Cours Phonologie Licence 1 (1ère Partie)
Cours Phonologie Licence 1 (1ère Partie)
Cours Phonologie Licence 1 (1ère Partie)
Rappel de l'objectif du cours : à la fin, l’étudiant devra être capable de faire l’analyse
phonologique d’un corpus (une description des langues). Pour cela, les connaissances de
phonétique générale sont indispensables.
Plan:
1- Qu'est-ce que la phonologie?
2- Qu'est-ce qu'un phonème?
3- Les paires suspectes.
4- Relation phonologique entre deux sons
5- Les étapes de l'analyse phonologique.
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ALPHABET PHONÉTIQUE INTERNATIONAL
(version révisée de 1993 ; corrigée en 1996 ; Journal of International Phonetic Association 26/1, 1996)
CONSONNES PULMONIQUES (AIR PULMONAIRE)
Bilabiales Labio- Dentales Alvéo- Post- Rétroflexes Palatales Vélaires Uvulaires Pharyngales Glottales
dentales laires alvéolaire
Occlusives p b t d c k q
Nasales m n
Trilles r
Battues
Fricatives f v s z x h
Fricatives ! "
latérales
Approximantes # $ % j &
Approximantes l ' ( )
latérales
Lorsque les symboles sont appariés, le symbole de droite représente une consonne voisée. Zones ombrées : articulations jugées impossibles.
DIACRITÉS (Les signes peuvent être placés au-dessus d’un symboles avec hampe descendante, p. ex. .)
P Dévoisé nP dP Murmuré bQ aQ R Dental tR dR
S Voisé sS tS T Laryngalisé bT aT U Apical tU dU
V Aspiré tV dV W Linguolabial tW dW X Laminal tX dX
Y Plus arrondi BY Z Labialisé tZ dZ [ Nasalisé e[
\ Moins arrondi B\ ] Palatalisé t] d] ^ Relâchement nas. d^
_ Avancé u_ ` Vélarisé t` d` g Relâchement lat. dg
{ Rétracté e{ | Pharyngalisé t| d| } Sans relâch. audible d}
~ Centralisé e~ Vélarisé ou pharyngalisé l
Semi-centralisé e Monté e ($ = fricative alvéol. vois.)
Syllabique n Abaissé e ( = fricative alvéol. vois.)
Non syllabique e Racine linguale avancée e
Rhotique e a Racine linguale rétractée e
PROPRIÉTÉS SUPRASEGMENTALES
Accent primaire
Accent secondaire fo9n=t7=n TONS PONCTUELS TONS MODULÉS
Longueur e e ou Supra-haut e ou Montant
Mi-longueur e e Haut e Descendant
Brièveté e e Moyen e% Haut-montant
| Groupe intonatif mineur (pied) e Bas efi ¡ Bas-montant
2 Groupe intonatif majeur e¢ £ Supra-bas e& ¤ Montant-descendant
. Coupe (frontière) syllabique $7.ækt ¥ Faille tonale (downstep) ¦ Montée globale
≈ Liaison (absence de pause) § Elévation tonale (upstep) ¨ Montée globale
(Version française élaborée par Lolke Van der Veen, 2004.)
1- Qu'est-ce que la phonologie?
Phonétique : étude de la réalisation physique des sons, étude de l’ensemble des sons que l’on
peut rencontrer dans les langues du monde (descriptif).
Phonologie : étude des sons distinctifs d’une langue donnée (étude des sons qui créent des
distinctions significatives, c-à-d des différences de sens)
La phonologie, comme la phonétique, étudie les sons, néanmoins, pendant que la phonétique
s’intéresse à la réalisation des sons, la phonologie, elle, s’intéresse à leur fonction (distinctive
ou non) au sein d’une langue donnée.
Par exemple, pour le phonéticien la différence entre [ra] et [Ra] dans la prononciation du mot
rat est intéressante car elle montre une variation phonétique (entre variétés de français), mais
elle l’est moins pour le phonologue car aucune paire de mots, en français standard ne se
distingue par l’opposition entre [r] et [R]. Ainsi, alors que le phonéticien considérera ces deux
unités comme étant distinctes, le phonologue les considérera comme étant une même unité
phonologique, soit un même phonème. On dira alors de la différence entre [r] et [R] qu’elle
n’est pas pertinente phonologiquement, ou bien que ces sons ne sont pas en opposition
(significative).
Par contre, la différence entre [so] et [∫o] sera intéressante pour le phonologue car cette
différence est pertinente du point de vue phonologique : [s] et [∫] sont en opposition
significative, ce sont donc —pour le français— deux phonèmes distincts.
L'objectif de la phonologie est donc de repérer les phonèmes dans la diversité des
sons de la langue étudiée.
L'inventaire des phonèmes, et donc le système phonologique, varie selon les langues. Une
analyse phonologique est valable pour une seule langue.
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2- Qu'est qu'un phonème ?
Le phonème est la plus petite unité d'une langue donnée capable de produire un changement
de sens sans avoir de sens en elle-même. C’est la plus petite unité distinctive.
Elle est elle-même non significative : un phonème ne signifie rien. Mais elle est distinctive :
elle sert à créer des oppositions significatives, des différences de sens.
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Mais en finnois par exemple, la longueur vocalique a un effet distinctif :
1. [sula] ‘fondu’ 3. [su:la] ‘espèce d’oiseau’
2. [sula:] ‘(ça) fond’ 4. [su:la:] ‘avec la bouche’
donc /a / et /a: / sont deux phonèmes distincts, et /u/ et /u:/ aussi.
EN BREF :
Tous les sons d’une langue ne sont pas forcément des phonèmes dans cette langue.
Le linguiste doit d'abord dresser l’inventaire des sons de cette langue : système phonétique de
la langue, sous forme de tableau où chaque son est classé selon son lieu et mode
d’articulation. Attention : ne répertorier que les sons qui appartiennent à la langue en
question.
Ensuite, il doit dresser l’inventaire phonologique de cette langue, après avoir analysé quels
sont les sons qui sont distinctifs dans cette langue (qui sont utilisés dans la langue pour établir
des différences de sens au niveau des mots), ç-a-d les phonèmes.
Pour faire cette étude, il n’oppose pas les sons au hasard. Il regarde surtout les sons qui
forment des paires suspectes.
On appelle paires suspectes deux sons qui sont proches phonétiquement (qui ont presque les
mêmes propriétés articulatoires, c’est-à-dire qui ont une seule propriété articulatoire de
différent). Ces paires sont suspectes parce qu’elles peuvent être traitées comme un seul
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phonème dans certaines langues : on les "soupconne" de ne pas être constituées de deux
phonèmes distincts, mais d'un seul.
Pour déterminer si une paire suspecte est constituée d’un seul ou de deux phonèmes, on étudie
la distribution des deux sons : on observe dans quelles positions ils peuvent apparaître,
c’est-à-dire : en position initiale, interne ou finale, après quel son, avant quel son, après
et avant quel son, dans quel type de syllabes …
Selon la distribution des deux sons, on détermine leur relation phonologique :
• opposition significative
• variation contextuelle
• variation libre
Quant aux paires de mots [pɛ] / [pa], [mɛs] / [mas], [rɛ] / [ra], on dira qu'elles constituent des
paires minimales, c'est-à-dire des paires de mots comparables avec :
- une différence phonétique
- une différence sémantique
à c’est-à-dire un seul son et un sens différent
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Mais dans les langues naturelles, on ne trouve pas toujours de paires minimales. Alors, il faut
procéder à l’étude de la distribution en détail des sons (voir dans quel contexte chacun des
sons apparait). Ex: [ɛ] et [a] dans la langue X.
[tɛp] ‘bœuf’ [ta] ‘village’
[ɛ] ‘rivière’ [map] ‘giffle’
[mɛ] ‘lait’ [ak] ‘dos’
[ɛ] et [a] peuvent apparaître tous deux :
- après un [t]
- avant un [p]
- en syllabe fermée
- en syllabe ouverte
- en initiale de mot
- en interconsonantique
- en finale de mot
Donc [ɛ] et [a] ont la même distribution, ce sont donc 2 phonèmes différents, notés /ɛ/ et /a/.
Variation contextuelle
Lorsque deux sons ont une distribution mutuellement exclusive (ne se trouvent jamais dans le
même contexte), on dit que leur distribution est complémentaire. Selon le contexte, on sait
si l'on trouve un son ou l'autre. Il s'agit donc d'un seul phonème qui a deux réalisations
phonétiques selon les contextes (deux allophones d’un même phonème).
Des sons sont dits allophones d'un même phonème lorsqu’ils sont les différentes
réalisations phonétiques de ce phonème dans des contextes mutuellement exclusifs.
Ex. [o] et [ɔ] dans une variété de français : paire suspecte (rappel)
[poto] poteau [pɔrt] porte
[po] peau [pɔm] pomme
[∫o] chaud [∫ɔd] chaude
[o] et [ɔ] se trouvent dans des contextes mutuellement exclusifs dans cette variété de français :
- [o] apparaît toujours dans une syllabe ouverte (CV)
- [ɔ] apparaît toujours dans une syllabe fermée (CVC, CVCC).
à [o] et [ɔ] sont en distribution complémentaire. Chacun d’eux apparaît dans un contexte
où n'apparaît jamais l’autre. Il est impossible dans ce cas de trouver des paires minimales
entre [o] et [ɔ] en français, puisqu’ils n’apparaissent pas dans le même contexte. Cette
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variation entre [o] et [ɔ] est conditionnée par le contexte = variation contextuelle à un seul
phonème avec deux allophones [o] et [ɔ], deux réalisations phonétiques du phonème.
Le phonème /o/ a comme réalisation phonétique le son [o] dans le contexte syllabe ouverte et
à comme réalisation phonétique le son [ɔ] dans le contexte syllabe fermée. [o] et [ɔ] sont les
allophones du phonème /o/.
Remarque
Choix du signe qui représente le phonème : signe de la réalisation phonétique qui apparaît
dans le plus grand nombre de contextes ou celui qui apparaît le plus souvent.
Ici il s’agit de / o /, car les structures CV sont les plus fréquentes en français.
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Variation libre
Elle est moins fréquente que les deux premières relations phonologiques.
Deux sons sont en variation libre, lorsqu’ils apparaissent dans les mêmes contextes (même
distribution), mais que la substitution de l’un par l’autre n’entraîne pas de changement de
sens. Le même mot peut utiliser l'un ou l'autre son pour un même sens.
La variation libre peut être causée par des facteurs individuels ou régionaux.
Ex : en français, les différents [r] dans les variations régionales (ex: rouler les [r]). Il n’y a pas
de différence de sens.
à [R] et [r] sont en variation libre. [R] et [r] sont deux réalisations phonétiques d'un même
phonème, soit des variantes libres d'un même phonème.
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5- Les étapes de l'analyse phonologique
Méthode à suivre pour l’étude phonologique d’une langue donnée :
1) Inventorier les sons de la langue étudiée et dresser un tableau phonétique des consonnes
et des voyelles. Adapter le tableau en y notant que les sons attestés dans la langue étudiée.
2) Chercher et inventorier les paires suspectes, c’est-à-dire les sons qui sont
articulatoirement proches.
3) Etudier chaque paire suspecte par la distribution des 2 sons, et voir alors quelle est leur
relation phonologique (opposition significative, variation contextuelle ou variation libre).
4) Si une paire se trouve en variation contextuelle (en distribution complémentaire), poser les
règles phonologiques en explicitant la distribution complémentaire des deux allophones.
5) Dresser le tableau phonologique à partir de l'analyse faite. Faire donc la liste des
phonèmes, puis les classer dans un tableau phonologique (plus petit ou égal au tableau
phonétique).
6) Proposer une transcription phonologique des mots du corpus étudié.
Résumé :
Relation Exemple Distribution Sens Nombre de Exemple
phonologique (ou contexte) phonèmes
Opposition Même Différent 2
[ɛ] et [a] /ɛ/ et /a/
significative
Variation Complémentaire Différent 1
[o] et [ɔ] /o/
contextuelle
Variation libre [R] et [r] Même Même 1 /r/