Méthodologique

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 8

Titre Premier

Les épreuves théoriques


Les épreuves théoriques sont :
• La dissertation ; • Le commentaire d’article ;
• La fiche de jurisprudence ; • Le test de connaissances ;
• Le commentaire d’arrêt ; • L’oral.

La dissertation est la forme la plus aboutie de l’exercice de rédaction (que


l’élève connaît dès le collège). La rédaction supposait simplement le récit
écrit d’un évènement. Le seul écueil était le hors sujet. Au cas de dissertation,
il s’agit de présenter des connaissances au prétexte d’une démonstration. La
fluidité est requise mais pas la platitude : à cette fin, la démonstration doit
porter la volonté de son auteur et emporter la conviction de son lecteur.
La fiche de jurisprudence présente deux utilités : d’une part, faciliter la
mémorisation (en vue des examens) des arrêts les plus importants du pro-
gramme en mettant en relief les faits litigieux, les prétentions du demandeur,
la procédure, le moyen au pourvoi (si l’arrêt est de rejet) et, dans tous les
cas, la décision et ses motivations (qui reprennent tout ou partie du moyen
au pourvoi si l’arrêt est de cassation) ; d’autre part, offrir une première vue
des éléments essentiels de l’arrêt qu’il vous est demandé de commenter.
Le commentaire n’est pas une épreuve de course de fond mais une épreuve
de trampoline. D’arrêt, le commentaire a pour objet de présenter son contenu
et sa portée ; D’article, le commentaire a pour objet de mettre en relief son
sens (notamment en l’illustrant d’exemples et de jurisprudence) et, le cas
échéant, ses insuffisances ou ses incohérences.
Dans les deux cas, le droit positif qui entoure le point de droit que l’arrêt
prétend résoudre, ou que l’article prétend régir, doit fournir un éclairage.
Mais ici, les connaissances doivent être au service du commentaire. Gare à
surtout choisir les mots de l’attendu décisoire ou de l’article que vous commen-
tez pour prendre votre impulsion et trouver prétexte à étaler vos connaissances…
le style dissertatif coûte cher ; les envolées rapportent gros.
Le test de connaissances ressemble à toutes les « interrogations » et autres
« colles » que l’étudiant a connues lorsqu’il n’était qu’élève de primaire (éco-
lier) ou de secondaire (collégien ou lycéen). C’est dire que l’exercice lui
paraît bien connu et, à vrai dire, il l’est… sauf les particularités de la matière
juridique.

72
L’oral confronte, face à face, à une ou deux tables seulement l’un de
l’autre, l’étudiant qui en cours était noyé au milieu de la foule de ses cama-
rades, et l’enseignant qu’il a vu gesticuler au bas de l’amphithéâtre… cette
fois-ci l’un va parler à l’autre en le regardant dans les yeux. Or, à l’instar d’un
acteur, il existe deux ou trois astuces qui vous permettront de bien « prendre
la lumière ».

73
74 Seconde partie. Chaque exercice juridique en particulier

Leçon 1
Réussir sa dissertation

Chapitre 1. La destination de l’exercice

Lorsque l’on parvient en Faculté, l’on a déjà eu l’occasion d’accomplir


des rédactions. La rédaction en appelle à la « compilation de plusieurs choses
dans un ordre qu’on leur donne entre elles1 » : ainsi, plus jeunes, lorsqu’il
nous avait été demandé de raconter nos vacances… l’on avait pu se conten-
ter de placer, les unes après les autres, nos activités et nos découvertes
estivales… Or, les cours de philosophie nous ont appris que la dissertation
est plus que cela : il s’agit de l’« examen de quelque point de doctrine, soit
de vive voix, soit par écrit2 » ; c’est l’action de « discourir méthodiquement3 ».
Lorsque l’on disserte, raconter sa vie, ses opinions pour elles-mêmes ou faire
le catalogue de ses connaissances est exclu. Point de dissertation sans doctrine4
à exposer avec rigueur et méthode.
La connaissance de la doctrine vous viendra de vos lectures5 et de vos cours.
Reste la connaissance de la méthode.

Chapitre 2. L’itinéraire de l’exercice

En fait de méthode, même le Professeur qui écrit pour une revue respecte
trois étapes. Aux étapes initiales qui poursuivent un but préparatoire, succède
l’étape centrale que constitue la rédaction. La relecture demeure l’étape finale
que trop d’étudiants négligent à tort.

1. É. liTTré, Dictionnaire, v° « rédaction », sens 1.


2. É. liTTré, Dictionnaire, v° « dissertation ».
3. É. liTTré, Dictionnaire, v° « disserter ».
4. « Doctrine » est le nom que l’on donne à l’ensemble des opinions (É. liTTré, Dictionnaire, sens 3)
des théories (ibid., sens 2) enseignées (du lat. docere) sur une question donnée.
5. V. supra, p. 18 et s.
Leçon 1. Réussir sa dissertation 75

§1. Les étapes initiales : la préparation (1 h 15 min)


Plusieurs étapes initiales se révèlent vitales parce qu’elles conditionnent
la réussite de l’exercice. Car une dissertation ne consiste pas à reproduire
un cours appris par cœur, pas plus qu’une partie de cours ou d’ouvrage
dont l’intitulé correspondrait exactement au sujet. Il faut que votre travail
soit doté d’un dynamisme propre.
Pour cela, vous allez devoir faire preuve de curiosité et de réflexion. La
réflexion vous sera nécessaire à deux stades différents :
• au stade de la délimitation du sujet et de la mise en relief de la problé-
matique ;
• au stade de la formulation de la réponse à cette problématique.
Trois étapes préparatoires successives doivent être respectées dans l’ordre
suivant : décrypter le sujet, recenser les connaissances et enfin trouver le plan.

I. Décrypter le sujet (20 min)


Voici une étape fondamentale sans laquelle vous allez à la catastrophe.
Disserter ne consiste pas à parler de tout et n’importe quoi. On ne vous
pardonnera pas d’avoir délimité arbitrairement le sujet. Toute exclusion doit
être justifiée. Toute inclusion également.
Pour mener à bien cette étape, il vous faut : délimiter le sujet puis formuler
la problématique.

A. Délimiter le sujet (10 min)


Souvenez-vous toujours que seule une définition exacte et complète de
chaque terme évite le hors-sujet ou la question non traitée1. En outre, les
définitions collectées seront utilisées avec bénéfice dans l’introduction que
vous rédigerez ensuite.
Comprendre un mot exige de le comprendre isolément (c’est la glose) puis
de le comprendre dans son contexte en analysant les groupes nominaux ou
chaque proposition (post-glose).

1. Comprendre chaque mot isolément


Vous devez définir chacun des termes du sujet, c’est-à-dire à la fois les
mots-clefs, les mots-accessoires et les signes de ponctuation.

1. En matière de délimitation du sujet, l’écueil est donc double :


• ne pas traiter une question que le sujet vous invitait à traiter ;
• traiter une question que le sujet vous invitait à ne pas traiter.
76 Seconde partie. Chaque exercice juridique en particulier

a. Les mots-clefs
Il convient d’abord de définir tous les mots-clefs du sujet. Or, dans cette
entreprise, n’imaginez surtout pas que vous puissiez trouver les définitions
en vous-même. Certes, chacun de nous possède sa notion de tel ou tel mot.
Mais, son acception véritable est souvent plus riche car les termes sont
généralement polysémiques. Il faut alors recenser toutes les acceptions sans
en oublier aucune afin, dans un second temps, de choisir entre eux le sens
qui correspond au sujet. Parfois même, plusieurs sens d’un même mot peuvent
éclairer plusieurs aspects du sujet que vous devez traiter. Bref, vous aurez
besoin de dictionnaires. L’on peut conseiller :
• le Dictionnaire Le Littré, d’Émile Littré pour les mots de la langue
française,
• le Vocabulaire juridique, Association Capitant, PUF, coll. « Quadrige »,
pour les mots de la langue juridique.

b. Les mots-accessoires
Il convient ensuite de définir les mots-accessoires. Car leur présence
n’est jamais indifférente. Tout au contraire.
• Telles sont les conjonctions de coordinations (« mais » ; « ou » ; « et » ;
« donc » ; « or » ; « ni » ; « car ») :
« Mais » marque une exception ou une réserve. Ce terme induit la
présentation de l’élément principal puis la mise en relief de ce que le
deuxième élément «retire» au premier.
« Ou » marque l’alternative. Il induit la nécessité d’opérer un choix entre
les deux éléments en exposant leurs carences et leurs mérites respectifs.
« Et » marque l’énumération et le cumul. Ce terme induit la nécessité
d’opérer une étude croisée des deux éléments.
« Donc » marque la conséquence. Ce terme induit la nécessité de véri-
fier l’automaticité de l’élément 2 à partir de l’élément 1.
« Or » marque une remarque incidente, de laquelle inférence (avec ce
qui précède), une conclusion s’apprête à être tirée. Ce terme induit la
nécessité d’exposer d’abord ce que la proposition introduite retire à la
proposition principale et ensuite les conséquences qui sont de nature
à en résulter.
« Ni » marque une énumération négative, qui équivaut à « pas non
plus ». Ce terme induit donc la nécessité d’une comparaison entre les
deux éléments afin de montrer la pertinence du refus du 2nd élément.
Exemple « ni Dieu, ni mari. »
Leçon 1. Réussir sa dissertation 77

« Car » marque la causalité de laquelle on vient d’inférer la remarque


précédente.
• Tels sont encore les articles qui composent le sujet (« le » ; « la » ; « les » ;
« un » ; « une » ; « des »).
Ils sont également essentiels dans la mesure où ils conditionnent sou-
vent le choix de la problématique…
Exemple Constatez la différence entre les deux sujets qui suivent :
Sujet 1 : « La notion de garde » ; Sujet 2 : « Les notions de garde »…
Le sujet 1 proscrit un plan du type : « I. La garde des choses » et « II. La garde des
personnes » tandis que le sujet 2 y invite.

c. Les signes de ponctuation


Il convient enfin impérativement de s’arrêter sur les signes de ponctuation.
Ils ont eux-aussi toujours une raison d’être placés ici ou là.
Les « : » possèdent une valeur d’équivalence. Ils sont au français ce que le
signe égal est aux mathématiques ;
La « , » possède une valeur parenthèse, elle introduit, ou segmente, une
précision ;
Le « ; » possède une valeur énumérative. Comme le « et », les éléments qu’il
relie ont vocation à être cumulés, additionnés
Le « . » achève et borne.
Avec ou sans eux, le sujet n’est par conséquent pas le même. Insistez dessus
afin de montrer que vous l’avez compris et que vous en tirez les conséquences
concernant la délimitation du sujet ou bien la problématique induites.
Exemple Constatez la différence entre les deux sujets suivants :
Sujet 1 : « Le dol : vice du consentement. » ; Sujet 2 : « Le dol, vice du
consentement. »…
Le sujet 1 prétend que le dol équivaut à un vice du consentement, ce qui n’est pas
exact car il constitue également un délit civil. Le sujet 2 invite à examiner une dimension
du dol… son volet « vice du consentement ». Il n’est pas nié par ailleurs que le dol
puisse également présenter une dimension « délit civil ».

Décomposez les définitions obtenues afin de repérer les points importants


sous-entendus par le sujet.
Une fois que chaque mot a été compris séparément, il s’agit de le comprendre
dans le contexte du sujet.
78 Seconde partie. Chaque exercice juridique en particulier

2. Comprendre chaque mot dans son contexte


Puisqu’il vous faut répondre à la problématique soulevée par le sujet, il
vous faut la dégager. C’est à ce stade que la révélation doit se produire. Il
existe quelques façons de vous préparer à l’Illumination.
• Être attentif
– La formulation du sujet donne souvent des informations précieuses.
Tel est le cas lorsque le sujet consiste en une question ou en une
affirmation partiale (donc contestable). La problématique consis-
terait alors, au premier cas, à répondre à la question et, au second
cas, à démontrer que l’affirmation est contestable.
– La formulation du sujet n’est parfois d’aucune aide.
Il en va ainsi lorsqu’elle consiste en un intitulé sans jugement de
valeur (ex. : Les conditions de validité du chèque).
• Être imaginatif
– Soyez curieux
Un sujet n’est jamais donné par hasard. Pour le comprendre, posez-
vous les questions suivantes : pourquoi ce sujet aujourd’hui ? Est-il
l’objet d’un débat de société, de controverses doctrinales d’un
revirement de jurisprudence récent ? Que veut me faire dire le
correcteur ? Sur quel(s) point(s) veut-il attirer mon attention ?
Quelles réflexions attend-il ?
– Soyez joueur
Procédez à des recoupements entre les définitions des différents
termes du sujet, fusionnez-les… jouez avec jusqu’à temps qu’une
piste voie le jour dans votre esprit.
– Soyez critique
Si les mots du sujet contiennent des contradictions entre eux, rele-
vez-les… car il s’agit peut-être là de la problématique que l’on attend
que vous souleviez.
Vous êtes certain d’avoir bien compris chaque mot ? Vous avez dépassé les
éventuelles polysémies en sélectionnant le sens qui devait être retenu ? Vous
avez jonglé avec les nuances jusqu’à parvenir à mettre le doigt sur le point
sensible ? Alors, vous vous trouvez désormais en mesure de formuler la
problématique.

B. Formuler la problématique (10 min)


À ce stade, en principe, vous disposez de la problématique : il convient
de la formuler clairement.
Leçon 1. Réussir sa dissertation 79

Ce n’est que par la formulation de la problématique que vous montrerez


au correcteur que vous l’avez correctement cernée et, de fait, que vous avez
compris le sujet. L’absence de problématique est l’une des explications1 au
fait que puissent parfois prospérer des bruits de couloirs aux termes desquels
deux étudiants ayant présenté dans leur copie les mêmes connaissances, ont
obtenu des notes différentes.
La bonne formulation est éloquente : vous dites tout ce qu’il faut mais ne
dites que ce qu’il faut. Elle tient en une seule phrase. Proscrivez-le « En d’autres
termes… » par lequel vous confessez vous être mal exprimé dans la phrase
précédente. Votre problématique mérite une seule formulation : la bonne.
Le traitement de votre problématique constitue le but que vous fixez à
votre démonstration. En présence de contradictions, soulignez-les ; suggé-
rez éventuellement qu’elles dissimulent une cohérence. Mais n’en révélez
pas trop à cet endroit qui est destiné à être incorporé dans l’introduction
que vous rédigerez.
• Vous pouvez choisir de démontrer que le thème abordé contient des
contradictions : cela aboutit généralement à un travail assez bon ou
bon.
• Vous pouvez choisir de démontrer que les contradictions contenues
dans le thème dissimulent en réalité une cohérence : cela peut aboutir
à un bon ou un très bon travail.

Ajoutez l’intérêt du sujet… c’est-à-dire l’intérêt qui existe à résoudre la


problématique qu’il sous-tend. Cet intérêt peut être nouveau ou ancien ; ne
toucher qu’une partie des sujets de droit, etc. Dites-le.
20 minutes se sont écoulées, certes, mais vous avez compris le sujet2. Il est
temps de recenser vos connaissances3.

1. Elle n’est pas la seule explication possible. La cohérence du plan (supra, p. 47 et s.) ou le style
rédactionnel (supra, p. 58 et s.) ou même la propreté de la copie (supra, p. 46 et s.) entrent
également en ligne de compte.
2. Certes, celui qui prend trop de temps pour commencer s’handicape (gardez toujours à l’esprit
la morale de la fable de Jean de La fonTaine du lièvre et la tortue…). Mais, de même, celui qui
trop tôt commence à écrire, mal commence… « de quoi [lui] sert [sa] vitesse » s’il part dans
la mauvaise direction ? Et au bout de trois heures de cet ouvrage frénétique… une belle
construction peut-être, mais sur un terrain qui n’était pas celui où il lui fallait bâtir…
3. À peine ont-ils survolé l’énoncé que certains de vos camarades commencent déjà à noter
scrupuleusement sur leur brouillon les connaissances qui leur reviennent en mémoire. Sait-on
s’il s’agit là de l’expression d’une crainte que ces connaissances qui leur sont demeurées jusqu’ici
leur échappent subitement… ? Qu’importe, ils brûlent la première étape et s’engouffrent quasi
irrésistiblement dans un hors-sujet ou dans un traitement partiel du sujet.

Vous aimerez peut-être aussi