54qu Est Ce Qu Une Methode Une Approche Un-1
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54qu Est Ce Qu Une Methode Une Approche Un-1
Les
CAHIERS L’AQP
L’AQPF L’AQPF
de
Association québécoise
des professeurs de français
Volume 2 no 3
Mot de la présidente
Sommaire Le printemps étudiant
Mot de la présidente ...................................1
Nouvelles des sections................................3
« La parole est un geste, mieux une action »
À votre tour .................................................4
Loco Locass, Langage-toi
L
Twittérature et pédagogie du texte ............... 4
Les textes résistants et la pédagogie a semaine de relâche se termine cette année sur fond de confron-
différenciée .................................................. 9 tation entre les étudiants et le gouvernement. D’un côté, on
Les mots, la pensée et les débuts à l’école . 12 brandit le droit à l’éducation dans une société qui valorise le
Une journée dans la vie d’une stagiaire en développement humain et le savoir; de l’autre, un argumentaire
enseignement du français au Burkina Faso 17 économique reposant sur une philosophie de l’utilisateur-payeur, comme
Qu’est-ce qu’une méthode, si les études supérieures étaient un bien de consommation au même titre
une approche, une technique ? .................. 19 qu’une voiture ou qu’un téléphone cellulaire. Deux visions s’afrontent et
Entrevue ...................................................22 le dialogue de sourds s’éternise.
Rapport .....................................................24 Je n’ajouterai pas ici ma voix aux leadeurs des associations étudiantes qui
Opinion .....................................................25 s’opposent à cette hausse, mais je soulignerai l’engagement de ces jeunes
qui, pour ou contre la hausse, se prononcent depuis quelques semaines
Chronique orthographique ........................29 déjà dans les journaux, sur les réseaux sociaux, à la télévision ou dans la
Ateliers de littérature .................................30 rue. Je salue leur engagement, leur prise de parole et leur débat. On dit
Recension .................................................32 trop souvent de ces jeunes qu’ils sont individualistes, repliés sur eux-mê-
mes et non intéressés par le bien commun. Nous avons eu la preuve dans
les dernières semaines que c’est faux. Je me réjouis d’entendre ces jeunes
http://www.aqpf.qc.ca
en entrevue, argumenter avec aplomb et rigueur, défendre leur point de
vue avec aisance, et ce, dans une langue bien maitrisée.
Coordonnatrice :
Godelieve De Koninck, Cette mobilisation me ravit et me donne espoir en l’avenir. Je sais dé-
[email protected] sormais que la génération qui sera très bientôt sur le marché du travail
Conception graphique : sera formée de gens qui réléchissent, prennent position, argumentent,
Sylvie Côté échangent et discutent. Je sais désormais que les eforts que nous faisons
ISSN 1925-9158
Nouvelles
Nouvelles
Nouvelles
Mot de la présidente (suite)
sais désormais que ces jeunes ont de belles surprises en lien avec notre réagir
des principes, des convictions et thème, Une langue de mots et d’images.
des idéaux et qu’ils sont capables D’ici là, nous organisons le 16 avril un L'évaluation
de sortir dans la rue pour les dé- atelier de formation portant sur l’ensei- de la lecture: Érick Falardeau
enseigne la didacti-
fendre.
que du français à
une approche
l’Université Laval.
par l'enseignement
recherche-action
sur l’enseignement
nous inciter à agir nous aussi, col- versité Laval. Nous vous y attendons en
d’enseignants de
français et de conseillers pédagogiques,
Nous rendrons compte d'une recherche il a élaboré des grilles d’évaluation de
menée avec des enseignants de français la lecture et des outils d’explicitation
À Votre tour
À Votre tour
Jean-Yves Fréchette*
Twittérature
et pédagogie du texte
Investir/envahir les médias sociaux
L
’avènement des médias sociaux a En réalité, rien n’est simple en pédagogie.
créé de nouvelles habitudes de lec- Mais rien n’est si complexe non plus au point
ture et de nouvelles pratiques d’écri- qu’il faille stagner encore une ou deux années
ture. Les internautes sont de plus avant de se faire une opinion sur l’utilisation
en plus nombreux à produire des contenus, à des médias sociaux (MS) en classe. Encore
partager de l’information et à s’y exprimer ra- une fois, suivons Boileau : « Hâtons-nous len-
pidement en temps réel. tement. »
Que ce soit à travers des lieux virtuels per- Prenons acte que les MS existent, qu’ils sont là
mettant de créer une véritable communauté pour durer et que leur inluence ne saurait que
de lecteurs ou avec des logiciels démocrati- grandir. Mais ne soyons pas passifs : envahis-
sant l’accès à des ressources informationnelles sons-les ain d’y glisser la juste dose de créa-
gratuites (Wikipédia), le Web 2.0 facilite les tivité qu’il faut pour qu’ils deviennent, parmi
rapports d’échange et de collaboration. Des d’autres, de véritables outils pédagogiques. Ne
canaux Web spécialisés existent pour entre- nous contentons pas de les observer à distance
tenir un dialogue (Skype) ou pour partager confortable, mais proposons des actions où les
des images et des photos (Flickr), de la vidéo élèves pourront socialement créer, partager,
(YouTube) et du texte (Facebook). construire et grandir.
La pédagogie devrait pouvoir y trouver son Pour que cela advienne, il faut soi-même in-
compte… Les élèves y sont déjà, alors, allons-y ! vestir, j’allais dire envahir, ces nouveaux mé-
dias. Il faut les apprivoiser. Il faut en devenir
Mais voilà, ce n’est pas si simple. Des voix
des experts.
invitent à la prudence; d’autres condamnent
littéralement l’utilisation des médias sociaux Comment en efet parler du blogue sans être
en classe : trop libres, ces derniers ne sauraient un blogueur ? Comment parler de FaceBook
imposer cette contrainte dirigée propre aux sans d’abord y rencontrer quotidiennement un
apprentissages. D’autres enin y voient une certain nombre de ses amis ? Comment parler
panacée d’autant que toutes ces façons de de Twitter dans l’apprentissage sans tweeter
découper le monde à travers soi par l’écriture soi-même ?
peuvent se combiner avec l’utilisation d’un ta-
bleau blanc interactif (TBI).
À Votre tour
À Votre tour
nous devons pouvoir isoler chacune des com- naire des synonymes4 deviendra un outil in-
posantes du texte ain d’attirer le regard du dispensable et devra prendre place tout près
jeune apprenant sur cet objet précis3 pour que, de l’écran de travail. L’enseignant, lui, veillera
l’objectivant, il puisse le maintenir à distance à ce que les substitutions efectuées par l’élève
pour l’observer et le manipuler concrètement. soient parfaitement conformes au sens désiré,
Hausser le niveau de l’écrit initial jusqu’au il signalera les incohérences sémantiques.
texte soutenu à coup de petites retouches, de
Tout tient alors dans la consigne d’écriture,
fragments, de nano textes, de tweet... qui ap-
cette règle du jeu qui consiste à écrire de
partiennent désormais à l’univers de la twit-
courts textes qui aient précisément 140 carac-
térature.
tères pile poil. Les élèves seront stimulés par
Ceci semble un enjeu pédagogique intéressant ce déi : vont-ils y arriver ? Au prix de quels
à l’heure où les médias sociaux ont envahi l’es- eforts ? Et voilà, le mot est lâché : il faut faire
pace citoyen. Il ne reste que l’école à conta- des eforts pour tweeter en 140 caractères tout
miner. en respectant les consignes du thème.
Les twittérateurs aiment composer avec des Il convient alors de valoriser l’attitude des
limites objectives ; celles-ci se posent comme « combattants textuels » qui doivent afronter
un déi à relever, une contrainte de création un adversaire de taille : Twitter qui veille au
(serait-ce une nouvelle forme ixe ?), une règle grain et compte le nombre de mots. Pour re-
du jeu qu’il faut respecter pour gagner. Écri- lever ce déi, les élèves découvriront qu’il leur
re un nano texte de 140 caractères constitue faut de la patience, de la persévérance, du cran
une tâche qui révélera l’habileté littéraire des et de la … rigueur !
joueurs, leur ruse et leur talent pour se « colle-
tailler » avec une forme dominée par la qualité Twittérature5 ou la stratégie de l’écart
du style et la rigueur de l’expression. Twitter est
Les élèves utilisant Twitter dans la classe de
un outil qui permet à l’élève de publier autre
français expérimenteront donc un nouveau
chose qu’une information factuelle : il crée un
genre littéraire : la twittérature, cette littéra-
espace virtuel propice au jeu linguistique où
ture minuscule6 publiée dans Twitter. Si cette
l’imaginaire et le plaisir des mots deviennent
pratique est récente (Twitter n’existe que de-
une réalité palpable.
puis 2004), la pratique littéraire de courts tex-
Cette démarche conduit l’élève à envisager tes existe, elle, depuis toujours. On peut alors
le texte comme un problème qu’il faut ré- parler de nano littérature. À certains égards,
soudre. Seul un calcul intelligent peut ré- la nouvelle littéraire pourrait entrer dans cette
soudre l’équation textuelle du tweet en 140 catégorie ; on l’a souvent déinie comme un
caractères : il faudra remplacer des mots trop « petit » roman. Mais il s’agit de plus petit
longs par d’autres mots plus courts et, inver-
sement, remplacer des mots trop brefs par des 4 On pourrait ici parfaitement utiliser des dic-
mots comportant plus de lettres. Le diction- tionnaires en lignes comme les outils du Cen-
tre National de Ressources Textuelles et Lexi-
cales (http://www.cnrtl.fr).
3 Cet objet est énoncé dans la consigne du tra-
5 Pour avoir un aperçu des enjeux de la twitté-
vail : ce peut être une igure de style ( intro-
rature, on peut consulter le site de l’Institut de
duire une métaphore ), un thème ( rédiger une
twittérature comparée : http://www.twittexte.
consigne, un horoscope, décrire un person-
org.
nage, etc.), une contrainte structurale ( utiliser
6 L’enseignant ne sera pas gêné dans le contexte
le rythme ternaire ) ou grammaticale ( votre
d’une nanoécriture d’exiger ni plus moins que
tweet doit être écrit à l’imparfait, au futur, etc. ).
la perfection.
À Votre tour
encore… Bon nombre de poètes, qu’on son- Ces caractéristiques s’appliquent tout particu-
ge à Paul Éluard ou à Eugène Guillevic, ont lièrement à de petits textes qui ont toutes les
produit de petits poèmes fort élégants dont caractéristiques d’un poème miniature et qui
la trame esthétique et le potentiel d’éveil de ressemblent souvent au haïku japonais.
l’imaginaire étaient tout à fait à la hauteur
Bien évidemment, ces tweets ne forment pas
d’œuvres plus considérables.
de strophes complètes, mais apparaissent
La nanolittérature existe donc déjà. Elle a ac- plutôt comme de petits poèmes en prose (on
quis ses lettres de noblesse et elle est parfois pourrait alors parler de verset) où dominent
connue du grand public qui sait l’apprécier l’image et le jeu sonore.
dans ses formes les plus diverses. Qu’on songe
aux formules qui proposent de petits textes où Tweet à dominance prosaïque
la qualité de la tournure d’expression, la mé-
Les tweets prosaïques peuvent raconter de
ticulosité du choix des mots et la densité du
courtes histoires, rapporter une légende, imiter
sens sont exemplaires :
(pasticher) un type d’écriture où le genre bref
• proverbes, domine (l’horoscope, la déinition de mot, le
• maximes, mode d’emploi, etc.).
• devises, Lorsqu’on raconte une histoire, la limite de
• dictons, 140 caractères peut constituer un obstacle de
• pensées, taille. Mais certains twittérateurs réussissent à
• adages, écrire un court récit avec un ou deux person-
nages en proposant une situation initiale, un
• aphorismes,
événement perturbateur et une conclusion, le
• télégrammes, tout en moins de 140 caractères.
• et autres apophtegmes
On pourrait donc en twittérature observer Et pour terminer…
deux tendances : l’une se rapprochant de la Des scénarios pédagogiques illustrent déjà
poésie propose des textes denses où dominent d’autres utilisations possibles, notamment
l’image et le jeu sonore ; et une autre, plus pro- celles développées par @annierikiki et ses élè-
saïque, qui en appelle au petit récit, au conte ves depuis deux ans à la Polyvalente des Sen-
miniature, au mode d’emploi, à l’horoscope, tiers de la Commission scolaire des Premières
etc. Seigneuries. La recherche action menée cette
année par l’Institut de twittérature comparée
Tweet où domine le genre poétique a permis la mise au point d’un prototype de
Nous observons ici deux tendances : logiciel inspiré de Twitter, mais proposant des
fonctions mieux adaptées à la pédagogie de
a) les tweets où s’imposent la qualité du dis- l’écrit.
cours et des images (métaphores, compa-
raisons) ; Parmi ses caractéristiques, on retrouvera no-
b) les tweets qui révèlent une certaine musi- tamment :
calité (allitérations, assonances). • une console de gestion réservée à l’ensei-
gnant lui permettant de créer ses exerci-
Un mot savant pour designer une maxime ces.
philosophique.
À Votre tour
• des outils de modélisation du plan du texte classe d’écriture ain d’en extraire les qualités
(un texte n’est plus lié à la production d’un fondamentales : partage, collaboration créati-
tweet unique); vité et gratuité.
• des outils de rétroaction. Quels que soient les outils TIC dont ils se
• une gestion facile des groupes classe. servent, les pédagogues savent qu’ils ne céde-
• une traçabilité des étapes du texte produit ront jamais aux modes, car leur mission pre-
par l’élève. mière est de veiller au développement de la
• la possibilité de régler le nombre de carac- personnalité de chacun, d’accroitre la qualité
tères dans les cases de saisie (au-delà de de l’écriture, de développer chez leurs élèves
140 caractères). des stratégies d’expression et de veiller à leur
• des outils de gestion de calendrier des de- réussite scolaire.
voirs. Et tout le reste est twittérature.
Ce logiciel sera accessible dans les écoles dès * Jean-Yves Fréchette, Institut de twittérature
septembre. comparée
Ceci viendra clore la première étape d’une À suivre dans le prochain numéro.
volonté d’inclure les médias sociaux dans les
V
Québec, 30 octobre au 2 novembre 2012 ous avez expérimenté dans votre
Une langueN
classe des activités que vous aimeriez
partager avec d’autres enseignants?
Comme conseillers pédagogiques ou
de mots comme formateurs, vous aimeriez faire connai-
et dʼimages tre des pistes d’enseignement et d’apprentissage
du français que vous avez développées? Nous
vous invitons à vous rendre sur le site Internet
de l’AQPF et à y déposer une proposition
d’atelier ou de stage pour le prochain congrès de
l’AQPF qui se tiendra à Québec du 31 octobre
au 2 novembre. Le formulaire de soumission est
en ligne à l’adresse www.aqpf.qc.ca dans la case
en haut à gauche de la page d’accueil.
Merci pour votre collaboration et au plaisir de
vous lire.
Érick Falardeau
www.aqpf.qc.ca Coordonnateur du comité organisateur du
congrès 2012 de l’AQPF
À Votre tour
Constance Denis *
D
evant un roman littéraire présen-
tant à la fois des problèmes de
compréhension et d’interpréta-
tion, les élèves semblent éprouver
de la diiculté à comprendre, à interpréter,
à réagir ou à apprécier les textes. Cet article
présente un dispositif de lecture1 et ses efets
sur le développement de la compétence à lire
et à apprécier des œuvres littéraires d’élèves
de la quatrième secondaire. L’expérience a été
menée auprès d’une centaine de jeunes ado-
lescentes d’une école privée de la région de
Sherbrooke dans le cadre d’une recherche- du roman utilisé ici, Les Sirènes de Bagdad2 de
action réalisée lors de la dernière année de Yasmina Khadra, le titre a une connotation
formation à l’enseignement à l’Université de polysémique.
Sherbrooke.
La démarche de dévoilement progressif
L’intérêt d’un dispositif de lecture
Les apprenantes ne devaient pas être laissées
Certaines lectures dites « résistantes » ofrent seules face aux textes, aussi l’enseignante a-
des déis de compréhension et d’interpréta- t-elle divisé l’œuvre de façon à faire prédire
tion plus élevés pour plusieurs élèves. Ceux-ci l’histoire, à la lire et à revenir fréquemment
sont appelés «résistants». Selon le Programme sur les prédictions des lecteurs. Les élèves sont
de formation de l’école québécoise, il est essen- alors soumises à un jeu de prédictions, de ré-
tiel d’outiller les élèves pour les aider à lire ce troactions et de réajustements (Ibid). Chaque
genre de textes et ainsi leur donner des tâches division du texte doit être calculée en fonction
complexes qui leur permettront de développer des évènements et de leur importance pour la
des stratégies de lecture plus eicaces et plus continuité de l’histoire.
rainées. Parmi les nombreuses stratégies
existantes, Ahr (2008) suggère, par exemple,
de « lire avec lenteur et relire ain de cerner 2 Voici un résumé du roman Les Sirènes de Bad-
et interpréter l’implicite, de faire jouer la po- gad : Le héros, habitant dans le désert, est
lysémie qu’ofre le texte » (p. 12). Dans le cas éloigné de la guerre qui éclate en ville. Un
jour, l’armée envahit le hameau et sort son
père à demi nu en public. La gravité de cette
1 Le dispositif didactique est en fait une sé- humiliation occasionne la fuite du héros en
rie d’activités d’accompagnement des élèves quête de réparation.
avant, pendant et après la lecture.
À Votre tour
3 Le lecteur intéressé peut se référer à l’ouvrage 4 Schéma sous forme de cercles ayant des zo-
d’Helen McGrath et Toni Noble Huit façons nes communes, souvent utilisé pour représen-
d’enseigner, d’apprendre et d’évaluer (200). ter des relations logico-mathématiques.
À Votre tour
À Votre tour
À
Les mots, la pensée et les
débuts à l’école
Julie Mélançon*
Hélène Ziarko**
L
a pensée distingue l’humain des
autres animaux et lui permet « d’en-
trer en contact avec autrui, de pré-
voir ce qui va se passer, de décider
d’une action en fonction de ce que l’on a vécu,
etc. » (Auroux, Deschamps & Kouloughli,
2004, p.205). La pensée n’est pas qu’un conte-
nu, une représentation ; elle est aussi une ac-
tivité en elle-même (je me représente quelque
chose). Par ailleurs, l’humain est aussi doté de
la capacité de langage correspondant à un dé- permet l’établissement de rapports logiques
veloppement potentiel – parce que soumis à entre eux (Vygotski, 1934/199). Lui-même
des conditions favorables notamment contex- actif chercheur en éducation, Vygotski conti-
tuelles – de la communication et de la repré- nue ainsi d’inspirer la rélexion sur le dévelop-
sentation (Auroux, et al., 2004). pement de l’enfant dans diférents horizons de
Diférentes voies de recherche ont examiné l’éducation et de la psychologie.
le rapport existant entre le développement Depuis les années 1980, certains travaux en
du langage et celui de la pensée (Doyon & psychologie développementale ont considéré
Fisher, 2010). Notamment, le modèle histo- la façon dont l’enfant comprend le monde de
rico-culturel proposé par Vygotski accorde un la pensée. Par l’étude du développement d’une
rôle particulièrement prépondérant au langage « théorie de l’esprit » (theory of mind), on a
dans la formation de la pensée. « La pensée de mis en évidence que, entre 3 et 6 ans, l’enfant
l’enfant apparait initialement comme un tout commence à développer la capacité d’attri-
vague et indiférencié (…) [mais, en] se trans- buer à lui-même et à autrui des états mentaux,
formant en langage, la pensée se réorganise comme des désirs, des pensées, des croyances,
et se modiie » (Vygotski, 1934/199, p.430- des connaissances, c’est-à-dire des représen-
431). Dans leur essence même, les signes du tations. Les expériences sociales de l’enfant
langage sont porteurs de représentations et, conjuguées à son développement cognitif le
de ce fait, constituent un outil privilégié d’ap- conduisent progressivement à se construire
propriation culturelle. Outil de signiication, ce que l’on peut appeler une théorie, certes
le langage contribue aux opérations de pensée naïve, sur le fonctionnement de la pensée : il
comme la déinition, la comparaison et la dif- comprend que les êtres humains ont des re-
férenciation de concepts, en même temps qu’il présentations, correspondant à des croyances,
À Votre tour
des désirs et que ces états mentaux guident les développement de l’enfant éclaire sa compré-
comportements et les attitudes des gens. hension du monde au travers de sa prise de
conscience de la pensée, la sienne et celle des
Graduellement, cette théorie de l’esprit mise à
autres, prise de conscience nécessaire à son
l’épreuve de l’expérience le conduit à compren-
développement social et cognitif. L’exemple
dre que les croyances peuvent être diférentes
de la tâche rapporté ci-dessus illustre bien le
d’un individu à un autre, voire qu’elles peuvent
rôle essentiel du langage dans le développe-
être fausses, c’est-à-dire diférentes de la réa-
ment de la pensée et de nombreux travaux ont
lité. Diférentes tâches ont été conçues dans le
pu le démontrer.(Astington & Baird, 2005).
but de mettre l’enfant en situation de produire
une réponse illustrant comment sa théorie de
l’esprit lui permettait de comprendre le pro-
Qu’en est-il de quoi ? (du développement
blème posé. Ainsi, une tâche classique (Wim- de la pensée) au moment de l’entrée à
mer & Perner, 1983) utilisée pour évaluer le l’école?
niveau de développement d’une théorie de Nos travaux (Mélançon, 2005) nous ont ame-
l’esprit propose l’histoire suivante : nées à constater que le développement d’une
Un enfant, Maxi, a un chocolat qu’il dépose théorie de l’esprit se poursuit au-delà de la pé-
dans un contenant A. En l’absence de Maxi, riode préscolaire. Les résultats que nous avons
sa mère déplace le chocolat dans un contenant obtenus ont montré que la majorité des en-
B. Au retour de Maxi, on le questionne : «Est- fants, à la in de la maternelle, ont construit
ce que Maxi sait où est le chocolat pour vrai? une théorie de l’esprit qui leur permet assez
Où est-ce que Maxi pense que se trouve son bien d’attribuer des états mentaux comme
chocolat? Dans quel contenant Maxi va-t-il l’ignorance et la fausse croyance, et de com-
regarder pour chercher son chocolat? Pour- prendre que ce sont ces états mentaux qui dé-
quoi?» Cette tâche évalue ainsi la capacité de terminent les comportements des individus.
l’enfant à attribuer une ignorance et une fausse Toutefois, ces résultats s’observent surtout
croyance à Maxi à travers un questionnement dans les tâches les plus simples, lorsque les
qui envisage diférents états mentaux (savoir, enfants sont eux-mêmes témoins du change-
penser), ainsi que la capacité de l’enfant à infé- ment de localisation du chocolat, par exemple.
rer une action sur la base des états mentaux du Ces capacités augmentent de façon signiica-
personnage. Dans d’autres tâches, plus com- tive à la in de la 1re année du primaire, où l’on
plexes, il est proposé à l’enfant d’attribuer des observe alors une plus grande habileté des élè-
états mentaux à deux personnages X et Y dans ves à traiter les verbes d’états mentaux comme
une formulation emboitée du type « Qu’est-ce penser et savoir, et à les utiliser de façon expli-
que X pense que Y pense?». cite dans des justiications pour expliquer les
actions du protagoniste de l’histoire (« Elle va
Encore peu connu dans le monde de l’édu- aller chercher son chocolat ici parce qu’elle ne
cation (Mélançon & Ziarko, soumis), le do- sait pas que sa mère l’a changé de place »). En
maine d’études consacré au développement 1re année, les élèves démontrent aussi une ca-
de la théorie de l’esprit apparait néanmoins pacité grandissante à traiter des états mentaux
indispensable pour comprendre l’adaptation emboités du type « X pense que Y pense »
psychosociale de l’enfant; ce développement (certains enfants se révèlent même capables
se révèle aussi être un précurseur de la méta- de dire « Picot ne sait pas que Rosalie sait où
cognition (Flavell, 199) et a pu être consi- est le vendeur de crème glacée »), cette capa-
déré comme un facteur indispensable à la cité traduisant une augmentation du contrôle
réussite scolaire (Larzul, 2010). Cet aspect du que l’enfant peut exercer sur des représenta-
À Votre tour
tions diférentes qu’il réussit à faire cohabiter savoir, penser, croire, se souvenir, l’enseignant
et à mobiliser simultanément au service du aide l’élève à prendre conscience de ses acti-
traitement de cette situation complexe. vités mentales et de leur adéquation avec les
comportements qu’il produit ou qu’il est en
Par ailleurs, nos résultats ont démontré que
mesure d’observer.
les élèves qui montrent un bon niveau de
développement d’une théorie de l’esprit sont Le langage au service de la médiation so-
aussi ceux qui réussissent le mieux des tâches ciale vécue au quotidien contribue ainsi à la
de mémorisation, de déinition de mots, de construction d’une théorie de l’esprit, d’une
narration, d’un vocabulaire varié et précis, et compréhension du monde, de la pensée.
aussi de tâches de conscience morphologique Les causeries, les situations de résolution de
et syntaxique (par exemple, juger et corriger conlits, comme toutes les interactions dialo-
des phrases agrammaticales). Certains liens giques sont des occasions fertiles pour mettre
ont pu aussi être observés avec des tâches de en mots la pensée de chaque enfant et permet-
littératie précoce à la maternelle, de décodage tre à celle-ci de se préciser, de se développer,
et de compréhension en 1re année. d’exister. Le souci de dire au mieux ce que l’on
pense pour l’autre et, en cela, de rendre la pen-
Il nous apparait donc que l’enfant de 6 ou
sée « visible » pour soi, ne nécessite pas que
ans a accès à des représentations langagières
soit déployé un programme d’intervention ou
et cognitives qui évoluent et se transforment,
de stimulation. L’enseignant, de sa propre ini-
pour devenir de plus en plus précises et expli-
tiative, à tout moment, peut porter attention
cites. Ce faisant, ces représentations lui per-
aux mots qu’il utilise et avoir le souci de ren-
mettent de commencer à manipuler en pensée
dre transparents ses processus de pensée : « Je
tant l’objet langue -à travers les compétences
croyais que, mais je ne savais pas que… ». L’ex-
métalinguistiques-, que les états mentaux -
position à ce langage métacognitif et la discus-
l’objet de cette manipulation en pensée étant
sion qui pourrait s’instaurer entre croire que et
alors des représentations.
savoir que et sur l’importance de ne pas utiliser
un mot pour l’autre (Quand peut-on dire : « je
L’enseignant joue un rôle primordial dans
pense que…? » et quand peut-on dire : « je
le développement du langage de l’enfant sais que…?) permettent aux enfants de pré-
Les interactions sociales vécues au quotidien ciser leur compréhension des états mentaux.
par le biais du langage, instrument de média- Elle enrichit leur propre lexique le traduisant,
tion sociale et culturelle par excellence, per- en production comme en compréhension, dès
mettent à l’enfant d’avoir accès au monde des l’âge préscolaire (Peskin & Astington, 2004),
croyances et de l’esprit, et assurent la construc- mais aussi tout au long du primaire (Asting-
tion de sa pensée (Bruner, 1996; Nelson, 1996). ton & Olson 1990).
À l’école, dans ses interactions multiples avec
Des questionnements judicieux peuvent
l’élève, l’enseignant est un agent médiateur dé-
conduire les activités mentales à devenir objet
terminant dans l’émergence de la conscience
de rélexion : « Souviens-toi… », « Comment
du monde et de l’élaboration de la pensée de
as-tu fait…? », « Est-ce que tu sais que… ou
l’enfant. En mettant en mots des représen-
tu penses que…? », « Comment sais-tu ça? »,
tations au quotidien, en utilisant des termes
« Camille, elle, croit que… »
justes pour rendre compte de façon explicite
des expériences vécues, en utilisant des verbes De plus, l’exposition à la littérature jeunes-
précis pour traduire des états mentaux comme se, médiatisée par un adulte, est une source
À Votre tour
À Votre tour
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de doctorat inédite, Université de Rennes 2, Lectures suggérées
France.
Astington, J.W. & Edward, M.J. (2010). Le dé-
Mélançon, J. & Ziarko, H. (soumis). Les relations veloppement de la théorie de l’esprit chez les
entre théorie de l’esprit, maitrise langagière jeunes enfants. Dans Tremblay, R.E., Marr,
et habiletés métalinguistiques au moment de R.G., Peters, R.deV. & Boivin, M. (Eds.).
l’entrée à l’école, Revue des sciences de l’éduca- Enclyclopédie sur le développement des jeu-
tion. nes enfants [sur internet]. Montréal, Québec :
Mélançon, J. (2005). héorie de l’esprit, habiletés Centre d’excellence pour le développement
langagières et acquisition de la littératie, de la des jeunes enfants, pp.1 à . Disponible sur le
maternelle à la 1re année du primaire. hèse de site : http://www.enfant-encyclopedie.com/
doctorat inédite, Université Laval, Québec, documents/Astington-EdwardFRxp.pdf.
Québec. Doyon, D. & Fisher, C. (2010). Langage et pensée à
Nelson, K. (2005). Language pathways into the la maternelle, Québec, Éditions PUQ.
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Baird (Eds.), Why language matters for theory of
mind. Oxford: Oxford University Press.
Nelson, K. (1996). Language in cognitive develo-
pment: Emergence of the mediated mind. New
York: Cambridge University Press.
Olson, D.R. (1994). he world on paper: he concep-
tual and cognitive implications of writing and
reading. Cambridge: Cambridge University
Press.
À Votre tour
J
équivalent de la première année d’ici, ils ap-
’ ai efectué un cinquième stage prennent l’alphabet, les bases de la lecture, de
optionnel au Burkina Faso dans le cadre l’écriture et du calcul. Mes élèves utilisent une
de mon baccalauréat en enseignement langue burkinabée comme langue maternelle,
du français au secondaire à l’UQAM. et pas tous la même. Le CP1 est d’ailleurs un
L’école où j’ai enseigné le français durant lieu de francisation. Le français étant la lan-
neuf semaines est une école de brousse pri- gue oicielle du Burkina Faso, la scolarisation
maire privée, dont les enfants sont parrainés est une clé importante de l’inclusion sociale et
par un organisme canadien. de l’implication citoyenne.
Il est 5h30. J’ai programmé une alarme sur Il est 9h. Chaque journée commence par une
mon téléphone cellulaire burkinabé pour me période de français de quelques heures. Nous
réveiller, mais j’aurais pu compter sur les bruits suivons le programme Lire au Burkina, dont
du quartier qui s’anime et les cris des ânes du les activités s’appuient sur l’approche syllabi-
voisin. Je rejoins mes deux collègues dans le que. Après quelques activités de reconnais-
salon. Nous sommes reçues pour neuf semai- sance d’une lettre donnée, les enfants lisent à
nes dans l’une des deux chambres de la mai- tour de rôle à haute voix un texte dans lequel
son d’une famille de cinq. Nous mangeons du cette lettre est à l’honneur : « La jolie jupe de
pain et buvons du thé noir avant d’enfourcher Julie », « Le képi kaki de Khalifa ». Les en-
nos vélos achetés au marché le jour de notre fants apprennent ensuite l’écriture cursive; ils
arrivée. L’école où nous travaillons bénévole- s’exercent sur leur ardoise individuelle. Ils sont
ment est une école de brousse primaire privée, attentifs, calmes et polis, bien que certains
dont les enfants sont parrainés par un orga- aient de la diiculté à se concentrer à cause de
nisme canadien. Elle se trouve à une vingtaine la faim ou de symptômes de paludisme.
de minutes de vélo de chez nous. Il est 12h. La chaleur devient trop écrasante
Comme tous les matins, à notre arrivée sur et l’école ferme pour trois heures. Les enfants
le terrain de l’école, la centaine d’enfants qui demeurent à l’école où on leur sert chaque
fréquente l’établissement court à notre ren- midi du riz avec des fèves et de l’huile. Je ren-
contre et nous fait la haie jusque sous l’arbre à tre dans la famille qui m’accueille pour diner :
karité où nous laissons nos vélos pour la jour- généralement du riz à la pâte de tomate et une
née. Il est h. Le directeur de l’école annonce mangue à partager avec mes collègues. Après
le début des classes d’un coup de silet. Les une douche au sceau d’eau et une sieste d’une
enfants rejoignent en courant l’une des quatre heure, nous repartons à l’école pour l’après-
classes de l’école. midi.
À Votre tour
Il est 15h. J’assiste au cours de mathématiques Un stage dans un autre pays, et à plus forte
de mes petits, donné par leur enseignant habi- raison un pays non-occidental est, selon moi,
tuel. Vers 16h, je reprends la charge du groupe un apport considérable dans une formation à
et proite de la dernière heure de la journée l’enseignement. Le contact avec mes collègues
pour sortir avec eux devant notre classe, où burkinabés, nos discussions sur les pratiques
nous lisons des livres d’histoires. enseignantes et surtout le temps passé en
classe avec mes petits élèves m’ont fait rélé-
Il est 1h. Le soleil commence à descendre
chir sur l’importance de l’égalité des chances.
et l’école n’a pas l’électricité. Les enfants re-
Mes deux mois au Burkina Faso ont conirmé
prennent le chemin de la maison en rigolant,
ma passion pour l’éducation, dont je connais
à pied ou à deux ou trois sur un vélo. Tout re-
mieux que jamais l’importance.
commence demain.
* Étudiante à la maitrise en didactique des
langues (français langue d’enseignement) à
l’UQAM.
À Votre tour
Geneviève Messier *
E
n décembre 2010, dans le cadre
des recherches de notre thèse,
nous avons invité les membres de
l’AQPF à répondre à un question- formule, méthode, modèle, procédé, procédure, stra-
naire en ligne à propos des perceptions qu’ont tégie, technique. Le MELS, lors d’une consul-
les praticiens de la nature des méthodes en tation en 200 à propos du renouvèlement
éducation et de leur importance. L’idée de de la pratique enseignante (MELS, 200),
créer ce questionnaire est venue du fait que, et certains auteurs en éducation entre autres
outre notre problématique de recherche qui par Develay, 1998; Goupil et Lusignan, 1993;
nous indiquait que les termes que l’on emploie Guay, 1996; Meirieu, 2005; Sauvé, 1992; Vial,
pour parler des méthodes en éducation sont 1982), ont démontré que la compréhension
confus, nous nous interrogeons sur ce qu’en- des praticiens à propos de ces concepts était
tendent les praticiens en éducation à propos loue.
des termes approche, démarche, formule, métho-
de, modèle, procédé, pratique, procédure, stratégie, L’analyse des résultats de ces questions nous
technique, mais nous nous attardons également a conduits à airmer que pour plusieurs des
sur l’importance que les enseignants accordent répondants, il est diicile de distinguer le sens
à la compréhension de ces concepts pour le de ces concepts ou de conirmer les liens sé-
développement de leur pratique pédagogique. mantiques qui les unissent. En efet, autant
Vous avez été près de deux-cent-cinquante à les résultats quantitatifs que les commentaires
répondre à notre invitation. Nous souhaitons qualitatifs nous révèlent une méconnaissance
donc vous faire part de quelques résultats que ou une incompréhension des termes suggé-
nous avons eus à la suite de l’analyse des don- rés, termes qui sont généralement employés
nées de notre enquête. pour qualiier les méthodes en éducation. Par
exemple, pour plus de 60 % des répondants,
À propos de la compréhension l’attribution d’un terme pour catégoriser une
des praticiens sur les termes relatifs pratique particulière (par exemple, la pédago-
gie de projet est-elle une méthode, une appro-
aux méthodes
che, une technique, etc.) ne va pas de soi. Aussi,
Nous avons posé trois questions ain de saisir lorsque nous avons demandé de proposer,
la compréhension que possèdent les praticiens pour un concept donné, un synonyme (par
en éducation à propos des termes évoqués exemple, est-ce que méthode est synonyme de
précédemment, c’est-à-dire approche, démarche, technique?), la grande majorité des répondants
À Votre tour
À Votre tour
Au congrès de l’AQPF, en novembre dernier, vous avez Bref, la clé de la réussite est d’avoir l’équipe-
intitulé votre atelier : Livre électronique au primaire, ment, de savoir organiser les tâches et d’ensei-
c’est facile ! Est-ce vraiment si facile? Expliquez-nous. gner les préalables nécessaires à la réalisation
du projet.
Bien sûr, mais pour mettre en œuvre ce projet
dynamique, des activités sont planiiées pour Ensuite, comme l’objet d’enseignement/ap-
développer les compétences suivantes : prentissage porte sur le récit, il est primordial
d’expliquer la structure narrative aux élèves.
• amener les élèves à apprivoiser l’ordina- Cet objet étant en lien direct avec le déve-
teur comme outil de travail avec Word et loppement des compétences en lecture et en
Powerpoint et ainsi connaitre les fonctions écriture tel que proposé dans la Progression des
principales (copier-coller, sauvegarder sur apprentissages au primaire. Après des lectures
l’ordinateur ou sur une clé USB, chercher aux enfants, le lien entre la lecture et l’écriture
une image sur Internet, etc.) ; s’est fait par l’utilisation du schéma que Brigitte
Dugas propose dans son ouvrage paru aux
C
apprentissages solides.
onstatant que le MELS n’avait pas
l’intention de mettre en place un De façon générale, on peut dire que les partici-
plan de formation pour les ensei- pants sont conscients de la nécessité d’une pro-
gnants ain de les aider à s’appro- gression pour l’enseignement du français, qu’ils
prier la Progression des apprentissages1, qui est avalisent les orientations du document, bien
pourtant un document « complément » au pro- que certains déplorent le trop grand nombre de
gramme, puisqu’il considère que cela incombe contenus prescrits. Tous, par contre, jugent la
à ses «partenaires » (les commissions scolaires facture du document rebutante, diicile d’accès
et les écoles), avec le soutien de l’AQPF, j’ai fait autant sur le web que sur le papier.
une petite tournée d’information-formation: Chose certaine, la plupart des enseignants
Québec en novembre 2011, Trois-Rivières en attendent des moments collectifs d’exploration
janvier, St-Jérôme, Montréal et Sherbrooke et d’appropriation du document dans le cadre
en février 2012. Environ 15 personnes ont de leur travail, mais craignent qu’ils n’arrivent
participé à ces rencontres : enseignants du se- pas ou que ces moments soient bien courts
condaire, étudiants en formation des maitres, et tardifs.
professeurs et chargés de cours des universités,
conseillers pédagogiques de français. Bonne nouvelle, toutefois, les membres du
comité d’élaboration de la Progression ren-
Les thèmes variés ont permis d’aborder la contreront des responsables du MELS pour
Progression de diférentes façons : les prin- apporter des correctifs mineurs et un nouveau
cipes sous-jacents à l’établissement de cette document devrait être disponible à la in de
Progression; l’illustration de la Progression par l’année scolaire, en espérant qu’il soit plus
un mode de discours, la description; par trois convivial. À suivre, donc.
genres : l’appréciation d’œuvres littéraires en 2e
secondaire, l’article de vulgarisation scientiique * Didacticienne du français, membre du
comité d’élaboration de la Progression des
1 Cette expression utilisée pour la progression apprentissages (MELS, 2011)
dans toutes les disciplines est inadaptée, car
on ne peut établir et encore moins prescrire
une progression des apprentissages qui de- 2 Tous les diaporamas de ces rencontres ainsi
meurent sous la responsabilité des apprenants. qu’un ilm sont disponibles sur le Portail pour
Par contre, on peut répartir des contenus d’en- l’enseignement du français (www.enseignemen-
seignement; l’expression Progression des conte- tdufrancais.fse.ulaval.ca) à l’onglet Progres-
nus à enseigner aurait été plus juste. sion et sur le site de l’AQPF.
Des ajustements au
programme de lecture ?
Pour qui ? Pourquoi ?
Ou…Il était une fois une forêt,
des arbres, des branches, des
feuilles, etc.
Q
uand vous allez vous promener en forêt, consiste à des ajustements au programme de
sur quoi s’attarde en tout premier lieu français du préscolaire et du primaire. Or,
votre regard? N’est-ce pas sur les arbres, à la lecture des documents produits par les
leurs branches aux formes diverses syndicats1, l’enseignement de la lecture devrait
puis, sur leurs feuilles de couleur, de texture et d’abord porter sur le décodage avant de porter
de grandeur diverses? C’est ensuite que vous sur la compréhension, il s’articulerait de façon
allez observer de plus près un des aspects qui mécanique de la lettre, au son, à la syllabe, au
vous fascinent et dont vous voulez découvrir mot, ensuite aux phrases et inalement au texte,
les secrets. tout ceci échelonné du préscolaire à la in du 1er
Quand vous lisez, qu’est-ce qui attire votre cycle. Cette façon de voir est en contradiction
attention? N’est-pas le texte, cet ensemble de avec une approche équilibrée qui préconise un
phrases formées de mots, de syllabes et de let- apprentissage de la lecture qui se fasse d’abord
tres dont le son est plus ou moins doux, aigu, en contexte, à partir de textes signiiants qui
sec, joyeux, admiratif, etc. La lecture du texte servent de base aux apprentissages des élèves
prendra alors tout son sens et vous pourrez y tant sur le plan de la compréhension que sur
réagir, l’apprécier et l’intégrer dans vos connais- celui du décodage. Nous mettons en doute la
sances ou vos rêves. pertinence des ajustements proposés par le
MELS et du discours syndical au regard de
Cet automne, la Ministre de l’Éducation, du l’enseignement et de l’apprentissage de la lec-
Loisir et du Sport annonçait quatre mesures ture. C’est pourquoi nous apportons ici notre
visant l’amélioration de l’apprentissage de point de vue.
la lecture au préscolaire et au primaire. Ces
mesures sont le fruit d’une collaboration entre
la CSQ et le Ministère. Une de ces mesures 1 FSE- La dépêche, novembre 2011; Nouvelles
CSQ, été 2011
L
’introduction de la nouvelle orthographe a créé bien des remous dans le milieu péda-
gogique comme dans le milieu en général. Peur du changement, désir de rester à une
orthographe cimentée dans le temps, bien des critiques ont fusé. Madame Contant est
l’artisane par excellence de cette implantation progressive et harmonieuse dans les écoles
et par voie de conséquence dans les familles et la société en général. Linguiste reconnue, elle a
participé à l’élaboration de dictionnaires et à celle du dictionnaire Antidote. Elle donne des for-
mations un peu partout dans la province. Elle nous fait le grand honneur de participer aux Cahiers
ayant accepté d’écrire une chronique pour chaque parution. Nous la remercions vivement.
VRAI OU FAUX :
1- La plus récente édition du Dictionnaire de
l’Académie française (9e édition) signale la
Chantal Contant* nouvelle orthographe.
L
2- Le Petit Larousse illustré 2012 donne, sous
es mots ont diverses origines, et chaque mot touché, la graphie rectiiée re-
leur orthographe évolue au il des commandée.
siècles : c’est un phénomène normal.
3- Le Bescherelle L’art de conjuguer inclut les
Ainsi, les gendarmes s’écrivait jadis
rectiications de l’orthographe dans ses
les gens d’armes ; le mot vinaigre vient de vin
tableaux de conjugaison et son index al-
aigre ; le nom coutume a connu une ancienne
phabétique.
forme coustume avec s ; le verbe coûter s’écri-
vait lui aussi avec s (couster) pendant plusieurs 4- Le correcteur du logiciel Word, de Mi-
siècles, et on peut l’écrire aujourd’hui couter, crosoft, accepte par défaut l’orthographe
sans accent, comme coutume. rectiiée et l’orthographe traditionnelle
depuis 200.
Les changements orthographiques sont pro- 5- Les élèves ont le droit de mélanger les
gressifs et sont généralement encadrés par deux orthographes dans un même texte
des instances francophones. Les rectiications sans être pénalisés.
orthographiques de 1990, appelés couramment
« la nouvelle orthographe », ont été recom- Tous ces énoncés sont vrais. L’orthographe
mandées par le Conseil supérieur de la langue moderne recommandée fait maintenant partie
française. Ce sont les seules modiications du quotidien et des ouvrages de référence.
oicielles reconnues depuis 1932, année de la * Linguiste, chargée de cours, UQAM
publication de la 8e édition du Dictionnaire de [[email protected]]
Les Cahiers de L’AQPF, volume 2, numéro 3 29
Ateliers
Ateliers AteliersA
Ateliers de littérature 2012
Isabelle Péladeau*
Littérature et poésie
P
rendre le temps, lors d’une fin de Jacques Lecavalier, chercheur en éducation
semaine de printemps, pour parler de et enseignant de français au Collège de Val-
littérature dans un cadre enchanteur, leyield, est le gagnant du Prix innovation en
en pleine nature, voilà l’invitation que poésie. Il animera le stage Nelligan en plein cœur
vous lance l’AQPF. Cette année, les Ateliers de / Une approche afective de la poésie. M. Lecava-
littérature se dérouleront le samedi et le diman- lier partagera avec les participants la démarche
che 26 et 2 mai, dans les Laurentides, à l’Hôtel qu’il a entreprise avec ses étudiants pour leur
du Lac à Mont-Tremblant. La montagne, le lac, faire découvrir et aimer ce grand poète.
le ciel bleu de mai, c’est dans cet espace inspirant
Élise Turcotte a écrit de nombreux recueils
que les participants auront le plaisir d’échanger
de poèmes et plusieurs romans, récits et livres
autour du thème Littérature et poésie.
pour la jeunesse dont le journal poétique, Rose
Depuis cinq ans, l’AQPF organise cet évène- derrière le rideau de la folie, qui a remporté le
ment en collaboration avec l’Union des écrivains Prix littéraire du Gouverneur général en 2011.
du Québec (UNEQ). Les Ateliers de littérature Cette auteure entretiendra les participants des
comprennent deux volets : l’animation de stages raisons qui l’amènent à choisir d’écrire un récit
sur l’enseignement de la littérature d’une durée plutôt qu’un poème, des présupposés à l’écriture
de deux heures et demie chacun et la rencontre pour des adolescents et des adultes et de la
avec deux écrivains d’une durée d’une heure et vision du monde, particulière à la poésie.
demie chacune.
Patrick Lafontaine est professeur de littérature
Judith Émery-Bruneau, didacticienne du au Collège de Maisonneuve et adjoint édito-
français spécialisée dans l’enseignement et rial aux Éditions du Noroît. Ce poète a gagné
l’apprentissage de la littérature et professeure plusieurs prix dont le Prix Émile-Nelligan
au département des sciences de l’éducation de 199, pour son recueil L’Ambition du vide et le
l’Université du Québec en Outaouais présen- Prix Estuaire-Bistro Leméac 2011 pour son
tera le stage : Le slam : poésie hypermoderne ? au recueil Grève du zèle. Il donne comme titre à
cours duquel les participants se questionneront la rencontre qu’il vivra avec les participants La
sur le slam, sur la pertinence et l’intérêt de son mesure de la liberté. Il souhaite partager avec eux
enseignement pour travailler l’écriture créa- son expérience comme poète et enseignant.
tive, la lecture littéraire et l’expression orale. M. Lafontaine les entretiendra sur l’écriture
Ces derniers verront comment le slam permet poétique qui permet de découvrir des lieux de
d’amener les élèves à vivre une expérience de liberté de la langue. Il présentera comment,
création unique.
C
et ouvrage rédigé, par deux profes-
seurs-chercheurs de l’Université
Laval, Érick Falardeau et Denis
Simard, porte sur la formation
culturelle des élèves en classe de français. Il
s’adresse d’abord aux enseignants de français
du secondaire et aux enseignants en formation
initiale qui souhaitent se donner des outils
pratiques et théoriques pour mieux comprendre
et mettre en œuvre une approche culturelle de
l’enseignement en classe de français. Il devrait
également intéresser les formateurs et les cher-
cheurs en quête de données rigoureusement
analysées pour documenter et comprendre la
complexité des questions liées à une approche
culturelle de l’enseignement.
Dans le premier chapitre du livre, les auteurs
présentent de manière simple et synthétique le nous ofrent des témoignages authentiques
cadre théorique et la méthodologie sur lesquels et riches pour appréhender la complexité du
repose la recherche qu’ils ont menée auprès métier d’enseignant et de la tâche de « passeurs
d’enseignants de français au secondaire. Ils culturels ». Loin d’y voir autant de petits ma-
déinissent ainsi les notions de « culture » et de nuels de ce que devrait être un « bon prof », ces
« rapport à » et décrivent les trois dimensions témoignages permettent de mettre en lumière,
du rapport à la culture (subjective, épistémique de façon dynamique, différentes pratiques
et sociale) qui ont guidé l’analyse des discours d’enseignants qui tentent de placer au cœur
des enseignants. de leur enseignement la formation culturelle
de leurs élèves. L’écriture de style narratif de
Le second chapitre, consacré aux portraits
même que la grande place accordée aux paroles
de huit enseignants de français qui vivent la
des enseignants rendent vivante la lecture de
culture quotidiennement au sein de leur classe,
ces portraits. On y décrit les diférents parcours
représente, selon nous, le cœur de l’ouvrage
culturels des enseignants, leur vie familiale, leur
et en illustre toute l’originalité. Les auteurs
formation et leur entrée dans la profession, les