Joalland 2014
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Communication brève
i n f o a r t i c l e r é s u m é
Historique de l’article : Introduction. – Le diagnostic du syndrome des antiphospholipides (SAPL) repose sur des critères cliniques
Disponible sur Internet le 11 septembre et biologiques, comportant la présence persistante d’anticorps antiphospholipides (aPL) et la survenue
2014 d’événements thrombotiques ou de complications obstétricales. Le traitement conventionnel des throm-
boses repose sur les traitements hépariniques relayés par les antivitamines K au long cours pour la
Mots clés : prévention secondaire de la thrombose.
Syndrome des antiphospholipides Observation. – Nous rapportons l’observation d’un jeune patient de 17 ans ayant présenté un syndrome
Syndrome catastrophique des
des antiphospholipides de diagnostic difficile, car initialement séronégatif, puis avec des marqueurs
antiphospholipides
Coagulation intravasculaire disséminée
fluctuants, affirmé seulement à l’arrêt du traitement anticoagulant devant un syndrome catastrophique
Nouveaux anticoagulants oraux des antiphospholipides (CAPS) avec lésions cutanées thrombotiques et coagulation intravasculaire dis-
séminée. Pour convenances personnelles, ce patient a été initialement traité par fondaparinux puis
par un nouvel anticoagulant oral, le rivaroxaban, avant de revenir au traitement conventionnel par
antivitamines K.
Conclusion. – Le SAPL « séronégatif » est une entité en plein démembrement, témoignant de l’hétérogénéité
des cibles antigéniques des aPL. Son diagnostic est parfois complexe et nécessite une démarche rigoureuse
ainsi que la disponibilité de laboratoires spécialisés en hémostase. La tentation d’utilisation des nouveaux
anticoagulants au cours du SAPL doit être tempérée par l’absence d’études prospectives confirmant leur
efficacité et leur tolérance. Il faut garder en mémoire que la recherche d’un lupus anticoagulant est difficile
chez les patients recevant ces nouveaux anticoagulants.
© 2014 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société nationale française de médecine interne (SNFMI).
a b s t r a c t
Keywords: Introduction. – The diagnosis of the antiphospholipid syndrome (APS) is based on clinical and biological
Antiphospholipid syndrome criteria including the persistent presence of antiphospholipid antibodies and thrombotic events or pre-
Catastrophic antiphospholipid syndrome gnancy morbidity. Heparins relayed by vitamin K antagonists (VKA) are the gold standard treatment for
Disseminated intravascular coagulation thrombosis.
syndrome
Case report. – We report a 17-year-old man who presented with an initially seronegative antiphospholi-
New oral anticoagulants
pid syndrome, in whom the diagnosis was late, only obtained after anticoagulation withdrawing, when
a catastrophic antiphospholipid syndrome (CAPS) with cutaneous lesions and disseminated intravas-
cular coagulation syndrome occurred. For personal convenience, this patient was initially treated with
∗ Auteur correspondant.
Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (L. Geffray).
http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.04.012
0248-8663/© 2014 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société nationale française de médecine interne (SNFMI).
F. Joalland et al. / La Revue de médecine interne 35 (2014) 752–756 753
fondaparinux followed by a new oral anticoagulant (rivaroxaban) before to return to the conventional
VKA treatment.
Conclusion. – The “seronegative” APS is a controversial concept reflecting the heterogeneity of antigenic
targets for aPL. This diagnosis may be considered after a rigorous work-up, with the help of haemostasis
laboratories testing new emerging aPL assays. In APS, the new anticoagulants represent an attractive
option needing nevertheless prospective studies to evaluate their safety and efficacy. Lupus anticoagulant
detection in patients treated by new oral anticoagulants is not easy by usually recommended coagulation
tests.
© 2014 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Société nationale française de médecine
interne (SNFMI).
Tableau 1
Critères de classification du syndrome des antiphospholipides : critères biologiques
[1].
Fig. 2. Lésions cutanées de cuisse au moment du syndrome catastrophique avec Fig. 3. Biopsie cutanée : nombreuses thromboses vasculaires à contenu fibrineux et
CIVD. fibrinoleucocytaire de siège plutôt veinulaire qu’artériolaire dans le derme superfi-
ciel et profond.
placards de thrombose cutanée, confirmés par une nouvelle biop- un inhibiteur capable de neutraliser l’héparine, ce qui limite à un
sie. On imposait alors au patient le passage aux antivitamines K en seul test de dépistage dans cette situation ;
utilisant la warfarine à dose adaptée pour obtenir un INR situé entre • le taux des aPL peut être abaissé au cours d’un syndrome néphro-
2,5 et 3,5, en maintenant le traitement par hydroxychloroquine. Le tique (par fuite urinaire des IgG, diminution de synthèse ou
patient restait alors asymptomatique. En avril et en juillet 2013, augmentation de leur catabolisme) ;
l’ensemble de la biologie antiphospholipide (LA, aCL et a2GP1 • les aPL peuvent disparaître temporairement par consommation
[IgG, IgM et IgA], aPE) et lupique était négative. En septembre 2013, en phase thrombotique aiguë ;
une semaine après une vaccination antigrippale, survenait mal- • le taux des aPL peut être abaissé au cours d’un traitement par
gré un INR à 2,5 un nouvel épisode de thrombose cutanée avec corticoïdes ;
deux placards de sièges crural et fessier, d’évolution favorable sans • les différentes techniques Elisa souffrent d’un manque de stan-
modification du traitement. dardisation.
anatomopathologique d’au moins un organe), présence d’aPL. La démarche pugnace rappelée dans cet article, basée sur la recherche
CIVD aiguë que présentait notre patient est décrite dans 15 % d’aPL « non conventionnels ». Le traitement classique de la throm-
des cas du registre des CAPS. L’arrêt intempestif des anticoagu- bose dans le SAPL repose sur l’héparine relayée par les AVK. Les
lants en raison de l’absence de diagnostic affirmé de SAPL était à NACO (rivaroxaban, dabigatran, apixaban et autres à venir), ten-
l’évidence le facteur précipitant. La reprise d’un traitement anticoa- tants par leur apparente maniabilité, pourraient constituer une
gulant par HBPM à doses curatives permettait la guérison rapide option thérapeutique alternative, qui nécessite d’être validée par
des symptômes cliniques et de la CIVD, avant toute défaillance des études prospectives. Le clinicien ne doit pas oublier que ces
multiviscérale, sans nécessité de recours aux autres traitements NACO, à l’instar de l’héparine et du fondaparinux, empêchent la
proposés du CAPS (corticoïdes, immunosuppresseurs, échanges recherche d’un LA avec toutes les techniques usuelles et recom-
plasmatiques) [14]. mandées, faisant prendre le risque de méconnaître le diagnostic de
SAPL dans sa catégorie IIa (où seul le LA est présent), alors que cette
3.3. SAPL et nouveaux anticoagulants oraux (NACO) recherche de LA est possible, avec toutefois une sensibilité moindre,
chez les patients sous AVK lorsque l’INR n’est pas trop élevé.
Les AVK sont le gold standard du traitement et de la préven-
tion secondaire de la thrombose chez les patients avec un SAPL Déclaration d’intérêts
[14] mais constituent un traitement contraignant, notamment en
raison des fluctuations individuelles de l’INR selon des facteurs Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-
génétiques, environnementaux (diététique, maladies associées) tion avec cet article.
et les interactions médicamenteuses, nécessitant un monitorage
régulier. La tentation d’utiliser les NACO est logique, dans un Références
espoir d’efficacité et de tolérance au moins équivalentes et de
simplification du suivi. L’étude d’une cohorte observationnelle [1] Miyakis S, Lockshin MD, Atsumi T, Branch DW, Brey RL, Cervera R, et al.
multicentrique de 18 patients atteints de SAPL traités par NACO International consensus statement on an update of the classification cri-
teria for definite antiphospholipid syndrome (APS). J Thromb Haemost
(rivaroxaban, dabigatran), initiée par le service de médecine interne 2006;4:295–306.
de la Pitié-Salpêtrière à Paris (article soumis), semble confirmer [2] Hughes GRV, Khamashta MA. Seronegative antiphospholipid syndrome. Ann
l’efficacité et la sécurité de ce traitement au cours du SAPL et appelle Rheum Dis 2003;62:1127.
[3] Alessandri C, Conti F, Conigliaro P, Mancini R, Massaro L, Valesini G. Seronega-
à réaliser des études prospectives à long terme. tive autoimmune diseases. Ann N Y Acad Sci 2009;1173:52–9.
Notre patient, qui refusait les contraintes de la surveillance [4] Duval A, Darnige L, Glowacki F, Copin MC, Martin de Lasalle E, Delaporte
biologique du traitement par AVK, a été traité par fondaparinux E, et al. Livedo, dementia, and endotheliitis without antiphospholipid anti-
bodies: seronegative antiphospholipid-like syndrome. J Am Acad Dermatol
pendant six mois dans la phase initiale de sa maladie, puis par
2009;61:1076–8.
rivaroxaban après l’épisode de CAPS, dans le cadre de la cohorte [5] Cervera R, Conti F, Doria A, Laccarino L, Valesini G. Does seronegative antiphos-
citée ci-dessus. Le fondaparinux et les nouveaux anticoagulants pholipid syndrome really exist? Autoimmun Rev 2012;11:581–4.
[6] Sanmarco M. Clinical significance of antiphosphatidylethanolamine antibodies
ont l’inconvénient d’empêcher avec les techniques usuelles la
in the so-called “seronegative antiphospholipid syndrome”. Autoimmun Rev
recherche d’un LA, dont la mise en évidence éventuelle au début 2009;9:90–2.
de la maladie aurait permis un diagnostic précoce et, en consé- [7] Miraya M, Diemert MC, Amoura Z, Musset L. Anticorps antiphospholipides en
quence, d’éviter l’arrêt intempestif des anticoagulants et l’évolution pratique. Rev Med Interne 2012;33:176–80.
[8] van Os GM, de Laat B, Kamphuisen PW, Meijers JC, de Groot PG. Detection of
vers un syndrome catastrophique, même si les recherches ulté- lupus anticoagulant in the presence of rivaroxaban using Taipan snake venom
rieures de lupus anticoagulant chez notre patient se sont avérées time. J Thromb Haemostasis 2011;9:1657–9.
négatives. Il faut remarquer enfin que chez notre patient ni le [9] Asherson RA, Cervera R, de Groot PG, Erkan D, Boffa MC, Piette JC, et al.
Catastrophic antiphospholipid syndrome: international consensus statement
rivaroxaban ni les AVK n’ont empêché la récidive de placards de on classification criteria and treatment guidelines. Lupus 2003;12:530–4.
microthrombose cutanée dans des situations de stimulation anti- [10] Costedoat-Chalumeau N, Arnaud L, Saadoun D, Chastre J, Leroux G, Cacoub P,
génique, respectivement un épisode ORL viral et la vaccination et al. Le syndrome catastrophique des antiphospholipides. Rev Med Interne
2012;33:194–9.
antigrippale. [11] Cervera R, Bucciarelli S, Plasin MA, Gomez-Puerta JA, Plaza J, Pons-Estel G,
et al. Catastrophic antiphospholipid syndrome (CAPS): descriptive analysis of a
4. Conclusion series of 280 patients from the “CAPS Registry”. J Autoimmun 2009;32:240–5.
[12] Costedoat-Chalumeau N, Saadoun D, Piette J-C. Le syndrome des antiphospho-
lipides en 2012 : son hétérogénéité impose une prise en charge personnalisée.
Le diagnostic du SAPL repose sur les critères internationaux Rev Med Interne 2012;33:173–5.
cliniques et biologiques comportant l’exploration du « trépied bio- [13] Brighton TA, Eikelboom JW, Mann K, Mister R, Gallus A, Ockelford P, et al. Low-
dose aspirin for preventing recurrent venous thromboembolism. N Engl J Med
logique » que constituent les aCL, les a2GP1 et le LA. Le SAPL
2012;367:1979–87.
« séronégatif » est une entité rare témoignant de l’hétérogénéité [14] Saadoun D, Piette JC, Wahl D, Costedoat-Chalumeau N. Traitement du syndrome
des cibles antigéniques des aPL, dont le diagnostic nécessite une des antiphospholipides. Rev Med Interne 2012;33:217–22.