HISTOIRE DE LA PSYCHO Entier

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PSYCHOLOGIE

Histoire de la psychologie

PARTIE 1 : HISTOIRE DE LA PSYCHOLOGIE FRANÇAISE

La psychologie est apparue après la philosophie, dont elle dérive. La philosophie traitait
durant le 17ème siècle principalement de l’âme humaine. En France, pendant longtemps la
psychologie était liée à la philosophie. Un des grands noms de la philosophie française est
Descartes (1596-1650) qui concevait l’âme et le corps comme deux substances absolument
hétérogènes, mais agissant néanmoins l’une sur l’autre.

John Locke (1636-1704) et de Condillac (1714-1780) refusent de reconnaître l’existence des idées
innées. Ils s’intéressent aux faits. Pour eux, les idées de l’esprit viennent de l’expérience ; des lois
générales sont construites selon lesquelles les phénomènes se produisent. Les idées ont deux
origines : soit de l’extérieur, soit de l’intérieur. Les premières sont les des objets de la sensation,
et sont extérieurs et matérielles. Et les secondes sont des objets de la réflexion, ce sont des
opérations de l’esprit.

Maine de Biran (1766-1824) croit en l'existence d’impressions purement affectives. La


psychologie est fondée sur l’observation intérieure (introspection). Il contribue au développement
de la psychologie et considère que la connaissance est une sensation transformée. L’esprit
humain fonctionne à partir du moment où il reçoit une expérience.

Christian Wolff (1679-1754) est le premier à faire apparaitre une “vraie” psychologie. Il théorise la
métaphysique générale, qui est la théorie générale de l’être et est basée sur la cosmologie, la
psychologie et la théologie. Il fonde la psychologie empirique, qui commence à ressembler à la
psychologie scientifique. Il met en place une méthode scientifique car il considère que les
philosophes ne sont pas assez rationnels et que tout ne peut être expliqué par l’introspection. Il
décrit donc précisément des modifications de l’âme et étudie les différentes facultés de l’âme et
donne des analyses précises sur les mécanismes de la mémoire ou du rêve.

Charles Bonnet (1720-1796) fait apparaitre pour la première fois en France le mot psychologie
dans son essai de psychologie en 1754 qui recommande l’observation interne de soi, appelée
plus tard introspection. Mais beaucoup de philosophes à cette époque refusent d’utiliser le terme
psychologie et dire que c’est une science, ce qui retarde le développement de la psychologie
contemporaine française.

I. PREMIÈRE MOITIÉ DU XIXE SIÈCLE : RENOUVEAU DE LA PHILOSOPHIE ET DES SCIENCES


A. L’école idéologiste (Pinel, Esquirol, Bichat, Lamark, mais aussi Cabanis ? Destutt de Tracy
et Laromiguière)

Pour les idéologistes, toutes nos idées viennent des sensations. Une sensation pure et
simple n’est qu’une modification de notre être, qui ne referme aucune perception de rapport,
aucun jugement La sensation de résistance est la seule qui nous apprenne à la rapporter à
quelque chose hors de nous.

Dans cette école idéologiste se trouvent des médecins, comme Cabanis (1757-1808). Il
estime que nos idées sont le fruit de la sensibilité externe et la pensée est sécrétée par le

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cerveau. La mémoire et l’imagination se passent des sens pour s’imposer à nous. Il existe une
sensibilité interne liée aux organes et véhiculée par les nerfs. L’organe cérébral se dérobe à notre
volonté. La sensibilité va de pair avec le corps et la pensée avec l’âme. C’est aussi un des
premiers à s’intéresser à l’organogenèse, qui est la transformation de l’embryon jusqu’à sa
maturité. Il porte aussi un intérêt à la psychogène des maladies mentales, c'est-à-dire la genèse
des maladies mentales et l’évolution des fonctions psychiques.

Antoine Destutt de Tracy (1754-1836) pense que nous n’existons que par nos sensations
et nos idées. La connaissance de la manière dont nous formons nos idées est la base de toutes
les sciences.
Pierre Laromiguière a deux idées principales : celle des facultés de l’âme et celle de
l’origine des idées. Pour lui, l’ensemble des facultés intellectuelles et volontaires dérivent de
l’attention. Et toute la vie mentale dérive d’une sensation. L’âme a un rôle dans l'activité humaine
et un pouvoir actif qui s’applique aux sensations qui permettent de tirer des idées.

B. La médecine mentale

Franz Anton Mesmer (1754-1815 - Vienne) est le créateur du magnétisme animal, qui est
considéré comme une thérapie universelle capable de guérir et prévenir toute maladie. Ce sont
des aimants appliqués sur le corps des patients pour provoquer des modifications psychiques. Il
remplacera ensuite les aimants par une imposition des mains sur le corps. Pour lui, la maladie
résulte d’une mauvaise répartition du fluide dans le corps humain. La guérison en vient à restaurer
l’équilibre perdu. L’utilisation des aimants et des passes magnétiques permet de canaliser ce
fluide et de le transmettre à d’autres personnes. Il explique que le fluide passe du thérapeute au
malade. Mais sa thérapie provoquait tout de même des crises, comme de l’asthme ou de
l’épilepsie.

Armand-Marie Jacques de Chastenet (1751-1825) va introduire quelques variantes dans la


pratique du magnétisme. Il s’intéresse à l’état somnambulique. Il complète la théorie de Mesmer
en expliquant qu’un consentement, une confiance est nécessaire pour que sa thérapie marche (et
encore pas marche pas tout le temps). Il apprend aux malades à accepter l’instauration d‘une
relation plus étroite, ce qui est le début de l’alliance thérapeutique, pour mettre le patient en
confiance et donc engendrer cet état.

L’abbé de Faria (1756-1819) considère que seuls certains individus peuvent être magnétisés. Au
patient confortablement installé dans un fauteuil, il demandait de fixer son regard sur sa main
ouverte et ordonnait : « Dormez ». Chez les sujets, rapidement tombés dans l’état magnétique, il
induisait des visions et suggestions post-hypnotiques.

Philippe Pinel (1745-1826) est un psychiatre. Il manie le traitement nosologique de la folie et


centre son propos sur le traitement moral. Il applique aux troubles mentaux la méthode
analytique. Il s’intéresse à l’aliénation mentale qu’il classe en 4 espèces : mélancolie, manie moins
marquée, démence, idiotisme avec affaiblissement mental.

C. La phrénologie de Gall : une

-physiologie des facultés morales et intellectuelles


Franz Joseph Gall (1758-1828) fait l’étude du fonctionnement de l’esprit à partir de ses
bases matérielles et organiques et donc à partir de la configuration du cerveau et des bosses du
crâne. Il s’interroge sur les fonctions du cerveau. Selon lui, les propriétés de l’âme et de l’esprit et
les organes sont innés. Aussi, le cerveau est un assemblage d’organes qui fait fonctionner les
facultés morales et intellectuelles, qui sont au nombre de 27. Les intuitions de Gall seront

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retrouvées par Paul Broca, le fondateur de la physiologie cérébrale. Il va localiser le siège de la
fonction du langage articulé, à la suite de l’observation d’un patient qui était dans l’incapacité de
s’exprimer, ne pouvant prononcer que le mot « Tan ».
(Objectif renvoie à la réalité qui s’impose à l’esprit. Objectivable se rapporte à réalité extérieure.)

D. La philosophie spiritualiste

Victor Cousin (1772-1867) fait l’étude de la nature humaine à partir de l’observation. Il


étudie l’acte conscient à partir de l’analyse de l’observation intérieure et de l’intuition réflexive. Il
établit la psychologie séparée qui va servir de base à la science. Dans ces études il a travaillé sur
l’analyse des sens, de la conscience, de l’imagination, de la volonté, des sentiments, de la
passion… Il sépare les faits physiologiques et psychologiques.
Louis Bautain (1796-1867) reconnaît deux sortes de psychologie. D’abord, la psychologie
pure et transcendante qui étudie l’Homme dans son essence. Et la psychologie expérimentale
qui s’attache aux phénomènes soumis à l’influence du corps, et qui prend connaissance de nos
facultés.
Théodore Jouffroy (1796-1842) stipule que la sensibilité est hors du moi et l’intelligence
spontanée ou involontaire est dans le moi. Mais aussi que l’intelligence est la seule production
permanente de l’âme et la volonté n’est plus qu’un mode de cette productivité. C'est-à-dire que
la volonté est la seule à produire de la connaissance. La psychologie est donc une nouvelle
science qui pose 4 questions : 1. Des phénomènes intérieurs et de la possibilité de constater
leurs lois. 2. De la transmission et de la démonstration des notions de conscience. 3. Du
sentiment des physiologistes sur les faits de conscience. 4. Du principe des faits de conscience.

La psychologie spiritualiste a été vivement critiquée par François Broussais (1772-1838). Pour lui,
l’intelligence et ses différentes manifestations sont des phénomènes de l’action nerveuse. Il
apprécie que la pluralité des facultés permette de détruire le dogme de l’unité du moi.

Auguste Comte (1798-1857), lui, nie la psychologie spiritualiste. Il critique la référence à la notion
de conscience qui rétrécit l’étude de l’intelligence et critique la notion d’introspection. Il propose
de remplacer la psychologie par la phrénologie et la sociologie. Une de seules possibilités que
Comte laisse ouverte à la psychologie est celle qui repose sur l’étude des aberrations de l’esprit
humain, de la pathologie psychiatrique.

II. SECONDE MOITIÉ DU XIX SIÈCLE : LA FONDATION DE LA PSYCHOLOGIE FRANÇAISE


A. Ribot et la psychologie comme science autonome

Théodule Ribot (1839-1916) menait un combat pour la reconnaissance officielle de la psychologie


avec des projets qui n’ont jamais vu le jour, même si il a pu enseigner plus tard. Il prône une
psychologie objective, s’appuyant sur l’observation précise des faits. Les réactions, attitudes et
conduites de l’individu sont déterminées par des mécanismes physiologiques.

B. Binet et la psychologie différentielle

Alfred Binet (1857-1911) théorise la psychologie différentielle, qui mesure les différences
psychologiques entre les individus, au moyen d’épreuves particulières appelées “tests”. Il s’agit
d’aborder directement l’étude de l’intelligence. Elle est aux origines des sciences cognitives.

III. PREMIÈRE MOITIÉ DU XXE SIÈCLE : LE DÉVELOPPEMENT DE LA PSYCHOLOGIE


FRANÇAISE
A. Janet et la psychologie pathologique
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Pierre Janet (1859-1947) succède à Ribot au Collège de France. Il a une approche de la
psychologie expérimentale fondée sur la pathologie mentale. Il donne à la vie psychique une
représentation hiérarchisée dans laquelle les fonctions supérieures exercent un contrôle sur les
activités inférieurs automatiques. Il s’intéresse à l’étude du psychisme, l’activité humaine et non
de la sensation. Il définit deux types automatismes : l’automatisme total (après choc ou émotion)
et l’automatisme partiel (choc, trauma, émotion mais une partie de la conscience reste intacte : la
personne continue à se développer). L’objet de la psychologie est l’étude des conduites
humaines.

B. Piéron et la psychologie scientifique française

Henri Piéron (1881-1964) s’intéresse à l’étude objective du comportement des organismes, il


appuie donc la psychologie sur de physiologie. C’est une des précurseurs du béhaviorisme. Il
travaille sur : la mémoire, la physiologie du sommeil, les réflexes, les sensations, le syndrome
commotionnel engendré par les traumatismes de guerre. Il contribue aussi au développement de
la psychologie française avec le laboratoire Edouard Toulouse.

IV. PREMIÈRE ET SECONDE MOITIÉ DU XXE SIÈCLE : LA PRO FESSIONNALISATION DE LA


PSYCHOLOGIE FRANÇAISE
A. La formation en psychologie dans les années 1930

La psychologie se développe. Les chercheurs s’intéressent à la psychologie et l’enseigne à


l’université. Elle passe par des ouvrages généraux et spécialisés et des manuels techniques.
(Éléments de psychologie physiologique (1886) de W. Wundt - Psychologie physiologique (1879) de G. Sergi - Cours de psychologie
expérimentale de E.T. Sanford (1900) - Technique de psychologie expérimentale (Toulouse, Vaschide et Piéron, 1904 et nouvelle
édition 1911) - Éléments de psychologie expérimentale (J. de la Vaissière, 1912) - Précis de psychologie de W. James (1892) - Précis
de psychologie de H. Ebbinghaus (1912))
Après la guerre, la mise en place de la réforme de la licence de philosophie qui comporte un
certificat de psychologie (1920) va permettre le développement des études de psychologie
obligatoire. Les cours se font d’abord qu’à Paris puis la licence de psychologie est étendue dans
le reste de la France.

B. L’introduction de la psychanalyse

La psychanalyse commence à être pratiquée en France dans les années 1922-1923 par : Eugénie
Sokolnicka (1884- 1934) considérée par Freud comme la représentante officielle de la
psychanalyse en France. Elle pénètre dans le fief de la psychiatrie française. Et René Laforgue
(1894-1962), psychiatre, va institutionnaliser la psychanalyse. Mais il reste toujours un grand
conflit entre psychanalyse et psychiatrie.

C. La psychologie de l’enfant et la psychologie du travail

Le processus de professionnalisation de la psychologie s’amorce véritablement au cours des


années 1920-1930. L’enseignement se fait par des psychiatres, psychologues et psychanalystes.

D. Le développement de la psychologie à l’université

En 1945, sont créés à Strasbourg, deux nouveaux certificats d’études supérieures (CES) pour la
licence des lettres. Daniel Lagache rédige un rapport pour proposer de refonder la licence de
psychologie en introduisant la psychologie clinique orientée vers la psychopathologie. Mais ce
projet n’a pas marché tout de suite, on doit attendre deux ans (1947) pour qu’il soit mis en place.

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En 1947 se crée une licence de psychologie en 4 certificats : psychologie générale
(commun avec la licence de philosophie) ; psychologie de l’enfant et pédagogie ; psychologie de
la vie sociale ; psychophysiologie. Finalement, c’est une licence nationale et diffusée dans les
autres universités.
En 1958, le Ministère et la Direction de l’Enseignement Supérieur ont la volonté d’ouvrir
plus largement l’enseignement de la psychologie aux facultés qui s’appelleraient désormais
“Facultés de Lettres et de Sciences Humaines”. En 1959, la réforme de la licence de psychologie
rajoute un 5ème certificat celui de psychophysiologie (il y a donc deux certificats de
psychophysiologie).
Jusqu’en 1966, le cursus de psychologie était de trois ans. Il comportait 5 certificats à
passer en deux ans après une année conçue comme étant une année de culture générale.
Ces certificats étaient : CES de psychologie de l’enfant, de psychologie sociale, de psychologie
générale et les deux CES de psychophysiologie. Le CES de psychopathologie apparaîtra avec la
mise en place de la maîtrise. En 1967, le cursus est en quatre années : Un DUEL (Diplôme
d’Études Universitaires Littéraires) de deux ans suivis d’une licence en deux certificats
obligatoires et une maîtrise en deux certificats dont un optionnel.
Les DEUG n’entrent en vigueur que courant 1973-1974 (en deux ans), la licence (en un an)
la maîtrise (en un an). Par la suite furent créé les DESS une année de plus, année de
professionnalisation) en 1974 et des DEA servant à préparer par la suite un doctorat de troisième
cycle sous le contrôle d’un directeur de recherche et obtenir après soutenance une thèse.
Aujourd’hui, les DEUG ont disparu remplacés par des licences de psychologie qui comporte des
cours de statistiques et de biologie : il est par conséquent nécessaire d'avoir un minimum
d'intérêt pour les sciences. Après la licence, vous devez poursuivre vos études en master 1 et
master 2 professionnel pour obtenir le titre de psychologue.

E. Le développement de la psychologie au CNRS

Le CNRS (Centre Nationale de Recherche Scientifique) qui fut créé par décret le 19 octobre 1939
met en œuvre une véritable politique scientifique et améliore l’utilisation pratique de la recherche
fondamentale. Il y sera enseigné la psychologie et la physiologie dès 1947 et des recherches
seront conduites en psychologie scientifique, soutenues financièrement pour les équipes de
recherche les plus méritantes.

F. Le développement de la Société Française de Psychologie

La SFP soutient la France dans des congrès internationaux et représente la France dans des
commissions internationales. Elle réunit beaucoup de membres, à la fois des enseignants
chercheurs, professionnels, chercheurs. Depuis quelques années, elle regroupe des organisations
et associations partenaires. Son objectif est se mettre à jour pour la pratique des jeunes
médecins et docteurs et de prendre position dans la recherche.

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PARTIE 2 : HISTOIRE DE LA PSYCHOLOGIE CLINIQUE

INTRODUCTION
La psychologie clinique a deux sources : la psychologie expérimentale et la psychologie
des profondeurs. La première exige de mettre en place un cadre de travail pour répondre aux
exigences de rigueur et de maîtrise des différentes variables que l’on veut étudier. La seconde est
issue de la philosophie de la médecine, c’est une rencontre entre psychiatres et psychologues.
Cette discipline nait après la Seconde Guerre Mondiale. C’est la rencontre de la philosophie et de
la médecine. Ces deux sources vont emprunter des apports à d’autres sciences comme la
psychiatrie. Elles ont des influences médicales, humanistes et philosophiques.

Le terme de clinique renvoie au chevet du malade, c'est-à-dire qu’on s’occupe d’un individu qui
est “malade”, “étendu, voir couché” et “en évolution” (J. Favez-Boutonnier). Le malade est étudié,
envisagé dans sa globalité et “en situation” (Daniel Lagache). C’est l’émergence du principe de
singularité, d’unicité, qui va soutenir les développements ultérieurs de la psychologie clinique ; on
étudie l’individu dans ce qu’il a d’unique. On ne cherche pas à trouver des règles générales aux
être humains.

La psychologie clinique est une “branche de la psychologie qui a pour objet les problèmes et
troubles psychiques, ainsi que la composante psychique des troubles somatiques” (soma : le
corps). (Huber, 1993) Ces problèmes psychiques peuvent se manifester dans des conduites
normales ou pathologiques. Il existe en psychologie des intérêts pour travailler sur l’individu
normal, et non pas que pathologique. On parle de psychologie de la vie quotidienne. Et c‘est une
psychologie qui intervient dans différents types de conduites, normales ou pathologiques. C’est
une activité pratique et c’est une discipline qui comporte un ensemble de théories et de
méthodes.

1. Historiques et définitions
Les principales racines de la discipline remontent à la fin du 19ème siècle, en France avec
Pierre Janet (1851-1947), en Allemagne avec Sigmund Freud (1856-1939) et aux États-Unis avec
Lightner Witmer (1867-1956). Ils sont souvent présentés comme les fondateurs de la psychologie,
car ils vont mettre l’accent sur une approche globale et singulière de l’individu. Mais en France,
cela prend plus de temps pour se développer, ce n’est qu’après la Seconde Guerre Mondiale que
la clinique va véritablement prendre son essor.

Daniel Lagache (1903-1972), philosophe, psychiatre et psychanalyste, va faire une


conférence en 1949 à la Sorbonne devant un groupe de médecins et psychiatres (appelé Groupe
de l’évolution psychiatrique), qui s’intitule Psychologie Clinique et Méthodologie Clinique. Il va y
donner sa définition de la psychologie clinique : “l’étude approfondie des cas individuels ou
l’étude de la conduite humaine individuelle et de ses conditions (hérédité, maturation, conditions
physiologiques et pathologiques, histoire de vie), en un mot, l’étude de la personne totale en
situation”. C’est l’étude de l’homme concret et complet aux prises des situations ; elle envisage
l’homme en conflit, c'est-à-dire “une personnalité aux prises avec un certain entourage… un
problème mal résolu, une situation-problème”.

Pour Lagache, la clinique est l’expression d’une tendance humaniste et totalisante ; on parle
d’homme total. Il considère que la clinique est une science de la conduite humaine concrète,
qu’elle soit adaptée ou inadaptée, ou qu’elle soit normale ou pathologique. La méthode clinique
vise l’interprétation compréhensive des conduites d’un sujet dont elle établit “le sens, la structure,

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la genèse”. La psychologie clinique pour lui est étude approfondie de l’être humain à partir d’une
observation intensive et exhaustive. Il est nécessaire de faire ces investigations de manière
systématique et aussi complète que possible. La psychologie clinique s’est aussi intéressée au
groupe d’individus, comme les institutions, les groupes.

Il va fonder la spécificité de la psychologie clinique sur la méthode clinique, c’est-à-dire “la nature
des opérations avec lesquelles le psychologue approche les conduites humaines”. Cette méthode
de “diagnostique” peut mettre en jeu différentes techniques qui relèvent tout autant d’une clinique
instrumentale ou armée (tests, outils…) que d’une clinique basée uniquement sur l’entretien.
Cependant, quelque soit les techniques utilisées, l’objectif est le même, celui d’envisager la
conduite humaine dans sa perspective propre et essayer de mettre en évidence des manières
d’être, de réagir face à certaines situations. Il indique finalement que l’approche clinique se
différencie de l’approche expérimentale et de l’approche psychanalytique. La psychologie
clinique est comprise comme une ouverture sur les autres disciplines psychologiques.

Juliette Favez-Boutonnier (1903-1994), philosophe, médecin et psychanalyste, va


compléter les travaux de Lagache en considérant de mettre à l’écart la psychologie clinique du
médicale. Ce qui l’intéresse c’est de travailler sur une psychologie générale clinique. Elle met
l’accent sur le thème de l’intersubjectivité (dimension sociale) en ouvrant la psychologie clinique à
d’autres domaines moins marqués de la pathologie, comme l’éducation, les petits groupes,
l’orientation. Comme Lagache elle s’intéresse à “l’étude de la personnalité singulière dans la
totalité de sa situation et de son évolution”. Il s’agit de “l’approche contrôlée de l’homme par
l’homme dans une situation d’implication réciproque”. C'est-à-dire qu’il y a une relation
d’interdépendance de l’objet observé et du sujet-observateur, qui peut se retrouver en
psychanalyse de la relation entre le transfert et le contre-transfert. Elle préfère la clinique aux
mains nues (psychologie de la vie quotidienne), c'est-à-dire de l’écoute et de la parole. Mais elle
s’intéresse à l’individu dans sa spécificité et son unicité ; pour elle, l’objet de la clinique est “l’être
humain en tant qu’il existe et se sent exister comme un être unique ayant une histoire
personnelle, vivant dans une situation qui ne peut être assimilée à aucune autre”.

Elle va dans ses travaux beaucoup s’intéresser à la distinction entre plusieurs disciplines, comme
la psychologie médicale et la psychanalyse. Et elle va aussi s’intéresser à la phénoménologie, ce
qui implique une description rigoureuse de la subjectivité et des références à la dimension vécue
de l’expérience (étude de l’individu sans comparatisme). Elle critiquera également la
prédominance du diagnostic au profit d’une observation continue.

Didier Anzieu (1923-1999), psychanalyste, a précisé les relations entre la psychologie


clinique et la psychanalyse. D’après lui, la référence psychanalytique est dominante, mais pas
exclusive en psychologie clinique. Elle se présente comme “une psychologie individuelle et
sociale, normale et pathologique, elle concerne le nouveau-né, l'enfant, l'adolescent, le jeune
adulte, l'homme mûr, l'être vieillissant et mourant. Le psychologue remplit trois grandes
fonctions : diagnostic, formation, expertise. Le psychologue clinicien reçoit une formation de base
nécessaire, mais non suffisante pour devenir éventuellement psychothérapeute (à lui d'acquérir
une expérience psychanalytique)”.

Françoise Dolto (1908-1988), psychanalyste, propose de distinguer sans les opposer les rôles
respectifs du psychologue clinicien et du psychanalyste. Pour elle, le psychologue est une
“assistance à personne en danger et en désarroi”.
Psychologue Psychanalyste

Travaille dans le réalité S’en tient à la fantasmatique

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Psychologue Psychanalyste

Fait une anamnèse en recourant aux tests Clinique de la parole

Peut procéder à des psychothérapies de soutien en Utilise le transfert et le contre transfert


utilisant le transfert

Coexistence d’une attitude neutre et de l’engagement Attitude neutre

Colette Chiland (1928-2016) se rapproche de la vision de Favez-Boutonnier. Elle propose que la


psychologie de la vie quotidienne soit une formule plus ramassée et expressive pour la
psychologie clinique : la psychologie au service d’autrui.

Roger Perron, psychiatre et psychanalyste, va expliquer que le but de la psychologie clinique est
d’expliquer les processus psychiques de transformation dont la personne est le siège. La
personne est un système, une structure régie par des lois d’autorégulation, par le jeu de
régulations synchroniques et diachroniques. Il va s’intéresser à la problématique ou à l’histoire du
sujet par exemple.

Pour tous ces auteurs, la psychologie clinique s’intéresse à tous les secteurs de la
conduite humaine, normale et/ou pathologique, selon tous les âges de la vie.
À partir des années 1990, des positions nouvelles s’expriment sur la psychologie clinique et
notamment sur le thème de la méthode clinique.

Claude Revault D’Allonnes (1924-1998), psychologue clinicienne et chercheur au CNRS,


sait intéresser à la clinique articulée à la psychologie sociale. Elle a beaucoup aussi travaillé sur
les méthodes cliniques. Du côté de la pratique clinique, elle a mis l’accent sur le rôle de la
demande, c'est-à-dire quand un patient rencontre des problèmes et comment il s’y prend pour
aller voir un psychologue ; et aussi sur la relation entre le client et le psychologue, sur la prise en
compte de l’implication (réciproque). Elle travaille en référence à la psychanalyse, avec cette ajout
de la dimension sociale.

Michèle Huguet, psychanalyste, se situe également dans une perspective définie par cette
double dimension méthodologique et sociale (pareil que Revault D’Allonnes), toujours en
considérant l’individu comme un être global “en situation”. De plus, la relation entre le patient et le
psychologue doit être conforme à la relation psychanalytique (parole, écoute, transfert…)

Jean Louis Pedinielli, psychologue clinicien, psychanalyste et professeur des universités, a


beaucoup travaillé au développement de la psychologie clinique. Il a synthétisé la définition de la
clinique : “la sous-discipline de la psychologie qui a pour objet l’étude, l’évaluation, le diagnostic,
l’aide et le traitement de la souffrance psychique, quelle que soit son origine (maladie mentale,
dysfonctionnement, traumatismes, événements de vie, malaise intérieur, etc.)” (2016). Elle se
fonde sur des méthodes cliniques parmi lesquelles l’étude de cas, l’observation, et l’analyse des
discours, sans recours à l’expérimentation. La psychologie clinique désigne à la fois un ensemble
de pratiques (psychologue clinicien) et un ensemble de méthodes et de théories (connaissances
validées issues de ces pratiques).

2. Psychologie clinique et clivage épistémologique entre deux


tendances
- Une tendance humaniste subjectivante proche de la psychanalyse qui vise à la compréhension
synchronique et diachronique de la personne et qui préfère une clinique de la parole
8
- Une tendance naturaliste objectivante qui privilégie une clinique instrumentée et tend à se
rapprocher du modèle des sciences de la nature.
Daniel Widlöcher (1929- ), professeur de psychiatrie et psychanalyste, pense que la
clinique n’est plus homogène : un modèle de référence “psychanalytique”, une méthode dite
“clinique”. Il n’est pas défavorable à l’évolution de la discipline, qui conduit à une extension des
méthodes et des références conceptuelles impliquant des points de vue et des processus
différents de construction de l’objet ; même si il préfère un point de vue psychanalytique. Il va
introduire le débat entre méthode qualitative (entretien, observation, étude de cas…) et
quantitative (tests, questionnaires, échelles…). Il explique qu’il y a un écart important selon que
l’on se situe d’un côté ou de l’autre, on prend des positions qui vont nous engager dans la
manière de voir les choses. Ce débat tend à être dépasser aujourd’hui, même si il reste encore
d’actualité, car il existe un continuum entre le qualitatif et le quantitatif et il existe des méthodes
mixtes.

Tous ces auteurs sont d’accord sur le fait que la psychologie clinique cherche à
comprendre et expliquer le fonctionnement psychique et ses troubles, et elle étudie de façon
approfondie les cas individuels aussi bien dans le registre du normal que du pathologique.

3. Psychologie clinique et psychanalyse


La psychologie clinique en France a toujours été liée à la psychanalyse, car elle lui a fourni
à la fois un support théorique et certaines de ses modalités méthodologiques. Il y a des débats
sur ces questions-là : pourquoi se référer à la psychanalyse ?
La psychanalyse a fourni une référence conceptuelle cohérente (corpus théorique) et un mode
d’approche qui privilégie la singularité du sujet dans son histoire, mais aussi une spécificité qui
est la rencontre intersubjective (modèle pratique). C'est-à-dire le fait de se retrouver face à face et
de pouvoir travailler par la parole.

Mais pour d’autres, qui souhaitent ramener la psychologie clinique dans les débats scientifiques
et à l’international, cette alliance est rédhibitoire car elle pose des problèmes épistémologiques,
pratiques et théoriques. En effet, si la clinique fait référence à la psychanalyse, elle en fait
référence en tant que modèle de compréhension du fonctionnement psychique, qui est une
théorie parmi tant d’autres. Certains expliquent qu’en approchant la clinique avec ces
conceptions on perd la validité car elles ne sont pas pertinentes ou valides ; elles ne sont valides
que dans le cadre de la Cure analytique, qui est une clinique de la parole, à mains nues, à partir
du transfert et contre transfert. Ils pensent que l’on ne peut pas travailler qu’avec ce qui se passe
entre le patient et le thérapeute. Également, les autres courants de la psychologie disent que l’on
ne peut pas évaluer, tester, obtenir des résultats valides. Ainsi, un mouvement se développe à
cette époque pour dire que la psychanalyse n’est pas une science. Ce débat entre l’utilisation ou
non de la psychanalytique dure depuis encore aujourd’hui. (Epistémologie)

Du côté de la pratique, la formation des psychologues cliniciens est marquée par ce conflit entre
la théorie et la pratique. L’université forme des psychologues cliniciens mais force et de constater
que dans un grand nombre d’universités, le seul modèle enseigné est la psychanalyse.
Du côté de la théorie, on se demande pour la psychologie clinique devrait être dépendante de la
psychanalyse. Aujourd’hui, il y a trois positions qui peuvent être avancées. D’abord, on peut
conserver un lien du niveau de l’objet (la clinique) mais en maintenant une différence claire entre
les deux disciplines, elles sont liées mais distinctes (chercheurs). Ensuite, on peut dire que la
psychanalyse est un référent théorique hypothétique, qui permet de comprendre les phénomènes
cliniques mais qui pose tout de même la question de la validité. Et enfin, ceux qui sont très

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catégoriques disent qu’il faut abandonner la dominance de la psychanalyse pour s’ouvrir à un
pluralisme théorique.
Actuellement, on assiste à une extension de la clinique à différents objets. Il existe par exemple,
une psychologie clinique de la santé, une psychologie sociale clinique etc.

4. La formation de psychologue clinicien


C’est une formation longue, de 5 ans (licence, master 1 et master 2 professionnel). Les sélections
se font en master 1 ou en master 2. Le statut de psychologie est protégé par un code de
déontologie, qui doit être respecté dès le début de la formation.
Le Syndicat nationale des psychologues et la Société Française de Psychologie : toutes les
informations sur la formation

10
PARTIE 3 : HISTOIRE DE LA PSYCHOPATHOLOGIE

Introduction

• Emploi et naissance du terme psychopathologie


Herman Emminghaus (1845-1904) : psychiatrie clinique
Théodule Ribot (1839-1916) : création de la méthode pathologique
Karl Jaspers (1883-1969) : naissance de la psychopathologie

Sigmund Freud (1856-1939) : psychopathologie (de la vie quotidienne - 1901)

• Définition de la psychopathologie
C’est la branche de la psychologie qui est l’étude des phénomènes pathologiques par opposition
à une psychologie sociale, de l’enfant (normal), animale ou générale. Elle traite de la question du
normal et du pathologique. La psychopathologie peut englober l’étude psychologique de la
maladie mentale, et des dysfonctionnements de sujets réputés normaux. Elle utilise la méthode
clinique. La psychopathologie est définie par son champ d'études qui est le même que celui de la
psychiatrie ; les buts et les moyens différents.

• But de la psychopathologie
Le but est la compréhension et la connaissance ; celui de la psychiatrie est la thérapeutique, la
prophylaxie et la réadaptation. Les moyens de la psychiatrie ne sont pas seulement
psychologiques, mais aussi médicaux, biologiques, sociaux... elle utilise une méthode visant à
protéger contre une maladie, à prévenir une maladie.

• Origines et naissance de la psychopathologie


Les origines montrent surtout la façon dont a abordé puis reconnu le fait pathologique en
essayant de l'insérer dans des systèmes explicatifs. Cela implique que l’on évoque toutes les
représentions liées à la maladie mentale. On va voir apparaître des travaux dans la littérature ou
l’art, qui vont s’intéresser au fait psychologique et pathologique dans les divers systèmes,
notamment ceux philosophiques. Les médecins aussi vont aussi s’intéresser au fait pathologique
et psychologique. On va avoir des systèmes médicaux, philosophiques etc.

La psychopathologie naît au début du 20ème siècle, au moment où la psychologie devient


scientifique. La psychopathologie en France va se développer au même moment qu’en
Allemagne. Les théories organicistes auront un grand succès à son début, notamment grâce aux
études sur la paralysie générale. Tout le champ de la maladie mentale va être isolé des autres
maladies, avec le développement de la médecine scientifique. Ils vont faire des observations de
ces faits psychologiques et pathologiques, qui vont permettre d’élaborer des théories.

1. La psychologie scientifique

En Angleterre, John Locke (1632-1704) et David Hume (1711- 1776) valorisent


l’expérience à la base de toute connaissance. John Stuart Mill en 1843 étudie une série d’états de
conscience conçus dans une perspective associationniste. Francis Galton (1822-1911) étudie la
transmission des caractères héréditaires et les différences interhumaines. Il propose de mesurer
les aptitudes des individus.
11
En Allemagne, E.H. Weber (1795-1878), G. Fechner (1801-1887), W. Wundt (1832-1920)
partent de la physiologie et des faits psychologiques élémentaires psychophysiologiques. Les
méthodes utilisées sont analytiques consistant à dissocier les phénomènes observés pour
dégager des lois de fonctionnement ou rattacher la pathologie à des mécanismes ou des lésions.
Avec Sigmund Freud, la psychanalyse apporte la possibilité d’une compréhension scientifique
des phénomènes inconscients. Karl Jaspers crée un courant psychopathologique. Il présente une
réflexion sur les troubles psychiques, la méthode clinique, la relation médecin-malade. Ernst
Kretschmer (1888-1964) s’intéresse au support somatique des désordres mentaux

En France, Théodule Ribot (1839-1946) introduit la psychologie scientifique et la méthode


pathologique en France. Il a été le créateur d’une école de psychologie pathologique. Georges
Dumas (1866-1912) est le premier directeur du laboratoire de psychologie pathologique à la
Sorbonne à Paris en 1912. Il s’intéresse à la méthode pathologique permettant la connaissance
du normal. Charles Blondel (1876-1939) situe la psychologie pathologique dans le champ des
sciences humaines. Il s’intéresse aux phénomènes normaux et pathologiques (suicide,
automutilations, conscience morbide, mécanismes physiologiques de l’invention,…). Georges
Poyer (1884-1958) travaille sur le sommeil automatique (1914) par l’observation clinique et l’étude
de cas notamment chez des malades psychotiques. Il applique au fait psychiatrique les méthodes
psychologiques, descriptives, statistiques, génétiques pour montrer qu’il existe une transmission
des aptitudes mentales. Alfred Binet (1857-1911) travaille sur l’intelligence (étudie les retards
mentaux en pathologie infantile) et l’application d’une échelle métrique de l’intelligence (1905).
Pierre Janet (1859-1947) est un des fondateurs de la psychopathologie dynamique : emploi de la
méthode pathologique, introduction de la notion de structuration de l’appareil psychique. Il utilise
la méthode clinique et l’étude de cas. Il utilise aussi l’hypnose.

2. Le courant organiciste

La psychopathologie est très liée à la psychiatrie et présente des tendances très diverses qui
restent liées par l'idée d'un substratum organique des affections mentales.

En Allemagne, le dépassement des conceptions organicistes neurologiques et


l’intégration d’une perspective psychopathologique sont plus complexes. La psychanalyse,
malgré son implantation, influence peu les théories psychopathologiques dominantes. Emil
Kraepelin (1856-1926) a une conception de la psychopathologie clinique où le clinicien doit
objectivement repérer les symptômes permettant de faire le pronostic des maladies mentales. Il
décrit la démence et la psychose maniaco-dépressive. Ernst Kretschmer (1888-1964) intègre les
données biologiques et psychologiques dans son approche des maladies mentales. Kurt
Schneider (1887-1967) oppose les anomalies psychiques qui sont des déviations statistiques du
normal et comprennent les dispositions intellectuelles, les personnalités et les réactions à
l’événement vécu et les conséquences des maladies (psychoses corporelles, aiguës ou
chroniques). Le diagnostic est fondamental et repose sur la description clinique.

En Suisse, E. Bleuler (1857-1939) aborde les psychoses (démence précoce,


schizophrénie), tout en gardant l’idée d’une origine organique des maladies mentales, il met
l’accent sur la description des mécanismes psychopathologiques.

Aux États-Unis, A. Meyer (1866-1950) s’intéresse aux psychoses et aux retentissements


psychologiques des troubles somatiques avec une approche clinique scientifique alliée à
l’expérimentation.

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En France, la tradition clinique psychiatrique est très vivace. Les discussions
nosographiques portent sur les délires chroniques, paranoïaques et la psychose hallucinatoire
chronique. La théorie de la dégénérescence est remplacée par la notion de constitution.
Ernest Dupré (1862-1921) travaille sur la mythomanie (pathologie de l’imagination), les
délires d’imagination et les psychoses imaginaires aiguës. Il développe une doctrine des
constitutions comprenant : débilité, déséquilibration motrice, mythomanie, constitution émotive et
paranoïaque, perversions.

G.G. de Clérambault (1872-1934) s’intéressa aux intoxications (dont l’alcoolisme), aux épilepsies,
aux psychoses passionnelles, au syndrome d’automatisme mental.
Henri Ey (1900-1977) élabore la théorie de l’organodynamisme cherchant à dépasser les points
de vue organicistes basés sur les localisations et l’anatomopathologie et à prendre en compte les
apports psychologiques. Pour lui, le trouble organique lésionnel fournit la base primordiale, mais
n’explique pas à lui seul le trouble.

3. La psychopathologie expérimentale

La psychopathologie expérimentale débute avec Ivan Pavlov (1849-19-36). En 1903, il utilise pour
la première fois le terme de psychopathologie expérimentale et souligne l’importance pour la
compréhension de la pathologie de l’expérimentation sur l’animal. Il définit la psychopathologie
expérimentale comme l’approche consacrée à l’étude du comportement pathologique
expérimental ou à l’étude expérimentale du comportement pathologique pour comprendre le
fonctionnement normal. Les travaux de Pavlov reposent sur les névroses expérimentales (réflexe
alimentaire conditionné chez le chien et symptomatologie associée).

En France, Henri Baruk (1897-1999) et de Jong dans les années 1930 étudient la
réalisation chez l’animal de la catatonie et abordent l’étude biochimique des psychoses en
produisant en laboratoire au moyen de la bulbocapnine. L’étude expérimentale des troubles
psychopathologiques présentés par les patients psychiatriques peut être illustrée par les
recherches sur la vitesse de traitement de l’information chez les personnes qui présentent une
schizophrénie.

En Russie, W. Bechterev (1857-1927) à partir de la neurologie, de l’anatomie et de la


psychologie crée la “psychoréflexologie” ; des méthodes thérapeutiques comme les cures
d’aversion pour les alcooliques.

Aux États-Unis, John Broadus Watson (1878-1958) va fonder le béhaviorisme en 1913 en


partant de la psychologie expérimentale animale. Il affirme que la psychologie n’a à s’occuper
que des comportements observables et se limite à l’étude des réponses à des stimuli.

4. Le courant psychopathologie psychanalytique

Même si on ne peut pas réduire toute la psychopathologie à la psychanalyse, son influence a été
importante. La psychanalyse apporte une technique d’investigation, corps de théories nées de
ses pratiques ayant une application directe dans la compréhension des phénomènes
pathologiques. Elle est essentiellement une approche compréhensive. Sigmund Freud a travaillé
sur le système nerveux, l’hypnose et a grandement participé à la découverte de la psychanalyse.

• Les disciples fidèles à la théorie freudienne et qui la complètent :

Ernest Jones (1879-1958) a introduit et institutionnalisé la psychanalyse au Royaume-Uni. Karl


Abraham (1877-1925) s’est intéressé aux psychoses. Il a montré l’importance des fixations
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prégénitales orales ou anales dans la formation du caractère. Sandor Ferenczi (1873-1933), une
partie de ses réflexions est consacrée aux problèmes thérapeutiques.

• Des continuateurs de la pensée de Freud :

Anna Freud (1895-1982) : la thérapie des enfants. Moi et à ses défenses et à la maturation
et au développement de l’enfant. Évaluation de l’enfant qui tient compte des données
dynamiques, génétiques, économiques, structurales et adaptatives. Dimension temporelle dans
l’établissement des diagnostics en psychiatrie infantile. Repérage des différents types de conflits
dans l’économie de l’enfant sans établir de frontières infranchissables entre le normal et le
pathologique.

Mélanie Klein (1882-1960) a reprit la théorie freudienne et notamment l’hypothèse d’une


dualité pulsionnelle : pulsion de vie et pulsion de mort. Elle apporte une nouvelle compréhension
de l’enfant, des psychoses, des comportements délinquants, des déficiences intellectuelles. Elle
élabore une théorie à partir de son expérience de thérapies de jeunes enfants et à partir des
théories de Freud, de Ferenczi et d’Abraham. Elle s’intéresse au jeune enfant et à son
développement, aux stades précoces chez les schizophrènes et les maniaco-dépressifs. Elle
traite des enfants psychotiques. Elle décrit la position dépressive et la position paranoïde-
schizoïde.

Donald Winnicott (1896-1971) étudie les relations précoces mère-enfant en mettant en


évidence le rôle de la mère et le rôle actif du nourrisson (cf. “mère suffisamment bonne, handling,
“être manipulé”, holding “façon d’être tenu, maintenu”).

Wilfried R. Bion (1897-1979) apporte beaucoup à la théorie des petits groupes et surtout
au fonctionnement psychique et de la pensée à partir de son expérience avec les psychotiques.

• Les dissidents :

Alfred Adler (1870-1937) tenant de la psychologie individuelle, qui est psychologie


concrète de l’individu conçu comme un tout avec un comportement toujours orienté vers un but,
un plan de vie, mais interdépendant du milieu où il vit.
Carl Gustav Jung (1875-1961) s’intéresse aux psychoses et aux démences précoces en
appliquant les théories psychanalytiques, mais des divergences portant sur la libido et le
complexe d’Œdipe conduit Jung à se séparer de Freud en 1913. Il développe une psychologie
analytique. Il travaille sur les types psychologiques (1921), sur l’imago et les archétypes.

• Les disciples qui se séparent de Freud tout en restant fidèles à un aspect de sa théorie :
Wilhelm Stekel (1868-1940) dit que le nœud de la névrose est conscient. Il ne croit pas à
l’inconscient. Toutes les pensées refoulées sont préconscientes.

Otto Rank (1884-1939) réinterprète le complexe d’Œdipe dans le sens d’une tentative de
surmonter le traumatisme de la naissance en essayant de se débarrasser d’une peur des organes
génitaux grâce au désir d’y pénétrer. Les états pathologiques résultent de cette peur et de ce
désir de retourner dans le ventre de la mère. Il élimine le rôle du père.

Wilhelm Reich (1897-1957) reste fidèle à l’importance de la sexualité dès l’enfance et à


son refoulement possible, mais n’adhère pas aux nouvelles conceptions (signal d’angoisse,
pulsion de mort). En psychopathologie, il a insisté sur l’importance de la fonction sociale dans la
répression sexuelle.

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5. Le courant psychopathologie phénoménologique

Edmond Gustav Husserl (1859-1938) découvre la notion d’intentionnalité de la conscience


toujours dirigée vers quelque chose. La psychologie vise à comprendre l’homme en rapport avec
le monde dont il fait partie et qui est un objet intentionnel. L’important est de dégager le sens et
non d’expliciter.

Martin Heiddeger (1889-1976), pour lui, seule une description phénoménologique de


l’existence de l’Être peut apporter une connaissance. La connaissance de l’existence humaine se
trouve à travers l’histoire temporelle (passé). La maladie mentale ne peut être compréhensible en
dehors de l’histoire ; le comportement marque l’Être dans le monde. Elle peut être connue à partir
d’une description phénoménologique de l’existence du malade dans le monde, la temporalité
donnant le sens de cette existence.

La phénoménologie a apporté deux démarches. D’abord, la démarche descriptive (Karl


Jaspers) c’est quand la psychopathologie s’occupe de ce que les malades vivent, étudie leurs
états d’âme (par exemple, expérience délirante), vise à dévoiler des significations d’où la
nécessité de se dégager des a priori et des préjugés. Et la démarche philosophique (Ludwig
Biswanger, 1881-1966) se fait à partir des études sur la schizophrénie, la manie et la mélancolie.
La contribution de Biswanger concerne avant tout la méthodologie psychiatrique.

• Des psychiatres phénoménologues :


Viktor Emil Von Gebsattel (1883-1976) décrit le monde de l’obsédé dominé par les forces
destructrices et par l’inauthenticité. Il est impersonnel et froid. Les rapports aux objets (à la mort
et à l’argent) sont modifiés.

Eugène Minkowski (1885-1972) définit son approche comme phénoméno-structurale, avec


une psychopathologie qui se veut humaine ou anthropologique (relation dynamique médecin-
malade ; méthode d’investigation visant à recueillir des données, à les approfondir et à les
restituer pour leur donner sens...).

L’approche phénoménologique expérience du malade ; intentionnalité, des phénomènes. Elle


permet une généralisation à partir de cas uniques. La pathologie est un rétrécissement existentiel,
altération de l’être au monde...
Le modèle phénoménologique de l’hospitalisation en psychiatrie présente deux
caractéristiques principales : 1) ne cherche pas les causes d’une maladie ou d’une déviance
ayant conduit à l’hospitalisation psychiatrique ; 2) cherche à reconnaître ce qu’est “l’expérience
de la folie” à partir de ceux qui l’ont connue et qui deviennent les principales sources
d’information et de données.
La méthode phénoménologique en psychopathologie : approche globaliste, holistique et
description soignée et systématique de ce que les malades vivent, dans le but d’élucider la
signification essentielle de leur expérience vécue.

Il existe d’autres courants ou approches en psychopathologie :


- Psychopathologie athéorique. - Ethnopsychopatologie.
- Psychopathologie béhavioriste. - Psychopathologie éthologique.
- Psychopathologie biologique. - Psychopathologie existentialiste
- Psychopathologie cognitiviste. - Psychopathologie expérimentale
- Psychopathologie développementale. - Psychopathologie phénoménologique
- Psychopathologie écosystémique. - Psychopathologie psychanalytique

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- Psychopathologie sociale - Psychopathologie structuraliste
L’approche intégrative-holistique de la psychopathologie est désignée comme intégrative parce
qu’elle réunit des informations apportées par les quatorze autres approches. Elle ne vise,
cependant, pas la fusion de celles-ci pour créer un corpus théorique nouveau ou une méta-
approche. La quinzième approche est aussi désignée comme holistique, car elle est basée sur
une vision particulière de la personne humaine et de son fonctionnement psychique.

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PARTIE 4 : HISTOIRE DE LA PSYCHIATRIE

I. L’antiquité
A. La place de la maladie mentale dans l’histoire de la médecine antique et le rôle des
grands “psychiatres”
1. La théorie humorale
Elle a été élaborée par Hippocrate, qui est un médecin grec du siècle de Périclès, mais aussi
philosophe, et est considéré traditionnellement comme le “père de la médecine”. Il disait que la
santé repose sur l’équilibre des humeurs (sang, phlegme, bile jaune, bile noire) et sur l’équilibre
des qualités qui les accompagnent (chaud, froid, sec, humide, essentiellement). La maladie en
général et toutes les maladies en particulier reposent sur leur déséquilibre. Le cerveau n’est pas
créateur de maladie mentale, mais il rend apparent par leur expression psychique les troubles
humoraux. Ainsi, toutes les maladies sont des maladies du corps et ont une explication
physiologique. Les médecins considèrent qu’il y a des parties du corps qui peuvent être
spécialement affectées dans la maladie mentale.
La thérapie se fait grâce au régime et aux médicaments à l’époque. La psychothérapie se base
sur le dialogue qu’il noue avec son malade ; le thérapeute écoute, puis explique et conseille.

2. L’école méthodiste
Les idées d’Hippocrate vont se figer au cours des siècles et se répéter pour constituer l’école
méthodiste, qui va rejeter les causes des maladies et va s’intéresser à la place à l’art de guérir.
Seul compte l’expérience direct et personnelle avec le médecin. Elle naît de l’opposition entre les
idées dogmatiques et empiriques. La théorie médicale se place dans la lignée de la philosophie
d’Épicure, c'est-à-dire que le corps est un assemblage de particules toujours en mouvement que
traversent des conduits par où passent le pneuma ou spiritus, un air élaboré, et les fluides du
corps. L’état de maladie et de santé dépend des mouvements de ces particules, de leur vitesse,
de leur nombre, de leur taille, de leur forme, ainsi que de l’état des conduits et de la liberté de
passage qu’y rencontrent ou n’y rencontrent pas le souffle et les liquides corporels. On constate
qu’il n’y a pas de distinction de nature entre les maladies somatiques et les maladies psychiques,
la seule différence étant dans le siège où se produit le trouble mécanique.

3. Le pneumatisme
Ce courant s’inspire du stoïcisme, qui est un mode de pensée fondé par le grec Zénon, environ
au IVème siècle avant Jésus Christ. Comme dans de nombreuses philosophies, le bonheur est la
finalité de la vie humaine. Ainsi, l’école stoïcienne désigne la sagesse et la vertu comme les clés
pour y parvenir.
Le pneuma, ou spiritus, est un espèce d’air qui circule dans le corps et apporte ou non la
santé, selon où il va circuler (quel conduit et dans quelle condition…). Les médecins de l’époque
le mesurent en prenant le pouls, pour dire si il y a un déséquilibre ou pas et après conseiller le
malade pour rétablir cet équilibre humoral. Exemple : les dyscrasies humorales (mauvaise
constitution) w

4. L’éclectisme
Il applique sa division générale des maladies aux maladies mentales. Aux maladies aiguës,
divisées en générales et locales, s’opposent les maladies chroniques, générales et locales.
Exemple : phrénésis, mélancolie, délire …

B. Les plus importantes entités nosologiques : frénésie et léthargie, manie et mélancolie

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La frénésie est le nom donné autrefois au délire violent caractérisé par une affection cérébrale
aiguë (méningite, manie, delirium tremens). Les symptômes étaient la folie, de l’agitation, de la
fièvre, un pouls faible, de l’insomnie…
La léthargie est un sommeil profond et continuel, dans lequel le malade parle quand on le
réveille, mais ne sait pas ce qu’il dit, oublie ce qu’il a dit et retombe dans son premier état.
La manie est un syndrome caractérisé par une surexcitation générale et permanente des
facultés intellectuelles (accélération de l’action et de la pensée, difficultés de concentration,
distractibilité majeure, exaltation de l’imagination,...), de l’humeur (euphorie, excitation,...) qui peut
se manifester soit au cours d’une affection mentale soit à l’état isolé et constituer une psychose
autonome.
La mélancolie est un état caractérisé par une profonde douleur morale, une inhibition
psychique et motrice avec un ralentissement idéique et moteur, des troubles de l’attention, une
perturbation du sommeil et des troubles alimentaires, des idées de mort et des idées délirantes
particulières.
Cependant, il n’y avait pas encore à cette époque de classification de maladies, et les remèdes
passaient beaucoup par la religion et la magie.

II. Le moyen-âge
A. Les maladies de la tête
Les médecins de l’époque vont faire la distinction entre les désordres généraux et les maladies
qui ont pour origine d’autres parties du corps. Les maladies de la tête sont inscrites dans les
maladies du cerveau, les troubles mentaux mais aussi dans les malades physiologiques qui
touchent la tête (migraine..) etc.
Ils vont encore énumérer les maladies sans essayer de les classer. Ils regarderont en revanche où
se trouvaient les lésions anatomiques. Ils vont trouver des maladies qu’ils classeront comme
troubles mentaux. Il y a différentes catégories de maladies de la tête :
- Les apostèmes ou inflammations d’une partie du cerveau (membranes, substance, etc.),
comme la frénésie ou la léthargie
- Les affections entraînant une perturbation des sens (facultés mentales), qui comprennent
l’aliénation d’esprit ou confusion de la raison, la stupidité ou amoindrissement de la raison, la
corruption de la mémoire, la corruption de l’imagination, puis, la manie, la mélancolie, la
lycanthropie et l’amour.
- Les affections entraînant une perturbation du mouvement, comme le vertige, l’épilepsie ou
l’apoplexie.
Les médecins essayaient de répartir ces troubles en fonction de trois facultés mentales : la
mémoire, l’imagination et le jugement.
La lycanthropie est une maladie durant laquelle le sujet pense être un loup, se voit et agit en
conséquence.

B. Les données de la physiologie


Pour rendre compte des phénomènes psychologiques, plusieurs théories étaient utilisées :
- Complexion : le tempérament d’un individu s’applique à chaque partie du corps dont l’état sain
se trouve défini (exemple : tempérament humoral) (renvoie à la théorie des humeurs)
- Les esprits (naturel, vital ou animal) : véhiculent des forces ou vertus qui agissent comme des
intermédiaires privilégiés entre le corps et l’esprit
- La théorie des sens internes : forces ou vertus transmises par les esprits. Leurs sièges se
situent dans les trois ventricules cérébraux ayant un sens et un rôle spécifique (par exemple,
centralise les données des différentes sensations).
- L’amour-maladie : cf. manifestations somatiques de l’amour (amaigrissement, rythme du pouls
"ébullition du cœur, des esprits vitaux qui se répandent dans tout le corps”,...) et des états

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psychologiques que ce sentiment entraîne (inquiétude mélancolique, manie,...).

C. Le malade mental dans la société médiévale


Il y avait deux attitudes envers les malades mentaux, soit ils se souciaient d’eux, compatissaient,
soit ils les rejetaient, en avaient peur.

1. Tolérance et intégration
À l’époque, les thérapeutiques pour soigner les malades mentaux étaient nombreuses mais elles
partaient dans tous les sens. Le malade mental est soigné mais à domicile, ou dans un
monastère. L’hospitalisation des fous se développe lentement à cette époque. L’accueil est
tolérant mais seulement dans les établissements importants, comme l’Hotel-Dieu de Paris. Les
médecins attachaient les “fous furieux”, leur rasaient la tête, leur donnaient des substances
psychotropes ou des plantes pour les soigner. Ils utilisaient beaucoup l’opium aussi pour caler
l’agitation des patients. Les saignées étaient également couramment pratiquées. Les médecins
ont été conscients très tôt que pour avoir qu’une alliance thérapeutique s’établisse, il fallait une
bonne relation entre le patient et le médecin.

2. Marginalisation et exclusion
La marginalisation vient de la peur, de l’ignorance, de l’incompréhension des gens. Ils pensent
que le fou est associé au monde du mal, est possédé et donc que les contenir ne suffit pas. Ainsi,
ils sont battus, exclus, humiliés. Le malade mental subit des restrictions qui lui sont imposés par
le droit canonique et civil. Par exemple, il n’a pas le droit de se marier (on peut rester marier si le
mariage a été contracté avant le début de la maladie). Il n’a pas de droit au baptême (possible à la
rigueur pour les “fous” de naissance). Ses biens sont gérés par curatelle par un tuteur choisi par
le juge parmi les membres de la famille proche et aucune possibilité d’en disposer par testament.
L’enfermement des fous jugés dangereux est préconisé par le droit (qui leur accorde des
circonstances atténuantes) pour les empêcher de nuire à la communauté (enfermement préventif
pour les fous agités et emprisonnement en cas d’incident grave). Le suicide est condamné par
l’Église. Seul Dieu décide de la vie ou de la mort.

III. De la renaissance aux lumières


A. Quelques exemples de maladies
Les maladies de l’âme sont la tristesse, l’abattement etc. Les affections de la tête, appelées
“maux du chef”, sont divisées en deux catégories : les affections externes (maladies capillaires,
teigne…) et celles internes (frénésie, léthargie, mélancolie, manies, insomnies, troubles de la
mémoire, vertiges, épilepsie, apoplexie…). Les affections sont en rapports avec certaines parties
du cerveau. L’intempérature était une maladie du cerveau.
Le mélange des 4 humeurs, le sang, la bile, le suc mélancolique et le flegme, est la clé de la folie
selon leur trajet et leur effet dans le corps. Quand les substances humorales arrivent au cerveau,
on peut décrire les formes possibles de ces perturbations, appelées frénésie, léthargie,
mélancolie et manie. La lymphe est une des quatre humeurs.

B. L’internement des fous


• XVI et XVIIème siècles
Étaient enfermés les mendiants, des gueux, des chômeurs, des estropiés, des déserteurs, des
prostitués, des enfants abandonnés valides ou non valides et parmi eux, des épileptiques des
idiots et des fous. L’Hôpital Général a pour vocation d’accueillir tous les errants. Il y a une
idéologie de l’enfermement, avec une répression très forte. On se rend compte d’une
surpopulation des Hôpitaux généraux durant le 18ème siècle, surtout dans les villes.

• XVIIIème siècle

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Les hôpitaux généraux vont connaître de grave problèmes financiers. Les lettres de cachets
peuvent être demandées par n’importe quelle personne pour demander l’arrestation et
l’enfermement dans les Hôpitaux généraux de déviants, fous etc. Les maisons de force sont
souvent des couvents, qui moyennant des pensions très élevées, acceptent les correctionnaires
(patients). Dans les dépôts de mendicité, le taux de mortalité s’élève à plus de 40%.

• Milieu et fin du XVIIIème siècle


Il s’agit d’une répugnance innée à voir souffrir son semblable (cf. Rousseau). Des voix
s’élèvent concernant les devoirs des riches envers les malheureux. Les esprits éclairés reprochent
aux hôpitaux d’être des mouroirs, aux dépôts de mendicité de priver de liberté des malheureux
qui n’ont besoin que de pain et de soins. Des commissions d’enquêtes ont nommées, on parle de
spécialiser les hôpitaux. On commence à soigner les malades, mais non pas ceux dits incurables.

IV. Naissance de la psychiatrie française au début du XIXème siècle


A. Philippe Pinel (1745-1826), fondateur de la psychiatrie en France : la naissance de
l’asile ou l’espace asilaire
Il publie le Traité médico-philosophique (fin 1801 pour la 1ère édition, 1809 pour la 2nd édition)
sur l’aliénation mentale ou la manie de l’an X. Il va décrire ces maladies mais aussi s’intéresse à
l’institutionnalisation des malades. Pour lui, la folie est une entité morbide. Le fou n’est plus un
“insensé”. La communication reste possible avec lui, car sa raison, n’est jamais totalement
perdue. Il rend possible l’identification de tout homme sensé à l’aliéné, identification nécessaire
pour qu’un traitement véritablement psychique puisse s’instituer. Pinel considère l’aliénation
mentale comme une maladie au sens des maladies organiques, un trouble des fonctions
intellectuelles, c’est-à-dire des fonctions supérieures du système nerveux. Il la range dans la
classe des névroses c’est-à-dire des affections du système nerveux “sans inflammation ni lésion
de structure”. Il a beaucoup parlé du traitement moral de la folie, c’est des attitudes à avoir
envers son patient. Il ne croit pas à l’isolation des malades et lui est donc venu l’idée des asiles.

B. Jean-Étienne Esquirol (1772-1840) : le fondateur de la clinique psychiatrique en France


Esquirol est le fondateur de la clinique en France. Il définit la folie comme “une affection cérébrale
ordinairement chronique sans fièvre caractérisée par des désordres de la sensibilité, de
l’intelligence et de la volonté”. Cette définition reprend et conserve la division des troubles
mentaux en symptomatiques et idiopathiques qu’avait opérée Pinel, puisque les troubles mentaux
fébriles (phrénésie) sont d’emblée exclus des maladies mentales proprement dites. Le travail
vraiment personnel d’Esquirol est d’approfondissement clinique : il poursuit l’analyse et la
distinction des syndromes psychopathologiques.

• Nosographie d’Esquirol
3. Il détache de l’idiotie congénitale ou acquise dès le jeune âge et définitive, de l’idiotisme
acquis.
4. Il divise la démence en une forme aiguë curable et deux formes chroniques et incurables : la
démence sénile, où le traitement peut tout au plus espérer stabiliser le processus, et la
démence chronique, très rarement curable.
5. Il décrit la manie, mais en exclut la forme “sans délire” ou raisonnante dont il fait une
monomanie.
6. Il crée la grande classe des monomanies, qui regroupe toutes les affections mentales qui
n’affectent que partiellement l’esprit, laissant intactes les facultés, en dehors de la lésion
focale qui constitue toute la maladie.

20
C. L’esprit de la loi de 1838
(1838-06-30 (lég) Loi n°7443 sur les aliénés du 30 juin 1838 - Recueil Duvergier page 490 - Loi
Esquirol)
L’asile doit soigner, mais aussi séquestrer. Il est assez difficile de déterminer si les
établissements doivent être considérés comme des hospices ou des maisons de détention.
L’asile doit enfermer les individus qui peuvent nuire à la société et procurer des moyens de
guérison à des individus malades. (Débat)
Il y a un énorme manque d’argent. Donc la loi est critiquée, car elle permet d’encombrer
les asiles et compromet, selon certains individus, la vocation thérapeutique. Les constructions
sont vétustes et les cellules défectueuses. Elle est aussi attaquée sur la garantie de la personne et
le risque d’internement arbitraire, la mauvaise qualité du personnel de surveillance, l’insuffisance
numérique de l’encadrement médical…

V. Le XIXème siècle
Des établissements publics sont construits, mais cela allait très lentement à cause de manque de
moyens dans les départements ; ainsi il y avait toujours en engorgement des asiles. Mais les
asiles privés se sont mieux développés, avec des maisons religieuses qui recevaient plus d’aides
locales. Il a donc été décidé de récupérer certains bâtiments et les rénover, pour y mettre les
incurables par exemple. Des hôpitaux villages ont donc été construits, en même temps que de
nouvelles techniques de soins.
L’évolution des recherches cliniques et de connaissances cliniques se poursuit avec par
exemple la découverte de Bayle, la paralysie générale. Se développe aussi le repérage de
certaines pathologies mentales. La paranoïa dans la psychiatrie française sous sa forme délirante
s’identifie à un délire chronique spécifié par son mécanisme exclusif, l’interprétation. Kraepelin
travaille sur les psychoses endogènes en catégorisant la démence précoce et la psychose
maniaco-dépressive. Augustin Morel (1809-1873) invente la théorie de la dégénérescence
(héréditaire selon lui). William Cullen (1710-1790) et Pinel font la nosographie des névroses.
L’hystérie est considérée comme une maladie surnaturelle au Moyen-Âge, comme du système
nerveux (Cullen, Charcot) puis comme une maladie mentale (Freud, Babinski, Janet : état
psychique). Janet travaille sur la psychasthénie, qui rassemble les maladies mentales, les
phobies, certains délires (champs des névroses) … Puis l’alcool et les toxicomanies sont
considérés comme “les stupéfiants des temps modernes”. Les psychiatres vont s’intéresser de
plus en plus au domaine des addictions.

VI. Le XXème siècle


A. Le début du XXème siècle
La psychiatrie connait une montée au début du XXème siècle. Gilbert Ballet (1853-1916) parle de
la psychose hallucinatoire clinique. Théodule Ribot, philosophe et psychologue, fonde la
psychologie comme science autonome. Il mesure tout l’intérêt de la psychopathologie et engage
ses élèves P. Janet et G. Dumas à étudier la médecine. C’est le début de la psychopathologie
expérimentale.
L’œuvre majeure de Bleuler paraît en 1911. L’influence de la psychologie expérimentale se
fait sentir sur les aliénistes : Pierre Janet (1859-1947) va produire une oeuvre considérable sur les
névroses et spécialement consacrée à l’hystérie. En Allemagne, Wilhelm Wundt (1920) fonde dès
1879 à Leipzig le premier laboratoire de psychologie expérimentale. Il exerça sur le jeune Jung
une influence certaine.
Le courant sociologique inauguré par Émile Durkheim (1858-1917), bien que plus marginal,
va compter aussi dans le développement ultérieur de la psychiatrie. La notion “d’interaction”
valable pour des sujets sains peut s’appliquer aussi aux malades mentaux aux prises avec le
milieu social.
L’anthropologie est déjà représentée par Lévy-Bruhl (1857-1939) et la phénoménologie
par Karl Jaspers, dont le Manuel de psychopathologie générale paraît en 1913. Mais, bien sûr,

21
c’est l’œuvre de Freud et celle de ses élèves (Karl Abraham et Sandor Ferenczi) qui vont marquer
de façon décisive, bien que tardivement, les développements de la psychiatrie. Pour ne parler que
de Freud avec Les trois essais sur la théorie de la sexualité (1905), La Gradiva (1907), Le président
Schreber (1911), Pour introduire le narcissisme (1914), Deuil et mélancolie (1917), Névrose et
psychose (1924), La perte de la réalité dans les névroses et les psychoses (1924), tout le corpus
psychiatrique de la psychanalyse est déjà là. Enfin, le courant neurologique va recevoir un renfort
considérable pendant cette même période avec l’apparition de l’encéphalite épidémique de
Constantin Von Economo-Cruchet (1876-1931).

B. L’entre-deux-guerres (1920-1940)
La psychiatrie du XXème siècle a été profondément marquée par Kraepelin (travaux sur la
paranoïa, folie maniaco-dépressive, démence précoce), Bleuler (travaux sur la schizophrénie
notamment) et Freud.
L’orientation de plus en plus neurologique de la psychiatrie française tend à faire de la
maladie mentale une maladie des nerfs comme les autres et une maladie qui peut guérir. Mais
comment se faire soigner sans recourir à l’internement ? Les aliénistes des hôpitaux de faculté
avaient déjà créé des « services ouverts ». Pourquoi ne pas ouvrir aussi de tels services dans les
hôpitaux psychiatriques ?
Édouard Toulouse (1865-1947), d’orientation à la fois scientifique et hygiéniste, fonde le 8
décembre 1920 la Ligue d’hygiène mentale. Il obtient en 1922 la création d’une institution
groupant des lits d’hospitalisation libre, un dispensaire, un service social, des laboratoires de
recherche et l’organisation d’un enseignement : l’hôpital Henri-Rousselle. Le 8 avril 1937, un
décret ministériel étend aux asiles d’aliénés la dénomination d’hôpitaux psychiatriques.
En fait, rien ne changera…

C. La psychiatrie des années 1940 à 1980


Dans les années 1945, l’évolution de la psychiatrie a suivi le mouvement de la société. Le
développement de la psychiatrie sociale, l’influence croissante de la psychanalyse, la désaffection
à l’égard des modèles psychiatriques classiques, les transformations des pratiques et de
l’exercice de la profession apparaissent donc plutôt comme des phénomènes de société.
Mouvements parallèles ou divergents, d’apparitions décalées dans le temps, mais marquées
toujours, en dépit de certaines similitudes, d’un cachet d’originalité.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la situation des institutions psychiatriques
et les orientations idéologiques du milieu ne sont guère différentes de ce qu’elles étaient vingt ans
plus tôt. Mais les choses commencent à bouger. Depuis octobre 1940 des camps d’extermination
pour “incurables” fonctionnaient et des milliers de malades mentaux furent gazés et incinérés.
Pendant l’Occupation, les Français avaient fait l’expérience individuelle et collective du
“grand renfermement”. Le mot de Libération prend alors une résonance très profonde. La
libération du territoire. Libération des aliénés et dans la foulée... libération des psychiatres. En
1950, le Syndicat des médecins des hôpitaux psychiatriques s’attache à définir la spécialité
“psychiatrie” par rapport à la neurologie.
L’émancipation de la psychiatrie de la tutelle neurologique devient un thème mobilisateur
et unificateur pour l’ensemble de la profession quel que soit le mode d’exercice (public ou privé),
quels que soient les choix techniques ou les orientations doctrinales. Ce sera chose faite le 30
décembre 1968 après la tenue des “États généraux de la psychiatrie” (Livre blanc, 1965 - 1967) et
la naissance du Syndicat des psychiatres français (1965).
Dans les années 1960, un mouvement contestataire va se développer : l’antipsychiatrie. Il
condamne la pratique de la psychiatrie dans ses formes institutionnelles classiques et tente des
expériences communautaires. Il souligne l’intérêt thérapeutique de la “régression” accompagnée
par le thérapeute. Il fournit une version pragmatique de la phénoménologie et de l’existentialisme
sartrien.

22
À partir des années 1970, la fièvre tombe. Les mouvements anti-psychiatriques ne
réussissent pas à s’implanter de manière durable. En France, l’ébranlement des structures
sociales par la crise contestataire de 1968 provoque le dégel de la politique sanitaire et une
transformation de l’organisation de la psychiatrie. La politique de secteurs est mise en place dans
les dispensaires et établissements déjà existants et des petits services de psychiatrie sont créés
dans les hôpitaux généraux.
Du côté de l’enseignement universitaire, jusqu’ici pratiquement absent, la psychiatrie
(adulte) se voit dotée de dix-sept chaires qui vont assurer, avec la collaboration des psychiatres
publics, la formation des médecins et des psychiatres. En 1981, on évalue à près de 5000 le
nombre de psychiatres ou neuropsychiatres.
Enfin, depuis la mise en application de la loi Debré (1968), les hôpitaux psychiatriques
n’existent plus. Ils deviennent des hôpitaux généraux et le statut des psychiatres publics s’aligne
sur celui des médecins hospitaliers à plein temps. Ensemble de réalisations considérables qui
répond à peu près aux yeux des professionnels et aux projets en gestation depuis la précédente
décennie.

D. La psychiatrie des années 1990 à aujourd’hui


• Des lois nouvelles
La loi du 27 juin 1990, réformant la loi de 1838, vise à mieux protéger les droits et la liberté des
malades, et pose divers principes, dont ceux de la prévention, des prises en charge ambulatoires
et de l’hospitalisation libre comme règle. Le nouveau Code pénal de 1992 remplace l’article 64
par l’article 122.1, avec la notion d’abolition du discernement ou du contrôle des actes (ou
d’altération du jugement). La loi du 5 juillet 2011 remplace la loi de 1990.
Les pratiques évoluent en matière de diagnostics, de traitements et de techniques de recherche.
Les progrès en psychiatrie sont directement associés à celui de la science.

23
PARTIE 5 : HISTOIRE DE LA PSYCHOLOGIE GÉNÉRALE ET COGNITIVE

I. Définition et objet d’étude de la psychologie


Définition : Elle a pour but la réalisation de synthèses, de modèles coordonnant des observations,
des résultats produits dans différents domaines de la psychologie. Ces synthèses deviendraient
générales ou communes à l’ensemble des sous-disciplines.
Elle vise à rechercher ce, qui, au plan psychologique, est commun aux êtres vivants. Elle cherche
à élaborer des connaissances psychologiques vraies de tout individu humain, quelle que soit son
appartenance à une sous-catégorie.
L’objet d’étude est l’homme adulte, seul, normal et du point de vue de ses activités
(comportementales : travail, formation, loisirs, etc.).

II. Histoire de la psychologie générale


A. Les pionniers
L’approche expérimentale introspective se développe avec les travaux de W. Wundt, qui étudie
la conscience en adoptant des points de vue analytique et associationniste. Pour lui, les
sensations et les perceptions étaient le fondement de toutes les connaissances sur le monde et
toutes les activités mentales. L’accès à la conscience se fait par la méthode de l’auto-observation
intérieure ou introspection réalisée en laboratoire.
Le développement de l’approche métrique va introduire la mesure des phénomènes
psychologiques avec :
G. Fechner et la mesure des sensations : il a eu l’idée de mettre en rapport l’intensité
d’une stimulation et l’intensité d’une sensation provoquée par cette stimulation chez l’individu en
établissant une loi mathématique entre ces deux classes de faits.
H. Ebbinghaus et la mesure de la mémoire : Il a eu pour ambition d’appliquer la mesure à
une fonction psychologique supérieure (mémoire). Il pensait que la mémoire ne se limitait pas à la
conscience que nous avons d’expériences antérieures. Pour lui, certaines expériences antérieures
peuvent influencer notre comportement.
A. Binet (1857-1911) et la mesure de l’intelligence : étude expérimentale des fonctions
psychologiques de haut niveau comme la mémoire, l’imagerie, la compréhension de mots ou de
phrases, l’attention, le jugement. Élaboration d’une méthode de mesure de l’intelligence connue
sous le nom d’Échelle Métrique de l’Intelligence ou échelle de Binet-Simon

B. Apport des pionniers


Au niveau de l’objet d’étude : étudier de phénomènes psychologiques ou des fonctions
psychologiques en relation avec des données de l’environnement dans des conditions que l’on
peut maîtriser et reproduire.
Au niveau méthodologique : changement dans la manière dont on conçoit le recueil des
données. Exploration des phénomènes psychologiques sur autrui. Recueillir les faits dans des
conditions contrôlées et répétables (description du matériel utilisé, formulation de consignes,
explication des conditions de passation, etc.).
Au niveau du domaine de la psychologie : le changement d’objet et de méthode a offert à
la psychologie générale la possibilité d’élargir son champ d’investigation. Élaboration de
nouvelles méthodes d’investigations des phénomènes psychologiques et établissement des faits
et des lois plutôt que de développement des modèles explicatifs.

24
III. Premier paradigme de la psychologie générale : le béhaviorisme
A. Watson et le béhaviorisme
La psychologie est une branche expérimentale purement objective des sciences naturelles. Son
but théorique est la prédiction et le contrôle du comportement. L’objet de la psychologie est le
comportement qui désigne des mouvements physiques ou geste, toute l’activité corporelle ou
motrice d’un être vivant (lever le bras, se gratter la tête, faire du vélo). L’objet d’étude de la
psychologie c’est le comportement qui n’est pas seulement la réaction, mais une liaison, une
relation entre un stimulus provenant du milieu externe ou interne et une réponse.

B. La prédiction et le contrôle
La psychologie béhavioriste vise à orienter, modifier l’activité comportementale des êtres vivants
de manière à faciliter aux homes et aux femmes la réorganisation de leur propre existence et
spécialement l’éducation des enfants

C. La méthode d’étude du béhaviorisme


La psychologie animale avec Edward L. Thorndike, I. Pavlov qui travaille sur le conditionnement
(procédé d’apprentissage qui consiste à faire précéder un stimulus inconditionnel par un stimulus
neutre). C’est la théorie béhavioriste.
Skinner a complété le schéma S-R du comportement et a proposé un principe général
d’apprentissage, (dit du conditionnement opérant) qu’appliqué. Au plan appliqué, il développe
des techniques comportementales dans le domaine de l’éducation et de la thérapie, du travail.

D. Apports et limites du béhaviorisme


Il dénie toute réalité à la conscience ou s’il en accepte l’existence, il lui refuse toute valeur causale
de l’activité. Il rejette l’introspection. Il nie l’existence des images mentales, des idées. Il conçoit la
réalité comme matérielle, la seule causalité comme mécanique. Il considère toute finalité comme
une fiction. Il considère toute activité comme l’élaboration d’un réflexe conditionné et sur cette
base prétend expliquer toute action humaine comme étant purement et simplement une réponse
de l’organisme à une stimulation. Il réduit émotions et sentiments à des activités viscérales et
glandulaires. Il décrit la pensée comme un mouvement musculaire.

IV. Second paradigme de la psychologie générale : le cognitivisme


A. Définitions
Le cognitivisme encourage les psychologues à inférer des constructs inobservables sur la base
de phénomènes observables. Intelligence, anxiété, habiletés mathématiques, estime de soi sont
des construits au sens de concepts. Par cognitivisme, il faut entendre : l’ensemble des modèles
et travaux qui introduisent les variables latentes entre les stimuli et les réponses, quelle que soit la
nature de ces variables. La psychologie cognitive se définit en référence à un objet dominant de
la cognition : Traitement de l’Information (TI).

B. Objet et méthode
L’objet est l’étude des conduites, c’est-à-dire l’étude de la conscience, des croyances, de
réflexions, des raisonnements, des phénomènes psychologiques les plus élevés, les plus propres
à l’homme. La méthode vise l’objectivité. S’occuper de ce que l’on voit, des actions, des attitudes
et des parles des sujets, pour en saisir l’articulation individuelle signifiante.

C. L’émergence et développement de la psychologie cognitive


1. Les gestaltistes (cf. Théorie de la Gestalt) :
La psychologie de la forme s’est développée en Allemagne à la fin des années 1910, au début
des années 1920 avec Max Wertheimer, Kurt Koffka et Wolfgang Kölher. Les phénomènes
psychologiques (conscience ou comportement) sont décomposés en éléments mentaux simples

25
(sensations) ou en simples chaînes associatives de stimuli et de réponses. Pour expliquer des
comportements intelligibles il faut impliquer des états mentaux internes organisés.

2. Les structures de l’intelligence


Jean Piaget va construire une théorie générale de l’intelligence. Au plan méthodologique, la
psychologie génétique piagétienne fait converger deux méthodes : la méthode expérimentale
pour établir des faits et la méthode déductive pour les interpréter. Il utilise l’observation
comportementale et surtout les entretiens menés dans le cadre d’une méthode clinique ou
critique. Concernant, l’interprétation des conduites, il utilise la logique et les mathématiques pour
formaliser les lois d’équilibre interne du système cognitif à chaque stade du développement de
l’enfant.

3. La notion de schéma
F.C. Bartlett tentait d’étudier les processus cognitifs dans des situations complexes proches des
situations naturelles. Il a proposé le concept de schéma pour désigner la structure assimilatrice
qui transforme les données d’entrée et a proposé de définir le schéma comme une organisation
active des réactions passées qui opère sur toute réponse bien adaptée.

4. L’approche cognitive de l’apprentissage


Edward Chace Tolman étudie le comportement comme étant le résultat d’une organisation
interne orientée par l’atteinte d’un but. Il travaille sur des variables intermédiaires qu’il introduit
dans le schéma S-R. Il propose une explication cognitive de l’apprentissage. À une conception du
comportement fondée sur des connexions S-R, il oppose une conception du comportement basé
sur des structures significatives finalisées.

5. L’approche fonctionnaliste
J. Bruner critique la conception selon laquelle la perception de totalités organisées est déterminée
essentiellement par les propriétés des stimuli (lois de la bonne forme) et des lois d’équilibre qui
régissent conjointement les mondes physique, physiologique et mental. Dans la perception
intervient non seulement des déterminants structuraux mais surtout des déterminants
comportementaux, qui s’ils ne sont pas directement perceptifs, affectent dans nos perceptions
telles que la motivation, les expériences antérieures, les émotions.

V. L’émergence du Modèle de traitement de l’information


C’est un modèle central en psychologie cognitive, élaboré initialement aux États-Unis qui a
émergé au contact de diverses disciplines extérieures à la psychologie (cybernétique, théorie
mathématique des communications).
Dès les années 1940, ces disciplines à finalité technologique fourniront un ensemble de concepts
nouveaux qui vont renouveler l’approche des questions théoriques dans diverses sciences y
compris la psychologie.
Dans les années 1950, des recherches en linguistique et en Intelligence Artificielle vont contribuer
au développement de nouvelles formalisations de la pensée humaine.
Claude Shannon (1916-2001) a élaboré une théorie mathématique des communications
utilisable pour analyser tout échange d’informations, quels que soient le support et la nature. Du
fait de sa généralité, elle a été appliquée à l’analyse des différents phénomènes psychologiques
comme la perception, le langage, les communications sociales. Son apport durable en
psychologie cognitive réside dans la conceptualisation du système cognitif en termes canal
d’information à capacité limitée.

26
HISTOIRE DE LA PSYCHOLOGIE SOCIALE

1. Définitions et histoires

• Individu versus société


La question qui se pose historiquement est de savoir si l’individu et la société sont deux mondes
étrangers. L’individu serait l’organisme et le psychisme serait unique. La société serait les
institutions, l’État, et les autres. L’individu serait donc l’objet d’étude de la psychologie et la
société celui de la sociologie.

• Ce que la psychologie sociale n’est pas


La psychologie sociale n’est l’intersection entre la psychologie et la sociologie, ni une psychologie
“socialisée”, ni une sociologie “psychologisée”. Et elle ne repose non plus sur une simple
question de nombre d’individus, qui voudrait dire que la psychologie étudierait une personne, la
psychologie sociale quelques personnes et la sociologie un grand nombre de personnes.

• Définitions
L’objet central, exclusif pour la psychologie sociale, ce sont tous les phénomènes ayant
trait à l'idéologie et à la communication, ordonnés aux plans de leur genèse, leur structure et leur
fonction (Moscovici, 1970).
La psychologie sociale s'occupe des processus culturels par lesquels, dans une société donnée :
- s’organisent les connaissances ;
- s’établissent les rapports des individus à leur environnement, rapports toujours médiatisés par
autrui ;
- se canalisent les structures dans lesquelles les hommes se conduisent ;
- se codifient les rapports inter-individuels et inter-groupes ;
- se constitue une réalité sociale commune qui s'origine autant dans les relations avec les autres
que dans les rapports avec l'environnement et autour de laquelle nous créons des règles et
investissons des valeurs.

La psychologie sociale :
- “science du comportement social, c'est-à-dire celui qui implique une référence à d'autres
personnes et qui se manifeste dans toutes les situations où le sujet se trouve en face d'autrui, ou
encore le comportement qui, bien que se produisant en l'absence d'autrui, en subit néanmoins
l’influence" (Krech & Crutchfield, 1948).
- “étudie les processus mentaux ou les comportements des individus déterminés par les
interactions actuelles ou passées que ces derniers entretiennent avec d'autres personnes”
(Brown, 1965).
- “tend à comprendre et à expliquer comment les pensées, les sentiments, les comportements
moteurs des êtres humains sont influencés par un autrui réel, imaginaire ou implicite” (Allport,
1968).
- “traite de la dépendance et de l'interdépendance des conduites humaines” (Leyens, 1979).
- “est une discipline où l'on étudie de façon systématique les interactions humaines et leurs
fondements psychologiques”
(Gergen & Gergen, 1984).
- “l'étude scientifique de la façon dont les gens se perçoivent, s'influencent et entrent en relation
les uns avec les autres” (Myers & Lamarche, 1992).

La psychologie sociale :
- traite de la dépendance et de l'interdépendance comportementale entre les individus, les
comportements impliqués n'étant pas nécessairement concomitants [...] Elle s'interroge sur les
relations comportementales d'individu à individu en général, mais d'abord de personne à
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personne et éventuellement d'animal à animal [...] Elle est indiscutablement une branche de la
psychologie et elle s'appuie sur les lois de la psychologie générale et expérimentale” (Zajonc,
1967).
- “l’étude des conditions dans lesquelles les individus sont affectés par des situations sociales”
(Worchel & Cooper 1976).
- “l’étude des phénomènes sociaux définis par la nature toujours problématique des relations
qui se jouent entre individu et société” (Fischer, 1987).
- “s’intéresse, quels que soient les stimuli ou les objets, à ces événements psychologiques
fondamentaux que sont les comportements, les jugements, les affects et les performances des
êtres humains en tant que ces êtres humains sont membres de collectifs sociaux ou occupent
des positions sociales (en tant donc que leurs comportements, jugements, affects et
performances sont en partie tributaires de ces appartenances et positions)” (Beauvois, 1998).

La psychologie sociale...
- George Herbert Mead : “La psychologie sociale présuppose
une approche de l'expérience à partir de l'individu, mais elle
cherche à déterminer en particulier ce qui fait partie de
l'expérience du fait de l'appartenance à une structure sociale,
à un ordre social.”
- Eugene Hartley : “La psychologie sociale est la branche des
sciences sociales qui cherche à comprendre le comportement
individuel dans le contexte de l'interaction sociale”.
- Otto Klineberg : “La psychologie sociale peut être définie
comme l'étude des activités de l'individu en tant qu'il est
influencé par d'autres individus... Ces “autres” peuvent agir soit directement par leur présence
dans l'entourage immédiat de l'individu, soit indirectement, à travers des modes de conduite qui
sont traditionnels ou auxquels on s'attend, et qui influencent l'individu même quand il est seul”.

• Le regard psychosocial (Moscovici, 1984)


Il faut concevoir la spécificité de la psychologie sociale en fonction d'un regard ternaire plutôt
qu'en référence à un territoire.
“Commençons par la manière dont le psychologue et souvent le sociologue envisagent les faits.
Ils utilisent d'habitude une grille de lecture binaire. Elle correspond à la séparation du sujet et de
l'objet, qui sont donnés et définis indépendamment l'un de l'autre. Le psychologue notamment
pose d'un côté "l'ego" (l'individu, l'organisme) et de l'autre “l’objet”(...). On retrouve à peu près le
même schéma du côté de la sociologie. A ceci près que le sujet n'est plus un individu mais une
collectivité (le groupe, la classe sociale, l'Etat, etc.). Quant à l'objet, lui aussi a une valeur sociale,
il représente un intérêt ou une institution. En outre, il est parfois constitué d'autres personnes,
d'autres groupes, formant ce qu'on appelle un environnement humain. (...)
le regard psychosocial (...) se traduit par une lecture ternaire des faits et des relations. Sa
particularité est de substituer à la relation à deux termes du sujet et de l'objet, héritée de la
philosophie classique, une relation à trois termes : Sujet individuel - Sujet social - Objet. Pour
m'exprimer d'une manière différente, Ego - Alter - Objet, différencié s’entend.” (Moscovici, 1984)

• Quatre niveaux d’analyse


(Willem Doise, 1982)
Il existe quatre niveaux d’analyse en psychologie sociale.
- Niveau intra-individuel : comment les individus organisent-ils leur expérience ?
- Niveau des processus interindividuels et situationnels : Les phénomènes psychologiques sont
générés par des relations interindividuelles de coordination, des confrontations. Selon la
position qu'un individu occupe au sein d'un groupe, la satisfaction éprouvée, les phénomènes
de communication, par exemple, seront différents
28
- Niveau positionnel : Prendre en compte des systèmes de classification produits par la société
(origine ethnique, statut social par exemple) existant dans une société donnée et
antérieurement aux situations étudiées
- Niveau idéologique : prend en compte les normes sociales, les valeurs, les croyances
partagées au sein d'une société.

• Les “débuts” d’une discipline


Il y a différentes manières de parler des débuts de la psychologie sociale. On peut étudier
l’archéologie des idées, c'est-à-dire creuser l’histoire de la psychologie sociale. La deuxième est
l’étude de l’étymologie des idées, c'est-à-dire les premiers fois que des auteurs ont mentionné la
psychologie sociale. La troisième poste est l’instrumentalisation des idées, qui explique le
moment les idées de la psychologie sociale ont été traduites en instrument, en expérience.
- Un étrange précurseur : Norman Triplett
Ce sont les extraits de toutes les fois Norman Triplett a été mentionné dans des ouvrages de
l’après-guerre jusqu’aux années 2000. Norman Triplett a été qualifié comme précurseur de
l’expérimentation de la psychologie sociale.
[1954] A la phase expérimentale, il y eut des précurseurs tels que Triplett qui réalisa certaines
expériences sur l’esprit de compétition et la suggestion chez les enfants.
[1967b] La première étude expérimentale en psychologie sociale fut réalisée par Triplett en 1897.
[1987] Norman Triplett a conduit, en 1897, l’une des premières études systématiques sur l’activité
sociale.
[1994] L’honneur d’avoir effectué la première recherche expérimentale en psychologie sociale
revient à Norman Triplett (1897 - 1898).
[1997] C’est à la fin du siècle dernier, en 1897, que l’on situe une des premières études à
orientation psychosociale. Elle fut réalisée par Triplett.
[1998] Quelques précurseurs en psychologie sociale (...) : 1897, Triplett, Analyse des effets de la
compétition sur une performance individuelle.
[1999a]1897, Triplett réalise la première expérience de psychologie sociale.
[1999b] La première expérimentation de Norman Triplett (1897) présente un double intérêt.
[2000] L’ignorance des faits historiques peut conduire à des interprétations erronées ou à des
reprises inutiles (...) C’est le cas de certains auteurs qui font remonter à Triplett (1897) la première
expérience de psychologie sociale alors que les travaux dans cette perspective font état
d’expérimentations antérieures dues à Ringelmann (ou Ringelmann, selon certains auteurs) vers
les années 1885.

• L’origine du virus de précurseur


"The first experimental problem - indeed the only problem studied in the first three decades of
experimental research - was formulated as follows : What change in an individual’s normal solitary
performance occurs when other people are present ? The first laboratory answer to this question
came from Triplett (1897)." (Allport, 1954, p. 64).

• Le diagnostic
“La complaisance à rechercher, à trouver et à célébrer des précurseurs est le symptôme le plus
net d’inaptitude à la critique épistémologique” (Canguilhem 1975, p. 20).
C’est l’inaptitude chez certains auteurs de ne pas se mettre en cause, de ne pas aller chercher
loin dans l’histoire, de la critique épistémologique et de la vérité.

• Phases d’émergence de la psychologie sociale


- Histoire des idées
De nombreux auteurs, souvent des philosophes, ont écrit de nombreux ouvrages autour de la
psychologie sociale, déjà depuis l’Antiquité et à l’époque des Lumières.

29
Durant la Seconde moitié du 19e siècle, il y a l’institutionnalisation universitaire de la psychologie.
Le courant de la Psychologie des peuples a été inventé par Wundt en Allemagne à cette époque.
(M. Lazarus et H. Steinthal - Revue). Les premiers congrès internationaux de psychologie se sont
déroulés en 1889.
Le débat autour d’une “psychologie collective” commence dans les 1890-1940. Gustave le Bon,
Gabriel Tarde et Charles Blondel se sont intéressés à la psychologie des foules. Emile Durkheim,
Marcel Mauss, Maurice Halbwachs, Lucien Lévy-Bruhl ont également participé au développement
de la psychologie sociale.
1945-1970 était l’âge d’or de la psychologie sociale.

• Dates et faits importants


- 1890: en France paraissent les lois de l'imitation de Gabriel Tarde
- 1895: en France paraît la Psychologie des foules de Gustave Le Bon.
- 1898: en France parait un autre livre de Tarde Etudes de Psychologie Sociale
- 1902: en Italie paraît Psicologia Sociale d'Orano.
- 1908: aux Etats-Unis paraissent simultanément deux livres: Introduction to Social Psychology,
l'un écrit par un psychologue, William McDougall & Social Psychology par un sociologue,
Edward A. Ross
- 1944: 1ère Chaire de Psychologie Collective au Collège de France - Maurice Halbwachs
- 1947: Création d’une Licence de Psychologie à la Sorbonne. Un certificat s’intitule
“Psychologie de la Vie Sociale”
2. Les débuts d’une discipline

I. COURANTS DE LA PSYCHOLOGIE SOCIALE


A. Formes de la vie sociale et psychologie
Le courant des formes de la vie sociale a vu le jour aux USA, dans l’école de Chicago où
se trouvait une forte concentration de chercheurs en psychologie sociale. À l’époque la forte
croissance des métropoles, l’industrialisation et le besoin de mains d’oeuvres (qui venaient très
souvent de vagues migratoires) ont influencé les courants de pensée en psychologie sociale.
Également, les problèmes d’insertion, et les différences sociales et culturelles ont joué un rôle
dans le développement d’étude dans cette discipline.
On peut notamment citer celle de Thomas William I. et Znaniecki Florian (1920) nommée
Le paysan polonais en Europe et en Amérique. Récit de vie d'un migrant. Cette étude est restée
très connu car elle s’est concentrée seulement sur les Polonais. Ils ont analysé les attitudes
personnelles, les valeurs, pour saisir la façon dont les acteurs, immigrés polonais, considèrent
leur situation et agissent. Pour la première fois, des données autobiographiques sont largement
utilisées (correspondance, récits de vie) ainsi que des données quantitatives issues
principalement des statistiques sociales et administratives. La ville, le quartier, constituent un
laboratoire social, et les étudiants sont invités à aller chaque jour observer, rencontrer des
habitants, se mettre en situation d'échange avec eux. La technique d'observation participante se
met ici en place.

B. Le courant culturaliste
Ce courant traite de la culture et de la personnalité. Franz Boas (1858-1942) est une
anthropologue qui travaille sur l’intersection entre sociologie, anthropologie et psychologie
sociale. Dans ce courant, une société se définit par une culture, celle-ci étant constituée par
l'ensemble des attitudes, idées et comportements de ceux qui y appartiennent. Par conséquent,
une société est analysable à travers sa culture et celle-ci prend un sens à partir de la façon
dont les membres la vivent, l'éprouvent. Il y a de nombreux travaux de terrain, avec Ruth
Benedict, Margaret Mead, et Ralph Linton. Les notions principales de cette pensée sont :
pattern of a culture (esprit d'une civilisation), basic personality structure (personnalité de base),

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rôle, statut, modèle, système valeur-attitude. Elles sont encore pour la plupart utilisées
aujourd’hui. Ce courant analyse les rapports que la personnalité entretient avec les coutumes
instituées et l'organisation sociale.

C. La psychologie collective
Il y avait un intérêt croissant en Europe pour la psychologie des masses, des peuples et
ethnique. En France, Lucien Lévy-Bruhl (1857-1939) défend la thèse selon laquelle il existerait des
formes de mentalité, soit des façons de penser ou de raisonner, distinctes selon qu'on appartient
à une société primitive ou non. L’ouvrage La mentalité primitive est publié en 1922.
Maurice Halbwachs (1877-1944) a travaillé sur la conscience sociale et la mémoire
collective. Selon lui, chaque groupe social posséderait une mémoire collective propre et que
seule cette mémoire, à laquelle participe chaque individu par le jeu de la communication, serait
créatrice. Les cadres sociaux de la mémoire est publié en 1925.
En Angleterre le psychologue Frederic Bartlett conduit des expériences et réalise des
observations très novatrices sur la mémoire, publiées en 1932 dans Remembering. Il centre ses
travaux sur les aspects constructifs de la mémoire en y intégrant les dimensions sociales,
historiques et culturelles.
En Allemagne le projet de Wundt a pris un fâcheux tournant en s'orientant vers une
psychologie génétique comparée appliquée au seul peuple germanique, sitôt son départ de la
chaire de psychologie en 1917.

• Lucien Lévy-Bruhl
Il a osé briser le tabou consistant à considérer, au début du XXème siècle - mais la
croyance perdure bel et bien encore aujourd’hui - que la rationalité occidentale, est une forme de
rationalité supérieure. Il disait que les peuples plus “primitifs” peuvent raisonner différemment,
mais cela n’est en rien inférieur aux hommes occidentales. Ce chercheur ne visitait pas lui-même
ces peuples mais se basait sur les récits d’explorateurs, de voyageurs.
Par exemple, Lévy-Bruhl a retenu une interaction entre des voyageurs et une personne
locale qu’ils ont rencontré alors qu’elle était très malade. Ils ont réussi à la soigner et quand ils ont
du repartir, l’homme leur dit : “Comment ! Comment ! Vous autres Blancs, n'avez-vous pas
honte ? J'ai pris vos remèdes, j'ai mangé votre soupe, j'ai fait tout ce que vous m'avez dit, et
maintenant vous me refusez une belle étoffe pour m'habiller ! Vous n'avez pas honte !” C’était une
réaction étrange pour les occidentaux. Cet homme-là pensait qu’il avait été ensorcelé : c’est une
autre logique, mentalité.
Lévy-Bruhl a donc essayé de décortiquer, déconstruire les idées de ces récits de
voyageurs. Il a proposé le terme de participation, dans le sens de vivre ses appartenances, ses
croyances comme on le veut. Son influence a été marquante pour la psychologie sociale.

• Sir Frederic Bartlett (1886-1969)


C’est un auteur encore très important aujourd’hui. Il a travaillé sur la mémoire collective et
le souvenir influencé par le groupe et sa culture. Selon lui, tout nouvel élément sera influencé par
les tendances sociales et la culture propre au groupe. Les tendances persistantes et la proximité
physique des membres du groupe vont jouer un rôle dans la constitution du souvenir.
Bartlett a réalisé des expérimentations innovantes pour cette époque, en travaillant que la
reproduction sérielle et répétée. La reproduction sérielle est le fait de proposer un matériel (en
l’occurrence un texte ou un dessin) au participant et de lui demander de le reproduire. Cette
reproduction servira d’objet pour le deuxième participant qui reproduira à son tour ce que le
premier participant avait réalisé, et ainsi de suite (en série). La reproduction répétée consiste à
faire lire un récit à un participant et, après une tâche distractive, de lui demander de le reproduire.
Bartlett a fait cela dans l’optique de voir les types de changements que pouvait subir un matériel
culturel (histoire, dessins).

31
Il qualifiait ce processus de conventionnalisation sociale, qui stipule que nos conventions
sociales et culturelles participent à l’élaboration de souvenir. Il y a identifié trois phases :
l’assimilation sociale, la simplification-élaboration et la construction sociale. La première phase
est un processus par lequel les différents aspects ou détails du matériel sont transmis, soit
directement adoptés (s’ils correspondent déjà un patrimoine du groupe) soit au contraire élaborés
d’une façon spécifique. La simplification-élaboration correspond au moment où les détails
détachés de la forme centrale de la représentation de l’objet et qui ne sont pas importants pour
sa signification sont exclus ou considérablement simplifiés. Cette phase est compensée par la
partie élaboration au cours de laquelle l’objet est transformé selon les tendances ou
caractéristiques du groupe. Et enfin la construction sociale permet l’assimilation du matériel
comme nouvel élément et qui devient un élément constitutif du schéma social du groupe dans
lequel il prend forme.
Il a par exemple présenté un dessin d’un autre contexte culturel (hiéroglyphe égyptien
d’une chouette) à un groupe en reproduction sérielle. Le dessin du “mulak” égyptien avait pour sa
part tant subi de transformations qu'en fin de chaine associative ce qui ressemblait initialement à
une chouette s'était peu à peu transformé en chat. Certains éléments avaient aussi spontanément
été ajoutés par les groupes. Bartlett a reproduit cette expérience cette fois-ci avec un masque
africain. Le dessin du “portrait d’homme" s'était par exemple vu affubler d’oreilles. D'autres
éléments paraissant à première vue de moindre importance avaient été conservés.
Bartlett a appelé ce phénomène la “persistance of the novel, the extraordinary, the unlikely”.

• Maurice Halbwachs (1877-1945)


Il est dans le courant de l’école Durkheimienne. Il a étudié la mémoire collective et son
importance pour la vie sociale et mentale du groupe. Selon lui, c’est dans la société que l’homme
acquiert ses souvenirs, qu’il se rappelle, qu’il les connaît et les localise. La recherche de leur
localisation et/ou de leur conservation (cérébrale ou mentale) est vide de sens car c’est par le
biais des groupes sociaux et de nos appartenances multiples au sein de ces derniers qu’on se
souvient. Les cadres sociaux de la mémoire sont la langue, l’espace et le temps. Aussi, la
mémoire individuelle est “un point de vue” sur la mémoire sociale, un point de vue multiple, aussi
multiple que nos appartenances sociales. Il a réalisé lui-même des études de terrain à Jérusalem.

II. UN SIÈCLE D’ÉTUDES SUR L’INFLUENCE EN PSYCHOLOGIE SOCIALE


Historiquement, ce qui a intéressé les psychologues sociaux ce sont les recherches sur la
performance collective ou sur la coopération interindividuelle. L’orientation est donc
comportementaliste et individualiste. Parmi les premières questions qu’ils se sont posés, il y a :
Quel effet peut avoir, sur la performance individuelle, le fait de travailler dans un local ou un
congénère se livre à la même activité ? Un individu fait-il autant d’effort lorsqu’il coopère avec un
autre que lorsqu’il travaille seul ? Il y a deux auteurs qui ont travaillé parmi les premiers sur ses
sujets, ce sont Triplett et Ringelmann.
Il y a deux concepts importants dans ses recherches. Le premier est la coaction qui est la
mesure dans laquelle la performance d’un individu qui travaille à une tâche est influencée par le
fait que d’autres individus à côté de lui accomplissent la même tâche. Ensuite, il y a l’audience
qui est la mesure dans laquelle des spectateurs passifs affectent la performance d’un individu qui
travaille à une tâche quelconque.

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Zajonc disait qu’il existait des réponses dominantes et d’autres subordonnées. Également, selon

Augmentation de la probabilité
Augmentation de la motivation
d’émission des réponses dominantes
Audience ou coaction

lui, la motivation augmente la probabilité d’émission d’une réponse


dominante. Et la présence d’autrui augmente la motivation. La
logique de Zajonc est donc simple :

Une expérience a été réalisée où sur un écran, on montrait des mots (un par un) trop
rapidement pour que les sujets puissent les lire (perception infraliminaire). On leur demandait,
ensuite de dire quel mot avait été affiché. On présente deux sortes de mots : des mots à
fréquence élevé (dans le vocabulaire des sujets) et des mots à fréquence faible. Cela se fait dans
deux conditions : avec présence d’autrui ou en isolement. On mesure le taux de reconnaissance.
L’expérience a montré que la présence d’autrui augmente la rapidité des mots fréquents. Et
tandis que dans la condition de l’isolement, les mots les plus rares sont donnés plus lentement.
Ainsi, l’audience et la coaction favorisent la performance, la répétition de ce que les sujets savent
déjà faire, par contre elles gênent l’acquisition ou l’originalité.
La théorie de Zajonc a subi aussi des critiques, notamment de Cottrell (1968). Il disait que les
choses pouvaient ne pas être exactement comme cela et qu’il fallait aller plus loin.

• Le problème de l’investissement dans les groupes


—> Le paradoxe de l’action collective
Olson en 1978 parle du phénomène du “ticket gratuit”, qui arrive lorsque gratuitement des
personnes profitent d’actions collectives sans y avoir participer. En effet, d'un point de vue
utilitaire et rationnel, chaque individu d'un groupe n'a aucun intérêt à s'engager dans
une action collective. Par contre, il a tout intérêt à ce que les autres s'engagent dans l'action
collective et qu'ils obtiennent ce qu'ils souhaitent. De cette manière, l'individu qui ne s'engage
pas gagne deux fois : une fois parce qu'il ne participe pas, donc il ne dépense rien et ne perd pas
son temps contrairement à ceux qui participent et une seconde fois car il tire bénéfice du résultat
de l'action collective, comme ceux qui y ont participé. Par exemple, pour la grève, un non gréviste
continue à toucher son salaire durant la grève, et ensuite, il bénéficiera aussi des avantages
obtenus grâce aux grévistes.

• L’influence sociale dans les décisions collectives


—> Influence sociale et modèle démocratique Les recherches sont forcément influencées par le
modèle démocratique.
Noms : M. Sherif, K. Lewin, S. Asch, S. Milgram, S. Moscovici
Notions utiles : normalisation, conformisme, autorité, innovation
Le processus d’influence peut se manifester selon trois modalités : la normalisation, le
conformisme (ou l’autorité) et l’innovation. L’innovation renvoie à la création de nouvelles règles,
qui peut arriver grâce à l’influence aussi de minorités.
Quand les minoritaires deviennent des influenceurs, il y a une période marquée par des
mouvements contestataires. La prise en compte d’une nouvelle source d’influence - la minorité
active- va permettre d’étudier un pan entier du champ social jusque là inexploré et donner lieu à
de nombreuses recherches et développements théoriques importants.
Moscovici propose le concept de l’influence minoritaire. Ici, la conception
unidimensionnelle et restreinte de la notion d’influence (le modèle fonctionnaliste) est remise en
cause (niveau publique, manifeste et directe de l’influence). Cela va à l’encontre de l’influence qui
s’exerce souvent de manière cachée, souterraine, différée. On peut illustrer ce phénomène par le
conte de Handersen (1835) : Les habits neufs de l’Empereur. Plutôt que de considérer que le
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déviant est un individu mal informé qui aspire à se conformer, Moscovici considérera qu’il existe
des déviants qui ne sont pas en manque d’informations et qui tiennent à leur position. On va
étudier l’influence du déviant, d’une minorité sur une majorité. C’est une logique toute différente
des travaux précédents, comme ceux de Asch.

Pour conclure sur les “influences sociales”, l’intérêt pour les processus d’influence est lié
aux contextes socio-historiques dans lesquels ils sont abordés. Chaque grand courant de
recherche obéit à une dynamique qui lui est propre. Il y a une conception différente des cibles
d’influence (de passives à actives).

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PARTIE 7 : HISTOIRE DE LA PSYCHOLOGIE DU TRAVAIL

Introduction
La psychologie du travail est d’abord une psychologie qui porte un intérêt aux individus, et
à leurs activités. Il y a une différence entre la tâche et l’activité. La première est ce que l’on est
censé faire, c’est une prescription. Alors que l’activité est ce qui est fait effectivement. Depuis
longtemps, on sait que le travail prescrit n’est jamais ce que l’on fait “pour de vrai”. Cette
discipline s’intéresse aussi aux conduites des individus et à leurs représentations. Elle est dans
une place en tension, car elle doit prendre soin du bien-être des individus, et en même temps
assurer l’efficacité du travail. Elle essaye aussi d’adapter l’humain au travail, qui est la façon dont
la psychologie du travail est née, mais également d’adapter le travail à l’humain. Elle cherche à
étudier les individus et leurs inter-relations dans les organisations de travail.
Elle est au carrefour de plusieurs sous-disciplines de la psychologie. En effet, historiquement elle
est associée à la psychologie sociale, l’ergonomie, la psychologie différentielle et la psychologie
clinique et pathologique.
Auerbach et Dolan (1997) ont écrit un ouvrage sur la psychologie du travail (PTO :
psychologie du travail et des organisations) et disent qu’elle “s’intéresse à l’étude du
comportement des individus et des groupes à l’intérieur des organisations. Elle porte sur les
organisations en tant qu’entité, sur les forces qui modèlent les organisations et sur l’influence des
organisations sur leurs membres.” On retrouve l’influence de la psychologie sociale sur cette
définition. On peut aussi dire que “la psychologie du travail cherche aussi à comprendre et à
expliquer les processus psychiques mis en jeu dans l’activité, avec pour objectif d’aider un
collectif professionnel à trouver les ressources pour surmonter les difficultés du travail, si possible
en faisant évoluer le travail pour l’adapter à l’homme”. Dans cette définition, il ne s’agit pas de
comprendre les influences sur les travailleurs, mais plutôt d’intervenir dans les milieux
professionnels pour transformer les relations de travail afin de permettre aux individus de
développer leur pouvoir d’agir sur leur travail.
La PTO s’appuie sur différents cadres de référence. On retrouve d’abord la psychologie
différentielle, qui est le premier cadre utilisé en PTO (après la Révolution Industrielle). Elle a pour
objectif de caractériser les différences psychologiques entre les individus, et tire son origine de la
psychologie expérimentale. Elle a beaucoup inspiré la PTO dans le champ de la sélection et du
recrutement par exemple, en utilisant des tests. C’est la base de la psychométrie, car elle utilise
les mathématiques et recherche l’objectivité.
Ensuite, il y a la psychologie sociale (après la psychologie différentielle), qui a permis de s’inspirer
de ses théories, comme celles d’attributions (sécurité au travail : attribution à qui de l’accident ?).
Le troisième cadre de référence est la psychologie clinique, qui s’intéresse à l’humain dans sa
singularité. Et elle recherche la cause des souffrances psychiques, mais aussi les moyens de les
dépasser. La PTO va donc aussi se porter sur la singularité de l’individu, avec une approche
compréhensive. Le courant de la psychopathologie du travail a aussi été important dans les
années 1940-50, et elle a été rattachée à la psychiatrie. Il se demande si le travail peut être source
de maladie mentale et si le travail peut soigner. Aujourd’hui beaucoup de psychologues du travail
accompagnent les individus dans des souffrances psychiques, mais interviennent aussi pour faire
de la prévention.

I. HISTOIRE ET DÉFINITION DU TRAVAIL


A. Travail : malédiction, châtiment et peine
L’histoire de la PTO est aussi articulée avec l’histoire du travail, dont la représentation diffère
entre et aujourd’hui. C’est une discipline qui est née par rapport à un objet historiquement et
culturellement situé.
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Le travail est à la fois une contrainte, et une source d'épanouissement, de créativité. C’est
un objet qui n’a pas de neutralité, qui est ambivalent. Historiquement, le travail a toujours été
réduit à une activité subie, qui demande un effort pour recevoir de l’argent : c’est une nécessité. Il
doit transformer les choses de la nature pour produire des biens utiles à son existence. Le travail
a été beaucoup associé en philosophie à la condition humaine : on parlait d'Homo laborans. Ainsi
le travail a historiquement eu une représentation négative. Par ailleurs, le mot travail vient du mot
“tripalium”, qui est un instrument de torture. Et travailleur vient de “travailleor”, qui signifie le
tourmenteur.
Également, la tradition chrétienne renforce l’idée que le travail est un châtiment. En effet,
le travail est le châtiment consécutif au péché originel (accouchement pour Eve et travail pour
Adam). Ensuite, dans l’Antiquité grecque et romaine, le travail exprime la misère de l’Homme
assujetti à la matière, ce qui est dévalorisant. Il ne peut être confié qu’à des êtres avec une
condition inférieure, c'est-à-dire les esclaves
( homme libre). On le voit dans le vocabulaire de la langue grecque :
Ponos renvoie aux activités pénibles et demandant un
contact avec du matériel, et Ergon renvoie à l’oeuvre, à un travail créateur. On retrouve aussi cela
dans le mythe de Prométhée. Chez les Romains, c’est la même chose. On distingue ce qui relève
de l’Otium du Negotium. Ce dernier est le commerce, les affaires, qui renvoie à la sphère de la
production (négatif). Tandis que l’Otium représente toute activité liée à la subsistance, aux loisirs.
Ainsi, il y a un clivage entre les activités au service de la vie active et celles au service de la vie
contemplative.
Donc, pendant une grosse partie de l’histoire, le travail était vu comme quelque chose de négatif.

B. Le travail marchand : source d’enrichissement


Les représentations du travail ont évolué à partir du 16-17ème, montrées grâce au sociologue
allemand Max Weber (1864-1920). Il a rendu compte de cette évolution majeure dans un ouvrage
de psychologie (“L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme”). Il étudie ce tournant où le
travail est rattaché maintenant à quelque chose de positif, c’est devenu une vertu, une éthique.
Dans ce livre, il explique que le développement du capitalisme s’est fait grâce à celui de l’éthique
protestante. Il part du constat statistique que les protestants travaillent et gagnent plus que les
catholiques dans les régions avec des populations mixtes. Il base son hypothèse sur l’éthique de
la besogne dans le protestantisme, qu’il met en lien avec l’esprit du capitalisme. Ce constat n’est
pas le fruit du hasard. Il dit que l’effort du travail est séparé de tout caractère hédoniste (plaisir). Il
s’appuie sur des textes religieux pour démontrer que l’esprit du capitalisme est lié à la foi. En
effet, dans les Évangiles, il est dit que l’homme doit pour assurer son salut “faire la besogne de
Celui qui l’a envoyé, aussi longtemps que dure le jour” (Jean IX,4). C'est-à-dire que le travail est
pour assurer son salut et l’oisiveté est un péché majeur. C’est comme cela que le travail a
commencé à exercer une pression morale, qui se ressent entre aujourd’hui. Les protestants sont
donc devenus très attentifs aux signes de réussite dans le travail, comme le salaire. Ainsi, le
travail n’est plus une punition mais une contribution à l'œuvre divine.
Ont donc été valorisées les activités marchandes, en accord avec le capitalisme. C’est le
courant des moralistes : le travail fait une pression morale. Paul Lafargue s’est rebellé à ce
courant en écrivant un ouvrage appelé “Le Droit à la paresse”. Effectivement, ce courant a
influencé les lois régissant le travail, comme celles du temps de travail. Par exemple, avant ce
courant, les travailleurs avaient plus de jours fériés, de journées plus courtes, des pauses etc.
L’esprit du capitalisme a favorisé la Révolution Industrielle, le Taylorisme (la division entre
conception et exécution du travail), le Fordisme (le travail à la chaîne) etc. La psychologie du
travail s’est donc insérée dans ce courant historique, et est venue dénoncer ces modèles. Elle
critiquait le fait que le travail soit source d’aliénation.
Beaucoup d’artistes se sont aussi investis face à ce courant du travail vertueux. Ils ont
commencé à mettre en scène au centre de tableaux des travailleurs, ce qui ne se faisait pas
auparavant.

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A.C. Travail, oeuvre et action
Hannah Arendt (1906-1975) est une philosophe et théoricienne politique. Elle s’est intéressée à la
Vita activa, qui est composée de trois notions-activités : le travail, l’oeuvre, l’action. Elle rend
compte de cela dans un ouvrage paru en 1961, appelé “La condition de l’Homme moderne”.
Dans un premier temps, le travail est la condition animale minimale pour réussir à vivre et survivre
et qui permet à l’espèce de continuer à perdurer. Dans le travail, il y a aussi l’idée d’un cycle
répétitif, quelque chose que l’on doit renouveler dans l’effort. Ensuite, l'œuvre se rapporte à la
création, la récréation et se distingue du monde naturel. (En gros, l’Homme se prend pour Dieu)
L’Homme essaye de créer un monde artificiel à sa mesure. Elle explique que l'œuvre permet de
dépasser la condition animale car elle inscrit la personne dans une forme de permanence ; elle est
finie et a une finalité. Mais ce qui fait que l’Homme est spécifiquement humain est l’action. Cette
dernière est celle politique, c’est la discussion, le conflit, le débat pour organiser la société
humaine. En effet, les sociétés humaines ont besoin de débattre pour définir des règles, des
institutions, des systèmes sociaux et pour tenir compte des pluralités humaines. Hannah Arendt
dit que “par la parole et l’acte, nous nous insérons dans le monde humain”.

II. HISTOIRE DE LA PSYCHOLOGIE DU TRAVAIL


A. Une histoire de la psychologie appliquée
La PTO s’articule avec l’histoire de la psychologie en général, et principalement de celle
appliquée. La PTO est scientifique, ses applications se font dans le monde du travail, de
l’orientation et de l’éducation. Elle est née en s’appuyant sur le paradigme expérimentaliste. La
psychologie en elle-même a longtemps été considérée comme une branche de la philosophie, et
est venue plus tard s’adosser à la psychologie expérimentale, au sens de psychologie empirique
(qui se fonde sur l’observation des faits en laboratoire. C’est comme cela que la PTO est
également née. Ainsi, il y a eu à la fin du 19ème siècle une volonté de s’affranchir de l’héritage
philosophique.
En PTO, il y a eu des représentants de ce tournant, qui ont été influencés par les méthodes de la
physiologie d’abord. À cette époque, les psychologues du travail (ce terme n’existait pas encore)
étaient des médecins qui ont privilégié l’étude du comportement humain à l’intérieur des
laboratoires, pour une psychologie objective et expérimentale.
Dans cette évolution, il y a eu une autre rupture : l’affranchissement du laboratoire. En
effet, certains scientifiques comme Édouard Toulouse et Hugo Münsterberg (Allemand) optent
pour l’usine pour étudier le comportement humain : les psychologues doivent aller sur le terrain.
Münsterberg est considéré comme le fondateur de la PTO, il parle de psychologie industrielle.
Ces pionniers étaient soucieux depuis le début de traiter des problèmes concrets dans le champ
du travail et de l’éducation, comme par exemple comment réduire la fatigue, comment former aux
compétences etc. Ils ont donc décidé de fonder le mouvement psychotechnique qui s’est centré
sur la sélection et l’orientation professionnelle. Leurs méthodes s’appuyaient sur l’analyse du
travail, avec comme objectif de concevoir des tests psychologiques et physiologiques pour
évaluer la qualité des opérateurs. Deux autres scientifiques (Susanne Pacaud, Jean-Maurice Lahy)
ont voulu faire appel à l’auto-observation : travailler eux-mêmes pour voir les problèmes.
La PTO française s’inscrit à ses débuts dans la double tradition : la psychologie
expérimentale et la physiologie du travail. Cette dernière étudie l’activité musculaire, la dépense
d’énergie des travailleurs dans différents métiers. L’objectif était d’avoir un ensemble d’études sur
les professions manuelles (1900-1910), qui étaient commandées par le Ministère du travail. Ils
voulaient détecter les signes objectifs de fatigue musculaire, pour faire des aménagements dans
le travail. Les personnes représentantes du mouvement psychotechnicien étaient surtout des
médecins, c’est pour cela que la physiologie a une grande place.
Ce mouvement psychotechnique se voulait aussi progressiste. Par exemple, l’ambition de
ses scientifiques était de participer à la construction d’une société plus juste, où chacun serait à
sa place selon ses aptitudes (innées selon eux). Ils positionnaient aussi leurs travaux de recherche

37
comme arbitres des conflits sociaux, en mettant en avant les données scientifiques. Cela a été
possible grâce aux avancées de la physiologie du travail qui a permis d’établir les conditions de la
fatigue ouvrière et donc après de réglementer le temps de travail. Imbert a réalisé plein de calculs
pour conclure que le nombre d’accidents augmente avec la durée du travail, il recommande donc
des pauses réglementaires.

B. L’École des Relations Humaines et l’École sociotechnique


Cette école s’est développée entre les années 1920 et 1950 et a été conduite d’abord par Mayo,
Lewin, Maslow. Elle est née d’une expérience dans les usines Hawthorne, entre 1924 et 1932 par
Mayo. L’effet Hawthorne renvoie à l’idée que la productivité dépend surtout de la considération
que l’on a pour eux.
Cette école réunit toutes une série de travaux se posant plusieurs questions :
- Quels sont les éléments qui déterminent la satisfaction des travailleurs ?
- Qu’est-ce qui va influencer les relations de travail ?
- Comment diriger et manager efficacement au travail ?
Ce sont des questions nouvelles que l’on ne se posait pas auparavant. Cela a donc été un
tournant très important. Ces travaux ont posé les bases de la PTO.
Kurt Lewin a eu une influence importante aussi, avec l’étude du fonctionnement des
groupes et des changements, du management et du leadership. Moreno a cherché à mesurer les
relations dans un groupe. On retrouve aussi Maslow, et McGregor
, qui a donné une autre vision du travailleur ( Tay
théorie Y qui souligne que
l’individu peut se motiver sous certaines conditions et qu’il cherche à se développer et être
reconnu.
Ainsi, cette école a donné une plus grande complexité à l’approche des travailleurs au sein
des organisations et beaucoup moins simplistes que Taylor par exemple. C’est comme cela que
la PTO s’est investie dans les questions de GRH (Gestion des RH) par exemple.
L’école des relations humaines est venue déplacer la PTO d’un cadre de la psychologie
différentielle vers un cadre de la psychologie sociale.

C. La psychopathologie du travail
La psychopathologie du travail est un courant qui s’est intéressé à la maladie mentale, l’aliénation
mentale, avec un cadre de référence beaucoup plus clinique. Elle s’est posée deux questions :
est-ce que le travail peut faciliter des maladies mentales, et est-ce qu’il peut soigner ?
Louis Le Guillant, psychiatre, a été à l’initiative de deux études pionnières : la première est
“la névrose des téléphonistes” (1958) et la deuxième est “Les bonnes à tout faire” (1963). Les
“bonnes à tout faire”, aujourd’hui aides à domicile, étaient un métier fréquent qu'exerçaient les
femmes venant de Bretagne ; que Le Guillant retrouvaient beaucoup dans son cabinet. Il a
observé qu’elles ont dû quitter leur région d’origine, n’ont plus d’amis, se sentent donc seules et
exercent une profession qui ne dissocie pas le lieu de travail du lieu de vie. Elles travaillent dans
un rapport possible de confusion entre le rapport salarial et intime. Il a fait des analyses pour
montrer que les activités de service, lorsqu’elles sont réalisées à domicile, exposent à la
servitude. Il a donc publié cette étude pour montrer le caractère pathogène de ces situations de
travail. C’est à ce moment-là que l’on commence à se dire que le travail peut être néfaste pour la
santé mentale. Cette étude fait aussi écho à un fait-divers de 1933 : l’assassinat des soeurs Papin
(on tué leur employeur). Le Guillant a expliqué que c’était le contexte social qui avait poussé au
passage à l’acte.
La deuxième étude a été réalisée chez les standardistes téléphoniques des PTT. Pour la première
fois, Le Guillant a parlé de maladies de la productivité, liées à des situations de travail où l’on
accélère la cadence etc ; ce qui laisse peu d’autonomie pour s’adapter au travail. Il a parlé d’un
syndrome général de la fatigue nerveuse, en associant des symptômes névrotiques liés
directement aux conditions de travail (une première).

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Louis le Guillant dirigeait aussi un hôpital psychiatrique en province, qui était menacé de
bombardements pendant la Seconde Guerre mondiale. La décision était donc d’ouvrir les portes
de l’hôpital. Les patients vont être embauchés ainsi dans des fermes, pour des tâches à domicile
etc. Mais puisque l’hôpital n’a pas été bombardé, les patients sont récupérés ; et a été constatée
une amélioration de leur état, grâce à la participation à des œuvres communes etc. Cela a permis
de se demander si l’activité pouvait aider : c’est le début de la thérapie institutionnelle.

Conclusion
L’Histoire de la discipline est inextricablement liée à l’évolution de la société et du regard porté
sur l’humain et sur le travail, encore aujourd’hui. La psychologie du travail et des organisations
émerge quand (et parce que) s’impose l’idée que le travail peut être légitimement autre chose que
pure souffrance ; mais aussi au fur et à mesure que s’impose, il faut bien le dire, l’impératif
d’efficacité et de productivité

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