Le Symbolisme Hermétique Dans Ses Rappo

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LE

SYMBOLISME HERMÉTIQUE

DANS SES RAPPORTS AVEC

L'ALCHIMIE ET LA FRANC- MAÇONNERIE


OUVRAGES DU MÊME AUTEUR

Rituel Interprétatif pour le Grade d'Apprenti, 1893 , 1 vol .


in-8 . 5 fr . >>>

Le Livre de l'Apprenti, 2e édition , 1908, 1 vol . in-16. 1 fr. >>


Ces deux ouvrages ne sont vendus qu'aux Loges Maçonniques et
aux Francs-Maçons justifiant de leur qualité.
L'Ordre du Lion . Renseignements historiques extraits des
mémoires d'un conscrit de 1808. Travaux maç ... des prisonniers
français de Portchester. Rituel du grade de chevalier du Lion .
1909, 1 brochure in- 8. 0 fr. 50

La Hiérarchie Opérative et le Grade de Royal Arch , 1909 .


1 brochure in-8 . 0 fr . 50

L'Imposition des Mains et la Médecine Philosophale. 1897,


1 vol . in-18 . . 3 fr. 50
La première partie de cet ouvrage, qui se recommande aux
amateurs de magnétisme curatif, a été traduite en hollandais .
Les 22 Arcanes du Tarot Kabbalistique, restitués à leur
pureté hiéroglyphique sur les indications de Stanislas de Guaita,
1889. Epuisé
Les deux Initiations , introduction au Grand Livre de la
Nature ou Apocalypse hermétique , ouvrage réimprimé en
1910 d'après l'édition originale de 1790. 1 vol . in-8. 5 fr . >>

EN PRÉPARATION :

Le Livre du Compagnon . Manuel comprenant un ensemble


complet d'instructions inédites sur les mystères du deuxième
grade maçonnique .
L'Alphabet des Initiés . Etude approfondie sur les 22 clefs kab-
balistiques du Tarot.
PUBLICATIONS INITIATIQUES

LE

SYMBOLISME HERMÉTIQUE

DANS SES RAPPORTS AVEC

L'ALCHIMIE ET LA FRANC - MAÇONNERIE

PAR

OSWALD WIRTH

LIBRAIRIE INITIATIQUE
61 , rue de Chabrol
PARIS (X )

[1909
AVANT- PROPOS

Dès 1894, nous avions conçu le projet de


publier un ouvrage sur l'Alchimie et la Franc-
Maçonnerie . Nous nous proposions d'entrepren-
dre, à ce sujet , des recherches sur les origines
maçonniques et sur le symbolisme usité au
moyen âge pour voiler les principes d'un ratio-
nalisme transcendant . Nos études ont été inces-

samment poursuivies depuis cette époque ; mais


elles n'ont donné lieu qu'à des publications
détachées , que nous nous sommes efforcé de
réunir dans le présent volume .
Le lecteur ne doit donc pas y chercher l'ex-
posé méthodique d'une doctrine . Nous ne lui
offrons que des matériaux qu'il est appelé lui-
même à mettre en œuvre . Notre ambition est
de lui enseigner à rattacher sa pensée , non
plus à des mots , selon la méthode scholastique ,
mais à des figures muettes , emblèmes graphi-
ques, symboles et idéogrammes . A la médita-
tion portant sur les éléments d'un symbolisme
savant se rattache une philosophie du silence ,
cultivée par toutes les écoles initiatiques . Nous
voudrions y ramener quelques - uns de nos con-
7
8
8

4
7

6
9

463633
II

temporains , qui se laissent trop facilement


étourdir par la sonorité des vocables acceptés
dans la circulation comme la monnaie courante
de l'intellectualité moderne . Il importe , en effet,
de ne pas se payer de mots . Or , pour se sous-
traire à leur tyrannie , il n'est d'autre moyen que
d'approfondir les symboles .
Il n'y a guère de fruit à tirer d'une simple
lecture du présent ouvrage . Il ne s'adresse pas
aux curieux frivoles , mais aux esprits sérieux,
avides de s'initier . Puissent ces derniers y trou-
ver ce qu'ils cherchent. Nous mettons à leur
disposition un champ d'exploration , un terrain
qu'il leur appartient de remuer et de fouiller
profondément . Comme le laboureur de la fable ,
nous leur dirons en toute sincérité : « Tra-

vaillez , prenez de la peine , c'est le fond qui


manque le moins ! ».
Pour leur faciliter leur tâche , nous avons relié

à l'aide d'un index alphabétique des matières


les morceaux quelque peu disparates de notre
travail . Les points obscurs pourront ainsi être
élucidés par comparaison . Ce qui n'aura pas été
suffisamment expliqué en un endroit sera sou-
vent, en un autre , l'objet de commentaires plus
détaillés .
Nous engageons fort le lecteur studieux à
extraire lui - même de notre texte un petit traité
méthodique à son usage personnel . En recou-
rant à l'index , rien ne lui sera plus facile , et ,
s'il veut réellement s'initier , aucun travail ne
saurait être plus fécond
III

**

Qu'il nous soit permis de reproduire ici une


page que nous a consacré notre très regretté
ami , le T ... Ill . · . F. · . Ch.-M. Limousin , dans le
dernier article qu'il devait publier dans l'Acacia .

« .... Le F .. Wirth ´est , dans la Maçonnerie, un chef


d'école , d'une école qui fut naguère puissante dans
l'Ordre, en France et ailleurs , l'école alchimique .
L'école maçonnique alchimique est proprement
l'école française , absolument distincte de l'école
anglaise . Les adeptes français de la Maçonnerie , au
XVIIIe siècle , sous l'influence de facteurs dont nous
n'avons pas à nous occuper ici, ont introduit les scien-
ces occultes magie , kabbale , astrologie , magnétisme
et surtout alchimie dans l'Ordre . Il suffit de lire un des
articles du F .. Wirth pour reconnaître sa qualité
d'alchimiste . Ce que j'en dis là n'est pas pour le
déprécier ; je le considère , au contraire , comme le
représentant d'une noble tradition. L'alchimie n'est
pas , ne fut pas , exclusivement , ce qu'un vain peuple
pense . Elle fut cela , mais aussi autre chose . Ce que l'on
croit généralement , c'est que l'alchimie fut un ensem-
ble de procédés chimiques pour obtenir la transmuta-
tion des métaux et parvenir à fabriquer de l'or : l'or
avec lequel on obtient tout dans ce monde . - Les
choses se passaient déjà ainsi autrefois . - C'était bien
cela ; cependant , mentionnons , en passant , qu'au cours
de leurs recherches et expériences, les alchimistes
firent d'intéressantes découvertes dont a profité la chi-
mie moderne . La nomenclature chimique est encore
pleine de termes provenant de l'alchimie azote ,
vitriol, nitre , soufre , mercure , sel , etc. , etc.
Mais l'alchimie n'était pas seulement cela ; elle était
IV

également un système scientifique général . C'est pour


cette raison que les symboles de notation des alchi-
mistes étaient aussi ceux des astrologues , et ont été
conservés par les astronomes .
L'alchimie était encore autre chose , et c'est sous cet
aspect que la cultive le F.. Wirth , elle était un sys-
tème philosophique . C'est cette identité d'une philoso-
-
phie et d'une science ou du moins de ce qu'on consi-
dérait autrefois comme une science ― qu'exprime cette
formule d'Hermès Trismégiste : « Ce qui est en haut
est comme ce qui est en bas , ce qui est en bas est
comme ce qui est en haut » , ce qui signifie que la
science est l'image de la réalité , et que l'on doit trou-
ver dans la réalité ce qu'enseigne la science . C'était
même autre chose encore : c'était un art , l'art de la
culture intellectuelle et morale de l'homme . L' « or
potable » , que l'on cherchait à produire symbolique-
ment, c'était la perfection humaine . C'est une méta-
phore alchimique inverse que Racine exprima dans
l'Athalie, par le vers célèbre :
Comment , en un plomb vil , l'or pur s'est-il changé ?
La transmutation des métaux, c'était la transformation
des anthropoïdes ignorants , grossiers , barbares et
in-moraux en hommes instruits , policés et moraux.
On peut comparer ce programme symbolique avec
celui du grade de Maître Maçon spéculatif.
C'est cette alchimie-là que cultive le F ... Wirth . Il
n'est pas souffleur et ne possède point de laboratoire ,
pas même le plus petit athanor à son domicile . »

Nous ajouterons que nos connaissances en


chimie sont rudimentaires et qu'il nous est
impossible , par suite , d'apprécier les théories
des anciens alchimistes au point de vue pure-

ment scientifique . D'autres se sont occupés de


cet aspect de la question avec une compétence
particulière , tels nos amis Jollivet Castelot et
Abel Haatan Pour notre part, nous ne nous
sommes intéressé à l'Alchimie qu'en tant que
son symbolisme traduisait, à nos yeux , des
vérités d'ordre initiatique Nous n'avons voulu
l'envisager qu'à ce point de vue très spécial ,
sans prétendre le moins du monde que les sym-

boles alchimiques ne font allusion qu'à ce qu'il


nous a plu d'y chercher.
Nous avons acquis cependant la conviction
.
qu'à partir du xvIIe siècle , l'Alchimie avait cessé ,
le plus souvent, d'être opérative, de nombreux
auteurs préconisant alors une Alchimie pure-
ment spéculative . Parmi les alchimistes spécu-
latifs , il faut compter les véritables Rose-Croix ,
dont l'influence fut considérable sur le dévelop-
pement de la Franc-Maçonnerie au XVIIIe siècle .
Nous nous féliciterions , s'il pouvait nous être
donné de reprendre leur œuvre , en répandant
des connaissances initiatiques destinées à favo-
riser l'émancipation intégrale de la pensée
humaine .

Paris , fin 1909 .


Oswald WIRTH.
TABLE DES ARTICLES

RÉUNIS EN CE VOLUME

Pages
L'IDÉOGRAPHISME ALCHIMIQUE 1
(Paru dans les Nouveaux Horizons de la Science et de la
Pensée, nos de novembre 1907 à mars 1908).

UN SYMBOLISME INQUIÉTANT. · 43
Une peinture alchimique, longtemps exposée dans une église ,
pour l'édification des fidèles , puis soupçonnée d'être une
œuvre perverse, attribuable aux Francs-Maçons .
(Paru dans l'Acacia , revue d'études maçonniques , nos de juil-
let-août et de septembre 1907 , puis reproduit par la France
Chrétienne, revue anti-maçonnique, nos des 15 août, 17, 24
et 31 octobre 1907) .

UNE PEINTURE ALCHIMIQUE • 75


(Paru dans l'Acacia , no d'avril 1908 , d'après un compte-rendu
du précédent article publié par le Vrijmetselaar de février
1908).
HERMÉTISME ET FRANC-MAÇONNERIE . 83
(Paru dans l'Acacia, nos de mai et de juin 1908 . Traduit
en allemand par le F. · . D' C. Lauer pour le Freimaurer
de Leipzig et le Zentralblatt für Okkultismus de Vienne.
QUELQUES ÉCLAIRCISSEMENTS SUR LA MÉDECINE
OCCULTE . 107
(Paru dans le Journal du Magnétisme, nº de janvier 1891 .
Traduit en italien par le Dr Hoffmann pour la revue Lux,
de Rome, no de mars 1891 ) .
VIII

Pages
UN CATÉCHISME HERMÉTICO-MAÇONNIQUE . 115
Reproduction du texte paru en 1766 , dans le tome second de
l'Etoile Flamboyante du Baron de Tschoudy, avec commen-
taires inédits .

UNE ODE ALCHIMIQUE 157


Texte italien traduit et commenté .
(Communication faite à la Société des Sciences Anciennes,
parue ensuite dans les Nouveaux Horizons, nos de juillet à
décembre 1909) .

INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES à l'usage des lec-


teurs désireux d'approfondir le sympolisme hermétique, en
comparant, dans le présent ouvrage, les différents passages
traitant d'un même sujet . 183
T
C

10+
2

L'IDEOGRAPHISME ALCHIMIQUE

La Géométrie philosophale

Nul n'entre ici , s'il n'est géomètre ! Tel fut l'avertis-


sement que Platon avait tracé, dit-on , sur la porte de
son école .
Le philosophe prétendait exclure ainsi les profanes,
car cette géométrie , aux mystères de laquelle ses dis-
ciples devaient être initiés , était loin d'être simplement
cette branche des mathématiques qui s'enseigne dans
nos collèges . Il s'agissait d'une géométrie bien autre-
ment subtile , d'une science énigmatique, s'appliquant à
mesurer , non pas l'espace concret, la terre , selon l'éty-
mologie du mot , mais bien le domaine de l'infini et de
l'abstraction , l'espace idéal ou métaphysique . C'est à
cette géométrie purement initiatique et transcendantale
que fait allusion la lettre G des Francs - Maçons . Elle
donne prise à l'esprit humain sur l'inconnu ; elle rend
tangible , en quelque sorte , l'insaisissable . Sans elle , on
ne peut que divaguer dès que l'on s'aventure au delà
du domaine des sens , alors , qu'armé de ses méthodes ,
le penseur peut hardiment s'élancer à la conquête de la
Gnose, la suprême Compréhension, dont résulte la
totale Connaissance du réel Initié .
Un enchaînement logique de théorèmes , comparables
dans un tout autre ordre à ceux de la géométrie vul-
gaire, conduit l'intelligence aux notions les plus inat-
tendues , en partant des données les plus simples . L'Ab-
solu se révèle alors, dans la mesure du moins où
pareille révélation est possible .
Les éléments révélateurs sont, en cela , des figures
géométriques banales, que tout l'art consiste à savoir
faire parler . Leur simplicité nous les désigne comme
les idéogrammes primitifs, dont les plus anciennes écri-
tures furent nécessairement dérivées . Cela nous fait
remonter jusqu'à Thot ou Hermès , appellations mytho-
logiques , sous lesquelles se cachent , en réalité , des
sages inconnus , préoccupés de rattacher la pensée à des
emblèmes , plutôt qu'à des mots , afin d'obliger l'esprit
à toujours discerner l'idée qui partout se cache sous le
masque des apparences extérieures .
Ces pères de la tradition , dite hermétique, ont voulu
opposer, aux bruyants ébats des sophistes, la philoso-
phie du silence et du recueillement. L'argumentation ,
admirable pour endoctriner, pour convaincre , et sur-
tout pour tromper, a toujours répugné à ceux qui s'effor-
çaient d'enseigner à penser librement , à chercher la vérité
par soi - même , en toute sincérité et toute indépendance .
Abordons maintenant l'étude des symboles graphi-
ques générateurs , qui , en se combinant, donnent nais-
sance à toute cette gamme de signes plus complexes,
dont les Initiés ont tiré leur écriture secrète .

La Tétrade fondamentale

Les signes alchimiques les plus usuels semblent déri-


vés, en dernière analyse , du quaternaire suivant :
о + A
3

Il est probable que nous avons là les bases originelles


de toute écriture , les quatre figures que l'homme a dû
tracer avant toutes les autres . Au point de vue du sym-
bolisme initiatique , le doute n'est pas possible : ce sont
bien là les signes sacrés par excellence , auxquels se rat-
tachent les notions pythagoriciennes de l'Unité ○ , du
Binaire + , du Ternaire et du Quaternaire☐
Avant de les envisager isolément, puis dans la mul-
tiplicité de leurs combinaisons réciproques , il convient
de comparer entre eux ces idéogrammes fondamentaux.
A première vue , la Croix + se différencie essentiel-
lement des autres signes OA , par ce fait que ceux - ci
constituent seuls des figures fermées . Il est à remarquer
aussi que , chez les anciens alchimistes, la Croix + ne se
rencontre jamais isolément, mais toujours en combinai-
+
son avec l'une des figures fermées : +
Plus tard seulement, la Croix aux extrémités arrêtées +
devint le signe conventionnel du Vinaigre ; mais nous
tombons alors du primitif symbolisme philosophale,
toujours simple et logique , dans les fantaisies souvent
inextricables du grimoire des apothicaires .
Si maintenant nous nous demandons quel peut être ,
par opposition à la Croix + , la signification de l'ensem-
ble des figures fermées O ▲ □ , nous concevons facile-
ment que celles - ci doivent représenter quelque chose
de circonscrit, de délimité ou tout au moins de déter-
miné , en d'autres termes , des entités objectives ou des
substances . La Croix + ་, au contraire , n'est l'indice que
d'un simple changement d'état ; elle marque une modi-
fication accomplie ou destinée à s'accomplir au sein de
ce qui possède l'existence objective .
Ce n'est pas tout. Comparons la Croix + aux autres
signes , et, pour commencer, au Cercle O. Il semble que
ce soit l'antagonisme absolu , alors qu'il n'y a là , en
réalité , qu'analogie des contraires . Grâce à l'égalité
4 -

rigoureuse de ses branches , la Croix + s'ajuste , en


effet, dans le Cercle O, qu'elle partage ainsi en quatre
secteurs égaux , figure dont nous donnerons plus loin
l'interprétation .
Entre la Croix et le Carré , il y a plus nettement
encore analogie des contraires , puisque , de part et
d'autre , interviennent deux angles droits , réunis par le
sommet pour former la Croix + , alors que , dans le
Carré , ils se joignent par les côtés .
Ces angles droits , en lesquels se décomposent à la
fois la Croix et le Carré L1 se retrouvent dans le
Gamma grec I et le Gimmel phénicien 7 , mais plus spé-
cialement encore dans l'Equerre des Francs - Maçons . Or ,
cet instrument est pour les Initiés d'une importance capi-
tale . Son symbolisme leur révèle les plus profonds mys-
tères de la construction universelle . A lui se rapporte
toute genèse de vie et de matière . Ce que nous aurons
à dire plus loin de la Croix + et du Carré ☐ édifiera , à
ce sujet, tout lecteur attentif.
Il nous resterait à établir un rapprochement entre la
Croix et le Triangle ; mais nous devons nous bor-
ner à constater que rien ne relie ces deux signes , qui
n'ont entre eux de commun que la seule barre horizon-
tale . Celle - ci est traversée , coupée , divisée dans la
Croix , alors que , dans le Triangle ▲ ou ▼ , elle sert
de base à deux autres lignes qui partent de ses extrémi-
tés pour se rejoindre . Le Triangle ▲ ou implique
donc une conciliation de contraires , alors que la Croix +
suggère une idée de partage , de division , de multipli-
cation et de fécondation , comme nous le ferons ressortir
quand nous nous occuperons en particulier de ce signe .
Notons en passant que les deux organisations qui se
disputent actuellement l'empire spirituel du monde,
c'est-à-dire l'Eglise et la Franc-Maçonnerie , ont précisé.
ment pour emblêmes la Croix et le Triangle . Serait- ce
l'affirmation symbolique de tout ce qui sépare ces puis-
sances rivales ? S'il en était ainsi , le signe alchimique du
Soufre + pourrait donner lieu à une interprétation inat-
tendue .
Le Cercle

D'après ce qui précède , nous savons que les figures


fermées représentent des entités substantielles .
Mais, à l'encontre du Triangle et du Carré , le Cer-
cle est curviligne . Il est tracé par une ligne unique ,
sans commencement ni fin . Nous voici donc en présence
d'une substance qui, à en juger par son symbole gra-
phique, doit présenter un double caractère d'unité et
d'infinité. C'est la substance primordiale , universelle ,
éternelle et nécessairement une, de laquelle toutes cho-
ses sont tirées . Estimant qu'en la circonstance , comme
en beaucoup d'autres, les mots sont impuissants à tra-
duire l'idée qu'on voudrait leur faire exprimer , les Grecs
se sont efforcés de nous donner une notion de cette mys-
térieuse entité , en la symbolisant par un Serpent qui se
mord la queue, dit « Ouroboros » , et en accompagnant
cet emblême de la devise : EN TO ПIAN. Un le Tout.
Ce Tout, précisément parce qu'il est Un , risque fort V
de passer pour Rien . Nous ne percevons
les choses qu'en raison des contrastes .
Or, ceux-ci ne sauraient exister dans ce
qui est un, donc strictement uniforme VN LETOVT
et non différencié . A l'égard de nos per-
ceptions , la plus inéluctable des réali-
tés , la Réalité par excellence , disparaît
ainsi comme si elle n'existait pas . Cela explique comment
la Matière première des Sages n'est rien pour le vulgaire ,
alors qu'elle est tout pour les philosophes. Les sots ne
la voient nulle part, tandis qu'elle est partout pour les
Sages .
6 -

Cette matière énigmatique correspond au Chaos pri-


mitif, dans l'uniformité duquel se confondaient les élé-
ments opposés . Elle représente le « Néant » de la créa-
tion ex nihilo, lequel remplit l'Espace ou le Vide cosmo-
gonique. Celui- ci a pour image un disque noir qui
rappelle la Nuit, mère des choses , ou l'Abime, sur la face
duquel la Genèse fait planer l'obscurité .
Mais revenons au Cercle simple ○ , auquel notre numé-
ration donne la valeur de Zéro , sans doute en s'inspi-
rant des spéculations kabbalistiques relatives au TOUT-
RIEN ou à l'ETRE- NON - ETRE , racine de toute exis-
tence . Les alchimistes en ont fait le symbole de leur
Alun O , qu'il faut bien se garder de confondre avec
l'alun vulgaire , attendu qu'il s'agit de ce Sel philosophi-
que, qui est le principe de l'alun , des autres sels , des
minéraux et métaux (1 ) .
Cette définition nous reporte à l'Ether , substance uni-
verselle constituant l'essence intime des choses , leur
trame subtile ou ce substratum qui serait le fondement
en quelque sorte immatériel de toute matérialité .

La Lumière

La substance que nous avons envisagée jusqu'ici


est, pour ainsi dire , abstraite . Diluée dans le vide
infini de l'espace cosmique , partout identique à elle-
même, elle resterait éternellement stérile , immobile,
endormie, morte , donc pratiquement réduite au néant ,
s'il ne devait surgir en elle aucune cause de différentia-
tion .

(1 ) Dom Antoine-Joseph Pernety, Religieux Bénédictin de la Con-


grégation de Saint-Maur, Dictionnaire mytho- hermétique, dans
lequel on trouve les allégories fabuleuses des poëtes, les métaphores ,
les énigmes et les termes barbares des Philosophes Hermétiques expli-
qués . Paris, 1758. Au mot : Alun, page 27 ,
- 7

Cette cause interviendra comme Principe créateur, en


provoquant dans l'uniformité de l'Etre non - être une
polarisation , dont découlera l'existence objective ou
phénoménale . Pour débrouiller le Chaos, ou pour lui
faire manifester successivement tout ce qu'il renferme ,
il suffit , en effet, de le faire entrer en vibration . Tel est
le sens de la création par la Lumière . - Imaginons une
radiation partant du centre de l'espace universel et se
propageant d'une manière intarissable jusqu'à la péri-
phérie . Nous concevrons ainsi le rôle créateur des ondes
lumineuses , tant spirituelles que physiques, et nous par-
viendrons à nous faire une représentation de l'énergie
animatrice du Grand Tout . Celui-ci devient vivant dès
que la Lumière y éclate , en d'autres termes , dès qu'il
s'y constitue un foyer central d'initiative et de mouve-
ment. Aussi suffit - il d'un simple point marquant le cen-
tre du Cercle O , pour que , hiéroglyphiquement, la
Lumière soit ! Ce point ajouté transforme du tout au
tout le signe du Chaos informe et vide ( 1 ) O , puisqu'il
en fait l'idéogramme du Soleil ou de l'Or O. L'émana-
tion centrale créatrice est d'ailleurs constante , si bien
qu'il y a renouvellement incessant de la Vie universelle ,
dont la source réside dans une permanente , inalté-
rable et incorruptible fixité O.
Il ne faut d'ailleurs jamais perdre de vue , que le cen-
tre dont il s'agit ici ne saurait être localisé nulle part.
La Lumière infinie, l'Aór Ensoph des Kabbalistes , est
une radiation qui part simultanément de partout. Rien \
n'a pu précéder son apparition .
Si donc , pour la commodité de notre exposé , nous

( 1 ) Genèse, chap . I , v . 2. ― La version samaritaine parle d'une


<< terre distendue jusqu'à l'incompréhensibilité et très rare » . Le tar-
gum chaldaïque dit «< divisée jusqu'à l'anihilation et vaine » . Les hel-
lénistes traduisent : «< invisible et décomposée » . Voir Fabre d'Olivet,
La Langue hébraïque restituée, Paris , 1816 , 2 partie, page 29 .
avons mentionné avant O, il ne faudrait pas en con-
clure que l'un des principes ainsi symbolisés est anté-
rieur à l'autre . Une lumière ne rencontrant rien qu'elle
puisse éclairer serait comme n'existant pas. Il y a donc
à la racine des choses une dualité indissoluble , que les
mythologies ont représentée par un couple divin : Osiris
et Isis , Odin et Frigga, Wotan et Herta , etc.

Le Soleil et la Lune

Lorsque l'on oppose l'un à l'autre les deux idéogram-


mes auxquels nous nous sommes arrêtés jusqu'ici , on
peut leur assigner les interprétations suivantes :

O O ou

Agent Patient
Mâle Femelle
Esprit Matière
Positif Négatif
Mouvement Inertie
Jour Nuit
Lumière Ténèbres
Plein Vide
Lingam Yoni

Mais, par opposition au Soleil O , le Cercle O fait


aussi songer au disque lunaire . Or, ce qui distingue la
Lune, quand on la compare au Soleil , c'est l'instabilité
de son aspect. Alors que l'astre du jour se montre cons-
tamment identique à lui-même , qu'il sort de la lutte
contre les nuages toujours aussi imperturbablement
radieux , nous voyons la Lune augmenter ou diminuer
sans cesse , selon l'ordre de ses phases . On a donc repré-
senté la Lune , non par le Cercle plein , mais par le
Croissant C. Ici encore des interprétations intéressan-
tes découlent du rapprochement avec le signe solaire .
9

Θ C
Soleil Lune
Or Argent
Fixité Mobilité
Immuabilité Transformabilité
Lumière directe Clarté réfractée
Raison Imagination
Activité Sensibilité
у
Donner Recevoir
Commander Obéir
Discerner Croire
Inventer Comprendre
Créer Conserver
Fonder Maintenir
- Jakin Bohas
"

Le Croissant peut d'ailleurs se présenter sous quatre


aspects différents :

ว C

Les pointes tournées vers la gauche , il correspond


à la Lune entrant dans son premier quartier . L'astre
augmente alors rapidement ; aussi , le signe qui rap-
pelle cette phase fait il allusion à une substance en voie
de développement . C'est la jeunesse qui se hâte vers le
plein épanouissement de l'âge adulte .
La Lune à son déclin C indique , au contraire , une
désagrégation , un acheminement vers le néant , source
de renouveau .
Les pointes en haut , le Croissant triomphe : il
domine et gouverne tout ce qui est au- dessous de lui .
Inversement, il est asservi par tout ce qui le sur-
monte, lorsqu'il est renversé , les pointes tournées vers
le bas O.
10 -

Un double exemple achèvera de nous faire com-


prendre .
Prenons ce que les Alchimistes appelaient leur Sel
Alkali et leur Sel Gemme 8. Tous deux participent de
la substance chaotique primitive , dite Matière première
des Sages ou Alun O. Mais cette substance est , d'une
part , soumise à la Lune , autrement dit élaborable à
l'infini, sujette à toutes les transformations ou trans-
mutations . C'est le cas du Sel Alkali 8, authentique
matière première du Grand- Euvre, réceptive pour
toutes les métamorphoses de la nature et de l'art. La
même substance nous apparaît ensuite comme sous-
traite aux influences lunaires , parce qu'elle a déjà subi
toutes les élaborations dont elle était susceptible . Elle
domine donc désormais le Croissant 8, ce qui signifie
qu'elle reste inaltérable , bien que puissamment active
par simple action de présence . Un cristal déjà formé
suffit, en effet , pour déterminer la cristallisation d'une
solution saline parvenue au degré de saturation voulue .
Il semble que le Sel Gemme 8 soit destiné à influencer
d'une manière analogue son ambiance immédiate . Ce
Sel , qui précisément cristallise en cube , est à rapprocher
en cela de la Pierre Cubique des Francs -Maçons, connue
de ceux qui ont vu l'Etoile Flamboyante , autrement dit
des Initiés instruits des mystères de la Lettre G.

La Croix .

Nul signe graphique n'est aussi primitif, aussi spon-


tané, que le Tau ou Thav archaïque des Phéniciens +.
Son nom sémitique signifie marque, entaille, caractère
d'écriture ou lettre par excellence , sans doute parce que
la main trace , pour ainsi dire d'elle- même , ce graphisme
élémentaire , adopté comme signature par ceux qui ne
11 -

savent pas écrire . Ce qui est certain , c'est que la Croix ,


dont les chrétiens ont fait leur emblême caractéristique ,
est, en réalité , un signe universel , fatalement commun
à tous les peuples , si bien qu'on le retrouve sur les
monuments préhistoriques, tant de l'ancien que du nou-
veau monde ( 1 ) .
Les Initiés y voient le symbole de l'union fécondante
des deux principes antagonistes , générateurs de toutes
choses : Agent et Patient , Esprit et Matière , Homme et
Femme , etc. Pris isolément, ces deux principes ne repré-
sentent que de stériles abstractions , dénuées de réalité .
Leur séparation équivaut donc au néant , à la négation
de toute existence . Toute manifestation de l'Etre , toute
génération créatrice , procède de ce mariage dont la
Croix nous offre l'image . Des deux traits qui la com-
posent, l'un , étendu , couché , horizontal comme la sur-
face de l'eau , correspond , en effet , à la passivité réceptive
et féminine, tandis que l'autre , dressé , debout , vertical ,
comme la flamme qui s'élève , dépeint l'action de l'éner-
gie måle dans son effort ascendant, de même aussi ,
inversement , dans cette pénétration qui transperce et
féconde .
La Croix est donc bien un signe sacré ; mieux que
cela , c'est incontestablement le plus sacré de tous les
signes, le signe sacré par excellence , puisqu'elle fait
allusion au mystère suprême de l'union de Dieu et de
la Nature (Osiris et Isis) . Or , cette union se traduit à la
fois par la descente de l'Esprit dans la Matière ( Involu-
tion) -- et par l'action rédemptrice , qui fait remonter
l'Esprit à travers la Matière , en faisant participer celle- ci
à son ascension ( Evolution ) ---
Rien de plus faux, dans ces conditions , que d'envisa-

(1 ) La croix est un des ornements caractéristiques de l'âge du


bronze. Elle semble avoir joué un rôle important dans le culte des
anciens Mexicains, à en juger par un bas- relief des ruines de Palenque.
12

ger la Croix + comme un emblême de mort, puisqu'elle


nous offre l'image de la conjonction animatrice qui
engendre la vie . Elle ne devrait donc signifier qu'amour,
hyménée , combinaison harmonique des contraires , créa-
tion, genèse , production , pouvoir réalisateur, etc. , à
l'exclusion formelle de tout ce qui se rapporte à la sépa-
ration de l'âme et du corps , dont elle exprime , au con-
traire , l'union intime , devenant par là le signe même de
la vie .
C'est précisément parce qu'elle se rapporte à l'action
vivifiante ou vitalisante, que , dans l'idéographisme pri-
mitif des alchimistes , la Croix + n'apparaît pas isolément,
mais toujours en adjonction à quelque autre signe . La vie ,
en effet , n'est rien par elle-même : il lui faut un support,
une substance, un être à rendre vivant, à élaborer ou à
transmuer. Il n'est donc pas surprenant de ne rencontrer
la Croix qu'en combinaison , soit avec le Cercle O,
soit avec le Triangle ▲ ou ▼ , soit enfin avec le Carré ☐ ,
les entités susceptibles de vitalisation ayant précisément
pour symboles ces figures fermées .
L'association graphique s'effectue en cela de deux
manières opposées , selon que la Croix + est tracée au-
dessus ou au-dessous du signe . Il en résulte naturelle-
ment des significations inverses, analogues à celles que
nous avons déjà attribuées , d'une part au Sel Alkali y et
de l'autre au Sel Gemme 8 ( 1 ) . Mais il ne s'agit plus ici
d'une substance unique (Matière première des Sages ) dis-
posée à toutes les métamorphoses 8 , ou rendue fixe à
force de les avoir subies 8. La Croix est toujours
l'indice d'une évolution vitale , d'une élaboration inté -
rieure progressive . Mais l'œuvre peut n'être encore que
virtuelle , les énergies qui demandent à se déployer étant
retenues et concentrées comme en un germe . C'est le

(1) Voir no précédent , page 10.


13

cas des substances représentées par des figures fermées


surmontant la Croix :

오 Δ
+ +
Inversement, le travail fortifiant et purificateur de la
vie est représenté comme accompli ou achevé dans les
entités désignées par les figures que surmonte la Croix :

Ѣ 支

Ce sont là des substances désormais spiritualisées,


sublimées ou glorifiées , dont les vertus transcendantes
opèrent les miracles du Grand Art .

Cercle et Croix .

Parmi les signes alchimiques , de beaucoup les plus


nombreux dérivent du cercle O et de la Croix +.
En tête se place l'idéogramme du Sel → , qui repré-
sente une substance à la fois passive et stable , comme
l'indique le diamètre horizontal . Grâce à ce simple trait
qui traverse latéralement le cercle , le primitif signe de
l'Alun se trouve transformé . Nous ne sommes plus
en présence de ce chaos abstrait, indéterminé , auquel
nulle qualité ne saurait être assignée . L'entité que la
nouvelle figure nous invite à concevoir correspond effec-
tivement à l'idée de substance, dans le sens le plus
général du mot . C'est elle qui , en fournissant la trame
occulte des formes , devient ce substratum hyperphysi-
que des choses, en lequel réside leur stabilité . Le Sel
des Philosophes → doit ainsi être considéré comme la
base déterminante de toute concrétion matérielle ; c'est
le principe neutralisé sur lequel se fonde toute maté-
rialité. Il est permis d'y voir , en quelque sorte , la Matière
métaphysique .
14 -

Cette Matière a été représentée dans la Genèse ( 1 ) par


les Eaux célestes , qu'un firmament séparateur vint divi-
ser en Eaux supérieures et en Eaux inférieures . Un par-
tage analogue, survenu dans le domaine des Eaux qui
sont en dessous des cieux , fait ensuite apparaître le
sec (2) . Ces dédoublements successifs , opérés chaque
fois par la séparation du subtil de l'épais , engendrent,
à divers degrés , ce que les Hermétistes appelaient leur
Sel . Ils supposaient à la substance un aspect néces-
sairement double et complémentaire , en ce sens qu'à
toute fixité , densité ou objectivité devait correspondre
une contre- partie volatile , éthérée ou spirituelle équi-
valente .
A la placidité du Sel , dédoublé par l'action de la
pesanteur, s'oppose l'effervescence du Nitre . partagé
selon les polarités contraires , positive et négative , qui
entretiennent un état de tension dynamique véhémente .
Il y a menace perpétuelle d'explosion : c'est l'instabilité
radicale , d'où résultent le mouvement, l'action , la stimu-
lation incessante de toutes les énergies agissantes de la
nature . Tel est le sens du diamètre vertical qui caracté-
rise le Nitre , aussi appelé Sel Infernal, parce qu'on le
rendait responsable de toutes les révoltes , des soulève-
ments révolutionnaires , sources de catastrophes , mais
aussi de transformations indispensables .
Dans le symbolisme maçonnique , le Sel et le
Nitrecorrespondent au Niveau et à la Perpendicu-
laire ou Fil-à-plomb , instruments qui déterminent
l'horizontale et la verticale . Il s'agit, en effet, pour I'Ini-

tié, d'apprendre tout d'abord à se dominer, pour rester


en toutes choses calme et impassible , seul moyen de
juger sainement et de prendre toujours des résolutions

( 1 ) Chap . 1 , v. 6.
(2) Genèse, chap . I , v . 9 .
9
3
1
2
15 -

sagement raisonnées . Cette impassibilité , cependant, ne


doit pas résulter d'une sorte de mort intérieure . Pour
être domptées et contenues , les énergies de l'âme n'en
doivent pas être moins vivaces ; mais il importe de savoir
les discipliner en les équilibrant, afin de pouvoir, l'heure
venue , en disposer pour l'action . La combinaison de
l'horizontale avec la verticale engendre d'ailleurs
l'Equerre, insigne suprême de sagesse , de conciliation ,
de discernement et de pouvoir de réalisation pratique .
Réunissons maintenant en une mème substance les
qualités contradictoires du Sel et du Nitre ; nous
obtenons ainsi le Verdet ou Vert- de gris . Il ne s'agit
point là d'un vulgaire oxyde de cuivre, mais bien de
l'éternelle substance , essence de toutes choses O, aiman-
tée par l'action vivifiante + . C'est donc la substance
animée , vitalisée , quelque chose comme le fluide vital ,
que désigne la Croix inscrite dans le Cercle . Ce sym-
bole se rapporte même à une vitalisation parfaite et
rigoureusement équilibrée , en sorte que l'énergie
motrice soit exactement proportionnée à l'inertie qu'elle
est appelée à vaincre .
Or, cet équilibre harmonique n'est réalisé que dans
le règne végétal ; aussi est- ce l'Ame végétative , la
Vitalité proprement dite , que représente le Verdet .
Comparativement à la vitalité des plantes , il y a , en
effet, sur-vitalité chez les animaux et sous- vitalité chez
les minéraux , l'harmonie étant rompue au bénéfice de
l'activité chez les premiers et de la passivité chez les
seconds . C'est ce qui est exprimé par les idéogrammes
→ et .
On sera sans doute surpris de voir attribuer ici une
vitalité , si atténuée soit-elle , aux minéraux communé-
ment considérés comme inertes . A la réflexion , cepen-
dant, il est facile de se rendre compte que , dans le règne
minéral , l'inertie est beaucoup plus apparente que
- 16

réelle . La cohésion moléculaire est le résultat d'un


travail intense , dont nous aurions tort de faire abstrac-
tion . Une énergie considérable est appliquée dans
chaque minéral , pour lui permettre de résister aux
agents qui tendent à le modifier . Il y a donc dans les
minéraux une vitalité de résistance , purement passive
et conservatrice , fort bien figurée par le signe > , qui
est intermédiaire entre celui du Verdet et l'idéo-
gramme du Sel . Dans le règne minéral , l'activité, le
mouvement ou la vie proprement dite , se confinent, en
effet , dans cette partie supérieure ou céleste du Sel qui
ne tombe pas sous nos sens . Les minéraux ne sont ainsi
animés que dans l'atmosphère occulte dont ils sont
enveloppés , dans leur ambiance astrale , comme dirait
Paracelse . Or , il faut avouer que les phénomènes
magnéto-électriques de la physique moderne viennent
singulièrement confirmer ici les conceptions tradition-
nelles des Hermétistes . Les Anciens paraissent avoir tout
su deviner .
Si , à la base de la minéralité, nous trouvons l'inertie
et la stabilité du Sel , c'est au Nitre que se ratta-
.che , par une exacte antithèse , la vie intense , mais essen-
tiellement instable , de l'animal . Active à l'excès , notre
vitalité est représentée , en effet, par le Vitriol , subs-
tance mystérieuse par excellence , puisqu'elle est la
matière même du magistère des Sages Cela signifie
que le Grand Euvre est intimement lié à la conquête
de la maitrise vitale . Le magnétisme animal , dont la
découverte fut suggéré à Mesmer par l'étude des Alchi-
mistes , nous révèle l'existence de forces non encore
définies , mais qu'il faut apprendre à connaitre et à gou-
verner, pour réaliser, par leur application, les merveil-
les attribuées à la fameuse Pierre philosophale . Sachons
approfondir , à ce propos , toute la portée du mot Vitriol,
dont chaque lettre devient l'initiale d'un mot dans la
17

recommandation suivante , souvent répétée par les


anciens adeptes :

Visita Interiora Terræ Rectificando Invenies Occultum


Lapidem Veram Medicinam .

VISITE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE (Approfondis , pénètre


en toi-même, apprends à te connaître à fond) ET, EN REC-
TIFIANT (en subissant les épreuves purificatrices de l'Ini-
tiation , en parvenant à dompter les forces qui se com-
binent en toi ) TU TROUVERAS LA PIERRE CACHÉE DE LA VRAIE
MÉDECINE .

Le Grand Agent magique .

Après ce que nous avons déjà dit de la signification


qui se rattache à la croix , selon qu'elle est tracée au-
dessus ou au-dessous d'un élément idéographique , il
devient en quelque sorte superflu de commenter le
symbole de l'Antimoine & . Chacun y reconnaît désormais
une entité subtile , une essence ultra- spiritualisée , par-
venue au suprême degré d'évolution , de pureté et de
puissance active . Les Hermétistes donnent ce nom à
leur Eau permanente , à leur Eau céleste , autrement dit
1
à leur Mercure, parce que celui -ci nettoye , purifie et
lave l'Or philosophique , comme l'antimoine commun
purifie l'or vulgaire (1 ) . Dans son Char triomphal de
l'Antimoine , Basile Valentin prétend que , préparée
spagyriquement, cette substance est un antidote contre
tous les venins . Il l'appelle le Grand Arcane, la Pierre

(1) Pernety, Dictionnaire Mytho - Hermétique, page 37 , au mot :


Antimoine .
---- 18 -

de feu, et lui attribue tant de vertus , qu'aucun homme


n'est capable de les découvrir toutes , la Pierre philo-
sophale n'ayant guère de propriétés supérieures, tant
pour la guérison des maladies du corps humain , que
pour la transmutation métallique . Au point de vue de
notre personnalité , il s'agit là de notre Ame intellec-
tuelle, principe lumineux qui tend à nous élever , à nous
spiritualiser, en nous dégageant ' de l'opacité de la
matière . C'est aussi la Lumière vivante , ou plutôt le
fluide mystérieux qui lui sert de véhicule , et grâce
auquel s'opèrent les miracles du Grand Euvre.
Renversons l'idéogramme de ce principe d'ascension
et d'émancipation dématérialisante , et nous obtiendrons
le symbole de Vénus ou du Cuivre , c'est- à- dire , de
cette attraction en sens inverse , qui sollicite l'esprit à
s'incarner et le détermine à descendre dans la matière
pour s'y associer.
Entre ces attractions opposées , se place d'ailleurs la
vie elle -même , comme le font ressortir les rapproche-
ments suivants :

Ame intellectuelle .
Influence spiritualisante .
Esprit se dégageant de la matière qu'il domine .
Î Evolution . Rédemption .

Ame végétative.
Vitalité physique.
→ Esprit incarné, uni à la matière .
Santé, équilibre vital .

Ame instinctive .
Attraction matérialisante .
Chute de l'esprit dans la matière.
Involution . Genèse .

Ce qui précède permet de préciser le sens du symbole


19

qui représente communément le Monde ou , plus exac-


tement, notre Globe planétaire . C'est le signe de la
minéralité surmonté de la Croix . Il s'agit donc du
principe vital qui anime la Terre en tant que corps
sidéral , et non de ce corps lui -même . C'est, en réalité ,
de l'Ame du Monde dont il est ici question , de cette
Ame universelle des choses, grâce à laquelle elles se
transforment et se trouvent entraînées dans le mouve-
ment général du progrès, en dépit de leur passivité
inhérente . Ce principe animique des corps sidéraux fut
conçu par Paracelse comme un fluide subtil , condensa-
teur de cette clarté diffuse , connue des occultistes sous
le nom de Lumière astrale. Or , commander à celle - ci ,
pour la coaguler ou la dissoudre au gré d'une volonté
maîtresse d'elle-même , c'est exercer effectivement le
pouvoir suprême . En tant qu'insigne impérial, le globe
du Monde fait donc allusion à des prérogatives essen-
tiellement initiatiques . Il exprime cette vérité que l'em-
pire universel n'échappera jamais aux Initiés !
Il n'y a pas à retourner le signe dont nous venons de
nous occuper il ne pourrait figurer, dans cette posi-
tion , que le monde renversé et ne trouverait son emploi
que dans les grimoires des sorciers . Mais il est suscep-
tible d'être couché , car il devient ainsi le symbole
du Vitriol bleu, lequel est féminin- passif par rapport au
Vitriol vert , représenté comme essentiellement actif
et masculin . De part et d'autre , c'est la vitalité ani-
male qui est en jeu ; mais , selon qu'elle est polarisée
négativement ou positivement , elle s'affirme par l'op-
position des sexes . Il se produit ainsi une modalité
femelle , qui attire , retient, économise , et accumule
l'énergie vitale +, tout comme , à l'encontre de cette
condensation centripète , le fluide animique est projeté,
dépensé et dispersé par l'action centrifuge du courant
mâle → . La flèche indique en cela une projection au
20

dehors , une influence en quelque sorte agressive exer-


cée sur l'extérieur .

Mars et Vénus .

Selon qu'il est vert ou bleu, actif ou passif, mascu-


lin ou féminin , le Vitriol est, en réalité , influencé
par Mars ou par Vénus Q.
Nous avons indiqué plus haut ( 1 ) que , mis en anta-
gonisme avec l'Antimoine † , essence spiritualisante,
Vénus représente la séduction qui attire l'esprit dans
la matière . Il convient d'ajouter ici que , par contraste
avec Mars , personnification de l'énergie agissante , du
besoin de mouvement , Vénus reste essentiellement
sensitive , molle et paresseuse . Tendre , aimante , langou-
reuse , elle sollicite au repos, à l'inaction réparatrice
des forces dépensées . C'est la grâce et le charme fémi-
nin opposés à la rudesse måle . Or, Mars doit de
toute nécessité s'allier à Vénus Q, car , sans l'interven-
tion tempérante de celle- ci , il consumerait rapidement
dans son ardeur toutes les réserves vitales , que son
amante mythologique est jalouse d'entretenir et de
renouveler . Ainsi s'expliquent les oppositions sui-
vantes :


Mars Vénus
Fer Cuivre
Motricité Sensibilité
Colère Douceur
Impatience Patience
Vivacité Calme
Energie agissante Apathie , paresse
Volonté Docilité

(1 ) Page 18 .
- 21

Domination Séduction
Projection Attraction
Brutalité Grâce
Férocité Tendresse
Destruction Conservation
Feu animique ou vital. Eau vitale ou fluide animique
Ardeur sulfureuse Humide radical

Le Mercure .

Aucun des signes alchimiques n'égale en importance


celui du Mercure
+. Toute la doctrine hermétique s'y
synthétise en quelque sorte . Aussi , est - on bien près de
posséder le secret du Grand Art , lorsque l'on est par-
venu à discerner ce que les Philosophes ont voilé sous
le symbole dont ils font le plus fréquent usage .
Or, le mystère , qui devait être dérobé à la connais-
sance du vulgaire , s'éclaircit singulièrement lorsque
l'on soumet l'idéogramme du Mercure T à une analyse
méthodique . On peut y voir, en effet, le signe de
Vénus surmonté du Croissant , ou le signe du Sel
Alkali & avec adjonction inférieure de la Croix + .
Dans le premier cas, Vénus indique une substance
renfermant, comme en germe , des énergies vitales des-
tinées à se déployer ( 1 ) , et la superposition du Crois-
sant dénote que l'évolution dont il s'agit devra s'effec-
tuer dans le domaine sublunaire , donc dans la sphère
de la matérialité soumise à de perpétuels changements .
Le Mercure + nous apparaît ainsi comme l'essence
fondamentale de la vie des choses , comme le principe
grâce auquel elles se produisent , se développent et se
transforment . C'est l'agent universel de la Nature , le

(1) Voir page 18.


- 22 ---

messager des dieux , c'est- à-dire l'intermédiaire partout


indispensable aux manifestations de l'existence , ou
l'éternel médiateur .

Si maintenant nous nous reportons à ce qui a été dit


du Sel Alkali 8 ( 1 ) , nous concevrons en quel sens le
signe se trouve modifié par l'adjonction de la croix +,
laquelle est ici l'indice d'une fécondation . La Matière
première des sages 8, apte en puissance à subir toutes
les métamorphoses , se trouve désormais animée , en
vertu de ce déclanchement générateur de vie , qui lui
fait réaliser en acte toutes ses potentialités latentes .
Les Philosophes hermétiques se sont servis de nom-
breux termes pour désigner leur Mercure , mais ils se
sont attachés avec une prédilection particulière au mot
Azoth, qui, selon Planiscampi , devrait s'écrire AZON ,
afin de se composer cabalistiquement de l'initiale com-
mune à tous les alphabets A , suivie de la dernière lettre
des Latins Z, des Grecs 2 et des Hébreux л, l'Azoth

(1) Voir page 10.


23

représentant à la fois le principe et la fin de tout corps .


Lorsque le signe de l'Azoth est renversé , il retrace
le schéma de l'Arcane III du Tarot, qui représente
l'Impératrice, la Reine des Cieux ou la Vierge ailée de
l'Apocalypse . Si nous analysons l'idéogramme , nous y
reconnaitrons l'Antimoine dominant le Croissant
vaincu (Pureté souveraine échappant à toutes les
influences modificatrices , mais exerçant elle- même , sur
tout ce qui lui est inférieur , une irrésistible puissance
purificatrice) , ou le Sel Gemme & couronné par la
Croix , autrement dit spiritualisé , sublimé ou glorifié ,
ayant acquis les vertus les plus transcendantes ( 1 ) .
Il s'agit en somme , non plus de l'Ame des choses ou
de la Vitalité universellement corporisante , mais , au
contraire , de l'Ame intellectuelle , qui tend à nous déga-
ger de la matière , en nous élevant et en nous spiritua-
+
lisant 8 Encore faut-il se souvenir que nous sommes
ici , dans le domaine de l'universalité , c'est- à- dire dans
les sphères les plus hautes de la pensée qui régit le
monde . Nous sommes , en effet , en présence de Binah
(Intelligence ou Compréhension ) , qui correspond au
troisième terme du premier ternaire de l'arbre des
Séphiroth ou Nombres kabbalistiques . La Femme ,
devenue céleste par son assomption , se rapproche
d'ailleurs de Vénus - Uranie ou de l'Istar babylonienne ,
envisagée comme la génératrice des formes idéales ou
des idées-types selon lesquelles tout se crée . Elle règne
dans les régions sublimes de l'intellectualité pure , au-
dessus du monde changeant ou sublunaire, qui cepen-
dant est destiné à lui être soumis (2).

( 1 ) Voir page 10
(2) Victoire finale de la Femme , qui doit écraser la tête du vieux
Serpent .
24

Il est à remarquer, qu'en sa qualité de médiateur uni-


versel, le Mercure + sert de lien entre les autres métaux
ou planètes , sans manifester aucune affinité particulière ,
d'où son caractère neutre , ou plus exactement andro-
gyne , indiqué par la position centrale qu'il occupe dans
le septenaire suivant :

JUPITER ETAIN
Léger
2
SOLEIL LUNE
OR C ARGENT

Mâles Femelles

MARS VÉNUS
FER CUIVRE

h
SATURNE -- PLOMB
Lourd

Cela signifie que le Mercure participe de toutes les


qualités, ou qu'il est le principe dont elles s'engendrent
dans leurs variétés et leurs oppositions. Il en est plus
particulièrement ainsi de ce que les Hermétistes sont
convenus d'appeler leur Azoth , dont l'idéogramme est
formé par le signe de Vénus (la Croix ansée des

Egyptiens surmonté du croissant isiaque .


Or le Croissant, rappelant les cornes de la vache
sacrée ou du Taureau zodiacal , est parfois remplacé par
le signe du Bélier, V , figurant son contraire , car le
25

Croissant , dessinant une coupe ou un récipient ouvert,


est réceptif et, par conséquent , passif ou féminin : il fait
allusion à la fécondabilité et aux transformations qui s'y
rattachent. Le signe de l'équinoxe du printemps V évo-
que , par contraste , l'idée d'une pointe de flèche qui
s'implante en terre , ou , inversement d'une pousse végé-
tale qui s'épanouit en surgissant du sol. De quelque
façon qu'on l'envisage , il devient donc un symbole du
pouvoir générateur mâle .
Dans ces conditions , le Mercure des Sages repré-
sente par excellence le stimulant de toute vitalité , le
fluide universel qui pénètre toutes choses et unit tous
les êtres par les liens d'une secrète sympathie . C'est par
son intermédiaire que s'accomplissent les opérations
magiques et plus spécialement les miracles de la Méde-
cine occulte .

Jupiter et Saturne .

Pour compléter l'interprétation que nous avons don-


née des différents signes planétaires , il nous reste à
faire ressortir l'antithèse qui se traduit graphiquement
dans les signes de Jupiter (Etain ) et de Saturne
+
(Plomb) 2.
Nous sommes en présence d'une double combinaison
de la Croix et du Croissant . Mais celui-ci se ratta-
che d'une part au trait horizontal et de l'autre au trait
vertical de la Croix. Celle - ci , d'ailleurs , est placée , dans
le premier cas, en dessous et en arrière du Croissant ,
tandis qu'elle se dresse en avant et en haut dans le
second cas . Toutes ces oppositions peuvent se traduire
comme suit :
26

¥
Croix inferieure Croix dominant
au Croissant : le Croissant :
Changement destiné à s'ac- Transformation accomplie.
complir.
Ardeur, Jeunesse, Présomp- Froideur, Vieillesse , Expé-
tion , Initiative. rience, Réserve .
Rattachement au trait Suspension au trait
horizontal: vertical :

Changement à réaliser dans Modification réalisée dans le


le domaine de la passivité ou de domaine de l'activité ou de l'es-
la matière. prit.
Croissance, Développement Décrépitude, Déclin des for-
physique ces physiques .
Corporisation, Incarnation , Dématérialisation , Désincar-
Génération de vie matérielle, nation , Exaltation de la vie spi-
Principe animateur . rituelle, Principe transforma-
teur .
Vie. Mort.

Comme parmi les métaux connus des anciens l'Etain


+
✈ est le plus léger et le Plomb Ɔ le plus lourd , on a fait
correspondre le premier à l'Air et le second à la Terre.
Jupiter personnifie d'ailleurs l'Air qui donne la vie ,
cet Esprit igné ou ce Souffle chaud dont les êtres sem-

blent animés . Saturne , par contre, a été identifié avec

le Temps qui, en dissolvant les formes corporelles , rend


sa liberté à l'esprit captif de la matière .
Remarquons , en outre , que les Alchimistes désignent
le Plomb comme le métal qu'il convient de changer en

Or . Il s'agit en cela d'une substance qui, ayant été


portée au plus haut degré de maturité , offre , par ce fait
même, à la transmutation le terrain le mieux préparé.
De plus, comme les extrêmes se touchent, il n'est pas
surprenant que le plus vil des métaux puisse être le
27

plus proche du métal le plus noble . L'Initié , qui se dit


« Fils de la Putréfaction » , n'a-t-il pas dû mourir et
reposer dans le tombeau , afin de ressusciter en tant que
véritable Maître ?

Le Triangle .

Dans l'ordre des figures fermées O ▲ , le Trian-


gle se trouve placé entre le Cercle O et le Carré ☐ .
On peut en induire qu'il représente une entité intermé-
diaire entre la substance quasi abstraite , qu'on peut dire
spirituelle et la matière qui tombe sous nos sens .
Dans la pratique , en effet, le Triangle devient le sym-
bole des Eléments occultes , appelés : Feu ▲ , Eau ▼ ,
Air A et Terre . Ce ne sont point là des corps suppo-
sés simples ; mais des modalités de la substance uni-
que O qui déterminent au sein de celle- ci les particula-
risations corporisantes. Les Eléments hermétiques sont
des abstractions intelligibles qui échappent entièrement
à nos perceptions physiques . Il ne faut donc pas les
confondre avec les choses élémentées, qui sont les effets
dont nous les concevons comme la cause . Toute maté-
rialité ne saurait être , d'ailleurs , que la résultante d'un
équilibre réalisé entre les Eléments , qui s'opposent deux
à deux, comme le montre le schéma suivant :
nd
AIR of Backla
A

Corps
EAU A ← matériel → Δ FEU

#
TERRE

Il faut entendre par là que l'Air A, léger et subtil ,


allège , en contrebalançant l'action de la Terre
- 28 ---

épaisse et lourde , qui appesantit . Froide et humide ,


l'Eau contracte , d'autre part , ce que dilate le Feu A
sec et chaud .
Le symbole du Feu ▲ rappelle la flamme qui monte
et se termine en pointe . Il fait donc allusion à un mou-
vement ascendant, de croissance ou de dilatation , à une
action centrifuge , envahissante et conquérante ( 1 ) . Le
Feu par lui-même a , d'ailleurs , les tendances impé-
tueuses de l'énergie måle ; il incite à la colère et devien-
drait destructeur , s'il n'était pas modéré par les autres
Eléments combinés .
A la force ascensionnelle du Feu s'oppose , en
effet , en premier lieu l'Eau V , qui s'écoule vers le bas
et remplit tout espace vide ou creux . Elle resserre ce
que le Feu distend . Son action est donc centripète ou
constrictive . Au lieu de s'élever verticalement comme
le Feu , elle s'étale horizontalement . Elle tend ainsi au
repos , au calme , ce qui permet d'établir un rappro-
chement entre sa passivité et la douceur féminine .
A en juger par son idéogramme , l'Air ne serait qu'un
Feu arrêté dans son ascension , étouffé , éteint par la
barre horizontale qui traverse et décapite le triangle
igné. Il n'en reste plus que fumée , vapeur ou gaz , subs-
tance qui se dilue et se répand en tous sens , à la ma-
nière de l'Eau V.
Quant à la Terre , c'est une Eau épaissie , qui ne
coule plus et réalise l'inertie complète dans la solidité .
Sans nous étendre ici sur la théorie de l'antagonisme
conjugué des Eléments , nous nous bornerons à résumer
leurs correspondances à l'aide du tableau analogique
suivant :

(1 ) Les syllabaires accadiens donnent à la valeur de Rou, qu


signifie faire, produire, bâtir.
29

Idéogrammes alchimiques Δ A
Eléments Terre Feu Air Eau

Saisons . Printemps Eté Automne Hiver

Animaux mystiques . Boeuf Lion Aigle Ange

Signes zodiacaux . 8 ១. m

Evangélistes. Luc Marc Jean Mathieu

Couleurs.. Noir Rouge Bleu Vert

Planètes. Saturne Mars Jupiter Vénus

Signes planétaires h ¥
Métaux . Plomb Fer Etain Cuivre

Le Soufre .

A quelque règne qu'il appartienne , un individu pro-


cède toujours d'un centre interne d'initiative et d'action
expansive . L'existence individuelle prend , en effet, sa
source de cette révolte originelle , inspirée par l'égoïsme
radical, qui oppose la partie au tout dont elle partage
la vie d'ensemble .
Si nous partons de cette vitalité générale , nous
devrons nous représenter qu'elle communique de toutes
parts ses vibrations à la substance , encore passive , qui
se réveillera, par la suite , à la vie individuelle . C'est
ce que nous exprimerons schématiquement comme suit :

Le cercle central figure une substance saline O ou ,


passive ou neutre par conséquent, vers laquelle converge ,
dans le sens des flèches, un rayonnement de lumière
et de chaleur vitales parti de l'ambiance .
Supposons maintenant , qu'après s'être réfracté sur le
― 30

centre du globule salin , le rayonnement vital se retourne ,


en quelque sorte contre lui -même . Nous aurons ainsi
conçu la genèse de ce que les Alchimistes appelaient
leur Soufre A.

SOUFRE

SEL

MERCURE
Comme l'idéogramme Δ nous le révèle , ils enten-
+
daient par ce terme allégorique le Feu réalisateur
emprisonné dans le noyau de chaque être . Cette ardeur
vitale , se manifestant du dedans au dehors par les

phénomènes de développement et de croissance , est en


réalité le principe constructeur de tout organisme . C'est
l'Ouvrier auquel les Francs -Maçons rendent hommage
par l'emblème du Delta lumineux .

Ils considèrent , en effet , que le Feu interne, auquel


se rapporte la fixité individuelle, n'est qu'une particula-
risation de la Lumière créatrice O. Le Maçon est ainsi
autorisé à se considérer comme une émanation directe
- 31 -

ou comme une incarnation du Grand Architecte de


l'Univers ( 1 ) . Il ne doit pas oublier, d'ailleurs , qu'il n'oc
cupe dans l'échelle des êtres aucun rang particulière-
ment privilégié, puisque toute individualité microcosmi-
que , en qui se manifeste un foyer de vie autonome ,
découle , comme lui , de la seule et même essence lumi-
neuse , dont la tri-unité se traduit par le ternaire alchi-

mique : Soufre + Sel et Mercure ☎ .


Pour l'Hermétisme , en effet, tout est lumière . Cela est
aisément compréhensible en ce qui concerne le Sou-
fre et le Mercure , puisque ces deux principes
+
représentent la lumière intérieure ou microcosmique A,
+
opposée à la lumière extérieure ou macrocosmique .
Or, le Sel résulte de l'interférence des deux radiations
contraires , qui se neutralisent en une zône relativement
stable de lumière condensée ou corporisée . Le Sel
devient ainsi le réceptacle substanciel , distendu par

l'expansion sulfureuse interne 4


+ que contrebalance la
compression mercurielle extérieure .
Voici , au surplus , comment les trois principes alchi-
miques peuvent s'interpréter les uns par rapport aux
autres :

A
+ ୪
Soufre Sel Mercure
Archée Hyle Azoth
Principe Substance Verbe
Esprit Corps Ame
Intérieur Milieu Extérieur
Contenu Contenant Ambiant
Expansion Neutralité Compression
Mouvement centrifuge Stabilité, repos Mouvement centripète
Sortir Rester Entrer

(1) C'est sans doute dans ce sens qu'il est dit au Psaume 82, V. 6 :
« J'ai dit, vous êtes des dieux » , parole que Jésus devait opposer aux
Juifs le taxant de blasphème (Jean X, 33) .
32 -

Si le signe du Soutre est le symbole d'un Feu cons-

tructeur, emprisonné dans le germe appelé à se déve-


lopper, nous obtenons , en le renversant, l'idéogramme
d'une Eau ayant subi la série complète des distillations
épuratoires , grâce auxquelles se sont exaltées ses qualités
propres. Au point de vue initiatique , il s'agit de l'Ame
intégralement purifiée , fortifiée par les épreuves de
l'existence et parvenue à cet état de sainteté qui permet
de réaliser les miracles . On conçoit que , dans ces condi-
tions, le signe qui nous occupe ait pu , en Hermé-
tisme, se rapporter à l'Accomplissement du Grand OEu-
+
vre • Il se trouve tracé dans le Tarot par la silhouette

du Pendu (Arcane XII ) , de même que celle de l'Empe-

reur (Arcane IV) rappelle le signe du Soufre 4 .


+

Le Carré

La Matière concrète , autrement dit ce qui tombe sous


les sens , a pour symbole le rectangle , dont les côtés
correspondent au quaternaire des Eléments .
Lorsque cette figure affecte la forme d'un Carré par-
fait , elle représente la Pierre cubique, c'est- à-dire
l'individu parfaitement équilibré , en pleine possession
de lui - même , et dont l'organisme s'adapte rigoureuse-
ment en toutes choses aux exigences de l'esprit . Cet
idéal doit être réalisé par l'artiste dans la phase la plus
géniale de sa production , alors que la vigueur physique
s'allie encore chez lui à la délicatesse première des
impressions . Dans le programme initiatique de la
Franc-Maçonnerie , le Compagnonnage correspond à
cette période plus particulièrement favorable au travail
et à l'action . Aussi le Compagnon est-il appelé à se
transformer allégoriquement en un cube impeccable ,
33

aux arêtes d'une longueur strictement égale , et dont


les surfaces forment entre elles des angles d'une recti-
tude absolue .
Ces exigences géométriques ne peuvent manquer de
prendre une haute portée morale aux yeux des Ouvriers
symboliques , lesquels se considèrent eux-mêmes comme
les matériaux vivants du temple qu'ils construisent .
Elles indiquent , en outre , avec quelle minutie il con-
vient de façonner la matière qui doit concourir au Grand
Euvre. Rien d'arbitraire ou d'approximatif ne saurait y
subsister, tout devant y être réglé et coordonné par pro-
portions et par nombres , conformément aux lois de
cette Géométrie philosophale , dont il a été question au
début de cette étude , et qui est la Science fondamen-
tale des Initiés .

L'Equerre .

Comme nous l'avons déjà fait remarquer ( 1 ) , le Carré


semble engendré par deux équerres aux branches
égales , qui se seraient réunies par leurs extrémités . Les
mêmes éléments graphiques se distinguent également
dans la Croix +, mais assemblés inversement, comme
si les angles s'attiraient par leur sommet .
Ces indications suffisent pour donner une idée du
rôle constructif rempli par l'angle droit dans les combi-
naisons du symbolisme géométrique . Toute construction
procède, en effet , de l'association de deux contraires ,
figurés par la verticale ( énergie , action , force) et par
l'horizontale ( étendue , inertie , résistance) . Le construc-
teur est appelé à mettre en mouvement ce qui , de sa
nature, est immobile . Il rassemble ce qui est dispersé ,
et, c'est en vue de constituer un tout stable et solide ,
qu'il façonne et combine ses matériaux . Or , pour répon-

(1) Page 4.
3
34 -

dre pleinement à leur destination , ceux -ci doivent satis-


faire au contrôle de l'Equerre , qui détermine la confi-
guration indispensable pour permettre aux pierres de
s'ajuster exactement entre elles . Sans cet instrument , les
Maçons estiment, avec raison , qu'il n'y aurait pas de
Maçonnerie possible . Ils en ont fait l'insigne du Maître
qui dirige leurs travaux , car celui - ci a pour mission essen-
tielle de maintenir la bonne harmonie entre tous ses
collaborateurs . Dans ce but, il doit se montrer habile à
concilier les antagonismes , selon l'enseignement qui
découle de l'Equerre, combinaison de l'horizontale et de
la verticale . Il lui incombe , en outre , de faire observer
la discipline , base de toute association . Ici encore ,
l'Equerre est un emblème parlant, puisque , en dehors
d'elle , nulle coordination ne saurait subsister. Règle , loi ,
ordre , équité , justice , organisation , tout se rapporte , en
effet , dans l'allégorie constructive , à la nécessité d'équar-
rir correctement les pierres destinées à se joindre sans
solution de continuité, pour réaliser une construction
parfaite .

Le Swastika.

Le symbolisme de l'Equerre projette une lumière


inattendue sur les mystères du plus ancien signe sacré
de la race indo - européenne . Il s'agit de la Croix gam-

< mée 457, dite Swastika aux Indes et Fyrfos dans l'an-
cienne Scandinavie . Elle se compose de quatre équerres ,
qui semblent émaner d'un centre commun , pour former
une Roue, celle de la Création ou du Devenir , car nous
sommes en présence d'un emblème connu pour repré-
senter le Feu créateur de toutes choses . Nos ancêtres pré-
historiques identifiaient avec ce Feu , à la fois animateur
et constructeur, leur suprême Divinité , que les Francs-
35 -

Maçons devaient honorer sous le nom de Grand Archi-


tecte de l'Univers . Principe d'intelligence et d'activité
féconde , il débrouille le Chaos originel , en tirant de
puissance en acte le quaternaire des Eléments . Ceux - ci,
qui sont les émanations immédiates de la Cause produc-
trice, correspondent aux équerres du Swastika , dont la
branche verticale ♫ engendre simultanément l'Air A
et la Terre , tandis que , de la branche horizontale 7,
se dégagent le Feu et l'Eau V.
Ces deux derniers Eléments occultes agissent , l'un
dans un sens ascendant et dilatatoire ↑ LA, l'autre inver-
sement, par écoulement et constriction 7. Ils s'ap-
pliquent tous deux à la passivité ( trait horizontal de la
Croix), pour y déterminer les alternances du mouvement
vital.
Les deux autres Eléments (Air et Terre) sont, au con-
traire , les résultats passifs d'une intervention active :
l'un correspond à la volatilité, à la légèreté , qui a gagné
les hauteurs , où elle plane désormais ; l'autre s'est
engendré par le dépôt des sédiments pesants , qui , en
s'épaississant, se sont solidifiés J.

Le Tartre .

La théorie des Eléments , telle que nous venons de


l'esquisser, pourrait être complétée à l'aide des rappro-
chements qu'il est facile d'établir entre la Croix +,

le Swastika 47 et le Carré .

A cette dernière figure se rattache le rectangle


allongé , qui , sous le nom de Carré long , représente
pour les Francs - Maçons le plan de la loge où s'accom-
plissent leurs travaux . C'est l'image de l'espace limité ,
au sein duquel s'exercent nos perceptions . Il s'étend de
l'Occident à l'Orient et du Nord au Sud . L'Univers infini
― 36 ―

s'y reflète pour nous en petit, réduit aux proportions


artificielles du Monde qu'il nous est possible de connaître .
Lorsque , partant de l'Occident, l'Initié apprend à mar-
cher dans un Carré long, c'est donc, en somme , une
leçon de saine philosophie positive qu'il reçoit. Pour
avancer vers la Lumière , il doit se garder de toute pré-
cipitation et rester prudemment dans la zone étroite de
ce qu'il peut constater .
Le rectangle plus large que haut indique d'ailleurs
une prédominance de la passivité . Aussi se retrouve-t-il

dans le signe du Tartre + , matière dont les Philosophes

savent extraire leur Magistère . En Maçonnerie , c'est


la Pierre brute, que les Apprentis sont appelés à dégros-
sir. Elle s'offre à l'état de nature , rude et grossière exté-
rieurement, mais au dedans d'un grain compact , appré-
cié de l'artiste qui devra tailler le bloc informe en le
dépouillant de ses aspérités, pour ensuite le polir et le
transformer finalement en irréprochable Pierre cubi-
que .

La Pierre des Sages.

Le Carré parfait est l'image de l'individu réalisant


la perfection de son espèce , par ce fait que l'harmonie
règne en lui entre l'esprit et la matière , si bien que l'ou-
vrier spirituel est en pleine possession de son instrument
physique .
Il s'agit là , cependant, d'un état de perfection essen-
tiellement éphémère , puisque notre déclin commence
au moment même où nous atteignons l'apogée de notre
puissance d'action . A strictement parler, notre vie se
partage , en effet , en une première période de croissance
ou de corporisation graduelle de l'esprit, immédiate-
ment suivie par la phase contraire de décrépitude
37

matérielle , consécutive à la désincarnation progressive


du principe spirituel . Nous distinguons , il est vrai , trois
phases dans la vie humaine ; mais l'âge adulte comprend ,
en réalité , la fin de la période de croissance, alors que
celle-ci se ralentit de plus en plus , et le commencement
de la décrépitude , tant que celle - ci ne s'est pas encore
trop visiblement manifestée .
Au fur et à mesure qu'il se dégage des liens de la
chair , l'esprit développe d'ailleurs la puissance qui lui
est propre . Les ascètes connaissent un état de détache-
ment favorable au déploiement de toutes les énergies de
la pensée et de la volonté . L'intellect peut devenir d'au-
tant plus vigoureux que le corps est plus débile . N'a-
t- on pas vu des vieillards , et plus spécialement des
mourants, faire preuve d'une lucidité d'esprit , d'une
clairvoyance jugée prodigieuse ? Par un entrainement
approprié, des facultés extraordinaires ont souvent été
développées . Les individus qui parviennent à les acquérir
opèrent des merveilles . Ils peuvent étonner les foules
par ce qu'on est convenu d'appeler des miracles . Ce ne
sont pas toujours des Sages, car le véritable Initié ne
s'adresse pas aux masses, dont il ne sollicite jamais
l'admiration : c'est dans le silence et le recueillement
qu'il travaille à la préparation de la Pierre philosophale .
Celle-ci a pour idéogramme le Carré surmonté de la
+
Croix • symbole désormais parlant, après ce qui a

été dit plus haut, tant du signe de Saturne h , que de


ceux de l'Antimoine † et de l'Accomplissement du Grand
+
Œuvre (1) . Le lecteur y verra le schéma de la maté-

rialité à ce point domptée , épurée et sublimée , qu'elle


n'est plus que le support strictement indispensable à la
manifestation de l'esprit , lequel, sans ce lest qui le retient

(1 ) Voir pages 17 , 25 , 26 et 32 .
38

sur le plan physique , prendrait son essor définitif vers


le domaine de l'émancipation absolue .
Nous résumerons d'ailleurs comme suit les principa-
les correspondances des trois aspects de la Pierre .

Pierre brute Pierre cubique Pierre philosophale


Apprenti Compagnon Maitre
J B M
Jeunesse Virilité Vieillesse
Apprendre Pratiquer Enseigner
Acquérir Administrer Restituer
Venir Agir Partir
Naître Vivre Mourir
Brahma Vishnou Shiva
¥ h

Conclusion .

La présente étude n'a pas la prétention de fournir la


clef de toutes les interprétations dont le symbolisme her-
métique est susceptible . Un symbole peut toujours être
envisagé à une infinité de points de vue , et tout pen-
seur est autorisé à lui découvrir un sens conforme à la
logique de ses propres conceptions .
Les symboles sont destinés , en effet, à éveiller les
idées qui dorment dans notre entendement . Ils stimu-
lent la pensée par voie de suggestion et font ainsi décou-
vrir les vérités enfouies dans les profondeurs de notre
esprit.
Pour que les symboles puissent parler, il est indispen-
sable , par suite , que nous ayons en nous le germe des
idées qu'ils ont mission de faire éclore . Nulle éclosion
ne serait possible , si l'esprit était vide , inerte ou stérile .
Les symboles ne s'adressent donc pas à n'importe
qui . Ils déroutent, en particulier, ces esprits prétendus
positifs , qui se sont habitués à ne baser leurs raisonne-
39

ments que sur la rigidité de formules dogmatiques ou


scientifiques. Or , l'utilité pratique de ces formules ne
saurait être contestée . Elles ont permis d'ériger , pierre
par pierre , tout l'édifice de nos sciences modernes . Nous
leur devons toutes les constatations de l'expérimentalisme
scientifique et toutes les découvertes merveilleuses qui
font la gloire de notre époque . Au point de vue phi-
losophique , elles n'en correspondent pas moins qu'à de
la pensée figée, artificiellement délimitée , arrêtée , immo-
bilisée , si bien qu'elle apparaît comme morte , par rap-
port à la pensée vivante , indéfinie , complexe et mobile
qui se reflète dans les symboles .
Ceux -ci ne sont évidemment pas faits pour traduire
ce que nous appelons des vérités scientifiques . Il est de
leur nature de rester élastiques, vagues et ambigus , à
la manière des sentences oraculaires , leur rôle essentiel
consistant à révéler les mystères, en laissant à l'esprit.
toute sa liberté .
Sous ce rapport , un abime sépare le symbole du dogme.
Celui- ci se prête à l'endoctrinement tyrannique ; c'est
l'instrument d'une discipline intellectuelle rigide et
absolue, telle que la comprennent les églises, les écoles
et les sectes. Le symbole , au contraire , favorise l'indé-
pendance au détriment des orthodoxies despotiques . Il
n'est donc pas surprenant que toutes les initiations en
aient fait usage , puisque seul il permet d'échapper à
l'esclavage des mots et des formules , et d'arriver à s'en
affranchir, pour penser librement . On ne saurait d'ailleurs
s'en passer pour pénétrer les mystères , c'est-à - dire ces
vérités enveloppées d'obscurité , qui se transforment trop
facilement en erreurs monstrueuses, dès que l'on s'ef-
force de les exprimer en un langage autre que celui des
allégories symboliques . Le silence imposé aux Initiés
trouve ici sa justification . Les arcanes, en effet , deman-
dent à être conçus par un effort de l'intelligence : ils
- 40

éclairent intérieurement l'esprit du véritable Illuminé ;


mais ils ne sauraient servir de thème aux dissertations
d'un rhéteur . La connaissance occulte ne se communi-
que ni par les discours, ni par les écrits . Elle ne saurait
être conquise que par la méditation : il faut rentrer au
dedans de soi - même , pour la découvrir en soi , et l'on
fait fausse route en la cherchant hors de soi . C'est en
ce sens qu'il faut entendre le Γνωθι σεαυτον de Socrate.
*
**

Ces considérations suffiront, sans doute, à mettre les


choses au point . En interprétant de la manière qui nous
a paru la plus rationnelle les symboles fondamentaux.
de l'Hermétisme , nous n'avons visé qu'à orienter les
esprits , en montrant comment il est possible de faire
parler une série de figures géométriques . Mais , bien loin
de leur faire dire tout ce qu'elles sont susceptibles de
révéler, nous ne leur avons demandé tout juste que les
indications les plus indispensables pour donner une
idée du langage graphique dont firent usage , entre eux,
les disciples d'Hermès .
D'autres interprétations ont nécessairement dû se
présenter à l'esprit de nos lecteurs , et, pourvu qu'elles
soient logiquement déduites , elles se justifient pleine-
ment . C'est ainsi que M. Ch.-M. Limousin , directeur de
la revue maçonnique L'Acacia, nous a communiqué des
remarques fort intéressantes sur le signe du Mercure ,
envisagé sous ses deux aspectset . Notre savant
correspondant envisage ces deux signes comme
androgynes . « Tout au plus , nous écrit-il , l'Impéra-

« trice ₫ (1 ) est-elle un souvenir de la chtonolatrie,


<< de l'époque où l'on croyait que la femme enfantait

(1) Voir page 23 .


- 41 -

<< par immanence , par une vertu prolifique qui était en


«<< elle , par scissiparité . Il me semble que Mercure &
+
<< doit symboliser la création intellectuelle . Sa coupe,
<< tournée vers le haut, reçoit les eaux du ciel , qui pas-
<<< sent dans la cavité génératrice ou conceptive , pour se
<< réaliser en abstractions et entités (la croix , symbole de
<< la création par la rencontre des plans) . L'Impéra-
a sa coupe tournée vers le bas pour recevoir
« tricea

<< la rosée qui monte de terre ; celle- ci passe aussi


«<< dans la cavité infernale et se résout en idées par la
<«< croix. Les deux symboles se synthétisent dans la for-
<< mule de la Table d'émeraude : ce qui est en haut est
«< comme ce qui est en bas » .
<

REBIS

Nous ne pouvons mieux clore cette étude qu'en repro-


duisant un pantacle bien connu , extrait du Traité de
42 --

l'Azoth, qui fait suite aux Douze clefs de Basile Valen-


tin . On y retrouve , sous forme de globe ailé , le quater-
naire A☐ qui nous a servi de point de départ .
UN SYMBOLISME INQUIETANT

Une peinture alchimique , longtemps exposée dans


une église , pour l'édification des fidèles , puis soup-
çonnée d'être une œuvre perverse , attribuable aux
Fancs-Maçons .

Les notions d'idéographisme alchimique, dont l'ex-


posé par trop sommaire fait l'objet de l'étude qui
précède, ont trouvé leur application dans une expertise
assez piquante, pour laquelle on voulut bien recourir à
nos lumières .
Nous croyons donc être agréable à nos lecteurs en
reproduisant ici, avec adjonction de quelques notes ,
un texte
texte paru d'abord dans la revue maçonnique
« L'Acacia » (n°s de juillet - août et de septembre
1907) , puis dans la revue anti- maçonnique « La France
chrétienne » (n °s des 15 août , 17 , 24 et 31 octobre
1907) .
*
**

Le Courrier de la Champagne menait le bon combat


contre la Franç-Maçonnerie rémoise, lorsqu'il reçut la
lettre suivante , qu'il s'empressa de publier le 26 jan-
vier 1907 :

<< Monsieur le Directeur ,


« Je crois devoir signaler à votre collaborateur , le F..
Curieux, un tableau d'un grand intérêt pour prouver l'hypo-
crisie de la Franc-Maçonnerie et la persistance de son but
antireligieux, sous des dehors les plus religieux.
<< Ce tableau , il y a quelques années encore , était exposé
dans l'église Saint Maurice de Reims . Le chanoine Cerf l'a
décrit au tome III, page 85 , du Bulletin du Diocèse. Il a fait
44

maints efforts pour y découvrir une explication chrétienne .


Il y a un peu plus de deux ans , M. l'abbé X……
.. donnait au clergé
paroissial le résultat de longues études sur ce même tableau .
Sa conclusion était que les moindres détails étaient des sym-
boles francs-maçons . Son explication parut si plausible, que,
depuis ce temps , le tableau a été retiré de l'église et déposé à
la sacristie. M. Malhomme, photographe, rue des Moulins, en
a pris un cliché, je crois .
« Ces indications, ce me semble, pourront servir à docu-
menter votre correspondant .
<< Je vous prie d'agréer, Monsieur le Directeur, l'assurance
de mes respectueux sentiments .
Emile PECK,

Curé de Fligny ».

Le lendemain , 27 janvier, M. Henri Jadart, biblio-


thécaire et conservateur des musées de peinture et
d'archéologie de la ville de Reims , crut devoir prendre
la défense du tableau incriminé , auquel il s'intéresse
particulièrement, en sa qualité d'ancien fabricien de
l'Eglise Saint- Maurice .
Ce tableau , affirme-t-il , provient des Jésuites , qui
ont quitté l'église en 1762 ; d'après sa facture et la déco-
ration de son cadre , il remonte au début du xvII° siècle .
Un cadre du même genre , que l'on peut voir au Musée ,
porte la date de 1624, et ce doit être aussi , à peu près ,
la date du tableau des Jésuites .
<< Cette provenance et cette date suffisent à écarter
absolument et a priori le prétendu caractère maçonnique ,
qui ne résulte pas davantage d'un examen attentif et
sans idée préconçue de l'œuvre en elle-même » >.
Celle - ci , d'après M. Jadart, est nettement consacrée
à la glorification de la Vierge qui a enfanté le Christ.
Certains attributs symboliques restent , il est vrai , fort
énigmatiques ; mais , à qui s'en prendre , sinon à la
<< mystique singulière des Jésuites »> , dont l'imagination
45

s'est parfois complue aux complications les plus étranges.


Nous apprenons que , sur l'initiative de M. l'abbé
Nanquette , il a été question de cette mystique décon-
certante au Congrès scientifique de Reims , en 1845 ,
sans que l'on soit alors parvenu à rien préciser. Depuis,
quelques explications ont été fournies par M. Lacatte-
Joltrois et M. l'abbé Cerf ; d'autres encore ont été
recueillies par le Répertoire archéologique des paroisses
de Reims (1889) , mais le sens exact du tableau reste
encore à révéler.
Pour interpréter le symbolisme du tableau de Saint-
Maurice de Reims , il pourrait d'ailleurs être intéressant
d'étudier simultanément une autre peinture de même
facture , de la même époque et sans doute de la même
provenance , qui est exposée dans l'église de Sillery.
M. A.-C. de la Rive , directeur de la France Chré-
tienne, intervint alors dans le débat, pour déclarer que
les symboles du tableau de Saint-Maurice sont ceux du
Martinisme , et que le peintre a voulu représenter le
Triomphe d'Isis , qui a enfanté Horus . Il connaît bien ce
qui est de la Maçonnerie , lui qui la combat tous les jours .
M. Jadard réplique qu'il ne peut s'agir de Martinisme ,
le tableau suspect étant manifestement antérieur à
l'époque où se firent connaître Martinez Pasqualis et
Claude de Saint-Martin , dit le Philosophe inconnu .
Un archiviste , M. L. Demaison , vient d'ailleurs attes-
ter que le tableau de l'église Saint Maurice a bien ,
pour tout expert, le caractère d'une œuvre de la fin du
règne d'Henri IV ou du temps de Louis XIII . Il ajoute
que certains artistes de cette époque nous intriguent
par des allégories subtiles , raffinées et obscures .
Cependant , un autre prêtre intervenant se demande
si nous sommes bien en présence d'une peinture du
XVIIe siècle , alors que la figure principale est inspirée
de la Vierge de Saint-Sulpice . Avec un archéologue
46

aussi compétent que M. Didron , il opine , en consé-


quence , pour le XVIIIe siècle, et il ne voit aucune impos-
sibilité à ce que l'œuvre soit maçonnique .
Un point, en tout cas , est pour lui hors de conteste :
c'est que la Vierge représentée n'est pas la mère du
Christ. L'artiste , en effet, lui fait dire : « J'ai enfanté étant
vierge ; ayant un enfant, n'ayant pas de parents » (1) .
Le second hémistiche du vers grec prête à ambiguïté ;
mais il semble bien affirmer que la Vierge qui a enfanté
était elle-même sans parents , ce qui n'est point le cas
de la mère de Jésus , puisqu'elle était fille de saint
Joachim et de sainte Anne . Il s'agit donc bien d'Isis ,
personnification de la Nature éternelle , dont les RR. PP .
Jésuites n'ont jamais pu être les adorateurs , d'où néces-
sité d'attribuer la toile à un peintre païen , martiniste ou
franc-maçon .
La polémique devint ardente pour et contre le carac-
tère maçonnique du tableau de l'église Saint- Maurice de
or
Reims , et l'Acacia en fit mention dans son nº 51 ( 1 vol .
1907 , page 224) , s'étonnant que les Maçons n'aient pas
été appelés à se prononcer sur la question .
M. de la Rive voulut bien alors recourir à notre exper-
tise , et il fit tenir à la Direction de l'Acacia une série
de photographies de l'ensemble et des détails du tableau
tant discuté . Il y joignit un manuscrit, dans lequel il
s'attache à démontrer que tout est maçonnique dans cette
composition , prise à tort pour une peinture reli-
gieuse (1) .

Qu'il ne s'agisse point d'un vulgaire tableau de piété ,


c'est ce que nous accorderons immédiatement à M. de

(1 ) ΠΑΡΘΕΝΟΣ ΟΥΣΑ ΤΕΚΟΝ ; ΤΕΚΝΟΝ ΜΗ ΕΧΟΥΣΑ ΤΟΚΗΑΣ .


47

la Rive . Nous sommes bien en présence d'une peinture


ésotérique, et même initiatique mais la Franc- Maçon-
nerie n'y est pour rien .
Le symbolisme en cause n'est aucunement le nôtre ,
mais bien celui de l'Alchimie . Il est surprenant que
les érudits qui se sont occupés du tableau de l'église
Saint-Maurice ne s'en soient pas aperçu immédiatement.
Aucun d'eux n'avait donc eu la curiosité de feuilleter
des traités d'art spagyrique , ou de philosophie hermé-
tique , tel que les Douze Clefs , de Basile Valentin , dont
les éditions ont été multipliées au cours , précisément, du
XVIIe siècle . C'est à cette littérature spéciale que se rat-
tache indubitablement un tableau , dont les Jésuites ont
fort bien pu s'accommoder, l'Alchimie n'ayant jamais été
frappée d'excommunication .
Cette philosophie ardue , qui n'était enseignée que
sous le voile d'un symbolisme fort compliqué , a compté
parmi ses adeptes bon nombre de dignitaires de l'Eglise .
Il est vrai que cela ne prouve pas grand'chose , puisqu'on
peut en dire autant de la Franc - Maçonnerie du XVIIIe siècle .
Une chose , cependant, reste certaine : c'est que le clergé
catholique n'a pas toujours été ce qu'il est actuellement .
Il y eut jadis des prêtres fort savants , instruits , bien
mieux que les laïcs , des sciences de leur époque . Or ,

au commencement du xvire siècle , les esprits étaient


comme obsédés par des spéculations dont nous avons
beaucoup de peine, actuellement, à nous faire une idée .
Un mysticisme spécial , qui s'était développé sous l'in-
fluence de la Kabbale et de l'Alchimie , avait fait con-
cevoir un Christianisme ésotérique du plus haut intérêt.
La raison s'y conciliait avec la foi, grâce aux interpré-
tations transcendantes que l'on rattachait aux symboles
traditionnels et populaires du catholicisme . Les intel-
ligences d'élite ne se trouvant plus ainsi rebutées par
les puérilités du catéchisme , étaient retenues dans le
48

giron de la sainte Eglise , dont les doctrines apparais-


saient désormais comme rationnelles à nombre d'incré-
dules ou d'hérétiques . Les Jésuites ont pu songer alors
à tirer parti de l'Hermétisme pour convertir protestants ,
juifs et musulmans , pour peu qu'ils fussent curieux de
ces sciences secrètes , dont la vogue , à l'époque , était
universelle .
La doctrine ésotérique , qui a pu séduire certains
membres - et non des moins distingués - de la

Compagnie de Jésus , n'était peut-être pas d'une ortho-


doxie absolument rigoureuse . Cela importait guère ,
puisqu'elle ne devait pas être prêchée publiquement ( 1) .
L'Esotérisme ne saurait s'adresser aux foules , qui
réclament une nourriture spirituelle beaucoup plus
grossière . Mais il est une aristocratie intellectuelle
qu'il devient possible de satisfaire , sans rien compro-
mettre , grâce aux admirables ressources du symbo-
lisme. « Ne parlons pas inutilement, observons le silence
cher aux Initiés , mais traçons des figures qui sont
autant d'énigmes proposées à la sagacité de l'obser-
vateur » . Telle fut la méthode traditionnelle qu'ils
crurent sans doute devoir appliquer .
A la rigueur, elle suffit pour la propagation de vérités
transcendantes . Ceux-là discernent , qui ont des yeux
pour voir. Les autres contemplent , béatement, sans
rien comprendre . Chacun en prend , en réalité , pour
son grade initiatique . Voilà de la pure initiation , de
l'initiation isiaque ou naturelle , indépendante de toute
organisation concrète .
Cette initiation est dans la nature même des choses .
Elle a toujours existé , planant pour ainsi dire au- dessus

(1 ) Quand les intérêts supérieurs de l'Eglise leur paraissaient en


jeu , les Jésuites savaient se montrer fort accommodants. C'est ainsi
que, pour conquérir la Chine, ils n'avaient pas hésité à catholiciser
le culte des ancêtres.
- 49 -

des églises ou des associations initiatiques , forcément


incapables de réaliser l'idéal supérieur de l'Initiation .
On a cru jadis que , sur l'Esotérisme et la liberté d'in-
terprétation , devait se baser un jour une Eglise du
Saint-Esprit, se rattachant à saint Jean l'Évangéliste ,
tout comme l'Eglise de Jésus - Christ, conservatrice de
l'Exotérisme et de la discipline dogmatique, est bâtie
sur le nom de Saint-Pierre (1 ) . Or, certains Jésuites
paraissent bien avoir conçu le projet hardi de se placer
à la tête d'une Eglise agrandie , réalisant le catholicisme
intégral, c'est-à-dire vraiment universel .
S'ils ont échoué , c'est qu'ils n'ont certainement pas
su se placer dans les conditions indispensables pour
travailler utilement à la réalisation du Grand (
Euvre.
Ils ont dû passer la main à d'autres , qui seront peut-être
plus heureux !

Examinons maintenant le fameux tableau , que M. de


la Rive s'est un peu trop hâté de proclamer maçonni-
que, ce qui n'est pas le mot propre.
Un symbole, en effet, n'est pas nécessairement
maçonnique, parce que les Francs-Maçons en ont fait
usage. Ce que nous avons emprunté à autrui ne devient
pas , par ce seul fait, notre propriété . Nous tenons à
être honnêtes et à restituer à chacun ce qui lui appartient.
A ce compte , il ne nous reste pas un patrimoine
énorme . Nous n'avons de bien à nous que nos outils
de constructeurs , les colones J.. et B ..., l'Etoile
Flamboyante , et ce doit être à peu près tout. Le

(1) Pour accréditer cette Eglise auprès de la postérité, son fonda-


teur a eu recours à un jeu de mots, spirituel sans doute, mais vrai-
ment peu sérieux en la circonstance . On a supposé, par suite , que
l'Eglise de Pierre n'était qu'une concession faite à l'inintelligence
humaine, la vraie tradition étant confiée à Jean , le disciple préféré.
4
50 ―

triangle équilatéral , avec ou sans œil , ne nous est pas


spécial , pas plus que l'Acacia , notre plante sacrée , qui
est également celle des Juifs orientaux .
Or, de tous les symboles accumulés sur la toile de
l'église Saint-Maurice , il ne s'en trouve absolument
aucun qui soit maçonnique , au sens strict du mot. Tout.
au plus pourrait-on , à la rigueur, attribuer ce caractère
au petit temple que la Vierge , soulève de sa main gauche.
De l'une de ses fenêtres , émerge une assez longue pou-
trelle horizontale , au bout de laquelle pend un fil à
plomb . C'est bien maigre pour excommunier toute une
composition .
Cependant, M. de la Rive a retrouvé presque tous
les autres symboles dans les documents maçonni-
ques ! C'est entendu, mais il aurait pu les trouver autre
part, pour peu qu'il eût voulu s'en donner la peine .
Ce point élucidé, attaquons-nous à l'énigme graphique
qui nous est proposée . Nous n'avons pas la prétention
de tout expliquer, et notre ambition se borne à déblayer
le terrain pour ceux qui, venant après nous , pourront
pousser plus avant leurs investigations .

1*.

Comme le fait très justement remarquer M. de la Rive ,


le peintre a dû s'inspirer de la IVe églogue de Virgile,
qui annonce le retour prochain de l'Age d'or, prédit
par la Sibylle de Cumes. Le poète a l'intuition d'une
race nouvelle qui descend du haut des cieux . Astrée , la
Vierge , doit enfanter le Sauveur , qui ramènera dans
le monde entier le règne béni deSaturne .
Ce règne correspond , d'après M. de la Rive , à celui
du Dieu des chrétiens , et c'est à lui qu'il est fait allu-
sion dans l'adveniat regnum tuum du Pater.
Les philosophes hermétiques , eux aussi, en leur
51

qualité d'Initiés , croyaient à la possibilité de faire régner


sur terre le bonheur, par l'intelligence , la justice et la
vertu . Leur Grand OEuvre ne visait pas à autre chose ,
car la transmutation du plomb en or était pour eux un
symbole, que seuls les souffleurs ignorants et cupides
prenaient au pied de la lettre .
Il n'est pas surprenant, dans ces conditions , de voir
figurer sur le tableau de Saint-Maurice de Reims le
temple de la Sibylle de Cumes . Cet édifice circulaire.
est le domaine de Saturne , comme l'indique l'attribut
du dieu , la faux, qui passe par une lucarne ménagée
intentionnellement . Saturne fauche ce qui a fait son
temps : il provoque la décomposition de ce qui n'a plus
sa raison d'être , et devient ainsi le grand transfor-
mateur.
La Sibylle se tient sur le seuil du temple , la main
droite posée sur une harpe , tandis que sa gauche sou-
tient un livre ouvert, marqué du chiffre 9 .
Ce nombre est encore celui de Saturne , à qui se rap-
porte l'arcane IX du Tarot ( 1 ) , de même que 9º des
Séphiroth , Jesod ou le Fondement ( 2) . C'est , par excel-
lence , le nombre du mystère que notre intelligence
est appelée à pénétrer . Le livre que tient la Sibylle
est donc celui de la science des choses cachées . Il se
peut aussi que son art divinatoire soit basé sur la per-
ception de la musique des neuf sphères célestes , dont la
harpe aurait recueilli les accords .
Les pièces d'or, qui tombent aux pieds de la Sibylle ,
font-elles allusion aux oracles vendus à Tarquin-le-
Superbe, ou sont - elles comme dans l'Arcane XII du

(1) La 9º clef du Tarot représente un ermite à barbe blanche, qui


personnifie l'expérience et la tradition . C'est le penseur qui, à force
d'approfondir, a pénétré les mystères les plus cachés .
( 2) Il s'agit de la trame invisible des choses , du plan occulte selon
lequel les organismes se construisent .
52

Tarot, un symbole de désintéressement ? N'oublions


pas que c'est surtout pour se livrer à la divination ,
qu'il est indispensable de savoir se dépouiller de ses
métaux .

9 LERMITE

On est surpris de voir deux tritons, sonnant de la


trompette, juchés sur le sommet du dôme hémisphé-
rique formant le toit du temple sibyllin. Comment ces
monstres aquatiques ont- ils recherché une position aussi
aérienne ? Il faut admettre que ce sont des habitants de
cet Océan constitué par les eaux supérieures au firma-
ment, représenté par le toit du temple . Ils ont pour mis-
sion d'insuffler aux âmes sensitives l'inspiration de ce
qui se prépare à se réaliser .
Leurs trompettes se dirigent d'ailleurs vers un navire
qui vogue sur une mer agitée , et dont les voiles sem-
blent gonflées par le souffle provenant des tritons .
Nous reviendrons à ce vaisseau et à son équipage ,
53

après avoir indiqué le sens de la figure principale du


tableau qui nous occupe .
Le peintre , cette fois , a dû puiser son inspiration
dans l'Apocalypse , dont le chapitre XII débute comme
suit :

<
«< Et un grand signe parut au ciel ; savoir , une
femme revêtue du soleil, sous les pieds de laquelle
était la lune , et sur sa tête une couronne de douze étoiles .
<
«< Elle était enceinte , et elle criait étant en travail
d'enfant , souffrant les grandes douleurs de l'enfan-
tement ».

Il est question ensuite d'un grand dragon roux, dont


la queue entraîne la troisième partie des étoiles du
ciel , et les jette sur la terre . Ce monstre s'arrêta devant
la femme qui devait accoucher, afin de dévorer son
enfant dès qu'elle l'aurait mis au monde .
Mais il y eut bataille au ciel , « et le grand dragon , ok
le serpent ancien, appelé diable et Satan , qui séduit
tout le monde , fut précipité en terre , et ses anges furent
précipités avec lui » .
<< Or , quand le dragon eut vu qu'il avait été jeté en
terre , il persécuta la femme qui avait accouché d'un
fils >> .

<«< Mais deux ailes d'un grand aigle furent données à


la femme , afin qu'elle s'envolât de devant le serpent ... »

Pour les Initiés , cette femme représente la substance


sublimée, en laquelle s'incarne la pensée divine.
Celle -ci émane de Dieu le Père , envisagé comme le
point de départ éternel et omniprésent de toute activité ,
et, par suite, comme le Principe pensant universel.
Il a pour Fils son rayonnement immédiat, donc sa
Pensée en tant qu'acte , sa Parole ou Verbe , qui est l'ac- <
tion même de la Divinité .
Du Père et du Fils simultanément procède le Saint-
- 54

Esprit, résultat direct de la pensée divine , non encore


formulée ou exprimée , mais conçue spirituellement,
dans la mentalité divine , si l'on peut ainsi parler.
Cette pensée transcendante, inaccessible dans son
essence propre, ne peut se manifester qu'à la condition
de prendre corps dans un entendement rendu réceptif
à son égard , grâce à son exceptionnelle pureté . Ainsi
s'explique l'opération du Saint -Esprit, qui féconde la
Vierge immaculée du Catholicisme.
Si cette Vierge présente ésotériquement des analogies
avec Isis et mainte autre divinité païenne , la raison en
est qu'il n'y a, au fond , qu'un seul ésotérisme (1 ) ,
exprimé diversement , selon la fantaisie des poètes- philo-
sophes, créateurs des mythes primitifs. Dans ces condi-
tions, les catholiques actuels exagèrent, lorsqu'ils refu-
sent de reconnaître leur propre Sainte -Vierge dans la
Reine du Ciel glorifiée par le tableau de Saint-Maurice
de Reims , car c'est parfaitement la Mère du Christ que
l'artiste a entendu représenter . Le Christ des RR . PP .
du xví ° siècle , il est vrai , ne coïncidait peut-être pas
très exactement avec le simple bambino de nos bonnes
dévotes : il pouvait correspondre à une conception infi-
niment plus élevée .
En somme , si l'image suspecte pèche par quelque
chose au point de vue religieux , c'est précisément par
son excès de catholicisme au sens propre du mot. On a
voulu catholiciser ou universaliser au delà de ce que
saurait admettre la foi peu éclairée d'un troupeau, qui
ne fait qu'un médiocre honneur à son divin pasteur.
Pour interpréter avec quelque précision le symbo-
lisme initiatique du Moyen-Age et de la Renaissance ,

(1 ) En lui réside le catholicisme ( universalisme) de la compréhen-


sion ou de la Guose, autrement dit de l'esprit vivifiant, opposé au
sectarisme étroit des églises , esclaves de la lettre morte.
— 55 —

rien ne saurait être plus précieux que les vingt-deux


clefs kabbalistiques du Tarot. Il faut y voir le véritable
Alphabet des Initiés, grâce auquel un esprit sagace peut
apprendre à déchiffrer certaines énigmes graphiques ,
destinées à traduire des secrets qu'il serait dangereux
de répandre sans discernement.
Etalons donc devant nous les feuillets de ce mysté-
rieux traité de haute philosophie, et cherchons notre
Vierge du tableau de Saint-Maurice .
Nous la reconnaitrons immédiatement dans l'Impéra-
trice de l'Arcane III. Or, cette Reine du Ciel nous est
représentée comme la Mère virginale de toutes choses.

3 LIMPERATRICE

Elle porte le sceptre de la fécondité universelle , se rap-


prochant ainsi de Vénus-Uranie et de l'Istar babylo-
nienne, envisagée comme la génératrice des formes
idéales ou des idées-types selon lesquelles tout se crée .
Son domaine est l'Océan lumineux où se reflète la pen-
sée créatrice , et dont les ondes correspondent aux Eaux
supérieures de la Genèse , séparées des Eaux inférieures
par le firmament . Elle a les ailes que lui attribue le
56

voyant de Pathmos ; douze étoiles lui font une couronne


resplendissante , alors que son pied repose sur le crois-
sant de la lune . Il s'agit, en effet, d'un personnage
éthéré , qui plane dans les régions sublimes de l'intel-
lectualité pure , au-dessus du monde changeant ou sub-
lunaire .
Peu au courant des raffinements symboliques , la plu-
part des artistes se laissent entraîner à placer le pied
de la Madone dans le creux du croissant, dont les poin-
tes sont tournées vers le haut . On rencontre cependant
des Vierges dont le pied s'appuie sur la convexité d'un
croissant retourné, aux pointes dirigées vers le bas.

Vierge de la sacristie de l'Eglise Saint-Thomas d'Aquin , à Paris.


C'est l'œuvre d'un sculpteur espagnol du xvIIe siècle , aussi habile
comme artiste que judicieux dans l'application du Symbolisme tradi-
tionnel .
-- 57

Au point de vue hermétique , cela est beaucoup plus


correct, car l'ensemble de l'Arcane III ramené à la
sécheresse d'un idéogramme , se synthétise dans le

signe du Mercure renversé (g) .


L'élément central de ce signe, le cercle vide O figure
la substance primordiale , universelle , et nécessairement
une . C'est , selon Pernéty , l'Alun, « sel principe des
autres sels , des minéraux et des métaux » (1 ) .
Selon que le croissant est placé au - dessus ou au- des-
sous de ce simple cercle , on obtient le Sel Alkali & ou le
le Sel gemme 8, qui participent tous deux de la sub-
stance chaotique universelle . Mais le premier : 8 est
une substance dominée par la lune, donc transformable
à l'infini : c'est la matière première du Grand ŒŒuvre , le
sujet de toutes les métamorphoses de la Nature et de
l'Art. Quant au second : 8, il représente une substance
devenue immuable , parce que toute élaboration possi-
ble y a été accomplie ; c'est la matière spiritualisée au
point qu'elle échappe à toutes les influences inférieures ,
tout en devenant apte à exercer une puissante action .
modificatrice sur tout ce qui est sujet à changement (2) .
Mais quel sens vient ajouter la croix à des éléments
déjà si hautement significatifs ? Bien loin de faire allu-
sion à la mort, comme on pourrait être tenté de se le
figurer ; c'est par excellence le signe de la vie . Or ,
celle-ci résulte de l'interférence de deux contraires ;
l'Agent, représenté par le trait vertical | , et le Patient,
auquel correspond le trait horizontal - . Il n'y a vie que
s'il y a travail, élaboration du passif par l'actif, de la
matière inerte par une force intelligente (3) .

(1) Dictionnaire mytho-hermétique, Paris, 1758 , au mot Alun ,


page 27. -Voir aussi plus haut, page 6 .
(2) Voir plus haut, pages 9 et 10 .
(3) Voir plus haut, pages 11 et 12 .
58 ---

De même que le croissant, la croix est placée tantôt


au-dessus, tantôt au-dessous d'un élément de signe
alchimique . Dans le premier cas, elle indique un travail
accompli , une perfection définitivement acquise . Dans
le second cas, il s'agit, au contraire , d'une action vitale
qui demande à s'exercer, de virtualités latentes, con-
centrées comme en un germe , en attendant qu'elles
puissent se déployer .
Le signe ne peut se rapporter ainsi qu'à une entité
subtile parvenue à son suprême degré d'évolution , de
pureté et de puissance active . Or , les Hermétistes ont
attribué ce symbole à leur Antimoine , qui désigne leur
eau permanente, leur eau céleste , à l'aide de laquelle
ils purifient l'or philosophique et le lavent de toute
souillure . Si nous recherchons ce principe dans notre
personnalité , nous y reconnaitrons ce que nos pères
appelaient l'Ame intellectuelle , qui tend à nous dégager
de la matière , en nous élevant et en nous spirituali-
sant (1) .
A ce principe d'ascension dématérialisante s'oppose
Vénus l'Ame instinctive, qui sollicite sans cesse l'es-
prit à descendre dans la matière pour s'y incarner (2) .
En résumé, les signes et 8se combinent dans .

idéogramme de la Vierge céleste , qui personnifie la


plus haute spiritualité , l'Intelligence (Binah) , ou la
Compréhension (Gnose) , en opposition à la brutalité, à
l'inintelligence , à la non- compréhension ou à la bêtise,
toutes choses représentées par la Bête de l'Apocalypse ,
par le Serpent Python ou par le Dragon , dont la rage

(1) On remarquera que la Vierge du tableau de Saint-Maurice, par


la position de ses bras, forme une croix , qui surmonte le cercle indi-
qué par la draperie enveloppant la partie inférieure du corps . Inten-
tionnellement ou non , le signe † a donc été rappelé par le peintre .
(2) Voir plus haut, pages 17 et 18 .
- 59 -

aveugle est impuissante contre la sérénité de la Sou-


veraine du royaume de l'esprit .
Ce monstre est une sorte de sphinx, issu des quatre
éléments . La partie antérieure de son corps est celle
d'un lion qui vomit des flammes (Terre et Feu) ; mais il
a des ailes (Air) , et pour le reste , il devient un animal
aquatique ( Eau ) . Il représente la matière élémentaire ,
celle qu'il appartient à l'Intelligence de vaincre , de
dompter et de domestiquer.

11 LA FORCE

L'Arcane XI du Tarot nous montre, à ce sujet, la


femme de l'Arcane III , qui maintient écartées , sans
aucun effort, les mâchoires d'un lion furieux. C'est la
Force, non pas l'énergie physique , mais la puissance
irrésistible de la pensée, qui doit triompher de toute
brutalité .
Cette même femme revient encore dans l'Arcane VIII ,
sous les traits de la Justice ( 1 ) . Elle personnifie alors la

(1 ) Les Arcanes III , VIII et XI du Tarot mettent en scène la


Vierge Zodiacale représentée isolément dans l'Arcane III (mois d'août),
tenant la balance équinoxiale (septembre) dans l'Arcane VIII et cal-
mant les ardeurs du Lion (juillet) dans l'Arcane XI.
60

logique nécessaire , la raison inéluctable qui formule la


loi universelle selon laquelle tout s'accomplit dans la
nature. C'est le principe directeur de toute vie organi-
que , grâce auquel se débrouille le chaos primitif, si
bien qu'il en résulte cet ordre admirable qui vaut à la
8° Séphire le nom de Hod, signifiant Splendeur, Gloire.

LA JUSTICE D

On peut se demander si cette Séphire ne devait pas


être rappelée par les huit étoiles qui sur le tableau de
Saint-Maurice , entourent la tête de la Vierge .
En opposition avec ce couronnement de pentagram-
mes, nous voyons aux pieds de la Vierge, et dans l'axe
exact de la figure , un globe ailé , qu'un grand cercle
divise latéralement en deux hémisphères. Ce détail a
son importance , car il nous renvoie au Nitre aussi
appelé Cerbère ou Sel infernal, par les Alchimistes (1) .
N'oublions pas , à ce sujet, l'une des interprétations les

(1 ) Voir plus haut, page 14.


61

plus mystérieuses des initiales INRI Igne Nitrum


Roris Invenitur. - Par le Feu se découvre le Nitre de
la Rosée. La Rosée , c'est l'Eau céleste qui se condense
à la surface des corps . Elle est le réservoir de l'esprit
universel de la Nature , lequel se concentre dans le
Nitre , qui nous apparaît ainsi comme une substance
essentiellement agissante , véhicule des énergies les plus
actives. C'est , dans l'entité humaine , ce que l'on pour-
rait appeler l'Ame motrice , stimulatrice de toutes les
impulsions irrésistibles .
L'ardeur impulsive se manifeste , en particulier , sous
l'empire de Vénus , la femme qui , tenant un cœur
enflammé à la main , s'échappe , pour ainsi dire , du
globe ailé . C'est la passion qui s'extériorise , donnant
naissance à l'Amour , c'est-à - dire à une force aveugle
Cupidon a les yeux bandés - soumise à des lois rigou-
reuses . Cette sentimentalité , d'ordre plutôt physiologi-
que, est refoulée dans le domaine sublunaire , au- dessus
duquel s'élève la pure spiritualité .
Celle -ci a pour messagers les deux anges joufflus ,
dont les têtes apparaissent des deux côtés de la Vierge .
Ils soufflent le vent de l'esprit . Celui de droite montre
une aile rouge , celui de gauche une aile blanche . Ces
couleurs conviennent respectivement aux colonnes J ..
et B .. L'inspiration peut, en effet , inciter aux actes
(rouge) , ou illuminer l'entendement (blanc) .
L'ensemble du tableau de Saint-Maurice tient compte ,
d'ailleurs, de ce dualisme . Tout ce qui se trouve à
droite de la Vierge , se rapporte à la pratique du Grand
Œuvre , à sa réalisation par la voie humide ou mystique, <
d'où le navire balancé sur les vagues de l'Océan cos-
mique . La gauche , par contre , est réservée à la théorie,
à cette contemplation ( 1) , par laquelle l'adepte con-

(1 ) Connue de ceux qui ont vu l'Etoile Flamboyante et approfondi


le sens de la lettre G.
62

quiert les secrets d'une Sagesse qui lui suffit par elle-
même. Il opère en cela selon la voie sèche ou ration-
nelle, sans quitter la terre ferme, dont la solidité lui
'offre les bases d'un positivisme transcendant .

*
**

Restons, pour un instant, sur le terrain de la Gnose


ou de l'Illumination spirituelle, dont le temple idéal
nous est présenté par la Vierge .
Cet édifice circulaire montre quatre fenêtres , au
milieu desquelles apparaissent les emblèmes des quatre
éléments : la faux de Saturne (Terre) , le trident de
Neptune (Eau ) , la foudre de Jupiter ( Feu) et le caducée
de Mercure (Air) . Mais ce quaternaire est ramené à
l'unité par le Coq qui surmonte la coupole du sanc-
tuaire . Cet oiseau , dédié à Mercure en tant que dieu de
la subtilité d'intelligence , annonce ici l'aube du jour
qui doit se faire dans les esprits . Il fait allusion aussi à
la mystérieuse Quintessence , qui se dérobe à toute per-
ception sensible , et que nous ne pouvons concevoir
qu'à force d'approfondir. La nécessité de descendre en
soi- même et de pénétrer jusqu'au centre , d'où jaillit la
lumière intérieure , celle qui éclaire tout homme venant
en ce monde , est d'ailleurs indiquée par le fil-à-plomb ,
suspendu au bout d'une longue poutre , tendue horizon-
talement par l'une des fenêtres supérieures du côté
droit du temple , à l'instar d'un bras de potence .
Immédiatement sous le temple et sous le fil-à-plomb ,
se place un personnage vêtu de rouge, en qui il est
vraiment difficile de reconnaître saint Joachim , le
grand-père maternel de Jésus . A quel titre le mari de
sainte Anne , porterait-il un bonnet de docteur ? Com-
ment le caducée figurerait-il parmi ses attributs ?
M. de la Rive s'est demandé si nous n'étions pas en
63 -

présence de l'architecte du Temple de Salomon ; mais ,


comme rien ne vient à l'appui de cette hypothèse , le
directeur de la France Chrétienne substitue à Hiram un
prêtre d'Isis . En cela , il nous semble être tombé juste ,
car il ne peut s'agir que d'un adepte , instruit de la
science d'Hermès et armé des pouvoirs que confère la
haute initiation . Les instruments que tient le person-
nage ne laissent aucun doute à cet égard .
Le plus frappant est le caducée, verge d'or autour de
laquelle s'enroulent les deux serpents , qui figurent les
courants de polarité contraire du grand agent magique ,
connu des occultistes sous le nom de Lumière Astrale.
L'initié doit savoir capter ces forces ( 1 ) , afin de les
appliquer à la production d'effets considérés comme
miraculeux par le vulgaire , qui en ignore la cause natu-
relle , mais mystérieuse .
Celui qui devient à la fois fils et amant d'Isis , autre-
ment dit disciple et confident de la Nature , joint au
caducée la baguette divinatoire et l'anneau d'Hermès.
La baguette est l'image du conducteur subtil qui éta-
blit le rapport avec le monde supra-sensible . Celui qui
la possède est doué comme d'un sixième sens, guide
indispensable des opérations magiques .
Quant à l'anneau muni du sceau hermétique , il
implique participation à l'alliance universelle de ceux
qui ont connu les secrets de l'éternelle tradition ou
Kabbale .
A ces instruments , réunis dans la main gauche , côté
passif ou réceptif, s'ajoutent le livre fermé et le couteau
de sacrificateur , qui sont tenus dans la main droite ,
côté actif.

(1 ) Lorsque nous nous mettons à l'ordre du Comp .. ( Rite Ec .. ) ,


nous attirons à nous, de la main gauche , les forces diffuses dans l'am-
biance (Ether, Mercure des Philosophes) et, de la main droite, nous
les concentrons en nous (coagulation et fixation du Mercure).
- 64 -

Le livre renferme l'œuvre personnelle de l'Initié,


qui , dans ce recueil de sa foi secrète, a consigné les
vérités qu'il est parvenu à découvrir par ses propres
efforts .
Reste le couteau , qui sert à dissoudre , tout comme
le caducée permet de coaguler et de fixer . L'adepte
doit, en effet, savoir intervenir à propos pour disperser
les accumulations d'énergies inconscientes , dont l'ex-
plosion entraînerait les pires catastrophes .
L'adepte est d'ailleurs représenté nu-pieds, sans
doute parce qu'il est admis dans le Saint des Saints .
Devant lui est posé un panier , dans lequel se trouve
tout un attirail d'écrivain ou de graveur. On y voit , en
particulier , un faisceau difficile à définir , en lequel
M. de la Rive a voulu voir une gerbe de blé. Le pein-
tre qui , en général, sait fort bien caractériser les
objets, a dû avoir autre chose en vue . Nous ne croyons
donc pas qu'il y ait là une allusion au mot de passe
des Comp .. Ajoutons encore que , près du panier, se
trouvent deux cailloux que l'on ne peut même pas con-
sidérer comme deux pierres brutes minuscules , au
point de vue maçonnique . Quelque relation avec la
pierre philosophale est plus vraisemblable .
Près de cet adepte drapé dans une sorte de chasuble
rouge (activité mâle), se tient une femme (réceptivité
féminine ) , vêtue de jaune clair (intellectualité ) , voilée
de bleu- gris (foi , humilité) et enveloppée d'un manteau
brun (réserve , austérité) . C'est la prêtresse d'Isis ,
compagne inséparable de l'adepte, puisqu'elle per-
sonnifie ses facultés intuitives . Le flambeau , dont la
flamme brille à hauteur de son épaule gauche , éclaire
l'esprit d'une foi philosophique , s'adressant au senti-
ment, plutôt qu'à la froide raison . Il est des vérités , en
effet, qui demandent à être senties , car, si elles échap-
pent au contrôle de la stricte logique, elles ne s'en
- 65

imposent pas moins au cœur avec une irrésistible puis-


sance . Ce sont elles qui nous préservent du scepticisme
stérile , destructeur de toute conviction .
Au côté gauche de la prêtresse est supendue une
bourse, allusion aux aumônes , à la charité , au sentiment
de commisération pour autrui , sans lequel le plus
brillant des Initiés ne serait qu'un airain qui raisonne ,
ou une cymbale retentissante ( 1 ) .
La compagne de l'adepte tient enfin, de la main
droite , un miroir , dans lequel se réflètent pour elle les
images de la lumière astrale . Ces images sont vivantes ;
elles hantent les imaginations , provoquent les rêves , se
nourrissent des pensées qu'elles suggèrent, des désirs
qu'elles excitent et des aspirations qu'elles entretien-
nent. Se renouvelant sans cesse à travers les âges , ces
fantômes mentaux servent de véhicule à cette Tradition
impérissable, indépendante de la mémoire des hommes
ou des documents matériels , qui n'est consignée , en
caractères éthérés , que dans le livre mystérieux de la
grande Révélatrice .
*
**

Les symboles qui nous restent à examiner sont plus


spécialement alchimiques , tel en particulier le vase
ovoïde , dont la Vierge tient le pied dans sa main droite .
C'est l'OEuf des Philosophes, autrement dit, le vase de
la Nature , en lequel s'accomplissent les opérations du
Grand Euvre , qui aboutissent à la naissance de l'en-
fant philosophique , destiné à « enrichir et perfectionner
ses frères » (2) .
Hermétiquement luté, cet Euf renferme le sujet de

(1) Première épître de Saint Paul aux Corinthiens, chap . XIII , 1 .


(2) Pernety, Dictionnaire Mytho-hermétique, article Euf des
'philosophes, page 347.
5
66 -

l'Euvre, qui n'y est introduit qu'après avoir été judi-


cieusement choisi , puis débarrassé de tout corps étran-
ger pouvant adhérer accidentellement à sa surface . Il
s'agit, en d'autres termes , de la sélection du prof.., qui
est dépouillé de ses métaux, avant d'être emprisonné
dans la Chambre des réflexions .
La mort symbolique du Récipiendaire correspond
ensuite à la putréfaction de la matière passée à la cou-
leur noire (épreuve de la Terre) .
La décomposition putride, phase indispensable de
toute génération, a pour effet de séparer le subtil de
l'épais . Ce qui est inerte et lourd tombe au fond et
devient la proie du Corbeau de Saturne, oiseau vorace,
symbole d'une énergie apre et constrictive , base de
l'égoïsme individuel . Les principes éthérés se dégagent,
au contraire, pour gagner les hauteurs (épreuve de
l'Air).

Ce dédoublement n'est pas définitif, car, en s'éle-


vant, les parties évaporées se condensent, pour retom-
ber sous forme de pluies successives , qui lavent pro-
gressivement la matière, la faisant passer du noir au
blanc, en traversant les nuances intermédiaires du gris
(épreuve de l'Eau) .
La matière ayant atteint le degré de pureté marqué
par la parfaite blancheur, il n'y a plus qu'à la pousser
au rouge, par l'exaltation de son ardeur sulfureuse
(épreuve du Feu) . Par l'obtention de cette couleur
67

s'achève l'OEuvre simple, ou la Médecine du premier


Ordre, disons l'initiation au grade d'Apprenti .
Le récipient philosophique se termine par un col
évasé , d'où s'élancent des œillets qui rappellent, par
leurs couleurs , les transformations subies par la matière
du Grand Euvre. Les nuances chatoyantes qui sur-
viennent d'une manière éphémère entre le noir et le
blanc, sont caractérisées par la queue de paon, dont
l'épanouissement couronne l'Euf des Sages.
En guise d'anses, celui-ci porte quatre têtes d'aigles
disposées en croix . Elles marquent la fixation quatre-
naire , grâce à laquelle le Mercure le plus sublimé
prend corps avec la matière élémentaire intégralement
purifiée (Illumination du Comp .. qui , après avoir vu
la lum .. , a su l'attirer à lui , pour s'en saturer et se
transformer en Etoile Flamboyante) .

L'Euf a pour ambiance une sorte de sphère céleste ,


obliquement entourée d'une bande zodiacale sur laquelle
n'apparaissent que quatre signes, qui se suivent dans
un ordre anormal . Au Cancer et au Lion succède , en
effet , la Balance, immédiatement suivie des Poissons.
Les opérations du Grand Euvre qui correspondent à
ces signes, sont la dissolution ( G ) , la digestion ( ) , la
sublimation (n) et la projection (X). Par cette der-
68 -

nière se réalise la suprême transmutation , objectif de la


Médecine de 3º Ordre (Maitrise).


* *

Notre tâche devient plus particulièrement ardue ,


lorsqu'il nous faut élucider les mystères du navire qui
vogue à droite de la Vierge . C'est la barque d'Isis , qui
rend possible la traversée de l'Océan vital . Ses voiles ,
gonflées par le souffle de l'Esprit universel , recueillent
l'enthousiasme propulseur , qui a provoqué la chute du
Cyclope, que nous voyons précipité dans les flots .
Ce personnage, qui devait occuper la hune du mât de
misaine, a perdu l'équilibre sous l'influence de l'ivresse
astrale. De même que le Fou du Tarot , il devient l'ins-
trument passif des forces qui s'emparent de lui . Il ne

0 LE FOU

s'appartient pas et s'abandonne avec d'autant moins de


réserve à ses impulsions , qu'il ne raisonne pas . Son œil
unique ne lui permet, en effet, de ne discerner qu'à
69 ―

demi . Mais ce qu'il perd en clairvoyance , il le gagne en


force brutale ; aussi dispose -t- il d'une redoutable puis-
sance semi-aveugle , dont l'insigne est le bâton qu'il
tient de la main gauche. La flûte , qu'il porte suspendue
à son cou , lui permet d'ailleurs de jouer sa partie dans
l'orchestre du dieu Pan.
Cet impulsif peu rassurant doit être rejeté du vais-
seau mystique , sa présence à bord étant de nature à
compromettre la navigation . Pour que celle-ci puisse
s'accomplir avec sécurité , il faut que le rôle de vigie
soit confié à un sensitif pleinement en possession de
lui-même . C'est le cas de l'homme qui occupe la hune
du second mât, auquel il est lié par une corde que Mer-
cure dénoue , tout en suivant des yeux la chute du

16 LA MAISON DE DIEU

Cyclope, dont le voyant privilégié ne peut éviter le sort


qu'à la faveur d'un parfait désintéressement . La tyran-
nie des appétits instinctifs s'oppose cependant, comme
un contrepoids nécessaire , au total oubli de soi - même .
Il en résulte un conflit douloureux , auquel fait allusion
70

le corbeau qui déchire la poitrine de l'illuminé , pour


le punir d'avoir imité Prométhée , en ravissant le feu
du Ciel.
C'est ce feu, d'ailleurs , qui précipite le Cyclope , de
même qu'il provoque , dans le Tarot , la catastrophe de
l'Arcane XVI . La silhouette du Cyclope coincide , au
surplus, avec celle de l'individu couronné qui tombe du
haut de la tour foudroyée, dite Maison -Dieu . Mais , dans
le tableau de Reims , la foudre est remplacée par une
sorte de comète , dont la queue est une corne d'abon-
dance , qui surgit du centre d'un cercle lumineux , ins-
crit dans un triangle traçant le signe alchimique du
Feu . L'ensemble est destiné à nous rappeler que le
bonheur parfait, la richesse suprême, la prospérité véri-
table trouve sa source dans le feu céleste qui embrase
les âmes pures . Igne Natura Renovatur Integra ( 1) .

**

A la poupe du navire sacré , auprès du tronçon d'un


troisième mât, destiné sans doute à représenter la barre
du gouvernail , l'Enfant philosophique est assis sur un
cœur rayonnant. Ce pilote n'est autre que la Raison
(Verbe incarné , Fils de Dieu des Chrétiens , Buddhi des
Théosophes) , laquelle s'appuie sur le sentiment et la
lumière qui s'en dégage, pour se manifester comme
principe de la Conscience directrice des actions
humaines .
Le Globe du Monde , que le Rédempteur tient sur ses
genoux, est le symbole de l'Ame universelle des choses ,
dont le destin est d'évoluer , pour être portées à leur

(1) Integra (intègre , pure) , étant adjectif, se rapporte à Natura


et ne doit donc pas se traduire par intégralement . C'est la nature
purifiée qui est renouvelée ( régénérée) par le Feu .
71

perfection. Tel est le sens du signe alchimique , dans


lequel la croix surmonte l'idéogramme de la minéralité ,
de la Terre considérée comme animée, c'est-à-dire le
cercle traversé par un diamètre horizontal (passivité ) ,
et dont le segment supérieur est partagé en deux par
un rayon vertical (activité) ( 1 ) .
A bord du navire , la responsabilité du commande-
ment incombe au Roi , qui représente la Volonté , dont
les ordres sont exécutoires . Au-dessus de sa couronne
se lit le chiffre 1266 , et, entre son sceptre et son épaule
droite, le chiffre 1137 .
Nous renonçons à déterminer la portée de ces deux
nombres , qui reviennent sous le globe ailé placé aux
pieds de la Vierge . Ils ont pu avoir une valeur conven-
tionnelle de mots de passe , le premier semblant se rap-
porter à l'acte qui formule théoriquement les volitions,
et le second à leur exécution pratique .
Devant le Roi et l'Enfant- Pilote , un vieillard , vêtu
d'une sorte de chemise , se penche hors du bordage du
navire . De la main droite , il tient une branche fleurie
d'amandier , et de la gauche , deux amandes vertes , qu'il
offre sans doute au dragon de la vie élémentaire . C'est
le Maître de la Vitalité (Prána ou Jiva des Bouddhistes) ,
et, comme tel , il domine l'Ame corporelle (Vénus ? ) .
Il possède l'art de faire épanouir la vie (rameau fleuri)
ou de la concentrer (fruits) .
Le milieu du bateau est occupé par un autre vieillard ,
drapé dans un manteau rouge sombre . Sa main gauche
tient un livre ouvert, sur lequel se dresse une cabane
minuscule . Nous sommes ici en présence de ce noeud de
la personnalité, sur qui tout retentit , appelé Corps astral
par les occultistes occidentaux , et Linga Sharira par les

(1) Voir plus haut, page 19 .


--- 72

Bouddhistes. Le personnage n'est autre , d'ailleurs , que


l'Ermite du Tarot (Arcane IX) , qui correspond à
Twashtri, le charpentier des Védas (1 ) , auquel incombe
la tâche d'échafauder la forme astrale, Fondement
(Jesod , 9º Séphire) de l'organisme matériel .
Les deux mâts chargés de voiles se réunissent par
leurs bases, derrière un guerrier cuirassé et casqué,
dont la main droite est armée d'un simple bâton, tandis
que, de la gauche , il présente une statue de Minerve au
vieillard précédent . C'est Mars , l'ardeur agissante, met-
tant son énergie au service d'une volonté sagement
pondérée .
Il nous reste à mentionner, comme dernier naviga-
teur, le jeune Hercule, reconnaissable à sa massue et à

6 LAMOUREUX

(1 ) Emile Burnouf, Le Vase sacré et ce qu'il contient dans


l'Inde, la Perse, la Grèce et dans l'Eglise chrétienne, page 14 .
73

la dépouille de lion qui lui sert de coiffure . Les pattes


antérieures de l'animal se croisent sur la poitrine de
l'adolescent, qui fait songer ainsi à l'Amoureux du Tarot
(Arcane VI ) , lequel est à l'ordre du Bon Pasteur . Com-
ment expliquer, d'ailleurs , sans le secours de cette
figure , l'Y renversé , A , qui se détache en clair sur le
bordage du navire , en regard de notre personnage ?
Cette lettre dessine , en effet, la bifurcation de routes ,
devant laquelle l'Amoureux s'arrête perplexe , sachant
d'autant moins s'il doit prendre à gauche ou à droite ,
qu'il est sollicité dans les deux sens par deux femmes
qui symbolisent le Vice et la Vertu . Or , nous savons que
ce fut là l'épreuve d'Hercule au début de sa carrière .
Il s'agit ici , en somme , du libre-arbitre, dont la person-
nification est fort bien postée à l'avant du vaisseau ,
immédiatement au-dessus de Mars, principe de l'énergie
motrice placée sous sa dépendance .
Nous arrêtons ici ces commentaires , nécessairement
arides et incomplets , pour qui ne s'est jamais occupé
d'Hermétisme . Pour nous expliquer entièrement, plu-
sieurs traités volumineux ne seraient pas de trop . Nous
avons abordé déjà ce sujet dans la seconde partie d'un
ouvrage paru en 1897 , concernant l'Imposition des
Mains et la Médecine philosophale. Depuis, nous avons
voulu consacrer au Tarot une étude approfondie , inti-
tulée l'Alphabet des Initiés , mais notre travail , souvent
repris dans son ensemble, n'est pas encore prêt à voir le
jour. Peut-être ferons-nous bien d'en extraire un cha-
pitre , traitant de l'Idéographisme alchimique (1 ) , pour
en faire l'objet d'une publication séparée .
Un ouvrage allemand sur la Philosophie hermétique
et la Franc-Maçonnerie, dont l'auteur est le F... W.

(1) Voir le Chapitre premier du présent volume.


--- 74 -

Hoehler, vient d'ailleurs de paraître chez Weiss et


Hameier, à Ludwigshafen (Palatinat) . Nous nous pro-
posons d'en rendre compte dans un prochain article,
qui , à ce point de vue spécial , pourra faire suite à
celui-ci, dont le but a été de montrer que le tableau de
Reims, objet de la discussion engagée dans le camp de
nos adversaires , ne relève pas plus de la mystique chré-
tienne ordinaire que du symbolisme maçonnique pro-
prement dit, l'auteur ne s'étant inspiré que des allégo-
ries familières aux Initiés de l'Alchimie philosophique .
Croquis de la peinture alchimique
de l'Eglise Saint - Maurice de Reims
avec agrandissement des détails carac-
téristiques pour l'étude du symbolisme.

YEA TOKHAE
W
UNE PEINTURE ALCHIMIQUE

Article paru dans l'Acacia d'avril 1908 et reproduit par la France


chrétienne des 29 mai et 4 juin 1908.

Sous ce titre, le Vrijmetselaar (1) de février 1908 a


rendu compte , d'une manière très étendue , de notre
étude intitulée : « Un Symbolisme inquiétant » (voir
le chapitre précédent) .
Certaines de nos interprétations ont donné lieu , à ce
sujet, à des commentaires dont nous croyons devoir
donner une rapide analyse .
L'attention de notre savant confrère hollandais a plus
particulièrement été fixée par le temple de Saturne qui
figure à la droite du tableau de l'église Saint-Maurice
de Reims .
Or la faux et le sablier n'ont pas toujours été les attri-
buts de Saturne, qui , primitivement, était représenté
sans ailes et armé simplement d'une serpe . On l'hono-
rait alors comme la divinité rustique , enseignant l'art
du jardinage et plus spécialement la taille de la vigne
et des arbres fruitiers . Comme toujours, la mythologie
populaire servait de voile à un ésotérisme profond . Gou-
verner la sève vitale , s'en montrer économe , en la diri-
geant sur les seules branches qui doivent porter des

(1) De Vrijmetselaar (le Franc-Maçon ), revue trimestrielle de l'as-


sociation maçonnique pour l'étude des Symboles et des Rituels .
Rédacteur en chef : le F.. Dr W. H. Denier van der Gon , Amsteldijk,
76, à Amsterdam .
- 76 --

fruits, tel est, en effet, le rôle du dieu qui élague impi-


toyablement le bois mort et les pousses improductives .
Ce n'est plus le destructeur aveugle qui fauche sans dis-
cernement, mais bien l'agent du progrès , de la sélec-
tion , le principe intelligent qui dirige la production
vitale . Cela revient à dire que la mort ne sert qu'à ren-
forcer la vie féconde et productive qui est la loi univer-
selle .
Si la Sibylle est la prêtresse du temple de Saturne ,
c'est que la divination se base sur le discernement des
causes cachées dans les profondeurs qui sont le domaine
de ce dieu. Si nous pouvions pénétrer jusqu'à la cause
des causes , l'unité fondamentale des choses se révéle-
rait à nous et nous posséderions la clef de tous les mys-
tères . Mais ceux- ci ne seraient cependant élucidés, qu'à
la condition que nous sachions faire vibrer les cordes
de la harpe sur laquelle s'appuie la Sibylle . Le devin ne
doit pas se contenter , en effet, de développer sa péné-
tration d'esprit, sa faculté de raisonner et de com-
prendre , il lui faut encore affiner sa sensibilité , ou
plutôt son impressionnabilité hypersensible. Or, à ce
point de vue, le désintéressement s'impose , comme le
rappellent les monnaies d'or que la Sibylle laisse tom-
ber à ses pieds . L'égoïsme , l'amour des richesses et la
soif des honneurs paralysent la lucidité et se dressent
comme un écran opaque devant notre vue spirituelle .
C'est là ce bandeau symbolique appliqué sur les yeux
du profane qui n'a pas su conquérir encore la lumière .
Les deux tritons , qui sonnent de la trompette sur le
sommet de la coupole du temple de Saturne , ont ensuite
fourni matière à toute une dissertation sur les Eléments .
L'auteur de l'article du Vrijmetselaar regrette à ce pro-
pos les modifications que l'on a cru devoir faire subir
aux anciens rituels maçonniques . On en a retranché ,
-
dit-il , ce que l'on ne comprenait pas , et chose plus
77

--
déplorable encore ce que l'on s'imaginait com-
prendre . On s'était fait , en cela , de bien singulières
idées relativement aux Eléments des anciens , que l'on
s'entêtait à confondre avec les corps simples de la chi-
mie moderne . Ils représentent, en réalité, les causes qui
provoquent continuellement la différenciation de la
matière première uniforme dont toutes choses émanent .
Ce sont les symboles des états sous lesquels se manifeste
à nous la substance primitive , une dans son essence . La
terre figure ainsi l'état solide , l'eau l'état liquide et l'air
l'état gazeux, le feu pouvant représenter quelque chose
comme l'état radiant ou éthérique . On a d'ailleurs établi
un rapport d'analogie entre la Terre et le Corps , entre
l'Eau et l'Ame , puis entre l'Air et l'Esprit , le Feu corres-
pondant, sans doute, au principe créateur transcendant
ou divin .
Ces rapprochements permettent d'envisager l'épreuve
de l'Eau , que l'on subissait dans toutes les initiations,
comme l'image du passage de la vie sensuelle à la vie
spirituelle . L'homme animal , qui s'est plongé dans le
courant de l'objectivité , ne parvient à s'en dégager
qu'en surmontant son animalité . Il sort donc de l'eau à
l'état d'homme proprement dit, d'homme pleinement
homme. En traversant les éléments , nous sacrifions ce
qu'il y a en nous d'inférieur , nous atténuons notre
. égoïsme et nous nous laissons pénétrer de plus en plus
par le divin, qui nous rapproche de l'unité . Un senti-
ment nouveau se développe alors en nous celui de
· l'amour universel , et , tant que nous ne l'éprouvons pas,
nous ne restons à jamais que de faux initiés, en dépit
de tout le savoir que nous aurions pu acquérir.
Si maintenant nous nous demandons quelle est l'eau
en laquelle nagent ces tritons , que nous voyons repré-
sentés dans une position essentiellement aérienne , il est
bon que nous nous reportions à la mythologie hin-
- 78 -

doue (1 ) . Elle nous montre dans Varuna, non plus un


simple Neptune « souverain des Eaux » , comme s'ex-
prime le Purana , mais le Roi primitif de toutes choses ,
dont le domaine , comme celui d'Uranus , est la totalité
de l'étendue . C'est lui qui, en concrétisant la substance
fluide universelle - l'Eau symbolique — a fait surgir
du chaos le Ciel et la Terre .
Cette Eau , qui est l'habitat des tritons, correspond à
la matière en quelque sorte abstraite , indépendante de
toutes les formes et de tous les aspects qu'elle est sus-
ceptible de revêtir. Elle renferme en elle-même toutes
les possibilités de formation et de transformation ; mais
aucun arbitraire ne détermine les formes ou leurs
modifications . L'avenir est caché dans la matière , si
bien qu'il suffit de connaitre la loi qui la gouverne , pour
posséder le don de divination et de prophétie .
Au souffle de Varuna correspond le vent qui avive le
soleil et le fait flamboyer, de même qu'il provoque le
scintillement des étoiles , exposées sans lui à s'obscurcir
comme des charbons éteints . Ce souffle gouverne jus-
qu'au moindre acte des créatures, aucune ne pouvant
sans lui exécuter ne fût-ce qu'un clignement de l'œil. Il
s'agit donc de l'esprit qui réalise dans la nature la loi
de la manifestation divine , et c'est pourquoi il est dit
de Varuna qu'il connaît tout ce qui a été et tout ce qui
doit advenir . Or, ce qui fut, ce qui est et ce qui sera,
tout cela se tient, puisque c'est englobé dans l'unité de
la nature elle-même.
Nous pouvons maintenant comprendre pourquoi les
tritons, du sein de la matière , insufflent l'avenir aux
âmes fortes , qui savent ne pas se laisser distraire de ce

(1) Voir J. Dowson , A classical dictionary of Hindu mytho-


logy. Third édition , London 1891 .
- 79

que la nature veut leur apprendre . La Nature , en effet,


ne demande qu'à révéler ses secrets -- y compris ceux
de l'avenir à tous ceux qui recherchent fidèlement
en elle la vérité . Qui veut écouter entend sa voix , per-
çoit les avertissements des tritons .

La rédaction du Vrijmetselaar fait également quel-


ques remarques intéressantes à propos du fil- à-plomb
suspendu au bout de la poutrelle qui émerge de l'une
des fenêtres du temple minuscule que la Vierge du
tableau de Reims soulève de sa main gauche Il cons-
tate que nous avons donné du fil à plomb une interpré-
tation jusqu'ici inédite , en le rapportant à la nécessité
de descendre en soi-même et de pénétrer jusqu'au cen-
tre, d'où jaillit la lumière intérieure , celle qui , selon
l'Evangile de Saint-Jean éclaire tout homme venant en
ce monde . Tous les auteurs qui traitent de symbolisme
maçonnique n'ont, en effet , envisagé le fil à plomb qu'au
point de vue de son emploi dans l'art de bâtir . Ils l'ont
considéré, en conséquence , comme l'instrument de la
construction en hauteur , sans remarquer qu'il s'appli-
que tout aussi bien au travail en profondeur . Or , c'est
au creusement d'un puits vertical , s'enfonçant jusqu'au
centre de la terre que fait incontestablement allusion le
fil à plomb de la peinture alchimique. Il est suspendu
au- dessus de la tête de l'Adepte , qui doit savoir s'absor-
ber en lui-même , pour parvenir jusqu'au noyau de son
individualité , où il découvrira la mystérieuse Quintes-
sence , c'est-à-dite l'essence de son moi réel , dégagé de
toute contingence de forme . Connais-toi, toi-même, dit
ainsi le fil à plomb , car celui qui , socratiquement, par-
vient à se connattre lui- même , apprend par ce fait à
discerner l'unité fondamentale dans l'identité du Tout ;
- 80 -

à force d'approfondir, le penseur en arrive à saisir men-


talement chaque chose , à se l'approprier et aussi à l'ai-
mer, tant isolément, que dans sa liaison avec l'univer-
salité des choses .
Le Vrijmetselaar se demande si l'interprétation que
nous avons donnée du fil à plomb ne devrait pas être
adoptée en Maçonnerie . Elle aurait l'avantage d'expli-
quer pourquoi cet instrument est l'insigne du 2e Sur-
veillant , préposé à la colonne du Nord . Elle s'adapte
d'ailleurs à merveille et parait autrement profonde , que
celle à laquelle s'est arrêté le F. · . S. T. Klein , au cours
de son étude parue dans l'Ars Quatuor Coronatorum,
vol. IX, pages 165 et 166 .
Nous croyons devoir ajouter que notre interprétation
ne va aucunement à l'encontre de celle qui est générale-
ment admise , d'après les traditions de l'ancienne Maçon-
nerie dite «< opérative » . Le fil à plomb permet de con-
trôler la verticalité , et cela , qu'il s'agisse des parois d'une
excavation , tout aussi bien que des murs d'une tour ou
d'un édifice , qui pour être solide , ne doit pencher en
aucun sens .
Mais en Maçonnerie philosophique ou spéculative , il
est bon de ne pas perdre de vue que le fil à plomb est
tout naturellement le symbole d'une force centripète ,
d'une action extérieure pénétrante , comme celle que les
Alchimistes attribuaient à leur Mercure . Cet instrument
s'oppose, en cela , au niveau , dont le tracé appelle l'idéo-
gramme du soufre , principe d'expansion individuelle ,
se traduisant par un rayonnement partant du centre ,
pour se propager vers l'extérieur .
Il n'y a jamais eu de doute en Maçonnerie sur l'attri-
bution de ce qu'on appelle les bijoux mobiles , l'Equerre
ayant toujours désigné le Maitre dirigeant les travaux,
tandis que le Niveau décorait le premier Surveillant et
la Perpendiculaire le second . Passer de la Perpendicu-
81

laire au Niveau signifie d'ailleurs être promu du 1er au


2e degré. Les Apprentis relèvent donc du 2e Surveillant
et les Compagnons du 1er. Or, comme traditionnelle-
ment les Apprentis siègent au Nord et les Compagnons
au Midi , il semble logique d'assigner au 2e Surveillant
le plateau situé à gauche en entrant dans le temple,
donc auprès de la colonne du Nord , le 1e Surveillant
occupant le plateau de droite , près de lacolonne du Sud.
Le niveau ( Soufre principe actif, masculin) fait face
ainsi au Soleil, tandis que la Perpendiculaire (Mercure ,
réceptivité féminine ou passive) correspond fort correc-
tement à la Lune.
Il n'en est cependant pas ainsi dans les Loges anglai-
ses , où le 1er Surveillant siège à l'Ouest, devant les
Apprentis, et le 2e Surveillant au Sud flanqué de Com-
pagnons . Cette disposition peut sans doute se justifier
symboliquement, mais elle ne concorde plus avec la
locution «< passer de la Perpendiculaire au Niveau » qui
n'en est pas moins maintenue dans le rituel anglais .
Le symbolisme maçonnique semble , du reste , n'avoir
jamais été rationnellement systématisé ; de là toutes les
incertitudes qui ont donné lieu aux divergences des
rites.
Pour nous en tenir au Niveau et à la Perpendiculaire ,
nous ferons remarquer que le premier de ces instru-
ments se rapporte essentiellement au grade d'Apprenti ,
de même qu'à la colonne J .. , dont la couleur devrait
être rouge. L'Apprenti subit, en effet, les épreuves de
l'initiation masculine ou dorienne . Il est appelé d'abord
à se concentrer sur lui-même , puis à exalter progressi-
vement son Soufre , en déployant toute l'ardeur qu'il
porte en lui-même . Après s'être soigneusement isolé de
l'extérieur, il doit repousser par la suite les influences
du dehors qui s'efforcent d'agir sur lui ; son énergie
måle s'oppose à tout ce qui tenterait de le subjuguer.
6
82 ----

Quant à la Perpendiculaire , elle enseigne à faire


pénétrer en soi la lumière ambiante diffuse dans l'infini
(Mercure) pour la condenser en un astre intérieur flam-
boyant, dont la clarté sera celle de la Gnose ( 1) . Cet ins-
trument convient donc au grade de Compagnon , qui a
repris le programme de l'ancienne initiation dite fémi-
nine ou ionnienne . Il se relie d'ailleurs à la colonne B...
qui, de préférence , devrait être blanche .
Peut-être n'est- il pas mauvais que rien ne soit trop
strictement déterminé en matière de symbolisme maçon-
nique . Les problèmes qui se posent sont susceptibles
de solutions multiples , si bien que l'esprit se meut en
ce domaine avec une liberté féconde . C'est l'anarchie ,
le chaos , diront ceux qui éprouvent le besoin de se plier
à la discipline d'une église ou d'une école , chaos philo-
sophique, en effet , qu'il nous incombe de débrouiller,
pour en faire jaillir la lumière !

(1) La France Chrétienne a fait composer en caractères italiques


cet aveu précieux du F ... Oswald Wirth (Note de M. de la Rive) .
HERMÉTISME ET FRANC-MAÇONNERIE ( 1 )

En terminant notre étude sur le tableau alchimique


de l'église Saint-Maurice de Reims (2) , nous avons pro-
mis de rendre compte d'un ouvrage allemand , dont
l'auteur , le F... Wilhelm Höhler, s'est efforcé de démon-
trer que la Franc - Maçonnerie se rattache étroitement à
l'Alchimie, ou , plus exactement à la Philosophie hermé-
tique . Le travail dont il s'agit a été publié chez Weiss
et Hameier, à Ludwigshafen (Palatinat) , en 1905 , sous
le titre : Hermetische Philosophie und Freimaurerei. Ce
n'est, en réalité , qu'un choix de textęs judicieusement
extraits des alchimistes les plus connus , tels que Basile
Valentin , Michel Maier ( Sendivogius ) , l'abbé Jean Tri-
thème , Raymond Lulle , Roger Bacon , Arnaud de Ville-
neuve , Jean d'Espagnet , Robert Fludd , et de quelques
autres moins répandus : Benedictus Figulus, Egidius
Gutmann , J. Stellatus , Alex . von Suchten , Mylius ,
Janus Lacinius , Tanck, Leonhard Thurneisser , etc. Ces
citations fournissent la matière des chapitres suivants :
L'Univers et l'Homme Astrologie - Théosophie -
Magie - Kabbale - Alchimie , ce dernier divisé en
sous- chapitres : Signification du mot Alchimie - Les

(1) Article paru dans l'Acacia nos de mai 1908 et de juin 1908,
traduit en l'allemand par le F... Dr C. Lauer pour le Freimaurer de
Leipzig et le Zentralblatt für Okkultismus de Vienne ( nos de
fév.-avril 1909).
(2 ) Un Symbolisme inquiétant, page 43.
- 84

asiprants - La tradition - Symboles - La matière —


Les travaux — Couleurs , feu , instruments - Or pota-
ble - Christus lapis.
Le F ... Höhler n'a voulu s'adresser qu'aux Franc-
Maçons . Il laisse donc à ses lecteurs le soin d'établir les
rapprochements entre les textes alchimiques qu'il repro-
duit et les enseignements maçonniques qui doivent leur
être familiers . Cette méthode peut laisser perplexes les
esprits paresseux , qui ne se sont jamais donné la peine
de chercher le mot de toutes les énigmes que la Franc-
Maçonnerie leur propose . Elle répondra , par contre , aux
exigences des penseurs , qui , ne craignant pas le travail
de la réflexion , préfèrent qu'on leur fournisse les élé-
ments d'un problème , plutôt qu'une solution formulée
plus ou moins dogmatiquement . Dans le domaine du
symbolisme, il ne faut pas vouloir trop préciser , les
symboles initiatiques correspondant à des conceptions
peu saisissables de leur nature et nullement réductibles
à des définitives scholastiques .
Celles -ci ne ramènent , en dernière analyse , qu'à des
mots, entités essentiellement fallacieuses , dont savent
jongler les sophistes. La parole est essentiellement l'ins-
trument du paradoxe . Toute thèse est défendable par
l'argumentation, qui parvient à démontrer le pour tout
aussi triomphalement que le contre . C'est que , loin de
porter sur des réalités effectives , conçues en elles-
mêmes, toute dialectique ne met en cause que des ima-
ges verbales , fantasmes de notre esprit, qui se laisse
éblouir par cette fausse monnaie courante de la pensée .
Il n'est pas surprenant, dans ces conditions , que
deux Philosophies opposées se soient partagées l'intel-
lectualité des siècles passés . L'une prenait son point de
départ dans la Logique d'Aristote et prétendait arriver
à la vérité en procédant par des raisonnements rigou-
reux, basés sur des prémisses considérées comme hors
85

de conteste . C'était la Philosophie officielle , celle qui


s'enseignait publiquement dans les écoles , d'où le nom
de Scholastique .
Elle avait pour antagoniste une Philosophie qui fut
toujours plus ou moins occulte , en ce sens qu'elle s'en-
veloppait de mystère et ne présentait ses enseignements
que sous le voile d'énigmes , d'allégories ou de symbo-
les . A travers Platon et Pythagore , elle prétendait
remonter aux Hiérophantes égyptiens et au fondateur
même de leur science , à Hermès Trismégiste ou Trois
fois grand , d'après qui elle était dite Hermétique.
Ce qui distinguait cette seconde Philosophie , c'est
qu'elle prétendait faire abstraction des mots, pour s'ab-
sorber dans la contemplation des choses , saisies en
elles-mêmes , dans leur essence propre . Le disciple
d'Hermès était silencieux ; il n'argumentait jamais et ne
cherchait à convaincre personne . Retiré en lui-même ,
il réfléchissait profondément et finissait par pénétrer
ainsi les secrets de la nature . Il devenait alors le confi-
dent d'Isis et entrait dans la communion des véritables
Initiés : la Gnose lui révélait les principes des antiques
sciences sacrées qui devaient, par la suite , prendre
corps sous forme d'Astrologie , d'Alchimie , de Magie et
de Kabbale .
Ces sciences , actuellement considérées comme mor-
tes , s'appliquaient toutes au même objet : le discerne-
ment des lois cachées qui régissent l'univers . Elles se
différenciaient de la Physique, science officielle de la
nature , par leur caractère à la fois plus mystérieux et
plus transcendant, aussi constituent-elles dans leur
ensemble une sorte d'Hyper-Physique , plus volontiers
stylée Philosophie hermétique.
Ce qui distinguait encore cette Philosophie , c'est
qu'elle ne se contentait pas d'être purement spéculative .
Elle a toujours poursuivi , en effet, un objet pratique,
86

elle visait un résultat effectif, son ambition suprême


étant ce que l'on appelait la réalisation du Grand
OEuvre .
Ici, une comparaison s'impose avec la Franc-Maçon-
nerie, qui s'emble n'être qu'une transfiguration moderne
de l'antique Hermétisme . Le symbolisme maçonique
constitue, en effet , un étrange assemblage de traditions
empruntées aux anciennes sciences initiatiques . Il tient
compte de la valeur kabbalistique des nombres sacrés
et règle le cérémonial d'après les principes mêmes de
la Magie ; il dispose , d'autre part, le Soleil , la Lune et
les Etoiles comme le veut l'Astrologie . Mais c'est l'Al-
chimie philosophique , telle que la conçurent les Rose-
Croix du XVIIe siècle , qui présente avec la Maçonnerie les
analogies les plus frappantes . Il y a , de part et d'autre ,
identité d'ésotérisme , les mêmes données initiatiques se
traduisant par des allégories empruntées, les unes à la
métallurgie et les autres à l'art de bâtir . La Franc-
Maçonnerie n'est , à ce point de vue , qu'une transposition
de l'Alchimie .
Un lecteur averti en trouve des preuves nombreuses
dans les textes cités par le F... Höhler. Nous croyons
cependant qu'il s'est cru tenu à trop de discrétion , et ,
pour faire faire un pas de plus à la question , nous ne
craindrons pas, dans ce qui suit, d'aborder franchement
notre sujet.

Afin de restreindre cette étude , nous ne la ferons


porter que sur le ritualisme de la Maçonnerie classique ,
dite de Saint-Jean , laquelle ne comporte que trois
grades . Cela nous permettra , au point de vue alchimi-
que , de faire abstraction des symboles considérés en
eux- mêmes , pour ne nous attacher uniquement qu'aux
— 87

opérations successives qui aboutissent à la réalisation


du Grand Euvre.
Rien ne se faisant avec rien, le point de départ de
l'œuvre philosophique , c'est la découverte et le choix
du sujet. La matière à mettre en œuvre , disent les
Alchimistes, est fort commune et se rencontre partout ;
il ne s'agit que de savoir la distinguer, et c'est en cela
que consiste toute la difficulté . Nous en faisons conti-
nuellement l'expérience en Maçonnerie, car nous initions
trop souvent des profanes que nous aurions dû rejeter ,
si nous avions été suffisamment perspicaces . Tout bois
n'est pas bon pour faire un Mercure . L'œuvre ne peut
réussir, que si l'on est parvenu à trouver le sujet conve-
nable ; aussi la Maçonnerie multiplie -t-elle les enquêtes
avant d'admettre un candidat aux épreuves.
Celles-ci débutent par le dépouillement des métaux.
Or l'Alchimie recommande , une fois la matière pro-
pice discernée , soigneusement examinée et reconnue ,
de la nettoyer extérieurement, afin de la débarrasser
de tout corps étranger qui pourrait adhérer accidentel-
lement à sa surface. La matière , en somme , doit être
réduite à elle -même . Or, c'est d'une manière absolu-
ment analogue , que le récipiendaire est appelé à se
dépouiller de tout ce qu'il possède artificiellement : il
doit , lui aussi , être strictement réduit à lui-même .
En cet état d'innocence primitive , de candeur philo-
sophique retrouvée , le sujet est emprisonné dans un
étroit réduit, où ne pénètre aucune lumière extérieure .
C'est le Cabinet de Réflexion , qui correspond au matras
de l'Alchimiste , à son OEuf philosophique hermétique-
ment luté . Le profane y trouve le tombeau ténébreux,
où, volontairement, il doit mourir à son existence pas-
sée. En décomposant les écorces qui s'opposent à la
libre expansion du germe de l'individualité , cette mort
symbolique prélude à la naissance de l'être nouveau
88

que sera l'Initié . Celui- ci naît de la putréfaction , figu-


rée par la couleur noire des Alchimistes .
Le rituel maçonnique stipule que , parmi les objets
renfermés dans la chambre des réflexions , doivent se
trouver deux récipients contenant l'un du Sel et l'autre
du Soufre. Pourquoi ? Il est impossible de répondre,
sans se reporter à la théorie des trois principes alchi-
miques Soufre, Mercure et Sel.
Δ correspond , en effet, à l'énergie expan-
Le Soufre 4
+
O

SOUFRE

SEL

MERCURE

sive qui part du centre de tout être (colonne J.´ . rouge ,


initiative individuelle) . Son action s'oppose à celle du
Mercure , qui pénètre toutes choses , par une influence
venant de l'extérieur ( colonne B .. blanche , réceptivité,
sensibilité) . Ces deux forces antagonistes s'équilibrent
dans le Sel , principe de cristallisation , qui représente
la partie stable de l'être , celle dont la condensation
s'effectue dans la zone où les émanations sulfureuses se
heurtent à la compression mercurielle ambiante .
Si sommaires qu'elles soient , ces indications n'en
justifient pas moins la pratique rituélique en ce qui con-
cerne le Sel et le Soufre . L'exclusion du Mercure
s'impose, en effet, puisque le Récipiendaire doit réaliser
— 89

l'isolement absolu . Pour arriver à se connaître , selon le


précepte socratique Γνωθι σεαυτον , il faut qu'il fasse
abstraction de tout ce qui lui est extérieur, afin de
s'absorber en lui - même et se trouver finalement en pré-
sence du noyau de son individualité .
Cette opération, correspond à l'épreuve de la Terre ,
figurée poétiquement par une descente aux Enfers , à
laquelle fait allusion le mot VITRIOL, dont les lettres
forment les initiales d'une formule chère aux Alchi-
mistes Visita Interiora Terræ, Rectificando Inve-
nies Occultum Lapidem. Visite l'intérieur de la terre
(les ténèbres infernales , le Schéol des Juifs , l'Aral des
Chaldéens) et en rectifiant (par des purifications inté-
grales et réitérées) , tu trouveras la Pierre Cachée.
IN
VE

RECTIFICANDO
A

NI

ANIMA SPIRITUS
R

ES
R
E
T

OCCU
ORA

O
f

34
ERI

LTUM

04
INT

VL
IS
IA

CORPUS
90 --

Cette Pierre est un symbole essentiellement maçonni-


que, et il semble bien que les Alchimistes en aient
primitivement emprunté l'emblème aux Initiés construc-
teurs . Une pierre , en effet, n'est pas normalement à sa
place dans un symbolisme de métallurgistes ; il est au
contraire tout naturel qu'elle soit d'abord dégrossie ,
puis soigneusement taillée et polie par des Maçons .
Ceux-ci sont d'ailleurs beaucoup moins mystérieux au
sujet de leur Pierre que les Hermétistes . C'est ainsi
qu'ils déclarent sans ambages que leur Pierre brute,
c'est l'Initié lui - même dans son premier état. Il se dégros-
sit lui-même en tant qu'Apprenti, afin de mériter de
passer Compagnon , par le seul fait de sa transformation
en Pierre cubique . Rigoureusement équarrie , cette
Pierre possède , en puissance au moins, toutes les ver-
tus de la fameuse Pierre philosophale . Il faut cependant
posséder l'Art intégralement , être Ouvrier parfait ou
Maître , pour opérer les transmutations.
Celles - ci, naturellement, ne s'appliquent pas à la
production de trésors d'une valeur purement conven-
tionnelle . Il s'agit de réalisations autrement précieuses
que tout ce qui peut tenter les avares .

**

Abandonné à lui - même, privé de tout réconfort, le


sujet enfermé dans l'Euf philosophique ne tarde pas à
être accablé de tristesse . Il languit : ses forces lui
échappent et la décomposition commence . Sous l'in-
fluence de celle-ci, le subtil se dégage de l'épais . C'est
la première phase de l'épreuve de l'Air. Après être
descendu jusqu'à ce centre du monde où se rencon-
trent les racines de toute individualité , l'esprit remonte ;
il s'élève , allégé du caput mortuum , qui noircit au fond
du vase hermétique . Ce résidu est figuré par les vête-
ments dont le Récipiendaire a dù se défaire pour sortir
91 --

de son in pace . Il va maintenant se frayer péniblement


une route au milieu de l'obscurité , sans se laisser rebu-
ter par des obstacles sans cesse renaissants . Les hau-
teurs l'attirent : fuyant l'enfer , il veut gagner le ciel et
s'acharne à gravir la pente abrupte de la montagne
idéale , dont le sommet doit resplendir de lumière .
Son ascension est interrompue par un orage effroya-
ble, qui brusquement se déchaîne . La foudre éclate et
les tourbillons d'un ouragan saisissent le téméraire ,
qui, précipité à travers les airs , retombe à son point de
départ.
C'est là une image de la circulation qui s'établit dans
le vase clos de l'Alchimiste , récipient auquel corres-
pond désormais la loge régulièrement couverte . Le sujet
s'étant dédoublé, en raison du dégagement de sa partie
volatile , celle - ci s'élève , jusqu'à ce qu'elle se condense
et retombe sous forme de pluie , à laquelle font allusion
les larmes blanches semées sur les tentures noires du
cabinet de réflexion . Ce n'est pas, il est vrai , dans ce
tombeau , où rien ne s'agite , que le Récipiendaire subit
l'épreuve de l'Eau. Si quelque confusion ne saurait être
évitée à cet égard , cela tient à ce que les opérations
du Grand Euvre s'accomplissent toutes en un seul et
même vase, tandis que les différentes phases de l'ini-
tiation maçonnique se déroulent en une série de locaux
appropriés. Cette divergence est négligeable au point
de vue ésotérique , mais il faut en tenir compte , lorsque
l'on établit un rapprochement entre les symboles usités
de part et d'autre .
Alternativement vaporisée par l'action du feu puis
condensée par le froid , l'Eau traverse sans cesse la par-
tie terreuse du sujet , qu'elle lave progressivement, en
le faisant ainsi passer du noir au gris et finalement au
blanc, non sans lui avoir fait présenter, à un moment
donné, toute la gamme des nuances chatoyantes de la
queue du paon.
92

Poussée au blanc, la matière purifiée se montre déjà


hautement précieuse . Elle symbolise le sage qui sait
résister à tous les entraînements . Mais il importe de ne
pas s'en tenir aux seules vertus négatives : aussi reste-
t-il à subir l'épreuve du Feu.
Il s'agit, pour l'Alchimiste , de la calcination du sujet,
qui est exposé à une chaleur si forte , que tout en lui
est brûlé, de telle sorte, cependant, que la destruction
ne porte que sur ce qui doit être détruit . Ce sont, au
point de vue initiatique , tous germes de passions mes-
quines, tout levain d'égoïsme étroit, tout résidu de
bassesse ou de corruption . Le Sel est désormais inté-
gralement purifié sa transparence est parfaite , car
aucune matière étrangère ne se trouve plus mêlée à ses
cristaux. Tant que le Récipiendaire n'est point parvenu
à l'état correspondant, la lumière maçonnique ne peut
lui être accordée . Il faut, en effet, que le cycle de ses
purifications soit achevé , pour que le bandeau symbo-
lique tombe de ses yeux , car la clarté ne saurait péné-
trer en lui , s'il ne s'était pas rendu perméable à son
rayonnement. Toutes les épreuves du premier degré
ne visent que cette perméabilisation des enveloppes ter-
reuses ou salines , qui isolent le foyer du feu interne ,
source d'ardeur sulfureuse ou individuelle . Libérer la
lumière intérieure , l'exalter , pour lui faire distendre les
écorces qui la masquent et tendent à l'étouffer , voilà
tout le programme de l'Euvre Simple ou de la Méde-
cine du premier Ordre , disons du grade d'Apprenti .
Ce grade se contente de nous faire voir la Lumière
extérieure ou universelle . Il nous met simplemeut en
rapport avec cette source d'illumination , où nous devons ,
en tant que Compagnons, puiser la Gnose , avec tout son
cortège de prérogatives initiatiques . C'est en attirant à
nous , pour nous en saturer, cette Lumière ambiante ,
dite sidérale ou astrale par Paracelse , que nous por
93

tons l'œuvre à la couleur rouge , signe d'achèvement de


la Pierre parfaite que nous appelons cubique .

**

La Pierre philosophale est un Sel → parfaitement


purifié, qui coagule le Mercure , pour le fixer en un
Soufre ▲ éminemment actif.
+
Cette formule synthétique ramène tout le Grand
Œuvre à trois opérations , qui sont la purification du
Sel , la coagulation du Mercure et la fixation du

Soufre 4.

Nous avons indiqué déjà les phases de la première


de ces opérations , qui , en Maçonnerie, se rapporte au
grade d'Apprenti . Il nous reste à montrer comment
l'Euvre se poursuit au grade de Compagnon et com-
ment elle s'achève par la Maitrise . Ce dernier grade
nous apparaîtra ainsi comme le couronnement de la
hiérarchie initiatique , ce qui semblera dénier toute
valeur aux grades dits supérieurs , que l'on s'est sou-
vent plu à représenter comme d'inutiles et pernicieuses
superfétations .
Il importe, en passant, de mettre à ce sujet les choses
au point .
Tout l'ésotérisme maçonnique est très certainement
renfermé dans les trois grades dits de Saint-Jean , qui
devraient suffire , si nous savions en extraire tout ce qu'ils
contiennent . Ce sont là , malheureusement, des grades
trop profonds , qui , par ce fait, ne sont pas suffisam-
ment à la portée de la moyenne des intelligences .
Aussi est- ce , au fond , pour les esprits médiocres, que
les grades furent multipliés au cours du xviie siècle . En
délayant l'ésotérisme condensé dans les trois premiers
degrés , on s'est efforcé de le faire saisir progressive-
ment à l'aide de nouvelles formes et en recourant à des
94

allégories variées , ne se rattachant plus , pour la plu-


part, que de très loin à l'art de bâtir. On a pu prétendre
ainsi que les hauts grades étaient chevaleresques , tem-
pliers, alchimiques , kabbalistiques , etc. , tout en
somme, sauf maçonniques .
S'il ne fallait envisager la Maçonnerie qu'au point de
vue abstrait ou théorique, ces critiques sévères , qui ont
été formulées contre « l'ivraie des hauts grades » , ne
seraient, hélas, que trop fondées . Mais il faut savoir
tenir compte des contingences , et se montrer indulgent
pour ce qui vient au secours de la faiblesse humaine .
La plupart des adeptes de l'Art Royal se contentent de
recevoir les grades symboliques ; mais , comme ils ne
parviennent pas à se les assimiler , ils ne les possèdent
jamais effectivement. Ils détiennent un trésor, mais ils
en ignorent la valeur et n'en tirent aucun parti . Or , les
hauts grades n'ont d'autre mission , que de faire pro-
gressivement saisir l'ésotérisme des trois degrés fonda-
mentaux de la Franc -Maçonnerie . Ils n'ont pas la pré-
tention de révéler de nouveaux secrets , étrangers à la
Maçonnerie symbolique ; toute leur ambition se borne ,
au contraire , à bien faire comprendre celle -ci, à la met-
tre en valeur dans l'esprit de ses adeptes, à qui il
importe de faire faire effectivement leur apprentissage,
afin qu'ils puissent devenir de réels compagnons , capa-
bles d'aspirer à la maîtrise véritable . Ce degré néces-
sairement ultime correspond à un idéal qui nous est
proposé, auquel nous devons tendre, mais dont la réa-
lisation n'est pas dans nos moyens . Notre Temple ne
sera jamais achevé , et nul ne peut s'attendre à voir res-
susciter en lui l'authentique et éternel Hyram.

*
**

Revenons maintenant aux opérations du Grand


Euvre .
- 95

Nous avons vu que la purification intégrale du Sel →


s'accomplit pour le Maçon au cours de son apprentis-
sage. Cette purification étant achevée , le Compagnon-
nage commence . C'est alors que se manifeste la couleur
rouge, qui est bien celle que le rituel attribue aux tentu-
res de la chambre des compagnons . L'adepte du
deuxième degré est appelé , en effet, à extérioriser son

ardeur sulfureuse 4
+ , son Feu interne , constructif ou
réalisateur , auquel fait allusion la colonne J .. , active ,
rouge et masculine . L'Apprenti reçoit fort logiquement
son salaire auprès de cette colonne , qu'il n'atteint qu'en
achevant son apprentissage . Pour triompher de ses
épreuves , il lui a fallu déployer d'ailleurs une cons-
tante activité , en vue de repousser les influences exté-
rieures qui tendaient à le dominer. Le Soufre 4
+ a dû
être exalté , au point d'envahir toute la masse du sujet
et d'en déborder même, pour lui constituer finalement
une ambiance ignée . Dans ces conditions , le rouge con-
vient assurément à l'Apprenti lui-même , et mieux encore
à la colonne J ... , dont il doit s'approcher pour passer
Compagnon . Mais la loge du premier degré doit être
tendue de bleu , puisqu'elle représente l'Univers dans
son immensité illimitée .
Quant à la Chambre de Compagnon tendue de rouge,
elle figure un domaine beaucoup plus restreint : la
sphère d'action de notre individualité , mesurée par
l'étendue de notre rayonnement sulfureux .
Ce rayonnement engendre une sorte de milieu réfrin-
gent, qui réfracte la lumière diffuse ambiante , pour la
concentrer sur le noyau spirituel du sujet (1 ) . Tel est le

(1) Voir plus haut le schéma page 88. Cependant l'atmosphère


ignée dont il est ici question ne doit pas être confondue avec le Sel .
Il s'agit plus spécialement de l'Acier des Sages, sur lequel nous
reviendrons plus loin .
96

mécanisme de l'illumination dont bénéficient ceux qui


ont vu briller l'Etoile Flamboyante.
Tout être porte en lui-même cet astre mystérieux,
mais trop souvent à l'état de vague étincelle , à peine
perceptible . C'est l'Enfant philosophique , le Logos
immanent ou le Christ incarné , que la légende fait naî-
tre obscurément, au milieu des immondices d'une grotte
servant d'étable .
L'Initiation devient la vestale de ce feu inté-

rieur + , Archée ou principe de toute individualité .


Elle sait l'entretenir tant qu'il couve sous la cendre ;
puis elle s'applique à le nourrir judicieusement, pour
l'aviver enfin , lorsqu'il doit vaincre les obstacles qui
l'emprisonnent et prétendent le condamner à l'isole-
ment. Il importe , en effet, que le Fils soit mis en rap-

port avec le Père, que l'Intérieur ▲


+ communique libre-
ment avec l'Extérieur , autrement dit, que l'Individu
entre en communion avec la Collectivité dont il
relève .
Livrés strictement à nos propres ressources indivi-
duelles , nous ne pouvons agir que sur nous-mêmes .
C'est aussi tout ce qui nous est demandé en tant qu'Ap-
prentis . Mais une fois notre Pierre brute entièrement
dégrossie , taillée et polie selon les règles , nous n'avons
plus à nous occuper de notre personnalité , qui , au point
de vue de la purification du Sel , est désormais ce
qu'elle doit être .
Mais l'instrument d'action achevé , il nous incombe
d'agir sur ce qui nous est extérieur et d'entreprendre
ainsi le travail proprement dit , auquel nous nous
livrons en tant qu'Ouvriers ou Compagnons . Or, ce
que nous accomplirions comme tels serait insignifiant,
si nous ne possédions pas le secret de faire appel à des
forces qui nous sont extérieures . Où puiser ces éner-
97 -

gies mystérieuses , si ce n'est auprès de la Colonne B. ·


dont le nom signifie En Lui la Force ? Dressée au
Nord , face à la Lune , dont elle reflète la blancheur
douce et féminine , cette colonne correspond au Mercure
des Alchimistes , principe de cette essence vivifiante
qui pénètre les êtres , pour ranimer sans cesse leur
ardeur centrale 4.
+
Lorsque celle-ci s'extériorise avec violence , comme
l'exige la rubéfaction de la matière (épreuve du Feu) ,
il en résulte au centre un vide relatif, qui , agissant à la
manière d'un Aimant, exerce une attraction sur l'Acier

des Sages 4. Cette substance dont l'idéogramme com-

bine le Soufre + avec l'Alun O ou le Feu avec l'An-


timoine † , correspond au manteau brûlant qui enve-
loppe l'Initié lorsqu'il est purifié par le Feu . C'est
l'atmosphère éthérée ou le nimbe igné, qui sert de
réceptacle aux vertus supérieures et inférieures . Les
adeptes y ont vu <« la clef de tout l'œuvre philosophique ,
le miracle du monde , que Dieu a scellé de son sceau » .
Ils ajoutent que c'est la mine de l'or philosophique , un
esprit pur par dessus tout, un feu infernal et secret, très
volatil dans son genre , assimilable à la quintessence des
choses de l'Univers (1) .
Ce Feu extériorisé ou céleste est l'un des deux agents
<< actuels » , ou effectivement agissants , du Grand Euvre ,
l'autre étant le Feu central exalté au point de devenir
attractif pour le premier, à la façon d'un aimant . Il
s'établit alors une circulation , par l'effet de laquelle les
deux agents sont réduits en un seul , qui est le Feu phi-

(1) Dom Antoine-Joseph Pernety, Dictionnaire Mytho-Hermé-


tique, Paris , 1758, page 4 , au mot Acier. Selon le Cosmopolite et
le Philalethe, l'Acier représente « la partie la plus pure et volatile
de la matière dont les sages font le Grand OEuvre » .
7
98

losophique, dont il est question dans la Table d'Eme-


raude , lorsque nous y lisons : « Il ( l'Agent hermétique
par excellence) monte de la Terre au Ciel et derechef it
descend du Ciel en Terre , et il reçoit la force des choses
d'en haut et d'en bas . Ainsi tu auras la gloire de l'Uni-
vers entier; par là toute obscurité s'enfuira de toi. Là
réside la force forte de toute force qui vaincra toute
chose subtile et pénétrera toute chose solide » .


**

Le Feu philosophique est entretenu par le Soufre


rouge des Sages, dont l'image est le Phénix renaissant
continuellement de ses cendres . Si cet oiseau fabuleux,
au plumage écarlate , était consacré au Soleil , c'est
qu'il représente le principe de la fixité individuelle .

25

Au point de vue initiatique , il symbolise en outre,


d'une façon plus spéciale , l'immuabilité acquise à
l'adepte, dont l'initiative individuelle s'exerce en par-
fait accord avec l'impulsion que tout constructeur reçoit
de la puissance régulatrice de la construction univer-
selle , autrement dit du Grand Architecte de l'Univers .
Pour le Compagnon , qui a l'ambition de savoir tra-
- 99

vailler, il s'agit donc de se transformer en Phénix. -


S'il n'y parvient pas, il ne sera jamais qu'un médiocre
ouvrier , et c'est à juste titre que l'on dira précisément
de lui « qu'il n'est pas un Phénix ! »
Travailler ne signifie point d'ailleurs s'agiter beau-
coup, en dépensant brutalement ses forces , à l'instar
des Cyclopes, dont le manque de discernement est
figuré par l'œil unique que leur attribue la mythologie .
L'Initié travaille avec intelligence , éclairé par cette
compréhension qui lui permet de s'assimiler la Gnose.
Il ne saurait, en cela , rester uniquement actif (comme
le Cyclope), car, pour comprendre , il faut de toute
nécessité se rendre passif ou réceptif au point de vue
intellectuel . Combiner judicieusement l'activité et la
passivité, telle est donc la condition indispensable de
toute action féconde . C'est pour cette raison que le Com-
pagnon est appelé à posséder à fond la théorie des deux
Colonnes, alors que l'Apprenti n'en connaît qu'une
seule , dont il épelle péniblement le nom .
L'Initié qui devient en quelque sorte androgyne , parce
qu'il unit l'énergie virile à la sensibilité féminine , est
représentéen Alchimie par le Rébis (de res bina, la
chose double) . Cette substance, à la fois mâle et
femelle , est un Mercure animé de son Soufre et
+
transformé de ce fait en Azoth , c'est- à-dire en cette
Quintessence des Eléments ( cinquième essence) dont
l'Etoile Flamboyante est le symbole . Il convient de
remarquer que cet astre est toujours placé de telle sorte
qu'il recueille le double rayonnement du Soleil måle
et de la Lune femelle C ; sa lumière est ainsi de nature
bisexuée , androgyne ou hermaphrodite . Le Rébis cor-
respond d'ailleurs à la Matière préparée pour l'ŒŒuvre
définitive , autrement dit au Compagnon qui s'est rendu
digne d'être élevé à la Maîtrise .
Rien n'est plus curieux , à ce sujet, qu'un pantacle
- 100

paru dès 1659-1660 ( 1 ) , dans le traité de l'Azoth, qui


fait suite aux Douze Clefs de Philosophie du Frère
Basile Valentin , religieux de l'Ordre de Saint-Benoît.
Comme on peut en juger par la copie que nous donnons
ci-dessous de la gravure sur bois originale, l'Androgyne
alchimique y apparaît en triomphateur du dragon de la
vie élémentaire , donc en Initié du deuxième degré ,
vainqueur du quaternaire des Eléments . De ses deux
têtes , l'une est gouvernée par le Soleil ( Raison ) et
l'autre par la Lune C (Imagination) ; mais entre elles
s'insinue l'étoile de Mercure (Intelligence , Compré-
hension , Gnose) . Mars et Vénus (Fer et Cuivre,
métaux durs ) exercent ensuite leur influence sur le
côté droit (activité) , le côté gauche (passivité ) se trouvant
influencé par Jupiter et Saturne † ( Etain et Plomb ,
métaux mous) . Mars ♂ ( Energie, Mouvement, Action )
est d'ailleurs en relation directe avec le bras droit, qui
brandit le maillet, commande et agit ; tandis que le
bras gauche , dont la mission est de maintenir ferme et
immobile le ciseau , et moralement de retenir, se trouve
rattaché à Jupiter (Conscience , Respect de soi-
même) . Il n'y aurait dans tout cela que de l'Hermétisme
pur, si , pour accentuer la dualité unifiée du Rébis , sa
personnification ne tenait pas de la main droite un
Compas (Vérité , Raison , Intellectualité ) et de la gauche
une Equerre (Equité , Sentiment , Moralité) .
On est surpris de rencontrer ces emblèmes capitaux
de l'Art Royal dans un opuscule qui prétend enseigner
<< le moyen de faire l'or caché des Philosophes » et dont
l'auteur vivait à une époque de beaucoup antérieure à
la renaissance de la Franc-Maçonnerie moderne .

(1) Le F .. Höhler nous a fait remarquer que ce pantacle figure


déjà antérieurement dans des ouvrages tels que le « Prodromus Rho-
dostauroticus Parergi Phil de 1620 et la Basilica Philosophica ,
par Joseph Daniel Mylius, de 1618 .
101 -

L'adepte ne peut réaliser le Rébis qu'après avoir


dominé les attractions élémentaires . Tout ce qu'il y a en

lui d'inférieur , de brutal et de bassement instinctif doit


être dompté, avant qu'il lui soit permis d'attirer le Feu

du Ciel pour se l'incorporer. Il s'agit , en d'autres ter-


mes, de surmonter l'animalité , afin de mettre l'Homme
— 102

proprement dit en possession de lui-même. Or, le Pen-


tagramme ou l'Etoile Flamboyante est précisément
l'emblème de l'Homme dégagé de tout ce qui l'empê-
che d'être uniquement Homme et pleinement Homme .
Les cinq pointes de cette figure , dite aussi Etoile du
Microcosme , correspondent aux quatre membres et à la
tête de l'homme . Et comme les membres exécutent ce
que la tête commande, le Pentagramme est aussi le
signe de la volonté souveraine , à laquelle rien ne sau-
rait résister, pourvu qu'elle soit inébranlable , judicieuse
et désintéressée .
Pour que l'étoile à cinq pointes conserve cette signi-
fication , il faut qu'elle soit tracée de manière que l'on
puisse y inscrire une figure humaine en position nor-
male , la tête en haut. Renversée , elle prend un sens
diamétralement opposé. Ce n'est plus alors le Pentalpha

lumineux ou l'Etoile des Mages , l'emblème du génie


humain et de la liberté , mais bien l'astre obscurci des
instincts grossiers , des ardeurs lubriques qui subjuguent
- 103 -

les animaux ; aussi y a -t- on vu le schéma d'une tête de


bouc.
Au point de vue initiatique , posséder son Compagnon-
nage signifie déjà être à même d'accomplir ce que le
vulgaire appelle des miracles . - Armé de la Règle et
du Levier, l'Initié soulève le monde - le monde moral,
bien entendu , mais c'est le seul qu'il importe de sou-
lever .
Que fera donc le Maître ?
Il s'identifiera avec le Grand Architecte de l'Univers,
pour agir en Lui et par Lui.
C'est là de la mystique pure , je n'en disconviens
aucunement ; mais cela tendrait à prouver que la mys-
tique religieuse n'est pas autre chose que de la haute
initiation dévoyée . En procédant par les trois voies
successives, dites purgative, illuminative et unitive, la
mystique est non moins logique qu'en imposant ses
mortifications qui , si elles étaient bien comprises , rem-
pliraient le même but que les épreuves initiatiques . Se
mortifier le mot le dit signifie s'astreindre à mou-
rir à quelque chose . Or , deux fois la mort nous est
imposée en Maçonnerie , d'abord au début de notre
carrière , dans le cabinet de Réflexion , puis lors de
notre définitive et complète initiation en Chambre du
Milieu .
Cette seconde mort correspond à l'accomplissement
du Grand Œuvre . Elle équivaut au sacrifice total de
soi-même, basé sur le renoncement à tout désir person-
nel . C'est l'extinction de cet Egoïsme radical qui provo-
que la chute adamique , en exerçant sur la spiritualité
l'Attract originel, afin de la déterminer à s'incorporer
à la matière . Le Moi étroit, mesquin , s'efface devant le
Soi supérieur, impersonnel, que symbolise Hyram . Le
péché mythique de l'universel Adam se trouve ainsi
racheté . Car , il ne faut pas s'y tromper, l'Architecte du
104

Temple est très exactement au Grand Architecte de


l'Univers , ce que le Verbe incarné ou le Christ est au
Père Eternel de la conception chrétienne ( 1 ) .
La Fixation du Soufre philosophique , autrement dit
la Maitrise , est d'ailleurs figurée aussi bien par le sup-
plice de Prométhée , enchaîné sur le Caucase pour avoir
dérobé le Feu du Ciel , que par celui du Christ Rédemp-
teur , suspendu par trois clous au quaternaire des bran-
ches de la croix .
Le Tarot n'est pas moins explicite à cet égard . Sa
douzième clef nous offre, en effet , l'image d'un Pendu
qui se balance tout souriant entre ciel et terre . Il est
accroché par le pied gauche à une traverse que soutien-
nent deux arbres ébranchés, qui correspondent aux colon-
nes J .. et B ... La tête et les bras forment un triangle
renversé, que surmonte une croix dessinée par la jambe
droite repliée derrière la gauche , l'ensemble traçant
ainsi le signe classique de l'accomplissement du Grand

12 LE PENDU

(1) Le Dr Lauer signale à ce sujet les correspondances suivantes :


Hiram = Hermès = Logos = Christos = JHSVH ; G... A... de
I'U... - Zeus-Pater = Démiurge = Père = JHVH .
=
105

Œuvre ▼ (1 ) . Cet étrange supplicié porte deux sacs dont


s'échappent des monnaies d'or et d'argent. Ce sont les
trésors de son intelligence , car ce rêveur qui semble
réduit à l'impuissance , parce que ses mains sont liées ,
n'en sème pas moins les idées fécondes dont sortira
l'avenir .
Tel est aussi le rôle du Maître, qui , pour diriger uti-
lement le travail de la construction universelle , doit
entrer en une étroite communion d'intention et de vou-
loir avec le Grand Architecte . Il est appelé , en cela, à
réaliser l'idéal mystique de l'Homme-Dieu , lequel est
investi du souverain pouvoir spirituel , en raison de son
détachement des choses d'en bas (2) . N'étant plus esclave
de rien, il devient d'autant plus maître de tout , que sa
volonté ne s'exerce jamais qu'en parfaite concordance
avec celle qui régit l'Univers .
Placé entre l'Abstrait et le Concret, entre l'Intelli-
gence créatrice et la Création objective , l'Homme ainsi
conçu apparait comme le Médiateur par excellence ou le
véritable Démiurge des écoles gnostiques .
Mais à ce titre , il ne saurait lui suffire de puiser la
Lumière à sa source primordiale , il lui faut encore être
relié d'une manière étroite aux ouvriers qu'il lui incombe
de former et de diriger . Or , le lien indispensable n'est
autre ici que la sympathie . Le Maitre doit se faire aimer ,
et il ne peut y réussir qu'en aimant lui- même avec toute
la ferveur d'une générosité poussée jusqu'au dévoue-
ment absolu, jusqu'au sacrifice de soi - même.
Le Pélican est à ce point de vue l'emblème de cette
charité , sans laquelle en initiation tout resterait irrémé-
diablement vain .

(1 ) Voir plus haut, page 32.


(2) Et de son rattachement aux choses d'en haut, comme nous l'in-
dique le Pendu .
106

Les dons les plus brillants de l'intelligence et du vou-


loir ne feraient jamais qu'un faux mage de l'adepte qui

n'aurait pas cultivé les qualités du cœur. Quant à la


récompense de celui qui , par le sentiment, ne s'est pas
élevé moins haut que par la science , elle réside dans le
Sceau de Salomon.

Ces deux triangles entrelacés constituent l'Etoile du


Macrocosme ou du Monde en Grand. Ils symbolisent
l'union du Père et de la Mère , de Dieu et de la Nature ,
de l'Esprit unique et de l'Ame universelle , du Feu pro-
créateur et de l'Eau génératrice . C'est le pantacle par
excellence , le signe d'une puissance à laquelle rien ne
résiste , et dont nous disposerions , si nous parvenions à
posséder effectivement notre grade de Maître .
QUELQUES ÉCLAIRCISSEMENTS
SUR LA MÉDECINE OCCULTE

Paru dans le Journal du Magnétisme, nº de janvier 1891. Traduit


en italien par le Dr Hoffmann pour la revue Lux de Rome, nº de
mars 1891.

La Médecine Occulte est basée sur la connaissance de


l'homme dans ce qu'il y a en lui d'invisible et d'inex-
ploré par la science officielle de nos jours . - Elle agit
par des moyens paraissant irrationnels à quiconque
n'est pas initié aux lois secrètes qui gouvernent la
nature .
Ces lois ont été étudiées dans l'antiquité par des
hommes supérieurs, connus sous le nom de Sages ou de
Mages . Leur science est parvenue jusqu'à nous sous
forme d'un enseignement traditionnel , dont l'ensemble
constitue la Magie .
Contrairement à l'opinion commune , ce terme repré-
sente donc tout autre chose qu'un tissu de superstitions
grossières, ou de rêveries sans consistance réelle . Il fut
exploité , il est vrai , par une longue suite d'imposteurs
et de charlatans , dont les supercheries, les extrava-
gances et les folies démontrent tout simplement qu'ils
ne comprenaient rien à la véritable Magie .
Celle-ci, en effet, est une science sérieuse , profonde ,
ardue et difficile à étudier, même lorsqu'on s'en tient à
la pure théorie , à bien plus forte raison donc , lorsqu'on
se risque à la pratique.
Il faut remplir certaines conditions intellectuelles ,
108 -

morales et physiques , pour soulever sans danger le


voile des mystères que la prudente nature cache aux
yeux du commun des mortels . Ceux qui, sans y être
dûment préparés, s'aventurent dans le labyrinthe des
Sciences occultes, s'exposent à y perdre, tout d'abord
la raison , ensuite leur fortune et parfois même la vie .
C'est pourquoi les sages de l'antiquité n'accordaient
l'Initiation qu'à des hommes choisis , qui avaient victo-
rieusement traversé certaines épreuves dont celles de la
Franc- Maçonnerie sont encore le symbole .
Ces épreuves ont une très haute importance . Nul ne
peut se dispenser de les subir, s'il veut atteindre à la
connaissance réelle des choses cachées .
Elles ne consistent pas , bien entendu , en cérémonies
plus ou moins étranges ou terrifiantes. Ce ne serait là
que le côté extérieur , la lettre morte, des épreuves dont
il s'agit. Il faut s'y soumettre en esprit et en vérité, si
l'on veut parvenir à pénétrer les secrets de la nature ,
sans devenir le jouet des plus pernicieuses illusions.
C'est pour avoir éludé d'une manière ou d'une autre
les épreuves de rigueur , que tant d'égarés sont tombés
dans les pièges d'une fausse magie , aussi opposée à la
véritable , que la nuit l'est au jour. - Rappelons-nous
à ce sujet , que rien n'est pire que la corruption du meil-
leur ; corruptio optimi pessima ; — et qu'il n'est pire
erreur que la vérité mal comprise .
Cela doit expliquer pourquoi les Initiés se sont tou-
jours astreints à se taire devant les profanes.
Leur silence , néanmoins , n'a jamais été plus absolu
qu'il ne devait l'être . C'est ainsi que , de tout temps ,
les Initiés ont proclamé la vérité sous forme d'allégories
et de symboles .
Toutes les Mythologies renferment sous ce rapport
des enseignements précieux , que l'on retrouve encore
dans les traditions religieuses des différents peuples ,
109

dans les emblêmes usités par tous les cultes , et jusque


dans les fables ou les contes de fées des légendes popu-
laires .
Certaines associations secrètes , ont eu en outre pour
mission de transmettre , de génération en génération ,
tout un ensemble de connaissances théoriques et pra-
tiques, relatives à la science des sanctuaires antiques .
La plus remarquable de ces associations est de nos
jours la Franc-Maçonnerie , qui enseigne , par l'inter-
prétation rationnelle de son Symbolisme, toutes les
vérités qu'il peut importer à l'homme de connaître .
Ce Symbolisme n'est , du reste , qu'une adaptation spé-
ciale du Symbolisme universel, dont les emblêmes sont
constitués par l'ensemble de l'Univers visible.
Celui- ci , en effet, est pour les Initiés le Livre Eternel,
la Bible par excellence , dont ils doivent apprendre à
déchiffrer les mystérieux hiéroglyphes .
Sous ce rapport, l'Alchimie ou la Philosophie hermé-
tique présente de très grandes analogies avec la Franc-
Maçonnerie.
De part et d'autre , il s'agit de l'accomplissement du
Grand OEuvre. Il n'y a de différence que dans le lan-
gage allégorique spécial dont se servent les alchimistes
et les Francs -Maçon pour exprimer une même pensée .
Cette pensée est symbolisée d'un côté par la construc-
tion du Temple universel du Vrai, du Juste et du Beau ;
tandis que de l'autre elle est représentée par la recherche
de la Pierre philosophale .
D'après Eliphas Lévi , cette Pierre représente : « dans
l'ordre divin , la vraie religion ; dans l'ordre humain , la
vraie science universelle , carrée par la base , solide
comme le cube , absolue comme les mathématiques ;
dans l'ordre naturel , la vraie physique , celle qui doit
rendre possible à l'homme la royauté et le sacerdoce de
la nature , en le faisant roi et prêtre de la Lumière
- 110 -

qui perfectionne l'âme et achève les formes, change les


brutes en hommes , les épines en roses et le plomb
en or. >>>
Cette dernière propriété de la Pierre philosophale a
-
seule frappé l'esprit des Alchimistes vulgaires . Ils se
sont livrés dès lors à des manipulations fatales à leur
intelligence et ruineuses pour leur bourse , sans s'aper-
cevoir que le langage des vrais philosophes hermétiques
ne devait pas être pris au pied de la lettre .
S'ils avaient été initiés , ils auraient su « que les
métaux des Philosophes ne sont pas ceux du vulgaire » ;
que leur soufre, leur mercure et leur sel, n'ont rien de
commun avec les substances généralement désignées
par ces termes ; et que leur feu, enfin , n'est pas celui
des cuisines , des usines ou des laboratoires ordinaires .
Tout le symbolisme de l'Alchimie se rapporte aux
forces cachées de la Nature . -- Or, ces forces n'étaient
pas appliquées par les vrais Sages à la transmutation
stérile des métaux vulgaires en cet or dont les avares
font leur Dieu unique .
Cette transmutation fut- elle possible - et rien dans

l'état actuel de nos sciences expérimentales ne démon-


tre logiquement son impossibilité - il n'en est pas
moins certain que cette singulière industrie s'accorde-
rait assez mal avec le dédain professé, à l'égard des
richesses périssables , par tous les véritables philoso-
phes . Leurs aspirations devraient les porter bien plutôt
vers l'acquisition d'une puissance bienfaisante , suscep-
tible de soulager les maux de l'humanité par l'exercice
de la Médecine Universelle .
Cette puissance , selon les Alchimistes, était attachée à
la possession de la Pierre philosophale .
Cela signifie que l'homme parvenu au troisième et
dernier degré de l'Initiation Occulte en arrive à déve-
lopper en lui certains pouvoirs secrets , grâce auxquels
111

peuvent s'accomplir toutes les merveilles attribuées à


la fameuse Pierre cachée des Philosophes hermétiques .
Les adeptes instruits de la Franc-Maçonnerie com-
prendront aisément ce dont il s'agit ici , lorsqu'on leur
rappellera qu'ils construisent un Temple, dont ils sont
eux-mêmes les matériaux .
En tant qu'Apprentis, ils s'efforcent dès lors de
« dépouiller la Pierre brute de ses aspérités » , afin de
la façonner en Pierre cubique avec le Compagnonnage,
et couronner finalement leur carrière initiatique par la
Maîtrise, en se transformant eux-mêmes de telle sorte à
posséder réellement la Pierre philosophale .
Celle- ci ne représente donc pas autre chose qu'un
état, une manière d'être , qu'il appartient à l'homme
d'atteindre en remplissant certaines conditions .
Tous les thaumaturges ont toujours eu pleinement
conscience de ce fait. Les « miracles » qu'ils surent
produire ne furent jamais dûs qu'à des causes purement
naturelles , qu'il peut parfaitement nous être donné de
connaître .
Il n'est donc pas difficile d'apprendre théoriquement
comment se font les « miracles » ; quant à la pratique
de leur production effective , elle devient moins aisée .
Car, si les principes de la science sont remarquables
par leur simplicité, de même que les règles fondamen-
tales de l'Art, il n'est pas donné au premier venu de
les appliquer selon les lois du véritable magistère .
N'oublions pas , à ce propos , que la médecine univer-
selle s'attache à guérir toutes les maladies , tant celles
de l'esprit et de l'âme , que celles du corps . Elle s'appli-
que aux individus isolés aussi bien qu'aux collectivités
et porte ainsi remède au mal social, aussi bien qu'aux
infirmités de chaque être particulier.
On voit par là que la médecine occulte correspond à
l'Art sacerdotal et royal des anciens Initiés . — Elle
- 112

enseigne les lois de l'Harmonie universelle, qu'elle


apprend à ses adeptes à mettre en application , sur eux-
mêmes d'abord et sur d'autres êtres ensuite .
La thérapeutique magnétique et hypnotique ne repré-
sente qu'une application partielle et fort imparfaite de
la médecine occulte . Malgré les résultats brillants que
nous avons déjà obtenus , nous n'en sommes cependant
encore à ce point de vue qu'aux débuts d'une période
de tâtonnements et d'illusions , dont nous ne pourrons
sortir qu'en nous élevant jusqu'à la hauteur des princi-
pes rigoureux de la philosophie hermétique.
Tant que ces principes resteront incompris , nous ne
posséderons point la lumière, et nous continuerons à
nous débattre en profanes, au milieu des obscurités
d'un empirisme grossier. Des écoles ne cesseront dès
lors de surgir en masse pour soutenir les thèses les plus
contradictoires et se discréditer mutuellement aux yeux
du public .
Il serait facile cependant de s'entendre, si l'on voulait
bien se donner la peine de chercher la vérité sincère-
ment, sans parti pris , et en se plaçant dans les condi-
tions requises , pour voir avec les yeux de l'esprit, ce
qui ne saurait être perçu par les sens du corps .
La nature , interrogée dès lors comme elle demande
à l'être, ne refuserait pas ses secrets aux fidèles adeptes
se vouant au culte du bien . Elle leur ferait compren-
dre le langage allégorique des anciens sages, dont les
disciples feraient renaître la science plus brillante que
jamais . Cette renaissance de la science antique ne doit
plus , du reste , être considérée comme une irréalisable
utopie. L'Occultisme s'affirme chaque jour plus hau-
tement devant la société contemporaine, dont l'atten-
tion ne cesse d'être attirée sur des faits insolites , qu'on
cherche à expliquer par les théories les plus inattendues .
113 -

Le mouvement est lancé , reste à le diriger et à le


conduire à bien.
Ce n'est point là une tâche légère . Elle incombe à
une association d'Initiés parvenus au plus haut grade
de l'Initiation occulte . Car ce n'est qu'au sein d'une
pareille Chambre du milieu, que peut se retrouver la
Parole perdue, cherchée par les Maitres -Maçons .
Cette Parole c'est la Synthèse Suprême, le Verbe
résolvant toutes les difficultés .
Un homme de génie surgira sans doute tôt ou tard
pour fournir son expression à cette Vérité décisive .
L'erreur, alors , aura vécu .
Mais jusque-là , l'aube incertaine combat seule la nuit
dans notre ciel couvert encore de vapeurs opaques .
L'aube, néanmoins , présage l'approche du Soleil . Or ,
celui- ci sortira triomphant de la lutte qu'il soutient
contre le serpent Python ; car le mensonge et la haine
s'évanouiront comme de monstrueux mais éphémères
fantômes, dès qu'ils seront frappés par les rayons irré-
sistibles de la toute puissante Raison.

**

Les quelques pages qui précèdent doivent suffire


pour faire entrevoir aux penseurs la haute valeur des
traités d'Alchimie .
Ceux qui savent les lire peuvent y trouver réellement
la manière de faire de l'or philosophique , lequel n'a
rien de chimérique ; car ce n'est proprement que le
symbole de toute chose achevée et conduite à l'accom-
plissement de ses finalités .
On voit par là que la Médecine Universelle, l'Alchi-
mie, la Franc-Maçonnerie et les différentes Religions
expriment au fond une seule et même idée au moyen
de symbolismes divers , mais reliés entre eux par de
nombreux points de contact.
- 114 -

Cette idée est celle du Grand OEuvre de la Régéné-


ration Universelle , autrement dit le Progrès ou la
Rédemption, pour employer la terminologie chrétienne .
Toutes les Initiations ont pour but d'enseigner aux
hommes comment cet immense travail évolutif s'accom-
plit dans l'Univers . Elles s'attachent toutes à amener
individus et sociétés à concentrer leurs efforts sur la
réalisation d'un même Idéal de Justice et de Vérité .
Puisse la présente notice , contribuer sous ce rapport
à ouvrir plus largement l'horizon mental de quelques-
uns de nos contemporains . C'est tout ce qu'il est permis
à l'auteur d'ambitionner pour le moment .
Quant à ceux qui aspirent à la Gnose ou totale con-
naissance des vrais Maîtres de la Sagesse , on ne peut
que leur répéter les trois paroles de l'Evangile :
Cherchez, vous trouverez .
Demandez , vous recevrez .
Frappez et on vous ouvrira .
C'est-à-dire , cherchez à comprendre et vous trouve-
rez le mot de l'Enigme du Sphinx .
Demandez des explications et vous recevrez l'ensei-
gnement auquel vous avez droit.
Frappez à la porte du Sanctuaire occulte et on vous
ouvrira toutes grandes les voies de la Science intégrale .
UN CATÉCHISME HERMÉTICO- MAÇONNIQUE

Dans son Dogme et Rituel de la Haute Magie , ouvrage


devenu classique en Occultisme , Eliphas Lévi ( 1 ) s'ex-
prime comme suit :
<< Parmi les livres rares et précieux qui contiennent les
mystères du Grand Arcane , il faut compter au premier
rang le Sentier chimique ou Manuel de Paracelse, qui
contient tous les mystères de la physique démonstrative
et de la plus secrète cabale . Ce livre manuscrit, pré-
cieux et original, ne se trouve que dans la bibliothèque
du Vatican . Sendivogius en a tiré une copie dont le
baron de Tschoudy s'est servi pour composer le caté-
chisme hermétique contenu dans son ouvrage intitulé :
L'Etoile Flamboyante . Ce catéchisme , que nous indi-
quons aux sages cabalistes comme pouvant tenir lieu
du traité incomparable de Paracelse , contient tous les
principes du Grand Euvre d'une manière si satisfai-
sante et si claire , qu'il faut manquer absolument de
l'intelligence spéciale de l'Occultisme pour ne pas arri-
ver à la vérité absolue en le méditant » (2) .
Cette appréciation du père de l'Occultisme contempo-
rain nous engage à reproduire ici un texte dont il fait si
grand cas .
Nous ne pouvons nous dispenser , toutefois , de for-
muler quelques réserves quant à la source exception-
nelle où l'auteur de l'Etoile Flamboyante aurait puisé sa
science hermétique .

(1) Pseudonyme de l'abbé Alphonse Louis Constant (1810-1875) .


(2) Rituel, pages 296 et 297.
116 -

Le manuscrit du Vatican , dont Sendivogius aurait eu


le bonheur de tirer une copie ayant servi à éclairer
quelqu'un des Sages de l'Ordre des Philosophes Incon-
nus, n'était aucunement indispensable au baron de
Tschoudy , puisque , à fort peu d'exceptions près, les
réponses de son catéchisme sont textuellement extraites
de deux ouvrages imprimés fort répandus à son
époque .
Le premier, dont la publication fut autorisée en
décembre 1681 , et qui eut de nombreuses éditions ,
renferme « LES CEUVRES DU COSMOPOLITE , DIVISEZ
EN TROIS TRAITEZ, dans lesquels sont clairement expliquez
les trois Principes de la Philosophie naturelle , Sel, Sou
fre et Mercure » . Ce volume porte comme second titre :
« COSMOPOLITE OU NOUVELLE LUMIÈRE CHYMIQUE » , Sous
lequel il est souvent cité . Il débute par un traité de la
Nature en général, dont il nous suffira de reproduire
quelques passages, avec renvoi , chaque fois , au texte
correspondant du Baron de Tschoudy, pour montrer
comment fut composé le « Catéchisme ou instruction
pour le grade d'Adepte ou Apprentif Philosophe sublime
et inconnu » .
Pages 5 et suivantes de l'édition de 1723 nous lisons :
« ... Je dis donc que la Nature est une, vraye , simple,
entière en son être , et que Dieu l'a faite devant tous les
Siècles , et lui a enclos un certain esprit universel . Il
faut savoir néanmoins que le terme de la Nature est
Dieu, comme il en est le principe ( 1 ) ; car toute chose
finit toûjours en ce , en quoi elle a pris son être et son
commencement... Toutes choses proviennent de cette
seule et unique Nature , et il n'y a rien en tout le monde ,

(1) Voir la 2º demande du Catéchisme :


D. Quel est le terme de la nature ?
R. ― Dieu, comme il en est le principe .
117

hors la Nature (1 ) ... Or cette Nature est principalement


divisée en quatre régions ou lieux ( 2 ) , où elle fait tout
ce qui se voit , et tout ce qui est caché ; car sans doute
toutes choses sont plutôt à l'ombre et cachées , que véri-
tablement elles n'apparoissent. Elle se change au mâle
et à la femelle (3 ) ; elle est comparée au Mercure ( 4) ,
parce qu'elle se joint à divers lieux ; et selon les lieux
de la Terre, bons ou mauvais, elle produit chaque
chose bien qu'à la vérité il n'y ait pas de mauvais
lieux en Terre , comme il nous semble...
<< Il est donc à remarquer que la Nature n'est point
visible, bien qu'elle agisse visiblement ; car ce n'est
qu'un esprit volatil , qui fait son office dans les corps ,
et qui a son siège et son lieu en la Volonté divine ( 5 ) ……
.
« Les Scrutateurs de la Nature doivent être tels qu'est
la Nature même ; c'est-à - dire vrais , simples , patiens ,
constans (6) , etc. Mais ce qui est le principal point,
pieux, craignans Dieu et ne nuisant aucunement à leur
prochain . Puis après , qu'ils considèrent exactement ,

( 1) D. - D'où proviennent toutes les choses ?


R. - De la seule et unique nature.
(2) D. En combien de régions la nature est -elle divisée ?
R. En quatre principales.
(3) D. En quoi se change la nature ?
R. En måle et femelle.
(4) D. A quoi est- elle comparée ?
R. Au mercure.
(5) D. - Quelle idée me donnerez-vous de la nature ?
Ꭱ. Elle n'est point visible, quoiqu'elle agisse visiblement, car ce
n'est qu'un esprit volatil , qui fait son office dans les corps, et qui est
animé par l'esprit universel, que nous connaissons en Maçonnerie vul-
gaire sous le respectable emblème de l'Etoile flamboyante.
(6) D. Quelles qualités doivent avoir les scrutateurs de la nature ?
R. Ils doivent être tels que la nature elle- même , c'est- à -dire
vrais , simples, patients et constants ; ce sont les caractères essentiels
qui distinguent les bons Maçons, et lorsque l'on inspire déjà ces sen-
timents aux candidats dans les premières initiations , on les prépare
d'avance à l'acquit des qualités nécessaires pour la classe philoso-
phique.
118 -

si ce qu'ils se proposent est selon la Nature , s'il est pos-


sible et faisable ; et cela qu'ils l'apprennent par des
exemples apparens et sensibles ; à sçavoir, avec quoi
toute chose se fait, comment, et avec quel vaisseau . Car
si tu veux simplement faire quelque chose , comme fait
la Nature , suis -la ; mais si tu veux faire quelque chose
de plus excellent que la Nature ne fait , regarde en quoi,
et par quoi elle s'améliore , et tu trouveras que c'est toû-
jours avec son semblable. Si tu veux, par exemple ,
étendre la vertu intrinsèque de quelque métal plus outre
que la Nature (ce qui est notre intention ) il te faut
prendre la Nature métallique , et ce encore au mâle et
en la femelle , autrement tu ne feras rien » ( 1 ) .
Jusqu'à la 61 question de son Catéchisme, le baron
de Tschoudy s'est ainsi inspiré de la « Nouvelle Lumière
Chymique » , dont il s'est contenté d'extraire les points
de doctrine les plus saillants, puis de les présenter fort
habilement sous forme de demandes et de réponses . Il
a ensuite appliqué le même procédé ingénieux à un
ouvrage imprimé pour la première fois à Paris , chez
Laurent d'Houry, en novembre 1686. Cette seconde
source a pour titre LA LUMIÈRE SORTANT PAR
SOI- MESME DES TÉNÈBRES , OU VÉRITABLE THÉORIE DE
LA PIERRE DES PHILOSOPHES , écrite en Vers Italiens , avec
un Commentaire ; le tout traduit en François par B. D. L.

(1 ) D. - Quelle attention doivent-ils avoir ensuite?


R. - Les Philosophes doivent considérer exactement si ce qu'ils se
proposent est selon la nature , s'il est possible et faisable ; car , s'ils
veulent faire quelque chose comme le fait la nature, ils doivent la
suivre en tout point.
D. ― Quelle route faudrait- il tenir pour opérer quelque chose de
plus excellent que la Nature ne l'a fait ?
R. On doit regarder en quoi et par quoi elle s'améliore , et on
trouvera que c'est toujours avec son semblable : par exemple, si l'on
veut étendre la vertu intrinsèque de quelque métal plus outre que
nature, il faut alors saisir la nature métallique elle- même, et savoir
distinguer le mâle et la femelle en ladite nature.
119 -

Il n'y a pas à chercher autre part : tout ce qu'il a plu


à notre auteur de mettre en catéchisme provient des
deux publications citées . Seules les notions se rappor-
tant spécialement au symbolisme maçonnique ont un
caractère d'inédit .
Le baron de Tschoudy n'en a pas moins eu un très
grand mérite . Remarquablement conçu , son Catéchisme
justifie l'enthousiasme d'Eliphas Lévi , partagé sans
hésitation par Stanislas de Guaita . Toute la science her-
métique se trouve condensée , en effet, dans des for-
mules d'un laconisme suggestif. Ce que d'autres avaient
dilué , noyé parfois sous un fatras de commentaires
superflus, a été mis en relief avec discernement , en vue
de frapper l'esprit . Or , il importe beaucoup moins , en
ces matières, de parler ou d'écrire copieusement soi-
même , que de faire penser autrui , d'obliger à réfléchir,
à creuser et à découvrir mentalement ce que les mots ne
sauraient révéler . Les textes les plus précieux en Her-
métisme sont toujours d'une concision énigmatique .
Leur aridité apparente ne doit pas rebuter, car ce sont
des champs qui renferment un trésor caché . On peut
dire à leur sujet, avec le laboureur de La Fontaine :
<< Travaillez, prenez de la peine , c'est le fonds qui man-
que le moins ! >>
En vue d'orienter parfois les recherches individuelles ,
nous avons fait suivre le texte original de brèves notes
composées en caractères réduits . Nous avons soigneuse-
ment reproduit, en outre , les annotations précieuses tra-
cées de la main de Stanislas de Guaita sur les marges
d'un exemplaire de l'Étoile Flamboyante , qui est actuel-
lement en la possession d'un alchimiste de nos amis . Cet
exemplaire provient d'une contre - façon de l'édition ori-
ginale , car, comme quantité de livres similaires , il se
prétend édité :
A LORIENT
chez
LE SILENCE
L'ÉTOILE FLAMBOYANTE

OU

LA SOCIÉTÉ DES FRANCS -MAÇONS

considérée sous tous les aspects .

A Francfort, et se trouve à Paris , chez Antoine Boudet,

rue Saint-Jacques , 1766 .

CATÉCHISME OU INSTRUCTION

pour le grade d'Adepte


ou Apprentif Philosophe sublime et inconnu.

(Extrait du tome second , p. 234 et suivantes) .

D. 1 . — Quelle est la première étude d'un Philosophe ?


R. - C'est la recherche des opérations de la nature .
D. 2 . — Quel est le terme de la nature ?
R. — Dieu, comme il en est le principe.
Dieu apparaît ici comme le Centre, dont toutes choses sont émanées
par extension et auquel toutes choses retourneront par resserrement .
D. 3. - D'où proviennent toutes les choses ?
R. -
De la seule et unique nature .
Il s'agit ici de la Nature naturante, autrement dit de l'Agent vital ,
producteur de la Nature naturée .
D. 4 . En combien de régions la nature est-elle divisée ?
R. — En quatre principales .
121 -

D. 5 . - Quelles sont-elles ?
R. -
Le sec , l'humide , le chaud , le froid , qui sont les
quatre qualités élémentaires , d'où toutes choses dérivent .
Bi-polarisation quaternaire de l'Agent naturel .
D. 6 . - En quoi se change la nature ?
R. En mâle et femelle.
Polarisation simple, positive et négative .
D. 7. ―― A quoi est-elle comparée ?
R. - Au mercure.
Agent subtil s'insinuant jusqu'au centre de toutes choses, pour s'en
irradier sous forme d'énergie vitale.
D. 8 . - Quelle idée me donnerez-vous de la nature ?
-
R. Elle n'est point visible , quoiqu'elle agisse visible-
ment, car ce n'est qu'un esprit volatil , qui fait son office dans
les corps , et qui est animé par l'esprit universel, que nous
connaissons en Maçonnerie vulgaire sous le respectable
emblème de l'Etoile Flamboyante.
La Nature est l'épouse de Dieu , qui la féconde, afin qu'elle donne
naissance à la création.
D. 9 .
Que représente- t-elle positivement ?
R. ― Le souffle divin, le feu central et universel, qui
vivifie tout ce qui existe .
Isis qui anime et instruit.
D. 10. ― Quelles qualités doivent avoir les scrutateurs
de la nature ?
R. ―
Ils doivent être tels que la nature elle-même , c'est-à-
dire, vrais , simples , patients et constants ; ce sont les caraċ-
tères essentiels qui distinguent les bons Maçons , et lorsque
l'on inspire déjà ces sentiments aux candidats dans les pre-
mières initiations , on les prépare d'avance à l'acquit des qua-
lités nécessaires pour la classe philosophique.
La Nature exige que ses disciples se livrent à elle avec sincérité,
qu'ils soient vrais et ne cherchent pas ses faveurs en vue de tromper
autrui ; elle veut qu'ils soient sans parti -pris , simples et accessibles
à ses suggestions ; elle abandonnerait ceux qui seraient trop pressés
d'obtenir un résultat, car son action est progressive et il faut savoir
la guetter avec patience ; la Nature, enfin, ne se lie qu'à bon escient,
à qui lui aura prouvé sa constance.
D. 11 . ― Quelle attention doivent-ils avoir ensuite ?
Ꭱ. Les philosophes doivent considérer exactement si ce
qu'ils se proposent est selon la nature , s'il est possible et fai-
122 --

sable ; car, s'ils veulent faire quelque chose comme le fait la


nature, ils doivent la suivre en tout point,
L'Adepte doit agir avec discernement, et ne jamais faire interve-
nir sa volonté sans que la réalisation soit raisonnablement assurée .
Il faut se garder de vouloir aveuglément ou arbitrairement, ce qui
revient au même . La Volonté n'a toute sa force, qu'à la condition
d'être intelligente et docile.
D. 12. Quelle route faudrait-il tenir pour opérer quel-
que chose de plus excellent que la nature ne l'a fait ?
R. On doit regarder en quoi et par quoi elle s'améliore ;
et on trouvera que c'est toujours avec son semblable : par
exemple, si l'on veut étendre la vertu intrinsèque de quelque
métal plus outre que la nature , il faut alors saisir la nature
métallique elle-même, et savoir distinguer le mâle et la
femelle en ladite nature
Pour se surpasser, il faut discerner en soi les dispositions spéciales,
puis les développer par une éducation appropriée de l'activité à mettre
en jeu , non moins que de la sensibilité correspondante. Le génie
repose sur le déploiement d'une énergie active sans cesse entretenue
par une passivité adéquate .
D. 13. - Où contient-elle ses semences ?
R. - Dans les quatre éléments ,
Ceux-ci interviennent dans la génération des mixtes, qu'ils renfer-
ment en puissance ou en germe
D. 14 . ― Avec quoi le Philosophe peut-il produire quel-
que chose ?
R. ― Avec le germe de ladite chose , qui en est l'élixir,
ou la quintessence beaucoup meilleure , et plus utile à l'artiste
que la nature même ; ainsi , d'abord que le Philosophe aura
obtenu cette semence ou ce germe, la nature pour le seconder
sera prête à faire son devoir.
Le Philosophe n'agit pas sur l'extérieur des choses : il les pénètre
spirituellement et stimule leur action autonome qui s'exerce du dedans
au dehors.
D. 15 . - Qu'est-ce que le germe ou la semence de cha-
que chose ?
Ꭱ . - C'est la plus accomplie et la plus parfaite décoction
et digestion de la chose même , ou plutôt c'est le baume du
soufre qui est la même chose que l'humide radical dans les
métaux .
Il s'agit ici du germe spirituel ou animique, concentration de toutes
123.

les potentialités destinées à être mises en œuvre par l'action vitale .


Le baume du Soufre est cette huile animique qui entretient , dès sa
naissance, la flamme du feu vital individuel ; c'est l'humidité fonda-
mentale renfermée dans le noyau le plus intime de l'être .
D. 16. -- Qui engendre cette semence ou ce germe ?

R. Les quatre éléments , par la volonté de l'Etre suprême,
et l'imagination de la nature (1 ).
Les potentialités corporisantes procèdent en cela des éléments,
alors que la volonté de l'Etre suprême s'incarne dans le principe
conscient de l'individu , dont le plan constructif et l'organisation se
déterminent selon l'imagination de la Nature .
D. 17. Comment opèrent les quatre éléments ?
Ꭱ . - Par un mouvement infatigable et continu , chacun
d'eux selon sa qualité , jetant leur semence au centre de la
terre , où elle est recuite et digérée , ensuite repoussée au
dehors par les lois du mouvement.
C'est par le moyen de cette élaboration centrale que l'universel
s'individualise.
D. 18. - Qu'entendent les Philosophes par le centre de
la terre ?
R. Un certain lieu vide qu'ils conçoivent, et où rien ne
peut reposer.
Le vide dont il s'agit résulte de l'action expansive centrifuge , qui
est irrésistible en son point de départ, mais perd de son énergie dans
la mesure où elle s'en éloigne.
D. 19. - Où les quatre éléments jettent-ils et reposent- ils
donc leurs qualités ou semences ?
R. ―
Dans l'ex-centre , ou la marge et circonférence du
centre , qui , après qu'il en a pris une due portion , rejette le
surplus au dehors , d'où se forment les excréments , les scories ,
les feux et même les pierres de la nature , de cette pierre
brute, emblème du premier état maçonnique.
L'individualité se constitue une sphère saline qui est sa subs-
tance propre et vivante, enveloppée dans des croûtes mortes lui for-
mant une écorce protectrice.
D. 20 . Expliquez-moi cette doctrine par un exemple .
R. Soit donnée une table bien unie et sur icelle , en son

(1 ) D'après une note d'Eliphas Levi reproduite par Stanislas de


Guaita, la volonté de Dieu correspond à l'Archée (4) et l'imagination
de la nature à l'Azolh ( ¥ ) .
124 --

milieu , dûment assis et posé un vase quelconque , rempli


d'eau ; que dans son contour on place ensuite plusieurs choses
de diverses couleurs , entr'autres qu'il y ait particulièrement
du sel , en observant que chacune de ces choses soient bien
divisées et mises séparément, puis après que l'on verse l'eau
au milieu, on la verra couler de-çà et de -là : ce petit ruisseau
venant à rencontrer la couleur rouge, prendra la teinte rouge ;
l'autre passant par le sel contractera la salaison ; car il est
certain que l'eau ne change point les lieux , mais la diversité
des lieux change la nature de l'eau , de même la semence jetée
par les quatre éléments au centre de la terre contracte diffé-
rentes modifications ; parce qu'elle passe par différents lieux ,
rameaux , canaux , ou conduits , en sorte que chaque chose
naît selon la diversité des lieux , et la semence de la chose
parvenant à tel endroit, on rencontrerait la terre et l'eau pure ,
il en résultera une chose pure, ainsi du contraire (1 ) .
Les êtres procèdent d'une source unique , et s'ils se particularisent ,
ce n'est qu'en s'adaptant au milieu où s'accomplit leur évolution .
D. 21. --- Comment et en quelle façon les éléments engen-
drent-ils cette semence ?
R. - Pour bien comprendre cette doctrine, il faut noter
que deux éléments sont graves et pesants , et les deux autres
légers , deux secs et deux humides, toutefois l'un extrême-
ment sec et l'autre extrêmement humide , et en outre sont
masculin et féminin : or, chacun d'eux est très prompt à pro-
duire choses semblables à soi en sa sphère : ces quatre élé-
ments ne reposent jamais , mais ils agissent continuellement
l'un et l'autre, et chacun pousse de soi et par soi ce qu'il a de
plus subtil ; ils ont leur rendez- vous général au centre , et
dans le centre même de l'Archée, ce serviteur de la nature ,
où venant à y mêler leurs semences , ils les agitent et les
jettent ensuite au dehors . On pourra voir ce procédé de la
nature et le connaître beaucoup plus distinctement dans les
grades sublimes qui suivent celui - ci .

(1 ) La dernière phrase a été mal transcrite. Le Cosmopolite,


page 12. porte : « De même la semence ou le sperme jeté par les qua-
tre Eléments au centre de la Terre, passe, par divers lieux ; en sorte
que chaque chose naît selon la diversité des lieux s'il parvient à un
lieu où il rencontre la terre et l'eau pure, il se fait une chose pure . »
125

Chaque Elément a dans son centre un autre Elément dont il es


élémenté. Ce sont les quatre piliers du monde, qui ne subsiste qu'en
raison de leurs actions contraires .
D. 22 . ― Quelle est la vraie et première matière des
métaux ?
R. La première matière proprement dite est de double
essence, ou double par elle-même ; néanmoins l'une sans le
concours de l'autre ne crée point un métal ; la première et la
principale est l'humidité de l'air ( 1 ) , mêlée avec un air
chaud (2 ) . en forme d'une eau grasse, adhérente à chaque
chose, pour pure ou impure qu'elle soit.
Cette eau grasse correspond à la substance animique dont le noyau
de l'individualité s'enveloppe comme d'une atmosphère.
D. 23. Comment les Philosophes ont- ils nommé cette
humidité ?
R. - -Mercure .
Ether, Fluide universel , Grand Agent magique. etc.
D. 24 . Par qui est-il gouverné ?
R. - Par les rayons du Soleil et de la Lune.
Par rapport à l'individu , les rayons solaires sont centrifuges, alors
que les rayons lunaires ou réfléchis sont centripètes. Ce double rayon-
nement se combine dans l'atmosphère animique.
D. 25. — Quelle est la seconde matière .
R. — · C'est la chaleur de la terre, c'est-à-dire, une chaleur
sèche que les Philosophes appellent soufre.
Esprit individuel, Soleil intérieur.
D. 26 . - Tout le corps de la matière se convertit-il en
semence ?
R. ―― Non, mais seulement la huit- centième partie qui
repose au centre du même corps , ainsi que l'on peut le voir
dans l'exemple d'un grain de froment.
Le Cosmopolite en son Traité de la Vraye première matière
des Métaux, indique « environ la huit mille deux centième partie du
corps » comme se convertissant en semence.
D. 27. De quoi sert le corps de la matière, relativement
à la semence ?
R. Pour la préserver de toute excessive chaleur, froi-

(1) Le Mercure des Sages : .


Δ
(2) Leur Soufre +
4 (Notes de Stanislas de Guaita) .
126

deur, humidité ou sécheresse et généralement toute intempé-


rie nuisible contre lesquelles la matière lui sert d'enveloppe .
L'ensemble du corps n'est qu'une écorce passive relativement à la
semence active.
D. 28. - L'artiste qui prétendrait réduire tout le corps de
la matière en semence , en supposant qu'il pût y réussir , y
trouverait-il en effet quelqu'avantage ?
R. - Aucun ; au contraire son travail alors deviendrait
absolument inutile, parce que l'on ne peut rien faire de bien ,
sitôt que l'on s'écarte du procédé de la nature .
La sélection s'impose, l'action initiatique restant inefficace , si elle ne
se concentre pas exclusivement sur ce qu'il y a de meilleur.
D. 29. - Que faut-il donc qu'il fasse ?
-
R. Il faut qu'il dégage la matière de toutes ses impure-
tés car il n'y a point de métal , si pur qu'il soit, qu'il n'ait ses
impuretés, l'un toutefois plus ou moins que l'autre .
D. 30. - Comment figurons-nous dans la Maçonnerie la
nécessité absolue et préparatoire de cette dépuration ou purifi-
cation ?
R. - Lors de la première initiation du candidat au grade
d'apprentif, quand on le dépouille de tous métaux et minéraux
et que d'une façon décente on lui ôte une partie de ses vêtements ,
ce qui est analogue aux superfluités, surfaces ou scories, dont
il faut dépouiller la matière pour trouver la semence .
-
D. 31. A quoi le Philosophe doit-il faire le plus atten-
tion ?
R. - Au point de la nature, et ce point , il ne doit pas le
chercher dans les métaux vulgaires , parce qu'étant déjà sortis
des mains de la formatrice , il n'est plus en eux.
C'est en ce point de la nature que la fécondation s'opère .
D. 32 . - Quelle en est la raison précise ?
R. C'est parce que les métaux du vulgaire, principale-
ment l'or, sont absolument morts , au lieu que les nôtres au
contraire sont absolument vifs et ont esprit .
Le septenaire des métaux vivants se distingue en tout individu .
D. 33. - Quelle est la vie des métaux ?
R. Elle n'est autre chose que le feu , lorsqu'ils sont encore
couchés dans leurs mines .
Il s'agit du Feu central ou de l'ardeur sulfureuse, source du mou-
vement vital.
127 -

D. 34 . - Quelle est leur mort ?


R Leur mort et leur vie sont un même principe , puis-
qu'ils meurent également par le feu , mais un feu de fusion .
Le feu de fusion est celui du Lûcher d'Hercule, où l'individualité se
fond dans le Tout au sein duquel son autonomie s'est affirmée .
-
D. 35. De quelle façon ces métaux sont-ils engendrés
dans les entrailles de la terre ?
R. Après que les quatre éléments ont produit leur force
ou leur vertu dans le centre de la terre et qu'ils y ont déposé
leur semence ; l'archée de la nature , en les distillant, les subli-
mise à la superficie par la chaleur et l'action d'un mouvement
perpétuel .
Le septenaire métallique résulte d'interférences entre le spirituel
agissant , l'animique sensitif et le corporel plastique Ə .
D. 36 . - Le vent, en se distillant par les pores de la terre ,
en quoi se résout-il ?
R. -- Il se résout en eau de laquelle naissent toute choses ,
et ce n'est plus alors qu'une vapeur humide, de laquelle
vapeur se forme ensuite le principe principié de chaque chose,
et qui sert de première matière aux Philosophes .
Ceux-ci agissent sur la substance éthérée que leur Feu interne a
+
su extérioriser.
D. 37. Quel est donc ce principe principié, servant de
première matière aux enfants de la science dans l'œuvre phi-
losophique ?

R. Ce sera cette même matière , laquelle aussitôt qu'elle
est conçue ne peut absolument plus changer de forme .
L'adepte met en œuvre la matière philosophique par l'entremise
de laquelle s'accomplissent toutes les transformations . Cette matière
reste inerte, tant quelle n'a pas reçu l'impulsion vivifiante de l'esprit
agissant et qu'elle n'a pas été l'objet d'une conception imagina-
tive C ; mais une fois procréée spirituellement et animée, elle pour-
suit invariablement la destinée qui lui est propre.
-
D. 38 Saturne, Jupiter, Mars , Vénus , le Soleil , la
Lune, etc. , ont-ils chacun des semences différentes ?
R. -- Ils ont tous une même semence ( 1 ) ; mais le lieu de

(1) Eliphas Lévi (La Clef des Grands Mystères) a dressé, suivant
la doctrine des Kabbalistes , l'arbre généalogique des métaux , qui n'est
autre que l'Arbre des Séphiroth métalliques (Note de Stanislas de
Guaita.
128

leur naissance a été cause de cette différence, encore bien que


la nature ait bien plutôt achevé son œuvre en la procréation de
l'argent qu'en celle de l'or, ainsi des autres .
Le Cosmopolite ne s'est pas expliqué sur la préférence accor-
dée ici à l'argent.
D. 39. - Comment se forme l'or dans les entrailles de la
terre ?
R. - Quand cette vapeur que nous avons dit est sublimi-
sée au centre de la terre, et qu'elle passe par des lieux chauds
et purs , et où une certaine graisse de soufre adhère aux
parois , alors cette vapeur, que les Philosophes ont appelée
leur mercure , s'accommode et se joint à cette graisse , qu'elle
sublimise avec soi ; et de ce mélange résulte une certaine onc-
tuosité, qui, laissant ce nom de vapeur, prend alors celui de
graisse, et venant puis après à se sublimiser en d'autres lieux ,
qui ont été nettoyés par la vapeur précédente, et auxquels la
terre est plus subtile , pure et humide , elle remplit les pores
de cette terre , se joint à elle , et c'est alors que se produit l'or .
Cette génération des métaux concorde avec la théorie géologique
scientifiquement développée par Abel Haatan dans un très remarqua-
ble ouvrage intitulé : Contribution à l'étude de l'Alchimie, Théo-
rie et pratique du Grand Euvre, Paris , Chacornac , 1905. Il ne faut
pas oublier , d'ailleurs , que la Nature est construite sur un plan uni
que, si bien que des dispositions essentielles identiques sont discerna-
bles en tous les êtres, pour qui sait s'en tenir au général , en faisant
abstraction du particulier.
D. 40. - Comment s'engendre Saturne ?
R. Quand cette onctuosité ou graisse parvient à des lieux
totalement impurs et froids .
Saturne , étant la planète la plus périphérique connue des anciens ,
correspond aux formations corticales les plus éloignées du centre
vital.
D. 41 . Comment cette définition se trouve- t-elle au novi-
ciat ?
R. Par l'explication du mot Profane qui supplée au ·
nom de Saturne, mais que nous appliquons effectivement à
tout ce qui réside en un lieu impur et froid, ce qui est marqué
par l'allégorie du monde, du siècle et de ses imperfections.
Le Profane figure ce qui est extérieur ou exotérique, par opposition
à ce qui est intérieur ou ésotérique.
D. 42 . -- Comment désignons- nous l'œuvre et l'or ?
129 --

R. Par l'image d'un chef-d'œuvre d'architecture , dont au


détail nous peignons la magnificence toute éclatante d'or et de
métaux précieux.
La Franc-Maçonnerie s'en tient d'ordinaire aux allégories purement
constructives . Ici le symbolisme métallurgique , se superpose, en quel .
que sorte, à celui de l'architecture .
D. 43. Comment s'engendre Vénus ?
R. - Elle s'engendre alors que la terre est pure , mais
mêlée de soufre impur .
Vénus [cuivre] correspond à la vitalité ou à la sève vitale. Elle est
l'épouse légitime de Vulcain, le feu ouvrier interne ; mais elle aime à
s'extérioriser en adultère avec Mars , l'ardeur conquérante agissant
extérieurement .
D. 44. --- Quel pouvoir a cette vapeur au centre de la
terre ?
R.
De subtiliser toujours par son continuel progrès ,
tout ce qui est crud et impur, attirant successivement avec
soi ce qui est pur.
Du centre le plus profond des êtres émane une énergie ascension-
nelle qui est la source même du mouvement vital , le grand principe
transmutatoire qui organise, sublimifie et vitalise.
D. 45 . - Quelle est la semence de la première matière de
toutes choses ?
R. - La première matière des choses, c'est-à -dire , la
matière des principes principiants (2) , naît par la nature sans
le secours d'aucune semence , c'est-à -dire , que la nature reçoit
la matière des éléments , de laquelle elle engendre ensuite la
semence .
La première matière des choses est cette substance ultra subtile et
nécessairement omniprésente que les Philosophes appellent leur Mer-
cure .
D. 46. Quelle est donc absolument parlant la semence
des choses ?
R. - La semence en un corps n'est autre chose qu'un air

(1 ) Les principes principiants (ELOHIM, ) sont ici et


(Soufre et Mercure des Sages) . Le principe principié est un troisième
principe résultant de l'union des deux premiers (note de
Stanislas de Guaita).

9
- 130

congelé, ou une vapeur humide, laquelle , si elle n'est résoute


par une vapeur chaude , devient tout à fait inutile ( 1) . 7
La semence est du Mercure coagulé qui se prête à la fécondation
particularisante due à sa combinaison avec l'ardeur sulfureuse active.
D. 47. Comment la génération de la semence se ren-
ferme-t-elle dans le règne métallique ?
R. Par l'artifice de l'Archée , les quatre éléments en la
première génération de la nature, distillant au centre de la
terre une vapeur d'eau pondéreuse , qui est la semence des
métaux et s'appelle Mercure, non à cause de son essence, mais
à cause de sa fluidité et facile adhérence à chaque chose .
Il s'agit ici de la génération de ce qu'on peut appeler l'âme corpo-
relle unie à l'esprit de vie.
D. 48. - Pourquoi cette vapeur est- elle comparée au sou-
fre ? (2) .
R. ― A cause de sa chaleur interne .
D. 49. ―― Que devient la semence après la congellation ?
R. -·Elle devient l'humide radical de la matière .
Principe animique de conservation du corps .
D. 50 . De quel mercure doit- on entendre que les métaux
sont composés ?
R. Cela s'entend absolument du mercure des Philoso-
phes , et aucunement du mercure commun ou vulgaire , qui
ne peut être une semence ayant lui-même en soi la semence
comme les autres métaux (3) .
On peut se figurer le Mercure des Philosophes comme l'âme des
choses .
D. 51. - Que faut-il donc prendre précisément pour le
sujet de notre matière ?·
R. On doit prendre la semence seule ou grain fixe , et non

( 1 ) Le Mercure féminin ( ♬ du 7 ) fécondé par le Soufre


måle 4 ( du même tétragramme) .
(2) Il est des Kabbalistes pour définir le Soufre Δun feu « conglu-
tiné ». Le feu - A l'analogie des figures représentatives n'est pas
arbitraire .
(3) Notre Mercure diffère autant du vulgaire, que le lin dif-
fère de la soie . Juif Abraham (ASCH MEZAREPH) .
[ Ces trois notes sont de Stanislas de Guaita] .
131

pas le corps entier qui est distingué en måle vif, c'est-à-dire ,


soufre ; et femelle vive, c'est-à-dire en mercure .
Les Philosophes se gardent bien d'agir sur un résultat qui est
acquis. Ils prétendent remonter à la source de l'action qui doit s'exer-
cer, afin d'influencer celle- ci avant qu'elle se soit traduite en acte.
D. 52. Quelle opération faut-il faire ensuite ?
R.
On doit les conjoindre ensemble , afin qu'ils puissent
former un germe , d'où ensuite ils arrivent à procréer un fruit
de leur nature .
<«< Prends donc le mâle vif et la femelle vive, et les conjoints ensem-
ble, afin qu'ils s'imaginent un sperme pour procréer un fruit de leur
Nature » , dit à ce sujet le Cosmopolite .
D. 53. - Qu'entend donc de faire l'Artiste dans cette opé-
ration ?
R. - L'Artiste n'entend faire autre chose, sinon de séparer
ce qui est subtil de ce qui est épais (1).
Et le mettre dans un vaisseau convenable, ajoute le Cosmopolite.
D. 54. - A quoi se réduit conséquemment toute la combi-
naison philosophique ?
R. - Elle se réduit à faire d'un deux et de deux un, et rien
de plus.
Le Cosmopolite poursuit : « Il y a un Dieu , de cet un est engendré
le Fils , tellement qu'un en a donné deux , et deux ont donné un Saint
Esprit, procédant de l'un et de l'autre ... D'un tu ne saurais faire un,
c'est à Dieu seul à qui cela est réservé en propre. Qu'il te suffise que tu
puisses de deux en créer un qui te soit utile ; et à cet effet sache que le
sperme multiplicatif est la seconde et non la première matière de tous
métaux et de toutes choses, car la première matière des choses est
invisible, elle est cachée dans la Nature ou dans les Eléments ; mais la
seconde apparaît quelquefois aux Enfants de la Science. >>
D. 55. - Y a-t-il dans la Maçonnerie quelque analogie qui
indique cette opération ?
-
R. Elle est suffisamment sensible à tout esprit qui voudra
réfléchir en s'arrêtant au nombre mystérieux de trois , sur
lequel roule essentiellement toute la science maçonnique.
D. 56 . - Où se trouve la semence et la vie des métaux et
minéraux ? (2) .

(1 ) Tu sépareras la terre du feu , le léger et le subtil du pesant et


de l'épais... Tu acquerras ainsi la gloire de tout l'univers ... Là est
vraiment la force forte de toute force (Hermès) (Note de Stanislas de
Guaita).
(2) C'est la lumière astrale Elle rayonne dans le Soleil, brille
- 132

R. La semence des minéraux est proprement l'eau qui se


trouve au centre et au cœur du minéral .
Dans le centre du cœur , dit le Cosmopolite .
D. 57 . Comment la nature opère-t-elle par le secours de
l'art ?
R. - Toute semence , quelle qu'elle soit, est de nulle valeur ,
si par l'art ou par la nature elle n'est mise en une matrice
convenable , où elle reçoit sa vie en faisant pourrir ( 1 ) le
germe, et causant la congellation du point pur ou grain
fixe.
La vie étant une dans son essence , elle ne peut se communiquer à
la semence, tant que celle-ci ne s'est pas mise en rapport, en s'y fixant,
avec une source d'écoulement vital .
D. 58. Comment la semence est-elle ensuite nourrie (2)
et conservée ?
R. Par la chaleur de son corps .
D. 59. - Que fait donc l'Artiste dans le règne minéral ?
R. Il achève ce que la nature ne peut finir à cause de la
crudité de l'air, qui par sa violence a rempli les pores de cha-
que corps , non dans les entrailles de la terre, mais dans la
superficie .
L'artiste se contente de préparer intelligemment les voies à la Nature,
en écartant les obstacles qui empêchent celle-ci d'accomplir son
œuvre.
D. 60. ― Quelle correspondance ont les métaux entr'eux ?
R. --- Pour bien entendre cette correspondance, il faut con-
sidérer la position des planètes et faire attention que Saturne
est le plus haut de tous, auquel succède Jupiter , puis Mars , le
Soleil , Vénus , Mercure , et enfin la Lune . Il faut observer que
les vertus des planètes ne montent pas, mais qu'elles descen-
dent, et l'expérience nous apprend que Mars se convertit facile-
ment en Vénus , et non pas Vénus en Mars , comme étant plus
basse d'une sphère : ainsi Jupiter se transmue aisément en

dans les métaux , végète dans les plantes, circule dans le sang et le
colore. Eliphas Lévi, passim...
(1 ) Synonymes à noter pourrir ou mortifier ; congélation ou
fixation ou souvent cristallisation .
(2) Syn. nutrition et multiplication .
[Notes de Stanislas de Guaita].
133

Mercure ; parce que Jupiter est plus haut que Mercure, celui-
là est le second après le firmament , celui-ci est le second
au-dessus de la terre , et Saturne le plus haut ; la Lune la plus
basse le Soleil se mêle avec tous , mais il n'est jamais amé-
lioré par les inférieurs . On voit clairement qu'il y a une grande
correspondance entre Saturne et la Lune, au milieu desquels
est le Soleil ; mais à tous ces changements le Philosophe doit
tâcher d'administrer du Soleil .
Après avoir fait ressortir aussi des correspondances , d'une part
entre Mercure et Jupiter, puis de l'autre entre Mars -h-
et Vénus , le Cosmopolite ajoute : « La plupart des opé-
rateurs savent bien comme on transmue le fer ♂ en 2.
cuivre sans le Soleil , et comme il faut convertir
Jupiter en Mercure ; même il y en a quelques-
uns qui du Saturne en font de la Lune C : mais s'ils
savoient à ces changements administrer la nature du
Soleil , certes ils trouveroient une chose plus précieuse
que tous les trésors du monde.
D. 61. ― Quand les Philosophes parlent de l'or ou de l'ar-
gent, d'où ils extraient leur matière , entendent- ils parler de
l'or ou de l'argent vulgaires ?
R. — Non, parce que l'or et l'argent vulgaires sont morts ,
tandis que ceux des Philosophes sont plein de vie ( 1 ) .
D 62. Quel est l'objet de la recherche des Maçons?
R. C'est la connaissance de l'art de perfectionner ce que
la nature a laissé imparfait dans le genre humain et d'arriver
au trésor de la vraie morale.
D. 63. - Quel est l'objet de la recherche des Philosophes ?
R. C'est la connaissance de l'art de perfectionner ce que
la nature a laissé imparfait dans le genre minéral et d'arriver
au trésor de la pierre philosophale.
D. 64. - Qu'est-ce que cette pierre ?
R. La pierre philosophale n'est autre chose que l'hu-

(1) Pour la suite de son Catéchisme , le Baron de Tschoudy ne s'est


plus inspiré du « Cosmopolite » , mais bien de « La Lumière sor-
tant des Ténèbres » , ouvrage qui commente l'Ode italienne , que
l'on trouvera reproduite, avec traduction et commentaires , au chapitre
suivant . Nous renvoyons donc à ce chapitre le lecteur avide d'éclair.
cissements, que nous ne pourrions donner ici sans tomber dans de
fastidieuses répétitions .
134

mide radical des éléments , parfaitement purifiés et amenés à


une souveraine fixité, ce qui fait qu'elle opère de si grandes
choses pour la santé, la vie résidant uniquement dans l'hu-
mide radical.
La fameuse Pierre des Sages est représentée ici comme une sub-
stance animique, comme un principe d'action intimément lié aux sour-
ces mêmes de la vie des individus .
D. 65 . En quoi consiste le secret de faire cet admirable
œuvre ?
R. — Ce secret consiste à savoir tirer de puissance en acte
le chaud inné, ou le feu de nature renfermé dans le centre de
l'humide radical .
La vie du corps n'est autre chose , selon « La Lumière sortant des
Ténèbres » (page 43) , que le chaud inné, le feu de nature , le vray
Souphre des Sages , que les Philosophes sçavent amener de puissance
en acte dans leur Pierre.
D. 66. Quelles sont les précautions qu'il faut prendre
pour ne pas manquer l'œuvre ?
R. - - Il faut avoir grand soin d'ôter les excréments à la
matière, et ne songer qu'à avoir le noyau , ou le centre qui ren-
ferme toute la vertu du mixte.
D. 67 . Pourquoi cette médecine guérit-elle toutes sortes
de maux ?
R. Cette médecine a la vertu de guérir toutes sortes de
maux, non pas à raison de ses différentes qualités , mais en
tant seulement qu'elle fortifie puissamment la chaleur natu-
relle, laquelle elle excite doucement , au lieu que les autres
remèdes l'irritent par un mouvement trop violent .
« Un pareil remède n'agit pas violemment et n'irrite pas la nature,
au contraire il rétablit ses forces languissantes, et luy communique,
par ses influences bénignes et fécondes, une chaleur naturelle en
laquelle il abonde : C'est par là qu'il opère dans les corps des animaux
des cures admirables et incroyables , lors qu'au lieu d'employer la
main du Médecin , la nature seule sert en même temps de Médecin et
de remède » ( Loc . cit . page 44) . N'est-il pas question ici des pro-
priétés curatives du fluide des magnétiseurs ?
D. 68 . - Comment me prouverez- vous la vérité de l'art à
l'égard de la teinture ?
R. - Cette vérité est fondée premièrement sur ce que la
poudre physique étant faite de la même matière dont sont for-
més les métaux , à savoir de l'argent-vif, elle a la faculté de
135 -

se mêler avec eux dans la fusion , une nature embrassant


aisément une autre nature , qui lui est semblable ; seconde-
ment sur ce que les métaux imparfaits n'étant tels que parce
que leur argent- vif est cru , la poudre physique, qui est un
argent vif mûr et cuit, et proprement un pur feu , leur peut
aisément communiquer la maturité et les transmuer en sa
nature , après avoir fait attraction de leur humide cru , c'est-
à-dire de leur argent vif, qui est la seule substance qui se
transmue , le reste n'étant que des scories et des excréments ,
qui sont rejetés dans la projection .
D. 69. Quelle route doit suivre le Philosophe pour par-
venir à la connaissance et à l'exécution de l'oeuvre physique ?
R. La même route que le grand Architecte de l'univers
employa à la création du monde, en observant comment le
chaos fut débrouillé .
D. 70. Quelle était la matière du chaos ?
R. Ce ne pouvait être autre chose qu'une vapeur humide ,
parce qu'il n'y a que l'eau entre les substances créées , qui se
termine par un terme étranger et qui soit un véritable sujet
pour recevoir les formes .
On se figure le chaos comme une ténébreuse humidité, sorte de
brouillard opaque où tout se trouverait à l'état de diffusion .
D. 71 . - Donnez- moi un exemple de ce que vous venez de
dire .
-
R. Cet exemple peut se prendre des productions particu-
lières des mixtes , dont les semences commencent toujours par
se résoudre en une certaine humeur , qui est le chaos particu-
lier , duquel ensuite se tire comme par irradiation toute la
forme de la plante . D'ailleurs il faut observer que l'écriture
ne fait mention en aucun endroit que de l'eau pour le sujet
matériel, sur lequel l'esprit de Dieu était porté, et la lumière
pour forme universelle (1).
-
D. 72. Quel avantage le Philosophe peut-il tirer de cette
réflexion, et que doit- il particulièrement remarquer dans la
manière dont l'Etre Suprème créa le monde ?
R. - D'abord , il observera la matière dont le monde a été

(1) Spiritus ferebatur super aquas : l'ardeur sulphureuse


sur l'humidité mercurielle (S. de G. ) .
136 -

créé. Il verra que, de cette masse confuse , le souverain Artiste


commença par faire l'extraction de la lumière , qui , dans le
même instant, dissipa les ténèbres qui couvraient la surface
de la terre, pour servir de forme universelle à la matière . Il
concevra ensuite facilement que , dans la génération de tous
les mixtes , il se fait une espèce d'irradiation et une séparation
de la lumière d'avec les ténèbres , en quoi la nature est perpé-
tuellement imitatrice de son créateur . Le Philosophe com-
prendra pareillement comme, par l'action de cette lumière, se
fit l'étendue, ou autrement le firmament séparateur des eaux
d'avec les eaux le ciel fut ensuite orné de corps lumineux ;
mais les choses supérieures étant trop éloignées des inférieu-
res , il fut besoin de créer la Lune, comme flambeau intermé-
diaire entre le haut et le bas, laquelle , après avoir reçu les
influences célestes , les communique à la terre ; le Créateur
rassemblant ensuite les eaux , fit apparoir le sec .
« …..ou la Terre, qui fut comme l'excrément et les fèces de ce pre-
mier cahos » , ajoute l'auteur de la Lumière sortant des Ténèbres .
D. 73. Combien y a-t-il de Cieux ?
R. ― Il n'y en a proprement qu'un à savoir , le Firma-
ment séparateur des eaux d'avec les eaux : cependant on en
admet trois : le premier , qui est depuis le dessus des nues , où
les eaux raréfiées s'arrêtent et retombent jusqu'aux étoiles
fixes , et dans cet espace sont les planètes et les étoiles erran-
tes . Le second , qui est le lieu même des étoiles fixes : le troi-
sième, qui est le lieu des eaux surcélestes .
D. 74. - Pourquoi la raréfaction des eaux se termine -t-elle
au premier ciel et ne monte-t - elle pas au delà ?
R. Parce que la nature des choses raréfiées est de s'éle-
ver toujours en haut, et parce que Dieu , dans ses lois éternel-
les, a assigné à chaque chose sa propre sphère .
D. 75. ― Pourquoi chaque corps céleste tourne- t- il invaria-
blement comme autour d'un axe sans décliner ?
R. -
Cela ne vient que du premier mouvement qui lui a
été imprimé, de même qu'une masse pesante mise en balan ,
et attachée à un simple fil , tournerait toujours également , si le
mouvement était toujours égal .
-
D. 76. Pourquoi les eaux supérieures ne mouillent-elles
point ?
137 -

R. A cause de leur extrême raréfaction ; c'est ainsi qu'un


savant chymiste peut tirer plus d'avantage de la science de la
raréfaction que de toute autre .
D. 77. De quelle matière est composé le firmament ou
l'étendue ?
R. Le firmament est proprement l'air, dont la nature est
beaucoup plus convenable à la lumière que l'eau .
D. 78 . Après avoir séparé les eaux du sec et de la terre,
que fit le Créateur pour donner lieu aux générations ?
R. - Il créa une lumière particulière destinée à cet office,
laquelle il plaça dans le feu central, et tempéra ce feu par
l'humidité de l'eau et la froideur de la terre ( 1 ) , afin de répri-
mer son action et que sa chaleur fût plus convenable au dessein
de son Auteur .
D. 79. Quelle est l'action de ce feu central ?
R. - Il agit continuellement sur la matière humide qui lui
est la plus voisine, dont il fait élever une vapeur, qui est le mer-
cure de la nature et de la première matière des trois règnes (2) .
D. 80. ― Comment se forme ensuite le soufre de la nature ?
R. - Par la double action ou plutôt réaction de ce feu
central sur la vapeur mercurielle .
D. 81 . Comment se fait le sel marin ?
R. ― Il se forme par l'action de ce même feu sur l'humi-
dité aqueuse ; lorsque l'humidité aérienne qui y est renfermée
vient à s'exhaler .
D. 82. Que doit faire un Philosophe vraiment Sage ,
lorsqu'une fois il a bien compris le fondement et l'ordre
qu'observa le grand Architecte de l'univers pour la construc-
tion de tout ce qui existe dans la nature ?
R. ――
Il doit être , autant qu'il se peut , un copiste fidèle de
son créateur ; dans son œuvre physique , il doit faire son
chaos tel qu'il fut effectivement ; séparer la lumière des ténè-

(1 ) Ainsi , en science hermétique comme en magnétisme occulte ,


l'indulgence doit tempérer la rigueur et la Sévérité corriger la Bonté
(S. de G.) .
(2 ) Voir, dans l'Enfer des anciens, l'Acheron et le Phlegeton : La
chaleur du Phlegeton fait monter de l'Acheron une buée épaisse, et
cette buée réagit sur le Phlégeton . (Note de Stanislas de Guaita,
d'après qui nous avons souligné les textes en italiques ci-dessus) .
138

bres ; former son firmament séparateur des eaux d'avec les


eaux, et accomplir enfin parfaitement, en suivant la marche
indiquée , tout l'ouvrage de la création .
D. 83 . Avec quoi fait-on cette grande et sublime opé-
ration ?
R. - Avec un seul corpuscule ou petit corps, qui ne con-
tient, pour ainsi dire, que des FÈCES , saletés, abominations,
duquel on extrait UNE CERTAINE HUMIDITÉ TÉnébreuse et mer-
CURIELLE, qui comprend en soi tout ce qui est nécessaire au
Philosophe, parce qu'il ne cherche en effet que le VRAI MERCURE .
D. 84. De quel mercure doit-il donc se servir pour
l'œuvre ?
R. - D'un mercure qui ne se trouve tel sur la terre, mais
qui est extrait des corps , et nullement du mercure vulgaire,
comme il a été dit.
D. 85 . ― Pourquoi ce dernier n'est- il pas le plus propre à
notre œuvre ?
R. - Parce que le Sage Artiste doit faire attention que le
mercure vulgaire ne contient pas en soi la quantité suffisante
de soufre et que, par conséquent, il doit travailler sur un corps
créé par la nature , dans lequel elle-même aura joint ensemble
le soufre et le mercure, lesquels l'Artiste doit séparer.
D. 86. Que doit- il faire ensuite ?
R. Les purifier et les rejoindre derechef.
D. 87 . - Comment appelez-vous ce corps -là ?
R. Pierre brute, ou chaos, ou illiaste , ou hylé (rλn) .
D. 88. -- Est-ce la même pierre brute dont le symbole
caractérise nos premiers grades ?
R.Oui, c'est la même que les Maçons travaillent à dégros-
sir, et dont ils cherchent à ôter les superfluités ; cette pierre
brute est, pour ainsi-dire, une portion de ce premier chaos, ou
masse confuse connue, mais méprisée d'un chacun.
D. 89. Puisque vous me dites que le mercure est la
seule chose que le Philosophe doit connaître, pour ne s'y pas
méprendre, donnez-m'en une description circonstanciée .
R. - Notre mercure , eu égard à sa nature , est double , fixe
et volatil ; eu égard à son mouvement , il est double aussi ,
puisqu'il a un mouvement d'ascension et un de descension :
par celui de descension , c'est l'influence des plantes , par
139 -

laquelle il réveille le feu de la nature assoupi , et c'est son pre-


mier office avant sa congellation par le mouvement d'ascen-
sion, il s'élève pour se purifier, et comme c'est après sa congel-
lation , il est considéré alors comme l'humide radical des choses,
lequel sous de viles scories ne laisse pas de conserver la
noblesse de sa première origine ( 1).
<< C'est une Vierge très pure qui n'a pas perdu sa virginité, quoy
qu'on la trouve au milieu des places publiques ; elle est en tout corps
et chaque composé la recelle en luy ; mais que seroit- ce qu'un corps,
sans son humide radical, et comment une substance pourrait-elle sub-
sister sans son propre sujet... »
D. 90. - Combien compte-t-on d'humide dans chaque
composé ?
R. - Il y en a trois 1º l'élémentaire , qui n'est proprement
que le vase des autres éléments ; 2º le radical, qui est pro-
prement l'huile, ou le baume dans lequel réside toute la vertu
du sujet ; 3° l'alimentaire, c'est le véritable dissolvant de la
nature , excitant le feu interne, assoupi , causant par son
humidité la corruption et la noirceur, et entretenant, et ali-
mentant le sujet.
Dans chaque corps , l'humidité élémentaire est opiniâtrement unie
à la Terre ; elle n'abandonne jamais absolument le composé et lui
demeure attachée jusque dans ses cendres et dans le Sel qui en est
tiré c'est le véritable et très pur Elément de l'eau qui n'a reçu
aucune altération des autres Eléments .
L'humidité radicale renferme la force du corps ; mais elle
s'enflamme et se sépare aisément du composé . Il en reste pourtant tou-
jours quelque petite portion , même dans les cendres, mais elle se
dissipe entièrement dans la vitrification.
Quant à l'humidité alimentaire, elle est de la nature de l'humi-
dité radicale antérieurement à la congélation de celle-ci et aux altéra-
tions que lui font subir les agents spécifiques. Elle est volatile et aban-
donne presque la première le corps . - C'est le fluide vital dont la
transfusion peut s'effectuer d'un sujet à un autre . On y a vu aussi le
Mercure végétable, encore en voie de descension pour aller multiplier
la semence dans les corps .
<< Au reste, conclut B. D. L., la connaissance de ces trois humidi-
tez est plus nécessaire pour ceux qui s'attachent à notre science que
celle de leur propre langue , car sans elle il est absolument impossible
de bien connoître le Mercure des Philosophes . >>

(1) Comme un prince sous les haillons , ajoute Stanislas de


Guaita, qui a souligné les mots en italique dans cette réponse.
― 140

D. 91 . ― Combien les Philosophes ont- ils de sorte de


mercure ?
R. Le mercure des Philosophes peut se considérer sous
quatre égards ; au premier on l'appelle le mercure des corps ,
c'est précisément la semence cachée , au second , le mercure
de la nature ; c'est le bain ou le vase des Philosophes , autre-
ment dit l'humide radical : au troisième , le mercure des Phi-
losophes, parce qu'il se trouve dans leur boutique et dans leur
minière c'est la sphère de Saturne ; c'est leur Diane ; c'est le
vrai sel des métaux , après lequel , lorsqu'on l'a acquis , com-
mence seulement le véritable œuvre philosophique au qua-
trième égard, on l'appelle le mercure commun , non pas celui
du vulgaire, mais celui qui est proprement le véritable air des
Philosophes, la véritable moyenne substance de l'eau, le vrai
feu secret et caché , nommé le FEU COMMUN , à cause qu'il est
commun à toutes les minières, qu'en lui consiste la substance
des métaux, et que c'est de lui qu'ils tirent leur quantité et
qualité (Caute lege . S. de G.).
Le Mercure des corps est le principal , le plus noble , le plus virtuel
et le plus actif de tous . C'est lui qui est véritablement la Pierre .
Le Mercure de Nature est l'eau véritablement philosophique, le
sperme des métaux et le fondement de toute la Nature .
Le Mercure des Philosophes est de nature très puissante. C'est le
grand agent magique donnant prise sur toutes choses .
C'est enfin par le Mercure commun , que les corps des minéraux
sont augmentez et c'est en luy que consiste la substance métallique .
D. 92. - Pourquoi les Maçons ont-ils les nombres impairs ,
et nommément le septenaire , en vénération ?
R. Parce que la nature , qui se plait dans ses propres
nombres , est satisfaite du nombre mystérieux de sept, surtout
dans les choses subalternes, ou qui dépendent du globe
lunaire ; la lune nous faisant voir sensiblement un nombre
infini d'altérations et de vicissitudes dans ce nombre septe-
naire.
« C'est par ce nombre magique, ajoute B. D. L. , que la Nature et
tout ce qui en dépend est secrètement gouverné ... Il permet de com-
prendre l'ordre de l'Univers . »
D. 93. - Combien d'opérations y a -t- il dans notre œuvre ?
R. Il n'y en a qu'une seule, qui se réduit à la sublima-
tion qui n'est autre chose, selon Geber, que l'élévation de la
141

chose sèche par le moyen du feu avec adhérence à son propre


vase.
Pour faire une bonne sublimation , il importe de connaître trois
choses : le feu , la chose sèche et le vase . Afin d'y adhérer, la chose
sèche doit être de la nature du vaisseau ; mais comme la sécheresse
tient du feu , il s'agit , dans l'ensemble , d'une opération essentiellement
ignée ou spirituelle, d'une purification simultanée et d'une exaltation
progressive de l'esprit ( feu), de l'âme (chose sèche adhérente) et du
corps (vase).
D. 94. Quelle précaution doit-on prendre en lisant les
Philosophes hermétiques ?
R. - Il faut surtout avoir grand soin de ne pas prendre
ce qu'ils disent à ce sujet au pied de la lettre , et suivant le son
des mots Car la lettre tue et l'esprit vivifie .
D. 95. - Quels livres doit-on lire pour parvenir à la con-
naissance de notre science ?
R. Entre les anciens, il faut lire particulièrement tous
les ouvrages d'Hermès , ensuite un certain livre intitulé : le
passage de la Mer Rouge et un autre appelé l'Abord de la Terre
promise . Parmi les anciens , il faut lire surtout Paracelse, et
entre autres son Sentier Chymique ou Manuel de Paracelse,
qui contient tous les mystères de la physique démonstrative et
de la plus secrète cabale ; ce livre manuscrit , précieux et
original, ne se trouve que dans la bibliothèque du Vatican ( 1 ) ;
mais Sendivogius a eu le bonheur d'en tirer une copie, qui a
servi à éclairer quelqu'un des sages de notre Ordre . 2º Il faut
lire Raymond Lulle, et surtout son Vade mecum , son dialo-
gue appelé Lignum vitae, son testament et son codicille ; mais
on sera en garde contre ces deux derniers ouvrages , parce
que, ainsi que ceux de Geber, ils sont remplis de fausses recet-
tes, de fictions inutiles et d'erreurs sans nombre , ainsi que
les ouvrages d'Arnauld de Villeneuve, leur but, en cela, ayant
été, suivant toute apparence, de déguiser davantage la vérité
aux ignorants . 3º Le Turba Philosophorum, qui n'est qu'un
ramas d'anciens Auteurs , contient une partie assez bonne ,
quoiqu'il y ait beaucoup de choses sans valeur. 4º Entre les

(1) Voir plus haul, page 116 , l'indication des ouvrages imprimés
renfermant toute la substance de ce mystérieux manuscrit .
- 142

auteurs du moyen âge , on doit estimer Zacharie, Trevisan ,


Roger Bacon et un certain anonyme, dont le livre a pour titre :
Des Philosophes. Parmi les auteurs modernes , on doit faire
cas de Jean Fabre, Français de nation , et de Despagnet, ou
l'auteur de la Physique restituée, quoiqu'à dire vrai , il ait
mêlé dans son livre quelques faux préceptes et des sentiments
erronés .
B. D. L. se contente de recommander les traités qui se trouvent dans
le Museum Hermeticum et surtout celui qui a pour titre Via Veri-
tatis « quoy qu'il y ait aussi bien que dans les autres un serpent
caché, qui d'abord ne laisse pas de piquer ceux qui n'y prennent pas
garde ».
D. 96 . Quand un Philosophe peut -il risquer d'entre-
prendre l'œuvre ?
R. - Lorsqu'il saura par théorie tirer d'un corps dissout
par le moyen d'un esprit crud , un esprit digeste , lequel il fau-
dra derechef rejoindre à l'huile vitale.
D. 97. Expliquez-moi cette théorie plus clairement.
R.
Pour rendre la chose plus sensible, en voici le pro-
cédé ce sera lorsque le Philosophe saura, par le moyen d'un
menstrue végétable uni au minéral , dissoudre un troisième
menstrue essentiel , avec lequel réunis il faut laver la terre et
l'exalter ensuite en quintessence céleste, pour en composer
leur foudre sulfureux , lequel dans un instant pénètre les corps
et détruit leurs excréments .
Cette réponse est tout aussi énigmatique que la précédente . Pour
opérer les miracles d'une seule chose (du fluide universel ) , il s'agit de
savoir dissoudre le corps , c'est-à-dire amener l'individu à se fondre
dans la vie du tout . L'esprit cru (l'influence extérieure) peut alors
extraire l'esprit qui a été mûri dans la prison corporelle . Mais cette
émancipation, cette mort initiatique , n'est que momentanée, l'esprit
individuel extériorisé , détaché et sublimé , se hâtant de revenir à son
huile vitale, après s'être imprégné des vertus supérieures.
Le menstrue végétable est cette humidité alimentaire dont il a été
question plus haut, autrement dit le Mercure dans son mouvement
involutif ou descendant . Cette humidité agit sur les deux autres (l'hu-
mide radical et l'humide élémentaire), afin de déterminer une circula-
tion purificative des écorces terrestres . Celles- ci ayant été rendues
perméables à la lumière extérieure, l'illumination du sujet se produit
et il peut acquérir le pouvoir transmutateur .
D. 98. Comment donnons - nous , dans nos éléments
maçonniques, les rudiments de cette quintessence céleste ?
-- 143 --

R. Par le symbole de l'Etoile flamboyante, que nous


disons feu central et vivificateur .
D. 99. - Ceux qui prétendent se servir d'or vulgaire pour
la semence et du mercure vulgaire pour le dissolvant ou pour
la terre dans laquelle il doit être semé, ont-ils une parfaite
connaissance de la nature ?
R. -
Non vraiment, parce que ni l'un ni l'autre n'ont en
eux l'agent externe : l'or , pour en avoir été dépouillé par la
décoction , et le mercure pour n'en avoir jamais eu .
D. 100. En cherchant cette semence aurifique ailleurs
que dans l'or même , ne risque-t-on pas de produire une
espèce de monstre, puisqu'il paraît que l'on s'écarte de la
nature ?
R. Il est sans aucun doute , que dans l'or est contenue
la semence aurifique , et même plus parfaitement qu'en aucun
autre corps mais cela ne nous oblige pas à nous servir de
l'or vulgaire , car cette semence se trouve pareillement en cha-
cun des autres métaux , et ce n'est autre chose que ce grain
fixe, que la nature a introduit en la première congellation du
mercure , tous les métaux ayant une même origine, et une
matière commune, ainsi que le connaîtront parfaitement au
grade suivant ceux qui se rendront dignes de le recevoir par
leur application et une étude assidue .
D. 101. - Que s'ensuit-il de cette doctrine ?
R. - Elle nous enseigne que, quoique la semence soit plus
parfaite dans l'or, toutefois elle se peut extraire bien plus aisé-
ment d'un autre corps que de l'or même. La raison en est que
les autres corps sont bien plus ouverts , c'est-à -dire moins digé-
rés et leur humidité moins terminée .
D. 102. Donnez-moi un exemple pris dans la nature .
R. L'Or vulgaire ressemble à un fruit, lequel, parvenu à
une parfaite maturité, a été séparé de l'arbre, et quoiqu'il y ait
en lui une semence très parfaite et très digeste , néanmoins si
quelqu'un, pour le multiplier, le mettait en terre, il faudrait
beaucoup de temps, de peine , de soins , pour le conduire jusqu'à
la végétation. Mais si, au lieu de cela , on prenait une greffe ou
une racine du même arbre et qu'on la mît en terre, on la verrait
en peu de temps et sans peine végéter et rapporter beaucoup de
fruits.
144 -

Comparaison merveilleuse et d'une étonnante précision , d'après


St. de Guaita, qui a souligné ce passage .
D. 103. ―- Est-il nécessaire à un amateur de cette science de
connaître la formation des métaux dans les entrailles de la
terre, pour parvenir à former son œuvre ?
R. Cette connaissance est tellement nécessaire , que , si
avant toute autre étude , on ne s'y appliquait pas , et l'on ne
cherchait pas à imiter la nature en tout point , jamais on ne
pourrait arriver à rien faire de bon .
D. 104. Comment la nature forme-t- elle donc les métaux
dans les entrailles de la terre et de quoi les compose-t-elle ?
R. — La nature les compose tous de soufre et de mercure et
les forme par leur double vapeur .
D. 105. ― Qu'entendez -vous par cette double vapeur et
comment par cette double vapeur les métaux peuvent-ils être
formés ?
R. - Pour bien entendre cette réponse , il faut savoir d'abord
que la vapeur mercurielle, unie à la vapeur sulfureuse en un
lieu caverneux où se trouve une eau salée qui leur sert de
matrice, il se forme premièrement le vitriol de nature seconde-
ment de ce vitriol de nature , par la commotion des éléments ,
s'élève une nouvelle vapeur , qui n'est ni mercurielle ni sulfu-
reuse , mais qui tient des deux natures , laquelle , arrivant en
des lieux où adhère la graisse du soufre , s'unit avec elle et
de leur union se forme une substance glutineuse, ou masse
informe ; sur laquelle la vapeur répandue en ces lieux caver-
neux agissant par le moyen du soufre qu'elle contient en elle ,
il en résulte des métaux parfaits si le lieu et la vapeur sont
purs, et imparfaits si , au contraire , le lieu et la vapeur sont
impurs ils sont dits imparfaits , ou non parfaits, pour
n'avoir pas reçu leur entière perfection par la coction .
Le Vitriol de Nature est une Terre lucide , un sel en lequel se con-
densent les esprits mercuriels et sulfureux ; c'est la matière vivante ,
d'où émane un fluide sulfo- mercuriel susceptible de se combiner avec
d'autres émanations, pour donner naissance à la gamme des métaux
philosophiques dont se compose toute individualité .
D. 106. Que contient en soi cette vapeur ?
R. Elle contient un esprit de lumière et de feu de la
nature des corps célestes, lequel doit être proprement consi-
déré comme la forme de l'univers .
145

D. 107. Que représente cette vapeur ?


R. Cette vapeur ainsi imprégnée de l'esprit universel , qui
n'est autre que la véritable Etoile flamboyante , représente
assez bien le premier chaos, dans lequel se trouvait renfermé
tout ce qui était nécessaire à la création , c'est- à - dire la
matière et la forme universelle .
C'est elle qu'Hermès appelle vent, lequel porte en son ventre le fils
du Soleil. "
D. 108. Ne peut on pas non plus employer l'argent-vif
vulgaire dans ce procédé ?
R. Non, parce que, comme il a déjà été dit , l'argent-vif
vulgaire n'a pas avec lui l'agent externe .
D. 109 . Comment cela est- il désigné en Maçonnerie ?
R. Par le mot de vulgaire ou profane ; en nommant tel
tout sujet qui n'est pas propre à l'œuvre maçonnique. C'est dans
ce sens qu'il convient d'entendre le couplet : Vous qui du vul-
gaire stupide, etc. Il est appelé stupide, parce qu'il n'a pas vie
en soi.
D. 110. D'où provient que l'argent-vif vulgaire n'a pas
avec lui son agent externe ?
R.
De ce que lors de l'élévation de la double vapeur, la
commotion est si grande et si subtile ( 1 ) , qu'elle fait évaporer
l'esprit ou l'agent , à peu près comme il arrive dans la fusion
des métaux de sorte que la seule partie mercurielle reste pri-
vée de son mâle ou agent sulfureux, ce qui fait qu'elle ne peut
jamais être transmuée en or par la nature.
D. 111 . Combien de sortes d'or distinguent les Phi-
losophes ?
R. Trois sortes : l'or astral , l'or élémentaire et l'or vul-
gaire .
C'est cet or astral qu'Eliphas Lévi qualifie de lumière astrale,
d'accord en cela avec l'école de Pascalis-Martinez . (Note de St.de G. )
D. 112. - Qu'est-ce que l'or astral ?
R. ―
- L'or astral a son centre dans le Soleil , qui le commu-
nique par ses rayons, en même temps que sa lumière , à tous
les êtres qui lui sont inférieurs : c'est une substance ignée et

(1 ) Lisez Subite » , comme le veut le texte original page 175 de


« la Lumière sortant des Ténèbres ».
10
- 146 -

qui reçoit une continuelle émanation des corpuscules solaires


qui pénètrent tout ce qui est sensitif, végétatif et minéral .
D. 113. -Est-ce dans ce sens qu'il faut considérer le Soleil
peint au tableau des premiers grades de l'Ordre ?
R. Sans difficulté : toutes les autres interprétations sont
des voiles pour déguiser au candidat les vérités philosophiques
qu'il ne doit point appercevoir du premier coup d'œil et sur les-
quelles il faut que son esprit et ses méditations s'exercent .
D. 114 . - Qu'entendez - vous par or élémentaire ?
R. - C'est la plus pure et la plus fixe portion des éléments
et de toutes les substances qui en sont composées ; de sorte que
tous les êtres sublunaires des trois genres contiennent dans
leur centre un précieux grain de cet or élémentaire .
D. 115 . - Comment est-il figuré chez nos Frères les
Maçons ?
R. Ainsi que le soleil au tableau indique l'or astral, la
lune signifie son règne sur tous les corps sublunaires qui lur
sont subjacents, contenant en leur centre le grain fixe de l'or
élémentaire.
D. 116 Expliquez -moi l'or vulgaire.
R. - C'est le plus beau métal que nous voyons et que la
nature puisse produire , aussi parfait en soi qu'inaltérable .
D. 117. Où trouve-t-on sa désignation aux symboles de
l'Art Royal ?
R. Dans les trois médailles etc. , le triangle, le compas et
tous autres bijoux ou instruments représentatifs comme de pur
' or.
D. 118. De quelle espèce d'or est la pierre des Philoso-
phes ?
R. - Elle est de la seconde espèce , comme étant la plus pure
portion de tous les éléments métalliques après sa purification
et alors il est appelé or vif philosophique .
D. 119. Que signifie le nombre quatre adopté dans le
grand Ecossisme de Saint- André d'Ecosse, le complément des
progressions maçonniques ?
R. Outre leparfait équilibre et la parfaite égalité des qua-
tre éléments dans la Pierre physique, il signifie quatre choses
qu'il fautfaire nécessairement pour l'accomplissement de l'œu-
vre, qui sont : composition, altération , mixtion et union , les-
147

quelles, une fois faites dans les règles de l'art, donneront le fils
légitime du soleil et produiront le Phénix toujours renaissant
de ses cendres.

D. 120. Qu'est-ce que c'est proprement que l'or vif des


Philosophes ?
R.
Ce n'est autre chose que le feu du mercure, ou cette
vertu ignée renfermée dans l'humide radical , à qui il a déjà
communiqué la fixité et la nature du soufre, d'où il est
émané : le soufre des Philosophes ne laissant pas aussi d'être
appelé mercure, à cause que toute sa substance est mercu-
rielle .
D. 121. - Quel autre nom les Philosophes donnent-ils à leur
or vif ?
R. - Ils l'appellent aussi leur soufre vif, ou leur vrai feu ,
et il se trouve renfermé en tout corps et nul corps ne peut
subsister sans lui .
L'auteur de « La Lumière sortant des Ténèbres » , parlant de
l'Or vif, dit que ce n'est pas sans raison que les Philosophes lui ont
donné le nom d'Or , car il est réellement Or en essence et en sub-
stance, mais bien plus achevé que celuy du vulgaire : c'est un Or qui est
tout Souphre, ou plutôt, c'est un vray Souphre de l'Or ; un Or qui est
tout feu , ou plutôt le vray feu de l'Orqui ne s'engendre que dans les
cavernes et dans les mines philosophiques ; un Or qui ne peut être
altéré ny surmonté par aucun Elément puisqu'il est luy-même le
maître des Elémens ; un Or très fixe en qui seul consiste la fixité ;
un Or très pur, car il est la pureté même ; un Or tout puissant, car
sans luy tout languit ; Or balzamique , c'est luy qui préserve tous les
corps de pourriture ; Or animal , c'est l'âme des Elémens et de toute
la Nature inférieure ; Or végétable, c'est le principe de toute végéta-
tion ; Or minéral , car il est sulphureux , mercuriel et Salix ; Or
éthéré, car il est de la propre nature des Cieux et c'est un vray Ciel
terrestre voilé par un autre Ciel ; enfin c'est un Or solaire , car c'est
le fils légitime du Soleil et le vray Soleil de la Nature ; c'est luy dont
la vigueur fortifie les Elémens, dont la chaleur anime les esprits et
dont le mouvement meut toute la Nature ; de son influence naissent
toutes les vertus des choses, car il est l'influence de la Lumière, une
portion des Cieux , le Soleil inférieur et la Lumière de la Nature, sans
laquelle la science même est aveugle ; sans sa chaleur la raison est
imbécille ; sans ses rayons l'imagination est morte ; sans ses influen-
ces l'esprit est stérile, et sans sa Lumière l'entendement demeure
dans de perpétuelles ténèbres.....
L'Or vif des Philosophes n'est encore autre chose que le pur feu du
Mercure, c'est-à-dire la plus digeste et la plus accomplie portion de
148

la très noble vapeur des Elémens ; c'est l'humide radical de la


Nature plein de son chaud inné, c'est une lumière revêtue d'un
corps éthéré parfaitement pur...
D. 122.- Où faut-il chercher notre or vif, ou notre soufre
vif et notre vrai feu ?
R. Dans la maison du mercure .
D. 123. De quoi ce feu vit - il ?
R. De l'air.
D. 124. - Donnez-moi une comparaison du pouvoir de ce
feu .
R. Pour exprimer cette attraction du feu interne, on ne
peut pas donner une meilleure comparaison que celle de la
foudre, qui n'est d'abord qu'une exhalaison sèche et terrestre ,
unie à une vapeur humide , mais qui, à force de s'exalter ,
venant à prendre la nature ignée , agit sur l'humide qui lui est
inhérent, qu'elle attire à soi et transmue en sa nature , après
quoi elle se précipite avec rapidité vers la terre, où elle est
attirée par une nature fixe semblable à la sienne .
D. 125. Que doit faire le Philosophe après qu'il aura
extrait son mercure ?
R. Il doit l'amener ou réduire de puissance en acte.
D. 126. La nature ne peut-elle pas le faire d'elle -même ?
R. --- Non , parce qu'après une première sublimation , elle
s'arrête ; et de la matière ainsi disposée s'engendrent les
métaux .
D. 127. — Qu'entendent les Philosophes par leur or et par
leur argent ?
R. Les Philosophes donnent le nom d'or à leur soufre et
celui d'argent à leur mercure.
D. 128. - D'où les tirent- ils ?
R. ― Je vous ai déjà dit qu'ils les tirent d'un corps homo-
gène où ils se trouvent avec abondance et d'où ils les savent
extraire l'un et l'autre par un moyen admirable et tout à fait
philosophique.
-
D. 129. Dès que cette opération sera duement faite, que
doit-on faire ensuite ?
R. - On doit faire son amalgame philosophique avec une
très grande industrie , lequel pourtant ne se peut exécuter qu'a-
près la sublimation du mercure et sa due préparation .
149

D. 130 . - Dans quel temps unissez-vous votre matière


avec l'or vif ?
R. ― Ce n'est que dans le temps qu'on l'amalgame , c'est- à-
dire par le moyen de cette amalgame , on introduit en lui le
soufre, pour ne faire ensemble qu'une seule substance , et, par
l'addition de ce soufre , l'ouvrage est abrégé et la teinture
augmentée .
D. 131 . - Que contient le centre de l'humide radical ?
R. Il contient et cache le soufre , qui est couvert d'une
écorce dure .
D. 132. - Que faut- il faire pour l'appliquer au grand
œuvre ?
R. Il faut le tirer de ses prisons avec beaucoup d'art et
par la voie de la putréfaction .
D. 133. La nature a-t-elle dans les mines un menstrue
convenable, propre à dissoudre et à délivrer ce soufre ?
R. - Non : à cause qu'il n'a pas un mouvement local ; car
si elle pouvait de rechef dissoudre , putréfier et purifier le
corps métallique, elle nous donnerait elle-même la Pierre
physique, c'est-à-dire un soufre exalté et multiplié en vertu .
D. 134. - Comment m'expliqueriez-vous par un exemple
cette doctrine ?
R. - C'est encore par la comparaison d'un fruit
ou d'un
grain, qui est derechef mis dans une terre convenable pour y
pourrir et ensuite pour multiplier. Or le Philosophe , qui con-
naît le bon grain , le tire de son centre, le jette dans la terre
qui lui est propre , après l'avoir bien fumée et préparée , et là
il se subtilise tellement , que sa vertu prolifique s'étend et se
multiplie à l'infini .
D. 135. En quoi consiste donc tout le secret pour la
semence ?
R. A bien connaître la terre qui lui est propre .
D. 136. —Qu'entendez- vous par la semence dans l'œuvre des
Philosophes ?
R. ― J'entends le chaud inné, ou l'esprit spécifique ren-
fermé dans l'humide radical , ou la moyenne substance de l'ar-
gent vif, qui est proprement le sperme des métaux , lequel
renferme en soi sa semence .
D. 137. - Comment délivrez- vous le soufre de ses prisons ?
- 150

R. Par la putréfaction .
D. 138. Quelle est la terre des minéraux ?
R. C'est leur propre menstrue .
D. 139. Quel soin doit avoir le Philosophe pour en tirer
le parti qu'il désire ?
R. Il faut qu'il ait un grand soin de la purger de ses
vapeurs fétides et soufres impurs, après quoi on y jette la
semence.
D. 140. - Quel indice peut avoir l'artiste qu'il soit sur le
bon chemin au commencement de son œuvre ?
R. -
— Quand il verra qu'au temps de la dissolution , le dis-
solvant et la chose dissoute demeurent ensemble sous une
même forme et matière .
D. 141. — Combien de solutions y a-t-il dans l'œuvre phi-
losophique ?
R. — Il y en a trois , nombre par cette raison mystérieux et
respectable aux Maçons . La première est celle du corps cru et
métallique , par laquelle il est réduit dans ses principes de
soufre et d'argent vif ; la seconde, celle du corps physique ;
et la troisième , celle de la terre minérale .
D. 142. Comment, par la première solution , peut- on
réduire un corps métallique en mercure et puis en soufre ?
R. Par lefeu occulte artificiel ou l'Etoile flamboyante (1).
D. 143. Comment se fait cette opération ?
R. En tirant d'abord du sujet le mercure , ou la vapeur
des éléments, et, après l'avoir purifiée, s'en servir à sortir le
soufre de ses enveloppes, par la voie de la corruption , dont le
signe est la noirceur.
D. 144. Comment se fait la seconde solution ?
R. Quand le corps physique se résout avec les deux
substances susdites et acquiert la nature céleste .
D. 145. — Quel nom donnent les Philosophes à la matière
dans ce temps ?
R.
Ils l'appellent leur chaos physique (ou plus exacte-

(1) Jamais aucun alchimiste n'a aussi nettement désigné l'in-


tervention dans l'œuvre de l'ELECTRO - MAGNÉTISME (symbolisé
par le mystérieux pentagramme), intervention postérieure à
l'usage d'un premier mestrue [ S. de G. ].
151

ment philosophique) et pour lors c'est la vraie première


matière, qui n'est proprement dite telle qu'après la jonction
du mâle, qui est le soufre , et de la femelle qui est le mercure ,
et non pas auparavant .
D. 146 . - A quoi se rapporte la troisième solution ?
R. ― Elle est l'humectation de la terre minérale , et elle a
un entier rapport à la multiplication .
La première solution correspond à la mort que l'Initié a dù volon-
tairement subir . afin de renaître libre de tout esclavage profane. Elle
a pour effet de séparer le subtil de l'épais, d'extérioriser l'âme et de
dégager l'esprit des liens de la matière .
Etant extériorisée, la spiritualité réagit sur le corps , dont elle achève
la purification . La deuxième solution vient alors réaliser une sorte
de fusion harmonique des trois principes de la personnalité . L'ani-
malité domptée n'est plus que le char triomphal de la pure hominalité.
La troisième solution devient désormais possible . Elle a pour effet
de relier le Moi inférieur au Soi supérieur, d'illuminer entièrement le
sujet et de lui permettre d'accomplir les miracles de la chose Une.
D. 147. - Est- ce dans ce sens qu'il faut entendre la mul-
tiplication usitée dans les nombres maçonniques ?
R. Oui , nommément celle du nombre trois, pour le
conduire à son cube , par les progressions connues de 3 , ˚9 ,
27, 81.
D. 148 . - De quel feu doit-on se servir dans notre œuvre ?
R. - Du feu dont se sert la nature .
« Ce feu, ajoute l'auteur dont s'est inspiré le Baron de Tschoudy,
est répandu par toute la Nature, car sans luy elle ne sçauroit agir, et
partout où la vertu végétative est conservée , là aussi ce feu est caché.
Ce feu se trouve toujours joint à l'humide radical des choses et accom-
pagne continuellement le sperme cru des corps ; mais quoy qu'il soit
ainsi répandu par toute la Nature inférieure, et dispersé dans les
Elémens, il ne laisse pas d'être inconnu au monde , et ses actions ne
sont pas assez considérées . >>
D. 149. - Quel pouvoir a ce feu ?
R. Il dissout toutes choses dans le monde, parce qu'il
est le principe de toute dissolution et corruption .
C'est un esprit très cru , ennemi du repos qui ne demande que la
guerre et la destruction .
D. 150. Pourquoi l'appelle-t-on aussi mercure ?
R. Parce qu'il est de nature aërienne et une nature très
subtile participant toutefois du soufre, d'où il a tiré quelque
souillure .
152

D. 151. -- Où est caché ce feu ?


R. ― Il est caché dans le sujet de l'art .
D. 152 . - Qui est-ce qui peut connaître et former ce feu ?
R. Le Sage sait construire et purifier ce feu.
D. 153. -— Quel pouvoir et qualité ce feu a-t-il en soi ?
R. Il est très sec et dans un continuel mouvement et ne
demande qu'à corrompre et à tirer les choses de puissance en
acte ; c'est lui enfin qui , rencontrant dans les mines des lieux
solides, circule en forme de vapeur sur la matière et la dissout .
Ce feu porte les animaux à se reproduire ; il est la cause de la
croissance des végétaux ; il fait pousser les feuilles et mûrir les fruits ;
il est enfin le producteur des minéraux .
D. 154. Comment connaîtrait-on plus facilement ce feu ?
R. - Par les excréments sulfureux où il est renfermé et
par l'habillement salin dont il est revêtu .
D. 155 . - Que faut-il à ce feu pour qu'il puisse mieux
s'insinuer dans le genre féminin ?
R. A cause de son extrême siccité , il a besoin d'être
humecté.
La Lumière sortant des Ténèbres s'exprime comme suit à ce
sujet. « Ce feu, à cause de la siccité sulphureuse dont il participe,
veut être humecté, afin de s'insinuer plus librement dans le sperme
humide féminin et le corrompre par son humidité superflue ; mais à
cause de sa qualité volatile et sèche, il est très difficile de l'attraper ,
et il faut le pescher avec un rez bien délié par un moyen qui soit
propre à cela ; c'est dans cette occasion que l'Artiste doit connoître
parfaitement les sympathies des choses et leurs propriétez, et qu'il
doit être versé dans la magie naturelle .
D. 156. ― Combien y a-t-il de feux philosophiques ?
R. - Il y en a de trois sortes , qui sont le naturel , l'inna-
turel et le contre nature .
-
D. 157. Expliquez-moi ces trois sortes de feux.
R. - Le feu naturel est le feu masculin , ou le principal
agent ; l'innaturel est le féminin , ou le dissolvant de nature,
nourrissant et prenant la forme de fumée blanche , lequel
s'évanouit aisément quand il est sous cette forme , si on n'y
prend bien garde et il est presque incompréhensible , quoique ,
par la sublimation philosophique, il devienne corporel et res-
plendissant le feu contre nature est celui qui corrompt le
composé et a le pouvoir de délier ce que la nature avait for-
tement lié.
153

Le feu naturel est l'ardeur interne constructive qui provoque la


croissance et le développement des êtres . Il est difficile de l'appliquer
aux usages de l'Art , car il faudrait dans ce but le détourner de ses
fonctions normales , ce qui exige des soins minutieux , une étude per-
sévérante et un travail opiniâtre .
Il n'est guère plus aisé de disposer du feu innaturel, bien qu'il
soit extérieur et que nous soyons obligés de l'attirer à nous pour
entretenir notre vie . C'est lui qui resplendit dans l'Etoile flamboyante.
Quant au feu contre nature, il est l'agent transformateur, qui
consume les formes usées dont le renouvellement s'impose .
D. 158. Où se trouve notre matière ?
R. Elle se trouve partout, mais il la faut chercher spé-
cialement dans la nature métallique , où elle se trouve plus
facilement qu'ailleurs .
-
D. 159. Laquelle doit on préférer à toutes les autres ?
R. - On doit préférer la plus mûre, la plus propre et la
plus facile ; mais il faut prendre garde surtout que l'essence
métallique y soit non seulement en puissance , mais aussi en
acte, et qu'il y ait une splendeur métallique .
Métaux , planètes et couleurs correspondent au septenaire constitutif
de l'homme . L'éclat métallique décèle le sujet initiable , chez qui la
lumière intérieure se manifeste par des indices extérieurs .
D. 160 - Tout est-il renfermé dans ce sujet ?
R. Oui , mais il faut pourtant secourir la nature , afin
que l'ouvrage soit mieux et plutôt fait, et cela par les moyens
que l'on connaît dans les autres grades .
D. 161. - Ce sujet est- il d'un grand prix ?
R. Il est vil et n'a d'abord aucune élégance en soi , et
si quelques - uns disent qu'il est vendable, ils ont égard à
l'espèce , mais au fond il ne se vend point, parce qu'il n'est
utile que pour notre œuvre .
D. 162. Que contient notre matière ?
R. ― Elle contient le sel , le soufre et le mercure .
D. 163. -- Quelle est l'opération qu'on doit apprendre à
faire ?
R. ― Il faut savoir extraire le sel , soufre et mercure l'un
après l'autre .
D. 164. ― Comment cela se fait- il ?
R. Par la seule et complète sublimation .
Cette opération qui résume toutes les autres aboutit à la purifica-
tion progressive et intégrale de la matière.
154

D. 165 . ----- Qu'extrait- on d'abord ?


R. On tire d'abord le mercure en forme de fumée
blanche.
Dégagement de ce qu'il y a en nous de plus subtil , extériorisation
de notre force psychique, exaltation d'une imagination épurée.
D. 166. Que vient-il après ?
R. L'eau ignée ou le soufre.
Développement de notre énergie active ; volonté rendue indompta-
ble dans son accord avec la plus haute raison .
D. 167 . Que faut- il faire ensuite ?
R. - Il faut le dissoudre avec le sel purifié , volatilisant
d'abord le fixe, et puis fixant le volatil en terre précieuse ,
laquelle est le véritable vase des Philosophes et de toute per-
fection .
L'âme philosophiquement exaltée ne fuit aucunement le corps dont
la purification est accomplie, elle s'y marie, au contraire, plus har-
moniquement que jamais avec l'esprit sublimifié . Ainsi se réalise la
perfection de la Pierre des Sages, Terre fixe , réceptacle des vertus
actives, capables d'opérer les merveilles les plus inattendues .
D. 168. ― Ne pourriez-vous pas mettre tout à coup sous
les yeux et réunir comme en un seul point , les principes , les
formes , les vérités et les caractères essentiels de la science des
Philosophes, ainsi que du procédé méthodique de l'œuvre ?
R. - Un morceau lyrique , composé par un ancien Philo-
sophe, qui joignait à la solidité de la science, le talent agréa-
ble de badiner avec les Muses , peut remplir à tous égards ce
que vous me demandez : aucune science n'étant effectivement
étrangère aux enfants de la Science, cette Ode, quoi qu'en
langue italienne, la plus propre à peindre des idées sublimes ,
trouve ici sa place .
Plutôt que d'intercaler dans le présent texte cette pièce remarqua-
ble, nous avons préféré lui consacrer un chapitre spécial qui fait suite
à celui-ci .
D. 169 . Quelle heure est-il quand le Philosophe com-
mence son travail ?
R. - Le point du jour, car il ne doit jamais se relâcher de
son activité.
D. 170. Quand se repose-t-il ?
R. - Lorsque l'œuvre est à la perfection :
D. 171. - Quelle heure est-il à la fin de l'ouvrage ?
155

R. Midi plein ; c'est-à-dire l'instant où le soleil est dans


sa plus grande force et le fils de cet astre en sa plus brillante
splendeur.
D. 172. - Quel est le mot de la magnésie ?
R. - Vous savez si je puis et dois répondre à la question ,
je garde la parole.
D. 173. -- Donnez-moi le mot de ralliement des Philoso-
phes .
R. Commencez, je vous répondrai.
D. 174 . Etes-vous apprenti Philosophe ?
R. Mes amis et les sages me connaissent .
D. 175 . Quel est l'âge d'un Philosophe ?
-
R. Depuis l'instant de ses recherches , jusqu'à celui de
ses découvertes : il ne vieillit point .

N. B. Si tous les catéchismes de Maçonnerie étaient aussi ins-


tructifs que celui - là , — et ceux des autres grades de cette partie que
j'espère communiquer un jour au public, s'il accueille cette ébauche,
il est à croire que l'on s'appliquerait davantage à se ressouvenir
des questions de l'Ordre, mais leur sécheresse fatigue la mémoire ,
perd le temps et rebute l'esprit.
L'on a eu soin de mettre en lettres italiques toutes les questions et
réponses qui sont absolument directes à la Maçonnerie proprement
dite, ou qui en émanent, pour la facilité des intelligents en cette par-
tie, attendu que l'objet purement philosophique contenu en ce grade
ou sublime philosophie inconnue , peut être également utile à ceux
qui ne sont pas Maçons , y ayant beaucoup de curieux et amateurs de
la science , qui , sans être imbus des principes de l'Art Royal , s'appli-
quent aux recherches curieuses de la Nature : et, en effet, le sort
d'une chose bonne est de pouvoir l'être généralement pour tout le
monde, sans que telle ou telle qualité prise d'une société particulière,
puisse exclure de sa participation . Le reproche que l'on a fait de tout
temps à la Maçonnerie étant de dire que , puisque , par son régime,
elle doit rendre les hommes meilleurs , il est absurde que ses connais-
sances soient absolument réservées à une poignée d'êtres , qui , par
état , sont tenus d'en faire un mystère : l'objection cesse totalement,
s'il est vrai que la science des Maçons et leur but positif soit la Phi-
losophie hermétique, telle que l'on vient de la détailler . Je ne cau-
tionnerais pas cette vérité, en supposant que c'en soit une, parce que
je me suis imposé la loi de ne présenter jamais mon opinion particu-
lière pour une règle de décision , et qu'il convient à la modestie de
toute personne qui se mêle d'écrire sans prétendre former de système,
de laisser à chacun la liberté des combinaisons, sauf à fixer , par des
raisonnements solides, les irrésolutions de ceux qui voudraient bien
- 156 -

le consulter Pour mon goût personnel , j'aimerais assez que la chose


des Maçons fut effectivement la découverte du grand œuvre : j'y trouve
de grandes probabilités et il est constant qu'en anatomisant plusieurs
de ce que l'on appelle grands grades , en écartant le mysticisme des
uns, les entours fabuleux des autres , on les tournerait aisément à la
spéculation physique , dont au fond ils semblent vouloir établir les
principes ; un seul exemple le prouve les faux schismes de Rose-
Croix, traités avec l'appareil pieux , vague, lugubre et brillant , dont
on les surcharge en certaines loges , n'offrent à l'esprit de celui que
l'on initie que l'action sainte , des mystères révérés que l'on peut avoir
décrits en des livres que ce grade copie , pour ainsi dire et ce n'est
plus à beauconp près le véritable Rose-Croix, tel qu'il fut dans sa
très ancienne origine ; cependant à qui voudrait le décomposer , en
suivant exactement les mêmes surfaces, sous des analogies philoso-
phiques, y trouverait infailliblement le grain fixe , si ce terme est per-
mis , des éléments de la science d'Hermès : et la signature même des
Maçons orgueilleux de ce grade, F. R. C. , ne signifie autre chose que
Fratres roris cocti . Le grade du Phénix, que quelques-uns appré-
cient beaucoup plus qu'il ne vaut, revient entièrement à cette partie,
le Tetragrammaton, le Stibium , la Pentacule, sont des emblèmes
précis de faux docteurs y ajoutent de très fausses recettes , conte-
nues en une manière de procédé prescrit pour la perfection du Sti-
bium ; ces erreurs ne trompent pas le sage, c'est à lui à les rectifier :
il est toujours bien flatteur pour les Maçons de pouvoir aspirer à cette
qualité, et se parer d'un titre qui fait honneur à l'esprit, annonce la
pureté du c'eur et rassemble les ouvriers intelligents, dont le but est
d'aider et d'éclairer l'humanité .
UNE ODE ALCHIMIQUE

Dans le tome second de son Etoile Flamboyante,


parue en 1766 , le Baron de Tschoudy nous a donné un
Catéchisme ou instruction pour le grade d'Adepte ou
Apprentif Philosophe sublime et inconnu, au cours
duquel il reproduit une ode alchimique italienne ,
résumé, selon lui , de toute la science des Philosophes .
Cette pièce de vers était empruntée à un ouvrage
publié à Paris , chez Laurent d'Houry, d'abord en
1686, puis en 1693 , sous le titre : « La Lumière sortant
par soi-mesme des Ténèbres » , ou véritable théorie de
la Pierre des Philosophes ; écrite en Vers Italiens, avec
un Commentaire; le tout traduit en François par B.D.L.
Dans sa préface , le commentateur s'exprime comme
suit :
« M'étant donc tombé entre les mains un Manuscrit
d'un Auteur anonyme, mais très - sçavamment écrit, en
langue Italienne , j'ay fait dessein dans ce temps que les
Ténèbres sont répanduës par toute la Terre , de mettre
cette nouvelle Lumière en lumière, et d'y joindre de ma
part, autant qu'il m'est loisible , tout ce qui pourra servir
à l'intelligence et à l'explication de ce Manuscrit.
« A l'égard de l'Auteur de cet écrit , il ne m'est connu
que par son Anagramme, mais il suffit qu'il ait suivi la
droite voye et découvert la vérité de la Nature ; car quoy
qu'il déclare ne sçavoir pas entièrement l'œuvre, les cho-
ses qu'il dit démentent sa feinte ignorance . >>
Il nous a paru bon de revoir avec soin la traduction
158 --

faite au XVIIe siècle , afin , sur divers points , de serrer de


plus près le texte original ( 1 ) . Nous nous sommes appli-
qué, en outre , à rester d'une extrême concision dans
notre propre commentaire .
De semblables écrits demandent à être médités et
c'est à tort que l'on s'efforcerait de les dépouiller de
leur caractère énigmatique . Nous sommes persuadé ,
d'ailleurs , que le lecteur attentif saura tirer profit de
nos indications sommaires .

(1 ) Nous avons été aidé , pour cette révision , par M. Pericle Maruzzi ,
de Ferrare, qui s'intéresse vivement à l'Alchimie . Les recherches
poursuivies en Italie par cet érudit ne sont pas parvenues encore à
nous fixer sur la personnalité du poète qui signe Marc Antonio Cras-
sellame .
A I VERI SAPIENTI
SI DISCORRE TEORICAMENTE
SOPRA LA COMPOSITIONE DELLA PIETRA DE PHILOSOPHI
DI FRA MARC-ANTONIO
Crassellame Chinese.

En faveur des vrais Sages


il est discouru ici théoriquement
sur la composition de la Pierre philosophale
par le Frère Marc-Antoine
Crassellame Chinois .

Canzone prima. - Chant premier.

Era dal nulla uscito


Il tenebroso Chaos , massa difforme
Al primo suon d'Omnipotente Labro :
Parea, che partorito
Il Disordin l'havesse, anzi , che Fabro :
Stato ne fosse un Dio ; tanto era informe .
Stavano inoperose
In lui tutte le cose,
E senza Spirto Divisor , confuso
Ogni Elemento in lui stava racchiuso .

Au premier son de la lèvre toute puissante, le chaos


ténébreux sortit du néant à l'état de masse si confuse ,
qu'il paraissait enfanté par le Désordre , plutôt que
d'être l'ouvrage d'un Dieu , tant il était informe . Toutes
choses étaient en lui inactives , et, dépourvus d'Esprit
diviseur, les Eléments s'y trouvaient confondus.
160

Le Rien, dont le Tout est issu , ne saurait être qu'une abstrac-


tion de l'esprit ; c'est le point mathématique sans dimensions
renfermant en puissance tout ce qui doit se réaliser en acte .
Tout microcosme procède d'une semence ou d'un germe, dont
l'énergie expansive réside en un centre immatériel , d'où part
l'action constructive de l'individu , absolument comme le pou-
voir créateur s'exerce dans le macrocosme . Le chaos téné-
breux correspond à la Matière première des Sages, dépositrice
de toutes les potentialités , mais inerte tant que le travail coor-
dinateur n'y a pas commencé .

II

Hor chi ridir potrebbe ,


Come formossi il Ciel, la Terra , e'l Mare
(Si leggieri in lor stessi , e vasti in mole ?
Chi puo svelar, come hebbe
Luce e moto lassù la Luna , e'l Sole ,
Stato , e forma qu'aggiù quanto n'appare ,)
Chi mai comprender, come
Ogni cosa hebbe Nome,
Spirito , quantità , legge , e misura
Da questa massa inordinata , impura ?

Qui maintenant pourrait redire comment se sont for-


més le Ciel , la Terre et la Mer (si légers en eux mêmes
et si vastes en leur masse ? Qui pourrait révéler com-
ment la Lune et le Soleil reçurent là- haut la lumière et
le mouvement et comment tout ce qui apparaît ici-bas
obtint essence et forme ?) Qui saurait enfin comprendre
comment, au sein de cette masse impure et désordon-
née , toute chose reçut son nom , fut animée , de son pro-
pre esprit , déterminée dans sa quantité, soumise à sa
loi et réglée dans sa mesure ?

La lumière qui débrouille le chaos n'est pas une radiation


physique ; elle est purement spirituelle et ne se manifeste que
par ses effets . C'est l'Intelligence constructive , la Raison coor-
dinatrice , qui s'identifie avec la Parole divine , dont il est dit :
161

In Principio erat Verbum. Ce principe , en lequel était le Verbe,


figure ici le Centre unique , mais omniprésent, d'où émane
perpétuellement l'action créatrice .A ce Centre sont rattachées
toutes les créatures, qui en tirent leur vie et leur intelligence .
Le ternaire Ciel, Terre et Mer se rapporte à l'Esprit et au
Corps , qui sont reliés par l'Ame. Le Soleil représente , d'autre
part, la lumière de l'esprit et la Lune celle de l'âme . Toutes
deux interviennent dans le débrouillement du chaos, lequel
prend forme grâce au Verbe , qui s'incarne en donnant nais-
sance à un centre d'individualisation . Au sein de la masse con-
fuse, il se constitue ainsi un être distinct , caractérisé par le
nom qui lui est attribué . Un esprit particulier anime cet être ,
pour présider à son développement ; c'est le principe que les
Alchimistes appellent leur Soufre 4. La sphère d'action (Sel →)
de cet être étant limitée , il se trouve par ce fait même , déter-
miné en quantité. Il ne saurait d'ailleurs agir et se développer
que selon la loi de son espèce . Une mesure lui est enfin impo-
sée, car sa croissance n'est pas indéfinie, et , s'il existe , ce
n'est qu'en vue de la fonction spéciale qu'il est destiné à rem-
plir dans l'ensemble dont il fait partie.

III

O del Divino Hermete


Emoli Figli a cui l'Arte paterna
Fà , che Natura appar senza alcun velo ,
Voi sol , sol voi sapete
Come mai fabricò la Terra , é'l Cielo
Da l'indistinto Chaos la Mano eterna.
La grande Opera vostra
Chiaramente vi mostra,
Che Dio nel modo istesso , onde è produtto
Il Fisico Elissir , compose il Tutto .

O vous du divin Hermès les émules et les fils , à qui


l'Art paternel a fait apparaître la Nature sans aucun
voile, vous seuls , seuls vous savez comment la Main
éternelle façonna la Terre et le Ciel de la substance con-
11
162

fuse du chaos . Votre grand OEuvre vous montre claire-


ment que Dieu composa l'Univers exactement comme se
prépare l'Elixir physique .

Les opérations du Grand OEuvre reproduisant les phases


successives de la création , l'Artiste doit s'appliquer à singer
Dieu. Avant tout , il lui faut obtenir son chaos (la Matière ren-
fermant en elle-même tout ce qui est nécessaire à l'accomplis-
sement de l'OEuvre ) , qu'il s'agit ensuite de coordonner pro-
gressivement, par une séparation préalable du subtil de l'épais
(création du Ciel et de la Terre) . Il est indispensable, en outre,
d'établir un firmament séparant les eaux inférieures des eaux
supérieures , afin d'isoler le sujet et de l'astreindre à travailler
sur lui- même en déployant ses ressources propres . Il est non
moins important de concentrer la lumière diffuse en un foyer
fixe , qui correspond au Soleil (Soufre +
4 , centre d'initiative et
d'action individuelle) , puis d'en recueillir les reflets épars à
l'aide d'un astre vagabond et changeant analogue à la Lune
(Mercure , réceptivité, sensibilité aux influences extérieu-
res).

IV

Mà di ritrar non vaglio


Con debil penna un Paragon si vasto ,
Io non esperto ancor Figlio de l'Arte ,
Se ben certo bersaglio
Scoprono al guardo mio le vostre Carte ,
Se ben m'è noto il provido Illiasto :
Se ben non m'è nascosto
Il mirabil Composto ,
Per cui Voi di potenza havete estratto
La purità degli Elementi in Atto .

Mais il n'appartient pas à ma faible plume de tracer


une comparaison aussi vaste , vu que je suis un fils non
encore expert de l'Art, bien que vos écrits m'aient
cependant fait apercevoir le but où il faut tendre , et
que j'aie notion également de l'indispensable Illiaste et
163

n'ignore pas l'admirable composé, par lequel vous avez


su tirer de puissance en acte la pureté des Eléments .
Par Illiaste il faut entendre Hyle ou la Matière chaotique .
Celle-ci doit être décomposée en ses Eléments , afin que chacun
d'eux soit purifié séparément , avant leur réunion en un nou-
veau chaos philosophique , figuré par « l'admirable composé »
du poète .

Se ben da me s'intende ,
Ch'altro non è vostro Mercurio ignoto ,
Che un vivo Spirto universale innato .
Che dal Sole discende
In aëreo vapor sempre agitato
Ad empier de la Terra il Centro voto :
Che di qui poi se n'esce
Tra Solfi impuri , e cresce
Di volatile in fisso , e presa forma
D'humido radical se stesso informa.

J'entends bien que votre Mercure secret n'est autre


qu'un esprit vivant, universel , inné , qui descend du
Soleil, en forme de vapeur aérienne constamment agi-
tée, afin ' de remplir le centre creux de la Terre , où il
prend naissance ensuite parmi les soufres impurs , pour
passer en croissant du volatil au fixe et prendre forme
d'humide radical .

Le Mercure est une émanation du centre moteur univer-


sel (Soleil occulte ) . Il pénètre toutes choses, pour les ani-
mer du mouvement vibratoire dont résulte la vie . Au centre
de toute individualité, il rencontre le Soufre A+ (Feu réalisa-
teur, énergie d'expansion individuelle) ; mais , loin d'entrer
en conflit avec ce principe , dont l'action pourtant est inverse
de la sienne (centrifuge au lieu de centripète), il se combine
intimément avec son contraire, pour donner naissance au
fluide vital particulier de l'individu . Ce fluide n'est autre que
le Mercure fixé autour du noyau individuel , donc de l'éther
164

condensé par l'accumulation des ondes successives de la


radiation cosmique. Or, cette condensation fluidique corres-
pond à l'humide radical, c'est- à-dire, à cette première réserve
d'humidité qui se rattache au germe ou à la racine de tout
être, humidité mercurielle destinée à être vaporisée, en vue
de sa mise en œuvre, par le Feu individuel (Soufre 4) .

VI

Se ben io sò , che senza


Sigillarsi di Verno il Vaso Ovale ,
Non si ferma in lui mai vapore illustre ,
Che, se pronta assistenza
Non ha d'occhio Linceo, di Mano industre
More il candido Infante al suo Natale ;
Che più nol ciban poi
I primi humori suoi ,
Come l'Huom , che ne l'utero si pasce
D'impuro sangue, e poi di Latte in fasce .

Je sais bien , que si le vase ovale n'est pas scellé par


l'hiver, jamais il ne pourra retenir la vapeur précieuse ,
et que l'enfant blanc mourra dès sa naissance , s'il ne
reçoit promptement l'assistance d'une main indus-
trieuse, guidée par des yeux de lynx ; car autrement il
ne pourra plus ètre nourri de sa première humeur, à
l'exemple de l'homme, qui , après avoir été nourri de
sang impur dans le sein de sa mère , vit de lait dès
qu'il est dans ses langes.

L'œuf philosophique doit être hermétiquement luté , par la


contraction des enveloppes les plus externes . Le travail inté-
rieur peut ainsi s'accomplir à couvert, c'est-à- dire dans les
conditions d'isolement indispensables à la maturation du
sujet. Il faut que celui- ci se développe par ses propres moyens ,
selon les lois de son devenir particulier. Lorsque cependant
l'individualité a pris suffisamment consistance pour débuter
dans la vie strictement autonome (naissance) , elle ne saurait
165

être abandonnée à elle-même . Tout apprentissage s'effectue


sous la direction d'un maître. Mais que de clairvoyance (yeux
de lynx) et de discernement sagace réclame l'éducation d'un
être qu'aucune influence étrangère ne doit déformer, afin qu'il
reste scrupuleusement lui-même, tout en déployant progres-
sivement toutes ses virtualités latentes !

VII

Se ben sò tanto ; pure


Hoggi in prova con voi d'uscir non oso ,
Che anche gli errori altrui dubbio mi fanno .
Ne la vostra pietà luogo non hanno ,
Voi togliete a l'Ingegno il cor dubbioso.
Se'l Magisterio vostro
Distintamente io mostro
In questi Fogli miei , deh fate homai ,
Che sol legga in risposta : Opra che'l sai.

Bien que je sache toutes ces choses , je n'ose pourtant


pas encore en venir aux épreuves avec vous , les erreurs
des autres m'inspirant des doutes . Mais si vous êtes
plus touchés de pitié que d'envie , daignez ôter de mon
espritles doutes qui l'embarrassent ; et si , dans ces pages ,
j'explique distinctement votre magistère, confirmez moi
en me répondant : Travaille, car tu sais ce qu'il faut savoir.

Pour s'instruire de la théorie (Apprentissage , premier degré


de l'Initiation ) , on ne saurait se contenter d'accumuler en sa
mémoire les doctrines d'autrui , toutes plus ou moins entachées
d'erreur. Le vrai disciple de la science doit parvenir à décou-
vrir par lui-même les vérités qui se cachent au fond du puits
hermétique . Celui qui croit y avoir réussi peut se risquer à la
pratique (Compagnonnage , deuxième degré d'Initiation), après
y avoir été encouragé par les maîtres .
Il est à remarquer que notre poëme se divise en trois chants ,
qui correspondent au ternaire des grades initiatiques et com-
prennent respectivement sept , huit et dix strophes .
- 166

Ce qui précède s'applique donc à la préparation intellec-


tuelle du sujet , à la formation mentale du futur adepte.
Celui-ci est ensuite soigneusement mis en garde contre les
conceptions fallacieuses , qui pourraient à jamais le détourner
de la réalisation ou du véritable OEuvre philosophique . Aussi
lisons-nous en tête du chant deuxième :

Che il Mercurio , e l'Oro del volgo,


non sono l'Oro e il Mercurio de' Filosofi ,
e che nel Mercurio Filosofico
v'è tutto quello che cercano i Sapienti.

Toccando si la prattica della prima operatione,


che deve fare l'esperto Lavorante.

Que le Mercure et l'Or du vulgaire ne sont pas l'Or


et le Mercure des Philosophes et que dans le Mercure
des Philosophes est tout ce que cherchent les Sages .
Où l'on touche à la pratique de la première opération à
laquelle doit se livrer l'ouvrier expert .

Canzone Seconda . Chant Deuxième

Quanto s'ingannan mai gli Huomini ignari


De l'Hermetica scola,
Che al suon de la parola
Applican sol consentimenti avari :
Quindi à i Nomi volgari
D'argento vivo, e Oro
S'accingono al Lavoro,
E con l'Oro comune à foco lento
Creden fermare il fuggitivo Argento .
167 ---

Combien se trompent les Hommes ignorants des doc-


trines hermétiques, qui aux sons des mots appliquent
des conceptions avares : aussi est-ce en se basant sur
les noms vulgaires d'argent vif et d'Or qu'ils se prépa-
rent au travail , s'imaginant fixer l'Argent fugitif avec
de l'Or commun traité par un feu lent .

L'Alchimie est un vaste système d'allégories ; celui qui n'en


discerne pas la clef fera bien de s'abstenir de toute pratique .
C'est en ce domaine surtout que la lettre tue et que l'esprit
seul vivifie . L'Or philosophique est un trésor dont la valeur
est absolue et non simplement conventionnelle , comme celle
de ce que nous appelons les métaux précieux . L'adepte qui
fera de l'Or sera riche spirituellement et n'aura que faire des
biens qui excitent la convoitise du vulgaire .

II

Mà, se à gli occulti senti apron la mente,


Ben vedon manifesto ,
Che manca, e a quello , e a questo
Quel foco universal, ch'è spirto agente.
Spirto che in violente
Fiamme d'ampia fornace
Abbandona fugace
Ogni mettal , che senza vivo moto
Fuor de la sua miniera è corpo immoto .

Mais , si au sens caché ils ouvraient l'esprit, ils ver-


raient manifestement que l'un et l'autre ( l'argent vif et
l'or) sont dépourvus de ce feu universel qui est l'esprit
actif. Or, cet agent fugace abandonne tout métal , dès
que celui-ci est exposé à la violence des flammes des
fourneaux . Une fois extrait de sa mine , le métal n'a
d'ailleurs plus de mouvement vital et se trouve réduit
à l'état de corps inerte .

Les sages se gardent bien de travailler sur des corps privés


de vie. Ils n'ont donc que faire des métaux ordinaires : ceux
168

qui les intéressent sont essentiellement vivants , ce ne sont


même que des modalités de l'Agent vital universel . L'Or ,
l'Argent, le Mercure , le Cuivre, le Fer , l'Etain et le Plomb ne
doivent être envisagés en Hermétisme que comme les symbo-
les des entités subtiles sur lesquelles prétendent agir les
adeptes.

III

Altro Mercurio , altro Oro Hermete addita :


Mercurio humido , e caldo ,
Al foco ogni hor più saldo .
Oro , ch'è tutto foco , e tutto vita .
Differenza infinita
Non fia chor' manifesti
Da quei del Volgo questi ?
Quei , corpi morti son , di spirto privi ,
Questi Spirti corporei , e sempre vivi .

C'est un tout autre Mercure et un Or bien différent


qu'Hermès désigne un Mercure humide et chaud ,
devenant au feu toujours plus constant, un Or qui est
tout feu et tout vie . Différence infinie, qui existe entre
ces corps et ceux du Vulgaire , te manifesteras-tu désor-
mais ? Ces derniers sont des corps morts , privés d'es-
prit ; les autres , au contraire , des esprits corporels tou-
jours vivants .

On ne saurait mieux se figurer le Mercure des Sages que


sous l'image d'une humidité vaporeuse , distendue à l'extrême
par une chaleur diffuse dans son ensemble. Il n'a rien de
commun avec le vif-argent vulgaire ; mais il lui ressemble
par sa mobilité , car il est toujours en mouvement . Le Mer-
cure ordinaire pénètre, en outre , les tissus avec lesquels il
est mis en contact et cela rappelle la propriété essentielle du
Mercure philosophique, qui est précisément de s'insinuer par-
tout, jusqu'au centre même de toutes choses . Quant à l'Or
hermétique, il se rapporte à la fixité du Feu vital . Il est plus
précieux que tous les trésors chers aux avares .
- 169

IV

O gran Mercurio nostro , in te s'aduna


Argento e Oro estratto
Da la potenza in atto ,
Mercurio tutto Sol , Sol tutto Luna,
Trina sostanza in una ,
Una, che in tre si spande :
O meraviglia grande !
Mercurio , Solfo e Sal , voi m'apprendete
Che in tre sostanze voi sol una siete .

O grand Mercure des Sages, en toi s'unissent l'Argent


et l'Or tiré de puissance en acte , Mercure tout Soleil ,
Soleil tout Lune, triple substance en une , unité qui se
manifeste comme triple . O merveille sublime ! Mer-
cure , Soufre et Sel , vous m'apprenez qu'en trois subs
tances vous n'en êtes qu'une seule .

L'Or tiré de puissance en acte , c'est le Feu vital univer-


sel agissant, donc le Verbe , envisagé dans son rayonnement
vivifiant. Il se combine avec l'Argent C, c'est à - dire avec la
substance fluide vitalisable, pour constituer le grand Agent
de l'OEuvre des Philosophes, leur Mercure , sans lequel ils
ne sauraient rien entreprendre . En ce Mercure s'accumule
l'énergie vitale à haute tension , c'est pourquoi il est dit tout
Soleil. Mais il est substantiel et non abstrait : il remplit l'éten-
due et c'est en cela qu'il est tout Lune . Il s'agit là de cette
Lumière vivante universelle dont procède toute existence .
Or, si cette Lumière est nécessairement une dans son essence ,
elle ne se manifeste à nous que sous le triple aspect auquel
correspond le ternaire Mercure , Soufre + et Sel → .

Mà dove è mai questo Mercurio aurato ,


Che sciolto in Solfo, e Sale ,
Humido radicale
De' i mettalli divien , seme animato ?
- 170 --

Ah ch'egli è imprigionato
In carcere si dura,
Che per fin la Natura
Ritrar nol puo da la prigione alpestra,
Se non apre le vie l'Arte Maestra .

Mais où est donc ce Mercure aurifique , qui, résout en


Soufre et en Sel , devient l'Humide radical des métaux ,
leur semence animée ? Hélas , il est emprisonné en un
cachot si dur, que la Nature même ne saurait le tirer
de sa prison rocheuse , si l'Art Magistral ne lui ouvrait
pas les voies .

Pour saisir toute la portée de cette strophe, le lecteur ne sau-


rait se dispenser de revenir au schéma reproduit ci -dessous et
aux explications que nous en avons donné plus haut , pages 29
et 30 .

SOUFRE

SEL

MERCURE

S'il s'est bien pénétré de la théorie illustréé par notre figure ,


il n'éprouvera aucune difficulté à comprendre comment
le Mercure -Fluide universel passivement animé, mais

rendu aurifique O, c'est-à-dire activement animateur , grâce


+
au stimulant qu'il reçoit d'un foyer d'individualisation , -
peut se résoudre en Sel → ( substance animique génératrice des
formes , sorte de médiateur plastique) et en Soufre 4 (ardeur
vitale individuelle) .
Quant à l'Humide radical, facteur d'une extrême importance
171 -

en Hermétisme , il faut y voir , non seulement la vitalité , telle


qu'elle se trouve concentrée en tout germe, mais encore l'en-
semble des potentialités latentes retenues dans le plus intime
des êtres , où elles languissent comme en une prison rigou-
reuse, jusqu'au jour où l'Art initiatique parvient à les délivrer
et à leur permettre de se déployer sans contrainte , dans toute
l'étendue de leur capacité d'expansion .

VI

L'arte dunque , che fa ? Ministra accorta


Di Natura operosa
Con fiamma vaporosa ,
Purga il sentiero , e a la prigion ne porta,
Che non con altra scorta ,
Non con mezzo migliore
D'un continuo calore ,
Si soccorre à natura , ond'ella poi
Scioglie al nostro Mercurio i ceppi suoi .

Que fait donc l'art ? Ministre ingénieux de la dili-


gente Nature , il purifie par une flamme vaporeuse les
sentiers qui le conduisent à la prison , car, pour aider
la nature , il n'est d'autre escorte , ni de meilleur moyen ,
qu'une chaleur continue , grâce à laquelle elle pourra
par la suite délivrer notre Mercure de ses entraves .

L'Art hermétique s'applique à rendre perméables les enve-


loppes qui isolent l'Agent interne ( Soufre 4 ) de sa source
extérieure d'action (Mercure ) . Il y parvient grâce aux
purifications initiatiques , dont l'objet est de libérer les éner-
gies individuelles , ensevelies sous le poids accablant d'une
matérialité rebelle . Or , pour réussir dans cette œuvre d'éman-
cipation, il importe de faire agir sur le sujet une douce cha-
leur ininterrompue . Il faut que celle-ci le pénètre insensible-
ment et qu'elle exalte peu à peu le feu vital en s'y associant .
Ainsi cette ardeur pourra vaincre les obstacles qui tendent à
l'étouffer et le Mercure des Sages se dégagera de ses liens .
172

VII

Si, si questo Mercurio animi indotti


Sol cercar voi dovete,
Che in lui solo potete
Trovar ciò che desian gl'Ingegni dotti.
In lui già son ridotti
In prossima potenza,
E Luna , e Sol , che senza
Oro, e Argento del Volgo , uniti insieme
Son de l'Argento, e l'Oro il vero seme .

Oui , oui, c'est ce seul Mercure que vous devez cher-


cher, esprits peu instruits , car en lui seul vous pouvez
trouver ce que désirent les Sages . En lui sont réduits ,
en puissance prochaine , et la Lune et le Soleil , qui ,
sans Or et Argent du vulgaire , étant unis ensemble,
deviennent la véritable semence de l'Argent et de l'Or .

L'Adepte poursuit une œuvre de vie . Peu lui importent les


substances mortes , dont le chimiste observe les réactions .
L'action du Sage s'exerce sur le principe vital (Mercure ☀ ) ,
grâce auquel s'opèrent dans la nature toutes les transmuta-
tions . Celles-ci correspondent aux phases évolutives par les-
quelles passe nécessairement le germe, qui a été fécondé dans
des conditions favorables au déploiement de ses potentialités
latentes . Ce germe devient alors le point de départ, la pierre
angulaire ou cubique , d'un processus souvent fort complexe
de construction vitale . L'énergie constructive se manifeste en
cela sous un aspect double, symbolisé par la Lune C (orga-
nisation , détermination de la forme, sensibilité) et le Soleil O
(expansion , croissance, activité) .

VIII

Pur ogni seme inutile si vede ,


Se incorrotto, e integro
Non marcisce, e vien negro .
Al generar la corruttion precede .
- 173

Tal Natura provede


Ne l'opre sue vivaci ,
E noi di lei seguaci ,
Se non produr' aborti al fin vogliamo ,
Pria negreggiar, che biancheggiar dobbiamo .

Mais toute semence demeure inutile si , restant intacte


et entière , elle ne pourrit point et ne devient pas noire.
La corruption précède la génération . Ainsi la Nature le
prévoit dans ses œuvres de vie , et nous , ses disciples ,
si nous voulons finalement produire autre chose que
des avortons, devons noircir avant de blanchir.

L'Initiation s'efforce de libérer l'esprit emprisonné dans la


matière . Elle ne saurait y parvenir, qu'en dissolvant les écor-
ces qui interposent leur épaisseur opaque entre le foyer de
l'initiative individuelle (Soufre 4) et sa source extérieure d'ac-
tion (Mercure ) c'est à cette dissolution que correspond la
mort initiatique ( noirceur) par laquelle il faut passer , afin de
renaître à la vie nouvelle promise à l'Initié (blancheur) .

Si consigliano gli Alchimisti inesperti


a desistere dalle sofistiche loro operationi ,
tutte contrarie a quelle che n'insegna
la vera Filosofia nella compositione
della gran Medicina Universale.

On conseille ici aux Alchimistes inexpérimentés de se


désister de leurs opérations sophistiques , toutes con-
traires à celles qu'enseigne la vraie Philosophie pour
la composition de la grande Médecine Universelle .
C 174 -

Canzone Terza . Chant Troisième

O voi, che à fabricar l'Oro per Arte


Non mai stanchi trahete
Da continuo carbon fiamme incessanti ,
E'i vostri misti in tanti modi , e tanti,
Hor fermate, hor sciogliete ,
Hor tutti sciolti , hor congelati in parte .
Quindi in remota parte
Farfalle affumicate, e notte , e giorno
State vegliando à stolti fochi intorno .

O vous qui, pour faire de l'Or par le moyen de l'Art ,


ne vous fatiguez pas d'entretenir des flammes incessan-
tes à l'aide de charbons continuellement renouvelés ,
et qui, de tant et tant de manières, tantôt fixez , tantôt
volatilisez vos mélanges , les dissolvant parfois entière-
ment, pour les congeler ensuite en partie ! Vous ne vous
tenez ainsi à l'écart , que pour enfumer des papillons , et
nuit et jour, vous surveillez tour à tour vos feux
insensés .

L'Alchimie des Initiés ne donne lieu à aucune opération de


laboratoire. Chacun peut s'y livrer sans le moindre attirail
métallurgique et sans s'astreindre à aucune dépense . Le plus
pauvre des Philosophes, fût-il dépourvu de tout , n'en possède
pas moins, en lui-même, tout ce qui est nécessaire à l'accom-
plissement du Grand-OEuvre.

II

Da l'insane fatiche homai cessate


N'e più cieca speranza ,
Il credulo pensier col fumo indori.
Son l'opre vostre inutili sudori,
Ch'entro squallida stanza
175

Sol vi stampan sul volto hore stentate.


A che fiamme ostinate ?
Non carbon violento , accesi faggi,
Per l'Hermetica Pietra usano i Saggi .

Cessez désormais de vous fatiguer en pure perte et


ne permettez plus à une espérance aveugle de dorer avec
de la fumée vos conceptions crédules . Vos œuvres sont
d'inutiles sueurs , qui impriment sur vos visages la
trace des heures chagrines passées dans vos chambres
obscures . A quoi bon ces flammes obstinées ? Les Sages
n'usent ni de charbons ardents , ni de fagots flambants,
pour préparer la Pierre Hermétique .

La préparation de la Pierre des Sages ne donne lieu qu'à


des travaux purement philosophiques . Le Philosophe hermé-
tique est un ouvrier de la pensée et de la volonté ; il reste
étranger aux manipulations matérielles du souffleur vulgaire,
dont l'intelligence ne s'est pas ouverte aux vérités initiati-
ques . Celles-ci correspondent à un ésotérisme traduit par des
symboles empruntés à l'ancienne métallurgie . Mais l'OEuvre
des Sages diffère autant du travail quotidien des ouvriers
affineurs ou fondeurs , que la construction purement intellec-
tuelle et morale des Francs -Maçons modernes se distingue du
travail professionnel de leurs devanciers du moyen-âge, les
Maçons constructeurs des cathédrales .

III

Col foco, onde sotterra al tutto giova


Natura , Arte lavora,
Che immitar la Natura Arte Sol deve :
Foco che è vaporoso , e non è leve ,
Che nutre , e non divora,
Ch'è naturale , e l'Artificio il trova ,
Arrido e fà, che piova ;
Humido, e ogni hor dissecca, acqua che stagna,
Acqua che lava i corpi , e man non bagna .
176 ---

C'est avec le feu dont la Nature se sert souterrai-


nement pour toutes choses que l'Art travaille , car l'Art
doit se borner à imiter la Nature : Feu vaporeux , mais
non léger, qui nourrit et ne dévore point, Feu naturel ,
mais que l'Art trouve, arride, mais faisant pleuvoir,
humide, mais qui toujours dessèche , eau stagnante, eau
qui lave les corps, mais ne mouille pas les mains .

Toute action initiatique se base sur le gouvernement du Feu


vital qui anime tous les ètres . Connaître théoriquement ce
Feu, c'est posséder l'initiation intellectuelle , celle du premier
degré . L'Adepte va plus loin ; il ne se contente pas de dis-
serter froidement ou de contempler d'une manière passive .
Il met en œuvre son propre Feu intérieur, qu'il sait exalter
progressivement, tout en restant le maître de sa graduation .
Ainsi l'individuel s'harmonise avec l'universel , le Soufre 4
+
se combine avec le Mercure , pour générer l'Agent grâce
auquel s'accomplissent les merveilles du Grand Art .

IV

Con tal foco lavora l'Arte seguace


D'infallibil Natura ,
Ch'ove questa manco , quella supplisce :
Incommincia Natura , Arte finisce ,
Che sol l'Arte depura
Cio che a purgar Natura era incapace .
L'Arte è sempre sagace ,
Semplice è la Natura , onde se scaltra
Non spiana una le vie, s'arresta l'altra .

C'est avec un tel feu que travaille l'Art imitateur


de l'infaillible Nature, car là où celle-ci manque , elle
est suppléée par celui-là : où la Nature commence,
l'Art achève, car seul l'Art purifie ce que la Nature était
incapable de purger . L'Art est toujours sagace et la
Nature simple ; c'est pourquoi , si , adroitement , l'un
n'applanit pas les voies, l'autre s'arrête .
177

Le Feu vital universel agit dans la Nature d'une manière


en quelque sorte mécanique et indifférente , selon des lois
générales qui ne se plient pas aux applications particulières .
Il appartient à l'Art de canaliser les forces naturelles , de les
réunir et de les accumuler , afin de leur faire produire , dans
des circonstances spéciales , leur maximum d'effet . L'Art per-
met alors à la Nature de se surpasser elle-même .

Dunque à che prò tante sostanze , e tante


In Ritorte, in Lambicchi ,
S'unica è la materia, unico il foco ?
Unica è la Materia, e in ogni loco
L'hanno i Poveri , e i Ricchi ,
A tutti sconosciuta , e a tutti inante .
Abjetta al volgo errante ,
Che per fango a vil prezzo ogn'hor la vende,
Pretiosa al filosofo , che intende.

A quoi bon tant et tant de substances , en cornues , en


alambics , si la matière est unique et unique le feu ? La
Matière est unique, et partout les pauvres la possèdent
aussi bien que les riches . Connue de tous , elle est de
tous méconnue. Dans son erreur, le vulgaire la rejette
comme de la fange , ou il la vend constamment à vil
prix , alors qu'elle est précieuse au philosophe averti .

Le Feu vital universel , caché en toutes choses , est l'Agent


unique à l'aide duquel intervient l'Adepte , pour agir sur une
Matière qui est également unique . Cette Matière , des plus
communes , s'offre d'elle - même au Sage, qui trouve partout à
exercer utilement son action . Il sait apprécier toutes les res-
sources et en tirer tout le parti que le sujet comporte . Son art
consiste à mettre en valeur ce qui est injustement déprécié .

VI

Questa Materia sol tanto avvilita


12
-- 178

Cherchin gl'ingegni accorti ,


Che in lei quanto desian tanto s'aduna
In lei chiudonsi uniti , e Sole, e Luna,
Non volgari, non morti,
In lei chiudesi il foco , onde han la vita ;
Ella dà l'acqua ignita ,
Ella la terra fissa , ella dà tutto
Che infin bisogna a un intelletto istrutto .

Que les esprits judicieux recherchent seulement


cette Matière si avilie , car elle renferme tout ce qu'ils
désirent. En elle sont inclus , conjoints, et le Soleil et la
Lune, mais non les vulgaires , ni ceux qui sont morts .
En elle est renfermé le feu d'où ces métaux tirent leur
vie ; elle donne l'eau ignée , ainsi que la terre fixe , elle
donne tout ce dont a finalement besoin un intellect ins-
truit.

La Matière, que l'Adepte est appelé à mettre en œuvre , n'est


autre que ce qu'on pourrait appeler l'Hominalité , la substance
mème du génie humain . Soleil ○ ( Raison) et Lune C ( Ima-
gination ) s'y associent. L'ardeur vitale volontaire et senti-
mentale (Feu ) y réside , et l'on en tire l'eau ignée ( le fluide
vital chargé d'énergies actives ) aussi bien que la terre fixe (la
stabilité sur laquelle doit s'appuyer toute action) .

VII

Mà voi senza osservar che un sol composto


Al Filosofo basta,
Più ne prendete in man Chimici ignari .
Ei cuoce in un sol vazo a i rai solari ,
Un vapor, che s'impasta ,
Voi mille paste al foco havete esposto.
Cosi mentre hà composto
Dal nulla il tutto Iddio , voi finalmente
Tornate il tutto al primitivo Niente .

Mais , sans observer qu'un seul composé suffit au


Philosophe, vous en prenez en main une quantité , chi
179 -

mistes ignares ! Tandis qu'il cuit en un seul vase , exposé


aux rayons solaires , une vapeur qui s'épaissit , vous
exposez au feu mille ingrédients . Aussi , de même que
Dieu a composé tout de rien , vous finissez , par contre,
à ramener tout au néant primitif.

Le vase unique correspond à la personnalité de l'Adepte .


Les rayons solaires sont les vibrations du verbe , autrement
dit de la Lumière universelle . La vapeur qui s'épaissit repré-
sente la substance animique, d'abord diffuse , puis de plus en
plus concentrée , ce qui la rend plus apte à réfracter la
lumière . L'auteur se prononce ici en faveur d'une Alchimie
purement initiatique et taxe de folie les entreprises des souf-
fleurs .

VIII C

Non molli gomme, od escrementi duri ,


Non sangue, o sperma humano ,
Non uve acerbe , o Quintessenze Erbali ,
Non acque acute , o corrosivi sali ,
Non vitriol Romano ,
Arridi Talchi , od Antimoni impuri :
Non Solfi , non Mercuri ,
Non metalli del Volgo al fine adopra
Un' Artefice esperto à la grand'Opra .

Pas plus les gommes molles que les durs excréments ,


pas plus le sang que le sperme humain , pas plus les
raisins astringents que les quintessences herbales , pas
plus les eaux fortes que les sels corrosifs , pas plus le
vitriol romain que les talcs arides ou les antimoines
impurs , pas plus le soufre que le mercure ou les métaux
du vulgaire ne sont employés par l'Artiste habile tra
vaillant au Grand-OEuvre .

Cette énumération semble bien condamner en bloc tous les


travaux de laboratoire . L'auteur est un Alchimiste purement
spéculatif, pour qui le Grand OEuvre s'applique à une transmu-
180 --

tation autrement importante pour l'Humanité, que ne saurait


l'être la fabrication de l'or aux dépens du plomb . Le symbo-
lisme métallurgique n'est à ses yeux que la forme expressive ,
le contenant extérieur, d'un mystérieux ésotérisme , tradui-
sant lui-même les données de haute mystique qui constituent
le secret suprême de toutes les initiations . Se purifier inté-
rieurement, afin de pouvoir s'élever assez haut pour ravir le
feu du Ciel , consommer ensuite l'union intime de l'Homme
avec Dieu , tel est l'éternel programme des Initiés de tous les
âges . Ils visent, non à s'enrichir mesquinement, afin de jouir
de la vie et poursuivre des ambitions vulgaires, mais à s'assi-
miler l'intelligence selon laquelle le monde se construit et à
se faire les exécuteurs de la volonté qui régit le progrès . Nous
voilà bien loin de toutes les substances qu'un chimiste peut
combiner ou décomposer .

IX

Tanti misti à che prò ? l'alta scienza


Solo in una Radice
Tutto restringe il Magisterio nostro.
Questa che già qual sia , chiaro v'hò mostro
Forse più, che non lice ,
Due sostanze contien , c'hanno una essenza .
Sostanze, che in potenza
Sono Argento , e sono Oro , e in atto poi
Vengono, se i lor pesi uguagliam noi .

A quoi bon tant de mélanges ? La haute science


réduit tout notre Magistère en une seule racine, que je
vous ai déjà fait connaître, plus clairement peut-être
qu'il ne convient, comme contenant deux substances qui
sont Argent et Or en puissance , et le deviennent en acte ,
si nous égalisons leurs poids .

Pour rendre cette strophe intelligible , nous nous contente-


rons de rappeler les principes suivants :
1º Le Magistère ramène tout à une seule racine , qui est la
Lumière créatrice.
181 -

2º En cette Lumière, il convient de distinguer le mouvement


vibratoire, figuré par le Soleil et le milieu vibrant correspon-
dant à la Lune C.
3º Ces deux facteurs de la Lumière sont, en puissance , Or
(centre fixe d'émanation , de rayonnement et d'action ) et
Argent (substance apte à entrer en vibration et à devenir
lumineuse .
4º Ils deviennent en acte Or spirituel et Argent animique ,
dès que l'Agent se proportionne exactement au patient, car
c'est alors que se réalisent les conditions nécessaires à la
constitution d'un être harmonique .
Il y a, dans ce cas , interférence des deux principes construc-
teurs , qui sont l'Esprit ( ☹ , Colonne J ... ) et l'Ame ( C , Colonne
B.. ) , avec la matière constructive fournie par le Corps
(h , Terre, Pierre brute) .
Ce ternaire, en se combinant , engendre le septenaire de la
gamme métallique, comme l'indique la figure ci- dessous .

AIR
Ame spirituelle
T
LU gent
IL

Ar
NM

R
SP
SOLE

JUPITER
Etain
lle
cor t U

MERCURE
O

CuEiNUS
Esp F

E
PoAre
MA

vre

Vif-Argent
por

RS
ri E

core E
el

Am

5
SATURNE
Plomb
R
TERRE

Si , che in atto si fanno Argento , e Oro


Anzi uguagliate in peso
La volante si fissa in Solfo aurato .
O Solfo luminoso , Oro animato
In te del Sole acceso
L'operosa virtù ristretta adoro .
Solfo tutto tesoro,
Fondamento de l'Arte , in cui Natura
Decoce l'Or , che in Elessir matura.
182

Dès qu'en acte , ces substances se font Argent et Or ,


étant égalisées en poids , le volatil se fixe en soufre auri-
fique . O soufre lumineux , Or animé, en toi j'adore la
vertu opérante du Soleil flamboyant, Soufre tout trésor ,
fondement de l'Art , en lequel la Nature cuit l'Or qu'elle
mûrit en Elixir .

Finalement , le trésor suprême de l'Art résulte de l'harmo-


nisation parfaite de l'Esprit et de l'Ame C. Toute la diffi
culté consiste à réaliser l'harmonie en soi-même, afin de par-
ticiper ainsi à l'harmonie universelle ; mais une fois cette
harmonie individuelle réalisée , une cristallisation s'effectue
autour du cube parfait initial et l'adepte accomplit dans son
milieu la mission de transmutateur qui lui incombe. Il exerce
une action de présence, et , par la vertu même de son harmonie
personnelle, il harmonise autour de lui , en répandant sa
lumière et en amenant autrui à s'adapter à sa norme . Tel est
l'idéal du vrai Sage, dont l'œuvre est d'autant plus efficace
qu'elle reste secrète. Il passe inaperçu au milieu de ses con-
temporains , qui ne se doutent même pas de quoi ils lui sont
redevables . La prudence d'ailleurs lui recommande d'agir en
secret, car tout adepte qui s'est trahi a soulevé des haines
dont il est devenu victime .
INDEX ALPHABETIQUE DES MATIÈRES

à l'usage des lecteurs désireux d'approfondir le symbo-


lisme hermétique, en comparant, dans le présent
ouvrage, les différents passages traitant d'un même
sujet.

Abel Haatan V, 128 .


Abîme, 6 .
Accomplissement du Grand OEuvre, 32 , 103 , 104, 109, 147 , 174.
Achéron, 137 .
Acier des Sages , 95. 97 .
Adepte, 63. 80, 106 .
Age d'or, 50 .
Agent magique ( le Grand), 17, 125 , 140 .
Air, 27, 35 , 59, 62, 66 , 77 , 90, 125 , 129, 140 .
Aimant, 97.
Alchimie III, 85 , 167 .
Alchimistes V, 83, 141 .
Alkali, 10, 12 , 21 , 22, 57.
Alun , 6 , 10, 13 , 57, 97.
Amalgame, 149.
Amandier, 71.
Ame corporelle, 71 , 130 , 181 .
Ame instinctive, 18 , 58.
Ame intellectuelle, 18 , 23, 58.
Ame motrice, 61
Ame végétative, 15 ,
Ame universelle, 19, 23 , 70 , 130.
Amour, 61 , 65 , 79, 80 , 105 .
Amoureux (Arcane VI du Tarot) , 73 .
Antimoine, 17, 20 , 23, 37 , 58, 97.
Anneau d'Hermès, 63 .
Aôr Ensoph, 7.
Apocalypse, 53, 55.
Apprenti, 67, 81 , 90, 92, 93, 94, 96, 99, 111 , 126 , 165 .
184

Archée, 96 , 123, 124 , 127 , 130 .


Architecte du Temple, 63 , 103 ,
Architecte de l'Univers ( Grand) , 31 , 35 , 98 , 103 , 10 , 135 , 137.
Architecture, 129 .
Argent, 24, 133, 148, 169 , 172, 180
Ars Quatuor Coronatorum , 80.
Art hermétique, 176 .
Art royal, 94, 100 , 111 , 146 , 155 .
Art sacerdotal, 111 .
Ascétisme, 37.
Astrologie IV, 85.
Attract originel, 103 .
Azoth, 22, 24, 99 , 100, 123.
B
Baguette divinatoire, 63.
Bandeau , 76 .
Basile Valentin , 17 , 42, 47, 83. 100.
Baume du Soufre, 122 .
Bélier, 24.
Bijoux maçonniques, 146 .
Binah, 23, 58.
Binaire, 3, 8 , 9, 20 .
Blancheur, 66 , 88 , 91 , 92 , 173 .
Bleu , 95.
Bohas, (colonne du Nord ) , 9 , 49, 61 , 80 , 81 , 82 , 88 , 96 , 104 , 181
Bouc, 102.
Burnouf , 72.
с
Cabinet de réflexion , 66 , 87, 103 .
Caducée, 62.
Calcination, 92.
Caput, mortuum, 90 .
Carré, 4, 32, 35.
Catéchisme hermético - maçonnique, 115 , 121 , 155 .
Catholicisme , 54.
Cendres, 139, 147.
Centre de la terre , 123 .
Cerbère, 60.
Cercle, 3 , 5 .
Cercle et Croix combinés, 13.
Choix au sujet, 87 .
Chambre du milieu , 103, 113 .
Chaos , 6, 7, 82, 135 , 137, 138 , 145 , 151 , 159. 162 .
Christ, 54, 96, 104.
Chute adamique, 103.
185

Cieux, 136 , 147.


Circulation, 91 .
Compagnonnage, 32, 67, 81 , 90, 92, 93, 95, 96, 98 , 103, 111 , 165 .
Compas, 100.
Composé philosophique, 163, 178 .
Congélation, 130 , 132, 139 , 143.
Coq, 62.
Corbeau, 66, 70.
Corps astral, 71.
Correspondances des métaux , 132 ,
Corruption, 150 , 153 , 173.
Cosmopolite, 116 .
Couleurs, 67, 95, 150 .
Crassellame (Marc-Antonio) , 159.
Création, 7 , 135.
Croissant, 8, 21 , 25 , 56.
Croix, 3, 10 , 33, 57 .
Croix ansée, 24.
Croix gammée, Fyrfos ou Swastika , 34.
Cuivre, 18, 24 , 100 .
Cyclope, 68, 99.
D
Delta lumineux, 30.
Démiurge, 105, 106 ,
Denier Van der Gon , 75.
Despagnet, 142 .
Diane, 140.
Dieu , 121 .
Digestion, 67.
Discrétion initiatique, 182.
Dissolution, 67, 142 , 149 , 150 , 173 .
Dissolvant de nature, 152.
Divination , 76, 78.
Dowson, 78 .
Dragon, 53, 58 .
E

Eau, 17 , 27, 35, 59 62 , 66 , 77, 91 , 125, 127 , 132 , 135 , 136 , 137 , 139, 140 .
Eau ignée, 154 , 178 .
Eaux célestes , 14 , 136.
Eglise du Saint- Esprit, 49 .
Egoïsme radical , 103.
Eléments, 27, 29, 35, 59 , 62, 76, 89, 90 , 91 , 92, 99, 100 , 123 , 124 , 139 ,
147, 151 , 159, 163 .
Eliphas Lévi, 110 , 115 , 119, 123, 127, 132 , 145 .
Elixir, 162, 182.
186

Empereur, Arcane IV du Tarot, 32.


Enfant philosophique, 70, 96, 164 .
Epreuves initiatiques , 66, 77, 89, 90 , 91 , 92, 108 .
Equerre , 4, 15, 33, 80, 100 .
Ermite, Arcane IX du Tarot, 51 , 72.
Esotérisme , 48 54, 93, 128 , 167.
Espace , 6 .
Esprit, âme, corps, 31 , 151 , 181 .
Esprit de vie, 130 , 145 .
Esprit porté sur les eaux, 135.
Etain , 24, 25, 100 .
Ether, 6 , 125 .
Etoile flamboyante, 10 , 49, 61 , 67, 95 , 99, 102, 115 , 121 , 142, 145 , 150 .
Etre-Non-Etre, 6.
Etre suprême, 123
Evolution, 11 , 18.
Extériorisation , 154.

F
Fabre (Jean), 142.
Fèces, 138.
Femme revêtue du Soleil, 53.
Fer, 24, 62, 77, 92, 100.
Feu , 27, 35, 59 , 66 , 70, 97 , 101 , 110 , 126, 130 , 137 , 140 , 143 , 147 , 148
151 .
Feu constructeur, 30 , 32 , 34. 95 , 153. 163 .
Feu libérateur, 171 .
Feu occulte artificiel, 150 .
Feu universel, 167 , 176 , 177 .
Fil-à-plomb, 14, 50 , 62, 79 .
Firmament, 136 , 137, 138, 162 .
Fixité, 9, 168 .
Fluide universel , 125, 139, 142 , 163 .
Fondement (Jesod , 9e Séphire) 72 .
Force, Arcane XI du Tarot, 59.
Forme, 135, 145 .
Fou du Tarot, 68.
Foudre sulfureux, 142 148 .
Frigga, 8,
Fyrfos ou Swastika , 34 .
G

G (Lettre G des Francs-Maçons ) , 1 , 10 , 67.


Gamma, 4 .
Geber, 140, 141 .
Génération , 137 , 173.
Genèse des trois Principes, 30
187 ---

Géométrie philosophale, 1 , 33.


Germe, 122, 131 , 132, 160.
Gimmel phénicien, 4 .
Globe ailé, 60.
Globe du monde, 19, 70 .
Gnose, 2 , 54, 58 , 62, 82 , 92, 99, 114.
Grades, 93.
Graisse de soufre, 128.
Grand Ecossisme, 146.
Grand OEuvre, 51 , 86, 109, 114 , 115 , 166, 179,
Guaita (Stanislas de), 119 , 123, 125 , 130 , 131 , 132 , 135 , 137 , 139 , 144 .

Haatan ( Abel) , V, 128 .


Harmonie, 182.
Hauts grades , 93.
Hercule , 72.
Hermès, IV, 2 , 85, 131 , 141 , 145 , 156 , 161 .
Herta, 8.
Hiram, 63, 94 , 103 .
Hod (Splendeur, Gloire , 8° Séphire), 60 , 83 .
Hochler, 74, 100.
Huile vitale, 142.
Humide radical , 122, 130 , 133, 139, 140 , 148, 149 , 164. 170 .
Humidité, 137, 138 , 139, 143.
Hyle, 163 .

Idéographisme, 1 .
Illiaste, 162 .
Illumination, 62, 67 , 92, 95 , 151 .
Illuminisme, 40 .
Imagination de la Nature, 123.
Impératrice, Arcane III du Tarot, 23, 40 , 55 .
Initiation , 48, 180 .
I. N. R. I , 61 , 70.
Intelligence (Binah), 58 .
Involution, 11 , 18.
Isis , 8, 11 , 45, 63, 85.
Isolement, 164 , 170 .
Istar, 23, 55.

Jakin (Colonne du Sud), 9, 49, 61 , 81 , 88, 95 , 104, 181 .


Jean, l'Evangéliste , 49.
Jesod (Fondement, 9° séphire), 72 .
188 -

Jésuites , 44, 48, 49.


Jiva, 71 .
Joachim , 62.
Jollivet -Castelot V.
Jupiter, 24, 25 , 62 , 100 , 127 , 132 .
Justice, Arcane VIII du Tarot, 59 .

K
Kabbale, 47 , 63, 85.
Klein ( S. T. ) , 80 .

L
Lauer ( Dr Karl ) , 83, 104.
Lettre qui tue, 141 , 167 .
Levier, 103 .
Libération du Mercure, 171.
Limousin (Ch.-M. ), III , 40 .
Linga Sharira, 71.
Loge, 35.
Logos, 96 .
Lulle (Raymond) , 141 .
Lumière, 6, 18, 92, 95 , 105 , 112, 135 , 137, 147, 160 , 180 , 181 .
Lumière astrale, 19, 63, 65, 92 , 131 , 145 .
Lune, 8, 24, 97 , 99, 100 , 125, 127, 132 , 136 , 140, 146 , 160 , 162 , 169 , 172,
178, 181 .
Lynx (Yeux de ), 164 .

M
Macrocosme, 106 .
Madone (de St-Thomas d'Aquin) , 56.
Magie, 85, 107 , 152 .
Magnétisme animal , 16, 137 , 150 .
Maier (Sendivogius), 83 .
Maison- Dieu , Arcane XVI du Tarot, 69.
Maîtrise, 68, 80. 93, 99, 103 , 105 , 110 , 113 .
Måle vif et femelle vive, 131 , 151 .
Mars, 20 , 24 , 72. 100 , 127 , 129, 132 .
Martinisme , 45 .
Maruzzi (Pericle) , 158.
Matière première , 5, 87 , 125, 127, 153, 160 , 177, 178 .
Médecine occulte , 107, 110 , 113 , 134.
Menstrue, 142, 150.
Mercure, 17, 21 , 30, 31 , 41 , 57 , 62, 69, 80 , 82, 88, 93, 97, 99, 101 , 111 .
117 , 125 , 129, 130, 132 , 138 , 140 , 144 , 145, 147, 148, 151 , 153 , 162 , 163 ,
166 , 168 , 169.
Mercure aurifique, 170 .
- 189

Mercure des Sages, 172.


Mesmer, 16 .
Métallurgie, 129, 175 , 180 .
Métaux (Dépouillement des), 66 , 76, 87, 126 .
Métaux et planètes, 24, 100, 110 , 126, 127, 132, 144 .
Métaux vivants, 168 .
Microcosme, 102.
Mort symbolique, 66, 76, 87, 103 , 127 , 173.
Mots substitués aux idées II, 84.
Mouvement vital, 167.
Multiplication, 143, 149, 151 .
Mylius, 100 .
Mystères, 39.
Mystique, 103, 180.
Mythologie, 108.
N
Nature, 116 , 121 , 132, 133, 176 .
Navire, 52, 68.
Néant, 6 .
Neptune, 62.
Nitre, 14, 60.
Niveau, 14, 80.
Noirceur, 66 , 88, 91, 173.
Nombres, 131 , 140 , 150 , 151 .
Nuit, mère des choses , 6 .
Nutrition, 164.

Occultisme, 112, 115 .


Ole alchimique, 155 , 157 .
Odin, 8.
OEuf des Philosophes, 65, 87, 140, 141 , 164, 179 .
OEuvre simple, 66 , 92 .
Opérations, 93, 94 , 162, 166 , 174 .
Or, 7 , 24, 113 , 128 , 133 , 143 , 145, 146, 148 , 166, 168 , 169 , 172, 174, 180 .
Or vif, 147, 148, 149 .
Osiris, 8, 11.
Ouroboros, serpent qui se mord la queue , 5 .
Ouvrages à lire, 141 .
P
Pan, 69.
Paracelse, 16, 92, 115, 141 .
Parole perdue, 113.
Pasqually (Martinès de) , 45 , 145 .
Pélican, 105.
- 190

Pendu, arcane XII du Tarot, 32, 51,104.


Pentagramme, 102.
Pernety (Dom Antoine-Joseph) , 6 , 17 , 65, 97.
Perpendiculaire ou Fil-à-Plomb, 14 , 50, 80.
Phénix, 98, 147.
Philosophie du Silence, 2 .
Philosophes Inconnus, 116 .
Phlegeton , 137.
Pierre brute, 36, 38, 90, 96, 111 , 138 , 181.
Pierre cubique, 10, 32, 36, 38 , 90, 111 , 172.
Pierre philosophale, 17, 18 , 36 , 38 , 89, 93 , 109, 111 , 133 , 140, 146, 149 ,
154, 175 .
Planètes , 24, 100 .
Planiscampi, 22.
Platon, 1 , 85.
Plomb, 24, 25 , 100.
Prâna ou Jiva, 71.
Principes principiants, 129.
Projection, 67, 135.
Profane, 112, 128.
Programme initiatique, 180.
Prométhée, 70.
Purifications, 66, 92, 94 , 126, 134 , 138, 141 , 142 , 150 , 154, 171 .
Putréfaction, 27, 66, 88 , 132, 149 , 150 .
Pythagore, 85.
Python , 113 .

Q
1
Quaternaire , 3.
Queue de paon, 67, 91 .
Quintessence, 62, 79, 97, 99, 122, 142 .

Raison, 70 , 113 , 160 , 178.


Rarefaction, 136 , 137.
Rebis, 41 , 99, 101 .
Récipiendaire, 66, 88, 90.
Régénération universelle, 114.
Règle , 103.
Richesses spirituelles , 167 .
Rituels maçonniques, 76, 86.
Roger Bacon, 142.
Rose-Croix, V, 86 , 156.
Rosée, 61.
Rouge, 88, 93, 95.
191

Saturne, 25, 51 , 62 , 66 , 75 , 100 , 127 , 128 , 132, 140 .


Sceau de Salomon , 106.
Sceau hermétique, 63.
Scholastique, 86 .
Sel, 13, 30, 31 , 88, 92 , 93, 96, 110 , 123 , 137, 139, 153 , 161 , 169.
Sel Alkali , 10, 12, 21 , 22, 57.
Sel Gemme, 10 , 12 , 23, 57.
Sel Infernal, 14, 60 .
Semence, 122, 125 , 127, 129, 130 , 131 , 132, 135 , 140 , 143, 149 , 160 , 170,
173.
Sendivogius (Michel Maier) , 83, 115 , 141 .
Sentier chimique, 115.
Septenaire, 140 , 181 .
Serpent Python, 58 .
Serpent qui se mord la queue, 5 .
Sibylle de Cumes, 50 , 51, 76.
Silence I, 108, 182.
Socrate, 40 .
Soleil, 7, 8, 24, 98, 99, 100 , 113 , 125, 127 , 132, 145 , 146 , 147 , 160 , 162,
163, 169, 172 , 178 , 181 .
Solution, 150.
Soufre, 5, 29, 80, 81 , 88, 93, 95, 96 , 97, 98, 99, 110, 125 , 127 , 130 , 134 ,
137 , 138, 144 , 147 , 148 , 149 , 150 , 153 , 154, 161 , 162, 163 , 169.
Soufre aurifique, 182 .
Sperme des métaux , 140, 149, 151 .
Splendeur métallique , 153.
Sublimation, 67, 140 , 141 , 149, 152, 154.
Substance, 13.
Swastika, 34.
Symbolisme, 38, 47, 49, 86, 108, 180 .
Sympathies, 152.

Table d'Emeraude , IV , 97.


Tableau alchimique de St-Maurice de Reims, 75
Tarot, 23, 32, 51 , 55, 59, 68 , 69, 72, 73, 104 .
Tartre, 35 .
Tau , 10.
Taureau , 24.
Teinture, 134, 149 .
Temple, 62, 94, 109 , 111 .
Ternaire, 3, 181 .
Terre, 27, 35, 59, 62, 66 , 71 , 77 , 89 , 125 , 136 , 137, 139 , 144, 149 , 150 , 151 ,
181.
192

Terre fixe, 154 , 178.


Tétrade fondamentale, 2.
Thaumaturges , 111 .
Tout-Rien, 6 , 160 , 179.
Tradition , 65.
Transmutation , 129, 135.
Travail, 99.
Trévisan, 142.
Triangle , 4 , 27.
Trinité, 53, 70. 96 , 104, 131.
Tritons, 52, 76 .
Tschoudy, 115, 133, 157 .
Twashtri, 72.
U
Unité, 3, 5.
Uranus, 78.
V
Varuna, 78 .
Vase des philosophes, 65, 87 , 140, 141 , 154, 164, 179.
Vénus, 18, 20, 24, 55, 58, 61 , 71 , 100, 127 , 129, 132.
Vénus-Uranie, 23.
Vent, 127, 145.
Verbe, 10, 113, 161 .
Verdet ou Vert-de- gris , 15 .
Vibration lumineuse, 181 .
Vide cosmogonique, 6, 123.
Vie universelle , 7, 134.
Vierge, 23, 44, 52, 54, 139 .
Villeneuve (Arnauld de), 141 .
Vinaigre, 3.
Virgile , 50.
Vitalité, 15 , 71.
Vitriol, 16 , 19, 89, 144.
Voie humide, 61.
Voie sèche, 62.
Voies purgative, illuminative et unitive , 103.
Volonté, 71 , 122 .
Vrijmetselaar, 76 .
Vulcain , 129.
W
Wotan, 7.
Y
Yeux de lynx , 164.
N

Zacharie, alchimiste, 142.


Zodiaque, 67.
LAVAL. - IMPRIMERIE L. BARNÉOUD ET Cie.
PRINCETON UNIVERSITY LIBRARY PAIR>

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