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Le Contrat: Lire Une

Nouvelle Littéraire
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LE TEXTE Évaluation en lecture 1

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NARRATIF
Lire une nouvelle littéraire Cahier, p. 11 à 56

/75

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de ses actes. Fais ensuite les activités proposées.

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Lis le récit qui suit à propos d’un planchiste qui n’a peut-être pas mesuré toutes les conséquences

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Le contrat


Félix fixa son regard sur la pente vertigineuse qui s’ouvrait devant lui. Il ne put
s’empêcher d’éprouver un bref moment d’angoisse. C’était normal. La peur du
danger était inscrite dans son ADN. L’instinct de survie ne disparaissait pas comme
ça, du jour au lendemain parce que vous aviez signé un pacte d’éternité.

Courriel
Il solidifia son assise sur sa planche à neige et vérifia que son casque
5

était bien en place.

Son rêve prenait enfin forme. Non seulement il allait participer
à la finale nationale de planche à neige acrobatique, mais il était

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10
assuré de battre le record mondial. Quintuple flip. Du jamais-vu.
Et c’est lui qui allait le faire ! C’était noté, noir sur blanc, sur son
contrat avec la Voix.
Qu’est-ce qu’ils allaient en baver de jalousie à l’école de ski de
Saint-Simon. Personne n’avait voulu croire en lui, dans ce centre pourri.
L’entraîneur, cet enfoiré de monsieur Jackson, avait même dissuadé ses parents de lui
15 payer l’équipement professionnel dont il avait besoin pour améliorer ses performances.
« Il a un petit talent, c’est sûr, mais il n’a pas ce qu’il faut pour devenir un champion,
avait glissé monsieur Jackson à son père dans le stationnement du centre de ski,
alors qu’il croyait que Félix ne les entendait pas. Si j’étais vous, je n’investirais pas
là-dedans. Comme amateur, il a de quoi s’amuser. Comme professionnel, il n’est
Ce contenu est-il inapproprié ?
20 pas de taille. Sa technique n’est pas au point. Il ne travaille pas assez. Tout ce
qu’il veut, c’est être sur le podium. Ce n’est pas suffisant pour faire un athlète. »
Félix allait lui montrer quel athlète il avait laissé passer.
Tout en bas, au pied de la pente, Félix voyait les spectateurs s’agglutiner derrière
la clôture. Ses parents y étaient. Devant la famille et les voisins, ils faisaient
Signaler 25 semblant de l’encourager. C’était pure hypocrisie puisqu’ils étaient convaincus
qu’il n’avait aucune chance de se qualifier. Qu’est-ce qu’ils allaient en prendre
pour leur rhume quand leur fils s’arrêterait au fil d’arrivée, dans une giclée de neige
éblouissante, pendant que la foule l’ovationnerait. Ils éprouveraient probablement
du remords pour toutes les fois où ils avaient refusé de l’aider. Les commentaires
30 sarcastiques qu’ils s’apprêtaient à cracher dans son dos leur resteraient en travers

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4e secondaire – Le texte narratif dans les classes où le cahier MAG 4 est utilisé.
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de la gorge. C’était bien fait pour eux. Avoir un fils champion était un trop beau
cadeau pour des géniteurs qui en avaient fait si peu pour leur rejeton. Ce n’était
que justice qu’ils se sentent mal. De toute façon, c’était décidé : quand Félix aurait
gagné la coupe, il quitterait la maison. Avec le fric qu’il récolterait, il aurait les
35 moyens de voyager à travers le monde. Il n’aurait plus à endurer leurs sempiternelles
érémiades1 sur ses mauvais résultats scolaires, ses fréquentations douteuses
et la façon dont il occupait ses temps libres.
Le garçon prit appui sur la rampe du module de départ. Le ciel se dégageait
lentement. Bientôt, le soleil allait se montrer le bout du nez. Félix sourit. C’était
40 un présage, il le sentait. Bientôt les nuages de son passé de raté seraient derrière
lui. Le soleil allait briller chaque jour sur son avenir de gagnant.
En attendant que le jury s’installe, Félix savoura les quelques minutes qui lui
restaient de sa vie de planchiste inconnu. Maintenant qu’il savait que ce terne
épisode de son existence allait bientôt prendre fin, il ressentait moins d’amertume.
45 Peut-être regretterait-il plus tard la tranquillité de l’anonymat ? Et si ce n’était pas
si exaltant d’être un athlète reconnu ?
Le temps de cligner des yeux, ses doutes avaient disparu. Félix ricana. Comment
serait-ce possible qu’un avenir comme celui-là soit ennuyant ? Des filles, de l’argent,
des voyages, le tout en faisant de la planche à neige à cœur de jour, et ce, pour
50 l’éternité ! Si ce n’était pas ça, le paradis, qu’est-ce que ça pouvait bien être ?
Félix jeta un coup d’œil sur l’estrade du jury. Le dernier juge venait de prendre
place. Le cœur du garçon se mit à battre plus vite. L’heure était venue. Ça allait
être son tour. Il inspira profondément. « Du calme, se répéta-t-il. Du calme. Tout
est prévu au contrat. Quintuple flip réussi. Du jamais-vu dans l’histoire de ce sport.
55 La Voix l’a promis. Le pacte a été signé. Signé de ton sang. »
Bien sûr, la première fois qu’il a entendu la Voix, Félix a cru qu’il devenait fou. C’était
un soir de janvier de l’année précédente. Il rentrait à pied du centre commercial où
il était allé voir les nouveaux arrivages de planches dans un magasin d’articles de
sport. Ses parents avaient refusé de l’accompagner en voiture. « Tu as déjà tout
60 ce qu’il te faut, Félix, avait dit son père, en échangeant un regard entendu avec
sa mère. Je ne vais pas sortir la voiture par un temps pareil pour tes caprices. »
Un temps pareil ! Alors qu’il ne tombait que quelques flocons qui se couraient
les uns après les autres pour donner l’impression qu’il neigeait. Autant de
mauvaise foi avait foutu Félix en rogne. Ce regard complice entre ses parents.
65 L’idée qu’ils se faisaient de lui. Un minable. Un raté. Avant qu’il ait eu le temps
d’essayer quoi que ce soit. Tant pis, il allait se débrouiller sans eux.
Au magasin, les nouvelles planches étaient hallucinantes. Mais évidemment,
hors de prix. Jamais Félix ne trouverait l’argent nécessaire pour s’en
procurer une.

1. Sempiternelles jérémiades : plaintes continuelles.

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70 « Tu la veux ? », avait soufflé la Voix dans son dos, alors qu’il rentrait chez lui.
Félix s’était retourné. Mais il n’y avait personne dans la rue.
« Ce n’est pas la peine de me chercher, tu ne me trouveras jamais, avait continué
la Voix. Je suis là, c’est tout. »
Félix allait se mettre à courir quand la Voix avait crié : « Attends ! »
75 Le garçon s’était immédiatement immobilisé malgré la terreur qui l’habitait.
La Voix dégageait une telle autorité qu’il semblait inconcevable de lui désobéir.
« Je peux t’aider à obtenir ce que tu veux. Tout ce que tu veux. Mais je te préviens,
il y aura des conditions à respecter. Et un prix à payer. »
Félix avait hésité, mais son envie de montrer à la face du monde qu’il n’était pas
80 le perdant qu’on imaginait lui fit oublier ses doutes et ses craintes. Il accepta donc
les conditions de la Voix, qui étaient assez simples, somme toute. Il n’avait qu’à
mettre son corps à la disposition de la force inconnue en échange de ses services.
En gros, ça consistait à se rendre dans le demi-sous-sol d’un sinistre immeuble
à appartements, où il s’allongeait dans une espèce de caisson. La durée de
85 l’« emprunt » du corps variait en fonction de la difficulté du souhait à exaucer.
Pour obtenir la nouvelle planche à neige, il ne fallut que deux heures de caisson.
Pour gagner le premier championnat local, il dut s’allonger plus de six heures.
À chacune des occasions, il y avait un contrat à signer. Félix n’avait aucune
idée de ce qu’il advenait de son corps pendant ses moments d’inconscience.
90 Restait-il dans la caisse ou partait-il couper des vieilles dames en tranches ?
Au fond, il s’en foutait. Le contrat lui garantissait qu’il ne courait aucun danger,
ni physique ni moral. Et c’était tout ce qui lui importait.
Leur entente durait depuis plus d’un an et la Voix avait toujours respecté les contrats
à la lettre. Il n’y avait pas de raison qu’il en soit autrement aujourd’hui. Surtout qu’il
95 avait largement payé son dû. Pour s’assurer de gagner la compétition nationale,
Félix avait dû séjourner toute une semaine, nuit et jour, dans le caisson. Il avait
choisi le moment de la relâche scolaire et avait fait croire à ses
parents qu’il allait passer la semaine au chalet d’un ami.
Quand il était sorti de la caisse, Félix avait une marque
100 en forme de huit allongé gravée sur le bras droit. La Voix
l’avait aussitôt rassuré. Il n’avait pas à s’inquiéter. C’était
le sceau des immortels. Dorénavant, Félix n’aurait plus à
craindre pour sa vie. Il ne courait plus le risque de mourir, quoi qu’il fasse,
c’était garanti. Ça venait en bonus avec la semaine complète de caisson.
105 « Bien sûr, tu peux y renoncer, avait dit la Voix. Sur simple demande. »
Mais le garçon n’avait aucune envie de révoquer2 la clause d’immortalité
de son entente. C’était trop génial !

2. Révoquer : annuler.

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Félix regarda de nouveau la pente devant lui. Quoi qu’il arriverait, il ne mourrait pas.
Il le savait. Le contrat stipulait même qu’il ne pouvait rien lui arriver de grave.
110 C’était fou comme ça pouvait donner de l’assurance.
Dans l’estrade, le jury était prêt. Le grand moment était arrivé. Le signal du départ
fut donné. Félix s’élança et l’adrénaline envahit la moindre de ses veines. Le garçon
eut l’impression que son corps explosait pour ne devenir qu’une immense sensation.
Le temps se détendit, s’écoulant comme au ralenti. Félix vit la neige glisser sous
115 ses yeux à une vitesse vertigineuse, mais il maîtrisait chacun de ses mouvements
au dixième de seconde près. Poids. Contrepoids. Glisse. Module de lancement.
Contrôle de l’élan. Décollage. Sa planche s’éleva dans le ciel. Ses jambes passèrent
au-dessus de sa tête. Disparurent. Le sol reprit sa place pour repartir aussitôt dans
un tourbillon. Ses fixations dessinèrent un arc de cercle au-dessus de la montagne
120 voisine. Le bonheur. C’était ça, le bonheur. Le troisième
flip s’effectua sans que sa vitesse diminue. Pendant un
moment, Félix se demanda même s’il ne parviendrait pas
à en enchaîner un sixième. Quatrième réussi ! La foule
criait déjà. Qu’est-ce que ce serait lorsqu’il atterrirait ! ?
125 Cinq ! C’était le délire dans l’assistance. Les gens
sautaient sur place en hurlant des encouragements.
Ils en voulaient un sixième ? La pente se rapprochait
dangereusement. Peut-être que Félix devait se contenter
des cinq prévus à l’entente ? Peut-être pas. Oui ? Non ?
130 Le moment d’indécision fut fatal. La planche heurta brutalement la surface glacée.
Tout allait trop vite. Le garçon n’eut pas le temps de se rétablir. Il dérapa vers la
clôture derrière laquelle s’entassaient les spectateurs. Félix tenta de freiner, mais
il ne contrôlait plus rien. Il perdit l’équilibre, bascula. La foule hurla. Le garçon eut
même l’impression d’entendre sa mère crier son nom. Il eut le temps de se dire
135 qu’il n’y avait pas de problème. Il ne mourrait pas. C’était garanti. La Voix l’avait
promis. Elle l’avait promis.
Quand Félix rouvrit les yeux, tout était blanc autour de lui. Le garçon fut rassuré.
C’était de la neige. Son élément. Il devait être enfoui sous la neige. Mais le doute
s’insinua rapidement. Pourquoi ne ressentait-il pas le froid sur sa peau ? Il tenta
140 de bouger la tête, mais rien ne se passa. Tout était blanc, d’un blanc cotonneux.
Rien à voir avec le blanc étincelant de la neige. Il tenta de remuer les jambes.
De soulever sa main. Toujours rien. Rien du tout.
— Tu changes ses pansements ou je le fais ? demanda une voix qu’il ne
reconnut pas.
145 — Je m’en occuperai tout à l’heure.
— Tu crois qu’il nous entend ?
— Pas sûre. En tout cas, il est pratiquement aveugle. Le nerf optique a été abîmé.
— Comme si ce n’était pas assez d’être complètement paralysé, pauvre petit.

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