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SED 20

20 23
PY00507T

Techniques
d'entretien

Université Toulouse - Jean Jaurès - Service d’Enseignement à Distance


5 allées Antonio Machado 31058 Toulouse cedex 9
Tel : +33 (0)5 61 50 37 99 - Mail : [email protected] – Site : sed.univ-tlse2.fr

Reproduction et diffusion interdites sans l’autorisation de l’auteur-e


Sommaire

Techniques d'entretien

Jacques PY – Nathalie PIGEM

L’entretien psychologique avec l’enfant et l’adolescent – 20 pages

Entretien non-directif de recherche – 12 pages

Entretien clinique – 14 pages

Entretien cognitif – 32 pages

Entretien motivationnel – 8 pages

Reproduction et diffusion interdites sans l’autorisation de l’auteur


L’entretien psychologique avec l’enfant et l’adolescent

L3 (2016)

Document pour le SED

Nathalie Pigem

Maître de Conférences Associé


en Psychologie du développement

Docteur en psychologie

Psychologue praticienne en institutions

3
L’objectif principal de ce cours vise à vous proposer une initiation et une brève
introduction aux questions que posent la conduite d’un entretien psychologique
avec un enfant ou un adolescent.

Cadrage théorique et conceptuel (savoir)

Dans l’article 3 du Code de Déontologie des Psychologues actualisé en février


2012, il est noté que l’entretien est le principal outil du psychologue. De ce fait,
en tant que futur psychologue, l’entretien psychologique revêt une importance
capitale pour votre future pratique. Les deux outils incontournables du
psychologue sont l’entretien clinique et l’examen psychologique.

Quelques éléments de définitions

L’entretien est à la base de la formation du psychologue clinicien. Il vectorise

1
toute rencontre et se fonde sur l’outil premier mis à la disposition de chacun, la
parole. L’entretien est un outil indispensable pour accéder aux informations
subjectives des sujets, à leurs représentations et leur activité de pensée. La
manière dont la personne rapporte ces informations renseigne parfois plus que
les informations elles-mêmes. Il s’agit par exemple de pouvoir repérer comment
l’enfant est capable de nous parler de lui (en termes d’histoire, de conflits, de
croyances, de rêves, de fantasmes...). Le terme « d’entretien psychologique »
renvoie à la fois à un champ de pratiques psychologiques diverses
(développementale, clinique, thérapeutique…) ainsi qu’au contexte particulier
dans lequel il a lieu (celui de la rencontre et de la demande), dans un cadre
précis avec un objectif donné (prévention, éducation, soins, évaluation,
recherche…).

S’il existe une diversité d’approches de l’entretien psychologique dans la


majeure partie des conceptions théoriques, l’entretien psychologique désigne
4
avant tout un acte de communication entre deux personnes au moins (permettant
de dire, s’informer, faire dire, écouter, restituer quelque chose à l’autre…).
Autrement dit, il s’agit avant tout d’un échange verbal (transmission de sens,
transmission symbolique…) et non verbal (gestes, postures, mimiques…)
(Pedinielli et Rouan, 1998). Dans le cadre de cet échange, il est possible de
recueillir et de repérer des éléments de la dynamique développementale et
psychique d’un jeune en relation avec ses différents milieux de vie (familial,
scolaire, social) qui participent à son évolution et globalement à son adaptation
sociale. Cependant, la conduite d’un entretien avec un enfant n’est pas toujours
aisée et nécessite une longue expérience pratique. Une connaissance du normal
et du pathologique chez l’enfant est impérative ainsi qu’une expérience dans la
manière de communiquer avec l’enfant. (Benony et Chahraoui, 1999). Nous
allons voir maintenant ce qui est spécifique à cet échange.

2
Les spécificités et les caractéristiques de l’entretien avec un enfant et un
adolescent
Il y a une spécificité de l’entretien selon les différents âges de la vie. Si les
données fondamentales de l’entretien demeurent inchangées, un certain nombre
de paramètres nouveaux demandent à être considérés. La dimension plurielle
de l’entretien est le premier registre à souligner. Il est évident que le nombre des
aspects qui permettent de différencier des types particuliers d’entretien en
fonction de l’âge est d’une extrême étendue. Nous allons nous limiter aux
distinctions basiques afin de repérer au mieux ce qui peut influer, dans
l’entretien, du fait du degré de maturation psychique du jeune.

Une première question est celle de savoir quel est le degré de compréhension
langagière du sujet. L’entretien avec l’enfant ayant acquis l’usage de la parole
demande à prendre en compte le sens propre que revêt le langage selon le niveau
de développement. L’accès au sens et le caractère fonctionnel des mots varient 5

beaucoup en fonction de la maturation psychique. La mise en oeuvre du jeu et


du dessin sont deux prérequis de la dynamique de cet entretien.

Avec l’adolescent, l’entretien prend une autre tournure. La quête de l’identité


qui l’anime passe d’abord par un processus d’autonomisation. Comment se
dégager de l’influence des parents et des substituts parentaux ? À travers
l’écoute qu’il lui prodigue, le psychologue cherche à consolider les assises
narcissiques de l’adolescent pour lui permettre d’accéder à la maturation.
L’étayage d’une médiation adaptée est à créer dans l’espace clinique pour être
en correspondance avec la nécessaire présence du groupe des pairs.

L’entretien avec l’enfant présente une réelle spécificité, qui tient compte de la
plasticité du psychisme de celui-ci et de son niveau d’évolution
développementale. En fonction de l’âge de l’enfant, la rencontre se déroule de

3
manière différente et les modes d’intervention du clinicien sont utilisés chacun
singulièrement.

Il est important de garder à l’esprit que l’enfant est accompagné par ses parents,
et que, de plus, il est rarement demandeur du premier entretien psychologique.
Un autre a donc généralement pris pour lui la décision de cet entretien qui va
avoir lieu. On l’y a d’ailleurs préparé ou non. (tous les cas de figures sont
possibles : parfois on ne lui a rien dit. Souvent, l’enfant semble avoir oublié ce
qu’on lui a dit. Parfois on lui a demandé son accord … ). Il faut tenir compte de
cette spécificité afin de permettre à chacun de s’exprimer sur ce qu’il a à dire.
Au cours d’un entretien psychologique, il s’agit d’offrir à l’enfant un cadre et
une ambiance permettant l’établissement pour ce dernier, d’un possible échange
avec un adulte.

Quelles que soient la nature et l’objectif de la rencontre (clinique, thérapeutique,


recherche…), pour l’enfant la situation d’une rencontre avec une personne
étrangère (le psychologue) n’est pas quelque chose de naturel. Il faut se rappeler
que la rencontre avec un étranger provoque de l’inquiétude. Aussi, il nous faut
expliciter notre fonction, expliciter également les motifs de la rencontre afin que
l’enfant puisse se sentir à son aise dans l’espace de la rencontre d’autant plus si
l’on rencontre l’enfant sans la présence de ses parents.

L’enfant et/ou l’adolescent se trouve dans une situation de dépendance vis-à-vis


de ses parents (affective, matérielle, financière et j’en passe). Nous avons vu,
que l’enfant ne venait pas seul. Cela peut avoir des incidences sur le plan
pratique.

Dans le cas d’un entretien clinique, la demande de consultation est souvent

4
vécue comme une souffrance, un échec pour les parents (échec éducatif,
personnel…). La culpabilité et la méfiance à l’égard du psychologue sont
souvent présentes. Il apparaît pourtant essentiel que lors des 1er contacts, la
présence des deux parents puissent être une condition assurée (il faut faire en
sorte que cette exigence soit possible car elle rend compte de la dimension de la
parentalité pour l’enfant).

Dans la rencontre avec les parents, l’enfant reste l’objet du discours parental,
même si le clinicien tente déjà de lui permettre d’accéder à une position
subjective propre, en s’adressant à lui directement et en l’impliquant dans
l’échange avec les parents.

Il s’agira dans le cadre de ces premiers contacts de comprendre le sens de la


demande, des difficultés énoncées et de leur place dans l’histoire de l’enfant et
sa famille, du contexte familial, social et psychologique. C’est ce que l’on 7

nomme en psychologie l’entretien d’anamnèse. L’entretien d’anamnèse est un


entretien clinique qui a lieu surtout au début du processus d’investigation.
L’objectif de l’entretien d’anamnèse est de recueillir des informations pour
comprendre la dynamique psychique de l'enfant. Il s'agit donc de recueillir un
ensemble d'informations touchant à l'ensemble de la situation familiale, aux
antécédents médicaux et personnels, le tout étant de se donner un aperçu de la
situation passée mais aussi actuelle du sujet pour mettre en lien le vécu avec la
problématique amenée.

Comme nous l’indique Benony (1998, p. 88) « Le psychologue doit analyser les
symptômes recueillis afin d’éviter de mettre sur le même plan les phénomènes
perceptifs objectifs, les réactions vécues par l’observateur, les modes d’être de
l’enfant, l’interprétation donnée par l’observateur et celle fournie par les
parents ».

5
Il s’agit d’être respectueux et de témoigner d’un intérêt à l’égard de chacun,
permettre à chacun de s’exprimer sur ce qu’il a à dire. Les premières rencontres
avec l’enfant vont permettre une mise en confiance avec le psychologue et vont
pouvoir l’inscrire dans une démarche de compréhension et par conséquent active
dans l’entretien. Il pourra exprimer ou pas ses ressentis, ses affects ... L’entretien
pourra alors s’engager avec l’idée de différenciation des propos du parent et par
conséquent d’individuation. Avec l’adolescent, la difficulté sera d’obtenir son
adhésion ce qui augurera ou non d’autres entretiens en individuel ou en groupe.

Rencontrer l’enfant signifie entrer en communication directe avec lui et le


reconnaître tel qu’il se présente dans son apparence d’enfant, sans à priori,
sans idées préconçues, dans l’ici et maintenant de la situation clinique. En
valorisant la capacité d’autonomie de l’enfant et en tenant compte de son
« problème actuel » (Winnicott), il va s’agir pour le clinicien de mettre en 8

suspens l’objectivation de l’enfant réalisée par exemple dans la plainte


parentale par la description de ses symptômes, pour venir se centrer sur
l’enfant lui-même, en tant que sujet, dans l’intersubjectivité de la
rencontre. Tenir compte du problème actuel de l’enfant, c’est recevoir
l’enfant comme il vient, être à l’écoute de ce qu’il vit en propre, être
sensible à ce qu’il a à nous dire de ses vécus, aux prises avec ses joies, ses
peurs et parfois de sa souffrance, tels qu’il les voit et les ressent au plan
psychique et dans son corps d’enfant.

Le langage n’est pas toujours suffisamment maîtrisé par l’enfant pour lui
permettre de s’exprimer correctement ou précisément, l’attention de
l’enfant et la « mise en mots » de la pensée sont parfois parasitées. Il
s’agit pour nous, de s’adresser à l’enfant avec des mots simples et
accessibles en se référant à son niveau d’âge, à son niveau de

6
compréhension et ne pas hésiter à souvent répéter.

Une autre difficulté qui peut venir entraver la rencontre avec l’enfant est
la différence générationnelle entre le clinicien et lui. L’enfant a
l’expérience de l’adulte, d’un parent ou d’un substitut parental, de
quelqu’un qui, dans tous les cas, a toujours une attente ou une exigence à
son égard. Il va donc d’emblée chercher à repérer cette attente ou
exigence chez le psychologue pour s’y conformer, communiquant alors
seulement sa part sociale et adaptative dans l’entretien.

L’enfant a en fait besoin de temps pour s’acclimater à la présence de


l’autre et pour se sentir suffisamment bien dans l’échange. Il est donc
important que le praticien offre à l’enfant les conditions sensorielles,
motrices et affectives nécessaires à l’établissement d’une communication
authentique avec lui. Ce qui suppose d’abord de laisser l’enfant explorer 9

l’espace qu’il est en train de découvrir, sans lui assigner d’emblée une
place. Ce temps d’exploration s’avère primordial dans la mise en place
d’une relation de confiance avec l’enfant et rend également possible pour
le psychologue le repérage d’importants indices cliniques quant à la
problématique de l’enfant et des processus psychiques à l’œuvre dans la
situation. Là où certains enfants explorent intensément le bureau dans
lequel ils se trouvent, inspectant placards et caisses de jeux, et s’installant
tour à tour à divers endroits de la pièce, d’autres, au terme d’une hâtive
exploration, trouvent un espace qui leur convient, pour se mettre ensuite
rapidement à jouer ou à dessiner. D’autres encore, immédiatement assis
en début d’entretien sur une chaise ou un fauteuil dans l’attente que le
psychologue leur indique la place à prendre, restent passivement repliés
sur eux-mêmes.

7
L’utilisation de médiations comme les jeux ou le dessin, peut s’avérer
utiles, voire nécessaires. Plus l’enfant est jeune et plus le recours à des
objets médiateurs s’impose. La médiation facilite le mécanisme de
projection, où l’enfant peut mettre en scène dans le jeu ou le dessin, des
situations réellement vécues ou bien des conflits inconscients.

Avec le jeu, l’enfant peut avoir le sentiment de maîtriser des impressions


et des événements au lieu de les subir mais le jeu est aussi parfois un
moyen de nier le dialogue avec le psychologue et peut lui même devenir
un procédé défensif. Comme le note Benony l’enfant joue alors pour « ne
pas être avec » le clinicien, pour maîtriser l’angoisse que sa présence
déclenche et pour ne pas parler de lui. La verbalisation de ce phénomène
à l’enfant réajuste bien souvent la situation. » La compréhension de
l’enfant passe par une compréhension de souffrances réelles et de
souffrances imaginaires. L’enfant va pouvoir rejouer des scénarii 10

fantasmatiques qui pourront être interprétés par le psychologue. On


pourra l’aider à verbaliser autour d’une scène qui nous semble revêtir une
importance particulière en le questionnant sur la mise en place des
personnages, des rôles de chacun …

Le dessin quant à lui pourra nous aider à comprendre non seulement à


quelle étape de développement le jeune se situe, et nous donnera à voir un
thème de prédilection, une question autour de laquelle il va organiser dans
un espace ses pensées ou interrogations. Aussi, il apparaît essentiel de
bien connaître comment se développe un enfant et un adolescent au plan
psychique et développemental.

8
Quels peuvent être les différents types de recueils d’information ?
Quelles visées et quels sont les moyens potentiels offerts par
l’entretien psychologique ?

Dans la pratique plusieurs types d’entretiens existent, différents selon leurs


objectifs :
- Entretien d’accueil, d’anamnèse
- Entretien diagnostic
- Entretien à visée thérapeutique
- Entretien de soutien, d’accompagnement psychologique
- Entretien psychothérapique 11

- Entretien de recherche…

Ils peuvent être menés dans divers cadres :


Cadre d’hospitalisation, scolaire, consultation psychologique…

Plusieurs approches théoriques peuvent possibles:


- Approche cognitivo-comportementale
- Approche intégrative développementale
- Approche psychanalytique etc.

Quelle que soit la forme de l’entretien, il s’agit d’une situation d’interaction


particulière puisque deux individus qui ne se connaissent pas vont échanger sur
un sujet donné pour une période limitée. D’un côté se trouve le sujet qui accepte
cette situation, de l’autre le psychologue qui dans la visée de son exercice a des

9
attentes et veut recueillir des informations. Il est primordial de présenter
l’institution où l’on exerce (ou l’organisme de recherche, d’étude … ) ainsi que
l’objectif de l’entretien et d’assurer l’anonymat et la confidentialité au jeune
dans un souci éthique et déontologique. Cela nécessite d’avoir des compétences
quant à l’écoute de l’autre même s’il s’agit d’entretiens semi-directifs (ou
directifs), de l’aider à reformuler si nécessaire tout en reformulant nous-même
pour s’assurer d’avoir bien compris ses propos. Les entretiens seront menés avec
une neutralité bienveillante et empathie.

Quelques aspects techniques sur l’entretien

La conduite de l'entretien répond à certains principes. Le psychologue doit se


situer dans une position de « neutralité bienveillante », c'est-à-dire qu'il doit
suspendre son avis ou ses propres jugements, qu'il ne doit pas intervenir dans
l'entretien, que son attitude ne doit être ni rigide, ni distante. Cette exigence 12

éthique implique qu'il doit prendre conscience de ses propres réactions par
rapport à ce qui lui est dit. Il doit être capable de reconnaître l'aménagement
défensif du sujet, pour le respecter pour que son intervention n'est pas d'effet
préjudiciable sur le jeune.

Une autre dimension essentielle de la conduite de l’entretien avec un enfant est


rattachée à l’empathie. Il s’agit de comprendre de manière exacte le monde
intérieur du sujet, « comme si ». L’empathie renvoie à l’intuition de ce qui se
passe dans l’autre. Il est également important d’évoquer la notion d’alliance
thérapeutique, renvoyant à l’acte par lequel deux personnes s’allient et
contractent un engagement réciproque, qui a un impact non négligeable sur la
conduite de l’entretien.

Au cours de ces entretiens, on retrouvera des mécanismes identiques aux autres

10
formes d’entretiens tels que mécanismes de défense, projections, déplacements
d’affects… Dans leur ouvrage publié en 2007 intitulé « Les premiers entretiens
thérapeutiques avec l’enfant et sa famille », Matot et ses collègues dont
Christine Frisch- Desmarez et Carine De Buck présente une synthèse de ce qui
peut être recueillis comme matériel et être évalué au travers d’entretiens
individuel avec des enfants. En voici, les éléments principaux proposés par les
auteurs (pp 111-113):

- la manière dont le jeune utilise le dispositif mis à sa disposition (se sent


libre de s’exprimer ou se sentir pris dans un conflit de loyauté ? Va t-il
comprendre que le psychologue s’intéresse à son fonctionnement
psychique et que peut-être pour la première fois dispose t-il d’un échange
avec un adulte à qui il peut se confier librement ?)
- les capacités d’adaptation du jeune (se sent-il à son aise avec le
psychologue ? son adaptation apparaît-elle authentique ? de quelle 13

manière utilise t-il l’espace ? comment s’approprie-t-il les objets mis à sa


disposition (jouets, crayons…)
- la qualité des interactions de l’enfant avec son interlocuteur (trop ou pas
assez de distance ? qualité de son écoute ? répond-t-il aux consignes
proposées ou ne répond pas aux questions posées ?)
- les réactions du jeune face aux interventions de l’adulte (peut-il se servir
de ce que le psychologue lui dit ? peut-il jouer, rebondir associer, parler
de lui , adopter des personnages de jeux, aborder ses sentiments ? peut-il
parler de ses rêves, de ses fantasmes ?
- le fonctionnement cognitif de l’enfant (compréhension, réflexion,
organisation dans le temps, l’espace, troubles de la pensée ?...)
- les symptômes de l’enfant, la nature de ses troubles, leurs manifestations
lors de l’entretien
- la place de ces symptômes dans la développement du jeune et leurs sens

11
conscients et inconscients, ses symptômes apparaissent-ils transitoires ou
chronifiés ?
- le type d’angoisses et la nature des conflits psychiques que présente le
jeune.

Ce qui est analysé lors d’entretiens avec un jeune est toujours bien entendu à
resituer dans le cadre et le motif initial de la rencontre ainsi que l’analyse de la
demande voire des demandes.

Les médiations

Les jeux et le dessin sont les deux médiateurs privilégiés de la communication


avec l’enfant. Le langage est la forme achevée de tout un ensemble de moyens
d’expression que les adultes manient plus ou moins avec aisance. Mais avant de
passer par le langage verbal, l’enfant passe par le jeu, l’expression corporelle et 14

graphique pour appréhender le monde qui l’entoure. La compréhension de


l’enfant passe davantage par l’action que par la parole. C’est donc, à travers ces
formes d’expressions, que le psychologue est le mieux à même de retrouver les
événements et les personnes importantes investis par l’enfant mais aussi
d’approcher la manière dont il construit sa réalité interne.

L’enfant peut s’emparer spontanément du matériel à sa disposition : papier,


crayons, feutres, pâte à modeler, petits jouets, marionnettes… Ou bien, il va les
regarder sans rien dire, attendant notre invitation à les utiliser pour s’exprimer.
Ou bien encore, nous pouvons attirer son attention sur la possibilité que nous lui
offrons de s’exprimer ainsi et l’enfant va soit accepter volontiers, soit avoir un
enthousiasme mitigé soit refuser.

S’il se met à dessiner ou jouer, il peut utiliser cette médiation comme résistance
ou comme communication. Il peut chercher à nous ignorer tout au plaisir du jeu

12
ou au fignolage de son dessin. Il peut également commenter spontanément ce
qu’il fait et nous inviter à y participer. Il peut enfin ne parler qu’en réponse à nos
questions.

Quoi qu’il en soit avec ces médiations, on sollicite son désir et sa participation
dans le dispositif. Quelle que soit la médiation choisie, l’enfant doit se sentir
soutenu par notre regard, nos questionnements, le sens que l’on donnera à tel ou
tel positionnement. Ainsi parfois on sera amené à choisir pour lui une médiation
s’il n’arrive pas à se déterminer. Par ailleurs, qu’il s’agisse du dessin ou du jeu,
le psychologue demeure actif tout en étant attentif au sens et à l’impact de ces
interventions. En effet, ce qui est renvoyé au jeune par le psychologue est
primordial (par exemple afin d’éviter que l’attitude neutre et bienveillante ait
pour conséquence la lassitude du jeune ou l’enfermement dans le jeu solitaire
voire un ressenti de rejet). Il pourra nous amener à intervenir dans ses jeux ou
15
dans son dessin de manière active si par exemple il ne peut ni parler, ni dessiner,
ni jouer. Il s’agit alors de lui laisser la liberté de choisir les thèmes, de ne pas
confondre la production signifiante du jeune avec la nôtre. A noter que le jeu
demeure éphémère tandis que le dessin a l’avantage de pouvoir laisser une trace.
Un test comme celui du « dessin de la Maison » (Royer, 1989) peut être un outil
complémentaire utile voire nécessaire pour préciser certaines hypothèses .

Quelques principes de base et questionnements pour mener à bien un


entretien psychologique avec un jeune

- Il faut lui signifier et se mettre d’accord avec lui sur ce qui sera dit à ses
parents et par conséquent ce qui ne sera pas communiqué (en général on
communique aux parents l’impression clinique globale du fonctionnement
psychique du jeune en lien avec le motif de la consultation).

13
- Se demander si notre langage est accessible (au jeune)
- Etre attentif aux attitudes non-verbales corporelles
- Le matériel mis à disposition doit être adapté, ni trop inducteur, ni trop
excitant
- Il nous faut également repérer si le jeune est capable de penser et de
s’exprimer par lui-même ou pas
- Il faut arriver à repérer et à différencier ce qui relève de la dynamique
individuelle du jeune de ce qui relève de la dynamique familiale
(notamment en cas de dysfonctionnement).
- Avec un adolescent, le psychologue doit tenir une position difficile entre
compréhension du jeune et maintien d’exigences à son égard
(identification à l’adolescent, identifications aux parents)
- on décidera en fonction de chaque cas avec l’adolescent lui-même si on
verra ou reverra ses parents et dans quelles conditions Bien prendre en
compte de la dépendance à la famille et de l’environnement du jeune 16

(dépendance financière, décisionnelle : on ne reverra le jeune que si les


parents acceptent…)
- Avec un adolescent, il faut tenir compte de la période de fragilité
psychique qu’il traverse (à ne pas sous-estimer). Les signes les plus
fréquents à cette période de la vie sont l’angoisse et la dépressivité.
- Avec un adolescent, la neutralité et la gestion de la bonne distance dans le
cadre d’entretien sont essentielles d’autant que l’ado cherche à rallier le
psychologue à sa cause mais peut se sentir très angoissé par la suite s’il y
arrive (sentiment du coup de ne pas avoir rencontré une personne
fiable…). Distance requise également face aux attaques des figures
parentales (toute remarque critique du psychologue pourra être interprétée
par le jeune comme une disqualification parentale ou de lui-même.)
- Ne pas confondre neutralité et silence, absence d’empathie…. Marcelli
parle de « conversation » avec l’adolescent (à l’aide de questions, de

14
reformulations sur les motifs de la rencontre afin de saisir les enjeux de
celle-ci pour le jeune et faire émerger l’expression du conflit
actuel…)Avec un adolescent, « Le devoir de parler est cependant une
« prise de risque », qu’une ligne de crête entre le discours complice et
séducteur ou la distance impersonnelle doit nous permettre de
continuellement analyser et maîtriser » (Birraux, 1998, p. 294)
- Enfin, se rappeler que la visée de l’entretien quel que soit son motif
consiste dans un échange avec un jeune à obtenir des informations
permettant d’apprécier la dynamique développementale de celui-ci en
relation avec ses milieux de vie et de ce qui a participé ou participe à ce
jour à des manifestations de souffrance, de dysfonctionnement ...

- Ce qui peut faire obstacle à l’échange avec un enfant ou un


adolescent :
- Avec un enfant attendre sa demande spontanée, s’étonner de son silence 17

L’enfant n’est généralement pas le demandeur.


- Notre difficulté à supporter l’attitude négative, opposante ou mutique
d’un jeune qui va se réfugier dans la réalisation d’un dessin dans un
silence absolu…. Se montrer intrusif par des questions inappropriées
pour le jeune….
- Avec un pré-adolescent ou un adolescent, le jeu et le dessin sont perçus
« au premier abord » comme trop régressifs, « enfantins »… Il s’agit de
respecter cette réserve voire un refus catégorique notamment lors des
premières rencontres avec le psychologue. C’est souvent possible quand
des médiations sont disponibles sur notre bureau et qu’aucune demande
n’a été adressée au jeune par le psychologue. Il peut alors se laisser aller
dessiner par exemple tout en échangeant verbalement avec le
psychologue.
- La question du langage, de la compréhension ou de l’incompréhension

15
langagière peut faire obstacle à l’échange avec un jeune.
- L’enfant, le pré-adolescent ou l’adolescent demeurent dépendants
psychologiquement de leurs parents qui peuvent se montrer rétifs ou
ambivalents vis-à-vis de la rencontre avec un psychologue malgré leur
accord initial (nécessité d’être soutenus affectivement….).
- Il faut pour l’adolescent que l’on puisse être perçu comme un
interlocuteur fiable, disposé à lui accordé un soutien, de l’intérêt à ce
qu’il vit, ressent, perçoit… Qu’il soit disposé également et en capacité à
entendre notre parole et lui accorder de la valeur.
- La neutralité bienveillante est difficile à supporter pour le jeune, elle peut
être angoissante (neutralité= disponibilité et tolérance aux informations
apportées par le jeune, pas silence et non-directivité ici …)
- Un adolescent sera souvent très sensible et blessé par des remarques
critiques à l’égard de ses parents qu’il peut interpréter comme une
disqualification de ces derniers… 18

- Le discours sur la sexualité se doit d’être prudent… Ne pas interroger à


ce sujet mais proposer une écoute à ce qui est abordé par le jeune dans
un premier temps.
- Enfin, les interventions et les interprétations doivent être prudentes
(risque de fragiliser le jeune, de susciter une interruption des
rencontres…). Tout ce qui touche au registre de la séduction doit être
écarté.

Exemple de la technique du « dessin d’une maison » comme médiation avec


l’enfant et image de son adaptation sociale (J. Royer, 1989, 1995)

Avantages du dessin dans le cadre de l’entretien avec l’enfant ou


l’adolescent :
- Activité habituelle, généralement appréciée des enfants (notamment le

16
dessin du bonhomme et celui de la maison, thèmes favoris des enfants).
- Moyen de communication, d’expression et de médiation accessible pour
la plupart des jeunes.
- Support « projectif » des affects conscients et inconscients

- En général, le dessin permet d’obtenir « des informations sur le


fonctionnement psychique de l’enfant, sur son niveau de compétences
intellectuelles, sur son développement psychomoteur, sur sa perception de
la réalité, sur son affectivité, sur son ressenti personnel mais également, il
favorise la confiance relationnelle que nous pouvons à présent nommer
alliance thérapeutique entre le clinicien et l’enfant ou l’adolescent »
(Vinay, p114, 2007).

- L’enfant est souvent dans l’incapacité de décrire par le langage ce qui se


passe en lui, ceci est d’autant plus vrai qu’il est très jeune. Il n’est donc 19

pas possible d’utiliser la parole comme on le fait avec un adulte. Il va


donc être nécessaire d’utiliser un outil de médiation comme le dessin qui
va permettre au travers de la description de l’enfant d’élaborer une
compréhension des causes des symptômes. Le dessin et le jeu sont en fait
les équivalents chez l’enfant du langage verbal de l’adulte.

- Le dessin a également une fonction de libération, une sorte d’extraversion


médiatrice communicable à autrui. Cela peut permettre à l’enfant de
commencer à mettre à distance son vécu, de le rendre plus objectif et
progressivement d’en parler au psychologue.

Il est rare que le dessin d’une maison soit refusé, beaucoup plus rare que celui de
la Famille ou du Bonhomme. Si c’est le cas, une autre consigne de dessin peut
lui être proposée (celle d’une maison d’un animal qu’il aime bien…). Et de

17
conseiller que le dessin de la maison devrait toujours être associé à l’anamnèse
du jeune et à ses conditions de vie réelles (Royer, 1995).

Ethique, déontologie, confidentialité

Dans la pratique de l’entretien, la confidentialité est le socle rassurant pour le


sujet amené à parler de son intimité, de ses fantasmes, de ses peurs etc. Parfois
on peut être amené dans un souci déontologique à « briser » ce principe de
confidentialité vis-à-vis du sujet quand celui-ci est en danger physique ou
psychique à fortiori s’il y a un danger immédiat dans sa proximité familiale.

Dans le cadre de l’évaluation le psychologue devra être attentif à se placer du


côté du sujet et se demander ce que cette évaluation va lui apporter et si elle est
vraiment nécessaire. La restitution à l’enfant et aux parents nous ramène au
positionnement éthique puisque c’est un droit de « l’évalué ». Outre le caractère 20

législatif, il s’agit de restituer au sujet ce qu’il vous a donné. On permet au sujet


de reprendre possession de ce qui lui appartient et on lui donne l’occasion
d’apporter son regard sur notre évaluation par cet échange qui peut s’avérer
constructif pour lui.

La pratique de l’entretien suppose une attitude déontologique et éthique en


impliquant le respect du sujet. « Le respect de la personne dans sa dimension
psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l'action des
psychologues » (Extrait du code de déontologie des psychologues, révisé en
février 2012).

Différence entre éthique et déontologie

L’éthique est la tranche de la philosophie qui étudie les principes moraux, à la

18
base des règles de conduites. L’éthique est donc de l’ordre du questionnement.
Des professionnels peuvent avoir une éthique divergente face à une
problématique spécifique rencontrée dans le cadre de la profession. La
déontologie fait appel à l’ensemble des devoirs qu’impose à des professionnels
l’exercice de leur profession.

Conclusion

L’entretien avec l’enfant et l’adolescent est une pratique spécifique qui engage
le psychologue à avoir des connaissances sur les étapes du développement de
l’enfant, sur ses phases de régression pour pouvoir apprécier du caractère
classique correspondant à son âge ou encore pathologique de son
fonctionnement psychique. Grâce aux outils de médiation dont il dispose, il
pourra appréhender ses mécanismes de fonctionnements et pourra l’aider à vivre
ses angoisses ses conflits internes. Le psychologue en fonction des possibilités 21

d’élaboration de l’enfant ou de l’adolescent et de ses résistances pourra proposer


différentes modalités de prise en charge (entretiens psychologiques, prise en
charge en groupes d’enfants) qui lui sembleront les plus adaptées. Ce travail se
fera en lien avec son ou ses parents associés d’une manière ou d’une autre au
projet de soin de l’enfant s’il y a lieu.

Bibliographie :

Anzieu, A et al (1988) L’enfant et sa maison, Paris, Dunod.

Benony, H., Charahoui, K. (1999). L’entretien clinique. Paris , Dunod. Collection Les
Topos.

Chiland, C. (1989). L’entretien clinique. Paris : PUF.

Matot, J.P et al. (2007) Les premiers entretiens thérapeutiques avec l’enfant et
sa famille, Paris, Dunod.

19
Pedinielli, J.L., (1994). Introduction à la psychologie clinique, Coll. 128, Nathan
(chapitre 2.2, L’entretien, pp39-52)

Poussin, G. (2003). La pratique de l’entretien clinique. Paris : Dunod, 3ème édition.

Royer, J. (1995), Que nous disent les dessins d’enfants ? Paris, Hommes et
Perspectives

Vinay, A (2007) Le dessin dans l’examen psychologique de l’enfant et


l’adolescent, Les topos, Dunod, Paris.

22

20
PY00507T

Entretien non directif de recherche


23

Reproduction et diffusion interdites sans l’autorisation de l’auteur


24
L’entretien non directif de recherche

1 Introduction......................................................................................................................................... 2
2 Différence entre E.N.D.R. et entretien clinique .......................................................................... 3
2.1 La demande. ................................................................................................................................................ 3
2.2 Le savoir. ...................................................................................................................................................... 3
3 L’écoute du chercheur : ................................................................................................................. 4
4 Les attitudes pouvant intervenir pendant l’ENDR (les attitudes selon H.PORTER).
4.1 L’attitude de décision................................................................................................................................ 4
4.2 L’attitude d’enquête. ................................................................................................................................. 4
4.3 L’attitude de support. ............................................................................................................................... 5
4.4 L’attitude d’évaluation. ............................................................................................................................ 5
4.5 L’attitude d’interprétation. ..................................................................................................................... 5
4.6 L’attitude de compréhension. ................................................................................................................. 5
25
5
5 La non directivité dans la recherche. ............................................................................................ 5
6 Les enjeux respectifs des partenaires en ENDR. ........................................................................ 6
6.1 L’enjeu du pouvoir. ................................................................................................................................... 6
6.2 L’enjeu de la connaissance. ..................................................................................................................... 7
7 La consigne de départ ! ..................................................................................................................... 7
7.1 De quelle place parle-t-on ? ..................................................................................................................... 7
7.2 Quelle confiance accorder ? ? ................................................................................................................. 8
7.3 Synthétiser, Terminer l’entretien ..................................................................................................... 9
7.4 Prise de notes et magnétophone ..................................................................................................... 10
8 Pour conclure : l’art d’interviewer ........................................................................................... 10
1 Introduction.
L’entretien non directif de recherche n’est ni une simple entrevue (rencontre concertée entre deux
ou plusieurs personnes pour traiter une affaire), ni un interrogatoire au cours duquel serait posées
une série de questions préétablies.
L’entretien est réalisé par l’interviewer, enregistré par ses soins avec l’accord de la l’interviewé
dont il s’engage à préserver l’anonymat (feuille de consentement).
L’objectif de l’interviewer est de favoriser la production d’un discours de l’interviewé sur un
thème défini dans le cadre d’une recherche. Il s’agit donc de recueillir une information, non
de la traiter à des fins thérapeutiques.
L’entretien non directif de recherche ne peut être confondu avec un entretien par questionnaire,
puisque dans ce dernier l’ordre et le contenu des interventions (questions) posées par
l’interviewer sont décidés à l’avance.
Si en réponse à un questionnaire, aucun discours n’est possible, un ensemble de questions
habilement formulées, s’ajustant sans ordre préétabli au fil du discours de l’interviewé, sans lui
couper la parole, peut très bien constituer une des modalités de l’entretien non directif de
recherche. La non directivité tient à la mise en œuvre d’attitudes spécifiques, ainsi que nous
allons le voir. C’est pourquoi, nous préférerons à toute autre appellation celle d’entretien non
directif qui ne laisse peser aucune ambiguïté sur les principes éthiques qui sous-tendent cette
démarche.

Le choix de l’entretien non directif de recherche dépend de deux paramètres :

- Le moment de la recherche : le début d’une phase exploratoire exigent une technique


26
6
différente d’une recherche sur des variables déjà préciser.

Exemple de thèmes de recherche pouvant nécessiter une phase exploratoire et l’utilisation de


l’ENDR :
ƒ Quel est le vécu d'une interruption médicale de grossesse auprès de primipares ?
ƒ Quelles représentations ont les professionnels du champ sanitaire et social du travail
pluridisciplinaire ?
ƒ Quels sont les rôles des nouvelles technologies de l’information et de communication
chez les adolescents (NTIC) ?

- Le type de recherche, l’information recherchée : les enquêtes d’opinion nécessitent des


entretiens à questions ouvertes ou fermées parce qu’elles s’appuient sur un grand
nombre de cas, alors que les recherches qualitatives s’appuient plus sur des éléments
singulier nécessitant le recueils d’information à travers des entretiens plus libre et plus
approfondis.
2 Différence entre E.N.D.R. et entretien clinique
L’ENDR se distingue de l’entretien clinique sur trois points :

- son objectif n’est pas thérapeutique, ni diagnostic, mais il vise l’accroissement des
connaissances dans un domaine choisi pas le chercheur ;
- il correspond à un plan de travail que c’est fixé le chercheur : l’entretien vise à
répondre à des hypothèses de recherches précisent, ce qui conduit le chercheur à
délimiter le discours du sujet autour d’un thème ;
- l’entretien est produit à l’initiative du chercheur. C’est lui qui est en position de
demande à la différence de l’entretien clinique où il y a d’abord une demande du sujet.

2.1 La demande.

Il est classique d’entendre dire qu’une différence essentielle entre entretien clinique et entretien
de recherche résiderait dans le fait que la demande émanerait de « l’interviewé » dans le premier
et de « l’interviewer » dans le second.
La demande est en elle-même une notion imprécise, puisque immédiatement après avoir
prononcé ce mot, survient la question de savoir s’il s’agit de la demande explicite ? Latente ?
Spontanée ? Provoquée ?…
Aussi bien dans l’entretien clinique que dans l’entretien de recherche, il existe différents niveaux
27
7
de demande qui sont en interaction pour chacun des participants à l’entretien. Lorsqu’on réalise
un E.N.D.R. sur un thème qui fait écho à un problème personnel pour l’interlocuteur, cela met de
toutes les manières possibles une problématique de la demande, problématique faite de
résistances, d’attentes à l’égard de l’autre…
La demande du professionnel, quant à elle, ne peut être mise entre parenthèses, car dans
toutes les situations, c’est elle qui structure la situation. Dans l’ENDR, elle est demande de
savoir, dans l’entretien clinique elle est demande de résultat.
Le critère de l’origine de la demande est donc à considérer avec méfiance. Sur la base de
l’expérience, on lui préférera le critère du statut du savoir.

2.2 Le savoir.

L’entretien de recherche est une opération destinée à élaborer un savoir communicable. Il vise à
faire d’un problème même subjectif, un objet de connaissance, alors que le but de l’entretien
clinique est diamétralement opposé.
L’entretien clinique favorise chez le patient la construction d’une pensée personnelle, subjective
qui, de ce fait, est peu communicable. Cette dynamique est permise par la projection (dans
certains cas le transfert), qui n’est rien d’autre que la mise en place de relations imaginaires par le
patient sur la personne du professionnel.
Le chercheur étudie des actions passées, des savoirs sociaux, des systèmes de valeurs et de
normes… mais l’objectif est aussi d’étudier le fait de parole en lui-même. C’est pourquoi, après
le recueil du discours, on procédera à l’analyse du discours, l’analyse des phénomènes
d’argumentation, de persuasion…

3 L’écoute du chercheur :
L’écoute du chercheur n’est jamais neutre ; elle ne peut être assimiler à un simple recueils de
données. Le chercheur essaie de donner un certain nombre de significations au récit, il fait appel
à ses théories pour essayer de comprendre, il peut être amené à sélectionner certains éléments qui
lui semblent pertinents pour son étude.

Ces différentes stratégies d’écoute et en particulier l’attention sélective peuvent biaiser les
résultats dans le sens où le chercheur risque d’écarter des éléments pertinents. C’est pourquoi le
protocole de recherche et les hypothèses doivent avoir été bien réfléchit.
Par ailleurs, un certains nombre de mécanismes psychologiques peuvent également biaiser
l’écoute du chercheur.

Cependant l’écoute, au sens strict du terme, n’est pas toujours utilisée et peut se voir préférer
d’autres attitudes parmi les six catégorisées par H. PORTER, qui sont inégalement
recommandables pour une pratique de l’entretien véritablement non directive.

28
8
4 Les attitudes pouvant intervenir pendant l’ENDR (les attitudes selon
H.PORTER).

4.1 L’attitude de décision.


Elle consiste à fournir à l’interlocuteur une solution toute prête, élaborée à sa place, en fonction
de la manière d’être personnelle au professionnel. Elle est bien sûr fonction de sa manière d’être,
de sa manière de réagir, de ses besoins, de ses attitudes, de son système de valeurs, toutes choses
que ne partage pas nécessairement l’interviewé. Cette décision peut être communiquée à l’autre
impérativement, ou sous forme de conseil, de suggestion. C’est le classique : -« A votre place,
je… ».

4.2 L’attitude d’enquête.


Elle revient à solliciter des informations supplémentaires, soit d’une manière très neutre, soit de
façon orientée.
4.3 L’attitude de support.
Elle consiste à vouloir diminuer l’intensité du problème qui se pose à autrui, à vouloir le rassurer,
soit en lui indiquant la généralité de sa situation, soit en l’incitant à remettre la recherche d’une
solution à plus tard.

4.4 L’attitude d’évaluation.


Elle revient à porter un jugement sur le comportement de l’interlocuteur.

4.5 L’attitude d’interprétation.


Elle vise à fournir à autrui, en fonction de la compétence du professionnel de sa connaissance de
la question, une explication du comportement ou de la réponse de l’interlocuteur.

4.6 L’attitude de compréhension.


Elle consiste à essayer de ressentir les sentiments qu’autrui exprime, du point de vue d’autrui
même, sans s’identifier à lui, et à lui communiquer de temps en temps cette perception afin, d’une
part d’en vérifier l’exactitude, d’autre part pour l’amener à en prendre conscience et à progresser.
La classification de PORTER met en évidence le fait que l’interviewer s’implique plus ou moins,
oriente, introduit sa propre façon de voir, influence en définitive son interlocuteur dans tous les
cas, sauf avec l’attitude de compréhension qui en ce sens se révèle être la seule attitude 29
9
véritablement non directive.

5 La non directivité dans la recherche.

La non directivité, dans l’entretien non directif de recherche, se manifeste dans l’ensemble des
attitudes et des comportements d’un chercheur qui vise la production par un interlocuteur d’un
discours continu et structuré sur une question donnée. Mais on ne peut utiliser ce terme de non
directivité sans faire référence à Carl ROGERS
En 1945, ROGERS lui-même conseille le transfert de la non directivité dans le domaine de la
recherche, car si le conseiller s’offre au patient comme un « miroir verbal », ce reflet des attitudes
émotionnelles peut avoir une grande valeur comme outil dans la recherche. En effet, quand
aucune question n’est posée, quand aucune évaluation du discours n’intervient, alors joue un effet
de sollicitation des attitudes profondes de l’interviewé. On imagine facilement l’intérêt qu’il y a,
de la sorte, à éliminer les biais provoqués par l’interviewer et ses interventions.
Ainsi, très rapidement, on se trouve face à deux acceptions du terme « non directivité », l’une
dans le champ thérapeutique, l’autre dans le champ de la recherche. Mais dans ce dernier, la non
directivité se ramène à une pure technique d’intervention, sans que les conditions initiales – c’est
à dire de demande d’aide, d’objectif de changement - soient précisément réunies.
Il faudra attendre 1952 pour que la non directivité soit introduite en France par le psychologue
Max PAGES, et pour que plus tard, en 1970, il pose la question éthique de la manipulation
consciente ou inconsciente de l’interviewé par l’interviewer. Cette question a d’ailleurs plusieurs
niveaux, car l’interviewer, par son action, favorise aussi la manipulation de l’interviewé par le
groupe auquel il remet les résultats de la recherche.
Quoi qu’il en soit la notion de non directivité est restée courante pour caractériser l’entretien de
recherche, en partie sans doute parce que l’adoption d’une attitude non directive par le chercheur
lui laisse croire qu’est ainsi résolue le problème de son influence sur les données recueillies.

6 Les enjeux respectifs des partenaires en ENDR.

L’enjeu central d’un entretien est peut-être celui d’un savoir secret et de sa valeur. L’éventualité
du dévoilement de ce savoir secret est aussi fascinant pour l’interviewé que pour l’interviewer.

6.1 L’enjeu du pouvoir.

Dans l’ENDR, l’initiative de l’entretien revient au chercheur. Sa demande-stimulus enclenche


souvent un fonctionnement dominant : l’interviewé qui a accepté de participer à l’entretien
s’efforcerait par la suite de satisfaire le chercheur, en produisant un discours, des réponses qu’il
suppose être celles attendues par son interlocuteur.
Mais il arrive aussi que l’interviewé considère la demande d’entretien du professionnel comme
une proposition qui est à négocier. La nécessité de se situer par rapport à cette proposition est 30
10
alors vécue comme source de risques que l’interviewé s’efforcera d’évaluer.
Le contrat explicite qui est proposé par l’interviewer est cependant complété par l’interviewé,
avant, pendant et après l’entretien. En effet, chaque interviewé va définir ses propres objectifs,
compte tenu de ceux qui lui ont été exposés par l’interviewer ; cette définition sera différente
selon chaque individu. Certains « blocages » en cours d’entretien proviennent de ce que
l’interviewé est souvent persuadé que qui l’intéresse lui, dans l’entretien, ne peut pas intéresser
l’interviewer.
Les positions de l’interviewer et de l’interviewé sont pourtant proches dès lors que l’entretien est
accepté.
En effet, à partir d’une réponse favorable à la demande d’entretien, les deux interlocuteurs sont
désormais en quête d’un savoir que l’un doit révéler et que l’autre doit dévoiler. C’est sur la base
de ce constat que se met en place une relation finalement tout à fait complexe, puisque chacun
des partenaires ignore ce que l’autre cherche implicitement, quand il n’ignore pas de surcroît ce
qu’il cherche lui-même.
L’interviewer possède le plus souvent un savoir-faire qui lui confère une position de maîtrise par
rapport à l’interviewé. L’interviewé, de son côté, se sait détenteur d’un certain savoir qui peut
faire de lui un sujet unique et singulier, irremplaçable ? Mais la détention de ce savoir ne le met
pas sur un pied d’égalité avec l’interviewer car, si l’obtention de sa parole est nécessaire, elle n’a
de valeur que parmi beaucoup d’autres. Et de plus, elle ne prendra son sens véritable que soumise
à l’analyse des chercheurs.
6.2 L’enjeu de la connaissance.

Les connaissances détenues par les deux partenaires sont, elles aussi, inégales.
L’interviewer sait, en partie, ce qu’il cherche. Il a des hypothèses. Il peut aussi s’exprimer à
propos de ce qu’il ignore ; c’est le signe de l’activité scientifique et de ses exigences de rigueur.
L’interviewé, lui, ne connaît rien de tout cela. En effet, il ignore les objectifs de la recherche, ce
qui est très inconfortable pour lui puisqu’il doit justement apporter une information en rapport à
ces objectifs-mêmes. On comprend donc qu’il puisse à un moment ou à un autre, essayer de
mesurer les conséquences possibles de son discours et de la divulgation de celui-ci.
L’interviewé procède par approximations successives. Il essaie de se définir et de se situer dans
sa propre représentation du bon savoir, sa propre représentation qu’il veut cohérente. C’est
pourquoi tout au long de l’entretien, il va effectuer une succession de choix. Il va sélectionner les
informations à divulguer, en éliminer certaines. C’est cette suite de choix qui constitue la
stratégie de l’interviewé qui va structurer fondamentalement son discours et sa manière de le
délivrer.

Enfin n’oublions pas l’après-entretien et son vécu par l’interviewé. Il dépend bien sûr de ce que
l’interviewé avait investi dans la relation, désenchantement, bouleversement parfois, mais aussi
possibilité de réamorcer un monologue intérieur ou de poursuivre, ailleurs et avec d’autres, un
discours resté en suspens pour cause d’inadéquation à la situation d’entretien de recherche
« scientifique » et non « thérapeutique ».

31
11

7 La consigne de départ !
S’il est un souci que l’on retrouve régulièrement dans les remarques des interviewers, surtout
néophytes, c’est bien celui de leurs interventions et de leur conséquence. Dans la plupart des cas,
ce souci s’énonce en termes de « bien » ou de « mal », en termes de « faut-il ? » ou « ne faut-il
pas ? ». C’est à ce genre de questionnement que nous efforcerons de répondre dans cette
conclusion.

7.1 De quelle place parle-t-on ?

Parmi toutes les interventions possibles, il en est une qui a un statut très particulier, une sur
laquelle on ne peut absolument pas faire l’impasse, c’est bien sûr l’intervention qui se situe au
démarrage de l’entretien proprement dit, la consigne de départ.
Elle est le stimulus essentiel, et de ce fait elle va être en grande partie décisive de la suite de la
rencontre. Quelles sont les invites que l’on utilise, les formulent que l’on emploi ? En fait aussi
nombreuses soient-elles, elles se ramènent à un petit nombre. Ainsi, on le professionnel
démarrera par :
ƒ « Que pensez-vous de … ? »
ƒ « Comment voyez-vous … ? »
ƒ « Qu’est-ce pour vous … ? »
Ces entrées en matière se poursuivent généralement par :
ƒ « … le problème de … »,
ƒ « … la situation … »,
ƒ « … l’idée de … ».
On constate donc que la plupart des consignes restent dans l’indéfini puisque l’interviewé se
trouve seulement interpeller, sans qu’une place explicite lui soit assignée.
Il ne sait pas s’il doit parler en tant que membre d’un groupe, détenteur d’un statut précis, ou en
tant que membre d’un corps social auquel il appartient. A moins que le chercheur ne le sollicite
en tant qu’individu ayant des opinions personnelles, ou encore en tant qu’individu vivant
personnellement une situation particulière.
Si l’incertitude persiste, c’est à dire si la dimension de l’individualité psychologique désignée
n’est pas énoncée, dans le meilleur des cas elle le sera parfois par l’interviewé lui-même qui
répondra par exemple :
-« Je vous parle en tant que mère de famille … »,
« A mon âge, on a des idées… »
Si l’interviewé n’introduit pas ainsi son propos, ni l’interviewer, ni celui qui traitera l’information
(s’il est différent du précédent) ne pourront contrôler le cadre de référence qui donne tout son
sens à ce qui dit l’interviewé. Le système de référence échappe, et par là-même les critères
d’évaluation et de catégorisation du sujet.
Bien sûr, il faut rester attentif à ce que la précision du titre auquel on fait parler l’interviewé n’est
pas garante de l’élucidation totale et entière de son système de valeurs et des critères de celui-ci.
Mais il faut bien voir que l’on n’entre pas dans la même logique d’entretien, selon que l’on dit :
ƒ « Vous êtes célibataire, et c’est à ce titre que je souhaiterais vous entendre vous
exprimer sur le PACS… », ou 32
12

ƒ « Vous êtes avocat, comment voyez-vous la question du PACS ? »


Il est évident que les différentes dimensions d’un individu ne sont pas indépendantes et que
l’interviewé ne parle pas en être morcelé. Mais, en se donnant les moyens de repérer ces
différentes dimensions dans l’entretien, on se donne en même temps la possibilité d’en
comprendre les interrelations.

Il faut être conscient de ce qu’une même consigne peut susciter des significations différentes chez
les sujets, en fonction de leur histoire sociale et culturelle. Se trouve posée ici la question des
rapports qu’entretient le sujet interviewé avec la verbalisation, mais aussi avec l’analyse
intellectuelle. Or ces rapports se construisent au cours de l’histoire sociale. La capacité de
s’exprimer verbalement sur un fait, un événement, une situation, s’acquiert socialement. Ce sont
des apprentissages insuffisants, ou vécus comme tels, que renvoient les premières réactions des
sujets, telles que :
« Je n’ai pas fait d’études … »
« Je ne sais que vous dire … »
« Je n’ai rien de bien intéressant à dire, voyez avec mon mari… »

7.2 Quelle confiance accorder ? ?

Une inquiétude courante chez les interviewers débutants est celle d’être trompé par l’interviewé
qui –après tout – dit ce qu’il veut bien dire. Est-on en train de recueillir des informations non
véridiques, un discours mensonger, erroné. Rien de ce qui est dit ne doit être considéré a priori
comme vrai ou faux, fait ou non fait (Blanchet A., 1985). Quand un sujet dit que le mariage, c’est
agréable, ses propos ne sont pas vérifiables. Et même si tous les autres interviewés disent le
contraire, ce n’est pas la preuve que ce sujet ment. La question n’est donc pas de savoir si ce qui
est dit, est vrai, mais plutôt de savoir si ce qui est dit, est réellement pensé.
En effet, divers niveaux psychologiques entrent en jeu au cours de l’entretien. Un individu pourra
être tour à tour nerveux, moqueur, réservé… A d’autres moments, il peut chercher à faire bonne
impression ou à mener consciencieusement la réflexion qui lui est demandée. Dans tous les cas,
seul le contexte psychologique de l’énonciation pourra donner la clé de décodage du sens du
discours.
Considérer que tout ce qui est dit relève du même niveau psychologique est une erreur identique
à celle qui consiste à croire ou à ne pas croire ce qui est dit par le locuteur. De plus, il est peu
réaliste qu’un interviewé « normal » trompe un interviewer tout au long d’un entretien. En fait les
contradictions du discours auxquelles on peut être sensible au cours de l’ENDR, résultent en
grande partie de la distance existant toujours entre ce que l’on pense et les possibilités
d’expression offerte par la langue utilisée. Celles-ci sont très rarement parfaitement adéquates
aux autres.
Cependant l’interviewer doit repérer pendant l’entretien les trous et les omissions du discours, de
façon à les explorer le moment venu. En effet, elles doivent être prises comme autant d’indices de
résistance, de doute, de crainte qui empêchent l’interviewé de s’exprimer sans contrainte.
Quelques remarques pour conclure…
Si l’interviewer se doit d’être patient et bienveillant à l’égard de son interlocuteur, il doit
aussi rester intelligemment critique. Aucun des thèmes abordés ne doit lui sembler a priori non
pertinent, mais bien au contraire considérer comme symptomatique.
La situation d’entretien confère un véritable pouvoir à l’interviewer, pouvoir qu’il ne doit 33
13

pas dénier. Ce pouvoir tient aux processus psychologiques en jeu, mais il doit servir d’atout
utilisé de façon optimale et conformément aux règles éthiques.
S’il n’est pas du rôle de l’interviewer de discuter, de converser avec l’interviewé, de lui
donner des conseils, pas plus que de lui faire des remontrances morales, il peut cependant
s’adresser à lui, voire lui poser des questions. Mais ces interventions doivent être justifiables
conjoncturellement.
Elles sont destinées à aider la personne qui parle, dans son expression, à la soulager de
son inquiétude ou de son angoisse. Elles n’ont de raison d’être que parce qu’elles permettent la
levée des blocages et de ce fait facilitent la relation. Ce sera aussi l’occasion d’encourager une
expression fidèle et précise des opinions, des sentiments, des faits, tels qu’éprouvés, vécus. Ce
sera encore pour ramener le sujet à des points négligés, peut-être oubliés. Enfin, ce sera pour
évoquer, si cela est utile, l’émergence de l’implicite dans les propos tenus.
Il faut donc s’accorder à reconnaître que c’est le déplacement du regard de l’interviewer sur ce
qui encadre la parole qui conditionne la production de celle-ci et son interprétation.

7.3 Synthétiser, Terminer l’entretien

La synthèse rassemble les éléments d’informations traités pendant l’entretien. La conclusion


rappelle le pourquoi et le comment de la rencontre. Elle propose à l’interlocuteur les résultats,
essentiels de l’échange, elle permet aussi de vérifier que l’on est bien en phase, que chacun a tiré
les mêmes conséquences de l’entretien. La conclusion reste une phase primordiale. Elle permet
de clore la discussion, de resituer la démarche dans le contexte et d’éviter ainsi les interprétations
erronées. Lorsque les propos deviennent redondants, l’entretien doit se terminer. On demande au
sujet s’il ne voit rien d’important à ajouter (ce qui a parfois l’intérêt de faire repartir le discours
sur des points oubliés). Ne pas oublier de le remercier.

7.4 Prise de notes et magnétophone


Doit-on enregistrer l’entretien ? C’est le seul moyen d’avoir à la fois l’intégralité du discours et
les contours du discours (ton, atmosphère) et également la part de suggestion de l’interviewer.
L’enregistrement restitue le déroulement et le langage de l’entretien. Il est difficile pour
l’interviewer d’assurer en même temps écoute attentive et positive, relances et prises de notes.
L’interviewer peut cependant prendre quelques notes pour mémoriser les thèmes abordés sur
lesquels il pourra être utile de revenir.
Le magnétophone est aujourd’hui un appareil banal. Si l’interviewer est à l’aise avec lui, il saura
le présenter naturellement comme allant de soi. La présence du magnétophone peut gêner, il peut
y avoir des modifications induites par l’enregistrement (prudence des propos, phrases bien
faites,...) mais l’interviewé oublie vite. Et rendre compte d’un entretien uniquement à travers une
prise de notes ou une notation a posteriori introduit d’autres biais plus graves : la perception.

8 Pour conclure : l’art d’interviewer

Dans la perspective de formation qui est la nôtre, c’est avant tout l’interviewer qui nous 34
14
préoccupe et les dimensions de son savoir-faire, de son art d’interviewer, art fait en grande partie
de sa capacité à rester dans la mesure du possible le plus neutre possible.

La neutralité bienveillante qui doit permettre d’élargir le champ de l’observation, est à la fois
méthode et principe, toujours coexistant dans l’entretien.

Savoir rester le plus neutre possible, c’est tout l’art de l’interviewer, et quel art ! Et quelle
difficulté dans son exercice ! L’interviewer est pris dans un conflit dont les termes peuvent
s’exprimer de la façon suivante :
ƒ d’un côté la distance à l’autre, le silence, l’immobilité du scientifique,
ƒ de l’autre, les capacités d’empathie, d’acquiescement, de soutien, qui sont
considérées comme favorisant la maïeutique de l’interviewé.
Il arrive que l’interviewer en vienne à adopter un comportement de l’ordre de l’indifférence
contrôlée, présentant quelque parenté avec une attitude blasée, cependant agrémentée de quelque
bienveillance. Et c’est cette position qui se révèle énigmatique, lorsque l’interviewé s’efforce de
la percer en interrogeant à son tour : - « Et vous, qu’en pensez-vous ? »
Mais qui dit « neutralité », ne dit pas simplement « manipulation ». Certes la neutralité permet
mieux l’expression de l’interviewé qu’une autre attitude ; cependant elle s’entend aussi de
l’interviewer envers lui-même. Il doit surveiller ses propres inclinations chaque fois que les
choses lui paraissent évidentes. Il doit aussi surmonter sa propre gêne pour explorer certaines
zones laissées dans l’ombre par le sujet.
En outre, c’est cette neutralité qui lui interdit de questionner au profit de la seule invite à parler
adressée à son interlocuteur. Elle lui interdit aussi d’intervenir en apportant lui-même un savoir.
C’est toujours cette neutralité qui lui interdit enfin de répondre au premier niveau à l’injonction
de l’interviewé : - « Posez-moi des questions ! »
De cette neutralité, on peut dire qu’elle aménage un espace vacant entre le discours et la
théorisation de ce discours. Il est clair que cet espace est tout à fait nécessaire à l’élaboration du
fait scientifique qui ne s’impose jamais de lui-même, mais toujours se construit (Blanchet A.,
1985). L’accès à la connaissance, la constitution du discours en objet de savoir n’est possible que
par le dépassement des implications immédiates de l’interrelation interviewer / interviewé
La neutralité est une attitude difficile à tenir, surtout pour des débutants. Cependant, même avec
l’apprentissage et l’expérience, les difficultés persistent dans la mesure où le praticien confirmé
ne s’interroge plus sur la maîtrise de la technique, mais sur ce qu’il maîtrise en réalité.
La neutralité est à considérer, aussi bien en amont qu’en aval de l’entretien, car l’interviewer se
doit de préserver dans certaines limites la commande de recherche dont il est l’intermédiaire, les
discours déjà recueillis auprès d’autres interviewés.
Finalement se pose la question éthique du droit qu’aurait l’interviewer, dans l’ENDR, de lever
des résistances, de neutraliser des rationalisations. Rappelons-nous qu’alors l’objectif visé est
l’expression de l’interviewé sur un thème donné, même s’il est embarrassant. Et embarrassant le
thème l’est souvent, dès lors que l’on souhaite se dégager de réponses et de propos stéréotypés
qui ne seraient que le reflet du discours dominant. L’ENDR s’adresse essentiellement à
l’individu, en tant qu’auteur de sa propre expérience et dépositaire d’un vécu à nul autre
réductible.
Le chercheur reconnaît à l’interviewé un certain type de compétences puisqu’il lui apprend des
choses… Mais leur relation ne peut s’inscrire dans un échange habituel au cours duquel une
réciprocité s’instaure avec expression de la satisfaction, ou don réciproque d’informations. La
neutralité de l’interviewer doit lui permettre de rompre le lien de dépendance toujours latent, que 35
15

renforcerait ce mode de fonctionnement.


Enfin, et tout au long de l’entretien se pose la question non négligeable de l’influence du
chercheur sur son objet de recherche, plus particulièrement sans doute dans ce cas où s’impose la
nécessité d’entrer en relation verbale avec d’autres individus pour mieux les observer. Ne court-
on pas alors un maximum de risques de contamination et de confusion. Chez le chercheur
scrupuleux est toujours présente la crainte d’avoir laissé jouer ses propres a priori, ses
hypothèses, ses intérêts.
On conçoit donc le double registre sur lequel joue la neutralité, celui de filtre de la propre voix de
l’interviewer en même temps que celui d’amplificateur de la voix de l’interviewé. Ce double
registre protège fondamentalement la neutralité du rôle manipulateur et du statut a-scientifique
que certains voudraient lui assigner.
Bibliographie élémentaire

BLANCHET A. (1983) L’entretien de face à face dans la relation d’aide. Paris : ESF.

BLANCHET A. (1989) Les relances de l’interviewer dans l’entretien de recherche : leurs effets
sur la modélisation du discours de l’interviewé. L’année psychologique, 89, 367-391.

KANDEL L. (1972) Réflexions sur l’usage de l’entretien, notamment non directif et sur les
études d’opinion. Epistémologie scientifique, 1972,13, 25-46

LE QUEAU P.,BRUGIDOU M. (1998) La dynamique interne du récit. Contribution au


traitement et à l’analyse des entretiens non directifs. CAHIER Recherche, n° C124, octobre
1998. Credoc.

LEROY C. (1985) La notation de l’oral. Langue Française, n° 65, février1985, 6-16.

MARKUS-STEIFF J (1961) La recherche de l’information au moyen de l’interview non


directive. Sciences, 47-54.

36
16

12
PY00507T

Entretien Clinique
37

Reproduction et diffusion interdites sans l’autorisation de l’auteur


38
L’entretien Clinique

Sommaire

1. Introduction ..................................................................................................................................... 2
2. La formation à l’entretien : un travail sur soi ............................................................................ 2
1. Objectifs globaux. ........................................................................................................................................ 2
2. Motivation des candidats à la formation. ............................................................................................... 3
3. Apprentissage de l’écoute........................................................................................................................... 3
3.1. Observation. ........................................................................................................................................................... 3
3.2. Compréhension. ................................................................................................................................................... 3
3.3. Distanciation. ......................................................................................................................................................... 4
3.4. Contextuation. ....................................................................................................................................................... 4
3.5. Régulation. .............................................................................................................................................................. 4
3. L’entretien clinique : quelques éléments de définitions .................................................. 5
4. Entretien clinique et psychologie clinique ............................................................................ 5
5. Les attitudes fondamentales dans l’entretien clinique ..................................................... 6
1. La non­directivité ...................................................................................................................................... 7
2. ­ Respect ........................................................................................................................................................ 7
3. ­ Acceptation inconditionnelle.............................................................................................................. 7
4. ­ Neutralité bienveillante ........................................................................................................................ 7 39
29
5. ­ Empathie ou compréhension empathique ..................................................................................... 8
6. ­ Authenticité ou congruence ................................................................................................................ 8
7. ­ Disponibilité ............................................................................................................................................. 8
6. Ce qui est mobilisé dans l’entretien clinique : ...................................................................... 8
1. La demande .................................................................................................................................................. 9
2. Les effets de transfert............................................................................................................................. 10
3. Les effets de contre­transfert .............................................................................................................. 10
4. Les mécanismes de défense ................................................................................................................. 11
7. Les techniques de l’entretien clinique ................................................................................. 12
1. Premier entretien .................................................................................................................................... 12
2. La gestuelle ................................................................................................................................................ 12
3. La présentation ........................................................................................................................................ 12
4. Durant l’entretien .................................................................................................................................... 12
1 Introduction
L’entretien clinique reste un outil fondamental dans la pratique du psychologue clinicien où il
s’agit de comprendre l’étiologie des fonctionnements psychologiques et les souffrances des sujets
tout en préservant leurs singularités.
L’objectif de cette partie de cours est de sensibiliser l’étudiant(e) à la spécificité de l’entretien
clinique, en présentant ses caractéristiques théoriques, pratiques et les implications du praticien et
du sujet. Nous tenterons d’apporter certains repères permettant à l’étudiant(e) de se familiariser
avec ces techniques tout en appréhendant les écueils possibles : investissement dans la relation,
développer sa capacité d’écoute, prendre conscience de ses propres résistances, les types
d’interventions et de relances, entendre et admettre la problématique de l’autre, repérer ses
propres projections, penser ce qui se joue dans la relation.

2 La formation à l’entretien : un travail sur soi


2.1 Objectifs globaux.

Quel que soit le type d’entretien que l’on envisage, la formation à leur pratique suppose une
connaissance des procédures et une sensibilisation aux processus. En effet, l’entretien, quelle que
soit sa finalité, demande à l’interviewer de comprendre les mécanismes propres à cette
communication, en même temps que d’être capable de réguler la dynamique de l’échange.
L’entretien est un instrument d’investigation complexe qui mobilise des processus intersubjectifs.
Dans cette situation est toujours présente la question de la relation à l’autre, et l'on ne peut faire
40
30
l’impasse sur les enjeux psychiques conscients et inconscients des deux protagonistes. C’est la
raison pour laquelle tout entretien exige de la part de celui qui le conduit une certaine attitude
clinique.
Par attitude clinique, il faut entendre une attitude d’observation orientée vers la totalité de l’être
humain qui lui fait face, un être humain concret, singulier, complet.
La formation à l’entretien est donc l’occasion de travailler la communication duelle et oblige à
considérer, tout à la fois, les aspects techniques et les aspects dynamiques de cette situation.
Dès maintenant, il doit être clair au lecteur que, dans la formation à l’entretien, sont en jeu non
seulement :
ƒ des méthodes : démarches raisonnées, ordonnées,
ƒ des outils : moyens permettant d’exécuter une tâche,
ƒ des techniques : ensemble de procédés,
ƒ mais aussi des attitudes.

C’est pourquoi on peut affirmer que l’objet de la formation à l’entretien renvoie à la fois à des
savoir-faire (techniques) et à des savoir-être : il s’agit d’apprendre certaines techniques qui seront
utilisées en fonction de ce que chacun est. C’est donc sur le développement de l’écoute dans
l’échange et sur le développement de la compréhension des discours manifeste et latent de
l’interviewé que va se centrer la formation. Mais aussi à repérer comment nos attitudes influent
sur le déroulement de l'entretien et al mobilisation de notre écoute.
2.2 Motivation des candidats à la formation.

La plupart des étudiants sont victimes d’une illusion, l’illusion que la formation va leur permettre
de s’approprier un dispositif qui sera contrôlable. Autrement dit, ils attendent un entretien
modèle, sinon un modèle d’entretien, qu’il leur serait possible par la suite de reproduire tel quel.
Or cet idéal imaginaire vous sera refusé puisque la performance professionnelle passe
nécessairement pour l’interviewer par le repérage de ses propres investissements dans la relation.
Le futur praticien doit apprendre à :
ƒ développer ses qualités d’écoute,
ƒ découvrir les résistances qu’il rencontre,
ƒ admettre la problématique de cet autre qu’est l’interviewé,
ƒ reconnaître ses projections personnelles qui peuvent constituer autant d’obstacles à la
communication.

2.3 Apprentissage de l’écoute.

Qui dit situation d’entretien, dit nécessairement écoute de l’autre. Mais écouter, ce n’est pas
entendre (écoute active). C’est cela et plus que cela encore, comme nous le verrons par la suite.
L’apprentissage de l’écoute ne peut se réduire à la seule acquisition de techniques appropriées.
Les techniques ne pourront être opérationnelles qu’avec la conduite d’un travail sur les attitudes
profondes des futurs interviewers. On peut à ce propos mentionner diverses capacités, aptitudes,
qui devront être développées au cours de la formation.

41
31
2.3.1 Observation.
Au cours d’un entretien, il faut être capable de gérer les silences après en avoir identifié le sens.
« Il est un silence prudent et un silence artificieux. Un silence complaisant, et un silence
moqueur. Un silence spirituel, et un silence stupide. Un silence d’approbation, et un silence de
mépris. Un silence de politique. Un silence d’humeur et de caprice. »
Le professionnel doit donc être attentif aux comportements non verbaux ; il doit être en mesure
de décoder les messages qu’ils délivrent. Il doit aussi prendre en compte les enjeux du regard et
reconnaître ainsi silences vides et silences pleins.

2.3.2 Compréhension.
Il s’agit de repérer les investissements de l’interlocuteur dans la relation, d’identifier ses
motivations, de contrôler la séduction comme l’agressivité.
Les connaissances de l’interviewer doivent lui permettre de distinguer les différents mécanismes
de défense qu’il rencontre (mécanismes que nous verrons plus loin).
2.3.3 Distanciation.
L’interviewer doit être en mesure de contrôler ses inductions, d’identifier sa propre implication
affective dans la relation à son interlocuteur, de vérifier sa compréhension. Il doit en même temps
élargir le champ de son écoute en travaillant sur la nature sélective de celle-ci.

2.3.4 Contextuation.
Il faut être capable d’identifier le fond de la pensée du sujet, de repérer la nature de
l’interlocuteur et son cadre de référence. Autrement dit, il ne faut pas omettre de prendre en
considération la dynamique du sujet dans sa propre histoire

2.3.5 Régulation.
Il convient d’être capable de gérer les obstacles à la communication, ainsi que les éventuels
conflits. C’est à bon escient que l’interviewer doit intervenir sur la relation ou sur le contenu. Il
doit valoriser l’expression du discours de l’autre, et aussi faciliter cette expression. Cela doit
s’effectuer sans porter de jugement. Il doit accepter, sans pour cela approuver. L’interviewer doit
se passer de la reconnaissance de l’autre.
On peut résumer l’ensemble des points précédents, en précisant qu’une formation à l’entretien
doit sensibiliser les interviewers aux « points aveugles » du dispositif utilisé.
Certaines techniques, couramment mentionnées, permettent d’éviter les trop grandes distorsions
du discours d’autrui. Il s’agit de la reformulation, de la répétition, de la relance. Elles permettent
de baliser l’écoute, de réajuster la parole de l’un à l’oreille de l’autre. Qu’en résulte-t-il pour
chacun des deux protagonistes de l’entretien ? 42
32

INTERVIEWER (écoute) INTERVIEWÉ (acte d'énonciation)


- est forcé d’écouter ce qui est dit - voit qu’il est écouté
- fait un effort d’analyse de ce qui est dit - sent l’effort d’analyse
- fait un effort de compréhension et fait donc - sent que son propre système de valeurs est pris
abstraction de son propre système de valeurs en compte
- respecte l’autre de façon inconditionnelle - sent qu’il est respecté et reconnu
- pense que l’autre a la capacité d’élucider son - prend conscience du fait qu’on le croit capable
propre comportement et le lui dit d’élucider, mais peut en éprouver temporairement
de l’anxiété
-considère l’autre comme un être autonome et - se sent non dépendant de l’autre, mais peut
indépendant temporairement en éprouver de l’anxiété
3 L’entretien clinique : quelques éléments de définitions 1
L’entretien clinique utilisé par les psychologues cliniciens vise à appréhender et à comprendre le
fonctionnement psychologique d’un sujet en se centrant sur son vécu et mettant l’accent sur une
relation (Bénony H. 1999). L’entretien clinique fait partie de la méthode clinique et il constitue
l’un des meilleurs moyens pour accéder aux représentations subjectives du sujet, dans le sens où
l’on postule un lien entre le discours et le substrat psychique (Blanchet A. 1997).
En clinique, l’entretien permet d’obtenir des informations sur la souffrance du sujet, ses
difficultés de vie, les événements vécus de son histoire, la manière dont il aménage ses relations
avec autrui, ses rêves, ses fantasmes. Il apparaît comme un outil irremplaçable et unique si l’on
veut comprendre un sujet dans sa spécificité et mettre en évidence le contexte d’apparition de ses
difficultés (Bénony H. 1999).

La notion d’entretien clinique est très liée aux travaux de Carl Rogers (1966), psychologue
humaniste américain. Ses contributions porte essentiellement sur les notions d’acceptation de
l’autre, de centration sur le sujet, d’empathie, de non-directivité et de compréhension.
La pratique de l’entretien clinique a également été influencée par d’autres modèles notamment la
psychanalyse (mais aussi par les modèles phénoménologiques et systémiques).

4 Entretien clinique et psychologie clinique


L’entretien clinique est le paradigme même du travail du psychologue clinicien. Il fait partie de la
méthode clinique, qui comprend :
- une clinique « à mains nues » (observation et l’entretien) 43
33

- une clinique instrumentale (tests projectifs, échelles).


L’entretien clinique a une place important en psychologie clinique ; il vise à recueillir des
informations sur le sujet, mais ses informations ne peuvent être comprise qu’en référence au sujet
lui-même. Par exemple les difficultés d’un individu ne peuvent prendre sens que si elles sont
restituées dans leur cadre de référence : l’histoire personnelle, familiale, la manière dont il
aménage ses relations avec autrui, sa personnalité…
L’entretien clinique en psychologie clinique se situe dans un contexte :
- d’aide ou de soins psychologiques ;
- de diagnostic ou d’évaluation psychologique ;
- ou de recherche clinique.

1
En complément et en priorité lire les ouvrages de Benony, H., Charahoui, K. (1999).
L’entretien clinique. Paris : Dunod. Collection Topos ; et Chiland, C. (1989). L’entretien
clinique. Paris : PUF.
Cette perspective de suivi ou de diagnostic distingue l’entretien clinique en psychologie clinique
et l’entretien utilisé dans les enquêtes sociales ou pratiqué dans d’autres disciplines des sciences
humaines.

Dans le cadre de la psychologie clinique , l’entretien clinique a donc plusieurs buts : permettre de
dire, écouter, s’informer, faire dire, mais aussi dire quelque chose du sujet. L’entretien est
producteur de faits de langage à partir desquels s’instaure un échange, une reconstruction des
faits réels, mais aussi l’analyse des faits de discours (forme, construction des énoncés,
mécanismes de défense, représentations prévalentes, place du sujet…). (Pédinielli JL., 1994)
L’entretien clinique est le meilleur moyen dont nous disposons pour recueillir des informations
sur la souffrance et les difficultés du sujet. Le discours du sujet nous apporte des informations sur
les faits réellement vécus ou imaginaires, mais aussi sur sa position à l’égard de ces faits et de ce
qu’il attend du psychologue.
L’entretien clinique apporte également des informations sur l’économie psychique du sujet, sur
l’organisation des mécanismes de défense que l’on peut voir à l’œuvre dans son discours
(exemple la dénégation) ou dans les scènes qu’il rapporte (exemple les identifications) ou encore
dans la manière de s’adresser au psychologue (les projections). Le discours est enfin le terrain
sur lequel viennent se reconnaître les signes pathologiques, soit à travers la plainte clairement
énoncée, soit au travers de ce qui est rapporté (idées délirantes), soit au travers de la construction,
de la syntaxe ou de la forme (aphasie). (Pédinielli JL., 1994)
Par ailleurs, le fait de parler, Freud l’a bien souligné, possède une fonction libératrice (abréaction)
qui peut conférer à tout entretien un effet potentiellement thérapeutique. Ce qui invite à respecter
des principes éthiques.

5 Les attitudes fondamentales dans l’entretien clinique 44


34

La manière de conduire un entretien dépend d’un certains nombre de facteurs :


- des objectifs de l’entretien (visée diagnostique, thérapeutique, de recherche ou
d’orientation) ;
- des modèles théoriques et de la formation du clinicien ;
- de la personnalité et de l’âge du sujet et des aspects de l’interaction au cours de l’entretien ;
- de la demande (vient-elle du sujet ? de la famille ? de l’institution ?
du chercheur ?;
- du moment et des conditions de l’entretien (premier entretien ou suivants, contexte
d’hospitalisation ou de consultation externe, contexte de crise ou non, ...).

Elle va dépendre également :


- des différences de cultures (cf. entretiens ethnopsychiatriques) ;
- de l’histoire de relations entre les personnes. Tout ce qui s’est passé avant l’entretien
conditionne la rencontre. De ce fait, chacun conçoit l’événement en fonction d’enjeux
particuliers : réels ou imaginaires, humains ou économiques, personnels ou sociaux.

La manière de mener l’entretien ne s’improvise pas, ce n’est pas une conversation ordinaire, il
s’agit d’un dialogue asymétrique entre un sujet et un professionnel (le psychologue clinicien).
Ce que l’on peut dire, c’est que la manière de mener un entretien s’appuie sur des techniques
(non-directivité, semi-directivité) et une certaine attitude (attitude clinique) adoptée par le
psychologue clinicien. On peut dire que les aspects techniques (non-directivité, semi-directivité)
et l’attitude clinique représentent les aspects les plus stables de l’entretien dit « clinique » et cela
quelles que soient les modalités et les conditions de l’entretien.

5.1 La non-directivité

C’est l’attitude envers le sujet par laquelle le clinicien se refuse à orienter le patient. Cette attitude
est prônée par Carl Rogers dans la relation d’aide. Elle implique que le clinicien ait confiance en
son patient et dans ses capacités de changement et dans ses possibilités personnelles. Il s’agit
d’une attitude respectueuse, empathique, compréhensive, congruente et confiante à l’égard du
patient, seule manière de changer le sujet selon lui.
Le psychologue peut poser une question, donner une consigne ou bien circonscrire un thème puis
s’efface pour laisser parler librement le sujet en évitant de l’interrompre. Le psychologue respecte
les moments de silence, les arrêt, les discontinuités, les associations : « l’important c’est que le
sujet dise ce qu’il a à dire, ce qu’il veut dire et ce qu’il peut dire » (Chiland C. 1984).
Le clinicien se contente d’effectuer des relances qui peuvent prendre différentes formes
(reformulation de ce qui vient d’être dit, d’une idée émise par le sujet, un hochement de tête…).
Même si ces relances visent une neutralité maximum de la part du clinicien, elles ont une
influence sur le discours du sujet.

5.2 - Respect 45
35

Premier principe du code de déontologie des psychologues : le respect de la personne dans sa


dimension, psychique est un droit indéniable.
Cela concerne le respect des droits fondamentaux des personnes, de leur dignité, de leur liberté,
de leur protection, du secret professionnel et implique le consentement libre et éclairé des
personnes concernées.
Au niveau de l’entretien, cette position éthique peut se traduire par le respect de la personnalité
du sujet, de ses appartenances sociales, culturelles, professionnelles, de certains de ses
aménagements défensifs.

5.3 - Acceptation inconditionnelle


Acceptation inconditionnelle de ce qui est dit, de la manière dont cela est exprimé et du fait que
l’autre ne souhaite pas exprimer tel ou tel sentiment.

5.4 - Neutralité bienveillante


La neutralité bienveillante est le complément indispensable à l’acceptation inconditionnelle de
l’autre. Le clinicien ne doit pas formuler de jugements, de critiques ou de désapprobations à
l’égard du sujet. Elle n’est pas de la froideur ou de la distance mais doit s’associer à la
bienveillance. Elle est un engagement positif reposant sur l’intérêt porté à l’autre.
5.5 - Empathie ou compréhension empathique
Il s’agit de comprendre le monde intérieur du sujet dans une sorte d’appréhension intuitive. Il
s’agit selon Rogers « d’essayer de savoir comment on se sent si l’on est l’autre »
L’empathie serait d’ailleurs déterminée par 2 composantes :
- La réceptivité aux sentiments vécus par l’autre ;
- La capacité verbale de communiquer cette compréhension.
L’empathie du clinicien apparaît comme un principe clé de la psychothérapie et de son efficacité.

5.6 - Authenticité ou congruence


L’authenticité est la condition indispensable pour que le climat souhaité s’instaure, c’est que le
clinicien s’intéresse réellement à ce qu’exprime l’autre. Seule l’authenticité de l’intérêt permet
d’être disponible pour lui, par rapport à ce qu’il dit. Elle est la condition absolue d’une écoute
compréhensive. Cette authenticité peut aller jusqu’à devoir exprimer ses propres sentiments dans
la situation d’interaction.

5.7 - Disponibilité
Le psychologue doit se rendre disponible, trouver un lieu approprié, être dégagé momentanément
d’autres tâches auprès des patients ou de l’équipe, être prêt à écouter le sujet.

L’attitude clinique relève tant d’un dispositif technique que d’une véritable approche
déontologique. Toutefois, l’attitude clinique est très liée à la personne du clinicien et implique 46
36
donc certaine maitrise de soi et une sérénité par rapport aux problèmes rencontrés. Ce n’est pas
toujours simple de garder la bonne distance, c’est pourquoi le clinicien devra analyser et clarifier
ses propres contre-attitudes (ou contre-transfert que nous verrons plus loin).

Toutes les attitudes qui ont une influence sur l’autre, diminuent la zone de liberté, augmentent la
dépendance et donc la capacité du sujet à expliciter le problème.
Selon les travaux de Blanchet, lorsque le praticien a une attitude réflexive (reformulation), le
sujet progresse dans la recherche de son problème. Lorsque le praticien cherche à apporter des
éléments extérieurs au discours du sujet (interprétation), le sujet répète sa demande ou
interrompt le travail thérapeutique.
Les deux modes du dire mis en évidence par Blanchet sont la reformulation (exprimer la pensée
du sujet) et la complémentation (demande d‘ajouts au discours).

6 Ce qui est mobilisé dans l’entretien clinique :


Comprendre ce qui est en jeu dans une relation d’aide revient probablement dans un
premier temps à se poser la question de ce qui est en jeu dans la rencontre avec autrui. Cet autre,
il faut d’abord le connaître, le percevoir en tant qu’individu singulier, comprendre son itinéraire.
Penser avec l’autre (et non pas à la place de l’autre).
Comme le note les successeurs de Rogers, il est important d’observer que l’aide considérée ici
implique un processus relationnel et que les deux parties sont modifiées par la relation. Il ne
s’agit donc pas seulement d’un spécialiste qui aide la personne. De temps à autre, l’écoutant a
besoin d’exprimer distinctement le ressenti de sa compréhension pour vérifier auprès de l’écouté
si, d’après lui, ses perceptions sont exactes ou non. L’écouté est le seul juge possible de ce qu’il a
voulu dire ou tenter d’exprimer et de communiquer.

Les hypothèses posées par Rogers (Rogers 1957; 1959) :


1. Suis-je perçu par l’autre comme étant digne de confiance?
2. Suis-je suffisamment expressif pour que je puisse communiquer sans ambiguïté ?
3. Suis-je capable d’avoir une attitude positive envers l’autre – des attitudes d’attention, d’intérêt,
de respect ?
4. Suis-je suffisamment fort comme personne pour être indépendant de l’autre ?
5. Suis-je suffisamment assuré à l’intérieur de moi-même pour permettre à l’autre d’être
indépendant ?
6. Est-ce que je pourrai me permettre d’entrer complètement dans le monde de ses sentiments et
de ses conceptions personnelles et de le voir comme une autre personne le voit ?
7. Est-ce que je peux accepter toutes les facettes que l’autre personne me présente ?
8. Est-ce que je serai capable d’agir avec assez de sensibilité dans la relation pour que mon
comportement ne soit pas perçu comme une menace ?
9. Est-ce que je pourrai le libérer de la crainte d’être jugé par les autres ?
10. Est-ce que je serai capable de voir l’individu comme une personne en processus de
transformation ou est-ce que je serai le prisonnier de mon passé et de son passé ?

Dans la relation duelle chacun induit la pensée, les émotions et le comportement de l’autre. Pour
47
37
que l’entretien soit le plus satisfaisant possible pour les deux partenaires, il est souhaitable de
comprendre les principaux processus psychiques qui les touchent l’un et l’autre.

6.1 La demande

C’est le moment initial de l’entrée du sujet dans le système de soin, d’aide, énoncé de façon plus
ou moins précise par un tiers demandeur, par un acteur social, ou par le sujet…dans le cadre
d’une demande manifeste ou d’une demande latente. La demande réelle du sujet, sur sa
problématique est souvent dissimulée sous un grand nombre de demandes administratives,
sociales, éducatives. Bien souvent, la mise en échec des différentes démarches est liée à une
demande latente non apparente et source d’entrave à une prise en charge efficiente. La difficulté
est donc de repérer la demande principale, souvent implicite, qui permettra par la suite
d’amorcer une implication et une adhésion réelle du sujet au projet social, éducatif et
psychologique.
Par sa nature, l’entretien clinique mobilise la question fondamentale de la demande. En effet, qui
demande quoi et à qui ?
Qui demande ? Quel est l’objet de la demande ? Qui peut recevoir cette demande ? Nous voyons
qu’il s’agit là d’éléments indissociables et interdépendants. Le demandeur vient avec une
souffrance, un désir d’être libéré de ses problèmes et il attribue un savoir et un pouvoir à celui qui
est en situation professionnelle de répondre.
Le clinicien se met au service du demandeur (et non l’inverse comme dans la situation de
recherche), il propose ses compétences et sa technicité.
Quand elle existe, et ce n’est pas toujours le cas en pratique institutionnelle, la demande introduit
une dynamique évidente dans la rencontre. La satisfaction de la demande apaise les frustrations
du sujet et crée de nouveaux liens entre les sujets. La situation déclenche des réactions diverses,
révélatrices de la personnalité et du fonctionnement mental. Elle peut permettre de mesurer le
degré de mobilisation du sujet en vue d’une proposition d’une psychothérapie.
Elle est donc fondamentale dans le cadre d’un suivi psychologique et l’investissement du
sujet dans un entretien clinique.

6.2 Les effets de transfert


Le transfert est la répétition d’une relation d’objet du passé à l’égard d’une personne présente. Il
s’agit d’un processus psychique totalement inconscient. Une personne va vivre des sentiments,
prendre des attitudes, ressentir des craintes, employer des moyens de défenses et avoir certains
comportements, comme elle les a eus pendant son enfance ou sa jeunesse, avec certaines
personnes de son entourage. Elle va déplacer cette relation sur une autre personne ; c’est pour
cela que son attitude sera souvent inadéquate et la communication risquera d’être biaisé et
l’entretien inutile.
La situation d’entretien clinique favorise particulièrement l’apparition d’attitudes
transférentielles. En effet, le clinicien est à l’écoute avec une neutralité bienveillante et l’accepte
tel qu’il est. En général, l’entretien se déroule dans un lieu clos avec un temps consacré à cet
entretien. Ces deux facteurs permettent la régression et l’apparition rapide du transfert.
Par exemple, si l’interlocuteur réclame un rendez-vous pour obtenir de l’aide, pour lui ou l’un des
membres de la famille, sa demande peut éveiller en lui une attitude de dépendance analogue à
48
38
l’attitude de l’enfant à l’égard de ses parents et avec elle toute un ensemble de vécus issue du
passé (passivité, soumission, exigence, agressivité, etc.).
Il est nécessaire de percevoir le transfert qui s’opère chez le sujet pour lui permettre de le
dépasser s’il fausse la relation, la rend inadéquate, et pour que le clinicien contrôle son propre
contre-transfert qui peut répondre inconsciemment à la demande transférentielle de l’autre.
L’entretien peut alors être biaisé par les pulsions inconscientes et leur répétition.
On peut étudier le transfert sous quatre aspects principaux : le transfert positif, le transfert négatif,
le clivage et la résistance par le transfert (approfondir dans l’ouvrage de C. Chiland).

6.3 Les effets de contre-transfert

Ce terme désigne l’ensemble des réactions inconscientes du clinicien à son interlocuteur et plus
particulièrement au transfert de celui-ci.
Le contre-transfert comporte deux dimensions :
- l’une est constituée par les réactions inconscientes du psychologue en référence à sa
problématique personnelle, c’est-à-dire que le discours du sujet peut rappeler quelque
chose que lui même a vécu ;
- dans l’autre, le contre transfert devient un outil diagnostique, dans le sens où les réactions
induites chez le psychologue vont aider à mieux comprendre le sujet.
Certains préférerons parler d’attitudes et de contre-attitudes, il faut donc entendre ici le contre-
transfert au sens large et non restreint au cadre analytique. (Approfondir à travers la lecture du
chapitre 5 dans l’ouvrage de Bénony et dans l’ouvrage de C. Chiland)

6.4 Les mécanismes de défense


La situation d’entretien génère chez les protagonistes de celui-ci, des mécanismes
psychologiques inconscients qui ont une incidence sur la dynamique de l’entretien clinique et sur
l’interprétation des informations recueillies. Les mécanismes de défenses sont définis comme des
opérations psychiques inconscientes dont la fonction est de défendre le moi contre des
sollicitations pulsionnelles pouvant entraîner un déséquilibre (Laplanche et Pontalis, 1967).
Certaines défenses sont dites réussies ou adaptatives lorsqu’elles permettent au sujet de recouvrir
un équilibre et de s’adapter aux exigences de son environnement. Le sujet peut utiliser des
défenses inappropriées soit parce qu’elle sont inefficaces, soit parce qu’elles sont trop rigides, pas
assez diversifiées, et entravent l’adaptation du sujet à son contexte de vie. Le fonctionnement
mental est alors grevé dans sa souplesse ou adaptation. Avec les travaux d’Anna Freud, la notion
de mécanisme de défense devient centrale. Pour elle, ils interviennent contre les agressions
pulsionnelles mais aussi contre les sources extérieures d’angoisse. Avec cette conception, le moi
redevient synonyme de conscient et il est assimilé à la personnalité et la psychanalyse devient
alors une technique pour consolider les défenses et l’intégrité du moi.

Les différents mécanismes de défense : (pour approfondir : Ionescu 1997)

ƒ Déni : nier la réalité d’une perception


ƒ Identification projective : fantasme par lequel le sujet s’introduit à l’intérieur d’un autre
pour le maîtriser, le posséder
49
39
ƒ Projection : expulsion dans l’autre
ƒ Introjection : introduction fantasmatique d’objets extérieurs afin qu’ils fassent partie du
moi
ƒ Clivage du moi : division du moi du fait de la coexistence en son sein d’attitudes
contradictoires (l’une tient compte de la réalité, l’autre la dénie)
ƒ Clivage de l’objet : objet idéalisé/objet négativé
ƒ Régression : retour à des modalités de fonctionnement antérieur face à une situation
angoissante ou frustrante
ƒ Refoulement : rejet dans l’inconscient de représentations gênantes, le retour du refoulé
signe un échec de la défense
ƒ Dénégation : le sujet formule une représentation, jusqu’ici refoulée et la nie aussitôt
ƒ Annulation rétroactive : mécanisme par lequel le sujet efface magiquement des actes ou
de pensées
ƒ Isolation : représentations séparées de l’affect ou de la représentation
ƒ Activisme : recours à l’action plutôt qu’à la réflexion
ƒ Identification : le sujet se transforme totalement ou partiellement sur le modèle de l’autre
ƒ Retournement contre soi même : reporter l’agressivité contre soi
ƒ Intellectualisation : abstraction et généralisation afin d’éviter les représentations chargées
émotionnellement.
Attention à ne pas confondre mécanismes de défense et coping qui sont des stratégies conscientes
ou automatiques permettant de s’ajuster par rapport à des sollicitations internes ou externes.

7 Les techniques de l’entretien clinique


7.1 Premier entretien
Lors du premier entretien, le psychologue doit accrocher l’intérêt, mettre en confiance le sujet,
son patient, pour que celui-ci trouve de l’intérêt à l’entretien. Pour cela, il crée un climat
favorable à l’échange.

7.2 La gestuelle
Il regarde son patient, il lui tend la main, il l’invite à s’asseoir. Il se veut accueillant.

7.3 La présentation
- Se présenter et présenter l’institution ;
- Insister sur l’intérêt de l’entretien pour le sujet ; le patient n’a pas forcément demandé la
rencontre (ex : demande d’un tiers). Il subit ou accepte la situation, tandis que le psychologue
recherche des informations (ex; dans une recherche).
- La situation d’entretien acceptée, il faut informer le sujet des modalités de réalisation de
l’entretien : lieu, durée approximative, enregistrement (expliquer pourquoi le magnétophone est
utilisé : aide mémoire, pour éviter de prendre des notes et être à l’écoute, …), déroulement de
l’entretien, …
- Des règles de déontologie professionnelle sont rappelées : respect de l’anonymat, 50
40

confidentialité, liberté de répondre.


Cette première rencontre permet que le sujet trouve un bénéfice à la situation et que son angoisse
soit diminuée.
Avant de commencer l’entretien, l’on s’assure que le sujet n’a plus d’interrogations sur la
situation.

7.4 Durant l’entretien

- Ecoute active ou marques d’écoutes


Le psychologue doit porter un certain intérêt au sujet, une attention qui doit lui donner le
sentiment qu’il est vraiment écouté. Le psychologue doit utiliser des expressions brèves qui
manifestent la compréhension et l’intérêt et invitent à poursuivre le discours
- : « je vois… », « je comprends… », « oui », « hum ». Attitudes, mimiques, regards sont autant
d’encouragements sans avoir recours à la verbalisation.

- Les reformulations et les réitérations

Elles consistent à répéter un contenu déjà exprimé par le sujet. Elles constituent des extractions
de contenu et non des ajouts de sens. Elles traduisent une confirmation d’écoute, signalant à
l’interviewé que l’on a bien entendu ce qu’il a dit tout en lui demandant d’expliciter davantage
l’énoncé réitéré. On différencie ici deux catégories : l’écho et le reflet.
• l’écho ou le miroir : répéter à quelqu’un ce qu’il vient d’énoncer, afin de manifester notre
écoute et compréhension de ce qu’il vient de dire. Le clinicien a effectué une sélection de son
discours, des éléments qui l’intéresse (en fonction de la demande). Ce type d’intervention peut
encourager le sujet à développer. Mais utilisée systématiquement, elle peut bloquer l’association
par son aspect artificiel.
• Le reflet : c’est expliciter une attitude, des émotions, des sentiments non dits (ou tout au moins
ce qui peut être perçu à travers des intonations, silences, hésitations, mimiques). Ce n’est pas un
simple « oui » mais une reformulation qui montre au sujet que l’on a compris ce qu’il ressent. Ce
type d’intervention est parfois nécessaire pour lever les blocages.
Son usage abusif produit une interlocution artificielle et peut provoquer des résistances à des
soumissions (on cède à l’autre une certaine responsabilité de son acte d’énonciation).

• Les résumés : consiste à reprendre l’ensemble de ce qui a été dit pour en faire un résumé. Il
s’agit en fait de faire ressortir sans en déformer le sens, les points essentiels.
Cette relance est souvent utilisée à la fin d’un entretien, elle permet en outre au sujet de préciser
des choses ou de revenir sur des points incompris. Bien utilisée, la reformulation est très utile ;
mal utilisée, elle peut être gênante car le sujet la ressent comme extérieure à lui et risque de se
sentir incompris.
Psychologue : « Si je vous suis bien, vous avez dit que…, vous voulez dire que…, en d’autres
termes…, pour résumer… ».

- Recentrage, demande d’éclaircissement ou inductions, demandes neutres d’informations


complémentaires
51
41

• Recentrage : Reprendre la question de départ ou relancer sur le dernier développement


intéressant pour éviter les digressions.
Psychologue : « Au début de l’entretien, vous m’avez dit que … ».
• Demande d’éclaircissement : La tactique de l’incompréhension volontaire peut être payante :
« Je ne vois pas bien ce que vous voulez dire, pouvez-vous précisez votre pensée ?».
• Demandes neutres d’informations complémentaires : ce sont des invitations à donner des
précisions pour décrire une situation :
Attention à l’emploi d’un vocabulaire spécialisé, il faut que le sujet comprenne ce que vous lui
renvoyez de lui.
« Voulez-vous m’expliquer davantage ? », « Pouvez-vous donner un exemple ? »,
« cela m’intéresse, pouvez-vous m’en dire plus à ce sujet ? ».
Le psychologue peut aussi revenir sur des aspects du thème traités de manière trop rapide ou
superficielle.
• Les silences
Certains silences ont un effet bénéfique temps d’auto-exploration pour enrichir ou formuler ses
idées, ils favorisent un retour sur soi sur ses émotions.
En cas de silence prolongé, le psychologue s’efforce de ménager des transitions pour réintroduire
le thème : « Vous m’aviez dit tout à l’heure…., j’aimerais que vous développiez ce point… ».
Bibliographie

Beaune, D., Réveillere, C. L’entretien clinique en psychopathologie. In : D. Beaune et C.,


Réveillere, Psychologie clinique et pathologique. Paris . Gaétan Morin éditeur, 18-23.
Benony, H., Charahoui, K. (1999). L’entretien clinique. Paris : Dunod. Collection Les Topos.
Blanchet, A. (1989). L’entretien : la co-construction du sens. In : C. Revault d’Allonnes et al., La
démarche clinique en sciences humaines. Paris : Dunod, 87-102.
Blanchet, A., Gotman, A. (1992). L’enquête et ses méthodes : l’entretien. Paris : Nathan
Université.
Blanchet, A. (1997). Dire et faire dire : l’entretien. Paris : Armand Colin. Sous la direction
de Cyssau, C. (1998). L’entretien en clinique. Paris : In Press Editions.
Chiland, C. (1989). L’entretien clinique. Paris : PUF.
Demazière, D., Dubar, C. (1997). Analyser les entretiens biographiques. L’exemple de récits
d’insertion. Paris : Nathan. Essais & recherches.
Ghiglione, R., Beauvois, J.L., Chabrol, C., Trognon, A. (1980). Manuel d’analyse de contenu.
Paris Armand Colin.
Ionescu S., Jacquet M.-M., et Lhote C. (1997)., Les Mécanismes de défense, théorie et
clinique, Paris : Nathan,
Laplanche J., et Pontalis J.-B. (1967), Vocabulaire de la psychanalyse, Puf.
Kaufmann, J.C. (1996). L’entretien compréhensif. Paris : Nathan Université. Mercuel, A. et al.
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difficiles. Paris : Masson.
Mucchielli, R. (1998). L’analyse de contenu des documents et des communications. Paris ESF
éditeur.
52
42
Poupart, J. L’entretien de type qualitatif : considérations épistémologiques théoriques et
méthodologiques. In : Poupart J. et al., La recherche qualitative. Enjeux épistémologiques et
méthodologiques. Paris : Gaétan Morin Editeur, 173-209.

14
PY00505V

Entretien cognitif
53

Reproduction et diffusion interdites sans l’autorisation de l’auteur


54
Introduction

1. Entretien Cognitif chez l’adulte

2. BERTONE A, MELEN M, PY J, SOMAT A. (1995, réédition 1999). Témoins sous influences : recherches
de psychologie sociale et cognitive. Presses Universitaires de Grenoble : Grenoble.
3. PY J, FERNANDES C. (1995). L'hypnose et l'entretien cognitif : deux techniques efficaces
d'amélioration de la mémoire des témoins. Psychologie Française 40 : 281‐294.
4. PY J, GINET M. (1995). L'entretien cognitif : un bilan de douze années de recherches appliquées.
Psychologie Française 40 : 255‐280.
5. PY J, GINET M, DESPERIES C, CATHEY C. (1997). Cognitive encoding and cognitive interviewing in
eyewitness testimony. Swiss Journal of Psychology 56 : 33‐41.
6. GINET M, PY J. (2001). A technique for enhancing memory in eyewitness testimonies for use by
police officers and judicial officials : the cognitive interview. Le Travail Humain 64 : 173‐191.
7. DEMARCHI S, PY J. (2006). L’entretien cognitif : son efficacité, son application et ses spécificités.
Revue Québécoise de Psychologie 27 : 177-196 1 .
8. PY J, DEMARCHI S. (2006). Utiliser l’entretien cognitif pour décrire et détecter les criminels. Revue
Québécoise de Psychologie 27 : 197-215.

55
17

1
Revue répertoriée notamment dans les bases de données PsycInfo, Psychological Abstracts, Repère, Inist.
2. Entretien Cognitif chez l’enfant

2.1. Caractéristiques des enfants témoins et de leurs déclarations

2.1.1. Les témoignages enfantins en chiffre

Ministère de la Justice et des Libertés. (2010). Les chiffres clés de la Justice. Retrouvé
depuis http://www.justice.gouv.fr/budget‐et‐statistiques‐10054/chiffres‐cles‐de‐
la‐justice‐10303/les‐chiffres‐cles‐de‐la‐justice‐21456.html

2.1.2. Des témoignages pauvres et malléables

Bull, R. (1996). Good practice of video recorded interviews with child witness for use in
criminal proceedings. In G. Davies, S. Lloyd‐Bostock, M. McMurran, & C. Wilson
(Eds.), Psychology, law and criminal justice (pp. 100‐117). Berlin: De Gruyter.

Ceci, S.J., & Bruck, M. (1998). L’enfant‐témoin. Une analyse scientifique des témoignages
d’enfants. Bruxelles: De Boeck Université.

Kail, M. & Fayol, M. (2000). L'acquisition du langage. (2 volumes). Paris: P.U.F.

Saywitz, K.J. (2002). Developmental Underpinnings of Children's Testimony. In H. L. 56


18
Westcott, G. M. Davies, & R. H. C. Bull (Eds.), Children's Testimony. A Handbook of
Psychological Research and Forensic Practice (pp. 3‐19). West Sussex, U.K.: Wiley.

2.2. L’Entretien Cognitif chez l’enfant : D’une étape à l’autre

2.2.1. La prise de contact

2.2.2. Le pré‐entretien

y Discussion autour d’un évènement neutre

Style de la discussion

Nature de l’évènement sur lequel porte cette discussion

Durée de cette phase de discussion

y Grandes règles de communication et objectifs de l’entrevue


Règle du « je ne sais pas »

Règle d’ « absence d’aide »

Brubacher, S.P., Roberts, K.P., & Powell, M. (2011). Effects of practicing episodic versus
scripted recall on children’s subsequent narratives of a repeated event. Psychology,
Public Policy, and Law, 17(2), 286-314.
Bull, R. (1992). Obtaining evidence expertly: The reliability of interviews with child
witnesses. Expert Evidence: The International Digest of Human Behaviour, Science and
Law, 1, 3-36.
Mulder, M.R., & Vrij, A. (1996). Explaining conversation rules to children: An intervention
study to facilitate children's accurate responses. Child Abuse & Neglect, 20, 623-631.
Roberts, K.P., Lamb, M.E., & Sternberg, K.J. (2004). The effects of rapport-building style on
children’s reports of a staged event. Applied Cognitive Psychology, 18, 189-202.

2.2.3. La phase de rappel libre des faits

y Description des stratégies mémorielles proposées aux enfants

Motiver l’enfant à ne pas s’autocensurer et à générer des indices contextuels


57
19
Motiver l’enfant à se remémorer les détails

yBénéfices sur la qualité des témoignages

Sur la richesse et l’exactitude des témoignages

Sur la spécificité des témoignages

Geiselman, R.E., & Padilla, J. (1988). Cognitive interviewing with child witnesses. Journal of
Police Science and Administration, 16, 236-242.
Holliday, R.E., & Albon, A.J. (2004). Minimising misinformation effects in young children
with cognitive interview mnemonics. Applied Cognitive Psychology, 17, 1-19.
Saywitz, K.J., Geiselman, R.E., & Bornstein, G.K. (1992). Effects of cognitive interviewing
and practice on children's recall performance. Journal of Applied Psychology, 77, 744-
756.
Verkampt, F., Ginet, M., & Colomb, C. (2010). L’Entretien Cognitif est-il efficace pour aider
de très jeunes enfants à témoigner d’un évènement répété dans le temps ? L'année
psychologique, 110(4), 541-572.
2.2.4. La phase de questionnement

Holliday, R. (2003b). Reducing misinformation effects in children with cognitive interviews:


Dissociating recollection and familiarity. Child Development, 74(3), 728-751.
Milne, R., Bull, R., Köhnken, G., & Memon, A. (1995). The cognitive interview and
suggestibility. Issues in Criminological and Legal Psychology, 22, 21-27.
Verkampt, F., & Ginet, M. (2010). Enhancing children’s testimonies using cognitive
interview: Which of its variations is the most efficient? Applied Cognitive Psychology,
24(9), 1279-1296.

2.2.5. La clôture de l’entretien

58
20
L’ENTRETIEN COGNITIF : son efficacité, son application et ses spécificités.

Contrairement à une idée répandue dans les milieux concernés, l’entretien cognitif
(Geiselman, Fisher, Firstenberg, Hutton, Sullivan, Avertissan et Prosk, 1984) n’a pas été
commandé par les forces de police, mais a été créé suite à une situation banale vécue par l’un
de ses auteurs, Ronald Fisher.
Ce dernier reçu un jour des amis à dîner. Le lendemain, l’un d’eux l’appela pour savoir
s’il n’avait pas oublié un objet chez lui car il ne se souvenait plus où il l’avait posé. Le
chercheur, qui enseignait les principes théoriques du fonctionnement de la mémoire humaine
à l’université internationale de Floride, lui répondit que non. Il proposa alors à son invité de la
veille plusieurs techniques rudimentaires destinées à activer sa mémoire ; et l’étourdi retrouva
l’objet « perdu ».
Suite à cet épisode, Ronald Fisher contacta son collègue de Los Angeles, Edward
Geiselman, pour lui demander quelles étaient selon lui les personnes les plus susceptibles
d’utiliser ces techniques. Sa réponse fut immédiate : les officiers de police chargés
d’auditionner les témoins et victimes 1 .
Ils se rendirent au commissariat de police de Los Angeles pour déterminer si les
nombreux travaux de psychologie cognitive traitant de la mémoire pouvaient s’appliquer aux
auditions judiciaires. L’entretien cognitif était né.
Durant les deux décennies suivantes, les chercheurs travaillant sur l’entretien cognitif se
sont intéressés tour à tour à la validation de la méthode sur le terrain avec le concours
d’officiers de police judiciaire (Fisher, Geiselman, Raymond, Jurkevich et Warhaftig, 1987 ;
Ginet et Py, 2001), à son amélioration en terme de conduite de l’entretien (Fisher et
Geiselman, 1992), à son adaptation aux différentes populations susceptibles d’être impliquées
dans des affaires criminelles [Enfants (Memon, Wark, Bull et Koehnken, 1997) ; personnes 59
21

âgées (Mello et Fisher, 1996) ou déficients mentaux (Milne, Clare et Bull, 1999)], à sa
confrontation à d’autres méthodes d’audition comme l’hypnose (Geiselman, Fisher,
MacKinnon, et Holland, 1985 ; Py et Fernandes, 1995), et, plus récemment, à son
optimisation (Py, Ginet, Demarchi et Ansannay-Alex, 2001 ; Davis, McMahon et
Greenwwod, 2005).
L’efficacité de l’entretien cognitif est largement reconnue par les professionnels de la
justice, en témoigne son implantation en constante augmentation dans de nombreux services
d’investigation judiciaires dans le monde (Afrique du sud, Australie, Belgique, Bulgarie,
Canada, Danemark, Espagne, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Luxembourg,
Portugal, Québec, Roumanie, Suisse).

L’ENTRETIEN COGNITIF : OBJECTIFS, FONDEMENTS THEORIQUES,


DEVELOPPEMENT ET VALIDATION.
De nombreuses études expérimentales soulignent les carences des enquêteurs dans
l’audition des témoins, quel que soit le pays où ils officient. Généralement, ils proposent au
témoin de raconter les faits à l’aide d’une question ouverte (« alors, dites-moi ce qu’il s’est
passé »). Le déposant débute son récit, et rapidement l’enquêteur l’interrompt afin de poser de
très nombreuses questions (Fisher et al., 1987 ; George, 1991 ; Ginet et Py, 2001). Cette
manière de procéder entrave le retour de l’information que recherche pourtant le policier
(Lipton, 1977; Stern, 1902; Whipple, 1913). Une étude réalisée par Fisher, Geiselman et
Amador (1989) montre à quel point la méthode traditionnelle inhibe le témoin et affaiblit

1 Dans le reste du document, les témoins et victimes sont regroupés sous le terme générique de témoin.
l’enquête. Ils ont formé des détectives de la division des cambriolages d’un département de
police à l’entretien cognitif, tout en corrigeant leurs erreurs en matière de conduite de
l’audition. En comparaison d’autres de leurs collègues non formés, ces enquêteurs ont
recueillis 60 % d’informations supplémentaires, sans augmenter la durée des auditions ; et au
final, ils ont résolu davantage d’affaires criminelles de faits élucidés.

L’enquêteur doit envisager l’entretien cognitif comme un outil destiné à aider les témoins
dans leur recherche de l’information critique. Cette technique va lui permettre (1) d’obtenir
des récits plus complets et plus exacts qu’avec des méthodes d’audition traditionnelles, (2) de
diminuer sensiblement le volume de questions, et (3) de réduire de façon importante les biais
communicationnels et les influences inconscientes nuisibles à la résolution d’une affaire
criminelle.
De plus, cette méthode issue de la recherche en psychologie expérimentale présente
l’avantage de normaliser des pratiques trop souvent disparates, et de fournir aux enquêteurs
les outils nécessaires pour réaliser des auditions de qualité, auditions qui peuvent représenter
la clé de la résolution d’une enquête (Kebbel et Milne, 1998 ; Sanders, 1986).

Le développement de cette technique a reposé sur les recommandations d’Adams (1985)


et les connaissances approfondies du fonctionnement de la mémoire épisodique, notamment la
théorie de l’encodage spécifique (Tulving et Thomon, 1973) et la multiplicité des chemins
d’accès (Flexter et Tulving, 1978). Ces principes théoriques ont permis de créer quatre
consignes compatibles avec les processus mnésiques mis en jeu dans ce type de tâche.
La théorie de l’encodage spécifique (Tulving et Thomson, 1973) stipule que la
remémoration dépend de la similarité entre les situations d’encodage (par exemple un
événement criminel) et de récupération (par exemple l’audition). Lors d’une scène critique, le
témoin mémorise les informations les plus importantes (i.e. celles qui sont recherchées par les 60
22

enquêteurs), mais aussi les très nombreuses informations concernant l’environnement, ses
états mentaux et physiques, c’est-à-dire des éléments peu ou pas utiles à l’enquête en cours.
Or, ce sont ces informations contextuelles qui vont aider à la récupération de l’information
critique (Flexter et Tulving, 1978 ; Tulving et Thomson, 1973), et la qualité du rappel croît
proportionnellement au nombre d’éléments contextuels présents au moment de l’encodage et
que l’on instille lors de la phase d’audition.
Deux des consignes originales de l’entretien cognitif ont pour objectif d’augmenter la
similarité entre les situations d’encodage et de récupération. La première, appelée consigne
d’hypermnésie, incite le témoin à rapporter toutes les informations qui lui viennent à l’esprit
sans se censurer, y compris celles qui lui semblent peu importantes ou celles dont il n’est pas
certain. La dernière partie de cette mnémotechnie génère parfois une certaine méfiance de la
part des professionnels de la justice puisque le témoin est invité à rapporter les éléments dont
il n’est pas sûr. Or, ceux-ci peuvent conduire les enquêteurs sur de fausses pistes. Mais l’on
doit garder à l’esprit qu’il n’existe qu’un faible lien entre la certitude affichée par un individu
et l’exactitude de sa déclaration (Gwyer et Clifford, 1997). En d’autres termes, un témoin peut
déclarer n’être pas certain de l’information qu’il rapporte alors que cette dernière est pourtant
exacte. Et inversement, une grande certitude affichée quant à l’information qui vient d’être
livrée ne garantit nullement sa véracité 2 .
La deuxième consigne issue du principe de l’encodage spécifique est la consigne de
remise en contexte mentale. Considérée comme la stratégie la plus efficace de l’entretien
cognitif (Memon et Bull, 1991), elle incite le témoin à repenser aux éléments
environnementaux, physiques, émotionnels et humoraux présents lors de l’encodage.

2
La corrélation entre la certitude affichée et l’exactitude des propos est, en moyenne, de .08 (Wells et Murray, 1984).
Le deuxième principe théorique est la multiplicité des chemins d’accès à l’information
critique (Tulving, 1974). Selon cet auteur, l’accès à une information mnésique peut se faire en
empruntant plusieurs chemins possibles. Les consignes de changement d’ordre narratif et
de changement de perspective en sont issues.
En utilisant la consigne de changement d’ordre narratif, l’enquêteur va encourager le
témoin à se remémorer les faits dans différents ordres temporels, en particulier en décrivant la
scène de la fin vers le début. L’objectif de cette mnémotechnie n’est pas tant l’obtention de
nouvelles informations que la diminution de l’impact des scripts et schémas sur le récit
Avec la consigne de changement de perspective, le témoin va décrire la scène selon
plusieurs angles de vue, ou adopter la perspective d’un des protagonistes de la scène
(Anderson et Pichert, 1978). Cette consigne va permettre au témoin d’évoquer des
informations qu’il n’aurait pas mentionnées selon sa propre perspective narrative.

Dans la première version de l’entretien cognitif (Geiselman et al., 1984), les quatre
consignes mnémotechniques étaient proposées simultanément aux témoins, qui devaient
ensuite rappeler le plus d’informations possibles en utilisant à leur guise les différentes
stratégies fournies.
L’efficacité de cette première version a été testée dans plusieurs recherches
expérimentales (Aschermann, Mantwill, et Koehnken, 1991 ; Geiselman, et al., 1984,
Geiselman, Fisher, MacKinnon, et Holland, 1986). Les auteurs ont constaté que cette méthode
permet d’obtenir entre 25% et 35% d’informations correctes de plus qu’un entretien standard
de police. Un autre résultat très encourageant est qu’elle réduit l’impact des questions dirigées
(ou suggestives) qui incitent les témoins à intégrer dans leur discours des éléments suggérés
par le libellé de la question (Geiselman et al., 1986). Ces questions sont très néfastes car elles
diminuent très sensiblement la qualité et la véracité des récits. 61
23

Malgré cette efficacité, plusieurs problèmes endémiques sont apparus lors d’études
réalisées sur le terrain avec le concours d’officiers de police. La méthode proposée
initialement n’était pas adaptée à la situation d’interaction qu’est l’audition d’un témoin
(Fisher et al., 1987a, 1987b). L’entretien cognitif, au-delà des mnémotechnies qui le
caractérise, doit être considéré avant tout comme une méthode d’audition non directive
(Roethlisberger et Dickson, 1946 : Rogers, 1942). Fisher et ses collaborateurs ont donc
proposé une version « améliorée » (« Enhanced Cognitive Interview ») qui permet d’obtenir
45% d’informations correctes supplémentaires par rapport à un entretien standard, sans
augmentation concomitante du nombre d’erreurs (Fisher et al., 1987a, 1987b).
L’enquêteur doit dorénavant utiliser différentes techniques destinées à faciliter la
communication avec l’interviewé. Il doit transférer le contrôle de l’audition au témoin,
préciser le déroulement de l’entretien, les objectifs et le rôle de chacun. Il doit également
adopter une attitude souvent contraire à sa pratique, à savoir laisser au témoin le temps de
formuler sa pensée et ne pas l’interrompre lors de son récit (Cahill et Mingway, 1986 ; Fisher
et al., 1987 ; Georges, 1991 ; Stockdale, 1993). A ce sujet, Ginet et Py (2001) ont montré que
85% des officiers de police judiciaire français commettaient ces erreurs. L’inconvénient des
interruptions de parole est qu’elles entraînent une démotivation du déposant et rendent
certaines informations inaccessibles ultérieurement, notamment celles que le témoin aurait dû
rapporter spontanément s’il n’avait pas été interrompu (Jou et Harris, 1992).
L’enquêteur doit également faciliter les échanges en utilisant un ton posé, en étant calme
et détendu. Il doit éviter les remarques négatives sur les capacités de remémoration du témoin
puisqu’elles entraînent un repli sur soi. Il doit aussi prêter attention à la formulation des
questions et à leur place dans l’audition. Contrairement à la pratique habituellement constatée
sur le terrain (George, 1991 ; Ginet et Py, 2001), les questions n’apparaîtront qu’à la fin de
l’audition, après que le témoin ait effectué son récit. Les questions doivent être posées selon la
logique du témoin et non celle de l’enquêteur. Par exemple, lorsque le rappel débute par les
faits et se conclut par des éléments concernant l’apparence des personnes, l’officier en charge
de l’audition devra respecter cet ordre lors du questionnement. Il devra également utiliser
autant que possible des questions générales, appelant une réponse développée (par exemple,
« pouvez-vous me décrire l’agresseur ? »), et, si ces dernières ne permettent pas d’obtenir
l’élément recherché, recourir à des questions spécifiques (par exemple, « de quelle couleur
étaient ses yeux ? »). En revanche, les questions négatives (par exemple, « Vous n’avez pas
vu ses yeux ? ») et dirigées (par exemple, « il était bien habillé en sombre ? ») sont à
proscrire, les premières incitant le déposant à répondre également par une formulation
négative (« non, je ne les ai pas vus »), et les secondes influençant son souvenir, ce qui risque
de mener l’enquête sur une fausse piste.

Selon les résultats d’une récente méta-analyse réalisée à partir d’une quarantaine d’études
expérimentales, cette nouvelle version de l’entretien cognitif permet de recueillir 40% de
détails corrects supplémentaires, mais également 25% d’erreurs de plus qu’un protocole
d’entretien standard (Koehnken, Milne, Memon et Bull, 1999). Toutefois, le taux
d’exactitude 3 des informations rapportées en entretien cognitif n’est pas affecté, même avec
un délai de plusieurs semaines entre l’incident et l’entretien. Ainsi, l’entretien cognitif permet
d’obtenir des récits plus complets avec une qualité équivalente à celle obtenue avec un
entretien standard.

Le protocole français de l’entretien cognitif (Ginet et Py, 2001 ; Py, Ginet, Desperies et
Cathey, 1997)
Py et al. (1997) sont à l’origine de la version française de l’entretien cognitif. La 62
24

spécificité de cette version réside dans le poids accordé au rappel libre et à la dissociation
systématique des règles permettant d’éviter l’association de certaines règles mutuellement
exclusives, comme le changement d’ordre et la remise en contexte mentale 4 . L’analyse des
protocoles obtenus a mis en évidence une très nette supériorité de la méthode en comparaison
de l’entretien standard quant au nombre d’informations correctes restituées par les témoins,
que les données aient été recueillies suite à des rappels spontanés ou suite à des questions
posées par l’enquêteur. Cependant, contrairement à d’autres études, les auteurs n’ont relevé
aucune différence significative concernant les erreurs et les affabulations 5 .
Le bénéfice consécutif à l’emploi de la méthode a également été observé sur le terrain
lorsqu’elle est utilisée par des enquêteurs appartenant à des services d’investigation criminelle
(Ginet et Py, 2001). Enfin, au-delà de l’aspect purement qualitatif, les auteurs notent, à l’instar
de Clifford et George (1996), un questionnement moindre avec la méthode de l’entretien
cognitif, ce qui représente un atout majeur en terme de gain de temps !
Suite à des remarques récurrentes d’officiers de police à propos de la consigne de
changement de perspective, les auteurs ont décidé de la supprimer du protocole et de la
remplacer par une nouvelle mnémotechnie dite de focalisation périphérique (Py, Ginet,
Demarchi et Ansanay-Alex, 2001). L’idée de cette consigne originale repose sur les très
3
C’est-à-dire le rapport entre le nombre d’informations correctes et le nombre total d’informations rapportées (i.e.
correctes et erreurs)
4
Rappelons que la version originale de Geiselman et al. (1984) consistait à proposer toutes les consignes à la fois, et le
témoin devait les appliquer à sa guise lors de l’audition.
5
Une affabulation est une invention inconsciente et involontaire de la part du témoin, comme l’ajout de caractéristiques
physiques qui n’existent pas chez l’agresseur, ou l’ajout d’objets qui n’étaient pas présents sur les lieux, ou des faits qui ne se
sont pas produits. Par exemple le témoin décrit l’auteur avec une moustache alors que celui-ci n’en avait pas. Une erreur est au
contraire une confusion de caractéristiques, comme par exemple dire que l’agresseur était blond alors qu’il était brun
nombreuses observations que nous avons effectuées au cours d’entretiens avec des témoins.
En effet, lors d’un premier récit, le sujet s’en tient essentiellement à l’ossature événementielle
de la scène. Il n’a pas la capacité d’organiser son récit en évoquant à la fois les actions et
l’ensemble des détails qu’il a en mémoire. Un second récit organisé autour de l’objectif de
restituer les détails de la scène apparaît donc indispensable. La consigne de changement
d’ordre narratif ne permettant pas d’atteindre cet objectif, un récit spécifique s’avère donc
nécessaire. Cette modification trouve également un support dans la littérature scientifique. Par
exemple, Boon et Noon (1994) ont montré que le changement de perspective est la seule
stratégie qui n’accroît pas les rappels. Et un entretien cognitif minoré de cette consigne ne
diminue pas les performances de rappel des personnes âgées (Mello et Fisher, 1996). Donc,
elle ne permet pas à l’enquêteur d’obtenir des informations supplémentaires. En la
supprimant, il ne diminue pas le volume d’éléments mais gagne du temps, et en la remplaçant
par une nouvelle consigne (comme la consigne de focalisation périphérique), il est susceptible
d’accroître le volume d’informations.

Voici présenté ci-après le protocole complet de l’entretien cognitif en langue française.


1ère étape : phase d’introduction de l’entretien
« Nous sommes ici pour recueillir le maximum d’informations concernant cette affaire.
Moi, je n’étais pas là lors des faits. C’est donc vous qui allez pouvoir m’apporter les éléments
dont j’ai besoin pour faire progresser cette enquête. Je ne vais pas commencer l’audition en
vous posant des questions, mais je vais vous écouter raconter ce que vous avez vu. Ce n’est
qu’après que je vous demanderai de préciser certains points, si cela est nécessaire.
Je vais vous aider dans cette recherche d’information en vous présentant différentes
techniques qui vont faciliter la restitution de vos souvenirs ».
2ème étape : énonciation de la consigne d’hypermnésie
« On a pu constater que les témoins ont souvent tendance à s'autocensurer, et qu'ils 63
25

omettent des informations qui leur semblent des détails, mais qui sont quelquefois importants
pour le déroulement de l’enquête.
La première technique que je vous propose consiste à tout me dire, même les détails qui
ne vous paraissent pas importants, et même ceux dont vous n'êtes pas très sûr.
Essayez, en fait, de me dire tout ce qui vous vient à l'esprit, d'être le plus complet possible,
de parler aussi bien des actions que des personnages ou des objets. Moi, en tant
qu'enquêteur, tout m'intéresse, n'importe quel détail, quel qu'il soit »
3ème étape : énonciation de la consigne de remise en contexte mentale
« Mais avant de me raconter ce que vous avez vu et ce que vous avez vécu au cours de
cette scène, je vais vous demander d’effectuer un travail mental qui va vous aider à mieux
vous souvenir.
Tout d’abord, repensez au lieu dans lequel vous étiez (marquer une pause de quelques
instants afin de laisser au témoin le temps de repenser correctement à ce lieu), étiez-vous à
l’intérieur ou à l’extérieur ? (pause) Quelle place occupiez-vous dans ce lieu ? (pause)
Quelles étaient les personnes éventuellement présentes ? (pause) Quel temps faisait-il ce jour-
là ? (pause) Quelle était la luminosité ? (pause) Quels étaient les bruits, les odeurs ? (pause)
Repensez également à votre humeur au moment de la scène. Etiez-vous triste ? (pause)
Gai ? (pause) Enervé ? (pause) Calme ? (pause).
Pensez aussi à votre état physique. Etiez-vous en pleine forme ? (pause) Ou fatigué ?
(pause) Aviez-vous faim ? Ou trop mangé ? (pause) Aviez-vous soif ? Froid ? Chaud ?
(pause) Aviez-vous mal quelque part ? (pause) Etiez-vous stressé ? (pause).
Pensez à vos émotions. Avez-vous été ému, choqué, stressé à un moment donné ? (pause)
A quel moment dans la scène ? (pause) Pensez à vos réactions face à la scène (pause 6 ).
Prenez tout le temps qu'il vous faut pour effectuer ce travail. Lorsque vous vous sentirez
prêt, vous pourrez commencer à me raconter ce que vous avez vu » 7 .
4ème étape : premier récit spontané du témoin
Lorsque le témoin raconte, l’enquêteur doit veiller à ne pas l’interrompre. Il doit adopter
une attitude d’écoute, avec des renforcements non verbaux. Le témoin doit se sentir écouté
pour ne pas être démotivé. L’enquêteur doit également le renforcer et encourager à la fin de
son récit en le remerciant pour l’effort qu’il vient de faire et en insistant sur l’utilité de son
récit pour la résolution de l’affaire. Face à un témoin peu prolixe, il faut éviter de formuler des
remarques négatives qui l’inhiberaient encore plus !
5ème étape : énonciation de la consigne de changement d’ordre narratif
« Quand on raconte une histoire, on utilise l’ordre chronologique. Mais il a été montré
que beaucoup de gens parviennent à fournir des informations auxquelles ils n'auraient pas
pensé spontanément lorsqu'ils racontent la scène à laquelle ils ont assisté en remontant le
temps, c'est-à-dire en partant de la fin et en remontant jusqu'au début.
Je vais donc vous demander de me raconter une nouvelle fois ce que vous avez vu en
partant de la fin et en allant jusqu'au début. Si cela peut vous aider, vous pouvez découper
votre récit en petites séquences et me décrire chacune d’elles en partant de la dernière et en
allant jusqu'à la première ».
6ème étape : deuxième récit spontané du témoin
Idem étape N° 4.
7ème étape : énonciation de la consigne de focalisation périphérique (Py et al., 2001)
« Je vais vous proposer une dernière consigne très efficace pour améliorer les souvenirs.
Quand on raconte une histoire pour la première fois, on parle surtout des actions et on ne
rapporte pas beaucoup de détails. On se laisse emporter par les actions et on n’a pas le temps 64
26

de tout décrire. Or, une affaire est souvent résolue à partir d’un détail.
Je vais donc vous demander d’effectuer une dernière fois votre récit, dans un ordre
chronologique, en vous centrant sur tous les détails qui entourent la scène principale. Surtout
n’essayez pas de compléter vos récits précédents. Au contraire, n’ayez pas peur de vous
répéter. Reprenez le fil des actions et approfondissez votre récit en effectuant des « arrêts sur
image »
8ème étape : dernier récit spontané du témoin
Idem étapes N° 4 et N° 6.

Ce nouveau protocole ne conduit qu’à un bénéfice modéré en terme d’accroissement du


volume d’informations correctes en comparaison du premier protocole français (i.e. avec la
stratégie de changement de perspective). En revanche, il est notablement mieux accepté par
les officiers de police qu’un protocole comprenant la consigne de changement de perspective.
La première raison est que la consigne de focalisation périphérique ne pose aucun problème
en termes de risque d’invention de la part du témoin, alors que les enquêteurs redoutent ce
risque lorsqu’ils utilisent la consigne de changement de perspective. La deuxième raison est
que les enquêteurs se montraient extrêmement réticents à utiliser la consigne de changement
de perspective avec des victimes, celles-ci étant amenées à adopter la perspective narrative de

6
Insistons sur l’importance des pauses dans l’énonciation de la consigne. Celles-ci permettent au témoin d’avoir
suffisamment de temps pour faire le travail qui lui est demandé. L’accès à l’information ne présente aucune difficulté, mais
requiert quelques instants de travail mental. Si l’enquêteur ne laisse pas au témoin la possibilité de faire cet exercice mnésique,
l’efficacité de la consigne de remise en contexte mentale se trouvera considérablement affaiblie.
7 L’enquêteur doit éviter de dire « allez-y » à la fin de la consigne de remise en contexte mentale car cela incite le témoin à
débuter son récit immédiatement sans prendre le temps de faire le travail demandé.
leur agresseur. Ce problème n’apparaît pas, bien entendu, avec la consigne de focalisation
périphérique.

L’avis des professionnels sur la méthode


L’entretien cognitif est un outil destiné à des professionnels. Mais quel regard ont-ils sur
la méthode ? Plusieurs études montrent que la méthode est appréciée, bien que certaines
consignes posent problème (George, 1991 ; Memon, Bull et Smith, 1995). Ainsi, la consigne
de changement de perspective est perçue comme propice à l’apparition d’affabulation (Boon
et Noon, 1994 ; Memon et al., 1995).
La consigne de changement d’ordre recueille également quelques critiques de la part des
professionnels. Ils la considèrent comme peu utile (Kebbel, Milne et Wagstaff, 1999 ; Kebbel
et Wagstaff, 1999) et, en conséquence, ils ne l’utilisent que rarement (Clifford et George,
1996 ; Memon et al., 1995). De plus, plusieurs travaux ont montré qu’elle n’est guère plus
performante qu’une consigne minimale pour le rappel des éléments importants d’une enquête
(Boon et Noon, 1994 ; Davis et al., 2005 ; Payne, 1987). L’intérêt d’une consigne de
changement d’ordre est probablement davantage qualitatif que quantitatif. Cette consigne
peut, en effet, permettre la remémoration d’actions complexes.
Les chercheurs doivent donc s’intéresser à la possibilité d’une version réduite de la
méthode, où seraient supprimées les consignes de changement d’ordre et de perspective.
Cependant, il apparaît indispensable d’obtenir deux rappels libres de la part du témoin, parce
que les capacités de narration sur la base de la remémoration d’un souvenir épisodique sont
limitées ; ainsi, un témoin ne parvient pas, au cours d’un unique rappel des faits, à livrer un
récit exhaustif. Un second rappel libre s’avérant nécessaire, nous préconisons de l’associer à
une consigne de focalisation périphérique qui permet d’obtenir de nombreux détails.

CONCLUSION 65
27

La recherche de méthodes qui permettent d’améliorer les souvenirs est une préoccupation
qui remonte à l’antiquité [par exemple, la méthode de Loci (Yates, 1966)]. Les enquêteurs
peuvent trouver avec l’entretien cognitif une technique efficace et fiable de recueil des
témoignages. Il convient, cependant, de ne pas sous-estimer la difficulté d’apprentissage de
cette technique d’audition. En effet, former un officier de police à l’utilisation de l’entretien
cognitif nécessite deux journées de formation en très petits groupes effectuées par un
spécialiste. Si certains principes de l’entretien cognitif sont facilement assimilables (consigne
d’hypermnésie, nécessité d’obtenir au moins deux rappels libres complets), d’autres aspects
de la technique apparaissent plus complexes. Ainsi, la consigne de remise en contexte mentale
nécessite à elle seule plus d’une demi-journée de formation.
L’entretien cognitif n’est pas une technique figée. La recherche se poursuit pour optimiser le
protocole. Après plus de 20 ans d’existence, l’entretien cognitif évolue, s’adapte aux
différentes procédures pénales, et s’ancre progressivement dans les pratiques professionnelles
des officiers de police des deux côtés de l’Atlantique.

Références en français sur l’entretien cognitif :

1. BERTONE A, MELEN M, PY J, SOMAT A. (1995, réédition 1999). Témoins sous influences :


recherches de psychologie sociale et cognitive. Presses Universitaires de Grenoble : Grenoble.
2. PY J, FERNANDES C. (1995). L'hypnose et l'entretien cognitif : deux techniques efficaces
d'amélioration de la mémoire des témoins. Psychologie Française 40 : 281-294.
3. PY J, GINET M. (1995). L'entretien cognitif : un bilan de douze années de recherches
appliquées. Psychologie Française 40 : 255-280.
4. PY J, GINET M, DESPERIES C, CATHEY C. (1997). Cognitive encoding and cognitive
interviewing in eyewitness testimony. Swiss Journal of Psychology 56 : 33-41.
5. GINET M, PY J. (2001). A technique for enhancing memory in eyewitness testimonies for use
by police officers and judicial officials : the cognitive interview. Le Travail Humain 64 : 173-
191.
6. PY J, DEMARCHI S. (2006). Utiliser l’entretien cognitif pour décrire et détecter les criminels.
Revue Québécoise de Psychologie 27 : 197-215.

On trouvera l’ensemble des références citées dans ce texte dans :


7. DEMARCHI S, PY J. (2006). L’entretien cognitif : son efficacité, son application et ses
spécificités. Revue Québécoise de Psychologie 27 : 177-196.

Lien internet pour télécharger cet article :


http://clle-ltc.univ-tlse2.fr/accueil-clle-ltc/annuaire/chercheurs/py-jacques/documents-
pedagogiques-121279.kjsp?RH=1190500803475

66
28
UTILISER L’ENTRETIEN COGNITIF POUR DECRIRE ET DETECTER
LES CRIMINELS
DESCRIBE AND DETECT CRIMINALS WITH THE COGNITIVE INTERVIEW

1 1
Jacques Py Samuel Demarchi
Université Paris 8 Université Paris 8

2
La plupart des témoins et victimes décrivent les criminels en quelques
termes souvent vagues. Pourtant, les officiers de police considèrent ces
informations comme essentielles parce qu’une recherche efficace de
l’auteur en dépend le plus souvent. Les chercheurs en psychologie
expérimentale doivent donc s’efforcer de proposer une technique qui
accroisse quantitativement et qualitativement ces rappels. Sous réserve de
quelques adaptations, l’entretien cognitif (Geiselman, Fisher, Firstenberg,
Hutton, Sullivan, Avertissian et Prosk, 1984) pourrait constituer une
alternative aux méthodes standard. L’objectif des deux études présentées
dans le cadre de cet article — réalisées en collaboration avec les
professionnels concernés — est d’évaluer l’efficacité d’une version
modifiée de l’entretien cognitif dans le cadre de la collecte des descriptions
et de la recherche de suspects potentiels.

Au cours de leurs investigations, les officiers de police obtiennent


moins d’une dizaine d’informations relatives à l’apparence physique de
l’auteur, avec un taux d’exactitude compris entre 60 % et 80 % (Kuehn,
1974; Tollestrup, Turtle et Yuille, 1994; VanKoppen et Lochun, 1997; Yuille
et Cutshall, 1986). La plupart de ces éléments concernent les généralités
physiques (taille, sexe, âge, etc.) et le visage (Sporer, 1992), les autres
renvoient à la tenue vestimentaire, plus rarement aux comportements et
attitudes du criminel (Kuehn, 1974; Lindsay, Martin et Webber, 1994). Par
ailleurs, VanKoppen et Lochun (1997) soulignent la difficulté qu’ont les
témoins à se remémorer certains éléments comme la corpulence, la coupe
de cheveux, la couleur des yeux, le nez, la bouche et le menton, ces
derniers étant faux plus d’une fois sur deux.

Ainsi, une majorité de déposants ne fournit aux enquêteurs qu’une


impression générale de l’agresseur et éprouve des difficultés à rapporter
des traits spécifiques qui conduiraient à une meilleure représentation
(portrait-robot) ou à une recherche plus efficace du suspect.

Puisque les officiers de police cherchent à obtenir des descriptions


complètes et exactes, une méthode simple consiste à établir une liste

1. Adresse de correspondance : [email protected] ou [email protected].


2 Dans cet article, les témoins et victimes seront désignés sous le terme générique de
« témoins ».

Revue québécoise de psychologie, 27(3), 1-20


Entretien cognitif : décrire et détecter les criminels

exhaustive des différents composants faciaux sur lesquels le témoin devra


se prononcer le plus précisément possible. Cependant, on ne peut en
exiger une qualité élevée, car le fait d’accorder peu d’importance au récit
spontané et de favoriser l’emploi systématique de questions précises
réduit sensiblement l’exactitude des renseignements (Lipton, 1977; Stern,
1902; Whipple, 1913). Le questionnement précis nuit également à
certaines des tâches de détection de la personne cible parmi de
nombreuses personnes, ce qui correspond, sur le terrain, à la recherche
d’un criminel dans la population. En termes de détection, Wogalter (1996)
a montré que la description d’un individu basée sur 37 dimensions faciales
1
au moyen de termes prédéfinis est moins efficace qu’une liste réduite de
traits faciaux pour lesquels les participants ont utilisé leurs propres mots.
Cette méthode de description est donc à proscrire si les enquêteurs
veulent retrouver facilement l’auteur sur la base du signalement fourni par
le témoin ou la victime.

Au milieu des années 1980, une équipe de scientifiques de l’Université


de Los Angeles a conçu une nouvelle technique d’audition, l’entretien
cognitif (Geiselman et al., 1984). Cet entretien non directif vise à améliorer
le rappel des événements criminels. Le témoin est aidé dans sa recherche
d’informations par l’utilisation conjointe de techniques favorisant la
communication entre l’enquêteur et le déposant et de plusieurs consignes
mnémotechniques. En s’appuyant sur les travaux relatifs au
fonctionnement de la mémoire épisodique, ses concepteurs ont créé
quatre consignes compatibles avec les processus mnésiques mis en jeu
2
dans ce type de tâche .

En utilisant la consigne d’hypermnésie, on incite le témoin à rapporter


toutes les informations qui lui viennent à l’esprit, y compris celles dont il
n’est pas sûr ou celles qui lui semblent peu importantes. La consigne de
remise en contexte mental consiste à lui demander de repenser aux
éléments environnementaux, émotionnels et humoraux présents lors de
l’encodage (Flexter et Tulving, 1978; Tulving, 1983; Tulving et Thomson,
1973). Il est également efficace de le faire changer d’ordre narratif
— consigne de changement d’ordre narratif — et de l’inviter à rapporter
l’événement selon plusieurs angles de vue — consigne de changement de
perspective (Anderson et Pichert, 1978; Pichert et Anderson, 1977;
Tulving, 1974).

Selon les résultats d’une métaanalyse, cette méthode permet de


recueillir 40 % d’informations correctes de plus qu’un protocole standard,

1 Par exemple les participants devaient estimer si le nez du visage cible était long ou
court, droit ou aquilin, épaté ou fin, etc.
2 Voir l’article de Demarchi et Py dans le présent numéro pour une description détaillée de
la méthode de l’entretien cognitif et des principes théoriques sur lesquelles elle repose.

2
RQP, 27(3)

avec cependant un accroissement de 25 % du volume d’erreurs


(Koehnken, Milne, Memon et Bull, 1999). Néanmoins, le taux d’exactitude
des informations rapportées en entretien cognitif n’est pas affecté, même
après un délai de plusieurs semaines après les faits.

À la suite de l’emploi de cette technique, les chercheurs en


psychologie du témoignage ont parfois observé des améliorations de la
description des personnes (Campos et Alonso-Quecuty, 1998; Geiselman
et al., 1984), mais une majorité d’entre eux n’a relevé aucun bénéfice
significatif (e.g. Memon, Wark, Holley, Bull et Koehnken, 1997; Newlands,
George, Towell, Kemp et Clifford, 1999). Cependant, cette absence de
résultats ne permet pas de statuer définitivement sur l’inefficacité de la
méthode puisque les études concernaient la totalité de l’événement et non
la seule description des criminels.

Notre étude visait à étudier l’efficacité de l’entretien cognitif en tant


qu’outil permettant d’améliorer la description des personnes. Elle s’est
déroulée avec la collaboration d’officiers de police d’un commissariat d’une
ville de plus de 100 000 habitants. Elle a opposé la méthode employée
habituellement par les policiers à une adaptation de la version française de
l’entretien cognitif (Ginet et Py, 2001; Py, Ginet, Desperies et Cathey,
1997).

Les restructurations apportées à la méthode originale ont reposé sur


deux logiques complémentaires. Tout d’abord, nous avons évalué
l’adaptation des différentes mnémotechnies originales à l’activité de
description des individus. Ensuite, nous avons consulté la littérature
scientifique concernant l’activité d’encodage, de mémorisation et de rappel
des visages afin de créer de nouvelles stratégies.

La pertinence des stratégies d’hypermnésie et de remise en contexte


pour l’activité de description est évidente puisqu’elles reposent sur la
théorie de l’encodage spécifique qui stipule que le souvenir d’un
quelconque matériel mnésique, que ce soit un visage, un événement, un
lieu ou un objet, s’opère grâce aux éléments physiques, émotionnels,
humoraux ou de l’attitude encodés conjointement à l’objet dont on cherche
à se rappeler (Flexter et Tulving, 1978; Tulving, 1983; Tulving et Thomson,
1973).

En revanche, les consignes de changement d’ordre et de perspective


ne sont théoriquement pas adaptées à la description des personnes. Elles
ont été conçues pour diminuer l’impact des actions schématiques
susceptibles de fausser le souvenir du témoin, non pour augmenter le
volume de détails (Anderson et Pichert, 1978; Geiselman et Callot, 1990;

3
Entretien cognitif : décrire et détecter les criminels

Pichert et Anderson, 1977). Or, la description des personnes ne concerne


pas les enchaînements d’actions.

Cette approche théorique du degré d’adéquation des consignes


originales à l’activité de description est confirmée par les résultats de
plusieurs travaux expérimentaux. Par exemple, chaque approche
mnémotechnique prise séparément permet d’améliorer la description des
personnes par rapport à une consigne minimale (« soyez le plus complet
et le plus précis possible »), mais les bénéfices les plus importants ont été
enregistrés avec les consignes d’hypermnésie et de remise en contexte
mental. Les bénéfices obtenus avec les stratégies de changement d’ordre
et de changement de perspective étaient faibles voire nuls (Boon et Noon,
1994; Clifford et George, 1996). Par ailleurs, le changement d’ordre ne
1
contribue pas à améliorer le taux d’exactitude global des rappels produits
(Boon et Noon, 1994).

Compte tenu de ces éléments, nous avons supprimé les consignes de


changement d’ordre et de perspective qui ne correspondaient pas à nos
attentes en terme d’efficacité. Par ailleurs, nous avons créé deux
consignes originales, l’une permettant au témoin d’accéder à certaines
attributions qu’il aurait pu faire lors de l’encodage, l’autre destinée à faire
ressurgir des éléments appartenant au profil du visage.

La première de ces consignes originales repose sur des travaux


expérimentaux traitant de la perception et de la reconnaissance des
visages non familiers. Selon Craik et Lockhart (1972), opérer un traitement
profond ou sémantique (p. ex., déterminer le sens des mots ou détecter
une connotation affective) des informations présentes lors de l’encodage
conduit à une meilleure mémorisation de celles-ci en comparaison d’un
traitement superficiel (p. ex., compter le nombre de mots d’une liste ou le
nombre de lettres des mots). Les auteurs ont expliqué ce phénomène par
la présence de traces mnésiques laissées par les différents processus
cognitifs de traitement de l’information. Ces derniers seraient autant
d’indices de récupération lors de tentatives de rappel de l’information
stockée en mémoire à long terme.

Cet effet a également été observé pour la mémoire des visages.


Estimer la personnalité d’un individu permet d’extraire, de traiter et
d’encoder de nombreux traits faciaux, améliorant ainsi les performances
ultérieures de rappel par rapport à un traitement superficiel comme repérer
le genre (Bloom et Mudd, 1991; Bower et Karlin, 1974; Daw et Parkin,
1981; Patterson et Baddeley, 1977).

1. Le taux d’exactitude correspond au rapport entre le nombre d’informations correctes et


le nombre total d’informations produites.

4
RQP, 27(3)

Ces éléments théoriques et empiriques concernant les jugements de


personnalité, les inférences et les ressentis constituent le fondement de la
nouvelle consigne dite holistique : le témoin est incité à se remémorer la
personne de façon globale et à évoquer l’impression et les sentiments qu’il
a ressentis en la voyant, à qui ou à quoi elle lui a fait penser, quelle était
l’expression de son visage, etc.

La seconde consigne originale fait suite à l’observation récurrente que


les descriptions des visages ne comportent jamais d’éléments en rapport
avec le profil de la personne (Kuehn, 1974; VanKoppen et Lochun, 1997).

En résumé, l’entretien cognitif modifié débute par la présentation


successive des consignes d’hypermnésie, de remise en contexte mental et
de traitement holistique. Puis le témoin effectue une première description
er
(1 rappel). Ensuite, l’expérimentateur lui propose de décrire le profil de la
e
personne (2 rappel). Le témoin répond ensuite à une série de questions
concernant des éléments fréquemment rapportés par les témoins d’affaires
réelles et dont on sait qu’ils sont associés à un taux d’exactitude élevé : le
sexe, la taille, l’âge, la corpulence, l’appartenance ethnique, la chevelure et
les yeux (Kuehn, 1974; VanKoppen et Lochun, 1997).

Compte tenu des éléments théoriques et empiriques présentés, on


s’attend à ce que l’entretien cognitif adapté à la description des personnes
(ou ECADP), en rendant les traces mnésiques plus spécifiques en
mémoire, permette d’obtenir plus d’informations correctes par rapport à un
entretien standard de police (ou ESP). Mais, en accord avec de
précédentes études réalisées avec la méthode originale (p. ex., Memon et
al., 1997), ce bénéfice pourrait s’accompagner d’une hausse des erreurs,
particulièrement lors des questions.

ÉTUDE 1
Méthode
Participants et procédure
Vingt-deux étudiants, 5 hommes et 17 femmes, âgés de 18 à 25 ans et
provenant de différents niveaux (de la première année universitaire à la
cinquième année universitaire), ont participé à cette expérience en tant
que témoins. Ils n’ont pas été rémunérés. Ils ont été recrutés deux par
deux dans les couloirs de l’université, puis conduits ensemble dans un
local. Là, ils rencontraient une tierce personne et interagissaient avec elle
pendant deux minutes. Sans le savoir, c’est cet individu (personne cible)
qu’ils allaient être amenés à décrire ultérieurement.

Après avoir interagi de façon informelle, le tiers les informait que la


deuxième phase avait lieu au commissariat, sans leur préciser les objectifs

5
Entretien cognitif : décrire et détecter les criminels

de l’étude. Avec leur accord, la personne qui les avait recrutés les
emmenait dans les locaux de la police. Arrivés sur place, les étudiants
étaient répartis aléatoirement dans l’une ou l’autre des conditions
expérimentales. Le participant de la condition entretien standard de police
(ESP) était conduit dans le bureau d’un enquêteur, et celui de la condition
ECADP était emmené dans une pièce isolée du commissariat et accueilli
par un expérimentateur. Enquêteurs et expérimentateurs leur présentaient
alors leur tâche, à savoir décrire la personne qui leur avait demandé divers
renseignements. A noter qu’aucun examinateur n’avait rencontré
préalablement les cibles.

Quatre enquêteurs du service d’investigation judiciaire ont mené les


entretiens standard. Les entretiens cognitifs modifiés ont été réalisés par
des expérimentateurs spécialistes de la méthode.

Les 22 étudiants ont vu et décrit 11 personnes cibles, chacune faisant


l’objet de deux descriptions, l’une en ESP et l’autre en ECADP. Chaque
personne cible répondait à certains critères : un homme, jeune (entre 20 et
25 ans), de type caucasien, avec les cheveux bruns, courts/mi-longs, une
coupe classique, sans signe distinctif apparent (pas de tatouage, pas de
barbe, pas de bouc ou de moustache, pas de boucles d’oreilles ou
piercings, pas de décoloration des cheveux ou mèches de couleurs, etc.),
de taille moyenne et s’exprimant couramment en langue française. Dans
l’optique d’une plus grande validité écologique, aucun critère de choix
concernant la tenue vestimentaire des cibles n’a été imposé et les cibles
ne changeaient pas de tenue vestimentaire lors de la passation. Après
avoir donné son accord écrit pour l’utilisation possible de son image dans
le cadre d’activités scientifiques, chaque personne cible a été
photographiée. Afin de normaliser les prises de vues, chaque cible a enfilé
une blouse de type médical. La personne était cadrée une première fois en
plan type « américain », de manière à obtenir une photo verticale (dans le
sens de la hauteur) avec le visage situé à mi-hauteur, puis en plan de pied.
Aucune expression faciale n’était tolérée. De plus, il lui était demandé
explicitement d’adopter l’attitude la plus neutre possible lors de
l’interaction. Les personnes cibles ont également été photographiées en
plan de pied et dans la tenue qu’elles portaient lors de la confrontation
avec les témoins afin de pouvoir évaluer l’exactitude des éléments
d’informations relatifs à la tenue vestimentaire.

Codage des données recueillies


Afin de déterminer l’exactitude d’un élément, nous avons recruté un
par un 110 étudiants, 23 hommes et 87 femmes âgés de 18 à 34 ans et
d’un niveau de scolarité allant de la première année universitaire à la
cinquième année universitaire. Ils n’ont pas été rémunérés pour leur
participation. La passation était individuelle et se déroulait comme suit :

6
RQP, 27(3)

nous avons présenté à chaque participant deux photographies de la


personne cible, une en plan de pied dans sa tenue originale et une de son
visage, ainsi qu’une des descriptions réalisées en ESP ou en ECADP. Ces
différents éléments étaient assignés sur la base d’un tirage aléatoire. La
tâche du participant consistait à évaluer chaque élément de la description
à partir des photographies remises (« oui, l’information rapportée est
exacte » ou « non, l’information rapportée est inexacte »). Les 22
descriptions obtenues dans la première partie de la recherche ont été
chacune évaluées par cinq participants différents, un participant n’évaluant
qu’une seule description (5 * 22 = 110).

Nous avons considéré qu’un descripteur était correct dès qu’il avait été
déclaré exact par au moins trois étudiants sur cinq. Dans le cas contraire,
nous l’avons considéré comme inexact. Cette procédure de codage nous a
permis de comptabiliser pour chacune des 22 descriptions le nombre
1
d’informations correctes, le nombre d’erreurs et le taux d’exactitude , c’est-
à-dire le rapport entre le nombre d’informations correctes et le nombre total
d’informations rapportées (c.-à-d. informations correctes et erreurs).

Nous avons ensuite réparti l’ensemble des informations recueillies


dans différentes catégories : les descripteurs relatifs aux généralités (sexe,
taille, âge, corpulence, etc.), les descripteurs faciaux et les descripteurs
vestimentaires. Un nombre total d’informations portant spécifiquement sur
les caractéristiques physiques de la cible a également été calculé. Il
correspondait à la somme des informations concernant les généralités et
les informations faciales. Les descripteurs vestimentaires ont été
comptabilisés à part car ils sont apparus moins intéressants dans une
perspective judiciaire. Les descripteurs comportementaux (attitudes,
comportements, paroles, etc.) n’ont pas été comptabilisés car ils n’ont pas
été enregistrés lors de l’interaction entre la cible et les participants. Ils ne
pouvaient donc faire l’objet d’une évaluation qualitative.

Méthodologie retenue pour l’analyse des données


Afin de vérifier la pertinence de chacune des phases de l’ECADP,
nous avons opposé les descriptions produites en ESP à celles issues a) du
premier rappel obtenu avec la méthode, c’est-à-dire à la suite des
consignes d’hypermnésie, de remise en contexte et holistique, b) des deux
premiers rappels, c’est-à-dire après l’énonciation de la consigne « profil »,
c) des deux rappels et des questions (ce qui correspond aux quatre
colonnes du Tableau 1). La logique de comparaison entre ESP et ECADP
que nous avons appliquée ici, en opposition à une analyse pas à pas où
l’on compare le seul bénéfice de chacune des étapes prises séparément

1. Le taux d’exactitude constitue l’indicateur privilégié de la qualité de la description et


intéresse particulièrement les enquêteurs.

7
Entretien cognitif : décrire et détecter les criminels

les unes des autres, est guidée par le fait qu’il est impossible de comparer
chaque phase/étape de l’ECADP avec une phase équivalente en ESP,
puisque l’ESP n’est composé que d’une seule phase, alors que l’ECADP
est composé de trois phases.

L’ensemble des données a été traité par un test de comparaison de


moyennes (t de Student pour échantillons appariés). Le seuil de
signification retenu était de 5 %.

Nous avons comparé la moyenne obtenue en ESP à celle obtenue en


ECADP pour chaque catégorie de descripteurs [(généralités, faciaux,
totalité des informations physiques (généralités + informations faciales),
vestimentaires et volume total d’informations (généralités + informations
faciales + informations vestimentaires)] et pour chaque type de mesure
(informations correctes, erreurs et taux d’exactitude) (voir le Tableau 1).

RÉSULTATS
Comparaison entre l’ESP et l’ECADP réduit au premier rappel (i.e. c’est-à-
dire au rappel effectué à la suite des consignes d’hypermnésie, de remise en
contexte et holistique) (colonnes 1 et 2 du Tableau 1). Les analyses relatives
aux informations générales sur la cible ont révélé que les participants de la
condition ECADP réduit au premier rappel ont produit 33 % d’informations
correctes de moins [t(10) = 2,63; p < .03], mais également 90 % d’erreurs
de moins que ceux de la condition ESP [t(10) = 6,33; p < .0001}. Le taux
d’exactitude des informations générales est ainsi nettement plus élevé en
ECADP qu’en ESP [92 % vs 63 % : t(10) = 4,79; p < .0007].

Concernant les descripteurs faciaux, les témoins de la condition


ECADP ont fourni autant d’informations correctes [t(10) < 1; ns], mais
52 % d’erreurs en moins que les autres [t(10) = 3,11; p < .02]. Le taux
d’exactitude ne diffère cependant pas entre les deux conditions
expérimentales [t(10) = 1,29; ns].

Concernant le volume global d’informations portant spécifiquement sur


la personne cible (informations générales + descripteurs faciaux), les
sujets de la condition ECADP fournissent 25 % d’informations de moins
que les sujets de la condition ESP [t(10) = 2,43; p < .04], mais par contre
près de quatre fois moins d’erreurs [t(10) = 6,53; p < .0001], obtenant ainsi
un taux d’exactitude nettement plus élevé [82 % vs. 61 % : t(10) = 3,66; 81% dans le tableau!
p < .004].

Les résultats relatifs aux descripteurs vestimentaires n’ont mis en


évidence aucune différence significative entre les deux méthodes, que ce

8
RQP, 27(3)

Tableau 1 Nombre moyen (et écarts-type) de descripteurs corrects, nombre


moyen d’erreurs et taux d’exactitude pour les différentes
catégories de descripteurs en fonction du type d’entretien (ESP
et ECADP)

ESP ECADP

er er er
1 rappel 1 rappel 1 rappel +
e e
( consignes + 2 rappel 2 rappel +
d’hypermnésie, ( consigne liste de
de remise en profil) questions
contexte et
consigne
holistique)

DESCRIPTEURS GÉNÉRAUX
Descripteurs M 3,27 2,18 4,00 6,27
corrects ÉT (1,10) (1,08) (2,32) (2,15)

Erreurs M 1,91 0,18 0,46 0,73


ÉT (0,94) (0,41) (0,52) (0,79)

Taux M 63 % 92 % 90 % 90 %
d’exactitude ÉT (19 %) (17 %) (13 %) (13 %)
DESCRIPTEURS FACIAUX
Descripteurs M 2,09 1,81 2,55 4,36
corrects ÉT (0,83) (1,17) (1,37) (1,21)

Erreurs M 1,55 0,73 1,27 1,73


ÉT (0,82) (0,91) (1,19) (1,49)

Taux M 58 % 73 % 69 % 72 %
d’exactitude ÉT (21 %) (34 %) (23 %) (20 %)
DESCRIPTEURS PHYSIQUES (DESCRIPTEURS GÉNÉRAUX ET FACIAUX)
Descripteurs M 5,36 4,00 6,55 10,64
corrects ÉT (1,43) (1,55) (3,24) (2,94)

Erreurs M 3,46 0,91 1,73 2,45


ÉT (1,29) (0,83) (1,19) (1,63)

Taux M 61 % 81 % 78 % 82 %
d’exactitude ÉT (14 %) (17 %) (14 %) (12 %)

9
Entretien cognitif : décrire et détecter les criminels

Tableau 1 Nombre moyen (et écarts-type) de descripteurs corrects, nombre


moyen d’erreurs et taux d’exactitude pour les différentes
catégories de descripteurs en fonction du type d’entretien (ESP
et ECADP) (suite)

ESP ECADP

er er er
1 rappel 1 rappel 1 rappel +
e e
( consignes + 2 rappel 2 rappel +
d’hypermnésie, ( consigne liste de
de remise en profil) questions
contexte et
consigne
holistique)

DESCRIPTEURS VESTIMENTAIRES
1
M 1,00 1,55 2,00 2,00
Descripteurs
ÉT (1,00) 0,82) (1,10) (1,10)
corrects
M 2,09 2,82 3,27 3,27
Erreurs ÉT (2,51) (2,04) (2,20) (2,20)
2
Taux M 42 % 36 % 38 % 38 %
d’exactitude ÉT (24 %) (24 %) (25 %) (25 %)
NOMBRE TOTAL DE DESCRIPTEURS
(DESCRIPTEURS GÉNÉRAUX, FACIAUX ET VESTIMENTAIRES)
M 6,36 5,55 8,55 12,64
Descripteurs
ÉT (1,80) (2,12) (4,11) (3,20)
corrects
M 5,55 3,73 5,00 5,73
Erreurs ÉT (2,88) (1,74) (2,19) (2,49)

Taux M 53 % 60 % 63 % 69 %
d’exactitude ÉT (15 %) (15 %) (14 %) (10 %)

1. Ces données sont identiques à la colonne précédente car la liste de questions ne


comportait aucune demande relative à la tenue vestimentaire.
2. Ce taux d’exactitude porte sur les données de 7 sujets. En effet, 4 sujets n’ont reporté
aucune information sur les descripteurs vestimentaires et n’ont donc pu être intégrés
pour cette mesure.

soit au niveau des éléments corrects [t(10) = 1,26; ns], ou incorrects, ou


encore du taux d’exactitude respectivement [t(10) < 1; ns., dans les deux
cas].

Enfin, nous avons additionné le nombre d’informations portant à la fois


sur la personne (descripteurs généraux et faciaux) et sur sa tenue
vestimentaire pour effectuer des analyses sur l’ensemble des informations

10
RQP, 27(3)

produites. Les mesures n’ont révélé aucune différence significative entre


les deux méthodes, que ce soit au niveau des informations correctes, des
erreurs ou du taux d’exactitude [respectivement t(10) < 1; ns, t(10) = 1,89;
p < .09, et t(10) < 1; ns].

Comparaison entre l’ESP et l’ECADP réduit aux deux premiers rappels


(c.-à-d. information rapportée lors du premier rappel et lors du second rappel
faisant suite à la consigne ‘profil’) (colonnes 1 et 3 du Tableau 1). Les
analyses n’ont révélé aucune différence significative concernant le volume
d’information générale correcte [t(10) = 1,35; p < ns. En revanche, la
méthode a permis aux participants de réduire de 76 % le nombre d’erreurs
dans cette catégorie d’informations, t(10) = 4,66; p < .001. Le taux
d’exactitude apparaît ainsi plus favorable en ECADP qu’en ESP
(t(10) = 4,78; p < .0007].

Concernant les descripteurs faciaux, nous n’avons relevé aucune


différence significative entre ECADP et ESP au niveau des informations
correctes, des erreurs ou du taux d’exactitude [t(10) < 1; ns, dans tous les
cas].

En revanche, lorsqu’on prend en considération l’ensemble des


informations portant spécifiquement sur la personne cible (informations
générales + descripteurs faciaux), le seuil de signification n’est pas atteint
pour les informations correctes [t(10) = 1,47; p < .17], mais il l’est pour les
erreurs [t(10) = 3,68; p < .004] et pour le taux d’exactitude [t(10) = 4,62;
p < .001]. L’ECADP permet bien d’obtenir moins d’erreurs de la part du
témoin que l’ESP, ce qui se traduit au niveau du taux d’exactitude.

Concernant les descripteurs vestimentaires comme pour le total de


descripteurs fournis, aucun résultat significatif n’est relevé, que ce soit
pour les informations correctes [respectivement t(10) < 1; ns, t(10) = 1,92;
p < .09 et t(10) = 1,76, p < .11], les erreurs [t(10) < 1; ns, t(10) = 1,16;
p < .28 et t(10) < 1, ns] ou le taux d’exactitude [t(10) = 1,16; ns et
t(10) = 1,58; p < .14].
er e
Comparaison entre l’ESP et l’ECADP complet (1 rappel, 2 rappel et liste
de questions) (colonnes 1 et 4 du Tableau 1). Les mesures effectuées ont
révélé que l’ECADP complet a permis de rapporter près de deux fois plus
d’informations générales correctes que l’ESP [t(10) = 6,71; p < .0001],
avec 62 % d’erreurs en moins, [t(10) = 3,99; p < .03]. Le taux d’exactitude
des informations fournies apparaît donc nettement supérieur en ECADP
[90 % contre 63 % en ESP : t(10) = 5,09; p < .0005].

Concernant la description du visage de la cible, la méthode permet


d’obtenir deux fois plus d’informations correctes supplémentaires
[t(10) = 5,93; p < .002], sans augmentation significative du volume

11
Entretien cognitif : décrire et détecter les criminels

d’erreurs, [t(10) < 1, ns]. Le taux d’exactitude s’avère donc


significativement plus élevé en ECADP par rapport à l’ESP [72 % vs.
58 % : t(10) = 3,06, p < .02].

La prise en compte de l’ensemble des informations portant


spécifiquement sur la personne (descripteurs généraux et faciaux) permet
de noter un net bénéfice de l’ECADP par rapport à l’ESP. La méthode
permet de doubler le nombre d’informations correctes obtenues sur une
personne [t(10) = 8,95; p < .0001], sans accroissement des erreurs [on
relève même 69 % d’erreurs en moins, mais la différence n’atteint pas le
seuil de significativité : t(10) = 1,85; p < .09], ce qui permet d’obtenir un net
bénéfice au niveau du taux d’exactitude des informations fournies [82 %
vs. 61 % : t(10) = 5,75; p < .0002].

En revanche, nous n’avons enregistré aucune différence significative


concernant la tenue vestimentaire, que ce soit pour les informations
correctes [t(10) = 1,91; p < .09] ou pour les erreurs et le taux d’exactitude
[t(10) = 1,16; ns, dans les deux cas].

Enfin, concernant le nombre total de descripteurs, nous avons observé


que les descriptions produites en ECADP contenaient le double d’éléments
corrects par rapport à celles consécutives à un ESP [t(10) = 8,34;
p < .0001], avec un nombre d’erreurs équivalent [t(10) < 1; ns]. Le taux
d’exactitude apparaît ainsi à l’avantage de l’ECADP [69 % vs. 53 % :
t(10) = 3,12; p <.01]

Discussion
L’objectif de ce travail était de comparer l’efficacité du protocole
standard d’audition tel qu’il est pratiqué par les officiers de police à un
entretien cognitif adapté à la description des personnes.

Lorsqu’on s’intéresse au type d’informations fournies par les témoins,


on relève que les témoins fournissent surtout des informations générales
sur la personne cible, ces informations étant associées à un taux
d’exactitude modéré en ESP (63 %), très élevé avec la méthode ECADP
(90 %). Ces informations générales ne doivent pas être négligées; ce sont
essentiellement celles qui seront utilisées pour construire une parade
d’identification si la police arrête un suspect. En effet, le choix des
distracteurs (des personnes non suspectées que l’on place, au sein de la
parade, aux côtés du suspect) doit être effectué en fonction de la
description produite par le témoin à la suite des faits, de manière à ce que
la parade ne comprenne que des individus plausibles (Wells et Luus,
1990). Or la grande majorité des signalements comprend très peu
d’informations sur le visage.

12
RQP, 27(3)

Dans cette étude, les informations sur le visage apparaissent moins


nombreuses (particulièrement en ESP : 30 % d’informations en moins
contre 13 % d’informations en moins en ECADP), mais surtout moins
exactes. On relève, en effet, une diminution notable du taux d’exactitude
pour les descripteurs faciaux par rapport aux descripteurs généraux sur la
personne cible (de 63 à 58 % en ESP, et de 90 à 72 % en ECADP). Cette
diminution du taux d’exactitude de la description lorsqu’elle porte sur le
visage traduit la difficulté des individus à verbaliser les détails d’un visage
comme son volume et sa configuration, voire leur difficulté à discriminer un
stimulus hautement complexe (Sporer, 1992). C’est pourtant les
informations sur le visage qui seront déterminantes dans une tâche de
détection telle que la recherche d’un auteur de crime ou délit.

Dans cette logique, les descripteurs vestimentaires de la cible


apparaissent à peu près inopérants. Ils sont à la fois peu nombreux (un Ne pourrait-on pas
quart du volume global de la déclaration), mais surtout massivement ajouter aussi qu’il est
très facile de changer
incorrects (40 % d’exactitude environ, soit davantage d’erreurs que de vêtement?
d’informations correctes). Les détails relevés par un témoin sur les
vêtements d’un auteur doivent donc être considérés avec une grande
circonspection, quelle que soit la méthode d’audition utilisée.

Au total, les sujets de cette expérience ont rapporté environ neuf


informations sur la personne cible elle-même (informations générales et
descripteurs faciaux) lorsqu’ils étaient interrogés par un officier de police,
avec un taux d’exactitude modéré (61 %), contre 13 informations, avec un
taux d’exactitude correct (82 %) lorsqu’ils étaient interrogés par des
chercheurs. La nécessité d’élaborer une méthode permettant d’augmenter
en quantité et en qualité les informations sur une personne cible apparaît
donc très clairement.

Lorsqu’on s’intéresse à l’intérêt des différentes étapes de la méthode


ECADP en termes de bénéfices quantitatif et qualitatif, il faut relever
l’efficacité du premier rappel effectué à la suite des consignes
d’hypermnésie, de remise en contexte mental et de la consigne holistique.
La combinaison de ces consignes, chacune visant à exploiter le maximum
d’indices de récupération s’est avérée compatible et efficace. Selon le
principe de l’encodage spécifique, le recouvrement d’une information est
facilité par la présence d’indices de récupération. En visant l’exhaustivité,
et en recherchant des indices ayant trait aux contextes internes et externes
présents au moment de l’encodage, ou ayant trait à l’impression laissée
par la cible, le témoin va pouvoir, sans recours à des questions, se
remémorer de nombreuses informations sur la cible et les restituer. Avec
un simple rappel libre, le témoin parvient ainsi à fournir à peine moins
d’informations correctes que les policiers n’en obtiennent avec leur
méthode habituelle à l’issue d’une audition complète. Celle-ci repose

13
Entretien cognitif : décrire et détecter les criminels

essentiellement sur de nombreuses questions spécifiques à propos des


caractéristiques de l’auteur; c’est pourquoi ce type d’audition aboutit à de
nombreuses erreurs et, donc, à un taux d’exactitude modéré (Lipton, 1977;
Sporer, 1982; Stern, 1902). En revanche, le rappel libre effectué selon les
consignes de l’ECADP est de grande qualité puisqu’on relève moins d’une
erreur pour quatre informations correctes à propos de l’auteur. Compte
tenu de la littérature scientifique sur le témoignage oculaire, le bénéfice de
l’utilisation du rappel libre apparaît plus important lorsqu’il s’agit de décrire
une personne plutôt que lorsqu’il s’agit de décrire une scène. En effet, on
relève un gain de 20 % d’exactitude supplémentaire dans cette étude
portant sur la description, alors qu’on observe généralement un gain
d’environ 10 % dans les études sur la remémoration d’une scène (voir
notamment Ginet et Py, 2001; Koehnken et al., 1999; Py et Fernandes,
1995). La description d’une personne, en particulier de son visage, semble
présenter une difficulté particulière et l’influence de l’enquêteur (à travers
les questions qu’il pose) apparaît alors particulièrement problématique.

Si l’intérêt du premier rappel libre effectué dans le cadre de la méthode


ECADP apparaît clairement, le bénéfice du second rappel s’avère
beaucoup plus modeste. A l’évidence, inciter le témoin à décrire la
personne de profil n’est pas efficace. Soit les informations que cette
perspective visuelle pourrait faire apparaître (notamment en termes de
volume et de configuration du visage) sont trop difficiles à verbaliser, soit
elles ne sont tout simplement pas correctement traitées.

La liste de questions, en complément des deux rappels effectués dans


le cadre de la méthode ECADP, semble quant à elle parfaitement
efficiente. En effet, la comparaison entre la méthode ECADP complète et
l’ESP montre clairement les bénéfices de la méthode puisqu’elle permet
d’obtenir deux fois plus d’informations correctes sur une personne cible
avec un accroissement notable du taux d’exactitude. Ce résultat corrobore
les travaux de Finger et Pezdek (1999) qui, avec une version modifiée de
l’entretien cognitif, n’ont observé aucune chute de l’exactitude des propos
rapportés à la suite d’un questionnement très précis. Cela prouve que la
décision de ne recourir à un questionnement qu’en complément de rappels
libres et de restreindre les questions à des descripteurs non évoqués par
le témoin, mais dont on sait qu’ils sont généralement associés à un taux
d’exactitude satisfaisant, ne produit pas l’effet délétère des questions
habituellement observé, effet délétère qu’on relève également dans cette
étude au sein du groupe de témoins interrogés selon la méthode des
policiers.

La méthode ECADP permet donc d’obtenir des descriptions plus


exhaustives et plus exactes que la méthode utilisée par les officiers de
police, ce qui n’apparaissait pas dans certaines études antérieures (p. ex.

14
RQP, 27(3)

+ 246 % d’erreurs dans le groupe expérimental par rapport au groupe


contrôle pour Memon et al., 1997). Reste à savoir si ce gain quantitatif et
qualitatif est réellement utile dans le cadre d’une enquête judiciaire. Une
preuve d’une telle efficacité pourrait être apportée si les enquêteurs
parvenaient plus facilement à retrouver l’auteur du crime ou du délit pour
lequel le témoin a été entendu. Nous avons simulé cette situation dans le
cadre du laboratoire avec une tâche de détection (pour une méthodologie
similaire, voir Davies, Van Der Willik et Morrison, 2000).

ÉTUDE 2
Une tâche d’appariement repose exclusivement sur l’adéquation entre
la description et l’apparence physique de la personne. On peut donc
s’attendre à ce que plus les descriptions des personnes cible s’avèreront
exhaustives et exactes, plus la tâche d’appariement sera possible. Puisque
la méthode ECADP a permis d’obtenir des descriptions plus précises et de
meilleure qualité que les entretiens standards de police, les performances
d’appariements devraient être supérieures dans le premier cas que dans le
second.

Méthode
Participants et procédure
Quarante quatre étudiants, 14 hommes et 30 femmes, âgés de 18 à 27
ans et de différents niveaux de scolarité (de la première à la quatrième
année universitaire) ont pris part à cette seconde étude sur la base du
volontariat.

L’expérimentateur présentait aux participants les 11 personnes cibles


ainsi que les descriptions réalisées avec l’une ou l’autre des méthodes
(n = 23 dans la condition expérimentale ESP, et n = 21 dans la condition
ECADP complet). Le type d’entretien à l’origine des descriptions, la
disposition des photographies et l’ordre des descriptions fournies ont été
définis par tirage aléatoire. L’ordre des descriptions variait pour chaque
participant. La consigne était la suivante :
Voici 11 personnes et 11 descriptions de ces personnes. Vous devez
retrouver quelle description correspond à quelle personne. Vous devez
donc reconstituer les 11 paires personne / description.

Résultats
Nous avons analysé les données avec un t de Student pour échantillons
indépendants et relevé que les descriptions consécutives à un ECADP ont
permis de réaliser significativement plus d’appariements corrects que
celles issues d’un ESP [respectivement M = 3,76, ÉT = 1,58, et M = 2,57,
ÉT = 1,15, avec t(42) = 2,88; p < .007].

15
Entretien cognitif : décrire et détecter les criminels

Discussion et conclusion
Les résultats de cette seconde expérience confirment l’efficience de
l’ECADP dans une tâche de détection puisque la personne cible est
retrouvée dans 34 % des cas en moyenne contre seulement 23 % avec
l’ESP. Ce résultat est important à plus d’un titre. En effet, pour les
enquêteurs, l’utilité d’une description ne se limite pas aux seuls critères
quantitatifs et qualitatifs. Elle doit permettre de retrouver l’auteur d’un crime
ou d’un délit, c’est-à-dire de le détecter. Cela consiste le plus souvent à
passer en revue des catalogues de photographies de suspects. Cette
tâche peut être effectuée par un enquêteur (pure tâche de détection) ou,
plus fréquemment par le témoin lui-même (tâche de reconnaissance et de
détection mêlées). La précision de la description s’avère alors un facteur
important de réussite éventuelle de la tâche pour au moins deux raisons.
Premièrement, si la procédure de consultation de photographies est
informatisée — ce qui est de plus en plus courant — la sélection des
photographies dans la base de données dépendra directement de la
qualité des principaux descripteurs (généraux, en particulier). Si des
erreurs ont été produites par le témoin, le plus souvent du fait d’une
technique d’audition inadaptée, les informations fournies à l’ordinateur
l’amèneront à fournir une liste de suspects qui exclura nécessairement le
couplable.

La détection du coupable à partir d’une description peut être


également rapprochée de la recherche d’un individu à l’aide d’un portrait-
robot. Contrairement à une idée reçue, une description peut s’avérer au
moins aussi efficace qu’un portrait-robot pour retrouver une cible dans un
vaste ensemble d’individus. On peut expliquer ce phénomène par les
contraintes de la procédure de construction d’un portrait-robot. En effet,
pour constituer un portrait-robot, quels que soit la méthode ou le logiciel
utilisés, le témoin doit avant toute chose effectuer une description de la
cible. On a vu que les descriptions obtenues par les officiers de police sont
souvent pauvres et inexactes. Ce problème est renforcé par le fait que,
pour constituer un visage complet, ce que nécessite la procédure du
portrait-robot, il va falloir obtenir du témoin des informations plus
complètes que ce qu’il est en mesure de fournir. En d’autres termes, on va
le pousser à produire des erreurs de description, qui se traduiront par des
erreurs de représentation du visage de la cible sur le portrait-robot.

Évoquer la notion d’efficacité peut sembler excessif compte tenu de la


faible proportion d’appariements corrects obtenus dans le cadre de cette
seconde expérience puisque la méthode ECADP ne permet d’obtenir que
34 % d’appariements corrects. Cela représente 50 % d’appariements
corrects supplémentaires par rapport à ce que permet d’obtenir un
entretien standard de police. Cela représente aussi une proportion qui
n’est pas toujours atteinte lors de tâches d’appariements réalisées à partir

16
RQP, 27(3)

de portraits-robots. Davies et al., (2000) indiquent ainsi que le taux de


détection d’une cible à partir d’un portrait-robot oscille entre 10 % et 30 %
selon les études, quels que soient la méthode de construction et le délai
entre l’encodage et la réalisation du portrait-robot.

Cet ensemble d’études ouvre la voie à de nombreuses recherches


concernant notamment l’effet séparé des différentes stratégies de
l’entretien cognitif lorsqu’elles sont comparées à des entretiens standard.
En effet, connaître l’efficacité relative de chacune de ces approches
mnémotechniques permettrait, à un niveau théorique, de mieux
appréhender les mécanismes mnésiques impliqués lors du traitement
cognitif des informations relatives aux personnes, notamment en termes
de discrimination de la trace, de recouvrement des contextes d’encodage
et de restitution (consignes de contextualisation et d’hypermnésie) et de
profondeur de traitement lors de l’encodage (consigne holistique).

En pratique, connaître précisément l’effet spécifique de chaque


stratégie de l’entretien cognitif permettrait d’assouplir le protocole dans le
cas où, par exemple, l’une des règles ne présente d’intérêt ni en terme
quantitatif, ni en terme qualitatif (ce qui semble être le cas pour la seconde
consigne relative au profil de l’individu). Par ailleurs, s’il était confirmé que
l’emploi d’approches mnémotechniques permette de se prémunir contre
une diminution de la qualité des informations obtenues lors de la phase de
questionnement, on pourrait envisager de compléter la liste de questions
posées à l’issue des rappels libres avec l’ECADP.

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Résumé Mots clés


Nous avons opposé la technique que les officiers de témoignage oculaire,
police utilisent pour obtenir la description des criminels à un entretien cognitif, description
entretien cognitif modifié. Dans la première étude, les des criminels
participants ont interagi pendant deux minutes avec une
personne avant d’être conduits au commissariat pour y être
auditionnés. Les résultats ont montré que l’entretien cognitif
adapté à la description des personnes (ECADP) permet
d’obtenir deux fois plus d’informations correctes qu’un
entretien standard de police (ESP), sans augmentation des
erreurs. La seconde étude était une tâche d’appariement
entre les descriptions précédemment réalisées et les
photographies des personnes cibles. Il ressort que l’ECADP
permet de réaliser davantage d’appariements corrects qu’un
ESP. Les implications théoriques et pratiques sont
discutées.

Abstract Key words


The aim of these two experiments was to investigate eyewitness testimony,
the potential advantage of a modified cognitive interview for cognitive interview, offender
person description (MCIPD) over the standard police description
interview (SPI) to obtain offender descriptions. In experiment
1, participants spoke with a target person during two minutes
and were driven to the police station to be interviewed.
Results showed that the MCIPD elicited twice more correct
information from the participants than did the SPI, without
increasing errors. In experiment 2, participants paired
previous descriptions from MCIPD or SPI with different
pictures of the target persons. More correct pairings were
made with MCIPD descriptions than with SPI ones.
Theoretical and practical implications are discussed.

19
Date : / / N° entretien Heure : Durée totale : Evénement :
Nom de l’enquêteur : Nom de l’évaluateur : SCORE : /58

(A) CADRE GENERAL DE L’AUDITION (5 POINTS)

L’enquêteur a essayé de détendre le témoin ¨ OUI (+1pt.)¨ NON (0 pt.) Il a expliqué au témoin qu’il avait un rôle important dans l’affaire en cours ¨ OUI (+1pt.)¨ NON (0 pt.)
Il a expliqué au témoin les objectifs de l’audition ¨ OUI (+1pt.)¨ NON (0 pt.) « C’est vous qui allez parler le plus, je ne vais pas vous interrompre et je vais prendre des notes »
¨ OUI (+2pts)¨ NON (0 pt.)

(B) HYPERMNESIE (11 POINTS) LE TEMOIN EFFECTUE UN


« Vous devez restituer le maximum d’informations… » ¨ OUI (4pts) ¨ NON (0 pt) EME Encouragements ? ¨ OUI (1pt.) ¨ NON (0 pt.)
2 RECIT DES FAITS
« tout le long de cette audition… » ¨ OUI (2pts) ¨ NON (0 pt)
« Y compris celles que vous jugez peu importantes… » ¨ OUI (3pts) ¨ NON (0 pt)
(E) FOCALISATION PERIPHERIQUE (9 POINTS)
« Y compris celles dont vous n’êtes pas très sûr… » ¨ OUI (1pt) ¨ NON (0 pt)
Justification argumentée (sur fondements consigne) ¨ OUI (2pts) ¨ NON (0 pt.)
« Dites-moi quand vous n’êtes pas sûr… » ¨ OUI (1pt) ¨ NON (0 pt)
Reprendre en se centrant sur tous les détails de la scène ¨ OUI (2pts) ¨ NON (0 pt.)
(C) REMISE EN CONTEXTE MENTALE (11 POINTS) er
« Comme si c’était votre 1 récit… » ¨ OUI (1pt) ¨ NON (0 pt.)
« Avant de commencer… » ¨ OUI (1pt) ¨ NON (0 pt)
« Ce travail aide à mieux se souvenir… » ¨ OUI (1pt) ¨ NON (0 pt) « Reprenez les actions, et essayez d’aller + loin… » ¨ OUI (2 pts) ¨ NON (0 pt.)
« Faites le dans votre tête… » ¨ OUI (1pt) ¨ NON (0 pt) « Faites régulièrement des ‘arrêts sur image’… » ¨ OUI (1pt.) ¨ NON (0 pt.)
« Repensez à l’environnement (décor, etc.) » ¨ OUI (2pts) ¨ NON (0 pt)
« Repensez à votre état d’esprit juste avant les faits… » ¨ OUI (1pt) ¨ NON (0 pt) « Là encore, n’ayez pas peur de vous répéter… » ¨ OUI (1pt.) ¨ NON (0 pt.)
« Repensez à votre état physique juste avant les faits … » ¨ OUI (1pt) ¨ NON (0 pt)
« Repensez aux émotions suscitées par la scène… » ¨ OUI (1pt) ¨ NON (0 pt) LE TEMOIN EFFECTUE UN
« Prenez le temps qu’il faut pour faire ce travail » ¨ OUI (1pt) ¨ NON (0 pt) Encouragements ? ¨ OUI (1pt.) ¨ NON (0 pt.)
EME
Rythme d’élocution de l’enquêteur ¨ Lent (0pt) ¨ Moyen (-1pt) ¨ Rapide (-2 pts) 3 RECIT DES FAITS
Ralentissement du rythme d’élocution ¨ OUI (1pt) ¨ NON (0 pt)
Baisse du ton ¨ OUI (1pt) ¨ NON (0 pt)
L’enquêteur fait des pauses ¨ OUI (0pt) ¨ NON (-1 pt)
ER (F) LA DESCRIPTION DE L’AUTEUR (8 POINTS) à SEULEMENT A PARTIR DU MASTER
LE TEMOIN EFFECTUE UN 1 RECIT DES FAITS ère
Justification 1 phase (aide à mieux se souvenir) ¨ OUI (1pt.) ¨ NON (0 pt.)
Encouragements à la fin du rappel libre ¨ OUI (1pt.) ¨ NON (0 pt.)
Décrivez l’auteur en général, sa silhouette, puis en détails ¨ OUI (2pts) ¨ NON (0 pt.)
ème
Justification 2 phase (aide à mieux se souvenir) ¨ OUI (1pt.) ¨ NON (0 pt.)
(D) CHANGEMENT D’ORDRE (4 POINTS)
Commencez par le bas du visage et remontez vers le haut ¨ OUI (2pts) ¨ NON (0 pt.)
Justification (aide à mieux se souvenir) ¨ OUI (1pt.) ¨ NON (0 pt.)
L’enquêteur a procédé en deux phases ¨ OUI (0pt.) ¨ NON (-3 pts)
« De la dernière séquence de la scène à la première… » ¨ OUI (1pt.) ¨ NON (0 pt.)
Questions complémentaires (uniquement descripteurs exacts) ¨ OUI (1pt.) ¨ NON (0 pt.)
« Restituez pour chacune le maximum d’informations » ¨ OUI (1pt.) ¨ NON (0 pt.)
Encouragements ? ¨ OUI (1pt.) ¨ NON (0 pt.)
« N’ayez pas peur de vous répéter… » ¨ OUI (1pt.) ¨ NON (0 pt.)

(H) Les questions posées lors de la (I) Lors de l’entretien


(G) LA REFORMULATION DES PROPOS DU TEMOIN ET LA REDACTION DU PV phase de reformulation
(7 POINTS)
L’enquêteur a-t-il interrompu les propos du
« Je vais reformuler tout ce que vous m’avez dit… » témoin ? ¨ OUI (-3pts) ¨ NON (0 pt.)
¨ OUI (1pt.) ¨ NON (0 pt.)
L’enquêteur a-t-il une attitude d’écoute ?
« Nous allons faire ce travail ensemble… » Q. Ouvertes : ¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨
¨ OUI (2pts) ¨ NON (0 pt.) ¨ OUI (0pt.) ¨ NON (-3 pt.)
Q. Fermées : ¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨
« objectif : réduire le décalage entre l’audition et le compte-rendu… » Remarques négatives à propos de la mémoire du
Q. Dirigées : ¨ OUI (-3pts) ¨ NON (0 pt.) témoin
¨ OUI (2pts) ¨ NON (0 pt.)
« N’hésitez pas à intervenir chaque fois que nécessaire… » Q. Négatives : ¨ OUI (-1pt.)¨ NON (0 pt.) ¨ OUI (-1pt.) ¨ NON (0 pt.)
¨ OUI (1pt.) ¨ NON (0 pt.) Encouragements ? (cochez pour chaque
« Vous ne me vexerez pas… » ¨ OUI (1pt.) ¨ NON (0 pt.) Nb de questions posées : __________ encouragement) ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨
PY00505V

Entretien motivationnel
67

Reproduction et diffusion interdites sans l’autorisation de l’auteur


68
L’entretien Motivationnel

Introduction

Une première partie du cours aborde l’alliance thérapeutique, notion centrale de la


thérapie comportementale et cognitive qui s’appuie sur un rapport de collaboration. Les
principes de l’alliance thérapeutique recoupent ceux de l’approche humaniste de Carl Rogers,
dont les principes sont également repris dans la pratique de l’entretien motivationnel.
La seconde partie du cours aborde plus spécifiquement l’entretien motivationnel.
Toute prise en charge thérapeutique implique une volonté de changement de la part du patient.
Cette volonté de changement peut être absente ou s’amenuiser au cours de la thérapie et il est
alors nécessaire de faire émerger la motivation du patient.

I. L’alliance thérapeutique

L’alliance thérapeutique (ou le rapport collaboratif) est l’élément central de la 69

thérapie. Elle est indispensable au bon déroulement de la thérapie et doit être maintenue tout
au long de celle-ci. L’alliance thérapeutique est une relation de collaboration qui permet au
thérapeute et au patient de travailler ensemble à la résolution des problèmes du patient. Cette
relation est un outil de la psychothérapie. Pour Cungi (2006), l’alliance thérapeutique doit être
bonne pour que la thérapie fonctionne bien. À mesure que la thérapie progresse, l’alliance
thérapeutique devient habituellement « plus forte » et plus intense ; elle varie avec les phases
de la thérapie. La relation thérapeutique est une collaboration.
Le rapport collaboratif comporte une dimension professionnelle (avoir un statut et
des compétences) et une dimension affective. Cungi (2006) reprend l’acceptation
inconditionnelle de soi décrite par Carl Rogers et précise qu’une relation thérapeutique doit
être empathique, authentique et chaleureuse.
- L’empathie : Elle consiste à s’immerger dans le monde de l’autre pour essayer de le
comprendre de l’intérieur.
L’empathie comporte deux composantes :
o Réceptivité aux sentiments vécus par l’autre
o Capacité verbale à communiquer cette compréhension

1
- L’authenticité : Le thérapeute doit s’intéresser réellement à ce qu’exprime l’autre.
Cela lui permet d’être disponible pour lui et d’avoir une écoute compréhensive. Mais
il doit également se sentir à l’aise avec ses propres émotions, sentiments et pensées (il
devra les reconnaître et les accepter).
- La chaleur humaine : Le thérapeute doit s’attacher à instaurer une relation
chaleureuse. Comme tout être humain, le thérapeute peut se sentir irrité, contrarié, ou
agacé par un patient mais cela peut freiner la thérapie et il doit développer sa capacité
de trouver le patient sympathique.

L’alliance thérapeutique peut être considérée comme une relation empathique,


authentique, chaleureuse et professionnelle. L’échelle de la relation thérapeutique (ERT) de
Cottraux (1995) permet d’évaluer la relation thérapeutique.

Les « 4 R » (Cungi, 2006) regroupent 4 techniques d’entretien qui sont utilisées dans
les différentes étapes de la thérapie et qui permettent de favoriser l’alliance thérapeutique.
Cungi (2006, p 113) précise que « la méthode des 4R se rapproche beaucoup de l’entretien
motivationnel développé par William Miller et Stephen Rollnick dans lequel le thérapeute
accepte inconditionnellement la position du patient et s’appuie sur les résistances pour 70

établir une alliance thérapeutique » (cf plus loin).

Les « 4 R » :

1. Recontextualiser : le thérapeute pose des questions ouvertes pour aborder le vécu du


patient et le replacer dans un contexte social et personnel.

2. Reformuler : le thérapeute peut répéter ce qui a été dit, préciser des termes ou
formuler des hypothèses.

3. Résumer et clarifier ce qui a été dit. Permet de faire le point sur ce qui a été dit et de
voir si le patient et le thérapeute se comprennent.

4. Renforcer, en valorisant la personne et son discours.

Les « 4 R » peuvent être utilisés dans n’importe quel ordre. Ils permettent
généralement d’établir rapidement un bon rapport collaboratif. Lorsqu’ils sont bien employés,
le patient et le thérapeute sont centrés sur les problèmes à traiter plutôt que sur leur relation.

2
II. L’entretien motivationnel

2.1- Définition et principes de base

L’entretien motivationnel a été développé dans les années 1980 aux Etats-Unis et en
Angleterre. William Miller et Stephen Rollnick, tous deux psychologues, souhaitaient aider
les personnes souffrant de problèmes d’addiction à résoudre leur ambivalence et à s’engager
dans le changement. Cependant, ils ont constaté que la question de l’ambivalence se rencontre
dans de nombreuses situations et l’entretien motivationnel a ensuite été utilisé dans le
domaine du soin.
Miller et Rollnick (2006, p 31) définissent l’entretien motivationnel comme « une
méthode directive, centrée sur le client, pour augmenter la motivation intrinsèque au
changement par l’exploration et la résolution de l’ambivalence ».
L’entretien motivationnel représente une méthode de préparation du patient au
processus thérapeutique. Il peut s’utiliser dans toutes les situations nécessitant le changement
ou l’abandon d’un comportement habituel. L’évaluation de la motivation est primordiale, car
les thérapies ne peuvent pas amorcer des changements chez un patient si ce dernier n’est pas 71

enclin à s’investir pleinement dans la thérapie.


L’entretien motivationnel favorise la collaboration. Il est conseillé dans les addictions,
les troubles du comportement alimentaire, et les troubles obsessionnels compulsifs. Il est
possible de débuter la prise en charge par ce type d’entretien, d’y avoir recours lorsque des
questions de motivation au changement surviennent ou de l’utiliser tout au long de la prise en
charge. Ainsi, l’entretien motivationnel peut être utilisé comme une méthode à part entière ou
être associé à d’autres approches.

2.2- La notion de changement

L’ambivalence va constituer une étape dans le processus normal de changement.


Résoudre l’ambivalence peut induire le changement. L’ambivalence peut être illustrée par la
métaphore de la balance ou de la bascule de Janis et Mann (1977) : de chaque côté de la
balance, il y a les bénéfices perçus, et les coûts perçus (associés au statu quo et au
changement).

3
Le modèle du changement de Prochaska et DiClemente (1982) comprend six
étapes qui sont abordées de façon cyclique :

Rechute
Retour vers
un stade Précontem-
antérieur plation
Pas de désir
de
changement

Maintien Contemplation
Travail de Reconnaissance
problème,utilité
prévention de du changement.
la rechute Questionnement

Action Décision
Mise en acte Planification
du du
changement changement
72

Le terme de résistance renvoi au refus de la perspective de changement. Le patient


peut alors refuser de reconnaître ses problèmes et de coopérer. Il peut également interrompre
l’intervenant, argumenter ou ignorer celui-ci. Il s’agit d’un phénomène normal du
changement. Il faut en tenir compte mais ne pas « lutter contre ».

2.3- L’entretien motivationnel en pratique

2.3.1- Principes généraux

Il y a quatre principes généraux dans l’entretien motivationnel :


- Exprimer de l’empathie : style de communication empathique employé tout au long
du processus de l’entretien motivationnel.

4
- Développer la divergence : il s’agit de créer et d’amplifier une divergence entre le
comportement actuel du patient et ses valeurs de références ou ses objectifs. La
divergence peut être déclenchée par la prise de conscience des inconvénients d’un
comportement et des bénéfices apportés par le changement.

- Rouler avec la résistance : le thérapeute doit éviter d’argumenter en faveur du


changement. Il ne doit pas s’imposer directement à la résistance du patient mais doit
l’inviter à prendre en considération de nouveaux points de vue.

- Renforcer le sentiment d’efficacité personnelle : importance du crédit accordé par


l’intervenant et par la personne elle-même aux possibilités de changement.

Miller et Rollnick (2006) précisent que « ces principes résument l’esprit général et la
philosophie qui sous-tendent l’entretien motivationnel » (p 49). Ainsi, l’entretien
motivationnel est une approche qui favorise la collaboration et non la prescription ; le respect
de l’autonomie et de la liberté de choix des individus est central.

73
2.3.2- Les techniques de l’entretien motivationnel

Notons que pour Miller et Rollnick (2006), l’entretien motivationnel est avant tout une
façon d’être avec les personnes.

Les quatre premières techniques sont largement dérivées de la relation centrée sur le
patient développées par Carl Rogers, mais dans l’entretien motivationnel elles sont utilisées
avec un but spécifique : aider les gens à explorer leur ambivalence et à clarifier leur raison de
changer.

Ces méthodes sont résumées par l’acronyme OuVER (Questions Ouvertes,


Valorisation, Ecoute réflexive, Résumé). Elles visent essentiellement à encourager le discours
de la personne et à faire émerger l’ambivalence.

5
1- Poser des questions ouvertes

A la différence des questions fermées qui appellent des réponses brèves et précises, les
questions ouvertes favorisent l’exploration et permettent de faire émerger les préoccupations
du patient.

2- Valoriser la personne, l’encourager dans sa démarche

Valoriser le patient, le soutenir durant l’entretien afin de construire la relation et de renforcer


son élaboration.

3- Faire de l’écoute réflexive

Le thérapeute utilise la technique des réponses reflet pour reformuler certaines phrases du
patient. L’objectif est de renvoyer à la personne ce qu’elle dit afin de favoriser l’élaboration.
Ce n’est pas un processus passif, l’intervenant choisit ce qu’il reflète et ce qu’il ignore, ce sur
quoi il met l’accent, les termes qu’il utilise…

Les différentes variantes de la reformulation lui confèrent un aspect dynamique.

Ainsi, la reformulation peut être : un reflet simple, un reflet double ou d’ambivalence (« 74

d’un côté… alors que d’un autre côté… »), un reflet de l’émotion (le thérapeute reformule ce
qui a été dit par le patient en y attribuant une émotion), un reflet interprétatif (le thérapeute
précise les termes du patient, cette précision des termes aide les patients qui ne trouvent plus
leur mot/qui ont du mal à verbaliser leur ressenti), un reflet interrogatif ou un reflet
amplifié (le thérapeute exagère ce qui a été dit par le patient).

4- Constituer un résumé de ce que le patient apporte

Les phrases de résumé peuvent servir à lier et à renforcer des éléments de ce qui a été dit.
Elles témoignent de l’écoute attentive de l’intervenant, préparent le patient à plus
d’élaboration et lui permettent d’entendre à nouveau son « discours-changement ».

5- La cinquième méthode est plus directive et spécifique de l’entretien


motivationnel : Susciter le discours-changement.

L’objectif est ici de résoudre l’ambivalence en suscitant un discours-changement, soit un


discours d’automotivation.

6
D’après Miller et Rollnick (2006), le discours-changement peut s’appuyer sur :

- Les inconvénients du statu quo : les affirmations feront état d’une inquiétude et d’un
mécontentement de la situation actuelle.
- Les avantages du changement : cette forme du discours-changement implique la
reconnaissance des avantages potentiels d’un changement.
- L’optimisme vis à vis du changement : ce type de discours favorise le changement en
exprimant la confiance et l’espoir à propos de sa capacité au changement.
- L’intention de changer : le discours va exprimer une intention, une volonté de changer.

Lorsque le patient a le désir et la capacité de changer, il faut pouvoir reconnaître sa


disposition au changement et renforcer son engagement au changement. Il sera alors
possible d’élaborer un plan de changement (fixer des objectifs, tenir compte des différentes
méthodes possibles, construire un plan et obtenir l’approbation du patient).

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changement. Paris : InterEditions-Dunod.

7
GRILLE POUR L’ALLIANCE THERAPEUTIQUE – ENTRETIEN MOTIVATIONNEL

Renforcer l’alliance thérapeutique…

Le thérapeute s’est-il montré (0= pas du tout- 9= tout à fait) : satisfaisant ou non ?

Empathique ? 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 ☺

Authentique ? 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 ☺

Chaleureux ? 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 ☺

Techniques d’entretien des « 4 R » : OUI NON Nombre de fois

Recontextualiser O O 1 2 3 4 5 ☺

Reformuler O O 1 2 3 4 5 ☺

Résumer O O 1 2 3 4 5 ☺

Renforcer O O 1 2 3 4 5 ☺

Globalement comment était l’alliance thérapeutique ? ☺

Augmenter la motivation au changement…


A quelle étape du changement se trouve le patient ? Pourquoi ?

Les 4 principes de l’entretien motivationnel : OUI NON Nombre de fois satisfaisant ou non ?

Exprimer de l’empathie O O 1 2 3 4 5 ☺

Développer la divergence O O 1 2 3 4 5 ☺

Rouler avec la résistance O O 1 2 3 4 5 ☺

Renforcer le sentiment d’efficacité personnelle O O 1 2 3 4 5 ☺

Les techniques de l’entretien motivationnel (nombre de fois où la technique est utilisée):

1-Poser des questions ouvertes : ☺

Questions ouvertes ☺ 0 1 2 3 4 5 6 7 8

Questions fermées 0 1 2 3 4 5 6 7 8

2-Valoriser la personne, l’encourager dans sa démarche : 0 1 2 3 4 ☺

3-Faire de l’écoute réflexive : ☺

Reflet simple 0 1 2 3 4 5

Reflet double/d’ambivalence 0 1 2 3 4 5

Reflet de l’émotion 0 1 2 3 4 5

Reflet interprétatif 0 1 2 3 4 5

Reflet interrogatif 0 1 2 3 4 5

Reflet amplifié 0 1 2 3 4 5

4-Constituer un résumé: 0 1 2 3 4 5 ☺

5-Susciter le discours-changement : 0 1 2 3 4 5 ☺

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