Éloge de La Trahison

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 16

Document généré le 18 oct.

2024 03:05

TTR
Traduction, terminologie, re?daction

Éloge de la trahison
In Praise of Treason
Alexis Nouss

Volume 14, numéro 2, 2e semestre 2001 Résumé de l'article


Traduttore, Traditore. Et si l’adage adoré, répété à satiété, recelait une vérité
Antoine Berman aujourd'hui philosophique inavouée ? C’est ce que tente d’établir cet article, à partir de la
Antoine Berman for our time pensée bermanienne et avec l’aide de Derrida, Barthes et Deleuze, en
esquissant une théorie de la trahison et du don qui montrerait que ces deux
URI : https://id.erudit.org/iderudit/000574ar notions ne sont pas antagoniques et qu’elles peuvent soutenir une éthique
traductive soulignant les pouvoirs et les limites du langage, tout proches de
DOI : https://doi.org/10.7202/000574ar
ceux de l’amour.

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)
Association canadienne de traductologie

ISSN
0835-8443 (imprimé)
1708-2188 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet article


Nouss, A. (2001). Éloge de la trahison. TTR, 14(2), 167–179.
https://doi.org/10.7202/000574ar

Tous droits réservés © TTR : traduction, terminologie, rédaction, 2001 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des
services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique
d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.
https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.


Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de
l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à
Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.
https://www.erudit.org/fr/
Éloge de la trahison

Alexis Nouss

« Parler de traduction, [...] c'est parler du rapport du Propre et de


l'Étranger [...] ». Propos bermanien attendu, connu. La suite est plus
surprenante : « […] c'est parler de mensonge et de la vérité, de la
trahison et de la fidélité; c'est parler du mimétique, du double, du
leurre, de la secondarité; c'est parler de la vie du sens et de la vie de la
lettre; c'est être pris dans un enivrant tourbillon réflexif où le mot
“traduction” lui-même ne cesse de se métaphoriser » (Texte inédit,
1999, 4e de couverture).

Mensonge, trahison, double, leurre. Ces mots d'Antoine


Berman autoriseraient à esquisser un « Éloge de la trahison » sur le
modèle de divers textes classiques ou modernes sacrifiant à ce genre :
Éloge de la folie d'Érasme, Éloge de la bêtise de Richter, Éloge du
crime de Marx, Éloge de l'imprudence de Jouhandeau, d'autres encore,
sans oublier l'Éloge du homard d'Alexandre Vialatte, traducteur
émérite de Kafka, ce qui constitue la seule justification à inclure ce
dernier titre dans la présente liste. « Éloges » dont la rhétorique permet
de positiver ce qui est habituellement tenu pour négatif, en un
nietzschéen renversement des valeurs. S'autoriser en outre de la citation
de Derrida mise en exergue de l'étude de Berman sur Hölderlin :
« Toute “bonne” traduction doit abuser » (1999, p. 79). S'autoriser
encore de Rosenzweig déclarant : « Traduire, c'est servir deux
maîtres » (cité 1984, p. 15). Jean Genet, aussi : « […] Écrire, c'est le
dernier recours qu'on a quand on a trahi.[…] Écrire, c'est peut-être ce
qui reste quand on est chassé du domaine de la parole donnée » (1991,
pp. 225-226). Cette référence faite à la littérature moderne dans la
mesure où Berman aussi bien que Meschonnic ont posé les destins
parallèles de cette esthétique littéraire et de leur réflexion sur la
traduction (par exemple, 1984, p. 37). S'autoriser enfin de notre adage
adoré, répété à satiété sans que les implications philosophiques en aient
été tirées : Traduttore, Traditore. Qu'un jeu verbal similaire puisse
167
opérer en coréen et en malgache1 fera peut-être retrouver quelque éclat
à la maxime défraîchie. N'est-ce là que coïncidence ou le mystère d'une
vérité révélée par un obscur secret des langues? Berman cite la
paronomase négativement comme supportant la « traduction
ethnocentrique et la traduction hypertextuelle » (1999, p. 29; 1984,
p. 15). À juste titre dans cette perspective mais elle peut aussi être
valorisée et alors dignement flanquer l'autre adage, de même parentèle,
qu'il rapporte : Traduzione tradizione.

La traduction est de toute façon traître à elle-même puisqu'elle


ne se traduit pas, d'une famille linguistique à une autre; de la même
manière, elle ne renvoie pas à la même conception ou à la même
conceptualité. Selon Berman (1989), la onzième tâche de la
traductologie — étrangeté de ce chiffre : était-ce parce que Berman se
refusait à écrire un décalogue? — consiste précisément à repérer la
« tradition-de-la-traduction » nationale dans laquelle se constitue
chaque discours ou réflexion sur la traduction. Ainsi qu'il l'a rappelé,
traduction, en français, implique l'énergie activée d'un transfert;
l'anglais translation garde de translatio une idée plus passive de
transformation en général; en allemand, Übersetzung et Übertragung
expriment un passage ou un transport au-delà, de l'autre côté (1988;
voir aussi 1995, p. 61). En hébreu, targoum retient l'idée de cible; en
polonais, l’idée de tourner les pages. Et l'exercice devrait être continué
sur toutes les langues. Concept fuyant, notion volage, qui prend à
chaque fois un autre sens. Traduction est donc intraduisible, ou
infiniment traduisible. Le mot dit donc ce qu'il est, démontre ce qu'il
signifie. Traduire est impossible, traduire est infiniment possible. Ce
que Derrida a indiqué en distinguant traduisible et traductible. Le mot
qui devrait traduire le passage entre toutes les langues ne l'exprime pas
à l'identique. Le multilatéral se dit par toute une gamme de bilatéralités.
Déclinable à l'infini le sens de traduction, au point que traduction est
peut-être l'autre nom du sens.

Métaphorisation (qui n'est pas trahison, puisque metaphorein


veut aussi dire transporter et traduire en grec) incessante du mot que
remarque Berman dans le passage cité en incipit. Comment alors
construire un savoir ferme et fondé, une épistémologie fiable sur une
notion dont la désignation dans les diverses langues développe des
champs conceptuels si divers? On ne constate apparemment pas le
même flottement avec des notions comme vie, être ou liberté, ce qui a

1
Je dois l'information à deux étudiants de mon séminaire de traduction
littéraire. Qu'ils en soient remerciés.
168
permis à la philosophie de s'établir dans une certaine universalité, du
moins le voulait-elle. Or, justement, la traduction, qui devrait ouvrir la
voie vers l'universalité, ne le permet pas, lexicalement et
conceptuellement. D'où sa connivence avec le relativisme de
l'épistémologie moderne et contemporaine, de Bachelard à Heisenberg,
Kuhn, Feyerabend, Morin ou Rorty2.

Puisque l'horizon traditionnel nous invite à réfléchir sur la


scientificité avec pour normes ce qu'on appelle les sciences exactes, la
traductologie apparaîtra une science ou un savoir de l'inexactitude, en
écho à la définition de la traduction comme art exact de Steiner3, dans
la mesure où elle établira précisément comment ne pas rechercher la
coïncidence, comment procéder avec justesse par approximation, cette
notion étant sur le plan épistémologique le pendant de la proximité
pensée par Lévinas sur le plan éthique. Une telle épistémologie pourrait
devenir un modèle pour d'autres disciplines ou approches en sciences
humaines. Un translative turn après le linguistic turn d'il y a quelques
décennies. Un aspect, peut-être, de la post-modernité. Quoiqu'il en soit,
ce savoir de l'inexactitude s'apppuie sur les deux traits
phénoménologiques qui cernent au mieux la traduction : l'incertitude
du sens et l'ambivalence temporelle, car le medium langagier ne définit
pas plus, philosophiquement parlant, la traduction que l'organique ou le
biologique ne définissent la vie.

Mais, objectera-t-on, il y a chez Berman une volonté certes


non positiviste — il condamne ces approches en matière de
traductologie, par exemple chez les descriptivistes et fonctionnalistes
(1995, pp. 50-63) — mais néanmoins un élan de positivation : critique
positive, critique productive dont le caractère affirmatif est avancé au
prix d'une injuste sévérité à l'égard de Meschonnic qui n'est tout de
même pas qu'un destructeur. Il entend donner à la traductologie des
tâches4, il appelle de ses vœux la constitution d'un « savoir » de la

2
Voir mon article « La traduction comme OVNI », Meta, vol. 40, no 3, 1995.
3
Dans Après Babel, reprise dans Passions impunies (tr. P.-E. Dauzat et L.
Évrard, Paris, Gallimard, 1997) où il traite aussi de la traduction comme
disjonction (1978, p. 172).
4
Il trahit d'ailleurs ce désir farouche : dans sa traduction de l'essai de
Schleirmacher, « Des différentes méthodes du traduire », à un endroit où
l'auteur dit seulement à propos de ses fameuses deux méthodes qu'« il y aurait
deux choses à faire [zweierlei zu thun] » pour les étudier, Berman les qualifie :
« il faudrait entreprendre deux tâches » (F. Schleirmacher, Des différentes
169
traduction, la traduction à la fois comme objet et sujet de savoir (1984,
pp. 289-290) et le modèle de critique qu'il propose dans John Donne
est indéniablement structuré.

Cependant, cette volonté admet et intègre des données


épistémologiquement instables, dont la détermination échappe aux
critères traditionnels de mesure de l'exactitude scientifique. Lorsqu'il
annonce le projet de critique dans L'Épreuve de l'étranger (« La
traduction au manifeste »), il évoque la « pulsion traduisante » ou
« traductrice » (1984, pp. 22-23; voir aussi 1995, no 83, p. 74) et l'on
sait la part du discours psychanalytique dans son horizon intellectuel.
Au demeurant, Larbaud, cité comme précurseur de sa démarche (1995,
p. 247), qui pose la traduction comme « une forme de la critique : la
plus humble, la plus timide, mais aussi la plus facile et la plus agréable
à pratiquer » (1997, p. 70) écrit juste auparavant, à propos de la lecture
et de la traduction comme appropriation : « Il demeure au fond de nous
comme un des instincts vicieux de l'enfance, auquel le plein
développement de notre caractère interdit tout réveil, et que nous
avons, pour ainsi dire, porté au compte d'autres instincts, légitimes
ceux-là, et conformes à l'état que nous avons atteint » (id.). Le
vocabulaire de Larbaud, quasi freudien, est proche de celui de Berman.
Pulsion traduisante : l'inconscient est toujours ce qui se manifeste par
une trahison lui permettant de déjouer la loi du conscient. Et faut-il
rappeler que cette trahison, Freud la désigne comme traduction?

Il faut aussi mentionner l'éthique de la traduction,


indissociablement liée à Berman. Pour en souligner la dimension non
« scientifique », il suffit de se reporter à ce qu'en dit, de manière plutôt
désinvolte — mais l'argumentation est claire —, Anthony Pim, au nom
d'une approche « professionnelle » dans Pour une éthique du
traducteur5. Dans une perspective plus rigoureusement philosophique,
l'éthique étant l'accueil de l'altérité qui, pour être elle-même, doit être
infinie, ne saurait s'énoncer en termes d'exactitude. En outre, quand
Berman parle de « vérité d'une traduction » (1995, p. 14 et ailleurs), il
la fait reposer sur la position traductive, le projet de traduction et
l'horizon traductif du traducteur, c'est-à-dire les conditions particulières
dans lesquelles serait trahi un sens posé comme transcendant et idéal.

méthodes du traduire et autre texte, tr. A. Berman et C. Berner, Paris, Seuil,


Points-Essais, 1999, p. 53).
5
Pour une éthique du traducteur, Artois/Ottawa, 1997. Voir ma critique dans
TTR, vol. X, no 2, 1996.
170
La traduction s'inscrit alors dans le contre-discours qui, au sein de la
métaphysique occidentale, valorise le singulier contre le général.
Berman précise bien que « la vérité de la traduction [est] éthique et
historique » (1999, p. 46).

Enfin le modèle de l'exactitude ou de la symétrie est


bien dérangé par ce principe d'une très grande portée que dégage
Berman : « [l'acte de traduire] n'opère pas seulement entre deux
langues, [il] y a toujours en lui (selon des modes divers) une troisième
langue, sans laquelle il ne pourrait avoir lieu » (ibid., pp. 112-113).
Cette troisième langue sert d'agent ou de medium de médiation entre
les deux langues en contact. C'est le latin pour Chateaubriand
traducteur de Milton, l'allemand pour Klossowski traducteur de Virgile
(ibid., p. 138). On regrettera que Berman n'ait pu développer ou
reprendre, après ces deux mentions, cette théorie ébauchée de la
polytraduction et du polylinguisme propre au processus de traduction.
Quoiqu'il en soit, Berman l'applique dans le travail de critique des
traductions lorsque, des diverses traductions de John Donne étudiées, il
estime que c'est celle de Paz qui est supérieure (1995, p. 115) : il
analyse en français la traduction en espagnol d'un poème en anglais.
Recours à une troisième langue, trahison de la doxa traductologique
faisant de la traduction une relation duelle selon un binarisme
linguistique répondant au binarisme d'une épistémologie classique
privilégiant le couple sujet/objet. La troisième langue brouille les cartes
distribuées bipolairement. Elle met le traducteur à égale distance des
deux langues qu'il courtise — nous y reviendrons. Elle l’absout en lui
faisant trahir et l'une et l'autre.

Que traduction ne se traduise donc pas (traduction n'est pas


translation n'est pas Übersetzung, etc.) ou mal et que l'inexactitude soit
son lot ne sauraient étonner si l'on songe à l'épisode étymologique de
l'apparition du mot : « Dans les langues romanes le mot “traduction”
vient de traducere parce que Leonardo Bruni a mal compris une phrase
des Nuits attiques d'Aulu-Gelle dans laquelle le mot latin veut dire
“introduire, faire entrer” » (Steiner, 1978, p. 276). Une faute de
traduction ou une trahison sémantique, péché originel et péché de
Babel en une seule damnation. Mais non sans possibilité de rédemption
car lorsque Steiner rapporte l'épisode, c'est après l'étonnante section, la
quatrième du troisième chapitre d'Après Babel, consacrée à la dualité
du vrai et du faux dans la compréhension de ce qu'est le langage, où
Steiner l'humaniste, le dernier des humanistes, entonne un plaidoyer
pour le mensonge et l'artifice. Contre les théories de l'information et de
la communication, contre celles qui séparent la pensée, vraie, d'un
171
langage qui serait faux et trompeur, les approches logiques de la
philosophie analytique, et contre les approches moralisatrices, il
affirme : « Le faux ne se réduit pas, en dehors d'une acception
strictement formelle ou purement systématique, au manque
d'adéquation à un fait. Il est agent dynamique et créateur. La faculté
humaine d'énoncer des choses fausses, de mentir, de nier “les faits tels
qu'ils sont” est au cœur du langage et du contrepoint entre les mots et le
monde. [...] L'hypothétique, “l'imaginaire”, le conditionnel, la syntaxe
de l'anti-fait et de la contingence sont peut-être les centres producteurs
du langage » (ibid., pp. 204 et 205). Le langage n'est pas soumis à la
réalité ni à son service, il lui résiste et s'y oppose, permettant à l'être
humain de refuser le monde tel qu'il est. Là, dans cette distance et cette
artificialité, se fondent la liberté humaine et sa capacité à parler au futur
ou au conditionnel; là se fonde « l'art du traducteur », tiraillé entre « le
besoin de reproduire et celui de recréer soi-même », reconduisant
l'ambiguïté des rapports entre le langage et le réel : « Ce qui veut dire
que la traduction n'est pas une activité secondaire, étroitement
spécialisée, localisée à la “charnière” des langues. C'est la
démonstration nécessaire et infatigable de la qualité dialectique d'un
langage qui soude et divise à la fois » (ibid., p. 223). Analyses dont la
radicalité s'atténue si l'on se souvient que Steiner est l'homme aux trois
langues maternelles. Le fait n'est pas à négliger, pas plus que ce que
nous apprend Le monolinguisme de l'autre6 sur la genèse de la pensée
philosophique de Derrida.

Dès lors, le présent « Éloge de la trahison » se voudrait autant


une « Défense du bilinguisme » ou « du multilinguisme » malgré les
réserves que peut susciter la vulgate véhiculant ces deux dernières
notions. À en rester dans le psychologique7, une théorie de la
traduction comme trahison se devra d'inclure la considération d'un
nécessaire complexe de culpabilité. G.-A. Goldschmidt, remarquable

6
J. Derrida, Le monolinguisme de l'autre, Paris, Galilée, 1996. Sur ce même
thème, voir les essais réunis dans Du bilinguisme, Paris, Denoël, 1985.
7
« Au-delà de toute forme pathologique de la trahison, ces analyses montrent
que le moi est, comme le dit Freud, ein Grenzwesen, un être de frontières, dont
le passage est toujours exposé à une transgression ouverte ou clandestine :
homme du double jeu, le traître est un homme divisé. Sa duplicité est
structurale, et en ce sens le traître est notre condition commune dans la mesure
où la vie psychique est divisée et, par là même, mouvement et
transformation. » (R. Kaës, « Notes sur la trahison. Une approche de la
consistance du lien intersubjectif » dans Le goût de l'altérité, Paris, Desclée de
Brouwer, 1999)
172
traducteur de Kafka et de Handke, a présenté la traduction comme se
situant sur une ligne d'inconciliabilité entre les langues, et, pour le
comprendre, il faut lire ses écrits autobiographiques sur l'enfant juif
caché pendant la guerre et devant apprendre les stratégies de
l'imposture.

Défense du bilinguisme car le bilingue joue souvent un rôle de


faire-valoir aux côtés du traducteur, comme l'atteste le premier chapitre
des Problèmes théoriques de la traduction de Mounin (dont Berman
accomplit une dépiédestalisation critique dans son John Donne). Le
bilingue — et, plus encore, le multilingue — serait le mauvais
traducteur, car parasité d'interférences. Le bilinguisme symboliserait
une traduction au rabais. Procès en réhabilitation : le bilingue, au
contraire, connaît parfaitement, de l'intérieur, l'identité trahisante qui
est celle du traducteur. Il ne sait plus à quel saint langagier se vouer, à
quel camp culturel appartenir, à quelle loyauté se dédier. Il erre entre
deux, trois territoires ou plus, ignorant les frontières, accusé de ne plus
savoir efficacement aucune langue. Le traître, en somme, pire : l'agent
double, triple, puisqu'il trahit tout le monde, tous ses mondes. Un
exemple en serait ce personnage de Si par une nuit d'hiver un voyageur
d'Italo Calvino : Hermès Marana, qui, dans un climat parodique de
roman d'espionnage, se livre, au titre de la traduction, à de subversives
activités terroristes : il agit sur les textes pour agir sur le monde. Un
mot sur son nom : Hermès, le nom du dieu des interprètes, des
commerçants et des voleurs; et deux interprétations pour Marana :
marrano, le marrane, le Juif converti de force sous l'Inquisition et qui
fait preuve de duplicité pour continuer à pratiquer sa foi, ou marana,
buisson, emmêlement, affaire embrouillée, tignasse.

Figure parfaite du traducteur : être au service de l'étranger,


comme on dit lors d'une guerre pour désigner les traîtres. Le service de
l'étranger, c'est l'éthique de la traduction : « […] amener sur les rives de
la langue traduisante l'œuvre étrangère dans sa pure étrangeté, en
sacrifiant délibérément sa “poétique” propre » (1999, p. 41; mes
italiques). Par choix, on trahit son appartenance, on s'occupe et se
soucie de l'autre, des autres, et non pas du même, des miens, des siens.
Dans le sillage lévinassien : « L'acte éthique consiste à reconnaître et à
recevoir l'Autre en tant qu'Autre. [...] Or, la traduction, de par sa visée
de fidélité, appartient originairement à la dimension éthique. Elle est,
dans son essence même, animée du désir d'ouvrir l'Étranger en tant
qu'Étranger à son propre espace de langue » (ibid., pp. 74 et 75). Le
service de l'étranger ou l'épreuve de l'étranger : faire l'épreuve de
l'étranger, se mettre à l'épreuve de l'étranger; et aussi, dans un sens
173
typographique : faire une épreuve, une version de l'étranger : « [...]
ouvrir au niveau de l'écrit un certain rapport à l'Autre, féconder le
Propre par la médiation de l'Étranger [...] » (1984, p. 16)

Ainsi, la faute d'interprétation et de traduction à l'origine du


mot « traduction » change de nature et peut inspirer un éloge. Pour ne
pas trahir le latin, tournons-nous vers un dévoué serviteur, Monsieur
Littré. Traducere est formé de tra : au-delà et ducere : conduire.
Tradere (d'où vient « trahir ») est formé de tra indiquant la
transmission et dare : donner. Entre traducere et tradere, la distance
n'est pas si grande.

Que tradere se donne comme une forme de don, le français le


retient : « donner quelqu'un », c'est le trahir8. Or, un éloge du don ne
susciterait aucun opprobre. Cette dérive synonymique étaye une pensée
de la traduction comme don qui trouve une assise dans le texte
fondateur de Walter Benjamin « Die Aufgabe des Übersetzers »,
l'habituellement traduit « Tâche du traducteur » mais que j'ai choisi de
rendre par « L'abandon du traducteur »9, justement pour les ressources
sémantiques de la famille lexicale de don. Par ailleurs, vient
phonétiquement insister ici le dernier ouvrage paru de Berman : Pour
une critique des traductions : John Donne, où ce dernier signifiant
onomastique ne peut manquer de résonner à une oreille francophone,
d'autant que le poème étudié est une invitation faite par un homme à
une femme aimée, époux à épouse sans doute, invitation à se donner.
Berman a soigneusement analysé l'érotique du poème et ses enjeux
pour la traduction, non du seul point de vue thématique, mais bien en
regard d'une poétique. Ne le dit-il pas en concluant sa critique de la
traduction de Paz? « D'ailleurs, le poème de Donne a bien été dénudé :
nous disions modernisé, rajeuni, simplifié, etc. Tout cela veut dire :
dénudé. Là où Fuzier et Denis l'ont sur-habillé, Paz l'a dés-habillé. Et
ce qui est apparu, c'est sa gloria, dont nous jouissons encore » (1995, p.
184).

Mais le don est impossible, comme l'a démontré Derrida : si je


donne et si je reçois un remerciement, c'est un échange, non un don; si
même il est accepté, cette acceptation équivaut à un échange. Je ne puis
donner sans être, comme on dit, payé de retour, ne serait-ce que par
l'acceptation de mon don. Derrida a pareillement analysé l'impossibilité

8
Singulier éclairage sur la citation de Genet mentionnée en incipit.
9
« L'essai sur la traduction de Walter Benjamin. Traductions critiques » (dir. :
A. Nouss), TTR, vol. X, no 2, 1997. Ma traduction est co-signée par L. Lamy.
174
non préjudiciable de la traduction : « À quel concept de la traduction
faut-il en rappeler pour que cet axiome ne soit pas simplement
inintelligible et contradictoire : “rien n'est traduisible, or rien n'est
intraduisible”? À la condition d'une certaine économie qui rappelle le
traduisible à l'intraduisible, non pas comme le même à l'autre mais
comme le même au même ou l'autre à l'autre »10. Une des réponses à
cette apparente contradiction est d'avancer que ce que l'on traduit, ce
qu'il faut traduire, c'est l'intraduisible, à savoir ce qui manifeste
l'opacité, la résistance, l'altérité, l'étrangeté de la langue et du texte
d'origine. C'est cela qui doit passer dans la langue d'accueil. La pensée
derridienne nous suggère donc que trahison et traduction, toutes deux
comme formes de don, se rejoindraient dans leur commune
impossibilité qui, loin d'être une entrave pragmatique, nourrirait la
visée traductive. La faute étymologique ou la faute de Babel ne seraient
alors que l'expression de cet impossible, sous la forme d'un devoir de le
dépasser, ou de le relever, dans l'acception derridienne.

Mais qu'est-ce qui se donne ou est donné dans une traduction-


trahison? Précisément ce qui ne peut se donner, ce qu'on ne peut trahir :
la lettre, au sens de Berman. La lettre ou le corps, pour reprendre la
métaphorisation érotique. Le désir tient dans cette impossibilité à ce
que le corps se donne totalement, ou définitivement. « Il n'y a pas de
rapports sexuels », concluait Lacan du côté de la psychanalyse. Et du
côté de l'éthique, Lévinas analysait la caresse comme la révélation de
l'inaccessible, l'infini du désir comme la manifestation de la radicale
extériorité de l'altérité. « Dans la traduction, seul ce qui se perd est
intéressant » écrit Canetti11 qui s'y connaissait en langues trahies (le
bulgare, le judéo-espagnol, l'hébreu au profit de l'allemand).

Berman cita ce passage, qualifié par lui de superbe, de


L'écriture et la différence de Derrida : « Un corps verbal ne se laisse
pas traduire ou transporter dans une autre langue. Il est cela même que
la traduction laisse tomber. Laisser tomber le corps, telle est même
l'énergie essentielle de la traduction [...] » (1999, p. 41). Or cette
énergie est aussi amoureuse. Le désir ne s'épuise pas de s'épuiser à

10
« Qu'est-ce qu'une traduction "relevante"? », Quinzièmes assises de la
traduction littéraire (Arles 1998), Arles, Actes Sud, 1999, p. 25. Voir aussi,
entre autres, « Des tours de Babel », Psyché, Paris, Galilée, 1987.
11
Le territoire de l'homme, tr. A. Guerne, Paris, Le livre de poche-Biblio, 1998,
p. 162.
175
vouloir saisir un corps qui ne se rend pas (« rendre un texte » est aussi
synonyme de traduire).

Portrait du traducteur en amant ou amoureux, et il est difficile


de croire que le choix du poème de John Donne « Going to bed »,
poème « unique dans la lyrique amoureuse occidentale » soit fortuit,
bien que Berman affirme l'avoir trouvé par hasard (1995, p. 114). En
amant ou amoureux, pour contrer cette déplorable image — dont
certains théoriciens, et non des moindres, se rendent coupables — du
rapport entre les langues comme un viol. Une érotique de la traduction
en incitant l'éloge. Amoureux, donc, mais pas l'amoureux serein, béat,
au sourire un peu idiot, le traducteur faisant offrande de sa traduction à
l'original, le bouquet de sa prose ou de ses vers, selon une métaphore
passablement usée. Non, un amoureux inquiet, nerveux, l'impatience
du locuteur du poème de Donne : « Come, Madam, come, all rest my
powers defie » suivi du chapelet de « off » enjoignant son aimée à ôter
ses vêtements, ses parures.

Impatience ou angoisse, celle d'Orphée, tentant de sauver


Euridyce. Roland Barthes a théorisé la littérature comme langage
indirect, second, grâce à la figure d'Orphée : si la littérature veut
contempler la réalité en face, elle la perd. En une occurrence, il
précise : « Toute littérature sait bien que, tel Orphée, elle ne peut, sous
peine de mort, se retourner sur ce qu'elle voit : elle est condamnée à la
médiation, c'est-à-dire en un sens, au mensonge » (1981, p. 133). La
force du réalisme de Balzac, par exemple, est due au filtre de ses
positions réactionnaires. Il faut à l'écrivain mentir — le « mentir-vrai »
d'Aragon —, trahir pour faire voir ce qu'il perçoit. La vérité du réel
passe par le crible de l'écriture, et cela est valable pour n'importe quelle
réalité, fût-elle celle de l'horreur. Il n'en est pas autrement pour la
traduction. Si elle prétend rendre la vérité d'un message ou d'un sens,
comme le voudrait une école de ce nom, elle le perd. Barthes dit encore
de la littérature, tel « Orphée remontant des enfers », que si « elle se
retourne sur ce qu'elle aime, il ne reste plus entre ses mains qu'un sens
nommé, c'est-à-dire un sens mort » (ibid., p. 265). La trahison du sens,
qui le garde vivant, sera une fidélité à la lettre, au sens de Berman ou
Meschonnic. Le traducteur doit en outre trahir sa langue, sa culture
pour faire advenir à la lumière ce qui est enfoui dans le texte original,
« faire résonner dans sa propre langue l'écho d'une œuvre conçue dans
une langue étrangère »12.

12
W. Benjamin, op. cit., p. 22.

176
Dans sa leçon inaugurale au Collège de France, Barthes
présentait la langue dans une sévère perspective socio-politique, la
dénonçant comme du côté du pouvoir, de l'ordre, jusqu'à la traiter de
fasciste. Lorsque les ressources d'un dénuement mystique ou d'une
jubilation nietzschéenne sont refusées, affirmer sa liberté sera donc un
combat qui adoptera, pour servir sa cause, les stratégies, qui se jouent
de la morale, d'une guérilla : « [...] il ne reste, si je puis dire, qu'à
tricher avec la langue, tricher la langue. Cette tricherie salutaire, cette
esquive, ce leurre magnifique, qui permet d'entendre la langue hors-
pouvoir, dans la splendeur d'une révolution permanente du langage, je
l'appelle pour ma part : littérature »13. Littérature : la rature de la lettre,
c'est-à-dire à la fois la barrer, travailler sur elle, et ne pas réussir ce
travail, le rater, au plus proche du littéralisme bermanien. Cette trahison
nécessaire, Barthes la pense aussi lorsqu'il évoque ce qu'il appelle le
« bruissement de la langue » (1993, pp. 99-102), qui s'élève quand une
langue étrangère nous apparaît pleinement langue parce que nous ne la
comprenons pas, parce qu'elle trahit notre exigence du sens. Dans
l'Empire des signes, consacré au Japon, il évoque la jouissance de
« descendre dans l'intraduisible, en éprouver la secousse sans jamais
l'amortir, jusqu'à ce qu'en nous tout l'Occident s'ébranle et que vacillent
les droits de la langue paternelle » (1984, p. 11). Lorsqu'elle se met à
l'écoute de cet intraduisible, la traduction sera, aux côtés de la
littérature, une autre forme de trahison rédemptrice14.

Prendre la fuite relève de la même infamie que la trahison aux


yeux de la morale commune qui blâme ou de la justice militaire qui
châtie. Deleuze, pourtant, y voit pareillement un salut dont la littérature
nous apprend l'effet de grâce. Il la conçoit comme l'exercice d'une
écriture en une langue mineure, comme la pratique d'un « usage mineur
de la langue majeure dans laquelle [les grands écrivains] s'expriment
entièrement » (1993, p. 138) sous la métaphore d'un bégaiement de la
langue. « Ils sont grands à force de minorer : ils font fuir la langue, ils
la font filer sur une ligne de sorcière, et ne cessent de la mettre en
déséquilibre, de la faire bifurquer [...] » (id.), c'est-à-dire de la trahir.
« Autant dire qu'un grand écrivain est toujours comme un étranger dans

13
Leçon, Paris, Seuil, coll. « Points », 1978, p. 16. Voir aussi G. Manganelli,
La littérature comme mensonge.
14
Cette dernière notion, religieuse, n'appartient pas, comme telle, à l'univers
barthésien mais je l'introduis en référence aux pensées de Rosenzweig et
Benjamin sur la traduction.
177
la langue où il s'exprime [...] » (id.), c'est-à-dire qu'il traduit. Ligne de
fuite, mais cette fuite-là n'est pas une lâcheté; elle demande du courage
car elle est départ, invention, création. « On trahit les puissances fixes
qui veulent nous retenir, les puissances établies de la terre » (1996,
p. 52). De la terre et du ciel, puisque Deleuze prend pour figures
exemplaires de la trahison autant les prophètes de l'Ancien Testament
que les grands explorateurs, Aguirre ou Colomb. « Le vol créateur du
traître, contre les plagiats du tricheur » (ibid., p. 53) car Deleuze
introduit entre ces deux personnages une distinction marquée où le
premier s'oppose au pouvoir et à l'ordre, tandis que le second ne rêve
que d'appropriations. Le premier vise les terres inconnues, le second les
territoires déjà conquis. « Il y a beaucoup de gens qui rêvent d'être
traîtres. [...] Ce ne sont pourtant que de petits tricheurs. [...] C'est que
traître, c'est difficile, c'est créer. Il faut y perdre son identité, son
visage » (ibid., p. 56).

C'est enfin un autre caractère du théâtre conceptuel deleuzien


qui nous ramènera à la phénoménologie amoureuse : le jaloux, qui
apparaît lorsque Deleuze évoque, en des phrases au ton parfois
barthésien, dans son ouvrage sur Proust, le deuxième des quatre
mondes de signes qui organisent la Recherche : la mondanité, l'amour,
la sensibilité matérielle, l'art. La jalousie, au demeurant, est aussi
trahison, puisque celui — le genre indiquerait-il un privilège de la
masculinité? Deleuze ne fait-il que suivre Proust? — qui se méfie, qui
suspecte, trahit une confiance affective qui ne devrait pas être atteinte;
dans l'analyse deleuzienne, c'est d'ailleurs aussi affaire de traduction.
« Le jaloux éprouve une petite joie quand il a su déchiffrer un
mensonge de l'aimé, tel un interprète qui parvient à traduire un texte
compliqué, même si la traduction lui apporte personnellement une
nouvelle désagréable et douloureuse » (1972, p. 21). La mention n'est
pas qu'un effet de style. Tout au long de son analyse s'appliquant à
montrer que la vérité, plus que le temps, est le véritable objet de la
Recherche, Deleuze va fréquemment faire appel aux figurations
amoureuses, non comme simples métaphores mais comme réelles
figures discursives. Et les pages de conclusion retissent des liens
d'analogie entre traduction, jeu de l'amour et ... trahison : « Penser, c'est
toujours interpréter, c'est-à-dire expliquer, développer, déchiffrer,
traduire un signe. Traduire, déchiffrer, développer sont les formes de la
création pure. [...]. Le chercheur de vérité, c'est le jaloux qui surprend
un signe mensonger sur le visage de l'aimé. [...] L'œuvre d'art naît des
signes autant qu'elle les fait naître; le créateur est comme le jaloux,
divin interprète qui surveille les signes auxquels la vérité se trahit »
(ibid., p. 190). On sait qui traduit, mais sait-on finalement qui trahit qui
178
et qui est trahi? La question restera pour l'heure sans réponse mais
l'analyse deleuzienne est proche de la théorie bermanienne, développée
à partir du romantisme allemand, de la traduction comme réponse à
l'appel au dévoilement de la vérité traductive de l'œuvre. Au
demeurant, la jalousie fait également une apparition chez Berman. « Ce
traduire produit ce que Goethe appelait la Verjüngung (rajeunissement)
ou Verfrischung (régénération, rafraîchissement) » (1995, p. 196),
écrit-il en appréciation des traductions d'Yves Bonnefoy. Et il le dit à
propos de la traduction d'un vers de John Donne, un vers de l'« Hymne
au Christ » : « Tu es jaloux, Seigneur. Bien, moi aussi. »

Il ne faut cependant pas en rester là. Penser la traduction


uniquement sur la base de l'herméneutique paranoïde du jaloux. Faire
un « Éloge de la traduction », c'est vouloir rendre de nouveau
l'amoureux heureux. Accepter de trahir car et quand la cause est
noble — ce qui distinguerait la trahison de la traîtrise, comme dans les
opéras de Mozart, les pièces de Marivaux, pour ne pas citer de plus
graves circonstances. Accepter qu'une traduction juste le sera au prix
d'une trahison. Vouloir rendre de nouveau l'amoureux heureux, lui faire
accepter son malheur, le malheur d'aimer qui est le pari de l'amour. « Il
n'y a pas d'amour heureux » disait Aragon, mais c'est aimer que de
l'éprouver. Orphée, lorsqu'il se retourne et renvoie donc son amante
aux Enfers, dans ce geste, il aime et il l'aime. Aimer, c'est faire
l'expérience, c'est faire l'épreuve de l'impossibilité d'aimer. Traduire,
c'est faire l'épreuve de l'impossibilité de traduire. C'est tristesse, c'est
souffrance, comme le dit Berman. Ce possible/impossible, il l'a traduit,
dans son texte « Hölderlin, ou la traduction comme manifestation », par
une formule d'une très grande force poétique : traduire, c'est « rendre
des paroles du matin avec des paroles du soir » (1999, p. 83).

Université de Montréal

Références

BARTHES, Roland (1993). Le bruissement de la langue. Essais


critiques IV. Paris, Seuil, coll. « Points ».

— (1984). L'empire des signes. Paris, Flammarion, coll. « Champs ».

— (1981). Essais critiques. Paris, Seuil, coll. « Points ».

BERMAN, Antoine [1985] (1999). La traduction et la lettre ou


L'auberge du lointain. Paris, Seuil.
179
— (1995). Pour une critique des traductions : John Donne. Paris,
Gallimard.

— (1989). « La traduction et ses discours », Meta, vol. 34, no 4.

— (1988). « De la translation à la traduction », TTR, vol. I, no 1

— (1984). L’Épreuve de l'étranger. Critique et traduction dans


l'Allemagne romantique. Paris, Gallimard.

DELEUZE, Gilles et PARNET, Claire (1996). Dialogues. Paris,


Flammarion, coll. « Champs ».

DELEUZE, Gilles (1993). Critique et clinique. Paris, Minuit.

— (1972). Proust et les signes, Paris, PUF.

GENET, Jean (1991). L’ennemi déclaré. Textes et entretiens. Paris,


Gallimard.

LARBAUD, Valéry (1997). Sous l'invocation de Saint Jérôme. Paris,


Gallimard, coll. « TEL ».

STEINER, George (1978). Après Babel (tr. L. Lotringer). Paris, Albin


Michel.

RÉSUMÉ : Éloge de la trahison — Traduttore, Traditore. Et si


l’adage adoré, répété à satiété, recelait une vérité philosophique
inavouée ? C’est ce que tente d’établir cet article, à partir de la pensée
bermanienne et avec l’aide de Derrida, Barthes et Deleuze, en
esquissant une théorie de la trahison et du don qui montrerait que ces
deux notions ne sont pas antagoniques et qu’elles peuvent soutenir une
éthique traductive soulignant les pouvoirs et les limites du langage, tout
proches de ceux de l’amour.

ABSTRACT: In Praise of Treason — Traduttore, Traditore. What if


the adored adage which is repeated ad nauseam held a hidden
philosophical truth? Based on Berman, Derrida, Barthes and Deleuze,
this paper aims at proving this paradox, by sketching a theory of
betrayal and gift which would show that these two notions are not
antagonistic, but that they could rather support an ethics of translation
stressing the powers and limits of language, similar to those of love.
180
Mots-clés : traduction, trahison, don, langage, éthique.

Keywords: translation, betrayal, gift, language, ethics.

Adresse : Département de linguistique et de traduction, Université


de Montréal, CP 6128, succ. Centre-ville, Montréal, Québec
H3C 3J7
Courriel : [email protected]

181

Vous aimerez peut-être aussi