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LA PRISE EN CHARGE DE L’INSUFFISANCE

RéNALE CHRONIQUE AVANT LA DIALYSE

N. Smelten (1) , J.M. Krzesinski (2)

RÉSUMÉ : L’insuffisance rénale chronique (IRC) se développe How to manage CKD before dialysis
le plus souvent sournoisement, surtout chez le sujet âgé. La SUMMARY : Chronic renal failure is usually a silent disease
détection de l’insuffisance rénale est particulièrement utile until its late stage, especially in elderly people. Screening for
chez le patient hypertendu diabétique âgé de plus de 50 ans. such disease is particularly useful in hypertensive diabetic
L’origine est, en effet, actuellement le plus souvent vasculaire patients above 50 years. The causes are indeed often vascular
ou métabolique (directement ou indirectement liée au diabète). or metabolic (directly or not directly linked to diabetes melli-
Des causes plus rares sont cependant toujours possibles. La tus). Other less frequent causes are yet possible. The search for
recherche d’une étiologie à l’IRC s’impose de façon à appli- the right diagnosis of renal insufficiency is always requested
quer un traitement plus ciblé, tout en stimulant les mesures de to apply the appropriate treatment, combined with medical
prévention secondaire et tertiaire. Cet article se concentrera measures for secondary and tertiary prevention. This review
sur les mesures préventives générales de l’IRC (stades 3 et 4) et will give general advices to avoid the development of renal
sur quelques effets iatrogènes néphrotoxiques. disease (stages 3 and 4) or its progression, and also insist on the
Mots-clés : Insuffisance rénale chronique - Prévention - potential nephrotoxic effects of some drugs.
Traitement Keywords : Chronic kidney disease - Prevention - Treatment

Introduction à grande échelle. Lorsque le médecin de famille


dépistera une IRC, il collaborera avec le spé-
L’insuffisance rénale chronique (IRC) se défi-
cialiste pour avis diagnostique et thérapeutique,
nit en plusieurs stades en fonction de sa sévérité
qu’il s’agisse du néphrologue mais également
(1). L’IRC de stade 3, soit avec une filtration
du diabétologue, du cardiologue ou du gériatre,
glomérulaire (GFR) comprise entre 59 et 30 ml/
selon les cas. Plus les facteurs de morbidité vont
minute (ml/min), et de stade 4 (GFR comprise
s’alourdir avec l’âge, plus la fonction rénale va se
entre 29 et 15 ml/min) représente deux stades cli-
dégrader, plus le médecin généraliste travaillera
niques et biologiques caractérisés par une altéra-
avec le néphrologue, notamment en gérant les
tion de la fonction rénale avec des répercussions
complications de l’urémie (anémie, anomalies
physiologiques générales, y compris des ano-
du bilan phosphocalcique et acidose métaboli-
malies hormonales propres. Traiter l’IRC, c’est
que). Enfin, il soutiendra psychologiquement
connaître ses caractéristiques, les repérer chez
son patient atteint d’une urémie terminale, lors-
le patient et agir pour ralentir au maximum le
que le néphrologue expliquera les techniques de
processus pathogène (2, 3). Pour ce faire, nous
suppléance.
envisagerons les bases de la prévention et du
traitement de l’IRC sous six aspects : Le patient insuffisant rénal présente aussi un
1. Poser le diagnostic étiologique. risque cardio-vasculaire accru. Dès lors, la col-
laboration avec le cardiologue sera également
2. Eviter les situations d’aggravation poten-
nécessaire et souvent bénéfique pour empêcher
tielle.
ces complications cardio-vasculaires et surtout
3. Limiter l’évolutivité. ralentir l’évolution vers l’insuffisance cardiaque
4. Eviter les complications. fréquemment associée à l’IRC du sujet plus âgé
5. Diminuer les symptômes. (4). Au moment où la dégradation fonctionnelle
6. Discuter de la suppléance si nécessaire. rénale persiste et où le patient se trouve au stade
Tout au long de sa vie d’insuffisant rénal, le 4 de la maladie rénale chronique, le néphrolo-
patient va rencontrer différents médecins, dont gue devra proposer au médecin de famille une
en premier le médecin traitant qui agira sur les équipe multidisciplinaire comprenant la diété-
facteurs de risque de la maladie rénale (actuel- ticienne pour l’information sur le régime uré-
lement, souvent les mêmes que ceux de l’athé- mique adapté au patient (éviter la dénutrition),
rosclérose). Il s’agit d’une prévention primaire l’infirmière de dialyse pour expliquer simple-
ment ce qu’est la dialyse (information pré-dia-
lyse), le chirurgien qui confectionne l’accès
vasculaire ou met en place le cathéter de dialyse
(1) Interniste-Nephrologue, CHU Boise de l’Abbaye, péritonéale ou encore réalisera la transplanta-
Seraing. tion rénale, le psychologue qui gère le vécu du
(2) Professeur, Chef du Service Néphrologie-Dialyse-
Hypertension, CHU de Liège. patient et la façon dont l’information donnée sur
l’IRC est perçue émotionnellement.

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N. Smelten, J.M. Krzesinski

A tout moment, le médecin traitant garde Tableau I. Traitement de l’IRC


des initiatives (suivi clinique et biologique,
vaccination, prévention des facteurs de risque 1. Eviter ou corriger Déshydratation, toxiques,
les causes réversibles infection, obstruction des
cardio-vasculaire et néphrologique, évaluation d’atteinte rénale voies urinaires.
psychologique et environnementale). Il n’est
2. Ralentir la progression - Equilibrer le diabète
donc pas étonnant que l’IRC ait été choisie,
- Traiter l’hypertension
au même titre que le diabète de type 2, comme artérielle (diminuer la pression
maladie pilote pour la mise sur pied des trajets glomérulaire)
de soins en cours d’élaboration en Belgique. - Réduire la protéinurie
à < 1 g/j
Pour toutes ces raisons, nous reprendrons point - Utiliser si possible les
par point les bases du traitement standard de inhibiteurs du système rénine.
l’IRC en précisant le rôle important que garde le - Eviter les précipitations
médecin de famille dans tout le suivi chronique phosphocalciques tissulaires.
- Corriger une dyslipémie, une
de son patient (Tableaux I et II). acidose; arrêter le tabac.
Ensuite, nous aborderons brièvement quel-
3. Eviter ou, si présentes, Surcharge hydrosodée,
ques situations fréquemment rencontrées en cas traiter les complications hyperkaliémie, anémie,
d’IRC, mais trop souvent sous-estimées. Pour- hyperparathyroïdie,
tant, la non-gestion de ces problèmes entraîne malnutrition, dyslipémie,
saignement.
des complications parfois graves chez le patient
insuffisant rénal comme : 4. Diminuer les symptômes de l’IRC Comme le prurit, la dyspepsie

1. Les médicaments potentiellement néphrotoxi- 5. Discuter et préparer aux techniques
ques. de suppléance si stade 4 ou 5
2. La diététique du patient avec IRC.
3. La préservation du capital veineux. Tableau II. Recommandations pour la prise en charge optimale de
4. La référence trop tardive au néphrologue. la maladie rénale chronique

1. Contrôler la PA : 130/80 mmHg si protéinurie < 1 g/j


Traitement étiologique 125/75 mmHg si protéinurie ≥ 1 g/j
2. Equilibrer le diabète : Hb glycosylée < 7%
Toute IRC nécessite la recherche de sa cause,
ce qui permettra d’envisager un traitement 3. Utiliser les inhibiteurs du système RA surtout si micro-albuminurie
adapté et de préciser le pronostic de la mala- ou protéinurie
die en fonction de son diagnostic. Il peut s’agir 4. Restreindre les protéines (0,8 g/kg de poids/j, protéines à haute
de néphroangiosclérose chez un hypertendu, valeur biologique, avec apport calorique > 35 Kcal/kg poids/j)
d’une sténose d’artère rénale, de néphropathie 5. Corriger toute acidose métabolique (viser bicarbonates > 22 mmol/l)
diabétique, de néphropathie toxique (par exem- 6. Corriger l’anémie par fer, EPO et viser Hb > 11-12 g%
ple, aux anti-inflammatoires non stéroïdiens
RA : rénine angiotensine
ou AINS) ou encore de glomérulonéphrite. Si
nécessaire, une biopsie rénale sera à réaliser en
collaboration avec le néphrologue, notamment
en cas de syndrome néphrotique d’origine mal
déterminée, de maladie de système sous-jacente,
d’hématurie associée à une protéinurie ou si un
traitement immunosuppresseur lourd est envi-
sagé. Le diagnostic le plus précis est nécessaire
et ce, à tout âge. Cela peut permettre de mieux
interférer avec le processus pathogène et d’éloi-
gner le spectre de la dialyse tant craint par le
patient. Les chances de succès sont plus grandes
si la biopsie est réalisée au plus tard au stade 3
débutant.

Eviter ou corriger les causes


r é v e r s i b l e s d ’ at t e i n t e r é n a l e (Fig. 1)
Lorsque le diagnostic est établi, il faut éviter Figure 1. Facteurs d’aggravation de la dégradation fonctionnelle rénale
ou corriger tout ce qui peut aggraver son insuffi- (? : non unaniment accepté).
sance rénale, notamment :

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Prise en charge de l’insuffisance rénale chronique

- traiter la déshydratation (diarrhée, fortes cha- de la créatinémie et donc un déclin de la GFR


leurs, fièvre, excès de diurétiques); qui ne devrait pas dépasser 30% de la valeur
- éviter ou arrêter les néphrotoxiques (AINS, basale. Si semblable dégradation est observée,
aminosides, produits de contraste : voir fin d’ar- il faut exclure une association à un AINS, une
ticle); déshydratation ou un excès de diurétique ou,
- traiter toute infection dont, bien entendu, une encore, une sténose d’artère rénale bilatérale.
infection urinaire; Dans ces cas, il faut corriger la volémie, stopper
- exclure tout problème post-rénal, par exemple l’AINS et le bloqueur du SRAA, traiter éven-
prostatique chez le patient vieillissant. tuellement la sténose d’artère rénale et reprendre
ensuite le traitement à plus petite dose, avec une
titration plus progressive, un contrôle biologique
Ralentir l a p r o g r e s s i o n d e l ’IRC rapproché et un régime urémique plus restrictif
Si les répercussions de la dyslipémie et de en potassium. La correction d’une acidose est
l’anémie sur la progression de la maladie rénale aussi nécessaire. Donc patience, obstination et
sont encore de nos jours contestées, par contre, sang-froid sont souvent nécessaires.
certains facteurs d’aggravation fonctionnelle
sont bien acceptés comme l’hypertension arté- Equilibrer le diabète
rielle, la protéinurie, le déséquilibre diabétique La néphropathie évolue d’autant plus rapide-
ou, encore, les toxiques comme les produits de ment que le diabète est mal équilibré et que le
contraste iodés. Dans ce paragraphe, nous abor- patient est hypertendu. Dès lors, le patient diabé-
derons succinctement le traitement de l’hyperten- tique doit concentrer tous les efforts de préven-
sion (HTA) en présence d’une IRC, la réduction tion. Ce diabète paie un lourd tribut à la dialyse
de la protéinurie et l’équilibre du diabète. puisque 1/4 des patients commençant la dialyse
actuellement sont des diabétiques. L’objectif
Traiter l’HTA thérapeutique est d’obtenir une hémoglobine
Les recommandations du traitement de l’HTA glyquée inférieure à 7% et une PA normalisée,
sont strictes. Elles imposent la normalisation de < 130/80 mm Hg ou < 125/75 en cas de protéi-
la pression artérielle (PA) avec pour objectif une nurie (5, 6).
PA inférieure à 130/80 mm Hg si la protéinurie
est inférieure à 1g/24 heures, voire encore plus Eviter au mieux, gérer au pire les complications
stricte si la protéinurie est supérieure (PA infé- La collaboration est indispensable entre le
rieure à 125/75 mm Hg) (5, 6). Les recomman- médecin de famille qui dépiste une anémie et le
dations sont de baisser la PA par n’importe quel néphrologue qui confirme l’anémie urémique et
antihypertenseur. effectue les démarches pour introduire un traite-
ment à base d’érythropoïétine (EPO). La sécré-
Réduire la protéinurie tion d’EPO se réduit souvent à partir d’une GFR
La réduction de la protéinurie passe par l’in- inférieure à 45 ml/min. Ce traitement va amé-
hibition du système rénine-angiotensine-aldos- liorer la qualité de vie du patient IR et parfois
térone (SRAA). Les inhibiteurs de l’enzyme de même ralentir l’évolutivité de la maladie rénale
conversion de l’angiotensine (IEC et les anta- ou la rendre plus supportable (4). Le traitement
gonistes de l’angiotensine II (ou sartans), ont par érythropoïétine est autorisé si l’hématocrite
déjà démontré leur efficacité, surtout sur la pro- est inférieur à 35% et si la clairance de créati-
tection rénale, moins sur la réduction de morbi- nine est chroniquement inférieure à 45 ml/min,
mortalité (7, 8). Attardons-nous un instant sur à condition qu’il n’y ait pas d’autres causes
ce type de traitement, car ces médicaments sont, d’anémie, par exemple une carence martiale ou
hélas, potentiellement dangereux dès le stade 3 vitaminée (9).
de l’IRC vu le risque d’hyperkaliémie et/ou le Le bilan phosphocalcique nécessite aussi
fléchissement initial de la fonction rénale. Les toute l’attention médicale (10). Les désordres
agents anti-aldostérones (spironolactone et déri- suivants sont attendus : élévation des phosphates
vés) sont même déconseillés à partir du stade (P) et de la parathormone (PTH), et abaissement
4. L’utilisation des autres bloqueurs du système de la calcémie (Ca) et de la vitamine D. En IRC
rénine angiotensine (IEC, sartan, inhibiteur de grade 4, on autorise une légère augmentation
direct de la rénine) est souvent aussi délicate à de la PTH à maximum 110 ng/ml. Si ce seuil
gérer à ce stade d’IRC avancée. Lors de l’instau- est dépassé, on peut introduire un chélateur de
ration d’un IEC ou d’un sartan, qu’il faut débuter phosphore comme le carbonate calcique (seul
à petite dose, on peut observer une augmentation autorisé actuellement en prédialyse), souvent

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N. Smelten, J.M. Krzesinski

nécessaire vu la tendance à l’hypocalcémie, et de La dénutrition, fréquente chez le sujet âgé, est


la vitamine D. La question actuelle est de savoir encore aggravée par l’IRC. Le gériatre recom-
s’il faut administrer la vitamine D hydroxylée mandera toujours une alimentation suffisante en
ou son précurseur ou les deux. En cas de défi- calories et pas trop restrictive en protéines (pas
cit en 25OH-vitamine D, il est conseillé de cor- plus sévère que 0,8 g/Kg de poids idéal).
riger d’abord celui-ci avec la vitamine native
(D-cure®), puis, si la PTH reste élevée, d’intro-
Diminuer l e s s y m p t ô m e s d e l ’IRC
duire la forme active hydroxylée en position 1
(Rocaltrol® ou 1 alpha léo®). Il faut être attentif au confort de vie du patient
L’acidose métabolique présente en IRC est insuffisant rénal. Le prurit urémique est lié à
néfaste sur l’état nutritionnel et musculaire, et l’accumulation des toxines urémiques sous la
peut favoriser des dégâts osseux et aggraver peau et à un mauvais bilan phosphocalcique. Le
l’hyperkaliémie. Pour éviter ces complications, régime adapté, la gestion de l’hyperphosphoré-
on recommande une supplémentation par bicar- mie et un antihistaminique devraient soulager
bonate de soude jusqu’à obtenir un taux de le patient. Une meilleure utilisation d’huile de
bicarbonates sériques de 22 mmol/l. bain, de gel douche ou de savon gras est égale-
ment conseillée.
La surcharge hydrosaline (responsable d’HTA
et/ou d’œdèmes) doit être traitée par régime res- La dyspepsie est une plainte habituelle du
trictif en sodium (moins de 5 g de sel Na Cl par patient en IRC. Les nausées et les vomissements
jour) et, si nécessaire, diurétique. On évitera les peuvent révéler une intoxication urémique mal
diurétiques d’épargne potassique et on préférera tolérée qui motiverait le démarrage des séances
les diurétiques de l’anse dès le stade 4 de l’IRC. de traitement de suppléance.
La posologie sera adaptée à la hausse plus la
GFR diminue (compétition entre l’acidose locale P r é pa r e r l e pat i e n t a u x t e c h n i q u e s d e
rénale et la sécrétion au niveau du tubule proxi- suppléance
mal de ces diurétiques).
Signalons d’emblée que ce sujet est souvent
L’hyperkaliémie se rencontre le plus souvent abordé fort (pour ne pas dire trop) tard dans
chez des patients âgés, avec pathologies tubulo-
l’évolution de l’IRC (13). Pourtant, dès le stade
interstitielles, cardiaques, insuffisants rénaux
4 débutant avec confirmation d’une progression
traités par IEC, sartans et/ou anti-aldostérone.
de l’IRC, il serait judicieux d’épargner les veines
Dans certains cas, l’hyperkaliémie est favori-
d’un côté chez le patient pour la création de l’ac-
sée par un régime non restrictif en K+ ou des
cès vasculaire futur et vacciner le patient contre
sels de un régime (pauvres en sodium, mais
l’hépatite B, la grippe et le pneumocoque.
riches en K+), par une acidose non traitée, mais
aussi par des médicaments tels que les AINS, Une approche psychologique est tout aussi
les β-bloquants non sélectifs (carvédilol, sota- nécessaire au moment de cette évolution péjora-
lol,…), ou encore (très rarement) l’héparine. tive vers une perte d’indépendance.
Face à une hyperkaliémie (K+ > 5,5 mmol/l), il
faut vérifier la qualité et la rapidité de l’analyse Médicaments et IRC (Tableau III)
de laboratoire (exclure une hémolyse). L’hyper-
kaliémie sera alors gérée par régime pauvre en Ce point comporte deux aspects :
fruits et en aliments riches en potassium (choco- 1. Le médicament peut être néphrotoxique et
lat, frites) plus la prise de kayexalate de sodium aggraver la fonction rénale.
ou mieux de calcium (limitation de l’apport 2. Le médicament peut entraîner des effets
sodé) et réduction, voire arrêt, du médicament secondaires généraux liés à son accumulation en
incriminé. En cas d’hyperkaliémie plus sévère raison de l’IRC.
(K > 6,5 mmol/l), il est prudent d’adresser le
Tableau III. Rein et médicaments
patient rapidement dans un service d’urgence
pour traitement adapté (hydratation glucosée et
insuline, ß2-mimétiques, diurétique de l’anse, Conduite pratique :
voire bicarbonate de soude, hémodialyse, gluco- 1. Apprécier le degré d’insuffisance rénale.
nate de calcium, perfusions de bicarbonate, de 2. Sélectionner les médicaments les moins toxiques.
glucose plus insuline) (11, 12). L’hémodialyse 3. Adapter la dose et/ou la fréquence d’administration (exception : le
et les lavements de kayexalate sont réservés aux furosémide).
hyperkaliémies résistantes ou très sévères d’em- 4. Surveillance (taux plasmatique, fonction rénale, effets secondaires).
blée.

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Prise en charge de l’insuffisance rénale chronique

Prenons l’exemple de la ciclosporine. Ce Tableau IV. Attention aux médicaments à élimination rénale
médicament est utilisé comme antirejet en trans-
plantation rénale mais, en cas de surdosage, le • Biguanides, lithium, digoxine, méthotrexate
produit est néphrotoxique. Pour cette raison, un Si GFR < 50 ml/min et développement de T° et/ou diarrhée et/ou
dosage régulier du taux plasmatique de ciclos- vomissements :
porine est recommandé d’autant qu’il existe de STOP IEC, Sartan, diurétique et contrôle clinique et biologique
nombreuses interactions médicamenteuses. En
cas de psoriasis, la ciclosporine est utilisée, mais
son monitorage est obligatoire et le produit est
protectrice par un effet antioxydant. En présence
même contre-indiqué en situation d’insuffisance
rénale sévère (risque de détérioration de la fil- d’une GFR < 30 ml/min, on conseillait aupara-
tration glomérulaire et, d’un point vue général, vant plutôt de recourir à l’injection de gadoli-
risque de toxicité systémique, par exemple mus- nium et de choisir une résonance magnétique
culaire si ce traitement est associé à une statine). nucléaire (RMN) plutôt qu’une exploration avec
Citons, comme autres médicaments néphrotoxi- produit de contraste iodé. Cette RMN a été long-
ques, les aminosides, le cis- platine, les AINS. temps considérée comme le maître-achat lors
Les AINS peuvent aggraver l’IRC chez le patient d’une exploration vasculaire par imagerie chez
âgé présentant une crise rhumatologique (ar- le patient en IRC. Elle est maintenant, aussi,
throse, goutte) ou une décompensation cardia- contre-indiquée en présence d’une IRC sévère
que qui peut être déstabilisée (14). au risque de voir le patient développer une der-
Il faut faire particulièrement attention aux matite fibrosante néphrogénique (si GFR infé-
médicaments éliminés par les reins (15). Il s’agit, rieure à 30 ml/min). Cette pathologie ressemble
par exemple, des biguanides, du lithium, de la à la sclérodermie, car elle affecte d’abord la peau
digoxine et du méthotrexate, sans être exhaus- des extrémités, puis peut compromettre la survie
tif (Tableau IV). Prenons maintenant l’exemple du patient (par atteinte cardiaque). L’affection
de la metformine qui, en soi, n’est pas né- est rare, mais il n’y a pas de traitement actuel-
phrotoxique mais qui, utilisée en présence d’une lement efficace (sauf peut-être la transplantation
IRC, peut entraîner une acidose lactique, parfois rénale). Donc, avant tout examen avec produit
létale. Ce produit ne doit donc plus être utilisé de contraste, il convient de bien réfléchir au
quand la GFR est inférieure à 50 ml/min. Elle caractère opportun de l’investigation et de bien
doit aussi être stoppée 48 heures avant l’injec- connaître les risques des produits utilisés.
tion d’un produit de contraste iodé.
Le lecteur intéressé par ce sujet trouvera des
La spironolactone, utilisée en présence d’une références utiles concernant les médicaments
IRC, peut entraîner une hyperkaliémie (12). Elle dans : Drug prescribing in renal failure, fith
doit donc être prescrite avec extrême prudence, à edition, Georges R. Aronoff. The Sanford guide
posologie faible (≤ 25 mg/j) et sous surveillance to antimicrobial therapy, Belgian edition. Site
régulière de la kaliémie si la fonction rénale est
internet: www.globalrph.com/renaldosing2.htm
réduite sous les 45 ml/min. Elle est contre-indi-
quée au stade 4.
Lors de l’utilisation d’un produit de contraste Conseils diététiques (Tableau V)
iodé, il faut d’abord se demander si l’examen est - La restriction en sel est nécessaire si le patient
indispensable ou s’il ne peut pas être remplacé présente des œdèmes ou de l’HTA. On recom-
par une autre technique moins dangereuse pour mande au maximum une consommation de l’or-
le patient avec IRC. Si l’injection de produit de dre de 5 g de Na Cl par jour.
contraste est indispensable, il faut prévenir le
- La restriction en protéines doit tenir compte
radiologue que le patient présente une IRC pour
de l’état nutritionnel du patient en se méfiant,
qu’il utilise avec parcimonie le produit le moins
comme déjà signalé, du risque de dénutrition.
néphrotoxique dont il dispose. Il faut également
On recommande 0,8 g de protéines à haute
préparer le patient à l’injection. Pour ce faire,
on évite tout AINS, diurétique ainsi que la met- valeur biologique par kg de poids idéal et par
formine, du moins la veille de l’examen. Il ne jour. Pour éviter le catabolisme protidique, l’ap-
faut pas hésiter à perfuser 12 heures avant l’exa- port calorique doit être suffisant, soit 35 Kcal
men une solution saline si le patient est fragile. par kg de poids idéal et par jour.
L’administration d’acétylcystéine est controver- - La restriction hydrique est d’application si la
sée quant à sa réelle efficacité, mais est souvent GFR est inférieure à 30 ml/min (soit boire à sa
réalisée car sans réel effet secondaire; certaines soif sans plus) pour éviter le syndrome d’intoxi-
publications la décrivent même comme néphro- cation par l’eau.

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N. Smelten, J.M. Krzesinski

Tableau V. Régime d’épargne rénale Tableau VI. Référence tardive

Objectifs : Causes :
1. Limiter les anomalies hydro-ioniques. - Erreur sur la signification de la créatinémie.
2. Réduire l’accumulation de produits du métabolisme protéique. - Maladie peu symptomatique.
3. Maintenir un bilan nutritionnel satisfaisant.
4. Au mieux ralentir l’évolution de l’insuffisance rénale. Conséquences :

Principes de base : - Psychologique.


- Abords vasculaires provisoires.
1. 0,8 g protéines de haute valeur biologique/kg de poids idéal. - Choix de la dialyse / transplantation.
2. 35 Kcal/kg/jour. - Donneur vivant de rein moins aisé à convaincre.
3. Moins de 10 mg/kg/j de phosphates. - Complications plus sévères : anémie, hypertension, ostéodystrophie.
4. Supplément en Ca et en vitamines hydrosolubles. - Pronostic plus mauvais.
5. Limiter le sodium si HTA ou oedèmes. - Etat nutritionnel altéré.
6. Limiter le potassium si hyperkaliémie. - Cessation de l’activité professionnelle.
7. Boissons adaptées à la soif dès que la GFR < 30 ml/min
Ca : calcium
associée d’ailleurs à une plus grande morbi-mor-
talité dans les premiers mois de la dialyse (13).
- La restriction en phosphore, l’apport en cal-
cium et en vitamine D, selon les besoins, per- Conclusion
mettent de stabiliser le bilan phosphocalcique et
Lorsque le médecin repère des facteurs de ris-
le taux de PTH.
que cardio-vasculaire chez un patient, ce sont
- La restriction en potassium, surtout en présence ces mêmes facteurs qui exposent à l’insuffisance
d’une acidose tubulaire ou d’une insuffisance rénale chronique. Le médecin peut alors agir sur
rénale avancée, se réalise en limitant l’apport en la prévention primaire de l’IRC en conseillant
fruits et légumes riches en potassium. un bon équilibre du diabète et de l’hypertension
artérielle, en stimulant en outre l’hygiène de vie
P r é s e rv e r l e c a p i ta l v e i n e u x et une alimentation correcte. Ces deux facteurs
principaux sont les plus grands pourvoyeurs de
Comme signalé plus haut, dès le stade 4 dialyse chez le patient âgé.
débutant d’IRC, le patient devrait préserver les
Lorsque le médecin dépiste un nouveau cas
veines d’un membre supérieur pour garder un
d’IRC, il collaborera réellement avec le spécia-
capital veineux satisfaisant lorsque le chirurgien
liste pour avis diagnostique et thérapeutique. Il
devra réaliser une fistule artério-veineuse en vue s’agit alors de la prévention secondaire et des
d’un traitement par hémodialyse. Dans le même mesures générales pour ralentir au maximum
contexte, on évitera une perfusion centrale sur la l’évolution vers l’urémie terminale seront appli-
veine sous-clavière pour empêcher la thrombose quées.
ou la sténose veineuse qui empêchera la réalisa-
Lorsque les facteurs de morbidité vont
tion d’une fistule fonctionnelle.
s’alourdir avec l’âge, lorsque la fonction rénale
va poursuivre sa dégradation, le médecin tra-
Référence ta r d i v e : pourquoi ? (Tableau vaillera à la prévention tertiaire en collaboration
VI) avec le néphrologue et les autres spécialistes.
Ainsi, une meilleure gestion des complications
La créatinémie est un mauvais marqueur urémiques retardera l’échéance de la dialyse et
d’IRC, comme largement discuté par ailleurs (1, améliorera la qualité de vie du patient avec IRC.
16). De plus, la maladie rénale est peu sympto- Beaucoup d’insuffisants rénaux décèderont de
matique, sauf à un stade avancé. Ceci peut parfois maladie cardio-vasculaire avant le stade de dia-
expliquer qu’un patient soit référé au néphrolo- lyse suite à une mauvaise prise en charge, par
gue tardivement, parfois quelques semaines ou ailleurs trop tardive.
même seulement quelques jours avant de propo-
Enfin, le médecin généraliste soutiendra son
ser un traitement par dialyse (13). patient souffrant d’urémie terminale, lorsque le
La référence tardive a pourtant des consé- néphrologue expliquera les techniques de sup-
quences dramatiques physiques (patient dégradé pléance. A tout moment, le médecin traitant
au niveau de diverses fonctions) et psychologi- garde des initiatives. Il gardera aussi à l’esprit
ques (le patient n’est pas préparé mentalement à les effets médicamenteux potentiels lors d’une
cet avenir en dialyse). La référence tardive est IRC et il évitera autant que faire se peut les

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Prise en charge de l’insuffisance rénale chronique

références tardives délétères pour le patient 10. Delanaye P, Van Overmeire L, Dubois BE, Krzesinski
JM.— Nouveautés dans la prise en charge des anomalies
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Les demandes de tirés à part sont à adresser au
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vasculaire chez l’insuffisant rénal chronique. Nouvelles CHU de Liège, 4000 Liège, Belgique.
données sur la cible en hémoglobine à atteindre. Rev Email: [email protected]
Med Liège, 2007, 62, 366-370.

Rev Med Liège 2009; 64 : 2 : 79-85 85

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