Py00507t Iris Si 22 23
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PY00507T
Techniques
d'entretien
Techniques d'entretien
L3 (2016)
Nathalie Pigem
Docteur en psychologie
3
L’objectif principal de ce cours vise à vous proposer une initiation et une brève
introduction aux questions que posent la conduite d’un entretien psychologique
avec un enfant ou un adolescent.
1
toute rencontre et se fonde sur l’outil premier mis à la disposition de chacun, la
parole. L’entretien est un outil indispensable pour accéder aux informations
subjectives des sujets, à leurs représentations et leur activité de pensée. La
manière dont la personne rapporte ces informations renseigne parfois plus que
les informations elles-mêmes. Il s’agit par exemple de pouvoir repérer comment
l’enfant est capable de nous parler de lui (en termes d’histoire, de conflits, de
croyances, de rêves, de fantasmes...). Le terme « d’entretien psychologique »
renvoie à la fois à un champ de pratiques psychologiques diverses
(développementale, clinique, thérapeutique…) ainsi qu’au contexte particulier
dans lequel il a lieu (celui de la rencontre et de la demande), dans un cadre
précis avec un objectif donné (prévention, éducation, soins, évaluation,
recherche…).
2
Les spécificités et les caractéristiques de l’entretien avec un enfant et un
adolescent
Il y a une spécificité de l’entretien selon les différents âges de la vie. Si les
données fondamentales de l’entretien demeurent inchangées, un certain nombre
de paramètres nouveaux demandent à être considérés. La dimension plurielle
de l’entretien est le premier registre à souligner. Il est évident que le nombre des
aspects qui permettent de différencier des types particuliers d’entretien en
fonction de l’âge est d’une extrême étendue. Nous allons nous limiter aux
distinctions basiques afin de repérer au mieux ce qui peut influer, dans
l’entretien, du fait du degré de maturation psychique du jeune.
Une première question est celle de savoir quel est le degré de compréhension
langagière du sujet. L’entretien avec l’enfant ayant acquis l’usage de la parole
demande à prendre en compte le sens propre que revêt le langage selon le niveau
de développement. L’accès au sens et le caractère fonctionnel des mots varient 5
L’entretien avec l’enfant présente une réelle spécificité, qui tient compte de la
plasticité du psychisme de celui-ci et de son niveau d’évolution
développementale. En fonction de l’âge de l’enfant, la rencontre se déroule de
3
manière différente et les modes d’intervention du clinicien sont utilisés chacun
singulièrement.
Il est important de garder à l’esprit que l’enfant est accompagné par ses parents,
et que, de plus, il est rarement demandeur du premier entretien psychologique.
Un autre a donc généralement pris pour lui la décision de cet entretien qui va
avoir lieu. On l’y a d’ailleurs préparé ou non. (tous les cas de figures sont
possibles : parfois on ne lui a rien dit. Souvent, l’enfant semble avoir oublié ce
qu’on lui a dit. Parfois on lui a demandé son accord … ). Il faut tenir compte de
cette spécificité afin de permettre à chacun de s’exprimer sur ce qu’il a à dire.
Au cours d’un entretien psychologique, il s’agit d’offrir à l’enfant un cadre et
une ambiance permettant l’établissement pour ce dernier, d’un possible échange
avec un adulte.
4
vécue comme une souffrance, un échec pour les parents (échec éducatif,
personnel…). La culpabilité et la méfiance à l’égard du psychologue sont
souvent présentes. Il apparaît pourtant essentiel que lors des 1er contacts, la
présence des deux parents puissent être une condition assurée (il faut faire en
sorte que cette exigence soit possible car elle rend compte de la dimension de la
parentalité pour l’enfant).
Dans la rencontre avec les parents, l’enfant reste l’objet du discours parental,
même si le clinicien tente déjà de lui permettre d’accéder à une position
subjective propre, en s’adressant à lui directement et en l’impliquant dans
l’échange avec les parents.
Comme nous l’indique Benony (1998, p. 88) « Le psychologue doit analyser les
symptômes recueillis afin d’éviter de mettre sur le même plan les phénomènes
perceptifs objectifs, les réactions vécues par l’observateur, les modes d’être de
l’enfant, l’interprétation donnée par l’observateur et celle fournie par les
parents ».
5
Il s’agit d’être respectueux et de témoigner d’un intérêt à l’égard de chacun,
permettre à chacun de s’exprimer sur ce qu’il a à dire. Les premières rencontres
avec l’enfant vont permettre une mise en confiance avec le psychologue et vont
pouvoir l’inscrire dans une démarche de compréhension et par conséquent active
dans l’entretien. Il pourra exprimer ou pas ses ressentis, ses affects ... L’entretien
pourra alors s’engager avec l’idée de différenciation des propos du parent et par
conséquent d’individuation. Avec l’adolescent, la difficulté sera d’obtenir son
adhésion ce qui augurera ou non d’autres entretiens en individuel ou en groupe.
Le langage n’est pas toujours suffisamment maîtrisé par l’enfant pour lui
permettre de s’exprimer correctement ou précisément, l’attention de
l’enfant et la « mise en mots » de la pensée sont parfois parasitées. Il
s’agit pour nous, de s’adresser à l’enfant avec des mots simples et
accessibles en se référant à son niveau d’âge, à son niveau de
6
compréhension et ne pas hésiter à souvent répéter.
Une autre difficulté qui peut venir entraver la rencontre avec l’enfant est
la différence générationnelle entre le clinicien et lui. L’enfant a
l’expérience de l’adulte, d’un parent ou d’un substitut parental, de
quelqu’un qui, dans tous les cas, a toujours une attente ou une exigence à
son égard. Il va donc d’emblée chercher à repérer cette attente ou
exigence chez le psychologue pour s’y conformer, communiquant alors
seulement sa part sociale et adaptative dans l’entretien.
l’espace qu’il est en train de découvrir, sans lui assigner d’emblée une
place. Ce temps d’exploration s’avère primordial dans la mise en place
d’une relation de confiance avec l’enfant et rend également possible pour
le psychologue le repérage d’importants indices cliniques quant à la
problématique de l’enfant et des processus psychiques à l’œuvre dans la
situation. Là où certains enfants explorent intensément le bureau dans
lequel ils se trouvent, inspectant placards et caisses de jeux, et s’installant
tour à tour à divers endroits de la pièce, d’autres, au terme d’une hâtive
exploration, trouvent un espace qui leur convient, pour se mettre ensuite
rapidement à jouer ou à dessiner. D’autres encore, immédiatement assis
en début d’entretien sur une chaise ou un fauteuil dans l’attente que le
psychologue leur indique la place à prendre, restent passivement repliés
sur eux-mêmes.
7
L’utilisation de médiations comme les jeux ou le dessin, peut s’avérer
utiles, voire nécessaires. Plus l’enfant est jeune et plus le recours à des
objets médiateurs s’impose. La médiation facilite le mécanisme de
projection, où l’enfant peut mettre en scène dans le jeu ou le dessin, des
situations réellement vécues ou bien des conflits inconscients.
8
Quels peuvent être les différents types de recueils d’information ?
Quelles visées et quels sont les moyens potentiels offerts par
l’entretien psychologique ?
- Entretien de recherche…
9
attentes et veut recueillir des informations. Il est primordial de présenter
l’institution où l’on exerce (ou l’organisme de recherche, d’étude … ) ainsi que
l’objectif de l’entretien et d’assurer l’anonymat et la confidentialité au jeune
dans un souci éthique et déontologique. Cela nécessite d’avoir des compétences
quant à l’écoute de l’autre même s’il s’agit d’entretiens semi-directifs (ou
directifs), de l’aider à reformuler si nécessaire tout en reformulant nous-même
pour s’assurer d’avoir bien compris ses propos. Les entretiens seront menés avec
une neutralité bienveillante et empathie.
éthique implique qu'il doit prendre conscience de ses propres réactions par
rapport à ce qui lui est dit. Il doit être capable de reconnaître l'aménagement
défensif du sujet, pour le respecter pour que son intervention n'est pas d'effet
préjudiciable sur le jeune.
10
formes d’entretiens tels que mécanismes de défense, projections, déplacements
d’affects… Dans leur ouvrage publié en 2007 intitulé « Les premiers entretiens
thérapeutiques avec l’enfant et sa famille », Matot et ses collègues dont
Christine Frisch- Desmarez et Carine De Buck présente une synthèse de ce qui
peut être recueillis comme matériel et être évalué au travers d’entretiens
individuel avec des enfants. En voici, les éléments principaux proposés par les
auteurs (pp 111-113):
11
conscients et inconscients, ses symptômes apparaissent-ils transitoires ou
chronifiés ?
- le type d’angoisses et la nature des conflits psychiques que présente le
jeune.
Ce qui est analysé lors d’entretiens avec un jeune est toujours bien entendu à
resituer dans le cadre et le motif initial de la rencontre ainsi que l’analyse de la
demande voire des demandes.
Les médiations
S’il se met à dessiner ou jouer, il peut utiliser cette médiation comme résistance
ou comme communication. Il peut chercher à nous ignorer tout au plaisir du jeu
12
ou au fignolage de son dessin. Il peut également commenter spontanément ce
qu’il fait et nous inviter à y participer. Il peut enfin ne parler qu’en réponse à nos
questions.
Quoi qu’il en soit avec ces médiations, on sollicite son désir et sa participation
dans le dispositif. Quelle que soit la médiation choisie, l’enfant doit se sentir
soutenu par notre regard, nos questionnements, le sens que l’on donnera à tel ou
tel positionnement. Ainsi parfois on sera amené à choisir pour lui une médiation
s’il n’arrive pas à se déterminer. Par ailleurs, qu’il s’agisse du dessin ou du jeu,
le psychologue demeure actif tout en étant attentif au sens et à l’impact de ces
interventions. En effet, ce qui est renvoyé au jeune par le psychologue est
primordial (par exemple afin d’éviter que l’attitude neutre et bienveillante ait
pour conséquence la lassitude du jeune ou l’enfermement dans le jeu solitaire
voire un ressenti de rejet). Il pourra nous amener à intervenir dans ses jeux ou
15
dans son dessin de manière active si par exemple il ne peut ni parler, ni dessiner,
ni jouer. Il s’agit alors de lui laisser la liberté de choisir les thèmes, de ne pas
confondre la production signifiante du jeune avec la nôtre. A noter que le jeu
demeure éphémère tandis que le dessin a l’avantage de pouvoir laisser une trace.
Un test comme celui du « dessin de la Maison » (Royer, 1989) peut être un outil
complémentaire utile voire nécessaire pour préciser certaines hypothèses .
- Il faut lui signifier et se mettre d’accord avec lui sur ce qui sera dit à ses
parents et par conséquent ce qui ne sera pas communiqué (en général on
communique aux parents l’impression clinique globale du fonctionnement
psychique du jeune en lien avec le motif de la consultation).
13
- Se demander si notre langage est accessible (au jeune)
- Etre attentif aux attitudes non-verbales corporelles
- Le matériel mis à disposition doit être adapté, ni trop inducteur, ni trop
excitant
- Il nous faut également repérer si le jeune est capable de penser et de
s’exprimer par lui-même ou pas
- Il faut arriver à repérer et à différencier ce qui relève de la dynamique
individuelle du jeune de ce qui relève de la dynamique familiale
(notamment en cas de dysfonctionnement).
- Avec un adolescent, le psychologue doit tenir une position difficile entre
compréhension du jeune et maintien d’exigences à son égard
(identification à l’adolescent, identifications aux parents)
- on décidera en fonction de chaque cas avec l’adolescent lui-même si on
verra ou reverra ses parents et dans quelles conditions Bien prendre en
compte de la dépendance à la famille et de l’environnement du jeune 16
14
reformulations sur les motifs de la rencontre afin de saisir les enjeux de
celle-ci pour le jeune et faire émerger l’expression du conflit
actuel…)Avec un adolescent, « Le devoir de parler est cependant une
« prise de risque », qu’une ligne de crête entre le discours complice et
séducteur ou la distance impersonnelle doit nous permettre de
continuellement analyser et maîtriser » (Birraux, 1998, p. 294)
- Enfin, se rappeler que la visée de l’entretien quel que soit son motif
consiste dans un échange avec un jeune à obtenir des informations
permettant d’apprécier la dynamique développementale de celui-ci en
relation avec ses milieux de vie et de ce qui a participé ou participe à ce
jour à des manifestations de souffrance, de dysfonctionnement ...
15
langagière peut faire obstacle à l’échange avec un jeune.
- L’enfant, le pré-adolescent ou l’adolescent demeurent dépendants
psychologiquement de leurs parents qui peuvent se montrer rétifs ou
ambivalents vis-à-vis de la rencontre avec un psychologue malgré leur
accord initial (nécessité d’être soutenus affectivement….).
- Il faut pour l’adolescent que l’on puisse être perçu comme un
interlocuteur fiable, disposé à lui accordé un soutien, de l’intérêt à ce
qu’il vit, ressent, perçoit… Qu’il soit disposé également et en capacité à
entendre notre parole et lui accorder de la valeur.
- La neutralité bienveillante est difficile à supporter pour le jeune, elle peut
être angoissante (neutralité= disponibilité et tolérance aux informations
apportées par le jeune, pas silence et non-directivité ici …)
- Un adolescent sera souvent très sensible et blessé par des remarques
critiques à l’égard de ses parents qu’il peut interpréter comme une
disqualification de ces derniers… 18
16
dessin du bonhomme et celui de la maison, thèmes favoris des enfants).
- Moyen de communication, d’expression et de médiation accessible pour
la plupart des jeunes.
- Support « projectif » des affects conscients et inconscients
Il est rare que le dessin d’une maison soit refusé, beaucoup plus rare que celui de
la Famille ou du Bonhomme. Si c’est le cas, une autre consigne de dessin peut
lui être proposée (celle d’une maison d’un animal qu’il aime bien…). Et de
17
conseiller que le dessin de la maison devrait toujours être associé à l’anamnèse
du jeune et à ses conditions de vie réelles (Royer, 1995).
18
base des règles de conduites. L’éthique est donc de l’ordre du questionnement.
Des professionnels peuvent avoir une éthique divergente face à une
problématique spécifique rencontrée dans le cadre de la profession. La
déontologie fait appel à l’ensemble des devoirs qu’impose à des professionnels
l’exercice de leur profession.
Conclusion
L’entretien avec l’enfant et l’adolescent est une pratique spécifique qui engage
le psychologue à avoir des connaissances sur les étapes du développement de
l’enfant, sur ses phases de régression pour pouvoir apprécier du caractère
classique correspondant à son âge ou encore pathologique de son
fonctionnement psychique. Grâce aux outils de médiation dont il dispose, il
pourra appréhender ses mécanismes de fonctionnements et pourra l’aider à vivre
ses angoisses ses conflits internes. Le psychologue en fonction des possibilités 21
Bibliographie :
Benony, H., Charahoui, K. (1999). L’entretien clinique. Paris , Dunod. Collection Les
Topos.
Matot, J.P et al. (2007) Les premiers entretiens thérapeutiques avec l’enfant et
sa famille, Paris, Dunod.
19
Pedinielli, J.L., (1994). Introduction à la psychologie clinique, Coll. 128, Nathan
(chapitre 2.2, L’entretien, pp39-52)
Royer, J. (1995), Que nous disent les dessins d’enfants ? Paris, Hommes et
Perspectives
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PY00507T
1 Introduction......................................................................................................................................... 2
2 Différence entre E.N.D.R. et entretien clinique .......................................................................... 3
2.1 La demande. ................................................................................................................................................ 3
2.2 Le savoir. ...................................................................................................................................................... 3
3 L’écoute du chercheur : ................................................................................................................. 4
4 Les attitudes pouvant intervenir pendant l’ENDR (les attitudes selon H.PORTER).
4.1 L’attitude de décision................................................................................................................................ 4
4.2 L’attitude d’enquête. ................................................................................................................................. 4
4.3 L’attitude de support. ............................................................................................................................... 5
4.4 L’attitude d’évaluation. ............................................................................................................................ 5
4.5 L’attitude d’interprétation. ..................................................................................................................... 5
4.6 L’attitude de compréhension. ................................................................................................................. 5
25
5
5 La non directivité dans la recherche. ............................................................................................ 5
6 Les enjeux respectifs des partenaires en ENDR. ........................................................................ 6
6.1 L’enjeu du pouvoir. ................................................................................................................................... 6
6.2 L’enjeu de la connaissance. ..................................................................................................................... 7
7 La consigne de départ ! ..................................................................................................................... 7
7.1 De quelle place parle-t-on ? ..................................................................................................................... 7
7.2 Quelle confiance accorder ? ? ................................................................................................................. 8
7.3 Synthétiser, Terminer l’entretien ..................................................................................................... 9
7.4 Prise de notes et magnétophone ..................................................................................................... 10
8 Pour conclure : l’art d’interviewer ........................................................................................... 10
1 Introduction.
L’entretien non directif de recherche n’est ni une simple entrevue (rencontre concertée entre deux
ou plusieurs personnes pour traiter une affaire), ni un interrogatoire au cours duquel serait posées
une série de questions préétablies.
L’entretien est réalisé par l’interviewer, enregistré par ses soins avec l’accord de la l’interviewé
dont il s’engage à préserver l’anonymat (feuille de consentement).
L’objectif de l’interviewer est de favoriser la production d’un discours de l’interviewé sur un
thème défini dans le cadre d’une recherche. Il s’agit donc de recueillir une information, non
de la traiter à des fins thérapeutiques.
L’entretien non directif de recherche ne peut être confondu avec un entretien par questionnaire,
puisque dans ce dernier l’ordre et le contenu des interventions (questions) posées par
l’interviewer sont décidés à l’avance.
Si en réponse à un questionnaire, aucun discours n’est possible, un ensemble de questions
habilement formulées, s’ajustant sans ordre préétabli au fil du discours de l’interviewé, sans lui
couper la parole, peut très bien constituer une des modalités de l’entretien non directif de
recherche. La non directivité tient à la mise en œuvre d’attitudes spécifiques, ainsi que nous
allons le voir. C’est pourquoi, nous préférerons à toute autre appellation celle d’entretien non
directif qui ne laisse peser aucune ambiguïté sur les principes éthiques qui sous-tendent cette
démarche.
- son objectif n’est pas thérapeutique, ni diagnostic, mais il vise l’accroissement des
connaissances dans un domaine choisi pas le chercheur ;
- il correspond à un plan de travail que c’est fixé le chercheur : l’entretien vise à
répondre à des hypothèses de recherches précisent, ce qui conduit le chercheur à
délimiter le discours du sujet autour d’un thème ;
- l’entretien est produit à l’initiative du chercheur. C’est lui qui est en position de
demande à la différence de l’entretien clinique où il y a d’abord une demande du sujet.
2.1 La demande.
Il est classique d’entendre dire qu’une différence essentielle entre entretien clinique et entretien
de recherche résiderait dans le fait que la demande émanerait de « l’interviewé » dans le premier
et de « l’interviewer » dans le second.
La demande est en elle-même une notion imprécise, puisque immédiatement après avoir
prononcé ce mot, survient la question de savoir s’il s’agit de la demande explicite ? Latente ?
Spontanée ? Provoquée ?…
Aussi bien dans l’entretien clinique que dans l’entretien de recherche, il existe différents niveaux
27
7
de demande qui sont en interaction pour chacun des participants à l’entretien. Lorsqu’on réalise
un E.N.D.R. sur un thème qui fait écho à un problème personnel pour l’interlocuteur, cela met de
toutes les manières possibles une problématique de la demande, problématique faite de
résistances, d’attentes à l’égard de l’autre…
La demande du professionnel, quant à elle, ne peut être mise entre parenthèses, car dans
toutes les situations, c’est elle qui structure la situation. Dans l’ENDR, elle est demande de
savoir, dans l’entretien clinique elle est demande de résultat.
Le critère de l’origine de la demande est donc à considérer avec méfiance. Sur la base de
l’expérience, on lui préférera le critère du statut du savoir.
2.2 Le savoir.
L’entretien de recherche est une opération destinée à élaborer un savoir communicable. Il vise à
faire d’un problème même subjectif, un objet de connaissance, alors que le but de l’entretien
clinique est diamétralement opposé.
L’entretien clinique favorise chez le patient la construction d’une pensée personnelle, subjective
qui, de ce fait, est peu communicable. Cette dynamique est permise par la projection (dans
certains cas le transfert), qui n’est rien d’autre que la mise en place de relations imaginaires par le
patient sur la personne du professionnel.
Le chercheur étudie des actions passées, des savoirs sociaux, des systèmes de valeurs et de
normes… mais l’objectif est aussi d’étudier le fait de parole en lui-même. C’est pourquoi, après
le recueil du discours, on procédera à l’analyse du discours, l’analyse des phénomènes
d’argumentation, de persuasion…
3 L’écoute du chercheur :
L’écoute du chercheur n’est jamais neutre ; elle ne peut être assimiler à un simple recueils de
données. Le chercheur essaie de donner un certain nombre de significations au récit, il fait appel
à ses théories pour essayer de comprendre, il peut être amené à sélectionner certains éléments qui
lui semblent pertinents pour son étude.
Ces différentes stratégies d’écoute et en particulier l’attention sélective peuvent biaiser les
résultats dans le sens où le chercheur risque d’écarter des éléments pertinents. C’est pourquoi le
protocole de recherche et les hypothèses doivent avoir été bien réfléchit.
Par ailleurs, un certains nombre de mécanismes psychologiques peuvent également biaiser
l’écoute du chercheur.
Cependant l’écoute, au sens strict du terme, n’est pas toujours utilisée et peut se voir préférer
d’autres attitudes parmi les six catégorisées par H. PORTER, qui sont inégalement
recommandables pour une pratique de l’entretien véritablement non directive.
28
8
4 Les attitudes pouvant intervenir pendant l’ENDR (les attitudes selon
H.PORTER).
La non directivité, dans l’entretien non directif de recherche, se manifeste dans l’ensemble des
attitudes et des comportements d’un chercheur qui vise la production par un interlocuteur d’un
discours continu et structuré sur une question donnée. Mais on ne peut utiliser ce terme de non
directivité sans faire référence à Carl ROGERS
En 1945, ROGERS lui-même conseille le transfert de la non directivité dans le domaine de la
recherche, car si le conseiller s’offre au patient comme un « miroir verbal », ce reflet des attitudes
émotionnelles peut avoir une grande valeur comme outil dans la recherche. En effet, quand
aucune question n’est posée, quand aucune évaluation du discours n’intervient, alors joue un effet
de sollicitation des attitudes profondes de l’interviewé. On imagine facilement l’intérêt qu’il y a,
de la sorte, à éliminer les biais provoqués par l’interviewer et ses interventions.
Ainsi, très rapidement, on se trouve face à deux acceptions du terme « non directivité », l’une
dans le champ thérapeutique, l’autre dans le champ de la recherche. Mais dans ce dernier, la non
directivité se ramène à une pure technique d’intervention, sans que les conditions initiales – c’est
à dire de demande d’aide, d’objectif de changement - soient précisément réunies.
Il faudra attendre 1952 pour que la non directivité soit introduite en France par le psychologue
Max PAGES, et pour que plus tard, en 1970, il pose la question éthique de la manipulation
consciente ou inconsciente de l’interviewé par l’interviewer. Cette question a d’ailleurs plusieurs
niveaux, car l’interviewer, par son action, favorise aussi la manipulation de l’interviewé par le
groupe auquel il remet les résultats de la recherche.
Quoi qu’il en soit la notion de non directivité est restée courante pour caractériser l’entretien de
recherche, en partie sans doute parce que l’adoption d’une attitude non directive par le chercheur
lui laisse croire qu’est ainsi résolue le problème de son influence sur les données recueillies.
L’enjeu central d’un entretien est peut-être celui d’un savoir secret et de sa valeur. L’éventualité
du dévoilement de ce savoir secret est aussi fascinant pour l’interviewé que pour l’interviewer.
Les connaissances détenues par les deux partenaires sont, elles aussi, inégales.
L’interviewer sait, en partie, ce qu’il cherche. Il a des hypothèses. Il peut aussi s’exprimer à
propos de ce qu’il ignore ; c’est le signe de l’activité scientifique et de ses exigences de rigueur.
L’interviewé, lui, ne connaît rien de tout cela. En effet, il ignore les objectifs de la recherche, ce
qui est très inconfortable pour lui puisqu’il doit justement apporter une information en rapport à
ces objectifs-mêmes. On comprend donc qu’il puisse à un moment ou à un autre, essayer de
mesurer les conséquences possibles de son discours et de la divulgation de celui-ci.
L’interviewé procède par approximations successives. Il essaie de se définir et de se situer dans
sa propre représentation du bon savoir, sa propre représentation qu’il veut cohérente. C’est
pourquoi tout au long de l’entretien, il va effectuer une succession de choix. Il va sélectionner les
informations à divulguer, en éliminer certaines. C’est cette suite de choix qui constitue la
stratégie de l’interviewé qui va structurer fondamentalement son discours et sa manière de le
délivrer.
Enfin n’oublions pas l’après-entretien et son vécu par l’interviewé. Il dépend bien sûr de ce que
l’interviewé avait investi dans la relation, désenchantement, bouleversement parfois, mais aussi
possibilité de réamorcer un monologue intérieur ou de poursuivre, ailleurs et avec d’autres, un
discours resté en suspens pour cause d’inadéquation à la situation d’entretien de recherche
« scientifique » et non « thérapeutique ».
31
11
7 La consigne de départ !
S’il est un souci que l’on retrouve régulièrement dans les remarques des interviewers, surtout
néophytes, c’est bien celui de leurs interventions et de leur conséquence. Dans la plupart des cas,
ce souci s’énonce en termes de « bien » ou de « mal », en termes de « faut-il ? » ou « ne faut-il
pas ? ». C’est à ce genre de questionnement que nous efforcerons de répondre dans cette
conclusion.
Parmi toutes les interventions possibles, il en est une qui a un statut très particulier, une sur
laquelle on ne peut absolument pas faire l’impasse, c’est bien sûr l’intervention qui se situe au
démarrage de l’entretien proprement dit, la consigne de départ.
Elle est le stimulus essentiel, et de ce fait elle va être en grande partie décisive de la suite de la
rencontre. Quelles sont les invites que l’on utilise, les formulent que l’on emploi ? En fait aussi
nombreuses soient-elles, elles se ramènent à un petit nombre. Ainsi, on le professionnel
démarrera par :
« Que pensez-vous de … ? »
« Comment voyez-vous … ? »
« Qu’est-ce pour vous … ? »
Ces entrées en matière se poursuivent généralement par :
« … le problème de … »,
« … la situation … »,
« … l’idée de … ».
On constate donc que la plupart des consignes restent dans l’indéfini puisque l’interviewé se
trouve seulement interpeller, sans qu’une place explicite lui soit assignée.
Il ne sait pas s’il doit parler en tant que membre d’un groupe, détenteur d’un statut précis, ou en
tant que membre d’un corps social auquel il appartient. A moins que le chercheur ne le sollicite
en tant qu’individu ayant des opinions personnelles, ou encore en tant qu’individu vivant
personnellement une situation particulière.
Si l’incertitude persiste, c’est à dire si la dimension de l’individualité psychologique désignée
n’est pas énoncée, dans le meilleur des cas elle le sera parfois par l’interviewé lui-même qui
répondra par exemple :
-« Je vous parle en tant que mère de famille … »,
« A mon âge, on a des idées… »
Si l’interviewé n’introduit pas ainsi son propos, ni l’interviewer, ni celui qui traitera l’information
(s’il est différent du précédent) ne pourront contrôler le cadre de référence qui donne tout son
sens à ce qui dit l’interviewé. Le système de référence échappe, et par là-même les critères
d’évaluation et de catégorisation du sujet.
Bien sûr, il faut rester attentif à ce que la précision du titre auquel on fait parler l’interviewé n’est
pas garante de l’élucidation totale et entière de son système de valeurs et des critères de celui-ci.
Mais il faut bien voir que l’on n’entre pas dans la même logique d’entretien, selon que l’on dit :
« Vous êtes célibataire, et c’est à ce titre que je souhaiterais vous entendre vous
exprimer sur le PACS… », ou 32
12
Il faut être conscient de ce qu’une même consigne peut susciter des significations différentes chez
les sujets, en fonction de leur histoire sociale et culturelle. Se trouve posée ici la question des
rapports qu’entretient le sujet interviewé avec la verbalisation, mais aussi avec l’analyse
intellectuelle. Or ces rapports se construisent au cours de l’histoire sociale. La capacité de
s’exprimer verbalement sur un fait, un événement, une situation, s’acquiert socialement. Ce sont
des apprentissages insuffisants, ou vécus comme tels, que renvoient les premières réactions des
sujets, telles que :
« Je n’ai pas fait d’études … »
« Je ne sais que vous dire … »
« Je n’ai rien de bien intéressant à dire, voyez avec mon mari… »
Une inquiétude courante chez les interviewers débutants est celle d’être trompé par l’interviewé
qui –après tout – dit ce qu’il veut bien dire. Est-on en train de recueillir des informations non
véridiques, un discours mensonger, erroné. Rien de ce qui est dit ne doit être considéré a priori
comme vrai ou faux, fait ou non fait (Blanchet A., 1985). Quand un sujet dit que le mariage, c’est
agréable, ses propos ne sont pas vérifiables. Et même si tous les autres interviewés disent le
contraire, ce n’est pas la preuve que ce sujet ment. La question n’est donc pas de savoir si ce qui
est dit, est vrai, mais plutôt de savoir si ce qui est dit, est réellement pensé.
En effet, divers niveaux psychologiques entrent en jeu au cours de l’entretien. Un individu pourra
être tour à tour nerveux, moqueur, réservé… A d’autres moments, il peut chercher à faire bonne
impression ou à mener consciencieusement la réflexion qui lui est demandée. Dans tous les cas,
seul le contexte psychologique de l’énonciation pourra donner la clé de décodage du sens du
discours.
Considérer que tout ce qui est dit relève du même niveau psychologique est une erreur identique
à celle qui consiste à croire ou à ne pas croire ce qui est dit par le locuteur. De plus, il est peu
réaliste qu’un interviewé « normal » trompe un interviewer tout au long d’un entretien. En fait les
contradictions du discours auxquelles on peut être sensible au cours de l’ENDR, résultent en
grande partie de la distance existant toujours entre ce que l’on pense et les possibilités
d’expression offerte par la langue utilisée. Celles-ci sont très rarement parfaitement adéquates
aux autres.
Cependant l’interviewer doit repérer pendant l’entretien les trous et les omissions du discours, de
façon à les explorer le moment venu. En effet, elles doivent être prises comme autant d’indices de
résistance, de doute, de crainte qui empêchent l’interviewé de s’exprimer sans contrainte.
Quelques remarques pour conclure…
Si l’interviewer se doit d’être patient et bienveillant à l’égard de son interlocuteur, il doit
aussi rester intelligemment critique. Aucun des thèmes abordés ne doit lui sembler a priori non
pertinent, mais bien au contraire considérer comme symptomatique.
La situation d’entretien confère un véritable pouvoir à l’interviewer, pouvoir qu’il ne doit 33
13
pas dénier. Ce pouvoir tient aux processus psychologiques en jeu, mais il doit servir d’atout
utilisé de façon optimale et conformément aux règles éthiques.
S’il n’est pas du rôle de l’interviewer de discuter, de converser avec l’interviewé, de lui
donner des conseils, pas plus que de lui faire des remontrances morales, il peut cependant
s’adresser à lui, voire lui poser des questions. Mais ces interventions doivent être justifiables
conjoncturellement.
Elles sont destinées à aider la personne qui parle, dans son expression, à la soulager de
son inquiétude ou de son angoisse. Elles n’ont de raison d’être que parce qu’elles permettent la
levée des blocages et de ce fait facilitent la relation. Ce sera aussi l’occasion d’encourager une
expression fidèle et précise des opinions, des sentiments, des faits, tels qu’éprouvés, vécus. Ce
sera encore pour ramener le sujet à des points négligés, peut-être oubliés. Enfin, ce sera pour
évoquer, si cela est utile, l’émergence de l’implicite dans les propos tenus.
Il faut donc s’accorder à reconnaître que c’est le déplacement du regard de l’interviewer sur ce
qui encadre la parole qui conditionne la production de celle-ci et son interprétation.
Dans la perspective de formation qui est la nôtre, c’est avant tout l’interviewer qui nous 34
14
préoccupe et les dimensions de son savoir-faire, de son art d’interviewer, art fait en grande partie
de sa capacité à rester dans la mesure du possible le plus neutre possible.
La neutralité bienveillante qui doit permettre d’élargir le champ de l’observation, est à la fois
méthode et principe, toujours coexistant dans l’entretien.
Savoir rester le plus neutre possible, c’est tout l’art de l’interviewer, et quel art ! Et quelle
difficulté dans son exercice ! L’interviewer est pris dans un conflit dont les termes peuvent
s’exprimer de la façon suivante :
d’un côté la distance à l’autre, le silence, l’immobilité du scientifique,
de l’autre, les capacités d’empathie, d’acquiescement, de soutien, qui sont
considérées comme favorisant la maïeutique de l’interviewé.
Il arrive que l’interviewer en vienne à adopter un comportement de l’ordre de l’indifférence
contrôlée, présentant quelque parenté avec une attitude blasée, cependant agrémentée de quelque
bienveillance. Et c’est cette position qui se révèle énigmatique, lorsque l’interviewé s’efforce de
la percer en interrogeant à son tour : - « Et vous, qu’en pensez-vous ? »
Mais qui dit « neutralité », ne dit pas simplement « manipulation ». Certes la neutralité permet
mieux l’expression de l’interviewé qu’une autre attitude ; cependant elle s’entend aussi de
l’interviewer envers lui-même. Il doit surveiller ses propres inclinations chaque fois que les
choses lui paraissent évidentes. Il doit aussi surmonter sa propre gêne pour explorer certaines
zones laissées dans l’ombre par le sujet.
En outre, c’est cette neutralité qui lui interdit de questionner au profit de la seule invite à parler
adressée à son interlocuteur. Elle lui interdit aussi d’intervenir en apportant lui-même un savoir.
C’est toujours cette neutralité qui lui interdit enfin de répondre au premier niveau à l’injonction
de l’interviewé : - « Posez-moi des questions ! »
De cette neutralité, on peut dire qu’elle aménage un espace vacant entre le discours et la
théorisation de ce discours. Il est clair que cet espace est tout à fait nécessaire à l’élaboration du
fait scientifique qui ne s’impose jamais de lui-même, mais toujours se construit (Blanchet A.,
1985). L’accès à la connaissance, la constitution du discours en objet de savoir n’est possible que
par le dépassement des implications immédiates de l’interrelation interviewer / interviewé
La neutralité est une attitude difficile à tenir, surtout pour des débutants. Cependant, même avec
l’apprentissage et l’expérience, les difficultés persistent dans la mesure où le praticien confirmé
ne s’interroge plus sur la maîtrise de la technique, mais sur ce qu’il maîtrise en réalité.
La neutralité est à considérer, aussi bien en amont qu’en aval de l’entretien, car l’interviewer se
doit de préserver dans certaines limites la commande de recherche dont il est l’intermédiaire, les
discours déjà recueillis auprès d’autres interviewés.
Finalement se pose la question éthique du droit qu’aurait l’interviewer, dans l’ENDR, de lever
des résistances, de neutraliser des rationalisations. Rappelons-nous qu’alors l’objectif visé est
l’expression de l’interviewé sur un thème donné, même s’il est embarrassant. Et embarrassant le
thème l’est souvent, dès lors que l’on souhaite se dégager de réponses et de propos stéréotypés
qui ne seraient que le reflet du discours dominant. L’ENDR s’adresse essentiellement à
l’individu, en tant qu’auteur de sa propre expérience et dépositaire d’un vécu à nul autre
réductible.
Le chercheur reconnaît à l’interviewé un certain type de compétences puisqu’il lui apprend des
choses… Mais leur relation ne peut s’inscrire dans un échange habituel au cours duquel une
réciprocité s’instaure avec expression de la satisfaction, ou don réciproque d’informations. La
neutralité de l’interviewer doit lui permettre de rompre le lien de dépendance toujours latent, que 35
15
BLANCHET A. (1983) L’entretien de face à face dans la relation d’aide. Paris : ESF.
BLANCHET A. (1989) Les relances de l’interviewer dans l’entretien de recherche : leurs effets
sur la modélisation du discours de l’interviewé. L’année psychologique, 89, 367-391.
KANDEL L. (1972) Réflexions sur l’usage de l’entretien, notamment non directif et sur les
études d’opinion. Epistémologie scientifique, 1972,13, 25-46
36
16
12
PY00507T
Entretien Clinique
37
Sommaire
1. Introduction ..................................................................................................................................... 2
2. La formation à l’entretien : un travail sur soi ............................................................................ 2
1. Objectifs globaux. ........................................................................................................................................ 2
2. Motivation des candidats à la formation. ............................................................................................... 3
3. Apprentissage de l’écoute........................................................................................................................... 3
3.1. Observation. ........................................................................................................................................................... 3
3.2. Compréhension. ................................................................................................................................................... 3
3.3. Distanciation. ......................................................................................................................................................... 4
3.4. Contextuation. ....................................................................................................................................................... 4
3.5. Régulation. .............................................................................................................................................................. 4
3. L’entretien clinique : quelques éléments de définitions .................................................. 5
4. Entretien clinique et psychologie clinique ............................................................................ 5
5. Les attitudes fondamentales dans l’entretien clinique ..................................................... 6
1. La nondirectivité ...................................................................................................................................... 7
2. Respect ........................................................................................................................................................ 7
3. Acceptation inconditionnelle.............................................................................................................. 7
4. Neutralité bienveillante ........................................................................................................................ 7 39
29
5. Empathie ou compréhension empathique ..................................................................................... 8
6. Authenticité ou congruence ................................................................................................................ 8
7. Disponibilité ............................................................................................................................................. 8
6. Ce qui est mobilisé dans l’entretien clinique : ...................................................................... 8
1. La demande .................................................................................................................................................. 9
2. Les effets de transfert............................................................................................................................. 10
3. Les effets de contretransfert .............................................................................................................. 10
4. Les mécanismes de défense ................................................................................................................. 11
7. Les techniques de l’entretien clinique ................................................................................. 12
1. Premier entretien .................................................................................................................................... 12
2. La gestuelle ................................................................................................................................................ 12
3. La présentation ........................................................................................................................................ 12
4. Durant l’entretien .................................................................................................................................... 12
1 Introduction
L’entretien clinique reste un outil fondamental dans la pratique du psychologue clinicien où il
s’agit de comprendre l’étiologie des fonctionnements psychologiques et les souffrances des sujets
tout en préservant leurs singularités.
L’objectif de cette partie de cours est de sensibiliser l’étudiant(e) à la spécificité de l’entretien
clinique, en présentant ses caractéristiques théoriques, pratiques et les implications du praticien et
du sujet. Nous tenterons d’apporter certains repères permettant à l’étudiant(e) de se familiariser
avec ces techniques tout en appréhendant les écueils possibles : investissement dans la relation,
développer sa capacité d’écoute, prendre conscience de ses propres résistances, les types
d’interventions et de relances, entendre et admettre la problématique de l’autre, repérer ses
propres projections, penser ce qui se joue dans la relation.
Quel que soit le type d’entretien que l’on envisage, la formation à leur pratique suppose une
connaissance des procédures et une sensibilisation aux processus. En effet, l’entretien, quelle que
soit sa finalité, demande à l’interviewer de comprendre les mécanismes propres à cette
communication, en même temps que d’être capable de réguler la dynamique de l’échange.
L’entretien est un instrument d’investigation complexe qui mobilise des processus intersubjectifs.
Dans cette situation est toujours présente la question de la relation à l’autre, et l'on ne peut faire
40
30
l’impasse sur les enjeux psychiques conscients et inconscients des deux protagonistes. C’est la
raison pour laquelle tout entretien exige de la part de celui qui le conduit une certaine attitude
clinique.
Par attitude clinique, il faut entendre une attitude d’observation orientée vers la totalité de l’être
humain qui lui fait face, un être humain concret, singulier, complet.
La formation à l’entretien est donc l’occasion de travailler la communication duelle et oblige à
considérer, tout à la fois, les aspects techniques et les aspects dynamiques de cette situation.
Dès maintenant, il doit être clair au lecteur que, dans la formation à l’entretien, sont en jeu non
seulement :
des méthodes : démarches raisonnées, ordonnées,
des outils : moyens permettant d’exécuter une tâche,
des techniques : ensemble de procédés,
mais aussi des attitudes.
C’est pourquoi on peut affirmer que l’objet de la formation à l’entretien renvoie à la fois à des
savoir-faire (techniques) et à des savoir-être : il s’agit d’apprendre certaines techniques qui seront
utilisées en fonction de ce que chacun est. C’est donc sur le développement de l’écoute dans
l’échange et sur le développement de la compréhension des discours manifeste et latent de
l’interviewé que va se centrer la formation. Mais aussi à repérer comment nos attitudes influent
sur le déroulement de l'entretien et al mobilisation de notre écoute.
2.2 Motivation des candidats à la formation.
La plupart des étudiants sont victimes d’une illusion, l’illusion que la formation va leur permettre
de s’approprier un dispositif qui sera contrôlable. Autrement dit, ils attendent un entretien
modèle, sinon un modèle d’entretien, qu’il leur serait possible par la suite de reproduire tel quel.
Or cet idéal imaginaire vous sera refusé puisque la performance professionnelle passe
nécessairement pour l’interviewer par le repérage de ses propres investissements dans la relation.
Le futur praticien doit apprendre à :
développer ses qualités d’écoute,
découvrir les résistances qu’il rencontre,
admettre la problématique de cet autre qu’est l’interviewé,
reconnaître ses projections personnelles qui peuvent constituer autant d’obstacles à la
communication.
Qui dit situation d’entretien, dit nécessairement écoute de l’autre. Mais écouter, ce n’est pas
entendre (écoute active). C’est cela et plus que cela encore, comme nous le verrons par la suite.
L’apprentissage de l’écoute ne peut se réduire à la seule acquisition de techniques appropriées.
Les techniques ne pourront être opérationnelles qu’avec la conduite d’un travail sur les attitudes
profondes des futurs interviewers. On peut à ce propos mentionner diverses capacités, aptitudes,
qui devront être développées au cours de la formation.
41
31
2.3.1 Observation.
Au cours d’un entretien, il faut être capable de gérer les silences après en avoir identifié le sens.
« Il est un silence prudent et un silence artificieux. Un silence complaisant, et un silence
moqueur. Un silence spirituel, et un silence stupide. Un silence d’approbation, et un silence de
mépris. Un silence de politique. Un silence d’humeur et de caprice. »
Le professionnel doit donc être attentif aux comportements non verbaux ; il doit être en mesure
de décoder les messages qu’ils délivrent. Il doit aussi prendre en compte les enjeux du regard et
reconnaître ainsi silences vides et silences pleins.
2.3.2 Compréhension.
Il s’agit de repérer les investissements de l’interlocuteur dans la relation, d’identifier ses
motivations, de contrôler la séduction comme l’agressivité.
Les connaissances de l’interviewer doivent lui permettre de distinguer les différents mécanismes
de défense qu’il rencontre (mécanismes que nous verrons plus loin).
2.3.3 Distanciation.
L’interviewer doit être en mesure de contrôler ses inductions, d’identifier sa propre implication
affective dans la relation à son interlocuteur, de vérifier sa compréhension. Il doit en même temps
élargir le champ de son écoute en travaillant sur la nature sélective de celle-ci.
2.3.4 Contextuation.
Il faut être capable d’identifier le fond de la pensée du sujet, de repérer la nature de
l’interlocuteur et son cadre de référence. Autrement dit, il ne faut pas omettre de prendre en
considération la dynamique du sujet dans sa propre histoire
2.3.5 Régulation.
Il convient d’être capable de gérer les obstacles à la communication, ainsi que les éventuels
conflits. C’est à bon escient que l’interviewer doit intervenir sur la relation ou sur le contenu. Il
doit valoriser l’expression du discours de l’autre, et aussi faciliter cette expression. Cela doit
s’effectuer sans porter de jugement. Il doit accepter, sans pour cela approuver. L’interviewer doit
se passer de la reconnaissance de l’autre.
On peut résumer l’ensemble des points précédents, en précisant qu’une formation à l’entretien
doit sensibiliser les interviewers aux « points aveugles » du dispositif utilisé.
Certaines techniques, couramment mentionnées, permettent d’éviter les trop grandes distorsions
du discours d’autrui. Il s’agit de la reformulation, de la répétition, de la relance. Elles permettent
de baliser l’écoute, de réajuster la parole de l’un à l’oreille de l’autre. Qu’en résulte-t-il pour
chacun des deux protagonistes de l’entretien ? 42
32
La notion d’entretien clinique est très liée aux travaux de Carl Rogers (1966), psychologue
humaniste américain. Ses contributions porte essentiellement sur les notions d’acceptation de
l’autre, de centration sur le sujet, d’empathie, de non-directivité et de compréhension.
La pratique de l’entretien clinique a également été influencée par d’autres modèles notamment la
psychanalyse (mais aussi par les modèles phénoménologiques et systémiques).
1
En complément et en priorité lire les ouvrages de Benony, H., Charahoui, K. (1999).
L’entretien clinique. Paris : Dunod. Collection Topos ; et Chiland, C. (1989). L’entretien
clinique. Paris : PUF.
Cette perspective de suivi ou de diagnostic distingue l’entretien clinique en psychologie clinique
et l’entretien utilisé dans les enquêtes sociales ou pratiqué dans d’autres disciplines des sciences
humaines.
Dans le cadre de la psychologie clinique , l’entretien clinique a donc plusieurs buts : permettre de
dire, écouter, s’informer, faire dire, mais aussi dire quelque chose du sujet. L’entretien est
producteur de faits de langage à partir desquels s’instaure un échange, une reconstruction des
faits réels, mais aussi l’analyse des faits de discours (forme, construction des énoncés,
mécanismes de défense, représentations prévalentes, place du sujet…). (Pédinielli JL., 1994)
L’entretien clinique est le meilleur moyen dont nous disposons pour recueillir des informations
sur la souffrance et les difficultés du sujet. Le discours du sujet nous apporte des informations sur
les faits réellement vécus ou imaginaires, mais aussi sur sa position à l’égard de ces faits et de ce
qu’il attend du psychologue.
L’entretien clinique apporte également des informations sur l’économie psychique du sujet, sur
l’organisation des mécanismes de défense que l’on peut voir à l’œuvre dans son discours
(exemple la dénégation) ou dans les scènes qu’il rapporte (exemple les identifications) ou encore
dans la manière de s’adresser au psychologue (les projections). Le discours est enfin le terrain
sur lequel viennent se reconnaître les signes pathologiques, soit à travers la plainte clairement
énoncée, soit au travers de ce qui est rapporté (idées délirantes), soit au travers de la construction,
de la syntaxe ou de la forme (aphasie). (Pédinielli JL., 1994)
Par ailleurs, le fait de parler, Freud l’a bien souligné, possède une fonction libératrice (abréaction)
qui peut conférer à tout entretien un effet potentiellement thérapeutique. Ce qui invite à respecter
des principes éthiques.
La manière de mener l’entretien ne s’improvise pas, ce n’est pas une conversation ordinaire, il
s’agit d’un dialogue asymétrique entre un sujet et un professionnel (le psychologue clinicien).
Ce que l’on peut dire, c’est que la manière de mener un entretien s’appuie sur des techniques
(non-directivité, semi-directivité) et une certaine attitude (attitude clinique) adoptée par le
psychologue clinicien. On peut dire que les aspects techniques (non-directivité, semi-directivité)
et l’attitude clinique représentent les aspects les plus stables de l’entretien dit « clinique » et cela
quelles que soient les modalités et les conditions de l’entretien.
5.1 La non-directivité
C’est l’attitude envers le sujet par laquelle le clinicien se refuse à orienter le patient. Cette attitude
est prônée par Carl Rogers dans la relation d’aide. Elle implique que le clinicien ait confiance en
son patient et dans ses capacités de changement et dans ses possibilités personnelles. Il s’agit
d’une attitude respectueuse, empathique, compréhensive, congruente et confiante à l’égard du
patient, seule manière de changer le sujet selon lui.
Le psychologue peut poser une question, donner une consigne ou bien circonscrire un thème puis
s’efface pour laisser parler librement le sujet en évitant de l’interrompre. Le psychologue respecte
les moments de silence, les arrêt, les discontinuités, les associations : « l’important c’est que le
sujet dise ce qu’il a à dire, ce qu’il veut dire et ce qu’il peut dire » (Chiland C. 1984).
Le clinicien se contente d’effectuer des relances qui peuvent prendre différentes formes
(reformulation de ce qui vient d’être dit, d’une idée émise par le sujet, un hochement de tête…).
Même si ces relances visent une neutralité maximum de la part du clinicien, elles ont une
influence sur le discours du sujet.
5.2 - Respect 45
35
5.7 - Disponibilité
Le psychologue doit se rendre disponible, trouver un lieu approprié, être dégagé momentanément
d’autres tâches auprès des patients ou de l’équipe, être prêt à écouter le sujet.
L’attitude clinique relève tant d’un dispositif technique que d’une véritable approche
déontologique. Toutefois, l’attitude clinique est très liée à la personne du clinicien et implique 46
36
donc certaine maitrise de soi et une sérénité par rapport aux problèmes rencontrés. Ce n’est pas
toujours simple de garder la bonne distance, c’est pourquoi le clinicien devra analyser et clarifier
ses propres contre-attitudes (ou contre-transfert que nous verrons plus loin).
Toutes les attitudes qui ont une influence sur l’autre, diminuent la zone de liberté, augmentent la
dépendance et donc la capacité du sujet à expliciter le problème.
Selon les travaux de Blanchet, lorsque le praticien a une attitude réflexive (reformulation), le
sujet progresse dans la recherche de son problème. Lorsque le praticien cherche à apporter des
éléments extérieurs au discours du sujet (interprétation), le sujet répète sa demande ou
interrompt le travail thérapeutique.
Les deux modes du dire mis en évidence par Blanchet sont la reformulation (exprimer la pensée
du sujet) et la complémentation (demande d‘ajouts au discours).
Dans la relation duelle chacun induit la pensée, les émotions et le comportement de l’autre. Pour
47
37
que l’entretien soit le plus satisfaisant possible pour les deux partenaires, il est souhaitable de
comprendre les principaux processus psychiques qui les touchent l’un et l’autre.
6.1 La demande
C’est le moment initial de l’entrée du sujet dans le système de soin, d’aide, énoncé de façon plus
ou moins précise par un tiers demandeur, par un acteur social, ou par le sujet…dans le cadre
d’une demande manifeste ou d’une demande latente. La demande réelle du sujet, sur sa
problématique est souvent dissimulée sous un grand nombre de demandes administratives,
sociales, éducatives. Bien souvent, la mise en échec des différentes démarches est liée à une
demande latente non apparente et source d’entrave à une prise en charge efficiente. La difficulté
est donc de repérer la demande principale, souvent implicite, qui permettra par la suite
d’amorcer une implication et une adhésion réelle du sujet au projet social, éducatif et
psychologique.
Par sa nature, l’entretien clinique mobilise la question fondamentale de la demande. En effet, qui
demande quoi et à qui ?
Qui demande ? Quel est l’objet de la demande ? Qui peut recevoir cette demande ? Nous voyons
qu’il s’agit là d’éléments indissociables et interdépendants. Le demandeur vient avec une
souffrance, un désir d’être libéré de ses problèmes et il attribue un savoir et un pouvoir à celui qui
est en situation professionnelle de répondre.
Le clinicien se met au service du demandeur (et non l’inverse comme dans la situation de
recherche), il propose ses compétences et sa technicité.
Quand elle existe, et ce n’est pas toujours le cas en pratique institutionnelle, la demande introduit
une dynamique évidente dans la rencontre. La satisfaction de la demande apaise les frustrations
du sujet et crée de nouveaux liens entre les sujets. La situation déclenche des réactions diverses,
révélatrices de la personnalité et du fonctionnement mental. Elle peut permettre de mesurer le
degré de mobilisation du sujet en vue d’une proposition d’une psychothérapie.
Elle est donc fondamentale dans le cadre d’un suivi psychologique et l’investissement du
sujet dans un entretien clinique.
Ce terme désigne l’ensemble des réactions inconscientes du clinicien à son interlocuteur et plus
particulièrement au transfert de celui-ci.
Le contre-transfert comporte deux dimensions :
- l’une est constituée par les réactions inconscientes du psychologue en référence à sa
problématique personnelle, c’est-à-dire que le discours du sujet peut rappeler quelque
chose que lui même a vécu ;
- dans l’autre, le contre transfert devient un outil diagnostique, dans le sens où les réactions
induites chez le psychologue vont aider à mieux comprendre le sujet.
Certains préférerons parler d’attitudes et de contre-attitudes, il faut donc entendre ici le contre-
transfert au sens large et non restreint au cadre analytique. (Approfondir à travers la lecture du
chapitre 5 dans l’ouvrage de Bénony et dans l’ouvrage de C. Chiland)
7.2 La gestuelle
Il regarde son patient, il lui tend la main, il l’invite à s’asseoir. Il se veut accueillant.
7.3 La présentation
- Se présenter et présenter l’institution ;
- Insister sur l’intérêt de l’entretien pour le sujet ; le patient n’a pas forcément demandé la
rencontre (ex : demande d’un tiers). Il subit ou accepte la situation, tandis que le psychologue
recherche des informations (ex; dans une recherche).
- La situation d’entretien acceptée, il faut informer le sujet des modalités de réalisation de
l’entretien : lieu, durée approximative, enregistrement (expliquer pourquoi le magnétophone est
utilisé : aide mémoire, pour éviter de prendre des notes et être à l’écoute, …), déroulement de
l’entretien, …
- Des règles de déontologie professionnelle sont rappelées : respect de l’anonymat, 50
40
Elles consistent à répéter un contenu déjà exprimé par le sujet. Elles constituent des extractions
de contenu et non des ajouts de sens. Elles traduisent une confirmation d’écoute, signalant à
l’interviewé que l’on a bien entendu ce qu’il a dit tout en lui demandant d’expliciter davantage
l’énoncé réitéré. On différencie ici deux catégories : l’écho et le reflet.
• l’écho ou le miroir : répéter à quelqu’un ce qu’il vient d’énoncer, afin de manifester notre
écoute et compréhension de ce qu’il vient de dire. Le clinicien a effectué une sélection de son
discours, des éléments qui l’intéresse (en fonction de la demande). Ce type d’intervention peut
encourager le sujet à développer. Mais utilisée systématiquement, elle peut bloquer l’association
par son aspect artificiel.
• Le reflet : c’est expliciter une attitude, des émotions, des sentiments non dits (ou tout au moins
ce qui peut être perçu à travers des intonations, silences, hésitations, mimiques). Ce n’est pas un
simple « oui » mais une reformulation qui montre au sujet que l’on a compris ce qu’il ressent. Ce
type d’intervention est parfois nécessaire pour lever les blocages.
Son usage abusif produit une interlocution artificielle et peut provoquer des résistances à des
soumissions (on cède à l’autre une certaine responsabilité de son acte d’énonciation).
• Les résumés : consiste à reprendre l’ensemble de ce qui a été dit pour en faire un résumé. Il
s’agit en fait de faire ressortir sans en déformer le sens, les points essentiels.
Cette relance est souvent utilisée à la fin d’un entretien, elle permet en outre au sujet de préciser
des choses ou de revenir sur des points incompris. Bien utilisée, la reformulation est très utile ;
mal utilisée, elle peut être gênante car le sujet la ressent comme extérieure à lui et risque de se
sentir incompris.
Psychologue : « Si je vous suis bien, vous avez dit que…, vous voulez dire que…, en d’autres
termes…, pour résumer… ».
14
PY00505V
Entretien cognitif
53
2. BERTONE A, MELEN M, PY J, SOMAT A. (1995, réédition 1999). Témoins sous influences : recherches
de psychologie sociale et cognitive. Presses Universitaires de Grenoble : Grenoble.
3. PY J, FERNANDES C. (1995). L'hypnose et l'entretien cognitif : deux techniques efficaces
d'amélioration de la mémoire des témoins. Psychologie Française 40 : 281‐294.
4. PY J, GINET M. (1995). L'entretien cognitif : un bilan de douze années de recherches appliquées.
Psychologie Française 40 : 255‐280.
5. PY J, GINET M, DESPERIES C, CATHEY C. (1997). Cognitive encoding and cognitive interviewing in
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6. GINET M, PY J. (2001). A technique for enhancing memory in eyewitness testimonies for use by
police officers and judicial officials : the cognitive interview. Le Travail Humain 64 : 173‐191.
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Revue Québécoise de Psychologie 27 : 177-196 1 .
8. PY J, DEMARCHI S. (2006). Utiliser l’entretien cognitif pour décrire et détecter les criminels. Revue
Québécoise de Psychologie 27 : 197-215.
55
17
1
Revue répertoriée notamment dans les bases de données PsycInfo, Psychological Abstracts, Repère, Inist.
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Ministère de la Justice et des Libertés. (2010). Les chiffres clés de la Justice. Retrouvé
depuis http://www.justice.gouv.fr/budget‐et‐statistiques‐10054/chiffres‐cles‐de‐
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Bull, R. (1996). Good practice of video recorded interviews with child witness for use in
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Ceci, S.J., & Bruck, M. (1998). L’enfant‐témoin. Une analyse scientifique des témoignages
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2.2.2. Le pré‐entretien
Style de la discussion
Brubacher, S.P., Roberts, K.P., & Powell, M. (2011). Effects of practicing episodic versus
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de très jeunes enfants à témoigner d’un évènement répété dans le temps ? L'année
psychologique, 110(4), 541-572.
2.2.4. La phase de questionnement
58
20
L’ENTRETIEN COGNITIF : son efficacité, son application et ses spécificités.
Contrairement à une idée répandue dans les milieux concernés, l’entretien cognitif
(Geiselman, Fisher, Firstenberg, Hutton, Sullivan, Avertissan et Prosk, 1984) n’a pas été
commandé par les forces de police, mais a été créé suite à une situation banale vécue par l’un
de ses auteurs, Ronald Fisher.
Ce dernier reçu un jour des amis à dîner. Le lendemain, l’un d’eux l’appela pour savoir
s’il n’avait pas oublié un objet chez lui car il ne se souvenait plus où il l’avait posé. Le
chercheur, qui enseignait les principes théoriques du fonctionnement de la mémoire humaine
à l’université internationale de Floride, lui répondit que non. Il proposa alors à son invité de la
veille plusieurs techniques rudimentaires destinées à activer sa mémoire ; et l’étourdi retrouva
l’objet « perdu ».
Suite à cet épisode, Ronald Fisher contacta son collègue de Los Angeles, Edward
Geiselman, pour lui demander quelles étaient selon lui les personnes les plus susceptibles
d’utiliser ces techniques. Sa réponse fut immédiate : les officiers de police chargés
d’auditionner les témoins et victimes 1 .
Ils se rendirent au commissariat de police de Los Angeles pour déterminer si les
nombreux travaux de psychologie cognitive traitant de la mémoire pouvaient s’appliquer aux
auditions judiciaires. L’entretien cognitif était né.
Durant les deux décennies suivantes, les chercheurs travaillant sur l’entretien cognitif se
sont intéressés tour à tour à la validation de la méthode sur le terrain avec le concours
d’officiers de police judiciaire (Fisher, Geiselman, Raymond, Jurkevich et Warhaftig, 1987 ;
Ginet et Py, 2001), à son amélioration en terme de conduite de l’entretien (Fisher et
Geiselman, 1992), à son adaptation aux différentes populations susceptibles d’être impliquées
dans des affaires criminelles [Enfants (Memon, Wark, Bull et Koehnken, 1997) ; personnes 59
21
âgées (Mello et Fisher, 1996) ou déficients mentaux (Milne, Clare et Bull, 1999)], à sa
confrontation à d’autres méthodes d’audition comme l’hypnose (Geiselman, Fisher,
MacKinnon, et Holland, 1985 ; Py et Fernandes, 1995), et, plus récemment, à son
optimisation (Py, Ginet, Demarchi et Ansannay-Alex, 2001 ; Davis, McMahon et
Greenwwod, 2005).
L’efficacité de l’entretien cognitif est largement reconnue par les professionnels de la
justice, en témoigne son implantation en constante augmentation dans de nombreux services
d’investigation judiciaires dans le monde (Afrique du sud, Australie, Belgique, Bulgarie,
Canada, Danemark, Espagne, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Luxembourg,
Portugal, Québec, Roumanie, Suisse).
1 Dans le reste du document, les témoins et victimes sont regroupés sous le terme générique de témoin.
l’enquête. Ils ont formé des détectives de la division des cambriolages d’un département de
police à l’entretien cognitif, tout en corrigeant leurs erreurs en matière de conduite de
l’audition. En comparaison d’autres de leurs collègues non formés, ces enquêteurs ont
recueillis 60 % d’informations supplémentaires, sans augmenter la durée des auditions ; et au
final, ils ont résolu davantage d’affaires criminelles de faits élucidés.
L’enquêteur doit envisager l’entretien cognitif comme un outil destiné à aider les témoins
dans leur recherche de l’information critique. Cette technique va lui permettre (1) d’obtenir
des récits plus complets et plus exacts qu’avec des méthodes d’audition traditionnelles, (2) de
diminuer sensiblement le volume de questions, et (3) de réduire de façon importante les biais
communicationnels et les influences inconscientes nuisibles à la résolution d’une affaire
criminelle.
De plus, cette méthode issue de la recherche en psychologie expérimentale présente
l’avantage de normaliser des pratiques trop souvent disparates, et de fournir aux enquêteurs
les outils nécessaires pour réaliser des auditions de qualité, auditions qui peuvent représenter
la clé de la résolution d’une enquête (Kebbel et Milne, 1998 ; Sanders, 1986).
enquêteurs), mais aussi les très nombreuses informations concernant l’environnement, ses
états mentaux et physiques, c’est-à-dire des éléments peu ou pas utiles à l’enquête en cours.
Or, ce sont ces informations contextuelles qui vont aider à la récupération de l’information
critique (Flexter et Tulving, 1978 ; Tulving et Thomson, 1973), et la qualité du rappel croît
proportionnellement au nombre d’éléments contextuels présents au moment de l’encodage et
que l’on instille lors de la phase d’audition.
Deux des consignes originales de l’entretien cognitif ont pour objectif d’augmenter la
similarité entre les situations d’encodage et de récupération. La première, appelée consigne
d’hypermnésie, incite le témoin à rapporter toutes les informations qui lui viennent à l’esprit
sans se censurer, y compris celles qui lui semblent peu importantes ou celles dont il n’est pas
certain. La dernière partie de cette mnémotechnie génère parfois une certaine méfiance de la
part des professionnels de la justice puisque le témoin est invité à rapporter les éléments dont
il n’est pas sûr. Or, ceux-ci peuvent conduire les enquêteurs sur de fausses pistes. Mais l’on
doit garder à l’esprit qu’il n’existe qu’un faible lien entre la certitude affichée par un individu
et l’exactitude de sa déclaration (Gwyer et Clifford, 1997). En d’autres termes, un témoin peut
déclarer n’être pas certain de l’information qu’il rapporte alors que cette dernière est pourtant
exacte. Et inversement, une grande certitude affichée quant à l’information qui vient d’être
livrée ne garantit nullement sa véracité 2 .
La deuxième consigne issue du principe de l’encodage spécifique est la consigne de
remise en contexte mentale. Considérée comme la stratégie la plus efficace de l’entretien
cognitif (Memon et Bull, 1991), elle incite le témoin à repenser aux éléments
environnementaux, physiques, émotionnels et humoraux présents lors de l’encodage.
2
La corrélation entre la certitude affichée et l’exactitude des propos est, en moyenne, de .08 (Wells et Murray, 1984).
Le deuxième principe théorique est la multiplicité des chemins d’accès à l’information
critique (Tulving, 1974). Selon cet auteur, l’accès à une information mnésique peut se faire en
empruntant plusieurs chemins possibles. Les consignes de changement d’ordre narratif et
de changement de perspective en sont issues.
En utilisant la consigne de changement d’ordre narratif, l’enquêteur va encourager le
témoin à se remémorer les faits dans différents ordres temporels, en particulier en décrivant la
scène de la fin vers le début. L’objectif de cette mnémotechnie n’est pas tant l’obtention de
nouvelles informations que la diminution de l’impact des scripts et schémas sur le récit
Avec la consigne de changement de perspective, le témoin va décrire la scène selon
plusieurs angles de vue, ou adopter la perspective d’un des protagonistes de la scène
(Anderson et Pichert, 1978). Cette consigne va permettre au témoin d’évoquer des
informations qu’il n’aurait pas mentionnées selon sa propre perspective narrative.
Dans la première version de l’entretien cognitif (Geiselman et al., 1984), les quatre
consignes mnémotechniques étaient proposées simultanément aux témoins, qui devaient
ensuite rappeler le plus d’informations possibles en utilisant à leur guise les différentes
stratégies fournies.
L’efficacité de cette première version a été testée dans plusieurs recherches
expérimentales (Aschermann, Mantwill, et Koehnken, 1991 ; Geiselman, et al., 1984,
Geiselman, Fisher, MacKinnon, et Holland, 1986). Les auteurs ont constaté que cette méthode
permet d’obtenir entre 25% et 35% d’informations correctes de plus qu’un entretien standard
de police. Un autre résultat très encourageant est qu’elle réduit l’impact des questions dirigées
(ou suggestives) qui incitent les témoins à intégrer dans leur discours des éléments suggérés
par le libellé de la question (Geiselman et al., 1986). Ces questions sont très néfastes car elles
diminuent très sensiblement la qualité et la véracité des récits. 61
23
Malgré cette efficacité, plusieurs problèmes endémiques sont apparus lors d’études
réalisées sur le terrain avec le concours d’officiers de police. La méthode proposée
initialement n’était pas adaptée à la situation d’interaction qu’est l’audition d’un témoin
(Fisher et al., 1987a, 1987b). L’entretien cognitif, au-delà des mnémotechnies qui le
caractérise, doit être considéré avant tout comme une méthode d’audition non directive
(Roethlisberger et Dickson, 1946 : Rogers, 1942). Fisher et ses collaborateurs ont donc
proposé une version « améliorée » (« Enhanced Cognitive Interview ») qui permet d’obtenir
45% d’informations correctes supplémentaires par rapport à un entretien standard, sans
augmentation concomitante du nombre d’erreurs (Fisher et al., 1987a, 1987b).
L’enquêteur doit dorénavant utiliser différentes techniques destinées à faciliter la
communication avec l’interviewé. Il doit transférer le contrôle de l’audition au témoin,
préciser le déroulement de l’entretien, les objectifs et le rôle de chacun. Il doit également
adopter une attitude souvent contraire à sa pratique, à savoir laisser au témoin le temps de
formuler sa pensée et ne pas l’interrompre lors de son récit (Cahill et Mingway, 1986 ; Fisher
et al., 1987 ; Georges, 1991 ; Stockdale, 1993). A ce sujet, Ginet et Py (2001) ont montré que
85% des officiers de police judiciaire français commettaient ces erreurs. L’inconvénient des
interruptions de parole est qu’elles entraînent une démotivation du déposant et rendent
certaines informations inaccessibles ultérieurement, notamment celles que le témoin aurait dû
rapporter spontanément s’il n’avait pas été interrompu (Jou et Harris, 1992).
L’enquêteur doit également faciliter les échanges en utilisant un ton posé, en étant calme
et détendu. Il doit éviter les remarques négatives sur les capacités de remémoration du témoin
puisqu’elles entraînent un repli sur soi. Il doit aussi prêter attention à la formulation des
questions et à leur place dans l’audition. Contrairement à la pratique habituellement constatée
sur le terrain (George, 1991 ; Ginet et Py, 2001), les questions n’apparaîtront qu’à la fin de
l’audition, après que le témoin ait effectué son récit. Les questions doivent être posées selon la
logique du témoin et non celle de l’enquêteur. Par exemple, lorsque le rappel débute par les
faits et se conclut par des éléments concernant l’apparence des personnes, l’officier en charge
de l’audition devra respecter cet ordre lors du questionnement. Il devra également utiliser
autant que possible des questions générales, appelant une réponse développée (par exemple,
« pouvez-vous me décrire l’agresseur ? »), et, si ces dernières ne permettent pas d’obtenir
l’élément recherché, recourir à des questions spécifiques (par exemple, « de quelle couleur
étaient ses yeux ? »). En revanche, les questions négatives (par exemple, « Vous n’avez pas
vu ses yeux ? ») et dirigées (par exemple, « il était bien habillé en sombre ? ») sont à
proscrire, les premières incitant le déposant à répondre également par une formulation
négative (« non, je ne les ai pas vus »), et les secondes influençant son souvenir, ce qui risque
de mener l’enquête sur une fausse piste.
Selon les résultats d’une récente méta-analyse réalisée à partir d’une quarantaine d’études
expérimentales, cette nouvelle version de l’entretien cognitif permet de recueillir 40% de
détails corrects supplémentaires, mais également 25% d’erreurs de plus qu’un protocole
d’entretien standard (Koehnken, Milne, Memon et Bull, 1999). Toutefois, le taux
d’exactitude 3 des informations rapportées en entretien cognitif n’est pas affecté, même avec
un délai de plusieurs semaines entre l’incident et l’entretien. Ainsi, l’entretien cognitif permet
d’obtenir des récits plus complets avec une qualité équivalente à celle obtenue avec un
entretien standard.
Le protocole français de l’entretien cognitif (Ginet et Py, 2001 ; Py, Ginet, Desperies et
Cathey, 1997)
Py et al. (1997) sont à l’origine de la version française de l’entretien cognitif. La 62
24
spécificité de cette version réside dans le poids accordé au rappel libre et à la dissociation
systématique des règles permettant d’éviter l’association de certaines règles mutuellement
exclusives, comme le changement d’ordre et la remise en contexte mentale 4 . L’analyse des
protocoles obtenus a mis en évidence une très nette supériorité de la méthode en comparaison
de l’entretien standard quant au nombre d’informations correctes restituées par les témoins,
que les données aient été recueillies suite à des rappels spontanés ou suite à des questions
posées par l’enquêteur. Cependant, contrairement à d’autres études, les auteurs n’ont relevé
aucune différence significative concernant les erreurs et les affabulations 5 .
Le bénéfice consécutif à l’emploi de la méthode a également été observé sur le terrain
lorsqu’elle est utilisée par des enquêteurs appartenant à des services d’investigation criminelle
(Ginet et Py, 2001). Enfin, au-delà de l’aspect purement qualitatif, les auteurs notent, à l’instar
de Clifford et George (1996), un questionnement moindre avec la méthode de l’entretien
cognitif, ce qui représente un atout majeur en terme de gain de temps !
Suite à des remarques récurrentes d’officiers de police à propos de la consigne de
changement de perspective, les auteurs ont décidé de la supprimer du protocole et de la
remplacer par une nouvelle mnémotechnie dite de focalisation périphérique (Py, Ginet,
Demarchi et Ansanay-Alex, 2001). L’idée de cette consigne originale repose sur les très
3
C’est-à-dire le rapport entre le nombre d’informations correctes et le nombre total d’informations rapportées (i.e.
correctes et erreurs)
4
Rappelons que la version originale de Geiselman et al. (1984) consistait à proposer toutes les consignes à la fois, et le
témoin devait les appliquer à sa guise lors de l’audition.
5
Une affabulation est une invention inconsciente et involontaire de la part du témoin, comme l’ajout de caractéristiques
physiques qui n’existent pas chez l’agresseur, ou l’ajout d’objets qui n’étaient pas présents sur les lieux, ou des faits qui ne se
sont pas produits. Par exemple le témoin décrit l’auteur avec une moustache alors que celui-ci n’en avait pas. Une erreur est au
contraire une confusion de caractéristiques, comme par exemple dire que l’agresseur était blond alors qu’il était brun
nombreuses observations que nous avons effectuées au cours d’entretiens avec des témoins.
En effet, lors d’un premier récit, le sujet s’en tient essentiellement à l’ossature événementielle
de la scène. Il n’a pas la capacité d’organiser son récit en évoquant à la fois les actions et
l’ensemble des détails qu’il a en mémoire. Un second récit organisé autour de l’objectif de
restituer les détails de la scène apparaît donc indispensable. La consigne de changement
d’ordre narratif ne permettant pas d’atteindre cet objectif, un récit spécifique s’avère donc
nécessaire. Cette modification trouve également un support dans la littérature scientifique. Par
exemple, Boon et Noon (1994) ont montré que le changement de perspective est la seule
stratégie qui n’accroît pas les rappels. Et un entretien cognitif minoré de cette consigne ne
diminue pas les performances de rappel des personnes âgées (Mello et Fisher, 1996). Donc,
elle ne permet pas à l’enquêteur d’obtenir des informations supplémentaires. En la
supprimant, il ne diminue pas le volume d’éléments mais gagne du temps, et en la remplaçant
par une nouvelle consigne (comme la consigne de focalisation périphérique), il est susceptible
d’accroître le volume d’informations.
omettent des informations qui leur semblent des détails, mais qui sont quelquefois importants
pour le déroulement de l’enquête.
La première technique que je vous propose consiste à tout me dire, même les détails qui
ne vous paraissent pas importants, et même ceux dont vous n'êtes pas très sûr.
Essayez, en fait, de me dire tout ce qui vous vient à l'esprit, d'être le plus complet possible,
de parler aussi bien des actions que des personnages ou des objets. Moi, en tant
qu'enquêteur, tout m'intéresse, n'importe quel détail, quel qu'il soit »
3ème étape : énonciation de la consigne de remise en contexte mentale
« Mais avant de me raconter ce que vous avez vu et ce que vous avez vécu au cours de
cette scène, je vais vous demander d’effectuer un travail mental qui va vous aider à mieux
vous souvenir.
Tout d’abord, repensez au lieu dans lequel vous étiez (marquer une pause de quelques
instants afin de laisser au témoin le temps de repenser correctement à ce lieu), étiez-vous à
l’intérieur ou à l’extérieur ? (pause) Quelle place occupiez-vous dans ce lieu ? (pause)
Quelles étaient les personnes éventuellement présentes ? (pause) Quel temps faisait-il ce jour-
là ? (pause) Quelle était la luminosité ? (pause) Quels étaient les bruits, les odeurs ? (pause)
Repensez également à votre humeur au moment de la scène. Etiez-vous triste ? (pause)
Gai ? (pause) Enervé ? (pause) Calme ? (pause).
Pensez aussi à votre état physique. Etiez-vous en pleine forme ? (pause) Ou fatigué ?
(pause) Aviez-vous faim ? Ou trop mangé ? (pause) Aviez-vous soif ? Froid ? Chaud ?
(pause) Aviez-vous mal quelque part ? (pause) Etiez-vous stressé ? (pause).
Pensez à vos émotions. Avez-vous été ému, choqué, stressé à un moment donné ? (pause)
A quel moment dans la scène ? (pause) Pensez à vos réactions face à la scène (pause 6 ).
Prenez tout le temps qu'il vous faut pour effectuer ce travail. Lorsque vous vous sentirez
prêt, vous pourrez commencer à me raconter ce que vous avez vu » 7 .
4ème étape : premier récit spontané du témoin
Lorsque le témoin raconte, l’enquêteur doit veiller à ne pas l’interrompre. Il doit adopter
une attitude d’écoute, avec des renforcements non verbaux. Le témoin doit se sentir écouté
pour ne pas être démotivé. L’enquêteur doit également le renforcer et encourager à la fin de
son récit en le remerciant pour l’effort qu’il vient de faire et en insistant sur l’utilité de son
récit pour la résolution de l’affaire. Face à un témoin peu prolixe, il faut éviter de formuler des
remarques négatives qui l’inhiberaient encore plus !
5ème étape : énonciation de la consigne de changement d’ordre narratif
« Quand on raconte une histoire, on utilise l’ordre chronologique. Mais il a été montré
que beaucoup de gens parviennent à fournir des informations auxquelles ils n'auraient pas
pensé spontanément lorsqu'ils racontent la scène à laquelle ils ont assisté en remontant le
temps, c'est-à-dire en partant de la fin et en remontant jusqu'au début.
Je vais donc vous demander de me raconter une nouvelle fois ce que vous avez vu en
partant de la fin et en allant jusqu'au début. Si cela peut vous aider, vous pouvez découper
votre récit en petites séquences et me décrire chacune d’elles en partant de la dernière et en
allant jusqu'à la première ».
6ème étape : deuxième récit spontané du témoin
Idem étape N° 4.
7ème étape : énonciation de la consigne de focalisation périphérique (Py et al., 2001)
« Je vais vous proposer une dernière consigne très efficace pour améliorer les souvenirs.
Quand on raconte une histoire pour la première fois, on parle surtout des actions et on ne
rapporte pas beaucoup de détails. On se laisse emporter par les actions et on n’a pas le temps 64
26
de tout décrire. Or, une affaire est souvent résolue à partir d’un détail.
Je vais donc vous demander d’effectuer une dernière fois votre récit, dans un ordre
chronologique, en vous centrant sur tous les détails qui entourent la scène principale. Surtout
n’essayez pas de compléter vos récits précédents. Au contraire, n’ayez pas peur de vous
répéter. Reprenez le fil des actions et approfondissez votre récit en effectuant des « arrêts sur
image »
8ème étape : dernier récit spontané du témoin
Idem étapes N° 4 et N° 6.
6
Insistons sur l’importance des pauses dans l’énonciation de la consigne. Celles-ci permettent au témoin d’avoir
suffisamment de temps pour faire le travail qui lui est demandé. L’accès à l’information ne présente aucune difficulté, mais
requiert quelques instants de travail mental. Si l’enquêteur ne laisse pas au témoin la possibilité de faire cet exercice mnésique,
l’efficacité de la consigne de remise en contexte mentale se trouvera considérablement affaiblie.
7 L’enquêteur doit éviter de dire « allez-y » à la fin de la consigne de remise en contexte mentale car cela incite le témoin à
débuter son récit immédiatement sans prendre le temps de faire le travail demandé.
leur agresseur. Ce problème n’apparaît pas, bien entendu, avec la consigne de focalisation
périphérique.
CONCLUSION 65
27
La recherche de méthodes qui permettent d’améliorer les souvenirs est une préoccupation
qui remonte à l’antiquité [par exemple, la méthode de Loci (Yates, 1966)]. Les enquêteurs
peuvent trouver avec l’entretien cognitif une technique efficace et fiable de recueil des
témoignages. Il convient, cependant, de ne pas sous-estimer la difficulté d’apprentissage de
cette technique d’audition. En effet, former un officier de police à l’utilisation de l’entretien
cognitif nécessite deux journées de formation en très petits groupes effectuées par un
spécialiste. Si certains principes de l’entretien cognitif sont facilement assimilables (consigne
d’hypermnésie, nécessité d’obtenir au moins deux rappels libres complets), d’autres aspects
de la technique apparaissent plus complexes. Ainsi, la consigne de remise en contexte mentale
nécessite à elle seule plus d’une demi-journée de formation.
L’entretien cognitif n’est pas une technique figée. La recherche se poursuit pour optimiser le
protocole. Après plus de 20 ans d’existence, l’entretien cognitif évolue, s’adapte aux
différentes procédures pénales, et s’ancre progressivement dans les pratiques professionnelles
des officiers de police des deux côtés de l’Atlantique.
66
28
UTILISER L’ENTRETIEN COGNITIF POUR DECRIRE ET DETECTER
LES CRIMINELS
DESCRIBE AND DETECT CRIMINALS WITH THE COGNITIVE INTERVIEW
1 1
Jacques Py Samuel Demarchi
Université Paris 8 Université Paris 8
2
La plupart des témoins et victimes décrivent les criminels en quelques
termes souvent vagues. Pourtant, les officiers de police considèrent ces
informations comme essentielles parce qu’une recherche efficace de
l’auteur en dépend le plus souvent. Les chercheurs en psychologie
expérimentale doivent donc s’efforcer de proposer une technique qui
accroisse quantitativement et qualitativement ces rappels. Sous réserve de
quelques adaptations, l’entretien cognitif (Geiselman, Fisher, Firstenberg,
Hutton, Sullivan, Avertissian et Prosk, 1984) pourrait constituer une
alternative aux méthodes standard. L’objectif des deux études présentées
dans le cadre de cet article — réalisées en collaboration avec les
professionnels concernés — est d’évaluer l’efficacité d’une version
modifiée de l’entretien cognitif dans le cadre de la collecte des descriptions
et de la recherche de suspects potentiels.
1 Par exemple les participants devaient estimer si le nez du visage cible était long ou
court, droit ou aquilin, épaté ou fin, etc.
2 Voir l’article de Demarchi et Py dans le présent numéro pour une description détaillée de
la méthode de l’entretien cognitif et des principes théoriques sur lesquelles elle repose.
2
RQP, 27(3)
3
Entretien cognitif : décrire et détecter les criminels
4
RQP, 27(3)
ÉTUDE 1
Méthode
Participants et procédure
Vingt-deux étudiants, 5 hommes et 17 femmes, âgés de 18 à 25 ans et
provenant de différents niveaux (de la première année universitaire à la
cinquième année universitaire), ont participé à cette expérience en tant
que témoins. Ils n’ont pas été rémunérés. Ils ont été recrutés deux par
deux dans les couloirs de l’université, puis conduits ensemble dans un
local. Là, ils rencontraient une tierce personne et interagissaient avec elle
pendant deux minutes. Sans le savoir, c’est cet individu (personne cible)
qu’ils allaient être amenés à décrire ultérieurement.
5
Entretien cognitif : décrire et détecter les criminels
de l’étude. Avec leur accord, la personne qui les avait recrutés les
emmenait dans les locaux de la police. Arrivés sur place, les étudiants
étaient répartis aléatoirement dans l’une ou l’autre des conditions
expérimentales. Le participant de la condition entretien standard de police
(ESP) était conduit dans le bureau d’un enquêteur, et celui de la condition
ECADP était emmené dans une pièce isolée du commissariat et accueilli
par un expérimentateur. Enquêteurs et expérimentateurs leur présentaient
alors leur tâche, à savoir décrire la personne qui leur avait demandé divers
renseignements. A noter qu’aucun examinateur n’avait rencontré
préalablement les cibles.
6
RQP, 27(3)
Nous avons considéré qu’un descripteur était correct dès qu’il avait été
déclaré exact par au moins trois étudiants sur cinq. Dans le cas contraire,
nous l’avons considéré comme inexact. Cette procédure de codage nous a
permis de comptabiliser pour chacune des 22 descriptions le nombre
1
d’informations correctes, le nombre d’erreurs et le taux d’exactitude , c’est-
à-dire le rapport entre le nombre d’informations correctes et le nombre total
d’informations rapportées (c.-à-d. informations correctes et erreurs).
7
Entretien cognitif : décrire et détecter les criminels
les unes des autres, est guidée par le fait qu’il est impossible de comparer
chaque phase/étape de l’ECADP avec une phase équivalente en ESP,
puisque l’ESP n’est composé que d’une seule phase, alors que l’ECADP
est composé de trois phases.
RÉSULTATS
Comparaison entre l’ESP et l’ECADP réduit au premier rappel (i.e. c’est-à-
dire au rappel effectué à la suite des consignes d’hypermnésie, de remise en
contexte et holistique) (colonnes 1 et 2 du Tableau 1). Les analyses relatives
aux informations générales sur la cible ont révélé que les participants de la
condition ECADP réduit au premier rappel ont produit 33 % d’informations
correctes de moins [t(10) = 2,63; p < .03], mais également 90 % d’erreurs
de moins que ceux de la condition ESP [t(10) = 6,33; p < .0001}. Le taux
d’exactitude des informations générales est ainsi nettement plus élevé en
ECADP qu’en ESP [92 % vs 63 % : t(10) = 4,79; p < .0007].
8
RQP, 27(3)
ESP ECADP
er er er
1 rappel 1 rappel 1 rappel +
e e
( consignes + 2 rappel 2 rappel +
d’hypermnésie, ( consigne liste de
de remise en profil) questions
contexte et
consigne
holistique)
DESCRIPTEURS GÉNÉRAUX
Descripteurs M 3,27 2,18 4,00 6,27
corrects ÉT (1,10) (1,08) (2,32) (2,15)
Taux M 63 % 92 % 90 % 90 %
d’exactitude ÉT (19 %) (17 %) (13 %) (13 %)
DESCRIPTEURS FACIAUX
Descripteurs M 2,09 1,81 2,55 4,36
corrects ÉT (0,83) (1,17) (1,37) (1,21)
Taux M 58 % 73 % 69 % 72 %
d’exactitude ÉT (21 %) (34 %) (23 %) (20 %)
DESCRIPTEURS PHYSIQUES (DESCRIPTEURS GÉNÉRAUX ET FACIAUX)
Descripteurs M 5,36 4,00 6,55 10,64
corrects ÉT (1,43) (1,55) (3,24) (2,94)
Taux M 61 % 81 % 78 % 82 %
d’exactitude ÉT (14 %) (17 %) (14 %) (12 %)
9
Entretien cognitif : décrire et détecter les criminels
ESP ECADP
er er er
1 rappel 1 rappel 1 rappel +
e e
( consignes + 2 rappel 2 rappel +
d’hypermnésie, ( consigne liste de
de remise en profil) questions
contexte et
consigne
holistique)
DESCRIPTEURS VESTIMENTAIRES
1
M 1,00 1,55 2,00 2,00
Descripteurs
ÉT (1,00) 0,82) (1,10) (1,10)
corrects
M 2,09 2,82 3,27 3,27
Erreurs ÉT (2,51) (2,04) (2,20) (2,20)
2
Taux M 42 % 36 % 38 % 38 %
d’exactitude ÉT (24 %) (24 %) (25 %) (25 %)
NOMBRE TOTAL DE DESCRIPTEURS
(DESCRIPTEURS GÉNÉRAUX, FACIAUX ET VESTIMENTAIRES)
M 6,36 5,55 8,55 12,64
Descripteurs
ÉT (1,80) (2,12) (4,11) (3,20)
corrects
M 5,55 3,73 5,00 5,73
Erreurs ÉT (2,88) (1,74) (2,19) (2,49)
Taux M 53 % 60 % 63 % 69 %
d’exactitude ÉT (15 %) (15 %) (14 %) (10 %)
10
RQP, 27(3)
11
Entretien cognitif : décrire et détecter les criminels
Discussion
L’objectif de ce travail était de comparer l’efficacité du protocole
standard d’audition tel qu’il est pratiqué par les officiers de police à un
entretien cognitif adapté à la description des personnes.
12
RQP, 27(3)
13
Entretien cognitif : décrire et détecter les criminels
14
RQP, 27(3)
ÉTUDE 2
Une tâche d’appariement repose exclusivement sur l’adéquation entre
la description et l’apparence physique de la personne. On peut donc
s’attendre à ce que plus les descriptions des personnes cible s’avèreront
exhaustives et exactes, plus la tâche d’appariement sera possible. Puisque
la méthode ECADP a permis d’obtenir des descriptions plus précises et de
meilleure qualité que les entretiens standards de police, les performances
d’appariements devraient être supérieures dans le premier cas que dans le
second.
Méthode
Participants et procédure
Quarante quatre étudiants, 14 hommes et 30 femmes, âgés de 18 à 27
ans et de différents niveaux de scolarité (de la première à la quatrième
année universitaire) ont pris part à cette seconde étude sur la base du
volontariat.
Résultats
Nous avons analysé les données avec un t de Student pour échantillons
indépendants et relevé que les descriptions consécutives à un ECADP ont
permis de réaliser significativement plus d’appariements corrects que
celles issues d’un ESP [respectivement M = 3,76, ÉT = 1,58, et M = 2,57,
ÉT = 1,15, avec t(42) = 2,88; p < .007].
15
Entretien cognitif : décrire et détecter les criminels
Discussion et conclusion
Les résultats de cette seconde expérience confirment l’efficience de
l’ECADP dans une tâche de détection puisque la personne cible est
retrouvée dans 34 % des cas en moyenne contre seulement 23 % avec
l’ESP. Ce résultat est important à plus d’un titre. En effet, pour les
enquêteurs, l’utilité d’une description ne se limite pas aux seuls critères
quantitatifs et qualitatifs. Elle doit permettre de retrouver l’auteur d’un crime
ou d’un délit, c’est-à-dire de le détecter. Cela consiste le plus souvent à
passer en revue des catalogues de photographies de suspects. Cette
tâche peut être effectuée par un enquêteur (pure tâche de détection) ou,
plus fréquemment par le témoin lui-même (tâche de reconnaissance et de
détection mêlées). La précision de la description s’avère alors un facteur
important de réussite éventuelle de la tâche pour au moins deux raisons.
Premièrement, si la procédure de consultation de photographies est
informatisée — ce qui est de plus en plus courant — la sélection des
photographies dans la base de données dépendra directement de la
qualité des principaux descripteurs (généraux, en particulier). Si des
erreurs ont été produites par le témoin, le plus souvent du fait d’une
technique d’audition inadaptée, les informations fournies à l’ordinateur
l’amèneront à fournir une liste de suspects qui exclura nécessairement le
couplable.
16
RQP, 27(3)
Références
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12.
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of two theories. Journal of Experimental Psychology : Learning, Memory and Cognition,
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understanding of why the cognitive interview works. Memory, 6, 103-112.
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comparison of mechanical and computer-driven systems. Journal of Applied Psychology,
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strategies for remembering faces. Canadian Journal of Psychology, 35, 351-355.
17
Entretien cognitif : décrire et détecter les criminels
18
RQP, 27(3)
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recognition performance. Proceedings of the Human Factors and Ergonomics Society,
40, 536-540.
Yuille, J. C. et Cutshall, J. L. (1986). A case study of eyewitness memory of a crime. Journal
of Applied Psychology, 71, 291-301.
19
Date : / / N° entretien Heure : Durée totale : Evénement :
Nom de l’enquêteur : Nom de l’évaluateur : SCORE : /58
L’enquêteur a essayé de détendre le témoin ¨ OUI (+1pt.)¨ NON (0 pt.) Il a expliqué au témoin qu’il avait un rôle important dans l’affaire en cours ¨ OUI (+1pt.)¨ NON (0 pt.)
Il a expliqué au témoin les objectifs de l’audition ¨ OUI (+1pt.)¨ NON (0 pt.) « C’est vous qui allez parler le plus, je ne vais pas vous interrompre et je vais prendre des notes »
¨ OUI (+2pts)¨ NON (0 pt.)
Entretien motivationnel
67
Introduction
I. L’alliance thérapeutique
thérapie. Elle est indispensable au bon déroulement de la thérapie et doit être maintenue tout
au long de celle-ci. L’alliance thérapeutique est une relation de collaboration qui permet au
thérapeute et au patient de travailler ensemble à la résolution des problèmes du patient. Cette
relation est un outil de la psychothérapie. Pour Cungi (2006), l’alliance thérapeutique doit être
bonne pour que la thérapie fonctionne bien. À mesure que la thérapie progresse, l’alliance
thérapeutique devient habituellement « plus forte » et plus intense ; elle varie avec les phases
de la thérapie. La relation thérapeutique est une collaboration.
Le rapport collaboratif comporte une dimension professionnelle (avoir un statut et
des compétences) et une dimension affective. Cungi (2006) reprend l’acceptation
inconditionnelle de soi décrite par Carl Rogers et précise qu’une relation thérapeutique doit
être empathique, authentique et chaleureuse.
- L’empathie : Elle consiste à s’immerger dans le monde de l’autre pour essayer de le
comprendre de l’intérieur.
L’empathie comporte deux composantes :
o Réceptivité aux sentiments vécus par l’autre
o Capacité verbale à communiquer cette compréhension
1
- L’authenticité : Le thérapeute doit s’intéresser réellement à ce qu’exprime l’autre.
Cela lui permet d’être disponible pour lui et d’avoir une écoute compréhensive. Mais
il doit également se sentir à l’aise avec ses propres émotions, sentiments et pensées (il
devra les reconnaître et les accepter).
- La chaleur humaine : Le thérapeute doit s’attacher à instaurer une relation
chaleureuse. Comme tout être humain, le thérapeute peut se sentir irrité, contrarié, ou
agacé par un patient mais cela peut freiner la thérapie et il doit développer sa capacité
de trouver le patient sympathique.
Les « 4 R » (Cungi, 2006) regroupent 4 techniques d’entretien qui sont utilisées dans
les différentes étapes de la thérapie et qui permettent de favoriser l’alliance thérapeutique.
Cungi (2006, p 113) précise que « la méthode des 4R se rapproche beaucoup de l’entretien
motivationnel développé par William Miller et Stephen Rollnick dans lequel le thérapeute
accepte inconditionnellement la position du patient et s’appuie sur les résistances pour 70
Les « 4 R » :
2. Reformuler : le thérapeute peut répéter ce qui a été dit, préciser des termes ou
formuler des hypothèses.
3. Résumer et clarifier ce qui a été dit. Permet de faire le point sur ce qui a été dit et de
voir si le patient et le thérapeute se comprennent.
Les « 4 R » peuvent être utilisés dans n’importe quel ordre. Ils permettent
généralement d’établir rapidement un bon rapport collaboratif. Lorsqu’ils sont bien employés,
le patient et le thérapeute sont centrés sur les problèmes à traiter plutôt que sur leur relation.
2
II. L’entretien motivationnel
L’entretien motivationnel a été développé dans les années 1980 aux Etats-Unis et en
Angleterre. William Miller et Stephen Rollnick, tous deux psychologues, souhaitaient aider
les personnes souffrant de problèmes d’addiction à résoudre leur ambivalence et à s’engager
dans le changement. Cependant, ils ont constaté que la question de l’ambivalence se rencontre
dans de nombreuses situations et l’entretien motivationnel a ensuite été utilisé dans le
domaine du soin.
Miller et Rollnick (2006, p 31) définissent l’entretien motivationnel comme « une
méthode directive, centrée sur le client, pour augmenter la motivation intrinsèque au
changement par l’exploration et la résolution de l’ambivalence ».
L’entretien motivationnel représente une méthode de préparation du patient au
processus thérapeutique. Il peut s’utiliser dans toutes les situations nécessitant le changement
ou l’abandon d’un comportement habituel. L’évaluation de la motivation est primordiale, car
les thérapies ne peuvent pas amorcer des changements chez un patient si ce dernier n’est pas 71
3
Le modèle du changement de Prochaska et DiClemente (1982) comprend six
étapes qui sont abordées de façon cyclique :
Rechute
Retour vers
un stade Précontem-
antérieur plation
Pas de désir
de
changement
Maintien Contemplation
Travail de Reconnaissance
problème,utilité
prévention de du changement.
la rechute Questionnement
Action Décision
Mise en acte Planification
du du
changement changement
72
4
- Développer la divergence : il s’agit de créer et d’amplifier une divergence entre le
comportement actuel du patient et ses valeurs de références ou ses objectifs. La
divergence peut être déclenchée par la prise de conscience des inconvénients d’un
comportement et des bénéfices apportés par le changement.
Miller et Rollnick (2006) précisent que « ces principes résument l’esprit général et la
philosophie qui sous-tendent l’entretien motivationnel » (p 49). Ainsi, l’entretien
motivationnel est une approche qui favorise la collaboration et non la prescription ; le respect
de l’autonomie et de la liberté de choix des individus est central.
73
2.3.2- Les techniques de l’entretien motivationnel
Notons que pour Miller et Rollnick (2006), l’entretien motivationnel est avant tout une
façon d’être avec les personnes.
Les quatre premières techniques sont largement dérivées de la relation centrée sur le
patient développées par Carl Rogers, mais dans l’entretien motivationnel elles sont utilisées
avec un but spécifique : aider les gens à explorer leur ambivalence et à clarifier leur raison de
changer.
5
1- Poser des questions ouvertes
A la différence des questions fermées qui appellent des réponses brèves et précises, les
questions ouvertes favorisent l’exploration et permettent de faire émerger les préoccupations
du patient.
Le thérapeute utilise la technique des réponses reflet pour reformuler certaines phrases du
patient. L’objectif est de renvoyer à la personne ce qu’elle dit afin de favoriser l’élaboration.
Ce n’est pas un processus passif, l’intervenant choisit ce qu’il reflète et ce qu’il ignore, ce sur
quoi il met l’accent, les termes qu’il utilise…
d’un côté… alors que d’un autre côté… »), un reflet de l’émotion (le thérapeute reformule ce
qui a été dit par le patient en y attribuant une émotion), un reflet interprétatif (le thérapeute
précise les termes du patient, cette précision des termes aide les patients qui ne trouvent plus
leur mot/qui ont du mal à verbaliser leur ressenti), un reflet interrogatif ou un reflet
amplifié (le thérapeute exagère ce qui a été dit par le patient).
Les phrases de résumé peuvent servir à lier et à renforcer des éléments de ce qui a été dit.
Elles témoignent de l’écoute attentive de l’intervenant, préparent le patient à plus
d’élaboration et lui permettent d’entendre à nouveau son « discours-changement ».
6
D’après Miller et Rollnick (2006), le discours-changement peut s’appuyer sur :
- Les inconvénients du statu quo : les affirmations feront état d’une inquiétude et d’un
mécontentement de la situation actuelle.
- Les avantages du changement : cette forme du discours-changement implique la
reconnaissance des avantages potentiels d’un changement.
- L’optimisme vis à vis du changement : ce type de discours favorise le changement en
exprimant la confiance et l’espoir à propos de sa capacité au changement.
- L’intention de changer : le discours va exprimer une intention, une volonté de changer.
Bibliographie
75
Cottraux, J. (2011). Les psychothérapies comportementales et cognitives. Issy-les-
Moulineaux : Elsevier Masson.
Cungi, C. (2006). L’alliance thérapeutique. Paris, Retz.
Miller, W.R., Rollnick, S. (2006). L’entretien motivationnel : aider la personne à engager le
changement. Paris : InterEditions-Dunod.
7
GRILLE POUR L’ALLIANCE THERAPEUTIQUE – ENTRETIEN MOTIVATIONNEL
Le thérapeute s’est-il montré (0= pas du tout- 9= tout à fait) : satisfaisant ou non ?
Empathique ? 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 ☺
Authentique ? 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 ☺
Chaleureux ? 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 ☺
Recontextualiser O O 1 2 3 4 5 ☺
Reformuler O O 1 2 3 4 5 ☺
Résumer O O 1 2 3 4 5 ☺
Renforcer O O 1 2 3 4 5 ☺
Les 4 principes de l’entretien motivationnel : OUI NON Nombre de fois satisfaisant ou non ?
Exprimer de l’empathie O O 1 2 3 4 5 ☺
Développer la divergence O O 1 2 3 4 5 ☺
Questions ouvertes ☺ 0 1 2 3 4 5 6 7 8
Questions fermées 0 1 2 3 4 5 6 7 8
Reflet simple 0 1 2 3 4 5
Reflet double/d’ambivalence 0 1 2 3 4 5
Reflet de l’émotion 0 1 2 3 4 5
Reflet interprétatif 0 1 2 3 4 5
Reflet interrogatif 0 1 2 3 4 5
Reflet amplifié 0 1 2 3 4 5
4-Constituer un résumé: 0 1 2 3 4 5 ☺
5-Susciter le discours-changement : 0 1 2 3 4 5 ☺