Justice - Cours Philosophie Terminal
Justice - Cours Philosophie Terminal
Justice - Cours Philosophie Terminal
La justice est souvent représentée sous les traits d’une femme tenant une balance et ayant parfois
les yeux bandés. La justice est donc censée être affaire d’équilibre, de mesure et d’impartialité. Mais
ce terme recouvre en fait trois aspects différents :
la justice comme idéal : c’est ce qu’on cherche à définir lorsque l’on s’interroge sur ce qui est juste ou
injuste. On va alors se demander si le juste et l’injuste peuvent être définis universellement : est-ce
qu’il y a un idéal commun de justice pour tous les êtres humains, malgré les lois différentes selon les
États et les cultures ? ;
la justice comme norme : le juste comme idéal est ensuite censé s’incarner dans ce qu’on appelle les
lois positives, c’est-à-dire le droit. La justice devient alors une norme, le droit, auquel on doit pouvoir
se référer en cas de litiges entre particuliers (droit privé) ou en cas d’infractions manifestes envers la
norme sociale et juridique en vigueur (droit public) ;
la justice comme institution : ce qu’on appelle parfois la Justice (avec un J majuscule) est le pouvoir
chargé de faire respecter les lois et de juger selon elles les litiges et les infractions commises.
« Plaisante justice qu’une rivière borne ! Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà » : par cette
phrase, Blaise Pascal (1623-1662) résume bien, dans les Pensées, la difficulté à définir le juste.
Comme idéal, nous voudrions que la justice, comme la vérité, soit universelle. Mais nous sommes
forcés de constater que ce qui est considéré comme juste dans un pays ne l’est pas nécessairement
dans un autre : le juste s’incarne différemment dans les normes et les lois de chaque État et de
chaque peuple.
Dans l’Éthique à Nicomaque, Aristote (384 av. J.-C.-322 av. J.-C.) propose de définir le juste par l’égal :
agir avec justice, ce serait traiter chacun avec égalité (incarnée par la balance de la justice) sur le
modèle de la justesse en mathématique. Mais on peut avoir deux conceptions différentes de ce que
cela veut dire.
Dans une première conception, on prend pour modèle l’égalité arithmétique. On parle alors de «
justice commutative » : à chacun la même chose. La justice commutative préside aux échanges (un
bien doit être égal au bien avec lequel on l’échange pour que l’échange soit considéré comme juste),
mais aussi, dans les sociétés démocratiques, à ce qu’on appelle l’isonomie (l’égalité des citoyens
devant la loi.) Pourtant, est-il juste de donner la même chose à tous ? À celui qui en a besoin comme
à celui qui n’en a pas besoin ? En effet, si les citoyens sont égaux devant la loi, ils ne sont pourtant
pas identiques, mais différents (l’égalité de droit n’est pas une égalité de fait).
Définitions
Identité/égalité/différence
L’identité est le caractère de ce qui est semblable à soi. Sont identiques deux choses parfaitement
semblables.
L’égalité est le caractère de ce qui est de même valeur, sans être pour autant nécessairement
identique.
Dans une seconde conception, on prend pour modèle l’égalité géométrique ou proportionnelle. On
parle alors de « justice distributive » : à chacun ce qui convient. Le problème est alors de savoir ce
que « ce qui convient » veut dire : doit-on donner à chacun selon son mérite ou selon ses besoins ?
Est-il juste de traiter de manière inégale des êtres censés être égaux, ou doit-on traiter de manière
égale des gens pourtant inégaux ?
Cette distinction entre justice commutative et justice distributive recoupe celle entre l’égalité et
l’équité. On peut définir l’équité comme l’égalité avec une juste dose d’inégalité. Traiter deux
personnes de manière équitable, c’est les traiter de façon inégale, mais au nom de l’égalité.
Exemple
Pour comprendre la différence entre l’égalité et l’équité, nous pouvons prendre l’exemple du partage
d’un plat. Partager ce plat selon la stricte égalité, c’est donner à chacun une part exactement
identique. Le partager de manière équitable, c’est attribuer à chacun une part selon sa faim et ses
besoins.
De nombreuses lois sont aujourd’hui en vigueur selon un principe d’équité, plutôt que de stricte
égalité. Par exemple, c’est sur le principe d’équité que se fonde l’octroi du congé maternité : si père
et mère sont égaux, ils ne sont pas exactement identiques face à la grossesse et à l’accouchement.
Le principe d’équité peut même amener un État à corriger les inégalités selon le principe de la justice
non plus simplement distributive, mais redistributive. Ainsi, John Rawls (1921-2002) dans Théorie de
la justice, considère que le principe d’égalité des droits n’a plus aucun sens lorsqu’une société est si
inégalitaire que les plus défavorisés ont des droits fondamentaux garantis par la loi, mais qui ne sont
pas effectifs en réalité.
Pour fonder une société sur le principe de justice, Rawls propose une expérience de pensée : chacun
des contractants (des signataires) du nouveau contrat social est placé sous un « voile d’ignorance »,
c’est-à-dire qu’il ignore ce que sera sa position sociale future dans la société. Rawls explique que,
sous cette condition, un consensus pourrait être trouvé sur ce que serait une société juste, selon les
deux principes suivants :
Focus
1. Le principe de liberté : on doit garantir un accès égal au plus grand nombre de libertés de base
(liberté d’expression, droit de vote et d’éligibilité, etc.).
le principe d’égalité des chances est respecté (tout le monde peut accéder en principe à toutes les
positions) ;
Rawls considère donc qu’une société juste doit donner plus à ceux qui ont moins, et corriger les
inégalités de naissance et de condition pour assurer l’égalité des chances.