Leçon Littéraire

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Leçon littéraire : Le personnage Cibot dans le cousin Pons

Les personnages sont le moteur du roman qui imprime un rythme et une progression, sans
eux aucune action, aucun changement de situation ne peut intervenir. Au confluent du réel
et de la fiction, le personnage de roman constitue le relais émotionnel sans lequel le lecteur
ne peut s’impliquer dans l’histoire racontée. La conception dite « immanentiste » du
personnage, née des travaux de Greimas, Barthes et Hamon, qui invite néanmoins à le
considérer comme un « être de papier », « réductible aux signes textuels », crée par le
romancier ou le dramaturge que l’illusion nous porte à considérer abusivement comme une
personne réelle. Le personnage est produit par ce que le narrateur dit de lui, par ce que les
autres personnages disent et font avec lui, par ce que lui-même dit et fait.

En se référant à l’étymologie, le personnage est un mot qui provient du latin : « persona »,


qui désigne d’abord le masque de l’acteur. En d’autres termes, le masque étant accessoire
qui laisse passer la voix de l’acteur. A travers la définition proposée par le dictionnaire CNRTL
est un rôle tenu au théâtre ou dans la vie. Autrement dit, Chacune des personnes incarnées
(incarner son rôle avec conviction, au point de s'y assimiler) par un acteur ou une actrice
dans une œuvre). Les personnages sont ceux qui nous font vivre les événements. C’est à
travers leurs émotions, leurs actions leurs caractéristiques que nous pouvons suivre le fil
d’histoire.

De ce fait, dans un roman, le terme personnage désigne le héros, les personnages principaux
et les personnages secondaires. Ces derniers peuvent être des adjuvants, opposant ou
destinateurs.

Le terme « personnage » a subi une grande évolution au fil des siècles et de l’émergence de
nouveaux genres romanesques. Le personnage est conçu comme un héros dans l’antiquité,
un être hors de commun. Les personnages à ces époques font l’objet de figure de perfection.
Le personnage au sens moderne du terme n’apparaît réellement qu’à la Renaissance avec
l’émergence de la psychologie et de l’idée d’individu. Il n’est plus un héros au sens
mythologique du terme, mais une figure plus normale qui reflète davantage son lecteur. Le
personnage pose alors un regard plus critique et ironique sur lui-même. En 19 -ème siècle, le
siècle du réalisme. C’est un courant qui vise à représenter avec exactitude les individus et
leur société, dans un souci d’authenticité. Les auteurs portent alors un regard plus réaliste et
distancié sur des héros en apprentissage de la vie, dans une société régie par le
matérialisme. Balzac incarne des personnages ambitieux et assoiffés d’ascension sociale, qui
se heurtent aux illusions et aux pièges du monde moderne. Loin de représenter l’idéal de
perfection du héros, ces personnages sont de simples représentants d’une catégorie sociale.

Le personnage objet de notre leçon et le personnage Cibot qui incarne un caractère spécial
et participe à l’action et l’intrigue de cet histoire. Il se heurte avec d’autres personnages qui
l’offrent sa typification.

Il serait donc question de voir comment à travers le personnage Cibot, Balzac réussit à
présenter une description du mécanisme social et moral de toute une époque ?

Afin de répondre à cette question, on commencera par traiter la particularité du personnage


balzacien (I), depuis son introduction dans le roman, jusqu'à sa typification. Ensuite, on
analysera la différente caractéristique qu'entretient le personnage (II). On finira par
démontrer le traitement du réalisme dans le roman Balzacien.

I. La Cibot : personnage -Type


1. Présentation des Cibots : Une onomastique signifiante

Un portrait ne suffira pas à donner de l’épaisseur à ce tissu de signe qu’est l’être de


papier. Dans son étude l’effet -personnage, Vincent -Jouve souligne l’importance capitale
qui revêt le nom, pour susciter l’effet de la vie sans lequel il n’est point d’identification
du lecteur : « l’illusion de vie est d’abord liée au monde de désignation du personnage.
Au-delà du cas particulier des personnages historiques, c’est bien tout nom propre,
inventé ou non, qui suscité une impression de réalité. » (Jouve, 1998, P 110). Dans le
roman balzacien, désigner, c’est déterminer. Le nom propre est investi d’une dimension
symbolique. Quant à Cibot, tiré de civa qui signifie « oignon » en latin, il s’employait alors
comme surnom pour désigner le marchand et renvoie le couple avide à sa basse
extraction. La première présentation de la Cibot était dans le cinquième chapitre, je vous
renvoie à la page 72 : « Madame Cibot, la portière de cette maison était le pivot sur
lequel roulait le ménage des deux casses noisette, mais elle joue un si grand rôle dans le
drame qui dénoua cette double existence, qu’il convient de réserver son portrait au
moment de son entrée dans cette scène » .Ce personnage est désigné comme étant une
grande actrice sur la scène du tragi-comédie dont elle maintient le pouvoir de
manipulation du jeu et des personnages . Comme le désigne son nom, elle va faire
pleurer les protagonistes et ses opposants dans sa quête vers l’ascension social et l’appât

du gain. C’est le personnage de Mme Cibot qui, au fur et à mesure, viendra incarner le
principe démoniaque de cet univers. L’entrée en scène de la Cibot était annoncée et
différée au moment qui convient dans la trame de la comédie, cette figure est apparue
dans le récit comme une idée romanesque se développant éventuellement en fil narratif,
qui peut devenir en un moment le thème central occupant le devant de la scène.

2. L’évolution du personnage Cibot au fil du roman : d’un personnage adjuvant au


personnage opposant :

Balzac semble s’ingénier à brouiller les pistes, en donnant une grande visibilité narrative
au vain babillage de la Cibot où elle occupe une dizaine de chapitres. Les titres des
chapitres dessinent une trame dramatique tissée à partir des portraits disséminés
disposant les rôles exposés par la Cibot. Si nous prenons comme exemple : chapitre 10 :
où la cibot commence son attaque et 38 « la cibot au théâtre ».

Dans cette trame narrative, on peut remarquer que l’évolution morale de La Cibot. Elle
passe, en peu de temps d’honnête, je cite : les soins de Mme Cibot sont décrits de la
même façon : elle se montre « sensible et dévouée », « maternelle même », envers le
pauvre musicien (p. 100), à une menteuse et manipulatrice s’accompagne d’une
évolution du caractère. Or, ces descriptions ont de quoi nous rendre soupçonneux. A
mesure que « le désir d'être riche » (p. 139) s'éveille en elle, cette force virile deviendra
de plus en plus menaçante. Balzac la met en pleine lumière lorsqu'il raconte l'effort de
Mme Cibot de se faire coucher sur le testament de Pons en faisant écho à la citation
suivante à la page 192 : « Effrayé par la prédiction du grand jeu de madame Fontaine, La
cibot s’était promis à elle-même de réussir par des moyens doux, par une scélératesse
purement morale, à se faire coucher sur le testament de son monsieur. ».

Le fantasme de la Mère mauvaise qui s'exprime une force castratrice, une Méduse qui,
au fur et à mesure, frappera tout l'univers romanesque de mort et de destruction. Car à
la fin du roman, non seulement Pons et Schmucke sont tombés victimes de la puissance
destructrice de Mme Cibot, mais aussi le mari de celle-ci, assassiné par Rémonencq avec
l'adhésion silencieuse de la portière.

3. La reconfiguration du roman : Cibot est un metteur en scène

Ce personnage de la Cibot en tout cas occupe une place de premier plan dans le cousin
Pons. La Cibot fait office de lien entre les Camusots -popinot et fraisier, ainsi elle
transforma en action romanesque les prophéties de Madame la Fontaine. En d’autres
termes Mme Cibot est donc une des fabricateurs d'intrigues qui, grâce à une
combinaison productive de désir, de force et d'imagination, met en scène, au niveau de
la fiction, le jeu dont est fait le roman en tant que texte. Toutefois, Mme Cibot n'est pas
seulement l'instrument essentiel des jeux d'intrigues. Elle est, en même temps, l'être
capable de se soustraire à toutes les forces négatives, lorsque, dans le dernier passage
du roman, elle en vient à incarner cette force du Mal qui survit à tout. Immortelle
comme la mort, elle échappe aux prophéties de Mme Fontaine en tuant elle-même
l'homme qui voulait l'assassiner. Les dernières lignes du roman nous racontent,
comment son deuxième mari même, l'assassin Rémonencq, est mis au rancart à la suite
d'un acte dans lequel Mme Cibot joue le rôle de la Providence : « En effet, l'Auvergnat,
après s'être fait donner par contrat de mariage les biens au dernier vivant, avait mis à la
portée de sa femme un petit verre de vitriol, comptant sur une erreur ; et sa femme, dans
une intention excellente, ayant mis ailleurs le petit verre, Rémonencq l'avala. Cette fin,
digne de ce scélérat, prouve en faveur de la Providence, que les peintres des mœurs sont
accusés d'oublier, peut-être à cause des dénouements de drames qui en abusent, (p.
328) »

La cibot est metteur en scène car elle a pu s’associer à des personnages dans son jeu et
reconstituer l’intrigue par sa faveur. C’est un personnage type qui cherche
l’augmentation sociale. Il incarne plusieurs caractéristiques que nous allons dévoiler par
la suite.

II. Le personnage « Janus » dans le roman du cousin Pons : une diversité de masque
1. Les manœuvres : La Cibot Machiavélique
2. La cibot une Comédienne
3. La Cibot superstitieuse : une femme qui mène le jeu
III. Le réalisme chez le romancier Balzac : le reflet du réel
1. L’instrument langagier
2. L’art du portrait balzacien : Entre humanité et Animalité
3. L’image sombre d’une classe populaire : les coulisses de la société

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