La pascaline fut la seule machine à calculer opérationnelle au XVII e siècle car elle utilisait des pignons lanternes, empruntés aux machines de force (moulins à eau, horloges de clocher) que Pascal avait adaptés et miniaturisés pour sa machine.
La pascaline fut la seule machine à calculer opérationnelle au XVII e siècle car elle utilisait des pignons lanternes, empruntés aux machines de force (moulins à eau, horloges de clocher) que Pascal avait adaptés et miniaturisés pour sa machine.
La pascaline fut la seule machine à calculer opérationnelle au XVII e siècle car elle utilisait des pignons lanternes, empruntés aux machines de force (moulins à eau, horloges de clocher) que Pascal avait adaptés et miniaturisés pour sa machine.
La pascaline fut la seule machine à calculer opérationnelle au XVII e siècle car elle utilisait des pignons lanternes, empruntés aux machines de force (moulins à eau, horloges de clocher) que Pascal avait adaptés et miniaturisés pour sa machine.
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HISTOIRE DES SCIENCES
Blaise Pascal,
orfevre du calcul
En 1642, Blaise Pascal concoit une machine arithmétique capable
de réaliser les additions et soustractions de nombres trés grands.
Mais au-dela de cet exploit technique, le génie du mathématicien
est a rechercher ailleurs, dans ses explorations de domaines encore
vierges comme les probabilités ou le calcul infinitésimal.
etattentifal'éducation deses enfants; parail-
Jeurs riche receveur des finances pourlerai.
Blaise Pascal fait preuve d'une intelligence i vive
quilaétéaccueilli, tréstot, danslecercle savantet
philosophique animé parle pre Marin Mersenne
quitient séance chaque mereredi, au couventdes
‘Minimes, & Paris. Les plus remarquables savants
de France et d'Europe fréquentent cette acadé-
‘ie, Ony rencontre Etienne Pascal le pére, Rober-
val, Christiaan Huygens, Thomas Hobbes, Pierre
Gassendi, Girard Desargues, Jean de Beaugrand,
etc, Peut-étre est-ce Marin Mersenne quiluisug-
gbre de s'intéresser a la possibilité de réaliser
automatiquementles opérationsarithmétiques.
Isavait, par les antennes dontil disposait dans
toutela « République savante » européenne, que
cette perspective était ouverte. Johannes Kepler
aura pu lui faire connaitre la réalisation presque
aboutied'une telle machine par!'astronomeWil-
helm Schickard en 1624,
En 1642 donc, Blaise Pascal concoit une machine
arithmeétique capable de réaliser les additions
et soustractions de nombres trés grands, dans
des bases numériques décimales pour la ver-
sion « scientifique », mais aussi en base sixou
g en base 12, ou 20, selon les usages auxquels elle
5 est destinée. On pourra aussi multiplier et divi-
ae 19ans,un pére trés cultivé
Par Vincent Julllen
Professeur émérite
histoire et de
philosophie
des sciences a Nantes
Université, Vincent
Julien est membre cu
Centre Atlantique de
philosophie (Caphi).
ser par additions ou retraits successifs. La par-
tie théorique, abstrate, intellectuelle de Iaffaire
est rapidement accomplie: «/'ai employéa cette
recherche, écrt-l, toute la connaissance de mes
premieres études dans les mathématiques. Les
lumieres de la géomérrie, de la physique et de la
‘mécanique m’en fournirentledessein. » Le plus dur
—etde loin —restaita faire: réaliser concréte-
‘ment ce qu'ilavaitcongu et confié au papier. avec
des plans trés précis. Ceci prendra deux années
pleines.Ilfallut trouver «un ouvrier qui possédat
parfaitement la pratiquedu tour, dela limeetdu
‘marteau»,et encore, il sy reprit deux, trois, dix,
50 fois, estimant tous ces prototypes défectueux
ou mal commodes, ou pas aussi solides qu’on
Vexigeait. Enfin, la Pascaline, absolument satis-
faisante, voyaitlejour en 1645, Elle est dédige au
chancelier Pierre Séguier qui I'a puissamment
encouragé et soutenu. Blaise Pascal peuts'auto-
riser del'approbation de « quelques-uns des prin-
cipauexen cette véritable science (mathématique] »,
notamment desonamiettrés grand mathémati-
Gilles Personne de Roberval. Lagloire arrive,
la reconnaissance est grande et générale.
Aucceur desa réalisation, outre la quasi-perfec-
tion artisanale des trés nombreuses pieces, vis,
‘engrenages, moyeux, axes, tambours, autant de
merveilles d’ajustement, de libre mouvement
‘96 - Sciences et Avenir- Julle'/A0dt 2026 - N° 929/9305
?
pour ainsidire sans frottements, s'imposelaréso-
lution mécanique du probleme stratégique des
retenues: sil'on ajoute un nombre quelconque
89999 par exemple, il faudra un premier méca-
nisme des unités quiajoute un seul déplacement
au deuxiéme mécanisme, celui des dizaines, puis
en conséquence, en ajoute un & celui des cen-
taines, etc. Et tout ceci indépendamment des
additions propres de chaque genre. Telle est la
fonction des fameux cliquets & ressort appelés
sautoirs que Blaise Pascal a pensés, inventés et
forgés ou fait forger. Onnesaurait, ici, décrireces
complexes enchainements mécaniques. Alors,
inévitablementla Pascaline est chére, us chére.
(Quelques privilégiés en recevront ou en ache-
teront. Mais au total, ils‘en construira et on en
vendra 20 entre 1645 et 1655. Blaise Pascal sera
passé a autre chose,
Detoutceci, on pourrait conclure au génie quifait
avancerlessciences, qui approfonditlesconnais-
LaPascaline, machine
a celeuler présentée par
lesavant en1645,
facilite les opérations
addition et de
soustraction, en
calculant les retenues
‘automatiquement.
Un an avant de s’occuper de sa machine
acalculer, tout jeune qu'il était, il rédigeait
des résultats renversants de nouveauté et
de profondeur sur les courbes coniques
sarices que nous avons des phénomenes. On se
‘tromperaitjecrois, etc'est pourquoiil me semble
que l'on est au coeur de ce qui faisait la nature
et la conviction de Blaise Pascal: ce qu’est /hu-
main, ce quill peut faire est immense, énormeet
pourtantcen'estrien ou sipeu de choses. Nous,
roseau pensant, sommes au point d’équilibre
entre deux infinis, le grand et le petit, capables
de penser et susceptibles d’étre balayes pat le
moindre souffle d’air. Telle aussi estsa machine,
elleadditionne vite mais n'éclaire en rien les mys-
teres infinis des nombres.
Ilrenouvelle nos connaissances sur
les lois de la nature
Onvient de voir qu'elle constituait un événement
de grande importance, un exploit théorique et
pratique. Alors comment expliquer qu'elle n’oc-
cupe presque aucune place dans les livres qui
nous transmettent ce que pensa, ce que ft Blaise
Pascal? Voyons l'édition des Euvres completes
par Louis Lafuma, au Seuil: la Pascaline occupe
sept pages sur 640 pages et 24 pages sur environ
4000 dans la grande édition de Jean Mesnard,
comptenon tenu des Penséesni des Provinciales.
Laraisondececiest que cet ouvrage-Lan'a pas fait
avancer es sciences mathématiques d'un pouce,
nila physique. Ce n'est pas que Blaise Pascal en,
'N? 926/930 - Jullet/Aodt 2024 - Sciences et Avenir - 97Histoire des sciences
> eut été incapable ou que son génie ne sten méla
point, Au contraire, un an avant de s'occuper de
ladite machine, tout jeune quil était, lrédigeaitet
publiait des résultats renversants denouveautéet
de profondeursurles courbes coniques, dontles
mathématiciens explorentles propriétés depuis
TAntiquité. Quelques années apres avoir fermé
le dossier de la Pascaline, il rédigeait et publiait
une série d'opuscules décisifs sur ce que l'on
appelait alors les indivisibles, des concepts et
méthodes qui allaient transformer les mathé-
‘matiques puisqu'ils ouvraient & cette science la
‘maitrise du calcul infinitésimal
Aquelque temps dela, Blaise exploraitun domaine
presque vierge en ces sciences, celui des proba-
bilités, qu'il nommait «le calcul des partis». Par
ces voies qu'il ouvrait, alors oui, il transformait
Tes mathématiques, ce qu'llne faisaitpasen per-
‘mettant un publicignoranten cette science de
faire plus rapidement des additions. Les secrets
des opérations arithmétiques étaient connus
depuis des sigcles, méme si leur emploi pouvait
étre fastidieux. Et ce jugement vaut aussi pour
Blaise Pascal physicien. I n'y rien de nouveau
dans la Pascaline, touchant aux lois dela méca-
THEORIE
Portrait présumé
{de Blaise Pascal
0625-1662),
vers 1650.
L’induction complete,
perle de l’arithmétique
Blalse Pascal réalise des percées
du cété de la pensée automatique,
bien plus fondamentales que son
« additionneuse » de 1645,
notamment le Taité du triangle
arithmétique et les textes
‘connexes, Il s‘agit d'une figure
ja ancienne, mais laquelle
ilva donner une extension
exceptionnelle: horizontalement,
tune ligne de 1, verticalement, une
ligne de Le triangle se remplit &
Vintini selon une rege toute
simple: on remplit une case (une
cellule) en additionnant celle du
dessus et celle de gauche. La
récolte des résultats faite par
Blaise Pascal est d'une valeur
inestimable: « J'afen ma
possession bien des résultats
‘encore, mals devant une telle
abondance, je suls bien obligé de
‘me limiter. » Ce triangle lui permet
de découvrir la somme des carrés,
de prévoir la valeur une cellule
quelconque, etc. Et surtout, i
‘table principe fondamental de
Varlthmétique infinie, le « principe
de récurrence » ou encore
cinduction complete»,
Duppoint de vue de la théorie
arithmétique, cela va bien au-dela
de ce que fat a Pascaline.
Ce principe valide par une voie
logique et démonstrative
cea quoi prétend Vntaligence
artiticielle de maniére empirique:
8 partir d'un grand nombre de
données, généraliser une
propriété, une corrélation,
mesurée ou observée, pour en
faire une lol générale.
nique, de la gravité ou du magnétisme; de ce
pointde wue, lamerveilleuse machinene compte
pas. Al'inverse, lorsque Blaise Pascal réalise des
expériences et rédige des traités sur le vide, qui
vont puissamment contribuer au triomphe de
la théorie de la pesanteur deI'atmosphere, qui
vont valider, voire inventer les lois qui régissent
Japression danslesliquides, alors oui, il era bou-
{ gerles lignes et renouvellera ce que on connait
des lofs dela nature.
Les additionneurs actuels suivent le
méme processus mental que la Pascaline
(Onne sauraits'en teniraces observationsetcest
un fragment des Pensées qui nous y invite.
cequ’on peutylire: «La machined'arithmeétique
faitdes effets quiapprochent plusde lapenséeque
toutce que ontlesanimaux; maisellenefaitrien
qui puisse faire direqu'elleade tavvotonté comme
les animaux.» Si par pensée, nous voulons bien
entendre une notion proche deV'intelligence, alors,
nous lisons que pour Pascal, sa machine releve
de intelligence artificiele et se montre proche
dela nature humaine, plus procheen tous es cas
que tous les animaux, quoiqu’elles'oigne tout
a fait de cette humanité par une absence totale
devolonté, critére slonlequel des animauxnous
sont plus proches.
Dans un sens; la suite justifiecetteinterprétation,
Car aussi élémentaires qu alent ét6les problemes
que la Pascaline traitait, a savoir addition et la
soustraction arithmétiques, ellearéellement ins-
piréles machines quisuivront: celle deGuuiried
Wilhelm Leibniz en 1671, de Giovanni Poleni en
1709, deThomas de Colmar en 1820, de Charles
Babbage en 1834 et de Curt Herzstark, inventée
dans le camp de concentration de Buchenwald
en 1944;]es multiplicationset divisions y étaient
intégrées, Sans doute, le passage l'électronique
a-tiltransforméles concepts, les méthodesetles
matériaux. Mais, comme écrit fortbien (en.2009)
Jemathématicien Daniel Teman, « c'est toujours
suivantleméme processus mental quese réalisent
lesadditions dans les machines dcalculeret ordi-
nateursde nos jours: ainsi, uncomposant de type
full-adder 8 bits (un additionneur complet), pour
‘ajouter deux nombres binairesd'un octet chacun,
0g, luiaussi, additionner, en uttlisantles tablesde
veéritélogiques de ses transistors, les bits success,
de droite vers la gauche, en posant lerésultat de
chaque addition élémentaire een faisant larete-
nue deOoude1».
‘98 Sciences et Avenir Jullot/Aodt 2024 - N* 929/880