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Partage des bénéfices issus des grands barrages en

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


Afrique de l’Ouest
Les barrages figurent à nouveau à l’ordre du jour du
développement en raison des préoccupations concernant la
sécurité alimentaire, les approvisionnements en énergie et les
impacts potentiels des changements climatiques (inondations et
sécheresses). Faire en sorte que les populations touchées par les
barrages en soient les bénéficiaires directs promeut l’acceptation
publique, atténue les risques assumés par les promoteurs et
réduit la possibilité de conflit à long terme entre les populations
déplacées et les villages qui les accueillent.

Ce rapport passe en revue l’expérience acquise en matière de


déplacement des populations touchées par les barrages en
Afrique de l’Ouest au cours des 40 dernières années et examine
les mécanismes qui permettent un partage plus équitable des
bénéfices issus des barrages en veillant à ce que les conditions de
vie des populations affectées soient améliorées.

Skinner et al. (dir.)


Série Ressources Naturelles no. 19

ISBN : 978-1-84369-758-9
ISSN : 1605-1017
Partage des bénéfices issus des grands
barrages en Afrique de l’Ouest

Sous la direction de Jamie Skinner, Madiodio Niasse


et Lawrence Haas
Partage des bénéfices issus des grands
barrages en Afrique de l’Ouest

Sous la direction de Jamie Skinner, Madiodio Niasse et Lawrence Haas


Première édition : Institut International pour l’Environnement et le Développement
(Royaume-Uni), 2009
Copyright © International Institute for Environment and Development (IIED)
Tous droits réservés

ISBN : 978-1-84369-758-9 ISSN : 1605-1017

Une entrée au catalogue correspondant à cet ouvrage est disponible auprès de la


British Library.

Citation : Skinner, J., Niasse, M. et Haas, L. (dir.) 2009. Partage des bénéfices issus
des grands barrages en Afrique de l’Ouest. Série Ressources Naturelles no. 19.
Institut International pour l’Environnement et le Développement, Londres,
Royaume-Uni.

Il est possible d’acheter des exemplaires de ce rapport à Earthprint Ltd :


E-mail : [email protected]
Site Web : www.earthprint.com
Ou de le télécharger sur le site Web de l’IIED : www.iied.org

Pour contacter les membres de l’équipe de rédaction, veuillez écrire à :


Jamie Skinner, International Institute for Environment and Development,
4 Hanover Street, Edinburgh EH2 2EN, Royaume-Uni
Tél : +44 (0)131 226 7040
Fax : +44 (0)131 624 7050
E-mail : [email protected]

Traduction : la seconde partie du rapport a été traduite de l’anglais par Ousmane


Minta et Violet Diallo, Bamako, Mali.
Conception : Eileen Higgins, e-mail : [email protected]
Photographies : barrage de Sélingué, Mali, par Alioune Ba.
Impression : Park Communications, Royaume-Uni sur papier 100 % recyclé avec
des encres à base d’huile végétale.

Les points de vue exprimés dans ce rapport sont ceux des auteurs et ne reflètent
pas nécessairement ceux des organisations qui participent à la Global Water
Initiative à l’échelle nationale, régionale ou mondiale, ni ceux de la Fondation
Howard G. Buffett.
Table des matières
Remerciements ii
A propos de la « Global Water Initiative » iii
Sommaire exécutif iv
Acronymes et abréviations vii

1ère partie Expérience de l’Afrique de l’Ouest en matière de gestion des


personnes déplacées par les grands barrages
Par Mame Dagou Diop et Cheikh Mamina Diedhiou, avec la collaboration de Madiodio Niasse

1. Introduction 3

2. Les grands barrages et les déplacements des populations en Afrique de l’Ouest 5


2.1 Ressources en eau et grands barrages en Afrique de l’Ouest 5
2.2 Les populations déplacées par les grands barrages et les critères appliqués 7

3. Réexamen du processus de réinstallation des populations en Afrique de l’Ouest 11


3.1 Un processus de réinstallation tronqué 11
3.2 Un bilan de réinstallation inégal 12
3.3 Une politique qui s’avère décevante pour les populations affectées 13
3.4 Amélioration des mesures de compensation et de développement 15
3.5 Une nouvelle génération de plans de réinstallation 17

4. Conclusions 19


2ème partie Améliorer le partage des bénéfices autour des grands barrages
Par Lawrence Haas

5. Introduction 23

6. Vers des solutions inclusives et durables 25


6.1 Pourquoi se préoccuper du partage des bénéfices ? 25
6.2 Principes généraux et perspectives en matière de partage des bénéfices 28
6.3 Différentes approches d’opérationnalisation du partage des bénéfices 32

7. Développement d’une expérience internationale en matière de partage des 39


bénéfices
7.1 Quelles positions les institutions internationales de développement ont-elles adoptées ? 40
7.2 Que pensent l’industrie et le secteur privé ? 42

8. La promotion du partage des bénéfices au niveau local en Afrique de l’Ouest 45


8.1 Création de conditions favorables 45
8.2 Eviter les faux pas, balayer les idées reçues 47
8.3 Donner la priorité à la construction d’une plate-forme de dialogue multipartite 48

9. Conclusions 51

Bibliographie 53
Annexe 1. Les barrages de l’Afrique de l’Ouest 55
Annexe 2. Partage des bénéfices : exemples nationaux 63
Remerciements

Les auteurs souhaiteraient remercier la Fondation Howard G. Buffett pour


l’appui financier accordé à ces travaux par le biais de la Global Water Initiative
(GWI) ; l’Autorité du bassin du Niger (ABN) et le Haut Commissariat pour
l’aménagement de la vallée du fleuve Niger pour avoir coorganisé un atelier
régional qui s’est penché sur l’avant-projet de ce rapport en avril 2009. La
Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ) a cofinancé la
participation régionale à l’atelier, lequel a été organisé en partenariat avec le
Programme pour l’Afrique centrale et occidentale de l’Union internationale pour
la conservation de la nature (UICN).

ii
A propos de la « Global Water Initiative »
Le programme « Global Water Initiative » (GWI), financé par la Fondation
Howard G. Buffett, cherche à relever le défi que représente la fourniture
durable d’un accès à l’eau potable et à l’assainissement, ainsi que la protection
et la gestion des services des écosystèmes et des bassins hydrographiques, au
profit des populations les plus pauvres et les plus vulnérables qui dépendent de
ces services.

L’approvisionnement en eau dans le cadre du GWI se fait à travers la


sécurisation de la ressource et le développement d’approches nouvelles ou
améliorées de la gestion de l’eau ; il s’intègre dans un cadre plus large qui traite
de la pauvreté, du pouvoir et des inégalités qui touchent particulièrement les
populations les plus pauvres.

Cela nécessite de conjuguer une orientation pratique sur les services


d’approvisionnement en eau et d’assainissement à des investissements visant
à renforcer les institutions, sensibiliser l’opinion et élaborer des politiques
efficaces.

Le consortium régional du GWI en Afrique de l’Ouest est composé des


partenaires suivants :
n Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) iii
n Catholic Relief Services (CRS)
n CARE International
n SOS Sahel (UK)
n Institut International pour l’Environnement et le Développement (IIED)

Le programme du GWI en Afrique de l’Ouest couvre cinq pays : le Sénégal, le


Ghana, le Burkina Faso, le Mali et le Niger.
Sommaire exécutif
Les pays d’Afrique de l’Ouest ont construit plus de 150 grands barrages sur leurs
rivières, afin de réguler les cours d’eau et d’augmenter les capacités de stockage
de l’eau pour soutenir le développement économique des pays de la région.
Au cours des 30 prochaines années, beaucoup d’autres seront construits, en
partie pour répondre à une pluviométrie de plus en plus capricieuse. Pourtant,
la construction de ces barrages a souvent occasionné des opérations complexes
et délicates de déplacement et de réinstallation des populations, qui ont souvent
touché des milliers de personnes : 80 000 dans le cas du lac Volta créé par le
barrage d’Akosombo au Ghana ; 75 000 avec le barrage de Kossou en Côte
d’Ivoire.

La première partie de ce rapport passe en revue l’expérience ouest-africaine en


matière de réinstallation telle qu’elle ressort de la littérature. La seconde analyse les
enjeux en recensant les outils et les approches actuellement adoptés à travers le
monde pour mieux partager les bénéfices issus des grands barrages. Elle cherche à
stimuler un dialogue multipartite sur les différentes façons d’élaborer une stratégie
participative et progressive en vue d’introduire un partage des bénéfices issus des
grands barrages qui soit adapté aux besoins de l’Afrique de l’Ouest. Si l’analyse se
concentre sur un partage équitable avec les communautés locales et les usagers
iv traditionnels des rivières, elle reconnaît que le partage de bénéfices entre les États
est aussi indispensable pour une coopération efficace et propice à une gestion
durable des systèmes fluviaux internationaux de l’Afrique de l’Ouest.

Seule une poignée d’évaluations réalisées sur des projets de réinstallation


liés à des barrages déjà construits en Afrique de l’Ouest ont été mises à la
disposition du public. Dans certains pays où l’on envisage de nouveaux barrages,
il n’y a guère de projets existants, ce qui veut dire que les connaissances et
l’expérience nationales sont souvent limitées. Par conséquent, il est urgent que
les projets futurs soient éclairés par la sagesse de l’expérience – des efforts en
vue de consigner cette expérience et de promouvoir des processus régionaux
d’apprentissage sont donc cruellement requis.

Il ne fait aucun doute que les procédures de déplacement et de réinstallation des


populations ont soulevé des problèmes et bien des questions restent en suspens
à ce jour. Côté positif, certes les objectifs à court terme ont souvent été atteints –
les planificateurs et les décideurs impliqués dans la construction des barrages ont
effectivement fourni aux personnes déplacées des infrastructures et des moyens
de soulager quelque peu les conséquences à court terme de leur déplacement
involontaire. De leur côté, les populations déplacées ont généralement eu accès à
l’eau potable et à des services de santé adéquats et l’éducation s’est sensiblement
améliorée. Cependant, d’innombrables manquements ont aussi été observés, le
plus souvent dus à un manque de sensibilité socio-anthropologique de la part
des chargés de projets de réinstallation. De surcroît, les indemnisations versées
ont rarement été à la hauteur des attentes des populations déplacées. Les retards
observés dans les processus de compensation ont eu un impact négatif sur
les procédures de réinstallation et de développement des zones d’accueil. Par
conséquent, les conditions de vie des populations déplacées et des communautés
hôtes se sont souvent dégradées 5 à 10 ans après la réinstallation, généralement
lorsque le financement spécifique au projet et lié à la construction du barrage
vient à se tarir. Cette situation pose une question d’éthique et d’équité, d’autant
plus que ce sont les populations déplacées qui paient le plus lourd tribut
environnemental et social aux barrages alors que d’autres groupes (citadins et
industriels par exemple) peuvent généralement tirer parti du barrage tout au long
de sa durée de vie.

Aujourd’hui, les enjeux sont élevés en termes de développement, d’adaptation


aux changements climatiques, de culture, de démographie, de régime foncier
et de distribution de la richesse. Il est donc de plus en plus capital de faire en
sorte que les populations déplacées bénéficient directement des opportunités de
développement générées par les barrages afin d’améliorer leurs conditions de vie
tout au long de la durée de vie du barrage – laquelle peut être de 50 à 80 ans,
voire plus – et non pas seulement pendant les 5 à 10 premières années durant
lesquelles les principaux partisans du projet restent mobilisés.

Lorsqu’il existe un environnement politique favorable pour le partage de bénéfices,


les décideurs ont élaboré des stratégies utiles pour réparer les injustices subies par 
les populations déplacées. Bien que le principe déclaré d’une amélioration des
conditions de vie ait rarement été atteint par les projets dans la pratique, certains
organismes de bassin ont obtenu un succès considérable dans l’opérationnalisation
du principe de partage des bénéfices générés par les installations d’hydroélectricité
et d’irrigation. Ainsi, l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal
(OMVS) s’investit franchement dans le développement socio-économique du
bassin et la protection de l’environnement suite à la construction de grandes
infrastructures pour la maîtrise des ressources en eau à Diama et Manantali.
Un fonds fiduciaire a été mis en place par l’Autorité de la Volta au Ghana pour
procurer aux populations déplacées des services d’électricité, d’eau potable,
d’assainissement, une meilleure éducation et de nouvelles voies d’accès.

Nous en concluons que les perspectives d’un avenir meilleur semblent se dessiner
à travers les projets de réinstallation de certains des futurs barrages ouest-africains
(p. ex. Kandadji, Sambagalou, Fomi, Taoussa et Bui) qui ont d’ores et déjà anticipé
leur mobilisation en faveur de la problématique du partage des bénéfices par la
mise en place de plans de développement local. Mais le défi sera de s’assurer que
ces programmes sont durables et capables de tenir pendant toute la durée de vie
du barrage.

Le partage équitable des bénéfices est à la fois un état d’esprit et une approche
pratique afin de galvaniser et de financer des actions locales capables de
fédérer de nombreux aspects de la réforme de la gouvernance de l’eau et une
planification durable dans le cadre de la gestion intégrée des ressources en eau.
Les approches peuvent renforcer l’équité sociale dans les stratégies relatives aux
infrastructures et promeuvent la pérennité au lieu de se contenter d’optimiser
les barrages en guise d’actifs physiques qui fournissent des services d’eau et
d’énergie ou des avantages pour la navigation.

Un examen attentif montre que l’introduction de mécanismes de partage des


bénéfices est positive pour toutes les parties prenantes. Ils permettent aux
populations touchées par un projet et aux usagers traditionnels du cours d’eau de
s’allier dans le cadre de projets, ce qui leur donne plus de poids dans les décisions
qui les touchent et une occasion de faire partie des premiers bénéficiaires des
projets et non plus des derniers. Du point de vue du gouvernement, le partage
des bénéfices est un outil politique pratique pour obtenir une plus grande
inclusion sociale et améliorer les moyens de subsistance des populations locales.

Du point de vue du maître d’ouvrage du barrage, le partage de bénéfices


promeut de bonnes relations avec la communauté, ce qui réduit les risques de
retard du projet. Du point de vue des investisseurs potentiels, des dispositions
réalistes pour le partage local de bénéfices font que les communautés locales
touchées et le public ont plus de chances de soutenir le projet de barrage. De ce
fait, les investisseurs sont plus enclins à devenir des partenaires financiers car leur
degré d’exposition au risque se trouve réduit.
vi
Le partage de bénéfices permet aussi de s’attaquer aux carences passées dans la
planification et la gestion des barrages, carences qui sont bien documentées, y
compris le non-respect des engagements sociaux pris auprès des communautés
touchées par le projet et la non-prise en charge des mesures d’atténuation des
dommages environnementaux. Il tient compte de la nécessité de faire en sorte
qu’il existe un flux de financement pour couvrir ce genre de besoins à plus long
terme (p. ex. un pourcentage des ventes d’électricité inclus dans le tarif brut).

Pour conclure, nous soulignons qu’il existe de nombreux mécanismes de


partage des bénéfices là où se trouve une volonté politique pour les mettre en
œuvre. La voie est ouverte pour développer une meilleure approche du partage
des bénéfices en Afrique de l’Ouest qui ne se contente pas de considérer les
communautés locales en termes d’indemnisation pour la perte de terres et de
propriété et de versements compensatoires à court terme pour leur réinstallation
– mais qui, au lieu de cela, reconnaît qu’elles peuvent prétendre de façon légitime
à une partie de la rente économique que génèrent les barrages. De même, les
populations touchées par les barrages ont un intérêt légitime à défendre et un
rôle à jouer dans le fonctionnement durable des barrages. Collectivement, de
telles actions ont des chances de réduire les coûts sociaux à long terme des
grands barrages et de faire en sorte que les populations affectées figurent parmi
les bénéficiaires directs des grands projets.
Acronymes et abréviations

ABN Autorité du bassin du Niger


ABV Autorité du bassin de la Volta
ACDI Agence canadienne de développement international
AEP Approvisionnements en eau potable
AIE Agence internationale de l’énergie
BAD Banque asiatique de développement
BCA Autorité de conservation de Bumbuna (Sierra Leone)
BWMA Agence de gestion de ligne de partage des eaux de Bumbuna
(Sierra Leone)
CBT Columbia Basin Trust
CDB Convention sur la diversité biologique
CDV Comité de développement des villages (Népal)
CEDEAO-CSAO Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest –
Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest
CIGB Commission internationale des grands barrages
CIID Commission internationale des irrigations et du drainage
CMB Commission mondiale des barrages
CPC Columbia Power Corporation
DFID Département britannique pour le développement international
ERA-V Autorité de régulation de l’électricité au Vietnam vii
ERPA Contrat d’achat de réduction d’émission
FAO Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
FEM Fonds pour l’environnement mondial
GES Gaz à effet de serre
GIRE Gestion intégrée des ressources en eau
GWh Gigawatt heure
GWI Global Water Initiative
GWP Partenariat mondial pour l’eau
HSAF Forum d’évaluation de la durabilité de l’énergie hydroélectrique
IAIA Association internationale d’évaluation d’impact
ICR Rapport interne d’achèvement (Banque mondiale)
IHA Association internationale pour l’hydroélectricité
IIDD Institut international du développement durable
LCEE Loi canadienne sur l’évaluation environnementale
LFCD Lesotho Fund for Community Development
LHWP Lesotho Highlands Water Project
MW Mégawatt
NGPES Stratégie nationale pour la croissance et l’éradication de la pauvreté (Laos)
OBF Organisation de bassin fluvial
OCDE Organisation de coopération et de développement économiques
OMD Objectif du millénaire pour le développement
OMVG Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie
OMVS Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal
ONG Organisation non gouvernementale
ONU Organisation des Nations Unies
OSC Organisation de la société civile
PADD Plan d’action de développement durable du bassin du Niger
PAP Personnes affectées par le projet
PDIAM Projet de développement rural intégré en aval du barrage de Manantali
(Mali)
PDL Plan de développement local
PGIRE Programme de gestion intégrée des ressources en eau (OMVS)
PNUE Programme des Nations Unies pour l’environnement
PRM Projet de réinstallation de Manantali (Mali)
PSE Paiements pour les services écologiques ou environnementaux
RAOB Réseau africain des organismes de bassin
UICN Union internationale pour la conservation de la nature
USAID Agence américaine d’aide au développement
USCDI Initiative pilote de développement communautaire du Seli supérieur
(Sierra Leone)
WWF Fonds mondial pour la nature

viii
1ère partie

Expérience de l’Afrique de
l’Ouest en matière de gestion
des personnes déplacées par
les grands barrages

Par Mame Dagou Diop et Cheikh Mamina Diedhiou,


avec la collaboration de Madiodio Niasse
Introduction
1
La construction des grands barrages en Afrique de l’Ouest est l’une des
réponses des gouvernements pour relever les grands défis de la gestion de l’eau
afin de répondre aux besoins nationaux en matière d’irrigation et d’électricité.
Cependant, leur construction a souvent engendré des impacts socio-économiques
et environnementaux importants qui nécessitent aujourd’hui de lourds
investissements pour les atténuer.

Le cas des populations déplacées reste toujours un problème majeur sur


lequel les décideurs et planificateurs doivent se pencher. Touchées directement
par la construction des barrages, ces populations restent vulnérables à la
pauvreté compte tenu des contraintes économiques imposées par les zones de
déplacement (exiguïté des terres arables, absence d’activités génératrices de
revenus, etc.). En somme, ces populations bénéficient moins des barrages que
celles qui n’en ont pas subi les impacts directs.

Le débat tourne donc autour de la reconnaissance des droits de ceux qui sont
touchés par les barrages et le partage des bénéfices. Cela signifie que les
promoteurs, les opérateurs et les régulateurs du barrage doivent s’engager
à prendre des mesures de soutien pour le développement et le bien-être des
communautés locales et régionales qui sont touchées par le barrage.


Dans ce contexte, le programme « Global Water Initiative » (GWI, Initiative


mondiale pour l’eau) a entamé une réflexion pour faire le point sur la question
du partage des bénéfices issus des barrages en Afrique de l’Ouest. Le présent
document a été rédigé à partir de la documentation existante et il examine les
grands barrages et les déplacements de populations en Afrique de l’Ouest ; le
processus de déplacement et réinstallation ; et des mécanismes améliorés pour le
partage des bénéfices générés par les grands barrages.

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest




Ressources Naturelles no. 19


Les grands barrages et les déplacements
2
des populations en Afrique de l’Ouest
Au cœur du développement durable nécessaire au bien-être des sociétés ouest-
africaines se trouve la maîtrise humaine des ressources en eau. Cet impératif a
conduit les États de la sous-région à construire de nombreux barrages qui ont
engendré, entre autres impacts, le déplacement de nombreuses populations.

Ce chapitre fait une synthèse des potentialités ouest-africaines en termes d’eau


et de barrages et il résume les statistiques ainsi que les critères adoptés lors des
opérations de déplacement des populations.

2.1 Ressources en eau et grands barrages en Afrique


de l’Ouest
L’Afrique de l’Ouest compte 28 bassins fluviaux transfrontaliers qui couvrent
71 % de la superficie totale de la région (Fig. 1). Les plus importants sont le
Niger (partagé entre 11 pays si l’on prend en compte la partie non active du
bassin), le Sénégal (4 pays), la Volta (6 pays), le lac Tchad (8 pays), et la Comoé
(4 pays). La sous-région dispose aussi de réserves d’eau douce de l’ordre de
plusieurs milliards de mètres cubes, emmagasinées dans des nappes profondes.

Toutefois, il existe un paradoxe en ce sens que la ressource vient souvent à
manquer lorsqu’elle est requise. La non-disponibilité d’eau douce en Afrique
de l’Ouest se fait d’autant plus sentir qu’elle est exacerbée par la forte variation

Figure 1. Ressources en eau de l’Afrique de l’Ouest

Source : CEDEAO-CSAO/OCDE, 2006a

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


des niveaux de précipitations et des conditions climatiques. En l’absence
d’infrastructures adéquates pour maîtriser ces vicissitudes, les économies
nationales ont subi à la fois des inondations et des sécheresses. Face à cette
dégradation du contexte hydroclimatique, la construction de barrages s’impose
comme une solution logique pour augmenter les capacités de stockage d’eau,
réguler les débits et contribuer de façon significative au développement
économique des pays de la sous-région.

En Afrique de l’Ouest, la transformation des cours d’eau est une vieille pratique
(barrage de Kurra au Nigeria en 1929, barrage de Tougouri au Burkina Faso
en 1950). Cependant, il faut remonter au début des indépendances pour voir
émerger les grands barrages1 construits à des fins de production d’énergie et de
développement (p. ex. Akosombo au Ghana en 1964, Kossou en Côte d’ivoire
en 1970). D’après les données issues de la base de données AQUASTAT de la
FAO (FAO, 2009) et sur la base de la définition des grands barrages de la CIGB,
l’Afrique de l’Ouest compte plus de 150 grands barrages sur un effectif de
1 300 à l’échelle du continent, et de 45 000 à l’échelle mondiale.

La carte des grands barrages en Afrique de l’Ouest (Fig. 2) révèle clairement le


nombre limité de ces ouvrages par rapport au reste du monde (CEDEAO-OCDE,
2006a). Cette situation s’explique d’une part par la faiblesse des économies des
pays de cette sous-région qui sont dans l’incapacité d’assurer le financement

 Figure 2. Les barrages d’Afrique de l’Ouest

Source : CEDEAO-CSAO/OCDE, 2006a

1. Pour la Commission internationale des grand barrages (CIGB), un grand barrage a une hauteur de
15 mètres ou plus à partir de la fondation ; ceux d’une hauteur de 5 à 15 mètres et ayant un réservoir
d’un volume supérieur à 3 millions de mètres cubes sont également classés dans les grands barrages.

Ressources Naturelles no. 19


total de telles infrastructures. D’autre part, l’émergence d’arguments s’opposant
à ces ouvrages à travers le monde a fait reculer l’opinion publique nationale et
internationale ainsi que les institutions internationales qui jadis soutenaient de
tels projets.

Les deux plus grands barrages de l’Afrique de l’Ouest sont : le barrage


d’Akosombo sur la Volta au Ghana d’une hauteur de 134 mètres (4ème en
Afrique) et d’une capacité de 150 milliards de mètres cubes (3ème en Afrique) ;
et le barrage de Kossou sur le fleuve Bandama en Côte d’Ivoire d’une capacité
de 28 milliards de mètres cubes (6ème en Afrique). L’annexe 1 présente les
principales caractéristiques des grands barrages de l’Afrique de l’Ouest.

Plus de 50 % des grands barrages d’Afrique de l’Ouest sont prévus pour la


production hydroélectrique. Le bassin du Niger est le plus exploité actuellement
en Afrique de l’Ouest avec plus de 2 004 MW de capacité hydroélectrique
(Autorité du bassin du Niger, 2007). Les barrages permettent aussi la régulation
des débits naturels, variables selon les saisons et les années, pour satisfaire la
demande en hydroélectricité, la demande industrielle, la navigation, la demande
en eau potable et pour l’irrigation. C’est grâce à la construction de ces barrages
qu’il est possible d’envisager que l’agriculture irriguée puisse déboucher sur
l’autosuffisance alimentaire et, plus généralement, optimiser le développement
en Afrique de l’Ouest.

En plus de la production agricole enregistrée pendant la saison des pluies, les 


barrages permettent de développer les cultures de contre-saison du fait de la
disponibilité de l’eau tout au long de l’année et des cultures de décrue grâce
aux crues générées par ces barrages. Au niveau local, ces formes de culture
participent fortement à l’amélioration des conditions de vie des populations
en leur assurant une production tout au long de l’année. Enfin, les barrages
favorisent les activités de loisirs, le tourisme, la pêche et la pisciculture et il arrive
qu’ils soient propices à l’amélioration des conditions environnementales.

2.2 Les populations déplacées par les grands barrages et les


critères appliqués
La construction de barrages occasionne des opérations de déplacement et
de réinstallation des populations, souvent complexes et délicates, touchant
des milliers de personnes. Le Tableau 1 donne quelques exemples des
déplacements engendrés.

Les déplacements des populations ont été réalisés en conformité avec les
politiques environnementales et sociales des agences bilatérales ou multilatérales
de développement. Pour les déplacements entrepris avant la parution du premier
guide de la Banque mondiale en 1980, les critères retenus s’inspiraient des lois
nationales qui tendaient à défendre les intérêts de l’État plutôt que ceux des
personnes déplacées. Ainsi, à Akosombo, la loi foncière ghanéenne (Land Act de
1962 et ses amendements ultérieurs) met plus en exergue l’intérêt national pour
l’acquisition de terres et la loi sur l’aménagement de la Volta de 1961 donne à

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


Tableau 1. Nombre de personnes déplacées pour plusieurs grands
barrages désignés
Nom du barrage Pays Personnes déplacées Date du déplacement
Akossombo Ghana 80 000 1963

Kossou Côte d’Ivoire 75 000 1970

Kandji Nigeria 44 000 1967–1968

Sélingué Mali 15 000 1980

Nangbéto Togo/Bénin 10 600 1987

Manantali Mali 10 000 1986–1987

Garafiri Guinée 2 140 1999

Source : de Wet, 1999 ; Niasse et Ficatier, 2008

l’Autorité de la Volta le pouvoir d’administrer les terres affectées par le barrage, et


qui en sont à proximité immédiate (Banque mondiale, 1993 : 12).

A la fin des années 1980 et au début des années 1990, la Banque mondiale a
joué un rôle leader dans l’élaboration d’instruments politiques de réinstallation
volontaire. Elle a rédigé les premières directives complètes sur les études
 d’impact social des stratégies de développement. Ces politiques portaient sur
la directive opérationnelle 4.00 A d’octobre 1989 sur les études d’impact et sur
le Manuel d’évaluation environnementale daté de 1991 ; la directive 4.00 B de
politique environnementale sur les projets de barrages et de réservoirs d’avril
1989 ; et la directive opérationnelle 4.30 de juin 1990 sur les déplacements et la
réinstallation des populations. Cette dernière prônait que l’on fasse le maximum
(par des programmes de développement notamment) pour améliorer les revenus
et conditions de vie des personnes déplacées. Pour y parvenir, la directive
identifie un certain nombre de mesures :

n Le déplacement des populations doit être évité ou minimisé en explorant


toutes les options viables dans la conception du projet.

n Quand un déplacement involontaire de population est inévitable, un plan


de réinstallation doit être élaboré et mis en œuvre. Ce plan doit être conçu
comme un plan de développement dans lequel les populations déplacées sont
préparées et aidées pour bénéficier des avantages du projet de barrage.

n Les pertes que subissent les populations déplacées doivent être compensées en
fonction de leur valeur réelle de remplacement.

n Les populations à déplacer doivent être assistées dans le processus de


déplacement et doivent continuer à être épaulées dans leurs sites de
réinstallation pendant toute la durée de la phase de transition.

Ressources Naturelles no. 19


Encadré 1. Recommandation 5 sur la reconnaissance des droits et le
partage des bénéfices
Les négociations avec les personnes touchées doivent aboutir à des mesures d’atténuation
des conséquences, acceptées d’un commun accord. La responsabilité d’appliquer ces mesures
incombe à l’Etat et au promoteur du projet. Les groupes touchés sont considérés comme
prioritaires parmi les bénéficiaires du projet. Des mécanismes de partage des avantages sont
négociés à cette fin.

Commission mondiale des barrages, 2000

n Les populations déplacées doivent être appuyées dans leurs efforts en


vue d’améliorer leurs conditions de vie et leurs niveaux de revenus et de
production par rapport à ce qu’ils étaient avant leur déplacement. A défaut
d’être amélioré, le niveau de vie des populations déplacées doit au moins être
maintenu.

D’autres acteurs ont développé des critères de bonnes pratiques dans la gestion
des projets hydroélectriques. La Loi canadienne sur l’évaluation environnementale
(LCEE) du 23 juin 1992 est aussi utilisée et prévoit, entre autres dispositions :
que l’Agence canadienne de développement international (ACDI) (a) effectue
une évaluation environnementale du projet si elle en est le promoteur et/ou est
chargée de sa mise en œuvre, même partielle ; ou (b) accorde un financement,
une garantie de prêt ou toute autre aide financière en vue de sa réalisation
(Agence canadienne d’évaluation environnementale, 1992). Par ailleurs, en 2000, 
la Commission mondiale des barrages (CMB) a élaboré des recommandations
qui préconisent la reconnaissance des droits des personnes déplacées et leur
participation aux bénéfices issus des projets de barrage (Encadré 1).

En d’autres termes, suite à 50 ans d’expérience en matière de réinstallation


des populations, il est communément admis que les promoteurs du barrage,
les opérateurs et les régulateurs devraient s’engager à prendre des mesures
de soutien pour le développement et le bien-être des communautés locales
et régionales qui sont touchées par le barrage, et ce pendant la durée de vie
du projet (50-100 ans). Ce consensus reconnaît également que les conflits
et les plaintes sont moindres si les populations déplacées deviennent de vrais
partenaires dans le processus de développement et n’ont pas le sentiment d’être
laissées pour compte ; et que les conditions de vie de ces populations seront
effectivement meilleures si ces politiques sont respectées, ce qui promeut aussi
un sentiment d’appropriation collective du projet.

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


10

Ressources Naturelles no. 19


Réexamen du processus de réinstallation des
3
populations en Afrique de l’Ouest

Les opérations de déplacement et réinstallation des populations touchées par les


barrages ont mobilisé d’énormes efforts humains et financiers. Au vu des évaluations
actuelles, les résultats ont été inégaux en raison des facteurs que recense ce chapitre.

3.1 Un processus de réinstallation tronqué


L’enchaînement classique dans un processus de déplacement et de réinstallation est
un processus en quatre temps (Niasse et Ficatier, 2008) : (1) phase de planification
de la réinstallation et réalisation des premières infrastructures ; (2) phase dite de
transition durant laquelle les personnes entreprennent le déplacement proprement
dit ; (3) phase de développement économique et social ; (4) phase de retrait de
l’assistance-projet et d’intégration totale des personnes déplacées dans le tissu
économique régional.

En Afrique de l’Ouest, la plupart des processus de déplacement et de réinstallation


se sont concentrés sur la phase 1 et, dans une moindre mesure, la phase 2,
compte tenu des contraintes financières, humaines et de temps (Manantali) ou
encore de la réforme de la politique de développement rural (Akosombo). Ainsi, 11
le Projet de réinstallation de Manantali (PRM) n’était pas conçu comme un projet
de développement. L’USAID, principal bailleur, avait décidé que le projet ne devait
pas avoir pour objet le développement économique. Par conséquent, on s’est
contenté de reconstruire – autant que possible à l’identique – les infrastructures
préexistantes et/ou de verser une indemnité pour les pertes irrémédiables (Niasse et
Ficatier, 2008). Au Ghana, le Président Kwamé Khruma considérait la réinstallation
des populations affectées par le barrage d’Akosombo comme un projet spécial avec
des communautés agissant comme « fer de lance » de la modernisation agricole.
Malheureusement, son successeur le Président Busia a plutôt mis l’accent sur la
réforme du monde rural, plutôt que de monter des interventions spécifiques de
l’État dans le projet de la Volta.

De ce fait, les populations déplacées n’ont pas reçu une aide suffisante et, du
même coup, le projet de réinstallation, n’ayant pas été mené comme une initiative
de développement, a entraîné une détérioration des conditions de vie des
populations (de Wet, 1999). En outre, la durabilité des projets entrepris lors de la
phase de transition constitue l’un des problèmes de fond car, bien souvent, les
financements se tarissent dès la fin de la phase 2. Par conséquent, on en arrive à
la conclusion qu’il est impératif d’assurer un revenu durable pour aider les
personnes déplacées à subvenir progressivement à leurs besoins.

L’éclatement de conflits constitue également un imprévu majeur qui freine la


réalisation des barrages. La multiplication des projets de grands barrages, le

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


haut degré d’interdépendance des pays ouest-africains en matière d’eau et la
réduction notable de la disponibilité en eau de surface créent un terrain propice à
des tensions entre riverains. Une fois déclarés, les conflits perturbent le processus
de financement de ces ouvrages tant au niveau national qu’international. Et
lorsque le conflit est interne ou oppose des pays impliqués dans la réalisation du
barrage, le projet est gelé le temps de régler le conflit, ce qui peut prendre du
temps. Pendant cette période, le processus de gestion des populations locales
affectées par le projet de barrage est mis sur la touche. A titre d’exemple, le
décalage de 15 ans entre la fin de la construction du barrage de Manantali
(1988) et le début de la production d’énergie (2003) est en grande partie dû aux
relations qui sont restées longtemps tendues entre la Mauritanie et le Sénégal,
suite aux incidents de 1989.

3.2 Un bilan de réinstallation inégal


Dans l’ensemble, les évaluations ont fait ressortir des résultats positifs à court
terme. Les populations déplacées ont tiré des bénéfices des projets dans la
mesure où leur accès à l’eau potable, à la santé et à l’éducation s’est très
nettement amélioré. Ainsi, le barrage de Kandji au Nigeria a été cité comme un
excellent exemple de réinstallation réussie (de Wet, 1999), ayant bénéficié d’une
large consultation des populations durant le processus de planification et d’une
flexibilité dans les schémas d’aménagement que les populations déplacées avaient
la liberté de changer à leur guise en fonction de leurs besoins. La réinstallation
12 des populations du barrage de Manantali au Mali a été qualifiée de prouesse
technique (Niasse, 2005). Parmi les aspects positifs du processus de réinstallation,
on peut noter que : (i) les indemnisations ont fortement accru la disponibilité
d’argent liquide au sein des ménages déplacés ; (ii) des habitations de qualité ont
été construites tout en respectant l’architecture locale ; (iii) des infrastructures
sociales de qualité (écoles, points d’eau modernes, centres de soins) ont été
réalisées, sans commune mesure avec celles qui existaient dans les anciens
villages ; (iv) les pistes et routes réalisées ont permis de désenclaver les zones
d’accueil et de fluidifier les échanges inter-villageois ; (v) enfin, certains membres
des populations réinstallées ont bénéficié d’emplois dans les chantiers des barrages.

Cependant, nombreux sont les cas où des manquements sérieux ont été observés,
dus parfois à une absence de sensibilité socio-anthropologique de la part de ceux
chargés de gérer la phase de réinstallation des projets de barrage.

Ce fut le cas à Garafiri avec : (a) la non-prise en compte de la perte de champs


de berge et des terres rizicoles inondées ; (b) les techniques de pêche
traditionnelle saisonnière (pêche à gué, à la ligne ou à l’épervier) qui se sont
avérées inadaptées aux eaux du fleuve devenues profondes toute l’année (Niasse,
2005). Par ailleurs, les indemnisations n’ont pas toujours été à la hauteur des
attentes des populations déplacées. Quelle qu’ait été la politique appliquée, les
paiements compensatoires étaient généralement retardés. A Akosombo, les
villages d’accueil n’avaient pas perçu d’indemnisation pour les terres qu’ils avaient
mises à la disposition des personnes déplacées, causant ainsi des querelles

Ressources Naturelles no. 19


foncières (de Wet, 1999). A Nangbéto, les personnes déplacées ont dû attendre
trois ans pour recevoir le paiement final en espèces pour leurs maisons.

A Garafiri, il n’y a pas eu de sensibilisation ni de formation digne de ce nom des


personnes déplacées pour un usage efficient des compensations monétaires. Il
est fort probable que les compensations monétaires se soient envolées quelques
mois voire quelques semaines après avoir été versées aux personnes déplacées.
A Sélingué, le déplacement de la population (25 000 à 30 000 personnes) s’est
effectué juste avant la mise en eau et dans le chaos le plus total, le programme
n’ayant reçu aucun financement autre que celui de l’Etat malien. Les indemnisations
qui ont eu lieu ont davantage pris la forme de compensations en nature, sous
forme de dons de terres, de reconstruction des villages et quelques années plus
tard, d’aménagements de périmètres irrigués. De tels retards ont eu un impact
négatif sur les processus de réinstallation et de développement des zones d’accueil.

3.3 Une politique qui s’avère décevante pour les


populations affectées
Depuis le milieu des années 1990, les normes concernant le déplacement et la
réinstallation des populations dans les projets de barrage ont sensiblement évolué.
Afin d’améliorer les politiques de compensation des années 1980, les décideurs
et planificateurs ont déployé d’importants moyens financiers pour faire en sorte
que les conditions de vie des populations déplacées soient maintenues et, si 13
nécessaire, restaurées de manière à n’être en aucun cas moins bonnes qu’avant le
processus de déplacement/réinstallation. Toutefois, avec la mise en œuvre de cette
nouvelle politique, on constate que les conditions de vie des populations déplacées
et celles des hôtes se dégradent quelques années après la réinstallation. Les
évaluations réalisées font état d’un sentiment croissant d’insatisfaction au sein des
populations déplacées qui continuent, malgré l’aide reçue, d’imputer leur pauvreté
au déplacement involontaire et au manque de vision à long terme des processus
de réinstallation. Il se pose ainsi une question d’éthique et d’équité, d’autant plus
que les populations déplacées paient le plus lourd tribut pour des barrages qui
bénéficient davantage à d’autres groupes de la population (citadins, industriels
et autres). Aujourd’hui, les enjeux sont élevés en termes de développement, de
culture, de démographie, de droit foncier et de distribution de la richesse. Il est
donc primordial de veiller à ce que les populations déplacées tirent parti des
opportunités générées par les barrages afin d’améliorer leurs conditions de vie
à court et à long terme. Les exemples suivants démontrent qu’il y a urgence à
répondre à des attentes qui ont été déçues depuis plus d’une décennie.

Enjeux démographiques et fonciers


Les contraintes foncières dans les sites de réinstallation des populations déplacées
de Manantali constituent une véritable pomme de discorde. En effet, les premières
études socioéconomiques avaient sous-évalué, dans leurs estimations des besoins en
terre, les besoins liés à l’élevage. La dynamique démographique n’avait pas non plus
été suffisamment prise en compte car la population déplacée 20 ans plus tôt (1986

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


Encadré 2. Accès à la richesse près du lac Kossou
L’étude réalisée par le DFID et la FAO (Fabio et al., 2002) sur le profil de la pauvreté autour
du lac Kossou a fait ressortir que la première cause de la pauvreté perçue par les populations
riveraines était la destruction des plantations de café et de cacao. La mise en place des eaux du
lac a immergé 201 400 hectares de forêts, de savanes, de plantations et de villages, soit 5,6 %
de la superficie totale de la région. L’opération a ainsi entraîné l’engloutissement par les eaux de
près de 20 000 ha de plantations de café et de cacao appartenant aux populations riveraines,
signant ainsi l’arrêt de mort des pratiques et des mentalités qui s’étaient créées autour de ces
deux cultures de première importance. La population riveraine du lac de Kossou avait toujours
estimé que la richesse ne pouvait être générée que par le café et le cacao. A ce jour, les cultures
vivrières sont d’ailleurs destinées essentiellement à l’autoconsommation. Le produit de la vente
des excédents des cultures vivrières est réinvesti dans l’alimentation du ménage. Même quand des
surplus sont dégagés, le manque d’organisation et l’atomisation de la demande ne permettent
pas de tirer de meilleurs profits. Du fait des techniques rudimentaires et d’une gestion de l’eau
qui n’est pas maîtrisée, les rendements restent très modestes et ne permettent pas de dégager
de surplus commerciaux. Actuellement, la pêche apparaît comme une importante alternative
pour générer des ressources et un revenu. L’activité de pêche est essentiellement pratiquée
par des jeunes. Pour la plupart d’entre eux, cette activité est nouvelle. Ils ne connaissent pas
les différentes techniques et pratiques adaptées aux différents niveaux d’eau et aux différentes
saisons de pêche. Malgré tout, les jeunes s’adonnent à la pêche, d’abord parce qu’ils sont
désœuvrés et que les emplois sont difficiles à trouver, et ce même parfois pour de jeunes diplômés
de l’enseignement supérieur.

à 2006) a presque doublé, passant de 10 000 à l’époque à 25 000 aujourd’hui.


Ces raisons conjuguées font que les enjeux fonciers dans la zone de réinstallation de
14 Manantali sont très préoccupants. Par ailleurs, le sort des populations hôtes reste
aussi un problème majeur. Le village de Sobéla est l’hôte des villages réinstallés de
Tintila et de Koukouding. Malgré le fait que ce village ait bénéficié du PRM, il
demeure confronté à l’exiguïté des terres. D’après le chef de village, Sobéla étouffe et
les rapports de bon voisinage avec les villages accueillis se détériorent. Cette situation
est, semble-t-il, aggravée par l’arrivée périodique de populations de passage. Cette
question foncière semble si grave que le bilan global depuis la construction du
barrage de Manantali est jugé plutôt négatif par les villageois. A Nangbéto au Togo,
le réservoir a déplacé 10 600 personnes en 1987. Les migrations intérieures et la
croissance démographique naturelle ont désormais engendré une situation de
surpopulation qui contrarie le système traditionnel d’agriculture extensive avec
rotation des cultures. Parce que leurs revenus ne leur permettent pas d’acheter des
engrais, des semences améliorées et autres intrants nécessaires pour sauvegarder la
fertilité des sols, les populations déplacées sont souvent prises dans un cercle vicieux
de baisse de leurs rendements et de recul de leurs revenus (Banque mondiale, 2000).

Enjeux culturels
La question culturelle est souvent plus difficile à régler. A Garafiri en Guinée,
les mosquées inondées n’ont pas été reconstruites et n’ont fait l’objet d’aucune
compensation, ce qui témoigne d’un manquement notoire du programme de
réinstallation. Il va de soi qu’il était tout naturel de donner un lieu de prière aux
populations déplacées pour les aider à faire face au traumatisme associé au fait de
quitter le lieu où on est né et où sont enterrés des aïeux et des êtres chers pour
gagner une nouvelle terre totalement étrangère et parfois perçue comme habitée

Ressources Naturelles no. 19


par des esprits maléfiques. A Manantali, le problème des cimetières inondés et
des ancêtres ensevelis sous l’eau reste une question taboue que les populations
déplacées ont visiblement de la peine à évoquer. Il s’agit là de l’un des problèmes
les plus délicats à gérer à travers le monde dans le cadre des programmes de
déplacements involontaires.

Dans un contexte aussi complexe, il est donc important de faire en sorte que les
populations réinstallées bénéficient des opportunités générées par les barrages
afin d’améliorer leurs conditions de vie à court et long terme. Pour y parvenir, des
programmes de développement à long terme de 30 à 50 ans, qui ne dépendent
pas de « projets » sur 3, 5 ou 10 ans, devraient honorer les mesures classiques
de compensation et de remplacement des biens et ressources perdus. Toutes
les populations négativement touchées par les barrages devraient pouvoir se
prévaloir des opportunités qui découlent des barrages : électricité (dans le cas
des barrages hydroagricoles), terres irriguées (dans le cas des barrages réalisés
à des fins agricoles), eau potable, pêche, etc. Dans la mesure du possible, une
partie des revenus générés par le barrage (par exemple, le produit de la vente de
l’électricité générée) doit aider à soutenir les activités de production ou à améliorer
les conditions de vie des populations ayant été déplacées pour permettre la
construction du barrage.

3.4 Amélioration des mesures de compensation et de


développement 15
Le rapport « Barrages et Développement » (Commission mondiale des barrages,
2000) a démontré que « les barrages ont largement contribué au développement
humain, et les avantages qui en résultent ont été considérables ». Cependant, le
rapport souligne que « les populations réinstallées ont rarement recouvré leurs
moyens de subsistance, les programmes de réinstallation étant centrés sur le
relogement plutôt que sur le développement économique et social ». Par ailleurs, il
est noté que les principaux bénéficiaires des barrages vivent habituellement loin des
sites de barrage. De façon générale, les populations vivant dans la zone du projet
et touchées par les effets négatifs des barrages bénéficient peu des retombées.

Il est par conséquent nécessaire de prendre des mesures novatrices pour indemniser
les populations concernées et partager avec elles une partie des avantages générés
au cours de la construction et durant l’exploitation des barrages (voir 2ème partie).
Les mécanismes de partage des bénéfices sont généralement considérés comme
l’un des moyens les plus efficaces pour combler les insuffisances de l’indemnisation
en espèces et pour corriger la façon dont les personnes déplacées ou affectées
par le projet ont été traitées. D’un point de vue éthique et de justice sociale, il est
logique qu’une partie de la rente économique soit restituée aux populations locales
(Egré, 2007). Afin de mettre en œuvre cette idée, la Banque mondiale a inclus dans
son Plan d’action pour la planification et la gestion des barrages un volet dédié au
partage des bénéfices issus des barrages (Groupe de la Banque mondiale, 2002).
Le GWI a également lancé une réflexion pour faire le point sur le partage des
bénéfices générés par les barrages en Afrique de l’Ouest.

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


Mise en place d’un Fonds d’affectation spéciale de réinstallation par
l’Autorité du bassin de la Volta
Trente ans après le déplacement/la réinstallation des populations, des constats
s’imposent sur la dégradation des conditions de vie. Si les populations des villes
et les industries bénéficient des barrages sous forme d’électricité bon marché, les
communautés déplacées sont confrontées à des problèmes de santé publique et
d’indemnisations insuffisantes (Kalitsi, 2004).

En conséquence, le gouvernement ghanéen et l’Autorité du bassin de la Volta


ont mis en place en 1996 un Fonds d’affectation spéciale de réinstallation. Avec
une dotation de 500 000 US dollars par an, le Fonds a pour objectif d’améliorer
les conditions de vie des populations réinstallées à la suite de la construction
du barrage d’Akosombo. Le Fonds est financé par le gouvernement chinois.
Entre 2000 et 2003, le Fonds a permis d’électrifier les villages de réinstallation,
d’installer des infrastructures modernes d’eau et d’assainissement, d’améliorer
l’éducation et les conditions sanitaires, et de réhabiliter/construire des routes et
voies d’accès.

Une politique pour que les conditions de vie des populations déplacées
soient améliorées grâce aux programmes de développement
Face aux problèmes que soulèvent les opérations de déplacement, certains
décideurs affichent des objectifs plus ambitieux, par exemple l’inclusion dans
16 les projets de barrage d’une composante d’appui aux populations déplacées pour
faire en sorte que le projet de barrage soit pour elles une opportunité
de développement.

Ainsi, l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS) s’investit dans
le développement socioéconomique et la protection de l’environnement du bassin,
suite à la construction des barrages de Diama et de Manantali pour la régulation
des ressources en eau. En complément de ces programmes macroéconomiques,
l’OMVS a inclus dans sa stratégie des actions pour améliorer le niveau de vie, les
revenus et la productivité. Ainsi, les populations bénéficient déjà du potentiel de
ressources en eau et d’énergie générées par les barrages. Des mesures
d’accompagnement sont entreprises par le biais de : (i) l’électrification de la zone
de Manantali (où se situent les villages des déplacés), (ii) la mise en œuvre d’un
programme d’électrification rurale des principaux villages du bassin (10 villages par
pays) ; et (iii) la mise en œuvre d’un programme de microsubventions d’activités
génératrices de revenus afin de renforcer la dynamique de réduction de la pauvreté.

Un cadre politique inspiré d’un partage équitable


La majorité des grands barrages se situent dans des bassins fluviaux transfrontaliers
qui sont aujourd’hui gérés par des organismes de bassin transnationaux (p. ex. ABV,
ABN, OMVS, OMVG). Ces organismes ont mis en place des instruments politiques
qui militent en faveur d’un partage équitable des bénéfices générés.

Ressources Naturelles no. 19


Ainsi, en ce qui concerne l’Autorité du bassin du Niger par exemple, la « Vision
partagée » de l’ABN sur le développement stratégique du bassin montre la
reconnaissance par les Etats membres de leurs droits et obligations relatifs à
l’usage de leurs eaux superficielles communes, ainsi que le rôle qu’ils doivent
jouer pour contribuer à réduire la pauvreté, accroître la sécurité alimentaire et
protéger l’environnement (Principe 3 de la Déclaration de Paris). Le partage des
bénéfices devra être basé sur une approche multi-usages englobant tous les cas
de prélèvement d’eau (irrigation, élevage) mais en tenant aussi compte des usages
non consommateurs (pêche, navigation, électricité, environnement) (ABN, 2007).

3.5 Une nouvelle génération de plans de réinstallation


Dans les projets futurs de barrages entrepris par certains organismes de bassin
(p. ex. OMVG, ABN), les stratégies de réinstallation incluent des plans de
développement local « afin que les populations affectées puissent adapter leurs
activités économiques aux nouvelles réalités et être les principales bénéficiaires
des opportunités créées par le programme » (ABN, 2007).

La stratégie de réinstallation de Kandadji


Le projet de barrage de Kandadji est considéré comme un programme majeur
pour le Niger. Le projet prévoit de coupler au barrage une centrale hydroélectrique
de 130 MW avec une production annuelle de 620 MWh. En outre, l’ouvrage
permettra de stocker 1,6 milliard de mètres cubes d’eau et d’exploiter quelque 17
222 000 ha pour une production vivrière de quelque 320 000 tonnes.

Au total, il est estimé que 5 290 ménages devront être déplacés, ce qui
représente 34 710 personnes. L’ensemble des compensations s’élève à 54,1
milliards de FCFA, y compris une réserve de 8,8 milliards pour couvrir les hausses
anticipées dues à l’inflation. Au-delà du paiement des compensations, la stratégie
de réinstallation renferme aussi un Plan de développement local (PDL) qui vise
à permettre aux personnes déplacées de retrouver un niveau de vie équivalent
ou supérieur à celui qu’elles avaient avant la réalisation du programme. Ce plan
comprend un programme à court terme (Phase 1) et un programme à moyen
terme (Phase 2).

La Phase 1, d’une durée de cinq ans, vise à appuyer les populations de la zone du
barrage de Kandadji, soit environ 3 600 personnes, qui seront les premières à être
déplacées pour permettre les travaux de construction du barrage. Elle vise à aider
ces populations à démarrer des activités économiquement rentables dans un délai
relativement court et contribuer ainsi au développement économique durable de
leurs communautés.

La Phase 2, d’une durée de dix ans, vise une mise en valeur des ressources
disponibles pour satisfaire les besoins de 31 000 personnes supplémentaires qui
seront déplacées pour la mise en eau du réservoir. Elle appuiera principalement
le développement des secteurs primaire (agricole, pastoral, piscicole, sylvicole),

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


secondaire (unités de transformation, artisanat, etc.) et tertiaire (tourisme, etc.),
ouvrant ainsi de bonnes perspectives de développement.

L’existence de projets d’appui à long terme au-delà de cette période dépendra de


la capacité de l’Etat à trouver des financements.

La stratégie de réinstallation du futur barrage de Sambangalou


(bassin de la Gambie)
Dans le cadre du développement du potentiel énergétique du fleuve Gambie,
l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie (OMVG) a élaboré un
programme d’aménagement des sites hydroélectriques de Sambangalou (120 MW,
400 GWh d’énergie moyenne annuelle), et de Kaléta (105 MW, 900 GWh
d’énergie moyenne annuelle).

Comme le projet de Sambangalou affectera environ 2 500 personnes (Banque


africaine de développement, 2004), une stratégie de réinstallation est en cours
de finalisation. Outre la stratégie de réinstallation des personnes affectées par le
projet (PAP), la principale initiative complémentaire prévue sera le PDL qui sera
élaboré dans ses grandes lignes sur la base des recommandations faites à cet
effet dans le cadre de la stratégie de réinstallation (OMVG, 2006). Le PDL visera
à bonifier la stratégie de réinstallation et à transformer ses impacts négatifs très
perturbateurs en opportunités de développement. Le PDL facilitera la transition
18 économique des populations déplacées de façon non seulement à restaurer leur
niveau de vie, mais à l’accroître. Il s’efforcera d’apporter des réponses concrètes
aux problèmes locaux. Sa mise en œuvre devra être suivie de manière rigoureuse.
Le PDL devra tenir compte des préoccupations réelles des communautés locales
conformément au processus de décentralisation en cours au Sénégal et en Guinée.
Les initiatives de développement local qui seront intégrées dans le PDL génèreront
une activité économique supplémentaire qui profitera autant aux personnes
affectées directement par le projet qu’aux populations de la région. Le PDL de
Sambangalou s’inscrit dans l’objectif de réduction de la pauvreté que se sont fixé
les gouvernements du Sénégal et de la Guinée.

Faire des barrages une opportunité de tourisme durable


Bagré, au Burkina Faso, connu pour son grand barrage hydro-agricole, ses plaines
rizicoles et ses ressources halieutiques, se dote à présent d’un centre écotouristique
en raison de la présence d’une centaine d’hippopotames, d’une quarantaine
d’espèces de poissons et d’une faune aviaire très diversifiée. L’objectif de ce projet
est de valoriser le tourisme tout en développant l’écocitoyenneté. Ainsi, le centre
écotouristique de Bagré, qui est à 85 % achevé, présentera 28 villas de type F1 à
F4 (toutes climatisées) avec une capacité d’accueil de 150 personnes, un complexe
restaurant-bar, une piscine, une salle d’artisanat et une salle de conférences de
100 personnes. Il est aussi prévu un parc animalier, un arboretum pour élèves
et chercheurs, et un centre médical. L’innovation majeure du centre sera sans
conteste la plage artificielle qui s’étendra sur 3 km.

Ressources Naturelles no. 19


Conclusions
4
Voilà plus de 40 ans qu’avec l’appui de leurs partenaires (Banque mondiale,
Banque africaine de développement, USAID, Banque islamique de
développement, financements du Kuweit et de l’Arabie Saoudite ainsi que d’un
certain nombre d’autres pays comme la France, l’Allemagne et le Canada),
les décideurs d’Afrique de l’Ouest se sont engagés dans la construction de
barrages. Malgré leurs nombreux impacts, ces barrages procurent aujourd’hui
des ressources inestimables et des opportunités de développement pour
réduire la vulnérabilité des populations face à la pauvreté récurrente.

La valeur des barrages pour le développement de la sous-région est


incontestable. Mais sur les 150 grands barrages déjà construits dans la sous-
région, il existe très peu de bilans des opérations de réinstallation qui soient
accessibles au public, peut-être une dizaine seulement. Il est légitime de
se demander si les programmes d’apprentissage menés au niveau régional
l’ont été afin de contribuer à la réussite des projets futurs. Certains pays ont
très peu de barrages, voire aucun, et ont donc peu d’expérience pratique
dans ce domaine. Or, le Plan d’action de développement durable du bassin
du Niger (PADD) envisage la construction de plus de 26 nouveaux barrages
pour lesquels cette expérience serait précieuse. Bien que les processus de
déplacement/réinstallation des populations aient un bilan pour le moins inégal, 19
les décideurs et planificateurs des barrages devraient doter les populations
déplacées d’infrastructures et de moyens pour atténuer les conséquences à
court terme du déplacement.

En l’absence de ressources et de stratégies de développement à long terme,


les populations déplacées éprouvent des difficultés à se relever, outre le
choc psychologique d’avoir vu une partie de leur patrimoine engloutie par
les réservoirs. Ainsi, après la période faste qui fait immédiatement suite aux
indemnisations, beaucoup de populations déplacées ont vu leurs conditions
de vie se détériorer au fil du temps. L’exiguïté des terres, la démographie
galopante, l’absence d’activités génératrices de revenus et les conflits avec les
autochtones constituent autant d’obstacles supplémentaires. Les populations
déplacées ont le sentiment d’être laissées pour compte, sacrifiées à l’autel du
progrès, sentiment renforcé par le fait qu’il est rare qu’elles bénéficient des
avantages générés par ces barrages, pour lesquels elles ont pourtant payé un
lourd tribut.

Grâce à un environnement politique favorable au partage des bénéfices,


les décideurs cherchent à élaborer des stratégies pour pallier cette injustice
faite aux populations déplacées. Des programmes de développement sont
mis en place pour créer un environnement de production favorable pour
les communautés touchées. Bien qu’il soit difficile de prescrire des règles
pour garantir le respect du principe selon lequel « les conditions de vie des

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


populations touchées doivent être améliorées », certains des organismes de
bassin essaient de promouvoir le partage des bénéfices dans le cadre de
leurs programmes de développement de l’hydroélectricité, de l’irrigation, etc.
Conscientes des erreurs passées, les nouvelles stratégies de réinstallation pour
les futurs barrages anticipent déjà sur la problématique en mettant en place
de véritables plans de développement local. Le défi consiste à s’assurer que ces
programmes soient structurellement liés à la durée de vie des barrages.

20

Ressources Naturelles no. 19


2ème partie

Améliorer le partage
des bénéfices autour des
grands barrages

Par Lawrence Haas


Introduction
5
Les moyens de développer et de gérer durablement les grands barrages, mais
aussi de répartir plus équitablement les bénéfices et les coûts qu’ils engendrent au
sein de la société, ont récemment été au cœur des réflexions internationales. Cela
s’explique en partie parce que les principes d’un partage équitable des bénéfices
sont incarnés dans plusieurs mouvements complémentaires plus larges en faveur du
développement durable et d’une réforme de la gouvernance du secteur de l’eau qui
émergent à travers le monde.

Divers efforts sont actuellement déployés dans différents contextes en vue de


garantir des mécanismes de sauvegarde, notamment :

n Des moyens concrets d’adopter les principes de gestion intégrée des ressources
en eau (GIRE) qui considèrent l’eau comme un bien économique, social et
environnemental doivent être identifiés. Il incombe à toutes les parties prenantes
et non aux seules organisations de l’eau de travailler en partenariat pour parvenir
à intégrer ces éléments et ces dimensions.2
n La réduction de la pauvreté doit être un but explicite de la fourniture des
infrastructures, particulièrement dans le cas des grands barrages qui ont souvent
un impact défavorable disproportionné sur les communautés locales et les
usagers traditionnels des fleuves.
23
n Les synergies intersectorielles entre gestion foncière, génération de revenus locaux
et gestion durable des barrages en guise d’actifs physiques doivent être capturées.
Ainsi, la prolongation de la durée d’exploitation des réservoirs par la plantation
d’arbres dans les zones de protection des sources ou l’adoption de pratiques
culturales et de pâturages qui luttent contre la désertification, l’érosion du sol et les
processus de sédimentation des bassins fluviaux assurent des bénéfices multiples.3
n Des actions locales capables de protéger et de gérer les fonctions et les services
des écosystèmes aquatiques dans les fleuves, les plaines inondables et les zones
humides dont dépendent les populations pour leurs moyens de subsistance
doivent être financées.
n Des mesures novatrices et des mécanismes d’incitation doivent être fournis, qui
renforcent les capacités locales afin d’adapter les systèmes d’exploitation des
ressources foncières et hydriques aux changements climatiques.4

Le partage équitable des bénéfices est un raisonnement et une approche pratique


pour galvaniser et financer des actions locales qui associent bon nombre des
composantes de la réforme de la gouvernance de l’eau et du développement
durable dans le cadre de la GIRE. Les mécanismes renforcent l’équité sociale dans
2. Ces préoccupations ont été exprimées lors du 3ème Forum mondial de l’eau et de la Conférence ministérielle
qui ont eu lieu au Japon en 2003 ; elles ont ensuite été renforcées lors du 4ème Forum mondial de l’eau à
Mexico en 2006.
3. Prolonger les périodes d’exploitation des réservoirs des barrages augmente les bénéfices multiples et la
génération de revenus.
4. Parallèlement au rôle que joue le partage de bénéfices dans l’augmentation des capacités à mettre en œuvre
des mesures de gestion communautaire des bassins qui permettent l’adaptation aux changements climatiques
ainsi que la gestion adaptative des barrages en vue de maximiser les recettes de développement à long terme en
fonction de l’évolution des conditions hydrologiques.

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


les stratégies d’exploitation d’infrastructures et ils promeuvent la pérennité au
lieu d’avoir une approche réductrice qui se contente d’optimiser les barrages en
tant qu’actifs physiques chargés de fournir des services d’eau et d’énergie ou des
bénéfices pour la navigation.

Au-delà du secteur des barrages, le partage de bénéfices est aussi très prisé de
nos jours dans d’autres secteurs d’extraction et de transformation des ressources
naturelles. Il existe de nombreux modèles dans les secteurs minier, pétrolier et
forestier qui vont des fonds de recettes administrés au plan national qui ciblent
l’amélioration des services publics pour les communautés touchées, aux contrats
de partage des revenus entre les sociétés (ou entreprises publiques de production)
et les communautés locales (Fischer, 2007).5 Le partage de bénéfices est désormais
communément accepté comme un moyen d’étendre les bénéfices nés de
l’utilisation des ressources à toute l’économie, pour galvaniser une croissance plus
générale et appuyer des politiques d’équité sociale.

On rencontre aussi la pratique dans les domaines émergents de gestion des


ressources. Ainsi, la Convention sur la diversité biologique (CDB) et les organes
intergouvernementaux du système onusien élaborent activement des lignes
directrices nationales en vue de régir le commerce biologique international lié à
l’utilisation des ressources génétiques. La philosophie consiste à partager les revenus
de sources telles que les brevets internationaux entre les gouvernements et les
communautés locales où l’on trouve des plantes médicinales.6
24
Plus étroitement liés aux barrages, les paiements pour les services écologiques ou
environnementaux (PSE) constituent un nouvel outil pour promouvoir l’adoption
de nouvelles pratiques de gestion foncière importantes pour l’administration des
bassins fluviaux (Sadoff et al., 2008). Les ressources financières pour les PSE peuvent
provenir de plusieurs sources, y compris du partage des revenus des barrages (ce qui
est particulièrement pertinent là où les PSE rendent possibles des actions locales qui
prolongent la durée d’exploitation des réservoirs et soutiennent les flux de revenus
à long terme issus des services des barrages, comme indiqué précédemment). Cette
approche est jugée comme économiquement et financièrement défendable lorsque
l’assurance de petits versements issus des profits générés par le projet et accordés
aux organisations communautaires locales ou aux petits exploitants individuels fait
pencher la balance en faveur d’une utilisation foncière mutuellement bénéfique.

Ce document analyse des expériences et des approches réalisées de par le monde


afin de promouvoir le partage des bénéfices autour des grands barrages ; en
outre, il formule des propositions pour faire avancer cette question en Afrique de
l’Ouest. Un partenariat multipartite regroupant le gouvernement, l’industrie et les
organisations de la société civile semble être le meilleur moyen de maximiser la
valeur ajoutée du projet pilote par le biais d’une approche d’apprentissage partagé
qui assure une plus large dissémination des résultats.
5. Fischer examine des exemples dans les industries minières et pétrolières. Au Vietnam, dans le cadre du Programme
forestier 661, des personnes et des communautés reçoivent des paiements pour protéger les bassins versants par la
plantation d’arbres. D’autres lois prévoient le partage direct de revenus provenant de ventes de produits forestiers
entre les communautés locales et les entreprises forestières étatiques pour assurer une relation harmonieuse de
partage des bénéfices entre, d’une part, les ouvriers, l’Etat et les entreprises forestières étatiques et, d’autre part,
entre les entreprises forestières étatiques et les communautés. Article 2 (point 3) de la Décision PMO 187, 1999.
6. Voir http://www.cbd.int/abs

Ressources Naturelles no. 19


Vers des solutions inclusives et durables
6
Le partage de bénéfices peut avoir un impact radical et transformateur sur la
façon dont les sociétés abordent ensemble la prise de décisions concernant les
barrages et le développement.

6.1 Pourquoi se préoccuper du partage des bénéfices ?


Plusieurs thématiques transversales illustrent pourquoi le partage des bénéfices a
fait l’objet d’une attention grandissante en connexion avec les barrages.

Approche gagnante du point de vue de tous les acteurs : peut-être le fait


le plus révélateur est qu’un examen approfondi montre que l’introduction de
mécanismes de partage des bénéfices est positive du point de vue de tous les
acteurs. Elle permet aux communautés affectées par les projets et aux usagers
traditionnels des fleuves, tout comme aux populations résidentes concernées par
la gestion des bassins, de devenir partenaires le temps d’un projet. Par ailleurs, elle
leur permet de mieux se faire entendre lors des prises de décisions qui les touchent
et de figurer parmi les premiers bénéficiaires du projet, et non pas les derniers.

Du point de vue du gouvernement, le partage des bénéfices est un instrument


politique très pratique pour obtenir une meilleure intégration sociale et un meilleur 25
équilibre entre les facteurs sociaux, économiques et environnementaux dans la
planification, la conception, la mise en œuvre et la gestion des projets hydro-
électriques.7

Du point de vue de l’exploitant d’un barrage, le partage des bénéfices accroît la


capacité à travailler efficacement avec les communautés locales. Il est important
d’entretenir de bonnes relations avec les communautés pour maintes raisons, qui
vont de la réduction des risques de retard dans les projets, à l’amélioration des
perspectives de coopération locale dans la gestion du bassin et la mise en œuvre
des mesures d’atténuation environnementale prescrites par la loi, sans oublier le
risque pour l’image de marque de l’exploitant. Du point de vue des investisseurs
potentiels, la présence d’un cadre explicite de politique générale avec des
dispositions réalistes pour le partage des bénéfices au niveau local tend à suggérer
que, tout bien pesé, les communautés locales affectées et l’opinion publique
soutiendront vraisemblablement le projet concerné. En conséquence, l’exposition
au risque se trouve réduite pour les investisseurs et ils sont plus enclins à prêter
leur concours au projet.

7. Si les barrages constituent la meilleure option pour le développement, cela implique également moins de
vulnérabilité aux secousses internationales des prix du pétrole pour la génération d’électricité et au fardeau de
dette insoutenable associé à l’importation de carburant dans des pays tels que la Sierra Leone.

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


Enfin, du point de vue du consommateur (ménages, services ou industrie), cela
signifie que des décisions peuvent être prises en vue de développer au maximum
les ressources en eau et d’assurer des services d’eau et d’électricité que l’on
espère à terme plus sûrs, plus fiables et moins coûteux.

Corriger les insuffisances passées : Le partage de bénéfices permet de rectifier


un grand nombre d’insuffisances passées bien documentées en termes de
planification et de gestion de barrages.8 Il s’agit, entre autres, du non-respect
d’engagements sociaux envers les communautés affectées par les projets et du
non-financement des mesures d’atténuation environnementale.9 Trop souvent,
ces engagements se fondaient sur des ressources que l’on croyait pouvoir prélever
sur des budgets nationaux déjà trop sollicités ou sur les apports éphémères de
bailleurs de fonds. De ce fait, comme on pouvait s’y attendre, un grand nombre
d’engagements n’étaient pas honorés. Cette nouvelle approche souligne la
nécessité d’assurer un financement continu à plus long terme.

Proposer des solutions durables : Le partage de bénéfices s’inscrit en


complément d’autres réformes en matière de gestion de l’eau et des efforts
en vue de délivrer des stratégies d’infrastructures durables. Ainsi, on donne au
principe de subsidiarité de la GIRE un contenu tangible lorsque les mécanismes
de partage de bénéfices habilitent des actions locales en vue d’éradiquer la
faim, de réagir aux circonstances environnementales inattendues dans la gestion
26 des barrages et de faciliter les partenariats de développement au niveau local.
Plus généralement, des arrangements de partage équitable, perçus comme
étant justes et élaborés dans un esprit de collaboration, peuvent transformer un
conflit potentiel en consensus dans la planification et la gestion du barrage. Les
communautés des bassins et toutes les parties prenantes ont ainsi l’occasion de
se concentrer sur la création de synergies afin de maximiser les opportunités de
développement local par le biais d’investissements nationaux dans la fourniture
d’infrastructures.

Si les avantages génériques sont clairs, les facteurs qui incitent les gouvernements
à introduire des mécanismes de partage de bénéfices au niveau local sont
spécifiques au contexte.

Comme indiqué à l’Annexe 2, c’est une combinaison de pressions politiques


locales et de réformes des marchés nationaux de l’énergie qui ont inversé
l’équilibre des forces en faveur du partage des bénéfices au Vietnam.10 L’accord
de la Sierra Leone pour intégrer des arrangements de partage de bénéfices dans
le projet hydroélectrique de Bumbuna d’une puissance de 50 MW a été motivé

8. Parmi ceux-ci figurent les processus multipartites, tels que la CMB de 2000.
9. Le non-respect de ces engagements était une cause fréquente de controverse autour des grands barrages,
surtout ceux ayant trait à la restauration des moyens de subsistance des communautés affectées par les projets,
au-delà de l’indemnisation et de l’aide à la réinstallation.
10. Les pressions politiques locales se sont amplifiées pour gagner les provinces parce qu’il a fallu jusqu’à 10 années
pour ramener les communautés déplacées en raison des barrages à un niveau de vie comparable à celui dont elles
jouissaient avant le projet.

Ressources Naturelles no. 19


par des considérations multiples. Hormis l’objectif stratégique de contribuer
à s’attaquer aux causes profondes de 11 années de guerre civile en veillant à
ce que les communautés locales tirent des bénéfices du développement des
ressources, il existait aussi une foule de raisons spécifiques au projet, comme le
montre le Tableau 2.

Tableau 2. Objectifs multiples pour l’intégration de mécanismes de


partage des bénéfices dans la centrale hydroélectrique de 50 MW de
Bumbuna en Sierra Leone
Satisfaire les besoins En plus de la restauration de l’approvisionnement national
immédiats et les attentes des en énergie électrique comme priorité de reconstruction
communautés les plus pauvres d’après-guerre, des communautés rurales reculées et pauvres
de la zone de projet du bassin espéraient tirer parti du projet (alors qu’en fait il
n’était pas prévu de budget pour l’électrification rurale à
court terme).

Eviter les conflits Veiller à ce que les communautés indirectement touchées


intercommunautaires sur la puissent aussi avoir accès aux bénéfices, alors que seules
question de savoir qui reçoit les communautés déplacées et les communautés d’accueil
des bénéfices du projet et qui étaient autorisées, en vertu des lois en vigueur, à bénéficier
n’en reçoit pas des budgets d’indemnisation et de réinstallation associés au
projet.
Soutenir la nouvelle politique Créer un fonds communautaire en complément des
de développement décentralisé ressources gouvernementales limitées pour assurer un
du gouvernement développement décentralisé. La gestion du fonds était
27
liée aux systèmes traditionnels tribaux et nouveaux de
développement de district et au renforcement des capacités.
Financer la gestion Se servir du Bumbuna Trust comme mécanisme de
environnementale à long financement à guichets multiples non seulement pour le
terme et les composantes partage de bénéfices mais aussi comme source sûre de
sociales du projet de barrage financement pour la gestion à long terme du bassin et les
mesures de gestion environnementale, que les budgets
gouvernementaux ne pourraient pas financer.
Etablir un précédent pour le Le premier grand projet hydroélectrique de Sierra Leone
partage au niveau local du pourrait également servir de modèle aux composantes
développement national des futures du schéma de développement de projet (Bumbuna
ressources en eau est en effet la première phase d’un développement à phases
multiples), ce qui renforcerait la confiance de l’opinion envers
les approches inclusives en matière de développement des
ressources.

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


6.2 Principes généraux et perspectives en matière de
partage des bénéfices
Les principes généraux de partage des bénéfices s’appliquent de la même façon
au partage de bénéfices entre Etats riverains qu’au partage entre niveau national
et local.11 On peut citer trois approches générales au partage de bénéfices
nationaux de développement de barrages avec les communautés locales et les
populations des bassins fluviaux :

1. Partage équitable de services de projet : aux termes duquel les populations


locales reçoivent, en tant que bénéficiaires cibles, un accès équitable aux
services d’eau et d’électricité produits par les projets de barrage en vue de
soutenir leurs opportunités de développement et de bien-être social ;12
2. Formes non monétaires de partage de bénéfices : aux termes desquelles les
bénéficiaires cibles reçoivent des droits leur permettant d’accéder à d’autres
ressources naturelles ou à un appui en vue de poursuivre d’autres formes
de moyens de subsistance et d’amélioration de leurs conditions de vie, qui
compensent la perte ou la réduction d’accès aux terres ou aux ressources en
eau provoquée par le barrage ;13 et
3. Partage de revenus : aux termes duquel les bénéficiaires cibles partagent une
partie des bénéfices monétaires que le projet génère, généralement exprimés
comme une portion du revenu sur les ventes générales d’électricité ou les
ventes générales d’eau sur une base annuelle.
28
Ces arrangements sont généralement permanents ou maintenus pendant la durée
de vie économique du projet de barrage. Ils démarrent une fois que le projet est
opérationnel.

D’autres formes de partage des bénéfices peuvent commencer durant les phases
de mise en œuvre du projet, qui peuvent s’étendre sur plusieurs années. Parmi
celles-ci, on peut citer des investissements en vue de maximiser l’utilisation
de la main-d’œuvre locale dans les travaux de construction et la fourniture
locale de biens et services au projet, de même que des investissements dans les
infrastructures physiques telles que les routes locales (p. ex. pour faciliter l’accès

11. Les dispositifs multinationaux sont typiquement plus complexes à cause des dimensions de partage de coûts,
les bénéfices réalisés par chaque pays variant entre eux, et les accords peuvent prendre des décennies à conclure
en fonction de la complexité des relations politiques entre les Etats.
12. Pour les services d’électricité, on peut considérer une gamme de mesures telles que (i) l’électrification
obligatoire des communautés réinstallées ; (ii) la priorité aux programmes d’électrification rurale pour la
connexion ou pour de meilleurs niveaux de service ; (iii) l’assistance financière pour la connexion de ménages
et éventuellement des appareils à faible consommation d’énergie, pour l’éclairage, etc. ; et (iv) des tarifs
préférentiels d’électricité pour une période de temps déterminée.
13. Les bénéfices non monétaires peuvent être aussi précieux pour les communautés locales que les bénéfices
monétaires, surtout les mesures qui les autonomisent et renforcent les capacités locales de gestion des
ressources naturelles et d’accès aux services écosystémiques. Mais elles ont parfois aussi un coût indirect.
Le coût peut être modeste, p. ex. la suspension d’une éventuelle taxe locale, lorsque les pêcheurs locaux se
voient accorder des licences préférentielles pour les pêcheries de réservoir ; ou il peut avoir une incidence plus
mesurable sur l’économie d’ensemble du projet, p. ex. lorsque l’eau est lâchée à partir des réservoirs pour
maintenir l’agriculture de décrue en aval (bien que le gain net en termes de développement et de pérennité
demeure toujours positif).

Ressources Naturelles no. 19


de la communauté aux marchés agricoles ou aux soins de santé des villages
proches des réservoirs) et d’autres services publics qui présentent des bénéfices
durables à long terme pour les communautés.

a. Principes sous-jacents : Trois principes souvent cités dans la littérature sous-


tendent le partage de revenus, à savoir :

n Les grands barrages génèrent « une rente économique » et des bénéfices


publics suffisamment importants pour être partagés à juste titre avec les
populations locales touchées par le projet, que ce soit pour des raisons
d’éthique ou de développement.14

n Les principaux bénéficiaires des barrages vivent généralement loin des sites de
barrage ou ne sont pas exposés à leurs impacts négatifs. Le développement
inclusif implique que les bénéfices du barrage devraient être partagés
équitablement entre les populations rurales affectées et les centres urbains
en dehors des zones de projet, en tenant compte de tous les impacts de
développement.15

n En reconnaissance de l’échelle des investissements dans les projets de grands


barrages, les investissements nationaux dans les barrages devraient être conçus
comme faisant partie intégrante des stratégies de développement local et
régional afin de galvaniser une croissance plus inclusive. 29
Concernant les barrages, la notion de partage de bénéfices va plus loin qu’une
simple réflexion sur les communautés locales en termes d’indemnisation pour les
pertes de terre ou de propriété et les paiements de réinstallation à court terme –
pour reconnaître qu’elles peuvent prétendre à une partie de la rente économique
que les barrages génèrent. De même, les populations affectées par les barrages
ont un intérêt légitime et un rôle à jouer dans la gestion durable des barrages.

Dans le contexte ouest-africain, il n’y a généralement pas de reconnaissance


à plus long terme des communautés affectées par les projets dans la
planification du développement par le gouvernement (p. ex. au-delà des plans
de développement et des cycles budgétaires quinquennaux), bien que les
opportunités de développement à long terme des populations affectées par les
projets soient bridées ou transformées par le projet. Lorsque les bailleurs de fonds
soutiennent des programmes destinés à restaurer les modes de vie, il arrive aussi
un moment où le financement prend fin.

14. En développement des ressources, la rente économique est le prix du service, déterminé de façon
compétitive, moins le coût marginal de production du service. Pour que le partage de bénéfices soit viable sur
les barrages, il faut un surplus économique, où le coût de tous les facteurs, disons de production d’électricité,
soit inférieur au tarif.
15. Il est analogue au principe d’une indemnisation versée à l’Etat qui est obligé de renoncer à une activité pour
concilier les divergences entre différentes utilisations qui profitent à d’autres Etats, comme le prévoit la Charte
de l’eau du bassin du Niger (2008).

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


b. Principe de préférence du bénéficiaire : Les bénéficiaires devraient être
habilités à choisir la manière dont les fonds issus du partage des revenus sont
utilisés ainsi que les mesures à adopter pour le partage des bénéfices non
monétaires. En général, cela signifie l’usage d’approches de développement
dirigées par la communauté en vue d’organiser la distribution des bénéfices. Les
communautés locales peuvent préférer des facilités de crédit rural gérées par des
organisations communautaires. Ou bien il arrive qu’elles donnent la préférence à
des augmentations des budgets de programmes gouvernementaux existants, tels
que les services de vulgarisation d’agriculture et de pêche. La meilleure pratique
consiste à permettre aux bénéficiaires de construire un menu d’options qui soit
compatible avec les plans et priorités officiels de développement rural et d’y
choisir une solution.

c. Principe d’efficacité institutionnelle : Il est important de limiter au


minimum la création de nouvelles structures institutionnelles pour le partage
de bénéfices, surtout lorsqu’il existe déjà une institution bien indiquée pour ce
rôle. La logique retenue est en général de faire plus avec moins.16 Bien qu’il y ait
différentes options institutionnelles pour coordonner le partage de bénéfices, les
meilleures pratiques en termes d’arrangements prévoient des partenariats entre
les communautés locales et les organisations communautaires, les propriétaires
ou les exploitants des barrages, les structures gouvernementales locales et les
organisations de bassins fluviaux.
30
d. Principe d’usage payant : Quel que soit le mécanisme effectif de partage
de bénéfices, que ce soit une redevance d’eau, une taxe ou un transfert
budgétaire, en fin de compte, le coût doit être reflété dans les tarifs appliqués
aux services de projet. Le partage de revenus permet d’intégrer les coûts des
volets sociaux et environnementaux des projets de barrage (performance en
termes de ces dimensions de durabilité) dans les tarifs d’électricité ou d’eau
appliqués aux usagers.

Ce principe clé aborde certaines idées reçues très répandues qui peuvent
compliquer ou ralentir l’adoption du partage de bénéfices. Ainsi, le partage
des recettes est parfois confondu avec la participation ou l’intéressement aux
bénéfices. Il y a aussi méprise sur l’idée que le partage des recettes est un
poste du budget d’investissement pour les projets de barrage, au même titre
que les indemnités de réinstallation ou l’indemnisation pour le recouvrement
de terres ou de propriétés par l’Etat, et par conséquent un poste qui
augmente considérablement le coût des projets de barrage et décourage
ainsi l’investissement.

16. Le rôle de l’administration centrale est de fournir la politique d’application et le cadre légal et d’établir
la réglementation au niveau du partage de bénéfices (par prescription ou par négociation) et de définir les
mécanismes de financement (p. ex. comment collecter le revenu du secteur de l’électricité ou de la navigation).
Les collectivités décentralisées, avec les organisations de bassins fluviaux, OSC et ONG qui travaillent
normalement en étroite collaboration avec les groupes affectés par les projets, fourniraient des conseils et
un appui sur les mécanismes de réalisation. Dans certains cas, il peut y avoir une Autorité de développement
associée au projet du barrage, telle que la Lesotho Highland Development Authority.

Ressources Naturelles no. 19


Fondamentalement, le partage de bénéfices est un contrat social facilité par la
réglementation gouvernementale entre les principaux consommateurs de services
d’eau et d’électricité dans les métropoles, les villes, les commerces et l’industrie
d’une part et les communautés locales d’autre part, qui abandonnent l’accès
aux terres ou aux ressources en faveur du projet. Le partage de bénéfices ne
devrait pas être perçu comme une négociation entre la communauté locale et les
propriétaires des barrages. De fait, la plupart des gouvernements rechigneraient
à imposer un système de négociation arbitraire de « participation aux bénéfices »
qui réduirait la capacité du pays à attirer des financements de projets de barrage,
ou qui déboucherait sur des accords incohérents entre les projets d’un pays et
engendrerait de nouvelles controverses.

La bonne pratique consiste à refléter la formule de partage des recettes,


comme le stipulent les règlements gouvernementaux, dans les tarifs forfaitaires
d’approvisionnement pour les divers services de projet qui génèrent des revenus,
p. ex. les accords d’achat d’électricité, les accords d’approvisionnement en eau,
ou les droits pour les services de navigation. C’est un droit de « traversée » pour
les propriétaires de barrage. Parallèlement, le principe n’exclut pas des accords
supplémentaires aux termes desquels le propriétaire du barrage serait d’accord
pour contribuer directement à la satisfaction des besoins de développement des
communautés locales sous diverses formes.17

D’un point de vue politique, ce qui est important, c’est de trouver un juste milieu 31
entre l’impact sur les tarifs moyens (une augmentation souvent modeste,
marginale) et la génération d’un volume de fonds suffisant pour rendre possible
le développement local des populations touchées par le barrage.18 Pour être
accepté par le public, le compromis obtenu doit donner l’impression d’être juste
et raisonnable.

Deux perspectives supplémentaires sont prises en compte par les bonnes


pratiques, à savoir :

e. Perspective de transparence et de responsabilités : L’expérience à travers


le monde montre que la corruption ou l’abus de pouvoir sape la confiance du
public envers le partage de bénéfices. Par conséquent, il est important de veiller à
ce que toutes les transactions, surtout autour du partage des revenus, se fassent
de façon tout à fait transparente (qui est éligible, quelles sont les dépenses
admissibles, comment les fonds issus du partage de bénéfices sont-ils répartis
entre les groupes touchés), pour impliquer les bénéficiaires et les OSC dans le suivi

17. Par exemple, au Brésil, l’Autorité d’Itaipu a signé des contrats à long terme pour contribuer au développement
des communautés réinstallées, en plus des paiements directs alloués aux municipalités affectées provenant de la
taxe nationale de l’utilisation de l’eau, dont le coût a été recouvré à partir des redevances d’eau. Lorsqu’il y a un
barrage unique qui est de grande taille, à buts multiples et propriété de l’Etat (c’est-à-dire un actionnaire unique),
la réglementation est moins problématique, mais le principe tient bon à moins que l’on puisse justifier une
subvention étatique (de tous les contribuables).
18. Il y a une large gamme d’expériences. Dans les pays en voie de développement, elle peut aller de 1 % à 10-15 %.
Le partage de bénéfices dans un rayon de 2 à 3 % de la génération brute est plus habituel.

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


de l’utilisation des fonds et pour faire en sorte que les responsabilités de tous les
acteurs soient clairement définies. Transparency International fournit une variété
d’outils et de techniques de bonnes pratiques.19

f. Perspective de réduction de la pauvreté : En Afrique de l’Ouest, les


communautés les plus durement touchées par l’exploitation des barrages vivent
tout juste avec le minimum vital. Bien souvent, ces communautés ont un accès
marginal aux services gouvernementaux. De même, dans un grand nombre
de pays en voie de développement, les populations affectées par les barrages
comptent parmi les groupes les plus pauvres et les plus vulnérables de la société,
et ce sont souvent des minorités ethniques ou tribales qui jouissent d’un statut
particulier dans la constitution et dans le cadre de politique de développement.
Par conséquent, la bonne pratique consiste à associer les mécanismes de partage
de revenus à une réduction ciblée des niveaux de pauvreté au sein des populations
touchées par les barrages.

6.3 Différentes approches d’opérationnalisation du partage


des bénéfices
La littérature montre qu’il n’y a pas d’approche unique d’opérationnalisation
du partage des bénéfices entre les communautés affectées par les barrages
et les résidents des bassins fluviaux (Egré, 2007). Beaucoup dépend du cadre
32 juridique national et de l’existence ou non d’une organisation fonctionnelle de
bassin fluvial. L’approche peut être influencée par la structure d’appropriation du
barrage.20 Il peut y avoir aussi un conseil de développement du genre du Lesotho
Highland Development Authority. Toutefois, tous les modèles de partage de
bénéfices ont en commun plusieurs caractéristiques.

Des règlements habilitants : Il doit exister une politique claire avec une
législation ou une réglementation habilitante pour le partage de bénéfices.
Ce qu’il faut généralement dans ce sens, ce sont, entre autres :

n Une approche intégrée qui promeut chacune des trois formes de partage
de bénéfices de façon cohérente et qui est adaptée aux projets de barrages
existants et nouveaux (en effet, l’introduction de mesures pour les nouveaux
barrages uniquement génère des controverses).

19. Transparency International fournit des manuels sur les pratiques les plus réussies pour assurer la
transparence et la reddition de comptes et pour apprendre à prévenir et détecter des pratiques de corruption
au sein d’initiatives de développement local en travaillant de façon étroite avec les bénéficiaires. Une clé est
l’approche multipartite aux mécanismes de gouvernance www.transparency.org/tools/e_toolkit
20. Des approches différentes à l’opérationnalisation du partage de bénéfices pourront être envisagées selon
que le développement du barrage est entièrement la propriété du gouvernement, une société spécifique est
créée aux termes d’un partenariat public-privé, ou il s’agit d’un projet relevant exclusivement du secteur privé
ou de fournisseurs privés d’électricité. Des communautés locales ou des collectivités pourront faire partie de la
structure de propriété et tirer des bénéfices de leur participation au capital.

Ressources Naturelles no. 19


n Une coordination des décisions en matière de partage des bénéfices avec les
systèmes existants de planification du développement rural, de manière à ce
que les investissements s’inscrivent en complément des structures et viennent
renforcer les capacités de développement local existantes au lieu de les
fragiliser.21

n Des interactions et des champs d’attribution clairs pour donner la priorité aux
communautés affectées par les barrages à l’intérieur des programmes existants
d’électrification rurale.22

n Des procédures claires pour inclure les considérations de partage de bénéfices


à long terme dans les discussions sur les dispositions de réinstallation et de
restauration de conditions de vie sur les nouveaux barrages, et des processus
de conception ou d’actualisation des programmes d’atténuation de l’impact
environnemental/de gestion des barrages.

n Des procédures claires pour veiller à ce que les considérations de partage de


bénéfices soient prises en compte dans toutes les phases de planification,
conception, mise en œuvre, exploitation et réhabilitation du barrage afin
de faire en sorte que les approches de partage de bénéfices « les moins
coûteuses » soient retenues.23

C’est en fonction du cadre juridique existant qu’on décidera s’il faut prévoir 33
une nouvelle législation ou apporter des amendements à la réglementation
existante. Les ministères, les responsables de la réglementation des barrages,
ou les organisations de bassin fluvial (s’ils sont habilités comme tels) dirigeront
un processus participatif pour préparer les règlements nécessaires. Si une
approche par phase est décidée, ils peuvent aussi diriger les essais des
dispositifs sur le terrain.

21. Comme il est noté en annexe, le Bumbuna Trust va être coordonné avec les dépenses budgétaires des
municipalités locales, et les ministères de tutelle doivent approuver les mesures impliquant des engagements
budgétaires gouvernementaux, tels que le recrutement d’enseignants pour les écoles ou de personnel sanitaire
pour des centres de soins ruraux. Au Vietnam, toutes les dépenses doivent concorder avec les plans intégrés
de développement rural approuvés par les Comités populaires, depuis le village jusqu’au niveau provincial.
22. Notamment dans des situations où l’électrification rurale nécessite sensiblement plus d’investissements que
les fonds disponibles, le partage de bénéfices doit couvrir des aspects du développement ne touchant pas à
l’électricité. Par exemple, les lois peuvent exiger que les communautés réinstallées soient connectées au réseau
dans le cadre du budget principal d’investissement du projet. Les communautés affectées par un barrage
le long du périmètre du réservoir pourront être prioritaires dans le programme d’électrification rurale de la
province, du district ou au niveau national.
23. L’expérience mondiale démontre qu’il y a des occasions, par exemple, pour intégrer une plus grande
flexibilité dans les structures (p. ex. : des vannes d’écoulement par le fond, des vannes de prise à niveau
variable, là où elles sont appropriées) pour permettre des simulations de relâchement d’excès de flux d’eau ou
l’ajustement de relâchées contrôlées de flux d’environnement.

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


Sources de financement : De nos jours, la gamme de mécanismes de
financement utilisée pour diriger les bénéfices monétaires des barrages vers les
populations locales comprend ceux énumérés dans les exemples nationaux fournis
à l’Annexe 2, notamment :

n Une portion des recettes de projet, des paiements de royalties ou encore des
taxes perçues au titre de l’usage des eaux venant du projet de barrage, selon
une formule définie dans les règlements, généralement liée à la capacité ou à
la production annuelle du projet.24

n Participation partielle ou totale au capital social du projet par une entité


communautaire locale représentative (actionnariat), pour laquelle le rendement
annuel du capital est utilisé en guise de fonds.

n Le transfert annuel de revenus issus des taxes générales aux municipalités


affectées, aux agences de gestion de bassin et aux autorités de conservation
dans le bassin du barrage, qui proviennent des bénéfices publics générés par
les barrages (p. ex. bénéfices de gestion de crues s’il n’y a pas de recettes
du projet).

n Le prélèvement par les autorités locales d’impôts sur la propriété sur les terres
utilisées pour les installations et les réservoirs du barrage ; cette mesure peut
34 permettre une réduction des impôts payés par les communautés locales et/ou
lever des fonds.

n Des contrats directs à long terme entre le propriétaire du barrage et les


communautés affectées.

n Plus récemment, l’usage de crédit carbone pour capitaliser les fonds de


développement local, option explorée par la centrale hydroélectrique de
Bumbuna en Sierra Leone mentionnée plus tôt.

Une mesure spécifique, ou une panoplie de mesures, doit être choisie. Les
mécanismes de revenus sont plus complexes sur les projets à buts multiples
qui n’ont pas de composante hydroélectrique. Bien que les flux financiers
découlant des redevances d’eau, des taxes à la navigation ou des services
d’irrigation puissent être mis à profit, il y a moins d’expériences internationales
avec ces approches.

24. Cela est très fréquent. Quand bien même il s’ensuit une certaine variation pluriannuelle dans les fonds
réels disponibles pour le partage de revenus (en raison de la variabilité hydrologique), cela n’a pas été un sujet
de préoccupation majeur jusqu’ici pour diverses raisons et peut être prévu dans le décaissement de fonds de
partage de revenus.

Ressources Naturelles no. 19


Utilisation des fonds : Les types d’investissements soutenus par le partage de
revenus issus des barrages doivent être adaptés aux besoins de développement
local et au choix des populations. Parmi les dépenses les plus courantes dans les
pays en voie de développement, on peut citer :

n des infrastructures villageoises ou communales, y compris des marchés, des


routes rurales ;
n des services de vulgarisation agricoles, forestiers ou piscicoles ;
n renforcement des compétences et développement d’entrepreneurs locaux,
programmes de crédit rural ;
n des services de santé et d’assainissement améliorés ;
n des programmes culturels à l’intention des jeunes, des femmes ou de la
communauté.

L’Encadré 3 indique la gamme de préférences que les communautés avaient


au niveau du barrage d’A’Vuong dans le cadre d’un test pilote de la législation
vietnamienne. Les préférences variaient selon le lieu de résidence des populations
dans la zone d’impact du projet (à savoir, en amont ou en aval du barrage, ou le
long du périmètre du réservoir).

Encadré 3. Préférences des bénéficiaires en matière d’utilisation des


fonds au Vietnam
Les communes locales préfèrent investir dans une combinaison d’initiatives de développement
35
local adaptées à leurs besoins :

n Mesures pour améliorer l’accès aux ressources forestières, changer les cultures et les
méthodes culturales, améliorer l’élevage et l’aviculture.
n Systèmes de crédit rural gérés par des organisations locales groupées (p. ex. syndicats de
paysans et de femmes).
n Aquaculture et pêcheries de réservoirs.
n Soutenir les familles les plus pauvres, les veuves de guerre et les personnes défavorisées
en leur permettant d’accéder aux services d’électricité, là où les ménages individuels
doivent payer pour les branchements électriques une fois que les lignes électriques
atteignent les villages.
Source : Haas et Vu Tung, 2007

Il conviendrait d’identifier les catégories d’utilisation des fonds, p. ex. la portion


des fonds qui sera allouée pour servir d’incitations aux actions locales liées :

n à la gestion des services d’écosystèmes fluviaux qui sont touchés par le projet
de barrage (p. ex. pêcheries et agriculture de décrue) ;
n à la facilitation de paiements pour des services écologiques tels que la
plantation d’arbres ou le maintien du couvert végétal dans la zone immédiate
(par exemple lié au PES) ;
n au soutien de la protection de la biodiversité et des valeurs de gestion avec des
mesures identifiées ;
n à l’atteinte de cibles spécifiques d’amélioration de la santé, du bien-être ou de
la réduction de la pauvreté.

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


Il est également important d’éviter des engagements sans financement, par
exemple permettre la construction d’écoles locales et de centres de soins s’il
n’y a pas de capacité concomitante à payer les enseignants et les agents de
santé et s’il n’existe aucun engagement antérieur à le faire dans les budgets
gouvernementaux normaux.

Dispositions institutionnelles et de gouvernance : Il y a deux modèles plus


généraux d’organisation de la distribution de bénéfices aux populations affectées
par les barrages.

La première approche est de fournir des augmentations « contingentées »


dans les budgets de développement des villages et municipalités où vivent
les populations affectées et la région de développement avoisinante (ou une
allocation de financement en bloc, à la condition qu’elle soit exclusivement
réservée à des initiatives de développement définies par les bénéficiaires et non à
l’administration). Les structures de gouvernance locale existantes définiraient alors
les priorités dans l’usage des fonds issus du partage de bénéfices (et des formes
non monétaires de partage) en consultation avec les populations affectées par les
barrages. Ce modèle n’empêche pas le gouvernement local, les conseils villageois
ou tribaux de sous-traiter la livraison ciblée de bénéfices aux organisations
communautaires représentant les groupes affectés par les barrages.25

36 La deuxième approche générique consiste à établir un fonds ou trust à long


terme, avec une identité propre. En général, des budgets seraient définis pour
différents programmes de développement local, ou pour des programmes
de demande de subvention (ou un mélange des deux). Les dispositions de
gouvernance sont nécessairement intégrées dans les plans de développement
local et les organisations de bassin fluvial (lorsqu’elles existent). Cette approche
est utilisée dans un grand nombre de pays, comme le montre l’Annexe 2.

Le choix entre les deux approches générales dépend d’un grand nombre de
facteurs contextuels.26 Lorsqu’un fonds est préféré, la meilleure pratique est
d’établir un comité directeur multipartite (commission ou conseil) pour en assurer
la supervision :

25. Cette approche est adoptée au Népal, où un pourcentage des royalties prélevées sur la production
hydroélectrique est transféré aux budgets des Comités de développement villageois (CDV) ainsi qu’aux
comptes de districts de la région de développement où se situe le projet hydroélectrique (voir l’Annexe 2). De
même, en Colombie, la législation prévoit des transferts de revenus du secteur électrique aux municipalités
régionales et aux agences environnementales.
26. P. ex. si la capacité des collectivités locales est faible, ou s’il y a un manque de ressources, s’il y a une
synergie bénéfique à gagner avec l’introduction de la gestion du bassin hydrographique, et les préférences du
bénéficiaire pour un modèle plutôt qu’un autre. L’approche par le biais d’un fonds offre plus de flexibilité, une
réponse rapide aux besoins de développement et une appropriation locale ; de plus, elle est plus propice à une
mise en œuvre d’approches GIRE et elle est plus cohérente car les communautés affectées sont généralement
réparties entre différentes localités et municipalités.

Ressources Naturelles no. 19


n Le principal rôle du comité est de préparer une charte de financement dans
le cadre d’un processus de collaboration et par la suite de prendre des
décisions stratégiques sur le mode de fonctionnement du fonds, dans le
respect de la réglementation gouvernementale – en rendant des comptes
aux communautés.27

n La charte fournit le cadre de principes et de procédures pour le partage de


bénéfices (p. ex., les participants éligibles, les activités financées, les critères
d’attribution des fonds, etc.). De ce point de vue, la charte est semblable aux
Chartes de l’eau pour le bassin du Niger (2008) et du Sénégal (2004), qui
comportent des principes et procédures pour le partage de bénéfices entre
Etats riverains.

n La charte établit également le mandat de l’entité chargée de l’administration


quotidienne et des activités de coordination associées.

L’Encadré 4 illustre les principales sections de la charte pour le projet pilote au


Vietnam, préparée au départ par le Conseil multipartite de partage des bénéfices.28

Encadré 4. Thèmes modèles dans une charte de Fonds de partage de


bénéfices
n Mandat et vision du fonds 37
n Principes généraux
n Types de partage de bénéfices
n Le conseil de partage de bénéfices et la commission de gestion du fonds
n Parties éligibles : communes et groupes
n Utilisation du fonds et critères d’attribution de financement
n Dispositions pour d’autres mesures de partage de bénéfices
n Transparence et responsabilité
n Présentation de rapports et communication
n Acceptation et actualisation de la charte

Source : Haas et Vu Tung, 2007

27. Les membres comprennent le plus souvent des représentants des autorités territoriales, des représentants
du projet de barrage et de l’autorité du bassin fluvial et des représentants communautaires qui reflètent
fidèlement les intérêts socioéconomiques de la population affectée par le projet, ainsi que des OSC/ONG
locales ou nationales.
28. Le Columbia Basin Trust dans l’Ouest canadien (voir Annexe 2) dispose d’une charte de 12 pages qui porte
essentiellement sur le mandat, la vision, la mission, les valeurs fondamentales, la participation du public et
l’obligation de rendre compte.

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


Dispositions d’administration de financement : Une organisation appropriée
doit s’occuper de la gestion quotidienne et de l’administration du fonds, en
rendant compte à l’organe de gouvernance multipartite. Ces fonctions englobent
généralement :

n la gestion du processus de sélection de programmes et d’initiatives à financer


chaque année (ou auxquels accorder un soutien pluriannuel) en utilisant des
procédures et des critères transparents stipulés dans la charte ;

n l’administration de subventions et l’adjudication de marchés, des audits de


flux financiers et un suivi et des comptes rendus sur l’usage effectif des fonds,
l’atteinte de cibles, etc. ;

n la communication et l’interaction avec les communautés participantes, bulletins


d’informations, radio communautaire, convocation de réunions sur tous les
aspects de l’exploitation du Fonds et sur les questions de partage de bénéfices
selon la Charte ;

n la coordination appropriée entre les différents niveaux d’autorités territoriales,


les agences de développement, les OSC/ONG dans la distribution des bénéfices.

Dans l’idéal, la fonction d’administration du fonds serait prise en charge au sein


38 d’un organisme de développement existant. Par exemple, tout en gardant un
mode d’exploitation distinct, il peut être affilié à une organisation fonctionnelle de
bassin fluvial.

Avec le temps, le partage de bénéfices doit avoir à la fois une perspective de


projet et une optique de bassin fluvial, parce que certains impacts adverses des
barrages sont locaux et propres au projet, tandis que d’autres proviennent de
l’effet conjugué de tous les projets de barrages dans le bassin.

Ressources Naturelles no. 19


Développement d’une expérience
7
internationale en matière de partage
des bénéfices

Le partage des bénéfices est une progression logique de la façon dont les
communautés affectées sont perçues et traitées par rapport aux projets de
barrage d’un point de vue historique. La Figure 3 est une illustration générique
de l’évolution dans l’approche qui est intervenue au fil du temps. Les pratiques
courantes dans différents pays peuvent être replacées le long de différents
points de cette frise.

Comme le montre la Figure 3, au début du XXe siècle et même dans la période


précédant les années 1980 dans certains pays, les communautés locales étaient
simplement notifiées qu’elles devaient se déplacer pour céder la place à un
barrage, puis elles se voyaient offrir quelques compensations pour les terres ou
les propriétés. Finalement, il est devenu pratique courante dans la plupart des
régions du monde (comme c’est le cas aujourd’hui) d’offrir une certaine forme
d’appui à la réinstallation. Mais il y a une grande différence dans les niveaux
d’appui offerts. Dans certains milieux, il existe encore une différence entre
l’appui à la réinstallation offert pour les barrages financés par des bailleurs 39
de fonds internationaux et la réinstallation effectuée par les pays avec leurs
propres moyens.

Les pratiques ont évolué vers un point où la pratique durable ou « bonne


pratique » consiste à faire en sorte que les communautés locales deviennent
des partenaires du développement qui sont soutenus au plan matériel avec des
mécanismes pour le partage à long terme des bénéfices locaux et régionaux.

Le concept de partage des bénéfices issus des barrages en Afrique de l’Ouest


existe depuis plusieurs décennies, p. ex. dans le cas du fleuve Sénégal. De
même, le traité de 1986 entre l’Afrique du Sud et le Lesotho reconnaissait
les bénéfices réels de la coopération entre Etats riverains et définit de façon
explicite les mécanismes par le biais desquels les deux pays partagent les gains
découlant du développement commun des ressources en eau.

Mais c’est seulement depuis le milieu des années 1990 que l’intérêt pour le
partage direct des bénéfices avec les communautés locales affectées par les
barrages s’est accru.29 Ce n’est pas une coïncidence que cela se soit produit
parallèlement (i) à l’intérêt croissant envers l’adoption des principes de
GIRE ; (ii) à la reconnaissance des approches de partenariat qui traitent les
communautés locales comme de véritables partenaires du développement ;
29. Basé en particulier sur les conclusions de la Conférence de l’ONU sur l’Environnement et le Développement
(Rio de Janeiro, 1992), à travers la Déclaration de Rio sur l’Environnement et le Développement et l’Agenda 21.

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


et (iii) à la redéfinition de formes durables d’infrastructures d’eau en termes
de réalisation d’un équilibre contextuel avec les performances économiques,
sociales et environnementales.

Figure 3. Evolution de la perception et du traitement des communautés


affectées par les barrages

But de développement de barrages inclusifs, durables

n Toutes les approches précédentes + des


partenariats et un partage des bénéfices à
long terme avec les communautés locales
et les instances régionales
n NDRS + négociation + partage de
bénéfices à long terme

n NDR + mesures de restauration des moyens de


subsistance = (NDRS)

n ND + assistance à la réinstallation = (NDR)

n Notifier + dédommager = (ND)

40
Avant années 1980 Années 1980 – 90 Après 2000

7.1 Quelles positions les institutions internationales de


développement ont-elles adoptées ?
Au cours des 10 dernières années, la communauté internationale a activement
exploré des mesures afin d’élargir le partage des bénéfices issus des barrages.
Des concertations nationales multipartites ont également été déterminantes dans
la sensibilisation des gouvernements.

Ainsi, au niveau international, dans son rapport final (Dams and Development:
A new framework for decision-making, 2000), la CMB recense les tendances
émergentes en matière de partage des bénéfices dans deux de ses sept priorités
stratégiques : SP-5 « Reconnaissance des droits et partage des bénéfices », qui
englobe le partage avec les communautés locales ; et SP-7 « Partage des cours
d’eaux pour la paix et le développement », qui englobe le partage entre Etats
riverains. Ce point est illustré dans l’Encadré 5.

Au niveau gouvernemental, le Vietnam a participé à un processus d’examen


de portée afin de contextualiser les recommandations de la CMB au Vietnam.
Le partage de bénéfices a été brandi comme un thème important pour faire

Ressources Naturelles no. 19


avancer l’énergie hydroélectrique durable. Il a finalement été adopté en 2006,
lorsque la nouvelle Autorité de régulation de l’électricité au Vietnam (ERA-V) a
collaboré avec la Banque asiatique de développement (BAD).30

De même, un Forum multipartite pour contextualiser la CMB en Afrique du


Sud a identifié les questions sociales non résolues autour des barrages existants
comme le problème le plus important et a fourni des recommandations
pour élaborer des mécanismes d’exécution pour la reconnaissance des droits
et le partage des bénéfices en Afrique du Sud (PNUE, Projet barrages et
développement, 2004).

Encadré 5. Partage de bénéfices comme évolution du raisonnement


sur les barrages
(SP-5) Les groupes touchés sont considérés comme prioritaires parmi les bénéficiaires du projet.
Des mécanismes de partage des bénéfices, mutuellement acceptés et juridiquement protégés
sont négociés pour garantir la mise en œuvre.

(SP-7) Les Etats riverains ne considèrent pas l’eau comme un bien limité à diviser et adoptent
une approche qui attribue équitablement non pas l’eau mais les bénéfices qui peuvent en
être tirés. Le cas échéant, les négociations portent aussi sur les bénéfices extérieurs au bassin
hydrologique et sur d’autres aspects d’intérêt commun.
Source : Commission mondiale des barrages (2000)

La Banque mondiale a contribué à galvaniser les efforts nationaux sur les 41


projets de barrage financés par la Banque au cours de la décennie écoulée. Ce
sont, entre autres, le Bumbuna Trust en Sierra Leone et le Lesotho Fund for
Community Development (LFCD – Fonds du Lesotho pour le développement
communautaire).31 Ces initiatives sont précieuses non seulement parce qu’elles
offrent des leçons de bonnes pratiques, mais aussi parce qu’elles identifient les
pratiques à éviter ; en particulier, elles veillent à ce que les fonds soient dotés
d’une véritable gouvernance multipartite (voir Annexe 2).32

Pour compiler et disséminer les bonnes pratiques émergentes, la Banque mondiale


a financé une étude documentaire en 2002, Benefit Sharing from Dam Projects
(Egré et al., 2002), qui s’est inspirée de 11 études de cas au Canada, en Chine,
en Amérique Latine, en Norvège et en Afrique Australe. Ce sont pour la plupart
des projets hydroélectriques. Le principal auteur a actualisé cette étude en 2007

30. Si l’intention initiale était d’explorer les opportunités politiques de façon plus approfondie, le processus
multipartite a débouché sur la préparation d’un projet de décret en cours d’expérimentation.
31. Le LFCD devait être capitalisé à hauteur de 40 millions de dollars US de recettes du Lesotho Highland
Water Project et 4,9 millions de dollars US de l’IDA accordé en 1999.
32. Le LFCD a rencontré beaucoup de problèmes faisant ressortir l’importance qu’il convient d’accorder à
l’établissement et la mise en œuvre de procédures institutionnelles solides pour gérer de tels fonds. Le rapport
interne d’achèvement (ICR) de la Banque mondiale pour le LFCD considère que le résultat du projet n’est pas
du tout satisfaisant, en partie à cause du fait que le dispositif de gouvernance n’était pas approprié. Au lieu
de regrouper des représentants des communautés, des collectivités territoriales et des autorités du projet, le
Conseil de gestion était essentiellement composé de ministres. Le LFCD devait être géré par un Conseil de
neuf membres, dont quatre ministres (contrairement aux secrétaires généraux ministériels recommandés par
les équipes de conception) et une représentation d’ONG (Banque mondiale, 2004).

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


pour le Projet barrages et développement (Egré, 2007). Plus récemment, dans le
cadre d’un accroissement de ses investissements dans l’énergie hydroélectrique,
la Banque mondiale s’est engagée dans un nouveau programme d’études de cas
et dans la préparation d’une trousse à outils pour le personnel opérationnel et les
gouvernements clients.33

Il y a d’autres exemples d’organisations internationales travaillant au partage de


bénéfices. L’Association internationale d’évaluation d’impact (IAIA) a examiné les
concepts et modèles pour le partage de bénéfices avec les communautés locales
lors de sa conférence annuelle de 2008. Divers documents explorent le partage de
bénéfices entre différents types de communautés, les techniques de participation
des communautés et les leçons visant à « aider les partisans à comprendre que la
participation des communautés et la fourniture de bénéfices requièrent l’usage de
« bonnes pratiques » et que cela exige du temps. »

7.2 Que pensent l’industrie et le secteur privé ?


L’industrie des barrages et le secteur privé accueillent généralement favorablement
le partage des bénéfices car il réduit les risques liés au projet, y compris les
risques liés à la réputation, et il facilite les bonnes relations communautaires. Il
est important de réitérer que, selon le principe de « l’usage payant », le partage
des bénéfices est une relation entre consommateurs de services des barrages
42 et populations affectées par les barrages. Cela se reflète dans la tarification des
services des barrages finalement fixée par les gouvernements eux-mêmes ou par
le biais de régulateurs indépendants.34

Les associations industrielles et les agences intergouvernementales, comme


l’Agence internationale de l’énergie (AIE), assurent une promotion dynamique
de toutes les formes de partage des bénéfices issus des projets hydroélectriques.
Elles perçoivent cela comme un moyen de promouvoir l’acceptation par le public

33. Les premières étapes en 2008 ont réuni des experts internationaux et du personnel de la Banque pour
discuter et fournir des contributions tirées de leur propre expérience dans le cadre d’une session de 3 jours
sur l’amélioration des bénéfices de développement au profit des communautés locales dans les projets
hydroélectriques. Le travail sur les outils est toujours en cours en 2009. Selon le site web de la Banque
mondiale : « Les principaux éléments à découler du programme de travail sont une série d’études de cas
individuelles et un rapport de synthèse qui soulignent les principaux acquis, les bonnes pratiques et les facteurs
clés de réussite pour l’optimisation efficace des bénéfices et un guide/une série d’outils devant être utilisés par
le personnel de la Banque. Des exemples de programmes de partage de bénéfices seront évalués en utilisant
des indicateurs sociaux, économiques, et institutionnels. L’étude accordera une attention particulière à des
formes non monétaires de partage des bénéfices telles que la gestion de l’eau, les mécanismes participatifs
communautaires et d’autres approches porteuses d’innovation. »
34. Le partage de bénéfices n’est pas le fruit d’une négociation entre les promoteurs et opérateurs du barrage,
et les communautés locales. L’unique exception est lorsque l’entité qui opère le barrage appartient entièrement
à l’Etat. Les gouvernements peuvent alors donner des directives aux services publics qui développent et opèrent
le barrage (p. ex. Hydro Québec, BC Hydro et Manitoba Hydro au Canada) pour agir en son nom – ce qui a
engendré les dispositifs les plus rentables au monde de partage de revenus de projet de barrages à ce jour.

Ressources Naturelles no. 19


des projets de barrage durables, au lieu d’entraver les stratégies d’infrastructures
définies par le gouvernement.35

L’Association internationale pour l’hydroélectricité (IHA), par exemple, dont


les membres sont issus des gouvernements, de l’industrie et du secteur privé
de 81 pays à travers le monde, dans ses Directives de durabilité de l’énergie
hydroélectrique et son Protocole de conformité de 2004, plaide en faveur d’une
plus grande attention au partage des bénéfices avec les communautés locales. Le
tableau 3 est un extrait du protocole. Il s’agit d’un système de notation permettant
d’évaluer le contexte de durabilité et la performance des projets hydroélectriques.

Comme illustré, les projets qui affichent des dispositions pour le partage de
bénéfices entre communautés locales affectées et la région dans son ensemble
reçoivent des scores élevés, alors que les projets sans dispositions explicites de
partage reçoivent un score nul.

Un Forum multipartite d’évaluation de la durabilité de l’énergie hydroélectrique


(HSAF) procède actuellement à la mise à jour du Protocole dans le cadre d’un
processus facilité par l’IHA. On s’attend à ce que le partage de bénéfices
occupe une place privilégiée dans le nouveau protocole qui sera disponible à la
fin de 2009.

Tableau 3. Répartition et durabilité des bénéfices économiques


43
La répartition et la durabilité des bénéfices économiques pour les communautés
locales affectées et la région dans son ensemble sont établies par le biais d’un
programme de contrôle et de suivi
Score de durabilité

Le programme de contrôle et de suivi met en évidence des bénéfices


5 = élevé économiques positifs et durables partagés par l’ensemble de la communauté
locale affectée et la région au sens plus large.
Bénéfices économiques positifs et durables uniquement pour la communauté
3 = moyen
locale.
1 = faible Bénéfices limités pour la communauté locale.
Absence de programme de contrôle/suivi, ou bénéfices allant seulement aux
0 = nul
ayant droits et aux participants directs.
Source : IHA, 2004

35. Y compris l’IHA, la CIGB, la CIID et l’IEA. Voir l’Accord sur l’hydroélectricité de l’IEA. Annex III/5:
Hydropower and the environment: present context and guidelines for future action, Vol. II: Main report and
Vol. III: Appendices http://www.adb.org/Water/topics/dams/pdf/HyA3S5V2.pdf

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


44

Ressources Naturelles no. 19


La promotion du partage des bénéfices au
8
niveau local en Afrique de l’Ouest

La façon dont les ressources en eau d’Afrique de l’Ouest sont développées et


gérées est cruciale pour le développement à long terme des 16 pays et des
plus de 250 millions d’habitants de la région. Le partage de bénéfices issus
des grands barrages de la région peut aussi contribuer à satisfaire les besoins
les plus immédiats en s’attaquant à la pauvreté et en renforçant les capacités
en vue d’atteindre les cibles fixées dans les Objectifs du millénaire pour le
développement (OMD).

8.1 Création de conditions favorables


Tout comme la gestion intégrée des ressources en eau (GIRE), le partage
de bénéfices requiert un cadre légal et politique habilitant. En s’inspirant
des leçons d’ailleurs, il est important de préparer d’abord une stratégie de
plaidoyer d’ensemble pour un processus multipartite, au sein duquel on pourra
mettre en place des dispositions légales porteuses.

Les principales étapes d’une évaluation des conditions habilitantes sont, entre
autres : 45
n La conduite d’un examen des politiques de la législation existante dans tous les
secteurs pertinents pour le partage des bénéfices. Sur une base nationale, cela
illustrerait la façon dont les principes et concepts de partage de bénéfices sont
actuellement cristallisés dans les lois, et identifierait là où il serait préférable
d’ancrer la réglementation sur le partage de bénéfices.

n L’examen des politiques doit également se pencher sur (i) les statuts et
règlements des organisations de bassin fluvial (OBF), étant donné leur rôle
potentiel d’innovateurs clés et étant entendu que les pratiques de GIRE sont
essentiellement mues par les OBF en Afrique de l’Ouest ; et (ii) les accords
régionaux et les conventions internationales pertinentes, y compris la façon
dont les accords sur les fleuves internationaux en Afrique de l’Ouest qui
facilitent désormais le partage de bénéfices entre Etats riverains peuvent
faciliter le partage de bénéfices avec les populations affectées par les barrages.

n Préparer des directives provisoires sous forme de projet de règlements


habilitants suite à des consultations sur l’examen des politiques. Les directives
serviront alors à orienter et à faciliter les discussions sur des questions plus
fondamentales et à concrétiser la préparation ultérieure d’un projet pilote pour
tester les dispositions sélectionnées sur le terrain.

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


n En préparant les directives, il est important de garder à l’esprit la nécessité
(i) d’établir des rôles clairement définis pour les gouvernements, la société civile
et les acteurs privés ; (ii) d’identifier les besoins de renforcement des capacités
à tous les niveaux ; (iii) d’établir des procédures pour les projets de barrage
tant nouveaux qu’existants ; (iv) de couvrir à la fois le cadre monétaire et les
aspects non monétaires du partage de bénéfices et l’accès à l’électricité ; et
(v) d’actualiser le plaidoyer et la stratégie de communication d’ensemble pour
passer des directives à la législation.

Parmi les questions de fond qui doivent être abordées dans le cadre de
l’élaboration des directives, on peut citer :

n la question de savoir si le modèle de base pour la distribution des bénéfices


est d’établir un fonds ou de fournir un appui progressif ou une « donation
globale » aux budgets des municipalités touchées ;

n la question de savoir si l’approche devrait être basée sur le projet ou privilégier


le renforcement des organisations de bassins fluviaux naissantes ou existantes
pour assurer la distribution des bénéfices ;

n la façon dont les mécanismes peuvent être introduits de façon systématique et


cohérente sur les projets de barrages nouveaux et existants ;
46
n les interactions ou la relation avec les fonds de protection de l’environnement
et de protection des ressources en eau et leurs objectifs ;

n la portée des bénéfices non monétaires et la priorité accordée aux mesures


spécifiques destinées à améliorer l’accès à l’électricité parmi les populations
affectées par les barrages.

Une autre question fondamentale est de savoir si une approche graduelle dans
l’introduction d’un mécanisme de partage de bénéfices constitue une solution
appropriée.36

36. En supposant que l’un des 16 pays de la région accueillerait un projet pilote ou, de façon générale,
assumerait le leadership en faisant avancer la législation et la réglementation.

Ressources Naturelles no. 19


8.2 Eviter les faux pas, balayer les idées reçues
Les défis auxquels d’autres pays ont été confrontés dans l’introduction du
partage de bénéfices sont documentés dans la littérature. Ces documents
témoins comprennent, entre autres, des travaux exhaustifs sur le partage de
bénéfices avec les communautés locales (Egré, 2007) et le partage entre Etats
riverains pour ce qui touche aux fleuves internationaux (Yu, 2008).

Parmi les faux pas qui peuvent fragiliser les bons résultats, on peut citer :

n Le manque de transparence et de reddition de comptes qui mène à la


corruption, qui est peut-être la plus grande menace pour l’introduction réussie
de mesures de partage de bénéfices et leur acceptation par la communauté et
l’opinion publique.

n Les mécanismes d’exécution défaillants ou déplacés qui ne sont pas coordonnés


avec le système de planification locale et la mise en œuvre de la GIRE.

n Dès le départ, la création d’attentes peu réalistes chez les populations affectées.

n L’exploitation de discussions multipartites sur le partage de bénéfices comme un


nouveau terrain pour les conflits idéologiques (pro ou anti-barrage), au lieu de
concentrer l’énergie créatrice sur l’amélioration des performances durables des
barrages existants et de ceux en cours de développement. 47

n La supposition que les préoccupations passées relatives à l’injustice sociale


des opérations de réinstallation concernant les projets de barrage peuvent ou
doivent être rayées de l’agenda.

Concernant ce dernier point, l’encadré 6 illustre en quoi le partage de revenus a


été perçu comme mécanisme constructif pour s’attaquer aux injustices sociales
passées en matière de réinstallation suite à un barrage dans trois pays, dont la
Chine, qui abrite près de la moitié des grands barrages du monde.

Encadré 6. Résoudre « les problèmes sociaux restants » grâce au


partage de revenus
En 2007, la Chine a introduit un programme national pour le paiement rétroactif (600 RMB/an
– environ 100 dollars US, sur 20 ans) à toutes les personnes réinstallées suite à un barrage
depuis la création de la Chine moderne en 1949.

En 2004, l’examen multipartite par l’Afrique du Sud pour contextualiser la CMB a convenu
que la réparation des injustices sociales passées sur les 539 grands barrages d’Afrique du Sud
en utilisant des mécanismes de partage de bénéfices était une question prioritaire.

En 2005, la Sierra Leone a statué que le paiement des compensations d’avant-guerre en


souffrance depuis 1987 pour les personnes déplacées par les lignes de transmission serait
l’utilisation prioritaire des fonds issus du partage des revenus une fois que le projet de
Bumbuna serait devenu opérationnel.

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


Pour ce qui est d’éviter les confusions ou de balayer les idées reçues qui peuvent
retarder ou déformer les approches, il est important de s’assurer que les acteurs
comprennent les points suivants :

n Il existe une distinction entre l’indemnisation et la réinstallation,37 et les


mécanismes de partage de bénéfices à plus long terme. Le partage de
bénéfices concerne un plus large éventail de personnes affectées et sert de
catalyseur au développement régional. Le partage de bénéfices est mis en
œuvre même s’il n’y a pas de populations réinstallées.

n Le partage de revenus ne fait pas partie du budget d’investissement du projet ;


il est dérivé des recettes que le projet génère.

n Le partage de revenus n’est pas négocié entre les communautés locales et


les propriétaires de barrages ; il s’agit d’une relation entre consommateurs
de services des barrages et populations affectées qui est stipulée par les
règlements gouvernementaux.

n Le partage de revenus n’est pas l’apanage des pays riches industrialisés et il


n’est pas trop complexe pour les pays en développement. C’est une source
de financement pour appuyer les initiatives de développement local qui a
l’avantage d’être durable et sûre.
48
Enfin et surtout, le partage de revenus n’est pas politiquement irréaliste.
L’expérience montre que, si l’on explique clairement comment une petite
augmentation tarifaire peut financer un partage équitable avec les communautés
rurales affectées par les barrages, le public est généralement prêt à partager.

8.3 Donner la priorité à la construction d’une plate-forme de


dialogue multipartite
Sur la base des expériences vécues ailleurs, une plate-forme de dialogue
multipartite est nécessaire pour démarrer et maintenir la dynamique
d’introduction de mécanismes de partage de bénéfices. Une approche
systématique et cohérente envers cette tâche comporterait certains des aspects
suivants :

n Une stratégie de plaidoyer claire pour sensibiliser l’opinion à la façon dont le


partage de bénéfices résout les insuffisances réelles et supposées de la
planification et la gestion des barrages, en balayant les idées reçues qui
brouillent et ralentissent son adoption. Cette stratégie serait basée sur un
examen des politiques et une analyse des parties prenantes, et l’expérience
régionale et internationale informerait la stratégie.

37. L’indemnisation pour les terres ou la propriété recouvrées par l’Etat est généralement régie par des lois
séparées.

Ressources Naturelles no. 19


n Une masse critique de partenaires multipartites et une plate-forme de dialogue
pour identifier le type de leadership, les coalitions et les étapes pratiques
nécessaires pour contextualiser des modèles réussis de partage de bénéfices
dans le contexte ouest-africain.

n Un projet de barrage et un bassin fluvial adaptés pour expérimenter les


mécanismes de partage de bénéfices, affiner et amplifier les bonnes
pratiques.38 Dans l’idéal, le pilote devrait permettre :
n d’assurer assez de flexibilité pour permettre l’innovation et pour explorer et
évaluer une gamme de mécanismes éventuels pour le partage de bénéfices
non monétaires et monétaires ;
n d’assurer un lien avec l’introduction de mesures de GIRE dans le bassin
fluvial et d’incorporer des essais de terrain sur l’introduction de mécanismes
sur un barrage existant et une proposition de nouveau barrage ;
n d’intégrer des partenaires financiers et des acteurs multipartites dans
l’examen (en général, un pilote nécessite 2 à 3 ans d’essai et il faut prévoir
un processus multipartite pour passer en revue et orienter le pilote à
différents stades critiques).

n Une volonté politique d’associer les résultats des essais de terrain à un


processus dirigé par le gouvernement afin de décider et de préparer la
législation et les règlements de suivi, en s’inspirant aussi du vivier croissant
d’expériences internationales et régionales (y compris les raisons à l’origine des 49
succès et des échecs des différentes interventions).

n Une coalition de partenaires financiers de la communauté internationale


de développement pour aider à atteindre le seuil critique de consensus
aussi vite que possible, après quoi les efforts nationaux et régionaux
deviendront autogérés.

Dans le contexte ouest-africain, cela exige l’établissement de liens avec des


initiatives existantes qui promeuvent la planification et la gestion de barrages
dans un contexte de GIRE d’un bassin fluvial et de partage de connaissances avec
d’autres Etats d’Afrique de l’Ouest. Par exemple, on y retrouverait des réseaux
régionaux tels que le Partenariat mondial pour l’eau (GWP/WAWP) et le Réseau
africain des organismes de bassin (RAOB). Les principales organisations de bassin
fluvial en Afrique de l’Ouest tels que le Sénégal, le Niger et la Volta seraient aussi
impliquées comme il se doit.

38. Il met l’accent sur l’importance d’une approche par coalition, basée sur la communauté d’intérêt à
développer et tester en phase pilote des mécanismes de partage de bénéfices liés à l’introduction de la GIRE
dans le bassin.

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


50

Ressources Naturelles no. 19


Conclusions
9
A l’avenir, il est très probable que le partage de bénéfices jouera un rôle
important dans les barrages et le développement en Afrique de l’Ouest. La
question est plutôt de savoir quelle sera la meilleure approche pour sa mise en
œuvre. Le moment opportun dépendra des actions de plaidoyer pour parvenir
à arguer que le partage équitable des bénéfices est à la fois une philosophie et
une partie intégrante du développement durable.

Dans les discussions multipartites, il est important de garder à l’esprit que les
formes non monétaires peuvent être aussi précieuses pour les populations rurales
que les formes monétaires de partage de bénéfices. Il ne s’agit pas seulement
de partager des revenus ; il s’agit aussi de rendre possible un développement
communautaire autonome, en veillant à ce que les engagements en faveur
d’une gestion durable des barrages soient tenus, et de débloquer le potentiel
des entrepreneurs locaux à promouvoir de nouvelles idées telles que le paiement
pour les services écologiques. Le meilleur résultat est obtenu lorsque toutes les
formes de partage de bénéfices fonctionnent ensemble.

Concernant les aspects monétaires, il est important de faire une distinction


entre deux questions clés : (i) la source des fonds pour le partage de revenus,
qui est une décision de réglementation économique par le gouvernement ; et 51
(ii) les mécanismes pour la distribution et la remise de bénéfices aux
populations touchées par le barrage et aux communautés locales, qui est une
décision de développement local.39

Dans toute stratégie de plaidoyer, il y a deux points importants à promouvoir :


d’une part, le fait que le partage de bénéfices va dans l’intérêt de toutes les
parties prenantes directement ou indirectement impliquées dans la planification
et la gestion des barrages, à la fois les consommateurs et les populations
touchées par les barrages ; d’autre part, le fait qu’un dialogue multipartite
permet de définir une approche viable qui :

n englobe une orientation aussi bien pratique qu’éthique ;


n valorise toutes les parties prenantes ;
n crée une synergie avec les initiatives gouvernementales existantes de politique
de développement ;

39. S’agissant de la première question, il est important de percevoir le partage de revenus comme une
relation entre les consommateurs de services et les communautés locales qui renoncent à l’accès à des
ressources afin de faciliter la construction et l’opération de barrages. De cette manière, la décision politique
n’est pas théorique ; il s’agit d’une question réelle d’ajustement des tarifs d’eau et d’électricité nécessaire
pour le partage équitable des bénéfices et des coûts du développement d’un barrage. La deuxième question,
qui est plus délicate, est de savoir s’il serait préférable de fournir un fonds différentiel pour les budgets de
développement des villages, municipalités et districts des populations affectées, ou bien d’établir un fonds
ayant une identité séparée lié à des organisations de bassins fluviaux.

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


n exploite et renforce les rôles des institutions existantes et des organismes de
développement local et de gestion des ressources en eau.

Parallèlement à l’identification des mécanismes de partage de bénéfices pour


les barrages à l’intérieur des frontières nationales, il est possible d’engager
le dialogue sur la façon d’incorporer le partage de bénéfices avec toutes les
populations touchées par les projets dans les dispositions existantes pour les
fleuves internationaux.40

52

40. Reconnaître des processus pour atteindre un accord coopératif peut prendre des décennies, en grande
partie à cause de la complexité technique des projets régionaux, de la difficulté qu’il y a à identifier les
bénéfices et les coûts et à fixer une division équitable des gains, des environnements politiques différents, et
du manque de clarté concernant les rôles et responsables entre institutions du projet, nationales et régionales.

Ressources Naturelles no. 19


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Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


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Ressources Naturelles no. 19


Annexe 1. Les barrages de l’Afrique de l’Ouest
(Source : FAO, 2009)

Contrôle de la pollution
Capacité du réservoir

Contrôle inondations
Fini ou opérationnel
Nom du barrage

Hydroélectricité
Navigation
Irrigation
Hauteur

Elevage
Autres
depuis
Bassin

Loisirs
Pays

AEP
(m) (x1000 Utilisation
m3)
Ilauko Bénin Oueme 1979 22 23 500 x

Lac dem Burkina Faso Nakambe 1950 – 4 000 x x x

Samou Burkina Faso Faga 1962 – 5 000 x x x

Badadougou Burkina Faso Comoe 1977 – 6 000 x

Dablo Burkina Faso Faga 1977 – 6 000 x x x

Tougouri Burkina Faso Faga 1950 – 6 000 x x x x


55
Tougouri Burkina Faso Nakambe 1987 – 6 000 x x

Sitenga Burkina Faso Gorouol 1978 – 10 000 x x

Yalgo Burkina Faso Faga 1954 – 10 000 x x x

Lac Bam Burkina Faso Nakambe – – 31 000 x x

Loumbila Burkina Faso Nakambe 1947 – 35 000 x x x x

Douna Burkina Faso Leraba 1987 – 50 000 x x

Toussiana Burkina Faso Comoe 1982 – 6 100 x

Boudieri Burkina Faso Niger 1963 – 4 159 x x x

Louda Burkina Faso Nakambe 1958 – 3 200 x x x

Boura Burkina Faso Mouhoun 1983 – 4 200 x x

Koubry II Burkina Faso Nakambe 1972 – 7 200 x x x


(Nayarle)
Lery Burkina Faso Mouhoun 1976 – 250 000 x x

Tougou Burkina Faso Nakambe 1962 – 4 254 x x x

Thiou Burkina Faso Sourou 1981 – 4 300 x x

Itengué Burkina Faso Nakambe 1987 – 3 350 x x x

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


Contrôle de la pollution
Capacité du réservoir

Contrôle inondations
Fini ou opérationnel
Nom du barrage

Hydroélectricité
Navigation
Irrigation
Hauteur

Elevage
Autres
depuis
Bassin

Loisirs
Pays

AEP
(m) (x1000 Utilisation
m3)
Bazega Burkina Faso Nakambe 1961 – 5 350 x x x x

Kompienga Burkina Faso Oti 1984 – 1 400 000 x



Sambissogo Burkina Faso Mouhoun 1961 – 3 400 x x x

Liptougou Burkina Faso Faga 1962 – 7 423 x x x

Bagre Burkina Faso Nakambe 1980 – 3 500 x x

Tamassogo Burkina Faso Nakambe 1978 – 3 500 x x

Dakiri Burkina Faso Faga 1960 – 10 500 x x x

Tapoa Burkina Faso Niger 1950 – 5 510 x x


56
Fada I Burkina Faso Niger 1951 – 4 613 x x

Titao Burkina Faso Nakambe 1951 – 3 700 x x x x

Monkuy Burkina Faso Mouhoun 1965 – 8 763

Karamassasso Burkina Faso Ngora Laka 1958 – 11 800 x

Korsimoro Burkina Faso Nakambe 1984 – 4 900 x x x

Tingrela Côte d’Ivoire Bagoe – 17 3 000 x

Nouple Côte d’Ivoire Bandama 1976 13 4 000 x


Blanc
Yabra Côte d’Ivoire Bandama 1974 13 4 000 x

Nabyon Côte d’Ivoire Nzi 1982 17 14 000 x

Koua Côte d’Ivoire Ba 1979 23 17 000 x

Gbemou Côte d’Ivoire Bagoe 1979 14 18 000

San Pedro Côte d’Ivoire Sassandra 1980 15 25 000 x x

Nafoun Côte d’Ivoire Bagoe 1976 15 60 000 x

Ayme II Côte d’Ivoire Comoe 1964 35 69 000 x

Taabo Côte d’Ivoire Bandama 1979 34 69 000 x


Ressources Naturelles no. 19
Contrôle de la pollution
Capacité du réservoir

Contrôle inondations
Fini ou opérationnel
Nom du barrage

Hydroélectricité
Navigation
Irrigation
Hauteur

Elevage
Autres
depuis
Bassin

Loisirs
Pays

AEP
(m) (x1000 Utilisation
m3)
Nindio Côte d’Ivoire Bandama 1975 13 3 100
Blanc
Buyo Côte d’Ivoire Sassandra 1980 37 8 300 x

Solo Mougou Côte d’Ivoire Bandama 1974 15 14 300 x


Blanc
Loka Côte d’Ivoire Nzi – 23 22 300 x

Lataha Côte d’Ivoire Bandama 1973 13 3 400 x


Blanc
Dekokaha Côte d’Ivoire Bandama 1973 13 3 600 x
Blanc
Natiokobadara Côte d’Ivoire Bandama 1974 14 3 600 x
Blanc
Gbon Côte d’Ivoire Bagoe 1976 12 7 700 x
57
Ayme I Côte d’Ivoire Bia 1959 30 900 000 x

Kossou Côte d’Ivoire Bandama 1972 58 27 675 400 x



Tchimbele Gabon Komo 1980 36 220 000 x

Kpong Ghana Volta 1981 20 – x x


barrages/digues
Barekese Ghana Pra – – 34 000 x

Weija Ghana Densu 1978 16 139 000 x x

Ashaman Ghana Densu – – 6 200

Vea Ghana Nakambe – – 17 300

Kwanyaku Ghana Densu 1969 – 1 360

Bontanga Ghana Nakambe – – 25 350

Afife Ghana Volta – – 29 450

Tono Ghana Nakambe 1977 19 76 537 x x

Mankessim Ghana Densu – – 5 670

Inchaban Ghana Ankobra – – 1 800

Dawhenya Ghana Densu – – 5 800


Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest
Contrôle de la pollution
Capacité du réservoir

Contrôle inondations
Fini ou opérationnel
Nom du barrage

Hydroélectricité
Navigation
Irrigation
Hauteur

Elevage
Autres
depuis
Bassin

Loisirs
Pays

AEP
(x1000 (m) Utilisation
m3)
Akosombo Ghana Volta 1965 134 147 960 000 x
(princ.)
Kale Guinée Konkoure 1963 20 14 000 x

Banieya Guinée Konkoure 1969 30 223 000 x

Sélingué Mali Sankarani 1982 23 2 170 000 x x x x



Markala Mali Niger 1947 8 175 000 x

Manantali Mali Bafing 1988 70 11 270 000 x x



Foum Gleita Mauritania Senegal 1988 38 500 000 x

Gusau Nigeria Sokoto – 22 3 000 x x


58
Bokkos Nigeria Benue – 15 5 000 x x

Pankshin Nigeria Benue – 31 5 000 x

Swashi Nigeria Niger 1992 9 5 000 x

Jabi Nigeria Gurara 1982 15 6 000 x

Shiroro Nigeria Kaduna 1984 125 7 000 x

Pada Nigeria Hadedja 1980 14 12 000 x x x

Kainji Nigeria Niger 1968 79 15 000 000 x



Kurra Nigeria Gongola 1929 19 17 000 x

Ero Nigeria Kampe 1987 22 20 000 x x

Guzan Nigeria Kaduna – – 20 000 x x

Waya Nigeria Gongola – 23 21 000 x x

Tugan Kawo Nigeria 1988 12 22 000 x

Y. Gowon Nigeria Gongola 1981 35 30 000 x

Ankwil Nigeria Gongola 1964 26 31 000 x

Ruwan Kanya Nigeria Hadedja 1976 22 33 000 x x


Ressources Naturelles no. 19
Contrôle de la pollution
Capacité du réservoir

Contrôle inondations
Fini ou opérationnel
Nom du barrage

Hydroélectricité
Navigation
Irrigation
Hauteur

Elevage
Autres
depuis
Bassin

Loisirs
Pays

AEP
(m) (x1000 Utilisation
m3)
Asa Nigeria Niger – 27 43 000 x

Kagara Nigeria Kaduna – 31 43 000 x

Suleja Nigeria Gurara – 28 52 000 x

Kubli Nigeria Niger 1992 17 70 000 x

Balanga Nigeria Gongola 1987 41 73 000 x

Liberty Nigeria 1973 27 77 x

Erinle Nigeria Oshun 1989 27 94 000 x

Ussuman Nigeria Gurara 1984 45 120 000 x


59
Kafin-Chiri Nigeria Hadedja 1977 16 31 120 x x x

Eagauda Nigeria Hadedja 1970 20 22 140 x x x

Tenti Nigeria 1943 14 14 150 x

Zobe Nigeria Bunsuru 1983 19 177 000 x x

Obudu Nigeria Cross – 15 4 200 x

Lantang Nigeria Benue 1979 19 5 200 x

Oshun Nigeria Niger 1977 11 8 200 x

Gari Nigeria Hadedja 1980 22 214 000 x

Karaye Nigeria Hadedja 1971 15 17 220 x

Omi Nigeria Kampe – 42 250 000 x x

Ikere Gorge Nigeria Ogun – 48 265 000 x x x

Kangimi Nigeria Kaduna 1977 19 59 210 x x

Oyan Nigeria Ogun 1983 30 270 000 x x x

Tagwai Nigeria Chanchaga 1978 25 28 300 x

Kontagora (2) Nigeria Niger – 32 340 000 x


Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest
Contrôle de la pollution
Capacité du réservoir

Contrôle inondations
Fini ou opérationnel
Nom du barrage

Hydroélectricité
Navigation
Irrigation
Hauteur

Elevage
Autres
depuis
Bassin

Loisirs
Pays

AEP
(m) (x1000 Utilisation
m3)
Tomas Nigeria Hadedja 1976 14 60 300 x x x

Shen Nigeria Benue 1979 – 3 400 x

Hadejia Nigeria 1994 9 11 400 x

Gubin Nigeria Gongola – 27 38 400 x

Bako lori Nigeria Sokoto 1978 48 450 000 x

Bagota Nigeria Kaduna 1974 17 5 455 x x

Oti Nigeria 1974 14 5 455 x

Gants House Nigeria – 26 6 500 x


60
Egge Nigeria Osse 1983 22 21 500 x

Jekara Nigeria Hadedja 1976 14 6 519 000 x x



Doma Nigeria Benue 1988 16 37 500 x x

Mohammad Nigeria Hadedja 1975 16 5 535 000 x x x


Aruba
Oba Nigeria Oshun 1964 13 4 546 x

Jebba Nigeria Niger 1984 40 3 600 000 x

Igbojaiye Nigeria Ogun 1991 18 5 600 x x

Ejigbo Nigeria – 20 14 600 x

Kiri Nigeria Gongola 1982 20 615 000 x

Guzu Guzu Nigeria Hadedja 1979 17 24 600 x x

Watari Nigeria Hadedja 1980 20 104 550 x x

Faw Faw Nigeria Ogun 1967 15 668 x

Magaga Nigeria Hadedja 1980 19 19 680 x x

Kafin Zaki Nigeria Jamaare – 40 2 700 000 x

Ouree Nigeria 1936 21 6 700 x


Ressources Naturelles no. 19
Contrôle de la pollution
Capacité du réservoir

Contrôle inondations
Fini ou opérationnel
Nom du barrage

Hydroélectricité
Navigation
Irrigation
Hauteur

Elevage
Autres
depuis
Bassin

Loisirs
Pays

AEP
(m) (x1000 Utilisation
m3)
Kontagora (1) Nigeria Niger 1989 20 17 700 x

Iku Nigeria Gurara – 28 42 700 x

Ajiwa Nigeria 1973 14 22 730 x x

Marashi Nigeria Hadedja 1980 11 6 770 x x

Pedan Nigeria – 33 5 800 x

Awon Nigeria Ogun 1962 15 9 800 x

Tudun Wada Nigeria Hadedja 1977 21 20 790 x

Jibiya Nigeria Bunsuru 1990 22 142 700 x x


61
Zuru Nigeria Gulbinka 1978 15 5 850 x

Dadin Kowa Nigeria Gongola 1988 42 2 855 000 x x x

Tiga Nigeria Hadedja 1974 48 1 874 000 x x

Biu Nigeria Gongola – – 11 900 x x

Zaria Nigeria Kaduna 1975 15 15 911 x

Challawa Nigeria Hadedja 1992 42 930 000 x x


Gorge Dam
Goronye Nigeria Rima 1983 20 942 000 x

Asejire Nigeria Oshun 1969 26 32 913 x

Diama Sénégal Sénégal 1986 18 250 000 x

Nangbeto Togo Mono 1987 44 1 710 000 x x

Kprime Togo 1963 16 900 x

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


62

Ressources Naturelles no. 19


Annexe 2.
Partage des bénéfices : exemples nationaux
Afrique : Lesotho et Sierra Leone
Le Lesotho fournit l’exemple du Lesotho Fund for Community Development
(LFCD) cofinancé par les recettes dérivées du Projet binational Lesotho Highlands
Water Project (LHWP) et un financement de la Banque mondiale. Le contexte
plus large était le traité de 1986 entre le gouvernement du Lesotho et l’Afrique
du Sud qui formait l’accord de base entre les deux Etats en vue d’exécuter le
LHWP. Le traité, amendé en 1999, définit explicitement les mécanismes de
partage entre les deux pays des gains communs du développement conjoint, au
lieu de partager physiquement la ressource en eau.

Il était envisagé que le LHWP contribuerait à la croissance économique, mais


il n’était pas particulièrement équipé pour la création d’emplois et les besoins
des populations pauvres en milieu rural (Banque mondiale, 2005).41 En 1999,
le gouvernement et la Banque mondiale sont convenus d’établir le LFCD visant
à assurer une approche de développement dirigée par la communauté, la
génération d’emplois et la réduction de la pauvreté.42 Dans sa conception, le
LFCD accordait une attention particulière à cinq districts pauvres préalablement
identifiés dans les Hautes Terres et dans les quartiers périurbains pauvres de
63
Maseru, principal centre urbain et capitale du pays. La conception initiale
du LFCD était la culmination d’un processus participatif pour convenir de la
manière d’utiliser les recettes du LHWP en conformité avec l’objectif déclaré du
gouvernement de réduire la pauvreté.

Bien que le concept de LFCD représente la meilleure pratique et si un certain


nombre d’initiatives de développement local mettant en œuvre le mécanisme
LFCD ont pu être couronnées de succès,43 il illustre également le type de défi
et d’échecs évitables qui peuvent se produire dans la mise en place de ce genre
de fonds.

La Banque mondiale a mis fin à sa participation au LFCD en 2003. Son


Rapport interne d’achèvement (ICR) pour le LFCD a sanctionné le résultat du
projet comme étant très insatisfaisant, en partie en raison des dispositions de
gouvernance inadaptées (Banque mondiale, 2004). Par exemple, un conseil

41. A l’origine, les royalties du LHWP ont commencé à être perçues en 1996 et une proportion non négligeable
de ces recettes a été initialement placée dans le Lesotho Highlands Revenue Fund (LHRF). L’intention était que
certaines dépenses puissent être utilisées pour réduire la pauvreté ; toutefois, en raison d’un certain nombre de
carences, la gestion du fonds fut suspendue en 1997. Tous les actifs et les passifs du LHRF furent transférés au
LFCD, y compris 18 sous-projets en cours, que le LFCD devait normalement compléter.
42. L’utilisation par le gouvernement du Lesotho d’une partie des recettes du LHWP pour la réduction de la
pauvreté était une condition préalable pour que la Banque soumette la Phase 1B à son Conseil en juin 1998
(Rapport ICR de la Banque mondiale).
43. On rapporte qu’à dater de 2002 les fonds avaient servi à construire 1 100 km de routes rurales, 210
barrages de terre, 60 passerelles et à financer des travaux de conservation forestière.

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


de neuf membres gérait le LFCD, avec quatre ministres – contrairement au
processus participatif et aux recommandations de l’équipe de conception
qui prônaient la nomination de Secrétaires généraux, de représentants des
communautés et d’ONG. D’autres raisons évoquées pour la sanction de
performance très insatisfaisante concernaient la non-validation des approches
de CDD (recommandées dans le cadre du projet et que le processus de
consultation mettait au cœur de la distribution des bénéfices), le manque
d’implication des bénéficiaires dans la production de manuels d’exploitation du
fonds et le manque de suivi des impacts sur les niveaux de pauvreté.

Un autre facteur a été l’abolition en 2001, au moment de l’opérationnalisation


du LFCD, des Conseils de développement de district et de village en place.
Ceux-ci devaient jouer un rôle décisif dans le cadre des approches CDD pour la
fourniture d’appui technique, de supervision et de suivi aux sous-projets ; leur
abolition a donc laissé un vide.

Selon un commentaire formulé sur le LFCD avec du recul (Yu, 2008), les
problèmes rencontrés étaient dus à de nombreux facteurs « y compris la
faiblesse et le caractère politisé de la mise en œuvre, la faible capacité des
communautés à gérer les gros projets de construction, le manque de structures
gouvernementales locales, (la sélection de) projets qui n’étaient pas mus par la
demande, un manque d’appui technique et un manque de stratégie de suivi »
64 (notre traduction).

Les leçons du LFCD illustrent à quel point il est important d’établir et de mettre
en œuvre des procédures institutionnelles viables pour gérer de tels fonds. Cela
démontre l’importance qu’il y a à investir dans un dialogue avec les bénéficiaires.
De surcroît, cela montre comment un projet de partage de bénéfices mal
exécuté peut décourager d’autres initiatives du même genre – même si des
dispositions appropriées sont prises en tirant des leçons des échecs antérieurs.
Et comme l’ont fait remarquer certains observateurs, cela met en exergue
l’importance de mécanismes transparents : « des règles spécifiques pour garantir
la transparence de la gestion du Fonds et l’information du public sur ses activités
et ses programmes auraient dû être mises en place. Un comité indépendant de
surveillance avec la participation de représentants de la société civile aurait pu
veiller à ce que les fonds soient alloués au bénéfice de la population du Lesotho
et en particulier des communautés affectées des Hautes Terres » (Thamae et
Pottinger, 2006, cité dans Egré, 2007 ; notre traduction).

En Sierra Leone, le Bumbuna Trust doit être établi pour le projet


hydroélectrique de Bumbuna d’une puissance de 50 MW, qui devait au départ
être mis en service en 2007, mais dont la mise en service est désormais prévue
pour 2009-10. Le Bumbuna Trust a été conçu comme un trust à objectifs
multiples destiné à financer les arrangements de partage de bénéfices à long
terme pour les communautés locales et les programmes liés à la gestion
sociale et environnementale durable du projet. Cela soulagera les budgets

Ressources Naturelles no. 19


gouvernementaux de cette responsabilité (le gouvernement ayant peu d’argent)
et, parallèlement, cela développera une synergie entre le développement local
et la gestion durable du projet dans un contexte de bassin.44

Le projet de Bumbuna de 50 MW est la première phase d’une série potentielle


de cinq phases de développement d’une centrale hydroélectrique d’une
puissance de 275 MW sur le fleuve Seli qui se jette dans l’Atlantique au nord
de Freetown. La construction du projet était achevée à 85 % lorsqu’elle a dû
être abandonnée en 1997 en raison de l’escalade de la guerre de rébellion.
Après la restauration de la paix en 2002, la communauté internationale s’est
engagée à soutenir l’achèvement du projet comme priorité d’après-guerre en
vue de restaurer l’approvisionnement en électricité de la zone de Freetown,
où un grand nombre de réfugiés de la guerre en provenance des zones rurales
avaient élu domicile et où était basée une bonne partie du commerce. Des
dispositifs de partage de bénéfices avec les communautés locales ont été
intégrés dans la conception du projet d’achèvement.45 Il était admis qu’un
facteur majeur ayant contribué à la guerre de 11 ans était le manque de
partage au niveau local des recettes de création de ressources, surtout celles
issues du développement minier. En outre, le risque réel de raviver des conflits
intercommunaux antérieurs autour de la question de savoir qui allait ou non
recevoir les bénéfices, devait absolument être évité. Cette question était
particulièrement importante, étant donné que toutes les communautés locales
en situation d’après-guerre s’attendaient à recevoir quelques bénéfices du 65
projet de Bumbuna puisqu’il s’agissait d’un investissement national majeur.

Une grande proportion de la population rurale, dont une partie vivait dans des
conditions de pauvreté absolue (la Sierra Leone se classait à l’époque comme le
pays le plus pauvre du monde), avait été tenue à l’écart du processus politique
durant la guerre et s’était retrouvée privée de services sociaux et d’opportunités
de développement économique. L’achèvement du projet était censé satisfaire
leurs besoins immédiats, en particulier, dans les zones rurales, l’accès aux services
d’électricité qui leur avaient été promis depuis longtemps mais pour lesquels le
gouvernement ne disposait pas des ressources financières à court terme.

Deux phases étaient prévues pour établir le mécanisme de partage de


bénéfices au sein de la communauté locale. La première phase était l’Initiative
pilote de développement communautaire du Seli supérieur (USCDI), élaborée
en consultation avec les communautés locales (Banque mondiale, 2005).
Une subvention de la Banque mondiale devait apporter un financement sur
2 à 3 ans à cette fin durant la phase d’achèvement de Bumbuna (un peu
moins de 2 millions de dollars US) pour fournir un menu de microprojets
communautaires choisis et d’initiatives de renforcement des capacités des
jeunes aux niveaux du district, de la circonscription et de la communauté.
44. Les détails de ce qui était prévu pour 2005 figurent dans le document d’évaluation du projet,
http://www-wds.worldbank.org/external/default/WDSContentServer/WDSP/IB/2005/05/27/000012009_
20050527095956/Rendered/INDEX/31844.txt
45. Et un financement associé dans le cadre du projet de gestion environnementale et sociale de Bumbuna.

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


Cette mesure était ciblée sur les communautés locales qui vivaient dans le
voisinage immédiat du barrage en amont et en aval, lesquelles ne faisaient pas
partie des programmes d’indemnisation et de réinstallation, mais qui étaient
adjacentes aux communautés concernées.46 L’USCDI devait permettre de
tester les mécanismes de mise en place des CDD pour le Bumbuna Trust à plus
long terme, contribuer au renforcement des capacités de CDD en matière de
gouvernance locale et valider les dispositifs de gouvernance du Bumbuna Trust.

Le Bumbuna Trust lui-même deviendra opérationnel lorsque le projet sera mis


en service, financé par deux sources principales. La première est la vente par
le gouvernement de crédits certifiés de réduction d’émission représentant les
émissions de GES des centrales électriques alimentées au diesel évitées par
l’énergie du projet hydroélectrique. Un Contrat d’achat de réduction d’émission
(ERPA) a été signé entre les gouvernements de Sierra Leone et des Pays-Bas en
2005, pour un financement à hauteur de près de 2 millions de dollars US par an
jusqu’en 2012. Tout l’argent dérivé de l’ERPA devait être déposé sur le compte
du Bumbuna Trust. Le financement principal du Trust devait également provenir
des recettes du projet Bumbuna, provisoirement fixées à 0,5 cent US/KWh, à
compter de sa mise en service.

Le Bumbuna Trust lui-même sera régi par un Conseil multipartite qui gèrera
plusieurs guichets de financement : 47
66
n Le guichet de partage de bénéfices sous-tendant les projets à base
communautaire (par exemple pour les micro-infrastructures villageoises telles
que les routes locales, les écoles, centres de soins, aires de marchés, etc., et
pour le subventionnement d’associations de jeunes pour des activités sociales,
de formation ou de développement de compétences commerciales). Ce
guichet couvrira toutes les communautés sises dans la grande zone du projet
(sous l’USCDI) de même que les communautés réinstallées. La base d’accès
aux fonds sera une demande de subvention. Des formateurs communautaires
qualifiés assureront un soutien pour préparer les demandes de subvention. La
mise en œuvre sera liée aux services d’appui gouvernementaux, en fonction
des besoins, mais autrement des approches de CDD seront adoptées avec un
suivi indépendant par les OSC et les ONG.

D’autres guichets de financement du trust donneront un appui :

n Une nouvelle Agence de gestion du bassin versant de Bumbuna (BWMA) pour


délivrer des programmes de gestion des terres et du sol, d’agroforesterie,
et des programmes de transformation agricole dans le basin, dont les buts
conjugués sont la modernisation des pratiques agricoles, l’augmentation des

46. L’USCDI fonctionnerait en parallèle aux programmes d’indemnisation, de réinstallation et de restauration


des conditions de vie pour les communautés adjacentes, directement affectées.
47. Un financement de la Banque mondiale couvrira les composantes de gestion environnementale et sociale
durant la mise en œuvre du projet et jettera les bases de l’établissement du Bumbuna Trust.

Ressources Naturelles no. 19


revenus agricoles et la maîtrise de l’érosion et des sédiments pour minimiser la
sédimentation des réservoirs ; ainsi que des programmes de pêcheries pour les
communautés du réservoir et en aval du barrage.

n Un organisme faisant contrepoids pour la conservation, l’Autorité de


conservation de Bumbuna (BCA), sera chargé d’appuyer une aire protégée
de faune sauvage gérée par la communauté dans le bassin pour la
conservation de la biodiversité (financée au départ par un projet du Fonds pour
l’environnement mondial, FEM).

n Un autre guichet de financement financera l’électrification dans les villages


situés dans le voisinage immédiat du projet, y compris les quartiers généraux
de district (dont l’approvisionnement en énergie avait été détruit pendant
la guerre).

n Au fil du temps, d’autres guichets supplémentaires de financement seront


envisagés, p. ex. des options renouvelables à petite échelle pour les zones hors
réseau et les programmes tournants de microcrédit rural. D’autres partenaires
financiers seront recherchés.

Malheureusement, on s’est heurté à un certain nombre de difficultés dans


l’exécution générale du projet, de sorte que la date originale d’achèvement a
été repoussée de 2007 à 2009-2010. Par ricochet, cela a affecté les dispositions 67
en matière de partage de bénéfices et a abouti à la reformulation de certains
aspects de la mise en œuvre et du financement. En outre, il s’est révélé
impossible d’obtenir l’agrément de l’ERPA par le Mécanisme de développement
propre après trois demandes consécutives ; la raison invoquée était « l’incertitude
concernant le niveau d’émissions du réservoir ». Par conséquent, un plan de
refinancement du Bumbuna Trust s’impose ; par ailleurs, un changement de
gouvernement a introduit une certaine incertitude quant aux dispositions de
partage des ressources. Quant à l’USCDI, elle suit son cours dans le cadre
d’une subvention rééchelonnée et restructurée de la Banque mondiale et des
dispositions pour établir le Trust ont été mises en place.

Les leçons tirées du contexte ouest-africain comprennent l’importance qu’il


y a à refléter les accords convenablement dans la législation, au-delà des
engagements pris aux termes des initiatives des bailleurs de fonds. Dans ce cas,
bien que la législation ait été préparée et approuvée par le Parlement (i) pour
endosser le Protocole de Kyoto et permettre la participation au Mécanisme de
développement propre pour l’ERPA, et (ii) pour créer la structure spéciale de
partenariat public-privé pour le projet Bumbuna, aucune disposition législative
n’avait été prise concernant le partage de revenus, en dépit du soutien massif
du gouvernement précédent en faveur de l’accord. Hormis ces carences,
l’approche est un bon modèle d’approche intégrée de gestion durable d’un
projet hydroélectrique et de partage de bénéfices avec les communautés rurales
pauvres – qui tient également compte des réalités d’après-guerre.

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


Asie : Chine, Vietnam, Laos, Inde et Népal
Le partage de bénéfices figure depuis plusieurs années en Chine où ont été
construits près de la moitié des plus grands barrages du monde. A partir des
années 1980, une partie des recettes issues du barrage hydroélectrique de
Damjiangkou, qui a permis la réalisation du plus grand lac artificiel en Asie au
moment de sa construction en 1966, fut placée dans un fonds pour « problèmes
en souffrance ».48 Ce fonds a financé la restauration des moyens de subsistance
des personnes vivant autour du périmètre et des mesures pour résoudre les
problèmes sociaux liés aux phases précédentes du projet.

Depuis les années 1980, le partage de bénéfices a été introduit sur une base
de projet.49 Plus récemment, la législation chinoise sur l’après-réinstallation et
la réhabilitation pour les projets hydroélectriques a été renforcée. En 2007, le
gouvernement a annoncé d’importants programmes devant servir à introduire
une certaine uniformité dans les transferts de revenus du secteur de l’énergie
aux autorités régionales et locales pour (i) doper le développement régional
autour des projets de construction de barrage, (ii) fournir des financements
d’infrastructures pour les zones de réservoir, y compris les zones où les
personnes affectées par la construction de barrage sont réinstallées, et
(iii) fournir aussi une compensation supplémentaire à long terme et rétroactive
aux populations déplacées du fait de la construction du barrage.

68 Deux éléments de la politique actuelle sont :

Un fonds national de réinstallation :

n Un programme national pour financer les paiements futurs et rétroactifs aux


personnes réinstallées à compter de la date de l’établissement de la République
Populaire de Chine en 1949.50

n Le fonds verse 600 RMB à chaque personne réinstallée chaque année pendant
20 ans, ce qui équivaut à 100 dollars US par an ; une famille de cinq personnes
recevrait donc 500 dollars US par an.

n Les fonds sont tirés d’un prélèvement standard de 0,08 cent/kWh sur le tarif
brut d’électricité de tous les projets d’énergie hydroélectrique du pays, quel
que soit le nombre de personnes réinstallées.

48. Cela fait l’objet d’une discussion dans le livre The Future of Large Dams: Dealing with social,
environmental, institutional and political costs (2005) de Thayer Scudder, ancien commissaire de la CMB.
49. Par exemple, le développement hydroélectrique de Hubei dans des quartiers pauvres aux termes d’un
accord de partenariat avec participation aux capitaux et un partage des revenus ainsi qu’un financement des
plans de réduction de la pauvreté dans le cadre d’un projet soutenu par la Banque mondiale.
50. Avant 1949, la Chine n’avait pas plus de 40 petits barrages hydroélectriques et seulement quelques grands
réservoirs.

Ressources Naturelles no. 19


n Les paiements sont automatiquement appliqués aux barrages en cours de
construction et seront appliqués aux futurs projets. Dans le cas des projets
existants, cela exige une investigation afin de déterminer qui a été réinstallé.

En tant que modèle, une telle mise en œuvre serait extrêmement difficile dans
les pays qui n’ont pas maintenu un système d’enregistrement des populations
déplacées, particulièrement au niveau des barrages les plus anciens.

Un fonds d’amélioration de l’infrastructure de la zone de réservoir :

n Un programme national qui établit un nouveau Fonds permanent de


développement et d’entretien de réservoir qui remplace les fonds précédents
de portée plus limitée.51 Le fonds est alimenté par une taxe de 0,08 cent/kWh
sur le tarif brut d’électricité obtenue à partir de la génération d’énergie
hydroélectrique, versé à l’autorité financière de la province.

n La province attribue alors les fonds à la préfecture et aux autorités locales


afin de « développer la production et améliorer les conditions de vie des
résidents après la réinstallation et pour réaliser un développement stable
et durable des conditions de vie et de travail des résidents. »52 De plus, les
propriétaires de barrage mettront en œuvre des mesures entreprises dans
un plan de réduction de la pauvreté dans les zones de réinstallation. Les
investissements sont destinés à des écoles, des logements, des espaces 69
récréatifs et autres besoins locaux qui sont déterminés par les Conseils de
village des personnes résidant dans les zones de réservoir.

Les 22 provinces chinoises ont l’option de ne pas participer à ce programme


particulier. La principale restriction de la disposition est qu’elle ne couvre
pas les communautés affectées en amont du barrage au-delà de la zone du
réservoir, ou en aval du barrage. Les autorités chinoises indiquent toutefois
qu’un montant supplémentaire est disponible pour ces zones grâce à un
accroissement des recettes fiscales municipales, sur la base d’évaluations
continues des effets et impacts du projet.53

Au Vietnam, le gouvernement réalise actuellement un test pilote de la


législation préliminaire pour le partage de bénéfices sur les projets d’énergie
hydroélectrique existants et nouveaux. Conformément à la Loi de 2004 sur
l’électricité, le gouvernement s’est lancé dans un programme s’étalant sur

51. Des fonds d’entretien des réservoirs pour les projets d’énergie hydroélectrique sont disponibles depuis
1981, gérés par les bureaux locaux de réinstallation du pays et par les autorités des centrales hydroélectriques.
Ils servent à entretenir les installations du réservoir, les infrastructures utilisées pour l’irrigation, l’eau potable et
le transport, dont bénéficient les populations déplacées.
52. Introduction du Plan de réinstallation et de partage des bénéfices de Shuibuya découlant du projet, Hubei
Quigjiang Hydroelectric Development Company Ltd. Octobre, 2008. Il s’agit d’un projet hydroélectrique de
1 840 MW sur le plus grand affluent du cours supérieur du Yangtze, au-dessus du barrage des Trois-Gorges.
53. Communication avec les autorités chargées du projet de Shuibuya et compte rendu sur le projet de
Réinstallation et de partage des bénéfices de Shuibuya, province de Hubei.

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


plusieurs années pour mettre en place des marchés compétitifs d’électricité,
en commençant par l’établissement de marchés compétitifs de génération
d’électricité en 2010. Des marchés compétitifs au détail seront introduits en
2022. La Loi sur l’électricité exige aussi de meilleures performances sociales
et environnementales des projets hydroélectriques. A cet égard, un Forum
national post-CMB avait recommandé le partage de bénéfices comme une
étape clé pour valoriser la promotion de l’hydroélectricité comme énergie
durable au Vietnam. Et la législation vietnamienne relative à l’environnement
en 2005 définit légalement la durabilité comme « un développement qui
répond aux besoins de la présente génération sans compromettre l’aptitude
des générations futures à satisfaire leurs propres besoins, sur la base d’une
alliance étroite et harmonieuse de croissance économique, de garantie de
développement social et de protection de l’environnement ».

En 2006, un processus multipartite soutenu par un Projet d’assistance


technique financé par la Banque asiatique de développement fut amorcé avec
la nouvelle Autorité de régulation de l’électricité au Vietnam (ERA-V). Cet
organisme avait été créé en 2005 pour guider tous les aspects de la réforme
du marché de l’énergie. L’un des objectifs était de voir si des mécanismes du
marché pour le partage de revenus pouvaient être mis en place parallèlement
aux réformes du marché de l’énergie afin d’améliorer l’exécution durable des
projets de barrage.
70
Un processus d’assistance technique en trois phases fut conçu afin d’explorer la
meilleure approche réalisable :

Phase 1. Un examen des politiques : pour évaluer dans quelle mesure les lois
et politiques actuelles du Vietnam permettent le partage local de bénéfices,
la gestion des services écosystémiques affectés par l’énergie hydroélectrique
et le financement durable des mesures. Cela comprenait un examen détaillé
de chaque secteur à tour de rôle et une analyse SWOT des lois et politiques
primaires et secondaires (c’est-à-dire, la Constitution de l’État, plus les
législations primaires et secondaires en matière d’énergie, de ressources
hydrauliques, d’environnement, de foresterie, de pêcheries, de développement
agricole et rural, de gestion foncière et de secteurs sociaux, y compris les lois
relatives aux minorités ethniques et les conventions et accords internationaux
souscrits par le Vietnam).

Phase 2. La préparation de directives préliminaires : pour introduire le partage


de bénéfices dans les étapes de planification, de mise en œuvre et d’opération
des projets d’énergie hydroélectrique, sur la base des processus d’examen des
politiques et de consultation et en s’inspirant des expériences des autres pays en
matière de partage des bénéfices. Cette étape a englobé des estimations rapides
de trois projets hydroélectriques afin d’évaluer les conditions et attitudes des
résidents locaux par rapport aux formes préférées de partage de bénéfices (sur
un barrage existant, un barrage en cours de construction, et un barrage projeté).

Ressources Naturelles no. 19


Phase 3. Le plan de travail du projet pilote : pour préparer des lignes directrices
détaillées sur un projet choisi (c’est le projet 210 MW A’Vuong devant être
mis en service en 2008 qui fut retenu). Cette phase a englobé des ateliers
et des rencontres avec les autorités provinciales et des sessions de groupes
thématiques avec les résidents sur les différents sites de la zone d’impact du
projet A’Vuong afin de cerner leur réaction aux directives et leurs préférences
concernant les mesures, y compris s’ils préféraient que l’appui soit fourni par
des programmes de développement gouvernementaux, par des organisations
communautaires ou encore par le biais de systèmes supervisés pour les
entreprises ou les entrepreneurs locaux sur une base individuelle ou collective.

La structure de gouvernance établie pour l’assistance technique comprenait


un comité directeur pluri-agences responsable des principales décisions liées
aux directives, dirigé par l’ERA-V. Un forum national des parties prenantes,
regroupant des intérêts gouvernementaux invités, des organisations nationales
non gouvernementales, des ONG internationales actives au Vietnam (p. ex.
WWF, UICN), des organismes de développement des barrages et des agences
donatrices, fut réuni. Trois ateliers furent organisés, un après chaque phase
pour obtenir les réactions et commentaires.

Ce qui s’est en fait passé, c’est qu’au lieu de préparer des directives générales
pour une future considération, le comité directeur et le forum national des
parties prenantes ont décidé que la meilleure approche était de préparer une 71
législation préliminaire. Bien que la mise en œuvre de la législation ne puisse
être garantie, c’était une étape très importante. Une collaboration multipartite
était essentielle pour arriver à cette décision, y compris (i) l’engagement des
communautés locales affectées par la construction des barrages dans les
enquêtes afin d’envisager ce qui pourrait être proposé comme législation et
réglementation détaillée ; (ii) des ateliers au niveau provincial, où les provinces
ont exprimé un vif désir d’assistance financière pour traiter des impacts
sociaux causés par les barrages, étant donné qu’il fallait jusqu’à 10 ans pour
ramener les familles aux conditions et aux niveaux de vie qui étaient les leurs
avant le projet (au Vietnam, les provinces sont les principales responsables
du développement rural et de l’établissement des organisations des bassins
fluviaux) ; et (iii) un consensus puissant du Forum national des parties
prenantes, y compris les ONG internationales activement impliquées qui ont
offert un soutien p. ex. sous forme d’un examen juridique indépendant de
la législation préliminaire ou d’une expertise technique sur des modèles de
développement rural dirigé par les communautés.

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


Le projet pilote se déroule en deux phases. La première phase, actuellement en
cours d’exécution, vise à :

i) établir un conseil de partage des bénéfices et un compte temporaire de


partage des revenus ;

ii) préparer une charte modèle de fonds et d’autres instruments clés nécessaires
pour mettre en œuvre des subventions de partage des revenus selon les
directives, en y introduisant des modifications en fonction des besoins ;

iii) entreprendre des activités qui soient compatibles avec les directives pour
évaluer et recommander des mesures pour le partage équitable de l’accès à
l’électricité et pour un meilleur accès aux ressources naturelles (bénéfices non
monétaires) ;

iv) fournir au moins un cycle d’application et d’attribution de subvention pour


tester les mécanismes de distribution et de suivi des mesures qui seront
généralement appuyées par des subventions de partage de revenus ; et

v) préparer un examen systématique des directives article par article (projet


de législation) pour y apporter des amendements et formuler des
recommandations sur la finalisation des instruments juridiques.
72
La phase 2 du pilote vise à développer un ensemble plus détaillé d’outils locaux
de renforcement des capacités pour faciliter le démarrage rapide et en douceur
du partage de bénéfices sur les projets hydroélectriques existants et nouveaux
au Vietnam, une fois que la législation aura été officiellement approuvée.

Au Laos, l’un des buts du projet Nam Theun 2 axé sur les exportations est
de « générer des revenus qui seront utilisés pour financer les dépenses des
programmes prioritaires de protection de l’environnement et de réduction
de la pauvreté en RDP lao à travers l’exploitation socialement durable et
écologiquement responsable du potentiel hydroélectrique de NT2 » (Fozzard,
2005 ; notre traduction).54 Des dispositions spécifiques de gestion des
recettes et des dépenses sont énoncées dans les accords du projet. Celles-ci
fournissent un cadre pour le transfert des revenus générés par l’énergie lorsque
Nam Theun 2 sera mise en service. Le gouvernement du Laos a identifié cinq
programmes indicatifs pour la distribution de ces fonds sur la base de la
Stratégie nationale pour la croissance et l’éradication de la pauvreté (NGPES),
à savoir, l’éducation de base, les soins de santé de base, les voies rurales, les
initiatives de développement local à travers un processus participatif de prise
de décisions, et les initiatives de protection de l’environnement.

54. Revenue And Expenditure Management: Nam Theun 2 Hydroelectric Project. Auteur : Adrian Fozzard,
Senior Public Sector Specialist, Banque mondiale, 2005.

Ressources Naturelles no. 19


En Inde, les Etats (provinces) reçoivent une allocation de 10 % de la
génération d’électricité sur la production d’énergie hydroélectrique, qu’ils
peuvent distribuer aux différents secteurs utilisant de l’électricité sans frais
(ce qui est fait principalement pour subventionner les frais d’électricité des
agriculteurs se servant de motopompes d’irrigation), ou bien ils peuvent vendre
l’énergie pour récupérer de l’argent à d’autres fins budgétaires. En 2007, cette
allocation de l’Etat a été augmentée à 12 % du revenu généré par les projets
d’énergie hydroélectrique. Cependant, aucun mécanisme ne prévoyait que les
Etats étaient tenus de cibler ou de partager ces fonds avec les communautés
affectées par les barrages.

En octobre 2007, reconnaissant que les communautés locales avaient droit à


une part des revenus, et dans l’esprit d’autres modèles réussis pour cibler les
fonds de partage de bénéfices sur les communautés locales, l’administration
centrale de l’Inde a, par le biais de sa nouvelle stratégie hydroélectrique,
annoncé qu’elle prévoyait ce qui suit :

n des fonds permanents pour les zones locales seront mis en place dans le cadre
des projets d’énergie hydroélectrique à venir ;

n le fonds de la zone locale aura une commission multipartite composée des


représentants des communautés affectées par le projet, présidée par un
représentant des collectivités locales désigné par l’Etat ; 73
n la préférence du bénéficiaire sera reflétée dans la façon dont l’argent sera
dépensé et les dépenses du fonds seront suivies de près par chaque Etat.

Il n’y a encore aucune information disponible sur l’expérience à ce jour, ou sur


la question de savoir si des fonds de développement des zones locales ont
été établis. De plus, étant donné que le niveau d’information est relativement
limité (rapporté la plupart du temps seulement dans les médias), on ne peut
toujours pas dire clairement si les fonds seront établis à la fois sur les projets
nouveaux et existants. Par exemple, « Tous les protocoles d’accord proposés
entre les sociétés de génération d’énergie et les Etats tels que Himachal Pradesh,
Uttarackhand et J&K renfermeront une clause prévoyant la constitution de fonds
de développement des zones locales, qui s’inscrira en plus des 12 pour cent
d’énergie à titre gratuit destiné aux Etats », a déclaré le ministre de l’Energie de
l’Union, Sushil Kumar Shinde (Indian Financial Times, 25 septembre 2006).55

55. Parmi les autres articles figure « Displaced families to get stake in hydel projects », Manoj Kumar Tribune
News Service, 25 septembre 2006 www.tribuneindia.com/2006/20060926/biz.htm#1

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


Au Népal, la Politique sur l’énergie hydroélectrique de 1992 et la Loi portant sur
l’électricité exigeaient que les projets d’énergie hydroélectrique paient des royalties
au gouvernement. En 1999, la Loi et les règlements relatifs à l’autogouvernance
locale stipulaient que l’administration centrale devait redistribuer une partie de ces
royalties d’énergie hydroélectrique : (i) aux conseils de développement des villages
dans la zone du projet ; (ii) aux structures de développement du district ; et
(iii) aux autres districts de la région où le projet est situé.

Si les dispositions spécifiques ont évolué avec le temps, depuis 2004 les
règlements stipulent que, pour tous les projets actuels dont la production
dépasse 1 MW :

n 1 % des royalties doit être transféré aux comités de développement


des villages (CDV) directement affectés par l’infrastructure de l’énergie
hydroélectrique pour élargir l’électrification du village ;

n 12 % des royalties doivent être transférés au comité de développement du


district ;

n 38 % des royalties doivent être transférés et divisés entre tous les districts de la
région où se situe le projet d’énergie hydroélectrique.

74 A part la stipulation que la part des CDV sera consacrée à l’amélioration de


l’accès local aux services d’électricité, la réglementation au Népal ne stipule pas
la manière dont de tels montants devraient être dépensés ou distribués au sein
d’un district, mais exige seulement qu’il finance des activités de développement
et non l’administration.

Il est prévu un délai de grâce pour le paiement des impôts sur une partie des
royalties au cours des 15 premières années, après quoi les royalties font 10 %
de l’énergie générée (GWh) plus une taxe sur la capacité (MW). Néanmoins, les
montants ont un impact considérable. Dans certains districts, ces dispositions
de partage de revenus de l’énergie hydroélectrique représentent jusqu’à 65 %
des revenus du district à partir de toutes les ressources, y compris les budgets
d’administration et de développement du gouvernement (Uppadyaya, 2006,
cité dans Egré, 2007).56 Les participants à un atelier multipartite au Népal en
2006 sur le statut des programmes de partage des revenus ont remarqué que
(i) bien que très avantageux, il fallait plus de transparence dans la manière
dont les fonds sont utilisés ; (ii) le partage de bénéfices portant sur les bassins
hydrauliques en amont des centrales hydroélectriques devrait être considéré,
spécialement pour le paiement des services écologiques ; et (iii) les dispositions
tendaient (alors) à porter sur les zones des centrales électriques en ignorant les
zones en aval, qui sont elles aussi affectées ; ces zones devraient donc aussi
avoir droit à un partage des royalties (Uppadyaya, 2006, cité dans Egré, 2007).

56. Rapport sur l’analyse des dépenses du comité de développement du district de Makawanpur.

Ressources Naturelles no. 19


Amérique Latine : Brésil et Colombie
Au Brésil, au lieu d’imposer une taxe sur le revenu de la vente d’énergie,
la constitution nationale (1988) applique une redevance sur l’eau utilisée
pour générer de l’électricité. Il s’agit là d’une partie d’une taxe générale
d’exploitation des ressources qui s’applique aussi à d’autres ressources, y
compris les ressources pétrolières et minérales. Selon une disposition de la
constitution, 45 % des revenus générés par cette redevance sur l’eau vont
aux municipalités qui perdent des terres du fait de l’inondation des réservoirs
(proportionnellement à la superficie affectée) ; 45 % vont aux autorités de
l’Etat ou de la province qui abrite le projet ; et 10 % vont au gouvernement
fédéral pour financer les fonctions réglementaires (c’est-à-dire 8 % à l’Agence
fédérale de régulation de l’électricité, ANEEL) et 2 % au Ministère chargé de la
science et de la technologie (CMB, 2000).57

En plus, certaines autorités de développement de projet (p. ex. Itaipu) signent


des contrats à long terme avec les communautés locales pour couvrir une
gamme de questions, y compris l’appui au développement communautaire et
les dispositions sur l’emploi et le recrutement local dans les activités de projet.

Plusieurs pays d’Amérique Latine stipulent aussi que les paiements pour
la gestion des fonctions écologiques et les services environnementaux
transformés par le projet hydroélectrique doivent être assurés à travers
les revenus hydroélectriques. Cela s’inscrit en complément de l’appui à la 75
satisfaction des besoins de développement social des communautés qui
abritent le projet. Par exemple, en Colombie, la législation stipule que 3 %
des revenus des projets hydroélectriques doivent être transférés chaque année
à l’agence de partage des eaux du barrage afin de financer des activités de
bassin versant en travaillant avec les communautés des bassins. Les fonds
doivent servir à protéger l’environnement du bassin en amont du barrage et
dans les zones en aval touchées par les changements de débit. 1,5 % des
recettes du projet doivent aussi être transférées aux municipalités riveraines du
réservoir, et 1,5 % aux municipalités du bassin hydrographique en amont du
barrage. Ces fonds sont alloués au financement des projets d’infrastructures
identifiés dans les plans de développement municipaux.

57. De surcroît, dans le cas de grands projets comme Itaipu, il existe des contrats à long terme entre les
communautés affectées et l’entité derrière le projet.

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


OCDE : Canada et Norvège
Le partage de bénéfices a également évolué dans les pays développés, où de
plus en plus, c’est une orientation de bassin qui est adoptée.58

En guise d’illustration, un exemple évocateur de programme de bassin est le


Columbia Basin Trust (CBT) dans la province de Colombie-Britannique dans
l’ouest du Canada.59 Le Traité du Fleuve Colombie entre les gouvernements
du Canada et des Etats-Unis, qui avait été à l’ordre du jour depuis le milieu des
années 1940, fut mis en œuvre en 1964. Il stipulait le mode de développement
des grands barrages du côté canadien de la frontière et représentait un grand
accord binational sur le partage de bénéfices (dont les détails sont évoqués
dans un important ouvrage signé de John Krutilla (1967) et résumés plus
récemment par Yu (2008)). Par la suite, le Canada a transféré ses obligations
dans le cadre de l’accord à la Province de Colombie-Britannique, qui possède
et exploite toutes les installations hydroélectriques du bassin supérieur du
fleuve Colombie, par le biais de BC Hydro.

Au début des années 1990, il était apparent que les principaux bénéfices des
barrages de retenue en amont au Canada étaient conférés aux principaux
centres démographiques régionaux où les services d’électricité étaient assurés,
tandis qu’un grand nombre de communautés locales dans les zones affectées
par les projets recevaient peu de bénéfices économiques directs. Les habitants
76 du bassin (environ 160 000 personnes de nos jours) estimaient qu’il y avait
un manque de consultation préalable dans les prises de décisions sur les
barrages (y compris les 2 300 habitants qui, à l’époque, avaient été déplacés
par l’immersion de leur communauté et de leurs fermes (60 000 ha de terres
de haute valeur avaient été inondées pour faire place aux réservoirs). De
nombreux sites culturels et archéologiques des Premières Nations avaient aussi
été submergés.

Les communautés du Bassin de fleuve Colombie au sein du Canada se sont


regroupées au début des années 1990 pour adresser une pétition aux autorités
provinciales en vue d’obtenir une reconnaissance de l’injustice née de cette
situation.60 Elles ont coordonné leurs efforts au niveau du conseil régional,
du district et de la tribu sous l’égide du Comité du traité du fleuve Colombie,
qui s’est réuni pour la première fois en 1992. Face à la pression politique
locale grandissante, la province a donné son accord pour la mise en place
du Columbia Basin Trust (CBT Trust Act, 1995) en guise de mécanisme de
partage d’une portion des recettes hydroélectriques avec les populations du

58. L’orientation par bassin tient en partie au fait qu’il y a souvent plus d’un ouvrage hydroélectrique dans
un bassin. Par conséquent, les impacts négatifs, tels que les variations de débit du cours d’eau pour les
communautés en aval, sont difficiles à désagréger.
59. Voir www.cbt.org
60. Comme mentionné sur le site CBT : www.cbt.org

Ressources Naturelles no. 19


bassin.61 Les objectifs spécifiques visés étaient d’« appuyer les efforts menés
par les populations du Bassin de fleuve Colombie pour créer un héritage de
bien-être social, économique et environnemental et pour réaliser une meilleure
autosuffisance pour les générations présentes et futures. » Le CBT fonctionne
aussi comme mécanisme de veille publique du bassin, publiant des rapports
annuels sur l’état du bassin avec des indicateurs pour illustrer l’évolution de son
bilan écologique, économique et social.

Au moment de sa création, le Columbia Basin Trust avait reçu de la province


une dotation de 295 millions de dollars. Sur ce montant, 45 millions de dollars
avaient été réinvestis pour le bénéfice des habitants du bassin à travers une
gamme de programmes de développement communautaire et de subventions
comportant des injections de capitaux à court terme, des prêts commerciaux,
la propriété domaniale, et des projets d’investissements de capital-risque. En
outre, il est prescrit que le Columbia Basin Trust reçoive 2 millions de dollars par
an, de 1996 à 2012, payés essentiellement grâce aux royalties sur la génération
d’électricité, qui est reflétée dans les tarifs à l’exportation de l’électricité.

La province de Colombie-Britannique s’est engagée à transférer 250 millions de


dollars supplémentaires vers une entité appelée la Columbia Power Corporation
(CPC), un mécanisme spécialisé de génération de fonds propres, qui est
partenaire en joint venture du CBT dans les projets énergétiques du bassin. Du
point de vue de la CPC, 50 % des bénéfices nets vont au Columbia Basin Trust 77
pour être dépensés dans l’acquisition de bénéfices sociaux, économiques et
environnementaux pour les habitants du bassin. La remise de bénéfices au CBT
est gérée au plan communautaire par un conseil élu.

Les leçons tirées du contexte ouest-africain comprennent la façon dont le


dispositif de partage de bénéfices au niveau du bassin peut être établi, le type
de rôles de plaidoyer que les communautés et les collectivités locales peuvent
jouer et les exigences essentielles de gouvernance pour les mécanismes de
partage de bénéfices. Par ailleurs, le CBT représente un modèle qui illustre
comment le partage de revenus peut traiter des questions environnementales
et sociales restantes pour les barrages existants à la satisfaction de toutes les
parties concernées.

61. La loi de 1995 sur le CBT octroyait aux communautés touchées par les barrages une quote-part dans le
capital des projets hydroélectriques que BC Hydro détenait dans le bassin. En outre, les autorités provinciales
prévoyaient une subvention de démarrage au CBT pour une période de 5 ans. L’actionnariat à long terme du
CBT a généré un retour sur investissement de 3,8 millions de dollars canadiens en 2004.

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


La Norvège dérive pratiquement toute son électricité de l’énergie
hydroélectrique. Elle exporte également de l’énergie vers d’autres pays
nordiques afin de leur permettre de se détourner des énergies fossiles. La
Norvège est un cas relativement unique en ce sens que peu de réinstallation
était nécessaire dans son développement hydroélectrique en raison de sa
géographie. En général, les grands projets de retenue sont situés dans des
régions montagneuses reculées et peu densément peuplées, tandis que les
projets de barrage dans les zones de basses terres sont généralement fonction
de fleuves, et beaucoup font partie des schémas de régulation de systèmes de
lacs naturels existants conçus pour la gestion des crues.

Les municipalités où sont situés les projets hydroélectriques, qui renoncent


à leurs usages antérieurs de l’eau et en compensation des impacts
environnementaux négatifs, perçoivent des revenus d’une variété de sources.
Ce sont, entre autres :

n les taxes et redevances payées aux autorités régionales et locales (sur les impôts
sur les bénéfices des sociétés d’électricité, les droits de licence et une taxe sur
l’utilisation de la ressource) ;

n la taxe sur l’utilisation de la ressource, qui est calculée sur la base de la


génération moyenne d’électricité à partir de la centrale au cours des sept
78 dernières années. Le tarif était de 0,172 ¢ par kWh) en 2004, dont 74 %
destinés à la municipalité ;

n un actionnariat (revenus perçus par les comtés et les municipalités sous forme
de dividendes, un grand nombre de municipalités ont des parts ordinaires dans
les projets hydroélectriques) ;

n des taxes sur la propriété (la plupart des municipalités prélèvent une taxe
municipale annuelle sur la propriété sur la base de 0,7% de la valeur
marchande des installations électriques) ;

n des tarifs préférentiels d’électricité (pour les municipalités qui abritent des
projets hydroélectriques) ; et

n un montant non récurrent de la part de la société de production d’électricité


exclusivement destiné au fonds de développement commercial de la localité.

La législation norvégienne prévoit donc une variété de mesures qui


reconnaissent explicitement que les personnes touchées par les projets – parce
qu’elles font partie des populations des municipalités au sein desquelles les
ressources en eau sont exploitées – doivent recevoir une partie des bénéfices
du projet, en sus des mesures d’atténuation et de compensation mises en place
(CMB, 2000 62 et Egré, 2007).
62. Étude de cas de la CMB sur les bassins de Glomma et Laagen (2000).

Ressources Naturelles no. 19


Série Ressources Naturelles
La série Ressources Naturelles de l’IIED traite de thèmes interdisciplinaires afférents à la gestion des ressources
naturelles comme la biodiversité, l’énergie, les forêts, l’alimentation et l’agriculture, le foncier et l’eau.
L’information, évaluée par des pairs, se veut opportune et facile à lire. Chaque numéro, consacré à un thème
d’actualité important, présente des travaux originaux sur le sujet et tire des conclusions tout particulièrement
pertinentes pour les décideurs, chercheurs, praticiens et autres acteurs du domaine concerné.

La série comprend d’autres titres qui sont disponibles auprès de l’IIED sur simple demande et peuvent être
téléchargés à partir de www.iied.org. La plupart des rapports sont disponibles uniquement en anglais, mais
certains numéros ont été traduits en d’autres langues :

1. Rural livelihoods and carbon management. 2000. Bass et al.

2. Laying the foundations for clean development: preparing the land use sector. A quick guide to the clean
development mechanism. 2002. Auckland et al.

3. Integrating global and local values: a review of biodiversity assessment. 2002. Vermeulen and Koziell.

4. Local action, global aspirations: The role of community conservation in achieving international goals for
environment and development. 2006. Roe et al.

5. Towards better practice in smallholder palm oil production. 2006. Vermeulen and Goad.

6. Environment at the heart of Tanzania’s development: Lessons from Tanzania’s National Strategy for
Growth and Reduction of Poverty (MKUKUTA). 2007. Assey et al. (également disponible en swahili)

7. Fair deals for watershed services in Bolivia. 2007. Asquith and Vargas.

8. Fair deals for watershed services in the Caribbean. 2007. McIntosh and Leotaud.

9. Fair deals for watershed services in Indonesia. 2007. Munawir and Vermeulen.

10. Fair deals for watershed services in India. 2008. Agarwal et al.

11. All that glitters: A review of payments for watershed services in developing countries. 2008.
Porras et al.

12. Fair deals for watershed services in South Africa. 2008. King et al.

13. Fair deals for watershed services: Lessons from a multi-country action-learning project. 2009.
Bond and Mayers.

14. Creating and protecting Zambia’s wealth: Experience and next steps in environmental mainstreaming.
2009. Aongola et al.

15. Tenure in REDD: Start-point or afterthought? 2009. Cotula and Mayers.

16. Incentives to sustain forest ecosystem services: A review and lessons for REDD. 2009. Bond et al.

17. Water ecosystem services and poverty under climate change: Key issues and research priorities. 2009.
Mayers et al.

18. Gestion communautaire des ressources naturelles en Afrique – Impacts, expériences et orientations
futures. 2009. Skinner et al. (également disponible en anglais)

Vous pouvez contacter l’IIED au sujet de la série Ressources Naturelles par email – éditeur de la série :
James Mayers, [email protected] ; coordonnatrice de la série : Nicole Armitage, [email protected]
Partage des bénéfices issus des grands barrages en

Partage des bénéfices issus des grands barrages en Afrique de l’Ouest


Afrique de l’Ouest
Les barrages figurent à nouveau à l’ordre du jour du
développement en raison des préoccupations concernant la
sécurité alimentaire, les approvisionnements en énergie et les
impacts potentiels des changements climatiques (inondations et
sécheresses). Faire en sorte que les populations touchées par les
barrages en soient les bénéficiaires directs promeut l’acceptation
publique, atténue les risques assumés par les promoteurs et
réduit la possibilité de conflit à long terme entre les populations
déplacées et les villages qui les accueillent.

Ce rapport passe en revue l’expérience acquise en matière de


déplacement des populations touchées par les barrages en
Afrique de l’Ouest au cours des 40 dernières années et examine
les mécanismes qui permettent un partage plus équitable des
bénéfices issus des barrages en veillant à ce que les conditions de
vie des populations affectées soient améliorées.

Skinner et al. (dir.)


Série Ressources Naturelles no. 19

ISBN : 978-1-84369-758-9
ISSN : 1605-1017
Partage des bénéfices issus des grands
barrages en Afrique de l’Ouest

Sous la direction de Jamie Skinner, Madiodio Niasse


et Lawrence Haas

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