Resume Un Certain Juif Jesus de Meier
Resume Un Certain Juif Jesus de Meier
Resume Un Certain Juif Jesus de Meier
Meier
Un certain
juif
Jésus
Les données de l’histoire
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Notes de Jean-Louis Angué sur les 3.804 pages des cinq tomes de l’œuvre de John P. Meier
«Un certain Juif Jésus. Les données de l’histoire» (Cerf 2005-2018). Imprimé en juillet 2020.
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Introduction
Ce livre sur la question du Jésus historique se veut une recherche raisonnée en vue
d’atteindre, autant qu’il est possible, la vérité sur «ce que nous savons» de Jésus ( «ce que
nous croyons»), donc sans le recours à la foi, bien qu’écrit par un catholique.
Jésus a été un «marginal» :
* il a été insignifiant pour l’histoire nationale et mondiale ;
* son exécution en a fait un exclu du monde juif et du monde romain ;
* il s’est marginalisé lui-même, quittant son métier et son village, pour se faire prédicateur
itinérant ;
* certains de ses enseignements ou pratiques (divorce, jeûne, célibat) sont personnels,
proclamés avec autorité ;
* sa vie et son enseignement étaient perçus comme insultants pour beaucoup ;
* ce laïc pauvre, galiléen, révolutionnaire, ne pouvait être que contesté et exclu par les prêtres,
riches et de Jérusalem.
Ce livre se compose de deux registres (texte de base = 262 pages et notes techniques = 200
pages) et comprendra quatre parties :
* définitions, méthodes et sources (livre I) ;
* naissance, croissance, milieu culturel (livre I) ;
* ministère public décrit selon les principales actions : proclamation du Royaume de Dieu
(RD), partage des repas avec les pécheurs, miracles, rapport à la Loi, paraboles… (livres II,
III, IV et V) ;
* crucifixion et ensevelissement (mais pas la résurrection qui est de l’ordre de la foi), avec un
épilogue sous forme de réflexion historico-théologique (livre VI ?).
(En fait les éditions du Cerf ont publié le cinquième et dernier tome sur les paraboles en 2018,
et il reste encore deux tomes à paraître, sur les titres de Jésus et sur sa mort. Mai 2020…).
- Josèphe et Tacite sont les seuls témoins indépendants du début de l’ère chrétienne sur
l’existence, le ministère, la mort et l’influence ultérieure de Jésus. Les autres, Suétone (69 ?-
122 ?), Pline le Jeune (61 ?-112 ?) et Lucien de Samosate (115-200) ne rapportent que des
informations sur les premiers chrétiens.
- Les autres sources juives (Qumrân, Mishna, Talmud…) ne contiennent aucune information
sur Jésus de Nazareth; d'ailleurs elles datent du deuxième siècle.
V. Les sources : agrapha et évangiles apocryphes
- Les paroles et actes non écrits (agrapha) ont été mis par écrit par la suite, mais on ne les
retrouve dans aucun des évangiles canoniques. Ce sont des légendes… même les dix-huit
textes possibles que Jeremias essaie de sauver.
- De même les évangiles «apocryphes» sont un vrai fourre-tout, dont on ne peut pas tirer
grand-chose. D’ailleurs beaucoup ne sont pas des évangiles, c’est-à-dire des œuvres dont le
contenu, la forme et la fonction visent Jésus et son œuvre de salut.
- Il en va de même des matériaux de Nag Hammadi, postérieurs aux évangiles, en particulier
l’Évangile de Thomas, gnostique.
VI. Les critères : comment déterminer ce qui vient de Jésus ?
Les évangiles ont été imprégnés de la foi pascale de l’Église primitive et ont été écrits entre
40 et 70 ans après les événements qu’ils rapportent. Comment distinguer :
* ce qui vient de Jésus (stade I : 28-30 après J.C.) ;
* ce qui vient de la tradition orale de l’Église primitive (stade II : 30-70) ;
* ce qui vient du travail rédactionnel des évangélistes (stade III : 70-100) ?
Quels sont les règles d’évaluation ou les critères pour parvenir à des jugements d’historicité
évoluant du simplement possible au réellement probable ? Meier en énumère cinq principaux
et cinq secondaires (ou douteux).
Cinq critères principaux
1. Le critère d’embarras
- Il s’agit de paroles ou actes qui auraient dû mettre dans l’embarras l’Église primitive : ainsi
le baptême de Jésus par J.B. ou la non connaissance par Jésus du jour et de l’heure de la fin
(à tel point que des manuscrits ont omis la mention «ni le Fils ne la connaît»).
- Voir aussi la trahison de Judas, le reniement de Pierre, la crucifixion par les Romains…
- Cependant ce critère est assez rare (il ne suffirait donc pas) et il peut varier au cours des âges
(v.g. le cri de déréliction sur la croix, qui est plus de douleur que de désespoir…).
2. Le critère de discontinuité
- Il s’applique aux paroles et actes qui ne peuvent dériver ni du judaïsme du temps de Jésus, ni
de l’Église primitive.
- V.g. l’interdiction du serment (Mt 5, 34-37), le refus du jeûne (Mc 2, 18-22), l’interdiction
du divorce (Mc 10, 2-12).
- Ce critère sur le caractère unique ou peu habituel est à manier avec précaution, car il est
pratiquement impossible de remonter aux ipsissima verba…
3. Le critère d’attestation multiple
- Il s’agit des paroles et actes attestés dans plus d’une source indépendants (Mc, Q, Jn, Paul)
ou dans plus d’un genre littéraire (parabole, controverse, récit de miracle, prophétie,
aphorisme) ou les deux combinés. V.g. les paroles sur le pain et le vin à la Cène,
l’interdiction du divorce.
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- Mais c’est la convergence des critères qui est le meilleur indicateur d’historicité.
4. Le critère de cohérence
- Il s’agit de la cohérence d’actes ou paroles avec la «base de données» établie à partir des
trois précédents critères.
- Ce critère a une valeur positive, mais son usage négatif est problématique : comment en effet
décider si le centre du message de Jésus est eschatologique ou non ?
5. Le critère du rejet et de l’exécution
- Ce critère très différent vise à vérifier quels sont les actes et paroles qui ont conduit à la fin
violente de Jésus.
- «Un Jésus qui ne s’aliènerait pas les gens par ses paroles et ses actes, et en particulier les
puissants, n’est pas le Jésus historique».
Cinq critères secondaires (ou douteux)
6. Le critère des traces d’araméen
- Comment savoir si un substrat araméen vient de Jésus en 29 ou d’un juif chrétien en 33 ? De
plus la traduction en grec a-t-elle cherché l’élégance ou la littéralité ?
- D’autant que la pratique de la Koinè et la connaissance de la Septante compliquent encore
les choses…
7. Le critère d’environnement palestinien
- Quand des paroles de Jésus laissent transparaître des coutumes, croyances, pratiques de la
Palestine du premier siècle.
- Mais c’est la forme négative qui a le plus de chance de conduire à l’authenticité : ce qui
n’existe qu’en dehors de la Palestine ou seulement après la mort de Jésus doit être considéré
comme non de Jésus (v.g. les paraboles sur le retard de la parousie, les logia sur la mission
aux Gentils, qui sont des créations postpascales).
8. Le critère de narration vivante
- Surtout pour l’évangile de Marc. Mais le pittoresque n’est pas gage d’historicité.
9. Le critère des tendances du développement de la tradition synoptique
- On cherche à définir ce qui est à l’origine de ce développement : détails plus concrets, ajouts
de noms propres, passage du discours indirect au direct, etc.
- Mais ces lois s’appliquent à la rédaction des évangiles, non à l’origine même.
10. Le critère de présomption d’historicité
- Qui a raison : celui qui conteste l’historicité ou celui qui prend pour historique ce qui est dit ?
- En fait, dans les cas complexes, ce critère n’existe pas.
Conclusion : seule l’utilisation simultanée et prudente de plusieurs critères principaux peut
aboutir à des résultats convaincants.
VII. Conclusion : pourquoi se donner tant de mal ?
La recherche du Jésus historique n’a aucun intérêt pour les croyants, pour qui seul compte de
Seigneur ressuscité vivant dans son Église. Cependant cette recherche peut être utile pour une
foi en quête d’intelligence, en montrant que :
* la foi chrétienne n’est pas un simple message sans contenu, mais l’adhésion à une personne
qui a vécu ; la foi chrétienne n’est ni docète ni monophysite ;
* le Christ a un côté dérangeant et peu recommandable ; cependant le Christ est silencieux sur
des sujets sociaux et politiques brûlants de son temps (a fortiori aujourd’hui !).
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- Savoir lire et écrire était une compétence rare, réservée aux scribes ou à une élite
intellectuelle. Or, au début du premier siècle de notre ère, quatre langues étaient en usage en
Palestine : latin, grec, hébreu et araméen.
- Jésus ne parlait sans doute pas le latin, langue du pouvoir des seuls Romains. Peut-être
parlait-il un peu de grec pour les échanges (avec le centurion ou Pilate), mais même Flavius
Josèphe avait du mal avec cette langue…
- D’après Lc 4, 16-20 (à interpréter correctement), Jésus devait avoir une certaine
connaissance de l’hébreu biblique, mais rien n’indique que c’était sa langue courante, à la
différence de l’araméen dont nous avons des attestations sûres : Mc 5, 41 ; Mc 14, 36 :
abba ; Mc 7, 34 : effatah ; Mc 15, 41 : Eloï… Donc surtout l’araméen et un peu l’hébreu et
le grec.
3. Jésus était-il illettré ?
- Même s’il fut un maître, on peut se demander s’il savait lire et écrire, car on peut savoir
quelle fut son instruction dans l’obscur village de Nazareth. Cf. les trois textes clefs qui
prouvent qu’il savait lire et écrire : Jn 8, 6 ; Jn 7, 15 ; Lc 4, 16-30.
- Jn 8, 6 est un texte tardif et ne donne pas de contenu à ce qu’écrit Jésus. Jn 7, 15 vise surtout
le manque de formation de Jésus dans une école réputée. Quant à Lc 4, 16-30 il n’est pas sûr
que cela se soit vraiment passé (comment Jésus aurait-il pu lire dans un rouleau un texte
composite et pris à la Septante ?)…
- En fait nous n’avons qu’un témoignage indirect (Jn 7, 15 : «Comment connaît-il les lettres,
lui qui n’a pas étudié ?») que Jésus savait lire…
- La réflexion sur les modes d’éducation de l’époque ne permet pas d’aller très loin :
concerne-t-elle la période ? S’applique-t-elle à un village comme Nazareth ? Etc.
- En fait, c’est plutôt la manière d’enseigner de Jésus qui permet de penser qu’il était
vraisemblablement capable de lire les Écritures hébraïques, de controverser, de parler
araméen. Jésus a donc dû apprendre, sans doute à la synagogue de Nazareth, mais il n’a pas
eu un grand niveau (compensé par son génie ?). Jésus est un rural, mais un rural pas
ordinaire.
4. Jésus était-il un pauvre charpentier ?
- S’il vient du monde rural, Jésus n’est jamais présenté comme un agriculteur, même si sa
famille a pu cultiver des parcelles de terre, selon les traditions locales (cf. le caractère
agricole plutôt qu’artisanal des paraboles).
- Rural, Jésus vivait dans un village de 1.600 à 2.000 habitants. Il est nommé comme
«charpentier» par Mc 6, 3 (transformé en «fils du charpentier» par Mt 13, 55). Ce sont les
deux seules attestations ; mais on devrait plutôt dire «artisan du bois» (tekton).
- Il n’était donc pas totalement pauvre. Et il n’a sans doute pas fréquenté les villes hellénisées
de Galilée : Sephoris et Tibériade Reste à voir son environnement familial.
X. Entre l’enfance et le ministère public 2
II. Liens familiaux, situation de famille et statut de laïc
Il ne s’agit plus d’étudier les influences externes qui ont façonné la personnalité de Jésus,
mais les influences internes, c’est-à-dire familiales
1. La famille immédiate de Jésus
- Dans la Palestine antique, l’individu est toujours lié à une famille élargie. D’où la brisure
introduite par ses propos : Mc 3, 21.31.35 («Qui sont ma mère et mes frères ?») ; Mc 6, 1-6
(«N’est-ce pas le charpentier, le fils de Marie et le frère de Jacques…») ; Jn 7, 3-9…
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. Différents sens de «frère» dans le NT
- Dans le NT, adelphos a deux sens : littéral (Mc 1, 19.30 ; Mc 6, 3) ou métaphorique (demi-
frère : Mc 6, 17).
- Sur les 343 emplois dans le NT, aucun ne désigne un frère par alliance (cf. Épiphane) ou un
cousin (cf. Jérôme), mais souvent un frère spirituel.
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. Les «vrais frères» chez les Pères pré-nicéens
- Hégésippe (vers 180), conservé par Eusèbe († 340), parle de Jacques comme «le frère du
Seigneur», alors qu’il connaît les mots de cousin ou oncle.
- Tertullien (160-220), rigoriste, connaît aussi les «frères de Jésus» (cf. Mc 3, 31-35).
- De même Irénée (130-200), pour qui Marie n’est sans doute pas restée vierge.
e) Conclusion
- Au plan strictement historique, l’opinion la plus probable est que les «frères et sœurs» de
Jésus sont de vrai frères et sœurs : critère d’attestation multiple, sens naturel des mots,
aucun emploi dans le NT du mot «frère» pour désigner un cousin.
- Cette interprétation a été maintenue par quelques écrivains ecclésiastiques jusqu’au IV e
siècle.
2. Jésus était-il marié ?
- Comme les chrétiens croient en la divinité du Christ et que pour eux le célibat est un état de
vie supérieur au mariage, ils estiment que Jésus est demeuré célibataire. Mais qu’en est-il
des sources historiques ?
- Certains pensent la religion juive ( chrétienne) considérant le mariage comme la norme,
Jésus a dû être marié. Mais il existe de bonnes raisons de soutenir qu’il est resté célibataire.
* Alors que le NT parle des autres membres de la famille de Jésus, il est silencieux sur une
éventuelle épouse et des enfants. Ce silence ne se comprend que parce qu’il n’y en avait
pas.
* Quant à la conception générale du judaïsme sur le mariage et le célibat, il faut reconnaître
d’une part que le judaïsme est pluriel et d’autre part que certains groupes pratiquaient le
célibat (esséniens, thérapeutes), ce que confirment Flavius Josèphe et Philon.
* Dans l’AT nous avons l’exemple de Jérémie (Jr 16, 1-4) forcé au célibat ? Et sans doute
Élie et Élisée ; de même Moïse selon les rabbins. Et J.B., comme des prophètes avant lui.
* Dans d’autres cultures, le célibat est aussi honoré : Épictète, Apollonios de Tyane, etc.,
sans compter Paul : 1 Co 7, 1-7 ; 9, 5).
* En ce qui concerne ses motivations, Jésus ne fut pas célibataire par misogynie, vision
apocalyptique idéal de pureté, etc., mais comme une parabole ou une énigme provoquant à
la réflexion (cf. Mt 9, 12 : «eunuque pour le RD»). Il est donc resté célibataire pour des
raisons religieuses : se donner tout entier à la mission de rassembler le Peuple de Dieu.
3. Le statut laïc de Jésus
- Bien que de lignage davidique, Jésus n’était pas de lignage lévitique ou sacerdotal. Il était
simple laïc.
- Il était souvent en conflit avec les «pharisiens, scribes et chefs de synagogue» (laïcs), mais
discutait avec eux ; ce qui n’est pas le cas avec les sadducéens, souvent prêtres ou
aristocrates (cf. Mn 12, 18-27).
- D’ailleurs Jésus n’est jamais appelé «prêtre», sauf dans Hébreux ; et encore n’a-t-il accédé à
ce titre que par sa mort. Cf. la parabole du Bon Samaritain très anti-sacerdotale (Lc 20, 29-
37).
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Introduction
Ce deuxième tome comporte trois grandes parties :
* le mentor ou les relations avec Jean Baptiste (JB) ;
* le message, c’est-à-dire l’annonce du Royaume de Dieu (RD) ;
* la question des miracles.
- Alors que Mt 3, 7-12 et Lc 3, 10-14 sont dépourvus de caractère chrétien, Mc 1, 1-8 est une
composition chrétienne dès le départ. C’est pourquoi Meier ne l’étudie qu’après, d’autant
plus que ce passage pose beaucoup de problèmes : grammaire, syntaxe, critique textuelle,
signification…
- Cette péricope comporte trois parties : introduction (1-3, à ignorer car interprétation
chrétienne) ; récit du ministère de JB (4-6) ; prophétie de JB sur le plus fort (déjà étudiée en
Mt 3, 11-12).
- La deuxième partie est intéressante car elle apporte une lumière sur trois problèmes
historiques : le lieu de l’activité de JB, son vêtement et sa nourriture, la nature de son
baptême.
1. Lieu de l’activité de JB
* Dans le désert de Judée, des deux côtés des rives du Jourdain ; donc en Galilée et en
Pérée, au nord de la Mer Morte.
* Pour les Juifs, le désert évoquait naturellement l’exode, l’alliance au Sinaï et les quarante
ans d’errance, tandis que le Jourdain rappelait l’entrée en Terre promise par Josué.
* Le symbolisme lié à ces lieux a contribué à l’élaboration des récits évangéliques du
baptême de JB, et non l’inverse.
2. Vêtements et nourriture
* S’il y a des rapprochements avec les rites d’eau des Esséniens (refus de l’égarement
d’Israël, recherche d’une purification intérieure, espérance d’un salut lors du jugement), il
y a aussi un immense fossé : pas de noviciat, pas de groupe organisé, pas de rituels,
baptême reçu par JB et non bain personnel. D’où le nom de JB : «celui qui plonge».
* Surtout baptême unique, selon nos déductions, et donc aussi différent de celui des
prosélytes.
* En fin le sens du baptême de JB est «conversion-repentir en vue de la rémission des
péchés» (Mc 1, 4). Ce n’est pas une parole de JB, mais de Marc ; cependant elle est peut-
être de JB lui-même puisqu’elle fait difficulté (partout ailleurs dans le NT le pardon des
péchés est lié à l’eucharistie ou au baptême).
* Pour Meier, JB considérait son baptême comme exprimant le repentir du candidat et son
engagement dans une vie nouvelle ; mais aussi comme anticipant la purification des
péchés accomplie par l’Esprit Saint au dernier jour…
XIII. Jésus avec et sans JB
Quatre questions se posent au sujet de l’entrée en scène de Jésus et de son baptême par JB : ce
baptême a-t-il eu lieu ? Que nous apprend-il sur les conceptions religieuses de Jésus ? Quelles
furent les relations entre Jésus et JB après le baptême ? Qu’est devenue cette relation ensuite ?
1. Historicité du baptême de Jésus par JB
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- La question se pose parce que le récit ne nous est donné que par une seule source : Mc repris
par Mt et Lc. De plus, Flavius Josèphe ne parle jamais d’une rencontre entre les deux. Enfin
le récit est grevé d’une interprétation théologique (la théophanie).
- Outre le critère d’embarras, il existe beaucoup d’autres critères pour cette historicité.
- De légères modifications stylistiques indiquent peut-être une autre source que Mc pour Mt et
Lc. Ainsi Q, plus peut-être Jean, qui omet le récit pour éviter une subordination du Fils de
Dieu à JB. Donc attestation multiple.
2. Signification du baptême de Jésus
- On ne peut pas s’appuyer sur la théophanie puisqu’elle est un midrash, c’est-à-dire un
bouquet de textes de l’AT pour offrir une interprétation de l’identité de Jésus.
* La descente de l’Esprit Saint comme une colombe montre que Jésus accomplit les
promesses de JB et lui est donc supérieur.
* Jésus est le Fils de Dieu selon la voix (Ps 2, 7).
* Il est le «bien-aimé», peut-être en référence à Isaac (Gn 22, 2).
* «Tu as toute ma faveur» : cf. Is 42, 1, il est le Messie Serviteur.
* Voir aussi la vision d’Ézéchiel au bord du fleuve Kébar (Ez 1, 1).
* Les cieux déchirés rappellent Is 63, 9.
- C’est donc la théophanie qui révèle l’identité de Jésus et non pas le baptême. Ce récit a
beaucoup embarrassé les premiers chrétiens qui ont eu recours à ce midrash chrétien pour
montrer la supériorité de Jésus.
- Quant au sens de ce baptême pour Jésus, on peut dire qu’il a précédé un changement de vie
et que Jésus connaissait et approuvait le message eschatologique de JB : fin d’une histoire
d’Israël, risque d’un anéantissement, appel à un changement radical. JB est reconnu comme
prophète eschatologique.
- Jésus se considérait comme membre d’un peuple d’Israël pécheur et menacé ; donc appelé à
recevoir un rite nécessaire au salut ; mais comme il s’agit d’un rite destiné à confesser les
péchés et en être pardonné, comment le comprendre pour Jésus ? Le péché étant une rupture
d’alliance avec Dieu, Jésus ne peut être pécheur. On peut peut-être parler de solidarité ou
de complicité, comme dans le cas de la confession d’Esdras (Esd 9, 6-15 ; Ne 9, 36-37).
3. Jésus disciple de JB ?
- Jésus a-t-il été disciple de JB ? Et en quel sens ? JB, prophète eschatologique, était aussi un
guide, un maître spirituel. La question se pose de savoir si Jésus est resté quelque temps
après son baptême comme disciple de JB.
- Cf. les trois passages de Jean qui font problème : Jn 1, 29-45 ; 3, 22-30 ; 3, 31-36. Jésus a
sans doute séjourné quelque temps avec JB ; il a choisi quelques-uns de ses disciples parmi
ceux de JB et il a gardé le rite du baptême au début de son ministère public.
4. Jésus parle de JB
JB n’a jamais été absent de la pensés et de l’action de Jésus, comme nous le montrent quatre
séries de paroles de Jésus sur JB.
A. Second ensemble sur JB dans source Q (Mt 11, 2-19 ; Lc 7, 18-23 ; 16, 16)
- Après le premier ensemble sur JB (sa prédication en Mt 3, 7-12 et //), le plus important
corpus de paroles de Jésus sur JB se trouve dans un deuxième ensemble de la tradition Q, à
savoir Mt 11, 2-19 et en deux endroits de Lc 7, 18-23 et 16, 16 ( Mt 11, 12-13) : preuve
que cet ensemble est composé de logia qui ont circulé séparément. Sans doute Jésus s’est-il
exprimé plusieurs fois sur JB.
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- Mt 11, 2-19 comprend trois unités : réponse de Jésus aux disciples de JB (Mt 11, 2-6 = Lc 7,
18-23) ; éloge de JB devant la foule (Mt 11, 7-11 = Lc 7, 24-28à ; parabole des gamins (Mt
11, 16-19 = Lc 7, 33-35). Faut-il subdiviser encore ? Et ces paroles sont-elles de Jésus ?
1. Première unité (Mt 11, 2-6 // Lc 7, 18-23)
* Elle fournit un cadre narratif après l’arrestation de JB et entre dans la catégorie des
questions-réponses. Le cadre est plus développé en Lc.
* «Es-tu celui qui vient ?» («qui doit venir» ?) est une question ouverte à laquelle Jésus ne
répond pas par une affirmation de sa messianité, mais par l’énoncé de ce que les gens
disent.
* La réponse de Jésus porte sur des points où son ministère se différencie de celui de JB : il
ne s’agit plus d’un châtiment eschatologique, mais de la Bonne Nouvelle d’un Dieu
aimant. Concentration sur Dieu et non sur sa personne.
* La béatitude finale et le silence de JB suggèrent que ce n’est pas la première communauté
chrétienne qui a inventé ce passage, étant donné qu’il laisse entendre une possibilité
d’antagonisme entre JB et Jésus.
2. Deuxième unité (Mt 11, 7-11 // Lc 7, 24-28)
* Ce passage offre une structure remarquable de cinq logia composés chacun de trois parties
(trois questions et trois explications) ou sous-ensembles : 7-9 ; 10 ; 11.
* Mt 11, 7-9 : une première question rhétorique sur ce que les foules ont vu de JB (un
roseau) ; deuxième question (vêtements somptueux) ; avant la troisième question
(prophète) qui fait sans doute allusion à Hérode Antipas. Cet ensemble se termine par un
refus de répondre ou plutôt une ouverture sur «plus qu’un prophète».
* Mt 11, 10 : non plus des questions, mais une citation d’Ex 23, 20 et Malachie 3, 1 sur un
messager précurseur. Sans doute de Jésus lui-même combinant deux textes de l’Écriture.
* Mt 11, 11 : déclaration sur la grandeur et la petitesse de JB, qui laisse entendre la
supériorité de toute personne entrée dans le RD que Jésus annonce.
3. Troisième unité (Mt 11, 16-19 // Lc 7, 31-35)
* Cette parabole des enfants qui jouent sur les places comporte trois sous-unités : question
introductive (Mt 11, 16a) ; parabole (Mt 11, 16b-17) ; application à JB et Jésus (Mt 11, 18-
19).
* Mt 11, 16a : l’emploi du mot «génération» est péjoratif et désigne les gens qui refusent de
croire en Jésus. Meier estime la parabole et son explication comme un ensemble originel :
pour lui les enfants assis sont JB et Jésus qui interpellent «cette génération» ; malgré leurs
différences, ils sont rejetés à cause de leur message.
* La dernière phrase (v. 19) est difficile : promesse d’une justification par la Sagesse.
Surtout Lc 7, 35 a peut-être été ajouté après coup.
* Conclusion : ces trois sous-unités nous mettent en présence d’au moins sept thèmes
essentiels à la recherche sur Jésus : RD ; miracles ; partage des repas avec les
pécheurs ; eschatologie ; emploi de paraboles ; prophétisme ; christologie implicite.
Ces thèmes sont seulement évoqués. Ce qui domine est un antithétisme entre un JB austère
et un Jésus joyeux, ce qui dresse un portrait de Jésus, Fils de l’Homme, venu apporter la
joie du Royaume.
JB est hissé au plus haut, mais ce monde est en train de passer à mesure que la mission de
Jésus s’étend.
4. Mt 11, 12-15
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* Les matériaux du second ensemble matthéen sur JB (Mt 11, 2-19) ont été traités sans Mt
11, 12-15 qui n’en font pas partie.
* En Mt 11, 14-15 il y a une allusion à JB considéré comme Élie venu incognito.
* Mais c’est surtout Mt 11, 12-13 qui pose question, car il n’a pas le même contexte qu’en
Lc ni le même contenu. En fait, c’est un logion sur le RD qui établit un champ de force
auquel on doit se confronter.
B. L’origine du baptême de JB (Mc 11, 27-33)
- Cette péricope de Mc, dont dépendent Mt et Lc, se rapporte à la contestation de l’autorité de
Jésus par les prêtres, les scribes et les anciens, dans le cadre de la semaine de la Passion.
- Jésus répond par une contre-question sur l’origine, divine ou humaine, du baptême de JB,
que Jésus a sans doute continué. Donc la question se pose aussi sur le baptême qu’il a
administré (c’est une des rares mentions de ce baptême par Jésus dans les Synoptiques ; cf.
Jn 3, 23-26 et 4, 1)
C. Traditions isolées en Mt 21, 31b-32 ; Lc 7, 29-30
- Les deux textes font état du contraste entre le groupe des collecteurs d’impôts qui ont
accepté le message de JB et celui des responsables juifs qui ne l’ont pas accepté. Mais il
s’agit de traditions isolées, compte tenu des différences entre les deux ensembles.
- Il y a une différence en JB, qui accueillait des pécheurs et des prostituées, et Jésus qui allait
à leur recherche.
- L’insistance implacable de JB sur le repentir devant l’imminence du châtiment fait place à la
joie du salut et au bonheur d’accueillir une RD présent et encore à venir.
D. Traditions isolées dans le quatrième évangile
- Durant une brève période (cf. Jésus disciple de JB ?) Jésus fut un proche disciple de JB ; il a
sans doute recruté là quelques-uns de ses disciples ; il a poursuivi la pratique du baptême.
- En Jn 5, 19-47 : allusion à JB comme témoin de Jésus, donc inférieur.
- En Jn 10, 40-42 : Jésus est le vrai Messie, puisqu’il fait des signes ( JB). Cf. Flavius
Josèphe.
5. La mort de JB (Mc 6, 17-29://)
- Dans ce récit, il n’est pas du tout fait mention de Jésus et on parle plus d’Hérode et de sa
famille que de JB. D’ailleurs Mc commet une erreur sur le précédent mariage d’Hérodiade,
plus d’autres encore.
- La description de Flavius Josèphe dans ses Antiquités juives est plus sûre historiquement.
JB, prophète-ascète, est mort violemment sur ordre d’Antipas, en Galilée. Ce qui prépare
Jésus à une mort violente aussi.
6. Conclusion
- Les paroles de Jésus sur JB sont situées dans des matériaux divers : RD pour pauvres ;
miracles ; style de vie non ascétique ; repas avec les pécheurs ; eschatologie «réalisée» ;
relation à la Loi et aux prophètes ; disciples dans le RD ; enseignement en paraboles ou
béatitudes ; parallèle avec JB ; rejet du peuple ; affrontement avec les autorités ; opposition
des chefs du peuple qui peut conduire au martyre…
- Ainsi le regard sur JB nous conduit au cœur des préoccupations de Jésus lui-même.
Surtout la question du RD qui revient trois fois (Mt 11, 11 // ; Mt 11, 12 // ; Mt 21, 31 //).
22
- On ne peut pas séparer les deux demandes en «tu» qui riment en grec et en araméen, ont la
même structure (verbe, nom, complément), vont ensemble.
- «Que soit sanctifié ton Nom» : idée totalement absente du NT (sauf en Jn 12, 28 «glorifie
ton Nom»), mais très présente dans l’AT, surtout quand il s’agit de sanctifier le nom de
Dieu au lieu de le profaner, ou quand Dieu lui-même sanctifie son nom. Le nom, c’est la
personne même (cf. Ez36, 16-38). Cette sanctification est l’œuvre de Dieu lui-même (passif
théologique), avec une perspective eschatologique : il s’agit de supplier Dieu de se révéler
comme Père une fois pour toutes à la fin des temps.
- «Que vienne ton règne» : il s’agit de la venue à la fin des temps, et en même temps elle est
souhaitée comme la venue du «père chéri» (abba).
- Les trois demandes en «nous» : le pain vise sans doute le banquet eschatologique ; le
pardon, le jugement dernier ; le «ne nous fais pas entrer dans l’épreuve» également, sans
s’intéresser à l’idée de causalité première.
- Ainsi, dans la seule prière enseignée par Jésus, les premières demandes ne concernent pas un
besoin présent, mais l’attente eschatologique que Dieu se révèle dans toute sa puissance.
2. Boire le vin dans le RD (Mc 14, 25 ; Lc 22, 18)
- L’existence du dernier repas de Jésus avec ses disciples est attestée de façon multiple (Mc
14 // ; Jn 13-17 ; 1 Co 11, 23-25). Ce dernier repas est en cohérence avec tous les repas où
Jésus apportait le salut aux pécheurs, avant le grand dernier repas eschatologique.
- La prophétie, introduite par un Amen solennel, est un ultime cri d’espoir où Jésus exprime sa
confiance en un RD à venir.
- Il n‘y a là aucune christologie, c’est Dieu qui accomplit tout ; Jésus est l’un des sauvés. Face
à l’échec de sa mort, Jésus se console avec la promesse de siéger auprès de Dieu au banquet
final. Même à la fin de sa vie, Jésus attendait impatiemment la venue future du RD.
3. Prendre place à table avec Abraham dans le Royaume (Mt 8, 11-12 ; Lc 123, 28-29)
- Le contexte et l’origine (source Q ?) sont difficiles à cerner. L’ordre de Mt est sans doute
plus primitif.
- C’est un oracle qui promet le salut eschatologique dans le RD et menace d’exclusion
définitive. Qui sont les «beaucoup» ? Sans doute aussi les «gens des nations», qui auront
part au salut «à la fin des temps». Et les «vous», ceux qui rejettent le message de Jésus.
4. La confirmation des Béatitudes (Mt 5, 3-12 ; Lc 6, 20-23)
- La comparaison des deux textes fait apparaître neuf béatitudes en Mt (huit brèves et une
longue) et quatre chez Lc (avec quatre malédictions). Selon la théorie des sources,
appartiennent à Q les quatre béatitudes des pauvres, des affligés, des affamés et des
persécutés (longue) ; alors que les cinq sur les doux, les miséricordieux, les purs de cœur,
les artisans de paix et les persécutés (courte) sont une source particulière de Mt.
- La formulation de Mt à la troisième personne du pluriel semple plus primitive, sauf celle de
la dernière à part.
- La première sur les pauvres a reçu une addition «en esprit» de Mt qui a tendance à
spiritualiser le RD. Le RD de Lc est plus primitif que le «royaume des cieux» de Mt.
- La deuxième sur les affligés est plus primitive chez Mt.
- La troisième sur les affamés a reçu des compléments par Mt et devait se dire : «heureux les
affamés».
- La quatrième et dernière sur la persécution est complexe.
24
- Ainsi les trois premières béatitudes sont concises et parlent de groupes dans des situations de
détresse non choisie, avec un renversement final. Mais la quatrième parle de gens persécutés
à cause de leur engagement pour Jésus et ils reçoivent à la fin une récompense (cette
béatitude de devait pas faire partie de la liste primitive et reflète sans doute la situation de
l’Église primitive).
- Dans l’AT, la béatitude était souvent utilisée pour exprimer une promesse eschatologique et
donner un enseignement parénétique (exhortation à la vertu).
- Il y a de grandes probabilités que ces quatre béatitudes aient été formulées par Jésus, car on
ne trouve que rarement le mot chez Paul, Jacques ou Pierre, sauf dans l’Apocalypse.
- Jésus n’a pas dénoncé les désordres sociaux ni appelé à une révolution politique, car il
annonçait la fin de ce monde. Son message est eschatologique : la venue définitive d’un
Dieu comme roi.
- Quant aux béatitudes propres de Mt (doux, miséricordieux, cœurs purs, artisans de paix et
persécutés pour la justice) :
* les doux renvoient au même mot araméen que «pauvres» ;
* les persécutés pour la justice font doublon avec la neuvième longue ;
* les miséricordieux, les cœurs purs et les artisans de paix proviennent sans doute d’une
tradition pré-matthéenne ;
* on aurait donc deux listes de béatitudes : celle de Q et celle de Mt.
- Ces béatitudes confirment que Jésus attendait bien un salut futur définitif de la part de
Dieu.
5. Jésus a-t-il fixé un délai à la réalisation du Royaume ?
- Les quatre logia précédents ont mis en évidence cinq points :
* Jésus attendait la venue définitive d’un Dieu roi ;
* cette espérance, centrale dans son message, est au cœur de la prière qu’il a enseignée ;
* la venue du RD entraînait le renversement des injustices ;
* parmi ces renversements figure l’accès des «nations» au banquet eschatologique ;
* malgré sa mort éventuelle, Jésus devait participer à ce banquet.
- La venue du RD était-elle imminente ? Trois textes semblent aller dans ce sens :
* Mt 10, 23 : «vous n’achèverez pas le tour des villes d’Israël avant que ne vienne le Fils de
l’Homme» ;
* Mc 13, 10 : «Cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive» ;
* Mc 9, 1 : «Certains ne mourront pas avant de voir le RD venir avec puissance».
- Meier montre que ces trois textes ne remontent pas au Jésus historique, mais à l’Église
primitive confrontée à une hostilité grandissante.
- Si Jésus a proclamé la venue imminente et définitive du RD, il n’a jamais fixé de calendrier.
L’eschatologie future imminente est l’œuvre de Jésus, les tentatives pour en fixer la date
sont l’œuvre de l’Église primitive.
- Cependant le futur dont parle Jésus affecte déjà le temps présent et le façonne (cf.
chapitre 10).
* trois logia sur le RD présent (Mt 12, 28 // Lc 12, 20 ; Lc 17, 20-21 ; Mc 1, 15) ;
* deux autres logia (Mt 13, 16-17 // et Lc 20, 23-24 ; Mc 2, 18-20 //).
1. Le second ensemble sur JB (Mt 11, 2-19 // ; déjà étudié)
- Contrairement à la venue future du RD dans la gloire, prévue pour bientôt par Jésus, le
royaume présent est ambigu.
- Il est à la fois source de joie et de grandeur, mais aussi un signe de contradiction.
2. Autres logia (Mt 12, 28 // ; Lc 17, 20-21 ; Mc 1, 15…)
- «Si c’est par le doigt de Dieu que j’expulse les démons, c’est donc que le RD est arrivé pour
vous» (Mt 12, 28 // Lc 11, 20 ; Mc 3, 24-27 //) ; ce verset est considéré comme un des plus
authentiques logia de l’Évangile.
- «Le RD ne vient pas avec une observation de près ; et l’on ne dira pas : voici, il est ici ou
bien là ; car voici le RD est au milieu de vous» (Lc 17, 20-21). Même s’il est difficile de
traduire entos umon (au milieu ou à l’intérieur de vous), Jésus affirme la présence du RD,
mais rejette toute spéculation sur le lieu et le moment de cette venue.
- «Le RD s’est approché» (Mc 1, 15) : ce verset ne permet pas de déterminer s’il s’agit d’une
eschatologie réalisée ou future.
- Autres logia où l’expression «RD» n’apparaît pas : Mc 13, 17 // sur la béatitude des
bénéficiaires du ministère de Jésus ; Mc 2, 18-20 // sur le jeûne inutile puisque époux présent.
- Conclusion : on peut parler, même si l’expression n’est pas dans le NT, d’un RD «déjà là et
pas encore», aussi bien dans le message de Jésus que dans ses actes, en particulier les
exorcismes. Il apparaît comme prophète eschatologique, baptiseur, exorciste, thaumaturge,
guérisseur, maître rabbinique enseignant la Loi. Cela se vérifie surtout dans ses actions
miraculeuses…
- Honi et Hanina, juifs charismatiques du 1er siècle avant et du 1er après, sont également
censés avoir accompli des miracles. Mais même remarque sur les sources.
- De même pour les récits de miracles dans les écrits de Qumran et de Flavius Josèphe.
- À signaler le miracle accompli par Vespasien en 69-70.
XIX. Historicité des miracles de Jésus
- Jésus a-t-il accompli des actions appelées «miracles» ou est-ce le fruit de l’imagination
créatrice de l’Église primitive ?
- Les évangiles rapportent 32 récits de miracles, soit 7 exorcismes, 18 guérisons (dont 3
«résurrections») et 7 miracles de la nature, sans compter les parallèles ni parler de sa
connaissance de l’avenir…
- Toutes les sources attestent l’authenticité de ces miracles. Il y a aussi des critères de
cohérence et de discontinuité, d’embarras (Béelzéboul). Cependant il n’est dit nulle part que
ses miracles auraient conduit à son procès et seulement trois bénéficiaires sont nommés :
Jaïre, Bartimée et Lazare.
XX. Les 7 exorcismes de Jésus
Il est admis que Jésus a fait des miracles, dunameis, sémeia, terata (prodiges), paradoxa,
thaumasia… Soit des exorcismes, des guérisons, dont des résurrections, et des miracles de la
nature. Pour les exorcismes, sept sont repérables, la plupart venant de la source marcienne.
Aucun chez Jean.
1. Le démoniaque de la synagogue de Capharnaüm (Mc 1, 23-28 // Lc 4, 33-37)
- La journée à Capharnaüm est une sorte de résumé de l’évangile de Mc 1-6 : Jésus entre dans
une synagogue, un jour de sabbat ; il enseigne et frappe l’auditoire ; il délivre un possédé ;
sa renommée s’étend ; il continue à guérir et exorciser.
- Beaucoup d’autres passages des évangiles mentionnent Capharnaüm comme base du
ministère de Jésus en Galilée. Cette attestation multiple suggère l’authenticité de
l’exorcisme de Mc 1.
2. Le démoniaque géranésien (Mc 5, 12-20)
- Rare cas (avec la syro-phénicienne de Mc 7, 24-30) d’un miracle accompli en territoire
païen, et le seul en Décapole.
- L’épisode des démons entrant dans des cochons qui se précipitent dans la mer de Galilée
(Mc 5, 11-13) est sans doute un ajout secondaire, car Gérasa se trouve à cinquante
kilomètres du lac.
- Les expressions «légion» et «Fils de Dieu» sont manifestement des additions rédactionnelles
de Mc, le secret messianique étant absolu chez Marc Il reste donc peu de choses du récit
primitif, qui cependant a de bonnes chances d’être historique.
3. L’enfant possédé (Mc 9, 14-29 // Mt 17, 14-21 ; Lc 9, 37-43)
- Ressemble beaucoup à Mc 5, 1-20 et a subi une lente évolution à partir du cadre des autres
exorcismes : arrivée de Jésus ; démoniaque face à Jésus ; description de ses conditions ;
esquive du démon ; réprimande de Jésus ; sortie houleuse ; soulagement du démoniaque ;
réactions des spectateurs.
- Cependant quelques différences par rapport à ces huit traits : en début et fin, incapacité des
disciples à exorciser ; l’interlocuteur n’est pas le démon mais le père ; attitude pastorale de
Jésus conduisant à la foi du père.
- Sans doute s’agit-il d’un cas d’épilepsie (Mt parle de «lunatique», la lune étant censée à
l’origine de ces crises). Il doit y avoir un substrat historique.
27
comporte des énigmes et l’emploi de mots étranges et manifeste la théologie de Lc. Est-ce
une reprise de Mc 1, 40-45 (ci-dessus) ou une authentique tradition de Luc ???
- Conclusion : l’attestation multiple manifeste que Jésus a guéri des lépreux. Mais il est
difficile d’aller plus loin.
4. Cinq guérisons diverse rapportées en un seul exemplaire (+ serviteur du centurion)
Cette catégorie «fourre-tout» comporte seulement deux caractéristiques : une seule occurrence
du type de guérison et une seule source. Ce qui renforce la non évidence de leur historicité.
- Belle-mère de Pierre (Mc 1, 29-31 //) : c’est le récit de miracle le plus court des évangiles
(encore réduit chez Mt et Lc), dans le cadre d’une journée à Capharnaüm. Malgré son
caractère bref et concret, il n’est pas évident que Jésus ait guéri la belle-mère, alors qu’il est
certain que Pierre était marié (cf. ici et en Co 9, 5).
- Femme avec hémorragie (Mc 5, 24-34 //) : inséré dans le récit de la résurrection de la fille
de Jaïre, comme assez souvent cher Mc, c’est le seul cas de problème gynécologique dans
l’Évangile, avec le problème de la pureté légale. L’aspect magique du récit (une force sortie
de Jésus ; cf. le sourd-muet et l’aveugle de Bethsaïde en Mc 7, 31 et 8, 22) laisse planer des
doutes sur son authenticité.
- L’homme hydropique (Lc 14, 1-66) : panachage d’un récit de miracle et d’une controverse
sur le sabbat (cf. l’homme à la main paralysée en Mc 3, 1 ou la femme courbée en Lc 13,
10). Il n’y a aucune opposition à Jésus et donc rien n’atteste l’historicité ou non.
- Le sourd-muet (Mc 7, 31-37) : beaucoup de parallèles avec la guérison de l’aveugle de
Bethsaïde en Mc 8, 22s, mais sans indication précise de temps et de lieu. Cependant le
nombre important de mots non marciens, de gestes rituels ou symboliques, l’ordre donné en
araméen, plaident en faveur de l’historicité. Jésus a fait entendre des sourds.
- L’oreille du serviteur du grand-prêtre (Lc 22, 49-51) : la mutilation est attestée dans les
quatre évangiles, mais la guérison seulement par Luc et est donc une création de Lc.
L’identité du coupeur est incertaine, sauf pour Jean.
- Cas particulier du serviteur du centurion (Mt 8, 5-13 //) : c’est le seul récit que la
tradition Q développe assez longuement, avec un dialogue sur la foi pour le serviteur du
centurion (Mt) ou le fils de l’officier royal (Lc et Jn).
* Guérison à distance, pour la fille de la syro phénicienne, où deux questions se posent : Q
et Jn sont-ils deux versions différentes ? Jn est-il dépendant de Mt ou Lc ou des deux ?
* Il y a des différences et des accords sur la localisation (Capharnaüm ou Cana), sur le
demandeur (centurion ou officier royal, païen ou juif), sur le destinataire (fils ou serviteur)
qui attestent que Jean est indépendant de Q, mais que ce récit de miracle est sans doute
historique (critères d’attestation multiple, de discontinuité et d’embarras).
5. Conclusion
Jésus a accompli des guérisons de personnes paralysées, aveugles, souffrant d’affections
cutanées, sourdes ou muettes… Les cas suivants ont de bonnes chances de remonter au Jésus
historique :
* l’homme paralysé descendu du toit (Mc 1, 1-12 //) ;
* le paralytique de la piscine de Béthesda (Jn 5, 1-9) ;
* l’aveugle Bartimée près de Jéricho (Mc 10, 46-50 //) ;
* l’aveugle de Bethsaïde (Mc 8, 22-26) ;
* l’aveugle de la piscine de Siloë (Jn 9, 1-7) ;
* un sourd-muet (Mc 7, 34-37) ;
* le serviteur ou fils du centurion (Mt 8, 5-13 et Jn 4, 46-54).
Donc Jésus a surtout fait des guérisons de paralysés ou d’aveugles…
30
* alors que Marie est citée en premier, c’est Marthe qui accapare la plus grande part du récit,
jusqu’à ce qu’on retrouve Marie à la fin (v. 43) ;
* v. 5 qui donne les priorités de l’évangéliste, comme dans 21-27 et 39-40, mais ce sont des
ajouts ;
* si on enlève 21-27, la rencontre brève avec Marie (29-32) prend sens ;
* on peut aussi enlever son nom aux v. 1 et 19 («les sœurs»), ainsi que les versets 20-30b et
28.
- On en arrive à la reconstitution primitive : 1.3.6, (peut-être 11-14.15d), 17(18), 19(20b), 29
(30a), 31-34.38-39a.4143-45.
- Comme Bartimée dans Marc, Lazare est le seul bénéficiaire d’un miracle qui soit nommé
dans Jean. Marie, comme Jaïre, et la seule à demander. Donc Lazare, Marie et Béthanie font
partie de la tradition originale. Malgré les possibles liens avec Lc 16, 19-31 (mort de
Lazare) et Lc 10, 39-42 (repos dans la maison de Marthe et Marie) ou les récits d’onction
(Lc 7, 36.50).
- Sans doute le récit de la résurrection de Lazare reflète-t-il un épisode de la vie de Jésus
historique ; et le silence des Synoptiques (qui ont deux autres récits de résurrection)
n’invalide pas cette conclusion.
4. «Les morts ressuscitent» (Mt 11, 5 // Lc 7, 22)
Ce logion clé de la tradition Q est important pour chaque catégorie de miracles, car il
constitue une autre attestation des récits de miracles, et surtout il n’est pas un récit, mais une
parole de Jésus. La résurrection des morts est donc attestée par quatre sources (Mc, Lc, Jn et
Q) et dans deux formes différentes : récit et logion. Ce n’est donc pas l’Église primitive qui a
créé l’image d’un Jésus ressuscitant les morts ; cette image remonte au ministère public de
Jésus, malgré toutes les tentatives pour neutraliser cet ancien logion.
- Ce logion est authentique (cf. la démonstration faite au chapitre XII 2 a) : utilisation d’un
terme non employé par le judaïsme («celui qui doit venir») ; difficulté pour JB d’accepter
Jésus ; réponse sans utilisation des titres christologiques de l’Église primitive ; appel adressé
à JB dans la béatitude finale…
- La mention sur la résurrection des morts n’est pas secondaire, car c’est la seule dans le
document Q. Et par ailleurs Isaïe 35-42 n’est pas le seul renvoi sous-jacent de la réponse de
Jésus. De plus, pourquoi n’a-t-on pas ajouté les exorcismes, beaucoup plus fréquents que les
résurrections ?
- Il ne s’agit pas enfin d’une résurrection spirituelle, pas plus que le retour à la vue des
aveugles.
XIII. Les 7 miracles de la nature
- Cette catégorie, qui comporte sept miracles, est-elle pertinente ? Ces miracles de la nature
forment une catégorie «fourre-tout», difficilement identifiable pour quatre raisons :
* définition multiple du concept de «nature» ;
* la définition de la nature comme «matière inanimée» ne tient pas ;
* les parties habituelles des récits de miracles (exposé du problème, miracle et conclusion)
ne se retrouvent pas dans cette catégorie ;
* très grande variété dans le contenu et le vocabulaire (seuls Cana et la multiplication des
pains rentrent dans la catégorie du miracle-don).
- On pourrait peut-être subdiviser cette catégorie en quatre espèces :
* miracle-don (Cana et multiplication des pains) ;
* miracle-épiphanie (marche sur la mer ; {
* miracle-sauvetage (tempête apaisée) ; } un seul cas !
34
- Donc deux versions différentes du même récit, avec onze éléments d’une grille :
* un groupe de pêcheurs dirigé par Pierre a peiné toute la nuit pour rien et Jésus paraît ;
* Jésus ordonne de jeter encore les filets avec succès ;
* les compagnons font confiance et obéissent ; résultat : une grosse prise ;
* effet de la quantité de poissons sur les filets qui ne se déchirent pas ;
* réaction spectaculaire de Pierre seul ;
* dans le récit il est question de Jésus, mais Pierre s’adresse à lui comme «Seigneur» ;
* les autres pêcheurs participent, mais ne disent rien (sauf en Jn 21, 7) ;
* à la fin Jésus somme Pierre de le suivre ;
* les poissons symbolisent le travail missionnaire, fécond ou non selon qu’il est réalisé avec
Jésus ou non ;
* mêmes vocables grecs utilisés : embarquer, débarquer, suivre, filet, poisson, grande
quantité, barque, nuit, fils de Zébédée ;
* pour parler de sa réaction, Lc parle de «Simon-Pierre» (seule fois), alors que c’est la
manière habituelle de Jn.
Donc deux versions différentes du même récit et non deux récits superficiellement
semblables.
- En général la tradition a eu tendance à glisser des matériaux d’origine postpascale dans le
ministère public, mais l’inverse ne se produit jamais (aucun transfert d’actes ou paroles
historiques de Jésus dans le postpascal).
- On peut ajouter le caractère anormal de la réaction de Pierre devant l’appel de Jésus : jamais
d’autres cas, alors qu’après le reniement cette confession se conçoit bien. Et aussi les
vestiges d’une première apparition à Pierre (cf. 1 Co 15, 5).
- Le récit de la pêche miraculeuse ne remonte donc pas à une action du Jésus historique.
4. La marche sur la mer (Mc 6, 45-52 // Mt 14, 22-23 ; Jn 6, 16-21)
- On a deux traditions différentes de Mc et de Jn insérées toutes les deux dans une trame en
trois temps (miracle de nourriture, traversée de la mer de Galilée, et un miracle ou la
profession de foi de Pierre). On peut aussi noter que cette structure se répète deux fois dans
la «section des pains» de Mc (6, 30-7, 37 et 8, 1-26). Mt reprend Mc (+ Pierre).
- La version de Mc est racontée du point de vue de Jésus : il ne s’agit pas d’un sauvetage
(comme dans la tempête apaisée de Mc 4, 35-41), mais d’une épiphanie de Jésus révélant sa
majesté divine en marchant sur les eaux et en dépassant ses disciples. Soixante-quatre mots
précèdent et suivent le verset 48. De plus, les disciples n’ont pas peur des flots (le mot
«tempête» est absent), mais du fantôme de Jésus.
- La version de Jn est sans doute plus primitive, pas seulement parce plus brève, mais parce
que dénuée de symbolisme théologique Mais elle est centrée également sur l’épiphanie de
Jésus se révélant comme Parole éternelle et Sagesse divine, avec l’emploi du εγ εµ (cf.
Ex 3, 14-15 = Je suis). Jn a conservé le récit primitif, bien qu’il casse l’ordonnancement de
son chapitre 6 sur le pain de vie.
- Alors que le récite de Mc part du point de vue de Jésus, celui de Jn est du point de vue des
disciples Le récit a son points culminant dans le «c’est moi, n’ayez pas peur». Mais il
diverge ensuite : Mc mentionne le calme, la stupéfaction des disciples et leur
incompréhension, alors que pour Jn l’épisode se termine aussitôt avec l’arrivée de la barque
sur la terre ferme, de façon quasi miraculeuse.
- Si on reprend la structure habituelle de tout miracle (situation, parole ou geste de Jésus,
réactions des témoins), on peut peut-être reconstituer le récit primitif :
* après la multiplication des pains, les disciples et Jésus sont séparés : eux tout seuls dans la
barque et lui dans la montagne ;
36
* La mention temporelle «le troisième jour» qui renvoie à l’appel des premiers disciples et
au commencement des signes annoncés à Nathanaël (ce qui ne renvoie pas pourtant au
troisième jour de la résurrection).
* Jn est le seul à parle de «la mère de Jésus» (et non pas Marie) ; on retrouve le même usage
de «mère» et «femme» lors de la Passion (Jn 25-27) ; cette mention et le rôle théologique
et symbolique de Marie relèvent donc de la composition de Jean et non de la tradition
historique.
* La tension qui naît du fait que Jésus semble refuser à Marie ce qu’il demande ensuite aux
serviteurs s’explique par un schéma littéraire et théologique propre à Jean : en vertu de sa
christologie descendante, Jésus connaît d’avance toutes choses et garde toujours
l’initiative ; ainsi il accomplit le miracle alors que personne ne lui a demandé, sinon une
demande indirecte (cf. l’officier royal ou Marthe et Marie) où l’on trouve une structure en
quatre temps : demande implicite ; refus tout d’abord pour garder la maîtrise ; le
demandeur persiste et affirme sa foi ; Jésus accède de façon spectaculaire.
* Ainsi les cinq premiers versets et la structure d’ensemble sont une création de
l’évangéliste.
* Chez Jn les récits de miracles dépassent en quantité et en qualité ceux des Synoptiques
(v.g. guérison non pas d’un aveugle tout court, mais d’un aveugle de naissance) ; ainsi les
350 à 540 litres de vin offerts à des gens ayant déjà bien bu ; utilisation de la symbolique
joyeuse du vin et de celle de la noce et de l’époux (le mari symbolisant Jésus et recevant le
compliment). Ainsi c’est toute la vie de Jésus qui est symboliquement décrite dès le début
de l’évangile ou le «commencement des signes».
* Le sommaire conclusif (v. 11) est bien à la manière de Jn, renvoyant au «commencement»
du Jn 1, 1. Ce qui amène la foi des disciples qui vont découvrir la gloire du Christ. Cf.
aussi la répétition de «tel fut» en Jn 4, 54, en forme d’inclusion structurant la première
partie du ministère public.
- D’autres considérations secondaires vont dans le même sens d’une création : l’architriclinos
inconnu en Palestine ; le bon vin servi en premier n’était pas une règle ; l’ordre donné aux
serviteurs par un invité, etc.
- Ces difficultés historiques liées au nombre impressionnant de traits littéraires ou
théologiques johanniques, outre le fait que Cana n’a aucun parallèle, montrent que ce
miracle est une pure création de l’évangéliste.
7. Le don de nourriture à la foule (Mc 6, 32-44 // Mt 8, 1-10 ; Mc 8, 1-10 // Mt 15, 32-39)
- Ce récit est le seul miracle-don de multiplication ( don de transformation à Cana). De plus,
la «multiplication» n’est pas décrite, mais seulement son résultat ; elle est racontée de
manière voilée (comme à Cana). C’est le seul miracle raconté par les quatre évangiles et
même deux fois par Mc et Mt (aux 5.000 avec cinq pains et deux poissons : Mc 6, 32-44 et
Mt 14, 13-21 ; aux 4.000 avec sept pains et quelques poissons : Mc 8, 1-10 et Mt 15, 32-39)
- Le problème porte sur les deux versions de Mc, dont dépendent Mt et Lc, et leur rapport à
Jn, ainsi que sur les rapports entre les deux versions de Mc.
- Sur la question de la dépendance du récit de Jn, Meier pense que Jn a utilisé une tradition
semblable à Mc 6 ou 8, mais que cette tradition est indépendante. Il montre les éléments
communs dans les trois parties du récit : cinq dans la situation, cinq dans le dialogue et
quatre dans le miracle :
Situation :
* départ en barque
* une grande foule
* enseignement et guérisons
* grimpe sur la montagne avec ses disciples
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* mention de l’herbe.
Dialogue :
* disciples ou Jésus prennent l’initiative devant la foule affamée
* Jésus invite les apôtres, qui demandent comment faire, à s’en charger
* faudra-t-il acheter autant de pains ?
* demande de Jésus sur ce qu’ils ont
* mention des 5.000 ou 4.000.
Miracle :
* ordre donné de s’étendre
* paroles et gestes pour multiplier (cf. la Cène)
* tous mangent et sont rassasiés
* douze ou sept corbeilles pour ramasser ce qui reste.
- Sur la relation entre les deux récits de Mc (6, 32-44 et 8, 1-10), on peut noter que leur
contenu et leur structure sont identiques ; qu’il est bizarre qu’en Mc 8 les disciples semblent
croire que Jésus ne pourrait pas multiplier, alors qu’il vient de le faire en Mc 6 ; que la
version indépendante de Jn contient des éléments de 6 et 8. Il en ressort que Mc 6 et 8 sont
deux versions différentes du même miracle en circulation dans la tradition pré-marcienne.
- Sur la forme primitive du récit, d’après les accords entre Jn 6 et Mc 6 ou 8, on retrouve les
éléments suivants répartis selon la structure habituelle des miracles (situation, miracle,
conclusion) :
Situation :
* rivage de la mer de Galilée, lieu inhabité
* acteurs : Jésus, disciples proches, grande foule
* dialogue sur l’impossibilité de nourrir une telle foule
* ordre de Jésus de faire s’étendre la foule sur l’herbe.
Miracle :
* Jésus prend les pains, rend grâce les rompt et les donne aux disciples
* pour qu’ils les distribuent ; de même avec les poissons
* tous mangent et sont rassasiés.
Conclusion :
* on ramasse les douze paniers remplis du pain restant
* Jésus renvoie la foule (Mc) ou la foule acclame Jésus (Jn).
- Sur la question de l’historicité, même si le rapport au récit de la nourriture fournie par
Élisée à 100 personnes (2 R 4, 42-44) et à celui de la dernière Cène a influencé cette
multiplication, on peut penser, d’après les critères d’attestation multiple et de cohérence,
qu’il y a bien eu dans le ministère de Jésus un repas particulièrement mémorable avec du
pain et des poissons, partagé avec une grande foule sur les bords de la mer de Galilée.
8. Résumé sur les 32 miracles
- Sur ces miracles, on ne peut pas suivre l’opinion des conservateurs pour qui ces événements
ont eu lieu comme ils sont racontés, ni celle des rationalistes pour qui le miracle peut
s’expliquer d’une façon naturelle, ni les partisans de l’explication symbolique pour qui les
miracles sont des créations de l’Église primitive. Il y a sans doute eu des actions de Jésus
miraculeuses.
- Les plus souvent attestés sont les récits d’exorcismes ou de guérisons. En ce qui concerne les
exorcismes : sur les sept récits repérés, trois remontent sans doute au ministère de Jésus :
l’enfant épileptique (Mc 9, 14-29), Marie-Madeleine (Lc 8, 2), le démonique géranésien
(Mc 5, 1-20). La source Q confirme que Jésus a fait des exorcismes (Lc 11, 20).
- Quant aux récits de guérisons, on peut les répartir en quatre catégories :
39
* Quatre de paralysés, estropiés ou infirmes, dont deux remontent sans doute au Jésus
historique : le paralysé descendu du toit (Mc 2, 1-12) et le paralysé de la piscine (Jn 5, 1-
9). La source Q confirme le pouvoir de Jésus de faire marcher les boiteux (Mt 11, 5).
* Trois d’aveugles, qui tous remontent au ministère de Jésus : Bartimée (Mc 10, 46-52),
l’aveugle de Bethsaïde (Mc 8, 22-26) et l’aveugle de naissance (Jn 9). La source Q (Mt 11,
5) confirme qu’il s’agit de la tradition la plus ferme sur l’activité thaumaturgique de Jésus.
* Deux de lépreux (Mc 1, 410-45 ; Lc 17, 11-19 ; plus Mt 11, 5, affirmation générale). Pour
ses contemporains Jésus était censé avoir guéri des lépreux, mais il n’y a pas de fondement
historique particulier.
* Six «fourre-tout» qui n’apparaissent qu’une seule fois et dont un seul peut remonter au
Jésus historique : le serviteur du centurion (Mt 8, 5-13 //).
- Sur les trois récits de résurrection, les attestations multiples militent en faveur de
l’historicité de ces trois miracles : la fille de Jaïre (Mc 5, 21-43), le fils de la veuve de Naïm
(Lc 7, 11-17) et Lazare (Jn 11, 1-46).
- Sur les sept miracles dits «de la nature», seul celui du don de la nourriture à la foule
semble remonter au Jésus historique, les autres étant des créations de l’Église primitive.
***
L’action thaumaturgique de Jésus a joué un rôle essentiel dans sa capacité à attirer l’attention :
elle appuyait son message eschatologique et donnait de la visibilité à ce message, en le
mettant concrètement en œuvre.
Ainsi sur les 32 récits de miracles de Jésus rapportés par les évangiles, seuls 13 remontent au
Jésus historique :
Trois exorcismes :
* L’enfant possédé (Mc 9, 14-29 // Mt 17, 14-21 ; Lc 9, 37-43)
* Le démonique géranésien (Mc 5, 1-20)
* Marie-Madeleine (Lc 8, 2)
Six guérisons :
* Un paralysé descendu toit (Mc 2, 1-12)
* L’infirme de la piscine de Béthzatha (Jn 5, 1-9)
* L’aveugle Bartimée (Mc 10, 46-52 // Mt 20, 29-34 ; Lc 22, 25-27)
* L’aveugle de Bethsaïde (Mc 8, 22-25)
* L’aveugle de naissance (Jn 9, 1…36)
* Le serviteur du centurion (Mt 8, 5-13 // Lc 7, 1-10 ; Jn 4, 46-54)
Trois réanimations :
* La fille de Jaïre (Mc 5, 21-43 // Mt 9, 18-26 ; Lc 8, 40-56)
* Le fils de la veuve de Naïm (Lc 7, 11-17)
* Lazare (Jn11, 1-45)
Un miracle de la nature :
* La multiplication des pains (Mc 6, 32-44 ; 8, 1-10 //Mt 14, 13-21 ; Lc 9, 10-17 ; Jn 6, 1-15)
Conclusion
En neuf pages très denses, Meier résume ses deux premiers livres. Depuis sa naissance en 7
ou 6 avant la mort d’Hérode († en – 4), sans doute à Nazareth, de Myriam et Joseph, Jésus a
eu quatre frères et des sœurs, bref une famille pieuse d’artisans du bois, modeste mais pas
pauvre. Il devait savoir lire et écrire l’hébreu et l’araméen, avec des rudiments de grec. Il est
resté célibataire, ce qui en fait un marginal ; et cette marginalité s’est renforcée par le fait que,
vers 28, il est devenu prédicateur itinérant.
40
Son ministère débute en lien avec celui d’un autre marginal, Jean le Baptiste, sur les rives du
Jourdain où il baptisait ceux qu’il appelait à la conversion, dont Jésus qu’il a peut-être
contribué à former. Mais Jésus a quitté le groupe de JB pour mener son propre ministère dans
l’ensemble de la Palestine, avec un message moins tourné vers l’annonce d’un châtiment et
plus ouvert sur l’annonce d’une Bonne Nouvelle d’un Dieu venant sauver son peuple et
inaugurer le RD, à la fois futur et présent. Pour manifester la présence de ce RD, Jésus
accomplit exorcismes et guérisons, racontés dans un ordre qui n’est pas chronologique, ce qui
pose la question de leur historicité. Il fut donc thaumaturge et prophète, ce qui renvoyait à
Moïse et Élie-Élisée.
Mais Jésus ne s’est pas contenté d’être le prophète eschatologique et le thaumaturge à la
manière d’Élie, il a proposé des manières concrètes d’observer la Loi. Il a donc été un maître
charismatique revendiquant la vraie connaissance de la volonté de Dieu, à la manière d’un
scribe (cf. le troisième tome sur les relations de Jésus et sur son rapport à la Loi).
41
- D’ailleurs le mot n’est pas utilisé dans l’AT, ni dans la littérature juive avant les évangiles.
Le mot araméen talmid désigne le type de relation entre un maître (rabbi) et ses élèves.
- Le fait que Jésus ait eu des disciples est prouvé par les critères de discontinuité (absence du
mot ailleurs), d’attestation multiple (dans chacune des quatre sources) et de cohérence
(imitation d’une pratique de J.B.). Certains de ces disciples ont été des personnages
importants de l’Église primitive.
2. Qui peut être qualifié de disciple de Jésus ?
- Dans l’Antiquité, il y avait beaucoup d’«écoles» avec maître et élèves, mais la référence
principale se trouve dans l’appel d’Élisée par Élie (1 R 19, 19-21).
- Cependant il faut chercher quels sont les traits qui caractérisent ces élèves particuliers que
dont les disciples de Jésus ?
a) L’initiative de Jésus dans l’appel
- C’est Jésus qui prend l’initiative d’appeler des gens à le suivre (cf. l’appel des premiers
disciples en Mc 1, 16-20 ; l’appel de Lévi en Mc 2, 14 ; et l’appel d’un homme riche en Mc
10, 17-22).
- Cette tradition se retrouve dans la source Q (Mt 8, 21-22 // Lc 9, 59-60 avec un caractère
impérieux ; Jn 1, 35-42…). C’est seulement après l’appel qu’ils sont dénommés «disciples»
pour former un groupe autour de Jésus ( des «adeptes» qui ne suivaient pas physiquement).
b) Suivre Jésus physiquement et donc quitter sa maison
- Suivre Jésus implique de quitter maison, parents et moyens d’existence, sans limite de temps
( relations avec un rabbi). Suivre Jésus, c’est expérimenter et proclamer le RD.
c) Risquer le danger et l’hostilité
- Ce n’est pas seulement à la fin que Jésus a averti ses disciples des dangers de le suivre.
- «Sauver sa vie ou la perdre» (ce logion revient six fois dans les quatre évangiles). Il s’agit
donc d’une attestation multiple, comme dans Mc 8, 27ss, aussitôt après la confession de foi
de Pierre (cf. Q en Lc 17, 33 et Mt 10, 39 ; et aussi Jn 12, 25). La condition de disciple
signifie un abandon de la vie ancienne et de ses sécurités, pour accueillir la nouvelle forme
de vie liée au RD.
- «Se renier soi-même et prendre sa croix» (Mc 8, 34 + Q en Mt 10, 38 // Lc 14, 27). Jésus
a averti ses disciples du caractère dramatique de sa suite.
- Faire face à l’hostilité de sa propre famille (Mc 10, 28-30 // Q en Mt 10, 37 // Lc 14, 26 ;
cf. aussi la phrase sur la «vraie famille» ou sur Jacques…). Ce qui fait des disciples des gens
obéissant à un appel impérieux, renonçant à la sécurité, exposés au danger, et cependant un
groupe ouvert aux autres, même pécheurs (cf. les repas).
3. Les femmes à la suite de Jésus
- Puisque Jésus ne parle de disciples que de sexe masculin (comme les évangiles), les femmes
qui suivaient Jésus pendant son ministère public peuvent-elles être considérées comme des
disciples ?
- Indépendamment du statut des femmes dans les Églises du premier siècle et à plus forte
raison dans l’Église actuelle, peut-on dire que parmi les mathétai (le grec pluriel est inclusif
et peut désigner hommes et femmes) il y avait des femmes ? Le féminin mathétria n’est
jamais employé pour le groupe des femmes qui suivaient Jésus…
- Cependant en étudiant les textes spécifiques on est amené à penser que la façon dont les
femmes sont décrites revient à en faire des disciples :
* Présence de femmes qui «suivaient» Jésus lors de la crucifixion (Mc 15, 40-41 ; Mt 27,
55-56 ; Lc 23, 55 ; cf. Jn 19, 25).
43
* Donc certaines femmes qui suivaient Jésus pendant son ministère sont présentes lors de la
crucifixion et au tombeau, dont l’une est connue de toutes les listes : Marie-Madeleine.
* Lc 8, 1-3 cite, pendant le ministère public, des femmes qui suivaient et assistaient Jésus et
les Douze (ce qui est contraire aux mœurs de l’époque).
* Donc plusieurs sources attestent de la présence de femmes suivant Jésus, l’assistant de
leurs biens et le suivant jusqu’à sa mort, alors que les disciples hommes ont fui. Y a-t-il
meilleure qualification de constance dans le service et la loyauté ?
- Et pourtant jamais le mot disciple n’est appliqué à ces femmes… De même Jésus n’a jamais
appelé des femmes à le suivre. Marie-Madeleine a pu comprendre sa guérison comme
l’équivalent d’un appel (comme Bartimée en Mc 10, 46-52). Le fait que des femmes aient
suivi Jésus aussi longtemps n’est pas explicable sans une initiative de Jésus ou au moins un
consentement, mais les évangélistes, en l’absence de source directe, n’ont pas donné le nom
de disciple à ces femmes. Ou plus simplement il n’y avait pas de mot pour désigner des
disciples femmes (sauf Lc qui l’utilise pour Tabitha en Actes 9, 36 (mathétria), mais pas
dans l’évangile).
- Cet entourage de femmes sans maris, dont certaines avaient été possédées, n’a pas relevé la
mauvaise appréciation que certains portaient sur Jésus. Cependant celui-ci a considéré ces
femmes comme des disciples.
4. Les adeptes qui ne quittent pas leur maison
- En plus des disciples qui laissèrent maison, famille et activités, les évangélistes parlent
d’adeptes masculins qui soutenaient Jésus sans le suivre physiquement : Zachée (Lc 19, 1-
10) ; Lazare (Jn 12, 1-12) ; l’anonyme de la Cène (Mc 14, 13-15) ; peut-être Simon le
lépreux (Mc 14, 3).
- De plus Lc et Jn mentionnent des adeptes femmes qui n’étaient pas disciples : Marthe et
Marie (Lc 10, 38-42 au début du voyage de Galilée à Jérusalem ; et Jn 11, 1-12, 8 à
Béthanie). Elles sont des modèles à imiter.
- Cf. les personnes qui avaient été guéries par Jésus et devaient le soutenir ( du paralysé de
Jn 5, 15 ou des neuf lépreux de Lc 17, 11-19). Sans pouvoir préciser davantage, ce sont des
groupes de soutien, intermédiaires entre les foules et les disciples, à côté du sous-groupe des Douze.
XXVI. Existence et nature des Douze
1. Disciples, apôtres, les Douze
- Parmi les disciples, un groupe particulier de douze hommes constituait un cercle intérieur
proche. Ce sont «les» Douze (v.g. Mc 6, 7 ou Jn 6, 67) en mode absolu, et jamais «les douze
disciples» ou «les douze apôtres», sauf peut-être Mt 10, 1 ; 11, 1 ; 20, 17.
- En Mc et Mt le mot «apôtre » n’est utilisé pour les douze que lorsqu’ils sont en mission.
C’est l’Église primitive qui les a nommés ainsi (cf. 1 Co 15, 3-7 : «Il est apparu à Céphas …
puis les Douze …puis tous les apôtres»). L’assimilation entre les Douze et les apôtres est
due à Lc 6, 13 : «Jésus convoqua ses disciples et parmi eux il en choisit douze qu’il appela
aussi apôtres…».
- Il vaut donc mieux suivre Mc et Jn qui parlent seulement des Douze, ce qui est sans doute la
dénomination la plus ancienne. Reste à voir si ce groupe a existé et quelles ont été ses
caractéristiques et fonctions.
2. Existence des Douze pendant le ministère de Jésus
Trois critères (attestation multiple, embarras, mouvement général de la tradition) attestent de
cette existence rejetée par certains exégètes pour qui il d’agit d’une rétroprojection de l’Église
primitive.
44
- Sur la base de l’eschatologie du rassemblement des tribus, bien connue en Israël, Jésus, qui
s’affirmait être un prophète eschatologique comme Élie, a institué les Douze comme
prophétie de ce qui devait advenir d‘Israël (Mt 19, 28 // Lc 22, 30).
c) Les Douze, missionnaires prophétiques pour Israël
- Ce futur rassemblement, réalisé symboliquement par l’institution des Douze, est de plus
réalisé par une autre action symbolique : l’envoi des Douze en mission vers Israël (Mc 6, 6-
13 et Q en Lc 9, 1-6 ; 101-12 ; Mt 10, 1-42).
- Cet envoi comporte cinq éléments de base :
* une introduction ;
* des instructions sur la conduite à tenir (dépouillement…) ;
* des recommandations sur la manière d’entrer dans les maisons (paix…) ;
* des recommandations sur l’accueil par toute une ville (poussière…) ;
* l’aboutissement en une paix eschatologique ou un jugement eschatologique.
- Ses disciples les plus proches ont tout naturellement reproduit la mission de ce maître,
prophète et prédicateur itinérant en Israël.
- Cet envoi concernait-il spécifiquement les Douze ou bien d’autres disciples (70 ou 72) ?
Meier le pense, alors qu’après Pâques il n’est nullement question d’une mission des Douze
en tant que tels. Et la mission de «pêcheur d’hommes» n’est confiée qu’à Pierre et André.
- Il est plus probable que Jésus a envoyé les Douze en Israël pour une mission limitée pendant
son ministère plutôt que la rétroprojection d’une mission pendant le ministère public par
l’Église primitive.
XXVII. Les membres des Douze pris individuellement
A. Limites de la recherche
- À la différence des Douze en tant que groupe, nous ne savons pratiquement rien de chacun
des membres, à l’exception de quelques-uns.
- Dans l’Antiquité, évangiles et apocryphes ont tenté de combler ces trous, en particulier sur
Thomas (alias Didyme, Jude ou Thaddée, frère jumeau de Jésus). Mais ce sont des légendes,
sauf pour Pierre et les fils de Zébédée, Jacques et Jean.
B. Enquête sur chacun des Douze
1. Barthélémy
- Son nom n’apparaît que dans les quatre listes des Douze (Mt 10, 1-4 ; Mc 3, 14-19 ; Lc 6,
13-16 ; Ac 1, 13).
- Peut-être son nom est-il un patronyme : Bar Talmaï (en araméen) ou fils de Talmi.
- L’identification à partir du IXe siècle avec Nathanaël (mentionné seulement en Jn 1, 45-51 et
21, 2) est sans fondement.
2. Judas de Jacques (Thaddée)
- Il ne se trouve que dans les listes lucaniennes (Lc 6, 16 et Ac 1, 13) ; «de Jacques» signifie
sans doute «fils de Jacques». Peut-être est-il le «Judas, pas l’Iscariote» de Jn 14, 22, qui
pose une question lors de la Cène.
- Comme il occupe la même place que Thaddée dans les listes de Mt et de Mc, l’imagination
chrétienne a réuni Judas et Thaddée. Mais c’est sans fondement (Judas-Thaddée est invoqué
comme le «saint de l’impossible»).
- De même il ne faut pas le confondre avec le Judas frère de Jésus (Jn 7, 5). L’hostilité des
frères de Jésus (Mc 3, 21-35) ne les désigne pas comme apôtres, même si c’est ce frère de
Jésus qui a écrit la lettre de Jude. Ne pas le confondre non plus avec Thomas.
46
3. Jacques d’Alphée
- Jacques fils d’Alphée commence toujours le troisième ensemble de quatre noms des listes
des Douze. On n’en sait pas plus.
- Ne pas le confondre avec Jacques le Mineur (Mc 15, 40), ni avec Lévi qui, en Mc 2, 14, est
dit «fils d’Alphée» ; peut-être étaient-ils frères, l’un (Lévi) demeurant disciple et l’autre
(Jacques) apôtre.
- Ne pas aller au-delà en identifiant Lévi et Matthieu.
4. Matthieu
- Mc 2, 14 // Lc 5, 27 distinguent bien Lévi, collecteur de taxes, et Matthieu dont on ne sait
rien d’autre (Mc 3, 18 // Lc 6, 15).
- C’est l’évangile de Mt qui crée l’identification, en changeant le nom de Lévi en Matthieu
lors de l’appel du collecteur de taxes (Mt 9, 9) ; puis en parlant de «Mt, collecteur de taxes
ou publicain» dans sa liste (Mt 10, 3).
- Ce changement de nom est une intervention rédactionnelle d’un évangéliste chrétien à la fin
du premier siècle et cet évangéliste n’est sans doute pas Matthieu.
5. Philippe
- S’il n’apparaît que dans les listes des synoptiques, il est l’un des disciples les plus éminents
chez saint Jean où il apparaît habituellement en compagnie d’André.
- Sans doute avec André lorsque J.B. désigne Jésus (Jn 1, 35-44), il est donc d’abord un
disciple de J.B., originaire de Bethsaïde (Jn 1, 44).
- Avec André il intervient lors de la multiplication des pains racontée par Jean (Jn 6, 6-9).
- Avec André il porte un nom grec, ce qui explique le contact des pèlerins grecs pour
rencontrer Jésus lors d’une Pâque (Jn 12, 20-22).
- À la dernière Cène il demande à voir le Père (Jn 14, 8).
- Philippe apparaît donc à des points-clés du ministère public : au début (Jn 1), au milieu (Jn
6) et à la fin (Jn 12). Son existence historique est donc assurée, puisque la rivalité entre les
chrétiens johanniques et les adeptes baptistes était forte à la fin du premier siècle et aurait dû
mener à n’en pas parler.
- Il ne faut pas le confondre (comme Papias !) avec le Philippe diacre des Actes (Ac 6, 5 ; 8,
4-40 ; 21, 8-96).
6. André
- Il est étrange que le NT ne mette pas habituellement André en compagnie de son frère
Pierre, sauf Mc, même si peu souvent : Mc 1, 16-18 // Mt 4, 18-20 (appel à devenir pêcheurs
d’hommes, mais absent chez Lc 5, 1-11) ; Mc 1, 29 (guérison de la belle-mère de Pierre) ;
Mc 13, 3 (début du discours eschatologique).
- Donc André apparaît très peu dans les Synoptiques. Il est absent dans les Actes, sauf dans la
liste des Onze (Ac 1, 13). À la différence des deux fils de Zébédée (Jean et Jacques)
mentionnés ensemble, Pierre apparaît habituellement sans lien avec André.
- Donc sauf dans Jean, André reste seulement un numéro sur une liste. Son lien avec l’Orient
remonte seulement au IXe siècle.
7. Thomas
- Comme André et Philippe, il n’apparaît chez les Synoptiques que dans la liste des Douze,
alors que Jean le met en avant, même si c’est seulement à la fin du ministère public et dans
un seul verset : «Allons, nous aussi, pour mourir avec lui» (Jn 11, 16) et à la dernière Cène
dans le style plaintif qui le caractérise : «Nous ne savons pas où tu vas…» (Jn 14, 5), avec la
belle réponse en «je suis».
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- Il réapparaît lors des récits des apparitions, avec son doute et sa demande d’une preuve
tactile ; ce qui donne lieu à la plus haute confession de foi christologique de l’évangile :
«Mon Seigneur et mon Dieu» (Jn 20, 28).
- La brève mention de Jn 21, 2 est décevante, comme les autres si on les considère comme des
vecteurs théologiques de l’évangéliste, autrement dit comme ayant été façonnées par lui.
- Le seul élément historique pourrait être son nom de «Didyme» (jumeau) employé comme
nom propre à l’époque, Thomas étant un deuxième nom ou surnom. Les gnostiques l’ont
identifié à Jude et déclaré frère jumeau de Jésus, indépendamment de toute preuve
historique.
- En résumé, si nous ne tenons pas compte de la théologie johannique et des légendes
gnostiques ultérieures, nous ne savons rien du Thomas historique et rien du tout de son
jumeau.
8. Simon (le Cananéen ou Zélote)
- Il n’apparaît que dans les listes des Douze, affublé d’un surnom «Cananéen» (Mc 3, 18 // Mt
10, 4) ou «Zélote» (Lc 6, 15 // Ac 1, 13), les deux étant une seule et même personne
(«Zélote» étant la traduction en grec d’un mot araméen signifiant «zélé» ou «jaloux» et
translittéré en «cananéen»).
- Cette précision permettait de le distinguer de l’autre Simon, affublé d’un second nom
araméen «Képhas».
- Ici le mot «zélote » désigne un juif pieux, zélé pour la stricte observance de la Loi mosaïque,
sans nécessairement avoir recours à la violence (les zélotes révolutionnaires n’apparaissent
qu’en 67-68 de notre ère à Jérusalem).
- Cela dit quelque chose de Jésus, compagnon à la fois des collecteurs d’impôts et des zélotes,
donc ouvert à tous ; ce qui est le contraire d’un Jésus violent : il prépare l’avènement final
de Dieu comme roi de manière pacifique.
9. Judas Iscariote
Nous ne savons de lui que deux faits essentiels : il a été choisi par Jésus comme l’un des
Douze et il l’a livré aux autorités de Jérusalem.
- Depuis l’Antiquité, l’imagination a ajouté à son portrait : ainsi Mt 26, 15 rajoute la cupidité
à la décision énigmatique de livrer Jésus (Mc 14, 10-11).
- C’est Jn 12, 1-8 qui le décrit comme un voleur cupide (cf. ensuite Jn 13, 28-30).
- Pour Luc, la motivation de Judas est démoniaque (Lc 22, 3-5), ce qui est repris par Jn 13,
2.27.
- C’est son surnom qui nous renseigne le plus et le distingue des autres Jude ou Judas. Mais la
signification d’Iscariote nous échappe. Au moins cinq possibles : sicaire (assassin) ;
menteur ; «livreur» ; «roux» ; originaire de Kérioth (en Judée), ce qui en ferait le seul apôtre
de Judée ???
- Cependant Jn 6, 71 ; 13, 2 ; 13, 26 appelle Judas «fils de Simon Iscariote», ce qui incite
plutôt à faire d’Iscariote la référence à sa ville d’origine.
***
Reste le groupe des trois les plus intimes selon Mc : Pierre, Jacques et Jean, témoins
privilégiés de la résurrection de la fille de Jaïre, de la Transfiguration, de la prière à
Gethsémani. Ce groupe de trois n’apparaît que dans Mc…
10. Jacques
- Comme Jean il est le fils de Zébédée, selon Mc et Jn. Mais il n’est jamais mentionné dans le
NT sans référence à son frère.
48
- Il est mis à mort vers 44 par Hérode Agrippa (Ac 12, 1-2) et est donc le premier des Douze
martyrs ; à part Pierre, aucun autre apôtre n’est décrit comme martyr par le NT.
- La tradition ultérieure l’a surnommé «le Grand» ou «le Majeur» pour le distinguer de
Jacques «le Mineur» ou «le Petit» (frère de Jésus, mentionné en Mc 6, 3 et 15, 40). C’est au
VI-VIIe siècle que la légende le fait missionnaire de l’Espagne (Santiago).
11. Jean
- La confusion autour des Jacques est encore plus grande avec le «Jean fils de Zébédée»,
puisque la tradition chrétienne a amalgamé au moins cinq personnages : le fils de
Zébédée ; le «disciple que Jésus aimait» du quatrième évangile ; l’auteur du quatrième
évangile ; l’auteur des trois épîtres de Jean ; le prophète visionnaire de l’Apocalypse…
- Mc présente les fils de Zébédée (Mc 1, 18-20) comme membres d’une entreprise de pêche
familiale de la mer de Galilée (cf. les ouvriers qu’ils laissent), alors que Luc 5, 10 en fait des
associés de Simon-Pierre, peut-être suite à un amalgame avec un récit de résurrection
concernant une pêche miraculeuse (cf. Jn 21, 1-14). En tout cas, ce ne sont pas des pauvres,
pas plus que Pierre avec sa maison à Capharnaüm ou Lévi le collecteur d’impôts.
- Les listes des Douze placent toujours Jacques avant Jean ( Ac) désigné comme «frère de
Jacques» (Mc 1, 19 // Mt 4, 21 ; Mc 3, 17 // ; Mt 10, 2 ; Mt 17, 1). Peut-être parce qu’il était
l’aîné, mais aussi parce qu’il fut le premier martyr (cependant Ac 12, 2 qui mentionne ce
martyre place Jean avant Jacques !).
- De toute façon les deux frères figurent dans le premier ensemble de quatre, signe de leur
importance. Mc 3, 17 ajoute un nom donné par Jésus «Boanergès», c’est-à-dire «fils du
tonnerre», dont l’étymologie reste indécise, mais dont le sens vient sans doute de leur
tempérament impétueux et bouillant (Mc 9, 38-39 // ; Lc 9, 52-56 ; Mc 10, 35-40) : les deux
premiers textes semblent plutôt dater de l’Église primitive, mais Meier estime Mc 10
historique, selon le critère qu’il est dangereux d’être disciple.
- Quoi qu’il en soit, Jean n’a pas subi le martyre comme Jacques (Ac 12, 1-2), Paul (Ac 20,
25-38 ; 21, 11 ; 1 Tim 4, 6-18) ou Pierre (Jn 21, 18-19). Il est resté à Jérusalem (Ac 1, 13) ;
il était aux côtés de Pierre à Jérusalem et en Samarie (Ac 3, 1-11 ; 4, 13.19 ; 8, 14-17) ; avec
Pierre et Jacques (le frère de Jésus, le Mineur ou Petit) il était considéré comme un chef, une
colonne (Ga 2, 9) vers 49.
- Après, nous ignorons tout de la vie de Jean et de son exil à Patmos (cf. le voyant de
l’Apocalypse).
12. Pierre
- Les passages où il apparaît sont très nombreux et souvent difficiles à interpréter. Mais
toujours Pierre apparaît comme le plus important et le plus engagé des Douze. Meier se
limite au temps du ministère public ; il exclut les récits non historiques de la marche sur la
mer (Mc 14, 28-32), de la pêche miraculeuse, du figuier stérile, du paiement de l’impôt, de
la guérison de sa belle-mère.
- On peut résumer ainsi ce qu’on sait du Pierre historique : un juif palestinien, au nom grec
de Simon (Syméon en hébreu), pêcheur marié, résidant à Capharnaüm au nord-ouest de la
mer de Galilée. Appelé par Jésus en 28-29 (Mc 1, 16-20 ; Lc 5, 1-11 ; Jn 1, 35-42, qui ne
sont pas identiques), bientôt appelé Pierre (il n’est donc pas le premier appelé et n’est pas le
premier de toutes les listes pour cette raison, malgré la tentative de certains exégètes). Il est
le porte-parole, selon les quatre évangiles et Actes, et le chef des disciples ou des Douze
(Mc 1, 36 ; 8, 29 ; 9, 5 ; 10, 28 ; 14, 29.37 ; Mt 15, 15 ; 16, 18 ; 17, 24 ; 18, 21 ; Lc12, 41 ;
Jn6, 68). C’est pourquoi il est cité en premier. Il est également tête de liste dans un groupe
rapproché de trois-quatre disciples.
49
- Il a reçu un second nom : Kepa (araméen), Kephas (grec), Petros (latin) de la part de Jésus
(Mc 3, 16 ; Jn 1, 42 ; Mt 16, 18) et ce surnom est devenu son nom propre. Paul ne parle
jamais de Simon et toujours de Céphas. Le mot a un lien avec roc ou rocher.
- Il est présent à la Cène, à l’arrestation à Gethsémani ; il suit Jésus jusque chez le grand
prêtre où il manque de courage et s’enfuit. Nous ne savons rien de plus du Pierre du
ministère public.
- Jésus lui apparaît ressuscité et il devient le chef de l’Église de Jérusalem (Ac 1-2 ; Ga 1, 18 ;
2, 7-9). Après avoir été emprisonné, il missionne en dehors de la Palestine : Antioche (Ga 2,
11-14) ; Corinthe (1 Co 1, 12 ; 3, 22). Il meurt martyr (Jn 21, 18-19), sans doute à Rome (1
Clément 5, 4 ; Ignace aux Romains 4, 3) où la tradition ultérieure a fixé sa sépulture sur la
colline du Vatican.
- Cinq points d’historicité font débat :
* À quel moment Jésus lui a-t-il donné le nom de «Céphas» ? Le fait que Jésus, pour
s’adresser à lui, dise le plus souvent «Simon» laisse entendre que le mot «Céphas» était
plutôt destiné à qualifier la relation de Pierre avec les autres disciples, mais qu’il n’était
pas appelé ainsi par Jésus lui-même.
* La profession de foi de Pierre et la déclaration de Jésus sur les clefs de l’Église
confiées à Pierre (Mt 16, 13-20). Ce passage est très controversé par les autres Églises
chrétiennes, mais l’attestation multiple (Mt 16 ; Mc 8, 27-29 ; Jn 6, 67-69) laisse entendre
l’historicité de cette profession de foi de Pierre, même si son contexte et son contenu
varient… Quant à la promesse de Jésus, elle est sans doute une affirmation de la première
Église et non pas de Jésus.
* La remontrance de Pierre et sa réprimande par Jésus après l’annonce de la passion-
résurrection (Mc 8, 30-33). Si la triple annonce de la passion-résurrection (Mc 8, 31 ; 9,
31 ; 10, 33-34) qui structure l’évangile de Mc a toutes les chances d’être historique, la
sévère réprimande de Pierre fait jouer le critère d’embarras et a donc, elle aussi, toutes les
chances d’être historique : ce qui confirme que les relations de Jésus et de Pierre étaient
tendues…
* Une tradition sur Pierre propre à Luc (Lc 22, 31-32) consiste en un avertissement de
Jésus pour que sa foi ne défaille pas, lors de la Cène. Cette phrase prépare (amortit) le
triple reniement et la suite de l’activité de Pierre jusqu’à la mort de Jésus et après ; c’est
donc une rédaction de Luc.
* Le triple reniement de Pierre est sans doute historique car il répond au double critère
d’embarras et d’attestation multiple (Mc 14, 66-72 ; Mt 26, 69-75 ; Lc 22, 56-62 ; Jn 18,
19-27). Ce reniement est trop embarrassant pour l’activité missionnaire de l’Église
primitive pour avoir été inventé. Ainsi le ministère public s’est achevé de manière
désastreuse pour Pierre. Toute sa vie, Pierre aura soufflé le chaud et le froid ; cependant,
malgré ses faiblesses, il reste le personnage le plus fascinant (après Jésus, bien sûr !).
- Sur le cercle médian des disciples : le mot relève de trois critères (initiative de l’appel par
Jésus ; accompagnement physique dans les déplacements ; durée indéterminée), donc des
conditions très exigeantes.
Ces disciples dépassaient les règles en mangeant avec les collecteurs d’impôts ou les
pécheurs.
Les femmes ne sont jamais appelées disciples, peut-être parce qu’il n’y avait pas de mot
féminin en hébreu ; cependant, elles ont suivi Jésus jusqu’au bout, à la différence des
disciples hommes.
En plus, il y a eu des disciples qui n’ont pas suivi Jésus, mais ont fait partie des groupes de
soutien, en offrant l’hospitalité ou en participant financièrement.
- Sur les Douze : c’est surtout avec eux que Jésus s’est révélé comme le réalisateur du RD et
du rassemblement eschatologique d’Israël par le rassemblement des 12 tribus d’Israël. C’est
une volonté décisive de Jésus de créer ce groupe de 12 apôtres (et non pas une
rétroprojection de l’Église primitive : «Vous aussi vous siègerez sur 12 trônes pour juger les
12 tribus d’Israël» Mt 19, 28 //). Cette fonction avait un tel caractère d’absolu que, même
après la trahison de Judas, l’Église primitive continuait de parler des Douze (1 Co 15, 5).
Les Douze incarnaient ce que signifiait «être disciple» ; ils constituaient un symbole
communautaire en commençant à réaliser le rassemblement des tribus. Ils sont donc plus
importants comme groupe que personnellement.
Particularités de ce groupe : baptême, rejet du jeûne, Notre Père, exigences de suite,
mission…, Mais cela n’a pas créé l’Église ; c’est la crucifixion et la volonté des apôtres
d’affirmer que Jésus est vivant qui est à l’origine de l’Église.
- Pharisiens et sadducéens s’opposèrent aux hasmonéens ; puis l’iduméen Antipater et son fils
Hérode prirent le pouvoir en Judée en – 40 et s’opposèrent aux pharisiens et sadducéens qui
devinrent seulement des «associations privées».
- Après la mort d’Hérode le Grand (en – 4), la mise en place de préfets ou procurateurs
romains laissa les grands-prêtres juifs régler les problèmes de vie courante, en s’appuyant en
particulier sur les sadducéens. Parmi ces grands-prêtres, on peut citer Caïphe qui s’arrangea
avec Ponce-Pilate le romain de 26 à 36 de notre ère… Les pharisiens délaissés s’efforcèrent
alors de prendre l’influence sur le peuple (comme Jésus), d’autant plus qu’ils détenaient de
nombreux postes dans les services. Cela dura jusqu’en 70, date de la destruction du Temple
à laquelle ils survécurent en donnant lieu à la tradition rabbinique.
2. Problème de sources et de méthodes
- Nous avons trois sources sur les pharisiens et les sadducéens : le NT (Paul, les quatre
évangiles, les Actes des Apôtres, de 50 à 100), Flavius Josèphe (de 70 à 100) et la littérature
rabbinique (Mishna, vers 200-220).
- Le premier document à employer le mot «pharisien» est la lettre aux Philippiens écrite par
Paul de Tarse vers 56-60 (Ph 3, 5 : «Quant à la Loi, un pharisien…») ; puis Marc, vers 70,
avec 12 emplois, dans des contextes polémiques et des adresses à des non-juifs. La
polémique est encore plus vive dans Mt et Jn. Quant aux sadducéens, ni Paul ni Jean ne les
mentionnent.
- Chez Flavius Josèphe on trouve 14 mentions des pharisiens, souvent ambiguës. En fait, il a
été anti-pharisien, mais s’est déclaré pharisien à la fin de sa vie.
- Quant à la littérature rabbinique (Mishna, vers 200-220 ; Tosephta au IIIe siècle ; Talmud
palestinien au Ve siècle ; Talmud babylonien au VIe siècle ; plus midrashim de différents
siècles), on est loin de la Palestine d’avant 70, même si beaucoup de décisions ou paroles
renvoient à des sages ayant vécu à l’époque de Jésus…
- Dons il convient d’utiliser les mêmes critères que pour l’historicité des évangiles :
attestation multiple des sources et des formes par des auteurs de différents âges, de
différents contenus et de projets différents. Avec aussi le critère d’embarras par rapport à un
auteur donné.
3. Les pharisiens (6 points)
- Ils constituent un groupe juif ayant des intérêts à la fois politiques et religieux (cf. Ph 3, 5 ;
Josèphe ; sources rabbiniques).
- Ils interprétaient la loi de Moïse de façon «exacte» et «précise» (cf. Ac 22, 3 ; 26, 5 ;
Josèphe ; plus Ga 1, 14 ; Ph 3, 6). Et ils s’efforçaient de vivre en cohérence, même s’ils
n’étaient pas durs dans leurs jugements (cf. Gamaliel en Ac 5, 33-40).
- Les controverses sur des questions de Loi reflètent les divisions à propos de l’interprétation
exacte de la loi de Moïse qui unifiait et divisait la religion juive, entre pharisiens,
sadducéens et esséniens (cf. Mc 7, 1-13), car ils ajoutaient des lois venant des «anciens» (cf.
les deux formes de la Torah, écrite venant de Moïse et orale venant des sages rabbiniques).
- Quant au contenu de ces règles, selon les évangiles ou la couche primitive de la Mishna, il
concerne : la pureté de la nourriture et des ustensiles ; la pureté des cadavres et des tombes ;
la pureté du dispositif cultuel ; la dîme et la redevance pour les prêtres ; l’observance du
sabbat et des jours sanctifiés ; le mariage et le divorce…
- Ces traditions portaient plus sur des comportements concrets que sur la doctrine
(orthopraxie), sauf sur l’eschatologie et la résurrection.
- En ce qui concerne le rapport entre la providence divine et l’initiative humaine, les
pharisiens insistent sur la maîtrise totale de Dieu, tout en croyant à la responsabilité humaine.
52
S’ils furent éloignés du pouvoir, au profit des sadducéens, les pharisiens ne se résignèrent
jamais à n’être qu’un groupe de laïcs pieux et fidèles.
4. Les relations de Jésus avec les pharisiens
- L’exemple des controverses de Mc 2, 1-3, 6 montre une construction artificielle amenant
peu à peu à considérer les pharisiens comme les acteurs principaux du complot contre Jésus.
- L’autre récit de controverses en Mc 11, 27-12, 37 exclut pratiquement les pharisiens (sauf en
Mc 12, 13-17). Donc on peut considérer qu’il y a eu, dans la vie de Jésus, un épisode réel de
conflit avec les pharisiens. De même pour Mt, Lc et Jn.
- Sans doute ne furent-ils pas influents au moment de la passion, à la différence de Judas,
Caïphe, les prêtres, les scribes, les aristocrates et Pilate.
- Jésus a eu des échanges avec les pharisiens pendant son ministère public : échanges
conflictuels, car ils cherchaient une influence sur le peuple ; échanges portant sur des
comportements plus que sur la doctrine (divorce, jeûne, dîme, règles de pureté, sabbat…) ;
échanges contenant des malédictions ; mais aussi parfois un bon accueil (Lc 7, 36-50 ; Jn 3,
1-2).
- Il faut mettre à part la question du rapport de Jésus à la Loi mosaïque, rapport qui touchait
beaucoup d’autres catégories de juifs.
XXIX. Les sadducéens
Contrairement aux pharisiens, il n’y a pas de texte favorable aux sadducéens. Il est donc
difficile d’en faire une description historique fiable. Après une brève présentation, Meier
s’attache à leur controverse avec Jésus sur la résurrection des morts (Mc 12, 18-27 //).
1. Quelques lignes nettes dans un portrait flou (6 points)
- Leur existence est soutenue par attestation multiple du NT, Josèphe et la littérature
rabbinique, même si dans le NT les mentions sont rares : seulement dans les Synoptiques et
les Actes (surtout la controverse de Mc // et Ac 4, 1 ; 5, 17 ; 23, 6-8).
- Ils ont peut-être été au pouvoir sous les gouvernants hasmonéens, de Jonathan (160-143) à
Alexandre Jannée (103-76). Ils récupèreront du pouvoir sous Hérode le Grand (– 37) qui
favorise des grands-prêtres contre les hasmonéens. Quand les Romains décident
d’administrer la Judée (vers l’an 6 de notre ère), les grands-prêtres sont chargés de gérer les
affaires courantes, appuyés par un groupe d’élite formé en grande partie par des
sadducéens ; ceux-ci disparaissent complètement à la destruction du Temple de Jérusalem
en 70.
- Selon Flavius Josèphe, les sadducéens étaient peu nombreux, peu suivis par le peuple et liés
aux gens riches. Donc riches et puissants. Surtout pris dans les familles de grands-prêtres
(cf. l’origine du mot à partir de Sadoq, grand-prêtre au temps de David). Il y a eu conflit
avec les Hasmonéens qui s’étaient emparés du pouvoir sacerdotal à partir d’Antiochus
Épiphane (– 175-154). Cependant tous les sadducéens n’étaient pas membres du sacerdoce
et vice-versa.
Pendant la souveraineté directe de Rome (6-66), au moins la moitié des grands-prêtres ont été
des sadducéens, en particulier à partir d’Hanne et ses fils ou son gendre au temps de Jésus.
- Sur le plan des règles et pratiques légales (halaka) :
* ils privilégiaient la Torah et son application concernant les règles liturgiques et le
calendrier ;
* en outre ils prônaient des comportements absents de la Loi mosaïque : impureté due aux
ossements humains ( animaux) ; écoulement de liquide depuis un récipient pur vers un
autre non purifié ; pureté d’un courant d’eau s’écoulant d’un cimetière ; propriétaire
53
responsable d’un mal commis par son esclave ; lois concernant le mariage et le divorce ;
restrictions sur les déplacements pendant le sabbat ; etc.
* châtiments dus aux faux témoins ;
* à la différence des pharisiens qui admettaient que leurs traditions n’étaient pas dans la Loi
mosaïque, ils s’efforçaient de convaincre que leurs traditions se trouvaient dans la Torah
ou en dérivaient.
- Au plan doctrinal, ils se montrent conservateurs et s’opposent aux innovations dépassant
l’enseignement du Pentateuque ( pharisiens). Ils rejettent surtout :
* la résurrection des morts (cf. Ac 23, 8) qu’on ne trouve pas dans le Pentateuque ; pour eux
les morts tombaient dans une existence réduite et obscure (le shéol) ;
* de même, ils rejetaient toute récompense après la mort et donc toute espérance
eschatologique, encore que… peut-être espéraient-ils un avenir idéal pour Jérusalem et le
Temple qu’ils dirigeaient ;
* ils rejetaient aussi l’angélologie et la démonologie (Ac 23, 8) ;
* enfin ils rejetaient l’idée d’une providence divine, parce que tout dépend du pouvoir
humain (selon Josèphe), alors que le Pentateuque parle beaucoup de la providence divine.
En fait les sadducéens ne présentent pas un front uni : il y eut parmi eux des collaborateurs
des Romains et des révolutionnaires.
2. Controverse avec Jésus sur la résurrection des morts (Mc 12, 18-27 //)
C’est la seule mention des sadducéens dans les évangiles (Mc 12, 18-27 // Mt 22, 23-33 ; Lc
20, 27-38 ; plus deux allusions en Mt 3, 7 et 16, 1-12). Ils sont absents des lettres de Paul qui
écrit à une époque où ils étaient au pouvoir à Jérusalem. De mêle ils sont absents chez Jean,
ce qui confirme que les sadducéens étaient un groupe de petite dimension, composé
d’aristocrates sacerdotaux et laïques centrés sur Jérusalem.
Les auteurs du NT qui ont écrit après 70 n’ont pas jugé utile de parler d’un petit parti disparu
( pharisiens à l’origine du mouvement rabbinique naissant après 70), à part Mc 12, ce qui
montre bien que le deuxième évangile a été écrit peu de temps après la catastrophe de 70.
- Ce passage appartient à la catégorie des «récits de controverse» où les opposants lancent un
défi à Jésus qui répond de façon courte et incisive qui désarme.
- L’objection des sadducéens s’appuie sur la loi du lévirat (Dt 25, 5), qui régit le mariage
d’une veuve avec son beau-frère, et cherche à tourner en dérision la croyance en la
résurrection pour cette femme qui aurait épousé sept frères morts.
- La réponse de Jésus : les sadducéens ignorent les Écritures et la puissance de Dieu (v. 24) ;
de plus les ressuscités ne vivent plus selon le mode terrestre (v. 25) ; enfin Ex 3, 6 montre
que Dieu est le Dieu des vivants ; donc «vous êtres dans l’erreur».
- Il y a chez Marc deux cycles de controverses : en Galilée au début du ministère public (Mc
2, 1-3, 6) et à Jérusalem avant la passion (Mc 11, 27-12, 37). Ces controverses manifestent
le développement de l’hostilité à Jésus.
- Cette péricope a une structure en deux parties, dont chacune a deux sous-sections, et aborde
cinq thèmes : mort-résurrection, révélation normative de la Torah, référence à Moïse,
citations de l’Écriture et discussions sur le mariage et le divorce :
* Première partie (v. 18-23) : les sadducéens sont les seuls intervenants ; ils citent d’abord
la loi du lévirat (Dt 25, 5), qui va servir de norme pour la deuxième sous-section, avec le
cas fictif de la veuve et des sept frères, pour aboutir à la question-piège : s’il y a
résurrection, lequel frère aura la veuve pour femme dans sa vie de ressuscité ?
* Deuxième partie (v. 24-27) : Jésus devient le seul interlocuteur et répond en deux temps ;
d’abord ils ignorent les Écritures qui attestent la résurrection (v. 24 renvoyant au v. 18) ;
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puis ils ignorent la puissance de Dieu qui fait entrer les ressuscités dans un monde
nouveau (v. 25 renvoyant aux v. 20-23). Sous forme de chiasme, Jésus traite d’abord du
mode de la résurrection, puis du fait de la résurrection qui est plus essentiel.
C’est dons une péricope très bien construite, avec pour débuter chaque réponse de Jésus une
question rhétorique de réprimande.
- Exégèse verset par verset :
* 18 : les sadducéens sont présentés niant la résurrection, parce sans doute peu connus du
public chrétien ; Jésus est appelé «maître» (rabbi) sans que cela implique qu’ils
reconnaissent son autorité ;
* 19 : pour fonder leur question, les sadducéens s’appuient sur Moïse et le Pentateuque,
avec la loi du lévirat obligeant le frère du mort à donner un enfant à sa veuve (fusion de Dt
25, 5 et Gn 38, 8). Si Moïse avait cru en la résurrection, il n’aurait pas édicté cette loi qui
crée un imbroglio impossible (lévir = frère du mari).
* 20-23 : cette deuxième sous-section propose une application délirante de la loi du lévirat,
en allant jusqu’à sept frères (chiffre de plénitude !) ; manière de ridiculiser l’adversaire,
pour aboutir à la question inexorable : «duquel d’entre eux sera-t-elle la femme ?». Ceci
est compliqué encore par le fait que la femme aura eu plusieurs maris (polyandrie), ce qui
est tout à fait inadmissible pour des sémites : si la polyandrie est impossible, la
résurrection est impossible.
* v. 24-27 : la réponse de Jésus renvoie le boulet en posant une question à son tour : ce qui
est absurde, c’est votre ignorance des Écritures et de la puissance de Dieu.
* 25 : cette première sous-section concerne le mode de résurrection ; ceux qui ressuscitent
sont «comme des anges» (selon la compréhension juive, les anges avaient des corps
subtils) ; par la puissance de Dieu, ils auront des corps subtils et seront immortels.
* 26 : Jésus passe au fait de la résurrection, basée sur la révélation fondamentale de Dieu à
Moïse lors de l’épisode du buisson ardent et non pas sur une règle de conduite : «Je suis le
Dieu d’Abraham…»
° c’est l’être même de Dieu d’être le Dieu d’Abraham, Isaac et Jacob ;
° mais Dieu est le Dieu des seuls vivants, pas des morts ;
° donc Dieu, puisqu’il est défini par sa relation aux trois patriarches, maintient en vie ces
trois patriarches.
* Structure littéraire et contenu théologique plaident en faveur de l’originalité de cette péricope.
- Quant à l’historicité de cette controverse : a-t-elle été composée par Marc, conserve-t-elle
une trace d’un épisode du ministère de Jésus ou bien est-elle entièrement une création de
l’Église primitive ???
* Elle ne semble pas avoir été composée par Marc, car elle ne possède pas la même
ingénieuse structure que dans le cycle galiléen des controverses de Mc 2, 1-3, 6. Et ce
thème de la résurrection des morts ne semble pas intéressant pour l’évangéliste (ici
seulement il utilise le mot anastasis, alors qu’il utilise habituellement égeiro).
* C’est sans doute une controverse prémarcienne, mais relatant un débat réel entre Jésus et
les sadducéens sur la question de la résurrection générale, vu les deux critères de
discontinuité et de cohérence (Meier consacre 34 pages de raisonnement et 17 pages de
notes sur cette péricope de 16 lignes !).
Jésus croyait à une résurrection générale et le RD serait non pas l’amélioration du monde
présent, mais un monde nouveau transcendant. Et il l’affirme de sa propre autorité, ce qui a dû
particulièrement agacer les sadducéens.
XXX. Les esséniens et autres groupes
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Jésus a entretenu des relations plus ou moins étendues avec d’autre groupe : esséniens (en
particulier Qumran), samaritains, scribes, hérodiens, zélotes, soit un ensemble hétéroclite.
1. Esséniens et communauté de Qumran
- Ni les évangiles ni le reste du NT ne parlent des esséniens ou de la communauté de Qumran,
et les documents esséniens ne mentionnent pas Jésus. Donc aucune relation entre le Jésus
historique et les esséniens ou Qumran. Cependant il existe des ressemblances et des
différences au plan des idées ou des pratiques religieuse entre l’Église primitive ( Jésus
historique) et les esséniens, en sachant que les documents de Qumran datent du premier ou
deuxième siècle avant notre ère, donc bien avant Jésus (28-30), et en rappelant que Qumran
est un sous-groupe du mouvement plus large constitué par les esséniens.
- Ressemblances et différences concernant l’eschatologie, l’attitude envers le Temple et les
règles de conduite :
* Eschatologie : on constate une même tension entre eschatologie réalisée et future, avec
cependant pour Jésus l’accueil des «gens des nations», exclus par Qumran. Voir Mt 11, 2-
6 : «Es-tu celui qui doit venir ?».
* Attitude envers le Temple : Temple et Loi, piliers du judaïsme, sont devenus des facteurs
de division entre communautés. Très hostiles au Temple, les gens de Qumran l’étaient
parce qu’ils ne le dirigeaient pas (en particulier le calendrier des fêtes), alors que Jésus
fréquentait le Temple, bien qu’il appelle à sa purification (Mc 11, 15-17 ; Jn 2, 13-17).
* Règles de conduite : en matière sexuelle, mêmes normes strictes, mêmes différences sur
le divorce et le célibat (prophétique du RD pour Jésus, expression sacerdotale de pureté
rituelle pour Qumran) ; pour les serments, Jésus est plus radical dans leur interdiction ;
sur les vœux, Jésus les interdit formellement, alors que les gens de Qumran en font ; sur
les biens et richesses, Jésus n’a pas appelé tous ceux qui le suivaient à se dépouiller de
leurs richesses.
- Différences majeures : alors que Jésus a combiné plusieurs rôles religieux différents
(prophète eschatologique, thaumaturge, gourou, maître de sagesse, messie, ce qui l’a
conduit à sa mort), le Maître de Justice n’est pas mort violemment. Ces différences
concernent surtout cinq points :
* Attitude en matière de halaka : Jésus rejette explicitement un souci exagéré des règles
de pureté, dont les évangiles parlent peu d’ailleurs ( Qumran). Voir en particulier son
laxisme sur l’observation du sabbat.
* Intérêt porté aux calendriers : Qumran utilisait un calendrier solaire ( Temple, lunaire),
alors que Jésus ne parle jamais de calendrier.
* Haine et amour des ennemis : au dualisme de Qumran Jésus oppose l’amour de tous (Mt
5, 44 //).
* Direction hiérarchique : alors que Qumran est une société très hiérarchique, le
mouvement induit par le laïc Jésus ne comporte pas de chef sacerdotal.
* Miracles : Jésus fait des miracles ( Qumran) et il a survécu à sa mort ( Qumran).
2. Les samaritains
- Alors que les esséniens étaient clairement juifs, les samaritains (mentionnés dans les
évangiles, à la différence des esséniens) avaient un statut ambigu et, pour les définir, on a
recours à trois approches :
* Géographie : ce sont des habitants de la Samarie, entre la Judée au sud et la Galilée au
nord, avec pour capitale Samarie, rebaptisée Sébaste par Hérode le Grand au premier
siècle avant Jésus Christ en l’honneur d’Auguste (sébastès = auguste en grec).
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- Ce judaïsme rural entrait en conflit avec les groupes de pharisiens et sadducéens liés à
Jérusalem, à plus forte raison s’ils prétendaient avoir autorité.
- À la différence de la Galilée, la Judée était une province impériale romaine, gouvernée par
un préfet résidant à Césarée maritime.
3. Grandir comme juif de Galilée
- La Galilée, depuis la mort d’Hérode le Grand en – 4, était une partie de la tétrarchie de son
fils, Antipas, et donc relativement autonome. Elle avait sa propre armée (donc pas de
troupes romaines) et sa monnaie. Antipas se donnait l’apparence d’un juif pratiquant,
malgré son mariage scandaleux avec la femme de son demi-frère.
- Il y avait une paix et une stabilité ; et les juifs, en Galilée, ne cherchaient pas à s’insurger
contre Antipas.
4. Statut socio-économique de Jésus
- Apprenti de Joseph, Jésus a probablement appris le métier d’artisan du bois (tekton, en fait
de tous les matériaux). Donc il n’était pas un paysan et ne comptait pas parmi les plus
pauvres ; il ne se désigne jamais comme pauvre, mais parle aux pauvres : «heureux, vous,
les pauvres…».
- Cependant il abandonne sa situation traditionnelle honorable pour devenir un prophète
charismatique itinérant.
5. Étrangeté radicale de Jésus
- Il n’était pas un érudit de la Torah et de son interprétation, tout en revendiquant d’en donner
le sens profond. Il ne parlait que l’araméen, avec un fort accent sans doute ; il pouvait lire
l’hébreu et savait un peu de grec.
- Surtout il était célibataire, sans doute par volonté de consécration totale à la cause du RD ;
tout en étant considéré comme un «glouton» (Mt 11, 19 //), entouré d’hommes et de femmes
ayant laissé leurs familles.
- Enfin il a accepté le baptême de Jean, qui était inhabituel et renvoyait à un message
eschatologique de conversion et de repentance. Cependant son message comportait une
dimension joyeuse et libératoire.
B. Ministère de Jésus, prophète à la manière d’Élie
- Vers l’an 28, après son baptême, Jésus sort du cercle de JB et commence son propre
ministère prophétique, pendant une période relativement calme de la Palestine, Tibère étant
empereur de 14 à 37 ; Hérode Antipas, tétrarque de Galilée de – 4 à 39 ; Joseph Caïphe
maintenu grand-prêtre de 18 à 36 ; Ponce Pilate préfet de la province impériale de Judée de
26 à 36.
- Le RD annoncé par Jésus n’était pas bien perçu par les autorités politiques et religieuses.
Comme Élie, il pense à la réunion des douze tribus d’Israël et se choisit douze disciples.
- La transformation eschatologique d’Israël n’avait pas pour Jésus de caractère politique ;
mais ses actions et paroles suscitaient tensions et affrontements avec le pouvoir, jusqu’à
vouloir «décapiter» son mouvement, comme Antipas l’avait fait pour JB. Ce mouvement a
survécu, parce que Jésus l’avait structuré.
C. Structuration des disciples de Jésus
1. Marques d’identité
- JB avait donné à son mouvement certaines marques : baptême comme rite d’initiation,
constitution d’un groupe de disciples, pratiques religieuses spécifiques de prière et de jeûne.
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3. Sadducéens
- Avec les sadducéens, groupe lié au sacerdoce juif, sauf au sujet de la participation au culte
du Temple de Jérusalem, Jésus se situait en opposition complète, tant au point de vue
théologique que social.
- Ils n’apparaissent que dans l’évangile de Mc 12, 18-27 //, controverse sur la résurrection des
morts et la vie éternelle.
4. Pharisiens
- Évincés du pouvoir sous les monarques hasmonéens (en l’an 6), ils s’efforçaient
d’influencer le peuple par l’éducation ; d’où leurs fréquentes controverses avec le
mouvement de Jésus.
- Devant la complexité extrême de leurs positions, six points apparaissent plus sûrs :
* c’est un groupe à intérêt politique et religieux, en activité dans la Palestine entre 150 avant
J.C. et 70 de notre ère ;
* leur interprétation de la Loi recherche l’exactitude et la précision ;
* ils admettent des traditions supplémentaires ;
* ils ont des préoccupations légales : règles de pureté sur les aliments et les récipients ; ce
qui peut souiller les mains ; pureté en rapport aux cadavres et aux tombes ; pureté des
objets cultuels ; contribution à verser au Temple et à son personnel ; respect du sabbat et
des jours saints ; mariage et divorce…
* quelques doctrines particulières sur la résurrection des morts, l’attente d’un messie, le rôle
spécifique de la Loi ;
* ils admettent l’interaction entre la providence divine et l’effort humain.
- Cependant ils ne constituaient pas le judaïsme majoritaire. Sur le réalité historique de leur
influence au temps de Jésus, on peut retenir quatre points :
* deux écoles (Hillel et Shammaï) se disputaient sur l’autorisation du divorce, qu’ils
admettaient alors que Jésus s’y oppose en raison de sa perspective eschatologique où le
Créateur restaurerait le mariage monogame ;
* les conflits avec les pharisiens ont sans doute amené les malédictions contre eux
prononcées par Jésus ;
* la parabole du pharisien et du collecteur de taxes (Lc 18, 10-14), comme souvent dans les
paraboles qui inculquent un renversement de valeurs, est un bon exemple de ce
renversement, parce que les pharisiens étaient tenus en haute estime par le peuple ;
* vu les critères de discontinuité et d’embarras, les rares péricopes où Jésus est bien reçu par
certains pharisiens doivent être historiques.
- Il ne faut pas amalgamer la question des relations avec les pharisiens et celle de la relation à
la Loi mosaïque, sujet très difficile traité dans le quatrième tome.
5. Dernières énigmes
- Quatre grandes énigmes restent à considérer : l’enseignement de Jésus sur la Loi, les
discours mystérieux des paraboles, les auto-désignations (titres) de Jésus et sa mort.
- Sur la judaïté de Jésus, il ne suffit pas de dire qu’il observait la Loi, car les positions qu’il a
prises font problème.
- Les paraboles ne sont pas le chemin le plus facile pour parvenir au Jésus historique, vu le
cryptage des discours et leur caractère parfois non historique.
- La façon dont Jésus s’est désigné (Fils de l’homme, Fils…) visait surtout à poser question
plus qu’à apporter une réponse.
- Enfin la mort de Jésus reste une énigme tant dans son déroulement que dans ses motifs.
61
Prophètes, je ne suis pas venu abolir mais accomplir», d’autant plus que cette phrase est une
création de Mt ou de son Église (cf. l’utilisation du verbe plérô = accomplir, thème cher à Mt).
- La tâche consiste donc à défaire ce que les évangélistes ont fait, puis à essayer de remonter à
la formulation plus primitive.
- De plus il ne faut pas opposer l’appel aux sentiments intérieurs et les comportements rituels
(v.g. «c’est la miséricorde qui me plaît et non les sacrifices» Os 6, 6, qui signifie en fait «je
préfère l’amour aux sacrifices», parce que l’hébreu n’a pas de comparatif).
- Pour un juif, ce qui était moral c’était de faire la volonté de Dieu et de marcher dans ses
voies, aussi bien morales que rituelles. Il n’est pas sûr que cet enseignement sur la Loi
puisse se centrer autour du commandement d’amour.
XXXII. L’enseignement de Jésus sur le divorce
1. Clarifications nécessaires
- Parmi les questions juridiques le plus souvent attestées figure en premier lieu le divorce,
présent en Q, Mc et Paul. Mais cette question mêle problèmes historiques, exégétiques et
théologiques.
- Le divorce est un phénomène répandu dans tout le monde méditerranéen et concernait, non
pas l’État, mais le clan ou la famille, c’est-à-dire en fait les mâles dominants. Il faut le
considérer dans son étrangeté de passé et non en tirer des enseignements pour aujourd’hui.
2. Le divorce dans le Pentateuque
- La seule loi significative se trouve dans Dt 24, 1-4 : le retour d’une femme deux fois
divorcée à son premier mari est interdit parce qu’elle est devenue impure par son deuxième
mariage.
- Deux autres petites règles en Dt 22, 13-19 et 22, 28-29+ sur des cas très rares.
3. Chez les Prophètes et la littérature de Sagesse
- Deux références seulement chez les grands prophètes : Is 50, 1 et Jr 3, 1-2.8, sur le certificat
de divorce appliqué métaphoriquement aux relations entre Yahvé et le peuple d’Israël.
- Même utilisation de la métaphore chez Malachie 2, 1-16, impossible à traduire par «je
déteste le divorce».
- Les écrits de Sagesse sont rares sur le sujet et parlent d’un certificat de divorce comme
obligatoire.
4. Période intertestamentaire (Philon, Josèphe, Qumran)
- Pour Philon le divorce peut avoir lieu pour n’importe quelle raison et il reprend Dt 24 sur
l’interdiction de revenir au premier mari.
- Josèphe est d’accord avec Philon.
- Les textes de Qumran sont obscurs : ils condamnent la polygamie mais semblent admettre le
divorce.
- La Mishna
- La Mishna, rédigée vers 200-220, traite seulement de la rédaction du certificat de divorce.
- Mais avant 70 il n’y avait aucune mention d’un débat sur les causes possibles de divorce.
6. Le Nouveau Testament
- Il y a cinq mentions d’une interdiction du divorce par Jésus : Mt 5, 32 // Lc 16, 18 ; Mc 10,
2-12 // Mt 19, 3-9 ; 1 Co 7, 10-11. Elles sont toutes différentes, sauf la formule «ce que Dieu
a uni, que l’homme ne le sépare pas».
63
- Sans doute est-ce que Mc (comme Paul en 1 Co 7, 10-11) écrivait dans un cadre juridique
romain qui permettait à l’homme comme à la femme de divorcer ( cadre juif où la femme
n’avait pas ce pouvoir).
- La mention «envers elle» du verset 11 laisse entendre que le mari ne commet l’adultère que
s’il a des relations avec une femme mariée, ce qui lèse son mari, mais ce n’est pas le cas
avec une prostituée.
- En enlevant cette clause due à Marc, on retrouve l’interdiction de Q : «Quiconque répudie sa
femme et en épouse une autre commet un adultère».
D. Divorce et critères d’historicité
L’interdiction du divorce semble être une parole authentique de Jésus, comme le montrent les
différents critères d’historicité :
a) Attestation multiple
- Cette interdiction est citée dans trois courants indépendants du christianisme ancien : 1 Co 7,
10-11 (vers 54-55) ; source Q avec Mt 5, 32 // Lc 16, 18 (entre 50 et 70) ; Mc 10, 11-12
(vers 70).
- De plus elle revêt plusieurs formes : parénèse chez Paul, logion isolé en Q, récit de
controverse en Mc. Rares sont les paroles jouissant d’une telle base…
b) Discontinuité et embarras
- Alors que le divorce n’est pas remis en question dans l’AT, non plus par le judaïsme de
Philon et Josèphe, parce que c’est une solution naturelle et nécessaire, Jésus ose interdire ce
qu’autorise la Loi ; cela vaut aussi sans doute pour les groupes sectaires (esséniens et
Qumran).
- Quant au critère d’embarras, il concerne l’Église primitive qui a du mal avec cette
interdiction de Jésus (cf. Paul en 1 Co qui dit parler au nom du Christ, ou Mc qui ajoute une
exception). Ce n’est pas l’Église primitive qui a pu inventer cette interdiction si étrangère à
la mentalité ancienne.
c. Cohérence
- Cette interdiction est en cohérence avec la conception plutôt radicale de la Loi par Jésus,
surtout en matière sexuelle.
- Même si cela va à l’encontre de son insistance sur la miséricorde et le pardon.
E. Le récit de controverse de Mc 10, 2-12
- Ce récit est traité à part, car souvent les controverses sont des élaborations de la
communauté primitive.
- La question posée par les pharisiens est étrange, car elle ne repose sur aucune interprétation
de la Loi ; elle veut sans doute préparer la réponse de Jésus au verset 11.
- En fait Jésus fait une double réponse : sur le divorce au v. 9 et sur le divorce et le remariage
au v. 11.
- Mc 10, 2-12 est une création littéraire et théologique de Marc à partir de traditions diverses.
F. Conclusion
- Les critères d’attestation multiple, de discontinuité, d’embarras et de cohérence plaident en
faveur de l’historicité de l’interdiction du divorce par Jésus. Mais on peut ajouter d’autres
conclusions.
- Il est difficile de savoir quelle est la parole originale de Jésus, même si Lc 16, 18 semble en
approcher : «Tout homme qui répudie sa femme (et en épouse une autre) est adultère, et
celui qui épouse une femme répudiée par son mari est adultère».
65
- Les controverses sont des compositions chrétiennes. Mais qu’en est-il du cœur de Mt 10, 9 :
«Ce que Dieu a uni que l’homme ne le sépare pas» ? Cette interdiction remonte sans doute
au Jésus historique.
- Comme comprendre la volonté de Jésus d’être fidèle à la Loi mosaïque et son refus du
divorce et du remariage pourtant permis ??? Est-ce le signe que Jésus est le prophète
eschatologique ?
XXXIII. L’interdiction des serments
Y a-t-il d’autres exemples que Jésus ait abrogé une institution ou une pratique autorisée et
réglementée par la Loi ? Beaucoup pensent qu’il n’y en a pas, sauf peut-être l’interdiction des
serments…
1. Les serments selon les Écritures juives et la Mishna
a) Clarifications
- Il est souvent difficile de distinguer serment et vœu. Pour nous, un serment est une
affirmation ou une promesse qui prend Dieu à témoin que notre parole est vraie.
- Alors qu’un vœu s’adresse directement à Dieu pour lui promettre quelque chose.
b) Le serment dans le judaïsme
- La Torah exigeait que l’on prête serment dans certains cas.
- Les seules exceptions sont tardives (Mishna) et permettent d’éviter de prêter serment
parfois, par scrupule. Donc les serments sont interdits dans le judaïsme.
2. Interdiction des serments dans le NT
Certaines réserves venues du judaïsme tardif (Ben Sira, Philon) sont poussées à l’extrême par
Jésus qui interdit complètement les serments. Cf. les deux seuls textes explicites : Mt 5, 34-37
et Jc 5, 12.
a) Comparaison des deux textes (Mt 5, 33-37 ; Jc 5, 12)
- Ce sont les deux formes de la même tradition : même contenu de base, même structure
littéraire, même vocabulaire. Mais aussi des différences : attribution à Jésus chez Mt, mais
non chez Jc ; pas d’antithèse chez Jc ; formes grammaticales différentes ; plus d’exemples
en Mt (4) qu’en Jc (3) et sans raison dans Jc ; caractère absolu de l’interdiction ; variantes
d’impératif ; finale différente.
- En fait ce sont deux formes littéraires différentes (évangile et parénèse) d’une même
tradition ; mais aucune dépendance entre elles.
b) La plus ancienne version accessible
- Les éléments les plus certains de la tradition primitive sont une formule en deux parties : un
commandement négatif (ne pas jurer) suivi d’un commandement positif (une parole vraie).
- «Ne jurez ni par le ciel, ni par la terre (8 pages !), mais que votre parole soit oui ou non».
c) L’interdiction remonte-t-elle au Jésus historique ?
- Mt et Jc rédigés entre 70 et 100 sont indépendants l’un de l’autre, avec des développements
d’une tradition primitive qui doit remonter à la première génération chrétienne (entre 30 et 70).
- Seul Mt attribue l’interdiction à Jésus. Deux critères appuient une origine remontant à
Jésus : la discontinuité et l’attestation multiple. En effet AT et NT admettent les serments
(Paul jure souvent !) ; donc la parole de Jésus a été transmise dans le courant évangélique et
dans le courant épistolaire (attestation multiple).
- Ainsi l’interdiction du divorce comme des serments est un autre exemple de la révocation
par le Jésus historique d’institutions ou de commandements de la Loi de Moïse.
66
paralysé de la piscine de Béthesda (Jn 5, 1-9), l'aveugle-né (Jn 9, 1-7). Mais il faut y regarder
de plus près, en distinguant les récits synoptiques et johanniques.
- Récits synoptiques (cf. «Un certain Juif» II)
* Mc 3, 1-6 : l'homme à la main desséchée. En fait Jésus ne fait rien et se contente de
donner deux ordres : «lève-toi … étends les mains» ; donc il n'y a pas violation du sabbat ;
d'autant plus qu'une guérison pendant le sabbat n'entrait pas dans les trente-neuf
interdictions…
* Lc 13, 10-17 : femme courbée depuis dix-huit ans. Rien n'interdit une guérison par la
parole et l'imposition des mains.
* Lc 14, 1-6 : homme hydropique. Jésus ne fait rien ; donc on ne peut rien retenir de ces
trois récits concernant des controverses sur le sabbat remontant au ministère du Jésus
historique : ils posent seulement la question de savoir ce qu'il est permis ou non de faire le
jour du sabbat.
- Récits johanniques
* Ce sont sans doute des récits remontant au Jésus historique : Jn 5, 1-9 (paralysé de
Béthesda) et Jn 9, 1-7 (aveugle-né). Mais ces deux récits ne font pas mention du sabbat,
sauf à la fin pour servir une intention théologique de Jean (cf. leur structure, comme
beaucoup d'autres : action-signe, provoquant dialogue ou dispute, aboutissant à un
discours théologique.
* Alors que les récits synoptiques introduisent très vite le thème du sabbat pour colorer tout
le récit, mais ne remontent pas au Jésus historique, les récits johanniques remontent sans
doute au ministère historique de Jésus, mais ajoutent le thème du sabbat pour des raisons
littéraires ou théologiques.
* Donc dans les quatre évangiles, pas un seul récit de controverse provoquée par une
guérison le jour du sabbat ne remonte au Jésus historique.
3. Paroles de Jésus sur la halakha sabbatique dans les récits de miracles synoptiques
- C'est sur des questions rhétoriques que Jésus discutait avec les juifs de la façon d'observer le
repos sabbatique : «Est-il permis ou non de faire le bien le jour du sabbat ?»
- À la différence des pharisiens ou des esséniens qui prônaient une interdiction de toute
activité, Jésus opte pour une interprétation de bon sens de la Loi.
4. L'arrachage de grains le jour du sabbat (Mc 2, 23-28)
- Texte étrange et exceptionnel, sans rapport avec un miracle ou une parole de Jésus.
- Contexte : quatrième des cinq récits de controverse situés par Marc au début du ministère de
Jésus (cf. les polémiques en fin de ministère en Mc 11, 27-12, 44). On y remarque un
schéma concentrique 1→5, 2→4, 3 : construction pour faire progresser l'idée d'un Messie
revêtu d'autorité.
- Structure : dans les récits de controverse, on a souvent trois parties : mise en place d'un
cadre avec acteurs, circonstances et actions ; question ou objection ; réponse de Jésus. Mais
ce schéma disparaît dans la deuxième et troisième réponse (sabbat fait pour l'homme ; le Fils
de l'Homme maître du sabbat).
- Forme originale : sans doute seulement la mise en place (v 23), la question (v. 24) et la
réponse de Jésus (v. 25-26).
- Historicité : ce passage n'est pas du Jésus historique ; d'une part on voit mal des pharisiens
patrouiller dans les champs pour surprendre les disciples; d'autre part l'appel à relire
l'histoire de David est faux (1 S 21 n'a pas lieu pendant le sabbat…) ; alors que l'histoire de
David suppose une situation d'urgence, ce n'est pas le cas pour les disciples. Erreur aussi sur
le grand-prêtre. Donc il s'agit d'une composition polémique de juifs palestiniens d'avant 70.
68
- Accord sur deux parties : controverse sur les mains non lavées (7, 1-13) et enseignement
de Jésus sur ce qui souille (7, 14-23). Meier pense que l'aphorisme de 7, 14-15 constitue un
pivot reliant les deux parties.
- Indicateurs de la structure littéraire : l'apparition des pharisiens et des scribes,
abandonnés en Mc 3, 22, indique une nouvelle étape de la mission en Galilée, avec une
double réplique de Jésus à partir des prophètes (v. 6-8), puis de la Loi mosaïque (v. 9-10).
La controverse se termine brusquement, sans réaction des adversaires qui disparaissent pour
laisser place à la foule à qui Jésus délivre un aphorisme déconcertant : «rien de ce qui entre
dans l'homme ne peut le rendre impur…».
- Liens des termes et des thèmes : l'impureté est le thème omniprésent, de même que celui de
l'homme (anthropos). Cela nous renvoie à une construction chrétienne en plusieurs strates,
et non à un enregistrement de Jésus.
- Structure détaillée :
* Première moitié (v. 1-13) : critique de Jésus vis-à-vis de la tradition des anciens :
Unité 1 : question sur la nourriture prise avec des mains impures (1-5).
Unité 2 : deux répliques de Jésus (6-13) :
à partir des prophètes, surtout Isaïe (6-8),
à partir de la Loi (Ex 20-21 : v. 9-13).
* Charnière : aphorisme sur la pureté (v. 14-15).
* Deuxième moitié : explication aux disciples de l'aphorisme sur la pureté (v.17-23) :
Unité 1 : question des disciples et réprimande de Jésus (17-18a).
Unité 2 : explication de la première moitié de l'aphorisme (18b-19).
Unité 3 : explication de la deuxième moitié de l'aphorisme (20-23).
b) Quel auteur ?
- On voit rapidement la main de plusieurs auteurs chrétiens; cela se vérifie en trois points :
* Des parenthèses explicatives : sur les mains non lavées (v. 2) ; sur divers rituels (v. 3-4) ;
sur le mot qorban (v.11) ; sur la déclaration de pureté de tous les aliments (v. 19).
* Des déclarations à caractère universel ou général (panta, polla) dans les versets où
apparaissent des adversaires.
* Des schémas rédactionnels : déclaration de Jésus - retrait dans un espace privé - question
par un disciple - réprimande par Jésus - puis explication. Des verbes qui expriment une
prise de parole : «il disait…». Une tendance à dire les choses par deux.
- D'où la question : y a-t-il des matériaux remontant au Jésus historique ? Des versets 1 à 6,
Jésus n'intervient pas, alors qu'il est le principal auteur des versets 7 à 23.
c) À la recherche du Jésus historique dans Mc 7, 6-23
- Versets 6-8 : la citation d'Isaïe est reprise non du texte hébreu, mais de la Septante qui
dénonce ceux qui enseignent des doctrines purement humaines (alors que l'hébreu dénonce
le culte routinier du Temple). Or Jésus ne pouvait citer la LXX de mémoire. La citation
d'Isaïe 29, 13 est donc une recomposition chrétienne.
- Versets 9-13 : seconde réplique de Jésus citant Exode 20, 12 et 21, 17, qui constitue un
exemple concret de l'accusation formulée en 6-8. Elle' est donc disqualifiée pour remonter à
Jésus ; cependant la citation d'Exode peut remonter au Jésus historique.
- Versets 14-23 : aphorisme sur l'impureté et son explication. Tout dépend de l'authenticité du
verset 15. L'absence de réactions par rapport à la remise en cause des lois traditionnelles sur
les interdits alimentaires laisse douter de l'authenticité de la phrase (même Paul en Ac 10-15
et Ga 2, 11-14 soutient ces interdits). Donc Mc 7, 15 est une formulation chrétienne vers l'an
70 pour fonder l'enseignement et la pratique de l'Église primitive.
70
d) Les repas pris avec les mains non lavées (Mc 7, 1-5)
À l'exception possible de la tradition sur le qorban (v. 10-12), tout l'ensemble de Mc 7, 1-23
est le produit de la rédaction marcienne. Or les versets 1-5 sont une introduction à
l'enseignement de Jésus : on peut donc les considérer comme venant du Jésus historique.
3. Autres allusions à la pureté rituelle dans les évangiles
À part Mc 7, 1-23, il n'y a dans les évangiles que des allusions concernant la position de Jésus
sur la pureté rituelle, à l'exception des récits de l'enfance ou après la mort de Jésus…
- L'impureté due à un cadavre : le contact d'un cadavre donnait lieu à un processus de
purification allant jusqu'à sept jours. Quant à Jésus, il a touché la fille de Jaïre ((Mc 5, 41),
la civière du fils de la veuve de Naïm (Lc 7, 14) et il s'est rendu à la tombe de Lazare (Jn 11,
28), mais il n'y a aucune mention d'une impureté.
Mt 23, 27-28 // Lc 11, 44 sur les pharisiens comparés à des sépulcres («Malheur à vous !») :
ce logion reflète seulement la croyance juive selon laquelle tombe et cadavre transmettaient
une impureté rituelle (cf. Mt 23, 25-26 et Lc 11, 39-41 sur la coupe à purifier). Là encore
l'important est la pureté intérieure, morale. Mais aucune indication sur la pensée de Jésus.
- La femme ayant un flux de sang (Mc 5, 25-34) : il ne s'agit pas des règles (qui rendaient
aussi la femme impure), mais d'une maladie qui ne faisait sans doute pas partie des lois
rituelles du Pentateuque. Là encore la question de l'impureté contractée par le toucher du
vêtement est hors de la perspective de l'évangile.
- Lois régissant les règles des femmes (Lc 15, 19-24) : aucune mention de l'impureté
menstruelle dans l'enseignement de Jésus, alors qu'il voyageait avec des femmes. Ce silence
est à interpréter comme un manque d'intérêt (≠ des discussions à l'époque) ou comme une
indifférence calculée.
- Guérison de maladies de peau (lèpre) : dans Mc 1, 40-42 // Jésus touche le lépreux, mais
dans la guérison des dix lépreux (Lc 17, 11-19) il guérit à distance. Mais cela ne dit rien de
la pensée de Jésus.
4. Conclusion : Jésus et la pureté rituelle
Si la recherche semble décevante, elle révèle pourtant des perspectives importantes.
- Toute l'exégèse s'était basée sur Mc 7, 1-23 pour établir l'attitude de Jésus à l'égard des lois
de pureté. Or, sauf Mc 7, 10-12, rien ne remonte au Jésus historique, mais à la tradition
judéo-chrétienne.
- En contraste avec les discussions dans l'Église primitive, le silence de Jésus sur les questions
de pureté rituelle fait sens.
- Il n'y a jamais eu de rejet brutal ni d'ignorance désinvolte de Jésus par rapport à la Loi
mosaïque (cf. son interdiction du divorce et des serments) ; par contre, en prophète
charismatique, il a choisi de ne pas parler de pureté rituelle.
nettement séparés dans deux livres différents, Jésus manifeste une grande connaissance de la
Torah hébraïque.
- Jésus ne rabaisse pas l'amour de Dieu au niveau de l'amour du prochain ; les deux amours
demeurent distincts, mais Jésus les hiérarchise et les place au-dessus de tous les autres
commandements.
- Le scribe reconnaît en Jésus un «maître» (didaskalé) et se conduit en élève capable de
répéter son maître à sa façon. Trois différences dans la reprise de la Torah par le scribe : il
abandonne le «écoute» pour se concentrer sur le monothéisme (v. 32) ; il supprime «le
Seigneur notre Dieu» et réduit à trois les facultés humaines (cœur, intelligence, force : v. 33)
en insistant sur l'unité des deux commandements ; enfin il montre que le culte est inférieur
(v. 34).
- Jésus estime qu'il a bien compris son enseignement et qu'il «n'est pas loin du RD». Litote
sans parallèle, mais ambiguë, parce que le scribe ne va peut-être pas jusqu'à faire une
profession de foi christologique.
- Cette péricope n'a pas été créée par Marc. À la différence des autres controverses, ici aucun
sous-entendu d'hypocrisie ou de malveillance, mais un double mouvement de navette avec
approbation réciproque. Le ton général, le contenu et l'intention ne cadrent pas avec les
péricopes environnantes : on a donc ici une rare mention d'un scribe positif remontant au
début de l'ère chrétienne (30-70). Alors est-elle de Jésus ou de l'Église primitive ?
B. En faveur de l'historicité de Mc 12, 28-34
L'enseignement de Jésus sur le double commandement d'amour est bien historique, s'appuie
sur le critère de discontinuité et contient quatre caractéristiques remarquables :
* Jésus cite Dt 6, 4-5 et Lv 19, 18b mot à mot et il est le seul à le faire ;
* Jésus non seulement les cite, mais les adosse l'un à l'autre ;
* Jésus leur donne un ordre, en mettant Dt en premier et Lv en second ;
* Jésus conclut par l'affirmation de la supériorité de ces deux commandements sur tous les
autres.
Et cet enseignement ne se retrouve nulle part ailleurs. La première jonction de Dt et Lv se
trouve dans la Didaché, mais elle n'est pas citée mot à mot. Il y a donc une claire discontinuité
entre le double commandement d'amour de Jésus et la littérature juive ou néotestamentaire au
tournant de notre ère.
a) Discontinuité avec l'AT
- Aucun des deux textes (Dt 6 et Lv 19) et leur combinaison ne se retrouvent dans tout l'AT.
- Ce qui s'en rapproche le plus est Dt 10, 12-17 qui ordonne «de craindre Yahvé, le suivre,
l'aimer et le servir de tout son cœur, de toute son âme».
- Il y a bien sûr beaucoup de textes sur l'amour, mais aucun en lien avec Dt et Lv.
L'enseignement de Jésus ne sort de nulle part, mais n'a jamais été aussi clairement exprimé.
b) Discontinuité avec les manuscrits de la Mer morte
- À Qumran, les exhortations à l'amour ou au souci de l'autre ne concernent que les frères, les
vrais israélites.
- Et on ne trouve nulle part le double commandement de Dt et Lv.
c) Discontinuité et absence dans les pseudépigraphes de l'AT
- Il y a seulement des allusions, mais pas de citation explicite : Livre des Jubilés, Testaments
des douze Patriarches.
d) Discontinuité et absence chez Philon et Josèphe
73
- On ne trouve dans leurs écrits aucune des quatre caractéristiques : citation explicite ;
adossement des deux textes ; ordre numérique ; supériorité sur tous les autres
commandements.
e) Discontinuité et absence chez les premiers rabbins
- Même dans la Mishna (vers 200 de notre ère), il n'y a aucune citation réunissant les deux
textes.
f) Discontinuité et absence dans le reste du NT
- Il n'y a aucun parallèle dans aucun autre texte du NT, à part les parallèles de Mc 12.
- Dt 6, 4-5 n'est jamais cité explicitement dans le NT et Lv 19, 18b est cité deux fois par Mt :
Mt 5, 44b // Lc 6, 27b (en supprimant «comme toi-même») et Mt 19, 19 (en incluant
«comme toi-même»).
- Paul cite Lv 19, 18b deux fois : Ga 5, 14 et Rm 13, 8-10, mais le prochain désigne un autre
chrétien.
- Jc 2, 8 fait aussi allusion à Lv 19, mais sans lien à Dt 6.
- Même si cette liaison par Jésus dans Mc 12 est située dans un contexte polémique
(provenant souvent de l'Église primitive), même si la tradition juive ne faisait pas de
hiérarchie entre les 613 commandements et donc rend difficile la question du scribe, Mc 12
semble bien être historique.
g) Attestation multiple
- Certains pensent que les différences entre Mc 12 et ses parallèles en Mt 22 et Lc 20 incluent
une autre source que Mc. Mais Meier pense qu'il s'agit seulement d'un remaniement de Mc à
partir des objectifs de Mt et Lc.
- Par exemple, Lc parle d'un «légiste» (nomikos) et non pas d'un ««scribe» (grammatôs) ; ou
bien l'absence de «dans la Loi» chez Mc (≠ Mt et Lc) ; mais ce ne sont pas des détails
probants.
- En plus, ce message d'amour est cohérent avec les appels de Jésus à la miséricorde, au
pardon, à l'attention envers les petits et les pécheurs, mais aussi avec sa conception d'un
prophète eschatologique appelé à rassembler l'Israël dispersé. Sans pour autant aller jusqu'à
un Jésus émotionnel ou sentimental, comme l'aiment les américains…
2. Le commandement d'amour des ennemis (Q : Mt 5, 44 // Lc 6, 27)
Il s'agit ici du seul commandement d'«aimer ses ennemis» présent dans le discours de la
montagne, qui comporte plusieurs caractéristiques :
* Il est très bref : quatre mots et même seulement trois en hébreu ou en araméen (≠ des 44
mots grecs de Mc 12, 29-31).
* Jésus ne cite pas de texte de l'Écriture, mais parle de sa propre autorité : «Eh bien, moi je
vous dis…».
* Ce commandement ne se trouve pas ailleurs qu'en Q ; donc pas d'attestation multiple.
* Autre ressemblance avec le double commandement d'aimer : la discontinuité.
* Beaucoup d'autres logia de Lc 6, 27-36 ont des parallèles anciens, mais pas celui d'aimer ses
ennemis (≠ de la non violence ou du refus de la vengeance, souvent assimilés).
* Il s'agit de faire du bien aux ennemis, non pas d'avoir des sentiments affectueux à leur
égard.
* À l'origine, les logia étaient isolés ; Lc les a regroupés, mais on ne peut relier à l'amour des
ennemis le fait de tendre l'autre joue, de donner son manteau, etc., c'est-à-dire tous les actes
mentionnés avant ou après.
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* Donc ce commandement d'amour des ennemis n'a aucune occurrence ni dans l'AT, ni dans
la littérature intertestamentaire, ni dans le NT, ni dans la philosophie contemporaine.
* La non vengeance, prônée par certaines sagesses antiques, n'a rien à voir avec l'amour des
ennemis.
a) Absence du commandement d'amour dans l'AT
- Ni dans les écrits de Sagesse, ni dans les lois du Pentateuque, ni dans les Psaumes, on ne
trouve aucun commandement d'amour des ennemis.
- Ne pas confondre ce commandement avec le désir ou le refus de vengeance, laissé à Dieu
seul.
b) Absence à Qumran
c) Absence dans les pseudépigraphes de l'AT
d) Absence chez Philon et Josèphe
e) Philosophes gréco-romains (Sénèque, Épictète)
f) Absence dans le reste du NT
- En dehors de la tradition Q (Mt 5, 45b et Lc 6, 27b), aucune trace de l'amour des ennemis
dans tout le NT.
- Même Rm 12, 9-21 : «Ne te laisse pas vaincre par le mal, sois vainqueur du mal par le bien»
est seulement un refus de la vengeance, comme dans les autres littératures…
- L'injonction «aimez vos ennemis» correspond parfaitement à cet étrange prophète nommé
Jésus et remonte assurément à lui seul.
3. La règle d'or (Mt 7, 12 ; Lc 6, 31)
- C'est une maxime avec six caractéristiques : concise, concernant les rapports humains,
supposant la réciprocité, prenant les désirs individuels pour les ajuster au comportement
avec les autres, ne contenant pas le mot «aimer», ne faisant pas référence directe à Dieu.
- Jésus n'est pas à l'origine de cette règle, qui est issue de la sagesse populaire répandue du
refus de la vengeance, surtout dans la morale stoïcienne.
- De plus, cette règle n'est pas en harmonie avec les exigences de Jésus en matière de loi et
d'éthique ; dans Mt 5, 38-48, la règle d'or est absente parce que fondée sur la réciprocité
récusée par Jésus comme étant la manière des païens.
4. Le commandement d'amour dans la tradition johannique
Le commandement «aimez-vous les uns les autres comme je vous ai amés» ne se trouve que
chez Jean et dans deux déclarations faites au cours du dernier repas (Jn 13, 34 et 15, 12-17).
Ce commandement est à lire dans le contexte de la théologie de Jean : christologie haute,
eschatologie réalisée et dualisme marqué.
a) Christologie haute
- L'évangile de Jean est le seul livre du NT qui fonde sa compréhension du Christ sur une
théologie de la préexistence et de l'incarnation (cf. le prologue en Jn 1, 1-18).
- Cette concentration sur la venue du Verbe préexistant pour sauver le monde permet à Jésus
de dire «Je suis» et rassemble l'essentiel. D'où pas de théologie de l'Église, pas de disciples
envoyés en mission, pas de section sur des préceptes moraux comme dans les Synoptiques.
b) Eschatologie fortement réalisée
- En s'incarnant, le Fils de l'Homme met en œuvre le jugement eschatologique.
- Selon que les hommes acceptent ou rejettent la révélation du Christ, ils sont sauvés ou
condamnés dès maintenant.
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c) Dualisme marqué
- Ce dualisme apparaît sous le mode cosmologique (ténèbres-lumière ; terre-ciel ; créature-
créateur) et sous mode de décision (croire ou non).
- Judas s'enfonce dans les ténèbres et après son départ Jésus révèle son nouveau
commandement eschatologique. Pour le comprendre, il convient de le comparer aux
commandements d'amour des Synoptiques quant au lieu, à l'auditoire et au contenu.
d) Comparaison avec les Synoptiques
- Alors que, dans les Synoptiques, les commandements d'amour sont prononcés en public
avec des auditoires différents, dans Jean Jésus n'adresse jamais de commandement d'amour
à son auditoire public, ni d'enseignement moral. Il n'y a que sept occurrences du agapaô (Jn
3, 16.19.35 ; 8, 42 ; 10, 17 ; 11, 5 ; et 12, 43), toutes à l'indicatif et dans des commentaires
de l'évangéliste, hors du ministère public.
- Mais après le ministère public, lors du dernier repas avec ses disciples, on a une explosion
des paroles d'amour (25 fois dans Jn 13-17) pour désigner les relations de Jésus à son Père, à
ses disciples ou des disciples entre eux. Donc le commandement est limité aux disciples.
- Cet amour est fondé au plan ontologique (basé sur le lien entre le Père et le Fils) et exprimé
au plan éthique (mise en pratique vis-à-vis des frères à l'image de Jésus ; cf. le «comme je
vous ai aimés».
e) Historicité
- Jn 13, 34 et 15, 12 sont une réélaboration par la tradition johannique d'une tradition générale
sur un commandement d'amour.
- Le commandement d'amour des ennemis n'a pas de parallèle chez Jean. Le commandement
d'amour ne va pas plus loin chez Jean que dans Lv 19, 18b, à savoir les membres de la
communauté : donc est-ce qu'il vient de Jésus ???
f) Le commandement d'amour dans les épîtres johanniques
Les textes se limitent à la Première lettre de Jean, car il n'y a aucun commandement d'amour
en 3 Jn et 2 Jn 5 ne fait que reprendre 1 Jn.
- L'auteur de 1 Jn réinterprète l'évangile de Jn face à un schisme apparu dans la communauté
johannique, surtout à propos de l'incarnation et de la minimisation du comportement moral :
un disciple du Christ incarné doit accompli des actes d'amour incarné.
- En seulement cinq chapitres, 1 Jn emploie le verbe agapaô 28 fois, donc plus que tout autre
livre du NT (sauf l'évangile de Jn : 37). On peut ajouter les 18 occurrences du substantif
agapè et les 6 occurrences de l'adjectif agapétos.
- Surtout 1Jn 2, 9-11 ; 3, 14-18.23 ; 4, 7.11-12 ; 4, 20-21 ; 5, 12. Mais il y a trois différences
importantes :
* le double commandement d'amour de Dieu et des hommes est attribuable à Jésus seul,
alors que 1 Jn 4, 20-21 l'attribue au Père ;
* de même, 1 Jn 4, 20-21 ne cite pas Dt 6 et Lv 19 mot à mot comme Mc 12, 29-31 ;
* enfin dans 1 Jn 4, 20-21 le commandement d'amour concerne les autres, mais pas Dieu
dont l'amour est considéré comme un donné, non comme un commandement.
- Le lien entre aimer Dieu et aimer son frère pourrait être une réinterprétation par la
communauté johannique d'une tradition antérieure à Jésus sur le double commandement d'amour.
- Finalement, à la différence du double commandement d'amour en Mc et Q (remontant à
Jésus), le commandement d'amour de Jean (évangile et épîtres) est une superbe réflexion sur
le cœur du message chrétien, à partir de l'AT et de sa tradition, mais ne remonte pas au Jésus
historique.
76
Conclusion
Quatre énigmes nous ont guidé tout au long de notre recherche sur ce juif marginal : Jésus et
la Torah, les paraboles de Jésus, ce que Jésus dit de lui-même et la mort de Jésus. En ce qui
concerne Jésus et la la Loi, comme pour tous les autres sujets, on peut évaluer des aspects
positifs et négatifs.
A. Trois perspectives positives
- Jésus est vraiment un juif engagé dans les débats sur la loi de son pays et de son époque.
Sans Jésus halakhique, il n'y a pas de Jésus historique.
- En étudiant le vrai Jésus, nous sommes amenés à nous poser la question du sens et de la
pertinence de ses positions sur le sabbat, le divorce, les serments, l'amour des ennemis…
surtout quand elles vont dans un sens contraire au nôtre.
- En effet, l'enseignement de Jésus ne va pas dans le sens de nos opinions et c'est ainsi qu'il
faut le prendre : par exemple, la règle d'or n'a jamais été enseignée par Jésus…
B) Cinq perspectives négatives
- Contrairement à ce que l'on sait sur la proclamation fondamentale du RD, sur l'activité de
guérison, sur l'enseignement de la condition de disciple, les matériaux juridiques sont rares
77
et épars. Sans doute parce que le mouvement chrétien primitif sélectionna les enseignements
jugés utiles pour répandre le message chrétien et laissa tomber les discussions sur la loi (qui
durent être beaucoup plus nombreuses que ce qui nous est resté).
- Il n'y a pas chez Jésus un système moral organisé, même pas autour du commandement
d'amour, car c'est Mt (et non pas Mc) qui relie les deux commandements et affirme qu'ils
expriment toute la Loi. Matthieu a essayé de systématiser, mais pas Jésus.
- Il n'y a pas de logique entre les différents éléments halakhiques analysés (commandement
d'aimer ses ennemis ; interdiction des serments ; interdiction du divorce ; paroles sur le
sabbat) et le double commandement d'amour. De plus, Jésus ne justifie pas ses positions
morales à partir des textes de l'Écriture : Dt 6 et Lv 19 sont le contenu du commandement,
non sa justification.
- En fait ce qui explique les affirmations morales de Jésus, c'est son autorité de prophète
charismatique, envoyé de Dieu.
- Peut-être peut-on parler d'une «morale eschatologique» ou d'une «éthique du RD», c'est-à-
dire d'une vie en conformité avec la venue du règne de Dieu à la fin des temps ; même si le
RD est absent des positions morales de Jésus…
78
Introduction
Il ne s’agit pas d’un commentaire des paraboles, mais d’une recherche sur leur authenticité ou
leur provenance du Jésus historique.
Après le volume I sur les principes de l’enquête (avec notes sur l’environnement social,
culturel, économique et familial de Jésus), le volume II a affronté 3 questions (le rapport à
Jean Baptiste (= J.B.), le message eschatologique de Jésus, la promulgation du Royaume de
Dieu = RD). Le volume III a décrit les groupes ayant suivi Jésus ou s’y étant opposés, et le
volume IV a abordé la première des quatre énigmes concernant Jésus : son attitude par rapport
à la Loi et à l’Amour. Ce volume V s’attache à la deuxième énigme, la compréhension des
paraboles. Il restera à voir les deux dernières énigmes : la façon de Jésus de se désigner (ses
titres) et sa mort sur la croix (la résurrection n’est pas du domaine historique).
1. Problème particulier des paraboles
- À la différence des textes sur le divorce ou les serments, qui sont clairs, les paraboles
demandent un cadre interprétatif, sinon on peut leur faire dire n’importe quoi.
- Remontent-elles à Jésus ? Peu, semble-t-il ! Pour le démontrer, Meier va examiner les sept
thèses «inactuelles» sur les paraboles (chap. 37), leur présence dans l’Évangile copte selon
Thomas (chap. 38), leur regroupement, non pas selon leurs thèmes, mais leurs sources
(chap. 39), enfin les quatre paraboles semblant les plus authentiques : grain de sénevé,
vignerons homicides, festin nuptial, et talents ou mines (chap. 40).
2. Méthodologie
- Ce livre ne vise pas à commenter chaque parabole, mais à en établir l’historicité (
recherche christologique ou théologique), même si les paraboles sont importantes pour la foi
et la pratique chrétiennes.
- D’où le recours aux cinq critères d’historicité : embarras (v.g. baptême de Jésus par J.B. ou
crucifixion) ; discontinuité avec le judaïsme (v.g. rejet du jeûne, expression «Fils de
l’homme») ; attestation multiple (v.g ; parabole du grain de sénevé, Fils de l’Homme, mort
sur la croix) ; cohérence (paroles de Jésus sur sa mort violente) ; rejet et exécution de Jésus
(entrée triomphale à Jérusalem, prédiction de la destruction du temple).
- En plus de ces cinq critères primaires existent des critères secondaires ou douteux : traces
d’araméen, échos environnementaux, nature vivante du récit… Quant au critère de
plausibilité (Theissen), il regroupe souvent les cinq critères primaires.
- Ainsi la plupart des paraboles ne remontent pas à Jésus !
XXXVII. Sept thèses «inactuelles» sur les paraboles
Étant donné la multitude d’interprétations des paraboles, il importe de les classer par ordre
décroissant de valeurs… Ce n’était pas le cas des paroles de Jésus sur la Loi (halaka). Il faut
en effet les comprendre à partir de ce que l’on sait du Jésus historique. D’où les points
d’accord ou désaccord de Meier avec les différentes thèses.
1. Nombre des paraboles narratives dans les Synoptiques
- Les spécialistes ne sont pas d’accord sur ce qu’est une parabole : v.g. Dodd en compte 32,
Jeremias 41…
- La difficulté tient à la traduction de l’hébreu mašal ou grec πάράϐόλη, c’est-à-dire dit,
dicton, adage ou proverbe…
79
- Luc enchâsse ses paraboles dans une structure narrative plus large : v.g. le commandement
d’amour.
- Enfin beaucoup des paraboles de Luc reposent sur des renversements : histoires-exemples.
b. Le bon Samaritain en détail (Lc 10, 25-37)
- L’ensemble de Lc 10, 25-37 (introduction narrative et parabole) comporte deux parties ayant
la même structure d’un récit de controverse.
- Phase 1 : introduction narrative :
v. 25 : première question du légiste à Jésus «Que dois-je faire ?»
v. 26 : première réponse de Jésus en contre-question «Qu’y a-t-il dans la Loi ?»
v. 27 : légiste répond par le double commandement d’amour
v. 28 : réponse approbatrice de Jésus «Fais cela».
- Phase 2 : parabole du bon Samaritain
v. 29 : deuxième question du légiste à Jésus «Qui est mon prochain ?»
v. 30-36 : réponse de Jésus en parabole, avec la contre-question «Qui est le prochain ?»
v. 37a : légiste obligé de répondre «Celui qui a fait miséricorde»
v. 37b : réponse approbatrice de Jésus «Fais de même».
- Une telle répétition de mots («faire») est trop parfaite pour être le fruit du hasard. En plus de
l’insertion dans l’introduction narrative, cette élégance stylistique est due à la main de Luc.
- Pour cette introduction narrative, il s’agit d’une réécriture de Mc 12, 28-34 sur le premier
commandement. Les deux phases ont besoin l’une de l’autre pour exister. De plus Luc
emploie un vocabulaire particulier (il est le seul à parler de Samaritains) et étend le salut en
faveur des non-juifs (alors que Jésus n’a pratiquement jamais parlé à des Samaritains).
- Finalement, à part l’intendant infidèle (Lc 16, 1-8), aucune des paraboles de Luc ne remonte
au Jésus historique ; en tout cas, il est impossible de le prouver. Cela ne veut pas dire que
ces paraboles ne sont pas une partie importante des Évangiles.
- Même si elles sont magnifiques, aucune des paraboles spécifiques de M et L ne remonte au
Jésus historique. Restent seulement quatre paraboles qui prétendent à remonter au Jésus
historique : le grain de sénevé, les vignerons homicides, et les deux cas problématiques du
grand souper et des talents ou mines.
1. Le grain de sénevé (Mc 4, 30-32 // Mt 13, 31-32 ; Lc 13, 18-19 ; ECT 20)
- Cette parole de Jésus s’est retrouvée dans deux traditions indépendantes chez Mc et Q,
comme un dit sur Jean Baptiste (Mc 1, 7-8 // Mt 3, 11-12 ; Lc 3, 15-18) ou le dit sur
l’homme fort à ligoter (Mc 3, 27 // Mt 12, 29 ; Lc 11, 21-22).
- La structure est la même : une introduction suivie de trois étapes.
- Dans l’introduction Jésus annonce une comparaison entre le RD et un événement
particulier : 1. un grain de sénevé est jeté (c’est le plus petit des grains selon Mt et Lc) ; 2. le
grain pousse jusqu’à devenir la plus grande des plantes (Mc et Mt) et même un arbre (Mt,
Lc) ; 3. résultat : les oiseaux viennent s’y abriter.
- Ce n’est pas un rébus, mais une présentation claire d’un certain nombre de points :
82
* Sur le RD, les trois phases (plantation, croissance, résultat) indiquent que ce n’est pas une
réalité abstraite, mais une réalité concrète, dynamique, qui se développe indépendamment
d’une intervention humaine.
* Mc et Mt mettent l’accent sur le contraste entre le petit grain et l’arbre (de même contraste
entre la graine et l’arbre) Donc ne pas réduire le message de la parabole au thème de la
croissance (du plus petit eu plus grand), mais intégrer le thème du contraste (de la graine à
l’arbre).
* Le troisième thème est celui du rassemblement avec les oiseaux qui viennent s’abriter
dans l’arbre. Les références à des textes de l’AT ne s’imposent pas pour Meier… Seul
compte le fait que Dieu, à la fin des temps, abritera beaucoup de monde.
- On ne peut lier cette parabole à un moment historique de la vie de Jésus. Mais outre
l’attestation multiple des sources, la cohérence du message avec la dimension
eschatologique de l’enseignement de Jésus fait de cette parabole un témoin authentique (
entre cette petite parabole et la magnifique histoire du bon Samaritain, œuvre de Luc).
2. Les vignerons homicides (Mc 12, 1-11 // Mt 21, 33-44 ; Lc 20, 9-18 ; ECT 65)
- En Marc, la structure de la parabole comprend cinq étapes :
* Introduction : un homme plante une vigne et la loue à des vignerons (v. 1).
* Envoi d’esclaves pour récupérer le fruit du travail : ils sont battus, mis à mort (2-5).
* Envoi du fils dans l’espoir qu’il soit respecté (6).
* Meurtre du fils dans l’espoir d’hériter de la vigne (7-8).
* Double conclusion avec question et réponse ou explication :
. Que fera le propriétaire ? Il tuera les fermiers et louera à d’autres.
. Citation du Psaume 117 et interprétation.
- Malgré les quatre versions (Mc + Mt, Lc, ECT), il n’y a pas d’attestation multiple, car les
trois dernières dépendent de Marc. Même si l’histoire correspond aux méthodes des
viticulteurs de l’époque, cela ne conduit pas à l’attribution à Jésus.
- En fait, c’est le critère d’embarras qui, pour Meier, plaide pour une filiation de la parabole
remontant à Jésus. Pour cela, il argumente en trois temps
a. Le commentaire (en hébreu nimšal) distinct du récit
- Structurellement, les paraboles rapportent une histoire avec un début, un milieu et une fin
Parfois Jésus ajoute au récit un commentaire ou une application du message (le nimšal des
rabbins). Ce commentaire ne fait pas partie de la parabole au sens strict.
- Par exemple, dans la parabole du bon Samaritain (Lc 10, 30-35), c’est après l’histoire que
Jésus pose la question sur le prochain, qui en est le commentaire.
- Quand la parabole n’a pas de nimšal, une courte phrase au début peut en jouer le rôle (cf. la
parabole du bâtisseur avisé, introduite par «Quiconque écoute…» ou bien le majordome de
Mt 24, 45).
- Quelques paraboles chez Mt et Lc n’ont pas d’élément interprétatif, ni au début ni à la fin.
C’est le cas du grain de sénevé, du levain, du festin nuptial et des talents (indépendamment
de l’expression «le RD est comme…»).
- Les paraboles M (propres à Matthieu) ont ou non un nimšal : l’ivraie (Mt 13, 24-30)
fonctionne comme le semeur de Mc 4, 3-8 avec une longue explication finale. Le trésor et la
perle (Mt 13, 44 et 45-46) n’ont pas de nimšal, alors que le filet (Mt 13, 47-48) a une
conclusion aussi longue que le récit (49-50). Le débiteur impitoyable (Mt 18, 23-35) et les
ouvriers envoyés à la vigne (Mt 20, 1-16) ont une brève mise en pratique ( les deux enfants
83
de Mt 21, 28-32, plus étoffée). L’invité sans tenue de noces (Mt 22, 11-14) a un
commentaire lapidaire et générique, de même que les dix vierges (Mt 25, 1-13).
- De même les paraboles L (propres à Luc) : les deux débiteurs (Lc 7, 41-43), le bon
Samaritain (Lc 10, 29-37), l’ami importun (Lc 11, 5-8), le riche insensé (Lc 12, 16-21) ont
une leçon ou explication qui les suit ( figuier stérile). Le bâtisseur et le roi (Lc 14, 28-32),
la drachme perdu (Lc 15, 8-10) ont aussi une explication. Mais le fils prodigue (Lc 15, 11-
32) n’a pas de nimšal, de même que le riche et le pauvre Lazare (Lc 16, 19-31). Servir avec
humilité (Lc 17, 1-10), le juge inique (Lc 18, 1-8)…
- Donc le commentaire (nimšal) ne fait pas partie obligatoirement de la parabole ; parfois ce
commentaire tire une leçon générale ou particulière, ou une question. Aucune parabole de
Marc (à part les vignerons homicides) n’a son nimšal accroché au texte, alors que ces
commentaires deviennent nombreux dans les paraboles de Q, M et L. D’où la question : le
commentaire fait-il partie de ce que Jésus a dit ???
b. Relation entre la double conclusion et la parabole
- La nature du nimšal étant d’apparaître à la fin du récit de la parabole et de ne pas en faire
avancer l’intrigue, on peut reprendre les cinq étapes de la parabole.
1. La mise en place (Mc 12, 1) emploie l’aoriste qui indique une situation passée : «Un
homme planta…». À la fin de cette présentation apparaissent les autres acteurs principaux
de l’histoire qui se déroulera sous forme d’un va et vient entre le propriétaire et les
locataires.
2. L’envoi d’esclaves par le propriétaire (2-5) est aussi narré au passé : «Il envoya… ils
battirent…».
3. L’envoi du fils (6) commence par un imparfait (c’est-à-dire l’indication d’une durée dans le
futur). Mais que devient le fils ? On est étonné par cette fin abrupte qui peut avoir suscité
des tentatives pour améliorer le déroulement.
2. Mais la première conclusion et sa question au v. 9 amènent à conclure que la fin de la
4. Mais comment cette deuxième conclusion résout-elle cette histoire tragique ? En fait la
citation du Psaume 117 permet d’accéder au sens de la parabole et de résoudre la tension :
les fermiers (les bâtisseurs) ont rejeté le fils (la pierre), mais le propriétaire (le Seigneur)
retourne ce rejet et fait du fils la figure-clé triomphante par sa résurrection d’entre les
morts.
La première conclusion ne concernait que les acteurs de la parabole. La deuxième concerne
toute l’humanité : le Seigneur a retourné (aoriste passé) le rejet et la mort de son fils par
son élévation à la vie et sa position centrale dans le nouvel ordre des choses.
5. Faut-il comprendre cette double conclusion comme dans les autres paraboles ? Non, car elle
ne porte pas sur les acteurs de la parabole (et c’est une exception).
6. Que tirer comme conséquence de cette analyse ? Jésus, vers la fin de sa vie, devant
l’hostilité des autorités du Temple déroule une parabole sur l’histoire d’Israël, avec l’envoi
des prophètes (méprisés ou martyrisés), puis l’envoi du Fils. Jésus manifeste que son destin
sera celui des prophètes.
Ainsi cette parabole est-elle sans doute de Jésus lui-même, en appliquant le critère d’embarras
ou de discontinuité : Mc 12, 1-8 (dans sa version primitive) ne s’explique que dans la bouche
de Jésus affronté aux autorités de Jérusalem (outre les allusions à la pierre dans le reste du
Nouveau Testament). Pour les premiers chrétiens, une parabole se terminant par la mort
tragique du fils, sans la punition des ennemis, était impensable. Donc la parabole des
vignerons homicides, comme celle du grain de sénevé, remonte bien à Jésus.
3. Les invités au festin nuptial (Mt 22, 1-10 // Lc 14, 16-24 ; ECT 64)
A Sources et récriture des versions de Mt et Lc
- Deux différences entre les trois versions : incertitude sur les sources de Mt et Lc ;
différences de langue, de détails, de contexte.
- Donc analyser d’abord Mt et Lc avant de les comparer à ECT et voir si cette dernière
version est indépendante. Car si Mt et Lc venaient de Q, le critère d’attestation multiple ne
jouerait plus. D’où les quatre étapes de l’analyse de Meier : minimum partagé ; options
rédactionnelles et idéologiques de Mt ; idem pour Lc ; synthèse.
1. Ressemblances et différences minimales (en cinq points)
1. Introduction : un festin (repas de noce pour Mt) donné par un roi (Mt) ou un homme (Lc)
4. Formulation détaillée du refus, avec divergence totale : chez Mt, envoi d’autres esclaves
avec formulation et double réponse (sourde oreille ou maltraitance) ; les invités ne parlent
pas mais agissent. Chez Lc pas de nouvel envoi mais des excuses formulées à l’esclave qui
retourne faire son rapport (impossible chez Mt où les esclaves sont mis à mort).
5. Réponse irritée de l’hôte : chez Mt, envoi de troupes pour massacrer les invités et
* deux paraboles différentes racontent des histoires différents avec certains éléments
identiques ;
* deux versions rédactionnelles de Mt et Lc venant d’une même source Q ;
* même parabole de base transmise par deux sources différentes, M et L.
- La première option (deux paraboles avec des traits communs) est impossible, car il y a
trop de recoupements se décomposant en cinq étapes :
* un homme donne un grand banquet ;
* il envoie son (ou ses) esclave(s) convoquer des invités ;
* contrairement aux règles, chaque invité décline ;
* les raisons du refus sont données : intérêts personnels avant tout ;
* fâché, l’homme envoie chercher d’autres invités et lave ainsi son honneur.
On a donc bien une même parabole autour du thème du renversement eschatologique, sous
forme d’un avertissement aux élites satisfaites et d’une promesse aux moins que rien ignorés
(cf. beaucoup de paroles de Jésus).
- Donc une même parabole amplifiée de différentes façons. Mais s’agit-il de deux formes
d’une même source Q ou de deux versions différentes arrivant chez Mt et Lc ? Pour Meier,
on identifie une tradition Q quand son contenu, absent chez Mc, se retrouve chez Mt et Lc
avec une quantité certaine de vocabulaire, dans le même ordre et les mêmes constructions
syntaxiques (v.g. appel de J.B. à la repentance en Mt 3, 7-10//Lc 3, 7-9 ; lampe du corps en
Mt 6, 22-23// Lc 11, 34-35 ; servir deux maîtres en Mt 6, 24//Lc 16, 13 ; enfants assis sur les
places en Mt 11, 16-19//Lc 7, 31-35).Or ici les mots partagés et dans le même ordre sont
relativement rares. Donc pas la même origine Q, vu la liste des dix mots identiques.
- Conclusion : la parabole découle de deux sources distinctes, M et L. Ce qui amène à
identifier le matériel rédactionnel propre à Mt et Lc.
2. Analyse des traits rédactionnels de Mt dans Mt 22, 1-10
- Dès la plantation du décor, nous retrouvons les traits habituels chez Mt : «le RD est
comme…», «un roi…», «un festin de noces». Cf. le banquet eschatologique donné par le
Dieu le Père en l’honneur de Jésus ressuscité.
- L’envoi des serviteurs (cf. les premiers missionnaires) renvoie à l’envoi préfigurant le
jugement eschatologique des vignerons homicides ; de même la mise à mort des serviteurs ;
l’incendie renvoie à la destruction du Temple (avec l’incohérence de cette vengeance, parce
que les plats sont prêts dans la salle…) ; le retournement, et le châtiment de l’homme sans
tenue.
- On arrive ainsi à décortiquer les altérations mises par Mt au récit original et qui servent son
propos :
* L’hôte devenu un roi qui donne un festin de noces (cf. le festin des dix vierges en Mt 25,
1-13).
* Les deux délégations renvoient à celles des vignerons homicides.
* La mise à mort des esclaves renvoie à la mise à mort des prophètes chrétiens (cf. Mt
23,34).
* L’envoi des troupes et l’incendie ne collent pas avec le noyau central de l’histoire de base.
* Le thème des méchants et des bons est une préoccupation théologique de Mt et lui sert à
introduire en appendice la parabole de l’invité sans tenue.
- Quand on retire ces éléments rédactionnels, ou retrouve le schéma ou squelette en cinq
phases donné par Mt et Lc :
* un homme donne un festin ;
* il envoie ses esclaves auprès des invités ;
* ceux-ci font affront en refusant ;
86
est urgent de répondre car c’est la dernière invitation. Et comme il est dit dans Mt 8, 11 :
«Nombreux seront ceux qui viendront de l’orient et de l’occident…» pour s’adjoindre à ce
banquet, tandis que certains Israélites en seront exclus. Ou bien ce ne sont pas les juifs de
stricte observance, mais des juifs en marge qui participeront…
- Sans y voir une prophétie du destin d’Israël, il faut comprendre la parabole comme un appel
pressant à une décision existentielle : le temps est compté ; il faut se décider, sinon la place
sera prise par d’autres. Tel est le message de Jésus, le prophète eschatologique.
B. Quelle relation avec la version d’ECT ?
- Il y a très peu de ressemblances avec la version de Mt, mais beaucoup avec celle de Lc
(Meier en relève douze !). Dons Thomas connaissait une version proche de celle de Lc.
- Mais on ne peut admettre ECT comme une attestation indépendante et donc renforcer le
critère d’attestation multiple, amplement fourni par les différences entre Mt et Lc.
chez Lc) convoque ses esclaves (trois pour Mt, dix pour Lc).
2. L’intrigue se noue : l’homme confie une mission avec une somme d’argent (cinq, trois et
un talents pour les trois esclaves de Mt ; une mine pour les dix de Lc), avec pour but
(implicite chez Mt, explicite chez Lc) de faire fructifier ce capital. Mt rapporte ce que font
les trois esclaves, Lc l’ignore, mais le dénouement le sous-entend.
3. Retour du maître et règlement des comptes : l’homme, devenu le maître, convoque ses
esclaves. Les deux premiers ont doublé leur mise, ce qui donne des proportions énormes ;
d’où les félicitations du maître et la récompense.
5. Rapport du troisième esclave : ce rapport prend plus de place et fait culminer l’histoire en
sept étapes :
* l’esclave explique sa défaillance par la peur et le caractère sévère de son maître ;
* il utilise une métaphore agricole : moissonner où l’on n’a pas semé ;
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* d’où la cache de l’argent en terre chez Mt, dans une étoffe chez Lc ;
* réaction irritée du maître, avec reprise ironique de son portrait et reproche de n’avoir pas
fait fructifier ;
* punition de cet esclave en remettant son argent au premier ;
* raison paradoxale invoquée : on donnera à celui qui a déjà ;
* châtiment de l’esclave ???
- On peut tirer un double bilan de cette analyse :
* il s’agit sans doute d’une même parabole se ramifiant en deux réalisations parvenues
jusqu’à nous ;
* mais il faut exclure l’histoire additionnelle de Lc sur le noble parti chercher un trône et qui
revient massacrer ses sujets (versets 12, 14, 15a, 27), peut-être liés à l’histoire
d’Archélaüs, légataire d’Hérode le Grand. Ce récit ne peut remonter à Jésus.
2. Attribution à la source Q ?
- Pour le savoir, il faut relever les mots ou expressions semblables dans les versions de Mt et
Lc : anthropos (Mt 25 ; Lc 19, 12) ; doulos (14 ; 13) ; edoken (15 ; 13) ; legon kurie (20 ;
16) ; auto (21 ; 17) ; doule agathe (21 ; 17) ; pistos (21 ; 17) ; kai… kurie (22 ; 18) ; kai ho
(24 ; 20) ; kurie (24 ; 20 ; se hoti (24, 21) ; ei anthropos (24 ; 21) ; ouk espeiras kai (24 ;
21) ; auto (26 ; 22) ; ponere doule (26 ; 22) ; edeis hoti (26 ; 22) ; ouk espeira (26 ; 22) ;
mou +argurion ou arguria (27 ; 23) ; kai elthon ego ou kago elthon (27 ; 23) ; an sun toko
ou sun toko an ( 27 ; 23) ; arate ap’autou ( 28 ; 24) ; kai dote to ekhonti ta(s) deka (28 ;
24) ; + l’essentiel du proverbe de Mt 25, 29//Lc 19, 26, soit 19 mots. Mais Mt 25, 30 et Lc
19, 27 n’ont pas de de correspondance et donc ne peuvent pas venir de la source Q.
- Mots et expressions semblables, mais pas dans le même ordre ni avec la même forme
grammaticale : ekalesen/kalesas (14 ; 13) ; ton doulon/tous doulous (19 ; 15) ;
proelthon/elthen (22 ; 18 et 22 ; 20) ; kai … ho (22 ; 18) ; therizon/therizeis (24 ; 21) ;
ou/ouk (26 ; 21).
- Le seul verset où il y a le plus d’expressions identiques est secondaire (Mt 25, 29//Lc 19, 26)
et extrait de la sagesse populaire. Donc les deux versions sont propres à Mt et Lc et ne
viennent pas de la source Q.
3. Additions rédactionnelles de Mt
- La première modification est son emplacement dans l’Évangile, à la fin di discours
eschatologique (Mt 24-25), amplifié par Mt (97 versets contre 37 chez Mc 13).
- Mais ces changements sont inégalement répartis : la première partie du discours
eschatologique de Mt est essentiellement une réécriture de Mc 13, alors que la deuxième
partie mélange source Q et matériel propre, avec beaucoup de structures ternaires :
exhortation à vigilance (Mt 24, 37-44), trois paraboles (24, 45-51 ; 25, 1-13 ; 25, 14-30).
- Notre parabole conclut donc le grand discours eschatologique et le ministère public.
Parabole ultime où on entend la voix de Mt, avec son faible pour les structures ternaires.
- La parabole des talents peut se diviser en trois sections principales :
* un homme remet ses biens à trois esclaves (Mt 25, 14-15) ;
* les trois esclaves accomplissent leur mission (16-18) ;
* le maître revient et fait les comptes en distribuant récompenses et punition (19-30).
- Dans chacune des trois sections, chacun des trois esclaves se distingue par le nombre de
talents qu’il reçoit (section I), le nombre de talents qu’il gagne ou non ( section II), et la
sanction, positive ou négative, que chacun reçoit en fonction de son succès ou échec
(section III). Ces sections sont de plus en plus longues à mesure que croît l’attention portée
à chaque esclave.
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- La section III est donc le point focal de la parabole : l’échange entre le maître et le
troisième esclave renferme le message sur le jugement impitoyable qui attend non
seulement les incroyants, mais aussi tous ceux qui se proclament de loyaux serviteurs,
particulièrement les chefs de l’Église (cf. Mt 7, 15-27 ; 10, 32-39 ; 13, 36-50 ; 18, 6-9, 23-
25 ; 24, 45-51 ; 25, 1-13, 31-46).
- Donc Matthieu a infléchi le message dans des directions propres à ses convictions,
comme le montrent les expressions utilisées dans les différentes sections de la parabole :
* Section I (v. 14-15) : hosper (tout comme) utilisé dix fois par Mt (en Mc aucune, deux
fois en Lc et Jn), montrant qu’il veut établir une connexion entre cette parabole et la mise
en garde générale du discours eschatologique.
paradidomi (remettre en mains propres) qui structure les trois parties (v. 14, 20, 22), alors
que Lc a seulement didomi.
Liste soigneusement dressée des esclaves et des biens reçus : ho men, ho de, trait
stylistique de Mt, absent chez Lc.
«À chacun selon ses capacités» souligne l’insistance de Mt sur la responsabilité
personnelle (cf. Mt 16, 27 ; Mc 13, 34).
* Section II (v. 16-18) : absente chez Lc, cette action décrivant la mise en œuvre est sans
doute superfétatoire et montre la volonté ternaire de Mt.
De même l’emploi de participes sans nécessité pour parenomai (s’en aller), entheos
(immédiatement), labon (prenant), ergazomai (travailler), kerdaino (gagner), krupto
(cacher). Mt a donc créé cette section II à partir des éléments de la section III.
* Section III (v. 19-30) : elle commence par «longtemps après» qui évoque le thème du
délai de la parousie (Mt 24, 45 - 25, 30).
La reddition des comptes en trois temps, chez Mt et Lc, montre que là se trouve
l’important.
Quelques mots sont propres à Mt : proerkomai (s’approcher : 52 chez Mt 2 Mc, 10 Lc) ;
sunairo (régler un compte) seulement en Mt 18, 23-24 de tout le NT ; prosphero
(apporter) en 25, 30 (15 fois chez Mt 3 Mc et 4 Lc) ; pistos (fidèle), alors que Lc n’a que
agathos (bon)…
- Conclusion : cette parabole a été soigneusement réécrite et structurée par Mt, rendant
impossible de reconstituer la tradition M dont Matthieu s’est servi. Tout juste peut-on
suggérer le schéma primitif :
1. Convocation des esclaves et départ du maître, avec mission implicite de faire fructifier les
biens reçus. Absence de la section II.
2. Retour du maître et reddition des comptes. Le maître réagit à chaque rapport (ce qui
explique la longueur de cette section) :
1a. le premier esclave a accru son capital, valant maintenant dix unités (comme chez Lc) ;
1b. le maître complimente et récompense ;
2a. le deuxième esclave déclare deux unités de plus, donc quatre ( 5 chez Lc) ;
2b. le maître accorde récompense comme pour le premier esclave ;
3a. le troisième esclave restitue son avoir sans l’avoir fait fructifier, par peur ;
3b. le maître répond :
1. en appelant ce troisième esclave «méchant», puisqu’il savait la nature exigeante de
son maître ;
2. en le punissant par prise de son talent pour le donner au premier esclave ;
3. en justifiant cette punition par un proverbe : «Car quiconque a déjà…» ;
4. Mt et Lc concluent par un châtiment plus sévère, mais ces deux châtiments sont de
- De plus certaines paraboles ont reçu des développements importants (débiteur impitoyable,
ouvriers envoyés à la vigne) ou affichent le vocabulaire ou la théologie propres de Mt (v.g.
parabole de l’ivraie).
12. Les seize paraboles de L
- L comporte encore plus de paraboles, si on compte les deux débiteurs et si on sépare le
bâtisseur et le roi guerrier, soit 16.
- Les paraboles propres à Luc sont aussi peu nombreuses que les quatre-cinq de Mc. De plus,
c’est dans la tradition L qu’on a les paraboles les plus longues (fils prodigue, riche et
Lazare, mines)…
- Donc, plus on avance dans le temps, plus les paraboles s’allongent, depuis la première
génération (Mc et Q, vers 70) jusqu’à Mt (80-90) ou Lc (à peu près contemporain).
- Cela doit nous amener à une saine méfiance par rapport à l’idée que pratiquement toutes les
paraboles remonteraient à Jésus.
13. Les quatre «provenant du Jésus historique»
- Meier retient quatre paraboles attribuables à Jésus, du fait de l’attestation multiple ou de
l’embarras/discontinuité (vignerons homicides), auquel s’ajoute le critère de cohérence.
14. Peut-être d’autres ?
- Meier n’écarte pas l’idée que certaines autres paraboles pourraient remonter au Jésus
historique et il en serait heureux…
- Mais il ne voit pas sur quels critères ces ajouts pourraient reposer.
15. Le sens des paraboles pour Jésus
- Pour Jeremias et Dodd, la plupart des paraboles remontent au Jésus historique et constituent
«une fondation historique particulièrement ferme», qui conduit à la compréhension pleine
du discours pastoral de Jésus.
- Or les paraboles prennent sens dans le contexte de la prédication et de l’activité du
prophète eschatologique et thaumaturgique qu’est Jésus, ce Juif du premier siècle :
* Le Jésus découvert tout au long des cinq volumes d’«Un certain Juif Jésus» se présentait
comme la réplique du prophète eschatologique, Élie, envoyé à Israël pour mettre en
route le nouveau rassemblement du peuple, avec la venue définitive du RD grâce à
l’exécution radicale de la Torah.
* La parabole du grain de sénevé renvoie aux faibles débuts du RD, même si sa puissance
est irrésistible. Le contraste entre le début et la fin est un défi pour la foi.
* Mais tous ne répondent pas positivement aux invitations eschatologiques de Jésus, surtout
les riches, les puissants, les pieux par profession, à la différence des laissés pour compte,
des pauvres. C’est le sens du grand souper, avec le grand retournement pour ceux qui
méprisent l’invitation de Jésus.
* La parabole des talents montre que l’offre du RD est gracieuse, mais contient un défi et
une exigence : l’accomplissement de la volonté de Dieu. Ceux qui reçoivent passivement
la Bonne Nouvelle n’ont rien de bon à attendre.
* L’hostilité envers Jésus atteint son comble dans la parabole des vignerons homicides.
Issue du dernier prophète cette dernière parabole sert d’avertissement ultime aux initiés du
Temple qui encourent le même châtiment que les anciens responsables du temps des
prophètes. Le destin du fils, mis à mort, a partie liée avec celui de Jérusalem et de ses
gouvernants.
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- Finalement, les paraboles ont beau occuper une place importante dans les Évangiles, elles
n’offrent guère de révélations sur le vrai Jésus historique, à la différence des passages
consacrés aux liens avec J.B., à l’appel et à l’enseignement des disciples et surtout des
Douze, à l’interprétation de la Torah sur le jugement dernier.
- «À la lumière du rôle surdimensionné attribué aux paraboles pour la plupart des chercheurs
modernes, les résultats du présent volume nous ont conduit à faire l’expérience d’un
renversement eschatologique auquel la pensée académique ne s’attendait pas Le Jésus
historique pourrait bien s’en réjouir» (page 268 et dernière du texte).
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