CH 1 Part
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Texte : P 9-12
Dès notre arrivée nous grimpâmes sur une vaste estrade couverte de nattes. Après avoir payé
soixante-quinze centimes à la caissière nous commençâmes notre déshabillage dans un tumulte de
voix aiguës, un va-et-vient continu de femmes à moitié habillées, déballant de leurs énormes
baluchons des caftans et des mansourias, des chemises et des pantalons, des haïks à glands de soie
d'une éblouissante blancheur. Toutes ces femmes parlaient fort, gesticulaient avec passion, poussaient
des hurlements inexplicables et injustifiés. Je retirai mes vêtements et je restai tout bête, les mains sur
le ventre, devant ma mère lancée dans une explication avec une amie de rencontre. Il y avait bien
d'autres enfants, mais ils paraissaient à leur aise, couraient entre les cuisses humides, les mamelles
pendantes, les montagnes de baluchons, fiers de montrer leurs ventres ballonnés(...).
Moi, je me sentais plus seul que jamais. J'étais de plus en plus persuadé que c'était bel et bien
l'Enfer. Dans les salles chaudes, l'atmosphère de vapeur, les personnages de cauchemar qui s'y
agitaient, la température, finirent par m'anéantir. Je m'assis dans un coin, tremblant de fièvre et de
peur. Je me demandais ce que pouvaient bien faire toutes ces femmes qui tournoyaient partout,
couraient dans tous les sens, traînant de grands seaux de bois débordants d'eau bouillante qui
m'éclaboussait au passage. Ne venaient-elles donc pas pour se laver ? (...)
Heureusement pour moi, ces séances de bain étaient assez rares. Ma mère ne voulait point
s'embarrasser de l'enfant empoté et maladroit que j'étais. Pendant son absence, j'étais livré à mes
timides fantaisies. Je courais pieds nus dans le derb, imitant le pas cadencé des chevaux, je hennissais
fièrement, envoyais des ruades. Parfois, je vidais simplement ma Boîte à Merveilles par terre et
j'inventoriais mes trésors. Un simple bouton de porcelaine me mettait les sens en extase.
1. Complétez le tableau suivant :