être Suprême : ce nom correspond à


dans uvh* ( ALHIM ) ,
le grand Dieu fort, le

Le nom de est exprimé sur les


IEOUA qui en langue sacrée signifie tout ce gui est (c).
celui de , ,
,

unies lettre triple qui


schedules hébraïques par trois (
I ) ,
sur les abraxas par trois ailes d’épervier ,

Cette lettre est figurée ainsi A dans l’écriture angélique : c’est le


correspond à notre Y, qui vaut trois l.

les peintres d’église mettent par tradition en guise de cha-


fameux triangle igné des astrologues que
,

Les Massorétistes prononcent CnVîn eloim et


en font un pluriel de
peau, sur la tête du Père éternel.

ferait que le premier nom voudrait


dire les dieux; partant de la il
'rfm qu’ils prononcent eloa, ce qui
était polythéiste.
est des gens qui sont allés jusqu’à soutenir que Moïse

grec x,As signifie bélier, et ce nom n’est qu’une contraction de xü,u t, seigneur, maître, chef.
(o) En
seigneur; dans le latin ali-enus, enfant de
dans ALI, qui, chez les Musulmans, signifie
(6) Ce nom se retrouve
primitives, Y étranger, le pauvre, et le
voyageur, étaient con-
Dieu; étranger, parce que, dans la simplicité des mœurs
mœurs hospitalières des premiers âges, qui permet-
sidérés comme sacrés, comme protégés par Jupiter vengeur; de là les

taient au pauvre voyageur de considérer le palais


des rois comme un asile.

mot français aliment : alih -tout


comme signifiant tout ce qui est, qu’il faut considérer
le mot alhim dans le
(c) C’est

ce qui est, ex enfant, T -de la vie : tout ce qui sert à la vie.


,

PRÉFACE. lv

signifient seigneur et maître, tout aussi bien que baal, nom onomatopique du bé-

lier. Les racines AR et AL étant synonymes dans la langue sacrée, on peut s’ex-

pliquer maintenant pourquoi les consonnes R et L s’échangent indifféremment

l’une pour l’autre dans les langues orientales, lorsque ces mêmes consonnes sont

'
précédées de la voyelle A.

Les noms onomatopiques qui ne demandent, pour être déterminés, qu’une

simple observation, durent nécessairement précéder les noms mystiques qui sont

l’expression en langue primitive d’une qualité prédominante, déterminant la valeur

symbolique d’un animal quelconque, et qui, pour être fixée, demande une étude

approfondie des mœurs de l’individu.

Le nom onomatopique d’un animal servit d’abord à rappeler l’idée de l’animal

lui-même; puis ce même nom onomatopique servit à rendre l’idée abstraite dont

l’animal était le symbole, avant qu’on ne se fût avisé de créer le nom mystique ;

ainsi baî ou bal signifia bélier et chef, avant que ar ne signifiât chef et bélier. Mais

comme le bélier était plus souvent employé dans l’écriture primitive comme sym-
bole que dans une acception figurative, de là baî ou bal finit par signifier plutôt

chef que bélier : c’est ainsi seulement qu’on peut se rendre raison d’un fait qui

semble en contradiction avec l’origine des noms onomatopiques et mystiques, sa-

voir, que le premier est presque toujours employé en langue sacrée pour exprimer

une idée symbolique, tandis que le second est affecté à la dénomination de l’idée

figurative; ainsi mô ou mou, nom onomatopique du taureau, signifie eau en langue

sacrée (le taureau étant le symbole de l’eau), tandis que ALEF (grande voix),

nom mystique de ce même taureau, est spécialement affecté à sa dénomination (1).

(1) Le nom onomatopique du taureau est mô ou mou; dans la langue enfantine le taureau est encore
appelé un wioumou. Le taureau dont les mugissements imitent ceux de la mer, le taureau qui était con-

sidéré en Egypte comme un animal indomptable et le plus fort de tous les animaux, devint le symbole
de l’élément le plus terrible et auquel rien ne résiste, de Veau du débordement de Vabym voy. Apis) (a).
(

(a) Voilà pourquoi on immolait des taureaux noirs à Neptune. Il ne faut pas confondre le taureau avec le bœuf, qui

est, lui, symbole du travail (voyez Boeuf).


J

lvj PRÉFACE.

Toutes les langues anciennes et modernes se décomposent avec les racines de

la langue sacrée. Si l’on voulait chercher l’étymologie raisonnable de tous les mots

qui composent notre langue française, il faudrait connaître toutes les langues

mortes et vivantes, .et une seule peut les remplacer, c’est la langue des mystères.

Ainsi, par exemple, si nous voulions connaître l’étymologie de bègue et bégayer,

on ne pourra retrouver cette étymologie qu’avec la langue sacrée ou ( ad majorera

gloriam civitatis meœ ) avec le gascon (1). Cherchons-] a d’abord avec les racines

Le mugissement du taureau lui valut son nom mystique ALEF (al -grande, ef -voix) (a). La racine
égyptienne la (mu), prononcée mou, signifie eau, l’i (u) étant la voyelle affectée au a (m); d’où in

(mu) dont on a fait ensuite ma (mum), prononcé moum, et qui signifie encore eau, mot qui, vu la

voyelle i affectée à la consonne a ,


s’écrit simplement na ;
c’est aussi le nom de la consonne a qui ,
dans

l’écriture hiératique, exprime l’idée relative de force, et se trouve ainsi figurée sur les monuments :

c’est-à-dire par la peinture iconographique de Veau. C’est de cette peinture iconographique que dérive

la figure de I’m pélasgique ,

AA/
et de I’m dont nous nous servons encore.

A/s,

La valeur symbolique du taureau servira à expliquer le mot Bosphore (passage du taureau). Le tau-

reau étant le symbole de la mer, c’est comme si l’on disait passage de la mer.

(1) M. Sédail, à propos de poésies gasconnes, lues dans une assemblée solennelle de l’académie de

Bordeaux, a émis le vœu qu’un dictionnaire conservât cet idiome qui se perd tous les jours, et dans

l’intérêt même de la langue française, ce judicieux écrivain en a démontré l’importance. Je regrette

plus que tout autre ,


moi qui ai presque oublié la langue de mes pères, que la proposition de M. Sédail

n’ait pas été prise en considération par Messieurs de l’académie de Bordeaux : on dirait que les corps

savants de nos provinces (


lorsqu’ils sont savants) dans leurs travaux (
lorsqu’ils travaillent )
aient juré

de ne jamais s’occuper de ce qui rentre dans leur spécialité.

(a) en égyptien signifie taureau, héros, et conquérant ; c’est ce qui a fait croire à Court de Gcbelin que la figure

de l'alef U dérivait de la tête d’un taureau. Les Phéniciens, au rapport de Plutarque, appelaient un taureau un alpha

(
Propos de table , liv. ix, question lie). Ce nom mystique entre aussi dans le nom français de l'animal (barrus) dont

le cri est si fort qu’il servit à désigner chez les Romains le cri (barritus que jette une armée au moment de l’attaque,

c’est-à-dire de l’éléphant, racines premières el -grande, EPH-vora:. En égyptien éléphant se dit ^’S (fil), f -voix,

i -divine ou grande, l- grande ( voix divinement grande ou très-grande ).


, ,! ,

PRÉFACE. lvij

de la langue primitive : 6e-fille, ^a-terre, y-très-divine ;


la terre très-divine c’est la

lune (1); bégay signifiera donc fille de la lune c’est-à-dire poule; car, dans l’an-

tiquité, la poule était consacrée à la lune, comme le coq était consacré au soleil.

Or, comme la poule, lorsqu’elle vient de pondre, fait entendre un chant saccadé,

de là vient que nos ancêtres appelèrent bégay (poule) celui qui saccadait les mots

en parlant (2), et de bégay on a fait bégayer et bègue. En gascon bégay signifie poule,

d’où le nom d’une rue de Bordeaux qu’on appelle encore la rue Begayre, parce

qu’autrefois c’était dans cette rue que se tenait le marché de la volaille. Ah!

begayre ! en dialecte gascon de Bayonne signifie : ah ! poltron ! ce qui revient à

cette expression familière : ah! poule mouillée

Je sens que ces quelques notions de la langue sacrée ne peuvent donner qu’une

bien vague idée de langue des mystères, qui sera à l’archéologie ce que la bous-

sole est à la navigatioh ;


mais je voulais seulement expliquer les trois sortes d’écri-

ture égyptienne qui dérivent les unes des autres, et auxquelles, M. Seguier de

Saint-Brisson excepté (3), personne n’a rien compris.

(1) Gay est un nom celtique qui signifie lune. Au sixième jour de la lune ,
lorsqu’on célébrait les noces

de cet astre avec le soleil, les Bardes, dans leurs hymnes, l’invoquaient en l’appelant ô Gay ! excla-

mation qu’on retrouve conservée dans nos vieilles chansons :

J’aime mieux ma mie,

O Gay!

(2) Cet exemple servira à prouver dès à présent ce qu’a dit Platon dans son Cratyle, savoir : que les

noms tirent leur origine de la nature (a), et non de l’arbitraire comme le prétend Aristote dans ses
Catégories. Ainsi, par exemple, mô ou mou étant le nom onomatopique du taureau, qui est le symbole

de l’eau, signifiera eau ou taureau. Dans mouette oiseau aquatique ,


mou signifie eau, et signifie petit

et enfant , ette signifiera petite ou fille, mouette veut dire fille de l’eau. Dans muet ,
mu pour mou signifie

taureau, et signifie petit et enfant, muet veut dire petit taureau; effectivement les sons inarticulés du
sourd-muet , lorsqiéil est agité par quelque passion violente ,
ressemblent aux mugissements du taureau.

(5) Ce savant a eu la bonté de me confier un manuscrit intitulé : Examen d’un passage du cinquième

livre des stromates de S. Clément d’ Alexandrie , concernant les écritures égyptiennes. Il résulte de cet

examen qu’il est impossible de séparer les trois écritures, qui dérivent les unes des autres, et qui se

(a) rk oyô/uctTx.
,

lviij PRÉFACE.

Mes études sur les papyrus et les monuments égyptiens m'ont amené à recon-

naître que les Sages de l’antiquité ne s’occupaient sérieusement que d 'astrologie,

d’ alchimie, et de panacée : quoique ces sciences futiles soient justement tombées

en discrédit, la science positive de nos jours pourra néanmoins s’enrichir de leurs

observations. D’ailleurs l’astronomie est née de l 'astrologie, les premiers hommes


ne se seraient point occupés des étoiles s’ils n’avaient pas cru que leur destinée y

fût attachée; X alchimie fauri sacra famés) a enfanté la chimie, c’est aux souffleurs

que nous devons les principales découvertes dans cette science de faits; et chez

un peuple dont le génie inquiet voulait toujours aller au delà des bornes que Dieu

lui avait assignées, la panacée doit être pour le moins sœur de la médecine (1).

Comme il me serait impossible de m’occuper à la fois d’astrologie, d’alchimie,

et de panacée, dans ce premier volume du Dictionnaire des hiéroglyphes je m’at-

tacherai à expliquer les principaux symboles qui ont trait à Tastrologie seulement,

confondent souvent dans les textes sacrés. Ainsi nous venons de voir qu’un caractère hiératique se trouve

dans une inscription hiéroglyphique du Zodiaque circulaire de Dendérah ;


dans l’inscription hiératique

de la pierre de Rosette les noms propres sont en caractères démotiques, tandis que tout le reste du texte
est en caractères sacerdotaux, dits premières lettres.

(1) En Egypte, les savants ne s’occupaient que de la recherche du remède universel; quant à l’étude

de la médecine proprement dite , elle était abandonnée à tout le monde , et tout le monde s’en occupait.

Inzpbç Se ëxaaroç èmo’zâp.evoç izepi ttkvzmv

Av0p&)7rwv n yàp üatnovôç elai yevéQl-oç.

Chez les Egyptiens chacun est savant médecin par-dessus tous les autres hommes, car ils sont de la

race de Pæon, dit Homère, Odyss., chant iv, vers 231 -32. Tous les Egyptiens passent pour être méde-

cins : ovç p Iv y àp
. ’ A.iyuTtziovç 'Kà.vzuç la.zpo\j<; àxovopev elvca, dit Plutarque dans le traité où il cherche à prou-

ver que les bêtes ont l’usage de la raison. Les Egyptiens étaient autrefois dans la Grèce ce que sont

aujourd’hui les Français en Orient, bon gré, mal gré ,


on les forçait à exercer l’art conjectural du divin
Hippocrate. Du reste ,
les remèdes qu’ordonnaient les Egyptiens se bornaient à d’innocentes tisanes, et

leurs grands spécifiques étaient la diète et l’eau (a).

(a) Ils employaient aussi les bains de vapeur dont on se sert encore dans l’Orient. Faire suer, dit un papyrus médical
c’est la conservation de la santé, boire l’or liquide c'est la conservation de la vie. Les Perses considéraient aussi l’eau

et le cresson, qui est un dépuratif, comme la boisson et la nourriture des sages; et leur remède pour toutes les maladies

était l’exercice qui provoque la sueur. (Voir Xénophon, Histoire de Cyrus, liv. 1.)
, ,

PRÉFACE. lix

et dès ce premier pas dans les sciences égyptiennes je démontrerai que les anciens

avaient reconnu le phénomène de la précession des équinoxes, et même qu’ils ne

pouvaient pas s’empêcher de le reconnaître (1). Je prouverai que le zodiaque est

égyptien et que son origine remonte à plus de huit mille cinq cents ans; qu’à cette

époque l’Egypte était habitée et même civilisée, et qu’enfin depuis cette épouvan-

table antiquité son climat n’a pas changé (2). Je ne fais point de systèmes; et que

(1) C’est précisément sur la loi de la précession des équinoxes, appelée par les Egyptiens mouvement ré-

trograde du ciel des fixes, que roule toute l’astrologie. La révolution complète du ciel des fixes était com-

prise ,
selon eux ,
dans une période de 24000 ans ,
compte rond , ce qui fait 12000 ans pour la moitié de

la révolution, appelée la grande année de la terre. Cicéron, in Hortensio donne à cette grande année

de la terre 12854 ans, ce qui, pour la révolution totale, donne le chiffre de 25708 ans, qui ne diffère

du chiffre 25812 ,
adopté par l’astronomie actuelle ,
que de 104 ans.

Nos astronomes prétendent que la rétrogradation des points équinoxiaux n’a pu être reconnue que par

Hipparque ,
sur les observations des principales étoiles du zodiaque faites 300 ans avant l’ère chrétienne

par Aristille et Timocharis, parce qu’autrefois on ne s’occupait point à déterminer la position des

étoiles une à une ,


mais seulement celles des groupes qui formaient les constellations. Je me contente-

rai ici de faire observer que les Egyptiens ne composaient pas leurs constellations d’une multitude d’é-

toiles ,
comme nos astronomes ;
dans leurs constellations zodiacales il n’entrait que des étoiles de pre-

mière ,
de seconde ,
et tout au plus de troisième grandeur, lorsqu’on ne pouvait pas faire différemment

et qu’enfin une étoile suffisait pour fixer la position d’un symbole, exemple : dans la constellation

actuelle des Poissons, IV. est une étoile de troisième grandeur; c’est précisément celle qui unit les ru-

bans auxquels sont attachés les deux poissons. Dans le zodiaque égyptien c’est la seule étoile qui entre

dans la constellation dont il s’agit («), et la position des deux poissons est déterminée dans ce zodiaque

par les deux dernières étoiles du carré de Pégase. Il résulte de là que le zodiaque égyptien diffère du

nôtre , et que ,
vu le petit nombre d’étoiles bien apparentes qui composaient les constellations de ce

zodiaque ,
déterminer la position d’une constellation c’était déterminer la position d’une des trois ,
qua-
tre ,
cinq ,
et six étoiles ,
dont elle était composée.

(2) M. Arago, dans sa savante Notice sur l’état thermométrique du globe terrestre (b), a démontré
qu’en deux mille ans la température générale de la masse de la terre n’a pas varié de la dixième partie d’un

degré, et que la température moyenne de la Palestine ne paraît pas avoir changé depuis le temps de Moïse.
La lecture des symboles du zodiaque nous démontrera que le climat de l’Egypte n’a pas varié depuis

huit mille cinq cents ans.

() Cette étoile de troisième grandeur joue un grand rôle dans l’astrologie : Cicéron l’appelle nodus, et Germanicus
alligamentum luteum. Lorsque l’équinoxe du printemps correspondit à cette étoile, les astrologues alexandrins procla-

mèrent la naissance de Jésus.

() Annuaire du bureau des longitudes, 1833, page 171.


Ix PRÉFACE.

m’importe à moi que le monde ait quelques mille ans de plus ou de moins? mais

je dirai pourquoi on ne lui en donne que quatre mille à la naissance de Jésus (1).

Ce que j’annonce ici a besoin, pour être cru, d’être prouvé mathématiquement; aussi

prouverai-je mathématiquement tout ce que j’avance, et je crois pouvoir dire au-

jourd’hui en parlant de l’archéologie (2) ce que Bossuet, bon prédicateur, mais

prophète malencontreux, disait de l’universalité future de l’Eglise romaine scindée

par le schisme d’Angleterre :


« (3) Si mon jugement ne me trompe pas, si, rappe-

« lant la mémoire des temps passés, j’en fais un juste rapport à l’état présent,

(1) Jésus et Mithra n’ont jamais existé; l’un et l’autre sont le résultat de bévues astrologiques. Le

berceau du christianisme se trouve dans l’école d’Alexandrie : aussi accusait-on les chrétiens, et non
pas Jésus, comme on le prétend dans les évangiles ,
d’y avoir puisé tous leurs mystères. Je soumettrai tout

au calcul ,
sauf les trente-trois ans et quelques mois de la vie de Jésus. Mais on voit bien que celui qui

fit le roman de Jésus a voulu faire vivre son héros autant que l’homme le plus célèbre pour les Alexan-

drins, qui est Alexandre ,


lequel a vécu effectivement trente-trois ans et quelques mois: et pour ce qui

est des miracles qu’on attribue à Jésus ,


c’étaient des miracles qui couraient les rues d’Alexandrie : tous

les charlatans en avaient la recette; elle consiste à trouver un compère adroit. Vespasien, à Alexan-

drie, guérissait les aveugles et les boiteux avec les mêmes ingrédients que Jésus (a).

(2) Il ne faut pas confondre l’archéologie avec les travaux de ces misérables antiquaires qui , après

avoir gratté dans un cimetière gallo-romain ,


font des dissertations à perte de vue sur des urnules ,
des

pots cassés, des couteaux ,


des fibules, etc. ;
ces braves gens qui ramassent tout, qui répètent tout, et

qui n’expliquent rien, sont les jocrisses de la science. Je m’en servirai pour égayer la matière.

(5) Oraison funèbre de la reine d’Angleterre.

(a) Per eos menses, quibus Vespasianus Alexandriæ statos æslivis flatibus dies, qt certa maris opperiebatur, multa

miracula evenere, quls cœli favor, et quædam in Vespasianum inclinatio numinum ostenderetur. Ex plebe Alexandrina

quidam, oculorum tabe notus, genua ejus advoivitur, remedium cœcitatis exposcens gemitu ;
monitu Serapidis dei,

quem dedita superstitionibus gens ante alios colit :


precabaturque principem ,
ut gênas et oculorum orbes dignaretur

respergere oris excrcmento. Alius manum léger, eodem deo auctore , ut pede ac vestigio Cœsaris calcaretur, orabat.

Vespasianus primo inridere, adspernari, atque illis instantibus, modo famam vanitatis metuere : modo obsecratione ip-

sorum et vocibus adulantium in spem induci :


postremô existimari à medicis jubet, an talis cæcitas ac débilitas, ope
,

huinariâ superabiles forent. Med ici varié disserere : Huic non exesam vim luminis, et redituram, si pellerentur obstan-

tia : illi elapsos in pravum artus, si salubris vis adhibeatur, posse integrari. Id portasse cordi deis, et divino ministerio

principem electum : denique patrati remedii gloriam penes Cœsarem; inriti ludibrium penes miseros fore. Igitur Ves-

pasianus cuncta fortunæ suæ patere ratus, nec quidquam ultra incredibile, lælo ipse vultu, erectâ quæ adstabat multi-

tudine, jussa exsequitur. Statim conversa ad usum manus, ac cæco reluxit dies. Vtrumque ,
qui interfnere ,
nunc quoque

memorant postquam nullum mendacio pretium.


,

C Corn.
. Taciti historiarum lib. iv. Cap. lxxxi.
(
; -

PRÉFACE. lxj

« j’ose croire, et je vois les sages concourir à ce sentiment, que les jours d’aveu-

« glement sont écoulés et qu’il est temps désormais que la lumière revienne ».

Dans l’initiation aux mystères d ’lsis (la Nature), le gardien de la porte de fer

demandait au récipiendaire, avant de lui en laisser franchir le triple seuil, s’il

croyait avoir assez de courage pour chercher la lumière (1) : je me permettrai

(1) C’est-à-dire l’intelligence ou la raison. C’est le run (mnh) menh des Egyptiens, la partie de

l’homme qui pense et qui raisonne, c’est le mens des Latins et le Noü? des Grecs, la partie enfin qui est

autant au-dessus de l’âme que l’âme est elle-même au-dessus du corps (


voü? yào yvyjjç ,
ô<t« yyyv aûpKToç
S.pstvov È<m /.ai Quizspov ,
dit Plutarq. dans son Traité de la figure qui apparaît sur le disque de la lune ).

L’homme, à l’exclusion de tous les animaux et de la femme même (a), était le seul être doué de raison,

selon l’antiquité. Sa nature était triple ;


le corps lui était donné par la terre ,
l’àme ou la vie par la lune ,

et l’intelligence ou la raison par le soleil. Les anciens pensaient que les douleurs de l’enfantement étaient

causées par le retard que mettait la lune à envoyer l’âme dans le corps de l’enfant lorsque la terre avait

terminé sa besogne, c’est-à-dire lorsque le corps était parfait : aussi dans ces moments critiques les fem-

mes invoquaient-elles à grands cris la chaste Lucine les hommes qui désiraient avoir des garçons invo-

quaient de leur côté le soleil qui donne l’intelligence. Le nom du soleil chez les Celtes était godard ( god

Dieu ,
ard-fort) ,
le Dieu fort, Hercule ;
de là vient qu’on appelle encore aujourd’hui un godard le mari

dont la femme est en couche. L’intelligence, ou la raison, était représentée hiéroglyphiquement par une

flamme, l’âme ou la vie par une croix, et le corps par un mort ou une tête de mort. C’est ce qu’on retrouve

encore sur nos draps mortuaires ,


où l’on voit des larmes prétendues ,
une croix, et des ossements sous une
tête de mort. Le drap mortuaire était en Egypte le symbole de la décomposition de l’homme, car à sa

mort la terre reprenait le corps ,


la lune reprenait l’âme , et l’intelligence retournait au soleil (6) ; aussi

dans les mystères, avant la grande initiation qu’on appelait régénération, le récipiendaire restait-il

pendant trois jours, sans boire ni manger, enveloppé dans un drap mortuaire (c).

() Le galant Anacréon lui-même n’accorde pas la raison aux femmes : Dieu, dit-il, ne leur donna que la beauté ; il

est à présumer que du temps d’Anacréon il n’y avait pas encore de femmes savantes.

() C'est ainsi qu’on s'explique ce que dit Homère (


Odyss., chant u, vers 600 et suiv. )
:

Tor <5e jwér’, EtVevoxcrot. j3/»v

EWàXsif aiiTûi SI fj.i'r’ iBuvuToin Bioïsi

Té/nrtra.1 ev âaX/itf, x.uityei x*XXif<p!//>ov "HC»v.

« Enfin le puissant Hercule parut, son image (son Ame), car pour lui-meme (son intelligence) il se réjouit dans les

« fêtes avec les dieux immortels et possède Hébé au joli pied ». L’EVSu>\ov, Yimage, l’idole, se confond avec le

l’âme, qui étant infusée dans toutes les parties du corps (


tpicpvp/uïm ça/uuri )
conservait la forme de son moule
même après sa séparation. C’était cette partie de l’être qui remontait dans la lune, où se trouvaient le Tartare et l’Elysée,

et où elle était punie ou récompensée suivant la conduite qu’elle avait tenue sur la terre. (Voyez Nécromancie ).

(c) Les francs-maçons se servent, dit-on, d’un drap mortuaire dans l’initiation au grade de maître.
, , ,

lxij PRÉFACE.

d’adresser la même question à mes lecteurs, je leur dirai encore, comme ce

même gardien, qu’il faut, avant de faire les trois pas (1), secouer la poussière de

ses vêtements c’est-à-dire les préjugés de la terre; car, avec les hiéroglyphes et

la langue sacrée, les mystères s’expliquent, les fantômes religieux s’évanouis-

sent, et dans le sanctuaire de la vérité on ne trouve qu’un nom, celui de

L’ÉTERNEL.

(4) Dans presque toutes les initiations modernes on fait avancer le candidat par trois pas, après lesquels

il est irrévocablement acquis à l’ordre. Les mystères modernes, qui ne sont qu’une tradition exténuée

des mystères d’Egypte ,


ont généralement conservé les rites d’initiation. Le gardien de la porte de fer,

accompagné de deux acolytes ayant comme lui la tête recouverte d’un masque de chacal que les Grecs

prirent pour un masque de chien ( voyez Cha.cal), n’empêchait point le récipiendaire de monter les
trois degrés, mais il l’empêchait de retourner sur ses pas. 11 s’appelait "Dlp (qrbr) qerber, ce qui veut

dire introducteur , maître des cérémonies ; d’où les Grecs ont fait KépCepos ,
Cerbère le chien à triple tête

gardien de la porte des enfers, qui accueillait en les caressant les âmes qui entraient, mais qui dévo-

rait celles qui voulaient sortir. On m’a dit que nos francs-maçons appellent leur cerbère le frère ter-

rible.
s-

i
,

DICTIONNAIRE

DES

HIEROGLYPHES.
£>@€

ANE et ANESSE.

L’ane en liberté tourne toujours le derrière au vent; cette remarque que firent

les Egyptiens (1) lui valut primitivement l’honneur d’en être le symbole.

(i) Cette remarquer fut faite non-seulement par les Egyptieps, mais encore par tous les peuples de

l’antiquité. De nos jours ,


les paysans espagnols de la province d’Alcarria ,
qui vannent leur blé pen-

dant la nuit ,
lâchent un ane et remarquent comment il se place pour paître. Cet ane est pour eux

une girouette vivante qui leur indique à coup sûr l’endroit d’où vient le vent quelque faible qu’il soit

d’ailleurs. Je dois ces renseignements à Don J. Lopez de l’académie de Madrid professeur de


, ,
littérature

espagnole à Bordeaux.

t
, ,

2 DICTIONNAIRE

Son nom onomatopique est hia (1) et ses principaux noms mystiques sont az ou

as (2) et bor (3). 1

L’ane, symbole du vent, devint aussi le symbole du souffle ( spiritus J de la

respiration et enfin de la vie.

L’anesse, plus sensible encore que Fane à l’impression de Y air (4), devint prin-

(1) La consonne L remplaçant dans l’écriture démotique I long , représenté par hi , hia , se transforme

en la, ou lah , ou las; c’est la racine du verbe égyptien hn ? (lah), être tardif, paresseux, et celle de

notre adjectif las ,


être las, fatigué.

(2) La racine az ou as se retrouve dans le mot gascon aze, qui signifie encore un âne. Dans le mot
âne lui-même, qu’on écrivait primitivement asne, dans le latin asinus et agaso (a), dans l’égyptien pu

(azn) azen, qui signifia primitivement ânon, et auquel par extension on a fait signifier oreilles;

l’âne étant un animal possesseur de longues oreilles, le mot az lui-même finit par signifier oreilles et

servit chez les Celtes à dénommer l’animal qui en possède de longues, comme l’âne, c’est-à-dire le

lièvre, qu’on appelle encore hase en allemand.

(o) La racine bor se retrouve dans Borée (vent du nord) ,


en grec B opta.; ,
ainsi que dans l’égyptien lya
(bor) ,
qui ,
signifiant ane ,
finit par signifier stupide. La racine bor se retrouve encore dans âortrrasque

(
coup de vent ) ;
bourrique (
femelle de l’âne ) ,
qu’on devrait écrire bourique ; dans l’adjectif bour-

souflé, etc. , etc.

(il) Les chevaux partagent aussi la manie de 1’ ane, mais surtout les juments lorsqu’elles sont en chaleur.

Les bergers qui remarquèrent ce phénomène, et qui ne prenaient pas toujours la nature sur le fait,

s’imaginèrent, lorsqu’ils voyaient arriver le produit de la liberté et de l’amour, que c’était le vent qui

avait fécondé leurs cavales; de là ces chevaux, fils du Zéphyr, dont la vigueur et la légèreté semblaient

confirmer cette noble origine (b). On remarque encore dans l’espèce humaine que les enfants de l’Amour

(a) Agaso, dans l’ancienne latinité, répond à asinarius (ânier). Ce nom, décomposé par la langue sacrée, signifie

ag, maître, as, âne, le maître de l’âne. Ag, signifiant maître, signifie aussi bélier; aussi retrouve-t-on cette racine

dans aÿnus ,
«</neau ,
qui signifie petit bélier ou enfant du bélier.

(b) Virgile, dans ses Géorgiques (


liv. ni ), nous parle de ces amours fabuleux, mais d'une manière plus poétique

qu’exacte :

Continuoque avidis ubi subdita flamma medullis

( Vere mugis, quia vere calor redit ossibus ), Mae


Ore omnes versœ in zephyrum, stant rupibus altis.

Exceptantque levés auras ; et sœpe sine ullis

Conjugiis vento gravidœ ( mirabile dictu )

Saxa per et scopulos et depressas convalles

Diffugiunt ; non, Eure, tuos, neque solis ad or tus ;

In Boream, Caurumque ; aut unde nigerrimus Auster

Nascitur, et pluvio contristât frigore cœlum.


, ,

DES HIÉROGLYPHES. 3

cipalement le symbole du vent. Du reste, comme Y air ou le vent, qui n’est autre

chose que Y air agité, se trouve du genre féminin en égyptien et en langue sa-

crée, I’anesse dut être préférée à I’ane pour en être l’expression hiéroglyphique.

Il faut bien se garder de confondre dans les textes sacrés I’anesse avec Fane, car

I’anesse se traduit toujours par vent, et Fane se traduit par vie. Au reste, il est

très-facile de distinguer ce dernier par le phallus ,


toujours très-prononcé, qu’on

lui donne dans les textes symboliques.

Dès à présent nous pouvons comprendre l’inscription hiéroglyphique d’une urne

de la Villa-Alhani, sur laquelle se trouve un ane et une clochette ; Fane étant le

symbole de la vie, la clochette étant le symbole du souvenir, de ce qui rappelle ,

cette inscription signifie souvenir de la vie, et cette traduction se trouve confir-

mée par l’inscription grecque qui est au-dessous :

ZQH2 AN AMNH2 12.

Avec la connaissance de la valeur symbolique de Fane on peut expliquer Y âne

de Naupli et les fameuses armes de Bourges (1). On peut aussi comprendre

sont généralement forts et spirituels , tandis que les résultats d’un mariage de raison sont presque toujours

rachitiques et bornés. Nos pères appelèrent bastards les enfants de l’amour illégitime ,
mot qui décom-
,

posé par les racines de la langue sacrée, signifie bas -enfant, t -vie ard -fort , enfant d'une forte vie ,

enfant vigoureux. La qualification de bastard n’était pas autrefois une injure : on appelait le beau Dunois

M. le Bastard (a).

(1) Tout le monde a entendu parler des anciennes et célèbres armes de la ville de Bourges, lesquelles

étaient un âne assis dans un fauteuil. En voici l’origine : la ville de Bourges , entourée de toute part par
des rivières et des marais ,
n’était accessible que du costé où elle estait battue du vent de sudwest dit la
,

Chronique; aussi, pour rendre cette ville inexpugnable , Philippe-Auguste ordonna-t-il, en 1190, de
fortifier cet endroit qui estait auparavant de très- facile accès ; on flanqua cette partie de la ville de puis-

santes murailles, munies de gros et de puissants remparts, descouvrant de cette partie bien avant dans le

pays, et on mit de côté une grosse et haute tour (la tour de Berry) dont on peut descouvrir jusqu’à quatre
lieues. Fortifiés de la sorte, MM. les habitants de Bourges n’eurent plus à craindre de surprise, et voulant
symboliser leur sécurité ,
ils assirent un ane, emblème de la vie ,
dans un fauteuil, emblème du repos.

(a) Beau ou mieux bel dans le moyen âge, devait répondre à vigoureux et non pas à jeune : aussi bel dans cette cir-
constance doit dériver du nom onomatopique du bélier, et devrait s’écrire bêl ;
c’est ce qu’on pourrait inférer des portraits
du beau Dunois, qui ne le représentent point comme un Adonis.
, ,

4 DICTIONNAIRE

la valeur allégorique des figures gravées sur un vase égyptien que Caylus a placé

au rang des antiquités étrusques (1) et dont voici le développement:

L’ane qui accompagne le suppliant est le symbole de la vie. Ce même suppliant

présente le pain salé, symbole de la vie terrestre (2), à un homme à tête de croco-

dile, ayant un glaive en guise de phallus, symbole de la mort, et derrière lequel

est un tronc d’arbre desséché, symbole de la mort terrestre. Cette allégorie repré-

sente la vie sacrifiant à la mort ou victime de la mort, et équivaut à cette sentence

banale des Trappistes : Il faut mourir, mon frère !

Les savants s’accordent à nous dire que I’ane était un animal immonde chez les

er
(1) Caylus, tome 1 ,
Antiquités étrusques, planche xxix.

(2) Le pain qui nourrit l’homme est aussi un des symboles de la vie ; c’est pour cela que les boulan-

gers romains plaçaient sur un âne les pains qu’ils venaient offrir tous les ans à leur patronne Vesta

(déesse du feu) (a). Les Egyptiens mettaient l’empreinte d’un âne lié (b) ou celle d’une croix sur les pains

propitiatoires symboles de la vie éternelle lesquels étaient sans levain (germe de corruption) et sans

sel marin (écume de Typhon) ni sel gemme (symbole des misères de cette terre) (c). Ces pains étaient

l’unique nourriture des initiés lorsque le soleil se trouvait dans la constellation du Bélier (voyez Bélier).

() Ovide, Fastes, liv. vi ,


vers 311 et suiv.

() Plutarque, Traité d’Isis et d'Osiris. L'âne lié était le symbole du sacrifice de la vie de ce monde, qui conduit

à la vie éternelle.

(c) Les Egyptiens regardaient la mer avec horreur, car c’est elle qui tue ou, pour mieux dire, qui engloutit à l’é-

quinoxe d’automne Osiris ou l’écoulement d Osiris, c’est-à-dire le débordement ou l’eau sacrée : aussi les Egyptiens ap-

pelaient-ils la mer Typhon, nom qu’ils donnaient en général à tout ce qui était pernicieux. Le sel était appelé l’écume de

Typhon, et quiconque aurait goûté du sel marin était considéré comme impur; le sel qu’on employait en Egypte était

le sel gemme, et encore les initiés ne s’en servaient-ils que par pénitence. Dans l’initiation aux mystères d’Isis on nour-

rissait avec du pain très-salé le récipiendaire pendant les épreuves préparatoires, et ce pain était le symbole de la vie

terrestre, qui est remplie d’amertume. A la naissance d’un enfant mâle, le père lui mettait un grain de sel dans la

bouche en lui disant : On ne naît que pour souffrir. Par extension le sel gemme, symbole des misères de ee monde,
devint celui de la sagesse qui aide à les supporter; de là cette expression antique : un homme salé, pour dire un

homme prudent , sage, avisé, qualités résultant de l’expérience et du malheur.


, ; ,

DES HIÉROGLYPHES. 5

Egyptiens (1); c'est une erreur grossière. L’ane, symbole de la vie. devint même
quelquefois la représentation matérielle de celui qui la donne, de Dieu (2). Les

Hébreux, race arabe civilisée par un prêtre d’Héliopolis, conservaient dans le

sanctuaire de Jérusalem les mystères qu’ils avaient empruntés aux Egyptiens (3),

(1) La plupart des animaux qu’on prétend avoir été considérés comme immondes par les Egyptiens

étaient précisément des animaux vénérés : tel était, par exemple, le porc, symbole de l’agriculture

( voyez Porc ).

(2) Az ou As, qui signifie ane et vie, finit par signifier Dieu. C’est ainsi qu’il faut traduire cette racine

lorsqu’il s’agit des douze azes ou douze grands dieux Scandinaves dont Odin était le chef, ainsi que des
azones égyptiens ptN (azun), qui étaient Sérapis, Bacchus, et Osiris, selon Psellus, et qui, selon moi,

sont Iaho, Isis, et Osiris. Le mot azone ne vient pas de « privatif et de Çwvïj, zone, contrée, région,

comme on l’a prétendu; il vient de l’égyptien azun, qui signifie Dieu, principe, I’Etre Suprême ( intel-

ligence universelle) ,
qui, existant de toute éternité dans I’abym (chaos des Grecs) ,
était représenté chez

les Egyptiens par un être fantastique ,


le jumart (a). Lorsqu’on trouve dans les textes généthliaques ce

jumart couché, comme les dieux d’Epicure, sur le symbole de Yabym figuré par trois caractères icono-

graphiques de l’eau

on doit toujours le traduire par ü'rhn (alhim). C’est V esprit ou le souffle de Dieu qui se mouvait sur les

eaux avant la création, selon la Genèse de Thout. Ce jumart était appelé d>tn (azim) par les Egyptiens,

ce qui signifie Dieu des eaux ou de l’abym. Aussi le Pentateuque des Samaritains commencait-il ainsi : In

principio Azima creavit cœlum et terram.

Az et As, signifiant Dieu, se retrouve en français dans le mot hazard (haz -Dieu, ard -fort), le Dieu

fort, inflexible, le destin dans le mot astre (


As-Dieu tre inversion celtique pour ter
, ,
trois fois). Dieu

puissant. Les astres étaient considérés comme des divinités sous le règne de l’astrologie ,
etc. ,
etc.

(5) Eiffi yàp t« twv Eêjoaîwv puer ripix o'poiwTa zk r otç pvarjjjOtotj rwv Atyoïmcov.

Les mystères hébraïques sont en tout semblables aux mystères égyptiens, nous dit Clément d’Alexandrie

dans les Stromates, liv. vi.

(a) Le jumart est un animal qu’on prétendait naître de l’accouplement d’un taureau, symbole de Veau, et d’une ànesse,

symbole du vent; il était sans cornes, mais son ongle était fendu. Malgré tout ce qu’en a dit Cardan, je pense que

le taureau et l’ànesse sont des animaux d’espèce trop différente pour qu’ils puissent engendrer ensemble; et jusqu’à ce qu’on

me fasse voir un jumart, je le considérerai comme un être mystique, de même que la licorne et le satyre, quoique pour

l’existence'de ce dernier nous ayons l’autorité de S. Augustin et même le témoignage des Parisiens, qui virent dans une

foire l’homme à cornes de bélier que le Maréchal de Beaumanoir avait trouvé, en 1599, dans la forêt du Maine, et

dont, avant la grande révolution, on lisait encore l’épitaphe gaillarde dans le cimetière de la paroisse de Saint-Corne.
\ A ,

6 DICTIONNAIRE

et dans ce sanctuaire Dieü était représenté sous la forme d’un ane (1). Tacite pré-

sume que cette vénération pour I’ane venait de ce que cet animal avait fait dé-

couvrir une source d’eau aux juifs pendant qu’ils étaient errants dans le désert.

Plutarque partage à cet égard l’opinion de Tacite (2), mais comme l’Exode nous ap-

prend (3) que ce fut Dieu lui-même qui enseigna à Moïse le moyen de faire jaillir

l’eau du rocher, et qu’il. n’y est nullement question cTane, il s’ensuit que pour ac-

corder Tacite, Plutarque, et l’Exode, il faut reconnaître qu’au mépris du quatrième

article de la Loi (4), dans le sanctuaire du temple de Jérusalem les Cohens ado-

raient, sous la forme d’un ane, le Dieu fort et jaloux, qui punit V iniquité des pères

sur les enfants jusqu’à la troisième et quatrième génération.

L’ane, symbole de la divinité dans les sanctuaires de Thèbes et de Jérusalem,

portait le nom d’ÀLHiBOROuN (5). Le rédempteur, I’Iesou primitif fils d’ lhiboroun

était aussi appelé Azan (6) dans les mystères.

(1) Effigiem animalis (asini), quo monstrante , errorem sitimque depulerant, pénétrait sacr avéré.

(
Taciti historiarum lib. v.)
e
(2) Plutarque, Propos de table, liv. iv, 5 question.

(3) Chap. xvn, vers. S et 6.

(4) Exode , chap. xx ,


vers. 4.

(5) j'nya’n'jN (alhiborun) ,


décomposé par les racines de la langue sacrée ,
signifie XL-grand, hi -Dieu ,

von-souffle, un -principe, le Dieu puissant, principe de la vie ; d’ alhiboroun on a fini par faire Aliboron,

qui est maintenant un des noms grotesques de I’ane (a). La racine p (un), qui signifie principe, peut

aussi signifier Dieu, comme étant le principe de tout; c’est pour cela que l’unité (un) était le symbole

de la divinité chez Pythagore. La figure du chiffre 1 dérive ,


comme celle de l’I ,
de la représentation

matérielle de Dieu, c’est-à-dire du menhir celtique. L’ane, symbole de Dieu, donna son nom à l’unité,

qui en était aussi le symbole les Latins appelaient asinus et les Grecs ovoç, le coup de dé qui n’amenait
:

que l’unité, ou ce que nous appelons Pas (as -âne et Dieu).

(6) Azan, décomposé par la langue sacrée, signifie az -Dieu, an -fils, fils de Dieu. Les Arcadiens, qui

(a) Pour un âne enlevé deux voleurs se battaient :

L’un voulait le garder , l’autre voulait le vendre.

Tandis que coups de poing trottaient.

Et que nos champions songeaient à se défendre ,

Arrive un troisième larron ,

Qui saisit maître Aliboron.


La Fontaine.
, ,

DES HIÉROGLYPHES. 7

L’âne symbole de la vie, accompagne toujours Priape, dieu de la génération :

c’était la victime la plus agréable qu’on pouvait lui offrir (1). Les Hyperboréens,

si nous en croyons Pindare, immolaient des hécatombes d’ANE à la divinité su-

prême, et du culte de I’ane, considéré comme symbole de Dieu, doit dériver la

fête des anes qu’on célébrait encore au commencement du treizième siècle (2).

L’ane, symbole de la vie, revenant à chaque instant dans l’écriture hiéroglyphi-

que, les scribes durent nécessairement aviser au moyen d’abréger ce symbole

très-compliqué, et pour cela ils convinrent de peindre seulement, pour exprimer

l’idée de vie, un des caractères distinctifs de Fane, qui sont le phallus (3)

avaient emprunté ce nom aux Egyptiens ,


le faisaient fils d Areas; ce fut
’ le premier en l’honneur duquel

on célébra annuellement des fêtes funèbres, selon Pausanias. Les Arcadiens avaient une telle vénération

pour Pane qu’ils en améliorèrent l’espèce : aussi les roussins d’Arcadie sont-ils encore en réputation.

(1) On immolait généralement aux différentes divinités leurs propres symboles; c’est ainsi que le tau-

reau ,
symbole de Veau, était immolé à Neptune; le bélier, symbole du chef, à Jupiter; le porc, sym-
bole de l’ agriculture à Cérès; et l’âne, symbole de la vie, à Priape. On immolait aussi Y âne à Mars,
dieu de la guerre, dans le même sens mystique que l’allégorie égyptienne dont j’ai déjà parlé.

(2) Il faut rechercher l’origine de la fête des ânes dans le culte primitif, et non dans le christianisme ;

car s’il s’était agi de l’âne attaché à la crèche de Bethléem ,


on aurait aussi célébré la fête du bœuf, son
compagnon. Il en est de même de la fête des fous, qui prend son origine dans les fêtes de Romulus Qui-
rinus (Ovide , Fastes, liv. ti). Dans l’hymne qu’on chantait en l’honneur de l’âne recouvert d’une chape
en guise de housse , et dont le refrain était : Hé , sire âne ,
hé ! il paraîtrait plutôt qu’il s’agissait de Dieu
que de Y âne de Bethléem ou de l’dnesse de Jérusalem.

(5) L’ane est de tous les quadrupèdes celui qui a reçu de la nature le phallus le plus long et le plus

gros proportionnellement à sa taille. Le phallus d’ANE symbole de ,


la vie ,
sert de caractère distinctif à

Priape, dieu de la génération. Osiris, c’est-à-dire Yabym, Veau du débordement qui féconde l’Egypte,
était aussi personnifié par un homme à phallus d’ANE en érection.

La statue de ce même Osiris qu’on promenait dans les fêtes des Pamulies (a) était distinguée par un

(a) Les Pamulies étaient les rogations qu’on faisait au solstice d’été pour obtenir un débordement heureux , c’est-à-

dire ni trop fort ni trop faible.


, , ,,

8 DICTIONNAIRE

et la croix (1) ;

phallus d’une longueur triple à celle du phallus ordinaire : Tùv §s tüv TzxpvlUôv éoprùv ayovreç ,
Samp upnzoa
çpa^Xixèv où < üyoàpLK npoTidsvzca v.al nepiyspovaiv où z'o àt'Sotov zpntoCkùaiôv iaziv àpyjn yùp o 0£Ôj, àpyn §è i:â.acf.

tm yovipw 7roXX«7rX«<7taÇet r oSè txùrvg , nous dit Plutarque dans son Traité d'Isis et d’Osiris. Les statues d’Osi-

ris étaient, ainsi que celles de Priape, en bois de figuier, car cet arbre était consacré à Yabym; aussi

était-il appelé i arbre d’Osiris, d'Vdïjd (cnusiris) ,
cenusiris, prononcez kenousiris ou kewysiris (a). Plu-

tarque prend le kenousiris, qu’il écrit yevompig, pour le lierre; il se trompe : c’était le figuier l’arbre

primitif, selon les Egyptiens, celui dont le fruit servit de première nourriture à l’homme, et que les

Grecs, les Latins, et les Celtes, ont pris ensuite pour le chêne. Le fruit du figuier ayant la propriété,

selon les papyrus médicaux, de fortifier l’homme, de là vint que les athlètes en firent leur principale

nourriture.

Du phallus, symbole de la vie, dérive, comme je l’ai démontré dans la Préface (page xliv), la lettre

B de l’écriture hiératique ,
qui sert à exprimer hiéroglyphiquement l’idée du verbe être. Cette lettre

appelée par les Egyptiens n’3 (vit) et par les Grecs /3st« (vita), noms qu’on a fini par prononcer beth

et bêta ,
se trouve rendue dans les textes hiéroglyphiques purs par sa figure première ,
qui est I’ane. De
la prononciation vicieuse beth et bêta découle l’étymologie de bête, qui, dans notre langue, exprime

l’idée de tout animal qui n’a pour lui que la vie et qui ne possède pas l 'intelligence (b); par suite bête est

devenu un adjectif équivalent à stupide.

(1) L’ane a deux bandes noires qui se croisent sur le garrot; l’une suit la colonne vertébrale dans

toute son étendue ,


et l’autre passe par-dessus les épaules. II ne faut pas croire avec les bonnes âmes

que Pane ait une croix noire sur le dos à cause de l’ânesse de Bethphagé qui porta Jésus-Christ à Jéru-

salem ,
comme on nous l’assure dans la fleur de la vie des Saints ; les ânes d’aujourd’hui sont ce qu’ils

étaient du temps de Sésostris ,


et cette croix ,
qui est un des caractères distinctifs de Pane , servit

dans l’abréviation des symboles à rendre l’idée de vie absolument comme le phallus.

Les longues oreilles de Pane auraient pu passer aussi pour un de ses caractères distinctifs, mais comme
le lièvre ,
symbole de Vouie dans les hiéroglyphes ,
possède des oreilles bien plus longues que Pane ,
eu

égard à sa taille, Y oreille, qui est aussi le symbole de Youie ,


se trouve être l’abréviation hiéroglyphique

(a) Le nom d ’Osiris en égyptien est D'VDl (üsiris), l’I (u), étant prononcé ou on disait Ousiris, d’où les Grecs ont

fait Onpts. Mais comme la cinquième voyelle 1 (u), qui dans la numération égyptienne vaut 5, était le symbole de

tout ce qui est, de la Nature, et de Dieu, comme le proclamaient les prêtres égyptiens et leur disciple Pythagore

(voyez Plutarque sur i’Ei du temple de Delphes), 1 (u) et ’ (i) furent synonymes, cette dernière voyelle signifiant

Dieu qui est aussi tout ce qui tst. Aussi les prêtres égyptiens, quoiqu’ils écrivissent Usiris prononçaient Isiris ou

Hysiris , comme l’avait très-bien remarqué Hellanicus. (Voyez Plutarque, Traité d’Isis et d’Osiris ).

(b) L’homme étant le seul animal qui possédât Y intelligence.


DES HIÉROGLYPHES. 9

quelquefois même on réunissait les deux abréviations hiéroglyphiques pour expri-

mer l’idée unique de vie :

c’est ainsi qu’est figurée la croix pectorale d’un Canobe, dont Kircher nous a

donné le dessin (1).

Par abréviation ,
cette même croix phallique se trouve ainsi rendue

sur les jetons astrologiques et sur les obélisques des premiers âges (2).

L’axe étant par extension le symbole de la divinité, qui est le principe de la

vie, le phallus et la croix, abréviations de ce même ane, devinrent aussi le

du lièvre. Horus-Apollon (a), qui n’y regardait pas de fort près, prend Y oreille de lièvre pour une]oreille

de taureau (b) ,
et M. Champollion ,
qui adopte sans examen tout ce que dit Horus-Apollon lorsqu’il ne

contrarie pas son système , a eu l’attention de citer textuellement la bévue de cet ancien (c).

(1) Kircher, OEdip. Ægypt. ,


tome m, page h 3A.

(2) Parmi les obélisques des premiers âges ,


l’obélisque d’ Alexandrie doit être considéré comme le plus

ancien. Cet obélisque fut probablement enlevé à la Haute-Egypte par les Ptolémées pour embellir la ville

d’Alexandre. Il est à déplorer que ces monuments astronomiques ,


qui ne peuvent avoir de valeur que

placés comme ils le furent par les astrologues ,


et qui auraient pu donner la solution d’un problème de

la plus haute importance pour l’astronomie, aient été déplacés pour servir à l’embellissement des places

publiques de certaines capitales où ils figurent grotesquement sur un piédestal corinthien. On se moque
aujourd’hui de l’ignorance des Romains qui prirent le cadran solaire de Catane pour s’en servir ,
sans

faire attention qu’il ne pouvait pas convenir à la latitude de Rome; mais que dirait-on d’eux s’ils

n’avaient emporté que la moitié du cadran?

(a) Horus-Apollon, soit qu’on désigne par ce nom un auteur ou, ce qui est plus probable, un dictionnaire hiéro-
glyphique grec, n’est pas infaillible. Je n’hésiterai pas à le combattre toutes les fois que ses assertions contrarieront

et l’esprit qui a dû diriger les Egyptiens dans la composition des hiéroglyphes


,
et les monuments qui nous conservent
encore cette écriture mystérieuse.

(b) Horus-Apollon ,
liv. 1 er ,
hiéroglyphe xliv.

(c) Grammaire égyptienne ,


page 388.

2
! ,

10 DICTIONNAIRE

symbole de Dieu; mais dans cette acception le fhallus est représenté vertical (1)

et la croix surmontée de Y aspic se mordant la queue,

aspic qui se trouve ici symbole de Yimmortalité (2).

La croix étant le symbole de la vie, ainsi que la phallus, on s’explique la pré-

sence de l’un et de l’autre dans les tombeaux, en les considérant comme symboles

(i)'Les phallus verticaux qu’on dressait sur le parvis des temples de Syrie ,
parmi lesquels on en trou-
vait ayant jusqu’à trois cents brasses de hauteur, comme nous l’apprend Lucien (a) ,
sont l’expression

réunie du phallus, symbole de la génération ou de la vie, et du menhir, symbole du Très-JIaut, de

Dieu. On en plaçait deux côté à côté pour désigner les deux principes qui constituent la divinité toute

entière dans le culte primitif.

(1) Voyez Aspic. Cette dernière croix ,


symbole de la vie éternelle, sert à reconnaître les statues et les

figures sacrées des Egyptiens ;


c’est ce qu’on appelle le to ou tau ansé. Sérapis ,
qui n’est autre que

l’élément du feu éternel qui doit régénérer le monde, portait le tau ansé sur sa poitrine. Des initiés

expliquèrent exactement ce symbole à Théodose lorsqu’il fit la purification du temple de Sérapis pour

le convertir en église chrétienne (b). Cette croix portait chez les Egyptiens le nom de L7NUoy (omnual)

omenual, ce qui veut dire omen -présage (c), ual -grand, le grandsigne ; car c’était le tau ansé qui devait

apparaître dans les airs, à la fin du monde, lorsque Ylesou primitif viendrait juger les vivants et les

morts. Les Hébraïsants lisent ce nom, au moyen de leurs points massorettes, Himmanouel dont on a fait

Emmanuel ,
nom sous lequel Isaïe a signalé le rédempteur (ci). Omenual était le mot de passe des initiés

égyptiens. Que cherches-tu? demandait le Qerber à l’initié qui voulait entrer dans le sanctuaire: La

lumière répondait-il. — Que désire l’homme pur ? — Omenual (le grand signe, symbole de la vie éter-

nelle ) .
— Passe !!!

(a) Traité de la déesse de Syrie.


Suidas in Theodosio Nicéphore Calystus lir. 12,
(b) Voir Socrate, liv. 5, chap. 17. Sozoméne, liv- 7, chap. 15, ,

chap. 26, confirment tous la -valeur hiéroglyphique du tau ansé, et Rhodigiorus, liv- 10, chap. 8, nous apprend que

cette croix était gravée sur la poitrine de Sérapis.

(c) En latin omen signifie aussi présage ,


pronostic, signe de ce qui doit arriver.

d ) Isaïe, chap. vu, vers. 14. S. Mathieu, dans son Evangile, chap. 1, vers. 23, traduit Emmanuel par Dieu avec
(

nous.
, ,
«

DES HIÉROGLYPHES. 11

de résurrection (1). Leur présence indique d’une manière positive que la tombe où

ils se trouvent est celle d’un initié à des mystères d’origine égyptienne ,
tels que

ceux d’OuiES (à Eleusis), d’HiÉsus ou Hésus (dans la Celtique), et de Iesou ou

Jésus (dans l’Orient).

L’anesse ,
symbole du vent dans l’écriture hiéroglyphique, comme nous l’avons

déjà vu, est toujours figurée libre, soit debout, soit accroupie. Debout, on la re-

présente les oreilles baissées, faisant la grimace au vent (2);

accroupie, on la représente les oreilles droites et la queue relevée, dans une po-

sition enfin qui détermine d’une manière toute particulière sa valeur symbolique (3).

Les Egyptiens appelaient Typhon (4) tous les fléaux en général qui désolaient

(1) Tout ce qu’on retrouve dans les tombeaux antiques est un symbole de vie et par conséquent de ré-

surrection. Veau lustrale , contenue dans les prétendus lacrymatoires ,


étant le principe et la génération

comme l’eau de Yabym fut aussi considérée comme symbole de la vie ,


aipsî que les phallus, les bras

phalliques, les croix, les graines de trèfle, d'héliotrope et de bluet, comme aussi les statuettes de Té-
thys tenant dans ses bras le soleil et la lune sous la figure de deux enfants à la mamelle , et enfin la fi-

gure de la lune elle-même représentée sous la forme d’une femme nue écartant les cheveux ,
sym-
boles des ténèbres, qui cachent son visage ,
symbole de son disque ;
et quant à la femme tenant dans ses

bras un agneau qu’on a retrouvé dans les tombes gallo-romaines ,


voyez Ibis.

(2) « L’ane prend quelquefois une figure hideuse en relevant les lèvres et en mettant les dents à dé-

« couvert, ce qui lui arrive toutes les fois que quelque chose le blesse dans son harnois, et bien d’autres
« fois sans qu’on puisse deviner ce qui le détermine à faire cette figure que l’on donne pour le symbole
« de l’ironie » ( Encyclopédie, au mot Ane. ). Ce qui détermine I’ane ,
et surtout I’anesse , à faire cette

grimace ,
c’est précisément le vent lorsqu’on les force à lui tenir tête, ce qui ne leur convient pas plus

que d’être mal bâtés.

(B) L’âne et sa femelle sont les plus venteux de tous les animaux.

(4) En langue sacrée le nom de Typhon est Fû ou Fût prononcez fou


,
et fout. Dans les notes de la

Préface (a) j’ai dit que le chant de la cigale fut le motif qui fit consacrer cet insecte à la divinité. Le

(«) Page ui.


, ;

12 DICTIONNAIRE

leur pays; et comme parmi tous ces fléaux , les plus terribles sont les vents pério-

diques du sud et de l 'ouest, qui apportent, pendant les mois d’avril et d’août, des
»

chat , dont tous les miaulements sont aussi les noms purs de la divinité en langue sacrée , devint le sym-
bole de cette langue (a), et fut considéré comme un être privilégié et même comme un être divin. Le nom
de la Nature étant Ieaou en langue primitive , ce nom signifie tout ce qui est , absolument comme celui

de Ieoua, ainsi que tout nom composé de cinq voyelles (b). Si au nom de Ieaou on ajoute la consonne
m, qui peint l’idée relative de force, nous aurons mieaou (la forte nature), nom qu’il faut prononcer
simplement miaou ,
absolument comme les chats; c’est pour cela que dans la principale inscription de la

table isiaque ,
où ce nom se trouve inscrit, la voyelle e n’est pas mise à son rang ,
on l’a placée au-dessus

de Ta entre parenthèses (c) : c’est ainsi qu’on s’explique la vénération des Egyptiens pour les chats. Dans

toutes les maisons il s’en trouvait un qui faisait l’office de chapelain; c’était le pénale vénéré de toute la

famille , la place d’honneur lui était réservée au foyer domestique, et à sa mort on lui faisait de pompeu-

ses funérailles ;
les chats étaient pour les initiés de véritables professeurs de langue sacrée, du moins

quant à la prononciation. Paris possède dans son musée égyptien la momie de Sothi le chat et voici

l’explication de ce surnom, telle que je l’ai traduite de l’écriture sacerdotale : A lui fut le sublime hon-
neur de prononcer exactement le nom sacré de la puissante Nature (lequel est mieaou), c’est ce qui lui

valut le surnom glorieux de chat; il était employé comme saint dans les conjurations de la disette (d). Lors-

que le chat est poursuivi et acculé, il se retourne furieux pour lancer cet anathème Fû ou Fut ! qui en

langue sacrée signifie mauvais principe ou Typhon; lorsque nous voulons chasser le chat, nous lui disons

(a) La loi étant écrite en langue sacrée, les jurisconsultes égyptiens, qui devaient approfondir cette langue plus que

tout autre initié, portaient comme signe de distinction un sceptre sur lequel était figuré un chat ou une tétedec/iaf. La
religion chrétienne renouvelée des Egyptiens nous représente S. Yves, curé et avocat breton, mort en 1303 selon la lé-

gende, toujours accompagné d’un chat. A propos de ce quadrupède intéressant, Henri Etienne (
apologie pour Héro-

dote, tomel) a fort bien remarqué que le chat est le symbole des gens de justice : aussi S. Yves est-il le patron des

chats et des avocats, comme S. Hubert celui des chiens et des chasseurs. La belle Freya des Scandinaves, déesse de la

poésie et de Y amour avait un char traîné par deux chats.

b
( )
Les noms composés des cinq voyelles signifiant tout ce qui est, quel que soit d’ailleurs leur ordre, expriment l’idée de

Dieu ,
qui est tout ce qui est. Voilà pourquoi les hymnes égyptiens ,
qui consistaient dans l’énonciation des différents noms
de la divinité, se composaient du son des voyelles prononcées de suite. Démétrius de Phalère (de elocutione) nous donne

à entendre que ces voyelles étaient au nombre de sept, il se trompe: les Egyptiens n’en reconnaissaient que cinq. Les

Grecs, qui avaient deux voyelles longues H et fl ,


employèrent leurs sept voyelles lorsqu’ils voulurent imiter les Egyptiens

dans la composition des noms mystiques de Dieu : c’est ainsi qu’on les a retrouvés à Milet, àPathmos, à Laodicée, sur la pla-

que d’un tombeau à Versay, et enfin tels qu’on les retrouve encore sur quantité d’abraxas et même de jetons astrologiques.

(c) Dans la première partie de mon Etude de la langue sacrée je ferai lire cette inscription.

(d) Les conjurations de la disette ne sont autre chose que les Pamulies dont nous avons déjà parlé : c’étaient des

rogations dans lesquelles un coryphée, comme devait être Sothi, invoquait en langue mystique la Nature et les éléments

pour obtenir uu heureux débordement. Ces rogations avaient lieu au solstice d’èlé, et comme on pensait que la divinité

et les éléments ne pouvaient être exorables que lorsqu’ils étaient invoqués par leur nom véritable ,
et le chat seul possédant

la faculté de prononcer exactement ces différents noms, on conçoit de quelle importance devait être, en Egypte, un homme
qui miaulait dans la perfection ,
comme feu M. Sothi dont nous avons l’avantage de posséder les reliques.
, ; , ;,

DES HIÉROGLYPHES. 13

émanations putrides et des chaleurs étouffantes qui occasionnent une grande mor-

talité (1), ces yents furent appelés par excellence Typhon ,


nom que nous donnons
encore à certains ouragans.

encore en langue sacrée ,


qu’il comprend parfaitement Fût : ! et il s’en va. Lorsque les Egyptiens étaient

anathématisés par un chat, ils allaient dévotement se purifier; lorsqu’une fille avait été traitée de Fox
par un chat ,
qu’on considérait comme un prophète ,
il était rare qu’elle trouvât à se marier (a), car dans

cette circonstance Fut se traduit par coquine. Les prêtres, qui avaient en horreur les filles de mauvaise

vie ,
les appelaient Fut-en (mauvais principe fille) ,
fille du mauvais principe, filles de mauvaises mœurs ;
mais comme le s (F) égyptien a été souvent rendu par la consonne P dans beaucoup de langues (il n’y

a point de lettre correspondante à notre P en égyptien), de Fut-en on a fait Put-en, d’où Putain,

qualification qui a toujours été prise en mauvaise part : les prostituées égyptiennes se donnaient le nom
de ttubs (flgsh) felges (6) ,
qui veut dire danseuses, d’où les Grecs ont tiré leur verbe yetyiv w, je folâtre

c’est ainsi que ,


par décence , on appelle les prostituées des filles de joie. De la racine Fu ,
prononcée

Fou, dérive notre mot fou, qui correspond à féroce, méchant , scélérat, et qu’il nefautpas confondre

avec Fol, qui désigne un aliéné (c). C’est aussi la racine première d’un animal puant, de la fouine, de

l’instrument qui sert à châtier ,


du fouet enfin de notre imprécation foutre ( d!). De Fut dérive le verbe

latin futo, qui se traduit par réfuter. Le s (F) des Egyptiens étant considéré comme correspondant à

notre lettre P, la racine Fuse change en Pu, d’où Pus, humeur engendrée par la putréfaction ;
Pou,
vermine qu’engendre la malpropreté. Fut se transformant en Pur se trouve racine première de Putois ,

quadrupède qui, de même que la fouine, est très-puant , etc.

(1) Consulter à cet égard Dapper, Maillet, fVansleb, Pluche, et les Mémoires de la Commission d’Egypte.

() On dit encore en plaisantant, dans nos campagnes, à une jeune fille qui, marchant sur la queue d’un chat, lui

fait crier Fut! Tu ne te marieras pas cette année. La superstition égyptienne explique le sens de cette singulière prophétie.

() Les filles publiques, réunies en communauté, qu’on trouve encore en Egypte comme au temps des Pharaons, por-

tent le nom d 'Aimées ou d'Almeh, nom primitivement égyptien, corrompu par la prononciation vicieuse des Arabes.

nnSy(oLMH), oleme, signifie en égypt'en fille nubile, qualilé essentielle pour exercer l’infâme métier de prostituées.

Les Massorettes, qui ont adopié la prononciation vicieuse des Arabes, lisent rtoSy , almah ; et comme c’est précisément

le nom qu’Isaie donne à la mère d'Emmanuel, les chrétiens veulent qu’PQ^y signifie vierge. Les juifs, dèsle temps de Justin,

soutinrent avec raison que ce mot ne devait pas se traduire par mtfâvos (vierge), mais bien par viSviç (jeune fille). Voy.

Dial. c. Tryph., n. 43 ,
page 139.

(c) Fol, décomposé par la langue sacrée, signifie F-voix, O -soleil, 1 -grand , voix du soleil grand, en d’autres ter-

mes, prophète. Les aliénés étaient considérés eomme les enfants chéris de Dieu chez les peuples primitifs, c’étaient

des inspirés ;
de là vient la vénération que les Arabes du désert conservent encore pour les fols mais comme géné-
ralement les fols sont méchants, fol et fou devinrent synonymes. C'est ainsi qu’il ne faut pas confondre mou, nom onoma-
topique du taureau, et qui signifie eau, avec mol qui, décomposé par la langue sacrée, signifie M-force, O-soleil

L-grand ,
force du grand soleil , c’est-à-dire la chaleur qui fond, qui liquifie. Ainsi il faudrait dire: le feu rend le fer

mol et la pluie rend la terre mou. Le feu amollit le fer et la pluie rend la terre mouvante.

(d) Cette expression à laqnelle on attribue une idée sale vien de Fou, mauvais principe , et tre inversion celtique

pour ter ,
trois fois. Foutre veut donc dire triple coquin.
, ) , , ) ,,

U DICTIONNAIRE

L’anesse, symbole du vent en général, devenant le symbole des vents du sud et

d 'ouest en particulier, devint par conséquent le symbole du mauvais principe., de

Typhon dont ces mêmes vents portaient


,
le nom; et comme ils étaient brûlants,

on avait soin de peindre en rouge I’anesse qui en était le symbole : de là vint que

les Grecs qui n’y regardaient pas de très-près, contondant I’anesse avec I’ane ,

nous disent que les Egyptiens consacraient les ânes rouges à Typhon 1).

Dans la mythologie égyptienne il est question d’une certaine Aso, reine d’Ethio-

pie (2), qui s’associa avec Typhon ( le mauvais principe pour combattre Osiris

( le débordement à son retour. Cette Aso comme l’indique la décomposition de

son nom par les racines de la langue sacrée (3), n’est autre que le vent du sud qui

poussant les nuages vers l’Egypte, les empêche de s’amonceler sur les montagnes

qui sont au delà du tropique; et comme ces mêmes nuages ,


se résolvant en eau,

sont précisément la cause de l’intumescence périodique du Nil, ce vent peut oc-

(1) L’anesse ronge portait en Egypte le nom de typnya (boriqsh) Boriqesh ,


BoR-vent, îqvsH-destruc-

teur. De ce nom vient notre mot bourrique, femelle de I’ane : wp*, lu iaqash parles Hébraïsants, finit

par signifier corrompre ,


tromper, et tendre des pièges. Sur les papyrus I’ànesse de Typhon est le plus

souvent appelée t^pyiya (boroqsh) Boroqesli, Boa-vent, OQESH-perrers.

La couleur rouge affectée généralement à I’anesse, symbole du vent, ne viendrait-elle pas de cette

observation faite par les anciens sur l’aspect du disque solaire à son coucher?

Cœruleus pluviam denunciat igneus Euros.

(Virgil. Georg. lib. 1.)

T vcfüva. Si, v.’kÔ'jto; piv oùôsv vsMTOjOt’Çetv Sici to t rjv I<rtv eù p.«).a fvlcizzeaOca y.od Tzpooéyjiv èyy.pax&ç syovcccj
(2)

£7r«veÀ0ôvrt Sè dolov pj;£«vâ<70ai ,


C’jvwp.draç v.viïpaç eëSopixovfa y. al Svo mizovnpÂyo'j ,
y.«i crv'jepyiv îyo-jzcr. pctaOivtjc/.'j

gf AtSiomaç 71•spovcav , xfv ovopiàÇoüo’tv Aato.

(n'ÀovTapy. Ttspi IfftS. y.ai ÔaipiS .)

(3) Aso décomposé par


,
la langue sacrée, signifie As-vent, O -soleil ,
vent du soleil ,
vent du midi (a). Les

Grecs donnent aussi à la reine d’Ethiopie le nom d’AsoN ;


on signifiant soleil nouveau , Ason voudrait dire

vent de l’est et non pas vent du sud. Du reste, voici le nom des vents égyptiens qui correspondaient aux

quatre points cardinaux :

(a) La voix O, qui signifie soleil en langue sacrée, signifie aussi midi; de même que midi en hébreu signifie quel-

quefois soleil, n fera briller ton innocence comme un flambeau, dit David (Psaume xxxvi, vers. 6), et ta justice

comme le midi, c’est-à-dire comme le soleil.


, , .

DES HIÉROGLYPHES. 15

casionner la sécheresse en Egypte, c’est-à-dire un faible débordement (1), et par

^3 (bor), vent du septentrion appelé par les Grecs BOPEA2 (a).

niTN (azor), vent de l’est eypos ou aühaiqths (6).

yts (azo), vent du midi NOTOS (c).

iytK (azor), vent de l’ouest.. ze-pypos (


d).

Ces quatre vents se divisent en deux mâles Bor et Azor, et deux femelles Azur et Azo. Bor et Azur

étaient unis pour le bien ,


Azor et Azo s’étaient liés pour faire le mal. Dans les romans orientaux Azor,

prince déchu ,
joue encore un grand rôle ,
ainsi que la bonne fée Azurine.

(1) La sécheresse pour l’Egypte, pays où il pleut très-rarement, doit être considérée comme le résul-

tat d’une faible crue du Nil ,


et non comme provenant du défaut des pluies accidentelles qui ne peuvent
arroser que très-superficiellement la terre sainte. Les vents du sud, qui poussent les nuagessur l’Egypte,

doivent y occasionner des pluies et des arcs-en-ciel ; mais comme ces mêmes vents empêchent les nuages

de s’amonceler sur les montagnes au delà du tropique ,


nuages qui sont ,
comme nous l’avons déjà dit ,
la

cause de l’intumescence périodique du Nil ,


il s’ensuit que ,
pour l’Egypte ,
la pluie et les arcs-en-ciel

sont des présages de sécheresse ,


c’est-à-dire d’un faible débordement. La Genèse du second Thout fait dire

à Dieu que l’arc céleste, signe de son alliance avec la terre, sera aussi le gage de la promesse qu’il a faite de

ne plus noyer les âmes vivantes avec les eaux de l’abym. Si les philosophes du dix-huitième siècle, qui se

permettaient de railler tout ce qu’ils ne pouvaient pas comprendre, avaient su que la Genèse, d’origine

égyptienne, doit être lue en tenant compte du climat de Cous, et qu’enfin pour les Cousians, l’arc-en-

ciel, présage d’un faible débordement, était un symbole de sécheresse, ils ne se seraient pas extasiés mali-

(
a ) Le vent du nord était le vent par excellence chez les Egyptiens, c’était celui qui nettoyait leur ciel, d'où iy3 en

égyptien finit par signifier nettoyer. Ce vent ayant la même propriété en grec, de là vient qu’Homère ,
Odyss., chant v,

vers 296, lui donne l’épithète de myivirns ,


celui qui ramène la sérénité.

(i>) Le vent d’est ayant la même propriété que le vent du nord était considéré, eu égard à sa force, comme un génie
femelle, qui seconde Bor. Azur, prononcez azour, signifie vent d’Orient, qui, nettoyant le ciel, lui rend sa couleur
azurée.

(c) Azo était la Gorgone égyptienne la digne compagne de Typhon. Toutes les religions , filles du culte égyptien , dési-

gnent le midi comme étant la partie du monde habitée par le Diable. Le Psalmiste nous parle du Démon méridional ;

Non timebis ab incursu et demonio meridiano. T. de Bostres (Coll. 880), ainsi que Simplicius et Théodose, nous ap-
prennent que meridianam partem malo tribuunt manicliœi.LesV erses, dans le Boundesh ,
nous représentent Ahriman se
réfugiant vers le midi. Le vènt de sud, sous le nom de Norof chez les Grecs et de Notus chez les Latins, n’était pas re-

présenté comme un bon principe. On peut voir le portrait de ce vent dans Ovide ( Métamorph liv. 1) : le Notus est appelé
le terrible Autan par nos poètes.

(d) Azor, symboliquement représenté par une anesse rouge, lorsqu’il ôtait considéré comme étant du genre féminin ,

portait en égyptien le nom de (ThuRis) ,


prononcez Thoueris, nom que Plutarque ,
dans son Traité d’Isis et

d’Osiris, a parfaitement rendu ,


quant à la prononciation, par le mot grec Thoueris, ou X Azor féminin, était une
des concubines de Typhon : ce nom veut dire THUER-morf, is -puissance , puissance mortelle. Le Zéphire léger, selon
nos poètes, n’avait pas une épithète aussi gracieuse chez les Grecs. Homère lui donne toujours celle de Swaei, qui
souffle avec violence ce qui ne s'accorde pas du tout avec l'idée que nous faisons du Zéphire.
16 DICTIONNAIRE

suite la disette qu’on attribuait au mauvais principe (1). D’après cette même my-
thologie, les soixante-douze conjurés, ou mieux les soixante-douze concubines

de Typhon qui s’associèrent avec lui pour combattre Osiris, s’expliquent par les

vents qui soufflent des soixante-douze parties de la terre, selon la division qu’en

faisaient les Egyptiens (2).

La terreur que les vents de sud et d'ouest inspiraient aux Egyptiens finit par

s’étendre jusqu’à I’anesse rouge des hiéroglyphes, qui en était le symbole, puis

enfin jusqu’aux anesses mêmes, dont le poil était une couleur approchante du

rouge. C’est ainsi que le mauvais principe personnifié sous la figure d’un homme à

chevelure rouge , vomissant des flammes et entouré d’aspics, symboles de la mort (3),

cieusement sur ce que Dieu se servait précisément du signe précurseur de la pluie pour indiquer qu’il

ne devait plus noyer le monde.


Chez les Grecs Y arc-en-ciel était le présage et par conséquent le symbole de la pluie :

IÀjts KOp'fvpériv ipiv 6 'jyitoîol t mitca-p

Zevç si; oùpavoQev ,


ripa; ep-p.evai vj iroïép.oio ,

H '/.ai xju[j.5)ijoç SvaOaÏTrÉoç ,


oç pâ rs epyw'j

A àv£7r«u(7£v £7xi yQovi ,


pnla. Sev.riSsi'

fi

(Ôp.vipov ihàç. P.)

Il en était de même chez les Latins :

Venturam admittat irnbrifer arcus aquam.


(Tibull. Elegia iv.)

Il n’y a que l’Egypte qui puisse* considérer V arc-en-ciel comme symbole de sécheresse.

(1) Jablonski a très-bien développé cette allégorie dont Plutarque lui avait donné l’idée ;
mais lorsque

dans le griffon noir il retrouve Azo sur la table isiaque ,


ce savant judicieux erre complètement.

(2) Horus-Apollon ,
liv. 1 ,
chap. ik.

(5) Voyez Aspic.


,

DES HIÉROGLYPHES. 17

inspirait une telle terreur que son image même finit par inspirer de la crainte, et

qu’enfin les hommes qui avaient le malheur d’avoir les cheveux rouges furent con-

sidérés comme des réprouvés. Les fanatiques précipitaient les ânes roux, et prin-

cipalement les anesses rousses, pour apaiser la colère de Typhon, et croyaient

bien mériter du bon principe en accablant d’injures leurs compatriotes qui avaient

les cheveux de la même couleur (1); à Idithya on brûlait vifs ces mêmes hommes

qu’on appelait Typhoniens et leurs cendres tamisées étaient jetées au vent pour

apaiser le mauvais principe (2). Les habitants de Coptos, de Busiris, d’Àbydos,

et de Lycopolis, qui étaient les peuples les plus ignorants, et par conséquent les

plus fanatiques de l’Egypte, confondant dans leur zèle contre Typhon, ane et

anesse, sans distinction de poil, poussèrent la superstition jusqu’à ne pas vouloir

même entendre le son d’une trompette, parce qu’ils y trouvaient quelque rapport

avec le braire de I’ane (3).

Cependant, à Memphis, F anesse, symbole du vent, jouissait d’une grande consi-

dération dans les mystères de Phtha (4) : à elle seule appartenait l’honneur de por-

(1) Tüv pèv àv0pw7T&>v z où; 7rvppoùç rai ivpoTrrilaY.iÇovzoç ,


ovov Si rai y.azay.pnp-'J i'Ço'jzoç (a).

(n).oÜTao^. 7te pi Ï<7i5. y ai ÔaipiS. )

(2) Kai yàp Èv l5i0uaç 7zolzi Çwvraç avÔpw ttovç ,


y.azsizip.Tzpaaa'j ,
wç MavÉSwv îazopinv.e ,
T uycoviovç y.aloïivzcç ,
y.ai

Trjv zsf pctv aùzü>-j hy.pLÜvzEç ùçpscvtÇov rai SiéaTzzLpov ,


aù.a zoïizo p.èv eSpâ.zo ftxvspüç y ai y.ad svcc y.aipô'j èv zaïç Kyvccctv

yip.SptY.LÇ. (nXoÜTKp^. ZŸjSc COJZOÏI.


)

(5) nloûzap^. zriSe avzoïj.

(4) En égyptien nus (FThA), F -voix ou fils (b), ThA-Dî'eit, fils de Dieu. Phtha, Sérapis, et Jésus,

(a) Les hommes roux, insultés à chaque instant par les dévots égyptiens, comme nous l’apprend Plutarque ,
durent être
en guerre ouverte avec eux, par suite devenir peu traitables pour tout le monde, et enfin justifier ce dicton absurde
aujourd’hui : Tous les poils rouges sont méchants. C’est ainsi que les bossus ,
les borgnes , et les boiteux ,
sont généralement

spirituels, malins, et caustiques, et cela parce qu’ils sont toujours obligés d’être en garde contre les railleries du prochain.
(b) F , consonne qui exprime en écriture sacrée l’idée relative de voix, exprime aussi l’idée d’émission de souffle et d’e-

mission de vie (le souffle et la vie étant considérés comme une et même chose). Le fils étant l’émission vivante du père,
la consonne F finit, en écriture sacerdotale, par rendre l’idée de fils. Voilà pourquoi le verbum Dei et le filius Dei se
confondent dans les mystères du christianisme : c’est le Rédempteur, le Phtha de ftfemphis, qui devait purifier le monde
avec le feu du ciel. L’Iesoü de Thébes et de Sais était représenté hiéroglyphiquement par un homme vêtu de blanc (vê-

tement de lin, symbole de pureté ) ayant comme Typhon une chevelure rouge, mais tenant au lieu d’aspics (symboles

de la mort )
le Tau anse (symbole de la vie éternelle )
et un rouleau de papyrus (livre du destin). Aussi disait-on en

Egypte qu’un homme à chevelure rouge (il s’agit de figures hiéroglyphiques) était tout bon (si c’était la représentation

d’Iesou) ou tout méchant (si c’était celle de Typhon).

3
, , , , ,

18 DICTIONNAIRE

ter la statue de ce dieu dans les fêtes des Pamulies ;


elle servait aussi de monture

sont un et même personnage (a); c’est le rédempteur qui, selon les Egyptiens, doit régénérer le monde
par le feu lorsque le solstice d'été correspondra à Vu des Poissons ,
car les anciens astrologues de la Haute-

Egypte commençaient leur année solaire à partir du solstice d'été (b). Mais les astrologues alexandrins

qui, de même que les mages de la Perse et les devins de la Chaldée, commençaient leur année à partir de

l'équinoxe du printemps ,
crurent ,
lorsque cet équinoxe correspondit à cette même étoile ,
que la fin du
monde était imminente. On n’a qu’à lire philosophiquement le commencement du second chapitre de

l’Evangile de S. Mathieu pour se convaincre qu’il appartenait spécialement aux astrologues d’annoncer,

par l’inspection de l’état du ciel ,


l’arrivée du Messie. Quant à l’étoile qui apparut aux mages c’est-à-dire ,

aux astrologues (car les mages n’étaient pas de souverains princes ,


c’étaient des diseurs de bonne aven-
ture) ,
je ne pense pas qu’il s’agisse de Vu des Poissons, mais bien de la changeante cle la Baleine qui

dans son plus grand éclat correspondant aux étoiles de seconde grandeur, finit par disparaître totale-

ment; la période moyenne de ses variations étant de 53k jours selon Cassini (c); et voici sur quoi je

fonde mon opinion : D’après tous les passages (c!) relatifs à celte étoile que virent les mages de S. Ma-
thieu (e) ,
afin que la prophétie d’Isaïe (/) fût accomplie ,
il paraîtrait que cet astre qui devait illuminer la

lumière de la science astrologique ,


«<yr
«p >&mÇ«v
<j yvwo-swç (g ) ,
devait être pour le moins une étoile de

seconde grandeur, quelque part qu’on fasse aux hyperboles du protévangile de Jacques et aux exagéra-
me Epître aux Ephêsiens. D’un autre côté, la changeante de la Baleine dut fixer
tions d’Ignacè dans sa 19

l’attention des astrologues dont les regards étaient toujours attachés sur Vu des Poissons ,
la longitude de

ces deux étoiles étant très-rapprochée ;


mais ce qui semble devoir fortifier cette présomption d’une

manière toute particulière, c’est ce passage: Et prodibit Stella ab oriente , quæ est Stella Messiœ ,
et

oriente versabitur dies quindecim (/i). Lalande nous dit (i) que la changeante de la Baleine dans la période

de ses variations parait de seconde grandeur pendant l’espace de quinze jours, et diminue ensuite jus-

qu’à sa disparition totale. Cette étoile miraculeuse est encore appelée Mira par les astronomes.

(a) Hiesus , Hésus ou Esus le rédempteur futur des Celtes, était ordinairement représenté par un jeune homme
à cheveux plats ayant le modius de Sérapis sur la tête, tenant dans ses mains le papyrus (livre du destin) de Yle-

sou de Sais, et enfin porté sur le vent qui n’était pas représenté par une anesse chez les Druides, mais par une tête

d'enfant à la face bouffie, placée entre deux ailes, absolument semblable aux chérubins de nos églises. On peut voir

une statuette d ’Hiésou dans le troisième volume des Antiquités gauloises de Caylus ,
planche lxxxviii , fig. m. On
doit avoir trouvé cette statuette dans quelque tombeau où elle avait été mise comme symbole de résurrection. Sur une

des faces d’un monument gaulois trouvé dans les fondements du nouvel autel de Notre-Dame de Paris on voit Esus

sous la figure d’un jeune homme abattant avec sa hache l’arbre, symbole de la vie terrestre.

(b) Aussi l’appelaient-ils par excellence l'année de Dieu ou l’année divine,

(c) Cassini, Eléments d’astronomie page 68.

(d) Thilo cod. apoe'r. I. 390 et seq.

(e) Cliapit. n ,
vers. 2.

(f)
Isaïe, chap. lx, vers. 6.

(g) Testant, xn Patriarcharum. Test. Levi 18. ( Fabric. cod. pseudepigraph. v, pag. 584 et seq. J

(h) Loco cit.

(i
)
Astronomie ,
tome ,
page 209.
, ,

DES HIÉROGLYPHES. 19

habituelle aux vierges sacrées ,


gardiennes du feu éternel ;
et enfin Iesou le rédemp-

teur était représenté dans les sanctuaires faisant son entrée dans le monde porté

par le vent symboliquement représenté par une anesse.

Horus-Apollon prétend (1) que Fane était, chez les Egyptiens, le symbole d’un

ignorant, d’un homme qui n’avait point étudié l’histoire et qui n’avait jamais voyagé.

Cette valeur hiéroglyphique pouvait être admise par les Grecs d’Alexandrie; mais

il est certain quelle ne fut jamais adoptée par les hiérogrammates de Memphis et

de Thèbes. Comment supposer, en effet, que des prêtres qui se faisaient une loi

de ne point sortir de leur pays et qui méprisaient les étrangers et leurs histoires

aient représenté par un ane ,


ayant une valeur hiéroglyphique peu flatteuse ,
les

hommes qui partageaient précisément leur manière de penser? D’ailleurs, la

croix, abréviation hiéroglyphique de Fane, était pour eux un talisman qui avait la

propriété de chasser le mauvais principe et le signe de la croix suffisait seul pour

éloigner les fantômes et conjurer le danger. Sur leurs pains sacrés ils mettaient

toujours l’empreinte d’un ane lié ou celle d’une croix, et certes ce n’eût pas été

un hiéroglyphe qu’on aurait pu traduire par ignorance ou stupidité, que des prêtres

superstitieux auraient placé sur les pains azymes qu’ils n’osaient pas toucher avec

le fer (2), et dont ils ne goûtaient qu’après un long jeûne et de fréquentes ablu-

tions. De tout cela on me permettra de conclure qu’Horus-Apollon n'a rien com-

pris à la valeur hiéroglyphique de Fane.

Je dois faire remarquer ici un fait de la plus haute importance pour l’étude de

la science hiéroglyphique, il consiste en ce que les Egyptiens n’ont jamais donné

(!) Horus-Apollon ,
hiéroglyphe xn.

(2) Le fer était le métal consacré au mauvais principe. Les Egyptiens, selon Manéthon, appelaient

même le fer l’os de Typhon, car c’est avec le fer qu’on fabrique l’instrument qui sert à couper et par suite

à détruire. Etitj?v aiSnpÏTVJ ).t£)ov iazéov Qpo'j ,


T utfüvoç Sè rôv tjiSypov ,
wç icropet Msc vefioç, -/.«louai-j, (UXoÛTcepy.

ntpi ïffiS. y.ai ôtjipiS. ) Les prêtres égyptiens auraient cru commettre un sacrilège s’ils avaient coupé avec

un couteau le pain azyme, symbole de la vie éternelle, et même le pain ordinaire , symbole de la vie

terrestre : on rompait toujours le pain en Egypte. Cette superstition se conserve encore dans la bonne
société ,
celle de faire une croix avant que d’entamer le pain se conserve dans nos campagnes.
; ,

20 DICTIONNAIRE

une valeur symbolique à un animal quelconque,



tirée des qualités morales de ce

même animal ainsi , dans les hiéroglyphes purs de la Haute-Egypte, 1’ane ne re-

présenta jamais X entêtement ou la stupidité ,


pas plus que le lion ne représenta le

couraqe, et le serpent la prudence. Ce n’est que dans la Basse-Egypte et sur les

monuments qui remontent aux règnes des Ptolémées, qu’on trouve des rébus et

des valeurs hiéroglyphiques tirées des qualités morales de l’individu représenté :

ce qui rend cette écriture tellement arbitraire que, pour moi, je la considère

comme étant indéchiffrable (1). Cependant, sur des monuments postérieurs aux

Ptolémées, et qui sont dus à la munificence romaine (2), on trouve, mais dans la

Haute-Egypte seulement, des inscriptions hiéroglyphiques dont les symboles qui

les composent ont une valeur identique avec ceux qui remontent aux temps des

Pharaons.

RÉCAPITULATION.

L’ane hiéroglyphique se traduit par vie; extensionnellement il peut signifier

Dieu (3).

(1) Tels sont les hiéroglyphes de l’inscription de Rosette ,


qui ne pourront jamais être totalement com-

pris ,
et cependant cette inscription a servi de base à tous les systèmes hiéroglyphiques modernes.

(2) La politique de Rome ,


tout en asservissant les peuples, cherchait à leur plaire pour mieux assurer
sa domination. Des cirques et des voies romaines devinrent le partage des Celtes ,
grands voyageurs et

bretteurs déterminés. Des temples où furent réunis le grandiose des maîtres du monde, le goût hellé-

nique, et tous les mystères ,


ou pour mieux dire toutes les folies astrologiques des hiérogrammates

devinrent le lot des Egyptiens superstitieux. Quantité de monuments qu’on attribue à Sésostris et à ses

successeurs ne sont pas antérieurs au règne d’Adrien.

(5) Je dois déclarer que je ne l’ai jamais retrouvé ayant cette valeur sur aucun monument égyptien ;

cependant j’ai la certitude que le grand Pan ou le Dieu principe de la génération des êtres, qu’ALiiiBO-

j\oun, en un mot, était réprésenté dans les sanctuaires de Thèbes sous la forme d’un ane. Les Etrus-

ques, qui adoraient aussi Alhiboroun, le représentaient sous la forme d’un homme à tête d’ANE ayant

deux corps, dont un de satyre, lesquels figuraient les deux principes qui constituaient la divinité
)

DES HIÉROGLYPHES. 21

Le phallus ,
abréviation hiéroglyphique de I’ane, se traduit par vie ou gêné-

toute entière dans le culte primitif. La partie postérieure des deux corps était mise à découvert pour rap-

peler l’idée d’émission de vent (a) ;

mais pour ce qui est de I’Alhiboroun d’Israël, il paraîtrait, d’après ce que dit Tacite, que c’était pure-

ment et simplement un ane. Le dire de cet auteur ,


que j’ai rapporté page 6 ,
ne peut être mis en doute ,

car il parlait d’après le témoignage des contemporains qui avaient pénétré dans le Saint des Saints lors-

que Jérusalem tomba au pouvoir de Titus. Si TAlhiboroun d’Israël avait été un composé hiéroglyphique

comme celui des Etrusques, Pompée eût reconnu l’image d’une divinité dans le sanctuaire des juifs lors-

qu’il y entra par le droit de la victoire ;


mais la simple statue d’un ane ne pouvait pas faire soupçonner

à un Romain qui avait toujours vu la divinité représentée sous une forme humaine, que c’était pour les

juifs l’image du Très-Haut. Inde vulgatum ,


nullâ intus Deum effigie vacuam sedem, et inania arcana.

(
Tacit histor. lib.v, cap. ix).
.

Le témoignage unanime de l’antiquité signale la tête û’ane comme la principale idole des juifs (b). Le
savant Morin (c) pense que cetîe prétendue tête d’ANE n’est autre chose que Yurne dans laquelle était con-

servée la manne ,
et cela parce que cette urne qu’on appelait chômer en hébreu se confond facilement

avec chamor, qui signifie ane ; de telle sorte qu’on les a pris l’un pour l’autre dans le premier livre de
Samuel ,
chap. 16 vers. 20 , ; ce qui d’ailleurs semblerait être confirmé par la forme de l’urne elle-même

dont le ventre rond et les deux anses ne figurent pas mal une tête d’ANE. Le ministre Jurieu ( d n’est pas

(a) Cette figure se retrouve sur un vase étrusque dont Caylus nous a donné le dessin et le développement (
Antiquités

étrusques , tome n ,
planche xxxiv )
: « L’explication d’un sujet pareil dépend de trop de choses ignorées, nous dit l’au-

« teur auquel j’emprunte celte figure; on pourrait cependant croire ,


suivant les idées que les autres planches ont pu nous
« donner, que ce serait l’image d'un crime jugé et puni par les femmes intéressées à le détruire. Cette opinion est confirmée

« par le plat que porte la femme qui suit immédiatement le monstre , et qui indique au moins une cérémonie religieuse,

« On retrouve fréquemment dans les dessins étrusques des plats pareils à celui-ci, et qui ne sont point portés sans dessein ».

Le plat dont il s’agit ici contient le pain , symbole de la vie ,


qu’on présente à I’Alhiboroun ,
le Dieu puissant qui en est le

principe.

(l>) Les gnostiques représentaient aussi sous la forme d’un ane ou d’un homme à tête d’ANE, le génie suprême qui pré-

sidait au septième ciel et qu’ils appelaient Sabaoth.

(c) Dissert, octo in quibus multa sacra et profana antiq. monum. explicantur.
(d) Histoire critique des dogmes et des cultes bons et mauvais de l’Eglise, depuis Adam jusqu’à Jésus-Christ.
, , ;

22 DICTIONNAIRE

ration lorsqu’il est horizontal et par Dieu générateur lorsqu’il est vertical (1).

La croix, autre abréviation hiéroglyphique de Tane(2), se traduit aussi par vie;

et, surmontée de l'aspic se mordant la queue (3), elle peut signifier Dieu, mais le

plus souvent elle doit se traduire par vie éternelle.

de son avis. Les Chérubins avaient, selon lui, quatre faces, savoir: d’homme, de lion d’aigle , ,
et de
bœuf, desquelles faces il n’a pas été difficile de faire une tête d’ANE, surtout de celle de bœuf si l’on

change les cornes en longues oreilles. Je ne partage point l’opinion de ces savants et je m’en tiens tout

bonnement à ce qu’on dit. D’ailleurs les juifs ne furent pas les seuls qu’on accusât d’adorer une tête d’ANE.

les gentils accusèrent les premiers chrétiens d’une semblable idolâtrie : ne serait-ce pas parce qu’ils ado-
raient la croix qui est une abréviation hiéroglyphique de I’ane ?

Les Manichéens adoraient une tête rouge qu’ils appelaient Bouphmetous les Templiers, qui avaient
puisé leurs dogmes en Orient, passaient aussi pour adorer la tête dorée d’un être mystérieux. Je crois

que ces différentes têtes n’étaient autres que celle du jumart

toujours peinte en rouge, et quelquefois en jaune, dans les textes coloriés, et qui était le symbole de
I’intelligence universelle dans les mystères (o). Le jumart ,
que M. Champollion prend pour un veau, est

précisément ce même veau d’or, symbole de TÉtre Suprême, que les Hébreux se fabriquèrent dans le dé-

sert à l’imitation des Egyptiens.

(1) Les Grecs et surtout les Romains ont rendu l’idée de Dieu générateur avec le phallus horizontal ,

mais ayant soin alors de le représenter ailé. On retrouve ce phallus ailé sur quantité de monuments en
Italie : c’est l’idée de Dieu représenté par le Cnef ( aile d’oiseau ) ,
unie à l’idée de génération représentée

par le phallus.

(2) La croix est toujours une abréviation hiéroglyphique de I’ane et jamais de I’anesse ,
quoique cette

dernière ait aussi une croix sur le dos. Je ne peux pas m’expliquer pourquoi le phallus étant déjà une

abréviation de I’ane ,
la croix n’ait jamais été considérée comme abréviation de I’anesse dans les textes

purs dubon temps. Sous les Ptolémées et dans la Basse-Egypte il paraîtraitque cette distinction a eu lieu,

et voilà peut-être pourquoi on accusait les chrétiens d’adorer le Dieu des ténèbres ,
le mauvais principe,

la croix étant devenue l’abréviation hiéroglyphique de I’anesse ,


qui était le plus souvent employée

comme symbole de Typhon.

(5) Chez les francs-maçons haut placés on trouve un hiéroglyphe composé

(a) Voyez note 2 de la page 5-


DES HIÉROGLYPHES. 23

L’anesse accroupie signifie vent propice, à moins qu’elle ne soit coloriée en

rouge; cependant elle désigne toujours soit le vent du nord, soit le Vent de Yest.

L’anesse debout signifie vent pestilentiel. Quand elle est coloriée en rouge, on

peut la traduire à coup sûr par Azo (vent du sud), et lorsqu’au fond rouge sont

mêlées des teintes jaunes et brunes, cette même anesse se traduit par Azor (
vent

de V ouest). Du reste, le sens général d’une phrase hiéroglyphique aide surtout à

comprendre la valeur exacte de 1’


anesse qui entre dans sa composition ;
et lorsque

f anesse se trouve comme symbole isolé, dans les zodiaques astrologiques par

,
exemple, il faut, pour connaître exactement sa valeur, tenir compte du signe sous

lequel elle se trouve placée (1).

qu’ils doivent avoir emprunté aux mystères égyptiens ;


c’est la croix, symbole de la vie ,
et I’aspic , sym-
bole de la mort (
voyez Aspic ). Ce symbole ,
offrant la réunion des deux principes qui constituent la di-

vinité toute entière dans le culte primitif, doit se traduire par Dieu. Ce symbole, du reste ,
ne se retrouve
point sur les monuments; pour rendre cette même idée les Egyptiens se servaient du basilic ,
symbole
de la vie , et de I’aspic ,
symbole de la mort , entrelacés autour d’un sceptre ailé (
voyez Sceptre ) , ce qui

compose en définitive le caducée de Mercure.

(1) Voyez Cancer et Scorpion.


24 DICTIONNAIRE

APIS (1).

Le taureau sacré qu’on adorait à Memphis était le symbole vivant de tout ce

qui est, c’est-à-dire, de X intelligence universelle et de la matière-principe que les

Egyptiens considéraient comme unis et coéternels.

(1) On devrait dire Abis comme les Phéniciens (3N (ab), père ou fécondateur, v (is), il est); car

il n’y a point de consonne correspondante à notre P en égyptien, comme je l’ai déjà dit, page 15. Le
dagesh, tant fort que doux, n’est encore qu’une invention des Massorettes. S. Jérôme nous dit à propos

du second chapitre d’Isaïe, vers. 5 : P litteram sermo hebraïcus non habet , sed pro ea grœco $ utitur. Il

répète la même remarque dans son commentaire sur la fin du onzième chapitre de Daniel ,
en faisant

observer que dans un mot seulement les Hébreux ( de son temps )


prononçaient le a comme un P : JSo-

tandum autem, quod cum P litteram hebræus sermo non habeat , sed pro ipsa utantur Ph cujus vis grœ-

cum $ sonat ,
in isto tantum loco apud Hebræos scribatur quidem Phe et legatur P. Les LXX d’ailleurs

ont toujours rendu par un $ le 2 des Hébreux, excepté pour les noms de Donna (Ftrusm) que je lis Fe-

terusem., qu’ils ont traduit par ilKTpoo-wvto-jp.


(
Pathrosim. Genèse x , 14 ) ,
et iB’Uia (
Futhifr )
que je lis

Futhifer, et qu’ils ont rendu par Uezsfp-nç (Putiphar. Genèse xxxix, 1). Si ,
préférant juger par analogie,

on compare l’hébreu avec les autres langues de l’Orient ,


on verra que dans ces mêmes langues notre P

ne se retrouve pas. Les Turcs et les Persans ,


qui se servent de l’alphabet arabe ,
emploient le
^ (
B )

qu’ils distinguent par trois points W' pour rendre notre consonne P. Les Ethiopiens n’ont reçu le P dans
leur langue que pour écrire et prononcer les mots grecs et coptes qui sont entrés avec le christianisme

dans leurs versions de l’Ecriture sainte et dans leur liturgie. Æthiope s, œque ac Hebrœi et Chaldœi, lit-

tera P Latinorum , seu n Græcorum ,


olim caruerunt ;
prout etiam carent Arabes, nous dit Ludolphe dans

sa Grammaire éthiopienne page ,


7.

Si je dis qu’il n’existe pas de consonne correspondante à notre P dans l’alphabet égyptien (
hébreu )

composé de vingt-deux lettres, je ne prétends pas pour cela dire qu’il en soit de même pour l’alphabet

sacré qui se compose de vingt-cinq caractères. Sur les monuments écrits en langue sacrée, qu’il ne faut

pas confondre avec la langue vulgaire (


l’hébreu ) ,
notre consonne P est rendue par une potence

qui exprime l’idée relative de consécration, et voici pourquoi : Dans l’antiquité on consacrait les mal-

faiteurs à la divinité ,• et cette consécration consistait à les pendre devant son simulacre. L’effet immédiat

de la pendaison étant l’érection phallique du patient et l’éjaculation au moment de la mort, les anciens

trouvaient dans ce supplice une image sensible du jeu de la nature, dans lequel, pour me servir du
;

DES HIÉROGLYPHES. 25

La matière-principe était, selon les dogmes du culte primitif, Veau éternelle qui

langage symbolique, la mort est la porte de la vie; car, selon la philosophie égyptienne, la mort

n’est autre chose que la désunion des principes organiques par la putréfaction qui ,
combinant de nou-
veau ces mêmes principes, leur redonne la vie. Amen amen ,
dico vobis, nisi granum frumenti cadens
in lerram mortuum fuerit, ipsum solum manet ; si autem mortuum fuerit ,
multum fructum offert (a).

De la potence ou du phallus dérive la lettre P de tous les peuples qui en ont fait usage. C’est ainsi que

le P des anciennes inscriptions grecques ou étrusques dérive de la figure d’une potence.

r
Celui-ci

n
n’est encore qu’une potence à deux poteaux. Le P des manuscrits grecs dérive du phallus post
ejaculationem ,

qui, réduit au simple trait, revient à cette figure :

Le P majuscule et minuscule des Latins dérive aussi du phallus

réduit au simple trait.

P
La consonne B qui exprime en écriture sacrée l’idée relative de génération, dérivant aussi
,
du
phallus (6) ,
on s’explique pourquoi le B et le P se confondent souvent dans l’écriture comme dans la
prononciation.

Pour ce qui est du w , c’est une consonne égyptienne qui n’a point de correspondante en grec ni en
latin (c) aussi tous les anciens traducteurs l’ont-ils rendue par un 2 ou un S
;
, absolument comme s’il

(a) Evang. S. Joann., cap. xii, vers. 24-25.

(b) Préface, page xliv.

(c) La figure du V dérive de la peinture de la mâchoire inférieure de l’homme dont les dents sont mises à découvert. Le
mot W , qui sert à dénommer cette lettre en hébreu, signifie dent. Les dents, qui servent à broyer
les aliments, étaient
en Egypte le symbole de la vie animale ou terrestre aussi les Egyptiens juraient-ils par leurs dents, c’est-à-dire par
leur vie. Il paraîtrait, d’après le New Voyage ,and Description of the isthmus of America, by Lionel Wafer, que les
Américains de l’isthme de Darien, prés de Panama,
avaient aussi le même serment qu’ils considéraient comme le plus
redoutable. Du reste, le W exprime en écriture sacrée l’idée de vie ordinaire, vie terrestre, vie animale, tandis que
le D, dérivant de la peinture du basilic, symbole de la lumière, exprime aussi l’idée de vie, mais de vie céleste, de vie
intelligente.

4
,

26 DICTIONNAIRE

remplissait l’espace, et dans laquelle les principes terrestres tenus en solution

avaient servi à Y intelligence universelle pour former le monde que les Egyptiens

représentaient comme un œuf plongé dans une mer infinie qu’ils appelaient Abym
ou Abys (1). L’existence de cette mer leur était révélée par la couleur bleue qu’on

apercevait à travers le cristal du ciel (2) et dont un écoulement, qui s’échappait

tous les ans au solstice d’été par la cataracte du sud, venait inonder l’Egypte

pour y déposer les molécules de matière à l’état primitif destinées à féconder la terre

sacrée. Cette mer idéale, source du Nil selon les Egyptiens, était en grande vénéra-

tion chez eux, tandis qu’ils avaient en horreur la mer proprement dite qu’ils considé-

raient comme le résultat d’un feu intérieur qui, ayant brûlé la terre, avait donné

naissance à une purulence qu’ils qualifiaient de Typhon ou mauvais principe (3).

s’était agi du d. Telle est aussi la valeur que je crois devoir lui donner dans le mot (abis) ,
quoique

je sache fort bien que rhw ne devait pas se prononcer comme rfao* Mais quelle était la véritable pro-

nonciation du ? Les Hébraïsants veulent qu’on le prononce comme le sch des Allemands ou le ch fran-

çais : contre cette opinion nous avons Moïse Maimonide et Salomon Isaaki ;
le premier, voulant écrire

en caractères hébraïques le nom d’une ville de France ,


Châlons-sur-Saône ,
se sert de cette orthographe :

p^N”, pour le premier mot; ici le ch français, au lieu d’être rendu par un w ,
est exprimé par deux *,

et pour le second il l’écrit njiNty ,


où l’on voit notre S rendu par le w des Hébreux. Le second rabbin

dont les commentaires sont remplis de mots français ne ,


se sert jamais du w pour rendre notre ch , mais

bien du x ou de deux ’, comme Maimonide.


(1) Cette croyance que Veau était l’élément générateur fut transmise aux Grecs par Thalès qui avait

emprunté ce dogme aux Egyptiens. Les druides, qui conservèrent aussi le culte primitif, représentaient

le monde sous la forme d’un œuf entouré d’un cercle d’or pour figurer le zodiaque; ils disaient dans le

langage figuré que cet œuf avait été formé par la hâve de deux serpents ,
le basilic et l’aspic, symboles

des deux principes qui constituent Y intelligence universelle ; ils représentaient cet œuf plongé dans l’eau

pour figurer la position du monde dans Y abym. Plus tard cette représentation matérielle d’un système

devint une superstition ,


et les Celtes finirent par croire qu’il existait effectivement un œuf de serpent

auquel ils attribuèrent des propriétés aussi merveilleuses que ridicules. (Voyez P lin. lib. xxix, cap. S).

(2) Les Egyptiens croyaient que le ciel était bleu parce qu’on voyait à travers son cristal l’eau de

l’a&ym qui enveloppe le monde : ils n’avaient pas eu l’avisement de reconnaître que cette couleur

bleue était due à l’air qu’ils considéraient comme incolore. Le soleil et la lune qui roulaient sur la

convexité du cristal céleste ,


et par conséquent dans les grandes eaux ,
étaient représentés dans un
bateau par les Egyptiens, et non pas dans un char comme chez les Grecs.

(5) OXeof Sè xat t jjv ÔkÏiKttkv sx nvp'oç rr/oïitnca y.od rrapMpurp.svriv ,


ovSs p.èpoç ,
ovSè ütov/ûo-j ,
ùXkà. aXkoÏQ'j

mpirrupu. SiefOopiç xaà vouûSeç. (n lovrctp/. mpi Lto. x«t O aipiS. )


,

DES HIÉROGLYPHES. 27

L'eau éternelle et infinie, Xabym ou grande mer qui enveloppe le monde, était

symboliquement représentée par un taureau noir (1), ou par un aigle d’Abys-

sinie (2),

ou par un lion (3).

La vie universelle (4-) et X intelligence suprême (5) existant de toute éternité dans

cette eau de Xabym (matière-principe) constituaient avec elle tout ce qui est, c’est-

à-dire Dieu selon la théologie égyptienne (6).

(1) Voyez Taureau.

(2) Voyez Préface, page xxiii.

(5) Voyez Lion.

(4) En égyptien rrn.

(5) En égyptien rua.

(6) Virgile, dans son exposition du système da monde, emprunté à Pythagore qui avait puisé ses

dogmes cosmogoniques en Egypte ,


nous dit (
Æneid. lib. vi )
:

Principio cœlurn ac terras ,


camposque liquentes ,

Lucentemque globum lunœ, titaniaque astra


Spiritus intus alit : totamque infusa per artus

Mens agitat molem, et magno se corpore niiscet.

La Genèse place la vie universelle, Y esprit, ou le souffle de Dieu, non pas dans la matière-principe ,

mais à la surface des eaux infinies s D’an us Sy nsma E’rùbx nm ,


et l’esprit de Dieu grand et fort se

mouvait sur la face des grandes eaux. L’idée de placer la vie universelle à la surface de Yinfini est un

coup de pinceau sublime de l’antiquité pour peindre Dieu. Voltaire semble avoir voulu rendre cette

même idée dans sa Henriade, chant vii, où, après avoir parlé de la marche des astres, il dit :

Au delà de leur cours, et loin dans cet espace.

Où la matière nage, et que Dieu seul embrasse.

Sont des soleils sans nombre et des mondes sans fin.

Par delà tous ces cieux le Dieu des cieux réside.

L’homme qui possédait seul Y intelligence tandis que tous les autres animaux ne possédaient que le

corps et la vie, était considéré comme un abrégé de tout ce qui est ,


c’est-à-dire de Dieu qui se compo-
sait de la matière-principe , de la vie universelle ,
et de Yintelligence suprême. Aussi Pythagore disait-il que
Y homme était un petit univers. Les prêtres égyptiens prétendirent par la même raison que l’homme était

une image de Dieu, et non pas parce qu’ils se figuraient que Dieu avait un nez, une bouche, des
,

28 DICTIONNAIRE

La vie universelle était symboliquement représentée par le scarabée (1).

L’ intelligence suprême était figurée par le cnef (aile d’épervier) (2)

ou par une tête d’initié


(
tête rasée ) (3).

En représentant le scarabée avec des ailes d’épervier (cnef),

ce scarabée devenait alors un symbole composé représentant la vie universelle et

Y intelligence suprême réunies, quelquefois même on donnait au scarabée une tête

d'initié pour exprimer cette même valeur composée (4).

Apis, étant un taureau noir (5), symbole de 1 ’abym, sous la langue duquel devait

se trouver l’image d’un scarabée ailé (6), symbole de la vie universelle et de Yintel-

oreilles, etc.; car ils étaient trop sensés pour admettre une pareille niaiserie qui laisserait’dans l’incerti-

tude sur la question de savoir quelle est la race dans l’espèce humaine qui ressemble plus particulière-

ment à Dieu.

(1) L’hermaphroditisme était, selon les Egyptiens, la qualité spécifique de vie universelle qui se

reproduisait elle-même; ils représentaient cette vie sous la figure d’une femme ayant les parties sexuelles

de l’homme lorsqu’ils voulaient la personnifier, mais hiéroglyphiquement la vie universelle était repré-

sentée par le scarabée, insecte hermaphrodite ou considéré comme tel par les Egyptiens; et même
quelquefois par le limaçon considéré aussi comme étant un être hermaphrodite.

(2) Voyez Préface ,


page xxvii.

(3) L’homme étant le seul animal qui possède l’ intelligence , et l’intelligence ayant son siège dans le

cerveau, une tête d’homme devint le symbole de l'intelligence ; puis l’initié étant un être sacré, la tête

d’initié devint le symbole de l’intelligence sacrée.

(4) Voir Caylus ,


Antiquités égyptiennes tome y, planche vii, fig. 1 et 2 , et tome vi, planche vm,
%• 1 -

(5) Vide Herodot. Thaï. cap. 28. Strab. lib. 17. Plin. lib. vm, cap. 46.

(6) Pline nous dit (loco cit.) : Nodum apis sub linguâ habet ,
quem cantharum Ægyptii appellant. Ce
. , ,

DES HIÉROGLYPHES. 29

ligence suprême que les Egyptiens considéraient comme existantes dans Yabym,

n’était donc lui-même qu’un symbole composé représentant la matière-principe la

vie et Y intelligence, c’est-à-dire tout ce qui est, en un mot Dieu.

Les anciens s’accordent à reconnaître que le scarabée devait se trouver dans la

bouche d’APis, soit sur ou sous sa langue, soit sur le palais ;


mais ils diffèrent en-

tre eux pour ce qui est des autres symboles ou signes qui servaient à caractériser

le taureau sacré. Nous parlerons bientôt de ces différents symboles qui viendront

confirmer la valeur hiéroglyphique d’APis, mais avant nous allons nous attacher

au symbole principal ,
c’est-à-dire au scarabée.

Sur les figurines d’or ou de bronze qui représentent apis (1),

on le voit ordinairement recouvert d’une housse et ayant le scarabée ailé sur le

garrot (2).

Le judicieux Caylus pense que cette position du scarabée, qui contrarie le dire

des historiens, vient de ce que Y artiste n'ayant pas voulu que ce symbole fût caché,

nœud, dont Apulée parle aussi (


Metamorph lib. xi) et qu’il compare aux filaments avec lesquels les

branches de vigne s’accrochent et s’entrelacent ,


n’est absolument que l’abréviation hiéroglyphique du
scarabée ailé.

Quelquefois même le disque ailé du soleil

remplace le scarabée.

(1) Cette figure est celle d’un apis en bronze décrit par Caylus Antiquités égyptiennes tome i
, ,

page 42, et dont on trouve la figure, planche xii, fig. 1.

(2) Développement des figures gravées sur le dos d’APis.


, , , , ,

30 DICTIONNAIRE

au lieu de le mettre dans la bouche de l'animal , a pris le parti de le reporter dans

un lieu qui fût visible. L’opinion du savant antiquaire est confirmée par la table

Isiaque, dans laquelle on voit le scarabée ailé ou son équivalent, le disque ailé du so-

leil placé, non pas sur le garrot d’APis, mais au-dessus d’APis, car le scarabée,

principal symbole qui détermine la valeur du taureau noir devait être nécessaire-

ment retrouvé au premier coup d’œil sur la table Isiaque, ce qui eût été assez

difficile si, dans cette table, on avait placé le scarabée ailé ou le disque solaire ailé

sur le garrot du taureau, au lieu de le placer au-dessus.

L’ aigle, qui devait se trouver sur la croupe d’APis selon Hérodote (1), et qu’on

retrouve effectivement sur les figurines à la place assignée par l’historien, était,

comme nous l’avons déjà dit, le symbole de Veau céleste ou abym, et par consé-

quent une répétition hiéroglyphique du taureau noir (2). L 'aigle n’étant qu’une

(1) Herod. Thaï. cap. 28.

(2) La réunion de plusieurs symboles ayant la même valeur était très-usitée chez les Egyptiens lorsque

les hiéroglyphes devinrent une écriture mystérieuse , et cela afin que les initiés qui ne pouvaient pas

comprendre la valeur de certain hiéroglyphe pussent en acquérir la connaissance en trouvant réunis

avec eux d’autres symboles dont la valeur ne leur était pas étrangère. C’est ainsi que le taureau ,
Y aigle

et le lion trois symboles de Y abym (a), ne signifient réunis que ce qu’ils signifiaient chacun en particu-

lier, c’est-à-dire la grande mer ou matière-principe. Si au taureau, à Y aigle, et au lion, réunis, on ad-

joint une tête d’initié ,


symbole de Y intelligence sacrée ,
ces quatre symboles formeront un symbole com-
posé qui exprimera l’idée de tout ce qui est de Dieu , absolument comme apis , symbole composé du tau-
reau noir et du scarabée. L’aigle le lion, le taureau, et Yhomme, composent le symbole sous la figure

duquel l’Apocalypse , comme Ezéchiel (ch. 1 ), nous désigne I’Etre Suprême.

(a) Le taureau noir, Y aigle, et le lion, sont trois symboles de Yabym ou grande mer qui enveloppe le monde. Ce-
pendant le taureau noir désigne plus particuliérement la grande mer en général, Y aigle représente Yabym qu’on aper-

çoit à travers le cristal du ciel, et le lion est le symbole de ce même abym, mais lorsqu’il est répandu sur la terre, c’est-

à-dire celui du débordement; car les Egyptiens, comme je l’ai déjà dit plusieurs fois, pensaient que l’eau du Nil était

un écoulement de la grande mer par la cataracte du sud dont I'intelligence suprême levait tous les ans la pèle pour

féconder la Terre Sainte avec cette eau divine , lorsque le soleil était parvenu au solstice d’été.
, ,

DES HIÉROGLYPHES. 31

répétition , n’était donc point un caractère distinctif du symbole vivant de I’Être

Suprême.

Un autre symbole dont les auteurs ne parlent pas , mais qu’on retrouve sur

presque toutes les figurines d’xpis, c’est le disque solaire placé entre ses cornes.

Le disque solaire, placé entre les cornes du taureau qui figurent alors le crois-

sant de la lune, devient un symbole composé qui exprime hiéroglyphiquement

l’idée de ciel. Les Egyptiens divisaient le cristal céleste en deux hémisphères : le

premier, auquel présidait le soleil ,


était appelé ciel du jour ou ciel mâle ; le second,

auquel présidait la lune, était appelé ciel de la nuit ou ciel femelle; et l’on rendait

hiéroglyphiquement l’idée de ciel tout entier en peignant le soleil auquel le crois-

sant de la lune sert de cravate (1).

(1) Ce symbole composé se trouve sur un tableau mithraïque où le soleil et la lune personnifiés sont

déjà représentés (voir Origine des cultes de Dupuis, planche xvii). La voyelle O ,
dérivant de la peinture

du disque solaire, exprime hiéroglyphiquement l’idée de soleil; la voix O signifie soleil, et par exten-
sion jour et lumière en langue sacrée. La voyelle U , dérivant de la peinture du croissant de la lune

peint hiéroglyphiquement l’idée de lune; la voix U signifie lune, et par extension nuit et ténèbres, en

langue sacrée. Le soleil et la lune unis expriment hiéroglyphiquement l’idée de ciel tout entier; la racine

OU en langue sacrée signifie ciel (a) : sur les abraxas on retrouve souvent ces deux voyelles, comme
aussi le disque solaire et le croissant de la lune; c’est le nom du ciel en langue sacrée ou sa représentation
hiéroglyphique ,
auquel les sup erstitieux disciples des Egyptiens attribuaient des vertus merveilleuses.
Aussi retrouve-t-on souvent le symbole hiéroglyphique ou le nom sacré du ciel entouré de l 'aspic qui se

mord la queue, symbole de Y immortalité.

(a) C’est la racine première de OYPAN02, nom du ciel chez les Grecs.
,

32 DICTIONNAIRE

Le plus souvent on se bornait à représenter le disque non radié du soleil avec

la lune au-dessous ;

mais lorsqu’il s’agissait de bien déterminer que le disque était celui du soleil, alors

même qu’on ne pouvait pas le représenter radié, comme, par exemple, lorsqu’on

le plaçait entre les cornes d’APis ,


on avait soin dans cette circonstance de figurer

au milieu du disque une tête d ’épervier, symbole du soleil,

ou le basilic, symbole de la lumière.

Puis lorsqu’il fut bien convenu que les cornes d’APis figureraient
,
le croissant de la

lune on s’attacha par originalité à imiter dans le symbole composé du ciel, les

cornes d’un taureau, plutôt que de figurer le croissant même de la lune. De là vint

que le symbole du ciel, placé ensuite sur la tête d’Isis ,


par exemple ,
se trouve

avoir le plus souvent cette forme.

Hérodote, en nous donnant le signalement d’APis, parle d’une marque blanche et

de forme quadrangulaire qui devait se trouver sur le front du taureau noir (1); mais

comme les figurines ne nous offrent sur le front d’APis qu’un triangle argenté,

Caylus a cru devoir corriger le texte de l’historien grec (2), correction inutile lors-

qu’on peut se rendre raison de la valeur symbolique du signe dont il s’agit.

(1) ÈwV PiXotf ,


ZTÙ piv TW p£TW7TW ,
),£'JXOV TETpâywVOV ,
£7Tt ôè TOV VWTOU OÙSTOV Ùr.KtJ pévov.

(Herodot. Thaï. cap. 28.)

(2) Caylus ,
Antiquités égypt. ,
tome 4 ,
page i5 ,
propose de remplacer W.ôv retpàywvov par lew.'ov ri
, ,

DES HIÉROGLYPHES. 33

La tache blanche, de forme carrée ou triangulaire, n’est autre chose, sur le

front d’Aris, que la lettre O de l’écriture sacerdotale; et comme en langue sacrée

la voix O signifie soleil, la tache blanche carrée ou triangulaire est le symbole ou

le nom sacré du soleil que les Egyptiens voulaient retrouver sur le symbole vivant

de tout ce qui est.

Ici j’ai besoin, pour justifier mon assertion, de traiter de l’origine de la lettre

O et des motifs qui ont altéré sa forme primitive à laquelle pourtant on est revenu.

La voix O signifiant soleil en langue sacrée, comme je l’ai déjà dit, pour rendre

en écriture primitive l’idée d’O ou de soleil, on peignit son disque radié (1) ou

rptywvov. Sans chercher ici jusqu’à quel point cette correction peut être admise grammaticalement par-

lant, je profiterai de cette circonstance pour rappeler aux érudits combien on doit être circonspect

lorsqu’il s’agit de corriger les prétendues fautes des copistes.

(1) Le disque radié du soleil était employé dans l’écriture primitive lorsque la voix U, qui signifie lune

en langue sacrée ,
était rendue dans cette même écriture par le disque de la lune, et non par son crois-

sant d’où dérive la figure de notre voyelle U. Du disque radié dérive la lettre O qu’on retrouve ainsi

sur les monuments égyptiens et dont les rayons se réduisent souvent à trois.

De cette dernière réduction dérive la lettre y


Y (O) des caractères hébraïques, ou pour mieux dire
égyptiens ,
qu’on retrouve ainsi figurée

dans l’alphabet angélique (a) ;


quelquefois même un simple rayon

suffisait pour rendre l’idée d’O (soleil) ,


et cela dans les inscriptions orientales que les rabbins font remon-

ter au temps de Moïse (b). Dans ces mêmes inscriptions la voyelle O est reproduite aussi sous cette forme

qui dérive du disque solaire non radié ,


comme on
V le trouve démontré dans le texte.

(a) Kircher, OEdip'. sBgypt., tome m, page 434.


(ft) Kircher, loco cit.

5
U DICTIONNAIRE

non radié. C’est de la peinture du disque solaire non radié que dérive la figure de

la lettre

O?
mais comme la difficulté de la gravure sur marbre ou sur bois obligeait les écri-

vains, qui n’employaient dans l’enfance de l’art qu’un mauvais poinçon d’airain,
à

esquiver autant que possible la ligne courbe en lui substituant la ligne brisée le
,

cercle qui représentait primitivement le disque solaire se transforma en un poly-

gone irrégulier

qu’on réduisit au losange,


O
et puis enfin au triangle.
0
On retrouve ces différentes formes de
v la voyelle O dans l’inscription grecque

du temple d’Apollon, à Amyclès (1), dont l’origine remonte à trois mille ans. La

difficulté de la gravure, qui fit altérer par les sculpteurs grecs la forme primitive

de la lettre O, fit aussi altérer cette même forme par les autres peuples. Dans
les anciennes médailles orientales on trouve l’O réduit au triangle ou représenté

ainsi :

et la partie
D
courbe est remplacée par des lignes brisées dans les inscriptions phé-

niciennes,

9
(1) Cette inscription, découverte par l’abbé Fourmont, est écrite en boustrophédon ;
elle était destinée

à conserver le nom des prêtresses du temple. On trouve la gravure de cette inscription dans le Monde
primitif de Court de Gebelin ,
planches ix et x.
DES HIÉROGLYPHES. 35

lesquelles lignes, réduites à deux droites, ramènent au triangle

qui est psécisément la figure de la lettre


V O dans l’alphabet samaritain.

Caylus (1), s’appuyant sur la théologie des Egyptiens qui comparaient, au dire

de Plutarque (2), la nature divine à un triangle rectangle dont un des côtés re-

présentait l’ intelligence , le second la matière ,


et le troisième Y ordre qui résultait

du concours de Y intelligence et de la matière, pense qu’il n’y avait rien de plus sim-

ple que de réunir ces grandes idées dans le bœuf Apis, symbole d’Osiris, et de placer

sur son front ce triangle mystérieux, plutôt qu’une tache carrée dont la forme n’a

aucun rapport avec les points fondamentaux de la théologie égyptienne. Je ne

conteste pas que les Egyptiens n’aient représenté I’Être qui est tout ce qui est par

un triangle équilatéral, sans admettre pourtant ,


comme Xénocrates (3) ,
que ce

fût parce qu’ayant les trois côtés et les trois angles égaux, ce triangle était le

symbole de la perfection divine (4); mais ce que je contesterai c’est que le

(1) Antiquités égyptiennes, tomei, page 44.

(2) Traité cVIsis et d’Osiris, c. 56.

(5) Plutarq. Traité de la cessation des oracles, c. 9.

(4) Le triangle équilatéral est une voyelle de l’alphabet sacré qui exprime en écriture sacerdotale

l’idée de Dieu grand, fort, et immortel. J’ai déjà dit dans la Préface, page li, que la voix I signifiait Dieu

en langue primitive ,
et que la figure de l’I dérivait du menhir, symbole du Très-Haut, dans le culte pri-

mitif. J’ai expliqué (Préface, page xxvii) pourquoi le cnef, aile d'épervier, était le symbole de Y élévation
chez les Egyptiens, et par conséquent de Dieu ou du Très-Haut, et enfin j’ai dit que du cnef dérivait F»

(I égyptien de l’alphabet profane ou hébraïque). La première forme de l’I dérivant du menhir est plus

antique que celle de F* dérivant du cnef; aussi la forme de l’I dérivant du menhir se retrouve-t-elle

dans l’alphabet sacré des prêtres égyptiens.

I exprimant en écriture sacrée l’idée de Dieu, pour rendre l’idée de Dieu grand on plaça un I sur un
autre I.

L’I supérieur n’étant là que pour exprimer l’idée de grandeur attachée à l’I inférieur qui exprimait

l’idée de Dieu ,
cet I supérieur finit à la longue par se réduire en un simple point; et comme l’idée d’I ou
, ,

36 DICTIONNAIRE

triangle argenté placé sur le front d’APis soit précisément le symbole de TÊtre

de Dieu emporte toujours avec elle l’idée de grandeur, les prêtres égyptiens avaient toujours l’attention

de placer un point sur l’I dans l’écriture sacrée ,


coutume que nous avons conservée religieusement sans
chercher à nous en rendre raison. Les Latins qui, au lieu de diminuer l’I supérieur, finirent par joindre

les deux I

en firent leur magna littera, qui dans les inscriptions correspond effectivement à l’I long ;
aussi retrouve-

t-on écrit Mllitia pour militia, Piso pour Piso, etc. Cet I long se confond avec la consonne L, qui ex-

prime l’idée relative d'élévation en écriture sacrée. Les Egyptiens, pour peindre l’idée de Dieu grand,

figuraient un grand cnef (a)

qui correspond au h (L de l’écriture profane ou hébraïque) ,


lequel dérive comme» de la peinture du

CNEF.

Pour exprimer l’idée de Dieu fort on plaçait deux I côté à côté ; mais afin d’indiquer que ces deux 1

n’exprimaient qu’une idée positive ,


celle de Dieu à laquelle était adjointe l’idée relative de force on

unissait les deux I avec un trait horizontal.

H
Les Egyptiens en faisaient autant lorsqu’il s’agissait d’exprimer l’idée de Dieu fort avec deux cnefs ;

les Hébreux ensuite se contentèrent de placer les deux * côté à côté.

Enfin, pour exprimer l’idée de Dieu grand et fort en écriture sacrée , on plaçait deux I côté à côté ,

unis par un trait sur lequel reposait un troisième I qui rappelait l’idée de grandeur.

(a) C’est de la peinture du grand cnef que dérive notre lettre

ou notre grand I.
, ,

DES HIÉROGLYPHES. 37

Suprême et cela, parce qu’il est renversé, tandis que le triangle ,


symbole du

Les Egyptiens, pour exprimer l’idée de Dieu grand et fort, se servaient aussi de trois cnefs, deux

placés côté à côté et le troisième au-dessus entre les deux premiers.

Les Hébreux ensuite substituèrent dans leurs abraxas F* au cnef pour rendre la même idée.

On trouve dans les abraxas hébraïques une petite croix, symbole de la vie, au-dessous des >, parce que

lef Dieu grand et fort est le principe de Y existence; on retrouve aussi cette croix dans la lettre primitive

équivalente aux trois », mais placée au sommet de l’I supérieur (a).

L’idée de Dieu grand et fort était encore rendue par trois I placés de cette manière :

ici les deux I côté à côté peignent d’abord l’idée de force et comme ils sont placés au-dessus de l’I prin-

cipal qui exprime l’idée de Dieu, ils rappellent en même temps l’idée d 'élévation ou de grandeur. Les
Grecs inclinèrent les deux I supérieurs pour joindre leur base au sommet de l’I principal ; de là vient leur

Les Latins, au contraire


Y
qui employèrent d’abord la lettre composée
, ,

inclinèrent les deux I inférieurs pour les joindre à leur base ,


ayant soin de placer entre eux l’I prin-

() Cette lettre, placée entre deux autres I et S signifie mot pour


,
lettre en écriture sacrée : I Dieu A Dieu vivant, grand,
et fort, S lumineux (Dieu qui est le Dieu vivant, grand, fort, et intelligent). On a cru depuis que c’était lemo-
nogramme des jésuites qu’on devait traduire par Jésus hominum salvator, ou Jésus humilis societas : mais comme on
retrouve ce monogramme prétendu sur des monuments byzantins et même sur des monuments antérieurs au christia-

nisme, il serait absurde de l’attribuer aux jésuites, à moins qu’on ne fasse remonter l’institution de leur ordre au
déluge.

() La voyelle U, dérivant du croissant de la lune et exprimant l’idée de lune en écriture primitive, fut ainsi ren-
due lt par les graveurs forcés de remplacer par des lignes brisées la courbe primitive; puis enfin elle fut réduite à cette
, , , ,

38 DICTIONNAIRE

Dieu grand , fort et immortel, est toujours représenté reposant sur sa base.

A
Puis enfin lorsqu’il fut bien convenu que trois I unis exprimeraient en écriture sacrée l’idée de Dieu

grand et fort alors on n’eut plus égard à leur position respective ,


pourvu qu’ils fussent unis ,
cela suf-

fisait : aussi les trouve-t-on sur les abraxas assemblés ainsi

ou de cette manière :
X
mais le plus souvent comme on les voit sur les trois
A grandes perles du collier qui soutient la croix

conventuelle du grand maître dans l’ordre religieux et militaire du Temple.

Sur les antiques abraxas on retrouve aussi les trois cnefs placés et unis de la même manière

et qui se réduisent souvent à cette figure :

Ces différentes formes de la lettre symbolique


SB et mystérieuse sont ordinairement entourées par l’aspic

qui se mord la queue ,


symbole de l 'immortalité (a). L’abraxas rappelait alors avec les idées relatives de

grandeur et de force attachées à l’idée positive de Dieu ,


celle de Y immortalité, qui est aussi un de ses

attributs. Comme le cercle abréviation de l’aspic qui se mord la queue, devint aussi symbole de l’i'm-

mortalité, si l’on avait pu avec trois lignes droites égales former un cercle, alors on n’aurait pas eu besoin

de l’aspic se mordant la queue pour adjoindre à la valeur symbolique du triple I l’idée d’immortalité ;

mais comme avec trois lignes droites égales on ne peut former qu’un triangle équilatéral, il s’ensuivit

que le triangle équilatéral formé par trois I, symboles du Dieu grand et fort, rappelant autant que

forme Y. Les copistes ayant négligé l’I intérieur dans le ^ latin qui correspondait à Y grec, de là vient qu’on retrouve

dans les textes des anciens auteurs SVLLA pour Sylla, MÂXVMVS pour maximus, etc. Il ne faut pas croire que Sal-

luste, par exemple, ait voulu écrire Sulla par originalité, au lieu d’écrire Sylla comme Cicéron, le tout pour se con-

former à une ancienne prononciation ;


il est plus rationnel de croire que, par amour-propre national, il a préféré se

servir du triple I des Latins, plutôt que d’employer celui des Grecs.

(a) Voyez Aspic.


,

DES HIÉROGLYPHES. 39

Nous avons retrouvé le symbole du soleil que Pline (1) et Ammien Marcellin (2)

nous signalent comme une marque distinctive d’APis. Ces mêmes auteurs veulent

qu’une tache blanche en forme de croissant (3) se retrouve encore sur le flanc droit

du taureau sacré et soit le symbole de la lune. Ce croissant, caractère iconogra-

phique de la lune , se retrouve effectivement, non sur les figurines d’APis qui sont

toutes recouvertes d’une housse qui le cache, mais sur les médailles d’Adrien et

d’Antonin Pie frappées en Egypte, comme aussi sur Tapis d’un marbre du cabinet

d’Odescachi où le taureau sacré n’est pas représenté avec la housse de cérémo-

nie (4).

Ainsi donc apis, symbole de Dieu, était un taureau noir, symbole de Yabym ,

ayant 1° l’image d’un scarabée ailé sur la langue, laquelle image était le symbole

de la vie universelle et de Yintelligence suprême; 2° un aigle d’Abyssinie figuré sur

la croupe, et qui était le symbole de Yeau céleste; 3° le disque solaire placé entre

les cornes qui, représentant le croissant de la lune, formaient avec ce disque le

possible l’idée du cercle par la manière dont étaient placés les trois 1 ,
le triangle équilatéral devint la

lettre symbolique et mystique qui peignit l’idée de Dieu grand, fort et immortel. Dans l’alphabet

angélique (a) le triangle équilatéral

correspond à notre lettre I.

La connaissance de la valeur du mystérieux triangle en écriture sacrée explique le mystère de la Tri-

nité. Chaque côté du triangle étant un I (Dieu) ,


ce sont trois I (trois Dieux) égaux en grandeur et en

puissance ,
qui ne valent ou ne font cependant qu’un seul et même I (Dieu) ,
mais auquel sont adjointes

les idées relatives de grandeur, de force , et d’immortalité.

(1) Plin. lib. 8, cap. 46.

(2) Amm. Marcell. lib. 22, cap. 13.

(3) Candicanti macula in dextro latere ac cornibus lunœ, xe/>«roeiSoOç (Plin. loco cit.).

(4) Cette housse de cérémonie était, au dire de Plutarque, dans son Traité d’Isis et d’Osiris, en lin

et de couleur noire ;
c’était autrement dit un drap mortuaire dont on recouvrait ce simulacre d’APis , à

une certaine époque de l’année ,


comme nous le verrons bientôt.

(a) Kircher, OEdip. Ægypt., tome iii, page 434.


, ,

40 DICTIONNAIRE

symbole composé du ciel; 4° une tache blanche triangulaire ou carrée sur le front,

c’est-à-dire la lettre sacerdotale correspondant à notre voyelle O, nom du soleil en

langue sacrée et par conséquent symbole du soleil; 5° enfin la figure d’un crois-

sant de couleur blanche sur le flanc droit, caractère iconographique de la lune.

De tous ces symboles que les historiens nous donnent comme étant les signes ca-

ractéristiques d’APis, le scarabée ailé suffisait seul pour déterminer la valeur du

taureau noir, symbole de \abym, lorsqu’on voulait le transformer en symbole de

I’Etre Suprême. On peut retrouver Yaigle sur le taureau noir, symbole de Yabyrn (1),

et le disque solaire entre les cornes du Bœuf céleste, symbole de la cessation du

travail (2), taureau et bœuf qu’il faut bien se garder de confondre avec apis, sur

lequel seulement on trouve le scarabée.

Les Egyptiens voulaient aussi retrouver dans leur apis vivant le signe de la fa-

culté génératrice (3), car Dieu, dont il était le symbole, avait engendré ou ar-

rangé tout ce qui est, c’est-à-dire s’était engendré ou arrangé lui-même. Le signe

caractéristique de la faculté génératrice ne consistait pas, comme l’a cru Por-

phyre (4), dans la grosseur des testicules et dans la longueur de la verge. Sur les

images d’APis c’est bien par des parties génitales hors nature qu’on indique la fa-

culté génératrice mais dans le taureau vivant cette longueur disproportionnée du

phallus et cette grosseur démesurée des testicules ne pouvant provenir que d’un vice

de conformation, elles l’auraient rendu impropre à la génération et n’auraient par

conséquent attesté que son impuissance. Et puis où trouver un taureau qui eût

les parties génitales d’une grosseur proportionnée à celle qu’on donne à apis sur la

(t) Voyez Taureau.

(2) Voyez Boeuf. Dupuis a cru qu’APis n’était autre que la représentation vivante du taureau cé-

leste seconde constellation du zodiaque. Ce courageux savant dont les explications symboliques sont

généralement adoptées par la science s’est trompé tout aussi bien que les docteurs qui en ont fait d’APis

le symbole commémoratif du patriarche Joseph.

(5) Vide Amm. Marcell. lib. 22.

(4) Euseb. prœp. Evang. lib. 3, cap. 13.


DES HIEROGLYPHES. 41

table Isiaque ou dans les figurines? D’ailleurs, comme il eût été trop difficile à la

supercherie sacerdotale d’employer le postiche (1) pour parfaire un taureau sacré,

les prêtres égyptiens qui avaient bien étudié la nature demandèrent au taureau,

destiné à devenir apis, Findice certain de la vertu prolifique, et cet indice le voici :

Lorsque le taureau devient pubère, le poil qui se trouve entre les cuisses, à

partir des bourses jusque près de l’anus ,


se redresse. Plus le rebroussement du

poil s’étend en largeur sur les cuisses, plus le taureau est vigoureux (2).

Les prêtres égyptiens qui voulaient retrouver dans le taureau, symbole de

I’Être Suprême, le signe de la faculté génératrice , observèrent donc dans leur choix

que le jeune taureau qu’ils devaient offrir à la vénération du peuple eût autant que

possible le poil de la partie postérieure rebroussé. Hérodote, qui avait entendu

parler d’un certain arrangement de poil sur les parties postérieures d’APis, crut qu’il

(1) Pour ce qui était des signes caractéristiques, tels que le scarabée et Y aigle qui devaient se trouver

sur la croupe, je partagerais volontiers l’opinion de Diderot : Comme il eût été assez difficile , nous dit

cet encyclopédiste (a), que la nature eût rassemblé sur le même animal tous ces caractères, il est à pré-
sumer que les prêtres pourvoyaient à ce que l’Egypte ne manquât pas d’ apis ,
en imprimant secrètement ci

quelques jeunes taureaux les marques requises; et s’il leur arrivait de différer beaucoup de montrer au

peuple le dieu apis, c’était apparemment pour ôter tout soupçon de supercherie. Mais cette précaution

n’était pas fort nécessaire; les peuples ne font-ils pas dans ces occasions tous leurs efforts pour ne rien voir ?

(2) Si par ce rebroussement du poil on peut juger d’une manière certaine de la vigueur génératrice

du taureau ,
par ce même rebroussement, qui indique aussi la puberté de la génisse, on peut juger,

même avant la gestation , de ses qualités comme bonne ou mauvaise nourrice. Cette remarque a été

faite par nos paysans comme par les prêtres égyptiens, et sur cette donnée dont il s’est attribué la dé-

couverte, un simple jardinier, François Guenon, est parvenu, après avoir comparé les rapports qui

existent entre le rebroussement du poil et la quantité de lait que fournit chaque espèce de vache , à

déterminer d’une manière précise quelle quantité de lait une vache quelconque peut donner par jour,

quelle est la qualité du lait ,


et combien de temps la vache le maintiendra pendant la gestation nouvelle,

et cela, à la simple vue de l’animal, comme il le dit lui-même dans son Traité des vaches laitières,
où il expose son système. Le Comice agricole de Bordeaux et la Société centrale agricole d’Aurillac lui

ont décerné des médailles d’or, et l’Académie de Bordeaux ,


jalouse d’encourager l’homme utile qu’une

observation soutenue avait conduit à des résultats si précieux pour l’économie rustique, s’est même
crue obligée à lui décerner une mention honorable.

(a) Encyclopédie de Paris, au mot Apis.

6
42 DICTIONNAIRE

était question des grands poils de la queue, qui, selon lui, devaient être dou-

bles (1); cependant, comme l’ont remarqué tous les antiquaires, on ne trouve rien

de caractéristique dans la queue d’APis, tel qu’il nous est représenté sur la table

Isiaque ou par les figurines. Porphyre (2) et Macrobe (3), en nous donnant le

signalement de Mnevis et de Bacis, autres taureaux noirs, symboles de Dieu à

Héliopolis et à Hermunthis, semblent avoir mieux compris de quoi il s’agissait

lorsque le premier nous dit que les poils de tout le corps de Mnevis se dirigeaient

de la queue à la tête , et le second, que les poils de Bacis croissaient en haut, en

sorte qu’il était tout hérissé. On conçoit que Porphyre et Macrobe amplifient et

qu’il ne pouvait être question que du poil de la partie postérieure de ces diffé-

rents taureaux symboliques, car, s’il en eût été autrement, Mnevis et Bacis eus-

sent été des taureaux introuvables.

Lorsque j’ai dit qu’APis était un taureau tout noir, sauf les deux taches blanches

placées l’une sur le front et l’autre sur le flanc droit, je suivais le signalement

donné par Hérodote (4). Cependant je ne crois pas que cette uniformité de cou-

leur dans le poil ait toujours été regardée comme une condition expresse dans le

choix des différents taureaux qui se sont succédé comme symboles de Dieu à

Memphis. Strabon (5) nous dit qu’APis était de diverses couleurs, et Lucien (6),

qu’il était bigarré : si nous consultons la table Isiaque, où le blanc est distingué

du noir par un placage d’argent, nous voyons qu’APis a seulement la tête, le cou,

et la croupe, noirs, tandis que le reste du corps est tout blanc. Ces deux couleurs

qui se retrouvent sur le taureau Dieu ne feraient-elles pas allusion à la lumière et

aux ténèbres dont on voulait retrouver l’expression sur le symbole vivant de tout ce

(1) Anzï«.L, Herod. Thaï. cap. 28.

(2) Euseb. prœp. Evang. lib. 5, cap. 15.

(5) Macrob. Saturn. lib. 1, cap. 21.

(4) Thaï. cap. 28.

(5) Strab. lib. 17.

(6) Lucian. De Astrol.


; , ,

DES HIÉROGLYPHES. 43

qui est? car enfin apis n’était, comme l’avait fort bien entrevu Elien (1), qu’un as-

semblage de symboles relatifs à Yabym à la vie universelle, à Y intelligence suprême,

au soleil, à la lune, à la lumière, aux ténèbres, et à la faculté génératrice; symboles

qui, ne pouvant être compris que par les initiés, demeuraient inintelligibles pour

le vulgaire des profanes.

Pourquoi les prêtres de Memphis préférèrent-ils présenter à la vénération du

peuple un taureau vivant comme symbole de Dieu, plutôt que la statue d’un tau-

reau avec des signes caractéristiques qui auraient déterminé sa valeur? Cette

question qui n’a jamais été soulevée va nous conduire à expliquer le culte des

animaux dans les différents nomes.

On voulait que le taureau, symbole de Dieu, fût vivant pour rappeler l’idée

de vie universelle, une des trois parties qui constituaient la divinité toute entière

selon les Egyptiens. Cette vie universelle, dirigée par Yintelligence suprême qui

donnait le mouvement à la matière-principe était exprimée déjà dans apis par le

scarabée mais comme cette vie existait dans la matière et que le scarabée ailé était

dans la bouche d’APis, ce symbole n’étant pas visible, la sagesse sacerdotale crut

devoir exiger que le taureau divin fût vivant pour rappeler cette idée principale.

Tous les animaux vivants que les Egyptiens nourrissaient dans leurs temples

étaient autant de symboles composés qui rappelaient l’idée de tout ce qui est,

c’est-à-dire de Dieu. Ainsi le crocodile, par exemple, qui était considéré comme
symbole du mauvais principe à Tentyris, et comme celui du débordement à

Coptos (2), devint par extension dans cette même ville celui de la matière-pripcipe

ou de Y eau infinie dans laquelle le monde était plongé, le débordement périodique

du Nil n’étant autre chose, selon les Egyptiens, que l’écoulement de cette eau

éternelle par la principale ouverture du ciel de cristal, c’est-à-dire par la cataracte

du sud (3). Au moyen de certains signes caractéristiques qu’on devait retrouver

(1) Ælian. lib. H, cap. 10.

(2) Voyez Crocodile.

(5) Voyez Nil.


, ;

U DICTIONNAIRE
sur le crocodile sacré comme sur apis, et qui exprimaient symboliquement l’idée

de vie universelle et d’ intelligence suprême le crocodile, déjà symbole de la matière-

principe, devenait celui de Dieu.

Le crocodile,

symbole du débordement ou de Yabym à Coptos, est représenté dans l’écriture hié-

roglyphique, lorsqu’on le considère comme symbole de Dieu, ayant sur la tête le

disque solaire sous lequel se trouve le croissant de la lune

ou son équivalent, les cornes de taureau;

disque et croissant qui forment, comme nous l’avons déjà vu, le symbole composé
du ciel. Quelquefois même on représentait le crocodile sacré avec une tête

Yépervier qui se trouve


< ici symbole de Y élévation ou de Y intelligence suprême (1),

et au-dessus de laquelle se trouve encore le symbole composé du ciel.

Les Egyptiens ignorants (


car il n’y avait que les initiés qui eussent la connais-

sance exacte de la valeur extentionnelle des symboles), mus par l’orgueil de

localité, se figurèrent que le symbole vivant adopté par leur nome était le seul

qui représentât effectivement I’Être Suprême qui est tout ce qui est fanatiques

comme des sots, ils commencèrent à se traiter mutuellement d’idolâtres et de

fous, puis ils finirent par se haïr cordialement et quelquefois même ils en vinrent

(0 Vépervier peut être le symbole de Y élévation ou celui du soleil (voyez Epervier); mais dans
cette circonstance il est celui de Y élévation, d’où dérive le cnef (a), symbole du Très-Haut ou de
Y intelligence suprême.

(a) Préface, page xxvij.


, , ,

DES HIÉROGLYPHES. 45

jusqu’à se battre pour la plus grande gloire de leurs animaux sacrés; tandis qu’aux

jeux des initiés, tous n’adoraient que la divinité unique du culte primitif, compo-

sée des trois principes (1), mais seulement sous des formes symboliques qui dif-

féraient entre elles.

La valeur d’APis comme symbole de Dieu n’était connue que des initiés qui,

pouvant s’expliquer la valeur des signes caractéristiques du taureau sacré, ne le

confondaient pas avec le simple taureau noir, symbole de Yabym ; mais pour la

plupart des Egyptiens, le symbole vivant de Dieu n’était que le symbole de la

matière-principe , de Y eau infinie dans laquelle ils supposaient le monde plongé,

c’est-à-dire du grand océan ou de Yabym en un mot; et comme le Nil ou son dé-

bordement n’était dû, selon leur croyance, qu’à un écoulement de cette eau infinie

qui s’échappait tous les ans au solstice d’été par la cataracte du sud pour féconder

la terre sainte, Y eau du Nil étant de même nature que Y eau de Yabym , apis devint

le symbole vivant du Nil ou de son intumescence. C’est en considérant apis comme


symbole du Nil ou de son débordement qu’on peut s’expliquer les cérémonies su-

perstitieuses des Egyptiens en ce qui concerne apis, cérémonies qui ne sont du

reste que des rites allégoriques plus ou moins ingénieux.

Les Egyptiens disaient qu’APis était l’image d’Osims : mais Osiris n’était autre

chose que Yabym ou matière-principe (2). Le Nil, qui ne lut d’abord considéré

(1) La matière, la vie, et 1 ’ intelligence.

(2) Osiris ou Yabym personnifié était toujours représenté noir, [j.eluyzpoiç 6 éalpiç il était, comme
nous le dit Plutarque, le principe de toute puissance humide, de toute cause productrice de l’eau, de

toute génération et tout germe productif : O i §è uominpoi t«v lepéav, où pôvov rov veîTov ôatpiv •/.aXoO'riv

àXkà Ocr ipiv p.sv v.Ttlwç K7r«<7av rùv ùypoizo.io-ii àpyjiv y. ai 50vap.iv, air t'av ysvs'crecog GTzépp.a-oç oÙGiaii vofuÇovrEçJ

rov Si Oaipiv au tzkIl'j p.s^ayp/pouv ys yovivai p.uôoîoyoüotv, ôr i irâv uSo tp -/.ai yüv zai tp.àrta /.ai vsyu pE^at'vEi p.iyvuuE-

vov, -/.ai rwv vswv Oyporjjç ÈvoOoa itpé/ji ràc vpiyjnç peÀaivaç. (Plutarq. Traité d’Isis et d’ Osiris chap. 13).

Osiris étant le symbole personnifié de la matière-principe , Isis celui de la vie universelle, et Cnef celui

de Y intelligence suprême, leur réunion composait IEOUA, c’est-à-dire tout ce qui est (a), Dieu. Les prê-

(a) Ce nom d’IEOUA, dont nous avons fait jeova, était en Egypte le nom sacramentel le nom terrible que l’Initié

ne prononçait jamais devant un profane; il signifie en langue sacrée Dieu qui est tout ce qui est, en voici la raison :
, , ,

46 DICTIONNAIRE

que comme un écoulement d ’Osiris (1), fut ensuite considéré comme étant Os iris

lui-même, puis enfin on finit par ne donner le nom d 'Osiris qu’au débordement.

Apis, considéré comme symbole du débordement par les prêtres mêmes qui fini-

rent par se conformer à la croyance populaire, ou qui feignirent de s’y conformer,

était réputé le fruit miraculeux d’une vache privilégiée, fécondée par le feu céleste

et par une opération divine (2). Ce feu céleste n’était autre que celui du soleil qui

très égyptiens enseignaient que ,


de même qu’il est impossible de concevoir l’existence d’un corps sans

les trois dimensions, longueur ,


largeur , et profondeur ou épaisseur, de même il était impossible de con-

cevoir Dieu sans ces trois principes, la matière , la vie ,


et Y intelligence. On voit par là qu’OsîYts n’était

que le tiers de la divinité unique selon les Egyptiens : mais de même que l’idée abstraite d’une des trois

dimensions ramène toujours à l’idée positive d’un corps, de même l’idée d’Osmsou de Veau infinie dans
laquelle la vie et Yintelligence étaient inhérentes rappelait l’idée de tout ce qui est ,
de Dieu.

(1) ô ÔmpitSoç «7rapport. Plutar. Isid. et Osxrid. ,


cap. 18.

(2) Pomponius Mêla ,


lib. 1 , cap. 9.

les voyelles qui seules expriment une voix ou un son, peignent, considérées seules en écriture sacrée, des idées posi-

tives; A-homme, E -femme, I-Dieu, O-soleil, XS-lune. Les consonnes qui ne peuvent être exprimées qu’avec le

concours des voyelles ne peignent, considérées seules dans cette même écriture, que des idées relatives; B j génération,
G - commandement F -voix, P- consécration, etc. Les consonnes, en un mot, ne font que modifier l’idée positive

rendue par les voyelles, comme les articulations ne font que modifier les sons. Exemple : A signifiant homme,
P signifiant consécration, AP signifiera homme-consécration, Y homme qui consacre, le consécrateur, c’est la racine

première d’APollon. PA signifiera consécration-homme , celui qui est sacré, le consacré, le saint, Yinitié. Le superlatif

se formant en langue sacrée parla répétition, PAPA signifie saint saint ou très-saint, et comme il n’y a rien de plus

saint pour un fils que son père, PAPA signifiepére en langue sacrée. On voit par cet exemple que les idées positives, c’est-

à-dire tout ce qui existe ne peut être rendu que par des voyelles, soit seules, ou combinées entre elles, ou modifiées par

les consonnes. Si donc nous prenons les cinq voyelles AEIOU et que nous les considérions comme ne formant qu’un seul

mot ou n’exprimant qu’une seule idée positive, ce mot signifiera tout ce qui est, Yunivers, parce que tout ce qui esta

besoin pour être dénommé en détail du concours d’une ou de plusieurs voyelles modifiées ou non modifiées par les con-

sonnes. La réunion des cinq voyelles ,


quel que soit leur arrangement, exprimant l’idée de tout ce qui est et Dieu étant

défini par les Egyptiens celui qui est tout ce qui est pour donner à Dieu un nom qui portât avec lui la définition de

Dieu même , on le composa avec les cinq voyelles ;


mais pour bien préciser que dans l’idèe de tout ce qui est, exprimé

parla réunion des cinq voyelles, il s’agissait de Dieu, on intervertit l’ordre naturel des voyelles qui est AEIOU (ordre na-

turel que j’expliquerai dans mon Etude de la langue sacrée) pour mettre à la première place la voyelle I, qui signifie

Dieu, et la voyelle A qu’elle remplaçait fut rejetée à la dernière ,


de là IEOUA, Yunivers-Dieu ou Dieu qui est tout ce qui

est. Cette explication du nom IEOUA sert à comprendre cette belle sentence que j’ai retrouvée inscrite sur l’épaule droite

d’un sphinx colossal de granit rose : Homme, sois humble; celui qui veut être le premier parmi ses frères devient le dernier

devant Dieu, son nom terrible (qui n’est pas inscrit, mais qui est IEOUA) enseigne au superbe sa place. En effet ,
la

voyelle A, qui signifie homme et qui se trouve la première dans l'ordre naturel des voyelles ,
est rejetée à la dernière dans

le nom terrible d’IEOUA.


;

DES HIÉROGLYPHES. 47

darde ses rayons avec le plus de force lorsqu’il est parvenu au solstice d’été,

époque où le Nil déborde. L’ opération divine c’était la levée de la pèle céleste par

X intelligence suprême, afin de donner passage par la cataracte du sud à X écoulement

de Xabym qui devait se répandre sur la terre d’Egypte pour la féconder.

Les prêtres d’APis étaient au nombre de cent (1), parce que le Nil qui déborde

au solstice d’été, et qui rentre dans son dit quelques jours après l’équinoxe d’au-

tomne, se trouve précisément pendant cent jours au-dessus du niveau de ses

berges (2).

Lorsque les prêtres d’APis, après la mort d’un taureau sacré, trouvaient un veau

habile à succéder au défunt, ils commençaient d’abord par le nourrir pendant

(1) Ælian. De Animal . ,


lib. 11 ,
cap. 10.

(2) In totum autem revocatur intrà ripas in libra (a) centesimo die (Plin. lib. S , cap. 9 ). Lorsque le

débordement du Nil cessait, l’Egypte ne laissait pas pour cela d’être inondée car il ne faut pas se

figurer la section transversale de l’Egypte comme nous offrant une courbe concave au milieu de laquelle

se trouverait le lit du Nil,

ainsi que celle de la plupart des vallées partagées par un fleuve qui les inonde et où l’on voit que le

sol est mis à découvert dès que les eaux sont au niveau des berges. La coupe transversale de l’Egypte
nous offre au contraire une courbe légèrement convexe.

ayant dans sa partie supérieure une profonde échancrure qui est le lit même du Nil dans ses basses

eaux; de là vient que le Nil, quoique rentrant dans son lit à l’équinoxe d’automne, n’empêche pas
que .l’Egypte ne reste inondée, et celte inondation cesse graduellement, soit par l’écoulement des
eaux que les canaux conduisent dans le Nil, soit par l’évaporation, ce qui demande près de trois mois
pour que le sol le plus bas de l’Egypte soit entièrement desséché; c’est ce qui fait que désormais nous
distinguerons Y inondation de l’Egypte d’avec le débordement du Nil, et nous dirons : le Nil est débordé
depuis le solstice dété jusqu’à l’équinoxe d’automne, et l’Egypte est inondée depuis le solstice d’été

jusqu’au solstice d’hiver.

(a) Constellation où correspondait alors l’équinoxe d’automne.


, , ,

48 DICTIONNAIRE

quatre mois avec du lait (1). Le Nil qui se trouve le plus bas possible au solstice

d’hiver augmente à proportion de l’accroissement des jours pour être à pleins

bords au solstice d’été ;


mais comme cette augmentation ne commence à devenir

sensible qu’un mois avant l’équinoxe du printemps, le Nil, considéré comme majeur

lorsqu’il était à pleins bords, était considéré comme étant dans l’enfance avant

cette époque, et sa croissance ayant lieu à partir du mois qui précédait l’équinoxe

du printemps jusqu’au solstice d’été, les prêtres nourrissaient son symbole vivant

avec du lait pendant un temps égal à celui de cette même croissance.

Apis était ensuite conduit par les prêtres qui l’avaient allaité, dans une ville

consacrée au Nil (2), située sur la lisière du désert, et là il ne recevait, pendant

quarante jours qu’une nourriture légère; c’était ce qu’on appelait le jeûne cTapis.

Le dernier jour, les prostituées (3) pouvaient le voir et lui adresser leurs vœux en

découvrant les parties du corps que la pudeur oblige de cacher. Le Nil qui dé-

borde au solstice d’été continue à croître pendant quarante jours, époque à laquelle

il reste stationnaire pour décroître ensuite et rentrer dans son lit vers l’équinoxe

d’automne. Ce n’était donc qu’après quarante jours, à partir du solstice d’été, que

l’on pouvait être fixé sur la crue des eaux fécondatrices, crue que les Egyptiens

devaient nécessairement désirer voir s’étendre jusqu’au désert, et c’était pour cela

qu’on y conduisait apis comme pour lui enseigner la limite à laquelle devaient

s’arrêter les eaux dont il était le symbole. On le nourrissait légèrement lorsqu’il

était à Nilopolis, parce qu’on désirait que le débordement parvenu jusque là n’eût

plus de force pour s’étendre sur le désert, phénomène qui ne pouvant être dû qu’à

une trop forte crue, était d’aussi mauvais augure pour la récolte qu’une crue trop

(1) Ælian. loco cit.

(2) Diodor. Sicul. lib. 1. Cette ville, appelée par les Grecs Nilopolis, était appelée par les Egyptiens

Nuno (Nun -Nil, O -ville). Hérodote l’appelle ville d’épis et la place, ainsi que Marée sur les confins

de l’Egypte, du côté de la Lybie. (


Euterp cap. 18).
.

(5) Diodore ne dit point que les femmes qui venaient adorer apis fussent des prostituées mais l’ex-

plication de l’allégorie le démontre.


,

DES HIÉROGLYPHES. 49

faible. Les prostituées, les Fulens ou filles du mauvais principe (1), auxquelles on

permettait, le quarantième jour, d’adresser leurs vœux à apis en se découvrant

comme pour lui demander d’être fécondées, étaient les représentantes de Nephthis,

épouse stérile de Typhon laquelle ne pouvait être effectivement fécondée que par

son adultère avec Osiris que représentait le taureau sacré. Nephthis, comme l’in-

dique son nom (2), n’est autre que le désert qui, profitant de l’époque où le Nil

débordé se trouvait près de lui, était alors sensé implorer son action fécondatrice.

La couronne de mélilot, laissée par Osiris sur la couche de Nephthis, était le té-

moin irrécusable de l’infidélité de ce Dieu, car, lorsque le débordement se répand

sur le sable du désert, il


y fait croître quelques plantes, et surtout le mélilot.

Apis ayant terminé sa quarantaine dans la ville du Nil, ses prêtres le condui-

saient par eau à Memphis (3), dans la barque sacrée (4) où était dressé un pa-

villon resplendissant. A son arrivée le taureau, symbole du débordement régénéra-

teur de l’Egypte, était logé dans le temple de Phtha, le futur rédempteur qui devait

aussi régénérer le monde avec le feu éternel. En avant du temple était le prome-

noir d’APis se dirigeant de l’est à l’ouest; des colosses de douze coudées de hau-

teur en soutenaient la couverture. Aux deux extrémités de ce promenoir étaient

les écuries du taureau sacré (5); le peuple tirait des présages de l’affection mar-

(1) Voyez la note, page 13.

(2) Plutarque, dans son Traité cl’Isis et d’ Osiris, chap. 18, a parfaitement expliqué cette allégorie,

et pour ce qui est du nom de Nephthis que les Egyptiens donnaient au désert et au rivage maritime, il

signifiait dans leur langue vulgaire ce qui est dispersé, ce qui est répandu , la poussière , le sable ;
racines

— yBJ (
NEPHTH - IS ).

(3) Diodore de Sicile, liv. 1.

(4) Celte barque sacrée était comme les Qewpiosç des Grecs, et de même que la vcâiç uah/.uivia des

Athéniens, elle était conservée par le soin qu’on avait de remplacer les planches pourries par des

planches neuves.

(5) Pline (
lib. 8, cap. 46), qui appelle les écuries d’Aris, délabra (temples), nous dit que les

Egyptiens leur donnaient le nom de Oàkccpoç ,


qui signifiait lit nuptial chez les Grecs; les Egyptiens

appelaient ces écuries waubn, telamim , ou intôn telamou; racines: iàr\, mettre en suspens, et
,

D’o ou la ,
eaux; ce qui doit décider de la crue des eaux.

7
50 DICTIONNAIRE

quée (Tapis pour l’une ou l’autre de ces deux écuries. En effet, lorsque le symbole

du débordement se couchait plus volontiers dans l’écurie de l’est, la plus rappro-

chée du Nil, on croyait pouvoir en augurer que le débordement ne s’étendrait pas fort

loin; c’était tout le contraire lorsque le taureau sacré allait ruminer de préférence

dans l’autre. C’était aussi pour éviter les présages sinistres d’un débordement

excessif ou d’une crue presque nulle que les prêtres d’xpis surveillaient leur tau-

reau sacre qu ils tenaient prisonnier dans son promenoir car apis échappé pouvait
,

aller vagabonder vers le rivage du Nil ou dans les campagnes voisines du désert.

La plus célèbre des fêtes égyptiennes était celle qui durait pendant sept

jours consécutifs, lors du solstice d’été, en commémoration de la naissance

d’APis (1) ou pour mieux dire en honneur de X apparition du Dieu (2). Le Nil dé-

borde vers le solstice d’été, et cette époque de l’année est encore fêtée en Egypte.

Deux patères, l’une d’or et l’autre d’argent, étaient jetées solennellement, le pre-

mier jour de la fête, dans un coude du Nil, vis-à-vis Memphis, où se trouvait un

tournoiement d'eau qu’on appelait la phiole (3) ou X entonnoir : c’étaient les offrandes

sacrées faites au Nil pour lui témoigner la reconnaissance publique de l’Egypte

dont il est le bienfaiteur. On prétendait que pendant les sept jours que durait la

fête, les crocodiles, oubliant leur férocité, ne faisaient de mal à personne (4) :

lorsque le débordement commence à couvrir le sol de l’Egypte, la maigreur des

eaux au-dessus du rivage ne permet pas aux crocodiles de le franchir en nageant,

et ces mêmes eaux détrempant ce sol crevassé les empêchent de le franchir en

marchant; force est donc alors aux crocodiles de rester dans le lit du fleuve jus-

qu’à ce que l’élévation des eaux au-dessus des berges soit assez considérable, ce

qui demande à peu près huit jours; aussi les prêtres égyptiens disaient-ils que

le huitième jour les crocodiles redevenaient furieux comme à leur ordinaire.

(1) li ye'jiO'Mri toü Arc tBoç. Dies natalis Apidis.

(2) OeoyciviK.

(5) Plin. lib. 8, cap. 46. Les Egyptiens appelaient ce tournoiement d’eau nnsx, la pbiole.

(4) Plin. loco cit. et Carystus, de festis Ægyptiorum.


; , ,

DES HIÉROGLYPHES. 51

Dans les temps primitifs (1), lorsqu’un faible débordement suffisait pour fécon-r

der toute la terre d’Egypte, on désirait que son niveau ne s’élevât pas jusqu’à

celui du désert aussi le quarantième jour, époque où cessait sa croissance, on sa-

crifiait une jeune futen (2) ,


fille du mauvais principe ou fille publique, qui repré-

sentait Nephthis (le désert) qu’on ne voulait pas voir fécondée. Plus tard, lorsque

le sol d’Egypte se fut exhaussé par les dépôts successifs de limon, comme il fal-

lait, pour que toute l’Egypte fût recouverte par le débordement que ce même dé-

bordement fût assez considérable pour parvenir jusqu’à la lisière du désert, alors

on symbolisait cette force demandée au débordement en présentant à apis une

vache rousse, symbole de Nephthis, qu’on tuait immédiatement après l’avoir fait

saillir par le taureau sacré (3).

On désaltérait apis avec l’eau d’un puits destiné à cet effet, et l’on avait le plus

grand soin d’empêcher que le taureau sacré ne bût dans le Nil dont il était le

symbole; car apis ne devait pas être autophage. Plutarque prétend (4) que l’eau

(1) J’appelle temps primitifs ceux qui ont précédé le règne de Sésostris, c’est-à-dire qui sont anté-

rieurs à l’an 1500 avant notre ère.

(2) Voyez la note, page 15. On a voulu prétendre ,


en s’appuyant sur le témoignage positif d’Héro-

dote (
Clio . cap. 140 et Euterp. cap. 45), que les Egyptiens n’avaient jamais sacrifié de victimes hu-

maines ;
mais comme Hérodote juge les Egyptiens primitifs par les Egyptiens de son temps, son assertion

ne doit pas infirmer les témoignages de Plutarque, de Diodore de Sicile, et d’Àthénée, qui nous as-

surent qu’ anciennement les Egyptiens sacrifiaient des victimes humaines pour apaiser la divinité; on

suppose même que cette coutume barbare n’aurait été abolie que sous le règne d’Amasis, 570 ans

avant notre ère. Voyez d’ailleurs Mythologie de Banier, tome iv, page 277.

(5) Le taureau noir étant le symbole de Y eau infinie qui enveloppe le monde et dont un écoulement fé-

conde la terre d’Egypte ,


une vache noire était le symbole de cette même terre. Par la même raison le

lion (voyez Lion) étant le symbole du débordement fécondateur, une lionne était le symbole de la terre

fécondée par ce même débordement (voyez Sphinx). Un taureau roux (couleur de Typhon ) était le sym-
bole de Veau marine que les Egyptiens avaient en horreur, et une vache rousse était celui de la terre

uride (le désert) ,


eau et terre placées sous l’empire du mauvais principe.

(4) Aéyovzca §k v.oà z'ov Aîrtv sx ypéc/.zoç iSiov zzoz i'Çsu toü Ss N silov TZKVzÛTaxmv «Tretpyetv ,
où p.iKpov riyovp.i'jovç zb

ùSatp Slx zbv y.poxbSsOov ûç èvioc vogIÇovœiv, oùiïèv yàp ouzo, zip-v AiyuTTTiojç ,
wç ô Nsîloç ,
àXkÿ mcdveiv Soysï -/.ai

p.clh(7Z(x 7TOÏutjapxicK'j 7rotS£v zb Neilüov viïvp r: ivop.evov. Où foùïovzçu tov oùrwç syjtv ,
oùSs szvzoùç , àXl.à
52 DICTIONNAIRE

du Nil ayant la propriété d 'engraisser, comme on ne voulait pas qu’Apis, devenu

trop gras, parût avoir la partie divine de son être accablée sous le poids de la

partie matérielle, c’était afin de le conserver toujours léger et dispos, qu’on le

privait de boire l’eau du Nil qui était considérée en effet comme un écoulement

del 'abym ou matière-principe. Mais, comme la propriété engraisser n’appartient

pas plus à l’eau du Nil qu’à celle des autres fleuves, je considère la raison donnée

par Plutarque comme étant aussi peu admissible que celle fondée sur cette

allégation absurde, savoir, que l’eau du Nil était considérée comme immonde par

les Egyptiens à cause des crocodiles.

On sacrifiait à apis, symbole du Nil, des taureaux noirs ,


symboles de Y abym

dont le Nil était un écoulement; car c’étaient toujours leurs propres symboles

qu’on immolait aux différentes divinités (1). Ces sacrifices de taureaux noirs, faits

en présence d’APis, devaient naturellement révolter le Dieu, de même que dans

un abattoir un bœuf impassible se tourmente et même devient furieux lorsqu’il en

voit assommer un autre (2). Hérodote, en nous parlant des taureaux qu’on sacri-

fiait en Egypte, semble contredire cette assertion que des taureaux noirs étaient

immolés à apis, lorsqu’il nous dit (3) que les prêtres, qui avaient seuls mission de

choisir les victimes, rejetaient comme impur tout taureau sur lequel se trouvait un

seul poil noir. Mais il faut observer qu’Hérodote, qui ne parle et qui ne pouvait

effectivement parler que très-superficiellement des rites égyptiens, n’avait en vue

sw-alri Y.cd YO-u(j)K roüç fyvycüç m piY.îVjQai tx tjciip-ocza, 7. ai p.ri ir is'Çstv


f
/.ri Si y.araOïiSziv itjyyovrt rw ôvrjrw ,
7. ai fiapvvovri

to 6sîov. (Plutarq. Traité d’Isis et d’Osiris, chap. o. )

re
(1) Voyez l note de la page 7.

(2) Apis, traité en Dieu mais continuellement surveillé, étant en outre effrayé par les sacrifices de

taureaux qu’on égorgeait devant lui ,


manifestait souvent par son impatience qu’il aurait préféré cher-

cher en liberté sa nourriture dans les campagnes que de se voir retenu par un prêtre qui d’ailleurs

pourvoyait à tous ses besoins; aussi est-ce au taureau de Memphis que Plutarque compare Cléomène

retenu ,
malgré lui ,
en Egypte, où il jouissait cependant de toutes les douceurs de la vie. (
Voyez
Plutarq. Vie d’ Agis et de Cléomène).

(5) Tpiyx riv yod p'vjv ÏSyitcu smovGOcv pélcavixv ,


où y.ct&apbv etvizt vof/.i'Çes.
(
Euterpe, chap. 58. )
. , , ,

DES HIÉROGLYPHES. 53

que les sacrifices expiatoires offerts au mauvais principe pour apaiser sa colère.

Or, comme Typhon était roux c’étaient des taureaux roux qu’on immolait à cette

divinité malfaisante, et ce qui le prouve ce sont les imprécations qu’on prononçait

sur la tête de la victime et dont Hérodote nous a conservé la formule (1) : « Si

« quelque malheur doit arriver à ceux qui offrent ce sacrifice , ou à l’Egypte entière

« puissent-ils retomber sur cette tête ! » et la tête de la victime était ensuite portée

sur la place publique pour être vendue aux marchands grecs qui étaient marins et

considérés par conséquent comme enfants du mauvais principe, ou bien elle était

jetée dans le Nil qui la transportait à la mer, empire de Typhon. D’ailleurs on ne

peut mettre en doute qu’il n’y eût plusieurs divinités auxquelles on immolait des

taureaux, puisque Hérodote lui-même nous dit (2) que la manière d’enlever les

entrailles de la victime et de les brûler variait suivant l’espèce des sacrifices ;


et

jusqu’à ce que nous puissions nous convaincre que des sacrifices de taureaux noirs

ont été offerts à Yabym ou à ses symboles Osiris et apis, on peut être autorisé à

croire dès à présent que la couleur de la victime était toujours en rapport, chez

les Egyptiens comme chez les Grecs, avec celle affectée à la représentation ma-
térielle de la divinité qu’on voulait implorer (3).

(1) Et TL y.sXkoL Y) G(j>LGL TOLGL ÛVOVGL 9


Y] AlfUTUTO) TY] GVV OtTTCCGY) XOCXOV ySVSGOaL , éç T.S^iOlXyiV TCCUTYJV T pv.TZZdQ CKL.

(
Euterpe ,
chap. 59. )

(2) H ii rîvi eÇodpecr iç twv ip&v v.ed n y.avciç , «lin irspi «11o Ipôv crœt xctrsoTïjxe.
(
Euterpe, chap. 40. )

(5) Les principes fondamentaux de la religion grecque ayant été empruntés à la religion égyptienne,

comme Hérodote en convient lui-meme : 2 %e 8 ov Sè y.« i <k«hz« t« ovvop.«z« züv 3 ewv sÇ AtyÙ 7rrou èlnlvde éç ~nv

È11«§« (Euterpe, chap. S0), les rites, partie essentielle du culte, durent conserver une grande analo-

gie chez les deux peuples. Or nous voyons que les Grecs immolaient des victimes noires aux divinités
noires et des victimes blanches aux divinités blanches : c’est ainsi (
Iliacl . chant m) qu’un agneau blanc
est immolé au Soleil et une jeune brebis noire à la Terre. On sacrifiait des taureaux noirs à Neptune

( Odyss chant ni ) représenté avec une chevelure noire ou azurée (r.v«vo%ahnç) parce qu’il était la

personnification du noir empire de la mer (a). C’étaient des beliers et des brebis noirs qu’on immolait à

(a) Les Egyptiens qui regardaient la mer avec horreur, et qui la considéraient comme l’empire du mauvais principe,

ne durent pas fournir aux Grecs l’idée de leur Neptune, divinité très-irritable, mais ayant du reste d’excellentes qua-
lités. Aussi Hérodote (Euterpe, chap. 50), qui nous donne la nomenclature des divinités que les Grecs avaient prises
54 DICTIONNAIRE

A l’équinoxe d’automne, pendant quatre jours consécutifs, on promenait la

statue d’APis aux cornes dorées, recouverte d’un voile noir en lin (1); c’était une

pompe funèbre où l’on déplorait la mort du Dieu qu’Hérodote n’ose pas nom-

mer (2). Dans la soirée du dernier jour (3), les prêtres, revêtus de leurs habits

Pluton et aux mânes (


Odyss. chant x et xi ) ;
c’est enfin une vache noire et stérile qu’on sacrifiait à

l’inexorable Proserpine.

(1) Ot izpzïç alla zz SpSxn tjY.vOpoïTrà ,


y.ai |3oôv SicitypvGO'j tpazirp pzlarn Suaai-jr,) Tzzptëallovzeç.

(Plutarq. Traité d’Isis et d’Osiris, chap. 48.)

(2) Hérodote (Euterpe, chap. 129 et suiv.), en nous racontant l’histoire ridicule de Mycérinus et de

sa fille ,
nous parle de la statue d’une vache qu’on voyait encore de son temps dans le palais de Sais.

Cette vache était couchée sur ses genoux (sot t Sè ïj


p oü? où-/, opôrj ,
àll èv yoùvaui y.zipivn), le corps entière-

ment recouvert d’un voile de pourpre (« Sè fiovç zà piv alla xazaxéxpvnzai foivixzw si pan ) , le col et la tête ,

seules parties apparentes, étaient recouverts de lames d’or très-épaisses (tôv aùyzva Sè xa i z-nv xzyalriv

fatvsLxeypva-upéva T.ayji xàpra ypiiaü) ,


et l’on voyait entre ses cornes un disque d’or représentant le cours

du soleil (pEraÇù Sè zôiv Y.Epéo)-/ ,


o zoù rtllov v.-jxloç psyipn pévoç ,
emtrzt ypùcEoç). Cette vache ,
nous dit l’histo—

rien ,
sortait tous les ans du palais où elle était déposée pour être exposée au grand jour, à cette même
époque où les Egyptiens pleuraient la mort du Dieu qu’il ne lui est pas permis de nommer (èxipzpzzai Sè

èv. toü oixrjpazoç àvà iràvza zà zzsa' ènzàv zùnZMVzai oi AlyÙTtzioi zôv oùx àvopaÇip.Evov Gsôv lit èy.sïi èni zoloùzm

npviypazL, zozzon y.ai zi/v (3 oüv èxfêpovtn zç Totpûç). Il n’y a pas de doute que le Dieu dont il s’agit ici ne fût

Osiris ,
le débordement personnifié, seul Dieu égyptien qui fût annuellement mortel. Quant au quiproquo

d’Hérodote qui prend pour une vache le taureau symbolique de Sais, cet historien n’ayant pu déter-

miner le sexe de cette représentation symbolique, puisque, à l’exception de la tête et du col, elle était

entièrement recouverte d’un voile de pourpre ,


il n’est pas étonnant qu’il se soit trompé ,
étant obligé

de s’en rapporter à cet égard aux interprètes helléno-égyptiens qui ,


lui débitèrent le conte ridicule de

Mycérinus. Plutarque ,
qui adresse son Traité d’Isis et d’Osiris à Cléa ,
prêtresse d’Isis ,
nous dit que c’était

un taureau, symbole d ’ Osiris (|3oüv qà.p ôtripiSog ziv.ova vop.i'Çouo-tv), qu’on promenait pendant quatre jours,

à partir du 17 Athyr, époque de la disparition d’Osiris ( Sib privé? ÀOùp àfaviaOüvai tôv ôo-tptv Iz-yov cuv ) ,
et

pour ce qui est du voile de pourpre qui recouvrait la statue d’APis dans le palais de Sais ,
au lieu du voile

noir, tel que le signale Plutarque, il n’y a point de difficulté, car le rouge, consacré à Typhon, était

comme le noir une couleur de deuil ou de mort en Egypte.

(5) Plutarque nous dit que c’était la nuit du 19 Athyr qu’avait lieu cette procession vers la mer; mais
il se trompe évidemment, car cette procession funèbre qui durait quatre jours, à partir du 17, devait

cesser dès que le Dieu dont on déplorait la perte était retrouvé.

ailleurs que chez les Egyptieus, et qui sont Junon, Vesta, Thémis, les Grâces, les Néréides, les Dioscures, et Neptune,

pense que cette série de divinités est d’origine pélasgienne, à l’exception de Neptune que les Grecs avaient emprunté

aux Lybiens.
,

DES HIÉROGLYPHES. 55

sacerdotaux, descendaient vers la mer portant dans l’arche sainte le canobe d’or,

dans lequel ils recueillaient les dernières eaux du débordement : avec cette eau

de Yabym et des parfums on détrempait un peu de terre à laquelle on donnait la

forme du croissant de la lune, puis le peuple alors s’écriait qu ’Osiris était retrouvé .

Cette image du croissant de la lune, recouverte des voiles sacrés, était ensuite

portée en triomphe par les prêtres en remontant le cours du fleuve. Le Nil rentre

dans son lit à l’équinoxe d’automne; c’était alors qu’on pleurait la mort d ’Osiris,

c’est-à-dire du débordement. Plutarque nous explique pourquoi cette pompe fu-

nèbre durait quatre jours; c’était, nous dit cet historien, parce qu’on déplorait

alors en Egypte, 1° la décrue du Nil; 2° l’abaissement des vents du septentrion

dominés par les vents du midi ;


3° la décroissance rapide du jour, et 4° enfin la

verdure, car les feuilles des arbres commencent à tomber à cette époque (1).

Du temps de Plutarque, les prêtres égyptiens avaient reconnu la cause la plus

probable de l’intumescence périodique du Nil, les vapeurs qui s’élèvent de la mer,

poussées par les vents du nord vers les montagnes qui sont au delà du tropique,

s’amoncelant et se condensant sur ces mêmes montagnes, se résolvent en pluie au

solstice d’été; et comme il est à présumer que là se trouvent aussi les sources du

Nil, les pluies enflent le fleuve qui se répand alors sur l’Egypte. C’était pour figu-

rer matériellement ce phénomène que les prêtres pétrissaient avec de la terre dé-

trempée dans l’eau du débordement une figure ayant la forme du disque lunaire,

symbole iconographique de la nouvelle lune, et qui, pris d’une manière extention-

nelle, devenait celui de la nouveauté, du renouvellement et enfin de la résurrec-

tion (2). Le peuple s’écriait alors qu’ Osiris était retrouvé, pour dire que la cause

du débordement était reconnue. Pour figurer la marche des vapeurs qui devaient

(
1
)
lied yàp rà TzevOoTjpevoc t iaac/.pa ,
7rpwTov pèv ô NeîXoç àizoldv:w» xcd Ûttovoo’twv ,
Ssvrepov Ss là. fîopuu 'tevsvp.cerce

V.U.TClG&VJ'JVp.VilU XOpiSfî TWV VOTIMV È7r£XpKT0VVT&)V ,


TptTOV TïJV ÈX«TOVGC 'yivZCîQc'.l Trjç VVXTOÇ £7ri TZC/.fTIV « Trjç jàç

à.Tïoyop.vMtnç ,
àp.a rri tmv (fuz 6iv •1/0,6 'rrjTi Trnny.c'.îizcc covl’koppooivmv.

(Plutarq. Traité d’Isis et d’Osiris, chap. 18.)

(2) Voyez Chacal.


, ),

56 DICTIONNAIRE

occasioner le futur débordement on remontait processionnellement vers le sud,

en suivant les bords du Nil, et l’on portait à l’extrémité d’un long bâton doré le

croissant mystérieux enveloppé soigneusement dans des voiles azurés, symboles de

Y air (1). Dans les temps antérieurs à la domination des Perses, et même posté-

rieurement, mais dans la Haute Egypte, on ne célébrait la résurrection d ’Osiris

qu’à l’équinoxe du printemps, époque où la croissance du Nil devient sensible :

alors la fête de la résurrection consistait à montrer au peuple ce même taureau

accroupi, débarrassé du voile funèbre avec lequel il avait déjà été exposé à l’équi-

noxe d’automne. Sur le Zodiaque circulaire de Dendérah on voit ce taureau ("2),

sous l’espace qui se trouve entre les Gémeaux et le Cancer, placé là comme sym-

bole de Yéquinoxe du printemps; car ce Zodiaque représentant l’état du ciel im-

médiatement après la création, et la création remontant aujourd’hui, selon les

données astrologiques des Egyptiens, à 8600 ans, l’équinoxe du printemps cor-

respondait alors au zéro du Cancer (3).

Lorsque le taureau sacré de Memphis mourait, ses prêtres, armés de lances et

revêtus de la nébride comme ceux de Bacchus, escortaient en hurlant les restes

du Dieu qu’on transportait sur un radeau (4) jusqu’au temple de Neith, appelée

par Pausanias et Diodore Hécate ténébreuse (5). Là, un coryphée sacerdo-

(1) On trouve cette procession figurée sur plusieurs monuments égyptiens.

(2) Ce taureau étant dévoilé

et le phallus étant apparent, il ne peut y avoir de doute sur le sexe de ce symbole. Au lieu du disque

solaire qui, placé entre les cornes du taureau, est, comme nous l’avons vu, le symbole composé du

ciel, on trouve une étoile entre celles du taureau accroupi dans le Zodiaque de Dendérah. Cette étoile

n’est d’ailleurs autre chose que le symbole iconographique du soleil ,


dérivant de la peinture du disque

radié de cet astre.

(5) Voyez Equinoxes ( précession des et Zodiaque.

(4) Plutarq. Traité d’Isis et d’Osiris, chap. 16.

(5) Pausan. in Atticis. Diodore de Sicile, liv. 1.


, 5

DES HIÉROGLYPHES. 57

tal (1) remettait le corps embaumé (Tapis à un initié, gardien du temple de la

Nuit (2). Les portes de bronze, portes de deuil et d 'oubli (3), qui ne s’ouvraient

que dans cette triste solennité, grondaient alors sur leurs gonds pour laisser entrer

le funèbre cortège. Toute la Basse Egypte retentissait de chants plaintifs et de gé-

missements jusqu’à ce que les prêtres d’APis aient pu lui trouver un successeur (4 )

on négligeait les travaux de l’agriculture, il semblait que le débordement dont apis

était le symbole ne devait plus, après la mort du taureau divin venir désormais

féconder l’Egypte; aussi Darius, fils d’Hystaspe, promit-il, en voyant à Memphis

l’abattement dans lequel cette mort plongeait les Egyptiens, de donner cent talents

d’or au prêtre qui parviendrait à découvrir un nouvel apis (5).

Malgré l’attachement frénétique des Egyptiens pour leur apis, malgré toute la

douleur qu’occasionait la mort de ce Dieu, il ne lui était pas permis cependant de

vivre au delà d’un terme fixé, passé lequel ses ptêlres le noyaient dans une fon-

taine 6 ), tout en laissant croire


(
au peuple que le taureau sacré mettait fin lui-même

à ses jours en se précipitant dans les flots. Vingt-cinq ans étaient le terme de la vie

d’APis, comme on peut l’inférer d’un passage de Plutarque (7). Le motif qui enga-

(1) Le coryphée dont il s’agit ici portait comme marque distinctive une baguette d’ivoire à la main,
ce qui fit que les Grecs prétendirent qu’il remplissait les fonctions de Mercure. Les croque-morts ,
cory-

phées des pompes funèbres, portent aujourd’hui à leur boutonnière la baguette d’ivoire, insigne de leurs

lugubres fonctions.

(2) L’initié, gardien du temple de la Nuit, avait la tête recouverte d’uu masque de chacal que les

Grecs prenaient pour un masque de chien (


voyez Chacal ) ;
aussi cet initié était-il à leurs yeux le re-

présentant de Cerbère.

(5) H<jïca xcà xûxvtov. Plutarq. Traité d’Isis et d’Osiris, chap. 13.
( )

(4) Te canit , atque suum pubes miratur Osirim


Barbara, Memphitem plangere docta bovem. (Tibull. 1. Eleg. 8.)

(5) Polyænus, Strat. 7.

(6) Hune bovem certis vitæ annis (ultra quos nefas est eum vivere ) mersum in sacerdotum fonte

enecant. Pii n . lib. 8 cap. 46.


( , )

(7) Ilote? Se zezpxyuvov n izevzaç àcp eoaizriç ,


offov zûv yptxp.p.àzwj irup Aiyvnzioiç zb Trlrjôoç (et) ètrzi -/.où oaoov
,

èvtauTwv é’Çn xpôvov 6 kmç. (Plutarq. Traité d’Isis et d’Osiris, chap. 29. )

(a) Il s’agit ici de l'alphabet sacerdotal.

8
,

58 DICTIONNAIRE

geait les prêtres égyptiens à se défaire de leur Dieu après vingt-cinq années de

service était fondé, comme nous le dit Ammien-Marcellin (1), sur les principes

d’une science cachée. La mort, selon Arnobe, était le prix réservé à l’imprudent

initié qui aurait révélé ce mystère; aujourd’hui on pourrait le dévoiler sans crainte,

mais à regret je suis forcé de dire que je n’ai pu même en soupçonner le sens.

Dupuis (2) suppose qu’il s’agissait d’astrologie, et admettant d’ailleurs qu’APis

n’était autre que la représentation vivante du taureau zodiacal cet auteur nous

donne une explication séduisante de ce mystère : comme chaque planète et chaque

signe influent sur la durée de la vie, selon les dogmes astrologiques, chaque signe

donnait autant d’années qu’il y avait de degrés d’ascension ou degrés d’anaphore;

c’est-à-dire, autant qu’il montait de parties de l’équateur, durant l’ascension en-

tière des trente degrés du signe ou de la partie du zodiaque mesurée par chacun

des douze signes. On trouve dans Saumaise (3) la table des anaphores pour le

climat d’Egypte, et le nombre climatérique donné par l’anaphore du taureau est

de vingt-cinq ; c’est par la même raison que la lune, qui a son exaltation au signe

du taureau, donne aussi ce nombre de vingt-cinq. Or, comme cette même lune

placée au taureau, suivant les principes de la science climatérique, donnait vingt-

cinq ans de durée ou influait pour vingt-cinq ans dans la durée de la vie humaine

et dans les combinaisons astrologiques qui en déterminaient la durée totale, on

conçoit pourquoi le taureau sacré de Memphis, placé nécessairement sous l’in-

fluence de son patron le taureau céleste, ne devait vivre que vingt-cinq ans; et

lorsqu’il s’avisait de démentir les calculs astrologiques, on le noyait sans autre

forme de procès, afin de ne pas se trouver en contradiction avec les données

d’une science réputée positive. Le savant Jablonski (4) a remarqué à ce sujet que

le nombre vingt-cinq avait l’avantage de représenter une période égyptienne qui

(1) Ainm. Marcell. lib. 22.

(2) Origine de tous les cultes, liv. ni, chap. 8.

(5) Salrnas. De annis climaler.

(4) Panth. Ægypt. lib. 4 ,


cap. 2.
.

DES HIÉROGLYPHES. 59

ramenait le soleil et la lune en conjonction au même point du ciel à peu près par

l’effet d’une apocatastase ou restitution des mêmes positions célestes. Or apis,

nous dit Dupuis, étant un emblème sacré relatif aux périodes luni-solaires et à

la conjonction du soleil et de la lune au signe du taureau d’où partaient les mou-

vements célestes, apis avait la même durée que la période de vingt-cinq années

dont il exprimait la mesure, et avec laquelle il naissait et finissait. On s’explique

ainsi le retard de plusieurs années que mettaient quelquefois les prêtres d’APis

pour trouver un successeur au taureau sacré lorsqu’il mourait avant ses vingt-cinq

ans révolus, et cela parce qu’ils voulaient conserver l’égalité dans la période des

apis. C’est bien dommage pour ces ingénieuses explications que le vigoureux apis

n’ait jamais eu aucun rapport avec le taureau zodiacal , qui est un bœuf ou tau-

reau bistourné (1). Le véritable motif de la noyade d’APis sera aussi difficile à

retrouver que la fameuse fontaine (2) où se consommait le déicide.

Apis était consacré à la lune, dit positivement Ammien-Marcellin ;


plusieurs

auteurs prétendent, Horus-Apollon entr’autres, que ce fut parce que cet astre se

trouve avoir son exaltation dans le signe du taureau céleste : ce n’est point là la

cause de cette consécration dont nous parlent les Grecs; c’était parce qu’APis,

représentant d’Osiris, était comme lui le principe de toute puissance humide et de

toute cause productrice de l’eau (3), et que la lune était considérée aussi comme le

principe de toute puissance humide; car, selon les expressions du poète Alcman, la

rosée qui rafraîchit la terre desséchée par les ardeurs du soleil était fille de cet

(1) Voyez Boeuf.

(2) L’emplacement où se trouvait cette fontaine, appelée par Pline fontaine des prêtres, et par

Solin (cap. 52), fontaine sacrée, était mis en Egypte, du temps même où l’on y trouvait encore des
apis, au nombre des choses introuvables et des énigmes insolubles;' Stace (
Sylv 11. 2) prie Isis de

vouloir bien l’enseigner elle-même à Metius Celer :

Quos dignetur agros ,


aut quo se gurgite Nili

* Mergat adoratus trepidis pastoribus Apis.

(5) Voyez page 45.


60 DICTIONNAIRE

astre (1). Ce fameux taureau céleste dans lequel la lune avait son exaltation a fait

faire bien des contre-sens aux Grecs qui ont voulu pénétrer les allégories égyp-

tiennes ;
c’est ainsi que nous les voyons prendre Isis
(
la Nature )
pour une per-

sonnification de la lune, et cela parce qu’elle se trouve représentée avec des

cornes de taureau, ce qui faisait allusion, selon eux, à l’exaltation de la lune dans

ce signe du taureau céleste, tandis que ces cornes de taureau entre lesquelles se

trouvait le disque solaire

n’étaient, comme nous l’avons déjà vu (2), qu’un symbole composé, équivalent à

celui du disque solaire au-dessous duquel est le croissant de la lune,

et qui exprime hiéroglyphiquement l’idée de ciel.

Il me reste à parler de la manière dont apis rendait ses oracles. Je serai bref,

car il ne s’agit ici que de croyances ridicules. Nous avons déjà vu que l’affection

marquée d’APis pour l’une ou l’autre chambre placées aux deux extrémités de son

promenoir était regardée comme le présage certain d’une forte ou d’une faible

crue du Nil. Le Dieu manifestait aussi l’avenir d’un individu par la manière dont

il le recevait, et surtout par l’empressement avec lequel il prenait la nourriture

que lui offrait le suppliant (3). Germanicus, dont il se détourna et de la main

(1) Le mouvement des révolutions de la lune, nous dit Plutarque (de la face qui parait sur la lune,

chap. 27), excite des haleines tempérées, des rosées, et des vapeurs légères, qui s’étendent partout

et qui suffisent à la nourriture des plantes.... Tw go)m rü? mpKfopâç aûpaç rk izapupap-zü-j àzpép.a xai Spoaovg

/.où vypozrizuç èlaypàç TzepiE%ovGUç y ai SiutTWEipopéuaç kizapv.ü-j zoïç flauzàvov'nv ;


aussi, dans les tables de

l’influence des signes du zodiaque ,


qui remontent à l’époque où le solstice d’été répondait au Cancer,

le Nil débordant au solstice d’été, ce signe était sous l’influence de la lune et avait pour génie Her-

manubis (Anybis, voyez Chacal), pour qualité élémentaire V aqueux et l'humide ,


pour animaux les

aquatiques ,
et pour couleur le noir.

(2) Page 32.


(3) Solin , c. 32. Cet auteur observe que parmi les indications qu’Apis donnait de l’avenir, celle qui

tenait à la manière dont le taureau sacré recevait la nourriture qui lui était offerte se trouvait être la

plus significative et la plus usitée.


,

DES HIÉROGLYPHES. 61

duquel il ne voulut jamais accepter la pâture, mourut bientôt empoisonné par

Tibère (1). Les prêtres égyptiens prédirent à Eudoxe qu’il serait célèbre par sa

science, mais que sa vie serait de courte durée, parce qu’APis avait léché son

manteau (2) :
je soupçonne fortement que cette prédiction n’a été faite qu’après

coup. Les petits enfants dont apis aimait à se voir entouré dans les fêtes solennel-

les qui lui procuraient les plaisirs de la promenade étaient les interprètes avoués

du représentant d 'Osiris ; on prenait pour les oracles du Dieu les paroles sans

suite qu’ils échangeaient entre eux en dansant autour de lui, ainsi que les vers

détachés qu’ils chantaient en son honneur (3). On recevait encore d’une manière

plus particulière les oracles d’APis; après l’avoir interrogé, on approchait l’oreille

près de sa bouche divine, puis on sortait du temple, c’est-à-dire du promenoir ou

de X écurie, en se tenant les oreilles bouchées jusqu’à la place publique, et là on

acceptait comme réponse du taureau sacré les premières paroles qu’on entendait

proférer autour de soi (4).

RÉCAPITULATION.

Apis, taureau noir, symbole de Xabym ayant dans sa bouche le scarabée ailé,

-symbole de la vie universelle et de l 'intelligence suprême, était pour les initiés le

symbole composé de tout ce qui est, c’est-à-dire de Dieu à Memphis, comme

Bacis ( taureau noir J à Hermunthis, Mnevis (autre taureau noir )


à Héliopolis,

àmoun ( belier blanc J à Thèbes, Souq (crocodile) à Coptos, etc. Pour les pro-

fanes, apis n’était qu’un taureau noir, symbole de Xabym ou grande mer, dans

(1) Il paraîtrait que l’on consultait ainsi non-seulement apis, mais en général tous les animaux sacrés.

Elien (de Animal. ïib. 8, cap. 4) nous parle d’un Ptolémée (


Auletes selon toute apparence) qui se

faisait un pieux devoir de nourrir un crocodile sacré : un jour, comme il n’avait pas voulu recevoir de

la main du roi sa nourriture accoutumée ,


les prêtres furent consultés, et ils répondirent unanimement

que c’était le présage de la fin prochaine du monarque ,


qui effectivement arriva peu de temps après.

(2) Diog. Laer. lib. 8.

(3) Plin. lib. 8 ,


cap. 46.

(4) Pausan. Achaic.


, ,

62 DICTIONNAIRE

laquelle on supposait le monde plongé, et qu’on personnifiait sous la figure d’un

homme appelé Osiris, ayant sur sa tête deux grandes plumes d’épervier et un

phallus d’âne en érection.

Le Nil étant un écoulement d’ Osiris ou de Yabym, apis devint le symbole du

Nil, la partie pour le tout; et enfin ce même apis finit par n’être que l’expression

allégorique de l 'intumescence périodique de ce fleuve. C’est comme étant symbole

ou du Nil ou du débordement qu’on le retrouve sur des médaillons allaité par Isis

(la Nature ).

On reconnaît apis sur les monuments au scarabée ailé

qu’on trouve sur le garrot dans les figurines, ou placé au-dessus du taureau noir

dans les bas-reliefs et dans les peintures. Le plus souvent c’est le nœud ailé,

abréviation hiéroglyphique du scarabée ailé , qui remplace ce symbole caractéris-

tique. Quelquefois même c’est le disque ailé du soleil

qui exprime l’idée d’ intelligence suprême.

Malgré les hypothèses les plus séduisantes, malgré les systèmes les plus bril-

lants, apis n’a aucun rapport avec le taureau zodiacal qui est un bœuf bondissant

symbole de la cessation du travail.


a ;,

DES HIEROGLYPHES. 63

ASPIC.
L’aspic est un serpent dont la morsure occasione une mort prompte, mais sans

douleur (l). Le venin de ce reptile produit un assoupissement graduel, accompa-

gné d’une légère moiteur; celui qui en est mordu expire, semblable au vieillard

qui s’éteint ou à l’homme fatigué qui s’endort (2). Cléopâtre, prévoyant, après la

bataille d’Actium, quelle aurait bientôt besoin d’avoir recours au suicide, fit es-

sayer sur des esclaves l’effet des poisons et des reptiles; convaincue par sa propre

expérience que la morsure de I’aspic procurait la mort la plus douce, ce fut celle

qu’elle choisit pour échapper à la honte de servir au triomphe d’Octave (3).

L’aspic, en écriture hiéroglyphique, est le symbole de la mort naturelle (4).

Son nom onomatopique est thiit (5) ou tsits (6) ;


son nom mystique est

(i) L’aspic était considéré cependant par les Egyptiens comme un serpent tyru (nesh), c’est-à-

dire mortel ou qui cause une mort violente. Le mot ïim correspond au nex des Latins ,
le étant souvent

rendu par x.

(!2) Plutarque ,
Vie d’Antoine.

(5) Plutarque, ibid. Démétrius de Phaîère, exilé dans la Haute Egypte par Ptolémée Philadelphe,

avait déjà employé le même moyen pour échapper à l’ennui de l’exil et au dégoût de la vie.

(4) L’aspic était surnommé, eu égard à sa valeur symbolique, (ocshub), terme de la vieillesse

racines ;>y (oc) ,


ou plus correctement py (oq), terme , fin ,
extrémité ,
et aw (shub) ,
vieillesse ,
cadu-

cité. L’épithète donnée à 1’


aspic par les Egyptiens finit par devenir chez les Hébreux le nom de I’aspic

lui-même.

(5) En grec ce mot s’écrit Gür, I’yj étant ici pour deux i, et ce nom se prononce comme chez les Grecs

modernes, Tint; c’est la racine du mot QHr (thêta), nom qu’on donne à la lettre grecque majuscule

0, qui dérive de la figure du bouclier Àaniç et dont la minuscule 3" dérive de la peinture de I’aspic ,

Àcnrfç, comme je le démontrerai, en traitant de l’origine des lettres, dans mon Etude de la langue

sacrée.

(6) y*x (tsits) était principalement le nom qu’on donnait en Egypte à 1’ aspic qui surmontait le bonnet

du souverain pontife. Les Hébreux donnèrent ensuite ce nom à la lame frontale d’or du grand prêtre

sur laquelle était écrit le nom du Très-Haut. Ce nom étant onomatopique n’a pas de racine qui signifie

briller, comme le pensent les rabbins.


,

64 DICTIONNAIRE

thermüt ou THERMUTi (1), et enfin son nom le plus usité en langue sacrée est

MISIS (2).

L’aspic, thiit, thermüt, ou misis, était le serpent d’Isis


(
la Nature ) (3). C’était

ce serpent quelle lançait contre les scélérats et les impies pour se venger, car les

Sages de l’Egypte proclamaient que la pratique de toutes les vertus pouvait seule

procurer à l’homme une longue vie; et comme parmi les vertus, la piété filiale est

sans contredit la première, rappeler cette vertu c’est comme si on les eût toutes

rappelées, de là cette sentence gravée en hiéroglyphes sur la plupart des monu-


ments consacrés à Isis, et que Moïse emprunta aux Egyptiens (4) :

Homme, honore ton père et ta mère si tü veüx vivre longtemps.

Les Egyptiens représentaient Isis ayant un aspic en guise de diadème (5);

quelquefois ils la représentaient tenant f aspic à la main. C’était à cette dernière

figure qu’on donnait plus particulièrement le nom d’Isis Thermuti ou d’Isis Thi-

TAMRO (6).

Les Grecs qui adoptèrent les divinités égyptiennes, tout en rejetant la multi-

plicité des symboles, se contentèrent de personnifier la Nature, qu’ils appelaient

Rhée (7), par une jeune femme d’une beauté sévère, nue jusqu’à la ceinture,

comme Jupiter, et tenant dans les mains soit le globe du monde que les antiquaires

(7)
appellent la pomme de Pâris, soit un sistre, soit un tambour que les savants pren-

(1) Ælian. De Animal . ,


lib. 10, cap. 51.

(2) Horus-Apollon (liv. 1 ,


hiérogl. 58) écrit ce nom Metui. Misis, en langue sacrée, signifie M -force,
Isis -d’Isis.

(3) Ælian. De Animal., lib. 10, cap. 51.

(<i) Exode, cliap. xx, vers. 12.

(5) Ælian. loco cit.

(6) Et non pas Tithambo comme l’écrit Elien ,


loco cit.

'p £
«.
,

DES HIÉROGLYPHES. 65

nent pour un miroir (1), soit enfin un aspic, telle que nous la représente un

bronze de Caylus (2).

Cette même divinité portait chez les Romains le nom d’ÂLMA Venus; c’est elle

que Lucrèce invoque dans son poème de La nature des choses (3).

La valeur symbolique de I’aspic nous donne dès à présent la clef d’un passage

historique transmis par Plutarque dans le langage figuré des Egyptiens. Cet auteur,

dans le Traité de la fausse honte, nous dit : On raconte qu’Isis avait envoyé à

Bocchoris un aspic qui, s’entortillant autour de sa tête ,


lui faisait ombrage et le for-

çait à juger impartialement ,


quoiqu’il fût d’un naturel violent et emporté.

L’aspic étant le symbole de la mort naturelle, 1’ ombre de cet aspic sera la

crainte de cette même mort. On explique ce passage en le traduisant ainsi : La

nature ayant donné à Bocchoris la crainte de la mort qu’il avait toujours devant

les yeux, cette même crainte le forçait à juger impartialement , quoiqu’il fût d’un

naturel violent et emporté, et cela soit qu’il craignît d’être assassiné par ceux qui

auraient été en butte à son caprice (4), ou bien soit qu’il appréhendât d’être privé

(1) Le tambour et le sistre ont la même valeur symbolique, c’est pour cela que dans un ancien ta-

bleau retrouvé à Herculanum ,


le sistre se trouve peint sur la peau du tympanum appartenant à la

Bacchante surprise par un Faune.

(2) Caylus ,
tome iv, planche lxi ,
fig. 1. La belle statue trouvée à Milo en 1820, qu’on prend géné-

ralement pour une Venus victrix est une Rhée (la Nature, mère des dieux); elle tenait dans sa main

gauche le globe du monde. Le fragment de cette main tenant une sphère s’est retrouvé avec la statue,

ce qui n’a pas empêché M. Millingen de proposer aux futurs restaurateurs un bouclier que cette statue

tiendrait avec les deux mains, et cela sur l’autorité d’une pierre gravée d’origine équivoque.

(5) Lucret. De naturà rerum, invocat.

(k) Les rois égyptiens, soumis à la loi comme le dernier des citoyens, surveillés par les deux castes

nobiliaire et sacerdotale, pouvaient être déposés de leur vivant ou jetés à la voirie après leur mort.

9
)

66 DICTIONNAIRE

des honneurs de la sépulture lorsque les actes de sa vie seraient jugés après sa

mort (1).

L’aspic d’Isis ,
qui punissait les débauchés et les impies ,
devint par cela même
le symbole de la vengeance divine ou pour mieux dire de sa justice (2). Aussi les

Grecs mirent-ils I’aspic entre les mains de Némésis et des Furies. C’était avec des

aspics que les Euménides poursuivaient Oreste ,


et dans ce sens I’aspic doit être

le symbole du remords.

L’aspic est ainsi représenté sur les monuments :

Le noir, le vert, ou le vert relevé de bleu, sont les couleurs qui lui sont affec-

tées. Aussi le vert était-il la couleur de deuil chez les Egyptiens concurremment

avec le jaune (3).

Dans les hiéroglyphes des papyrus on abrège ce symbole de plusieurs manières.

Les plus usitées sont celles-ci :

Les Egyptiens n’ont jamais eu pour leurs rois nationaux, qui n’étaient proprement dit que des juges,

la même vénération qu’ils avaient pour leurs animaux sacrés : aussi Tertullien qualifie-t-il avec raison

les Egyptiens de gens rixosa erga suos reges.

(1) La privation de sépulture entraînait l’anéantissement de l’âme. Tout homme dont le cadavre avait

été jeté dans le Nil (abym) ,


ou abandonné aux chacals dans les sables du désert, ne devait pas res-

susciter ;
il était mis au rang des morts que Dieu ne connaît plus. Quant à Bocchoris ,
c’était le Salomon

de l’Egypte. Plutarque ( Vie de Démétrius nous a conservé un arrêt de ce roi. Cet arrêt, quoi qu’en

ait dit Lamia ,


était digne de passer à la postérité ;
et de nos jours ,
dans le siècle des lumières ,
il ferait

honneur à un commissaire de police. C’est de cet arrêt qu’on a tiré le conte intitulé : Le cas de conscience.

(2) Ælian. De Animal.


(5) Cette mode s’est conservée par tradition chez les Orientaux : les émirs qui se prétendent les des-

cendants de Mahomet portent le turban vert en signe de deuil du prophète, et eux seuls parmi les Turcs

ont droit de le porter.


,

DES HIÉROGLYPHES. 67

Pour peindre la mort naturelle du soleil mort que les Egyptiens fixaient à l’é-

quinoxe d’automne, on représentait le disque du soleil sur Taspic,

et par extension ce symbole composé devint celui de l’équinoxe d’automne.

Un épervier, symbole du soleil, la tête surmontée du disque solaire placé sur

F aspic, indique le soleil de l’équinoxe d’automne.

Un homme à tète d’épervier étant le symbole du soleil personnifié, lorsqu’on le

représente la tête surmontée du disque solaire sur 1’


aspic, ce nouveau symbole

composé indique, comme le précédent, le soleil de l équinoxe d’automne. Mais

comme cet homme est le symbole du soleil mourant, alors on a soin de le repré-

senter assis dans un bateau et ne pouvant soutenir le sceptre céleste qu’il tient

dans la main.

Cette figure symbolique ne se trouve que dans les grands zodiaques où le luxe

de la sculpture permet, comme dans le Zodiaque circulaire de Denderah, de le re-

présenter ainsi (1). Ordinairement le soleil personnifié de l’équinoxe d’automne est

représenté en pi thermique.

(1) Ce symbole détermine ,


dans le Zodiaque circulaire de Dendérah, l’équinoxe d’automne du second

état du ciel qui correspond au zéro du Sagittaire.


)

68 DICTIONNAIRE

11 ne faut pas confondre I’aspic entourant le disque solaire ou placé sous le dis-

que solaire avec Taspic prêt à mordre ce même disque,

o
ou l’étoile qui est aussi le symbole du soleil.

d &
Dans ce dernier cas le groupe hiéroglyphique indique le moment où le soleil

va être blessé par la mort ;


c’est alors le symbole du solstice d'été, époque où les té-

nèbres mortelles commencent à blesser la lumière vivifiante. C’est ainsi que dans

ce même Zodiaque de Dendérah le solstice d’été est désigné par le soleil person-

nifié, tenant le sceptre céleste, la tête surmontée d’une étoile que va mordre

I’aspic (1).

C’est ainsi qu’on retrouve encore sur les jetons astrologiques ce même aspic

attaquant le soleil du solstice d'été, représenté par un homme à tête de lion

radiée (2).

(1) Ce symbole détermine dans ce Zodiaque le solstice d’été du quatrième état du ciel ,
correspondant

au dix-septième degré du Cancer. Voyez Equikoxes ( précession des et Zodiaque.

(2) Caylus, Antiq. égypt., tome vi.


,

DES HIÉROGLYPHES. 69

Pour peindre la mort naturelle de la lune c’est-à-dire la néoménie, on représente


,

la nouvelle lune sur Yabym II ,


d’où I’aspic l’empêche de sortir.

"1

Quelquefois Yabym, ou grande mer qui enveloppe le monde, est figuré simple-

ment par le caractère iconographique de l’eau; alors la néoménie est ainsi repré-

sentée :

W
Quelquefois aussi on supprime le caractère hiéroglyphique de Yabym, et cela

surtout dans les hiéroglyphes cursifs des papyrus; alors la néoménie est repré-

sentée seulement par I’aspic et la lune.

_TY.
Ce dernier groupe hiéroglyphique étant répété très-souvent dans les thèmes ho-

roscopiques, il s’abrége ainsi sur les papyrus :

comme les deux précédents s’abrégent ainsi sur les monuments :

tn i MW\
où la difficulté que présentait la gravure sur le granit et sur le marbre a forcé les

sculpteurs de substituer des lignes brisées aux lignes courbes primitives.

Ces groupes doivent se traduire par néoménie, absence de lune, nuit sans lune

et ténèbres profondes (1). Mais comme les Egyptiens comptaient leurs mois lunaires

(i) Les Egyptiens donnaient au groupe composé de I’aspic sur la lune, le nom de tptn (edsh), eclesh ,

ce qui signifie mois ou néoménie.


,

70 DICTIONNAIRE

à partir de la nouvelle lune, ces groupes hiéroglyphiques se traduisent le plus

souvent par mois.

M. Champollion le jeune, qui ne croyait pas que la connaissance raisonnée des

symboles fut indispensable pour comprendre l’écriture sacrée des Egyptiens, prend

ce groupe,

ainsi altéré par la gravure,

pour une éprouvette ,


instrument dont les Egyptiens se servaient pour connaître la

dureté des pierres ou d'autres corps et pour percer les matières dures, et qui , par

conséquent, exprime le verbe éprouver et par suite le verbe approuver (1). Puis, pour

confirmer son dire ,


cet archéologue donne le dessin primitif de cette éprouvette

prétendue,

ayant soin ici comme dans tous les passages à l’appui de renforcer la queue de

1’ aspic, de telle sorte qu’elle se termine carrément,

dTs
ou du moins que la queue soit aussi grosse que la tête. Cette petite supercherie ne

pouvait être reconnue à moins qu’on ne remontât comme nous à la figure première

de cette abréviation, chose que M. Champollion était loin de présumer. Mais si,

pour ne pas renvoyer le lecteur aux monuments ,


nous consultons le témoignage

(t) Champollion , Grammaire égyptienne 2 e partie, page 156.


DES HIÉROGLYPHES. 71

des savants qui ont donné des copies d’autant plus exactes des hiéroglyphes qu’ils

n’avaient pas la prétention de les expliquer, on reconnaîtra aisément la falsifica-

tion de la figure donnée par l’auteur de la Grammaire égyptienne. Caylus (1), qui

nous la donne telle qu’il l’a copiée sur les monuments, termine la queue de I’aspic

en pointe ,
telle quelle doit se terminer.

Le bon Kircher lui-même, qui du reste n’était pas très-scrupuleux lorsqu’il s’a-

gissait d’altérer les caractères sacrés, ne s’est pas avisé de toucher à celui-ci. Il

donne le dessin d’un Canobe dans lequel est plongé un oiseau (


selon toute ap-

parence une hirondelle, symbole de la lune


)
et où l’on voit une inscription hiéro-

glyphique que je traduis par temps ou époque (2) de la néoménie. Cette inscription

hiéroglyphique n’est, du reste, que l’explication de l’allégorie que présente le vase

sacré dans lequel l 'hirondelle est plongée.

Il faut bien compter sur la crédulité du monde savant pour donner, comme

M. Champollion, une pareille explication de ce groupe hiéroglyphique; on dirait

que cet archéologue avait assisté à ces prétendues épreuves des matières dures.

J’en appelle au bon sens : est-il nécessaire d’avoir un instrument ad hoc pour con-

naître la dureté d’une pierre? un marteau, un pic, ou un ciseau, ne suffisent-ils

pas pour indiquer le plus ou moins d’adhérence des molécules dans le granit ou

dans le marbre? et comment un instrument que M. Champollion représente carré

(t) OEclip. Ægypt., tome m ,


page 458.

(2) Une étoile ou le disque solaire se traduit par jour, an, ou époque .
, ;

72 DICTIONNAIRE

à son extrémité frappante pouvait-il servir à percer les matières dures? enfin, en

admettant que ce fût une éprouvette, pourquoi signifierait-elle approuver plutôt

qu éprouver? En s’appuyant sur la mécanique du sens commun, tout le monde com-

prendra qu’un instrument destiné à frapper et construit comme la prétendue éprou-

vette de M. Champollion ne pouvait pas offrir la solidité d’un pic ou d’un ciseau,

outils plus simples et par conséquent plus naturels. Si nous consultons les monu-

ments, nous ne trouverons jamais cette prétendue éprouvette entre les mains

d’un homme ou d’une divinité, ce qui se serait infailliblement présenté si le dire

de M. Champollion avait quelque fondement. Du reste, en traduisant les cartouches

qui contiennent, non pas des noms propres, mais des dates, je démontrerai lar-

gement l’absurdité de l’explication donnée par l’auteur de la Grammaire égyp-

tienne.

L’aspic, symbole de la mort naturelle lorsqu’on le représente se mordant la

queue

c’est la mort qui se tue elle-même or la mort de la mort c’est I’immortalité : de là

vient que ce symbole en est l’expression, et non parce que le serpent en se dé-

pouillant de sa peau semble rajeunir, ce qui faisait croire aux anciens, au dire

des Grecs et des Latins, que le serpent était immortel. Les sages de l’Egypte

étaient trop bons observateurs de la nature pour admettre une pareille niaiserie;

d’autres ont cru que le serpent se mordant la queue était symbole de I’immortalité

parce qu’il représente un cercle qui n’a ni commencement ni fin; mJTs alors on

eût mis un cercle, ce qui eût été bien plus exact, car la tête de 1’ aspic présente

toujours un commencement. Du reste, I’aspic, symbole de I’immortalité ,


est

rarement représenté formant un cercle parfait, peu importe pourvu qu’il se morde

la queue. Horus-Apollon (1) voit dans le serpent se mordant la queue ou se

dévorant, un emblème de la Nature qui se recrée en se détruisant.

(I) Horus-Apollon, liv. 1 , hiérogl. 5.


, ,

DES HIÉROGLYPHES. 73

L’aspic, symbole de I’immortalitë, enveloppe toujours le nom de I’Etre Suprême,

soit qu’on l’écrive en hiéroglyphes

ou avec les caractères de l’écriture sacrée.

Dans le premier exemple tiré d’un abraxas de Montfaucon, I’Être Suprême,

IEOUA, qui est tout ce qui est se trouve désigné en hiéroglyphes par la représen-

tation des quatre éléments réunis qui expriment l’idée de toute chose , et par con-

séquent celle de I’Être Suprême qui est tout ce qui est. L’eau est ici représentée

par une écrevisse (1), le feu par un chien (2), l’air par un oiseau, et la terre par

une lionne couchée (3).

Dans le second, l’idée de Dieu grand et fort est représentée par trois ailes

d’épervier unies (Y) qui en langue sacrée expriment le nom de I’Être Suprême.

Cet abraxas correspond aux tablettes hébraïques où se trouvent trois S dans un

cercle.

L’aspic, symbole de I’immortalité ,


entoure quelquefois le nom écrit en carac-

tères sacrés de certains rois égyptiens qui avaient par leurs vertus mérité d’être

considérés comme des dieux sur la terre. Horus-Apollon prétend au contraire que

c’était le nom des mauvais rois (4); une pareille erreur n’a pas besoin d’être ré-

futée. Il faut bien se garder de confondre le basilic figurant un cercle et qu’on

(1) Voyez Cancer.


re
(2) Voyez Traité du Zodiaque de Dendérah ,
i partie, page 28.

(3) Voyez Sphinx.

(4) Horus- Apollon , liv. 1, hiérogl. 58.

10

V
, ,

n DICTIONNAIRE

trouve sur le soleil personnifié (le plus souvent homme à tête d'épervier ).

avec Taspic qui se mord la queue. Ce basilic, dont l’image en or surmontait la tête

des divinités égyptiennes au dire d’Horus-Apollon (1), et que je n’ai retrouvé que

sur les personnifications du soleil, est le symbole de la lumière, et non pas

X éternité (2).

L’aspic, se mordant la queue rendant saint et sacré le nom qu’il enveloppait,

devint par extension le symbole de la pureté, de la consécration, et pour tout dire

en un mot de I’initiation ;
aussi les initiés portaient-ils à l’annulaire de la main

droite un anneau en forme d’Aspic.

Les Egyptiens pensaient, je ne sais pourquoi, qu’un nerf vital correspondait du

cœur à l’annulaire. Cet anneau rappelait à l’initié ses devoirs et le rendait sacré

aux yeux du peuple. Le grand prêtre, après avoir initié et sacré un Pharaon, lui
i

mettait l’anneau d’initiation au doigt, et cette coutume s’était conservée dans le

sacre des rois de France qui, après avoir été oints avec la sainte ampoule, rece-

vaient de l’archevêque de Reims un anneau d’or qu'il lui mettait au quatrième

doigt de la main droite, comme signe représentatif de la toute-puissance et de

(1) Horus-Apollon ,
hiérogl. 1.

(2) Horus-Apollon ,
qui ( loco cit.) lui donne cette valeur, nous dit que les Egyptiens appelaient ce

serpent oùgaîoç, d’autres disent urœus, les Egyptiens l’appelaient ’miN (aurei), racines tin (aur ou or)

lumière, et *n (ei) vie ; lumière vitale. La contrée au centre de laquelle était située la ville appelée par

les Grecs Daphné, contrée qui se trouve à l’orient du Delta , et où l’on adorait le basilic vivant comme
représentant I’Etre Suprême ,
s’appelait en égyptien ’ntik (
aurai ) , nom qu’on donnait aussi à la ville

de Daphné : racines , tin lumière ’n pays; c’est-à-dire contrée ou pays de la lumière. Nous avons en

Bretagne une ville que nous appelons aussi Auray.


,

DES HIÉROGLYPHES. 75

l’union intime qui doit régner entre le roi et son peuple, à ce que prétend l’auteur

de la Correspondance secrète de la cour de Louis XVI au sujet du sacre de ce roi.

femmes mariées qui le portaient a


Ce même anneau était aussi l’insigne des

l’annulaire de la main gauche, comme elles portent encore aujourd’hui l’anneau

de mariage. Il servait à leur rappeler, comme aux initiés, la sainteté de leur état

et à les rendre inviolables aux yeux des hommes, car l’adultère était puni de mort

en Egypte. La femme qui s’était laissé séduire était noyée dans le Nil, et l’on cre-

vait les yeux à son complice (1). La moindre privauté qu’on se serait permise au-

près d’une femme mariée était punie d’un certain nombre de coups de fouet (2).

Les filles, en revanche, jouissaient de la plus grande liberté. On conçoit qu’il était

de toute nécessité, dans un pays assez débauché d’ailleurs, d’avoir une marque

distinctive qui -servît à reconnaître les femmes d’avec les filles, cette marque était

l’anneau nuptial.

L’anneau des initiés était d’or, celui des femmes mariées était en argent, et les

vierges de Phtha portaient l’anneau d’or, mais ,


comme les femmes ,
à l’annulaire

de la main gauche.

Cet anneau, symbole de consécration, fut adopté par les peintres et les

sculpteurs romains pour désigner les personnages qu’on avait divinisés après leur

mort ;
mais au lieu de donner à cet anneau la forme d’un aspic qui se mord la

queue, ils se contentèrent de graver I’aspic comme cachet sur une bague romaine.

C’est ainsi qu’on a retrouvé les statues des empereurs Auguste et Claude déguisés

en Jupiter ou en Apollon, ainsi que plusieurs autres personnages dont le nom est

inconnu, portant à l’annulaire la bague décorée de I’aspic. Toutes les statues ou

(1) Diodore de Sicile (liv. 1 ,


sect. 2) prétend que la femme adultère avait le nez coupé, et qu’on

donnait mille coups de fouet au séducteur : Et §s tiç -k "kdtjaç p.or/j.\jau.i rôv ixèv avSpa pàêdoiç xûixç T:'kn^à.<;

la pëavetv sxéievov ,
frjç Si yuvouy.'oç r>jv pïvu xoloëoûuôca. Les supplices ont pu varier selon les temps ou les

nomes, mais toujours est-il que l’adultère était sévèrement puni en Egypte.

(2) Il est vrai que le coupable pouvait, après sa condamnation, entrer en marché avec le mari, et

moyennant un présent se soustraire à la flagellation, qui n’était pas une plaisanterie, car c’était le

mari qui l’administrait lui-même.


76 DICTIONNAIRE

statuettes de ce genre sont en bronze : on a remarqué que cet insigne ne se

trouve jamais sur les statues des divinités; en effet, le sculpteur voulait indiquer

par l’anneau décoré de I’aspic que la statue, quoique représentant un homme,

n’en était pas moins sacrée, l’individu représenté ayant été divinisé par un plé-

biscite ou par un sénatus-consulte. Winckelmann a vu dans cet aspic, sur l’anneau

des statuettes d’Herculanum, la représentation du bâton augurai ( lituus J , e ta

prétendu que le sculpteur avait voulu désigner par là la qualité d’augure dont

étaient généralement revêtus les empereurs romains. Si Winckelmann y avait

regardé de plus près, il aurait vu que ce ne pouvait être le lituus qu’on avait

voulu désigner, car la forme du lituus est constante, et celles des aspics qui se

trouvent sur les différents anneaux n’ont pas de forme arrêtée. Sur la bague

d’Auguste on le trouve représenté ainsi :

sur celle de Drusus il a cette forme :

et sur celle de M. Calatorius c’est presque I’aspic des hiéroglyphes.

Enfin, si les sculpteurs avaient voulu désigner par cet anneau la qualité

d’augure, il faudrait supposer qu’il y avait aussi des auguresses, car ce même
anneau se trouve au doigt de plusieurs statues de femmes dans ces mêmes bronzes

d’Herculanum. Bien plus, dans un tableau représentant Thésée, vainqueur du

Minotaure, tableau retrouvé dans les fouilles de Résine, le héros athénien est re-

présenté avec une bague à l’annulaire, laquelle est décorée aussi de Vaspic; le

peintre voulait-il désigner par là la dignité d’augure romain dont aurait été re-

vêtu le fils d’Egée ?

J’ai dit que I’aspic, symbole de la mort naturelle, se trouve ordinairement


; , ,

DES HIEROGLYPHES. •
77

entre les mains d’Isis; on le retrouve également entre les mains des différentes

divinités égyptiennes; il sert même à les faire reconnaître (1), mais alors cet

aspic, quoiqu'il ne se morde pas la queue est symbole d’iMMORTALiTÉ. L’immortalité

étant la qualité spécifique des dieux, lorsqu’on s’avisa de leur donner une forme

humaine, on crut devoir les représenter avec I’aspic pour qu’il n’y eût pas d’équi-

voque; en effet, un être immortel pouvait seul jouer avec le reptile dont la mor-

sure était réputée incurable (2).

L’aspic, symbole de la mort, devenait par extension le symbole du mauvais

principe aussi les Egyptiens représentaient-ils Typhon avec des jambes terminées

en aspic et tenant des aspics dans ses mains (3). Sur la table égyptienne (4) le génie

du mal est représenté avec une tête de crocodile ayant le glaive symbole de la

mort, en guise de phallus, symbole de la vie, comme sur le vase égyptien dont

j’ai déjà parlé (5) ;


mais Typhon est aussi représenté sur cette même table avec

trois têtes d’ASPics qui remplacent la tête de crocodile.

Sur le plafond du temple de Thèbes (


temple de l’ouest consacré au génie des

ténèbres )
on trouve Typhon représenté avec deux têtes d’ASPics,

(t) Voyez Plutarque, Traité d’Isis et d’Osiris, et Horus- Apollon ,


liv. 1 ,
chap. 1.

(2) Hippocrate, Aphorismes.

(5) Voir page 16.

(4) Montfaucon ,
tome 2.

(5) Voir page 4.


, ,

78 DICTIONNAIRE

et dans le temple d’Esné c’est un aspic jambe qui figure le mauvais principe
(1).

Sur les monuments antérieurs aux Romains, Typhon est le plus ordinairement

représenté en pi thermique.

L’aspic, symbole de la mort, devenait le symbole des ténèbres par opposition au

basilic (2),

symbole du soleil, de la lumière et de la vie.

L aspic et le basilic enlacés représentaient l’idée de la divinité suprême, qui est

tout ce qui est selon les Egyptiens, et qui réunit par conséquent en elle les deux

principes, le bien et le mal, la vie et la mort, la lumière et les ténèbres : ces deux

serpents gravés dans la haute antiquité sur le fronton d’un temple indiquaient que

ce temple était consacré à la divinité unique, soit qu’on l’adorât sous le nom mys-
térieux dTEOUA (Dieu) ou d’IEAOU (la Nature). L’aspic et le basilic unis étant

devenus 1 enseigne connue d’un édifice sacré, on les plaça ensuite sur les temples

des divinités subalternes, puis enfin on les mit sur les édifices publics, et ces

deux serpents peints sur une muraille finirent par équivaloir à cette inscription

banale qu’on retrouve si fréquemment sur les édifices solitaires de nos grandes

villes : Il est défendu de faire ici des ordures


(3).

(1) Le serpent f^ru) qui tenta la première femme est ainsi représenté sur les monuments égyptiens
car ce ne fut qu’après la malédiction de Dieu qu’il perdit les jambes. Sur les monuments chrétiens des

premiers siècles ce serpent est ordinairement représenté avec une tête d’homme.

(2) C’est le nsï (


TsFH ) ,
Tseplie des Egyptiens
,
que les Arabes appellent Tebham- Nasser.
(3) Perse (satire 1 ) fait allusion à celte deunière valeur symbolique de I’aspic et du basilic entrela-
DES HIÉROGLYPHES. T9

L’aspic, symbole de la mort, devint aussi le symbole du sommeil , frère de la

mort (1). Le caducée de Mercure, où Faspic et le basilic s’entrelacent, avait la

double propriété d’endormir ceux qui étaient éveillés et d’ éveiller ceux qui étaient

endormis, propriétés dues à Faspic, symbole des ténèbres et du sommeil ,


et au

basilic, symbole de la lumière et de la vigilance.

Lorsqu’on trouve un aspic

sur une tombe,

il indique d’une manière positive que celui auquel elle appartient est mort naturel-

lement, c’est-à-dire de vieillesse.

Un homme à tête d’ASPic, s’avançant, les poings fermés, dans une attitude me-

naçante, et derrière les figurines duquel se trouve une belière,

cés lorsqu’il conseille aux mauvais poëtes de peindre deux serpents en tête de leurs écrits pour em-
pêcher que la critique ne les salisse.

Per me equidem sint omnia protinus alba,


Nil moror. Euge ,
omnes ,
omnes bene miræ eritis res.

Hoc juvat : hic, inquis, veto quisquam faxit oletum.


Pinge duos angues : pueri ,
sacer est locus , extra

Mejite !

(1) L’effet du venin de I’aspic aurait suffi pour en faire le symbole du sommeil ,
en même temps que
celui de la mort. Aussi les poëtes lui donnent-ils toujours l’épithète de somnifera.
80 DICTIONNAIRE

était la personnification de la mort que certains dévots poltrons faisaient vœu de

porter, après avoir échappé à quelque maladie où les avait précipités leur impru-

dence, le plus souvent la gourmandise, et cela afin d’avoir sans cesse sous les

yeux l’image qui, leur rappelant un danger passé, les rendait très-circonspects

pour l’avenir.

Je ne parlerai pas, dans ce premier volume, de la valeur symbolique des autres

serpents, me réservant néanmoins d’en donner une idée dans les notes, lorsque

la connaissance de cette valeur sera nécessaire pour l’intelligence des passages

hiéroglyphiques que je traduirai. Je me borne donc ici à faire observer que I’aspic

est le seul serpent auquel on ne donne jamais une tète fantastique dans les textes

sacrés, tandis que le basilic est souvent représenté avec une tête de Sérapis,

Y hydre avec une tête d’ibis,

le céraste avec une tête de belier, etc.

Je m’étais fait une loi de ne point parler dans ce premier ouvrage, consacré

principalement à Y astrologie, de ce qui peut avoir trait à Y alchimie égyptienne,

dans laquelle se trouvent compris les remèdes et recettes pour échapper à la

mort, pour conserver une éternelle jeunesse, pour rajeunir au besoin, en un mot,

pour être immortel ; cependant je ne peux, dans cette circonstance, résister au

désir de faire connaître le fameux secret des psylles.

Tout le monde a entendu parler des psylles ; ce sont des charlatans qui possè-

dent un secret héréditaire pour guérir les morsures des serpents et pour manier

les reptiles les plus venimeux sans crainte d’en être mordu. Les psylles étaient
, , ;

DES HIÉROGLYPHES. 81

connus dès la plus haute antiquité : on les voit encore aujourd’hui en Egypte

jouant avec la vipère hajé ;


ils la métamorphosent en bâton (1) ou, pour mieux dire,

ils la font tomber en catalepsie en lui crachant dans la gueule, puis ils la réveillent

ensuite en la prenant par la queue et en la roulant fortement dans les mains. C’est

dans les fêtes religieuses que la corporation des psylles se fait particulièrement

distinguer : on voit ces énergumènes, presque nus, portant dans leur besace des

vipères, les enlacer autour de leur cou, de leur bras, et s’en servir en guise de

ceinture. Ils forcent même ces reptiles à les mordre sans craindre l’effet de leur

venin, qui cependant sur tout autre individu provoquerait immédiatement des nau-

sées et des vertiges ;


pour exciter l’admiration des spectateurs ils vont jusqu’à dévo-

rer tout crus ces mêmes serpents. On remarque que le serpent le plus intrépide fuit

le psylle si celui-ci n’a pas le talent de l’arrêter en imitant le cri d’amour mais

le serpent, quelque agile qu’il soit, dès que le psylle lui a mis la main dessus,

paraît engourdi. On a publié que les psylles ne faisaient leurs tours qu’avec des

serpents apprivoisés, c’est une erreur : le premier serpent venu leur est bon. On
croit généralement qu’ils ont la précaution d’arracher les dents canines des vi-

pères, ou du moins de crever les vésicules qui contiennent le venin; c’est encore

une erreur mise en crédit par des voyageurs qui veulent tout expliquer à la pre-

mière vue : la vipère hajé dont les psylles se servent de préférence pour faire

leurs tours, et qui ne les mord pas à moins qu’ils ne la forcent à mordre, se jette

avec fureur sur tout ce qu’on lui présente, et des animaux soumis à l’expérience

ont démontré que la vipère, si patiente entre les mains du psylle est tout aussi

dangereuse qu’une autre.

Les psylles forment une secte à part en Egypte; les plus considérés, c’est-à-

dire ceux qui imitent le mieux le cri d’amour, sont employés par les gens riches

(1) C’étaient probablement des vipères tombées en catalepsie qui servaient de verge à Moïse, à son

frère, et aux magiciens du Pharaon, en présence duquel ils faisaient assaut de miracles (Exode,
chap. vu, vers. 10); mais la verge d’Aaron dévora toutes les autres.

il
;

82 DICTIONNAIRE

pour purger leur maison des serpents dangereux qui peuvent s’y introduire, les

autres sont réduits à exercer le métier de bateleurs sur la place publique.

On n’a jamais pu obtenir des psylles leur secret-, ils affirment tous avec effron-

terie que la faculté de jouer avec les serpents venimeux est le privilège naturel de

leur race, et ils prétendent que celui qui n’est pas fils d e psylle ne pourra jamais

parvenir à manier impunément une vipère. La même raison fut donnée au cheva-

lier Bruce par les habitants du Sennaar, qui sont tous psylles. Plusieurs gens du

peuple, nous dit cet intrépide et judicieux voyageur (1), prétendaient qu’ils avaient

un charme consistant dans quelques paroles et dans quelque arrangement de lettres

mais le fait est qu’ils savent tous le secret de garantir une personne des morsures

des serpents en la baignant avec des décoctions d’herbes et de racines. J’ai vu

plusieurs de ceux qui avaient été baignés et préparés pour une saison ,
faire à peu

près les mêmes choses gue les gens qui étaient naturellement invulnérables. On me
donna les drogues nécessaires. Je me préparai plusieurs fois dans le dessein d’en

faire l’ expérience , mais au moment de la tenter le cœur me manguait. Je songeais

qu’ils disaient toujours que le charme ne réussirait pas sur moi, parce que j’étais

chrétien; et comme ils pouvaient profiter de ce prétexte pour me faire mordre, je ne

crus pas devoir m’y exposer. Il est à regretter que M. Bruce ne nous ait pas fait

connaître les plantes qui servaient à préparer le bain préservatif de la morsure

des reptiles, et surtout qu’il n’ait pas expérimenté sur un animal quelconque la

vertu de ce bain. Il paraîtrait que l’habitude où sont les Arabes de mâcher, dès

leur jeunesse, une certaine racine pour se garantir du danger qui suit ordinaire-

ment la morsure des cérastes (2), finit par incorporer chez eux la vertu de cette

racine, ce qui justifie jusqu’à un certain point l’allégation des psylles.

Dieu a toujours mis le remède à coté du poison, et près du reptile dangereux

se trouve toujours la plante qui neutralise l’effet du venin. C’est une vérité à

(1) Voyage aux sources du Nil, tome v, page 246.

(2) Loco cit. page 246.


, ,

DES HIÉROGLYPHES. 83

laquelle on ne fait plus attention aujourd’hui, parce que notre médecine se base

plutôt sur des systèmes brillants que sur une sage expérience :
plus on étudie les

livres, moins on observe la Nature; mais en Egypte, terre féconde, où naissent

avec profusion les plantes venimeuses et salutaires, où chaque citoyen, plus que

partout ailleurs, s’occupait de l’art de guérir (1), on connaissait généralement les

sucs préservatifs de la morsure des serpents.

Le suc du sycomore, figuier d’Egypte (2), était le remède employé pour arrêter

(1) Tÿ 7r).stOT
« fépei Çdàtûpoç a.povpu

<ï>«pf/.axa, 7zol\à y.iv èaOhx pepiypéia ,


noXià §s 1-jypd.

IriTpoç iïk é'xaazo; Èmaràp.svoç nepi iràuzwv

’Av0/3w7tmv. (
Hom. Odyss. ch. 4. )

(2) J’ai déjà parlé du figuier d'Egypte dans une noie de la page 8, de ce fameux kenysiris que Plutar-

que a pris pour le lierre ,


probablement parce que la feuille du sycomore

étant sans dentelure se trouve avoir un grand rapport avec celle de cet arbrisseau. Voilà pourquoi les

ceintures de feuilles de figuier dont Adam et Eve couvrirent leur nudité, après leur désobéissance, res-

semblent sur les monuments byzantins à une ceinture de lierre. Le sycomore (nnpty) est le plus produc-

tif de tous les arbres; son tronc donne du fruit et il en produit trois et quatre fois l’année. C’était du
fruit de cet arbre dont se nourrissait le premier homme dans le paradis terrestre, et ce figuier produi-

sant un bon fruit sans culture était appelé l 'arbre de vie, symbole de l'instinct ou de l 'innocence (a). Le
pommier, au contraire ,
ne donnant à l’état sauvage qu’un fruit acide qui a besoin d’être amélioré par

la culture ,
était dit l'arbre de la science et devenait le symbole du bien et du mal. Les prêtres égyptiens
prétendaient que l’instinct abandonne l’homme en raison de la science qu’il acquiert ,
et que si l’homme
civilisé ne vit que peu de temps, c’est parce qu’il contrarie à chaque instant la Nature. Si le premier
homme s’en était lenu à l’instinct supérieur que lui avait départi la Divinité , disent les commentateurs
de la Genèse de Thout , il serait resté immortel, car cet instinct lui aurait toujours fait distinguer,

bien mieux encore qu’aux animaux, la nourriture qui lui était salutaire, d’avec celle qui pou-

(a) Plutarque, Traité d’isis et d’Osiris, chap. 15, nous (lit que la feuille de figuier peignait hiéroglyphiquement

un roi chez les Egyptiens, ou bien le climat méridional du monde (


Bumxéa. xai to votiov xxi/uct zou xén/xov

yptKpovn') : à moins que par ce roi il n’entende Osiris et par le climat méridional du monde la cataracte du sud,
par où s’échappe l'eau de Yabym, j'avoue que je ne comprends pas ce qu'il a -voulu dire, et j’atteste que je n’ai jamais

trouvé la feuille de figuier signifiant roi ou sud. Mais je suis parfaitement d’accord avec lui lorsqu’il ajoute :

/xiQspfAiviuiTcu ri &piov TroTiT-jUof xi*! xxîwij 7r«vTO)v ,


Xii) foxd yît'VDTix® /uopiu tm cfufi v £oix£v«(. En effet ,
l’ar&re de vie

devait avoir des rapports avec Yabym principe d'humidité, et par suite de vie, et surtout avec le phallus, abréviation

hiéroglyphique de l’âne, symbole de la vie.


, , ,

U DICTIONNAIRE

l’effet du venin des reptiles; il suffisait pour cela de laver immédiatement la plaie

avec le lait d’une figue verte, de même que les Arabes aujourd’hui arrêtent l’effet

de la piqûre du scorpion en frottant sur-le-champ la blessure avec du jus de ci-

tron. Mais lorsque le venin avait produit une partie de son effet, alors on faisait

avaler au malade des pilules purgatives, dans la composition desquelles le suc de

figuier, concrété au soleil, entrait comme base (1). Je n’oserai pas affirmer que ce

vait lui être nuisible ;


mais 1 e premier homme ayant voulu aller au delà de Yinstinct pour se jeter dans

la science il était devenu mortel comme les animaux qui n’ont qu’un instinct très-borné. Adam ayant

transmis le mal de la science à sa postérité , de là vient que notre vie est si courte ,
car plus que notre

premier père nous dévorons le fruit empoisonné. Le sycomore, dont le fruit avait servi de première

nourriture à l’homme , et qui était un remède souverain contre la morsure des reptiles ,
méritait donc le

nom pompeux d arbre de


’ vie (D’*nn yy). C’était avec du bois de sycomore qu’on fabriquait les cercueils

de ceux qu’on regrettait et qu’on voulait voir renaître (a). Le figuier d’Egypte, arbre de vie était aussi

le symbole de la vie humaine; et lorsque l’Evangile (b) nous parle du figuier stérile maudit par Jésus,
cette allégorie s’explique par la malédiction divine qui doit frapper, au jour du jugement ,
tout homme
dont la vie ne porte pas de fruits ,
c’est-à-dire qui n’est pas utile à ses semblables. On attribuait au figuier

comme à tous les arbres saints, la propriété de préserver de la foudre (c). Le sycomore était vénéré par

les Athéniens qui lui donnaient le nom de figuier sacré (d). L’acacia (ntmy) était appelé aussi par les

Egyptiens l’arbre de vie, mais il était le symbole de la vie future : c’est toujours Y acacia qu’on retrouve
comme arbre de vie sur les abraxas, et une branche de cet arbre était placée sur le cercueil ,
dans les cé-

rémonies funèbres, comme symbole de résurrection.

(4) La figue entrait généralement dans tous les contre-poisons des anciens. Voici la recette de celui

de Mithridate : 2 figues, 2 noix, 20 feuilles de rue, 1 grain de sel, le tout pilé ensemble et pris le

matin à jeun.

Antidotus vero multis Mithridatica fatur

Consociata modis : sed magnus scrinia regis

Cùm raperet victor (


Pompeius) vilem deprendit in illis

Syntesim ,
et vulgata satis medicamina visit

(a) Ou a cru que les anciens Egyptiens employaient le bois de sycomore dans la construction de leurs cercueils parce

qu’il est incorruptible, c’est une erreur qui semble justifiée par la conservation des cercueils de momies. Le sycomore,

exposé dans un endroit humide, se corrompt comme tout autre bois, et la conservation des cercueils n’était due qu’à
leur position dans un hypogée à l’abri de l’air et très-sec. Les expériences du chevalier Bruce (voyez Voyage aux
sources du Nil, tome 5, page 7) oht démontré cette erreur; c’était parce que le sycomore était le symbole de la vie

qu’on le choisissait de préférence pour en faire des cercueils.

(b) Matthieu ,
chap. xxi, vers. 18 et suiv. ; S. Marc ,
chap. xi ,
vers. 12 et suiv-

(c) Plutarque, Propos de table, liv- 4, 2 e quest.

(d) Plutarque , loco cit. liv. 7, 4e quest.


, ,

DES HIÉROGLYPHES. 85

soit en se frottant avec du lait de figues que les psylles de nos jours parviennent à

se mettre à l’abri de la morsure des serpents ;


mais les psylles du temps des Pha-

raons n’avaient pas d’autre secret. Le figuier n’est pas le seul arbre qui jouisse de

cette propriété, le frêne la partage si même il ne la possède pas à un degré supé-

rieur. Je ferai remarquer que le serpent ne se trouve jamais sur le figuier, et que,

recouvert de feuilles de figuier ou de figues, il tombe dans l’engourdissement

comme lorsqu’il est entre les mains des psylles (1). Yoilà pourquoi le paysan qui

porta I’aspic à Cléopâtre avait recouvert ce reptile dangereux avec des figues et

des feuilles de figuier car tout autre fruit ou toutes autres feuilles n’auraient of-

fert aucune sécurité au porteur, et cet aspic engourdi ne se détermina à piquer

Cléopâtre qu’après avoir été irrité par elle avec un fuseau d’or.

Je ne donne le suc de figuier comme remède contre la morsure des serpents

que sur la foi des papyrus où cette recette se trouve avec d’autres qui ont la pro-

priété de rajeunir et même de rendre immortel; n’ayant pas été à même de faire

Bis denurn rutæ folium ,


salis et breve granum,
Jugulandesque duas totidem cum corpore ficus.

Hœc oriente die pauco conspersa lyœo

Sumebat , metuens dederat quœ pocula mater.

(
Fragment de Serenus Samonicus rapporté dans l’Histoire

de la médecine de Le Clerc. )

Je pense que les pilules des bramines, antidote souverain contre la morsure des serpents, et dont le

colonel Fullarton, qui s’en était procuré par l’entremise du missionnaire Swartz, a reconnu l’efficacité

au siège de Carrore, doivent être à peu près comme les pilules égyptiennes; cependant l’effet n’est pas

le même : celles-ci devaient être laxatives, tandis que celles des bramines produisent l’effet d’un nar-

cotique et jettent le malade dans le délire.

(1) Le figuier avait ,


selon l’attestation des anciens ,
non-seulement la propriété d’engourdir les ser-

pents, mais encore les taureaux les plus furieux qui, du moment où ils étaient attachés de court à un
figuier , devenaient doux et patients comme des bœufs domptés; de là le proverbe égyptien : C’est le tau-

reau attaché au figuier pour dire C’est un


,
homme violent que dompte la nécessité. Toute viande coriace,
suspendue au figuier, s’attendrit en peu de temps, et un quart d’heure suffit pour faire qu’un vieux
coq, fraîchement tué, soit aussi tendre qu’un poulet. Nos paysans, pour accélérer la vertu du figuier ,

ont même soin de faire boire du vinaigre à la volaille qu’ils se proposent de manger de suite.
e
(Voyez Plutarque, Questions de table ,
liv. 6, 10 quest. )
86 DICTIONNAIRE

d’expérience à cet égard, je n’ose affirmer son efficacité; mais voici contre le ve-

nin des reptiles les plus dangereux un remède dont je peux répondre :

Prenez 125 grammes d’huile d’olive fine, un litre de vin blanc, mettez-y une

forte pincée de son de froment, un peu de sel, et une poignée de liber de frêne;

faites bouillir, passez dans un linge, et cette liqueur qu’on peut conserver aussi

longtemps qu’on voudra est un remède souverain contre le venin de toute espèce

de reptiles.

Lorsqu’on vient d’être piqué et qu’on a le remède sous la main, il suffit, après

avoir lavé la plaie avec de l’eau tiède, d’y appliquer une compresse imbibée dans

la potion et d’en boire un demi-verre. Mais si le venin a eu le temps de faire une

partie de son effet, si le vertige et les nausées se déclarent, alors on en boit un

verre d'heure en heure. Enfin, si le malade est enflé, il suffit de suivre le même
traitement, mais il faut alors avoir soin de placer sur les parties enflées des cata-

plasmes de plantes émollientes qu’on fait bouillir préalablement dans le remède,

et pourvu qu’il reste au malade un souffle de vie, on peut être assuré de le

sauver. Il arrive souvent que des personnes mordues par des vipères et n’ayant

été guéries qu’avec des palliatifs éprouvent un malaise général, une inquiétude-

fébrile, et même quelquefois des nausées, lorsque arrive l’époque où elles ont été

piquées. En se servant de la recette indiquée, elles sont sûres de se guérir radi-

calement, mais je dois prévenir que ce remède, qui ne produit aucun effet sur les

personnes qui n’ont pas été mordues, les remettra d’abord dans l’état où elles

étaient lorsque le venin agissait avec le plus de force sur elles avant qu’on ait

employé les palliatifs.

Les parties constituantes du spécifique que je viens de donner, et que je dois à

un pauvre instituteur primaire (1),’ possèdent en particulier la propriété de neu-

(1) M. Bei geon ,


instituteur primaire à Sablon (
Gironde), a guéri gratis, pendant vingt ans, avec

cette recette, tous les paysans qui se sont adressés à lui, et bien souvent lorsqu’ils étaient abandonnés

par nos Esculapes campagnards, qui cependant ne les abandonnent qu’à l’agonie. Je dois à l’amitié
dont il m’honore le remède que je publie.
,

DES HIÉROGLYPHES. 87

traliser le venin des reptiles. Le lieutenant Willam Paterson nous affirme (1) qu’un

fermier du cap de Bonne Espérance, qui avait été mordu au pied par un

kouseband (serpent jarretière), s’était guéri en trempant son pied dans de l’eau

froide où l’on avait mis beaucoup de sel. Le docteur Sjde (2) avait éprouvé que

l’huile était le meilleur remède contre les piqûres des scorpions, et il n’en em-

ployait pas d’autre. Je trouve dans un Dictionnaire de botanique (3) que pour les

morsures et piqûres de serpents on doit avaler du jus de frêne et en appliquer le

marc sur la plaie ; et le lieutenant Smith ayant eu son domestique mordu par un

covra-manilla petit serpent très-dangereux del’Indostan, il le guérit en lui faisant

boire du vin de Madère chaud et en le tenant, pendant vingt-quatre heures, dans

un état complet d’ivresse.

RÉCAPITULATION.

L’aspic

est le symbole de la mort naturelle, c’est-à-dire d’une mort douce résultant

d’une extrême vieillesse ;


il peut être aussi le symbole de toute mort occasionée

par une maladie de langueur, mais jamais d’une mort violente.

L’aspic entre les mains d’Isis devient par extension le symbole de la justice

divine.

L’aspic se mordant la queue ou se suicidant

est le symbole de I’immortalité qui est la mort de la mort.

(1) Quatre Voyages dans le pays des Hottentots et la Cafrerie en 1777, 78, et 79 ,
par le lieutenant

W. Paterson. Appendix (poisons tirés du règne animal ).

(2) Ibid.

(5) Dictionnaire botanique et pharmaceutique. Rouen, 1790.

H
88 DICTIONNAIRE

L’aspic, quoiqu’il ne soit pas représenté se mordant la queue, est encore le

symbole de I’immortalité lorsqu’on le trouve entre les mains d’une divinité per-

sonnifiée, autre qu’Isis ou Typhon.

L’aspic devient par extension le symbole du sommeil lorsqu’il est enlacé avec

le basilic, symbole de la vigilance.

Toute représentation à tête (f aspic est le symbole de Typhon lorsqu’on le con-

sidère comme génie de la mort naturelle ou des ténèbres, mais jamais lorsqu’on le

considère comme génie du vent pestilentiel, du désert, de la mer, ou de la mort

violente. Le Typhon à tête d’ASPic était un génie révéré, quoique redouté, auquel

on élevait des temples. On lui offrait des sacrifices pour le rendre favorable ;
tout

le monde désirait avoir affaire à lui, car, puisqu’il faut mourir, une mort douce est

préférable à toute autre. Ce génie n’avait pour ennemi en Egypte que les cher-

cheurs de panacée, qui s’étaient mis en tête de le détrôner.

u
DES HIÉROGLYPHES. S9

BALANCE.
La balance est le symbole de la justice divine.

Son nom égyptien est maznim (1).

La balance égyptienne

car, au lieu de se composer, comme cette dernière, de deux plateaux suspendus

par des cordons aux extrémités d’un fléau en équilibre dans une châsse , la balance

égyptienne consiste en un arc de métal AB en équilibre sur un pied E, les deux

extrémités horizontales C et D faisant l’office de plateaux. Sur les monuments

égyptiens, au lieu de peindre toutes les parties de la balance, on se contentait de

représenter la partie principale

qui, ayant beaucoup de rapports avec un joug, fit que les Grecs et les Latins lui

en donnèrent le nom (2). Sur les papyrus on trouve cependant quelquefois toutes

les parties de la balance,

(t) a'JTNa
(
maznim ) , balances.

(2) Zvyb; chez les Grecs et jugurn chez les Latins signifie joug et par extension balance.
12
90 DICTIONNAIRE

qu’on abrège ainsi :

et qui le plus souvent sont même réduites à cette figure :

Comme la balance égyptienne et surtout ses abréviations n’ont aucun rapport

avec la balance grecque, plusieurs antiquaires ont prétendu que la balance ne se

retrouvait pas sur les monuments égyptiens; ils se trompent : la balance, sym-
bole de justice divine, se trouve sur la plupart des monuments, et même on la

voit ainsi représentée :

mai-s dans les inscriptions hiéroglyphiques postérieures à notre ère.

J’ai dit que la balance était pour les Egyptiens le symbole de la justice divine;

en voici la raison :

De temps immémorial et jusqu’au règne de Sésoslris (1), l’Egypte se divisait en

trois royaumes fédérés, gouvernés par des rois électifs. Tous les ans, au solstice

d’été, Héliopolis, Memphis, et Thèbes, capitales des trois royaumes, nommaient

chacune dix représentants qui se réunissaient à Memphis, centre de l’Egypte, pour

juger en dernier ressort les différends qui s’élevaient entre les rois, les nomes, et

les villes (2). Ces trente députés qui juraient de ne point avoir égard aux demandes

des rois si elles leur paraissaient injustes, tenaient pendant un mois leurs séances

(1) C’est-à-dire 1500 ans avant notre ère.

(2) Bossuet, dans son Discours sur l’histoire universelle, nous présente ces trente juges comme une
compagnie qui jugeait tout le royaume, de telle sorte qu’ils étaient les seuls juges de l’Egypte; on con-

cevra facilement que ces trente juges, eussent-ils été trente Dandins exploitant la justice nuit et jour,
er
n’auraient jamais pu suffire pour vider tous les procès de l'Egypte. Diodore (liv. 1 , sect. 2) les com-
pare (
encore n’est-ce que pour la justice de leurs arrêts) à l’aréopage d’Athènes et au sénat de Sparte.

Je crois devoir plutôt les comparer aux pylagores (a) qui se réunissaient dans le temple de Cérès Am-

(a) Les pylagores étaient les députés des villes grecques qui discutaient les intérêts généraux des républiques fédérées

dans le conseil des Amphictyons. (Voyez Harpocrate in voce Ilûxai).


,

DES HIEROGLYPHES. 91

entre les pâtes du sphinx de Djizé autour de Xariel (1). Chaque député présidait

à son tour (2), et c’était sur la lecture des mémoires présentés par les parties

qu’ils prononçaient leurs sentences (3), en se conformant pour la forme aux huit

codes de Thout, et pour le fond à leur seule conscience. Lorsque les voix étaient

partagées, ils s’en référaient au jugement de Dieu; et voici en quoi consistait ce

jugement : on mettait les mémoires des parties dans les plats de la balance placée

sur Xariel, et le mémoire qui pesait le moins, qui montait vers le ciel, que Dieu

attirait vers lui, gagnait son procès; tandis que celui qui tombait vers la terre, et

que la Divinité semblait repousser, perdait sa cause.

Ce jugement de Dieu semble absurde, cependant il était fondé sur cet axiome

phictyonide aux Thermopyles ou dans le temple d’Apollon à Delphes, considéré comme centre du
monde ,
pour y concilier les intérêts divers des républiques fédérées de la Grèce, ou mieux encore aux
assemblées des druides qui se réunissaient tous les ans à Maintenon , centre des Gaules (a), pour

juger en dernier ressort les causes nationales des différents cantons et punir au besoin les rois et les

vergobrètes.

(1) L’ariel est un bloc de granit sur lequel on proclamait les nouveaux rois devant les ordres as-

semblés. Il doit, se trouver encore entre les pâtes du sphinx de Djizé et avoir neuf coudées de hauteur.

(2) La session durant un mois, le mois égyptien étant de trente jours, chaque député présidait une
séance.

(3) On concevra que si ces trente députés ne permettaient pas à de verbeux avocats (et il
y en avait
en Egypte) de venir embrouiller les affaires pour éclairer leur justice, ce n’était pas parce qu’ils crai-

gnaient la fausse éloquence qui éblouit les esprits et émeut les passions, car de vieux juges ne sont pas

impressionnables; c’était tout bonnement par la raison qui fait qu’on ne permet pas en France aux pé-

titionnaires d’envoyer des avocats comme plaideurs à la chambre des députés.

(a) César, dans ses Commentaires, liv. vi, chap. xii, nous dit : Ii (druides) certo anni tempore in finibus Carnutum,

quœ regio totius Galliœ media habetur, considunt in loco consecrato. Hue omnes undique qui controversias habent,

conveniunt, eorumque judiciis decretisquè parent. J’ai cru pouvoir déterminer la position de ce lieu sacré ,
centre de

la Celtique et situé sur les confins du pays de Chartres, à Maintenon, ville située entre Chartres et Dreux ( Druidum

civitas ). La vaste plaine, recouverte de monuments druidiques, qui se trouve derrière le château, semble confirmer

l’opinion que c’était là où les druides tenaient une fois par an, la main de justice.
, , ,

92 DICTIONNAIRE

égyptien : bon droit est concis, fraude est verbeuse (1). Homère fait allusion à cette

coutume égyptienne lorsqu’il nous représente Jupiter perplexe sur la question de

savoir s’il doit sauver Hector ou l’abandonner à sa triste destinée, lorsque ce

héros se détermine enfin à combattre le terrible Achille. D’un côté, Apollon le

protège, et sa piété envers les dieux milite en sa faveur-, mais, de l’autre, l’inexo-

rable Pallas, qui favorise le fils de Pelée, invoque contre le fils de Priam les lois

immuables du destin. Jupiter, pour en finir, s’en réfère au jugement de Dieu ;


il

déploie ses balances d’or, place dans les bassins les destinées d’Achille et d’Hector,

qui décident du trépas (véritables pièces du procès dans cette circonstance),

et le bassin d’Hector descendant vers les enfers, Apollon même l’abandonne (2).

La balance, considérée comme l’instrument de la justice divine, se retrouve

chez les auteurs les plus anciens. Job, fort de sa conscience, s’écrie dans son

désespoir : Que Dieu me pèse dans la balance de sa justice , et qu’il reconnaisse mon

innocence (3) ! Lorsqu’on retrouve en Egypte les peintures du jugement dernier,

(1) On comprend de quelle importance pouvaient être pour les plaideurs non-seulement la concision

des mémoires présentés, mais encore la manière dont ils étaient transcrits; aussi les scribes égyptiens

qui confectionnaient des grosses comme nos avoués, grossoy aient-ils consciencieusement.

(2) AXX ots Sri to rérupTov ini xpouvoùç àcpîxovTO

K«j rore Sri ypvaeiK ncccrip èzizaivs Taka.vru.'

Év 5 ÈTi'Seï Svo xvipe r onirileyéoç Ôavâtoto,

Tv?v piv KyjXkrjoç ,


ty?v 5 Èxropoç imzoSKpoio.

E),xs Sè piaffa /aÇoov * pêne S Èxropoç atatpov rjpap ,

àyero S dç À'tSuo '


Hmv Sè é ^oîêog Ànolltov. (Homère ,
Iliade chant xxn. )

(5) \ rri^N yi’i ptx »jtn» 3 ’jSpttn (chap. xxi, vers. 6). La Vulgate traduit : Àppendat me in sta-

tera justa ,
et sciât Deus simplicitatem meam.
,

DES HIÉROGLYPHES. 93

la balance dans laquelle sont pesées les bonnes et les mauvaises actions est tou-

jours représentée comme figure principale du tableau (1).

(1) Deux génies, le génie de la lumière (homme à tète d’épervier) et le génie des ténèbres (homme
à tête de chacal ) ,
se tiennent ordinairement près des plateaux de la balance d'éternelle justice , où sont

pesées les bonnes et les mauvaises actions de Yâme en peine (


femme ayant les mains tendues vers le

ciel). On retrouve parmi les sculptures du moyen âge de pareilles représentations, plus ou moins

caractéristiques, telle est le jugement dernier figuré sur le chapiteau d’une colonne dans l’église

Saint - Eutrope ,
à Saintes: on sait qu’à l’époque où cette église fut construite, les bons moines

n’accordaient l’absolution qu’aux pénitents qui étaient légers devant Dieu; et pour se rendre léger il

fallait se placer dans la sainte balance du couvent et fournir en argent ou en présents quelconques ,
un
poids égal au moins à celui de son individu. Mais rien n’égale la confession dans la balance japonaise :

« Lorsqu’un Japonais, tourmenté par sa conscience, veut obtenir le pardon de ses péchés, il se rend

« dans un désert affreux ,


bordé de montagnes et de rochers escarpés qu’il lui faut franchir. Il rencontre

« des hermites aussi sauvages que le lieu qu’ils habitent ,


qui le conduisent vers d’autres hermiles plus

« sauvages encore. Ceux-ci s’emparent du pénitent, et, pour le préparer à la confession, le lour-

« mentent par tous les genres de mortifications et d’austérités qu’ils peuvent imaginer. Ils l’exténuent

« par des jeûnes excessifs, et, malgré sa faiblesse ,


le font gravir sur des roches escarpées, franchir

« des montagnes et des précipices. Ce qu’il y a de plus terrible c’est que le pénitent est obligé, sous

a peine de mort, de subir toutes les mortifications qu’il plaît aux hermites de lui imposer; et s’il lui

« arrive de manquer en quelques points aux devoirs qui lui sont prescrits, les hermiles impitoyables le

u suspendent par les mains à un arbre qui donne sur un précipice et le laissent dans cet état. Lorsqu’il

« a eu assez de force pour soutenir ces premières épreuves, on le conduit à travers de sentiers impra-

« ticables ,
dans une campagne où il est obligé de rester pendant un jour et une nuit, les bras croisés

« et le visage appuyé sur ses genoux. Si la gêne d’une pareille posture le force à chercher quelque

« soulagement, de grands coups de bâton, appuyés par les hermites vigilants, avertissent le malheo-

« reux pénitent de son relâchement : il faut qu’il emploie tout le temps qu’il passe dans cette attitude

« gênante ,
à faire une revue exacte de toutes les fautes dont il s’est rendu coupable. Le temps prescrit

« pour cet examen étant expiré, il faut qu’il marche avec les mêmes fatigues, jusqu’à ce qu’il arrive

a sur la cime d’un rocher, lieu destiné pour la confession. Dans le sein de ce rocher est une grosse

« barre ,
à l’extrémité de laquelle pend une balance; les hermites mettent le pénitent dans un des bas-

« sins, et dans l’autre un contre-poids pour tenir la balance en équilibre : ils la poussent ensuite hors

« du rocher, de manière qu’elle demeure suspendue en l’air au-dessus d’un précipice. C’est dans cette

« situation que le pénitent, plus mort que vif, doit faire à haute voix une confession exacte et sincère

« de tous ses péchés. Si les hermites s’aperçoivent qu’il déguise quelques circonstances, ou qu’il se

« trouble dans le dénombrement de ses fautes, ils donnent à la barre un certain mouvement qui fait

« sauter la balance et renverse le pénitent dans le précipice. Purcha dit :


qu’il y a un des bassins de la

« balance qui reste vide ; qu’à mesure que le pénitent confesse un péché, le bassin vide penche vers le

« précipice, et celui dans lequel est le pénitent ,


du côté de l’hermite qui tient la barre. Quand le pénitent

« a achevé sa confession ,
les deux bassins se trouvent en équilibre ». (
Dictionnaire des cultes religieux ,

au mot : Confession. )
94 DICTIONNAIRE

La balance étant en Egypte l’instrument qui, dans les affaires douteuses, ser-

vait à faire connaître aux hommes l’opinion de la Divinité, devint le symbole de

sa justice, c’est-à-dire de la justice par excellence . Chez les Celtes, où le jugement

de Dieu consistait dans le duel (1), I’épée, instrument qui servait à transmettre

aux hommes la volonté de Dieu dans une cause où les voix étaient partagées, de-

vint le symbole de la justice divine; c’est pour cela que les Latins représentaient

indifféremment Thémis tantôt avec une balance à la main, tantôt avec une épée.

Dans les armes actuelles de France, Iepée sert de pied à la balance, et notre

charte s’appuie sur le symbole composé de justice divine.

La justice humaine était symboliquement représentée en Egypte par une femme

assise sur la pierre cubique (2), ayant le bras droit plié

(!) César nous dit (


Commentaires ,
liv. vi) que les druides, qui étaient exempts du service militaire

( druides a bello abesse consueverunt ), choisissaient leur chef parmi les plus puissants de l’ordre, et

lorsque plusieurs concurrents se présentaient avec des titres égaux, on nommait alors le souverain

pontife à la pluralité des voix, et même quelquefois on faisait battre les concurrents, c’est-à-dire qu’on

s’en référait pour le choix au jugement de Dieu, car c’est ainsi que je pense devoir entendre ce passage .

Hoc mortuo, si quis ex reliquis excellit dignitate, succedit. At ,


si sunt plures pares, suffragio druidum

adlegitur : nonnunquam etiam de principatu armis contendunt.

(2) La pierre cubique, qui joue un si grand rôle dans la maçonnerie moderne, était en Egypte le

symbole de la justice légale, et la pierre brute était le symbole de la justice naturelle. Dans l’antiquité

primitive c’était sur des pierres brutes, telles que nos Dolmens, que siégeaient les juges qui ne con-

naissaient d’autres lois que celles du talion. Mais, lorsque la société fut régie par des coutumes tradi-

tionnelles ou par des lois écrites ,


lorsque les arts progressant avec la société permirent de donner aux

tribunaux une forme moins sauvage ,


alors on tailla la pierre brute, et cette pierre taillée ,
placée devant

la porte ou dans la cour (a) d’un roi, devint le tribunal où l’on venait implorer sa justice, c’est-à-dire

(a) Les rais, entourés de leurs conseillers, rendant la justice dans la cour de leur palais ou devant la porte de leur

palais ,
de là l’origine de cour royale et de sublime porte. Bealus vir qui implevit desiderium suum ex ipsis ! non con-

fundetur, cüm loquetur inimicis suis in Porta. (Psalm. 126, vers. 6. )


) , , , , , ,

DES HIÉROGLYPHES. 95

pour figurer la coudée telle que les Grecs représentèrent ensuite Némésis, déesse

de la justice distributive (1). Un bras plié, la main ouverte,

devint par abréviation le symbole de la justice humaine qui, proportionnellement

à sa grandeur, punit le crime ou récompense la vertu (2).

l’application de la loi. Ces pierres cubiques sur lesquelles on répandait l'huile symbole de consécration

étaient considérées comme sacrées : devenues symbole de la justice légale par opposition aux pierres

brutes, symbole de la justice naturelle, on s’explique pourquoi les Egyptiens disaient que le second

Thout ,
architecte sublime, avait le premier taillé la pierre brute, pour dire que le second Thout était le

premier législateur qui avait donné des lois écrites. Homère (


Odyssée, chant 3 ) nous parle de ces tri-

bunaux primitifs placés devant les hauts portiques de Nestor :

Hftoç 5 ripiyévzix ytxvr) poooSx'/.rvlo j Hwç ,

'
Qpvv t xp éÇ sùvrjyt Teprtvioç iimoxx Nsfftwp

Ex 5 èlBàv ,
v.xr xp eÇer s ici Çeot oïui HOoiaiv ,

Oî oi etrav Tvponxpoide Ovpocoov vrfn'kccMv

Asvy.oi ,
àjroariXSovTE? xleifxroç '
oïç mi pèv tv piv

*
t'ÇEcx.Ev , Qeôfiv priarup àrà^avroç

A ÀÀ 6 p.èv ri'Sw y.rjpi oaueiç uiaarjoe [3 sëijxei.

Lorsque Jésus, dans l’Evangile (Math. cap. xvi, vers. 18 ), dit à Simon qui fut surnommé Céphas (Joann.
cap. i, vers. 42), nom qui, en langue araméenne, signifie pierre taillée, pierre prête à être mise en

œuvre, pierre cubique enfin : Puisque tu es Pierre, c'est sur cette pierre que je bâtirai mon église; c’est

comme s’il avait dit : Puisque tu es juste, c’est sur ta justice que je fonderai ma nouvelle société. Et ce

compliment fut adressé à Simon Bar-Jone parce qu’il avait proclamé ,


le premier, que Jésus était le fils

du Dieu vivant.

(1) On voit une Némésis ainsi représentée au musée des antiques à Paris ( salle
de Pallas n° 318).

(2) Ce symbole

n’est pas le seul qui exprime hiéroglyphiquement l’idée de justice humaine, la grande plume d’ ibis

est plus souvent employée pour exprimer cette idée (


voyez Ibis ). De même que dans quelques nomes
Yichneumon ou le crocodile étaient employés parfois pour rendre l’idée de justice divine, ce qui fait

que sur certains planisphères célestes le crocodile remplace la balance. (Voir Montfaucon, tome 2,
page 350.
96 DICTIONNAIRE

Les trente députés des trois royaumes, dont la mission était de concilier les dif-

férends qui s’élevaient entre les états fédérés, afin d’empêcher les guerres civiles

en Egypte, faisaient seuls usage de la balance de justice lorsque les voix étaient

partagées sur une question, ce qui arrivait souvent; car, malgré toute leur im-

partialité, chaque député devait naturellement soutenir les droits de ses compa-

triotes. Mais, dans les tribunaux ordinaires, la balance n’intervenait pas; la voix

de la prudence étant toujours acquise au défendeur lorsque les juges restaient

indécis.

Ce que j’ai dit au sujet des trente députés que tous les historiens s’accordent à

considérer, sur la foi de Diodore, comme des juges composant Y unique tribunal

de l’Egypte entière , pourra paraître très-suspect aux lecteurs qui veulent plus que

du raisonnement, lorsqu’on se permet de contredire une opinion généralement

reçue ;
mais on conçoit que je ne peux pas consigner les passages de l’écriture

symbolique et sacrée qui m’ont amené à comprendre ce qu’étaient effectivement

ces trente juges si célèbres, sans m’exposer ici à paraître jouer le rôle de Sgana-

relle (1) en faisant jouer celui de Géronte à mon lecteur. Pour montrer cependant

combien il faut se tenir en garde contre les assertions des historiens grecs lors-

qu’il s’agit des coutumes de l’Egypte, je vais faire connaître ce qu’était réellement

le fameux tribunal ou Von jugeait les morts. Bossuet, admirateur des institutions

égyptiennes, admettant aveuglément tout ce qu’il trouve dans Diodore de Si-

cile (2), nous dit (3) : « Il


y avait en Egypte une espèce de jugement tout à fait

« extraordinaire, dont personne n’échappait. C’était une consolation, en mou-

« rant, de laisser son nom en estime parmi les hommes; et, de tous les biens

« humains, c’est le seul que la mort ne peut nous ravir. Mais il n’était pas permis

« en Egypte de louer indifféremment tous les morts; il fallait avoir cet honneur

(4) Ah vous ! n’entendez pas le latin !

(2) Lib. 1 ,
sect. 2.

(5) Discours sur l’Histoire universelle ,


3 e partie.
DES HIÉROGLYPHES. 97

« par un jugement public. Aussitôt qu’un homme était mort, on l’amenait en ju-

« gement. L’accusateur public était écouté. S’il prouvait que la conduite du mort

« eût été mauvaise, on en condamnait la mémoire, et il était privé de la sépul-

« ture. Le peuple admirait le pouvoir des lois, qui s’étendaient jusqu’après la

« mort; et chacun, touché de l’exemple, craignait de déshonorer sa mémoire et

« sa famille. Que si le mort n’était convaincu d’aucune faute, on l’ensevelissait

« honorablement, on faisait son panégyrique, mais sans y rien mêler de sa nais-

« sance. Toute l’Egypte était noble, et d’ailleurs on n’y goûtait de louanges que

« celles qu’on s’attirait par son mérite ». Je commencerai par faire observer

qu’Hérodote ne parle nullement de ce tribunal ou Ton jugeait tous les morts sans

distinction, puisque tout le monde était noble en Egypte, comme l’admet l’évêque

de Meaux. Un seul tribunal ne devait pas suffire, car il est absurde de supposer

qu’il ne mourait qu 'un homme par jour en Egypte ;


or, quelque expéditif que fût

le juge d’instruction, il lui fallait bien un jour au moins pour instruire le procès

d’un défunt. Nous devons donc admettre que l’Egypte était couverte de tribunaux

de ce genre, car, pour une ville de cent mille âmes, il en fallait au moins six

toujours en permanence; et si ces tribunaux avaient réellement existé, Diodore

aurait-il été le seul historien qui en eût fait mention? Ce Grec, comme la

plupart des voyageurs qui n’étudient que superficiellement les coutumes d’un

peuple, a pris pour une coutume générale une cérémonie particulière, c’est-à-

dire la canonisation des saints personnages qu’on supposait dignes par leurs

vertus de devenir, après leur mort, des intercesseurs puissants auprès de la Divi-

nité. En Egypte comme à Rome, avant d’embaumer, aux frais du public, les restes

mortels d’un individu qu’on devait considérer comme un être qui fut quelque chose

de plus qu’un homme (1), et surtout avant de le déposer dans les tombeaux sa-

crés (2), on avait soin de s’informer scrupuleusement de tous les actes de sa vie.

(1) ...... . . <zts Tr'Xéov ri n K'jQpùrrtov ver-po-v


( Herod. Euterpe ,
cliap. xc. )

(2) Èv Ipÿai d-nx-pat ( loco cit.). Ces tombeaux sacrés, ou plus littéralement ces cellules étaient prali-

13
, ,

98 DICTIONNAIRE

et le tribunal qui jugeait les morts, semblable en tout au sacré collège présidé par

le pape, décidait en dernier ressort si l’on devait l’admettre comme Saint (1).

quées dans des temples souterrains , tels que ceux de Biban-el-Molouk ,


où les Thébains allaient adresser

leurs vœux aux Saints qui s’y trouvaient ensevelis.

(1) 11 arrivait souvent que le tribunal qui jugeait les morts canonisait des individus qui n’étaient

rien moins que des modèles de vertu; mais le crédit de la famille faisait fermer les yeux sur les vices

du défunt. Ces Saints de contrebande furent très-communs lorsque l’Egypte se trouva sous la domina-
tion des Perses, et sous les Ptolémées on finit même par canoniser les rois de leur vivant (a). Cependant

les prêtres consciencieux , malgré leur courtisanerie ,


avaient soin ,
pour qu’un initié n’allât pas adresser
*
ses prières à un damné ,
croyant avoir affaire à un Saint , de placer à côté de son nom un cartouche

surmonté du papillon symbole de Y âme (b), dans lequel était le caractère de Yabym ,
qui, par

extension, est le symbole des ténèbres, avec ce caractère sacerdotal d qui se traduit par est (c).

Ce cartouche se traduit par : ame — Ténébreuse elle est ,


c’est-à-dire l’âme qui anima ce corps est celle

d’un réprouvé tandis que pour les véritables Saints on mettait, au lieu du caractère de Yabym, eelui

du soleil ^c, qui, par extension, est le symbole de la lumière, et ce cartouche

se traduit par : ame — Lumineuse elle est, c’est-à-dire l’âme qui anima ce corps est celle d’un Saint. La sen-

tence mystérieuse se trouve ordinairement écrite sur le papyrus du scribe céleste (


homme à tête d’ibis),

dans le tableau du jugement de l’âme ,


lorsqu’on le trouve figuré sur le mur de l’hypogée.

(a) La fameuse pierre de Rosette n’est autre chose que l’acte de canonisation de Ptolémée Epiphane.
(b) C’est un petit papillon de nuit dont le nom mystique en langue sacrée est pin ou pid (p -consacré, 1 -divine,

v-lune) consacré à la sainte lune, séjour de l’âme, selon la croyance du culte primitif. Ce papillon était par con-

séquent le symbole de Yâme. Les Grecs donnaient à Psyché, Yâme personnifiée, des ailes de papillon piu, comme ils

donnaient à Y Amour, symbole de l 'intelligence, des ailes d’épertn'er. Toutes les fables antiques sur Y Amour et Psyché

s’expliquent par l’union de T intelligence et de Yâme qui, jointes à la matière, composent l’étre semblable à Dieu,

c’est-à-dire Yhomme.
(c) Voyez Préface, page xlv.
, ; ,

DES HIÉROGLYPHES. 99

Les rois et les grands pontifes, les noyés (1) et tous ceux qui mouraient des

suites de la morsure d’un animal sacré, étaient de droit considérés comme des

bienheureux et aptes par cela même à devenir des Saints; mais, pour les autres

morts, on les embaumait sans examen lorsqu’ils laissaient de quoi à subvenir aux

frais de leur sépulture, fl


y avait cependant pour eux une espèce d’épreuve dont

ils sortaient toujours victorieux, pour peu que leurs parents aient eu soin de

veiller à la confection de leur cercueil de sycomore, appelé en égyptien gabar (2).

Comme chaque particulier conservait chez lui les momies de ses ancêtres, et

qu’il n’aurait pas voulu garder celle d’un réprouvé, il mettait à l’eau, lors du

débordement, la momie suspecte, renfermée dans son gabar ,


et si le tout sur-

nageait, c’était une preuve que le défunt était un élu; si, au contraire, le gabar

était englouti dans Yabym (3), on considérait alors le mort comme un damné, et

l’on se félicitait d’être délivré, par l’entremise d’Osiris, d’un cadavre qui, à la ré-

surrection générale, aurait fait rougir la famille (4).

(1) Le noyé dont le cadavre surnageait était considéré comme un saint personnage, par cela même
que Yabym ne l’avait pas englouti. Ceux qui étaient noyés en punition de leurs crimes, comme la

femme adultère par exemple, étaient jetés dans le Nil avec une pierre au cou, et s’il arrivait que par
une circonstance fortuite le cadavre du supplicié, au lieu de rester englouti dans les grandes eaux

vînt à surnager, alors on réhabilitait sa mémoire et il était considéré comme un martyr.

(2) i3j (gbr) ,


geber ou gabar, parce que c’était l’enveloppe solide qui conservait la momie. S. Augus-

tin ,
dans ses Confessions, nous dit que les Egyptiens appelaient leurs cercueils des gabbaras je pense

que ce nom a été estropié par les copistes. Nous donnons le nom de gabare à un petit bâtiment large et

plat ,
qui sert à traverser les rivières.

(5) De là ,
l’expression : tomber dans l’abîme. Tout homme dont le cadavre était englouti par les

eaux du débordement ne devait pas ressusciter, son âme était morte et tombait dans le néant (enfer des

Egyptiens) : aussi le Psalmiste demande-t-il souvent à Dieu que son âme ne soit pas plongée dans les

grandes eaux, c’est-à-dire anéantie. Le cadavre qui était sorti victorieux de l’épreuve prenait le nom
de n'nn (mmie), mumie, moumie, dont nous avons fait momie, racines dq eaux (a), et n> par inversion

pour *n ,
vie ,
vivant ,
ressuscité c’est-à-dire vainqueur des eaux.

(4) On conçoit que dans la terrible solennité de la résurrection il n’aurait pas été très-flatteur de voir

ses proches jetés dans le néant par le juge suprême ,


aux yeux de l’univers assemblé ;
aussi ,
pour éviter

(a) Voyez Préface, Note, page lv.


-

100 DICTIONNAIRE

Lorsqu’on trouve sur les monuments une momie placée sous Voxyrinche,

figure qui s’abrége ainsi sur les papyrus,

Voxyrinche étant le symbole du débordement ,


ce groupe hiéroglyphique indique

un réprouvé enseveli dans Xabym. Au contraire, lorsqu’on trouve la momie cou-

chée sur le lit sacré, ayant la forme d’un lion,

Y 1

qu’on abrège ainsi sur les papyrus,

le lion étant aussi le symbole du débordement (1), ce groupe indique alors que

c’est un bienheureux,

dont le cadavre surnagea lorsqu’il fut plongé dans les grandes eaux.

Je dois demander pardon à mes lecteurs d’être sorti de mon sujet, mais il était

de la plus haute importance, à défaut de preuves à l’appui que je ne peux pas

donner maintenant, de faire comprendre que les trente députés n’étaient pas trente

juges ordinaires, et pour cela j’ai cru devoir, au sujet du tribunal où l’on jugeait

cette mortification, faisaient-on subir au mort, dont la mémoire était tant soit peu suspecte, l’épreuve
des grandes eaux.

(1) Voyez Lion.


., , ,

DES HIÉROGLYPHES. 10 J

les morts, démontrer aussi que les assertions de Diodore ne doivent pas être

complètement acceptées sans examen.

COISTELL4TEOI DE LA BALA1CE.

Il
y a 8600 ans que le solstice d’été correspondait aux étoiles qui sont au

bas de la robe de la vierge (1) : elles font partie de la balance et appartien-

nent à la 13 e station, selon les données astrologiques du moyen âge (2). Ces

étoiles, dans les catalogues arabes (3), sont appelées Garphr, ce qui ne signifie

pas voiles, comme on le prétend, mais bien inondation (4); c’est un nom qui,

s’étant conservé dans les mystères de la cabale, a été adopté depuis par les as-

tronomes arabes. Ce sont ces étoiles qui, placées entre Y épi et l’étoile d 'Ioan (5),

(1) Ce sont les étoiles i, x et n de la Vierge.

(2) Vide Alfrag. p. 119, et Albert. Magn. de universit.

(3) Vide Turgiem. arab.

(4) La racine de ce nom est rpj (grf), gerph ou garph, qui en égyptien signifie rompre les digues,

submerger, inonder. Le Nil déborde au solstice d’été.

(3) Ioan ,
dont les Latins ont fait Janus signifie divin soleil nouveau ou divine enfance du soleil (i-di-

vin ,
o-soleil ,
AN-enfant) ;
le soleil prit le nom à' Ioan au solstice d’été, lorsque les Egyptiens commen-
cèrent leur année solaire à partir de ce solstice et enfin le soleil conserva le nom d'Ioan depuis le

solstice d’été jusqu’au solstice d'hiver. Le solstice d’Iiiver en langue sacrée s’appelle lesou, ce qui veut dire

divine force du ciel (


i-divine ,
Es-force, ou-ciel ) ,
parce que c’est au solstice d’hiver que le soleil reprend

sa force pour remonter vers le nord : par extension on donna au soleil le nom d’ lesou , à partir du
solstice d’hiver jusqu’au solstice d’été. Ioan était appelé le baptiseur, parce que le Nil déborde au solstice

d’été, et que les eaux pures de Yabym avaient la propriété, selon les Egyptiens, de laver les souillures

du corps et de l’àme. Le Nil d’ailleurs , lorsqu’il était débordé, prenait le nom d ’lordan (i-divine, or-

lumière, D-mouvement, AN-enfant, enfant du divin mouvement de la lumière, parce que le Nil aug-

mente ou diminue en proportion de la croissance ou de la décroissance des jours (a) ). De 1 ’loan égyp-

(a) Les juifs, chassés d'Egypte par Aménophis, et s’étant établis dans la Palestine, donnèrent à une petite rivière

que les pluies font parfois déborder, le nom pompeux de Jourdain, comme Andromaque donna, selon Virgile, la

nom de Xante à un ruisseau de l'Epire (


Æneid lib. iii). Job, poème égyptien ,
écrit en langue vulgaire de la Haute

Egypte ,
parle du Jourdain : Wfî hti ]T1* n\P O N51V té? tnj ptyy>
p — Ecce (Behemoth) absorbebit fluvium ,
et

non miràbitur : et habet fiduciam quod influât Jordanis in os ejus (Job, cap. XL ,
vers. 18). Si par Jourdain on

doit entendre la rivière de la Palestine, alors il faut admettre que dans ce Jourdain il existait, du temps de Job des

crocodiles et des hippopotames.


, , , . , , ,

102 DICTIONNAIRE

déterminent le commencement de la balance dans le zodiaque égyptien. Il y a

8600 ans que l’Egypte était civilisée, et que les trente députés se réunissaient

pendant trente jours, à partir du solstice d’été, pour concilier les intérêts des

royaumes unis. Il y a 8600 ans que les astronomes égyptiens divisèrent le zodiaque

en douze parties, ou du moins affectèrent un symbole à chaque division; et

comme, pendant le temps que le soleil parcourait la première partie du zodiaque,

à-partir du solstice d'été, c’était précisément l’époque où se tenaient les états gé-

néraux, le soleil, pendant ce mois, portait le nom de soleil de justice, et dans

cette partie du zodiaque les astronomes placèrent le symbole de la justice divine,

c’est-à-dire la balance égyptienne.

Sur les zodiaques dus au ciseau grec et à la munificence romainq, mais dont la

disposition fut dirigée par les astrologues de la Haute Egypte, qui avaient con-

servé pures les traditions de la valeur symbolique des signes, on voit toujours

sur (1)

tien on a fait S. Jean-Baptiste dont on célèbre encore la naissance au solstice d’été, comme on célèbre

celle A’Iesou dont on a fait Jésus au solstice d’hiver. Les Egyptiens commençaient leur année solaire

au solstice d’été la naissance de S. Jean-Baptiste précède de six mois la naissance de Jésus. Ioan étant le

nom qu’on donnait au soleil, à partir du solstice d’été jusqu’au solstice d’hiver, soleil dont la force dimi-

nue graduellement en descendant vers le sud ,


tandis qu’/esou ,
soleil du solstice d’hiver jusqu’au solstice

d’été augmente de force à mesure qn’il s’avance vers le pôle boréal ,


de là l’expression mystique de

l’Evangile Joann cap. ni, vers.) qui fait dire à S. Jean-Baptiste en parlant de Jésus : Ilium oportet
(

crescere me autem minui. L’étoile d ’loan ou de Janus est précisément l’a de la balance actuelle ,
étoile
,

qui se trouve sur l’écliptique. Crislolaiis dans son quatrième livre des apparences du ciel, la plaçait ante
,

pedes Virginis : àarrjp (ïavou) np'o rwv tzoSmv rrjç n apdé'jov. (Plutarq. Par ail. chap. 9.)

tl) Zodiaque circulaire de Dendérah.


DES HIÉROGLYPHES. 103

ou sous (1)

la balance grecque, le soleil de justice figuré par un disque dans lequel se trouve

la justice personnifiée.

Comme le Nil débordait au solstice d’été il


y a 8600 ans, absolument comme

de nos jours, on s’explique pourquoi les astrologues égyptiens placèrent sous la

balance du Zodiaque circulaire de Dendérah le lion, symbole de l'eau de V abym (2),

appuyant ses deux pâtes de devant sur le plan d’un vase carré dans lequel est figurée

de l’eau agitée,

c’est-à-dire surmontant le Nil (3) dont ce vase est le symbole et cela ,


pour indiquer le

débordement qui avait lieu lorsque le soleil entrait dans la constellation de la

balance, à l’époque où nous reporte le premier état du ciel selon l’astrologie (4). On

trouve dans les zodiaques de la cabale que Kircher (5) et Dupuis prennent pour

des zodiaques égyptiens, mais dont la cabale avait emprunté l’esprit aux traditions

astrologiques de l’Egypte, le signe de la balance figuré par un homme ayant sur

sa tête le modius, symbole du feu (6), c’est-à-dire de la chaleur que répand le

soleil au solstice d’été, d’une main il tient la balance grecque , et de l’autre la

(1) Zodiaque rectangulaire de Dendérah.

(2) Voyez Lion.

(5) Voyez Préface ,


page xxiij.

(4) Aussi la balance portait-elle chez les Egyptiens comme chez les Hébreux ,
lorsqu’il s’agissait de la

constellation, le nom de ’JîNcn ( mmazni^, prononcez moumazni, racine première Mou-raw. Voyez

Epipli. advers. hæres.

(5) Voir Kircher, OEdip . , tome ii, part. 2% pag. 160, 206 ,
et 207.

(6) Voyez Modius.


,

104 DICTIONNAIRE

perche graduée qui servait à mesurer les crues du Nil. La position de Yhomme

dans un de ces zodiaques semble même indiquer le mesurage.

Cette perche graduée,

qu’on peut considérer dans cette circonstance comme le symbole du débordement

dont elle servait à obtenir la mesure, fut placée aussi par les premiers astronomes

sous la balance égyptienne ;

et c’est enfin ce symbole primitif, qu’on doit traduire par

JUSTICE DIVINE ,

DÉBORDEMENT,

qui sert encore à nos astronomes pour figurer le signe de la balance.

Les étoiles qui déterminent dans le ciel la position de la balance égyptienne

sont les garphr de la vierge, Yloan ou l’« de la balance actuelle, et l’T ed ou bril-

lante de la main droite du serpentaire (1).

Le serpent que tient Ophiuchus, et qui lui a valu le nom de serpentaire, est une hydre, symbole
(1)

de Veau. Dans la sphère égyptienne, Yhydre s’étend depuis les garphr jusqu’au capricorne, et cette

hydre au lieu d’être tenue par un homme (a) comme dans la sphère grecque ,
est surmontée d un
, ,

ibis, symbole de l’eau du débordement (voyez Ibis). Les Maures figuraient dans leur sphère (b) un sei-

homme (Beausobre, tome 2, page 316), et du serpentaire


(a) Les cabalistes appellent Adam Kadmon le premier
avait cédé empire de la terre à 1 homme, lorsque
les Grecs ont fait leur Cadmus. Les Egyptiens qui supposaient que Dieu 1

avait été créé lorsque le solstice dété


le solstice d’été correspondit au zéro de la balance, prétendaient que l’homme
Yhomme avait lécu dans lepa
se trouva correspondre au 15 me degré de cette même balance, et que, par conséquent,
équinoxial rétrogradait d un signe on
radis terrestre avec Dieu pendant 1000 ans, car ils supposaient que le nœud
2000 années.
(b) Cœs. L. 13, p. 146.
DES HIÉROGLYPHES. 105

Pluche, qui attribue l’invention du zodiaque aux Chaldéens, fait de la balance

le symbole de V égalité des jours et des nuits , et par suite de l’équinoxe d’automne;

puis il reporte son origine aux temps voisins du déluge et avant que l’Egypte fût

habitable. La Nauze, en s’appuyant sur la loi de la précession des équinoxes, a

reconnu que le zodiaque remonterait tout au plus à 3000 ans, en admettant l’ex-

plication que Pluche nous donne des symboles. Dupuis, qui voit, comme Pluche,

un emblème naturel de l’égalité des jours et des nuits dans la balance zodiacale,

mais qui attribue l’invention du zodiaque aux Egyptiens, fait de cette même balance
le symbole de l’équinoxe du printemps, ce qui reporte à 16000 ans l’origine du

zodiaque. Les savants veulent à toute force que la balance, qui sert à égaliser les

poids pour les comparer entre eux, soit un symbole naturel d’égalité. Chez les Egyp-

tiens, l’idée légalité ne fut jamais rendue par une balance; pour exprimer hiéro-

glyphiquement cette idée, ils traçaient deux lignes droites égales l’une sous l’autre,

absolument comme nos géomètres (1); et dans les textes hiéroglyphiques des der-

niers temps c’est par un niveau

que l’idée dé égalité se trouve quelquefois rendue.

peut surmonté d’une cigogne ou d’une grue. Les Grecs donnent ordinairement à Ophiuchus l’épithète

d’aigléis, aiglaer, et aiglêtos (a), dont la racine première aig signifie eau en langue sacrée ,
car l’épithète

de resplendissante ne convient nullement à la constellation du serpentaire , tandis qu’elle conviendrait

parfaitement à celle d’oRiON. Le serpentaire , ou mieux I’hydre surmontée de l’ibis ,


est une constellation
extra-zodiacale ,
qui fut ainsi figurée par les inventeurs du zodiaque sous la balance , le scorpion , et le

sagittaire, comme symbole du débordement, parce que, lors de l’invention du zodiaque, le solstice

d’été correspondant au zéro de la balance, le Nil débordant au solstice d’été ,


et le débordement durant

trois mois ,
le débordement durait alors pendant un temps égal à celui que mettait le soleil à parcourir

les trois constellations : balance ,


scorpion ,
et sagittaire.

(1) Voyez Gémeaux.

(a) Arat. v. 76. Hipp. L. 1 ,


c. 2. Théon, Hesych., etc.

14
;

106 DICTIONNAIRE

La cabale (1) fait de la balance une constellation qui unit le règne de Dieu à

celui de l 'homme, et qui sert à déterminer Yheure natale du monde. Comme les

mystères de la cabale ne sont au fond que les mystères astrologiques des Egyp-

tiens, il faut, pour comprendre ce qu’ont voulu dire ici les cabalistes, connaître

l’origine et le mécanisme de la haute astrologie d’où dérivent toutes les religions.

Les Egyptiens avaient religieusement conservé les symboles du zodiaque tels

qu’ils avaient été placés, il


y a 8600 ans, par les premiers astronomes (2). Us
connaissaient les étoiles qui déterminaient dans le ciel la position de chaque sym-

bole, et comme ils lisaient parfaitement cette écriture primitive, devenue ensuite

mystérieuse, ils s’aperçurent bientôt que le solstice d’été ne correspondait plus

aux garphr, et qu’il y avait par conséquent un mouvement rétrograde dans le ciel

des fixes cherchant ensuite, par l’observation, à déterminer la durée de ce mou-

vement, ils crurent reconnaître que la révolution complète du ciel des fixes était

comprise dans une période de 24000 ans (3). C’est sur la connaissance de cette

loi que roule toute l’astrologie égyptienne. Les astrologues prétendirent que la

durée ou la vie du monde était comprise dans cette période de 24000 ans, ils di-

visèrent cette vie en deux règnes, celui de Dieu et celui de I’homme : on enseignait

dans les mystères de la haute initiation qu’au premier moment où Dieu commença

à créer le monde, le solstice d’été aurait correspondu au zéro du belier, si le so-

leil et les étoiles avaient alors été créés, et que Dieu employa les six temps (4) de

(1) Æsculapius ægyptius ,


vetustissimus scriptor, in suâ Myriogenesi scripserat , in posterioribus libræ

partibus twv o-ùyxoao-t» factam, eamque esse natalem mundi. (Scaliger. A ’ot. ad Manil. L. 1 , vers.

125 ).

(2) Ces symboles ,


le cancer excepté (
voyez Cancer ) ,
ont été conservés jusqu’à nos jours.

(3) Cette révolution complète du ciel des fixes ,


due au mouvement rétrograde du nœud équinoxial

(précession des équinoxes), s’opère en 25812 selon Lalande, en 25920 d’après Delambre, et nos mo-
dernes astronomes (Biot, Francœur, et Arago) lui donnent 25867 ou 68 années de durée.

(4) Dans la Genèse de Thout , le mot temps est exprimé par une étoile qui signifie jour, an, ou époque

quelconque déterminée. Moïse a traduit Yétoile par ni’ (iom) ioum, mot égyptien qui signifie jour, temps,

durée. Les six temps du règne de Dieu ou de la création, que les Perses appellent les six mille de Dieu

dans leur Boundesh ,


comme les astrologues toscans (
vide Suid. in voce Thyrrenia ) ,
par opposition
DES HIÉROGLYPHES. 107

son règne à arranger le monde tel qu’il est, pour en céder ensuite le gouverne-

ment à X homme quil avait fait à son image (1), cession qui eut lieu lorsque le

solstice d’été correspondit au zéro de la balance. Le règne de X homme doit durer

jusqu’à la fin du monde, pendant six temps comme celui de Dieu, c’est-à-dire

jusqu’à ce que le solstice d’été corresponde au zéro du belier. Alors le ciel usé se

brisera, et Dieu reprendra son empire pour s’occuper, pendant six autres temps,

à créer un monde nouveau. Ces mêmes astrologues prétendaient, en outre, que

les symboles placés dans le zodiaque y avaient été mis par Dieu lui-même qui

avait tiré l’horoscope du premier homme avant de lui céder l’empire de la terre.

Aussi appelaient-ils les symboles du zodiaque écriture divine ,


écriture angélique;

et comme ils se piquaient de tirer l’horoscope de la même manière que Dieu,

c’était toujours avec des planisphères célestes, qui représentaient l’état du ciel

dont Dieu s’était servi pour tirer la bonne aventure d’Adam, qu’ils tiraient celle

des imbéciles qui avaient foi dans leurs jongleries. De là vient que, selon les

dogmes astrologiques, celui qui est né dans le mois de la balance, doit être consi-

déré comme né sous l’influence du mois de justice, quoique, par le mouvement du

ciel des fixes, le solstice d’été ne corresponde plus au zéro de ce signe. On s’ex-

plique maintenant pourquoi la balance est le lien qui unit le règne de Dieu à celui

de l 'homme, puisque c’est à partir de l’époque où le solstice d’été correspondit

aux six temps du règne de l’homme appelés par eux les six mille du Diable ( Pétiâré ou unuiugy ) ,
ne
sont pas six jours, comme l’ont cru les Septante et la Vulgate, c’est un laps de temps égal à celui qu’a
mis le solstice d’été pour parcourir la moitié du zodiaque, à partir du zéro du belier, de telle sorte

que chaque jour de la création se trouve être un jour de 2160 ans. Comme les jours de la création sont

déterminés par le mouvement rétrograde du ciel des fixes, et que le commencement de ces jours avait

lieu à partir du dernier degré ou de la {in d’une constellation que parcourait un solstice ou un équi-

noxe ,
voilà pourquoi la Genèse dit : “tro< ov ipa *n*i aiy ’rm et fut le soir et fut le matin ( qui fut ) le joui-
premier ; au lieu de dire : et fut le matin et fut le soir (qui fut) le jour premier, comme elle l’aurait dit

nécessairement s’il s’était agi d’un jour ordinaire où le matin précède toujours le soir.

(1) J’ai déjà expliqué dans une note de la page 27, ce que les Egyptiens entendaient en disant que

l’homme était fait à l’image de Dieu.


,

108 DICTIONNAIRE

au zéro de la balance, que le règne de Dieu fut terminé, et que celui de Y homme

commença. Par extension, la balance égyptienne

devint un signe d’umoN : aussi, dans les anciens manuscrits et même dans les an-

ciens livres imprimés trouve-t-on bonheur écrit ainsi : bon -v heur, la balance

égyptienne renversée faisant l’office de trait d'union.

La balance servait à déterminer l'heure natale du monde; les Egyptiens

supposaient que le monde avait été créé au commencement de l'année, et l’année

chez eux commençant au solstice d'été, comme le solstice d'été dans les sphères

ou planisphères astrologiques correspond au zéro de la balance, c’était à la

balance qu’ils remontaient toujours pour déterminer l'âge du monde. Sup-

posons qu’on voulût connaître quel est aujourd’hui (15 juillet 1840) l'âge

de la terre en suivant la méthode astrologique des Egyptiens, comme nous

sommes précisément dans ce fameux an 40 (1), époque où le solstice d'été

vient d’abandonner la dernière étoile des gémeaux, en admettant que le nœud


équinoxial rétrograde, dans l’ordre inverse des signes, d’un degré en 72 ans (2),

(1) L’an 40 ( 1840) est précisément l’année à laquelle les mauvais payeurs renvoyaient leurs créan-

ciers, parce que les mauvais astrologues avaient prédit que la fin du monde aurait lieu à cetle époque.

L’an 40 est célèbre dans les fastes de la cabale et de l’astrologie égyptienne (


voyez Gémeaux ) ,
reste à

savoir s’il sera célèbre dans l’histoire. Lorsque le 4® temps du règne de l'homme sera fini, disent les pa-

pyrus , la face du monde changera. Les cabalistes ont entendu par là que le inonde devait être renou-

velé, et ont cru pouvoir fixer à cette époque le jugement dernier, tandis qu’en bonne astrologie le

inonde ne doit finir que dans 4320 ans (a). Les astrologues égyptiens entendaient par renouvellement

de la face du monde un renouvellement moral. Si nous faisons attention à l’inquiétude générale des

esprits qui rêvent un nouvel avenir, à ce volcan moral qui agite la société, et qui semble prêt à faire

éruption, on serait presque tenté d’avoir foi dans l’astrologie.

(2) Dans les derniers temps, les astrologues égyptiens déterminèrent la rétrogradation du nœud
équinoxial à raison d’un degré par 72 ans; c’est ce que je crois pouvoir inférer d’une stèle bilingue qui

se trouve au musée de Vienne.

(a) Dans un ouvrage publié en 1731 et réimprimé en 1828, ayant pour titre : Conjectures sur la fin prochaine du

monde ,
on trouve les passages suivants : — En 1790 : Ira Dei super terram (
la colère de Dieu sera sur la terre ) ;
— en
1800 : A paucis cognoscitur (le Christ sera connu de peu de personnes) ; — en 1840 : Pastor non erit (
il n’y aura plus

de pasteur).
DES HIÉROGLYPHES. 109

il
y aurait 8640 ans et 24 jours que le règne de l'homme a commencé, et 21600

ans que Dieu fit le vide dans les eaux de l’abym (1).

Le solstice d'été correspondant au zéro de la balance dans les planisphères ho-

roscopiques qui représentent toujours l’étal du ciel immédiatement après la créa-

tion, le solstice d'hiver dans ces mêmes planisphères correspond au zéro du belier;

et comme c’est au solstice d’hiver que le soleil remonte vers le nord, tandis qu’il

descend vers le sud à partir du solstice d’été, voilà pourquoi les anciens astrologues,

qui avaient toujours égard à l'état du ciel que représentaient leurs planisphères,

placèrent l’exaltation du soleil dans le belier et sa dégradation dans la balance (2).

RÉCAPITULATION.
La balance

(1) Pour ceux qui désirent connaître les époques du monde, calculées d’après les principes de l’astro-

logie égyptienne, en admettant que le nœud équinoxial rétrograde d’un degré en 72 ans, voici un

tableau dont je peux garantir l’exactitude à MM. les chronologistes. Quant aux quatre âges dans
lesquels se subdivise le règne de l’homme, j’ai pris les données fournies par le Zodiaque circulaire de

Dendérah , où ces quatre âges sont déterminés par les vierges


(
voyez Belier et Ibis ).

Eja vie du inonde est de 25920 ans.


Du premier moment de la création, lorsque Dieu
fit le vide dans les eaux de Yabym, jusqu’à la
Règne de Dieu dont la durée fut de 12960 ...
création de l’homme H 88 <) ans
De la création de l’homme jusqu’à son régne .... 1080
l re Epoque (âge d’or) 2160
2 e Epoque ( âge d’argent 1080
Règne de l’homme dont la durée sera de 12960. )

3e Epoque (
âge d’airain ) 2304
Epoque (âge de fer) 741 g

Total 25920 ans.

Nous sommes à présent 1840 dans l’an 21600, à partir du premier moment de
( ) la création; dans
l’an 8640, à partir du règne de l’homme ( les astrologues comptent toujours à partir de cette époque ).
Il
y a 5096 ans que nous sommes dans l’âge de fer, et la fin du monde n’arrivera , selon les calculs in-
faillibles de la bonne astrologie, que dans 4520 ans, ce qui doit tranquilliser ceux qui craignent le
retour des comètes.

(2) Sol exaltatur in ariete ,


dejicitur in librà. ( Firmic. L. 2 , c. 3. )
,

110 DICTIONNAIRE

est le symbole de la justice divine; lorsqu’on retrouve ce symbole avec la perche

graduée,

on doit le traduire par constellation de la balance.

La balance grecque,

surmontée du soleil de justice comme dans le Zodiaque circulaire de Dendérah

ou bien entre les mains de la justice comme dans le Zodiaque d’Esné, indique

d’une manière positive que le monument sur lequel elle se trouve n’est pas d’une

époque très-reculée, et qu’il remonte tout au plus aux premiers temps de la do-

mination romaine.
;

DES HIÉROGLYPHES. 111

BELIER.
Le belier, chef d’un troupeau, marche toujours à la tête.

Dans l’écriture hiéroglyphique le belier est le symbole du chef, du maître, et

du GUIDE.

Son nom onomatopique est baaî ou maaî (1), et ses noms mystiques les plus 1

usités sont : al, ar, ail, ari (2), ram, et cer.

Le belier étant le symbole du chef et par extension de la suprématie la blan-

cheur étant la couleur de la lumière et par suite de Y intelligence ; un belier blanc

était pour les Thébains le symbole vivant de Intelligence suprême (3). Cette divi-

nité portait le nom cI’Amoun (4) et se confondait avec le Cnef (5), qui était aussi le

symbole de I’intelligence suprême. On prétendait que la vénération des Thébains

pour le belier venait de ce que cet animal avait servi de guide à Bacchus lorsque

ce conquérant parcourait les déserts de la Lybie, et surtout de ce qu’il lui avait

(1) Voyez Préface, page lj et suiv.

(2) ns (ari) signifia lion, lorsque le lion devint le symbole du chef et du maître; mais dans les

hiéroglyphes purs le lion n’a jamais eu cette valeur (voyez Lion). Le nom du lion en égyptien est tv* ?

(
nsh ) ,
d’où les poètes grecs ont tiré — lion.

(5) Le belier blanc étant le symbole de la suprême lumière ou de I’intelligence suprême était aussi le

symbole de Dieu mais par extension seulement


, ;
car I’intelligence suprême n’était que le tiers de la

Divinité selon les dogmes du culte primitif, puisqu’elle se composait de I’intelligence suprême, de la

vie universelle, et de la matière infinie.

(4) Amoun ou Amun (|wn), dont les Grecs firent ig g wv, . . comme nous l’apprennent Plutarque et Dio-

dore, signifie en langue sacrée dm (am) a«ie, p (un) principe, le principe de la vie.

(5) Voyez Préface, page xxvij. Les noms mystiques du belier étaient donnés très-souvent au Cnef;

tel est, par exemple, celui de S’N (ail), le Cnef n’étant autre chose qu’une aile d’épervier. Le nom
mystique du belier bni (
ram )
était donné aussi à Vépervier, symbole de I’intelligence suprême. Les

chrétiens, en faisant d’une espèce de pigeon le symbole de cette même intelligence, lui donnèrent le

nom de Ramier. C’est notre Saint Esprit qui fait partie de la trinité (
intelligence ,
vie ,
et matière )

dont se compose I’être qui est tout ce qui est ,


JEOUA (
Dieu ).
112 DICTIONNAIRE
fait découvrir une source d’eau vive dans l’oasis d ’Ammon pour désaltérer son

armée (1). On voit ici que la fable du belier de Thèbes est absolument la même
que celle de I’aliboroün de Jérusalem (2). Lorsqu’on voulait personnifier Amoun,

on le représentait sous la figure d’un homme blanc à tête de belier, ou tout au

moins avec des cornes de belier (3).

Par abréviation, les cornes de belier

exprimèrent symboliquement l’idée de chef, de maître, et de guide. Les rois de

Thèbes portaient, comme insigne de leur puissance, une coiffure ornée de deux

cornes de belier (4), et les nobles seuls avaient le droit de placer la corne de

belier sur leur casque (5).

(1) Isidor. Orig. L. 3 , cap. 47, et Germ. Cæs. , cap. 18.

(2) Voyez Ane.

(3) Les statues d’AMoim étaient en pierre blanche , et les cornes de belier dont on décorait la tête du
Dieu avaient exactement la forme des fossiles que nous appelons des cornes d’Ammon. On ne saurait

croire combien les cornes d’ Artimon étaient recherchées en Egypte; on prétendait que Dieu les avait

mises dans la terre pour que l’homme „ en les retrouvant, se rappelât la fin du monde et le jugement
dernier qui doit arriver, selon la haute astrologie, lorsque le solstice d’été aura dépassé la constellation

du belier. Par suite on attribua aux cornes d’Ammon la propriété de procurer des songes divins (voyez

Pline, liv. 37, chap. 10). Les nécromants s’en servaient pour entrer en communication directe avec
Diec ,
lorsqu’ils suspectaient la bonne foi des ombres qu’ils interrogeaient.

(4) Aussi le roi de Thèbes était-il appelé (ari)) belier, ou ttwoio (


RAMshish ) ,
belier blanc ou

chef intelligent : de ce dernier nom on a fait Rhamsès. A Tyr le roi portait le nom de Iram, i- divin ,

ram- belier, c’est-à-dire divin-maître. Le roi de Thèbes était considéré comme le prince le plus puis-

sant de l’Egypte ,
même avant que Sésostris eût réuni toute l’Egypte sous la domination d’un seul.

(3) La corne de belier qui ornait le casque d’un noble était l’insigne de sa puissance ; casser la corne

d’un noble c’était le dégrader: Omnia cornua peccatorum confringam, et exultabuntur cornua justi

(
Psal. 74 ,
vers. 11 ). Un noble était appelé ont (
ram ) ,
c’est-à-dire maître. Dans le moyen âge où ,
tout

noble était chevalier , les éperons étaient le signe caractéristique de la noblesse. Cependant il paraîtrait

que la corne égyptienne fut conservée par nos pères comme expression symbolique de la puissance no-

biliaire ;
mais, au lieu de placer cette corne sur le casque , ils la placèrent sur le chanfrein du destrier ; de

là ces licornes telles qu’on les retrouve sur les anciennes armoiries ,
notamment sur celles d’Angleterre.
DES HIÉROGLYPHES. 113
Les conquérants, les législateurs, et les chefs de colonies, étaient représentés
en Egypte avec les attributs de la puissance royale; voilà pourquoi Bacchus et

Moïse avaient des cornes.

Les Egyptiens, pour déclarer la guerre, conduisaient un belier sur le territoire

du peuple qu’ils voulaient attaquer, et ce belier, symbole du maître, indiquait


clai-
rement l’intention où ils étaient de rendre le pays tributaire.
Les juifs, au dire
d Adamantius, employaient la même cérémonie pour rompre avec leurs voisins,
et tout le monde sait que le Fecialis chassait un belier sur les terres des peuples
que les Romains se proposaient de subjuguer.

CONSTELLATION DU BELIER.

Il
y a 8600 ans que le solstice d! hiver correspondait à l’« actuel des poissons.
Dans les temps primitifs, les Egyptiens, ainsi que tous les autres peuples, com-
mençaient leur année solaire à partir du solstice d’hiver (1). Les astronomes égyp-
tiens, qui figurèrent dans le zodiaque les symboles dont l’astronomie se sert
encore,
peignirent dans la première division un
belier parce qu’il était le
premier de tous
les signes et par conséquent le
chef du troupeau zodiacal. Plus
tard, quoique, par
la précession des équinoxes, le solstice d’hiver
ne correspondît plus au belier
les
astrologues qui avaient plus égard à
leurs planisphères représentant
le premier
état du ciel qu’à l’état de leur ciel même, considérèrent toujours le belier
comme le premier des signes (2); la cabale ayant
transmis à l’astronomie la cou-
tume de considérer le belier comme la première des constellations, de là
vient
que de nos jours encore on commence
par le relier lorsqu’il s’agit
de donner
la nomenclature des signes du zodiaque.

Pour exprimer hiéroglyphiquement un


équinoxe, les Egyptiens peignaient deux

(1) Ce ne fut qu’après le règne de Sésostris que l’année solaire


commença au solstice d’été.
(^) Hygin lib. 3 cap. 19 appelle le belier
( ,
) pr inceps signorum.
,
'

15
, , , ,

114 DICTIONNAIRE
bâtons l’un blanc symbole du jour, et l’autre noir, symbole de la nuit

H
de longueur égale (1), parce qu’à cette époque la longueur des jours est égale à

celle des nuits. Pour exprimer, d’après le même principe, le solstice d’hiver ,

ils peignaient deux bâtons, l’un noir et l’autre blanc, mais le noir ayant une

longueur double de celle du blanc,

'

Al
;
parce qu’à ce solstice, la longueur des nuits est double de celle des jours. Dans
un zodiaque de la cabale (2), où le belier est remplacé par un amoün homme à
(

cornes de belier), cet amoün tient dans ses mains les deux bâtons de longueur

inégale pour indiquer le solstice d’hiver;

car tous les zodiaques cabalistiques représentent le premier état du ciel après la

création que l’astrologie fait remonter à 8600 ans, c’est-à-dire à l’époque de l’in-

vention du zodiaque; et comme à cette époque le solstice d’hiver correspondait au

zéro du belier, les cabalistes ont eu soin, dans le planisphère dont il s’agit, de

répéter la figure d’AMOUN

(1) Voyez Gémeaux.

(2) Le planisphère que nous a conservé Kircher, et que Dupuis a copié (


Origine de tous les cultes

atlas, planche 5), se trouve dans les planches correspondantes au mot Zodiaque.
DES HIÉROGLYPHES. 115

qu’ils ont placé agenouillé précisément sur la ligne qui sépare le signe du belier

d’avec celui des poissons.

Dans le Zodiaque circulaire de Dendérah le belier est représenté couché,

parce que, au solstice d’hiver , le soleil est le plus bas possible; c’est par la même

raison que les cabalistes, dans le planisphère dont nous avons parlé, représentent

agenouillé I’amoun placé sur la ligne qui sépare le belier des poissons. Le belier

du Zodiaque de Dendérah est représenté, une pâte en avant, comme prêt à se

lever, parce que, au solstice d’hiver, le soleil reprend sa force pour remonter vers

le nord. Ce belier est placé en sens inverse des autres signes, le cancer ex-

cepté (1), parce que, dans le premier état du ciel, le soleil retournait sur ses pas

pour remonter vers le pôle boréal lorsqu’il était arrivé au zéro du belier.

Au lieu d’un belier tout entier, les cabalistes se bornaient généralement à

peindre des cornes de belier dans la première division du zodiaque ;

de là vient l’abréviation dont nos astronomes se servent encore pour indiquer îe

signe du belier.

T
Les étoiles qui déterminent la position du belier dans le zodiaque égyptien

sont l’« des poissons et les Péiades. Hygin (2) nous apprend que les anciens as-

trologues plaçaient les Péiades sur la division du taureau et du belier; et c’est

précisément à leur position, comme division du zodiaque primitif, que cet amas

de petites étoiles doit la haute considération et le rôle important qu’il joue dans la

(1) Voyez Cancer.

(2) Hygin. lib. 2, cap. 22, et lib. 5, cap. 20. Les Péiades que nos astronomes placent sur le cou du
taureau étaient placées à la queue par les anciens astrologues (Théon, page 155), et en général par

tous les cabalistes.


116 DICTIONNAIRE

mythologie grecque et romaine (1). Les deux premières étoiles de la tête du bé-

lier, appelées dans les catalogues arabes al-sheratein ou al-sheratan (2), forment

avec la précédente de la base du triangle actuel (3) le triangle céleste des anciens

astrologues. Ce triangle, surnommé igné dans les livres cabalistiques, n’est autre

que la lettre sacrée exprimant l’idée de Dieu grand ,


fort , et immortel (4), qui fut

ainsi figurée au-dessus des premiers degrés du belier, parce que, selon les

dogmes de la haute astrologie, le règne de Dieu doit recommencer lorsque le

solstice d'été correspondra au zéro de ce signe. Ce triangle est une constellation

qui remonte à la plus haute antiquité, comme nous l’atteste Hipparque (5) en

s’appuyant sur le témoignage d’Eudoxe.

Le belier, symbole affecté à la première division du zodiaque, à partir du

solstice d'hiver, devint par suite le symbole de ce même solstice et fut employé

quelquefois pour en déterminer la position dans certains planisphères qui nous

offrent différents états du ciel, tel que le Zodiaque circulaire de Dendérah, par

exemple, où sont indiqués les quatre âges du monde; aussi trouve-t-on dans ce

zodiaque le belier comme second génie du verseau

et comme second génie du capricorne,

le solstice d'hiver correspondant au 15 e degré du verseau pour le 3 e état du ciel

et au 17 e degré du capricorne pour le 4e . Mais toutes les fois que le belier était

(1) German. cap. 22.

(2) Alfrag. cap. 22 ,


pag. 109.

(3) Ulugbeigh, page 58, l’appelle ras almotli’allah.

(4) Voyez Apis, note de la page 35 et suiv.

(5) Hippar. lib. 1 ,


cap. 2.
,

DES HIÉROGLYPHES. 117

employé comme symbole du solstice d’hiver, on plaçait sur sa tête le disque so~

laire entre les cornes de taureau,

symbole composé du ciel (1), afin qu’on ne confondît pas le belier céleste, symbole

du solstice d’ hiver, avec le belier, symbole du chef, du maître, et du guide. En


outre, on avait soin de représenter le belier, symbole du solstice d’hiver, de plus

en plus petit, à mesure que le solstice , dont il déterminait la position, s’éloignait

du solstice d’hiver primitif correspondant au zéro du belier zodiacal . Le plus

petit belier dans ces zodiaques prenait le nom d’agneau, quoique ce ne fût pas

un agneau qui, symbole de la douceur, de Y innocence et de la jeunesse ,


n’a ja-

mais été placé par aucun peuple comme symbole hiéroglyphique dans le zodiaque;

aussi Hyde (2) observe-t-il que les différents noms du belier, tels que al-hamel

chez les Arabes, teleh ou thala (3) chez les Hébreux, emro chez les Syriens, et

kusi chez les Turcs, désignent toujours un agneau déjà fort et ayant des cornes.

Un cheval blanc consacré au soleil (4)

étant le symbole de la lumière, une jambe

étant le symbole du mouvement ; une jambe de cheval blanc est le symbole du

mouvement de la lumière. Dans le Zodiaque circulaire de Dendérah on trouve la

jambe de cheval blanc qui détermine toute la partie du zodiaque où, pour le pre-

(1) Voyez Apis, page 32.

(2) Vide Hyd. pag. 50 , et Riccioli ,


pag. 426.

(5) En hébreu rhv (


tIilh ) , thele , et N^n ( tla ) ,
tela.

(4) C’est par homonymie que le cheval fut consacré au soleil et devint par extension symbole de la
lumière. Voyez note de la Préface, page 1.
118 DICTIONNAIRE

mier état du ciel, le jour triomphe dans sa marche de la nuit, c’est-à-dire depuis

le solstice d’hiver correspondant au zéro du belier, signe dans lequel les astro-

logues plaçaient Y exaltation du soleil, jusqu’au solstice d'été, correspondant au

zéro de la balance, signe dans lequel ces mêmes astrologues plaçaient la dégra-

dation de la lumière (1); et pour bien déterminer que l’extrémité de la cuisse du

cheval correspond au zéro du belier, les astrologues de Tentyris ont eu soin de

représenter en petit le belier zodiacal qui touche la cuisse du cheval de sa partie

postérieure,

* -

laquelle correspond au zéro du signe.

La création ayant été terminée avec les six temps du règne de Dieu, c’est-à-

dire lorsque le solstice d'été correspondit au zéro de la balance (2), on s’explique

pourquoi tous les astrologues s’accordent à dire que lors de la création, ou plus

exactement à l’instant où la création fut terminée, le belier céleste occupait le mi-

lieu du ciel , ce qui lui valut le nom de Mesomphalos que lui donne Nonnus (3).

La fin du monde, le jugement dernier, et le règne de Dieu, qui doivent arriver,

selon les dogmes astrologiques des Egyptiens, lorsque le solstice d’été, parvenu au

zéro du belier, aura fait le tour du zodiaque et accompli ainsi la grande période

de 24-000 ans, étaient des vérités qu’on ne présentait jamais que sous le voile

de l’allégorie. Aussi les initiés disaient-ils en langage mystique que la fin de toute

chose terrestre et la résurrection de toute chose céleste devaient avoir lieu lorsque

/Toan (
soleil du solstice d'été dont nous avons fait S. Jean-Baptiste )
aurait rejoint

(1) Sol exaltalur in ariete, dejicitur in libra. (Firm. L. 2, c. S).

(2) Les astrologues cabalistes distinguaient plusieurs créations : la plus fameuse, la primitive, celle

pour laquelle on avait la haute autorité d ’Esculape et qu’on appelait l’égyptienne, était précisément

celle qui remontait à la balance. ( Vide Scalig. Not. ad Manil. lib. i , vers. 125 ; Scholiast. Tetrabibl.

Ptolern. ).

(3) Mejo/xyoàoî , adj .


qui signifie ce qui est situé au milieu. Nonn. Diony, lib. 1 ,
vers, 181.
DES HIÉROGLYPHES. 119

/'Iesou primitif le solstice d’hiver correspondant au zéro du belier ). Pour figurer


(

la fin du monde, les astrologues représentaient Ioan avec le belier;

le christianisme représente aussi S. Jean-Baptiste avec un agneau (petit belier) (1).

La vierge, constellation que le solstice d'été entama immédiatement après la

création (2), en vertu du mouvement rétrograde du ciel des fixes, devint aussi le

symbole du solstice d'été (3). On se servait généralement de cette vierge pour in-

diquer sur un zodiaque le solstice d’été correspondant aux différents états du ciel

qu’ils représentaient. Ainsi, sur le Zodiaque circulaire de Dendérah où sont dé-

terminés les quatre âges du inonde, l 'âge d’or ayant duré pendant tout le temps

que le solstice d’été se trouva dans la constellation de la vierge, c’est-à-dire 2160

ans, cette vierge est représentée tenant l'épi d’or à la main.

liage d’argent ayant commencé lorsque le solstice d’été entama la constellation

(O Anubis ou mieux Anibis (a), homme à tête de chacal (voyez Chacal ) ,


était aussi le symbole du
solstice d'été. Les Grecs ayant fait A' Anubis leur Hernies , et les Latins leur Mercure , la même croyance

astrologique sur la fin du monde qui ,


fit consacrer le belier à Y Ioan, le fit aussi consacrer à Anubis ,

à Hermes, et à Mercure. On s’explique alors pourquoi Mercure se trouve, dans les pierres gravées qui

servaient d’amulettes , tantôt monté sur le relier, tantôt à côté du belier, et quelquefois même portant

une tête de belier dans sa main. Ces pierres gravées étaient des tessères qu’on donnait aux initiés

d’Eleusis , comme dans les premiers temps du christianisme on donnait aux nouveaux baptisés un agnus

Dei en cire. Fuit consuetudo dandi baptizatis in cerâ consecratâ imagines agnis cælestis (Guilell. Duran-

tus in ration, divin, offic. ).

(2) Le solstice d’été correspondait au zéro de la balance lorsque Dieu céda à l’/iomwiel’empiredelaterre.

(3) Voyez Ibis.

(a) An -enfant, uns- d'ibis, nom de la vierge céleste.


120 DICTIONNAIRE

du lion, et n’ayant duré que 1080 ans, c’est par une vierge tenant Orus blanc ou

d’argent

o*
que se trouve indiqué le commencement de cette époque.

L’âge d’airain, dont la durée fut de 2304 ans, ayant commencé lorsque le

solstice d’été correspondit au 15 e degré du lion, c’est encore par une vierge

tenant les cymbales égyptiennes d’airain (1)

que le commencement de cet âge se trouve déterminé.

Enfin, Y âge de fer, qui doit durer 7416 ans, ayant commencé lorsque le solstice

d’été fut arrivé au 17 e degré du cancer, c’est par la vierge guerrière (2) tenant

l’arc et prête à décocher la flèche

que se trouve indiqué le point du ciel où correspondait le solstice d’été lorsque

cet âge terrible commença.

(1) Raban Maure ( Comment, in Judith.) compare ces cymbales à de petites bouteilles (
phiolæ parvis-

simæ) ,
et Pline (lib. 23, cap. ult.) à des cuisses ( coxendicibus).

(2) Dans les textes hiéroglyphiques cette vierge est toujours représentée avec la coiffure militaire.

Cette vierge militaire est placée sous le lion dans le Zodiaque de Dendérah ,
parce que le cancer se

trouve précisément ,
dans ce zodiaque ,
sur la tête du lion ( voyez Cancer ).
;

DES HIÉROGLYPHES. 121

Si nous voulions aujourd’hui indiquer l’état de notre ciel en suivant la méthode

égyptienne, nous placerions la vierge guerrière entre les gémeaux et le taureau,

car le solstice d’été vient d’abandonner la première de ces constellations. Les

Egyptiens, pour préciser l’époque à laquelle le monde doit finir, disaient dans

leur langage mystique : Lorsque la vierge (symbole du solstice d’été


)
aura enfanté

le belier dont les chrétiens ont fait leur agneau ),


le règne de Dieu cojnmencera;
(

car la fin du monde doit arriver, comme nous l’avons déjà dit, lorsque le solstice

d’été correspondra au zéro du belier. Le solstice d’été étant symboliquement

représenté par la vierge, qui se trouve placée entre le belier et les pojssons,

dans les zodiaques représentant l’état futur du ciel lors de la fin du monde et le *

belier zodiacal couché , tel qu’on le voit dans le Zodiaque circulaire de Dendérah,

se trouvant alors aux pieds de la vierge, ce belier semble être le produit dont la

vierge vient d’accoucher.

Les Egyptiens disaient encore dans ce même langage mystique : Lorsque l’union

de la vierge et du belier sera consommée, la fin du monde arrivera pour dire la

fin du monde arrivera lorsque le solstice d’été, représenté par la vierge, corres-

pondra au zéro du belier, c’est-à-dire aura dépassé cette constellation. Il s’agirait

plutôt ici d’un divorce que des noces de la vierge et de /'agneau dont nous parle

l’Apocalypse.

On exprimait aussi en écriture symbolique qu’une constellation avait été dépas-

sée par un solstice ou par un équinoxe, en représentant le symbole de cette

constellation égorgé. Aussi les Egyptiens disaient-ils : Lorsque le sang du belier

sera répandu, le règne de Dieu commencera ; pour dire : Lorsque le solstice d’été

aura dépassé la constellation du belier, le règne de l’homme sera fini.

Ainsi donc la jonction d'IoAN et de /’Xesou primitif, l’ enfantement du belier par

la vierge, la fin de l’union de la vierge et du belier, et la mort du belier, ne sont

que l’expression mystique du phénomène céleste qui, dans 4320 ans, doit déter-

miner la fn du monde selon les croyances astrologiques des Egyptiens. Le


mithraïsme et le christianisme, fondés sur les dogmes religieux de l’Egypte,
16
, ;

122 DICTIONNAIRE

ont avancé cetle fin prétendue du monde j’expliquerai au mot Boeuf les erreurs

astrologiques qui ont donné naissance aux fables de Mithra et de Jésus.

On rencontre encore dans la Haute Egypte, à l’entrée des temples, les statues

colossales du belier zodiacal ayant devant lui la vierge, symbole du solstice d’été.

Le temple étant sur la terre la représentation matérielle du ciel où Dieu règne

éternellement, et le règne de Dieu devant arriver pour la terre lorsque le solstice

d’été correspondra au zéro du belier, on s’explique pourquoi les Egyptiens pla-

çaient le belier avec la vierge devant la porte du sanctuaire.

On trouve dans Montfaucon (1) la gravure d’un monument égyptien qui paraît

remonter seulement aux derniers temps de la domination des Perses, et qui nous

représente un tableau de la fin du monde. On voit dans une grotte mithra'ique le

soleil de justice éternelle prêt à brûler le belier zodiacal , trois fois répété, sur trois

bûchers composés chacun de dix bûches. Les trois bûchers font allusion aux trois

décans, et le nombre de bûches aux dix degrés dans lesquels se subdivise chaque

décan, le tout est supporté par sept vases qui font allusion aux sept planètes. A
droite sont les élus qui tendent avec confiance leurs mains vers le soleil de justice;

sur leur tête se trouvent les symboles de la vie, tels que Y ibis (2) et le scara-

bée (3). A gauche sont les réprouvés, hommes sans tête (4), qui tournent le dos

(1) Jntiq. expliq. Supplem. tome 2, page 50, pl. SI.

(2) Voyez Ibis.

(5) Voyez Apis ,


page 28. Le scarabée ,
symbole de la vie ,
comme la croix et le phallus ,
était porté au
cou par les Egyptiens comme amulette, de préférence aux autres symboles. De nos jours, dans la

Haute Egypte ,
le scarabée ( scarabœus thebdicus ) qui est le premier animal qu’on trouve vivant lorsque
le Nil abandonne les terres qu’il a inondées, est encore regardé comme un emblème de résurrection.

(4) Les réprouvés , ceux-là qui doivent être condamnés à Y anéantissement lors de la résurrection gé-

nérale , étaient représentés décapités. Les peuplades sauvages de l’Amérique employaient la même
,

DES HIÉROGLYPHES. 123

au soleil du jugement, et qui semblent fuir sa lumière comme la chouette, symbole

des ténèbres, qui se trouve au-dessus d’eux.

Cette idée de la fin du monde qui doit arriver, selon les principes de la haute

astrologie, lorsque le belier zodiacal sera consumé par le solstice d’été, est rendue

par le belier mort qu’on retrouve sur les monuments, et surtout par les têtes

décharnées de belier

qu’on plaçait aux angles de l’autel où l’on conservait le feu sacré de Pht ha (1).

Sur le bandeau de toutes les portes d’entrée des tombeaux sacrés de Eiban-

el-Molouk on trouve un disque jaune, symbole du soleil, dans lequel est figuré

un amoun (
homme à tête de belier )
qui, dans cette circonstance, remplace le

belier zodiacal comme dans les planisphères de la cabale. C’est ia représentation

du soleil de justice suprême qui doit se lever lorsque le solstice d’été correspondra

au zéro du belier.

La résurrection générale des morts devant avoir lieu précisément à la même


époque, on retrouve toujours sur ces mêmes bandeaux le Saint auquel la tombe

était consacrée, adorant le soleil de justice qui doit le rappeler à la vie et le faire

jouir de la béatitude céleste pendant les six temps du nouveau règne de Dieu.

expression symbolique pour représenter les vaincus tués à la guerre. (Voyez Mémoires des Sauvages

américains comparés aux mœurs des premiers temps par le P. Lalitau ).

(1) Le même principe astrologique fit que les Grecs placèrent des têtes décharnées de belier sur la

frise des temples. La victime étant consumée , il ne reste que les ossements décharnés et blanchis : aussi

les architectes avaient-ils soin de sculpter toujours en marbre blanc, ou du moins en pierre blanche,
ces têtes décharnées de belier.
, , , ,

m DICTIONNAIRE

Quelquefois aussi ce soleil de justice est représenté par un disque jaune dans

lequel est un grand scarabée ailé symbole de la vie universelle et de Y intelligence

suprême (1).

Enfin on trouve la même idée astrologique exprimée par un scarabée à tête de

belier, surmonté du disque solaire placé entre deux basilics, symboles de la lu-

mière, avec les tau ansés (2), symboles de la vie éternelle,

mais seulement sur les monuments qui ne sont pas antérieurs à la domination

romaine.

Le règne de Y homme devant finir et celui de Dieu recommencer lorsque le

solstice d’été correspondra au zéro du belier, les initiés célébraient ce mystère

astrologique, qu’ils appelaieut la transition (3), en égorgeant et en brûlant sur

l’autel de Phtha un belier lorsque le soleil entrait dans la constellation qui porte

ce nom. Le pain, principale nourriture de l’homme, étant le symbole de la vie, le

sel gemme étant celui des misères de la terre (4), le pain salé devenait alors le

symbole de la vie terrestre qui est remplie d’amertume. Le pain sans sel, au con-

traire, était le symbole de la vie céleste qui doit être exempte de tribulations. Le

(1) Voyez Apis, page 28.

(2) Voyez Ane, page 10.

(3) riD2 (fse) fase c’est-à-dire passage ,


transition, mutation d’où les phases de la lune. Phase, id

est transitus Domini (Exode xu. 11.).

(4) Voyez note 2 de la page 4. Le sel étant le symbole des misères de la terre le sel répandu était en
Egypte d’un fort mauvais présage. Cette superstition s’est conservée jusqu’à présent, et j’ai connu un
esprit fort qui pâlissait lorsqu’on renversait une salière devant lui. Socrate avait foi dans les présages

de l’éternument ;
tous les sages ici-bas ont un grain de folie.
, ;, , ,

DES HIÉROGLYPHES. 125

levain germe et symbole de corruption n’entrait pas non plus dans la composi-

tion de ce pain mystique dont les initiés faisaient leur unique nourriture pendant

tout le temps que le soleil se trouvait dans la constellation du belier.

Les initiés portaient sur leur poitrine, suspendu par une belier e, le belier

mystique

devenu symbole de résurrection, c’était l’insigne de la haute initiation-, les initiés

vulgaires ne portaient à leur cou que le scarabée la croix, ou le phallus. Aussi

reconnaît-on la momie d’un grand prêtre lorsqu’on trouve le belier ou la tête de

belier comme pectoral sur son gabar.

Pluche veut que le belier ait été placé dans la première division du zodiaque

par les Chaldéens, parce que, X équinoxe du printemps correspondant à cette

constellation, les premiers astronomes voulaient indiquer par là l’époque de l’an-

née où les brebis mettent bas mais alors il me semble qu’il eût été plus rationnel

de figurer dans cette constellation une brebis ou un agneau.

Dupuis, qui fait du belier le signe de X équinoxe d’automne, nous dit que « le

« Nil rentrant dans son lit peu de temps après cet équinoxe, le sol nouvellement

« découvert ne présente qu’un limon gras qui n’a point encore de consistance

« pour qu’on y imprime le soc de la charrue : aussi laissait-on la terre s’affermir

« après la retraite des eaux, suivant Diodore; et, pendant ce temps, l’Egyptien

« voyait croître l’herbe verte, et les troupeaux pouvaient déjà y trouver une

« abondante pâture. On lâchait donc les troupeaux, et leur entrée aux pâturages

« fut marquée dans les deux par l’image d’un belier ou du chef du troupeau ».

À cela je répondrai que les Egyptiens ne furent jamais des peuples pasteurs, mais

bien des peuples agriculteurs et que, à l’exception des porcs, il est impossible

de lâcher d’autres animaux sur les terres limoneuses de l’Egypte immédiatement

après leur inondation.


. 126 DICTIONNAIRE

RÉCAPITULATION.

Le BELIER ,

une tête de belier,

ou des cornes de belier,

se traduisent par chef, maître, guide, ou même quelquefois par roi, lorsque le

sceptre se trouve à côté,

et par juge suprême lorsqu’on voit au-dessous le bras plié figurant la coudée.

Le belier courant,

debout,

ou accroupi,

reg ardant derrière lui, se traduit par constellation du belier. Une tête de belier

à l’extrémité d’une barre


DES HIÉROGLYPHES. 127

est sur les monuments égyptiens l’abréviation du belier zodiacal , et les cornes de

BELIER

T
peuvent devenir l’abréviation du même symbole, mais seulement dans les hiéro-

glyphes cabalistiques.

Le belier ayant sur sa tête le disque solaire entre les cornes de taureau

est une expression hiéroglyphique du solstice d’hiver.

Un belier blanc est, comme le cnef, le symbole de Y intelligence suprême. Un


homme blanc à cornes de belier est aussi la personnification de cette même intel-

ligence. Lorsqu’on trouve un homme bleu à tête de belier, le bleu étant la couleur

de Yabym qu’on aperçoit à travers le cristal du ciel, cet homme auquel on adjoint

ordinairement un symbole de la vie universelle , tel que la croix ansée, est alors

le symbole exprimant l’idée de Dieu, qui se compose de Fintelligence suprême, de

la vie universelle, et de la matière infinie, selon la croyance du cuite primitif.

Dans le triangle (1), symbole du Dieu grand, fort, et immortel, chaque coté est

affecté à l’un des trois principes qui composent la divinité toute entière.

À
//
INTELLIGENCE.

(1) Voyez la note 4 de la page 53.


,

128 DICTIONNAIRE

BOEUF.
Le boeuf qui, chez les Egyptiens, labourait les terres, battait le blé, voiturait

les récoltes, faisait tourner les roues hydrauliques qui transportaient les eaux du

Nil dans les canaux destinés à l’irrigation des terres, le boeuf, travailleur par

excellence, devint le symbole du travail en Egypte.

Il 11e faut pas confondre le boeuf avec le taureau, comme la plupart des sa-

vants (1). Le taureau, animal indomptable (2), était pour les Egyptiens, selon sa

couleur (
3 ), le symbole de l’élément auquel rien ne résiste, c’est-à-dire de Y eau

de l’abym ou de Veau de la mer.

(1) J ai trouvé souvent cette phrase : Le bœuf Apis était un vigoureux taureau; c’est absolument
comme si l’on disait : Ce cheval hongre est un vigoureux étalon.

(2) On peut dompter le cheval entier, mais pour le taureau, dès qu’il est pubère, il devient intrai-
table ;
ni force ni douceur ne peuvent rien sur lui.

(5) Un taureau roux consacré à Typhon , et qu’on immolait à cette divinité malfaisante (roù? nvppoùç

fio'jç a\)yyjj>p-ri{)ri'ju.i ÔÔEtv ,


oi« ro So-xeîv toioôtov tw y_pùp.a.Ti ysyot/évou. Diod. Sicul. lib. t ,
Sect. 2 ) ,
était le Sym-
bole de la mer qui ,
avec le désert, composait l’empire du mauvais principe. Un taureau noir était le

symbole de l’eau de l’abym, c’est-à-dire du débordement ,


qui féconde la terre d’Egypte (a). Une vache
rousse était le symbole de Nephihis (
le désert ) , épouse stérile de Typhon ,
qui ne pouvait être fécondée

que par son adultère avec Osiris (


le débordement )
dont l’épouse légitime ( l’Egypte ) était symbolique-

ment représentée par une vache noire. Lorsque le Pharaon (Genèse, chap. xu, vers. 2 et suiv. ) songea

qu’étant auprès d’un fleuve, il voyait sept jeunes vaches, belles et grasses, qui en sortaient et qui

furent bientôt dévorées par sept autres vaches, maigres et laides, qui en sortirent aussi; la vache étant

le symbole de la terre d’Egypte ,


Joseph dut comprendre qu’il s’agissait ,
dans ce songe , de la terre

d’Egypte qui sortirait pendant sept fois de dessous les eaux du débordement, belle et grasse de limon

tandis que sept autres fois elle en sortirait maigre et stérile , ce qui , en définitive ,
annonçait sept an-

nées d’abondance suivies de sept années de disette. En outre, les vaches maigres dévorant les vaches

grasses signifient clairement que le superflu des années d’abondance serait absorbé par les années d«

disette.

(a) II est à remarquer que le taureau noir est précisément le symbole de l’eau rouge ,
car telle est la couleur des eaux

du Nil lorsque ce fleuve déborde; tandis que le taureau roux est au contraire lc symbole de l’eau noire, selon l’épithete

qu'IIomère donne toujours à la mer.


. ,

DES HIÉROGLYPHES. 129

Le nom du boeuf en égyptien est soür (1).

Les Egyptiens bistournaient le taureau pour en faire un boeuf; de là vient qu’il

est très-difficile de les distinguer l’un de l’autre dans les textes hiéroglyphiques.

Sur les monuments dus au ciseau grec on peut observer cependant que le taureau

est plus grand et moins gras que le boeuf,

iSR
mais il vaut mieux s’en rapporter au sens de la phrase symbolique, lorsqu’on tra-

duit, qu’à cette observation qui pourrait souvent induire en erreur. Comme les

symboles affectés au taureau tel que le disque solaire entre les cornes, par

exemple, peuvent aussi être affectés au boeuf, ces symboles ne servent nullement

à les différencier; néanmoins le tau anse suspendu au cou du taureau

ou placé devant lui.

le distingue d’une manière positive d’avec le boeuf, auquel on n’affecte jamais ce

symbole

Le boeuf, symbole du travail dans les hiéroglyphes purs de la Haute Egypte,

finit par devenir celui du labourage dans les derniers temps, c’est-à-dire vers la

fin du règne des Ptolémées, mais seulement dans la Basse Egypte (2), et le

(1) (sIiur), sour.

(2) Horus-Apollon (a), qui donne ordinairement aux hiéroglyphes la valeur arbitraire qu’ils avaient

dans la Basse Egypte, considère cependant le boeuf et les abréviations symboliques du boeuf comme
symboles du travail.

(
a ) Liv. ii, hiéroglyphe 17.

17
, ; ,

130 DICTIONNAIRE

travail fut alors symboliquement représenté par un âne (Y). Dans les hiéroglyphes

purs l’idée de travail étant exprimée par l’image d’un boeuf, l’idée de labourage

est rendue par celle d’un porc (2).

Le porc, symbole du labourage était consacré à Ert (


la terre fertile
) (3), et

lorsque le boeuf eut la même valeur symbolique dans la Basse Egypte, il fut aussi

consacré à la terre de là vient que les Grecs consacrèrent le porc et le boeuf

à Cérès.

Comme nous ne nous occupons que de la valeur première des hiéroglyphes,

nous ne considérerons ici le boeuf que comme symbole du travail.

Lorsqu’on trouve Yépervier, symbole du soleil , monté sur le boeuf,

(4) Philon (a), s’appuyant sur un proverbe (l’Alexandrie : Tlâv Sixvoîyov pirpav ovou, àXki feiç npoSartp-

qu’il explique par : navra novav xvrïx.arxXXxTT ou npoMna; ’


considère l’âne comme le symbole du travail,

et la brebis comme celui du profit, la valeur symbolique de la brebis étant fondée sur le double sens

du mot npoêarov qui signifiait chez les Grecs d’Alexandrie brebis et profit ; car ils donnaient parfois à

npiêarov la signification de n po6aa-iç, c’est-à-dire le produit qu'on retire des troupeaux. On voit par là

que la valeur des symboles s’appuyait souvent, dans la Basse Egypte ,


sur des jeux de mots ,
et consti-

tuait une écriture hiéroglyphique qui a beaucoup de rapport avec nos rébus, tandis que l’écriture hié-

roglyphique pure est une science fondée sur l’observation de la nature ou sur des conventions qui

pouvaient convenir à toute l’Egypte. Ainsi le boeuf qui, dans la Basse Egypte, servait à labourer les

terres, tandis que dans la Haute Egypte il ne servait qu’à traîner les fardeaux, pouvait bien être le

symbole du travail dans ces deux contrées : mais il ne pouvait pas être pour les Thébains le symbole
du labourage.

(2) Voyez Porc.

(3) Ert et ses inversions Ter et Tre sont les noms mystiques de la terre fertile, c’est-à-dire de

V Egypte, tantôt représentée sous la figure d’une femme, la tête couronnée de trois gerbes, tantôt sous

celle d’une vache noire, et le plus souvent sous celle d’une lionne couchée (voyez Sphinx). Il paraît que
le culte d’ERT, comme celui d’Isis, s’était autrefois répandu jusque dans la Germanie. (Tacit. fier-
mania ).

(a) De sacrif Abel


. , et Caïn .
DES HIÉROGLYPHES. 131

c’est le soleil surmontant le travail, c’est-à-dire parvenu au terme de son travail,

qui consiste dans son ascension lorsqu’il remonte vers le nord, en définitive, le

soleil surmontant le travail n’est autre que le soleil parvenu au solstice d’été. Ce

groupe hiéroglyphique est donc l’expression du solstice d’été, et voilà pourquoi on

le retrouve entre la vierge et la balance dans le Zodiaque circulaire de Dendérah,

le solstice d’été correspondant au zéro de la balance dans le premier état du ciel.

Mais si, au lieu d’un simple épervier, on trouve Yépervier avec la coiffure royale,

cet épervier désigne alors le soleil royal, c’est-à-dire le soleil qui doit éclairer le

règne de Dieu. A côté de cet épervier on trouve ordinairement le basilic,

symbole de la lumière, qui, avec le tau ansé,

symbole de la vie éternelle (1), est l’expression


T de la lumière éternelle que répan-

dra le soleil royal.

Un roi assis sur son trône, le sceptre (2) à la main.

(1) Quelquefois ce basilic, dans lequel est enfilé le tau ansé, se trouve accroché par la queue au

disque solaire ;

±
c’est ainsi qu’on le retrouve sur les obélisques de Louqsor.

(2) Le sceptre des rois égyptiens avait la forme du Pedum, car ils étaient considérés comme étant

ou devant être les pasteurs de leurs peuples.


,,

132 DICTIONNAIRE
rend iconographiquement l’idée de roi et par extension celle de royauté. Le bras

figurant la coudée et tenant le sceptre à la main

était un symbole composé de justice et de puissance, attributs de la royauté chez

les Egyptiens, et par suite l’abréviation du précédent hiéroglyphe.

Si ce bras est sous le boeuf,

ces deux symboles ainsi placés expriment l’idée de travail royal. Par travail

royal les Egyptiens entendaient la recherche de la pierre philosophale lorsqu’il

s’agissait d’alchimie, et le mouvement rétrograde du ciel des fixes lorsqu’il s’agissait

d’astrologie.

Lorsqu’on voit sur les obélisques, où il s’agit toujours d’astrologie (1), Xépcr-

(1) Les obélisques sont des monuments astrologiques, et non pas des monuments historiques, comme
l’ont prétendu Diodore, Hermapion, Champollion, etc. Si les obélisques étaient des monuments histo-

riques, je demanderais 1° pourquoi les Egyptiens préférèrent-ils graver les grands événements qu’ils

voulaient transmettre à la postérité sur les faces étroites des obélisques plutôt que de les consigner

avec leurs écritures symboliques sur les parois des temples et des palais? 2° pourquoi les Egyptiens qui

tenaient tant à la symétrie, comme nous l’attestent tous leurs monuments, plaçaient-ils toujours côté

à côté deux obélisques de grandeur inégale, car tels étaient les deux obélisques d’Héliopolîs qu’Auguste
fit enlever, les obélisques de Louqsor, etc.? 3° pourquoi sur certains obélisques, l’obélisque d’Hélio-

polis par exemple, trouve-t-on les mêmes hiéroglyphes reproduits sur les quatre faces? et 4° enfin

pourquoi ,
si les obélisques sont des monuments spécialement affectés à reproduire des faits historiques

pourquoi, dis-je, trouve-t-on tant d’obélisques sur lesquels on ne voit ni lettres ni hiéroglyphes?

Pline (
lib. 36 ,
cap. 8 )
attribue l’invention des obélisques à un certain Mythrès ,
roi d’Héliopolis :

Promus omnium id instituit Mythrès; quia in solis urbe regnabat , somnio jussus ,
et hoc inscriptum est

in eo. Ce Mythrès dont le nom a tant de rapport avec Mithra (


l’équinoxe du printemps personniBé )

et auquel il fut ordonné en songe d’élever un obélisque précisément parce qu’il régnait dans la ville

du soleil, ne ressemble-t-il pas beaucoup à un personnage allégorique? L’obélisque était appelé par
, , ,

DES HIÉROGLYPHES. 133

vier couronné et le basilic avec le tau anse surmontant le boeuf, au-dessous

duquel se trouve le bras figurant la coudée et armé du sceptre

on doit traduire ces hiéroglyphes par soleil de Dieu et lumière éternelle surmon-

tant le travail royal c’est-à-dire le mouvement rétrograde du ciel des fixes.

les prêtres égyptiens rayon (a) ou doigt du soleil; lorsque Auguste fit transporter à Rome les deux obé-

lisques d’Héliopolis ,
qu’il fit dresser l’un dans le grand Cirque et l’autre dans le Champ de Mars ,
il

consacra le dernier au soleil, comme l’indique l’inscription : Cœs. D. F. Augustus Pont. max. Imp. XII.

cos. XL Trib. Pot. XV. Ægypto in potestatem populi rom. redact. SOLI DONUM DEDIT. Lorsque

Constance fit transporter à Rome le grand obélisque dit de Ramsès que Constantin avait déjà enlevé à

Héliopolis et qu’il destinait à l’embellissement de sa nouvelle capitale, cet obélisque, placé dans le

grand Cirque à côté de celui qu’Auguste avait déjà fait élever, fut consacré au soleil , l’obélisque d’Au-

guste étant déjà consacré à la lune. Cassiodore, qui nous apprend cette particularité ,
ajoute que sur ces

obélisques on y trouve des figures chaldaïquesqui marquent les choses sacrées des anciens Egyptiens. Or,
comme dans le bas empire on appelait tout caractère astrologique des caractères chaldaïques, et que les

choses sacrées des anciens Egyptiens n’étaient autres que les dogmes astrologiques ,
il s’ensuit que Cassio-

dore, dont le témoignage a été rebuté par la plupart des savants, se trouve être, selon nous, celui qui a

rencontré le plus juste un sujet des obélisques. D’un autre côté, si l’on considère, comme le chevalier

Bruce ,
la projection constante vers le nord des pavés qui entourent les obélisques ,
la grandeur des carreaux

de granit parfaitement uni qui les composent, leur nivellement et leur solidité , on ne peut s’empêcher

de reconnaître avec le savant voyageur qu’ils furent destiaés à faire des observations astronomiques.

Si l’on mettait à découvert le pavé de Louqsor, on y trouverait des preuves irrécusables de ce fait.

Lorsque Ptolémée Evergètes ,


le protecteur d’Eratosthènes ,
fit élever l’obélisque d’Axum, il est plus

probable que cet obélisque fut destiné à vérifier les calculs d’Eratosthènes, comme le pense le chevalier

Bruce, que d’admettre qu’il fut destiné à conserver à la postérité le souvenir de quelque grand événe-

ment puisque
,
cet obélisque est tout uni , sans aucune espèce de lettres ni d’niéroglyphes. De tout cela

qu’on me permette dès à présent de conclure que les obélisques sont des monuments astronomiques
comme je le prouverai plus tard en expliquant leur destination, et non pas des monuments destinés à

éterniser des faits historiques.

(a) Pline nous dit que le mot obélisque signifie rayon en égyptien. Soit que ce mot vienne du grec o£i\o; broche) ou
(

de l’égyptien p’Say obliq) obeliq, ne signifie pas rayon.


>E
poutre), b grande pointe ),
p 73y signifie 3y
il
( [ ( ), p’ (

grande poutre pointue.


,

134 DICTIONNAIRE

Cette phrase obligée qu’on retrouve sur presque tous les obélisques (1) au-

dessous du pyramidion, et qui est même répétée autant de fois qu’il y a de

colonnes hiéroglyphiques sur chaque face de l’obélisque (2), n’est que l’exorde

naturel des prédictions astrologiques touchant les événements qui doivent signaler

la fin du monde. La fin du monde doit arriver, comme nous l’avons déjà vu,

lorsque, par le mouvement du ciel des fixes, le solstice d’été correspondra au zéro

du belier; alors le ciel de cristal, où sont attachées les étoiles qui servent à me-
surer ce mouvement, sera brisé, et le soleil, survivant seul à la débâcle univer-

selle, triomphera par conséquent du ciel et de la terre dont la vie est déterminée

par la grande révolution du ciel des fixes. Ainsi, dire que le soleil triomphe du

mouvement rétrograde du ciel des fixes, c’est dire que le soleil triomphe de la vie

de la terre, c’est indiquer la fin du monde ; partant de là, on peut traduire la

première phrase hiéroglyphique des obélisques par : Le divin soleil et la lumière

éternelle triomphant de la vie du monde, en d’autres termes, le monde finissant.

On trouve ordinairement le boeuf et le bras avec quelques autres hiéroglyphes

renfermés dans un cartouche particulier aux obélisques, Yépervier et le basilic

étant alors posés sur le cartouche. Cette séparation des symboles ne change rien

ici au sens de la phrase (3), et les différents hiéroglyphes qui peuvent se trouver

(1) Ces hiéroglyphes ne se trouvent pas sur certains obélisques, tel que celui d’Héliopolis par
exemple; cependant ori y trouve toujours Yépervier couronné surmontant d’autres symboles qui revien-
nent, pour le sens, à ceux dont nous parlons.

(2) L’obélisque de Louqsor, qui est à Paris, ayant sur chacune de ses faces trois colonnes d’hiéro-
glyphes, chacune de ces colonnes est surmontée des symboles dont il est ici question.

(3) C’est ainsi que le papillon piu

symbole de Yâme ,
reposant sur le cartouche où est écrite la sentence du mort dans le papyrus que
tient le scribe céleste (voyez page 98, note 1 ),
DES HIÉROGLYPHES. 135

sous le boeuf confirment notre traduction. Soit le cartouche qui surmonte la

troisième colonne de la face nord de l’obélisque de Louqsor (1).

Le lion

étant le symbole de Yabym recouvrant la terre d’Egypte, c’est-à-dire le symbole

du débordement et par suite de Y eau en général, une tête de lion

sera l’abréviation du lion tout entier et exprimera, comme lui, l’idée d’eau en gé-

néral (2). Deux têtes de lion, placées l’une sous l’autre,

se traduit avec les hiéroglyphes qui sont au-dessous, absolument comme s’il était dans le cartouche :

âme ténébreuse elle est.

(1) La face de cet obélisque, maintenant dressé sur la place de la Concorde à Paris , est tournée vers

l’arc de triomphe de la barrière de l’Etoile.

(2) On donne toujours aux symboles isolés leur valeur hiéroglyphique la plus générale : ainsi lï&is ,

qui est aussi le symbole de Yabym recouvrant la terre d’Egypte, c’est-à-dire du débordement et par
, , , , ,

136 DICTIONNAIRE

se traduiront par eau , eau, c’est-à-dire eau double. Or nous avons vu (1) que les

Egyptiens disaient que l’eau était double lorsque le Nil était à plein bord ou prêt

à déborder ; et comme tout ce qui rappelait en Egypte l’idée de plein bord du Nil,

rappelait aussi l’idée de solstice d’été, car c’est à ce solstice que le débordement

commence, par extension, les deux têtes de lion peuvent exprimer l’idée de solstice

d’été.

suite de l’eau en général ,


signifie eau pris isolément. Pour qu’il puisse signifier débordement ,
il faut

qu’il soit répété trois fois

afin de désigner l’eau triple (a), ou qu’il soit placé sur le vase sacré comme on le trouve devant le

premier génie de la balance :

car alors cet ibis exprime l’idée d’eau surmontant le vase absolument comme le caractère iconogra-

phique de l’eau

ainsi que nous l’avons déjà vu (


Préface, page xxj ). Un lion placé sur le vase sacré

exprime aussi l’idée de débordement; mais de même que le taureau ,


['aigle, le lion, etc., symboles de
l’eau infinie dans laquelle les Egyptiens supposaient le monde plongé, ont une nuance symbolique qui
diffère dans l’écriture sacrée (b), de même le lion, quadrupède fort et courageux, sera l’expressiou

d’un fort débordement tandis que Yibis, oiseau faible et timide, sera au contraire celui d’un faible

débordement ; le débordement ordinaire étant figuré par le caractère iconographique de l’eau ; bien

entendu lorsque ces symboles seront placés sur le vase.

(1) Préface, page xxij.

() Voyez Préface, page xxij et suiv.

() Voyez note petit-texte de la page 30.


, ,

DES HIÉROGLYPHES. 137

Le sceptre

est le symbole de la puissance et par suite de la royauté.

Le CHACAL

est le symbole des ténèbres (1). Une tête de chacal

sera l’abréviation du précédent hiéroglyphe. Un sceptre à tête de chacal

sera par conséquent l’expression symbolique de la royauté des ténèbres ou du

règne des ténèbres. Or, le règne des ténèbres ayant commencé en même temps que
celui de l 'homme, c’est-à-dire lorsque le solstice d’été correspondit au zéro de la

balance (2), et devant finir lorsque ce même solstice correspondra au zéro du

belier; le cartouche de l’obélisque de Louqsor se traduira par : Le divin soleil et

la lumière éternelle surmontant le mouvement du ciel des fixes, qui lui-même

surmonte le débordement et le règne des ténèbres en d’autres termes : Le

(1) Voyez Chacal.

(2) La vie du monde se divisant en deux règnes ,


celui de Dieu et celui de Vhomme ,
le règne de Dieu
était dit le règne de la lumière ,
du bien, d’Yezàd ou d’Ormùzd chez les Perses , et le règne de l’homme ,

par opposition à celui de Dieu, était dit le règne des ténèbres, du mal, ou d’Ahrîman; et c’est à partir

de la balance que les ténèbres pénétrèrent dans le monde , selon le Gjâvidân Chrâd c’est-à-dire le livre

de ia sagesse éternelle attribué à Zoroastre.

18
, , ,

138 DICTIONNAIRE

divin soleil et la lumière éternelle triomphant de la vie du monde et du règne des

ténèbres au solstice d’été. suivent ensuite les prédictions apocalyptiques des as-

trologues de la Thébaïde.

Quelque difficulté qu’offre la traduction des hiéroglyphes qu’on retrouve sur les

grands monuments ,
tels que les obélisques, lorsqu’on n’est pas familiarisé avec

les expressions astrologiques des Egyptiens; j’ai cru néanmoins devoir traduire un

cartouche de l’obélisque de Louqsor, où se trouve le boeuf, symbole du travail,

pour faire comprendre plus tard l’erreur astrologique à laquelle est due l’origine

du mithraïsme, religion qui précéda de 2160 ans le christianisme, qui, d’ailleurs,

n’est lui-même que le mithraïsme corrigé par l’école d’Alexandrie.

CONSTELLATION DU BŒUF.
i V ci • *
. »

La végétation est extrêmement prompte en Egypte. On commence à semer

l’orge et le blé vers la fin d’octobre, et l’on continue pendant tout le mois de

novembre : en décembre et janvier on sème les lupins, les fèves, le lin, le riz,

etc. ;
puis en mars on récolte déjà les orges et les blés; de telle sorte que, dans

la fertile Egypte, il n’y a pour l’agriculteur qu’un mois de repos celui de février

pendant lequel la végétation se développe.

Comme la température de l’Egypte n’a pas varié depuis 8600 ans, et que la

nature du sol est toujours la même ;


il
y a 8600 ans que le second mois, à partir

du solstice d’hiver qui correspondait alors au zéro du belier, dut être considéré

par les premiers astronomes comme le mois du repos. Ces mêmes astronomes qui

divisèrent le zodiaque en douze constellations égales ou qui, du moins, affectè-

rent des symboles à chacune de ces constellations, figurent donc, dans la

seconde division du zodiaque où se trouvait le soleil pendant le mois du repos

le symbole de Ja cessation du travail, lequel n’est autre que le boeuf bondissant

ou couché.

Le boeuf est le symbole du travail lorsqu’il travaille ou lorsqu’il est sensé ira-
DES HIÉROGLYPHES. 139

railler, et alors on le représente, dans les textes hiéroglyphiques, marchant au

pas ;

mais si l’on représente le boeuf bondissant, dans les pâturages , c’est alors le sym-

bole du travail en récréation ou de la cessation du travail; aussi le boeuf, dans

les zodiaques égyptiens, est-il toujours représenté j oyeux, et non pas furieux ,

comme l’a prétendu le savant Dupuis (1).

Dans le Zodiaque circulaire de Dendérah

et dans le Zodiaque rectangulaire d’Esné,

le boeuf courant est représenté tournant la tête, afin d’indiquer par là, d’une ma-
nière positive, qu’il ne court pas pour frapper, mais seulement pour courir.

Dans le Zodiaque rectangulaire de Dendérah le boeuf en repos se frotte le des-

sous de la mâchoire avec son genou,

et cette position indique qu il est absolument libre; car ce n’est pas sous le joug

(1) Dissertation sur le Zodiaque de Dendra.


, , , ,

UO DICTIONNAIRE

qu’il peut se donner cette petite jouissance ,


pour laquelle il paraît avoir une af-

fection toute particulière, comme on peut s’en convaincre en observant le boeuf

en liberté dans les pâturages.

Sur les médailles d’Antonin, frappées en Egypte, où le boeuf zodiacal se

trouve sur le revers, ce boeuf paraît être représenté au moment où, furieux il

creuse l’arène avant de s’élancer (1).

Mais il est une remarque à faire; c’est que le boeuf, lorsqu’il est contrarié ou en

colère porte toujours la queue basse et ne l’agite pas, ce qui est tout le contraire

des rétrogriffes ,
tels que le lion, le tigre, le chat, etc. Ainsi, dès l’instant où l’on

représente, comme sur les médailles d’Antonin, le boeuf agitant sa queue c’est une

preuve qu’il n’est pas irrité, et que par conséquent il s'amuse.

Dans un planisphère de la cabale, que nous a conservé Kircher et que Dupuis

a copié (2), on trouve une tête de boeuf

à la place du boeuf zodiacal tout entier. Mais comme les cabalistes savaient fort

bien qu 'une tête de boeuf était l’abréviation du boeuf, symbole du travail, et non

pas du boeuf en liberté dans les campagnes symbole de la cessation du travail,

alors, pour bien déterminer que cette tête de boeuf était l’abréviation du boeuf

(1) Sparsâ ad pugnam proludit arenâ.

(
Virg. Georg. lib. m. )

(2) Origine de tous les cultes. Atlas, pl. vi. Voyez aussi les planches correspondant au mot Zodiaque.
, , , ,

DES HIÉROGLYPHES. 141

bondissant dans les pâturages ils ont représenté au-dessus Pan, le dieu des ber-

gers, avec sa flûte et sa houlette (1).

Les Zodiaques de Dendérah et d’Esné n’étant pas antérieurs à la domination

romaine, on y trouve le boeuf bondissant ; mais sur les monuments astronomiques

remontant au règne des Pharaons, l’idée de cessation de travail est symbolique-

ment exprimée par le boetjf couché et ruminant

expression plus simple et plus naturelle que celle du boeuf bondissant pour rendre

l’idée de travail en repos ou de cessation de travail. Eudoxe ayant transmis aux

Grecs le zodiaque primitif des Egyptiens, et ceux-ci ne comprenant pas le motif

qui avait pu déterminer les inventeurs des symboles à représenter le boeuf couché

sur son large ventre (2) ,


de telle sorte que sa croupe obscure laissait même igno-

rer s’il était boeuf ou vache (3); les Grecs, dis-je, n’osèrent pas changer l’attitude

du boeuf zodiacal, tandis que les prêtres de la Haute Egypte, qui avaient conservé

la valeur symbolique de ce même boeuf, purent, sous les Romains, varier son

attitude en lui faisant toujours exprimer la même idée. Le boeuf couché ou, pour

(1) Pan primus calamos cerà conjungere plures

Instituit : Pan curât oves, oviumquc magistros.

(
Virgil. Eglog. ii. )

(2) Aratus ,
v. 166.

(5) Erathostes apud Germanie.


, , , ,

142 DICTIONNAIRE

mieux dire, la partie antérieure du boeuf couché

se retrouve encore sur nos sphères célestes.

Au lieu d’un boeuf tout entier, les cabalistes se bornaient généralement à pein-

dre une tête de boeuf dans la seconde division du zodiaque; de là vient l’abrévia-

tion dont nos astronomes se servent encore pour indiquer le signe du boeuf.

Les étoiles qui déterminent la position du boeuf dans le zodiaque égyptien sont

les Pléiades (1) et la brillante de l’épaule droite d’OtuoN (2).

L’explication détaillée que je viens de donner des différentes positions du boeuf

qu’on retrouve sur les zodiaques égyptiens, me paraît suffisante pour démontrer

que ce boeuf ne peut pas être un taureau. D’ailleurs, les bourses du boeuf dans

les Zodiaques d’Esné et de Dendérah sont si petites qu’on reconnaît facilement le

résultat de la torsion des testicules; et puis le taureau ne serait jamais un sym-

bole de l’époque à laquelle les vaches mettent bas, comme le veut Pluche, ni

celui de l’époque à laquelle on commence à labourer les terres en Egypte,

comme l’a prétendu Dupuis. Dans le premier cas on aurait mis une vache avec

son veau dans le second ce ne pourrait être qu’un boeuf; car le taureau étant un

(1) Sur le Zodiaque rectangulaire d’Ësné on trouve autour du boeuf sept étoiles qui font allusion aux
sept Pléudes.

(2) Cette étoile rouge de première grandeur, est considérée comme l’a d’Orion dont rigel n’est que

le /3. La brillante de l’épaule droite d’Orion était surnommée bellatrix étoile guerrière, à cause de sa

couleur, qui est aussi celle delà planète de Mars. C’était précisément cette étoile, et non pas rigel,

comme on pourrait l’inférer d’un passage de Plutarque (Traité d’Isis et d’Osiris ,


cfaap. xi), qui fut

consacrée à Orus, le vainqueur de Typhon.


, , ,

DES HIÉROGLYPHES. 143

animal indomptable ne laboure pas et ne peut pas être, par conséquent, le

symbole du labourage ou de l’époque du labourage. Mais en admettant même que


cela pût être, comment expliquer les différentes positions du taureau dans le zo-

diaque? laboure-t-il couché? laboure-t-il au galop? Par ces motifs je conclus à ce

qu’il plaise à MM. les Astronomes d’ordonner qu’on ait à dire désormais : la cons-

tellation "du boeüf , et non pas la constellation du taureau .

Origine du Mifliraïsine.

Les Sages de tous les pays qui aspiraient à devenir les législateurs de leur pa-

trie venaient en Egypte étudier les lois et s’instruire dans la religion. Lycurgue

Solon, Pythagore, et Platon, ne firent qu’imiter les anciens législateurs, et c’est

ainsi qu’on s’explique les rapports frappants qu’un savant moderne a retrouvés

dans les croyances religieuses de tous les peuplés de l’antiquité (1).

Les astrologues égyptiens, qui étaient en même temps les chefs du culte, n’ac-

cordaient généralement qu’une quasi-initiation aux étrangers tenaces et coura-

geux qui subissaient les plus rudes épreuves pour pénétrer leurs mystères, et

encore était-ce toujours en langage allégorique résultant de l’écriture hiéroglyphi-

que (2) qu’ils expliquaient ces mêmes mystères, de telle sorte que l’initié devait,

(1) Voyez Volney, Ruines , chap. xxi.

(2) Les hiéroglyphes sont en tout semblables aux préceptes de Pythagore ,


tels que : Ne vous asseyez

pas sur le boisseau, etc. nous dit Plutarque, et cet auteur, n’en déplaise aux Champollioniens, a dit

une grande vérité. Il faut connaître la valeur des symboles que Pythagore rappelle, pour comprendre
le sens allégorique de ses sentences. Ainsi le modiuc

ou ce que les
. O
JL
Grecs ont pris pour un boisseau, est un vase en terre cuite que les Egyptiens appelaient
gardai, et dans lequel on conservait le feu; c’est en définitive un fourneau. Sérapis, le Vulcain égyp-

tien , est ordinairement représenté avec un gardai sur la tête ;


c’était dans ce gardai que les prêtres

conservaient le feu matériel dans son temple ,


comme les vierges sacrées conservaient le feu céleste de
, , ,; , ;

IU DICTIONNAIRE

pour s’instruire avec fruit, commencer d’abord par bien s’identifier avec ce lan-

gage ,
chose assez difficile pour celui qui n’y était pas habitué dès son enfance.

Si nous admettons que Zerdusht , Zerdoust ou Z oroastre (1) ait existé et soit

l’auteur du Sad-der et du Zend-avesta, comment ne pas admettre que le légis-

lateur des Perses a puisé sa religion dans les dogmes astrologiques des Egyptiens?

Nous y retrouvons Ormuzd et Ahriman les deux principes qui constituent la di-

vinité toute entière dans le culte primitif ; la création du monde pendant les six

temps ou les six gâhans du règne de Dieu ;


Yintroduction du mal à partir de la

constellation de la balance ;
la fin du monde au bout des six temps ou six mille du

règne de l’homme; le belier réparateur le pain azyme; le baptême le culte du

feu éternel qui doit régénérer le monde et dont les vierges sacrées conservaient

l’emblème ,
à Memphis ,
sur l’autel de Phtha ; enfin tous les dogmes et tous les

rites de la religion astrologique des Egyptiens.

Mihr ou Mithra (2) n’était point une divinité particulière adorée par les Perses,

comme on le croit généralement; c’est le nom qu’ils donnaient au solstice d’été

représenté sous la forme d’un homme dans l’âge mûr arec une forte barbe, le sol-

stice d’hiver étant représenté par un enfant , \’ équinoxe du printemps par un jeune

homme imberbe, et l’équinoxe d’automne par un vieillard. La fin du monde et le

jugement dernier devant arriver lorsque le solstice d’été, représenté par Mithra

Phtha sur l’aulel triangulaire à tête, de belier : le gardai en écriture hiéroglyphique exprime l’idée du

feu (le contenant pour le contenu). Si l’on représente un homme s'asseyant sur vn gardai, croyant
s'asseoir sur un siège c’est l’emblème d’un imprudent ou d’un étourdi. Or, Pythagore en disant à ses

disciples en langage allégorique : Ne vous asseyez pas sur le gardai c’est comme s’il avait dit : Agissez

avec circonspection et ne faites pas d’imprudences.

(1) 7joroastre, nom inventé par les Grecs pour rendre celui de Zerdusht, comme le prétend

Hyde (
Historia religionis veterum Persarum, cap. xxiv), n’aurait-il pas pour racine les mots grecs

Zupoç et ÀffTïijo , ce qui signifierait astre pur P

(2) Mirh chez les Perses ,


signifiait amour et chaleur ; les Grecs , qui ne pouvaient pas prononcer ce

mot, y ajoutèrent un 6 et en firent mithra, comme du nom Mihr-idad, amour de la justice, ils firent

Mithridate.
DICTIONNAIRE

DE
S

HIEROGLIEHES

I
, , , , ,

DES HIÉROGLYPHES. 145

barbu, aura dépassé la constellation du belier, les Perses exprimaient allégori-

quement l’époque de la fin du monde en représentant Mithra sur le belier ou sur

une tête de belier, comme on le voit dans une main votive en bronze retrouvée

dans les fouilles d’Herculanum (1) ;


ce Mithra dit avec ses doigts :
justice di-

vine (2), car c’est à la fin du monde et après la résurrection générale que Dieu

jugera les vivants et les morts. On voit ici que le Mihr ou Mithra des Perses rem-

plit les fonctions de la vierge céleste, symbole du solstice d’été dans les zodiaques

égyptiens, lorsqu’elle sert à déterminer les différents états du ciel (3); et cela est

si vrai que du temps d’Hérodote, époque où la religion des Perses conservait des

rapports plus directs avec la religion des Egyptiens, Mihr ou Mithra était repré-

senté non pas par un homme barbu, mais par une jeune femme la vierge céleste

qu’Hérodote appelle Vénus Uranie (4).

(1) PLANCHE I, fig. 1 et 2.

(2) Toutes les parties de la main avaient une valeur symbolique chez les Egyptiens, grands ama-
teurs de la chiromancie. La main constituait un monde : le pouce, symbole de la force , était consacré

au feu et à Y intelligence ; Y index symbole de la puissance et du commandement, était consacré à Y air


et à la vie universelle ; le médius, symbole de Yimpudicité était consacré à la matière-principe c’est-

à-dire à l’eau de Vabym, etc. Ces trois doigts levés signifiant intelligence , vie universelle , et matière

infinie, qui composent I’Etre qui est tout ce qui est, exprimaient donc l’idée de IEOUA (Dieu).

V index levé

indiquant Yunitè et par suite I’Étre unique rend aussi l’idée de Dieu. La membrane interdigitale qui se

trouve entre le pouce et l’index étant consacrée à la justice ,


comme l’atteste la balance qu’on y voit ordi-

nairement figurée sur les mains votives ,


cette membrane développée en tenant le pouce et l’index écartés ,

rend l’idée de justice. Le Mithra d’Herculanum exprimant avec ses deux mains l’idée de Dieu et de

justice, exprime donc l’idée de justice divine.

(3) Voyez Belier, page 119.

(4) Voyez C'Mo , chap. 130.


19
, ,

146 DICTIONNAIRE

Il ne faut pas confondre le mithrdisme avec la religion de Zoroastre. Le mi-

thraïsme, qui florissait encore dans les premiers temps de l’ère chrétienne, doit

naissance aux bévues de certains mages qui formèrent une secte à part. Le mi-

thrdisme diffère de la religion primitive des Perses comme le christianisme diffère

de la religion judaïque, c’est-à-dire par son détachement des choses d’ici-has,

pour n’aspirer qu’à la félicité céleste.

Recherchons la cause de cette différence.

Nous avons vu que le Mithra barbu remplissait, dans le culte astrologique des

Perses, les mêmes fonctions que la vierge céleste dans les zodiaques égyptiens. Ce

symbole du solstice d’été ayant sous ses pieds la tête du belier zodiacal indique

l’époque où ce solstice dépassera cette constellation et comme c’est précisément


;

alors que le règne de Dieu doit recommencer selon les principes de la haute astro-

logie, le Mithra barbu sur le belier est donc l’expression symbolique du phéno-

mène céleste qui doit déterminer la fin du monde. Les sectateurs de Zoroastre de-

vaient peu redouter cette catastrophe, puisque aujourd’hui nous en avons encore

pour plus de 4000 ans avant que le solstice d’été corresponde à 1’ « des poissons :

aussi les Perses durent-ils s’attacher aux biens de cette terre dont la jouissance

leur était assurée par l’astrologie.

Mais plus tard il paraîtrait que des mages étant allés en Egypte pour approfon-

dir la science dans la terre classique de l’astrologie, leur attention se porta prin-

cipalement sur les obélisques où ils savaient que les prédictions sur la fin du monde

étaient contenues (1). Comme l’année civile commençait en Egypte à Y équinoxe du

printemps époque à laquelle les mages commençaient leur année sacerdotale

tandis que les prêtres égyptiens ne commençaient cette même année sacerdotale

qu’au solstice d’été, nos apprentis astrologues prirent Yépervier couronné des obé-

lisques pour le symbole du soleil équinoxial, et le boeuf, symbole du travail,

(1) Je ne présente ce fait que comme une hypothèse, et de même que le physicien qui, étudiant les

effets, cherche à remonter à la cause ,


je dis : Les choses se sont passées comme si
,

DES HIÉROGLYPHES. 147

pour le boeuf du zodiaque ; de cette bévue ils crurent pouvoir inférer que ,
selon

les Egyptiens maîtres passés dans la science des mouvements célestes, la fin du

monde devait arriver lorsque Y équinoxe du printemps aurait triomphé du boeuf zo-

diacal ,
c’est-à-dire lorsqu’il aurait dépassé cette constellation, en un mot, lorsqu’il

correspondrait aux Pléiades. Forts de cette observation, ils retournèrent dans leur

patrie pour prédire en langage mystique que c’était le sang du boeuf, et non pas

le sang du belier ,
qui devait régénérer le monde.

Lorsque Y équinoxe du printemps correspondit aux Pléiades, il dut s’opérer un

changement moral dans tonte la secte des Mithriaques. La fin du monde paraissant

imminente, ils ne durent plus s’attacher aux biens de la terre, toutes leurs pen-

sées durent se tourner vers le ciel. L’abnégation de soi-même, en ce qui touche

à cette vie, devenant un principe religieux, les mortifications durent en être les

conséquences; de là, le jeûne, le célibat, la pauvreté, l’isolement, et le mépris

de la puissance (1), vertus anti-sociales sur lesquelles un législateur raisonnable

ne s’est jamais appuyé, mais qui étant considérées par les Mithriaques comme
autant de moyens de salut, durent séparer alors complètement leur secte de la

religion de Zoroastre, laquelle, dans le Sad-der et dans le Zend-avesta , condamne

formellement ces pratiques insensées (2).

La peur ne raisonne pas; et, quoique la fin du monde se fît toujours attendre,

les bons Mithriaques ,


robustes croyants ,
transmirent cette crainte d’une fin tou-

jours imminente du monde à leurs enfants qui, à leur tour, la transmirent aux

leurs; et c’est ainsi qu’une secte absurde, anti-sociale, et méprisée (3), se per-

(1) Vide Tertull. de prœscript. cxl.

(2) Voyez Hyde (


Hislor . veter. Persarum, page 285); Fréret (
Mémoires de l’acad. des inscript .

tome xvi, page 283), et Théolog. cérém. et morale de Zoroastre. Zend-avesta , tome m, page 601.

(3) La persécution et le mépris engendrent le fanatisme. Les juifs, haïs et persécutés par tous les

peuples, sont restés fidèles à la loi de leurs pères; mais aujourd’hui , et surtout en France , où les juifs

sont citoyens, l’indifférence religieuse gagne les fils d’Israël; et si quelques-uns se soumettent encore
à certaines pratiques superstitieuses de leur religion ,
c’est plutôt par respect humain que par con-
viction.
, ,,

148 DICTIONNAIRE

pétua jusqu’à la naissance du christianisme ,


époque à laquelle elle sembla même

reprendre une nouvelle vie.

En admettant mon hypothèse, on s’explique pourquoi la célébration des Mi-

thriaques avait lieu à X équinoxe du printemps tandis que celle des Mirhagans de

Perse ne commençait qu’au solstice d'hiver (1). D’ailleurs, les monuments mithria-

ques qui sont parvenus jusqu’à nous confirment mon opinion.

Pour représenter symboliquement le phénomène céleste qui devait ou qui aurait

dû déterminer la fin du monde les Mithriaques représentèrent l 'équinoxe du prin-

figure d’un jeune homme


temps, qu’ils appelèrent aussi Mihr ou Mithra, sous la

imberbe égorgeant le boeuf zodiacal (2); et pour bien préciser


que leur Mithra

était le symbole de X équinoxe du printemps ils avaient soin de le représenter

toujours accompagné de deux acolytes, l’un tenant un flambeau eleve,

Voyez Mémoires de Vacad. des inscript., tome xvi, page 283.


(1)
Dans ce bas-relief mithriaque c’est un taureau, et non pas un bœuf,
(2) Voyez PLANCHE I, fig. 3.
génitales. Mais je
violente (voyez Scorpion), dévore les parties
dont le scorpion, symbole de la mort
siècle de notre
dois faire observer que le bas-relief
dont il s’agit ne remonte tout au plus qu’au premier
boeuf zodiacal en
Mithriaques qu’on doit la transformation du
ère, et que c’est précisément aux
monde, selon les principes astrologiques
taureau. Comme c’était le sang du boeuf qui devait régénérer le

privé des facultés génératrices était considéré


comme un etre
des mages dissidents, et que tout être
devait laver les
pieusement en taureau le boeuf dont le sang
dégradé, les Mithriaques transformèrent
tous les êtres
péchés du monde. Le sang du boeuf ou
du taureau zodiacal devant mettre fin à la vie de
lettre cette allégorie astrologique,
crurent que le
terrestres, les anciens, en prenant au pied de la
effets physiques les
Pline, qui trouve des raisons pour les
sang du taureau était un poison violent; et

plus absurdes, nous dit (lib. xi, cap. 28)


Tauronm sanguis celerrimè coït atque durescit ideo pestifer
:
;

potu maximè.
,

DES HIÉROGLYPHES, 149

symbole du jour, et l’autre un flambeau baissé,

symbole des ténèbres Ces deux acolytes, toujours de même


. taille, devenaient l’ex-

pression d’un équinoxe, époque où la longueur des jours égale celle des nuits (1).

D’un autre côté, comme Mithra était représenté sous la figure d’un jeune homme,

il ne pouvait plus y avoir d’équivoque sur X équinoxe dont il était le symbole,

puisqu’on était convenu de représenter allégoriquement par un enfant le solstice

d’hiver, par un adolescent X équinoxe du printemps, par un homme d’un âge mûr

le solstice d’été, et enfin par un vieillard X équinoxe d’automne.

Le monde devant être régénéré par le feu, et le feu étant symboliquement repré-

senté par un chien (2), on retrouve sur tous les bas-reliefs mithriaques le chien

s’élançant vers Mithra au moment où ce mythe égorgeant le boeuf zodiacal déter-


%

mine ainsi la fin du règne de l’homme et le commencement du règne de Dieu.

(1) Voyez Gémeaux.

(2) J’ai dit dans une note de mon Traité du Zodiaque de Dendérah : « Le chien est le symbole de la

« chaleur: on donna d’abord le nom de chien à l’étoile (sirius) qui, par son lever, annonçait le dé-

« bordement, parce qu’elle faisait l’office du chien qui prévient son maître; mais comme cette étoile ne

« se levait que dans le temps de la plus forte chaleur, c’est-à-dire au solstice d’été, le chien qui repré-

« sentait cette étoile devint par extension le symbole de la chaleur. Telle est du moins l’explication

« qu’on peut donner de cette valeur symbolique du chien, en suivant l’opinion de Plutarque dans son
« Traité d’Isis et d’Osiris. Cependant il paraîtrait que ce ne fut pas ce motif; les Egyptiens avaient re-

« marqué que le chien a l’estomac si chaud qu’il peut digérer même les os ,
et que ses excréments pris
u intérieurement produisent par leur causticité l’effet d’un aphrodisiaque puissant, égal au moins à la

<t cantharide. Les docteurs égyptiens se servaient même de ces excréments pour en faire la base de
« leur pierre à cautère ; c’est pour cela que le chien devint le symbole de la chaleur, et par suite du feu
« (la cause pour l’effet) ». Cerbère accompagne toujours Sérapis , dieu du feu, et Zoroastre qui avait
établi le culte du feu chez les Perses leur avait expressément recommandé d’avoir de la vénération pour
les chiens qui en sont le symbole (
voyez Hyde ,
de veter. Pers. Relig. cap. 1 ). Hérodote nous apprend

(
Clio, chap. 140) que les mages considéraient le meurtre d’un chien comme un crime aussi énorme
que l’homicide.
, , , , , , ;

150 DICTIONNAIRE

Le serpent ( aspic des Egyptiens et grande couleuvre des Perses), symbole de la

mort, des ténèbres et du mal ayant pénétré dans le monde au commencement

du règne de V homme (1), devait nécessairement en sortir à l’avénement du règne

de Dieu; aussi les Mithriaques qui avaient cru que le règne de Dieu allait arriver

lorsque X équinoxe du printemps correspondit aux Pléiades, n’ont-ils jamais oublié

de représenter sur leurs tableaux allégoriques le serpent mort ou mourant (2).

Je reviendrai, dans le cours de cet ouvrage, sur les autres symboles que nous

offrent les bas-reliefs mithriaques, ne voulant pas entrer ici dans des détails qui

m’entraîneraient trop loin, et qui pourraient fatiguer le lecteur. Mon intention

n’était, d’ailleurs, que de donner une idée générale du sens mystique de ces mo-
numents que j’invoque à l’appui de mon opinion.

Une observation encore pour en finir avec Mithra : on trouve sur les bas-reliefs

qui représentent ce mythe, tantôt sept pyrées tantôt sept étoiles tantôt sept

flammes, toujours placés entre le soleil et la lune. Ces pyrées, ces étoiles, ou ces

flammes, ne font pas allusion aux sept planètes [ 3), comme l’a cru le savant Dupuis,

mais bien aux sept Pléiades qui se trouvent correspondre ,


dans le zodiaque pri-

mitif, au zéro du boeuf zodiacal. On conçoit facilement quel rôle important les

Pléiades ont dû jouer dans les mystères des Mithriaques ,


puisque c’est à partir de

l’époque où X équinoxe du printemps correspondit à ce groupe d’étoiles ,


qu’ils com-

mencèrent à craindre la fin du monde.

(1) C’est-à-dire lorsque le solstice d’été correspondit au zéro de la balance. Aussi les Perses disaient-ils

que le mal ou Ahrîman avait paru dans le monde à partir de la balance.

(2) C’est ce qui explique la raideur du serpent qu’on trouve toujours sur les bas-reliefs mithriaques.

Le serpent symbole de
, la mort étant représenté mort c'est la mort de la mort ou Y immortalité.

(3) Les planètes des anciens étaient le Soleil, la Lune, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, et Saturne
mais comme sur tous les monuments mithriaques on y retrouve le soleil et la lune personnifiés , on

n’aurait dû mettre que cinq étoiles s’il s’était agi des planètes et non des Pléiades ,
car autrement c’eût

été un double emploi pour la lune et le soleil ; et il est à remarquer qu’on n’a jamais employé une étoile,

pour figurer la lune ,


sur aucun monument , à plus forte raison un pyrée ou une flamme , les anciens

n’ayant jamais admis que la lune fût un feu', puisqu’ils la considéraient comme une terre.
, ;

DES HIÉROGLYPHES. 151

Origine du Christianisme.

Les juifs, avides d’argent et avares de leur peine, furent toujours des brocan-

teurs (1). Peu jaloux de fertiliser le sol ingrat de la Palestine, ils affluèrent en

Egypte sous le règne des Lagides ,


ils peuplèrent Alexandrie ,
et bientôt cette

nation mercantile obtint, à prix d’argent, les privilèges réservés aux compagnons

d’Alexandre (2).

Les Ptolémées, protecteurs des sciences, attiraient dans leur capitale les savants

de toutes les nations, qui importèrent avec eux leur entêtement, leurs croyances,

et leurs systèmes. Alexandrie devint alors le théâtre des disputes religieuses, et,

pour soutenir son opinion, chaque parti en appela aux monuments de l’antique

Egypte, où l’écriture symbolique conservait le secret des mystères.

Les juifs, en contact avec les païens, finirent par adopter en partie les opinions

des philosophes grecs (3); ils se mêlèrent dans les disputes, des sectes se formè-

rent, et l’unité d’Israël fut rompue. Ce fut alors que les juifs traduisirent leurs livres

sacrés et qu’ils les commentèrent ;


les uns voulaient, comme les Caraïtes, qu’on s’en

tînt au texte de la loi, mais la plupart voulurent, à l’exemple des Egyptiens, se jeter

dans les interprétations allégoriques, et Aristobule en vint même jusqu’à faire un

commentaire sur les lois de Moïse en faveur de Ptolémée Philometor.

A cette même époque, des astrologues alexandrins reconnurent, par l’étude des

(1) L Evangile nous représente le temple de Jérusalem comme une bourse de commerce on y trouvait
des marchands et des changeurs de monnaie. Jésus les chassa à coups de fouet
et renversa leurs tables
(Matlh. cap. xxi, vers. 12). Je suis allé quelquefois dans leur synagogue et
j’y ai retrouvé tout le

brouhaha de la bourse. Il avait peut-êlre raison ce Chinois qui soutenait que les montagnes peuvent
changer de place, mais que l’esprit d’un peuple ne change jamais.

(2) Voyez Josèphe contre Appion , liv. n, chap. 2.

(5) On retrouve les idées de Platon chez les plus anciens rabbins et même les propres expressions du
philosophe; aussi, sous les princes Hasmonéens, il intervint un décret qui défendît aux juifs la lecture
des livres grecs (voyez Bibliothèq. critiq. de Sainjore chap. 34).
, ,

152 DICTIONNAIRE >

monuments, que, selon la haute astrologie, ce n’était pas le sang du boeuf qui

devait régénérer le monde comme l’avaient cru les Mithriaques ,


mais bien le sang

du belier, au zéro duquel correspond Ylesou (1) dans les zodiaques astrologiques

qui représentent le premier état du ciel. Ils se rendirent compte alors de l’erreur

où étaient tombés leurs confrères de Perse ,


dont les prédictions étaient démenties

depuis 2000 ans, et à leur tour nos Alexandrins voulurent déterminer astrologi-

quement l’époque de la grande catastrophe. Ils étaient dans la bonne voie; mais,
J

prenant la vierge, qui marquait le commencement de Vannée (2), pour le symbole

de Y équinoxe du printemps (3), tandis qu’elle était, pour les prêtres égyptiens, le

(1) Iesou, en langue sacrée, signihe divine force du ciel ou solstice d’hiver, parce que c’est au solstice

d’hiver que le soleil reprend sa force pour remonter vers le nord. Les savants dérivent le nom de Jésus

.RP* (ishu) Iesu (a) et celui de Josué ytpin* ( musho )


Jueso de nyny* (ishuon) ou yity* (ishuo) pour ytpin

(musho), mot auquel on fait signifier ô mpioç auzeplct, fondé sur ce passage de saint Matthieu : «ùro?

yùp a wasi tov lào-j «ûroO ùk'o tüv ùp.apTi5>v «ùtûv (Evang. i. 21) ; mais alors Samson signifierait aussi Sau-

veur, puisqu’il est dit qu’il reçut ce nom parce que «Oro? cr.pÇtzcu ow<r«i tov iopccriï ex %etp'oç $ù>torîp.

(
Jud. xin. 5). Dans les zodiaques astrologiques qui représentent toujours le premier état du ciel ,
Ylesou

ou le solstice d’hiver correspond au zéro du belier. Cet Iesou symboliquement représenté par un enfant

tétant son doigt (6) ,


était placé au-dessous de l’intervalle qui sépare le belier des poissons , et comme
c’était à Ylesou primitif que devait venir la vierge, symbole du solstice d’été, pour déterminer le règne

de Dieu, et cela par le mouvement du ciel des fixes précessions des équinoxes) , cet Iesou était appelé
(

Ylesou sacré ou oint, surnom que les Grecs ont traduit par xptarb;, de là Jésus-Christ, car le xpiarô? des

Grecs ne correspond nullement au rwn (msIiie), Messie des juifs, comme on l’a prétendu.

Horus-Apollon (Hiérogl. ni) nous apprend qu’une jeune femme était le symbole de 1 année, ou,
(2)

pour mieux dire , du commencement de l’année ,


chez les Egyptiens.

Les Alexandrins commençaient leur année à Y équinoxe du printemps ,


et le mot équinoxe étant
(5)

féminin en grec (i<r>jf«pi«) ,


on conçoit facilement comment la vierge des zodiaques put être piise pour

le symbole de Y équinoxe du printemps par les juifs d’Alexandrie.

(a) C’est ainsi que le nom de Jésus se trouve écrit dans le Talmud.

(b) Le solstice d'hiver étant représenté par un enfant, \’ équinoxe du printemps 1 était par un jeune homme, le solstice

d’été par un homme et équinoxe d’automne par un vieillardt, Cependant les astrologues égyptiens se servaient
fait ,
l’

le plus souvent de la vierge ou d’un homme à tête de chacal (voyez Chacal) pour indiquer le solstice d été sur leur

zodiaque.
;, , ,

DES HIÉROGLYPHES. 153

symbole du solstice d’été ( 1), ils crurent pouvoir annoncer que la fin du monde était

imminente lorsque X équinoxe du printemps correspondit à l’« des poissons ou à la

changeante de la baleine.

Dans le langage mystique, cette fin du monde dut être proclamée en disant :

Le sang du belier vient d'être répandu; l’union de la vierge et du belier vient

d’être consommée; la vierge vient d’enfanter le belier; la vierge vient d’enfanter

Iesou (2); la vierge vient d’écraser la tête du serpent (3); le règne de Dieu est

arrivé, etc., etc.

Ces prédictions qui faisaient hausser les épaules aux initiés égyptiens furent

avidement accueillies par les malheureux que ne berçait plus Tespérance ;


et

comme Alexandrie était peuplée de juifs, l’astrologie, fécondée par le judaïsme,

enfanta la religion chrétienne.

Quelque hardie que paraisse cette opinion, elle est confirmée par l’écriture

sacerdotale que nous conservent les monuments dont l’origine est évidemment

antérieure au christianisme, puisqu’on y retrouve les noms de Jésus de Jean et

de Marie, considérés comme mythes astrologiques. Ne pouvant ici m’appuyer sur

(1) L’année sacerdotale ne commençait en Egypte qu’au solstice d’été et la vierge, première constel-
lation que le solstice d’été entama à partir du règne de l’homme ,
devint, pour les Egyptiens, le symbole

de ce même solstice (voyez Belier, Iris, et Vierge).

(2) La vierge symbole de Y équinoxe du printemps selon


, les Alexandrins , se trouvant alors ,
pour indi-
quer l’état du ciel ,
entre le belier et les toissons ,
et par conséquent au-dessus de Y Iesou primitif, Y Iesou
paraissait être un enfant dont la vierge venait d’accoucher. Aussi la vierge fut-elle appelée alors mère
du divin Iesou, sans que cette maternité lui enlevât sa qualité de vierge.

(3) Le génie de la mort et des ténèbres était symboliquement représenté par un aspic chez les Egyp-
tiens (
voyez Aspic) , c’est la fameuse couleuvre des Perses qui parut dans le monde à partir de la constel-
lation de la balance pour y régner avec l’homme jusqu’à l’avénement de Dieu, c’est-à-dire, selon l’as-

trologie égyptienne, jusqu’à ce que le solstice d’été corresponde au zéro du belier. La vierge étant le
symbole de Y équinoxe du printemps ,
selon les Alexandrins, lorsque cette même vierge, par le mouve-
ment du ciel des fixes, eut dépassé le belier, leurs astrologues crurent que le règne des ténèbres était
fini; et comme c’était elle qui déterminait alors l’époque où commençait le règne de la lumière, on

figura la mort des ténèbres en représentant Y aspic écrasé par la vierge. Les Indiens ,
dans leurs tableaux
mystiques, représentent aussi la vierge écrasant le mauvais principe mais représenté par un guerrier
noir ou bleu avec favoris et moustaches ,
tenant un sabre ensanglanté dans les mains.

20
; ,
,

154 DICTIONNAIRE

le témoignage de l’écriture sacrée, je vais néanmoins, à défaut de preuves maté-

rielles que je pourrai présenter plus tard (1), essayer de prouver que Jésus n’a

jamais existé soit comme Dieu, soit comme homme.


En effet :

Dire que Dieu s’est fait homme n’est-ce pas dire : Dieu n’est pas immuable Dieu

s’est dégradé; Dieu a menti (2)? Si la stupidité humaine pouvait émouvoir la colère

divine, une pareille assertion serait un blasphème.

Et cependant, si Jésus a existé, Jésus était plus qu’un homme ; car, s’il ne fut

pas rare, dans l’antiquité, de voir dresser des autels à des rois et à des empereurs

vivants, tous ces autels se sont écroulés après leur apothéose; la flatterie peut

bien déifier un monarque, mais la postérité ne s’inclina jamais devant un cadavre,

elle renverse l’autel de l’idole pourrie, et ne lui laisse que le sépulcre (3). Si un

Alexandre n’a pu, malgré toute sa gloire, soutenir longtemps le rôle de divinité

comment un juif obscur, sorti de Nazareth ,


serait-il encore adoré après dix-huit

siècles? ce serait un miracle sur lequel la religion chrétienne pourrait raisonna-

blement s’appuyer (4).

(1) Dans mon Etude de la langue sacrée.

(2) « Si Dieu se métamorphosait, il prendrait une forme plus parfaite ou moins parfaite; or il est

a ridicule de dire qu’il se change en mieux , car il


y aurait quelque chose de plus parfait que lui , ce

« qui est absurde : il est impie d’admettre qu’il se change en quelque chose de moins parfait , car Dieu

« ne peut se dégrader; d’ailleurs, il paraîtrait sous une autre forme que la sienne, il mentirait ,
parce

« qu’il paraîtrait ce qu’il ne serait pas. Il faut donc conclure de là qu’il demeure dans sa forme simple

« qui est la beauté et la perfection ».

(Platon. Républiq. liv. 2. Trad. de Dacier).

Koci vüv Sxrnep à.yùyipoi SptxnzTKi twv tepwv x«t twv Bwptwv àn «<r<7« trOivreç ovS èv àXk » rà pvn fiecTcc xctt rovç
(3)

T CKfOVÇ éyjovaw.

(
Plutarq. Traité d’Isis et d’Osiris, chap. n).

(4) Quant aux autres miracles sur lesquels s’appuie la religion chrétienne , tels que la résurrection

des morts, la délivrance des possédés, et la guérison des paralytiques, ils ne prouvent, selon moi ,
que

la friponnerie des faiseurs et la simplicité de ceux qui les acceptent sans examen. Si Dieu est immuable

si Dieu est tout-puissant , a-t-il donc besoin de renverser l’ordre qu’il a établi pour manifester sa volonté

aux hommes?
DES HIÉROGLYPHES. 155

Les Evangiles, les Actes, et les Epîtres des Apôtres, sont les seuls garants de

l’existence de Jésus. Sans discuter ici l’authenticité de ces livres (1), sans m’éton-

(1) « Le savant Dodvvel convient que les livres qui composent le Nouveau Testament n’ont paru en

« public qu’au moins cent ans après le Christ (a). Si la chose est certaine, comment pouvoir s’assurer si

« ces livres existaient avant ce temps? Par suite ces livres ne furent qu’entre les mains des gens d’église

« jusqu’aux troisième et quatrième siècles, c’est-à-dire à la merci de quelques hommes dont l’intérêt

a et l’esprit de parti réglèrent toujours la conduite, ou qui n’eurent ni la probité ni les lumières requises

« pour découvrir la vérité et pour la transmettre dans sa pureté originelle. Ainsi chaque docteur fut à

« portée de faire des livres saints ce que bon lui semblait; et lorsque, sous Constantin, les chrétiens

« se virent soutenus par l’empereur, leurs chefs furent les maîtres d’adopter ou de faire adopter comme
« authentiques, les livres les plus conformes à leurs propres intérêts, et de rejeter comme apocryphes
« ceux qui ne s’accordaient point avec la secte dominante. — Mais, au fond, quand même nous serions

«sûrs de l'authenticité des livres que l’Eglise adopte aujourd’hui, nous n’aurions pourtant d’autres

« garants de l’autorité des écritures que les écritures elles-mêmes : or est-il une histoire qui ait le

« droit de se prouver par elle-même ? peut-on s’en rapporter à des témoins qui ne donnent d’autres

« preuves de ce qu’ils avancent que leur propre parole? Cependant les premiers chrétiens se sont rendus

« fameux par leurs mensonges ,


leurs fictions, et leurs fraudes qu’on nomme pieuses quand elles tendent

« à l’avantage de la religion. Ces pieux faussaires n’ont-ils pas attribué des ouvrages à Jésus-Christ lui-

« même et aux apôtres, ses successeurs? n’avons-nous pas de leur façon des vers sibyllins qui ne sont

« évidemment que des prophéties toutes chrétiennes faites après coup ,


et souvent copiées mot pour mot

« dans l’Ancien et le Nouveau Testament? s’il eût plu aux Pères de Nicée de regarder ces prophéties

« comme divinement inspirées, qui les eût empêchés de les insérer dans le canon des écritures? et pour

« lors les chrétiens ne manqueraient pas de les regarder comme des preuves indubitables de leur reli-

« gion. — Si les chrétiens, au commencement du christianisme ,


ajoutèrent foi à des ouvrages pleins de

« rêveries, tels que le Pasteur d’Hermas, YEvangile de l'enfance ,


la Lettre de Jésus-Christ à Abgare ,

« quelle confiance pouvons-nous avoir dans les livres qui nous restent d’eux? pouvons-nous même nous

« flatter d’avoir les livres tels qu’ils ont été originairement écrits? comment distinguer aujourd’hui le

« vrai du faux dans des ouvrages dans lesquels nous voyons l’enthousiasme , la fourberie, et la crédulité,

« percer à tout moment? — Si un corps d’hommes puissants et en possession de commander à la

« crédulité des peuples y trouvait son intérêt, il parviendrait à faire croire au bout de quelques siècles

« que les aventures de Don Quichotte sont très-vraies, et que les prophéties de Nostradamus ont été

« inspirées par la Divinité même. A force de gloses, de commentaires, d’allégories, on trouve et l’on

« prouve tout ce que l’on veut; quelque frappante que soit une imposture ,
elle peut, à l’aide du temps ,

« de la ruse, et de la force, passer à la fin pour une vérité, dont il n’est plus permis de douter. Des
« fourbes opiniâtres, et soutenus par l’autorité publique, peuvent faire croire tout ce qu’ils veulent à

(a) Voici ses propres paroles: Latitabant enim usque ad rescentiora ilia, seu Trajani, seu etiatn fortasse Adriani,

tempora in privatarum ecclesiarum ,


seu etiam hominum scriniis scripta ilia canonica ne ad ecclesice catholicoe
, ,

notitiam pervenirent. (V. H. Dodwel , Dissert, in Irenceum, cap. xxxvm, p. 66).


, ,
,
,

156 DICTIONNAIRE

lier du silence de£ auteurs contemporains (1), j’admettrais que Jésus a existé, si

son existence comme homme n’avait pas été contestée dès l’origine même du chris-

tianisme. En effet, nous voyons qu’on fait convenir à un prétendu S. Jean, sur-

nommé l évangéliste disciple bien-aimé de Jésus (2), que de son temps il existait

des séducteurs qui ne confessaient point que Jésus-Christ fût venu dans la chair

« l’ignorance toujours crédule ;


surtout en lui persuadant qu’il y a du mérite à ne point s’apercevoir des

« inconséquences, des contradictions, des absurdités palpables, et du danger à raisonner ».

(Boullanger, Exam. critiq. de S. Paul , chap. 5).

(1) « Inutilement encore invoquerait-on le témoignage des historiens qui en parlent ou' que l’on fait

« parler (a), tel que Josèphe. Outre que cet historien écrivait près de cent ans après le temps où l’on

« fait vivre Christ, tous les savants conviennent aujourd’hui que le passage où il est question de Christ

« a été interpolé par une pieuse fraude, et qu’il n’est pas de Josèphe. Quant à Tacite, lequel, près de

« cent vingt ans après la mort de Christ, nous parle du chef de la secte orientale des chrétiens, qui

« s’était établie à Rome avec les Isîaques , avec les mystères de la déesse de Phrygie, etc., il dit ce qu’en

« disaient les chrétiens, sans s’être donné la peine de faire des recherches et un examen critique d’une

« chose qui ne l’intéressait guère et qui ne pouvait entrer dans le plan de son histoire. Il semble n’avoir

K eu en vue que de donner l’étymologie de la dénomination des chrétiens ,


sectateurs d’un certain

« Christ, dit-il, qu’on débitait avoir été mis à mort sous Ponce-Pilate. Tacite, par là, ne prouve pas plus

« l’existence historique de Christ qu’il n’eût prouvé celle d’Osiris ,


si ,
ayant à parler de ce dieu égyp-

« tien, il eût dit qu’on assurait qu’il avait régné en Egypte, et qu’il y avait été tué par Typhon son
« frère. Il est arrivé à Tacite à peu près ce qui arriverait à un historien français qui ,
par occasion

« aurait à parler d’une secte indienne, laquelle depuis plus de cent ans se serait établie en France

« d’abord très-obscurément, et qui, cent ans après, commencerait à être plus connue et persécutée,

« s’il nous disait qu’ils s’appellent Bramines, du nom d’un certain Brama qui a, dit- on, vécu dans

« l’Inde. Nous garantirait-il pour cela l’existence de Brama? Il faudrait que Tacite eût fait des re-

« cherches les plus exactes sur la vérité de l’existence de Christ ,


sur sa mort sous Ponce-Pilate; ce que

« n’a jamais eu l’intention de faire Tacite , la question étant trop peu importante pour lui ».

(Dupuis, Relig. chrétien., chap. m).

(2) L’Ioan d’hiver comme I’Ioan d’été ne sont que deux mythes. S. Jean l'évangéliste ,
qu’on fête le

27 décembre, était, au dire de l’Evangile, le disciple qui reposait sur le sein de Jésus pendant la cène.

On conçoit effectivement qu’ils doivent se confondre ,


puisqu’ils sont ,
l’un et l’autre ,
le symbole du

solstice d'hiver dans les zodiaques astrologiques représentant le premier état du ciel.

(a) Il est constant, dit Fauste apud, Augustin. L. 23 et 33), que les Evangiles n’ont point été écrits par J. C. ni
(

par les apôtres, mais, longtemps après eux, par des hommes inconnus « qui, jugeant bien qu’on ne les croirait pas,

« parce qu’ils racontaient des choses qu’ils ne savaient pas, mirent à la tête de leurs livres les noms de quelques apô-

<t très, les autres les noms de quelques hommes apostoliques, assurant que ce qu’ils avaient écrit, ils l’avaient écrit

« sur leur témoignage ».


,

DES HIÉROGLYPHES. 157

c’est-à-dire ait existé comme homme (l). Y a-t-il aujourd’hui quelqu’un qui nie

l’existence de Napoléon? et que dirait-on d’un général de l’empire qui exhorterait

un de ses amis à ne pas croire les imposteurs qui prétendent que ce grand homme

n’a jamais existé (2)?

Le christianisme et le mithraïsme , entés sur la religion égyptienne et ayant l’un

et l’autre pour origine une erreur astrologique, durent avoir nécessairement, dans

leur esprit, leurs rites, et leurs symboles, des rapports frappants qui n’échap-

pèrent point aux païens. Aussi les premiers chrétiens furent-üs accusés par eux

de n’être, comme les Mithriaques, qu’une secte d’adorateurs du soleil sous le nom

de Christ (3). Les Pères de l’Eglise qui ont eu l’avisement de nous faire voir la

ressemblance qui existait entre les deux cultes, soit pour les traditions sur la

naissance de Jésus et de Mithra soit pour les consécrations mystiques; ces Pères,

dis-je ,
n’ont pu disculper la religion chrétienne ,
accusée d’être une doublure de

celle de Mithra, qu’en admettant l’intervention du Diable. En conséquence, ils

prétendirent que le Démon, prévoyant ce qui devait arriver, et voulant ôter au

mystère de la rédemption l’attrait de la nouveauté ,


s’était hâté de précéder Dieu

pour
(1) figurer sous le nom de Mithra cet ineffable mystère (4).

La tradition fait naître Jésus 4000 ans après la création du monde : à la nais-

sance de Jésus, le monde était âgé de 4868 ans selon Josèphe, de 4964 ans

selon la Yulgate, de 5564 ans selon les Septante, de 5656 ans selon le texte hé-

breu, et enfin de 6352 selon les Samaritains. Sur quoi se fonde la tradition pour

Quoniam multi seductores exierunt in mundum ,


qui non confitentur Jesurn Christum venisse in

carnem : hic est seductor et antichristus.

( Epist . B. Joan. Apost. secunda , vers. 7).

(2) L’homme sans éducation est un animal d’un esprit paresseux et par conséquent crédule, il ne se

fatiguera point à chicaner l’existence d’un mythe, il préfère croire. J’ai connu un bourgeois campa-
gnard qui croyait fermement à l’existence de Mayeux et de Robert-Macaire.

(3) Alii plané humaniùs et verisimiliùs soient credunt Deum nostrum. (Tertull. Apologet.)

(4) Vide Tertull. Apologet. et de coronâ. — Justin. Apologet. lib. 2, et Dialog. cum Tryph.
,

158 DICTIONNAIRE

rajeunir la terre d’un millier d’années à la naissance de Jésus? le voici : X équinoxe

du printemps correspondant au zéro du cancer dans les zodiaques astrologiques

qui représentent le premier état du ciel, et la naissance de Mithra ayant eu lieu

lorsque ce même équinoxe correspondit au zéro du boeuf, les Mithriaques pré-

tendirent que leur rédempteur était né 4000 ans après la création, car ils admet-

taient, comme les Egyptiens, 2000 ans pour que le nœud équinoxial rétrogradât

d’un signe (1); et les chrétiens ignorants se sont approprié sans façon le calcul

astrologique des Mithriaques lorsqu’ils ont voulu déterminer l’âge du monde à la

naissance de leur Christ.

L’alliance du christianisme et du mithraïsme se retrouve même sur les monu-

ments du onzième siècle. Le temple étant, comme je l’ai déjà dit (2), la représen-

tation matérielle du ciel où Dieu règne éternellement , Ventrée du temple figure alors

Ventrée du ciel.

Lorsque X équinoxe du printemps se trouva entre le boeuf et le belier, c’est-à-

dire lorsqu’il correspondit aux Pléiades, ou, en langage mystique, lorsque le sang

du boeuf fut répandu, les Mithriaques crurent que le règne de Dieu commençait et

que la porte du ciel allait s’ouvrir pour les élus ;


les Mithriaques durent donc
i

conséquents avec leur astrologie, placer la porte principale du temple, symbole

de X entrée du ciel, entre la représentation du boeuf et celle du belier, ou bien

(!) Les Egyptiens donnaient 24000 ans à leur grande période, ce qui fait 66 ans ,66 pour un degré

ou 666 ans pour un décan en négligeant la fraction : 666 est un nombre apocalyptique. Les Chaldéens

qui crurent que le nœud équinoxial ne rétrogradait d’un degré que tous les 100 ans, donnaient à leur

grande période 36000 années de durée et 18000 ans au règne de l'homme. Ces 18000 ans constituent pré-

cisément la grande année d’Héraclile. Toutes les grandes périodes ne sont dues qu’à la connaissance de

la précession des équinoxes reconnue dès la plus haute antiquité, et certains savants supposaient encore

dans le !7 me siècle, en se fondant sur la tradition, que la révolution de notre pôle autour du pôle de

l’écliptique ne s’opérait qu’en 36000 ans. (Voyez Discours et Tables de la déclinaison du soleil, par

G. Denys, prêtre, hydrographe ordinaire du Roi; à Dieppe 1671 ,


page 48).

(2) Voyez page !22.


'

r
DICTIONNAIRE

DES

HIEROGLYPHES

PI

II
, ,

DES HIÉROGLYPHES. 159

figurer sur cette même porte le boeuf égorgé par Mithra (1), ou plus simplement

encore une tête de boeuf décharnée (2).

Les chrétiens qui n’admettaient le commencement du règne de Dieu qu a partir

de l’époque où X équinoxe du printemps se trouva entre le belier et les poissons,

c’est-à-dire lorsqu’il correspondit à l’a de cette dernière constellation, ou, en

langage mystique, lorsque le sang du belier fut répandu; les chrétiens, dis-je,

durent, pour être conséquents avec leurs principes astrologiques, placer la porte

principale de leur temple, symbole de Ventrée du ciel, entre la représentation du

belier et celle des poissons, ou bien figurer sur cette même porte le belier égor-

gé (3) ,
ou plus simplement encore une tête de belier décharnée (4).

Sur la façade d’une église romane (5) j’ai retrouvé au-dessus de la grande

porte d’un côté, la tête de boeuf, abréviation du boeuf zodiacal sur laquelle se

(1) Si les Mithriaques , au lieu de représenter Y équinoxe du printemps sous la figure d’un jeune homme ,

l’avaient représenté, comme les chrétiens, sous celle d’une vierge , ce serait la vierge qui égorgerait le

boeuf. Il paraîtrait que leur contact avec les chrétiens leur fit aussi adopter cette personnification de

Y équinoxe du printemps; c’est ce qu’atteste le Mithra femelle, ailé comme la vierge de nos zodiaques,

qu’on retrouve dans Caylus (a) , égorgeant le boeuf zodiacal.

(2) Les Egyptiens admettaient seulement comme bridées les constellations zodiacales dépassées par le

solstice d’été à partir de la balance, aujourd’hui il


y en a quatre : la vierge, le lion, le cancer, et les

gémeaux. Les Mithriaques admirent comme brûlées toutes les constellations dépassées par Y équinoxe du

printemps à partir du cancer. Nous avons vu (


page 123) que les Grecs adoptant les dogmes astrologiques
des Egyptiens ornèrent de têtes de belier décharnées la frise de leurs temples, les dogmes astrologiques

des Mithriaques, reçus plus tard par les Hellènes, firent qu’ils y placèrent aussi des têtes décharnées de

boeuf; de là vient que les têtes décharnées de boeuf et de belier sont, en architecture, l’ornementation

classique des frises.

(3) On trouve souvent le belier ou Yagneau égorgé sur la grande porte de nos temples.

(4) Je n’ai jamais retrouvé la tête décharnée de belier sur les temples chrétiens. Les premiers chré-
tiens auraient-ils reconnu qu’une constellation ne pouvait être brûlée que par le solstice d’été? c’est

probable, car le christianisme ayant pris naissance en Egypte se trouve être, parmi toutes les religions

qui ont pour mère l’astrologie , celle qui a le mieux conservé la pureté du langage mystique.

(5) Dans la commune du Petit-Palais (Gironde). Voyez PLANCHE IL

(a) Antiquit. Rom, ,


tome vi ,
planche 68.
160 DICTIONNAIRE

trouve un Mithra ou un S. Michel qui la perce avec sa lance (1), et de l’autre,

une tête de belier, abréviation du relier zodiacal, surmontée d’un adorante (élu

agenouillé jouissant de la contemplation divine) (2). De pareils symboles ne peu-

vent appartenir qu’au mithraïsme, car, selon les Mithriaques, le règne de Dieu avait

commencé lorsque le boeuf fut égorgé par X équinoxe du printemps symboliquement

représenté par un jeune homme, et ils admettaient, d’ailleurs, que le ciel fut ouvert

aux élus lorsque ce même équinoxe entama la constellation du belier. Cependant,

comme on trouve aux deux extrémités du grand arc de cette même porte, d’un

côté, Amoun (3) qui remplace le belier (4), et de l’autre, Atergatis rem-
(5) qui

place les poissons (6), ces deux symboles nous indiquent que le temple dont il

s’agit appartient au christianisme, qui fait remonter X ouverture du ciel à l’époque

où X équinoxe du printemps se trouvait entre le belier et les poissons; ce qui nous

prouve que l’alliance du christianisme et du mithraïsme ,


religions qui différaient

de toutes les autres par leur détachement des choses d’ici-bas, existait encore par

tradition dans le onzième siècle (7).

Pour démontrer que Jésus n’est qu’un mythe astrologique, je pourrais m’ap-

(1) Fig. 1. Ce Mithra ou S. Michel est mutilé; il ne reste de bien conservé que les jambes et une
partie de la lance.

(2) Fig. 2.

(3) Fig. 4.

(4) Voyez Belier. Un Amoun remplace ordinairement le relier dans les zodiaques astrologiques de la

cabale.

(5) Fig. 5.

(6) Voyez Poissons. Sur les zodiaques de la cabale une Atergatis remplace ordinairement les

poissons.

(7) Les monuments religieux du moyen âge ont, comme les temples égyptiens, leur écriture symbo-
lique. Les figures qu’on
y retrouve, grotesques aujourd’hui, avaient pour nos pères une signification

hiéroglyphique qui s’est perdue; notre ignorance nous fait supposer qu’elles sont le résultat du caprice
des architectes. Autant vaudrait admettre, comme certains érudits, que les hiéroglyphes des Egyptiens
ne sont que des ornements bizarres dus à l’imagination extravagante de leurs prêtres car, enfin, : si l’on

admet comme monuments astrologiques les zodiaques d’Esné et de Dendérah, pourquoi considérer les

zodiaques de nos églises byzantines comme des monuments dus à la routine et sans portée scientifique?
, , , .

DES HIÉROGLYPHES. 161

puyer, comme Dupuis (1), sur le fameux passage d’Abulmazar (2); je pourrais

encore, compulsant les Vèdas, les Pourân-as et les Soûtras retrouver notre

Christ dans le Vichenou des Brâhmanes ,


car ce Dieu médiateur, incarné sous la

forme de berger vert et portant alors le nom de Chris-en, délivra le monde du


serpent Calengam lorsque l’équinoxe du printemps correspondit au zéro du boeuf

zodiacal, c’est-à-dire à la même époque ou Mithra régénéra le monde 5


aussi les

tableaux sacrés de l’Inde nous représentent-ils Chris-en tantôt comme un enfant

vert que la vierge, assise sur le boeuf, tient dans ses bras (3), tantôt comme un
guerrier vert monté sur l’éléphant céleste (4) et décochant sa flèche divine contre

le serpent Calengam, symbole du mal (5). Mais, pour ne pas répéter ce que Du-

puis et Yolney ont déjà dit, je préfère en appeler au calcul et à l’histoire.

Selon mon système, Ylesou sacré, symbole du solstice d’hiver primitif, dut être

proclamé enfant de la vierge, symbole de Y équinoxe du printemps selon les Alexan-

drins, lorsque ce même équinoxe correspondit au zéro du belier, c’est-à-dire à

Y oc actuel des poissons. Cette étoile ayant aujourd’hui 27° 8 ’


32” de longitude,

l’origine du christianisme remonterait au règne de Ptolémée VIII ( 6 ) ,


antérieur

(1) Religion chrétienne ,


chap. xi.

(2) « Virgo ; signum oritur in primo ejus decano ,


ut Persœ ,
Chaldœi, Ægyptü ,
et omnium duorum
« Hernies et Asclepius in primœvâ œtate do cent ,
puella, cui persicurn nomen Seclenidos de Darzama,
<c arabicè interpretata Andrenefeda , id est virgo ,
munda puella, dico ,
virgo immaculata ,
corpore de-

tt cora , vultu venusta ,


habitu modesta , crine prolixo ,
manu geminas aristas tenens ,
suprà solium
« auleatum residens, puerum nutriens ac jure pascens ,
in loco cui nomen hœbrea ,
puerum dico à qui-

« busdam nationibus nominatum Jesum , significantibus ÈÇ« (a), quem nos græcè Christum discimus )>.

(L. 6. Introduct. in astronomicon. cap. 4, de naturâ signorum)

(5) PLANCHE I ,
fig. 3.

(b) Cet éléphant céleste se compose d’un groupe d’élus arrangés de manière à figurer le corps, les

jambes, et la trompe de ce quadrupède.

(5) Comme l’Apollon des Grecs qui tua à coups de flèche le serpent Python.

(6) Ce Ptolémée suimommé Soter II, mieux connu sous le nom de Lathure était fils de Ptolémée
Evergète II ,
dit Physcon ,
qui plus que ses prédécesseurs avait encouragé les sciences et les lettres. Ptolé-
mée Lathure ,
jouet de l’ambition de sa mère Cléopâtre , fut relégué par elle dans l’ile de Cypre. 11 n’en
revint que dix-huit ans après, lorsque celle-ci fut assassinée par son fils puîné, Alexandre ,
qu’elle prê-

ta) Du verbe Htn (ezh) ézâ ,


prophétiser.

21
162 DICTIONNAIRE

d ’tm siècle à l’époque où la chronologie fait remonter notre ère, de telle sorte que

nous sommes astronomiquement dans l’année 1940 de J. C.; ce qui concorde par-

faitement avec le Talmud qui fait de Jésus l’élève d’un membre du sanhédrin, Josua

ben Perachja, avec lequel il fut en Egypte pour apprendre la magie (1). Or, il est

férait à Lathure. Quoique l’horreur qu’inspira aux Egyptiens le parricide d’Alexandre eût fait rappeler

Ptolémée VIII, ce Ptolémée ne laissa pas d’être considéré par eux comme un prince méprisable, et cela

parce qu’il s’entendit avec les juifs pour opprimer sessujets. Ouç v.xiroi pi Suvvôévreç èx rvg xvxypxyijç à^xm'o-ai ,

tô paov è<f
èccvToîç àircchifovcri’ npotjéxpovae yxp xùzoîg Six riva; IouSxïxxç imxooplxg , nous dit Porphyre dans
un fragment conservé par Eusèbe.
(I) Josua filius Perachja et itfit* (Jésus) Alexandriam Ægypti profecti sunt ittf* (Jésus ) ex illo tem-

pore magiam exercuit , et Israëlias ad pessima quœvis perduxit (Sanhedr. f. 107, 2. ), Le Talmud n’est

pas la seule autorité qui fasse voyager Jésus à Alexandrie ,


pour y apprendre les artifices de sorcellerie,

Celse (
Orig cont. Cels.
. 1. 28) fait dire à un juif que Jésus s’étant mis en service pour un salaire en

Egypte, avait su y apprendre quelques tours de magie, et qu’à son retour il s’était orgueilleusement

donné pour Dieu: xxi (léyei’) pzt ovzog ((ô iyjc'oüç) Six mvixv eig Xiyvnzo-J piuOxpvnaxg ,
y.xxil Suvxpsrijv rivcov-

7res pxOsig ,
sçp xïg Pdyvzczioi a£p.vvvovzxi, in xvrjlOev, èv zxïg Suvxpeai péyx cfpovüv ,
y.xl Si xùzxg 0£ov xvzôv xvriyopîvae.

Parmi les évangélistes il n’y a que S. Matthieu qui nous parle de la fuite en Egypte (cap. n, v. 14
^

pour que la prédiction d’Osée (cap. xi, v. 2) fût accomplie : Ex Ægypto vocavi filium meum. Le silence

des autres Evangélistes ne serait-il pas le résultat d’une pieuse altération? Dans un manuscrit des

Evangiles de S. Jean, conservé dans les archives de l’ordre du Temple, manuscrit qu’on pourrait, au

besoin, faire remonter à l’époque de la recension byzantine, on trouve ce passage (Evang. vi, traduction

littérale) : Les juifs murmurent donc à ce sujet ,


parce qu’il avait dit : Je suis le pain descendu du ciel ,

et ils disaient : Celui-ci n’est-il pas Jésus , fis de Joseph, dont nous connaissons le père et la mère com- ,

ment peut-il dire : Je suis descendu du ciel? est-ce parce qu’il a habité avec les Grecs qu’il vient ainsi con-

verser avec nous ? qu’a de commun ce qu’il a appris des Egyptiens avec ce que nos pères nous ont appris ?

Dire que Jésus avait habité parmi les Grecs pour s’instruire avec les Egyptiens, c’est donner à entendre

d’une manière explicite qu’il sortait d’Alexandrie. Les païens qui admettaient l’existence de Jésus, re-

trouvant dans les rites des chrétiens toutes les cérémonies de l’Egypte, prétendirent que leur législateur

avait dérobé aux prêtres égyptiens tous leurs mystères (


Arnob. L. i, contra gentiles) ;
et les chrétiens ne

voulant plus être considérés comme une secte d’Isiaque corrigèrent ensuite leurs Evangiles ,
et biffèrent

tout ce qui pouvait rappeler leur origine égyptienne. Or, voici comment la Vulgate écourte le passage

de S. Jean que j’ai cité plus haut (Evang. chap. vi, v. 41, 42. Traduction de l’abbé Valard) : Alors

les juifs murmurent contre lui de ce qu’il avait dit : Je suis le pain descendu du ciel. — N’est-ce pas là,

disaient-ils, le fils de Joseph, nous connaissons son père et sa mère, comment donc dit-il : Je suis des-

cendu du ciel? Les Johannites ,


qui ne considèrent Jésus que comme un homme supérieur, admettent sans

difficulté qu’il avait puisé toute sa science en Egypte. Voici ce qu’on retrouve à cet égard dans le Levi-

tikon , livre qu’ils attribuent à S. Jean l’évangéliste : Moïse, élevé au plus haut degré de l’initiation chez

les Egyptiens, profondément instruit des mystères physiques, théologiques, et métaphysiques des prêtres,
.

DES HIÉROGLYPHES. 163

démontré que Josua ben Perachja vivait précisément un siècle avant l’ère chré-

tienne (1).

L’Evangile, ou la bonne nouvelle, n’était que l’annonce de l’avènement prochain

du règne de Dieu ,
et par conséquent de la fin du monde, époque à laquelle ce règne

doit commencer selon l’astrologie ;


aussi trouve-t-on dans le Nouveau Testament

cette fin prochaine du monde annoncée de la manière la plus explicite (2). Les

transporta l'initiation et ses dogmes chez les Hébreux. Chef et conducteur d’un peuple ignorant ,
peu pro-

pre à connaître la vérité ,


il se trouva forcé de ne confier qu’aux lévites d’un ordre supérieur les vérités de

la religion (à). Bientôt les passions et les intérêts de ces lévites altérèrent la loi de Moïse; et les traces

commençaient à s’en effacer lorsque Jésus de Nazareth parut sur la scène du monde : pénétré d’un esprit

tout divin, doué des plus étonnantes dispositions ,


après avoir reçu en Egypte tous les degrés de l’initia-

tion scientifique, politique, et religieuse, et avec eux l’esprit saint et la puissance théocratique ,
il

revint en Judée et y signala les nombreuses altérations que la loi de Moïse avait subies entre les mains des

lévites. Les prêtres juifs ,


attaqués dans leur crédit et aveuglés par leurs passions, persistèrent dans les

erreurs qui en étaient le produit et l’aliment; ils se liguèrent contre leur redoutable adversaire : mais les

temps étaient accomplis. Jésus dirigeant le fruit de ses hautes méditations vers la civilisation et le bonheur

du monde , déchira le voile qui cachait aux peuples la vérité : il leur prêcha l’amour de leurs semblables ,

l’égalité en droit de tous les hommes devant le père commun; consacrant enfin par un sacrifice divin les

dogmes célestes qu’il avait transmis , il fixa pour jamais sur la terre ,
avec les Evangiles ,
la religion écrite

dans le livre de la nature et de l’éternité. Il résulte de tout cela que, l’existence de Jésus fût-elle démontrée ,

le berceau du christianisme se trouve être en Egypte, où l’initiation conservait sous le voile de l’allégo-

rie les vérités du culte primitif, et que ,


par conséquent, la connaissance du langage mystique ,
né de
l’écriture idéographique, nous amènera à comprendre les mystères du christianisme; j’en donnerai un

exemple en expliquant celui de la trinité.

(1) Voy. Jost. Geschichte der Isr. 2. s. 80 , ff.


u. 142. der Anhænge.

(2) Erit enim tune tribulatio magna qualis non fuit ab initio mundi usque modo, neque fiet..... —
Statim autem post tribulationem dierum illorum, sol obscur abitur , et lima non dabit lumen suum, et

stellæ codent de cœlo et virtutes cœlorum commovebuntur. — Et tune parebit signum filii liominis in

cælo : et tune plongent omîtes tribus terræ : et videbunt filium liominis venientem in nubibus cœli ci im

virtute multà, et majestate. — Et mittet Angelos suos ciim tuba et voce magna : et congregabunt electos
ejus à quatuor ventis, à summis cœlorum usque ad termines eorum. — Ab arbore autem fici discite para-
bolam : cùm jam ramus ejus tener fuerit et folia nata ,
scitis quia propè est œstas : — lta et vos cùm
videritis hœc omnia ,
scitote quia propè est in januis. — Amen dico vobis, quia non prœteribit generatio

(a) Strabon (
Geogr 1 iv. xvi ,
page 1104, édit, de 1707) nous apprend que Moïse ,
l’un des prêtres égyptiens ,
en-

seigna que cela seul était la divinité qui compose le ciel , la terre , tous les êtres, enfin ce que nous appelons le monde ,

V universalité des choses, la nature. Telle est effectivement l’idée que la haute initiation se faisait de 1E0UA.
,

164 DICTIONNAIRE

chrétiens qui se considéraient comme des élus exilés sur la terre attendaient donc

de jour en jour, avec la plus vive impatience, le rédempteur céleste qui devait les

placer à sa droite (1); et comme des fléaux, tels que la guerre, la famine, et la

hœc, donec omnia hœc fiant. (Matth. Evang. cap. xxiv, v. 21 , 29, 30 , 31 , 32 , 33 et 34). S. Marc fait

parler Jésus à peu près dans les mêmes termes (cap. xiii, v. 30). Et vos estote parati quia quâ liorâ non
putatis filius hominis veniet (Luc. Evang. cap. xn, v. 40 ). Amen , amen dico vobis quia venit hora, et

nunc est , quando mortui audient vocem filii Dei, et qui audient , vivent (Joan. Evang. cap. v, v. 24).

Gaudete in Domino semper, iterùm dico ,


gaudete. — Modestia vestra nota sit omnibus hominibus : Do-
minus prop'e est (Paul, ad Philipp. cap. iv, v. 4 et 5). Patientes estote ,
fratres , usque ad adventum

Domini Ecce judex ant'e januam assistit (Jacob. Epist. cap. y, v. 7 et 9) , etc.

(1) Il paraîtrait que cette fin du monde, toujours imminente ,


finit par donner prise à la critique qui

ne la voyait pas arriver, et cela même dans les premiers temps du christianisme; c’est ce qu’on pour-
rait inférer de ce passage de la seconde épître de S. Pierre : Hoc primum scientes, quod venient à novis-
simis diebus, in deceptione illusores, juxta proprias concupiscicntias ambulantes. — Dicentes : Ubi est

promissio, aut adventus ejus? ex quo enim patres dormierunt , omnia sic persévérant ab initio créa-

tures — Unum verà hoc non lateat vos ,


charîssimi, quia unus dies apud Dominum sicut mille anni,

etmille anni sicut dies unus (vide cap. m, v. 5 , 4 et 8). Il paraîtrait, d’après Lucien, que l’arrivée duré-
dempteur était toujours renvoyée par les premiers chrétiens au mois de Mesori, mois dans lequel les

Egyptiens célébraient la fête d ’Harpocrate représenté comme l’Iesou des zodiaques, sous la figure d’un

enfant dont Isis était accouchée au solstice d’hiver (voyez Plutarque, Traité d’Isis et d’Osiris, chap. 11

et 12). L ’Harpocrate des Egyptiens n’est autre que Yloan d’hiver dont les chrétiens ont fait leur S. Jean

évangéliste qui reposait sur le sein de Jésus pendant la cène. Cet Harpocrate se confond avec Ylesou lors-

qu’on les considère, l’un et l’autre, comme symboles du solstice d’hiver, mais avec cette différence que

Yloan ne peut jamais devenir par extension, comme Ylesou, le symbole du soleil, à partir du solstice

d’hiver jusqu’au solstice d’été, comme cela a lieu pour Yloan d’été (voyez note 5 de la page 101). On
sera peut-être étonné de voir que les chrétiens aient assigné aux mythes égyptiens sanctifiés par eux,

des jours de fête qui concordent parfaitement avec les principes de l’astrologie, alors même qu’ils

considéraient ces mythes comme des personnages ayant réellement existé. Mais tout cela s’explique

naturellement, lorsqu’on sait que notre calendrier sacerdotal est l’œuvre des Alexandrins. Les évêques

de Rome, trop ignorants pour savoir à quelle époque de l’année on devait célébrer la naissance de

Jésus, de S. Jean-Baptiste la fête de la Transition ou la Pâque, etc. ,


etc., s’en référaient à la déci-

sion des patriarches d’Alexandrie, tout en leur contestant la prééminence. Léon I, surnommé le Grand

et sanctifié plus tard parce qu’il avait persécuté les sectes orientales, avouait à l’empereur Marcien que

l’indication des fêtes mobiles avait toujours été un privilège exclusif de l’Eglise d’Alexandrie. « C’est

« pourquoi ,
ajoute-t-il, à propos de la réforme du calendrier, les Pères de l’Eglise ont toujours passé

« sur les erreurs et ont délégué à l’évêque d’Alexandrie le soin de marquer les fêtes ,
parce que les

« Egyptiens semblent avoir eu de tout temps le don du calcul ». En conséquence, lorsque 1 évêque

d’Alexandrie avait indiqué au siège apostolique les jours des fêtes mobiles, l’Eglise de Rome les notifiait
en écrivant à toutes les Eglises les plus éloignées.
. ,

DES HIÉROGLYPHES. 1 65

peste, devaient être les avant-coureurs de la grande catastrophe (1), les premiers

chrétiens ne désiraient, ne voyaient, et ne prédisaient que des malheurs. Aussi

les païens les regardaient-ils comme des hommes funestes, et leur rencontre était

même considérée par eux comme étant d’un fort mauvais augure (2).

Les premiers chrétiens, l’esprit toujours tendu vers la béatitude céleste, étaient

en général ,
des visionnaires qui méprisaient les biens de la terre et la puissance

temporelle. Ce mépris engendra chez eux la charité et l’humilité, vertus que leurs

plus grands ennemis n’ont pu s’empêcher de leur reconnaître.

Malgré toute la puissance de la peur (3), il est difficile de concevoir comment

le christianisme a fini par devenir la religion sinon universelle, du moins la plus

répandue. Un rapide historique nous en dévoilera peut-être la cause.

Lorsque 1

équinoxe du printemps correspondit à l’« des poissons (4) ,
quelques

astrologues alexandrins crurent pouvoir annoncer la fin prochaine du monde; selon

eux, la vierge était déjà mère de VIesou sacré, le sang du belier venait d’être répandu,

la résurrection des morts allait arriver, et le jugement dernier ne devait plus se faire

attendre. Cette annonce du nouveau règne de Dieu, cette bonne nouvelle, ou ,


si l’on

veut cet Evangile , ne dut faire aucune impression sur les initiés qui, instruits dans

les mystères de la haute astrologie, savaient fort bien que c’était le solstice dété,

et non pas X équinoxe du printemps, qui, parvenu à l’« des poissons, devait déterminer

la grande catastrophe. Cependant quelques esprits timorés ne laissèrent pas d’ajou-

ter foi à ces prédictions de la fin prochaine du monde; persuadés que le grand juge

allait bientôt arriver, l’unique soin de ces premiers croyants fut de se mettre en

état de grâce; les biens de la terre n’étant plus, à leurs yeux, que des biens éphé-

mères ,
ils les abandonnèrent sans regret pour pleurer dans la solitude sur leurs

(1) Voyez l’Apocalypse de S. Jean, chap. 8 et 9.

(2) Voyez le Dialogue de Lucien intitulé : Philopatris ou le Catéchumène

(3) L’idée de la fin prochaine du monde fut une des principales causes de la propagation du chris-

tianisme, comme l’ont démontré Lactance ,


Tertullien, etc.

(4) Il
y a environ 1940 ans.
,

166 DICTIONNAIRE

fautes passées, pour faire pénitence de leurs péchés, et pour mériter enfin, par

un sincère repentir, l’indulgence de Dieu au jour du jugement. Ces hommes la


,

plupart juifs, volontairement séparés des autres hommes, reçurent de leurs com-
patriotes le nom de Nazaréens (1), concurremment avec celui d ’Ebionites (2); car

cette secte ne se composait généralement que de la lie du peuple juif, la plus

stupide et par conséquent la plus crédule de toutes les populaces. Les Nazaréens

ou Ebionites végétèrent obscurs et méprisés jusqu’au temps où la puissance ro-

maine étendit son sceptre de fer sur l’Orient (3) : alors les jours de désolation

considérés comme Y agonie de la terre et comme les signes précurseurs de la fin

du monde, réveillèrent le souvenir des prédictions alexandrines. La Judée asservie,

Jérusalem livrée à l’arbitraire des préteurs, le temple profané, et, par-dessus tout,

l’impossibilité de se soustraire au joug imposé par les maîtres du monde, tout dut

faire penser aux juifs qu’un miracle seul pouvait relever de sa ruine la maison de

Jacob, et ceux qui avaient encore espoir dans le Dieu de leurs pères, crurent alors

que le Messie promis par les prophètes allait arriver : or, comme le Messie devait

(1) Le nom de Nazaréens qu’on donna aux premiers chrétiens, était une expression déjà employée dans
l’Ancien Testament pour signifier une personne distinguée et séparée des autres par quelque chose d’ex-

traordinaire ,
comme par sa sainteté, par sa dignité ,
ou par ses vœux ;
la Genèse nous dit (xlix , 26) que

Joseph était nazaréen (hj) entre ses frères, car il était distingué et séparé d’eux par sa dignité. Le Naza-

réat consistait, chez les juifs, en trois choses, 1° à s’abstenir de vin ;


2° à ne point se faire raser la tête .

3° à éviter de toucher les morts de peur d’en être souillé. Le nom de Nazaréen, donné aux premiers

chrétiens, ne vient pas du nom d’un village nommé Nazareth ,


où Jésus aurait passé la plus grande

partie de sa vie selon les évangélistes, pour que la prophétie de je ne sais quel prophète fût accomplie :

quoniam Nazarœus vocabitur (Matth. Evang. 11 , 23), il est plutôt à présumer que les évangélistes ont

fait de Nazareth le domicile politique de Jésus pour se rendre compte du nom de Nazaréens que por-

taient généralement les premiers chrétiens.

(2) Ebionite signifie pauvre ,


gueux , misérable. Les premiers chrétiens finirent par accepter celte

dénomination d’ Ebionites ,
de même que les républicains de 93 acceptèrent la dénomination de sans-

culottes que l’aristocratie leur avait donnée par mépris; et plus tard ,
pour relever le nom d' Ebionite , on

supposa l’existence d’un certain Ebion qui aurait été chef de cette secte à laquelle il avait laissé son nom

(voyez J. Toland, Christian, des juifs et des gentils, chap. 9).

(3) Précisément vers l’époque à laquelle on fait remonter notre ère.


; ,

DES HIÉROGLYPHES. 167

venir à' Egypte (1) et qu’il devait être le fils d’une vierge (2), les Nazaréens repri-

rent courage et ils annoncèrent que leur lesou, qui remplissait les conditions re-

quises, était le véritable Messie dont on attendait la venue. La secte des Nazaréens

prit alors une certaine consistance, mais les juifs de Jérusalem, trop positifs même
dans leurs espérances, ne crurent pas devoir baser leur salut sur la protection

d’un mythe étranger, et ils rejetèrent les rêveries des Nazaréens pour s’attacher à

quelque puissant de la terre. Un tétrarque de la Galilée, Hérode, paraissant, faute

de mieux, l’homme le plus apte à remplir les fonctions de libérateur, quelques juifs

le proclamèrent X envoyé de Dieu ou le Messie de là, la secte des Hérodiens secte

qui ne subsista pas longtemps, car le tétrarque ne répondit pas aux espérances

qu’on avait fondées sur lui. Les Nazaréens cependant attendaient toujours, avec

une foi constante, et la fin du monde et X arrivée du rédempteur ; méprisant les biens

d’ici-bas, ils avaient, les uns pour les autres, une charité illimitée; considérant la

puissance comme un fardeau , ils avaient pour leurs chefs une obéissance aveugle

et une vive reconnaissance, enfin ils avaient dans leurs prophètes ou illuminés la

plus ferme croyance et la plus profonde vénération. On conçoit qu’avec de pareilles

gens les fripons font vite leur chemin (3) : aussi s’en trouva-t-il bientôt qui se mi-

rent à leur tête, abondèrent dans leur sens, commencèrent leurs écritures, et en

composèrent de nouvelles (4).

Nous avons vu que les Nazaréens ou Ebionites n’étaient que des juifs réfor-

(1) Ex Ægypto vocavi filium meum (Os. xi. 2.)

(2; Ecce virgo concipiet ,


et pariet filium, et vocabitur nomen ejus Emmanuel (Isaï. vu. 14).

(5) « Les chrétiens méprisent tout, nous dit Lucien dans la mort de Pérégrinus . ils considèrent tous

« les biens comme étant communs à tous ; s’il se trouve quelque imposteur parmi eux qui sache pren-
« dre ses mesures et profiter de l’occasion, il s’enrichit promptement en se jouant de leur crédulité...

(4) Lucien nous représente Pérégrinus (loco cit .) comme s’étant fait initier aux mystères des chrétiens
lorsqu’il était dans la Judée : « mais ajoute-t-il
, ,
Pérégrinus leur montra bientôt qu’ils n’étaient que des

« enfants auprès de lui ;


car il devint non-seulement un prophète ,
mais encore le chef de leur secte. Il

« interprétait les écritures et en composait lui-même, de telle sorte que les chrétiens finirent par le re-

« garder non-seulement comme leur législateur, mais encore comme un Saint ». Pérégrinus était un

philosophe cynique.
168 DICTIONNAIRE

mes (1) ou, si l’on veut, gâtés par l’astrologie alexandrine. Ces Nazaréens conser-

vaient, d’ailleurs, avec la plus religieuse exactitude, tous les rites prescrits par la

loi de Moïse ,
et avaient toujours la plus grande confiance dans les antiques pro-

phéties d’Israël. Or, comme les prophéties représentent toujours le Messie comme
un homme puissant de la race de David (2), les faiseurs d’évangiles, amalgamant la

croyance judaïque avec les dogmes du culte primitif et de l’astrologie égyptienne,

firent de Ylesou sacré des zodiaques un homme de la race de David , fils de Dieu,

fils d’une vierge, Verbe et seconde personne de la Trinité (3). Ils donnèrent à ce

personnage imaginaire qui était venu, non pas pour détruire la loi de Moïse,

mais pour l’accomplir, un caractère calqué sur celui que la tradition donnait à

Josué (4) qui, successeur de Moïse, avait déjà accompli la mission de ce législa-

teur en établissant le peuple de Dieu dans la terre promise (5). Comme tout en-

voyé de Dieu devait prouver sa divine mission par des actes surnaturels, les

évangélistes attribuèrent à Jésus des miracles qui avaient cours parmi les char-

(1) Nec disciplina ilia apud eos, alla quarn judaïsmus reformatas ,
sea cum fide in Messiam , seu Chris-

tum, rite conjunctus (Selden de Synedr. L. i , c. 8). — Les juifs ,


ne voyant dans les premiers chrétiens

que des dissidents, les anathématisaient trois fois par jour dans leurs synagogues ( vide S. Hieromjm.

in Tsaiam ,
cap. v, vers. 18).

(2) Fide Dan. vii, 4, 27, et Mich. 4, 7. Les premiers chrétiens ne considéraient généralement Jésus

que comme un homme supérieur Vide S. Iren. L. 1,


. c. 26. Euseb. Hist. Eccles. L. 5, c. 27. S. Epiph.

Hœres. 7, n. 2. Hœres. 28, n. 1. Hœres. 30, n. 2. 18. Theodor. Hœret. fab. L. 2, c. 1 et 2. Dans les actes

des apôtres on fait même dire à S. Pierre : Firi Israelitœ ,


audite verba hœc : Jesuni Nazarenum virum ,

approbalum à Deo in vobis ,


virtutibus ,
et prodigiis , et signis ,
quoe fuit Deus per ilium in medio vestri ,

sicut et vos scitis vide cap. n, vers. 22). Origène, dans son Traité contre Celse, distingue deux sortes
(

d’Ebionites; la différence de cro) ance‘en ce qui touchait la divinité de Jésus, divisa les chrétiens dès
r

leur origine.

(3) Dans le cours de cet ouvrage, nous démêlerons tout cet imbroglio : le fils de l’homme, seconde per-

sonne de la trinité , ne doit pas se confondre avec le Ferbe ou fils de Dieu qui est Iesu ou force motrice

de l'univers , force qui se renouvelle à chaque fin de la vie du monde. J’expliquerai bientôt ces diffé-

rences en dévoilant le mystère de la trinité.

(4) Josué est appelé Jésus dans le Nouveau Testament ,


et I no-oüç par le juif Philon.

(d) Foy. Philon : mpi tftÏKvQpuTriuç.


DES HIEROGLYPHES.
169
latans d’Alexandrie
(1); enfin ils admirent qu’il avait vécu autant que le plus cé-
lèbre des Grecs, c’est-à-dire Alexandre, à
moins qu’on ne préfère voir dans
cette
vie de 33 ans et quelques mois l’espace de temps que
met chaque mois lunaire
pour parcourir les différentes saisons de l’année solaire, ce qui constitue
une pé-
riode de 33 ans et 6 mois environ. Quant à la morale du
Nouveau Testament, .

on y reconnaît l’esprit de la secte nazaréenne, la charité, l’amour du prochain,


le mépris du monde, et l’espérance d’une meilleure
vie.

En ce temps-là, Rome victorieuse était devenue la capitale


du monde; mais elle
avait perdu le fondement de sa puissance,
car elle n’avait plus de religion
. Cette reli-
gion nationale, déjà ébranlée par la
philosophie dans les derniers temps de la répu-
blique, ne servait plus, sous les
empereurs, qu’à élever de stupides
brigands au
rang des immortels on ne croyait plus
; à ces oracles sibyllins qui
promettaient à l’em-
pire une éternelle durée les
; augures ne pouvaient plus se regarder
sans rire, et le
très-bon et très-grand Jupiter n’était
au Capitole qu’un dieu de muséum
;
on se faisait
un jeu des serments, et le peuple qui atteste Dieu en vain, est un peuple
perdu.
Cependant, comme il existe dans l’homme une intelligence
supérieure qui lui prouvé
l’existence d’un Dieu auquel
le raisonnement ne peut
pas atteindre, et que
d’ail-
leurs ,1 sent en lui le besoin
impérieux de rattacher son
existence à celle de I’Ètre
Suprême, l’homme qui n’est pas
abruti ne flotte pas longtemps dans le doute, car
c’est un tétanos moral, et le sceptique,
semblable à l’imprudent qui,
parvenu an
sommet d’un édifice élevé, éprouve des vestiges, ferme les yeux, et s’attache au
premier objet qui se présente
à lui; le sceptique,
dis-je, finit toujours
par accepter
une croyance quelconque,
sans chercher même à
s’expliquer pourquoi. Les
Romains
qui ne croyaient à rien
étaient donc prêts à
croire à tout : aussi cette
époque fut-
elle l’âge d’or des sectes orientales
qui vinrent s’établir à Rome; il faut en excep-

WS Hita'ta,, élève de l’EgypUen


S. Antoine, guérissait
radicalement les possédés,

& ^ ^
'
C “ mrae/e SMSetC ° mrae

** le8l °" S ^ diabl6S ” e


^ '

aSÎ en ’ c’est-à-dire avec des attcuche-

pouvaient P as tenir «ne heure


les paraivti-

exorcismes de ce saintrh
' contre les
homme. ( Vide Hieronym. épis, lib. 3 , de Hüanonis ).

22

(
, ,

170 DICTIONNAIRE

ter pourtant celle des Nazaréens. Les premiers chrétiens, confondus avec les juifs

peuples ont eu de l’antipathie, prêchant la fin du monde


pour lesquels tous les

et la pauvreté et ne prédisant d’ailleurs que la ruine des nations et


la pénitence,

le malheur des peuples ,


furent considérés dans la luxurieuse Rome comme les en-

nemis des hommes et des dieux, et comme les sectaires du mauvais principe ; on

les haïr et l’on finit par les persécuter. Mais les Nazaréens, per-
commença par

suadés que tout ici-bas allait bientôt finir, étaient trop familiarisés avec l’idée de

la craindre certains de renaître immortels, ils marchaient avec joie


la mort pour ;

au martyre ,
et leur constance dans les supplices ébranla l’imagination de leurs

bourreaux. Ce fut là le premier progrès du christianisme. Fidèles aux coutumes

on conçoit que cette


judaïques, les Nazaréens avaient conservé la circoncision
:

mystères devait empêcher la


opération préalable pour se faire initier dans leurs

chez les Gentils et le christianisme n’eût fait que très-peu


propagation de la foi ,

de prosélytes dans l’Occident si, mieux avisés, quelques chrétiens n’avaient fini

la circoncision comme une pratique mutile. Ces chrétiens formè-


par abandonner
première, elle se répandit
rent une nouvelle secte, plus
accommodante que la

justifiant ses lugubres prédictions, elle re-


promptement; la décadence romaine
acquit des protecteurs, et finit par triompher,
cruta toutes les espérances déchues,

restèrent isolés et méprisés pour devenir plus tard


tandis que les purs Nazaréens

des hérétiques.
chancelante, tant qu’elle
Comprenant que la puissance impériale serait toujours

religion, Constantin se fit le protecteur


n’aurait pour appui que des hommes sans
pouvaient le protéger; la fidélité de ces memes
des chrétiens qui, déjà nombreux,

d’ailleurs avec la versalité des Gentils, car ceux-ci ne


chrétiens contrastait

lui sacrifiaient volontiers l’idole qu’ils


reconnaissant d’autre dieu que V
intérêt,

avaient encensée la veille.


nationale, Constantin com-
Pour que le christianisme pût devenir une religion
pouvait établir son influence.
prit qu’il fallait d’abord le ramener à l’unité qui seule
,

œcuménique qui tria les écritures


En conséquence, il convoqua à Nicée un concile
DES HIÉROGLYPHES. 1 71

contradictoires des premiers chrétiens ,


adopta les unes comme inspirées ,
rejeta

les autres comme apocryphes, et anathématisa ,


comme de raison, tous ceux qui

ne furent pas de son avis. Les empereurs appuyant ensuite de leur autorité le

christianisme arrangé par les Pères de Nicée, cette religion étendit rapidement

son domaine par la persécution, car, il ne faut pas se le dissimuler, le christia-

nisme, si charitable et si doux, toujours présenté par ses historiens comme ayant

conquis le monde avec sa divine morale, doit son triomphe à la terreur (1).

Mystère de la Trinité.

Tous les mystères du christianisme sont empruntés aux Egyptiens; l’étude du

culte primitif, la connaissance du langage symbolique, et quelques notions d’astro-

logie ,
suffisent pour en donner la clef. Soit, par exemple , le mystère de la Trinité

que la philosophie satirique du dix -huitième siècle considère comme une absur-
dité révoltante, mise en crédit par de stupides fripons, je dis que ce mystère est

une vérité si l’on admet la religion primitive conservée dans le sanctuaire de la

haute initiation égyptienne. En effet :

Tout ce qui est compose I’Univers.

Rien ne vient de rien, rien ne s’anéantit.

L’Univers est donc éternel.

Tout ce qui est se divise en matière, vie, et intelligence.

La matière affecte nos sens.

La vie donne le mouvement à la matière.

L’ intelligence règle le mouvement de la matière.

La matière, la vie et X intelligence, composent I’Univers et sont éternels comme lui.

(1) Ouvrez le code Théodosien, vous y trouverez les édits de Constantin, de Constant, de Valenti-

nien, de Théodose, d’Arcadius, et de Théodose le jeune, qui vous montreront comment on convertissait
primitivement les païens. Le code Justinien nous atteste que leurs successeurs tyrannisèrent , comme
eux ,
les consciences ,
et dans la dernière lutte du paganisme mourant on ne trouve que Julien qui n’ait

pas versé de sang pour soutenir sa croyance ,


quoiqu’il fût empereur et mauvais dialecticien.
, , , ,

172 DICTIONNAIRE

Tout ce qui est est infini.

L’Univers est infini.

La matière, la vie, et Y intelligence, composent I’Univers et sont infinis comme

lui.

Dieu est tout ce qui est, son nom est IEOUA (1).

Dieu est partout il est éternel et infini.

Dieu est tout ce qui est, il se compose donc de matière de vie, et d intelligence.

Si l’on représente symboliquement la matière par un vieillard, qu’on appellera

par un jeune homme, qu’on appellera le Fils (3) et 1 intelligence


le Père (2), la vie
,

par une colombe, qu’on appellera I’Esprit Saint (4), Dieu se composant de matière,

de vie et ïï intelligence se compose donc du Père, du Fils ,


et du Saint Esprit,

tous trois incréés , infinis ,


et éternels (5).

Les Egyptiens admettaient qu’on pouvait concevoir la matière sans vie et sans

intelligence, c’est-à-dire inerte, tandis que la vie ne peut être conçue sans le

concours de la matière dans laquelle elle manifeste son existence. La matière

pouvant exister seule, et la vie ne pouvant être manifestée qu’avec le concours de

la matière ,
la matière peut donc être considérée comme la mère de la vie, non

(1) Voyez note a de la page 45.

On l’appelait aussi simplement l'homme : la matière était représentée par un vieillard caduc qui
(2)

ne reste qu’un souffle de vie, parce que, s ans intelligence et presque sans vie, le
radote, et auquel il

vieillard caduc n’est que matière. Les Egyptiens représentaient la matière-principe par un homme noir,

appelé Osiris. Le Père éternel des chrétiens n’étant que la matière personnifiée, on s’explique enfin

peu vénérée on invoque tous les jours, dans


pourquoi la première personne de la sainte Trinité est si :

nos églises, le Fils et le Saint Esprit ,


mais on ne s’adresse jamais au Père.

Au lieu de représenter la vie sous la figure d’un jeune


homme appelé le Fils, les Egyptiens la
(3)

femme appelée Isis. Le Fils étant la vie et la vie étant aussi sym-
représentaient sous celle d’une jeune ,

hiéroglyphique de l 'âne (voyez Ane) les premiers


boliquement représentée par la croix, abréviation ,

croix, pour bien déterminer sa valeur comme symbole.


chrétiens mirent entre les mains du Fils une
une colombe, Egyptiens la représentaient par un éper-
lieu de représenter Y intelligence par
les
(4) Au
vier ou par une aile d’èpervier qu’ils appelaient Cnef.

Increatus Pater, increatus Filius, increatus Spiritus Sanctus.


- Immensus Pater, immensus
(5)

Filius ,
immensus Spiritus Sanctus. — Æternus Pater ,
œternus Filius ,
œternus Sanctus Spiritus.

(Vide symb. Quicumqne).


, , , , ,,

DES HIÉROGLYPHES. 173

pas parce quelle la crée puisqu’elles sont coéternelles, mais parce quelle la met

au monde parce qu’elle manifeste son existence et c’est dans ce sens que les

premiers chrétiens ont dit : Le Père (la matière) n’est ni créé ni engendré, et le Fils

(la vie) est engendré (manifesté), mais non pas créé par le Père (1),

L’ intelligence c’est-à-dire ce qui régit le mouvement de la matière n’est pas

engendré (manifesté) par la vie et la matière ou par le mouvement de la matière


>

mais elle ressort de ce même mouvement (2). U intelligence procède donc de la ma-
tière et de la vie, et c’est dans ce sens que le christianisme a proclamé que I’Esprit

Saint (
l’intelligence )
n’est ni créé ni engendré par le Père la matière et le Fils
( )

(
la vie), mais qu’il procède de tous les deux (3).

Il homme étant le seul animal qui puisse modifier sa nature et celle des êtres

qui l’entourent (4) ,


il est donc le seul animal qui possède Y intelligence c’est-à-

dire ce qui régit le mouvement de la matière; Y homme est donc, comme Dieu, un

(1) Pater à nullo est factus, nec creatus, nec genitus. — Filids à Pâtre solo est , non factus, nec

creatus, sed genitus ( vide symb. Quicumque). Le Père étant appelé simplement I’Homme, le Fils du Père
prit aussi le nom de Fils de l’Homme.

(2) Pour bien comprendre ici ce que veulent dire les Egyptiens dont je ne suis que le très-humble in-
terprète qu’on se figure un corps en mouvement. Nous ne pouvons pas d’abord décider
,
si ce corps est mu
pai un mouvement qui lui est propre ou par une force qui lui aurait été
, communiquée. Le mouvement
de la matière ne nous manifeste donc pas l’existence de Y intelligence
dans ce corps ou ce qui régit le

mouvement de la matière; mais si étudiant le mouvement de ce corps nous voyons


,
, qu’il évite tout ce qui
peut neutraliser son mouvement ou sa vie nous en concluons qu’il se meut par un mouvement qui
,
lui
est propre, et que par conséquent il est régi par Y intelligence universelle, donc, Y intelligence n’est pas
manifestée par le mouvement de la matière mais
, elle ressort ou elle procède de ce même mouvement.
(3) Spiritus Sanctus à Pâtre et Filio ,
non factus nec creatus, nec genitus sed procedens (vide loco
, ,

cit. ).

(4) Celte faculté de l’homme a été reconnue et définie par un philosophe moderne : « Chez les êtres in-
« férieurs à l’homme, les faits sont l’exacte expression des lois, et celles-ci peuvent dès lors être déduites
« rigoureusement de ceux-là jamais l’ordre ne souffre aucune altération.
: Il n’en est pas ainsi de
« 1 homme , ses actes ne sont pas tous, à beaucoup près, l’expression de ses lois; il le sait, il en a la
« conscience invincible; et cette discordance, qu’on ne remarque qu’en lui, tient à ce que sa nature
« a de plus grand à 1 intelligence et à la liberté inséparable de l’intelligence. Car
,
de la liberté naît le
« pouvoir que lui seul possède parmi les êtres connus de nous ,
le pouvoir de violer ses lois et de porter
« volontairement le désordre en soi-même ». (Lamennais, Esquisse d’une philosophie; Préface, p. xvm).
,

174 DICTIONNAIRE

vie, et d’ intelligence (1), il est donc une image de Dieu ou


composé de matière de

un petit Univers, comme le définit Fythagore.

Verbe de Dieu avec le Fils de I’homme, seconde


Il ne faut pas confondre le

Le Verbe ou Demiourgos n’est autre chose que X ordre au-


personne de la Trinité.

éternel selon la croyance du culte


quel Dieu a soumis l’Univers. Cet ordre n’est pas

monde finit; mais comme alors Dieu recompose


primitif, car il cesse lorsque le

nouvel ordre Les


un autre monde, il produit aussi un nouveau Verbe ou ou (2).

chrétiens, qui croyaient la fin du monde imminente, attendaient un nouvel ordre de

choses, c’est-à-dire un nouveau Verbe, et plus tard


on confondit le Verbe dont on

du zodiaque, et cela d’autant plus facilement que


attendait la venue avec Ylesou

nom éYIesu, c’est-à-dire divine force


ce même Verbe portait en langue sacrée le

symbole du solstice d’été, porte


du monde. C’est précisément Ylesu que la Vierge,

dans ses bras

cet lesu qui doit être mis à


mort lorsque le
lorsqu’on le personnifie. C’est enfin
lesu. Dans le
monde finira, pour ressusciter ou pour céder sa place à un nouvel
mjstère.
sanctuaire du temple d’Hermonthis (3)
on voit un tableau représentant ce

les quatre âges du monde (4)


abandonnent leur
Les quatre vierges qui désignent

cap. v, vers. 25): Ipse au, em Drus


(1) ‘C’est pour cela que S. Paul dit ,«i Tessalouieus (Epi t. ».
ut tutejer spiritus «ester et anima
et corpus, sme quereld m « «n u
paras sanctifiée, vos per omnia,

Domini nostvi Josu Chvisti scvvetuv .

queTirgile dit dans son églogue a Pollion :

(2) C’est dans ce sens

Magnus ab integro seclorum nascitur ordo.

vol. i, planche 96, fig. i.


Voyez Atlas de la Commission d’Egypte. A.
(5)

Voyez Beuer ,
page 119.
(4)
, , , , , ,

DES HIÉROGLYPHES. 175


lesu aux nouvelles vierges qui désignent les trois âges du règne
de Dieu (1), et le
Iesu est mis a mort par la première des trois vierges pour
,
céder sa place au nou-

vel lesu qu allaite la derniere. Les chrétiens d’Egypte qui comprenaient la va-
,

leur de ce tableau ,
ont eu soin de mutiler le premier lesu d’Hermonthis ,
afin

quon ne reconnût pas que leurs mystères n’étaient qu’une informe


copie des
mystères égyptiens. Au-dessus de cet lesu ainsi mutilé se trouve
le scarabée noir
roulant dans ses pâtes la boule du monde pour bien caractériser la valeur sym-
bolique du Verbe personnifié, car les Egyptiens, auxquels
Platon et les chrétiens
ont emprunté évidemment l’idée de leur Verbe
(2), le représentaient symbolique-

ment par un scarabée noir (3), et cela parce que cet insecte dépose la semence
dans la bouze qu il arrondit ensuite en la poussant à reculons. La sphère que roule

le scarabée figurant le monde le scarabée de son côté figurait Xagent ou le

Demiourgos, qui imprime le mouvement à l’Univers. Dans les tableaux mystiques on

représentait le scarabée noir symbole du Demiourgos fils de Dieu, sortant de


la bouche d’Osiris

ce qui lui valut le nom de Verbe. H homme fils de Dieu, émanait aussi d ’Osiris,
mais, comme on le voit dans les mêmes tableaux mystiques, il n’émanait pas de la

bouche, il n’émanait que du phallus.

Le second Iesu ou le nouveau Verbe qui doit remplacer Xlesu ou le Verbe ac-
,

(1) La vie du monde se divisait en deux règnes, le règne de Dieu et le règne de l’homme; le
règne de
l’homme se subdivisait en quatre âges : âge d’or , âge d’argent , âge d’airain , et âge de fer; et le règne de
Dieu ne se subdivisait qu’en trois âges âge de la matière
:
, âge de la vie, et âge de l’intelligence.
(2) OSs voùç 6 0so? àppevomloç <5v Çùyj j<re Aiyov èrspov voùv Snpiovpyôv.

( Plutarq. Traité d’Isis et d’Osiris.


)
(3) Le scarabée symbole de la vie, est un scarabée vert.
176 DICTIONNAIRE

tuel, était appelé Phtha à Memphis, et Uies (1), anagramme de lesu, en langue

sacrée. C’est précisément ce nouveau Verbe qui doit à la fin du monde purifier et

régénérer la terre avec le feu des étoiles ;


car (
et j’ai honte de le dire
)
les as-

trologues égyptiens prétendaient que les étoiles fixes ont une tendance à se réu-

nir, et que de cette réunion doit résulter le feu céleste qui embrasera l’Univers.

RÉCAPITULATION.

Le boeuf, la queue basse et marchant au pas,

est le symbole du travail. Lorsqu il est représenté couché ,

bondissant , s’amusant, ou seulement agitant sa queue ,

il est alors le symbole de la cessation du travail.

Quoi qu’en dise Horus-Apollon (2), il n’existe pas d’abréviation symbolique du

boeuf, symbole du travail, dans les hiéroglyphes purs de la Haute Egypte.

(1) Dans les mystères d’Eleusis (voyez Proclus, liv. v), le Verbe futur était connu sous le nom de
Uies.

(2) Horus-Apollon, liv. 2, hiérogl. 47.


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